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+The Project Gutenberg EBook of Les voix intimes, by J.-B. Caouette
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
+
+
+Title: Les voix intimes
+ Premières Poésies
+
+Author: J.-B. Caouette
+
+Release Date: October 31, 2006 [EBook #19689]
+
+Language: French
+
+Character set encoding: ISO-8859-1
+
+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LES VOIX INTIMES ***
+
+
+
+
+Produced by Rénald Lévesque
+
+
+
+
+
+ PREMIÈRES POÉSIES
+
+ ______
+
+ LES VOIX INTIMES
+
+ PAR
+
+ J.-B. CAOUETTE
+
+
+ AVEC UNE PRÉFACE DE
+ BENJAMIN SULTE
+
+ _Membre de la Société Royale du Canada, etc._
+
+
+
+ Aime ton Dieu toujours
+ Le Canada, la France,
+ Donne-leur tes amours,
+ Et nargue la souffrance.
+
+
+
+ QUÉBEC
+ IMPRIMERIE L.-J. DEMERS & FRÈRE
+ 30, Rue de la Fabrique, 30
+
+ ____
+
+ 1892
+
+
+
+
+ PRÉFACE
+
+Pourquoi une préface de moi, plutôt que d'un autre? Pour la plus simple
+des raisons: nos écrivains redoutent de signer les premières pages du
+libre d'un autre. Moi, non pas--et voici comment la chose m'apparaît.
+Après avoir lu un livre imprimé, vous en faites la post-face, devant vos
+amis, au cours de la conversation. Après avoir lu un livre manuscrit, je
+donne mon commentaire au commencement du volume.
+
+Vous pensez, peut-être, qu'une préface doit se composer de l'éloge de
+l'auteur, et c'est là le sujet de votre timidité, mais moi qui ne paye
+pas toujours en compliments, je n'ai jamais songé à cet obstacle. Étant
+libre de mes allures, je remplis le moule aux préfaces de ce que j'ai
+trouvé dans le livre.
+
+Il y a trente ans, nous nous présentions nous-mêmes au lecteurs, attendu
+que n'ayant presque pas d'ancêtres littéraires, nous ne savions par
+quelle voie nous introduire au milieu du public.
+
+Maintenant les jeunes se recommandent à nous: faisons aux autres ce que
+l'on n'a pu faire pour nous. M. J.-B. Caouette est un débutant que je
+vous présente parce que ayant fait la connaissance de ses vers, je les
+trouve de bonne compagnie. Vous pourrez les lire sans vous compromettre.
+C'est un bon Canadien de plus dans notre cercle, et si, un jour, il nous
+échappe pour passer à la postérité, vous ne serez ni inquiets sur son
+compte ni gênés de l'avoir connu. Pour le moment, ce travailleur est au
+moins estimable; saluons son arrivée sur la scène.
+
+Si je vous disais que M. Caouette se croit un grand homme et que c'est
+ainsi que je le considère, vous vous moqueriez de nous; c'est pourtant
+sur ce pied-là que l'on pose ordinairement un écrivain nouveau... à
+moins qu'on ne l'exécute en le lapidant.
+
+Parmi des vers fort bien tournés il s'en rencontre quelques-uns de tout
+à fait prosaïques, par exemple:
+
+ ...l'oeuvre utile et salutaire
+ Qu'on nomme le défrichement.
+
+Mais il y assez de bonnes pièces pour sauver les _Voix Intimes_ d'un
+oubli prématuré. Le souffle religieux et national agite noblement un
+grand nombre de pages, et cela suffirait pour valoir un accueil
+favorable à leur auteur.
+
+Publier un livre, c'est partir en guerre, s'exposer comme une cible,
+attraper les rhumatismes de la critique, recevoir des coups de lance, se
+faire pincer les chaires par des balles qui ricochent sans savoir où
+elles vont; mais on est rarement tué à ce métier et, le plus souvent, on
+y gagne de s'aguerrir et d'atteindre les plus hauts grades.
+
+Il y a longtemps que le dicton roule de par le monde: «ce sont toujours
+les mêmes qui se font tuer»--il n'y a donc pas trop de risques à
+courir.--En avant les jeunes! C'est à notre tour à vous regarder faire.
+
+BENJAMIN SULTE.
+
+
+
+
+ LE BONHEUR
+
+
+A MA FEMME
+
+ Où donc est le bonheur? disais-je.--Infortuné!
+ Le bonheur, ô mon Dieu, vous me l'avez donné.
+ VICTOR HUGO
+
+
+J'ai cherché vainement dans les bruyantes fêtes,
+Où l'éclat des plaisirs éblouit tant de têtes,
+Ce trésor précieux qu'on nomme le bonheur;
+Je l'ai cherché d'abord sur le sol que je foule
+En voulant soulever les bravos de la foule,
+Et je n'ai recueilli qu'un éphémère honneur!
+
+Pour le trouver, j'ai fait de pénibles voyages,
+Franchi les flots amers, parcouru maints villages
+Où la vive gaîté faisait battre les coeurs;
+Mais, ô fatalité! la sombre nostalgie,
+Ce désir violent de revoir la patrie,
+Aggravait chaque jour le poids de mes malheurs!
+
+Après avoir vécu sur la plage étrangère,
+Sans ressource et craignant la main de la misère,
+Je revins au pays avec le fol espoir
+De trouver le bonheur en l'amitié sincère
+D'hommes que mainte fois j'avais aidés naguère.
+Mais les cruels ingrats rougirent de me voir!
+
+Le bonheur!... pour l'avoir j'ai gravi le Parnasse
+Sur la cime duquel les disciples d'Horace
+Buvaient le doux nectar que leur versaient les dieux;
+J'allais toucher au but, quand mon lâche Pégase,
+Prenant un ton railleur, me lança cette phrase:
+«Halte-là! car tu n'es qu'un intrus en ces lieux...»
+
+Alors je m'écriai, dans ma douleur amère.
+_Où donc est le bonheur?_ Serait-ce une chimère
+Qui redonne l'espoir à tout être souffrant?
+Hélas! je le croyais... Mais dès le jour, ô femme,
+Où les sons de ta voix firent vibrer mon âme,
+Je goûtai du bonheur le délice enivrant!
+
+Et depuis qu'à nos yeux--aurore fortunée--
+S'alluma le divin flambeau de l'hyménée,
+Le bonheur, tu le sais, nous souris toujours.
+Il nous sourira même au sein de la souffrance,
+Parce que nous plaçons toute notre espérance
+Dans le Dieu qui bénit et féconde les jours!
+
+Septembre 1886.
+
+
+
+
+ RENOUVEAU
+
+A M. BENJAMIN SULTE
+
+Le doux printemps vient de paraître
+Sous son manteau de velours vert,
+Et déjà l'on voit disparaître
+Tous les vestiges de l'hiver.
+
+Son oeil à l'éclat de la braise:
+A la chaleur de ses rayons
+Naissent lilas, fleur, rose et fraise.
+Abeilles d'or et papillons.
+
+Les arbres engourdis naguère
+Semblent dresser plus haut le front,
+Car la nature, en bonne mère,
+Verse la sève dans leur tronc.
+
+Au plus épais de la ramure
+Les oiseaux préparent leurs nids,
+Sans s'occuper si la pâture
+Ou le lin leur seront fournis.
+
+Du sol jaillit plus d'une source
+Que la froidure emprisonnait;
+Et le ruisseau reprend sa course
+A travers clos et jardinet.
+
+Sur le bord de maintes rivières
+L'on voit le castor vigilant
+Transporter le bois et les pierres
+Pour bâtir son gîte étonnant.
+
+La brise, sylphide légère,
+Fait la cour à toutes les fleurs,
+Puis vole embaumer l'atmosphère
+Des plus enivrantes senteurs.
+
+De la cime de nos montagnes
+Se précipite le torrent
+Qui fertilise nos campagnes
+Avec les eaux du Saint-Laurent.
+
+A nos fenêtres, l'hirondelle
+S'annonce par des cris joyeux;
+Elle revient à tire-d'aile
+Charmer les jeunes et les vieux.
+
+Au palais comme à la chaumière,
+La porte s'ouvre à deux battants:
+Riche et pauvres ont soif de lumière
+D'air pur, de parfums odorants.
+
+Parfois l'on quitte sa demeure
+Pour aller prendre un gai repas
+Sur la pelouse où toute à l'heure,
+Bébé fera ses premiers pas.
+
+Plus loin les colons sur leur terre
+Travaillent courageusement
+A l'oeuvre utile et salutaire
+Qu'on nomme le défrichement.
+
+Les uns creusent, les autres sèment
+Ou bien coupent les arbres morts;
+Ces braves bûchent, chantent, s'aiment
+Et dorment la nuit sans remords!
+
+La fillette en robe de bure
+Chante et cultive tout le jour;
+Le soir venu, sa lèvre pure
+Dira peut-être un mot d'amour!...
+
+Oui, l'homme, les oiseaux, les plantes
+Et l'onde aux bruits mystérieux
+Mêlent leurs voix reconnaissantes
+Pour célébrer le Roi des cieux.
+
+Car tout ce qui vit et respire,
+Tout ce qui chante, pleure ou croit,
+Reconnaît qu'il est sous l'empire
+D'un esprit souverain et droit!
+
+Printemps, réveil de la nature,
+Oh! sois le bienvenu toujours!
+Quand tu parais, la créature
+Espère encore des beaux jours!
+
+C'est toi qui donnes à la plaine
+Son riche et moelleux vêtement;
+C'est toi qui fais germer la graine
+D'où sortira notre aliment!
+C'est toi qui rends au pulmonaire
+La force et souvent la santé;
+C'est toi que l'Indien vénère
+En recouvrant la liberté!
+
+O printemps, messager Celeste,
+Admirable consolateur
+Ton éclat seul manifeste
+La puissance du Créateur!
+
+4 juin 1887.
+
+
+
+
+ SAMUEL CHAMPLAIN
+
+
+A L'HONORABLE JUGE A. B. ROUTHIER.
+
+Stadaconé trônait dans sa majesté vierge
+Au-dessus des flots bleus que roulaient sur la berge
+ Avec un bruissement clair.
+A travers les réseaux de la vigne embaumée
+L'indigène vivait dans sa hutte enfumée,
+ Libre comme l'oiseau de l'air.
+
+Sur l'immense plateau couronné de verdure,
+Les linotte mêlaient leur gracieux murmure,
+ Aux suaves rumeurs des eaux.
+Rien ne troublait alors l'harmonie enivrante
+Que l'onde, les rameaux et la brise odorante
+ Versaient à la voix des échos.
+
+Maintes fleurs au soleil entr'ouvraient leurs corolles
+Où les abeilles d'or, inconstantes et folles,
+ Cueillaient le miel délicieux.
+Stadaconé semblait tressaillir d'allégresse,
+Et de chaque taillis un chant rempli d'ivresse
+ Montait avec l'arôme aux cieux.
+
+Mais soudain des clameurs mystérieuses, vagues,
+Ayant l'air de surgir des profondeurs des vagues,
+ Interrompent ce doux concert;
+Un long serpent de feu court à travers l'espace,
+Et la voix du canon--à la brise qui passe--
+ Lance un rugissement d'enfer!
+
+Un sauvage, à ce bruit, de son wigwam se sauve,
+Croisant dans la forêt plus d'une bête fauve
+ Prise d'un fol effarement;
+Mais bientôt il s'arrête au bord d'une clairière,
+Et sur le fleuve voit une souple voilière
+ Mouiller l'ancre à l'abri du vent.
+
+Un homme jeune encore, à la vaillante allure,
+Portant moustache noire et longue chevelure,
+ S'élance sur le sable roux.
+L'indigène, charmé par le noble visage
+De celui qui paraît le chef de l'équipage,
+ Va se jeter à ses genoux.
+
+Quel est donc l'inconnu qui vient fouler ces grèves
+Que l'enfant des forêts--voyant s'enfuir ses rêves--
+ Dispute aux blancs en souverain?
+Sauvage, incline-toi devant ce nouveau père
+Qui rendra ton pays civilisé, prospère!
+ Incline-toi devant Champlain!
+
+Il vient, au nom du roi qui règne sur la France,
+Dissiper les erreurs, le vice et l'ignorance
+ Dans les coeurs naïfs ou pervers,
+Fonder en Amérique une humble colonie
+De la France éclairant par son vaste génie
+ Tous les peuples de l'univers!
+
+Levant de l'avenir un coin du voile sombre,
+Il voit des ennemis le combattre dans l'ombre
+ Comme des tigres enragés;
+Mais sa foi, ses vertus, son esprit, sa prudence,
+Le feront triompher, avec la Providence,
+ Des ennemis et des dangers.
+
+Après avoir gravi le rocher gigantesque
+Et contemplé longtemps le table pittoresque
+ Qui s'offre à ses regards ravis,
+Il regagne les flots du beau fleuve qu'il aime,
+Et, tout près de ses bords, il travaille lui-même
+
+ A bâtir le premier logis.
+Champlain vient de jeter les bases de la ville
+Où fleurira bientôt la grande loi civile
+ A côté de la loi de Dieu.
+Il apprend que du Val, un Français malhonnête,
+Conspire contre lui: du Val meurt, et sa tête
+ Sanglante, est mise au bout d'un pieu!
+
+Il est sévère, soit! mais juste et charitable;
+Sa bourse, son coeur d'or, son logis et sa table
+ S'ouvrent à tous les malheureux.
+Et les chefs des tribus algonquine et huronne,
+Touchés de ses bienfaits, posent une couronne
+ Sur son front noble et radieux!
+
+Cet humble hommage émeut son âme magnanime
+Et l'attache encor plus à la charge sublime
+ Qu'il tient de son seigneur et roi;
+Car puisque dans ces coeurs il a déjà fait naître
+Un peu de gratitude, il y fera peut-être
+ Briller les rayons de la foi.
+
+Il leur enseigne à tous l'art de l'agriculture,
+Et, vrai Cincinnatus, commence une culture
+ Que dieu couronne de succès.
+C'est lui qui, le premier, arrache à cette plage
+Le secret de donner au blanc comme au sauvage
+ Le pain, ce levier du progrès!
+
+Mais l'illustre Français ne voit pas tout en rose;
+Son front serein naguère est maintenant morose:
+ Il pleure sur le sort des siens.
+Ah! c'est que, par delà les monts et les rivières,
+Habite une autre race, aux instincts sanguinaires,
+ Qui l'outrage et pille ses biens!
+
+C'est la race iroquoise, avide et dominante,
+Qui veut anéantir cette ville naissante
+ Et régner sur tout le pays.
+Elle hait les Hurons et les visages pâles
+Et caresse l'espoir d'ouïr leur derniers râles
+ Et de mordre à leurs flancs roussis!
+
+Champlain s'efforce encor d'apaiser les colères
+Des Algonquins qu'il a traités comme des frères.
+ Mais à sa voix nul n'est soumis.
+Les Iroquois d'ailleurs--véritables colosses--
+S'avancent, l'arme au poing, l'oeil et les traits féroces
+ Pour attaquer leurs ennemis.
+
+Un chasseur, survenant, confirme la nouvelle
+que deux cents Iroquois, pris d'une ardeur nouvelle,
+ Viennent pour un combat prochain.
+«Alors, répond Champlain, puisqu'ils veulent la guerre,
+«Et, par orgueil, rougir de leur sang cette terre,
+ «Ils seront exaucés demain!»
+
+Le soir, notre héros, entouré de ses braves
+Qui n'ont jamais connu la honte des entraves,
+ Marche au devant des Iroquois.
+Il les rejoint à l'aube, au milieu de leur danse,
+Aux bords du lac Champlain.--Assoiffés de vengeance.
+
+ Les Hurons vident leurs carquois.
+Le soleil, qui se lève, embrase la ramée
+Où se tiennent Champlain et sa modeste armée
+ Un ennemi vient les voir;
+C'est un chef que distingue un panache de plumes,
+Et son accoutrement diffère ses costumes
+ Des autres monstres à l'oeil noir.
+
+Levant son arme, il dit, d'une voix sombre et dure:
+«A tous ces gueux il faut ôter la chevelure,
+ «Et la faire flotter aux vents!»
+Champlain, sortant du bois, au premier rang se place,
+Et, d'un coup d'arquebuse, en abat trois sur place,
+ Le chef et ses premiers suivants!
+
+Ce coup fameux inspire aux Iroquois la crainte;
+Ils luttent chaudement, mais leur bravoure est feinte:
+ La frayeur se lit dans leurs yeux!
+Ils reculent bientôt en cohorte confuse,
+Épouvantés qu'ils sont par les coups d'arquebuse
+ Que Champlain décharge sur eux!
+
+Voyez-les déguerpir, ces guerriers si terribles
+Qui devaient déchirer de leurs ongles horribles
+ Les cadavres de leurs rivaux!
+Ils sont lâches, c'est vrai, mais--tigres indomptables--
+Ils voudront assouvir leurs haines implacables
+ Contre Champlain et ses héros.
+
+Les ans passent. Champlain quitte la colonie
+Pour aller demander à la France bénie
+ Les soldats de la vérité.
+Car ce n'est pas, dit-il par la poudre et les balles
+Qu'on pourra subjuguer ces bandes cannibales:
+ Du prêtre il faut la charité!
+
+Il revient au printemps, le coeur rempli de joie,
+Avec de fiers colons que la patrie envoie
+ Escortés de religieux.
+A sa charge il pourra se livrer sans relâche,
+Laissant aux récollets la grande et sainte tâche
+ De gagner des âmes aux cieux!
+
+Il fonde, il établit de florissants villages
+Où naguère émergeaient des bourgades sauvages
+ Couvertes d'un maigre gazon;
+A la brise aujourd'hui le blé d'or s'y balance,
+Promettant au colon la joie et l'abondance
+ Pour les jours de l'âpre saison.
+
+Il instruit l'ignorant, soulage l'infortune
+Fait voir aux ennemis l'horreur de la rancune
+ Et prêche la fraternité;
+Il soutient des combats qui le couvrent de gloire,
+Et pose les jalons d'une héroïque histoire
+ Qu'il lègue à la postérité!
+
+Québec n'est plus ce roc à l'aspect morne et sombre
+Où venaient autrefois se reposer à l'ombre
+ Le chevreuil, la biche et l'élan.
+La vigne et le noyer sont tombés sous la hache
+La nature a jeté son large et vert panache
+
+ Pour se couvrir du drapeau blanc!
+L'harmonie et l'amour ne sont plus dans les branches
+Où l'oiseau se cachait, mais dans les maisons blanches
+ Pleines d'enfants frais et mignons.
+Là vit de ses sueurs un petit peuple brave
+Qui peut déjà répondre à l'Anglais qui le brave:
+ «J'attends l'effet de vos canons!» [1]
+
+[Note 1: Réponse de Champlain à la sommation de David Kertk, 10 juillet
+1628.]
+
+Un peuple de héros à la trempe athlétique,
+A l'âme généreuse, au coeur patriotique,
+ Luttant pour la France et ses droits:
+Un peuple qui bénit du prêtre l'influence
+Et coule sur ce sol une heureuse existence
+ A l'ombre sainte de la croix!...
+
+C'est ton oeuvre, Champlain, ô gouverneur illustre!
+C'est toi qui fis grandir, en lui donnant ton lustre,
+ Ce peuple honnête et vigoureux;
+C'est toi qui le soutins aux heures de l'épreuve;
+C'est toi qui l'attachas aux rives de ce fleuve;
+
+ C'est toi qui le rendis heureux!
+Un quart de siècle et plus, tu manias sans trêve
+La charrue ou l'outil, la parole ou le glaive
+ Pour assurer son avenir.
+Et quand la mort parut au seuil de ta demeure,--
+Où le peuple assemblé pleurait ta dernière heure,--
+ Sans trembler tu la vis venir!
+
+Bien des ans ont passé depuis que ta grande âme
+S'est envolée aux cieux, et la patrie acclame
+ Ton nom toujours retentissant.
+Vois--grain de sénevé que tu jetas en terre--
+Ces millions de coeurs te proclament leur père
+ De ce pays libre et puissant!
+
+Ils rêvaient d'ériger sur le haut promontoire
+Où ton astre brillant se coucha dans sa gloire,
+ Un bronze digne de renom;
+Et ce rêve aujourd'hui, Champlain, se réalise:
+Le peuple de Québec de zèle rivalise
+ Pour immortaliser ton nom.
+
+ ENVOI
+
+On sait que l'éloquence avec la poésie
+Vous nourrirent jadis de leur douce ambroisie.
+Car votre langue, ô maître! est une lyre d'or
+Réveillant même ceux que l'ignorance endort!
+
+Le ciel vous donna l'art de plaire et de convaincre
+Et celui de combattre une erreur et la vaincre...
+Ah! c'est que votre coeur exhale des accents
+Doux comme le cinname et purs comme l'encens!
+
+Vous aimez--quand le peuple, enchanté, vous acclame,
+A parler, l'oeil humide, et la fierté dans l'âme,
+De ces illustres morts qui furent nos aïeux
+Et dont les grands exploits vous rendent orgueilleux;
+
+Alors vous recevrez, j'en ai la confiance,
+Avec votre sourire et votre bienveillance,
+Ces vers que je redis en l'honneur du chrétien
+Que vénère et bénit le peuple canadien!
+
+Avril 1891.
+
+
+
+
+ LA PRESSE CANADIENNE
+
+
+A L'HONORABLE HECTOR FABRE
+
+Nos bardes tour à tour ont chanté la ramure,
+La brise, le soleil, et l'oiseau qui murmure
+ En voltigeant de fleur en fleur;
+De notre peuple ils ont célébré l'espérance,
+Les qualités, la foi, les vertus, la souffrance,
+ Le dévoûment et la valeur.
+
+Ils ont, les yeux fixés aux pages de l'Histoire
+Redit avec orgueil l'éclatante victoire
+ De nos soldats à Carillon;
+Et moi, le plus obscur du groupe littéraire,
+J'ose venir chanter, d'une voix téméraire,
+ L'honneur d'un autre bataillon.
+
+Ce bataillon figure en nos belles annales;
+C'est lui qui défendit nos lois nationales
+ Conte un farouche potentat;
+C'est lui qui détrôna l'infâme oligarchie,
+Qui, méprisant nos droits, voulait par tyrannie
+ Régner et posséder l'état!
+
+Il essuya d'abord outrage sur outrage,
+L'exil et la prison; mais, sans perdre courage,
+ Dans sa lutte il persévéra.
+Alors, nos ennemis, plus orgueilleux que braves,
+Cessèrent à regret de mettre des entraves,
+ Et l'oligarchie expira...
+
+Devant ce bataillon qui s'appelle la Presse,
+Chapeau bas, Canadiens! Et que chacun lui tresse
+ Une couronne en ce beau jour! [2]
+Car en brisant les fers de notre servitude,
+Il s'est acquis des droits à notre gratitude,
+ A notre estime, à notre amour!
+
+[Note 2: Fête nationale des Canadiens-Français, 24 juin 1888.]
+
+Et depuis lors, veillant comme une sentinelle
+A la sécurité de la nef fraternelle
+ Qui porte les deux nations,
+La Presse jetterait le premier cri d'alarme
+Si le tyran d'hier osait reprendre l'arme
+ Pour briser nos traditions!
+
+Jamais ne sonnera cette heure malheureuse
+Où notre beau pays, dans une guerre affreuse,
+ Verrait ses fils s'entrégorger.
+Non! car les mêmes voeux de paix et d'espérance
+Font battre tous les coeurs de la Nouvelle-France,
+ Et nul ne songe à se venger!
+
+La Presse canadienne honore notre race;
+Elle suit pas à pas la glorieuse trace
+ Du grand Bédard, son fondateur;
+Comme lui sans faiblesse, elle flétrit le vice,
+Exalte la vertu, flagelle l'injustice,
+ Défend l'Église et le pasteur.
+
+Elle inspire le goût de la littérature,
+Favorise les arts, surtout l'agriculture,
+ Cette mère du genre humain.
+Toute oeuvre intelligente, honnête, généreuse,
+Tout ce qui fait enfin notre existence heureuse,
+ Porte l'empreinte de sa main!
+
+Devant ce bataillon qui s'appelle la Presse,
+Chapeau bas, Canadiens! Et que chacun lui tresse
+ Une couronne en ce beau jour!
+Car en brisant les fers de notre servitude
+Il s'est acquis des droits à notre gratitude,
+ A notre estime, à notre amour!
+
+
+
+
+ LA NUIT DE NOËL
+
+
+A M. J-C TACHÉ, OTTAWA
+
+Au pied de sa couche grossière
+Le petit pauvre a mis son bas,
+En murmurant cette prière:
+Bon Jésus, ne m'oubliez pas!
+
+Il ne sait point que la misère
+Plane au-dessus de son réduit,
+Et que sa malheureuse mère
+N'a fait qu'un repas aujourd'hui!
+
+Il ignore donc, à son âge,
+Que l'on peut souffrir de la faim,
+Et qu'un firmament sans nuage
+Peut devenir sombre demain.
+
+Il ne sait qu'une seule chose:
+C'est la grande nuit de Noël,
+La nuit où l'enfant Jésus rose
+Apporte des présents du ciel.
+
+Il s'endort sous des draps de laine,
+L'un sur l'autre assez mal cousus;
+Mais ces draps valent bien l'haleine
+Du boeuf qui soufflait sur Jésus!
+
+Des songes d'or bercent son âme;
+Il voit, dans l'ombre qui grandit,
+Un esprit aux ailes de flamme,
+Voltiger autour de son lit,
+
+Et dans son bas mette un mélange
+De fruits vermeils et de bonbons;
+Puis le rêveur, d'un geste étrange,
+tends les menottes vers ces dons...
+
+Debout, la mère est là qui pleure,
+Le coeur brisé par le chagrin,
+Car pas d'argent dans la demeure,
+Et pas un seul morceau de pain.
+
+Un douloureux transport l'agite;
+Son regard se voile un instant;
+Son coeur à se rompre palpite,
+Et son esprit va délirant:
+
+«Dieu donne au riche l'opulence
+Avec la joie et le bonheur;
+Au pauvre, il donne l'indigence
+Avec l'envie et la douleur!
+
+«Le riche emplit de friandises
+Le bas soyeux de son bambin
+Et moi je n'ai que des reprises
+A faire au bas de l'orphelin...
+
+«Mais je blasphème, ô Dieu! pardonne,
+Dit-elle, en tombant à genoux!
+Ma pauvre langue déraisonne,
+Car c'est toi qui veilles sur nous.
+
+«Sombre ou rose est notre existence:
+De ton amour c'est le secret;
+A notre âme il faut la souffrance,
+Comme à l'or il faut le creuset.»
+
+Minuit sonne. La cloche appelle
+Le peuple auprès du saint berceau;
+La veuve, à cette voix si belle,
+Éprouve un sentiment nouveau.
+
+«Pendant que mon ange sommeille,
+Fait-elle, en essuyant ses yeux,
+Allons à la crèche vermeille
+Adorer l'envoyé des cieux.»
+
+Dans le temple de la prière
+Elle pénètre en chancelant,
+Car la douleur et la misère
+Ont rendu son corps défaillant.
+
+Près d'elle, un homme charitable
+qui compte déjà de longs jours,
+Devine, à son air lamentable,
+Qu'elle végète sans secours.
+
+Il la connaît et la vénère,
+Et désirant l'aider un peu
+Il sort et vole à la chaumière
+De celle qui prie au saint lieu.
+
+Sans effort il ouvre la porte,
+La porte fermée au loquet,
+Dépose le falot qu'il porte
+Et met sur la table un paquet.
+
+Il va sortir, quant la voix fraîche
+De l'enfant bredouille tout bas:
+«Le bon Jésus sort de la crèche
+pour emplir tous les petits bas!»
+
+L'homme, ému par ce songe étrange,
+Fuit et revient en quelques bonde
+Glisser dans le bas du bel ange
+Des pièces d'or et des bonbons...
+
+Il est jour. Le soleil inonde
+La chaumière de mille feux.
+Soudain, levant sa tête blonde,
+L'enfant pousse des cris joyeux.
+
+La mère, à ces tons d'allégresse,
+Se lève et croit rêver encor!
+L'enfant l'embrasse et la caresse
+En lui montrant les pièces d'or.
+
+Sauvés! Sauvés exclame-t-elle!
+--Enfant, d'où vient ce trésor-là?
+--Mère, la chose est naturelle:
+Il vient du bon Jésus, voilà!
+
+Intelligente autant que sage,
+La mère devine à l'instant;
+Et, décrochant une humble image,
+Elle dit en s'agenouillant:
+
+«Enfant, devant cette madone,
+Disons, en ce jour solennel:
+Oh! bénissez celui qui donne
+L'or et les bonbons de Noël!»
+
+27 décembre 1890.
+
+
+
+
+ L'HIRONDELLE
+
+
+C'était un jour de juin. Sous la verte ramée
+L'onde et l'oiseau mêlaient les accords de leurs voix.
+Le soleil argentait la pelouse embaumée
+Et la brise agitait le grand clavier des bois.
+
+Je contemplais, pensif, l'orgueilleuse nature
+Déroulant au regard ses féeriques splendeurs,
+Quand, soudain, j'aperçus au fond de la ramure
+Un petit chantre ailé volant de fleur en fleur.
+
+Je m'approchai--c'était la gentille hirondelle
+Qui saluait l'aurore aux brillantes couleurs;
+Joyeuse, elle égrenait sa tendre ritournelle
+Dans l'air tout imprégné d'agréables senteurs.
+
+Oh! sois la bienvenue, hirondelle vaillante,
+Compagne de la rose, oiseau consolateur!
+Lorsque tu viens, petite, une joie éclate
+Illumine le front du pauvre moissonneur!
+
+Tu veilles sur le grain, de village en village,
+Et sais le protéger contre le moucheron;
+Chaque été tu poursuis ta tâche avec courage
+En brisant sans pitié l'insecte et l'embryon!
+
+Le riche a ses oiseaux qu'à prix d'or il achète,
+Oiseaux bariolés comme les arcs-en-ciel,
+Qui soupirent leurs chants, ainsi qu'une fillette,
+Pour de légers gâteaux ou des rayons de miel.
+
+L'hirondelle se rit des naïves caresses
+Que le riche prodigue à ses oiseaux aimés;
+La liberté, voilà sa corbeille d'ivresses!
+Elle aime le grand air et les nids parfumés.
+
+Elle habite partout: la terre est sa patrie.
+Des rivages du Gange aux bords du Saint-Laurent,
+Le laboureur l'accueille avec idolâtrie,
+Car cet oiseau, pour lui, c'est plus qu'un conquérant!
+
+Puis quand le morne hiver, cet hôte impitoyable,
+Déroule sur nos prés son tapis de frimas;
+Quand le nid des amours devient inhabitable,
+Elle prend son essor, vers de plus chauds climats.
+
+Poussant son vol altier à travers les empires,
+Les fleuves, les déserts, les pics vertigineux,
+Elle berce en volant, sur l'aile des zéphires
+Ses suaves accords qui montent vers les cieux.
+
+Mais vienne le printemps avec ses nids de mousse,
+Son radieux soleil, ses bosquets enchantés,
+On la voit aussitôt, comme une amante douce,
+Joyeuse, revenir aux lieux qu'elle a quittés.
+
+Puissé-je encor longtemps, ô gentille hirondelle,
+Écouter ta romance et tes cris de bonheur!
+Ah! reviens sous nos cieux, messagère fidèle,
+Mettre un rayon d'espoir dans notre pauvre coeur!
+
+Juin 1878.
+
+
+
+
+ A MON PÈRE
+
+
+Quand la première fleur au champ des morts rayonne,
+J'aime à te visiter, ô modeste colonne,
+Qui rappelles le nom de mon père chéri;
+Devant toi je m'incline en fermant les paupières,
+Et mon âme redit de ferventes prières
+Pour le chrétien qui dort sous ce gazon fleuri.
+Méprisant les honneurs que l'orgueilleux envie,
+Sans fiel il traversa le sentier de la vie
+En pratiquant toujours la foi de ses aïeux.
+Il n'aura pas sa place aux pages de l'histoire,
+Mais son nom restera gravé dans la mémoire
+Des plus pauvres que lui qu'il aida de son mieux.
+
+Il est là, maintenant, sous quelques pieds de sable,
+Cet honnête vieillard, doux, généreux, affable,
+Qui ne faillit jamais aux règles de l'honneur.
+Chrétiens, qui visitez ce sombre coin de terre,
+Où l'oiseau, plein d'émoi, gazouille avec mystère,
+Ah! daignez pour mon père implorer le Seigneur!
+
+12 juillet 1883.
+
+
+
+
+
+ BOUQUET DE VIOLETTES
+
+
+
+L'ÉPÉE ET LA CHARRUE
+
+Nos aïeux, sur ce sol, avec leur fière épée
+Ont écrit ce grand mot: civilisation!
+Nous, avec la charrue, achevons l'épopée
+Par ce terme viril: colonisation!
+
+LA PRESSE
+
+La presse, c'est le phare illuminant le monde,
+Le phare qui répand sa lumière féconde
+Dans les nombreux esprits où l'erreur existait.
+Mais la mauvaise presse attaque la morale
+Sape l'autorité, provoque le scandale
+Et renverserait tout, si Dieu ne l'arrêtait!
+
+RICHESSE ET PAUVRETÉ
+
+De la richesse naît quelquefois l'avarice,
+Et le coeur de l'avare est toujours malheureux;
+Mais de la pauvreté jamais ne vient ce vice
+Voilà pourquoi le pauvre est si souvent joyeux.
+
+L'ORPHELINE ET SA MÈRE
+
+Une orpheline, un jour, demandait à sa mère
+Pourquoi, soir et matin, elle priait Jésus?
+C'est que, répondit-elle, en lui je vois un père
+Qui remplace celui que tu n'embrasse plus!
+
+LE DOIGT DE DIEU
+
+Par un froid de décembre, une tremblante mère
+Chez un riche orgueilleux alla tendre la main;
+Le riche en blasphémant repoussa sa prière,
+Mais l'ange de la mort le foudroya soudain.
+
+LA RECONNAISSANCE
+
+Tout bienfaiteur a droit à la reconnaissance;
+L'être suprême à qui nous devons l'existence
+ A les prémices de ce droit.
+C'est un devoir auquel chaque bienfait nous lie,
+Et l'ingrat est un monstre indigne de la vie,
+ Un être à l'esprit trop étroit!
+
+MA POLITIQUE
+
+Ma politique à moi, voulez-vous la connaître?
+--Non, dites-vous?--Alors, ce sera plus tôt fait!
+D'ailleurs, je vous dirais qu'elle est encore à naître:
+Quoi! cela vous étonne? et pourtant c'est un fait.
+
+A NOS FRÈRES EXILÉS
+
+O frères, qui vivez loin de notre patrie
+Et qui gardez encore avec idolâtrie
+Les coutumes, les moeurs et la foi des aïeux,
+Soyez bénis! Nos coeurs caressent l'espérance
+Qu'un jour vous reviendrez dans la Nouvelle-France
+Partager nos travaux et leurs fruits glorieux!
+
+AH! LES ENFANTS!
+
+Bébé fait le malin depuis une heure entière,
+Et la faible maman ne peut le maîtriser.
+Soudain le père arrive et se met en colère,
+Mais bébé l'adoucit avec un seul baiser...
+
+LES PARVENUS
+
+Il est des parvenus qui croient, dans leur folie,
+Que la toilette et l'or éclipsent le génie,
+Et que tous leurs désirs doivent être exaucés.
+Erreur! car ici-bas le génie est le maître,
+Et quand ces pauvres sots s'efforcent de paraître,
+Ils sont pris en pitié par les hommes sensés!
+
+TEL PÈRE, TEL FILS
+
+Autrefois, j'ai connu, tout près de cette ville,
+Un gamin de neuf ans qui blasphémait déjà.
+«Enfant, lui dis-je un jour, cette habitude est vile.
+«Monsieur, répondit-il, je fais comme papa!»
+
+LE MOT PATRIE
+
+Le mot patrie est doux à l'oreille de l'homme;
+L'enfant, sans le comprendre, avec amour le nomme;
+L'adulte en l'entendant sent palpiter son coeur.
+A ce mot nous volons sur le champ de bataille,
+Et pour lui nous bravons le fer de la mitraille;
+Ce mot veut dire enfin: pays, famille, honneur!
+
+22 octobre 1887.
+
+
+
+
+ LA SAINT-JEAN-BAPTISTE
+
+
+A M. AMÉDÉE ROBITAILLE
+Président général de la société St-Jean-Baptiste.
+
+Quand brille à l'horizon le jour de la patrie,
+Les Canadiens-Français, l'âme toute attendrie,
+Célèbrent des aïeux les vertus, les exploits;
+Et, léguant à l'oubli tout ce qui les divise,
+Ils suivent l'étendard qui porte leur devise:
+«Nos institutions, notre langue et nos lois!»
+
+Ils marchent, le front haut, sur ce sol où leurs pères
+Ont posé les jalons de ces villes prospères
+Que le touriste admire aux bords du Saint-Laurent.
+Ils s'arrêtent parfois dans leur pèlerinage
+Pour saluer le nom d'un noble personnage
+Buriné sur l'airain d'un humble monument.
+
+Ils vont se recueillir un instant dans le temple
+Sous le tendre regard de Dieu qui les contemple
+Et les fait triompher d'ennemis dangereux;
+Ils retrempent leur foi--la foi des leurs ancêtres--
+Que savent leur transmettre une foule de prêtres
+Aussi braves et saints que Brébeuf et Buteux.
+
+Et lorsqu'ils ont offert au ciel un pur hommage,
+Ils retournent chacun festoyer sous l'ombrage
+Des érables plantés en l'honneur de saint Jean.
+O les joyeux refrains que chantent les poitrines
+Que de mots répétés par des voix argentines
+Et qui mettent la joie au coeur de l'indigent...
+
+Puis, le soir, ils s'en vont sur la place publique
+Où d'éloquents tribuns, à la voix sympathique,
+Redisent la valeur de ceux qui ne sont plus;
+Il sont heureux d'entendre exalter la mémoire
+De ces fameux héros dont nous parle l'histoire,
+Et jurent d'imiter leurs brillantes vertus!
+
+O Canadiens-Français d'une même croyance,
+Vous dont le fier esprit égale la vaillance,
+ Fêtez avec éclat ce jour!
+Portant de Carillon l'immortelle bannière
+Allez au champ d'honneur vénérer la poussière
+ Des guerriers morts pour votre amour!
+
+Juin 1889
+
+
+
+
+ IL SERA PRÊTRE!
+
+
+A MADAME L. G. V...
+
+ Le prêtre est un pont jeté entre le ciel et
+ la terre. Le jour où il n'y aurait plus
+ de prêtres, le monde s'abîmerait dans une
+ immense ruine.
+
+
+C'était un beau matin. Les cloches de l'église
+Mêlaient joyeusement aux accords de la brise
+ Leurs sons harmonieux;
+Le peuple agenouillé dans notre basilique,
+Adressait en son coeur une douce supplique
+ Au Monarque des cieux.
+
+A l'autel se tenaient douze jeunes lévites
+Venus pour dire au monde, aux plaisirs illicites
+ Un éternel adieu;
+Leurs lèvres murmuraient d'ineffables prières
+Et des larmes d'amour nageaient sous leurs paupières
+ Quand ils firent le voeu.
+
+Que c'est donc merveilleux cette cérémonie!
+Quel cachet de grandeur, de sainte poésie
+ Ne contient-elle pas?
+Et ces fils d'Adam, nés comme nous dans les larmes,
+Livreront à satan et ses compagnons d'armes
+ Des valeureux combats!
+
+Quelle langue pourrait, ô noble et digne femme!
+Exprimer le bonheur dont fut pleine votre âme
+ Au «voeu» de votre enfant?
+Ah! vous étiez heureuses au delà de tout rêve,
+Car l'évêque sacrait, ô pauvre fille d'Ève,
+ Le sang de votre sang!
+
+Oui, vous étiez heureuse, ô bonne et tendre mère,
+Plus que si des honneurs la couronne éphémère
+ Eût ceint ce front aimé;
+Heureuse jusqu'au point de croire que Dieu même
+N'avait jamais offert de plus beau diadème
+ En son ciel embaumé.
+
+Réjouissez-vous bien, naïve et sainte femme!
+Exaltez cet enfant que l'Église proclame
+ Un dévoué pasteur;
+Contemplez son regard où la pureté brille,
+Son front calme et serein où la grâce scintille,
+ Ses traits pleins de douceur!
+
+Vous l'aimiez!... Cependant lorsqu'il vous fit connaître
+Que le ciel l'appelait à devenir un prêtre,
+ L'ami des malheureux,
+Alors vous avez dit, avec le saint prophète;
+«Que votre volonté, verbe divin soit faite
+ Ici-bas comme aux cieux!»
+
+Il sera prêtre! Ainsi, joyeux, il abandonne
+Les passagers plaisirs auxquels l'homme s'adonne,
+ Et qui font son malheur;
+Il quitte sans regret amis, parents richesses;
+Son coeur--brûlant foyer des pures allégresses--
+ Palpite avec ardeur!
+
+Ses mains que pressiez jadis avec tendresse,
+Toucheront désormais, durant la sainte messe,
+ Le corps, le sang de Dieu;
+Ses pieds qu'avec amour vous baisiez dans les langes
+Serviront à porter l'auguste pains des anges
+ Aux mortels, en tout lieu!
+
+Femme, vous n'aurez pas l'orgueil d'être grand'mère,
+Mais votre fils unique aura, sur cette terre,
+ Une postérité:
+Elle renfermera le grand, le prolétaire;
+Le vieillard et l'enfant le nommeront «mon père»,
+ L'oeil brillant de fierté.
+
+Il sera prêtre! Aussi que de brebis errantes
+Reprendront sous ses soins, heureuses, repentantes,
+ La route du bercail;
+Et que de malheureux, guidés par sa parole,
+A son exemple, iront, de l'Équateur au Pôle,
+ Achever son travail!
+
+Nouveau Vincent de Paul, cet homme charitable
+Pressera sur son sein le pauvre misérable,
+ Abandonné de tous;
+Il lui prodiguera les plus grandes tendresses,
+Et ce pauvre, touché, contera ses faiblesses
+ En tombant à genoux!
+
+Puis, lorsque les méchants, le coeur rempli de rage
+Maudiront, saliront de leur ignoble outrage
+ L'apôtre du Seigneur,
+Alors cet homme saint sentira dans son âme
+Un amour plus ardent, une plus vive flamme
+ Pour le faible pécheur?
+
+Il est consacré prêtre! Et vous, sa bonne mère,
+Vous goûtez ardemment sa parole sincère,
+ Pleine d'émotion.
+Vous assistez tremblante, à la première messe
+De ce fils qui vous donne--ô sublime caresse!--
+ Sa bénédiction...
+
+Femme, allez maintenant à vos oeuvres pieuses,
+Et lorsque sonneront les heures douloureuses,
+ Pensez à votre enfant;
+Pensez aux doux bienfaits qu'il sème sur la terre:
+Ce souvenir sera le baume salutaire
+ De votre coeur souffrant
+
+Juin 1879.
+
+
+
+
+ LE FAUBOURG SAINT-ROCH
+
+
+Le vieux faubourg Saint-Roch s'incline sur le bord
+De l'anse sablonneuse où le Saint-Charles endort
+ Son flot bleu qui palpite;
+C'est là que la vertu romaine vit toujours
+Et que sa mâle voix--sa voix des anciens jours--
+ Parle à des coeurs d'élite!
+
+C'est là que Cartier vint, pour la première fois,
+Ennoblir notre sol en y plantant la croix
+ Sous l'ombrage des hêtres;
+C'est là que sont empreints les pas des découvreurs,
+C'est là qu'ont abordé nos vaillants laboureurs
+ Avec nos premiers prêtres!
+
+C'est là d'où sont partis ces humbles conquérants
+Qui portaient à travers forêts, monts et torrents
+ La parole bénie
+A l'enfant des déserts que la foi réclamait...
+C'est enfin le berceau grandiose où germait
+ La noble colonie!
+
+J'aime ce vieux faubourg coquet et florissant,
+Où le riche à sa table accueille le passant
+ Qui demande une obole;
+Car c'est là que s'exerce avec simplicité
+La bienfaisante loi de l'hospitalité
+ Qui ravit et console!
+
+Oui, je t'aime, ô Saint-Roch! A ton passé rêvant,
+Parfois je crois ouïr un poème émouvant
+ Dans la rumeur de l'onde
+Où se mirent les toits de la fière cité
+Dont l'immortel Champlain devina la beauté
+ Qui charme le Vieux-Monde!
+
+Je t'aime! car je sais qu'à l'ombre de la croix
+Vaillamment tu luttas pour défendre nos droits
+ Contre le despotisme;
+Et qu'en toi bat le coeur de notre nation;
+O boulevard béni de la religion
+ Et du patriotisme!
+
+Mai 1880.
+
+
+
+
+ A LA BRISE
+
+
+Haleine du printemps, ô brise parfumée,
+Errant de fleur en fleur, de vallon en vallon!
+L'amoureux, pour ouïr ta roulade animée,
+S'arrache sans regret aux plaisirs du salon.
+
+Il place sur ton aile, aimable messagère,
+Ses longs soupirs d'amour, ses rêves de bonheur,
+Et tu vas les porter à l'amante sincère
+Qui, là-bas, les reçoit dans les plis de son coeur.
+
+Que de fois le poète a redit sur sa lyre
+Les gracieux accords qui vibraient dans ta voix,
+Et que de fois l'oiseau dans un joyeux délire
+S'est mis à les chanter sous les arceaux des bois!
+
+O brise enivre-moi longtemps de ton arôme!
+Viens rafraîchir mon âme où germe la douleur!
+Passe devant mes yeux comme un léger fantôme,
+Et porte jusqu'à Dieu l'écho de mon malheur!
+
+Mai 1882.
+
+
+
+
+ OCTAVE CRÉMAZIE
+
+ Prions pour l'exilé, qui, loin de sa patrie,
+ Expira sans entendre une parole amie;
+ Isolé dans sa vie, isolé dans sa mort,
+ Personne ne viendra donner une prière,
+ L'aumône d'une larme à la tombe étrangère!
+ Qui pense à l'inconnu qui sous la terre dort?
+ OCTAVE CRÉMAZIE.
+
+
+S'il est un nom qui rime avec la poésie,
+C'est celui de l'illustre Octave Crémazie,
+ Le nom d'un barde bien-aimé;
+D'un barde qui creusa, comme le vieil Horace
+Dans le champ du génie une profonde trace
+ Que suivent Fréchette et Lemay.
+
+Bien des fois, secouant sa sombre rêverie,
+Il chanta sur son luth l'amour de la patrie
+ Et les vertus de nos aïeux;
+Du prêtre canadien il chanta la science,
+La foi, la charité le dévouement immense
+ Et les triomphes glorieux!
+
+En pleurant il chanta le drapeau de la France,
+Ce riche talisman, témoin de la vaillance
+ De nos soldats à Carillon;
+A ce vieux drapeau blanc environné de gloire,
+Rappelait à son coeur la plus belle victoire
+ Qu'eût remportée un bataillon!
+
+Il chanta les vallons tapissés de verdure
+Que le ciel a jetés, ainsi qu'une bordure,
+ Sur les rives du Saint-Laurent;
+Il chanta les ruisseaux, les lacs et les rivières
+Qui fécondent le sol, et les cimes altières
+ Où gronde et bondit le torrent.
+
+Il chanta tour à tour le zéphyr, l'hirondelle,
+Le site merveilleux de notre citadelle
+ Et nos modestes monuments.
+La foi de nos martyrs inspirait ses mélanges
+Qui semblaient aussi doux que les hymnes des anges
+ Envolés au souffle des vents!
+
+Mais un jour--oubliant la sainte poésie--
+Il eut, dans un moment de gêne et de folie,
+ Une coupable illusion:
+Comme l'arbre géant brisé par la tempête,
+Le poète courba sa belle et noble tête
+ Sous la peine du talion...
+
+Bien des ans ont passé depuis cette heure sombre!
+Crémazie, en voyant à son étoile une ombre,
+ A fui le lieu de ses malheurs...
+Il a vécu longtemps sur la terre étrangère,
+Abandonné de tous, en proie à la misère,
+ Vidant la coupe des douleurs!
+
+Aujourd'hui... mais silence!... Il sommeille sous terre
+Dans un coin de la France, au fond d'un cimetière,
+ Où nul peut-être ne priera...
+L'inexorable mort l'a couché dans la bière
+En attendant qu'un jour revienne sa poussière
+ En ce pays qu'il illustra!
+
+Reçois avec tendresse, ô barde que j'admire,
+Ces vers que je redis sur ma craintive lyre,
+ Et que l'amitié m'inspira!
+Puisse les Canadiens dresser à ta mémoire
+Sur le roc de Québec un monument de gloire!
+ Et l'Amérique applaudira!
+
+1er août 1877.
+
+
+
+
+ LA CITÉ DE CHAMPLAIN
+
+
+Assise sur un roc où notre espoir se fonde,
+Tu mires ta grandeur dans la vague profonde
+ Du fleuve Saint-Laurent;
+Tes vieux créneaux noircis par la poudre et la flamme
+Ont l'air de regarder s'envoler la grande âme
+ De Montcalm expirant!
+
+Aux jours anciens, la voix de la mitraille
+Sur tes remparts a retenti souvent;
+Et l'étranger sur ta haute muraille
+Peut lire encore ce poème éloquent.
+Un siècle et plus, les enfants de la France
+Ont répandu pour toi leur noble sang,
+Mais délaissés par une vile engeance,
+Ils t'ont perdue avec le drapeau blanc...
+
+Depuis longtemps l'amour et l'harmonie
+Ont remplacé les haines d'autrefois;
+Et l'Angleterre avec art s'ingénie
+A rendre heureux les rejetons gaulois.
+Si dans ton sein la lutte recommence
+Entre ces coeurs vibrant à l'unisson,
+C'est une lutte où l'esprit, la science
+Ont plus de part que l'éclat du canon!
+
+24 juin 1885
+
+
+
+
+ UN ORPHELIN [3]
+
+[Note 3: Joseph-Orance de Grandbois, né à Saint-Casimir, comté de
+Portneuf, le 3 mai 1884, devint orphelin de père et de mère à l'âge de
+deux ans, et fut confié aux révérendes Soeurs de la Charité de Québec,
+le 17 mars 1886. Le 11 juin de la même année, M. l'abbé H.-R.
+Casgrain.--qui avait été chargé par le comte A.-H. de Villeneuve, de
+Paris, France, de lui choisir un petit orphelin canadien-français, qu'il
+désirait adopter pour son enfant--vint chercher Joseph-Orance qu'il
+envoya à Paris sous les soins d'une brave femme de Saint-Casimir, nommée
+Béonie Hardy. Le 8 novembre 1890, l'honorable M. H. Mercier, premier
+ministre de la province de Québec, présenta à la législature un projet de
+loi pour permettre à l'heureux orphelin d'ajouter à son nom celui de
+«de Villeneuve». Aujourd'hui l'enfant est l'unique héritier d'un titre
+honorable et d'une immense fortune.]
+
+
+Joseph-Orance avait la beauté pour parure;
+De longs et noirs cheveux encadraient sa figure
+ Pleine de grâce et de candeur.
+Un sourire angélique ornait sa bouche rose
+Qui déjà soupirait une prière éclose
+ Dans les plis de son tendre coeur.
+
+A peine deux printemps doraient sa belle tête,
+Que la mort lui ravit--ô terrible conquête!--
+ Famille, appui, félicité!
+Mais Dieu prit l'orphelin sous sa puissante égide
+Et lui donna pour mère et pour fidèle guide
+ Une des soeurs de charité.
+
+Les soeurs de charité! quelles femmes divines!
+Et qui peut dignement chanter ces héroïnes
+ Que vivent dans l'humilité?
+Pour sauver l'orphelin de l'affreuse indigence,
+Former sa foi, son coeur et son intelligence,
+ Elles épuisent leur santé!
+
+Qu'il fasse chaud ou froid, qu'il vente, pleuve ou grêle,
+Elles vont mendier, d'une voix faible et grêle,
+ Pour l'enfant que prie au saint lieu.
+Et l'homme que leur voix attendrit et console,
+Leur verse avec bonheur dans la main une obole
+ Qui réjouit le coeur de Dieu!
+
+Oui, ces soeurs-que la providence
+Éprouve et bénit tour à tour--
+Accueillirent Joseph-Orance
+Avec un vrai transport d'amour.
+
+Et le bel ange oublia vite
+Le pauvre toit de ses aïeux,
+Puisqu'il avait--outre le gîte--
+Trouvé des coeurs affectueux.
+
+Ses yeux rayonnaient d'allégresse;
+Ses lèvres gazouillaient toujours;
+Ses mains ne donnaient que caresse
+A celles qui charmaient ses jours.
+
+Oh! que de chauds baisers sa bouche
+Imprimait au front de la soeur,
+Qui penchée auprès de sa couche,
+Lui parlait du divin Sauveur!
+
+En savourant ce pur langage,
+Plus doux que le chant de l'oiseau,
+Il croyait voir l'auguste image
+De la Vierge sur son berceau!
+
+Et lorsqu'il entendait redire
+Le nom si doux de l'Éternel,
+Alors on le voyait sourire
+Et tourner ses yeux vers le ciel.
+
+Le soir, en fermant sa paupière,
+Il bredouillait du fond du coeur
+Cette humble et magique prière:
+«Veillez toujours sur moi, Seigneur!»
+
+Dans la saison des fleurs de la présente année,
+Par une radieuse et chaude matinée,
+ Un prêtre en cet asile entrait;
+Il était le porteur d'un aimable message,
+Et la joie éclairant son austère visage
+ Mieux que sa bouche l'annonçait.
+
+«Mes bonnes soeurs, dit-il, j'arrive de la France,
+Et je viens en votre âme adoucir la souffrance
+ Que le ciel y verse souvent;
+Un comte de Paris, pieux et charitable,
+Voudrait pour héritier de son titre honorable
+ Un orphelin intelligent;
+
+«Un orphelin issu d'honnêtes père et mère,
+Ayant un doux visage, un noble caractère
+ Et du goût pour la piété;
+Il ferait à l'enfant une heureuse existence
+Et lui mettrait en main l'arme de la science
+ Pour défendre la vérité!
+
+«Je vois dans cet asile un essaim de beaux anges
+Dont les ris et les chants--harmonieux mélanges--
+ Pourraient nous faire rajeunir...
+Je laisse à votre esprit le soin patriotique
+De choisir l'orphelin que ce grand catholique
+ Destine au plus bel avenir!»
+
+Joseph-Orance obtint la palme sur le nombre;
+Mais son front se couvrit d'un nuage bien sombre
+ Lorsqu'on le mit dans le secret...
+Et la soeur Saint-Vincent, qu'il appelait sa mère,
+Ne pouvait voir partir, sans une peine amère,
+ Cet orphelin qu'elle adorait!
+
+Le petit se cachait dans les plis de sa robe:
+Telle contre une fleur l'abeille se dérobe
+ A l'oeil du ravisseur sournois!
+Et la Soeur voulait dire à ce joli rebelle:
+«Va donc, ô mon enfant, où le destin t'appelle!»
+ Mais la douleur glaçait sa voix.
+
+Le prêtre avait prévu les larmes douloureuses
+Que verseraient l'enfant et les religieuses
+ A l'heure triste des adieux;
+Aussi, pour les sécher, trouva-t-il des paroles
+Pures comme le miel qui tombent des corolles,
+ Et douces comme un chant des cieux!
+
+Levant de l'avenir un coin du voile rose,
+Il peignit à l'enfant le destin grandiose
+ Que le Seigneur lui réservait.
+Les pleurs brillaient encor sous plus d'une paupière,
+Mais de tous ces coeurs purs une ardente prière
+ Vers le vaste ciel s'élevait!
+
+Un mois s'est écoulé depuis l'heure touchante
+Où nous étions témoins de la scène émouvante
+ Que ne peut rendre mon pinceau;
+L'orphelin que le prêtre a tiré de l'hospice,
+Et qui devait plus tard boire l'amer calice,
+ Loge à Paris dans un château...
+
+Ses nobles protecteurs, le comte et la comtesse,
+Dont l'âme est un foyer d'amour et de tendresse,
+ Lui prodiguent tous les égards;
+Ils l'entourent des soins que permet la fortune,
+Afin de dissiper la tristesse importune
+ Qui trouble parfois ses regards;
+
+Car, ici, dans l'asile où brilla son étoile,
+Il a quitté deux soeurs qui suivirent la voile
+ L'emportant sur le flot moqueur...
+Souvent il les appelle au milieu de ses fêtes;
+Et la nuit, dans le songe, il brave les tempêtes
+ Pour les serrer contre son coeur...
+
+Mais la tristesse, un jour, s'enfuira de son âme,
+Car elle est, chez l'enfant, semblable à cette flamme
+ Qui luit et s'efface aussitôt.
+Puis une heure viendra--joyeuse et fortunée--
+Où l'ange comprendra sa haute destinée,
+ Et cette heure viendra bientôt!
+
+Que sera-t-il plus tard? mystère!
+C'est le secret du Créateur.
+Prions pour que ce jeune frère
+Soit notre gloire et notre honneur!
+
+15 juillet 1886.
+
+
+
+
+ MAUVAIS ARTISAN
+
+
+C'est le samedi soir. Au sein d'une chaumière,
+Où pénètre le froid, quatre jeunes enfants
+Se pressent, tout pâlis, aux genoux de leur mère;
+L'âtre n'a plus de feu, la table d'aliments.
+
+«J'ai faim! J'ai froid!» Ces mots, mêlés de pleurs étranges,
+Résonnent comme un glas dans ce foyer malsain;
+Et la mère répond: «Ne pleurez pas, mes anges,
+Votre père bientôt vous donnera du pain...»
+
+Mais l'horloge là-haut sonne déjà dix heures,
+Et le père et le pain surtout n'arrivent pas!
+La marmaille, apaisée un instant par des leurres,
+Saute à faire crouler le parquet sous ses pas...
+
+«J'ai faim! J'ai froid! du feu!» Ce chant de la misère--
+Douloureuse clameur--retenti de nouveau.
+L'un des jeunes martyrs sollicite sa mère
+De réduire en brasier les planches du berceau...
+
+Écoutez! au dehors des voix sourdes murmurent:
+Aux malheureux sans doute on vient porter secours.
+Prêtez l'oreille encor! mais qu'est-ce? ces voix jurent
+Et maudissent le Dieu qui veille sur nos jours!...
+
+Qui donc ose approcher, le blasphème à la bouche,
+Du seuil où la misère étend son voile noir?
+--Ce sont deux artisans, avinés, l'oeil farouche,
+Qui traîne sur le sol un homme affreux à voir.
+
+Et cet homme est le chef de la pauvre famille--
+C'est le père annoncé tantôt comme un sauveur!--
+Voyez-le, sous les feux de la lune qui brille,
+Étendu sur le seuil sans voix et sans vigueur!
+
+La femme ouvre la porte, et, tremblante, s'empresse
+Auprès du malheureux dont les traits sont flétris;
+Paraissant oublier sa peine et sa détresse,
+Elle lui parle même avec un doux souris!
+
+L'ivrogne veut répondre à ces élans sublimes,
+Mais de profonds soupirs entrecoupent sa voix.
+A leur tour ses enfants, ou plutôt ses victimes
+Lui demandent du pain, des vêtements, du bois!
+
+Hélas! pauvres petits, votre prière est vaine!
+Vains aussi vos sanglots, vos plaintes, vos douleurs!
+Car votre père à mis l'argent de la semaine
+Au cabaret... Séchez ces inutiles pleurs!
+
+Que dis-je? oh, non, pleurez! et les nombreuses larmes,
+Que votre âme innocente en priant versera,
+Toucheront votre père--Employez donc ces armes,
+Et la victoire, enfants, un jour vous restera!
+
+Du mauvais artisan cet ivrogne est l'image,
+Car l'ivresse affaiblit les coeurs les plus vaillants;
+Elle étend sur notre âme un lugubre nuage
+Qui lui cache du ciel les horizons brillants;
+
+Elle éloigne l'époux du foyer domestique,
+Où longtemps il goûta la joie et le bonheur,
+Et lorsqu'il y revient, sombre et mélancolique,
+Il porte sur le front le sceau du déshonneur!
+
+Ce homme était jadis un artisan modèle;
+On vantait sa sagesse et son habileté;
+Au dur labeur jamais il n'était infidèle,
+Et c'est là qu'il puisait la force et la santé.
+
+Mais quelle affreuse chute! En moins de trois années,
+Il a perdu la foi, l'énergie et l'amour!
+Il donne au cabaret le fruit de ses journées,
+Pendant qu'à sa demeure on souffre nuit et jour...
+
+Le monde quelquefois repousse avec malice
+L'enfant qui, tout en pleurs, lui tend sa maigre main;
+«Quoi! te faire l'aumône? encourager le vice
+«De ton père, un ivrogne?.... Éloigne-toi, gamin...»
+
+Ce langage est cruel, déraisonnable, impie--
+Faire expier au fils le crime des parents!--
+Rappelons-nous ces mots du maître de la vie:
+«Laissez venir à tous les petits enfants!»
+
+Ah! ne laissons jamais à leur sort misérable,
+Ces enfants dont le père est parfois un bandit;
+Mais faisons-les plutôt asseoir à notre table
+En leur donnant le pain du corps et de l'esprit.
+
+Nos bienfaits trouveront mille échos dans leur âme--
+Leur âme si sensible aux élans généreux--
+Et, plus tard, la vertu--cette céleste flamme--
+Réchauffera leurs coeurs en les rendant heureux.
+
+Du mauvais artisan et de ses habitudes
+Il ne leur restera qu'un pâle souvenir.
+Joyeux, ils rempliront les tâches les plus rudes,
+Sous le regard de Dieu, sans craindre l'avenir!
