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diff --git a/.gitattributes b/.gitattributes new file mode 100644 index 0000000..6833f05 --- /dev/null +++ b/.gitattributes @@ -0,0 +1,3 @@ +* text=auto +*.txt text +*.md text diff --git a/19700-8.txt b/19700-8.txt new file mode 100644 index 0000000..2842bd0 --- /dev/null +++ b/19700-8.txt @@ -0,0 +1,4027 @@ +The Project Gutenberg EBook of Tendresses impériales, by Napoléon Bonaparte + +This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with +almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or +re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included +with this eBook or online at www.gutenberg.org + + +Title: Tendresses impériales + +Author: Napoléon Bonaparte + +Release Date: November 2, 2006 [EBook #19700] + +Language: French + +Character set encoding: ISO-8859-1 + +*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK TENDRESSES IMPÉRIALES *** + + + + +Produced by Chuck Greif, Mireille Harmelin and the Online +Distributed Proofreading Team at http://dp.rastko.net +(Produced from images of the Bibliothèque nationale de +France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr) + + + + + +[Note du transcripteur: + +Ce livre présente des lettres de Napoléon Bonaparte à sa première femme, +Joséphine de Beauharnais, et à la Comtesse Marie de Walewska. + +Rappelons que Napoléon Bonaparte eut deux épouses: + +--Joséphine Tascher de la Pagerie, veuve du général Beauharnais, qu'il +épousa en 1796 et dont il divorça en 1809 car Joséphine ne lui avait pas +donné l'héritier à la dynastie qu'il souhaitait;--Marie-Louise, fille +de l'empereur d'Autriche, qu'il épousa en 1810 et dont il eut un fils, +le roi de Rome (1811-1832), surnommé l'Aiglon. + +C'est pendant les pourparlers qui conduisirent au Traité de Tilsitt +signé en 1807 entre Napoléon 1er et le tsar Alexandre 1er de Russie, +traité qui eut pour conséquences le démembrement de la Prusse et la +reconstitution d'un État polonais (le Grand Duché de Varsovie), que +Napoléon fit la connaissance de la Comtesse Marie de Walewska, à +laquelle furent adressées quelques unes des lettres présentées dans ce +livre. + +Rappelons brièvement les épisodes successifs de la vie politique et +militaire de Napoléon Bonaparte: + +--en mars 1796, Bonaparte venait d'être nommé général en chef de +l'armée d'Italie pour combattre les Autrichiens. Il y remporta des +victoires restées fameuses: Castiglione, Arcole, Rivoli. Le Traité de +Campoformio (octobre 1797) mit fin à la guerre avec les Autrichiens. + +--en 1798-1799, ce fut la Campagne d'Égypte où Bonaparte fut vainqueur +aux Pyramides; mais la flotte française fut détruite par Nelson, à +Aboukir. + +--en 1800, ce fut la 2ème campagne d'Italie avec la victoire de +Marengo sur les Autrichiens. + +--Bonaparte devint premier Consul à la suite du coup d'État du 18 +brumaire an VIII (9 novembre 1799) puis fut sacré Napoléon 1er, Empereur +des Français, le 2 décembre 1804. + +--Ce fut ensuite une succession de batailles victorieuses, Austerlitz +(1805), Iéna (1806), Eylau et Friedland (1807), Wagram (1809). Mais il y +eut la défaite de Trafalgar (1805) où la flotte française fut détruite +par les Anglais. La Paix de Vienne fut signée le 14 octobre 1809. Puis +vinrent les désastres avec la Campagne de Russie (1812), la Campagne +d'Allemagne et la Défaite de Leipzig (octobre 1813), la Prise de Paris +par les Alliés (mars 1814), le Traité d'abdication de Fontainebleau +(avril 1814), l'exil à l'île d'Elbe, le Congrès de Vienne qui opéra la +liquidation du régime napoléonien en Europe, les Cent Jours (mars à +juillet 1815) après le retour de Napoléon de l'Ile d'Elbe, la Défaite de +Waterloo (juin 1815), la 2ème abdication, le 22 juin 1815 et le départ +pour son exil à Sainte-Hélène où il mourra en 1821.] + + * * * * * + + + + + NAPOLÉON BONAPARTE + + TENDRESSES IMPÉRIALES + + AVEC UNE LETTRE-PRÉFACE PAR ABEL GRI + + L'Amour est l'occupation de l'homme + oisif, la distraction du guerrier, l'écueil + du souverain. + (Napoléon Bonaparte) + + PARIS + BIBLIOTHÈQUE INTERNATIONALE D'ÉDITION + E. SANSOT & Cie + 9, rue de l'Éperon, 9 + MCMXIII + + IL A ÉTÉ TIRÉ DE CET OUVRAGE +25 EXEMPLAIRES NUMÉROTÉS SUR HOLLANDE + VAN GELDER ZONEN + +_Que diriez-vous d'une série qui grouperait les récits envoyés du +théâtre de leurs exploits à leurs maîtresses par nos héros et qui nous +les ferait voir dans l'instant où l'amour agit sur eux comme un ferment +d'héroïsme? Les lettres du jeune général en chef de l'armée d'Italie +ouvriraient cette collection._ + + (MAURICE BARRÈS) + +(Préface des «_Lettres du lieutenant-colonel Moll_».) + + * * * * * + + + + +TABLE DES MATIÈRES + + +Lettre-préface à M. Maurice Barrès +Lettres du Général en chef de l'armée d'Italie +Lettres de Bonaparte, Premier Consul +Lettres de Napoléon, Empereur +Lettres de Napoléon à Joséphine après le divorce +APPENDICES: +Dialogue sur l'amour +La femme et le Code Napoléon: Code civil +Code pénal +Lettres à Mme Walewska + + * * * * * + + + + +LETTRE-PRÉFACE À MAURICE BARRÈS + + +_Voir réunies, en une page d'héroïsme et de passion, les lettres d'amour +du jeune général en chef de l'armée d'Italie, c'est une idée qui vous +fut chère et que voici réalisée._ + +_En y joignant le «Dialogue sur l'Amour» qu'écrivit le jeune lieutenant +d'artillerie et les billets fiévreux que l'Empereur fit parvenir à Marie +Walewska, nous ajoutons les clartés et les ombres qui feront mieux +valoir la figure du héros._ + +_Il n'est pas jusqu'à cet âpre énoncé des articles du Code qui, comme la +gravure sévère de quelque eau-forte, ne puisse fixer dans notre cerveau +la pensée austère du Maître._ + +_Nous ne dirons pas l'histoire de ses amours. Si nous les savons +multiples, nous avons retenu qu'elles ne l'obsédèrent pas. Sans les +considérer comme une tare, il pensait justement qu'elles étaient un mal +inévitable à l'homme sans foyer, et que, pour cette raison, mieux valait +les taire et les cacher._ + +_C'est encore l'aimer que de ne pas attacher d'importance aux actes de +sa vie qu'il estimait négligeables._ + +_Aussi, sa tendresse pour Marie Walewska n'aura-t-elle que l'agrément +d'une faiblesse s'entourant de romantisme._ + +_Elle aura le charme troublant d'une page de littérature où l'amour +discute l'être aimé à la curiosité des foules et à la raillerie des +pamphlétaires. Malgré ses moments de véritable grandeur et malgré +l'inaltérable souvenir qu'il lui garda, l'aventure polonaise ne restera +qu'une aventure, sans doute plus longue, plus relevée parmi les autres, +mais dont on n'a pas à chercher les conséquences, parce qu'elle ne +pouvait pas en avoir dans la pensée et par la volonté du héros._ + +_L'idée du rétablissement d'un royaume par l'intervention de l'amour ne +sera qu'une chimère conçue par l'héroïne et narrée avec volupté par les +écrivains épris de son histoire._ + +_L'ascension au trône d'une concubine n'est qu'une autre folie de ceux +qui s'ingénièrent à voir un passionné chez Napoléon._ + +_Il eût été plus vrai de dire que par Napoléon l'amour n'est ni +recherché, ni surtout glorifié. Il est combattu. L'Empereur ne l'accepte +que dans le mariage, sans l'y croire nécessaire. Pour lui, le mariage +est un devoir social. C'est un acte légitime que nous devons accomplir, +que le souverain doit imposer à ses sujets et à l'accomplissement duquel +il prêtera son encouragement. C'est un moyen de fonder une famille, une +nation, une dynastie. Si fragiles que soient des unions que, seule, la +volonté explique, il les veut définitives. Si le divorce est inscrit +dans ses lois, ce n'est qu'entouré de mille entraves qui le rendent +difficile à appliquer et d'aspect si redoutable que la plupart des +solliciteurs s'en détournent. Il croit qu'il n'est rien de durable que +ce qu'a bâti la volonté tenace. Il sait que les énergies sont rares et +que la foule, quoique mobile, est soumise, parce que craintive. La +rigueur de ses lois forcera son peuple à la vertu._ + +_Aussi l'amour n'apparaît à ses yeux que comme un libertinage. Il le +voit sous son aspect physique, et de suite il entrevoit les déchéances +où conduisent les passions. Économe de l'énergie de son peuple comme de +la sienne, il utilise même les circonstances quotidiennes pour bannir de +son entourage l'idée de l'amour et l'habituer à des pensées plus +austères. La perte d'une amante provoque-t-elle un suicide parmi ses +troupes, de suite il fait lire une proclamation dans laquelle il est dit +qu'«un soldat doit vaincre la douleur et la mélancolie de ses passions». +L'histoire ne dit pas quelle femme fut cause de ce drame. Maîtresse ou +épouse, la proclamation eût été la même. Dans sa pensée, l'homme se doit +à une tâche plus sévère que celle d'aimer. L'amour est l'affaire des +femmes, dont il exige la fidélité. Non pas qu'en soi il donne une grande +importance à l'adultère. Il le dit «commun» et c'est une «affaire de +canapé». Mais s'il le comprend, il ne l'excuse pas et les moeurs +qu'imposera son exemple contribueront à en diminuer les causes. Il veut +les épouses respectées. Il écarte d'elles les galants, supprimant ainsi +toutes excuses à leur faute. Si malgré tant de soins la trahison n'a pu +être évitée, il se gardera bien de l'ébruiter, d'user même de l'autorité +de ses lois. Il sait qu'un malheur conjugal ne doit pas s'avouer._ + +_Ceci explique le ton enjoué de ses lettres à Joséphine, où les rares +menaces sont plutôt des avis de discrétion. Alors il écrit: «Ne te fie +pas, et je te conseille de te bien garder la nuit, car une de ces +prochaines tu entendras grand bruit.»_ + +_Aussi sa correspondance est-elle d'une lecture passionnante et +triste._ + +_Bonaparte, à vingt-six ans_[1], _se marie avec Joséphine, âgée de +quelques années de plus que lui_[2]. _Elle est veuve. Elle est créole. +Elle a passé sa vie dans l'oisiveté. Celle du jeune Bonaparte s'est +passée dans l'étude et dans les combats. Il ne sait des femmes et de +l'amour que ce qu'il en a observé avec une amère justesse. Mais que peut +l'observation d'un jeune homme quand, pour la combattre, on a le visage, +la grâce de séduction et l'expérience de Joséphine._ + +[Note 1: Né en 1769.] + +[Note 2: Née à la Martinique en 1763. Elle avait 32 ans.] + +_Pour conquérir une place, une fortune, un droit aux honneurs, elle usa +de la seule arme qui était en son pouvoir. Une prescience lui disait que +tout cela, ce jeune homme timide avec elle, mais énergique avec les +événements, saurait le lui offrir._ + +_Et il en fut ainsi._ + +_Dès le soir du mariage, c'est, de la rue Chante-reine, le hâtif départ +vers la gloire. Et bientôt les nouvelles parviennent, apportant chacune +l'annonce d'un triomphe, d'un pas vers l'empire dont elle rêve peut-être +dans son imagination orientale, mais certainement l'assurance d'un peu +plus de cet argent dont elle se montrera si prodigue._ + +_Pendant qu'il écrit ces fiévreux billets le soir, sous la tente, parmi +l'éparpillement des cartes et des rapports, lorsque dorment ses soldats +harassés, Joséphine, oublieuse des promesses récentes, se laisse aller à +l'ardeur de son tempérament. Bonaparte en reçoit la nouvelle en Égypte. +De suite il songe au divorce. Ce qu'il y a de brutal et d'orgueilleux +dans son caractère lui présente ce moyen prompt de sauver son honneur._ + +_Mais bientôt il fait un lent et puissant effort sur lui-même, +s'appliquant à discuter, à peser la gravité et les conséquences de la +rupture._ + +_Il commande un corps d'expédition. Il a décidé d'atteindre le pouvoir à +son retour en France. Des ennemis l'entourent. Ira-t-il prêter le flanc +aux railleries en faisant connaître à tous ce qui n'est su que de +quelques-uns? Ainsi les années passent. Il grandit dans sa puissance. En +Italie, il est trop tard déjà pour exiger cette réparation. La blessure +est plus ancienne aussi. Il la pourra supporter. Les efforts faits pour +reconquérir Joséphine sont restés vains. Il eût fallu qu'il demeurât +près d'elle à la distraire, à la choyer. Mais son destin l'appelait aux +armées._ + +_La certitude de toute maternité impossible chez l'Impératrice, seule, +le détermina à la rupture. Encore ne put-il l'accepter définitive. Il +sentit le besoin de la savoir proche de lui et heureuse par ses soins._ + +_Perpétuel combat entre l'amour et la destinée, voilà toute la vie de +Napoléon avec Joséphine._ + +_Maintenant que nous connaissons les idées de l'Empereur sur l'amour et +le mariage, on peut demeurer surpris de voir sa conduite._ + +_Quand on songe qu'il avoua ses maîtresses à Joséphine, lui présenta +Mme Walewska, et que l'ayant répudiée il ne voulut cesser de la voir, +quelle extraordinaire complexité de caractère ne découvre-t-on pas en +lui!_ + +_Deux causes expliquent cette conduite; l'éducation littéraire de +Bonaparte et le rôle d'initiatrice de Joséphine._ + +_Napoléon dans sa rudesse garde un fond de rêverie qui combat sans cesse +son positivisme natif. Cela il le doit à sa jeunesse isolée, malheureuse +même, dépourvue de caresses et de cet argent avec lequel s'achètent les +illusions de celles-ci. Il a vu des femmes, sans doute, mais leurs rangs +si supérieurs au sien l'ont forcé à n'être que tendre et «troubadour» +auprès d'elles. Ce furent les idylles de Valence. De celles qui se +donnent, il connaît seulement les filles vénales comme celle interrogée +un soir de fièvre sous les galeries du Palais-Royal._ + +_La lecture de Rousseau l'exalta. Il a rêvé une Mme de Warens. Il +croit la découvrir dans cette créole s'offrant à lui, prestigieuse, +entourée du souvenirs de son Orient natal. Il l'aime d'autant plus qu'il +n'osait espérer lui plaire._ + +_De son côté, Joséphine trouva de l'agrément à séduire ce jeune homme +qu'elle savait chaste. Pour cette voluptueuse c'était une conquête bien +tentante. Ce que furent leur fièvre, nous le devinons. Dans leur hâte de +possession, ils ne surent attendre leur mariage._ + +_Tout ce qu'une femme dont l'amour est la seule pensée peut mettre de +science, de raffinement, de recherche dans l'étreinte, il est certain +que Joséphine le révéla à Bonaparte étonné et ravi. Pour elle il fut un +jouet. Elle le trouva même «drôle» et par ce plaisir qu'elle donnait +contre toute attente elle le posséda. De lui avoir fait connaître un +amour qu'il imaginait seulement dans les romans, Bonaparte lui en fut +toute sa vie reconnaissant. Ce conquérant l'aime parce qu'elle l'a +vaincu, qu'elle l'a su tenir, lassé, près d'elle et cependant heureux._ + +_Aussi il aura pour elle des empressements de petit-maître, de délicates +attentions, des pardons même. Elle peut tout faire: le tromper, se +vendre et s'endetter. Qu'importe! Il sait qu'il trouvera en elle un +superbe instrument de plaisir plus vibrant et plus riche que tous les +autres._ + +_Aux heures de réflexion, dans les nuits aux camps, sa pensée s'applique +à comprendre Joséphine. Il évoque les amants à qui elle se donne avec la +même fougue qu'à lui-même. Si, dans son instinct de mâle, il est jaloux, +sa fierté d'homme ne se révolte pas. Il sait qu'il n'a qu'à reparaître +pour les lui faire oublier tous. Sa gloire, sa richesse lui ajoutent un +prestige dont il connaît la force. «Ce qu'on aime en nous c'est notre +bonheur», pense-t-il. Il se dit aussi qu'une femme dont les sens sont si +prompts ne pourra jamais commander à l'esprit d'un homme. Pas plus +qu'elle ne se souvient de lui absent, il ne redoute de subir son action +quand il l'a quittée. Cela le séduit d'avoir une femme ne songeant qu'à +le distraire sans penser à le commander. Enfin c'est surtout parce +qu'elle fut l'initiatrice qu'il ne l'oublie jamais. Elle peut vieillir +et avec l'âge voir s'éteindre la possibilité des étreintes. Qu'importe! +Elle l'a fait vibrer avant toutes les autres. S'il n'hésite pas même à +lui avouer ses infortunes galantes, c'est qu'il est certain de trouver +sur son sein un mol oreiller pour sa peine et dans ses mains, qui eurent +tant de luxurieuses caresses, une dernière étreinte pour apaiser son +coeur. Il sait qu'elle l'aidera à dénouer d'aventureuses liaisons, +trouvant dans cette compromission l'agrément de se voir rechercher +encore._ + +_Vu de la sorte, le caractère de Napoléon apparaît sans étrangeté. Il +s'est imposé, où son esprit le conduisait de n'avoir d'autre maître que +lui et à laisser la femme en marge de sa pensée._ + +_Une conception de la vie entièrement consacrée à la réalisation ferme +d'un grand projet oblige à ne considérer les autres sentiments que comme +des plaisirs et à faire que ceux qui les éveillent en nous ne puissent +devenir rien autre que des amuseurs._ + +_L'esprit pourra s'ingénier à concevoir une vie calme où les droits de +la famille et ceux du devoir seront Justement équilibrés, il semble +qu'une loi conduise les êtres supérieurs à ne pas s'y arrêter. Ce calme, +ce repos familial, dans les minutes de découragement ils regretteront +parfois de ne l'avoir pas, mais ne s'attarderont pas à cette mélancolie. +Immenses dans leurs besoins, ceux dont Napoléon a dit qu'ils «étaient +des météores, destinés à brûler pour éclairer la terre» seront toujours +conduits à s'éprendre de et qui sera énervant comme le sont la lutte et +les courtisanes, si l'on veut entendre par courtisanes non les filles +simplement vénales, mais celles qui trouvent à se donner une +satisfaction aussi vive que le guerrier à vaincre. Pour les courtisanes +et pour le conquérant, l'or et le butin de l'amant et du vaincu sont les +conséquences naturelles, mais négligeables d'une action puissante. +Offrandes et rançons seront vite dissipées, et de tant de fortunes et de +conquêtes il ne ratera pour l'éternité que l'immense souvenir de leur +agitation._ + +_Napoléon cherchant la femme qui l'aimera pour lui-même et n'aimera que +lui, l'artiste demandant celle qui le comprendra et lui construira un +foyer, obéissent à une loi de contraste de notre esprit. En donnant +Joséphine à Napoléon et d'ardentes maîtresses aux chastes artistes, les +lois surnaturelles semblent avoir voulu surchauffer les sens de ces +héros pour mieux libérer leurs esprits en leur présentant de la femme +une idée physique et irrespectueuse à laquelle ils ne sauraient +s'attacher sans déchoir._ + +Abel GRI. + + * * * * * + + + + + TENDRESSES IMPÉRIALES + + *** + + +LETTRES DU GÉNÉRAL EN CHEF DE L'ARMÉE D'ITALIE + + + + +LETTRE I + +À Joséphine, à Milan. + + Marmirolo, le 29 messidor, 6 heures du soir + (17 Juillet 1796). + + +Je reçois ta lettre, mon adorable amie; elle a rempli mon coeur de joie. +Je te suis obligé de la peine que tu as prise de me donner de tes +nouvelles; ta santé doit être meilleure aujourd'hui; je suis sûr que tu +es guérie. Je t'engage fort à monter à cheval, cela ne peut pas manquer +de te faire du bien. + +Depuis que je t'ai quittée, j'ai toujours été triste. Mon bonheur est +d'être près de toi. Sans cesse je repasse dans ma mémoire tes baisers, +tes larmes, ton aimable jalousie, et les charmes de l'incomparable +Joséphine allument sans cesse une flamme vive et brûlante dans mon coeur +et dans mes sens. Quand, libre de toute inquiétude, de toute affaire, +pourrai-je passer tous mes instants près de toi, n'avoir qu'à t'aimer, +et ne penser qu'au bonheur de te le dire et de te le prouver? Je +t'enverrai ton cheval; mais j'espère que tu pourras me rejoindre. Je +croyais t'aimer il y a quelques jours; mais, depuis que je t'ai vue, je +sens que je t'aime mille fois plus encore. Depuis que je te connais, je +t'adore tous les jours davantage: cela prouve combien la maxime de La +Bruyère, que _l'amour vient tout d'un coup_, est fausse. Tout, dans la +nature, a un cours et différents degrés d'accroissement. Ah! je t'en +prie, laisse-moi voir quelques-uns de tes défauts; sois moins belle, +moins gracieuse, moins tendre, moins bonne surtout; surtout ne sois +jamais jalouse, ne pleure jamais; tes larmes m'ôtent la raison, brûlent +mon sang. Crois bien qu'il n'est plus en mon pouvoir d'avoir une pensée +qui ne soit pas a toi, et une idée qui ne te soit pas soumise. + +Repose-toi bien. Rétablis vite ta santé. Viens me rejoindre; et, au +moins, qu'avant de mourir, nous puissions dire: «Nous fûmes tant de +jours heureux!!» + +Millions de baisers et même à Fortuné[3], en dépit de sa méchanceté. + +BONAPARTE. + +[Note 3: Petit chien de Joséphine.] + + + + +LETTRE II + +À Joséphine, à Milan. + + Marmirolo, le 19 messidor, 9 heures après-midi + (18 juillet 1796). + + +J'ai passé toute la nuit sous les armes. J'aurais eu Mantoue par un coup +hardi et heureux; mais les eaux du lac ont promptement baissé, de sorte +que ma colonne qui était embarquée n'a pu arriver. Ce soir, je +recommence d'une autre manière, mais cela ne donnera pas des résultats +aussi satisfaisants. + +Je reçois une lettre d'Eugène, que je t'envoie. Je te prie d'écrire de +ma part à ces aimables enfants et de leur envoyer quelques bijoux. +Assure-les bien que je les aime comme mes enfants. Ce qui est à toi ou à +moi se confond tellement dans mon coeur, qu'il n'y a aucune différence. + +Je suis fort inquiet de savoir comment tu te portes, ce que tu fais. +J'ai été dans le village de Virgile, sur les bords du lac, au clair +argentin de la lune, et pas un instant sans songer à Joséphine! + +L'ennemi a fait le 28 une sortie générale; il nous a tué ou blessé deux +cents hommes, il en a perdu cinq cents en rentrant avec précipitation. + +Je me porte bien. Je suis tout à Joséphine, et je n'ai de plaisir ni de +bonheur que dans sa société. + +Trois régiments napolitains sont arrivés à Brescia; ils se sont séparés +de l'armée autrichienne, en conséquence de la convention que j'ai +conclue avec M. Pignatelli. + +J'ai perdu ma tabatière; je te prie de m'en choisir une un peu plate, et +d'y faire écrire quelque chose dessus, avec tes cheveux. + +Mille baisers aussi brûlants que tu es froide. Amour sans bornes et +fidélité à toute épreuve. Avant que Joseph[4] parte, je désire lui +parler. + +BONAPARTE. + +[Note 4: Frère aîné de Napoléon, devenu roi d'Espagne.] + + + + +LETTRE III + +À Joséphine, à Milan. + + Marmirolo, 1er thermidor an IV (19 juillet 1790). + + +Il y a deux jours que je suis sans lettres de toi. Voilà trente fois +aujourd'hui que je me suis fait cette observation, tu sens que cela est +bien triste; tu ne peux pas douter cependant de la tendre et unique +sollicitude que tu m'inspires. + +Nous avons attaqué hier Mantoue. Nous l'avons chauffée avec deux +batteries à boulets rouges et des mortiers. Toute la nuit cette +misérable ville a brûlé. Ce spectacle était horrible et imposant. Nous +nous sommes emparés de plusieurs ouvrages extérieurs, nous ouvrons la +tranchée cette nuit. Je vais partir pour Castiglione demain avec le +quartier général, et je compte y coucher. + +J'ai reçu un courrier de Paris. Il y avait deux lettres pour toi; je les +ai lues. Cependant, bien que cette action me paraisse toute simple et +que tu m'en aies donné la permission l'autre jour, je crains que cela ne +te fâche, et cela m'afflige bien. J'aurais voulu les recacheter: fi! ce +serait une horreur. Si je suis coupable, je te demande grâce; je te jure +que ce n'est pas par jalousie; non, certes, j'ai de mon adorable amie +une trop grande opinion pour cela. Je voudrais que tu me donnasses +permission entière de lire tes lettres; avec cela il n'y aurait plus de +remords ni de crainte. + +Achille arrive en courrier de Milan; pas de lettres de mon adorable +amie! Adieu, mon unique bien. Quand pourras-tu venir me rejoindre? Je +viendrai te prendre moi-même à Milan. + +Mille baisers aussi brûlants que mon coeur, aussi purs que toi. + +Je fais appeler le courrier; il me dit qu'il est passé chez toi, et que +tu lui as dit que tu n'avais rien à lui ordonner. Fi! méchante, laide, +cruelle, tyranne, petit joli monstre! Tu te ris de mes menaces, de mes +sottises; ah! si je pouvais, tu sais bien, t'enfermer dans mon coeur, je +t'y mettrais en prison. + +Apprends-moi que tu es gaie, bien portante et bien tendre. + +BONAPARTE. + + + + +LETTRE IV + +À Joséphine, à Milan. + + Castiglione, le 9 thermidor an IV, 8 heures du matin + (21 juillet 1796). + + +J'espère qu'en arrivant ce soir je recevrai une de tes lettres. Tu sais, +ma chère Joséphine, le plaisir qu'elles me font, et je suis sûr que tu +te plais à les écrire. Je partirai cette nuit pour Peschiera, pour les +montagnes de..., pour Vérone et de là j'irai à Mantoue et peut-être à +Milan, recevoir un baiser, puisque tu m'assures qu'ils ne sont pas +glacés; j'espère que tu seras parfaitement rétablie alors, et que tu +pourras m'accompagner à mon quartier général pour ne plus me quitter. +N'es-tu pas l'âme de ma vie et le sentiment de mon coeur? + +Tes protégés sont un peu vifs, ils sentent l'ardent. Combien je leur +suis obligé de faire en eux quelque chose qui te soit agréable. Ils se +rendront à Milan. Il faut en tout un peu de patience. + +Adieu, belle et bonne, toute non pareille, toute divine; mille baisers +amoureux. + +BONAPARTE. + + + + +LETTRE V + +À Joséphine, à Milan. + + Castiglione, 4 thermidor an IV (22 juillet 1796). + + +Les besoins de l'armée exigent ma présence dans ces environs; il est +impossible que je puisse m'éloigner jusqu'à venir à Milan; il me +faudrait cinq à six jours et il peut arriver pendant ce temps-là des +mouvements où ma présence pourrait être urgente ici. + +Tu m'assures que ta santé est bonne; je te prie en conséquence de venir +à Brescia. J'envoie à l'heure même Murat pour t'y préparer un logement +dans la ville, comme tu le désires. + +Je crois que tu feras bien d'aller coucher le 6 à Cassano, en partant +fort tard de Milan, et de venir le 7 à Brescia, où le plus tendre des +amants t'attend. Je suis désespéré que tu puisses croire, ma bonne amie, +que mon coeur puisse s'ouvrir à d'autres qu'à toi; il t'appartient par +droit de conquête et cette conquête sera solide, et éternelle. Je ne +sais pourquoi tu me parles de Mme Te..., dont je me soucie fort peu, +ainsi que des femmes de Brescia. Quant à tes lettres qu'il te fâche que +j'ouvre, celle-ci sera la dernière; ta lettre n'était pas arrivée. + +Adieu, ma tendre amie, donne-moi souvent de tes nouvelles. Viens +promptement me joindre et sois heureuse et sans inquiétude; tout va +bien, et mon coeur est à toi pour la vie. + +Aie soin de rendre à l'adjudant général Miollis la boîte de médailles +qu'il m'écrit t'avoir remise. Les hommes sont si mauvaise langue et si +méchants qu'il faut se mettre en règle sur tout. + +Santé, amour et prompte arrivée à Brescia. + +J'ai à Milan une voiture à la fois de ville et de campagne; tu te +serviras de celle-là pour venir. Porte avec toi ton argenterie et une +partie des objets qui te sont nécessaires. Voyage à petites journées et +pendant le frais, afin de ne pas te fatiguer. La troupe ne met que trois +jours pour se rendre à Brescia. Il y a, en poste, pour quatorze heures +de chemin. Je t'invite à coucher le 6 à Cassano; je viendrai à ta +rencontre le 7, le plus loin possible. + +Adieu, ma Joséphine. Mille tendres baisers. + +BONAPARTE. + + + + +LETTRE VI + +À Joséphine, à Milan. + + Brescia, le 13 fructidor an IV (10 août 1796). + + +J'arrive, mon adorée amie, ma première pensée est de t'écrire. Ta santé +et ton image ne sont pas sorties un instant de ma mémoire pendant toute +la route. Je ne serai tranquille que lorsque j'aurai reçu des lettres de +toi. J'en attends avec impatience. Il n'est pas possible que tu te +peignes mon inquiétude. Je t'ai laissée triste, chagrine et demi-malade. +Si l'amour le plus profond et le plus tendre pouvait te rendre heureuse, +tu devrais l'être.... Je suis accablé d'affaires. + +Adieu, ma douce Joséphine; aime-moi, porte-toi bien et pense souvent, +souvent à moi. + +BONAPARTE. + + + + +LETTRE VII + +À Joséphine, à Milan. + + Brescia, le 14 fructidor an IV (31 août). + + +Je pars à l'instant pour Vérone. J'avais espéré recevoir une lettre de +toi; cela me met dans une inquiétude affreuse. Tu étais un peu malade +lors de mon départ; je t'en prie, ne me laisse pas dans une pareille +inquiétude. Tu m'avais promis plus d'exactitude; ta langue était +cependant bien d'accord alors avec ton coeur... Toi, à qui la nature a +donné douceur, aménité et tout ce qui plaît, comment peux-tu oublier +celui qui t'aime avec tant de chaleur? Trois jours sans lettres de toi; +je t'ai cependant écrit plusieurs fois. L'absence est horrible, les +nuits sont longues, ennuyeuses et fades; la journée est monotone. + +Aujourd'hui, seul avec les pensées, les travaux, les écritures, les +hommes et leurs fastueux projets, je n'ai pas même un billet de toi que +je puisse presser contre mon coeur. + +Le quartier général est parti; je pars dans une heure. J'ai reçu cette +nuit un exprès de Paris; il n'y avait pour toi que la lettre ci-jointe +qui te fera plaisir. + +Pense à moi, vis pour moi, sois souvent avec ton bien-aimé et crois +qu'il n'est pour lui qu'un seul malheur qui l'effraie, ce serait de +n'être plus aimé de sa Joséphine. Mille baisers bien doux, bien tendres, +bien exclusifs. + +Fais partir de suite M. Monclas pour Vérone; je le placerai. Il faut +qu'il soit arrivé avant le 18. + +BONAPARTE. + + + + +LETTRE VIII + +À Joséphine, à Milan. + + Ala, le 17 fructidor an IV (3 septembre 1796). + + +Nous sommes en pleine campagne, mon adorable amie; nous avons culbuté +les postes ennemis; nous leur avons pris huit ou dix chevaux avec un +pareil nombre de cavaliers. La troupe est très gaie et bien disposée. +J'espère que nous ferons de bonnes affaires et que nous entrerons dans +Trente le 10. + +Point de lettres de toi; cela m'inquiète vraiment; l'on m'assure +cependant que tu te portes bien et que même tu as été te promener au lac +de Côme. J'attends tous les jours et avec impatience le courrier où tu +m'apprendras de tes nouvelles; tu sais combien elles me sont chères. Je +ne vis pas loin de toi; le bonheur de la vie est près de ma douce +Joséphine. Pense à moi! Écris-moi souvent, bien souvent; c'est le seul +remède à l'absence; elle est cruelle, mais sera, j'espère, momentanée. + +BONAPARTE. + + + + +LETTRE IX + +À Joséphine, à Milan. + + Montebello, le 24 fructidor an IV, à midi + (10 septembre 1796). + + +L'ennemi a perdu, ma chère amie, dix-huit mille hommes prisonniers; le +reste est tué ou blessé. Wurmser, avec une colonne de quinze cents +chevaux et cinq mille hommes d'infanterie, n'a plus d'autre ressource +que de se jeter dans Mantoue. + +Jamais nous n'avons eu de succès aussi constants et aussi grands. +L'Italie, le Frioul, le Tyrol sont assurés à la République. Il faut que +l'empereur crée une seconde armée; artillerie, équipages de pont, +bagages, tout est pris. + +Sous peu de jours nous nous verrons; c'est la plus douce récompense de +mes fatigues et de mes peines. + +Mille baisers ardents et bien amoureux. + +BONAPARTE. + + + + +LETTRE X + +À Joséphine, à Milan. + + Ronco, le 26 fructidor an IV, à 10 heures du matin + (12 septembre 1706). + + +Je suis ici, ma chère Joséphine, depuis deux jours, mal couché, mal +nourri et bien contrarié d'être loin de toi. + +Wurmser est cerné; il a avec lui trois mille hommes de cavalerie et cinq +mille hommes d'infanterie. Il est à Porto-Legagno; il cherche à se +retirer à Mantoue; mais cela lui devient désormais impossible. Dès +l'instant que cette affaire sera terminée, je serai dans tes bras. + +Je t'embrasse un million de fois. + +BONAPARTE. + + + + +LETTRE XI + +À Joséphine, à Milan. + + Vérone, premier Jour complémentaire an IV + (le 17 septembre 1796). + + +Je t'écris, ma bonne amie, bien souvent, et toi peu. Tu es une méchante +et une laide, bien laide, autant que tu es légère. Cela est perfide, +tromper un pauvre mari, un tendre amant! Doit-il perdre ses droits parce +qu'il est loin, chargé de besogne, de fatigue et de peine? Sans sa +Joséphine, sans l'assurance de son amour, que lui reste-t-il sur la +terre? Qu'y ferait-il? + +Nous avons eu hier une affaire très sanglante; l'ennemi a perdu beaucoup +de monde et a été complètement battu. Nous lui avons pris le faubourg de +Mantoue. + +Adieu, adorable Joséphine; une de ces nuits, les portes s'ouvriront avec +fracas: comme un jaloux, et me voilà dans tes bras. + +Mille baisers amoureux. + +BONAPARTE. + + + + +LETTRE XII + +À Joséphine, à Milan. + + Modène, le 23 vendémiaire an V, à 9 heures du soir. + (17 octobre 1796). + + +J'ai été avant-hier toute la journée en campagne. J'ai gardé hier le +lit. La fièvre et un violent mal de tête, tout cela m'a empêché d'écrire +à mon adorable amie; mais j'ai reçu ses lettres; je les ai pressées +contre mon coeur et mes lèvres, et la douleur de l'absence, cent milles +d'éloignement, ont disparu. Dans ce moment je t'ai vue près de moi, non +capricieuse et fâchée, mais douce, tendre, avec cette onction de bonté +qui est exclusivement le partage de ma Joséphine. C'était un rêve; juge +si cela m'a guéri de la fièvre. Tes lettres sont froides comme cinquante +ans, elles ressemblent à quinze ans de mariage. On y voit l'amitié et +les sentiments de cet hiver de la vie. Fi! Joséphine!... C'est bien +méchant, bien mauvais, bien traître à vous. Que vous reste-t-il pour me +rendre bien à plaindre? Ne plus m'aimer? Eh! c'est déjà fait. Me haïr? +Eh bien! je le souhaite, tout avilit hors la haine; mais l'indifférence +au pouls de marbre, à l'oeil fixe, à la démarche monotone!... + +Mille, mille baisers bien tendres, comme mon coeur. + +Je me porte un peu mieux, je pars demain. Les Anglais évacuent la +Méditerranée. La Corse est à nous. Bonne nouvelle pour la France et pour +l'armée. + +BONAPARTE. + + + + +LETTRE XIII + +À Joséphine, à Milan. + + Vérone, le 10 brumaire an V (9 novembre 1790). + + +Je suis arrivé depuis avant-hier à Vérone, ma bonne amie. Quoique +fatigué, je suis bien portant, bien affairé et je t'aime toujours à la +passion. Je monte à cheval. + +Je t'embrasse mille fois. + +BONAPARTE. + + + + +LETTRE XIV + +À Joséphine, à Milan. + + Vérone, le 3 frimaire an V (13 novembre 1796). + + +Je ne t'aime plus du tout; au contraire, je te déteste. Tu es une +vilaine, bien gauche, bien bête, bien cendrillon. Tu ne m'écris pas du +tout, tu n'aimes pas ton mari; tu sais le plaisir que tes lettres lui +font, et tu ne lui écris pas six lignes jetées au hasard. + +Que faites-vous donc toute la journée, madame? Quelle affaire si +importante vous ôte le temps d'écrire à votre bien bon amant? Quelle +affection étouffe et met de côté l'amour, le tendre et constant amour +que vous lui avez promis? Quel peut être ce merveilleux, ce nouvel amant +qui absorbe tous vos instants, tyrannise vos journées et vous empêche de +vous occuper de votre mari? Joséphine, prenez-y garde, une belle nuit +les portes enfoncées et me voilà. + +En vérité, je suis inquiet, ma bonne amie, de ne pas recevoir de tes +nouvelles; écris-moi vite quatre pages et de ces aimables choses qui +remplissent mon coeur de sentiment et de plaisir. + +J'espère qu'avant peu je te serrerai dans mes bras, et je te couvrirai +d'un million de baisers brûlants comme sous l'équateur. + +BONAPARTE. + + + + +LETTRE XV + +À Joséphine, à Milan. + + Vérone, le 4 frimaire an V (24 novembre 1796). + + +J'espère bientôt, ma douce amie, être dans tes bras. Je t'aime à la +fureur. J'écris à Paris par ce courrier. Tout va bien. Wurmser a été +battu hier sous Mantoue. Il ne manque à ton mari que l'amour de +Joséphine pour être heureux. + +BONAPARTE. + + + + +LETTRE XVI + +À Joséphine, à Gênes. + + Milan, le 7 frimaire an V, à trois heures + après-midi (27 novembre 1796). + + +J'arrive à Milan, je me précipite dans ton appartement, j'ai tout quitté +pour te voir, te presser dans mes bras;... tu n'y étais pas: tu cours +les villes avec des fêtes; tu t'éloignes de moi lorsque j'arrive, tu ne +te soucies plus de ton cher Napoléon. Un caprice te l'a fait aimer, +l'inconstance te le rend indifférent. + +Accoutumé aux