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+The Project Gutenberg EBook of La Pupille, by Christophe-Barthélemi Fagan
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
+
+
+Title: La Pupille
+
+Author: Christophe-Barthélemi Fagan
+
+Release Date: October 7, 2008 [EBook #26822]
+
+Language: French
+
+Character set encoding: ISO-8859-1
+
+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LA PUPILLE ***
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+Produced by Daniel Fromont
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+[Transcriber's note: Christophe-Barthélemi Fagan (1702-1755),
+_La Pupille_, 1734, édition de 1760]
+
+
+
+
+
+LA PUPILLE,
+
+
+COMEDIE,
+
+
+PAR FAGAN,
+
+
+Représentée, pour la première fois, le 5 juillet
+
+1734.
+
+
+
+
+NOTICE SUR FAGAN.
+
+
+Christophe-Barthélemi FAGAN, né à Paris le 30 mars 1702, reçut
+une éducation très soignée. La perte totale de la fortune de
+son père avoit obligé ce dernier à accepter une place au
+bureau des consignations, et força également le jeune homme à
+prendre un emploi dans la même partie.
+
+L'agrément de son esprit le fit accueillir dans diverses
+sociétés. Il y rencontra Pannard, se lia avec lui, et bientôt
+ils composèrent ensemble plusieurs opéras comiques qui eurent
+du succès. Le goût de Fagan pour le théâtre s'en accrut de
+plus en plus, et, excité par les besoins d'une famille
+nombreuse, il entreprit de travailler seul pour le théâtre
+François. La première pièce qu'il y donna fut LE RENDEZ-VOUS.
+Cette petite comédie en un acte, et en vers, représentée pour
+la première fois le 27 mai 1733, eut douze représentations
+très suivies. L'année suivante, le 11 février, il fit jouer LA
+GRONDEUSE, aussi en un acte et en prose, qu'il retira après la
+cinquième représentation. Le 5 juillet de la même année, parut
+LA PUPILLE, que l'on regarde généralement comme le chef-d'oeuvre
+de l'auteur. Cette charmante comédie en un acte et en
+prose fut applaudie avec enthousiasme pendant vingt-trois
+représentations. LUCAS ET PERRETTE OU LE RIVAL UTILE, comédie
+en un acte et en vers, mise au théâtre le 17 novembre de la
+même année 1734, ne fut jouée que deux fois.
+
+L'AMITIE RIVALE DE L'AMOUR, comédie en un acte, en vers, jouée
+le 16 novembre 1735, excita beaucoup de tumulte dans le
+parterre à la première représentation; elle fut cependant
+jouée dix fois, et a été reprise avec quelque succès.
+
+LES CARACTERES DE THALIE, comédie en trois actes, mise au
+théâtre le 15 juillet 1737, fut jouée dix-huit fois avec
+succès. Chaque acte de cette pièce formoit une comédie
+entière. La première en un acte, en vers, étoit L'INQUIET; la
+seconde en un acte, en prose, avoit pour titre L'ETOURDERIE;
+et la troisième, aussi en un acte en prose, que l'on joue
+encore aujourd'hui, est intitulée LES ORIGINAUX.
+
+LE MARIE SANS LE SAVOIR, comédie en un acte, en prose,
+représentée le 8 janvier 1739, ne fut donnée que six fois.
+
+JOCONDE, comédie en un acte, en prose, donnée le 5 novembre
+1740, eut quatorze représentations.
+
+L'HEUREUX RETOUR, comédie en un acte, en vers, composée à
+l'occasion de la convalescence du roi et de son retour de Metz
+à la cour, fut mise au théâtre le 6 novembre 1744, et eut
+quinze représentations.
+
+On trouve encore dans les oeuvres de l'auteur LE MUSULMAN,
+comédie en un acte, en prose, LE MARQUIS AUTEUR, comédie en un
+acte en vers, et L'ASTRE FAVORABLE, comédie en un acte et en
+vers libres. Ces trois pièces étoient destinées au théâtre
+François, mais elles n'ont pas été représentées.
+
+Fagan mourut à Paris le 8 avril 1755, dans sa cinquante-quatrième
+année.
+
+
+PERSONNAGES.
+
+
+ARISTE.
+
+ORGON, ami d'Ariste.
+
+LE MARQUIS VALERE, neveu d'Orgon.
+
+JULIE.
+
+LISETTE, suivante de Julie.
+
+Un laquais, personnage muet.
+
+
+La scène est à Paris, dans l'appartement d'Ariste.
+
+
+
+LA PUPILLE,
+
+
+COMEDIE.
+
+
+
+
+SCENE I.
+
+
+ORGON, LE MARQUIS.
+
+
+ORGON.
+
+Valère, encore un coup, songez à ce que vous me faites faire.
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Que je sois anéanti, mon oncle, si je voulois, pour toute
+chose au monde, vous engager dans une fausse démarche. Faut-il
+vous le répéter cent fois? Je vous dis que je suis avec elle
+sur un pied à ne pouvoir pas reculer.
+
+
+ORGON.
+
+Mais ne vous flattez-vous pas? Etes-vous bien sûr d'être aimé?
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Si j'en suis sûr? Premièrement, quand je viens ici, à peine
+ose-t-elle me regarder: preuve d'amour; et quand je lui
+parle, elle ne me répond pas le mot: preuve d'amour; et
+quand je parois vouloir me retirer, elle affecte un air plus
+gai, comme pour me dire: "Pourquoi me fuyez-vous, marquis?
+Craignez-vous de me sacrifier quelques moments? Restez, petit
+volage, restez; je vais vaincre le trouble où me jette votre
+presence, et vous fixer par mon enjouement. Mon esprit va
+briller aux dépens de mon coeur. J'aime mieux que vous me
+croyez moins tendre, et vous paroître plus aimable. Demeurez,
+mon adorable marquis! demeurez...." Je pourrois vous en dire
+davantage; mais vous me permettrez de me taire là-dessus: il
+faut être modeste.
+
+
+ORGON.
+
+Ces preuves-là me paroissent assez équivoques. Au surplus,
+Ariste est trop judicieux et trop mon ami pour s'opposer à ce
+mariage, si sa pupille y consent... (Voyant paroître Ariste
+dans le fond.) Je le vois sortir de son appartement. Retirez-vous.
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Y a-t-il quelque inconvénient que je reste? Vous porterez la
+parole: il donnera son consentement; je donnerai le mien:
+on fera venir Julie; ce sera une chose faite.
+
+
+ORGON.
+
+Les affaires ne se mènent pas si vite. Retirez-vous, vous dis-je.
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Cependant....
+
+
+ORGON, l'interrompant.
+
+Retirez-vous.
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Allons donc. Je reviendrai, quand il sera question d'épouser.
+
+(Il sort.)
+
+
+
+
+SCENE II.
+
+
+ARISTE, ORGON.
+
+
+ORGON.
+
+Bon jour au seigneur Ariste.
+
+
+ARISTE.
+
+On vient de me dire que vous étiez ici, Orgon; je suis charmé
+de vous voir.
+
+
+ORGON.
+
+Je suis charmé, moi, de voir la santé dont vous jouissez. Sans
+flatterie, vous ne paroissez pas trente-cinq ans; et.... vous
+en avez bien dix par de-là.
+
+
+ARISTE.
+
+La vie tranquille et réglée que je mène depuis quelque temps,
+me vaut ce peu de santé dont je jouis.
+
+
+ORGON.
+
+Ma foi! une femme vous siéroit fort bien.
+
+
+ARISTE.
+
+A moi? Vous plaisantez, Orgon.
+
+
+ORGON.
+
+Ah! il est vrai que vous avez toujours été un peu philosophe,
+et, par conséquent, peu curieux d'engagement.
+
+
+ARISTE.
+
+Il y a eu, dans ce qu'on appelle philosophes, des gens qui ne
+se sont point mariés, et peut-être ont-ils bien fait. Mais,
+selon moi, le célibat n'est point essentiel à la philosophie;
+et je pense qu'un sage est un homme qui se résout à vivre
+comme les autres, avec cette seule différence qu'il n'est
+esclave ni des évènements, ni des passions. Ce n'est donc
+point par philosophie, mais parce que j'ai passé l'âge de
+plaire que je vous demande grâce sur cet article-là.
+
+
+ORGON.
+
+Ce que je vous en dis est par forme de conversation. Parlons-en
+donc pour un autre. Votre dessein n'est-il pas de pourvoir
+Julie?
+
+
+ARISTE.
+
+Oui. C'est dans cette vue que je l'ai retirée du couvent.
+
+
+ORGON.
+
+Je crois même vous avoir entendu dire que son père, en vous la
+confiant, vous avoit recommandé de lui faire prendre un parti,
+dès qu'elle seroit en âge.
+
+
+ARISTE.
+
+Cela est encore vrai, et je m'y détermine d'autant mieux que
+je compte faire un bon présent à quiconque l'épousera; car
+elle a des sentiments dignes de sa naissance: elle est douce,
+modeste, attentive; en un mot, je ne vois rien de plus
+aimable ni de plus sage. Il y a peut-être un peu de prévention
+de ma part.
