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+The Project Gutenberg eBook of Les Muses de la Nouvelle France, by Marc Lescarbot
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and
+most other parts of the world at no cost and with almost no restrictions
+whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms
+of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at
+www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you
+will have to check the laws of the country where you are located before
+using this eBook.
+
+Title: Les Muses de la Nouvelle France
+
+Author: Marc Lescarbot
+
+Release Date: April 30, 2007 [eBook #21257]
+[Most recently updated: October 19, 2021]
+
+Language: French
+
+Character set encoding: UTF-8
+
+Produced by: Rénald Lévesque
+
+*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LES MUSES DE LA NOUVELLE FRANCE ***
+
+
+
+
+ LES MUSES
+ DE LA NOUVELLE
+ FRANCE.
+
+ A MONSEIGNEUR
+ LE CHANCELIER
+
+
+
+_Avia Pieridum peregro loca nullius antË
+Trita solo_ ______________
+
+[Illustration]
+
+ A PARIS
+
+ Chez JEAN MILLOT, devant S. Barthelemy,
+ aux trois Coronnes: Et en sa boutique
+ sur les degrez de la grand'salle du Palais.
+
+ __________________________________________
+
+ M. DC. XII.
+
+ _Avec Privilege du Roy._
+
+ [Illustration]
+
+
+
+ A
+ MONSEIGNEUR
+ MESSIRE NICOLAS
+ BRULART SEIGNEUR
+ de Sillery, Chancelier de
+ France & de Navarre.
+
+MONSEIGNEUR
+
+Les Muses de la NOUVELLE-FRANCE ayans passÈ d'un autre monde ‡ cetui-ci,
+aujourd'hui se presentent ‡ voz piÈs en esperance de recevoir quelque
+mon accueil de vous, qui estant le Pere de celles qui resident sur le
+Parnassse de nÙtre France Gaulloise & Orientale, desirent aussi que de
+cette mÈme affection une flamme forte, qui les environne & reÁoive en sa
+tutele. Que si elles sont mal peignÈes, & rustiquement vetuÎs;
+considerez, Monseigneur, le paÔs d'o˘ elles viennent, incult, herissÈ de
+forÈts, & habitÈ de peuples vagabons, vivans de chasse, aymans la
+guerre, mÈprisans les delicatesse, non civilisÈs, & en un mot qu'on
+appelle Sauvages: & attribuÈs ‡ la communication qu'elles ont euÎ avec
+eux, & aux flots de la mer, leur defaut: je veux dire si elles ne sont
+en si bonne conche & en bon point comme celles qui ont accoutumÈ de se
+presenter ‡ vous. Elles sont encore pour le present semblables ‡ ces
+poissons qui sont appelÈs Abramides en la PÈcherie d'Oppian, lesquels
+sans demeure certaine changent perpetuellement de place, se trouvans
+bien en toute sorte de terre, au contraire de plusieurs qui ne peuvent
+vivre qu'en un lieu. Poissons vrayment figure du peuple Hebrieu, & de la
+vie de ce monde, soit qu'on les prenne par leur nom, soit que l'on
+considere leur faÁon de vivre, toujours Ètrangers, conduits par la
+providence de celui qui les a creÈs, ainsi que le grand Abraham pere des
+croyans, duquel non sans cause ilz portent le nom. Mais s'il arrive,
+Monseigneur, que par vÙtre faveur, assistance, & support, elles soient
+un jour arretÈes Ès montagnes du Port Royal & ruisseaux qui en
+decoulent, & ayent le moyen de se rendre plus civiles, & mieux venantes
+‡ la cadence des fredons d'Apollon: ainsi qu'aux premiers temps Ès
+solennitez publiques & sainctes on dansoit & chantoit des hymnes &
+cantiques, tant de vive voix, que sur tous instrumens de Musique ‡
+l'honneur du vray Dieu: De mÈmes elles feront souz vos auspices maintes
+fÈtes solennelles, ou vÙtre nom sera exaltÈ, & en leurs chansons
+rememorez les bien-faits de celui, qui apres avoir bien meritÈ de son
+Roy, de sa patrie, & de toute la ChrÈtientÈ, aura encore pris un soin
+non indigne d'un Chancelier de France, qui sera d'aider ‡
+l'etablissement des Muses en la France Nouvelle, trans-marine, &
+Occidentale, pour la conversion des peuples infideles.
+
+ VÙtre tres-humble &
+ tres-obeissant serviteur
+
+ MARC LESCARBOT
+ _Vervinois_
+
+[Illustration]
+
+
+
+
+ LES MUSES DE LA
+ NOUVELLE-FRANCE
+
+
+ AU ROY
+
+
+ ODE PINDARIQUE
+ presentÈe ‡ sa MajestÈ en
+ Novembre mil six cens sept.
+
+
+STROPH. 1.
+
+NEPTUNE, donne moy des vers
+Propres ‡ resonner la gloire
+Du plus grand Roy que l'Univers
+Ait produit de longue memoire.
+Et puis que sur tes moites eaux
+Tendent leurs ailes noz vaisseaux,
+Fay qu'avec eux ore je vole
+Cornant son renom jusqu'au pole,
+Et que portÈ d'un trait leger
+Sur l'aile de ta large Èchine,
+Je l'annonce au peuple Ètranger
+Qui demeure au fond de la Chine.
+
+ANTISTROPH.
+
+Muses pourtant pardonnez moy
+Si pour cette heure je m'addresse
+Ailleurs qu'‡ vous; & si la loy
+De vous invoquer je transgresse.
+Je ne boy ici d'Helicon
+Les douces eaux, ni ma chanson
+Ne ressent les fleurs qu'on amasse
+Au sommet du double Parnasse.
+Neptune commande en ce lieu,
+C'est ‡ lui qu'il faut que je rende
+Ores mes voeux, & qu'‡ ce Dieu
+De mon chant le ton je demande.
+
+EPOD.
+
+Car quoy qu'il soit quelquefois
+ForcenÈ d'ire & de rage,
+Il ayme bien toute fois
+Des chansons le doux ramage.
+Et de cela soucieux
+A ses Syrenes il donne
+Mainte chanson qui resonne
+D'un chant fort harmonieux,
+Qui par ses douces merveilles
+Les peu rusez Nautonniers
+Attire par les oreilles,
+et les fait ses prisonniers.
+
+STROPH. 2.
+
+Vive donc mon Prince & mon Roy
+Par qui respire nÙtre France
+Sentant souz le joug de sa loy
+Les doux effects de sa clemence.
+Lui qui parmi tant de hazars
+Qui l'ont suivi de toutes parts
+A vaincu l'effort de la Fortune,
+Laquelle en lui n'a part aucune.
+Car sa vertu tant seulement
+Du haut des cieux favorisÈe
+A jusques dans le Firmament
+Sa MajestÈ authorisÈe.
+
+ANTISTROPH.
+
+Le jour qu'en France commenÁa
+A luire sa belle lumiere
+Le conseil des Dieux s'amassa
+Pour sÁavoir de quelle maniere
+Ilz pourroient honorer celui
+Qui devoit estre un jour l'appui
+De mainte gent abandonnÈe
+A que du ciel n'est point donnÈe
+La conoissance de son bien
+Et de maint peuple & mainte ville
+PolicÈe souz le lien
+De la societÈ civile.
+
+EPOD.
+
+Mars lui donna sa valeur,
+Hercule donna sa force,
+Et Jupiter sa terreur,
+Qui la force mÈme force.
+Mais Vulcan lui faÁonna
+De fin acier bien trempÈe
+Une foudroyante epÈe
+Qu'en present il lui donna
+Pour en frapper les rebelles,
+Et la rogue nation
+Qui nous a fait des quereles
+Souz feinte religion.
+
+STROPH. 3.
+
+Il n'estoit pas hors le berceau,
+Il n'avoit quittÈ son enfance,
+Que son ‚ge plus tendre & beau
+S'endurcissoit ‡ la souffrance
+Des ‚pres & dures rigueurs
+Des froidures & des chaleurs,
+Afin qu'un jour il peust ‡ l'aise
+Supporter de Mars le mesaise,
+Puis que son destin estoit tel,
+Que parmi les chaudes alarmes
+Il devoit se rendre immortel,
+Par l'effort de ses fieres armes.
+
+ANTISTROPH.
+
+Qui l'a jamais veu sommeiller,
+Ou les mains avoir endormies,
+Quand il a fallu chamailler
+Dessus les troupes ennemies?
+TÈmoins en sont tant de combats
+O˘ il a cent fois du trÈpas
+Loin repoussÈ la violence,
+De sorte que mÈme la France,
+France nourrice des guerriers
+Par ses longs travaux fatiguÈe
+Est le sujet de ses lauriers
+Pour s'estre contre lui liguÈe.
+
+EPOD.
+
+Et apres s'estre soumis
+La populace mutine,
+Il a fait qu'ores Themis
+Seurement par tout chemin
+Afin qu'une ferme paix
+Au moyen de la Justice
+En sa maison s'Ètablisse
+Qui soit durable ‡ jamais,
+Et que toujours souz son aile
+Fleurisse la pietÈ,
+Sans qu'oncques elle chancelle
+Ni d'un ni d'autre cÙtÈ.
+
+STROPH. 4.
+
+Grand Roy nous te devons ceci,
+Vire mille fois davantage.
+Mais il reste encore un souci
+Digne de ton vieillissant ‚ge,
+Afin que la posteritÈ
+Entende que ta pietÈ
+N'estoit dedans ta France enclose.
+Il faut, grand Roy, faire une chose,
+Il faut ores du Tout-puissant
+Porter le nom souz ta banniere
+O˘ son Soleil resplendissant
+Chacun jour finit sa carriere.
+
+ANTISTROPH.
+
+Aye doncques compassion
+De tant de peuples qui perissent
+Sans loix & sans Religion
+Et de leur misere gemissent.
+Si tu veux, grand Roy, tu les peux
+Joindre avec nous en mÈme voeux,
+Et faire de tous une Eglise,
+Si ta bontÈ les favorise.
+Mais si ton pouvoir souverain
+Ne soutient un si grand affaire,
+Mais si tu retires ta main,
+Que est-ce qui le pourra faire?
+
+EPOD.
+
+C'est, mon Prince, c'est de toy
+Qu'une antique destinÈe
+A prononcÈ qu'un grand Roy
+Seroit apres mainte annÈe
+Du vieil tige des FranÁois,
+Que regiroit en justice
+Par une saincte police
+Conjointe aux divines loix
+Les nations infideles
+Qui sont encore en maints lieux,
+Et par force les rebelles
+Conduiroit dedans les cieux.
+
+ LESCARBOT
+
+ ____________________________________________
+
+APRES que nous fumes arrivÈs au Port Royal en la
+Nouvelle-France le sieur du Pont de Honfleur, qui estoit parti dÈs le
+seziËme de Juillet, desesperant qu'aucun navire deut arriver de France,
+pour ce que la saison desja se passoit, ayant rencontrÈ par un grand
+heur quelques uns de nos gens (qui ‡ la veuÎ de la terre du port de
+Campseau s'estoient mis dans une chalouppe, & venoient jusques audit
+Port Royal suivans la cÙte) parmi des iles, il tourna le cap ‡ rebours,
+& nous vint trouver avec beaucoup de rejouÔssance d'une part & d'autre.
+En fin au bout de trois semaines il nous laissa sa barque & une patache,
+& se mit avec quelques cinquante homme qu'il avoit, dans nÙtre navire
+qui retournoit en France. Or avant son depart, pour lui dire Adieu je
+lui fis ces vers ici parmi le tintamarre d'un peuple contus qui
+marteloit de toutes parts pour faire ses logemens, lesquels vers furent
+depuis imprimez ‡ la Rochelle.
+
+ __________________________________________________
+
+
+
+
+ ADIEU AUX FRAN«OIS
+ retournans de la Nouvelle-France
+ en la France Gaulloise.
+
+ Du 25 d'Aoust 1606.
+
+ALLEZ donques, voguÈs, Ù troupe genereuse
+Qui avez surmontÈ d'une ame courageuse
+Et des vents & des flots les horribles fureurs
+Et de maintes saisons les cruelles rigueurs,
+Pour conserver ici de la FranÁoise gloire
+Parmi tant de hazars l'honorable memoire.
+Allez doncques, voguÈs, puissiez vous outre mer
+Un chacun bien-tot voir son Ithaque fumer:
+Et puissions nous encore au retour de l'annÈe
+La mÈme troupe voir par deÁa retournÈe.
+
+Fatiguez de travaux vous nous laissÈs ici
+Ayans Ègalement l'un de l'autre souci,
+Vous, que nous ne soyons saisis de maladies
+Qui facent ‡ Pluton offrandes de noz vies:
+Nous, qu'un contraire flot, ou un secret rocher
+Ne vienne vÙtre nef ‡ l'impourveu toucher.
+Mais un point entre nous met de la difference,
+C'est que vous allez voir les beautez de la France,
+Un royaume enrichi depuis les siecles vieux
+De tout ce que le monde a de plus precieux:
+Et nous comme perdus parmi la gent Sauvage
+Demeurons Ètonnez sur ce marin rivage,
+Privez du doux plaisir & du contentement
+Que l‡ vous recevrez dÈs votre avenement.
+
+Que di-je, je me trompe, en ce lieu solitaire,
+L'homme juste a dequoy ‡ soy-mÈme complaire,
+Et admirer de Dieu la haute MajestÈ,
+S'il en veut contempler l'agreable beautÈ
+Car qu'on aille rodant toute la terre ronde,
+Et qu'on furette tous les cachotz du monde,
+On ne trouvera rien si beau, ne si parfait
+Que l'aspect de ce lieu ne passe d'un long trait.
+Y desirez-vous voir une large campagne?
+La mer de toutes parts ses moites rives baigne.
+Y desirez-vous voir des coteaux alentour?
+C'est ce qui de ce lieu rent plus beau le sejour.
+Y voulez-vous avoir le plaisir de la chasse?
+Un monde de forÍts de toutes parts l'embrasse.
+Voulez-vous des oiseaux avoir la venaison?
+Par bendes ils y sont chacun en sa saison.
+Cherchez-vous changement en votre nourriture?
+La mer abondamment vous fournit de p‚ture.
+Aymez-vous des ruisseaux le doux gazouillement
+Les cÙtaux enlassÈs en versent largement.
+Cherchez-vous le plaisir des verdoyantes iles?
+Ce Port en contient deux capables de deux villes.
+Aymez-vous d'un Echo la babillarde voix?
+Ici peut un Echo rÈpondre trente-fois.
+Car lors que du Canon le tonnerre y bourdonne
+Trente-fois alentour le mÈme coup resonne,
+Et semble au tremblement que Megere ‡ l'envers
+Soit prÈte d'Ècrouler tout ce grand Univers.
+Aymez-vous voir le cours des rivieres profondes?
+Trois rendent ‡ ce lieu le tribut de leurs ondes,
+Dont l'Equille ayant eu plus de terre en son lot,
+Elle se porte aussi d'un orgueilleux flot,
+Et prÈques assourdit de son bruiant orage
+Non le Stadisien, mais ce peuple Sauvage.
+Bref, contre l'ennemi voulez-vous estre fort?
+Ce lieu rien que du Ciel ne redoute l'effort.
+Car de deux boulevers Nature a son entrÈe
+Si dextrement muni, que toute la contrÈe
+Peut ‡ l'abri d'iceux reposer seurement,
+Et en toute saison vivre joyeusement.
+
+Le blÈ te manque encore, & le fruit de la vigne
+Pour faire son renom par l'univers insigne.
+Mais si le Tout-poussant benit nÙtre labeur
+En bref tu sentiras la celeste faveur
+En ton sein decouler ainsi qu'une rousÈe
+Qui tombe doucement sur la terre embrasÈe
+Au milieu de l'etÈ. Que si on n'a encore
+De tes veines tirÈ la riche mine d'or,
+L'argent, l'airain, le fer que tes forÍts Èpesses
+Gardent comme en depos sont de belles richesses
+Pour le commencement, & peut estre qu'un jour
+Sera la mine d'or dÈcouverte ‡ son tour.
+Mais c'est ores assez que tu nous puisse rendre
+Et du blÈ & du vin, pour apres entreprendre
+Un vol plus elevÈ (car le bord de tes eaux
+Peut fournir de pature ‡ mille grans troupeaux)
+Et de villes batir, des maisons, & bourgades,
+Qui servent de retraite aux FranÁoises peuplades,
+Et pour changer les moeurs de cette nation
+Qui vit sans Dieu, sans loy, & sans religion.
+
+O trois-fois Tout-puissant, Ù grand Dieu que j'adore
+Ores que ton Soleil envoye son Aurore
+Sur cette terre ici, ne vueille plus tarder,
+Vueilles d'un oeil piteux ce peuple regarder,
+Qui languit attendant ta parfaite lumiere
+Trop prolongeant, helas! sa divine carriere.
+
+DU PONT dont la vertu vole jusques aux cieux
+Pour avoir sceu domter d'un coeur audacieux
+En ces difficultÈs mille maux, mille peines,
+Qui pouvoient souz le faix accraventer tes veines,
+Ayant estÈ ici laissÈ pour conducteur
+A ceux-l‡ qui poussez d'une pareille ardeur
+Ont aussi soutenu en la Nouvelle-France
+De leur propre maison la dure & longue absence;
+Si-tot que tu verras la face de ton Roy
+Di lui que ses ayeuls pour la ChrÈtienne loy
+Ont jadis triomphÈ dedans la Palestine,
+Et courageusement de la gent Sarazine
+RepoussÈ la fureur Ès Memphitiques bors,
+Et pour la mÈme cause ont exposÈ leurs corps
+Au grÈ des vents, des flots, d'une maratre terre,
+Et au guerrier hazard du sanglant cimeterre:
+Qu'ici ‡ peu de frais, sans qu'un robuste bras
+Rougisse au sang humain le meurtrier coutelas,
+Il se peut acquerir une gloire semblable.
+Laquelle ‡ sa grandeur sera plus proufitable.
+
+Allez doncques, voguÈs, Ù genereux FranÁois,
+Cependant que plus loin vers les Armouchiquois
+Les voiles nes tendons, pour outre Mallebarre
+Rechercher quelque Port qui nous serve de barre
+Soit pour nous opposer ‡ un fort ennemi,
+Ou pour y recevoir seurement nÙtre ami,
+Et la mÈme Èprouver si la Nouvelle-France
+A noz travaux rendra selon notre esperance.
+
+Neptune, si jamais tu as favorisÈ
+Ceux qui dessus tes eaux leurs vies ont usÈ;
+Vray Neptune, fay nous chacun o˘ il desire
+A bon port arriver, afin que ton Empire
+Soit par-deÁa connu en maintes regions,
+Et bien-tot frequentÈ de toutes nations.
+
+[Illustration]
+
+
+
+
+ LE THEATRE
+ DE NEPTUNE EN LA
+ NOUVELLE-FRANCE
+
+_RepresentÈ sur les flots du Port Royal le quatorzieme de Novembre mille
+six cens six, au retour du Sieur de Poutrincourt du paÔs des
+Armouchiquois._
+
+Neptune commence revetu d'un voile de couleur bleuÎ, & de brodequins,
+ayant la chevelure & la barbe longues & chenuÎs, tenant son Trident en
+main, assis sur son chariot parÈ de ses couleurs: ledit chariot trainÈ
+sur les ondes par six Tritons jusques ‡ l'abord de la chaloupe o˘
+s'estoit mis ledit Sieur de Poutrincourt & ses gens sortant de la barque
+pour venir ‡ terre. Lors la dite chaloupe accrochÈe, Neptune commence
+ainsi.
+
+NEPTUNE.
+
+ARRETE, Sagamos, arrete toy ici,
+Et regardes un Dieu qui a de toy souci.
+Si tu ne me connois, Saturne fut mon pere
+Je suis de Jupiter & de Pluton le frere
+Entre nous trois jadis fut parti l'univers,
+Jupiter eut le ciel, Pluton eut les Enfers,
+Et moy plus hazardeux eu la mer en partage,
+Et le gouvernement de ce moite heritage.
+NEPTUNE c'est mon nom, Neptune l'un des Dieux
+Qui a plus de pouvoir souz la voute des cieux.
+
+Si l'homme veut avoir une heureuse fortune
+Il lui faut implorer le secours de Neptune
+Car celui qui chez soy demeure cazanier
+Merite seulement le nom de cuisinier.
+
+Je fay que le Flameng en peu de temps chemine
+Aussi-tot que le vent jusque dedans la Chine.
+Je say que l'homme peut, portÈ dessus mes eaux,
+D'un autre pole voir les inconnuz flambeaux,
+Et les bornes franchir de la Zone torride,
+O˘ bouillonnent les flots de l'element liquide.
+Sans moy le Roy FranÁois d'un superbe elephant
+N'eust du Persan receu le present triumphant:
+Et encores sans moy onc les FranÁois gendarmes
+Es terres du Levant n'eussent plantÈ leurs armes.
+Sans moy le Portugais hazardeux sur mes flots
+Sans renom croupiroit dans ses rives enclos,
+Et n'auroit enlevÈ les beautez de l'Aurore
+Que le monde insensÈ folatrement adore.
+Bref sans moly le marchant, pilote, marinier
+Seroit en sa maison comme dans un panier
+Sans ‡-peine pouvoir sortir de sa province.
+Un Prince ne pourroit secourir l'autre Prince
+Que j'auroy separÈ de mes profondes eaux.
+Et toy mÍme sans moy apres tant d'actes beaux
+Que tu as exploitÈs en la FranÁoise guerre,
+N'eusses eu le plaisir d'aborder cette terre.
+C'est moy qui sur mon dos ay tes vaisseaux portÈ
+Quand de me visiter tu as eu volontÈ
+Et nagueres encor c'est moy que de la Parque
+Ay cent fois garenti toy, les tiens& ta barque.
+Ainsi je veux toujours seconder tes desseins,
+Ainsi je ne veux point que tes effortz soient vains,
+Puis que si constamment tu as eu le courage,
+De venir si loin rechercher ce rivage,
+Pour Ètablir ici un Royaume FranÁois,
+Et y faire garder mes statuts & mes loix.
+
+Par mon sacrÈ Trident, par mon sceptre je jure
+Que de favoriser ton projet j'auray cure,
+Et oncques je n'auray en moy-mÈme repos
+Qu'en tout cet environ je ne voye mes flots
+Ahanner souz le faix de dix milles navires.
+Que facent d'un clin d'oeil tout ce que tu desires.
+
+Va donc heureusement, & poursui ton chemin
+O˘ le sort te conduit: car je voy le destin
+Preparer ‡ la France un florissant Empire
+En ce monde nouveau, qui bien loin fera bruire
+Le renom immortel de De Monts & de toy
+Souz le regne puissant de HENRY vÙtre Roy.
+________________________________________________
+
+Neptune ayant achevÈ, une trompete commence ‡ Èclater hautement &
+encourager les Tritons ‡ faire de mÈme. Ce pendant le sieur de
+Poutrincourt tenoit son epÈe en main, laquelle il ne remit point au
+fourreau jusques ‡ ce que les Tritons eurent prononcÈ comme s'ensuit.
+
+PREMIER TRITON.
+
+Tu peux (grand Sagamos) tu peux te dire heureux
+Puis qu'un Dieu te promet favorable assistance
+En l'affaire important que d'un coeur vigoureux
+Hardi tu entreprens, forÁant la violence
+D'∆ole, qui toujours inconstant & leger,
+Tantot adesquidÈs (ami), tantot poussÈ d'envie,
+Veut te precipiter, & les tiens au danger.
+
+Neptune est un grand Dieu, qui cette jalousie
+Fera comme fumee en l'air ÈvanouÔr:
+Et nous ses postillons, malgrÈ l'effort d'∆ole,
+Ferons toutes parts de ton courage ouÔr
+Le renom, qui des-ja en toutes terres vole.
+
+DEUXIEME TRITON.
+
+Si Jupiter est Roy Ès cieux
+Pour gouverner Áa bas les hommes,
+Neptune aussi l'est en ces lieux
+Pour mÈme effect; & nous qui sommes,
+Ses suppos, avons grand desir
+De voir le temps & la journÈe
+Qu'ayes de tes travaux plaisir
+Apres ta course terminÈe,
+Afin qu'en ces cÙtes ici
+Bien-tot retentisse la gloire
+Du puissant Neptune: & qu'ainsi
+Tu eternises ta memoire.
+
+TROISIEME TRITON.
+
+France, tu as occasion
+De louer la devotion
+De tes enfans dont le courage
+Se montre plus grand en cet age
+Qu'il ne fit onc Ès siecles vieux,
+Estans ardemment curieux
+De faire Èclater tes louanges
+Jusques aux peuples plus Ètranges,
+Et graver ton los immortel
+MÈme souz ce monde mortel.
+
+Ayde doncques & favorise
+Une si louable entreprise,
+Neptune s'offre ‡ ton secours
+Qui les tiens maintiendra toujours
+Contre toute l'humaine force,
+Si quelqu'un contre toy s'efforce.
+Il ne faut jamais rejetter
+Le bien qu'un Dieu nous veut preter.
+
+QUATRIEME TRITON.
+
+Celui qui point ne se hazarde
+Montre qu'il a l'ame co¸arde
+Mais celui qui d'un brave coeur
+Meprise des flots la fureur
+Pour un sujet rempli de gloire
+Fait ‡ chacun aisÈment croire
+Que de courage & de vertu,
+Il est tout ceint & revetu,
+Et qu'il ne veut que le silence
+Tienne son nom en oubliance.
+
+Ainsi ton nom (grand Sagamos)
+Retentira dessus les flots
+D'or-en-vant, quand dessus l'onde
+Tu decouvres ce nouveau monde,
+Et y plantes le nom FranÁois,
+Et la MajestÈ de tes Rois.
+
+CINQUIEME TRITON.
+
+Un Gascon prononÁa ces vers ‡ peu prÈs en sa langue.
+
+Sabets aquo que volio diro,
+Aqueste Neptune bieillart
+L'autre jou faisio des bragart,
+Et comme un bergalant se miro.
+
+N'agaires que faisio l'amou,
+Et baisavo une jeune hillo
+Qu'ero plan polide & gentillo,
+Et la cerquavo quadejou.
+
+Bezets, ne vous fizets pas trop
+En aquels gens de barbos grisos,
+Car en aqueles entreprisos
+Els ban lou trot & lou galop.
+
+SIXIEME TRITON.
+
+Vive HENRY le grand Roy des FranÁois
+Qui maintenant fait vivre souz ses loix
+Les nations de sa Nouvelle-France,
+Et souz lequel nous avons esperance
+De voir bien-tot Neptune reverÈ
+Autant ici qu'onq' il fut honorÈ
+Par ses sujets sur le Gaullois rivage,
+Et en tus lieux o˘ le brave courage
+De leur ayeuls jadis les a portÈ.
+Neptune aussi fera de son cÙtÈ
+Que leurs neveux s'employans sans feintise
+A l'ornement de leur belle entreprise
+Tous leurs desseins il favorisera,
+Et prosperer sur ses eaux il fera.
+
+______________________________________
+
+Cela fait, Neptune s'Èquarte un petit pour faire place ‡ un canot, dans
+lequel estoient quatre Sauvages, qui s'approcherent apportans chacun un
+present audit sieur de Poutrincourt.
+
+PREMIER SAUVAGE.
+
+Le premier Sauvage offre un quartier d'Ellan ou Orignac, disant ainsi:
+
+De la part des peuples sauvages
+Qui environnent ces paÔs
+Nous venons rendre les homages
+Duez aux sacrÈes Fleur-de-lis
+Es mains de toy, qui de ton Prince
+Representes la MajestÈ,
+Attendans que cette province
+Faces florir en pietÈ,
+En moeurs civils, & toute chose
+Qui sert ‡ l'Ètablissement
+De ce qui est beau, & repose
+En un Royal gouvernement,
+Sagamos, si en nos services
+Tu as quelque devotion,
+A toy en faisons sacrifices
+Et ‡ ta generation.
+
+Noz moyens sont un peu de chasse
+Que d'un coeur entier nous t'offrons,
+Et vivre toujours en ta grace
+C'est tout ce que nous desirons.
+
+DEUXIEME SAUVAGE.
+
+Le deuxiesme Sauvage tenant son arc & sa fleche en main, donne pour son
+present des peaux de Castors, disant:
+
+Voici la main, l'arc, & la fleche
+Qui ont fait la mortele breche
+En l'animal de qui la peau
+Pourra servir d'un bon manteau
+(Grand Sagamos) ‡ ta hautesse.
+
+ReÁoy donc de ma petitesse
+Cette offrande qu'‡ ta grandeur
+J'offre du meilleur de mon coeur.
+
+TROISIEME SAUVAGE.
+
+Le troisieme Sauvage offre des _Matachiaz_, c'est ‡ dire, echarpes, &
+brasselets faits de la main de sa maitresse, disant:
+
+Ce n'est seulement en France
+Que commande Cupidon
+Mais en la Nouvelle-France,
+Comme entre vous, son brandon
+S'allume; & de ses flammes
+Il rotit noz pauvres ames,
+Et fait planter le bourdon.
+
+Ma maitresse ayant nouvelle
+Que tu devois arriver,
+M'a dit que pour l'amour d'elle
+J'eusse ‡ te venir trouver,
+Et qu'offrande je te fisse
+De ce petit exercice
+Que sa main ‡ sceu ouvrer.
+
+ReÁoy doncques d'allegresse
+Ce present que je t'adresse
+Tout rempli de gentillesse
+Pour l'amour de ma maitresse
+Qui est ores en detresse
+Et n'aura point de liesse
+Si d'une prompte vitesse
+Je ne lui di la caresse
+Que m'aura fait ta hautesse.
+
+QUATRIEME SAUVAGE
+
+Le quatriËme Sauvage n'ayant heureusement chassÈ par les bois, se
+presente avec un harpon en main, & apres ses excuses faites, dit qui
+s'en va ‡ la pËche.
+
+SAGAMOS, pardonne moy
+Si je viens en telle sorte,
+Si me presentant ‡ toy
+Quelque present je n'apporte.
+Fortune n'est pas toujours
+Aux bons chasseurs favorables,
+C'est pourquoy ayant recours
+A un maitre plus traitable,
+Apres avoir maintefois
+InvoquÈ cette Fortune
+Brossant par l'epÈe des bois,
+Je m'en vay suivre Neptune,
+
+Que Diane en ses forÈts
+Ceux qu'elle voudra caresse,
+Je n'ay que trop de regrets
+D'avoir perdu ma jeunesse
+A la suivre par les vaux,
+Avecque mille travaux,
+Souz des esperances vaines.
+
+Maintenant je m'en vay voir
+Par cette cÙte marine
+Si je pourray point avoir
+Dequoy fournir ta cuisine:
+Et cependant si tu as
+Quelque part en ta chaloupe
+Un peu de caradonas, (pain)
+Fournis-en moy & ma troupe.
+________________________________________
+
+Apres que Neptune eut estÈ remerciÈ par le sieur de Poutrincourt de ses
+offres au bien de la France, les Sauvages le furent semblablement de
+leur bonne volontÈ & devotion, & invitez de venir au fort Royal prendre
+du _caracona_. A l'instant la troupe de Neptune chante en Musique ‡
+quatre parties ce qui s'ensuit.
+
+Vray Neptune donne nous
+Contre tes flots asseurance,
+Et fay que nous puissions tous
+Un jour nous revoir en France.
+
+La musique achevÈe, la trompete sonne derechef, & chacun prent sa route
+diversement: les Canons bourdonnent de toutes parts, & semble ‡ ce
+tonnerre que Proserpine soit en travail d'enfant: ceci causÈ par la
+multiplicitÈ des Echoz que les cÙtaux s'envoient les uns aux autres,
+lesquels durent plus d'un quart d'heure.
+
+Le sieur de Poutrincourt arrivÈ prÈs du Fort Royal, un compagnon de
+gaillarde humeur qui l'attendoit de piÈ ferme, dit ce qui s'ensuit:
+
+Apres avoir long temps (Sagamos) desirÈ
+Ton retour en ce lieu, en fin le ciel irÈ
+A eu pitiÈ de nous, & nous montrant ta face,
+Il nous a fait paroitre une incroyable grace.
+
+Sus doncques, rotisseurs, depensiers, cuisiniers,
+Marmitons, patissiers, fricasseurs, taverniers,
+Mettez dessus dessouz pots & plats & cuisine,
+Qu'on baille ‡ ces gens ci chacun sa quarte pleine,
+Je les voy alterez sicut terra sine aqua.
+Garson depeche toy, baille ‡ chacun son K.
+Cuisiniers, ces canars sont ils point ‡ la broche?
+Qu'on tuÎ ces poulets, que cette oye on embroche,
+Voici venir ‡ nous force bons compagnons
+Autant deliberez des dents que des roignons.
+Entrez dedans Messieurs, pour votre bien-venuÎ,
+Qu'avant boire chacun hautement ÈternuÎ,
+A fin de decharger toutes froides humeurs
+Et remplir voz cerveaux de plus douces vapeurs.
+
+Je prie le Lecteur excuser si ces rhimes ne sont si bien limÈes que les
+homme delicats pourroient desirer. Elles ont estÈ faites ‡ la hate. Mais
+neantmoins je les ay voulu inserer ici, tant pour ce que'elles servent ‡
+nÙtre Histoire, que pour montrer que nous vivions joyeusement. Le
+surplus de cette action se peut voir ‡ la fin du chap. 16, liv. 4 de mon
+Histoire de la Nouvelle France.
+
+ __________________________________________________________
+
+
+
+
+ A-DIEU
+ A LA NOUVELLE-FRANCE
+ Du 30 Juillet 1607.
+
+FAUT-il abandonner les beautez de ce lieu,
+Et dire au Port Royal un eternel Adieu?
+Serons-nous donc toujours accusez d'inconstance
+En l'Ètablissement d'une Nouvelle-France?
+Que nous sert-il d'avoir portÈ tant de travaux,
+Et des flots irritez combattu les assaux,
+Si notre espoir est vain, & si cette province
+Ne flechit souz les loix de HENRY notre Prince?
+Que vous servit-il d'avoir jusques ici
+Fait des frais inutils, si vous n'avez souci
+de recuillir le fruit d'une longue depense,
+Et l'honneur immortel de votre patience?
+Ha que j'ay de regrets que ne sÁavez pas
+De cette terre ici les attrayans appas.
+Et bien que le Flamen vous ait fait une injure,
+L'injure bien souvent se rend avec usure.
+Il faut doncques partir, il faut appareiller,
+Et au port Sainct-Malo aller l'ancre mouiller.
+
+PERE DE L'UNIVERS, qui commandes aux ondes,
+Et qui peux assecher les mers les plus profondes,
+Donne nous de franchir les abymes des eaux
+Dont tu as separÈ tous ces peuples nouveaux
+Des peuples baptizÈs, & sans aucun naufrage
+Du royaume FranÁois voir bien-tot le rivage.
+
+Adieu donc beaux coteaux & montagnes aussi,
+Qui d'un double rempar ceignez ce Port ici.
+Adieu vallons herbus que le flot de Neptune
+Va baignant largement deux fois ‡ chaque lune,
+Et au gibier aussi, qui pour trouver p‚ture
+Y vient de tous cotez tant qu'il y a verdure.
+Adieu mon doux plaisir fonteines & ruisseaux,
+Qui les vaux & les monts arrousez de vos eaux.
+Pourray-je t'oublier belle ile forËtiere
+Riche honneur de ce lieu & de cette riviere?
+Je prise de ta soeur les aimables beautÈs,
+Mais je prise encor plus tes singularitÈs.
+Car comme il est sÈant que celui qui commande
+Porte une MajestÈ plus auguste & plus grande
+Que son inferieur; ainsi pour commander
+Tu as le front haussÈ qui te fait regarder.
+A l'environ de toy une ondoyante plaine,
+Et la terre alentour sujette ‡ ton domaine
+Tes rives sont des rocs, soit pour tes batimens,
+Soit pour d'une citÈ jetter les fondemens.
+Ce sont en autres parts une menuÎ arene,
+O˘ mille fois le jour mon esprit se pourmene.
+Mais parmi tes beautÈs j'admire un ruisselet
+Qui foule doucement l'herbage nouvelet
+D'un vallon que se baisse au creux de ta poitrine,
+Precipitant son cours dedans l'onde marine.
+Ruisselet qui cent fois de ses eaux m'a tentÈ,
+Sa grace me forÁant lui prËter le cÙtÈ.
+Ayant dont tout cela, Ile haute & profonde,
+Ile digne sejour du plus grand Roy du monde,
+Ayant di-je, cela, qu'est-ce que te defaut.
+A former pardeÁa la citÈ qu'il nous faut,
+Sinon d'avoir prÈs soy un chacun sa mignone
+En la sorte que Dieu & l'Eglise l'ordonne?
+Car ton terroir est bon & fertile & plaisant,
+Et oncques son culteur n'en sera deplaisant.
+Nous en pouvons parler, qui de mainte semence
+Y jettÈe, en avons certaine experience.
+Que puis-je dire encor digne de ton beau los?
+Qu'adjouteray-je ici que dedans ton enclos
+Se trouvent largement produits par la Nature
+Framboises, fraises, pois, sans aucune culture?
+Ou bien diray-je encor tes verdoyans lauriers,
+Tes Simples inconus, tes rouges grozeliers?
+Non, mais tant seulement sans sortir tes limites,
+Ici je toucheray les nombreux exercices
+Des peuples Ècaillez qui viennent chaque jour,
+Suivans le train du flot te donner le bon-jour.
+
+Si-tot que du Printemps la saison renouvelle
+L'Eplan vient ‡ foison, qui t'apporte nouvelle
+Que Phoebus elevÈ dessus ton horizon
+A chassÈ loin de toy l'hivernale saison.
+Le Haren vient apres avecque telle presse
+Que seul il peut remplir un peuple de richesse.
+Mes yeux en sont tÈmoins, & les vostres aussi
+Qui de nÙtre pature avÈs eu le souci,
+Quand, ailleurs occupez, vÙtre main diligente
+Ne pouvoit satisfaire ‡ la chasse plaisante
+Qu'envoyoit en voz rets l'ecluse d'un moulin.
+Le Bar suit par-apres du Haren le chemin.
+Et en un mÈme temps la petite Sardine,
+La Crappe, & le Houmar, suit la cÙte marine
+Pour un semblable effect; le Dauphin, l'Eturgeon
+Y vient parmi la foule avecque le Saumon,
+Comme font le Turbot, le Pounamou, l'Anguille,
+L'Alose, le Fletan, & la Loche, & l'Equille:
+Equille qui, petite, as imposÈ le nom
+A ce fleuve de qui je chante le renom.
+Mais ce n'est ici tout, car tu as davantage
+De peuples qui te font par chacun jour homage,
+Le Colin, le Joubar, l'Encornet, le Crapau,
+Le Marsoin, le Souffleur, l'Oursin le Macreau,
+Tu as le Loup-marin, qui en troupe nombreuse
+Se vautre au clair du jour sur ta vase bourbeuse,
+Tu as le Chien, la Plie, & mille autres poissons
+Que je ne conoy point, de tes eaux nourrisons.
+Tairay-je la MoruÎ heureusement feconde,
+Qui par tout cette mer en toutes parts abonde?
+MoruÎ si tu n'es de ces mets delicats
+Dont les hommes frians assaisonnent leurs plats,
+Je diray toutefois que de toy se sustente
+PrËque tout l'Univers. O que sera contente
+Celle personne un jour, qui ‡ sa porte aura
+Ce qu'un monde eloignÈ d'elle recherchera!
+Belle ile tu as donc ‡ foison cette manne,
+Laquelle j'ayme mieux que de la Taprobane
+Les beautez que lon feint dignes des bien-heureux
+Qui vont buvans des Dieux le Nectar savoureux.
+Et pour montrer encor ta puissance supreme,
+La Baleine t'honore & te vient elle-mÈme
+Saluer chacun jour, puis l'ebe la conduit
+Dans le vague Ocean o˘ elle a son deduit.
+De ceci je rendray fidele temoignage,
+L'ayant veu mainte fois voisiner ce rivage,
+Et ‡ l'aise nouer parmi ce port ici.
+
+Mais tous ces animaux, mais tous ces peuples ci
+S'Ècartent quand Phoebus veut approcher la borne
+Du celeste manoir, o˘ git le Capricorne,
+Et vont chercher l'abri du profond de Thetys,
+Ou d'un terroir plus doux vont souvans le p‚tis.
+Seulement pres de toy en cette saison dure
+La Palourde, la Coque, & la Moule demeure
+Pour sustenter celui qui n'aura de saison
+(Ou pauvre, ou paresseux) fait aucune moisson,
+Tel que ce peuple ici qui n'a cure de chasse
+Jusqu'‡ ce que la faim le contraigne& pourchasse,
+Et le temps n'est toujours favorable au chasseur.
+Qui ne souhaite point d'un beau temps la douceur,
+Mais une forte glace, ou des neges profondes,
+Quand le Sauvage veut tirer du fond des ondes
+L'industrieux Castor (qui sa maison batit
+Sur la rive d'un lac, o˘ il dresse son lict
+VoutÈ d'une faÁon aux hommes incroyable,
+Et plus que noz palais mille fois admirable,
+Y laissant vers le lac un conduit seulement
+Pour s'aller Ègayer souz l'humide element)
+Ou quand il veut quÈter parmi les bois le gite
+Soit du Royal Ellan, soit du Cerf au piÈ vite,
+Du Lapin, du Renart, du Caribou, de l'Ours,
+De l'Ecureu, du loutre ‡ peau-de-velours
+Du Porc-epic du Chat qu'on appelle sauvage,
+(Mais qui du Leopart ha plustot le corpsage)
+De la Martre au doux poil dont se vÈtent les Rois,
+Ou du Rat porte-muse, tous hÙtes de ces bois,
+Ou de cet animal qui tout chargÈ de graisse
+De hautement grimper ha la subtile addresse,
+Sur un arbre elevÈ sa loge batissant
+Pour decevoir celui qui le va pourchassant,
+Et vit par cette ruse en meilleure asseurance
+Ne craignant (ce lui semble) aucune violence,
+NibachÈs est son nom. Non que sur le printemps
+Il n'ait ‡ cette chasse aussi son passe-temps.
+Mais alors du poisson la peche est plus certaine.
+
+Adieu donc je te dis, ile de beautÈ pleine,
+Et vous oiseaux aussi des eaux & des forÍts
+Qui serez les tÈmoins de mes tristes regrets.
+Car c'est ‡ grand regret, & je ne le puis taire,
+Que je quitte ce lieu, quoy qu'assez solitaire.
+Car c'est ‡ grand regret qu'ores ici je voy
+EbranlÈ le sujet d'y entrer nÙtre Foy,
+Et du grand Dieu le nom cachÈ souz le silence,
+Qui ‡ ce peuple avoit touchÈ la conscience.
+
+Aigles qui des hauts pins habitez les sommets,
+Puis qu'‡ vous Jupiter a commis ses secrets,
+Allez dedans les cieux annoncer cette chose,
+Et combien de douleur j'en ay en l'ame enclose,
+Puis revenez soudain au Monarque FranÁois
+Lui dire le decret du puissant Roy des Roys.
+Car ‡ lui est du ciel donnÈ cet heritage,
+Afin que souz son nom ci-aprÈs en tout ‚ge
+L'Eternel soit ici sainctement adorÈ,
+Et de cent nations son grand nom reverÈ:
+Et pour mieux l'emouvoir ‡ cette chose faire,
+Par cent sortes de biens il l'a voulu attraire,
+Ayant ‡ noz labeurs fait selon noz dÈsirs,
+Et iceux terminÈ de dix mille plaisirs.
+Car la terre ici n'est telle qu'un fol l'estime,
+Elle y est plantureuse ‡ cil qui sÁait l'escrime
+Du plaisant jardinage & du labeur des champs.
