summaryrefslogtreecommitdiff
diff options
context:
space:
mode:
authorRoger Frank <rfrank@pglaf.org>2025-10-15 02:32:55 -0700
committerRoger Frank <rfrank@pglaf.org>2025-10-15 02:32:55 -0700
commit36b2fb4a1b9080a31a590ebc344bfd7f292a93e3 (patch)
tree07810418fabf1bf18edb990563e5ea8db7d39774
initial commit of ebook 26806HEADmain
-rw-r--r--.gitattributes3
-rw-r--r--26806-8.txt2527
-rw-r--r--26806-8.zipbin0 -> 46957 bytes
-rw-r--r--LICENSE.txt11
-rw-r--r--README.md2
5 files changed, 2543 insertions, 0 deletions
diff --git a/.gitattributes b/.gitattributes
new file mode 100644
index 0000000..6833f05
--- /dev/null
+++ b/.gitattributes
@@ -0,0 +1,3 @@
+* text=auto
+*.txt text
+*.md text
diff --git a/26806-8.txt b/26806-8.txt
new file mode 100644
index 0000000..637dd25
--- /dev/null
+++ b/26806-8.txt
@@ -0,0 +1,2527 @@
+The Project Gutenberg EBook of Gamiani, by Alfred de Musset
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
+
+
+Title: Gamiani
+ ou Une nuit d'excès
+
+Author: Alfred de Musset
+
+Release Date: October 7, 2008 [EBook #26806]
+
+Language: French
+
+Character set encoding: ISO-8859-1
+
+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK GAMIANI ***
+
+
+
+
+Produced by Daniel Fromont
+
+
+
+
+
+
+
+
+[Transcriber's note: Alfred de Musset (1810-1857)],
+_Gamiani ou Une nuit d'excès_ (1833) édition de 1833
+
+A French classic erotic story]
+
+
+
+
+Opinion de l'auteur anonyme [peut-être Joris-Karl Huysmans] de
+la préface de _Gamiani_ édition de 1876:
+
+"Tout le monde sait que Musset se trouvant, une nuit, à souper
+en joyeuse compagnie, paria - à l'heure où les bougies font
+éclater leurs collerettes de cristal - qu'en évitant toute
+expression crue ou érotique, il écrirait à l'encontre des
+Anciens, le volume le plus _Cela_ que l'on pourrait rêver dans
+ce genre! Inutile de dire qu'il gagna son pari."
+
+
+Opinion de l'auteur anonyme [Jules Gay] de la _Bibliographie
+des ouvrages relatifs à l'amour, aux femmes, au mariage et des
+livres facétieux pantagruéliques, scatologiques, satyrique par
+M. Le C. D'I***_:
+
+"Dans _Gamiani_, la passion domine tout en souveraine, passion
+complexe de l'esprit, du coeur et des sens arrivant au
+paroxysme de la fièvre hystérique, à la folie et même jusqu'au
+crime. Cette production étrange restera pour compléter la
+littérature d'une époque qui a fourni tant d'oeuvres
+excentriques dans tous les genres. Après avoir répétés les
+on-dit sur l'auteur présumé de cet ouvrage, nous nous permettons
+d'ajouter que la première partie nous parait écrite
+d'abondances sous l'inspiration d'un récit ou d'un souvenir.
+Il n'en est pas de la deuxième, dont le style est plus
+travaillé, l'action plus extravagante, et semble tout à fait
+rentrer dans le domaine de la collaboration; on y sent l'effet
+de l'imagination qui cherche à s'échauffer et ne parvient à
+produire que l'horrible. La première partie en question est
+l'oeuvre de Musset; mais la seconde partie, celle qui concerne
+les femmes, est attribuée à la personne à laquelle fait
+allusion le roman de _Lui et Elle_ de M. Paul de Musset [i.e.
+George Sand]."
+
+
+Opinion de l'auteur anonyme [PH. J. .G. B. i.e. Vital-Puisant]
+de la _Notice anecdotico-bibliographique sur le Gamiani d'Alfred
+de Musset_ (1874):
+
+"Quelque temps après la Révolution de 1830, une dizaine de
+jeunes gens, pour la plupart destinés à devenir célèbres dans
+les lettres, la médecine ou le barreau, se trouvaient réunis
+dans un des plus brillants restaurants du Palais-Royal. Les
+reliefs d'un splendide souper et le nombre de flacons vides
+témoignaient en faveur du robuste estomac, et partant, de la
+gaieté des convives. On était arrivé au dessert, et tout en
+faisant pétiller le champagne, on avait épuisé la conversation
+sur la politique d'abord, et ensuite sur les mille sujets à
+l'ordre du jour à cette époque. La littérature devait
+nécessairement avoir son tour. Après avoir passé en revue les
+divers genres d'ouvrages qui, depuis l'antiquité, ont tour à
+tour été l'objet d'une admiration plus ou moins passagère, on
+en vint à parler du genre érotique. Aussi, depuis les
+_Pastorales_ de Longus, jusqu'aux cruautés luxurieuses du
+Marquis de Sade, depuis les _Epigrammes_ de Martial et les
+_Satires_ de Juvénal jusqu'aux _Sonnets_ de I'Arétin, tout fut
+passé en revue. Après avoir comparé la liberté d'expression de
+Martial, Properce, Horace, Juvénal, Térence, en un mot, des
+auteurs latins, avec la gêne que s'étaient imposée les divers
+écrivains érotiques français, quelqu'un fut amené à dire qu'il
+était impossible d'écrire un ouvrage de ce genre sans appeler
+les choses par leur nom; l'exemple de La Fontaine était une
+exception; que, d'ailleurs la poésie française admettait ces
+sortes de réticences et savait même, par la finesse et une
+heureuse tournure de phrase, s'en créer un charme de plus,
+mais qu'en prose on ne pouvait rien produire de passionné ni
+d'attrayant. Un jeune homme qui, jusqu'alors, s'était contenté
+d'écouter la conversation d'un air rêveur, sembla s'éveiller à
+ces derniers mots, et prenant la parole: Messieurs, dit-il, si
+vous consentez à vous réunir de nouveau ici, dans trois jours,
+j'espère vous convaincre qu'il est facile de produire un
+ouvrage de très haut goût sans employer les grossièretés qu'on
+a coutume d'appeler des naïvetés chez nos bons aïeux, tels que
+Rabelais, Brantôme, Béroalde de Verville, Bonaventure Des
+Periers et tant d'autres, chez lesquels l'esprit gaulois
+brillerait d'un éclat tout aussi vif, s'il était débarrassé
+des mots orduriers qui salissent notre vieux langage. La
+proposition fut acceptée par acclamation, et trois jours
+après, notre jeune auteur apportait le manuscrit de l'ouvrage
+que nous présentons aux amateurs. Chacun des assistants voulut
+en posséder une copie, et l'indiscrétion de l'un d'entre eux
+permit à un éditeur étranger de l'imprimer, en 1833, dans le
+format in-4° et orné de grandes gravures coloriées. (...) A
+l'époque de la publication de cet ouvrage, des gens de lettres
+très-sérieux et à même de ne point se tromper, ont prétendu
+que l'illustre romancière contemporaine, qui écrit sous le nom
+de *** *** [i.e. George Sand], avait collaboré avec Alfred de
+Musset à la rédaction de ce roman de _haut goût_. Nous ne sommes
+guère compétent pour nous poser en juge dans cette
+attribution; si pourtant nous en référant à ce que l'on ajoute
+sur ce sujet (cette dame avait la passion de l'amour lesbien)
+nous ne serions pas taxé de témérité en accordant un certain
+degré de foi à cette allégation."
+
+
+
+Observation: Les éditions ultérieures de _Gamiani ou une nuit
+d'excès_ sont intitulées _Gamiani ou deux nuits d'excès_.
+
+
+Note: l'orthographe de l'édition 1833 a été conservée.
+
+
+
+
+Gamiani
+
+ou
+
+UNE NUIT D'EXCES
+
+
+Bruxelles
+
+1833
+
+
+
+
+
+
+Gamiani.
+
+
+
+
+Minuit sonnait, et les salons de la Comtesse Gamiani
+resplendissaient encore de l'éclat des lumières.
+
+Les rondes, les quadrilles s'animaient, s emportaient aux sons
+d'un orchestre enivrant. Les toilettes étaient merveilleuses,
+les parures étincelaient.
+
+Gracieuse, empressée, la maîtresse du bal semblait jouir du
+succès d'une fête préparée, annoncée à grands frais. On la
+voyait sourire agréablement à tous les mots flatteurs, aux
+paroles d'usage que chacun lui prodiguait pour payer sa
+présence.
+
+Renfermé dans mon rôle habituel d'observateur, j'avais déjà
+fait plus d'une remarque qui me dispensait d'accorder à la
+Comtesse Gamiani le mérite qu'on lui supposait. Comme femme du
+monde, je l'eus bientôt jugée, il me restait à disséquer son
+être moral, à porter le scalpel dans les régions du coeur; et
+je ne sais quoi d'étrange, d'inconnu, me gênait, m'arrêtait
+dans mon examen. J'éprouvais une peine infinie à démêler le
+fond de l'existence de cette femme dont la conduite
+n'expliquait rien.
+
+Jeune encore avec une immense fortune, jolie au goût du grand
+nombre, cette femme sans parens, sans amis avoués, s'était en
+quelque sorte individualisée dans le monde. Elle dépensait
+seule, une existence capable, en toute apparence, de supporter
+plus d'un partage
+
+Bien des langues avaient glosé, finissant toujours par médire:
+mais, faute de preuve, la Comtesse demeurait impénétrable.
+
+Les uns l'appelaient une _Foedora_ (1) [(1) _Foedora_ - La femme
+sans coeur, Roman de Balzac.], une femme sans coeur et sans
+tempérament; d'autres lui supposaient une âme profondément
+blessée et qui veut désormais se soustraire aux déceptions
+cruelles.
+
+Je voulais sortir du doute: Je mis à contribution toutes les
+ressources de ma logique; mais ce fut en vain, je n'arrivai
+jamais à une conclusion satisfaisante.
+
+Dépité, j'allais quitter mon sujet, lorsque, derrière moi, un
+vieux libertin, élevant la voix, jeta cette exclamation: Bah!
+c'est une Tribade.
+
+Ce mot fut un éclair, tout s'enchaînait, s'expliquait, il n'y
+avait plus de contradiction possible.
+
+Une Tribade! Oh! ce mot retentit à l'oreille, d'une manière
+étrange: puis, il élève en vous je ne sais quelles images
+confuses de voluptés inouïes, lascives à l'excès. C'est la
+rage luxurieuse, la lubricité forcenée, la jouissance horrible
+qui reste inachevée.
+
+Vainement j'écartai ces idées, elles mirent en un instant mon
+imagination en débauche. Je voyais déjà la Comtesse nue, dans
+les bras d'une autre femme, les cheveux épars, pantelante,
+abattue et que tourmente encore un plaisir avorté.
+
+Mon sang était de feu, mes sens grondaient, je tombai comme
+étourdi sur un sopha.
+
+Revenu de cette émotion, je calculai froidement ce que javais
+à faire pour surprendre la Comtesse: il le fallait à tout
+prix.
+
+Je me décidai à l'observer pendant la nuit, à me cacher dans
+sa chambre à coucher. La porte vitrée d'un cabinet de toilette
+faisait face au lit. Je compris tout l'avantage de cette
+position; et, me dérobant, à l'aide de quelques robes
+suspendues, je me résignai patiemment à attendre l'heure du
+Sabbat.
+
+J'étais à peine blotti, que la Comtesse parut, appelant sa
+Camériste, jeune fille au teint brun, aux formes accusées.
+
+"Julie, je me passerai de vous ce soir. Couchez-vous.... ah!
+si vous entendiez du bruit dans ma chambre, ne vous dérangez
+pas, je veux être seule."
+
+Ces paroles promettaient presque un Drame. Je m'applaudissais
+de mon audace.
+
+Peu-à-peu, les voix du salon s'affaiblirent, la comtesse resta
+seule avec une de ses amies, Melle _Fanny_ B***. Toutes deux se
+trouvèrent bientôt dans la chambre et devant mes yeux.
+
+Fanny. Quel fâcheux contre-temps! la pluie tombe à torrents,
+et pas une voiture.
+
+Gamiani. Je suis désolée comme vous; par malencontre ma
+voiture est chez le sellier.
+
+"F. -- Ma mère sera inquiète.
+
+"G. -- Soyez sans crainte, ma chère Fanny, votre mère est
+prévenue, elle sait que vous passez la nuit chez moi. Je vous
+donne l'hospitalité.
+
+"F. -- Vous êtes trop bonne, en vérité. Je vais vous causer de
+l'embarras.
+
+"G. -- Dites, un vrai plaisir. C'est une aventure qui me
+divertit...... je ne veux pas vous envoyer coucher seule dans
+une autre chambre, nous resterons ensemble.
+
+"F. -- Pourquoi? Je dérangerai votre sommeil.
+
+"G. -- Vous êtes trop cérémonieuse.... voyons! Soyons comme
+deux jeunes amies, comme deux pensionnaires."
+
+Un doux baiser vint appuyer ce tendre épanchement.
+
+"G. -- Je vais vous aider à vous deshabiller. Ma femme de
+chambre est couchée, nous pouvons nous en passer....
+
+"Comme elle est faite! heureuse fille! J'admire votre taille.
+
+"F. -- Vous trouvez qu'elle est bien?
+
+"G. -- Ravissante!
+
+"F. -- Vous voulez me flatter....
+
+"G. -- O merveilleuse! quelle blancheur! c'est à en être
+jalouse.
+
+"F. -- Pour celui-là, je ne vous le passe pas, franchement vous
+êtes plus blanche que moi.
+
+"G. -- Vous n'y pensez pas, enfant!... otez donc tout, comme
+moi. Quel embarras! on vous dirait devant un homme. Là! voyez
+dans la glace.... comme Pâris vous jetterait la pomme.
+Friponne! elle sourit de se voir si belle. -- Vous méritez bien
+un baiser sur votre front, sur vos joues, sur vos lèvres. Elle
+est belle partout partout....."
+
+La bouche de la comtesse se promenait, lascive, ardente sur le
+corps de Fanny. Interdite, tremblante, Fanny laissait tout
+faire et ne comprenait pas.
+
+C'était bien un couple délicieux de volupté, de grâces,
+d'abandon lascif, de pudeur craintive. On eut dit une Vierge,
+une Ange, aux bras d'une Bacchante en fureur.
+
+Que de beautés livrées à mon regard, quel spectacle à soulever
+mes sens.
+
+F. -- Oh! que faites-vous? laissez, Madame, je vous prie....
+
+G. -- Non, non, ma Fanny, mon enfant ma vie, ma joie. Tu es
+trop belle, vois-tu! je t'aime! je t'aime d'amour, je suis
+folle!..."
+
+Vainement l'enfant se débattait. Les baisers étouffaient ses
+cris. Pressée, enlacée, sa résistance était vaine La comtesse
+dans son etreinte fougueuse l'emportait sur son lit, l'y
+jetait comme une proie à dévorer.
+
+"F. -- Qu'avez-vous! O dieu! Madame; mais c'est affreux!.... Je
+crie, laissez-moi.... vous me faites peur....."
+
+Et des baisers plus vifs, plus pressés, répondaient à ces
+cris. Les bras enlacaient plus fort, les deux corps n'en
+faisaient qu'un.
+
+"G. Fanny, à moi! à moi tout entière! viens! voila ma vie.
+Tiens!.... c'est du plaisir.... comme tu trembles, enfant....
