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| author | Roger Frank <rfrank@pglaf.org> | 2025-10-15 02:32:56 -0700 |
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You may copy it, give it away or +re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included +with this eBook or online at www.gutenberg.org + + +Title: L'amour et la raison + +Author: Charles-Antoine-Guillaume Pigault de l'Épinoy + +Release Date: October 7, 2008 [EBook #26810] + +Language: French + +Character set encoding: ISO-8859-1 + +*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'AMOUR ET LA RAISON *** + + + + +Produced by Daniel Fromont + + + + + + + + + +[Transcriber's note: Pigault-Lebrun (Charles-Antoine-Guillaume Pigault +de l'Épinoy, dit) (1753-1835), _L'amour et la raison_, 1790, édition +de 1823] + + + + + + +SENLIS, + +IMPRIMERIE DE TREMBLAY. + + +SUITE + +DU REPERTOIRE + +DU + +THEATRE FRANÇAIS, + + +AVEC UN CHOIX DES PIECES DE PLUSIEURS AUTRES + +THEATRES, ARRANGEES ET MISES EN ORDRE + + +PAR M. LEPEINTRE; + + +ET PRECEDEES DE NOTICES SUR LES AUTEURS; LE TOUT TERMINE PAR +UNE TABLE GENERALE. + + +COMEDIES EN PROSE. - TOME XVI. + + +A PARIS, + +CHEZ MME VEUVE DABO, + +A LA LIBRAIRIE STEREOTYPE, RUE HAUTEFEUILLE, N° 16. + + +1823. + + +(...) + + +L'AMOUR + +ET LA RAISON, + + +COMEDIE EN UN ACTE, + + +PAR M. PIGAULT-LEBRUN; + + +Représentée, pour la première fois, sur le théâtre du + +Palais-Royal, le 30 octobre 1790. + + +NOTICE + +SUR M. PIGAULT-LEBRUN. + + +Guillaume-Charles-Antoine PIGAULT-LEBRUN naquit à Calais le 8 +avril 1753. Son père était président du tribunal appelé les +_Traites_, qui jugeait de toutes les causes relatives à la +fraude. + +Il entra encore jeune au service, et était dans la gendarmerie +de la maison du roi, lorsque la révolution arriva. En 1792, il +fut inspecteur des remontes. Ce sont les seules fonctions +qu'il ait remplies lors des troubles politiques. Long-tems +après, le frère de Buonaparte, Jérôme, voulut l'emmener en +Westphalie après l'avoir nommé son bibliothécaire; mais +l'empereur s'y opposa, et après avoir porté le titre +honorifique de cet emploi pendant trois jours, il resta à +Paris, et n'alla point en Westphalie comme l'assurent certains +recueils peu exacts et quelques libelles mensongers. C'est +uniquement la démangeaison de faire de l'esprit aux dépens de +la vérité qui a fait dire, dans je ne sais quelle biographie, +qu'étant à la cour du roi Jérôme, il avait été l'_Horace du +Mécène Corsico-Westphalien_. Depuis long-tems M. Pigault-Lebrun +occupe une place dans une administration, et il n'a jamais +intrigué pour faire sa fortune, ni ambitionné de parvenir aux +honneurs. + +M. Pigault-Lebrun jouit de deux réputations littéraires bien +distinctes; et sous le rapport d'auteur dramatique, ce n'est +plus le même homme considéré comme romancier; ses pièces de +théâtre offrent un heureux mélange de sensibilité, de +délicatesse et d'esprit, dont il est même trop prodigue et qui +le fait remarquer entre tous les auteurs ses contemporains. +C'est le successeur le plus distingué qu'ait eu Marivaux, et +le meilleur disciple de son école. Toutefois on doit lui +reconnaître plus de gaîté avec autant de brillant; mais il +lui est inférieur en finesse, en comique de situations. Il est +resté loin de son modèle dans l'analyse des sentimens du coeur +des femmes, et surtout dans l'observation des convenances. + +Avec le beau talent que M. Pigault-Lebrun a reçu de la nature, +il eût été l'un des premiers écrivains de son siècle, si dans +toutes ses productions il eût mis la circonspection qui est +nécessaire à un auteur pour se faire lire de la bonne +compagnie et toutes les classes du beau sexe. + +Voici à peu de chose près la liste des pièces qu'il a +composées depuis le commencement de sa longue carrière +littéraire, outre celles qui sont insérées dans la présente +collection. + +_Charles et Caroline_, comédie, la première qui ait été jouée au +Théâtre Français, après qu'il eût pris le titre de _Théâtre de +la République_. + +_Les Dragons et les Bénédictines_, et _les Dragons en +cantonnemen_, comédies, jouées au théâtre de la Cité, en l'an +II. + +_Les Moeurs et le Divorce_, comédie, jouée au même théâtre, la +même année; + +_Les Empiriques_, comédie, jouée en l'an III au même théâtre. + +_Le Blanc et le Noir_, drame, joué à la Cité, en l'an IV, ainsi +que _l'Esprit follet_, comédie. + +_La Lanterne magique_, jouée aussi à la Cité, en l'an VI; +_Contre-tems sur contre-tems_, comédie, donnée aux Variétés. + +_Le Memnon français_, comédie, jouée à Saint-Quentin en 1807, et +ensuite aux Français. + +_L'Orphelin_, comédie, jouée à la Cité. + +En outre il a donné les pièces suivantes, jouées à divers +théâtres: _Le Marchand provençal_, comédie; _La Mère rivale_, +comédie; _Séraphine et Mendoce_, comédie; _la Joueuse_, comédie +en vers; _L'Orpheline_, comédie; _Les Femmes rusées_, comédie; +et _le Cousin et la Cousine_, comédie. + +Il a donné à Feydeau _Les Sabotiers_ et _le Major Palmer_, +opéras-comiques. + +Enfin il a fait, en société avec M. Chazet, _Les Comédiens +d'une petite ville_, vaudeville; et avec M. Dumaniant, _Les +Calvinistes_. + +Nous ne donnerons pas ici la nomenclature de ses romans, qui +serait longue et inutile. Pendant trente ans il ne s'est guère +écoulé de mois qu'on n'en ait vu éclore un de sa composition; +nul n'en a fait en aussi grand nombre que lui depuis Retif de +la Bretonne, qui d'ailleurs était prodigieusement au-dessous +de lui pour le style. + +M. Pigault-Lebrun paraît maintenant se livrer à un genre plus +sérieux et s'occuper d'ouvrages importans. Il vient de publier +une histoire de France, en 6 volumes in-8°. Quel que soit le +succès qu'elle obtienne, elle sera toujours jugée au-dessus de +celles de Velly, du père Daniel, et autres historiens +obséquieux ou prévenus. + +M. Barba a recueilli les oeuvres de M. Pigault-Lebrun, +auxquelles il a fait les honneurs d'un certain luxe +typographique. Elles figureront sans doute dans toutes les +bibliothèques des amateurs du plaisir et de ceux qui +affectionnent un auteur spirituel et amusant, quel que soit le +genre où il se soit exercé. + + +PERSONNAGES. + + +HORTENSE, jeune veuve. + +MONDOR, vieux garçon. + +AUGUSTE, cousin d'Hortense, jeune homme de seize à dix-sept +ans. + +MARTON, suivante d'Hortense. + +DUMONT, valet de Mondor. + +UN NOTAIRE. + +UN LAQUAIS. + + +La scène se passe dans l'appartement d'Hortense. + + +L'AMOUR + +ET LA RAISON, + + +COMEDIE. + + +SCENE PREMIERE. + + +HORTENSE, MARTON. + + +(Elles sont assises à quelque distance l'une de l'autre. +Hortense brode au métier, et Marton à la main.) + + +MARTON. + +Il arrive aujourd'hui. + + +HORTENSE, avec un soupir. + +Hélas! oui, mon enfant. + + +MARTON. + +Cet hélas part de l'ame. + + +HORTENSE. + +Que dites-vous, Marton? + + +MARTON. + +Madame, je vous plains. + + +HORTENSE. + +Ma chère amie, c'est à Mondor que je dus mon époux, cet époux +qui me fut si cher; c'est à Mondor que cet époux mourant +confia ma jeunesse, c'est Mondor qu'il nomma, si je devais +jamais... + + +MARTON. + +Et voilà bien les hommes. Jaloux de leurs droits pendant leur +vie, ils veulent les étendre au-delà du tombeau. Vous aimiez +votre époux, c'est fort bien. + + +HORTENSE. + +Il était si aimable! + + +MARTON. + +Oui, Madame, il était charmant; mais son ami ne lui ressemble +guère. + + +HORTENSE. + +Marton! + + +MARTON. + +Non, Madame, Mondor ne lui ressemble