+
+Et si tu veux encor des oiseaux les doux chants,
+Elle a le Rossignol, le Merle, la Linote,
+Et maint autre inconu, qui plaisamment gringote
+En la jeune saison. Si tu veux des oiseaux
+Qui se vont repaissans sur les rives des eaux,
+Elle a le Cormorant, la Mauve, Ma Mouette,
+L'Outarde, le Heron, la GruÎ, l'Alouette,
+Et l'Oye, et le Canart. Canart de six faÁons,
+Dont autant de couleurs sont autant d'hameÁons
+Qui ravissent mes yeux. Desires-tu encore
+De ces oiseaux chasseurs dont le Noble s'honore?
+Elle a l'Aigle, le Duc, le Faucon, le Vautour,
+Le Sacre, l'Epervier, l'Emerillon, l'Autour,
+Et bref tous les oiseaux de haute volerie
+Et outre iceux encore une bende infinie
+Qui ne nous sont communs. Mais elle a le Courlis
+L'Aigrette, le Coucou, la Becasse & Mauvis,
+La Palombe, le Geay, le Hibou, l'Hirondelle,
+Le Ramier, la Verdier, avec la Tourterelle,
+Le Beche-bois huppÈ, le lascif Passereau,
+La perdris bigarrÈe, & aussi le Corbeau.
+
+Que diray-je plus? Quelqu'un pourra-il croire
+Que Dieu mÈme ait voulu manifester sa gloire
+Creant un oiselet semblable au papillon
+(Du moins n'excede point la grosseur d'un grillon)
+Portant dessus son dos un vert-dorÈ plumage,
+Et un teint rouge-blanc au surplus du corps-sage?
+Admirable oiselet, pourquoy donc, envieux,
+T'es-tu cent fois rendu invisible ‡ mes ieux,
+Lors que legerement me passant ‡ l'aureille
+Tu laissois seulement d'un doux bruit la merveille?
+Je n'eusse estÈ cruel ‡ ta rare beautÈ,
+Comme d'autres qui t'ont mortellement traitÈ,
+Si tu eusses ‡ moy daignÈ te venir rendre.
+Mais quoy tu n'as voulu ‡ mon desir entendre.
+Je ne lairray pourtant de celebrer ton nom,
+Et faire qu'entre nous tu sois de grand renom.
+Car je t'admire autant en cette petitesse
+Que je fay l'Elephant en sa vaste hautesse.
+Niridau c'est ton nom que je ne veux changer
+Pour t'en imposer un qui seroit Ètranger.
+Niridau oiselet delicat de nature,
+Qui de l'abeille prent la tendre nourriture
+Pillant de noz jardins les odorantes fleurs,
+Et des rives des bois les plus rares douceurs,
+
+A ces hotes de l'air pourray-je sans offense
+D'un petit peuple ailÈ adjouter l'excellence?
+Ce sont mouches, de qui sur le point de la nuit
+La brillante clartÈ parmi les bois reluit
+Voletans Áa & l‡ d'une presse si grande,
+Que du ciel etoilÈ la lumineuse bende
+Semble n'avoir en soy plus d'admiration.
+Faisant doncques ici commemoration
+Des beautez de ce lieu, il est bien raisonnable
+Que vous y teniez rang & place convenable.
+
+Mais puis que ja desja noz voiles sont tendus,
+Et allons revoir ceux qui nous cuident perdus,
+Je dis encore Adieu ‡ vous beaux jardinages,
+Qui nous avez cet an repeu de vos herbages,
+Voire aussi soulagÈ nÙtre necessitÈ
+Plus que l'art de PÊon n'a fait nÙtre santÈ.
+Vous nous avez rendu certes en abondance
+Le fruit de noz labeurs selon notre semence.
+HÈ que sera-ce donc s'il arrive jamais
+(Ce qu'il est de besoin qu'on face desormais)
+Que la terre ici soit un petit mignardÈe,
+Et par humain travail quelquefois amendÈe?
+Qui croira que le segle,& la chanve, & le pois,
+Le chef d'un jeune gars ait surpassÈ deux fois?
+Qui croira que le blÈ que l'on appelle d'Inde
+En cette saison-ci si hautement se guinde
+Qu'il semble estre portÈ d'insupportable orgueil
+Pour se rendre, hautain, aux arbrisseaux pareil?
+Ha que ce m'est grand deuil de ne pouvoir attendre
+Le fruit qu'en peu de temps vous promettiez nous rendre!
+Que ce m'est grand Èmoy de ne voir la saison
+Quand ici meuriront la Courge, le Melon,
+Et le Cocombre aussi: & suis en mÈme peine
+De ne voir point meuri mon Froment, mon Aveine
+Et mon Orge & mon Mil, pois que le Souverain
+En ce petit travail m'a beni de sa main.
+Et toutefois voici de ce mois le trentieme,
+Mois qui jadis estoit en ordre le cinquiËme
+
+Peuples de toutes parts qui estes loin d'ici
+Ne vous emerveillez de cette chose ci,
+Et ne nous tenez point comme en region froide,
+Ce n'est point ici Flandre, Ecosse, ni Suede,
+La mer ici ne gele, & les froides saisons
+Ne m'ont oncques forcÈ d'y garder les tisons.
+Et si chez vous l'etÈ plustot qu'ici commence,
+Plustot vous ressentez de l'hiver l'inclemence.
+Mais tu restes encor, Poutrincourt attendant
+Que ta moisson soit prÈte: & nous nous cependant
+Faisons voile ‡ Campseau o˘ t'attent le navire
+Que de l‡ doit tous en la France conduire.
+Cependant beaux epics meurissez vitement,
+Dieu le Dieu tout-puissant vous doint accroissement,
+Afin qu'un jour ici retentisse sa gloire
+Lors que de ses bien-faits nous ferons la memoire.
+Entre lesquelz bien-faits nous conterons aussi
+Le soin qu'il aura eu de prendre ‡ sa merci
+Ces peuples vagabons qu'on appelle Sauvages
+Hotes de ces forËts & des marins rivages,
+Et cent peuples encor qui sont de tous cÙtez
+Au Su, ‡ l'Oest au Nort de piÈ-ferme arretez
+Qui aiment le travail, qui la terre cultivent,
+Et libres, de ses fruits plus contens que nous vivent,
+Mais en ce deplorable est leur condition,
+Que du siecle futur ilz n'ont l'instruction.
+
+Pourquoy, Ù Tout-puissant, pourquoy donc cette race
+As-tu jusques ici rejettÈ de ta face,
+Et pourquoy laisses tu devorer ‡ l'enfer,
+Tant d'humains qui devroient dessus lui triompher
+Veu qu'ilz sont comme nous ton oeuvre & ta facture,
+Et ont de toy receu nÙtre fraile nature?
+Ouvre donc les thresors de tes compassions,
+Et verse dessus eux tes benedictions,
+Afin qu'ilz soient bien-tot ton sacrÈ heritage,
+Et chantent hautement tes bontÈs en tout ‚ge.
+Si-tot que ton Soleil sur eux Èclairera,
+Aussi-tot cet gent d'adorer on verra.
+Temoins soient de ceci les propos veritables
+Que Poutrincourt tenoit avec ces miserables
+Quand il leur enseignoit notre Religion,
+Et souvent leur montroit l'ardente affection
+Qu'il avoit de les voir dedans la bergerie
+Que Christ a rachetÈ par le pris de sa vie.
+Eux d'autre part emeus clairement temoignoient
+Et de bouche & de coeur le desir qu'ilz avoient
+D'estre plus amplement instruits en la doctrine
+En laquelle il convient qu'un fidele chemine.
+
+O˘ estes vous Prelats, que vous n'avez pitiÈ
+De ce peuple qui fait du monde la moitiÈ?
+Du moins que n'aidez-vous ‡ ceux de qui le zele
+Les transporte si loin comme dessus son aile
+Pour Ètablir ici de Dieu la saincte loy
+Avecque tant de peine, & de soin & d'Èmoy
+Ce peuple n'est brutal, barbare ni sauvage,
+Si vous n'appellez tels les hommes du vieil ‚ge,
+Il est subtile, habile, & plein de jugement,
+Et n'en ay conu un manquer d'entendement,
+Seulement il demande un pere qui l'enseigne
+A cultiver la terre, ‡ faÁonner la vigne,
+A vivre par police, ‡ estre menager,
+Et souz des fermes toicts ci-apres heberger.
+Au reste ‡ nÙtre Ègare il est plein d'innocence
+Si de son createur il avoit la science.
+Que s'il ne le conoit, sa bouche ni son coeur
+Ne ravit point ‡ Dieu par blaspheme l'honneur.
+Il ne sÁait le metier de l'amoureux bruvage,
+De l'aconite aussi il ne sÁait point l'usage,
+Sa bouche ne vomit nos imprecations,
+Son esprit ne s'adonne ‡ nos inventions
+Pour opprimer autrui, l'avarice cruelle
+D'un souci devorant son ame ne bourrelle
+Mais il a du Gaullois cette hospitalitÈ
+Qui tant l'a fait priser en son antiquitÈ.
+Son vice le plus grand est qu'il aime vengeance
+Lors que son ennemi lui a fait quelque offense.
+
+Je vous di donc Adieu, pauvre peuple, & ne puis
+Exprimer la douleur en laquelle je suis
+De vous laisser ainsi sans voir qu'on ait encore
+Fait que quelqu'un de vous son Dieu vrayment adore
+
+Sortons donc de ce Port ‡ la faveur de l'Est,
+Car en ces cÙtes ci est ordinaire l'Ouest,
+Puis, souvent cette mer est de brumes couverte
+Qui des hommes peu cauts cause l'extreme perte.
+
+Adieu pour un dernier Rochers haut elevÈs,
+Qui orgueilleusement voz grottes soulevÈs,
+D'o˘ distillent sans fin des pluies abondantes
+Que leur versent les eaux des montagnes coulantes.
+Adieu doncques aussi Grottes qui m'avez pleu
+Quand souz votre lambris au clair du jour j'ay veu
+FigurÈes d'Iris les couleurs agreables.
+
+Ores que nous voyons les flots Èpouvantables
+Du profond Ocean, pourray-je bien passer
+Sans saluer de loin, ou quelque Adieu laisser
+A la terre que a receuÎ notre France
+Quand elle vint ici faire sa demeurance?
+Ile, je te saluÎ, ile de Saincte Croix,
+Ile premier sejour de noz pauvres FranÁois,
+Qui souffrirent chez toy des choses vrayment dures,
+Mais noz vices souvent nous causent ces injures.
+Je revere pourtant ta freche antiquitÈ
+Les Cedres odorans qui sont ‡ ton cÙtÈ,
+Tes Loges, tes Maisons, ton Magazin superbe,
+Tes jardins Ètouffez parmi la nouvelle herbe:
+Mais j'honore sur tout ‡-cause de noz morts
+Le lieu qui sainctement tient en depost leurs corps,
+Lequel je n'ay pu voir sans un effort de larmes,
+Tant mon navrÈ le coeur ces violentes armes.
+Soyez doncques en paix, & puissiez vous un jour,
+Vous trouver glorieux au celeste sejour.
+Mais cependant, DE MONTS, tu emportes la gloire
+D'avoir sur mille morts obtenu la victoire,
+TÈmoignage certain de ta grande vertu,
+Soit quand tu as des flots la fureur combattu
+En venant visiter cette Ètrange province
+Pour suivre le vouloir de HENRY nÙtre Prince
+Soit lors que tu voiois mourir devant tes yeux
+Ceux-l‡ qui t'ont suivi en ces funestes lieux.
+
+Je vous laisse bien loin, pepinieres de Mines
+Que les rochers massifs logent dedans leurs veines,
+Mines d'airain, de fer, & d'acier, & d'argent,
+Et de charbon pierreux, pour saluer la gent
+Qui cultive ‡ la main la terre Armouchiquoise.
+Je te saluÎ donc nation porte-noise
+(Car tu as envers nous forfait par trahison)
+Pour te dire qu'un jour nous aurons la raison
+Avecque plus d'effect de ton outrecuidance,
+Si qu'entre nous sera maudite ta semence.
+Mais ta terre je veux saluer en tout bien,
+Car un ample rapport elle nous fera bien
+Quand elle sentira du FranÁois la culture.
+Car en elle desja la provide Nature
+A le raisin semÈ si plantureusement,
+Et en telle beautÈ, que Bacchus mÈmement
+Ne sÁauroit invoquÈ lui faire davantage.
+Mais son peuple ignorant ne sÁait du fruit l'usage.
+Terre, tu as encor de fÈves & de blÈs
+Tes greniers souz-terrains en la moisson comblÈs.
+Mais quoy que tes biens tu donnes abondance
+Produisant d'autres fruits sans l'humaine assistance
+Tes qu'avons veu la Chanve & la Courge & la Noix,
+Tes fÈves tu ne veux ni tes blez toutefois
+Produire sans travail, mais ta grand' populace
+D'un bois coupant ta brise, & en mottes t'amasse
+Pour (sur le renouveau) sa semence y planter,
+
+Mais une chose encor il me faut reciter
+Qui pour sa raretÈ ‡ l'Ècrire m'oblige,
+C'est le fruit que produit la Chanve la tige,
+Fruit digne que les Rois le tiennent precieux
+Pour le repos du corps le plus delicieux:
+C'est une soye blanche & menuÎ & subtile
+Que la Nature pousse au creux d'une coquille,
+Soye qu'en maint usage employer on pourra,
+Et laquelle en cotton l'ouvrier faÁonnera,
+Quand de bons artisans tu seras habitÈe
+Par une volontÈ de piÈ-ferme arretÈe.
+
+Puisse-je voir bien-tot cette chose arriver,
+Et le FranÁois soigneux ‡ tes champs cultiver,
+Arriere des soucis d'une peineuse vie,
+Loin des bruits du commun, & de la piperie.
+
+
+Cherchant dessus Neptune un repos sans repos
+J'ay faÁonnÈ ces vers au branle de ses flots.
+
+ M. LESCARBOT.
+
+[Illustration]
+
+ ______________________________________________________
+
+
+
+
+ A MONSIEUR DE MONTS
+ Lieutenant general pour le Roy en la
+ Nouvelle-France.
+
+ ODE.
+
+TOUT ce que l'homme possede,
+Ce qu'il a de riche & beau
+Ne trouve point de remede
+Pour eviter le tombeau.
+
+La vertu seule immortelle
+Constante & ferme en tout temps
+Resiste ‡ la mort cruelle
+Et ‡ la lime des ans.
+
+Tant de Rois & tant de Princes,
+Des Heros & des Cesars
+Qui ont acquis des provinces
+Et thresors en maintes parts
+
+En fin sont proye ‡ la terre,
+Et la Vertu seulement
+Fait leur nom voler grand erre
+Par-dessus le Firmament.
+
+DU MONTS tu sÁais que la vie
+Nous est donnÈe des cieux
+Non pour estre ensevelie
+En un corps peu soucieux,
+
+Mais pour estre secourable
+A celui qui a besoin
+Que quelque Dieu favorable
+De son mal-heur prenne soin.
+
+Et chercher la vraye gloire
+Par un chemin non tentÈ,
+Faisant que nÙtre memoire
+Vive ‡ l'immortalitÈ.
+
+C'est le desir qui t'enflamme,
+Et qui possede ton coeur,
+Quand pour eviter le blame
+Qui suit l'homme sans honneur,
+
+Tu entreprens un ouvrage
+Tout auguste & glorieux
+Si qu'‡ jamais chacun ‚ge
+Aura ton nom precieux,
+
+Car si-tot que de ton Prince
+As eu le commandement
+Pour conoitre la province
+Mise ne ton gouvernement,
+
+Ainsi qu'un Aigle qui vole
+D'un trait leger, tout soudain
+Prompt ‡ suivre sa parole
+Tu as pris un vol hautain.
+
+Et du tempÍteux NerÈe
+Meprisant tous les efforts,
+De ta terre desirÈe
+Tu as en fin veu les ports.
+
+Les nations qui n'ont oncques
+Admis la sujetion
+A tes mandemens adoncques
+Ont fait leur submission.
+
+Sage, tu leur a fait voir
+Les beautez de la justice,
+Et ton redoutÈ pouvoir,
+Et les biens de la police.
+
+MÈmes tu as fait encore,
+Que maint barbare en ces lieux
+En son ame Christ adore,
+De son salut soucieux.
+
+Arriere d'ici, arriere
+Timides & cazaniers,
+Que dedans vÙtre barriere
+Toujours estes prisonniers.
+
+Vous qui n'avez soin, ni cure
+De faire que vÙtre nom,
+Contre la mort mÈme dure
+En perdurable renom.
+
+DU MONTS, tu n'es pas de mÈmes,
+Car lors qu'en France de Mars
+Ont cessÈ les stratagemes,
+Recherchant d'autres hazars,
+
+Tu as consacrÈ ta vie
+A l'Eternel pour sa loy
+Rendre en ces terres suivie
+Souz le vouloir de ton Roy.
+
+Mais ce n'est fait qui commence,
+Il faut chanter desormais
+De Dieu la magnificence
+D'un ton plus haut que jamais.
+
+Neptune te favorise
+Et Ceres pareillement,
+Afin que ton entreprise
+Ait un meilleur fondement.
+
+Diray-je que sans culture
+Le Pere de LibertÈ
+Laisse produire ‡ Nature
+La vigne qu'il a plantÈ?
+
+Non ici, je le confesse,
+Mais en lieu d'un autre espoir,
+O˘ l'homme ‡ la longue tresse
+Ha son sablonneux terroir.
+
+C'est la terre Armouchiquoise,
+Qui son gros blÈ te produit;
+Et encore l'Iroquoise,
+Qui donne maint autre fruit.
+
+NÙtre France fromenteuse
+N'a ses vignes de tout temps,
+La peine laborieuse
+L'a fait telle avec les ans.
+
+Courage, doncques, courage,
+Continue ton dessein,
+Ayant ce bel avantage,
+Qui de bon espoir est plein.
+
+Le Tout-puissant mÈme change
+Ici les froides saisons,
+Et ‡ cette terre Ètrange
+Promet des riches moissons.
+
+ __________________________________________________________
+
+
+
+
+ A MONSIEUR DE
+ POUTRINCOURT GRAND
+ Sagamos de la Nouvelle-France
+
+ ODE.
+
+QUOY que tu n'ailles cherchant
+(POUTRINCOURT) cette louange
+Qui va mÈme allechant
+Ceux qui gisent en la fange;
+
+Ton merite toutefois,
+Ta pietÈ, ton courage,
+Forcent ma lyre & ma voix
+A les chanter sur l'herbage
+
+Que l'Equille de ses eaux
+Ou plustot Neptune arrose,
+Tandis qu'au bruit des ruisseaux,
+A l'Ècart je me repose.
+
+Apres avoir longuement
+Comme un athlete Gregeois
+LuttÈ courageusement
+Parmi les champs des FranÁois,
+
+Saoul d'alarmes & combats,
+Et des assaux de Bellone,
+Ores tu prens tes Èbats
+Avec CerÈs et Pomone.
+
+Et deÁa del‡ portÈs,
+Suivans Neptune ‡ la danse,
+Tu nous fais voir les beautÈs
+De cette Nouvelle-France.
+
+Qui est celui qui ta veu
+Oncques saisi de paresse?
+Qui est cil qui t'a conu
+Semblable ‡ cette Noblesse,
+
+Qui met le point de l'honneur
+A commander sans prudence,
+Et n'avoir par son labeur
+D'aucun art l'experience?
+
+Mais l'un & l'autre tu sÁais,
+Et ta main infatigable
+Fait tous les jours des essais
+De chose ‡ nous incroyable.
+
+Car de tout art manuel
+T'est conuÎ la pratique,
+Et se plait ton naturel
+Es ars de Mathematique.
+
+MÈmes encore ce Dieu
+Qui fredonnant sur sa lyre
+Tient des Muses le milieu,
+Par toy bien souvent respire.
+
+Les secrets de son sÁavoir,
+Si que tout compris ensemble,
+Au monde on ne sÁauroit voir
+Rien que toy qui te ressemble.
+
+C'est toy qu'il falloit ici
+Afin de bine reconoitre
+Ce que cette terre ici
+Rendroit un jour ‡ son maitre.
+
+Tu l'as experimentÈ
+Tant que ton ame est contente,
+Et de sa fidelitÈ
+Tu as une riche attente.
+
+ __________________________________________________________
+
+
+
+
+ A MESSIEURS DE MONTS
+ ET SES LIEUTENANT
+ & Associez.
+
+ SONNET
+
+SI les siecles premiers ont celebrÈ la gloire
+De celuy qui conquit la Colchide toison:
+Si maintenant encor du brave fils d'∆son
+Pour peu de chose vit en honneur la memoire:
+
+Nous devons beaucoup mieux celebrer en l'histoire
+La generositÈ non du fils de Jason,
+Mais de vous, Ù FranÁois, qui en cette saison
+D'un plus digne sujet recherchez la victoire.
+
+Le Grec acquit Áa bas un terrestre thresor,
+Il avoit des moyens, & des hommes encor,
+Tels que les peut avoir entre nous un grand Prince.
+
+Mais vous ‡ vos dÈpens, sans recevoir support
+Que de l'avoeu du Roy, par un nouvel effort
+Ravissez courageux, la celeste province.
+ ________________________________________________________
+
+
+
+
+ AU SIEUR DE CHAMPLEIN
+ GÈographe du Roy.
+
+ SONNET.
+
+UN Roy Numidien poussÈ d'un beau desir
+Fit jadis rechercher la source de ce fleuve
+Qui le peuple d'Egypte & de Libye abreuve,
+Prenant en son pourtrait son unique plaisir
+
+CHAMPLEIN, ja dÈs long temps je voy que ton loisir
+S'employe obstinÈment & sans aucune treuve
+A rechercher les flots, que de la Terre-neuve
+Viennent, apres maints sauts, les rivages saisir.
+
+Que si tu viens ‡ chef de ta belle entreprise,
+On ne peut estimer combien de gloire un jour
+Acquerras ‡ ton nom que desja chacun prise.
+
+Car d'un fleuve infini tu cherches l'origine.
+Afin qu'‡ l'avenir y faisant ton sejour
+Tu nous faces par l‡ parvenir ‡ la chine.
+
+____________________________________________________________
+
+
+
+
+ ODE EN LA MEMOIRE
+ du Capitaine Gourgues Bourdelois.
+
+Voy l'Histoire de la Nouvelle-France Liv. 1, ch. XIX & XX.
+
+
+GOURGUES, l'honneur Bourdelois,
+Je veux reveiller ta gloire,
+Et faire eclater ma voix
+Dans le temple de Memoire,
+
+En racontant ta valeur
+Ta conduite & ta prouÎsse,
+Quand, d'un invincible coeur,
+Tu mis la main vengeresse
+
+Sur le soldat bazanÈ
+Du sang des FranÁois avide,
+Qui nous avoit butinÈ
+Les beautez de la Floride.
+
+Si-tot que de noz FranÁois
+Tu entendis la ruine,
+Et que le peuple Iberois
+Occupoit la Caroline,
+
+Tu prins resolution
+De venger le grand outrage
+Fait ‡ nÙtre nation
+Par une Hespagnole rage.
+
+A tes despens tu mis sis
+De bons hommes une bende
+Au combat bien resolus,
+Puis que c'est toy qui commande.
+
+Tu ne leur dis ‡ l'abord
+Le secret de ton affaire,
+Come Capitaine accort,
+Qui sÁais bien ce qu'il faut taire.
+
+Mais quant tu te vis portÈ
+Dessus la terre nouvelle,
+Tu leur dis ta volontÈ
+De venger une querelle,
+
+Querelle qui les FranÁois
+Et grans & petits regarde,
+Et partant qu'‡ cette fois
+Ne faut, d'une ame co¸arde
+
+Reculer quand la saison
+De bien faire se presente,
+Afin d'avoir la raison
+De l'injure violente
+
+Faite aux premiers conquesteurs
+D'une terre si lointaine
+Par des assassinateurs
+De race Mahumetaine.
+
+A ces mots encouragÈs
+Ils se mettent en bataille,
+Et vont en ordre rangÈs
+Droit contre cette canaille.
+
+L'un & l'autre petit Fort
+Ils attaquent de courage,
+Et par un puissant effort
+Ilz les mettent au pillage.
+
+Mais il n'estoit pas aisÈ
+D'attaquer la Caroline,
+Si GOURGUES n'eust avisÈ
+Prudemment ‡ sa ruine.
+
+Car l'adversaire estoit fort
+D'hommes, d'armes & de place,
+Mais nonobstant prÈs du Fort
+En fin sa troupe s'amasse.
+
+L'Hespagnol estant sorti
+Pour lui faire une saillie
+Rencontre un mauvais parti
+Qui a sa gent acuillie,
+
+CAZENOVE donne ‡ des
+GOURGUES les rencontre en face,
+Qui les font (en peu de mots)
+Tous demeurer sur la place.
+
+Le reste tout ÈtonnÈ
+La Forteresse abandonne,
+Mais las! il est mal menÈ
+N'ayant secours de personne.
+
+Car le Sauvage irritÈ
+Ne lui fait misericorde,
+Lequel de sa cruautÈ
+Trop frechement se recorde.
+
+Mais ceux qui tombent Ès mains
+Des FranÁois, on les attelle
+Aux arbres les plus hautains
+Pour y faire sentinelle.
+
+[Illustration]
+
+ ________________________________________________________
+
+
+
+
+ A LA MEMOIRE D'UN
+ Sauvage Floridien que se proposoit
+ mourir pour les FranÁois.
+
+Voy l'Histoire de la Nouvelle France liv. 1. chap. 20.
+
+OU trouverons-nous un courage
+Semblable ‡ cil de ce Sauvage,
+Qui pour ses amis secourir
+Vient lui-mÈme sa vie offrir,
+Laquelle il croit devoir Èpandre
+Pour nÙtre querele defendre?
+Certainement un homme tel
+Doit parmi nous estre immortel.
+Et devons louer tout de mÈme
+Le souci qu'il a de sa femme
+Requerant qu'on lui face don
+Apres son trÈpas du guerdon
+Que meriteroit sa vaillance
+Mourant pour l'honneur de la France.
+
+[Illustration.]
+
+ ________________________________________________
+
+
+
+
+ A PIERRE ANGIBAUT
+ dit CHAMP-DOR… Capitaine de
+ Marine en la Nouvelle-France.
+
+ SONNET.
+
+SI des pilotes vieux le renom dure encore
+Pour avoir sceu voguer sur une Ètroite mer,
+Si le monde ‡ present daigne encore estimer
+Ariomene, avec Palinure & Pelore;
+
+C'est raison (CHAMP-DOR…) que nÙtre ‚ge t'honore,
+Qui sÁais par ta vertu te faire renommer,
+Quand ta dexteritÈ empeche d'abimer
+La nef qui va souz toy du Ponant ‡ l'Aurore.
+
+Ceux-l‡ du grand Neptune oncques la majestÈ
+Ne vivent, ni le fond de son puissant Empire:
+Mais dessus l'Ocean journellement portÈ
+
+Tu fais voir aux FranÁois des paÔs tout nouveaux,
+Afin que l‡ un jour maint peuple se retire
+Faisant les flots gemir souz les ailez vaisseaux.
+
+Fait au Port Royal en la Nouvelle-France.
+
+[Illustration]
+
+ ______________________________________________________________
+
+
+
+
+ LA DEFFAITE DES
+ SAUVAGES ARMOUCHIQUOIS
+ PAR LE SAGAMOS MEMBERTOU
+ & ses alliez Sauvages, en la
+ Nouvelle-France, au mois de Juillet
+ 1607.
+
+O˘ peuvent reconoitre les ruses de guerre desdits Sauvages, leurs actes
+funebres, les noms de plusieurs d'entre-eux & la maniere de guerir les
+blessez.
+
+JE ne chante l'orgueil du beant BriarÈe,
+Ni du fier Rodomont la fureur enivrÈe
+Du sang dont il a teint prÈque tout l'Univers
+Ni comme il a forcÈ les pivots des enfers.
+Je chante Membertou, & l'heureuse victoire
+Qui lui acquit naguere une immortelle gloire
+Quand il joncha de morts les champs Armouchiquois
+Pour la cause venger du peuple Souriquois.
+
+Entre ces peuples-ci une antique discorde
+Fait que bien rarement l'un ‡ l'autre s'accorde,
+Et si par fois enter eux se traite quelque paix,
+Cette pais se peut dire un attrappe-niais.
+
+Car oncques le Renard ne changea sa nature
+Et de garder la foy l'homme double n'eut cure,
+Ceci n'a pas long temps se conut par effect
+Aux depens de celui qui me donne sujet
+De dire qui a meu Membertou & sa suite
+De faire pour sa mort si sanglante poursuite.
+Ce fut Panoniac (car tel estoit son nom)
+Sauvage entre les siens jadis de grand renom.
+Cetui cuidant avoir faite bonne alliance
+Avecques ces mechans, alloit sans deffiance
+Parmi eux conversant: mÈmes il les aidoit
+Bien souvent du plus beau des biens qu'il possedoit.
+Mais pour cela la gent ‡ mal faire addonÈe,
+Sa mauvaise faÁon n'a point abandonnÈe.
+Car ce Panoniac il n'y a pas dix mois
+Les estant allÈ voir (pour la derniere fois)
+Portant en ses vaisseaux marchandises diverses
+Pour en accommoder ces nations perverses,
+Eux qui sont de tout temps avides de butin,
+Sans aucune merci assomment leur voisin,
+Pillent ce qu'il avoit & en font le partage.
+Les compagnons du mort se sauvans ‡ la nage
+Se cachent pour un temps ‡ l'ombre d'un rocher,
+N'osans de ces matins ‡ la chaude approcher.
+«a pour dire vray, la meurtriere cohorte
+Estoit contre ceux-ci & trop grande & trop forte.
+Mais comme de Phoebus les chevaus harassez
+Se furent retirez souz les eaux tout lassez
+Ces enragÈs en fin abandonnant la place
+Laisserent l‡ le corps tuÈ ‡ coups de masse,
+Lequel ‡ la faveur de la sombreuse nuit
+Soudain par ses amis fut enlevÈ sans bruit,
+Et mis, non, comme nous, en depost ‡ la terre,
+N'en un coffre de bois, ni au creux d'une pierre,
+Ains il fut embaumÈ ‡ la forme des Rois
+que l'∆gypte pieuse embaumoit autrefois.
+
+Le peuple Etechemin de cette mort cruelle,
+Receut tout le premier la mauvaise nouvelle,
+D'o˘ s'ensuivit un dueil si rempli de douleurs
+Que le haut Firmament en ouÔt les clameurs
+(Car lors que cette gent la mort des siens lamente
+Le voisinage ensemble ‡ grans cris se tourmente)
+Mais ce ne fut ici le brayment principal,
+Car quand ce pauvre corps fut dans le Port Royal
+Aux siens representÈ, Dieu sÁait combien de plaintes,
+De cris, de hurlemens, de funebres complaintes.
+Le ciel en gemissoit, & les prochains cÙtaux
+Sembloient par leurs echoz endurer tous ces maux:
+Les Èpesses forÈts, & la riviere mÈme
+TËmoignoient en avoir une douleur extreme.
+Huit jours tant seulement se passerent ainsi
+Pour respect du FranÁois qui se rit de ceci.
+
+Les services rendus ‡ l'ombre vagabonde
+(Qui du lac Stygieux a desja passÈ l'onde)
+Et au corps l‡ present, le Prince Souriquois
+Commence ‡ s'Ècrier d'une effroyable voix:
+Quoy doncques, Membertou (dit-il en son langage)
+Lairra-il impuni un si vilain outrage?
+De l'excÈs fait aux siens & mÈme ‡ sa maison?
+Verray-je point jamais Èteinte cette race
+Qui des miens & de moy la ruine pourchasse?
+Non, non, il ne faut point cette injure souffrir.
+Enfans, c'est ‡ ce coup qu'il nous convient mourir,
+Ou bien par nÙtre bras envoyer dix mille ames
+De cette gent maudite aux eternelles flammes.
+Nous avons prÈs de nous des FranÁois le support
+A qui ces chiens ici ont fait un mÈme tort.
+Cela est resolu, il que la campagne
+Au sang de ces meurtriers dans peu de temps se baigne.
+Auctaudin mon cher fils, & ton frere puisnÈ
+Qui n'avez vÙtre pere oncques abandonnÈ,
+Il faut ores s'armer de force & de courage,
+Sus, allez vitement l'un suivant le rivage,
+D'ici au Cap-Breton, l'autre ‡ travers les bois
+Vers les Canadiens, & les GaspeÔquois,
+Et les Etechemins annoncer cette injure,
+Et dire ‡ nos amis que tous je les conjure
+D'en porter dedans l'ame un vif ressentiment,
+Et pour l'effect de ce qu'ilz s'arment promptement
+Et me viennent trouver prÈs de cette riviere,
+O˘ ilz sÁavent que j'ay plantÈe ma banniere.
+
+Membertou n'eut plustot ‡ ses gens commandÈ,
+Que chacun prent sa route o˘ il estoit mandÈ,
+Et fit en peu de temps si bonne diligence,
+Qu'il sembla devancer un postillon de France,
+Si bien qu'au renouveau voici de toutes parts
+Venir ‡ Membertou jeunes & vieux soudars
+Tous ‡ ceci poussez d'esperances non vaines
+Souz l'asseurÈ guidon des braves Capitaines
+Chkoudun, & Oagimont, MemembourÈ, Kichkou,
+Messamoet, Ouzabat, & Anadabijou,
+Medagoet, Oagimech, & avec eux encore
+Celui qui plus que tous l'Armouchiquois abhorre,
+C'est PanoniaguÈs, qui a occasion
+De procurer mal-heur ‡ cette nation
+Pour le dur souvenir de la mort de son frere.
+Quand tout fur arrivÈ, de cette mort amere
+Il fallut de nouveau recommencer le dueil,
+Et le corps decedÈ mettre dans le cercueil.
+Le barbu Membertou lors prenant la parole:
+Vous sÁavez, ce dit-il, Ù peuple benevole,
+Le motif qui vous a conduit jusques ici,
+C'est ce corps que voyÈs massacrÈ sans merci,
+De qui le sang versÈ vous demande vengeance.
+Sans que par long discours je vous en face instance.
+Et comme Ès siecles vieux quant au peuple Romain
+Fut montrÈ de CÊsar le massacre inhumain,
+Tout ‡ l'instant Èmeu d'une ardente colere
+Il voulut reparer ce cruel vitupere
+Contre les assassins (ainsi que j'ai appris
+Qu'il est mentionnÈ Ès anciens Ècrits)
+Ainsi vous devez tous ‡ ce spectacle Ètrange
+Estre Èmeus du desir de garder la lo¸ange.
+Que nos antecesseurs nous ont mis en depos,
+Et par laquelle ilz sont maintenant en repos,
+N'ayans point estimÈ estre dignes de vivre.
+Sans de leurs ennemis les injures poursuivre.
+
+A ces mots un chacun au combat animÈ
+Sent un feu de vengeance en son coeur allumÈ,
+Et eussent volontiers contre cette canaille,
+(S'il y est eu moyen) lors donnÈ la bataille,
+Mais il falloit premier le corps ensevelir,
+Et du dernier devoir les oeuvres accomplir.
+Cette grand' troupe donc de douleur affollÈs
+A conduit le corps mort dedans son MausolÈe,
+En faisant sacrifice ‡ Vulcan de ses biens
+Masse, arcs, fleches, carquois, petun, couteaux & chiens,
+Matachiaz aussi, & la pelleterie
+Que d'epargne il avoit quant il perdit la vie.
+Mais quant aux assistans, chacun ‡ son pouvoir
+Lui fit, devotieux l'accoutumÈ devoir.
+Qui donne des castors, qui des couteaux, des roses,
+Armes, Matachiaz, & maintes autres choses.
+Puis ferment le sepulchre, & laissent reposer
+Celui duquel ilz vont la querelle Èpouser.
+Le ciel qui bien-souvent les mal-heurs nous presage,
+Avoit auparavant par un triste presage
+TÈmoignÈ les effects de cette guerre ici,
+Car ayant un long temps refrongnÈ son sourci,
+Il fit voir maintefois des torches allumÈes,
+Des lances, des dragons, des flambantes armÈes.
+
+Ainsi s'en va la flotte avec intention
+De veincre, ou de mourir ‡ cette occasion,
+Laissans de leurs enfans & femmes la tutele
+A nous, qui en avons rendu conte fidele.
+Quand des Armouchiquois les rives ils ont veu
+Ce peuple deffiant les a tot reconu.
+Soudain les messagers volent par la campagne,
+Et sonnent du cornet sur chacune montagne
+Pour le monde avertir d'estre au guet, & veiller
+Avant que l'ennemi les vienne reveiller.
+Peuples de tous cÙtez ‡ grand' troupes s'amassent
+Tant qu'en nombre les flots de la mer ilz surpassent.
+Mais pourtant Membertou ne s'epouvante point
+Car il sÁait le moyen de prendre bien ‡ point
+L'ennemi, qui tout fier, voyant son petit nombre,
+Se promet l'enlever si-tot que la nuit sombre
+Aura dessus la terre Ètendu son rideau.
+
+Membertou cependant approche son vaisseau
+Du port de Caho¸coet, o˘ la troupe adversaire
+Vers eux le conduisoit: mais il avoit laissÈ
+Ses gens derriere un roc, & s'estoit avancÈ,
+Afin de reconoitre & le port & la terre
+Qu'il vouloit ruiner par le'effort de la guerre.
+He, He, ce fut le cri duquel il appella
+Tout ce peuple attentif que ferme attendoit l‡
+Yo, yo, fut rÈpondu. Puis apres il demande
+S'il pourroit seurement & sa petite bende
+Traiter avecques eux, & amiablement
+Vuider le different qui a si longuement
+L'un et l'autre troublÈ & reduit en ruine
+Tandis que l'appetit de vengeance les mine
+Et leur mange le coeur. Eux cuidans attrapper
+Celui qui plus fin qu'eux les venoit entrapper,
+Disent que librement de la rive il s'approche,
+Et ses gens qu'il avoit laissÈ devers la roche,
+Qu'ilz n'ont plus grand desir que de voir une paix
+Solidement entre eux Ètablie ‡ jamais,
+Afin qu'eux qui des Francs ont bonne conoissante
+Leur facent part des biens dont ils ont abondance,
+Et se puissent ainsi l'un l'autre secourir
+Sans plus d'orenavant l'un sur l'autre courir
+Membertou reÁoit l'offre, & quant & quant otage,
+Envoyant un des siens par Èchange au rivage,
+Puis recule en arriere, & vas ses gens revoir,
+Qu'il trouve grandement desireux de sÁavoir
+En quelle volontÈ ces peuples ci estoient,
+Et si ‡ quelque paix encliner ilz sembloient.
+Le Prince Souriquois ses suppots abordant
+D'un visage joyeux il les va regardant,
+Disant, Ilz sont ‡ nous: la farce s'en va faite,
+C'est demain qu'il faut voir cette troupe defaite:
+Et leur conte amplement ce qui s'estoit passÈ,
+Et comment ilz s'estoient l'un l'autre caressÈ.
+Au surplus (ce dit-il) pensons de les surprendre,
+Et en ce fait ici gardons de nous meprendre.
+Quand nous sommes partis le conseil a estÈ
+De leur faire present des biens qu'avons portÈ,
+Et avec eux troquer de notre marchandise
+A fin que l'homme feint soit prise en sa feintise.
+Nous irons donc par mer la moitiÈ seulement:
+Le surplus en deux parts ira secretement
+Rengeant le long du bois en bonne sentinelle
+Tant que, le temps venu, ma trompe les appelle:
+Lors ils viendront charger, & nous seconderont,
+Et tant que durera le jour ilz frapperont,
+Sans merci, sans faveur, & sans misericorde,
+Afin qu'ici de nous long temps on se recorde.
+Outre nÙtre querele il y a du butin,
+Ils ont du blÈ, des noix, de la vigne & du lin,
+Toux ces biens sont ‡ nous si nous avions courage,
+Et si voulons avoir leurs femmes au pillage
+Nous les aurons aussi. Il estoit nuit encor
+Et le clair ciel estoit tout brillant de clous d'or,
+Quand Membertou (de qui l'esprit point ne repose)
+A prendre son quartier tout son peuple dispose,
+Et ceux-l‡ qu'il conoit ‡ la course legers
+Il les fait essayer les terrestre dangers.
+Ainsi MemembourÈ dispos ‡ la poursuite
+Est fait le general d'une troupe d'elite,
+Medagoet d'autre part hardi aux grans exploits
+Choisit de tout le camp les plus forts & adroits.
+Mais le grand Sagamos pour tendre sa banniere
+Attendit que l'Aurore eust Èpars sa lumiere
+En tout son horizon: & lors que le Soleil
+Eut estÈ reconduit au lieu de son reveil
+Il met la voile au vent, tirant droit ‡ la place
+O˘ desja l'attendoit cette grand' populace,
+O˘ estant arrivÈ, partie de ses gens
+A descendre apres lui se monstrent diligens.
+Il saluÎ les chefs de cette compagnie,
+Entre autres Olmechin, Marchin, & leur mesgnie.
+Puis offre les presens dont j'ay fait mention,
+C'estoient robbes, chappeaux, & chausses, & chemises.
+Mais quand il fallut voir les autres marchandises,
+Parmi les fers pointus, poignars, & coutelas,
+Des trompes y avoit, dont on ne sÁavoit pas
+L'usage, ni la fin du mal qu'elles couvoient.
+Les autres cependant dans le bois attendoient
+Soigneusement l'appel qui avoit estÈ dit,
+Quand Membertou voulant etaller son credit,
+Il convoque ce peuple embouchant une trompe,
+Et trompant, les trompeurs trompeusement il trompe.
+Car tout en un instant lui qui n'avoit point d'armes
+Oyant les siens venir feignit estre aux alarmes,
+Et se trouvant garni de masses, & poignars,
+D'arcs, fleches, coutelas, de picques & de dars,
+Il en saisit ses gens, & chacun d'eux commence
+Sur l'heure ‡ chamailler sans grande resistence.
+Ils en font grand massacre, & cependant du bois
+Arrive le surplus criant ‡ haute voix,
+He, He, oukchegouÔa, & parmi la melÈe
+Se voit incontinent cette troupe melÈe.
+L'Armouchiquois voyant que de lui c'estoit fait
+S'il ne remedioit promptement ‡ son fait,
+A ce dernier besoin pense de se defendre
+Plustot qu'‡ la merci de ceux icy se rendre.
+Ils estoient la pluspart je de couteaux armez
+Que de porter au col ilz sont accoutumez,
+Mais ces armes bien peu lur servirent ‡ l'heure.
+Car Membertou muni d'une armure plus seure,
+D'un bouclier de bois dur, & d'un bon coutelas,
+Ains que le trenchant d'une faux met ‡ bas
+L'honneur des beaux Èpics: son epÈe de mÈme
+Moissonoit l'ennemi d'une rigueur extreme.
+Suivans le train du chef, ne manquent point de coeur,
+Mais rendans des grans cris & voix Èpouvantables,
+Tuent comme fourmis ces pauvres miserables,
+Desquels lors c'estoit fait s'ilz n'eussent eu recours
+Au bien qui vient parfois de tourner ‡ rebours.
+Ce peuple de tout temps amateur de pillage
+Cuidoit sur Membertou avoir tel avantage,
+Que d'armes pour cette heure il ne leur fut besoin,
+Neantmoins en tous cas ilz avoient eu le soin
+D'en faire un magazin au fond d'une vallÈe,
+O˘ la troupe fuiarde en fin s'en est allÈe.
+L‡ chacun se fournit d'arcs, fleches, & carquois,
+De picques, de boucliers, & de masses de bois.
+L‡ de tourner visage, & d'une face irÈe
+Charger sur Membertou & sa gente enivrÈe
+Su sang Armouchiquois. A ce nouvel effort
+Fut PanoniaguÈs au danger de la mort
+BlessÈ d'un javelot environ la poitrine.
+Chkoudun le courageux, y receut sur l'echine
+Un coup qui l'atterra, & se vit en danger
+(L'ennemi gaignant piÈ) de jamais n'en bouger.