+Ah! tu cèdes....
+
+"F: -- C'est mal! C'est mal! vous me tuez.. ah!.... je meurs.
+
+"G. -- Oui, serres-moi, ma petite, mon amour. Serres bien; plus
+fort. Qu'elle est belle dans le plaisir!... Lascive!... tu
+jouis, tu es heureuse... oh! Dieu!
+
+Ce fut alors un spectacle étrange. La Comtesse, I'oeil en feu,
+les cheveux épars, se ruait, se tordait sur sa victime que les
+sens agitaient à son tour. Toutes deux se tenaient,
+s'étreignaient avec force. Toutes deux se renvoyaient leurs
+bonds, leurs élans, étouffaient leurs cris, leurs soupirs dans
+des baisers de feu.
+
+Le lit craquait aux secousses furieuses de la Comtesse.
+
+Bientôt épuisée, abattue, Fanny laissa tomber ses bras. Pâle,
+elle restait immobile comme une belle morte.
+
+La Comtesse délirait. Le plaisir la tuait et ne l'achevait
+pas. Furieuse, bondissante, elle s'élança au milieu de la
+chambre, se roûla sur le tapis, s'excitant par des poses
+lascives, bien follement lubriques, provoquant avec ses doigts
+tout l'excès des plaisirs....
+
+Cette vue acheva d'égarer ma tête.
+
+Un instant, le dégoût, l'indignation m'avaient dominé; je
+voulais me montrer à la Comtesse, l'accabler du poids de mon
+mépris. Les sens furent plus forts que la raison. La chair
+triompha superbe, frémissante. J'étais étourdi, comme fou. Je
+m'élançai sur la belle Fanny, nû, tout en feu, pourpré,
+terrible. Elle eut à peine le temps de comprendre cette
+nouvelle attaque que, déjà triomphant, je sentais son corps
+souple et frêle trembler, s'agiter sous le mien répondre à
+chacun de mes coups. Nos langues se croisaient brûlantes,
+acérées, nos âmes se fondaient dans une seule.
+
+"F. -- Ah! Dieu!.... on me tue....."
+
+A ces mots, la belle se raidit, soupire et puis retombe en
+m'inondant de ses faveurs.
+
+Ah Fanny, m'écriai-je, attends... à toi... ah!....
+
+A mon tour, je crus rendre toute ma vie.
+
+Quel excès!.... Anéanti, perdu dans les bras de Fanny, je
+n'avais rien senti des attaques terribles de la Comtesse.
+
+Rappelée à elle par nos cris, nos soupirs, transportée de
+fureur et d'envie, elle s'était jetée sur moi pour m'arracher
+à son amie. Ses bras m'étreignaient en me secouant, ses doigts
+creusaient ma chair, ses dents mordaient.
+
+Ce double contact de deux corps suant le plaisir, tout
+brulants de luxure, me ravivait encore, redoublait mes désirs.
+
+Le feu me touchait partout. Je demeurai ferme, victorieux au
+pouvoir de Fanny; puis, sans rien perdre de ma position, dans
+ce désordre étrange de trois corps se mêlant, se croisant,
+s'enchevêtrant l'un dans l'autre, je parvins à saisir
+fortement les cuisses de la Comtesse, à les tenir écartées au
+dessus de ma tête.
+
+"Gamiani! à moi! portez-vous en avant, ferme sur vos bras!
+
+Gamiani me comprit, et je pus à loisir poser ma langue active,
+dévorante sur sa partie en feu.
+
+Fanny insensée, éperdue, caressait amoureusement la gorge
+palpitante qui se mouvait au dessus d'elle.
+
+En un instant la comtesse fut vaincue, achevée.
+
+"G. Quel feu vous allumez! C'est trop...... grâce!... oh!....
+quel jeu lubrique! vous me tuez.... Dieu! j'étouffe."
+
+Le corps de la Comtesse retomba lourdement de côté comme une
+masse morte.
+
+Fanny plus exaltée encore, jette ses bras à mon cou, m'enlace,
+me serre, croise ses jambes sur mes reins.
+
+"F. -- Cher ami! à moi... tout à moi. Modère un peu...
+arrête.... là.... ah!..... va plus vite... va donc..... oh! je
+sens!... je nage!.... je......"
+
+Et nous restâmes l'un sur l'autre étendus, raides, sans
+mouvement; nos bouches entrouvertes, mêlées, se renvoyaient à
+peine nos haleines presque éteintes.
+
+Peu à peu nous revînmes. Tous trois nous nous relevâmes et
+nous fûmes un instant à nous regarder stupidement....
+
+Surprise, honteuse de ses emportements, la Comtesse se couvrit
+à la hâte. Fanny se déroba sous les draps; puis comme un
+enfant, qui comprend sa faute quand elle est commise et
+irréparable, elle se mit à pleurer: la Comtesse ne tarda pas à
+m'apostropher.
+
+"G. -- Monsieur, c'est une bien misérable surprise. Votre
+action n'est qu'un odieux guet-à-pens, une lâcheté infâme....
+vous me forcez à rougir."
+
+Je voulus me défendre,
+
+"G. -- Oh! Monsieur, sachez qu'une femme ne pardonne jamais à
+qui surprend sa faiblesse."
+
+Je ripostai de mon mieux. Je déclarai une passion funeste,
+irrésistible; que sa froideur avait désespérée, réduite à la
+ruse, à la violence....
+
+"D'ailleurs, ajoutai-je,
+
+"Pouvez vous croire, Gamiani, que j'abuse jamais d'un secret
+que je dois plus au hasard qu'à ma témérité. Oh! non, ce
+serait trop ignoble. Je n'oublierai, de ma vie, l'excès de nos
+plaisirs, mais j'en garderai pour moi seul le souvenir. Si je
+fus coupable, songez que j'avais le délire dans le coeur, ou
+plutôt ne gardez qu'une pensée, celle des plaisirs que nous
+avons goûtés ensemble, que nous pouvons goûter encore.
+
+M'adressant ensuite à Fanny, tandis que la Comtesse dérobait
+sa tête, feignait de se désoler
+
+"Calmez vous, Mademoiselle. Des larmes dans le plaisir! oh! ne
+songez qu'à la douce félicité qui nous unissait tout à
+l'heure; qu'elle reste dans vos souvenirs comme un rève
+heureux, qui n'appartient qu'à vous, que vous seule savez. Je
+vous le jure, je ne gâterai jamais la pensée de mon bonheur en
+la confiant à d'autres."
+
+La colère s'apaisa, les larmes se tarirent insensiblement,
+nous nous retrouvâmes tous les trois entrelacés, disputant de
+folies, de baisers, de caresses.... "Oh! mes belles amies, que
+nulle crainte ne vienne nous troubler. Livrons-nous sans
+réserve..... comme si cette nuit était la dernière A la joie,
+à la volupté.
+
+Et Gamiani de s'écrier: "Le sort en est jeté, au plaisir.
+Viens Fanny..... baise donc, folle!.. tiens!... que je te
+morde.... que je te suce; que Je t'aspire jusqu'à la moëlle.
+Alcide, en devoir... Oh! le superbe animal! quelle
+richesse!....
+
+Vous l'enviez, Gamiani, à vous donc. Vous dédaignez ce
+plaisir, vous le bénirez quand vous l'aurez bien goûté. Restez
+couchée Portez en avant la partie que je vais attaquer. Ah!
+que de beautés! quelle posture! Vîte, Fanny, enjambez la
+Comtesse, conduisez vous-même cette arme terrible, cette arme
+de feu; battez en brèche, ferme!. trop fort, trop vîte....
+Gamiani!... ah..... vous escamotez le plaisir...."
+
+La Comtesse s'agitait comme une possédée, plus occupée des
+baisers de Fanny que de mes efforts. Je profitai d'un
+mouvement qui dérangea tout, pour renverser Fanny sur le corps
+de la Comtesse, pour l'attaquer avec fureur. En un instant,
+nous fûmes tous les trois confondus, abîmés de plaisir.......
+
+.................................
+
+"G. -- Quel caprice, Alcide. Vous avez tourné subitement à
+l'ennemi...... oh! je vous pardonne, vous avez compris que
+c'était perdre trop de plaisir pour une insensible. Que
+voulez-vous? j'ai la triste condition d'avoir divorcé avec la
+nature. Je ne rève, je ne sens plus que l'horrible,
+l'extravagant. Je poursuis l'impossible. Oh! C'est bien
+affreux. Se consumer, s'abrutir dans des déceptions. Désirer
+toujours, n'être jamais satisfaite. Mon imagination me
+tue..... C'est être bien malheureuse!"
+
+Il y avait dans tout ce discours une action si vive, une
+expression si forte de désespoir, que je me sentis ému de
+pitié. Cette femme souffrait à faire mal. -- "Cet état n'est
+peut-être que passager Gamiani; vous vous nourrissez trop de
+lectures funestes"
+
+"G. -- Oh! non! non! ce n'est pas moi....
+
+"Ecoutez: vous me plaindrez, vous m'excuserez peut-être.
+
+"J'ai été élevée en Italie, par une tante restée veuve de
+bonne heure. J'avais atteint ma quinzième année et je ne
+savais, des choses de ce monde, que les terreurs de la
+religion. Toute en Dieu, je passais ma vie à supplier le Ciel
+de m'éviter les peines de l'Enfer.
+
+"Ma tante m'inspirait ces craintes, sans les tempérer jamais
+par la moindre preuve de tendresse. Je n'avais d'autre douceur
+que mon sommeil. Mes jours passaient tristes comme les nuits
+d'un condamné.
+
+"Parfois seulement, ma tante m'appelait le matin dans son lit.
+Alors, ses regards étaient doux, ses paroles flatteuses. Elle
+m'attirait sur son sein, sur ses cuisses et m'étreignait
+tout-à-coup dans des embrassements convulsifs; je la voyais se
+torde, renverser sa tête et se pâmer avec un rire de folle.
+
+"Epouvantée, je la contemplais, immobile, je la croyais
+atteinte d'épilepsie.
+
+"A la suite d'un long entretien qu'elle eut avec un Moine
+franciscain, je fus appelée et le révérend père me tint ce
+discours:
+
+"Ma fille, vous grandissez. Déjà le démon tentateur peut vous
+voir. Bientôt vous sentirez ses attaques. Si vous n'êtes pure
+et sans tache, ses traits pourront vous atteindre; si vous
+êtes exempte de souillure, vous resterez invulnérable. Par des
+douleurs notre Seigneur a racheté le monde; par les
+souffrances vous racheterez aussi vos propres péchés.
+Préparez-vous à subir le martyr de la rédemption. Demandez à
+Dieu la force et le courage nécessaires: ce soir vous serez
+éprouvée.... Allez en paix, ma fille."
+
+
+"Ma tante m'avait déjà parlé depuis quelques jours, de
+souffrances, de tortures à endurer pour racheter ses péchés,
+je me retirai, effrayée des paroles du Moine. -- Seule, je
+voulus prier, m'occuper de Dieu, mais je ne pouvais voir que
+l'image du supplice qui m'attendait.
+
+"Ma tante vint me retrouver au milieu de la nuit. Elle
+m'ordonna de me mettre nue, me lava de la tête aux pieds et me
+fit prendre une grande robe noire serrée autour du cou et
+entièrement fendue par derrière. Elle s'habilla de même et
+nous partîmes de la maison en voiture.
+
+"Au bout d'une heure, je me vis dans une vaste salle tendue de
+noir, éclairee par une seule lampe suspendue au plafond.
+
+"Au milieu s'élevait un prie-Dieu environne de coussins.
+
+"Agenouillez-vous, ma Nièce: préparez-vous par la prière, et
+supportez avec courage tout le mal que Dieu veut vous infliger
+
+"J'avais à peine obéi, qu'une porte secrète s'ouvrit, un
+Moine, vêtu comme nous, s'approcha de moi, marmota quelques
+paroles: puis, écartant ma robe et faisant tomber les pans de
+chaque côté, il mit à découvert toute la partie postérieure de
+mon corps.
+
+"Un léger frémissement échappa au Moine, extasié sans doute à
+la vue de ma chair; sa main se promena partout, s'arrêta sur
+mes fesses et finit par se poser plus bas.
+
+"C'est par là que la femme pêche, c'est par là qu'elle doit
+souffrir, dit une voix sépulchrale...
+
+Ces paroles étaient à peine prononcées, que je me sentis
+battue de verges, de noeuds de corde garnis de pointes en fer.
+Je me cramponnai au prie-Dieu, je m'efforçai d'étouffer mes
+cris, mais en vain, la douleur était trop forte. -- Je
+m'élançai dans la salle, criant: Grâce! grâce! je ne puis plus
+supporter ce supplice -- Tuez-moi plutôt. Pitié! je vous
+prie......
+
+"Misérable lâche, s'écria ma tante indignée; Il vous faut mon
+exemple!
+
+"A ces mots, elle s'exposa bravement toute nue, écartant les
+cuisses, les tenant élevées.
+
+"Les coups pleuvaient; le bourreau était impassible. En un
+instant les cuisses furent en sang
+
+"Ma tante restait inébranlable, criant par moments "plus
+fort... ah!.... plus fort encore!.
+
+Cette vue me transporta, je me sentis un courage surnaturel,
+je m'écriai, que j'étais préte à tout souffrir.
+
+"Ma tante se releva aussitôt et me couvrit de baisers
+brulants, tandis que le Moine liait mes mains, plaçait un
+bandeau sur mes yeux.
+
+"Que vous dirai-je enfin. Mon supplice recommença, plus
+terrible: Engourdie bientôt par la douleur, j'étais sans
+mouvement, je ne sentais plus. Seulement, à travers le bruit
+de mes coups, j'entendais confusément des cris, des éclats,
+des mains frappant sur des chairs. C'étaient aussi des rires
+insensés, rires nerveux, convulsifs, précurseurs de la joie
+des sens. Par moment, la voix de ma tante, qui râlait la
+volupté, dominait cette harmonie étrange, ce concert d'orgie,
+cette saturnale de sang.
+
+"Plus tard, j'ai compris que le spectacle de mon supplice
+servait à réveiller des désirs; chacun de mes soupirs étouffés
+provoquait un élan de volupté.
+
+"Lassé sans doute, mon bourreau avait fini. Toujours immobile,
+j'étais dans l'épouvante, résignée à mourir, et, cependant, à
+mesure que l'usage de mes sens revenait, j'éprouvais une
+démangeaison singulière mon corps frémissait, était en feu. Je
+m'agitais lubriquement comme pour satisfaire un désir
+insatiable. Tout-à-coup deux bras nerveux m'enlacent; je ne
+savais quoi de chaud, de tendu, vint battre mes cuisses, se
+glisser plus bas et me pénétrer subitement. A ce moment, je
+crus être fendue en deux. Je poussai un cri affreux que
+couvrirent aussitôt des éclats de rire. Deux ou trois
+secousses terribles achevèrent d'introduire en entier le rude
+fléau qui m'abîmait. Mes cuisses saignantes se collaient aux
+cuisses de mon adversaire; il me semblait que nos chairs
+s'entremêlaient pour se fondre en un seul corps Toutes mes
+veines étaient gonflées, mes nerfs tendus. Le frottement
+vigoureux que je subissais, et qui s'opérait avec une
+incroyable agilité, m'échauffa tellement, que je crus avoir
+reçu un fer rouge.
+
+"Je tombai bientôt dans l'extase, je me vis au Ciel. Une
+liqueur visqueuse et brûlante vint m'inonder rapidement,
+pénétra jusqu'à mes os, chatouilla jusqu'à la moëlle.... oh!