pas. C'est un ami solide, +raisonnable et raisonnant; mais il n'a rien de ce qu'il faut +pour remplacer un mari de vingt-cinq ans, et pour consoler une +femme de votre âge. + + +HORTENSE, froidement et avec hauteur. + +Il suffit, je crois, qu'il me plaise... + + +MARTON. + +Vous plaire! Il en est loin. + + +HORTENSE. + +Vous prétendez... + + +MARTON. + +Voir mieux que vous dans le fond de votre ame. Non, vous ne +l'aimez pas. + + +HORTENSE, avec humeur. + +Mademoiselle! + + +MARTON, affectueusement. + +Même, quand vous boudez vos gens, vous êtes toujours adorable. + + +HORTENSE. + +Allons, finis, ma bonne amie: tu m'aimes, je le sais... +Mais... + + +MARTON. + +En ce cas, laissez-moi donc dire. Est-ce mon intérêt qui me +détermine? Est-ce moi qui dois épouser Mondor? Que vous êtes +étranges, vous autres maîtres! Vous voulez qu'on vous serve, +vous voulez qu'on vous aime, vous voulez qu'on vous devine: +on vient à bout de tout cela à force de travail et de +réflexion; crac, un bon caprice nous déjoue, nous éloigne, +et, pour s'épargner un moment de mauvaise honte, on se +condamne à des regrets éternels. + + +HORTENSE. + +Des regrets! Ah! Marton, des regrets avec Mondor! + + +MARTON. + +Oui, Madame, avec Mondor. N'a-t-il pas cinquante ans? + + +HORTENSE. + +Eh! qu'importe? il a du mérite. + + +MARTON. + +Un mérite... sur le retour. + + +HORTENSE. + +Il vient d'assurer ma fortune et mon repos, en terminant avec +les héritiers de mon mari le procès le plus incertain. + + +MARTON. + +Le grand miracle! Il n'est pas de mince procureur qui n'en +eût fait autant. + + +HORTENSE. + +J'espère que vous ne le confondez pas... + + +MARTON. + +Ma foi, Madame, la comparaison n'a rien de révoltant. Un +procureur vous eût pris de l'argent, Mondor demande votre main +: c'est mettre ses services au plus haut intérêt. + + +HORTENSE. + +Il ne demande rien. Tendre, mais soumis, Mondor attend tout de +ma délicatesse. Depuis deux ans qu'il s'est éloigné pour me +servir, il ne m'a pas écrit une lettre qui ne fût dictée par +le plus pur désintéressement. Mais, Mademoiselle, ne lui +dussé-je rien, les derniers voeux de mon époux... + + +MARTON. + +Sont sans force dans le cas dont il s'agit. Lui donner pour +successeur M. Mondor! c'est trop fort, en vérité, et je ne le +souffrirai certainement pas. + + +HORTENSE. + +Vos folies m'amusent quelquefois. + + +MARTON. + +Ce n'est pas folie, c'est raison. + + +HORTENSE. + +A la bonne heure; mais votre raison m'excède, finissez. + + +MARTON. + +Quoi! sérieusement vous voulez... + + +HORTENSE. + +Que vous vous taisiez, Mademoiselle. + + +MARTON. + +Cependant, Madame... + + +HORTENSE. + +Silence! je l'ordonne. + +(Elle se lève.) + + +MARTON. + +Soit, je me tais. (_En poussant de côté le métier d'Hortense_.) +Il ne sera peut-être pas si facile d'imposer silence à votre +petit cousin. + + +HORTENSE. + +Mon cousin? un enfant. + + +MARTON, finement. + +Un enfant? Oh! sans doute. + + +HORTENSE. + +A qui je tiens lieu de mère. + + +MARTON. + +Aussi vous respecte-t-il infiniment? + + +HORTENSE. + +Que d'un coup d'oeil je fais tomber à mes pieds. + + +MARTON. + +Et à qui l'attitude plaît beaucoup. + + +HORTENSE. + +Le pauvre enfant n'est pas dangereux. + + +MARTON. + +Cela peut être; mais il est bien aimable. + + +HORTENSE. + +Il a pour lui la candeur de l'enfance. + + +MARTON. + +Et une figure céleste, convenez-en. + + +HORTENSE, avec franchise. + +Oui, il est bien. + + +MARTON. + +Une gaîté franche... + + +HORTENSE, se livrant davantage. + +Et pleine d'esprit, Marton. + + +MARTON. + +C'est ce que je voulais dire. Riant toujours, et montrant... + + +HORTENSE. + +Les plus belles dents... + + +MARTON. + +Les plus belles dents du monde... Et cette fossette à la joue +gauche... + + +HORTENSE. + +Et ses espiégleries... + + +MARTON. + +Charmantes, Madame, charmantes. + + +HORTENSE. + +L'art n'approche pas de tout cela. + + +MARTON. + +Il n'en connut jamais; et quand il vous dit qu'il vous aime, +c'est si naturellement... + + +HORTENSE, reprenant le ton réservé. + +Il m'aime, et il le doit. + + +MARTON. + +Oh! il remplit ses obligations dans toute leur étendue. + + +HORTENSE. + +Il sait ce qu'il doit à la reconnaissance. + + +MARTON. + +C'est une belle vertu que la reconnaissance, mais je doute +qu'il lui sacrifie son amour. + + +HORTENSE, avec sévérité. + +Son amour! vous avez des expressions... + + +MARTON. + +Bien révoltantes, peut-être, mais bien vraies, convenez-en. + + +HORTENSE. + +Vous m'offensez, je vous en avertis. + + +MARTON. + +C'est un malheur; mais je suis franche. + + +HORTENSE. + +Votre opiniâtreté vise à l'impertinence. + + +MARTON. + +Ah! Madame! Madame!... mais le voici, ce cher enfant; il +n'a pas l'air de bonne humeur, et je crains qu'il ne soit plus +impertinent que moi encore. + + +SCENE II. + + +HORTENSE, AUGUSTE, MARTON. + + +HORTENSE, à Auguste, qui, après l'avoir aperçue, veut +s'éloigner. + +Approchez, Auguste, approchez. + + +AUGUSTE. + +Je ne voulais plus vous voir, Madame; non, je ne le voulais +plus. + + +HORTENSE, le contrefesant. + +Madame... je ne voulais plus vous voir... Quel langage, mon +petit cousin? + + +AUGUSTE. + +Non, vous n'êtes plus ma cousine... non, je ne dois plus vous +voir, puisque... Enfin, Madame... + + +HORTENSE. + +Ah! mon ami, comme tu me traites! + + +AUGUSTE. + +Vous vous mariez, vous vous mariez, Madame, et vous ne pensez +pas à votre pauvre petit cousin. + + +HORTENSE. + +Je ne vois pas qu'il puisse se plaindre... + + +AUGUSTE. + +Vous ne le voyez pas... vous ne le voyez pas... Je le crois, +Madame; les droits sacrés de M. Mondor... + + +HORTENSE. + +Ce sont ces droits qui doivent vous interdire les regrets, et +même le plus léger murmure. + + +AUGUSTE. + +Vous me jugez d'après vous. Vous êtes si raisonnable! + + +HORTENSE. + +Qui vous empêche de l'être autant que moi? + + +AUGUSTE. + +Il faudrait avoir votre insensibilité, et j'en suis bien +éloigné. Croyez-vous, Madame... + + +HORTENSE. + +Auguste, ne me parle donc plus ainsi, tu m'affliges. + + +AUGUSTE. + +Je vous afflige, ma cousine, mon aimable cousine... Mais +pensez donc, réfléchissez à ma situation. Je croyais n'avoir +pour vous que de l'amitié, le retour de Mondor m'éclaire... +Avez-vous cru que je passerais ma vie avec vous sans vous +trouver charmante? vous êtes-vous flattée que mon coeur vous +disputerait long-tems la victoire? Avez-vous pensé que Mondor +pourrait me ravir un espoir?... Il arrive, ce Mondor, et il +vous épouse!... Eh! que suis-je donc, moi? S'il vous a +rendu service, il n'a fait que ce qu'il a dû, que ce qu'un +autre, que ce que tous les hommes à sa place eussent fait avec +transport. Quels sont ses titres pour vous obtenir? ses +cinquante ans? je voudrais les avoir, s'il les faut pour vous +plaire. (Tendrement.) Mais je les aurai avec le tems, ma belle +cousine. Alors j'en aurai passé trente à vous adorer, à vous +rendre heureuse, et dans trente ans je partirai du point où +Mondor se trouve aujourd'hui. Pensez-y, divine Hortense, cela +vaut la peine d'y réfléchir. + + +HORTENSE. + +Finissez, Monsieur, vous êtes un enfant. + + +MARTON. + +Mais un enfant bien aimable. Vous en conveniez tout à l'heure, +Madame. + + +AUGUSTE. + +Un enfant bien aimable! elle me trouve bien aimable, n'est-il +pas vrai, Marton? + + +MARTON. + +Oui, Monsieur, charmant, et Madame s'y connaît. + + +HORTENSE, à Marton. + +Par excès d'attachement vous vous ferez congédier. + + +AUGUSTE. + +La