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authorRoger Frank <rfrank@pglaf.org>2025-10-15 02:32:56 -0700
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+The Project Gutenberg EBook of L'amour et la raison, by
+Charles-Antoine-Guillaume Pigault de l'Épinoy
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
+
+
+Title: L'amour et la raison
+
+Author: Charles-Antoine-Guillaume Pigault de l'Épinoy
+
+Release Date: October 7, 2008 [EBook #26810]
+
+Language: French
+
+Character set encoding: ISO-8859-1
+
+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'AMOUR ET LA RAISON ***
+
+
+
+
+Produced by Daniel Fromont
+
+
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+
+
+[Transcriber's note: Pigault-Lebrun (Charles-Antoine-Guillaume Pigault
+de l'Épinoy, dit) (1753-1835), _L'amour et la raison_, 1790, édition
+de 1823]
+
+
+
+
+
+
+SENLIS,
+
+IMPRIMERIE DE TREMBLAY.
+
+
+SUITE
+
+DU REPERTOIRE
+
+DU
+
+THEATRE FRANÇAIS,
+
+
+AVEC UN CHOIX DES PIECES DE PLUSIEURS AUTRES
+
+THEATRES, ARRANGEES ET MISES EN ORDRE
+
+
+PAR M. LEPEINTRE;
+
+
+ET PRECEDEES DE NOTICES SUR LES AUTEURS; LE TOUT TERMINE PAR
+UNE TABLE GENERALE.
+
+
+COMEDIES EN PROSE. - TOME XVI.
+
+
+A PARIS,
+
+CHEZ MME VEUVE DABO,
+
+A LA LIBRAIRIE STEREOTYPE, RUE HAUTEFEUILLE, N° 16.
+
+
+1823.
+
+
+(...)
+
+
+L'AMOUR
+
+ET LA RAISON,
+
+
+COMEDIE EN UN ACTE,
+
+
+PAR M. PIGAULT-LEBRUN;
+
+
+Représentée, pour la première fois, sur le théâtre du
+
+Palais-Royal, le 30 octobre 1790.
+
+
+NOTICE
+
+SUR M. PIGAULT-LEBRUN.
+
+
+Guillaume-Charles-Antoine PIGAULT-LEBRUN naquit à Calais le 8
+avril 1753. Son père était président du tribunal appelé les
+_Traites_, qui jugeait de toutes les causes relatives à la
+fraude.
+
+Il entra encore jeune au service, et était dans la gendarmerie
+de la maison du roi, lorsque la révolution arriva. En 1792, il
+fut inspecteur des remontes. Ce sont les seules fonctions
+qu'il ait remplies lors des troubles politiques. Long-tems
+après, le frère de Buonaparte, Jérôme, voulut l'emmener en
+Westphalie après l'avoir nommé son bibliothécaire; mais
+l'empereur s'y opposa, et après avoir porté le titre
+honorifique de cet emploi pendant trois jours, il resta à
+Paris, et n'alla point en Westphalie comme l'assurent certains
+recueils peu exacts et quelques libelles mensongers. C'est
+uniquement la démangeaison de faire de l'esprit aux dépens de
+la vérité qui a fait dire, dans je ne sais quelle biographie,
+qu'étant à la cour du roi Jérôme, il avait été l'_Horace du
+Mécène Corsico-Westphalien_. Depuis long-tems M. Pigault-Lebrun
+occupe une place dans une administration, et il n'a jamais
+intrigué pour faire sa fortune, ni ambitionné de parvenir aux
+honneurs.
+
+M. Pigault-Lebrun jouit de deux réputations littéraires bien
+distinctes; et sous le rapport d'auteur dramatique, ce n'est
+plus le même homme considéré comme romancier; ses pièces de
+théâtre offrent un heureux mélange de sensibilité, de
+délicatesse et d'esprit, dont il est même trop prodigue et qui
+le fait remarquer entre tous les auteurs ses contemporains.
+C'est le successeur le plus distingué qu'ait eu Marivaux, et
+le meilleur disciple de son école. Toutefois on doit lui
+reconnaître plus de gaîté avec autant de brillant; mais il
+lui est inférieur en finesse, en comique de situations. Il est
+resté loin de son modèle dans l'analyse des sentimens du coeur
+des femmes, et surtout dans l'observation des convenances.
+
+Avec le beau talent que M. Pigault-Lebrun a reçu de la nature,
+il eût été l'un des premiers écrivains de son siècle, si dans
+toutes ses productions il eût mis la circonspection qui est
+nécessaire à un auteur pour se faire lire de la bonne
+compagnie et toutes les classes du beau sexe.
+
+Voici à peu de chose près la liste des pièces qu'il a
+composées depuis le commencement de sa longue carrière
+littéraire, outre celles qui sont insérées dans la présente
+collection.
+
+_Charles et Caroline_, comédie, la première qui ait été jouée au
+Théâtre Français, après qu'il eût pris le titre de _Théâtre de
+la République_.
+
+_Les Dragons et les Bénédictines_, et _les Dragons en
+cantonnemen_, comédies, jouées au théâtre de la Cité, en l'an
+II.
+
+_Les Moeurs et le Divorce_, comédie, jouée au même théâtre, la
+même année;
+
+_Les Empiriques_, comédie, jouée en l'an III au même théâtre.
+
+_Le Blanc et le Noir_, drame, joué à la Cité, en l'an IV, ainsi
+que _l'Esprit follet_, comédie.
+
+_La Lanterne magique_, jouée aussi à la Cité, en l'an VI;
+_Contre-tems sur contre-tems_, comédie, donnée aux Variétés.
+
+_Le Memnon français_, comédie, jouée à Saint-Quentin en 1807, et
+ensuite aux Français.
+
+_L'Orphelin_, comédie, jouée à la Cité.
+
+En outre il a donné les pièces suivantes, jouées à divers
+théâtres: _Le Marchand provençal_, comédie; _La Mère rivale_,
+comédie; _Séraphine et Mendoce_, comédie; _la Joueuse_, comédie
+en vers; _L'Orpheline_, comédie; _Les Femmes rusées_, comédie;
+et _le Cousin et la Cousine_, comédie.
+
+Il a donné à Feydeau _Les Sabotiers_ et _le Major Palmer_,
+opéras-comiques.
+
+Enfin il a fait, en société avec M. Chazet, _Les Comédiens
+d'une petite ville_, vaudeville; et avec M. Dumaniant, _Les
+Calvinistes_.
+
+Nous ne donnerons pas ici la nomenclature de ses romans, qui
+serait longue et inutile. Pendant trente ans il ne s'est guère
+écoulé de mois qu'on n'en ait vu éclore un de sa composition;
+nul n'en a fait en aussi grand nombre que lui depuis Retif de
+la Bretonne, qui d'ailleurs était prodigieusement au-dessous
+de lui pour le style.
+
+M. Pigault-Lebrun paraît maintenant se livrer à un genre plus
+sérieux et s'occuper d'ouvrages importans. Il vient de publier
+une histoire de France, en 6 volumes in-8°. Quel que soit le
+succès qu'elle obtienne, elle sera toujours jugée au-dessus de
+celles de Velly, du père Daniel, et autres historiens
+obséquieux ou prévenus.
+
+M. Barba a recueilli les oeuvres de M. Pigault-Lebrun,
+auxquelles il a fait les honneurs d'un certain luxe
+typographique. Elles figureront sans doute dans toutes les
+bibliothèques des amateurs du plaisir et de ceux qui
+affectionnent un auteur spirituel et amusant, quel que soit le
+genre où il se soit exercé.
+
+
+PERSONNAGES.
+
+
+HORTENSE, jeune veuve.
+
+MONDOR, vieux garçon.
+
+AUGUSTE, cousin d'Hortense, jeune homme de seize à dix-sept
+ans.
+
+MARTON, suivante d'Hortense.
+
+DUMONT, valet de Mondor.
+
+UN NOTAIRE.
+
+UN LAQUAIS.
+
+
+La scène se passe dans l'appartement d'Hortense.
+
+
+L'AMOUR
+
+ET LA RAISON,
+
+
+COMEDIE.
+
+
+SCENE PREMIERE.
+
+
+HORTENSE, MARTON.
+
+
+(Elles sont assises à quelque distance l'une de l'autre.
+Hortense brode au métier, et Marton à la main.)
+
+
+MARTON.
+
+Il arrive aujourd'hui.
+
+
+HORTENSE, avec un soupir.
+
+Hélas! oui, mon enfant.
+
+
+MARTON.
+
+Cet hélas part de l'ame.
+
+
+HORTENSE.
+
+Que dites-vous, Marton?
+
+
+MARTON.
+
+Madame, je vous plains.
+
+
+HORTENSE.
+
+Ma chère amie, c'est à Mondor que je dus mon époux, cet époux
+qui me fut si cher; c'est à Mondor que cet époux mourant
+confia ma jeunesse, c'est Mondor qu'il nomma, si je devais
+jamais...
+
+
+MARTON.
+
+Et voilà bien les hommes. Jaloux de leurs droits pendant leur
+vie, ils veulent les étendre au-delà du tombeau. Vous aimiez
+votre époux, c'est fort bien.
+
+
+HORTENSE.
+
+Il était si aimable!
+
+
+MARTON.
+
+Oui, Madame, il était charmant; mais son ami ne lui ressemble
+guère.
+
+
+HORTENSE.
+
+Marton!
+
+
+MARTON.
+
+Non, Madame, Mondor ne lui ressemble pas. C'est un ami solide,
+raisonnable et raisonnant; mais il n'a rien de ce qu'il faut
+pour remplacer un mari de vingt-cinq ans, et pour consoler une
+femme de votre âge.
+
+
+HORTENSE, froidement et avec hauteur.
+
+Il suffit, je crois, qu'il me plaise...
+
+
+MARTON.
+
+Vous plaire! Il en est loin.
+
+
+HORTENSE.
+
+Vous prétendez...
+
+
+MARTON.
+
+Voir mieux que vous dans le fond de votre ame. Non, vous ne
+l'aimez pas.
+
+
+HORTENSE, avec humeur.
+
+Mademoiselle!
+
+
+MARTON, affectueusement.
+
+Même, quand vous boudez vos gens, vous êtes toujours adorable.
+
+
+HORTENSE.
+
+Allons, finis, ma bonne amie: tu m'aimes, je le sais...
+Mais...
+
+
+MARTON.