+Mais le fort Chkoudumech' son frere, de sa masse
+Fendant la presse, fit bien-tot se faire place
+Pour le tirer de l‡: mais il y fut feru
+D'un coup que lui chargea de toute sa vertu
+Le cruel Olmechin. Mnefinou (dont la gloire
+Par toute cette cotte est en tous lieux notoire)
+Comme le plus hardi, s'efforce de son dard
+Transpercer Membertou de l'une ‡ l'autre part:
+Mais le coup gauchissant par la subtile addresse,
+Du Prince Souriquois, ‡ son fils il s'addresse,
+Son fils Actaudinech', lequel il aime mieux
+Que toutes les beautez de la terre & des cieux
+Ce coup donques perÁant le dÈtroit de sa manche
+Vite comme un Èclair luy porta dans la hanche:
+Dequoy effrayÈ le Prince Membertou,
+Il se remet aux ieux du monstrueux Gougou
+Le duel ancien qu'en sa jeunesse tendre
+Jadis son pere osa hazardeux entreprendre,
+Et redoublant sa force il Ètendit son bras,
+Et le fendit en deux de son fier coutelas.
+Et comme un chene haut abbatu par l'orage
+Traine en bas quant & soy son plus beau voisinage,
+Ainsi Mnefinou mort, maint des siens alentour
+Alla voir de Pluton le tenebreux sejour.
+L'Armouchiquois pourtant ne laisse de poursuivre,
+Aimant mieux l‡ mourir que honteusement vivre
+S'il arrivait jamais que Membertou veinqueur
+Leur laissat du combat l'eternel des-honneur.
+Ainsi se r'assemblans font des stares diverses
+Et ‡ leur ennemi donnent maintes traverses.
+Car jusques l‡ n'avoient encor estÈ rangÈs,
+Occasion que mal ilz s'estoient revengÈs.
+BessabÈs & Marchin ont les pointes premieres,
+Que venans attaquer avec leurs bendes fieres
+Le chef des Souriquois, une grele de dars
+En l'un & en l'autre Ùt tombe de toutes parts.
+La clartÈ du soleil en demeure obscurcie,
+Et le nombre des traits toujours se multiplie.
+A cette charge ici quelques uns sont blessÈs
+Parmi les Souriquois: mais plus de terrassÈs
+Sont de l'autre cÙtÈ: car de ceux-ci les fleches
+A pointe d'os, ne font de si mortelles breches
+Comme de ceux qui sont plus voisins des FranÁois
+Qui des pointes d'acier ont au bout de leurs bois,
+Toutefois de nouveau voici nouvelle force
+Qui des Membertouquois les bras, non les coeurs, force.
+Go, go, go, c'est leur cri, Abejou, Olmechin,
+Le fort Argostembroet, & le fier Bertachin
+En sont les conducteurs, qui de premiere entrÈe
+Du vaillant Messamoet la troupe ont rencontrÈe,
+Messamoet (qui jadis humant l'air de la France
+Avoit de guerroyer reconu la science
+Parmi les domestics du Seigneur de Grand-mont)
+Apres mainte bricole avoit gaignÈ le mont
+D'o˘ il pensoit avoir un facile avantage
+Pour mettre sans danger l'adversaire en dommage.
+Mais cetui-ci rusÈ loin de l‡ declina,
+Et le gros escadron des Souriquois mena
+Poursuivant vivement jusques dessus l'orÈe
+O˘ deux fois chaque jour se hausse la marÈe,
+L‡ Neguioadetch' mere du decedÈ
+Apres avoir long temps le combat regardÈ,
+Voyant en desarroy de Membertou la troupe
+Elle se met ‡ terre, & sort de sa chaloupe,
+Afin de donner coeur aux soldats ÈtonnÈs
+Qui leur premiere assiette avoient abandonnÈs.
+Et comme des Persans les meres & les femmes
+Jadis voyans leurs fils & leurs maris infames
+S'enfuir du Medois qui les alloit suivant,
+Courageuses soudain allerent au-devant,
+Sans honte leur montrer de leur corps la partie
+Par o˘ l'homme reÁoit l'entrÈe de la vie,
+Les unes s'Ècrians: Quoy doncques voulez vous
+Vous sauver ci-dedans pour eviter les coups
+Ce cil qui vous poursuit? Les autres d'autre sorte
+Crians ‡ leurs enfans: R'entrez dedans la porte
+Du logis dans lequel vous avÈs estÈ nÈs,
+Ou contre l'ennemi promptement retournÈs.
+Eux d'un spectacle tel se trouvans pleins de honte,
+Un sang tout vergongneux ‡ l'heure au front leur monte.
+Si bien que retournans leurs faces en arriere
+A l'Empire Medois mirent la fin derniere.
+Ainsi fit cette mere en voyant le danger
+Ou alloit Membertou & les siens se plonger.
+NeguiroÎt son mari ores paralytique,
+Mais qui de bien combattre entendoit la pratique,
+S'y estoit fait porter: & bien reconoissant
+Le desastre prochain qui les alloit pressant
+S'il ne leur arrivoit quelque nouvelle force,
+Se fait descendre ‡ terre, & lui-mÈme s'efforce
+De marcher au combat, afin de l‡ mourir
+S'il ne pouvoit au mons ses amis secourir.
+Estant au milieu d'eux il leur donne courage
+Et les conjures tous de venger son outrage.
+Mes amis (ce dit-il) vous ne combattez point
+Pour le fait seulement, helas! qui trop me point.
+Il y va de l'honneur, il y va de la vie:
+Ces deux ici perdus, la perte en est suivie
+Des soupirs & regrets des femmes & enfans
+De qui nos ennemis s'en iront triomphans
+Tout ainsi que de nous. Ayez doncques courage,
+Je les voy ja branler: c'est ici bon presage.
+A ces mots Membertou fait tirer les Mousquets
+Qu'au partir les FranÁois lui avoient tenus prets.
+Chkoudun en fait autant (car il a eu de mÈme
+Deux Mousquets pour autant que les FranÁois il aime)
+Lesquels estoient parez pour la necessitÈ
+Comme un dernier remede au corps debilitÈ.
+Aux coups de ces batons en voila dix par terre.
+Et le reste effrayÈ au bruit de ce tonnerre.
+Abejou, Chitagat, Olmechin, et Marchin
+Quatre des plus mauvais de ce peuple mutin
+A ce choc sont tombÈs. Chkoudun qui a memoire
+Du coup qu'il a receu ne point que la gloire
+En demeure au donneur, mais d'un trait donne-mort
+Valeureux il attaque Argostembroet le fort,
+Et presse le surplus d'une roideur si grande,
+Qu'au seul bruit de son nom l'ennemi se debende.
+Membertouchis aussi l'ainÈ de Membertou
+A l'aile de son pere assistÈ de Kichkou,
+Se faisant faire jour d'un coup trois en renverse,
+Et ja deÁa, del‡, tout est ‡ la renverse.
+A cinq cens pas plus loin se trouvans Ouzagat,
+Et Anadabijou empechÈs au combat,
+Ilz furent secourus par la troupe hardie
+De PanoniaguÈs, qui bien-tot fut suivie
+D'Ougimech' & les siens: si bien qu'en peu de temps
+L'ennemi fut fauchÈ comme l'herbe des champs:
+Car tout ce que restoit, quoy que puissant en nombre,
+Ne porta gueres loin le malheureux encombre
+Qui l'alloit tallonnant: d'autant que Oagimont
+Avec MemembourÈ estant au pied du mont
+Que nagueres j'ay dit, les fuyars attendirent,
+Et valeureusement poursuivans les battirent.
+Mais Oagimont s'estant eloignÈ de son parc,
+Trop prompt, y fut blessÈ grievement d'un trait d'arc.
+MemembourÈ (trop chaut) prÈque en la mÈme sorte
+L'ennemi poursuivant y eut la jambe torte,
+Ce qui plusieurs en fit de leur mains Èchapper,
+Mais ne peurent pourtant leur ennemi tromper.
+Car Etmeminaoet l'homme qui de six femme
+Peut, galant appaiser les amoureuses flammes,
+Et Metembrolebit, Medagoet, Chahocobech'
+Bituani, Penin, ActembroÈ, Semcoudech',
+Tous vaillans champions, soldats & Capitaines
+Acheverent du tout ces races inhumaines.
+Mais ce qui est ici digne d'Ètonnement,
+C'est que des Souriquois n'est mort un seulement.
+
+L'Armouchiquois Èteint, cette armÈe defaite,
+Membertou glorieux fait sonner la retraite,
+On trouve de blessÈs encores Pechkmet,
+Oupakour, Ababich', Pigagan, Chichkmeg,
+Umanuet, & Kobech', dont les playes on pense,
+Tandis que du butin d'autre cÙtÈ l'on pense.
+La cure en est sommaire. Entre eux est un devin
+(Ignorant toutefois) qu'on appelle Aoutmoin.
+Cetui prognostique de l'Ètat du malade
+Feint vers quelque demon pour lui faire ambassade,
+Et selon sa reponse, en ceci comme en tout,
+Il juge s'il sera bien-tot mort ou debout.
+Avec ce de la playe il va sucÁant le sang,
+Il la souffle, & soufflant il s'Èmeut tout le flanc:
+Ceci fait, il applique au dessus de la playe
+Du roignon de Castor: & par ainsi essaye
+(Le bendage parfait) son malade guerir.
+
+Le butin recuilli, avant que de partir
+Des chefs Armouchiquois ils enlevent les tÈtes
+Pour en faire au retour maintes joyeuses fÈtes.
+Ja ilz sont ‡ la voile, & approchent du port
+O˘ ilz doivent donner ‡ leurs femmes confort,
+Lesquelles aussi tot que de leur arrivÈe
+Elle ont eu nouvelle, aussi-tot la huÈe
+Elles ont fait de loin, desireuses sÁavoir
+Quel avoit estÈ l‡ de chacun le devoir.
+Et en ordre marchans, qui en main une masse,
+Qui un couteau trenchant (ayans toutes la face
+De couleurs bigarÈe) elles s'attendoient bien
+Toutes sur l'heure avoir un Armouchiquois sien,
+Afin d'en faire tot cruelle boucherie,
+Mais sans cela convint faire leur tabagie.
+Et pares le repas la danse s'ensuivit,
+Qui dura tout le jour, & qui dura la nuit,
+Et toujours durera en s'Ècrians sans cesse,
+Chantans de Membertou la valeur & pro¸esse
+Tant que leur estomach la voix leur fournira,
+Ou que quelque mal-heur reposer les fera.
+
+ ____________________________________________
+
+ LA TABAGIE MARINE
+
+COMPAGNONS, o˘ est le temps
+Qu'avions nÙtre passe-temps
+A descendre au plus habile
+Sur le piÈ ferme d'une ile,
+Fourrageans de toutes pars
+DeÁa & del‡ Èpars
+Parmi l'epÈs des feuillages
+Et des orgueilleux herbages
+L'honneur des jeunes oiseaux
+Qu'enlevions, ‡ grans troupeaux,
+Le gros Tangueu, la Marmette,
+Et la Mauve & la Roquette,
+Ou l'Oye, ou le Cormorant,
+Ou l'outarde au corps plus grand.
+«a (ce disoi-je ‡ la troupe)
+Emplissons nÙtre chaloupe
+De ces oiseaux tendrelets,
+Ilz valent bien des poulets.
+Dieu! quelle plaisante chasse.
+Amasse, garson, amasse,
+Portes-en chargÈ ton dos,
+Tu es alaigre & dispos,
+Et reviens tout ‡ cette heure
+Prendre pareille mesure,
+Ne cessant jusques ‡ ce
+Que nous en ayons assÈ:
+Car nous pourrions de cette ile
+Fournir une bonne ville.
+
+Je voudroy m'avoir coutÈ
+Un Karolus bien contÈ
+Et estre en cet equipage
+Acecque tout ce pillage
+Au beau milieu de Paris
+O que j'y auroy d'amis,
+Qui pour avoir pance grasse
+Me suivroient de place en place.
+
+Qu'on ne parle maintenant
+Que des iles du Ponant.
+Car les iles FortunÈes
+Sont certes infortunÈes
+Au pris de celles ici,
+Qui nous fournissent ainsi
+Pour neant ce que l'on achete
+Au quartier de la Huchette,
+Ou ailleurs bien cherement.
+Je ne sÁay certainement
+Comme le monde est si bÈte
+Que paÔs il rejette,
+Veu la grand' felicitÈ
+Qui s'y voit de tout cÙtÈ,
+Soit qu'on suive cette chasse,
+Soit que l'Ellan on pourchasse,
+Ou qu'on vueille de poisson
+Faire en etÈ la moisson.
+Car quant est des paturages
+Il n'y manque pont d'herbages
+Pour nourrir vaches & veaux,
+Ce ne sont rien que ruisseaux,
+Lacs, fonteines, & rivieres
+(De tous biens les pepinieres)
+En ce paÔs forÈtier.
+Il y a mines d'acier,
+De fer, d'argent, & de cuivre,
+Asseurez moyens de vivre,
+Quand en train elles seront,
+Et par le monde courront.
+
+La terre y est plantureuse
+Pour rendre la gent heureuse
+Qui la voudra cultiver.
+Il ne reste que trouver
+Bon nombre de jeunes filles
+A porter enfans habiles
+Pour bien-tot nous rendre forts
+En ces mers, rives, & ports,
+Et passer melancholie
+Chacun avecque s'amie
+Pres les murmurantes eaux,
+Qui gazouÔllent par les vaux,
+Ou ‡ l'ombre des fueillages
+Des endormans verd-bocages.
+
+Par mon ame je voudroy
+Que dÈs ore il ple˚t au Roy
+Me bailler des bonnes rentes
+En ma bourse bien venantes
+Tous les ans dix mille escus,
+Voire trente mille, & plus,
+Pour employer ‡ l'usage
+D'un honÈte mariage,
+A la charge de venir
+En ce paÔs me tenir,
+Et y planter une race,
+Digne de sa bonne grace,
+Qui service luy feroit
+Tant qu'au monde elle seroit,
+Quittant du barreau la lice,
+Et du monde la malice,
+Et les injustes faveurs
+Des hommes de qui le coeurs
+S'enclinent ‡ l'apparence
+Pour opprimer l'innocence
+
+De tels & autres propos
+J'entretenoy mes dispos
+Tandis que chacun sa proye
+Diligent ‡ bort envoye.
+Devinez si au repas
+Grand' chere ne faisions pas.
+Car avec cette viande
+D'elle-mÈme assez friande
+Nous avions abondamment
+De poisson pris frechement.
+
+Quand ores en ma memoire
+Se ramentoit cette histoire,
+Je regrette ce temps l‡
+Qui nous fournissoit cela.
+Car dÈs long temps la pature
+de salÈ nous est si dure,
+Que nos estomachz forcÈs
+En demeurent offensÈs.
+
+Pourtant je ne veux pa dire
+Que les maitres du navire
+Messieurs les associÈs
+Ne se soient point souciÈs
+D'envoyer honÈtement
+NÙtre rafraichissement.
+Mais certaines gourmandailles
+Ont mangÈ noz victuailles,
+Noz poules & nos moutons,
+Et grapillez nos citrons,
+NÙtre sucre, noz grenades,
+Nos epices & muscades,
+Ris, & raisins & pruneaux,
+Et autres fruits bons & beaux
+Utiles en la marine
+Pour conforter la poitrine.
+
+Vous sÁavÈs si je di vray,
+Capitaine Papegay.
+Si jamais je suis grand Prince
+En cette tout autre province
+Onqu' enfant ne regira
+Ce que ma nef portera.
+Main ne laissons je vous prie
+de mener joyeuse vie,
+«a, garson, de ce bon vin
+Du cru de Monsieur Macquin,
+Et buvons ‡ pleine gorge
+Tant ‡ luy qu'‡ Monsieur George.
+Ce sont des hommes d'honneur
+Et d'une agreable humeur,
+Car ilz nous ont l'autre annÈe
+Fourni de bonne vinÈe,
+Dont le parfum nompareil
+A garenti du cercueil
+Plusieurs qui fussent grand' erre
+AllÈ dormir souz la terre.
+Et ne trouve quant ‡ moy
+Drogue de meilleur aloy
+En nÙtre France-Nouvelle
+Pour braver la mort cruelle,
+Que vivre joyeusement
+Avec le fruit du sarment.
+
+Est-ce pas donc bon mÈnage
+D'avoir un si bon bruvage
+Jusques ores conservÈ?
+Car ici n'avons trouvÈ
+Que bien petite vendange,
+Ce qui nous est bien Ètrange.
+Car le cidre Maloin
+Ne vaut pas du petit vin.
+Mais ayons la patience
+Que soyons rendus en France.
+Approche de moy, garson,
+Et m'apporte ce jambon,
+Que j'en prenne une aiguillette,
+Car ce lard point ne me haite.
+J'aimeroy mieux voir noz plats
+Garnis de bons cervelats,
+De patÈs & de saucisses
+Confits en bonnes epices,
+Que cette venaison
+Dont je n'ay nulle achoison,
+Non plus que de ces moruÎs
+Qui sont toutes vermoluÎs
+Certes le maitre valet
+Meriteroit un soufflet
+De nous bailler tout du pire
+Qui soit dedans ce navire.
+Car nous devrions par honneur
+En tout avoir du meilleur.
+Otez nous tant de viandes,
+Et apportez des amandes,
+Pruneaux, figues & raisins,
+Et buvons ‡ nos voisins.
+
+C'a toute la pleine tasse,
+C'est ‡ vÙtre bonne grace,
+Capitaine Chevalier.
+Si dedans vÙtre cellier
+Avez quelque friandise,
+Faites que de vous l'on dise
+Que vous estes liberal,
+HonÈte, & d'un coeur Royal.
+
+Maitre tenez vous en garde,
+C'est ‡ vous que je regarde
+Ayant les armes en main.
+Plegez moy le verre plein.
+Cette derniere nuitÈe
+Vous a un peu mal traitÈe.
+Il y vint un coup de mer
+Qui pensa nous abymer.
+Mais vous fites diligence
+De parer ‡ la defense.
+
+Dieu garde le bon JONAS
+De tout violent trÈpas,
+Car s'il tomboit en naufrage
+Nous y aurions du dommage,
+Et m'Ètonne infiniment
+Que cet humide element
+De ses eaux ne nous accable,
+Veu que le nom venerable
+De Dieu y est blasphemÈ
+D'un langage accoutumÈ,
+Sans crainte de ses menaces.
+
+Neantmoins rendons lui graces,
+Et avec contrition
+Demandons remission
+De noz fautes: & sans cesse
+Soit lo¸Èe sa hautesse. Amen.
+
+Cherchant dessus Neptune un repos sans repos
+J'ay faÁonnÈ ces vers au branle de ses flots.
+
+ M. LESCARBOT.
+
+[Illustration]
+
+
+
+
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+
+Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
+
+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
+electronic works in formats readable by the widest variety of
+computers including obsolete, old, middle-aged and new computers. It
+exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations
+from people in all walks of life.
+
+Volunteers and financial support to provide volunteers with the
+assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
+goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg-tm and future
+generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see
+Sections 3 and 4 and the Foundation information page at
+www.gutenberg.org
+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non-profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by
+U.S. federal laws and your state's laws.
+
+The Foundation's business office is located at 809 North 1500 West,
+Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email contact links and up
+to date contact information can be found at the Foundation's website
+and official page at www.gutenberg.org/contact
+
+Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation
+
+Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without
+widespread public support and donations to carry out its mission of
+increasing the number of public domain and licensed works that can be
+freely distributed in machine-readable form accessible by the widest
+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
+($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
+status with the IRS.
+
+The Foundation is committed to complying with the laws regulating
+charities and charitable donations in all 50 states of the United
+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
+considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
+with these requirements. We do not solicit donations in locations
+where we have not received written confirmation of compliance. To SEND
+DONATIONS or determine the status of compliance for any particular
+state visit www.gutenberg.org/donate
+
+While we cannot and do not solicit contributions from states where we
+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
+against accepting unsolicited donations from donors in such states who
+approach us with offers to donate.
+
+International donations are gratefully accepted, but we cannot make
+any statements concerning tax treatment of donations received from
+outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
+
+Please check the Project Gutenberg web pages for current donation
+methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
+ways including checks, online payments and credit card donations. To
+donate, please visit: www.gutenberg.org/donate
+
+Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic works
+
+Professor Michael S. Hart was the originator of the Project
+Gutenberg-tm concept of a library of electronic works that could be
+freely shared with anyone. For forty years, he produced and
+distributed Project Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of
+volunteer support.
+
+Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
+editions, all of which are confirmed as not protected by copyright in
+the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not
+necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper
+edition.
+
+Most people start at our website which has the main PG search
+facility: www.gutenberg.org
+
+This website includes information about Project Gutenberg-tm,
+including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
+subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
+
+
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diff --git a/21257-h.zip b/21257-h.zip
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--- /dev/null
+++ b/21257-h.zip
Binary files differ
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@@ -0,0 +1,3126 @@
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+<div style='text-align:center; font-size:1.2em; font-weight:bold'>The Project Gutenberg eBook of Les Muses de la Nouvelle France, by Marc Lescarbot</div>
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+This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and
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+of the Project Gutenberg License included with this eBook or online
+at <a href="https://www.gutenberg.org">www.gutenberg.org</a>. If you
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+</div>
+<div style='display:block; margin-top:1em; margin-bottom:1em; margin-left:2em; text-indent:-2em'>Title: Les Muses de la Nouvelle France</div>
+<div style='display:block; margin-top:1em; margin-bottom:1em; margin-left:2em; text-indent:-2em'>Author: Marc Lescarbot</div>
+<div style='display:block; margin:1em 0'>Release Date: April 30, 2007 [eBook #21257]<br />
+[Most recently updated: October 19, 2021]</div>
+<div style='display:block; margin:1em 0'>Language: French</div>
+<div style='display:block; margin:1em 0'>Character set encoding: UTF-8</div>
+<div style='display:block; margin-left:2em; text-indent:-2em'>Produced by: Rénald Lévesque</div>
+<div style='margin-top:2em; margin-bottom:4em'>*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LES MUSES DE LA NOUVELLE FRANCE ***</div>
+
+<h1>LES MUSES<br/>
+DE LA NOUVELLE<br/>
+FRANCE</h1>
+
+<p class="mid"><span class="big3">A MONSEIGNEUR<br/>
+LE CHANCELIER</span></p>
+
+<p class="center">
+<i>Avia Pieridum peregro loca nullius antè<br/>
+Trita solo</i>. . . . . </p>
+
+<div class="fig" style="width:100%;">
+<img src="images/fig01.jpg" width="400" height="344" alt="[Illustration]" />
+</div>
+
+<p class="mid"><span class="big4">A PARIS</span></p>
+
+<p class="center">
+Chez JEAN MILLOT, devant S. Barthelemy,<br/>
+aux trois Coronnes: Et en sa boutique<br/>
+sur les degrez de la grand&rsquo; salle du Palais.</p>
+
+<hr />
+
+<p class="mid"><span class="big4">M. DC. XII.</span></p>
+
+<p class="mid"><i>Avec Privilege du Roy.</i></p>
+
+<div class="chapter">
+
+<div class="fig" style="width:100%;">
+<img src="images/fig02.jpg" width="600" height="137" alt="[Illustration]" />
+</div>
+
+<h2>A<br/>
+MONSEIGNEUR<br/>
+MESSIRE NICOLAS<br/>
+BRULART SEIGNEUR<br/>
+de Sillery, Chancelier de<br/>
+France &amp;amp; de Navarre.</h2>
+
+<p class="noindent">
+<span class="lef"><img alt="" src="images/figM.jpg" width="100" height="93" /></span>ONSEIGNEUR,</p>
+
+<p>Les Muses de la NOUVELLE-FRANCE ayans passé d&rsquo;un autre monde à cetui-ci,
+aujourd&rsquo;hui se presentent à voz piés en esperance de recevoir quelque
+mon accueil de vous, qui estant le Pere de celles qui resident sur le
+Parnassse de nôtre France Gaulloise &amp;amp; Orientale, desirent aussi que de
+cette méme affection une flamme forte, qui les environne &amp; reçoive en sa
+tutele. Que si elles sont mal peignées, &amp; rustiquement vetuës;
+considerez, Monseigneur, le païs d&rsquo;où elles viennent, incult, herissé de
+foréts, &amp; habité de peuples vagabons, vivans de chasse, aymans la
+guerre, méprisans les delicatesse, non civilisés, &amp; en un mot qu&rsquo;on
+appelle Sauvages: &amp; attribués à la communication qu&rsquo;elles ont euë avec
+eux, &amp; aux flots de la mer, leur defaut: je veux dire si elles ne sont
+en si bonne conche &amp; en bon point comme celles qui ont accoutumé de se
+presenter à vous. Elles sont encore pour le present semblables à ces
+poissons qui sont appelés Abramides en la Pécherie d&rsquo;Oppian, lesquels
+sans demeure certaine changent perpetuellement de place, se trouvans
+bien en toute sorte de terre, au contraire de plusieurs qui ne peuvent
+vivre qu&rsquo;en un lieu. Poissons vrayment figure du peuple Hebrieu, &amp; de la
+vie de ce monde, soit qu&rsquo;on les prenne par leur nom, soit que l&rsquo;on
+considere leur façon de vivre, toujours étrangers, conduits par la
+providence de celui qui les a creés, ainsi que le grand Abraham pere des
+croyans, duquel non sans cause ilz portent le nom. Mais s&rsquo;il arrive,
+Monseigneur, que par vôtre faveur, assistance, &amp; support, elles soient
+un jour arretées és montagnes du Port Royal &amp; ruisseaux qui en
+decoulent, &amp; ayent le moyen de se rendre plus civiles, &amp; mieux venantes
+à la cadence des fredons d&rsquo;Apollon: ainsi qu&rsquo;aux premiers temps és
+solennitez publiques &amp; sainctes on dansoit &amp; chantoit des hymnes &amp;
+cantiques, tant de vive voix, que sur tous instrumens de Musique à
+l&rsquo;honneur du vray Dieu: De mémes elles feront souz vos auspices maintes
+fétes solennelles, ou vôtre nom sera exalté, &amp; en leurs chansons
+rememorez les bien-faits de celui, qui apres avoir bien merité de son
+Roy, de sa patrie, &amp; de toute la Chrétienté, aura encore pris un soin
+non indigne d&rsquo;un Chancelier de France, qui sera d&rsquo;aider à
+l&rsquo;etablissement des Muses en la France Nouvelle, trans-marine, &amp;
+Occidentale, pour la conversion des peuples infideles.</p>
+
+ <p class="i40">Vôtre tres-humble &amp;<br/>
+ tres-obeissant serviteur<br/>
+<br/>
+ MARC LESCARBOT<br/>
+ <i>Vervinois</i></p>
+
+</div><!--end chapter-->
+
+<div class="chapter">
+
+<div class="fig" style="width:100%;">
+<img src="images/fig03.jpg" width="600" height="139" alt="[Illustration]" />
+</div>
+
+<h2>LES MUSES DE LA<br/>
+NOUVELLE-FRANCE</h2>
+
+<p class="mid"><span class="big1">AU ROY</span>
+<br/><br/>
+<span class="big3">ODE PINDARIQUE</span><br/>
+<span class="big4">presentée à sa Majesté en<br/>
+Novembre mil six cens sept.</span></p>
+
+<p class="mid"><span class="big4">STROPH. 1.</span></p>
+
+<div class="i20">
+<p class="noindent"><span class="lef"><img alt="" src="images/figN.jpg" width="100" height="100" /></span>EPTUNE, donne moy des vers<br/>
+Propres à resonner la gloire<br/>
+Du plus grand Roy que l&rsquo;Univers<br/>
+Ait produit de longue memoire.<br/>
+Et puis que sur tes moites eaux<br/>
+Tendent leurs ailes noz vaisseaux,<br/>
+Fay qu&rsquo;avec eux ore je vole<br/>
+Cornant son renom jusqu&rsquo;au pole,<br/>
+Et que porté d&rsquo;un trait leger<br/>
+Sur l&rsquo;aile de ta large échine,<br/>
+Je l&rsquo;annonce au peuple étranger<br/>
+Qui demeure au fond de la Chine.</p>
+</div>
+
+<p class="mid"><span class="big4">ANTISTROPH.</span></p>
+
+<div class="i20">
+<p>Muses pourtant pardonnez moy<br/>
+Si pour cette heure je m&rsquo;addresse<br/>
+Ailleurs qu&rsquo;à vous; &amp; si la loy<br/>
+De vous invoquer je transgresse.<br/>
+Je ne boy ici d&rsquo;Helicon<br/>
+Les douces eaux, ni ma chanson<br/>
+Ne ressent les fleurs qu&rsquo;on amasse<br/>
+Au sommet du double Parnasse.<br/>
+Neptune commande en ce lieu,<br/>
+C&rsquo;est à lui qu&rsquo;il faut que je rende<br/>
+Ores mes voeux, &amp; qu&rsquo;à ce Dieu<br/>
+De mon chant le ton je demande.</p>
+</div>
+
+<p class="mid"><span class="big4">EPOD.</span></p>
+
+<div class="i20">
+<p>Car quoy qu&rsquo;il soit quelquefois<br/>
+Forcené d&rsquo;ire &amp; de rage,<br/>
+Il ayme bien toute fois<br/>
+Des chansons le doux ramage.<br/>
+Et de cela soucieux<br/>
+A ses Syrenes il donne<br/>
+Mainte chanson qui resonne<br/>
+D&rsquo;un chant fort harmonieux,<br/>
+Qui par ses douces merveilles<br/>
+Les peu rusez Nautonniers<br/>
+Attire par les oreilles,<br/>
+et les fait ses prisonniers.</p>
+</div>
+
+<p class="mid"><span class="big4">STROPH. 2.</span></p>
+
+<div class="i20">
+<p>Vive donc mon Prince &amp; mon Roy<br/>
+Par qui respire nôtre France<br/>
+Sentant souz le joug de sa loy<br/>
+Les doux effects de sa clemence.<br/>
+Lui qui parmi tant de hazars<br/>
+Qui l&rsquo;ont suivi de toutes parts<br/>
+A vaincu l&rsquo;effort de la Fortune,<br/>
+Laquelle en lui n&rsquo;a part aucune.<br/>
+Car sa vertu tant seulement<br/>
+Du haut des cieux favorisée<br/>
+A jusques dans le Firmament<br/>
+Sa Majesté authorisée.</p>
+</div>
+
+<p class="mid"><span class="big4">ANTISTROPH.</span></p>
+
+<div class="i20">
+<p>Le jour qu&rsquo;en France commença<br/>
+A luire sa belle lumiere<br/>
+Le conseil des Dieux s&rsquo;amassa<br/>
+Pour sçavoir de quelle maniere<br/>
+Ilz pourroient honorer celui<br/>
+Qui devoit estre un jour l&rsquo;appui<br/>
+De mainte gent abandonnée<br/>
+A que du ciel n&rsquo;est point donnée<br/>
+La conoissance de son bien<br/>
+Et de maint peuple &amp; mainte ville<br/>
+Policée souz le lien<br/>
+De la societé civile.</p>
+</div>
+
+<p class="mid"><span class="big4">EPOD.</span></p>
+
+<div class="i20">
+<p>Mars lui donna sa valeur,<br/>
+Hercule donna sa force,<br/>
+Et Jupiter sa terreur,<br/>
+Qui la force méme force.<br/>
+Mais Vulcan lui façonna<br/>
+De fin acier bien trempée<br/>
+Une foudroyante epée<br/>
+Qu&rsquo;en present il lui donna<br/>
+Pour en frapper les rebelles,<br/>
+Et la rogue nation<br/>
+Qui nous a fait des quereles<br/>
+Souz feinte religion.</p>
+</div>
+
+<p class="mid"><span class="big4">STROPH. 3.</span></p>
+
+<div class="i20">
+<p>Il n&rsquo;estoit pas hors le berceau,<br/>
+Il n&rsquo;avoit quitté son enfance,<br/>
+Que son âge plus tendre &amp; beau<br/>
+S&rsquo;endurcissoit à la souffrance<br/>
+Des âpres &amp; dures rigueurs<br/>
+Des froidures &amp; des chaleurs,<br/>
+Afin qu&rsquo;un jour il peust à l&rsquo;aise<br/>
+Supporter de Mars le mesaise,<br/>
+Puis que son destin estoit tel,<br/>
+Que parmi les chaudes alarmes<br/>
+Il devoit se rendre immortel,<br/>
+Par l&rsquo;effort de ses fieres armes.</p>
+</div>
+
+<p class="mid"><span class="big4">ANTISTROPH.</span></p>
+
+<div class="i20">
+<p>Qui l&rsquo;a jamais veu sommeiller,<br/>
+Ou les mains avoir endormies,<br/>
+Quand il a fallu chamailler<br/>
+Dessus les troupes ennemies?<br/>
+Témoins en sont tant de combats<br/>
+Où il a cent fois du trépas<br/>
+Loin repoussé la violence,<br/>
+De sorte que méme la France,<br/>
+France nourrice des guerriers<br/>
+Par ses longs travaux fatiguée<br/>
+Est le sujet de ses lauriers<br/>
+Pour s&rsquo;estre contre lui liguée.</p>
+</div>
+
+<p class="mid"><span class="big4">EPOD.</span></p>
+
+<div class="i20">
+<p>Et apres s&rsquo;estre soumis<br/>
+La populace mutine,<br/>
+Il a fait qu&rsquo;ores Themis<br/>
+Seurement par tout chemin<br/>
+Afin qu&rsquo;une ferme paix<br/>
+Au moyen de la Justice<br/>
+En sa maison s&rsquo;établisse<br/>
+Qui soit durable à jamais,<br/>
+Et que toujours souz son aile<br/>
+Fleurisse la pieté,<br/>
+Sans qu&rsquo;oncques elle chancelle<br/>
+Ni d&rsquo;un ni d&rsquo;autre côté.</p>
+</div>
+
+<p class="mid"><span class="big4">STROPH. 4.</span></p>
+
+<div class="i20">
+<p>Grand Roy nous te devons ceci,<br/>
+Vire mille fois davantage.<br/>
+Mais il reste encore un souci<br/>
+Digne de ton vieillissant âge,<br/>
+Afin que la posterité<br/>
+Entende que ta pieté<br/>
+N&rsquo;estoit dedans ta France enclose.<br/>
+Il faut, grand Roy, faire une chose,<br/>
+Il faut ores du Tout-puissant<br/>
+Porter le nom souz ta banniere<br/>
+Où son Soleil resplendissant<br/>
+Chacun jour finit sa carriere.</p>
+</div>
+
+<p class="mid"><span class="big4">ANTISTROPH.</span></p>
+
+<div class="i20">
+<p>Aye doncques compassion<br/>
+De tant de peuples qui perissent<br/>
+Sans loix &amp; sans Religion<br/>
+Et de leur misere gemissent.<br/>
+Si tu veux, grand Roy, tu les peux<br/>
+Joindre avec nous en méme voeux,<br/>
+Et faire de tous une Eglise,<br/>
+Si ta bonté les favorise.<br/>
+Mais si ton pouvoir souverain<br/>
+Ne soutient un si grand affaire,<br/>
+Mais si tu retires ta main,<br/>
+Que est-ce qui le pourra faire?</p>
+</div>
+
+<p class="mid"><span class="big4">EPOD.</span></p>
+
+<div class="i20">
+<p>C&rsquo;est, mon Prince, c&rsquo;est de toy<br/>
+Qu&rsquo;une antique destinée<br/>
+A prononcé qu&rsquo;un grand Roy<br/>
+Seroit apres mainte année<br/>
+Du vieil tige des François,<br/>
+Que regiroit en justice<br/>
+Par une saincte police<br/>
+Conjointe aux divines loix<br/>
+Les nations infideles<br/>
+Qui sont encore en maints lieux,<br/>
+Et par force les rebelles<br/>
+Conduiroit dedans les cieux.</p>
+</div>
+
+<p class="i40">LESCARBOT</p>
+
+<hr />
+
+<p class="noindent">
+<span class="lef"><img alt="" src="images/figA.jpg" width="100" height="103" /></span>PRES que nous fumes arrivés au Port Royal en la
+Nouvelle-France le sieur du Pont de Honfleur, qui estoit parti dés le
+sezième de Juillet, desesperant qu&rsquo;aucun navire deut arriver de France,
+pour ce que la saison desja se passoit, ayant rencontré par un grand
+heur quelques uns de nos gens (qui à la veuë de la terre du port de
+Campseau s&rsquo;estoient mis dans une chalouppe, &amp; venoient jusques audit
+Port Royal suivans la côte) parmi des iles, il tourna le cap à rebours,
+&amp; nous vint trouver avec beaucoup de rejouïssance d&rsquo;une part &amp; d&rsquo;autre.