congédier! la congédier! Mondor est contre moi, vous êtes +contre moi, tout l'univers est contre moi, il ne me reste que +Marton, et vous voulez vous en défaire! Eh bien! Madame, +congédiez-la, je la prendrai à mon service. + + +HORTENSE. + +Oui, je vous le conseille, cela serait charmant. + + +AUGUSTE. + +Votre Mondor me déplaît à un point... je le hais, au moins, je +vous en avertis; je le tuerai... Oh! je le tuerai. + + +HORTENSE. + +Parlons raison, mon enfant. + + +AUGUSTE. + +Il n'y a raison qui tienne, c'est dit, je le tuerai. + + +HORTENSE. + +Monsieur, il a droit à vos respects. + + +AUGUSTE. + +Je n'ai jamais appris à respecter un rival. + + +HORTENSE. + +Continuez, Monsieur, compromettez-moi, exposez ma réputation, +affligez un galant homme!... + + +AUGUSTE. + +Un galant homme... qui veut vous épouser! + + +HORTENSE. + +Quel homme faut-il donc que j'épouse? + + +AUGUSTE. + +Moi, Madame, moi. + + +HORTENSE. + +Vous êtes honnête, sans doute, mais cela ne suffit pas. + + +AUGUSTE. + +Je ne vois pas ce qui me manque. + + +HORTENSE. + +Il faudrait d'abord n'être pas un enfant. + + +AUGUSTE. + +Eh! qu'importe mon âge, si je sais vous aimer? + + +HORTENSE. + +Avoir un état qui... + + +AUGUSTE. + +J'en aurai bientôt un. Aujourd'hui l'honneur, les moeurs, les +talens mènent à tout, et je me sens abondamment pourvu de tout +cela. + + +HORTENSE. + +Vous êtres modeste. + + +AUGUSTE. + +Je suis amoureux, et l'amour rend capable de tout; entendez-vous, +Madame? il rend capable de tout. + + +HORTENSE. + +Ce jeune homme veut me faire la loi. + + +AUGUSTE, aux genoux d'Hortense. + +Vous faire la loi? ah! Hortense, Hortense, qu'avez-vous dit +? vous donner des lois, moi qui suis soumis aux vôtres... + + +HORTENSE, souriant. + +Et qui les recevez à genoux. + + +AUGUSTE. + +Me faites-vous un crime de mon entier dévouement? + + +HORTENSE. + +Non, mon ami; mais il des circonstances où l'amour doit se +taire devant la raison. Vous connaissez les motifs qui +m'unissent à Mondor; il arrive aujourd'hui, il doit compter +sur ma main; il a ma parole, et bien certainement je ne la +retirerai pas. + + +UN LAQUAIS, annonçant. + +Un valet de M. Mondor. + +(Il sort.) + + +HORTENSE, troublée. + +Son valet, son valet, Marton. (A Auguste.) Si je vous suis +chère, mon petit cousin, de grâce, retirez-vous. + + +AUGUSTE. + +Me retirer, Madame! Oh! non, non, bien décidément non. + + +HORTENSE. + +Quand on aime une femme, Monsieur, on ne lui refuse rien. + + +AUGUSTE. + +Quand on fait quelque cas d'un parent, Madame, on le ménage +davantage. + + +MARTON. + +Mais voici ce valet. + + +HORTENSE. + +Partez, Monsieur, ou restez, que m'importe? Mais je ne crois +plus à votre attachement, je vous en avertis. + + +AUGUSTE. + +Si vous étiez assez injuste pour en douter un moment... + + +HORTENSE. + +Si vous aviez la moindre délicatesse, vous ne me résisteriez +pas. + + +AUGUSTE. + +Je me retire, je me retire, Madame. Que ferez-vous pour le +maître, si vous me chassez pour le valet? + +(Il sort.) + + +SCENE III. + + +DUMONT, fesant des révérences, HORTENSE, MARTON. + + +HORTENSE, à Marton. + +Reçois ce garçon, reçois-le... dis-lui... ce que tu voudras; +car pour moi, je ne pourrais ni l'entendre ni lui répondre. + + +SCENE IV. + + +DUMONT, MARTON. + + +DUMONT. + +Votre maîtresse sort bien précipitamment, Mademoiselle. + + +MARTON. + +Ce n'est pas ma faute, Monsieur. + + +DUMONT. + +Aurait-elle oublié Dumont? + + +MARTON. + + +Dumont a une de ces figures qu'on n'oublie jamais. + + +DUMONT. + +Il joint à ses agrémens personnels les prérogatives d'un +ambassadeur. + + +MARTON. + +Ambassadeur? ah! de M. Mondor? + + +DUMONT. + +De M. Mondor. + + +MARTON. + +Il écrit qu'il arrive? + + +DUMONT. + +Il fait mieux, il arrive en effet. + + +MARTON. + +J'en suis ravie. + + +DUMONT. + +Il me suit. + + +MARTON. + +Il vous suit? Je rejoins ma maîtresse, elle aura besoin de +moi pour se préparer à une entrevue de cette importance. + + +SCENE V. + + +DUMONT. + + +Quelle conduite originale! la maîtresse m'évite, la suivante +s'échappe, et mon maître... Mon maître aurait-il attendu si +tard pour faire une sottise? Dois-je la laisser consommer, +moi, valet intelligent et attaché? Que ces dames ne se +flattent pas de m'en faire accroire! Je suis assez fin pour +pénétrer leurs petits mystères, et assez adroit pour faire +échouer leurs projets. + + +SCENE VI. + + +DUMONT, MONDOR. + + +MONDOR. + +Eh bien! m'as-tu annoncé? + + +DUMONT. + +Oui, Monsieur. + + +MONDOR. + +Et on m'attend?... + + +DUMONT. + +Sans impatience, à ce qu'il m'a paru. + + +MONDOR. + +Que dis-tu? + + +DUMONT. + +La vérité. Tenez, Monsieur, je connais le coeur humain, et vous +ferez sagement de prendre de mes almanachs. + + +MONDOR. + +Ah! ah! + + +DUMONT. + +Oui, Monsieur. D'abord mon calcul porte sur des faits. Votre +mariage est arrangé, vous arrivez; j'accours avec +l'empressement d'un homme qui croit apporter une nouvelle +agréable, Hortense disparaît; je vous annonce à la soubrette, +elle me laisse à mes réflexions, et je vous avoue, Monsieur, +que je n'en ai pas fait de bien satisfesantes. + + +MONDOR. + +Je te reconnais là: toujours inquiet et soupçonneux. + + +DUMONT. + +Vous ne doutez de rien, vous, Monsieur: le chien d'amour-propre... + + +MONDOR. + +L'amour-propre? eh! j'ai donc de l'amour-propre, moi? + + +DUMONT. + +Tout comme un autre, Monsieur. Il n'est pas d'homme qui ne +soit un peu femme de ce côté-là. + + +MONDOR. + +Enfin tu veux que je me défie d'Hortense, et que je m'en +rapporte tout-à-fait à toi. + + +DUMONT. + +Je ne veux rien, Monsieur; mais je crois qu'il est plus sage +de prévenir des regrets, que d'y chercher un remède... + + +MONDOR. + +Qu'on ne trouve pas toujours. + + +DUMONT. + +C'est cela, Monsieur, c'est cela. + + +MONDOR. + +Cependant, si tes observations suffisent pour t'alarmer, elles +ne m'autorisent pas à douter absolument de la sincérité +d'Hortense. Sans manquer aux égards que je dois à ton +discernement, il m'est, je crois, permis de voir les choses +par mes yeux, de parler, de pressentir... + + +DUMONT. + +Oui, Monsieur, voyez, parlez, pressentez; adressez-vous même, +si vous le voulez, à M. Auguste. + + +MONDOR. + +Auguste est toujours ici? + + +DUMONT. + +Je l'ai aperçu en entrant. + + +MONDOR. + +Il se pourrait fort bien que deux ans d'absence eussent +apporté quelque changement dans la façon de penser d'Hortense. + + +DUMONT. + +Oui, certainement, Monsieur. + + +MONDOR. + +Après tout, je ne suis pas encore marié. + + +DUMONT. + +Non, Dieu merci. + + +MONDOR. + +Et pour peu que j'entrevoie du louche... + + +DUMONT. + +Oh! il y a du micmac; vous verrez, vous verrez. + + +MONDOR. + +Dumont? + + +DUMONT. + +Monsieur? + + +MONDOR. + +Il y avait autrefois ici une suivante... + + +DUMONT. + +Marton? + + +MONDOR. + +Oui, Marton. + + +DUMONT. + +Elle y est toujours; fille charmante, en honneur. + + +MONDOR. + +Va me la chercher. + + +DUMONT. + +Elle est fine, ne vous y jouez pas. + + +MONDOR. + +N'importe, je veux l'interroger. + + +DUMONT, d'un air capable. + +Si vous me chargiez de ce soin, Monsieur? + + +MONDOR. + +C'est-à-dire que Monsieur a plus d'esprit que moi. + + +DUMONT. + +Non, Monsieur, mais... + + +MONDOR. + +Va me la chercher, te dis-je, je veux l'interroger. + + +DUMONT. + +J'y vais, Monsieur. + + +MONDOR. + +Que notre conversation soit un secret entre nous, entends-tu? + + +DUMONT. + +Parbleu! c'est bien à moi qu'on fait de telles +recommandations. + + +SCENE VII. + + +MONDOR. + + +Le drôle n'est pas sot, et il serait possible qu'Hortense... +Cependant ses lettres sont positives. Elle m'attend, dit-elle, +elle voit avec plaisir approcher le moment... Dans le fait, +ses lettres et sa conduite ne s'accordent pas trop. Quelle +serait la cause?... Peut-être une de ces raisons dont les +femmes ne conviennent jamais, que souvent elles n'osent +s'avouer à elles-mêmes, une inclination naissante. Oui, il n'y +aurait là rien que de très-ordinaire. Peut-être Hortense +craint-elle de revenir sur ses pas, peut-être craint-elle une +rupture qui lui ferait perdre de mon estime; mais, dans tous +les cas, et comme dit fort bien M. Dumont, il est plus sage de +prévenir des regrets que d'en chercher le remède. + + +SCENE VIII. + + +MARTON, MONDOR. + + +MARTON, fesant des révérences. + +Monsieur me demande? + + +MONDOR. + +Oui, mon enfant. + + +MARTON, s'approchant, et saluant encore. + +Que veut Monsieur? + + +MONDOR. + +D'abord, que tu laisses de côté l'étiquette qui m'ennuie, et +que tu me répondes avec franchise: t'en sens-tu capable? + + +MARTON. + +La question est captieuse. + + +MONDOR. + +Tu dois la trouver naturelle, si tu aimes ta maîtresse. + + +MARTON. + +Autant que vous. + + +MONDOR. + +C'est beaucoup dire; mais venons au fait: où est Hortense? + + +MARTON. + +Dans son appartement. + + +MONDOR. + +Qu'y fait-elle? + + +MARTON. + +Elle attend la fin d'une horrible migraine... + + +MONDOR, à part. + +Ahi, ahi, ahi. + + +MARTON. + +Que la nouvelle de votre retour a presque entièrement +dissipée. + + +MONDOR. + +Serait-elle devenue sujette aux migraines? Je l'ai toujours +connue raisonnable. + + +MARTON. + +L'un n'exclut pas l'autre, Monsieur. Une migraine est +quelquefois le fruit de longues et profondes réflexions. + + +MONDOR. + +Et peut-être a-t-elle aujourd'hui ample matière à réfléchir? + + +MARTON. + +Ses réflexions me sont étrangères, Monsieur, ses incommodités +me sont connues; parce que je dois ignorer les premières, et +que mon devoir est de soulager les secondes. + + +MONDOR. + +Tu as de l'esprit, Marton. + + +MARTON. + +Vous êtes bien bon, Monsieur. + + +MONDOR. + +Tu veux me voir venir, jouer avec moi de finesse; je vais te +forcer à répondre catégoriquement: je compte épouser ta +maîtresse. + + +MARTON. + +Elle a pris son parti là-dessus. + + +MONDOR. + +Ah! elle a pris son parti là-dessus: pour une fille +d'esprit, l'expression est un peu hasardée . + + +MARTON. + +Selon la civilité, cela se peut; selon la vérité, il n'en est +pas de plus exactement littérale. + + +MONDOR. + +C'est-à-dire que ta maîtresse n'a pas d'amour pour moi. + + +MARTON. + +Je ne crois pas, Monsieur. + + +MONDOR. + +Cependant elle m'épouse. + + +MARTON. + +Qu'est-ce que cela prouve? Avec de la vertu et de l'amitié, +on doit remplir les voeux de l'époux le plus exigeant. + + +MONDOR. + +Fort bien, je ne dois prétendre qu'à de l'amitié dirigée par +la vertu. + + +MARTON. + +Que de maris voudraient pouvoir compter sur ce que vous +rejetez si dédaigneusement! + + +MONDOR. + +J'aurais tort de me montrer aussi difficile qu'un jeune homme +de vingt ans. A mon âge, on ne fait plus la loi, on la reçoit +; et comme tu dis, un mari est trop heureux que sa femme ait +pour lui de l'amitié, pourvu toutefois qu'elle n'ait d'amour +pour personne. + + +MARTON. + +Oh! à ce égard-là, Monsieur... + + +MONDOR. + +A cet égard-là?... + + +MARTON. + +Je ne sais rien, Monsieur, absolument rien. + + +MONDOR. + +En vérité? + + +MARTON. + +D'honneur. + + +MONDOR, tirant une bourse. + +Marton? + + +MARTON. + +Monsieur? + + +MONDOR. + +Vois-tu cette bourse? + + +MARTON. + +Oui, Monsieur. + + +MONDOR. + +Elle est à toi si tu veux... + + +MARTON. + +Si je veux vous tourmenter et mentir. + + +MONDOR. + +Tu ne sais rien? + + +MARTON. + +Rien du tout. + + +MONDOR. + +En ce cas, je garde ma bourse. + + +MARTON, avec humeur. + +Vous avez raison, Monsieur, on est si souvent trompé par ceux +qu'on a bien payés, qu'il est naturel de se défier même de +ceux qui disent la vérité. + + +MONDOR. + +Ah! Marton est piquée. + + +MARTON. + +Piquée pour un peu d'or! Vous me connaissez mal. + + +MONDOR. + +Ah! tu n'aimes pas l'argent? Si cependant je te donnais ma +bourse? + + +MARTON. + +Je la prendrais, Monsieur. + + +MONDOR. + +C'est bien honnête. + + +MARTON. + +Mais aussi tranquillement que je vous ai vu la remettre dans +votre poche. + + +MONDOR. + +Eh bien! prends, c'est le présent de noces. + + +MARTON. + +Et si par hasard la noce n'a pas lieu? + + +MONDOR. + +En ce cas-là j'aurai donné sans condition. (_A part_.) Dumont a +raison: elle est fine! Je gagnerai davantage à m'expliquer +avec la maîtresse. + + +MARTON. + +Monsieur se parle à lui-même? + + +MONDOR. + +Je dis que j'ai la plus grande envie de voir ta maîtresse. + + +MARTON. + +Vous n'attendrez pas long-tems, Monsieur, la voici. + + +SCENE IX. + + +MONDOR, HORTENSE, MARTON. + + +MARTON, pendant qu'Hortense et Mondor se saluent. + +Tirer de l'argent et ne rien dire, voilà le fin du métier. + + +HORTENSE, contrainte. + +Je vous attendais avec impatience. + + +MONDOR. + +J'étais, Madame, plus impatient que vous encore. + + +HORTENSE. + +Je vous dois des excuses, Monsieur; une légère +indisposition... + + +MONDOR, finement. + +Je le sais, Madame, je le sais... Laissons cela, parlons +d'abord de ce qui vous touche personnellement. Voilà votre +portefeuille, je vous le remets dans un état que ni vous ni +moi n'osions espérer. Votre fortune était incertaine; elle +est assurée maintenant, et de ce côté ma tâche est remplie. + + +HORTENSE, prenant le portefeuille. + +Mille grâces, Monsieur... + + +MONDOR. + +Il me reste à parler d'un article qui peut-être n'intéresse +que moi. + + +HORTENSE. + +Que vous, Monsieur? + + +MONDOR. + +Ou qui du moins m'intéresse plus que personne; notre mariage, +Madame. + + +MARTON, à part. + +Ah! voilà le diable. + + +HORTENSE. + +Vous n'avez plus d'intérêts qui ne soient les miens, Monsieur, +et un hymen qui peut assurer votre félicité doit remplir tous +mes désirs. + + +MONDOR, à part. + +Doit remplir. (_Haut_.) Mon coeur me dit de vous croire. + + +HORTENSE. + +Et votre délicatesse vous en fait une loi. + + +MONDOR. + +Supérieurement raisonné, Madame. Cependant je veux vous mettre +à votre aise. Vous m'avez promis votre main dans un de ces +momens où la douleur ferme l'ame à toute autre sensation. Mes +soins, mes services vous ont fait persévérer dans ce dessein; +mais je suis loin de prétendre que vous mettiez plus +d'importance à ce que j'ai fait pour vous, que je n'y en +attache moi-même: je suis loin d'abuser de votre +consentement, de votre reconnaissance, pour vous imposer des +lois qui peseraient à votre coeur. + + +HORTENSE, embarrassée. + +Qui peseraient à mon coeur? Le croyez-vous, Monsieur? + + +MARTON, à part. + +Il aurait tort. + + +MONDOR. + +Il ne s'agit pas de mon opinion, Madame; c'est de votre +bonheur futur qu'il faut nous occuper: j'ai cinquante ans, je +ne suis pas beau, et j'ai des défauts tout comme un autre. + + +HORTENSE. + +J'ai aussi les miens, Monsieur, et si vous exigez une épouse +parfaite... + + +MONDOR. + +De la perfection, Madame, il n'en existe point. Vous avez des +défauts moins sensibles, sans doute, en ce qu'ils sont cachés +sous les grâces de la jeunesse. N'importe: un homme +raisonnable, sans déifier les faiblesses de l'objet aimé, sait +au moins fermer les yeux sur celles qui ne tirent