+
+En ce cas, laissez-moi donc dire. Est-ce mon intérêt qui me
+détermine? Est-ce moi qui dois épouser Mondor? Que vous êtes
+étranges, vous autres maîtres! Vous voulez qu'on vous serve,
+vous voulez qu'on vous aime, vous voulez qu'on vous devine:
+on vient à bout de tout cela à force de travail et de
+réflexion; crac, un bon caprice nous déjoue, nous éloigne,
+et, pour s'épargner un moment de mauvaise honte, on se
+condamne à des regrets éternels.
+
+
+HORTENSE.
+
+Des regrets! Ah! Marton, des regrets avec Mondor!
+
+
+MARTON.
+
+Oui, Madame, avec Mondor. N'a-t-il pas cinquante ans?
+
+
+HORTENSE.
+
+Eh! qu'importe? il a du mérite.
+
+
+MARTON.
+
+Un mérite... sur le retour.
+
+
+HORTENSE.
+
+Il vient d'assurer ma fortune et mon repos, en terminant avec
+les héritiers de mon mari le procès le plus incertain.
+
+
+MARTON.
+
+Le grand miracle! Il n'est pas de mince procureur qui n'en
+eût fait autant.
+
+
+HORTENSE.
+
+J'espère que vous ne le confondez pas...
+
+
+MARTON.
+
+Ma foi, Madame, la comparaison n'a rien de révoltant. Un
+procureur vous eût pris de l'argent, Mondor demande votre main
+: c'est mettre ses services au plus haut intérêt.
+
+
+HORTENSE.
+
+Il ne demande rien. Tendre, mais soumis, Mondor attend tout de
+ma délicatesse. Depuis deux ans qu'il s'est éloigné pour me
+servir, il ne m'a pas écrit une lettre qui ne fût dictée par
+le plus pur désintéressement. Mais, Mademoiselle, ne lui
+dussé-je rien, les derniers voeux de mon époux...
+
+
+MARTON.
+
+Sont sans force dans le cas dont il s'agit. Lui donner pour
+successeur M. Mondor! c'est trop fort, en vérité, et je ne le
+souffrirai certainement pas.
+
+
+HORTENSE.
+
+Vos folies m'amusent quelquefois.
+
+
+MARTON.
+
+Ce n'est pas folie, c'est raison.
+
+
+HORTENSE.
+
+A la bonne heure; mais votre raison m'excède, finissez.
+
+
+MARTON.
+
+Quoi! sérieusement vous voulez...
+
+
+HORTENSE.
+
+Que vous vous taisiez, Mademoiselle.
+
+
+MARTON.
+
+Cependant, Madame...
+
+
+HORTENSE.
+
+Silence! je l'ordonne.
+
+(Elle se lève.)
+
+
+MARTON.
+
+Soit, je me tais. (_En poussant de côté le métier d'Hortense_.)
+Il ne sera peut-être pas si facile d'imposer silence à votre
+petit cousin.
+
+
+HORTENSE.
+
+Mon cousin? un enfant.
+
+
+MARTON, finement.
+
+Un enfant? Oh! sans doute.
+
+
+HORTENSE.
+
+A qui je tiens lieu de mère.
+
+
+MARTON.
+
+Aussi vous respecte-t-il infiniment?
+
+
+HORTENSE.
+
+Que d'un coup d'oeil je fais tomber à mes pieds.
+
+
+MARTON.
+
+Et à qui l'attitude plaît beaucoup.
+
+
+HORTENSE.
+
+Le pauvre enfant n'est pas dangereux.
+
+
+MARTON.
+
+Cela peut être; mais il est bien aimable.
+
+
+HORTENSE.
+
+Il a pour lui la candeur de l'enfance.
+
+
+MARTON.
+
+Et une figure céleste, convenez-en.
+
+
+HORTENSE, avec franchise.
+
+Oui, il est bien.
+
+
+MARTON.
+
+Une gaîté franche...
+
+
+HORTENSE, se livrant davantage.
+
+Et pleine d'esprit, Marton.
+
+
+MARTON.
+
+C'est ce que je voulais dire. Riant toujours, et montrant...
+
+
+HORTENSE.
+
+Les plus belles dents...
+
+
+MARTON.
+
+Les plus belles dents du monde... Et cette fossette à la joue
+gauche...
+
+
+HORTENSE.
+
+Et ses espiégleries...
+
+
+MARTON.
+
+Charmantes, Madame, charmantes.
+
+
+HORTENSE.
+
+L'art n'approche pas de tout cela.
+
+
+MARTON.
+
+Il n'en connut jamais; et quand il vous dit qu'il vous aime,
+c'est si naturellement...
+
+
+HORTENSE, reprenant le ton réservé.
+
+Il m'aime, et il le doit.
+
+
+MARTON.
+
+Oh! il remplit ses obligations dans toute leur étendue.
+
+
+HORTENSE.
+
+Il sait ce qu'il doit à la reconnaissance.
+
+
+MARTON.
+
+C'est une belle vertu que la reconnaissance, mais je doute
+qu'il lui sacrifie son amour.
+
+
+HORTENSE, avec sévérité.
+
+Son amour! vous avez des expressions...
+
+
+MARTON.
+
+Bien révoltantes, peut-être, mais bien vraies, convenez-en.
+
+
+HORTENSE.
+
+Vous m'offensez, je vous en avertis.
+
+
+MARTON.
+
+C'est un malheur; mais je suis franche.
+
+
+HORTENSE.
+
+Votre opiniâtreté vise à l'impertinence.
+
+
+MARTON.
+
+Ah! Madame! Madame!... mais le voici, ce cher enfant; il
+n'a pas l'air de bonne humeur, et je crains qu'il ne soit plus
+impertinent que moi encore.
+
+
+SCENE II.
+
+
+HORTENSE, AUGUSTE, MARTON.
+
+
+HORTENSE, à Auguste, qui, après l'avoir aperçue, veut
+s'éloigner.
+
+Approchez, Auguste, approchez.
+
+
+AUGUSTE.
+
+Je ne voulais plus vous voir, Madame; non, je ne le voulais
+plus.
+
+
+HORTENSE, le contrefesant.
+
+Madame... je ne voulais plus vous voir... Quel langage, mon
+petit cousin?
+
+
+AUGUSTE.
+
+Non, vous n'êtes plus ma cousine... non, je ne dois plus vous
+voir, puisque... Enfin, Madame...
+
+
+HORTENSE.
+
+Ah! mon ami, comme tu me traites!
+
+
+AUGUSTE.
+
+Vous vous mariez, vous vous mariez, Madame, et vous ne pensez
+pas à votre pauvre petit cousin.
+
+
+HORTENSE.
+
+Je ne vois pas qu'il puisse se plaindre...
+
+
+AUGUSTE.
+
+Vous ne le voyez pas... vous ne le voyez pas... Je le crois,
+Madame; les droits sacrés de M. Mondor...
+
+
+HORTENSE.
+
+Ce sont ces droits qui doivent vous interdire les regrets, et
+même le plus léger murmure.
+
+
+AUGUSTE.
+
+Vous me jugez d'après vous. Vous êtes si raisonnable!
+
+
+HORTENSE.
+
+Qui vous empêche de l'être autant que moi?
+
+
+AUGUSTE.
+
+Il faudrait avoir votre insensibilité, et j'en suis bien
+éloigné. Croyez-vous, Madame...
+
+
+HORTENSE.
+
+Auguste, ne me parle donc plus ainsi, tu m'affliges.
+
+
+AUGUSTE.
+
+Je vous afflige, ma cousine, mon aimable cousine... Mais
+pensez donc, réfléchissez à ma situation. Je croyais n'avoir
+pour vous que de l'amitié, le retour de Mondor m'éclaire...
+Avez-vous cru que je passerais ma vie avec vous sans vous
+trouver charmante? vous êtes-vous flattée que mon coeur vous
+disputerait long-tems la victoire? Avez-vous pensé que Mondor
+pourrait me ravir un espoir?... Il arrive, ce Mondor, et il
+vous épouse!... Eh! que suis-je donc, moi? S'il vous a
+rendu service, il n'a fait que ce qu'il a dû, que ce qu'un
+autre, que ce que tous les hommes à sa place eussent fait avec
+transport. Quels sont ses titres pour vous obtenir? ses
+cinquante ans? je voudrais les avoir, s'il les faut pour vous
+plaire. (Tendrement.) Mais je les aurai avec le tems, ma belle
+cousine. Alors j'en aurai passé trente à vous adorer, à vous
+rendre heureuse, et dans trente ans je partirai du point où
+Mondor se trouve aujourd'hui. Pensez-y, divine Hortense, cela
+vaut la peine d'y réfléchir.
+
+
+HORTENSE.
+
+Finissez, Monsieur, vous êtes un enfant.
+
+
+MARTON.
+
+Mais un enfant bien aimable. Vous en conveniez tout à l'heure,
+Madame.
+
+
+AUGUSTE.
+
+Un enfant bien aimable! elle me trouve bien aimable, n'est-il
+pas vrai, Marton?
+
+
+MARTON.
+
+Oui, Monsieur, charmant, et Madame s'y connaît.
+
+
+HORTENSE, à Marton.
+
+Par excès d'attachement vous vous ferez congédier.
+
+
+AUGUSTE.
+
+La congédier! la congédier! Mondor est contre moi, vous êtes
+contre moi, tout l'univers est contre moi, il ne me reste que
+Marton, et vous voulez vous en défaire! Eh bien! Madame,
+congédiez-la, je la prendrai à mon service.
+
+
+HORTENSE.
+
+Oui, je vous le conseille, cela serait charmant.
+
+
+AUGUSTE.
+
+Votre Mondor me déplaît à un point... je le hais, au moins, je
+vous en avertis; je le tuerai... Oh! je le tuerai.
+
+
+HORTENSE.
+
+Parlons raison, mon enfant.
+
+
+AUGUSTE.
+
+Il n'y a raison qui tienne, c'est dit, je le tuerai.
+
+
+HORTENSE.
+
+Monsieur, il a droit à vos respects.
+
+
+AUGUSTE.
+
+Je n'ai jamais appris à respecter un rival.
+
+
+HORTENSE.
+
+Continuez, Monsieur, compromettez-moi, exposez ma réputation,
+affligez un galant homme!...
+
+
+AUGUSTE.
+
+Un galant homme... qui veut vous épouser!
+
+
+HORTENSE.