+
+1er octobre 1889
+
+
+
+
+ QU'EST-CE QUE LA VIE?
+
+ Pièce traduite de «_What is Life?_» de Samuel Moore.
+
+
+Je demandais un jour à l'un de ces vieillards,
+Dont la pâle figure et les sombres regards
+Accusent la souffrance et l'amère ironie,
+S'il pouvait m'expliquer ce simple mot: la vie?
+Courbant sa tête blanche, il dit en soupirant:
+«La vie est une scène où le pauvre et le grand
+Luttent pour obtenir l'honneur et la richesse;
+Quelques rayons d'amour, de joie et de tristesse;
+Des efforts pour saisir un brillant lendemain;
+Une flamme qui luit et disparaît soudain;
+Un flot que le torrent caresse, agite, emporte;
+Une rose qui naît et bientôt sera morte;
+La vie est ce chemin qui commence au berceau,
+Et qu'on a parcouru lorsqu'on touche au tombeau!
+L'homme croit au bonheur, et depuis son enfance,
+Pour l'atteindre, il travaille, use son existence;
+Mais au lieu du bonheur il trouve le trépas,
+Et devient ce limon qu'on foule sous nos pas...»
+
+Si le néant était le terme de la vie,
+Dieu, lui, dis-je, serait un infâme génie.
+Comment! nous serions tous destinés à souffrir,
+A vivre sans espoir et sans espoir mourir?...
+Votre vie est affreuse: elle est la mort de l'âme;
+Car l'âme juste espère en Dieu qui la réclame.
+
+Plus ému que content des paroles du vieux--
+Paroles qui blessaient mes sentiments pieux--
+J'abordai sur la route un homme au doux visage,
+Un homme dont l'esprit me parut droit et sage,
+Et je lui demandai, d'un ton respectueux,
+De résoudre pour moi le problème épineux.
+
+Une lueur d'espoir éclaira sa figure,
+Et, s'inclinant, il dit d'une voix mâle et pure:
+«La vie est pour connaître et servir le Seigneur,
+Recevoir sa doctrine avec joie et douceur,
+Imiter les vertus du Christ--divin modèle--
+Afin de vivre un jour de sa vie immortelle.
+
+«La vie est un foyer qu'alimente la foi;
+Un livre où le Seigneur a buriné sa loi;
+Un creuset où notre âme, au feu de la souffrance,
+S'épure et sent grandir en elle l'espérance.
+Il vit, l'homme qui sait ses crimes pardonnés,
+Il entrevoit du ciel les justes couronnés;
+En mourant au péché, son âme se délie
+Et recouvre aussitôt la véritable vie.
+Vivre enfin, ici-bas, c'est souffrir et lutter;
+Vivre aussi, c'est le Christ! mourir, c'est triompher!
+Notre corps, je le sais, est tiré de la terre,
+Et doit, après la mort, redevenir poussière;
+Mais l'âme--souffle pur sorti du coeur de Dieu--
+Quittera pour toujours ce misérable lieu!»
+
+Ah! s'il faut vivre ainsi, lui dis-je, je veux vivre!
+Vivre sous les regards de Celui qui délivre
+L'âme de sa prison pour la conduire au port;
+Oui, je veux triompher du vice et de la mort!
+
+Juillet 1888.
+
+
+
+
+ ADIEU A LA NOUVELLE-ÉCOSSE
+
+ Pièce traduite de l'anglais.
+
+
+Quelque soit ton destin, ô ma Nouvelle-Écosse--
+Doux nid que le devoir, dans sa rigueur atroce,
+M'ordonna de quitter--jusqu'au dernier soupir
+Je jure de garder ton tendre souvenir!
+
+A tes monts que l'été couronne de verdure,
+A ton sol généreux qui donne sans mesure,
+Aux côtes de granit qui te font un rempart,
+J'accorde volontiers de mon coeur une part!
+
+Dans tes vieilles forêts--grandes comme un royaume--
+Le sapin résineux répand son doux arôme;
+Et, défiant toujours l'ouragan furieux,
+Le chêne y dresse aussi son front majestueux!
+
+Puis dans tes champs rayonne, à travers la rosée,
+Une fleur que ma main à souvent caressée;
+Son nom est _May flower_, l'orgueil de l'Écossais,
+Témoin de ses revers et de tous ses succès!
+
+Je n'aurai plus peut-être, un jour, l'heureuse chance
+De pouvoir t'admirer, lieu cher de ma naissance!
+Mais du moins quand mes yeux verront la _May flower_,
+Ils la contemplerons longtemps avec bonheur...
+
+Adieu, Nouvelle-Écosse, ô ma belle patrie!
+Quoique éloigné de toi, je t'aime à la folie!
+Si les ans entre nous passent comme les flots,
+Mon amour grandira nourri par mes sanglots!
+
+1er mai 1883
+
+
+
+
+ LOUIS FRÉCHETTE
+
+ POÈTE LAURÉAT DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE
+
+
+Il est de notre peuple et l'orgueil et la gloire
+Ce barde dont le nom, au livre de l'Histoire,
+ Aura sa place à part.
+Il quitte ce pays qu'il aime et qu'il admire
+Pour aller retremper son génie et sa lyre
+ A la source de l'art!
+
+Comme l'aigle volant vers la voûte sphérique
+Où semble l'attirer la puissance magique
+ De l'astre aux rayons d'or;
+De même vers Paris, le soleil de la France,
+L'aigle du Canada, guidé par l'espérance,
+ Prend son sublime essor!
+
+Il sent que, par l'effort de son intelligence,
+Il saura recueillir au champ de la science
+ Des moissons de lauriers;
+Car n'a-t-il pas naguère, affrontant la critique,
+Conquis la palme d'or au tournoi poétique
+ Sur cent esprits altiers?
+
+De notre histoire ouvrant les pages vénérables,
+Sur sa lyre il dira les luttes admirables
+ De nos vaillants aïeux;
+Il en composera de suaves poèmes
+Que la France lira, mieux que ses oeuvres mêmes,
+ Des larmes plein les yeux!
+
+La France acclamera la nouvelle épopée
+De ce barde qui suit la trace de Coppée
+ Et de Victor Hugo;
+Châteauguay, Carillon et mainte autre victoire,
+Pour elle brilleront au temple de Mémoire
+ Autant que Marengo!
+
+Et la France bientôt, grâce à Louis Fréchette,
+Grâce à nos écrivains, prosateur ou poète,
+ Se souviendra de nous.
+Alors elle viendra visiter nos rivages
+Où fleurissent ses lois, sa langue et ses usages,
+ Et nous bénira tous!
+
+22 octobre 1887.
+
+
+
+
+ LE MOIS DES MORTS
+
+
+Le sol n'est plus velouté de verdure;
+Le vent gémit, et le chantre des bois
+Aiguillonné par la faim, la froidure,
+Redit ses chants pour la dernière fois.
+
+Les milles fleurs qui doraient la prairie
+Ont disparu sous un épais frimas.
+Adieu, parfums! Adieu, mousse fleurie
+Où nous prenions de si joyeux ébats!
+
+«Oyez! la cloche sonne
+Son hymne monotone
+Au clocher du saint lieu;
+Cette voix gémissante
+S'élève, suppliante
+Jusqu'au trône de Dieu!
+C'est le sanglot d'une âme
+Qui soupire et réclame
+Dans sa prison de feu.
+Eh! bien, qu'une prière
+Monte, monte, sincère,
+De nos coeurs jusqu'à dieu!»
+
+L'astre du jour, derrière les nuages,
+Cache ses feux, La nature est en deuil.
+Hier, la neige, aujourd'hui les orages:
+Tout se transforme et passe en un clin-d'oeil.
+
+Le moissonneur ne tresse plus les gerbes
+Qui ravissaient son coeur reconnaissant;
+Le sol est mort. Nos montagnes superbes
+Dressent au loin leur faîte jaunissant.
+
+«Oyez! la cloche sonne
+Son hymne monotone
+Au clocher du saint lieu;
+Cette voix gémissante
+S'élève, suppliante,
+Jusqu'au trône de Dieu!
+C'est le sanglot d'une âme
+Qui soupire et réclame
+Dans sa prison de feu.
+Eh! bien, qu'une prière
+Monte, monte, sincère,
+De nos coeurs jusqu'à dieu!»
+
+Durant ce mois de deuil et de tristesse,
+Chrétiens, fuyons les frivoles plaisirs;
+Pensons aux morts qui soupirent sans cesse
+Après le ciel, objets de leurs désirs.
+
+Ah! oui, pensons à l'affreux purgatoire,
+Où Dieu peut-être un jour nous conviera,
+Car du péché c'est l'urne épuratoire,
+Inévitable, où notre âme expiera!
+
+«Oyez! la cloche sonne
+Son hymne monotone
+Au clocher du saint lieu;
+Cette voix gémissante
+S'élève, suppliante
+Jusqu'au trône de Dieu!
+C'est le sanglot d'une âme
+Qui soupire et réclame
+Dans sa prison de feu.
+Eh! bien, qu'une prière
+Monte, monte, sincère,
+De nos coeurs jusqu'à dieu!»
+
+Entendez-vous ces plaintes déchirantes,
+Ces longs appels, ces sanglots douloureux?...
+Prions! Prions! Nos prières ardentes
+Délivreront des flots de malheureux.
+
+Puis quand la mort, au jour de ses vendanges,
+De notre vie aura tranché le cours,
+Alors ces saints--devenus nos bons anges--
+Nous prêteront leur merveilleux secours!
+
+«Oyez! la cloche sonne
+Son hymne monotone
+Au clocher du saint lieu;
+Cette voix gémissante
+S'élève, suppliante
+Jusqu'au trône de Dieu!
+C'est le sanglot d'une âme
+Qui soupire et réclame
+Dans sa prison de feu.
+Eh! bien, qu'une prière
+Monte, monte, sincère,
+De nos coeurs jusqu'à dieu!»
+
+1er novembre 1881.
+
+
+
+
+ SACHONS LUTTER!
+
+ A. M. C. A. GAUVREAU, membre de l'Académie des Muses Santones.
+
+
+RÉPONSE.
+
+Toute vie est un flot de la mer de douleur.
+Leur amertume un jour sera ton ambroisie,
+Car l'urne de la gloire et de la poésie,
+ Ne se remplit que de nos pleurs!
+
+L'autre soir, accoudé sur le bord de ma table,
+La cigarette aux dents et la plume à la main,
+J'essayais de ravir à ma muse indomptable
+Des vers que je voulais risquer le lendemain.
+
+Mais, hélas! la cruelle avec indifférence
+Accueillait les soupirs s'exhalant de mon coeur,
+Et, malgré mes appels et ma persévérance,
+Ne daignait m'accorder qu'un «silence moqueur.»
+
+Alors, en grommelant, je rejetai ma plume
+Que j'avais pris la peine, entre vingt, de choisir!
+Ma foi, j'aurais troqué mon luth contre l'enclume
+Que l'artisan du coin fait vibrer à loisir...
+
+Je vouais à Pluton l'objet de ma tendresse--
+La muse qui m'avait tant de fois consolé--
+Quand l'on vint me remettre un chant, à mon adresse,
+Que votre lyre avait, la veille, modulé.
+
+«Sachons lutter!» Tel est le titre du poème
+Où votre âme meurtrie épanche ses douleurs,
+Implorant la pitié pour le malheureux même
+Dont le fol égoïsme causé vos malheurs!
+
+L'égoïsme a chassé l'ange de l'espérance
+Qui berçait votre esprit du rêve le plus beau;
+Il ne vous reste plus que l'amère souffrance,
+Aussi lourde à porter qu'un marbre de tombeau!
+
+Ah! votre coeur croyait--avec raison sans doute--
+Que l'homme parvenu doit être bienfaisant,
+Quand le hasard, un soir, plaça sur votre route
+Un sot que la fortune a rendu méprisant!
+
+Votre coeur ignorait qu'ici-bas, en grand nombre,
+Il est des êtres vils au visage de saint
+Qui se cachent parfois, comme un serpent dans l'ombre,
+Pour lancer le dard qui perce notre sein...
+
+Comme vous j'ai souffert de la malice humaine;
+De vieux amis j'ai vu l'affreuse trahison;
+D'illustres vaniteux j'ai mérité la haine,
+M'étant permis de rire un peu de leur blason...
+
+Et pour avoir, jadis, proclamé que ma race
+Secouerait tôt ou tard l'insupportable affront
+De vivre sous le joug, j'ai payé cette audace
+De lèse-loyauté... mais je tiens haut le front!
+
+Barde, vous l'avez dit: «Il faut souffrir, pleurer.
+La souffrance à tout front doit mettre son empreinte
+Et toujours et sans cesse et devra durer
+Et pas un n'est exempt de sa fatale étreinte.»
+
+Mais ne désespérons ni de Dieu ni des hommes:
+Dieu récompense un jour ceux qui savent lutter,
+Et nous, pauvres humains--_dieux tombés_ que nous sommes--
+Si nous causons des torts, sachons les racheter!
+
+Avril 1887
+
+
+
+
+ LA MISÈRE
+
+
+ Donnez! pour être aimés de Dieu que se fit homme,
+ Pour que le méchant même en s'inclinant vous nomme,
+ Pour que votre foyer soit calme et fraternel;
+ Donnez! afin qu'un jour à votre heure dernière,
+ Contre tous vos péchés vous ayiez la prière
+ D'un mendiant puissant au ciel.
+ VICTOR HUGO.
+
+
+Qu'il fait froid, ô mon Dieu, dans la pauvre chaumière!
+Plus de bois, ni de pain pour les enfants en pleurs!
+La mère vers le ciel exhale sa prière,
+Et ce parfum de l'âme adoucit ses malheurs!
+
+Après avoir redit le sublime symbole
+Et prié le Seigneur de bénir ses enfants,
+Elle s'approche deux, et--gracieuse obole--
+Leur donne des baisers à défaut d'aliments!...
+
+C'est le premier de l'an. Chez le riche on festonne;
+Les bambins, tout joyeux, embrassent leurs parents;
+Sur ces candides fronts l'espérance rayonne,
+Comme une étoile d'or sur un ciel de printemps!
+
+Un arôme suave embaume la demeure
+Des fruits en pyramide et des gâteaux charmants
+Trônent sur le cristal en attendant cette heure
+Où leur fera la guerre un essaim de gourmands.
+
+Sous ces lambris dorés, le père de famille
+Contemple tous les siens d'un oeil plein de douceur;
+Dans l'âtre, près de lui, joyeusement pétille
+Un bon feu d'où jaillit une ardente chaleur.
+
+Ainsi, dans les palais des riches de ce monde,
+L'on voit briller partout la joie et le bonheur;
+L'on ne redoute pas la tempête qui gronde
+Et glace, en son chemin, le pauvre de terreur...
+
+Il fait froid. Le soleil, sous un épais nuage,
+Dérobe les reflets de ses rayons dorés;
+Au loin le vent mugit, solennel en sa rage,
+Et soulève la neige en tourbillons serrés.
+
+Mais que vois-je, soudain, à travers la tempête?
+Ciel! une femme pâle à l'air triste et souffrant!
+Ses membres sont glacés; elle avance, s'arrête,
+Et presse sur son coeur un jeune et frêle enfant!
+
+Cette femme débile, à la démarche lente,
+Qui brave en grelottant de froid impétueux,
+A laissé la chaumière, et, comme une âme errante,
+S'en va tendre la main aux portes des heureux.
+
+Elle franchit le seuil d'une villa gothique
+Aux magnifiques arcs aux superbes balcons,
+Mais là sa voix rencontre un coeur dur et sceptique
+Qui méprise sa plainte et rit de ses haillons...
+
+Le lendemain au soir de ce jour mémorable,
+Vers la chaumière allait le bon curé du lieu.
+Il frémit en voyant--spectacle épouvantable--
+Trois cadavres blottis près de l'âtre sans feu!
+
+Ils étaient morts, la nuit, de peine et de misère,
+Pendant que les heureux fêtaient jusqu'au matin...
+Mais ne les plaignons pas, car Dieu, ce tendre père,
+Les avait conviés à l'éternel festin...
+
+Janvier 1870.
+
+
+
+
+ AUX POLITICIENS
+
+
+O défenseurs de nos droits politiques,
+Fiers rejetons d'un peuple valeureux,
+Vous qui dictez les lois patriotiques,
+Vivez longtemps, surtout vivez heureux!
+
+Rouges ou bleus--qu'importe la nuance,
+N'êtes-vous pas de nos droits les gardiens?--
+Or moi je dis avec indépendance:
+Soyez bénis de tous les Canadiens!
+Soyez bénis par le céleste Père,
+Vous, citoyens, qui travaillez toujours
+Pour assurer un avenir prospère
+Au _Canada, mon pays, mes amours!_
+
+Votre travail reste sans récompense:
+Le monde, hélas! est composé d'ingrats...
+Mais la patrie, elle, aime et récompense
+Ses braves fils qui lui prêtent leurs bras!
+
+Faites la guerre au sombre fanatisme,
+Ce ver hideux qui ronge tant de coeurs;
+Luttez aussi contre le népotisme
+Qui donne au lâche un titre et des honneurs...
+
+De ses devoirs instruisez la jeunesse
+Que Dieu destine aux luttes à venir,
+Afin qu'elle ait pour flambeau la sagesse,
+Et pour seul rêve un honnête avenir.
+
+Parlez partout l'harmonieux langage
+Qu'avec le lait vous puisiez au berceau;
+Conservez-le comme un bel héritage:
+De notre race il est le noble sceau!
+
+Ah! pratiquez des aïeux la devise
+«Vivre en Français et mourir en Chrétien!»
+Soyez unis; et que votre âme vise
+A rendre heureux le peuple canadien!
+
+A l'ouverture des chambres 1880.
+
+
+
+
+ A MON AMI M. W. CHAPMAN
+
+
+Lorsque la renommée embouche sa trompette
+Pour redire aux échos le nom d'un Canadien,
+Émule de Taché, de Casgrain, de Fréchette,
+Il me semble toujours que ce nom est le tien!
+
+Car déjà, mon ami, les poètes de France,
+--Des rivaux fraternels--applaudissent tes chants.
+Leur éloge flatteur exprime l'espérance
+Que ta muse obtiendra des succès éclatants.
+
+Moi qui prête à ta lyre une oreille attentive,
+Qui m'enivre parfois aux flots de l'art divin,
+Qui des sons de mon luth quelquefois te ravive,
+Je m'unis à ces coeurs pour te serrer la main!
+
+6 juin 1880.
+
+
+
+
+ ELLE EST MORTE!
+
+
+Rose avait dix sept ans; elle était belle et blonde;
+Sur son front les rayons de la candeur brillaient;
+Les perles de sa bouche enchantaient tout le monde;
+Ses cheveux en flots d'or jusqu'à ses pieds roulaient.
+
+Ses lèvres souriaient comme celles d'un ange;
+Son oeil d'azur jetant un vif rayonnement;
+Sa voix avait parfois une harmonie étrange
+Qui me plongeant soudain dans le ravissement!
+
+Quand venait le printemps avec ses nids de mousse,
+Ses brises, ses parfums, son soleil radieux,
+Nous allions, elle et moi,--réminiscence douce--
+Tout pensifs, nous asseoir sur le gazon soyeux.
+
+Et là nous admirions le couchant et l'aurore
+Déployant à notre oeil leurs tableaux gracieux;
+Et nos coeurs bénissaient l'Artiste que décore
+Toute l'immensité de la terre et des cieux.
+
+Aux coupes de l'espoir nous abreuvions notre âme;
+Un heureux avenir brillait dans le lointain;
+L'Hymen allait bientôt nous verser son dictame,
+Mais, hélas! nous comptions sans le cruel destin!
+
+Et maintenant, voyez: elle est là qui repose
+Sous la terre où chacun tôt ou tard doit dormir!
+Et tout ce qui me reste aujourd'hui de ma _Rose_,
+C'est le parfum que m'a laissé son souvenir...
+
+Avril 1879
+
+
+
+
+ A BEAUPORT
+
+
+A MESSIRE ADOLPHE LÉGARÉ
+
+Drapé dans son manteau de verdure odorante,
+En face de Québec, de l'Île de Lévis,
+Beauport baigne ses pieds dans l'onde murmurante
+Du fleuve dont nos yeux sont sans cesse ravis.
+
+Son temple--vrai bijou que des mains artistiques
+Ont orné de tableaux aux riantes couleurs--
+Dresse vers le ciel bleu ses deux flèches gothiques
+Que souvent le soleil dore de ses lueurs. [4]
+
+[Note 4: Cette église a été incendiée le 24 janvier 1889.]
+
+Depuis douze ou treize ans, au sein de ce village
+Ont surgi des villas et quasi des palais
+Aux donjons tapissés de fleur et de feuillage,
+Où le mortel ennui ne vient s'asseoir jamais.
+
+L'habitant de Beauport est du Breton le type:
+Charitable, joyeux, prompt, vif et grand parleur;
+Puis en morale il a l'admirable principe
+De garder à nos moeurs leur antique splendeur.
+
+Beauport! ce nom figure au livre de la gloire,
+Car son sol autrefois a bu le sang des preux;
+Laverdière, Garneau, Ferland, dans leur histoire
+Parlent de cet endroit en termes chaleureux.
+
+C'est de là que partaient ces bombes meurtrières
+Qui jetaient la terreur au milieu des Anglais,
+Quand ceux-ci, s'avançant sur leurs longues voilières,
+Voulaient ravir Québec au pouvoir des Français.
+
+Parfois on y découvre, en remuant la terre,
+Des sabres, des boulets, des débris d'arme à feu;
+Et l'on m'a raconté qu'on y trouvait naguère
+Des ossements humains, car tout parle en ce lieu.
+
+Ces objets que la rouille a rongés sous la glaise,
+Rappellent à nos coeurs les mémorables jours
+Où nos pères luttaient contre l'armée anglaise
+Pour défendre leurs droits, leurs foyers, leurs amours.
+
+Ce lieu possède encore, en ses riches annales,
+Plus d'un illustre nom par les hommes chéri;
+C'est là qu'ont vu le jour deux gloires sans rivales:
+L'humble Étienne Parent et de Salaberry!
+
+Dès que le printemps brille, et jusques à l'automne,
+J'habite sous ton ciel, ô village enchanteur!
+De la ville je fuis le fracas monotone,
+L'air impur, la poussière et l'ardente chaleur.
+
+Je respire à longs traits les parfums de tes roses
+Et les douces senteurs qui s'exhalent des bois;
+J'observe les ébats des ailés virtuoses,
+Et j'écoute, ravi, leurs gracieuses voix.
+
+Puis le soir je contemple, assis au bord des vagues,
+Toute l'immensité de la mer et des cieux;
+Parfois je crois ouïr des bruits étranges, vagues:
+C'est le flot qui redit ton passé glorieux!
+
+Alors, le coeur ému, je prends mon humble lyre
+Et mêle mes accords à ces concerts géants
+Qui s'élèvent des bois, de la chute en délire,
+Du fleuve, des ruisseaux et des gouffres béants!
+
+20 juillet 1887.
+
+
+
+
+ LE JOUR DE L'AN
+
+
+Douze sanglots ont vibré dans l'espace,
+--Sont-ce les pleurs du lugubre beffroi?
+--C'est l'avenir jetant à l'an qui passe,
+Avec mépris, un adieu sombre et froid!
+
+Un nouvel an, constellé de promesses,
+Vient de surgir des vastes profondeurs;
+Accordons-lui nos plus tendres caresses,
+Car il promet d'ineffables bonheurs.
+
+L'an dernier fut désastreux et terrible:
+Il a semé partout tant de revers...
+Il a changé--ce despote inflexible--
+Nos rêves d'or en mille maux divers!
+
+N'en parlons plus! Et saluons l'aurore
+Du nouveau jour qui brille à l'horizon;
+Que de nos coeurs parte un hymne sonore
+Pour acclamer l'hôte de la saison!
+
+Voyez là-bas, dans la pauvre chaumière,
+Le malheureux amaigri par la faim:
+Du nouvel an, il attend, il espère
+Plus de bonheur et le morceau de pain!
+
+Sous les lambris, où la pourpre rayonne,
+Le riche aussi formule ses désirs:
+«Bel an, dit-il d'un pur éclat couronne
+Nos doux banquets, nos fêtes, nos plaisirs!»
+
+Au saint autel, le prêtre vénérable
+Pour le pécheur implore le bon Dieu;
+Son chant d'amour--cri de joie admirable--
+Comme l'encens monte vers le ciel bleu...
+
+.......................................
+
+Dès ce moment, oublions nos rancunes;
+A l'ennemi présentons notre main.
+Après les jours de noires infortunes,
+Dieu nous réserve un heureux lendemain!
+
+
+
+
+ ÉLÉGIE
+
+ A MONSIEUR E. G.... qui vient de perdre sa femme.
+
+
+Tout est fini! La tombe
+Te couvre pour toujours...
+Mon pauvre coeur succombe
+Sous le fardeau des jours...
+
+Dieu m'a ravi la joie
+En t'appelant aux cieux,
+Et la douleur déploie
+Son voile sur mes yeux!
+
+Du haut du ciel, ô femme
+Veille sur nos enfants,
+Afin que leur jeune âme
+Ressemble au pur encens.
+
+Obtiens-leur l'avantage
+D'aimer le doux Jésus,
+De suivre sa loi sage,
+D'imiter ses vertus
+
+Et lorsque la souffrance
+Viendra les visiter,
+Donne-leur la vaillance
+De bien la supporter.
+
+Oui, fais qu'à ton exemple,
+Au jour de la douleur,
+Ils aillent dans le temple
+Implorer le Seigneur.
+
+Et moi qui suis le père
+De ces trois malheureux,
+Je serai, je l'espère,
+Un modèle pour eux.
+
+Adieu, femme adorée!
+Dors sous ce tertre en fleurs
+Que mon âme navrée
+Féconde de ses pleurs!
+
+15 septembre 1886.
+
+
+
+ AU PEUPLE CANADIEN
+
+
+A M. L. O. DAVID.
+
+O peuple canadien, tressaille d'allégresse,
+Plonge ton noble coeur dans une sainte ivresse,
+ Entonne des hymnes d'amour!
+Déroule avec orgueil les plis de tes bannières,
+Fais retentir partout tes fanfares guerrières,
+ Car de Saint-Jean c'est le beau jour!
+
+L'astre d'or, ce matin, à l'horizon sans bornes,
+S'est levé radieux, posant au front des mornes
+ Un diadème de rayons;
+Le vaste Saint-Laurent roule sa vague pure,
+Et les petits oiseaux cachés dans la verdure
+ Disent leurs plus douces chansons.
+
+La forêt secouant sa crinière brillante,
+Jette mille clameurs à la brise odorante;
+Le ruisseau, serpentant dans les vallons en fleur
+Mêle au concert des bois sa suave harmonie;
+L'airain lance aux échos sa mâle symphonie:
+Tout sous le soleil chante une hymne au Créateur!
+
+Joignant ta voix aux voix de la nature entière,
+Peuple, au pied des autels, courbant la tête altière,
+Va chanter et prier ton glorieux patron.
+Pour retremper ton coeur aux sources de la gloire,
+Étale les feuillets de ta sublime histoire,
+De tes fastes dorés rouvre le panthéon!
+
+C'est toi qui, découvrant nos forêts et nos ondes,
+ Les baptisa d'un nom français,
+Et c'est toi que plantas sur ces rives fécondes
+ Le doux symbole de la paix.
+
+Tu rêvais pour tes fils un avenir prospère
+ Sur la plage que nous foulons,
+Quand, un jour, contre toi la puissante Angleterre
+ Déchaîna ses gros bataillons.
+
+Tu sentis bouillonner dans tes veines la sève
+ Vigoureuse de tes aïeux,
+Et combattis longtemps sans repos et sans trève,
+ Mais ne fus pas victorieux.
+
+Et ton heureux vainqueur, pour prix d'une victoire,
+ Pauvre peuple, te demanda
+Tes villes, tes hameaux, et tout le territoire
+ Qui s'appelle le Canada!...
+
+Alors, abandonné par ta mère la France,
+ Ou plutôt par son lâche roi,
+Tu cédas ce trésor, ayant eu l'assurance
+ De garder ta langue et ta foi!
+
+Peuple, en ce jour béni de la Saint-Jean-Baptiste,
+Démontre avec éclat que dans ton âme existe
+ L'amour pur de la liberté!
+Redis à l'étranger ton histoire héroïque,
+Affirme hautement ta constance stoïque
+ Ta force et ta vitalité!
+
+24 juin 1878.
+
+
+
+
+ L'AUTOMNE
+
+
+Le ciel n'a plus d'azur; l'atmosphère est de glace;
+La splendeur du soleil pâlit de jour en jour;
+Sur l'arbre dépouillé que le frimas enlace,
+L'oiseau ne redit plus sa romance d'amour.
+
+La nature a souillé la robe éblouissante
+Qui parait les coteaux de ses replis soyeux;
+Les fleurs ont disparu; l'abeille vigilante
+Ne dore plus nos bois de son miel savoureux.
+
+Les torrents écumeux, grandis par les orages,
+Font retentir les airs de lugubres sanglots;
+Et, bondissant soudain par dessus les rivages,
+Dévastent les moissons de leurs terribles flots.
+
+Quand tu parais, automne, aussitôt la tristesse
+Sur notre front serein pose son noir bandeau;
+Tu viens ravir aux champs leur brillante jeunesse,
+Tu nous donnes des jours sombres comme un tombeau!
+
+Au vieillard que les ans inclinent vers la tombe,
+Et qui plonge son coeur aux sources des plaisirs,
+Tu dis: «Lève la tête, et vois ce fruit qui tombe,
+Ainsi tu tomberas avec tes vains désirs...»
+
+L'automne, de la vie est la fidèle image:
+Les jours calmes et doux sont nos jours sans remords;
+Les bosquets dénudés rappellent le vieil âge;
+La neige et les frimas, le blanc linceul des morts!...
+
+Eh bien! puisque l'automne en souverain commande,
+Inclinons tous nos fronts devant sa majesté;
+Car sa voix est l'écho de Dieu qui réprimande
+Ceux qui ne pensent pas à leur éternité.
+
+Novembre 1883.
+
+
+
+
+ AUX CÉLIBATAIRES
+
+
+Allons, debout! pauvres célibataires,
+Vous que la femme abreuve de mépris!
+Abandonnez vos gîtes solitaire,
+Où l'on ne voit que des chats favoris!
+
+De votre coeur bannissez la souffrance:
+Ne soyez plus désormais soucieux;
+Et saluez avec joie, espérance,
+Le nouvel an qui brille au front des cieux!
+
+Car en ce jour de fête universelle,
+La fille d'Ève absout les amoureux;
+Sa douce voix attendrit l'infidèle,
+Et son regard rend les hommes heureux.
+
+En votre honneur elle fait sa toilette;
+Elle embellit de fleurs ses longs cheveux;
+A son faux col rayonne l'épinglette
+Qu'elle reçut un soir avec vos voeux!
+
+Vite, debout! accourez donc vers elle
+Vous que l'ennui torture tous les jours!
+Et dites-lui: «Ma tendre demoiselle,
+Je pleure encor mes premières amours;
+
+«Je suis cruel, barbare et bien coupable
+D'avoir blessé vos nobles sentiments;
+Mais mon offense est-elle impardonnable?
+Oh! non; alors, reprenez mes serments.»
+
+Mariez-vous! l'Évangile l'ordonne;
+C'est un devoir sacré pour le chrétien,
+Aux bons époux parfois le Seigneur donne
+La paix de l'âme et le pain quotidien.
+
+C'est le souhait, braves célibataires,
+Que je formule en ce beau jour de l'an
+A l'avenir, soyez moins solitaires;
+Rendez des points aux plus jeunes galants!
+
+1er janvier 1883.
+
+
+
+ SUR L'ALBUM DE MLLE D. M...
+
+ Le souvenir c'est tout;
+ C'est l'âme de la vie.
+
+
+J'aime souvent, l'oeil perdu dans l'espace,
+A remonter l'échelle d'or du temps;
+Je vois alors, comme une aube qui passe,
+L'éclair serein de mes premiers printemps.
+
+Et j'aperçois la pauvre maisonnette
+Où je naquis et coulai d'heureux jours,
+Les beaux enfants à la figure honnête
+Qui me juraient de m'estimer toujours!
+
+Nous descendions la pente de la vie,
+Insoucieux des heures à venir;
+Et pensions, dans notre étourderie,
+Que le bonheur ne peut jamais fuir!
+
+Hélas! pourtant (penser qui me chagrine)
+Dieu moissonna mes amis tour à tour...
+Je m'inclinai devant sa loi divine,
+Car je compris pour l'enfant son amour.
+
+Huit ans plus tard, je rencontrai vos frères--
+Que le hasard sur ma route avait mis--
+En entendant leurs paroles sincères,
+Je m'écriai: soyons toujours unis!
+
+Leur amitié fut l'écho de la mienne:
+Nous étions faits, je crois pour nous aimer!
+Et leur gaîté--leur gaîté _canadienne_--
+Sut de tout temps me plaire et me charmer.
+
+Souvent le soir, aux lumières de l'âtre,
+Nous prenions part à des festins joyeux,
+Où notre esprit, ironique et folâtre,
+Faisait la guerre aux sujets sérieux!
+
+Oui, nous fêtions à la bonne franquette,
+Comme fêtaient nos aimable aïeux;
+Nous nous moquions de l'absurde étiquette
+Que le mondain s'impose en certains lieux.
+
+Vous étiez jeune alors, mademoiselle:
+L'on vous montrait encor le _B-A_: ba!
+Vous ne rêviez que de poupée et dentelle,
+Que ruban rose et succulent baba...
+
+Mais, aujourd'hui, (Dieu, que le monde change!)
+Vous n'êtes plus la «p'tite» d'autrefois;
+Vous possédez la sagesse d'un ange;
+Vous êtes grande et savante à la fois!
+
+Vous avez eu--superbe récompense--
+A l'examen une médaille d'or:
+C'est le fruit mûr d'une belle semence,
+Oh! gardez-la, comme on garde un trésor!
+
+Sur votre front rayonne l'allégresse:
+Rendez-en grâce au divin Créateur;
+Demandez-lui, pour unique richesse,
+D'éterniser en vous tant de bonheur!
+
+25 août 1882.
+
+
+
+
+ A MADAME B...
+
+ CANTATRICE
+
+(Vers écrits sur un album au-dessous d'une pièce signée: N. Legendre.)
+
+
+Madame, si, comme Legendre,
+J'étais un pur littérateur,
+Et si j'avais votre voix tendre
+Qui charme l'oreille et le coeur,
+Je chanterais la Canadienne
+Au front rayonnant de candeur,
+Je chanterais cette gardienne
+De notre foi, de notre honneur.
+Mais, hélas! je n'ai qu'une lyre
+Peut-être indigne de ce nom
+Qui ne saurait jamais redire
+Les vertus de cette Ève; oh! non...
+
+Septembre 1885.
+
+
+
+
+ SUR L'ALBUM DE MLLE R. D...
+
+
+Si c'est votre désir, aimable demoiselle,
+Que je trace en ce livre un mot vite oublié,
+Je dois vous obéir, car, en étant rebelle,
+Je manquerais aux lois de la bonne amitié!
+
+Avril 1878.
+
+
+
+
+ SUR L'ALBUM DE MLLE J. M. F.
+
+
+Autrefois de mon coeur la joie était bannie,
+Et j'appelais la mort tant j'étais malheureux!
+Mais votre doux regard me rattache à la vie,
+Et lorsque je vous vois, je deviens tout joyeux...
+
+Mai 1880.
+
+
+
+
+ SUR L'ALBUM DE MME DR M. F...
+
+ (IMPROMPTU)
+
+
+Vous travaillez depuis longtemps, Madame,
+Pour ceux que Dieu mit dans la pauvreté
+Je vous admire! Ah! retrempez votre âme
+Au feu divin de l'humble charité!
+
+A la kermesse des pauvres, à Québec, 1880.
+
+
+
+
+ SUR L'ALBUM DE MLLE A. H. T...
+
+
+Je connais une chose, à nulle autre pareille,
+Qui germe dans le coeur et souvent y réveille
+ L'amour et la pitié;
+Plus douce que le miel, plus belle que la rose,
+Plus pure que le lis et que le bébé rose:
+ C'est la franche amitié.
+
+Mai 1880.
+
+
+
+
+ UN HÉROS DE 1870
+
+
+(A mon bienfaiteur et vieil ami, M. Philéas Huot.)
+
+ _Il offrit à la France et son coeur et sa vie._
+
+
+En l'an de grâce mil huit cent soixante et quatre,
+Dans le froid célibat vivait Pierre Francoeur;
+Contre l'amour son âme avait voulu combattre,
+Mais à la fin l'amour était resté vainqueur!
+
+Un soir, se promenant sur l'immense terrasse
+Qui couronne le front du haut Cap Diamant,
+Pierre avait aperçu--vrai type de sa race--
+Une blonde fillette au visage charmant.
+Il se souvint qu'un jour, quittant la cathédrale,
+La jeune fille et lui s'étaient vus en passant;
+Il avait même osé lui tendre l'eau lustrale
+Qu'elle avait acceptée en le remerciant...
+Mais ce soir, elle était au bras de son vieux père,
+Comme une belle pêche aux branches du pêcher;
+Son coeur avait battu lorsqu'elle avait vu Pierre
+Qui semblait du regard vouloir la rechercher.
+
+Le père, en remarquant l'émotion de Rose,
+(Car Rose était son nom) avait tout deviné.
+«Allons, avait-il dit, pourquoi cet air morose?
+Et pourquoi donc ton oeil s'est-il illuminé?
+Quoi! tu ne parles plus? tu n'étais pas muette,
+Ma petite, tantôt. Tu trembles follement:
+Aurais-tu peur? voyons, une bonne fillette
+A son père, toujours doit parler franchement.»
+
+Rose voulait parler, mais ses lèvres timides
+Ne faisaient qu'exhaler des soupirs douloureux;
+Et ses grands yeux d'azur, si doux et si limpides,
+Se troublaient et parfois lançaient d'étranges feux.
+
+Le vieillard, en voyant l'embarras de sa fille,
+Qu'il n'aurait pas voulu davantage effrayer,
+Après avoir jeté sur elle une mantille,
+L'avait, le coeur ému, ramenée au foyer.
+
+Pierre était resté là, droit comme une statue,
+Regardant s'envoler l'objet de ses amours;
+Car il l'aimait déjà, cette belle inconnue,
+Et son coeur lui disait qu'il l'aimerait toujours!
+Il y rêvait encore, quand l'airain de l'église,
+Égrenant dans les airs les notes de minuit,
+Le tira de son rêve, et, prompt comme la brise,
+Il courut aussitôt vers son humble réduit.
+
+Le lendemain matin, avec la pâle aurore,
+Rose s'était levée en proie à la douleur.
+Pensive, elle écoutait l'hymne doux et sonore
+Que les chantres ailés adressaient au Seigneur.
+Puis des larmes voilaient l'éclat de sa prunelle;
+Sa bouche murmurait des mots incohérents.
+«Je le reverrai donc, ici, soupira-t-elle,
+Du moins c'est le désir de mes tendres parents...»
+
+De fait, la veille au soir, à sa fille chérie,
+Ce père avait parlé le langage du coeur;
+«J'ai deviné l'amour, ou plutôt la folie
+qui trouble en ce moment ta joie et ton bonheur.
+
+Ce jeune homme me plaît; il a bonne figure,
+Taille robuste, oeil vif et mains d'un travailleur;
+Ces dons du corps, souvent, sont d'un superbe augure,
+Mais aimer Dieu, ma fille, est un don des meilleurs.
+Est-il un bon chrétien? J'en jugerai moi-même,
+Oui, car avant longtemps je le rencontrerai;
+Si je suis convaincu qu'avec ardeur il t'aime,
+Ma parole d'honneur! Je te l'amènerai...»
+
+Le nom de ce vieillard, de ce père excentrique,
+Était Jacques Benoit. Il ne redoutait rien;
+Il eut versé son sang pour la foi catholique;
+Il se glorifiait d'être né Canadien!
+
+Pierre enfin se coucha; mais l'amère insomnie
+Jusques au point du jour tortura son cerveau;
+Espérant mettre un terme à sa longue agonie,
+Dans sa forge, il alla manoeuvrer le marteau.
+
+Il tenait à Saint-Roch une large boutique
+Où le bruit de l'enclume aux rires se mêlait.
+Le soir, après souper, pour parler politique,
+Sous ce toit enfumé souvent l'on s'assemblait.
+
+Pierre, ce matin-là, suait à grosses gouttes,
+Lui, le gai forgeron aux bras si vigoureux!
+Ah! c'est qu'alors son coeur entretenait des doutes
+Sur l'accomplissement de ses projets heureux...
+«Pourtant, se disait-il, il faut que je connaisse
+Cet ange blond qui fait ma joie et mon tourment;
+Je veux mettre à son front, où brille la jeunesse,
+Les roses de l'hymen--divin couronnement!»
+
+Cinq jours plus tard, assis sur le seuil de sa porte,
+Il respirait du soir l'agréable fraîcheur;
+Devant lui défilait la nombreuse cohorte
+Des braves ouvriers revenant du labeur.
+--Eh! bonjour, _Messieu_ Pierre! exclamait tout le monde,
+Car il était connu parmi les travailleurs;
+On proclamait sa force une lieue à la ronde:
+A lui seul! il avait rossé trois batailleurs...
+
+Mais Pierre, tout-à-coup, s'élança dans la rue
+Pour saisir un coursier qui venait au galop,
+Trimbalant dans un fiacre une enfant éperdue
+Dont la terreur offrait le plus triste tableau.
+
+Notre héros, soudain, au péril de sa vie,
+Bondit comme un lion au cou de l'animal
+Qui s'élança d'abord avec plus de furie,
+Mais se calma bientôt, vaincu par son rival!
+
+Presque aussitôt survint un homme à barbe blanche:
+C'était Jacques Benoit, le maître du cheval!...
+Dans Pierre il reconnut, à sa figure franche,
+Celui que son enfant nommait son idéal!
+Prenant du forgeron la main forte et grossière,
+
+Il sa serra longtemps avec effusion:
+«Ami, vous êtes brave et d'une race fière,
+Car de là-bas j'ai vu votre belle action.
+Comment vous exprimer ce qu'éprouve mon âme?
+Ajouta le vieillard, visiblement confus;
+La gratitude, allez!--cette vivace flamme--
+Brûlera dans mon coeur pour ne s'éteindre plus!
+Oui, sans vous la fillette, à l'heure où je vous parle,
+Serait peut-être morte, oh! j'en frémis d'horreur!
+Je vous cherchais... pardon... je cherchais l'ami Charle...
+Quand mon fougueux coursier a fui comme un voleur!»
+Pierre, d'emblée, avait reconnu le vieux père
+De l'ange au front rêveur qui troublait son repos;
+Et, surpris de le voir, il regardait la terre
+Sans pouvoir seulement bredouiller quelques mots!
+Mais bientôt, recouvrant son ferme caractère,
+Il dit, en désignant sa modeste maison:
+--«Entrez donc sous le toit d'un vieux célibataire!
+
+--Vieux, dites-vous? Ah! Ah! oui, _vieux_... par la raison!
+
+--Vous êtes trop flatteur; je passe la trentaine
+Depuis quatre printemps.
+
+ --Ne vous désolez pas,
+Car, à trente-quatre ans, la vieillesse est lointaine,
+C'est l'âge où l'on ne voit que les fleurs sous ses pas.»
+
+Laissons-les discourir, en prenant le breuvage,
+Sur l'étrange incident qui les a réunis,
+Et revenons à Rose. Elle veille au ménage,
+Y mettant une adresse et des soins infinis.
+
+Ses mains ont tout rangé dans un ordre admirable,
+Depuis les objets d'art jusqu'au luisant miroir;
+Et par la porte ouverte, on aperçoit la table
+sur laquelle est l'humble repas du soir.
+
+Sa mère, vieille femme, arrive de l'église,
+Où souvent elle va prier le roi des cieux;
+Mais sur son front de suite éclate la surprise
+En ne voyant que Rose apparaître à ses yeux.
+--«Et ton bon père, enfant?
+ --Pas de retour encore!
+--Pauvre vieux! de ce train il sera bientôt mort!
+Car pour trouver celui que ta jeune âme adore,
+Il peut mettre à l'envers tout Québec et Beauport...
+
+--«Ciel! que vois-je! fit Rose, en courant vers la porte:
+Mon père qui revient avec notre inconnu...
+Mais, réprimant alors l'ardeur qui la transporte,
+Elle recule et dit: Qu'il soit le bienvenu!»
+
+En effet aussitôt sautèrent de voiture
+Pierre et Jacques Benoit, ce vieux Roger-Bontemps.
+La gaîté rayonnait sur leur bonne figure,
+Mais, hélas! la gaîté ne dura pas longtemps!
+
+Lorsque la jeune fille ouït la voix vibrante
+De l'homme qu'elle aimait, son coeur battit bien fort;
+Elle rougit, s'émut; et sa lèvre brûlante
+Laissa tomber un cri d'ineffable transport!
+
+«Mordienne! qu'as-tu donc, ô mon enfant chérie,
+S'écria le vieillard, lui saisissant la main;
+Nous t'aimons, tu le sais, avec idolâtrie,
+Et voulons du bonheur te tracer le chemin.
+Monsieur Pierre Francoeur--que tout le monde approche,
+Et que je suis heureux de recevoir chez moi--
+Est un noble artisan sans peur et sans reproche,
+Qui serait enchanté de vivre sous ta loi;
+Il m'a fait cet aveu quand j'étais à sa table,
+(Car tu sauras tantôt comment je l'ai connu).
+Catholique fervent, honnête et charitable,
+Enfant, tel est celui que tu crois _inconnu_!
+Tu pleures à présent! voyons, voyons petite!
+Sèche ces vilains pleurs qui rougissent tes yeux;
+Prouve à ce beau Monsieur qu'ici la joie habite
+Et que notre étiquette est celle des aïeux!
+
+Rose, en effet, pleurait! Ses bienfaisantes larmes,
+Comme des diamants jusqu'à ses pieds roulaient;
+Cet aimable chagrin faisait briller ses charmes;
+Pierre et les deux vieillards, ravis, la contemplaient.
+
+Oui, cette enfant pleurait! mais un chaste délice
+Sous ce voile de pleurs alors se déguisait;
+Elle avait mis sa lèvre à l'enivrant calice,
+Et pleurait le bonheur que son coeur y puisait!
+
+O larmes précieuses,
+Douces, silencieuses,
+Baume consolateur
+Inénarrable joie,
+Que du ciel nous envoie
+Le divin Créateur!
+
+Des grands yeux bleus de Rose,
+Coule, rosée éclose
+Du pur et saint amour;
+Ah! rafraîchis son âme
+Dont la soif te réclame;
+Oui, coule en ce beau jour!
+
+Mais Rose, revenant de la folle surprise
+Qu'elle avait éprouvée en revoyant Francoeur,
+Lui dit:
+ «Veuillez, Monsieur, excuser ma franchise:
+Vous m'avez trop causé de joie et de bonheur!...»
+
+Ce gracieux reproche, au lieu de blesser Pierre,
+Alluma dans son âme une lueur d'espoir;
+Il répondit:
+ «Le ciel exauce ma prière,
+Puisque l'ai maintenant l'honneur de vous revoir.»
+
+«Bravo! bravissimo! trois fois bravo, mordienne!
+Glapit Jacques Benoit, tout fier de ce début;
+Merveilleusement dit, ma parole chrétienne!
+De ce pas, mes enfants, vous atteindrez le but!
+Allons, Monsieur Francoeur, allons, sans gêne, à table!
+Nous avons, il est vrai, chez vous fait bon repas;
+Mais ma femme et ma fille ont de la dent, que diable!
+Et le jeûne ce soir ne leur conviendrait pas!»
+
+Le galant accepta la franche politesse,
+Puis, en homme d'usage, il but et mangea peu.
+De Rose il admira la beauté, la finesse,
+Et la complimenta sur l'exquis pot-au-feu.
+Après ce gai repas, on fit de la musique
+Dans un petit salon de fleurs tout embaumé;
+Rose, en s'accompagnant, chanta plus d'un cantique
+Où le nom de Marie était souvent rimé.
+Pierre ne chantait pas, lui, selon les principes;
+Il en connaissait point l'art des _dilettanti_;
+Il ignorait aussi l'accord des participes,
+Mais chanta volontiers plus d'un couplet joli.
+
+Ce soir-là, chez Benoit, on était en liesse;
+Les coeurs, jeunes et vieux, vibraient à l'unisson.
+Les deux vieillards tout bas, se répétaient sans cesse
+Que Rose pour époux aurait un beau garçon!
+
+«Comment le trouves-tu, Rose et toi, bonne vieille?
+Demanda le vieillard, quand Pierre fut parti.
+Rose joyeuse, dit:
+ --Vraiment il m'émerveille!
+Et sa mère ajouta:
+ --C'est un fameux parti!...»
+
+Dieu! que les vrais plaisirs sont de courte durée!
+Pensait, en cheminant, le jeune homme amoureux;
+Je veux garder toujours de ma belle soirée
+Dans les plis de mon coeur, le souvenir heureux!
+
+II
+
+Dans le bourg Sainte-Foye, auprès de la barrière
+S'élevait un logis touré de bouleaux;
+Sur ses murs crevassés le houblon et le lierre,
+Ainsi que des serpents déroulaient leurs anneaux.
+
+C'était un beau soir d'août. Dans un ciel sans nuages,
+L'astre du jour lançait sa dernière lueur,
+Et les oiseaux mêlaient leurs gracieux ramages
+A la voix du Zéphyr volant de fleur en fleur.
+L'air était tout rempli de senteurs odorantes
+Que le foin, en séchant, exhalait en foison;
+Et la gentille abeille, aux ailes transparentes
+Buvait avec ivresse aux perles du gazon.
+
+Trois personnes causaient, assises sur un banc;
+La fine humeur gauloise animait leur langage
+Et l'écho répétait parfois leur rire franc.
+Cependant la plus belle, une blonde fillette,
+Interrompit soudain son rire harmonieux
+Pour aller recevoir, à la bonne franquette,
+Deux nouveaux arrivants, l'un jeune et l'autre vieux.
+
+--«Salut à vous, salut! Mademoiselle Rose,
+Lui dit en s'inclinant le plus âgé des deux;
+Votre teint à toujours l'incarnat de la rose
+Et mon ami de vous a droit d'être orgueilleux.»
+
+Pierre à son tour reprit:
+ --«J'approuve le notaire
+Qui sait dire à propos toute la vérité;
+Mieux que lui je connais votre doux caractère,
+Et j'admire avec lui votre rare beauté.»
+
+--«De grâce, c'est assez! assez! répliqua-t-elle,
+Je ne mérite pas tous ces beaux compliments;
+Spirituels moqueurs, venez sous la tonnelle
+Où nous retrouverons mes excellents parents.»
+Ils furent accueillis d'une façon charmante
+Par Benoit et sa femme. Et Pierre, ce soir-là,
+Vint s'asseoir sans trembler auprès de son amante,
+Qui portait à ravir la robe de gala.
+
+Pourquoi tant de gaîté sur toutes ces figures?
+Et pourquoi le notaire était-il chez Benoit?
+C'est que, par un contrat, deux jeunes créatures,
+Allaient en ce beau soir, s'unir devant la loi.
+
+Pierre, depuis trois mois, sur _l'océan du Tendre_
+Confiait son esquif au doux vent de l'espoir;
+Car Rose quelquefois osait lui faire entendre
+Ces cinq mots consolants:
+ «Ainsi j'aime à te voir!»
+Or, un jour de juillet--il m'en souvient encore--
+Pierre chez son amante arrivait tout rêveur.
+«Je viens, avait-il dit, ô fille que j'adore,
+T'offrir en ce moment et ma vie et mon coeur.
+Je veux me marier: la raison me l'ordonne;
+Et n'est-ce pas d'ailleurs le devoir d'un chrétien?
+A tous les bons époux le Maître du ciel donne
+Au foyer l'harmonie et le pain quotidien.
+Ne me repousse pas, idole de ma vie,
+Toi qui portes au front la suave candeur!
+Au banquet de l'hymen le Seigneur nous convie:
+O Rose, accepte donc avec moi cet honneur...»
+Rose avait reparti:
+ «J'admire ta franchise
+Et les fiers sentiments que tu viens d'exprimer;
+Mais, sans voir mes parents auxquels je suis soumise
+Je ne puis te répondre: ils pourraient me blâmer.»
+
+Cette soumission et ce hardi langage
+Jetèrent notre ami dans le ravissement.
+«Tu parles bien, dit-il; je n'ai pas le courage
+«De répliquer un mot à ton raisonnement.»
+
+Pierre, le lendemain, rayonnant d'espérance
+Et frais comme une fleur, arrivait chez Benoit.
+Le bonhomme lui dit:
+ --«Écoutez ma sentence:
+Vous voulez épouser ma fillette?... eh bien, soit!
+Dans les premiers jours d'août, amenez M. Fabre,
+Ce notaire galant que nous estimons tous;
+Il manie encor mieux la plume que le sabre,
+Quoiqu'il porte cette arme avec un soin jaloux.
+
+Puis, le contrat passé, nous fixerons la date
+De votre mariage. Au pied des saints autels,
+Le prêtre célébrant (oh! ce dessein me flatte!)
+Sera mon vieux cousin, Messire Désautels.
+Nous ferons, n'est-ce pas? une _noce tranquille_,
+Nos aïeux s'amusaient de cette façon-là;
+N'allons pas imiter les «noceurs» de la ville,
+Je n'ai jamais aimé leur bruit ni leur éclat.»
+
+Pierre, tout ému, dit:
+ «Mon cher futur beau-père,
+Votre sentence est douce, et j'en suis bien heureux.
+Je suivrai vos conseils et saurai, je l'espère,
+Éviter des «noceurs» les écarts dangereux.»
+
+Maintenant le lecteur sait pourquoi le notaire
+Chez le père Benoit accompagnait Francoeur,
+L'habile homme de loi montra son savoir-faire
+En dressant le contrat sans commettre une erreur.
+Au moment solennel où l'épouse future
+Prenait la plume d'or pour signer le contrat,
+Le notaire, vers elle inclinant sa figure,
+Mit un léger baiser sur son front incarnat.
+
+«Vous êtes fin voleur, dit en souriant Rose;
+Je ne vous donne point de petit baiser-là!
+Quoi! reprit le notaire, il faudra, je suppose,
+Pour être pardonné, vous remettre cela?
+Comment, vous oseriez?... non, non, riposta-t-elle,
+Je préfère excuser plutôt votre larcin;
+Vous avez de l'esprit, oh! oui, plein la cervelle,
+Mais je n'approuve pas votre hardi dessein!...»
+--C'est bien, faisons l'accord, ma bonne demoiselle,
+Et, comme la musique est l'_accord_ le meilleur,
+Veuillez donc chanter la romance nouvelle
+Que vient de publier l'artiste Lavigueur.»
+
+Quand l'acte fut signé, les chansons et le rire
+Retentirent longtemps dans ce logis heureux;
+Les futurs époux--illusoire délire--
+Crurent que leur bonheur valait celui des cieux!...
+
+Par un soleil brillant, un superbe carrosse,
+Traîné par deux chevaux, arrêta chez Benoit.
+Pierre, charmant à voir sous son habit de noce,
+Sauta de la voiture, aussi fier que le roi!
+
+Mais quand il aperçut Rose en toilette blanche
+Et le front couronné des fleurs de l'oranger,
+Il ne put retenir cette parole franche:
+«Le Créateur en toi ne peut rien corriger!
+Accepte ces bouquets, cadeau du jeune prêtre,
+L'aimable et généreux curé de Charlesbourg;
+Il doit, au saint autel, implorer le grand Maître
+Pour qu'il daigne bénir notre sincère amour.»
+--«Oui, j'accepte ces fleurs, merci du fond de l'âme!
+Veuillez assurer l'abbé de mon profond respect;
+Puisse de cette vertu la douce et sainte flamme
+Produire sur nous deux son salutaire effet...»
+
+Après s'être adressé les compliments d'usage,
+Jacque Benoit, Jean Fabre[5] et les futurs époux
+Prirent place, joyeux, dans le bel équipage
+Pour se rendre à l'église et se mettre aux genoux
+de l'abbé Désautels.
+
+[Note 5: M. Jean Fabre, le notaire dont j'ai parlé plus haut, servait
+de père à Pierre Francoeur, qui avait perdu ses père et mère depuis
+plusieurs années.]
+
+ L'église de Sainte-Foye
+Brillait de mille feux, de fleurs et d'ornement.
+La foule était nombreuse; une céleste joie
+Répandait sur les fronts de vifs rayonnements.
+Car le peuple aimait Rose et savait bien que Pierre
+Avait le coeur honnête et le bras vigoureux;
+Et, de là, concluait qu'une belle carrière,
+Après leur mariage, allait s'ouvrir pour eux.
+Peindre l'émotion et la joie indicible
+Qui firent tressaillir ce couple vertueux
+Au moment d'être uni, n'est pas chose possible:
+Ils avaient du bonheur plein l'âme et plein les yeux.
+
+O jour de mariage
+Incomparable page
+Du livre des mortels;
+Époque de la vie
+Où se fait l'harmonie
+Des coeurs près des autels.
+
+Ineffable mystère:
+Un ange de la terre
+A l'homme vient s'unir;
+Et ces deux créatures,
+Aux riantes figures,
+Ont foi dans l'avenir;
+
+Car devant la Madone
+Un apôtre leur donne
+Sa bénédiction;
+Et, selon sa promesse,
+Le roi des cieux s'empresse
+De sceller l'union.
+
+Or, avec cette force,
+(Primant celle du Corse
+Le grand Napoléon)
+Ces époux seront braves
+Et riront des entraves
+Que dresse le démon!
+
+O divin mariage,
+Toi le fidèle gage
+Du bonheur des époux,
+Puissent l'homme et la femme
+Imprimer en leur âme
+Ton souvenir si doux!
+
+Quatre ans avaient passé depuis le mariage
+De Rose et de Francoeur. Nos héros habitaient
+Dans le faubourg Saint-Roch, sur le bord du rivage,
+Une belle demeure où les amis fêtaient.
+
+Ils ne désiraient rien, la sainte Providence
+Leur ayant départi joie et prospérité;
+Aussi conservaient-ils de la reconnaissance
+Pour le Dieu qui soutient la pauvre humanité.
+Deux jolis jumeaux blonds, un garçon, une fille
+Étaient venus au monde un soir de février;
+Et ces charmants amours--bijoux de la famille--
+Égayaient de leurs cris cet aimable foyer.
+Ils avaient vingt-deux mois, Pierre-Émile et Corinne.
+(Ainsi les appelaient le père et la maman).
+Vingt-deux mois! c'est l'âge où la lèvre purpurine
+De ces êtres chéris bredouille gentiment!
+Qu'il était beau de voir ces figures joyeuses,
+Ces fronts où rayonnait la divine candeur,
+Ces teints couleur de rose--images gracieuses--
+Que n'avait pas ternis le vent de la douleur!
+Chaque soir, à genoux près de leur bonne mère,
+Par sa bouche inspirée ils parlaient au bon Dieu;
+Et, semblable à l'encens, leur naïve prière.
+
+Dans un nimbe brillant montait vers le ciel bleu!
+Ils ignoraient que l'homme a des songes moroses,
+Que ses yeux quelquefois sont rougis par les pleurs;
+Ces anges ne voyaient que joie et rêves roses
+Où l'homme trop souvent n'aperçoit que malheurs!...
+..................................................
+
+Lorsque Pierre sortait le soir de sa boutique,
+Les membres fatigués par le rude labeur,
+Les joyeux papillons du foyer domestique
+Lui faisaient oublier et fatigue et douleur;
+Volant à sa rencontre, ils ouvraient sa figure
+De sonores baisers en riant aux éclats;
+Il les faisait sauter, rouler sur la verdure
+Et savourait longtemps leurs gracieux ébats!
+
+Rose cherchait sans cesse, en femme aimable et bonne,
+A prévenir les goûts du maître de son coeur;
+Elle y réussissait, grâce à l'humble Madone,
+Qu'elle implorait toujours avec grande ferveur,
+De notre Canadienne elle était le vrai type:
+Taille moyenne, oeil doux et teint plein de fraîcheur;
+En morale, elle avait l'admirable principe
+De garder à nos moeurs leur antique splendeur.
+
+Son mari! ses enfants!... ah! qui pourrait redire
+La tendresse et l'amour qu'elle éprouvait pour eux?
+Seuls les anges du ciel sur leur divine lyre
+Auraient pu retracer ces sentiments pieux!
+
+Pierre et Rose étaient fiers de se sentir revivre
+Dans les doux jumeaux blonds aux yeux intelligents;
+Nous leur enseignerons la route qu'il faut suivre
+Pour accomplir le bien, disaient ces bons parents.
+Mais ce rêve enchanteur, ces projets fort louables
+Ne devaient pas avoir leur accomplissement,
+Car Dieu, dont les décrets sont tous impénétrables,
+Allait anéantir leur rêve en un moment.
+
+Le trois septembre au soir, par un beau clair de lune,
+Pierre, la rame en main, refoulait le courant.
+L'air était embaumé, mais le sournois Neptune
+Agitait quelquefois les flots du Saint-Laurent.
+Rose et les chérubins se tenaient près de Pierre,
+Assis en cercle, au fond de l'embarcation,
+Et contemplaient ravis, l'éclatante lumière
+Que l'astre répandait sur la création.
+
+--«Voyez-donc, chers parents, comme la lune est belle,
+S'écria Pierre-Émile, en croquant un gâteau.»
+Rose reprit:
+ --«Pourtant, ce n'est qu'une étincelle
+Qui s'échappe la nuit du céleste Flambeau!