+
+
+ORGON.
+
+Non; elle est parfaite, assurément: mais il se passe quelque
+chose dont vous n'êtes peut-être pas instruit.
+
+
+ARISTE.
+
+Comment! que se passe-t-il donc?
+
+
+
+
+SCENE III.
+
+
+LE MARQUIS, dans le fond, et sans se montrer d'abord; ARISTE,
+ORGON.
+
+
+ORGON, à Ariste.
+
+J'ai un neveu, de par le monde.
+
+
+ARISTE.
+
+Je le sais. Ne se nomme-t-il pas Valère?
+
+
+ORGON.
+
+Tout juste.
+
+
+ARISTE.
+
+Je l'ai vu quelquefois au logis.
+
+
+LE MARQUIS, se jetant entre eux deux.
+
+Oui, monsieur. Je viens vous avouer, et vous expliquer ce que
+mon oncle ne vous dit que confusément. Il est vrai que
+Julie....
+
+
+ORGON, l'interrompant.
+
+Eh! que diable! laissez-moi.
+
+
+LE MARQUIS, à Ariste.
+
+Monsieur, excusez; mon oncle ne s'est jamais piqué d'être
+orateur, et... Vous me voyez, je vous demande grâce pour Julie
+; je vous la demande pour moi-même. Nous sommes coupables de
+vous avoir caché.... (Voyant qu'Orgon se met en colère.) Mais,
+je vois que le feu s'allume dans les yeux de mon oncle; je ne
+veux point l'irriter.
+
+
+ORGON.
+
+Je vous promets que si vous paroissez avant que je vous le
+dise, je....
+
+
+LE MARQUIS, l'interrompant.
+
+Je ne crois pas que ce que je fais soit hors de sa place.
+N'importe, il faut céder; je me retire.
+
+(Il sort.)
+
+
+
+
+SCENE IV.
+
+
+ARISTE, ORGON.
+
+
+ORGON.
+
+Il est tant soit peu étourdi, comme vous voyez: aussi me
+suis-je long-temps tenu en garde contre ses discours; mais
+enfin il m'a parlé d'une façon à me persuader que la pupille
+et lui ne sont point mal ensemble.
+
+
+ARISTE.
+
+J'en reçois la première nouvelle. Si cela est, je ne conçois
+pas pourquoi Julie m'en a fait un mystère; car je l'ai vingt
+fois assurée que je ne gênerois jamais son inclination, et je
+m'opposerois encore moins à celle qu'elle pourroit avoir pour
+une personne qui vous appartient. Une si grande réserve de sa
+part me pique, je vous l'avoue, et me surprend en même temps.
+
+
+ORGON.
+
+Une première passion est un mal que l'on voudroit volontiers
+se cacher à soi-même.
+
+
+
+
+SCENE V.
+
+
+JULIE, LISETTE, se tenant d'abord dans le fond; ARISTE,
+ORGON.
+
+
+ORGON, bas, à Ariste, en apercevant Julie.
+
+La voilà, je crois, qui paroit. Elle est, ma foi, aimable.
+
+
+JULIE, bas, à Lisette.
+
+Ariste parle à quelqu'un. N'avançons pas, Lisette.
+
+
+LISETTE.
+
+Vous êtes la première personne jeune et jolie qui craigniez de
+vous montrer.
+
+
+ARISTE, à Julie.
+
+Approchez, Julie. (En lui montrant Orgon.) Vous êtes sans
+doute instruite du sujet qui amène monsieur ici? Il me fait
+une proposition à laquelle je souscris volontiers, si elle
+vous touche autant que l'on me le fait entendre.
+
+
+JULIE, troublée.
+
+J'ignore, monsieur, de quoi il est question.
+
+
+ARISTE.
+
+Ne dissimulez pas davantage. J'aurois lieu de m'offenser du
+peu de confiance que vous auriez en moi. Rassurez-vous, Julie
+; votre penchant n'est point un crime, et je ne vous reproche
+rien, que le secret que vous m'en avez fait.
+
+
+JULIE.
+
+En vérité, monsieur... (A Lisette.) Lisette?...
+
+
+LISETTE, l'interrompant.
+
+Eh bien! Lisette? Je gage qu'on veut vous parler de mariage.
+Cela est-il si effrayant? Il y a cent filles qui, en pareil
+cas, seroient intrépides.
+
+
+ARISTE, bas, à Orgon.
+
+Elle s'obstine à se taire. Il faut lui pardonner cette
+timidité. Je fais réflexion que je lui parlerai mieux en
+particulier. Laissons-la revenir de l'embarras que tout ceci
+lui cause, et soyez persuadé que je m'emploierai tout entier
+pour que la chose aille selon vos désirs.
+
+
+ORGON, bas.
+
+Je vous en suis obligé. (Regardant Julie.) Elle a une certaine
+grâce, une certaine modestie qui me feroient souhaiter d'être
+mon neveu.
+
+(Il sort, en saluant affectueusement Julie, et Ariste va le
+reconduire.)
+
+
+
+
+SCENE VI.
+
+
+JULIE, LISETTE.
+
+
+LISETTE.
+
+Vous vous êtes ennuyée au couvent. Vous êtes sourde aux
+propositions de mariage. Oserois-je demander, mademoiselle, ce
+que vous comptez devenir? Orgon, que vous venez de voir, est
+oncle du marquis, qui, selon les apparences, a fait faire des
+démarches auprès d'Ariste.
+
+
+JULIE.
+
+Ah! ne me parle point du marquis.
+
+
+LISETTE.
+
+Pourquoi donc? Parce qu'il a la tête un peu folle, qu'il est
+grand parleur, prévenu de son mérite, et même un peu menteur?
+Bon! bon! il est jeune et vous aime; cela ne suffit-il pas?
+Le commerce tomberoit, si l'on y regardoit de si près.
+
+
+JULIE.
+
+Je connois quelqu'un à qui on ne sauroit reprocher aucun de
+ces défauts; qui est humble, sensé, poli, bienfaisant; qui
+sait plaire sans les dehors affectés et les airs étourdis qui
+font valoir tant d'autres hommes.
+
+
+LISETTE.
+
+Oui-dà? Cette peinture est naïve. Seroit-ce l'esprit seul qui
+l'auroit faite?
+
+
+JULIE.
+
+Non, Lisette, puisqu'il faut l'avouer.
+
+
+LISETTE.
+
+Eh! que ne parlez-vous? Quelle crainte ridicule vous a fait
+garder le silence si long-temps? Vous êtes trop bien née pour
+avoir fait un choix indigne de vous. Vous avez un tuteur qui
+porte la complaisance au-delà de l'imagination, et qui ne vous
+contraindra pas. Quelle difficulté vous reste-t-il donc à
+vaincre?
+
+
+JULIE.
+
+La difficulté est d'en instruire celui que j'aime.
+
+
+LISETTE.
+
+La difficulté est de l'en instruire? Cette personne-là est
+donc bien peu intelligente. J'en croirois, moi, vos yeux sur
+leur parole.
+
+
+JULIE.
+
+Quand mes yeux parleroient beaucoup, je ne sais si on les
+entendroit encore. Mais j'ai soin qu'ils n'en disent pas trop;
+car, Lisette, voici l'embarras où je suis. Quoique je sois
+jeune et que l'on me trouve quelques charmes, quoique j'aie du
+bien et que celui que j'aime et moi soyons de même condition,
+je crains qu'il n'approuve pas mon amour, et s'il m'arrivoit
+d'en faire l'aveu et que j'essuyasse un refus, je mourrois de
+douleur.
+
+
+LISETTE.
+
+Je vous suis caution que jamais homme, usant et jouissant de
+sa raison, ne vous refusera. Qui pourroit le porter à agir de
+la sorte?
+
+
+JULIE.
+
+Son excès de mérite.
+
+
+LISETTE.
+
+Je ne conçois rien à cela. (Après avoir rêvé un instant.)
+Mais, attendez. Que ne m'en faites-vous la confidence, à moi?
+Vous me demanderez le secret, je vous promettrai de le garder:
+je n'en ferai rien; il transpirera, fera un tour par la
+ville, viendra aux oreilles du monsieur en question, et quand
+il sera instruit, selon l'air du bureau, vous aurez la liberté
+d'avouer ou de nier.
+
+
+JULIE.
+
+Non, je ne puis te le nommer. Outre cette crainte dont je
+viens de te parler, outre une certaine pudeur qui me feroit
+souhaiter qu'on me devinât, je crains de passer dans le monde
+pour extraordinaire, pour bizarre; car mon choix est
+singulier. Mais pourquoi m'en faire une honte? L'impression
+qu'un caractère vertueux fait sur les coeurs est-elle donc une
+foiblesse que l'on n'ose avouer?
+
+
+LISETTE.
+
+Oh! ma foi, mademoiselle, expliquez-vous mieux, s'il vous
+plaît. Vous craignez de passer pour extraordinaire, et
+franchement vous l'êtes. O ciel! je renoncerois plutôt à
+toutes les passions de l'univers que d'en avoir une d'une
+nature à n'en pouvoir pas parler.