+
+Quel homme faut-il donc que j'épouse?
+
+
+AUGUSTE.
+
+Moi, Madame, moi.
+
+
+HORTENSE.
+
+Vous êtes honnête, sans doute, mais cela ne suffit pas.
+
+
+AUGUSTE.
+
+Je ne vois pas ce qui me manque.
+
+
+HORTENSE.
+
+Il faudrait d'abord n'être pas un enfant.
+
+
+AUGUSTE.
+
+Eh! qu'importe mon âge, si je sais vous aimer?
+
+
+HORTENSE.
+
+Avoir un état qui...
+
+
+AUGUSTE.
+
+J'en aurai bientôt un. Aujourd'hui l'honneur, les moeurs, les
+talens mènent à tout, et je me sens abondamment pourvu de tout
+cela.
+
+
+HORTENSE.
+
+Vous êtres modeste.
+
+
+AUGUSTE.
+
+Je suis amoureux, et l'amour rend capable de tout; entendez-vous,
+Madame? il rend capable de tout.
+
+
+HORTENSE.
+
+Ce jeune homme veut me faire la loi.
+
+
+AUGUSTE, aux genoux d'Hortense.
+
+Vous faire la loi? ah! Hortense, Hortense, qu'avez-vous dit
+? vous donner des lois, moi qui suis soumis aux vôtres...
+
+
+HORTENSE, souriant.
+
+Et qui les recevez à genoux.
+
+
+AUGUSTE.
+
+Me faites-vous un crime de mon entier dévouement?
+
+
+HORTENSE.
+
+Non, mon ami; mais il des circonstances où l'amour doit se
+taire devant la raison. Vous connaissez les motifs qui
+m'unissent à Mondor; il arrive aujourd'hui, il doit compter
+sur ma main; il a ma parole, et bien certainement je ne la
+retirerai pas.
+
+
+UN LAQUAIS, annonçant.
+
+Un valet de M. Mondor.
+
+(Il sort.)
+
+
+HORTENSE, troublée.
+
+Son valet, son valet, Marton. (A Auguste.) Si je vous suis
+chère, mon petit cousin, de grâce, retirez-vous.
+
+
+AUGUSTE.
+
+Me retirer, Madame! Oh! non, non, bien décidément non.
+
+
+HORTENSE.
+
+Quand on aime une femme, Monsieur, on ne lui refuse rien.
+
+
+AUGUSTE.
+
+Quand on fait quelque cas d'un parent, Madame, on le ménage
+davantage.
+
+
+MARTON.
+
+Mais voici ce valet.
+
+
+HORTENSE.
+
+Partez, Monsieur, ou restez, que m'importe? Mais je ne crois
+plus à votre attachement, je vous en avertis.
+
+
+AUGUSTE.
+
+Si vous étiez assez injuste pour en douter un moment...
+
+
+HORTENSE.
+
+Si vous aviez la moindre délicatesse, vous ne me résisteriez
+pas.
+
+
+AUGUSTE.
+
+Je me retire, je me retire, Madame. Que ferez-vous pour le
+maître, si vous me chassez pour le valet?
+
+(Il sort.)
+
+
+SCENE III.
+
+
+DUMONT, fesant des révérences, HORTENSE, MARTON.
+
+
+HORTENSE, à Marton.
+
+Reçois ce garçon, reçois-le... dis-lui... ce que tu voudras;
+car pour moi, je ne pourrais ni l'entendre ni lui répondre.
+
+
+SCENE IV.
+
+
+DUMONT, MARTON.
+
+
+DUMONT.
+
+Votre maîtresse sort bien précipitamment, Mademoiselle.
+
+
+MARTON.
+
+Ce n'est pas ma faute, Monsieur.
+
+
+DUMONT.
+
+Aurait-elle oublié Dumont?
+
+
+MARTON.
+
+
+Dumont a une de ces figures qu'on n'oublie jamais.
+
+
+DUMONT.
+
+Il joint à ses agrémens personnels les prérogatives d'un
+ambassadeur.
+
+
+MARTON.
+
+Ambassadeur? ah! de M. Mondor?
+
+
+DUMONT.
+
+De M. Mondor.
+
+
+MARTON.
+
+Il écrit qu'il arrive?
+
+
+DUMONT.
+
+Il fait mieux, il arrive en effet.
+
+
+MARTON.
+
+J'en suis ravie.
+
+
+DUMONT.
+
+Il me suit.
+
+
+MARTON.
+
+Il vous suit? Je rejoins ma maîtresse, elle aura besoin de
+moi pour se préparer à une entrevue de cette importance.
+
+
+SCENE V.
+
+
+DUMONT.
+
+
+Quelle conduite originale! la maîtresse m'évite, la suivante
+s'échappe, et mon maître... Mon maître aurait-il attendu si
+tard pour faire une sottise? Dois-je la laisser consommer,
+moi, valet intelligent et attaché? Que ces dames ne se
+flattent pas de m'en faire accroire! Je suis assez fin pour
+pénétrer leurs petits mystères, et assez adroit pour faire
+échouer leurs projets.
+
+
+SCENE VI.
+
+
+DUMONT, MONDOR.
+
+
+MONDOR.
+
+Eh bien! m'as-tu annoncé?
+
+
+DUMONT.
+
+Oui, Monsieur.
+
+
+MONDOR.
+
+Et on m'attend?...
+
+
+DUMONT.
+
+Sans impatience, à ce qu'il m'a paru.
+
+
+MONDOR.
+
+Que dis-tu?
+
+
+DUMONT.
+
+La vérité. Tenez, Monsieur, je connais le coeur humain, et vous
+ferez sagement de prendre de mes almanachs.
+
+
+MONDOR.
+
+Ah! ah!
+
+
+DUMONT.
+
+Oui, Monsieur. D'abord mon calcul porte sur des faits. Votre
+mariage est arrangé, vous arrivez; j'accours avec
+l'empressement d'un homme qui croit apporter une nouvelle
+agréable, Hortense disparaît; je vous annonce à la soubrette,
+elle me laisse à mes réflexions, et je vous avoue, Monsieur,
+que je n'en ai pas fait de bien satisfesantes.
+
+
+MONDOR.
+
+Je te reconnais là: toujours inquiet et soupçonneux.
+
+
+DUMONT.
+
+Vous ne doutez de rien, vous, Monsieur: le chien d'amour-propre...
+
+
+MONDOR.
+
+L'amour-propre? eh! j'ai donc de l'amour-propre, moi?
+
+
+DUMONT.
+
+Tout comme un autre, Monsieur. Il n'est pas d'homme qui ne
+soit un peu femme de ce côté-là.
+
+
+MONDOR.
+
+Enfin tu veux que je me défie d'Hortense, et que je m'en
+rapporte tout-à-fait à toi.
+
+
+DUMONT.
+
+Je ne veux rien, Monsieur; mais je crois qu'il est plus sage
+de prévenir des regrets, que d'y chercher un remède...
+
+
+MONDOR.
+
+Qu'on ne trouve pas toujours.
+
+
+DUMONT.
+
+C'est cela, Monsieur, c'est cela.
+
+
+MONDOR.
+
+Cependant, si tes observations suffisent pour t'alarmer, elles
+ne m'autorisent pas à douter absolument de la sincérité
+d'Hortense. Sans manquer aux égards que je dois à ton
+discernement, il m'est, je crois, permis de voir les choses
+par mes yeux, de parler, de pressentir...
+
+
+DUMONT.
+
+Oui, Monsieur, voyez, parlez, pressentez; adressez-vous même,
+si vous le voulez, à M. Auguste.
+
+
+MONDOR.
+
+Auguste est toujours ici?
+
+
+DUMONT.
+
+Je l'ai aperçu en entrant.
+
+
+MONDOR.
+
+Il se pourrait fort bien que deux ans d'absence eussent
+apporté quelque changement dans la façon de penser d'Hortense.
+
+
+DUMONT.
+
+Oui, certainement, Monsieur.
+
+
+MONDOR.
+
+Après tout, je ne suis pas encore marié.
+
+
+DUMONT.
+
+Non, Dieu merci.
+
+
+MONDOR.
+
+Et pour peu que j'entrevoie du louche...
+
+
+DUMONT.
+
+Oh! il y a du micmac; vous verrez, vous verrez.
+
+
+MONDOR.
+
+Dumont?
+
+
+DUMONT.
+
+Monsieur?
+
+
+MONDOR.
+
+Il y avait autrefois ici une suivante...
+
+
+DUMONT.
+
+Marton?
+
+
+MONDOR.
+
+Oui, Marton.
+
+
+DUMONT.
+
+Elle y est toujours; fille charmante, en honneur.
+
+
+MONDOR.
+
+Va me la chercher.
+
+
+DUMONT.
+
+Elle est fine, ne vous y jouez pas.
+
+
+MONDOR.
+
+N'importe, je veux l'interroger.
+
+
+DUMONT, d'un air capable.
+
+Si vous me chargiez de ce soin, Monsieur?
+
+
+MONDOR.
+
+C'est-à-dire que Monsieur a plus d'esprit que moi.
+
+
+DUMONT.
+
+Non, Monsieur, mais...
+
+
+MONDOR.
+
+Va me la chercher, te dis-je, je veux l'interroger.
+
+
+DUMONT.
+
+J'y vais, Monsieur.
+
+
+MONDOR.
+
+Que notre conversation soit un secret entre nous, entends-tu?
+
+
+DUMONT.
+
+Parbleu! c'est bien à moi qu'on fait de telles
+recommandations.
+
+
+SCENE VII.
+
+
+MONDOR.
+
+
+Le drôle n'est pas sot, et il serait possible qu'Hortense...
+Cependant ses lettres sont positives. Elle m'attend, dit-elle,
+elle voit avec plaisir approcher le moment... Dans le fait,
+ses lettres et sa conduite ne s'accordent pas trop. Quelle
+serait la cause?... Peut-être une de ces raisons dont les
+femmes ne conviennent jamais, que souvent elles n'osent
+s'avouer à elles-mêmes, une inclination naissante. Oui, il n'y
+aurait là rien que de très-ordinaire. Peut-être Hortense
+craint-elle de revenir sur ses pas, peut-être craint-elle une
+rupture qui lui ferait perdre de mon estime; mais, dans tous
+les cas, et comme dit fort bien M. Dumont, il est plus sage de
+prévenir des regrets que d'en chercher le remède.