+En fin au bout de trois semaines il nous laissa sa barque &amp; une patache,
+&amp; se mit avec quelques cinquante homme qu&rsquo;il avoit, dans nôtre navire
+qui retournoit en France. Or avant son depart, pour lui dire Adieu je
+lui fis ces vers ici parmi le tintamarre d&rsquo;un peuple contus qui
+marteloit de toutes parts pour faire ses logemens, lesquels vers furent
+depuis imprimez à la Rochelle.</p>
+
+<hr />
+
+</div><!--end chapter-->
+
+<div class="chapter">
+
+<h2>ADIEU AUX FRANÇOIS</h2>
+
+<p class="center">
+<span class="big4">retournans de la Nouvelle-France<br/>
+en la France Gaulloise.</span><br/>
+<br/>
+<span class="big5">Du 25 d&rsquo;Aoust 1606.</span></p>
+
+<div class="i10">
+<p class="noindent"><span class="lef"><img alt="" src="images/figA.jpg" width="100" height="103" /></span>LLEZ donques, vogués, ô troupe genereuse<br/>
+Qui avez surmonté d&rsquo;une ame courageuse<br/>
+Et des vents &amp; des flots les horribles fureurs<br/>
+Et de maintes saisons les cruelles rigueurs,<br/>
+Pour conserver ici de la Françoise gloire<br/>
+Parmi tant de hazars l&rsquo;honorable memoire.<br/>
+Allez doncques, vogués, puissiez vous outre mer<br/>
+Un chacun bien-tot voir son Ithaque fumer:<br/>
+Et puissions nous encore au retour de l&rsquo;année<br/>
+La méme troupe voir par deça retournée.<br/>
+<br/>
+Fatiguez de travaux vous nous laissés ici<br/>
+Ayans également l&rsquo;un de l&rsquo;autre souci,<br/>
+Vous, que nous ne soyons saisis de maladies<br/>
+Qui facent à Pluton offrandes de noz vies:<br/>
+Nous, qu&rsquo;un contraire flot, ou un secret rocher<br/>
+Ne vienne vôtre nef à l&rsquo;impourveu toucher.<br/>
+Mais un point entre nous met de la difference,<br/>
+C&rsquo;est que vous allez voir les beautez de la France,<br/>
+Un royaume enrichi depuis les siecles vieux<br/>
+De tout ce que le monde a de plus precieux:<br/>
+Et nous comme perdus parmi la gent Sauvage<br/>
+Demeurons étonnez sur ce marin rivage,<br/>
+Privez du doux plaisir &amp; du contentement<br/>
+Que là vous recevrez dés votre avenement.<br/>
+<br/>
+Que di-je, je me trompe, en ce lieu solitaire,<br/>
+L&rsquo;homme juste a dequoy à soy-méme complaire,<br/>
+Et admirer de Dieu la haute Majesté,<br/>
+S&rsquo;il en veut contempler l&rsquo;agreable beauté<br/>
+Car qu&rsquo;on aille rodant toute la terre ronde,<br/>
+Et qu&rsquo;on furette tous les cachotz du monde,<br/>
+On ne trouvera rien si beau, ne si parfait<br/>
+Que l&rsquo;aspect de ce lieu ne passe d&rsquo;un long trait.<br/>
+Y desirez-vous voir une large campagne?<br/>
+La mer de toutes parts ses moites rives baigne.<br/>
+Y desirez-vous voir des coteaux alentour?<br/>
+C&rsquo;est ce qui de ce lieu rent plus beau le sejour.<br/>
+Y voulez-vous avoir le plaisir de la chasse?<br/>
+Un monde de forêts de toutes parts l&rsquo;embrasse.<br/>
+Voulez-vous des oiseaux avoir la venaison?<br/>
+Par bendes ils y sont chacun en sa saison.<br/>
+Cherchez-vous changement en votre nourriture?<br/>
+La mer abondamment vous fournit de pâture.<br/>
+Aymez-vous des ruisseaux le doux gazouillement<br/>
+Les côtaux enlassés en versent largement.<br/>
+Cherchez-vous le plaisir des verdoyantes iles?<br/>
+Ce Port en contient deux capables de deux villes.<br/>
+Aymez-vous d&rsquo;un Echo la babillarde voix?<br/>
+Ici peut un Echo répondre trente-fois.<br/>
+Car lors que du Canon le tonnerre y bourdonne<br/>
+Trente-fois alentour le méme coup resonne,<br/>
+Et semble au tremblement que Megere à l&rsquo;envers<br/>
+Soit préte d&rsquo;écrouler tout ce grand Univers.<br/>
+Aymez-vous voir le cours des rivieres profondes?<br/>
+Trois rendent à ce lieu le tribut de leurs ondes,<br/>
+Dont l&rsquo;Equille ayant eu plus de terre en son lot,<br/>
+Elle se porte aussi d&rsquo;un orgueilleux flot,<br/>
+Et préques assourdit de son bruiant orage<br/>
+Non le Stadisien, mais ce peuple Sauvage.<br/>
+Bref, contre l&rsquo;ennemi voulez-vous estre fort?<br/>
+Ce lieu rien que du Ciel ne redoute l&rsquo;effort.<br/>
+Car de deux boulevers Nature a son entrée<br/>
+Si dextrement muni, que toute la contrée<br/>
+Peut à l&rsquo;abri d&rsquo;iceux reposer seurement,<br/>
+Et en toute saison vivre joyeusement.<br/>
+<br/>
+Le blé te manque encore, &amp; le fruit de la vigne<br/>
+Pour faire son renom par l&rsquo;univers insigne.<br/>
+Mais si le Tout-poussant benit nôtre labeur<br/>
+En bref tu sentiras la celeste faveur<br/>
+En ton sein decouler ainsi qu&rsquo;une rousée<br/>
+Qui tombe doucement sur la terre embrasée<br/>
+Au milieu de l&rsquo;eté. Que si on n&rsquo;a encore<br/>
+De tes veines tiré la riche mine d&rsquo;or,<br/>
+L&rsquo;argent, l&rsquo;airain, le fer que tes forêts épesses<br/>
+Gardent comme en depos sont de belles richesses<br/>
+Pour le commencement, &amp; peut estre qu&rsquo;un jour<br/>
+Sera la mine d&rsquo;or découverte à son tour.<br/>
+Mais c&rsquo;est ores assez que tu nous puisse rendre<br/>
+Et du blé &amp; du vin, pour apres entreprendre<br/>
+Un vol plus elevé (car le bord de tes eaux<br/>
+Peut fournir de pature à mille grans troupeaux)<br/>
+Et de villes batir, des maisons, &amp; bourgades,<br/>
+Qui servent de retraite aux Françoises peuplades,<br/>
+Et pour changer les moeurs de cette nation<br/>
+Qui vit sans Dieu, sans loy, &amp; sans religion.<br/>
+<br/>
+O trois-fois Tout-puissant, ô grand Dieu que j&rsquo;adore<br/>
+Ores que ton Soleil envoye son Aurore<br/>
+Sur cette terre ici, ne vueille plus tarder,<br/>
+Vueilles d&rsquo;un oeil piteux ce peuple regarder,<br/>
+Qui languit attendant ta parfaite lumiere<br/>
+Trop prolongeant, helas! sa divine carriere.<br/>
+<br/>
+DU PONT dont la vertu vole jusques aux cieux<br/>
+Pour avoir sceu domter d&rsquo;un coeur audacieux<br/>
+En ces difficultés mille maux, mille peines,<br/>
+Qui pouvoient souz le faix accraventer tes veines,<br/>
+Ayant esté ici laissé pour conducteur<br/>
+A ceux-là qui poussez d&rsquo;une pareille ardeur<br/>
+Ont aussi soutenu en la Nouvelle-France<br/>
+De leur propre maison la dure &amp; longue absence;<br/>
+Si-tot que tu verras la face de ton Roy<br/>
+Di lui que ses ayeuls pour la Chrétienne loy<br/>
+Ont jadis triomphé dedans la Palestine,<br/>
+Et courageusement de la gent Sarazine<br/>
+Repoussé la fureur és Memphitiques bors,<br/>
+Et pour la méme cause ont exposé leurs corps<br/>
+Au gré des vents, des flots, d&rsquo;une maratre terre,<br/>
+Et au guerrier hazard du sanglant cimeterre:<br/>
+Qu&rsquo;ici à peu de frais, sans qu&rsquo;un robuste bras<br/>
+Rougisse au sang humain le meurtrier coutelas,<br/>
+Il se peut acquerir une gloire semblable.<br/>
+Laquelle à sa grandeur sera plus proufitable.<br/>
+<br/>
+Allez doncques, vogués, ô genereux François,<br/>
+Cependant que plus loin vers les Armouchiquois<br/>
+Les voiles nes tendons, pour outre Mallebarre<br/>
+Rechercher quelque Port qui nous serve de barre<br/>
+Soit pour nous opposer à un fort ennemi,<br/>
+Ou pour y recevoir seurement nôtre ami,<br/>
+Et la méme éprouver si la Nouvelle-France<br/>
+A noz travaux rendra selon notre esperance.<br/>
+<br/>
+Neptune, si jamais tu as favorisé<br/>
+Ceux qui dessus tes eaux leurs vies ont usé;<br/>
+Vray Neptune, fay nous chacun où il desire<br/>
+A bon port arriver, afin que ton Empire<br/>
+Soit par-deça connu en maintes regions,<br/>
+Et bien-tot frequenté de toutes nations.</p>
+</div>
+
+</div><!--end chapter-->
+
+<div class="chapter">
+
+<div class="fig" style="width:100%;">
+<img src="images/fig04.jpg" width="600" height="132" alt="[Illustration]" />
+</div>
+
+<h2>LE THEATRE<br/>
+DE NEPTUNE EN LA</h2>
+
+<p class="center">
+<span class="big4">NOUVELLE-FRANCE</span></p>
+
+<p>
+<i>Representé sur les flots du Port Royal le quatorzieme de Novembre
+mille six cens six, au retour du Sieur de Poutrincourt du païs des
+Armouchiquois.</i>
+</p>
+
+<p>Neptune commence revetu d&rsquo;un voile de couleur bleuë, &amp; de brodequins,
+ayant la chevelure &amp; la barbe longues &amp; chenuës, tenant son Trident en
+main, assis sur son chariot paré de ses couleurs: ledit chariot trainé
+sur les ondes par six Tritons jusques à l&rsquo;abord de la chaloupe où
+s&rsquo;estoit mis ledit Sieur de Poutrincourt &amp; ses gens sortant de la barque
+pour venir à terre. Lors la dite chaloupe accrochée, Neptune commence
+ainsi.</p>
+
+<p class="mid"><span class="big4">NEPTUNE.</span></p>
+<div class="i20">
+<p class="noindent"><span class="lef"><img alt="" src="images/figA.jpg" width="100" height="103" /></span>RRETE, Sagamos, arrete toy ici,<br/>
+Et regardes un Dieu qui a de toy souci.<br/>
+Si tu ne me connois, Saturne fut mon pere<br/>
+Je suis de Jupiter &amp; de Pluton le frere<br/>
+Entre nous trois jadis fut parti l&rsquo;univers,<br/>
+Jupiter eut le ciel, Pluton eut les Enfers,<br/>
+Et moy plus hazardeux eu la mer en partage,<br/>
+Et le gouvernement de ce moite heritage.<br/>
+NEPTUNE c&rsquo;est mon nom, Neptune l&rsquo;un des Dieux<br/>
+Qui a plus de pouvoir souz la voute des cieux.<br/>
+<br/>
+Si l&rsquo;homme veut avoir une heureuse fortune<br/>
+Il lui faut implorer le secours de Neptune<br/>
+Car celui qui chez soy demeure cazanier<br/>
+Merite seulement le nom de cuisinier.<br/>
+<br/>
+Je fay que le Flameng en peu de temps chemine<br/>
+Aussi-tot que le vent jusque dedans la Chine.<br/>
+Je say que l&rsquo;homme peut, porté dessus mes eaux,<br/>
+D&rsquo;un autre pole voir les inconnuz flambeaux,<br/>
+Et les bornes franchir de la Zone torride,<br/>
+Où bouillonnent les flots de l&rsquo;element liquide.<br/>
+Sans moy le Roy François d&rsquo;un superbe elephant<br/>
+N&rsquo;eust du Persan receu le present triumphant:<br/>
+Et encores sans moy onc les François gendarmes<br/>
+Es terres du Levant n&rsquo;eussent planté leurs armes.<br/>
+Sans moy le Portugais hazardeux sur mes flots<br/>
+Sans renom croupiroit dans ses rives enclos,<br/>
+Et n&rsquo;auroit enlevé les beautez de l&rsquo;Aurore<br/>
+Que le monde insensé folatrement adore.<br/>
+Bref sans moly le marchant, pilote, marinier<br/>
+Seroit en sa maison comme dans un panier<br/>
+Sans à-peine pouvoir sortir de sa province.<br/>
+Un Prince ne pourroit secourir l&rsquo;autre Prince<br/>
+Que j&rsquo;auroy separé de mes profondes eaux.<br/>
+Et toy même sans moy apres tant d&rsquo;actes beaux<br/>
+Que tu as exploités en la Françoise guerre,<br/>
+N&rsquo;eusses eu le plaisir d&rsquo;aborder cette terre.<br/>
+C&rsquo;est moy qui sur mon dos ay tes vaisseaux porté<br/>
+Quand de me visiter tu as eu volonté<br/>
+Et nagueres encor c&rsquo;est moy que de la Parque<br/>
+Ay cent fois garenti toy, les tiens&amp; ta barque.<br/>
+Ainsi je veux toujours seconder tes desseins,<br/>
+Ainsi je ne veux point que tes effortz soient vains,<br/>
+Puis que si constamment tu as eu le courage,<br/>
+De venir si loin rechercher ce rivage,<br/>
+Pour établir ici un Royaume François,<br/>
+Et y faire garder mes statuts &amp; mes loix.<br/>
+<br/>
+Par mon sacré Trident, par mon sceptre je jure<br/>
+Que de favoriser ton projet j&rsquo;auray cure,<br/>
+Et oncques je n&rsquo;auray en moy-méme repos<br/>
+Qu&rsquo;en tout cet environ je ne voye mes flots<br/>
+Ahanner souz le faix de dix milles navires.<br/>
+Que facent d&rsquo;un clin d&rsquo;oeil tout ce que tu desires.<br/>
+<br/>
+Va donc heureusement, &amp; poursui ton chemin<br/>
+Où le sort te conduit: car je voy le destin<br/>
+Preparer à la France un florissant Empire<br/>
+En ce monde nouveau, qui bien loin fera bruire<br/>
+Le renom immortel de De Monts &amp; de toy<br/>
+Souz le regne puissant de HENRY vôtre Roy.</p>
+</div>
+<hr />
+
+<p>Neptune ayant achevé, une trompete commence à éclater hautement &amp;
+encourager les Tritons à faire de méme. Ce pendant le sieur de
+Poutrincourt tenoit son epée en main, laquelle il ne remit point au
+fourreau jusques à ce que les Tritons eurent prononcé comme s&rsquo;ensuit.</p>
+
+<p class="mid"><span class="big4">PREMIER TRITON.</span></p>
+
+<div class="i20">
+<p>Tu peux (grand Sagamos) tu peux te dire heureux<br/>
+Puis qu&rsquo;un Dieu te promet favorable assistance<br/>
+En l&rsquo;affaire important que d&rsquo;un coeur vigoureux<br/>
+Hardi tu entreprens, forçant la violence<br/>
+D&rsquo;Æole, qui toujours inconstant &amp; leger,<br/>
+Tantot adesquidés (ami), tantot poussé d&rsquo;envie,<br/>
+Veut te precipiter, &amp; les tiens au danger.<br/>
+<br/>
+Neptune est un grand Dieu, qui cette jalousie<br/>
+Fera comme fumee en l&rsquo;air évanouïr:<br/>
+Et nous ses postillons, malgré l&rsquo;effort d&rsquo;Æole,<br/>
+Ferons toutes parts de ton courage ouïr<br/>
+Le renom, qui des-ja en toutes terres vole.</p>
+</div>
+
+<p class="mid"><span class="big4">DEUXIEME TRITON.</span></p>
+
+<div class="i20">
+<p>Si Jupiter est Roy és cieux<br/>
+Pour gouverner ça bas les hommes,<br/>
+Neptune aussi l&rsquo;est en ces lieux<br/>
+Pour méme effect; &amp; nous qui sommes,<br/>
+Ses suppos, avons grand desir<br/>
+De voir le temps &amp; la journée<br/>
+Qu&rsquo;ayes de tes travaux plaisir<br/>
+Apres ta course terminée,<br/>
+Afin qu&rsquo;en ces côtes ici<br/>
+Bien-tot retentisse la gloire<br/>
+Du puissant Neptune: &amp; qu&rsquo;ainsi<br/>
+Tu eternises ta memoire.</p>
+</div>
+
+<p class="mid"><span class="big4">TROISIEME TRITON.</span></p>
+
+<div class="i20">
+<p>France, tu as occasion<br/>
+De louer la devotion<br/>
+De tes enfans dont le courage<br/>
+Se montre plus grand en cet age<br/>
+Qu&rsquo;il ne fit onc és siecles vieux,<br/>
+Estans ardemment curieux<br/>
+De faire éclater tes louanges<br/>
+Jusques aux peuples plus étranges,<br/>
+Et graver ton los immortel<br/>
+Méme souz ce monde mortel.<br/>
+<br/>
+Ayde doncques &amp; favorise<br/>
+Une si louable entreprise,<br/>
+Neptune s&rsquo;offre à ton secours<br/>
+Qui les tiens maintiendra toujours<br/>
+Contre toute l&rsquo;humaine force,<br/>
+Si quelqu&rsquo;un contre toy s&rsquo;efforce.<br/>
+Il ne faut jamais rejetter<br/>
+Le bien qu&rsquo;un Dieu nous veut preter.</p>
+</div>
+
+<p class="mid"><span class="big4">QUATRIEME TRITON.</span></p>
+
+<div class="i20">
+<p>Celui qui point ne se hazarde<br/>
+Montre qu&rsquo;il a l&rsquo;ame coüarde<br/>
+Mais celui qui d&rsquo;un brave coeur<br/>
+Meprise des flots la fureur<br/>
+Pour un sujet rempli de gloire<br/>
+Fait à chacun aisément croire<br/>
+Que de courage &amp; de vertu,<br/>
+Il est tout ceint &amp; revetu,<br/>
+Et qu&rsquo;il ne veut que le silence<br/>
+Tienne son nom en oubliance.<br/>
+<br/>
+Ainsi ton nom (grand Sagamos)<br/>
+Retentira dessus les flots<br/>
+D&rsquo;or-en-vant, quand dessus l&rsquo;onde<br/>
+Tu decouvres ce nouveau monde,<br/>
+Et y plantes le nom François,<br/>
+Et la Majesté de tes Rois.</p>
+</div>
+
+<p class="mid"><span class="big4">CINQUIEME TRITON.</span></p>
+
+<p>Un Gascon prononça ces vers à peu prés en sa langue.</p>
+
+<div class="i20">
+<p>Sabets aquo que volio diro,<br/>
+Aqueste Neptune bieillart<br/>
+L&rsquo;autre jou faisio des bragart,<br/>
+Et comme un bergalant se miro.<br/>
+<br/>
+N&rsquo;agaires que faisio l&rsquo;amou,<br/>
+Et baisavo une jeune hillo<br/>
+Qu&rsquo;ero plan polide &amp; gentillo,<br/>
+Et la cerquavo quadejou.<br/>
+<br/>
+Bezets, ne vous fizets pas trop<br/>
+En aquels gens de barbos grisos,<br/>
+Car en aqueles entreprisos<br/>
+Els ban lou trot &amp; lou galop.</p>
+</div>
+
+<p class="mid"><span class="big4">SIXIEME TRITON.</span></p>
+
+<div class="i20">
+<p>Vive HENRY le grand Roy des François<br/>
+Qui maintenant fait vivre souz ses loix<br/>
+Les nations de sa Nouvelle-France,<br/>
+Et souz lequel nous avons esperance<br/>
+De voir bien-tot Neptune reveré<br/>
+Autant ici qu&rsquo;onq&rsquo; il fut honoré<br/>
+Par ses sujets sur le Gaullois rivage,<br/>
+Et en tus lieux où le brave courage<br/>
+De leur ayeuls jadis les a porté.<br/>
+Neptune aussi fera de son côté<br/>
+Que leurs neveux s&rsquo;employans sans feintise<br/>
+A l&rsquo;ornement de leur belle entreprise<br/>
+Tous leurs desseins il favorisera,<br/>
+Et prosperer sur ses eaux il fera.</p>
+</div>
+
+<hr />
+
+<p>Cela fait, Neptune s&rsquo;équarte un petit pour faire place à un canot, dans
+lequel estoient quatre Sauvages, qui s&rsquo;approcherent apportans chacun un
+present audit sieur de Poutrincourt.</p>
+
+<p class="mid"><span class="big4">PREMIER SAUVAGE.</span></p>
+
+<p>Le premier Sauvage offre un quartier d&rsquo;Ellan ou Orignac, disant ainsi:</p>
+
+<div class="i20">
+<p>De la part des peuples sauvages<br/>
+Qui environnent ces païs<br/>
+Nous venons rendre les homages<br/>
+Duez aux sacrées Fleur-de-lis<br/>
+Es mains de toy, qui de ton Prince<br/>
+Representes la Majesté,<br/>
+Attendans que cette province<br/>
+Faces florir en pieté,<br/>
+En moeurs civils, &amp; toute chose<br/>
+Qui sert à l&rsquo;établissement<br/>
+De ce qui est beau, &amp; repose<br/>
+En un Royal gouvernement,<br/>
+Sagamos, si en nos services<br/>
+Tu as quelque devotion,<br/>
+A toy en faisons sacrifices<br/>
+Et à ta generation.<br/>
+<br/>
+Noz moyens sont un peu de chasse<br/>
+Que d&rsquo;un coeur entier nous t&rsquo;offrons,<br/>
+Et vivre toujours en ta grace<br/>
+C&rsquo;est tout ce que nous desirons.</p>
+</div>
+
+<p class="mid"><span class="big4">DEUXIEME SAUVAGE.</span></p>
+
+<p>Le deuxiesme Sauvage tenant son arc &amp; sa fleche en main, donne pour son
+present des peaux de Castors, disant:</p>
+
+<div class="i20">
+<p>Voici la main, l&rsquo;arc, &amp; la fleche<br/>
+Qui ont fait la mortele breche<br/>
+En l&rsquo;animal de qui la peau<br/>
+Pourra servir d&rsquo;un bon manteau<br/>
+(Grand Sagamos) à ta hautesse.<br/>
+<br/>
+Reçoy donc de ma petitesse<br/>
+Cette offrande qu&rsquo;à ta grandeur<br/>
+J&rsquo;offre du meilleur de mon coeur.</p>
+</div>
+
+<p class="mid"><span class="big4">TROISIEME SAUVAGE.</span></p>
+
+<p>Le troisieme Sauvage offre des <i>Matachiaz</i>, c&rsquo;est à dire, echarpes, &amp;
+brasselets faits de la main de sa maitresse, disant:</p>
+
+<div class="i20">
+<p>Ce n&rsquo;est seulement en France<br/>
+Que commande Cupidon<br/>
+Mais en la Nouvelle-France,<br/>
+Comme entre vous, son brandon<br/>
+S&rsquo;allume; &amp; de ses flammes<br/>
+Il rotit noz pauvres ames,<br/>
+Et fait planter le bourdon.<br/>
+<br/>
+Ma maitresse ayant nouvelle<br/>
+Que tu devois arriver,<br/>
+M&rsquo;a dit que pour l&rsquo;amour d&rsquo;elle<br/>
+J&rsquo;eusse à te venir trouver,<br/>
+Et qu&rsquo;offrande je te fisse<br/>
+De ce petit exercice<br/>
+Que sa main à sceu ouvrer.<br/>
+<br/>
+Reçoy doncques d&rsquo;allegresse<br/>
+Ce present que je t&rsquo;adresse<br/>
+Tout rempli de gentillesse<br/>
+Pour l&rsquo;amour de ma maitresse<br/>
+Qui est ores en detresse<br/>
+Et n&rsquo;aura point de liesse<br/>
+Si d&rsquo;une prompte vitesse<br/>
+Je ne lui di la caresse<br/>
+Que m&rsquo;aura fait ta hautesse.</p>
+</div>
+
+<p class="mid"><span class="big4">QUATRIEME SAUVAGE</span></p>
+
+<p>Le quatrième Sauvage n&rsquo;ayant heureusement chassé par les bois, se
+presente avec un harpon en main, &amp; apres ses excuses faites, dit qui
+s&rsquo;en va à la pèche.</p>
+
+<div class="i20">
+<p>SAGAMOS, pardonne moy<br/>
+Si je viens en telle sorte,<br/>
+Si me presentant à toy<br/>
+Quelque present je n&rsquo;apporte.<br/>
+Fortune n&rsquo;est pas toujours<br/>
+Aux bons chasseurs favorables,<br/>
+C&rsquo;est pourquoy ayant recours<br/>
+A un maitre plus traitable,<br/>
+Apres avoir maintefois<br/>
+Invoqué cette Fortune<br/>
+Brossant par l&rsquo;epée des bois,<br/>
+Je m&rsquo;en vay suivre Neptune,<br/>
+<br/>
+Que Diane en ses foréts<br/>
+Ceux qu&rsquo;elle voudra caresse,<br/>
+Je n&rsquo;ay que trop de regrets<br/>
+D&rsquo;avoir perdu ma jeunesse<br/>
+A la suivre par les vaux,<br/>
+Avecque mille travaux,<br/>
+Souz des esperances vaines.<br/>
+<br/>
+Maintenant je m&rsquo;en vay voir<br/>
+Par cette côte marine<br/>
+Si je pourray point avoir<br/>
+Dequoy fournir ta cuisine:<br/>
+Et cependant si tu as<br/>
+Quelque part en ta chaloupe<br/>
+Un peu de caradonas, (pain)<br/>
+Fournis-en moy &amp; ma troupe.</p>
+</div>
+
+<hr />
+
+<p>Apres que Neptune eut esté remercié par le sieur de Poutrincourt de ses
+offres au bien de la France, les Sauvages le furent semblablement de
+leur bonne volonté &amp; devotion, &amp; invitez de venir au fort Royal prendre
+du <i>caracona</i>. A l&rsquo;instant la troupe de Neptune chante en Musique à
+quatre parties ce qui s&rsquo;ensuit.</p>
+
+<div class="i20">
+<p>Vray Neptune donne nous<br/>
+Contre tes flots asseurance,<br/>
+Et fay que nous puissions tous<br/>
+Un jour nous revoir en France.</p>
+</div>
+
+<p>La musique achevée, la trompete sonne derechef, &amp; chacun prent sa route
+diversement: les Canons bourdonnent de toutes parts, &amp; semble à ce
+tonnerre que Proserpine soit en travail d&rsquo;enfant: ceci causé par la
+multiplicité des Echoz que les côtaux s&rsquo;envoient les uns aux autres,
+lesquels durent plus d&rsquo;un quart d&rsquo;heure.</p>
+
+<p>Le sieur de Poutrincourt arrivé prés du Fort Royal, un compagnon de
+gaillarde humeur qui l&rsquo;attendoit de pié ferme, dit ce qui s&rsquo;ensuit:</p>
+
+<div class="i20">
+<p>Apres avoir long temps (Sagamos) desiré<br/>
+Ton retour en ce lieu, en fin le ciel iré<br/>
+A eu pitié de nous, &amp; nous montrant ta face,<br/>
+Il nous a fait paroitre une incroyable grace.<br/>
+<br/>
+Sus doncques, rotisseurs, depensiers, cuisiniers,<br/>
+Marmitons, patissiers, fricasseurs, taverniers,<br/>
+Mettez dessus dessouz pots &amp; plats &amp; cuisine,<br/>
+Qu&rsquo;on baille à ces gens ci chacun sa quarte pleine,<br/>
+Je les voy alterez sicut terra sine aqua.<br/>
+Garson depeche toy, baille à chacun son K.<br/>
+Cuisiniers, ces canars sont ils point à la broche?<br/>
+Qu&rsquo;on tuë ces poulets, que cette oye on embroche,<br/>
+Voici venir à nous force bons compagnons<br/>
+Autant deliberez des dents que des roignons.<br/>
+Entrez dedans Messieurs, pour votre bien-venuë,<br/>
+Qu&rsquo;avant boire chacun hautement éternuë,<br/>
+A fin de decharger toutes froides humeurs<br/>
+Et remplir voz cerveaux de plus douces vapeurs.</p>
+</div>
+
+<p>Je prie le Lecteur excuser si ces rhimes ne sont si bien limées que les
+homme delicats pourroient desirer. Elles ont esté faites à la hate. Mais
+neantmoins je les ay voulu inserer ici, tant pour ce que&rsquo;elles servent à
+nôtre Histoire, que pour montrer que nous vivions joyeusement. Le
+surplus de cette action se peut voir à la fin du chap. 16, liv. 4 de mon
+Histoire de la Nouvelle France.</p>
+
+<hr />
+
+</div><!--end chapter-->
+
+<div class="chapter">
+
+<h2>A-DIEU<br/>
+A LA NOUVELLE-FRANCE<br/>
+Du 30 Juillet 1607.</h2>
+
+<div class="i20">
+<p class="noindent"><span class="lef"><img alt="" src="images/figF.jpg" width="100" height="100" /></span>AUT-il abandonner les beautez de ce lieu,<br/>
+Et dire au Port Royal un eternel Adieu?<br/>
+Serons-nous donc toujours accusez d&rsquo;inconstance<br/>
+En l&rsquo;établissement d&rsquo;une Nouvelle-France?<br/>
+Que nous sert-il d&rsquo;avoir porté tant de travaux,<br/>
+Et des flots irritez combattu les assaux,<br/>
+Si notre espoir est vain, &amp; si cette province<br/>
+Ne flechit souz les loix de HENRY notre Prince?<br/>
+Que vous servit-il d&rsquo;avoir jusques ici<br/>
+Fait des frais inutils, si vous n&rsquo;avez souci<br/>
+de recuillir le fruit d&rsquo;une longue depense,<br/>
+Et l&rsquo;honneur immortel de votre patience?<br/>
+Ha que j&rsquo;ay de regrets que ne sçavez pas<br/>
+De cette terre ici les attrayans appas.<br/>
+Et bien que le Flamen vous ait fait une injure,<br/>
+L&rsquo;injure bien souvent se rend avec usure.<br/>
+Il faut doncques partir, il faut appareiller,<br/>
+Et au port Sainct-Malo aller l&rsquo;ancre mouiller.<br/>
+<br/>
+PERE DE L&rsquo;UNIVERS, qui commandes aux ondes,<br/>
+Et qui peux assecher les mers les plus profondes,<br/>
+Donne nous de franchir les abymes des eaux<br/>
+Dont tu as separé tous ces peuples nouveaux<br/>
+Des peuples baptizés, &amp; sans aucun naufrage<br/>
+Du royaume François voir bien-tot le rivage.<br/>
+<br/>
+Adieu donc beaux coteaux &amp; montagnes aussi,<br/>
+Qui d&rsquo;un double rempar ceignez ce Port ici.<br/>
+Adieu vallons herbus que le flot de Neptune<br/>
+Va baignant largement deux fois à chaque lune,<br/>
+Et au gibier aussi, qui pour trouver pâture<br/>
+Y vient de tous cotez tant qu&rsquo;il y a verdure.<br/>
+Adieu mon doux plaisir fonteines &amp; ruisseaux,<br/>
+Qui les vaux &amp; les monts arrousez de vos eaux.<br/>
+Pourray-je t&rsquo;oublier belle ile forètiere<br/>
+Riche honneur de ce lieu &amp; de cette riviere?<br/>
+Je prise de ta soeur les aimables beautés,<br/>
+Mais je prise encor plus tes singularités.<br/>
+Car comme il est séant que celui qui commande<br/>
+Porte une Majesté plus auguste &amp; plus grande<br/>
+Que son inferieur; ainsi pour commander<br/>
+Tu as le front haussé qui te fait regarder.<br/>
+A l&rsquo;environ de toy une ondoyante plaine,<br/>
+Et la terre alentour sujette à ton domaine<br/>
+Tes rives sont des rocs, soit pour tes batimens,<br/>
+Soit pour d&rsquo;une cité jetter les fondemens.<br/>
+Ce sont en autres parts une menuë arene,<br/>
+Où mille fois le jour mon esprit se pourmene.<br/>
+Mais parmi tes beautés j&rsquo;admire un ruisselet<br/>
+Qui foule doucement l&rsquo;herbage nouvelet<br/>
+D&rsquo;un vallon que se baisse au creux de ta poitrine,<br/>
+Precipitant son cours dedans l&rsquo;onde marine.<br/>
+Ruisselet qui cent fois de ses eaux m&rsquo;a tenté,<br/>
+Sa grace me forçant lui prèter le côté.<br/>
+Ayant dont tout cela, Ile haute &amp; profonde,<br/>
+Ile digne sejour du plus grand Roy du monde,<br/>
+Ayant di-je, cela, qu&rsquo;est-ce que te defaut.<br/>
+A former pardeça la cité qu&rsquo;il nous faut,<br/>
+Sinon d&rsquo;avoir prés soy un chacun sa mignone<br/>
+En la sorte que Dieu &amp; l&rsquo;Eglise l&rsquo;ordonne?<br/>
+Car ton terroir est bon &amp; fertile &amp; plaisant,<br/>
+Et oncques son culteur n&rsquo;en sera deplaisant.<br/>
+Nous en pouvons parler, qui de mainte semence<br/>
+Y jettée, en avons certaine experience.<br/>
+Que puis-je dire encor digne de ton beau los?<br/>
+Qu&rsquo;adjouteray-je ici que dedans ton enclos<br/>
+Se trouvent largement produits par la Nature<br/>
+Framboises, fraises, pois, sans aucune culture?<br/>
+Ou bien diray-je encor tes verdoyans lauriers,<br/>
+Tes Simples inconus, tes rouges grozeliers?<br/>
+Non, mais tant seulement sans sortir tes limites,<br/>
+Ici je toucheray les nombreux exercices<br/>
+Des peuples écaillez qui viennent chaque jour,<br/>
+Suivans le train du flot te donner le bon-jour.<br/>
+<br/>
+Si-tot que du Printemps la saison renouvelle<br/>
+L&rsquo;Eplan vient à foison, qui t&rsquo;apporte nouvelle<br/>
+Que Phoebus elevé dessus ton horizon<br/>
+A chassé loin de toy l&rsquo;hivernale saison.<br/>
+Le Haren vient apres avecque telle presse<br/>
+Que seul il peut remplir un peuple de richesse.<br/>
+Mes yeux en sont témoins, &amp; les vostres aussi<br/>
+Qui de nôtre pature avés eu le souci,<br/>
+Quand, ailleurs occupez, vôtre main diligente<br/>
+Ne pouvoit satisfaire à la chasse plaisante<br/>
+Qu&rsquo;envoyoit en voz rets l&rsquo;ecluse d&rsquo;un moulin.<br/>
+Le Bar suit par-apres du Haren le chemin.<br/>
+Et en un méme temps la petite Sardine,<br/>
+La Crappe, &amp; le Houmar, suit la côte marine<br/>
+Pour un semblable effect; le Dauphin, l&rsquo;Eturgeon<br/>
+Y vient parmi la foule avecque le Saumon,<br/>
+Comme font le Turbot, le Pounamou, l&rsquo;Anguille,<br/>
+L&rsquo;Alose, le Fletan, &amp; la Loche, &amp; l&rsquo;Equille:<br/>
+Equille qui, petite, as imposé le nom<br/>
+A ce fleuve de qui je chante le renom.<br/>
+Mais ce n&rsquo;est ici tout, car tu as davantage<br/>
+De peuples qui te font par chacun jour homage,<br/>
+Le Colin, le Joubar, l&rsquo;Encornet, le Crapau,<br/>
+Le Marsoin, le Souffleur, l&rsquo;Oursin le Macreau,<br/>
+Tu as le Loup-marin, qui en troupe nombreuse<br/>
+Se vautre au clair du jour sur ta vase bourbeuse,<br/>
+Tu as le Chien, la Plie, &amp; mille autres poissons<br/>
+Que je ne conoy point, de tes eaux nourrisons.<br/>
+Tairay-je la Moruë heureusement feconde,<br/>
+Qui par tout cette mer en toutes parts abonde?<br/>
+Moruë si tu n&rsquo;es de ces mets delicats<br/>
+Dont les hommes frians assaisonnent leurs plats,<br/>
+Je diray toutefois que de toy se sustente<br/>
+Prèque tout l&rsquo;Univers. O que sera contente<br/>
+Celle personne un jour, qui à sa porte aura<br/>
+Ce qu&rsquo;un monde eloigné d&rsquo;elle recherchera!<br/>
+Belle ile tu as donc à foison cette manne,<br/>
+Laquelle j&rsquo;ayme mieux que de la Taprobane<br/>
+Les beautez que lon feint dignes des bien-heureux<br/>
+Qui vont buvans des Dieux le Nectar savoureux.<br/>
+Et pour montrer encor ta puissance supreme,<br/>
+La Baleine t&rsquo;honore &amp; te vient elle-méme<br/>
+Saluer chacun jour, puis l&rsquo;ebe la conduit<br/>
+Dans le vague Ocean où elle a son deduit.<br/>
+De ceci je rendray fidele temoignage,<br/>
+L&rsquo;ayant veu mainte fois voisiner ce rivage,<br/>
+Et à l&rsquo;aise nouer parmi ce port ici.<br/>
+<br/>
+Mais tous ces animaux, mais tous ces peuples ci<br/>
+S&rsquo;écartent quand Phoebus veut approcher la borne<br/>
+Du celeste manoir, où git le Capricorne,<br/>
+Et vont chercher l&rsquo;abri du profond de Thetys,<br/>
+Ou d&rsquo;un terroir plus doux vont souvans le pâtis.<br/>
+Seulement pres de toy en cette saison dure<br/>
+La Palourde, la Coque, &amp; la Moule demeure<br/>
+Pour sustenter celui qui n&rsquo;aura de saison<br/>
+(Ou pauvre, ou paresseux) fait aucune moisson,<br/>
+Tel que ce peuple ici qui n&rsquo;a cure de chasse<br/>
+Jusqu&rsquo;à ce que la faim le contraigne&amp; pourchasse,<br/>
+Et le temps n&rsquo;est toujours favorable au chasseur.<br/>
+Qui ne souhaite point d&rsquo;un beau temps la douceur,<br/>
+Mais une forte glace, ou des neges profondes,<br/>
+Quand le Sauvage veut tirer du fond des ondes<br/>
+L&rsquo;industrieux Castor (qui sa maison batit<br/>
+Sur la rive d&rsquo;un lac, où il dresse son lict<br/>
+Vouté d&rsquo;une façon aux hommes incroyable,<br/>
+Et plus que noz palais mille fois admirable,<br/>
+Y laissant vers le lac un conduit seulement<br/>
+Pour s&rsquo;aller égayer souz l&rsquo;humide element)<br/>
+Ou quand il veut quéter parmi les bois le gite<br/>
+Soit du Royal Ellan, soit du Cerf au pié vite,<br/>
+Du Lapin, du Renart, du Caribou, de l&rsquo;Ours,<br/>
+De l&rsquo;Ecureu, du loutre à peau-de-velours<br/>
+Du Porc-epic du Chat qu&rsquo;on appelle sauvage,<br/>
+(Mais qui du Leopart ha plustot le corpsage)<br/>
+De la Martre au doux poil dont se vétent les Rois,<br/>
+Ou du Rat porte-muse, tous hôtes de ces bois,<br/>
+Ou de cet animal qui tout chargé de graisse<br/>
+De hautement grimper ha la subtile addresse,<br/>
+Sur un arbre elevé sa loge batissant<br/>
+Pour decevoir celui qui le va pourchassant,<br/>
+Et vit par cette ruse en meilleure asseurance<br/>
+Ne craignant (ce lui semble) aucune violence,<br/>
+Nibachés est son nom. Non que sur le printemps<br/>
+Il n&rsquo;ait à cette chasse aussi son passe-temps.<br/>
+Mais alors du poisson la peche est plus certaine.<br/>
+<br/>
+Adieu donc je te dis, ile de beauté pleine,<br/>
+Et vous oiseaux aussi des eaux &amp; des forêts<br/>
+Qui serez les témoins de mes tristes regrets.<br/>
+Car c&rsquo;est à grand regret, &amp; je ne le puis taire,<br/>
+Que je quitte ce lieu, quoy qu&rsquo;assez solitaire.<br/>
+Car c&rsquo;est à grand regret qu&rsquo;ores ici je voy<br/>
+Ebranlé le sujet d&rsquo;y entrer nôtre Foy,<br/>
+Et du grand Dieu le nom caché souz le silence,<br/>
+Qui à ce peuple avoit touché la conscience.<br/>
+<br/>
+Aigles qui des hauts pins habitez les sommets,<br/>
+Puis qu&rsquo;à vous Jupiter a commis ses secrets,<br/>
+Allez dedans les cieux annoncer cette chose,<br/>
+Et combien de douleur j&rsquo;en ay en l&rsquo;ame enclose,<br/>
+Puis revenez soudain au Monarque François<br/>
+Lui dire le decret du puissant Roy des Roys.<br/>
+Car à lui est du ciel donné cet heritage,<br/>
+Afin que souz son nom ci-aprés en tout âge<br/>
+L&rsquo;Eternel soit ici sainctement adoré,<br/>
+Et de cent nations son grand nom reveré:<br/>
+Et pour mieux l&rsquo;emouvoir à cette chose faire,<br/>
+Par cent sortes de biens il l&rsquo;a voulu attraire,<br/>
+Ayant à noz labeurs fait selon noz désirs,<br/>
+Et iceux terminé de dix mille plaisirs.<br/>
+Car la terre ici n&rsquo;est telle qu&rsquo;un fol l&rsquo;estime,<br/>
+Elle y est plantureuse à cil qui sçait l&rsquo;escrime<br/>
+Du plaisant jardinage &amp; du labeur des champs.<br/>
+<br/>
+Et si tu veux encor des oiseaux les doux chants,<br/>
+Elle a le Rossignol, le Merle, la Linote,<br/>
+Et maint autre inconu, qui plaisamment gringote<br/>
+En la jeune saison. Si tu veux des oiseaux<br/>
+Qui se vont repaissans sur les rives des eaux,<br/>
+Elle a le Cormorant, la Mauve, Ma Mouette,<br/>
+L&rsquo;Outarde, le Heron, la Gruë, l&rsquo;Alouette,<br/>
+Et l&rsquo;Oye, et le Canart. Canart de six façons,<br/>
+Dont autant de couleurs sont autant d&rsquo;hameçons<br/>
+Qui ravissent mes yeux. Desires-tu encore<br/>
+De ces oiseaux chasseurs dont le Noble s&rsquo;honore?<br/>
+Elle a l&rsquo;Aigle, le Duc, le Faucon, le Vautour,<br/>
+Le Sacre, l&rsquo;Epervier, l&rsquo;Emerillon, l&rsquo;Autour,<br/>
+Et bref tous les oiseaux de haute volerie<br/>
+Et outre iceux encore une bende infinie<br/>
+Qui ne nous sont communs. Mais elle a le Courlis<br/>
+L&rsquo;Aigrette, le Coucou, la Becasse &amp; Mauvis,<br/>
+La Palombe, le Geay, le Hibou, l&rsquo;Hirondelle,<br/>
+Le Ramier, la Verdier, avec la Tourterelle,<br/>
+Le Beche-bois huppé, le lascif Passereau,<br/>
+La perdris bigarrée, &amp; aussi le Corbeau.<br/>
+<br/>
+Que diray-je plus? Quelqu&rsquo;un pourra-il croire<br/>
+Que Dieu méme ait voulu manifester sa gloire<br/>
+Creant un oiselet semblable au papillon<br/>
+(Du moins n&rsquo;excede point la grosseur d&rsquo;un grillon)<br/>
+Portant dessus son dos un vert-doré plumage,<br/>
+Et un teint rouge-blanc au surplus du corps-sage?<br/>
+Admirable oiselet, pourquoy donc, envieux,<br/>
+T&rsquo;es-tu cent fois rendu invisible à mes ieux,<br/>
+Lors que legerement me passant à l&rsquo;aureille<br/>
+Tu laissois seulement d&rsquo;un doux bruit la merveille?<br/>
+Je n&rsquo;eusse esté cruel à ta rare beauté,<br/>
+Comme d&rsquo;autres qui t&rsquo;ont mortellement traité,<br/>
+Si tu eusses à moy daigné te venir rendre.<br/>
+Mais quoy tu n&rsquo;as voulu à mon desir entendre.<br/>
+Je ne lairray pourtant de celebrer ton nom,<br/>
+Et faire qu&rsquo;entre nous tu sois de grand renom.<br/>
+Car je t&rsquo;admire autant en cette petitesse<br/>
+Que je fay l&rsquo;Elephant en sa vaste hautesse.<br/>
+Niridau c&rsquo;est ton nom que je ne veux changer<br/>
+Pour t&rsquo;en imposer un qui seroit étranger.<br/>
+Niridau oiselet delicat de nature,<br/>
+Qui de l&rsquo;abeille prent la tendre nourriture<br/>
+Pillant de noz jardins les odorantes fleurs,<br/>
+Et des rives des bois les plus rares douceurs.<br/>
+<br/>
+A ces hotes de l&rsquo;air pourray-je sans offense<br/>
+D&rsquo;un petit peuple ailé adjouter l&rsquo;excellence?<br/>
+Ce sont mouches, de qui sur le point de la nuit<br/>
+La brillante clarté parmi les bois reluit<br/>
+Voletans ça &amp; là d&rsquo;une presse si grande,<br/>
+Que du ciel etoilé la lumineuse bende<br/>
+Semble n&rsquo;avoir en soy plus d&rsquo;admiration.<br/>
+Faisant doncques ici commemoration<br/>
+Des beautez de ce lieu, il est bien raisonnable<br/>
+Que vous y teniez rang &amp; place convenable.<br/>
+<br/>
+Mais puis que ja desja noz voiles sont tendus,<br/>
+Et allons revoir ceux qui nous cuident perdus,<br/>
+Je dis encore Adieu à vous beaux jardinages,<br/>
+Qui nous avez cet an repeu de vos herbages,<br/>
+Voire aussi soulagé nôtre necessité<br/>
+Plus que l&rsquo;art de Pæon n&rsquo;a fait nôtre santé.<br/>
+Vous nous avez rendu certes en abondance<br/>
+Le fruit de noz labeurs selon notre semence.<br/>
+Hé que sera-ce donc s&rsquo;il arrive jamais<br/>
+(Ce qu&rsquo;il est de besoin qu&rsquo;on face desormais)<br/>
+Que la terre ici soit un petit mignardée,<br/>
+Et par humain travail quelquefois amendée?<br/>
+Qui croira que le segle,&amp; la chanve, &amp; le pois,<br/>
+Le chef d&rsquo;un jeune gars ait surpassé deux fois?<br/>