+
+
+
+
+SCENE VII.
+
+
+ARISTE, JULIE, LISETTE.
+
+
+ARISTE, à Lisette.
+
+Lisette, retirez-vous.
+
+(Lisette sort.)
+
+
+
+
+SCENE VIII.
+
+
+ARISTE, JULIE.
+
+
+ARISTE, à part.
+
+Elle a quelquefois entendu parler du marquis comme d'un homme
+peu formé; elle craint sans doute que je ne la désapprouve.
+
+
+JULIE, à part.
+
+Quel parti prendre avec un homme trop modeste pour rien
+entendre?
+
+
+ARISTE.
+
+Je ne devrois point, Julie, paroître en savoir plus que vous
+ne voulez m'en dire; mais enfin, les soins que j'ai pris de
+votre enfance et l'amitié que je vous ai toujours témoignée,
+me font prétendre à ne rien ignorer de ce qui vous touche.
+Quelques amis m'ont parlé en particulier. Ce n'est pas tout.
+Depuis un temps, je vous trouve rêveuse, inquiète,
+embarrassée. Il faut que vous en conveniez, Julie, quelqu'un a
+su vous toucher.
+
+
+JULIE.
+
+J'en conviendrai, monsieur. Oui, quelqu'un a su me plaire;
+mais ne tenez point compte de ce qu'on a pu vous dire, et ne
+me demandez point qui est celui pour qui je sens du penchant,
+car je ne puis me résoudre à vous le déclarer.
+
+
+ARISTE.
+
+Auriez-vous fait un choix.....?
+
+
+JULIE, l'interrompant.
+
+Je ne pouvois pas mieux choisir: la raison, l'honneur, tout
+s'accorde avec mon amour.
+
+
+ARISTE.
+
+Eh! quand cet amour a-t-il commencé?
+
+
+JULIE.
+
+En sortant du couvent... Quand je commençai à vivre avec vous.
+
+
+ARISTE.
+
+Mes soupçons ne peuvent tomber que sur peu de personnes...
+Encore une fois, Julie, je sais ce qui se passe; et,
+d'avance, je puis vous répondre que votre amour est payé du
+plus tendre retour, que l'on désire de vous obtenir, avec
+l'ardeur la plus vive et la plus constante.
+
+
+JULIE.
+
+Si vous devinez juste, mon sort ne sauroit être plus heureux.
+
+
+ARISTE.
+
+Je ne crois pas me tromper; mais, après les assurances que je
+vous donne, quelle raison auriez-vous encore de me taire son
+nom? N'est-ce pas une chose qu'il faut que je sache, tôt ou
+tard, puisque mon consentement vous est nécessaire?
+
+
+JULIE.
+
+Ce seroit à vous à le nommer... Je vois bien que vous ne
+m'entendez pas.
+
+
+ARISTE.
+
+Je vous entends, sans doute; et je le nommerois si je n'avois
+pas mérité d'avoir plus de part à votre confidence.
+
+
+JULIE.
+
+Vous l'auriez cette confidence, si je n'étois pas certaine que
+vous combattrez mes sentiments.
+
+
+ARISTE.
+
+Moi, les combattre! Suis-je donc si intraitable! Pouvez-vous
+douter de mon coeur? Croyez que je n'aurai point de volonté que
+la vôtre. J'en ferai serment, s'il le faut.
+
+
+JULIE.
+
+Puisque vous le voulez, je vais donc tâcher de m'expliquer
+mieux.
+
+
+ARISTE.
+
+Parlez.
+
+
+JULIE.
+
+Mais je prévois qu'après je ne pourrai plus jeter les yeux sur
+vous.
+
+
+ARISTE.
+
+Cela n'arrivera pas, car je serai de votre sentiment.
+
+
+JULIE.
+
+Non, après un tel aveu, permettez que je me retire.
+
+
+ARISTE.
+
+Volontiers.... Mais ne craignez rien, encore un coup. Nommez-le
+moi; vous me verrez aller, de ce pas, assurer de mon
+consentement celui que vous avez choisi.
+
+
+JULIE.
+
+Vous le trouverez aisément; je vais vous laisser avec lui....
+Représentez-lui qu'il est peu convenable à une fille de se
+déclarer la première; déterminez-le à m'épargner cette
+honte.... Je vous laisse avec lui.... C'est, je crois, vous le
+faire connoître d'une façon à ne pas vous y méprendre.
+
+(Elle veut se retirer; mais elle voit venir le marquis, ce
+qui la fait rester.)
+
+
+
+SCENE IX
+
+
+LE MARQUIS, ARISTE, JULIE.
+
+
+ARISTE, à part.
+
+Ne sommes-nous pas seuls?... Que penser de ce discours?
+
+
+LE MARQUIS, à part, au fond du théâtre.
+
+Je les trouve fort à propos ensemble.
+
+
+JULIE, à part.
+
+Que vient faire ici le marquis?.... Le fâcheux contre-temps!
+
+
+LE MARQUIS, à Julie.
+
+Je vous trouve donc, divine personne?... (A Ariste.) Eh bien!
+seigneur Ariste, mon oncle m'a rapporté que vous agissiez en
+galant homme. Tout est convenu, sans doute.
+
+
+ARISTE, à part.
+
+Je ne l'avois pas vu d'abord; mais voilà l'énigme expliquée.
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Mais quel présage funeste! L'un parle tout seul et ne me
+répond pas; l'autre détourne la tête et me fait un clin
+d'oeil. Comment interpréter tout ceci?
+
+
+JULIE.
+
+Un clin-d'oeil! Qui? moi, monsieur?
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Oui, ma charmante. Qu'en dois-je augurer? Mon oncle auroit-il
+fait un faux rapport? auroit-on juré de traverser nos feux?
+Parlez.... (A Ariste.) Ah! seigneur Ariste, dissipez une
+inquiétude mortelle.
+
+
+JULIE, à part.
+
+Que je suis malheureuse!
+
+
+ARISTE.
+
+Vous avez lieu d'être, tous deux, contents; rien ne s'oppose
+à vos désirs, la volonté de Julie est une loi pour moi.... (Au
+marquis.) Et, à votre égard, monsieur, l'amitié que j'ai
+toujours eue pour votre oncle est trop intime pour que je ne
+consente pas volontiers à ce qui peut en resserrer les noeuds.
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Vous nous rendez la vie. Vous êtes un homme charmant, divin,
+adorable. Je vous sais bon gré de n'avoir pas d'entêtement
+ridicule et de connoître que je vaux quelque chose.
+
+
+ARISTE.
+
+Vous appartenez à de trop honnêtes gens pour ne pas espérer
+que vous rendrez une femme heureuse.
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Ecoutez donc, nous sommes jeunes, riches; nous nous aimerons
+: il faudroit qu'une influence bien maligne tombât sur nous
+pour nous rendre malheureux. Il est vrai que le diable s'en
+mêle quelquefois.
+
+
+ARISTE.
+
+Je vais trouver Orgon, et lui apprendre que tout va selon ses
+intentions..... Nous reviendrons bientôt, pour prendre les
+arrangements nécessaires.... (A Julie, en montrant le
+marquis.) Monsieur voudra bien vous tenir compagnie, Julie,
+pendant le peu de temps que je suis obligé de vous quitter.
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Allez, allez, monsieur, je me charge de ce soin.
+
+
+(Ariste sort.)
+
+
+
+
+SCENE X.
+
+
+JULIE, LE MARQUIS.
+
+
+LE MARQUIS, à demi-voix.
+
+Voilà une petite personne bien contente.
+
+
+JULIE.
+
+Tout-à-fait, monsieur. Je vous prie de vouloir bien me dire ce
+que tout ceci signifie.
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Comment! vous le dire? La chose est, je crois, assez claire.
+On comble nos voeux, on nous marie.
+
+
+JULIE.
+
+On nous marie?.. Dites-moi donc quel rapport, quelle liaison
+il y a entre vous et moi?
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Je ne sais si je me trompe, mais je me suis flatté qu'il y en
+avoit tant soit peu.
+
+
+JULIE.
+
+Et vous auriez osé faire parler à Ariste sur cette confiance?
+
+
+LE AMRQUIS.
+
+Assurément. En êtes-vous fâchée? Je ne le crois pas. Je sais
+que c'est à l'amant à faire des démarches. Une fille aimeroit
+passionnément qu'une bienséance mal entendue lui prescrit de
+se taire; aussi, quand on est instruit du bel usage, on lui
+épargne la peine de se déclarer. Vos yeux ont trop su me
+parler pour que je demeurasse dans l'inaction; et, si vous
+voulez m'ouvrir votre coeur, vous conviendrez que vous m'en
+savez quelque gré.
+
+
+JULIE.
+
+En vérité, monsieur, un pareil discours me semble bien
+extraordinaire.
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Oh çà! si vous voulez que nous soyons amis, il faut vous
+défaire de cette retenue hors de saison. Que diable! quand on
+se convient, et que les tuteurs, les oncles et tous ces
+animaux-là consentent, à quoi bon se contraindre?