+c'était trop.... je fondais comme une lave ardente.... Je
+sentais courir en moi un fluide actif dévorant, j'en
+provoquais l'éjaculation par secousses furieuses et je tombai
+épuisée dans un abîme sans fin de volupté inouïe.
+
+F -- Gamiani, quelle peinture! vous nous mettez le diable au
+corps.
+
+"G. -- Ce n'est pas tout.
+
+"Ma volupté se changea en douleur atroce. Je fus horriblement
+brutalisée. Plus de vingt Moines se ruèrent à leur tour en
+cannibales effrénés. Ma tête retomba de côté, mon corps brisé,
+rompu, gisait sur les coussins, pareil à un cadavre. Je fus
+emportée morte dans mon lit.
+
+"F. -- Quelle cruauté infâme!
+
+"G. -- Oh! oui, infâme et plus funeste encore.
+
+"Revenue à la vie, à la santé, je compris l'horrible
+perversité de ma tante et de ses horribles compagnons de
+débauche, que l'image de tortures affreuses aiguillonnaient
+seule encore. Je leur jurai une haîne mortelle et cette haîne,
+dans ma vengeance au désespoir, je la portai sur tous les
+hommes.
+
+L'idée de subir leurs caresses m'a toujours révoltée. Je n'ai
+pas voulu servir de vil jouet à leurs désirs.
+
+"Mon tempérament était de feu, il fallut le satisfaire. Je ne
+fus guérie plus tard de l'onanisme que par les doctes leçons
+des filles du couvent de la rédemption. Leur science fatale
+m'a perdue pour jamais."
+
+Ici les sanglots étouffèrent la voix altérée de la Comtesse.
+
+Les caresses ne pouvaient rien faire sur cette femme. -- Pour
+faire diversion je m'adressai à Fanny.
+
+Al. -- A votre tour, belle étonnée! vous voilà, en une nuit,
+initiée à bien des mystères. Voyons! racontez nous comment
+vous avez ressenti les premiers plaisirs des sens.
+
+F. -- Moi! je n'oserai, je vous l'avoue.
+
+Al -- Votre pudeur est au moins hors de saison.
+
+F. -- Non, mais après le récit de la Comtesse, ce que je
+pourrais dire serait trop insignifiant.
+
+Al. -- Vous n'y pensez pas, pauvre ingénu! Pourquoi hésiter? ne
+sommes nous pas confondus par le plaisir et les sens. Nous
+n'avons plus à rougir. Nous avons tout fait, nous pouvons tout
+dire.
+
+G. -- Voyons, ma belle, un baiser, deux, cent s'il le faut,
+pour vous décider. Et Alcide, comme il est amoureux! vois! il
+te menace.
+
+F. -- Non, non, laissez, Alcide, je n'ai plus de force, Grâce!
+je vous prie..... Gamiani que vous êtes lubrique..... Alcide
+ôtez-vous.... oh!....
+
+Al. -- Pas de quartier, morbleu! ou Curtius se précipite
+tout-armé, ou vous allez nous donner l'Odyssée de votre pucelage.
+
+F. -- Vous m'y forcez....
+
+G. et Al. -- Oui. Oui.
+
+F. -- Je suis arrivée à 15 ans, bien innocente, je vous jure.
+Ma pensée même ne s'était jamais arrêtée sur tout ce qui tient
+à la différence des sexes.
+
+Je vivais insouciante, heureuse, sans doute; lorsqu'un jour de
+grande chaleur, étant seule à la maison, j'éprouvai comme un
+besoin de me dilater de me mettre à l'aise.
+
+Je me deshabillai, je m'étendis presque nue sur un divan....
+oh! j'ai honte!.... Je m'allongeais, j'écartais mes cuisses,
+je m'agitais en tous les sens. A mon insu, je formais les
+postures les plus indécentes.
+
+L'étoffe du divan était glacée. Sa fraîcheur me causa une
+sensation agréable, un frôlement voluptueux par tout le corps.
+Oh! comme je respirais librement, entourée d'une atmosphère
+tiède, doucement pénétrante. Quelle volupté suave et
+ravissante! j'étais dans une délicieuse extase. Il me
+semblait, qu'une vie nouvelle inondait mon être, que j'étais
+plus forte, plus grande, que j'aspirais un souffle divin, que
+je m'épanouissais aux rayons d'un beau Ciel!
+
+Alc. -- Vous êtes poëtique, Fanny.
+
+F. -- Oh! je vous décris exactement mes sensations Mes yeux
+erraient complaisamment sur moi, mes mains volaient sur mon
+cou, sur mon sein. Plus bas, elles s'arrêtèrent et je tombai
+malgré moi dans une rêverie profonde.
+
+Les mots d'amour, d'amant, me revenaient sans cesse avec leur
+sens inexplicable. Je finis par me trouver seule. J'oubliais
+que j'avais des parents, des amis, j'éprouvai un vide affreux.
+
+Je me levai, regardant tristement autour de moi.
+
+Je restai quelque temps pensive, la tête melancoliquement
+penchée, Les mains jointes, les bras pendants. Puis,
+m'examinant, me touchant de nouveau; je me demandai si tout
+cela n'avait pas un but, une fin.... Jnstinctivement je
+comprenais qu'il me manquait quelque chose, que je ne pouvais
+définir, mais que je voulais, que je désirais de toute mon
+âme.
+
+Je devais avoir l'air égaré, car je riais parfois
+frénétiquement; mes bras s'ouvraient comme pour saisir l'objet
+de mes voeux; j'allais jusqu'à m'étreindre moi-même. Je
+m'enlacais, je me caressais, il me fallait absolument une
+réalité, un corps à saisir, à presser; Dans mon étrange
+hallucination, je m'emparais de moi-même, croyant m'attacher à
+un autre.
+
+A travers les vitraux, on découvrait au loin les arbres, les
+gazons, et j'étais tentée d'aller me roûler à terre, ou de me
+perdre aërienne dans les feuilles. Je contemplais le Ciel, et
+j'aurais voulu voler dans l'air, me fondre dans l'azur, me
+mêler aux vapeurs, au Ciel, aux Anges.
+
+Je pouvais devenir folle: mon sang refluait brûlant vers ma
+tête.
+
+Eperdue, transportée, je m'étais précipitée sur les coussins.
+J'en tenais un serré entre mes cuisses, j'en pressais un autre
+dans mes bras; je le baisais follement, je l'entourais avec
+passion, je lui souriais même, je crois, tant j'étais ivre,
+dominée par les sens. Tout-à-coup, je m'arrête, je frémis, il
+me semble que je fonds, que je m'abîme. ah! m'écriai-je; mon
+Dieu! ah! ah! et je me relevai subitement, épouvantée.
+
+J'étais toute mouillée.
+
+Ne pouvant rien comprendre a ce qui m'était arrivé, je crus
+être blessée, j'eus peur. Je me jetai à genoux, suppliant Dieu
+de me pardonner si j'avais fait mal.
+
+Alc. -- Aimable innocente! vous n'avez confié à personne ce qui
+vous avait si fort effrayée?
+
+F. -- Non! Jamais! je ne l'aurais pas osé. J'étais encore
+ignorante, il y a une heure; vous m'avez révélé le mot de la
+Charade.
+
+Alc. O! Fanny! cet aveu me met au comble de la félicité. Mon
+amie, reçois encore cette preuve de mon amour. -- Gamiani,
+excitez-moi, que j'inonde cette jeune fleur, de la rosée
+Céleste.
+
+G . -- Quel feu, quelle ardeur, Fanny, tu te pames déjà.... oh!
+elle jouit.... elle jouit....
+
+F. -- Alcide! Alcide!... J'expire,..... je.....
+
+Et la douce volupté nous abîmait d'ivresse, nous portait tous
+les deux au Ciel.
+
+Après un instant de repos, calme des sens, je parlai moi-même
+en ces termes:
+
+Je suis né de parens jeunes et robustes. Mon enfance fut
+heureuse, exempte de pleurs et de maladie. Aussi, des l'âge de
+13 ans, étais-je un homme fait. Les aiguillons de la chair se
+faisaient déjà vivement sentir
+
+Destiné à l'état ecclésiastique, élevé dans toute la rigueur
+des principes de chastete, je combattais de toutes mes forces
+les premiers désirs des sens. Ma chair s'éveillait, s'irritait
+puissante, impérieuse et je la macérais impitoyablement.
+
+Je me condamnais au jeune le plus rigoureux. La nuit, dans mon
+sommeil, la nature obtenait un soulagement, et je m'en
+effrayais comme d'un désordre dont j'étais coupable. Je
+redoublais d'abstinence et d'attention à écarter une main
+funeste. Cette opposition, ce combat intérieur, finirent par
+me rendre lourd et comme hébété. Ma continence forcée porta
+dans tous mes sens une sensibilité, ou plutôt une irritation
+que je n'avais jamais sentie.
+
+J'avais souvent le vertige. Il me semblait que les objets
+tournaient et moi avec eux. Si une jeune femme s'offrait par
+hazard à ma vue, elle me paraissait vivement enluminée et
+resplendissante d'un feu pareil à des étincelles électriques.
+
+L'humeur échauffée de plus en plus, et trop abondante, se
+portait dans ma tête et les parties de feu dont elle était
+remplie, frappant vivement contre la vitre de mes yeux, y
+causait une sorte de mirage éblouissant.
+
+Cet état durait depuis plusieurs mois, lorsqu'un matin, je
+sentis tout-à-coup dans tous mes membres une contraction et
+une tension violentes, suivies d'un mouvement affreux et
+convulsif pareil à ceux qui accompagnent ordinairement des
+transports épileptiques...... Mes éblouissements lumineux
+revinrent avec plus de force que jamais.... je vis d'abord un
+cercle noir tourner rapidement devant moi, s'agrandir et
+devenir immense: une lumière vive et rapide s'échappa de l'axe
+du cercle et remplit de lumière toute l'étendue.
+
+Je découvrais un horizon sans fin; de vastes cieux enflammés,
+traversés par mille fusées volantes qui toutes retombaient
+éblouissantes en pluie dorée, en étincelles de saphir,
+d'émeraude et d'azur.
+
+Le feu s'éteignit, un jour bleuâtre et velouté vint le
+remplacer: Il me semblait que je nageais dans une lumière
+limpide et douce, suave comme un pâle reflet de la Lune dans
+une belle nuit d'été. et, voilà que du point le plus éloigné,
+accourent à moi, vaporeuses, aëriennes comme un essaim de
+papillons dorés, des myriades infinies de jeunes filles nues,
+éblouissantes de fraîcheur, transparentes comme des statues
+d'albâtre.
+
+Je m'élançais devant mes Sylphides, mais elles s'échappaient
+rieuses et folâtres. Leurs groupes délicieux se fondaient un
+instant dans l'azur et puis reparaissaient plus vifs, plus
+joyeux. Bouquets charmants de figures ravissantes qui toutes
+me donnaient un fin sourire, un regard malicieux.
+
+Peu-à-peu, les jeunes filles s'éclipsèrent. alors, vinrent à
+moi des femmes dans l'âge de l'amour et des tendres passions.
+
+Les unes vives, animées, au regard de feu, aux gorges
+palpitantes: les autres pâles et penchées, comme des vierges
+d'Ossian. Leurs corps frêles, voluptueux, se dérobaient sous
+la gaze. Elles semblaient mourir de langueur et d'attente:
+elles m'ouvraient leurs bras et me fuyaient toujours.
+
+Je m'agitais lubriquement sur ma couche; je m'élevais sur mes
+jambes et mes mains, secouant frénétiquement mon glorieux
+Priape. Je parlais d'amour, de plaisir. dans les termes les
+plus indécents,: -- mes souvenirs classiques se mêlant un
+instant à mes rêves; je vis Jupiter en feu, Junon maniant sa
+foudre; je vis tout l'Olympe en rut dans un désordre, un pèle-mèle
+étranges; après, j'assistai à une orgie, une bacchanale
+d'enfer: Dans une caverne sombre et profonde, éclairée par des
+torches puantes, aux lueurs rougeâtres; des teintes bleues et
+vertes se refluaient hideusement sur les corps de cent Diables
+aux figures de bouc, aux formes grotesquement lubriques.
+
+Les uns lancés sur une escarpolette, superbement armés,
+allaient fondre sur une femme, la pénétraient subitement de
+tout leur dard et lui causaient l'horrible convulsion d'une
+jouissance rapide, inattendue. D'autres, plus lutins,
+renversaient une prude, la tête en bas, et tous, avec un rire
+fou, à l'aide d'un mouton, lui enfonçaient un riche priape de
+feu, lui martelant à plaisir l'excès des voluptés. On en
+voyait encore quelques-uns, la mèche en main, allumant un
+canon d'où sortait un membre foudroyant que recevait
+inébranlable, les cuisses écartées, une Diablesse frénétique.
+
+Les plus méchants de la bande attachaient une Messaline par
+les quatre membres et se livraient devant-elle à toutes les
+joies, aux plaisirs les plus expressifs. La malheureuse se
+tortillait, furieuse écumante, avide d'un plaisir qui ne
+pouvait lui arriver
+
+
+Cà et là, mille petits Diabloteaux, plus laids, plus
+sautillants, plus rampants les uns que les autres, allaient,
+venaient, suçant, pinçant, mordant, dansant en rond, se mêlant
+entr'eux. Partout, c'étaient des rires, des éclats, des
+convulsions, des frénésies, des cris, des soupirs, des
+évanouissements de volupté.
+
+Dans un espace plus élevé, les diables du premier rang se
+divertissaient jovialement à parodier les mystères de notre
+sainte religion
+
+Une Nonne toute nue, prosternée, l'oeil béatifiquement tourné
+vers la voûte, recevait avec une dévotieuse ardeur la blanche
+communion que lui donnait, au bout d'un fort honnête
+goupillon, un grand diable crossé, mîtré tout à l'envers. Plus
+loin, une Diablotine recevait à flots sur son front le baptême
+de vie; tandis qu'une autre, feignant la moribonde, était
+expédiée avec une effroyable profusion de Saint Viatique.
+
+Un maître diable, porté sur quatre épaules, balançait
+fièrement la plus énergique démonstration de sa jouissance
+érotico-satanique et, dans ses moments d'humeur répandait a
+flots la liqueur bénite. Chacun se prosternait à son passage.
+C'était la procession du Saint Sacrement.
+
+Mais voilà qu'une heure sonne, et aussitôt, tous les Diables
+s'appellent, se prennent par la main et forment une ronde
+immense.
+
+Le branle se donne; ils tournent, s'emportent, volent comme
+l'éclair.
+
+Les plus faibles succombent dans ce tournoiement rapide, ce
+galop insensé. Leur chute fait culbuter les autres, ce n'est
+plus qu'une horrible confusion, un pèle-mèle affreux
+d'enclavements grotesques, d'accouplements hideux. Cahos
+immonde de corps abîmés, tout tâchés de luxure, que vient
+dérober une fumée épaisse.
+
+G. -- Vous brodez à merveille, Alcide, votre rève irait bien
+dans un livre....
+
+Alc. -- Que voulez-vous? il faut passer la nuit... Ecoutez
+encore, la suite n'est plus que réalité.
+
+Lorsque je fus revenu de ces accès terribles, je me sentis
+moins lourd, mais plus abattu. Trois femmes jeunes encore et
+vêtues d'un simple peignoir blanc, étaient assises près de mon
+lit. Je crus que mon vertige durait encore, mais on m'apprit
+bientôt que mon Médecin, comprenant ma maladie, avait jugé à
+propos de m'appliquer le seul remède qui m'était convenable.