+
+
+SCENE VIII.
+
+
+MARTON, MONDOR.
+
+
+MARTON, fesant des révérences.
+
+Monsieur me demande?
+
+
+MONDOR.
+
+Oui, mon enfant.
+
+
+MARTON, s'approchant, et saluant encore.
+
+Que veut Monsieur?
+
+
+MONDOR.
+
+D'abord, que tu laisses de côté l'étiquette qui m'ennuie, et
+que tu me répondes avec franchise: t'en sens-tu capable?
+
+
+MARTON.
+
+La question est captieuse.
+
+
+MONDOR.
+
+Tu dois la trouver naturelle, si tu aimes ta maîtresse.
+
+
+MARTON.
+
+Autant que vous.
+
+
+MONDOR.
+
+C'est beaucoup dire; mais venons au fait: où est Hortense?
+
+
+MARTON.
+
+Dans son appartement.
+
+
+MONDOR.
+
+Qu'y fait-elle?
+
+
+MARTON.
+
+Elle attend la fin d'une horrible migraine...
+
+
+MONDOR, à part.
+
+Ahi, ahi, ahi.
+
+
+MARTON.
+
+Que la nouvelle de votre retour a presque entièrement
+dissipée.
+
+
+MONDOR.
+
+Serait-elle devenue sujette aux migraines? Je l'ai toujours
+connue raisonnable.
+
+
+MARTON.
+
+L'un n'exclut pas l'autre, Monsieur. Une migraine est
+quelquefois le fruit de longues et profondes réflexions.
+
+
+MONDOR.
+
+Et peut-être a-t-elle aujourd'hui ample matière à réfléchir?
+
+
+MARTON.
+
+Ses réflexions me sont étrangères, Monsieur, ses incommodités
+me sont connues; parce que je dois ignorer les premières, et
+que mon devoir est de soulager les secondes.
+
+
+MONDOR.
+
+Tu as de l'esprit, Marton.
+
+
+MARTON.
+
+Vous êtes bien bon, Monsieur.
+
+
+MONDOR.
+
+Tu veux me voir venir, jouer avec moi de finesse; je vais te
+forcer à répondre catégoriquement: je compte épouser ta
+maîtresse.
+
+
+MARTON.
+
+Elle a pris son parti là-dessus.
+
+
+MONDOR.
+
+Ah! elle a pris son parti là-dessus: pour une fille
+d'esprit, l'expression est un peu hasardée .
+
+
+MARTON.
+
+Selon la civilité, cela se peut; selon la vérité, il n'en est
+pas de plus exactement littérale.
+
+
+MONDOR.
+
+C'est-à-dire que ta maîtresse n'a pas d'amour pour moi.
+
+
+MARTON.
+
+Je ne crois pas, Monsieur.
+
+
+MONDOR.
+
+Cependant elle m'épouse.
+
+
+MARTON.
+
+Qu'est-ce que cela prouve? Avec de la vertu et de l'amitié,
+on doit remplir les voeux de l'époux le plus exigeant.
+
+
+MONDOR.
+
+Fort bien, je ne dois prétendre qu'à de l'amitié dirigée par
+la vertu.
+
+
+MARTON.
+
+Que de maris voudraient pouvoir compter sur ce que vous
+rejetez si dédaigneusement!
+
+
+MONDOR.
+
+J'aurais tort de me montrer aussi difficile qu'un jeune homme
+de vingt ans. A mon âge, on ne fait plus la loi, on la reçoit
+; et comme tu dis, un mari est trop heureux que sa femme ait
+pour lui de l'amitié, pourvu toutefois qu'elle n'ait d'amour
+pour personne.
+
+
+MARTON.
+
+Oh! à ce égard-là, Monsieur...
+
+
+MONDOR.
+
+A cet égard-là?...
+
+
+MARTON.
+
+Je ne sais rien, Monsieur, absolument rien.
+
+
+MONDOR.
+
+En vérité?
+
+
+MARTON.
+
+D'honneur.
+
+
+MONDOR, tirant une bourse.
+
+Marton?
+
+
+MARTON.
+
+Monsieur?
+
+
+MONDOR.
+
+Vois-tu cette bourse?
+
+
+MARTON.
+
+Oui, Monsieur.
+
+
+MONDOR.
+
+Elle est à toi si tu veux...
+
+
+MARTON.
+
+Si je veux vous tourmenter et mentir.
+
+
+MONDOR.
+
+Tu ne sais rien?
+
+
+MARTON.
+
+Rien du tout.
+
+
+MONDOR.
+
+En ce cas, je garde ma bourse.
+
+
+MARTON, avec humeur.
+
+Vous avez raison, Monsieur, on est si souvent trompé par ceux
+qu'on a bien payés, qu'il est naturel de se défier même de
+ceux qui disent la vérité.
+
+
+MONDOR.
+
+Ah! Marton est piquée.
+
+
+MARTON.
+
+Piquée pour un peu d'or! Vous me connaissez mal.
+
+
+MONDOR.
+
+Ah! tu n'aimes pas l'argent? Si cependant je te donnais ma
+bourse?
+
+
+MARTON.
+
+Je la prendrais, Monsieur.
+
+
+MONDOR.
+
+C'est bien honnête.
+
+
+MARTON.
+
+Mais aussi tranquillement que je vous ai vu la remettre dans
+votre poche.
+
+
+MONDOR.
+
+Eh bien! prends, c'est le présent de noces.
+
+
+MARTON.
+
+Et si par hasard la noce n'a pas lieu?
+
+
+MONDOR.
+
+En ce cas-là j'aurai donné sans condition. (_A part_.) Dumont a
+raison: elle est fine! Je gagnerai davantage à m'expliquer
+avec la maîtresse.
+
+
+MARTON.
+
+Monsieur se parle à lui-même?
+
+
+MONDOR.
+
+Je dis que j'ai la plus grande envie de voir ta maîtresse.
+
+
+MARTON.
+
+Vous n'attendrez pas long-tems, Monsieur, la voici.
+
+
+SCENE IX.
+
+
+MONDOR, HORTENSE, MARTON.
+
+
+MARTON, pendant qu'Hortense et Mondor se saluent.
+
+Tirer de l'argent et ne rien dire, voilà le fin du métier.
+
+
+HORTENSE, contrainte.
+
+Je vous attendais avec impatience.
+
+
+MONDOR.
+
+J'étais, Madame, plus impatient que vous encore.
+
+
+HORTENSE.
+
+Je vous dois des excuses, Monsieur; une légère
+indisposition...
+
+
+MONDOR, finement.
+
+Je le sais, Madame, je le sais... Laissons cela, parlons
+d'abord de ce qui vous touche personnellement. Voilà votre
+portefeuille, je vous le remets dans un état que ni vous ni
+moi n'osions espérer. Votre fortune était incertaine; elle
+est assurée maintenant, et de ce côté ma tâche est remplie.
+
+
+HORTENSE, prenant le portefeuille.
+
+Mille grâces, Monsieur...
+
+
+MONDOR.
+
+Il me reste à parler d'un article qui peut-être n'intéresse
+que moi.
+
+
+HORTENSE.
+
+Que vous, Monsieur?
+
+
+MONDOR.
+
+Ou qui du moins m'intéresse plus que personne; notre mariage,
+Madame.
+
+
+MARTON, à part.
+
+Ah! voilà le diable.
+
+
+HORTENSE.
+
+Vous n'avez plus d'intérêts qui ne soient les miens, Monsieur,
+et un hymen qui peut assurer votre félicité doit remplir tous
+mes désirs.
+
+
+MONDOR, à part.
+
+Doit remplir. (_Haut_.) Mon coeur me dit de vous croire.
+
+
+HORTENSE.
+
+Et votre délicatesse vous en fait une loi.
+
+
+MONDOR.
+
+Supérieurement raisonné, Madame. Cependant je veux vous mettre
+à votre aise. Vous m'avez promis votre main dans un de ces
+momens où la douleur ferme l'ame à toute autre sensation. Mes
+soins, mes services vous ont fait persévérer dans ce dessein;
+mais je suis loin de prétendre que vous mettiez plus
+d'importance à ce que j'ai fait pour vous, que je n'y en
+attache moi-même: je suis loin d'abuser de votre
+consentement, de votre reconnaissance, pour vous imposer des
+lois qui peseraient à votre coeur.
+
+
+HORTENSE, embarrassée.
+
+Qui peseraient à mon coeur? Le croyez-vous, Monsieur?
+
+
+MARTON, à part.
+
+Il aurait tort.
+
+
+MONDOR.
+
+Il ne s'agit pas de mon opinion, Madame; c'est de votre
+bonheur futur qu'il faut nous occuper: j'ai cinquante ans, je
+ne suis pas beau, et j'ai des défauts tout comme un autre.
+
+
+HORTENSE.
+
+J'ai aussi les miens, Monsieur, et si vous exigez une épouse
+parfaite...
+
+
+MONDOR.
+
+De la perfection, Madame, il n'en existe point. Vous avez des
+défauts moins sensibles, sans doute, en ce qu'ils sont cachés
+sous les grâces de la jeunesse. N'importe: un homme
+raisonnable, sans déifier les faiblesses de l'objet aimé, sait
+au moins fermer les yeux sur celles qui ne tirent point à
+conséquence. Je connais votre ame, elle est noble et franche,
+et je m'en rapporterai entièrement à vous.
+
+
+HORTENSE.
+
+S'il est ainsi, Monsieur, pourquoi multiplier des questions
+qui ne sont pas flatteuses?
+
+
+MONDOR, avec ménagement.
+
+Madame, Madame, il vaut mieux être indiscret la veille d'un
+mariage, qu'importun le lendemain.
+
+
+HORTENSE, avec hauteur.
+
+Monsieur!
+
+
+MONDOR.
+
+Ce n'est pas là le langage à la mode, je le sais, Madame;
+mais vous pardonnerez ce que mes expressions ont de
+désagréable en faveur du motif qui me les arrache. Je reviens.
+Vous n'avez plus d'intérêts qui ne soient les miens, dites-vous?
+Comme ami, je n'en doute pas; comme époux, c'est autre
+chose.
+
+
+HORTENSE.
+
+Continuez, Monsieur, continuez.
+
+
+MONDOR.