+
+
+JULIE.
+
+Si l'on consent de votre côté, je puis vous assurer qu'il n'en
+est pas de même du mien.
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Quoi! votre tuteur ne vient pas, dans le moment, de me
+témoigner le plaisir que lui fait notre union?
+
+
+JULIE.
+
+Il est dans l'erreur, et je l'en aurois déjà désabusé si la
+surprise où je suis me l'avoit permis.
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Quel est donc votre dessein? Avez-vous envie qu'il s'oppose à
+ce que vous désirez vous-même?
+
+
+JULIE.
+
+Mais, encore une fois, sur quel fondement vous êtes-vous
+imaginé ce désir de ma part?
+
+
+LE MARQUIS.
+
+La question est charmante! Savez-vous bien qu'à la fin je me
+fâcherai?
+
+
+JULIE.
+
+Mais vraiment, vous vous fâcherez si vous voulez. Soyez
+persuadé que je n'ai, de ma vie, pensé à vous.
+
+
+LE MARQUIS.
+
+C'est une façon de parler.
+
+
+JULIE.
+
+Non; vous pouvez prendre ce que je dis à la lettre.
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Allons, allons, je sais ce que j'en dois croire.
+
+
+JULIE.
+
+Ne poussez pas, croyez-moi, plus loin l'extravagance.
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Ne soyez pas plus long-temps cruelle à vous-même.
+
+
+JULIE.
+
+Finissons, de grâce.
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Franchement, vous croyez donc ne me point aimer?
+
+
+JULIE.
+
+Je le crois, et rien n'est plus certain.
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Je vous permets de me haïr toujours de même.
+
+
+JULIE.
+
+Je ne puis plus soutenir un pareil entretien.
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Un coeur qui ne sent point son mal est dangereusement atteint.
+
+
+JULIE, à part.
+
+La fatuité est un ridicule bien insupportable.
+
+
+LE MARQUIS, à part.
+
+Cette fille prend plaisir à se donner la torture.
+
+
+
+
+SCENE XI.
+
+
+ARISTE, ORGON, JULIE, LE MARQUIS.
+
+
+ORGON, à Ariste, au fond du théâtre.
+
+Ce que vous me dites là me faut un grand plaisir.... (Montrant
+Julie et le marquis.) Les voilà, ces pauvres enfants! Que
+l'on passe d'heureux moments à cet âge!
+
+
+ARISTE.
+
+Je ne perds point de temps, comme vous voyez: mon
+empressement vous prouve combien je suis sensible à cet
+honneur.
+
+
+ORGON.
+
+Je suis d'avis que l'on dresse le contrat aujourd'hui. L'idée
+d'une noce me ragaillardit; et quoique la mode des violons
+soit passée, il faut en avoir et suivre la manière
+bourgeoise... (S'apercevant du trouble où sont Julie et le
+marquis.) Mais, il me semble que nos amants se boudent.... (Au
+marquis, en s'approchant.) Qu'as-tu donc, Valère? te voilà
+tout rêveur.
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Une bagatelle, mon oncle.
+
+
+ARISTE, à Julie, en s'approchant aussi.
+
+Et vous, Julie, quel est le trouble où je vous vois?
+
+
+JULIE.
+
+Vous êtres dans l'erreur à mon égard. Je vous y ai laissé,
+parce que je n'ai point cru que les conséquences en seroient
+si promptes, ni si sérieuses: mais je me trouve forcée de
+vous dire que vous ne m'avez point entendue.
+
+
+ARISTE.
+
+Comment?
+
+
+ORGON.
+
+Qu'est-ce que cela veut dire?
+
+
+LE MARQUIS, à Julie.
+
+Il n'est pas mal de le prendre sur ce ton! et c'est bien à
+vous à vous plaindre vraiment.... (A Ariste et Orgon.) Il est
+bon que vous sachiez que nous avons eu quelque altercation
+ensemble. Mademoiselle, sur un mot, se révolte, et fait la
+méchante.
+
+
+ORGON.
+
+Oh! n'est-ce que cela? Bon! bon! ce sont là de ces orages
+qui mènent les amants au port.
+
+
+ARISTE, à Julie.
+
+Ne vous repentez point de vous être déclarée. Il ne faut
+point, ma chère Julie, passer si promptement d'un sentiment à
+un autre. Votre querelle est une querelle d'amitié.
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Faites-lui un peu sa leçon, je vous prie, monsieur.
+
+
+ORGON, à Julie et au marquis.
+
+Allons, allons, mes enfants, raccommodez-vous.
+
+
+JULIE.
+
+Laissez-moi, de grâce! Vous prenez un soin inutile.
+
+
+ARISTE.
+
+Julie, je vous en conjure! faites cesser ce mystère.
+
+
+JULIE.
+
+Non, monsieur. Contre toute raison, j'ai fait voir le foible
+de mon coeur: j'ai fait connoître celui pour qui je me
+déclarois; mais ses interprétations fausses, la conduite
+qu'il observe avec moi m'avertissent assez que je n'en ai que
+trop dit.
+
+(Elle sort.)
+
+
+
+
+SCENE XII.
+
+
+ARISTE, ORGON, LE MARQUIS.
+
+
+ORGON, au marquis.
+
+Pourquoi donc vous attirer ces reproches? Il faut que vous lui
+ayez donné des sujets violents de se plaindre.
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Non; cela m'étonne. La brouillerie est venue sue ce qu'elle
+m'a dit qu'il n'y avoit jamais eu de liaison sincère entre
+elle et moi, et qu'il ne falloit point compter sur les
+discours des jeunes gens aimables.
+
+
+ORGON.
+
+Entre nous, tu as un air libertin qui ne me persuaderoit
+point, si j'étois fille.
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Que voulez-vous, mon oncle? je ne me referai point. On a des
+façons aisées; on a du brillant: tout cela est naturel....
+Mais quant à Julie, je la demande en mariage: n'est-ce pas
+assez lui prouver que je l'aime? Il faut qu'un joli homme soit
+furieusement épris pour former une pareille résolution.
+
+
+ORGON.
+
+A la vérité, je ne conçois pas qu'une fille puisse désirer
+quelque chose au-delà du mariage.... (A Ariste.) Mais, que
+dites-vous à tout cela, Ariste?
+
+
+ARISTE.
+
+Franchement, je ne sais. Il me vient différentes idées qui se
+détruisent les unes les autres. Ce que je vois, ce que
+j'entends, semble se contredire, et.... (Au marquis.) Mais, ce
+ne peut être que vous qu'elle aime?
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Eh! vraiment non. Je le sais bien.
+
+
+ARISTE.
+
+Elle craint, comme vous dites, que votre passion pour elle ne
+soit pas sincère, et que vous ne soyez aussi inconstant que la
+plupart des jeunes gens, qui font profession de l'être?
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Tout juste.
+
+
+ARISTE.
+
+Et elle s'exhale en reproches, parce que vous n'avez pas été
+assez prompt à la rassurer?
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Je lui ai pourtant répété cent fois que nous étions faits l'un
+pour l'autre: mais il ne faut pas que cela vous surprenne;
+c'est le tourment d'un coeur bien épris de toujours douter de
+son bonheur.
+
+
+ORGON, à Ariste.
+
+Il est vrai qu'elle ne le croit pas où elle le voit.
+
+
+
+
+SCENE XIII.
+
+
+LISETTE, ARISTE, ORGON, LE MARQUIS.
+
+
+LISETTE, à Ariste.
+
+Que s'est-il donc passé ici, monsieur, et qui peut avoir si
+fort chagriné Julie? Elle est dans une tristesse que je ne
+puis vous exprimer: elle parle de retourner au couvent. Je la
+questionne; elle ne me répond que par des soupirs. Enfin,
+elle m'envoie vous demander si, avec la permission de ces
+messieurs, elle pourrait vous entretenir un moment?
+
+
+ARISTE.
+
+Je l'entendrai tant qu'il lui plaira.
+
+
+LE MARQUIS, chantant.
+
+"Divin Bacchus!... La, la, la!"
+
+
+ORGON.
+
+Je donnerois, je crois, mon bien, pour être aimé de la sorte.
+Tu ne sens pas ton bonheur, mon neveu.
+
+
+LISETTE.
+
+Il faut bien que monsieur votre neveu lui ait donné quelque
+sujet de mécontentement; car elle s'est écriée plusieurs fois:
+"Ah! dans quel trouble me jette ce Valère! Qu'il me cause
+d'embarras et de peine! Quel supplice d'aimer sans retour!"
+
+
+ORGON, à part.
+
+La pauvre enfant!
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Je suis fâché qu'elle ne me croie pas sur ma parole.
+
+
+LISETTE.
+
+Allez, cela est mal à vous, monsieur. Les hommes sont bien
+ingrats et bien insensibles. Hélas! elle avoit beau me dire
+qu'elle ne vous aimoit pas, j'ai toujours bien remarqué, moi,
+ce qui en étoit, et cela n'est que trop vrai pour elle.
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Crois-moi, mon enfant, elle n'est pas la première.
+
+
+ORGON.