+
+Je pris d'abord une main blanche et potelée que je couvris de
+baisers. Une lèvre fraîche et rose vint se poser sur ma
+bouche. Ce contact délicieux m'électrisa. J'avais toute
+l'ardeur d'un fou égaré.
+
+"O mes belles amies! m'écriai-je, je veux être heureux,
+heureux à l'excès, je veux mourir dans vos bras. Prêtez-vous à
+mes transports, à ma folie"
+
+Aussitôt, je jette loin de moi ce qui me couvre encore, je
+m'étends sur mon lit. Un coussin placé sous mes reins me tient
+dans la position la plus avantageuse. Mon Priape se dresse
+superbe, radieux.
+
+"Toi, brune piquante, à la gorge si ferme et si blanche,
+sieds-toi au pied du lit, les jambes étendues près des
+miennes. Bien! porte mes pieds sur ton sein, frotte-les
+doucement sur tes jolis boutons d'amour, -- à ravir! oh! tu es
+délicieuse.
+
+La blonde aux yeux bleus, à moi! tu seras ma reine.... viens
+te placer à cheval sur le trône. Prends d'une main le sceptre
+enflammé, cache-le tout-entier dans ton empire.... Ouf! pas si
+vite. Attends... sois lente, cadencée, comme un Cavalier au
+petit trôt. Prolonge le plaisir.
+
+Et toi, si grande, si belle, aux formes ravissantes, enjambe
+ici par dessus ma tête.... à merveille! tu me devines. Ecarte
+bien les cuisses.... Encore! que mon oeil puisse bien te voir,
+ma bouche te dévorer, ma langue te pénétrer à loisir. Que
+fais-tu droite et debout? abaisse toi donc, donne ta gorge à
+baiser.....
+
+"A moi! à moi! lui dit la brune, (en lui montrant sa langue
+agile, aigue comme un stylet de Venise) viens! que je mange
+tes yeux, ta bouche. Je t'aime de la sorte. Oh! Lubrique...
+Mets ta main là.... va! doucement! doucement!..
+
+Et voilà que chacun se meut, s'agite, s'excite au plaisir.
+
+Je dévore des yeux cette scène animée, ces mouvements lascifs,
+ces poses insensées. Les cris, les soupirs se croisent, se
+confondent: bientôt le feu circule dans mes veines. Je
+frissonne tout-entier. Mes deux mains battent une gorge
+brûlante, ou se portent frénétiques, crispées, sur des charmes
+plus secrets encore. Ma bouche les remplace. Je suce
+avidement, je ronge, je mords. On me crie d'arrêter, que je
+tue, et je redouble encore.
+
+Cet excès m'acheva. Ma tête retomba lourdement. Je n'avais
+plus de force. "-- Assez! assez! criai-je: oh! mes pieds! quel
+chatouillement voluptueux. Tu me fais mal...... tu me crispes
+mes nerfs se tendent, se tordent.... oh. --"
+
+-- Je sentais le délire approcher une troisième fois Je poussai
+avec fureur. Mes trois belles perdirent à la fois l'équilibre
+et leurs sens. Je les reçus dans mes bras, pamées, expirantes
+et je me sentis abîmé, inondé.
+
+Joies du Ciel ou de l'Enfer! c'étaient des torrens de feu qui
+ne finissaient pas.
+
+"G. -- Quels plaisirs vous avez goûtés, Alcide, oh! je les
+envie -- Et toi, Fanny: l'insensible! elle dort, je crois.
+
+F. -- Laissez-moi, Gamiani, ôtez votre main, elle me pèse. Je
+suis accablée.... morte... Quelle nuit! Mon Dieu!...
+Dormons.... je.....
+
+La pauvre enfant baillait, se détournait, se dérobait toute
+petite dans un coin du lit.
+
+Je voulus la ramener
+
+"Non, non, me dit la Comtesse; je comprends ce qu'elle
+éprouve. Pour moi, je suis d'une humeur bien autre que la
+sienne. Je sens une irritation.... Je suis tourmentée, je
+désire! oh! voyez-vous! j'en veux jusqu'à rester morte......
+vos deux corps qui me touchent, vos discours, nos fureurs,
+tout cela m'excite, me transporte. J'ai l'enfer dans l'esprit,
+j'ai le feu dans le corps. Je ne sais qu'inventer, -- oh! rage!
+
+"Alc. -- Que faites vous, Gamiani? vous vous levez?
+
+G. -- Je n'y tiens plus, je brule... je voudrais... Mais
+fatiguez moi donc. Qu'on me presse, qu'on me batte.... Oh! ne
+pas jouir......
+
+Les dents de la Comtesse claquaient avec force: ses yeux
+roulaient effrayants dans leur orbite. Tout en elle s'agitait,
+se tordait, c'était horrible à voir.
+
+Fanny se releva, saisie, épouvantée. Pour moi, je m'attendais
+à une attaque de nerfs.
+
+En vain, je couvrais de baisers les parties les plus tendres.
+Mes mains étaient lasses de torturer cette furie indomptable.
+Les canaux spermatiques étaient fermés ou épuisés. J'amenais
+du sang, et le délire n'arrivait pas.
+
+"G. -- Je vous laisse, dormez!"
+
+A ces mots, Gamiani s'élance hors du lit, ouvre une porte et
+disparait....
+
+Alc. -- que veut-elle? comprenez-vous Fanny?
+
+F. -- Chut, Alcide, écoutez.... quels cris!....
+
+"Elle se tue.... Dieu! la porte est fermée.... Ah! elle est
+dans la chambre de Julie. Attendez il y a là une ouverture
+vitrée, nous pourrons tout voir. Approchez le canapé, voici
+deux chaises, montez."
+
+Quel spectacle! à la lueur d'une veilleuse pâle, vacillante,
+la Comtesse, les yeux horriblement tournés de coté, une salive
+écumeuse sur les lèvres, du sang, du sperme le long des
+cuisses, se roulait en rugissant sur un large tapis de peaux
+de chat (1) [(1) La peau du Chat, comme on le sait, excite
+singulièrement, à cause sans doute de la grande quantité
+d'électricité qu'elle contient. Les Femmes de Lesbos, s'en
+servaient toujours dans leurs saturnales.]. Ses reins
+frottaient le poil avec une agilité sans pareille. Par moment,
+la Comtesse agitait ses jambes en l'air, se soulevait presque
+droite sur sa tête, exposant tout son dos à notre vue, pour
+retomber ensuite avec un rire affreux.
+
+G. "Julie, à moi! viens! ma tête tourne.... Ah! damnée folle,
+je vais te mordre,"
+
+Et Julie nue aussi, mais forte, puissante, s'emparait des
+mains de la Comtesse, les liait ensemble, ainsi que les pieds.
+
+L'excès fut alors à son comble, la convulsion m'épouvantait.
+
+Julie, sans marquer le moindre étonnement, dansait, sautait
+comme une folle, s'excitant au plaisir se renversai pamée sur
+un fauteuil.
+
+La Comtesse suivait de l'oeil tous ses mouvements. Son
+impuissance à tenter les mêmes fureurs, à goûter la même
+ivresse, redoublait encore sa rage: C'était bien un Promethée
+femelle déchiré par cent vautours a la fois.
+
+G. -- Médor! Médor! prends moi! Prends!
+
+A ce cri un chien énorme sort d'une cache, s'élance sur la
+Comtesse et se met en train de lécher ardemment un clitoris
+dont la pointe sortait rouge et enflammée.
+
+La Comtesse criait à haute voix: hai! hai! hai! forçant
+toujours le ton à proportion de la vivacité du plaisir. On
+aurait pu calculer les gradations du chatouillement que
+ressentait cette effrénée Calymanthe (1) [(1) Thyade fougueuse
+que la Mythologie représente se livrant aux bêtes.]
+
+G. -- Du lait! du lait! Oh! du lait!
+
+Je ne pouvais comprendre cette exclamation, véritable cri de
+détresse et d'agonie, lorsque Julie parut armée d'un énorme
+godmiché rempli d'un lait chaud, qu'un ressort faisait à
+volonté jaillir à six pas. Au moyen de deux courroies, elle
+s'adapte, à la place voulue, l'ingénieux instrument. Le plus
+généreux étalon, dans toute sa puissance, ne se fut pas
+montré, en grosseur du moins, avec plus d'avantage. Je ne
+pouvais croire, qu'il y aurait introduction, lorsqu'à ma
+grande surprise, cinq ou six attaques forcenées, au milieu de
+cris aigus et déchirants, suffirent pour engloutir et dérober
+cette énorme machine. La Comtesse souffrait comme une damnée:
+raide, sans mouvement, pareille à un marbre, on eut dit la
+Cassandre de Casani (1) [(1) Statue qui représente Cassandre
+violée par les soldats d'Ajax, et remarquable surtout par une
+expression de douleur horrible.]
+
+Le va-et-vient s'opérait avec une habileté consommée, lorsque
+Médor dépossédé, et toujours docile à sa leçon, se jette
+incontinent sur la mâle Julie, dont les cuisses entr'ouvertes
+et en mouvement, laissaient à découvert le plus délicieux
+régal. Médor fit tant-et-si bien, que Julie s'arrêta
+subitement, se pâma abîmée de plaisir.
+
+Cette jouissance doit être bien forte, car son expression chez
+une femme, n'a rien de pareil.
+
+Irritée d'un retard qui prolongeait sa douleur et différait
+son plaisir, la malheureuse Comtesse jurait, maugréait comme
+une perdue.
+
+Revenue à elle, Julie recommence bientôt et avec plus de
+force. A une secousse fougueuse de la Comtesse, à ses yeux
+clos, à sa bouche béante, elle comprend que l'instant
+approche, son doigt lache le ressort.
+
+G. Ah! ah!... arrête... je fonds.... hai! hai! je jouis!....
+oh!....................
+
+....................................
+
+Infernale lubricité!..... je n'avais plus la force de m'ôter
+de ma place. Ma raison était perdue, mes regards fascinés.
+
+Ces transports furibonds, ces volontés brutales me donnaient
+le vertige. Il n'y avait plus en moi qu'un sang brûlant,
+désordonné, que luxure et débauche. J'étais bestialement
+furieux d'amour. La figure de Fanny était aussi singulièrement
+changée. Son regard était fixe, ses bras raides et
+nerveusement allongés sur moi. Les lèvres mi-entr'ouvertes et
+ses dents serrées indiquaient toute l'attente d'une sensualité
+délirante, qui touche au paroxisme de la rage du plaisir, qui
+demande l'excès.
+
+A peine arrivés près du lit, nous nous jetâmes bondissants
+l'un sur l'autre. Comme deux bêtes acharnées. Partout nos
+corps se touchaient, se frottaient, s'électrisaient
+rapidement. Ce fut au milieu d'étreintes convulsives, de cris
+forcenés, de morsures frénétiques, un accouplement hideux,
+accouplement de chair et d'os, jouissance de brute, rapide,
+dévorante, mais qui ne venait que du sang.
+
+Le sommeil arrêta enfin toutes ces fureurs.
+
+Après cinq heures d'un calme bienfaisant, je me réveillai le
+premier.
+
+Le soleil brillait déjà de tous ses feux. Les rayons percaient
+joyeusement les rideaux et se jouaient en reflets dorés sur
+les riches tapis, les étoffes soyeuses.
+
+Ce réveil enchanteur, coloré, poëtique, après une nuit
+immonde, me rendait à moi-même; il me semblait que j'échappais
+à un cauchemar affreux, et j'avais près de moi, dans mes bras
+sous ma main, un sein doucement agité, sein de lys et de
+roses, si jeune, si frêle et si pur, qu'à l'effleurer
+seulement du bout des lèvres, on eut pu craindre de le
+flétrir. O la délicieuse créature! Fanny dans les bras du
+sommeil, demi-nue, sur un lit à l'orientale réalisait tout
+l'idéal des plus beaux rêves. Sa tête reposait, gracieusement
+penchée sur un bras arrondi, son profil se dessinait suave et
+pur comme un dessin de Raphaël; son corps dans chacune de ses
+parties, comme dans son ensemble, était d'une beauté
+prestigieuse.
+
+C'était une volupté bien grande de savourer à loisir la vue de
+tant de charmes, et c'était pitié aussi de songer que, vierge
+depuis quinze printemps, une seule nuit avait suffi pour les
+flétrir.
+
+Fraîcheur, grâce jeunesse, la main de l'orgie avait tout sali,
+tout souillé, tout plongé dans l'ordure et la fange.
+
+Cette âme, si naïve et si tendre! cette ame, jusque là, si
+doucement bercée par la main des Anges, livrée désormais aux
+démons impurs; plus d'illusions, plus de rève, point de
+premier amour, point de douces surprises; toute une vie
+poëtique de jeune fille à jamais perdue!
+
+Elle s'éveilla, la pauvre enfant, presque riante Elle croyait
+retrouver son matin accoutumé. Ses doux pensers, son
+innocence; hélas! Elle me vit. Ce n'était plus son lit, ce
+n'était plus sa chambre. Oh! sa douleur faisait mal. Les
+pleurs l'étouffaient. Je la contemplais ému, honteux de
+moi-même. Je la tenais serrée dans mes bras. Chacune de ses
+larmes, je la buvais avec ivresse.
+
+Les sens ne parlaient plus, mon ame seule s'épanchait tout
+entière, mon amour se peignait vif, brûlant dans mon langage
+et dans mes yeux.
+
+Fanny m'écoutait, muette, étonnée, ravie: elle respirait mon
+souffle, mon regard, me pressait par moment et semblait me
+dire: "-- Oh! oui, encore à toi! toute à toi!. -- Comme elle
+avait livré son corps, credule innocente, elle livrait aussi
+son ame confiante, enivrée. Je crus dans un baiser la prendre
+sur ses lèvres, je lui donnai toute la mienne. Ce fut le Ciel,
+et ce fut tout.
+
+Nous nous levâmes enfin.
+
+-- Je voulus voir encore la Comtesse. Elle était ignoblement
+renversée: la figure défaite, le corps sale, taché. Comme une
+femme ivre jetée nue, près d'une borne. Elle semblait cuver sa
+luxure.
+
+Oh! sortons, m'écriai-je,... sortons, Fanny! quittons cet
+ignoble séjour.
+
+
+Gamiani
+
+ou DEUX NUITS D'EXCES.
+
+
+Bruxelles
+
+1833
+
+
+Gamiani,
+
+deuxième partie.
+
+
+Je pensais que Fanny jeune encore, innocente de coeur, ne
+conserverait de Gamiani qu'un souvenir d'horreur et de dégoût.
+Je l'accablais de tendresse et d'amour, je lui prodiguais les
+plus douces les plus enivrantes caresses: parfois je l'abîmais
+de plaisir, dans l'espoir qu'elle ne concevrait plus désormais
+d'autre passion que celle avouée par la nature, qui confond
+les deux sexes dans la joie des sens et de l'âme. Hélas! je me
+trompais. L'imagination était frappée, elle dépassait tous nos
+plaisirs. Rien n'égalait aux yeux de Fanny les transports de
+son amie. Nos plus forts excès lui semblaient de froides
+caresses, comparés aux fureurs qu'elle avait connues dans
+cette nuit funeste.
+
+Elle m'avait juré de ne plus revoir Gamiani, mais son serment
+n'éteignait pas le désir qu'elle nourrissait en secret.
+Vainement elle luttait, ce combat intérieur ne servait qu'à
+l'irriter d'avantage. Je compris bientôt qu'elle ne
+résisterait pas. J'avais perdu sa confiance; il fallut me
+cacher pour l'observer.