+Mais si vous restez bons, pieux et charitables,
+Si vous savez porter des malheurs le fardeau,
+Un jour vous quitterez tous nos biens périssables
+Pour aller contempler cet astre encor plus beau!»
+
+Pierre, depuis longtemps observait le silence;
+Un noir pressentiment faisait battre son coeur;
+Il avait beau lutter, se faire violence,
+Il restait au pouvoir de l'occulte oppresseur.
+Aussi redoutait-il ces bourrasques fréquentes
+Qui sont le cauchemar du courageux marin,
+Car le vent soulevait des vagues écumantes,
+L'air devenait plus lourd, et le ciel moins serein.
+
+Tout à coup un éclair, un éclair grandiose,
+Décrivit dans l'espace un long serpent de feu,
+Et l'orage éclata. Les deux enfants et Rose,
+Affolés de terreur, tremblaient en priant Dieu.
+
+Pierre les rassurait en montrant le rivage
+Qu'il s'efforçait d'atteindre avec son vieux canot;
+Le vent le repoussait. Sous un épais nuage
+La lampe de la nuit se déroba bientôt!
+Les malheureux étaient plongés dans les ténèbres
+Et ballottés ainsi qu'un fragile roseau.
+Le tonnerre aux échos jeta des sons funèbres,
+Et la vague lança les promeneurs à l'eau...
+Mais Pierre, redoublant aussitôt de courage,
+Saisit d'une main Rose et de l'autre un enfant;
+Et, vif comme un poisson, il revint à la nage
+Sur les flots tourmentés sans cesse par le vent.
+
+Eh! que pourrait-il faire ainsi sans assistance,
+N'ayant plus de canot ni la moindre clarté?
+Mourir... hélas! oui, car une bonne distance
+Le séparait encor de sa chère cité!...
+Quoi! mourir à cet âge où la vie est si belle,
+Où tout sous le soleil nous parle joie, amours...
+Mourir! lorsqu'on possède une épouse modèle
+Dont l'esprit, les vertus embellissent nos jours...
+
+Ce lugubre penser hanta l'esprit de Pierre,
+Mais il le repoussa de suite avec dédain;
+Puis, bravant derechef du fleuve l'onde amère,
+Il se mit à jouer du pied et de la main.
+Le nageur quelquefois disparaissait dans l'onde,
+Entraîné par sa femme et l'un de ses enfants;
+N'importe, il n'aurait pas--pour les trésors du monde--
+Voulu laisser périr ces deux êtres charmants!
+Mais ses forces d'Hercule à la fin s'épuisèrent;
+Le Saint-Laurent allait se referment sur eux,
+Quand six robustes bras prestement les tirèrent
+De ce gouffre, ou plutôt de ce tombeau honteux!
+
+Les sauveurs étaient trois bateliers de Saint-Pierre,
+En route pour Québec avec un lot de bois.
+Ils avaient aperçu sur le fleuve en colère,
+Cet homme que la vague enveloppait parfois.
+Ils firent à la hâte un lit de fraîche paille,
+Au fond de leur bateau, pour les trois malheureux.
+Mais, ô fatalité! le sort, de sa tenaille,
+Voulait broyer le coeur du père courageux.
+Car, spectacle navrant! c'était deux corps livides,
+Deux cadavres que Pierre avait ravis aux flots!
+Ils étaient là, gisant sur les grabats humides,
+Le visage éclairé par le feu des falots...
+
+Pierre était atterré. Des larmes abondantes
+Inondaient sa figure aux traits mâles et beaux;
+Debout, pâle, muet, il ressemblait aux plantes
+Qui vivent sans chaleur à l'ombre des tombeaux!
+
+Il avait tout perdu dans l'espace d'une heure;
+Son adorable femme et ses fiers rejetons;
+Il ne lui restait plus que sa sombre demeure
+Où les sanglots allaient remplacer les chansons!
+
+Les bateliers, émus, regardaient en silence
+L'éloquente douleur de notre infortuné,
+Et suppliaient tout bas la sainte Providence
+De consoler ce brave au chagrin destiné.
+
+Mais Pierre, tout à coup, vaincu par la souffrance,
+--Ce mal dont les humains doivent subir la loi--
+Roula sur le carreau, privé de connaissance,
+En s'écriant:
+ «Seigneur, ayez pitié de moi!»
+
+Trois semaines après cette scène terrible,
+Que la plume ne peut fidèlement tracer,
+Pierre quittait le lit. Il était impossible,
+Pour qui l'avait connu, de le voir sans pleurer,
+Ce n'était plus cet homme à la forte encolure,
+Au visage serein, aux bras si vigoureux!
+Du vieillard il avait déjà l'allure,
+La tristesse trônait sur son front anguleux.
+Il ne ressentait plus de douleurs corporelles;
+Son estomac pouvait recevoir tous les mets,
+Mais l'âme, hélas! portait des blessures cruelles
+Que les princes de l'art ne guérissent jamais...
+C'est en vain qu'il cherchait souvent à se distraire
+En lisant les journaux ou quelques bons romans;
+L'inexorable sort semblait toujours se plaire
+A lui rendre odieux ces doux amusements.
+Alors il s'écriait, la voix pleine de larmes:
+«Accordez-moi, mon Dieu, la résignation,
+Ou faites-moi goûter las douceurs de vos charmes
+En daignant m'appeler dans la sainte Sion!»
+Enfin Dieu lui donna la force et le courage
+De porter des revers le pénible fardeau.
+A la forge bientôt il conduisait l'ouvrage
+Pendant que trois gaillards manoeuvraient le marteau.
+
+Un illustre défunt qui vit dans la mémoire
+Des hommes d'aujourd'hui, _le bon curé Charest_,
+Venait parfois le voir pour lui parler d'histoire
+Et surtout des héros que Francoeur admirait.
+Le malade écoutait les récits du vieux prêtre,
+Récits qui l'enflammaient au suprême degré;
+Au seul nom de la France, il sentait tout son être
+Tressaillir. Ah! ce nom était pour lui sacré.
+Aussi, c'est qu'il l'aimait ce beau pays de France,
+--Soleil que les prussiens ne pourront obscurcir!--
+C'est là que ses aïeux prirent jadis naissance,
+Et c'est là qu'il aurait voulu vivre et mourir!
+Or, depuis que la mort de sa faux redoutable
+Avait moissonné Rose et ses deux chers enfants,
+Il ne nourrissait plus qu'un désir admirable:
+Combattre en _Canadien_ contre les allemands!
+
+Il lui fallait partir, car l'eau de notre fleuve
+Rappelait à son âme un spectacle navrant:
+Toujours il croyait voir--insupportable épreuve--
+Les défunts entraînés par l'horrible courant...
+Mais un autre motif plus grand que la souffrance
+L'engageait à partir pour le sol étranger;
+Il se disait souvent:
+ «Quand on aime la France,
+On doit la secourir à l'heure du danger!»
+
+III
+
+L'été de mil huit cent soixante et dix achève;
+L'oiseau commence à fuir vers des climats plus doux;
+Le soleil, triste et pâle, à l'horizon se lève;
+La ramure secoue au vent ses cheveux roux.
+
+C'est le dimanche au soir. Une foule innombrable
+Envahit le forum (place Jacques-Cartier);
+On dirait, à la voir, qu'un malheur effroyable
+Menace les mortels de l'univers entier.
+
+Que s'est-il donc passé de si grand sous les astres
+Pour que sur tous ces fronts éclate le chagrin?
+Ah! la France se meurt! déjà quatre désastres:
+Weissembourg, Reischofen, Forbach et Spickerin!
+
+Eh! oui, voilà pourquoi l'on pleure et l'on murmure
+Dans la ville où grandit l'héroïque valeur;
+Quand la France reçoit au coeur une blessure,
+Les habitants d'ici tressaillent de douleur!
+
+«Je vole à son secours, s'écrie un patriote,
+Et vais au consulat offrir mes faibles mains.
+Et si je dois tomber sous le fer du despote,
+Je mourrai, sans regret comme les vieux Romains!»
+
+Il part, la tête haute et l'oeil plein de lumière,
+Et va chez le consul, qui l'accueille fort bien.
+«J'appartiens, Excellence, à la classe ouvrière,
+Dit-il, et j'ai l'honneur d'être né Canadien.
+Or, j'apprends que la France où naquirent nos pères,
+--Belle France que j'aime autant que mon pays!--
+Est soumise à cette heure aux troupes meurtrières
+Que commandent Von Molke et ses cruels amis!
+
+Eh bien, mille tambours! je vends maison, boutique,
+Pour aller me ranger sous son noble drapeau;
+Oui, si j'obtiens de vous une pièce authentique,
+Je troquerai l'outil contre le chassepot!»
+
+--«Quel est donc votre nom, homme plein de courage?
+
+--Pierre Francoeur, obscur artisan, de Saint-Roch.
+
+--Quoi! c'est à vous qu'un soir le fleuve, dans sa rage,
+Ravissait et l'épouse et les enfants en bloc?...
+
+--«Hélas! oui, c'est à moi que le fleuve en colère,--
+Ce fleuve au bord duquel j'aimais à respirer--,
+A ravi les trois coeur, les plus purs de la terre...
+Et depuis cet instant je ne fais que pleurer...
+
+--O le deuil éprouvé des époux et des pères!
+Je comprends vos malheurs et sais y compatir;
+Vous êtes un héros tel que l'on n'en voit guères,
+Et la France de vous n'aura pas à rougir.
+
+Prenez ce sauf-conduit cacheté de mes armes,
+Puis rendez vous auprès du gouverneur Trochu;
+Devant ce pli les Francs abaisseront leurs armes,
+Et par eux vous serez, au besoin, secouru.»
+
+«--Pour vos bontés, merci mille fois, Excellence!
+Je serai, je l'espère, un valeureux soldat,
+Car je sens dans mon coeur refleurir la vaillance
+Que Montcalm a légué aux fils du Canada!»
+
+Le lendemain au soir, à genoux sur la terre
+Où dormaient pour toujours Rose et les deux jumeaux,
+Pierre parlait tout bas dans ce lieu solitaire,
+Mais l'indiscret zéphyr nous apporta ces mots:
+
+Adieu, tombe chérie,
+Sombre et muet séjour
+Où tous, après la vie
+Nous dormirons un jour!
+
+Demeure des trois anges
+Que follement j'aimais
+Et que les viles fanges
+Ne salirent jamais!
+
+Adieu, charmante femme,
+Adieu, fruits de son flanc:
+A vous, j'offre mon âme,
+A la France, mon sang!
+
+Demain, avant l'aurore,
+Je quitterai ces lieux;
+--Vous reverrai-je encore?
+Oui, plus tard, dans les cieux!
+
+Mais, vive inquiétude,
+Qui me remplacera?
+En cette solitude
+Qui vous visitera?
+
+Hélas! sur votre tombe
+Que j'arrose de pleurs,
+Nul ne viendra quand tombe
+Le jour, mettre des fleurs!
+
+Ni faire la prière,
+_Cette aumône du coeur_,
+Que le céleste Père
+Accueille avec bonheur.
+
+Non, car l'homme se livre
+Ici-bas aux plaisirs,
+Et n'aspire qu'à vivre
+Pour combler ses désirs!
+
+Eh bien, puisque le monde
+Ne songe qu'à jouir,
+Moi, sur la terre et l'onde
+Pour vous je veux souffrir!
+
+Donc, adieu, tendre femme,
+Adieu, fruits de son flanc!
+A vous, j'offre mon âme,
+A la France, mon sang!»
+
+Laissons dormir en paix dans leur sombre retraite
+Ces trois infortunés, et rejoignons Francoeur,
+Qui, près de Châtillon, à la lutte s'apprête
+Sous le commandement d'un général de coeur.
+Il a pu parvenir jusque là sans entrave,
+Grâce à l'aimable pli du consul québecquois;
+Du reste, en le voyant, on devinait un brave
+Dans les veines duquel coulait le sang gaulois!
+
+La France tous les jours éprouve les défaites;
+Nos vaillants soldats sont par le nombre écrasés;
+Et déjà les Prussiens se préparent des fêtes
+Dans les riches hameaux qu'ils ont _germanisés_.
+
+Ils ne respectent rien, ces conquérants d'une heure!
+Ils insultent l'enfant, la femme, le vieillard,
+Détruisent la moisson et brûlent la demeure
+Où vit paisiblement l'honnête montagnard.
+
+Ivres d'or et de sang, ils attaquent les villes
+Qu'ils pillent aussitôt et plongent dans le deuil;
+Puis, l'esprit ébranlé par leurs succès faciles,
+Ils lancent sur Paris un envieux coup d'oeil!
+
+Halte-là! car Paris, le vrai coeur de la France,
+Le royaume des arts, l'imprenable cité,
+Secoue avec éclat sa folle insouciance
+Et veut garder encor son immortalité!
+
+Jules Favre aux Prussiens demande un armistice,
+Afin d'examiner leurs nombreux armements:
+Mais de Bismark répond:
+ «Je ne puis, en justice,
+L'accorder... Agréez mes meilleurs sentiments!»
+
+Cette froide réponse allume la colère
+et l'indignation dans l'âme des Français.
+«C'est bien, disent plusieurs, _fertilisons la terre,
+Les cadavres prussiens nous serviront d'engrais!_
+
+Tout Paris se prépare à combattre les reîtres,
+Les jeunes et les vieux marchent sous les drapeaux;
+On jure de tuer, sans pitié, tous les traîtres
+Et de livrer leur chair en pâture aux corbeaux!
+
+Les fusils, les canons, les boulets et la poudre
+Sont vite fabriqués et remis aux soldats;
+Et, quand sonnera l'heure, aussi prompts que la foudre,
+Ces terribles engins feront mille dégâts...
+
+C'est le vingt-deux septembre. Escorté de ses troupes
+Le général Ducrot traverse Châtillon;
+Les habitants du lieu, qui se tiennent par groupes
+Agitent devant lui maint et maint pavillon.
+Ducrot s'incline et dit:
+ «Priez pour nous, mes frères,
+Afin que du combat nous sortions triomphants;
+Demain nous camperons près des hautes Bruyères
+Où les Prussiens encor se montrent turbulents.»
+Et quittant à regret ce peuple qu'il estime,
+Esclave du devoir, il poursuit son chemin;
+Il n'a plus qu'un désir--désir vraiment sublime--
+Lutter, et, s'il le faut, mourir le lendemain!
+De bonne heure, Ducrot le lendemain arrive
+A l'endroit redoutable avec ses bataillons.
+«Tenez-vous, leur dit-il, tous sur la défensive,
+Car l'ennemi déjà doit charger ses canons.
+
+A peine a-t-il parlé, qu'une balle prussienne
+Laboure jusqu'à l'os le flanc de son cheval!
+La bête de douleur rugit comme l'hyène
+Qui se trouve placée en face d'un rival.
+Les ennemis alors sortent de leur cachette
+En lançant des obus à travers les bosquets;
+Mais Ducrot, sans frayeur, à ses soldats répète:
+Laissez-les dépenser leur force et leurs boulets!
+Cependant les Prussiens--que ce silence intrigue--
+Osent se découvrir aux regards des Français.
+Ducrot les voit venir, et, fier de son intrigue,
+Jubile en présentant un glorieux succès!
+«A l'oeuvre! ordonne-t-il; déplantez-moi ces rustres.
+Que l'orgueil a rendu méchants, audacieux!
+La France attend de vous les faits les plus illustres,
+Allons donc, en avant! ô soldats valeureux!»
+Aussitôt des milliers de boulets et de balles
+Tombent comme un orage au milieu des Prussiens.
+Et l'air redit alors des clameurs infernales
+Qui ressemblent aux cris d'une meute de chiens!
+
+Çà et là des blessés étendus en grand nombre
+Exhalent leurs douleurs et maudissent le sort,
+Puis d'autres effrayés par ce spectacle sombre,
+Sous les bois vont se mettre à l'abri de la mort.
+
+Les chevaux, l'oeil en feu, les naseau pleins d'écume,
+Affolés de terreur, s'élancent au galop,
+Mutilant de leurs fers le cadavre qui fume
+Sur le sol détrempé par le sang et par l'eau!
+
+C'est un sauve-qui-peut: le général lui-même,
+Espèce de colosse au coeur ambitieux,
+Est obligé de fuir; et, dans sa rage extrême,
+Maudit, _en se sauvant_, les Français et les dieux...
+
+Maintenant, grâce au ciel, sur les Hautes-Bruyères,
+Le vieux drapeau français déroule au vent ses plis;
+Il semble défier les hordes meurtrières
+Qui nourrissent l'espoir de bombarder Paris.
+
+Neuf jours ont fui. Ducrot à cheval se promène
+En rêvant au plaisir de revoir l'ennemi,
+Car il l'attend. Depuis bientôt une semaine
+Ce général fameux n'a presque point dormi.
+
+Au détour d'une route, à travers le feuillage,
+Il croit voir onduler dans le lointain brumeux
+Une mer de soldats: tel on voit un rivage
+Mollement s'avancer les flots silencieux.
+Tiens! ce sont les enfants de la blonde Allemagne,
+Se dit le promeneur, en mettant son lorgnon;
+Nous leur ferons danser, ici, dans la montagne,
+Un joli moulinet aux accords du canon...
+Ils aiment ce jeu-là, si j'en crois ma mémoire,
+Eh bien, ces beaux danseurs ne seront pas déçus!
+Mais! ils sont très nombreux: la plaine en est toute noire!
+Bah! qu'importe leur nombre, ils seront bien reçus!
+Sur ce, le général pique au flanc sa monture
+Et s'élance au galop vers le champ des soldats.
+«--Aux armes! leur dit-il, de sa voix mâle et pure,
+Les Allemands sur nous s'avancent à grands pas!
+Leur nombre est légion; mais vous êtes des braves
+Que ne comptez jamais le nombre des rivaux;
+Si vous ne voulez pas devenir leurs esclaves,
+Ni même leur livrer vos glorieux drapeaux,
+Alors, repoussez-les! N'ayez aucune crainte,
+Soldats, d'être vaincus; non luttez vaillamment,
+Sous le regard de Dieu, car votre cause est sainte
+Et Dieu vous aidera jusqu'au dernier moment!»
+
+Tous les soldats en choeur à cet appel répondent:
+--Nous vous suivrons partout, ô noble général!
+--Ah! merci, fait Ducrot; vos cris puissants inondent
+Mon âme d'allégresse... Attendez le signal!
+
+L'heure succède à l'heure et l'ombre à la lumière;
+La nuit sur la nature étend son voile noir.
+La lune, au bord du ciel, montrant sa tête altière,
+Scintille tout à coup comme un bel ostensoir.
+Tout est silencieux. Ducrot et son armée
+Attendent, l'arme aux bras, le terrible moment
+Où la tourbe prussienne--ivre de renommée--
+Viendra le attaquer dans leur retranchement.
+Mais le temps passe, et rien ne trouble le silence,
+Si ce n'est quelquefois les murmures du vent.
+Enfin l'aube paraît et l'horizon immense
+Reflète les clartés d'un beau soleil levant.
+
+Les belliqueux Français sont ennuyés d'attendre;
+Ils ne redoutent pas leurs ennemis, oh! non!
+Car leur unique voeu, maintenant, est d'entendre
+La voix de la trompette et de celle du canon.
+Néanmoins, imitant du général l'exemple,
+Ils offrent au Seigneur les prémices du jour,
+Et ce champ de combat se convertit en temple
+D'où montent vers le ciel des prières d'amour.
+Puis, ce devoir rempli, les cuisiniers préparent,
+Avec habileté, le modeste repas.
+La marmite est au feu. Tous les soldats s'emparent
+De leurs brillants couteaux pour trancher le lard gras.
+Bref, le tout est servi. La cloche carillonne
+Invitant la milice à manger sans façon.
+Le vin ne manque pas. La bonne humeur rayonne
+Sur les fronts, et le coeurs vibrent à l'unisson.
+
+Mais, dominant les ris, les tirades joyeuses,
+La voix du général fait entendre ces mots:
+«Aux armes! j'aperçois les cohortes nombreuses;
+Vainquons! car la défaite est le plus grand des maux!»
+
+Les soldats, oubliant le vin et la gamelle
+Obéissent de suite à l'ordre de Ducrot,
+Qui suit leurs mouvements de sa vive prunelle
+En allant et venant sur son coursier au trot.
+
+Les Prussiens, l'air railleur, vers les Français s'avancent,
+Mais ceux-ci sont déjà prêts à les recevoir,
+Les soldats de Ducrot à leurs ennemis lancent
+Un regard dont l'éclair paraît les émouvoir.
+Ducrot ordonne alors de commencer la lutte.
+Par un feu bien nourri. Le feu gronde aussitôt;
+Et, spectacle effrayant, des deux côtés on lutte
+Avec un héroïsme où la colère éclot.
+Allemands et Français combattent face à face
+Et semblent décidés à vaincre ou bien mourir,
+Car lorsqu'un soldat tombe, un autre le remplace,
+Convaincu qu'à son tour la mort va le saisir!
+
+La mort, sans préférence, enlève aux deux armées
+Des hommes de valeur, que dis-je? des héros!
+Elle n'a pas d'égard pour leurs jeunes années,
+Non! comme les blés mûrs ils tombent sous sa faux!
+
+O mort, cruelle mort! pour assouvir ta haine,
+Tu fais couler à flot le sang de tous ces preux;
+Tu plonges à la fois dans le deuil et la peine
+Des mères au coeur d'or et des enfants heureux!
+Ils n'ont plus de soutien, ils n'ont plus d'espérance!
+Ah! qui donc désormais leur donnera du pain?
+Qui les consolera quand l'amère souffrance
+Posera sur leur front sa redoutable main?...
+
+Mais la mort ne dort pas, au contraire elle veille
+Et moissonne à son gré les faibles et les forts:
+_On a beau la prier_, elle n'a point d'oreille
+Pour écouter nos voix, nos douloureux accords...
+Elle épargne à présent les soldats de la Prusse
+Et frappe les Français qui luttent vainement;
+Ceux-ci vont succomber, quand Ducrot, plein d'astuce,
+Sous le dôme d'un bois les place adroitement.
+Le pauvre général a la douleur dans l'âme:
+Six cents vingt-deux des siens sont au nombre des morts!
+Que faire? va-t-il fuir? Non! ce serait infâme,
+Et partout le suivrait la honte et le remords...
+Mais il devra lutter, hélas! sans espoir même,
+Car les Prussiens à peine ont perdu cent soldats.
+«N'importe! je mourrai pour la France que j'aime,
+Dit-il: un Français meurt, mais il ne se rend pas...»
+Il crie à ses héros: «Quittons notre retraite
+Et derechef allons au poste de l'honneur:
+Impossible pour nous d'éviter la défaite;
+Prouvons donc aux Prussiens que nous avons du coeur!»
+
+La résignation brille sur la figure
+De ces braves soldats luttant vingt contre cent;
+Mais personne ne jette une plainte, un murmure,
+Ils ont déjà juré de répandre leur sang!
+
+Le général alors à leur tête se place
+En leur disant: «Soldats, imitons nos aïeux;
+Lorsque des ennemis s'emparaient d'une place,
+Ils les en délogeaient, eh bien, faisons comme eux!»
+Sur ce, l'oeil enflammé, le voilà qui s'élance,
+Vers la vaste clarière où règnent les Teutons;
+Il y parvient bientôt trompant leur vigilance,
+Et fait pleuvoir sur eux le fer de ses canons.
+
+Les Allemands, surpris d'une attaque aussi rude,
+Ne peuvent tout d'abord riposter à ce feu;
+Mais leur général parle, et sa ferme attitude
+Leur donne du courage et les rassure un peu.
+Puis un combat nouveau, gigantesque, commence;
+Ces puissants ennemis ne se ménagent pas.
+On dirait, à les voir, qu'ils sont pris de démence,
+Tant ils semblent contents s'affronter le trépas.
+Balles, boulets, obus tombent comme la grêle;
+Une épaisse fumée aveugle les soldats;
+Aux plaintes des blessés, la trompette entremêle
+Sa larmoyante voix, aussi triste qu'un glas.
+Les Français luttent bien. Le bruit de la mitraille,
+Loin de les effrayer, augmente leur ardeur;
+Ils veulent à tout prix gagner cette bataille
+Que renferme pour eux le salut et l'honneur!
+Mais, qu'est-ce? entendez-vous les hourras frénétiques
+Qu'ils poussent vers le ciel en combattant toujours?
+Ils viennent de ravir aux sujets germaniques
+Douze ou treize canons aux énormes contours!
+Alors les Allemands, le front chargé de rage,
+Font mine d'avancer sous le feu des Français,
+Mais en vain! car ceux-ci redoublent de courage
+Et leur font essuyer un nouvel insuccès!
+
+Ducrot observe tout. Il voit parmi ses braves
+Un homme culbuter à lui seul maints Prussiens,
+Leur infligeant à tous de ces blessures graves
+Que ne peuvent guérir les savants chirurgiens;
+Car ceux qui sont tombés sous sa fatale étreinte
+Sont là, sans mouvement, sur le terne gazon,
+La poitrine brisée et la prunelle éteinte,
+Mêlant leur dernier râle à la voix du canon!
+Mais ce chanceux tireur que l'héroïsme guide,
+Pourra-t-il résister aux coups des ennemis?
+Regardez-le: de sang sa tunique est humide;
+N'importe! il lutte encore, les membres tout meurtris!
+Puis, ô bonheur! il voit que l'ennemi recule;
+Il avance à la course avec ses compagnons,
+Poursuivant les fuyards les tuant sans scrupule,
+Comme on écraserait du pied des moucherons!...
+Tout à coup il terrasse un soldat héroïque
+Qui vient de dérober aux Français un drapeau;
+Il arrache au voleur cette belle relique,
+Plus pure à ses regards que le cristal de l'eau!
+
+Quel est donc ce héros à la fière encolure
+Que Bellone a chargé des lauriers du vainqueur?
+Examinez les traits de sa noble figure,
+Et vous reconnaîtrez le forgeron Francoeur!...
+Les malheurs ont blanchi ses beaux cheveux d'ébène
+Et creusé sur son front un glorieux sillon;
+Blessé, mais non soumis, il est semblable au chêne
+Qui résiste longtemps aux coups du bûcheron...
+Il baise avec amour le drapeau de ses pères,
+Après l'avoir pressé tendrement sur son coeur;
+Et, sans respect humain, récite des prières
+Que sa famille, au ciel doit répéter en choeur!
+
+L'ardeur chez les Prussiens semble un instant renaître,
+Car leur mitraille gronde encore avec éclat;
+Mais, d'un coup d'oeil, il est aisé de reconnaître
+Que c'est le désespoir qui les pousse au combat.
+
+Ducrot veut balayer ces bandes étrangères
+Qui croyaient par leur nombre effrayer les Français:
+«Braves soldats! chassez ces infâmes vipères
+Pour qu'elles n'osent plus nous troubler désormais...»
+
+Pierre alors se redresse et prend sa carabine,
+De l'échec de la veille il veut venger l'affront.
+Ciel! soudain son bras tremble et sa tête s'incline:
+Il vient de recevoir deux balles dans le front!
+
+Il tombe sur le sol, théâtre de sa gloire,
+Ce modeste artisan que rien n'intimida,
+En murmurant ces mots que je livre à l'Histoire:
+Adieu, France chérie! Adieu, beau Canada...
+
+1er février 1887.
+
+
+
+
+
+ SONNETS
+
+
+
+
+ MONTRÉAL
+
+
+A M. LOUIS FRÉCHETTE
+
+Bâtie au pied d'un roc à l'aspect grandiose,
+Et que Jacques Cartier appela _Mont-Royal_
+Cette belle cité, que le Pactole arrose,
+Attache le progrès à son char triomphal.
+
+Le commerce fleurit où fleurissait la rose,
+Car il a détrôné le règne végétal;
+La voix de la vapeur--moderne virtuose--
+Fait retentir les airs d'un hymne magistral.
+
+Là vit dans l'harmonie un peuple hétérogène
+Dont les fils, chaque jour, descendent dans l'arène
+Au seul mot d'industrie ou de prospérité.
+
+Ils rêvent d'établir sur ce sol historique
+Une ville prospère, heureuse, magnifique,
+Et ce beau rêve touche à la réalité!
+
+1er mars 1889.
+
+
+
+
+ QUÉBEC
+
+
+A M. NAPOLÉON LEGENDRE
+
+Assise sur le haut d'un vaste promontoire
+D'où le regard embrasse un féerique tableau,
+La ville de Québec semble du territoire
+Être la sentinelle ou le porte-drapeau!
+
+Ses vieux murs délabrés, qui faisaient notre gloire,
+Tombent de jour en jour sous les coups du marteau;
+N'importe! elle progresse, et son nom dans l'histoire
+N'en brillera pas moins d'un éclat pur et beau!
+
+Elle a dormi longtemps; la voilà qui se lève!
+Un pont traversera, de l'une à l'autre grève,
+Le cours majestueux du large Saint-Laurent.
+
+De superbes palais embelliront ses rues;
+Des hôtels dresseront leurs dômes dans les nues;
+Et l'immortel Champlain aura son monument!
+
+1er mars 1889.
+
+
+
+
+ ROSE FANÉE
+
+
+L'autre soir, en ouvrant quelques feuillets de prose
+Cachés sous la poussière et jaunis par le temps,
+J'en vis rouler à terre une petite rose
+Qui me rappela l'heure où j'avais dix-sept ans.
+
+A sa tige pendait un bout de satin rose
+Où j'aperçus le nom d'un ange aux traits charmants
+Qu'autrefois j'adorai mais, fleur à peine éclose,
+La mort vint la cueillir à quatorze printemps...
+
+Je priai ce soir-là--le coeur plein de tristesse--
+Pour celle qui dora l'aube de ma jeunesse
+Des rayons les plus purs des plaisirs et des ris...
+
+Depuis, un autre amour a germé dans mon âme,
+Et je vois tous les jours sa bienfaisante flamme
+Illuminer le coeur de mes enfants chéris.
+
+1er juin 1889.
+
+
+
+
+ A M. E. AUBÉ, JOURNALISTE
+
+ A l'occasion de son mariage.
+
+
+Au banquet de l'hymen le seigneur te convie;
+Accepte avec fierté, jeune homme, cet honneur.
+Un ange d'ici-bas te consacre sa vie,
+Son amour, ses secrets, ses espoirs de bonheur!
+
+Il faut se marier! C'est bien là ce qu'envie
+Tout être raisonnable et doué d'un bon coeur;
+Mais, dans ce siècle où l'âme à l'or est asservie,
+Trop de femmes, hélas! ne rêvent que grandeur!...
+
+Sois heureux! sois heureux dans ton humble ménage!
+Chasse loin les doucis, et que pas un nuage
+N'assombrisse un instant le ciel de tes amours!
+
+Dieu te donne aujourd'hui--récompense ineffable--
+Une épouse au coeur d'or, intelligente, affable,
+Qui fera de ta vie un tissu de beaux jours!
+
+Juillet 1881.
+
+
+
+
+ A L'AMIRAL THOMASSET
+
+ DE LA «MAGICIENNE»
+
+
+Va sur le Saint-Laurent, ô ma muse chérie,
+Offrir un humble hommage aux marins valeureux
+Qui viennent sur nos bords, l'âme toute attendrie,
+Pour voir ce beau pays fondé par leurs aïeux!
+
+O muse, ne crains pas d'être mal accueillie,
+Les Français sont toujours courtois et généreux;
+S'ils s'arment quelquefois du dard de l'ironie,
+Ce n'est que pour punir les sots, les orgueilleux.
+
+Dis-leur que, sur le sol de la libre Amérique,
+Deux millions de coeurs, à la trempe énergique,
+Ont promis aux Français un éternel amour;
+
+Et dis-leur que, malgré l'épreuve et la souffrance,
+La haine des tyrans et l'oubli de la France,
+Ils n'ont voulu trahir leur promesse un seul jour!
+
+1er août 1878.
+
+
+
+
+ A M. P.-C. BEAULIEU
+
+ RÉPONSE
+
+Oh! qu'ils sont beaux ces jours où la sainte espérance
+Entonnait dans mon âme un chant plein de douceur!
+Mon rêve se brisa, je connus la souffrance
+Et pleurai, mais en vain, ces moments de bonheur...
+
+Berthe vivait pour moi; j'avais sa confiance.
+D'un amour grandissant nous goûtions la saveur;
+Le prêtre allait bientôt bénir notre alliance,
+Mais Berthe un soir partit pour un monde meilleur!
+
+Je souffre maintenant--oui, je souffre en silence--
+Et pourtant je bénis l'austère Providence
+Qui me versa l'absinthe et lui tendit le miel!
+
+Je garderai toujours, mon ami, souvenance
+De celle qui dora longtemps mon existence
+Et brille désormais dans les splendeurs du ciel!
+
+Avril 1880.
+
+
+
+
+ LE LAC BEAUPORT
+
+
+A. M. M. PELLETIER
+
+J'aime à te contempler, ô lac, que la nature
+A placé dans un lieu poétique et charmant!
+J'aime à voir tes flots noirs refléter la ramure
+Des pins que le zéphyr agite mollement!
+
+Et je songe que là, dans leur retraite obscure,
+Les Hurons, autrefois, vivaient paisiblement;
+Mais sur tes bords mon oeil ne voit plus la figure
+D'un seul de ces héros: ils sont morts vaillamment...
+
+Que de fois, ô beau lac, après une victoire,
+Les Hurons revenaient, le front chargé de gloire,
+Reposer près de toi leur membres tout meurtris;
+
+Et, que de fois aussi, l'humble missionnaire,
+Portant pour bouclier la croix, le scapulaire,
+Allait y consoler ces malheureux conscrits!
+
+1er août 1880.
+
+
+
+
+ A MONSIEUR C...
+
+
+Depuis deux ans, poète à l'âme tendre,
+Ta lyre d'or a suspendu ses chants.
+Souffrirais-tu? Mais l'oiseau fait entendre
+Dans la douleur des murmures touchants.
+
+Ton noble coeur doit pouvoir se défendre
+Du désespoir et des chagrins cuisants.
+Tous nos pensers, tu le sais, doivent tendre
+Vers le séjour du Maître des puissants.
+
+Sois courageux! car c'est dans la souffrance
+Que nos aïeux retrempaient leur vaillance
+Quand ils luttaient pour la foi du chrétien!
+
+Oui, chante encor: ta voix mélodieuse
+Fera connaître à la France oublieuse
+Les grands exploits du peuple canadien!
+
+8 septembre 1885.
+
+
+
+
+ RÉPONSE
+
+
+L'autre jour, en passant, je vis dans le vallon
+Une harpe au rameau d'un arbre suspendue;
+Le soleil lui versait comme des jets de plomb,
+Et nul vent ne touchait sa corde détendue.
+
+Un silence de mort pesait sur l'étendue,
+Mais soudain un zéphyr, caché dans un buisson,
+S'en vint tourbillonner sur la harpe éperdue,
+Et l'instrument divin rendit encore un son.
+
+Ami, mon luth gisait, frappé par la souffrance;
+Dans son désert brûlant nul souffle d'espérance
+Ne caressait mon coeur navré par les chagrins.
+
+Mais hier votre muse, harmonieuse brise,
+Effleura de son vol ma lyre qui se brise.
+Et je fredonne encor mes modestes refrains!
+ C...
+
+15 septembre 1885.
+
+
+
+
+ LE PRINTEMPS
+
+
+A M. PIERRE-GEO. ROY, DU «GLANEUR».
+
+Le givre a disparu. L'oiseau dans la ramée
+Exhale vers le ciel ses chants mélodieux;
+L'aurore verse à flots sur la rose embaumée
+Comme des perles d'or, les charmes de ses yeux.
+
+C'est le printemps vermeil; la brise parfumée
+Mêle au bruit du ruisseau son murmure joyeux;
+Dans les bosquets en fleurs, l'abeille, ranimée
+Bourdonne en butinant le miel délicieux.
+
+O résurrection de la grande nature!
+Doux printemps, j'aime à voir ta riante verdure
+Dérouler sur le sol son tapis de velours!
+
+Quand tu brilles, le front du malheureux se dresse;
+Les coeurs, jeunes ou vieux, tressaillent d'allégresse,
+Et d'une même voix célèbrent les beaux jours!
+
+Mai 1891.
+
+
+
+ A L'AUTEUR
+
+
+Oui, puisqu'il plût à Dieu de te faire poète,
+Courage donc, jeune homme, au front plein de fierté!
+Et, malgré les clameurs de la foule inquiète,
+Redis-nous plus souvent tes chants de piété.
+
+Chante aussi nos forêts, notre rive coquette,
+La jeunesse, l'amour et les beaux soirs d'été;
+Exalte les grands noms que l'Histoire répète,
+Célèbre les aïeux, chante la liberté!
+
+Chante avec les ruisseaux, les oiseaux et la brise.
+Rappelle-toi toujours que l'art nous civilise
+Et fait naître l'espoir dans tout coeur ulcéré.
+
+Souviens-toi que chacun se doit à sa patrie,
+Et que l'homme oubliant son talent, son génie,
+Est indigne d'avoir au front ce feu sacré.
+ W...
+Août 1877
+
+
+
+
+ RÉPONSE
+
+
+ Penser avant d'écrire est un principe exprès:
+ Il est trop d'écrivains qui ne pensent qu'après...
+
+
+Ayant ces deux beaux vers gravés dans la mémoire,
+Je devrais, n'est-ce pas? en faire mon profit;
+Mais le désir d'écrire, hélas! parfois me fit
+Oublier ce conseil d'un écrivain notoire!
+
+Dis ton _mea culpa_, car tes vers m'ont fait croire
+Que j'étais un poète et même un érudit...
+Alors, ai-je besoin de me creuser l'esprit
+Avant d'écrire? oh! non--pour d'autres cette histoire...
+
+Soudain je m'aperçois que ma vilaine lyre
+Ne rend que des sons creux... Allons, avant d'écrire,
+J'aurais dû, mon ami, penser et repenser!
+
+Désormais je mettrai ce précepte en pratique,
+Ainsi je serai moins mordu par la critique
+Dont la terrible dent ne cherche qu'à blesser!
+
+Août 1877.
+
+
+
+
+ A L'AMIRAL CAVELIER DE CUVERVILLE
+
+ Lu à l'amiral par une orpheline des Soeurs de la Charité.
+
+
+Notre âme a tressailli de joie et d'allégresse,
+O pieux amiral, quand notre bon pasteur
+Nous a transmis ces mots, doux comme une caresse:
+«La France vous envoie un noble visiteur!»
+
+Nous connaissions déjà les vertus, la tendresse
+De l'ange dont Veuillot parle en admirateur;[6]
+Vous avez hérité de sa grande sagesse,
+Puisque votre France est celle du Sacré-Coeur!
+
+Ah! nous l'aimons aussi votre admirable France!
+Son nom est buriné dans le coeur de l'enfance
+Et brille en lettres d'or sur tous nos monuments.
+
+Par elle nos aïeux se sont couverts de gloire;
+Or comment voulez-vous qu'en lisant leur histoire,
+Nous n'aimions pas la mère autant que les enfants...
+
+19 août 1891.
+
+[Note 6: Madame de Cuverville, mère de l'amiral.]
+
+
+
+
+ UN NOM GLORIEUX
+
+
+A MES PETITS ENFANTS
+
+ _Rosa mystica._
+
+Il est un nom que tout chrétien vénère
+Et qu'il apprend à chérir au berceau,
+Un nom qui brille au ciel et sur la terre,
+Dans la cité, comme dans le hameau.
+
+Un nom puissant qui calme l'onde amère
+Et mène au port le fragile vaisseau,
+Nom glorieux que des hommes de guerre,
+En lettres d'or, mettent sur leur drapeau!
+
+Et ce grand nom, c'est le vôtre, ô Marie!
+Nom que redoute et respecte l'impie
+Et que, parfois, il invoque à genoux...
+
+Que votre nom, ô mère virginale!
+Soit le dernier que notre bouche exhale
+Quand s'ouvrira l'éternité pour nous!
+
+1er mars 1892.
+
+
+
+
+
+ HYMNES, ROMANCES
+ ET
+ CHANSONNETTES
+
+
+
+
+ LA CRÈCHE DE NOËL [7]
+
+Musique de M. N. Crépault
+
+I
+
+L'âpre saison déroule sur la terre
+Son lourd manteau de neige et de frimas;
+Le vent du soir soupire avec mystère
+Dans la ramure où brille le verglas.
+Il est minuit. Le carillon du temple
+Jette aux échos un hymne triomphant,
+Et le chrétien, à deux genoux, contemple (bis)
+Avec amour un adorable enfant (bis).
+
+[Note 7: Dédié au révérend M.F.-H. Bélanger, curé de St-Roch, Québec.]
+
+II
+
+Il est plus grand que tous les rois du monde,
+Plus radieux que l'astre universel,
+Plus éloquent que la foudre qui gronde,
+Plus pur et saint que les anges du ciel!
+Et cependant, il est né sur la paille;
+Son divin corps éprouve des douleurs...
+Que l'univers d'allégresse tressaille, (bis)
+Car cet enfant rachète nos malheurs! (bis)
+
+III
+
+Au front du ciel une étoile rayonne,
+Guidant les pas des rois les plus puissants
+Qui vont offrir--en guise de couronne--
+Au nouveau-né l'or, la myrrhe et l'encens!
+Allons chrétiens, à l'exemple des Mages,
+Nous prosterner devant le Rédempteur!
+Adressons-lui nos vertueux hommages (bis)
+Et redisons: Gloire au Libérateur! (bis)
+
+Décembre 1887
+
+
+
+
+ LA CANADIENNE
+
+Sur l'air de: «La Huronne»
+
+I
+
+Ravissante est la Canadienne
+Avec ses yeux pleins de douceur,
+Son teint rosé, son port de reine,
+Qu'admire le fin connaisseur.
+En robe de soie ou d'indienne,
+Elle plaît toujours au galant!
+Chantons l'aimable Canadienne, (bis)
+Amis, dans un joyeux élan! (bis)
+
+II
+
+Jadis, sur le champ de bataille,
+Elle cueillit plus d'un laurier,
+Et de nos jours elle travaille
+A maintenir l'ordre au foyer;
+De notre foi c'est la gardienne,
+Le champion ferme et vaillant.
+Chantons l'aimable Canadienne, (bis)
+Amis, dans un joyeux élan! (bis)
+
+III
+
+Regardez-là dans une fête
+Rire et parler avec chaleur,
+Puis souvent faire la conquête
+De celui qu'elle a pour causeur!
+On la proclame _magicienne_,
+Certes, c'est bien l'équivalent...
+Chantons l'aimable Canadienne, (bis)
+Amis, dans un joyeux élan! (bis)
+
+IV
+
+Charitable autant que gentille,
+Elle visite le réduit
+Où le feu rarement pétille,
+Où le bonheur jamais ne luit!
+Et l'or de cette humble chrétienne
+Sèche les pleurs de l'artisan...
+Ah! oui, Chantons la Canadienne, (bis)
+Amis, dans un joyeux élan! (bis)
+
+Janvier 1881.
+
+
+
+
+ AUX RAQUETTEURS DE SHERBROOKE
+
+Air: «Hiouppe! Hiouppe! sur la rivière, etc.»
+
+I
+
+Sherbrooke, c'est la ville
+Où la franche gaîté
+Sur tous les fronts scintille,
+L'hiver comme l'été.
+
+REFRAIN:
+
+Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette
+Chantant la chansonnette,
+Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette
+Nous ne fatiguons pas!
+
+II
+
+L'on vante sa largesse,
+Son hospitalité,
+Sa grande politesse
+Et son urbanité.
+
+REFRAIN:
+
+Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette
+Chantant la chansonnette,
+Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette
+Nous ne fatiguons pas!
+
+III
+
+Ses habitants s'amusent
+Avec moralité,
+Mais jamais ne refusent
+De boire une santé!
+
+REFRAIN:
+
+Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette
+Chantant la chansonnette,
+Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette
+Nous ne fatiguons pas!
+
+IV
+
+Ils aiment la raquette
+Puis savent la porter;
+Leur gentille toilette
+Fait plus d'un coeur sauter.
+
+REFRAIN:
+
+Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette
+Chantant la chansonnette,
+Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette
+Nous ne fatiguons pas!
+
+V
+
+Ils sont déjà quarante,
+A part le comité,
+Et compteront soixante
+Avant la Trinité!
+
+REFRAIN:
+
+Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette
+Chantant la chansonnette,
+Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette
+Nous ne fatiguons pas!
+
+VI
+
+Car toute la jeunesse
+Désire _raquetter_;
+Elle comprend l'ivresse
+Qu'on éprouve à trotter.
+
+REFRAIN:
+
+Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette
+Chantant la chansonnette,
+Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette
+Nous ne fatiguons pas!
+
+VII
+
+Et, bravant la tempête,
+Le froid, l'humidité,
+Elle dit et répète:
+Courir, c'est la santé!
+
+REFRAIN:
+
+Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette
+Chantant la chansonnette,
+Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette
+Nous ne fatiguons pas!
+
+VIII
+
+Honneur à la raquette
+A son ancienneté,
+A sa forme coquette,
+A son utilité.
+
+REFRAIN:
+
+Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette
+Chantant la chansonnette,
+Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette
+Nous ne fatiguons pas!
+
+IX
+
+Ce soulier poétique
+Fut jadis inventé,
+Sur le sol d'Amérique
+Par un homme futé!
+
+REFRAIN:
+
+Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette
+Chantant la chansonnette,
+Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette
+Nous ne fatiguons pas!
+
+X
+
+Il légua son ouvrage
+A la postérité,
+Qui, depuis d'âge en âge,
+L'a toujours imité.
+
+REFRAIN:
+
+Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette
+Chantant la chansonnette,
+Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette
+Nous ne fatiguons pas!
+
+XI
+
+O raquette, nos pères
+Aiment à te porter;
+Ils ne te laissent guères
+Qu'un instant pour lutter!
+
+REFRAIN:
+
+Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette
+Chantant la chansonnette,
+Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette
+Nous ne fatiguons pas!
+
+XII
+
+Et nos bons missionnaires,
+Prêchant la vérité,
+Sur raquettes légères
+Ont mainte fois monté.
+
+REFRAIN:
+
+Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette
+Chantant la chansonnette,
+Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette
+Nous ne fatiguons pas!
+
+XIII
+
+Nous sommes de leur race:
+C'est là notre fierté!
+Comme eux, fendons l'espace
+Avec agilité!
+
+REFRAIN:
+
+Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette
+Chantant la chansonnette,
+Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette
+Nous ne fatiguons pas!
+
+XIV
+
+Que le vieux et le jeune
+Exempts d'infirmité,
+Se présentent sans gêne
+Devant le comité.
+
+REFRAIN:
+
+Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette
+Chantant la chansonnette,
+Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette
+Nous ne fatiguons pas!
+
+XV
+
+Nous leur disons d'avance:
+Vous serez acceptés.
+Car les fils de la France
+Par nous sont bien traités!
+
+
+REFRAIN:
+
+Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette
+Chantant la chansonnette,
+Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette
+Nous ne fatiguons pas!
+
+
+
+
+ CHANT D'ADIEU
+
+
+Musique de M. N. Crépault.
+
+Entendez vous ce glas, sombre harmonie
+Qui cause à l'âme un douloureux transport?
+C'est le sanglot d'un frère à l'agonie
+Qui lutte en vain contre l'avide mort!
+
+Naguère au banquet de la vie
+Il renaît place avec honneur,
+Et sa figure épanouie
+Semblait refléter le bonheur.
+
+Ivre d'amour et d'allégresse,
+Il savourait mille désirs,
+Quand soudain la mort vengeresse
+Vint mettre un terme à ses plaisirs!
+
+En lui dérobant la lumière
+La mort lui dit en triomphant:
+«Ton corps deviendra la poussière
+Que foule le pied du passant!
+
+«Avant que tes lèvres soient closes
+Fais entendre ce dernier cri:
+Adieu, plaisirs et rêves roses!
+Adieu, monde que j'ai chéri!»
+
+Mais une voix enchanteresse
+Lui glisse à l'oreille ces mots:
+«Je suis la grâce et la tendresse,
+Je soulage et guéris les maux.
+
+«Regrette et confesse tes crimes;
+Combats Satan avec fierté;
+Je donne aux âmes magnanimes
+La bienheureuse éternité!»
+
+Ah! chrétiens, prions pour ce frère
+Qui nous a dit un triste adieu,
+Et croyons que notre prière
+Attendrira le coeur de Dieu!
+
+Entendez-vous les sons mélancoliques
+Que l'orgue mêle au glas mystérieux
+Joignant nos voix à ces voix angéliques,
+Pour notre frère intercédons les cieux!
+
+Novembre 1882.
+
+
+
+
+ BLANCHE, TE SOUVIENT-IL
+
+
+Musique de M. Édouard Vincelette.
+
+I
+
+Te souvient-il de ces jours éphémères
+Où le bonheur dorait notre chemin,
+Où nous causions sous les yeux de nos mères,
+Coeur près du coeur, et la main dans la main?
+En souriant, tu m'appelais ton frères;
+Je te nommais avec plaisir ma soeur.
+Puis un matin--réminiscence amère--
+Tu me laissas en proie à la douleur...
+ Blanche te souvient-il?
+ Blanche te souvient-il?
+
+II
+
+Tu t'envolas vers la rive de France,
+En me disant: «Je ne t'oublierai pas;
+J'adoucirai ta brûlante souffrance
+En t'écrivant quand je serai là-bas!»
+Et je suivis des yeux la blanche voile
+Qui t'emportait dans le lointain brumeux;
+Je priai Dieu d'allumer cette étoile
+Qui mène au port le voyageur heureux.
+ Blanche te souvient-il?
+ Blanche te souvient-il?
+
+III
+
+Tu m'avais dit qu'avec les hirondelles
+Tu reviendrais pour ne plus me quitter...
+Le printemps brille, et les oiseaux fidèles
+Sont revenus sous mon toit s'abriter.
+Toi seule, hélas! ô ma tendre colombe,
+Ne voles pas à mon parterre en fleur;
+Le ciel a-t-il ouvert pour toi la tombe,
+Ou bien le temps a-t-il fermé ton coeur?...
+ Blanche te souvient-il?
+ Blanche te souvient-il?
+
+Juin 1883.
+
+
+
+
+ CHANT DU CLUB DE RAQUETTE
+ «LE FRONTENAC» de Québec
+
+
+Musique de M. Joseph Vézina.
+
+I
+
+Nous subissons comme nos pères,
+Sans murmurer, le poids du jour;
+Mais nous aimons, joyeux compères,
+Sur la raquette à faire un tour!
+Alors nos coeurs pleins d'allégresse
+Vibrent toujours à l'unisson;
+Et, sous le froid qui nous caresse,
+Nous redisons notre chanson!
+
+REFRAIN:
+
+O Frontenac, illustre gouverneur,
+Notre patron du club de la raquette!
+Pour exalter la gloire de ton honneur,
+Nous te fêtons à la bonne franquette!
+
+II
+
+Lorsque le ciel couvre la terre
+D'un manteau blanc aux plis moelleux,
+Et que la lune, avec mystère,
+Dore les champs de mille feux,
+Il faut nous voir, quatre par quatre,
+Raquette aux pieds, fendre le vent!
+Comme les preux qui vont combattre
+Nous répétons: En avant!
+
+REFRAIN:
+
+O Frontenac, illustre gouverneur,
+Notre patron du club de la raquette!
+Pour exalter la gloire de ton honneur,
+Nous te fêtons à la bonne franquette!
+
+III
+
+Loin de la ville, assis à table
+Et près d'un poêle aux flancs rougis.
+Nous buvons un vin délectable
+Qui nous met gais, mais jamais gris...
+Puis, suivant la vieille coutume,
+Un amateur sort le violon;
+Et nous dansons, en grand costume,
+Lancier, quadrille et cotillon!
+
+REFRAIN:
+
+O Frontenac, illustre gouverneur,
+Notre patron du club de la raquette!
+Pour exalter la gloire de ton honneur,
+Nous te fêtons à la bonne franquette!
+
+IV
+
+Parfois l'aurore aux teints de rose
+Vient nous surprendre à sautiller!
+Et notre front se fait morose,
+Puisqu'il nous faut capituler...
+Mais la gaîté--douce compagne--
+Renaît soudain quand nous partons,
+Car la raquette et le champagne
+Nous font chanter sur tous les tons!
+
+REFRAIN:
+
+O Frontenac, illustre gouverneur,
+Notre patron du club de la raquette!
+Pour exalter la gloire de ton honneur,
+Nous te fêtons à la bonne franquette!
+
+V
+
+Nous descendons d'un peuple sage
+A l'âme fière, aux bras vaillants,
+Qui s'illustra par le courage
+Et les exploits les plus brillants
+Nous conservons son caractère,
+--Même en étant sujets loyaux--
+Et recueillons sur cette terre
+Les nobles fruits de ses travaux!
+
+REFRAIN:
+
+O Frontenac, illustre gouverneur,
+Notre patron du club de la raquette!
+Pour exalter la gloire de ton honneur,
+Nous te fêtons à la bonne franquette!
+
+VI
+
+Nous saluons tous nos confrères
+Des autres clubs de ce pays,
+Et leur disons ces mots sincères:
+O raquetteurs, soyons unis!
+Soyons unis, aux jours de fête,
+Dans nos transports et nos désirs!
+Marchons ensemble à la conquête
+Du vrai bonheur et des plaisirs!
+
+REFRAIN:
+
+O Frontenac, illustre gouverneur,
+Notre patron du club de la raquette!
+Pour exalter la gloire de ton honneur,
+Nous te fêtons à la bonne franquette!
+
+15 février 1889.
+
+
+
+
+ HYMNE A SAINT-FRANÇOIS D'ASSISE
+ COMPOSÉ POUR LE TIERS-ORDRE DE SAINT-SAUVEUR
+
+
+Air: «Faibles mortels».
+
+I
+
+ O noble saint François d'Assise,
+ Prêtez l'oreille à nos accents:
+ Nous célébrons avec l'Église
+ Vos bienfaits toujours renaissants!
+ Presque au seuil de votre existence,
+ Vous charmiez le pauvre pécheur
+ Par votre amour pour le sauveur,
+Vos suaves conseils et votre pénitence!
+
+CHOEUR:
+
+Toujours, ange des cieux, toujours gardez nos coeurs
+ Contre toute les malices
+ Et les artifices
+ Des esprits tentateurs!
+ Oh! notre âme
+ Vous proclame
+Le plus puissant des divins bienfaiteurs!
+
+II
+
+ A l'âge serein de la vie
+ Où l'homme se livre aux plaisirs,
+ Vous renonciez, l'âme ravie,
+ Au monde avec ses vains désirs.
+ La charité, divine étoile,
+ Dans notre âme attisait ses feux;
+ Et Jésus montait à vos yeux
+Sur la mer de douleurs votre esquif à la voile!
+
+CHOEUR:
+
+Toujours, ange des cieux, toujours gardez nos coeurs
+ Contre toute les malices
+ Et les artifices
+ Des esprits tentateurs!
+ Oh! notre âme
+ Vous proclame
+Le plus puissant des divins bienfaiteurs!
+
+III
+
+ Il vous disait: «Va par le monde
+ Prêcher à tous ma sainte loi;
+ Va combattre le vice immonde,
+ Fais naître dans les coeurs la foi!»
+ Nouveau soldat plein de courage,
+ Vous obéîtes à sa voix,
+ Prenant pour seule arme sa croix,
+Pour unique drapeau sa radieuse image!
+
+CHOEUR:
+
+Toujours, ange des cieux, toujours gardez nos coeurs
+ Contre toute les malices
+ Et les artifices
+ Des esprits tentateurs!
+ Oh! notre âme
+ Vous proclame
+Le plus puissant des divins bienfaiteurs!
+
+IV
+
+ Vos sermons remplis d'éloquence
+ Électrisaient les plus méchants;
+ Vos vertus et votre indulgence
+ Avaient des charmes séduisants.
+ Maints sceptiques suivaient vos traces,
+ Sans songer à se convertir.
+ Lorsque soudain le repentir
+Pénétrait dans leur âme avec des flots de grâces!
+
+CHOEUR:
+
+Toujours, ange des cieux, toujours gardez nos coeurs
+ Contre toute les malices
+ Et les artifices
+ Des esprits tentateurs!
+ Oh! notre âme
+ Vous proclame
+Le plus puissant des divins bienfaiteurs!
+
+V
+
+ Puis quand sonna l'heure dernière,
+ Dieu vous trouva mûr pour le ciel:
+ Vous aviez bu l'absinthe amère,
+ Et vous alliez boire le miel...
+ O saint François, ami de l'ordre,
+ Mettez la paix en notre coeur
+ Afin qu'il devienne meilleur,
+Et propagez partout votre oeuvre: le Tiers-Ordre!
+
+CHOEUR:
+
+Toujours, ange des cieux, toujours gardez nos coeurs
+ Contre toute les malices
+ Et les artifices
+ Des esprits tentateurs!
+ Oh! notre âme
+ Vous proclame
+Le plus puissant des divins bienfaiteurs!
+
+
+
+
+ FRANCE ET CANADA
+
+
+Air: «Elle ne savait pas.» Musique de A. Thomas.
+
+I
+
+Elle ignora longtemps l'heureuse et fière France
+Que nous l'aimions toujours malgré son abandon,
+Et que nous conservions--symbole d'espérance--
+Son drapeau rayonnant de gloire à Carillon!
+
+REFRAIN:
+
+ Le ciel, à travers la tempête,
+ Guida nos pas vers le succès.
+O patrie, en ce jour nous célébrons ta fête!
+O saint Jean, protégez (bis) le Canada français!
+
+II
+
+La France à notre égard n'est plus indifférente:
+Elle sait notre histoire et la conte en pleurant!
+Souvent le pavillon de sa nef élégante
+Flotte comme autrefois sur le beau Saint-Laurent!
+
+REFRAIN:
+
+ Le ciel, à travers la tempête,
+ Guida nos pas vers le succès.
+O patrie, en ce jour nous célébrons ta fête!
+O saint Jean, protégez (bis) le Canada français!
+
+III
+
+Oui, la France revient visiter notre plage
+Où coula tant de fois le sang de ses héros;
+Elle retrouve ici ses moeurs et son langage,
+Et voit que ses neveux lui sont restés loyaux!
+
+REFRAIN:
+
+ Le ciel, à travers la tempête,
+ Guida nos pas vers le succès.
+O patrie, en ce jour nous célébrons ta fête!
+O saint Jean, protégez (bis) le Canada français!
+
+24 juin 1880.
+
+
+
+
+ CHANT DE L'OUVRIER
+
+
+Musique de M. R. Lyonnais.
+
+1er COUPLET
+
+Quel est ce Canadien
+Qui passe dans la vie
+En prêchant l'harmonie
+Et pratiquant le bien?
+ C'est l'ouvrier,
+ C'est l'ouvrier!
+
+REFRAIN:
+
+Reposons-nous, joyeux confrères,
+De nos labeurs, de nos efforts.
+Amusons-nous comme nos pères,
+Soyons unis pour être forts!
+ En vrais lurons,
+ Sur tous les tons,
+ Chantons, chantons!
+
+2ème COUPLET
+
+Qui donc, à dix-huit ans,
+Sans crainte entre en ménage,
+N'ayant pour tout partage
+Que ses deux bras vaillants?
+ C'est l'ouvrier,
+ C'est l'ouvrier!
+
+REFRAIN:
+
+Reposons-nous, joyeux confrères,
+De nos labeurs, de nos efforts.
+Amusons-nous comme nos pères,
+Soyons unis pour être forts!
+ En vrais lurons,
+ Sur tous les tons,
+ Chantons, chantons!
+
+3ème COUPLET
+
+Au temple du Seigneur,
+Quel est celui qui prie
+Pour sa chère patrie
+Avec plus de ferveur?
+ C'est l'ouvrier,
+ C'est l'ouvrier!
+
+REFRAIN:
+
+Reposons-nous, joyeux confrères,
+De nos labeurs, de nos efforts.
+Amusons-nous comme nos pères,
+Soyons unis pour être forts!
+ En vrais lurons,
+ Sur tous les tons,
+ Chantons, chantons!
+
+4ème COUPLET
+
+Qui marche au premier rang,
+La tête haute et fière,
+Et porte la bannière
+Le jour de la Saint-Jean?
+ C'est l'ouvrier,
+ C'est l'ouvrier!
+
+
+REFRAIN:
+
+Reposons-nous, joyeux confrères,
+De nos labeurs, de nos efforts.
+Amusons-nous comme nos pères,
+Soyons unis pour être forts!
+ En vrais lurons,
+ Sur tous les tons,
+ Chantons, chantons!
+
+5ème COUPLET
+
+Qui supporte toujours
+Avec joie et courage
+L'humble et pénible ouvrage
+Et le fardeau des jours?
+ C'est l'ouvrier,
+ C'est l'ouvrier!
+
+
+REFRAIN:
+
+Reposons-nous, joyeux confrères,
+De nos labeurs, de nos efforts.
+Amusons-nous comme nos pères,
+Soyons unis pour être forts!
+ En vrais lurons,
+ Sur tous les tons,
+ Chantons, chantons!
+
+6ème COUPLET
+
+Qui a fait le Canada
+Si riche et si prospère?
+Ce n'est point l'Angleterre
+A qui l'on nous céda--
+ C'est l'ouvrier,
+ C'est l'ouvrier!
+
+REFRAIN:
+
+Reposons-nous, joyeux confrères,
+De nos labeurs, de nos efforts.
+Amusons-nous comme nos pères,
+Soyons unis pour être forts!
+ En vrais lurons,
+ Sur tous les tons,
+ Chantons, chantons!
+
+7ème COUPLET
+
+Où donc est la vigueur,
+L'espoir et l'allégresse,
+L'amour et la tendresse
+Et surtout le bonheur?
+ C'est l'ouvrier,
+ C'est l'ouvrier!