+
+C'est ce que je veux faire, Madame. Je veux m'expliquer
+entièrement avec vous, pour n'avoir plus qu'à jouir de mon
+bonheur, quand vous l'aurez assuré. De la fortune, de la
+raison, de la probité et un sincère attachement, cela peut-il
+vous suffire? Si votre coeur est libre, c'en est assez; s'il
+est prévenu pour un autre, ces qualités sont insuffisantes, et
+je me retire sans plainte, sans murmure. Imitez-moi, Madame,
+et bannissez toute espèce de dissimulation.
+
+
+HORTENSE.
+
+Je n'ai jamais conçu qu'une femme pût donner sa main sans son
+coeur. Si elle n'éprouve pas les feux ardens de l'amour...
+
+
+MONDOR.
+
+Ce n'est pas ce que je demande, ni même ce que je désire.
+
+
+HORTENSE.
+
+Si elle n'éprouve pas les feux ardens de l'amour, elle doit au
+moins céder à un sentiment de préférence...
+
+
+MONDOR.
+
+Et ce sentiment de préférence, vous l'éprouvez, Madame, vous
+l'éprouvez en ma faveur? vous en êtes certaine?
+
+
+HORTENSE.
+
+Monsieur, si je connaissais quelqu'un que j'estimasse plus que
+vous, je ne vous épouserais pas.
+
+
+MONDOR, à part.
+
+Honnêtement, je ne peux pas insister davantage. (_Haut_.) Je
+n'ai plus de doute, Madame; mon respect ne me permet plus
+d'en avoir, et vous connaîtrez, par l'ardeur de mes démarches,
+combien je suis flatté d'être a vous.
+
+
+SCENE X.
+
+
+HORTENSE, MARTON
+
+
+HORTENSE.
+
+Eh bien! Marton?
+
+
+MARTON.
+
+Eh bien! Madame?
+
+
+HORTENSE.
+
+Que dis-tu de cette explication?
+
+
+MARTON.
+
+Elle n'est pas d'un bon augure.
+
+
+HORTENSE.
+
+Devais-je m'y attendre?
+
+
+MARTON.
+
+Oh! non, sans doute.
+
+
+HORTENSE.
+
+S'il m'eût jamais écrit ce qu'il vient de me dire...
+
+
+MARTON.
+
+Les choses seraient moins avancées, je le crois.
+
+
+HORTENSE.
+
+Mais qu'a-t-il? Que me veut-il? Réponds, réponds donc; car
+cela est fait pour inquiéter, au moins.
+
+
+MARTON.
+
+Les hommes sont si bizarres!
+
+
+HORTENSE.
+
+Il était avec toi, que te disait-il? Que lui répondais-tu?
+Aurais-tu donné matière à des soupçons?...
+
+
+MARTON.
+
+J'ai été impénétrable.
+
+
+HORTENSE.
+
+Il t'a donc aussi questionnée?
+
+
+MARTON.
+
+Pendant une heure.
+
+
+HORTENSE.
+
+Et tu n'es convenue de rien?
+
+
+MARTON.
+
+Convenue de quoi, Madame?
+
+
+HORTENSE.
+
+Eh! mon Dieu! vous m'entendez de reste! Mais vous êtes
+ingénieuse à me tourmenter.
+
+
+MARTON.
+
+Eh bien! j'ai nié, Madame, j'ai nié obstinément.
+
+
+HORTENSE.
+
+Vous avez nié! Et qu'avez-vous nié?
+
+
+MARTON.
+
+Ce dont je ne pouvais convenir sans vous compromettre.
+
+
+HORTENSE.
+
+Des bévues ou des impertinences! voilà tout ce que vous
+faites; voilà tout ce que vous savez faire.
+
+
+MARTON.
+
+Mais, Madame, il y a un désordre dans vos idées...
+
+
+HORTENSE.
+
+Ce désordre est dans votre tête, Mademoiselle. Avoir aussi peu
+d'intelligence, cela est inconcevable! Et me répondre
+énigmatiquement... Elle ne sauvera rien à ma délicatesse.
+Voyez si elle parlera.
+
+
+MARTON.
+
+Mais je ne sais que dire, moi, Madame, en vérité.
+
+
+HORTENSE.
+
+Insupportable fille! Mondor vous a-t-il parlé d'Auguste?
+Avez-vous prononcé son nom? avez-vous fait l'aveu...
+
+
+MARTON.
+
+De quoi, Madame?
+
+
+HORTENSE, très-vivement.
+
+Des étourderies de ce jeune homme, de l'embarras affreux où
+elles me mettent.
+
+
+MARTON.
+
+Il n'a pas été question de lui.
+
+
+HORTENSE, hors d'elle-même.
+
+Tant pis, Mademoiselle, tant pis. Mondor sait qu'Auguste est
+chez moi, qu'Auguste est charmant. Votre affectation à n'en
+pas parler aura fait naître ces soupçons que j'ai si peu
+mérités, et dont je ne me consolerai jamais. Quelles
+conséquences Mondor n'aura-t-il pas tirée de vos petits
+détours? Il faudra que je supporte vos étourderies, que je
+m'excuse... M'excuser! cet enfant m'aime, est-ce ma faute?
+S'il menace, s'il éclate, pourrai-je lui imposer silence?
+Avec les intentions les plus pures, on a donc besoin
+d'indulgence! Quelle cruelle situation! Il faut cependant
+que je déclare tout à Mondor; et comment m'y prendre à
+présent? j'aurai l'air de ruser, de vouloir cacher mes
+démarches, ou de m'en permettre de répréhensibles. Que je suis
+malheureuse!
+
+
+MARTON.
+
+C'est moi, Madame, qui suis la seule à plaindre. On me
+questionne, j'élude; on me presse, je me défends: je crois
+bien faire, et je suis blâmée. Parler d'Auguste, n'était-ce
+pas mettre à des bagatelles une importance... (_Finement_.) une
+importance que vous n'y attachez pas, puisque vous n'aimez pas
+cet enfant.
+
+
+HORTENSE.
+
+Je ne l'aime pas! je ne l'aime pas!... Non, sans doute, je
+ne l'aime pas; mais ces soupçons de Mondor, sur qui peuvent-ils
+tomber, si ce n'est sur Auguste? Vous verrez que je serai
+forcée de l'éloigner, et vous en serez l'unique cause.
+
+
+MARTON.
+
+Mais, Madame, s'il était si nécessaire de le rappeler au
+souvenir de M. Mondor, qui vous a empêchée d'en parler
+vous-même, et de?...
+
+
+HORTENSE.
+
+J'en aurais parlé à Mondor, quand j'ose à peine vous en
+parler, à vous; quand je ne puis y penser sans une émotion...
+bien innocente à la vérité, mais dont Mondor se serait
+aperçu... Sais-je ce qu'il se serait imaginé? Pauvre Auguste,
+tu seras malheureux, je le serai de ta peine, et cela parce
+que cette fille veut avoir de l'esprit! Quelle sotte
+prétention! sur quoi est-elle fondée? Je voudrais ne vous
+avoir jamais vue. (_Elle s'éloigne_.)
+
+
+MARTON, la suivant d'un ton suppliant.
+
+Madame, Madame!
+
+
+HORTENSE, sortant.
+
+Ne me suivez pas, je vous le défends.
+
+
+SCENE XI.
+
+
+MARTON.
+
+
+Les voilà, les voilà bien. Faites tout pour eux, un moment
+d'humeur rend vos services nuls. On vous cherche des torts que
+vous n'avez pas, pour se dissimuler ceux qu'on a
+effectivement. Oh! le sot métier que de servir des gens qui
+ne sont jamais d'accord avec eux-mêmes, et qui vous imputent
+leurs sottises, par cela seul qu'ils ne savent à qui s'en
+prendre.
+
+
+SCENE XII.
+
+
+MARTON, DUMONT.
+
+
+DUMONT.
+
+Ah! te voilà?
+
+
+MARTON, avec humeur.
+
+Après.
+
+
+DUMONT, après l'avoir regardée fixement.
+
+La journée est nébuleuse.
+
+
+MARTON.
+
+Croyez-vous cela, M. Dumont?
+
+
+DUMONT.
+
+Oui, l'air du bureau n'est pas bon pour moi.
+
+
+MARTON.
+
+C'est malheureux.
+
+
+DUMONT.
+
+Cependant il serait désagréable de quitter ainsi la partie.
+
+
+MARTON.
+
+Il est plus prudent de la quitter que de la perdre.
+
+
+DUMONT.
+
+C'est à peu près la même chose.
+
+
+MARTON.
+
+Quand on prévoit si bien les coups, on n'expose pas son enjeu.
+
+
+DUMONT.
+
+Tu es revêche.
+
+
+MARTON.
+
+Que t'importe?
+
+
+DUMONT.
+
+Oh! cela m'est égal.
+
+
+MARTON.
+
+Je le crois..
+
+
+DUMONT.
+
+Mais la conduite de ta maîtresse...
+
+
+MARTON.
+
+Es-tu fait pour y trouver à dire?
+
+
+DUMONT.
+
+Non pas moi, si tu veux, mais mon maître...
+
+
+MARTON.
+
+Ton maître?
+
+
+DUMONT.
+
+Il commence à penser comme moi.
+
+
+MARTON.
+
+Aussi sots l'un que l'autre.
+
+
+DUMONT.
+
+C'est bien flatteur.
+
+
+MARTON.
+
+Au fait! que veux-tu? Tu n'es pas venu ici sans dessein?
+
+
+DUMONT.
+
+Te faire part de mes observations.
+
+
+MARTON.
+
+C'est inutile.
+
+
+DUMONT.
+
+Mon maître et ta maîtresse vont faire une folie.
+
+
+MARTON.
+
+Tu n'auras pas le crédit de les en empêcher.
+
+
+DUMONT.
+
+Ce ne sera pas moi, mais M. Auguste...
+
+
+MARTON.
+
+
+M. Auguste?...
+
+
+DUMONT.
+
+Il adore ta maîtresse.
+
+
+MARTON.
+
+Qui te l'a dit?
+
+
+DUMONT.
+
+Je m'en suis aperçu.
+
+
+MARTON.
+
+Voyez quel tact!
+
+
+DUMONT.
+
+Oserais-tu le nier?
+
+
+MARTON.
+
+Aurais-tu conçu le projet de m'en faire convenir?
+
+
+DUMONT.
+
+Pourquoi pas.
+
+
+MARTON.
+
+Tu te crois bien fin?
+
+
+DUMONT.
+
+Assez pour te faire parler.