dangers, je sais le remède aux ennuis et aux maux de la +vie. Le malheur que j'éprouve est incalculable; j'avais droit de n'y pas +compter. + +Je serai ici jusqu'au 9 dans la journée. Ne te dérange pas; cours les +plaisirs; le bonheur est fait pour toi. Le monde entier est trop heureux +s'il peut te plaire, et ton mari seul est bien, bien malheureux. + +BONAPARTE. + + + + +LETTRE XVII + +À Joséphine, à Gênes. + + Milan, le 8 frimaire an V, 8 heures du soir + (28 novembre 1796). + + +Je reçois le courrier que Berthier avait expédié à Gênes. Tu n'as pas eu +le temps de m'écrire, je le sens facilement. Environnée de plaisirs et +de jeux, tu aurais tort de me faire le moindre sacrifice. + +Berthier a bien voulu me montrer la lettre que tu lui as écrite. Mon +intention n'est pas que tu déranges rien à tes calculs, ni aux parties +de plaisir qui te sont offertes; je n'en vaux pas la peine et le bonheur +ou le malheur d'un homme que tu n'aimes pas n'a pas le droit +d'intéresser. + +Pour moi, t'aimer seule, te rendre heureuse, ne rien faire qui puisse te +contrarier, voilà le destin et le but de ma vie. + +Sois heureuse, ne me reproche rien, ne t'intéresse pas à la félicité +d'un homme qui ne vit que de ta vie, ne jouit que de tes plaisirs et de +ton bonheur. Quand j'exige de toi un bonheur pareil au mien, j'ai tort: +pourquoi vouloir que la dentelle pèse autant que l'or? Quand je te +sacrifie tous mes désirs, toutes mes pensées, tous les instants de ma +vie, j'obéis à l'ascendant que tes charmes, ton caractère et toute ta +personne ont su prendre sur mon malheureux coeur. J'ai tort, si la +nature ne m'a pas donné les attraits pour te captiver; mais ce que je +mérite de la part de Joséphine ce sont des égards, de l'estime, car je +l'aime à la fureur et uniquement. + +Adieu, femme adorable; adieu, ma Joséphine. Puisse le sort concentrer +dans mon coeur tous les chagrins et toutes les peines, mais qu'il donne +à ma Joséphine des jours prospères et heureux. Qui le mérita plus +qu'elle? Quand il sera constaté qu'elle ne peut plus aimer, je +renfermerai ma douleur profonde, et je me contenterai de pouvoir lui +être utile et bon à quelque chose. + +Je rouvre ma lettre pour te donner un baiser... Ah! Joséphine!... +Joséphine!... + +BONAPARTE. + + + + +LETTRE XVIII + +À Joséphine, à Bologne. + + Le 28 pluviôse an V (16 février 1797). + + +Tu es triste, tu es malade, tu ne m'écris plus, tu veux t'en aller à +Paris. N'aimerais-tu plus ton ami? Cette idée me rend malheureux. Ma +douce amie, la vie est pour moi insupportable depuis que je suis +instruit de ta tristesse. + +Je m'empresse de t'envoyer Moscati, afin qu'il puisse te soigner. Ma +santé est un peu faible; mon rhume dure toujours. Je te prie de te +ménager, de m'aimer autant que je t'aime, et de m'écrire tous les jours. +Mon inquiétude est sans égale. + +J'ai dit à Moscati de t'accompagner à Ancône, si tu veux y venir. Je +t'écrirai là pour te faire savoir où je suis. + +Peut-être ferai-je la paix avec le Pape et serai-je bientôt près de toi; +c'est le voeu le plus ardent de mon âme. + +Je te donne cent baisers. Crois que rien n'égale mon amour, si ce n'est +mon inquiétude. Écris-moi tous les jours toi-même. Adieu, très chère +amie. + +BONAPARTE. + + + + +LETTRE XIX + +À Joséphine, à Bologne. + + Tolentino, 1er ventôse an V (19 février 1797). + + +La paix avec Rome vient d'être signée. Bologne, Ferrare, la Romagne sont +cédées à la République. Le Pape nous donne 30 millions dans peu de temps +et des objets d'art. + +Je pars demain matin pour Ancône, et, de là, pour Rimini, Ravenne et +Bologne. Si ta santé ta le permet, viens à Rimini ou Ravenne; mais +ménage-toi, je t'en conjure. + +Pas un mot de ta main, bon Dieu! qu'ai-je donc fait? Ne penser qu'à toi, +n'aimer que Joséphine, ne vivre que pour ma femme, ne jouir que du +bonheur de mon amie, cela doit-il me mériter de sa part un traitement si +rigoureux? Mon amie, je t'en conjure, pense souvent à moi et écris-moi +tous les jours. Tu es malade ou tu ne m'aimes pas! Crois-tu donc que mon +coeur soit de marbre? Et mes peines t'intéressent-elles si peu? Tu me +connaîtrais bien mal! Je ne le puis croire. Toi, à qui la nature a donné +l'esprit, la douceur et la beauté, toi qui seule pouvais régner dans mon +coeur, toi qui sais trop, sans doute, l'empire absolu que tu as sur moi! + +Écris-moi, pense à moi et aime-moi. + +Pour la vie tout à toi, + +BONAPARTE. + + + + +LETTRES DE BONAPARTE, PREMIER CONSUL + + + + +LETTRE XX + +À Joséphine, à Paris. + + Le 26 florial an VIII (10 mai 1800) + + +Je pars dans l'instant pour aller coucher à Saint-Maurice. Je n'ai point +reçu de lettres de toi, cela n'est pas bien; je t'ai écrit tous les +courriers. + +Eugène doit arriver après-demain. Je suis un peu enrhumé, mais cela ne +sera rien. + +Mille choses tendres à toi, ma bonne petite Joséphine, et à tout ce qui +t'appartient. + +BONAPARTE. + + + + +LETTRE XXI + +À Joséphine, à Plombières. + + Paris, le 27.....an X (1801). + + +Il fait si mauvais temps ici que je suis resté à Paris. Malmaison, sans +toi, est trop triste. La fête a été belle, elle m'a un peu fatigué. Le +vésicatoire que l'on m'a mis au bras me fait toujours souffrir beaucoup. + +J'ai reçu pour toi, de Londres, des plantes que j'ai envoyées à ton +jardinier. S'il fait aussi mauvais à Plombières qu'ici, tu souffriras +beaucoup des eaux. + +Mille choses aimables à maman et à Hortense. + +BONAPARTE. + + + + +LETTRE XXII + +À Joséphine, à Plombières. + + Malmaison, 30 prairial an XI (10 juin 1803). + + +Je n'ai pas encore reçu de tes nouvelles; je pense cependant que tu as +déjà dû commencer à prendre les eaux. Nous sommes ici un peu tristes, +quoique l'aimable fille fasse les honneurs de la maison à merveille. Je +me sens depuis deux jours légèrement tourmenté de ma douleur. Le gros +Eugène est arrivé hier au soir, il se porte à merveille. + +Je t'aime comme le premier jour, parce que tu es bonne et aimable +par-dessus tout. + +Hortense m'a dit qu'elle t'écrivait souvent. + +Mille choses aimables, et un baiser d'amour. Tout à toi. + +BONAPARTE. + + + + +LETTRE XXIII + +À Joséphine, à Plombières. + + Malmaison, 4 messidor an XI (23 juin 1803). + + +J'ai reçu ta lettre, ma bonne petite Joséphine. Je vois avec peine que +tu as souffert de la route; mais quelques jours de repos te feront du +bien. Je suis assez bien portant. J'ai été hier à la chasse à Marly et +je m'y suis blessé très légèrement à un doigt en tirant un sanglier. + +Hortense se porte assez bien. Ton gros fils a été un peu malade, mais il +va mieux. Je crois que ce soir ces dames jouent le _Barbier de Séville_. +Le temps est très beau. Je te prie de croire que rien n'est plus vrai +que les sentiments que j'ai pour ma petite Joséphine. + +Tout à toi. + +BONAPARTE. + + + + +LETTRE XXIV + +À Joséphine, à Plombières. + + Malmaison, le 3 messidor an XI (27 juin 1803). + + +Ta lettre, bonne petite femme, m'a appris que tu étais incommodée. +Corvisart m'a dit que c'était un bon signe, que les bains te feraient +l'effet désiré et qu'ils te mettraient dans un bon état. Cependant, +savoir que tu es souffrante est une peine sensible pour mon coeur. + +J'ai été voir hier la manufacture de Sèvres et Saint-Cloud. + +Mille choses aimables pour tous. + +Pour la vie. + +BONAPARTE. + + + + +LETTRE XXV + +À Joséphine, à Plombières. + + Malmaison, 12 messidor an XI (1er juillet 1803). + + +J'ai reçu ta lettre du 10 messidor. Tu ne me parles pas de ta santé ni +de l'effet des bains. Je vois que tu comptes être de retour dans huit +jours; cela fait grand plaisir à ton ami qui s'ennuie d'être seul!... + +Tu dois avoir vu le général Ney qui part pour Plombières: il se mariera +à son retour. + +Hortense a joué hier Rosine dans le _Barbier de Séville_ avec son +intelligence ordinaire. + +Je te prie de croire que je t'aime et suis fort impatient de te revoir. +Tout est triste ici sans toi. + +BONAPARTE. + + + + +LETTRES DE NAPOLÉON, EMPEREUR + + + + +LETTRE XXVI + +À l'Impératrice, à Aix-la-Chapelle. + + Boulogne, le 15 thermidor an XII + (3 août 1804). + + +Mon amie, j'espère apprendre bientôt que les eaux t'ont fait beaucoup de +bien. Je suis peiné de toutes les contrariétés que tu as éprouvées. Je +désire que tu m'écrives souvent. Ma santé est très bonne, quoique un peu +fatiguée. Je serai sous peu de jours à Dunkerque, d'où je t'écrirai. + +Eugène est parti pour Blois. + +Je te couvre de baisers. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE XXVII + +À l'Impératrice, à Aix-la-Chapelle. + + Calais, 18 thermidor an XII (6 août 1804). + + +Mon amie, je suis à Calais depuis minuit; je pense en partir ce soir +pour Dunkerque. Je suis content de ce que je vois et assez bien de +santé. Je désire que les eaux te fassent autant de bien que m'en font le +mouvement, la vue des camps et la mer. + +Eugène est parti pour Blois. Hortense se porte bien. Louis est à +Plombières. + +Je désire beaucoup te voir. Tu es toujours nécessaire à mon bonheur. +Mille choses aimables chez toi. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE XXVIII + +À Joséphine, à Strasbourg. + + Louisbourg, 13 vendémiaire an XIV (5 octobre 1805). + + +Je pars à l'instant pour continuer ma marche. Tu seras, mon amie, cinq +ou six jours sans avoir de mes nouvelles; ne t'en inquiète pas, cela +tient aux opérations qui vont avoir lieu. Tout va bien, et comme je le +pouvais espérer. + +J'ai assisté ici à une noce du fils de l'électeur avec une nièce du roi +de Prusse. Je désire donner une corbeille de trente-six mille à quarante +mille francs à la jeune princesse. Fais-la faire et envoie-la par un de +mes chambellans à la nouvelle mariée, lorsque ces chambellans viendront +me rejoindre. Il faut que ce soit fait sur-le-champ. + +Adieu, mon amie, je t'aime et t'embrasse. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE XXIX + +À l'Impératrice, à Strasbourg. + + Augsbourg, le 1er brumaire an XIV (23 octobre 1805). + + +Les deux dernières nuits m'ont bien reposé, et je vais partir demain +pour Munich. Je mande M. Talleyrand et M. Maret près de moi; je les +verrai peu et je vais me rendre sur l'Inn pour attaquer l'Autriche au +sein de ses États héréditaires. J'aurais bien désiré te voir, mais ne +compte pas que je t'appelle, à moins qu'il n'y ait un armistice ou des +quartiers d'hiver. + +Adieu, mon amie, mille baisers. Mes compliments à ces dames. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE XXX + +À l'Impératrice, à Strasbourg. + + Munich, le dimanche 5 brumaire an XIV (27 octobre 1805). + + +J'ai reçu par Lemarois ta lettre. J'ai vu avec peine que tu t'étais trop +inquiétée. L'on m'a donné des détails qui m'ont prouvé toute la +tendresse que tu me portes; mais il faut plus de force et de confiance. +J'avais d'ailleurs prévenu que je serais six jours sans l'écrire. + +J'attends demain l'électeur. À midi je pars pour confirmer mon mouvement +sur l'Inn. Ma santé est assez bonne. Il ne faut pas penser à passer le +Rhin avant quinze ou vingt jours. Il faut être gaie, t'amuser, et +espérer qu'avant la fin du mois nous nous verrons. + +Je m'avance contre l'armée russe. Dans quelques jours j'aurai passé +l'Inn. + +Adieu, ma bonne amie, mille choses aimables à Hortense, à Eugène et aux +deux Napoléon. + +Garde la corbeille quelque temps encore. + +J'ai donné hier aux dames de cette cour un concert. Le maître de +chapelle est un homme de mérite. + +J'ai chassé à une faisanderie de l'électeur: tu vois que je ne suis pas +si fatigué. + +M. de Talleyrand est arrivé. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE XXXI + +À l'Impératrice, à Strasbourg. + + Haag, le 11, à 10 heures du soir, brumaire an XIV + (3 novembre 1805). + + +Je suis en grande marche; le temps est très froid, la terre couverte +d'un pied de neige. Cela est un peu rude. Il ne manque heureusement pas +de bois; nous sommes ici toujours dans les forêts. Je me porte assez +bien. Mes affaires vont d'une manière satisfaisante; mes ennemis doivent +avoir plus de soucis que moi. + +Je désire avoir de tes nouvelles et apprendre que tu es sans inquiétude. + +Adieu, mon amie, je vais me coucher. + +Napoléon. + + + + +LETTRE XXXII + +À l'Impératrice, à Strasbourg. + + Mardi, 14 brumaire an XIV (5 novembre 1805). + + +Je suis à Lintz. Le temps est beau. Nous sommes à vingt-huit lieues de +Vienne. Les Russes ne tiennent pas; ils sont en grande retraite. La +maison d'Autriche est fort embarrassée; à Vienne, on évacue tous les +bagages de la cour. Il est probable que d'ici à cinq ou six jours il y +aura du nouveau, je désire bien te revoir. Ma santé est bonne. + +Je t'embrasse. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE XXXIII + +À l'impératrice, à Strasbourg. + + Le 24 brumaire, à 9 heures du soir, an XIV + (15 novembre 1805). + + +Je suis à Vienne depuis deux jours, ma bonne amie, un peu fatigué. Je +n'ai pas encore vu la ville de jour; je l'ai parcourue la nuit. Demain +je reçois les notables et les corps. Presque toutes mes troupes sont au +delà du Danube, à la poursuite des Russes. + +Adieu, ma Joséphine; du moment que cela sera possible, je te ferai +venir. Mille choses aimables pour toi. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE XXXIV + +À l'Impératrice, à Strasbourg. + + Vienne, 25 brumaire an XIV (18 novembre 1805). + + +J'écris à M. d'Harville pour que tu partes et que tu te rendes à Bade, +de là à Stuttgard et de là à Munich. Tu donneras, à Stuttgard, la +corbeille à la princesse Paul. Il suffit qu'il y ait pour quinze mille à +vingt mille francs; le restant sera pour faire des présents, à Munich, +aux filles de l'électrice de Bavière. Tout ce que tu as su pour Mme +de Serrent est définitivement arrangé. Porte de quoi faire des présents +aux dames et aux officiers qui seront de service près de toi. Sois +honnête, mais reçois tous les hommages: l'on te doit tout et tu ne dois +rien que par honnêteté. L'électrice de Wurtemberg est fille du roi +d'Angleterre, c'est une bonne femme, tu dois bien la traiter, mais +cependant sans affectation. + +Je serai bien aise de te voir du moment que mes affaires me le +permettront. Je pars pour mon avant-garde. Il fait un temps affreux, il +neige beaucoup; du reste, toutes mes affaires vont bien. + +Adieu, ma bonne amie. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE XXXV + +À l'Impératrice, à Munich. + + Austerlitz, 14 frimaire an XIV + (4 décembre 1805). + + +J'ai conclu une trêve. Les Russes s'en vont. La bataille d'Austerlitz +est la plus belle de toutes celles que j'ai données: quarante-cinq +drapeaux, plus de cent cinquante pièces de canon, les étendards de la +garde de Russie, vingt généraux, trente mille prisonniers, plus de vingt +mille tués; spectacle horrible! + +L'empereur Alexandre est au désespoir et s'en va en Russie. J'ai vu hier +à mon bivouac l'empereur d'Allemagne; nous causâmes deux heures; nous +sommes convenus de faire vite la paix. + +Le temps n'est pas encore très mauvais. Voilà enfin le repos rendu au +continent, il faut espérer qu'il va l'être au monde: les Anglais ne +sauraient nous faire front. + +Je verrai avec bien du plaisir le moment qui me rapprochera de toi. + +Il court un petit mal d'yeux qui dure deux jours, je n'en ai pas encore +été atteint. + +Adieu, ma bonne amie, je me porte assez bien et suis fort désireux de +t'embrasser. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE XXXVI + +À l'impératrice, à Munich. + + Schoenbrunn, 29 frimaire an XIV (20 décembre 1803). + + +Je reçois ta lettre du 25. J'apprends avec peine que tu es souffrante; +ce n'est pas là une bonne disposition pour faire cent lieues dans cette +saison. Je ne sais ce que je ferai: je dépends des événements; je n'ai +pas de volonté; j'attends tout de leur issue. Reste à Munich, amuse-toi; +ce n'est pas difficile, lorsqu'on a tant de personnes aimables et dans +un si beau pays. Je suis, moi, assez occupé. Dans quelques jours je +serai décidé. + +Adieu, mon amie; mille choses aimantes et tendres. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE XXXVII + +À l'Impératrice, à Mayence. + + Géra, le 13, à 2 heures du matin, 1806. + + +Je suis aujourd'hui à Géra, ma bonne amie; mes affaires vont fort bien +et tout comme je pouvais l'espérer. Avec l'aide de Dieu, en peu de jours +cela aura pris un caractère bien terrible, je crois, pour le pauvre roi +de Prusse, que je plains personnellement, parce qu'il est bon. La reine +est à Erfurt avec le roi. Si elle veut voir une bataille, elle aura ce +cruel plaisir. Je me porte à merveille; j'ai déjà engraissé depuis mon +départ; cependant je fais, de ma personne, vingt et vingt-cinq lieues +par jour, à cheval, en voiture, de toutes les manières. Je me couche à +huit heures et suis levé à minuit; je songe quelquefois que tu n'es pas +encore couchée. + +Tout à toi, + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE XXXVIII + +À l'Impératrice, à Mayence. + + 1er novembre, 2 heures du matin, 1806. + + +Talleyrand arrive et me dit, mon amie, que tu ne fais que pleurer. Que +veux-tu donc? Tu as ta fille, tes petits-enfants, et de bonnes +nouvelles; voilà bien des moyens d'être contente et heureuse. + +Le temps est ici superbe; il n'a pas encore tombé de toute la campagne +une seule goutte d'eau. Je me porte fort bien, et tout va au mieux. + +Adieu, mon amie; j'ai reçu une lettre de M. Napoléon; je ne crois pas +qu'elle soit de lui, mais d'Hortense. + +Mille choses à tout le monde. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE XXXIX + +À l'Impératrice, à Mayence. + + Le 6 novembre, à 9 heures du soir, 1806. + + +J'ai reçu ta lettre où tu me parais fâchée du mal que je dis des femmes; +il est vrai que je hais les femmes intrigantes au delà de tout. Je suis +accoutumé à des femmes bonnes, douces et conciliantes; ce sont celles +que j'aime. Si elles m'ont gâté, ce n'est pas ma faute, mais la tienne. +Au reste, tu verras que j'ai été fort bon pour une qui s'est montrée +sensible et bonne, Mme d'Hatzfeld. Lorsque je lui montrai la lettre +de son mari, elle me dit en sanglotant, avec une profonde sensibilité, +et naïvement: _Ah! c'est bien là son écriture!_ Lorsqu'elle lisait, son +accent allait à l'âme; elle me fit peine. Je lui dis: _Eh bien! madame, +jetez cette lettre au feu, je ne serai plus assez puissant pour faire +punir votre mari._ Elle brûla la lettre et me parut bien heureuse. Son +mari est depuis fort tranquille: deux heures plus tard, il était perdu. +Tu vois donc que j'aime les femmes bonnes, naïves et douces; mais c'est +que celles-là seules te ressemblent. + +Adieu, mon amie, je me porte bien. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE XL + +À l'Impératrice, à Mayence. + + Le 18 novembre 1806. + + +Je reçois ta lettre du 11 novembre. Je vois avec satisfaction que mes +sentiments te font plaisir. Tu as tort de penser qu'ils puissent être +flattés; je t'ai parlé de toi comme je te vois. Je suis affligé de +penser que tu t'ennuies à Mayence. Si le voyage n'était pas si long, tu +pourrais venir jusqu'ici, car il n'y a plus d'ennemis, ou il est au delà +de la Vistule, c'est-à-dire à plus de cent vingt lieues d'ici. +J'attendrai ce que tu en penses. Je serai bien aise aussi de voir M. +Napoléon. + +Adieu, ma bonne amie. + +Tout à toi, + +NAPOLÉON. + +J'ai ici encore trop d'affaires pour que je puisse retourner à Paris. + + + + +LETTRE XLI + +À l'Impératrice, à Mayence. + + Le 22 novembre, à 10 heures du soir, 1806. + + +Je reçois ta lettre. Je suis fâché de te voir triste; tu n'as cependant +que des raisons d'être gaie. Tu as tort de montrer tant de bonté à des +gens qui s'en montrent indignes. Mme L... est une sotte, si bête que +tu devrais la connaître et ne lui prêter aucune attention. Sois +contente, heureuse de mon amitié, de tout ce que tu m'inspires. Je me +déciderai dans quelques jours à t'appeler ici ou à t'envoyer à Paris. + +Adieu, mon amie; tu peux actuellement aller, si tu veux, à Darmstadt, à +Francfort; cela te dissipera. + +Mille choses à Hortense. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE XLII + +À l'Impératrice, à Mayence. + + Posen, le 2 décembre 1806. + + +C'est aujourd'hui l'anniversaire d'Austerlitz. J'ai été à un bal de la +ville. Il pleut. Je me porte bien. Je t'aime et te désire. Mes troupes +sont à Varsovie. Il n'a pas encore fait froid. Toutes ces Polonaises +sont Françaises; mais il n'y a qu'une femme pour moi. La connaîtrais-tu? +Je te ferais bien son portrait, mais il faudrait trop le flatter pour +que tu te reconnusses; cependant, à dire vrai, mon coeur n'aurait que de +bonnes choses à en dire. Ces nuits-ci sont longues, tout seul. + +Tout à toi, + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE XLIII + +À l'Impératrice, 4 Mayence. + + Le 3 décembre, à midi, 1806. + + +Je reçois ta lettre du 26 novembre, j'y vois deux choses: tu me dis que +je ne lis pas tes lettres; cela est mal pensé. Je te sais mauvais gré +d'une si mauvaise opinion. Tu me dis que ce pourrait être par quelque +rêve de la nuit et tu ajoutes que tu n'es pas jalouse. Je me suis aperçu +depuis longtemps que les gens colères soutiennent toujours qu'ils ne +sont pas colères, que ceux qui ont peur disent souvent qu'ils n'ont pas +peur; tu es donc convaincue de jalousie: j'en suis enchanté! Du reste, +tu as tort; je ne pense à rien moins et dans les déserts de la Pologne +l'on songe peu aux belles... J'ai eu hier un bal de la noblesse de la +province d'assez belles femmes, assez riches, assez mal mises, quoique à +la mode de Paris. + +Adieu, mon amie; je me porte bien. + +Tout à toi, + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE XLIV + +À l'Impératrice, à Mayence. + + Posen, le 3 décembre, à 6 heures du soir. + + +Je reçois ta lettre du 27 novembre, où je vois que ta petite tête s'est +montée. Je me suis souvenu de ce vers: + + Désir de femme est un feu qui dévore. + +Il faut cependant te calmer. Je t'ai écrit que j'étais en Pologne, que +lorsque les quartiers d'hiver seraient assis, tu pourrais venir; il faut +donc attendre quelques jours. Plus on est grand et moins on doit avoir +de volonté; l'on dépend des événements et des circonstances. Tu peux +aller à Francfort et à Darmstadt. J'espère sous peu de temps t'appeler; +mais il faut que les événements le veuillent. La chaleur de ta lettre me +fait voir que vous autres jolies femmes vous ne connaissez pas de +barrières; ce que vous voulez doit être; mais moi, je me déclare le plus +esclave des hommes: mon maître n'a pas d'entrailles, et ce maître c'est +la nature des choses. + +Adieu, mon amie; porte-toi bien. La personne dont j'ai voulu te parler +est Mme L... dont tout le monde dit bien du mal: l'on m'assure +qu'elle était plus Prussienne que Française. Je ne le crois pas; mais je +la crois une sotte qui ne dit que des bêtises. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE XLV + +À l'Impératrice, à Mayence. + + Le 10 décembre, 5 heures du soir, 1806. + + +Un officier m'apporte un tapis de ta part; il est un peu court et +étroit; je ne t'en remercie pas moins. Je me porte assez bien. Le temps +est fort variable. Mes affaires vont assez bien. Je t'aime et te désire +beaucoup. + +Adieu, mon amie; je t'écrirai de venir avec au moins autant de plaisir +que tu voudras. + +Tout à toi, + +NAPOLÉON. + +Un baiser à Hortense, à Stéphanie et à Napoléon. + + + + +LETTRE XLVI + +À l'Impératrice, à Mayence. + + Pultusk, le 31 décembre 1806. + + +J'ai bien ri en recevant tes dernières lettres. Tu te fais des belles de +la Pologne une idée qu'elles ne méritent pas. J'ai eu deux ou trois +jours de plaisir d'entendre Paër et deux chanteuses qui m'ont fait de +très bonne musique. J'ai reçu ta lettre dans une mauvaise grange, ayant +de la boue, du vent et de la paille pour tout lit. Je serai demain à +Varsovie. Je crois que tout est fini pour cette année. L'armée va entrer +en quartiers d'hiver. Je hausse les épaules de la bêtise de Mme de +L...; tu devrais cependant te fâcher et lui conseiller de n'être pas si +sotte. Cela perce dans le public et indigne bien des gens. + +Quant à moi, je méprise l'ingratitude comme le plus vilain défaut du +coeur. Je sais qu'au lieu de te consoler ils t'ont fait de la peine. + +Adieu, mon amie; je me porte bien. Je ne pense pas que tu doives aller à +Cassel; cela n'est pas convenable. Tu peux aller à Darmstadt. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE XLVII + +À l'Impératrice, à Mayence. + + Varsovie, le 3 janvier 1807. + + +J'ai reçu ta lettre, mon amie. Ta douleur me touche; mais il faut bien +se soumettre aux événements. Il y a trop de pays à traverser depuis +Mayence jusqu'à Varsovie; il faut donc que les événements me permettent +de me rendre à Berlin pour que je t'écrive d'y venir. Cependant l'ennemi +battu s'éloigne, mais j'ai bien des choses à régler ici. Je serais assez +d'opinion que tu retournasses à Paris, où tu es nécessaire. Renvoie ces +dames qui ont leurs affaires; tu gagneras d'être débarrassée de gens qui +ont dû bien te fatiguer. + +Je me porte bien; il fait mauvais. Je t'aime de coeur. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE XLVIII + +À l'Impératrice, à Mayence. + + Varsovie, 7 Janvier 1807. + + +Mon amie, je suis touché de tout ce que tu me dis; mais la saison +froide, les chemins très mauvais, peu sûrs, je ne puis donc consentir à +t'exposer à tant de fatigues et de dangers. Rentre à Paris pour y passer +l'hiver. Va aux Tuileries, reçois et fais la même vie que tu as +l'habitude de mener quand j'y suis; c'est là ma volonté. Peut-être ne +tarderai-je pas à t'y rejoindre, mais il est indispensable que tu +renonces à faire trois cents lieues dans cette saison, à travers des +pays ennemis, et sur les derrières de l'armée. Crois qu'il m'en coûte +plus qu'à toi de retarder de quelques semaines le bonheur de te voir, +mais ainsi l'ordonnent les événements et le bien des affaires. + +Adieu, ma bonne amie; sois gaie et montre du caractère. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE XLIX + +À l'Impératrice, à Mayence. + + Varsovie, le 8 janvier 1807. + + +Ma bonne amie, je reçois ta lettre du 27 avec celles de M. Napoléon et +d'Hortense qui y étaient jointes. Je t'avais priée de rentrer à Paris. +La saison trop mauvaise, les chemins peu sûrs et détestables, les +espaces trop considérables pour que je permette que tu viennes jusqu'ici +où mes affaires me retiennent. Il te faudrait au moins un mois pour +arriver. Tu y arriveras malade; il faudrait peut-être repartir alors; ce +serait donc folie. Ton séjour à Mayence est trop triste; Paris te +réclame; vas-y, c'est mon désir. Je suis plus contrarié que toi; j'eusse +aimé à partager les longues nuits de cette saison avec toi, mais il faut +obéir aux circonstances. + +Adieu, mon amie. + +Tout à toi, + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE L + +À l'Impératrice, à Mayence. + + Varsovie, le 11 Janvier 1807. + + +J'ai reçu ta lettre du 27, où je vois que tu étais un peu inquiète sur +les événements militaires. Tout est fini, comme je te l'ai mandé à ma +satisfaction, mes affaires vont bien. L'éloignement est trop +considérable pour que je permette que, dans cette saison, tu viennes si +loin. Je me porte fort bien, un peu ennuyé quelquefois de la longueur +des nuits. + +Je vois ici, jusqu'à cette heure, assez peu de monde. + +Adieu, mon amie; je désire que tu sois gaie et que tu donnes un peu de +vie à la capitale. Je voudrais fort y être. + +Tout à toi, + +NAPOLÉON. + +J'espère que la reine est allée à La Haye avec M. Napoléon. + + + + +LETTRE LI + +À l'Impératrice, à Mayence. + + Le 16 Janvier 1807. + +Ma bonne amie, j'ai reçu ta lettre du 5 janvier; tout ce que tu me dis +de ta douleur me peine. Pourquoi des larmes, du chagrin? N'as-tu donc +plus de courage? Je te verrai bientôt; ne doute jamais de mes sentiments +et, si tu veux m'être plus chère encore, montre du caractère et de la +force d'âme. Je suis humilié de penser que ma femme puisse se méfier de +mes destinées. + +Adieu, mon amie; je t'aime, je désire te voir et veux te savoir contente +et heureuse. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE LII + +À l'Impératrice, à Mayence. + + Varsovie, le 18 janvier 1807. + + +Je crains que tu n'aies bien du chagrin de notre séparation qui doit +encore se prolonger de quelques semaines et de ton retour à Paris. +J'exige que tu aies plus de force. L'on me dit que tu pleures toujours: +fi! que cela est laid! Ta lettre du 7 janvier me fait de la peine. Sois +digne de moi et prends plus de caractère. Fais à Paris la représentation +convenable et surtout sois contente. + +Je me porte très bien et je t'aime beaucoup; mais, si tu pleures +toujours, je te croirai sans courage et sans caractère; je n'aime pas +les lâches, une impératrice doit avoir du coeur. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE LIII + +À l'Impératrice, à Mayence. + + Varsovie, le 19 janvier 1807. + + +Mon amie, je reçois ta lettre; j'ai ri de ta peur du feu. Je suis +désespéré du ton de tes lettres et de ce qui me revient. Je te défends +de pleurer, d'être chagrine et inquiète; je veux que tu sois gaie, +aimable et heureuse. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE LIV + +À l'Impératrice, à Mayence. + + Le 23 janvier 1807. + + +Je reçois ta lettre du 15 janvier. Il est impossible que je permette à +des femmes un voyage comme celui-ci: mauvais chemins, chemins peu sûrs +et fangeux. Retourne à Paris, sois-y gaie, contente; peut-être y +serai-je aussi bientôt. J'ai ri de ce que tu me dis que tu as pris un +mari pour être avec lui; je pensais, dans mon ignorance, que la femme +était faite pour le mari, le mari pour la patrie, la famille et la +gloire; pardon de mon ignorance, l'on apprend toujours avec nos belles +dames. + +Adieu, mon amie; crois qu'il m'en coûte de ne pas te faire venir; +dis-toi: c'est une preuve combien je lui suis précieuse. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE LV + +À l'Impératrice, à Paris. + + Le 26, à midi, 1807. + + +Ma bonne amie, j'ai reçu ta lettre; je vois avec peine comme tu +t'affliges. Le pont de Mayence ne rapproche ni n'éloigne les distances +qui nous séparent. Rentre donc à Paris. Je serais fâché et inquiet de te +savoir si malheureuse et si isolée à Mayence. Tu comprends que je ne +dois, que je ne puis consulter que mon coeur, je serais avec toi ou toi +avec moi; car tu serais bien injuste si tu doutais de mon amour et de +tous mes sentiments. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE LVI + +À l'Impératrice, à Paris. + + Wittemberg, le 1er février, à midi, 1807. + + +Ta lettre du 11, de Mayence, m'a fait rire. Je suis aujourd'hui à +quarante lieues de Varsovie; le temps est froid mais beau. + +Adieu, mon amie; sois heureuse, aie du caractère. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE LVII + + À l'Impératrice, à Paris. + + +Mon amie, ta lettre du 20 janvier m'a fait de la peine; elle est trop +triste. Voilà le mal de ne pas être un peu dévote! Tu me dis que ton +bonheur fait ta gloire, cela n'est pas généreux; il faut dire: le +bonheur des autres fait ma gloire, cela n'est pas conjugal; il faut +dire: le bonheur de mon mari fait ma gloire, cela n'est pas maternel; il +faudrait dire: le bonheur de mes enfants fait ma gloire; or, comme les +peuples, ton mari, tes enfants ne peuvent être heureux qu'avec un peu de +gloire, il ne faut pas tant en faire fi! Joséphine, votre coeur est +excellent et votre raison faible; vous sentez à merveille, mais vous +raisonnez moins bien. + +Voilà assez de querelle; je veux que tu sois gaie, contente de ton sort, +et que tu obéisses, non en grondant et en pleurant, mais de gaité de +coeur et avec un peu de bonheur. + +Adieu, mon amie; je pars cette nuit pour parcourir mes avant-postes. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE LVIII + +À l'Impératrice, à Paris. + + Eylau, 3 heures du matin, 9 février 1807. + + +Mon amie, il y a eu hier une grande bataille; la victoire m'est restée, +mais j'ai perdu bien du monde; la perte de l'ennemi, qui est plus +considérable encore, ne me console pas. Enfin, je t'écris ces deux +lignes moi-même, quoique je sois bien fatigué, pour te dire que je suis +bien portant et que je t'aime. + +Tout à toi, + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE LIX + +À l'Impératrice, à Paris. + + Eylau, le 9 février, à 6 heures du soir, 1807. + + +Je t'écris un mot, mon amie, afin que tu ne sois pas inquiète. L'ennemi +a perdu la bataille, quarante pièces de canon, dix drapeaux, douze mille +prisonniers; il a horriblement souffert. J'ai perdu du monde: seize +mille tués, trois mille ou quatre mille blessés. + +Ton cousin Tascher se porte bien; je l'ai appelé près de moi avec le +titre d'officier d'ordonnance. + +Corbineau a été tué d'un obus; je m'étais singulièrement attaché à cet +officier qui avait beaucoup de mérite; cela me fait de la peine. Ma +garde à cheval s'est couverte de gloire. D'Allemagne est blessé +dangereusement. + +Adieu, mon amie. + +Tout à toi, + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE LX + +À l'Impératrice, à Paris. + + Eylau, le 11 février, à 8 heures du matin, 1807. + + +Je t'écris un mot, mon amie; tu dois avoir été bien inquiète. J'ai battu +l'ennemi dans une mémorable journée, mais qui m'a coûté bien des braves. +Le mauvais temps qu'il fait me force à prendre mes cantonnements. + +Ne te désole pas, je te prie; tout cela finira bientôt et le bonheur de +te voir me fera promptement oublier mes fatigues. Au reste, je n'ai +jamais été si bien portant. + +Le petit Tascher, du 4e de ligne, s'est bien comporté; il a eu une +rude épreuve. Je l'ai appelé près de moi, je l'ai fait officier +d'ordonnance; ainsi, voilà ses peines finies. Ce jeune homme +m'intéresse. + +Adieu, ma bonne amie; mille baisers. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE LXI + +À l'Impératrice, à Paris. + + Eylau, le 14 février 1807. + +Mon amie, je suis toujours à Eylau. Ce pays est couvert de morts et de +blessés. Ce n'est pas la belle partie de la guerre; l'on souffre et +l'âme est oppressée de voir tant de victimes. Je me porte bien. J'ai +fait ce que je voulais et j'ai repoussé l'ennemi en faisant échouer ses +projets. + +Tu dois être inquiète, et cette pensée m'afflige. Toutefois, +tranquillise-toi, mon amie, et sois gaie. + +Tout à toi, + +NAPOLÉON. + +Dis à Caroline et à Pauline que le grand-duc et le prince se portent +très bien. + + + + +LETTRE LXII + +À l'Impératrice, à Paris. + + Liebstadt, le 21, à 2 heures du matin, 1807. + +Je reçois ta lettre du 4 février; j'y vois avec plaisir que ta santé est +bonne. Paris achèvera de te rendre la gaieté et le repos, le retour à +tes habitudes, la santé. + +Je me porte à merveille. Ce temps et le pays sont mauvais. Mes affaires +vont assez bien; il dégèle et gèle dans vingt-quatre heures: l'on ne +peut voir un hiver aussi bizarre. + +Adieu, mon amie; je t'aime, je pense à toi et désire te savoir contente, +gaie et heureuse. + +Tout à toi, + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE LXIII + +À l'Impératrice, à Paris. + + Osterode, le 2 mars 1807. + +Mon amie, il y a deux ou trois jours que je ne t'ai écrit; je me le +reproche; je connais tes inquiétudes. Je me porte fort bien; mes +affaires sont bonnes. Je suis dans un mauvais village, où je passerai +encore bien du temps: cela ne vaut pas la grande ville. Je te le répète, +je ne me suis jamais si bien porté; tu me trouveras fort engraissé. + +Il fait ici un temps de printemps; la neige fond, les rivières dégèlent, +cela me fait plaisir. + +J'ai ordonné ce que tu désires pour Malmaison; sois gaie et heureuse, +c'est ma volonté. + +Adieu, mon amie; je t'embrasse de coeur. + +Tout à toi, + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE LXIV + +À l'Impératrice, à Paris. + + Le 27, à 7 heures du soir, 1807. + + +Mon amie, ta lettre me fait de la peine. Tu ne dois pas mourir; tu te +portes bien, et tu ne peux avoir aucun sujet raisonnable de chagrin. + +Je pense que tu dois aller au mois de mai à Saint-Cloud; mais il faut +rester tout le mois d'avril à Paris. + +Ma santé est bonne. Mes affaires vont bien. + +Tu ne dois pas penser à voyager cet été; tout cela n'est pas possible; +tu ne dois pas courir les auberges et les camps. Je désire, autant que +toi, te voir, et même vivre tranquille. + +Je sais faire autre chose que la guerre, mais le devoir passe avant +tout. Toute ma vie, j'ai tout sacrifié, tranquillité, intérêt, bonheur, +à ma destinée. + +Adieu, mon amie. Vois peu cette Mme de P..., c'est une femme de +mauvaise société; cela est trop commun et trop vil. + +Napoléon. + +J'ai eu lieu de me plaindre de M. T..., je l'ai envoyé dans sa terre, en +Bourgogne; je ne veux plus en entendre parler. + + + + +LETTRE LXV + +À l'Impératrice, à Paris. + + Le 10 mai 1807. + + +Je reçois ta lettre. Je ne sais ce que tu me dis des dames en +correspondance avec moi. Je n'aime que ma petite Joséphine, bonne, +boudeuse et capricieuse, qui sait faire une querelle avec grâce, comme +tout ce qu'elle fait; car elle est toujours aimable, hors cependant +quand elle est jalouse: alors elle devient toute diablesse. Mais +revenons à ces dames. Si je devais m'occuper de quelqu'une d'entre +elles, je t'assure que je voudrais qu'elles fussent de jolis boutons de +rose. Celles dont tu parles sont-elles dans ce cas? + +Je désire que tu ne dînes jamais qu'avec des personnes qui ont dîné avec +moi; que ta liste soit la même pour tes cercles, que tu n'admettes +jamais à Malmaison, dans ton intimité, des ambassadeurs et des +étrangers. Si tu faisais différemment, tu me déplairais; enfin ne te +laisse pas circonvenir par des personnes que je ne connais pas et qui ne +viendraient pas chez toi si j'y étais. + +Adieu, mon amie. + +Tout à toi, + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE LXVI + +À l'Impératrice, à Saint-Cloud. + + Friedland, le 15 juin 1807. + + +Mon amie, je ne t'écris qu'un mot, car je suis bien fatigué; voilà bien +des jours que je bivouaque. Mes enfants ont dignement célébré +l'anniversaire de la bataille de Marengo. + +La bataille de Friedland sera aussi célèbre et est aussi glorieuse pour +mon peuple. Toute l'armée russe est en déroute, quatre-vingts pièces de +canon, trente mille hommes pris ou tués; vingt-cinq généraux russes +tués, blessés ou pris; la garde russe écrasée: c'est une digne soeur de +Marengo, Austerlitz, Iéna. Le bulletin te dira le reste. Ma perte n'est +pas considérable; j'ai manoeuvré l'ennemi avec succès. + +Sois sans inquiétude et contente. + +Adieu, mon amie; je monte à cheval. + +NAPOLÉON. + +L'on peut donner cette nouvelle comme une notice, si elle est arrivée +avant le bulletin. On peut aussi tirer le canon, Cambacérès fera la +notice. + + + + +LETTRE LXVII + +À l'Impératrice, à Saint-Cloud. + + Le 6 juillet 1807. + + +J'ai reçu ta lettre du 25 juin. J'ai vu avec peine que tu étais égoïste +et que les succès de mes armes seraient pour toi sans attraits. + +La belle reine de Prusse doit venir dîner avec moi aujourd'hui. + +Je me porte bien et désire beaucoup te revoir, quand le destin l'aura +marqué. Cependant, il est possible que cela ne tarde pas. + +Adieu, mon amie; mille choses aimables. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE LXVIII + +À l'Impératrice, à Saint-Cloud. + + Le 7 juillet 1807. + + +Mon amie, la reine de Prusse a dîné hier avec moi. J'ai eu à me défendre +de ce qu'elle voulait m'obliger à faire encore quelques concessions à +son mari; mais j'ai été galant, et me suis tenu à ma politique. Elle est +fort aimable. J'irai te donner des détails qu'il me serait impossible de +te donner sans être bien long. Quand tu liras cette lettre, la paix avec +la Prusse et la Russie sera conclue et Jérôme reconnu roi de Westphalie, +avec trois millions de population. Ces nouvelles pour toi seule. + +Adieu, mon amie; je t'aime et veux te savoir contente et gaie. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE LXIX + +À l'Impératrice, à Saint-Cloud. + + Le 18, à midi, 1807. + + +Mon amie, je suis arrivé hier à cinq heures du soir à Dresde, fort bien +portant, quoique je sois resté cent heures en voiture, sans sortir. Je +suis ici chez le roi de Saxe, dont je suis fort content. Je suis donc +rapproché de toi de plus de moitié du chemin. + +Il se peut qu'une de ces belles nuits je tombe à Saint-Cloud comme un +jaloux; je t'en préviens. + +Adieu, mon amie; j'aurai grand plaisir à te voir. + +Tout à toi, + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE LXX + +À l'Impératrice, à Paris. + + Le 9 janvier 1809. + + +Moustache m'apporte une lettre de toi du 31 décembre. Je vois, mon amie, +que tu es triste et que tu as l'inquiétude très noire. L'Autriche ne me +fera pas la guerre. Si elle me la fait, j'ai cent cinquante mille hommes +en Allemagne, et autant sur le Rhin, et quatre cent mille Allemands pour +lui répondre. La Russie ne se séparera pas de moi. On est fou à Paris; +tout marche bien. + +Je serai à Paris aussitôt que je le croirai utile. Je te conseille de +prendre garde aux revenants; un beau jour, à deux heures du matin... + +Mais adieu, mon amie; je me porte bien, et suis tout à toi. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE LXXI + +À l'Impératrice, à Plombières. + + Le 19 juin, à midi, 1809. + + +Je reçois ta lettre, où tu m'annonces ton départ pour Plombières. Je +vois ce voyage avec plaisir, parce que j'espère qu'il te fera du bien. + +Eugène est en Hongrie, et se porte bien. Ma santé est fort bonne, et +l'armée en bon état. + +Je suis bien aise de savoir le grand-duc de Berg avec toi. + +Adieu, mon amie; tu connais mes sentiments pour Joséphine; ils sont +invariables. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE LXXII + +À l'Impératrice, à Paris. + + Schoenbrunn, le 21 août 1809. + + +J'ai reçu ta lettre du 14 août, de Plombières; j'y vois que tu seras +arrivée le 18 à Paris ou à Malmaison. Tu auras été malade de la chaleur, +qui est bien grande ici. Malmaison doit être bien sec et brûlé par ce +temps-là. + +Ma santé est bonne. Je suis cependant un peu enrhumé de la chaleur. + +Adieu, mon amie. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE LXXIII + +À l'Impératrice, à Malmaison. + + Le 31 août 1809. + + +Je n'ai pas reçu de lettres de toi depuis plusieurs jours; les plaisirs +de Malmaison, les belles serres, les beaux jardins, font oublier les +absents; c'est la règle, dit-on, chez vous autres. Tout le monde ne +parle que de ta bonne santé; tout cela m'est fort sujet à caution. + +Je vais demain faire une absence de deux jours en Hongrie avec Eugène. +Ma santé est bonne. + +Adieu, mon amie. + +Tout à toi, + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE LXXIV + +À l'Impératrice, à Malmaison. + + Kems, le 9 septembre 1809. + + +Mon amie, je suis ici depuis hier à deux heures du matin; j'y suis pour +voir mes troupes. Ma santé n'a jamais été meilleure. Je sais que tu es +bien portante. + +Je serai à Paris au moment où personne ne m'attendra plus. + +Tout va ici fort bien, et à ma satisfaction. + +Adieu, mon amie. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE LXXV + +À l'Impératrice, à Malmaison. + + Le 23 septembre 1809. + + +J'ai reçu ta lettre du 16, je vois que tu te portes bien. La maison de +la vieille fille ne vaut que cent vingt mille francs; ils n'en +trouveront jamais plus. Cependant, je te laisse maîtresse de faire ce +que tu voudras, puisque cela t'amuse, mais, une fois achetée, ne fais +pas démolir pour y faire quelques rochers. + +Adieu, mon amie. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE LXXVI + +À l'Impératrice, à Malmaison. + + Le 25 septembre 1809. + + +J'ai reçu ta lettre. Ne te fie pas, et je te conseille de te bien garder +la nuit; car une des prochaines, tu entendras grand bruit. + +Ma santé est bonne; je ne sais ce que l'on débite; je ne me suis jamais +mieux porté depuis bien des années: Corvisart ne m'était point utile. + +Adieu, mon amie; tout va ici fort bien. + +Tout à toi, + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE LXXVII + +À l'Impératrice, à Malmaison. + + Nymphenbourg, près Munich, le 21 octobre 1809. + + +Je suis ici depuis hier bien portant; je ne partirai pas encore demain. +Je m'arrêterai un jour à Stuttgard. Tu seras prévenue vingt-quatre +heures d'avance de mon arrivée à Fontainebleau. Je me fais une fête de +te revoir, et j'attends ce moment avec impatience. + +Je t'embrasse. + +Tout à toi, + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRES DE NAPOLÉON À JOSÉPHINE APRÈS LE DIVORCE + + + + +LETTRE LXXVIII + +À l'Impératrice, à Malmaison. + + 8 heures du soir, décembre 1809. + + +Mon amie, je t'ai trouvés aujourd'hui plus faible que tu ne devais être. +Tu as montré du courage, il faut que tu en trouves pour te soutenir; il +faut ne pas te laisser aller à une funeste mélancolie, il faut te +trouver contente, et surtout soigner ta santé, qui m'est si précieuse. +Si tu m'es attachée et si tu m'aimes, tu dois te comporter avec force et +te juger heureuse. Tu ne peux pas mettre en doute ma constante et tendre +amitié, et tu connaîtrais bien mal tous les sentiments que je te porte +si tu supposais que je puis être heureux si tu n'es pas heureuse, et +content, si tu ne te tranquillises. + +Adieu, mon amie, dors bien; songe que je le veux. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE LXXIX + +À l'Impératrice, à Malmaison. + + 7 heures du soir. + + +Je reçois ta lettre, mon amie. Savary me dit que tu pleures toujours; +cela n'est pas bien. J'espère que tu auras pu te promener aujourd'hui. +Je t'ai envoyé de ma chasse. Je viendrai te voir lorsque tu me diras que +tu es raisonnable et que ton courage prend le dessus. + +Demain, toute la journée, j'ai les ministres. + +Adieu, mon amie; je suis triste aussi aujourd'hui; j'ai besoin de te +savoir satisfaite et d'apprendre que tu prends de l'aplomb. + +Dors bien. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE LXXX + +À l'Impératrice, à Malmaison. + + Jeudi, à midi, 1809. + + +Je voulais venir te voir aujourd'hui, mon amie; mais je suis très occupé +et un peu indisposé. Je vais cependant aller au conseil. Je te prie de +me dire comment tu te portes. + +Ce temps est bien humide et pas du tout sain. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE LXXXI + +À l'Impératrice, à Malmaison. + + Vendredi, à 8 heures, 1810. + + +Je voulais venir te voir aujourd'hui, mais je ne le puis; ce sera, +j'espère, pour demain. Il y a bien longtemps que tu m'as donné de tes +nouvelles. + +J'ai appris avec plaisir que tu t'étais promenée dans ton jardin pendant +ces froids. + +Adieu, mon amie; porte-toi bien, et ne doute jamais de mes sentiments. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE LXXXII + +À l'Impératrice, à Malmaison. + + Dimanche, à 8 heures du soir, 1810. + + +J'ai été bien content de t'avoir vue hier; je sens combien ta société a +de charmes pour moi. J'ai travaillé aujourd'hui avec Estève. J'ai +accordé cent mille francs pour 1810, pour l'extraordinaire de Malmaison. +Tu peux donc faire planter tant que tu voudras; tu distribueras cette +somme comme tu l'entendras. J'ai chargé Estève de te remettre deux cent +mille francs aussitôt que le contrat de la maison Julien sera fait. J'ai +ordonné que l'on paierait ta parure de rubis, laquelle sera évaluée par +l'intendance, car je ne veux pas de voleries de bijoutiers. Ainsi, voilà +quatre cent mille francs que cela me coûte. + +J'ai ordonné que l'on tînt le million que la liste civile te doit, pour +1810, à la disposition de ton homme d'affaires, pour payer tes dettes. + +Tu dois trouver dans l'armoire de Malmaison cinq cent mille à six cent +mille francs; tu peux les prendre pour faire ton argenterie et ton +linge. + +J'ai ordonné qu'on te fit un très beau service de porcelaine; l'on +prendra tes ordres pour qu'il soit très beau. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE LXXXIII + +À l'Impératrice, à Malmaison. + + Mercredi, 6 heures du soir, 1810. + + +Mon amie, je ne vois pas d'inconvénient que tu reçoives le roi de +Wurtemberg quand tu voudras. Le roi et la reine de Bavière doivent aller +te voir après-demain. + +Je désire fort aller à Malmaison: mais il faut que tu sois forte et +tranquille: le page de ce matin dit qu'il t'a vue pleurer. + +Je vais dîner tout seul. + +Adieu, mon amie; ne doute jamais de mes sentiments pour toi; tu serais +injuste et mauvaise. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE LXXXIV + +À l'Impératrice, à Malmaison. + + Samedi, à 1 heure après-midi, 1810. + + +Mon amie, j'ai vu hier Eugène qui m'a dit que tu recevrais les rois. +J'ai été au concert jusqu'à huit heures; je n'ai dîné, tout seul, qu'à +cette heure-là. + +Je désire bien te voir. Si je ne viens pas aujourd'hui, je viendrai +après la messe. + +Adieu, mon amie; j'espère te trouver sage et bien portante. Ce temps-là +doit bien te peser. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE LXXXV + +À l'Impératrice, à Malmaison. + + Trianon, le 17 janvier 1810. + + +Mon amie, d'Audenarde, que je t'ai envoyé ce matin, me dit que tu n'as +plus de courage depuis que tu es à Malmaison. Ce lieu est cependant tout +plein de nos sentiments, qui ne peuvent et ne doivent jamais changer, du +moins de mon côte. + +J'ai bien envie de te voir, mais il faut que je sois sûr que tu es +forte, et non faible; je le suis aussi un peu, et cela me fait un mal +affreux. + +Adieu, Joséphine; bonne nuit. Si tu doutais de moi, tu serais bien +ingrate. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE LXXXVI + +À l'Impératrice, à Malmaison. + + 30 Janvier 1810. + + +Mon amie, je reçois ta lettre. J'espère que la promenade que tu as faite +aujourd'hui, pour montrer ta serre, t'aura fait du bien. + +Je te saurai avec plaisir à l'Élysée, et fort heureux de te voir plus +souvent; car tu sais combien je t'aime. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE LXXXVII + +À l'Impératrice, à Malmaison. + + Mardi, à midi, 1810. + + +J'apprends que tu t'affliges, cela n'est pas bien. Tu es sans confiance +en moi, et tous les bruits que l'on répand te frappent; ce n'est pas me +connaître, Joséphine. Je t'en veux, et si je n'apprends que tu es gaie +et contente, j'irai te gronder bien fort. + +Adieu, mon amie. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE LXXXVIII + +À l'Impératrice, à Malmaison. + + Samedi, à 6 heures du soir, 1810. + + +J'ai dit à Eugène que tu aimais plutôt à écouter les bavards d'une +grande ville que ce que je te disais; qu'il ne faut pas permettre que +l'on te fasse des contes en l'air pour t'affliger. + +J'ai fait transporter tes effets à l'Élysée. Tu viendras incessamment à +Paris; mais sois tranquille et contente, et aie confiance entière en +moi. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE LXXXIX + +À l'Impératrice, à l'Élysée-Napoléon. + + Vendredi, 6 heures du soir, 1810. + + +Savary me remet, en arrivant, ta lettre; je vois avec peine que tu es +triste; je suis bien aise que tu ne te sois pas aperçue du feu. + +J'ai eu beau temps à Rambouillet. + +Hortense m'a dit que tu avais eu le projet de venir dîner chez Bessières +et de retourner coucher à Paris. Je suis fâché que tu n'aies pas pu +exécuter ton projet. + +Adieu, mon amie; sois gaie, songe que c'est le moyen de me plaire. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE XC + +À l'Impératrice, à l'Élysée-Napoléon. + + 19 février 1810. + + +Mon amie, j'ai reçu ta lettre. Je désire te voir; mais les réflexions +que tu me fais peuvent être vraies. Il y a peut-être quelque +inconvénient à nous trouver sous le même toit pendant la première année. +Cependant la campagne de Bessières est trop loin pour pouvoir revenir; +d'un autre côté, je suis un peu enrhumé et je ne suis pas sûr d'y aller. + +Adieu, mon amie. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE XCI + +À l'Impératrice, à Malmaison. + + Le 12 mars 1810. + + +Mon amie, j'espère que tu auras été contente de ce que j'ai fait pour +Navarre. Tu y auras vu un nouveau témoignage du désir que j'ai de t'être +agréable. + +Fais prendre possession de Navarre; tu pourras y aller le 25 mars passer +le mois d'avril. + +Adieu, mon amie. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE XCII + +De l'Impératrice Joséphine à l'Empereur Napoléon. + + Navarre, le 19 avril 1810. + + +Sire, + +Je reçois, par mon fils, l'assurance que Votre Majesté consent à mon +retour à Malmaison, et qu'elle veut bien m'accorder les avances que je +lui ai demandées pour rendre habitable le château de Navarre. + +Cette double faveur, Sire, dissipe en grande partie les inquiétudes et +même les craintes que le long silence de Votre Majesté m'avait +inspirées. J'avais peur d'être entièrement bannie de son souvenir: je +vois que je ne le suis pas. Je suis donc aujourd'hui moins malheureuse, +et même aussi heureuse qu'il m'est désormais possible de l'être. + +J'irai à la fin du mois à Malmaison, puisque Votre Majesté n'y voit +aucun obstacle. Mais, je dois vous le dire, Sire, je n'aurais pas si tôt +profité de la liberté que Votre Majesté me laisse à cet égard, si la +maison de Navarre n'exigeait pas, pour ma santé, et pour celle des +personnes de ma maison, des réparations qui sont urgentes. Mon projet +est de demeurer à Malmaison fort peu de temps; je m'en éloignerai +bientôt pour aller aux eaux. Mais, pendant que je serai à Malmaison, +Votre Majesté peut être sûre que j'y vivrai comme si j'étais à mille +lieues de Paris. J'ai fait un grand sacrifice, Sire, et chaque jour je +sens davantage toute son étendue. Cependant, ce sacrifice sera ce qu'il +doit être, il sera entier de ma part. Votre Majesté ne sera troublée, +dans son bonheur, par aucune expression de mes regrets. + +Je ferai sans cesse des voeux pour que Votre Majesté soit heureuse, +peut-être même en ferai-je pour la revoir; que Votre Majesté en soit +convaincue, je respecterai toujours sa nouvelle situation, je la +respecterai en silence; confiante dans les sentiments qu'elle me portait +autrefois, je n'en provoquerai aucune preuve nouvelle; j'attendrai tout +de sa justice et de son coeur. + +Je me borne à lui demander une grâce, c'est qu'elle daigne chercher +elle-même un moyen de convaincre quelquefois, et moi-même et ceux qui +m'entourent, que j'ai toujours une petite place dans son souvenir et une +grande place dans son estime et dans son amitié. Ce moyen, quel qu'il +soit, adoucira mes peines, sans pouvoir, ce me semble, compromettre, ce +qui m'importe avant tout, le bonheur de Votre Majesté. + +JOSÉPHINE. + + + + +LETTRE XCIII + +Réponse de l'Empereur Napoléon + +À l'Impératrice Joséphine, à Navarre. + + Compiègne, le 21 avril 1810. + + +Mon amie, je reçois ta lettre du 19 avril; elle est d'un mauvais style. +Je suis toujours le même; mes pareils ne changent jamais. Je ne sais ce +qu'Eugène a pu te dire. Je ne t'ai pas écrit, parce que tu ne l'as pas +fait, et que j'ai désiré tout ce qui peut t'être agréable. + +Je vois avec plaisir que tu ailles à Malmaison, et que tu sois contente; +moi, je le serai de recevoir de tes nouvelles et de te donner des +miennes. Je n'en dis pas davantage jusqu'à ce que tu aies comparé cette +lettre à la tienne; et, après cela, je te laisse juge qui est meilleur +et plus ami de toi ou de moi. + +Adieu, mon amie; porte-toi tien et sois juste pour toi et pour moi. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE XCIV + +Réponse de l'Impératrice Joséphine. + + +Mille, mille tendres remerciements de ne m'avoir pas oubliée. Mon fils +vient de m'apporter ta lettre. Avec quelle ardeur je l'ai lue, et +cependant j'y ai mis bien du temps; car il n'y a pas un mot qui ne m'ait +fait pleurer, mais ces larmes étaient bien douces! J'ai retrouvé mon +coeur tout entier, et tel qu'il sera toujours: il y a des sentiments qui +sont la vie même et qui ne peuvent finir qu'avec elle. + +Je serais au désespoir que ma lettre du 19 t'eût déplu; je ne m'en +rappelle pas entièrement les expressions, mais je sais quel sentiment +bien pénible l'avait dictée, c'était le chagrin de n'avoir pas de tes +nouvelles. + +Je t'avais écrit à mon départ de Malmaison; et, depuis, combien de fois +j'aurais voulu t'écrire! Mais je sentais les raisons de ton silence, et +je craignais d'être importune par une lettre. La tienne a été un baume +pour moi. Sois heureux, sois-le autant que tu le mérites; c'est mon +coeur qui te parle. Tu viens aussi de me donner ma part de bonheur, et +une part bien vivement sentie: rien ne peut valoir pour moi une marque +de ton souvenir. + +Adieu, mon ami; je te remercie aussi tendrement que je t'aimerai +toujours. + +JOSÉPHINE. + + + + +LETTRE XCV + +À l'Impératrice Joséphine, à Navarre. + + Compiègne, le 28 avril 1910. + + +Mon amie, je reçois deux lettres de toi. J'écris à Eugène. J'ai ordonné +que l'on fit le mariage de Tascher avec la princesse de la Leyen. + +J'irai demain à Anvers voir ma flotte et ordonner des travaux. Je serai +de retour le 15 mai. + +Eugène me dit que tu veux aller aux eaux, ne te gêne en rien. N'écoute +pas les bavardages de Paris; ils sont oisifs et bien loin de connaître +le véritable état des choses. Mes sentiments pour toi ne changent pas et +je désire beaucoup te savoir heureuse et contente. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE XCVI + +À l'Impératrice Eugénie, à Malmaison. + + +Mon amie, je reçois ta lettre. Eugène te donnera des nouvelles de mon +voyage et de l'Impératrice. J'approuve fort que tu ailles aux eaux. +J'espère qu'elles te feront du bien. + +Je désire bien te voir. Si tu es à Malmaison à la fin du mois, je +viendrai te voir. + +Ma santé est fort bonne; il me manque de te savoir contente et bien +portante. Fais-moi connaître le nom que tu voudrais porter en route. + +Ne doute jamais de toute la vérité de mes sentiments pour toi; ils +dureront autant que moi; tu serais fort injuste si tu en doutais. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE XCVII + +À l'Impératrice Joséphine, aux eaux d'Aix, en Savoie. + + Rambouillet, le 8 juillet 1810. + + +Mon amie, j'ai reçu ta lettre du 3 juillet. Tu auras vu Eugène, et sa +présence t'aura fait du bien. J'ai appris avec plaisir que les eaux te +sont bonnes. Le roi de Hollande vient d'abdiquer la couronne, en +laissant la régence, selon la Constitution, à la reine. Il a quitté +Amsterdam et laissé le grand-duc de Berg. + +J'ai réuni la Hollande à la France; mais cet acte a cela d'heureux qu'il +émancipe la reine, et cette infortunée fille va venir à Paris avec son +fils, le grand-duc de Berg; cela la rendra parfaitement heureuse. + +Ma santé est bonne. Je suis venu ici pour chasser quelques jours. Je te +verrai avec plaisir cet automne. Ne doute jamais de mon amitié. Je ne +change jamais. Porte-toi bien, sois gaie et crois à la vérité de mes +sentiments. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE XCVIII + +À l'Impératrice Joséphine, à Navarre. + + Fontainebleau, le 14 novembre 1810. + + +Mon amie, j'ai reçu ta lettre. Hortense m'a parlé de toi. Je vois avec +plaisir que tu es contente. J'espère que tu ne t'ennuies pas trop à +Navarre. + +Ma santé est fort bonne. L'Impératrice avance heureusement dans sa +grossesse. Je ferai les différentes choses que tu me demandes pour ta +maison. Soigne bien ta santé, sois contente et ne doute jamais de mes +sentiments pour toi. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE XCIX + +À l'Impératrice Joséphine, à Navarre. + + +Je reçois ta lettre. Je ne vois pas d'inconvénient au mariage de Mme +de Mackau avec Wattier, si cela lui convient; ce général est un fort +brave homme. Je me porte bien. J'espère avoir un garçon; je te le ferai +savoir aussitôt. + +Adieu, mon amie. Je suis bien aise que Mme d'Arberg t'ait dit des +choses qui te fassent plaisir. Quand tu me verras, tu me trouveras avec +les mêmes sentiments pour toi. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE C + +À l'Impératrice Joséphine, à Malmaison. + + Trianon, 25 août 1813. + + +J'ai reçu ta lettre. Je vois avec plaisir que tu es en bonne santé. Je +suis pour quelques jours à Trianon. Je compte aller à Compiègne. Ma +santé est fort bonne. + +Mets de l'ordre dans tes affaires; ne dépense que un million cinq cent +mille francs et mets de côté tous les ans autant; cela fera une réserve +de quinze millions en dix ans pour tes petits-enfants: il est doux de +pouvoir leur donner quelque chose et de leur être utile. Au lieu de +cela, l'on me dit que tu as des dettes, cela serait bien vilain. +Occupe-toi de tes affaires et ne donne pas à qui en veut prendre. Si tu +me veux plaire, fais que je sache que tu as un gros trésor. Juge combien +j'aurais mauvaise opinion de toi si je te savais endettée avec trois +millions de revenu. + +Adieu, mon amie, porte-toi bien. + +NAPOLÉON. + + + + +LETTRE CI + +À l'Impératrice Joséphine, à Malmaison + + Vendredi, 8 heures du matin, 1813. + + +J'envoie savoir comment tu te portes, car Hortense m'a dit que tu étais +au lit hier. J'ai été fâché contre toi pour tes dettes; je ne veux pas +que tu en aies; au contraire, j'espère que tu mettras un million de côté +tous les ans, pour donner à tes petites-filles lorsqu'elles se +marieront. + +Toutefois, ne doute jamais de mon amitié pour toi et ne te fais aucun +chagrin là-dessus. + +Adieu, mon amie; annonce-moi que tu es bien portante. On dit que tu +engraisses comme une bonne fermière de Normandie. + +NAPOLÉON. + + * * * * * + + + + +APPENDICES + +DIALOGUE SUR L'AMOUR + + +_Ce texte, rédigé par Bonaparte, en 1791, lors de son séjour à Valence, +à l'âge de vingt-deux ans, demeura inconnu pendant cent et trois ans._ + +_Cet écrit d'un style sec et sans unité trace vigoureusement la +conception que Napoléon devait avoir toute sa vie de la femme._ + +_Le sort de ce manuscrit fut mouvementé._ + +_À sa chute, Napoléon l'envoya à Fesch_[5] _enfermé parmi d'autres dans +un des cartons de son cabinet. Fesch n'en prit jamais connaissance. À la +mort de celui-ci, en 1839, son grand vicaire, l'abbé Lyonnet, à qui le +carton revint, en vendit le contenu à Libri_[6], _qui le revendit à des +amateurs, entre autres à lord Ashburnham, dont le fils, en 1884, le +céda, pour une somme de 675,000 francs, à la bibliothèque +Médico-Laurentienne de Florence, où il fut copié par MM. Frédéric Masson +et Guido Biagi qui, en 1895, le publièrent sous le titre de «Napoléon +inconnu»._ + +[Note 5: Oncle de Napoléon Ier, né à Ajaccio, archevêque de Lyon +et grand aumonier de l'Empire.] + +[Note 6: Collectionneur équivoque qui volait ce qu'il ne pouvait +acquérir.] + + * * * * * + + + + +DIALOGUE SUR L'AMOUR + + +DES MAZIS[7].--Comment, monsieur, qu'est-ce que l'amour? Eh quoi! +n'êtes-vous donc pas composé comme les autres hommes? + +[Note 7: Alexandre Des Mazis avait été à l'École militaire de Paris, +l'instructeur d'infanterie de Bonaparte. Tous deux s'étalent liés d'une +étroite amitié qui se resserra au cours de communes garnisons. Émigré +sous la Terreur, Des Mazis ne rentra en France que sous le consulat. +Napoléon le nomma administrateur mobilier de la couronne, officier civil +de sa maison et chambellan. À la chute de l'empereur, Des Mazis servit +les Bourbons.] + +_Bonaparte_.--Je ne vous demande pas la définition de l'amour. Je fus +jadis amoureux et il m'en est resté assez de souvenir pour que je n'aie +pas besoin de ces définitions métaphysiques qui ne font jamais +qu'embrouiller les choses; je vous dis plus que de nier son existence. +Je le crois nuisible à la société, au bonheur individuel des hommes, +enfin je crois que l'amour fait plus de mal... et que ce serait un +bienfait d'une divinité protectrice que de nous en défaire et d'en +délivrer le monde. + +DES MAZIS.--Quoi! l'amour nuisible à la société, lui qui vivifie la +nature entière, source de toute production, de tout bonheur. Point +d'amour, monsieur, autant vaudrait-il anéantir notre existence. + +_Bonaparte_.--Vous vous échauffez. La passion vous transporte. +Reconnaissez, je vous en prie, votre ami. Ne me regardez pas avec +indignation et répondez pourquoi, depuis que cette passion vous domine, +ne vous vois-je plus dans vos sociétés ordinaires? Que sont devenues vos +occupations? Pourquoi négligez-vous vos parents, vos amis? Vos journées +entières sont sacrifiées à une promenade monotone et solitaire jusqu'à +ce que l'heure vous permette de voir votre Adélaïde. + +DES MAZIS.--Eh! que m'importe à moi, monsieur, vos occupations, vos +sociétés? À quoi aboutit une science indigeste? Qu'ai-je à faire de ce +qui s'est passé il y a mille ans? Quelle influence puis-je avoir sur le +cours des astres? Que m'importe le minutieux détail des discussions +puériles des hommes?... Je me suis occupé de cela sans doute. +Qu'avais-je de mieux à faire? Il fallait bien par quelque moyen me +soustraire à l'ennui qui me menaçait; mais croyez-moi, je sentais au +milieu de mon cabinet le vide de mon coeur. Parfois mon esprit était +satisfait, mais mes sentiments! Ô Dieu! je n'ai fait que végéter tant +que je n'eus pas aimé. Actuellement, au contraire, quand l'amour +m'arrache au sommeil, je ne dis plus: «Pourquoi le soleil luit-il +aujourd'hui pour moi?» Non! le premier rayon de lumière me présente ma +chère Adélaïde en habit du matin. Je la vois penser à moi, me sourire. +Hier au soir elle me serrait la main, elle soupirait, nos regards se +rencontraient. Comme ils exprimaient nos sentiments! Je contemple un +portrait qui me ravit l'âme. Cent fois je le remets pour le reprendre +aussitôt. Cette promenade, monsieur, que vous appelez monotone, eh! non, +la vaste étendue du globe ne contient pas plus de variété. D'abord, mon +esprit repasse les choses qu'elle m'a dites; je relis le billet qu'elle +m'a écrit; je pense à celui qui doit peindre toute l'étendue de mon +amour. Je le refais cent fois. Mon imagination s'élève; je vois bientôt +mes feux couronnés; je regrette tantôt de ne pas avoir une fortune +immense à lui sacrifier. Ici même, je voudrais avoir une couronne. +Concevez le charme de la proposer à ses parents, la joie que cela lui +causerait. Tout ce qui approche d'elle est sacré à mes yeux. Une autre +fois je penserai aux préparatifs des noces qui doivent bientôt nous +unir, jusqu'aux présents que je dois lui faire. Mon coeur se dilate à +imaginer quelque chose qui puisse l'obliger, lui prouver mon amour. +Voyez-vous le château où nous devons passer nos jours, les sombres +bosquets, les riantes prairies, les délicieux parterres? Rien ne +m'affecte que le plaisir d'être tous les jours à côté d'elle. Mais +bientôt elle doit me donner des gages de notre amour... Mais vous riez! +En vérité, je vous déteste. + +BONAPARTE.--Je ris des grandes occupations qui captivent votre âme et +plus encore du feu avec lequel vous me les communiquez. Quelle maladie +étrange s'est emparée de vous? Je sens que la raison que vous appelez à +votre secours ne fera aucun effet et, dans le délire où vous êtes, vous +ferez plus que de fermer l'oreille à sa voix, vous la mépriserez. +Souvenez-vous que vous n'êtes pas de sang-froid et que mon amitié fut +toujours le juge qui vous rappela à vos désirs. Souvenez-vous que je +m'en suis toujours rendu digne. J'aurais besoin de répéter ici les +obligations que vous me devez et les marques qui vous sont connues de +mes sentiments, car, moi-même je ne serais pas à l'abri de vos +invectives dans les accès de votre délire. Car votre état est pareil à +celui d'un malade qui ne voit que la chimère qu'il poursuit et sans +connaître la maladie qui la produit, ni la santé qu'il a perdue. Je +n'agiterai donc pas si vos plaisirs sont dignes de l'homme ou même si +c'en sont. Je veux croire que ce sexe, roi du monde par sa force, son +industrie, son esprit et toutes ses autres facultés naturelles, trouve +sa suprême félicité à languir dans les chaînes d'une molle passion et +sous les lois d'un être plus faible d'entendement comme de corps. Je +veux croire, comme vous le dites, que le souvenir de votre Adélaïde, son +image, sa conversation puissent vous dédommager des agréments de vos +occupations, de vos sociétés; mais n'est-il pas vrai que vous désirez +toujours la fin de cet état et que votre insatiable imagination voudrait +obtenir ce que la vertu d'Adélaïde ne peut vous accorder. Ma froide +tranquillité, je le vois, n'est pas propre à peindre le pesant fardeau +qui tourmente l'existence d'un amant dans le moindre échec qui lui +survient. Qu'Adélaïde s'absente pour quinze jours seulement, que +devenez-vous? Si un autre s'efforce à cet objet, que vous croyez vous +appartenir, que d'inquiétude! Si une mère alarmée trouve mauvaises de +trop fréquentes visites qui font parler un public méchant, enfin, +monsieur, que sais-je, cent petites autres choses qui frappent fortement +un amant vous agitent. Souvent, les nuits se passent sans sommeil, les +repas sans manger. La terre n'a point d'endroit pour contenir votre +inquiétude extrême. Votre sang bouillonne, vous marchez à grands pas, le +regard égaré. Pauvre chevalier, est-ce là le bonheur? Je ne doute pas +que si, aujourd'hui, dans l'extase que vous a occasionnée un serrement +de main, vous ne trouviez cet état la suprême félicité, je ne doute pas, +dis-je, que, demain, dans une humeur contraire, vous ne trouviez votre +faiblesse insupportable. Mais, chevalier, voilà votre position. S'il +fallait défendre la patrie attaquée, que feriez-vous? S'il fallait!... +Mais à quoi êtes-vous bon? Confiera-t-on le bonheur de vos semblables à +un enfant qui pleure sans cesse, qui s'alarme ou se réjouit au seul +mouvement d'une autre personne? Confiera-t-on le secret de l'État à +celui qui n'a point de volonté? + +DES MAZIS.--Toujours des grands mots vides de sens! Que fait à moi votre +État, ses secrets? En vérité, vous êtes inconcevable aujourd'hui. Vous +n'avez jamais raisonné si pitoyablement. + +BONAPARTE.