+
+REFRAIN:
+
+Reposons-nous, joyeux confrères,
+De nos labeurs, de nos efforts.
+Amusons-nous comme nos pères,
+Soyons unis pour être forts!
+ En vrais lurons,
+ Sur tous les tons,
+ Chantons, chantons!
+
+Septembre 1891.
+
+
+
+ CHANSON DES NOCES D'OR
+ DÉDIÉE AU VIEUX PATRIOTE, M. J. SAUVIAT.
+
+
+1er COUPLET
+
+Nous accourons ici, bien-aimés père et mère,
+Avec nos fiers enfants pour fêter ce beau jour
+Où le ciel, exauçant notre ardente prière,
+Bénit vos cinquante ans de bonheur et d'amour.
+
+REFRAIN:
+
+Nos coeurs reconnaissants
+Débordent d'allégresse,
+De voeux et de tendresse
+Pour vous, noble parents! (Bis)
+
+2ème COUPLET
+
+Vous auriez pu peut-être acquérir la richesse
+Et même les honneurs que rêve l'orgueilleux,
+Mais vous avez compris, dans votre humble sagesse,
+Que l'honnête labeur rend l'homme plus heureux.
+
+REFRAIN:
+
+Ah! vive le labeur!
+Car l'ouvrier modèle
+Est la brebis fidèle
+Du céleste Pasteur! (Bis)
+
+3ème COUPLET
+
+Que dire en terminant cette pâle romance
+Écrite en votre honneur, vénérables parents!
+Puisse, dans sa bonté, la sainte Providence
+Vous accorder des jours nombreux et consolants!
+
+REFRAIN:
+
+Votre lune de miel
+Qui désormais scintille
+Aux yeux de la famille,
+Reluira dans le ciel! (Bis)
+
+
+
+
+ LA CAPRICIEUSE
+
+
+Musique de M. Édouard Vincelette.
+
+I
+
+Quand je vous vois, petite,
+Sur moi fixer les yeux,
+Alors mon coeur palpite,
+Et je me sens heureux.
+Mais si j'ose, méchante,
+Vous dire un mot d'amour
+Vous prenez l'épouvante (bis)
+En me criant: bon jour! (bis)
+
+II
+
+Quand je cause et ricane
+Avec un beau minois,
+Vous m'engendrez chicane
+Et m'appelez: sournois!
+Mais si j'entre en colère,
+Un instant, contre vous,
+Votre bouche profère (bis)
+Aussitôt des mots doux! (bis)
+
+III
+
+Quand je pleure et soupire,
+Vous riez aux éclats;
+Et quand je ris, c'est pire:
+Vous pleurez comme un glas!
+Quand je dis: «Je désire
+Vous entendre chanter,»
+Vous vous mettez à lire (bis)
+Ou bien à méditer! (bis).
+
+IV
+
+Je subis ces caprices
+Depuis longtemps, hélas!
+Mais de vos artifices
+Aujourd'hui je suis las.
+Moi, je veux une amante
+Au coeur noble et pieux:
+Vous êtes trop changeante (bis)
+Pour rendre un homme heureux! (bis).
+
+20 août 1886.
+
+
+
+
+ LA CHANSON DU PETIT PORTEUR
+
+
+Air:«Dis-moi soldat, t'en souviens-tu?»
+
+I
+
+Vous qui coulez une douce existence
+Dans cette ville où tant de malheureux
+Mangent le pain amer de l'indigence,
+En ce beau jour, ah! soyez généreux!
+Entendez-vous frapper à votre porte?
+Allez ouvrir à l'enfant matinal
+Qui, plein d'espoir, fidèlement vous porte,
+Avec ses voeux, la chanson du journal.
+
+II
+
+Il n'est pas grand, néanmoins il est homme
+Par le courage et surtout par l'honneur.
+En le voyant, l'abonné le surnomme
+Le messager de joie et de bonheur.
+Mais il est pauvre, et s'en fait une gloire,
+Voulant sans doute imiter le Sauveur!
+En quelques mots il conte son histoire
+Dont le récit émeut tout noble coeur!
+
+III
+
+Regardez-le: son petit corps frissonne
+Sous les baisers de la neige et du vent;
+Hélas! il n'a, pour l'hiver et l'automne,
+Qu'un mince habit raccommodé souvent!
+Malgré le froid, il marche sans relâche
+Pour obéir à la voix du devoir;
+Et rien ne peut le ravir à sa tâche
+Tant qu'il lui reste un souscripteur à voir!
+
+IV
+
+Ah! n'est-il pas (douloureuse pensée)
+Le seul appui d'un infirme vieillard,
+Qui, sous le toit de sa hutte glacée,
+Souffre en levant vers le ciel son regard?...
+Et ce vieillard--sublime prolétaire--
+Jadis peut-être a vaillamment lutté
+Contre les fils de la fière Angleterre
+Pour notre langue et notre liberté...
+
+V
+
+O Canadiens, en ce jour d'allégresse,
+Prêtez l'oreille aux soupirs du porteur!
+De ses parents soulagez la détresse,
+Il vous supplie au nom du Créateur!
+Donnez-lui donc cette part du bien-être
+Qui sert parfois à votre vanité;
+Et dans vos coeurs alors Dieu fera naître
+Les purs rayons de sa félicité.
+
+1er de l'an 1887.
+
+
+
+
+ ROSE, ÉCOUTE-MOI
+
+
+Musique de M. N. Crépault
+
+I
+
+Pourquoi, ma mignonne,
+Ne souris-tu pas
+Quand ma main couronne
+Ton front de lilas?
+Tu fais la pleureuse,
+C'est folie à toi;
+Sois jonc plus joyeuse (bis)
+Rose, écoute-moi! (bis)
+
+II
+
+Lorsque la nature
+Se pare de fleurs,
+Toute créature
+Doit cacher ses pleurs.
+Ah! ta bouche chante,
+C'est gentil à toi!
+Ne sois plus méchante: (bis)
+Rose, écoute-moi! (bis).
+
+III
+
+Depuis deux mois, Rose,
+Mon coeur est en feu;
+Je t'adore et j'ose
+T'en faire l'aveu
+Quoi! cela t'offense?
+Tu ris de ma foi?
+C'est trop d'insolence: (bis)
+Rose, écoute-moi! (bis).
+
+IV
+
+Un jour, ma coquette,
+Tu désireras
+L'amoureux poète
+Et ses doux lilas;
+Mais d'une autre reine
+Il sera le roi,
+Et dira sans peine: (bis)
+Rose, éloigne-toi! (bis).
+
+12 février 1882.
+
+
+
+
+ RAYONS ET OMBRES
+
+
+Musique de M. N. Crépault
+
+I
+
+J'avais cru que la vie,
+Dans ma simple candeur,
+N'était qu'une série
+De jours pleins de bonheur;
+
+Que les mortels, sur cette terre,
+Buvaient le miel de l'amitié,
+Et que le riche au prolétaire
+Prodiguait l'or et la pitié.
+
+REFRAIN:
+
+Hélas! hélas! ces rêves roses,
+Sous la faux du destin,
+Comme les belles roses,
+Tombèrent un matin!...
+
+II
+
+Depuis ce jour, mon âme pleure
+Et ne croit plus à la gaîté.
+Et le dirais-je? à certaine heure,
+Je doute de la vérité!
+
+REFRAIN:
+
+Sans cesse en proie à la souffrance,
+Rien ne me semble beau.
+Et la désespérance
+Me conduit au tombeau!
+
+III
+
+Oh! qu'ai-je dit? mon Dieu, pardonne
+A ma faiblesse, et ma douleur!
+En me plaignant, je déraisonne,
+Car n'es-tu pas mon protecteur?
+
+REFRAIN:
+
+Du ciel écoute ma prière
+Qui s'élève vers toi;
+Sois toujours ma lumière,
+Mon esprit et ma foi!
+
+1er avril 1880.
+
+
+
+
+ LES CANADIENS
+
+
+Musique de M. Joseph Vézina.
+
+I
+
+Les Canadiens ont pour les fêtes
+Un goût qu'ils tiennent des aïeux;
+Les charmes des plaisirs honnêtes
+Séduisent leurs coeurs généreux.
+Ils ont bravé tous les orages
+Sans jamais perdre leur fierté,
+Et cultivé sur nos rivages
+La fleur de l'hospitalité.
+
+II
+
+Ils fêtent Dieu, reine, patrie,
+Par les concert mélodieux,
+Pratiquent la galanterie
+Envers le sexe gracieux.
+Ils chôment les anniversaires
+Des jours où leurs braves soldats,
+A de terrible adversaires,
+Livraient de glorieux combats!
+
+III
+
+La chicanière politique
+Les divise presque au berceau,
+Mais le souffle patriotique
+Les rassemble sous le drapeau.
+Contre l'outrage ou l'injustice,
+Ensemble ils s'élèvent la voix
+Et s'imposent tout sacrifice
+Pour le triomphe de leurs droits.
+
+IV
+
+Ils sont les vrais fils de la France
+Par le caractère et le coeur,
+Car ou milieu de la souffrance
+Ils conservent leur belle humeur!
+Oui, toujours gais comme leurs pères,
+Mais plus heureux en vérité,
+Ils vivent désormais, prospères,
+Dans la paix et la liberté!
+
+Septembre 1891.
+
+
+
+
+
+ UNE GERBE D'ACROSTICHES
+
+
+
+
+ A M. VICTOR BILLAUD
+ Secrétaire de l'Académie des Muses Santones, à Royan, France.
+
+
+Asile du poète, ô belle Académie,
+Congrès où siège seul le talent reconnu,
+Ah! tu daignes offrir, trop généreuse amie,
+Dans ton temple un fauteuil à moi, barde inconnu!
+Eh! que pourrais-je faire au milieu de confrères
+Mûris par la science et le rude labeur,
+Imberbe que je suis?--J'oubliais: leurs lumières
+Eclaireront la voie de mon esprit rêveur.
+
+Du reste, pour avoir un titre à leur estime
+Et le droit précieux de suivre leurs leçons,
+Souvent je leur dirai dans le langage intime:
+Ma lyre pour la France aura toujours des sons!
+Unissant mes accords à ceux de nos poètes,
+Sulte, Gingras, Gauvreau, Fréchette et Beauchemin,
+En choeur nous chanterons ses brillantes conquêtes,
+Sa grandeur, sa richesse et son heureux destin!
+
+Sait-elle assez comment nous l'aimons, cette France?
+Ah! nous le lui dirons avec un fier accent.
+Nous avons partagé sa gloire et sa souffrance,
+Terrassé ses rivaux, lutté vingt contre cent...
+Oui, j'accepte, Monsieur, vos offres gracieuses!
+Nos muses désormais franchiront l'océan;
+Et voyageant ensemble elles diront, joyeuses:
+Succès, gloire à Québec! Succès, gloire à Royan!
+
+10 avril 1886.
+
+
+
+
+ LA CANADIENNE
+
+
+ N'oubliez pas l'héroïque gardienne
+ De nos berceaux et de notre foyer:
+ Chantons en choeur la femme canadienne;
+ Et couronnons sa tête de laurier!
+ PHILÉAS HUOT.
+
+Le touriste qui foule un instant nos rivages
+Autrefois habités par des hordes sauvages,
+Craint-il de rencontrer au bord du Saint-Laurent,
+Armé d'un long poignard, quelque barbare errant?
+Non, car il nous connaît, admire nos victoires,
+Aime à venir rêver sur nos fiers promontoires
+D'où son regard embrasse un féerique tableau,
+Image suspendue entre le ciel et l'eau!
+Et lorsqu'il aperçoit la femme canadienne--
+Noble coeur, que le ciel nous donna pour gardienne--
+Nul autre objet ne peut désormais le ravir,
+Et son plus grand bonheur serait de la servir!
+Eh bien, nous qui vivons sous l'attrait de ses charmes,
+Nous, que sa douce voix console en nos alarmes,
+Gravissons le Parnasse où fleurissent les vers,
+Et pour elle cueillons mille bouquets divers.
+Ne disons pas de mal contre les autres femme,
+Elle nous cribleraient de fines épigrammes!
+Rimer en leur honneur, tel n'est pas mon désir,
+A leurs bardes je laisse aisément ce plaisir...
+La femme canadienne: oh! quel nom poétique!
+Et comme il fait vibrer l'âme patriotique!
+Sulte, Poisson, Fréchette et Legendre ont chanté
+Tour à tour sur leur luth ce nom si respecté!
+
+Blonde ou brune, ses yeux brillant d'intelligence
+Eclairent sa figure aux traits pleins d'indulgence;
+L'incarnat de sa bouche aux roses fait affront
+L'éclat de ses cheveux pare son joli front;
+En un mot, d'une reine elle a l'air, l'élégance!
+Incapable de vivre au sein de l'ignorance--
+N'ayant pour cet état que _glace et que froideur_--
+Son esprit au travail se livre avec ardeur,
+Tourmente la science, et, durant des années,
+Recueille des moissons de choses raisonnées.
+Un matin, franchissant la porte du couvent,
+Instruite et graduée, elle dit: en avant!
+Travaillant derechef sous le toit domestique,
+Elle acquiert un art agréable et pratique.
+
+Modestie, ô sublime et trop rare vertu!
+Où donc te retrouver? dis-nous, où loges-tu?
+Dix mille voix pourraient me répondre, attendries:
+Elle est dans tous les coeurs de vos femmes chéries.
+Silence, il ne faut pas blesser l'humilité;
+Taisons sur ce sujet, même la vérité,
+Et que sa modestie envahisse notre âme!
+
+Douce autant que modeste, elle souffre le blâme
+Ou parfois le relève avec habileté--
+Unissant la finesse à la franche gaîté--
+Chasse de nos foyers la folle zizanie
+Et fait régner partout la joie et l'harmonie.
+
+C'est pour elle un bonheur d'assister l'indigent,
+Hélas! abandonné par le riche souvent.
+Au chevet du malade, elle accourt la première,
+Ramène l'espérance au seuil de la chaumière,
+Inculque dans l'esprit des jeunes et des vieux
+Tout principe qui doit rendre l'homme pieux.
+Aux kermesse du pauvre, elle dresse la table,
+Badine en déployant un courage indomptable;
+Le riche avec plaisir lui donne à pleine main;
+Et grâce à son bon coeur, le pauvre aura du pain!
+Honneur lui soit rendu! car aux jours de souffrance,
+Escortant le superbe étendard de la France,
+Riante, elle volait toujours au premier rang.
+Offrant à son pays son courage et son sang...
+Ils ne sont plus ces jours où l'humble Canadienne
+Quelquefois ripostait à la balle indienne.
+Un autre saint devoir occupe son esprit:
+Enseigner à ses fils la loi de Jésus-Christ!
+
+Sa voix--sa douce voix à nulle autre pareille--
+Inspire le respect et charme notre oreille;
+L'orateur, le poète et le vieil érudit
+Ecoutent cette voix que ma muse applaudit...
+Pour savoir la raison du respect qu'elles inspire,
+Allons consulter ceux qui sont sous son empire,
+Et tous nous répondront avec de fiers accents:
+Nous savons que son coeur est pur comme l'encens!
+Qui de nous oserait contester à cet être
+Une telle vertu, la plus grande peut-être?
+Il serait, celui-là (j'en appelle au lecteur)
+Honni de tous les siens comme un vil imposteur!
+Oui, la Canadienne est l'honneur de notre race;
+Nous sommes très heureux de marcher sur sa trace.
+Or, le vingt-quatre juin, dans le temple avec nous,
+Recueillie en son âme, elle prie à genoux.
+Après avoir longtemps, pour sa chère patrie,
+Imploré les faveurs de la Vierge-Marie,
+Triomphante, elle vient voir ses fils, orgueilleux,
+Déroulant des combats les drapeaux glorieux!
+Elle les suit des yeux, à l'ombre de l'érable.
+Sourit à leur bonheur qui semble inénarrable.
+Ils sont heureux vraiment ces rejetons gaulois,
+Défenseurs, au besoin, du pays de ses lois!
+Oh! Dieu, qu'elle est contente et qu'elle est empressée!
+L'amour de la patrie enflamme sa pensée!
+Elle voudrait pouvoir--bénissant le Seigneur--
+S'élancer dans les rangs, marcher avec honneur!
+Ah! mais la convenance (arbitre tyrannique
+Voulant que l'homme seul, sur ce sol britannique,
+Ait droit de s'affirmer à la face des cieux),
+Interdit à la femme un rôle aussi pieux.
+Tandis que nous faisons ce doux pèlerinage,
+Cher au pauvre artisan comme au grand personnage,
+Optant pour sa demeure, elle y vole... et bientôt
+N'a plus pour la patrie une pensée, un mot!
+Non! car elle contemple une enfant caressante:
+Une enfant pour son coeur vaut la patrie absente...
+L'on exalte partout son hospitalité,
+Autant que ses vertus et sa noble beauté;
+Car son logis (parfois une humble maisonnette
+Abritant une blonde ou gentille brunette),
+Ne saurait contenir ceux qui veulent, le soir
+Avides de bonheur, à son foyer s'asseoir.
+Déesse par la grâce et par la courtoisie--
+Ignorant du flatteur la tendre hypocrisie--
+Elle sait plaire à tous; même les inconnus
+Ne l'approchent jamais sans être bien venus.
+Nos ancêtres, comme elle, abhorraient l'étiquette
+Et savaient s'amuser à la bonne franquette.
+Ils modulaient gaîment et redisaient en choeur
+Les modestes refrains qui font battre tout coeur:
+
+ _Vive la Canadienne,
+ Vole, mon coeur, vole!_ etc.
+
+La femme canadienne à pour titre de gloire
+Une fécondité que vantera l'histoire:
+Immense privilège offert par l'Éternel
+A celle qui comprend le devoir maternel.
+
+Utile à son pays, cette mère admirable
+Remplit au Canada son rôle incomparable
+Avec un héroïsme inflexible, enchanteur,
+Inspiré par l'amour divin du Créateur.
+Tendre pour ses enfants, mais tendre sans faiblesse--
+Désirant éloigner le vice qui les blesse--
+Rébecca d'un autre âge, elle veille sur eux,
+Et fait naître en leur coeur des germes vigoureux...
+Ses enfants ont prouvé déjà qu'ils sont des hommes;
+Soldats, prêtres, tribuns, artisans, agronomes,
+En mille endroits ils ont--je le dis fièrement--
+Défendu notre honneur en luttant vaillamment.
+Et de nos jours encore, ils combattent ensemble
+Sur un autre théâtre où la foi les rassemble.
+Adorant l'Éternel, ils défendent ses droits,
+Unissent leurs talents dans des combats adroits.
+Touché de leur amour, Dieu les immortalise
+En voulant que l'un d'eux soit prince de l'Église...[8]
+Louons la Canadienne! exaltons sa beauté.
+Sa gloire, ses vertus et son urbanité!
+
+
+[Note 8: Son Éminence le cardinal E.-A. Taschereau.]
+
+Juin 1889.
+
+
+
+
+ A MES POÉSIES
+
+
+ C'en est fait maintenant, pareil aux hirondelles,
+ Partez; qu'un même but vous retrouve fidèles.
+ Et moi, pourvu qu'en vos combats
+ De votre foi nul coeur ne doute,
+ Et qu'une âme en secret écoute
+ Ce que vous lui direz tout bas...
+ ***
+
+
+Ah! mes pauvres oiseaux que j'élevais en cage,
+Mésanges dont les chants dissipaient ma douleur!
+En essaim vous volez vers un riant bocage
+Sans savoir que l'aspic se cache sous la fleur...
+
+Pourquoi donc avez-vous ainsi quitté ma chambre
+Où le mil et l'amour vous étaient prodigués?
+Et votre nid moelleux toujours chaud quand décembre
+Saccage la ramure où trônaient vos aînés?
+Ivres de liberté, de gloire d'aventure:
+Eh! oui, voilà l'appât qui fascine et capture
+Si souvent les oiseaux... et même les humains!
+
+1er Avril 1892.
+
+
+
+
+ TABLE
+
+POÉSIES DIVERSES
+
+Sujet: Les Voix intimes.
+Préface.
+Le bonheur.
+Renouveau.
+Samuel de Champlain.
+Envoi.
+La presse canadienne.
+La nuit de Noël.
+L'hirondelle.
+A mon père.
+Bouquet de violettes
+La St.-Jean-Baptiste.
+Le faubourg St-Roch.
+Octave Crémazie.
+La cité de Champlain.
+Un orphelin.
+Le mauvais artisan.
+Qu'est-ce que la vie?
+Adieu à la Nouvelle-Écosse.
+Louis Fréchette.
+Le mois des morts.
+Sachons lutter.
+La misère
+Aux politiciens.
+A mon ami M. W. Chapman.
+Elle est morte!
+Beauport.
+Le jour de l'An.
+Élégie.
+Au peuple canadien.
+L'automne.
+Aux célibataires.
+Sur l'album de Mlle D. M.
+A Madame B., cantatrice.
+Sur l'album de Mlle R. D.
+Sur l'album de Mlle J. M. F.
+Sur l'album de Mme Dr. M. F.
+Sur l'album de Mlle A. H. T.
+Un héros de 1870.
+
+SONNETS
+
+Montréal.
+Québec.
+Rose fanée.
+A M. E. Aubé, journaliste.
+A l'amiral Thomasset.
+A M.-C. Beaulieu.
+Le lac Beauport.
+A M. C.
+Réponse.
+Le printemps.
+A l'auteur.
+Réponse.
+A l'amiral Cavelier de Cuverville.
+Un nom glorieux.
+
+HYMNES, ROMANCES, ET CHANSONNETTES
+
+La crèche de Noël.
+La Canadienne.
+Aux raquetteurs de Sherbrooke.
+Chant d'adieu.
+Blanche, te souvient-il?
+Chant du club de raquette «Le Frontenac».
+Hymne à St-François-d'Assise.
+France et Canada.
+Chant de l'Ouvrier.
+Chanson des noces d'or.
+La Capricieuse
+La chanson du petit porteur.
+Rose, écoute-moi.
+Rayons et ombres.
+Les Canadiens.
+
+UNE GERBE D'ACROSTICHES
+
+A M. V. Billaud, de _l'Académie des Muses Santones_.
+La femme canadienne.
+A mes poésies.
+
+
+
+ ____________________
+
+TYPOGRAPHIE DE L.-J. DEMERS ET FRÈRE
+30--Rue de la Fabrique, Québec--30
+ ____________________
+
+
+
+
+
+
+
+
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+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
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+The Project Gutenberg EBook of Les voix intimes, by J.-B. Caouette
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
+
+
+Title: Les voix intimes
+ Premières Poésies
+
+Author: J.-B. Caouette
+
+Release Date: October 31, 2006 [EBook #19689]
+
+Language: French
+
+Character set encoding: ISO-8859-1
+
+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LES VOIX INTIMES ***
+
+
+
+
+Produced by Rénald Lévesque
+
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+
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/001.png"></p>
+
+
+
+
+
+
+
+
+<h2>PRÉFACE</h2>
+
+
+<p>Pourquoi une préface de moi, plutôt que d'un autre? Pour la plus simple
+des raisons: nos écrivains redoutent de signer les premières pages du
+libre d'un autre. Moi, non pas--et voici comment la chose m'apparaît.
+Après avoir lu un livre imprimé, vous en faites la post-face, devant vos
+amis, au cours de la conversation. Après avoir lu un livre manuscrit, je
+donne mon commentaire au commencement du volume.</p>
+
+<p>Vous pensez, peut-être, qu'une préface doit se composer de l'éloge de
+l'auteur, et c'est là le sujet de votre timidité, mais moi qui ne paye
+pas toujours en compliments, je n'ai jamais songé à cet obstacle. Étant
+libre de mes allures, je remplis le moule aux préfaces de ce que j'ai
+trouvé dans le livre.</p>
+
+<p>Il y a trente ans, nous nous présentions nous-mêmes au lecteurs, attendu
+que n'ayant presque pas d'ancêtres littéraires, nous ne savions par
+quelle voie nous introduire au milieu du public.</p>
+
+<p>Maintenant les jeunes se recommandent à nous: faisons aux autres ce que
+l'on n'a pu faire pour nous. M. J.-B. Caouette est un débutant que je
+vous présente parce que ayant fait la connaissance de ses vers, je les
+trouve de bonne compagnie. Vous pourrez les lire sans vous compromettre.
+C'est un bon Canadien de plus dans notre cercle, et si, un jour, il nous
+échappe pour passer à la postérité, vous ne serez ni inquiets sur son
+compte ni gênés de l'avoir connu. Pour le moment, ce travailleur est au
+moins estimable; saluons son arrivée sur la scène.</p>
+
+<p>Si je vous disais que M. Caouette se croit un grand homme et que c'est
+ainsi que je le considère, vous vous moqueriez de nous; c'est pourtant
+sur ce pied-là que l'on pose ordinairement un écrivain nouveau... à
+moins qu'on ne l'exécute en le lapidant.</p>
+
+<p>Parmi des vers fort bien tournés il s'en rencontre quelques-uns de tout
+à fait prosaïques, par exemple:</p>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i16">...l'oeuvre utile et salutaire</p>
+<p class="i16">Qu'on nomme le défrichement.</p>
+</div></div>
+
+<p>Mais il y assez de bonnes pièces pour sauver les <i>Voix Intimes</i> d'un
+oubli prématuré. Le souffle religieux et national agite noblement un
+grand nombre de pages, et cela suffirait pour valoir un accueil
+favorable à leur auteur.</p>
+
+<p>Publier un livre, c'est partir en guerre, s'exposer comme une cible,
+attraper les rhumatismes de la critique, recevoir des coups de lance, se
+faire pincer les chaires par des balles qui ricochent sans savoir où
+elles vont; mais on est rarement tué à ce métier et, le plus souvent, on
+y gagne de s'aguerrir et d'atteindre les plus hauts grades.</p>
+
+<p>Il y a longtemps que le dicton roule de par le monde: «ce sont toujours
+les mêmes qui se font tuer»--il n'y a donc pas trop de risques à
+courir.--En avant les jeunes! C'est à notre tour à vous regarder faire.</p>
+
+<p>BENJAMIN SULTE.</p>
+<br><br>
+
+<h3>LE BONHEUR</h3>
+
+<p>A MA FEMME</p>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i14">Où donc est le bonheur? disais-je.--Infortuné!</p>
+<p class="i14">Le bonheur, ô mon Dieu, vous me l'avez donné.</p>
+<p class="rig"> VICTOR HUGO</p>
+</div></div>
+<br>
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>J'ai cherché vainement dans les bruyantes fêtes,</p>
+<p>Où l'éclat des plaisirs éblouit tant de têtes,</p>
+<p>Ce trésor précieux qu'on nomme le bonheur;</p>
+<p>Je l'ai cherché d'abord sur le sol que je foule</p>
+<p>En voulant soulever les bravos de la foule,</p>
+<p>Et je n'ai recueilli qu'un éphémère honneur!</p>
+<br>
+<p>Pour le trouver, j'ai fait de pénibles voyages,</p>
+<p>Franchi les flots amers, parcouru maints villages</p>
+<p>Où la vive gaîté faisait battre les coeurs;</p>
+<p>Mais, ô fatalité! la sombre nostalgie,</p>
+<p>Ce désir violent de revoir la patrie,</p>
+<p>Aggravait chaque jour le poids de mes malheurs!</p>
+<br>
+<p>Après avoir vécu sur la plage étrangère,</p>
+<p>Sans ressource et craignant la main de la misère,</p>
+<p>Je revins au pays avec le fol espoir</p>
+<p>De trouver le bonheur en l'amitié sincère</p>
+<p>D'hommes que mainte fois j'avais aidés naguère.</p>
+<p>Mais les cruels ingrats rougirent de me voir!</p>
+<br>
+<p>Le bonheur!... pour l'avoir j'ai gravi le Parnasse</p>
+<p>Sur la cime duquel les disciples d'Horace</p>
+<p>Buvaient le doux nectar que leur versaient les dieux;</p>
+<p>J'allais toucher au but, quand mon lâche Pégase,</p>
+<p>Prenant un ton railleur, me lança cette phrase:</p>
+<p>«Halte-là! car tu n'es qu'un intrus en ces lieux...»</p>
+<br>
+<p>Alors je m'écriai, dans ma douleur amère.</p>
+<p><i>Où donc est le bonheur?</i> Serait-ce une chimère</p>
+<p>Qui redonne l'espoir à tout être souffrant?</p>
+<p>Hélas! je le croyais... Mais dès le jour, ô femme,</p>
+<p>Où les sons de ta voix firent vibrer mon âme,</p>
+<p>Je goûtai du bonheur le délice enivrant!</p>
+<br>
+<p>Et depuis qu'à nos yeux--aurore fortunée--</p>
+<p>S'alluma le divin flambeau de l'hyménée,</p>
+<p>Le bonheur, tu le sais, nous souris toujours.</p>
+<p>Il nous sourira même au sein de la souffrance,</p>
+<p>Parce que nous plaçons toute notre espérance</p>
+<p>Dans le Dieu qui bénit et féconde les jours!</p>
+<br>
+<p>Septembre 1886.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>RENOUVEAU</h3>
+<br>
+<p>A M. BENJAMIN SULTE</p>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i18">Le doux printemps vient de paraître</p>
+<p class="i18">Sous son manteau de velours vert,</p>
+<p class="i18">Et déjà l'on voit disparaître</p>
+<p class="i18">Tous les vestiges de l'hiver.</p>
+<br>
+<p class="i18">Son oeil à l'éclat de la braise:</p>
+<p class="i18">A la chaleur de ses rayons</p>
+<p class="i18">Naissent lilas, fleur, rose et fraise.</p>
+<p class="i18">Abeilles d'or et papillons.</p>
+<br>
+<p class="i18">Les arbres engourdis naguère</p>
+<p class="i18">Semblent dresser plus haut le front,</p>
+<p class="i18">Car la nature, en bonne mère,</p>
+<p class="i18">Verse la sève dans leur tronc.</p>
+<br>
+<p class="i18">Au plus épais de la ramure</p>
+<p class="i18">Les oiseaux préparent leurs nids,</p>
+<p class="i18">Sans s'occuper si la pâture</p>
+<p class="i18">Ou le lin leur seront fournis.</p>
+<br>
+<p class="i18">Du sol jaillit plus d'une source</p>
+<p class="i18">Que la froidure emprisonnait;</p>
+<p class="i18">Et le ruisseau reprend sa course</p>
+<p class="i18">A travers clos et jardinet.</p>
+<br>
+<p class="i18">Sur le bord de maintes rivières</p>
+<p class="i18">L'on voit le castor vigilant</p>
+<p class="i18">Transporter le bois et les pierres</p>
+<p class="i18">Pour bâtir son gîte étonnant.</p>
+<br>
+<p class="i18">La brise, sylphide légère,</p>
+<p class="i18">Fait la cour à toutes les fleurs,</p>
+<p class="i18">Puis vole embaumer l'atmosphère</p>
+<p class="i18">Des plus enivrantes senteurs.</p>
+<br>
+<p class="i18">De la cime de nos montagnes</p>
+<p class="i18">Se précipite le torrent</p>
+<p class="i18">Qui fertilise nos campagnes</p>
+<p class="i18">Avec les eaux du Saint-Laurent.</p>
+<br>
+<p class="i18">A nos fenêtres, l'hirondelle</p>
+<p class="i18">S'annonce par des cris joyeux;</p>
+<p class="i18">Elle revient à tire-d'aile</p>
+<p class="i18">Charmer les jeunes et les vieux.</p>
+<br>
+<p class="i18">Au palais comme à la chaumière,</p>
+<p class="i18">La porte s'ouvre à deux battants:</p>
+<p class="i18">Riche et pauvres ont soif de lumière</p>
+<p class="i18">D'air pur, de parfums odorants.</p>
+<br>
+<p class="i18">Parfois l'on quitte sa demeure</p>
+<p class="i18">Pour aller prendre un gai repas</p>
+<p class="i18">Sur la pelouse où toute à l'heure,</p>
+<p class="i18">Bébé fera ses premiers pas.</p>
+<br>
+<p class="i18">Plus loin les colons sur leur terre</p>
+<p class="i18">Travaillent courageusement</p>
+<p class="i18">A l'oeuvre utile et salutaire</p>
+<p class="i18">Qu'on nomme le défrichement.</p>
+<br>
+<p class="i18">Les uns creusent, les autres sèment</p>
+<p class="i18">Ou bien coupent les arbres morts;</p>
+<p class="i18">Ces braves bûchent, chantent, s'aiment</p>
+<p class="i18">Et dorment la nuit sans remords!</p>
+<br>
+<p class="i18">La fillette en robe de bure</p>
+<p class="i18">Chante et cultive tout le jour;</p>
+<p class="i18">Le soir venu, sa lèvre pure</p>
+<p class="i18">Dira peut-être un mot d'amour!...</p>
+<br>
+<p class="i18">Oui, l'homme, les oiseaux, les plantes</p>
+<p class="i18">Et l'onde aux bruits mystérieux</p>
+<p class="i18">Mêlent leurs voix reconnaissantes</p>
+<p class="i18">Pour célébrer le Roi des cieux.</p>
+<br>
+<p class="i18">Car tout ce qui vit et respire,</p>
+<p class="i18">Tout ce qui chante, pleure ou croit,</p>
+<p class="i18">Reconnaît qu'il est sous l'empire</p>
+<p class="i18">D'un esprit souverain et droit!</p>
+<br>
+<p class="i18">Printemps, réveil de la nature,</p>
+<p class="i18">Oh! sois le bienvenu toujours!</p>
+<p class="i18">Quand tu parais, la créature</p>
+<p class="i18">Espère encore des beaux jours!</p>
+<br>
+<p class="i18">C'est toi qui donnes à la plaine</p>
+<p class="i18">Son riche et moelleux vêtement;</p>
+<p class="i18">C'est toi qui fais germer la graine</p>
+<p class="i18">D'où sortira notre aliment!</p>
+<br>
+<p class="i18">C'est toi qui rends au pulmonaire</p>
+<p class="i18">La force et souvent la santé;</p>
+<p class="i18">C'est toi que l'Indien vénère</p>
+<p class="i18">En recouvrant la liberté!</p>
+<br>
+<p class="i18">O printemps, messager Celeste,</p>
+<p class="i18">Admirable consolateur</p>
+<p class="i18">Ton éclat seul manifeste</p>
+<p class="i18">La puissance du Créateur!</p>
+<br>
+<p>4 juin 1887.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>SAMUEL CHAMPLAIN</h3>
+<br>
+
+<p>A L'HONORABLE JUGE A. B. ROUTHIER.</p>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Stadaconé trônait dans sa majesté vierge</p>
+<p>Au-dessus des flots bleus que roulaient sur la berge</p>
+<p class="i6">Avec un bruissement clair.</p>
+<p>A travers les réseaux de la vigne embaumée</p>
+<p>L'indigène vivait dans sa hutte enfumée,</p>
+<p class="i6">Libre comme l'oiseau de l'air.</p>
+<br>
+<p>Sur l'immense plateau couronné de verdure,</p>
+<p>Les linotte mêlaient leur gracieux murmure,</p>
+<p class="i6"> Aux suaves rumeurs des eaux.</p>
+<p>Rien ne troublait alors l'harmonie enivrante</p>
+<p>Que l'onde, les rameaux et la brise odorante</p>
+<p class="i6"> Versaient à la voix des échos.</p>
+<br>
+<p>Maintes fleurs au soleil entr'ouvraient leurs corolles</p>
+<p>Où les abeilles d'or, inconstantes et folles,</p>
+<p class="i6"> Cueillaient le miel délicieux.</p>
+<p>Stadaconé semblait tressaillir d'allégresse,</p>
+<p>Et de chaque taillis un chant rempli d'ivresse</p>
+<p class="i6"> Montait avec l'arôme aux cieux.</p>
+<br>
+<p>Mais soudain des clameurs mystérieuses, vagues,</p>
+<p>Ayant l'air de surgir des profondeurs des vagues,</p>
+<p class="i6"> Interrompent ce doux concert;</p>
+<p>Un long serpent de feu court à travers l'espace,</p>
+<p>Et la voix du canon--à la brise qui passe--</p>
+<p class="i6"> Lance un rugissement d'enfer!</p>
+<br>
+<p>Un sauvage, à ce bruit, de son wigwam se sauve,</p>
+<p>Croisant dans la forêt plus d'une bête fauve</p>
+<p class="i6"> Prise d'un fol effarement;</p>
+<p>Mais bientôt il s'arrête au bord d'une clairière,</p>
+<p>Et sur le fleuve voit une souple voilière</p>
+<p class="i6"> Mouiller l'ancre à l'abri du vent.</p>
+<br>
+<p>Un homme jeune encore, à la vaillante allure,</p>
+<p>Portant moustache noire et longue chevelure,</p>
+<p class="i6"> S'élance sur le sable roux.</p>
+<p>L'indigène, charmé par le noble visage</p>
+<p>De celui qui paraît le chef de l'équipage,</p>
+<p class="i6"> Va se jeter à ses genoux.</p>
+<br>
+<p>Quel est donc l'inconnu qui vient fouler ces grèves</p>
+<p>Que l'enfant des forêts--voyant s'enfuir ses rêves--</p>
+<p class="i6"> Dispute aux blancs en souverain?</p>
+<p>Sauvage, incline-toi devant ce nouveau père</p>
+<p>Qui rendra ton pays civilisé, prospère!</p>
+<p class="i6"> Incline-toi devant Champlain!</p>
+<br>
+<p>Il vient, au nom du roi qui règne sur la France,</p>
+<p>Dissiper les erreurs, le vice et l'ignorance</p>
+<p class="i6"> Dans les coeurs naïfs ou pervers,</p>
+<p>Fonder en Amérique une humble colonie</p>
+<p>De la France éclairant par son vaste génie</p>
+<p class="i6"> Tous les peuples de l'univers!</p>
+<br>
+<p>Levant de l'avenir un coin du voile sombre,</p>
+<p>Il voit des ennemis le combattre dans l'ombre</p>
+<p class="i6"> Comme des tigres enragés;</p>
+<p>Mais sa foi, ses vertus, son esprit, sa prudence,</p>
+<p>Le feront triompher, avec la Providence,</p>
+<p class="i6"> Des ennemis et des dangers.</p>
+<br>
+<p>Après avoir gravi le rocher gigantesque</p>
+<p>Et contemplé longtemps le table pittoresque</p>
+<p class="i6"> Qui s'offre à ses regards ravis,</p>
+<p>Il regagne les flots du beau fleuve qu'il aime,</p>
+<p>Et, tout près de ses bords, il travaille lui-même</p>
+<p class="i6"> A bâtir le premier logis.</p>
+<br>
+<p>Champlain vient de jeter les bases de la ville</p>
+<p>Où fleurira bientôt la grande loi civile</p>
+<p class="i6"> A côté de la loi de Dieu.</p>
+<p>Il apprend que du Val, un Français malhonnête,</p>
+<p>Conspire contre lui: du Val meurt, et sa tête</p>
+<p class="i6"> Sanglante, est mise au bout d'un pieu!</p>
+<br>
+<p>Il est sévère, soit! mais juste et charitable;</p>
+<p>Sa bourse, son coeur d'or, son logis et sa table</p>
+<p class="i6"> S'ouvrent à tous les malheureux.</p>
+<p>Et les chefs des tribus algonquine et huronne,</p>
+<p>Touchés de ses bienfaits, posent une couronne</p>
+<p class="i6"> Sur son front noble et radieux!</p>
+<br>
+<p>Cet humble hommage émeut son âme magnanime</p>
+<p>Et l'attache encor plus à la charge sublime</p>
+<p class="i6"> Qu'il tient de son seigneur et roi;</p>
+<p>Car puisque dans ces coeurs il a déjà fait naître</p>
+<p>Un peu de gratitude, il y fera peut-être</p>
+<p class="i6"> Briller les rayons de la foi.</p>
+<br>
+<p>Il leur enseigne à tous l'art de l'agriculture,</p>
+<p>Et, vrai Cincinnatus, commence une culture</p>
+<p class="i6"> Que dieu couronne de succès.</p>
+<p>C'est lui qui, le premier, arrache à cette plage</p>
+<p>Le secret de donner au blanc comme au sauvage</p>
+<p class="i6"> Le pain, ce levier du progrès!</p>
+<br>
+<p>Mais l'illustre Français ne voit pas tout en rose;</p>
+<p>Son front serein naguère est maintenant morose:</p>
+<p class="i6"> Il pleure sur le sort des siens.</p>
+<p>Ah! c'est que, par delà les monts et les rivières,</p>
+<p>Habite une autre race, aux instincts sanguinaires,</p>
+<p class="i6"> Qui l'outrage et pille ses biens!</p>
+<br>
+<p>C'est la race iroquoise, avide et dominante,</p>
+<p>Qui veut anéantir cette ville naissante</p>
+<p class="i6"> Et régner sur tout le pays.</p>
+<p>Elle hait les Hurons et les visages pâles</p>
+<p>Et caresse l'espoir d'ouïr leur derniers râles</p>
+<p class="i6"> Et de mordre à leurs flancs roussis!</p>
+<br>
+<p>Champlain s'efforce encor d'apaiser les colères</p>
+<p>Des Algonquins qu'il a traités comme des frères.</p>
+<p class="i6"> Mais à sa voix nul n'est soumis.</p>
+<p>Les Iroquois d'ailleurs--véritables colosses--</p>
+<p>S'avancent, l'arme au poing, l'oeil et les traits féroces</p>
+<p class="i6"> Pour attaquer leurs ennemis.</p>
+<br>
+<p>Un chasseur, survenant, confirme la nouvelle</p>
+<p>que deux cents Iroquois, pris d'une ardeur nouvelle,</p>
+<p class="i6"> Viennent pour un combat prochain.</p>
+<p>«Alors, répond Champlain, puisqu'ils veulent la guerre,</p>
+<p>«Et, par orgueil, rougir de leur sang cette terre,</p>
+<p class="i6"> «Ils seront exaucés demain!»</p>
+<br>
+<p>Le soir, notre héros, entouré de ses braves</p>
+<p>Qui n'ont jamais connu la honte des entraves,</p>
+<p class="i6"> Marche au devant des Iroquois.</p>
+<p>Il les rejoint à l'aube, au milieu de leur danse,</p>
+<p>Aux bords du lac Champlain.--Assoiffés de vengeance,</p>
+<p class="i6"> Les Hurons vident leurs carquois.</p>
+<br>
+<p>Le soleil, qui se lève, embrase la ramée</p>
+<p>Où se tiennent Champlain et sa modeste armée</p>
+<p class="i6"> Un ennemi vient les voir;</p>
+<p>C'est un chef que distingue un panache de plumes,</p>
+<p>Et son accoutrement diffère ses costumes</p>
+<p class="i6"> Des autres monstres à l'oeil noir.</p>
+<br>
+<p>Levant son arme, il dit, d'une voix sombre et dure:</p>
+<p>«A tous ces gueux il faut ôter la chevelure,</p>
+<p class="i6"> «Et la faire flotter aux vents!»</p>
+<p>Champlain, sortant du bois, au premier rang se place,</p>
+<p>Et, d'un coup d'arquebuse, en abat trois sur place,</p>
+<p class="i6"> Le chef et ses premiers suivants!</p>
+<br>
+<p>Ce coup fameux inspire aux Iroquois la crainte;</p>
+<p>Ils luttent chaudement, mais leur bravoure est feinte:</p>
+<p class="i6"> La frayeur se lit dans leurs yeux!</p>
+<p>Ils reculent bientôt en cohorte confuse,</p>
+<p>Épouvantés qu'ils sont par les coups d'arquebuse</p>
+<p class="i6"> Que Champlain décharge sur eux!</p>
+<br>
+<p>Voyez-les déguerpir, ces guerriers si terribles</p>
+<p>Qui devaient déchirer de leurs ongles horribles</p>
+<p class="i6"> Les cadavres de leurs rivaux!</p>
+<p>Ils sont lâches, c'est vrai, mais--tigres indomptables--</p>
+<p>Ils voudront assouvir leurs haines implacables</p>
+<p class="i6"> Contre Champlain et ses héros.</p>
+<br>
+<p>Les ans passent. Champlain quitte la colonie</p>
+<p>Pour aller demander à la France bénie</p>
+<p class="i6"> Les soldats de la vérité.</p>
+<p>Car ce n'est pas, dit-il par la poudre et les balles</p>
+<p>Qu'on pourra subjuguer ces bandes cannibales:</p>
+<p class="i6"> Du prêtre il faut la charité!</p>
+<br>
+<p>Il revient au printemps, le coeur rempli de joie,</p>
+<p>Avec de fiers colons que la patrie envoie</p>
+<p class="i6"> Escortés de religieux.</p>
+<p>A sa charge il pourra se livrer sans relâche,</p>
+<p>Laissant aux récollets la grande et sainte tâche</p>
+<p class="i6"> De gagner des âmes aux cieux!</p>
+<br>
+<p>Il fonde, il établit de florissants villages</p>
+<p>Où naguère émergeaient des bourgades sauvages</p>
+<p class="i6"> Couvertes d'un maigre gazon;</p>
+<p>A la brise aujourd'hui le blé d'or s'y balance,</p>
+<p>Promettant au colon la joie et l'abondance</p>
+<p class="i6"> Pour les jours de l'âpre saison.</p>
+<br>
+<p>Il instruit l'ignorant, soulage l'infortune</p>
+<p>Fait voir aux ennemis l'horreur de la rancune</p>
+<p class="i6"> Et prêche la fraternité;</p>
+<p>Il soutient des combats qui le couvrent de gloire,</p>
+<p>Et pose les jalons d'une héroïque histoire</p>
+<p class="i6"> Qu'il lègue à la postérité!</p>
+<br>
+<p>Québec n'est plus ce roc à l'aspect morne et sombre</p>
+<p>Où venaient autrefois se reposer à l'ombre</p>
+<p class="i6"> Le chevreuil, la biche et l'élan.</p>
+<p>La vigne et le noyer sont tombés sous la hache</p>
+<p>La nature a jeté son large et vert panache</p>
+<p class="i6"> Pour se couvrir du drapeau blanc!</p>
+<br>
+<p>L'harmonie et l'amour ne sont plus dans les branches</p>
+<p>Où l'oiseau se cachait, mais dans les maisons blanches</p>
+<p class="i6"> Pleines d'enfants frais et mignons.</p>
+<p>Là vit de ses sueurs un petit peuple brave</p>
+<p>Qui peut déjà répondre à l'Anglais qui le brave:</p>
+<p class="i6"> «J'attends l'effet de vos canons!» <span class="sml">[1]</span></p>
+</div></div>
+
+<blockquote class="sml">[Note 1: Réponse de Champlain à la sommation de David Kertk, 10 juillet 1628.]</blockquote>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Un peuple de héros à la trempe athlétique,</p>
+<p>A l'âme généreuse, au coeur patriotique,</p>
+<p class="i6"> Luttant pour la France et ses droits:</p>
+<p>Un peuple qui bénit du prêtre l'influence</p>
+<p>Et coule sur ce sol une heureuse existence</p>
+<p class="i6"> A l'ombre sainte de la croix!...</p>
+<br>
+<p>C'est ton oeuvre, Champlain, ô gouverneur illustre!</p>
+<p>C'est toi qui fis grandir, en lui donnant ton lustre,</p>
+<p class="i6"> Ce peuple honnête et vigoureux;</p>
+<p>C'est toi qui le soutins aux heures de l'épreuve;</p>
+<p>C'est toi qui l'attachas aux rives de ce fleuve;</p>
+<p class="i6"> C'est toi qui le rendis heureux!</p>
+<br>
+<p>Un quart de siècle et plus, tu manias sans trêve</p>
+<p>La charrue ou l'outil, la parole ou le glaive</p>
+<p class="i6"> Pour assurer son avenir.</p>
+<p>Et quand la mort parut au seuil de ta demeure,--</p>
+<p>Où le peuple assemblé pleurait ta dernière heure,--</p>
+<p class="i6"> Sans trembler tu la vis venir!</p>
+<br>
+<p>Bien des ans ont passé depuis que ta grande âme</p>
+<p>S'est envolée aux cieux, et la patrie acclame</p>
+<p class="i6"> Ton nom toujours retentissant.</p>
+<p>Vois--grain de sénevé que tu jetas en terre--</p>
+<p>Ces millions de coeurs te proclament leur père</p>
+<p class="i6"> De ce pays libre et puissant!</p>
+<br>
+<p>Ils rêvaient d'ériger sur le haut promontoire</p>
+<p>Où ton astre brillant se coucha dans sa gloire,</p>
+<p class="i6"> Un bronze digne de renom;</p>
+<p>Et ce rêve aujourd'hui, Champlain, se réalise:</p>
+<p>Le peuple de Québec de zèle rivalise</p>
+<p class="i6"> Pour immortaliser ton nom.</p>
+<br>
+<p class="i16">ENVOI</p>
+<br>
+<p>On sait que l'éloquence avec la poésie</p>
+<p>Vous nourrirent jadis de leur douce ambroisie.</p>
+<p>Car votre langue, ô maître! est une lyre d'or</p>
+<p>Réveillant même ceux que l'ignorance endort!</p>
+<br>
+<p>Le ciel vous donna l'art de plaire et de convaincre</p>
+<p>Et celui de combattre une erreur et la vaincre...</p>
+<p>Ah! c'est que votre coeur exhale des accents</p>
+<p>Doux comme le cinname et purs comme l'encens!</p>
+<br>
+<p>Vous aimez--quand le peuple, enchanté, vous acclame,</p>
+<p>A parler, l'oeil humide, et la fierté dans l'âme,</p>
+<p>De ces illustres morts qui furent nos aïeux</p>
+<p>Et dont les grands exploits vous rendent orgueilleux;</p>
+<br>
+<p>Alors vous recevrez, j'en ai la confiance,</p>
+<p>Avec votre sourire et votre bienveillance,</p>
+<p>Ces vers que je redis en l'honneur du chrétien</p>
+<p>Que vénère et bénit le peuple canadien!</p>
+<br>
+<p>Avril 1891.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>LA PRESSE CANADIENNE</h3>
+<br>
+
+<p>A L'HONORABLE HECTOR FABRE</p>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Nos bardes tour à tour ont chanté la ramure,</p>
+<p>La brise, le soleil, et l'oiseau qui murmure</p>
+<p class="i6"> En voltigeant de fleur en fleur;</p>
+<p>De notre peuple ils ont célébré l'espérance,</p>
+<p>Les qualités, la foi, les vertus, la souffrance,</p>
+<p class="i6"> Le dévoûment et la valeur.</p>
+<br>
+<p>Ils ont, les yeux fixés aux pages de l'Histoire</p>
+<p>Redit avec orgueil l'éclatante victoire</p>
+<p class="i6"> De nos soldats à Carillon;</p>
+<p>Et moi, le plus obscur du groupe littéraire,</p>
+<p>J'ose venir chanter, d'une voix téméraire,</p>
+<p class="i6"> L'honneur d'un autre bataillon.</p>
+<br>
+<p>Ce bataillon figure en nos belles annales;</p>
+<p>C'est lui qui défendit nos lois nationales</p>
+<p class="i6"> Conte un farouche potentat;</p>
+<p>C'est lui qui détrôna l'infâme oligarchie,</p>
+<p>Qui, méprisant nos droits, voulait par tyrannie</p>
+<p class="i6"> Régner et posséder l'état!</p>
+<br>
+<p>Il essuya d'abord outrage sur outrage,</p>
+<p>L'exil et la prison; mais, sans perdre courage,</p>
+<p class="i6"> Dans sa lutte il persévéra.</p>
+<p>Alors, nos ennemis, plus orgueilleux que braves,</p>
+<p>Cessèrent à regret de mettre des entraves,</p>
+<p class="i6"> Et l'oligarchie expira...</p>
+<br>
+<p>Devant ce bataillon qui s'appelle la Presse,</p>
+<p>Chapeau bas, Canadiens! Et que chacun lui tresse</p>
+<p class="i6"> Une couronne en ce beau jour! <span class="sml">[2]</span></p>
+<p>Car en brisant les fers de notre servitude,</p>
+<p>Il s'est acquis des droits à notre gratitude,</p>
+<p class="i6"> A notre estime, à notre amour!</p>
+</div></div>
+
+<blockquote class="sml">[Note 2: Fête nationale des Canadiens-Français, 24 juin 1888.]</blockquote>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Et depuis lors, veillant comme une sentinelle</p>
+<p>A la sécurité de la nef fraternelle</p>
+<p class="i6"> Qui porte les deux nations,</p>
+<p>La Presse jetterait le premier cri d'alarme</p>
+<p>Si le tyran d'hier osait reprendre l'arme</p>
+<p class="i6"> Pour briser nos traditions!</p>
+<br>
+<p>Jamais ne sonnera cette heure malheureuse</p>
+<p>Où notre beau pays, dans une guerre affreuse,</p>
+<p class="i6"> Verrait ses fils s'entrégorger.</p>
+<p>Non! car les mêmes voeux de paix et d'espérance</p>
+<p>Font battre tous les coeurs de la Nouvelle-France,</p>
+<p class="i6"> Et nul ne songe à se venger!</p>
+<br>
+<p>La Presse canadienne honore notre race;</p>
+<p>Elle suit pas à pas la glorieuse trace</p>
+<p class="i6"> Du grand Bédard, son fondateur;</p>
+<p>Comme lui sans faiblesse, elle flétrit le vice,</p>
+<p>Exalte la vertu, flagelle l'injustice,</p>
+<p class="i6"> Défend l'Église et le pasteur.</p>
+<br>
+<p>Elle inspire le goût de la littérature,</p>
+<p>Favorise les arts, surtout l'agriculture,</p>
+<p class="i6"> Cette mère du genre humain.</p>
+<p>Toute oeuvre intelligente, honnête, généreuse,</p>
+<p>Tout ce qui fait enfin notre existence heureuse,</p>
+<p class="i6"> Porte l'empreinte de sa main!</p>
+<br>
+<p>Devant ce bataillon qui s'appelle la Presse,</p>
+<p>Chapeau bas, Canadiens! Et que chacun lui tresse</p>
+<p class="i6"> Une couronne en ce beau jour!</p>
+<p>Car en brisant les fers de notre servitude</p>
+<p>Il s'est acquis des droits à notre gratitude,</p>
+<p class="i6"> A notre estime, à notre amour!</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>LA NUIT DE NOËL</h3>
+<br>
+
+<p>A M. J-C TACHÉ, OTTAWA</p>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i14">Au pied de sa couche grossière</p>
+<p class="i14">Le petit pauvre a mis son bas,</p>
+<p class="i14">En murmurant cette prière:</p>
+<p class="i14">Bon Jésus, ne m'oubliez pas!</p>
+<br>
+<p class="i14">Il ne sait point que la misère</p>
+<p class="i14">Plane au-dessus de son réduit,</p>
+<p class="i14">Et que sa malheureuse mère</p>
+<p class="i14">N'a fait qu'un repas aujourd'hui!</p>
+<br>
+<p class="i14">Il ignore donc, à son âge,</p>
+<p class="i14">Que l'on peut souffrir de la faim,</p>
+<p class="i14">Et qu'un firmament sans nuage</p>
+<p class="i14">Peut devenir sombre demain.</p>
+<br>
+<p class="i14">Il ne sait qu'une seule chose:</p>
+<p class="i14">C'est la grande nuit de Noël,</p>
+<p class="i14">La nuit où l'enfant Jésus rose</p>
+<p class="i14">Apporte des présents du ciel.</p>
+<br>
+<p class="i14">Il s'endort sous des draps de laine,</p>
+<p class="i14">L'un sur l'autre assez mal cousus;</p>
+<p class="i14">Mais ces draps valent bien l'haleine</p>
+<p class="i14">Du boeuf qui soufflait sur Jésus!</p>
+<br>
+<p class="i14">Des songes d'or bercent son âme;</p>
+<p class="i14">Il voit, dans l'ombre qui grandit,</p>
+<p class="i14">Un esprit aux ailes de flamme,</p>
+<p class="i14">Voltiger autour de son lit,</p>
+<br>
+<p class="i14">Et dans son bas mette un mélange</p>
+<p class="i14">De fruits vermeils et de bonbons;</p>
+<p class="i14">Puis le rêveur, d'un geste étrange,</p>
+<p class="i14">tends les menottes vers ces dons...</p>
+<br>
+<p class="i14">Debout, la mère est là qui pleure,</p>
+<p class="i14">Le coeur brisé par le chagrin,</p>
+<p class="i14">Car pas d'argent dans la demeure,</p>
+<p class="i14">Et pas un seul morceau de pain.</p>
+<br>
+<p class="i14">Un douloureux transport l'agite;</p>
+<p class="i14">Son regard se voile un instant;</p>
+<p class="i14">Son coeur à se rompre palpite,</p>
+<p class="i14">Et son esprit va délirant:</p>
+<br>
+<p class="i14">«Dieu donne au riche l'opulence</p>
+<p class="i14">Avec la joie et le bonheur;</p>
+<p class="i14">Au pauvre, il donne l'indigence</p>
+<p class="i14">Avec l'envie et la douleur!</p>
+<br>
+<p class="i14">«Le riche emplit de friandises</p>
+<p class="i14">Le bas soyeux de son bambin</p>
+<p class="i14">Et moi je n'ai que des reprises</p>
+<p class="i14">A faire au bas de l'orphelin...</p>
+<br>
+<p class="i14">«Mais je blasphème, ô Dieu! pardonne,</p>
+<p class="i14">Dit-elle, en tombant à genoux!</p>
+<p class="i14">Ma pauvre langue déraisonne,</p>
+<p class="i14">Car c'est toi qui veilles sur nous.</p>
+<br>
+<p class="i14">«Sombre ou rose est notre existence:</p>
+<p class="i14">De ton amour c'est le secret;</p>
+<p class="i14">A notre âme il faut la souffrance,</p>
+<p class="i14">Comme à l'or il faut le creuset.»</p>
+<br>
+<p class="i14">Minuit sonne. La cloche appelle</p>
+<p class="i14">Le peuple auprès du saint berceau;</p>
+<p class="i14">La veuve, à cette voix si belle,</p>
+<p class="i14">Éprouve un sentiment nouveau.</p>
+<br>
+<p class="i14">«Pendant que mon ange sommeille,</p>
+<p class="i14">Fait-elle, en essuyant ses yeux,</p>
+<p class="i14">Allons à la crèche vermeille</p>
+<p class="i14">Adorer l'envoyé des cieux.»</p>
+<br>
+<p class="i14">Dans le temple de la prière</p>
+<p class="i14">Elle pénètre en chancelant,</p>
+<p class="i14">Car la douleur et la misère</p>
+<p class="i14">Ont rendu son corps défaillant.</p>
+<br>
+<p class="i14">Près d'elle, un homme charitable</p>
+<p class="i14">qui compte déjà de longs jours,</p>
+<p class="i14">Devine, à son air lamentable,</p>
+<p class="i14">Qu'elle végète sans secours.</p>
+<br>
+<p class="i14">Il la connaît et la vénère,</p>
+<p class="i14">Et désirant l'aider un peu</p>
+<p class="i14">Il sort et vole à la chaumière</p>
+<p class="i14">De celle qui prie au saint lieu.</p>
+<br>
+<p class="i14">Sans effort il ouvre la porte,</p>
+<p class="i14">La porte fermée au loquet,</p>
+<p class="i14">Dépose le falot qu'il porte</p>
+<p class="i14">Et met sur la table un paquet.</p>
+<br>
+<p class="i14">Il va sortir, quant la voix fraîche</p>
+<p class="i14">De l'enfant bredouille tout bas:</p>
+<p class="i14">«Le bon Jésus sort de la crèche</p>
+<p class="i14">pour emplir tous les petits bas!»</p>
+<br>
+<p class="i14">L'homme, ému par ce songe étrange,</p>
+<p class="i14">Fuit et revient en quelques bonde</p>
+<p class="i14">Glisser dans le bas du bel ange</p>
+<p class="i14">Des pièces d'or et des bonbons...</p>
+<br>
+<p class="i14">Il est jour. Le soleil inonde</p>
+<p class="i14">La chaumière de mille feux.</p>
+<p class="i14">Soudain, levant sa tête blonde,</p>
+<p class="i14">L'enfant pousse des cris joyeux.</p>
+<br>
+<p class="i14">La mère, à ces tons d'allégresse,</p>
+<p class="i14">Se lève et croit rêver encor!</p>
+<p class="i14">L'enfant l'embrasse et la caresse</p>
+<p class="i14">En lui montrant les pièces d'or.</p>
+<br>
+<p class="i14">Sauvés! Sauvés exclame-t-elle!</p>
+<p class="i14">--Enfant, d'où vient ce trésor-là?</p>
+<p class="i14">--Mère, la chose est naturelle:</p>
+<p class="i14">Il vient du bon Jésus, voilà!</p>
+<br>
+<p class="i14">Intelligente autant que sage,</p>
+<p class="i14">La mère devine à l'instant;</p>
+<p class="i14">Et, décrochant une humble image,</p>
+<p class="i14">Elle dit en s'agenouillant:</p>
+<br>
+<p class="i14">«Enfant, devant cette madone,</p>
+<p class="i14">Disons, en ce jour solennel:</p>
+<p class="i14">Oh! bénissez celui qui donne</p>
+<p class="i14">L'or et les bonbons de Noël!»</p>
+<br>
+<p>27 décembre 1890.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>L'HIRONDELLE</h3>
+<br>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>C'était un jour de juin. Sous la verte ramée</p>
+<p>L'onde et l'oiseau mêlaient les accords de leurs voix.</p>
+<p>Le soleil argentait la pelouse embaumée</p>
+<p>Et la brise agitait le grand clavier des bois.</p>
+<br>
+<p>Je contemplais, pensif, l'orgueilleuse nature</p>
+<p>Déroulant au regard ses féeriques splendeurs,</p>
+<p>Quand, soudain, j'aperçus au fond de la ramure</p>
+<p>Un petit chantre ailé volant de fleur en fleur.</p>
+<br>
+<p>Je m'approchai--c'était la gentille hirondelle</p>
+<p>Qui saluait l'aurore aux brillantes couleurs;</p>
+<p>Joyeuse, elle égrenait sa tendre ritournelle</p>
+<p>Dans l'air tout imprégné d'agréables senteurs.</p>
+<br>
+<p>Oh! sois la bienvenue, hirondelle vaillante,</p>
+<p>Compagne de la rose, oiseau consolateur!</p>
+<p>Lorsque tu viens, petite, une joie éclate</p>
+<p>Illumine le front du pauvre moissonneur!</p>
+<br>
+<p>Tu veilles sur le grain, de village en village,</p>
+<p>Et sais le protéger contre le moucheron;</p>
+<p>Chaque été tu poursuis ta tâche avec courage</p>
+<p>En brisant sans pitié l'insecte et l'embryon!</p>
+<br>
+<p>Le riche a ses oiseaux qu'à prix d'or il achète,</p>
+<p>Oiseaux bariolés comme les arcs-en-ciel,</p>
+<p>Qui soupirent leurs chants, ainsi qu'une fillette,</p>
+<p>Pour de légers gâteaux ou des rayons de miel.</p>
+<br>
+<p>L'hirondelle se rit des naïves caresses</p>
+<p>Que le riche prodigue à ses oiseaux aimés;</p>
+<p>La liberté, voilà sa corbeille d'ivresses!</p>