+
+
+MARTON.
+
+Je t'en défie.
+
+
+DUMONT.
+
+C'est fait.
+
+
+MARTON.
+
+C'est fait?
+
+
+DUMONT.
+
+Oui, tu as avoué.
+
+
+MARTON.
+
+Il est fort, celui-là.
+
+
+DUMONT.
+
+Si Auguste n'aimait pas ta maîtresse, au premier mot que je
+t'en ai dit, tu aurais jeté les hauts cris (je suis l'homme de
+confiance du futur); et si la chose était seulement
+incertaine, tu te serais défendue. Tu réponds par
+monosyllabes, tu veux rompre les chiens; atteinte et
+convaincue.
+
+
+MARTON.
+
+Ah! tu interprètes jusqu'à mon silence?
+
+
+DUMONT.
+
+Un habile homme tire parti de tout.
+
+
+MARTON.
+
+Et quand Auguste aimerait ma maîtresse, qu'en conclurais-tu?
+
+
+DUMONT.
+
+Qu'ayant pour lui bien des avantages que d'autres n'ont pas,
+il est payé de retour: n'est-il pas vrai?
+
+
+MARTON.
+
+Je suis muette.
+
+
+DUMONT.
+
+Réponds, Marton; Auguste est aimé?
+
+
+MARTON.
+
+Je suis muette, te dis-je.
+
+
+DUMONT.
+
+Qui ne dit rien, consent; prends-y garde.
+
+
+MARTON, avec force.
+
+Eh! non, non, non; Hortense ne l'aime pas.
+
+
+DUMONT.
+
+Tu me le dis d'un ton qui me persuade le contraire.
+
+
+MARTON.
+
+Que le diable t'emporte!
+
+
+DUMONT.
+
+Que le ciel te le rende!
+
+
+MARTON.
+
+Dumont, jasons d'amitié, et laissons là l'esprit: depuis deux
+heures le mien ne m'a fait faire que des bévues. Que nous
+fassions bien ou mal, nos services sont pesés au poids du
+caprice. Aidons-nous, au lieu de nous nuire.
+
+
+DUMONT.
+
+Tope. Sois vraie, d'abord. Auguste aime ta maîtresse, et ta
+maîtresse aime Auguste.
+
+
+MARTON.
+
+Eh! sans doute; mais...
+
+
+DUMONT.
+
+Quoi, mais?...
+
+
+MARTON.
+
+Quel usage veux-tu faire de cet aveu?
+
+
+DUMONT.
+
+Le reporter à mon maître, qui n'a pas de caprices, et qui pèse
+mes services au poids de la raison.
+
+
+MARTON.
+
+Ah! fripon, double fripon.
+
+
+DUMONT, la contrefesant.
+
+Il vaut mieux quitter la partie que de la perdre.
+
+
+MARTON.
+
+Dumont, mon ami Dumont, je t'en prie, je t'en supplie!
+
+
+DUMONT.
+
+Tu verras que mon maître et moi ne sommes pas si sots.
+
+
+MARTON.
+
+Mon cher petit Dumont!
+
+
+DUMONT.
+
+Je suis inexorable.
+
+
+MARTON.
+
+Me voilà renvoyée indubitablement.
+
+
+DUMONT.
+
+Non pas, non. M. Mondor saura prudemment concilier ses
+intérêts et les tiens. Vous conserverez, lui, sa liberté, toi,
+ta condition; il le faut, je le veux, et je viens de te
+donner un échantillon de mon savoir-faire, qui doit te
+convaincre de ma capacité.
+
+
+SCENE XIII.
+
+
+MARTON.
+
+
+Haïe en secret de Mondor, dont j'ai éventé les finesses,
+querellée par ma maîtresse, jouée par ce valet, et cependant
+plus fine qu'aucun d'eux; tel est mon sort. Si une fille
+comme moi est impunément ballottée par des êtres de cette
+espèce, il faudra croire au fatalisme. Vengeons-nous à la fois
+de tous nos adversaires. Bannissons Mondor et son valet, et
+punissons Hortense, en la forçant d'être heureuse.
+
+
+SCENE XIV.
+
+
+AUGUSTE, MARTON.
+
+
+AUGUSTE, accourant, hors de lui.
+
+Marton, ma chère Marton, tu me vois au désespoir. Je suis
+abandonné, haï, assassiné!
+
+
+MARTON, à part.
+
+Ah! voilà mon vengeur! (_Haut_.) Qu'avez-vous donc, Monsieur?
+
+
+AUGUSTE.
+
+Je me suis jeté aux genoux d'Hortense, j'ai supplié, j'ai
+menacé, j'ai pleuré; elle ne veut rien entendre. Je vais la
+perdre, et il faut que je me taise: elle me l'a ordonné.
+
+
+MARTON.
+
+Elle vous l'a ordonné!
+
+
+AUGUSTE.
+
+Mais d'une manière si pressante et si douce, que l'Amour
+lui-même eût cédé à la séduction. J'étais à ses pieds; je ne suis
+pas éloquent, mais le langage du coeur a de la véhémence, et je
+ne suivais que l'impulsion du mien. Elle écoutait et
+paraissait émue. Bientôt elle détourne la tête, en oubliant sa
+main. Je la saisis; je la baise.... Avec quelle ardeur je la
+baisai, cette main!
+
+
+MARTON.
+
+Je connais cela, après?
+
+
+AUGUSTE.
+
+Elle veut la retirer, j'ose lui résister pour la première fois
+de ma vie; sa main me reste, et je la baise encore. Ses yeux
+alors se tournent vers moi: ils sont mouillés, mais
+n'expriment pas de colère. Leur douceur m'enhardit.... je
+l'embrasse... Ah! Marton, comme on embrasse ce qu'on adore et
+ce qu'on va perdre! Tout à coup elle s'échappe de mes bras,
+fuis à l'extrémité de l'appartement, et prenant un air sévère
+: Finissez, Monsieur, me dit-elle, vous n'êtes plus un enfant,
+et ces libertés me déplaisent. Je me marie, respectez un lien
+sacré. Je réplique, elle insiste... Je m'emporte.... Alors,
+Marton, alors cette femme, oubliant son empire, descend à la
+prière, emploie à la fois et l'ascendant de la vertu, et le
+pouvoir magique de la beauté. Sa colère avait excité la
+mienne, sa douceur, sa bonté me laissent sans force. Je
+promets de ménager Hortense, de respecter Mondor. Ma promesse
+me coûtera mon repos, mon bonheur, et peut-être ma vie; mais
+je me serai immolé à ce que j'aime.
+
+
+MARTON.
+
+Non, Monsieur, on ne meurt pas d'amour, et à votre âge on est
+heureux quand on veut l'être. Céder à une femme attendrie et
+suppliante!
+
+
+AUGUSTE.
+
+Que pouvais-je faire?
+
+
+MARTON.
+
+Son bonheur.
+
+
+AUGUSTE.
+
+Eh! comment?
+
+
+MARTON.
+
+En la forçant de renoncer à un mariage de raison, pour épouser
+Auguste qu'elle aime, quoiqu'elle veuille se le dissimuler.
+
+
+AUGUSTE.
+
+Elle m'aime, dis-tu?.. Elle m'aime?...
+
+
+MARTON.
+
+Il faut être aussi modeste pour ne pas s'en apercevoir, et
+aussi enfant pour n'en pas profiter.
+
+
+AUGUSTE.
+
+Marton, ma fidèle Marton, ma seule, mon unique amie, éclaire-moi,
+conseille-moi, conduis-moi. Tu me rends à la vie, en me
+rendant à l'espoir; dis-moi, que dois-je faire pour...
+
+
+MARTON.
+
+Déclarez tout à M. Mondor, peignez-lui votre amour, votre
+douleur; laissez entrevoir que vous êtes payé du plus tendre
+retour.
+
+
+AUGUSTE.
+
+Hortense me désavouera.
+
+
+MARTON.
+
+Que vous importe? Mondor est vieux, il doit être jaloux.
+Qu'il renonce à Hortense, ce soir elle est à vous: d'ailleurs
+vous ne ferez que confirmer à Mondor ce que son valet lui aura
+déjà dit, et ce que peut-être il n'aura pas voulu croire.
+
+
+AUGUSTE.
+
+Quoi! Dumont saurait?......
+
+
+MARTON.
+
+Oui, Dumont sait qu'on vous aime; Mondor doit le soupçonner,
+moi j'en suis assurée, ma maîtresse le sent, il n'y a que vous
+dans toute la maison qui ne vous en doutiez pas.
+
+
+AUGUSTE.
+
+Mais j'ai promis à ma belle cousine.....
+
+
+MARTON.
+
+Vous avez promis.... mais vaincu par les prières d'Hortense,
+égaré par votre délicatesse, contenu par la crainte de lui
+déplaire...
+
+
+AUGUSTE.
+
+Oh! oui, oui, Marton, tout cela est bien vrai.
+
+
+MARTON.
+
+Eh bien! Monsieur, tout acte qui n'est pas libre,
+parfaitement libre, ne saurait nous engager.
+
+
+AUGUSTE, vivement.
+
+Tu as raison, tu as raison.
+
+
+MARTON.
+
+Ne dites rien de notre petit complot; restez ici, attendez
+Mondor, ne le tuez pas; de l'éloquence, de la fermeté,
+l'amour fera le reste.
+
+
+SCENE XV.
+
+
+AUGUSTE.
+
+
+Ah! Marton est charmante. Oui, j'ai promis trop légèrement,
+et un serment arraché ne m'oblige à rien. Le voici, ce rival
+heureux; modérons-nous, et abordons-le.
+
+
+SCENE XVI.
+
+
+DUMONT, MONDOR, AUGUSTE.
+
+
+MONDOR, à Dumont, en entrant.
+
+J'en ai assez entendu: le notaire est averti, je lui ai fait
+sa leçon, le reste me regarde.
+
+
+AUGUSTE, avec timidité.
+
+Monsieur, vous voulez épouser..... vous allez épouser.....
+
+
+MONDOR, à Dumont, en dissimulant.
+
+Quel est Monsieur?
+
+
+DUMONT.
+
+C'est M. Auguste, le cousin et l'ami.....
+
+
+MONDOR.
+
+Monsieur Auguste, que j'ai vu si jeune, si intéressant, dont
+la physionomie promettait?...
+
+
+DUMONT.
+
+Et dont la physionomie a tenu parole.