+
+A l'aide d'une ouverture habilement pratiquée, je pouvais la
+contempler chaque soir à son coucher La malheureuse! Je la vis
+souvent pleurer sur son divan, se tordre, se rouler
+désespérée, et tout-à-coup, déchirer, jeter ses vêtements, se
+mettre nue devant une glace, l'oeil égaré, comme une folle.
+Elle se touchait se frappait, s'excitait au plaisir avec une
+frénésie insensée et brutale. Je ne pouvais plus la guérir,
+mais je voulus voir jusqu'où se porterait ce délire des sens.
+
+Un soir, j'étais à mon poste, Fanny allait se coucher, lorsque
+je l'entendis s'écrier:
+
+F -- Qui est là? Est-ce vous Angélique?... Gamiani... Oh!
+madame, j'étais loin....
+
+G -- Sans doute, vous me fuyez, vous me repoussez: j'ai du
+recourir à la ruse. J'ai trompé, éloigné vos gens et me voici.
+
+F -- Je ne puis vous comprendre, encore moins qualifier votre
+obstination; mais si j'ai tenu secret ce que je sais de vous,
+mon refus formel de vous recevoir devait vous dire assez que
+votre présence m'est importune.... odieuse.... Je vous
+rejette, je vous abhorre... Laissez-moi par grâce! éloignez-vous,
+évitez un scandale.
+
+G -- Mes mesures et ma résolution sont prises, vous ne les
+changerez pas, Fanny. Oh ma patience était usée.
+
+F -- Eh bien! Que prétendez-vous faire? Me forcer encore, me
+violenter, me salir.... Oh! non madame, vous sortirez, ou
+j'appelle mes gens.
+
+G -- Enfant! nous sommes seules; les portes sont fermées, les
+clefs jetées par la fenêtre. Vous êtes à moi.... Mais calmez-vous,
+soyez sans crainte.
+
+F -- Pour Dieu! ne me touchez pas.
+
+G -- Fanny, toute résistance est vaine. Vous succomberez
+toujours Je suis plus forte et la passion m'anime. Un homme ne
+me vaincrait pas. Allons! Elle tremble.... elle pâlit.... mon
+Dieu! Fanny! ma Fanny!.... Elle se trouve mal, oh! qu'ai-je
+fait? Reviens à toi, reviens..... Si je te presse ainsi sur
+moi, c'est par amour. Je t'aime tant, toi, ma vie, toi, mon
+âme. Tu ne peux donc pas me comprendre.... Va! je ne suis pas
+méchante, ma petite, ma chérie.... non, je suis bonne, bien
+bonne, puisque j'aime. Vois dans mes yeux, sens comme mon
+coeur bât. C'est pour toi, pour toi seule. Je ne veux que ta
+joie, ton ivresse en mes bras. Reviens à toi, reviens sous mes
+baisers. Oh! folie! Je l'idolâtre cette enfant.
+
+F -- Vous me tuerez. Mon Dieu! laissez-moi. Laissez-moi donc
+enfin; vous êtes horrible.
+
+G -- Horrible! horrible! qui peut donc inspirer tant d'horreur?
+Ne suis-je pas jeune encore? Ne suis-je pas belle aussi? On me
+le dit partout. Et mon coeur! En est-il un plus capable
+d'aimer? Le feu qui me consume, qui me dévore, ce feu brûlant
+de l'Italie qui redouble mes sens et me fait triompher, alors
+que tous les autres cèdent, est-ce donc chose horrible?
+Dis..... un homme, un amant, qu'est-ce près de moi! deux ou
+trois luttes l'abattent, le renversent; à la quatrième, il
+râle impuissant et ses reins plient dans le spasme du plaisir.
+C'est pitié! moi je reste encore forte, frémissante,
+inassouvie. Oh! oui, je personnifie les joies ardentes de la
+matière, les joies brûlantes de la chair. Luxurieuse
+implacable, je donne un plaisir sans fin, je suis l'amour qui
+tue.
+
+F -- Assez, Gamiani, assez!
+
+G -- Non, non, écoute encore, écoute Fanny. Etre nues, se
+sentir jeunes et belles, suaves, embaumées, brûler d'amour et
+trembler de plaisir; se toucher, se mêler, s'exhaler corps et
+âme en un soupir, un seul cri, un cri d'amour.... Fanny!
+Fanny! c'est le ciel.
+
+F -- Quel discours! quels regards.... et je vous écoute, je
+vous regarde... Oh! grace pour moi. Je suis si faible. Vous me
+fascinez..... Quelle puissance as-tu donc?.... Tu te mêles à
+ma chair, tu te mêles à mes os, tu es un poison.... oh! oui,
+tu es horrible et.... je t'aime.....
+
+G -- Je t'aime! je t'aime! dis encore, dis encore, mais c'est
+un mot qui brûle.. -- Gamiani était pâle, immobile, les yeux
+ouverts, les mains jointes, à genoux devant Fanny. On eut dit
+que le ciel l'avait soudainement frappée pour la changer en
+marbre. Elle était sublime d'anéantissement et d'extase.
+
+F -- Oui! oui! je t'aime de toutes les forces de mon corps. Je
+te veux, je te désire. Oh! j'en perdrai la tête.
+
+G -- Que dis-tu, bien-aimée? Que dis-tu.... Je suis
+heureuse!.... Tes cheveux sont beaux, qu'ils sont doux! ils
+glissent dans mes doigts, fins, dorés comme de la soie. Ton
+front est bien pur, plus blanc qu'un lys. Tes yeux sont beaux,
+ta bouche est belle. Tu es blanche, satinée, parfumée, céleste
+de la tête aux pieds. Tu es un ange, tu es la volupté. Oh! ces
+robes! ces lacets! Sois donc nue.... Vite, à moi.... je suis
+nue déjà moi... Tiens! ah! bien. Eblouissante!.... Reste
+debout, Que je t'admire. Si je pouvais te peindre, te rendre
+d'un seul trait... Attends que je baise tes pieds, tes genoux,
+ton sein, ta bouche. Embrasse-moi. Serre-moi. Plus fort Quelle
+joie! quelle joie! Elle m'aime... -- Les deux corps n'en
+faisaient qu'un. Seulement les têtes se tenaient séparées et
+se regardaient avec une expression ravissante. Les yeux
+étaient de feu, les joues d'un rouge ardent Les bouches
+frémissaient, riaient, ou se mélaient avec transport.
+J'entendis un soupir s'exhaler, un autre lui répondre: après,
+ce fut un cri, un cri étouffé et les deux femmes restèrent
+immobiles.
+
+F -- J'ai été heureuse, bien heureuse.
+
+G -- Moi aussi, ma Fanny, et d'un bonheur qui m'était inconnu.
+C'était l'âme et les sens réunis sur tes lèvres.... Viens sur
+ton lit, viens goûter une nuit d'ivresse.
+
+A ces mots, elles s'entraînent mutuellement vers l'alcove.
+Fanny s'élance sur le lit, s'étend, se couche voluptueusement.
+Gamiani à genoux sur un tapis l'attire sur son sein, l'entoure
+de ses bras.
+
+Silencieuse, elle la contemple avec langueur..... Bientôt les
+agaceries recommencent. Les baisers se répondent, les mains
+volent habiles au toucher. Les yeux de Fanny expriment le
+désir et l'attente, ceux de Gamiani le désordre des sens.
+Colorées, animées par le feu du plaisir toutes deux semblaient
+étinceler à mes yeux, ces furies délirantes à force de rage et
+de passion poëtisaient en quelque sorte l'excès de leur
+débauche, elles parlaient à la fois aux sens et à
+l'imagination.
+
+J'avais beau me raisonner, condamner en moi ces absurdes
+folies, je fus bientôt ému, échauffé, posséde de désirs. Dans
+l'impossibilité où j'étais d'aller me mêler à ces deux femmes
+nues, je ressemblais à la bête fauve que tourmente le rut et
+qui des yeux dévore sa femelle à travers les barreaux de sa
+cage. Je restais stupidement immobile, la tête clouée près de
+l'ouverture d'où jaspirais, pour ainsi dire, ma torture, vraie
+torture de damné, horrible, insupportable, qui frappe d'abord
+la tête, se mêle ensuite au sang, dans les os, jusques à la
+moelle qu'elle brûle. Je souffrais trop à force de sentir. Il
+me semblait que mes nerfs tendus, irrités finissaient par se
+rompre. Mes mains crispées s'accrochaient au parquet. Je ne
+respirais plus, j'écumais. Ma tête se perdit. Je devins fou,
+furieux, et m'empoignant avec rage, je sentis toute ma force
+d'homme s'agiter furibonde entre mes doigts serrés,
+tressaillir un instant, puis fondre et s'échapper en saillies
+brûlantes comme une rosée de feu. Jouissance étrange qui vous
+brise, vous renverse à terre.
+
+Revenu à moi, je me vis énervé. Mes paupières étaient lourdes.
+Ma tête se tenait à peine. Je voulus m'arracher de ma place;
+un soupir de Fanny m'y retint. J'appartenais au démon de la
+chair. Tandis que mes mains se lassaient à ranimer ma
+puissance éteinte, je m'abîmais les yeux à contempler la scène
+qui me jettait dans un si horrible désordre.
+
+Les poses étaient changées. Mes tribades se tenaient
+enfourchées l'une dans l'autre, cherchant à mêler leurs duvets
+touffus, à frotter leurs parties ensemble. Elles
+s'attaquaient, se refoulaient avec un acharnement et une
+vigueur que l'approche du plaisir peut seul donner à des
+femmes. On aurait dit qu'elles voulaient se fendre, se croiser
+tant leurs efforts étaient violents, tant leur respiration
+haletait bruyante. Ai! ai! s'écriait Fanny, je n'en puis plus,
+cela me tue. Va seule. Va!.... encore, répondait Gamiani Je
+touche au bonheur. Pousse! Tiens donc! tiens.... Je m'écorche,
+je crois. Ah! je sens, je coule.... Ah! ah! ah!... La tête de
+Fanny retombait sans force. Gamiani roulait la sienne, mordait
+les draps, mâchait ses cheveux flottant sur elle. Je suivais
+leurs élans, leurs soupirs; j'arrivai comme elles au comble de
+la volupté.
+
+F -- Quelle fatigue! Je suis rompue; mais quel plaisir j'ai
+goûté.....
+
+G -- Plus l'effort dure, plus il est pénible, plus aussi la
+jouissance est vive et prolongée.
+
+F -- Je l'ai éprouvé J'ai été plus de cinq minutes plongée dans
+une sorte de vertige énivrant. L'irritation se portait dans
+tous mes membres. Ce frottement des poils contre une peau si
+tendre me causait une démangeaison dévorante. Je me roulais
+dans le feu, dans la joie des sens. O folie! ô bonheur!
+jouir!..... Oh! je comprends ce mot.
+
+Une chose m'étonne, Gamiani. Comment si jeune encore as-tu
+cette expérience des sens? Je n'aurais jamais supposé toutes
+nos extravagances. D'où te vient ta science? D'où vient ta
+passion qui me confond, qui parfois m'épouvante? La nature ne
+nous a pas faites de la sorte.
+
+G -- Tu veux donc me connaître. Eh bien! enlace moi dans tes
+bras, croisons nos jambes, pressons-nous. Je vais te raconter
+ma vie de couvent. C'est une histoire qui pourra nous monter à
+la tête, nous donner de nouveaux désirs.
+
+F -- Je t'écoute, Gamiani.
+
+G -- Tu n'as pas oublié le supplice atroce que me fit subir ma
+tante, pour servir sa lubricite. Je n'eus pas plutôt compris
+l'horreur de sa conduite, que je m'emparai de quelques papiers
+qui garantissaient ma fortune. Je pris aussi des bijoux, de
+l'argent et, profitant d'une absence de ma digne parente,
+j'allai me réfugier dans le couvent des soeurs de la
+rédemption. La Supérieure, touchée sans doute de mon jeune âge
+et de mon apparente timidité, me fit l'accueil le plus propre
+à dissiper mes craintes et mon embarras.
+
+Je lui racontai ce qui m'était arrivé, je lui demandai un
+asyle et sa protection. Elle me prit dans ses bras, me serra
+affectueusement et m'appela sa fille. Après, elle m'entretint
+de la vie tranquille et douce du couvent; elle réchauffa
+encore ma haine pour les hommes et termina par une exhortation
+pieuse, qui me parut le langage d'une âme divine. Pour rendre
+moins sensible la transition subite de la vie du monde à la
+vie du cloître, il fut convenu que je resterai près de la
+Supérieure et que je coucherai chaque soir dans son alcove.
+Dès la seconde nuit nous en étions à causer le plus
+familièrement du monde. La supérieure se retournait, s'agitait
+sans cesse dans son lit. Elle se plaignait du froid et me pria
+de me coucher avec elle pour la réchauffer. Je la trouvai
+absolument nue. On dort mieux, disait-elle, sans chemise. Elle
+m'engagea à ôter la mienne; ce que je fis pour lui être
+agréable. Oh! ma petite, s'écria-t-elle, en me touchant, tu es
+brûlante. Comme ta peau est douce. Les barbares! oser te
+martyriser de la sorte. Tu as dû bien souffrir. Raconte moi
+donc ce qu'ils t'ont fait. Ils t'ont battue; dis. Je lui
+répétai mon histoire, avec tous les détails, appuyant sur ceux
+qui paraissaient l'intéresser davantage. Le plaisir qu'elle
+prenait à m'entendre parler fut si vif qu'elle en éprouvait
+des tressaillements extraordinaires. Pauvre enfant! pauvre
+enfant! répétait-elle en me serrant de toutes ses forces.
+
+Insensiblement je me trouvai étendue sur elle. Ses jambes
+étaient croisées sur mes reins, ses bras m'entouraient. Une
+chaleur tiède et pénétrante se répandait par tout mon corps.
+J'éprouvais un bien-être inconnu, délicieux qui communiquait à
+mes os, à ma chair je ne sais quelle sueur d'amour qui faisait
+couler en moi comme une douceur de lait. Vous êtes bonne, bien
+bonne, dis-je à la supérieure. Je vous aime, je suis heureuse
+près de vous. Je ne voudrais jamais vous quitter. Ma bouche se
+collait sur ses lèvres, et je reprenais avec ardeur, oh! oui,
+je vous aime à en mourir.... je ne sais.... Mais je sens....
+
+La main de la Supérieure me flattait avec lenteur. Son corps
+s'agitait doucement sous le mien. Sa toison dure et touffue se
+mêlait à la mienne, me piquait au vif et me causait un
+chatouillement diabolique. J'étais hors de moi dans un
+frémissement si grand que tout mon corps tremblait. A un
+baiser violent que me donna la supérieure, je m'arrêtai
+subitement. Mon Dieu! m'écriai-je, laissez-moi.... ah!....
+Jamais rosée plus abondante, plus délicieuse ne suivit un
+combat d'amour.
+
+L'extase passée, loin d'être abattue, je me précipite de plus
+belle sur mon habile compagne; je la mange de caresses. Je
+prends sa main, je la porte à cette même place qu'elle vient
+d'irriter si fort. La Supérieure me voyant de la sorte,
+s'oublie elle même, s'emporte comme une bacchante. Toutes deux
+nous disputons d'ardeur de baisers, de morsures.... quelle
+agilité, quelle souplesse cette femme avait dans ses membres.