+<p>Elle aime le grand air et les nids parfumés.</p>
+<br>
+<p>Elle habite partout: la terre est sa patrie.</p>
+<p>Des rivages du Gange aux bords du Saint-Laurent,</p>
+<p>Le laboureur l'accueille avec idolâtrie,</p>
+<p>Car cet oiseau, pour lui, c'est plus qu'un conquérant!</p>
+<br>
+<p>Puis quand le morne hiver, cet hôte impitoyable,</p>
+<p>Déroule sur nos prés son tapis de frimas;</p>
+<p>Quand le nid des amours devient inhabitable,</p>
+<p>Elle prend son essor, vers de plus chauds climats.</p>
+<br>
+<p>Poussant son vol altier à travers les empires,</p>
+<p>Les fleuves, les déserts, les pics vertigineux,</p>
+<p>Elle berce en volant, sur l'aile des zéphires</p>
+<p>Ses suaves accords qui montent vers les cieux.</p>
+<br>
+<p>Mais vienne le printemps avec ses nids de mousse,</p>
+<p>Son radieux soleil, ses bosquets enchantés,</p>
+<p>On la voit aussitôt, comme une amante douce,</p>
+<p>Joyeuse, revenir aux lieux qu'elle a quittés.</p>
+<br>
+<p>Puissé-je encor longtemps, ô gentille hirondelle,</p>
+<p>Écouter ta romance et tes cris de bonheur!</p>
+<p>Ah! reviens sous nos cieux, messagère fidèle,</p>
+<p>Mettre un rayon d'espoir dans notre pauvre coeur!</p>
+<br>
+<p>Juin 1878.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>A MON PÈRE</h3>
+<br>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Quand la première fleur au champ des morts rayonne,</p>
+<p>J'aime à te visiter, ô modeste colonne,</p>
+<p>Qui rappelles le nom de mon père chéri;</p>
+<p>Devant toi je m'incline en fermant les paupières,</p>
+<p>Et mon âme redit de ferventes prières</p>
+<p>Pour le chrétien qui dort sous ce gazon fleuri.</p>
+<br>
+<p>Méprisant les honneurs que l'orgueilleux envie,</p>
+<p>Sans fiel il traversa le sentier de la vie</p>
+<p>En pratiquant toujours la foi de ses aïeux.</p>
+<p>Il n'aura pas sa place aux pages de l'histoire,</p>
+<p>Mais son nom restera gravé dans la mémoire</p>
+<p>Des plus pauvres que lui qu'il aida de son mieux.</p>
+<br>
+<p>Il est là, maintenant, sous quelques pieds de sable,</p>
+<p>Cet honnête vieillard, doux, généreux, affable,</p>
+<p>Qui ne faillit jamais aux règles de l'honneur.</p>
+<p>Chrétiens, qui visitez ce sombre coin de terre,</p>
+<p>Où l'oiseau, plein d'émoi, gazouille avec mystère,</p>
+<p>Ah! daignez pour mon père implorer le Seigneur!</p>
+<br>
+<p>12 juillet 1883.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h2>BOUQUET DE VIOLETTES</h2>
+<br><br>
+
+<h3>L'ÉPÉE ET LA CHARRUE</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Nos aïeux, sur ce sol, avec leur fière épée</p>
+<p>Ont écrit ce grand mot: civilisation!</p>
+<p>Nous, avec la charrue, achevons l'épopée</p>
+<p>Par ce terme viril: colonisation!</p>
+</div></div>
+
+<h3>LA PRESSE</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>La presse, c'est le phare illuminant le monde,</p>
+<p>Le phare qui répand sa lumière féconde</p>
+<p>Dans les nombreux esprits où l'erreur existait.</p>
+<p>Mais la mauvaise presse attaque la morale</p>
+<p>Sape l'autorité, provoque le scandale</p>
+<p>Et renverserait tout, si Dieu ne l'arrêtait!</p>
+</div></div>
+
+<h3>RICHESSE ET PAUVRETÉ</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>De la richesse naît quelquefois l'avarice,</p>
+<p>Et le coeur de l'avare est toujours malheureux;</p>
+<p>Mais de la pauvreté jamais ne vient ce vice</p>
+<p>Voilà pourquoi le pauvre est si souvent joyeux.</p>
+</div></div>
+
+<h3>L'ORPHELINE ET SA MÈRE</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Une orpheline, un jour, demandait à sa mère</p>
+<p>Pourquoi, soir et matin, elle priait Jésus?</p>
+<p>C'est que, répondit-elle, en lui je vois un père</p>
+<p>Qui remplace celui que tu n'embrasse plus!</p>
+</div></div>
+
+<h3>LE DOIGT DE DIEU</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Par un froid de décembre, une tremblante mère</p>
+<p>Chez un riche orgueilleux alla tendre la main;</p>
+<p>Le riche en blasphémant repoussa sa prière,</p>
+<p>Mais l'ange de la mort le foudroya soudain.</p>
+</div></div>
+
+<h3>LA RECONNAISSANCE</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Tout bienfaiteur a droit à la reconnaissance;</p>
+<p>L'être suprême à qui nous devons l'existence</p>
+<p class="i6"> A les prémices de ce droit.</p>
+<p>C'est un devoir auquel chaque bienfait nous lie,</p>
+<p>Et l'ingrat est un monstre indigne de la vie,</p>
+<p class="i6"> Un être à l'esprit trop étroit!</p></div></div>
+
+<h3>MA POLITIQUE</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Ma politique à moi, voulez-vous la connaître?</p>
+<p>--Non, dites-vous?--Alors, ce sera plus tôt fait!</p>
+<p>D'ailleurs, je vous dirais qu'elle est encore à naître:</p>
+<p>Quoi! cela vous étonne? et pourtant c'est un fait.</p>
+</div></div>
+
+<h3>A NOS FRÈRES EXILÉS</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>O frères, qui vivez loin de notre patrie</p>
+<p>Et qui gardez encore avec idolâtrie</p>
+<p>Les coutumes, les moeurs et la foi des aïeux,</p>
+<p>Soyez bénis! Nos coeurs caressent l'espérance</p>
+<p>Qu'un jour vous reviendrez dans la Nouvelle-France</p>
+<p>Partager nos travaux et leurs fruits glorieux!</p>
+</div></div>
+
+<h3>AH! LES ENFANTS!</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Bébé fait le malin depuis une heure entière,</p>
+<p>Et la faible maman ne peut le maîtriser.</p>
+<p>Soudain le père arrive et se met en colère,</p>
+<p>Mais bébé l'adoucit avec un seul baiser...</p>
+</div></div>
+
+<h3>LES PARVENUS</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Il est des parvenus qui croient, dans leur folie,</p>
+<p>Que la toilette et l'or éclipsent le génie,</p>
+<p>Et que tous leurs désirs doivent être exaucés.</p>
+<p>Erreur! car ici-bas le génie est le maître,</p>
+<p>Et quand ces pauvres sots s'efforcent de paraître,</p>
+<p>Ils sont pris en pitié par les hommes sensés!</p>
+</div></div>
+
+<h3>TEL PÈRE, TEL FILS</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Autrefois, j'ai connu, tout près de cette ville,</p>
+<p>Un gamin de neuf ans qui blasphémait déjà.</p>
+<p>«Enfant, lui dis-je un jour, cette habitude est vile.</p>
+<p>«Monsieur, répondit-il, je fais comme papa!»</p>
+</div></div>
+
+<h3>LE MOT PATRIE</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Le mot patrie est doux à l'oreille de l'homme;</p>
+<p>L'enfant, sans le comprendre, avec amour le nomme;</p>
+<p>L'adulte en l'entendant sent palpiter son coeur.</p>
+<p>A ce mot nous volons sur le champ de bataille,</p>
+<p>Et pour lui nous bravons le fer de la mitraille;</p>
+<p>Ce mot veut dire enfin: pays, famille, honneur!</p>
+<br>
+<p>22 octobre 1887.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>LA SAINT-JEAN-BAPTISTE</h3>
+<br>
+
+<p>A M. AMÉDÉE ROBITAILLE</p>
+
+<p>Président général de la société St-Jean-Baptiste.</p>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Quand brille à l'horizon le jour de la patrie,</p>
+<p>Les Canadiens-Français, l'âme toute attendrie,</p>
+<p>Célèbrent des aïeux les vertus, les exploits;</p>
+<p>Et, léguant à l'oubli tout ce qui les divise,</p>
+<p>Ils suivent l'étendard qui porte leur devise:</p>
+<p>«Nos institutions, notre langue et nos lois!»</p>
+<br>
+<p>Ils marchent, le front haut, sur ce sol où leurs pères</p>
+<p>Ont posé les jalons de ces villes prospères</p>
+<p>Que le touriste admire aux bords du Saint-Laurent.</p>
+<p>Ils s'arrêtent parfois dans leur pèlerinage</p>
+<p>Pour saluer le nom d'un noble personnage</p>
+<p>Buriné sur l'airain d'un humble monument.</p>
+<br>
+<p>Ils vont se recueillir un instant dans le temple</p>
+<p>Sous le tendre regard de Dieu qui les contemple</p>
+<p>Et les fait triompher d'ennemis dangereux;</p>
+<p>Ils retrempent leur foi--la foi des leurs ancêtres--</p>
+<p>Que savent leur transmettre une foule de prêtres</p>
+<p>Aussi braves et saints que Brébeuf et Buteux.</p>
+<br>
+<p>Et lorsqu'ils ont offert au ciel un pur hommage,</p>
+<p>Ils retournent chacun festoyer sous l'ombrage</p>
+<p>Des érables plantés en l'honneur de saint Jean.</p>
+<p>O les joyeux refrains que chantent les poitrines</p>
+<p>Que de mots répétés par des voix argentines</p>
+<p>Et qui mettent la joie au coeur de l'indigent...</p>
+<br>
+<p>Puis, le soir, ils s'en vont sur la place publique</p>
+<p>Où d'éloquents tribuns, à la voix sympathique,</p>
+<p>Redisent la valeur de ceux qui ne sont plus;</p>
+<p>Il sont heureux d'entendre exalter la mémoire</p>
+<p>De ces fameux héros dont nous parle l'histoire,</p>
+<p>Et jurent d'imiter leurs brillantes vertus!</p>
+<br>
+<p>O Canadiens-Français d'une même croyance,</p>
+<p>Vous dont le fier esprit égale la vaillance,</p>
+<p class="i6"> Fêtez avec éclat ce jour!</p>
+<p>Portant de Carillon l'immortelle bannière</p>
+<p>Allez au champ d'honneur vénérer la poussière</p>
+<p class="i6"> Des guerriers morts pour votre amour!</p>
+
+<p>Juin 1889</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>IL SERA PRÊTRE!</h3>
+<br>
+
+<p>A MADAME L. G. V...</p>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Le prêtre est un pont jeté entre le ciel et</p>
+<p>la terre. Le jour où il n'y aurait plus</p>
+<p>de prêtres, le monde s'abîmerait dans une</p>
+<p>immense ruine.</p>
+<br>
+<p>C'était un beau matin. Les cloches de l'église</p>
+<p>Mêlaient joyeusement aux accords de la brise</p>
+<p class="i6"> Leurs sons harmonieux;</p>
+<p>Le peuple agenouillé dans notre basilique,</p>
+<p>Adressait en son coeur une douce supplique</p>
+<p class="i6"> Au Monarque des cieux.</p>
+<br>
+<p>A l'autel se tenaient douze jeunes lévites</p>
+<p>Venus pour dire au monde, aux plaisirs illicites</p>
+<p class="i6"> Un éternel adieu;</p>
+<p>Leurs lèvres murmuraient d'ineffables prières</p>
+<p>Et des larmes d'amour nageaient sous leurs paupières</p>
+<p class="i6"> Quand ils firent le voeu.</p>
+<br>
+<p>Que c'est donc merveilleux cette cérémonie!</p>
+<p>Quel cachet de grandeur, de sainte poésie</p>
+<p class="i6"> Ne contient-elle pas?</p>
+<p>Et ces fils d'Adam, nés comme nous dans les larmes,</p>
+<p>Livreront à satan et ses compagnons d'armes</p>
+<p class="i6"> Des valeureux combats!</p>
+<br>
+<p>Quelle langue pourrait, ô noble et digne femme!</p>
+<p>Exprimer le bonheur dont fut pleine votre âme</p>
+<p class="i6"> Au «voeu» de votre enfant?</p>
+<p>Ah! vous étiez heureuses au delà de tout rêve,</p>
+<p>Car l'évêque sacrait, ô pauvre fille d'Ève,</p>
+<p class="i6"> Le sang de votre sang!</p>
+<br>
+<p>Oui, vous étiez heureuse, ô bonne et tendre mère,</p>
+<p>Plus que si des honneurs la couronne éphémère</p>
+<p class="i6"> Eût ceint ce front aimé;</p>
+<p>Heureuse jusqu'au point de croire que Dieu même</p>
+<p>N'avait jamais offert de plus beau diadème</p>
+<p class="i6"> En son ciel embaumé.</p>
+<br>
+<p>Réjouissez-vous bien, naïve et sainte femme!</p>
+<p>Exaltez cet enfant que l'Église proclame</p>
+<p class="i6"> Un dévoué pasteur;</p>
+<p>Contemplez son regard où la pureté brille,</p>
+<p>Son front calme et serein où la grâce scintille,</p>
+<p class="i6"> Ses traits pleins de douceur!</p>
+<br>
+<p>Vous l'aimiez!... Cependant lorsqu'il vous fit connaître</p>
+<p>Que le ciel l'appelait à devenir un prêtre,</p>
+<p class="i6"> L'ami des malheureux,</p>
+<p>Alors vous avez dit, avec le saint prophète;</p>
+<p>«Que votre volonté, verbe divin soit faite</p>
+<p class="i6"> Ici-bas comme aux cieux!»</p>
+<br>
+<p>Il sera prêtre! Ainsi, joyeux, il abandonne</p>
+<p>Les passagers plaisirs auxquels l'homme s'adonne,</p>
+<p class="i6"> Et qui font son malheur;</p>
+<p>Il quitte sans regret amis, parents richesses;</p>
+<p>Son coeur--brûlant foyer des pures allégresses--</p>
+<p class="i6"> Palpite avec ardeur!</p>
+<br>
+<p>Ses mains que pressiez jadis avec tendresse,</p>
+<p>Toucheront désormais, durant la sainte messe,</p>
+<p class="i6"> Le corps, le sang de Dieu;</p>
+<p>Ses pieds qu'avec amour vous baisiez dans les langes</p>
+<p>Serviront à porter l'auguste pains des anges</p>
+<p class="i6"> Aux mortels, en tout lieu!</p>
+<br>
+<p>Femme, vous n'aurez pas l'orgueil d'être grand'mère,</p>
+<p>Mais votre fils unique aura, sur cette terre,</p>
+<p class="i6"> Une postérité:</p>
+<p>Elle renfermera le grand, le prolétaire;</p>
+<p>Le vieillard et l'enfant le nommeront «mon père»,</p>
+<p class="i6"> L'oeil brillant de fierté.</p>
+<br>
+<p>Il sera prêtre! Aussi que de brebis errantes</p>
+<p>Reprendront sous ses soins, heureuses, repentantes,</p>
+<p class="i6"> La route du bercail;</p>
+<p>Et que de malheureux, guidés par sa parole,</p>
+<p>A son exemple, iront, de l'Équateur au Pôle,</p>
+<p class="i6"> Achever son travail!</p>
+<br>
+<p>Nouveau Vincent de Paul, cet homme charitable</p>
+<p>Pressera sur son sein le pauvre misérable,</p>
+<p class="i6"> Abandonné de tous;</p>
+<p>Il lui prodiguera les plus grandes tendresses,</p>
+<p>Et ce pauvre, touché, contera ses faiblesses</p>
+<p class="i6"> En tombant à genoux!</p>
+<br>
+<p>Puis, lorsque les méchants, le coeur rempli de rage</p>
+<p>Maudiront, saliront de leur ignoble outrage</p>
+<p class="i6"> L'apôtre du Seigneur,</p>
+<p>Alors cet homme saint sentira dans son âme</p>
+<p>Un amour plus ardent, une plus vive flamme</p>
+<p class="i6"> Pour le faible pécheur?</p>
+<br>
+<p>Il est consacré prêtre! Et vous, sa bonne mère,</p>
+<p>Vous goûtez ardemment sa parole sincère,</p>
+<p class="i6"> Pleine d'émotion.</p>
+<p>Vous assistez tremblante, à la première messe</p>
+<p>De ce fils qui vous donne--ô sublime caresse!--</p>
+<p class="i6"> Sa bénédiction...</p>
+<br>
+<p>Femme, allez maintenant à vos oeuvres pieuses,</p>
+<p>Et lorsque sonneront les heures douloureuses,</p>
+<p class="i6"> Pensez à votre enfant;</p>
+<p>Pensez aux doux bienfaits qu'il sème sur la terre:</p>
+<p>Ce souvenir sera le baume salutaire</p>
+<p class="i6"> De votre coeur souffrant</p>
+<br>
+<p>Juin 1879.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>LE FAUBOURG SAINT-ROCH</h3>
+<br>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Le vieux faubourg Saint-Roch s'incline sur le bord</p>
+<p>De l'anse sablonneuse où le Saint-Charles endort</p>
+<p class="i6"> Son flot bleu qui palpite;</p>
+<p>C'est là que la vertu romaine vit toujours</p>
+<p>Et que sa mâle voix--sa voix des anciens jours--</p>
+<p class="i6"> Parle à des coeurs d'élite!</p>
+<br>
+<p>C'est là que Cartier vint, pour la première fois,</p>
+<p>Ennoblir notre sol en y plantant la croix</p>
+<p class="i6"> Sous l'ombrage des hêtres;</p>
+<p>C'est là que sont empreints les pas des découvreurs,</p>
+<p>C'est là qu'ont abordé nos vaillants laboureurs</p>
+<p class="i6"> Avec nos premiers prêtres!</p>
+<br>
+<p>C'est là d'où sont partis ces humbles conquérants</p>
+<p>Qui portaient à travers forêts, monts et torrents</p>
+<p class="i6"> La parole bénie</p>
+<p>A l'enfant des déserts que la foi réclamait...</p>
+<p>C'est enfin le berceau grandiose où germait</p>
+<p class="i6"> La noble colonie!</p>
+<br>
+<p>J'aime ce vieux faubourg coquet et florissant,</p>
+<p>Où le riche à sa table accueille le passant</p>
+<p class="i6"> Qui demande une obole;</p>
+<p>Car c'est là que s'exerce avec simplicité</p>
+<p>La bienfaisante loi de l'hospitalité</p>
+<p class="i6"> Qui ravit et console!</p>
+<br>
+<p>Oui, je t'aime, ô Saint-Roch! A ton passé rêvant,</p>
+<p>Parfois je crois ouïr un poème émouvant</p>
+<p class="i6"> Dans la rumeur de l'onde</p>
+<p>Où se mirent les toits de la fière cité</p>
+<p>Dont l'immortel Champlain devina la beauté</p>
+<p class="i6"> Qui charme le Vieux-Monde!</p>
+<br>
+<p>Je t'aime! car je sais qu'à l'ombre de la croix</p>
+<p>Vaillamment tu luttas pour défendre nos droits</p>
+<p class="i6"> Contre le despotisme;</p>
+<p>Et qu'en toi bat le coeur de notre nation;</p>
+<p>O boulevard béni de la religion</p>
+<p class="i6"> Et du patriotisme!</p>
+<br>
+<p>Mai 1880.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>A LA BRISE</h3>
+<br>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Haleine du printemps, ô brise parfumée,</p>
+<p>Errant de fleur en fleur, de vallon en vallon!</p>
+<p>L'amoureux, pour ouïr ta roulade animée,</p>
+<p>S'arrache sans regret aux plaisirs du salon.</p>
+<br>
+<p>Il place sur ton aile, aimable messagère,</p>
+<p>Ses longs soupirs d'amour, ses rêves de bonheur,</p>
+<p>Et tu vas les porter à l'amante sincère</p>
+<p>Qui, là-bas, les reçoit dans les plis de son coeur.</p>
+<br>
+<p>Que de fois le poète a redit sur sa lyre</p>
+<p>Les gracieux accords qui vibraient dans ta voix,</p>
+<p>Et que de fois l'oiseau dans un joyeux délire</p>
+<p>S'est mis à les chanter sous les arceaux des bois!</p>
+<br>
+<p>O brise enivre-moi longtemps de ton arôme!</p>
+<p>Viens rafraîchir mon âme où germe la douleur!</p>
+<p>Passe devant mes yeux comme un léger fantôme,</p>
+<p>Et porte jusqu'à Dieu l'écho de mon malheur!</p>
+<br>
+<p>Mai 1882.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>OCTAVE CRÉMAZIE</h3>
+<br>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i18">Prions pour l'exilé, qui, loin de sa patrie,</p>
+<p class="i18">Expira sans entendre une parole amie;</p>
+<p class="i18">Isolé dans sa vie, isolé dans sa mort,</p>
+<p class="i18">Personne ne viendra donner une prière,</p>
+<p class="i18">L'aumône d'une larme à la tombe étrangère!</p>
+<p class="i18">Qui pense à l'inconnu qui sous la terre dort?</p>
+<p class="i30"> OCTAVE CRÉMAZIE.</p>
+<br><br>
+
+<p>S'il est un nom qui rime avec la poésie,</p>
+<p>C'est celui de l'illustre Octave Crémazie,</p>
+<p class="i6"> Le nom d'un barde bien-aimé;</p>
+<p>D'un barde qui creusa, comme le vieil Horace</p>
+<p>Dans le champ du génie une profonde trace</p>
+<p class="i6"> Que suivent Fréchette et Lemay.</p>
+<br>
+<p>Bien des fois, secouant sa sombre rêverie,</p>
+<p>Il chanta sur son luth l'amour de la patrie</p>
+<p class="i6"> Et les vertus de nos aïeux;</p>
+<p>Du prêtre canadien il chanta la science,</p>
+<p>La foi, la charité le dévouement immense</p>
+<p class="i6"> Et les triomphes glorieux!</p>
+<br>
+<p>En pleurant il chanta le drapeau de la France,</p>
+<p>Ce riche talisman, témoin de la vaillance</p>
+<p class="i6"> De nos soldats à Carillon;</p>
+<p>A ce vieux drapeau blanc environné de gloire,</p>
+<p>Rappelait à son coeur la plus belle victoire</p>
+<p class="i6"> Qu'eût remportée un bataillon!</p>
+<br>
+<p>Il chanta les vallons tapissés de verdure</p>
+<p>Que le ciel a jetés, ainsi qu'une bordure,</p>
+<p class="i6"> Sur les rives du Saint-Laurent;</p>
+<p>Il chanta les ruisseaux, les lacs et les rivières</p>
+<p>Qui fécondent le sol, et les cimes altières</p>
+<p class="i6"> Où gronde et bondit le torrent.</p>
+<br>
+<p>Il chanta tour à tour le zéphyr, l'hirondelle,</p>
+<p>Le site merveilleux de notre citadelle</p>
+<p class="i6"> Et nos modestes monuments.</p>
+<p>La foi de nos martyrs inspirait ses mélanges</p>
+<p>Qui semblaient aussi doux que les hymnes des anges</p>
+<p class="i6"> Envolés au souffle des vents!</p>
+<br>
+<p>Mais un jour--oubliant la sainte poésie--</p>
+<p>Il eut, dans un moment de gêne et de folie,</p>
+<p class="i6"> Une coupable illusion:</p>
+<p>Comme l'arbre géant brisé par la tempête,</p>
+<p>Le poète courba sa belle et noble tête</p>
+<p class="i6"> Sous la peine du talion...</p>
+<br>
+<p>Bien des ans ont passé depuis cette heure sombre!</p>
+<p>Crémazie, en voyant à son étoile une ombre,</p>
+<p class="i6"> A fui le lieu de ses malheurs...</p>
+<p>Il a vécu longtemps sur la terre étrangère,</p>
+<p>Abandonné de tous, en proie à la misère,</p>
+<p class="i6"> Vidant la coupe des douleurs!</p>
+<br>
+<p>Aujourd'hui... mais silence!... Il sommeille sous terre</p>
+<p>Dans un coin de la France, au fond d'un cimetière,</p>
+<p class="i6"> Où nul peut-être ne priera...</p>
+<p>L'inexorable mort l'a couché dans la bière</p>
+<p>En attendant qu'un jour revienne sa poussière</p>
+<p class="i6"> En ce pays qu'il illustra!</p>
+<br>
+<p>Reçois avec tendresse, ô barde que j'admire,</p>
+<p>Ces vers que je redis sur ma craintive lyre,</p>
+<p class="i6"> Et que l'amitié m'inspira!</p>
+<p>Puisse les Canadiens dresser à ta mémoire</p>
+<p>Sur le roc de Québec un monument de gloire!</p>
+<p class="i6"> Et l'Amérique applaudira!</p>
+<br>
+<p>1er août 1877.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>LA CITÉ DE CHAMPLAIN</h3>
+<br>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Assise sur un roc où notre espoir se fonde,</p>
+<p>Tu mires ta grandeur dans la vague profonde</p>
+<p class="i6"> Du fleuve Saint-Laurent;</p>
+<p>Tes vieux créneaux noircis par la poudre et la flamme</p>
+<p>Ont l'air de regarder s'envoler la grande âme</p>
+<p class="i6"> De Montcalm expirant!</p>
+<br>
+<p>Aux jours anciens, la voix de la mitraille</p>
+<p>Sur tes remparts a retenti souvent;</p>
+<p>Et l'étranger sur ta haute muraille</p>
+<p>Peut lire encore ce poème éloquent.</p>
+<p>Un siècle et plus, les enfants de la France</p>
+<p>Ont répandu pour toi leur noble sang,</p>
+<p>Mais délaissés par une vile engeance,</p>
+<p>Ils t'ont perdue avec le drapeau blanc...</p>
+<br>
+<p>Depuis longtemps l'amour et l'harmonie</p>
+<p>Ont remplacé les haines d'autrefois;</p>
+<p>Et l'Angleterre avec art s'ingénie</p>
+<p>A rendre heureux les rejetons gaulois.</p>
+<p>Si dans ton sein la lutte recommence</p>
+<p>Entre ces coeurs vibrant à l'unisson,</p>
+<p>C'est une lutte où l'esprit, la science</p>
+<p>Ont plus de part que l'éclat du canon!</p>
+<br>
+<p>24 juin 1885</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>UN ORPHELIN <span class="sml">[3]</span></h3>
+
+<blockquote class="sml">[Note 3: Joseph-Orance de Grandbois, né à Saint-Casimir, comté de
+Portneuf, le 3 mai 1884, devint orphelin de père et de mère à l'âge de
+deux ans, et fut confié aux révérendes Soeurs de la Charité de Québec,
+le 17 mars 1886. Le 11 juin de la même année, M. l'abbé H.-R.
+Casgrain.--qui avait été chargé par le comte A.-H. de Villeneuve, de
+Paris, France, de lui choisir un petit orphelin canadien-français, qu'il
+désirait adopter pour son enfant--vint chercher Joseph-Orance qu'il
+envoya à Paris sous les soins d'une brave femme de Saint-Casimir, nommée
+Béonie Hardy. Le 8 novembre 1890, l'honorable M. H. Mercier, premier
+ministre de la province de Québec, présenta à la législature un projet de
+loi pour permettre à l'heureux orphelin d'ajouter à son nom celui de
+«de Villeneuve». Aujourd'hui l'enfant est l'unique héritier d'un titre
+honorable et d'une immense fortune.]</blockquote>
+<br>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Joseph-Orance avait la beauté pour parure;</p>
+<p>De longs et noirs cheveux encadraient sa figure</p>
+<p class="i6"> Pleine de grâce et de candeur.</p>
+<p>Un sourire angélique ornait sa bouche rose</p>
+<p>Qui déjà soupirait une prière éclose</p>
+<p class="i6"> Dans les plis de son tendre coeur.</p>
+<br>
+<p>A peine deux printemps doraient sa belle tête,</p>
+<p>Que la mort lui ravit--ô terrible conquête!--</p>
+<p class="i6"> Famille, appui, félicité!</p>
+<p>Mais Dieu prit l'orphelin sous sa puissante égide</p>
+<p>Et lui donna pour mère et pour fidèle guide</p>
+<p class="i6"> Une des soeurs de charité.</p>
+<br>
+<p>Les soeurs de charité! quelles femmes divines!</p>
+<p>Et qui peut dignement chanter ces héroïnes</p>
+<p class="i6"> Que vivent dans l'humilité?</p>
+<p>Pour sauver l'orphelin de l'affreuse indigence,</p>
+<p>Former sa foi, son coeur et son intelligence,</p>
+<p class="i6"> Elles épuisent leur santé!</p>
+<br>
+<p>Qu'il fasse chaud ou froid, qu'il vente, pleuve ou grêle,</p>
+<p>Elles vont mendier, d'une voix faible et grêle,</p>
+<p class="i6"> Pour l'enfant que prie au saint lieu.</p>
+<p>Et l'homme que leur voix attendrit et console,</p>
+<p>Leur verse avec bonheur dans la main une obole</p>
+<p class="i6"> Qui réjouit le coeur de Dieu!</p>
+<br>
+<p>Oui, ces soeurs-que la providence</p>
+<p>Éprouve et bénit tour à tour--</p>
+<p>Accueillirent Joseph-Orance</p>
+<p>Avec un vrai transport d'amour.</p>
+
+<p>Et le bel ange oublia vite</p>
+<p>Le pauvre toit de ses aïeux,</p>
+<p>Puisqu'il avait--outre le gîte--</p>
+<p>Trouvé des coeurs affectueux.</p>
+<br>
+<p>Ses yeux rayonnaient d'allégresse;</p>
+<p>Ses lèvres gazouillaient toujours;</p>
+<p>Ses mains ne donnaient que caresse</p>
+<p>A celles qui charmaient ses jours.</p>
+<br>
+<p>Oh! que de chauds baisers sa bouche</p>
+<p>Imprimait au front de la soeur,</p>
+<p>Qui penchée auprès de sa couche,</p>
+<p>Lui parlait du divin Sauveur!</p>
+<br>
+<p>En savourant ce pur langage,</p>
+<p>Plus doux que le chant de l'oiseau,</p>
+<p>Il croyait voir l'auguste image</p>
+<p>De la Vierge sur son berceau!</p>
+<br>
+<p>Et lorsqu'il entendait redire</p>
+<p>Le nom si doux de l'Éternel,</p>
+<p>Alors on le voyait sourire</p>
+<p>Et tourner ses yeux vers le ciel.</p>
+<br>
+<p>Le soir, en fermant sa paupière,</p>
+<p>Il bredouillait du fond du coeur</p>
+<p>Cette humble et magique prière:</p>
+<p>«Veillez toujours sur moi, Seigneur!»</p>
+<br>
+<p>Dans la saison des fleurs de la présente année,</p>
+<p>Par une radieuse et chaude matinée,</p>
+<p class="i6"> Un prêtre en cet asile entrait;</p>
+<p>Il était le porteur d'un aimable message,</p>
+<p>Et la joie éclairant son austère visage</p>
+<p class="i6"> Mieux que sa bouche l'annonçait.</p>
+<br>
+<p>«Mes bonnes soeurs, dit-il, j'arrive de la France,</p>
+<p>Et je viens en votre âme adoucir la souffrance</p>
+<p class="i6"> Que le ciel y verse souvent;</p>
+<p>Un comte de Paris, pieux et charitable,</p>
+<p>Voudrait pour héritier de son titre honorable</p>
+<p class="i6"> Un orphelin intelligent;</p>
+<br>
+<p>«Un orphelin issu d'honnêtes père et mère,</p>
+<p>Ayant un doux visage, un noble caractère</p>
+<p class="i6"> Et du goût pour la piété;</p>
+<p>Il ferait à l'enfant une heureuse existence</p>
+<p>Et lui mettrait en main l'arme de la science</p>
+<p class="i6"> Pour défendre la vérité!</p>
+<br>
+<p>«Je vois dans cet asile un essaim de beaux anges</p>
+<p>Dont les ris et les chants--harmonieux mélanges--</p>
+<p class="i6"> Pourraient nous faire rajeunir...</p>
+<p>Je laisse à votre esprit le soin patriotique</p>
+<p>De choisir l'orphelin que ce grand catholique</p>
+<p class="i6"> Destine au plus bel avenir!»</p>
+<br>
+<p>Joseph-Orance obtint la palme sur le nombre;</p>
+<p>Mais son front se couvrit d'un nuage bien sombre</p>
+<p class="i6"> Lorsqu'on le mit dans le secret...</p>
+<p>Et la soeur Saint-Vincent, qu'il appelait sa mère,</p>
+<p>Ne pouvait voir partir, sans une peine amère,</p>
+<p class="i6"> Cet orphelin qu'elle adorait!</p>
+<br>
+<p>Le petit se cachait dans les plis de sa robe:</p>
+<p>Telle contre une fleur l'abeille se dérobe</p>
+<p class="i6"> A l'oeil du ravisseur sournois!</p>
+<p>Et la Soeur voulait dire à ce joli rebelle:</p>
+<p>«Va donc, ô mon enfant, où le destin t'appelle!»</p>
+<p class="i6"> Mais la douleur glaçait sa voix.</p>
+<br>
+<p>Le prêtre avait prévu les larmes douloureuses</p>
+<p>Que verseraient l'enfant et les religieuses</p>
+<p class="i6"> A l'heure triste des adieux;</p>
+<p>Aussi, pour les sécher, trouva-t-il des paroles</p>
+<p>Pures comme le miel qui tombent des corolles,</p>
+<p class="i6"> Et douces comme un chant des cieux!</p>
+<br>
+<p>Levant de l'avenir un coin du voile rose,</p>
+<p>Il peignit à l'enfant le destin grandiose</p>
+<p class="i6"> Que le Seigneur lui réservait.</p>
+<p>Les pleurs brillaient encor sous plus d'une paupière,</p>
+<p>Mais de tous ces coeurs purs une ardente prière</p>
+<p class="i6"> Vers le vaste ciel s'élevait!</p>
+<br>
+<p>Un mois s'est écoulé depuis l'heure touchante</p>
+<p>Où nous étions témoins de la scène émouvante</p>
+<p class="i6"> Que ne peut rendre mon pinceau;</p>
+<p>L'orphelin que le prêtre a tiré de l'hospice,</p>
+<p>Et qui devait plus tard boire l'amer calice,</p>
+<p class="i6"> Loge à Paris dans un château...</p>
+<br>
+<p>Ses nobles protecteurs, le comte et la comtesse,</p>
+<p>Dont l'âme est un foyer d'amour et de tendresse,</p>
+<p class="i6"> Lui prodiguent tous les égards;</p>
+<p>Ils l'entourent des soins que permet la fortune,</p>
+<p>Afin de dissiper la tristesse importune</p>
+<p class="i6"> Qui trouble parfois ses regards;</p>
+<br>
+<p>Car, ici, dans l'asile où brilla son étoile,</p>
+<p>Il a quitté deux soeurs qui suivirent la voile</p>
+<p class="i6"> L'emportant sur le flot moqueur...</p>
+<p>Souvent il les appelle au milieu de ses fêtes;</p>
+<p>Et la nuit, dans le songe, il brave les tempêtes</p>
+<p class="i6"> Pour les serrer contre son coeur...</p>
+<br>
+<p>Mais la tristesse, un jour, s'enfuira de son âme,</p>
+<p>Car elle est, chez l'enfant, semblable à cette flamme</p>
+<p class="i6"> Qui luit et s'efface aussitôt.</p>
+<p>Puis une heure viendra--joyeuse et fortunée--</p>
+<p>Où l'ange comprendra sa haute destinée,</p>
+<p class="i6"> Et cette heure viendra bientôt!</p>
+<br>
+<p class="i6">Que sera-t-il plus tard? mystère!</p>
+<p class="i6">C'est le secret du Créateur.</p>
+<p class="i6">Prions pour que ce jeune frère</p>
+<p class="i6">Soit notre gloire et notre honneur!</p>
+<br>
+<p>15 juillet 1886.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>MAUVAIS ARTISAN</h3>
+
+<br>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>C'est le samedi soir. Au sein d'une chaumière,</p>
+<p>Où pénètre le froid, quatre jeunes enfants</p>
+<p>Se pressent, tout pâlis, aux genoux de leur mère;</p>
+<p>L'âtre n'a plus de feu, la table d'aliments.</p>
+<br>
+<p>«J'ai faim! J'ai froid!» Ces mots, mêlés de pleurs étranges,</p>
+<p>Résonnent comme un glas dans ce foyer malsain;</p>
+<p>Et la mère répond: «Ne pleurez pas, mes anges,</p>
+<p>Votre père bientôt vous donnera du pain...»</p>
+<br>
+<p>Mais l'horloge là-haut sonne déjà dix heures,</p>
+<p>Et le père et le pain surtout n'arrivent pas!</p>
+<p>La marmaille, apaisée un instant par des leurres,</p>
+<p>Saute à faire crouler le parquet sous ses pas...</p>
+<br>
+<p>«J'ai faim! J'ai froid! du feu!» Ce chant de la misère--</p>
+<p>Douloureuse clameur--retenti de nouveau.</p>
+<p>L'un des jeunes martyrs sollicite sa mère</p>
+<p>De réduire en brasier les planches du berceau...</p>
+<br>
+<p>Écoutez! au dehors des voix sourdes murmurent:</p>
+<p>Aux malheureux sans doute on vient porter secours.</p>
+<p>Prêtez l'oreille encor! mais qu'est-ce? ces voix jurent</p>
+<p>Et maudissent le Dieu qui veille sur nos jours!...</p>
+<br>
+<p>Qui donc ose approcher, le blasphème à la bouche,</p>
+<p>Du seuil où la misère étend son voile noir?</p>
+<p>--Ce sont deux artisans, avinés, l'oeil farouche,</p>
+<p>Qui traîne sur le sol un homme affreux à voir.</p>
+<br>
+<p>Et cet homme est le chef de la pauvre famille--</p>
+<p>C'est le père annoncé tantôt comme un sauveur!--</p>
+<p>Voyez-le, sous les feux de la lune qui brille,</p>
+<p>Étendu sur le seuil sans voix et sans vigueur!</p>
+<br>
+<p>La femme ouvre la porte, et, tremblante, s'empresse</p>
+<p>Auprès du malheureux dont les traits sont flétris;</p>
+<p>Paraissant oublier sa peine et sa détresse,</p>
+<p>Elle lui parle même avec un doux souris!</p>
+<br>
+<p>L'ivrogne veut répondre à ces élans sublimes,</p>
+<p>Mais de profonds soupirs entrecoupent sa voix.</p>
+<p>A leur tour ses enfants, ou plutôt ses victimes</p>
+<p>Lui demandent du pain, des vêtements, du bois!</p>
+<br>
+<p>Hélas! pauvres petits, votre prière est vaine!</p>
+<p>Vains aussi vos sanglots, vos plaintes, vos douleurs!</p>
+<p>Car votre père à mis l'argent de la semaine</p>
+<p>Au cabaret... Séchez ces inutiles pleurs!</p>
+<br>
+<p>Que dis-je? oh, non, pleurez! et les nombreuses larmes,</p>
+<p>Que votre âme innocente en priant versera,</p>
+<p>Toucheront votre père--Employez donc ces armes,</p>
+<p>Et la victoire, enfants, un jour vous restera!</p>
+<br>
+<p>Du mauvais artisan cet ivrogne est l'image,</p>
+<p>Car l'ivresse affaiblit les coeurs les plus vaillants;</p>
+<p>Elle étend sur notre âme un lugubre nuage</p>
+<p>Qui lui cache du ciel les horizons brillants;</p>
+<br>
+<p>Elle éloigne l'époux du foyer domestique,</p>
+<p>Où longtemps il goûta la joie et le bonheur,</p>
+<p>Et lorsqu'il y revient, sombre et mélancolique,</p>
+<p>Il porte sur le front le sceau du déshonneur!</p>
+<br>
+<p>Ce homme était jadis un artisan modèle;</p>
+<p>On vantait sa sagesse et son habileté;</p>
+<p>Au dur labeur jamais il n'était infidèle,</p>
+<p>Et c'est là qu'il puisait la force et la santé.</p>
+<br>
+<p>Mais quelle affreuse chute! En moins de trois années,</p>
+<p>Il a perdu la foi, l'énergie et l'amour!</p>
+<p>Il donne au cabaret le fruit de ses journées,</p>
+<p>Pendant qu'à sa demeure on souffre nuit et jour...</p>
+<br>
+<p>Le monde quelquefois repousse avec malice</p>
+<p>L'enfant qui, tout en pleurs, lui tend sa maigre main;</p>
+<p>«Quoi! te faire l'aumône? encourager le vice</p>
+<p>«De ton père, un ivrogne?.... Éloigne-toi, gamin...»</p>
+<br>
+<p>Ce langage est cruel, déraisonnable, impie--</p>
+<p>Faire expier au fils le crime des parents!--</p>
+<p>Rappelons-nous ces mots du maître de la vie:</p>
+<p>«Laissez venir à tous les petits enfants!»</p>
+<br>
+<p>Ah! ne laissons jamais à leur sort misérable,</p>
+<p>Ces enfants dont le père est parfois un bandit;</p>
+<p>Mais faisons-les plutôt asseoir à notre table</p>
+<p>En leur donnant le pain du corps et de l'esprit.</p>
+<br>
+<p>Nos bienfaits trouveront mille échos dans leur âme--</p>
+<p>Leur âme si sensible aux élans généreux--</p>
+<p>Et, plus tard, la vertu--cette céleste flamme--</p>
+<p>Réchauffera leurs coeurs en les rendant heureux.</p>
+<br>
+<p>Du mauvais artisan et de ses habitudes</p>
+<p>Il ne leur restera qu'un pâle souvenir.</p>
+<p>Joyeux, ils rempliront les tâches les plus rudes,</p>
+<p>Sous le regard de Dieu, sans craindre l'avenir!</p>
+<br>
+<p>1er octobre 1889</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>QU'EST-CE QUE LA VIE?</h3>
+
+<p class="mid">Pièce traduite de «<i>What is Life?</i>» de Samuel Moore.</p>
+<br>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Je demandais un jour à l'un de ces vieillards,</p>
+<p>Dont la pâle figure et les sombres regards</p>
+<p>Accusent la souffrance et l'amère ironie,</p>
+<p>S'il pouvait m'expliquer ce simple mot: la vie?</p>
+<p>Courbant sa tête blanche, il dit en soupirant:</p>
+<p>«La vie est une scène où le pauvre et le grand</p>
+<p>Luttent pour obtenir l'honneur et la richesse;</p>
+<p>Quelques rayons d'amour, de joie et de tristesse;</p>
+<p>Des efforts pour saisir un brillant lendemain;</p>
+<p>Une flamme qui luit et disparaît soudain;</p>
+<p>Un flot que le torrent caresse, agite, emporte;</p>
+<p>Une rose qui naît et bientôt sera morte;</p>
+<p>La vie est ce chemin qui commence au berceau,</p>
+<p>Et qu'on a parcouru lorsqu'on touche au tombeau!</p>
+<p>L'homme croit au bonheur, et depuis son enfance,</p>
+<p>Pour l'atteindre, il travaille, use son existence;</p>
+<p>Mais au lieu du bonheur il trouve le trépas,</p>
+<p>Et devient ce limon qu'on foule sous nos pas...»</p>
+<br>
+<p>Si le néant était le terme de la vie,</p>
+<p>Dieu, lui, dis-je, serait un infâme génie.</p>
+<p>Comment! nous serions tous destinés à souffrir,</p>
+<p>A vivre sans espoir et sans espoir mourir?...</p>
+<p>Votre vie est affreuse: elle est la mort de l'âme;</p>
+<p>Car l'âme juste espère en Dieu qui la réclame.</p>
+<br>
+<p>Plus ému que content des paroles du vieux--</p>
+<p>Paroles qui blessaient mes sentiments pieux--</p>
+<p>J'abordai sur la route un homme au doux visage,</p>
+<p>Un homme dont l'esprit me parut droit et sage,</p>
+<p>Et je lui demandai, d'un ton respectueux,</p>
+<p>De résoudre pour moi le problème épineux.</p>
+<br>
+<p>Une lueur d'espoir éclaira sa figure,</p>
+<p>Et, s'inclinant, il dit d'une voix mâle et pure:</p>
+<p>«La vie est pour connaître et servir le Seigneur,</p>
+<p>Recevoir sa doctrine avec joie et douceur,</p>
+<p>Imiter les vertus du Christ--divin modèle--</p>
+<p>Afin de vivre un jour de sa vie immortelle.</p>
+<br>
+<p>«la vie est un foyer qu'alimente la foi;</p>
+<p>Un livre où le Seigneur a buriné sa loi;</p>
+<p>Un creuset où notre âme, au feu de la souffrance,</p>
+<p>S'épure et sent grandir en elle l'espérance.</p>
+<p>Il vit, l'homme qui sait ses crimes pardonnés,</p>
+<p>Il entrevoit du ciel les justes couronnés;</p>
+<p>En mourant au péché, son âme se délie</p>
+<p>Et recouvre aussitôt la véritable vie.</p>
+<p>Vivre enfin, ici-bas, c'est souffrir et lutter;</p>
+<p>Vivre aussi, c'est le Christ! mourir, c'est triompher!</p>
+<p>Notre corps, je le sais, est tiré de la terre,</p>
+<p>Et doit, après la mort, redevenir poussière;</p>
+<p>Mais l'âme--souffle pur sorti du coeur de Dieu--</p>
+<p>Quittera pour toujours ce misérable lieu!»</p>
+<br>
+<p>Ah! s'il faut vivre ainsi, lui dis-je, je veux vivre!</p>
+<p>Vivre sous les regards de Celui qui délivre</p>
+<p>L'âme de sa prison pour la conduire au port;</p>
+<p>Oui, je veux triompher du vice et de la mort!</p>
+<br>
+<p>Juillet 1888.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>ADIEU A LA NOUVELLE-ÉCOSSE</h3>
+
+<p class="mid">Pièce traduite de l'anglais.</p>
+<br>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Quelque soit ton destin, ô ma Nouvelle-Écosse--</p>
+<p>Doux nid que le devoir, dans sa rigueur atroce,</p>
+<p>M'ordonna de quitter--jusqu'au dernier soupir</p>
+<p>Je jure de garder ton tendre souvenir!</p>
+<br>
+<p>A tes monts que l'été couronne de verdure,</p>
+<p>A ton sol généreux qui donne sans mesure,</p>
+<p>Aux côtes de granit qui te font un rempart,</p>
+<p>J'accorde volontiers de mon coeur une part!</p>
+<br>
+<p>Dans tes vieilles forêts--grandes comme un royaume--</p>
+<p>Le sapin résineux répand son doux arôme;</p>
+<p>Et, défiant toujours l'ouragan furieux,</p>
+<p>Le chêne y dresse aussi son front majestueux!</p>
+<br>
+<p>Puis dans tes champs rayonne, à travers la rosée,</p>
+<p>Une fleur que ma main à souvent caressée;</p>
+<p>Son nom est <i>May flower</i>, l'orgueil de l'Écossais,</p>
+<p>Témoin de ses revers et de tous ses succès!</p>
+<br>
+<p>Je n'aurai plus peut-être, un jour, l'heureuse chance</p>
+<p>De pouvoir t'admirer, lieu cher de ma naissance!</p>
+<p>Mais du moins quand mes yeux verront la <i>May flower</i>,</p>
+<p>Ils la contemplerons longtemps avec bonheur...</p>
+<br>
+<p>Adieu, Nouvelle-Écosse, ô ma belle patrie!</p>
+<p>Quoique éloigné de toi, je t'aime à la folie!</p>
+<p>Si les ans entre nous passent comme les flots,</p>
+<p>Mon amour grandira nourri par mes sanglots!</p>
+<br>
+<p>1er mai 1883</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>LOUIS FRÉCHETTE</h3>
+
+<p class="mid">POÈTE LAURÉAT DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE</p>
+<br>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Il est de notre peuple et l'orgueil et la gloire</p>
+<p>Ce barde dont le nom, au livre de l'Histoire,</p>
+<p class="i6"> Aura sa place à part.</p>
+<p>Il quitte ce pays qu'il aime et qu'il admire</p>
+<p>Pour aller retremper son génie et sa lyre</p>
+<p class="i6"> A la source de l'art!</p>
+<br>
+<p>Comme l'aigle volant vers la voûte sphérique</p>
+<p>Où semble l'attirer la puissance magique</p>
+<p class="i6"> De l'astre aux rayons d'or;</p>
+<p>De même vers Paris, le soleil de la France,</p>
+<p class="i6">L'aigle du Canada, guidé par l'espérance,</p>
+<p> Prend son sublime essor!</p>
+<br>
+<p>Il sent que, par l'effort de son intelligence,</p>
+<p>Il saura recueillir au champ de la science</p>
+<p class="i6"> Des moissons de lauriers;</p>
+<p>Car n'a-t-il pas naguère, affrontant la critique,</p>
+<p>Conquis la palme d'or au tournoi poétique</p>
+<p class="i6"> Sur cent esprits altiers?</p>
+<br>
+<p>De notre histoire ouvrant les pages vénérables,</p>
+<p>Sur sa lyre il dira les luttes admirables</p>
+<p class="i6"> De nos vaillants aïeux;</p>
+<p>Il en composera de suaves poèmes</p>
+<p>Que la France lira, mieux que ses oeuvres mêmes,</p>
+<p class="i6"> Des larmes plein les yeux!</p>
+<br>
+<p>La France acclamera la nouvelle épopée</p>
+<p>De ce barde qui suit la trace de Coppée</p>
+<p class="i6"> Et de Victor Hugo;</p>
+<p>Châteauguay, Carillon et mainte autre victoire,</p>
+<p>Pour elle brilleront au temple de Mémoire</p>
+<p class="i6"> Autant que Marengo!</p>
+<br>
+<p>Et la France bientôt, grâce à Louis Fréchette,</p>
+<p>Grâce à nos écrivains, prosateur ou poète,</p>
+<p class="i6"> Se souviendra de nous.</p>
+<p>Alors elle viendra visiter nos rivages</p>
+<p>Où fleurissent ses lois, sa langue et ses usages,</p>
+<p class="i6"> Et nous bénira tous!</p>
+<br>
+<p>22 octobre 1887.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>LE MOIS DES MORTS</h3>
+<br>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Le sol n'est plus velouté de verdure;</p>
+<p>Le vent gémit, et le chantre des bois</p>
+<p>Aiguillonné par la faim, la froidure,</p>
+<p>Redit ses chants pour la dernière fois.</p>
+<br>
+<p>Les milles fleurs qui doraient la prairie</p>
+<p>Ont disparu sous un épais frimas.</p>
+<p>Adieu, parfums! Adieu, mousse fleurie</p>
+<p>Où nous prenions de si joyeux ébats!</p>
+<br>
+<p class="i6">«Oyez! la cloche sonne</p>
+<p class="i6">Son hymne monotone</p>
+<p class="i6">Au clocher du saint lieu;</p>
+<p class="i6">Cette voix gémissante</p>
+<p class="i6">S'élève, suppliante</p>
+<p class="i6">Jusqu'au trône de Dieu!</p>
+<p class="i6">C'est le sanglot d'une âme</p>
+<p class="i6">Qui soupire et réclame</p>
+<p class="i6">Dans sa prison de feu.</p>
+<p class="i6">Eh! bien, qu'une prière</p>
+<p class="i6">Monte, monte, sincère,</p>
+<p class="i6">De nos coeurs jusqu'à dieu!»</p>
+<br>
+<p>L'astre du jour, derrière les nuages,</p>
+<p>Cache ses feux, La nature est en deuil.</p>
+<p>Hier, la neige, aujourd'hui les orages:</p>
+<p>Tout se transforme et passe en un clin-d'oeil.</p>
+<br>
+<p>Le moissonneur ne tresse plus les gerbes</p>
+<p>Qui ravissaient son coeur reconnaissant;</p>
+<p>Le sol est mort. Nos montagnes superbes</p>
+<p>Dressent au loin leur faîte jaunissant.</p>
+<br>
+<p class="i6">«Oyez! la cloche sonne</p>
+<p class="i6">Son hymne monotone</p>
+<p class="i6">Au clocher du saint lieu;</p>
+<p class="i6">Cette voix gémissante</p>
+<p class="i6">S'élève, suppliante</p>
+<p class="i6">Jusqu'au trône de Dieu!</p>
+<p class="i6">C'est le sanglot d'une âme</p>
+<p class="i6">Qui soupire et réclame</p>
+<p class="i6">Dans sa prison de feu.</p>
+<p class="i6">Eh! bien, qu'une prière</p>
+<p class="i6">Monte, monte, sincère,</p>
+<p class="i6">De nos coeurs jusqu'à dieu!»</p>
+<br>
+<p>Durant ce mois de deuil et de tristesse,</p>
+<p>Chrétiens, fuyons les frivoles plaisirs;</p>
+<p>Pensons aux morts qui soupirent sans cesse</p>
+<p>Après le ciel, objets de leurs désirs.</p>
+<br>
+<p>Ah! oui, pensons à l'affreux purgatoire,</p>
+<p>Où Dieu peut-être un jour nous conviera,</p>
+<p>Car du péché c'est l'urne épuratoire,</p>
+<p>Inévitable, où notre âme expiera!</p>
+<br>
+<p class="i6">«Oyez! la cloche sonne</p>
+<p class="i6">Son hymne monotone</p>
+<p class="i6">Au clocher du saint lieu;</p>
+<p class="i6">Cette voix gémissante</p>
+<p class="i6">S'élève, suppliante</p>
+<p class="i6">Jusqu'au trône de Dieu!</p>
+<p class="i6">C'est le sanglot d'une âme</p>
+<p class="i6">Qui soupire et réclame</p>
+<p class="i6">Dans sa prison de feu.</p>
+<p class="i6">Eh! bien, qu'une prière</p>
+<p class="i6">Monte, monte, sincère,</p>
+<p class="i6">De nos coeurs jusqu'à dieu!»</p>
+<br>
+<p>Entendez-vous ces plaintes déchirantes,</p>
+<p>Ces longs appels, ces sanglots douloureux?...</p>
+<p>Prions! Prions! Nos prières ardentes</p>
+<p>Délivreront des flots de malheureux.</p>
+<br>
+<p>Puis quand la mort, au jour de ses vendanges,</p>
+<p>De notre vie aura tranché le cours,</p>
+<p>Alors ces saints--devenus nos bons anges--</p>
+<p>Nous prêteront leur merveilleux secours!</p>
+<br>
+<p class="i6">«Oyez! la cloche sonne</p>
+<p class="i6">Son hymne monotone</p>
+<p class="i6">Au clocher du saint lieu;</p>
+<p class="i6">Cette voix gémissante</p>
+<p class="i6">S'élève, suppliante</p>
+<p class="i6">Jusqu'au trône de Dieu!</p>
+<p class="i6">C'est le sanglot d'une âme</p>
+<p class="i6">Qui soupire et réclame</p>
+<p class="i6">Dans sa prison de feu.</p>
+<p class="i6">Eh! bien, qu'une prière</p>
+<p class="i6">Monte, monte, sincère,</p>
+<p class="i6">De nos coeurs jusqu'à dieu!»</p>
+<br>
+<p>1er novembre 1881.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>SACHONS LUTTER!</h3>
+
+<p class="mid">A. M. C. A. GAUVREAU, membre de l'Académie des Muses Santones.</p>
+<br>
+
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Toute vie est un flot de la mer de douleur.</p>
+<p>Leur amertume un jour sera ton ambroisie,</p>
+<p>Car l'urne de la gloire et de la poésie,</p>
+<p class="i6"> Ne se remplit que de nos pleurs!</p>
+<br>
+<p>L'autre soir, accoudé sur le bord de ma table,</p>
+<p>La cigarette aux dents et la plume à la main,</p>
+<p>J'essayais de ravir à ma muse indomptable</p>
+<p>Des vers que je voulais risquer le lendemain.</p>
+<br>
+<p>Mais, hélas! la cruelle avec indifférence</p>
+<p>Accueillait les soupirs s'exhalant de mon coeur,</p>
+<p>Et, malgré mes appels et ma persévérance,</p>
+<p>Ne daignait m'accorder qu'un «silence moqueur.»</p>
+<br>
+<p>Alors, en grommelant, je rejetai ma plume</p>
+<p>Que j'avais pris la peine, entre vingt, de choisir!</p>
+<p>Ma foi, j'aurais troqué mon luth contre l'enclume</p>
+<p>Que l'artisan du coin fait vibrer à loisir...</p>
+<br>
+<p>Je vouais à Pluton l'objet de ma tendresse--</p>
+<p>La muse qui m'avait tant de fois consolé--</p>
+<p>Quand l'on vint me remettre un chant, à mon adresse,</p>
+<p>Que votre lyre avait, la veille, modulé.</p>
+<br>
+<p>«Sachons lutter!» Tel est le titre du poème</p>
+<p>Où votre âme meurtrie épanche ses douleurs,</p>
+<p>Implorant la pitié pour le malheureux même</p>
+<p>Dont le fol égoïsme causé vos malheurs!</p>
+<br>
+<p>L'égoïsme a chassé l'ange de l'espérance</p>
+<p>Qui berçait votre esprit du rêve le plus beau;</p>
+<p>Il ne vous reste plus que l'amère souffrance,</p>
+<p>Aussi lourde à porter qu'un marbre de tombeau!</p>
+<br>
+<p>Ah! votre coeur croyait--avec raison sans doute--</p>
+<p>Que l'homme parvenu doit être bienfaisant,</p>
+<p>Quand le hasard, un soir, plaça sur votre route</p>
+<p>Un sot que la fortune a rendu méprisant!</p>
+<br>
+<p>Votre coeur ignorait qu'ici-bas, en grand nombre,</p>
+<p>Il est des êtres vils au visage de saint</p>
+<p>Qui se cachent parfois, comme un serpent dans l'ombre,</p>
+<p>Pour lancer le dard qui perce notre sein...</p>
+
+<p>Comme vous j'ai souffert de la malice humaine;</p>
+<p>De vieux amis j'ai vu l'affreuse trahison;</p>
+<p>D'illustres vaniteux j'ai mérité la haine,</p>
+<p>M'étant permis de rire un peu de leur blason...</p>
+<br>
+<p>Et pour avoir, jadis, proclamé que ma race</p>
+<p>Secouerait tôt ou tard l'insupportable affront</p>
+<p>De vivre sous le joug, j'ai payé cette audace</p>
+<p>De lèse-loyauté... mais je tiens haut le front!</p>
+<br>
+<p>Barde, vous l'avez dit: «Il faut souffrir, pleurer.</p>
+<p>La souffrance à tout front doit mettre son empreinte</p>
+<p>Et toujours et sans cesse et devra durer</p>
+<p>Et pas un n'est exempt de sa fatale étreinte.»</p>
+<br>
+<p>Mais ne désespérons ni de Dieu ni des hommes:</p>
+<p>Dieu récompense un jour ceux qui savent lutter,</p>
+<p>Et nous, pauvres humains--<i>dieux tombés</i> que nous sommes--</p>
+<p>Si nous causons des torts, sachons les racheter!</p>
+<br>
+<p>Avril 1887</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>LA MISÈRE</h3>
+<br>
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i10">Donnez! pour être aimés de Dieu que se fit homme,</p>
+<p class="i10">Pour que le méchant même en s'inclinant vous nomme,</p>
+<p class="i10">Pour que votre foyer soit calme et fraternel;</p>
+<p class="i10">Donnez! afin qu'un jour à votre heure dernière,</p>
+<p class="i10">Contre tous vos péchés vous ayiez la prière</p>
+<p class="i10">D'un mendiant puissant au ciel.</p>
+<p class="i30"> VICTOR HUGO.</p>
+<br>
+<p>Qu'il fait froid, ô mon Dieu, dans la pauvre chaumière!</p>
+<p>Plus de bois, ni de pain pour les enfants en pleurs!</p>
+<p>La mère vers le ciel exhale sa prière,</p>
+<p>Et ce parfum de l'âme adoucit ses malheurs!</p>
+<br>
+<p>Après avoir redit le sublime symbole</p>
+<p>Et prié le Seigneur de bénir ses enfants,</p>
+<p>Elle s'approche deux, et--gracieuse obole--</p>
+<p>Leur donne des baisers à défaut d'aliments!...</p>
+<br>
+<p>C'est le premier de l'an. Chez le riche on festonne;</p>
+<p>Les bambins, tout joyeux, embrassent leurs parents;</p>
+<p>Sur ces candides fronts l'espérance rayonne,</p>
+<p>Comme une étoile d'or sur un ciel de printemps!</p>
+<br>
+<p>Un arôme suave embaume la demeure</p>
+<p>Des fruits en pyramide et des gâteaux charmants</p>
+<p>Trônent sur le cristal en attendant cette heure</p>
+<p>Où leur fera la guerre un essaim de gourmands.</p>
+<br>
+<p>Sous ces lambris dorés, le père de famille</p>
+<p>Contemple tous les siens d'un oeil plein de douceur;</p>
+<p>Dans l'âtre, près de lui, joyeusement pétille</p>
+<p>Un bon feu d'où jaillit une ardente chaleur.</p>
+<br>
+<p>Ainsi, dans les palais des riches de ce monde,</p>
+<p>L'on voit briller partout la joie et le bonheur;</p>
+<p>L'on ne redoute pas la tempête qui gronde</p>
+<p>Et glace, en son chemin, le pauvre de terreur...</p>
+<br>
+<p>Il fait froid. Le soleil, sous un épais nuage,</p>
+<p>Dérobe les reflets de ses rayons dorés;</p>
+<p>Au loin le vent mugit, solennel en sa rage,</p>
+<p>Et soulève la neige en tourbillons serrés.</p>
+<br>
+<p>Mais que vois-je, soudain, à travers la tempête?</p>
+<p>Ciel! une femme pâle à l'air triste et souffrant!</p>
+<p>Ses membres sont glacés; elle avance, s'arrête,</p>
+<p>Et presse sur son coeur un jeune et frêle enfant!</p>
+<br>
+<p>Cette femme débile, à la démarche lente,</p>
+<p>Qui brave en grelottant de froid impétueux,</p>
+<p>A laissé la chaumière, et, comme une âme errante,</p>
+<p>S'en va tendre la main aux portes des heureux.</p>
+<br>
+<p>Elle franchit le seuil d'une villa gothique</p>
+<p>Aux magnifiques arcs aux superbes balcons,</p>
+<p>Mais là sa voix rencontre un coeur dur et sceptique</p>
+<p>Qui méprise sa plainte et rit de ses haillons...</p>
+<br>
+<p>Le lendemain au soir de ce jour mémorable,</p>
+<p>Vers la chaumière allait le bon curé du lieu.</p>
+<p>Il frémit en voyant--spectacle épouvantable--</p>
+<p>Trois cadavres blottis près de l'âtre sans feu!</p>
+<br>
+<p>Ils étaient morts, la nuit, de peine et de misère,</p>
+<p>Pendant que les heureux fêtaient jusqu'au matin...</p>
+<p>Mais ne les plaignons pas, car Dieu, ce tendre père,</p>
+<p>Les avait conviés à l'éternel festin...</p>
+<br>
+<p>Janvier 1870.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>AUX POLITICIENS</h3>
+<br>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>O défenseurs de nos droits politiques,</p>
+<p>Fiers rejetons d'un peuple valeureux,</p>
+<p>Vous qui dictez les lois patriotiques,</p>
+<p>Vivez longtemps, surtout vivez heureux!</p>
+<br>
+<p>Rouges ou bleus--qu'importe la nuance,</p>
+<p>N'êtes-vous pas de nos droits les gardiens?--</p>
+<p>Or moi je dis avec indépendance:</p>
+<p>Soyez bénis de tous les Canadiens!</p>
+<br>
+<p>Soyez bénis par le céleste Père,</p>
