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diff --git a/.gitattributes b/.gitattributes new file mode 100644 index 0000000..6833f05 --- /dev/null +++ b/.gitattributes @@ -0,0 +1,3 @@ +* text=auto +*.txt text +*.md text diff --git a/26822-8.txt b/26822-8.txt new file mode 100644 index 0000000..8f31cff --- /dev/null +++ b/26822-8.txt @@ -0,0 +1,2965 @@ +The Project Gutenberg EBook of La Pupille, by Christophe-Barthélemi Fagan + +This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with +almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or +re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included +with this eBook or online at www.gutenberg.org + + +Title: La Pupille + +Author: Christophe-Barthélemi Fagan + +Release Date: October 7, 2008 [EBook #26822] + +Language: French + +Character set encoding: ISO-8859-1 + +*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LA PUPILLE *** + + + + +Produced by Daniel Fromont + + + + + + + + + + +[Transcriber's note: Christophe-Barthélemi Fagan (1702-1755), +_La Pupille_, 1734, édition de 1760] + + + + + +LA PUPILLE, + + +COMEDIE, + + +PAR FAGAN, + + +Représentée, pour la première fois, le 5 juillet + +1734. + + + + +NOTICE SUR FAGAN. + + +Christophe-Barthélemi FAGAN, né à Paris le 30 mars 1702, reçut +une éducation très soignée. La perte totale de la fortune de +son père avoit obligé ce dernier à accepter une place au +bureau des consignations, et força également le jeune homme à +prendre un emploi dans la même partie. + +L'agrément de son esprit le fit accueillir dans diverses +sociétés. Il y rencontra Pannard, se lia avec lui, et bientôt +ils composèrent ensemble plusieurs opéras comiques qui eurent +du succès. Le goût de Fagan pour le théâtre s'en accrut de +plus en plus, et, excité par les besoins d'une famille +nombreuse, il entreprit de travailler seul pour le théâtre +François. La première pièce qu'il y donna fut LE RENDEZ-VOUS. +Cette petite comédie en un acte, et en vers, représentée pour +la première fois le 27 mai 1733, eut douze représentations +très suivies. L'année suivante, le 11 février, il fit jouer LA +GRONDEUSE, aussi en un acte et en prose, qu'il retira après la +cinquième représentation. Le 5 juillet de la même année, parut +LA PUPILLE, que l'on regarde généralement comme le chef-d'oeuvre +de l'auteur. Cette charmante comédie en un acte et en +prose fut applaudie avec enthousiasme pendant vingt-trois +représentations. LUCAS ET PERRETTE OU LE RIVAL UTILE, comédie +en un acte et en vers, mise au théâtre le 17 novembre de la +même année 1734, ne fut jouée que deux fois. + +L'AMITIE RIVALE DE L'AMOUR, comédie en un acte, en vers, jouée +le 16 novembre 1735, excita beaucoup de tumulte dans le +parterre à la première représentation; elle fut cependant +jouée dix fois, et a été reprise avec quelque succès. + +LES CARACTERES DE THALIE, comédie en trois actes, mise au +théâtre le 15 juillet 1737, fut jouée dix-huit fois avec +succès. Chaque acte de cette pièce formoit une comédie +entière. La première en un acte, en vers, étoit L'INQUIET; la +seconde en un acte, en prose, avoit pour titre L'ETOURDERIE; +et la troisième, aussi en un acte en prose, que l'on joue +encore aujourd'hui, est intitulée LES ORIGINAUX. + +LE MARIE SANS LE SAVOIR, comédie en un acte, en prose, +représentée le 8 janvier 1739, ne fut donnée que six fois. + +JOCONDE, comédie en un acte, en prose, donnée le 5 novembre +1740, eut quatorze représentations. + +L'HEUREUX RETOUR, comédie en un acte, en vers, composée à +l'occasion de la convalescence du roi et de son retour de Metz +à la cour, fut mise au théâtre le 6 novembre 1744, et eut +quinze représentations. + +On trouve encore dans les oeuvres de l'auteur LE MUSULMAN, +comédie en un acte, en prose, LE MARQUIS AUTEUR, comédie en un +acte en vers, et L'ASTRE FAVORABLE, comédie en un acte et en +vers libres. Ces trois pièces étoient destinées au théâtre +François, mais elles n'ont pas été représentées. + +Fagan mourut à Paris le 8 avril 1755, dans sa cinquante-quatrième +année. + + +PERSONNAGES. + + +ARISTE. + +ORGON, ami d'Ariste. + +LE MARQUIS VALERE, neveu d'Orgon. + +JULIE. + +LISETTE, suivante de Julie. + +Un laquais, personnage muet. + + +La scène est à Paris, dans l'appartement d'Ariste. + + + +LA PUPILLE, + + +COMEDIE. + + + + +SCENE I. + + +ORGON, LE MARQUIS. + + +ORGON. + +Valère, encore un coup, songez à ce que vous me