+Son corps se pliait, s'étendait, se roulait à m'étourdir. Je
+n'y étais plus. J'avais à peine le temps de rendre un seul
+baiser à tous ceux qui me pleuvaient de la tête aux pieds. II
+me semblait que j'étais mangée, dévorée en mille endroits
+Cette incroyable activité d'attouchemens lubriques me mit dans
+un état qu'il est impossible de décrire. O Fanny! que n'etais-tu
+témoin de nos assauts, de nos élans. Si tu nous avais vues
+toutes deux furibondes, haletantes, tu aurais compris tout ce
+que peut l'empire des sens sur deux femmes amoureuses. Un
+instant ma tête se trouva prise entre les cuisses de ma
+lutteuse. Je crus deviner ses désirs. Inspirée par ma
+lubricité, je me mis à la ronger dans ses parties les plus
+tendres. Mais je répondais mal à ses voeux. Elle me ramène
+bien vite sur elle, glisse, s'échappe sous mon corps et,
+m'entr'ouvrant subtilement les cuisses, elle m'attaque
+aussitôt avec la bouche. Sa langue agile et pointue me pique,
+me sonde comme un stylet qu'on pousse et retire rapidement.
+Ses dents me prennent et semblent vouloir me déchirer. J'en
+vins à m'agiter comme une perdue. Je repoussais la tête de la
+Supérieure, je la tirais par les cheveux. Alors elle lachait
+prise: elle me touchait doucement, m'injectait sa salive, me
+léchait avec lenteur, ou me mordillait le poil et la chair
+avec une raffinerie si délicate, si sensuelle à la fois que ce
+seul souvenir me fait suinter de plaisir. Oh! quelles délices
+m'enivraient! quelle rage me possédait! Je hurlais sans
+mesure; je m'abatais abîmée, ou je m'élevais égarée, et
+toujours la pointe rapide, aigue m'atteignait, me percait avec
+raideur. Deux lèvres minces et fermes prenaient mon clitoris,
+le pincaient, le pressaient à me détacher l'âme. Non Fanny, il
+est impossible de sentir, de jouir de la sorte, ce n'est
+qu'une fois en sa vie. Quelle tension dans mes nerfs! quel
+battement dans mes artères! quelle ardeur dans la chair et le
+sang. Je brûlais, je fondais et je sentais une bouche avide,
+insatiable, aspirer jusqu'à l'essence de ma vie. Je te
+l'assure je fus desséchée et j'aurais dû être inondée de sang
+et de liqueur. Mais que je fus heureuse! Fanny Fanny! Je n'y
+tiens plus. Quand je parle de ces excès je crois éprouver
+encore ces mêmes titillations dévorantes. Achève-moi.... Plus
+vite, plus fort.... bien! ah! bien! las! je meurs....
+
+Fanny était pire qu'une Louve affamée.
+
+Assez, assez, répétait Gamiani. Tu m'épuises. Démon de fille!
+Je te supposais moins habile, moins passionnée. Je le vois, tu
+te développes. Le feu te pénètre.
+
+F -- Cela se peut-il autrement. Il faudrait être dépourvue de
+sang et de vie, pour rester insensible avec toi. -- Que fis-tu
+ensuite?
+
+G -- Plus savante alors, je rendis avec usure, j'abîmai mon
+ardente compagne. Toute gêne fut désormais bannie entre nous
+et j'appris bientôt que les soeurs du couvent de la Rédemption
+s'adonnaient entr'elles aux fureurs des sens, qu'elles avaient
+un lieu secret de réunion et d'orgie pour s'ébattre à leur
+aise. Ce Sabbat infame s'ouvrait à complies et se terminait à
+matines.
+
+La Supérieure déroula ensuite sa philosophie. J'en fus
+épouvantée au point de voir en elle un Satan incarné.
+Cependant elle me rassura par quelques plaisanteries et me
+divertit surtout en me racontant la perte de son pucelage. Tu
+ne devinerais jamais à qui fut donné ce précieux trésor.
+L'histoire est singulière et vaut la peine d'être contée.
+
+La supérieure que j'appellerai maintenant Sainte était fille
+d'un capitaine de vaisseau. Sa mère, femme d'esprit et de
+raison, l'avait élevée dans tous les principes de la saine
+religion, ce qui n'empêcha point que le tempérâment de la
+jeune Sainte ne se développât pas de très bonne heure. Dès
+l'âge de douze ans elle ressentait des désirs insupportables,
+qu'elle cherchait à satisfaire par tout ce qu'une imagination
+ignorante peut inventer de plus bizarre. La malheureuse se
+travaillait chaque nuit. Ses doigts insuffisants gaspillaient
+en pure perte sa jeunesse et sa santé. Un jour elle appercut
+deux chiens qui s'accouplaient. Sa curiosité lubrique observa
+si bien le mécanisme et l'action de chaque sexe, qu'elle
+comprit mieux désormais ce qui lui manquait. Sa science acheva
+son supplice. Vivant dans une maison solitaire, entourée de
+vieilles servantes sans jamais voir un homme, pouvait-elle
+espérer de rencontrer jamais cette flêche animée, si rouge, si
+rapide qui l'avait si fort émerveillée et qu'elle supposait
+devoir exister pareillement pour la femme. A force de se
+tourmenter l'esprit, ma nymphomane se rémemoria que le singe
+est de tous les animaux celui qui ressemble le plus à l'homme.
+Son père avait précisément un superbe orang-outang. Elle fut
+le voir, l'étudier et comme elle restait long-temps à
+l'examiner, l'animal, échauffé sans doute par la présence
+d'une jeune fille, se développa tout-à-coup de la façon la
+plus brillante. Sainte se mit à bondir de joie. Elle trouvait
+enfin ce qu'elle cherchait tous les jours, ce qu'elle rêvait
+chaque nuit. Son idéal lui apparaissait réel et bien palpable.
+Pour comble d'enchantement l'indicible joyau s'élançait plus
+ferme, plus ardent, plus menaçant qu'elle ne l'eut jamais
+ambitionné. Ses yeux le dévoraient. Le singe s'approcha, se
+pendit aux barreaux et s'agita si bien que la pauvre Sainte en
+perdit la tête. Poussée par sa folie, elle force un des
+barreaux de sa cage et pratique un espace facile que la
+lubrique bête met de suite à profit. Huit pouces francs, bien
+prononcés, saillaient à ravir. Tant de richesse épouvanta
+d'abord notre pucelle. Toutefois le diable la pressant, elle
+ose voir de plus près; sa main toucha, caressa. Le singe
+tressaillit à tout rompre. Sa grimace était horrible. Sainte
+effrayée crut voir Satan devant elle. La peur la retint. Elle
+allait se retirer, lorsqu'un dernier regard jeté sur la
+flamboyante amorce reveille tous ses désirs. Elle s'enhardit
+aussitôt, relève ses jupes d'un air décidé et marche bravement
+à reculons, le dos penché contre la pointe redoutable. La
+lutte s'engage, les coups se portent. La bête devient l'égal
+de l'homme. -- Sainte est embestialisée, dévirginée,
+ensinginée. Sa joie ses transports éclatent en une gamme de
+oh! et de ah! mais sur un ton si élevé que la mère entend,
+accourt et vous surprend sa fille bien nettement enchevillée,
+se tortillant, se débattant et déjectant son âme
+
+F -- La farce est impayable!
+
+G -- Pour guérir la pauvre fille de sa manie singesque on la
+place dans le couvent.
+
+F -- Mieux eut valu la laisser à tous les singes.
+
+G -- Tu vas mieux juger combien tu as raison. Mon tempérament
+s'accommodait volontiers d'une vie de fêtes et de plaisirs. Je
+consentis joyeusement à être initiée aux mystères des
+Saturnales monastiques. Mon admission ayant été adoptée au
+chapitre, je fus présentée deux jours après. J'arrivai nue
+selon la règle. Je fis un serment exigé et, pour achever la
+cérémonie, je me prostituai courageusement à un énorme Priape
+de bois disposé à cet effet. J'achevais à peine une
+douloureuse libation que la bande des soeurs se rua sur moi
+plus pressée qu'une troupe de cannibales. Je me prétai à tous
+les caprices, je pris les poses les plus lubriquement
+énergiques, enfin je terminai par une danse obscène et je fus
+proclamée victorieuse. J'étais exténuée. Une petite nonne,
+bien vive, bien éveillée, plus raffinée que la supérieure,
+m'entraina dans son lit: C'était bien la plus damnée Tribade
+que l'enfer put créer. Je conçus pour elle une vraie passion
+de chair et nous fumes presque toujours ensemble pendant les
+grandes orgies nocturnes.
+
+F -- Dans quel lieu se tenaient vos Lupercales?
+
+G -- Dans une vaste salle que l'art et l'esprit de la débauche
+s'étaient plu à embellir. On y arrivait par deux grandes
+portes fermées à la façon des orientaux avec de riches
+draperies, bordées de franges d'or, ornées de mille dessins
+bizarres. Les murs étaient tendus en velours bleu foncé
+qu'encadrait une large plaque en bois de citronnier habilement
+ciselée. A distance égale de grandes glaces partaient du
+plafond et touchaient au parquet. Dans les scènes d'orgie les
+grouppes nuds des nonnes en délire se réflétaient sous mille
+formes, ou bien se détachaient vifs ou brillans: Sur les
+panneaux tapissés. Des coussins, des divans tenaient lieu de
+sièges et servaient mieux encore les ébats de la volupté, les
+poses de la lubricite. Un double tapis, d'un tissu délicat,
+délicieux au toucher, recouvrait le parquet. On y voyait
+représentés avec une magie surprenante de couleurs vingt
+groupes amoureux dans des attitudes lascives bien propres à
+rallumer les désirs éteints. Ailleurs, sur des tableaux, dans
+le plafond, la peinture offrait à l'oeil les images les plus
+expressives de la folie et de la débauche. Je me rappelle
+toujours une thyade fougueuse que tourmentait un corybante. Je
+ne regardais jamais ce tableau sans me provoquer aussitôt au
+plaisir.
+
+F -- Ce devait être délicieux à voir!
+
+G -- Ajoute encore à ce luxe de décoration l'enivrement des
+parfums et des fleurs. Une chaleur égale, tempérée, puis une
+lumière tendre, mystérieuse qui s'échappait, de six lampes
+d'albâtre, plus douce qu'un reflet d'opale. Tout cela faisait
+naître en vous je ne sais quel vague enchantement, mêlé de
+désir inquiet, de rêverie sensuelle. C'était l'Orient, son
+luxe, sa poësie, sa nonchalante volupté. C'était le mystère du
+harem. Ses secret délices et par dessus tout son inéfable
+langueur.
+
+F -- Qu'il eut été doux de passer là des nuits d'ivresse près
+d'un objet aimé.
+
+G -- Sans doute, l'amour en eut fait volontiers son temple, si
+la bruyante et sale orgie ne l'avait transformée chaque soit
+en repaire immonde.
+
+F -- Comment cela?
+
+G -- Dès que minuit sonnait, les nonnes entraient vêtues d'une
+simple tunique noire, pour faire ressortir la blancheur des
+chairs. Toutes avaient les pieds nuds, les cheveux flottans,
+Un service splendide paraissait bientôt comme par
+enchantement. La supérieure donnait le signal et l'on y
+répondait à l'envi. Les unes se tenaient assises, les autres
+couchées sur les coussins. Les mets exquis, les vins chauds
+irritans étaient enlevés avec un appétit dévorant. Ces figures
+de femmes usées par la débauche, froides, pâles aux rayons du
+jour, se coloraient, s'échauffaient peu-à-peu. Les vapeurs
+bacchiques, les apprêts cantharidés portaient le feu dans le
+corps, le trouble dans la tête. La conversation s'animait,
+bruissait confuse et se terminait toujours par des propos
+obscènes, des provocations délirantes lancées, rendues au
+milieu des chansons, des rires, des éclats, du choc des verres
+et des flacons Celle des nonnes le plus pressée, le plus
+emportée tombait tout-à-coup sur sa voisine et lui donnait un
+baiser violent qui électrisait la bande entière. Les couples
+se formaient, s'enlaçaient se tordaient dans de fougueuses
+étreintes. On entendait le bruit des lèvres s'appliquant sur
+la chair, ou s'entremelant avec fureur. Puis partaient des
+soupirs étouffés, des paroles mourantes, des cris d'ardeur ou
+d'abattement. Bientôt les joues, les seins, les épaules, ne
+suffisaient plus aux baisers sans frein. Les robes se
+relevaient ou se jetaient de côté. Alors, c'était un spectacle
+unique que tous ces corps de femmes, souples, gracieux,
+enchainés nuds l'un à l'autre, s'agitant, se pressant avec la
+raffinerie, l'impétuosité d'une lubricité consommée. Si
+l'excès du plaisir différait trop au gré de l'impatient désir,
+on se détachait un instant pour reprendre haleine. On se
+contemplait avec des yeux de feu, et on luttait à qui rendrait
+la pose la plus lascive la plus entrainante. Celle des deux
+qui triomphait par ses gestes et sa débauche, voyait tout-à-coup
+sa rivale éperdue fondre sur elle, la culbuter, la
+couvrir de baisers, la manger de caresses, la dévorer jusqu'au
+centre le plus secret des plaisirs, se plaçant toujours de
+manière à recevoir les mêmes attaques. Les deux têtes se
+dérobaient entre les cuisses, ce n'était plus qu'un seul
+corps, agité, tourmenté convulsivement, d'où s'échappait un
+râle sourd de volupté lubrique suivi d'un double cri de joie.
+
+Elles jouissent! elles jouissent! répétaient aussitôt les
+nonnes damnées. Et les folles de se ruer égarées les unes sur
+les autres plus furieuses que des bêtes qu'on lache dans une
+arène.
+
+Pressées de jouir à leur tour, elles tentaient les efforts les
+plus fougueux. A force de bonds et d'élans, les groupes se
+heurtaient entr'eux et tombaient pêle mêle à terre, haletans,
+rendus, lassés d'orgie et de luxure; confusion grotesque de
+femmes nues, pamées, expirantes, entassées dans le plus
+ignoble désordre et que venait souvent éclairer les premiers
+feux du jour.
+
+F -- Quelles folies!
+
+G -- Elles ne se bornaient point là: elles variaient encore à
+l'infini. Privées d'hommes, nous n'en étions que plus
+ingénieuses à inventer des extravagances. Toutes les priapées,
+toutes les histoires obscènes de l'antiquité et des temps
+modernes nous étaient connues. Nous les avions dépassées.
+Elephantis et l'Arétin avaient moins d'imagination que nous.
+Il serait trop long de dire nos artifices, nos ruses, nos
+philtres merveilleux pour ranimer nos forces, éveiller nos
+désirs et les satisfaire. Tu pourras en juger par le
+traitement singulier qu'on faisait subir à l'une de nous pour
+aiguillonner sa chair. On la plongeait d'abord dans un bain de
+sang chaud pour rappeler sa vigueur. Après elle prenait une
+potion cantharidée, se couchait sur un lit et se laissait
+frictionner par tout le corps. A l'aide du magnétisme, on
+tachait de l'endormir. Sitôt que le sommeil l'avait gagnée, on
+l'exposait d'une manière avantageuse, on la fouettait jusqu'au
+sang, on la piquait de même. La patiente s'éveillait au milieu
+de son supplice. Elle se relevait égarée, nous regardait d'un
+air de folle et entrait aussitôt dans les plus violentes
+convulsions. Six personnes avaient peine à la comprimer. Il
+n'y avait que la léchement d'un chien qui put la calmer. Sa
+fureur s'épanchait à flots; mais si le soulagement n'arrivait
+pas, la malheureuse devenait plus terrible et demandait à
+grands cris un ane.
+
+F -- Un âne, misérable!