+<p>Vous, citoyens, qui travaillez toujours</p>
+<p>Pour assurer un avenir prospère</p>
+<p>Au <i>Canada, mon pays, mes amours!</i></p>
+<br>
+<p>Votre travail reste sans récompense:</p>
+<p>Le monde, hélas! est composé d'ingrats...</p>
+<p>Mais la patrie, elle, aime et récompense</p>
+<p>Ses braves fils qui lui prêtent leurs bras!</p>
+<br>
+<p>Faites la guerre au sombre fanatisme,</p>
+<p>Ce ver hideux qui ronge tant de coeurs;</p>
+<p>Luttez aussi contre le népotisme</p>
+<p>Qui donne au lâche un titre et des honneurs...</p>
+<br>
+<p>De ses devoirs instruisez la jeunesse</p>
+<p>Que Dieu destine aux luttes à venir,</p>
+<p>Afin qu'elle ait pour flambeau la sagesse,</p>
+<p>Et pour seul rêve un honnête avenir.</p>
+<br>
+<p>Parlez partout l'harmonieux langage</p>
+<p>Qu'avec le lait vous puisiez au berceau;</p>
+<p>Conservez-le comme un bel héritage:</p>
+<p>De notre race il est le noble sceau!</p>
+<br>
+<p>Ah! pratiquez des aïeux la devise</p>
+<p>«Vivre en Français et mourir en Chrétien!»</p>
+<p>Soyez unis; et que votre âme vise</p>
+<p>A rendre heureux le peuple canadien!</p>
+<br>
+<p>A l'ouverture des chambres 1880.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>A MON AMI M. W. CHAPMAN</h3>
+<br>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Lorsque la renommée embouche sa trompette</p>
+<p>Pour redire aux échos le nom d'un Canadien,</p>
+<p>Émule de Taché, de Casgrain, de Fréchette,</p>
+<p>Il me semble toujours que ce nom est le tien!</p>
+<br>
+<p>Car déjà, mon ami, les poètes de France,</p>
+<p>--Des rivaux fraternels--applaudissent tes chants.</p>
+<p>Leur éloge flatteur exprime l'espérance</p>
+<p>Que ta muse obtiendra des succès éclatants.</p>
+<br>
+<p>Moi qui prête à ta lyre une oreille attentive,</p>
+<p>Qui m'enivre parfois aux flots de l'art divin,</p>
+<p>Qui des sons de mon luth quelquefois te ravive,</p>
+<p>Je m'unis à ces coeurs pour te serrer la main!</p>
+<br>
+<p>6 juin 1880.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>ELLE EST MORTE!</h3>
+<br>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Rose avait dix sept ans; elle était belle et blonde;</p>
+<p>Sur son front les rayons de la candeur brillaient;</p>
+<p>Les perles de sa bouche enchantaient tout le monde;</p>
+<p>Ses cheveux en flots d'or jusqu'à ses pieds roulaient.</p>
+<br>
+<p>Ses lèvres souriaient comme celles d'un ange;</p>
+<p>Son oeil d'azur jetant un vif rayonnement;</p>
+<p>Sa voix avait parfois une harmonie étrange</p>
+<p>Qui me plongeant soudain dans le ravissement!</p>
+<br>
+<p>Quand venait le printemps avec ses nids de mousse,</p>
+<p>Ses brises, ses parfums, son soleil radieux,</p>
+<p>Nous allions, elle et moi,--réminiscence douce--</p>
+<p>Tout pensifs, nous asseoir sur le gazon soyeux.</p>
+<br>
+<p>Et là nous admirions le couchant et l'aurore</p>
+<p>Déployant à notre oeil leurs tableaux gracieux;</p>
+<p>Et nos coeurs bénissaient l'Artiste que décore</p>
+<p>Toute l'immensité de la terre et des cieux.</p>
+<br>
+<p>Aux coupes de l'espoir nous abreuvions notre âme;</p>
+<p>Un heureux avenir brillait dans le lointain;</p>
+<p>L'Hymen allait bientôt nous verser son dictame,</p>
+<p>Mais, hélas! nous comptions sans le cruel destin!</p>
+<br>
+<p>Et maintenant, voyez: elle est là qui repose</p>
+<p>Sous la terre où chacun tôt ou tard doit dormir!</p>
+<p>Et tout ce qui me reste aujourd'hui de ma <i>Rose</i>,</p>
+<p>C'est le parfum que m'a laissé son souvenir...</p>
+<br>
+<p>Avril 1879</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+
+<h3>A BEAUPORT</h3>
+<br>
+
+<p>A MESSIRE ADOLPHE LÉGARÉ</p>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Drapé dans son manteau de verdure odorante,</p>
+<p>En face de Québec, de l'Île de Lévis,</p>
+<p>Beauport baigne ses pieds dans l'onde murmurante</p>
+<p>Du fleuve dont nos yeux sont sans cesse ravis.</p>
+<br>
+<p>Son temple--vrai bijou que des mains artistiques</p>
+<p>Ont orné de tableaux aux riantes couleurs--</p>
+<p>Dresse vers le ciel bleu ses deux flèches gothiques</p>
+<p>Que souvent le soleil dore de ses lueurs. <span class="sml">[4]</span></p>
+</div></div>
+
+
+<blockquote class="sml">[Note 4: Cette église a été incendiée le 24 janvier 1889.]</blockquote>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Depuis douze ou treize ans, au sein de ce village</p>
+<p>Ont surgi des villas et quasi des palais</p>
+<p>Aux donjons tapissés de fleur et de feuillage,</p>
+<p>Où le mortel ennui ne vient s'asseoir jamais.</p>
+<br>
+<p>L'habitant de Beauport est du Breton le type:</p>
+<p>Charitable, joyeux, prompt, vif et grand parleur;</p>
+<p>Puis en morale il a l'admirable principe</p>
+<p>De garder à nos moeurs leur antique splendeur.</p>
+<br>
+<p>Beauport! ce nom figure au livre de la gloire,</p>
+<p>Car son sol autrefois a bu le sang des preux;</p>
+<p>Laverdière, Garneau, Ferland, dans leur histoire</p>
+<p>Parlent de cet endroit en termes chaleureux.</p>
+<br>
+<p>C'est de là que partaient ces bombes meurtrières</p>
+<p>Qui jetaient la terreur au milieu des Anglais,</p>
+<p>Quand ceux-ci, s'avançant sur leurs longues voilières,</p>
+<p>Voulaient ravir Québec au pouvoir des Français.</p>
+<br>
+<p>Parfois on y découvre, en remuant la terre,</p>
+<p>Des sabres, des boulets, des débris d'arme à feu;</p>
+<p>Et l'on m'a raconté qu'on y trouvait naguère</p>
+<p>Des ossements humains, car tout parle en ce lieu.</p>
+<br>
+<p>Ces objets que la rouille a rongés sous la glaise,</p>
+<p>Rappellent à nos coeurs les mémorables jours</p>
+<p>Où nos pères luttaient contre l'armée anglaise</p>
+<p>Pour défendre leurs droits, leurs foyers, leurs amours.</p>
+<br>
+<p>Ce lieu possède encore, en ses riches annales,</p>
+<p>Plus d'un illustre nom par les hommes chéri;</p>
+<p>C'est là qu'ont vu le jour deux gloires sans rivales:</p>
+<p>L'humble Étienne Parent et de Salaberry!</p>
+<br>
+<p>Dès que le printemps brille, et jusques à l'automne,</p>
+<p>J'habite sous ton ciel, ô village enchanteur!</p>
+<p>De la ville je fuis le fracas monotone,</p>
+<p>L'air impur, la poussière et l'ardente chaleur.</p>
+<br>
+<p>Je respire à longs traits les parfums de tes roses</p>
+<p>Et les douces senteurs qui s'exhalent des bois;</p>
+<p>J'observe les ébats des ailés virtuoses,</p>
+<p>Et j'écoute, ravi, leurs gracieuses voix.</p>
+<br>
+<p>Puis le soir je contemple, assis au bord des vagues,</p>
+<p>Toute l'immensité de la mer et des cieux;</p>
+<p>Parfois je crois ouïr des bruits étranges, vagues:</p>
+<p>C'est le flot qui redit ton passé glorieux!</p>
+<br>
+<p>Alors, le coeur ému, je prends mon humble lyre</p>
+<p>Et mêle mes accords à ces concerts géants</p>
+<p>Qui s'élèvent des bois, de la chute en délire,</p>
+<p>Du fleuve, des ruisseaux et des gouffres béants!</p>
+<br>
+<p>20 juillet 1887.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>LE JOUR DE L'AN</h3>
+<br>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Douze sanglots ont vibré dans l'espace,</p>
+<p>--Sont-ce les pleurs du lugubre beffroi?</p>
+<p>--C'est l'avenir jetant à l'an qui passe,</p>
+<p>Avec mépris, un adieu sombre et froid!</p>
+<br>
+<p>Un nouvel an, constellé de promesses,</p>
+<p>Vient de surgir des vastes profondeurs;</p>
+<p>Accordons-lui nos plus tendres caresses,</p>
+<p>Car il promet d'ineffables bonheurs.</p>
+<br>
+<p>L'an dernier fut désastreux et terrible:</p>
+<p>Il a semé partout tant de revers...</p>
+<p>Il a changé--ce despote inflexible--</p>
+<p>Nos rêves d'or en mille maux divers!</p>
+<br>
+<p>N'en parlons plus! Et saluons l'aurore</p>
+<p>Du nouveau jour qui brille à l'horizon;</p>
+<p>Que de nos coeurs parte un hymne sonore</p>
+<p>Pour acclamer l'hôte de la saison!</p>
+<br>
+<p>Voyez là-bas, dans la pauvre chaumière,</p>
+<p>Le malheureux amaigri par la faim:</p>
+<p>Du nouvel an, il attend, il espère</p>
+<p>Plus de bonheur et le morceau de pain!</p>
+<br>
+<p>Sous les lambris, où la pourpre rayonne,</p>
+<p>Le riche aussi formule ses désirs:</p>
+<p>«Bel an, dit-il d'un pur éclat couronne</p>
+<p>Nos doux banquets, nos fêtes, nos plaisirs!»</p>
+<br>
+<p>Au saint autel, le prêtre vénérable</p>
+<p>Pour le pécheur implore le bon Dieu;</p>
+<p>Son chant d'amour--cri de joie admirable--</p>
+<p>Comme l'encens monte vers le ciel bleu...</p>
+<p>.......................................</p>
+<br>
+<p>Dès ce moment, oublions nos rancunes;</p>
+<p>A l'ennemi présentons notre main.</p>
+<p>Après les jours de noires infortunes,</p>
+<p>Dieu nous réserve un heureux lendemain!</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>ÉLÉGIE</h3>
+
+<p class="mid">A MONSIEUR E. G.... qui vient de perdre sa femme.</p>
+<br>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i12">Tout est fini! La tombe</p>
+<p class="i12">Te couvre pour toujours...</p>
+<p class="i12">Mon pauvre coeur succombe</p>
+<p class="i12">Sous le fardeau des jours...</p>
+<br>
+<p class="i12">Dieu m'a ravi la joie</p>
+<p class="i12">En t'appelant aux cieux,</p>
+<p class="i12">Et la douleur déploie</p>
+<p class="i12">Son voile sur mes yeux!</p>
+<br>
+<p class="i12">Du haut du ciel, ô femme</p>
+<p class="i12">Veille sur nos enfants,</p>
+<p class="i12">Afin que leur jeune âme</p>
+<p class="i12">Ressemble au pur encens.</p>
+<br>
+<p class="i12">Obtiens-leur l'avantage</p>
+<p class="i12">D'aimer le doux Jésus,</p>
+<p class="i12">De suivre sa loi sage,</p>
+<p class="i12">D'imiter ses vertus</p>
+<br>
+<p class="i12">Et lorsque la souffrance</p>
+<p class="i12">Viendra les visiter,</p>
+<p class="i12">Donne-leur la vaillance</p>
+<p class="i12">De bien la supporter.</p>
+<br>
+<p class="i12">Oui, fais qu'à ton exemple,</p>
+<p class="i12">Au jour de la douleur,</p>
+<p class="i12">Ils aillent dans le temple</p>
+<p class="i12">Implorer le Seigneur.</p>
+<br>
+<p class="i12">Et moi qui suis le père</p>
+<p class="i12">De ces trois malheureux,</p>
+<p class="i12">Je serai, je l'espère,</p>
+<p class="i12">Un modèle pour eux.</p>
+<br>
+<p class="i12">Adieu, femme adorée!</p>
+<p class="i12">Dors sous ce tertre en fleurs</p>
+<p class="i12">Que mon âme navrée</p>
+<p class="i12">Féconde de ses pleurs!</p>
+<br>
+<p>15 septembre 1886.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>AU PEUPLE CANADIEN</h3>
+<br>
+
+<p>A M. L. O. DAVID.</p>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>O peuple canadien, tressaille d'allégresse,</p>
+<p>Plonge ton noble coeur dans une sainte ivresse,</p>
+<p class="i6"> Entonne des hymnes d'amour!</p>
+<p>Déroule avec orgueil les plis de tes bannières,</p>
+<p>Fais retentir partout tes fanfares guerrières,</p>
+<p class="i6"> Car de Saint-Jean c'est le beau jour!</p>
+<br>
+<p>L'astre d'or, ce matin, à l'horizon sans bornes,</p>
+<p>S'est levé radieux, posant au front des mornes</p>
+<p class="i6"> Un diadème de rayons;</p>
+<p>Le vaste Saint-Laurent roule sa vague pure,</p>
+<p>Et les petits oiseaux cachés dans la verdure</p>
+<p class="i6"> Disent leurs plus douces chansons.</p>
+<br>
+<p>La forêt secouant sa crinière brillante,</p>
+<p>Jette mille clameurs à la brise odorante;</p>
+<p>Le ruisseau, serpentant dans les vallons en fleur</p>
+<p>Mêle au concert des bois sa suave harmonie;</p>
+<p>L'airain lance aux échos sa mâle symphonie:</p>
+<p>Tout sous le soleil chante une hymne au Créateur!</p>
+<br>
+<p>Joignant ta voix aux voix de la nature entière,</p>
+<p>Peuple, au pied des autels, courbant la tête altière,</p>
+<p>Va chanter et prier ton glorieux patron.</p>
+<p>Pour retremper ton coeur aux sources de la gloire,</p>
+<p>Étale les feuillets de ta sublime histoire,</p>
+<p>De tes fastes dorés rouvre le panthéon!</p>
+<br>
+<p>C'est toi qui, découvrant nos forêts et nos ondes,</p>
+<p class="i6"> Les baptisa d'un nom français,</p>
+<p>Et c'est toi que plantas sur ces rives fécondes</p>
+<p class="i6"> Le doux symbole de la paix.</p>
+<br>
+<p>Tu rêvais pour tes fils un avenir prospère</p>
+<p class="i6"> Sur la plage que nous foulons,</p>
+<p>Quand, un jour, contre toi la puissante Angleterre</p>
+<p class="i6"> Déchaîna ses gros bataillons.</p>
+<br>
+<p>Tu sentis bouillonner dans tes veines la sève</p>
+<p class="i6"> Vigoureuse de tes aïeux,</p>
+<p>Et combattis longtemps sans repos et sans trève,</p>
+<p class="i6"> Mais ne fus pas victorieux.</p>
+<br>
+<p>Et ton heureux vainqueur, pour prix d'une victoire,</p>
+<p class="i6"> Pauvre peuple, te demanda</p>
+<p>Tes villes, tes hameaux, et tout le territoire</p>
+<p class="i6"> Qui s'appelle le Canada!...</p>
+<br>
+<p>Alors, abandonné par ta mère la France,</p>
+<p class="i6"> Ou plutôt par son lâche roi,</p>
+<p>Tu cédas ce trésor, ayant eu l'assurance</p>
+<p class="i6"> De garder ta langue et ta foi!</p>
+<br>
+<p>Peuple, en ce jour béni de la Saint-Jean-Baptiste,</p>
+<p>Démontre avec éclat que dans ton âme existe</p>
+<p class="i6"> L'amour pur de la liberté!</p>
+<p>Redis à l'étranger ton histoire héroïque,</p>
+<p>Affirme hautement ta constance stoïque</p>
+<p class="i6"> Ta force et ta vitalité!</p>
+<br>
+<p>24 juin 1878.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>L'AUTOMNE</h3>
+<br>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Le ciel n'a plus d'azur; l'atmosphère est de glace;</p>
+<p>La splendeur du soleil pâlit de jour en jour;</p>
+<p>Sur l'arbre dépouillé que le frimas enlace,</p>
+<p>L'oiseau ne redit plus sa romance d'amour.</p>
+<br>
+<p>La nature a souillé la robe éblouissante</p>
+<p>Qui parait les coteaux de ses replis soyeux;</p>
+<p>Les fleurs ont disparu; l'abeille vigilante</p>
+<p>Ne dore plus nos bois de son miel savoureux.</p>
+<br>
+<p>Les torrents écumeux, grandis par les orages,</p>
+<p>Font retentir les airs de lugubres sanglots;</p>
+<p>Et, bondissant soudain par dessus les rivages,</p>
+<p>Dévastent les moissons de leurs terribles flots.</p>
+<br>
+<p>Quand tu parais, automne, aussitôt la tristesse</p>
+<p>Sur notre front serein pose son noir bandeau;</p>
+<p>Tu viens ravir aux champs leur brillante jeunesse,</p>
+<p>Tu nous donnes des jours sombres comme un tombeau!</p>
+<br>
+<p>Au vieillard que les ans inclinent vers la tombe,</p>
+<p>Et qui plonge son coeur aux sources des plaisirs,</p>
+<p>Tu dis: «Lève la tête, et vois ce fruit qui tombe,</p>
+<p>Ainsi tu tomberas avec tes vains désirs...»</p>
+<br>
+<p>L'automne, de la vie est la fidèle image:</p>
+<p>Les jours calmes et doux sont nos jours sans remords;</p>
+<p>Les bosquets dénudés rappellent le vieil âge;</p>
+<p>La neige et les frimas, le blanc linceul des morts!...</p>
+<br>
+<p>Eh bien! puisque l'automne en souverain commande,</p>
+<p>Inclinons tous nos fronts devant sa majesté;</p>
+<p>Car sa voix est l'écho de Dieu qui réprimande</p>
+<p>Ceux qui ne pensent pas à leur éternité.</p>
+<br>
+<p>Novembre 1883.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>AUX CÉLIBATAIRES</h3>
+<br>
+
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Allons, debout! pauvres célibataires,</p>
+<p>Vous que la femme abreuve de mépris!</p>
+<p>Abandonnez vos gîtes solitaire,</p>
+<p>Où l'on ne voit que des chats favoris!</p>
+<br>
+<p>De votre coeur bannissez la souffrance:</p>
+<p>Ne soyez plus désormais soucieux;</p>
+<p>Et saluez avec joie, espérance,</p>
+<p>Le nouvel an qui brille au front des cieux!</p>
+<br>
+<p>Car en ce jour de fête universelle,</p>
+<p>La fille d'Ève absout les amoureux;</p>
+<p>Sa douce voix attendrit l'infidèle,</p>
+<p>Et son regard rend les hommes heureux.</p>
+<br>
+<p>En votre honneur elle fait sa toilette;</p>
+<p>Elle embellit de fleurs ses longs cheveux;</p>
+<p>A son faux col rayonne l'épinglette</p>
+<p>Qu'elle reçut un soir avec vos voeux!</p>
+<br>
+<p>Vite, debout! accourez donc vers elle</p>
+<p>Vous que l'ennui torture tous les jours!</p>
+<p>Et dites-lui: «Ma tendre demoiselle,</p>
+<p>Je pleure encor mes premières amours;</p>
+<br>
+<p>«Je suis cruel, barbare et bien coupable</p>
+<p>D'avoir blessé vos nobles sentiments;</p>
+<p>Mais mon offense est-elle impardonnable?</p>
+<p>Oh! non; alors, reprenez mes serments.»</p>
+<br>
+<p>Mariez-vous! l'Évangile l'ordonne;</p>
+<p>C'est un devoir sacré pour le chrétien,</p>
+<p>Aux bons époux parfois le Seigneur donne</p>
+<p>La paix de l'âme et le pain quotidien.</p>
+<br>
+<p>C'est le souhait, braves célibataires,</p>
+<p>Que je formule en ce beau jour de l'an</p>
+<p>A l'avenir, soyez moins solitaires;</p>
+<p>Rendez des points aux plus jeunes galants!</p>
+<br>
+<p>1er janvier 1883.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>SUR L'ALBUM DE MLLE D. M...</h3>
+<br>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i30">Le souvenir c'est tout;</p>
+<p class="i30">C'est l'âme de la vie.</p>
+<br>
+<p>J'aime souvent, l'oeil perdu dans l'espace,</p>
+<p>A remonter l'échelle d'or du temps;</p>
+<p>Je vois alors, comme une aube qui passe,</p>
+<p>L'éclair serein de mes premiers printemps.</p>
+<br>
+<p>Et j'aperçois la pauvre maisonnette</p>
+<p>Où je naquis et coulai d'heureux jours,</p>
+<p>Les beaux enfants à la figure honnête</p>
+<p>Qui me juraient de m'estimer toujours!</p>
+<br>
+<p>Nous descendions la pente de la vie,</p>
+<p>Insoucieux des heures à venir;</p>
+<p>Et pensions, dans notre étourderie,</p>
+<p>Que le bonheur ne peut jamais fuir!</p>
+<br>
+<p>Hélas! pourtant (penser qui me chagrine)</p>
+<p>Dieu moissonna mes amis tour à tour...</p>
+<p>Je m'inclinai devant sa loi divine,</p>
+<p>Car je compris pour l'enfant son amour.</p>
+<br>
+<p>Huit ans plus tard, je rencontrai vos frères--</p>
+<p>Que le hasard sur ma route avait mis--</p>
+<p>En entendant leurs paroles sincères,</p>
+<p>Je m'écriai: soyons toujours unis!</p>
+<br>
+<p>Leur amitié fut l'écho de la mienne:</p>
+<p>Nous étions faits, je crois pour nous aimer!</p>
+<p>Et leur gaîté--leur gaîté <i>canadienne</i>--</p>
+<p>Sut de tout temps me plaire et me charmer.</p>
+<br>
+<p>Souvent le soir, aux lumières de l'âtre,</p>
+<p>Nous prenions part à des festins joyeux,</p>
+<p>Où notre esprit, ironique et folâtre,</p>
+<p>Faisait la guerre aux sujets sérieux!</p>
+<br>
+<p>Oui, nous fêtions à la bonne franquette,</p>
+<p>Comme fêtaient nos aimable aïeux;</p>
+<p>Nous nous moquions de l'absurde étiquette</p>
+<p>Que le mondain s'impose en certains lieux.</p>
+<br>
+<p>Vous étiez jeune alors, mademoiselle:</p>
+<p>L'on vous montrait encor le <i>B-A</i>: ba!</p>
+<p>Vous ne rêviez que de poupée et dentelle,</p>
+<p>Que ruban rose et succulent baba...</p>
+<br>
+<p>Mais, aujourd'hui, (Dieu, que le monde change!)</p>
+<p>Vous n'êtes plus la «p'tite» d'autrefois;</p>
+<p>Vous possédez la sagesse d'un ange;</p>
+<p>Vous êtes grande et savante à la fois!</p>
+<br>
+<p>Vous avez eu--superbe récompense--</p>
+<p>A l'examen une médaille d'or:</p>
+<p>C'est le fruit mûr d'une belle semence,</p>
+<p>Oh! gardez-la, comme on garde un trésor!</p>
+<br>
+<p>Sur votre front rayonne l'allégresse:</p>
+<p>Rendez-en grâce au divin Créateur;</p>
+<p>Demandez-lui, pour unique richesse,</p>
+<p>D'éterniser en vous tant de bonheur!</p>
+<br>
+<p>25 août 1882.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>A MADAME B...<br>
+CANTATRICE</h3>
+
+<p class="mid">(Vers écrits sur un album au-dessous d'une pièce signée: N. Legendre.)</p>
+<br>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i10">Madame, si, comme Legendre,</p>
+<p class="i10">J'étais un pur littérateur,</p>
+<p class="i10">Et si j'avais votre voix tendre</p>
+<p class="i10">Qui charme l'oreille et le coeur,</p>
+<p class="i10">Je chanterais la Canadienne</p>
+<p class="i10">Au front rayonnant de candeur,</p>
+<p class="i10">Je chanterais cette gardienne</p>
+<p class="i10">De notre foi, de notre honneur.</p>
+<p class="i10">Mais, hélas! je n'ai qu'une lyre</p>
+<p class="i10">Peut-être indigne de ce nom</p>
+<p class="i10">Qui ne saurait jamais redire</p>
+<p class="i10">Les vertus de cette Ève; oh! non...</p>
+<br>
+<p>Septembre 1885.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>SUR L'ALBUM DE MLLE R. D...</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Si c'est votre désir, aimable demoiselle,</p>
+<p>Que je trace en ce livre un mot vite oublié,</p>
+<p>Je dois vous obéir, car, en étant rebelle,</p>
+<p>Je manquerais aux lois de la bonne amitié!</p>
+
+<p>Avril 1878.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>SUR L'ALBUM DE MLLE J. M. F.</h3>
+<br>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Autrefois de mon coeur la joie était bannie,</p>
+<p>Et j'appelais la mort tant j'étais malheureux!</p>
+<p>Mais votre doux regard me rattache à la vie,</p>
+<p>Et lorsque je vous vois, je deviens tout joyeux...</p>
+<br>
+<p>Mai 1880.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>SUR L'ALBUM DE MME DR M. F...</h3>
+
+<p class="mid">(IMPROMPTU)</p>
+<br>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Vous travaillez depuis longtemps, Madame,</p>
+<p>Pour ceux que Dieu mit dans la pauvreté</p>
+<p>Je vous admire! Ah! retrempez votre âme</p>
+<p>Au feu divin de l'humble charité!</p>
+<br>
+<p>A la kermesse des pauvres, à Québec, 1880.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>SUR L'ALBUM DE MLLE A. H. T...</h3>
+<br>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Je connais une chose, à nulle autre pareille,</p>
+<p>Qui germe dans le coeur et souvent y réveille</p>
+<p class="i6"> L'amour et la pitié;</p>
+<p>Plus douce que le miel, plus belle que la rose,</p>
+<p>Plus pure que le lis et que le bébé rose:</p>
+<p class="i6"> C'est la franche amitié.</p>
+<br>
+<p>Mai 1880.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>UN HÉROS DE 1870</h3>
+
+<p class="mid">(A mon bienfaiteur et vieil ami, M. Philéas Huot.)</p>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i18"><i>Il offrit à la France et son coeur et sa vie.</i></p>
+</div></div>
+
+<h3>I</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>En l'an de grâce mil huit cent soixante et quatre,</p>
+<p>Dans le froid célibat vivait Pierre Francoeur;</p>
+<p>Contre l'amour son âme avait voulu combattre,</p>
+<p>Mais à la fin l'amour était resté vainqueur!</p>
+<br>
+<p>Un soir, se promenant sur l'immense terrasse</p>
+<p>Qui couronne le front du haut Cap Diamant,</p>
+<p>Pierre avait aperçu--vrai type de sa race--</p>
+<p>Une blonde fillette au visage charmant.</p>
+<p>Il se souvint qu'un jour, quittant la cathédrale,</p>
+<p>La jeune fille et lui s'étaient vus en passant;</p>
+<p>Il avait même osé lui tendre l'eau lustrale</p>
+<p>Qu'elle avait acceptée en le remerciant...</p>
+<p>Mais ce soir, elle était au bras de son vieux père,</p>
+<p>Comme une belle pêche aux branches du pêcher;</p>
+<p>Son coeur avait battu lorsqu'elle avait vu Pierre</p>
+<p>Qui semblait du regard vouloir la rechercher.</p>
+<br>
+<p>Le père, en remarquant l'émotion de Rose,</p>
+<p>(Car Rose était son nom) avait tout deviné.</p>
+<p>«Allons, avait-il dit, pourquoi cet air morose?</p>
+<p>Et pourquoi donc ton oeil s'est-il illuminé?</p>
+<p>Quoi! tu ne parles plus? tu n'étais pas muette,</p>
+<p>Ma petite, tantôt. Tu trembles follement:</p>
+<p>Aurais-tu peur? voyons, une bonne fillette</p>
+<p>A son père, toujours doit parler franchement.»</p>
+<br>
+<p>Rose voulait parler, mais ses lèvres timides</p>
+<p>Ne faisaient qu'exhaler des soupirs douloureux;</p>
+<p>Et ses grands yeux d'azur, si doux et si limpides,</p>
+<p>Se troublaient et parfois lançaient d'étranges feux.</p>
+<br>
+<p>Le vieillard, en voyant l'embarras de sa fille,</p>
+<p>Qu'il n'aurait pas voulu davantage effrayer,</p>
+<p>Après avoir jeté sur elle une mantille,</p>
+<p>L'avait, le coeur ému, ramenée au foyer.</p>
+<br>
+<p>Pierre était resté là, droit comme une statue,</p>
+<p>Regardant s'envoler l'objet de ses amours;</p>
+<p>Car il l'aimait déjà, cette belle inconnue,</p>
+<p>Et son coeur lui disait qu'il l'aimerait toujours!</p>
+<p>Il y rêvait encore, quand l'airain de l'église,</p>
+<p>Égrenant dans les airs les notes de minuit,</p>
+<p>Le tira de son rêve, et, prompt comme la brise,</p>
+<p>Il courut aussitôt vers son humble réduit.</p>
+<br>
+<p>Le lendemain matin, avec la pâle aurore,</p>
+<p>Rose s'était levée en proie à la douleur.</p>
+<p>Pensive, elle écoutait l'hymne doux et sonore</p>
+<p>Que les chantres ailés adressaient au Seigneur.</p>
+<p>Puis des larmes voilaient l'éclat de sa prunelle;</p>
+<p>Sa bouche murmurait des mots incohérents.</p>
+<p>«Je le reverrai donc, ici, soupira-t-elle,</p>
+<p>Du moins c'est le désir de mes tendres parents...»</p>
+<br>
+<p>De fait, la veille au soir, à sa fille chérie,</p>
+<p>Ce père avait parlé le langage du coeur;</p>
+<p>«J'ai deviné l'amour, ou plutôt la folie</p>
+<p>qui trouble en ce moment ta joie et ton bonheur.</p>
+<br>
+<p>Ce jeune homme me plaît; il a bonne figure,</p>
+<p>Taille robuste, oeil vif et mains d'un travailleur;</p>
+<p>Ces dons du corps, souvent, sont d'un superbe augure,</p>
+<p>Mais aimer Dieu, ma fille, est un don des meilleurs.</p>
+<p>Est-il un bon chrétien? J'en jugerai moi-même,</p>
+<p>Oui, car avant longtemps je le rencontrerai;</p>
+<p>Si je suis convaincu qu'avec ardeur il t'aime,</p>
+<p>Ma parole d'honneur! Je te l'amènerai...»</p>
+<br>
+<p>Le nom de ce vieillard, de ce père excentrique,</p>
+<p>Était Jacques Benoit. Il ne redoutait rien;</p>
+<p>Il eut versé son sang pour la foi catholique;</p>
+<p>Il se glorifiait d'être né Canadien!</p>
+<br>
+<p>Pierre enfin se coucha; mais l'amère insomnie</p>
+<p>Jusques au point du jour tortura son cerveau;</p>
+<p>Espérant mettre un terme à sa longue agonie,</p>
+<p>Dans sa forge, il alla manoeuvrer le marteau.</p>
+<br>
+<p>Il tenait à Saint-Roch une large boutique</p>
+<p>Où le bruit de l'enclume aux rires se mêlait.</p>
+<p>Le soir, après souper, pour parler politique,</p>
+<p>Sous ce toit enfumé souvent l'on s'assemblait.</p>
+<br>
+<p>Pierre, ce matin-là, suait à grosses gouttes,</p>
+<p>Lui, le gai forgeron aux bras si vigoureux!</p>
+<p>Ah! c'est qu'alors son coeur entretenait des doutes</p>
+<p>Sur l'accomplissement de ses projets heureux...</p>
+<p>«Pourtant, se disait-il, il faut que je connaisse</p>
+<p>Cet ange blond qui fait ma joie et mon tourment;</p>
+<p>Je veux mettre à son front, où brille la jeunesse,</p>
+<p>Les roses de l'hymen--divin couronnement!»</p>
+<br>
+<p>Cinq jours plus tard, assis sur le seuil de sa porte,</p>
+<p>Il respirait du soir l'agréable fraîcheur;</p>
+<p>Devant lui défilait la nombreuse cohorte</p>
+<p>Des braves ouvriers revenant du labeur.</p>
+<p>--Eh! bonjour, <i>Messieu</i> Pierre! exclamait tout le monde,</p>
+<p>Car il était connu parmi les travailleurs;</p>
+<p>On proclamait sa force une lieue à la ronde:</p>
+<p>A lui seul! il avait rossé trois batailleurs...</p>
+<br>
+<p>Mais Pierre, tout-à-coup, s'élança dans la rue</p>
+<p>Pour saisir un coursier qui venait au galop,</p>
+<p>Trimbalant dans un fiacre une enfant éperdue</p>
+<p>Dont la terreur offrait le plus triste tableau.</p>
+<br>
+<p>Notre héros, soudain, au péril de sa vie,</p>
+<p>Bondit comme un lion au cou de l'animal</p>
+<p>Qui s'élança d'abord avec plus de furie,</p>
+<p>Mais se calma bientôt, vaincu par son rival!</p>
+<br>
+<p>Presque aussitôt survint un homme à barbe blanche:</p>
+<p>C'était Jacques Benoit, le maître du cheval!...</p>
+<p>Dans Pierre il reconnut, à sa figure franche,</p>
+<p>Celui que son enfant nommait son idéal!</p>
+<p>Prenant du forgeron la main forte et grossière,</p>
+<br>
+<p>Il sa serra longtemps avec effusion:</p>
+<p>«Ami, vous êtes brave et d'une race fière,</p>
+<p>Car de là-bas j'ai vu votre belle action.</p>
+<p>Comment vous exprimer ce qu'éprouve mon âme?</p>
+<p>Ajouta le vieillard, visiblement confus;</p>
+<p>La gratitude, allez!--cette vivace flamme--</p>
+<p>Brûlera dans mon coeur pour ne s'éteindre plus!</p>
+<p>Oui, sans vous la fillette, à l'heure où je vous parle,</p>
+<p>Serait peut-être morte, oh! j'en frémis d'horreur!</p>
+<p>Je vous cherchais... pardon... je cherchais l'ami Charle...</p>
+<p>Quand mon fougueux coursier a fui comme un voleur!»</p>
+<p>Pierre, d'emblée, avait reconnu le vieux père</p>
+<p>De l'ange au front rêveur qui troublait son repos;</p>
+<p>Et, surpris de le voir, il regardait la terre</p>
+<p>Sans pouvoir seulement bredouiller quelques mots!</p>
+<p>Mais bientôt, recouvrant son ferme caractère,</p>
+<p>Il dit, en désignant sa modeste maison:</p>
+<p>--«Entrez donc sous le toit d'un vieux célibataire!</p>
+
+<p>--Vieux, dites-vous? Ah! Ah! oui, <i>vieux</i>... par la raison!</p>
+
+<p>--Vous êtes trop flatteur; je passe la trentaine</p>
+<p>Depuis quatre printemps.</p>
+
+<p class="i18"> --Ne vous désolez pas,</p>
+<p>Car, à trente-quatre ans, la vieillesse est lointaine,</p>
+<p>C'est l'âge où l'on ne voit que les fleurs sous ses pas.»</p>
+
+<p>Laissons-les discourir, en prenant le breuvage,</p>
+<p>Sur l'étrange incident qui les a réunis,</p>
+<p>Et revenons à Rose. Elle veille au ménage,</p>
+<p>Y mettant une adresse et des soins infinis.</p>
+<br>
+<p>Ses mains ont tout rangé dans un ordre admirable,</p>
+<p>Depuis les objets d'art jusqu'au luisant miroir;</p>
+<p>Et par la porte ouverte, on aperçoit la table</p>
+<p>sur laquelle est l'humble repas du soir.</p>
+<br>
+<p>Sa mère, vieille femme, arrive de l'église,</p>
+<p>Où souvent elle va prier le roi des cieux;</p>
+<p>Mais sur son front de suite éclate la surprise</p>
+<p>En ne voyant que Rose apparaître à ses yeux.</p>
+<p>--«Et ton bon père, enfant?</p>
+<p class="i18"> --Pas de retour encore!</p>
+<p>--Pauvre vieux! de ce train il sera bientôt mort!</p>
+<p>Car pour trouver celui que ta jeune âme adore,</p>
+<p>Il peut mettre à l'envers tout Québec et Beauport...</p>
+<br>
+<p>--«Ciel! que vois-je! fit Rose, en courant vers la porte:</p>
+<p>Mon père qui revient avec notre inconnu...</p>
+<p>Mais, réprimant alors l'ardeur qui la transporte,</p>
+<p>Elle recule et dit: Qu'il soit le bienvenu!»</p>
+<br>
+<p>En effet aussitôt sautèrent de voiture</p>
+<p>Pierre et Jacques Benoit, ce vieux Roger-Bontemps.</p>
+<p>La gaîté rayonnait sur leur bonne figure,</p>
+<p>Mais, hélas! la gaîté ne dura pas longtemps!</p>
+<br>
+<p>Lorsque la jeune fille ouït la voix vibrante</p>
+<p>De l'homme qu'elle aimait, son coeur battit bien fort;</p>
+<p>Elle rougit, s'émut; et sa lèvre brûlante</p>
+<p>Laissa tomber un cri d'ineffable transport!</p>
+<br>
+<p>«Mordienne! qu'as-tu donc, ô mon enfant chérie,</p>
+<p>S'écria le vieillard, lui saisissant la main;</p>
+<p>Nous t'aimons, tu le sais, avec idolâtrie,</p>
+<p>Et voulons du bonheur te tracer le chemin.</p>
+<p>Monsieur Pierre Francoeur--que tout le monde approche,</p>
+<p>Et que je suis heureux de recevoir chez moi--</p>
+<p>Est un noble artisan sans peur et sans reproche,</p>
+<p>Qui serait enchanté de vivre sous ta loi;</p>
+<p>Il m'a fait cet aveu quand j'étais à sa table,</p>
+<p>(Car tu sauras tantôt comment je l'ai connu).</p>
+<p>Catholique fervent, honnête et charitable,</p>
+<p>Enfant, tel est celui que tu crois <i>inconnu</i>!</p>
+<p>Tu pleures à présent! voyons, voyons petite!</p>
+<p>Sèche ces vilains pleurs qui rougissent tes yeux;</p>
+<p>Prouve à ce beau Monsieur qu'ici la joie habite</p>
+<p>Et que notre étiquette est celle des aïeux!</p>
+<br>
+<p>Rose, en effet, pleurait! Ses bienfaisantes larmes,</p>
+<p>Comme des diamants jusqu'à ses pieds roulaient;</p>
+<p>Cet aimable chagrin faisait briller ses charmes;</p>
+<p>Pierre et les deux vieillards, ravis, la contemplaient.</p>
+<br>
+<p>Oui, cette enfant pleurait! mais un chaste délice</p>
+<p>Sous ce voile de pleurs alors se déguisait;</p>
+<p>Elle avait mis sa lèvre à l'enivrant calice,</p>
+<p>Et pleurait le bonheur que son coeur y puisait!</p>
+<br>
+<p class="i10">O larmes précieuses,</p>
+<p class="i10">Douces, silencieuses,</p>
+<p class="i10">Baume consolateur</p>
+<p class="i10">Inénarrable joie,</p>
+<p class="i10">Que du ciel nous envoie</p>
+<p class="i10">Le divin Créateur!</p>
+<br>
+<p class="i10">Des grands yeux bleus de Rose,</p>
+<p class="i10">Coule, rosée éclose</p>
+<p class="i10">Du pur et saint amour;</p>
+<p class="i10">Ah! rafraîchis son âme</p>
+<p class="i10">Dont la soif te réclame;</p>
+<p class="i10">Oui, coule en ce beau jour!</p>
+<br>
+<p>Mais Rose, revenant de la folle surprise</p>
+<p>Qu'elle avait éprouvée en revoyant Francoeur,</p>
+<p>Lui dit:</p>
+<p class="i6"> «Veuillez, Monsieur, excuser ma franchise:</p>
+<p>Vous m'avez trop causé de joie et de bonheur!...»</p>
+<br>
+<p>Ce gracieux reproche, au lieu de blesser Pierre,</p>
+<p>Alluma dans son âme une lueur d'espoir;</p>
+<p>Il répondit:</p>
+<p class="i10"> «Le ciel exauce ma prière,</p>
+<p>Puisque l'ai maintenant l'honneur de vous revoir.»</p>
+<br>
+<p>«Bravo! bravissimo! trois fois bravo, mordienne!</p>
+<p>Glapit Jacques Benoit, tout fier de ce début;</p>
+<p>Merveilleusement dit, ma parole chrétienne!</p>
+<p>De ce pas, mes enfants, vous atteindrez le but!</p>
+<p>Allons, Monsieur Francoeur, allons, sans gêne, à table!</p>
+<p>Nous avons, il est vrai, chez vous fait bon repas;</p>
+<p>Mais ma femme et ma fille ont de la dent, que diable!</p>
+<p>Et le jeûne ce soir ne leur conviendrait pas!»</p>
+<br>
+<p>Le galant accepta la franche politesse,</p>
+<p>Puis, en homme d'usage, il but et mangea peu.</p>
+<p>De Rose il admira la beauté, la finesse,</p>
+<p>Et la complimenta sur l'exquis pot-au-feu.</p>
+<p>Après ce gai repas, on fit de la musique</p>
+<p>Dans un petit salon de fleurs tout embaumé;</p>
+<p>Rose, en s'accompagnant, chanta plus d'un cantique</p>
+<p>Où le nom de Marie était souvent rimé.</p>
+<p>Pierre ne chantait pas, lui, selon les principes;</p>
+<p>Il en connaissait point l'art des <i>dilettanti</i>;</p>
+<p>Il ignorait aussi l'accord des participes,</p>
+<p>Mais chanta volontiers plus d'un couplet joli.</p>
+<br>
+<p>Ce soir-là, chez Benoit, on était en liesse;</p>
+<p>Les coeurs, jeunes et vieux, vibraient à l'unisson.</p>
+<p>Les deux vieillards tout bas, se répétaient sans cesse</p>
+<p>Que Rose pour époux aurait un beau garçon!</p>
+<br>
+<p>«Comment le trouves-tu, Rose et toi, bonne vieille?</p>
+<p>Demanda le vieillard, quand Pierre fut parti.</p>
+<p>Rose joyeuse, dit:</p>
+<p class="i16"> --Vraiment il m'émerveille!</p>
+<p>Et sa mère ajouta:</p>
+<p class="i16"> --C'est un fameux parti!...»</p>
+<br>
+<p>Dieu! que les vrais plaisirs sont de courte durée!</p>
+<p>Pensait, en cheminant, le jeune homme amoureux;</p>
+<p>Je veux garder toujours de ma belle soirée</p>
+<p>Dans les plis de mon coeur, le souvenir heureux!</p>
+</div></div>
+
+<h3>II</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Dans le bourg Sainte-Foye, auprès de la barrière</p>
+<p>S'élevait un logis touré de bouleaux;</p>
+<p>Sur ses murs crevassés le houblon et le lierre,</p>
+<p>Ainsi que des serpents déroulaient leurs anneaux.</p>
+<br>
+<p>C'était un beau soir d'août. Dans un ciel sans nuages,</p>
+<p>L'astre du jour lançait sa dernière lueur,</p>
+<p>Et les oiseaux mêlaient leurs gracieux ramages</p>
+<p>A la voix du Zéphyr volant de fleur en fleur.</p>
+<p>L'air était tout rempli de senteurs odorantes</p>
+<p>Que le foin, en séchant, exhalait en foison;</p>
+<p>Et la gentille abeille, aux ailes transparentes</p>
+<p>Buvait avec ivresse aux perles du gazon.</p>
+<br>
+<p>Trois personnes causaient, assises sur un banc;</p>
+<p>La fine humeur gauloise animait leur langage</p>
+<p>Et l'écho répétait parfois leur rire franc.</p>
+<p>Cependant la plus belle, une blonde fillette,</p>
+<p>Interrompit soudain son rire harmonieux</p>
+<p>Pour aller recevoir, à la bonne franquette,</p>
+<p>Deux nouveaux arrivants, l'un jeune et l'autre vieux.</p>
+<br>
+<p>--«Salut à vous, salut! Mademoiselle Rose,</p>
+<p>Lui dit en s'inclinant le plus âgé des deux;</p>
+<p>Votre teint à toujours l'incarnat de la rose</p>
+<p>Et mon ami de vous a droit d'être orgueilleux.»</p>
+<br>
+<p>Pierre à son tour reprit:</p>
+<p class="i20"> --«J'approuve le notaire</p>
+<p>Qui sait dire à propos toute la vérité;</p>
+<p>Mieux que lui je connais votre doux caractère,</p>
+<p>Et j'admire avec lui votre rare beauté.»</p>
+<br>
+<p>--«De grâce, c'est assez! assez! répliqua-t-elle,</p>
+<p>Je ne mérite pas tous ces beaux compliments;</p>
+<p>Spirituels moqueurs, venez sous la tonnelle</p>
+<p>Où nous retrouverons mes excellents parents.»</p>
+<p>Ils furent accueillis d'une façon charmante</p>
+<p>Par Benoit et sa femme. Et Pierre, ce soir-là,</p>
+<p>Vint s'asseoir sans trembler auprès de son amante,</p>
+<p>Qui portait à ravir la robe de gala.</p>
+<br>
+<p>Pourquoi tant de gaîté sur toutes ces figures?</p>
+<p>Et pourquoi le notaire était-il chez Benoit?</p>
+<p>C'est que, par un contrat, deux jeunes créatures,</p>
+<p>Allaient en ce beau soir, s'unir devant la loi.</p>
+<br>
+<p>Pierre, depuis trois mois, sur <i>l'océan du Tendre</i></p>
+<p>Confiait son esquif au doux vent de l'espoir;</p>
+<p>Car Rose quelquefois osait lui faire entendre</p>
+<p>Ces cinq mots consolants:</p>
+<p class="i20"> «Ainsi j'aime à te voir!»</p>
+<p>Or, un jour de juillet--il m'en souvient encore--</p>
+<p>Pierre chez son amante arrivait tout rêveur.</p>
+<p>«Je viens, avait-il dit, ô fille que j'adore,</p>
+<p>T'offrir en ce moment et ma vie et mon coeur.</p>
+<p>Je veux me marier: la raison me l'ordonne;</p>
+<p>Et n'est-ce pas d'ailleurs le devoir d'un chrétien?</p>
+<p>A tous les bons époux le Maître du ciel donne</p>
+<p>Au foyer l'harmonie et le pain quotidien.</p>
+<p>Ne me repousse pas, idole de ma vie,</p>
+<p>Toi qui portes au front la suave candeur!</p>
+<p>Au banquet de l'hymen le Seigneur nous convie:</p>
+<p>O Rose, accepte donc avec moi cet honneur...»</p>
+<p>Rose avait reparti:</p>
+<p class="i16"> «J'admire ta franchise</p>
+<p>Et les fiers sentiments que tu viens d'exprimer;</p>
+<p>Mais, sans voir mes parents auxquels je suis soumise</p>
+<p>Je ne puis te répondre: ils pourraient me blâmer.»</p>
+<br>
+<p>Cette soumission et ce hardi langage</p>
+<p>Jetèrent notre ami dans le ravissement.</p>
+<p>«Tu parles bien, dit-il; je n'ai pas le courage</p>
+<p>«De répliquer un mot à ton raisonnement.»</p>
+<br>
+<p>Pierre, le lendemain, rayonnant d'espérance</p>
+<p>Et frais comme une fleur, arrivait chez Benoit.</p>
+<p>Le bonhomme lui dit:</p>
+<p class="i18"> --«Écoutez ma sentence:</p>
+<p>Vous voulez épouser ma fillette?... eh bien, soit!</p>
+<p>Dans les premiers jours d'août, amenez M. Fabre,</p>
+<p>Ce notaire galant que nous estimons tous;</p>
+<p>Il manie encor mieux la plume que le sabre,</p>
+<p>Quoiqu'il porte cette arme avec un soin jaloux.</p>
+<br>
+<p>Puis, le contrat passé, nous fixerons la date</p>
+<p>De votre mariage. Au pied des saints autels,</p>
+<p>Le prêtre célébrant (oh! ce dessein me flatte!)</p>
+<p>Sera mon vieux cousin, Messire Désautels.</p>
+<p>Nous ferons, n'est-ce pas? une <i>noce tranquille</i>,</p>
+<p>Nos aïeux s'amusaient de cette façon-là;</p>
+<p>N'allons pas imiter les «noceurs» de la ville,</p>
+<p>Je n'ai jamais aimé leur bruit ni leur éclat.»</p>
+<br>
+<p>Pierre, tout ému, dit:</p>
+<p class="i16"> «Mon cher futur beau-père,</p>
+<p>Votre sentence est douce, et j'en suis bien heureux.</p>
+<p>Je suivrai vos conseils et saurai, je l'espère,</p>
+<p>Éviter des «noceurs» les écarts dangereux.»</p>
+<br>
+<p>Maintenant le lecteur sait pourquoi le notaire</p>
+<p>Chez le père Benoit accompagnait Francoeur,</p>
+<p>L'habile homme de loi montra son savoir-faire</p>
+<p>En dressant le contrat sans commettre une erreur.</p>
+<p>Au moment solennel où l'épouse future</p>
+<p>Prenait la plume d'or pour signer le contrat,</p>
+<p>Le notaire, vers elle inclinant sa figure,</p>
+<p>Mit un léger baiser sur son front incarnat.</p>
+<br>
+<p>«Vous êtes fin voleur, dit en souriant Rose;</p>
+<p>Je ne vous donne point de petit baiser-là!</p>
+<p>Quoi! reprit le notaire, il faudra, je suppose,</p>
+<p>Pour être pardonné, vous remettre cela?</p>
+<p>Comment, vous oseriez?... non, non, riposta-t-elle,</p>
+<p>Je préfère excuser plutôt votre larcin;</p>
+<p>Vous avez de l'esprit, oh! oui, plein la cervelle,</p>
+<p>Mais je n'approuve pas votre hardi dessein!...»</p>
+<p>--C'est bien, faisons l'accord, ma bonne demoiselle,</p>
+<p>Et, comme la musique est l'<i>accord</i> le meilleur,</p>
+<p>Veuillez donc chanter la romance nouvelle</p>
+<p>Que vient de publier l'artiste Lavigueur.»</p>
+<br>
+<p>Quand l'acte fut signé, les chansons et le rire</p>
+<p>Retentirent longtemps dans ce logis heureux;</p>
+<p>Les futurs époux--illusoire délire--</p>
+<p>Crurent que leur bonheur valait celui des cieux!...</p>
+<br>
+<p>Par un soleil brillant, un superbe carrosse,</p>
+<p>Traîné par deux chevaux, arrêta chez Benoit.</p>
+<p>Pierre, charmant à voir sous son habit de noce,</p>
+<p>Sauta de la voiture, aussi fier que le roi!</p>
+<br>
+<p>Mais quand il aperçut Rose en toilette blanche</p>
+<p>Et le front couronné des fleurs de l'oranger,</p>
+<p>Il ne put retenir cette parole franche:</p>
+<p>«Le Créateur en toi ne peut rien corriger!</p>
+<p>Accepte ces bouquets, cadeau du jeune prêtre,</p>
+<p>L'aimable et généreux curé de Charlesbourg;</p>
+<p>Il doit, au saint autel, implorer le grand Maître</p>
+<p>Pour qu'il daigne bénir notre sincère amour.»</p>
+<p>--«Oui, j'accepte ces fleurs, merci du fond de l'âme!</p>
+<p>Veuillez assurer l'abbé de mon profond respect;</p>
+<p>Puisse de cette vertu la douce et sainte flamme</p>
+<p>Produire sur nous deux son salutaire effet...»</p>
+<br>
+<p>Après s'être adressé les compliments d'usage,</p>
+<p>Jacque Benoit, Jean Fabre<span class="sml">[5]</span> et les futurs époux</p>
+<p>Prirent place, joyeux, dans le bel équipage</p>
+<p>Pour se rendre à l'église et se mettre aux genoux</p>
+<p>de l'abbé Désautels.</p>
+</div></div>
+
+<blockquote class="sml">[Note 5: M. Jean Fabre, le notaire dont j'ai parlé plus haut, servait
+de père à Pierre Francoeur, qui avait perdu ses père et mère depuis
+plusieurs années.]</blockquote>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i18"> L'église de Sainte-Foye</p>
+<p>Brillait de mille feux, de fleurs et d'ornement.</p>
+<p>La foule était nombreuse; une céleste joie</p>
+<p>Répandait sur les fronts de vifs rayonnements.</p>
+<p>Car le peuple aimait Rose et savait bien que Pierre</p>
+<p>Avait le coeur honnête et le bras vigoureux;</p>
+<p>Et, de là, concluait qu'une belle carrière,</p>
+<p>Après leur mariage, allait s'ouvrir pour eux.</p>
+<p>Peindre l'émotion et la joie indicible</p>
+<p>Qui firent tressaillir ce couple vertueux</p>
+<p>Au moment d'être uni, n'est pas chose possible:</p>
+<p>Ils avaient du bonheur plein l'âme et plein les yeux.</p>
+<br>
+<p class="i10">O jour de mariage</p>
+<p class="i10">Incomparable page</p>
+<p class="i10">Du livre des mortels;</p>
+<p class="i10">Époque de la vie</p>
+<p class="i10">Où se fait l'harmonie</p>
+<p class="i10">Des coeurs près des autels.</p>
+<br>
+<p class="i10">Ineffable mystère:</p>
+<p class="i10">Un ange de la terre</p>
+<p class="i10">A l'homme vient s'unir;</p>
+<p class="i10">Et ces deux créatures,</p>
+<p class="i10">Aux riantes figures,</p>
+<p class="i10">Ont foi dans l'avenir;</p>
+<br>
+<p class="i10">Car devant la Madone</p>
+<p class="i10">Un apôtre leur donne</p>
+<p class="i10">Sa bénédiction;</p>
+<p class="i10">Et, selon sa promesse,</p>
+<p class="i10">Le roi des cieux s'empresse</p>
+<p class="i10">De sceller l'union.</p>
+<br>
+<p class="i10">Or, avec cette force,</p>
+<p class="i10">(Primant celle du Corse</p>
+<p class="i10">Le grand Napoléon)</p>
+<p class="i10">Ces époux seront braves</p>
+<p class="i10">Et riront des entraves</p>
+<p class="i10">Que dresse le démon!</p>
+<br>
+<p class="i10">O divin mariage,</p>
+<p class="i10">Toi le fidèle gage</p>
+<p class="i10">Du bonheur des époux,</p>
+<p class="i10">Puissent l'homme et la femme</p>
+<p class="i10">Imprimer en leur âme</p>
+<p class="i10">Ton souvenir si doux!</p>
+<br>
+<p>Quatre ans avaient passé depuis le mariage</p>
+<p>De Rose et de Francoeur. Nos héros habitaient</p>
+<p>Dans le faubourg Saint-Roch, sur le bord du rivage,</p>
+<p>Une belle demeure où les amis fêtaient.</p>
+<br>
+<p>Ils ne désiraient rien, la sainte Providence</p>
+<p>Leur ayant départi joie et prospérité;</p>
+<p>Aussi conservaient-ils de la reconnaissance</p>
+<p>Pour le Dieu qui soutient la pauvre humanité.</p>
+<p>Deux jolis jumeaux blonds, un garçon, une fille</p>
+<p>Étaient venus au monde un soir de février;</p>
+<p>Et ces charmants amours--bijoux de la famille--</p>
+<p>Égayaient de leurs cris cet aimable foyer.</p>
+<p>Ils avaient vingt-deux mois, Pierre-Émile et Corinne.</p>
+<p>(Ainsi les appelaient le père et la maman).</p>
+<p>Vingt-deux mois! c'est l'âge où la lèvre purpurine</p>
+<p>De ces êtres chéris bredouille gentiment!</p>
+<p>Qu'il était beau de voir ces figures joyeuses,</p>
+<p>Ces fronts où rayonnait la divine candeur,</p>
+<p>Ces teints couleur de rose--images gracieuses--</p>
+<p>Que n'avait pas ternis le vent de la douleur!</p>
+<p>Chaque soir, à genoux près de leur bonne mère,</p>
+<p>Par sa bouche inspirée ils parlaient au bon Dieu;</p>
+<p>Et, semblable à l'encens, leur naïve prière.</p>
+<br>
+<p>Dans un nimbe brillant montait vers le ciel bleu!</p>
+<p>Ils ignoraient que l'homme a des songes moroses,</p>
+<p>Que ses yeux quelquefois sont rougis par les pleurs;</p>
+<p>Ces anges ne voyaient que joie et rêves roses</p>
+<p>Où l'homme trop souvent n'aperçoit que malheurs!...</p>
+<p>..................................................</p>
+<br>
+<p>Lorsque Pierre sortait le soir de sa boutique,</p>
+<p>Les membres fatigués par le rude labeur,</p>
+<p>Les joyeux papillons du foyer domestique</p>
+<p>Lui faisaient oublier et fatigue et douleur;</p>
+<p>Volant à sa rencontre, ils ouvraient sa figure</p>
+<p>De sonores baisers en riant aux éclats;</p>
+<p>Il les faisait sauter, rouler sur la verdure</p>
+<p>Et savourait longtemps leurs gracieux ébats!</p>
+<br>
+<p>Rose cherchait sans cesse, en femme aimable et bonne,</p>
+<p>A prévenir les goûts du maître de son coeur;</p>
+<p>Elle y réussissait, grâce à l'humble Madone,</p>
+<p>Qu'elle implorait toujours avec grande ferveur,</p>
+<p>De notre Canadienne elle était le vrai type:</p>
+<p>Taille moyenne, oeil doux et teint plein de fraîcheur;</p>
+<p>En morale, elle avait l'admirable principe</p>
+<p>De garder à nos moeurs leur antique splendeur.</p>
+<br>
+<p>Son mari! ses enfants!... ah! qui pourrait redire</p>
+<p>La tendresse et l'amour qu'elle éprouvait pour eux?</p>
+<p>Seuls les anges du ciel sur leur divine lyre</p>
+<p>Auraient pu retracer ces sentiments pieux!</p>
+<br>
+<p>Pierre et Rose étaient fiers de se sentir revivre</p>
+<p>Dans les doux jumeaux blonds aux yeux intelligents;</p>
+<p>Nous leur enseignerons la route qu'il faut suivre</p>
+<p>Pour accomplir le bien, disaient ces bons parents.</p>
+<p>Mais ce rêve enchanteur, ces projets fort louables</p>
+<p>Ne devaient pas avoir leur accomplissement,</p>
+<p>Car Dieu, dont les décrets sont tous impénétrables,</p>
+<p>Allait anéantir leur rêve en un moment.</p>
+<br>
+<p>Le trois septembre au soir, par un beau clair de lune,</p>
+<p>Pierre, la rame en main, refoulait le courant.</p>
+<p>L'air était embaumé, mais le sournois Neptune</p>
+<p>Agitait quelquefois les flots du Saint-Laurent.</p>
+<p>Rose et les chérubins se tenaient près de Pierre,</p>
+<p>Assis en cercle, au fond de l'embarcation,</p>
+<p>Et contemplaient ravis, l'éclatante lumière</p>
+<p>Que l'astre répandait sur la création.</p>
+<br>
+<p>--«Voyez-donc, chers parents, comme la lune est belle,</p>
+<p>S'écria Pierre-Émile, en croquant un gâteau.»</p>
+<p>Rose reprit:</p>
+<p class="i8"> --«Pourtant, ce n'est qu'une étincelle</p>
+<p>Qui s'échappe la nuit du céleste Flambeau!</p>
+<p>Mais si vous restez bons, pieux et charitables,</p>
+<p>Si vous savez porter des malheurs le fardeau,</p>
+<p>Un jour vous quitterez tous nos biens périssables</p>
+<p>Pour aller contempler cet astre encor plus beau!»</p>
+<br>
+<p>Pierre, depuis longtemps observait le silence;</p>
+<p>Un noir pressentiment faisait battre son coeur;</p>
+<p>Il avait beau lutter, se faire violence,</p>
+<p>Il restait au pouvoir de l'occulte oppresseur.</p>
+<p>Aussi redoutait-il ces bourrasques fréquentes</p>
+<p>Qui sont le cauchemar du courageux marin,</p>
+<p>Car le vent soulevait des vagues écumantes,</p>
+<p>L'air devenait plus lourd, et le ciel moins serein.</p>
+<br>
+<p>Tout à coup un éclair, un éclair grandiose,</p>
+<p>Décrivit dans l'espace un long serpent de feu,</p>
+<p>Et l'orage éclata. Les deux enfants et Rose,</p>
+<p>Affolés de terreur, tremblaient en priant Dieu.</p>
+<br>
+<p>Pierre les rassurait en montrant le rivage</p>
+<p>Qu'il s'efforçait d'atteindre avec son vieux canot;</p>
+<p>Le vent le repoussait. Sous un épais nuage</p>
+<p>La lampe de la nuit se déroba bientôt!</p>
+<p>Les malheureux étaient plongés dans les ténèbres</p>
+<p>Et ballottés ainsi qu'un fragile roseau.</p>
+<p>Le tonnerre aux échos jeta des sons funèbres,</p>
+<p>Et la vague lança les promeneurs à l'eau...</p>
+<p>Mais Pierre, redoublant aussitôt de courage,</p>
+<p>Saisit d'une main Rose et de l'autre un enfant;</p>
+<p>Et, vif comme un poisson, il revint à la nage</p>
+<p>Sur les flots tourmentés sans cesse par le vent.</p>
+<br>
+<p>Eh! que pourrait-il faire ainsi sans assistance,</p>
+<p>N'ayant plus de canot ni la moindre clarté?</p>
+<p>Mourir... hélas! oui, car une bonne distance</p>
+<p>Le séparait encor de sa chère cité!...</p>
+<p>Quoi! mourir à cet âge où la vie est si belle,</p>
+<p>Où tout sous le soleil nous parle joie, amours...</p>
+<p>Mourir! lorsqu'on possède une épouse modèle</p>
+<p>Dont l'esprit, les vertus embellissent nos jours...</p>
+<br>
+<p>Ce lugubre penser hanta l'esprit de Pierre,</p>
+<p>Mais il le repoussa de suite avec dédain;</p>
+<p>Puis, bravant derechef du fleuve l'onde amère,</p>
+<p>Il se mit à jouer du pied et de la main.</p>
+<p>Le nageur quelquefois disparaissait dans l'onde,</p>
+<p>Entraîné par sa femme et l'un de ses enfants;</p>
+<p>N'importe, il n'aurait pas--pour les trésors du monde--</p>
+<p>Voulu laisser périr ces deux êtres charmants!</p>
+<p>Mais ses forces d'Hercule à la fin s'épuisèrent;</p>
+<p>Le Saint-Laurent allait se referment sur eux,</p>
+<p>Quand six robustes bras prestement les tirèrent</p>
+<p>De ce gouffre, ou plutôt de ce tombeau honteux!</p>
+<br>
+<p>Les sauveurs étaient trois bateliers de Saint-Pierre,</p>
+<p>En route pour Québec avec un lot de bois.</p>
+<p>Ils avaient aperçu sur le fleuve en colère,</p>
+<p>Cet homme que la vague enveloppait parfois.</p>
+<p>Ils firent à la hâte un lit de fraîche paille,</p>
+<p>Au fond de leur bateau, pour les trois malheureux.</p>
+<p>Mais, ô fatalité! le sort, de sa tenaille,</p>
+<p>Voulait broyer le coeur du père courageux.</p>
+<p>Car, spectacle navrant! c'était deux corps livides,</p>
+<p>Deux cadavres que Pierre avait ravis aux flots!</p>
+<p>Ils étaient là, gisant sur les grabats humides,</p>
+<p>Le visage éclairé par le feu des falots...</p>
+<br>
+<p>Pierre était atterré. Des larmes abondantes</p>
+<p>Inondaient sa figure aux traits mâles et beaux;</p>
+<p>Debout, pâle, muet, il ressemblait aux plantes</p>
+<p>Qui vivent sans chaleur à l'ombre des tombeaux!</p>
+<br>
+<p>Il avait tout perdu dans l'espace d'une heure;</p>