+Qui croira que le blé que l&rsquo;on appelle d&rsquo;Inde<br/>
+En cette saison-ci si hautement se guinde<br/>
+Qu&rsquo;il semble estre porté d&rsquo;insupportable orgueil<br/>
+Pour se rendre, hautain, aux arbrisseaux pareil?<br/>
+Ha que ce m&rsquo;est grand deuil de ne pouvoir attendre<br/>
+Le fruit qu&rsquo;en peu de temps vous promettiez nous rendre!<br/>
+Que ce m&rsquo;est grand émoy de ne voir la saison<br/>
+Quand ici meuriront la Courge, le Melon,<br/>
+Et le Cocombre aussi: &amp; suis en méme peine<br/>
+De ne voir point meuri mon Froment, mon Aveine<br/>
+Et mon Orge &amp; mon Mil, pois que le Souverain<br/>
+En ce petit travail m&rsquo;a beni de sa main.<br/>
+Et toutefois voici de ce mois le trentieme,<br/>
+Mois qui jadis estoit en ordre le cinquième<br/>
+<br/>
+Peuples de toutes parts qui estes loin d&rsquo;ici<br/>
+Ne vous emerveillez de cette chose ci,<br/>
+Et ne nous tenez point comme en region froide,<br/>
+Ce n&rsquo;est point ici Flandre, Ecosse, ni Suede,<br/>
+La mer ici ne gele, &amp; les froides saisons<br/>
+Ne m&rsquo;ont oncques forcé d&rsquo;y garder les tisons.<br/>
+Et si chez vous l&rsquo;eté plustot qu&rsquo;ici commence,<br/>
+Plustot vous ressentez de l&rsquo;hiver l&rsquo;inclemence.<br/>
+Mais tu restes encor, Poutrincourt attendant<br/>
+Que ta moisson soit préte: &amp; nous nous cependant<br/>
+Faisons voile à Campseau où t&rsquo;attent le navire<br/>
+Que de là doit tous en la France conduire.<br/>
+Cependant beaux epics meurissez vitement,<br/>
+Dieu le Dieu tout-puissant vous doint accroissement,<br/>
+Afin qu&rsquo;un jour ici retentisse sa gloire<br/>
+Lors que de ses bien-faits nous ferons la memoire.<br/>
+Entre lesquelz bien-faits nous conterons aussi<br/>
+Le soin qu&rsquo;il aura eu de prendre à sa merci<br/>
+Ces peuples vagabons qu&rsquo;on appelle Sauvages<br/>
+Hotes de ces forèts &amp; des marins rivages,<br/>
+Et cent peuples encor qui sont de tous côtez<br/>
+Au Su, à l&rsquo;Oest au Nort de pié-ferme arretez<br/>
+Qui aiment le travail, qui la terre cultivent,<br/>
+Et libres, de ses fruits plus contens que nous vivent,<br/>
+Mais en ce deplorable est leur condition,<br/>
+Que du siecle futur ilz n&rsquo;ont l&rsquo;instruction.<br/>
+<br/>
+Pourquoy, ô Tout-puissant, pourquoy donc cette race<br/>
+As-tu jusques ici rejetté de ta face,<br/>
+Et pourquoy laisses tu devorer à l&rsquo;enfer,<br/>
+Tant d&rsquo;humains qui devroient dessus lui triompher<br/>
+Veu qu&rsquo;ilz sont comme nous ton oeuvre &amp; ta facture,<br/>
+Et ont de toy receu nôtre fraile nature?<br/>
+Ouvre donc les thresors de tes compassions,<br/>
+Et verse dessus eux tes benedictions,<br/>
+Afin qu&rsquo;ilz soient bien-tot ton sacré heritage,<br/>
+Et chantent hautement tes bontés en tout âge.<br/>
+Si-tot que ton Soleil sur eux éclairera,<br/>
+Aussi-tot cet gent d&rsquo;adorer on verra.<br/>
+Temoins soient de ceci les propos veritables<br/>
+Que Poutrincourt tenoit avec ces miserables<br/>
+Quand il leur enseignoit notre Religion,<br/>
+Et souvent leur montroit l&rsquo;ardente affection<br/>
+Qu&rsquo;il avoit de les voir dedans la bergerie<br/>
+Que Christ a racheté par le pris de sa vie.<br/>
+Eux d&rsquo;autre part emeus clairement temoignoient<br/>
+Et de bouche &amp; de coeur le desir qu&rsquo;ilz avoient<br/>
+D&rsquo;estre plus amplement instruits en la doctrine<br/>
+En laquelle il convient qu&rsquo;un fidele chemine.<br/>
+<br/>
+Où estes vous Prelats, que vous n&rsquo;avez pitié<br/>
+De ce peuple qui fait du monde la moitié?<br/>
+Du moins que n&rsquo;aidez-vous à ceux de qui le zele<br/>
+Les transporte si loin comme dessus son aile<br/>
+Pour établir ici de Dieu la saincte loy<br/>
+Avecque tant de peine, &amp; de soin &amp; d&rsquo;émoy<br/>
+Ce peuple n&rsquo;est brutal, barbare ni sauvage,<br/>
+Si vous n&rsquo;appellez tels les hommes du vieil âge,<br/>
+Il est subtile, habile, &amp; plein de jugement,<br/>
+Et n&rsquo;en ay conu un manquer d&rsquo;entendement,<br/>
+Seulement il demande un pere qui l&rsquo;enseigne<br/>
+A cultiver la terre, à façonner la vigne,<br/>
+A vivre par police, à estre menager,<br/>
+Et souz des fermes toicts ci-apres heberger.<br/>
+Au reste à nôtre égare il est plein d&rsquo;innocence<br/>
+Si de son createur il avoit la science.<br/>
+Que s&rsquo;il ne le conoit, sa bouche ni son coeur<br/>
+Ne ravit point à Dieu par blaspheme l&rsquo;honneur.<br/>
+Il ne sçait le metier de l&rsquo;amoureux bruvage,<br/>
+De l&rsquo;aconite aussi il ne sçait point l&rsquo;usage,<br/>
+Sa bouche ne vomit nos imprecations,<br/>
+Son esprit ne s&rsquo;adonne à nos inventions<br/>
+Pour opprimer autrui, l&rsquo;avarice cruelle<br/>
+D&rsquo;un souci devorant son ame ne bourrelle<br/>
+Mais il a du Gaullois cette hospitalité<br/>
+Qui tant l&rsquo;a fait priser en son antiquité.<br/>
+Son vice le plus grand est qu&rsquo;il aime vengeance<br/>
+Lors que son ennemi lui a fait quelque offense.<br/>
+<br/>
+Je vous di donc Adieu, pauvre peuple, &amp; ne puis<br/>
+Exprimer la douleur en laquelle je suis<br/>
+De vous laisser ainsi sans voir qu&rsquo;on ait encore<br/>
+Fait que quelqu&rsquo;un de vous son Dieu vrayment adore<br/>
+<br/>
+Sortons donc de ce Port à la faveur de l&rsquo;Est,<br/>
+Car en ces côtes ci est ordinaire l&rsquo;Ouest,<br/>
+Puis, souvent cette mer est de brumes couverte<br/>
+Qui des hommes peu cauts cause l&rsquo;extreme perte.<br/>
+<br/>
+Adieu pour un dernier Rochers haut elevés,<br/>
+Qui orgueilleusement voz grottes soulevés,<br/>
+D&rsquo;où distillent sans fin des pluies abondantes<br/>
+Que leur versent les eaux des montagnes coulantes.<br/>
+Adieu doncques aussi Grottes qui m&rsquo;avez pleu<br/>
+Quand souz votre lambris au clair du jour j&rsquo;ay veu<br/>
+Figurées d&rsquo;Iris les couleurs agreables.<br/>
+<br/>
+Ores que nous voyons les flots épouvantables<br/>
+Du profond Ocean, pourray-je bien passer<br/>
+Sans saluer de loin, ou quelque Adieu laisser<br/>
+A la terre que a receuë notre France<br/>
+Quand elle vint ici faire sa demeurance?<br/>
+Ile, je te saluë, ile de Saincte Croix,<br/>
+Ile premier sejour de noz pauvres François,<br/>
+Qui souffrirent chez toy des choses vrayment dures,<br/>
+Mais noz vices souvent nous causent ces injures.<br/>
+Je revere pourtant ta freche antiquité<br/>
+Les Cedres odorans qui sont à ton côté,<br/>
+Tes Loges, tes Maisons, ton Magazin superbe,<br/>
+Tes jardins étouffez parmi la nouvelle herbe:<br/>
+Mais j&rsquo;honore sur tout à-cause de noz morts<br/>
+Le lieu qui sainctement tient en depost leurs corps,<br/>
+Lequel je n&rsquo;ay pu voir sans un effort de larmes,<br/>
+Tant mon navré le coeur ces violentes armes.<br/>
+Soyez doncques en paix, &amp; puissiez vous un jour,<br/>
+Vous trouver glorieux au celeste sejour.<br/>
+Mais cependant, DE MONTS, tu emportes la gloire<br/>
+D&rsquo;avoir sur mille morts obtenu la victoire,<br/>
+Témoignage certain de ta grande vertu,<br/>
+Soit quand tu as des flots la fureur combattu<br/>
+En venant visiter cette étrange province<br/>
+Pour suivre le vouloir de HENRY nôtre Prince<br/>
+Soit lors que tu voiois mourir devant tes yeux<br/>
+Ceux-là qui t&rsquo;ont suivi en ces funestes lieux.<br/>
+<br/>
+Je vous laisse bien loin, pepinieres de Mines<br/>
+Que les rochers massifs logent dedans leurs veines,<br/>
+Mines d&rsquo;airain, de fer, &amp; d&rsquo;acier, &amp; d&rsquo;argent,<br/>
+Et de charbon pierreux, pour saluer la gent<br/>
+Qui cultive à la main la terre Armouchiquoise.<br/>
+Je te saluë donc nation porte-noise<br/>
+(Car tu as envers nous forfait par trahison)<br/>
+Pour te dire qu&rsquo;un jour nous aurons la raison<br/>
+Avecque plus d&rsquo;effect de ton outrecuidance,<br/>
+Si qu&rsquo;entre nous sera maudite ta semence.<br/>
+Mais ta terre je veux saluer en tout bien,<br/>
+Car un ample rapport elle nous fera bien<br/>
+Quand elle sentira du François la culture.<br/>
+Car en elle desja la provide Nature<br/>
+A le raisin semé si plantureusement,<br/>
+Et en telle beauté, que Bacchus mémement<br/>
+Ne sçauroit invoqué lui faire davantage.<br/>
+Mais son peuple ignorant ne sçait du fruit l&rsquo;usage.<br/>
+Terre, tu as encor de féves &amp; de blés<br/>
+Tes greniers souz-terrains en la moisson comblés.<br/>
+Mais quoy que tes biens tu donnes abondance<br/>
+Produisant d&rsquo;autres fruits sans l&rsquo;humaine assistance<br/>
+Tes qu&rsquo;avons veu la Chanve &amp; la Courge &amp; la Noix,<br/>
+Tes féves tu ne veux ni tes blez toutefois<br/>
+Produire sans travail, mais ta grand&rsquo; populace<br/>
+D&rsquo;un bois coupant ta brise, &amp; en mottes t&rsquo;amasse<br/>
+Pour (sur le renouveau) sa semence y planter,<br/>
+<br/>
+Mais une chose encor il me faut reciter<br/>
+Qui pour sa rareté à l&rsquo;écrire m&rsquo;oblige,<br/>
+C&rsquo;est le fruit que produit la Chanve la tige,<br/>
+Fruit digne que les Rois le tiennent precieux<br/>
+Pour le repos du corps le plus delicieux:<br/>
+C&rsquo;est une soye blanche &amp; menuë &amp; subtile<br/>
+Que la Nature pousse au creux d&rsquo;une coquille,<br/>
+Soye qu&rsquo;en maint usage employer on pourra,<br/>
+Et laquelle en cotton l&rsquo;ouvrier façonnera,<br/>
+Quand de bons artisans tu seras habitée<br/>
+Par une volonté de pié-ferme arretée.<br/>
+<br/>
+Puisse-je voir bien-tot cette chose arriver,<br/>
+Et le François soigneux à tes champs cultiver,<br/>
+Arriere des soucis d&rsquo;une peineuse vie,<br/>
+Loin des bruits du commun, &amp; de la piperie.</p>
+</div>
+
+<p class="i20">Cherchant dessus Neptune un repos sans repos<br/>
+J&rsquo;ay façonné ces vers au branle de ses flots.</p>
+
+ <p class="i40">M. LESCARBOT.</p>
+
+<hr />
+
+</div><!--end chapter-->
+
+<div class="chapter">
+
+<h2>A MONSIEUR DE MONTS</h2>
+
+<p class="center">
+<span class="big5">Lieutenant general pour le Roy en la<br/>
+Nouvelle-France.</span></p>
+
+<p class="mid"><span class="big4">ODE.</span></p>
+
+<div class="i20">
+<p class="noindent"><span class="lef"><img alt="" src="images/figT.jpg" width="100" height="100" /></span>OUT ce que l&rsquo;homme possede,<br/>
+Ce qu&rsquo;il a de riche &amp; beau<br/>
+Ne trouve point de remede<br/>
+Pour eviter le tombeau.<br/>
+<br/>
+La vertu seule immortelle<br/>
+Constante &amp; ferme en tout temps<br/>
+Resiste à la mort cruelle<br/>
+Et à la lime des ans.<br/>
+<br/>
+Tant de Rois &amp; tant de Princes,<br/>
+Des Heros &amp; des Cesars<br/>
+Qui ont acquis des provinces<br/>
+Et thresors en maintes parts<br/>
+<br/>
+En fin sont proye à la terre,<br/>
+Et la Vertu seulement<br/>
+Fait leur nom voler grand erre<br/>
+Par-dessus le Firmament.<br/>
+<br/>
+DU MONTS tu sçais que la vie<br/>
+Nous est donnée des cieux<br/>
+Non pour estre ensevelie<br/>
+En un corps peu soucieux,<br/>
+<br/>
+Mais pour estre secourable<br/>
+A celui qui a besoin<br/>
+Que quelque Dieu favorable<br/>
+De son mal-heur prenne soin.<br/>
+<br/>
+Et chercher la vraye gloire<br/>
+Par un chemin non tenté,<br/>
+Faisant que nôtre memoire<br/>
+Vive à l&rsquo;immortalité.<br/>
+<br/>
+C&rsquo;est le desir qui t&rsquo;enflamme,<br/>
+Et qui possede ton coeur,<br/>
+Quand pour eviter le blame<br/>
+Qui suit l&rsquo;homme sans honneur,<br/>
+<br/>
+Tu entreprens un ouvrage<br/>
+Tout auguste &amp; glorieux<br/>
+Si qu&rsquo;à jamais chacun âge<br/>
+Aura ton nom precieux,<br/>
+<br/>
+Car si-tot que de ton Prince<br/>
+As eu le commandement<br/>
+Pour conoitre la province<br/>
+Mise ne ton gouvernement,<br/>
+<br/>
+Ainsi qu&rsquo;un Aigle qui vole<br/>
+D&rsquo;un trait leger, tout soudain<br/>
+Prompt à suivre sa parole<br/>
+Tu as pris un vol hautain.<br/>
+<br/>
+Et du tempêteux Nerée<br/>
+Meprisant tous les efforts,<br/>
+De ta terre desirée<br/>
+Tu as en fin veu les ports.<br/>
+<br/>
+Les nations qui n&rsquo;ont oncques<br/>
+Admis la sujetion<br/>
+A tes mandemens adoncques<br/>
+Ont fait leur submission.<br/>
+<br/>
+Sage, tu leur a fait voir<br/>
+Les beautez de la justice,<br/>
+Et ton redouté pouvoir,<br/>
+Et les biens de la police.<br/>
+<br/>
+Mémes tu as fait encore,<br/>
+Que maint barbare en ces lieux<br/>
+En son ame Christ adore,<br/>
+De son salut soucieux.<br/>
+<br/>
+Arriere d&rsquo;ici, arriere<br/>
+Timides &amp; cazaniers,<br/>
+Que dedans vôtre barriere<br/>
+Toujours estes prisonniers.<br/>
+<br/>
+Vous qui n&rsquo;avez soin, ni cure<br/>
+De faire que vôtre nom,<br/>
+Contre la mort méme dure<br/>
+En perdurable renom.<br/>
+<br/>
+DU MONTS, tu n&rsquo;es pas de mémes,<br/>
+Car lors qu&rsquo;en France de Mars<br/>
+Ont cessé les stratagemes,<br/>
+Recherchant d&rsquo;autres hazars,<br/>
+<br/>
+Tu as consacré ta vie<br/>
+A l&rsquo;Eternel pour sa loy<br/>
+Rendre en ces terres suivie<br/>
+Souz le vouloir de ton Roy.<br/>
+<br/>
+Mais ce n&rsquo;est fait qui commence,<br/>
+Il faut chanter desormais<br/>
+De Dieu la magnificence<br/>
+D&rsquo;un ton plus haut que jamais.<br/>
+<br/>
+Neptune te favorise<br/>
+Et Ceres pareillement,<br/>
+Afin que ton entreprise<br/>
+Ait un meilleur fondement.<br/>
+<br/>
+Diray-je que sans culture<br/>
+Le Pere de Liberté<br/>
+Laisse produire à Nature<br/>
+La vigne qu&rsquo;il a planté?<br/>
+<br/>
+Non ici, je le confesse,<br/>
+Mais en lieu d&rsquo;un autre espoir,<br/>
+Où l&rsquo;homme à la longue tresse<br/>
+Ha son sablonneux terroir.<br/>
+<br/>
+C&rsquo;est la terre Armouchiquoise,<br/>
+Qui son gros blé te produit;<br/>
+Et encore l&rsquo;Iroquoise,<br/>
+Qui donne maint autre fruit.<br/>
+<br/>
+Nôtre France fromenteuse<br/>
+N&rsquo;a ses vignes de tout temps,<br/>
+La peine laborieuse<br/>
+L&rsquo;a fait telle avec les ans.<br/>
+<br/>
+Courage, doncques, courage,<br/>
+Continue ton dessein,<br/>
+Ayant ce bel avantage,<br/>
+Qui de bon espoir est plein.<br/>
+<br/>
+Le Tout-puissant méme change<br/>
+Ici les froides saisons,<br/>
+Et à cette terre étrange<br/>
+Promet des riches moissons.</p>
+</div>
+
+<hr />
+
+</div><!--end chapter-->
+
+<div class="chapter">
+
+<h2>A MONSIEUR DE<br/>
+POUTRINCOURT GRAND<br/>
+Sagamos de la Nouvelle-France</h2>
+
+<p class="mid"><span class="big4">ODE.</span></p>
+
+<div class="i20">
+<p class="noindent">
+<span class="lef"><img alt="" src="images/figQ.jpg" width="100" height="98" /></span>UOY que tu n&rsquo;ailles cherchant<br/>
+(POUTRINCOURT) cette louange<br/>
+Qui va méme allechant<br/>
+Ceux qui gisent en la fange;<br/>
+<br/>
+Ton merite toutefois,<br/>
+Ta pieté, ton courage,<br/>
+Forcent ma lyre &amp; ma voix<br/>
+A les chanter sur l&rsquo;herbage<br/>
+<br/>
+Que l&rsquo;Equille de ses eaux<br/>
+Ou plustot Neptune arrose,<br/>
+Tandis qu&rsquo;au bruit des ruisseaux,<br/>
+A l&rsquo;écart je me repose.<br/>
+<br/>
+Apres avoir longuement<br/>
+Comme un athlete Gregeois<br/>
+Lutté courageusement<br/>
+Parmi les champs des François,<br/>
+<br/>
+Saoul d&rsquo;alarmes &amp; combats,<br/>
+Et des assaux de Bellone,<br/>
+Ores tu prens tes ébats<br/>
+Avec Cerés et Pomone.<br/>
+<br/>
+Et deça delà portés,<br/>
+Suivans Neptune à la danse,<br/>
+Tu nous fais voir les beautés<br/>
+De cette Nouvelle-France.<br/>
+<br/>
+Qui est celui qui ta veu<br/>
+Oncques saisi de paresse?<br/>
+Qui est cil qui t&rsquo;a conu<br/>
+Semblable à cette Noblesse,<br/>
+<br/>
+Qui met le point de l&rsquo;honneur<br/>
+A commander sans prudence,<br/>
+Et n&rsquo;avoir par son labeur<br/>
+D&rsquo;aucun art l&rsquo;experience?<br/>
+<br/>
+Mais l&rsquo;un &amp; l&rsquo;autre tu sçais,<br/>
+Et ta main infatigable<br/>
+Fait tous les jours des essais<br/>
+De chose à nous incroyable.<br/>
+<br/>
+Car de tout art manuel<br/>
+T&rsquo;est conuë la pratique,<br/>
+Et se plait ton naturel<br/>
+Es ars de Mathematique.<br/>
+<br/>
+Mémes encore ce Dieu<br/>
+Qui fredonnant sur sa lyre<br/>
+Tient des Muses le milieu,<br/>
+Par toy bien souvent respire.<br/>
+<br/>
+Les secrets de son sçavoir,<br/>
+Si que tout compris ensemble,<br/>
+Au monde on ne sçauroit voir<br/>
+Rien que toy qui te ressemble.<br/>
+<br/>
+C&rsquo;est toy qu&rsquo;il falloit ici<br/>
+Afin de bine reconoitre<br/>
+Ce que cette terre ici<br/>
+Rendroit un jour à son maitre.<br/>
+<br/>
+Tu l&rsquo;as experimenté<br/>
+Tant que ton ame est contente,<br/>
+Et de sa fidelité<br/>
+Tu as une riche attente.</p>
+</div>
+
+<hr />
+
+</div><!--end chapter-->
+
+<div class="chapter">
+
+<h2>A MESSIEURS DE MONTS<br/>
+ET SES LIEUTENANT<br/>
+&amp; Associez.</h2>
+
+<p class="mid"><span class="big4">SONNET</span></p>
+
+<div class="i10">
+<p class="noindent">
+<span class="lef"><img alt="" src="images/figS.jpg" width="100" height="105" /></span>I les siecles premiers ont celebré la gloire<br/>
+De celuy qui conquit la Colchide toison:<br/>
+Si maintenant encor du brave fils d&rsquo;Æson<br/>
+Pour peu de chose vit en honneur la memoire:<br/>
+<br/>
+Nous devons beaucoup mieux celebrer en l&rsquo;histoire<br/>
+La generosité non du fils de Jason,<br/>
+Mais de vous, ô François, qui en cette saison<br/>
+D&rsquo;un plus digne sujet recherchez la victoire.<br/>
+<br/>
+Le Grec acquit ça bas un terrestre thresor,<br/>
+Il avoit des moyens, &amp; des hommes encor,<br/>
+Tels que les peut avoir entre nous un grand Prince.<br/>
+<br/>
+Mais vous à vos dépens, sans recevoir support<br/>
+Que de l&rsquo;avoeu du Roy, par un nouvel effort<br/>
+Ravissez courageux, la celeste province.</p>
+</div>
+
+<hr />
+
+</div><!--end chapter-->
+
+<div class="chapter">
+
+<h2>AU SIEUR DE CHAMPLEIN</h2>
+
+<p class="center">
+Géographe du Roy.
+</p>
+
+<p class="mid"><span class="big4">SONNET.</span></p>
+
+<div class="i10">
+<p class="noindent">
+<span class="lef"><img alt="" src="images/figV.jpg" width="100" height="94" /></span>N Roy Numidien poussé d&rsquo;un beau desir<br/>
+Fit jadis rechercher la source de ce fleuve<br/>
+Qui le peuple d&rsquo;Egypte &amp; de Libye abreuve,<br/>
+Prenant en son pourtrait son unique plaisir<br/>
+<br/>
+CHAMPLEIN, ja dés long temps je voy que ton loisir<br/>
+S&rsquo;employe obstinément &amp; sans aucune treuve<br/>
+A rechercher les flots, que de la Terre-neuve<br/>
+Viennent, apres maints sauts, les rivages saisir.<br/>
+<br/>
+Que si tu viens à chef de ta belle entreprise,<br/>
+On ne peut estimer combien de gloire un jour<br/>
+Acquerras à ton nom que desja chacun prise.<br/>
+<br/>
+Car d&rsquo;un fleuve infini tu cherches l&rsquo;origine.<br/>
+Afin qu&rsquo;à l&rsquo;avenir y faisant ton sejour<br/>
+Tu nous faces par là parvenir à la chine.</p>
+</div>
+
+<hr />
+
+</div><!--end chapter-->
+
+<div class="chapter">
+
+<h2>ODE EN LA MEMOIRE</h2>
+
+<p class="mid"><span class="big4">du Capitaine Gourgues<br/> Bourdelois.</span></p>
+
+<p class="mid">Voy l&rsquo;Histoire de la Nouvelle-France Liv. 1, ch. XIX &amp; XX.</p>
+
+<div class="i20">
+<p class="noindent">
+<span class="lef"><img alt="" src="images/figG.jpg" width="100" height="99" /></span>OURGUES, l&rsquo;honneur Bourdelois,<br/>
+Je veux reveiller ta gloire,<br/>
+Et faire eclater ma voix<br/>
+Dans le temple de Memoire,<br/>
+<br/>
+En racontant ta valeur<br/>
+Ta conduite &amp; ta prouësse,<br/>
+Quand, d&rsquo;un invincible coeur,<br/>
+Tu mis la main vengeresse<br/>
+<br/>
+Sur le soldat bazané<br/>
+Du sang des François avide,<br/>
+Qui nous avoit butiné<br/>
+Les beautez de la Floride.<br/>
+<br/>
+Si-tot que de noz François<br/>
+Tu entendis la ruine,<br/>
+Et que le peuple Iberois<br/>
+Occupoit la Caroline,<br/>
+<br/>
+Tu prins resolution<br/>
+De venger le grand outrage<br/>
+Fait à nôtre nation<br/>
+Par une Hespagnole rage.<br/>
+<br/>
+A tes despens tu mis sis<br/>
+De bons hommes une bende<br/>
+Au combat bien resolus,<br/>
+Puis que c&rsquo;est toy qui commande.<br/>
+<br/>
+Tu ne leur dis à l&rsquo;abord<br/>
+Le secret de ton affaire,<br/>
+Come Capitaine accort,<br/>
+Qui sçais bien ce qu&rsquo;il faut taire.<br/>
+<br/>
+Mais quant tu te vis porté<br/>
+Dessus la terre nouvelle,<br/>
+Tu leur dis ta volonté<br/>
+De venger une querelle,<br/>
+<br/>
+Querelle qui les François<br/>
+Et grans &amp; petits regarde,<br/>
+Et partant qu&rsquo;à cette fois<br/>
+Ne faut, d&rsquo;une ame coüarde<br/>
+<br/>
+Reculer quand la saison<br/>
+De bien faire se presente,<br/>
+Afin d&rsquo;avoir la raison<br/>
+De l&rsquo;injure violente<br/>
+<br/>
+Faite aux premiers conquesteurs<br/>
+D&rsquo;une terre si lointaine<br/>
+Par des assassinateurs<br/>
+De race Mahumetaine.<br/>
+<br/>
+A ces mots encouragés<br/>
+Ils se mettent en bataille,<br/>
+Et vont en ordre rangés<br/>
+Droit contre cette canaille.<br/>
+<br/>
+L&rsquo;un &amp; l&rsquo;autre petit Fort<br/>
+Ils attaquent de courage,<br/>
+Et par un puissant effort<br/>
+Ilz les mettent au pillage.<br/>
+<br/>
+Mais il n&rsquo;estoit pas aisé<br/>
+D&rsquo;attaquer la Caroline,<br/>
+Si GOURGUES n&rsquo;eust avisé<br/>
+Prudemment à sa ruine.<br/>
+<br/>
+Car l&rsquo;adversaire estoit fort<br/>
+D&rsquo;hommes, d&rsquo;armes &amp; de place,<br/>
+Mais nonobstant prés du Fort<br/>
+En fin sa troupe s&rsquo;amasse.<br/>
+<br/>
+L&rsquo;Hespagnol estant sorti<br/>
+Pour lui faire une saillie<br/>
+Rencontre un mauvais parti<br/>
+Qui a sa gent acuillie,<br/>
+<br/>
+CAZENOVE donne à des<br/>
+GOURGUES les rencontre en face,<br/>
+Qui les font (en peu de mots)<br/>
+Tous demeurer sur la place.<br/>
+<br/>
+Le reste tout étonné<br/>
+La Forteresse abandonne,<br/>
+Mais las! il est mal mené<br/>
+N&rsquo;ayant secours de personne.<br/>
+<br/>
+Car le Sauvage irrité<br/>
+Ne lui fait misericorde,<br/>
+Lequel de sa cruauté<br/>
+Trop frechement se recorde.<br/>
+<br/>
+Mais ceux qui tombent és mains<br/>
+Des François, on les attelle<br/>
+Aux arbres les plus hautains<br/>
+Pour y faire sentinelle.</p>
+</div>
+
+<hr />
+
+</div><!--end chapter-->
+
+<div class="chapter">
+
+<h2>A LA MEMOIRE D&rsquo;UN<br />
+Sauvage Floridien que se proposoit<br/>
+mourir pour les François.</h2>
+
+<p class="mid">Voy l&rsquo;Histoire de la Nouvelle<br/>
+France liv. 1. chap. 20.</p>
+
+<div class="i20">
+<p class="noindent">
+<span class="lef"><img alt="" src="images/figO.jpg" width="100" height="101" /></span>U trouverons-nous un courage<br/>
+Semblable à cil de ce Sauvage,<br/>
+Qui pour ses amis secourir<br/>
+Vient lui-méme sa vie offrir,<br/>
+Laquelle il croit devoir épandre<br/>
+Pour nôtre querele defendre?<br/>
+Certainement un homme tel<br/>
+Doit parmi nous estre immortel.<br/>
+Et devons louer tout de méme<br/>
+Le souci qu&rsquo;il a de sa femme<br/>
+Requerant qu&rsquo;on lui face don<br/>
+Apres son trépas du guerdon<br/>
+Que meriteroit sa vaillance<br/>
+Mourant pour l&rsquo;honneur de la France.</p>
+</div>
+
+<hr />
+
+</div><!--end chapter-->
+
+<div class="chapter">
+
+<h2>A PIERRE ANGIBAUT<br/>
+dit CHAMP-DORÉ Capitaine de<br/>
+Marine en la Nouvelle-France.</h2>
+
+<p class="mid"><span class="big4">SONNET.</span></p>
+
+<div class="i20">
+<p class="noindent">
+<span class="lef"><img alt="" src="images/figS.jpg" width="100" height="105" /></span>I des pilotes vieux le renom dure encore<br/>
+Pour avoir sceu voguer sur une étroite mer,<br/>
+Si le monde à present daigne encore estimer<br/>
+Ariomene, avec Palinure &amp; Pelore;<br/>
+<br/>
+C&rsquo;est raison (CHAMP-DORÉ) que nôtre âge t&rsquo;honore,<br/>
+Qui sçais par ta vertu te faire renommer,<br/>
+Quand ta dexterité empeche d&rsquo;abimer<br/>
+La nef qui va souz toy du Ponant à l&rsquo;Aurore.<br/>
+<br/>
+Ceux-là du grand Neptune oncques la majesté<br/>
+Ne vivent, ni le fond de son puissant Empire:<br/>
+Mais dessus l&rsquo;Ocean journellement porté<br/>
+<br/>
+Tu fais voir aux François des païs tout nouveaux,<br/>
+Afin que là un jour maint peuple se retire<br/>
+Faisant les flots gemir souz les ailez vaisseaux.</p>
+</div>
+
+<p class="mid">Fait au Port Royal en la Nouvelle-France.</p>
+
+<hr />
+
+</div><!--end chapter-->
+
+<div class="chapter">
+
+<h2>LA DEFFAITE DES<br/>
+SAUVAGES ARMOUCHIQUOIS<br/>
+PAR LE SAGAMOS MEMBERTOU<br/>
+&amp; ses alliez Sauvages, en la<br/>
+Nouvelle-France, au mois de Juillet<br/>
+1607.</h2>
+
+<p>Où peuvent reconoitre les ruses de guerre desdits Sauvages, leurs actes
+funebres, les noms de plusieurs d&rsquo;entre-eux &amp; la maniere de guerir les
+blessez.</p>
+
+<div class="i10">
+<p class="noindent">
+<span class="lef"><img alt="" src="images/figJ.jpg" width="100" height="107" /></span>E ne chante l&rsquo;orgueil du beant Briarée,<br/>
+Ni du fier Rodomont la fureur enivrée<br/>
+Du sang dont il a teint préque tout l&rsquo;Univers<br/>
+Ni comme il a forcé les pivots des enfers.<br/>
+Je chante Membertou, &amp; l&rsquo;heureuse victoire<br/>
+Qui lui acquit naguere une immortelle gloire<br/>
+Quand il joncha de morts les champs Armouchiquois<br/>
+Pour la cause venger du peuple Souriquois.<br/>
+<br/>
+Entre ces peuples-ci une antique discorde<br/>
+Fait que bien rarement l&rsquo;un à l&rsquo;autre s&rsquo;accorde,<br/>
+Et si par fois enter eux se traite quelque paix,<br/>
+Cette pais se peut dire un attrappe-niais.<br/>
+<br/>
+Car oncques le Renard ne changea sa nature <br/>
+Et de garder la foy l&rsquo;homme double n&rsquo;eut cure,<br/>
+Ceci n&rsquo;a pas long temps se conut par effect<br/>
+Aux depens de celui qui me donne sujet<br/>
+De dire qui a meu Membertou &amp; sa suite<br/>
+De faire pour sa mort si sanglante poursuite.<br/>
+Ce fut Panoniac (car tel estoit son nom)<br/>
+Sauvage entre les siens jadis de grand renom.<br/>
+Cetui cuidant avoir faite bonne alliance<br/>
+Avecques ces mechans, alloit sans deffiance<br/>
+Parmi eux conversant: mémes il les aidoit<br/>
+Bien souvent du plus beau des biens qu&rsquo;il possedoit.<br/>
+Mais pour cela la gent à mal faire addonée,<br/>
+Sa mauvaise façon n&rsquo;a point abandonnée.<br/>
+Car ce Panoniac il n&rsquo;y a pas dix mois<br/>
+Les estant allé voir (pour la derniere fois)<br/>
+Portant en ses vaisseaux marchandises diverses<br/>
+Pour en accommoder ces nations perverses,<br/>
+Eux qui sont de tout temps avides de butin,<br/>
+Sans aucune merci assomment leur voisin,<br/>
+Pillent ce qu&rsquo;il avoit &amp; en font le partage.<br/>
+Les compagnons du mort se sauvans à la nage<br/>
+Se cachent pour un temps à l&rsquo;ombre d&rsquo;un rocher,<br/>
+N&rsquo;osans de ces matins à la chaude approcher.<br/>
+Ça pour dire vray, la meurtriere cohorte<br/>
+Estoit contre ceux-ci &amp; trop grande &amp; trop forte.<br/>
+Mais comme de Phoebus les chevaus harassez<br/>
+Se furent retirez souz les eaux tout lassez<br/>
+Ces enragés en fin abandonnant la place<br/>
+Laisserent là le corps tué à coups de masse,<br/>
+Lequel à la faveur de la sombreuse nuit<br/>
+Soudain par ses amis fut enlevé sans bruit,<br/>
+Et mis, non, comme nous, en depost à la terre,<br/>
+N&rsquo;en un coffre de bois, ni au creux d&rsquo;une pierre,<br/>
+Ains il fut embaumé à la forme des Rois<br/>
+que l&rsquo;Ægypte pieuse embaumoit autrefois.<br/>
+<br/>
+Le peuple Etechemin de cette mort cruelle,<br/>
+Receut tout le premier la mauvaise nouvelle,<br/>
+D&rsquo;où s&rsquo;ensuivit un dueil si rempli de douleurs<br/>
+Que le haut Firmament en ouït les clameurs<br/>
+(Car lors que cette gent la mort des siens lamente<br/>
+Le voisinage ensemble à grans cris se tourmente)<br/>
+Mais ce ne fut ici le brayment principal,<br/>
+Car quand ce pauvre corps fut dans le Port Royal<br/>
+Aux siens representé, Dieu sçait combien de plaintes,<br/>
+De cris, de hurlemens, de funebres complaintes.<br/>
+Le ciel en gemissoit, &amp; les prochains côtaux<br/>
+Sembloient par leurs echoz endurer tous ces maux:<br/>
+Les épesses foréts, &amp; la riviere méme<br/>
+Tèmoignoient en avoir une douleur extreme.<br/>
+Huit jours tant seulement se passerent ainsi<br/>
+Pour respect du François qui se rit de ceci.<br/>
+<br/>
+Les services rendus à l&rsquo;ombre vagabonde<br/>
+(Qui du lac Stygieux a desja passé l&rsquo;onde)<br/>
+Et au corps là present, le Prince Souriquois<br/>
+Commence à s&rsquo;écrier d&rsquo;une effroyable voix:<br/><br/>
+Quoy doncques, Membertou (dit-il en son langage)<br/>
+Lairra-il impuni un si vilain outrage?<br/>
+De l&rsquo;excés fait aux siens &amp; méme à sa maison?<br/>
+Verray-je point jamais éteinte cette race<br/>
+Qui des miens &amp; de moy la ruine pourchasse?<br/>
+Non, non, il ne faut point cette injure souffrir.<br/>
+Enfans, c&rsquo;est à ce coup qu&rsquo;il nous convient mourir,<br/>
+Ou bien par nôtre bras envoyer dix mille ames<br/>
+De cette gent maudite aux eternelles flammes.<br/>
+Nous avons prés de nous des François le support<br/>
+A qui ces chiens ici ont fait un méme tort.<br/>
+Cela est resolu, il que la campagne<br/>
+Au sang de ces meurtriers dans peu de temps se baigne.<br/>
+Auctaudin mon cher fils, &amp; ton frere puisné<br/>
+Qui n&rsquo;avez vôtre pere oncques abandonné,<br/>
+Il faut ores s&rsquo;armer de force &amp; de courage,<br/>
+Sus, allez vitement l&rsquo;un suivant le rivage,<br/>
+D&rsquo;ici au Cap-Breton, l&rsquo;autre à travers les bois<br/>
+Vers les Canadiens, &amp; les Gaspeïquois,<br/>
+Et les Etechemins annoncer cette injure,<br/>
+Et dire à nos amis que tous je les conjure<br/>
+D&rsquo;en porter dedans l&rsquo;ame un vif ressentiment,<br/>
+Et pour l&rsquo;effect de ce qu&rsquo;ilz s&rsquo;arment promptement<br/>
+Et me viennent trouver prés de cette riviere,<br/>
+Où ilz sçavent que j&rsquo;ay plantée ma banniere.<br/>
+<br/>
+Membertou n&rsquo;eut plustot à ses gens commandé,<br/>
+Que chacun prent sa route où il estoit mandé,<br/>
+Et fit en peu de temps si bonne diligence,<br/>
+Qu&rsquo;il sembla devancer un postillon de France,<br/>
+Si bien qu&rsquo;au renouveau voici de toutes parts<br/>
+Venir à Membertou jeunes &amp; vieux soudars<br/>
+Tous à ceci poussez d&rsquo;esperances non vaines<br/>
+Souz l&rsquo;asseuré guidon des braves Capitaines<br/>
+Chkoudun, &amp; Oagimont, Memembouré, Kichkou,<br/>
+Messamoet, Ouzabat, &amp; Anadabijou,<br/>
+Medagoet, Oagimech, &amp; avec eux encore<br/>
+Celui qui plus que tous l&rsquo;Armouchiquois abhorre,<br/>
+C&rsquo;est Panoniagués, qui a occasion<br/>
+De procurer mal-heur à cette nation<br/>
+Pour le dur souvenir de la mort de son frere.<br/>
+Quand tout fur arrivé, de cette mort amere<br/>
+Il fallut de nouveau recommencer le dueil,<br/>
+Et le corps decedé mettre dans le cercueil.<br/>
+Le barbu Membertou lors prenant la parole:<br/>
+Vous sçavez, ce dit-il, ô peuple benevole,<br/>
+Le motif qui vous a conduit jusques ici,<br/>
+C&rsquo;est ce corps que voyés massacré sans merci,<br/>
+De qui le sang versé vous demande vengeance.<br/>
+Sans que par long discours je vous en face instance.<br/>
+Et comme és siecles vieux quant au peuple Romain<br/>
+Fut montré de Cæsar le massacre inhumain,<br/>
+Tout à l&rsquo;instant émeu d&rsquo;une ardente colere<br/>
+Il voulut reparer ce cruel vitupere<br/>
+Contre les assassins (ainsi que j&rsquo;ai appris<br/>
+Qu&rsquo;il est mentionné és anciens écrits)<br/>
+Ainsi vous devez tous à ce spectacle étrange<br/>
+Estre émeus du desir de garder la loüange.<br/>
+Que nos antecesseurs nous ont mis en depos,<br/>
+Et par laquelle ilz sont maintenant en repos,<br/>
+N&rsquo;ayans point estimé estre dignes de vivre.<br/>
+Sans de leurs ennemis les injures poursuivre.<br/>
+<br/>
+A ces mots un chacun au combat animé<br/>
+Sent un feu de vengeance en son coeur allumé,<br/>
+Et eussent volontiers contre cette canaille,<br/>
+(S&rsquo;il y est eu moyen) lors donné la bataille,<br/>
+Mais il falloit premier le corps ensevelir,<br/>
+Et du dernier devoir les oeuvres accomplir.<br/>
+Cette grand&rsquo; troupe donc de douleur affollés<br/>
+A conduit le corps mort dedans son Mausolée,<br/>
+En faisant sacrifice à Vulcan de ses biens<br/>
+Masse, arcs, fleches, carquois, petun, couteaux &amp; chiens,<br/>
+Matachiaz aussi, &amp; la pelleterie<br/>
+Que d&rsquo;epargne il avoit quant il perdit la vie.<br/>
+Mais quant aux assistans, chacun à son pouvoir<br/>
+Lui fit, devotieux l&rsquo;accoutumé devoir.<br/>
+Qui donne des castors, qui des couteaux, des roses,<br/>
+Armes, Matachiaz, &amp; maintes autres choses.<br/>
+Puis ferment le sepulchre, &amp; laissent reposer<br/>
+Celui duquel ilz vont la querelle épouser.<br/>
+Le ciel qui bien-souvent les mal-heurs nous presage,<br/>
+Avoit auparavant par un triste presage<br/>
+Témoigné les effects de cette guerre ici,<br/>
+Car ayant un long temps refrongné son sourci,<br/>
+Il fit voir maintefois des torches allumées,<br/>
+Des lances, des dragons, des flambantes armées.<br/>
+<br/>
+Ainsi s&rsquo;en va la flotte avec intention<br/>
+De veincre, ou de mourir à cette occasion,<br/>
+Laissans de leurs enfans &amp; femmes la tutele<br/>
+A nous, qui en avons rendu conte fidele.<br/>
+Quand des Armouchiquois les rives ils ont veu<br/>
+Ce peuple deffiant les a tot reconu.<br/>
+Soudain les messagers volent par la campagne,<br/>
+Et sonnent du cornet sur chacune montagne<br/>
+Pour le monde avertir d&rsquo;estre au guet, &amp; veiller<br/>
+Avant que l&rsquo;ennemi les vienne reveiller.<br/>
+Peuples de tous côtez à grand&rsquo; troupes s&rsquo;amassent<br/>
+Tant qu&rsquo;en nombre les flots de la mer ilz surpassent.<br/>
+Mais pourtant Membertou ne s&rsquo;epouvante point<br/>
+Car il sçait le moyen de prendre bien à point<br/>
+L&rsquo;ennemi, qui tout fier, voyant son petit nombre,<br/>
+Se promet l&rsquo;enlever si-tot que la nuit sombre<br/>
+Aura dessus la terre étendu son rideau.<br/>
+<br/>
+Membertou cependant approche son vaisseau<br/>
+Du port de Cahoücoet, où la troupe adversaire<br/>
+Vers eux le conduisoit: mais il avoit laissé<br/>
+Ses gens derriere un roc, &amp; s&rsquo;estoit avancé,<br/>
+Afin de reconoitre &amp; le port &amp; la terre<br/>
+Qu&rsquo;il vouloit ruiner par le&rsquo;effort de la guerre.<br/>
+He, He, ce fut le cri duquel il appella<br/>
+Tout ce peuple attentif que ferme attendoit là<br/>
+Yo, yo, fut répondu. Puis apres il demande<br/>
+S&rsquo;il pourroit seurement &amp; sa petite bende<br/>
+Traiter avecques eux, &amp; amiablement<br/>
+Vuider le different qui a si longuement<br/>
+L&rsquo;un et l&rsquo;autre troublé &amp; reduit en ruine<br/>
+Tandis que l&rsquo;appetit de vengeance les mine<br/>
+Et leur mange le coeur. Eux cuidans attrapper<br/>
+Celui qui plus fin qu&rsquo;eux les venoit entrapper,<br/>
+Disent que librement de la rive il s&rsquo;approche,<br/>
+Et ses gens qu&rsquo;il avoit laissé devers la roche,<br/>
+Qu&rsquo;ilz n&rsquo;ont plus grand desir que de voir une paix<br/>
+Solidement entre eux établie à jamais,<br/>
+Afin qu&rsquo;eux qui des Francs ont bonne conoissante<br/>
+Leur facent part des biens dont ils ont abondance,<br/>
+Et se puissent ainsi l&rsquo;un l&rsquo;autre secourir<br/>
+Sans plus d&rsquo;orenavant l&rsquo;un sur l&rsquo;autre courir<br/>
+Membertou reçoit l&rsquo;offre, &amp; quant &amp; quant otage,<br/>
+Envoyant un des siens par échange au rivage,<br/>
+Puis recule en arriere, &amp; vas ses gens revoir,<br/>
+Qu&rsquo;il trouve grandement desireux de sçavoir<br/>
+En quelle volonté ces peuples ci estoient,<br/>
+Et si à quelque paix encliner ilz sembloient.<br/>
+Le Prince Souriquois ses suppots abordant<br/>
+D&rsquo;un visage joyeux il les va regardant,<br/>
+Disant, Ilz sont à nous: la farce s&rsquo;en va faite,<br/>
+C&rsquo;est demain qu&rsquo;il faut voir cette troupe defaite:<br/>
+Et leur conte amplement ce qui s&rsquo;estoit passé,<br/>
+Et comment ilz s&rsquo;estoient l&rsquo;un l&rsquo;autre caressé.<br/>
+Au surplus (ce dit-il) pensons de les surprendre,<br/>
+Et en ce fait ici gardons de nous meprendre.<br/>
+Quand nous sommes partis le conseil a esté<br/>
+De leur faire present des biens qu&rsquo;avons porté,<br/>
+Et avec eux troquer de notre marchandise<br/>
+A fin que l&rsquo;homme feint soit prise en sa feintise.<br/>
+Nous irons donc par mer la moitié seulement:<br/>
+Le surplus en deux parts ira secretement<br/>
+Rengeant le long du bois en bonne sentinelle<br/>
+Tant que, le temps venu, ma trompe les appelle:<br/>
+Lors ils viendront charger, &amp; nous seconderont,<br/>
+Et tant que durera le jour ilz frapperont,<br/>
+Sans merci, sans faveur, &amp; sans misericorde,<br/>
+Afin qu&rsquo;ici de nous long temps on se recorde.<br/>
+Outre nôtre querele il y a du butin,<br/>
+Ils ont du blé, des noix, de la vigne &amp; du lin,<br/>
+Toux ces biens sont à nous si nous avions courage,<br/>
+Et si voulons avoir leurs femmes au pillage<br/>
+Nous les aurons aussi. Il estoit nuit encor<br/>