+
+Ecoutez, Valère. Je suis d'avis que vous alliez trouver cette
+aimable personne, que vous lui juriez encore que vous êtes
+pénétré de sa beauté et de son mérite; enfin, que vous ne la
+laissiez pas dans un trouble que vous pouvez dissiper.
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Ah! que me demandez-vous? Faut-il que je redise un million de
+fois la même chose? Non, je ne le puis. Je suis piqué aussi de
+mon côté.
+
+
+ORGON.
+
+Quoi! vous faites le cruel?
+
+
+LISETTE, à part.
+
+Est-il possible que l'impertinence soit un titre pour être
+aimé?
+
+
+ARISTE, au marquis.
+
+Julie étant forcée, par son ascendant, à se déclarer pour
+vous, il ne vous sied pas, monsieur, d'user de rigueur. Etre
+aimé est un bien digne d'envie, et le plus bel apanage de
+l'humanité; mais c'est en abuser que de manquer d'égards pour
+les personnes qui nous rendent hommage, et de ne pas épargner
+à un sexe plein de charmes jusqu'à la moindre inquiétude.
+
+
+ORGON.
+
+C'est aussi mon sentiment.
+
+
+LE MARQUIS, à Ariste.
+
+Je sais comment on doit conduire une passion.
+
+
+ARISTE, à Lisette.
+
+Lisette, dites à Julie que je l'attends ici.
+
+
+(Lisette sort.)
+
+
+
+
+SCENE XIV.
+
+
+ARISTE, ORGON, LE MARQUIS.
+
+
+ORGON, à Ariste.
+
+Puisqu'elle veut vous parler en particulier, nous allons vous
+laisser libres. Tâchez, dans cet entretien, de lui remettre
+l'esprit et de l'assurer que mon neveu est bien son petit
+serviteur.
+
+
+LE MARQUIS, à Ariste.
+
+Oui, l'on peut toujours compter sur moi: on y peut compter.
+Nous reviendrons savoir de quoi elle vous aura entretenu.
+
+(Il sort avec Orgon.)
+
+
+
+
+SCENE XV.
+
+
+ARISTE, seul.
+
+
+L'homme le plus en garde contre la présomption est encore bien
+foible de ce côté-là. J'ai pu interpréter deux fois en ma
+faveur les paroles de Julie. Oui, Ariste, tu as beau en
+rougir, il t'est venu deux fois en idée qu'on te faisoit une
+déclaration d'amour. A toi! à toi! Oh! quelle extravagance
+! quelque mystérieuse que soit sa conduite, je n'en saurois
+douter, ce neveu d'Orgon a su lui plaire. Il y a bien quelque
+chose à dire contre lui, et parmi tant de jeunes gens aimables
+que le hasard présente à Julie, j'avoue qu'elle auroit pu
+mieux choisir. Elle a assez d'esprit pour s'en apercevoir
+elle-même; et c'est, si je ne me trompe, un combat de raison
+et d'amour qui cause en elle tant d'indécision. (Voyant
+paroître Julie.) Mais la voilà.
+
+
+
+
+SCENE XVI.
+
+
+JULIE, ARISTE.
+
+
+JULIE.
+
+Vous me voyez revenir, monsieur, quoique je vous aie quitté
+avec assez de vivacité. J'ai fait réflexion que ce pouvoit
+être un sage motif dans celui que je veux avoir pour époux,
+qui le fait douter de mon penchant. Je voudrois répondre aux
+objections qu'il pourroit me faire, et l'assurer combien il
+est digne de mon estime.
+
+
+ARISTE.
+
+Je n'ai pas bien compris quelle espèce de dispute il pouvoit y
+avoir entre vous et le marquis, mais je ne puis que vous
+engager tous deux à vous réconcilier au plus tôt. La sympathie
+est une loi impérieuse à laquelle on veut en vain se
+soustraire, et quelque réflexion que la raison nous inspire,
+il faut céder au trait qui nous a frappés, quand le destin le
+veut.
+
+
+JULIE, à part.
+
+Il est toujours dans l'erreur, et je n'ose encore l'en tirer.
+
+
+ARISTE.
+
+Me sera-t-il permis de le dire? Je sens bien ce qui fait votre
+peine. Vous craignez que le monde ne soit pas aussi convaincu
+du mérite du marquis que vous l'êtes; et, à mon égard, il
+faudroit qu'il fût plus parfait pour qu'il me parût digne de
+vous. Mais enfin le penchant que vous avez pour lui me le fait
+respecter, et le justifie devant moi de tous ses défauts.
+
+
+JULIE.
+
+Vous me conseillez donc de le prendre pour époux?
+
+
+ARISTE.
+
+Je vous conseille, comme j'ai toujours fait, de ne consulter
+que votre coeur.
+
+
+JULIE.
+
+Si vous me conseillez de ne consulter que mon coeur, je suivrai
+votre avis. Je suis, pour la dernière fois, résolue de
+découvrir mes véritables sentiments; mais comme il en coûte
+toujours infiniment à les déclarer, je cherche quelque
+innocent stratagème, et je pense qu'une lettre m'épargneroit
+une partie de ma honte.
+
+
+ARISTE.
+
+Eh bien! écrivez. Il est permis d'écrire à un homme que l'on
+est sur le point d'épouser. Une lettre, effectivement,
+expliquera ce que vous n'auriez peut-être pas la force de dire
+de bouche, et l'explication est nécessaire après le petit
+démêlé que vous avez eu ensemble.
+
+
+JULIE.
+
+J'exigerois encore de votre complaisance que vous
+l'écrivissiez pour moi.
+
+
+ARISTE.
+
+Volontiers.
+
+
+JULIE.
+
+Je suis prête à la dicter.
+
+
+ARISTE, montrant un bureau, devant lequel il va s'asseoir.
+
+Voilà, sur ce bureau, tout ce qu'il faut pour cela. (A part.)
+Le marquis, après tout, est homme de condition, et s'il a
+quelques défauts, l'âge l'en corrigera. (A Julie.) Allons,
+dictez, me voilà prêt.
+
+
+JULIE, dictant.
+
+"Vous être trop intelligent pour ne pas savoir le secret de
+mon coeur."
+
+
+ARISTE, lisant, après avoir écrit.
+
+"De mon coeur."
+
+
+JULIE, dictant.
+
+"Mais un excès de modestie vous empêche d'en convenir."
+
+
+ARISTE, après avoir écrit.
+
+Bon!
+
+
+JULIE, dictant.
+
+"Tout vous fait voir que c'est vous que j'aime."
+
+
+ARISTE, après avoir écrit.
+
+Fort bien.
+
+
+JULIE.
+
+Oui, c'est vous que j'aime... M'entendez-vous?
+
+
+ARISTE.
+
+J'ai bien mis.
+
+
+JULIE, dictant.
+
+"Je vous suis déjà attachée par la reconnoissance."
+
+
+ARISTE, à part.
+
+De la reconnaissance au marquis?
+
+
+JULIE.
+
+Ecrivez donc, monsieur.
+
+
+ARISTE.
+
+Allons. (A part.) Il faut écrire ce qu'elle veut. (Lisant,
+après avoir écrit.) "Par la reconnoissance."
+
+
+JULIE, dictant.
+
+"Mais j'y joins un sentiment désintéressé."
+
+
+ARISTE, lisant, après avoir écrit.
+
+"Désintéressé."
+
+
+JULIE.
+
+"Et pour vous prouver que vous devez bien plus à mon
+penchant...."
+
+
+ARISTE, après avoir écrit.
+
+Après?
+
+
+JULIE.
+
+"Je voudrais n'avoir point reçu de vous tant de soins
+généreux dans mon enfance."
+
+
+ARISTE, sans écrire.
+
+Y pensez-vous, Julie?... (A Part.) L'ai-je entendu, ou si
+c'est une illusion?
+
+
+JULIE, à part.
+
+Pourquoi ai-je rompu le silence? Je me doutois bien qu'il
+recevroit mal un pareil aveu!
+
+
+ARISTE, se levant.
+
+Julie!
+
+
+JULIE.
+
+Ariste!
+
+
+ARISTE.
+
+A qui donc écrivez-vous cette lettre?
+
+
+JULIE.
+
+C'est au marquis, sans doute.
+
+
+ARISTE.
+
+Il ne faut donc point parler des soins de votre enfance. Ce
+seroit un contre-sens.
+
+
+JULIE.
+
+J'ai tort.... je l'avoue; et cela ne sauroit lui convenir.
+
+
+ARISTE.
+
+C'est donc par distraction que cela vous est échappé?
+
+
+JULIE.
+
+Assurément. Les bienfaits n'étant point à lui, il n'en doit
+point recueillir le salaire.
+
+
+ARISTE.
+
+Voyez donc ce que vous voulez substituer à cela?
+
+
+JULIE.
+
+J'en ai assez dit pour me faire entendre.
+
+
+ARISTE.
+
+En ce cas, il ne s'agit donc que de finir le billet par un
+compliment ordinaire, et de l'envoyer de votre part?
+
+
+JULIE.
+
+Envoyez-le, de ma part, puisque vous croyez que je doive le
+faire.