+<p>Son adorable femme et ses fiers rejetons;</p>
+<p>Il ne lui restait plus que sa sombre demeure</p>
+<p>Où les sanglots allaient remplacer les chansons!</p>
+<br>
+<p>Les bateliers, émus, regardaient en silence</p>
+<p>L'éloquente douleur de notre infortuné,</p>
+<p>Et suppliaient tout bas la sainte Providence</p>
+<p>De consoler ce brave au chagrin destiné.</p>
+<br>
+<p>Mais Pierre, tout à coup, vaincu par la souffrance,</p>
+<p>--Ce mal dont les humains doivent subir la loi--</p>
+<p>Roula sur le carreau, privé de connaissance,</p>
+<p>En s'écriant:</p>
+<p class="i10"> «Seigneur, ayez pitié de moi!»</p>
+<br>
+<p>Trois semaines après cette scène terrible,</p>
+<p>Que la plume ne peut fidèlement tracer,</p>
+<p>Pierre quittait le lit. Il était impossible,</p>
+<p>Pour qui l'avait connu, de le voir sans pleurer,</p>
+<p>Ce n'était plus cet homme à la forte encolure,</p>
+<p>Au visage serein, aux bras si vigoureux!</p>
+<p>Du vieillard il avait déjà l'allure,</p>
+<p>La tristesse trônait sur son front anguleux.</p>
+<p>Il ne ressentait plus de douleurs corporelles;</p>
+<p>Son estomac pouvait recevoir tous les mets,</p>
+<p>Mais l'âme, hélas! portait des blessures cruelles</p>
+<p>Que les princes de l'art ne guérissent jamais...</p>
+<p>C'est en vain qu'il cherchait souvent à se distraire</p>
+<p>En lisant les journaux ou quelques bons romans;</p>
+<p>L'inexorable sort semblait toujours se plaire</p>
+<p>A lui rendre odieux ces doux amusements.</p>
+<p>Alors il s'écriait, la voix pleine de larmes:</p>
+<p>«Accordez-moi, mon Dieu, la résignation,</p>
+<p>Ou faites-moi goûter las douceurs de vos charmes</p>
+<p>En daignant m'appeler dans la sainte Sion!»</p>
+<p>Enfin Dieu lui donna la force et le courage</p>
+<p>De porter des revers le pénible fardeau.</p>
+<p>A la forge bientôt il conduisait l'ouvrage</p>
+<p>Pendant que trois gaillards manoeuvraient le marteau.</p>
+<br>
+<p>Un illustre défunt qui vit dans la mémoire</p>
+<p>Des hommes d'aujourd'hui, <i>le bon curé Charest</i>,</p>
+<p>Venait parfois le voir pour lui parler d'histoire</p>
+<p>Et surtout des héros que Francoeur admirait.</p>
+<p>Le malade écoutait les récits du vieux prêtre,</p>
+<p>Récits qui l'enflammaient au suprême degré;</p>
+<p>Au seul nom de la France, il sentait tout son être</p>
+<p>Tressaillir. Ah! ce nom était pour lui sacré.</p>
+<p>Aussi, c'est qu'il l'aimait ce beau pays de France,</p>
+<p>--Soleil que les prussiens ne pourront obscurcir!--</p>
+<p>C'est là que ses aïeux prirent jadis naissance,</p>
+<p>Et c'est là qu'il aurait voulu vivre et mourir!</p>
+<p>Or, depuis que la mort de sa faux redoutable</p>
+<p>Avait moissonné Rose et ses deux chers enfants,</p>
+<p>Il ne nourrissait plus qu'un désir admirable:</p>
+<p>Combattre en <i>Canadien</i> contre les allemands!</p>
+<br>
+<p>Il lui fallait partir, car l'eau de notre fleuve</p>
+<p>Rappelait à son âme un spectacle navrant:</p>
+<p>Toujours il croyait voir--insupportable épreuve--</p>
+<p>Les défunts entraînés par l'horrible courant...</p>
+<p>Mais un autre motif plus grand que la souffrance</p>
+<p>L'engageait à partir pour le sol étranger;</p>
+<p>Il se disait souvent:</p>
+<p class="i16"> «Quand on aime la France,</p>
+<p>On doit la secourir à l'heure du danger!»</p>
+</div></div>
+
+<h3>III</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>L'été de mil huit cent soixante et dix achève;</p>
+<p>L'oiseau commence à fuir vers des climats plus doux;</p>
+<p>Le soleil, triste et pâle, à l'horizon se lève;</p>
+<p>La ramure secoue au vent ses cheveux roux.</p>
+<br>
+<p>C'est le dimanche au soir. Une foule innombrable</p>
+<p>Envahit le forum (place Jacques-Cartier);</p>
+<p>On dirait, à la voir, qu'un malheur effroyable</p>
+<p>Menace les mortels de l'univers entier.</p>
+<br>
+<p>Que s'est-il donc passé de si grand sous les astres</p>
+<p>Pour que sur tous ces fronts éclate le chagrin?</p>
+<p>Ah! la France se meurt! déjà quatre désastres:</p>
+<p>Weissembourg, Reischofen, Forbach et Spickerin!</p>
+<br>
+<p>Eh! oui, voilà pourquoi l'on pleure et l'on murmure</p>
+<p>Dans la ville où grandit l'héroïque valeur;</p>
+<p>Quand la France reçoit au coeur une blessure,</p>
+<p>Les habitants d'ici tressaillent de douleur!</p>
+<br>
+<p>«Je vole à son secours, s'écrie un patriote,</p>
+<p>Et vais au consulat offrir mes faibles mains.</p>
+<p>Et si je dois tomber sous le fer du despote,</p>
+<p>Je mourrai, sans regret comme les vieux Romains!»</p>
+<br>
+<p>Il part, la tête haute et l'oeil plein de lumière,</p>
+<p>Et va chez le consul, qui l'accueille fort bien.</p>
+<p>«J'appartiens, Excellence, à la classe ouvrière,</p>
+<p>Dit-il, et j'ai l'honneur d'être né Canadien.</p>
+<p>Or, j'apprends que la France où naquirent nos pères,</p>
+<p>--Belle France que j'aime autant que mon pays!--</p>
+<p>Est soumise à cette heure aux troupes meurtrières</p>
+<p>Que commandent Von Molke et ses cruels amis!</p>
+<br>
+<p>Eh bien, mille tambours! je vends maison, boutique,</p>
+<p>Pour aller me ranger sous son noble drapeau;</p>
+<p>Oui, si j'obtiens de vous une pièce authentique,</p>
+<p>Je troquerai l'outil contre le chassepot!»</p>
+<br>
+<p>--«Quel est donc votre nom, homme plein de courage?</p>
+<br>
+<p>--Pierre Francoeur, obscur artisan, de Saint-Roch.</p>
+<br>
+<p>--Quoi! c'est à vous qu'un soir le fleuve, dans sa rage,</p>
+<p>Ravissait et l'épouse et les enfants en bloc?...</p>
+<br>
+<p>--«Hélas! oui, c'est à moi que le fleuve en colère,--</p>
+<p>Ce fleuve au bord duquel j'aimais à respirer--,</p>
+<p>A ravi les trois coeur, les plus purs de la terre...</p>
+<p>Et depuis cet instant je ne fais que pleurer...</p>
+<br>
+<p>--O le deuil éprouvé des époux et des pères!</p>
+<p>Je comprends vos malheurs et sais y compatir;</p>
+<p>Vous êtes un héros tel que l'on n'en voit guères,</p>
+<p>Et la France de vous n'aura pas à rougir.</p>
+<br>
+<p>Prenez ce sauf-conduit cacheté de mes armes,</p>
+<p>Puis rendez vous auprès du gouverneur Trochu;</p>
+<p>Devant ce pli les Francs abaisseront leurs armes,</p>
+<p>Et par eux vous serez, au besoin, secouru.»</p>
+<br>
+<p>«--Pour vos bontés, merci mille fois, Excellence!</p>
+<p>Je serai, je l'espère, un valeureux soldat,</p>
+<p>Car je sens dans mon coeur refleurir la vaillance</p>
+<p>Que Montcalm a légué aux fils du Canada!»</p>
+<br>
+<p>Le lendemain au soir, à genoux sur la terre</p>
+<p>Où dormaient pour toujours Rose et les deux jumeaux,</p>
+<p>Pierre parlait tout bas dans ce lieu solitaire,</p>
+<p>Mais l'indiscret zéphyr nous apporta ces mots:</p>
+<br>
+<p class="i10">Adieu, tombe chérie,</p>
+<p class="i10">Sombre et muet séjour</p>
+<p class="i10">Où tous, après la vie</p>
+<p class="i10">Nous dormirons un jour!</p>
+<br>
+<p class="i10">Demeure des trois anges</p>
+<p class="i10">Que follement j'aimais</p>
+<p class="i10">Et que les viles fanges</p>
+<p class="i10">Ne salirent jamais!</p>
+<br>
+<p class="i10">Adieu, charmante femme,</p>
+<p class="i10">Adieu, fruits de son flanc:</p>
+<p class="i10">A vous, j'offre mon âme,</p>
+<p class="i10">A la France, mon sang!</p>
+<br>
+<p class="i10">Demain, avant l'aurore,</p>
+<p class="i10">Je quitterai ces lieux;</p>
+<p class="i10">--Vous reverrai-je encore?</p>
+<p class="i10">Oui, plus tard, dans les cieux!</p>
+<br>
+<p class="i10">Mais, vive inquiétude,</p>
+<p class="i10">Qui me remplacera?</p>
+<p class="i10">En cette solitude</p>
+<p class="i10">Qui vous visitera?</p>
+<br>
+<p class="i10">Hélas! sur votre tombe</p>
+<p class="i10">Que j'arrose de pleurs,</p>
+<p class="i10">Nul ne viendra quand tombe</p>
+<p class="i10">Le jour, mettre des fleurs!</p>
+<br>
+<p class="i10">Ni faire la prière,</p>
+<p class="i10"><i>Cette aumône du coeur</i>,</p>
+<p class="i10">Que le céleste Père</p>
+<p class="i10">Accueille avec bonheur.</p>
+<br>
+<p class="i10">Non, car l'homme se livre</p>
+<p class="i10">Ici-bas aux plaisirs,</p>
+<p class="i10">Et n'aspire qu'à vivre</p>
+<p class="i10">Pour combler ses désirs!</p>
+<br>
+<p class="i10">Eh bien, puisque le monde</p>
+<p class="i10">Ne songe qu'à jouir,</p>
+<p class="i10">Moi, sur la terre et l'onde</p>
+<p class="i10">Pour vous je veux souffrir!</p>
+<br>
+<p class="i10">Donc, adieu, tendre femme,</p>
+<p class="i10">Adieu, fruits de son flanc!</p>
+<p class="i10">A vous, j'offre mon âme,</p>
+<p class="i10">A la France, mon sang!»</p>
+<br>
+<p>Laissons dormir en paix dans leur sombre retraite</p>
+<p>Ces trois infortunés, et rejoignons Francoeur,</p>
+<p>Qui, près de Châtillon, à la lutte s'apprête</p>
+<p>Sous le commandement d'un général de coeur.</p>
+<p>Il a pu parvenir jusque là sans entrave,</p>
+<p>Grâce à l'aimable pli du consul québecquois;</p>
+<p>Du reste, en le voyant, on devinait un brave</p>
+<p>Dans les veines duquel coulait le sang gaulois!</p>
+<br>
+<p>La France tous les jours éprouve les défaites;</p>
+<p>Nos vaillants soldats sont par le nombre écrasés;</p>
+<p>Et déjà les Prussiens se préparent des fêtes</p>
+<p>Dans les riches hameaux qu'ils ont <i>germanisés</i>.</p>
+<br>
+<p>Ils ne respectent rien, ces conquérants d'une heure!</p>
+<p>Ils insultent l'enfant, la femme, le vieillard,</p>
+<p>Détruisent la moisson et brûlent la demeure</p>
+<p>Où vit paisiblement l'honnête montagnard.</p>
+<br>
+<p>Ivres d'or et de sang, ils attaquent les villes</p>
+<p>Qu'ils pillent aussitôt et plongent dans le deuil;</p>
+<p>Puis, l'esprit ébranlé par leurs succès faciles,</p>
+<p>Ils lancent sur Paris un envieux coup d'oeil!</p>
+<br>
+<p>Halte-là! car Paris, le vrai coeur de la France,</p>
+<p>Le royaume des arts, l'imprenable cité,</p>
+<p>Secoue avec éclat sa folle insouciance</p>
+<p>Et veut garder encor son immortalité!</p>
+<br>
+<p>Jules Favre aux Prussiens demande un armistice,</p>
+<p>Afin d'examiner leurs nombreux armements:</p>
+<p>Mais de Bismark répond:</p>
+<p class="i18"> «Je ne puis, en justice,</p>
+<p>L'accorder... Agréez mes meilleurs sentiments!»</p>
+<br>
+<p>Cette froide réponse allume la colère</p>
+<p>et l'indignation dans l'âme des Français.</p>
+<p>«C'est bien, disent plusieurs, <i>fertilisons la terre,</i></p>
+<p><i>Les cadavres prussiens nous serviront d'engrais!</i></p>
+<br>
+<p>Tout Paris se prépare à combattre les reîtres,</p>
+<p>Les jeunes et les vieux marchent sous les drapeaux;</p>
+<p>On jure de tuer, sans pitié, tous les traîtres</p>
+<p>Et de livrer leur chair en pâture aux corbeaux!</p>
+<br>
+<p>Les fusils, les canons, les boulets et la poudre</p>
+<p>Sont vite fabriqués et remis aux soldats;</p>
+<p>Et, quand sonnera l'heure, aussi prompts que la foudre,</p>
+<p>Ces terribles engins feront mille dégâts...</p>
+<br>
+<p>C'est le vingt-deux septembre. Escorté de ses troupes</p>
+<p>Le général Ducrot traverse Châtillon;</p>
+<p>Les habitants du lieu, qui se tiennent par groupes</p>
+<p>Agitent devant lui maint et maint pavillon.</p>
+<p>Ducrot s'incline et dit:</p>
+<p class="i18"> «Priez pour nous, mes frères,</p>
+<p>Afin que du combat nous sortions triomphants;</p>
+<p>Demain nous camperons près des hautes Bruyères</p>
+<p>Où les Prussiens encor se montrent turbulents.»</p>
+<p>Et quittant à regret ce peuple qu'il estime,</p>
+<p>Esclave du devoir, il poursuit son chemin;</p>
+<p>Il n'a plus qu'un désir--désir vraiment sublime--</p>
+<p>Lutter, et, s'il le faut, mourir le lendemain!</p>
+<p>De bonne heure, Ducrot le lendemain arrive</p>
+<p>A l'endroit redoutable avec ses bataillons.</p>
+<p>«Tenez-vous, leur dit-il, tous sur la défensive,</p>
+<p>Car l'ennemi déjà doit charger ses canons.</p>
+<br>
+<p>A peine a-t-il parlé, qu'une balle prussienne</p>
+<p>Laboure jusqu'à l'os le flanc de son cheval!</p>
+<p>La bête de douleur rugit comme l'hyène</p>
+<p>Qui se trouve placée en face d'un rival.</p>
+<p>Les ennemis alors sortent de leur cachette</p>
+<p>En lançant des obus à travers les bosquets;</p>
+<p>Mais Ducrot, sans frayeur, à ses soldats répète:</p>
+<p>Laissez-les dépenser leur force et leurs boulets!</p>
+<p>Cependant les Prussiens--que ce silence intrigue--</p>
+<p>Osent se découvrir aux regards des Français.</p>
+<p>Ducrot les voit venir, et, fier de son intrigue,</p>
+<p>Jubile en présentant un glorieux succès!</p>
+<p>«A l'oeuvre! ordonne-t-il; déplantez-moi ces rustres.</p>
+<p>Que l'orgueil a rendu méchants, audacieux!</p>
+<p>La France attend de vous les faits les plus illustres,</p>
+<p>Allons donc, en avant! ô soldats valeureux!»</p>
+<p>Aussitôt des milliers de boulets et de balles</p>
+<p>Tombent comme un orage au milieu des Prussiens.</p>
+<p>Et l'air redit alors des clameurs infernales</p>
+<p>Qui ressemblent aux cris d'une meute de chiens!</p>
+<br>
+<p>Çà et là des blessés étendus en grand nombre</p>
+<p>Exhalent leurs douleurs et maudissent le sort,</p>
+<p>Puis d'autres effrayés par ce spectacle sombre,</p>
+<p>Sous les bois vont se mettre à l'abri de la mort.</p>
+<br>
+<p>Les chevaux, l'oeil en feu, les naseau pleins d'écume,</p>
+<p>Affolés de terreur, s'élancent au galop,</p>
+<p>Mutilant de leurs fers le cadavre qui fume</p>
+<p>Sur le sol détrempé par le sang et par l'eau!</p>
+<br>
+<p>C'est un sauve-qui-peut: le général lui-même,</p>
+<p>Espèce de colosse au coeur ambitieux,</p>
+<p>Est obligé de fuir; et, dans sa rage extrême,</p>
+<p>Maudit, <i>en se sauvant</i>, les Français et les dieux...</p>
+<br>
+<p>Maintenant, grâce au ciel, sur les Hautes-Bruyères,</p>
+<p>Le vieux drapeau français déroule au vent ses plis;</p>
+<p>Il semble défier les hordes meurtrières</p>
+<p>Qui nourrissent l'espoir de bombarder Paris.</p>
+<br>
+<p>Neuf jours ont fui. Ducrot à cheval se promène</p>
+<p>En rêvant au plaisir de revoir l'ennemi,</p>
+<p>Car il l'attend. Depuis bientôt une semaine</p>
+<p>Ce général fameux n'a presque point dormi.</p>
+<br>
+<p>Au détour d'une route, à travers le feuillage,</p>
+<p>Il croit voir onduler dans le lointain brumeux</p>
+<p>Une mer de soldats: tel on voit un rivage</p>
+<p>Mollement s'avancer les flots silencieux.</p>
+<p>Tiens! ce sont les enfants de la blonde Allemagne,</p>
+<p>Se dit le promeneur, en mettant son lorgnon;</p>
+<p>Nous leur ferons danser, ici, dans la montagne,</p>
+<p>Un joli moulinet aux accords du canon...</p>
+<p>Ils aiment ce jeu-là, si j'en crois ma mémoire,</p>
+<p>Eh bien, ces beaux danseurs ne seront pas déçus!</p>
+<p>Mais! ils sont très nombreux: la plaine en est toute noire!</p>
+<p>Bah! qu'importe leur nombre, ils seront bien reçus!</p>
+<p>Sur ce, le général pique au flanc sa monture</p>
+<p>Et s'élance au galop vers le champ des soldats.</p>
+<p>«--Aux armes! leur dit-il, de sa voix mâle et pure,</p>
+<p>Les Allemands sur nous s'avancent à grands pas!</p>
+<p>Leur nombre est légion; mais vous êtes des braves</p>
+<p>Que ne comptez jamais le nombre des rivaux;</p>
+<p>Si vous ne voulez pas devenir leurs esclaves,</p>
+<p>Ni même leur livrer vos glorieux drapeaux,</p>
+<p>Alors, repoussez-les! N'ayez aucune crainte,</p>
+<p>Soldats, d'être vaincus; non luttez vaillamment,</p>
+<p>Sous le regard de Dieu, car votre cause est sainte</p>
+<p>Et Dieu vous aidera jusqu'au dernier moment!»</p>
+<br>
+<p>Tous les soldats en choeur à cet appel répondent:</p>
+<p>--Nous vous suivrons partout, ô noble général!</p>
+<p>--Ah! merci, fait Ducrot; vos cris puissants inondent</p>
+<p>Mon âme d'allégresse... Attendez le signal!</p>
+<br>
+<p>L'heure succède à l'heure et l'ombre à la lumière;</p>
+<p>La nuit sur la nature étend son voile noir.</p>
+<p>La lune, au bord du ciel, montrant sa tête altière,</p>
+<p>Scintille tout à coup comme un bel ostensoir.</p>
+<p>Tout est silencieux. Ducrot et son armée</p>
+<p>Attendent, l'arme aux bras, le terrible moment</p>
+<p>Où la tourbe prussienne--ivre de renommée--</p>
+<p>Viendra le attaquer dans leur retranchement.</p>
+<p>Mais le temps passe, et rien ne trouble le silence,</p>
+<p>Si ce n'est quelquefois les murmures du vent.</p>
+<p>Enfin l'aube paraît et l'horizon immense</p>
+<p>Reflète les clartés d'un beau soleil levant.</p>
+<br>
+<p>Les belliqueux Français sont ennuyés d'attendre;</p>
+<p>Ils ne redoutent pas leurs ennemis, oh! non!</p>
+<p>Car leur unique voeu, maintenant, est d'entendre</p>
+<p>La voix de la trompette et de celle du canon.</p>
+<p>Néanmoins, imitant du général l'exemple,</p>
+<p>Ils offrent au Seigneur les prémices du jour,</p>
+<p>Et ce champ de combat se convertit en temple</p>
+<p>D'où montent vers le ciel des prières d'amour.</p>
+<p>Puis, ce devoir rempli, les cuisiniers préparent,</p>
+<p>Avec habileté, le modeste repas.</p>
+<p>La marmite est au feu. Tous les soldats s'emparent</p>
+<p>De leurs brillants couteaux pour trancher le lard gras.</p>
+<p>Bref, le tout est servi. La cloche carillonne</p>
+<p>Invitant la milice à manger sans façon.</p>
+<p>Le vin ne manque pas. La bonne humeur rayonne</p>
+<p>Sur les fronts, et le coeurs vibrent à l'unisson.</p>
+<br>
+<p>Mais, dominant les ris, les tirades joyeuses,</p>
+<p>La voix du général fait entendre ces mots:</p>
+<p>«Aux armes! j'aperçois les cohortes nombreuses;</p>
+<p>Vainquons! car la défaite est le plus grand des maux!»</p>
+<br>
+<p>Les soldats, oubliant le vin et la gamelle</p>
+<p>Obéissent de suite à l'ordre de Ducrot,</p>
+<p>Qui suit leurs mouvements de sa vive prunelle</p>
+<p>En allant et venant sur son coursier au trot.</p>
+<br>
+<p>Les Prussiens, l'air railleur, vers les Français s'avancent,</p>
+<p>Mais ceux-ci sont déjà prêts à les recevoir,</p>
+<p>Les soldats de Ducrot à leurs ennemis lancent</p>
+<p>Un regard dont l'éclair paraît les émouvoir.</p>
+<p>Ducrot ordonne alors de commencer la lutte.</p>
+<p>Par un feu bien nourri. Le feu gronde aussitôt;</p>
+<p>Et, spectacle effrayant, des deux côtés on lutte</p>
+<p>Avec un héroïsme où la colère éclot.</p>
+<p>Allemands et Français combattent face à face</p>
+<p>Et semblent décidés à vaincre ou bien mourir,</p>
+<p>Car lorsqu'un soldat tombe, un autre le remplace,</p>
+<p>Convaincu qu'à son tour la mort va le saisir!</p>
+<br>
+<p>La mort, sans préférence, enlève aux deux armées</p>
+<p>Des hommes de valeur, que dis-je? des héros!</p>
+<p>Elle n'a pas d'égard pour leurs jeunes années,</p>
+<p>Non! comme les blés mûrs ils tombent sous sa faux!</p>
+<br>
+<p>O mort, cruelle mort! pour assouvir ta haine,</p>
+<p>Tu fais couler à flot le sang de tous ces preux;</p>
+<p>Tu plonges à la fois dans le deuil et la peine</p>
+<p>Des mères au coeur d'or et des enfants heureux!</p>
+<p>Ils n'ont plus de soutien, ils n'ont plus d'espérance!</p>
+<p>Ah! qui donc désormais leur donnera du pain?</p>
+<p>Qui les consolera quand l'amère souffrance</p>
+<p>Posera sur leur front sa redoutable main?...</p>
+<br>
+<p>Mais la mort ne dort pas, au contraire elle veille</p>
+<p>Et moissonne à son gré les faibles et les forts:</p>
+<p><i>On a beau la prier</i>, elle n'a point d'oreille</p>
+<p>Pour écouter nos voix, nos douloureux accords...</p>
+<p>Elle épargne à présent les soldats de la Prusse</p>
+<p>Et frappe les Français qui luttent vainement;</p>
+<p>Ceux-ci vont succomber, quand Ducrot, plein d'astuce,</p>
+<p>Sous le dôme d'un bois les place adroitement.</p>
+<p>Le pauvre général a la douleur dans l'âme:</p>
+<p>Six cents vingt-deux des siens sont au nombre des morts!</p>
+<p>Que faire? va-t-il fuir? Non! ce serait infâme,</p>
+<p>Et partout le suivrait la honte et le remords...</p>
+<p>Mais il devra lutter, hélas! sans espoir même,</p>
+<p>Car les Prussiens à peine ont perdu cent soldats.</p>
+<p>«N'importe! je mourrai pour la France que j'aime,</p>
+<p>Dit-il: un Français meurt, mais il ne se rend pas...»</p>
+<p>Il crie à ses héros: «Quittons notre retraite</p>
+<p>Et derechef allons au poste de l'honneur:</p>
+<p>Impossible pour nous d'éviter la défaite;</p>
+<p>Prouvons donc aux Prussiens que nous avons du coeur!»</p>
+<br>
+<p>La résignation brille sur la figure</p>
+<p>De ces braves soldats luttant vingt contre cent;</p>
+<p>Mais personne ne jette une plainte, un murmure,</p>
+<p>Ils ont déjà juré de répandre leur sang!</p>
+<br>
+<p>Le général alors à leur tête se place</p>
+<p>En leur disant: «Soldats, imitons nos aïeux;</p>
+<p>Lorsque des ennemis s'emparaient d'une place,</p>
+<p>Ils les en délogeaient, eh bien, faisons comme eux!»</p>
+<p>Sur ce, l'oeil enflammé, le voilà qui s'élance,</p>
+<p>Vers la vaste clarière où règnent les Teutons;</p>
+<p>Il y parvient bientôt trompant leur vigilance,</p>
+<p>Et fait pleuvoir sur eux le fer de ses canons.</p>
+<br>
+<p>Les Allemands, surpris d'une attaque aussi rude,</p>
+<p>Ne peuvent tout d'abord riposter à ce feu;</p>
+<p>Mais leur général parle, et sa ferme attitude</p>
+<p>Leur donne du courage et les rassure un peu.</p>
+<p>Puis un combat nouveau, gigantesque, commence;</p>
+<p>Ces puissants ennemis ne se ménagent pas.</p>
+<p>On dirait, à les voir, qu'ils sont pris de démence,</p>
+<p>Tant ils semblent contents s'affronter le trépas.</p>
+<p>Balles, boulets, obus tombent comme la grêle;</p>
+<p>Une épaisse fumée aveugle les soldats;</p>
+<p>Aux plaintes des blessés, la trompette entremêle</p>
+<p>Sa larmoyante voix, aussi triste qu'un glas.</p>
+<p>Les Français luttent bien. Le bruit de la mitraille,</p>
+<p>Loin de les effrayer, augmente leur ardeur;</p>
+<p>Ils veulent à tout prix gagner cette bataille</p>
+<p>Que renferme pour eux le salut et l'honneur!</p>
+<p>Mais, qu'est-ce? entendez-vous les hourras frénétiques</p>
+<p>Qu'ils poussent vers le ciel en combattant toujours?</p>
+<p>Ils viennent de ravir aux sujets germaniques</p>
+<p>Douze ou treize canons aux énormes contours!</p>
+<p>Alors les Allemands, le front chargé de rage,</p>
+<p>Font mine d'avancer sous le feu des Français,</p>
+<p>Mais en vain! car ceux-ci redoublent de courage</p>
+<p>Et leur font essuyer un nouvel insuccès!</p>
+<br>
+<p>Ducrot observe tout. Il voit parmi ses braves</p>
+<p>Un homme culbuter à lui seul maints Prussiens,</p>
+<p>Leur infligeant à tous de ces blessures graves</p>
+<p>Que ne peuvent guérir les savants chirurgiens;</p>
+<p>Car ceux qui sont tombés sous sa fatale étreinte</p>
+<p>Sont là, sans mouvement, sur le terne gazon,</p>
+<p>La poitrine brisée et la prunelle éteinte,</p>
+<p>Mêlant leur dernier râle à la voix du canon!</p>
+<p>Mais ce chanceux tireur que l'héroïsme guide,</p>
+<p>Pourra-t-il résister aux coups des ennemis?</p>
+<p>Regardez-le: de sang sa tunique est humide;</p>
+<p>N'importe! il lutte encore, les membres tout meurtris!</p>
+<p>Puis, ô bonheur! il voit que l'ennemi recule;</p>
+<p>Il avance à la course avec ses compagnons,</p>
+<p>Poursuivant les fuyards les tuant sans scrupule,</p>
+<p>Comme on écraserait du pied des moucherons!...</p>
+<p>Tout à coup il terrasse un soldat héroïque</p>
+<p>Qui vient de dérober aux Français un drapeau;</p>
+<p>Il arrache au voleur cette belle relique,</p>
+<p>Plus pure à ses regards que le cristal de l'eau!</p>
+<br>
+<p>Quel est donc ce héros à la fière encolure</p>
+<p>Que Bellone a chargé des lauriers du vainqueur?</p>
+<p>Examinez les traits de sa noble figure,</p>
+<p>Et vous reconnaîtrez le forgeron Francoeur!...</p>
+<p>Les malheurs ont blanchi ses beaux cheveux d'ébène</p>
+<p>Et creusé sur son front un glorieux sillon;</p>
+<p>Blessé, mais non soumis, il est semblable au chêne</p>
+<p>Qui résiste longtemps aux coups du bûcheron...</p>
+<p>Il baise avec amour le drapeau de ses pères,</p>
+<p>Après l'avoir pressé tendrement sur son coeur;</p>
+<p>Et, sans respect humain, récite des prières</p>
+<p>Que sa famille, au ciel doit répéter en choeur!</p>
+<br>
+<p>L'ardeur chez les Prussiens semble un instant renaître,</p>
+<p>Car leur mitraille gronde encore avec éclat;</p>
+<p>Mais, d'un coup d'oeil, il est aisé de reconnaître</p>
+<p>Que c'est le désespoir qui les pousse au combat.</p>
+<br>
+<p>Ducrot veut balayer ces bandes étrangères</p>
+<p>Qui croyaient par leur nombre effrayer les Français:</p>
+<p>«Braves soldats! chassez ces infâmes vipères</p>
+<p>Pour qu'elles n'osent plus nous troubler désormais...»</p>
+<br>
+<p>Pierre alors se redresse et prend sa carabine,</p>
+<p>De l'échec de la veille il veut venger l'affront.</p>
+<p>Ciel! soudain son bras tremble et sa tête s'incline:</p>
+<p>Il vient de recevoir deux balles dans le front!</p>
+<br>
+<p>Il tombe sur le sol, théâtre de sa gloire,</p>
+<p>Ce modeste artisan que rien n'intimida,</p>
+<p>En murmurant ces mots que je livre à l'Histoire:</p>
+<p>Adieu, France chérie! Adieu, beau Canada...</p>
+<br>
+<p>1er février 1887.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h2>SONNETS</h2>
+<br><br>
+
+<h3>MONTRÉAL</h3>
+<br>
+
+<p>A M. LOUIS FRÉCHETTE</p>
+
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Bâtie au pied d'un roc à l'aspect grandiose,</p>
+<p>Et que Jacques Cartier appela <i>Mont-Royal</i></p>
+<p>Cette belle cité, que le Pactole arrose,</p>
+<p>Attache le progrès à son char triomphal.</p>
+<br>
+<p>Le commerce fleurit où fleurissait la rose,</p>
+<p>Car il a détrôné le règne végétal;</p>
+<p>La voix de la vapeur--moderne virtuose--</p>
+<p>Fait retentir les airs d'un hymne magistral.</p>
+<br>
+<p>Là vit dans l'harmonie un peuple hétérogène</p>
+<p>Dont les fils, chaque jour, descendent dans l'arène</p>
+<p>Au seul mot d'industrie ou de prospérité.</p>
+<br>
+<p>Ils rêvent d'établir sur ce sol historique</p>
+<p>Une ville prospère, heureuse, magnifique,</p>
+<p>Et ce beau rêve touche à la réalité!</p>
+<br>
+<p>1er mars 1889.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>QUÉBEC</h3>
+<br>
+
+<p>A M. NAPOLÉON LEGENDRE</p>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Assise sur le haut d'un vaste promontoire</p>
+<p>D'où le regard embrasse un féerique tableau,</p>
+<p>La ville de Québec semble du territoire</p>
+<p>Être la sentinelle ou le porte-drapeau!</p>
+<br>
+<p>Ses vieux murs délabrés, qui faisaient notre gloire,</p>
+<p>Tombent de jour en jour sous les coups du marteau;</p>
+<p>N'importe! elle progresse, et son nom dans l'histoire</p>
+<p>N'en brillera pas moins d'un éclat pur et beau!</p>
+<br>
+<p>Elle a dormi longtemps; la voilà qui se lève!</p>
+<p>Un pont traversera, de l'une à l'autre grève,</p>
+<p>Le cours majestueux du large Saint-Laurent.</p>
+<br>
+<p>De superbes palais embelliront ses rues;</p>
+<p>Des hôtels dresseront leurs dômes dans les nues;</p>
+<p>Et l'immortel Champlain aura son monument!</p>
+<br>
+<p>1er mars 1889.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>ROSE FANÉE</h3>
+<br>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>L'autre soir, en ouvrant quelques feuillets de prose</p>
+<p>Cachés sous la poussière et jaunis par le temps,</p>
+<p>J'en vis rouler à terre une petite rose</p>
+<p>Qui me rappela l'heure où j'avais dix-sept ans.</p>
+<br>
+<p>A sa tige pendait un bout de satin rose</p>
+<p>Où j'aperçus le nom d'un ange aux traits charmants</p>
+<p>Qu'autrefois j'adorai mais, fleur à peine éclose,</p>
+<p>La mort vint la cueillir à quatorze printemps...</p>
+<br>
+<p>Je priai ce soir-là--le coeur plein de tristesse--</p>
+<p>Pour celle qui dora l'aube de ma jeunesse</p>
+<p>Des rayons les plus purs des plaisirs et des ris...</p>
+<br>
+<p>Depuis, un autre amour a germé dans mon âme,</p>
+<p>Et je vois tous les jours sa bienfaisante flamme</p>
+<p>Illuminer le coeur de mes enfants chéris.</p>
+<br>
+<p>1er juin 1889.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>A M. E. AUBÉ, JOURNALISTE</h3>
+
+<p class="mid">A l'occasion de son mariage.</p>
+
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Au banquet de l'hymen le seigneur te convie;</p>
+<p>Accepte avec fierté, jeune homme, cet honneur.</p>
+<p>Un ange d'ici-bas te consacre sa vie,</p>
+<p>Son amour, ses secrets, ses espoirs de bonheur!</p>
+<br>
+<p>Il faut se marier! C'est bien là ce qu'envie</p>
+<p>Tout être raisonnable et doué d'un bon coeur;</p>
+<p>Mais, dans ce siècle où l'âme à l'or est asservie,</p>
+<p>Trop de femmes, hélas! ne rêvent que grandeur!...</p>
+<br>
+<p>Sois heureux! sois heureux dans ton humble ménage!</p>
+<p>Chasse loin les doucis, et que pas un nuage</p>
+<p>N'assombrisse un instant le ciel de tes amours!</p>
+<br>
+<p>Dieu te donne aujourd'hui--récompense ineffable--</p>
+<p>Une épouse au coeur d'or, intelligente, affable,</p>
+<p>Qui fera de ta vie un tissu de beaux jours!</p>
+<br>
+<p>Juillet 1881.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>A L'AMIRAL THOMASSET</h3>
+
+<p class="mid">DE LA «MAGICIENNE»</p>
+<br>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Va sur le Saint-Laurent, ô ma muse chérie,</p>
+<p>Offrir un humble hommage aux marins valeureux</p>
+<p>Qui viennent sur nos bords, l'âme toute attendrie,</p>
+<p>Pour voir ce beau pays fondé par leurs aïeux!</p>
+<br>
+<p>O muse, ne crains pas d'être mal accueillie,</p>
+<p>Les Français sont toujours courtois et généreux;</p>
+<p>S'ils s'arment quelquefois du dard de l'ironie,</p>
+<p>Ce n'est que pour punir les sots, les orgueilleux.</p>
+<br>
+<p>Dis-leur que, sur le sol de la libre Amérique,</p>
+<p>Deux millions de coeurs, à la trempe énergique,</p>
+<p>Ont promis aux Français un éternel amour;</p>
+<br>
+<p>Et dis-leur que, malgré l'épreuve et la souffrance,</p>
+<p>La haine des tyrans et l'oubli de la France,</p>
+<p>Ils n'ont voulu trahir leur promesse un seul jour!</p>
+<br>
+<p>1er août 1878.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>A M. P.-C. BEAULIEU</h3>
+
+<p class="mid">RÉPONSE</p>
+<br>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Oh! qu'ils sont beaux ces jours où la sainte espérance</p>
+<p>Entonnait dans mon âme un chant plein de douceur!</p>
+<p>Mon rêve se brisa, je connus la souffrance</p>
+<p>Et pleurai, mais en vain, ces moments de bonheur...</p>
+<br>
+<p>Berthe vivait pour moi; j'avais sa confiance.</p>
+<p>D'un amour grandissant nous goûtions la saveur;</p>
+<p>Le prêtre allait bientôt bénir notre alliance,</p>
+<p>Mais Berthe un soir partit pour un monde meilleur!</p>
+<br>
+<p>Je souffre maintenant--oui, je souffre en silence--</p>
+<p>Et pourtant je bénis l'austère Providence</p>
+<p>Qui me versa l'absinthe et lui tendit le miel!</p>
+<br>
+<p>Je garderai toujours, mon ami, souvenance</p>
+<p>De celle qui dora longtemps mon existence</p>
+<p>Et brille désormais dans les splendeurs du ciel!</p>
+<br>
+<p>Avril 1880.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>LE LAC BEAUPORT</h3>
+<br>
+
+<p>A. M. M. PELLETIER</p>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>J'aime à te contempler, ô lac, que la nature</p>
+<p>A placé dans un lieu poétique et charmant!</p>
+<p>J'aime à voir tes flots noirs refléter la ramure</p>
+<p>Des pins que le zéphyr agite mollement!</p>
+<br>
+<p>Et je songe que là, dans leur retraite obscure,</p>
+<p>Les Hurons, autrefois, vivaient paisiblement;</p>
+<p>Mais sur tes bords mon oeil ne voit plus la figure</p>
+<p>D'un seul de ces héros: ils sont morts vaillamment...</p>
+<br>
+<p>Que de fois, ô beau lac, après une victoire,</p>
+<p>Les Hurons revenaient, le front chargé de gloire,</p>
+<p>Reposer près de toi leur membres tout meurtris;</p>
+<br>
+<p>Et, que de fois aussi, l'humble missionnaire,</p>
+<p>Portant pour bouclier la croix, le scapulaire,</p>
+<p>Allait y consoler ces malheureux conscrits!</p>
+<br>
+<p>1er août 1880.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>A MONSIEUR C...</h3>
+<br>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Depuis deux ans, poète à l'âme tendre,</p>
+<p>Ta lyre d'or a suspendu ses chants.</p>
+<p>Souffrirais-tu? Mais l'oiseau fait entendre</p>
+<p>Dans la douleur des murmures touchants.</p>
+<br>
+<p>Ton noble coeur doit pouvoir se défendre</p>
+<p>Du désespoir et des chagrins cuisants.</p>
+<p>Tous nos pensers, tu le sais, doivent tendre</p>
+<p>Vers le séjour du Maître des puissants.</p>
+<br>
+<p>Sois courageux! car c'est dans la souffrance</p>
+<p>Que nos aïeux retrempaient leur vaillance</p>
+<p>Quand ils luttaient pour la foi du chrétien!</p>
+<br>
+<p>Oui, chante encor: ta voix mélodieuse</p>
+<p>Fera connaître à la France oublieuse</p>
+<p>Les grands exploits du peuple canadien!</p>
+<br>
+<p>8 septembre 1885.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>RÉPONSE</h3>
+
+<br>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>L'autre jour, en passant, je vis dans le vallon</p>
+<p>Une harpe au rameau d'un arbre suspendue;</p>
+<p>Le soleil lui versait comme des jets de plomb,</p>
+<p>Et nul vent ne touchait sa corde détendue.</p>
+<br>
+<p>Un silence de mort pesait sur l'étendue,</p>
+<p>Mais soudain un zéphyr, caché dans un buisson,</p>
+<p>S'en vint tourbillonner sur la harpe éperdue,</p>
+<p>Et l'instrument divin rendit encore un son.</p>
+<br>
+<p>Ami, mon luth gisait, frappé par la souffrance;</p>
+<p>Dans son désert brûlant nul souffle d'espérance</p>
+<p>Ne caressait mon coeur navré par les chagrins.</p>
+<br>
+<p>Mais hier votre muse, harmonieuse brise,</p>
+<p>Effleura de son vol ma lyre qui se brise.</p>
+<p>Et je fredonne encor mes modestes refrains!</p>
+
+<p class="i30">C...</p>
+<br>
+<p>15 septembre 1885.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>LE PRINTEMPS</h3>
+<br>
+
+
+<p>A M. PIERRE-GEO. ROY, DU «GLANEUR».</p>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Le givre a disparu. L'oiseau dans la ramée</p>
+<p>Exhale vers le ciel ses chants mélodieux;</p>
+<p>L'aurore verse à flots sur la rose embaumée</p>
+<p>Comme des perles d'or, les charmes de ses yeux.</p>
+<br>
+<p>C'est le printemps vermeil; la brise parfumée</p>
+<p>Mêle au bruit du ruisseau son murmure joyeux;</p>
+<p>Dans les bosquets en fleurs, l'abeille, ranimée</p>
+<p>Bourdonne en butinant le miel délicieux.</p>
+<br>
+<p>O résurrection de la grande nature!</p>
+<p>Doux printemps, j'aime à voir ta riante verdure</p>
+<p>Dérouler sur le sol son tapis de velours!</p>
+<br>
+<p>Quand tu brilles, le front du malheureux se dresse;</p>
+<p>Les coeurs, jeunes ou vieux, tressaillent d'allégresse,</p>
+<p>Et d'une même voix célèbrent les beaux jours!</p>
+<br>
+<p>Mai 1891.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>A L'AUTEUR</h3>
+<br>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Oui, puisqu'il plût à Dieu de te faire poète,</p>
+<p>Courage donc, jeune homme, au front plein de fierté!</p>
+<p>Et, malgré les clameurs de la foule inquiète,</p>
+<p>Redis-nous plus souvent tes chants de piété.</p>
+<br>
+<p>Chante aussi nos forêts, notre rive coquette,</p>
+<p>La jeunesse, l'amour et les beaux soirs d'été;</p>
+<p>Exalte les grands noms que l'Histoire répète,</p>
+<p>Célèbre les aïeux, chante la liberté!</p>
+<br>
+<p>Chante avec les ruisseaux, les oiseaux et la brise.</p>
+<p>Rappelle-toi toujours que l'art nous civilise</p>
+<p>Et fait naître l'espoir dans tout coeur ulcéré.</p>
+<br>
+<p>Souviens-toi que chacun se doit à sa patrie,</p>
+<p>Et que l'homme oubliant son talent, son génie,</p>
+<p>Est indigne d'avoir au front ce feu sacré.</p>
+
+<p class="i30">W...</p>
+<br>
+<p>Août 1877</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>RÉPONSE</h3>
+<br>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i16">Penser avant d'écrire est un principe exprès:</p>
+<p class="i16">Il est trop d'écrivains qui ne pensent qu'après...</p>
+<br>
+<p>Ayant ces deux beaux vers gravés dans la mémoire,</p>
+<p>Je devrais, n'est-ce pas? en faire mon profit;</p>
+<p>Mais le désir d'écrire, hélas! parfois me fit</p>
+<p>Oublier ce conseil d'un écrivain notoire!</p>
+<br>
+<p>Dis ton <i>mea culpa</i>, car tes vers m'ont fait croire</p>
+<p>Que j'étais un poète et même un érudit...</p>
+<p>Alors, ai-je besoin de me creuser l'esprit</p>
+<p>Avant d'écrire? oh! non--pour d'autres cette histoire...</p>
+<br>
+<p>Soudain je m'aperçois que ma vilaine lyre</p>
+<p>Ne rend que des sons creux... Allons, avant d'écrire,</p>
+<p>J'aurais dû, mon ami, penser et repenser!</p>
+<br>
+<p>Désormais je mettrai ce précepte en pratique,</p>
+<p>Ainsi je serai moins mordu par la critique</p>
+<p>Dont la terrible dent ne cherche qu'à blesser!</p>
+<br>
+<p>Août 1877.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>A L'AMIRAL CAVELIER DE CUVERVILLE</h3>
+
+<p class="mid">Lu à l'amiral par une orpheline des Soeurs de la Charité.</p>
+<br>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Notre âme a tressailli de joie et d'allégresse,</p>
+<p>O pieux amiral, quand notre bon pasteur</p>
+<p>Nous a transmis ces mots, doux comme une caresse:</p>
+<p>«La France vous envoie un noble visiteur!»</p>
+<br>
+<p>Nous connaissions déjà les vertus, la tendresse</p>
+<p>De l'ange dont Veuillot parle en admirateur;<span class="sml">[6]</span></p>
+<p>Vous avez hérité de sa grande sagesse,</p>
+<p>Puisque votre France est celle du Sacré-Coeur!</p>
+<br>
+<p>Ah! nous l'aimons aussi votre admirable France!</p>
+<p>Son nom est buriné dans le coeur de l'enfance</p>
+<p>Et brille en lettres d'or sur tous nos monuments.</p>
+<br>
+<p>Par elle nos aïeux se sont couverts de gloire;</p>
+<p>Or comment voulez-vous qu'en lisant leur histoire,</p>
+<p>Nous n'aimions pas la mère autant que les enfants...</p>
+<br>
+<p>19 août 1891.</p>
+</div></div>
+
+<blockquote class="sml">[Note 6: Madame de Cuverville, mère de l'amiral.]</blockquote>
+<br><br>
+
+<h3>UN NOM GLORIEUX</h3>
+<br>
+
+<p>A MES PETITS ENFANTS</p>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i20"><i>Rosa mystica.</i></p>
+<br>
+<p>Il est un nom que tout chrétien vénère</p>
+<p>Et qu'il apprend à chérir au berceau,</p>
+<p>Un nom qui brille au ciel et sur la terre,</p>
+<p>Dans la cité, comme dans le hameau.</p>
+<br>
+<p>Un nom puissant qui calme l'onde amère</p>
+<p>Et mène au port le fragile vaisseau,</p>
+<p>Nom glorieux que des hommes de guerre,</p>
+<p>En lettres d'or, mettent sur leur drapeau!</p>
+<br>
+<p>Et ce grand nom, c'est le vôtre, ô Marie!</p>
+<p>Nom que redoute et respecte l'impie</p>
+<p>Et que, parfois, il invoque à genoux...</p>
+<br>
+<p>Que votre nom, ô mère virginale!</p>
+<p>Soit le dernier que notre bouche exhale</p>
+<p>Quand s'ouvrira l'éternité pour nous!</p>
+<br>
+<p>1er mars 1892.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h2>HYMNES, ROMANCES<br>
+ET<br>
+CHANSONNETTES</h2>
+<br><br>
+
+<h3>LA CRÈCHE DE NOËL <span class="sml">[7]</span></h3>
+<br>
+
+<p>Musique de M. N. Crépault</p>
+
+<h3>I</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>L'âpre saison déroule sur la terre</p>
+<p>Son lourd manteau de neige et de frimas;</p>
+<p>Le vent du soir soupire avec mystère</p>
+<p>Dans la ramure où brille le verglas.</p>
+<p>Il est minuit. Le carillon du temple</p>
+<p>Jette aux échos un hymne triomphant,</p>
+<p>Et le chrétien, à deux genoux, contemple (bis)</p>
+<p>Avec amour un adorable enfant (bis).</p>
+</div></div>
+
+<blockquote class="sml">[Note 7: Dédié au révérend M.F.-H. Bélanger, curé de St-Roch, Québec.]</blockquote>
+
+<h3>II</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Il est plus grand que tous les rois du monde,</p>
+<p>Plus radieux que l'astre universel,</p>
+<p>Plus éloquent que la foudre qui gronde,</p>
+<p>Plus pur et saint que les anges du ciel!</p>
+<p>Et cependant, il est né sur la paille;</p>
+<p>Son divin corps éprouve des douleurs...</p>
+<p>Que l'univers d'allégresse tressaille, (bis)</p>
+<p>Car cet enfant rachète nos malheurs! (bis)</p>
+</div></div>
+
+<h3>III</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Au front du ciel une étoile rayonne,</p>
+<p>Guidant les pas des rois les plus puissants</p>
+<p>Qui vont offrir--en guise de couronne--</p>
+<p>Au nouveau-né l'or, la myrrhe et l'encens!</p>
+<p>Allons chrétiens, à l'exemple des Mages,</p>
+<p>Nous prosterner devant le Rédempteur!</p>
+<p>Adressons-lui nos vertueux hommages (bis)</p>
+<p>Et redisons: Gloire au Libérateur! (bis)</p>
+<br>
+<p>Décembre 1887</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>LA CANADIENNE</h3>
+<br>
+
+<p>Sur l'air de: «La Huronne»</p>
+
+<h3>I</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Ravissante est la Canadienne</p>
+<p>Avec ses yeux pleins de douceur,</p>
+<p>Son teint rosé, son port de reine,</p>
+<p>Qu'admire le fin connaisseur.</p>
+<p>En robe de soie ou d'indienne,</p>
+<p>Elle plaît toujours au galant!</p>
+<p>Chantons l'aimable Canadienne, (bis)</p>
+<p>Amis, dans un joyeux élan! (bis)</p>
+</div></div>
+
+<h3>II</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Jadis, sur le champ de bataille,</p>
+<p>Elle cueillit plus d'un laurier,</p>
+<p>Et de nos jours elle travaille</p>
+<p>A maintenir l'ordre au foyer;</p>
+<p>De notre foi c'est la gardienne,</p>
+<p>Le champion ferme et vaillant.</p>
+<p>Chantons l'aimable Canadienne, (bis)</p>
+<p>Amis, dans un joyeux élan! (bis)</p>
+</div></div>
+
+<h3>III</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Regardez-là dans une fête</p>
+<p>Rire et parler avec chaleur,</p>
+<p>Puis souvent faire la conquête</p>
+<p>De celui qu'elle a pour causeur!</p>
+<p>On la proclame <i>magicienne</i>,</p>
+<p>Certes, c'est bien l'équivalent...</p>
+<p>Chantons l'aimable Canadienne, (bis)</p>
+<p>Amis, dans un joyeux élan! (bis)</p>
+</div></div>
+
+<h3>IV</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Charitable autant que gentille,</p>
+<p>Elle visite le réduit</p>
+<p>Où le feu rarement pétille,</p>
+<p>Où le bonheur jamais ne luit!</p>
+<p>Et l'or de cette humble chrétienne</p>
+<p>Sèche les pleurs de l'artisan...</p>
+<p>Ah! oui, Chantons la Canadienne, (bis)</p>
+<p>Amis, dans un joyeux élan! (bis)</p>
+<br>
+<p>Janvier 1881.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>AUX RAQUETTEURS DE SHERBROOKE</h3>
+<br>
+
+<p>Air: «Hiouppe! Hiouppe! sur la rivière, etc.»</p>
+<br>
+
+<h3>I</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Sherbrooke, c'est la ville</p>
+<p>Où la franche gaîté</p>
+<p>Sur tous les fronts scintille,</p>
+<p>L'hiver comme l'été.</p>
+</div></div>
+
+<h3>REFRAIN:</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette</p>
+<p>Chantant la chansonnette,</p>
+<p>Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette</p>
+<p>Nous ne fatiguons pas!</p>
+</div></div>
+
+<h3>II</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>L'on vante sa largesse,</p>
+<p>Son hospitalité,</p>
+<p>Sa grande politesse</p>
+<p>Et son urbanité.</p>
+</div></div>
+
+<h3>REFRAIN:</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette</p>
+<p>Chantant la chansonnette,</p>
+<p>Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette</p>
+<p>Nous ne fatiguons pas!</p>
+</div></div>
+
+<h3>III</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Ses habitants s'amusent</p>
+<p>Avec moralité,</p>
+<p>Mais jamais ne refusent</p>
+<p>De boire une santé!</p>
+</div></div>
+
+
+<h3>REFRAIN:</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette</p>
+<p>Chantant la chansonnette,</p>
+<p>Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette</p>
+<p>Nous ne fatiguons pas!</p>
+</div></div>
+
+<h3>IV</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Ils aiment la raquette</p>
+<p>Puis savent la porter;</p>
+<p>Leur gentille toilette</p>
+<p>Fait plus d'un coeur sauter.</p>
+</div></div>
+
+<h3>REFRAIN:</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette</p>
+<p>Chantant la chansonnette,</p>
+<p>Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette</p>
+<p>Nous ne fatiguons pas!</p>
+</div></div>
+
+<h3>V</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Ils sont déjà quarante,</p>
+<p>A part le comité,</p>
+<p>Et compteront soixante</p>
+<p>Avant la Trinité!</p>
+</div></div>
+
+<h3>REFRAIN:</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette</p>
+<p>Chantant la chansonnette,</p>
+<p>Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette</p>
+<p>Nous ne fatiguons pas!</p>
+</div></div>
+
+<h3>VI</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Car toute la jeunesse</p>
+<p>Désire <i>raquetter</i>;</p>
+<p>Elle comprend l'ivresse</p>
+<p>Qu'on éprouve à trotter.</p>
+</div></div>
+
+<h3>REFRAIN:</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette</p>
+<p>Chantant la chansonnette,</p>
+<p>Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette</p>
+<p>Nous ne fatiguons pas!</p>
+</div></div>
+
+<h3>VII</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Et, bravant la tempête,</p>
+<p>Le froid, l'humidité,</p>
+<p>Elle dit et répète:</p>
+<p>Courir, c'est la santé!</p>
+</div></div>
+
+<h3>REFRAIN:</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette</p>
+<p>Chantant la chansonnette,</p>
+<p>Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette</p>
+<p>Nous ne fatiguons pas!</p>
+</div></div>
+
+<h3>VIII</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Honneur à la raquette</p>
+<p>A son ancienneté,</p>
+<p>A sa forme coquette,</p>
+<p>A son utilité.</p>
+</div></div>
+
+<h3>REFRAIN:</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette</p>
+<p>Chantant la chansonnette,</p>
+<p>Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette</p>
+<p>Nous ne fatiguons pas!</p>
+</div></div>
+
+<h3>IX</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Ce soulier poétique</p>
+<p>Fut jadis inventé,</p>
+<p>Sur le sol d'Amérique</p>
+<p>Par un homme futé!</p>
+</div></div>
+
+<h3>REFRAIN:</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette</p>
+<p>Chantant la chansonnette,</p>
+<p>Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette</p>
+<p>Nous ne fatiguons pas!</p>
+</div></div>
+
+<h3>X</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Il légua son ouvrage</p>
+<p>A la postérité,</p>
+<p>Qui, depuis d'âge en âge,</p>
+<p>L'a toujours imité.</p>
+</div></div>
+
+<h3>REFRAIN:</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette</p>
+<p>Chantant la chansonnette,</p>
+<p>Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette</p>
+<p>Nous ne fatiguons pas!</p>
+</div></div>
+
+<h3>XI</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>O raquette, nos pères</p>
+<p>Aiment à te porter;</p>
+<p>Ils ne te laissent guères</p>
+<p>Qu'un instant pour lutter!</p>
+</div></div>
+
+<h3>REFRAIN:</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette</p>
+<p>Chantant la chansonnette,</p>
+<p>Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette</p>
+<p>Nous ne fatiguons pas!</p>
+</div></div>
+
+<h3>XII</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Et nos bons missionnaires,</p>
+<p>Prêchant la vérité,</p>
+<p>Sur raquettes légères</p>
+<p>Ont mainte fois monté.</p>
+</div></div>
+
+<h3>REFRAIN:</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette</p>
+<p>Chantant la chansonnette,</p>
+<p>Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette</p>
+<p>Nous ne fatiguons pas!</p>
+</div></div>
+
+<h3>XIII</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Nous sommes de leur race:</p>
+<p>C'est là notre fierté!</p>
+<p>Comme eux, fendons l'espace</p>
+<p>Avec agilité!</p>
+</div></div>
+
+<h3>REFRAIN:</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette</p>
+<p>Chantant la chansonnette,</p>
+<p>Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette</p>
+<p>Nous ne fatiguons pas!</p>
+</div></div>
+
+<h3>XIV</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+
+<p>Que le vieux et le jeune</p>
+<p>Exempts d'infirmité,</p>
+<p>Se présentent sans gêne</p>
+<p>Devant le comité.</p>
+</div></div>
+
+<h3>REFRAIN:</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette</p>
+<p>Chantant la chansonnette,</p>
+<p>Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette</p>
+<p>Nous ne fatiguons pas!</p>
+</div></div>
+
+<h3>XV</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Nous leur disons d'avance:</p>
+<p>Vous serez acceptés.</p>
+<p>Car les fils de la France</p>
+<p>Par nous sont bien traités!</p>
+</div></div>
+
+
+<h3>REFRAIN:</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette</p>
+<p>Chantant la chansonnette,</p>
+<p>Hiouppe! Hiouppe! sur la raquette</p>
+<p>Nous ne fatiguons pas!</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+
+<h3>CHANT D'ADIEU</h3>
+<br>
+
+<p>Musique de M. N. Crépault.</p>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Entendez vous ce glas, sombre harmonie</p>
+<p>Qui cause à l'âme un douloureux transport?</p>
+<p>C'est le sanglot d'un frère à l'agonie</p>
+<p>Qui lutte en vain contre l'avide mort!</p>
+</div></div>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Naguère au banquet de la vie</p>
+<p>Il renaît place avec honneur,</p>
+<p>Et sa figure épanouie</p>
+<p>Semblait refléter le bonheur.</p>
+</div></div>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Ivre d'amour et d'allégresse,</p>
+<p>Il savourait mille désirs,</p>
+<p>Quand soudain la mort vengeresse</p>
+<p>Vint mettre un terme à ses plaisirs!</p>
+</div></div>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>En lui dérobant la lumière</p>
+<p>La mort lui dit en triomphant:</p>
+<p>«Ton corps deviendra la poussière</p>
+<p>Que foule le pied du passant!</p>
+</div></div>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>«Avant que tes lèvres soient closes</p>
+<p>Fais entendre ce dernier cri:</p>
+<p>Adieu, plaisirs et rêves roses!</p>
+<p>Adieu, monde que j'ai chéri!»</p>
+</div></div>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Mais une voix enchanteresse</p>
+<p>Lui glisse à l'oreille ces mots:</p>
+<p>«Je suis la grâce et la tendresse,</p>
+<p>Je soulage et guéris les maux.</p>
+</div></div>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>«Regrette et confesse tes crimes;</p>
+<p>Combats Satan avec fierté;</p>
+<p>Je donne aux âmes magnanimes</p>
+<p>La bienheureuse éternité!»</p>
+</div></div>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Ah! chrétiens, prions pour ce frère</p>
+<p>Qui nous a dit un triste adieu,</p>
+<p>Et croyons que notre prière</p>
+<p>Attendrira le coeur de Dieu!</p>
+</div></div>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Entendez-vous les sons mélancoliques</p>
+<p>Que l'orgue mêle au glas mystérieux</p>
+<p>Joignant nos voix à ces voix angéliques,</p>
+<p>Pour notre frère intercédons les cieux!</p>
+<br>
+<p>Novembre 1882.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>BLANCHE, TE SOUVIENT-IL</h3>
+<br>
+
+<p>Musique de M. Édouard Vincelette.</p>
+
+<h3>I</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Te souvient-il de ces jours éphémères</p>
+<p>Où le bonheur dorait notre chemin,</p>
+<p>Où nous causions sous les yeux de nos mères,</p>
+<p>Coeur près du coeur, et la main dans la main?</p>
+<p>En souriant, tu m'appelais ton frères;</p>
+<p>Je te nommais avec plaisir ma soeur.</p>
+<p>Puis un matin--réminiscence amère--</p>
+<p>Tu me laissas en proie à la douleur...</p>
+<p class="i8"> Blanche te souvient-il?</p>
+<p class="i8"> Blanche te souvient-il?</p>
+</div></div>
+
+<h3>II</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Tu t'envolas vers la rive de France,</p>
+<p>En me disant: «Je ne t'oublierai pas;</p>
+<p>J'adoucirai ta brûlante souffrance</p>
+<p>En t'écrivant quand je serai là-bas!»</p>
+<p>Et je suivis des yeux la blanche voile</p>
+<p>Qui t'emportait dans le lointain brumeux;</p>
+<p>Je priai Dieu d'allumer cette étoile</p>
+<p>Qui mène au port le voyageur heureux.</p>
+<p class="i8"> Blanche te souvient-il?</p>
+<p class="i8"> Blanche te souvient-il?</p>
+</div></div>
+