+Et le clair ciel estoit tout brillant de clous d&rsquo;or,<br/>
+Quand Membertou (de qui l&rsquo;esprit point ne repose)<br/>
+A prendre son quartier tout son peuple dispose,<br/>
+Et ceux-là qu&rsquo;il conoit à la course legers<br/>
+Il les fait essayer les terrestre dangers.<br/>
+Ainsi Memembouré dispos à la poursuite<br/>
+Est fait le general d&rsquo;une troupe d&rsquo;elite,<br/>
+Medagoet d&rsquo;autre part hardi aux grans exploits<br/>
+Choisit de tout le camp les plus forts &amp; adroits.<br/>
+Mais le grand Sagamos pour tendre sa banniere<br/>
+Attendit que l&rsquo;Aurore eust épars sa lumiere<br/>
+En tout son horizon: &amp; lors que le Soleil<br/>
+Eut esté reconduit au lieu de son reveil<br/>
+Il met la voile au vent, tirant droit à la place<br/>
+Où desja l&rsquo;attendoit cette grand&rsquo; populace,<br/>
+Où estant arrivé, partie de ses gens<br/>
+A descendre apres lui se monstrent diligens.<br/>
+Il saluë les chefs de cette compagnie,<br/>
+Entre autres Olmechin, Marchin, &amp; leur mesgnie.<br/>
+Puis offre les presens dont j&rsquo;ay fait mention,<br/>
+C&rsquo;estoient robbes, chappeaux, &amp; chausses, &amp; chemises.<br/>
+Mais quand il fallut voir les autres marchandises,<br/>
+Parmi les fers pointus, poignars, &amp; coutelas,<br/>
+Des trompes y avoit, dont on ne sçavoit pas<br/>
+L&rsquo;usage, ni la fin du mal qu&rsquo;elles couvoient.<br/>
+Les autres cependant dans le bois attendoient<br/>
+Soigneusement l&rsquo;appel qui avoit esté dit,<br/>
+Quand Membertou voulant etaller son credit,<br/>
+Il convoque ce peuple embouchant une trompe,<br/>
+Et trompant, les trompeurs trompeusement il trompe.<br/>
+Car tout en un instant lui qui n&rsquo;avoit point d&rsquo;armes<br/>
+Oyant les siens venir feignit estre aux alarmes,<br/>
+Et se trouvant garni de masses, &amp; poignars,<br/>
+D&rsquo;arcs, fleches, coutelas, de picques &amp; de dars,<br/>
+Il en saisit ses gens, &amp; chacun d&rsquo;eux commence<br/>
+Sur l&rsquo;heure à chamailler sans grande resistence.<br/>
+Ils en font grand massacre, &amp; cependant du bois<br/>
+Arrive le surplus criant à haute voix,<br/>
+He, He, oukchegouïa, &amp; parmi la melée<br/>
+Se voit incontinent cette troupe melée.<br/>
+L&rsquo;Armouchiquois voyant que de lui c&rsquo;estoit fait<br/>
+S&rsquo;il ne remedioit promptement à son fait,<br/>
+A ce dernier besoin pense de se defendre<br/>
+Plustot qu&rsquo;à la merci de ceux icy se rendre.<br/>
+Ils estoient la pluspart je de couteaux armez<br/>
+Que de porter au col ilz sont accoutumez,<br/>
+Mais ces armes bien peu lur servirent à l&rsquo;heure.<br/>
+Car Membertou muni d&rsquo;une armure plus seure,<br/>
+D&rsquo;un bouclier de bois dur, &amp; d&rsquo;un bon coutelas,<br/>
+Ains que le trenchant d&rsquo;une faux met à bas<br/>
+L&rsquo;honneur des beaux épics: son epée de méme<br/>
+Moissonoit l&rsquo;ennemi d&rsquo;une rigueur extreme.<br/>
+Suivans le train du chef, ne manquent point de coeur,<br/>
+Mais rendans des grans cris &amp; voix épouvantables,<br/>
+Tuent comme fourmis ces pauvres miserables,<br/>
+Desquels lors c&rsquo;estoit fait s&rsquo;ilz n&rsquo;eussent eu recours<br/>
+Au bien qui vient parfois de tourner à rebours.<br/>
+Ce peuple de tout temps amateur de pillage<br/>
+Cuidoit sur Membertou avoir tel avantage,<br/>
+Que d&rsquo;armes pour cette heure il ne leur fut besoin,<br/>
+Neantmoins en tous cas ilz avoient eu le soin<br/>
+D&rsquo;en faire un magazin au fond d&rsquo;une vallée,<br/>
+Où la troupe fuiarde en fin s&rsquo;en est allée.<br/>
+Là chacun se fournit d&rsquo;arcs, fleches, &amp; carquois,<br/>
+De picques, de boucliers, &amp; de masses de bois.<br/>
+Là de tourner visage, &amp; d&rsquo;une face irée<br/>
+Charger sur Membertou &amp; sa gente enivrée<br/>
+Su sang Armouchiquois. A ce nouvel effort<br/>
+Fut Panoniagués au danger de la mort<br/>
+Blessé d&rsquo;un javelot environ la poitrine.<br/>
+Chkoudun le courageux, y receut sur l&rsquo;echine<br/>
+Un coup qui l&rsquo;atterra, &amp; se vit en danger<br/>
+(L&rsquo;ennemi gaignant pié) de jamais n&rsquo;en bouger.<br/>
+Mais le fort Chkoudumech&rsquo; son frere, de sa masse<br/>
+Fendant la presse, fit bien-tot se faire place<br/>
+Pour le tirer de là: mais il y fut feru<br/>
+D&rsquo;un coup que lui chargea de toute sa vertu<br/>
+Le cruel Olmechin. Mnefinou (dont la gloire<br/>
+Par toute cette cotte est en tous lieux notoire)<br/>
+Comme le plus hardi, s&rsquo;efforce de son dard<br/>
+Transpercer Membertou de l&rsquo;une à l&rsquo;autre part:<br/>
+Mais le coup gauchissant par la subtile addresse,<br/>
+Du Prince Souriquois, à son fils il s&rsquo;addresse,<br/>
+Son fils Actaudinech&rsquo;, lequel il aime mieux<br/>
+Que toutes les beautez de la terre &amp; des cieux<br/>
+Ce coup donques perçant le détroit de sa manche<br/>
+Vite comme un éclair luy porta dans la hanche:<br/>
+Dequoy effrayé le Prince Membertou,<br/>
+Il se remet aux ieux du monstrueux Gougou<br/>
+Le duel ancien qu&rsquo;en sa jeunesse tendre<br/>
+Jadis son pere osa hazardeux entreprendre,<br/>
+Et redoublant sa force il étendit son bras,<br/>
+Et le fendit en deux de son fier coutelas.<br/>
+Et comme un chene haut abbatu par l&rsquo;orage<br/>
+Traine en bas quant &amp; soy son plus beau voisinage,<br/>
+Ainsi Mnefinou mort, maint des siens alentour<br/>
+Alla voir de Pluton le tenebreux sejour.<br/>
+L&rsquo;Armouchiquois pourtant ne laisse de poursuivre,<br/>
+Aimant mieux là mourir que honteusement vivre<br/>
+S&rsquo;il arrivait jamais que Membertou veinqueur<br/>
+Leur laissat du combat l&rsquo;eternel des-honneur.<br/>
+Ainsi se r&rsquo;assemblans font des stares diverses<br/>
+Et à leur ennemi donnent maintes traverses.<br/>
+Car jusques là n&rsquo;avoient encor esté rangés,<br/>
+Occasion que mal ilz s&rsquo;estoient revengés.<br/>
+Bessabés &amp; Marchin ont les pointes premieres,<br/>
+Que venans attaquer avec leurs bendes fieres<br/>
+Le chef des Souriquois, une grele de dars<br/>
+En l&rsquo;un &amp; en l&rsquo;autre ôt tombe de toutes parts.<br/>
+La clarté du soleil en demeure obscurcie,<br/>
+Et le nombre des traits toujours se multiplie.<br/>
+A cette charge ici quelques uns sont blessés<br/>
+Parmi les Souriquois: mais plus de terrassés<br/>
+Sont de l&rsquo;autre côté: car de ceux-ci les fleches<br/>
+A pointe d&rsquo;os, ne font de si mortelles breches<br/>
+Comme de ceux qui sont plus voisins des François<br/>
+Qui des pointes d&rsquo;acier ont au bout de leurs bois,<br/>
+Toutefois de nouveau voici nouvelle force<br/>
+Qui des Membertouquois les bras, non les coeurs, force.<br/>
+Go, go, go, c&rsquo;est leur cri, Abejou, Olmechin,<br/>
+Le fort Argostembroet, &amp; le fier Bertachin<br/>
+En sont les conducteurs, qui de premiere entrée<br/>
+Du vaillant Messamoet la troupe ont rencontrée,<br/>
+Messamoet (qui jadis humant l&rsquo;air de la France<br/>
+Avoit de guerroyer reconu la science<br/>
+Parmi les domestics du Seigneur de Grand-mont)<br/>
+Apres mainte bricole avoit gaigné le mont<br/>
+D&rsquo;où il pensoit avoir un facile avantage<br/>
+Pour mettre sans danger l&rsquo;adversaire en dommage.<br/>
+Mais cetui-ci rusé loin de là declina,<br/>
+Et le gros escadron des Souriquois mena<br/>
+Poursuivant vivement jusques dessus l&rsquo;orée<br/>
+Où deux fois chaque jour se hausse la marée,<br/>
+Là Neguioadetch&rsquo; mere du decedé<br/>
+Apres avoir long temps le combat regardé,<br/>
+Voyant en desarroy de Membertou la troupe<br/>
+Elle se met à terre, &amp; sort de sa chaloupe,<br/>
+Afin de donner coeur aux soldats étonnés<br/>
+Qui leur premiere assiette avoient abandonnés.<br/>
+Et comme des Persans les meres &amp; les femmes<br/>
+Jadis voyans leurs fils &amp; leurs maris infames<br/>
+S&rsquo;enfuir du Medois qui les alloit suivant,<br/>
+Courageuses soudain allerent au-devant,<br/>
+Sans honte leur montrer de leur corps la partie<br/>
+Par où l&rsquo;homme reçoit l&rsquo;entrée de la vie,<br/>
+Les unes s&rsquo;écrians: Quoy doncques voulez vous<br/>
+Vous sauver ci-dedans pour eviter les coups<br/>
+Ce cil qui vous poursuit? Les autres d&rsquo;autre sorte<br/>
+Crians à leurs enfans: R&rsquo;entrez dedans la porte<br/>
+Du logis dans lequel vous avés esté nés,<br/>
+Ou contre l&rsquo;ennemi promptement retournés.<br/>
+Eux d&rsquo;un spectacle tel se trouvans pleins de honte,<br/>
+Un sang tout vergongneux à l&rsquo;heure au front leur monte.<br/>
+Si bien que retournans leurs faces en arriere<br/>
+A l&rsquo;Empire Medois mirent la fin derniere.<br/>
+Ainsi fit cette mere en voyant le danger<br/>
+Ou alloit Membertou &amp; les siens se plonger.<br/>
+Neguiroët son mari ores paralytique,<br/>
+Mais qui de bien combattre entendoit la pratique,<br/>
+S&rsquo;y estoit fait porter: &amp; bien reconoissant<br/>
+Le desastre prochain qui les alloit pressant<br/>
+S&rsquo;il ne leur arrivoit quelque nouvelle force,<br/>
+Se fait descendre à terre, &amp; lui-méme s&rsquo;efforce<br/>
+De marcher au combat, afin de là mourir<br/>
+S&rsquo;il ne pouvoit au mons ses amis secourir.<br/>
+Estant au milieu d&rsquo;eux il leur donne courage<br/>
+Et les conjures tous de venger son outrage.<br/>
+Mes amis (ce dit-il) vous ne combattez point<br/>
+Pour le fait seulement, helas! qui trop me point.<br/>
+Il y va de l&rsquo;honneur, il y va de la vie:<br/>
+Ces deux ici perdus, la perte en est suivie<br/>
+Des soupirs &amp; regrets des femmes &amp; enfans<br/>
+De qui nos ennemis s&rsquo;en iront triomphans<br/>
+Tout ainsi que de nous. Ayez doncques courage,<br/>
+Je les voy ja branler: c&rsquo;est ici bon presage.<br/>
+A ces mots Membertou fait tirer les Mousquets<br/>
+Qu&rsquo;au partir les François lui avoient tenus prets.<br/>
+Chkoudun en fait autant (car il a eu de méme<br/>
+Deux Mousquets pour autant que les François il aime)<br/>
+Lesquels estoient parez pour la necessité<br/>
+Comme un dernier remede au corps debilité.<br/>
+Aux coups de ces batons en voila dix par terre.<br/>
+Et le reste effrayé au bruit de ce tonnerre.<br/>
+Abejou, Chitagat, Olmechin, et Marchin<br/>
+Quatre des plus mauvais de ce peuple mutin<br/>
+A ce choc sont tombés. Chkoudun qui a memoire<br/>
+Du coup qu&rsquo;il a receu ne point que la gloire<br/>
+En demeure au donneur, mais d&rsquo;un trait donne-mort<br/>
+Valeureux il attaque Argostembroet le fort,<br/>
+Et presse le surplus d&rsquo;une roideur si grande,<br/>
+Qu&rsquo;au seul bruit de son nom l&rsquo;ennemi se debende.<br/>
+Membertouchis aussi l&rsquo;ainé de Membertou<br/>
+A l&rsquo;aile de son pere assisté de Kichkou,<br/>
+Se faisant faire jour d&rsquo;un coup trois en renverse,<br/>
+Et ja deça, delà, tout est à la renverse.<br/>
+A cinq cens pas plus loin se trouvans Ouzagat,<br/>
+Et Anadabijou empechés au combat,<br/>
+Ilz furent secourus par la troupe hardie<br/>
+De Panoniagués, qui bien-tot fut suivie<br/>
+D&rsquo;Ougimech&rsquo; &amp; les siens: si bien qu&rsquo;en peu de temps<br/>
+L&rsquo;ennemi fut fauché comme l&rsquo;herbe des champs:<br/>
+Car tout ce que restoit, quoy que puissant en nombre,<br/>
+Ne porta gueres loin le malheureux encombre<br/>
+Qui l&rsquo;alloit tallonnant: d&rsquo;autant que Oagimont<br/>
+Avec Memembouré estant au pied du mont<br/>
+Que nagueres j&rsquo;ay dit, les fuyars attendirent,<br/>
+Et valeureusement poursuivans les battirent.<br/>
+Mais Oagimont s&rsquo;estant eloigné de son parc,<br/>
+Trop prompt, y fut blessé grievement d&rsquo;un trait d&rsquo;arc.<br/>
+Memembouré (trop chaut) préque en la méme sorte<br/>
+L&rsquo;ennemi poursuivant y eut la jambe torte,<br/>
+Ce qui plusieurs en fit de leur mains échapper,<br/>
+Mais ne peurent pourtant leur ennemi tromper.<br/>
+Car Etmeminaoet l&rsquo;homme qui de six femme<br/>
+Peut, galant appaiser les amoureuses flammes,<br/>
+Et Metembrolebit, Medagoet, Chahocobech&rsquo;<br/>
+Bituani, Penin, Actembroé, Semcoudech&rsquo;,<br/>
+Tous vaillans champions, soldats &amp; Capitaines<br/>
+Acheverent du tout ces races inhumaines.<br/>
+Mais ce qui est ici digne d&rsquo;étonnement,<br/>
+C&rsquo;est que des Souriquois n&rsquo;est mort un seulement.<br/>
+<br/>
+L&rsquo;Armouchiquois éteint, cette armée defaite,<br/>
+Membertou glorieux fait sonner la retraite,<br/>
+On trouve de blessés encores Pechkmet,<br/>
+Oupakour, Ababich&rsquo;, Pigagan, Chichkmeg,<br/>
+Umanuet, &amp; Kobech&rsquo;, dont les playes on pense,<br/>
+Tandis que du butin d&rsquo;autre côté l&rsquo;on pense.<br/>
+La cure en est sommaire. Entre eux est un devin<br/>
+(Ignorant toutefois) qu&rsquo;on appelle Aoutmoin.<br/>
+Cetui prognostique de l&rsquo;état du malade<br/>
+Feint vers quelque demon pour lui faire ambassade,<br/>
+Et selon sa reponse, en ceci comme en tout,<br/>
+Il juge s&rsquo;il sera bien-tot mort ou debout.<br/>
+Avec ce de la playe il va sucçant le sang,<br/>
+Il la souffle, &amp; soufflant il s&rsquo;émeut tout le flanc:<br/>
+Ceci fait, il applique au dessus de la playe<br/>
+Du roignon de Castor: &amp; par ainsi essaye<br/>
+(Le bendage parfait) son malade guerir.<br/>
+<br/>
+Le butin recuilli, avant que de partir<br/>
+Des chefs Armouchiquois ils enlevent les tétes<br/>
+Pour en faire au retour maintes joyeuses fétes.<br/>
+Ja ilz sont à la voile, &amp; approchent du port<br/>
+Où ilz doivent donner à leurs femmes confort,<br/>
+Lesquelles aussi tot que de leur arrivée<br/>
+Elle ont eu nouvelle, aussi-tot la huée<br/>
+Elles ont fait de loin, desireuses sçavoir<br/>
+Quel avoit esté là de chacun le devoir.<br/>
+Et en ordre marchans, qui en main une masse,<br/>
+Qui un couteau trenchant (ayans toutes la face<br/>
+De couleurs bigarée) elles s&rsquo;attendoient bien<br/>
+Toutes sur l&rsquo;heure avoir un Armouchiquois sien,<br/>
+Afin d&rsquo;en faire tot cruelle boucherie,<br/>
+Mais sans cela convint faire leur tabagie.<br/>
+Et pares le repas la danse s&rsquo;ensuivit,<br/>
+Qui dura tout le jour, &amp; qui dura la nuit,<br/>
+Et toujours durera en s&rsquo;écrians sans cesse,<br/>
+Chantans de Membertou la valeur &amp; proüesse<br/>
+Tant que leur estomach la voix leur fournira,<br/>
+Ou que quelque mal-heur reposer les fera.</p>
+</div>
+
+<hr />
+
+</div><!--end chapter-->
+
+<div class="chapter">
+
+<h2>LA TABAGIE MARINE</h2>
+
+<div class="i20">
+<p class="noindent">
+<span class="lef"><img alt="" src="images/figC.jpg" width="100" height="97" /></span>OMPAGNONS, où est le temps<br/>
+Qu&rsquo;avions nôtre passe-temps<br/>
+A descendre au plus habile<br/>
+Sur le pié ferme d&rsquo;une ile,<br/>
+Fourrageans de toutes pars<br/>
+Deça &amp; delà épars<br/>
+Parmi l&rsquo;epés des feuillages<br/>
+Et des orgueilleux herbages<br/>
+L&rsquo;honneur des jeunes oiseaux<br/>
+Qu&rsquo;enlevions, à grans troupeaux,<br/>
+Le gros Tangueu, la Marmette,<br/>
+Et la Mauve &amp; la Roquette,<br/>
+Ou l&rsquo;Oye, ou le Cormorant,<br/>
+Ou l&rsquo;outarde au corps plus grand.<br/>
+Ça (ce disoi-je à la troupe)<br/>
+Emplissons nôtre chaloupe<br/>
+De ces oiseaux tendrelets,<br/>
+Ilz valent bien des poulets.<br/>
+Dieu! quelle plaisante chasse.<br/>
+Amasse, garson, amasse,<br/>
+Portes-en chargé ton dos,<br/>
+Tu es alaigre &amp; dispos,<br/>
+Et reviens tout à cette heure<br/>
+Prendre pareille mesure,<br/>
+Ne cessant jusques à ce<br/>
+Que nous en ayons assé:<br/>
+Car nous pourrions de cette ile<br/>
+Fournir une bonne ville.<br/>
+<br/>
+Je voudroy m&rsquo;avoir couté<br/>
+Un Karolus bien conté<br/>
+Et estre en cet equipage<br/>
+Acecque tout ce pillage<br/>
+Au beau milieu de Paris<br/>
+O que j&rsquo;y auroy d&rsquo;amis,<br/>
+Qui pour avoir pance grasse<br/>
+Me suivroient de place en place.<br/>
+<br/>
+Qu&rsquo;on ne parle maintenant<br/>
+Que des iles du Ponant.<br/>
+Car les iles Fortunées<br/>
+Sont certes infortunées<br/>
+Au pris de celles ici,<br/>
+Qui nous fournissent ainsi<br/>
+Pour neant ce que l&rsquo;on achete<br/>
+Au quartier de la Huchette,<br/>
+Ou ailleurs bien cherement.<br/>
+Je ne sçay certainement<br/>
+Comme le monde est si béte<br/>
+Que païs il rejette,<br/>
+Veu la grand&rsquo; felicité<br/>
+Qui s&rsquo;y voit de tout côté,<br/>
+Soit qu&rsquo;on suive cette chasse,<br/>
+Soit que l&rsquo;Ellan on pourchasse,<br/>
+Ou qu&rsquo;on vueille de poisson<br/>
+Faire en eté la moisson.<br/>
+Car quant est des paturages<br/>
+Il n&rsquo;y manque pont d&rsquo;herbages<br/>
+Pour nourrir vaches &amp; veaux,<br/>
+Ce ne sont rien que ruisseaux,<br/>
+Lacs, fonteines, &amp; rivieres<br/>
+(De tous biens les pepinieres)<br/>
+En ce païs forétier.<br/>
+Il y a mines d&rsquo;acier,<br/>
+De fer, d&rsquo;argent, &amp; de cuivre,<br/>
+Asseurez moyens de vivre,<br/>
+Quand en train elles seront,<br/>
+Et par le monde courront.<br/>
+<br/>
+La terre y est plantureuse<br/>
+Pour rendre la gent heureuse<br/>
+Qui la voudra cultiver.<br/>
+Il ne reste que trouver<br/>
+Bon nombre de jeunes filles<br/>
+A porter enfans habiles<br/>
+Pour bien-tot nous rendre forts<br/>
+En ces mers, rives, &amp; ports,<br/>
+Et passer melancholie<br/>
+Chacun avecque s&rsquo;amie<br/>
+Pres les murmurantes eaux,<br/>
+Qui gazouïllent par les vaux,<br/>
+Ou à l&rsquo;ombre des fueillages<br/>
+Des endormans verd-bocages.<br/>
+<br/>
+Par mon ame je voudroy<br/>
+Que dés ore il pleût au Roy<br/>
+Me bailler des bonnes rentes<br/>
+En ma bourse bien venantes<br/>
+Tous les ans dix mille escus,<br/>
+Voire trente mille, &amp; plus,<br/>
+Pour employer à l&rsquo;usage<br/>
+D&rsquo;un honéte mariage,<br/>
+A la charge de venir<br/>
+En ce païs me tenir,<br/>
+Et y planter une race,<br/>
+Digne de sa bonne grace,<br/>
+Qui service luy feroit<br/>
+Tant qu&rsquo;au monde elle seroit,<br/>
+Quittant du barreau la lice,<br/>
+Et du monde la malice,<br/>
+Et les injustes faveurs<br/>
+Des hommes de qui le coeurs<br/>
+S&rsquo;enclinent à l&rsquo;apparence<br/>
+Pour opprimer l&rsquo;innocence<br/>
+<br/>
+De tels &amp; autres propos<br/>
+J&rsquo;entretenoy mes dispos<br/>
+Tandis que chacun sa proye<br/>
+Diligent à bort envoye.<br/>
+Devinez si au repas<br/>
+Grand&rsquo; chere ne faisions pas.<br/>
+Car avec cette viande<br/>
+D&rsquo;elle-méme assez friande<br/>
+Nous avions abondamment<br/>
+De poisson pris frechement.<br/>
+<br/>
+Quand ores en ma memoire<br/>
+Se ramentoit cette histoire,<br/>
+Je regrette ce temps là<br/>
+Qui nous fournissoit cela.<br/>
+Car dés long temps la pature<br/>
+de salé nous est si dure,<br/>
+Que nos estomachz forcés<br/>
+En demeurent offensés.<br/>
+<br/>
+Pourtant je ne veux pa dire<br/>
+Que les maitres du navire<br/>
+Messieurs les associés<br/>
+Ne se soient point souciés<br/>
+D&rsquo;envoyer honétement<br/>
+Nôtre rafraichissement.<br/>
+Mais certaines gourmandailles<br/>
+Ont mangé noz victuailles,<br/>
+Noz poules &amp; nos moutons,<br/>
+Et grapillez nos citrons,<br/>
+Nôtre sucre, noz grenades,<br/>
+Nos epices &amp; muscades,<br/>
+Ris, &amp; raisins &amp; pruneaux,<br/>
+Et autres fruits bons &amp; beaux<br/>
+Utiles en la marine<br/>
+Pour conforter la poitrine.<br/>
+<br/>
+Vous sçavés si je di vray,<br/>
+Capitaine Papegay.<br/>
+Si jamais je suis grand Prince<br/>
+En cette tout autre province<br/>
+Onqu&rsquo; enfant ne regira<br/>
+Ce que ma nef portera.<br/>
+Main ne laissons je vous prie<br/>
+de mener joyeuse vie,<br/>
+Ça, garson, de ce bon vin<br/>
+Du cru de Monsieur Macquin,<br/>
+Et buvons à pleine gorge<br/>
+Tant à luy qu&rsquo;à Monsieur George.<br/>
+Ce sont des hommes d&rsquo;honneur<br/>
+Et d&rsquo;une agreable humeur,<br/>
+Car ilz nous ont l&rsquo;autre année<br/>
+Fourni de bonne vinée,<br/>
+Dont le parfum nompareil<br/>
+A garenti du cercueil<br/>
+Plusieurs qui fussent grand&rsquo; erre<br/>
+Allé dormir souz la terre.<br/>
+Et ne trouve quant à moy<br/>
+Drogue de meilleur aloy<br/>
+En nôtre France-Nouvelle<br/>
+Pour braver la mort cruelle,<br/>
+Que vivre joyeusement<br/>
+Avec le fruit du sarment.<br/>
+<br/>
+Est-ce pas donc bon ménage<br/>
+D&rsquo;avoir un si bon bruvage<br/>
+Jusques ores conservé?<br/>
+Car ici n&rsquo;avons trouvé<br/>
+Que bien petite vendange,<br/>
+Ce qui nous est bien étrange.<br/>
+Car le cidre Maloin<br/>
+Ne vaut pas du petit vin.<br/>
+Mais ayons la patience<br/>
+Que soyons rendus en France.<br/>
+Approche de moy, garson,<br/>
+Et m&rsquo;apporte ce jambon,<br/>
+Que j&rsquo;en prenne une aiguillette,<br/>
+Car ce lard point ne me haite.<br/>
+J&rsquo;aimeroy mieux voir noz plats<br/>
+Garnis de bons cervelats,<br/>
+De patés &amp; de saucisses<br/>
+Confits en bonnes epices,<br/>
+Que cette venaison<br/>
+Dont je n&rsquo;ay nulle achoison,<br/>
+Non plus que de ces moruës<br/>
+Qui sont toutes vermoluës<br/>
+Certes le maitre valet<br/>
+Meriteroit un soufflet<br/>
+De nous bailler tout du pire<br/>
+Qui soit dedans ce navire.<br/>
+Car nous devrions par honneur<br/>
+En tout avoir du meilleur.<br/>
+Otez nous tant de viandes,<br/>
+Et apportez des amandes,<br/>
+Pruneaux, figues &amp; raisins,<br/>
+Et buvons à nos voisins.<br/>
+<br/>
+C&rsquo;a toute la pleine tasse,<br/>
+C&rsquo;est à vôtre bonne grace,<br/>
+Capitaine Chevalier.<br/>
+Si dedans vôtre cellier<br/>
+Avez quelque friandise,<br/>
+Faites que de vous l&rsquo;on dise<br/>
+Que vous estes liberal,<br/>
+Honéte, &amp; d&rsquo;un coeur Royal.<br/>
+<br/>
+Maitre tenez vous en garde,<br/>
+C&rsquo;est à vous que je regarde<br/>
+Ayant les armes en main.<br/>
+Plegez moy le verre plein.<br/>
+Cette derniere nuitée<br/>
+Vous a un peu mal traitée.<br/>
+Il y vint un coup de mer<br/>
+Qui pensa nous abymer.<br/>
+Mais vous fites diligence<br/>
+De parer à la defense.<br/>
+<br/>
+Dieu garde le bon JONAS<br/>
+De tout violent trépas,<br/>
+Car s&rsquo;il tomboit en naufrage<br/>
+Nous y aurions du dommage,<br/>
+Et m&rsquo;étonne infiniment<br/>
+Que cet humide element<br/>
+De ses eaux ne nous accable,<br/>
+Veu que le nom venerable<br/>
+De Dieu y est blasphemé<br/>
+D&rsquo;un langage accoutumé,<br/>
+Sans crainte de ses menaces.<br/>
+<br/>
+Neantmoins rendons lui graces,<br/>
+Et avec contrition<br/>
+Demandons remission<br/>
+De noz fautes: &amp; sans cesse<br/>
+Soit loüée sa hautesse. Amen.</p>
+</div>
+
+<p class="i20">Cherchant dessus Neptune un repos sans repos<br/>
+J&rsquo;ay façonné ces vers au branle de ses flots.</p>
+
+ <p class="mid">M. LESCARBOT.</p>
+
+<div class="fig" style="width:100%;">
+<img src="images/fig05.jpg" width="400" height="268" alt="[Illustration]" />
+</div>
+
+</div><!--end chapter-->
+
+<div style='display:block; margin-top:4em'>*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LES MUSES DE LA NOUVELLE FRANCE ***</div>
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+goals and ensuring that the Project Gutenberg&#8482; collection will
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+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg&#8482; and future
+generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see
+Sections 3 and 4 and the Foundation information page at www.gutenberg.org.
+</div>
+
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+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+</div>
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+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non-profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation&#8217;s EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by
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+</div>
+
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+The Foundation&#8217;s business office is located at 809 North 1500 West,
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+and official page at www.gutenberg.org/contact
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+</div>
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+volunteer support.
+</div>
+
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+Project Gutenberg&#8482; eBooks are often created from several printed
+editions, all of which are confirmed as not protected by copyright in
+the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not
+necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper
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+facility: <a href="https://www.gutenberg.org">www.gutenberg.org</a>.
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+including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
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+This eBook, including all associated images, markup, improvements,
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+status under the laws that apply to them.
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+Project Gutenberg (https://www.gutenberg.org) public repository for
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+Project Gutenberg's Les Muses de la Nouvelle France, by Marc L'escarbot
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
+
+
+Title: Les Muses de la Nouvelle France
+
+Author: Marc L'escarbot
+
+Release Date: April 30, 2007 [EBook #21257]
+
+Language: French
+
+Character set encoding: ISO-8859-1
+
+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LES MUSES DE LA NOUVELLE FRANCE ***
+
+
+
+
+Produced by Rnald Lvesque
+
+
+
+
+
+
+ LES MUSES
+ DE LA NOUVELLE
+ FRANCE.
+
+ A MONSEIGNEUR
+ LE CHANCELIER
+
+
+
+_Avia Pieridum peregro loca nullius ant
+Trita solo_ ______________
+
+[Illustration]
+
+ A PARIS
+
+ Chez JEAN MILLOT, devant S. Barthelemy,
+ aux trois Coronnes: Et en sa boutique
+ sur les degrez de la grand'salle du Palais.
+
+ __________________________________________
+
+ M. DC. XII.
+
+ _Avec Privilege du Roy._
+
+ [Illustration]
+
+
+
+ A
+ MONSEIGNEUR
+ MESSIRE NICOLAS
+ BRULART SEIGNEUR
+ de Sillery, Chancelier de
+ France & de Navarre.
+
+MONSEIGNEUR
+
+Les Muses de la NOUVELLE-FRANCE ayans pass d'un autre monde cetui-ci,
+aujourd'hui se presentent voz pis en esperance de recevoir quelque
+mon accueil de vous, qui estant le Pere de celles qui resident sur le
+Parnassse de ntre France Gaulloise & Orientale, desirent aussi que de
+cette mme affection une flamme forte, qui les environne & reoive en sa
+tutele. Que si elles sont mal peignes, & rustiquement vetus;
+considerez, Monseigneur, le pas d'o elles viennent, incult, heriss de
+forts, & habit de peuples vagabons, vivans de chasse, aymans la
+guerre, mprisans les delicatesse, non civiliss, & en un mot qu'on
+appelle Sauvages: & attribus la communication qu'elles ont eu avec
+eux, & aux flots de la mer, leur defaut: je veux dire si elles ne sont
+en si bonne conche & en bon point comme celles qui ont accoutum de se
+presenter vous. Elles sont encore pour le present semblables ces
+poissons qui sont appels Abramides en la Pcherie d'Oppian, lesquels
+sans demeure certaine changent perpetuellement de place, se trouvans
+bien en toute sorte de terre, au contraire de plusieurs qui ne peuvent
+vivre qu'en un lieu. Poissons vrayment figure du peuple Hebrieu, & de la
+vie de ce monde, soit qu'on les prenne par leur nom, soit que l'on
+considere leur faon de vivre, toujours trangers, conduits par la
+providence de celui qui les a cres, ainsi que le grand Abraham pere des
+croyans, duquel non sans cause ilz portent le nom. Mais s'il arrive,
+Monseigneur, que par vtre faveur, assistance, & support, elles soient
+un jour arretes s montagnes du Port Royal & ruisseaux qui en
+decoulent, & ayent le moyen de se rendre plus civiles, & mieux venantes
+ la cadence des fredons d'Apollon: ainsi qu'aux premiers temps s
+solennitez publiques & sainctes on dansoit & chantoit des hymnes &
+cantiques, tant de vive voix, que sur tous instrumens de Musique
+l'honneur du vray Dieu: De mmes elles feront souz vos auspices maintes
+ftes solennelles, ou vtre nom sera exalt, & en leurs chansons
+rememorez les bien-faits de celui, qui apres avoir bien merit de son
+Roy, de sa patrie, & de toute la Chrtient, aura encore pris un soin
+non indigne d'un Chancelier de France, qui sera d'aider
+l'etablissement des Muses en la France Nouvelle, trans-marine, &
+Occidentale, pour la conversion des peuples infideles.
+
+ Vtre tres-humble &
+ tres-obeissant serviteur
+
+ MARC LESCARBOT
+ _Vervinois_
+
+[Illustration]
+
+
+
+
+ LES MUSES DE LA
+ NOUVELLE-FRANCE
+
+
+ AU ROY
+
+
+ ODE PINDARIQUE
+ presente sa Majest en
+ Novembre mil six cens sept.
+
+
+STROPH. 1.
+
+NEPTUNE, donne moy des vers
+Propres resonner la gloire
+Du plus grand Roy que l'Univers
+Ait produit de longue memoire.
+Et puis que sur tes moites eaux
+Tendent leurs ailes noz vaisseaux,
+Fay qu'avec eux ore je vole
+Cornant son renom jusqu'au pole,
+Et que port d'un trait leger
+Sur l'aile de ta large chine,
+Je l'annonce au peuple tranger
+Qui demeure au fond de la Chine.
+
+ANTISTROPH.
+
+Muses pourtant pardonnez moy
+Si pour cette heure je m'addresse
+Ailleurs qu' vous; & si la loy
+De vous invoquer je transgresse.
+Je ne boy ici d'Helicon
+Les douces eaux, ni ma chanson
+Ne ressent les fleurs qu'on amasse
+Au sommet du double Parnasse.
+Neptune commande en ce lieu,
+C'est lui qu'il faut que je rende
+Ores mes voeux, & qu' ce Dieu
+De mon chant le ton je demande.
+
+EPOD.
+
+Car quoy qu'il soit quelquefois
+Forcen d'ire & de rage,
+Il ayme bien toute fois
+Des chansons le doux ramage.
+Et de cela soucieux
+A ses Syrenes il donne
+Mainte chanson qui resonne
+D'un chant fort harmonieux,
+Qui par ses douces merveilles
+Les peu rusez Nautonniers
+Attire par les oreilles,
+et les fait ses prisonniers.
+
+STROPH. 2.
+
+Vive donc mon Prince & mon Roy
+Par qui respire ntre France
+Sentant souz le joug de sa loy
+Les doux effects de sa clemence.
+Lui qui parmi tant de hazars
+Qui l'ont suivi de toutes parts
+A vaincu l'effort de la Fortune,
+Laquelle en lui n'a part aucune.
+Car sa vertu tant seulement
+Du haut des cieux favorise
+A jusques dans le Firmament
+Sa Majest authorise.
+
+ANTISTROPH.
+
+Le jour qu'en France commena
+A luire sa belle lumiere
+Le conseil des Dieux s'amassa
+Pour savoir de quelle maniere
+Ilz pourroient honorer celui
+Qui devoit estre un jour l'appui
+De mainte gent abandonne
+A que du ciel n'est point donne
+La conoissance de son bien
+Et de maint peuple & mainte ville
+Police souz le lien
+De la societ civile.
+
+EPOD.
+
+Mars lui donna sa valeur,
+Hercule donna sa force,
+Et Jupiter sa terreur,
+Qui la force mme force.
+Mais Vulcan lui faonna
+De fin acier bien trempe
+Une foudroyante epe
+Qu'en present il lui donna
+Pour en frapper les rebelles,
+Et la rogue nation
+Qui nous a fait des quereles
+Souz feinte religion.
+
+STROPH. 3.
+
+Il n'estoit pas hors le berceau,
+Il n'avoit quitt son enfance,
+Que son ge plus tendre & beau
+S'endurcissoit la souffrance
+Des pres & dures rigueurs
+Des froidures & des chaleurs,
+Afin qu'un jour il peust l'aise
+Supporter de Mars le mesaise,
+Puis que son destin estoit tel,
+Que parmi les chaudes alarmes
+Il devoit se rendre immortel,
+Par l'effort de ses fieres armes.
+
+ANTISTROPH.
+
+Qui l'a jamais veu sommeiller,
+Ou les mains avoir endormies,
+Quand il a fallu chamailler
+Dessus les troupes ennemies?
+Tmoins en sont tant de combats
+O il a cent fois du trpas
+Loin repouss la violence,
+De sorte que mme la France,
+France nourrice des guerriers
+Par ses longs travaux fatigue
+Est le sujet de ses lauriers
+Pour s'estre contre lui ligue.
+
+EPOD.
+
+Et apres s'estre soumis
+La populace mutine,
+Il a fait qu'ores Themis
+Seurement par tout chemin
+Afin qu'une ferme paix
+Au moyen de la Justice
+En sa maison s'tablisse
+Qui soit durable jamais,
+Et que toujours souz son aile
+Fleurisse la piet,
+Sans qu'oncques elle chancelle
+Ni d'un ni d'autre ct.
+
+STROPH. 4.
+
+Grand Roy nous te devons ceci,
+Vire mille fois davantage.
+Mais il reste encore un souci
+Digne de ton vieillissant ge,
+Afin que la posterit
+Entende que ta piet
+N'estoit dedans ta France enclose.
+Il faut, grand Roy, faire une chose,
+Il faut ores du Tout-puissant
+Porter le nom souz ta banniere
+O son Soleil resplendissant
+Chacun jour finit sa carriere.
+
+ANTISTROPH.
+
+Aye doncques compassion
+De tant de peuples qui perissent
+Sans loix & sans Religion
+Et de leur misere gemissent.
+Si tu veux, grand Roy, tu les peux
+Joindre avec nous en mme voeux,
+Et faire de tous une Eglise,
+Si ta bont les favorise.
+Mais si ton pouvoir souverain
+Ne soutient un si grand affaire,
+Mais si tu retires ta main,
+Que est-ce qui le pourra faire?
+
+EPOD.
+
+C'est, mon Prince, c'est de toy
+Qu'une antique destine
+A prononc qu'un grand Roy
+Seroit apres mainte anne
+Du vieil tige des Franois,
+Que regiroit en justice
+Par une saincte police
+Conjointe aux divines loix
+Les nations infideles
+Qui sont encore en maints lieux,
+Et par force les rebelles
+Conduiroit dedans les cieux.
+
+ LESCARBOT
+
+ ____________________________________________
+
+APRES que nous fumes arrivs au Port Royal en la
+Nouvelle-France le sieur du Pont de Honfleur, qui estoit parti ds le
+sezime de Juillet, desesperant qu'aucun navire deut arriver de France,
+pour ce que la saison desja se passoit, ayant rencontr par un grand
+heur quelques uns de nos gens (qui la veu de la terre du port de
+Campseau s'estoient mis dans une chalouppe, & venoient jusques audit
+Port Royal suivans la cte) parmi des iles, il tourna le cap rebours,
+& nous vint trouver avec beaucoup de rejoussance d'une part & d'autre.
+En fin au bout de trois semaines il nous laissa sa barque & une patache,
+& se mit avec quelques cinquante homme qu'il avoit, dans ntre navire
+qui retournoit en France. Or avant son depart, pour lui dire Adieu je
+lui fis ces vers ici parmi le tintamarre d'un peuple contus qui
+marteloit de toutes parts pour faire ses logemens, lesquels vers furent
+depuis imprimez la Rochelle.
+
+ __________________________________________________
+
+
+
+
+ ADIEU AUX FRANOIS
+ retournans de la Nouvelle-France
+ en la France Gaulloise.
+
+ Du 25 d'Aoust 1606.
+
+ALLEZ donques, vogus, troupe genereuse
+Qui avez surmont d'une ame courageuse
+Et des vents & des flots les horribles fureurs
+Et de maintes saisons les cruelles rigueurs,
+Pour conserver ici de la Franoise gloire
+Parmi tant de hazars l'honorable memoire.
+Allez doncques, vogus, puissiez vous outre mer
+Un chacun bien-tot voir son Ithaque fumer:
+Et puissions nous encore au retour de l'anne
+La mme troupe voir par dea retourne.
+
+Fatiguez de travaux vous nous laisss ici
+Ayans galement l'un de l'autre souci,
+Vous, que nous ne soyons saisis de maladies
+Qui facent Pluton offrandes de noz vies:
+Nous, qu'un contraire flot, ou un secret rocher
+Ne vienne vtre nef l'impourveu toucher.
+Mais un point entre nous met de la difference,
+C'est que vous allez voir les beautez de la France,
+Un royaume enrichi depuis les siecles vieux
+De tout ce que le monde a de plus precieux:
+Et nous comme perdus parmi la gent Sauvage
+Demeurons tonnez sur ce marin rivage,
+Privez du doux plaisir & du contentement
+Que l vous recevrez ds votre avenement.
+
+Que di-je, je me trompe, en ce lieu solitaire,
+L'homme juste a dequoy soy-mme complaire,
+Et admirer de Dieu la haute Majest,
+S'il en veut contempler l'agreable beaut
+Car qu'on aille rodant toute la terre ronde,
+Et qu'on furette tous les cachotz du monde,
+On ne trouvera rien si beau, ne si parfait
+Que l'aspect de ce lieu ne passe d'un long trait.
+Y desirez-vous voir une large campagne?
+La mer de toutes parts ses moites rives baigne.
+Y desirez-vous voir des coteaux alentour?
+C'est ce qui de ce lieu rent plus beau le sejour.
+Y voulez-vous avoir le plaisir de la chasse?
+Un monde de forts de toutes parts l'embrasse.
+Voulez-vous des oiseaux avoir la venaison?
+Par bendes ils y sont chacun en sa saison.
+Cherchez-vous changement en votre nourriture?
+La mer abondamment vous fournit de pture.
+Aymez-vous des ruisseaux le doux gazouillement
+Les ctaux enlasss en versent largement.
+Cherchez-vous le plaisir des verdoyantes iles?
+Ce Port en contient deux capables de deux villes.
+Aymez-vous d'un Echo la babillarde voix?
+Ici peut un Echo rpondre trente-fois.
+Car lors que du Canon le tonnerre y bourdonne
+Trente-fois alentour le mme coup resonne,
+Et semble au tremblement que Megere l'envers
+Soit prte d'crouler tout ce grand Univers.
+Aymez-vous voir le cours des rivieres profondes?
+Trois rendent ce lieu le tribut de leurs ondes,
+Dont l'Equille ayant eu plus de terre en son lot,
+Elle se porte aussi d'un orgueilleux flot,
+Et prques assourdit de son bruiant orage
+Non le Stadisien, mais ce peuple Sauvage.