+
+
+ARISTE, appelant.
+
+Holà! quelqu'un....
+
+
+
+
+SCENE XVII.
+
+
+UN LAQUAIS, ARISTE, JULIE.
+
+
+ARISTE, au laquais.
+
+Portez ce billet....
+
+
+(Julie fait un geste, comme pour empêcher qu'Ariste ne donne
+la lettre au laquais.)
+
+
+ARISTE, à Julie.
+
+N'est-ce pas au marquis?
+
+
+JULIE, d'un ton piqué.
+
+Oui, monsieur; encore une fois, qui peut vous arrêter?
+
+
+ARISTE, au laquais.
+
+Tenez donc.... Portez cette lettre à Valère.
+
+
+(Le laquais sort.)
+
+
+
+
+SCENE XVIII.
+
+
+ARISTE, JULIE.
+
+
+JULIE, à part.
+
+De quel trouble suis-je agitée?
+
+
+ARISTE, à part.
+
+Quels coups redoublés attaquent ma raison!
+
+
+JULIE, à part.
+
+Je ne puis prendre sur moi d'en dire davantage.
+
+
+ARISTE, à part.
+
+Toute ma prudence échoue.
+
+
+JULIE, à part.
+
+Il désapprouve la passion la plus pure.... Je meurs de
+confusion.
+
+
+
+
+SCENE XIX.
+
+
+LISETTE, ARISTE, JULIE.
+
+
+LISETTE, à part.
+
+La conversation me paroît terminée... (A Ariste.) Orgon, qui
+est là-dedans, monsieur, est impatient de savoir le résultat
+de votre entretien, et demande s'il peut paroître à présent.
+
+
+ARISTE, à part.
+
+Ce n'est qu'en me retirant que je puis cacher ma défaite.
+
+(Il sort.)
+
+
+
+
+SCENE XX.
+
+
+JULIE, LISETTE.
+
+
+LISETTE, à part.
+
+Ah! ah! voilà qui est singulier!... (A Julie.) Pourquoi
+donc, mademoiselle, se retire-t-il ainsi sans me répondre?
+
+
+JULIE, à part.
+
+Son mépris pour moi est-il assez marqué?
+
+(Elle sort.)
+
+
+SCENE XXI.
+
+
+LISETTE, seule.
+
+Fort bien! autant de raison d'un côté que de l'autre. D'où
+cela peut-il provenir? Il me vient dans l'esprit....
+N'aimeroit-elle pas Valère? Auroit-elle fait à Ariste l'aveu
+de quelque passion bizarre, que le bon monsieur, malgré sa
+complaisance, n'aura pas pu approuver? Quelle honte que je ne
+sois pas mieux instruite! Suivante et curieuse, autant et
+plus qu'une autre, je ne saurai pas le secret de ma maîtresse?
+Oh! je le saurai, assurément! C'est un affront que je ne
+puis plus endurer.... (Voyant revenir Ariste.) Ariste revient,
+plongé dans une profonde rêverie.... Je ne laisse plus Julie
+en repos qu'elle ne m'ait avoué son foible... Elle m'en fera
+la confidence, ou me donnera mon congé.
+
+(Elle sort.)
+
+
+
+
+SCENE XXII.
+
+
+ARISTE, seul.
+
+Non, à rappeler de sang-froid ce qui s'est passé, son
+intention n'étoit pas d'écrire à Valère. Mais quelle
+conséquence en tirer?... Quoi! Julie, il seroit possible
+qu'Ariste eût obtenu quelque empire sur vous! Ah! Julie,
+Julie, si ma raison ne m'eût pas soutenu contre l'effet de vos
+charmes, pensez-vous que je n'eusse pas été le premier à me
+déclarer pour vous? Avez-vous cru que je vous visse
+impunément? Non, non.... Mais plus votre mérite m'a paru
+accompli, et plus j'ai trouvé de motifs d'étouffer dans mon
+coeur la passion que vous y faisiez naître.... Ciel! quelle
+est ma foiblesse? Osé-je croire qu'elle pense à moi?...
+Allons, rendons-nous justice, une bonne fois; et convenons
+que, pour quelques apparences, il y a cent raisons qui
+détruisent une idée aussi ridicule.
+
+
+
+
+SCENE XXIII.
+
+
+ORGON, ARISTE.
+
+
+ARISTE.
+
+Je vous attends, Orgon, pour vous dire que les choses me
+paroissent moins avancées que jamais.
+
+
+ORGON.
+
+Que diable est-ce que tout ceci? On n'a guère vu d'amants plus
+difficiles à accorder. Dites-moi donc de quoi il est question?
+Il faut que votre conversation n'ait pas été du goût de Julie;
+car je l'ai vue passer tout-à-l'heure: le dépit étoit peint
+sur son visage; mais, ma foi, elle n'en étoit que plus belle.
+
+
+ARISTE.
+
+Ce que je puis vous dire, c'est qu'après bien des réflexions,
+je ne crois pas que le marquis soit aussi bien auprès d'elle
+qu'il vous l'a fait entendre.
+
+
+ORGON.
+
+Oui.... Attendez donc, ceci mérite examen.... Si les choses
+sont ainsi, je voudrois savoir à propos de quoi les démarches
+qu'il m'a fait faire? Me prend-il pour une benêt, un sot?
+Parbleu!....
+
+
+ARISTE, l'interrompant.
+
+Un homme tel que lui est excusable de se croire aimé.
+
+
+ORGON.
+
+Je suis votre serviteur.
+
+
+ARISTE.
+
+Il est enjoué, bien fait, et d'âge....
+
+
+ORGON, l'interrompant.
+
+Oh! d'âge, tant qu'il vous plaira. Son âge est l'âge où l'on
+fait le plus d'impertinences; et je prétends, ne vous
+déplaise....
+
+
+
+
+SCENE XXIV.
+
+
+LISETTE, ARISTE, ORGON.
+
+
+LISETTE, à part.
+
+A la fin je triomphe, et l'on ne m'en donnera plus à
+garder.... (A Ariste et à Orgon.) Messieurs, vous pouvez
+parler devant moi, je sais le secret aussi bien que vous. Je
+sais quel est le Médor de notre Angélique.
+
+
+ORGON.
+
+As-tu débrouillé le mystère?
+
+
+LISETTE.
+
+Comment!... (A Ariste.) Est-ce qu'elle ne vous l'a pas dit, à
+vous, monsieur?
+
+
+ARISTE.
+
+Elle ne m'a rien dit de décisif.
+
+
+LISETTE.
+
+Tant mieux.... (A part.) Quelle félicité de savoir un secret,
+et de le savoir seule! On a le plaisir de l'apprendre à tout
+le monde.... (A Ariste.) Je l'ai tant pressée de m'avouer sur
+qui elle avoit jeté les yeux pour en faire son époux qu'elle a
+cédé à mes instances, et m'a répondu qu'il étoit triste pour
+elle de ne pouvoir se faire entendre, quoiqu'elle eût parlé
+assez clairement; et que l'on devoit s'être aperçu qu'elle
+n'aimoit pas le marquis.
+
+
+ORGON.
+
+Eh bien?
+
+
+LISETTE.
+
+Qu'elle avoit, en général, une antipathie mortelle pour les
+airs suffisants; qu'on ne trouvoit qu'inconsidération dans la
+plupart des jeunes gens, et que celui qui l'avoit fixée étoit
+d'un âge mûr.
+
+
+ORGON.
+
+Oui-dà!
+
+
+LISETTE.
+
+Que les amants pris dans leur automne étoient plus
+affectionnés, plus complaisants, plus conformes à son humeur.
+
+
+ORGON.
+
+Elle a raison.
+
+
+LISETTE.
+
+Comme enfin elle s'est déclarée ouvertement contre le neveu,
+je me suis avisée de parler de l'oncle....
+
+
+ORGON, l'interrompant.
+
+De moi?
+
+
+LISETTE.
+
+On ne m'en a pas dédite. Un regard même m'a fait entendre ce
+qui en étoit, et un soupir m'en a rendu certaine.
+
+
+ORGON.
+
+Comment diable! Quoi! je.... Lisette, tu badines assurément.
+
+
+LISETTE.
+
+Non, monsieur. J'ai eu beau lui dore, sur-le-champ (car cela
+m'est échappé) que rien n'étoit si singulier qu'un pareil
+choix; que, personnellement, vous étiez mal fait, cacochyme,
+goutteux. Tout cela n'a rien fait, elle a pris son parti.
+
+
+ORGON.
+
+Vous pouviez bien vous dispenser de lui dire cela.
+
+
+ARISTE.
+
+Sans doute. Je suis persuadé que l'esprit, la sagesse, la
+conduite sont les seules qualités qui puissent plaire à Julie
+; elle les trouve parfaitement rassemblées chez Orgon.
+
+
+ORGON.
+
+Ecoutez donc, j'ai toujours été assez bien venu des femmes,
+moi.... Mais elle ne m'a pas nommé. Je suis d'ailleurs plutôt
+dans mon hiver que dans mon automne. Par cet homme mûr
+n'entendroit-elle pas parler de vous, Ariste?