--Ah! chevalier, que vous importent l'État, vos concitoyens, +la société? Voilà les suites d'un coeur relâché, abandonné à la volupté. +Point de force, point de vertu dans votre sentier. Vous n'ambitionniez +que de faire le bien et aujourd'hui ce bien même vous est indifférent. +Quel est donc ce sentiment dépravé qui a pris la place de votre amour +pour la vertu? Vous ne désirez que de vivre ignoré à l'ombre de vos +peupliers. Profonde philosophie! Ah! chevalier, que je déteste cette +passion qui a produit une si grande métamorphose. Vous ne songez pas que +vous tirez vers l'égoïsme et tout vous est indifférent: opinion des +hommes, estime de vos amis, amour de vos parents. Tout est captivé au +tyran fort de votre faiblesse. Un coup d'oeil, un serrement de main, un +baiser, chevalier et que vous importent alors la peine de la patrie, la +mauvaise opinion de vos amis; un attouchement corporel... mais je ne +veux pas vous irriter. Je le veux croire: l'amour a des plaisirs +incomparables, des peines encore plus grandes peut-être, mais n'importe, +considérons seulement l'influence qu'il a dans l'état de société. Il est +vrai, chevalier, que, dans l'état des choses, notre âme, née +indépendante, a besoin d'être formée, dégradée. Si vous voulez, par les +institutions, que dès la naissance l'attention que tous les législateurs +ont donnée à l'éducation... que nous sommes nés pour être heureux, que +c'est la loi suprême que la nature a gravée au fond de nous mêmes. Il +est vrai que c'est la base qui nous a été donnée pour servir de règle à +notre conduite. Chacun, né juge de ce qui peut lui convenir, a donc le +droit de disposer de son corps comme de ses affections, mais cet état +d'indépendance est vraiment opposé à l'état de servitude où la société +nous a mis. + +En changeant d'état il a donc fallu changer d'humeur. Il a donc fallu +substituer au cri de notre sentiment celui des préjugés. Voilà la base +de toutes les institutions sociales. Il a fallu prendre l'homme dès son +origine pour en faire, s'il se peut, une autre créature. Croyez-vous, +sans ce changement, que tant d'hommes souffriraient d'être avilis par un +petit nombre de grands seigneurs et que des palais somptueux seraient +respectés par des hommes qui manquent de pain? La force est la loi des +animaux; la conviction est celle des hommes. On convint, soit pour +repousser les attaques des bêtes plus fortes, soit pour ne pas être +exposé à se battre à chaque instant, l'on convint, dis-je, de lois des +propriétés et chacun fut assuré au nom de tous de la propriété de son +champ. + +Cette convention n'existait qu'entre un petit nombre d'hommes. Il fallut +donc des magistrats, soit pour repousser les attaques des peuplades +voisines, soit pour faire exécuter la convention reçue. + +Ces magistrats sentirent le charme du commandement, mais les plus +alertes du peuple s'y opposèrent. Ils furent gagnés et ainsi associés +aux projets des ambitieux. Le peuple fut subjugué. Vous voyez +l'inégalité s'introduire à grands pas; vous voyez se former la classe +régnante et la classe gouvernée. La religion vint consoler les +malheureux qui se trouvaient dépouillés de toute propriété. Elle vint +les enchaîner pour toujours. Ce ne fut plus par les cris de la +conscience que l'homme devait se conduire. Non! L'on craignit qu'un +sentiment que l'on faisait tout au monde pour étouffer ne reprît le +dessus. + +Il y eut donc un Dieu. Ce Dieu conduisait le monde. Tout se faisait par +acte de sa volonté. Il avait donné des lois écrites... et l'empire des +prêtres commença, empire qui probablement ne finira jamais. + +Que l'homme donc soit dégradé, triste vérité! Mais que l'état de société +ne soit légitime, c'est ce dont l'on ne peut disconvenir. Le silence des +hommes là-dessus est une approbation tacite que rien ne peut démentir. +Vous avez vingt ans, monsieur, choisissez: ou renoncez à votre rang, à +votre fortune, et quittez un monde que vous détestez, ou, vous +inscrivant dans le nombre des citoyens, soumettez-vous à ses lois. Vous +jouissez des avantages du contrat, serez-vous infidèle aux autres +clauses? Ce ne serait pas vous croire honnête homme que d'en douter. +Vous devez donc être attaché à un État qui vous procure tant de +bien-être et procurant à la fois de faire un digne usage des avantages +qu'il vous a accordés, vous devez rendre heureux le peuple au-dessus +duquel vous êtes et faire prospérer la société qui vous a distingué. +Pour cela faire, il faut que, guidé toujours par le flambeau de la +raison, vous puissiez balancer avec équité les droits des hommes à qui +vous vous devez. Pour cela faire, il faut que, prêt à tout entreprendre +pour le service de l'État, vous soyez soldat, homme d'affaires, +courtisan même si l'intérêt du peuple et de votre nation le demande. Ah! +que votre récompense sera douce! Défiez alors les malignes vapeurs de la +calomnie, de la jalousie! Défiez hardiment le temps même! Vos membres +décrépits ne seront plus qu'une image imparfaite de ce qu'ils furent +jadis et ils attireront cependant le respect de tous ceux qui vous +approcheront. L'un racontera dans sa cabane le soulagement que vous lui +avez accordé. L'autre, en faisant le récit des complots des méchants, +dira: «S'il ne fût venu à mon secours, j'eusse péri du supplice des +criminels.» Chevalier, cesse de restreindre cette âme altière et ce +coeur jadis si fier à une sphère aussi étroite. Toi, aux genoux d'une +femme! Fais plutôt tomber aux tiens les méchants confondus! Toi, +mépriser les peines des hommes! Sentiment d'honneur, subjugue-le plutôt! +Estimé par tes semblables, respecté, aimé par tes vassaux, la mort +viendra t'enlever au milieu des pleura de ceux qui t'entoureront, après +avoir coulé une vie douce, oracle de tes proches et père de tes vassaux. + +DES MAZIS.--Je ne vous entends pas. Comment, monsieur, mon amour +pourrait-il m'empêcher de suivre le plan que vous venez de tracer? +Quelle idée vous êtes-vous donc faite d'Adélaïde? + +Adélaïde, s'il faut pour remplir ces devoirs soulager les malheureux; +s'il faut pour être vertueux aimer sa patrie, les hommes, la société, +qui plus qu'elle est vertueuse? Croyez-vous que je faisais le bien avec +la froideur de la philosophie? Quand la volonté d'Adélaïde sera le +mobile qui me conduira, lui faire plaisir la récompense... Non, +monsieur, vous n'avez jamais été amoureux. + +BONAPARTE.--Je plains votre erreur. Quoi, chevalier, vous croyez que +l'amour est le chemin de la vertu? Il vous immétrigue (_emplâtrer, +retenir avec du mastic_) à chaque pas. Soyez sincère, depuis que cette +passion fatale a troublé votre repos, avez-vous envisagé d'autre +jouissance que celle de l'amour? Vous ferez donc le bien ou le mal selon +les symptômes de votre passion. Mais que dis-je? Vous et la passion ne +font qu'un même être. Tant qu'elle durera vous n'agirez que pour elle +et, puisque vous êtes convenu que les devoirs d'un homme riche +consistaient à faire du bien, à arracher de l'indigence les malheureux +qui y gémissent, que les devoirs d'un homme de naissance l'obligeaient à +se servir du crédit de son nom pour détruire les brigues des méchants, +que les devoirs du citoyen consistaient à défendre la patrie et à +concourir à sa prospérité, n'avouerez-vous pas que les devoirs d'un bon +fils consistent à reconnaître en son père les obligations d'une +éducation soignée, à sa mère... Non! chevalier, je me tairais si j'étais +obligé de vous prouver de pareilles évidences. + + * * * * * + + + + +LA FEMME ET LE CODE NAPOLÉON + + +_Nous avons recherché dans le Code civil et le Code pénal ceux des +articles qui se rapportent à la femme._ + +_Par l'examen de ces articles, on pourra se rendre compte combien +Napoléon souhaitait marquer la dépendance de l'épouse à l'époux. +Convaincu qu'elle était faible, il la voulait protégée par le mari. Mais +en lui accordant cette protection, il exigeait d'elle une absolue +soumission à une discipline familiale, que d'ailleurs il souhaitait +douce. Enfin, ennemi des désordres conjugaux, il frappa inégalement +l'épouse et l'époux, sachant la différence de résultat d'une même faute +et pour marquer, semble-t-il, le caractère grave et élevé de l'épouse, +qui, à ses yeux, est surtout la Mère._ + + * * * * * + + + + +CODE CIVIL + +LIVRE PREMIER.--TITRE PREMIER + +=Jouissance des droits civils.= + + +Tout Français a la jouissance ou propriété des droits civils; mais +quelques Français, comme les mineurs, les interdits et les _femmes +mariées_ n'ont pas l'exercice de leurs droits. + + +TITRE III + +=Du domicile.= + +Celui qui est _soumis_ à une personne est domicilié chez elle: ainsi la +_femme_ est domiciliée chez son mari. + + +TITRE V + +=Des droits et des devoirs respectifs des époux.= + +ART. 213.--Le mari doit _protection_ à sa femme, la femme _obéissance_ à +son mari. + +ART. 214.--La femme est obligée d'habiter avec le mari et de le suivre +partout où il juge à propos de résider; le mari est obligé de la +recevoir et de lui fournir tout ce qui est nécessaire pour les besoins +de la vie, selon ses facultés et son état. + + +TITRE VI + +=Du divorce.= + +ART. 229.--Le mari pourra demander le divorce pour cause d'adultère de +sa femme. + +ART. 230.--La femme pourra demander le divorce pour cause d'adultère de +son mari lorsqu'_il aura tenu sa concubine dans la maison commune_. + + +TITRE VI + +=De la séparation de corps.= + +ART. 308.--La femme contre laquelle la séparation de corps sera +prononcée pour cause d'adultère sera condamnée, par le même jugement et +sur la réquisition du ministère public, à la réclusion dans une maison +de correction pendant un temps déterminé, qui ne pourra être moindre de +trois mois, ni excéder deux années. + +ART. 309.--_Le mari restera le maître d'arrêter l'effet de cette +condamnation en consentant à reprendre sa femme_. + + +TITRE VII + +=De la paternité et de la filiation.= + +ART. 340.--La recherche de la paternité est interdite. + +ART. 341.--La recherche de la maternité est admise. + + +TITRE IX + +=De la puissance paternelle.= + +ART. 373.--Le père seul exerce cette autorité durant le mariage. + +ART. 374.--L'enfant ne peut quitter la maison paternelle sans la +permission de son père, si ce n'est pour _enrôlement volontaire_[8], +après l'âge de dix-huit ans révolus. + +[Note 8: Il faut observer cette restriction. Elle exprime la pensée +de Napoléon, mettant la Patrie (les armées, par conséquent) au-dessus de +la famille.] + + +TITRE X + +=De la tutelle des père et mère.= + +ART. 389.--Le _père_ est, durant le mariage, administrateur des biens +personnels de ses enfants mineurs. + + +LIVRE III.--TITRE PREMIER + +=Des successions.= + +ART. 776.--Les femmes mariées ne peuvent pas valablement accepter une +succession sans l'autorisation de leur mari. + + +TITRE II + +=Des donations entre vifs et des testaments.= + +ART. 905.--La femme mariée ne pourra donner entre vifs sans l'assistance +ou le consentement spécial de son mari. + +ART. 934.--La femme mariée ne pourra accepter une donation sans le +consentement de son mari. + +ART. 1029.--La femme mariée ne pourra accepter l'exécution testamentaire +qu'avec le consentement de son mari. + + * * * * * + + + + + +CODE PÉNAL + + +LIVRE III + +=Crimes et délits.= + +ART. 324.--Dans le cas d'adultère prévu par l'article 336, le meurtre +commis par l'époux sur son épouse ainsi que sur le complice à l'instant +où il les surprend en flagrant délit dans la maison conjugale est +excusable. + +ART. 336.--L'adultère de la femme ne pourra être dénoncé que par le +mari. + +ART. 337.--La femme convaincue d'adultère subira la peine de +l'emprisonnement pendant trois mois au moins et deux ans au plus. Le +mari restera le maître d'arrêter cette condamnation en consentant à +reprendre sa femme. + +ART. 339.--Le mari qui aura entretenu une concubine dans la maison +conjugale et qui aura été convaincu sur la plainte de la femme sera puni +d'une amende de cent francs à deux mille francs. + + * * * * * + + + + +LETTRES À Mme WALEWSKA + + +_Après la victoire d'Iéna, Napoléon occupa la Pologne et fit dans +Varsovie, sa capitale, une entrée glorieuse. Les Polonais, qui avaient +vu dans son triomphe l'espoir de leur affranchissement, lui firent un +accueil enthousiaste. Les fêtes succédèrent aux fêtes. Au cours de l'une +d'elles, dans un bal, Napoléon remarqua Marie Walewska. Pour la première +fois peut-être depuis qu'il est empereur, il laissa voir son trouble et +l'écrivit, bien que dans un billet bref, où le chef paraît plus que +l'amoureux. Ce billet, que Duroc[9] porta, était ainsi conçu:_ + + «Je n'ai vu que vous, je n'ai admiré que vous, je ne désire que + vous. Une réponse bien prompte pour calmer l'impatiente ardeur de + + «N.» + +[Note 9: Duroc, aide de camp de l'Empereur et un de ses familiers.] + +_La signature, qui n'est qu'un paraphe, le style, qui n'est qu'une suite +d'exclamations que termine un ordre, tout cela parut une impertinence +aux yeux de la jeune Polonaise. Elle refusa l'invitation._ + +_L'Empereur ne se tint pas pour battu. Il a conscience de sa valeur, et +si d'autres, plus modestes et surtout moins actifs que lui, +répugneraient à l'affirmer, il ne craint pas de l'écrire à celle qu'il +veut conquérir_: + + «Vous ai-je déplu, madame? J'avais cependant le droit d'espérer le + contraire. Me suis-je trompé! Votre empressement s'est ralenti, + tandis que le mien augmente. Vous m'ôtez le repos! Oh! donnez un + peu de joie, de bonheur à un pauvre coeur tout prêt à vous adorer. + Une réponse est-elle si difficile à obtenir? Vous m'en devez deux. + + «N.» + +_À ce billet, où paraissait l'ennui de n'avoir pas été accueilli, la +crainte d'avoir été trop brusque et la douleur réelle qu'éprouvait le +Maître à se sentir isolé dans sa gloire, Marie Walewska, plus par +respect de ses devoirs d'épouse, croyons-nous, que par fierté, ne voulut +pas répondre._ + +_Son entourage a beau lui représenter qu'être la maîtresse de l'Empereur, +ce n'est pas manquer à l'honneur, et que ce serait peut-être préparer le +salut et la grandeur de la Pologne, Marie Walewska se refuse à ce +compromis._ + +_Napoléon insiste une troisième fois. Son billet est plus tendre encore, +plus long aussi. Enfin il promet ce que tous les Polonais désirent:_ + + «Il y a des moments où trop d'élévation pèse, et c'est ce que + j'éprouve. Comment satisfaire le besoin d'un coeur épris qui + voudrait s'élancer à vos pieds et qui se trouve arrêté par le poids + de hautes considérations paralysant les plus vifs désirs? Oh! si + vous vouliez!... Il n'y a que vous seule qui puissiez lever les + obstacles qui nous séparent. Mon ami Duroc vous en facilitera les + moyens. + + Oh! venez! venez! Tous vos désirs seront remplis. Votre patrie me + sera plus chère quand vous aurez pitié de mon pauvre coeur. + + «N.» + +_Le lendemain de la réception de ce billet, lasse des assauts de +Napoléon et surtout d'entendre les prières de son entourage, qui +persistait à voir dans son consentement l'avènement de la Pologne, Marie +Walewska se rendit au château impérial. Ce fut la nuit, entourée de +mystère, voilée et en voiture fermée, qu'elle y arriva en compagnie d'un +gardien discret._ + +_Napoléon l'attendait. Il était là, debout, dans la salle ou on +l'introduisit. Empressé, comme il savait l'être avec les femmes qu'il +aimait, l'Empereur se montra galant. Mais Marie Walewska, toute surprise +encore, ne put que pleurer, se montrer nerveuse et d'une timidité qui +pouvait surprendre. Quand, à deux heures du matin, on vint la prendre +pour la reconduire chez elle, comme il avait été convenu, Napoléon +n'avait obtenu qu'un droit de consolation et sa promesse de revenir le +lendemain._ + +_Aussi, dès son réveil, sa femme de chambre lui remit-elle ce mot, qui +accompagnait un bouquet et une guirlande de diamants:_ + + «Marie, ma douce Marie, ma première pensée est pour toi, mon + premier désir est de te revoir. Tu reviendras, n'est-ce pas? Tu me + l'as promis. Sinon l'aigle volerait vers toi. Je te verrai à dîner, + l'ami[10] le dit. Daigne donc accepter ce bouquet: qu'il devienne + un lien mystérieux qui établisse entre nous un rapport secret au + milieu de la foule qui nous environne. Exposés aux regards de la + multitude, nous pourrons nous entendre. Quand ma main pressera mon + coeur, tu sauras qu'il est tout occupé de toi et, pour répondre, tu + presseras le bouquet! Aime-moi, ma gentille Marie, et que ta main + ne quitte jamais ton bouquet. + + N.» + +[Note 10: Duroc.] + +_Le soir, elle était au dîner. La conversation s'engagea entre elle et +l'Empereur à l'aide de ce bouquet. Puis elle vint au palais. L'habitude +prise, elle y revint chaque soir._ + +_Quand Napoléon quitta Varsovie pour Finckenstein, elle le suivit. Dans +cette nouvelle résidence, elle mène une vie cloîtrée, enfermée dans un +château morne, où elle ne voit personne. L'Empereur paraît aux heures +des repas, pris en tête à tête. Le reste du temps, elle l'use à lire, à +broder, à voir la parade à travers les persiennes._ + +_De Finckenstein, elle va à Vienne, et de Vienne à Paris, où l'Empereur +lui achète un hôtel particulier au 48 de la rue de la Victoire._ + +_De là, elle gagne Schoenbrunn, en 1809, et le château de Walewice, en +1810, où elle accouche d'un fils (le 4 mai): le comte Walewski._ + +_Puis elle revint à Paris. Mais l'époque des revers commençait. +Napoléon, attristé, ne pense plus avec la même gaieté à sa maîtresse. +Des soucis l'absorbent. Il songe à mourir. C'est quelques jours avant +l'Île d'Elbe. Ce soir où, vaincu, il a voulu se suicider sans y +parvenir, Marie Walewska attendra toute une nuit l'amant soucieux que, +bien qu'attristée, elle n'ose déranger. Lui ne se souviendra plus qu'au +matin qu'elle a passé la nuit à l'attendre dans une pièce proche. Et +malgré tant de douleur qui l'accable, il trouve pour elle, à défaut +d'amour, des mots d'amitié profonde:_ + + «Marie, j'ai reçu votre lettre du 15. Les sentiments qui vous + animent me touchent vivement. Ils sont dignes de votre belle âme et + de la bonté de votre coeur. Lorsque vous aurez arrangé vos + affaires, si vous voulez aller aux eaux de Lucques ou de Sise, je + vous verrai avec un grand et vif intérêt, ainsi que votre fils, + pour qui mes sentiments sont toujours invariables. Portez-vous + bien, pensez à moi avec plaisir et ne doutez jamais de moi. + + Le 16 avril. + + N.» + +_Napoléon partit pour l'Île d'Elbe. C'est là qu'elle le vint visiter le +1er septembre 1814. Elle sera près de lui encore en 1815, pendant les +Cent Jours._ + +_Enfin, quand ce fut l'exil définitif, l'abdication pour Sainte-Hélène, +Marie se crut dégagée de tout serment. Elle épousa Philippe-Antoine, +général comte d'Ornano, ancien colonel des dragons de la Garde, cousin +de l'Empereur._ + +_De ce mariage elle eut un fils[11], le 9 juin 1817. Quelques mois +après, vers la mi-décembre, elle mourait dans son hôtel de la rue de la +Victoire, qu'elle avait quitté lors de son mariage._ + +[Note 11: Rodolphe-Auguste d'Ornano, député au Corps législatif sous +le Second Empire. Mort le 14 octobre 1866.] + + + + + + +End of Project Gutenberg's Tendresses impériales, by Napoléon Bonaparte + +*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK TENDRESSES IMPÉRIALES *** + +***** This file should be named 19700-8.txt or 19700-8.zip ***** +This and all associated files of various formats will be found in: + http://www.gutenberg.org/1/9/7/0/19700/ + +Produced by Chuck Greif, Mireille Harmelin and the Online +Distributed Proofreading Team at http://dp.rastko.net +(Produced from images of the Bibliothèque nationale de +France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr) + + +Updated editions will replace the previous one--the old editions +will be renamed. + +Creating the works from public domain print editions means that no +one owns a United States copyright in these works, so the Foundation +(and you!) can copy and distribute it in the United States without +permission and without paying copyright royalties. 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It exists +because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from +people in all walks of life. + +Volunteers and financial support to provide volunteers with the +assistance they need, is critical to reaching Project Gutenberg-tm's +goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will +remain freely available for generations to come. In 2001, the Project +Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure +and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations. +To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation +and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 +and the Foundation web page at http://www.pglaf.org. + + +Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive +Foundation + +The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit +501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the +state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal +Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification +number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at +http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg +Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent +permitted by U.S. federal laws and your state's laws. + +The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S. +Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered +throughout numerous locations. Its business office is located at +809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email +business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact +information can be found at the Foundation's web site and official +page at http://pglaf.org + +For additional contact information: + Dr. Gregory B. Newby + Chief Executive and Director + gbnewby@pglaf.org + +Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg +Literary Archive Foundation + +Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide +spread public support and donations to carry out its mission of +increasing the number of public domain and licensed works that can be +freely distributed in machine readable form accessible by the widest +array of equipment including outdated equipment. Many small donations +($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt +status with the IRS. + +The Foundation is committed to complying with the laws regulating +charities and charitable donations in all 50 states of the United +States. 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Donations are accepted in a number of other +ways including checks, online payments and credit card +donations. To donate, please visit: http://pglaf.org/donate + + +Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic +works. + +Professor Michael S. Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm +concept of a library of electronic works that could be freely shared +with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project +Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support. + +Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed +editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S. +unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily +keep eBooks in compliance with any particular paper edition. + +Most people start at our Web site which has the main PG search facility: + + http://www.gutenberg.org + +This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, +including how to make donations to the Project Gutenberg Literary +Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to +subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. + +*** END: FULL LICENSE *** + diff --git a/19700-8.zip b/19700-8.zip Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..3011557 --- /dev/null +++ b/19700-8.zip diff --git a/19700-h.zip b/19700-h.zip Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..2ab214e --- /dev/null +++ b/19700-h.zip diff --git a/19700-h/19700-h.htm b/19700-h/19700-h.htm new file mode 100644 index 0000000..1558ed8 --- /dev/null +++ b/19700-h/19700-h.htm @@ -0,0 +1,4241 @@ +<!DOCTYPE html PUBLIC "-//W3C//DTD XHTML 1.0 Strict//EN" + "http://www.w3.org/TR/xhtml1/DTD/xhtml1-strict.dtd"> + +<html xmlns="http://www.w3.org/1999/xhtml"> + <head> + <meta http-equiv="Content-Type" content="text/html;charset=iso-8859-1" /> + <title> + The Project Gutenberg eBook of Tendresses Impériales, by Napoléon Bonaparte + </title> + <style type="text/css"> +/*<![CDATA[ XML blockout */ +<!-- + p { margin-top: .75em; + text-align: justify; + margin-bottom: .75em; + text-indent: 2%; + } + p.right {text-align: right;} + .sign {margin-left: 60%; margin-right: auto; + } + h1,h2,h3,h4,h5,h6 { + text-align: center; + clear: both; + } + hr { width: 33%; + margin-top: 2em; + margin-bottom: 2em; + margin-left: auto; + margin-right: auto; + clear: both; + } + table {margin-left: auto; margin-right: auto;} + body{margin-left: 10%; + margin-right: 10%; + background:#fdfdfd; + color:black; + font-family: "Times New Roman", serif; + font-size: large; + } + a:link {background-color: #ffffff; color: blue; text-decoration: none; } + link {background-color: #ffffff; color: blue; text-decoration: none; } + a:visited {background-color: #ffffff; color: blue; text-decoration: none; } + a:hover {background-color: #ffffff; color: red; text-decoration:underline; } + .blockquot{margin-left: 25%; margin-right: 25%;} + .center {text-align: center;} + .smcap {font-variant: small-caps;} + .footnotes {border: dashed 1px;} + .footnote {margin-left: 10%; margin-right: 10%; font-size: 0.9em;} + .footnote .label {position: absolute; right: 84%; text-align: right;} + .fnanchor {vertical-align: super; font-size: .5em; text-decoration: none;} + .poem {margin-left: 20%; margin-right:10%; text-align: left;} + .poem1 {margin-left: 50%; margin-right: auto; text-align: left;} + .poem .stanza {margin: 1em 0em 1em 0em;} + .poem span.i0 {display: block; margin-left: 0em; padding-left: 3em; text-indent: -3em;} + // --> + /* XML end ]]>*/ + </style> + </head> +<body> + + +<pre> + +The Project Gutenberg EBook of Tendresses impériales, by Napoléon Bonaparte + +This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with +almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or +re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included +with this eBook or online at www.gutenberg.org + + +Title: Tendresses impériales + +Author: Napoléon Bonaparte + +Release Date: November 2, 2006 [EBook #19700] + +Language: French + +Character set encoding: ISO-8859-1 + +*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK TENDRESSES IMPÉRIALES *** + + + + +Produced by Chuck Greif, Mireille Harmelin and the Online +Distributed Proofreading Team at http://dp.rastko.net +(Produced from images of the Bibliothèque nationale de +France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr) + + + + + + +</pre> + + + +<hr style="width: 95%;" /> + +<table summary="note" border="0" cellpadding="10" style="background-color: #ccccff;"> + <tr> + <td valign="top"> + +<p>Note du transcripteur:<br /><br />Ce livre présente des lettres de Napoléon Bonaparte à sa première femme, +Joséphine de Beauharnais, et à la Comtesse Marie de Walewska.</p> + +<p>Rappelons que Napoléon Bonaparte eut deux épouses:</p> + +<p>—Joséphine Tascher de la Pagerie, veuve du général Beauharnais, qu'il +épousa en 1796 et dont il divorça en 1809 car Joséphine ne lui avait pas +donné l'héritier à la dynastie qu'il souhaitait;—Marie-Louise, fille +de l'empereur d'Autriche, qu'il épousa en 1810 et dont il eut un fils, +le roi de Rome (1811-1832), surnommé l'Aiglon.</p> + +<p>C'est pendant les pourparlers qui conduisirent au Traité de Tilsitt +signé en 1807 entre Napoléon 1er et le tsar Alexandre 1er de Russie, +traité qui eut pour conséquences le démembrement de la Prusse et la +reconstitution d'un État polonais (le Grand Duché de Varsovie), que +Napoléon fit la connaissance de la Comtesse Marie de Walewska, à +laquelle furent adressées quelques unes des lettres présentées dans ce +livre.</p> + +<p>Rappelons brièvement les épisodes successifs de la vie politique et +militaire de Napoléon Bonaparte:</p> + +<p>—en mars 1796, Bonaparte venait d'être nommé général en chef de +l'armée d'Italie pour combattre les Autrichiens. Il y remporta des +victoires restées fameuses: Castiglione, Arcole, Rivoli. Le Traité de +Campoformio (octobre 1797) mit fin à la guerre avec les Autrichiens.</p> + +<p>—en 1798-1799, ce fut la Campagne d'Égypte où Bonaparte fut vainqueur +aux Pyramides; mais la flotte française fut détruite par Nelson, à +Aboukir.</p> + +<p>—en 1800, ce fut la 2ème campagne d'Italie avec la victoire de +Marengo sur les Autrichiens.</p> + +<p>—Bonaparte devint premier Consul à la suite du coup d'État du 18 +brumaire an VIII (9 novembre 1799) puis fut sacré Napoléon 1er, Empereur +des Français, le 2 décembre 1804.</p> + +<p>—Ce fut ensuite une succession de batailles victorieuses, Austerlitz +(1805), Iéna (1806), Eylau et Friedland (1807), Wagram (1809). Mais il y +eut la défaite de Trafalgar (1805) où la flotte française fut détruite +par les Anglais. La Paix de Vienne fut signée le 14 octobre 1809. Puis +vinrent les désastres avec la Campagne de Russie (1812), la Campagne +d'Allemagne et la Défaite de Leipzig (octobre 1813), la Prise de Paris +par les Alliés (mars 1814), le Traité d'abdication de Fontainebleau +(avril 1814), l'exil à l'île d'Elbe, le Congrès de Vienne qui opéra la +liquidation du régime napoléonien en Europe, les Cent Jours (mars à +juillet 1815) après le retour de Napoléon de l'Ile d'Elbe, la Défaite de +Waterloo (juin 1815), la 2ème abdication, le 22 juin 1815 et le départ +pour son exil à Sainte-Hélène où il mourra en 1821.</p> +</td> + </tr> +</table> + +<hr style="width: 95%;" /> + +<h3>NAPOLÉON BONAPARTE</h3> + +<h1>TENDRESSES IMPÉRIALES</h1> + +<h3>AVEC UNE LETTRE-PRÉFACE PAR<br /><br /> +ABEL GRI<br /><br /></h3> + +<div class="poem1"><div class="stanza"> +<span class="i0"> L'Amour est l'occupation de l'homme<br /></span> +<span class="i0">oisif, la distraction du guerrier, l'écueil<br /></span> +<span class="i0">du souverain.<br /></span> +<span class="i0"> (Napoléon Bonaparte)<br /></span> +</div></div> +<p> </p> +<p> <br /></p> +<hr style="width: 5%;" /> + +<h3>PARIS</h3> + +<h3>BIBLIOTHÈQUE INTERNATIONALE D'ÉDITION</h3> + +<h3>E. SANSOT & C<sup>ie</sup></h3> + +<h3>9, rue de l'Éperon, 9</h3> + +<h3>MCMXIII</h3> + +<p class="center"> +IL A ÉTÉ TIRÉ DE CET OUVRAGE<br /> +25 EXEMPLAIRES NUMÉROTÉS SUR HOLLANDE<br /> +VAN GELDER ZONEN<br /> +</p> + +<hr style="width: 65%;" /> + +<p><strong><i>Que diriez-vous d'une série qui grouperait les récits envoyés du +théâtre de leurs exploits à leurs maîtresses par nos héros et qui nous +les ferait voir dans l'instant où l'amour agit sur eux comme un ferment +d'héroïsme? Les lettres du jeune général en chef de l'armée d'Italie +ouvriraient cette collection.</i></strong></p> + +<p class="sign">(<span class="smcap">Maurice Barrès</span>)</p> + +<p class="center">(Préface des «<i>Lettres du lieutenant-colonel Moll</i>».)</p> +<p> <br /></p> +<p> <br /></p> + +<hr style="width: 65%;" /> + +<h2><a name="TABLE_DES_MATIERES" id="TABLE_DES_MATIERES"></a>TABLE DES MATIÈRES</h2> +<hr style="width: 65%;" /> +<table summary="table" cellspacing="2" cellpadding="2"> +<tr><td> </td></tr> +<tr><td style="font-size: 125%;" align="left"><a href="#LETTRE-PREFACE"><b>Lettre-préface à M. Maurice Barrès</b></a></td></tr> +<tr><td> </td></tr> +<tr><td style="font-size: 125%;" align="left"><a href="#LETTRES_DE_BONAPARTE_1"><b>Lettres du Général en chef de l'armée d'Italie</b></a></td></tr> +<tr><td style="font-size: 50%;"><a href="#LETTRE_I"><b>Lettre I,</b></a> +<a href="#LETTRE_II"><b>II,</b></a> +<a href="#LETTRE_III"><b>III,</b></a> +<a href="#LETTRE_IV"><b>IV,</b></a> +<a href="#LETTRE_V"><b>V,</b></a> +<a href="#LETTRE_VI"><b>VI,</b></a> +<a href="#LETTRE_VII"><b>VII,</b></a> +<a href="#LETTRE_VIII"><b>VIII,</b></a> +<a href="#LETTRE_IX"><b>IX,</b></a> +<a href="#LETTRE_X"><b>X,</b></a> +<a href="#LETTRE_XI"><b>XI,</b></a> +<a href="#LETTRE_XII"><b>XII,</b></a> +<a href="#LETTRE_XIII"><b>XIII,</b></a> +<a href="#LETTRE_XIV"><b>XIV,</b></a> +<a href="#LETTRE_XV"><b>XV,</b></a> +<a href="#LETTRE_XVI"><b>XVI,</b></a> +<a href="#LETTRE_XVII"><b>XVII,</b></a> +<a href="#LETTRE_XVIII"><b>XVIII,</b></a> +<a href="#LETTRE_XIX"><b>XIX</b></a></td></tr> +<tr><td> </td></tr> +<tr><td style="font-size: 125%;" align="left"><a href="#LETTRES_DE_BONAPARTE_2"><b>Lettres de Bonaparte, Premier Consul</b></a></td></tr> +<tr><td style="font-size: 50%;"><a href="#LETTRE_XX"><b>Lettre XX,</b></a> +<a href="#LETTRE_XXI"><b>XXI,</b></a> +<a href="#LETTRE_XXII"><b>XXII,</b></a> +<a href="#LETTRE_XXIII"><b>XXIII,</b></a> +<a href="#LETTRE_XXIV"><b>XXIV,</b></a> +<a href="#LETTRE_XXV"><b>XXV</b></a></td></tr> +<tr><td> </td></tr> +<tr><td style="font-size: 125%;" align="left"><a href="#LETTRES_DE_NAPOLEON"><b>Lettres de Napoléon, Empereur</b></a></td></tr> +<tr><td style="font-size: 50%;"><a href="#LETTRE_XXVI"><b>Lettre XXVI,</b></a> +<a href="#LETTRE_XXVII"><b>XXVII,</b></a> +<a href="#LETTRE_XXVIII"><b>XXVIII,</b></a> +<a href="#LETTRE_XXIX"><b>XXIX,</b></a> +<a href="#LETTRE_XXX"><b>XXX,</b></a> +<a href="#LETTRE_XXXI"><b>XXXI,</b></a> +<a href="#LETTRE_XXXII"><b>XXXII,</b></a> +<a href="#LETTRE_XXXIII"><b>XXXIII,</b></a> +<a href="#LETTRE_XXXIV"><b>XXXIV,</b></a> +<a href="#LETTRE_XXXV"><b>XXXV,</b></a> +<a href="#LETTRE_XXXVI"><b>XXXVI,</b></a> +<a href="#LETTRE_XXXVII"><b>XXXVII,</b></a> +<a href="#LETTRE_XXXVIII"><b>XXXVIII,</b></a> +<a href="#LETTRE_XXXIX"><b>XXXIX,</b></a> +<a href="#LETTRE_XL"><b>XL,</b></a> +<a href="#LETTRE_XLI"><b>XLI,</b></a> +<a href="#LETTRE_XLII"><b>XLII,</b></a> +<a href="#LETTRE_XLIII"><b>XLIII,</b></a> +<a href="#LETTRE_XLIV"><b>XLIV,</b></a> +<a href="#LETTRE_XLV"><b>XLV,</b></a> +<a href="#LETTRE_XLVI"><b>XLVI,</b></a> +<a href="#LETTRE_XLVII"><b>XLVII,</b></a> +<a href="#LETTRE_XLVIII"><b>XLVIII,</b></a> +<a href="#LETTRE_XLIX"><b>XLIX,</b></a> +<a href="#LETTRE_L"><b>L,</b></a> +<a href="#LETTRE_LI"><b>LI,</b></a> +<a href="#LETTRE_LII"><b>LII,</b></a> +<a href="#LETTRE_LIII"><b>LIII,</b></a> +<a href="#LETTRE_LIV"><b>LIV,</b></a> +<a href="#LETTRE_LV"><b>LV,</b></a> +<a href="#LETTRE_LVI"><b>LVI,</b></a> +<a href="#LETTRE_LVII"><b>LVII,</b></a> +<a href="#LETTRE_LVIII"><b>LVIII,</b></a> +<a href="#LETTRE_LIX"><b>LIX,</b></a> +<a href="#LETTRE_LX"><b>LX,</b></a> +<a href="#LETTRE_LXI"><b>LXI,</b></a> +<a href="#LETTRE_LXII"><b>LXII,</b></a> +<a href="#LETTRE_LXIII"><b>LXIII,</b></a> +<a href="#LETTRE_LXIV"><b>LXIV,</b></a> +<a href="#LETTRE_LXV"><b>LXV,</b></a> +<a href="#LETTRE_LXVI"><b>LXVI,</b></a> +<a href="#LETTRE_LXVII"><b>LXVII,</b></a> +<a href="#LETTRE_LXVIII"><b>LXVIII,</b></a> +<a href="#LETTRE_LXIX"><b>LXIX,</b></a> +<a href="#LETTRE_LXX"><b>LXX,</b></a> +<a href="#LETTRE_LXXI"><b>LXXI,</b></a> +<a href="#LETTRE_LXXII"><b>LXXII,</b></a> +<a href="#LETTRE_LXXIII"><b>LXXIII,</b></a> +<a href="#LETTRE_LXXIV"><b>LXXIV,</b></a> +<a href="#LETTRE_LXXV"><b>LXXV,</b></a> +<a href="#LETTRE_LXXVI"><b>LXXVI,</b></a> +<a href="#LETTRE_LXXVII"><b>LXXVII</b></a></td></tr> +<tr><td> </td></tr> +<tr><td style="font-size: 125%;" align="left"><a href="#LETTRES_DE_NAPOLEON_A_JOSEPHINE"><b>Lettres de Napoléon à Joséphine après le divorce</b></a></td></tr> +<tr><td style="font-size: 50%;"><a href="#LETTRE_LXXVIII"><b>Lettre LXXVIII,</b></a> +<a href="#LETTRE_LXXIX"><b>LXXIX,</b></a> +<a href="#LETTRE_LXXX"><b>LXXX,</b></a> +<a href="#LETTRE_LXXXI"><b>LXXXI,</b></a> +<a href="#LETTRE_LXXXII"><b>LXXXII,</b></a> +<a href="#LETTRE_LXXXIII"><b>LXXXIII,</b></a> +<a href="#LETTRE_LXXXIV"><b>LXXXIV,</b></a> +<a href="#LETTRE_LXXXV"><b>LXXXV,</b></a> +<a href="#LETTRE_LXXXVI"><b>LXXXVI,</b></a> +<a href="#LETTRE_LXXXVII"><b>LXXXVII,</b></a> +<a href="#LETTRE_LXXXVIII"><b>LXXXVIII,</b></a> +<a href="#LETTRE_LXXXIX"><b>LXXXIX,</b></a> +<a href="#LETTRE_XC"><b>XC,</b></a> +<a href="#LETTRE_XCI"><b>XCI,</b></a> +<a href="#LETTRE_XCII"><b>XCII,</b></a> +<a href="#LETTRE_XCIII"><b>XCIII,</b></a> +<a href="#LETTRE_XCIV"><b>XCIV,</b></a> +<a href="#LETTRE_XCV"><b>XCV,</b></a> +<a href="#LETTRE_XCVI"><b>XCVI,</b></a> +<a href="#LETTRE_XCVII"><b>XCVII,</b></a> +<a href="#LETTRE_XCVIII"><b>XCVIII,</b></a> +<a href="#LETTRE_XCIX"><b>XCIX,</b></a> +<a href="#LETTRE_C"><b>C,</b></a> +<a href="#LETTRE_CI"><b>CI</b></a></td></tr> +<tr><td> </td></tr> +<tr><td style="font-size: 110%;" align="left"><a href="#APPENDICES"><b> APPENDICES:</b></a></td></tr> +<tr><td align="left"><a href="#DIALOGUE_SUR_LAMOUR"><b>Dialogue sur l'amour</b></a></td></tr> +<tr><td align="left"><a href="#CODE_CIVIL"><b>La femme et le Code Napoléon: Code civil</b></a></td></tr> +<tr><td align="left"><a href="#CODE_PENAL"><b>Code pénal</b></a></td></tr> +<tr><td align="left"><a href="#LETTRES_A_M_WALEWSKA"><b>Lettres à M<sup>me</sup> Walewska</b></a></td></tr> +</table> + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE-PREFACE" id="LETTRE-PREFACE"></a>LETTRE-PRÉFACE</h2> + +<p class="center">À</p> + +<h3>MAURICE BARRÈS</h3> + + +<p><strong><i>Voir réunies, en une page d'héroïsme et de passion, les lettres d'amour +du jeune général en chef de l'armée d'Italie, c'est une idée qui vous +fut chère et que voici réalisée.</i></strong></p> + +<p><strong><i>En y joignant le «Dialogue sur l'Amour» qu'écrivit le jeune lieutenant +d'artillerie et les billets fiévreux que l'Empereur fit parvenir à Marie +Walewska, nous ajoutons les clartés et les ombres qui feront mieux +valoir la figure du héros.</i></strong></p> + +<p><strong><i>Il n'est pas jusqu'à cet âpre énoncé des articles du Code qui, comme la +gravure sévère de quelque eau-forte, ne puisse fixer dans notre cerveau +la pensée austère du Maître.