+
+
+MONDOR.
+
+J'étais loin, Monsieur, de vous croire ici. Hortense ne m'a
+pas parlé de vous, Marton a gardé le même silence, tout cela
+m'étonne un peu, je l'avoue: au reste, vous voilà, j'en suis
+charmé; vous serez de ma noce, et vous l'embellirez.
+
+
+AUGUSTE.
+
+Je serai de votre noce!.... vous croyez?.... Vous ne doutez
+pas que votre triomphe......
+
+
+MONDOR.
+
+Qu'avez-vous, Monsieur, vous paraissez troublé?
+
+
+AUGUSTE.
+
+Je suis dans un état impossible à dépeindre.
+
+
+MONDOR.
+
+Vous m'alarmez, mon cher ami.
+
+
+AUGUSTE.
+
+Dites-moi d'abord, Monsieur, aimez-vous beaucoup ma cousine?
+
+
+MONDOR.
+
+Eperdument.
+
+
+DUMONT, à MONDOR.
+
+Eh! non, Monsieur, non; c'est convenu.
+
+
+MONDOR, à Dumont.
+
+Va-t'en.
+
+
+DUMONT.
+
+Mais, Monsieur.
+
+
+MONDOR.
+
+Va-t'en, te dis-je.
+
+
+SCENE XVII.
+
+
+MONDOR, AUGUSTE.
+
+
+AUGUSTE.
+
+Sérieusement, Monsieur, vous l'aimez éperdument?
+
+
+MONDOR.
+
+Cela vous étonne?
+
+
+AUGUSTE.
+
+Au contraire, Monsieur; mais c'est que votre amour.....
+
+
+MONDOR.
+
+Mon amour?...
+
+
+AUGUSTE.
+
+C'est que votre amour.....
+
+
+MONDOR.
+
+Ne s'accorde peut-être pas avec vos désirs secrets? A votre
+âge, Monsieur, on aime facilement: à votre âge, on est fort
+aimable; mais à votre âge, on ne se marie pas, ou on a tort.
+
+
+AUGUSTE.
+
+On se marie bien au vôtre, Monsieur.
+
+
+MONDOR.
+
+On a peut-être tort aussi: cependant la comparaison n'est pas
+juste.
+
+
+AUGUSTE.
+
+Pour ceux qu'elle humilie.
+
+
+MONSOR, avec une feinte colère.
+
+Monsieur, vous me tenez des propos.....
+
+
+AUGUSTE, avec fierté.
+
+Vous blessent-ils, Monsieur?
+
+
+MONDOR, à part.
+
+Il est brave; voyons s'il est délicat. (_Haut_.) Avant de nous
+brouiller tout-à-fait, ne serait-il pas prudent de nous
+entendre, et de nous expliquer?
+
+
+AUGUSTE.
+
+Soit, Monsieur, expliquons-nous: vous aimez Hortense, et je
+l'adore; vous l'épousez, et moi......
+
+
+MONDOR.
+
+Jusqu'ici je ne vois pas de raisons qui puissent me faire
+renoncer à sa main.
+
+
+AUGUSTE.
+
+Vous n'en voyez pas, Monsieur?... Moi, j'en vois mille.
+
+
+MONDOR.
+
+Ah! ah!
+
+
+AUGUSTE.
+
+Et une seule doit suffire.
+
+
+MONDOR.
+
+Eh bien! Monsieur, voyons cette raison.
+
+
+AUGUSTE.
+
+C'est que.... (_A part_.) Non, elle ne me le pardonnerait
+jamais.
+
+
+MONDOR.
+
+Enfin, cette raison?
+
+
+AUGUSTE.
+
+C'est que.....
+
+
+MONDOR.
+
+C'est qu'Hortense vous aime, peut-être?
+
+
+AUGUSTE, vivement.
+
+Je ne dis pas cela.
+
+
+MONDOR.
+
+Elle a agréé ma recherche, l'instant de notre hymen est fixé;
+c'est un sentiment de préférence qui la détermine. (_Ici
+Auguste fait un mouvement_.) Oui, Monsieur, un sentiment de
+préférence, ce sont ses propres expressions. Je la crois,
+parce que je l'estime. Si elle vous eût aimé, peut-être
+eussé-je sacrifié mon amour.
+
+
+AUGUSTE, très-vivement.
+
+Vous l'eussiez sacrifié!.... vous l'eussiez sacrifié!.... Ah
+! Monsieur.
+
+
+MONDOR.
+
+Mais Hortense ne vous aime pas, n'est-il pas vrai, elle ne
+vous aime pas? Prenez garde, Monsieur, qu'un mot hasardé peut
+nuire à la réputation d'une femme estimable.
+
+
+AUGUSTE.
+
+Eh! Monsieur, que me demandez-vous? Je vais vous dévoiler
+mon ame, vous y lirez comme moi. Qu'importe que je sois aimé
+d'Hortense, que vous importent ses sentimens secrets, puisque
+vous connaissez sa vertu? Mais, Monsieur, c'est à la dernière
+extrémité que je vous implore. A votre âge, on surmonte
+l'amour: au mien, c'est un poison qui brûle, qui dévore. Vous
+avez toute votre raison, et la mienne n'est qu'à son aurore.
+Je voudrais vous aimer, je le désire, je le puis; ayez pitié
+de mes tourmens, ne me forcez pas à vous haïr.
+
+
+MONDOR.
+
+Monsieur, vous me dites là des choses très-intéressantes,
+très-vivement senties, mais qui éludent ma question. Répondez
+net, s'il vous plaît. Si Hortense vous aime, si seulement elle
+vous a donné lieu de le croire, je vous la cède; elle m'a
+trompé, et je la méprise. Si au contraire......
+
+
+AUGUSTE, avec force.
+
+Monsieur, estimez ma cousine, et épousez-la.
+
+
+MONDOR, à part.
+
+C'est un honnête homme, et je suis content de lui.
+
+
+SCENE XVIII.
+
+
+MONDOR, HORTENSE, AUGUSTE.
+
+
+HORTENSE, embarrassée.
+
+Monsieur, notre mariage, qui m'a singulièrement
+préoccupée.......
+
+
+MONDOR, à part.
+
+Je le crois.
+
+
+HORTENSE.
+
+Les préliminaires..... les préparatifs.....
+
+
+AUGUSTE.
+
+Que va-t-elle dire?
+
+
+HORTENSE.
+
+Tout ce qui tient enfin à une affaire majeure, m'a fait perdre
+de vue des intérêts moins pressans.
+
+
+MONDOR, à part.
+
+La conversation va s'animer.
+
+
+HORTENSE.
+
+J'ai négligé de vous parler de mon cousin... de mon cousin....
+que j'aime.
+
+
+MONDOR, avec intention.
+
+Et qui mérite de l'être.
+
+
+HORTENSE.
+
+Oui, Monsieur.
+
+
+MONDOR.
+
+Eh! Madame, quoi de plus simple? vous aimez votre cousin,
+c'est bien naturel. Il est charmant, le petit cousin, et près
+de toute autre femme il pourrait être dangereux.
+
+
+HORTENSE.
+
+Vous vous plaisez aujourd'hui à me dire des choses
+désagréables.
+
+
+AUGUSTE, à part.
+
+S'ils pouvaient se brouiller!
+
+
+MONDOR.
+
+Croyez-moi, Madame, ne perdons pas un tems précieux à disputer
+sur des mots; revenons, s'il vous plaît. (_La contrefesant_.)
+Vous avez négligé de me parler de votre cousin..... de votre
+cousin..... que vous aimez.
+
+
+HORTENSE, vivement.
+
+Comme on aime un parent.
+
+
+MONDOR.
+
+C'est bien ainsi que je l'entends. Poursuivez, Madame.
+
+
+HORTENSE, avec beaucoup d'embarras.
+
+J'ai réfléchi, Monsieur.... j'ai réfléchi....
+
+
+MONDOR.
+
+Vous avez réfléchi?...
+
+
+HORTENSE.
+
+Et je l'éloigne de moi.
+
+
+AUGUSTE, bas à Hortense.
+
+Que dites-vous, Madame?
+
+
+MONDOR, à part.
+
+Elle l'éloigne, elle le craint.
+
+
+HORTENSE.
+
+Il est tems qu'il s'occupe de son état et de sa fortune: je
+l'aiderai de la mienne, et vos conseils guideront sa jeunesse.
+
+
+AUGUSTE, bas à Hortense.
+
+Je ne partirai pas, c'est un parti pris.
+
+
+MONDOR.
+
+Je ne vois pas qu'il faille pour cela l'éloigner de vous. Je
+vais être son parent, et votre affection lui est un sûr garant
+de la mienne. Vous avez commencé son éducation, il faut la
+finir; nous le devons, et je vous prie de ne pas vous y
+opposer.
+
+
+AUGUSTE, bas à Hortense.
+
+Rendez-vous, cruelle, ou je vais éclater.
+
+
+HORTENSE, bas à Auguste.
+
+Si vous dites un mot, je ne vous parle de ma vie. (_A Mondor_.)
+Croyez, Monsieur, que je n'agis pas sans de fortes raisons.
+
+
+MONDOR.
+
+Il serait dangereux peut-être de vouloir les approfondir: je
+vous avoue cependant que celles que vous m'opposez ne me
+persuadent pas, m'étonnent, et peuvent donner lieu à
+d'étranges soupçons.
+
+
+HORTENSE.
+
+Eh bien! Monsieur, sachez que je ne fais rien que pour
+prévenir ces soupçons. Je vais vous faire une confidence
+dictée par l'honneur, et nécessaire à mon repos: ce jeune
+homme m'aime.
+
+
+MONDOR.
+
+Je le sais, Madame.
+
+
+HORTENSE.
+
+Mais il m'aime... d'amour.
+
+
+MONDOR.
+
+Je le sais, Madame.
+
+
+HORTENSE.
+
+Vous le savez, Monsieur?
+
+
+AUGUSTE.
+
+Oui, Madame, oui, Monsieur le sait.
+
+
+HORTENSE.
+
+Et vous trouvez étrange que je l'éloigne?
+
+
+MONDOR, ironiquement.
+
+Oui, Madame, puisque vous n'avez pour lui que de l'amitié.
+
+
+HORTENSE.
+
+Vous ne cherchez qu'à me tourmenter, Monsieur. Si je ne l'aime
+pas, vous devez louer ma prudence; si je l'aime, vous devez
+me savoir gré de mon sacrifice; mais les hommes sont
+injustes, sont ingrats, sont....