+
+
+ARISTE.
+
+De moi?
+
+
+LISETTE, à Orgon, en montrant Ariste.
+
+Bon! s'il s'agissoit de monsieur, il n'a pas d'apparence
+qu'après tant d'entretiens secrets il l'ignorât.... Qui plus
+est, je vous ai nommé, et on ne m'a pas démentie. Non, vous
+dis-je, c'est vous, M. Orgon. La bizarrerie de son étoile l'a
+fait se déclarer pour vous.
+
+
+ORGON, à part.
+
+Oh! parbleu! monsieur mon neveu, ceci va donc bien vous
+faire rire.... (Riant.) Ah! ah! ah! vous n'en tâterez, ma
+foi! que d'une dent.... (A Ariste et à Lisette.) N'ébruitons
+rien. Il faut le faire venir, et nous divertir un peu à ses
+dépens.
+
+
+(On entend des instruments qui préludent dans l'appartement
+voisin.)
+
+
+
+
+SCENE XXV.
+
+
+LE MARQUIS, ARISTE, ORGON, LISETTE.
+
+
+LE MARQUIS, vers la coulisse, aux musiciens qui sont dans
+l'appartement voisin, et que l'on ne voit pas.
+
+Oui, vous êtes bien sur ce ton-là. Cela ira à merveille.
+Restez dans cette antichambre; je vous avertirai quand il
+sera temps.... (A Ariste.) Vous ne le trouverez, je crois, pas
+mauvais, monsieur? J'ai rencontré quelques musiciens et
+quelques danseurs de ma connoissance, que j'ai amenés avec
+moi, et qui doivent faire un impromptu, dont mon mariage sera
+le sujet .
+
+
+ARISTE.
+
+Il ne faut pas vous abuser plus long-temps, monsieur.
+
+
+ORGON, bas, à Lisette.
+
+Motus!
+
+
+ARISTE, au marquis.
+
+Julie n'étoit point née pour vous.
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Plaît-il, monsieur?
+
+
+ARISTE.
+
+C'est un autre que vous qu'elle est résolue d'épouser.
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Un autre?
+
+
+ORGON.
+
+Oui, un autre.
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Mon oncle appuie la chose bien sérieusement... (Riant.) Ah!
+ah! ah!
+
+
+ORGON.
+
+Vous avez beau ricaner; c'est un autre, vous dit-on.
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Fort bien, monsieur, fort bien!
+
+
+LISETTE.
+
+Et cet autre est quelqu'un à qui vous devez le respect.
+
+
+LE MARQUIS, ironiquement.
+
+Oh! qui que ce soit, je le respecte infiniment.
+
+
+ORGON.
+
+Vous êtes d'une bonne pâte, monsieur mon neveu, de venir me
+conter des sornettes, quand il n'est pas plus question de vous
+que de Jean-de-Vert.
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Ah! de grâce, mon oncle, ne serrez pas tant la mesure. Vous
+m'alarmez.
+
+
+ORGON.
+
+Vous croyez que les femmes ne pensent qu'à vous autres
+étourdis?
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Elles y sont quelquefois forcées.
+
+
+ORGON.
+
+Oh bien! il faut, pourtant, que vous en rabattiez.
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Il faut que ce rival, quel qu'il soit, se prépare à être
+humilié; car, en tous cas, mon cher oncle, j'ai en poche de
+quoi le mortifier étrangement.
+
+
+ORGON.
+
+Eh! qu'est-ce que c'est?
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Un billet, de la part de Julie.
+
+
+ORGON.
+
+Qui s'adresse à vous?
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Oui; vous pouvez m'en croire. Billet, de la part de Julie,
+reçu dans le moment, rempli des sentiments les plus
+passionnés, et qui reproche à la personne son excès de
+modestie.... C'est pour moi, comme vous voyez, à ne pouvoir
+s'y tromper.
+
+
+ORGON, à Ariste.
+
+Quel est donc ce billet dont il parle?
+
+
+ARISTE.
+
+Un billet que Julie a dicté, et que j'ai écrit moi-même.
+
+
+ORGON.
+
+Et elle écrivoit à Valère?
+
+
+ARISTE.
+
+Il me l'a semblé.
+
+
+ORGON.
+
+Que diantre, vous et Lisette, venez-vous donc me conter?
+
+
+LISETTE.
+
+Je n'y conçois rien.
+
+
+ORGON.
+
+Ni moi.
+
+
+ARISTE, après avoir hésité un moment.
+
+Ni moi.
+
+
+LE MARQUIS.
+
+On vous expliquera aisément tout cela dans un moment; on vous
+l'expliquera.... (A Orgon.) Eh bien! mon cher oncle, êtes-vous
+anéanti, pétrifié?
+
+ORGON.
+
+Il faut voir jusqu'au bout.
+
+
+
+
+SCENE XXVI.
+
+
+JULIE, ARISTE, ORGON, LE MARQUIS, LISETTE.
+
+
+JULIE, à Ariste.
+
+Je ne puis m'empêcher de vous demander, monsieur, pour quelle
+fête on a rassemblé ici ce nombre infini de musiciens.
+
+
+LE MARQUIS.
+
+C'est moi qui les ai amenés, mademoiselle, pour célébrer le
+plus beau de nos jours.... Mais on me tient ici des discours
+étranges! Je vous prie d'éclaircir hautement le fait. On dit
+qu'un autre que moi est le héros de la fête.... (En riant.) Ah
+! rassurez-moi, de grâce.
+
+
+Orgon, à Ariste.
+
+Ecoutons.
+
+
+JULIE, au marquis.
+
+Les discours qu'on tient à présent me touchent peu. Je renonce
+à tout engagement: mais il est vrai qu'un autre que vous
+avoit quelque empire sur mon coeur.
+
+
+ORGON, à part.
+
+Ah! ah!
+
+
+JULIE.
+
+C'est un empire qu'il méprise.... Je ne prends plus le change
+sur sa conduite. La fierté et la modestie gardent également le
+silence.
+
+
+ORGON, à part.
+
+J'entends bien le reproche.
+
+
+LE MARQUIS, à Julie.
+
+Quoi! déguiseriez-vous toujours ce que vos yeux m'ont répété
+tant de fois, et ce que votre main vient de me confirmer?
+
+
+ORGON.
+
+Chanson.
+
+
+JULIE, au marquis.
+
+A l'égard de la lettre, votre erreur est excusable. Aussi
+n'est-ce pas ma faute si elle vous a été envoyée....
+Cependant, vous devez avoir vu clairement qu'elle n'étoit pas
+écrite pour vous.
+
+
+ORGON, au marquis.
+
+Cela est positif.
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Voilà un petit caprice aussi bien conditionné, et poussé aussi
+loin.... Oh! qu'on me définisse à présent les femmes!
+
+
+ORGON.
+
+Allez, allez, mademoiselle n'a point de caprices.... (A
+Julie.) Vos attraits sont brillants, adorable personne! et si
+fort au-dessus de tout ce que l'histoire et la fable nous
+vantent qu'il n'étoit pas naturel qu'un homme de soixante et
+dix ans....
+
+
+LE MARQUIS, l'interrompant.
+
+Qu'est-ce que dit donc mon oncle? Est-ce qu'il perd l'esprit?
+
+
+ORGON, à Julie.
+
+Il étoit, dis-je, peu naturel qu'un homme septuagénaire
+regardât ces attraits comme un bien qui pût lui devenir propre
+: mais, de même qu'Eson fut rajeuni par les charmes de Médée,
+vos charmes enchanteurs....
+
+
+LE MARQUIS, l'interrompant.
+
+Ah! miséricorde! Quoi! mon oncle a des prétentions? Il y a
+de quoi mourir de rire!
+
+
+JULIE, à Orgon.
+
+L'âge, même aussi avancé que le vôtre, n'est point un défaut,
+selon moi, monsieur...
+
+
+ORGON, l'interrompant.
+
+Vous êtes bien obligeante.
+
+
+JULIE.
+
+Mais ce n'est pas non plus un mérite assez recommandable pour
+qu'il me tienne lieu de l'inclination que je n'ai point pour
+vous.
+
+
+ORGON.
+
+Comment?
+
+
+LISETTE, à part.
+
+Que veut dire ceci?
+
+
+LE MARQUIS, à Orgon.
+
+Cela est positif, mon oncle, et très positif.
+
+
+ORGON, à Julie.
+
+Excusez mon erreur. (A part.) Cette fille-là a quelque chose
+d'extraordinaire.
+
+
+LE MARQUIS, riant.
+
+Ah! ah! ah!
+
+
+ARISTE, à part.
+
+Ce que je vois, et le souvenir de ce qui s'est passé, me force
+à rompre le silence.
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Qu'est-ce que c'est?
+
+
+ARISTE, à Julie, en se jetant à ses genoux.
+
+Ah! Julie, refusez donc aussi cet Ariste, qu'une passion
+sincère oblige à se jeter à vos genoux; qui, jusqu'à présent,
+n'a osé se livrer à un espoir trop flatteur, ni vous découvrir
+ses sentiments, parce qu'il se croit cent fois indigne de
+vous, mais qui, de tous les hommes, est le plus passionné.