</i></strong></p> + +<p><strong><i>Nous ne dirons pas l'histoire de ses amours. Si nous les savons +multiples, nous avons retenu qu'elles ne l'obsédèrent pas. Sans les +considérer comme une tare, il pensait justement qu'elles étaient un mal +inévitable à l'homme sans foyer, et que, pour cette raison, mieux valait +les taire et les cacher.</i></strong></p> + +<p><strong><i>C'est encore l'aimer que de ne pas attacher d'importance aux actes de +sa vie qu'il estimait négligeables.</i></strong></p> + +<p><strong><i>Aussi, sa tendresse pour Marie Walewska n'aura-t-elle que l'agrément +d'une faiblesse s'entourant de romantisme.</i></strong></p> + +<p><strong><i>Elle aura le charme troublant d'une page de littérature où l'amour +discute l'être aimé à la curiosité des foules et à la raillerie des +pamphlétaires. Malgré ses moments de véritable grandeur et malgré +l'inaltérable souvenir qu'il lui garda, l'aventure polonaise ne restera +qu'une aventure, sans doute plus longue, plus relevée parmi les autres, +mais dont on n'a pas à chercher les conséquences, parce qu'elle ne +pouvait pas en avoir dans la pensée et par la volonté du héros.</i></strong></p> + +<p><strong><i>L'idée du rétablissement d'un royaume par l'intervention de l'amour ne +sera qu'une chimère conçue par l'héroïne et narrée avec volupté par les +écrivains épris de son histoire.</i></strong></p> + +<p><strong><i>L'ascension au trône d'une concubine n'est qu'une autre folie de ceux +qui s'ingénièrent à voir un passionné chez Napoléon.</i></strong></p> + +<p><strong><i>Il eût été plus vrai de dire que par Napoléon l'amour n'est ni +recherché, ni surtout glorifié. Il est combattu. L'Empereur ne l'accepte +que dans le mariage, sans l'y croire nécessaire. Pour lui, le mariage +est un devoir social. C'est un acte légitime que nous devons accomplir, +que le souverain doit imposer à ses sujets et à l'accomplissement duquel +il prêtera son encouragement. C'est un moyen de fonder une famille, une +nation, une dynastie. Si fragiles que soient des unions que, seule, la +volonté explique, il les veut définitives. Si le divorce est inscrit +dans ses lois, ce n'est qu'entouré de mille entraves qui le rendent +difficile à appliquer et d'aspect si redoutable que la plupart des +solliciteurs s'en détournent. Il croit qu'il n'est rien de durable que +ce qu'a bâti la volonté tenace. Il sait que les énergies sont rares et +que la foule, quoique mobile, est soumise, parce que craintive. La +rigueur de ses lois forcera son peuple à la vertu.</i></strong></p> + +<p><strong><i>Aussi l'amour n'apparaît à ses yeux que comme un libertinage. Il le +voit sous son aspect physique, et de suite il entrevoit les déchéances +où conduisent les passions. Économe de l'énergie de son peuple comme de +la sienne, il utilise même les circonstances quotidiennes pour bannir de +son entourage l'idée de l'amour et l'habituer à des pensées plus +austères. La perte d'une amante provoque-t-elle un suicide parmi ses +troupes, de suite il fait lire une proclamation dans laquelle il est dit +qu'«un soldat doit vaincre la douleur et la mélancolie de ses passions». +L'histoire ne dit pas quelle femme fut cause de ce drame. Maîtresse ou +épouse, la proclamation eût été la même. Dans sa pensée, l'homme se doit +à une tâche plus sévère que celle d'aimer. L'amour est l'affaire des +femmes, dont il exige la fidélité. Non pas qu'en soi il donne une grande +importance à l'adultère. Il le dit «commun» et c'est une «affaire de +canapé». Mais s'il le comprend, il ne l'excuse pas et les mœurs +qu'imposera son exemple contribueront à en diminuer les causes. Il veut +les épouses respectées. Il écarte d'elles les galants, supprimant ainsi +toutes excuses à leur faute. Si malgré tant de soins la trahison n'a pu +être évitée, il se gardera bien de l'ébruiter, d'user même de l'autorité +de ses lois. Il sait qu'un malheur conjugal ne doit pas s'avouer.</i></strong></p> + +<p><strong><i>Ceci explique le ton enjoué de ses lettres à Joséphine, où les rares +menaces sont plutôt des avis de discrétion. Alors il écrit: «Ne te fie +pas, et je te conseille de te bien garder la nuit, car une de ces +prochaines tu entendras grand bruit.»</i></strong></p> + +<p><strong><i>Aussi sa correspondance est-elle d'une lecture passionnante et +triste.</i></strong></p> + +<p><strong><i>Bonaparte, à vingt-six ans</i><a name="FNanchor_1_1" id="FNanchor_1_1"></a><a href="#Footnote_1_1" class="fnanchor">[1]</a>, <i>se marie avec Joséphine, âgée de +quelques années de plus que lui</i><a name="FNanchor_2_2" id="FNanchor_2_2"></a><a href="#Footnote_2_2" class="fnanchor">[2]</a>. <i>Elle est veuve. Elle est créole. +Elle a passé sa vie dans l'oisiveté. Celle du jeune Bonaparte s'est +passée dans l'étude et dans les combats. Il ne sait des femmes et de +l'amour que ce qu'il en a observé avec une amère justesse. Mais que peut +l'observation d'un jeune homme quand, pour la combattre, on a le visage, +la grâce de séduction et l'expérience de Joséphine.</i></strong></p> + +<p><strong><i>Pour conquérir une place, une fortune, un droit aux honneurs, elle usa +de la seule arme qui était en son pouvoir. Une prescience lui disait que +tout cela, ce jeune homme timide avec elle, mais énergique avec les +événements, saurait le lui offrir.</i></strong></p> + +<p><strong><i>Et il en fut ainsi.</i></strong></p> + +<p><strong><i>Dès le soir du mariage, c'est, de la rue Chante-reine, le hâtif départ +vers la gloire. Et bientôt les nouvelles parviennent, apportant chacune +l'annonce d'un triomphe, d'un pas vers l'empire dont elle rêve peut-être +dans son imagination orientale, mais certainement l'assurance d'un peu +plus de cet argent dont elle se montrera si prodigue.</i></strong></p> + +<p><strong><i>Pendant qu'il écrit ces fiévreux billets le soir, sous la tente, parmi +l'éparpillement des cartes et des rapports, lorsque dorment ses soldats +harassés, Joséphine, oublieuse des promesses récentes, se laisse aller à +l'ardeur de son tempérament. Bonaparte en reçoit la nouvelle en Égypte. +De suite il songe au divorce. Ce qu'il y a de brutal et d'orgueilleux +dans son caractère lui présente ce moyen prompt de sauver son honneur.</i></strong></p> + +<p><strong><i>Mais bientôt il fait un lent et puissant effort sur lui-même, +s'appliquant à discuter, à peser la gravité et les conséquences de la +rupture.</i></strong></p> + +<p><strong><i>Il commande un corps d'expédition. Il a décidé d'atteindre le pouvoir à +son retour en France. Des ennemis l'entourent. Ira-t-il prêter le flanc +aux railleries en faisant connaître à tous ce qui n'est su que de +quelques-uns? Ainsi les années passent. Il grandit dans sa puissance. En +Italie, il est trop tard déjà pour exiger cette réparation. La blessure +est plus ancienne aussi. Il la pourra supporter. Les efforts faits pour +reconquérir Joséphine sont restés vains. Il eût fallu qu'il demeurât +près d'elle à la distraire, à la choyer. Mais son destin l'appelait aux +armées.</i></strong></p> + +<p><strong><i>La certitude de toute maternité impossible chez l'Impératrice, seule, +le détermina à la rupture. Encore ne put-il l'accepter définitive. Il +sentit le besoin de la savoir proche de lui et heureuse par ses soins.</i></strong></p> + +<p><strong><i>Perpétuel combat entre l'amour et la destinée, voilà toute la vie de +Napoléon avec Joséphine.</i></strong></p> + +<p><strong><i>Maintenant que nous connaissons les idées de l'Empereur sur l'amour et +le mariage, on peut demeurer surpris de voir sa conduite.</i></strong></p> + +<p><strong><i>Quand on songe qu'il avoua ses maîtresses à Joséphine, lui présenta +M<sup>me</sup> Walewska, et que l'ayant répudiée il ne voulut cesser de la voir, +quelle extraordinaire complexité de caractère ne découvre-t-on pas en +lui!</i></strong></p> + +<p><strong><i>Deux causes expliquent cette conduite; l'éducation littéraire de +Bonaparte et le rôle d'initiatrice de Joséphine.</i></strong></p> + +<p><strong><i>Napoléon dans sa rudesse garde un fond de rêverie qui combat sans cesse +son positivisme natif. Cela il le doit à sa jeunesse isolée, malheureuse +même, dépourvue de caresses et de cet argent avec lequel s'achètent les +illusions de celles-ci. Il a vu des femmes, sans doute, mais leurs rangs +si supérieurs au sien l'ont forcé à n'être que tendre et «troubadour» +auprès d'elles. Ce furent les idylles de Valence. De celles qui se +donnent, il connaît seulement les filles vénales comme celle interrogée +un soir de fièvre sous les galeries du Palais-Royal.</i></strong></p> + +<p><strong><i>La lecture de Rousseau l'exalta. Il a rêvé une M<sup>me</sup> de Warens. Il +croit la découvrir dans cette créole s'offrant à lui, prestigieuse, +entourée du souvenirs de son Orient natal. Il l'aime d'autant plus qu'il +n'osait espérer lui plaire.</i></strong></p> + +<p><strong><i>De son côté, Joséphine trouva de l'agrément à séduire ce jeune homme +qu'elle savait chaste. Pour cette voluptueuse c'était une conquête bien +tentante. Ce que furent leur fièvre, nous le devinons. Dans leur hâte de +possession, ils ne surent attendre leur mariage.</i></strong></p> + +<p><strong><i>Tout ce qu'une femme dont l'amour est la seule pensée peut mettre de +science, de raffinement, de recherche dans l'étreinte, il est certain +que Joséphine le révéla à Bonaparte étonné et ravi. Pour elle il fut un +jouet. Elle le trouva même «drôle» et par ce plaisir qu'elle donnait +contre toute attente elle le posséda. De lui avoir fait connaître un +amour qu'il imaginait seulement dans les romans, Bonaparte lui en fut +toute sa vie reconnaissant. Ce conquérant l'aime parce qu'elle l'a +vaincu, qu'elle l'a su tenir, lassé, près d'elle et cependant heureux.</i></strong></p> + +<p><strong><i>Aussi il aura pour elle des empressements de petit-maître, de délicates +attentions, des pardons même. Elle peut tout faire: le tromper, se +vendre et s'endetter. Qu'importe! Il sait qu'il trouvera en elle un +superbe instrument de plaisir plus vibrant et plus riche que tous les +autres.</i></strong></p> + +<p><strong><i>Aux heures de réflexion, dans les nuits aux camps, sa pensée s'applique +à comprendre Joséphine. Il évoque les amants à qui elle se donne avec la +même fougue qu'à lui-même. Si, dans son instinct de mâle, il est jaloux, +sa fierté d'homme ne se révolte pas. Il sait qu'il n'a qu'à reparaître +pour les lui faire oublier tous. Sa gloire, sa richesse lui ajoutent un +prestige dont il connaît la force. «Ce qu'on aime en nous c'est notre +bonheur», pense-t-il. Il se dit aussi qu'une femme dont les sens sont si +prompts ne pourra jamais commander à l'esprit d'un homme. Pas plus +qu'elle ne se souvient de lui absent, il ne redoute de subir son action +quand il l'a quittée. Cela le séduit d'avoir une femme ne songeant qu'à +le distraire sans penser à le commander. Enfin c'est surtout parce +qu'elle fut l'initiatrice qu'il ne l'oublie jamais. Elle peut vieillir +et avec l'âge voir s'éteindre la possibilité des étreintes. Qu'importe! +Elle l'a fait vibrer avant toutes les autres. S'il n'hésite pas même à +lui avouer ses infortunes galantes, c'est qu'il est certain de trouver +sur son sein un mol oreiller pour sa peine et dans ses mains, qui eurent +tant de luxurieuses caresses, une dernière étreinte pour apaiser son +cœur. Il sait qu'elle l'aidera à dénouer d'aventureuses liaisons, +trouvant dans cette compromission l'agrément de se voir rechercher +encore.</i></strong></p> + +<p><strong><i>Vu de la sorte, le caractère de Napoléon apparaît sans étrangeté. Il +s'est imposé, où son esprit le conduisait de n'avoir d'autre maître que +lui et à laisser la femme en marge de sa pensée.</i></strong></p> + +<p><strong><i>Une conception de la vie entièrement consacrée à la réalisation ferme +d'un grand projet oblige à ne considérer les autres sentiments que comme +des plaisirs et à faire que ceux qui les éveillent en nous ne puissent +devenir rien autre que des amuseurs.</i></strong></p> + +<p><strong><i>L'esprit pourra s'ingénier à concevoir une vie calme où les droits de +la famille et ceux du devoir seront Justement équilibrés, il semble +qu'une loi conduise les êtres supérieurs à ne pas s'y arrêter. Ce calme, +ce repos familial, dans les minutes de découragement ils regretteront +parfois de ne l'avoir pas, mais ne s'attarderont pas à cette mélancolie. +Immenses dans leurs besoins, ceux dont Napoléon a dit qu'ils «étaient +des météores, destinés à brûler pour éclairer la terre» seront toujours +conduits à s'éprendre de et qui sera énervant comme le sont la lutte et +les courtisanes, si l'on veut entendre par courtisanes non les filles +simplement vénales, mais celles qui trouvent à se donner une +satisfaction aussi vive que le guerrier à vaincre. Pour les courtisanes +et pour le conquérant, l'or et le butin de l'amant et du vaincu sont les +conséquences naturelles, mais négligeables d'une action puissante. +Offrandes et rançons seront vite dissipées, et de tant de fortunes et de +conquêtes il ne ratera pour l'éternité que l'immense souvenir de leur +agitation.</i></strong></p> + +<p><strong><i>Napoléon cherchant la femme qui l'aimera pour lui-même et n'aimera que +lui, l'artiste demandant celle qui le comprendra et lui construira un +foyer, obéissent à une loi de contraste de notre esprit. En donnant +Joséphine à Napoléon et d'ardentes maîtresses aux chastes artistes, les +lois surnaturelles semblent avoir voulu surchauffer les sens de ces +héros pour mieux libérer leurs esprits en leur présentant de la femme +une idée physique et irrespectueuse à laquelle ils ne sauraient +s'attacher sans déchoir.</i></strong></p> + +<p class="sign">Abel GRI.</p> + +<hr style="width: 65%;" /> +<p> </p> +<p> </p> +<h2><a name="TENDRESSES_IMPERIALES" id="TENDRESSES_IMPERIALES"></a>TENDRESSES IMPÉRIALES</h2> +<p> </p> +<p> </p> +<hr style="width: 65%;" /> + +<h3><a name="LETTRES_DE_BONAPARTE_1" id="LETTRES_DE_BONAPARTE_1"></a>LETTRES DU GÉNÉRAL EN CHEF</h3> + +<p class="center">DE L'ARMÉE D'ITALIE</p> + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_I" id="LETTRE_I"></a>LETTRE I</h2> + +<h4>À Joséphine, à Milan.</h4> + +<p class="right">Marmirolo, le 29 messidor, 6 heures du soir +(17 Juillet 1796).</p> + + +<p>Je reçois ta lettre, mon adorable amie; elle a rempli mon cœur de joie. +Je te suis obligé de la peine que tu as prise de me donner de tes +nouvelles; ta santé doit être meilleure aujourd'hui; je suis sûr que tu +es guérie. Je t'engage fort à monter à cheval, cela ne peut pas manquer +de te faire du bien.</p> + +<p>Depuis que je t'ai quittée, j'ai toujours été triste. Mon bonheur est +d'être près de toi. Sans cesse je repasse dans ma mémoire tes baisers, +tes larmes, ton aimable jalousie, et les charmes de l'incomparable +Joséphine allument sans cesse une flamme vive et brûlante dans mon cœur +et dans mes sens. Quand, libre de toute inquiétude, de toute affaire, +pourrai-je passer tous mes instants près de toi, n'avoir qu'à t'aimer, +et ne penser qu'au bonheur de te le dire et de te le prouver? Je +t'enverrai ton cheval; mais j'espère que tu pourras me rejoindre. Je +croyais t'aimer il y a quelques jours; mais, depuis que je t'ai vue, je +sens que je t'aime mille fois plus encore. Depuis que je te connais, je +t'adore tous les jours davantage: cela prouve combien la maxime de La +Bruyère, que <i>l'amour vient tout d'un coup</i>, est fausse. Tout, dans la +nature, a un cours et différents degrés d'accroissement. Ah! je t'en +prie, laisse-moi voir quelques-uns de tes défauts; sois moins belle, +moins gracieuse, moins tendre, moins bonne surtout; surtout ne sois +jamais jalouse, ne pleure jamais; tes larmes m'ôtent la raison, brûlent +mon sang. Crois bien qu'il n'est plus en mon pouvoir d'avoir une pensée +qui ne soit pas a toi, et une idée qui ne te soit pas soumise.</p> + +<p>Repose-toi bien. Rétablis vite ta santé. Viens me rejoindre; et, au +moins, qu'avant de mourir, nous puissions dire: «Nous fûmes tant de +jours heureux!!»</p> + +<p>Millions de baisers et même à Fortuné<a name="FNanchor_3_3" id="FNanchor_3_3"></a><a href="#Footnote_3_3" class="fnanchor">[3]</a>, en dépit de sa méchanceté.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Bonaparte</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_II" id="LETTRE_II"></a>LETTRE II</h2> + +<h4>À Joséphine, à Milan.</h4> + +<p class="right">Marmirolo, le 19 messidor, 9 heures après-midi +(18 juillet 1796).</p> + + +<p>J'ai passé toute la nuit sous les armes. J'aurais eu Mantoue par un coup +hardi et heureux; mais les eaux du lac ont promptement baissé, de sorte +que ma colonne qui était embarquée n'a pu arriver. Ce soir, je +recommence d'une autre manière, mais cela ne donnera pas des résultats +aussi satisfaisants.</p> + +<p>Je reçois une lettre d'Eugène, que je t'envoie. Je te prie d'écrire de +ma part à ces aimables enfants et de leur envoyer quelques bijoux. +Assure-les bien que je les aime comme mes enfants. Ce qui est à toi ou à +moi se confond tellement dans mon cœur, qu'il n'y a aucune différence.</p> + +<p>Je suis fort inquiet de savoir comment tu te portes, ce que tu fais. +J'ai été dans le village de Virgile, sur les bords du lac, au clair +argentin de la lune, et pas un instant sans songer à Joséphine!</p> + +<p>L'ennemi a fait le 28 une sortie générale; il nous a tué ou blessé deux +cents hommes, il en a perdu cinq cents en rentrant avec précipitation.</p> + +<p>Je me porte bien. Je suis tout à Joséphine, et je n'ai de plaisir ni de +bonheur que dans sa société.</p> + +<p>Trois régiments napolitains sont arrivés à Brescia; ils se sont séparés +de l'armée autrichienne, en conséquence de la convention que j'ai +conclue avec M. Pignatelli.</p> + +<p>J'ai perdu ma tabatière; je te prie de m'en choisir une un peu plate, et +d'y faire écrire quelque chose dessus, avec tes cheveux.</p> + +<p>Mille baisers aussi brûlants que tu es froide. Amour sans bornes et +fidélité à toute épreuve. Avant que Joseph<a name="FNanchor_4_4" id="FNanchor_4_4"></a><a href="#Footnote_4_4" class="fnanchor">[4]</a> parte, je désire lui +parler.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Bonaparte</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_III" id="LETTRE_III"></a>LETTRE III</h2> + +<h4>À Joséphine, à Milan.</h4> + +<p class="right">Marmirolo, 1<sup>er</sup> thermidor an <span class="smcap">iv</span> (19 juillet 1790).</p> + + +<p>Il y a deux jours que je suis sans lettres de toi. Voilà trente fois +aujourd'hui que je me suis fait cette observation, tu sens que cela est +bien triste; tu ne peux pas douter cependant de la tendre et unique +sollicitude que tu m'inspires.</p> + +<p>Nous avons attaqué hier Mantoue. Nous l'avons chauffée avec deux +batteries à boulets rouges et des mortiers. Toute la nuit cette +misérable ville a brûlé. Ce spectacle était horrible et imposant. Nous +nous sommes emparés de plusieurs ouvrages extérieurs, nous ouvrons la +tranchée cette nuit. Je vais partir pour Castiglione demain avec le +quartier général, et je compte y coucher.</p> + +<p>J'ai reçu un courrier de Paris. Il y avait deux lettres pour toi; je les +ai lues. Cependant, bien que cette action me paraisse toute simple et +que tu m'en aies donné la permission l'autre jour, je crains que cela ne +te fâche, et cela m'afflige bien. J'aurais voulu les recacheter: fi! ce +serait une horreur. Si je suis coupable, je te demande grâce; je te jure +que ce n'est pas par jalousie; non, certes, j'ai de mon adorable amie +une trop grande opinion pour cela. Je voudrais que tu me donnasses +permission entière de lire tes lettres; avec cela il n'y aurait plus de +remords ni de crainte.</p> + +<p>Achille arrive en courrier de Milan; pas de lettres de mon adorable +amie! Adieu, mon unique bien. Quand pourras-tu venir me rejoindre? Je +viendrai te prendre moi-même à Milan.</p> + +<p>Mille baisers aussi brûlants que mon cœur, aussi purs que toi.</p> + +<p>Je fais appeler le courrier; il me dit qu'il est passé chez toi, et que +tu lui as dit que tu n'avais rien à lui ordonner. Fi! méchante, laide, +cruelle, tyranne, petit joli monstre! Tu te ris de mes menaces, de mes +sottises; ah! si je pouvais, tu sais bien, t'enfermer dans mon cœur, je +t'y mettrais en prison.</p> + +<p>Apprends-moi que tu es gaie, bien portante et bien tendre.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Bonaparte</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_IV" id="LETTRE_IV"></a>LETTRE IV</h2> + +<h4>À Joséphine, à Milan.</h4> + +<p class="right">Castiglione, le 9 thermidor an <span class="smcap">iv</span>, 8 heures du matin +(21 juillet 1796).</p> + + +<p>J'espère qu'en arrivant ce soir je recevrai une de tes lettres. Tu sais, +ma chère Joséphine, le plaisir qu'elles me font, et je suis sûr que tu +te plais à les écrire. Je partirai cette nuit pour Peschiera, pour les +montagnes de..., pour Vérone et de là j'irai à Mantoue et peut-être à +Milan, recevoir un baiser, puisque tu m'assures qu'ils ne sont pas +glacés; j'espère que tu seras parfaitement rétablie alors, et que tu +pourras m'accompagner à mon quartier général pour ne plus me quitter. +N'es-tu pas l'âme de ma vie et le sentiment de mon cœur?</p> + +<p>Tes protégés sont un peu vifs, ils sentent l'ardent. Combien je leur +suis obligé de faire en eux quelque chose qui te soit agréable. Ils se +rendront à Milan. Il faut en tout un peu de patience.</p> + +<p>Adieu, belle et bonne, toute non pareille, toute divine; mille baisers +amoureux.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Bonaparte</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_V" id="LETTRE_V"></a>LETTRE V</h2> + +<h4>À Joséphine, à Milan.</h4> + +<p class="right">Castiglione, 4 thermidor an <span class="smcap">iv</span> (22 juillet 1796).</p> + + +<p>Les besoins de l'armée exigent ma présence dans ces environs; il est +impossible que je puisse m'éloigner jusqu'à venir à Milan; il me +faudrait cinq à six jours et il peut arriver pendant ce temps-là des +mouvements où ma présence pourrait être urgente ici.</p> + +<p>Tu m'assures que ta santé est bonne; je te prie en conséquence de venir +à Brescia. J'envoie à l'heure même Murat pour t'y préparer un logement +dans la ville, comme tu le désires.</p> + +<p>Je crois que tu feras bien d'aller coucher le 6 à Cassano, en partant +fort tard de Milan, et de venir le 7 à Brescia, où le plus tendre des +amants t'attend. Je suis désespéré que tu puisses croire, ma bonne amie, +que mon cœur puisse s'ouvrir à d'autres qu'à toi; il t'appartient par +droit de conquête et cette conquête sera solide, et éternelle. Je ne +sais pourquoi tu me parles de M<sup>me</sup> Te..., dont je me soucie fort peu, +ainsi que des femmes de Brescia. Quant à tes lettres qu'il te fâche que +j'ouvre, celle-ci sera la dernière; ta lettre n'était pas arrivée.</p> + +<p>Adieu, ma tendre amie, donne-moi souvent de tes nouvelles. Viens +promptement me joindre et sois heureuse et sans inquiétude; tout va +bien, et mon cœur est à toi pour la vie.</p> + +<p>Aie soin de rendre à l'adjudant général Miollis la boîte de médailles +qu'il m'écrit t'avoir remise. Les hommes sont si mauvaise langue et si +méchants qu'il faut se mettre en règle sur tout.</p> + +<p>Santé, amour et prompte arrivée à Brescia.</p> + +<p>J'ai à Milan une voiture à la fois de ville et de campagne; tu te +serviras de celle-là pour venir. Porte avec toi ton argenterie et une +partie des objets qui te sont nécessaires. Voyage à petites journées et +pendant le frais, afin de ne pas te fatiguer. La troupe ne met que trois +jours pour se rendre à Brescia. Il y a, en poste, pour quatorze heures +de chemin. Je t'invite à coucher le 6 à Cassano; je viendrai à ta +rencontre le 7, le plus loin possible.</p> + +<p>Adieu, ma Joséphine. Mille tendres baisers.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Bonaparte</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_VI" id="LETTRE_VI"></a>LETTRE VI</h2> + +<h4>À Joséphine, à Milan.</h4> + +<p class="right">Brescia, le 13 fructidor an <span class="smcap">iv</span> (10 août 1796).</p> + + +<p>J'arrive, mon adorée amie, ma première pensée est de t'écrire. Ta santé +et ton image ne sont pas sorties un instant de ma mémoire pendant toute +la route. Je ne serai tranquille que lorsque j'aurai reçu des lettres de +toi. J'en attends avec impatience. Il n'est pas possible que tu te +peignes mon inquiétude. Je t'ai laissée triste, chagrine et demi-malade. +Si l'amour le plus profond et le plus tendre pouvait te rendre heureuse, +tu devrais l'être.... Je suis accablé d'affaires.</p> + +<p>Adieu, ma douce Joséphine; aime-moi, porte-toi bien et pense souvent, +souvent à moi.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Bonaparte</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_VII" id="LETTRE_VII"></a>LETTRE VII</h2> + +<h4>À Joséphine, à Milan.</h4> + +<p class="right">Brescia, le 14 fructidor an <span class="smcap">iv</span> (31 août).</p> + + +<p>Je pars à l'instant pour Vérone. J'avais espéré recevoir une lettre de +toi; cela me met dans une inquiétude affreuse. Tu étais un peu malade +lors de mon départ; je t'en prie, ne me laisse pas dans une pareille +inquiétude. Tu m'avais promis plus d'exactitude; ta langue était +cependant bien d'accord alors avec ton cœur... Toi, à qui la nature a +donné douceur, aménité et tout ce qui plaît, comment peux-tu oublier +celui qui t'aime avec tant de chaleur? Trois jours sans lettres de toi; +je t'ai cependant écrit plusieurs fois. L'absence est horrible, les +nuits sont longues, ennuyeuses et fades; la journée est monotone.</p> + +<p>Aujourd'hui, seul avec les pensées, les travaux, les écritures, les +hommes et leurs fastueux projets, je n'ai pas même un billet de toi que +je puisse presser contre mon cœur.</p> + +<p>Le quartier général est parti; je pars dans une heure. J'ai reçu cette +nuit un exprès de Paris; il n'y avait pour toi que la lettre ci-jointe +qui te fera plaisir.</p> + +<p>Pense à moi, vis pour moi, sois souvent avec ton bien-aimé et crois +qu'il n'est pour lui qu'un seul malheur qui l'effraie, ce serait de +n'être plus aimé de sa Joséphine. Mille baisers bien doux, bien tendres, +bien exclusifs.</p> + +<p>Fais partir de suite M. Monclas pour Vérone; je le placerai. Il faut +qu'il soit arrivé avant le 18.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Bonaparte</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_VIII" id="LETTRE_VIII"></a>LETTRE VIII</h2> + +<h4>À Joséphine, à Milan.</h4> + +<p class="right">Ala, le 17 fructidor an <span class="smcap">iv</span> (3 septembre 1796).</p> + + +<p>Nous sommes en pleine campagne, mon adorable amie; nous avons culbuté +les postes ennemis; nous leur avons pris huit ou dix chevaux avec un +pareil nombre de cavaliers. La troupe est très gaie et bien disposée. +J'espère que nous ferons de bonnes affaires et que nous entrerons dans +Trente le 10.</p> + +<p>Point de lettres de toi; cela m'inquiète vraiment; l'on m'assure +cependant que tu te portes bien et que même tu as été te promener au lac +de Côme. J'attends tous les jours et avec impatience le courrier où tu +m'apprendras de tes nouvelles; tu sais combien elles me sont chères. Je +ne vis pas loin de toi; le bonheur de la vie est près de ma douce +Joséphine. Pense à moi! Écris-moi souvent, bien souvent; c'est le seul +remède à l'absence; elle est cruelle, mais sera, j'espère, momentanée.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Bonaparte</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_IX" id="LETTRE_IX"></a>LETTRE IX</h2> + +<h4>À Joséphine, à Milan.</h4> + +<p class="right">Montebello, le 24 fructidor an <span class="smcap">iv</span>, à midi +(10 septembre 1796).</p> + + +<p>L'ennemi a perdu, ma chère amie, dix-huit mille hommes prisonniers; le +reste est tué ou blessé. Wurmser, avec une colonne de quinze cents +chevaux et cinq mille hommes d'infanterie, n'a plus d'autre ressource +que de se jeter dans Mantoue.</p> + +<p>Jamais nous n'avons eu de succès aussi constants et aussi grands. +L'Italie, le Frioul, le Tyrol sont assurés à la République. Il faut que +l'empereur crée une seconde armée; artillerie, équipages de pont, +bagages, tout est pris.</p> + +<p>Sous peu de jours nous nous verrons; c'est la plus douce récompense de +mes fatigues et de mes peines.</p> + +<p>Mille baisers ardents et bien amoureux.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Bonaparte</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_X" id="LETTRE_X"></a>LETTRE X</h2> + +<h4>À Joséphine, à Milan.</h4> + +<p class="right">Ronco, le 26 fructidor an <span class="smcap">iv</span>, à 10 heures du matin +(12 septembre 1706).</p> + + +<p>Je suis ici, ma chère Joséphine, depuis deux jours, mal couché, mal +nourri et bien contrarié d'être loin de toi.</p> + +<p>Wurmser est cerné; il a avec lui trois mille hommes de cavalerie et cinq +mille hommes d'infanterie. Il est à Porto-Legagno; il cherche à se +retirer à Mantoue; mais cela lui devient désormais impossible. Dès +l'instant que cette affaire sera terminée, je serai dans tes bras.</p> + +<p>Je t'embrasse un million de fois.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Bonaparte</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XI" id="LETTRE_XI"></a>LETTRE XI</h2> + +<h4>À Joséphine, à Milan.</h4> + +<p class="right">Vérone, premier Jour complémentaire an <span class="smcap">iv</span> +(le 17 septembre 1796).</p> + + +<p>Je t'écris, ma bonne amie, bien souvent, et toi peu. Tu es une méchante +et une laide, bien laide, autant que tu es légère. Cela est perfide, +tromper un pauvre mari, un tendre amant! Doit-il perdre ses droits parce +qu'il est loin, chargé de besogne, de fatigue et de peine? Sans sa +Joséphine, sans l'assurance de son amour, que lui reste-t-il sur la +terre? Qu'y ferait-il?</p> + +<p>Nous avons eu hier une affaire très sanglante; l'ennemi a perdu beaucoup +de monde et a été complètement battu. Nous lui avons pris le faubourg de +Mantoue.</p> + +<p>Adieu, adorable Joséphine; une de ces nuits, les portes s'ouvriront avec +fracas: comme un jaloux, et me voilà dans tes bras.</p> + +<p>Mille baisers amoureux.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Bonaparte</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XII" id="LETTRE_XII"></a>LETTRE XII</h2> + +<h4>À Joséphine, à Milan.</h4> + +<p class="right">Modène, le 23 vendémiaire an <span class="smcap">v</span>, à 9 heures du soir. +(17 octobre 1796).</p> + + +<p>J'ai été avant-hier toute la journée en campagne. J'ai gardé hier le +lit. La fièvre et un violent mal de tête, tout cela m'a empêché d'écrire +à mon adorable amie; mais j'ai reçu ses lettres; je les ai pressées +contre mon cœur et mes lèvres, et la douleur de l'absence, cent milles +d'éloignement, ont disparu. Dans ce moment je t'ai vue près de moi, non +capricieuse et fâchée, mais douce, tendre, avec cette onction de bonté +qui est exclusivement le partage de ma Joséphine. C'était un rêve; juge +si cela m'a guéri de la fièvre. Tes lettres sont froides comme cinquante +ans, elles ressemblent à quinze ans de mariage. On y voit l'amitié et +les sentiments de cet hiver de la vie. Fi! Joséphine!... C'est bien +méchant, bien mauvais, bien traître à vous. Que vous reste-t-il pour me +rendre bien à plaindre? Ne plus m'aimer? Eh! c'est déjà fait. Me haïr? +Eh bien! je le souhaite, tout avilit hors la haine; mais l'indifférence +au pouls de marbre, à l'œil fixe, à la démarche monotone!...</p> + +<p>Mille, mille baisers bien tendres, comme mon cœur.</p> + +<p>Je me porte un peu mieux, je pars demain. Les Anglais évacuent la +Méditerranée. La Corse est à nous. Bonne nouvelle pour la France et pour +l'armée.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Bonaparte</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XIII" id="LETTRE_XIII"></a>LETTRE XIII</h2> + +<h4>À Joséphine, à Milan.</h4> + +<p class="right">Vérone, le 10 brumaire an <span class="smcap">v</span> (9 novembre 1790).</p> + + +<p>Je suis arrivé depuis avant-hier à Vérone, ma bonne amie. Quoique +fatigué, je suis bien portant, bien affairé et je t'aime toujours à la +passion. Je monte à cheval.</p> + +<p>Je t'embrasse mille fois.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Bonaparte.</span></p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XIV" id="LETTRE_XIV"></a>LETTRE XIV</h2> + +<h4>À Joséphine, à Milan.</h4> + +<p class="right">Vérone, le 3 frimaire an <span class="smcap">v</span> (13 novembre 1796).</p> + + +<p>Je ne t'aime plus du tout; au contraire, je te déteste. Tu es une +vilaine, bien gauche, bien bête, bien cendrillon. Tu ne m'écris pas du +tout, tu n'aimes pas ton mari; tu sais le plaisir que tes lettres lui +font, et tu ne lui écris pas six lignes jetées au hasard.</p> + +<p>Que faites-vous donc toute la journée, madame? Quelle affaire si +importante vous ôte le temps d'écrire à votre bien bon amant? Quelle +affection étouffe et met de côté l'amour, le tendre et constant amour +que vous lui avez promis? Quel peut être ce merveilleux, ce nouvel amant +qui absorbe tous vos instants, tyrannise vos journées et vous empêche de +vous occuper de votre mari? Joséphine, prenez-y garde, une belle nuit +les portes enfoncées et me voilà.</p> + +<p>En vérité, je suis inquiet, ma bonne amie, de ne pas recevoir de tes +nouvelles; écris-moi vite quatre pages et de ces aimables choses qui +remplissent mon cœur de sentiment et de plaisir.</p> + +<p>J'espère qu'avant peu je te serrerai dans mes bras, et je te couvrirai +d'un million de baisers brûlants comme sous l'équateur.</p> + + +<p class="sign"><span class="smcap">Bonaparte</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XV" id="LETTRE_XV"></a>LETTRE XV</h2> + +<h4>À Joséphine, à Milan.</h4> + +<p class="right">Vérone, le 4 frimaire an <span class="smcap">v</span> (24 novembre 1796).</p> + + +<p>J'espère bientôt, ma douce amie, être dans tes bras. Je t'aime à la +fureur. J'écris à Paris par ce courrier. Tout va bien. Wurmser a été +battu hier sous Mantoue. Il ne manque à ton mari que l'amour de +Joséphine pour être heureux.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Bonaparte</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XVI" id="LETTRE_XVI"></a>LETTRE XVI</h2> + +<h4>À Joséphine, à Gênes.</h4> + +<p class="right">Milan, le 7 frimaire an <span class="smcap">v</span>, à trois heures +après-midi (27 novembre 1796).</p> + + +<p>J'arrive à Milan, je me précipite dans ton appartement, j'ai tout quitté +pour te voir, te presser dans mes bras;... tu n'y étais pas: tu cours +les villes avec des fêtes; tu t'éloignes de moi lorsque j'arrive, tu ne +te soucies plus de ton cher Napoléon. Un caprice te l'a fait aimer, +l'inconstance te le rend indifférent.</p> + +<p>Accoutumé aux dangers, je sais le remède aux ennuis et aux maux de la +vie. Le malheur que j'éprouve est incalculable; j'avais droit de n'y pas +compter.</p> + +<p>Je serai ici jusqu'au 9 dans la journée. Ne te dérange pas; cours les +plaisirs; le bonheur est fait pour toi. Le monde entier est trop heureux +s'il peut te plaire, et ton mari seul est bien, bien malheureux.</p> + + +<p class="sign"><span class="smcap">Bonaparte</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XVII" id="LETTRE_XVII"></a>LETTRE XVII</h2> + +<h4>À Joséphine, à Gênes.</h4> + +<p class="right">Milan, le 8 frimaire an <span class="smcap">v</span>, 8 heures du soir +(28 novembre 1796).</p> + + +<p>Je reçois le courrier que Berthier avait expédié à Gênes. Tu n'as pas eu +le temps de m'écrire, je le sens facilement. Environnée de plaisirs et +de jeux, tu aurais tort de me faire le moindre sacrifice.</p> + +<p>Berthier a bien voulu me montrer la lettre que tu lui as écrite. Mon +intention n'est pas que tu déranges rien à tes calculs, ni aux parties +de plaisir qui te sont offertes; je n'en vaux pas la peine et le bonheur +ou le malheur d'un homme que tu n'aimes pas n'a pas le droit +d'intéresser.