+
+G -- Oui, ma chère, un âne. Nous en avions deux bien dressés,
+bien dociles. Nous ne voulions le céder en rien aux dames
+Romaines qui s'en servaient dans leurs saturnales.
+
+La première fois que je fus mise à l'épreuve, j'étais dans le
+délire du vin. Je me précipitai violemment sur la selette,
+défiant toutes les nonnes. L'âne fut à l'instant dressé devant
+moi, à l'aide d'une courroie. Son braquemarre terrible,
+échauffé par les mains des soeurs, battait lourdement sur mon
+flanc. Je le pris à deux mains, je le plaçai à l'orifice: et,
+après un chatouillement de quelques secondes, je cherchai à
+l'introduire. Mes mouvements aidant, ainsi que mes doigts et
+une pommade dilattante, je fus bientôt maîtresse de cinq
+pouces au moins. Je voulus pousser encore, mais je manquai de
+forces, je retombai. Il me semblait que ma peau se déchirait,
+que j'étais fendue, écartelée. C'était une douleur sourde,
+étouffante, à laquelle se mêlait pourtant une irritation
+chaleureuse, titillante et sensuelle. La bête remuant toujours
+produisait un frottement si vigoureux que toute ma charpente
+vertébrale était ébranlée. Mes canaux spermatiques s'ouvrirent
+et débondèrent. Ma Cyprine brûlante tressaillit un instant
+dans mes reins Oh! quelle jouissance! Je la sentais courir en
+jets de flamme et tomber goutte à goutte au fond de ma
+matrice. Tout en moi ruisselait d'amour. Je poussai un long
+cri d'énervement et je fus soulagée.... Dans mes élans
+lubriques j'avais gagné deux pouces; toutes les mesures
+étaient passées, mes compagnes étaient vaincues. Je touchais
+aux bourrelets, sans lesquels on se serait éventrée.
+
+Epuisée, endolorie dans tous les membres, je croyais mes
+voluptés finies lorsque l'intraitable fléau se roidit de plus
+belle, me sonde, me travaille et me tient presque levée. Mes
+nerfs se gonflent, mes dents se serrent et grincent. Mes bras
+se tendent sur mes deux poings crispés. Tout-à-coup un jet
+violent s'échappe et m'inonde d'une pluie chaude et glueuse,
+si forte, si abondante, qu'elle semble regorger dans toutes
+mes veines et toucher jusqu'au coeur. Mes chairs lachées,
+détendues par ce baume exubérant, ne me laissent plus sentir
+que des félicités poignantes qui me piquent les os, la moelle,
+la cervelle et les nerfs, dissolvent mes jointures et me
+mettent en fusion brûlante.... torture délicieuse! intolérable
+volupté qui défait les liens de la vie et vous fait mourir
+avec ivresse.
+
+F -- Quels transports tu me causes, Gamiani. Bientôt je n'y
+tiens plus.... Enfin, comment es-tu sortie de ce couvent du
+diable?
+
+G -- Le voici: après une grande orgie, nous eumes l'idée de
+nous transformer en hommes, à l'aide d'un godemiché attaché,
+de nous embrocher de la sorte à la suite les unes des autres;
+et de courir ensuite comme des folles. Je formais le dernier
+anneau de la chaîne, j'étais la seule par conséquent qui
+chevaucha sans être chevauchée. Quelle fut ma surprise lorsque
+je me sentis vigoureusement assaillie par un homme nu qui
+s'était, je ne sais comment, introduit parmi nous. Au cri
+d'effroi qui m'échappa, toutes les nonnes se débandèrent et
+vinrent s'abattre incontinent sur le malheureux intrus:
+Chacune voulait finir en réalité un plaisir commencé par un
+fatigant simulacre. L'animal trop fêté fut bientôt épuisé. Il
+fallait voir son état de torpeur et d'abattement, son
+elytroïde flasque et pendant, toute sa virilité dans la plus
+négative démonstration. J'eus grande peine à ravitailler
+toutes ses miseres quand mon tour fut venu de goûter aussi de
+l'élixir prolifique. J'y parvins néanmoins. Couchée sur mon
+moribond, ma tête entre ses cuisses, je suçai si habilement
+messer Priape endormi qu'il s'éveilla rubicond, vivace à faire
+plaisir. Caressée moi-même par une langue agile, je sentis
+bientôt approcher un incroyable plaisir que j'achevai, en
+masseyant glorieusement et avec délices sur le sceptre que je
+venais de conquérir. Je donnai et je reçus un déluge de
+volupté.
+
+Ce dernier excès acheva notre homme. Tout fut inutile pour le
+ranimer. Le croirais-tu? Dès que les nonnes comprirent que ce
+malheureux n'était plus bon à rien, elles décidèrent sans
+hésiter qu'il fallait le tuer et l'ensevelir dans une cave, de
+peur que ses indiscrétions ne vinssent à compromettre le
+couvent. Je combattis vainement ce parti criminel; en moins
+d'une seconde, une lampe fut détachée et la victime enlevée
+dans un noeud coulant. Je détournai la vue de cet horrible
+spectacle.... Mais voilà, à la grande surprise de ces furies,
+que la pendaison produit son effet ordinaire. Emerveillée de
+la démonstration nerveuse, la Supérieure monte sur un
+marchepied et, aux applaudissemens frénétiques de ses dignes
+complices, elle s'accouple dans l'air avec la mort et
+s'encheville à un cadavre. -- Ce n'est pas la fin de
+l'histoire. Trop mince ou trop usée pour soutenir ce double
+poids, la corde cède et se rompt Mort et vivant tombent à
+terre et si rudement que la nonne en a les os rompus et que le
+pendu dont la strangulation s'était mal opérée revient à la
+vie et menace dans sa tension nerveuse d'étouffer la
+supérieure.
+
+La foudre tombant sur une foule produirait moins d'effet que
+cette scène, sur les nonnes. Toutes s'enfuirent épouvantées
+croyant que le diable était avec elles; la supérieure resta
+seule à se débatte avec l'intempestif ressuscité. L'aventure
+devait entrainer des suites terribles, pour les prévenir je
+m'echappai le soir même de ce repaire de débauche et de
+crime..... Je me réfugiai quelque-temps à Florence, pays
+d'amour et de prestige. Un jeune Anglais, Sir Edward,
+enthousiaste et rêveur comme un Osvald, concut pour moi une
+passion violente. J'étais lasse de plaisirs immondes. Jusques-là
+mon corps seul s'était agité, avait vécu; mon âme
+sommeillait encore. Elle s'éveilla doucement aux accents purs,
+enchanteurs d'un amour noble et élevé. Dès lors, je compris
+une existence nouvelle; j'éprouvai ces désirs vagues
+ineffables qui donnent le bonheur et poëtisent la vie... Les
+corps combustibles ne brûlent pas d'eux-mêmes: qu'une
+étincelle approche, et tout part. Ainsi prit feu mon coeur aux
+transports de celui qui m'aimait. A ce langage nouveau pour
+moi, je sentis un frémissement délicieux. Je prêtai une
+oreille attentive, mes avides regards ne laissaient rien
+échapper. La flamme humide qui sortait des yeux de mon amant
+pénétrait dans les miens jusqu'au fond de mon âme, y portait
+le trouble, le délire et la joie. La voix d'Edward avait un
+accent qui m'agitait, le sentiment me semblait peint dans
+chacun de ses gestes; tous ses traits animés par la passion,
+me la faisaient ressentir. Ainsi la première image de l'amour
+me fit aimer l'objet qui me l'avait offerte Extrême en tout,
+je fus aussi ardente à vivre du coeur que je l'avais été à
+vivre des sens. Edward avait une de ces âmes fortes qui
+entrainent les autres dans leur sphère. Je m'élevai à sa
+hauteur. Mon amour s'exalta: d'enthousiaste il devint sublime.
+La seule pensée du plaisir grossier me révoltait. Si l'ont
+m'eut forcée, je serais morte de rage. Cette barrière
+volontaire irritant l'amour des deux côtés, il en devint plus
+ardent par la contrainte. Edward succomba le premier. Fatigué
+d'un platonisme dont il ne pouvait deviner la cause, il n'eut
+plus assez de force pour combattre les sens. Il me surprit un
+jour endormie et me posséda.... Je m'éveillai au milieu des
+plus chaudes étreintes: éperdue, je mêlai mes transports aux
+transports que je causais; je fus trois fois au ciel, Edward
+fut trois fois dieu, mais quand il fut tombé, je le pris en
+horreur; ce n'était plus pour moi qu'un homme de chair et
+d'os, c'était un moine!.... Je m'échappai subitement de ses
+bras avec un rire affreux. Le prisme était brisé; un souffle
+impur avait éteint ce rayon d'amour, ce rayon des cieux qui ne
+brille qu'une fois en la vie; mon âme n'existait plus. Les
+sens surgirent seuls et je repris ma vie première.
+
+F -- Tu revins aux femmes?
+
+G -- Non! je voulus auparavant rompre avec les hommes. Pour
+n'avoir plus de désir ou de regret, j'épuisai tout le plaisir
+qu'ils peuvent nous donner. Par le moyen d'une célèbre
+entremetteuse, je fus exploitée tour-à-tour par les plus
+habiles, les plus vigoureux hercules de Florence. Il m'arriva
+dans une matinée, de fournir jusqu'à trente deux courses et de
+désirer encore. Six athlètes furent vaincus et abîmés. Un soir
+je fis mieux. J'étais avec trois de mes plus vaillans
+champions. Mes gestes et mes discours les mirent en si belle
+humeur, qu'il me vint une idée diabolique, pour la mettre à
+profit je priai le plus fort de se coucher à la renverse et
+tandis que je festoyais à loisir sur sa rude machine, je fus
+lestement gomorhisée par un second: ma bouche s'empara du
+troisième et lui causa un chatouillement si vif qu'il se
+demena en vrai démon et poussa les exclamations les plus
+passionnées Tous trois à la fois nous éclatames de plaisir en
+roidissant nos quatre membres. Quelle ardeur dans mon palais!
+quelle jouissance délicieuse au fond de mes entrailles!....
+Conçois-tu cet excès? Aspirer par sa bouche toute une forme
+d'homme: d'une soif impatiente la boire, l'engloutir en flots
+d'écume chaude et âcre et sentir à la fois un double jet de
+feu vous traverser dans les deux sens et creuser votre
+chair.... C'est une jouissance triple, infinie qu'il n'est pas
+donné de décrire. Mes incomparables lutteurs eurent la
+généreuse vaillantise de la renouveler jusqu'à extinction de
+leurs forces.
+
+Depuis, fatiguée, dégoutée des hommes, je n'ai plus compris
+d'autre désir, d'autre bonheur, que celui de s'entrelacer nue
+au corps frêle et tremblant d'une jeune fille timide, vierge
+encore, qu'on instruit, qu'on étonne, qu'on abîme de plaisir,
+qu'on assouvit de volupté.... Mais!.... Fanny qu'as-tu donc?
+que fais-tu?
+
+F -- Je suis dans un état affreux. J'éprouve des désirs
+horribles, monstrueux, Tout ce que tu as senti de plaisir ou
+de douleur, je voudrais le sentir aussi, de suite, à
+présent.... Tu ne pourras plus me satisfaire.... ma tête
+brûle.... elle tourne... Oh! j'ai peur de devenir folle.
+Voyons! que peux-tu? Je veux mourir d'excès, je veux jouir
+enfin!..... jouir!.... jouir!
+
+G -- Calme-toi, Fanny! calme-toi! tu m'épouvantes par tes
+regards. Je t'obéirai, je ferai tout;: que veux-tu?
+
+Eh bien! que ta bouche me prenne, qu'elle m'aspire.... là!
+fais-moi rendre l'âme. Je veux te saisir après, te fouiller
+jusqu'aux entrailles et te faire crier.... Oh! cet âne! il me
+tourmente aussi. Je voudrais un membre énorme, dut-il me
+fendre et me créver.
+
+G -- Folle! folle! tu seras satisfaite. Ma bouche est habile et
+j'ai de plus apporté un instrument.... Tiens! regarde.... Il
+vaut bien l'action d'un âne.
+
+F -- Ah! quel monstre! donne vite, que je tente..... ai!
+ai!..... ouf! impossible! cela m'étouffe.
+
+G -- Tu ne sais pas le conduire. C'est mon affaire. Sois ferme
+seulement.
+
+F -- Quand je devrais y rester, je veux tout l'engloutir; la
+rage me possède.
+
+G -- Couche toi donc sur le dos, bien étendue, les cuisses
+écartées, les cheveux au vent laisse tes bras tomber
+nonchalamment. Livre toi sans crainte et sans réserve.
+
+F -- Oh! oui, je me livre avec transport. Viens dans mes bras,
+viens vite.
+
+G -- Patience, enfant! Ecoute: pour bien sentir tout le plaisir
+dont je veux t'enivrer il faut t'oublier un instant; te
+perdre, te fondre en une seule pensée, une pensée d'amour
+sensuel, de jouissance charnelle et délirante; quels que
+soient mes assauts quelles que soient mes fureurs, garde-toi
+de remuer ou dagir. Reste sans mouvement, reçois mes baisers
+sans les rendre. Si je mords, si je déchire, comprime l'élan
+et la douleur aussi bien que celle du plaisir jusqu'au moment
+suprême ou toutes deux nous lutterons ensemble pour mourir à
+la fois.
+
+F -- Oui! oui! je te comprends, Gamiani. Allons! Je suis comme
+endormie, je te rève à présent. Je suis à toi, viens!....
+Suis-je bien? attends, cette pose sera je crois plus
+lubrique.....
+
+G -- Débauchée! tu me dépasses. Que tu es belle, exposée de la
+sorte.... impatiente! tu désires déjà, je le vois....
+
+F -- Je brûle plutôt. Commence, commence, je t'en prie.
+
+G -- Oh! prolongeons encore cette attente irritée, c'est
+presque une volupté. Laisse-toi donc aller d'avantage. Ah!
+bien! bien! Je te voulais ainsi; on la dirait morte.....
+délicieux abandon.... C'est cela! Je vais m'emparer de toi, je
+vais te réchauffer, te ranimer peu-à-peu, je vais te mettre en
+feu, te porter au comble de la vie sensuelle. Tu retomberas
+morte encore, mais morte de plaisirs et d'excès. Délices
+inouies! à les goûter seulement la durée de deux éclairs ce
+serait la joie de Dieu.
+
+F -- Tes discours me brûlent: A l'oeuvre, à l'oeuvre, Gamiani! A
+ces mots Gamiani noue précipitamment ses cheveux flottans qui
+la gênent. Elle porte la main entre ses cuisses, s'excite un
+instant, puis, d'un seul bond, elle s'élance sur le corps de
+Fanny qu'elle touche, qu'elle couvre partout. Ses lèvres
+entr'ouvrent une bouche vermeille, sa langue y pompe le
+plaisir. Fanny soupire; Gamiani boit son souffle et s'arrête.
+A voir ces deux femmes nues immobiles, soudées, pour ainsi
+dire, l'une à l'autre, on eut dit qu'il s'opérait entre elles
+une fusion mystérieuse, que leurs âmes se mêlaient en silence.
+
+Insensiblement Gamiani se détache et se relève. Ses doigts
+jouent capricieusement dans les cheveux de Fanny qu'elle
+contemple avec un sourire ineffable de langueur et de volupté.