+
+
+MONDOR.
+
+Tout ce qu'il vous plaira, Madame. Une jolie femme n'a jamais
+tort avec moi.
+
+
+HORTENSE.
+
+Un compliment ne réparera pas ce que vos propos ont de
+piquant.
+
+
+AUGUSTE, avec humeur.
+
+Monsieur ne vous a rien dit que de très-sensé, Madame; et
+c'est vous qui prenez tout si singulièrement aujourd'hui...
+
+
+HORTENSE, à Auguste.
+
+Joignez-vous à Monsieur, je vous le conseille, je vous en prie
+; ces deux hommes sont cruels! l'un m'excède...
+
+
+MONDOR, l'interrompant.
+
+Duquel parlez-vous, Madame?
+
+
+AUGUSTE.
+
+Quoiqu'il en soit, je ne partirai pas. Je vous adore; votre
+époux le sait; il veut que je reste, et bien certainement je
+lui obéirai. Il est raisonnable, lui... et vous!...... Ah!
+cousine, n'est-ce pas assez de vous perdre, sans être forcé de
+m'éloigner? Je n'ai plus de parens, je n'ai que vous au monde
+qui s'intéresse à moi, que deviendrai-je si je vous quitte?
+Jeune, sans expérience, obligé de me distraire d'une passion
+malheureuse, je me livrerai malgré moi aux erreurs de mon âge
+: vous le saurez, et vous en serez tourmentée. Si je reste, au
+contraire, vos conseils, votre vertu, votre amitié douce et
+compatissante rétabliront insensiblement la paix dans mon ame.
+Je puiserai dans vos yeux la force de supporter mon sort. Ma
+cousine! ma belle cousine! (_Il tombe à ses genoux, et lui
+baisant la main_.) Ne me chassez pas, je vous en conjure; ce
+serait m'arracher la vie!
+
+
+MONDOR, passant entre Hortense et Auguste.
+
+Bien! cousin, bien!
+
+
+HORTENSE.
+
+Vous chasser! vous chasser! Je n'en ai jamais eu l'idée;
+mais il me semble qu'une absence de quelques mois...
+
+
+AUGUSTE, à Mondor.
+
+Monsieur, parlez pour moi, je vous en prie.
+
+
+MONDOR.
+
+Malgré la nouveauté du personnage qu'on me fait jouer, je dois
+vous représenter, Madame, que tant de précipitation peut
+donner à penser à un monde toujours injuste et malin. On
+croirait peut-être que le départ de Monsieur serait l'effet de
+ma jalousie, et je ne suis pas jaloux.
+
+
+HORTENSE, piquée.
+
+Vous n'êtes pas jaloux?
+
+
+MONDOR.
+
+Non, Madame, je ne suis pas jaloux. Je verrais Monsieur passer
+sa vie à vos pieds, que je n'en prendrais pas le plus léger
+ombrage.
+
+
+AUGUSTE, à Hortense.
+
+Eh bien! je ne lui fais pas dire.
+
+
+HORTENSE, à part.
+
+Quel insupportable homme!
+
+
+SCENE XIX.
+
+
+LES PRECEDENS, MARTON, DUMONT, LE NOTAIRE.
+
+
+DUMONT, annonçant.
+
+Votre notaire.
+
+
+MONDOR, allant au-devant du notaire.
+
+Approchez, Monsieur, approchez.
+
+
+AUGUSTE, s'asseyant.
+
+Mon coeur s'en va.
+
+
+HORTENSE, s'asseyant de l'autre côté.
+
+Comme il souffre, ce pauvre enfant!
+
+
+LE NOTAIRE, deux contrats à la main, bas à Mondor.
+
+Avez-vous deviné?
+
+
+MONDOR.
+
+Parbleu! regardez le jeune homme.
+
+
+LE NOTAIRE.
+
+Charmant! en vérité. (_Prenant le contrat de dessous_.) En ce
+cas, c'est ce contrat-ci.
+
+
+MONDOR, présentant la plume à Hortense.
+
+Madame veut-elle signer?...
+
+(Hortense signe d'un air triste.)
+
+
+MARTON.
+
+Elle a signé! Ah! la pauvre femme!
+
+
+DUMONT.
+
+Mon maître ne signera pas.
+
+
+LE NOTAIRE, à Mondor qui a pris la plume pour signer.
+
+Plus bas, plus bas encore.
+
+
+MONDOR, signant.
+
+Ah! j'entends.
+
+
+MARTON, à Dumont.
+
+Eh bien! qu'en dis-tu?
+
+
+DUMONT.
+
+Diable emporte si je m'y attendais!
+
+
+MONDOR.
+
+Et le petit cousin? Il nous fera aussi le plaisir de signer
+au contrat. (_Il présente à Auguste la plume et le contrat_.)
+Ici, cousin, ici. (_A part_.) Comme la main lui tremble.......
+ce cher enfant! il faut lui rendre ses forces. (_Haut_.) Eh!
+mais.... j'oubliais.... étourdi que je suis! Madame a signé
+sans connaître les articles...
+
+
+HORTENSE, très-froidement.
+
+Monsieur, je m'en rapporte absolument à vous....
+
+
+MONDOR.
+
+Cela ne suffit pas. Je crois que les clauses principales ne
+vous déplairont pas; mais il faut que vous sachiez... (_Au
+notaire_.) Lisez, Monsieur, lisez.
+
+
+LE NOTAIRE, lisant.
+
+Par devant, et caetera..... Sont comparus Monsieur Auguste
+Vercour, et Dame Hortense....
+
+
+HORTENSE, se levant précipitamment.
+
+Monsieur, quelle est cette nouvelle plaisanterie?
+
+
+MONDOR.
+
+Celle-ci vaut bien les autres, convenez-en?
+
+
+AUGUSTE.
+
+Quoi! Monsieur...
+
+
+MONDOR.
+
+Te voilà bien certain de ne pas partir, à moins que Madame ne
+veuille congédier son époux.
+
+
+AUGUSTE, sautant au cou de Mondor.
+
+Ah! mon bon ami, mon bon ami!
+
+
+HORTENSE.
+
+Je n'y consentirai jamais.
+
+
+MONDOR.
+
+Vous voulez qu'on vous prie...
+
+
+MARTON, à Mondor.
+
+Pour la forme.
+
+
+MONDOR.
+
+Oui, pour la forme.
+
+
+HORTENSE.
+
+Toujours des impertinences?
+
+
+MONDOR.
+
+Vous n'aurez pas de peine à me pardonner celle-ci.
+
+
+HORTENSE.
+
+Mais, quelle folie! me faire épouser un enfant!
+
+
+MONDOR.
+
+Eh! qu'importe?
+
+
+HORTENSE.
+
+Que dira le monde?
+
+
+MONDOR.
+
+Tout ce qu'il lui plaira. Monsieur est jeune, mais il a une
+belle ame, il m'en a convaincu. Vous serez heureuse, Auguste
+le sera, je le serai de votre commun bonheur. Nous laisserons
+dire les sots, et nous jouirons de la vie.
+
+
+HORTENSE, avec une joie qu'elle voudrait dissimuler.
+
+Vous êtes un terrible homme! vous me faites faire tout ce que
+vous voulez.
+
+
+AUGUSTE, sautant.
+
+Elle est à moi!
+
+
+MONDOR.
+
+Vous m'épousiez par raison, l'amour vous parlait pour ce jeune
+homme, je m'en suis aperçu, car enfin je n'ai pas cinquante
+ans pour rien, et je me suis dit: " Il faut savoir aimer ses
+amis pour eux-mêmes ".
+
+
+
+
+FIN DE L'AMOUR ET LA RAISON.
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+End of the Project Gutenberg EBook of L'amour et la raison, by
+Charles-Antoine-Guillaume Pigault de l'Épinoy
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'AMOUR ET LA RAISON ***
+
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+Produced by Daniel Fromont
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+works. See paragraph 1.E below.
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+receive the work electronically in lieu of a refund. If the second copy
+is also defective, you may demand a refund in writing without further
+opportunities to fix the problem.
+
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+in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS' WITH NO OTHER
+WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO
+WARRANTIES OF MERCHANTIBILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.
+
+1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied
+warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages.
+If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the
+law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be
+interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by
+the applicable state law. The invalidity or unenforceability of any
+provision of this agreement shall not void the remaining provisions.
+
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+trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
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+with this agreement, and any volunteers associated with the production,
+promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works,
+harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees,
+that arise directly or indirectly from any of the following which you do
+or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
+work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
+Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.
+
+
+Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
+
+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
+electronic works in formats readable by the widest variety of computers
+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
+because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
+people in all walks of life.
+
+Volunteers and financial support to provide volunteers with the
+assistance they need, is critical to reaching Project Gutenberg-tm's
+goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation web page at https://www.pglaf.org.
+
+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
+https://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
+permitted by U.S. federal laws and your state's laws.
+
+The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
+Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
+throughout numerous locations. Its business office is located at
+809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
+business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact
+information can be found at the Foundation's web site and official
+page at https://pglaf.org
+
+For additional contact information:
+ Dr. Gregory B. Newby
+ Chief Executive and Director
+ gbnewby@pglaf.org
+
+
+Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation
+
+Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
+spread public support and donations to carry out its mission of
+increasing the number of public domain and licensed works that can be
+freely distributed in machine readable form accessible by the widest
+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
+($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
+status with the IRS.
+
+The Foundation is committed to complying with the laws regulating
+charities and charitable donations in all 50 states of the United
+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
+considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
+with these requirements. We do not solicit donations in locations
+where we have not received written confirmation of compliance. To
+SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
+particular state visit https://pglaf.org
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+While we cannot and do not solicit contributions from states where we
+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
+against accepting unsolicited donations from donors in such states who
+approach us with offers to donate.
+
+International donations are gratefully accepted, but we cannot make
+any statements concerning tax treatment of donations received from
+outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
+
+Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
+methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
+ways including including checks, online payments and credit card
+donations. To donate, please visit: https://pglaf.org/donate
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+
+Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
+works.
+
+Professor Michael S. Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm
+concept of a library of electronic works that could be freely shared
+with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project
+Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
+
+
+Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
+editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
+unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
+keep eBooks in compliance with any particular paper edition.
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+This eBook, including all associated images, markup, improvements,
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