point à +conséquence. Je connais votre ame, elle est noble et franche, +et je m'en rapporterai entièrement à vous. + + +HORTENSE. + +S'il est ainsi, Monsieur, pourquoi multiplier des questions +qui ne sont pas flatteuses? + + +MONDOR, avec ménagement. + +Madame, Madame, il vaut mieux être indiscret la veille d'un +mariage, qu'importun le lendemain. + + +HORTENSE, avec hauteur. + +Monsieur! + + +MONDOR. + +Ce n'est pas là le langage à la mode, je le sais, Madame; +mais vous pardonnerez ce que mes expressions ont de +désagréable en faveur du motif qui me les arrache. Je reviens. +Vous n'avez plus d'intérêts qui ne soient les miens, dites-vous? +Comme ami, je n'en doute pas; comme époux, c'est autre +chose. + + +HORTENSE. + +Continuez, Monsieur, continuez. + + +MONDOR. + +C'est ce que je veux faire, Madame. Je veux m'expliquer +entièrement avec vous, pour n'avoir plus qu'à jouir de mon +bonheur, quand vous l'aurez assuré. De la fortune, de la +raison, de la probité et un sincère attachement, cela peut-il +vous suffire? Si votre coeur est libre, c'en est assez; s'il +est prévenu pour un autre, ces qualités sont insuffisantes, et +je me retire sans plainte, sans murmure. Imitez-moi, Madame, +et bannissez toute espèce de dissimulation. + + +HORTENSE. + +Je n'ai jamais conçu qu'une femme pût donner sa main sans son +coeur. Si elle n'éprouve pas les feux ardens de l'amour... + + +MONDOR. + +Ce n'est pas ce que je demande, ni même ce que je désire. + + +HORTENSE. + +Si elle n'éprouve pas les feux ardens de l'amour, elle doit au +moins céder à un sentiment de préférence... + + +MONDOR. + +Et ce sentiment de préférence, vous l'éprouvez, Madame, vous +l'éprouvez en ma faveur? vous en êtes certaine? + + +HORTENSE. + +Monsieur, si je connaissais quelqu'un que j'estimasse plus que +vous, je ne vous épouserais pas. + + +MONDOR, à part. + +Honnêtement, je ne peux pas insister davantage. (_Haut_.) Je +n'ai plus de doute, Madame; mon respect ne me permet plus +d'en avoir, et vous connaîtrez, par l'ardeur de mes démarches, +combien je suis flatté d'être a vous. + + +SCENE X. + + +HORTENSE, MARTON + + +HORTENSE. + +Eh bien! Marton? + + +MARTON. + +Eh bien! Madame? + + +HORTENSE. + +Que dis-tu de cette explication? + + +MARTON. + +Elle n'est pas d'un bon augure. + + +HORTENSE. + +Devais-je m'y attendre? + + +MARTON. + +Oh! non, sans doute. + + +HORTENSE. + +S'il m'eût jamais écrit ce qu'il vient de me dire... + + +MARTON. + +Les choses seraient moins avancées, je le crois. + + +HORTENSE. + +Mais qu'a-t-il? Que me veut-il? Réponds, réponds donc; car +cela est fait pour inquiéter, au moins. + + +MARTON. + +Les hommes sont si bizarres! + + +HORTENSE. + +Il était avec toi, que te disait-il? Que lui répondais-tu? +Aurais-tu donné matière à des soupçons?... + + +MARTON. + +J'ai été impénétrable. + + +HORTENSE. + +Il t'a donc aussi questionnée? + + +MARTON. + +Pendant une heure. + + +HORTENSE. + +Et tu n'es convenue de rien? + + +MARTON. + +Convenue de quoi, Madame? + + +HORTENSE. + +Eh! mon Dieu! vous m'entendez de reste! Mais vous êtes +ingénieuse à me tourmenter. + + +MARTON. + +Eh bien! j'ai nié, Madame, j'ai nié obstinément. + + +HORTENSE. + +Vous avez nié! Et qu'avez-vous nié? + + +MARTON. + +Ce dont je ne pouvais convenir sans vous compromettre. + + +HORTENSE. + +Des bévues ou des impertinences! voilà tout ce que vous +faites; voilà tout ce que vous savez faire. + + +MARTON. + +Mais, Madame, il y a un désordre dans vos idées... + + +HORTENSE. + +Ce désordre est dans votre tête, Mademoiselle. Avoir aussi peu +d'intelligence, cela est inconcevable! Et me répondre +énigmatiquement... Elle ne sauvera rien à ma délicatesse. +Voyez si elle parlera. + + +MARTON. + +Mais je ne sais que dire, moi, Madame, en vérité. + + +HORTENSE. + +Insupportable fille! Mondor vous a-t-il parlé d'Auguste? +Avez-vous prononcé son nom? avez-vous fait l'aveu... + + +MARTON. + +De quoi, Madame? + + +HORTENSE, très-vivement. + +Des étourderies de ce jeune homme, de l'embarras affreux où +elles me mettent. + + +MARTON. + +Il n'a pas été question de lui. + + +HORTENSE, hors d'elle-même. + +Tant pis, Mademoiselle, tant pis. Mondor sait qu'Auguste est +chez moi, qu'Auguste est charmant. Votre affectation à n'en +pas parler aura fait naître ces soupçons que j'ai si peu +mérités, et dont je ne me consolerai jamais. Quelles +conséquences Mondor n'aura-t-il pas tirée de vos petits +détours? Il faudra que je supporte vos étourderies, que je +m'excuse... M'excuser! cet enfant m'aime, est-ce ma faute? +S'il menace, s'il éclate, pourrai-je lui imposer silence? +Avec les intentions les plus pures, on a donc besoin +d'indulgence! Quelle cruelle situation! Il faut cependant +que je déclare tout à Mondor; et comment m'y prendre à +présent? j'aurai l'air de ruser, de vouloir cacher mes +démarches, ou de m'en permettre de répréhensibles. Que je suis +malheureuse! + + +MARTON. + +C'est moi, Madame, qui suis la seule à plaindre. On me +questionne, j'élude; on me presse, je me défends: je crois +bien faire, et je suis blâmée. Parler d'Auguste, n'était-ce +pas mettre à des bagatelles une importance... (_Finement_.) une +importance que vous n'y attachez pas, puisque vous n'aimez pas +cet enfant. + + +HORTENSE. + +Je ne l'aime pas! je ne l'aime pas!... Non, sans doute, je +ne l'aime pas; mais ces soupçons de Mondor, sur qui peuvent-ils +tomber, si ce n'est sur Auguste? Vous verrez que je serai +forcée de l'éloigner, et vous en serez l'unique cause. + + +MARTON. + +Mais, Madame, s'il était si nécessaire de le rappeler au +souvenir de M. Mondor, qui vous a empêchée d'en parler +vous-même, et de?... + + +HORTENSE. + +J'en aurais parlé à Mondor, quand j'ose à peine vous en +parler, à vous; quand je ne puis y penser sans une émotion... +bien innocente à la vérité, mais dont Mondor se serait +aperçu... Sais-je ce qu'il se serait imaginé? Pauvre Auguste, +tu seras malheureux, je le serai de ta peine, et cela parce +que cette fille veut avoir de l'esprit! Quelle sotte +prétention! sur quoi est-elle fondée? Je voudrais ne vous +avoir jamais vue. (_Elle s'éloigne_.) + + +MARTON, la suivant d'un ton suppliant. + +Madame, Madame! + + +HORTENSE, sortant. + +Ne me suivez pas, je vous le défends. + + +SCENE XI. + + +MARTON. + + +Les voilà, les voilà bien. Faites tout pour eux, un moment +d'humeur rend vos services nuls. On vous cherche des torts que +vous n'avez pas, pour se dissimuler ceux qu'on a +effectivement. Oh! le sot métier que de servir des gens qui +ne sont jamais d'accord avec eux-mêmes, et qui vous imputent +leurs sottises, par cela seul qu'ils ne savent à qui s'en +prendre. + + +SCENE XII. + + +MARTON, DUMONT. + + +DUMONT. + +Ah! te voilà? + + +MARTON, avec humeur. + +Après. + + +DUMONT, après l'avoir regardée fixement. + +La journée est nébuleuse. + + +MARTON. + +Croyez-vous cela, M. Dumont? + + +DUMONT. + +Oui, l'air du bureau n'est pas bon pour moi. + + +MARTON. + +C'est malheureux. + + +DUMONT. + +Cependant il serait désagréable de quitter ainsi la partie. + + +MARTON. + +Il est plus prudent de la quitter que de la perdre. + + +DUMONT. + +C'est à peu près la même chose. + + +MARTON. + +Quand on prévoit si bien les coups, on n'expose pas son enjeu. + + +DUMONT. + +Tu es revêche. + + +MARTON. + +Que t'importe? + + +DUMONT. + +Oh! cela m'est égal. + + +MARTON. + +Je le crois.. + + +DUMONT. + +Mais la conduite de ta maîtresse... + + +MARTON. + +Es-tu fait pour y trouver à