+
+
+LE MARQUIS, éclatant de rire.
+
+Ah! monsieur veut aller aussi sur mes brisées? Mais, mais
+l'aventure devient trop bouffonne.
+
+
+LISETTE, à part.
+
+Notre tuteur amoureux!
+
+
+JULIE, à Ariste.
+
+J'ai dit que je renonçois à tout engagement...
+
+
+LE MARQUIS, l'interrompant.
+
+Oui, et dans le fond il n'en est rien.
+
+
+JULIE, à Ariste.
+
+Je viens de refuser Orgon et le marquis: l'un m'accuse de
+caprice, l'autre de singularité. (En souriant.) Un troisième
+refus m'attireroit sans doute un reproche plus sensible. (Lui
+présentant la main pour le relever.) J'accepte votre main,
+Ariste.
+
+
+ARISTE, se relevant.
+
+C'est in bonheur inattendu, auquel je me livre tout entier.
+
+
+ORGON, à part.
+
+Parbleu! j'en suis ravi, et pour cause. (Au marquis.) Eh bien
+! notre cher neveu, êtes-vous content du personnage que vous
+m'avez fait jouer ici?
+
+
+LE MARQUIS.
+
+Que voulez-vous, monsieur, que je vous dise? Le dépit a fait
+faire des choses extraordinaires, et il y a, dans tout ceci,
+moins de changement qu'on ne se l'imagine.
+
+(Il va chercher les musiciens et les danseurs dans la
+coulisse.)
+
+
+
+
+SCENE XXVII.
+
+
+TROUPE DE MUSICIENS ET DE DANSEURS, ARISTE, JULIE, ORGON, LE
+MARQUIS, LISETTE.
+
+
+LE MARQUIS, aux musiciens et aux danseurs.
+
+Avancez, messieurs les musiciens et danseurs; avancez, et que
+la fête aille son train.
+
+
+DIVERTISSEMENT.
+
+
+ARISTE, chantant.
+
+ La saine philosophie,
+ Sévère sur nos désirs,
+ Nous porte à passer la vie
+ Loin des turbulents plaisirs:
+ Mais les jeux, enfants de la tendresse,
+ Peuvent être admis dans sa cour;
+ Et je préfère la sagesse
+ Qui pare ses traits de l'Amour.
+
+
+(On danse.)
+
+
+VAUDEVILLE.
+
+
+ARISTE.
+
+ Du jeune et malheureux Atys,
+ Cybèle envioit la conquête.
+ Anacréon, aux cheveux gris,
+ De myrrhes couronnoit sa tête.
+ En vain un tendre sentiment
+ D'Hébé semble être la partage;
+ Tant qu'on respire, on est amant.
+ L'amour est de tout âge
+
+
+ORGON.
+
+ Je suis si vieux, j'ai si long-temps
+ Près du beau sexe fait tapage,
+ Que je me croyois hors des rangs;
+ Mais, plus entreprenant qu'un page,
+ Dans le moment, il m'a suffi
+ D'entendre parler mariage:
+ Mon coeur acceptoit le défi.
+ L'amour est de tout âge.
+
+
+LISETTE.
+
+ Je n'avois pas encor dix ans,
+ Qu'un espiègle du voisinage,
+ En dépit de nos surveillants,
+ Accouroit pour me rendre hommage.
+ Que se passoit-il entre nous?
+ Rien qu'un innocent badinage:
+ Mais, ô grands dieux! qu'il étoit doux!
+ L'amour est de tout âge.
+
+
+LE MARQUIS.
+
+ Si dans un cercle je parois,
+ La grande maman, la plus sage,
+ Gémit de n'avoir plus d'attraits,
+ La mère affecte un doux langage;
+ La fille à marier rougit,
+ Et laisse tomber son ouvrage,
+ Celle à la bavette sourit.
+ L'amour est de tout âge.
+
+
+JULIE.
+
+ Le vieillard est plein de bon sens;
+ Mais il est jaloux et sauvage.
+ Si le jeune a des agrémens,
+ Il est fou, bizarre et volage.
+ Qu'il est difficile, en ce temps,
+ D'avoir un époux qui soit sage!
+ S'ils peuvent l'être à quarante ans,
+ Le mien est du bon âge.
+
+
+
+
+FIN DE LA PUPILLE.
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+End of Project Gutenberg's La Pupille, by Christophe-Barthélemi Fagan
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LA PUPILLE ***
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+- You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of any
+ money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the
+ electronic work is discovered and reported to you within 90 days
+ of receipt of the work.
+
+- You comply with all other terms of this agreement for free
+ distribution of Project Gutenberg-tm works.
+
+1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project Gutenberg-tm
+electronic work or group of works on different terms than are set
+forth in this agreement, you must obtain permission in writing from
+both the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and Michael
+Hart, the owner of the Project Gutenberg-tm trademark. Contact the
+Foundation as set forth in Section 3 below.
+
+1.F.
+
+1.F.1. Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable
+effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread
+public domain works in creating the Project Gutenberg-tm
+collection. Despite these efforts, Project Gutenberg-tm electronic
+works, and the medium on which they may be stored, may contain
+"Defects," such as, but not limited to, incomplete, inaccurate or
+corrupt data, transcription errors, a copyright or other intellectual
+property infringement, a defective or damaged disk or other medium, a
+computer virus, or computer codes that damage or cannot be read by
+your equipment.
+
+1.F.2. LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the "Right
+of Replacement or Refund" described in paragraph 1.F.3, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project
+Gutenberg-tm trademark, and any other party distributing a Project
+Gutenberg-tm electronic work under this agreement, disclaim all
+liability to you for damages, costs and expenses, including legal
+fees. YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT
+LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE
+PROVIDED IN PARAGRAPH F3. YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE
+TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE
+LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR
+INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH
+DAMAGE.
+
+1.F.3. LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a
+defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can
+receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a
+written explanation to the person you received the work from. If you
+received the work on a physical medium, you must return the medium with
+your written explanation. The person or entity that provided you with
+the defective work may elect to provide a replacement copy in lieu of a
+refund. If you received the work electronically, the person or entity
+providing it to you may choose to give you a second opportunity to
+receive the work electronically in lieu of a refund. If the second copy
+is also defective, you may demand a refund in writing without further
+opportunities to fix the problem.
+
+1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth
+in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS' WITH NO OTHER
+WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO
+WARRANTIES OF MERCHANTIBILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.
+
+1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied
+warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages.
+If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the
+law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be
+interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by
+the applicable state law. The invalidity or unenforceability of any
+provision of this agreement shall not void the remaining provisions.
+
+1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the
+trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
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+with this agreement, and any volunteers associated with the production,
+promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works,
+harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees,
+that arise directly or indirectly from any of the following which you do
+or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
+work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
+Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.
+
+
+Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
+
+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
+electronic works in formats readable by the widest variety of computers
+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
+because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
+people in all walks of life.
+
+Volunteers and financial support to provide volunteers with the
+assistance they need, is critical to reaching Project Gutenberg-tm's
+goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation web page at https://www.pglaf.org.
+
+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
+https://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
+permitted by U.S. federal laws and your state's laws.
+
+The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
+Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
+throughout numerous locations. Its business office is located at
+809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
+business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact
+information can be found at the Foundation's web site and official
+page at https://pglaf.org
+
+For additional contact information:
+ Dr. Gregory B. Newby
+ Chief Executive and Director
+ gbnewby@pglaf.org
+
+
+Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation
+
+Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
+spread public support and donations to carry out its mission of
+increasing the number of public domain and licensed works that can be
+freely distributed in machine readable form accessible by the widest
+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
+($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
+status with the IRS.
+
+The Foundation is committed to complying with the laws regulating
+charities and charitable donations in all 50 states of the United
+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
+considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
+with these requirements. We do not solicit donations in locations
+where we have not received written confirmation of compliance. To
+SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
+particular state visit https://pglaf.org
+
+While we cannot and do not solicit contributions from states where we
+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
+against accepting unsolicited donations from donors in such states who
+approach us with offers to donate.
+
+International donations are gratefully accepted, but we cannot make
+any statements concerning tax treatment of donations received from
+outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
+
+Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
+methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
+ways including including checks, online payments and credit card
+donations. To donate, please visit: https://pglaf.org/donate
+
+
+Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
+works.
+
+Professor Michael S. Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm
+concept of a library of electronic works that could be freely shared
+with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project
+Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
+
+
+Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
+editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
+unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
+keep eBooks in compliance with any particular paper edition.
+
+
+Most people start at our Web site which has the main PG search facility:
+
+ https://www.gutenberg.org
+
+This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
+including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
+subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
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+This eBook, including all associated images, markup, improvements,
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+the "Copyright How-To" at https://www.gutenberg.org.
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+No investigation has been made concerning possible copyrights in
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+this eBook outside of the United States should confirm copyright
+status under the laws that apply to them.
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+Project Gutenberg (https://www.gutenberg.org) public repository for
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