</p> + +<p>Pour moi, t'aimer seule, te rendre heureuse, ne rien faire qui puisse te +contrarier, voilà le destin et le but de ma vie.</p> + +<p>Sois heureuse, ne me reproche rien, ne t'intéresse pas à la félicité +d'un homme qui ne vit que de ta vie, ne jouit que de tes plaisirs et de +ton bonheur. Quand j'exige de toi un bonheur pareil au mien, j'ai tort: +pourquoi vouloir que la dentelle pèse autant que l'or? Quand je te +sacrifie tous mes désirs, toutes mes pensées, tous les instants de ma +vie, j'obéis à l'ascendant que tes charmes, ton caractère et toute ta +personne ont su prendre sur mon malheureux cœur. J'ai tort, si la +nature ne m'a pas donné les attraits pour te captiver; mais ce que je +mérite de la part de Joséphine ce sont des égards, de l'estime, car je +l'aime à la fureur et uniquement.</p> + +<p>Adieu, femme adorable; adieu, ma Joséphine. Puisse le sort concentrer +dans mon cœur tous les chagrins et toutes les peines, mais qu'il donne +à ma Joséphine des jours prospères et heureux. Qui le mérita plus +qu'elle? Quand il sera constaté qu'elle ne peut plus aimer, je +renfermerai ma douleur profonde, et je me contenterai de pouvoir lui +être utile et bon à quelque chose.</p> + +<p>Je rouvre ma lettre pour te donner un baiser... Ah! Joséphine!... +Joséphine!...</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Bonaparte</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XVIII" id="LETTRE_XVIII"></a>LETTRE XVIII</h2> + +<h4>À Joséphine, à Bologne.</h4> + +<p class="right">Le 28 pluviôse an <span class="smcap">v</span> (16 février 1797).</p> + + +<p>Tu es triste, tu es malade, tu ne m'écris plus, tu veux t'en aller à +Paris. N'aimerais-tu plus ton ami? Cette idée me rend malheureux. Ma +douce amie, la vie est pour moi insupportable depuis que je suis +instruit de ta tristesse.</p> + +<p>Je m'empresse de t'envoyer Moscati, afin qu'il puisse te soigner. Ma +santé est un peu faible; mon rhume dure toujours. Je te prie de te +ménager, de m'aimer autant que je t'aime, et de m'écrire tous les jours. +Mon inquiétude est sans égale.</p> + +<p>J'ai dit à Moscati de t'accompagner à Ancône, si tu veux y venir. Je +t'écrirai là pour te faire savoir où je suis.</p> + +<p>Peut-être ferai-je la paix avec le Pape et serai-je bientôt près de toi; +c'est le vœu le plus ardent de mon âme.</p> + +<p>Je te donne cent baisers. Crois que rien n'égale mon amour, si ce n'est +mon inquiétude. Écris-moi tous les jours toi-même. Adieu, très chère +amie.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Bonaparte</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XIX" id="LETTRE_XIX"></a>LETTRE XIX</h2> + +<h4>À Joséphine, à Bologne.</h4> + +<p class="right">Tolentino, 1<sup>er</sup> ventôse an <span class="smcap">v</span> (19 février 1797).</p> + + +<p>La paix avec Rome vient d'être signée. Bologne, Ferrare, la Romagne sont +cédées à la République. Le Pape nous donne 30 millions dans peu de temps +et des objets d'art.</p> + +<p>Je pars demain matin pour Ancône, et, de là, pour Rimini, Ravenne et +Bologne. Si ta santé ta le permet, viens à Rimini ou Ravenne; mais +ménage-toi, je t'en conjure.</p> + +<p>Pas un mot de ta main, bon Dieu! qu'ai-je donc fait? Ne penser qu'à toi, +n'aimer que Joséphine, ne vivre que pour ma femme, ne jouir que du +bonheur de mon amie, cela doit-il me mériter de sa part un traitement si +rigoureux? Mon amie, je t'en conjure, pense souvent à moi et écris-moi +tous les jours. Tu es malade ou tu ne m'aimes pas! Crois-tu donc que mon +cœur soit de marbre? Et mes peines t'intéressent-elles si peu? Tu me +connaîtrais bien mal! Je ne le puis croire. Toi, à qui la nature a donné +l'esprit, la douceur et la beauté, toi qui seule pouvais régner dans mon +cœur, toi qui sais trop, sans doute, l'empire absolu que tu as sur moi!</p> + +<p>Écris-moi, pense à moi et aime-moi.</p> + +<p>Pour la vie tout à toi,</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Bonaparte</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRES_DE_BONAPARTE_2" id="LETTRES_DE_BONAPARTE_2"></a>LETTRES DE BONAPARTE</h2> + +<h3>PREMIER CONSUL</h3> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XX" id="LETTRE_XX"></a>LETTRE XX</h2> + +<h4>À Joséphine, à Paris.</h4> + +<p class="right">Le 26 florial an <span class="smcap">viii</span> (10 mai 1800)</p> + + +<p>Je pars dans l'instant pour aller coucher à Saint-Maurice. Je n'ai point +reçu de lettres de toi, cela n'est pas bien; je t'ai écrit tous les +courriers.</p> + +<p>Eugène doit arriver après-demain. Je suis un peu enrhumé, mais cela ne +sera rien.</p> + +<p>Mille choses tendres à toi, ma bonne petite Joséphine, et à tout ce qui +t'appartient.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Bonaparte</span>.</p> + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XXI" id="LETTRE_XXI"></a>LETTRE XXI</h2> + +<h4>À Joséphine, à Plombières.</h4> + +<p class="right">Paris, le 27.....an <span class="smcap">x</span> (1801).</p> + + +<p>Il fait si mauvais temps ici que je suis resté à Paris. Malmaison, sans +toi, est trop triste. La fête a été belle, elle m'a un peu fatigué. Le +vésicatoire que l'on m'a mis au bras me fait toujours souffrir beaucoup.</p> + +<p>J'ai reçu pour toi, de Londres, des plantes que j'ai envoyées à ton +jardinier. S'il fait aussi mauvais à Plombières qu'ici, tu souffriras +beaucoup des eaux.</p> + +<p>Mille choses aimables à maman et à Hortense.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Bonaparte</span>.</p> + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XXII" id="LETTRE_XXII"></a>LETTRE XXII</h2> + +<h4>À Joséphine, à Plombières.</h4> + +<p class="right">Malmaison, 30 prairial an <span class="smcap">xi</span> (10 juin 1803).</p> + + +<p>Je n'ai pas encore reçu de tes nouvelles; je pense cependant que tu as +déjà dû commencer à prendre les eaux. Nous sommes ici un peu tristes, +quoique l'aimable fille fasse les honneurs de la maison à merveille. Je +me sens depuis deux jours légèrement tourmenté de ma douleur. Le gros +Eugène est arrivé hier au soir, il se porte à merveille.</p> + +<p>Je t'aime comme le premier jour, parce que tu es bonne et aimable +par-dessus tout.</p> + +<p>Hortense m'a dit qu'elle t'écrivait souvent.</p> + +<p>Mille choses aimables, et un baiser d'amour. Tout à toi.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Bonaparte</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XXIII" id="LETTRE_XXIII"></a>LETTRE XXIII</h2> + +<h4>À Joséphine, à Plombières.</h4> + +<p class="right">Malmaison, 4 messidor an <span class="smcap">xi</span> (23 juin 1803).</p> + + +<p>J'ai reçu ta lettre, ma bonne petite Joséphine. Je vois avec peine que +tu as souffert de la route; mais quelques jours de repos te feront du +bien. Je suis assez bien portant. J'ai été hier à la chasse à Marly et +je m'y suis blessé très légèrement à un doigt en tirant un sanglier.</p> + +<p>Hortense se porte assez bien. Ton gros fils a été un peu malade, mais il +va mieux. Je crois que ce soir ces dames jouent le <i>Barbier de Séville</i>. +Le temps est très beau. Je te prie de croire que rien n'est plus vrai +que les sentiments que j'ai pour ma petite Joséphine.</p> + +<p>Tout à toi.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Bonaparte</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XXIV" id="LETTRE_XXIV"></a>LETTRE XXIV</h2> + +<h4>À Joséphine, à Plombières.</h4> + +<p class="right">Malmaison, le 3 messidor an <span class="smcap">xi</span> (27 juin 1803).</p> + + +<p>Ta lettre, bonne petite femme, m'a appris que tu étais incommodée. +Corvisart m'a dit que c'était un bon signe, que les bains te feraient +l'effet désiré et qu'ils te mettraient dans un bon état. Cependant, +savoir que tu es souffrante est une peine sensible pour mon cœur.</p> + +<p>J'ai été voir hier la manufacture de Sèvres et Saint-Cloud.</p> + +<p>Mille choses aimables pour tous.</p> + +<p>Pour la vie.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Bonaparte</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XXV" id="LETTRE_XXV"></a>LETTRE XXV</h2> + +<h4>À Joséphine, à Plombières.</h4> + +<p class="right">Malmaison, 12 messidor an <span class="smcap">xi</span> (1<sup>er</sup> juillet 1803).</p> + + +<p>J'ai reçu ta lettre du 10 messidor. Tu ne me parles pas de ta santé ni +de l'effet des bains. Je vois que tu comptes être de retour dans huit +jours; cela fait grand plaisir à ton ami qui s'ennuie d'être seul!...</p> + +<p>Tu dois avoir vu le général Ney qui part pour Plombières: il se mariera +à son retour.</p> + +<p>Hortense a joué hier Rosine dans le <i>Barbier de Séville</i> avec son +intelligence ordinaire.</p> + +<p>Je te prie de croire que je t'aime et suis fort impatient de te revoir. +Tout est triste ici sans toi.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Bonaparte</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRES_DE_NAPOLEON" id="LETTRES_DE_NAPOLEON"></a>LETTRES DE NAPOLÉON</h2> + +<h3>EMPEREUR</h3> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XXVI" id="LETTRE_XXVI"></a>LETTRE XXVI</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Aix-la-Chapelle.</h4> + +<p class="right">Boulogne, le 15 thermidor an <span class="smcap">xii</span> +(3 août 1804).</p> + + +<p>Mon amie, j'espère apprendre bientôt que les eaux t'ont fait beaucoup de +bien. Je suis peiné de toutes les contrariétés que tu as éprouvées. Je +désire que tu m'écrives souvent. Ma santé est très bonne, quoique un peu +fatiguée. Je serai sous peu de jours à Dunkerque, d'où je t'écrirai.</p> + +<p>Eugène est parti pour Blois.</p> + +<p>Je te couvre de baisers.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XXVII" id="LETTRE_XXVII"></a>LETTRE XXVII</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Aix-la-Chapelle.</h4> + +<p class="right">Calais, 18 thermidor an <span class="smcap">xii</span> (6 août 1804).</p> + + +<p>Mon amie, je suis à Calais depuis minuit; je pense en partir ce soir +pour Dunkerque. Je suis content de ce que je vois et assez bien de +santé. Je désire que les eaux te fassent autant de bien que m'en font le +mouvement, la vue des camps et la mer.</p> + +<p>Eugène est parti pour Blois. Hortense se porte bien. Louis est à +Plombières.</p> + +<p>Je désire beaucoup te voir. Tu es toujours nécessaire à mon bonheur. +Mille choses aimables chez toi.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XXVIII" id="LETTRE_XXVIII"></a>LETTRE XXVIII</h2> + +<h4>À Joséphine, à Strasbourg.</h4> + +<p class="right">Louisbourg, 13 vendémiaire an <span class="smcap">xiv</span> (5 octobre 1805).</p> + + +<p>Je pars à l'instant pour continuer ma marche. Tu seras, mon amie, cinq +ou six jours sans avoir de mes nouvelles; ne t'en inquiète pas, cela +tient aux opérations qui vont avoir lieu. Tout va bien, et comme je le +pouvais espérer.</p> + +<p>J'ai assisté ici à une noce du fils de l'électeur avec une nièce du roi +de Prusse. Je désire donner une corbeille de trente-six mille à quarante +mille francs à la jeune princesse. Fais-la faire et envoie-la par un de +mes chambellans à la nouvelle mariée, lorsque ces chambellans viendront +me rejoindre. Il faut que ce soit fait sur-le-champ.</p> + +<p>Adieu, mon amie, je t'aime et t'embrasse.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XXIX" id="LETTRE_XXIX"></a>LETTRE XXIX</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Strasbourg.</h4> + +<p class="right">Augsbourg, le 1<sup>er</sup> brumaire an <span class="smcap">xiv</span> (23 octobre 1805).</p> + + +<p>Les deux dernières nuits m'ont bien reposé, et je vais partir demain +pour Munich. Je mande M. Talleyrand et M. Maret près de moi; je les +verrai peu et je vais me rendre sur l'Inn pour attaquer l'Autriche au +sein de ses États héréditaires. J'aurais bien désiré te voir, mais ne +compte pas que je t'appelle, à moins qu'il n'y ait un armistice ou des +quartiers d'hiver.</p> + +<p>Adieu, mon amie, mille baisers. Mes compliments à ces dames.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XXX" id="LETTRE_XXX"></a>LETTRE XXX</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Strasbourg.</h4> + +<p class="right">Munich, le dimanche 5 brumaire an <span class="smcap">xiv</span> (27 octobre 1805).</p> + + +<p>J'ai reçu par Lemarois ta lettre. J'ai vu avec peine que tu t'étais trop +inquiétée. L'on m'a donné des détails qui m'ont prouvé toute la +tendresse que tu me portes; mais il faut plus de force et de confiance. +J'avais d'ailleurs prévenu que je serais six jours sans l'écrire.</p> + +<p>J'attends demain l'électeur. À midi je pars pour confirmer mon mouvement +sur l'Inn. Ma santé est assez bonne. Il ne faut pas penser à passer le +Rhin avant quinze ou vingt jours. Il faut être gaie, t'amuser, et +espérer qu'avant la fin du mois nous nous verrons.</p> + +<p>Je m'avance contre l'armée russe. Dans quelques jours j'aurai passé +l'Inn.</p> + +<p>Adieu, ma bonne amie, mille choses aimables à Hortense, à Eugène et aux +deux Napoléon.</p> + +<p>Garde la corbeille quelque temps encore.</p> + +<p>J'ai donné hier aux dames de cette cour un concert. Le maître de +chapelle est un homme de mérite.</p> + +<p>J'ai chassé à une faisanderie de l'électeur: tu vois que je ne suis pas +si fatigué.</p> + +<p>M. de Talleyrand est arrivé.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XXXI" id="LETTRE_XXXI"></a>LETTRE XXXI</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Strasbourg.</h4> + +<p class="right">Haag, le 11, à 10 heures du soir, brumaire an <span class="smcap">xiv</span> +(3 novembre 1805).</p> + + +<p>Je suis en grande marche; le temps est très froid, la terre couverte +d'un pied de neige. Cela est un peu rude. Il ne manque heureusement pas +de bois; nous sommes ici toujours dans les forêts. Je me porte assez +bien. Mes affaires vont d'une manière satisfaisante; mes ennemis doivent +avoir plus de soucis que moi.</p> + +<p>Je désire avoir de tes nouvelles et apprendre que tu es sans inquiétude.</p> + +<p>Adieu, mon amie, je vais me coucher.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XXXII" id="LETTRE_XXXII"></a>LETTRE XXXII</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Strasbourg.</h4> + +<p class="right">Mardi, 14 brumaire an <span class="smcap">xiv</span> (5 novembre 1805).</p> + + +<p>Je suis à Lintz. Le temps est beau. Nous sommes à vingt-huit lieues de +Vienne. Les Russes ne tiennent pas; ils sont en grande retraite. La +maison d'Autriche est fort embarrassée; à Vienne, on évacue tous les +bagages de la cour. Il est probable que d'ici à cinq ou six jours il y +aura du nouveau, je désire bien te revoir. Ma santé est bonne.</p> + +<p>Je t'embrasse.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XXXIII" id="LETTRE_XXXIII"></a>LETTRE XXXIII</h2> + +<h4>À l'impératrice, à Strasbourg.</h4> + +<p class="right">Le 24 brumaire, à 9 heures du soir, an <span class="smcap">xiv</span> +(15 novembre 1805).</p> + + +<p>Je suis à Vienne depuis deux jours, ma bonne amie, un peu fatigué. Je +n'ai pas encore vu la ville de jour; je l'ai parcourue la nuit. Demain +je reçois les notables et les corps. Presque toutes mes troupes sont au +delà du Danube, à la poursuite des Russes.</p> + +<p>Adieu, ma Joséphine; du moment que cela sera possible, je te ferai +venir. Mille choses aimables pour toi.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XXXIV" id="LETTRE_XXXIV"></a>LETTRE XXXIV</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Strasbourg.</h4> + +<p class="right">Vienne, 25 brumaire an <span class="smcap">xiv</span> (18 novembre 1805).</p> + + +<p>J'écris à M. d'Harville pour que tu partes et que tu te rendes à Bade, +de là à Stuttgard et de là à Munich. Tu donneras, à Stuttgard, la +corbeille à la princesse Paul. Il suffit qu'il y ait pour quinze mille à +vingt mille francs; le restant sera pour faire des présents, à Munich, +aux filles de l'électrice de Bavière. Tout ce que tu as su pour M<sup>me</sup> +de Serrent est définitivement arrangé. Porte de quoi faire des présents +aux dames et aux officiers qui seront de service près de toi. Sois +honnête, mais reçois tous les hommages: l'on te doit tout et tu ne dois +rien que par honnêteté. L'électrice de Wurtemberg est fille du roi +d'Angleterre, c'est une bonne femme, tu dois bien la traiter, mais +cependant sans affectation.</p> + +<p>Je serai bien aise de te voir du moment que mes affaires me le +permettront. Je pars pour mon avant-garde. Il fait un temps affreux, il +neige beaucoup; du reste, toutes mes affaires vont bien.</p> + +<p>Adieu, ma bonne amie.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XXXV" id="LETTRE_XXXV"></a>LETTRE XXXV</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Munich.</h4> + +<p class="right">Austerlitz, 14 frimaire an <span class="smcap">xiv</span> +(4 décembre 1805).</p> + + +<p>J'ai conclu une trêve. Les Russes s'en vont. La bataille d'Austerlitz +est la plus belle de toutes celles que j'ai données: quarante-cinq +drapeaux, plus de cent cinquante pièces de canon, les étendards de la +garde de Russie, vingt généraux, trente mille prisonniers, plus de vingt +mille tués; spectacle horrible!</p> + +<p>L'empereur Alexandre est au désespoir et s'en va en Russie. J'ai vu hier +à mon bivouac l'empereur d'Allemagne; nous causâmes deux heures; nous +sommes convenus de faire vite la paix.</p> + +<p>Le temps n'est pas encore très mauvais. Voilà enfin le repos rendu au +continent, il faut espérer qu'il va l'être au monde: les Anglais ne +sauraient nous faire front.</p> + +<p>Je verrai avec bien du plaisir le moment qui me rapprochera de toi.</p> + +<p>Il court un petit mal d'yeux qui dure deux jours, je n'en ai pas encore +été atteint.</p> + +<p>Adieu, ma bonne amie, je me porte assez bien et suis fort désireux de +t'embrasser.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XXXVI" id="LETTRE_XXXVI"></a>LETTRE XXXVI</h2> + +<h4>À l'impératrice, à Munich.</h4> + +<p class="right">Schoenbrunn, 29 frimaire an <span class="smcap">xiv</span> (20 décembre 1803).</p> + + +<p>Je reçois ta lettre du 25. J'apprends avec peine que tu es souffrante; +ce n'est pas là une bonne disposition pour faire cent lieues dans cette +saison. Je ne sais ce que je ferai: je dépends des événements; je n'ai +pas de volonté; j'attends tout de leur issue. Reste à Munich, amuse-toi; +ce n'est pas difficile, lorsqu'on a tant de personnes aimables et dans +un si beau pays. Je suis, moi, assez occupé. Dans quelques jours je +serai décidé.</p> + +<p>Adieu, mon amie; mille choses aimantes et tendres.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XXXVII" id="LETTRE_XXXVII"></a>LETTRE XXXVII</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Mayence.</h4> + +<p class="right">Géra, le 13, à 2 heures du matin, 1806.</p> + + +<p>Je suis aujourd'hui à Géra, ma bonne amie; mes affaires vont fort bien +et tout comme je pouvais l'espérer. Avec l'aide de Dieu, en peu de jours +cela aura pris un caractère bien terrible, je crois, pour le pauvre roi +de Prusse, que je plains personnellement, parce qu'il est bon. La reine +est à Erfurt avec le roi. Si elle veut voir une bataille, elle aura ce +cruel plaisir. Je me porte à merveille; j'ai déjà engraissé depuis mon +départ; cependant je fais, de ma personne, vingt et vingt-cinq lieues +par jour, à cheval, en voiture, de toutes les manières. Je me couche à +huit heures et suis levé à minuit; je songe quelquefois que tu n'es pas +encore couchée.</p> + +<p><span style="margin-left: 5em;">Tout à toi,</span></p> + + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XXXVIII" id="LETTRE_XXXVIII"></a>LETTRE XXXVIII</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Mayence.</h4> + +<p class="right">1<sup>er</sup> novembre, 2 heures du matin, 1806.</p> + + +<p>Talleyrand arrive et me dit, mon amie, que tu ne fais que pleurer. Que +veux-tu donc? Tu as ta fille, tes petits-enfants, et de bonnes +nouvelles; voilà bien des moyens d'être contente et heureuse.</p> + +<p>Le temps est ici superbe; il n'a pas encore tombé de toute la campagne +une seule goutte d'eau. Je me porte fort bien, et tout va au mieux.</p> + +<p>Adieu, mon amie; j'ai reçu une lettre de M. Napoléon; je ne crois pas +qu'elle soit de lui, mais d'Hortense.</p> + +<p>Mille choses à tout le monde.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XXXIX" id="LETTRE_XXXIX"></a>LETTRE XXXIX</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Mayence.</h4> + +<p class="right">Le 6 novembre, à 9 heures du soir, 1806.</p> + + +<p>J'ai reçu ta lettre où tu me parais fâchée du mal que je dis des femmes; +il est vrai que je hais les femmes intrigantes au delà de tout. Je suis +accoutumé à des femmes bonnes, douces et conciliantes; ce sont celles +que j'aime. Si elles m'ont gâté, ce n'est pas ma faute, mais la tienne. +Au reste, tu verras que j'ai été fort bon pour une qui s'est montrée +sensible et bonne, M<sup>me</sup> d'Hatzfeld. Lorsque je lui montrai la lettre +de son mari, elle me dit en sanglotant, avec une profonde sensibilité, +et naïvement: <i>Ah! c'est bien là son écriture!</i> Lorsqu'elle lisait, son +accent allait à l'âme; elle me fit peine. Je lui dis: <i>Eh bien! madame, +jetez cette lettre au feu, je ne serai plus assez puissant pour faire +punir votre mari.</i> Elle brûla la lettre et me parut bien heureuse. Son +mari est depuis fort tranquille: deux heures plus tard, il était perdu. +Tu vois donc que j'aime les femmes bonnes, naïves et douces; mais c'est +que celles-là seules te ressemblent.</p> + +<p>Adieu, mon amie, je me porte bien.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XL" id="LETTRE_XL"></a>LETTRE XL</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Mayence.</h4> + +<p class="right">Le 18 novembre 1806.</p> + + +<p>Je reçois ta lettre du 11 novembre. Je vois avec satisfaction que mes +sentiments te font plaisir. Tu as tort de penser qu'ils puissent être +flattés; je t'ai parlé de toi comme je te vois. Je suis affligé de +penser que tu t'ennuies à Mayence. Si le voyage n'était pas si long, tu +pourrais venir jusqu'ici, car il n'y a plus d'ennemis, ou il est au delà +de la Vistule, c'est-à-dire à plus de cent vingt lieues d'ici. +J'attendrai ce que tu en penses. Je serai bien aise aussi de voir M. +Napoléon.</p> + +<p>Adieu, ma bonne amie.</p> + +<p><span style="margin-left: 5em;">Tout à toi,</span></p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + +<p>J'ai ici encore trop d'affaires pour que je puisse retourner à Paris.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XLI" id="LETTRE_XLI"></a>LETTRE XLI</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Mayence.</h4> + +<p class="right">Le 22 novembre, à 10 heures du soir, 1806.</p> + + +<p>Je reçois ta lettre. Je suis fâché de te voir triste; tu n'as cependant +que des raisons d'être gaie. Tu as tort de montrer tant de bonté à des +gens qui s'en montrent indignes. M<sup>me</sup> L... est une sotte, si bête que +tu devrais la connaître et ne lui prêter aucune attention. Sois +contente, heureuse de mon amitié, de tout ce que tu m'inspires. Je me +déciderai dans quelques jours à t'appeler ici ou à t'envoyer à Paris.</p> + +<p>Adieu, mon amie; tu peux actuellement aller, si tu veux, à Darmstadt, à +Francfort; cela te dissipera.</p> + +<p>Mille choses à Hortense.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XLII" id="LETTRE_XLII"></a>LETTRE XLII</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Mayence.</h4> + +<p class="right">Posen, le 2 décembre 1806.</p> + + +<p>C'est aujourd'hui l'anniversaire d'Austerlitz. J'ai été à un bal de la +ville. Il pleut. Je me porte bien. Je t'aime et te désire. Mes troupes +sont à Varsovie. Il n'a pas encore fait froid. Toutes ces Polonaises +sont Françaises; mais il n'y a qu'une femme pour moi. La connaîtrais-tu? +Je te ferais bien son portrait, mais il faudrait trop le flatter pour +que tu te reconnusses; cependant, à dire vrai, mon cœur n'aurait que de +bonnes choses à en dire. Ces nuits-ci sont longues, tout seul.</p> + +<p><span style="margin-left: 5em;">Tout à toi,</span></p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XLIII" id="LETTRE_XLIII"></a>LETTRE XLIII</h2> + +<h4>À l'Impératrice, 4 Mayence.</h4> + +<p class="right">Le 3 décembre, à midi, 1806.</p> + + +<p>Je reçois ta lettre du 26 novembre, j'y vois deux choses: tu me dis que +je ne lis pas tes lettres; cela est mal pensé. Je te sais mauvais gré +d'une si mauvaise opinion. Tu me dis que ce pourrait être par quelque +rêve de la nuit et tu ajoutes que tu n'es pas jalouse. Je me suis aperçu +depuis longtemps que les gens colères soutiennent toujours qu'ils ne +sont pas colères, que ceux qui ont peur disent souvent qu'ils n'ont pas +peur; tu es donc convaincue de jalousie: j'en suis enchanté! Du reste, +tu as tort; je ne pense à rien moins et dans les déserts de la Pologne +l'on songe peu aux belles... J'ai eu hier un bal de la noblesse de la +province d'assez belles femmes, assez riches, assez mal mises, quoique à +la mode de Paris.</p> + +<p>Adieu, mon amie; je me porte bien.</p> + +<p><span style="margin-left: 5em;">Tout à toi,</span></p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XLIV" id="LETTRE_XLIV"></a>LETTRE XLIV</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Mayence.</h4> + +<p class="right">Posen, le 3 décembre, à 6 heures du soir.</p> + + +<p>Je reçois ta lettre du 27 novembre, où je vois que ta petite tête s'est +montée. Je me suis souvenu de ce vers:</p> + +<p class="center">Désir de femme est un feu qui dévore.</p> + +<p>Il faut cependant te calmer. Je t'ai écrit que j'étais en Pologne, que +lorsque les quartiers d'hiver seraient assis, tu pourrais venir; il faut +donc attendre quelques jours. Plus on est grand et moins on doit avoir +de volonté; l'on dépend des événements et des circonstances. Tu peux +aller à Francfort et à Darmstadt. J'espère sous peu de temps t'appeler; +mais il faut que les événements le veuillent. La chaleur de ta lettre me +fait voir que vous autres jolies femmes vous ne connaissez pas de +barrières; ce que vous voulez doit être; mais moi, je me déclare le plus +esclave des hommes: mon maître n'a pas d'entrailles, et ce maître c'est +la nature des choses.</p> + +<p>Adieu, mon amie; porte-toi bien. La personne dont j'ai voulu te parler +est M<sup>me</sup> L... dont tout le monde dit bien du mal: l'on m'assure +qu'elle était plus Prussienne que Française. Je ne le crois pas; mais je +la crois une sotte qui ne dit que des bêtises.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XLV" id="LETTRE_XLV"></a>LETTRE XLV</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Mayence.</h4> + +<p class="right">Le 10 décembre, 5 heures du soir, 1806.</p> + + +<p>Un officier m'apporte un tapis de ta part; il est un peu court et +étroit; je ne t'en remercie pas moins. Je me porte assez bien. Le temps +est fort variable. Mes affaires vont assez bien. Je t'aime et te désire +beaucoup.</p> + +<p>Adieu, mon amie; je t'écrirai de venir avec au moins autant de plaisir +que tu voudras.</p> + +<p><span style="margin-left: 5em;">Tout à toi,</span></p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + +<p>Un baiser à Hortense, à Stéphanie et à Napoléon.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XLVI" id="LETTRE_XLVI"></a>LETTRE XLVI</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Mayence.</h4> + +<p class="right">Pultusk, le 31 décembre 1806.</p> + + +<p>J'ai bien ri en recevant tes dernières lettres. Tu te fais des belles de +la Pologne une idée qu'elles ne méritent pas. J'ai eu deux ou trois +jours de plaisir d'entendre Paër et deux chanteuses qui m'ont fait de +très bonne musique. J'ai reçu ta lettre dans une mauvaise grange, ayant +de la boue, du vent et de la paille pour tout lit. Je serai demain à +Varsovie. Je crois que tout est fini pour cette année. L'armée va entrer +en quartiers d'hiver. Je hausse les épaules de la bêtise de M<sup>me</sup> de +L...; tu devrais cependant te fâcher et lui conseiller de n'être pas si +sotte. Cela perce dans le public et indigne bien des gens.</p> + +<p>Quant à moi, je méprise l'ingratitude comme le plus vilain défaut du +cœur. Je sais qu'au lieu de te consoler ils t'ont fait de la peine.</p> + +<p>Adieu, mon amie; je me porte bien. Je ne pense pas que tu doives aller à +Cassel; cela n'est pas convenable. Tu peux aller à Darmstadt.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XLVII" id="LETTRE_XLVII"></a>LETTRE XLVII</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Mayence.</h4> + +<p class="right">Varsovie, le 3 janvier 1807.</p> + + +<p>J'ai reçu ta lettre, mon amie. Ta douleur me touche; mais il faut bien +se soumettre aux événements. Il y a trop de pays à traverser depuis +Mayence jusqu'à Varsovie; il faut donc que les événements me permettent +de me rendre à Berlin pour que je t'écrive d'y venir. Cependant l'ennemi +battu s'éloigne, mais j'ai bien des choses à régler ici. Je serais assez +d'opinion que tu retournasses à Paris, où tu es nécessaire. Renvoie ces +dames qui ont leurs affaires; tu gagneras d'être débarrassée de gens qui +ont dû bien te fatiguer.</p> + +<p>Je me porte bien; il fait mauvais. Je t'aime de cœur.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XLVIII" id="LETTRE_XLVIII"></a>LETTRE XLVIII</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Mayence.</h4> + +<p class="right">Varsovie, 7 Janvier 1807.</p> + + +<p>Mon amie, je suis touché de tout ce que tu me dis; mais la saison +froide, les chemins très mauvais, peu sûrs, je ne puis donc consentir à +t'exposer à tant de fatigues et de dangers. Rentre à Paris pour y passer +l'hiver. Va aux Tuileries, reçois et fais la même vie que tu as +l'habitude de mener quand j'y suis; c'est là ma volonté. Peut-être ne +tarderai-je pas à t'y rejoindre, mais il est indispensable que tu +renonces à faire trois cents lieues dans cette saison, à travers des +pays ennemis, et sur les derrières de l'armée. Crois qu'il m'en coûte +plus qu'à toi de retarder de quelques semaines le bonheur de te voir, +mais ainsi l'ordonnent les événements et le bien des affaires.</p> + +<p>Adieu, ma bonne amie; sois gaie et montre du caractère.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XLIX" id="LETTRE_XLIX"></a>LETTRE XLIX</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Mayence.</h4> + +<p class="right">Varsovie, le 8 janvier 1807.</p> + + +<p>Ma bonne amie, je reçois ta lettre du 27 avec celles de M. Napoléon et +d'Hortense qui y étaient jointes. Je t'avais priée de rentrer à Paris. +La saison trop mauvaise, les chemins peu sûrs et détestables, les +espaces trop considérables pour que je permette que tu viennes jusqu'ici +où mes affaires me retiennent. Il te faudrait au moins un mois pour +arriver. Tu y arriveras malade; il faudrait peut-être repartir alors; ce +serait donc folie. Ton séjour à Mayence est trop triste; Paris te +réclame; vas-y, c'est mon désir. Je suis plus contrarié que toi; j'eusse +aimé à partager les longues nuits de cette saison avec toi, mais il faut +obéir aux circonstances.</p> + +<p>Adieu, mon amie.</p> + +<p><span style="margin-left: 5em;">Tout à toi,</span></p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_L" id="LETTRE_L"></a>LETTRE L</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Mayence.</h4> + +<p class="right">Varsovie, le 11 Janvier 1807.</p> + + +<p>J'ai reçu ta lettre du 27, où je vois que tu étais un peu inquiète sur +les événements militaires. Tout est fini, comme je te l'ai mandé à ma +satisfaction, mes affaires vont bien. L'éloignement est trop +considérable pour que je permette que, dans cette saison, tu viennes si +loin. Je me porte fort bien, un peu ennuyé quelquefois de la longueur +des nuits.</p> + +<p>Je vois ici, jusqu'à cette heure, assez peu de monde.</p> + +<p>Adieu, mon amie; je désire que tu sois gaie et que tu donnes un peu de +vie à la capitale. Je voudrais fort y être.</p> + +<p><span style="margin-left: 5em;">Tout à toi,</span></p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + +<p>J'espère que la reine est allée à La Haye avec M. Napoléon.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_LI" id="LETTRE_LI"></a>LETTRE LI</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Mayence.</h4> + +<p class="right">Le 16 Janvier 1807.</p> + + +<p>Ma bonne amie, j'ai reçu ta lettre du 5 janvier; tout ce que tu me dis +de ta douleur me peine. Pourquoi des larmes, du chagrin? N'as-tu donc +plus de courage? Je te verrai bientôt; ne doute jamais de mes sentiments +et, si tu veux m'être plus chère encore, montre du caractère et de la +force d'âme. Je suis humilié de penser que ma femme puisse se méfier de +mes destinées.</p> + +<p>Adieu, mon amie; je t'aime, je désire te voir et veux te savoir contente +et heureuse.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_LII" id="LETTRE_LII"></a>LETTRE LII</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Mayence.</h4> + +<p class="right">Varsovie, le 18 janvier 1807.</p> + + +<p>Je crains que tu n'aies bien du chagrin de notre séparation qui doit +encore se prolonger de quelques semaines et de ton retour à Paris. +J'exige que tu aies plus de force. L'on me dit que tu pleures toujours: +fi! que cela est laid! Ta lettre du 7 janvier me fait de la peine. Sois +digne de moi et prends plus de caractère. Fais à Paris la représentation +convenable et surtout sois contente.</p> + +<p>Je me porte très bien et je t'aime beaucoup; mais, si tu pleures +toujours, je te croirai sans courage et sans caractère; je n'aime pas +les lâches, une impératrice doit avoir du cœur.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_LIII" id="LETTRE_LIII"></a>LETTRE LIII</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Mayence.</h4> + +<p class="right">Varsovie, le 19 janvier 1807.</p> + + +<p>Mon amie, je reçois ta lettre; j'ai ri de ta peur du feu. Je suis +désespéré du ton de tes lettres et de ce qui me revient. Je te défends +de pleurer, d'être chagrine et inquiète; je veux que tu sois gaie, +aimable et heureuse.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_LIV" id="LETTRE_LIV"></a>LETTRE LIV</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Mayence.</h4> + +<p class="right">Le 23 janvier 1807.</p> + + +<p>Je reçois ta lettre du 15 janvier. Il est impossible que je permette à +des femmes un voyage comme celui-ci: mauvais chemins, chemins peu sûrs +et fangeux. Retourne à Paris, sois-y gaie, contente; peut-être y +serai-je aussi bientôt. J'ai ri de ce que tu me dis que tu as pris un +mari pour être avec lui; je pensais, dans mon ignorance, que la femme +était faite pour le mari, le mari pour la patrie, la famille et la +gloire; pardon de mon ignorance, l'on apprend toujours avec nos belles +dames.</p> + +<p>Adieu, mon amie; crois qu'il m'en coûte de ne pas te faire venir; +dis-toi: c'est une preuve combien je lui suis précieuse.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_LV" id="LETTRE_LV"></a>LETTRE LV</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Paris.</h4> + +<p class="right">Le 26, à midi, 1807.</p> + + +<p>Ma bonne amie, j'ai reçu ta lettre; je vois avec peine comme tu +t'affliges. Le pont de Mayence ne rapproche ni n'éloigne les distances +qui nous séparent. Rentre donc à Paris. Je serais fâché et inquiet de te +savoir si malheureuse et si isolée à Mayence. Tu comprends que je ne +dois, que je ne puis consulter que mon cœur, je serais avec toi ou toi +avec moi; car tu serais bien injuste si tu doutais de mon amour et de +tous mes sentiments.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_LVI" id="LETTRE_LVI"></a>LETTRE LVI</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Paris.</h4> + +<p class="right">Wittemberg, le 1<sup>er</sup> février, à midi, 1807.</p> + + +<p>Ta lettre du 11, de Mayence, m'a fait rire. Je suis aujourd'hui à +quarante lieues de Varsovie; le temps est froid mais beau.