+Sa main se promène indiscrète, elle touche, caresse, manie
+chaque trésor. Les baisers, les tendres morsures volent de la
+tête aux pieds qu'elle chatouille du bout de ses mains, du
+bout de sa langue. Elle se précipite ensuite à corps perdu, se
+redresse, retombe encore haletante, acharnée. Sa tête, ses
+mains se multiplient. Fanny est baisée, frottée, manipulée
+dans toutes ses parties, on la pince, on la presse, on la
+mord. Son courage cède: elle pousse des cris aigus; mais un
+toucher délicieux vient calmer à l'instant sa douleur et
+provoque un long soupir. -- Plus ardente, plus empressée
+Gamiani jette sa tête à travers les cuisses de sa victime. Ses
+doigts écartent, violentent deux nymphes délicates. Sa langue
+plonge dans le calice et lentement elle épuise toutes les
+raffineries du chatouillement le plus irritant qu'une femme
+peut sentir. Attentive aux progrès du délire qu'elle cause,
+elle s'arrête ou redouble selon que l'excès du plaisir ou
+s'éloigne ou s'approche. Fanny nerveusement saisie, part
+tout-à coup d'un élan furieux.
+
+F -- C'est trop! oh!... je meurs... heu!....
+
+G -- Prends! prends!.... lui crie Gamiani, en lui présentant
+une fiole qu'elle vient de vuider a moitié. Bois! c'est
+l'elixir de vie. Tes forces vont renaître. ---- Fanny sans
+forces, incapable de résister avale la liqueur qu'on verse
+dans sa bouche entr'ouverte.
+
+Ah! ah! s'écrie Gamiani? d'une voix éclatante, tu es à moi.
+Son regard avait quelque chose d'infernal.
+
+A genoux entre les jambes de Fanny, elle s'attachait son
+redoutable instrument et le brandissait d'un air menaçant.
+
+A cette vue les transports de Fanny redoublent plus violents,
+il semble qu'un feu intérieur la tourmente et la pousse à la
+rage. Ses cuisses écartées se prêtent avec effort aux attaques
+du simulacre monstrueux. L'insensée! elle eut à peine commencé
+cet horrible supplice qu'une étrange convulsion la fit bondir
+en tous sens.
+
+F -- Oi! oï! Ta liqueur brûle, oi! mes entrailles. Mais cela
+pique, cela perce... oh! je vais mourir.... Vile et damnée
+sorcière tu me tiens.... Tu me tiens.... ah!.... -- Gamiani
+insensible à ces cris d'angoisse et de torture, redouble ses
+élans. Elle brise, déchire et s'abime à travers des flots de
+sang; mais voilà que ses yeux tournent. Ses membres se
+tordent, les os de ses doigts craquent. Je ne doute plus
+qu'elle n'ait avalé et donné un poison ardent. --Epouvanté je
+me précipite à son secours. Je brise les portes dans ma
+violence, j'arrive. Hélas! Fanny n'existait plus. Ses bras ses
+jambes horriblement contournés s'accrochaient à ceux de
+Gamiani qui luttait seule encore avec la mort.
+
+Je voulus les séparer.
+
+Tu ne vois pas, me dit une voix de râle que le poison me
+tourmente.... mes nerfs se tordent.... Va-t-en!...... Cette
+femme est à moi.... oi! oi!
+
+C'est affreux, m'écriai-je, transporté.
+
+G -- Oui! Mais j'ai connu tous les excès des sens. Comprends
+donc, fou! il me restait à savoir si dans la torture du
+poison, si dans l'agonie d'une femme mêlee à ma propre agonie,
+il y avait une sensualité possible!.... Elle est atroce!
+Entends-tu? Je meurs dans la rage du plaisir, dans la rage de
+la douleur....... Je n'en puis plus...... heu!...... A ce cri
+prolongé venu du creux de la poitrine, l'horrible furie
+retombe morte sur son cadavre.
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+End of the Project Gutenberg EBook of Gamiani, by Alfred de Musset
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK GAMIANI ***
+
+***** This file should be named 26806-8.txt or 26806-8.zip *****
+This and all associated files of various formats will be found in:
+ https://www.gutenberg.org/2/6/8/0/26806/
+
+Produced by Daniel Fromont
+
+Updated editions will replace the previous one--the old editions
+will be renamed.
+
+Creating the works from public domain print editions means that no
+one owns a United States copyright in these works, so the Foundation
+(and you!) can copy and distribute it in the United States without
+permission and without paying copyright royalties. Special rules,
+set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to
+copying and distributing Project Gutenberg-tm electronic works to
+protect the PROJECT GUTENBERG-tm concept and trademark. Project
+Gutenberg is a registered trademark, and may not be used if you
+charge for the eBooks, unless you receive specific permission. If you
+do not charge anything for copies of this eBook, complying with the
+rules is very easy. You may use this eBook for nearly any purpose
+such as creation of derivative works, reports, performances and
+research. They may be modified and printed and given away--you may do
+practically ANYTHING with public domain eBooks. Redistribution is
+subject to the trademark license, especially commercial
+redistribution.
+
+
+
+*** START: FULL LICENSE ***
+
+THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE
+PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK
+
+To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free
+distribution of electronic works, by using or distributing this work
+(or any other work associated in any way with the phrase "Project
+Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full Project
+Gutenberg-tm License (available with this file or online at
+https://gutenberg.org/license).
+
+
+Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg-tm
+electronic works
+
+1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm
+electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to
+and accept all the terms of this license and intellectual property
+(trademark/copyright) agreement. If you do not agree to abide by all
+the terms of this agreement, you must cease using and return or destroy
+all copies of Project Gutenberg-tm electronic works in your possession.
+If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a Project
+Gutenberg-tm electronic work and you do not agree to be bound by the
+terms of this agreement, you may obtain a refund from the person or
+entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph 1.E.8.
+
+1.B. "Project Gutenberg" is a registered trademark. It may only be
+used on or associated in any way with an electronic work by people who
+agree to be bound by the terms of this agreement. There are a few
+things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works
+even without complying with the full terms of this agreement. See
+paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project
+Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement
+and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic
+works. See paragraph 1.E below.
+
+1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation"
+or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project
+Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual works in the
+collection are in the public domain in the United States. If an
+individual work is in the public domain in the United States and you are
+located in the United States, we do not claim a right to prevent you from
+copying, distributing, performing, displaying or creating derivative
+works based on the work as long as all references to Project Gutenberg
+are removed. Of course, we hope that you will support the Project
+Gutenberg-tm mission of promoting free access to electronic works by
+freely sharing Project Gutenberg-tm works in compliance with the terms of
+this agreement for keeping the Project Gutenberg-tm name associated with
+the work. You can easily comply with the terms of this agreement by
+keeping this work in the same format with its attached full Project
+Gutenberg-tm License when you share it without charge with others.
+
+1.D. The copyright laws of the place where you are located also govern
+what you can do with this work. Copyright laws in most countries are in
+a constant state of change. If you are outside the United States, check
+the laws of your country in addition to the terms of this agreement
+before downloading, copying, displaying, performing, distributing or
+creating derivative works based on this work or any other Project
+Gutenberg-tm work. The Foundation makes no representations concerning
+the copyright status of any work in any country outside the United
+States.
+
+1.E. Unless you have removed all references to Project Gutenberg:
+
+1.E.1. The following sentence, with active links to, or other immediate
+access to, the full Project Gutenberg-tm License must appear prominently
+whenever any copy of a Project Gutenberg-tm work (any work on which the
+phrase "Project Gutenberg" appears, or with which the phrase "Project
+Gutenberg" is associated) is accessed, displayed, performed, viewed,
+copied or distributed:
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
+
+1.E.2. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is derived
+from the public domain (does not contain a notice indicating that it is
+posted with permission of the copyright holder), the work can be copied
+and distributed to anyone in the United States without paying any fees
+or charges. If you are redistributing or providing access to a work
+with the phrase "Project Gutenberg" associated with or appearing on the
+work, you must comply either with the requirements of paragraphs 1.E.1
+through 1.E.7 or obtain permission for the use of the work and the
+Project Gutenberg-tm trademark as set forth in paragraphs 1.E.8 or
+1.E.9.
+
+1.E.3. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is posted
+with the permission of the copyright holder, your use and distribution
+must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any additional
+terms imposed by the copyright holder. Additional terms will be linked
+to the Project Gutenberg-tm License for all works posted with the
+permission of the copyright holder found at the beginning of this work.
+
+1.E.4. Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg-tm
+License terms from this work, or any files containing a part of this
+work or any other work associated with Project Gutenberg-tm.
+
+1.E.5. Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this
+electronic work, or any part of this electronic work, without
+prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with
+active links or immediate access to the full terms of the Project
+Gutenberg-tm License.
+
+1.E.6. You may convert to and distribute this work in any binary,
+compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including any
+word processing or hypertext form. However, if you provide access to or
+distribute copies of a Project Gutenberg-tm work in a format other than
+"Plain Vanilla ASCII" or other format used in the official version
+posted on the official Project Gutenberg-tm web site (www.gutenberg.org),
+you must, at no additional cost, fee or expense to the user, provide a
+copy, a means of exporting a copy, or a means of obtaining a copy upon
+request, of the work in its original "Plain Vanilla ASCII" or other
+form. Any alternate format must include the full Project Gutenberg-tm
+License as specified in paragraph 1.E.1.
+
+1.E.7. Do not charge a fee for access to, viewing, displaying,
+performing, copying or distributing any Project Gutenberg-tm works
+unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9.
+
+1.E.8. You may charge a reasonable fee for copies of or providing
+access to or distributing Project Gutenberg-tm electronic works provided
+that
+
+- You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from
+ the use of Project Gutenberg-tm works calculated using the method
+ you already use to calculate your applicable taxes. The fee is
+ owed to the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, but he
+ has agreed to donate royalties under this paragraph to the
+ Project Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments
+ must be paid within 60 days following each date on which you
+ prepare (or are legally required to prepare) your periodic tax
+ returns. Royalty payments should be clearly marked as such and
+ sent to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation at the
+ address specified in Section 4, "Information about donations to
+ the Project Gutenberg Literary Archive Foundation."
+
+- You provide a full refund of any money paid by a user who notifies
+ you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he
+ does not agree to the terms of the full Project Gutenberg-tm
+ License. You must require such a user to return or
+ destroy all copies of the works possessed in a physical medium
+ and discontinue all use of and all access to other copies of
+ Project Gutenberg-tm works.
+
+- You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of any
+ money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the
+ electronic work is discovered and reported to you within 90 days
+ of receipt of the work.
+
+- You comply with all other terms of this agreement for free
+ distribution of Project Gutenberg-tm works.
+
+1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project Gutenberg-tm
+electronic work or group of works on different terms than are set
+forth in this agreement, you must obtain permission in writing from
+both the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and Michael
+Hart, the owner of the Project Gutenberg-tm trademark. Contact the
+Foundation as set forth in Section 3 below.
+
+1.F.
+
+1.F.1. Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable
+effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread
+public domain works in creating the Project Gutenberg-tm
+collection. Despite these efforts, Project Gutenberg-tm electronic
+works, and the medium on which they may be stored, may contain
+"Defects," such as, but not limited to, incomplete, inaccurate or
+corrupt data, transcription errors, a copyright or other intellectual
+property infringement, a defective or damaged disk or other medium, a
+computer virus, or computer codes that damage or cannot be read by
+your equipment.
+
+1.F.2. LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the "Right
+of Replacement or Refund" described in paragraph 1.F.3, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project
+Gutenberg-tm trademark, and any other party distributing a Project
+Gutenberg-tm electronic work under this agreement, disclaim all
+liability to you for damages, costs and expenses, including legal
+fees. YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT
+LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE
+PROVIDED IN PARAGRAPH F3. YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE
+TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE
+LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR
+INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH
+DAMAGE.
+
+1.F.3. LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a
+defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can
+receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a
+written explanation to the person you received the work from. If you
+received the work on a physical medium, you must return the medium with
+your written explanation. The person or entity that provided you with
+the defective work may elect to provide a replacement copy in lieu of a
+refund. If you received the work electronically, the person or entity
+providing it to you may choose to give you a second opportunity to
+receive the work electronically in lieu of a refund. If the second copy
+is also defective, you may demand a refund in writing without further
+opportunities to fix the problem.
+
+1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth
+in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS' WITH NO OTHER
+WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO
+WARRANTIES OF MERCHANTIBILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.
+
+1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied
+warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages.
+If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the
+law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be
+interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by
+the applicable state law. The invalidity or unenforceability of any
+provision of this agreement shall not void the remaining provisions.
+
+1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the
+trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
+providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in accordance
+with this agreement, and any volunteers associated with the production,
+promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works,
+harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees,
+that arise directly or indirectly from any of the following which you do
+or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
+work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
+Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.
+
+
+Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
+
+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
+electronic works in formats readable by the widest variety of computers
+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
+because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
+people in all walks of life.
+
+Volunteers and financial support to provide volunteers with the
+assistance they need, is critical to reaching Project Gutenberg-tm's
+goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation web page at https://www.pglaf.org.
+
+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
+https://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
+permitted by U.S. federal laws and your state's laws.
+
+The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
+Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
+throughout numerous locations. Its business office is located at
+809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
+business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact
+information can be found at the Foundation's web site and official
+page at https://pglaf.org
+
+For additional contact information:
+ Dr. Gregory B. Newby
+ Chief Executive and Director
+ gbnewby@pglaf.org
+
+
+Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation
+
+Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
+spread public support and donations to carry out its mission of
+increasing the number of public domain and licensed works that can be
+freely distributed in machine readable form accessible by the widest
+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
+($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
+status with the IRS.
+
+The Foundation is committed to complying with the laws regulating
+charities and charitable donations in all 50 states of the United
+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
+considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
+with these requirements. We do not solicit donations in locations
+where we have not received written confirmation of compliance. To
+SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
+particular state visit https://pglaf.org
+
+While we cannot and do not solicit contributions from states where we
+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
+against accepting unsolicited donations from donors in such states who
+approach us with offers to donate.
+
+International donations are gratefully accepted, but we cannot make
+any statements concerning tax treatment of donations received from
+outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
+
+Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
+methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
+ways including including checks, online payments and credit card
+donations. To donate, please visit: https://pglaf.org/donate
+
+
+Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
+works.
+
+Professor Michael S. Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm
+concept of a library of electronic works that could be freely shared
+with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project
+Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
+
+
+Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
+editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
+unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
+keep eBooks in compliance with any particular paper edition.
+
+
+Most people start at our Web site which has the main PG search facility:
+
+ https://www.gutenberg.org
+
+This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
+including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
+subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
diff --git a/26806-8.zip b/26806-8.zip
new file mode 100644
index 0000000..c64d0d6
--- /dev/null
+++ b/26806-8.zip
Binary files differ
diff --git a/LICENSE.txt b/LICENSE.txt
new file mode 100644
index 0000000..6312041
--- /dev/null
+++ b/LICENSE.txt
@@ -0,0 +1,11 @@
+This eBook, including all associated images, markup, improvements,
+metadata, and any other content or labor, has been confirmed to be
+in the PUBLIC DOMAIN IN THE UNITED STATES.
+
+Procedures for determining public domain status are described in
+the "Copyright How-To" at https://www.gutenberg.org.
+
+No investigation has been made concerning possible copyrights in
+jurisdictions other than the United States. Anyone seeking to utilize
+this eBook outside of the United States should confirm copyright
+status under the laws that apply to them.
diff --git a/README.md b/README.md
new file mode 100644
index 0000000..cb1ffca
--- /dev/null
+++ b/README.md
@@ -0,0 +1,2 @@
+Project Gutenberg (https://www.gutenberg.org) public repository for
+eBook #26806 (https://www.gutenberg.org/ebooks/26806)