+Bref, contre l'ennemi voulez-vous estre fort?
+Ce lieu rien que du Ciel ne redoute l'effort.
+Car de deux boulevers Nature a son entre
+Si dextrement muni, que toute la contre
+Peut l'abri d'iceux reposer seurement,
+Et en toute saison vivre joyeusement.
+
+Le bl te manque encore, & le fruit de la vigne
+Pour faire son renom par l'univers insigne.
+Mais si le Tout-poussant benit ntre labeur
+En bref tu sentiras la celeste faveur
+En ton sein decouler ainsi qu'une rouse
+Qui tombe doucement sur la terre embrase
+Au milieu de l'et. Que si on n'a encore
+De tes veines tir la riche mine d'or,
+L'argent, l'airain, le fer que tes forts pesses
+Gardent comme en depos sont de belles richesses
+Pour le commencement, & peut estre qu'un jour
+Sera la mine d'or dcouverte son tour.
+Mais c'est ores assez que tu nous puisse rendre
+Et du bl & du vin, pour apres entreprendre
+Un vol plus elev (car le bord de tes eaux
+Peut fournir de pature mille grans troupeaux)
+Et de villes batir, des maisons, & bourgades,
+Qui servent de retraite aux Franoises peuplades,
+Et pour changer les moeurs de cette nation
+Qui vit sans Dieu, sans loy, & sans religion.
+
+O trois-fois Tout-puissant, grand Dieu que j'adore
+Ores que ton Soleil envoye son Aurore
+Sur cette terre ici, ne vueille plus tarder,
+Vueilles d'un oeil piteux ce peuple regarder,
+Qui languit attendant ta parfaite lumiere
+Trop prolongeant, helas! sa divine carriere.
+
+DU PONT dont la vertu vole jusques aux cieux
+Pour avoir sceu domter d'un coeur audacieux
+En ces difficults mille maux, mille peines,
+Qui pouvoient souz le faix accraventer tes veines,
+Ayant est ici laiss pour conducteur
+A ceux-l qui poussez d'une pareille ardeur
+Ont aussi soutenu en la Nouvelle-France
+De leur propre maison la dure & longue absence;
+Si-tot que tu verras la face de ton Roy
+Di lui que ses ayeuls pour la Chrtienne loy
+Ont jadis triomph dedans la Palestine,
+Et courageusement de la gent Sarazine
+Repouss la fureur s Memphitiques bors,
+Et pour la mme cause ont expos leurs corps
+Au gr des vents, des flots, d'une maratre terre,
+Et au guerrier hazard du sanglant cimeterre:
+Qu'ici peu de frais, sans qu'un robuste bras
+Rougisse au sang humain le meurtrier coutelas,
+Il se peut acquerir une gloire semblable.
+Laquelle sa grandeur sera plus proufitable.
+
+Allez doncques, vogus, genereux Franois,
+Cependant que plus loin vers les Armouchiquois
+Les voiles nes tendons, pour outre Mallebarre
+Rechercher quelque Port qui nous serve de barre
+Soit pour nous opposer un fort ennemi,
+Ou pour y recevoir seurement ntre ami,
+Et la mme prouver si la Nouvelle-France
+A noz travaux rendra selon notre esperance.
+
+Neptune, si jamais tu as favoris
+Ceux qui dessus tes eaux leurs vies ont us;
+Vray Neptune, fay nous chacun o il desire
+A bon port arriver, afin que ton Empire
+Soit par-dea connu en maintes regions,
+Et bien-tot frequent de toutes nations.
+
+[Illustration]
+
+
+
+
+ LE THEATRE
+ DE NEPTUNE EN LA
+ NOUVELLE-FRANCE
+
+_Represent sur les flots du Port Royal le quatorzieme de Novembre mille
+six cens six, au retour du Sieur de Poutrincourt du pas des
+Armouchiquois._
+
+Neptune commence revetu d'un voile de couleur bleu, & de brodequins,
+ayant la chevelure & la barbe longues & chenus, tenant son Trident en
+main, assis sur son chariot par de ses couleurs: ledit chariot train
+sur les ondes par six Tritons jusques l'abord de la chaloupe o
+s'estoit mis ledit Sieur de Poutrincourt & ses gens sortant de la barque
+pour venir terre. Lors la dite chaloupe accroche, Neptune commence
+ainsi.
+
+NEPTUNE.
+
+ARRETE, Sagamos, arrete toy ici,
+Et regardes un Dieu qui a de toy souci.
+Si tu ne me connois, Saturne fut mon pere
+Je suis de Jupiter & de Pluton le frere
+Entre nous trois jadis fut parti l'univers,
+Jupiter eut le ciel, Pluton eut les Enfers,
+Et moy plus hazardeux eu la mer en partage,
+Et le gouvernement de ce moite heritage.
+NEPTUNE c'est mon nom, Neptune l'un des Dieux
+Qui a plus de pouvoir souz la voute des cieux.
+
+Si l'homme veut avoir une heureuse fortune
+Il lui faut implorer le secours de Neptune
+Car celui qui chez soy demeure cazanier
+Merite seulement le nom de cuisinier.
+
+Je fay que le Flameng en peu de temps chemine
+Aussi-tot que le vent jusque dedans la Chine.
+Je say que l'homme peut, port dessus mes eaux,
+D'un autre pole voir les inconnuz flambeaux,
+Et les bornes franchir de la Zone torride,
+O bouillonnent les flots de l'element liquide.
+Sans moy le Roy Franois d'un superbe elephant
+N'eust du Persan receu le present triumphant:
+Et encores sans moy onc les Franois gendarmes
+Es terres du Levant n'eussent plant leurs armes.
+Sans moy le Portugais hazardeux sur mes flots
+Sans renom croupiroit dans ses rives enclos,
+Et n'auroit enlev les beautez de l'Aurore
+Que le monde insens folatrement adore.
+Bref sans moly le marchant, pilote, marinier
+Seroit en sa maison comme dans un panier
+Sans -peine pouvoir sortir de sa province.
+Un Prince ne pourroit secourir l'autre Prince
+Que j'auroy separ de mes profondes eaux.
+Et toy mme sans moy apres tant d'actes beaux
+Que tu as exploits en la Franoise guerre,
+N'eusses eu le plaisir d'aborder cette terre.
+C'est moy qui sur mon dos ay tes vaisseaux port
+Quand de me visiter tu as eu volont
+Et nagueres encor c'est moy que de la Parque
+Ay cent fois garenti toy, les tiens& ta barque.
+Ainsi je veux toujours seconder tes desseins,
+Ainsi je ne veux point que tes effortz soient vains,
+Puis que si constamment tu as eu le courage,
+De venir si loin rechercher ce rivage,
+Pour tablir ici un Royaume Franois,
+Et y faire garder mes statuts & mes loix.
+
+Par mon sacr Trident, par mon sceptre je jure
+Que de favoriser ton projet j'auray cure,
+Et oncques je n'auray en moy-mme repos
+Qu'en tout cet environ je ne voye mes flots
+Ahanner souz le faix de dix milles navires.
+Que facent d'un clin d'oeil tout ce que tu desires.
+
+Va donc heureusement, & poursui ton chemin
+O le sort te conduit: car je voy le destin
+Preparer la France un florissant Empire
+En ce monde nouveau, qui bien loin fera bruire
+Le renom immortel de De Monts & de toy
+Souz le regne puissant de HENRY vtre Roy.
+________________________________________________
+
+Neptune ayant achev, une trompete commence clater hautement &
+encourager les Tritons faire de mme. Ce pendant le sieur de
+Poutrincourt tenoit son epe en main, laquelle il ne remit point au
+fourreau jusques ce que les Tritons eurent prononc comme s'ensuit.
+
+PREMIER TRITON.
+
+Tu peux (grand Sagamos) tu peux te dire heureux
+Puis qu'un Dieu te promet favorable assistance
+En l'affaire important que d'un coeur vigoureux
+Hardi tu entreprens, forant la violence
+D'ole, qui toujours inconstant & leger,
+Tantot adesquids (ami), tantot pouss d'envie,
+Veut te precipiter, & les tiens au danger.
+
+Neptune est un grand Dieu, qui cette jalousie
+Fera comme fumee en l'air vanour:
+Et nous ses postillons, malgr l'effort d'ole,
+Ferons toutes parts de ton courage our
+Le renom, qui des-ja en toutes terres vole.
+
+DEUXIEME TRITON.
+
+Si Jupiter est Roy s cieux
+Pour gouverner a bas les hommes,
+Neptune aussi l'est en ces lieux
+Pour mme effect; & nous qui sommes,
+Ses suppos, avons grand desir
+De voir le temps & la journe
+Qu'ayes de tes travaux plaisir
+Apres ta course termine,
+Afin qu'en ces ctes ici
+Bien-tot retentisse la gloire
+Du puissant Neptune: & qu'ainsi
+Tu eternises ta memoire.
+
+TROISIEME TRITON.
+
+France, tu as occasion
+De louer la devotion
+De tes enfans dont le courage
+Se montre plus grand en cet age
+Qu'il ne fit onc s siecles vieux,
+Estans ardemment curieux
+De faire clater tes louanges
+Jusques aux peuples plus tranges,
+Et graver ton los immortel
+Mme souz ce monde mortel.
+
+Ayde doncques & favorise
+Une si louable entreprise,
+Neptune s'offre ton secours
+Qui les tiens maintiendra toujours
+Contre toute l'humaine force,
+Si quelqu'un contre toy s'efforce.
+Il ne faut jamais rejetter
+Le bien qu'un Dieu nous veut preter.
+
+QUATRIEME TRITON.
+
+Celui qui point ne se hazarde
+Montre qu'il a l'ame coarde
+Mais celui qui d'un brave coeur
+Meprise des flots la fureur
+Pour un sujet rempli de gloire
+Fait chacun aisment croire
+Que de courage & de vertu,
+Il est tout ceint & revetu,
+Et qu'il ne veut que le silence
+Tienne son nom en oubliance.
+
+Ainsi ton nom (grand Sagamos)
+Retentira dessus les flots
+D'or-en-vant, quand dessus l'onde
+Tu decouvres ce nouveau monde,
+Et y plantes le nom Franois,
+Et la Majest de tes Rois.
+
+CINQUIEME TRITON.
+
+Un Gascon pronona ces vers peu prs en sa langue.
+
+Sabets aquo que volio diro,
+Aqueste Neptune bieillart
+L'autre jou faisio des bragart,
+Et comme un bergalant se miro.
+
+N'agaires que faisio l'amou,
+Et baisavo une jeune hillo
+Qu'ero plan polide & gentillo,
+Et la cerquavo quadejou.
+
+Bezets, ne vous fizets pas trop
+En aquels gens de barbos grisos,
+Car en aqueles entreprisos
+Els ban lou trot & lou galop.
+
+SIXIEME TRITON.
+
+Vive HENRY le grand Roy des Franois
+Qui maintenant fait vivre souz ses loix
+Les nations de sa Nouvelle-France,
+Et souz lequel nous avons esperance
+De voir bien-tot Neptune rever
+Autant ici qu'onq' il fut honor
+Par ses sujets sur le Gaullois rivage,
+Et en tus lieux o le brave courage
+De leur ayeuls jadis les a port.
+Neptune aussi fera de son ct
+Que leurs neveux s'employans sans feintise
+A l'ornement de leur belle entreprise
+Tous leurs desseins il favorisera,
+Et prosperer sur ses eaux il fera.
+
+______________________________________
+
+Cela fait, Neptune s'quarte un petit pour faire place un canot, dans
+lequel estoient quatre Sauvages, qui s'approcherent apportans chacun un
+present audit sieur de Poutrincourt.
+
+PREMIER SAUVAGE.
+
+Le premier Sauvage offre un quartier d'Ellan ou Orignac, disant ainsi:
+
+De la part des peuples sauvages
+Qui environnent ces pas
+Nous venons rendre les homages
+Duez aux sacres Fleur-de-lis
+Es mains de toy, qui de ton Prince
+Representes la Majest,
+Attendans que cette province
+Faces florir en piet,
+En moeurs civils, & toute chose
+Qui sert l'tablissement
+De ce qui est beau, & repose
+En un Royal gouvernement,
+Sagamos, si en nos services
+Tu as quelque devotion,
+A toy en faisons sacrifices
+Et ta generation.
+
+Noz moyens sont un peu de chasse
+Que d'un coeur entier nous t'offrons,
+Et vivre toujours en ta grace
+C'est tout ce que nous desirons.
+
+DEUXIEME SAUVAGE.
+
+Le deuxiesme Sauvage tenant son arc & sa fleche en main, donne pour son
+present des peaux de Castors, disant:
+
+Voici la main, l'arc, & la fleche
+Qui ont fait la mortele breche
+En l'animal de qui la peau
+Pourra servir d'un bon manteau
+(Grand Sagamos) ta hautesse.
+
+Reoy donc de ma petitesse
+Cette offrande qu' ta grandeur
+J'offre du meilleur de mon coeur.
+
+TROISIEME SAUVAGE.
+
+Le troisieme Sauvage offre des _Matachiaz_, c'est dire, echarpes, &
+brasselets faits de la main de sa maitresse, disant:
+
+Ce n'est seulement en France
+Que commande Cupidon
+Mais en la Nouvelle-France,
+Comme entre vous, son brandon
+S'allume; & de ses flammes
+Il rotit noz pauvres ames,
+Et fait planter le bourdon.
+
+Ma maitresse ayant nouvelle
+Que tu devois arriver,
+M'a dit que pour l'amour d'elle
+J'eusse te venir trouver,
+Et qu'offrande je te fisse
+De ce petit exercice
+Que sa main sceu ouvrer.
+
+Reoy doncques d'allegresse
+Ce present que je t'adresse
+Tout rempli de gentillesse
+Pour l'amour de ma maitresse
+Qui est ores en detresse
+Et n'aura point de liesse
+Si d'une prompte vitesse
+Je ne lui di la caresse
+Que m'aura fait ta hautesse.
+
+QUATRIEME SAUVAGE
+
+Le quatrime Sauvage n'ayant heureusement chass par les bois, se
+presente avec un harpon en main, & apres ses excuses faites, dit qui
+s'en va la pche.
+
+SAGAMOS, pardonne moy
+Si je viens en telle sorte,
+Si me presentant toy
+Quelque present je n'apporte.
+Fortune n'est pas toujours
+Aux bons chasseurs favorables,
+C'est pourquoy ayant recours
+A un maitre plus traitable,
+Apres avoir maintefois
+Invoqu cette Fortune
+Brossant par l'epe des bois,
+Je m'en vay suivre Neptune,
+
+Que Diane en ses forts
+Ceux qu'elle voudra caresse,
+Je n'ay que trop de regrets
+D'avoir perdu ma jeunesse
+A la suivre par les vaux,
+Avecque mille travaux,
+Souz des esperances vaines.
+
+Maintenant je m'en vay voir
+Par cette cte marine
+Si je pourray point avoir
+Dequoy fournir ta cuisine:
+Et cependant si tu as
+Quelque part en ta chaloupe
+Un peu de caradonas, (pain)
+Fournis-en moy & ma troupe.
+________________________________________
+
+Apres que Neptune eut est remerci par le sieur de Poutrincourt de ses
+offres au bien de la France, les Sauvages le furent semblablement de
+leur bonne volont & devotion, & invitez de venir au fort Royal prendre
+du _caracona_. A l'instant la troupe de Neptune chante en Musique
+quatre parties ce qui s'ensuit.
+
+Vray Neptune donne nous
+Contre tes flots asseurance,
+Et fay que nous puissions tous
+Un jour nous revoir en France.
+
+La musique acheve, la trompete sonne derechef, & chacun prent sa route
+diversement: les Canons bourdonnent de toutes parts, & semble ce
+tonnerre que Proserpine soit en travail d'enfant: ceci caus par la
+multiplicit des Echoz que les ctaux s'envoient les uns aux autres,
+lesquels durent plus d'un quart d'heure.
+
+Le sieur de Poutrincourt arriv prs du Fort Royal, un compagnon de
+gaillarde humeur qui l'attendoit de pi ferme, dit ce qui s'ensuit:
+
+Apres avoir long temps (Sagamos) desir
+Ton retour en ce lieu, en fin le ciel ir
+A eu piti de nous, & nous montrant ta face,
+Il nous a fait paroitre une incroyable grace.
+
+Sus doncques, rotisseurs, depensiers, cuisiniers,
+Marmitons, patissiers, fricasseurs, taverniers,
+Mettez dessus dessouz pots & plats & cuisine,
+Qu'on baille ces gens ci chacun sa quarte pleine,
+Je les voy alterez sicut terra sine aqua.
+Garson depeche toy, baille chacun son K.
+Cuisiniers, ces canars sont ils point la broche?
+Qu'on tu ces poulets, que cette oye on embroche,
+Voici venir nous force bons compagnons
+Autant deliberez des dents que des roignons.
+Entrez dedans Messieurs, pour votre bien-venu,
+Qu'avant boire chacun hautement ternu,
+A fin de decharger toutes froides humeurs
+Et remplir voz cerveaux de plus douces vapeurs.
+
+Je prie le Lecteur excuser si ces rhimes ne sont si bien limes que les
+homme delicats pourroient desirer. Elles ont est faites la hate. Mais
+neantmoins je les ay voulu inserer ici, tant pour ce que'elles servent
+ntre Histoire, que pour montrer que nous vivions joyeusement. Le
+surplus de cette action se peut voir la fin du chap. 16, liv. 4 de mon
+Histoire de la Nouvelle France.
+
+ __________________________________________________________
+
+
+
+
+ A-DIEU
+ A LA NOUVELLE-FRANCE
+ Du 30 Juillet 1607.
+
+FAUT-il abandonner les beautez de ce lieu,
+Et dire au Port Royal un eternel Adieu?
+Serons-nous donc toujours accusez d'inconstance
+En l'tablissement d'une Nouvelle-France?
+Que nous sert-il d'avoir port tant de travaux,
+Et des flots irritez combattu les assaux,
+Si notre espoir est vain, & si cette province
+Ne flechit souz les loix de HENRY notre Prince?
+Que vous servit-il d'avoir jusques ici
+Fait des frais inutils, si vous n'avez souci
+de recuillir le fruit d'une longue depense,
+Et l'honneur immortel de votre patience?
+Ha que j'ay de regrets que ne savez pas
+De cette terre ici les attrayans appas.
+Et bien que le Flamen vous ait fait une injure,
+L'injure bien souvent se rend avec usure.
+Il faut doncques partir, il faut appareiller,
+Et au port Sainct-Malo aller l'ancre mouiller.
+
+PERE DE L'UNIVERS, qui commandes aux ondes,
+Et qui peux assecher les mers les plus profondes,
+Donne nous de franchir les abymes des eaux
+Dont tu as separ tous ces peuples nouveaux
+Des peuples baptizs, & sans aucun naufrage
+Du royaume Franois voir bien-tot le rivage.
+
+Adieu donc beaux coteaux & montagnes aussi,
+Qui d'un double rempar ceignez ce Port ici.
+Adieu vallons herbus que le flot de Neptune
+Va baignant largement deux fois chaque lune,
+Et au gibier aussi, qui pour trouver pture
+Y vient de tous cotez tant qu'il y a verdure.
+Adieu mon doux plaisir fonteines & ruisseaux,
+Qui les vaux & les monts arrousez de vos eaux.
+Pourray-je t'oublier belle ile fortiere
+Riche honneur de ce lieu & de cette riviere?
+Je prise de ta soeur les aimables beauts,
+Mais je prise encor plus tes singularits.
+Car comme il est sant que celui qui commande
+Porte une Majest plus auguste & plus grande
+Que son inferieur; ainsi pour commander
+Tu as le front hauss qui te fait regarder.
+A l'environ de toy une ondoyante plaine,
+Et la terre alentour sujette ton domaine
+Tes rives sont des rocs, soit pour tes batimens,
+Soit pour d'une cit jetter les fondemens.
+Ce sont en autres parts une menu arene,
+O mille fois le jour mon esprit se pourmene.
+Mais parmi tes beauts j'admire un ruisselet
+Qui foule doucement l'herbage nouvelet
+D'un vallon que se baisse au creux de ta poitrine,
+Precipitant son cours dedans l'onde marine.
+Ruisselet qui cent fois de ses eaux m'a tent,
+Sa grace me forant lui prter le ct.
+Ayant dont tout cela, Ile haute & profonde,
+Ile digne sejour du plus grand Roy du monde,
+Ayant di-je, cela, qu'est-ce que te defaut.
+A former pardea la cit qu'il nous faut,
+Sinon d'avoir prs soy un chacun sa mignone
+En la sorte que Dieu & l'Eglise l'ordonne?
+Car ton terroir est bon & fertile & plaisant,
+Et oncques son culteur n'en sera deplaisant.
+Nous en pouvons parler, qui de mainte semence
+Y jette, en avons certaine experience.
+Que puis-je dire encor digne de ton beau los?
+Qu'adjouteray-je ici que dedans ton enclos
+Se trouvent largement produits par la Nature
+Framboises, fraises, pois, sans aucune culture?
+Ou bien diray-je encor tes verdoyans lauriers,
+Tes Simples inconus, tes rouges grozeliers?
+Non, mais tant seulement sans sortir tes limites,
+Ici je toucheray les nombreux exercices
+Des peuples caillez qui viennent chaque jour,
+Suivans le train du flot te donner le bon-jour.
+
+Si-tot que du Printemps la saison renouvelle
+L'Eplan vient foison, qui t'apporte nouvelle
+Que Phoebus elev dessus ton horizon
+A chass loin de toy l'hivernale saison.
+Le Haren vient apres avecque telle presse
+Que seul il peut remplir un peuple de richesse.
+Mes yeux en sont tmoins, & les vostres aussi
+Qui de ntre pature avs eu le souci,
+Quand, ailleurs occupez, vtre main diligente
+Ne pouvoit satisfaire la chasse plaisante
+Qu'envoyoit en voz rets l'ecluse d'un moulin.
+Le Bar suit par-apres du Haren le chemin.
+Et en un mme temps la petite Sardine,
+La Crappe, & le Houmar, suit la cte marine
+Pour un semblable effect; le Dauphin, l'Eturgeon
+Y vient parmi la foule avecque le Saumon,
+Comme font le Turbot, le Pounamou, l'Anguille,
+L'Alose, le Fletan, & la Loche, & l'Equille:
+Equille qui, petite, as impos le nom
+A ce fleuve de qui je chante le renom.
+Mais ce n'est ici tout, car tu as davantage
+De peuples qui te font par chacun jour homage,
+Le Colin, le Joubar, l'Encornet, le Crapau,
+Le Marsoin, le Souffleur, l'Oursin le Macreau,
+Tu as le Loup-marin, qui en troupe nombreuse
+Se vautre au clair du jour sur ta vase bourbeuse,
+Tu as le Chien, la Plie, & mille autres poissons
+Que je ne conoy point, de tes eaux nourrisons.
+Tairay-je la Moru heureusement feconde,
+Qui par tout cette mer en toutes parts abonde?
+Moru si tu n'es de ces mets delicats
+Dont les hommes frians assaisonnent leurs plats,
+Je diray toutefois que de toy se sustente
+Prque tout l'Univers. O que sera contente
+Celle personne un jour, qui sa porte aura
+Ce qu'un monde eloign d'elle recherchera!
+Belle ile tu as donc foison cette manne,
+Laquelle j'ayme mieux que de la Taprobane
+Les beautez que lon feint dignes des bien-heureux
+Qui vont buvans des Dieux le Nectar savoureux.
+Et pour montrer encor ta puissance supreme,
+La Baleine t'honore & te vient elle-mme
+Saluer chacun jour, puis l'ebe la conduit
+Dans le vague Ocean o elle a son deduit.
+De ceci je rendray fidele temoignage,
+L'ayant veu mainte fois voisiner ce rivage,
+Et l'aise nouer parmi ce port ici.
+
+Mais tous ces animaux, mais tous ces peuples ci
+S'cartent quand Phoebus veut approcher la borne
+Du celeste manoir, o git le Capricorne,
+Et vont chercher l'abri du profond de Thetys,
+Ou d'un terroir plus doux vont souvans le ptis.
+Seulement pres de toy en cette saison dure
+La Palourde, la Coque, & la Moule demeure
+Pour sustenter celui qui n'aura de saison
+(Ou pauvre, ou paresseux) fait aucune moisson,
+Tel que ce peuple ici qui n'a cure de chasse
+Jusqu' ce que la faim le contraigne& pourchasse,
+Et le temps n'est toujours favorable au chasseur.
+Qui ne souhaite point d'un beau temps la douceur,
+Mais une forte glace, ou des neges profondes,
+Quand le Sauvage veut tirer du fond des ondes
+L'industrieux Castor (qui sa maison batit
+Sur la rive d'un lac, o il dresse son lict
+Vout d'une faon aux hommes incroyable,
+Et plus que noz palais mille fois admirable,
+Y laissant vers le lac un conduit seulement
+Pour s'aller gayer souz l'humide element)
+Ou quand il veut quter parmi les bois le gite
+Soit du Royal Ellan, soit du Cerf au pi vite,
+Du Lapin, du Renart, du Caribou, de l'Ours,
+De l'Ecureu, du loutre peau-de-velours
+Du Porc-epic du Chat qu'on appelle sauvage,
+(Mais qui du Leopart ha plustot le corpsage)
+De la Martre au doux poil dont se vtent les Rois,
+Ou du Rat porte-muse, tous htes de ces bois,
+Ou de cet animal qui tout charg de graisse
+De hautement grimper ha la subtile addresse,
+Sur un arbre elev sa loge batissant
+Pour decevoir celui qui le va pourchassant,
+Et vit par cette ruse en meilleure asseurance
+Ne craignant (ce lui semble) aucune violence,
+Nibachs est son nom. Non que sur le printemps
+Il n'ait cette chasse aussi son passe-temps.
+Mais alors du poisson la peche est plus certaine.
+
+Adieu donc je te dis, ile de beaut pleine,
+Et vous oiseaux aussi des eaux & des forts
+Qui serez les tmoins de mes tristes regrets.
+Car c'est grand regret, & je ne le puis taire,
+Que je quitte ce lieu, quoy qu'assez solitaire.
+Car c'est grand regret qu'ores ici je voy
+Ebranl le sujet d'y entrer ntre Foy,
+Et du grand Dieu le nom cach souz le silence,
+Qui ce peuple avoit touch la conscience.
+
+Aigles qui des hauts pins habitez les sommets,
+Puis qu' vous Jupiter a commis ses secrets,
+Allez dedans les cieux annoncer cette chose,
+Et combien de douleur j'en ay en l'ame enclose,
+Puis revenez soudain au Monarque Franois
+Lui dire le decret du puissant Roy des Roys.
+Car lui est du ciel donn cet heritage,
+Afin que souz son nom ci-aprs en tout ge
+L'Eternel soit ici sainctement ador,
+Et de cent nations son grand nom rever:
+Et pour mieux l'emouvoir cette chose faire,
+Par cent sortes de biens il l'a voulu attraire,
+Ayant noz labeurs fait selon noz dsirs,
+Et iceux termin de dix mille plaisirs.
+Car la terre ici n'est telle qu'un fol l'estime,
+Elle y est plantureuse cil qui sait l'escrime
+Du plaisant jardinage & du labeur des champs.
+
+Et si tu veux encor des oiseaux les doux chants,
+Elle a le Rossignol, le Merle, la Linote,
+Et maint autre inconu, qui plaisamment gringote
+En la jeune saison. Si tu veux des oiseaux
+Qui se vont repaissans sur les rives des eaux,
+Elle a le Cormorant, la Mauve, Ma Mouette,
+L'Outarde, le Heron, la Gru, l'Alouette,
+Et l'Oye, et le Canart. Canart de six faons,
+Dont autant de couleurs sont autant d'hameons
+Qui ravissent mes yeux. Desires-tu encore
+De ces oiseaux chasseurs dont le Noble s'honore?
+Elle a l'Aigle, le Duc, le Faucon, le Vautour,
+Le Sacre, l'Epervier, l'Emerillon, l'Autour,
+Et bref tous les oiseaux de haute volerie
+Et outre iceux encore une bende infinie
+Qui ne nous sont communs. Mais elle a le Courlis
+L'Aigrette, le Coucou, la Becasse & Mauvis,
+La Palombe, le Geay, le Hibou, l'Hirondelle,
+Le Ramier, la Verdier, avec la Tourterelle,
+Le Beche-bois hupp, le lascif Passereau,
+La perdris bigarre, & aussi le Corbeau.
+
+Que diray-je plus? Quelqu'un pourra-il croire
+Que Dieu mme ait voulu manifester sa gloire
+Creant un oiselet semblable au papillon
+(Du moins n'excede point la grosseur d'un grillon)
+Portant dessus son dos un vert-dor plumage,
+Et un teint rouge-blanc au surplus du corps-sage?
+Admirable oiselet, pourquoy donc, envieux,
+T'es-tu cent fois rendu invisible mes ieux,
+Lors que legerement me passant l'aureille
+Tu laissois seulement d'un doux bruit la merveille?
+Je n'eusse est cruel ta rare beaut,
+Comme d'autres qui t'ont mortellement trait,
+Si tu eusses moy daign te venir rendre.
+Mais quoy tu n'as voulu mon desir entendre.
+Je ne lairray pourtant de celebrer ton nom,
+Et faire qu'entre nous tu sois de grand renom.
+Car je t'admire autant en cette petitesse
+Que je fay l'Elephant en sa vaste hautesse.
+Niridau c'est ton nom que je ne veux changer
+Pour t'en imposer un qui seroit tranger.
+Niridau oiselet delicat de nature,
+Qui de l'abeille prent la tendre nourriture
+Pillant de noz jardins les odorantes fleurs,
+Et des rives des bois les plus rares douceurs,
+
+A ces hotes de l'air pourray-je sans offense
+D'un petit peuple ail adjouter l'excellence?
+Ce sont mouches, de qui sur le point de la nuit
+La brillante clart parmi les bois reluit
+Voletans a & l d'une presse si grande,
+Que du ciel etoil la lumineuse bende
+Semble n'avoir en soy plus d'admiration.
+Faisant doncques ici commemoration
+Des beautez de ce lieu, il est bien raisonnable
+Que vous y teniez rang & place convenable.
+
+Mais puis que ja desja noz voiles sont tendus,
+Et allons revoir ceux qui nous cuident perdus,
+Je dis encore Adieu vous beaux jardinages,
+Qui nous avez cet an repeu de vos herbages,
+Voire aussi soulag ntre necessit
+Plus que l'art de Pon n'a fait ntre sant.
+Vous nous avez rendu certes en abondance
+Le fruit de noz labeurs selon notre semence.
+H que sera-ce donc s'il arrive jamais
+(Ce qu'il est de besoin qu'on face desormais)
+Que la terre ici soit un petit mignarde,
+Et par humain travail quelquefois amende?
+Qui croira que le segle,& la chanve, & le pois,
+Le chef d'un jeune gars ait surpass deux fois?
+Qui croira que le bl que l'on appelle d'Inde
+En cette saison-ci si hautement se guinde
+Qu'il semble estre port d'insupportable orgueil
+Pour se rendre, hautain, aux arbrisseaux pareil?
+Ha que ce m'est grand deuil de ne pouvoir attendre
+Le fruit qu'en peu de temps vous promettiez nous rendre!
+Que ce m'est grand moy de ne voir la saison
+Quand ici meuriront la Courge, le Melon,
+Et le Cocombre aussi: & suis en mme peine
+De ne voir point meuri mon Froment, mon Aveine
+Et mon Orge & mon Mil, pois que le Souverain
+En ce petit travail m'a beni de sa main.
+Et toutefois voici de ce mois le trentieme,
+Mois qui jadis estoit en ordre le cinquime
+
+Peuples de toutes parts qui estes loin d'ici
+Ne vous emerveillez de cette chose ci,
+Et ne nous tenez point comme en region froide,
+Ce n'est point ici Flandre, Ecosse, ni Suede,
+La mer ici ne gele, & les froides saisons
+Ne m'ont oncques forc d'y garder les tisons.
+Et si chez vous l'et plustot qu'ici commence,
+Plustot vous ressentez de l'hiver l'inclemence.
+Mais tu restes encor, Poutrincourt attendant
+Que ta moisson soit prte: & nous nous cependant
+Faisons voile Campseau o t'attent le navire
+Que de l doit tous en la France conduire.
+Cependant beaux epics meurissez vitement,
+Dieu le Dieu tout-puissant vous doint accroissement,
+Afin qu'un jour ici retentisse sa gloire
+Lors que de ses bien-faits nous ferons la memoire.
+Entre lesquelz bien-faits nous conterons aussi
+Le soin qu'il aura eu de prendre sa merci
+Ces peuples vagabons qu'on appelle Sauvages
+Hotes de ces forts & des marins rivages,
+Et cent peuples encor qui sont de tous ctez
+Au Su, l'Oest au Nort de pi-ferme arretez
+Qui aiment le travail, qui la terre cultivent,
+Et libres, de ses fruits plus contens que nous vivent,
+Mais en ce deplorable est leur condition,
+Que du siecle futur ilz n'ont l'instruction.
+
+Pourquoy, Tout-puissant, pourquoy donc cette race
+As-tu jusques ici rejett de ta face,
+Et pourquoy laisses tu devorer l'enfer,
+Tant d'humains qui devroient dessus lui triompher
+Veu qu'ilz sont comme nous ton oeuvre & ta facture,
+Et ont de toy receu ntre fraile nature?
+Ouvre donc les thresors de tes compassions,
+Et verse dessus eux tes benedictions,
+Afin qu'ilz soient bien-tot ton sacr heritage,
+Et chantent hautement tes bonts en tout ge.
+Si-tot que ton Soleil sur eux clairera,
+Aussi-tot cet gent d'adorer on verra.
+Temoins soient de ceci les propos veritables
+Que Poutrincourt tenoit avec ces miserables
+Quand il leur enseignoit notre Religion,
+Et souvent leur montroit l'ardente affection
+Qu'il avoit de les voir dedans la bergerie
+Que Christ a rachet par le pris de sa vie.
+Eux d'autre part emeus clairement temoignoient
+Et de bouche & de coeur le desir qu'ilz avoient
+D'estre plus amplement instruits en la doctrine
+En laquelle il convient qu'un fidele chemine.
+
+O estes vous Prelats, que vous n'avez piti
+De ce peuple qui fait du monde la moiti?
+Du moins que n'aidez-vous ceux de qui le zele
+Les transporte si loin comme dessus son aile
+Pour tablir ici de Dieu la saincte loy
+Avecque tant de peine, & de soin & d'moy
+Ce peuple n'est brutal, barbare ni sauvage,
+Si vous n'appellez tels les hommes du vieil ge,
+Il est subtile, habile, & plein de jugement,
+Et n'en ay conu un manquer d'entendement,
+Seulement il demande un pere qui l'enseigne
+A cultiver la terre, faonner la vigne,
+A vivre par police, estre menager,
+Et souz des fermes toicts ci-apres heberger.
+Au reste ntre gare il est plein d'innocence
+Si de son createur il avoit la science.
+Que s'il ne le conoit, sa bouche ni son coeur
+Ne ravit point Dieu par blaspheme l'honneur.
+Il ne sait le metier de l'amoureux bruvage,
+De l'aconite aussi il ne sait point l'usage,
+Sa bouche ne vomit nos imprecations,
+Son esprit ne s'adonne nos inventions
+Pour opprimer autrui, l'avarice cruelle
+D'un souci devorant son ame ne bourrelle
+Mais il a du Gaullois cette hospitalit
+Qui tant l'a fait priser en son antiquit.
+Son vice le plus grand est qu'il aime vengeance
+Lors que son ennemi lui a fait quelque offense.
+
+Je vous di donc Adieu, pauvre peuple, & ne puis
+Exprimer la douleur en laquelle je suis
+De vous laisser ainsi sans voir qu'on ait encore
+Fait que quelqu'un de vous son Dieu vrayment adore
+
+Sortons donc de ce Port la faveur de l'Est,
+Car en ces ctes ci est ordinaire l'Ouest,
+Puis, souvent cette mer est de brumes couverte
+Qui des hommes peu cauts cause l'extreme perte.
+
+Adieu pour un dernier Rochers haut elevs,
+Qui orgueilleusement voz grottes soulevs,
+D'o distillent sans fin des pluies abondantes
+Que leur versent les eaux des montagnes coulantes.
+Adieu doncques aussi Grottes qui m'avez pleu
+Quand souz votre lambris au clair du jour j'ay veu
+Figures d'Iris les couleurs agreables.
+
+Ores que nous voyons les flots pouvantables
+Du profond Ocean, pourray-je bien passer
+Sans saluer de loin, ou quelque Adieu laisser
+A la terre que a receu notre France
+Quand elle vint ici faire sa demeurance?
+Ile, je te salu, ile de Saincte Croix,
+Ile premier sejour de noz pauvres Franois,
+Qui souffrirent chez toy des choses vrayment dures,
+Mais noz vices souvent nous causent ces injures.
+Je revere pourtant ta freche antiquit
+Les Cedres odorans qui sont ton ct,
+Tes Loges, tes Maisons, ton Magazin superbe,
+Tes jardins touffez parmi la nouvelle herbe:
+Mais j'honore sur tout -cause de noz morts
+Le lieu qui sainctement tient en depost leurs corps,
+Lequel je n'ay pu voir sans un effort de larmes,
+Tant mon navr le coeur ces violentes armes.
+Soyez doncques en paix, & puissiez vous un jour,
+Vous trouver glorieux au celeste sejour.
+Mais cependant, DE MONTS, tu emportes la gloire
+D'avoir sur mille morts obtenu la victoire,
+Tmoignage certain de ta grande vertu,
+Soit quand tu as des flots la fureur combattu
+En venant visiter cette trange province
+Pour suivre le vouloir de HENRY ntre Prince
+Soit lors que tu voiois mourir devant tes yeux
+Ceux-l qui t'ont suivi en ces funestes lieux.
+
+Je vous laisse bien loin, pepinieres de Mines
+Que les rochers massifs logent dedans leurs veines,
+Mines d'airain, de fer, & d'acier, & d'argent,
+Et de charbon pierreux, pour saluer la gent
+Qui cultive la main la terre Armouchiquoise.
+Je te salu donc nation porte-noise
+(Car tu as envers nous forfait par trahison)
+Pour te dire qu'un jour nous aurons la raison
+Avecque plus d'effect de ton outrecuidance,
+Si qu'entre nous sera maudite ta semence.
+Mais ta terre je veux saluer en tout bien,
+Car un ample rapport elle nous fera bien
+Quand elle sentira du Franois la culture.
+Car en elle desja la provide Nature
+A le raisin sem si plantureusement,
+Et en telle beaut, que Bacchus mmement
+Ne sauroit invoqu lui faire davantage.
+Mais son peuple ignorant ne sait du fruit l'usage.
+Terre, tu as encor de fves & de bls
+Tes greniers souz-terrains en la moisson combls.
+Mais quoy que tes biens tu donnes abondance
+Produisant d'autres fruits sans l'humaine assistance
+Tes qu'avons veu la Chanve & la Courge & la Noix,
+Tes fves tu ne veux ni tes blez toutefois
+Produire sans travail, mais ta grand' populace
+D'un bois coupant ta brise, & en mottes t'amasse
+Pour (sur le renouveau) sa semence y planter,
+
+Mais une chose encor il me faut reciter
+Qui pour sa raret l'crire m'oblige,
+C'est le fruit que produit la Chanve la tige,
+Fruit digne que les Rois le tiennent precieux
+Pour le repos du corps le plus delicieux:
+C'est une soye blanche & menu & subtile
+Que la Nature pousse au creux d'une coquille,
+Soye qu'en maint usage employer on pourra,
+Et laquelle en cotton l'ouvrier faonnera,
+Quand de bons artisans tu seras habite
+Par une volont de pi-ferme arrete.
+
+Puisse-je voir bien-tot cette chose arriver,
+Et le Franois soigneux tes champs cultiver,
+Arriere des soucis d'une peineuse vie,
+Loin des bruits du commun, & de la piperie.
+
+
+Cherchant dessus Neptune un repos sans repos
+J'ay faonn ces vers au branle de ses flots.
+
+ M. LESCARBOT.
+
+[Illustration]
+
+ ______________________________________________________
+
+
+
+
+ A MONSIEUR DE MONTS
+ Lieutenant general pour le Roy en la
+ Nouvelle-France.
+
+ ODE.
+
+TOUT ce que l'homme possede,
+Ce qu'il a de riche & beau
+Ne trouve point de remede
+Pour eviter le tombeau.
+
+La vertu seule immortelle
+Constante & ferme en tout temps
+Resiste la mort cruelle
+Et la lime des ans.
+
+Tant de Rois & tant de Princes,
+Des Heros & des Cesars
+Qui ont acquis des provinces
+Et thresors en maintes parts
+
+En fin sont proye la terre,
+Et la Vertu seulement
+Fait leur nom voler grand erre
+Par-dessus le Firmament.
+
+DU MONTS tu sais que la vie
+Nous est donne des cieux
+Non pour estre ensevelie
+En un corps peu soucieux,
+
+Mais pour estre secourable
+A celui qui a besoin
+Que quelque Dieu favorable
+De son mal-heur prenne soin.
+
+Et chercher la vraye gloire
+Par un chemin non tent,
+Faisant que ntre memoire
+Vive l'immortalit.
+
+C'est le desir qui t'enflamme,
+Et qui possede ton coeur,
+Quand pour eviter le blame
+Qui suit l'homme sans honneur,
+
+Tu entreprens un ouvrage
+Tout auguste & glorieux
+Si qu' jamais chacun ge
+Aura ton nom precieux,
+
+Car si-tot que de ton Prince
+As eu le commandement
+Pour conoitre la province
+Mise ne ton gouvernement,
+
+Ainsi qu'un Aigle qui vole
+D'un trait leger, tout soudain
+Prompt suivre sa parole
+Tu as pris un vol hautain.
+
+Et du tempteux Nere
+Meprisant tous les efforts,
+De ta terre desire
+Tu as en fin veu les ports.
+
+Les nations qui n'ont oncques
+Admis la sujetion
+A tes mandemens adoncques
+Ont fait leur submission.
+
+Sage, tu leur a fait voir
+Les beautez de la justice,
+Et ton redout pouvoir,
+Et les biens de la police.
+
+Mmes tu as fait encore,
+Que maint barbare en ces lieux
+En son ame Christ adore,
+De son salut soucieux.
+
+Arriere d'ici, arriere
+Timides & cazaniers,
+Que dedans vtre barriere
+Toujours estes prisonniers.
+
+Vous qui n'avez soin, ni cure
+De faire que vtre nom,
+Contre la mort mme dure
+En perdurable renom.
+
+DU MONTS, tu n'es pas de mmes,
+Car lors qu'en France de Mars
+Ont cess les stratagemes,
+Recherchant d'autres hazars,
+
+Tu as consacr ta vie
+A l'Eternel pour sa loy
+Rendre en ces terres suivie
+Souz le vouloir de ton Roy.
+
+Mais ce n'est fait qui commence,
+Il faut chanter desormais
+De Dieu la magnificence
+D'un ton plus haut que jamais.
+
+Neptune te favorise
+Et Ceres pareillement,
+Afin que ton entreprise
+Ait un meilleur fondement.
+
+Diray-je que sans culture
+Le Pere de Libert
+Laisse produire Nature
+La vigne qu'il a plant?
+
+Non ici, je le confesse,
+Mais en lieu d'un autre espoir,
+O l'homme la longue tresse
+Ha son sablonneux terroir.
+
+C'est la terre Armouchiquoise,
+Qui son gros bl te produit;
+Et encore l'Iroquoise,
+Qui donne maint autre fruit.
+
+Ntre France fromenteuse
+N'a ses vignes de tout temps,
+La peine laborieuse
+L'a fait telle avec les ans.
+
+Courage, doncques, courage,
+Continue ton dessein,
+Ayant ce bel avantage,
+Qui de bon espoir est plein.