+<h3>III</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Tu m'avais dit qu'avec les hirondelles</p>
+<p>Tu reviendrais pour ne plus me quitter...</p>
+<p>Le printemps brille, et les oiseaux fidèles</p>
+<p>Sont revenus sous mon toit s'abriter.</p>
+<p>Toi seule, hélas! ô ma tendre colombe,</p>
+<p>Ne voles pas à mon parterre en fleur;</p>
+<p>Le ciel a-t-il ouvert pour toi la tombe,</p>
+<p>Ou bien le temps a-t-il fermé ton coeur?...</p>
+<p class="i8"> Blanche te souvient-il?</p>
+<p class="i8"> Blanche te souvient-il?</p>
+<br>
+<p>Juin 1883.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>CHANT DU CLUB DE RAQUETTE<br>
+
+«LE FRONTENAC» de Québec</h3>
+<br>
+
+<p>Musique de M. Joseph Vézina.</p>
+
+<h3>I</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Nous subissons comme nos pères,</p>
+<p>Sans murmurer, le poids du jour;</p>
+<p>Mais nous aimons, joyeux compères,</p>
+<p>Sur la raquette à faire un tour!</p>
+<p>Alors nos coeurs pleins d'allégresse</p>
+<p>Vibrent toujours à l'unisson;</p>
+<p>Et, sous le froid qui nous caresse,</p>
+<p>Nous redisons notre chanson!</p>
+</div></div>
+
+<h3>REFRAIN:</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>O Frontenac, illustre gouverneur,</p>
+<p>Notre patron du club de la raquette!</p>
+<p>Pour exalter la gloire de ton honneur,</p>
+<p>Nous te fêtons à la bonne franquette!</p>
+</div></div>
+
+<h3>II</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Lorsque le ciel couvre la terre</p>
+<p>D'un manteau blanc aux plis moelleux,</p>
+<p>Et que la lune, avec mystère,</p>
+<p>Dore les champs de mille feux,</p>
+<p>Il faut nous voir, quatre par quatre,</p>
+<p>Raquette aux pieds, fendre le vent!</p>
+<p>Comme les preux qui vont combattre</p>
+<p>Nous répétons: En avant!</p>
+</div></div>
+
+<h3>REFRAIN:</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>O Frontenac, illustre gouverneur,</p>
+<p>Notre patron du club de la raquette!</p>
+<p>Pour exalter la gloire de ton honneur,</p>
+<p>Nous te fêtons à la bonne franquette!</p>
+</div></div>
+
+<h3>III</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Loin de la ville, assis à table</p>
+<p>Et près d'un poêle aux flancs rougis.</p>
+<p>Nous buvons un vin délectable</p>
+<p>Qui nous met gais, mais jamais gris...</p>
+<p>Puis, suivant la vieille coutume,</p>
+<p>Un amateur sort le violon;</p>
+<p>Et nous dansons, en grand costume,</p>
+<p>Lancier, quadrille et cotillon!</p>
+</div></div>
+
+<h3>REFRAIN:</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>O Frontenac, illustre gouverneur,</p>
+<p>Notre patron du club de la raquette!</p>
+<p>Pour exalter la gloire de ton honneur,</p>
+<p>Nous te fêtons à la bonne franquette!</p>
+</div></div>
+
+<h3>IV</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Parfois l'aurore aux teints de rose</p>
+<p>Vient nous surprendre à sautiller!</p>
+<p>Et notre front se fait morose,</p>
+<p>Puisqu'il nous faut capituler...</p>
+<p>Mais la gaîté--douce compagne--</p>
+<p>Renaît soudain quand nous partons,</p>
+<p>Car la raquette et le champagne</p>
+<p>Nous font chanter sur tous les tons!</p>
+</div></div>
+
+<h3>REFRAIN:</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>O Frontenac, illustre gouverneur,</p>
+<p>Notre patron du club de la raquette!</p>
+<p>Pour exalter la gloire de ton honneur,</p>
+<p>Nous te fêtons à la bonne franquette!</p>
+</div></div>
+
+<h3>V</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Nous descendons d'un peuple sage</p>
+<p>A l'âme fière, aux bras vaillants,</p>
+<p>Qui s'illustra par le courage</p>
+<p>Et les exploits les plus brillants</p>
+<p>Nous conservons son caractère,</p>
+<p>--Même en étant sujets loyaux--</p>
+<p>Et recueillons sur cette terre</p>
+<p>Les nobles fruits de ses travaux!</p>
+</div></div>
+
+<h3>REFRAIN:</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>O Frontenac, illustre gouverneur,</p>
+<p>Notre patron du club de la raquette!</p>
+<p>Pour exalter la gloire de ton honneur,</p>
+<p>Nous te fêtons à la bonne franquette!</p>
+</div></div>
+
+<h3>VI</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Nous saluons tous nos confrères</p>
+<p>Des autres clubs de ce pays,</p>
+<p>Et leur disons ces mots sincères:</p>
+<p>O raquetteurs, soyons unis!</p>
+<p>Soyons unis, aux jours de fête,</p>
+<p>Dans nos transports et nos désirs!</p>
+<p>Marchons ensemble à la conquête</p>
+<p>Du vrai bonheur et des plaisirs!</p>
+</div></div>
+
+<h3>REFRAIN:</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>O Frontenac, illustre gouverneur,</p>
+<p>Notre patron du club de la raquette!</p>
+<p>Pour exalter la gloire de ton honneur,</p>
+<p>Nous te fêtons à la bonne franquette!</p>
+<br>
+<p>15 février 1889.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+
+<h3>HYMNE A SAINT-FRANÇOIS D'ASSISE</h3>
+
+<h4>COMPOSÉ POUR LE TIERS-ORDRE DE SAINT-SAUVEUR</h4>
+<br>
+
+<p>Air: «Faibles mortels».</p>
+
+<h3>I</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i4"> O noble saint François d'Assise,</p>
+<p class="i4"> Prêtez l'oreille à nos accents:</p>
+<p class="i4"> Nous célébrons avec l'Église</p>
+<p class="i4"> Vos bienfaits toujours renaissants!</p>
+<p class="i4"> Presque au seuil de votre existence,</p>
+<p class="i4"> Vous charmiez le pauvre pécheur</p>
+<p class="i4"> Par votre amour pour le sauveur,</p>
+<p>Vos suaves conseils et votre pénitence!</p>
+</div></div>
+
+<h3>CHOEUR:</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Toujours, ange des cieux, toujours gardez nos coeurs</p>
+<p class="i8"> Contre toute les malices</p>
+<p class="i8"> Et les artifices</p>
+<p class="i8"> Des esprits tentateurs!</p>
+<p class="i8"> Oh! notre âme</p>
+<p class="i8"> Vous proclame</p>
+<p>Le plus puissant des divins bienfaiteurs!</p>
+</div></div>
+
+<h3>II</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i4"> A l'âge serein de la vie</p>
+<p class="i4"> Où l'homme se livre aux plaisirs,</p>
+<p class="i4"> Vous renonciez, l'âme ravie,</p>
+<p class="i4"> Au monde avec ses vains désirs.</p>
+<p class="i4"> La charité, divine étoile,</p>
+<p class="i4"> Dans notre âme attisait ses feux;</p>
+<p class="i4"> Et Jésus montait à vos yeux</p>
+<p>Sur la mer de douleurs votre esquif à la voile!</p>
+</div></div>
+
+<h3>CHOEUR:</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Toujours, ange des cieux, toujours gardez nos coeurs</p>
+<p class="i8"> Contre toute les malices</p>
+<p class="i8"> Et les artifices</p>
+<p class="i8"> Des esprits tentateurs!</p>
+<p class="i8"> Oh! notre âme</p>
+<p class="i8"> Vous proclame</p>
+<p>Le plus puissant des divins bienfaiteurs!</p>
+</div></div>
+
+<h3>III</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i4"> Il vous disait: «Va par le monde</p>
+<p class="i4"> Prêcher à tous ma sainte loi;</p>
+<p class="i4"> Va combattre le vice immonde,</p>
+<p class="i4"> Fais naître dans les coeurs la foi!»</p>
+<p class="i4"> Nouveau soldat plein de courage,</p>
+<p class="i4"> Vous obéîtes à sa voix,</p>
+<p class="i4"> Prenant pour seule arme sa croix,</p>
+<p>Pour unique drapeau sa radieuse image!</p>
+</div></div>
+
+<h3>CHOEUR:</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Toujours, ange des cieux, toujours gardez nos coeurs</p>
+<p class="i8"> Contre toute les malices</p>
+<p class="i8"> Et les artifices</p>
+<p class="i8"> Des esprits tentateurs!</p>
+<p class="i8"> Oh! notre âme</p>
+<p class="i8"> Vous proclame</p>
+<p>Le plus puissant des divins bienfaiteurs!</p>
+</div></div>
+
+<h3>IV</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i4"> Vos sermons remplis d'éloquence</p>
+<p class="i4"> Électrisaient les plus méchants;</p>
+<p class="i4"> Vos vertus et votre indulgence</p>
+<p class="i4"> Avaient des charmes séduisants.</p>
+<p class="i4"> Maints sceptiques suivaient vos traces,</p>
+<p class="i4"> Sans songer à se convertir.</p>
+<p class="i4"> Lorsque soudain le repentir</p>
+<p>Pénétrait dans leur âme avec des flots de grâces!</p>
+</div></div>
+
+<h3>CHOEUR:</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Toujours, ange des cieux, toujours gardez nos coeurs</p>
+<p class="i8"> Contre toute les malices</p>
+<p class="i8"> Et les artifices</p>
+<p class="i8"> Des esprits tentateurs!</p>
+<p class="i8"> Oh! notre âme</p>
+<p class="i8"> Vous proclame</p>
+<p>Le plus puissant des divins bienfaiteurs!</p>
+</div></div>
+
+<h3>V</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i4"> Puis quand sonna l'heure dernière,</p>
+<p class="i4"> Dieu vous trouva mûr pour le ciel:</p>
+<p class="i4"> Vous aviez bu l'absinthe amère,</p>
+<p class="i4"> Et vous alliez boire le miel...</p>
+<p class="i4"> O saint François, ami de l'ordre,</p>
+<p class="i4"> Mettez la paix en notre coeur</p>
+<p class="i4"> Afin qu'il devienne meilleur,</p>
+<p>Et propagez partout votre oeuvre: le Tiers-Ordre!</p>
+</div></div>
+
+<h3>CHOEUR:</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Toujours, ange des cieux, toujours gardez nos coeurs</p>
+<p class="i8"> Contre toute les malices</p>
+<p class="i8"> Et les artifices</p>
+<p class="i8"> Des esprits tentateurs!</p>
+<p class="i8"> Oh! notre âme</p>
+<p class="i8"> Vous proclame</p>
+<p>Le plus puissant des divins bienfaiteurs!</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+
+
+<h3>FRANCE ET CANADA</h3>
+<br>
+
+<p>Air: «Elle ne savait pas.» Musique de A. Thomas.</p>
+
+<h3>I</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Elle ignora longtemps l'heureuse et fière France</p>
+<p>Que nous l'aimions toujours malgré son abandon,</p>
+<p>Et que nous conservions--symbole d'espérance--</p>
+<p>Son drapeau rayonnant de gloire à Carillon!</p>
+</div></div>
+
+<h3>REFRAIN:</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i6"> Le ciel, à travers la tempête,</p>
+<p class="i6"> Guida nos pas vers le succès.</p>
+<p>O patrie, en ce jour nous célébrons ta fête!</p>
+<p>O saint Jean, protégez (bis) le Canada français!</p>
+</div></div>
+
+<h3>II</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>La France à notre égard n'est plus indifférente:</p>
+<p>Elle sait notre histoire et la conte en pleurant!</p>
+<p>Souvent le pavillon de sa nef élégante</p>
+<p>Flotte comme autrefois sur le beau Saint-Laurent!</p>
+</div></div>
+
+<h3>REFRAIN:</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i6"> Le ciel, à travers la tempête,</p>
+<p class="i6"> Guida nos pas vers le succès.</p>
+<p>O patrie, en ce jour nous célébrons ta fête!</p>
+<p>O saint Jean, protégez (bis) le Canada français!</p>
+</div></div>
+
+<h3>III</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Oui, la France revient visiter notre plage</p>
+<p>Où coula tant de fois le sang de ses héros;</p>
+<p>Elle retrouve ici ses moeurs et son langage,</p>
+<p>Et voit que ses neveux lui sont restés loyaux!</p>
+</div></div>
+
+<h3>REFRAIN:</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i6"> Le ciel, à travers la tempête,</p>
+<p class="i6"> Guida nos pas vers le succès.</p>
+<p>O patrie, en ce jour nous célébrons ta fête!</p>
+<p>O saint Jean, protégez (bis) le Canada français!</p>
+<br>
+<p>24 juin 1880.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+
+
+<h3>CHANT DE L'OUVRIER</h3>
+
+<p>Musique de M. R. Lyonnais.</p>
+
+<h3>1er COUPLET</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i12">Quel est ce Canadien</p>
+<p class="i12">Qui passe dans la vie</p>
+<p class="i12">En prêchant l'harmonie</p>
+<p class="i12">Et pratiquant le bien?</p>
+<p class="i16"> C'est l'ouvrier,</p>
+<p class="i16"> C'est l'ouvrier!</p>
+</div></div>
+
+<h3>REFRAIN:</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i8">Reposons-nous, joyeux confrères,</p>
+<p class="i8">De nos labeurs, de nos efforts.</p>
+<p class="i8">Amusons-nous comme nos pères,</p>
+<p class="i8">Soyons unis pour être forts!</p>
+<p class="i14"> En vrais lurons,</p>
+<p class="i14"> Sur tous les tons,</p>
+<p class="i14"> Chantons, chantons!</p>
+</div></div>
+
+<h3>2ème COUPLET</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i12">Qui donc, à dix-huit ans,</p>
+<p class="i12">Sans crainte entre en ménage,</p>
+<p class="i12">N'ayant pour tout partage</p>
+<p class="i12">Que ses deux bras vaillants?</p>
+<p class="i16"> C'est l'ouvrier,</p>
+<p class="i16"> C'est l'ouvrier!</p>
+</div></div>
+
+<h3>REFRAIN:</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i8">Reposons-nous, joyeux confrères,</p>
+<p class="i8">De nos labeurs, de nos efforts.</p>
+<p class="i8">Amusons-nous comme nos pères,</p>
+<p class="i8">Soyons unis pour être forts!</p>
+<p class="i14"> En vrais lurons,</p>
+<p class="i14"> Sur tous les tons,</p>
+<p class="i14"> Chantons, chantons!</p>
+</div></div>
+
+<h3>3ème COUPLET</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i12">Au temple du Seigneur,</p>
+<p class="i12">Quel est celui qui prie</p>
+<p class="i12">Pour sa chère patrie</p>
+<p class="i12">Avec plus de ferveur?</p>
+<p class="i16"> C'est l'ouvrier,</p>
+<p class="i16"> C'est l'ouvrier!</p>
+</div></div>
+
+<h3>REFRAIN:</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i8">Reposons-nous, joyeux confrères,</p>
+<p class="i8">De nos labeurs, de nos efforts.</p>
+<p class="i8">Amusons-nous comme nos pères,</p>
+<p class="i8">Soyons unis pour être forts!</p>
+<p class="i14"> En vrais lurons,</p>
+<p class="i14"> Sur tous les tons,</p>
+<p class="i14"> Chantons, chantons!</p>
+</div></div>
+
+<h3>4ème COUPLET</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i12">Qui marche au premier rang,</p>
+<p class="i12">La tête haute et fière,</p>
+<p class="i12">Et porte la bannière</p>
+<p class="i12">Le jour de la Saint-Jean?</p>
+<p class="i16"> C'est l'ouvrier,</p>
+<p class="i16"> C'est l'ouvrier!</p>
+</div></div>
+
+<h3>REFRAIN:</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i8">Reposons-nous, joyeux confrères,</p>
+<p class="i8">De nos labeurs, de nos efforts.</p>
+<p class="i8">Amusons-nous comme nos pères,</p>
+<p class="i8">Soyons unis pour être forts!</p>
+<p class="i14"> En vrais lurons,</p>
+<p class="i14"> Sur tous les tons,</p>
+<p class="i14"> Chantons, chantons!</p>
+</div></div>
+
+<h3>5ème COUPLET</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i12">Qui supporte toujours</p>
+<p class="i12">Avec joie et courage</p>
+<p class="i12">L'humble et pénible ouvrage</p>
+<p class="i12">Et le fardeau des jours?</p>
+<p class="i16"> C'est l'ouvrier,</p>
+<p class="i16"> C'est l'ouvrier!</p>
+</div></div>
+
+<h3>REFRAIN:</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i8">Reposons-nous, joyeux confrères,</p>
+<p class="i8">De nos labeurs, de nos efforts.</p>
+<p class="i8">Amusons-nous comme nos pères,</p>
+<p class="i8">Soyons unis pour être forts!</p>
+<p class="i14"> En vrais lurons,</p>
+<p class="i14"> Sur tous les tons,</p>
+<p class="i14"> Chantons, chantons!</p>
+</div></div>
+
+<h3>6ème COUPLET</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i12">Qui a fait le Canada</p>
+<p class="i12">Si riche et si prospère?</p>
+<p class="i12">Ce n'est point l'Angleterre</p>
+<p class="i12">A qui l'on nous céda--</p>
+<p class="i16"> C'est l'ouvrier,</p>
+<p class="i16"> C'est l'ouvrier!</p>
+</div></div>
+
+<h3>REFRAIN:</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i8">Reposons-nous, joyeux confrères,</p>
+<p class="i8">De nos labeurs, de nos efforts.</p>
+<p class="i8">Amusons-nous comme nos pères,</p>
+<p class="i8">Soyons unis pour être forts!</p>
+<p class="i14"> En vrais lurons,</p>
+<p class="i14"> Sur tous les tons,</p>
+<p class="i14"> Chantons, chantons!</p>
+</div></div>
+
+<h3>7ème COUPLET</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i12">Où donc est la vigueur,</p>
+<p class="i12">L'espoir et l'allégresse,</p>
+<p class="i12">L'amour et la tendresse</p>
+<p class="i12">Et surtout le bonheur?</p>
+<p class="i16"> C'est l'ouvrier,</p>
+<p class="i16"> C'est l'ouvrier!</p>
+</div></div>
+
+<h3>REFRAIN:</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i8">Reposons-nous, joyeux confrères,</p>
+<p class="i8">De nos labeurs, de nos efforts.</p>
+<p class="i8">Amusons-nous comme nos pères,</p>
+<p class="i8">Soyons unis pour être forts!</p>
+<p class="i14"> En vrais lurons,</p>
+<p class="i14"> Sur tous les tons,</p>
+<p class="i14"> Chantons, chantons!</p>
+<br>
+<p>Septembre 1891.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+
+<h3>CHANSON DES NOCES D'OR</h3>
+
+<h4>DÉDIÉE AU VIEUX PATRIOTE, M. J. SAUVIAT.</h4>
+<br>
+
+<h3>1er COUPLET</h3>
+
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Nous accourons ici, bien-aimés père et mère,</p>
+<p>Avec nos fiers enfants pour fêter ce beau jour</p>
+<p>Où le ciel, exauçant notre ardente prière,</p>
+<p>Bénit vos cinquante ans de bonheur et d'amour.</p>
+</div></div>
+
+<h3>REFRAIN:</h3>
+
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i6">Nos coeurs reconnaissants</p>
+<p class="i6">Débordent d'allégresse,</p>
+<p class="i6">De voeux et de tendresse</p>
+<p class="i6">Pour vous, noble parents! (Bis)</p>
+</div></div>
+
+<h3>2ème COUPLET</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Vous auriez pu peut-être acquérir la richesse</p>
+<p>Et même les honneurs que rêve l'orgueilleux,</p>
+<p>Mais vous avez compris, dans votre humble sagesse,</p>
+<p>Que l'honnête labeur rend l'homme plus heureux.</p>
+</div></div>
+
+<h3>REFRAIN:</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i6">Ah! vive le labeur!</p>
+<p class="i6">Car l'ouvrier modèle</p>
+<p class="i6">Est la brebis fidèle</p>
+<p class="i6">Du céleste Pasteur! (Bis)</p>
+</div></div>
+
+<h3>3ème COUPLET</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Que dire en terminant cette pâle romance</p>
+<p>Écrite en votre honneur, vénérables parents!</p>
+<p>Puisse, dans sa bonté, la sainte Providence</p>
+<p>Vous accorder des jours nombreux et consolants!</p>
+</div></div>
+
+<h3>REFRAIN:</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i6">Votre lune de miel</p>
+<p class="i6">Qui désormais scintille</p>
+<p class="i6">Aux yeux de la famille,</p>
+<p class="i6">Reluira dans le ciel! (Bis)</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+
+<h3>LA CAPRICIEUSE</h3>
+<br>
+
+<p>Musique de M. Édouard Vincelette.</p>
+
+<h3>I</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i16">Quand je vous vois, petite,</p>
+<p class="i16">Sur moi fixer les yeux,</p>
+<p class="i16">Alors mon coeur palpite,</p>
+<p class="i16">Et je me sens heureux.</p>
+<p class="i16">Mais si j'ose, méchante,</p>
+<p class="i16">Vous dire un mot d'amour</p>
+<p class="i16">Vous prenez l'épouvante (bis)</p>
+<p class="i16">En me criant: bon jour! (bis)</p>
+</div></div>
+
+<h3>II</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i16">Quand je cause et ricane</p>
+<p class="i16">Avec un beau minois,</p>
+<p class="i16">Vous m'engendrez chicane</p>
+<p class="i16">Et m'appelez: sournois!</p>
+<p class="i16">Mais si j'entre en colère,</p>
+<p class="i16">Un instant, contre vous,</p>
+<p class="i16">Votre bouche profère (bis)</p>
+<p class="i16">Aussitôt des mots doux! (bis)</p>
+</div></div>
+
+<h3>III</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i16">Quand je pleure et soupire,</p>
+<p class="i16">Vous riez aux éclats;</p>
+<p class="i16">Et quand je ris, c'est pire:</p>
+<p class="i16">Vous pleurez comme un glas!</p>
+<p class="i16">Quand je dis: «Je désire</p>
+<p class="i16">Vous entendre chanter,»</p>
+<p class="i16">Vous vous mettez à lire (bis)</p>
+<p class="i16">Ou bien à méditer! (bis).</p>
+</div></div>
+
+<h3>IV</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i16">Je subis ces caprices</p>
+<p class="i16">Depuis longtemps, hélas!</p>
+<p class="i16">Mais de vos artifices</p>
+<p class="i16">Aujourd'hui je suis las.</p>
+<p class="i16">Moi, je veux une amante</p>
+<p class="i16">Au coeur noble et pieux:</p>
+<p class="i16">Vous êtes trop changeante (bis)</p>
+<p class="i16">Pour rendre un homme heureux! (bis).</p>
+<br>
+<p>20 août 1886.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>LA CHANSON DU PETIT PORTEUR</h3>
+<br>
+
+<p>Air:«Dis-moi soldat, t'en souviens-tu?»</p>
+
+<h3>I</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Vous qui coulez une douce existence</p>
+<p>Dans cette ville où tant de malheureux</p>
+<p>Mangent le pain amer de l'indigence,</p>
+<p>En ce beau jour, ah! soyez généreux!</p>
+<p>Entendez-vous frapper à votre porte?</p>
+<p>Allez ouvrir à l'enfant matinal</p>
+<p>Qui, plein d'espoir, fidèlement vous porte,</p>
+<p>Avec ses voeux, la chanson du journal.</p>
+</div></div>
+
+<h3>II</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Il n'est pas grand, néanmoins il est homme</p>
+<p>Par le courage et surtout par l'honneur.</p>
+<p>En le voyant, l'abonné le surnomme</p>
+<p>Le messager de joie et de bonheur.</p>
+<p>Mais il est pauvre, et s'en fait une gloire,</p>
+<p>Voulant sans doute imiter le Sauveur!</p>
+<p>En quelques mots il conte son histoire</p>
+<p>Dont le récit émeut tout noble coeur!</p>
+</div></div>
+
+<h3>III</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Regardez-le: son petit corps frissonne</p>
+<p>Sous les baisers de la neige et du vent;</p>
+<p>Hélas! il n'a, pour l'hiver et l'automne,</p>
+<p>Qu'un mince habit raccommodé souvent!</p>
+<p>Malgré le froid, il marche sans relâche</p>
+<p>Pour obéir à la voix du devoir;</p>
+<p>Et rien ne peut le ravir à sa tâche</p>
+<p>Tant qu'il lui reste un souscripteur à voir!</p>
+</div></div>
+
+<h3>IV</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>Ah! n'est-il pas (douloureuse pensée)</p>
+<p>Le seul appui d'un infirme vieillard,</p>
+<p>Qui, sous le toit de sa hutte glacée,</p>
+<p>Souffre en levant vers le ciel son regard?...</p>
+<p>Et ce vieillard--sublime prolétaire--</p>
+<p>Jadis peut-être a vaillamment lutté</p>
+<p>Contre les fils de la fière Angleterre</p>
+<p>Pour notre langue et notre liberté...</p>
+</div></div>
+
+<h3>V</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>O Canadiens, en ce jour d'allégresse,</p>
+<p>Prêtez l'oreille aux soupirs du porteur!</p>
+<p>De ses parents soulagez la détresse,</p>
+<p>Il vous supplie au nom du Créateur!</p>
+<p>Donnez-lui donc cette part du bien-être</p>
+<p>Qui sert parfois à votre vanité;</p>
+<p>Et dans vos coeurs alors Dieu fera naître</p>
+<p>Les purs rayons de sa félicité.</p>
+<br>
+<p>1er de l'an 1887.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+
+
+<h3>ROSE, ÉCOUTE-MOI</h3>
+<br>
+
+<p>Musique de M. N. Crépault</p>
+
+<h3>I</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i16">Pourquoi, ma mignonne,</p>
+<p class="i16">Ne souris-tu pas</p>
+<p class="i16">Quand ma main couronne</p>
+<p class="i16">Ton front de lilas?</p>
+<p class="i16">Tu fais la pleureuse,</p>
+<p class="i16">C'est folie à toi;</p>
+<p class="i16">Sois jonc plus joyeuse (bis)</p>
+<p class="i16">Rose, écoute-moi! (bis)</p>
+</div></div>
+
+<h3>II</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i16">Lorsque la nature</p>
+<p class="i16">Se pare de fleurs,</p>
+<p class="i16">Toute créature</p>
+<p class="i16">Doit cacher ses pleurs.</p>
+<p class="i16">Ah! ta bouche chante,</p>
+<p class="i16">C'est gentil à toi!</p>
+<p class="i16">Ne sois plus méchante: (bis)</p>
+<p class="i16">Rose, écoute-moi! (bis).</p>
+</div></div>
+
+<h3>III</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i16">Depuis deux mois, Rose,</p>
+<p class="i16">Mon coeur est en feu;</p>
+<p class="i16">Je t'adore et j'ose</p>
+<p class="i16">T'en faire l'aveu</p>
+<p class="i16">Quoi! cela t'offense?</p>
+<p class="i16">Tu ris de ma foi?</p>
+<p class="i16">C'est trop d'insolence: (bis)</p>
+<p class="i16">Rose, écoute-moi! (bis).</p>
+</div></div>
+
+<h3>IV</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i16">Un jour, ma coquette,</p>
+<p class="i16">Tu désireras</p>
+<p class="i16">L'amoureux poète</p>
+<p class="i16">Et ses doux lilas;</p>
+<p class="i16">Mais d'une autre reine</p>
+<p class="i16">Il sera le roi,</p>
+<p class="i16">Et dira sans peine: (bis)</p>
+<p class="i16">Rose, éloigne-toi! (bis).</p>
+<br>
+<p>12 février 1882.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>RAYONS ET OMBRES</h3>
+
+<p>Musique de M. N. Crépault</p>
+
+<h3>I</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i16">J'avais cru que la vie,</p>
+<p class="i16">Dans ma simple candeur,</p>
+<p class="i16">N'était qu'une série</p>
+<p class="i16">De jours pleins de bonheur;</p>
+<br>
+<p class="i16">Que les mortels, sur cette terre,</p>
+<p class="i16">Buvaient le miel de l'amitié,</p>
+<p class="i16">Et que le riche au prolétaire</p>
+<p class="i16">Prodiguait l'or et la pitié.</p>
+</div></div>
+
+<h3>REFRAIN:</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i16">Hélas! hélas! ces rêves roses,</p>
+<p class="i16">Sous la faux du destin,</p>
+<p class="i16">Comme les belles roses,</p>
+<p class="i16">Tombèrent un matin!...</p>
+</div></div>
+
+<h3>II</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i16">Depuis ce jour, mon âme pleure</p>
+<p class="i16">Et ne croit plus à la gaîté.</p>
+<p class="i16">Et le dirais-je? à certaine heure,</p>
+<p class="i16">Je doute de la vérité!</p>
+</div></div>
+
+<h3>REFRAIN:</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i16">Sans cesse en proie à la souffrance,</p>
+<p class="i16">Rien ne me semble beau.</p>
+<p class="i16">Et la désespérance</p>
+<p class="i16">Me conduit au tombeau!</p>
+</div></div>
+
+<h3>III</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i16">Oh! qu'ai-je dit? mon Dieu, pardonne</p>
+<p class="i16">A ma faiblesse, et ma douleur!</p>
+<p class="i16">En me plaignant, je déraisonne,</p>
+<p class="i16">Car n'es-tu pas mon protecteur?</p>
+</div></div>
+
+<h3>REFRAIN:</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i16">Du ciel écoute ma prière</p>
+<p class="i16">Qui s'élève vers toi;</p>
+<p class="i16">Sois toujours ma lumière,</p>
+<p class="i16">Mon esprit et ma foi!</p>
+<br>
+<p>1er avril 1880.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+
+<h3>LES CANADIENS</h3>
+<br>
+
+<p>Musique de M. Joseph Vézina.</p>
+
+<h3>I</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i14">Les Canadiens ont pour les fêtes</p>
+<p class="i14">Un goût qu'ils tiennent des aïeux;</p>
+<p class="i14">Les charmes des plaisirs honnêtes</p>
+<p class="i14">Séduisent leurs coeurs généreux.</p>
+<p class="i14">Ils ont bravé tous les orages</p>
+<p class="i14">Sans jamais perdre leur fierté,</p>
+<p class="i14">Et cultivé sur nos rivages</p>
+<p class="i14">La fleur de l'hospitalité.</p>
+</div></div>
+
+<h3>II</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i14">Ils fêtent Dieu, reine, patrie,</p>
+<p class="i14">Par les concert mélodieux,</p>
+<p class="i14">Pratiquent la galanterie</p>
+<p class="i14">Envers le sexe gracieux.</p>
+<p class="i14">Ils chôment les anniversaires</p>
+<p class="i14">Des jours où leurs braves soldats,</p>
+<p class="i14">A de terrible adversaires,</p>
+<p class="i14">Livraient de glorieux combats!</p>
+</div></div>
+
+<h3>III</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i14">La chicanière politique</p>
+<p class="i14">Les divise presque au berceau,</p>
+<p class="i14">Mais le souffle patriotique</p>
+<p class="i14">Les rassemble sous le drapeau.</p>
+<p class="i14">Contre l'outrage ou l'injustice,</p>
+<p class="i14">Ensemble ils s'élèvent la voix</p>
+<p class="i14">Et s'imposent tout sacrifice</p>
+<p class="i14">Pour le triomphe de leurs droits.</p>
+</div></div>
+
+<h3>IV</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i14">Ils sont les vrais fils de la France</p>
+<p class="i14">Par le caractère et le coeur,</p>
+<p class="i14">Car ou milieu de la souffrance</p>
+<p class="i14">Ils conservent leur belle humeur!</p>
+<p class="i14">Oui, toujours gais comme leurs pères,</p>
+<p class="i14">Mais plus heureux en vérité,</p>
+<p class="i14">Ils vivent désormais, prospères,</p>
+<p class="i14">Dans la paix et la liberté!</p>
+<br>
+<p>Septembre 1891.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h2>UNE GERBE D'ACROSTICHES</h2>
+<br><br>
+
+<h3>A M. VICTOR BILLAUD</h3>
+
+<h4>Secrétaire de l'Académie des Muses Santones, à Royan, France.</h4>
+<br>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p><span class="fat">A</span>sile du poète, ô belle Académie,</p>
+<p><span class="fat">C</span>ongrès où siège seul le talent reconnu,</p>
+<p><span class="fat">A</span>h! tu daignes offrir, trop généreuse amie,</p>
+<p><span class="fat">D</span>ans ton temple un fauteuil à moi, barde inconnu!</p>
+<p><span class="fat">E</span>h! que pourrais-je faire au milieu de confrères</p>
+<p><span class="fat">M</span>ûris par la science et le rude labeur,</p>
+<p><span class="fat">I</span>mberbe que je suis?--J'oubliais: leurs lumières</p>
+<p><span class="fat">E</span>claireront la voie de mon esprit rêveur.</p>
+<br>
+<p><span class="fat">D</span>u reste, pour avoir un titre à leur estime</p>
+<p><span class="fat">E</span>t le droit précieux de suivre leurs leçons,</p>
+<p><span class="fat">S</span>ouvent je leur dirai dans le langage intime:</p>
+<p><span class="fat">M</span>a lyre pour la France aura toujours des sons!</p>
+<p><span class="fat">U</span>nissant mes accords à ceux de nos poètes,</p>
+<p><span class="fat">S</span>ulte, Gingras, Gauvreau, Fréchette et Beauchemin,</p>
+<p><span class="fat">E</span>n choeur nous chanterons ses brillantes conquêtes,</p>
+<p><span class="fat">S</span>a grandeur, sa richesse et son heureux destin!</p>
+<br>
+<p><span class="fat">S</span>ait-elle assez comment nous l'aimons, cette France?</p>
+<p><span class="fat">A</span>h! nous le lui dirons avec un fier accent.</p>
+<p><span class="fat">N</span>ous avons partagé sa gloire et sa souffrance,</p>
+<p><span class="fat">T</span>errassé ses rivaux, lutté vingt contre cent...</p>
+<p><span class="fat">O</span>ui, j'accepte, Monsieur, vos offres gracieuses!</p>
+<p><span class="fat">N</span>os muses désormais franchiront l'océan;</p>
+<p><span class="fat">E</span>t voyageant ensemble elles diront, joyeuses:</p>
+<p><span class="fat">S</span>uccès, gloire à Québec! Succès, gloire à Royan!</p>
+<br>
+<p>10 avril 1886.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>LA CANADIENNE</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i20">N'oubliez pas l'héroïque gardienne</p>
+<p class="i20">De nos berceaux et de notre foyer:</p>
+<p class="i20">Chantons en choeur la femme canadienne;</p>
+<p class="i20">Et couronnons sa tête de laurier!</p>
+<p class="i30"> PHILÉAS HUOT.</p>
+<br>
+
+<p><span class="fat">L</span>e touriste qui foule un instant nos rivages</p>
+<p><span class="fat">A</span>utrefois habités par des hordes sauvages,</p>
+<p><span class="fat">C</span>raint-il de rencontrer au bord du Saint-Laurent,</p>
+<p><span class="fat">A</span>rmé d'un long poignard, quelque barbare errant?</p>
+<p><span class="fat">N</span>on, car il nous connaît, admire nos victoires,</p>
+<p><span class="fat">A</span>ime à venir rêver sur nos fiers promontoires</p>
+<p><span class="fat">D</span>'où son regard embrasse un féerique tableau,</p>
+<p><span class="fat">I</span>mage suspendue entre le ciel et l'eau!</p>
+<p><span class="fat">E</span>t lorsqu'il aperçoit la femme canadienne--</p>
+<p><span class="fat">N</span>oble coeur, que le ciel nous donna pour gardienne--</p>
+<p><span class="fat">N</span>ul autre objet ne peut désormais le ravir,</p>
+<p><span class="fat">E</span>t son plus grand bonheur serait de la servir!</p>
+<p><span class="fat">E</span>h bien, nous qui vivons sous l'attrait de ses charmes,</p>
+<p><span class="fat">N</span>ous, que sa douce voix console en nos alarmes,</p>
+<p><span class="fat">G</span>ravissons le Parnasse où fleurissent les vers,</p>
+<p><span class="fat">E</span>t pour elle cueillons mille bouquets divers.</p>
+<p><span class="fat">N</span>e disons pas de mal contre les autres femme,</p>
+<p><span class="fat">E</span>lle nous cribleraient de fines épigrammes!</p>
+<p><span class="fat">R</span>imer en leur honneur, tel n'est pas mon désir,</p>
+<p><span class="fat">A</span> leurs bardes je laisse aisément ce plaisir...</p>
+<p><span class="fat">L</span>a femme canadienne: oh! quel nom poétique!</p>
+<p><span class="fat">E</span>t comme il fait vibrer l'âme patriotique!</p>
+<p><span class="fat">S</span>ulte, Poisson, Fréchette et Legendre ont chanté</p>
+<p><span class="fat">T</span>our à tour sur leur luth ce nom si respecté!</p>
+<br>
+<p><span class="fat">B</span>londe ou brune, ses yeux brillant d'intelligence</p>
+<p><span class="fat">E</span>clairent sa figure aux traits pleins d'indulgence;</p>
+<p><span class="fat">L</span>'incarnat de sa bouche aux roses fait affront</p>
+<p><span class="fat">L</span>'éclat de ses cheveux pare son joli front;</p>
+<p><span class="fat">E</span>n un mot, d'une reine elle a l'air, l'élégance!</p>
+<p><span class="fat">I</span>ncapable de vivre au sein de l'ignorance--</p>
+<p><span class="fat">N</span>'ayant pour cet état que <i>glace et que froideur</i>--</p>
+<p><span class="fat">S</span>on esprit au travail se livre avec ardeur,</p>
+<p><span class="fat">T</span>ourmente la science, et, durant des années,</p>
+<p><span class="fat">R</span>ecueille des moissons de choses raisonnées.</p>
+<p><span class="fat">U</span>n matin, franchissant la porte du couvent,</p>
+<p><span class="fat">I</span>nstruite et graduée, elle dit: en avant!</p>
+<p><span class="fat">T</span>ravaillant derechef sous le toit domestique,</p>
+<p><span class="fat">E</span>lle acquiert un art agréable et pratique.</p>
+<br>
+<p><span class="fat">M</span>odestie, ô sublime et trop rare vertu!</p>
+<p><span class="fat">O</span>ù donc te retrouver? dis-nous, où loges-tu?</p>
+<p><span class="fat">D</span>ix mille voix pourraient me répondre, attendries:</p>
+<p><span class="fat">E</span>lle est dans tous les coeurs de vos femmes chéries.</p>
+<p><span class="fat">S</span>ilence, il ne faut pas blesser l'humilité;</p>
+<p><span class="fat">T</span>aisons sur ce sujet, même la vérité,</p>
+<p><span class="fat">E</span>t que sa modestie envahisse notre âme!</p>
+<br>
+<p><span class="fat">D</span>ouce autant que modeste, elle souffre le blâme</p>
+<p><span class="fat">O</span>u parfois le relève avec habileté--</p>
+<p><span class="fat">U</span>nissant la finesse à la franche gaîté--</p>
+<p><span class="fat">C</span>hasse de nos foyers la folle zizanie</p>
+<p><span class="fat">E</span>t fait régner partout la joie et l'harmonie.</p>
+<br>
+<p><span class="fat">C</span>'est pour elle un bonheur d'assister l'indigent,</p>
+<p><span class="fat">H</span>élas! abandonné par le riche souvent.</p>
+<p><span class="fat">A</span>u chevet du malade, elle accourt la première,</p>
+<p><span class="fat">R</span>amène l'espérance au seuil de la chaumière,</p>
+<p><span class="fat">I</span>nculque dans l'esprit des jeunes et des vieux</p>
+<p><span class="fat">T</span>out principe qui doit rendre l'homme pieux.</p>
+<p><span class="fat">A</span>ux kermesse du pauvre, elle dresse la table,</p>
+<p><span class="fat">B</span>adine en déployant un courage indomptable;</p>
+<p><span class="fat">L</span>e riche avec plaisir lui donne à pleine main;</p>
+<p><span class="fat">E</span>t grâce à son bon coeur, le pauvre aura du pain!</p>
+<p><span class="fat">H</span>onneur lui soit rendu! car aux jours de souffrance,</p>
+<p><span class="fat">E</span>scortant le superbe étendard de la France,</p>
+<p><span class="fat">R</span>iante, elle volait toujours au premier rang.</p>
+<p><span class="fat">O</span>ffrant à son pays son courage et son sang...</p>
+<p><span class="fat">I</span>ls ne sont plus ces jours où l'humble Canadienne</p>
+<p><span class="fat">Q</span>uelquefois ripostait à la balle indienne.</p>
+<p><span class="fat">U</span>n autre saint devoir occupe son esprit:</p>
+<p><span class="fat">E</span>nseigner à ses fils la loi de Jésus-Christ!</p>
+<br>
+<p><span class="fat">S</span>a voix--sa douce voix à nulle autre pareille--</p>
+<p><span class="fat">I</span>nspire le respect et charme notre oreille;</p>
+<p><span class="fat">L</span>'orateur, le poète et le vieil érudit</p>
+<p><span class="fat">E</span>coutent cette voix que ma muse applaudit...</p>
+<p><span class="fat">P</span>our savoir la raison du respect qu'elles inspire,</p>
+<p><span class="fat">A</span>llons consulter ceux qui sont sous son empire,</p>
+<p><span class="fat">E</span>t tous nous répondront avec de fiers accents:</p>
+<p><span class="fat">N</span>ous savons que son coeur est pur comme l'encens!</p>
+<p><span class="fat">Q</span>ui de nous oserait contester à cet être</p>
+<p><span class="fat">U</span>ne telle vertu, la plus grande peut-être?</p>
+<p><span class="fat">I</span>l serait, celui-là (j'en appelle au lecteur)</p>
+<p><span class="fat">H</span>onni de tous les siens comme un vil imposteur!</p>
+<p><span class="fat">O</span>ui, la Canadienne est l'honneur de notre race;</p>
+<p><span class="fat">N</span>ous sommes très heureux de marcher sur sa trace.</p>
+<p><span class="fat">O</span>r, le vingt-quatre juin, dans le temple avec nous,</p>
+<p><span class="fat">R</span>ecueillie en son âme, elle prie à genoux.</p>
+<p><span class="fat">A</span>près avoir longtemps, pour sa chère patrie,</p>
+<p><span class="fat">I</span>mploré les faveurs de la Vierge-Marie,</p>
+<p><span class="fat">T</span>riomphante, elle vient voir ses fils, orgueilleux,</p>
+<p><span class="fat">D</span>éroulant des combats les drapeaux glorieux!</p>
+<p><span class="fat">E</span>lle les suit des yeux, à l'ombre de l'érable.</p>
+<p><span class="fat">S</span>ourit à leur bonheur qui semble inénarrable.</p>
+<p><span class="fat">I</span>ls sont heureux vraiment ces rejetons gaulois,</p>
+<p><span class="fat">D</span>éfenseurs, au besoin, du pays de ses lois!</p>
+<p><span class="fat">O</span>h! Dieu, qu'elle est contente et qu'elle est empressée!</p>
+<p><span class="fat">L</span>'amour de la patrie enflamme sa pensée!</p>
+<p><span class="fat">E</span>lle voudrait pouvoir--bénissant le Seigneur--</p>
+<p><span class="fat">S</span>'élancer dans les rangs, marcher avec honneur!</p>
+<p><span class="fat">A</span>h! mais la convenance (arbitre tyrannique</p>
+<p><span class="fat">V</span>oulant que l'homme seul, sur ce sol britannique,</p>
+<p><span class="fat">A</span>it droit de s'affirmer à la face des cieux),</p>
+<p><span class="fat">I</span>nterdit à la femme un rôle aussi pieux.</p>
+<p><span class="fat">T</span>andis que nous faisons ce doux pèlerinage,</p>
+<p><span class="fat">C</span>her au pauvre artisan comme au grand personnage,</p>
+<p><span class="fat">O</span>ptant pour sa demeure, elle y vole... et bientôt</p>
+<p><span class="fat">N</span>'a plus pour la patrie une pensée, un mot!</p>
+<p><span class="fat">N</span>on! car elle contemple une enfant caressante:</p>
+<p><span class="fat">U</span>ne enfant pour son coeur vaut la patrie absente...</p>
+<p><span class="fat">L</span>'on exalte partout son hospitalité,</p>
+<p><span class="fat">A</span>utant que ses vertus et sa noble beauté;</p>
+<p><span class="fat">C</span>ar son logis (parfois une humble maisonnette</p>
+<p><span class="fat">A</span>britant une blonde ou gentille brunette),</p>
+<p><span class="fat">N</span>e saurait contenir ceux qui veulent, le soir</p>
+<p><span class="fat">A</span>vides de bonheur, à son foyer s'asseoir.</p>
+<p><span class="fat">D</span>éesse par la grâce et par la courtoisie--</p>
+<p><span class="fat">I</span>gnorant du flatteur la tendre hypocrisie--</p>
+<p><span class="fat">E</span>lle sait plaire à tous; même les inconnus</p>
+<p><span class="fat">N</span>e l'approchent jamais sans être bien venus.</p>
+<p><span class="fat">N</span>os ancêtres, comme elle, abhorraient l'étiquette</p>
+<p><span class="fat">E</span>t savaient s'amuser à la bonne franquette.</p>
+<p><span class="fat">I</span>ls modulaient gaîment et redisaient en choeur</p>
+<p><span class="fat">L</span>es modestes refrains qui font battre tout coeur:</p>
+<br>
+<p class="i8"> <i>Vive la Canadienne,</i></p>
+<p class="i8"> <i>Vole, mon coeur, vole!</i> etc.</p>
+<br>
+<p><span class="fat">L</span>a femme canadienne à pour titre de gloire</p>
+<p><span class="fat">U</span>ne fécondité que vantera l'histoire:</p>
+<p><span class="fat">I</span>mmense privilège offert par l'Éternel</p>
+<p><span class="fat">A</span> celle qui comprend le devoir maternel.</p>
+<br>
+<p><span class="fat">U</span>tile à son pays, cette mère admirable</p>
+<p><span class="fat">R</span>emplit au Canada son rôle incomparable</p>
+<p><span class="fat">A</span>vec un héroïsme inflexible, enchanteur,</p>
+<p><span class="fat">I</span>nspiré par l'amour divin du Créateur.</p>
+<p><span class="fat">T</span>endre pour ses enfants, mais tendre sans faiblesse--</p>
+<p><span class="fat">D</span>ésirant éloigner le vice qui les blesse--</p>
+<p><span class="fat">R</span>ébecca d'un autre âge, elle veille sur eux,</p>
+<p><span class="fat">E</span>t fait naître en leur coeur des germes vigoureux...</p>
+<p><span class="fat">S</span>es enfants ont prouvé déjà qu'ils sont des hommes;</p>
+<p><span class="fat">S</span>oldats, prêtres, tribuns, artisans, agronomes,</p>
+<p><span class="fat">E</span>n mille endroits ils ont--je le dis fièrement--</p>
+<p><span class="fat">D</span>éfendu notre honneur en luttant vaillamment.</p>
+<p><span class="fat">E</span>t de nos jours encore, ils combattent ensemble</p>
+<p><span class="fat">S</span>ur un autre théâtre où la foi les rassemble.</p>
+<p><span class="fat">A</span>dorant l'Éternel, ils défendent ses droits,</p>
+<p><span class="fat">U</span>nissent leurs talents dans des combats adroits.</p>
+<p><span class="fat">T</span>ouché de leur amour, Dieu les immortalise</p>
+<p><span class="fat">E</span>n voulant que l'un d'eux soit prince de l'Église...<span class="sml">[8]</span></p>
+<p><span class="fat">L</span>ouons la Canadienne! exaltons sa beauté.</p>
+<p><span class="fat">S</span>a gloire, ses vertus et son urbanité!</p>
+<br>
+<p>Juin 1889.</p>
+</div></div>
+
+<blockquote class="sml">[Note 8: Son Éminence le cardinal E.-A. Taschereau.]</blockquote>
+<br><br>
+
+
+
+
+<h3>A MES POÉSIES</h3><br>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i16"> C'en est fait maintenant, pareil aux hirondelles,</p>
+<p class="i16"> Partez; qu'un même but vous retrouve fidèles.</p>
+<p class="i20"> Et moi, pourvu qu'en vos combats</p>
+<p class="i20"> De votre foi nul coeur ne doute,</p>
+<p class="i20"> Et qu'une âme en secret écoute</p>
+<p class="i20"> Ce que vous lui direz tout bas...</p>
+<p class="i30"> ***</p>
+<br>
+<p><span class="fat">A</span>h! mes pauvres oiseaux que j'élevais en cage,</p>
+<p><span class="fat">M</span>ésanges dont les chants dissipaient ma douleur!</p>
+<p><span class="fat">E</span>n essaim vous volez vers un riant bocage</p>
+<p><span class="fat">S</span>ans savoir que l'aspic se cache sous la fleur...</p>
+<br>
+<p><span class="fat">P</span>ourquoi donc avez-vous ainsi quitté ma chambre</p>
+<p><span class="fat">O</span>ù le mil et l'amour vous étaient prodigués?</p>
+<p><span class="fat">E</span>t votre nid moelleux toujours chaud quand décembre</p>
+<p><span class="fat">S</span>accage la ramure où trônaient vos aînés?</p>
+<p><span class="fat">I</span>vres de liberté, de gloire d'aventure:</p>
+<p><span class="fat">E</span>h! oui, voilà l'appât qui fascine et capture</p>
+<p><span class="fat">S</span>i souvent les oiseaux... et même les humains!</p>
+<br>
+<p>1er Avril 1892.</p>
+</div></div>
+<br><br>
+
+<h3>TABLE</h3>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p>POÉSIES DIVERSES</p>
+<br>
+<p>Sujet: Les Voix intimes.</p>
+<p>Préface.</p>
+<p>Le bonheur.</p>
+<p>Renouveau.</p>
+<p>Samuel de Champlain.</p>
+<p>Envoi.</p>
+<p>La presse canadienne.</p>
+<p>La nuit de Noël.</p>
+<p>L'hirondelle.</p>
+<p>A mon père.</p>
+<p>Bouquet de violettes</p>
+<p>La St.-Jean-Baptiste.</p>
+<p>Le faubourg St-Roch.</p>
+<p>Octave Crémazie.</p>
+<p>La cité de Champlain.</p>
+<p>Un orphelin.</p>
+<p>Le mauvais artisan.</p>
+<p>Qu'est-ce que la vie?</p>
+<p>Adieu à la Nouvelle-Écosse.</p>
+<p>Louis Fréchette.</p>
+<p>Le mois des morts.</p>
+<p>Sachons lutter.</p>
+<p>La misère</p>
+<p>Aux politiciens.</p>
+<p>A mon ami M. W. Chapman.</p>
+<p>Elle est morte!</p>
+<p>Beauport.</p>
+<p>Le jour de l'An.</p>
+<p>Élégie.</p>
+<p>Au peuple canadien.</p>
+<p>L'automne.</p>
+<p>Aux célibataires.</p>
+<p>Sur l'album de Mlle D. M.</p>
+<p>A Madame B., cantatrice.</p>
+<p>Sur l'album de Mlle R. D.</p>
+<p>Sur l'album de Mlle J. M. F.</p>
+<p>Sur l'album de Mme Dr. M. F.</p>
+<p>Sur l'album de Mlle A. H. T.</p>
+<p>Un héros de 1870.</p>
+<br>
+<p>SONNETS</p>
+<br>
+<p>Montréal.</p>
+<p>Québec.</p>
+<p>Rose fanée.</p>
+<p>A M. E. Aubé, journaliste.</p>
+<p>A l'amiral Thomasset.</p>
+<p>A M.-C. Beaulieu.</p>
+<p>Le lac Beauport.</p>
+<p>A M. C.</p>
+<p>Réponse.</p>
+<p>Le printemps.</p>
+<p>A l'auteur.</p>
+<p>Réponse.</p>
+<p>A l'amiral Cavelier de Cuverville.</p>
+<p>Un nom glorieux.</p>
+<br>
+<p>HYMNES, ROMANCES, ET CHANSONNETTES</p>
+<br>
+<p>La crèche de Noël.</p>
+<p>La Canadienne.</p>
+<p>Aux raquetteurs de Sherbrooke.</p>
+<p>Chant d'adieu.</p>
+<p>Blanche, te souvient-il?</p>
+<p>Chant du club de raquette «Le Frontenac».</p>
+<p>Hymne à St-François-d'Assise.</p>
+<p>France et Canada.</p>
+<p>Chant de l'Ouvrier.</p>
+<p>Chanson des noces d'or.</p>
+<p>La Capricieuse</p>
+<p>La chanson du petit porteur.</p>
+<p>Rose, écoute-moi.</p>
+<p>Rayons et ombres.</p>
+<p>Les Canadiens.</p>
+<br>
+<p>UNE GERBE D'ACROSTICHES</p>
+<br>
+<p>A M. V. Billaud, de <i>l'Académie des Muses Santones</i>.</p>
+<p>La femme canadienne.</p>
+<p>A mes poésies.</p>
+</div></div>
+<br><br><br>
+
+<p class="mid"> ____________________</p><br>
+
+<p class="mid">TYPOGRAPHIE DE L.-J. DEMERS ET FRÈRE<br>
+
+30--Rue de la Fabrique, Québec--30<br>
+ ____________________</p>
+
+
+<br><br><br>
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+<pre>
+
+
+
+
+
+End of the Project Gutenberg EBook of Les voix intimes, by J.-B. Caouette
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LES VOIX INTIMES ***
+
+***** This file should be named 19689-h.htm or 19689-h.zip *****
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+works. See paragraph 1.E below.
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+or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project
+Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual works in the
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+WARRANTIES OF MERCHANTIBILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.
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+1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the
+trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
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+with this agreement, and any volunteers associated with the production,
+promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works,
+harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees,
+that arise directly or indirectly from any of the following which you do
+or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
+work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
+Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.
+
+
+Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
+
+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
+electronic works in formats readable by the widest variety of computers
+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
+because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
+people in all walks of life.
+
+Volunteers and financial support to provide volunteers with the
+assistance they need, is critical to reaching Project Gutenberg-tm's
+goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation web page at http://www.pglaf.org.
+
+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
+http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
+permitted by U.S. federal laws and your state's laws.
+
+The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
+Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
+throughout numerous locations. Its business office is located at
+809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
+business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact
+information can be found at the Foundation's web site and official
+page at http://pglaf.org
+
+For additional contact information:
+ Dr. Gregory B. Newby
+ Chief Executive and Director
+ gbnewby@pglaf.org
+
+Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation
+
+Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
+spread public support and donations to carry out its mission of
+increasing the number of public domain and licensed works that can be
+freely distributed in machine readable form accessible by the widest
+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
+($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
+status with the IRS.
+
+The Foundation is committed to complying with the laws regulating
+charities and charitable donations in all 50 states of the United
+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
+considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
+with these requirements. We do not solicit donations in locations
+where we have not received written confirmation of compliance. To
+SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
+particular state visit http://pglaf.org
+
+While we cannot and do not solicit contributions from states where we
+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
+against accepting unsolicited donations from donors in such states who
+approach us with offers to donate.
+
+International donations are gratefully accepted, but we cannot make
+any statements concerning tax treatment of donations received from
+outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
+
+Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
+methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
+ways including checks, online payments and credit card
+donations. To donate, please visit: http://pglaf.org/donate
+
+
+Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
+works.
+
+Professor Michael S. Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm
+concept of a library of electronic works that could be freely shared
+with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project
+Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
+
+Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
+editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
+unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
+keep eBooks in compliance with any particular paper edition.
+
+Most people start at our Web site which has the main PG search facility:
+
+ http://www.gutenberg.org
+
+This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
+including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
+subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
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+jurisdictions other than the United States. Anyone seeking to utilize
+this eBook outside of the United States should confirm copyright
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