dire? + + +DUMONT. + +Non pas moi, si tu veux, mais mon maître... + + +MARTON. + +Ton maître? + + +DUMONT. + +Il commence à penser comme moi. + + +MARTON. + +Aussi sots l'un que l'autre. + + +DUMONT. + +C'est bien flatteur. + + +MARTON. + +Au fait! que veux-tu? Tu n'es pas venu ici sans dessein? + + +DUMONT. + +Te faire part de mes observations. + + +MARTON. + +C'est inutile. + + +DUMONT. + +Mon maître et ta maîtresse vont faire une folie. + + +MARTON. + +Tu n'auras pas le crédit de les en empêcher. + + +DUMONT. + +Ce ne sera pas moi, mais M. Auguste... + + +MARTON. + + +M. Auguste?... + + +DUMONT. + +Il adore ta maîtresse. + + +MARTON. + +Qui te l'a dit? + + +DUMONT. + +Je m'en suis aperçu. + + +MARTON. + +Voyez quel tact! + + +DUMONT. + +Oserais-tu le nier? + + +MARTON. + +Aurais-tu conçu le projet de m'en faire convenir? + + +DUMONT. + +Pourquoi pas. + + +MARTON. + +Tu te crois bien fin? + + +DUMONT. + +Assez pour te faire parler. + + +MARTON. + +Je t'en défie. + + +DUMONT. + +C'est fait. + + +MARTON. + +C'est fait? + + +DUMONT. + +Oui, tu as avoué. + + +MARTON. + +Il est fort, celui-là. + + +DUMONT. + +Si Auguste n'aimait pas ta maîtresse, au premier mot que je +t'en ai dit, tu aurais jeté les hauts cris (je suis l'homme de +confiance du futur); et si la chose était seulement +incertaine, tu te serais défendue. Tu réponds par +monosyllabes, tu veux rompre les chiens; atteinte et +convaincue. + + +MARTON. + +Ah! tu interprètes jusqu'à mon silence? + + +DUMONT. + +Un habile homme tire parti de tout. + + +MARTON. + +Et quand Auguste aimerait ma maîtresse, qu'en conclurais-tu? + + +DUMONT. + +Qu'ayant pour lui bien des avantages que d'autres n'ont pas, +il est payé de retour: n'est-il pas vrai? + + +MARTON. + +Je suis muette. + + +DUMONT. + +Réponds, Marton; Auguste est aimé? + + +MARTON. + +Je suis muette, te dis-je. + + +DUMONT. + +Qui ne dit rien, consent; prends-y garde. + + +MARTON, avec force. + +Eh! non, non, non; Hortense ne l'aime pas. + + +DUMONT. + +Tu me le dis d'un ton qui me persuade le contraire. + + +MARTON. + +Que le diable t'emporte! + + +DUMONT. + +Que le ciel te le rende! + + +MARTON. + +Dumont, jasons d'amitié, et laissons là l'esprit: depuis deux +heures le mien ne m'a fait faire que des bévues. Que nous +fassions bien ou mal, nos services sont pesés au poids du +caprice. Aidons-nous, au lieu de nous nuire. + + +DUMONT. + +Tope. Sois vraie, d'abord. Auguste aime ta maîtresse, et ta +maîtresse aime Auguste. + + +MARTON. + +Eh! sans doute; mais... + + +DUMONT. + +Quoi, mais?... + + +MARTON. + +Quel usage veux-tu faire de cet aveu? + + +DUMONT. + +Le reporter à mon maître, qui n'a pas de caprices, et qui pèse +mes services au poids de la raison. + + +MARTON. + +Ah! fripon, double fripon. + + +DUMONT, la contrefesant. + +Il vaut mieux quitter la partie que de la perdre. + + +MARTON. + +Dumont, mon ami Dumont, je t'en prie, je t'en supplie! + + +DUMONT. + +Tu verras que mon maître et moi ne sommes pas si sots. + + +MARTON. + +Mon cher petit Dumont! + + +DUMONT. + +Je suis inexorable. + + +MARTON. + +Me voilà renvoyée indubitablement. + + +DUMONT. + +Non pas, non. M. Mondor saura prudemment concilier ses +intérêts et les tiens. Vous conserverez, lui, sa liberté, toi, +ta condition; il le faut, je le veux, et je viens de te +donner un échantillon de mon savoir-faire, qui doit te +convaincre de ma capacité. + + +SCENE XIII. + + +MARTON. + + +Haïe en secret de Mondor, dont j'ai éventé les finesses, +querellée par ma maîtresse, jouée par ce valet, et cependant +plus fine qu'aucun d'eux; tel est mon sort. Si une fille +comme moi est impunément ballottée par des êtres de cette +espèce, il faudra croire au fatalisme. Vengeons-nous à la fois +de tous nos adversaires. Bannissons Mondor et son valet, et +punissons Hortense, en la forçant d'être heureuse. + + +SCENE XIV. + + +AUGUSTE, MARTON. + + +AUGUSTE, accourant, hors de lui. + +Marton, ma chère Marton, tu me vois au désespoir. Je suis +abandonné, haï, assassiné! + + +MARTON, à part. + +Ah! voilà mon vengeur! (_Haut_.) Qu'avez-vous donc, Monsieur? + + +AUGUSTE. + +Je me suis jeté aux genoux d'Hortense, j'ai supplié, j'ai +menacé, j'ai pleuré; elle ne veut rien entendre. Je vais la +perdre, et il faut que je me taise: elle me l'a ordonné. + + +MARTON. + +Elle vous l'a ordonné! + + +AUGUSTE. + +Mais d'une manière si pressante et si douce, que l'Amour +lui-même eût cédé à la séduction. J'étais à ses pieds; je ne suis +pas éloquent, mais le langage du coeur a de la véhémence, et je +ne suivais que l'impulsion du mien. Elle écoutait et +paraissait émue. Bientôt elle détourne la tête, en oubliant sa +main. Je la saisis; je la baise.... Avec quelle ardeur je la +baisai, cette main! + + +MARTON. + +Je connais cela, après? + + +AUGUSTE. + +Elle veut la retirer, j'ose lui résister pour la première fois +de ma vie; sa main me reste, et je la baise encore. Ses yeux +alors se tournent vers moi: ils sont mouillés, mais +n'expriment pas de colère. Leur douceur m'enhardit.... je +l'embrasse... Ah! Marton, comme on embrasse ce qu'on adore et +ce qu'on va perdre! Tout à coup elle s'échappe de mes bras, +fuis à l'extrémité de l'appartement, et prenant un air sévère +: Finissez, Monsieur, me dit-elle, vous n'êtes plus un enfant, +et ces libertés me déplaisent. Je me marie, respectez un lien +sacré. Je réplique, elle insiste... Je m'emporte.... Alors, +Marton, alors cette femme, oubliant son empire, descend à la +prière, emploie à la fois et l'ascendant de la vertu, et le +pouvoir magique de la beauté. Sa colère avait excité la +mienne, sa douceur, sa bonté me laissent sans force. Je +promets de ménager Hortense, de respecter Mondor. Ma promesse +me coûtera mon repos, mon bonheur, et peut-être ma vie; mais +je me serai immolé à ce que j'aime. + + +MARTON. + +Non, Monsieur, on ne meurt pas d'amour, et à votre âge on est +heureux quand on veut l'être. Céder à une femme attendrie et +suppliante! + + +AUGUSTE. + +Que pouvais-je faire? + + +MARTON. + +Son bonheur. + + +AUGUSTE. + +Eh! comment? + + +MARTON. + +En la forçant de renoncer à un mariage de raison, pour épouser +Auguste qu'elle aime, quoiqu'elle veuille se le dissimuler. + + +AUGUSTE. + +Elle m'aime, dis-tu?.. Elle m'aime?... + + +MARTON. + +Il faut être aussi modeste pour ne pas s'en apercevoir, et +aussi enfant pour n'en pas profiter. + + +AUGUSTE. + +Marton, ma fidèle Marton, ma seule, mon unique amie, éclaire-moi, +conseille-moi, conduis-moi. Tu me rends à la vie, en me +rendant à l'espoir; dis-moi, que dois-je faire pour... + + +MARTON. + +Déclarez tout à M. Mondor, peignez-lui votre amour, votre +douleur; laissez entrevoir que vous êtes payé du plus tendre +retour. + + +AUGUSTE. + +Hortense me désavouera. + + +MARTON. + +Que vous importe? Mondor est vieux, il doit être jaloux. +Qu'il renonce à Hortense, ce soir elle est à vous: d'ailleurs +vous ne ferez que confirmer à Mondor ce que son valet lui aura +déjà dit, et ce que peut-être il n'aura pas voulu croire. + + +AUGUSTE. + +Quoi! Dumont saurait?...... + + +MARTON. + +Oui, Dumont sait qu'on vous aime; Mondor doit le soupçonner, +moi j'en suis assurée, ma maîtresse le sent, il n'y a que vous +dans toute la maison qui ne vous en doutiez pas. + + +AUGUSTE. + +Mais j'ai promis à ma belle cousine..... + + +MARTON. + +Vous avez promis.... mais vaincu par les prières d'Hortense, +égaré par votre délicatesse, contenu par la crainte de lui +déplaire... + + +AUGUSTE. + +Oh! oui, oui, Marton, tout cela est bien vrai. + + +MARTON. + +Eh bien! Monsieur, tout acte qui n'est pas libre, +parfaitement libre, ne saurait nous engager. + + +AUGUSTE, vivement. + +Tu as raison, tu as raison. + + +MARTON. + +Ne dites rien de notre petit complot; restez ici, attendez +Mondor, ne le tuez pas; de l'éloquence, de la fermeté, +l'amour fera le reste. + + +SCENE XV. + + +AUGUSTE. + + +Ah! Marton est charmante. Oui, j'ai promis trop légèrement, +et un serment arraché ne m'oblige à rien. Le voici, ce rival +heureux; modérons-nous, et abordons-le. + + +SCENE XVI. + + +DUMONT, MONDOR, AUGUSTE. + + +MONDOR, à Dumont, en entrant. + +J'en ai assez entendu: le notaire est averti, je lui ai fait +sa leçon, le reste me regarde. + + +AUGUSTE, avec timidité. + +Monsieur, vous voulez épouser..... vous allez épouser..... + + +MONDOR, à Dumont, en dissimulant. + +Quel est Monsieur? + + +DUMONT. + +C'est M. Auguste, le cousin et l'ami..... + + +MONDOR. + +Monsieur Auguste, que j'ai vu si jeune, si intéressant, dont +la physionomie promettait?... + + +DUMONT. + +Et dont la physionomie a tenu parole. + + +MONDOR. + +J'étais loin, Monsieur, de vous croire ici. Hortense ne m'a +pas parlé de vous, Marton a gardé le même silence, tout cela +m'étonne un peu, je l'avoue: au reste, vous voilà, j'en suis +charmé; vous serez de ma noce, et vous l'embellirez. + + +AUGUSTE. + +Je serai de votre noce!.... vous croyez?.... Vous ne doutez +pas que votre triomphe...... + + +MONDOR. + +Qu'avez-vous, Monsieur, vous paraissez troublé? + + +AUGUSTE. + +Je suis dans un état impossible à dépeindre. + + +MONDOR. + +Vous m'alarmez, mon cher ami. + + +AUGUSTE. + +Dites-moi d'abord, Monsieur, aimez-vous beaucoup ma cousine? + + +MONDOR. + +Eperdument. + + +DUMONT, à MONDOR. + +Eh! non, Monsieur, non; c'est convenu. + + +MONDOR, à Dumont. + +Va-t'en. + + +DUMONT. + +Mais, Monsieur. + + +MONDOR. + +Va-t'en, te dis-je. + + +SCENE XVII. + + +MONDOR, AUGUSTE. + + +AUGUSTE. + +Sérieusement, Monsieur, vous l'aimez éperdument? + + +MONDOR. + +Cela vous étonne? + + +AUGUSTE. + +Au contraire, Monsieur; mais c'est que votre amour..... + + +MONDOR. + +Mon amour?... + + +AUGUSTE. + +C'est que votre amour..... + + +MONDOR. + +Ne s'accorde peut-être pas avec vos désirs secrets? A votre +âge, Monsieur, on aime facilement: à votre âge, on est fort +aimable; mais à votre âge, on ne se marie pas, ou on a tort. + + +AUGUSTE. + +On se marie bien au vôtre, Monsieur. + + +MONDOR. + +On a peut-être tort aussi: cependant la comparaison n'est pas +juste. + + +AUGUSTE. + +Pour ceux qu'elle humilie. + + +MONSOR, avec une feinte colère. + +Monsieur, vous me tenez des propos..... + + +AUGUSTE, avec fierté. + +Vous blessent-ils, Monsieur? + + +MONDOR, à part. + +Il est brave; voyons s'il est délicat. (_Haut_.) Avant de nous +brouiller tout-à-fait, ne serait-il pas prudent de nous +entendre, et de nous expliquer? + + +AUGUSTE. + +Soit, Monsieur, expliquons-nous: vous aimez Hortense, et je +l'adore; vous l'épousez, et moi...... + + +MONDOR. + +Jusqu'ici je ne vois pas de raisons qui puissent me faire +renoncer à sa main. + + +AUGUSTE. + +Vous n'en voyez pas, Monsieur?... Moi, j'en vois mille. + + +MONDOR. + +Ah! ah! + + +AUGUSTE. + +Et une seule doit suffire. + + +MONDOR. + +Eh bien! Monsieur, voyons cette raison. + + +AUGUSTE. + +C'est que.... (_A part_.) Non, elle ne me le pardonnerait +jamais. + + +MONDOR. + +Enfin, cette raison? + + +AUGUSTE. + +C'est que..... + + +MONDOR. + +C'est qu'Hortense vous aime, peut-être? + + +AUGUSTE, vivement. + +Je ne dis pas cela. + + +MONDOR. + +Elle a agréé ma recherche, l'instant de notre hymen est fixé; +c'est un sentiment de préférence qui la détermine. (_Ici +Auguste fait un mouvement_.) Oui, Monsieur, un sentiment de +préférence, ce sont ses propres expressions. Je la crois, +parce que je l'estime. Si elle vous eût aimé, peut-être +eussé-je sacrifié mon amour. + + +AUGUSTE, très-vivement. + +Vous l'eussiez sacrifié!.... vous l'eussiez sacrifié!.... Ah +! Monsieur. + + +MONDOR. + +Mais Hortense ne vous aime pas, n'est-il pas vrai, elle ne +vous aime pas? Prenez garde, Monsieur, qu'un mot hasardé peut +nuire à la réputation d'une femme estimable. + + +AUGUSTE. + +Eh! Monsieur, que me demandez-vous? Je vais vous dévoiler +mon ame, vous y lirez comme moi. Qu'importe que je sois aimé +d'Hortense, que vous importent ses sentimens secrets, puisque +vous connaissez sa vertu? Mais, Monsieur, c'est à la dernière +extrémité que je vous implore. A votre âge, on surmonte +l'amour: au mien, c'est un poison qui brûle, qui dévore. Vous +avez toute votre raison, et la mienne n'est qu'à son aurore. +Je voudrais vous aimer, je le désire, je le puis; ayez pitié +de mes tourmens, ne me forcez pas à vous haïr. + + +MONDOR. + +Monsieur, vous me dites là des choses très-intéressantes, +très-vivement senties, mais qui éludent ma question. Répondez +net, s'il vous plaît. Si Hortense vous aime, si seulement elle +vous a donné lieu de le croire, je vous la cède; elle m'a +trompé, et je la méprise. Si au contraire...... + + +AUGUSTE, avec force. + +Monsieur, estimez ma cousine, et épousez-la. + + +MONDOR, à part. + +C'est un honnête homme, et je suis content de lui. + + +SCENE XVIII. + + +MONDOR, HORTENSE, AUGUSTE. + + +HORTENSE, embarrassée. + +Monsieur, notre mariage, qui m'a singulièrement +préoccupée....... + + +MONDOR, à part. + +Je le crois. + + +HORTENSE. + +Les préliminaires..... les préparatifs..... + + +AUGUSTE. + +Que va-t-elle dire? + + +HORTENSE. + +Tout ce qui tient enfin à une affaire majeure, m'a fait perdre +de vue des intérêts moins pressans. + + +MONDOR, à part. + +La conversation va s'animer. + + +HORTENSE. + +J'ai négligé de vous parler de mon cousin... de mon cousin.... +que j'aime. + + +MONDOR, avec intention. + +Et qui mérite de l'être. + + +HORTENSE. + +Oui, Monsieur. + + +MONDOR. + +Eh! Madame, quoi de plus simple? vous aimez votre cousin, +c'est bien naturel. Il est charmant, le petit cousin, et près +de toute autre femme il pourrait être dangereux. + + +HORTENSE. + +Vous vous plaisez aujourd'hui à me dire des choses +désagréables. + + +AUGUSTE, à part. + +S'ils pouvaient se brouiller! + + +MONDOR. + +Croyez-moi, Madame, ne perdons pas un tems précieux à disputer +sur des mots; revenons, s'il vous plaît. (_La contrefesant_.) +Vous avez négligé de me parler de votre cousin..... de votre +cousin..... que vous aimez. + + +HORTENSE, vivement. + +Comme on aime un parent. + + +MONDOR. + +C'est bien ainsi que je l'entends. Poursuivez, Madame. + + +HORTENSE, avec beaucoup d'embarras. + +J'ai réfléchi, Monsieur.... j'ai réfléchi.... + + +MONDOR. + +Vous avez réfléchi?... + + +HORTENSE. + +Et je l'éloigne de moi. + + +AUGUSTE, bas à Hortense. + +Que dites-vous, Madame? + + +MONDOR, à part. + +Elle l'éloigne, elle le craint. + + +HORTENSE. + +Il est tems qu'il s'occupe de son état et de sa fortune: je +l'aiderai de la mienne, et vos conseils guideront sa jeunesse. + + +AUGUSTE, bas à Hortense. + +Je ne partirai pas, c'est un parti pris. + + +MONDOR. + +Je ne vois pas qu'il faille pour cela l'éloigner de vous. Je +vais être son parent, et votre affection lui est un sûr garant +de la mienne. Vous avez commencé son éducation, il faut la +finir; nous le devons, et je vous prie de ne pas vous y +opposer. + + +AUGUSTE, bas à Hortense. + +Rendez-vous, cruelle, ou je vais éclater. + + +HORTENSE, bas à Auguste. + +Si vous dites un mot, je