</p> + +<p>Adieu, mon amie; sois heureuse, aie du caractère.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_LVII" id="LETTRE_LVII"></a>LETTRE LVII</h2> + +<p class="right">À l'Impératrice, à Paris.</p> + + +<p>Mon amie, ta lettre du 20 janvier m'a fait de la peine; elle est trop +triste. Voilà le mal de ne pas être un peu dévote! Tu me dis que ton +bonheur fait ta gloire, cela n'est pas généreux; il faut dire: le +bonheur des autres fait ma gloire, cela n'est pas conjugal; il faut +dire: le bonheur de mon mari fait ma gloire, cela n'est pas maternel; il +faudrait dire: le bonheur de mes enfants fait ma gloire; or, comme les +peuples, ton mari, tes enfants ne peuvent être heureux qu'avec un peu de +gloire, il ne faut pas tant en faire fi! Joséphine, votre cœur est +excellent et votre raison faible; vous sentez à merveille, mais vous +raisonnez moins bien.</p> + +<p>Voilà assez de querelle; je veux que tu sois gaie, contente de ton sort, +et que tu obéisses, non en grondant et en pleurant, mais de gaité de +cœur et avec un peu de bonheur.</p> + +<p>Adieu, mon amie; je pars cette nuit pour parcourir mes avant-postes.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_LVIII" id="LETTRE_LVIII"></a>LETTRE LVIII</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Paris.</h4> + +<p class="right">Eylau, 3 heures du matin, 9 février 1807.</p> + + +<p>Mon amie, il y a eu hier une grande bataille; la victoire m'est restée, +mais j'ai perdu bien du monde; la perte de l'ennemi, qui est plus +considérable encore, ne me console pas. Enfin, je t'écris ces deux +lignes moi-même, quoique je sois bien fatigué, pour te dire que je suis +bien portant et que je t'aime.</p> + +<p><span style="margin-left: 5em;">Tout à toi,</span></p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_LIX" id="LETTRE_LIX"></a>LETTRE LIX</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Paris.</h4> + +<p class="right">Eylau, le 9 février, à 6 heures du soir, 1807.</p> + + +<p>Je t'écris un mot, mon amie, afin que tu ne sois pas inquiète. L'ennemi +a perdu la bataille, quarante pièces de canon, dix drapeaux, douze mille +prisonniers; il a horriblement souffert. J'ai perdu du monde: seize +mille tués, trois mille ou quatre mille blessés.</p> + +<p>Ton cousin Tascher se porte bien; je l'ai appelé près de moi avec le +titre d'officier d'ordonnance.</p> + +<p>Corbineau a été tué d'un obus; je m'étais singulièrement attaché à cet +officier qui avait beaucoup de mérite; cela me fait de la peine. Ma +garde à cheval s'est couverte de gloire. D'Allemagne est blessé +dangereusement.</p> + +<p>Adieu, mon amie.</p> + +<p><span style="margin-left: 5em;">Tout à toi,</span></p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_LX" id="LETTRE_LX"></a>LETTRE LX</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Paris.</h4> + +<p class="right">Eylau, le 11 février, à 8 heures du matin, 1807.</p> + + +<p>Je t'écris un mot, mon amie; tu dois avoir été bien inquiète. J'ai battu +l'ennemi dans une mémorable journée, mais qui m'a coûté bien des braves. +Le mauvais temps qu'il fait me force à prendre mes cantonnements.</p> + +<p>Ne te désole pas, je te prie; tout cela finira bientôt et le bonheur de +te voir me fera promptement oublier mes fatigues. Au reste, je n'ai +jamais été si bien portant.</p> + +<p>Le petit Tascher, du 4<sup>e</sup> de ligne, s'est bien comporté; il a eu une +rude épreuve. Je l'ai appelé près de moi, je l'ai fait officier +d'ordonnance; ainsi, voilà ses peines finies. Ce jeune homme +m'intéresse.</p> + +<p>Adieu, ma bonne amie; mille baisers.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_LXI" id="LETTRE_LXI"></a>LETTRE LXI</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Paris.</h4> + +<p class="right">Eylau, le 14 février 1807.</p> + + +<p>Mon amie, je suis toujours à Eylau. Ce pays est couvert de morts et de +blessés. Ce n'est pas la belle partie de la guerre; l'on souffre et +l'âme est oppressée de voir tant de victimes. Je me porte bien. J'ai +fait ce que je voulais et j'ai repoussé l'ennemi en faisant échouer ses +projets.</p> + +<p>Tu dois être inquiète, et cette pensée m'afflige. Toutefois, +tranquillise-toi, mon amie, et sois gaie.</p> + +<p><span style="margin-left: 5em;">Tout à toi,</span></p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + +<p>Dis à Caroline et à Pauline que le grand-duc et le prince se portent +très bien.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_LXII" id="LETTRE_LXII"></a>LETTRE LXII</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Paris.</h4> + +<p class="right">Liebstadt, le 21, à 2 heures du matin, 1807.</p> + + +<p>Je reçois ta lettre du 4 février; j'y vois avec plaisir que ta santé est +bonne. Paris achèvera de te rendre la gaieté et le repos, le retour à +tes habitudes, la santé.</p> + +<p>Je me porte à merveille. Ce temps et le pays sont mauvais. Mes affaires +vont assez bien; il dégèle et gèle dans vingt-quatre heures: l'on ne +peut voir un hiver aussi bizarre.</p> + +<p>Adieu, mon amie; je t'aime, je pense à toi et désire te savoir contente, +gaie et heureuse.</p> + +<p><span style="margin-left: 5em;">Tout à toi,</span></p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_LXIII" id="LETTRE_LXIII"></a>LETTRE LXIII</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Paris.</h4> + +<p class="right">Osterode, le 2 mars 1807.</p> + + +<p>Mon amie, il y a deux ou trois jours que je ne t'ai écrit; je me le +reproche; je connais tes inquiétudes. Je me porte fort bien; mes +affaires sont bonnes. Je suis dans un mauvais village, où je passerai +encore bien du temps: cela ne vaut pas la grande ville. Je te le répète, +je ne me suis jamais si bien porté; tu me trouveras fort engraissé.</p> + +<p>Il fait ici un temps de printemps; la neige fond, les rivières dégèlent, +cela me fait plaisir.</p> + +<p>J'ai ordonné ce que tu désires pour Malmaison; sois gaie et heureuse, +c'est ma volonté.</p> + +<p>Adieu, mon amie; je t'embrasse de cœur.</p> + +<p><span style="margin-left: 5em;">Tout à toi,</span></p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_LXIV" id="LETTRE_LXIV"></a>LETTRE LXIV</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Paris.</h4> + +<p class="right">Le 27, à 7 heures du soir, 1807.</p> + + +<p>Mon amie, ta lettre me fait de la peine. Tu ne dois pas mourir; tu te +portes bien, et tu ne peux avoir aucun sujet raisonnable de chagrin.</p> + +<p>Je pense que tu dois aller au mois de mai à Saint-Cloud; mais il faut +rester tout le mois d'avril à Paris.</p> + +<p>Ma santé est bonne. Mes affaires vont bien.</p> + +<p>Tu ne dois pas penser à voyager cet été; tout cela n'est pas possible; +tu ne dois pas courir les auberges et les camps. Je désire, autant que +toi, te voir, et même vivre tranquille.</p> + +<p>Je sais faire autre chose que la guerre, mais le devoir passe avant +tout. Toute ma vie, j'ai tout sacrifié, tranquillité, intérêt, bonheur, +à ma destinée.</p> + +<p>Adieu, mon amie. Vois peu cette M<sup>me</sup> de P..., c'est une femme de +mauvaise société; cela est trop commun et trop vil.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + +<p>J'ai eu lieu de me plaindre de M. T..., je l'ai envoyé dans sa terre, en +Bourgogne; je ne veux plus en entendre parler.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_LXV" id="LETTRE_LXV"></a>LETTRE LXV</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Paris.</h4> + +<p class="right">Le 10 mai 1807.</p> + + +<p>Je reçois ta lettre. Je ne sais ce que tu me dis des dames en +correspondance avec moi. Je n'aime que ma petite Joséphine, bonne, +boudeuse et capricieuse, qui sait faire une querelle avec grâce, comme +tout ce qu'elle fait; car elle est toujours aimable, hors cependant +quand elle est jalouse: alors elle devient toute diablesse. Mais +revenons à ces dames. Si je devais m'occuper de quelqu'une d'entre +elles, je t'assure que je voudrais qu'elles fussent de jolis boutons de +rose. Celles dont tu parles sont-elles dans ce cas?</p> + +<p>Je désire que tu ne dînes jamais qu'avec des personnes qui ont dîné avec +moi; que ta liste soit la même pour tes cercles, que tu n'admettes +jamais à Malmaison, dans ton intimité, des ambassadeurs et des +étrangers. Si tu faisais différemment, tu me déplairais; enfin ne te +laisse pas circonvenir par des personnes que je ne connais pas et qui ne +viendraient pas chez toi si j'y étais.</p> + +<p>Adieu, mon amie.</p> + +<p><span style="margin-left: 5em;">Tout à toi,</span></p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_LXVI" id="LETTRE_LXVI"></a>LETTRE LXVI</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Saint-Cloud.</h4> + +<p class="right">Friedland, le 15 juin 1807.</p> + + +<p>Mon amie, je ne t'écris qu'un mot, car je suis bien fatigué; voilà bien +des jours que je bivouaque. Mes enfants ont dignement célébré +l'anniversaire de la bataille de Marengo.</p> + +<p>La bataille de Friedland sera aussi célèbre et est aussi glorieuse pour +mon peuple. Toute l'armée russe est en déroute, quatre-vingts pièces de +canon, trente mille hommes pris ou tués; vingt-cinq généraux russes +tués, blessés ou pris; la garde russe écrasée: c'est une digne sœur de +Marengo, Austerlitz, Iéna. Le bulletin te dira le reste. Ma perte n'est +pas considérable; j'ai manœuvré l'ennemi avec succès.</p> + +<p>Sois sans inquiétude et contente.</p> + +<p>Adieu, mon amie; je monte à cheval.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + +<p>L'on peut donner cette nouvelle comme une notice, si elle est arrivée +avant le bulletin. On peut aussi tirer le canon, Cambacérès fera la +notice.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_LXVII" id="LETTRE_LXVII"></a>LETTRE LXVII</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Saint-Cloud.</h4> + +<p class="right">Le 6 juillet 1807.</p> + + +<p>J'ai reçu ta lettre du 25 juin. J'ai vu avec peine que tu étais égoïste +et que les succès de mes armes seraient pour toi sans attraits.</p> + +<p>La belle reine de Prusse doit venir dîner avec moi aujourd'hui.</p> + +<p>Je me porte bien et désire beaucoup te revoir, quand le destin l'aura +marqué. Cependant, il est possible que cela ne tarde pas.</p> + +<p>Adieu, mon amie; mille choses aimables.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_LXVIII" id="LETTRE_LXVIII"></a>LETTRE LXVIII</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Saint-Cloud.</h4> + +<p class="right">Le 7 juillet 1807.</p> + + +<p>Mon amie, la reine de Prusse a dîné hier avec moi. J'ai eu à me défendre +de ce qu'elle voulait m'obliger à faire encore quelques concessions à +son mari; mais j'ai été galant, et me suis tenu à ma politique. Elle est +fort aimable. J'irai te donner des détails qu'il me serait impossible de +te donner sans être bien long. Quand tu liras cette lettre, la paix avec +la Prusse et la Russie sera conclue et Jérôme reconnu roi de Westphalie, +avec trois millions de population. Ces nouvelles pour toi seule.</p> + +<p>Adieu, mon amie; je t'aime et veux te savoir contente et gaie.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_LXIX" id="LETTRE_LXIX"></a>LETTRE LXIX</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Saint-Cloud.</h4> + +<p class="right">Le 18, à midi, 1807.</p> + + +<p>Mon amie, je suis arrivé hier à cinq heures du soir à Dresde, fort bien +portant, quoique je sois resté cent heures en voiture, sans sortir. Je +suis ici chez le roi de Saxe, dont je suis fort content. Je suis donc +rapproché de toi de plus de moitié du chemin.</p> + +<p>Il se peut qu'une de ces belles nuits je tombe à Saint-Cloud comme un +jaloux; je t'en préviens.</p> + +<p>Adieu, mon amie; j'aurai grand plaisir à te voir.</p> + +<p><span style="margin-left: 5em;">Tout à toi,</span></p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_LXX" id="LETTRE_LXX"></a>LETTRE LXX</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Paris.</h4> + +<p class="right">Le 9 janvier 1809.</p> + + +<p>Moustache m'apporte une lettre de toi du 31 décembre. Je vois, mon amie, +que tu es triste et que tu as l'inquiétude très noire. L'Autriche ne me +fera pas la guerre. Si elle me la fait, j'ai cent cinquante mille hommes +en Allemagne, et autant sur le Rhin, et quatre cent mille Allemands pour +lui répondre. La Russie ne se séparera pas de moi. On est fou à Paris; +tout marche bien.</p> + +<p>Je serai à Paris aussitôt que je le croirai utile. Je te conseille de +prendre garde aux revenants; un beau jour, à deux heures du matin...</p> + +<p>Mais adieu, mon amie; je me porte bien, et suis tout à toi.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_LXXI" id="LETTRE_LXXI"></a>LETTRE LXXI</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Plombières.</h4> + +<p class="right">Le 19 juin, à midi, 1809.</p> + + +<p>Je reçois ta lettre, où tu m'annonces ton départ pour Plombières. Je +vois ce voyage avec plaisir, parce que j'espère qu'il te fera du bien.</p> + +<p>Eugène est en Hongrie, et se porte bien. Ma santé est fort bonne, et +l'armée en bon état.</p> + +<p>Je suis bien aise de savoir le grand-duc de Berg avec toi.</p> + +<p>Adieu, mon amie; tu connais mes sentiments pour Joséphine; ils sont +invariables.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_LXXII" id="LETTRE_LXXII"></a>LETTRE LXXII</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Paris.</h4> + +<p class="right">Schoenbrunn, le 21 août 1809.</p> + + +<p>J'ai reçu ta lettre du 14 août, de Plombières; j'y vois que tu seras +arrivée le 18 à Paris ou à Malmaison. Tu auras été malade de la chaleur, +qui est bien grande ici. Malmaison doit être bien sec et brûlé par ce +temps-là.</p> + +<p>Ma santé est bonne. Je suis cependant un peu enrhumé de la chaleur.</p> + +<p>Adieu, mon amie.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_LXXIII" id="LETTRE_LXXIII"></a>LETTRE LXXIII</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Malmaison.</h4> + +<p class="right">Le 31 août 1809.</p> + + +<p>Je n'ai pas reçu de lettres de toi depuis plusieurs jours; les plaisirs +de Malmaison, les belles serres, les beaux jardins, font oublier les +absents; c'est la règle, dit-on, chez vous autres. Tout le monde ne +parle que de ta bonne santé; tout cela m'est fort sujet à caution.</p> + +<p>Je vais demain faire une absence de deux jours en Hongrie avec Eugène. +Ma santé est bonne.</p> + +<p>Adieu, mon amie.</p> + +<p><span style="margin-left: 5em;">Tout à toi,</span></p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_LXXIV" id="LETTRE_LXXIV"></a>LETTRE LXXIV</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Malmaison.</h4> + +<p class="right">Kems, le 9 septembre 1809.</p> + + +<p>Mon amie, je suis ici depuis hier à deux heures du matin; j'y suis pour +voir mes troupes. Ma santé n'a jamais été meilleure. Je sais que tu es +bien portante.</p> + +<p>Je serai à Paris au moment où personne ne m'attendra plus.</p> + +<p>Tout va ici fort bien, et à ma satisfaction.</p> + +<p>Adieu, mon amie.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_LXXV" id="LETTRE_LXXV"></a>LETTRE LXXV</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Malmaison.</h4> + +<p class="right">Le 23 septembre 1809.</p> + + +<p>J'ai reçu ta lettre du 16, je vois que tu te portes bien. La maison de +la vieille fille ne vaut que cent vingt mille francs; ils n'en +trouveront jamais plus. Cependant, je te laisse maîtresse de faire ce +que tu voudras, puisque cela t'amuse, mais, une fois achetée, ne fais +pas démolir pour y faire quelques rochers.</p> + +<p>Adieu, mon amie.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_LXXVI" id="LETTRE_LXXVI"></a>LETTRE LXXVI</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Malmaison.</h4> + +<p class="right">Le 25 septembre 1809.</p> + + +<p>J'ai reçu ta lettre. Ne te fie pas, et je te conseille de te bien garder +la nuit; car une des prochaines, tu entendras grand bruit.</p> + +<p>Ma santé est bonne; je ne sais ce que l'on débite; je ne me suis jamais +mieux porté depuis bien des années: Corvisart ne m'était point utile.</p> + +<p>Adieu, mon amie; tout va ici fort bien.</p> + +<p><span style="margin-left: 5em;">Tout à toi,</span></p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_LXXVII" id="LETTRE_LXXVII"></a>LETTRE LXXVII</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Malmaison.</h4> + +<p class="right">Nymphenbourg, près Munich, le 21 octobre 1809.</p> + + +<p>Je suis ici depuis hier bien portant; je ne partirai pas encore demain. +Je m'arrêterai un jour à Stuttgard. Tu seras prévenue vingt-quatre +heures d'avance de mon arrivée à Fontainebleau. Je me fais une fête de +te revoir, et j'attends ce moment avec impatience.</p> + +<p>Je t'embrasse.</p> + +<p><span style="margin-left: 5em;">Tout à toi,</span></p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRES_DE_NAPOLEON_A_JOSEPHINE" id="LETTRES_DE_NAPOLEON_A_JOSEPHINE"></a>LETTRES DE NAPOLÉON À JOSÉPHINE</h2> + +<h3>APRÈS LE DIVORCE</h3> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_LXXVIII" id="LETTRE_LXXVIII"></a>LETTRE LXXVIII</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Malmaison.</h4> + +<p class="right">8 heures du soir, décembre 1809.</p> + + +<p>Mon amie, je t'ai trouvés aujourd'hui plus faible que tu ne devais être. +Tu as montré du courage, il faut que tu en trouves pour te soutenir; il +faut ne pas te laisser aller à une funeste mélancolie, il faut te +trouver contente, et surtout soigner ta santé, qui m'est si précieuse. +Si tu m'es attachée et si tu m'aimes, tu dois te comporter avec force et +te juger heureuse. Tu ne peux pas mettre en doute ma constante et tendre +amitié, et tu connaîtrais bien mal tous les sentiments que je te porte +si tu supposais que je puis être heureux si tu n'es pas heureuse, et +content, si tu ne te tranquillises.</p> + +<p>Adieu, mon amie, dors bien; songe que je le veux.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_LXXIX" id="LETTRE_LXXIX"></a>LETTRE LXXIX</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Malmaison.</h4> + +<p class="right">7 heures du soir.</p> + + +<p>Je reçois ta lettre, mon amie. Savary me dit que tu pleures toujours; +cela n'est pas bien. J'espère que tu auras pu te promener aujourd'hui. +Je t'ai envoyé de ma chasse. Je viendrai te voir lorsque tu me diras que +tu es raisonnable et que ton courage prend le dessus.</p> + +<p>Demain, toute la journée, j'ai les ministres.</p> + +<p>Adieu, mon amie; je suis triste aussi aujourd'hui; j'ai besoin de te +savoir satisfaite et d'apprendre que tu prends de l'aplomb.</p> + +<p>Dors bien.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_LXXX" id="LETTRE_LXXX"></a>LETTRE LXXX</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Malmaison.</h4> + +<p class="right">Jeudi, à midi, 1809.</p> + + +<p>Je voulais venir te voir aujourd'hui, mon amie; mais je suis très occupé +et un peu indisposé. Je vais cependant aller au conseil. Je te prie de +me dire comment tu te portes.</p> + +<p>Ce temps est bien humide et pas du tout sain.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_LXXXI" id="LETTRE_LXXXI"></a>LETTRE LXXXI</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Malmaison.</h4> + +<p class="right">Vendredi, à 8 heures, 1810.</p> + + +<p>Je voulais venir te voir aujourd'hui, mais je ne le puis; ce sera, +j'espère, pour demain. Il y a bien longtemps que tu m'as donné de tes +nouvelles.</p> + +<p>J'ai appris avec plaisir que tu t'étais promenée dans ton jardin pendant +ces froids.</p> + +<p>Adieu, mon amie; porte-toi bien, et ne doute jamais de mes sentiments.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_LXXXII" id="LETTRE_LXXXII"></a>LETTRE LXXXII</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Malmaison.</h4> + +<p class="right">Dimanche, à 8 heures du soir, 1810.</p> + + +<p>J'ai été bien content de t'avoir vue hier; je sens combien ta société a +de charmes pour moi. J'ai travaillé aujourd'hui avec Estève. J'ai +accordé cent mille francs pour 1810, pour l'extraordinaire de Malmaison. +Tu peux donc faire planter tant que tu voudras; tu distribueras cette +somme comme tu l'entendras. J'ai chargé Estève de te remettre deux cent +mille francs aussitôt que le contrat de la maison Julien sera fait. J'ai +ordonné que l'on paierait ta parure de rubis, laquelle sera évaluée par +l'intendance, car je ne veux pas de voleries de bijoutiers. Ainsi, voilà +quatre cent mille francs que cela me coûte.</p> + +<p>J'ai ordonné que l'on tînt le million que la liste civile te doit, pour +1810, à la disposition de ton homme d'affaires, pour payer tes dettes.</p> + +<p>Tu dois trouver dans l'armoire de Malmaison cinq cent mille à six cent +mille francs; tu peux les prendre pour faire ton argenterie et ton +linge.</p> + +<p>J'ai ordonné qu'on te fit un très beau service de porcelaine; l'on +prendra tes ordres pour qu'il soit très beau.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_LXXXIII" id="LETTRE_LXXXIII"></a>LETTRE LXXXIII</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Malmaison.</h4> + +<p class="right">Mercredi, 6 heures du soir, 1810.</p> + + +<p>Mon amie, je ne vois pas d'inconvénient que tu reçoives le roi de +Wurtemberg quand tu voudras. Le roi et la reine de Bavière doivent aller +te voir après-demain.</p> + +<p>Je désire fort aller à Malmaison: mais il faut que tu sois forte et +tranquille: le page de ce matin dit qu'il t'a vue pleurer.</p> + +<p>Je vais dîner tout seul.</p> + +<p>Adieu, mon amie; ne doute jamais de mes sentiments pour toi; tu serais +injuste et mauvaise.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_LXXXIV" id="LETTRE_LXXXIV"></a>LETTRE LXXXIV</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Malmaison.</h4> + +<p class="right">Samedi, à 1 heure après-midi, 1810.</p> + + +<p>Mon amie, j'ai vu hier Eugène qui m'a dit que tu recevrais les rois. +J'ai été au concert jusqu'à huit heures; je n'ai dîné, tout seul, qu'à +cette heure-là.</p> + +<p>Je désire bien te voir. Si je ne viens pas aujourd'hui, je viendrai +après la messe.</p> + +<p>Adieu, mon amie; j'espère te trouver sage et bien portante. Ce temps-là +doit bien te peser.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_LXXXV" id="LETTRE_LXXXV"></a>LETTRE LXXXV</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Malmaison.</h4> + +<p class="right">Trianon, le 17 janvier 1810.</p> + + +<p>Mon amie, d'Audenarde, que je t'ai envoyé ce matin, me dit que tu n'as +plus de courage depuis que tu es à Malmaison. Ce lieu est cependant tout +plein de nos sentiments, qui ne peuvent et ne doivent jamais changer, du +moins de mon côte.</p> + +<p>J'ai bien envie de te voir, mais il faut que je sois sûr que tu es +forte, et non faible; je le suis aussi un peu, et cela me fait un mal +affreux.</p> + +<p>Adieu, Joséphine; bonne nuit. Si tu doutais de moi, tu serais bien +ingrate.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_LXXXVI" id="LETTRE_LXXXVI"></a>LETTRE LXXXVI</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Malmaison.</h4> + +<p class="right">30 Janvier 1810.</p> + + +<p>Mon amie, je reçois ta lettre. J'espère que la promenade que tu as faite +aujourd'hui, pour montrer ta serre, t'aura fait du bien.</p> + +<p>Je te saurai avec plaisir à l'Élysée, et fort heureux de te voir plus +souvent; car tu sais combien je t'aime.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_LXXXVII" id="LETTRE_LXXXVII"></a>LETTRE LXXXVII</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Malmaison.</h4> + +<p class="right">Mardi, à midi, 1810.</p> + + +<p>J'apprends que tu t'affliges, cela n'est pas bien. Tu es sans confiance +en moi, et tous les bruits que l'on répand te frappent; ce n'est pas me +connaître, Joséphine. Je t'en veux, et si je n'apprends que tu es gaie +et contente, j'irai te gronder bien fort.</p> + +<p>Adieu, mon amie.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_LXXXVIII" id="LETTRE_LXXXVIII"></a>LETTRE LXXXVIII</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Malmaison.</h4> + +<p class="right">Samedi, à 6 heures du soir, 1810.</p> + + +<p>J'ai dit à Eugène que tu aimais plutôt à écouter les bavards d'une +grande ville que ce que je te disais; qu'il ne faut pas permettre que +l'on te fasse des contes en l'air pour t'affliger.</p> + +<p>J'ai fait transporter tes effets à l'Élysée. Tu viendras incessamment à +Paris; mais sois tranquille et contente, et aie confiance entière en +moi.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_LXXXIX" id="LETTRE_LXXXIX"></a>LETTRE LXXXIX</h2> + +<p>À l'Impératrice, à l'Élysée-Napoléon.</p> + +<p class="right">Vendredi, 6 heures du soir, 1810.</p> + + +<p>Savary me remet, en arrivant, ta lettre; je vois avec peine que tu es +triste; je suis bien aise que tu ne te sois pas aperçue du feu.</p> + +<p>J'ai eu beau temps à Rambouillet.</p> + +<p>Hortense m'a dit que tu avais eu le projet de venir dîner chez Bessières +et de retourner coucher à Paris. Je suis fâché que tu n'aies pas pu +exécuter ton projet.</p> + +<p>Adieu, mon amie; sois gaie, songe que c'est le moyen de me plaire.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XC" id="LETTRE_XC"></a>LETTRE XC</h2> + +<p>À l'Impératrice, à l'Élysée-Napoléon.</p> + +<p class="right">19 février 1810.</p> + + +<p>Mon amie, j'ai reçu ta lettre. Je désire te voir; mais les réflexions +que tu me fais peuvent être vraies. Il y a peut-être quelque +inconvénient à nous trouver sous le même toit pendant la première année. +Cependant la campagne de Bessières est trop loin pour pouvoir revenir; +d'un autre côté, je suis un peu enrhumé et je ne suis pas sûr d'y aller.</p> + +<p>Adieu, mon amie.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XCI" id="LETTRE_XCI"></a>LETTRE XCI</h2> + +<h4>À l'Impératrice, à Malmaison.</h4> + +<p class="right">Le 12 mars 1810.</p> + + +<p>Mon amie, j'espère que tu auras été contente de ce que j'ai fait pour +Navarre. Tu y auras vu un nouveau témoignage du désir que j'ai de t'être +agréable.</p> + +<p>Fais prendre possession de Navarre; tu pourras y aller le 25 mars passer +le mois d'avril.</p> + +<p>Adieu, mon amie.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XCII" id="LETTRE_XCII"></a>LETTRE XCII</h2> + +<p>De l'Impératrice Joséphine à l'Empereur Napoléon.</p> + +<p class="right">Navarre, le 19 avril 1810.</p> + + +<p>Sire,</p> + +<p>Je reçois, par mon fils, l'assurance que Votre Majesté consent à mon +retour à Malmaison, et qu'elle veut bien m'accorder les avances que je +lui ai demandées pour rendre habitable le château de Navarre.</p> + +<p>Cette double faveur, Sire, dissipe en grande partie les inquiétudes et +même les craintes que le long silence de Votre Majesté m'avait +inspirées. J'avais peur d'être entièrement bannie de son souvenir: je +vois que je ne le suis pas. Je suis donc aujourd'hui moins malheureuse, +et même aussi heureuse qu'il m'est désormais possible de l'être.</p> + +<p>J'irai à la fin du mois à Malmaison, puisque Votre Majesté n'y voit +aucun obstacle. Mais, je dois vous le dire, Sire, je n'aurais pas si tôt +profité de la liberté que Votre Majesté me laisse à cet égard, si la +maison de Navarre n'exigeait pas, pour ma santé, et pour celle des +personnes de ma maison, des réparations qui sont urgentes. Mon projet +est de demeurer à Malmaison fort peu de temps; je m'en éloignerai +bientôt pour aller aux eaux. Mais, pendant que je serai à Malmaison, +Votre Majesté peut être sûre que j'y vivrai comme si j'étais à mille +lieues de Paris. J'ai fait un grand sacrifice, Sire, et chaque jour je +sens davantage toute son étendue. Cependant, ce sacrifice sera ce qu'il +doit être, il sera entier de ma part. Votre Majesté ne sera troublée, +dans son bonheur, par aucune expression de mes regrets.</p> + +<p>Je ferai sans cesse des vœux pour que Votre Majesté soit heureuse, +peut-être même en ferai-je pour la revoir; que Votre Majesté en soit +convaincue, je respecterai toujours sa nouvelle situation, je la +respecterai en silence; confiante dans les sentiments qu'elle me portait +autrefois, je n'en provoquerai aucune preuve nouvelle; j'attendrai tout +de sa justice et de son cœur.</p> + +<p>Je me borne à lui demander une grâce, c'est qu'elle daigne chercher +elle-même un moyen de convaincre quelquefois, et moi-même et ceux qui +m'entourent, que j'ai toujours une petite place dans son souvenir et une +grande place dans son estime et dans son amitié. Ce moyen, quel qu'il +soit, adoucira mes peines, sans pouvoir, ce me semble, compromettre, ce +qui m'importe avant tout, le bonheur de Votre Majesté.</p> + +<p><span class="smcap">Joséphine</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XCIII" id="LETTRE_XCIII"></a>LETTRE XCIII</h2> + +<h4>Réponse de l'Empereur Napoléon<br /><br /> + +À l'Impératrice Joséphine, à Navarre.</h4> + +<p class="right">Compiègne, le 21 avril 1810.</p> + + +<p>Mon amie, je reçois ta lettre du 19 avril; elle est d'un mauvais style. +Je suis toujours le même; mes pareils ne changent jamais. Je ne sais ce +qu'Eugène a pu te dire. Je ne t'ai pas écrit, parce que tu ne l'as pas +fait, et que j'ai désiré tout ce qui peut t'être agréable.</p> + +<p>Je vois avec plaisir que tu ailles à Malmaison, et que tu sois contente; +moi, je le serai de recevoir de tes nouvelles et de te donner des +miennes. Je n'en dis pas davantage jusqu'à ce que tu aies comparé cette +lettre à la tienne; et, après cela, je te laisse juge qui est meilleur +et plus ami de toi ou de moi.</p> + +<p>Adieu, mon amie; porte-toi tien et sois juste pour toi et pour moi.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XCIV" id="LETTRE_XCIV"></a>LETTRE XCIV</h2> + +<h4>Réponse de l'Impératrice Joséphine.</h4> + + +<p>Mille, mille tendres remerciements de ne m'avoir pas oubliée. Mon fils +vient de m'apporter ta lettre. Avec quelle ardeur je l'ai lue, et +cependant j'y ai mis bien du temps; car il n'y a pas un mot qui ne m'ait +fait pleurer, mais ces larmes étaient bien douces! J'ai retrouvé mon +cœur tout entier, et tel qu'il sera toujours: il y a des sentiments qui +sont la vie même et qui ne peuvent finir qu'avec elle.</p> + +<p>Je serais au désespoir que ma lettre du 19 t'eût déplu; je ne m'en +rappelle pas entièrement les expressions, mais je sais quel sentiment +bien pénible l'avait dictée, c'était le chagrin de n'avoir pas de tes +nouvelles.</p> + +<p>Je t'avais écrit à mon départ de Malmaison; et, depuis, combien de fois +j'aurais voulu t'écrire! Mais je sentais les raisons de ton silence, et +je craignais d'être importune par une lettre. La tienne a été un baume +pour moi. Sois heureux, sois-le autant que tu le mérites; c'est mon +cœur qui te parle. Tu viens aussi de me donner ma part de bonheur, et +une part bien vivement sentie: rien ne peut valoir pour moi une marque +de ton souvenir.</p> + +<p>Adieu, mon ami; je te remercie aussi tendrement que je t'aimerai +toujours.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Joséphine</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XCV" id="LETTRE_XCV"></a>LETTRE XCV</h2> + +<h4>À l'Impératrice Joséphine, à Navarre.</h4> + +<p class="right">Compiègne, le 28 avril 1910.</p> + + +<p>Mon amie, je reçois deux lettres de toi. J'écris à Eugène. J'ai ordonné +que l'on fit le mariage de Tascher avec la princesse de la Leyen.</p> + +<p>J'irai demain à Anvers voir ma flotte et ordonner des travaux. Je serai +de retour le 15 mai.</p> + +<p>Eugène me dit que tu veux aller aux eaux, ne te gêne en rien. N'écoute +pas les bavardages de Paris; ils sont oisifs et bien loin de connaître +le véritable état des choses. Mes sentiments pour toi ne changent pas et +je désire beaucoup te savoir heureuse et contente.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XCVI" id="LETTRE_XCVI"></a>LETTRE XCVI</h2> + +<h4>À l'Impératrice Eugénie, à Malmaison.</h4> + + +<p>Mon amie, je reçois ta lettre. Eugène te donnera des nouvelles de mon +voyage et de l'Impératrice. J'approuve fort que tu ailles aux eaux. +J'espère qu'elles te feront du bien.</p> + +<p>Je désire bien te voir. Si tu es à Malmaison à la fin du mois, je +viendrai te voir.</p> + +<p>Ma santé est fort bonne; il me manque de te savoir contente et bien +portante. Fais-moi connaître le nom que tu voudrais porter en route.</p> + +<p>Ne doute jamais de toute la vérité de mes sentiments pour toi; ils +dureront autant que moi; tu serais fort injuste si tu en doutais.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XCVII" id="LETTRE_XCVII"></a>LETTRE XCVII</h2> + +<h4>À l'Impératrice Joséphine, aux eaux d'Aix, en Savoie.</h4> + +<p class="right">Rambouillet, le 8 juillet 1810.</p> + + +<p>Mon amie, j'ai reçu ta lettre du 3 juillet. Tu auras vu Eugène, et sa +présence t'aura fait du bien. J'ai appris avec plaisir que les eaux te +sont bonnes. Le roi de Hollande vient d'abdiquer la couronne, en +laissant la régence, selon la Constitution, à la reine. Il a quitté +Amsterdam et laissé le grand-duc de Berg.</p> + +<p>J'ai réuni la Hollande à la France; mais cet acte a cela d'heureux qu'il +émancipe la reine, et cette infortunée fille va venir à Paris avec son +fils, le grand-duc de Berg; cela la rendra parfaitement heureuse.</p> + +<p>Ma santé est bonne. Je suis venu ici pour chasser quelques jours. Je te +verrai avec plaisir cet automne. Ne doute jamais de mon amitié. Je ne +change jamais. Porte-toi bien, sois gaie et crois à la vérité de mes +sentiments.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XCVIII" id="LETTRE_XCVIII"></a>LETTRE XCVIII</h2> + +<h4>À l'Impératrice Joséphine, à Navarre.</h4> + +<p class="right">Fontainebleau, le 14 novembre 1810.</p> + + +<p>Mon amie, j'ai reçu ta lettre. Hortense m'a parlé de toi. Je vois avec +plaisir que tu es contente. J'espère que tu ne t'ennuies pas trop à +Navarre.</p> + +<p>Ma santé est fort bonne. L'Impératrice avance heureusement dans sa +grossesse. Je ferai les différentes choses que tu me demandes pour ta +maison. Soigne bien ta santé, sois contente et ne doute jamais de mes +sentiments pour toi.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_XCIX" id="LETTRE_XCIX"></a>LETTRE XCIX</h2> + +<h4>À l'Impératrice Joséphine, à Navarre.</h4> + + +<p>Je reçois ta lettre. Je ne vois pas d'inconvénient au mariage de M<sup>me</sup> +de Mackau avec Wattier, si cela lui convient; ce général est un fort +brave homme. Je me porte bien. J'espère avoir un garçon; je te le ferai +savoir aussitôt.</p> + +<p>Adieu, mon amie. Je suis bien aise que M<sup>me</sup> d'Arberg t'ait dit des +choses qui te fassent plaisir. Quand tu me verras, tu me trouveras avec +les mêmes sentiments pour toi.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_C" id="LETTRE_C"></a>LETTRE C</h2> + +<h4>À l'Impératrice Joséphine, à Malmaison.</h4> + +<p class="right">Trianon, 25 août 1813.</p> + + +<p>J'ai reçu ta lettre. Je vois avec plaisir que tu es en bonne santé. Je +suis pour quelques jours à Trianon. Je compte aller à Compiègne. Ma +santé est fort bonne.</p> + +<p>Mets de l'ordre dans tes affaires; ne dépense que un million cinq cent +mille francs et mets de côté tous les ans autant; cela fera une réserve +de quinze millions en dix ans pour tes petits-enfants: il est doux de +pouvoir leur donner quelque chose et de leur être utile. Au lieu de +cela, l'on me dit que tu as des dettes, cela serait bien vilain. +Occupe-toi de tes affaires et ne donne pas à qui en veut prendre. Si tu +me veux plaire, fais que je sache que tu as un gros trésor. Juge combien +j'aurais mauvaise opinion de toi si je te savais endettée avec trois +millions de revenu.</p> + +<p>Adieu, mon amie, porte-toi bien.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRE_CI" id="LETTRE_CI"></a>LETTRE CI</h2> + +<h4>À l'Impératrice Joséphine, à Malmaison</h4> + +<p class="right">Vendredi, 8 heures du matin, 1813.