+
+Le Tout-puissant mme change
+Ici les froides saisons,
+Et cette terre trange
+Promet des riches moissons.
+
+ __________________________________________________________
+
+
+
+
+ A MONSIEUR DE
+ POUTRINCOURT GRAND
+ Sagamos de la Nouvelle-France
+
+ ODE.
+
+QUOY que tu n'ailles cherchant
+(POUTRINCOURT) cette louange
+Qui va mme allechant
+Ceux qui gisent en la fange;
+
+Ton merite toutefois,
+Ta piet, ton courage,
+Forcent ma lyre & ma voix
+A les chanter sur l'herbage
+
+Que l'Equille de ses eaux
+Ou plustot Neptune arrose,
+Tandis qu'au bruit des ruisseaux,
+A l'cart je me repose.
+
+Apres avoir longuement
+Comme un athlete Gregeois
+Lutt courageusement
+Parmi les champs des Franois,
+
+Saoul d'alarmes & combats,
+Et des assaux de Bellone,
+Ores tu prens tes bats
+Avec Cers et Pomone.
+
+Et dea del ports,
+Suivans Neptune la danse,
+Tu nous fais voir les beauts
+De cette Nouvelle-France.
+
+Qui est celui qui ta veu
+Oncques saisi de paresse?
+Qui est cil qui t'a conu
+Semblable cette Noblesse,
+
+Qui met le point de l'honneur
+A commander sans prudence,
+Et n'avoir par son labeur
+D'aucun art l'experience?
+
+Mais l'un & l'autre tu sais,
+Et ta main infatigable
+Fait tous les jours des essais
+De chose nous incroyable.
+
+Car de tout art manuel
+T'est conu la pratique,
+Et se plait ton naturel
+Es ars de Mathematique.
+
+Mmes encore ce Dieu
+Qui fredonnant sur sa lyre
+Tient des Muses le milieu,
+Par toy bien souvent respire.
+
+Les secrets de son savoir,
+Si que tout compris ensemble,
+Au monde on ne sauroit voir
+Rien que toy qui te ressemble.
+
+C'est toy qu'il falloit ici
+Afin de bine reconoitre
+Ce que cette terre ici
+Rendroit un jour son maitre.
+
+Tu l'as experiment
+Tant que ton ame est contente,
+Et de sa fidelit
+Tu as une riche attente.
+
+ __________________________________________________________
+
+
+
+
+ A MESSIEURS DE MONTS
+ ET SES LIEUTENANT
+ & Associez.
+
+ SONNET
+
+SI les siecles premiers ont celebr la gloire
+De celuy qui conquit la Colchide toison:
+Si maintenant encor du brave fils d'son
+Pour peu de chose vit en honneur la memoire:
+
+Nous devons beaucoup mieux celebrer en l'histoire
+La generosit non du fils de Jason,
+Mais de vous, Franois, qui en cette saison
+D'un plus digne sujet recherchez la victoire.
+
+Le Grec acquit a bas un terrestre thresor,
+Il avoit des moyens, & des hommes encor,
+Tels que les peut avoir entre nous un grand Prince.
+
+Mais vous vos dpens, sans recevoir support
+Que de l'avoeu du Roy, par un nouvel effort
+Ravissez courageux, la celeste province.
+ ________________________________________________________
+
+
+
+
+ AU SIEUR DE CHAMPLEIN
+ Gographe du Roy.
+
+ SONNET.
+
+UN Roy Numidien pouss d'un beau desir
+Fit jadis rechercher la source de ce fleuve
+Qui le peuple d'Egypte & de Libye abreuve,
+Prenant en son pourtrait son unique plaisir
+
+CHAMPLEIN, ja ds long temps je voy que ton loisir
+S'employe obstinment & sans aucune treuve
+A rechercher les flots, que de la Terre-neuve
+Viennent, apres maints sauts, les rivages saisir.
+
+Que si tu viens chef de ta belle entreprise,
+On ne peut estimer combien de gloire un jour
+Acquerras ton nom que desja chacun prise.
+
+Car d'un fleuve infini tu cherches l'origine.
+Afin qu' l'avenir y faisant ton sejour
+Tu nous faces par l parvenir la chine.
+
+____________________________________________________________
+
+
+
+
+ ODE EN LA MEMOIRE
+ du Capitaine Gourgues Bourdelois.
+
+Voy l'Histoire de la Nouvelle-France Liv. 1, ch. XIX & XX.
+
+
+GOURGUES, l'honneur Bourdelois,
+Je veux reveiller ta gloire,
+Et faire eclater ma voix
+Dans le temple de Memoire,
+
+En racontant ta valeur
+Ta conduite & ta prousse,
+Quand, d'un invincible coeur,
+Tu mis la main vengeresse
+
+Sur le soldat bazan
+Du sang des Franois avide,
+Qui nous avoit butin
+Les beautez de la Floride.
+
+Si-tot que de noz Franois
+Tu entendis la ruine,
+Et que le peuple Iberois
+Occupoit la Caroline,
+
+Tu prins resolution
+De venger le grand outrage
+Fait ntre nation
+Par une Hespagnole rage.
+
+A tes despens tu mis sis
+De bons hommes une bende
+Au combat bien resolus,
+Puis que c'est toy qui commande.
+
+Tu ne leur dis l'abord
+Le secret de ton affaire,
+Come Capitaine accort,
+Qui sais bien ce qu'il faut taire.
+
+Mais quant tu te vis port
+Dessus la terre nouvelle,
+Tu leur dis ta volont
+De venger une querelle,
+
+Querelle qui les Franois
+Et grans & petits regarde,
+Et partant qu' cette fois
+Ne faut, d'une ame coarde
+
+Reculer quand la saison
+De bien faire se presente,
+Afin d'avoir la raison
+De l'injure violente
+
+Faite aux premiers conquesteurs
+D'une terre si lointaine
+Par des assassinateurs
+De race Mahumetaine.
+
+A ces mots encourags
+Ils se mettent en bataille,
+Et vont en ordre rangs
+Droit contre cette canaille.
+
+L'un & l'autre petit Fort
+Ils attaquent de courage,
+Et par un puissant effort
+Ilz les mettent au pillage.
+
+Mais il n'estoit pas ais
+D'attaquer la Caroline,
+Si GOURGUES n'eust avis
+Prudemment sa ruine.
+
+Car l'adversaire estoit fort
+D'hommes, d'armes & de place,
+Mais nonobstant prs du Fort
+En fin sa troupe s'amasse.
+
+L'Hespagnol estant sorti
+Pour lui faire une saillie
+Rencontre un mauvais parti
+Qui a sa gent acuillie,
+
+CAZENOVE donne des
+GOURGUES les rencontre en face,
+Qui les font (en peu de mots)
+Tous demeurer sur la place.
+
+Le reste tout tonn
+La Forteresse abandonne,
+Mais las! il est mal men
+N'ayant secours de personne.
+
+Car le Sauvage irrit
+Ne lui fait misericorde,
+Lequel de sa cruaut
+Trop frechement se recorde.
+
+Mais ceux qui tombent s mains
+Des Franois, on les attelle
+Aux arbres les plus hautains
+Pour y faire sentinelle.
+
+[Illustration]
+
+ ________________________________________________________
+
+
+
+
+ A LA MEMOIRE D'UN
+ Sauvage Floridien que se proposoit
+ mourir pour les Franois.
+
+Voy l'Histoire de la Nouvelle France liv. 1. chap. 20.
+
+OU trouverons-nous un courage
+Semblable cil de ce Sauvage,
+Qui pour ses amis secourir
+Vient lui-mme sa vie offrir,
+Laquelle il croit devoir pandre
+Pour ntre querele defendre?
+Certainement un homme tel
+Doit parmi nous estre immortel.
+Et devons louer tout de mme
+Le souci qu'il a de sa femme
+Requerant qu'on lui face don
+Apres son trpas du guerdon
+Que meriteroit sa vaillance
+Mourant pour l'honneur de la France.
+
+[Illustration.]
+
+ ________________________________________________
+
+
+
+
+ A PIERRE ANGIBAUT
+ dit CHAMP-DOR Capitaine de
+ Marine en la Nouvelle-France.
+
+ SONNET.
+
+SI des pilotes vieux le renom dure encore
+Pour avoir sceu voguer sur une troite mer,
+Si le monde present daigne encore estimer
+Ariomene, avec Palinure & Pelore;
+
+C'est raison (CHAMP-DOR) que ntre ge t'honore,
+Qui sais par ta vertu te faire renommer,
+Quand ta dexterit empeche d'abimer
+La nef qui va souz toy du Ponant l'Aurore.
+
+Ceux-l du grand Neptune oncques la majest
+Ne vivent, ni le fond de son puissant Empire:
+Mais dessus l'Ocean journellement port
+
+Tu fais voir aux Franois des pas tout nouveaux,
+Afin que l un jour maint peuple se retire
+Faisant les flots gemir souz les ailez vaisseaux.
+
+Fait au Port Royal en la Nouvelle-France.
+
+[Illustration]
+
+ ______________________________________________________________
+
+
+
+
+ LA DEFFAITE DES
+ SAUVAGES ARMOUCHIQUOIS
+ PAR LE SAGAMOS MEMBERTOU
+ & ses alliez Sauvages, en la
+ Nouvelle-France, au mois de Juillet
+ 1607.
+
+O peuvent reconoitre les ruses de guerre desdits Sauvages, leurs actes
+funebres, les noms de plusieurs d'entre-eux & la maniere de guerir les
+blessez.
+
+JE ne chante l'orgueil du beant Briare,
+Ni du fier Rodomont la fureur enivre
+Du sang dont il a teint prque tout l'Univers
+Ni comme il a forc les pivots des enfers.
+Je chante Membertou, & l'heureuse victoire
+Qui lui acquit naguere une immortelle gloire
+Quand il joncha de morts les champs Armouchiquois
+Pour la cause venger du peuple Souriquois.
+
+Entre ces peuples-ci une antique discorde
+Fait que bien rarement l'un l'autre s'accorde,
+Et si par fois enter eux se traite quelque paix,
+Cette pais se peut dire un attrappe-niais.
+
+Car oncques le Renard ne changea sa nature
+Et de garder la foy l'homme double n'eut cure,
+Ceci n'a pas long temps se conut par effect
+Aux depens de celui qui me donne sujet
+De dire qui a meu Membertou & sa suite
+De faire pour sa mort si sanglante poursuite.
+Ce fut Panoniac (car tel estoit son nom)
+Sauvage entre les siens jadis de grand renom.
+Cetui cuidant avoir faite bonne alliance
+Avecques ces mechans, alloit sans deffiance
+Parmi eux conversant: mmes il les aidoit
+Bien souvent du plus beau des biens qu'il possedoit.
+Mais pour cela la gent mal faire addone,
+Sa mauvaise faon n'a point abandonne.
+Car ce Panoniac il n'y a pas dix mois
+Les estant all voir (pour la derniere fois)
+Portant en ses vaisseaux marchandises diverses
+Pour en accommoder ces nations perverses,
+Eux qui sont de tout temps avides de butin,
+Sans aucune merci assomment leur voisin,
+Pillent ce qu'il avoit & en font le partage.
+Les compagnons du mort se sauvans la nage
+Se cachent pour un temps l'ombre d'un rocher,
+N'osans de ces matins la chaude approcher.
+a pour dire vray, la meurtriere cohorte
+Estoit contre ceux-ci & trop grande & trop forte.
+Mais comme de Phoebus les chevaus harassez
+Se furent retirez souz les eaux tout lassez
+Ces enrags en fin abandonnant la place
+Laisserent l le corps tu coups de masse,
+Lequel la faveur de la sombreuse nuit
+Soudain par ses amis fut enlev sans bruit,
+Et mis, non, comme nous, en depost la terre,
+N'en un coffre de bois, ni au creux d'une pierre,
+Ains il fut embaum la forme des Rois
+que l'gypte pieuse embaumoit autrefois.
+
+Le peuple Etechemin de cette mort cruelle,
+Receut tout le premier la mauvaise nouvelle,
+D'o s'ensuivit un dueil si rempli de douleurs
+Que le haut Firmament en out les clameurs
+(Car lors que cette gent la mort des siens lamente
+Le voisinage ensemble grans cris se tourmente)
+Mais ce ne fut ici le brayment principal,
+Car quand ce pauvre corps fut dans le Port Royal
+Aux siens represent, Dieu sait combien de plaintes,
+De cris, de hurlemens, de funebres complaintes.
+Le ciel en gemissoit, & les prochains ctaux
+Sembloient par leurs echoz endurer tous ces maux:
+Les pesses forts, & la riviere mme
+Tmoignoient en avoir une douleur extreme.
+Huit jours tant seulement se passerent ainsi
+Pour respect du Franois qui se rit de ceci.
+
+Les services rendus l'ombre vagabonde
+(Qui du lac Stygieux a desja pass l'onde)
+Et au corps l present, le Prince Souriquois
+Commence s'crier d'une effroyable voix:
+Quoy doncques, Membertou (dit-il en son langage)
+Lairra-il impuni un si vilain outrage?
+De l'excs fait aux siens & mme sa maison?
+Verray-je point jamais teinte cette race
+Qui des miens & de moy la ruine pourchasse?
+Non, non, il ne faut point cette injure souffrir.
+Enfans, c'est ce coup qu'il nous convient mourir,
+Ou bien par ntre bras envoyer dix mille ames
+De cette gent maudite aux eternelles flammes.
+Nous avons prs de nous des Franois le support
+A qui ces chiens ici ont fait un mme tort.
+Cela est resolu, il que la campagne
+Au sang de ces meurtriers dans peu de temps se baigne.
+Auctaudin mon cher fils, & ton frere puisn
+Qui n'avez vtre pere oncques abandonn,
+Il faut ores s'armer de force & de courage,
+Sus, allez vitement l'un suivant le rivage,
+D'ici au Cap-Breton, l'autre travers les bois
+Vers les Canadiens, & les Gaspequois,
+Et les Etechemins annoncer cette injure,
+Et dire nos amis que tous je les conjure
+D'en porter dedans l'ame un vif ressentiment,
+Et pour l'effect de ce qu'ilz s'arment promptement
+Et me viennent trouver prs de cette riviere,
+O ilz savent que j'ay plante ma banniere.
+
+Membertou n'eut plustot ses gens command,
+Que chacun prent sa route o il estoit mand,
+Et fit en peu de temps si bonne diligence,
+Qu'il sembla devancer un postillon de France,
+Si bien qu'au renouveau voici de toutes parts
+Venir Membertou jeunes & vieux soudars
+Tous ceci poussez d'esperances non vaines
+Souz l'asseur guidon des braves Capitaines
+Chkoudun, & Oagimont, Memembour, Kichkou,
+Messamoet, Ouzabat, & Anadabijou,
+Medagoet, Oagimech, & avec eux encore
+Celui qui plus que tous l'Armouchiquois abhorre,
+C'est Panoniagus, qui a occasion
+De procurer mal-heur cette nation
+Pour le dur souvenir de la mort de son frere.
+Quand tout fur arriv, de cette mort amere
+Il fallut de nouveau recommencer le dueil,
+Et le corps deced mettre dans le cercueil.
+Le barbu Membertou lors prenant la parole:
+Vous savez, ce dit-il, peuple benevole,
+Le motif qui vous a conduit jusques ici,
+C'est ce corps que voys massacr sans merci,
+De qui le sang vers vous demande vengeance.
+Sans que par long discours je vous en face instance.
+Et comme s siecles vieux quant au peuple Romain
+Fut montr de Csar le massacre inhumain,
+Tout l'instant meu d'une ardente colere
+Il voulut reparer ce cruel vitupere
+Contre les assassins (ainsi que j'ai appris
+Qu'il est mentionn s anciens crits)
+Ainsi vous devez tous ce spectacle trange
+Estre meus du desir de garder la loange.
+Que nos antecesseurs nous ont mis en depos,
+Et par laquelle ilz sont maintenant en repos,
+N'ayans point estim estre dignes de vivre.
+Sans de leurs ennemis les injures poursuivre.
+
+A ces mots un chacun au combat anim
+Sent un feu de vengeance en son coeur allum,
+Et eussent volontiers contre cette canaille,
+(S'il y est eu moyen) lors donn la bataille,
+Mais il falloit premier le corps ensevelir,
+Et du dernier devoir les oeuvres accomplir.
+Cette grand' troupe donc de douleur affolls
+A conduit le corps mort dedans son Mausole,
+En faisant sacrifice Vulcan de ses biens
+Masse, arcs, fleches, carquois, petun, couteaux & chiens,
+Matachiaz aussi, & la pelleterie
+Que d'epargne il avoit quant il perdit la vie.
+Mais quant aux assistans, chacun son pouvoir
+Lui fit, devotieux l'accoutum devoir.
+Qui donne des castors, qui des couteaux, des roses,
+Armes, Matachiaz, & maintes autres choses.
+Puis ferment le sepulchre, & laissent reposer
+Celui duquel ilz vont la querelle pouser.
+Le ciel qui bien-souvent les mal-heurs nous presage,
+Avoit auparavant par un triste presage
+Tmoign les effects de cette guerre ici,
+Car ayant un long temps refrongn son sourci,
+Il fit voir maintefois des torches allumes,
+Des lances, des dragons, des flambantes armes.
+
+Ainsi s'en va la flotte avec intention
+De veincre, ou de mourir cette occasion,
+Laissans de leurs enfans & femmes la tutele
+A nous, qui en avons rendu conte fidele.
+Quand des Armouchiquois les rives ils ont veu
+Ce peuple deffiant les a tot reconu.
+Soudain les messagers volent par la campagne,
+Et sonnent du cornet sur chacune montagne
+Pour le monde avertir d'estre au guet, & veiller
+Avant que l'ennemi les vienne reveiller.
+Peuples de tous ctez grand' troupes s'amassent
+Tant qu'en nombre les flots de la mer ilz surpassent.
+Mais pourtant Membertou ne s'epouvante point
+Car il sait le moyen de prendre bien point
+L'ennemi, qui tout fier, voyant son petit nombre,
+Se promet l'enlever si-tot que la nuit sombre
+Aura dessus la terre tendu son rideau.
+
+Membertou cependant approche son vaisseau
+Du port de Cahocoet, o la troupe adversaire
+Vers eux le conduisoit: mais il avoit laiss
+Ses gens derriere un roc, & s'estoit avanc,
+Afin de reconoitre & le port & la terre
+Qu'il vouloit ruiner par le'effort de la guerre.
+He, He, ce fut le cri duquel il appella
+Tout ce peuple attentif que ferme attendoit l
+Yo, yo, fut rpondu. Puis apres il demande
+S'il pourroit seurement & sa petite bende
+Traiter avecques eux, & amiablement
+Vuider le different qui a si longuement
+L'un et l'autre troubl & reduit en ruine
+Tandis que l'appetit de vengeance les mine
+Et leur mange le coeur. Eux cuidans attrapper
+Celui qui plus fin qu'eux les venoit entrapper,
+Disent que librement de la rive il s'approche,
+Et ses gens qu'il avoit laiss devers la roche,
+Qu'ilz n'ont plus grand desir que de voir une paix
+Solidement entre eux tablie jamais,
+Afin qu'eux qui des Francs ont bonne conoissante
+Leur facent part des biens dont ils ont abondance,
+Et se puissent ainsi l'un l'autre secourir
+Sans plus d'orenavant l'un sur l'autre courir
+Membertou reoit l'offre, & quant & quant otage,
+Envoyant un des siens par change au rivage,
+Puis recule en arriere, & vas ses gens revoir,
+Qu'il trouve grandement desireux de savoir
+En quelle volont ces peuples ci estoient,
+Et si quelque paix encliner ilz sembloient.
+Le Prince Souriquois ses suppots abordant
+D'un visage joyeux il les va regardant,
+Disant, Ilz sont nous: la farce s'en va faite,
+C'est demain qu'il faut voir cette troupe defaite:
+Et leur conte amplement ce qui s'estoit pass,
+Et comment ilz s'estoient l'un l'autre caress.
+Au surplus (ce dit-il) pensons de les surprendre,
+Et en ce fait ici gardons de nous meprendre.
+Quand nous sommes partis le conseil a est
+De leur faire present des biens qu'avons port,
+Et avec eux troquer de notre marchandise
+A fin que l'homme feint soit prise en sa feintise.
+Nous irons donc par mer la moiti seulement:
+Le surplus en deux parts ira secretement
+Rengeant le long du bois en bonne sentinelle
+Tant que, le temps venu, ma trompe les appelle:
+Lors ils viendront charger, & nous seconderont,
+Et tant que durera le jour ilz frapperont,
+Sans merci, sans faveur, & sans misericorde,
+Afin qu'ici de nous long temps on se recorde.
+Outre ntre querele il y a du butin,
+Ils ont du bl, des noix, de la vigne & du lin,
+Toux ces biens sont nous si nous avions courage,
+Et si voulons avoir leurs femmes au pillage
+Nous les aurons aussi. Il estoit nuit encor
+Et le clair ciel estoit tout brillant de clous d'or,
+Quand Membertou (de qui l'esprit point ne repose)
+A prendre son quartier tout son peuple dispose,
+Et ceux-l qu'il conoit la course legers
+Il les fait essayer les terrestre dangers.
+Ainsi Memembour dispos la poursuite
+Est fait le general d'une troupe d'elite,
+Medagoet d'autre part hardi aux grans exploits
+Choisit de tout le camp les plus forts & adroits.
+Mais le grand Sagamos pour tendre sa banniere
+Attendit que l'Aurore eust pars sa lumiere
+En tout son horizon: & lors que le Soleil
+Eut est reconduit au lieu de son reveil
+Il met la voile au vent, tirant droit la place
+O desja l'attendoit cette grand' populace,
+O estant arriv, partie de ses gens
+A descendre apres lui se monstrent diligens.
+Il salu les chefs de cette compagnie,
+Entre autres Olmechin, Marchin, & leur mesgnie.
+Puis offre les presens dont j'ay fait mention,
+C'estoient robbes, chappeaux, & chausses, & chemises.
+Mais quand il fallut voir les autres marchandises,
+Parmi les fers pointus, poignars, & coutelas,
+Des trompes y avoit, dont on ne savoit pas
+L'usage, ni la fin du mal qu'elles couvoient.
+Les autres cependant dans le bois attendoient
+Soigneusement l'appel qui avoit est dit,
+Quand Membertou voulant etaller son credit,
+Il convoque ce peuple embouchant une trompe,
+Et trompant, les trompeurs trompeusement il trompe.
+Car tout en un instant lui qui n'avoit point d'armes
+Oyant les siens venir feignit estre aux alarmes,
+Et se trouvant garni de masses, & poignars,
+D'arcs, fleches, coutelas, de picques & de dars,
+Il en saisit ses gens, & chacun d'eux commence
+Sur l'heure chamailler sans grande resistence.
+Ils en font grand massacre, & cependant du bois
+Arrive le surplus criant haute voix,
+He, He, oukchegoua, & parmi la mele
+Se voit incontinent cette troupe mele.
+L'Armouchiquois voyant que de lui c'estoit fait
+S'il ne remedioit promptement son fait,
+A ce dernier besoin pense de se defendre
+Plustot qu' la merci de ceux icy se rendre.
+Ils estoient la pluspart je de couteaux armez
+Que de porter au col ilz sont accoutumez,
+Mais ces armes bien peu lur servirent l'heure.
+Car Membertou muni d'une armure plus seure,
+D'un bouclier de bois dur, & d'un bon coutelas,
+Ains que le trenchant d'une faux met bas
+L'honneur des beaux pics: son epe de mme
+Moissonoit l'ennemi d'une rigueur extreme.
+Suivans le train du chef, ne manquent point de coeur,
+Mais rendans des grans cris & voix pouvantables,
+Tuent comme fourmis ces pauvres miserables,
+Desquels lors c'estoit fait s'ilz n'eussent eu recours
+Au bien qui vient parfois de tourner rebours.
+Ce peuple de tout temps amateur de pillage
+Cuidoit sur Membertou avoir tel avantage,
+Que d'armes pour cette heure il ne leur fut besoin,
+Neantmoins en tous cas ilz avoient eu le soin
+D'en faire un magazin au fond d'une valle,
+O la troupe fuiarde en fin s'en est alle.
+L chacun se fournit d'arcs, fleches, & carquois,
+De picques, de boucliers, & de masses de bois.
+L de tourner visage, & d'une face ire
+Charger sur Membertou & sa gente enivre
+Su sang Armouchiquois. A ce nouvel effort
+Fut Panoniagus au danger de la mort
+Bless d'un javelot environ la poitrine.
+Chkoudun le courageux, y receut sur l'echine
+Un coup qui l'atterra, & se vit en danger
+(L'ennemi gaignant pi) de jamais n'en bouger.
+Mais le fort Chkoudumech' son frere, de sa masse
+Fendant la presse, fit bien-tot se faire place
+Pour le tirer de l: mais il y fut feru
+D'un coup que lui chargea de toute sa vertu
+Le cruel Olmechin. Mnefinou (dont la gloire
+Par toute cette cotte est en tous lieux notoire)
+Comme le plus hardi, s'efforce de son dard
+Transpercer Membertou de l'une l'autre part:
+Mais le coup gauchissant par la subtile addresse,
+Du Prince Souriquois, son fils il s'addresse,
+Son fils Actaudinech', lequel il aime mieux
+Que toutes les beautez de la terre & des cieux
+Ce coup donques perant le dtroit de sa manche
+Vite comme un clair luy porta dans la hanche:
+Dequoy effray le Prince Membertou,
+Il se remet aux ieux du monstrueux Gougou
+Le duel ancien qu'en sa jeunesse tendre
+Jadis son pere osa hazardeux entreprendre,
+Et redoublant sa force il tendit son bras,
+Et le fendit en deux de son fier coutelas.
+Et comme un chene haut abbatu par l'orage
+Traine en bas quant & soy son plus beau voisinage,
+Ainsi Mnefinou mort, maint des siens alentour
+Alla voir de Pluton le tenebreux sejour.
+L'Armouchiquois pourtant ne laisse de poursuivre,
+Aimant mieux l mourir que honteusement vivre
+S'il arrivait jamais que Membertou veinqueur
+Leur laissat du combat l'eternel des-honneur.
+Ainsi se r'assemblans font des stares diverses
+Et leur ennemi donnent maintes traverses.
+Car jusques l n'avoient encor est rangs,
+Occasion que mal ilz s'estoient revengs.
+Bessabs & Marchin ont les pointes premieres,
+Que venans attaquer avec leurs bendes fieres
+Le chef des Souriquois, une grele de dars
+En l'un & en l'autre t tombe de toutes parts.
+La clart du soleil en demeure obscurcie,
+Et le nombre des traits toujours se multiplie.
+A cette charge ici quelques uns sont blesss
+Parmi les Souriquois: mais plus de terrasss
+Sont de l'autre ct: car de ceux-ci les fleches
+A pointe d'os, ne font de si mortelles breches
+Comme de ceux qui sont plus voisins des Franois
+Qui des pointes d'acier ont au bout de leurs bois,
+Toutefois de nouveau voici nouvelle force
+Qui des Membertouquois les bras, non les coeurs, force.
+Go, go, go, c'est leur cri, Abejou, Olmechin,
+Le fort Argostembroet, & le fier Bertachin
+En sont les conducteurs, qui de premiere entre
+Du vaillant Messamoet la troupe ont rencontre,
+Messamoet (qui jadis humant l'air de la France
+Avoit de guerroyer reconu la science
+Parmi les domestics du Seigneur de Grand-mont)
+Apres mainte bricole avoit gaign le mont
+D'o il pensoit avoir un facile avantage
+Pour mettre sans danger l'adversaire en dommage.
+Mais cetui-ci rus loin de l declina,
+Et le gros escadron des Souriquois mena
+Poursuivant vivement jusques dessus l'ore
+O deux fois chaque jour se hausse la mare,
+L Neguioadetch' mere du deced
+Apres avoir long temps le combat regard,
+Voyant en desarroy de Membertou la troupe
+Elle se met terre, & sort de sa chaloupe,
+Afin de donner coeur aux soldats tonns
+Qui leur premiere assiette avoient abandonns.
+Et comme des Persans les meres & les femmes
+Jadis voyans leurs fils & leurs maris infames
+S'enfuir du Medois qui les alloit suivant,
+Courageuses soudain allerent au-devant,
+Sans honte leur montrer de leur corps la partie
+Par o l'homme reoit l'entre de la vie,
+Les unes s'crians: Quoy doncques voulez vous
+Vous sauver ci-dedans pour eviter les coups
+Ce cil qui vous poursuit? Les autres d'autre sorte
+Crians leurs enfans: R'entrez dedans la porte
+Du logis dans lequel vous avs est ns,
+Ou contre l'ennemi promptement retourns.
+Eux d'un spectacle tel se trouvans pleins de honte,
+Un sang tout vergongneux l'heure au front leur monte.
+Si bien que retournans leurs faces en arriere
+A l'Empire Medois mirent la fin derniere.
+Ainsi fit cette mere en voyant le danger
+Ou alloit Membertou & les siens se plonger.
+Neguirot son mari ores paralytique,
+Mais qui de bien combattre entendoit la pratique,
+S'y estoit fait porter: & bien reconoissant
+Le desastre prochain qui les alloit pressant
+S'il ne leur arrivoit quelque nouvelle force,
+Se fait descendre terre, & lui-mme s'efforce
+De marcher au combat, afin de l mourir
+S'il ne pouvoit au mons ses amis secourir.
+Estant au milieu d'eux il leur donne courage
+Et les conjures tous de venger son outrage.
+Mes amis (ce dit-il) vous ne combattez point
+Pour le fait seulement, helas! qui trop me point.
+Il y va de l'honneur, il y va de la vie:
+Ces deux ici perdus, la perte en est suivie
+Des soupirs & regrets des femmes & enfans
+De qui nos ennemis s'en iront triomphans
+Tout ainsi que de nous. Ayez doncques courage,
+Je les voy ja branler: c'est ici bon presage.
+A ces mots Membertou fait tirer les Mousquets
+Qu'au partir les Franois lui avoient tenus prets.
+Chkoudun en fait autant (car il a eu de mme
+Deux Mousquets pour autant que les Franois il aime)
+Lesquels estoient parez pour la necessit
+Comme un dernier remede au corps debilit.
+Aux coups de ces batons en voila dix par terre.
+Et le reste effray au bruit de ce tonnerre.
+Abejou, Chitagat, Olmechin, et Marchin
+Quatre des plus mauvais de ce peuple mutin
+A ce choc sont tombs. Chkoudun qui a memoire
+Du coup qu'il a receu ne point que la gloire
+En demeure au donneur, mais d'un trait donne-mort
+Valeureux il attaque Argostembroet le fort,
+Et presse le surplus d'une roideur si grande,
+Qu'au seul bruit de son nom l'ennemi se debende.
+Membertouchis aussi l'ain de Membertou
+A l'aile de son pere assist de Kichkou,
+Se faisant faire jour d'un coup trois en renverse,
+Et ja dea, del, tout est la renverse.
+A cinq cens pas plus loin se trouvans Ouzagat,
+Et Anadabijou empechs au combat,
+Ilz furent secourus par la troupe hardie
+De Panoniagus, qui bien-tot fut suivie
+D'Ougimech' & les siens: si bien qu'en peu de temps
+L'ennemi fut fauch comme l'herbe des champs:
+Car tout ce que restoit, quoy que puissant en nombre,
+Ne porta gueres loin le malheureux encombre
+Qui l'alloit tallonnant: d'autant que Oagimont
+Avec Memembour estant au pied du mont
+Que nagueres j'ay dit, les fuyars attendirent,
+Et valeureusement poursuivans les battirent.
+Mais Oagimont s'estant eloign de son parc,
+Trop prompt, y fut bless grievement d'un trait d'arc.
+Memembour (trop chaut) prque en la mme sorte
+L'ennemi poursuivant y eut la jambe torte,
+Ce qui plusieurs en fit de leur mains chapper,
+Mais ne peurent pourtant leur ennemi tromper.
+Car Etmeminaoet l'homme qui de six femme
+Peut, galant appaiser les amoureuses flammes,
+Et Metembrolebit, Medagoet, Chahocobech'
+Bituani, Penin, Actembro, Semcoudech',
+Tous vaillans champions, soldats & Capitaines
+Acheverent du tout ces races inhumaines.
+Mais ce qui est ici digne d'tonnement,
+C'est que des Souriquois n'est mort un seulement.
+
+L'Armouchiquois teint, cette arme defaite,
+Membertou glorieux fait sonner la retraite,
+On trouve de blesss encores Pechkmet,
+Oupakour, Ababich', Pigagan, Chichkmeg,
+Umanuet, & Kobech', dont les playes on pense,
+Tandis que du butin d'autre ct l'on pense.
+La cure en est sommaire. Entre eux est un devin
+(Ignorant toutefois) qu'on appelle Aoutmoin.
+Cetui prognostique de l'tat du malade
+Feint vers quelque demon pour lui faire ambassade,
+Et selon sa reponse, en ceci comme en tout,
+Il juge s'il sera bien-tot mort ou debout.
+Avec ce de la playe il va sucant le sang,
+Il la souffle, & soufflant il s'meut tout le flanc:
+Ceci fait, il applique au dessus de la playe
+Du roignon de Castor: & par ainsi essaye
+(Le bendage parfait) son malade guerir.
+
+Le butin recuilli, avant que de partir
+Des chefs Armouchiquois ils enlevent les ttes
+Pour en faire au retour maintes joyeuses ftes.
+Ja ilz sont la voile, & approchent du port
+O ilz doivent donner leurs femmes confort,
+Lesquelles aussi tot que de leur arrive
+Elle ont eu nouvelle, aussi-tot la hue
+Elles ont fait de loin, desireuses savoir
+Quel avoit est l de chacun le devoir.
+Et en ordre marchans, qui en main une masse,
+Qui un couteau trenchant (ayans toutes la face
+De couleurs bigare) elles s'attendoient bien
+Toutes sur l'heure avoir un Armouchiquois sien,
+Afin d'en faire tot cruelle boucherie,
+Mais sans cela convint faire leur tabagie.
+Et pares le repas la danse s'ensuivit,
+Qui dura tout le jour, & qui dura la nuit,
+Et toujours durera en s'crians sans cesse,
+Chantans de Membertou la valeur & proesse
+Tant que leur estomach la voix leur fournira,
+Ou que quelque mal-heur reposer les fera.
+
+ ____________________________________________
+
+ LA TABAGIE MARINE
+
+COMPAGNONS, o est le temps
+Qu'avions ntre passe-temps
+A descendre au plus habile
+Sur le pi ferme d'une ile,
+Fourrageans de toutes pars
+Dea & del pars
+Parmi l'eps des feuillages
+Et des orgueilleux herbages
+L'honneur des jeunes oiseaux
+Qu'enlevions, grans troupeaux,
+Le gros Tangueu, la Marmette,
+Et la Mauve & la Roquette,
+Ou l'Oye, ou le Cormorant,
+Ou l'outarde au corps plus grand.
+a (ce disoi-je la troupe)
+Emplissons ntre chaloupe
+De ces oiseaux tendrelets,
+Ilz valent bien des poulets.
+Dieu! quelle plaisante chasse.
+Amasse, garson, amasse,
+Portes-en charg ton dos,
+Tu es alaigre & dispos,
+Et reviens tout cette heure
+Prendre pareille mesure,
+Ne cessant jusques ce
+Que nous en ayons ass:
+Car nous pourrions de cette ile
+Fournir une bonne ville.
+
+Je voudroy m'avoir cout
+Un Karolus bien cont
+Et estre en cet equipage
+Acecque tout ce pillage
+Au beau milieu de Paris
+O que j'y auroy d'amis,
+Qui pour avoir pance grasse
+Me suivroient de place en place.
+
+Qu'on ne parle maintenant
+Que des iles du Ponant.
+Car les iles Fortunes
+Sont certes infortunes
+Au pris de celles ici,
+Qui nous fournissent ainsi
+Pour neant ce que l'on achete
+Au quartier de la Huchette,
+Ou ailleurs bien cherement.
+Je ne say certainement
+Comme le monde est si bte
+Que pas il rejette,
+Veu la grand' felicit
+Qui s'y voit de tout ct,
+Soit qu'on suive cette chasse,
+Soit que l'Ellan on pourchasse,
+Ou qu'on vueille de poisson
+Faire en et la moisson.
+Car quant est des paturages
+Il n'y manque pont d'herbages
+Pour nourrir vaches & veaux,
+Ce ne sont rien que ruisseaux,
+Lacs, fonteines, & rivieres
+(De tous biens les pepinieres)
+En ce pas fortier.
+Il y a mines d'acier,
+De fer, d'argent, & de cuivre,
+Asseurez moyens de vivre,
+Quand en train elles seront,
+Et par le monde courront.
+
+La terre y est plantureuse
+Pour rendre la gent heureuse
+Qui la voudra cultiver.
+Il ne reste que trouver
+Bon nombre de jeunes filles
+A porter enfans habiles
+Pour bien-tot nous rendre forts
+En ces mers, rives, & ports,
+Et passer melancholie
+Chacun avecque s'amie
+Pres les murmurantes eaux,
+Qui gazoullent par les vaux,
+Ou l'ombre des fueillages
+Des endormans verd-bocages.
+
+Par mon ame je voudroy
+Que ds ore il plet au Roy
+Me bailler des bonnes rentes
+En ma bourse bien venantes
+Tous les ans dix mille escus,
+Voire trente mille, & plus,
+Pour employer l'usage
+D'un honte mariage,
+A la charge de venir
+En ce pas me tenir,
+Et y planter une race,
+Digne de sa bonne grace,
+Qui service luy feroit
+Tant qu'au monde elle seroit,
+Quittant du barreau la lice,
+Et du monde la malice,
+Et les injustes faveurs
+Des hommes de qui le coeurs
+S'enclinent l'apparence
+Pour opprimer l'innocence
+
+De tels & autres propos
+J'entretenoy mes dispos
+Tandis que chacun sa proye
+Diligent bort envoye.
+Devinez si au repas
+Grand' chere ne faisions pas.
+Car avec cette viande
+D'elle-mme assez friande
+Nous avions abondamment
+De poisson pris frechement.
+
+Quand ores en ma memoire
+Se ramentoit cette histoire,
+Je regrette ce temps l
+Qui nous fournissoit cela.
+Car ds long temps la pature
+de sal nous est si dure,
+Que nos estomachz forcs
+En demeurent offenss.
+
+Pourtant je ne veux pa dire
+Que les maitres du navire
+Messieurs les associs
+Ne se soient point soucis
+D'envoyer hontement
+Ntre rafraichissement.
+Mais certaines gourmandailles
+Ont mang noz victuailles,
+Noz poules & nos moutons,
+Et grapillez nos citrons,
+Ntre sucre, noz grenades,
+Nos epices & muscades,
+Ris, & raisins & pruneaux,
+Et autres fruits bons & beaux
+Utiles en la marine
+Pour conforter la poitrine.
+
+Vous savs si je di vray,
+Capitaine Papegay.
+Si jamais je suis grand Prince
+En cette tout autre province
+Onqu' enfant ne regira
+Ce que ma nef portera.
+Main ne laissons je vous prie
+de mener joyeuse vie,
+a, garson, de ce bon vin
+Du cru de Monsieur Macquin,
+Et buvons pleine gorge
+Tant luy qu' Monsieur George.
+Ce sont des hommes d'honneur
+Et d'une agreable humeur,
+Car ilz nous ont l'autre anne
+Fourni de bonne vine,
+Dont le parfum nompareil
+A garenti du cercueil
+Plusieurs qui fussent grand' erre
+All dormir souz la terre.
+Et ne trouve quant moy
+Drogue de meilleur aloy
+En ntre France-Nouvelle
+Pour braver la mort cruelle,
+Que vivre joyeusement
+Avec le fruit du sarment.
+
+Est-ce pas donc bon mnage
+D'avoir un si bon bruvage
+Jusques ores conserv?
+Car ici n'avons trouv
+Que bien petite vendange,
+Ce qui nous est bien trange.
+Car le cidre Maloin
+Ne vaut pas du petit vin.
+Mais ayons la patience
+Que soyons rendus en France.
+Approche de moy, garson,
+Et m'apporte ce jambon,
+Que j'en prenne une aiguillette,
+Car ce lard point ne me haite.
+J'aimeroy mieux voir noz plats
+Garnis de bons cervelats,
+De pats & de saucisses
+Confits en bonnes epices,
+Que cette venaison
+Dont je n'ay nulle achoison,
+Non plus que de ces morus
+Qui sont toutes vermolus
+Certes le maitre valet
+Meriteroit un soufflet
+De nous bailler tout du pire
+Qui soit dedans ce navire.
+Car nous devrions par honneur
+En tout avoir du meilleur.
+Otez nous tant de viandes,
+Et apportez des amandes,
+Pruneaux, figues & raisins,
+Et buvons nos voisins.
+
+C'a toute la pleine tasse,
+C'est vtre bonne grace,
+Capitaine Chevalier.
+Si dedans vtre cellier
+Avez quelque friandise,
+Faites que de vous l'on dise
+Que vous estes liberal,
+Honte, & d'un coeur Royal.
+
+Maitre tenez vous en garde,
+C'est vous que je regarde
+Ayant les armes en main.
+Plegez moy le verre plein.
+Cette derniere nuite
+Vous a un peu mal traite.
+Il y vint un coup de mer
+Qui pensa nous abymer.
+Mais vous fites diligence
+De parer la defense.
+
+Dieu garde le bon JONAS
+De tout violent trpas,
+Car s'il tomboit en naufrage
+Nous y aurions du dommage,
+Et m'tonne infiniment
+Que cet humide element
+De ses eaux ne nous accable,
+Veu que le nom venerable
+De Dieu y est blasphem
+D'un langage accoutum,
+Sans crainte de ses menaces.
+
+Neantmoins rendons lui graces,
+Et avec contrition
+Demandons remission
+De noz fautes: & sans cesse
+Soit loe sa hautesse. Amen.
+
+Cherchant dessus Neptune un repos sans repos
+J'ay faonn ces vers au branle de ses flots.
+
+ M. LESCARBOT.
+
+[Illustration]
+
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+
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+
+End of Project Gutenberg's Les Muses de la Nouvelle France, by Marc L'escarbot
+
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+works. See paragraph 1.E below.
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+or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
+work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
+Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.
+
+
+Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
+
+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
+electronic works in formats readable by the widest variety of computers
+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
+because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
+people in all walks of life.
+
+Volunteers and financial support to provide volunteers with the
+assistance they need, is critical to reaching Project Gutenberg-tm's
+goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation web page at http://www.pglaf.org.
+
+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
+http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
+permitted by U.S. federal laws and your state's laws.
+
+The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
+Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
+throughout numerous locations. Its business office is located at
+809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
+business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact
+information can be found at the Foundation's web site and official
+page at http://pglaf.org
+
+For additional contact information:
+ Dr. Gregory B. Newby
+ Chief Executive and Director
+ gbnewby@pglaf.org
+
+
+Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation
+
+Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
+spread public support and donations to carry out its mission of
+increasing the number of public domain and licensed works that can be
+freely distributed in machine readable form accessible by the widest
+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
+($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
+status with the IRS.
+
+The Foundation is committed to complying with the laws regulating
+charities and charitable donations in all 50 states of the United
+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
+considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
+with these requirements. We do not solicit donations in locations
+where we have not received written confirmation of compliance. To
+SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
+particular state visit http://pglaf.org
+
+While we cannot and do not solicit contributions from states where we
+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
+against accepting unsolicited donations from donors in such states who
+approach us with offers to donate.
+
+International donations are gratefully accepted, but we cannot make
+any statements concerning tax treatment of donations received from
+outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
+
+Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
+methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
+ways including checks, online payments and credit card donations.
+To donate, please visit: http://pglaf.org/donate
+
+
+Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
+works.
+
+Professor Michael S. Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm
+concept of a library of electronic works that could be freely shared
+with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project
+Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
+
+
+Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
+editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
+unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
+keep eBooks in compliance with any particular paper edition.
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+This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
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