ne vous parle de ma vie. (_A Mondor_.) +Croyez, Monsieur, que je n'agis pas sans de fortes raisons. + + +MONDOR. + +Il serait dangereux peut-être de vouloir les approfondir: je +vous avoue cependant que celles que vous m'opposez ne me +persuadent pas, m'étonnent, et peuvent donner lieu à +d'étranges soupçons. + + +HORTENSE. + +Eh bien! Monsieur, sachez que je ne fais rien que pour +prévenir ces soupçons. Je vais vous faire une confidence +dictée par l'honneur, et nécessaire à mon repos: ce jeune +homme m'aime. + + +MONDOR. + +Je le sais, Madame. + + +HORTENSE. + +Mais il m'aime... d'amour. + + +MONDOR. + +Je le sais, Madame. + + +HORTENSE. + +Vous le savez, Monsieur? + + +AUGUSTE. + +Oui, Madame, oui, Monsieur le sait. + + +HORTENSE. + +Et vous trouvez étrange que je l'éloigne? + + +MONDOR, ironiquement. + +Oui, Madame, puisque vous n'avez pour lui que de l'amitié. + + +HORTENSE. + +Vous ne cherchez qu'à me tourmenter, Monsieur. Si je ne l'aime +pas, vous devez louer ma prudence; si je l'aime, vous devez +me savoir gré de mon sacrifice; mais les hommes sont +injustes, sont ingrats, sont.... + + +MONDOR. + +Tout ce qu'il vous plaira, Madame. Une jolie femme n'a jamais +tort avec moi. + + +HORTENSE. + +Un compliment ne réparera pas ce que vos propos ont de +piquant. + + +AUGUSTE, avec humeur. + +Monsieur ne vous a rien dit que de très-sensé, Madame; et +c'est vous qui prenez tout si singulièrement aujourd'hui... + + +HORTENSE, à Auguste. + +Joignez-vous à Monsieur, je vous le conseille, je vous en prie +; ces deux hommes sont cruels! l'un m'excède... + + +MONDOR, l'interrompant. + +Duquel parlez-vous, Madame? + + +AUGUSTE. + +Quoiqu'il en soit, je ne partirai pas. Je vous adore; votre +époux le sait; il veut que je reste, et bien certainement je +lui obéirai. Il est raisonnable, lui... et vous!...... Ah! +cousine, n'est-ce pas assez de vous perdre, sans être forcé de +m'éloigner? Je n'ai plus de parens, je n'ai que vous au monde +qui s'intéresse à moi, que deviendrai-je si je vous quitte? +Jeune, sans expérience, obligé de me distraire d'une passion +malheureuse, je me livrerai malgré moi aux erreurs de mon âge +: vous le saurez, et vous en serez tourmentée. Si je reste, au +contraire, vos conseils, votre vertu, votre amitié douce et +compatissante rétabliront insensiblement la paix dans mon ame. +Je puiserai dans vos yeux la force de supporter mon sort. Ma +cousine! ma belle cousine! (_Il tombe à ses genoux, et lui +baisant la main_.) Ne me chassez pas, je vous en conjure; ce +serait m'arracher la vie! + + +MONDOR, passant entre Hortense et Auguste. + +Bien! cousin, bien! + + +HORTENSE. + +Vous chasser! vous chasser! Je n'en ai jamais eu l'idée; +mais il me semble qu'une absence de quelques mois... + + +AUGUSTE, à Mondor. + +Monsieur, parlez pour moi, je vous en prie. + + +MONDOR. + +Malgré la nouveauté du personnage qu'on me fait jouer, je dois +vous représenter, Madame, que tant de précipitation peut +donner à penser à un monde toujours injuste et malin. On +croirait peut-être que le départ de Monsieur serait l'effet de +ma jalousie, et je ne suis pas jaloux. + + +HORTENSE, piquée. + +Vous n'êtes pas jaloux? + + +MONDOR. + +Non, Madame, je ne suis pas jaloux. Je verrais Monsieur passer +sa vie à vos pieds, que je n'en prendrais pas le plus léger +ombrage. + + +AUGUSTE, à Hortense. + +Eh bien! je ne lui fais pas dire. + + +HORTENSE, à part. + +Quel insupportable homme! + + +SCENE XIX. + + +LES PRECEDENS, MARTON, DUMONT, LE NOTAIRE. + + +DUMONT, annonçant. + +Votre notaire. + + +MONDOR, allant au-devant du notaire. + +Approchez, Monsieur, approchez. + + +AUGUSTE, s'asseyant. + +Mon coeur s'en va. + + +HORTENSE, s'asseyant de l'autre côté. + +Comme il souffre, ce pauvre enfant! + + +LE NOTAIRE, deux contrats à la main, bas à Mondor. + +Avez-vous deviné? + + +MONDOR. + +Parbleu! regardez le jeune homme. + + +LE NOTAIRE. + +Charmant! en vérité. (_Prenant le contrat de dessous_.) En ce +cas, c'est ce contrat-ci. + + +MONDOR, présentant la plume à Hortense. + +Madame veut-elle signer?... + +(Hortense signe d'un air triste.) + + +MARTON. + +Elle a signé! Ah! la pauvre femme! + + +DUMONT. + +Mon maître ne signera pas. + + +LE NOTAIRE, à Mondor qui a pris la plume pour signer. + +Plus bas, plus bas encore. + + +MONDOR, signant. + +Ah! j'entends. + + +MARTON, à Dumont. + +Eh bien! qu'en dis-tu? + + +DUMONT. + +Diable emporte si je m'y attendais! + + +MONDOR. + +Et le petit cousin? Il nous fera aussi le plaisir de signer +au contrat. (_Il présente à Auguste la plume et le contrat_.) +Ici, cousin, ici. (_A part_.) Comme la main lui tremble....... +ce cher enfant! il faut lui rendre ses forces. (_Haut_.) Eh! +mais.... j'oubliais.... étourdi que je suis! Madame a signé +sans connaître les articles... + + +HORTENSE, très-froidement. + +Monsieur, je m'en rapporte absolument à vous.... + + +MONDOR. + +Cela ne suffit pas. Je crois que les clauses principales ne +vous déplairont pas; mais il faut que vous sachiez... (_Au +notaire_.) Lisez, Monsieur, lisez. + + +LE NOTAIRE, lisant. + +Par devant, et caetera..... Sont comparus Monsieur Auguste +Vercour, et Dame Hortense.... + + +HORTENSE, se levant précipitamment. + +Monsieur, quelle est cette nouvelle plaisanterie? + + +MONDOR. + +Celle-ci vaut bien les autres, convenez-en? + + +AUGUSTE. + +Quoi! Monsieur... + + +MONDOR. + +Te voilà bien certain de ne pas partir, à moins que Madame ne +veuille congédier son époux. + + +AUGUSTE, sautant au cou de Mondor. + +Ah! mon bon ami, mon bon ami! + + +HORTENSE. + +Je n'y consentirai jamais. + + +MONDOR. + +Vous voulez qu'on vous prie... + + +MARTON, à Mondor. + +Pour la forme. + + +MONDOR. + +Oui, pour la forme. + + +HORTENSE. + +Toujours des impertinences? + + +MONDOR. + +Vous n'aurez pas de peine à me pardonner celle-ci. + + +HORTENSE. + +Mais, quelle folie! me faire épouser un enfant! + + +MONDOR. + +Eh! qu'importe? + + +HORTENSE. + +Que dira le monde? + + +MONDOR. + +Tout ce qu'il lui plaira. Monsieur est jeune, mais il a une +belle ame, il m'en a convaincu. Vous serez heureuse, Auguste +le sera, je le serai de votre commun bonheur. Nous laisserons +dire les sots, et nous jouirons de la vie. + + +HORTENSE, avec une joie qu'elle voudrait dissimuler. + +Vous êtes un terrible homme! vous me faites faire tout ce que +vous voulez. + + +AUGUSTE, sautant. + +Elle est à moi! + + +MONDOR. + +Vous m'épousiez par raison, l'amour vous parlait pour ce jeune +homme, je m'en suis aperçu, car enfin je n'ai pas cinquante +ans pour rien, et je me suis dit: " Il faut savoir aimer ses +amis pour eux-mêmes ". + + + + +FIN DE L'AMOUR ET LA RAISON. + + + + + + + + + +End of the Project Gutenberg EBook of L'amour et la raison, by +Charles-Antoine-Guillaume Pigault de l'Épinoy + +*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'AMOUR ET LA RAISON *** + +***** This file should be named 26810-8.txt or 26810-8.zip ***** +This and all associated files of various formats will be found in: + https://www.gutenberg.org/2/6/8/1/26810/ + +Produced by Daniel Fromont + +Updated editions will replace the previous one--the old editions +will be renamed. + +Creating the works from public domain print editions means that no +one owns a United States copyright in these works, so the Foundation +(and you!) can copy and distribute it in the United States without +permission and without paying copyright royalties. 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