</p> + + +<p>J'envoie savoir comment tu te portes, car Hortense m'a dit que tu étais +au lit hier. J'ai été fâché contre toi pour tes dettes; je ne veux pas +que tu en aies; au contraire, j'espère que tu mettras un million de côté +tous les ans, pour donner à tes petites-filles lorsqu'elles se +marieront.</p> + +<p>Toutefois, ne doute jamais de mon amitié pour toi et ne te fais aucun +chagrin là-dessus.</p> + +<p>Adieu, mon amie; annonce-moi que tu es bien portante. On dit que tu +engraisses comme une bonne fermière de Normandie.</p> + +<p class="sign"><span class="smcap">Napoléon</span>.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<p> </p> +<h2><a name="APPENDICES" id="APPENDICES"></a>APPENDICES</h2> +<p> </p> +<p> </p> +<h3>DIALOGUE SUR L'AMOUR</h3> + + +<p><strong><i>Ce texte, rédigé par Bonaparte, en 1791, lors de son séjour à Valence, +à l'âge de vingt-deux ans, demeura inconnu pendant cent et trois ans.</i></strong></p> + +<p><strong><i>Cet écrit d'un style sec et sans unité trace vigoureusement la +conception que Napoléon devait avoir toute sa vie de la femme.</i></strong></p> + +<p><strong><i>Le sort de ce manuscrit fut mouvementé.</i></strong></p> + +<p><strong><i>À sa chute, Napoléon l'envoya à Fesch</i><a name="FNanchor_5_5" id="FNanchor_5_5"></a><a href="#Footnote_5_5" class="fnanchor">[5]</a> <i>enfermé parmi d'autres dans +un des cartons de son cabinet. Fesch n'en prit jamais connaissance. À la +mort de celui-ci, en 1839, son grand vicaire, l'abbé Lyonnet, à qui le +carton revint, en vendit le contenu à Libri</i><a name="FNanchor_6_6" id="FNanchor_6_6"></a><a href="#Footnote_6_6" class="fnanchor">[6]</a>, <i>qui le revendit à des +amateurs, entre autres à lord Ashburnham, dont le fils, en 1884, le +céda, pour une somme de 675,000 francs, à la bibliothèque +Médico-Laurentienne de Florence, où il fut copié par MM. Frédéric Masson +et Guido Biagi qui, en 1895, le publièrent sous le titre de «Napoléon +inconnu».</i></strong></p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="DIALOGUE_SUR_LAMOUR" id="DIALOGUE_SUR_LAMOUR"></a>DIALOGUE SUR L'AMOUR</h2> + + +<p><span class="smcap">Des Mazis</span><a name="FNanchor_7_7" id="FNanchor_7_7"></a><a href="#Footnote_7_7" class="fnanchor">[7]</a>.—Comment, monsieur, qu'est-ce que l'amour? Eh quoi! +n'êtes-vous donc pas composé comme les autres hommes?</p> + +<p><i>Bonaparte</i>.—Je ne vous demande pas la définition de l'amour. Je fus +jadis amoureux et il m'en est resté assez de souvenir pour que je n'aie +pas besoin de ces définitions métaphysiques qui ne font jamais +qu'embrouiller les choses; je vous dis plus que de nier son existence. +Je le crois nuisible à la société, au bonheur individuel des hommes, +enfin je crois que l'amour fait plus de mal... et que ce serait un +bienfait d'une divinité protectrice que de nous en défaire et d'en +délivrer le monde.</p> + +<p><span class="smcap">Des Mazis</span>.—Quoi! l'amour nuisible à la société, lui qui vivifie la +nature entière, source de toute production, de tout bonheur. Point +d'amour, monsieur, autant vaudrait-il anéantir notre existence.</p> + +<p><i>Bonaparte</i>.—Vous vous échauffez. La passion vous transporte. +Reconnaissez, je vous en prie, votre ami. Ne me regardez pas avec +indignation et répondez pourquoi, depuis que cette passion vous domine, +ne vous vois-je plus dans vos sociétés ordinaires? Que sont devenues vos +occupations? Pourquoi négligez-vous vos parents, vos amis? Vos journées +entières sont sacrifiées à une promenade monotone et solitaire jusqu'à +ce que l'heure vous permette de voir votre Adélaïde.</p> + +<p><span class="smcap">Des Mazis</span>.—Eh! que m'importe à moi, monsieur, vos occupations, vos +sociétés? À quoi aboutit une science indigeste? Qu'ai-je à faire de ce +qui s'est passé il y a mille ans? Quelle influence puis-je avoir sur le +cours des astres? Que m'importe le minutieux détail des discussions +puériles des hommes?... Je me suis occupé de cela sans doute. +Qu'avais-je de mieux à faire? Il fallait bien par quelque moyen me +soustraire à l'ennui qui me menaçait; mais croyez-moi, je sentais au +milieu de mon cabinet le vide de mon cœur. Parfois mon esprit était +satisfait, mais mes sentiments! Ô Dieu! je n'ai fait que végéter tant +que je n'eus pas aimé. Actuellement, au contraire, quand l'amour +m'arrache au sommeil, je ne dis plus: «Pourquoi le soleil luit-il +aujourd'hui pour moi?» Non! le premier rayon de lumière me présente ma +chère Adélaïde en habit du matin. Je la vois penser à moi, me sourire. +Hier au soir elle me serrait la main, elle soupirait, nos regards se +rencontraient. Comme ils exprimaient nos sentiments! Je contemple un +portrait qui me ravit l'âme. Cent fois je le remets pour le reprendre +aussitôt. Cette promenade, monsieur, que vous appelez monotone, eh! non, +la vaste étendue du globe ne contient pas plus de variété. D'abord, mon +esprit repasse les choses qu'elle m'a dites; je relis le billet qu'elle +m'a écrit; je pense à celui qui doit peindre toute l'étendue de mon +amour. Je le refais cent fois. Mon imagination s'élève; je vois bientôt +mes feux couronnés; je regrette tantôt de ne pas avoir une fortune +immense à lui sacrifier. Ici même, je voudrais avoir une couronne. +Concevez le charme de la proposer à ses parents, la joie que cela lui +causerait. Tout ce qui approche d'elle est sacré à mes yeux. Une autre +fois je penserai aux préparatifs des noces qui doivent bientôt nous +unir, jusqu'aux présents que je dois lui faire. Mon cœur se dilate à +imaginer quelque chose qui puisse l'obliger, lui prouver mon amour. +Voyez-vous le château où nous devons passer nos jours, les sombres +bosquets, les riantes prairies, les délicieux parterres? Rien ne +m'affecte que le plaisir d'être tous les jours à côté d'elle. Mais +bientôt elle doit me donner des gages de notre amour... Mais vous riez! +En vérité, je vous déteste.</p> + +<p><span class="smcap">Bonaparte</span>.—Je ris des grandes occupations qui captivent votre âme et +plus encore du feu avec lequel vous me les communiquez. Quelle maladie +étrange s'est emparée de vous? Je sens que la raison que vous appelez à +votre secours ne fera aucun effet et, dans le délire où vous êtes, vous +ferez plus que de fermer l'oreille à sa voix, vous la mépriserez. +Souvenez-vous que vous n'êtes pas de sang-froid et que mon amitié fut +toujours le juge qui vous rappela à vos désirs. Souvenez-vous que je +m'en suis toujours rendu digne. J'aurais besoin de répéter ici les +obligations que vous me devez et les marques qui vous sont connues de +mes sentiments, car, moi-même je ne serais pas à l'abri de vos +invectives dans les accès de votre délire. Car votre état est pareil à +celui d'un malade qui ne voit que la chimère qu'il poursuit et sans +connaître la maladie qui la produit, ni la santé qu'il a perdue. Je +n'agiterai donc pas si vos plaisirs sont dignes de l'homme ou même si +c'en sont. Je veux croire que ce sexe, roi du monde par sa force, son +industrie, son esprit et toutes ses autres facultés naturelles, trouve +sa suprême félicité à languir dans les chaînes d'une molle passion et +sous les lois d'un être plus faible d'entendement comme de corps. Je +veux croire, comme vous le dites, que le souvenir de votre Adélaïde, son +image, sa conversation puissent vous dédommager des agréments de vos +occupations, de vos sociétés; mais n'est-il pas vrai que vous désirez +toujours la fin de cet état et que votre insatiable imagination voudrait +obtenir ce que la vertu d'Adélaïde ne peut vous accorder. Ma froide +tranquillité, je le vois, n'est pas propre à peindre le pesant fardeau +qui tourmente l'existence d'un amant dans le moindre échec qui lui +survient. Qu'Adélaïde s'absente pour quinze jours seulement, que +devenez-vous? Si un autre s'efforce à cet objet, que vous croyez vous +appartenir, que d'inquiétude! Si une mère alarmée trouve mauvaises de +trop fréquentes visites qui font parler un public méchant, enfin, +monsieur, que sais-je, cent petites autres choses qui frappent fortement +un amant vous agitent. Souvent, les nuits se passent sans sommeil, les +repas sans manger. La terre n'a point d'endroit pour contenir votre +inquiétude extrême. Votre sang bouillonne, vous marchez à grands pas, le +regard égaré. Pauvre chevalier, est-ce là le bonheur? Je ne doute pas +que si, aujourd'hui, dans l'extase que vous a occasionnée un serrement +de main, vous ne trouviez cet état la suprême félicité, je ne doute pas, +dis-je, que, demain, dans une humeur contraire, vous ne trouviez votre +faiblesse insupportable. Mais, chevalier, voilà votre position. S'il +fallait défendre la patrie attaquée, que feriez-vous? S'il fallait!... +Mais à quoi êtes-vous bon? Confiera-t-on le bonheur de vos semblables à +un enfant qui pleure sans cesse, qui s'alarme ou se réjouit au seul +mouvement d'une autre personne? Confiera-t-on le secret de l'État à +celui qui n'a point de volonté?</p> + +<p><span class="smcap">Des Mazis</span>.—Toujours des grands mots vides de sens! Que fait à moi votre +État, ses secrets? En vérité, vous êtes inconcevable aujourd'hui. Vous +n'avez jamais raisonné si pitoyablement.</p> + +<p><span class="smcap">Bonaparte</span>.—Ah! chevalier, que vous importent l'État, vos concitoyens, +la société? Voilà les suites d'un cœur relâché, abandonné à la volupté. +Point de force, point de vertu dans votre sentier. Vous n'ambitionniez +que de faire le bien et aujourd'hui ce bien même vous est indifférent. +Quel est donc ce sentiment dépravé qui a pris la place de votre amour +pour la vertu? Vous ne désirez que de vivre ignoré à l'ombre de vos +peupliers. Profonde philosophie! Ah! chevalier, que je déteste cette +passion qui a produit une si grande métamorphose. Vous ne songez pas que +vous tirez vers l'égoïsme et tout vous est indifférent: opinion des +hommes, estime de vos amis, amour de vos parents. Tout est captivé au +tyran fort de votre faiblesse. Un coup d'œil, un serrement de main, un +baiser, chevalier et que vous importent alors la peine de la patrie, la +mauvaise opinion de vos amis; un attouchement corporel... mais je ne +veux pas vous irriter. Je le veux croire: l'amour a des plaisirs +incomparables, des peines encore plus grandes peut-être, mais n'importe, +considérons seulement l'influence qu'il a dans l'état de société. Il est +vrai, chevalier, que, dans l'état des choses, notre âme, née +indépendante, a besoin d'être formée, dégradée. Si vous voulez, par les +institutions, que dès la naissance l'attention que tous les législateurs +ont donnée à l'éducation... que nous sommes nés pour être heureux, que +c'est la loi suprême que la nature a gravée au fond de nous mêmes. Il +est vrai que c'est la base qui nous a été donnée pour servir de règle à +notre conduite. Chacun, né juge de ce qui peut lui convenir, a donc le +droit de disposer de son corps comme de ses affections, mais cet état +d'indépendance est vraiment opposé à l'état de servitude où la société +nous a mis.</p> + +<p>En changeant d'état il a donc fallu changer d'humeur. Il a donc fallu +substituer au cri de notre sentiment celui des préjugés. Voilà la base +de toutes les institutions sociales. Il a fallu prendre l'homme dès son +origine pour en faire, s'il se peut, une autre créature. Croyez-vous, +sans ce changement, que tant d'hommes souffriraient d'être avilis par un +petit nombre de grands seigneurs et que des palais somptueux seraient +respectés par des hommes qui manquent de pain? La force est la loi des +animaux; la conviction est celle des hommes. On convint, soit pour +repousser les attaques des bêtes plus fortes, soit pour ne pas être +exposé à se battre à chaque instant, l'on convint, dis-je, de lois des +propriétés et chacun fut assuré au nom de tous de la propriété de son +champ.</p> + +<p>Cette convention n'existait qu'entre un petit nombre d'hommes. Il fallut +donc des magistrats, soit pour repousser les attaques des peuplades +voisines, soit pour faire exécuter la convention reçue.</p> + +<p>Ces magistrats sentirent le charme du commandement, mais les plus +alertes du peuple s'y opposèrent. Ils furent gagnés et ainsi associés +aux projets des ambitieux. Le peuple fut subjugué. Vous voyez +l'inégalité s'introduire à grands pas; vous voyez se former la classe +régnante et la classe gouvernée. La religion vint consoler les +malheureux qui se trouvaient dépouillés de toute propriété. Elle vint +les enchaîner pour toujours. Ce ne fut plus par les cris de la +conscience que l'homme devait se conduire. Non! L'on craignit qu'un +sentiment que l'on faisait tout au monde pour étouffer ne reprît le +dessus.</p> + +<p>Il y eut donc un Dieu. Ce Dieu conduisait le monde. Tout se faisait par +acte de sa volonté. Il avait donné des lois écrites... et l'empire des +prêtres commença, empire qui probablement ne finira jamais.</p> + +<p>Que l'homme donc soit dégradé, triste vérité! Mais que l'état de société +ne soit légitime, c'est ce dont l'on ne peut disconvenir. Le silence des +hommes là-dessus est une approbation tacite que rien ne peut démentir. +Vous avez vingt ans, monsieur, choisissez: ou renoncez à votre rang, à +votre fortune, et quittez un monde que vous détestez, ou, vous +inscrivant dans le nombre des citoyens, soumettez-vous à ses lois. Vous +jouissez des avantages du contrat, serez-vous infidèle aux autres +clauses? Ce ne serait pas vous croire honnête homme que d'en douter. +Vous devez donc être attaché à un État qui vous procure tant de +bien-être et procurant à la fois de faire un digne usage des avantages +qu'il vous a accordés, vous devez rendre heureux le peuple au-dessus +duquel vous êtes et faire prospérer la société qui vous a distingué. +Pour cela faire, il faut que, guidé toujours par le flambeau de la +raison, vous puissiez balancer avec équité les droits des hommes à qui +vous vous devez. Pour cela faire, il faut que, prêt à tout entreprendre +pour le service de l'État, vous soyez soldat, homme d'affaires, +courtisan même si l'intérêt du peuple et de votre nation le demande. Ah! +que votre récompense sera douce! Défiez alors les malignes vapeurs de la +calomnie, de la jalousie! Défiez hardiment le temps même! Vos membres +décrépits ne seront plus qu'une image imparfaite de ce qu'ils furent +jadis et ils attireront cependant le respect de tous ceux qui vous +approcheront. L'un racontera dans sa cabane le soulagement que vous lui +avez accordé. L'autre, en faisant le récit des complots des méchants, +dira: «S'il ne fût venu à mon secours, j'eusse péri du supplice des +criminels.» Chevalier, cesse de restreindre cette âme altière et ce +cœur jadis si fier à une sphère aussi étroite. Toi, aux genoux d'une +femme! Fais plutôt tomber aux tiens les méchants confondus! Toi, +mépriser les peines des hommes! Sentiment d'honneur, subjugue-le plutôt! +Estimé par tes semblables, respecté, aimé par tes vassaux, la mort +viendra t'enlever au milieu des pleura de ceux qui t'entoureront, après +avoir coulé une vie douce, oracle de tes proches et père de tes vassaux.</p> + +<p><span class="smcap">Des Mazis</span>.—Je ne vous entends pas. Comment, monsieur, mon amour +pourrait-il m'empêcher de suivre le plan que vous venez de tracer? +Quelle idée vous êtes-vous donc faite d'Adélaïde?</p> + +<p>Adélaïde, s'il faut pour remplir ces devoirs soulager les malheureux; +s'il faut pour être vertueux aimer sa patrie, les hommes, la société, +qui plus qu'elle est vertueuse? Croyez-vous que je faisais le bien avec +la froideur de la philosophie? Quand la volonté d'Adélaïde sera le +mobile qui me conduira, lui faire plaisir la récompense... Non, +monsieur, vous n'avez jamais été amoureux.</p> + +<p><span class="smcap">Bonaparte</span>.—Je plains votre erreur. Quoi, chevalier, vous croyez que +l'amour est le chemin de la vertu? Il vous immétrigue (<i>emplâtrer, +retenir avec du mastic</i>) à chaque pas. Soyez sincère, depuis que cette +passion fatale a troublé votre repos, avez-vous envisagé d'autre +jouissance que celle de l'amour? Vous ferez donc le bien ou le mal selon +les symptômes de votre passion. Mais que dis-je? Vous et la passion ne +font qu'un même être. Tant qu'elle durera vous n'agirez que pour elle +et, puisque vous êtes convenu que les devoirs d'un homme riche +consistaient à faire du bien, à arracher de l'indigence les malheureux +qui y gémissent, que les devoirs d'un homme de naissance l'obligeaient à +se servir du crédit de son nom pour détruire les brigues des méchants, +que les devoirs du citoyen consistaient à défendre la patrie et à +concourir à sa prospérité, n'avouerez-vous pas que les devoirs d'un bon +fils consistent à reconnaître en son père les obligations d'une +éducation soignée, à sa mère... Non! chevalier, je me tairais si j'étais +obligé de vous prouver de pareilles évidences.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LA_FEMME_ET_LE_CODE_NAPOLEON" id="LA_FEMME_ET_LE_CODE_NAPOLEON"></a>LA FEMME ET LE CODE NAPOLÉON</h2> + + +<p><strong><i>Nous avons recherché dans le Code civil et le Code pénal ceux des +articles qui se rapportent à la femme.</i></strong></p> + +<p><strong><i>Par l'examen de ces articles, on pourra se rendre compte combien +Napoléon souhaitait marquer la dépendance de l'épouse à l'époux. +Convaincu qu'elle était faible, il la voulait protégée par le mari. Mais +en lui accordant cette protection, il exigeait d'elle une absolue +soumission à une discipline familiale, que d'ailleurs il souhaitait +douce. Enfin, ennemi des désordres conjugaux, il frappa inégalement +l'épouse et l'époux, sachant la différence de résultat d'une même faute +et pour marquer, semble-t-il, le caractère grave et élevé de l'épouse, +qui, à ses yeux, est surtout la Mère.</i></strong></p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="CODE_CIVIL" id="CODE_CIVIL"></a>CODE CIVIL</h2> + +<h3>LIVRE PREMIER.—TITRE PREMIER</h3> + +<p class="center"><b>Jouissance des droits civils.</b></p> + + +<p>Tout Français a la jouissance ou propriété des droits civils; mais +quelques Français, comme les mineurs, les interdits et les <i>femmes +mariées</i> n'ont pas l'exercice de leurs droits.</p> + + +<h3>TITRE III</h3> + +<p class="center"><b>Du domicile.</b></p> + +<p>Celui qui est <i>soumis</i> à une personne est domicilié chez elle: ainsi la +<i>femme</i> est domiciliée chez son mari.</p> + + +<h3>TITRE V</h3> + +<p class="center"><b>Des droits et des devoirs respectifs des époux.</b></p> + +<p><span class="smcap">Art</span>. 213.—Le mari doit <i>protection</i> à sa femme, la femme <i>obéissance</i> à +son mari.</p> + +<p><span class="smcap">Art</span>. 214.—La femme est obligée d'habiter avec le mari et de le suivre +partout où il juge à propos de résider; le mari est obligé de la +recevoir et de lui fournir tout ce qui est nécessaire pour les besoins +de la vie, selon ses facultés et son état.</p> + + +<h3>TITRE VI</h3> + +<p class="center"><b>Du divorce.</b></p> + +<p><span class="smcap">Art</span>. 229.—Le mari pourra demander le divorce pour cause d'adultère de +sa femme.</p> + +<p><span class="smcap">Art</span>. 230.—La femme pourra demander le divorce pour cause d'adultère de +son mari lorsqu'<i>il aura tenu sa concubine dans la maison commune</i>.</p> + + +<h3>TITRE VI</h3> + +<p class="center"><b>De la séparation de corps.</b></p> + +<p><span class="smcap">Art</span>. 308.—La femme contre laquelle la séparation de corps sera +prononcée pour cause d'adultère sera condamnée, par le même jugement et +sur la réquisition du ministère public, à la réclusion dans une maison +de correction pendant un temps déterminé, qui ne pourra être moindre de +trois mois, ni excéder deux années.</p> + +<p><span class="smcap">Art</span>. 309.—<i>Le mari restera le maître d'arrêter l'effet de cette +condamnation en consentant à reprendre sa femme</i>.</p> + + +<h3>TITRE VII</h3> + +<p class="center"><b>De la paternité et de la filiation.</b></p> + +<p><span class="smcap">Art</span>. 340.—La recherche de la paternité est interdite.</p> + +<p><span class="smcap">Art</span>. 341.—La recherche de la maternité est admise.</p> + + +<h3>TITRE IX</h3> + +<p class="center"><b>De la puissance paternelle.</b></p> + +<p><span class="smcap">Art</span>. 373.—Le père seul exerce cette autorité durant le mariage.</p> + +<p><span class="smcap">Art</span>. 374.—L'enfant ne peut quitter la maison paternelle sans la +permission de son père, si ce n'est pour <i>enrôlement volontaire</i><a name="FNanchor_8_8" id="FNanchor_8_8"></a><a href="#Footnote_8_8" class="fnanchor">[8]</a>, +après l'âge de dix-huit ans révolus.</p> + + +<h3>TITRE X</h3> + +<p class="center"><b>De la tutelle des père et mère.</b></p> + +<p><span class="smcap">Art</span>. 389.—Le <i>père</i> est, durant le mariage, administrateur des biens +personnels de ses enfants mineurs.</p> + + +<h3>LIVRE III.—TITRE PREMIER</h3> + +<p class="center"><b>Des successions.</b></p> + +<p><span class="smcap">Art</span>. 776.—Les femmes mariées ne peuvent pas valablement accepter une +succession sans l'autorisation de leur mari.</p> + + +<h3>TITRE II</h3> + +<p class="center"><b>Des donations entre vifs et des testaments.</b></p> + +<p><span class="smcap">Art</span>. 905.—La femme mariée ne pourra donner entre vifs sans l'assistance +ou le consentement spécial de son mari.</p> + +<p><span class="smcap">Art</span>. 934.—La femme mariée ne pourra accepter une donation sans le +consentement de son mari.</p> + +<p><span class="smcap">Art</span>. 1029.—La femme mariée ne pourra accepter l'exécution testamentaire +qu'avec le consentement de son mari.</p> + + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="CODE_PENAL" id="CODE_PENAL"></a>CODE PÉNAL</h2> + + +<h3>LIVRE III</h3> + +<p class="center"><b>Crimes et délits.</b></p> + +<p><span class="smcap">Art</span>. 324.—Dans le cas d'adultère prévu par l'article 336, le meurtre +commis par l'époux sur son épouse ainsi que sur le complice à l'instant +où il les surprend en flagrant délit dans la maison conjugale est +excusable.</p> + +<p><span class="smcap">Art</span>. 336.—L'adultère de la femme ne pourra être dénoncé que par le +mari.</p> + +<p><span class="smcap">Art</span>. 337.—La femme convaincue d'adultère subira la peine de +l'emprisonnement pendant trois mois au moins et deux ans au plus. Le +mari restera le maître d'arrêter cette condamnation en consentant à +reprendre sa femme.</p> + +<p><span class="smcap">Art</span>. 339.—Le mari qui aura entretenu une concubine dans la maison +conjugale et qui aura été convaincu sur la plainte de la femme sera puni +d'une amende de cent francs à deux mille francs.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="LETTRES_A_M_WALEWSKA" id="LETTRES_A_M_WALEWSKA"></a>LETTRES À M<sup>me</sup> WALEWSKA</h2> + + +<p><strong><i>Après la victoire d'Iéna, Napoléon occupa la Pologne et fit dans +Varsovie, sa capitale, une entrée glorieuse. Les Polonais, qui avaient +vu dans son triomphe l'espoir de leur affranchissement, lui firent un +accueil enthousiaste. Les fêtes succédèrent aux fêtes. Au cours de l'une +d'elles, dans un bal, Napoléon remarqua Marie Walewska. Pour la première +fois peut-être depuis qu'il est empereur, il laissa voir son trouble et +l'écrivit, bien que dans un billet bref, où le chef paraît plus que +l'amoureux. Ce billet, que Duroc<a name="FNanchor_9_9" id="FNanchor_9_9"></a><a href="#Footnote_9_9" class="fnanchor">[9]</a> porta, était ainsi conçu:</i></strong></p> + +<div class="blockquot"><p>«Je n'ai vu que vous, je n'ai admiré que vous, je ne désire que +vous. Une réponse bien prompte pour calmer l'impatiente ardeur de</p> + +<p class="sign">«N.»</p></div> + +<p><strong><i>La signature, qui n'est qu'un paraphe, le style, qui n'est qu'une suite +d'exclamations que termine un ordre, tout cela parut une impertinence +aux yeux de la jeune Polonaise. Elle refusa l'invitation.</i></strong></p> + +<p><strong><i>L'Empereur ne se tint pas pour battu. Il a conscience de sa valeur, et +si d'autres, plus modestes et surtout moins actifs que lui, +répugneraient à l'affirmer, il ne craint pas de l'écrire à celle qu'il +veut conquérir:</i></strong></p> + +<div class="blockquot"><p>«Vous ai-je déplu, madame? J'avais cependant le droit d'espérer le +contraire. Me suis-je trompé! Votre empressement s'est ralenti, +tandis que le mien augmente. Vous m'ôtez le repos! Oh! donnez un +peu de joie, de bonheur à un pauvre cœur tout prêt à vous adorer. +Une réponse est-elle si difficile à obtenir? Vous m'en devez deux.</p> + +<p class="sign">«N.»</p></div> + +<p><strong><i>À ce billet, où paraissait l'ennui de n'avoir pas été accueilli, la +crainte d'avoir été trop brusque et la douleur réelle qu'éprouvait le +Maître à se sentir isolé dans sa gloire, Marie Walewska, plus par +respect de ses devoirs d'épouse, croyons-nous, que par fierté, ne voulut +pas répondre.</i></strong></p> + +<p><strong><i>Son entourage a beau lui représenter qu'être la maîtresse de l'Empereur, +ce n'est pas manquer à l'honneur, et que ce serait peut-être préparer le +salut et la grandeur de la Pologne, Marie Walewska se refuse à ce +compromis.</i></strong></p> + +<p><strong><i>Napoléon insiste une troisième fois. Son billet est plus tendre encore, +plus long aussi. Enfin il promet ce que tous les Polonais désirent:</i></strong></p> + +<div class="blockquot"><p>«Il y a des moments où trop d'élévation pèse, et c'est ce que +j'éprouve. Comment satisfaire le besoin d'un cœur épris qui +voudrait s'élancer à vos pieds et qui se trouve arrêté par le poids +de hautes considérations paralysant les plus vifs désirs? Oh! si +vous vouliez!... Il n'y a que vous seule qui puissiez lever les +obstacles qui nous séparent. Mon ami Duroc vous en facilitera les +moyens.</p> + +<p>Oh! venez! venez! Tous vos désirs seront remplis. Votre patrie me +sera plus chère quand vous aurez pitié de mon pauvre cœur.</p> + +<p class="sign">«N.»</p></div> + +<p><strong><i>Le lendemain de la réception de ce billet, lasse des assauts de +Napoléon et surtout d'entendre les prières de son entourage, qui +persistait à voir dans son consentement l'avènement de la Pologne, Marie +Walewska se rendit au château impérial. Ce fut la nuit, entourée de +mystère, voilée et en voiture fermée, qu'elle y arriva en compagnie d'un +gardien discret.</i></strong></p> + +<p><strong><i>Napoléon l'attendait. Il était là, debout, dans la salle ou on +l'introduisit. Empressé, comme il savait l'être avec les femmes qu'il +aimait, l'Empereur se montra galant. Mais Marie Walewska, toute surprise +encore, ne put que pleurer, se montrer nerveuse et d'une timidité qui +pouvait surprendre. Quand, à deux heures du matin, on vint la prendre +pour la reconduire chez elle, comme il avait été convenu, Napoléon +n'avait obtenu qu'un droit de consolation et sa promesse de revenir le +lendemain.</i></strong></p> + +<p><strong><i>Aussi, dès son réveil, sa femme de chambre lui remit-elle ce mot, qui +accompagnait un bouquet et une guirlande de diamants:</i></strong></p> + +<div class="blockquot"><p>«Marie, ma douce Marie, ma première pensée est pour toi, mon +premier désir est de te revoir. Tu reviendras, n'est-ce pas? Tu me +l'as promis. Sinon l'aigle volerait vers toi. Je te verrai à dîner, +l'ami<a name="FNanchor_10_10" id="FNanchor_10_10"></a><a href="#Footnote_10_10" class="fnanchor">[10]</a> le dit. Daigne donc accepter ce bouquet: qu'il devienne +un lien mystérieux qui établisse entre nous un rapport secret au +milieu de la foule qui nous environne. Exposés aux regards de la +multitude, nous pourrons nous entendre. Quand ma main pressera mon +cœur, tu sauras qu'il est tout occupé de toi et, pour répondre, tu +presseras le bouquet! Aime-moi, ma gentille Marie, et que ta main +ne quitte jamais ton bouquet.</p> + +<p class="sign">«N.»</p></div> + +<p><strong><i>Le soir, elle était au dîner. La conversation s'engagea entre elle et +l'Empereur à l'aide de ce bouquet. Puis elle vint au palais. L'habitude +prise, elle y revint chaque soir.</i></strong></p> + +<p><strong><i>Quand Napoléon quitta Varsovie pour Finckenstein, elle le suivit. Dans +cette nouvelle résidence, elle mène une vie cloîtrée, enfermée dans un +château morne, où elle ne voit personne. L'Empereur paraît aux heures +des repas, pris en tête à tête. Le reste du temps, elle l'use à lire, à +broder, à voir la parade à travers les persiennes.</i></strong></p> + +<p><strong><i>De Finckenstein, elle va à Vienne, et de Vienne à Paris, où l'Empereur +lui achète un hôtel particulier au 48 de la rue de la Victoire.</i></strong></p> + +<p><strong><i>De là, elle gagne Schoenbrunn, en 1809, et le château de Walewice, en +1810, où elle accouche d'un fils (le 4 mai): le comte Walewski.</i></strong></p> + +<p><strong><i>Puis elle revint à Paris. Mais l'époque des revers commençait. +Napoléon, attristé, ne pense plus avec la même gaieté à sa maîtresse. +Des soucis l'absorbent. Il songe à mourir. C'est quelques jours avant +l'Île d'Elbe. Ce soir où, vaincu, il a voulu se suicider sans y +parvenir, Marie Walewska attendra toute une nuit l'amant soucieux que, +bien qu'attristée, elle n'ose déranger. Lui ne se souviendra plus qu'au +matin qu'elle a passé la nuit à l'attendre dans une pièce proche. Et +malgré tant de douleur qui l'accable, il trouve pour elle, à défaut +d'amour, des mots d'amitié profonde:</i></strong></p> + +<div class="blockquot"><p>«Marie, j'ai reçu votre lettre du 15. Les sentiments qui vous +animent me touchent vivement. Ils sont dignes de votre belle âme et +de la bonté de votre cœur. Lorsque vous aurez arrangé vos +affaires, si vous voulez aller aux eaux de Lucques ou de Sise, je +vous verrai avec un grand et vif intérêt, ainsi que votre fils, +pour qui mes sentiments sont toujours invariables. Portez-vous +bien, pensez à moi avec plaisir et ne doutez jamais de moi.</p> + +<p><span style="margin-left: 5em;">Le 16 avril.</span></p> + +<p class="sign">«N.»</p></div> + +<p><strong><i>Napoléon partit pour l'Île d'Elbe. C'est là qu'elle le vint visiter le +1<sup>er</sup> septembre 1814. Elle sera près de lui encore en 1815, pendant les +Cent Jours.</i></strong></p> + +<p><strong><i>Enfin, quand ce fut l'exil définitif, l'abdication pour Sainte-Hélène, +Marie se crut dégagée de tout serment. Elle épousa Philippe-Antoine, +général comte d'Ornano, ancien colonel des dragons de la Garde, cousin +de l'Empereur.</i></strong></p> + +<p><strong><i>De ce mariage elle eut un fils<a name="FNanchor_11_11" id="FNanchor_11_11"></a><a href="#Footnote_11_11" class="fnanchor">[11]</a>, le 9 juin 1817. Quelques mois +après, vers la mi-décembre, elle mourait dans son hôtel de la rue de la +Victoire, qu'elle avait quitté lors de son mariage.</i></strong></p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> + +<div class="footnotes"><h3>FOOTNOTES:</h3> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_1_1" id="Footnote_1_1"></a><a href="#FNanchor_1_1"><span class="label">[1]</span></a> Né en 1769.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_2_2" id="Footnote_2_2"></a><a href="#FNanchor_2_2"><span class="label">[2]</span></a> Née à la Martinique en 1763. Elle avait 32 ans.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_3_3" id="Footnote_3_3"></a><a href="#FNanchor_3_3"><span class="label">[3]</span></a> Petit chien de Joséphine.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_4_4" id="Footnote_4_4"></a><a href="#FNanchor_4_4"><span class="label">[4]</span></a> Frère aîné de Napoléon, devenu roi d'Espagne.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_5_5" id="Footnote_5_5"></a><a href="#FNanchor_5_5"><span class="label">[5]</span></a> Oncle de Napoléon I<sup>er</sup>, né à Ajaccio, archevêque de Lyon +et grand aumonier de l'Empire.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_6_6" id="Footnote_6_6"></a><a href="#FNanchor_6_6"><span class="label">[6]</span></a> Collectionneur équivoque qui volait ce qu'il ne pouvait +acquérir.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_7_7" id="Footnote_7_7"></a><a href="#FNanchor_7_7"><span class="label">[7]</span></a> Alexandre Des Mazis avait été à l'École militaire de Paris, +l'instructeur d'infanterie de Bonaparte. Tous deux s'étalent liés d'une +étroite amitié qui se resserra au cours de communes garnisons. Émigré +sous la Terreur, Des Mazis ne rentra en France que sous le consulat. +Napoléon le nomma administrateur mobilier de la couronne, officier civil +de sa maison et chambellan. À la chute de l'empereur, Des Mazis servit +les Bourbons.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_8_8" id="Footnote_8_8"></a><a href="#FNanchor_8_8"><span class="label">[8]</span></a> Il faut observer cette restriction. Elle exprime la pensée +de Napoléon, mettant la Patrie (les armées, par conséquent) au-dessus de +la famille.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_9_9" id="Footnote_9_9"></a><a href="#FNanchor_9_9"><span class="label">[9]</span></a> Duroc, aide de camp de l'Empereur et un de ses familiers.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_10_10" id="Footnote_10_10"></a><a href="#FNanchor_10_10"><span class="label">[10]</span></a> Duroc.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_11_11" id="Footnote_11_11"></a><a href="#FNanchor_11_11"><span class="label">[11]</span></a> Rodolphe-Auguste d'Ornano, député au Corps législatif sous +le Second Empire. Mort le 14 octobre 1866.</p></div> + +</div> + + + + + + + +<pre> + + + + + +End of Project Gutenberg's Tendresses impériales, by Napoléon Bonaparte + +*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK TENDRESSES IMPÉRIALES *** + +***** This file should be named 19700-h.htm or 19700-h.zip ***** +This and all associated files of various formats will be found in: + http://www.gutenberg.org/1/9/7/0/19700/ + +Produced by Chuck Greif, Mireille Harmelin and the Online +Distributed Proofreading Team at http://dp.rastko.net +(Produced from images of the Bibliothèque nationale de +France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr) + + +Updated editions will replace the previous one--the old editions +will be renamed. + +Creating the works from public domain print editions means that no +one owns a United States copyright in these works, so the Foundation +(and you!) can copy and distribute it in the United States without +permission and without paying copyright royalties. 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It exists +because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from +people in all walks of life. + +Volunteers and financial support to provide volunteers with the +assistance they need, is critical to reaching Project Gutenberg-tm's +goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will +remain freely available for generations to come. In 2001, the Project +Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure +and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations. +To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation +and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 +and the Foundation web page at http://www.pglaf.org. + + +Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive +Foundation + +The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit +501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the +state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal +Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification +number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at +http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg +Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent +permitted by U.S. federal laws and your state's laws. + +The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S. +Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered +throughout numerous locations. Its business office is located at +809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email +business@pglaf.org. 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