faites faire. + + +LE MARQUIS. + +Que je sois anéanti, mon oncle, si je voulois, pour toute +chose au monde, vous engager dans une fausse démarche. Faut-il +vous le répéter cent fois? Je vous dis que je suis avec elle +sur un pied à ne pouvoir pas reculer. + + +ORGON. + +Mais ne vous flattez-vous pas? Etes-vous bien sûr d'être aimé? + + +LE MARQUIS. + +Si j'en suis sûr? Premièrement, quand je viens ici, à peine +ose-t-elle me regarder: preuve d'amour; et quand je lui +parle, elle ne me répond pas le mot: preuve d'amour; et +quand je parois vouloir me retirer, elle affecte un air plus +gai, comme pour me dire: "Pourquoi me fuyez-vous, marquis? +Craignez-vous de me sacrifier quelques moments? Restez, petit +volage, restez; je vais vaincre le trouble où me jette votre +presence, et vous fixer par mon enjouement. Mon esprit va +briller aux dépens de mon coeur. J'aime mieux que vous me +croyez moins tendre, et vous paroître plus aimable. Demeurez, +mon adorable marquis! demeurez...." Je pourrois vous en dire +davantage; mais vous me permettrez de me taire là-dessus: il +faut être modeste. + + +ORGON. + +Ces preuves-là me paroissent assez équivoques. Au surplus, +Ariste est trop judicieux et trop mon ami pour s'opposer à ce +mariage, si sa pupille y consent... (Voyant paroître Ariste +dans le fond.) Je le vois sortir de son appartement. Retirez-vous. + + +LE MARQUIS. + +Y a-t-il quelque inconvénient que je reste? Vous porterez la +parole: il donnera son consentement; je donnerai le mien: +on fera venir Julie; ce sera une chose faite. + + +ORGON. + +Les affaires ne se mènent pas si vite. Retirez-vous, vous dis-je. + + +LE MARQUIS. + +Cependant.... + + +ORGON, l'interrompant. + +Retirez-vous. + + +LE MARQUIS. + +Allons donc. Je reviendrai, quand il sera question d'épouser. + +(Il sort.) + + + + +SCENE II. + + +ARISTE, ORGON. + + +ORGON. + +Bon jour au seigneur Ariste. + + +ARISTE. + +On vient de me dire que vous étiez ici, Orgon; je suis charmé +de vous voir. + + +ORGON. + +Je suis charmé, moi, de voir la santé dont vous jouissez. Sans +flatterie, vous ne paroissez pas trente-cinq ans; et.... vous +en avez bien dix par de-là. + + +ARISTE. + +La vie tranquille et réglée que je mène depuis quelque temps, +me vaut ce peu de santé dont je jouis. + + +ORGON. + +Ma foi! une femme vous siéroit fort bien. + + +ARISTE. + +A moi? Vous plaisantez, Orgon. + + +ORGON. + +Ah! il est vrai que vous avez toujours été un peu philosophe, +et, par conséquent, peu curieux d'engagement. + + +ARISTE. + +Il y a eu, dans ce qu'on appelle philosophes, des gens qui ne +se sont point mariés, et peut-être ont-ils bien fait. Mais, +selon moi, le célibat n'est point essentiel à la philosophie; +et je pense qu'un sage est un homme qui se résout à vivre +comme les autres, avec cette seule différence qu'il n'est +esclave ni des évènements, ni des passions. Ce n'est donc +point par philosophie, mais parce que j'ai passé l'âge de +plaire que je vous demande grâce sur cet article-là. + + +ORGON. + +Ce que je vous en dis est par forme de conversation. Parlons-en +donc pour un autre. Votre dessein n'est-il pas de pourvoir +Julie? + + +ARISTE. + +Oui. C'est dans cette vue que je l'ai retirée du couvent. + + +ORGON. + +Je crois même vous avoir entendu dire que son père, en vous la +confiant, vous avoit recommandé de lui faire prendre un parti, +dès qu'elle seroit en âge. + + +ARISTE. + +Cela est encore vrai, et je m'y détermine d'autant mieux que +je compte faire un bon présent à quiconque l'épousera; car +elle a des sentiments dignes de sa naissance: elle est douce, +modeste, attentive; en un mot, je ne vois rien de plus +aimable ni de plus sage. Il y a peut-être un peu de prévention +de ma part. + + +ORGON. + +Non; elle est parfaite, assurément: mais il se passe quelque +chose dont vous n'êtes peut-être pas instruit. + + +ARISTE. + +Comment! que se passe-t-il donc? + + + + +SCENE III. + + +LE MARQUIS, dans le fond, et sans se montrer d'abord; ARISTE, +ORGON. + + +ORGON, à Ariste. + +J'ai un neveu, de par le monde. + + +ARISTE. + +Je le sais. Ne se nomme-t-il pas Valère? + + +ORGON. + +Tout juste. + + +ARISTE. + +Je l'ai vu quelquefois au logis. + + +LE MARQUIS, se jetant entre eux deux. + +Oui, monsieur. Je viens vous avouer, et vous expliquer ce que +mon oncle ne vous dit que confusément. Il est vrai que +Julie.... + + +ORGON, l'interrompant. + +Eh! que diable! laissez-moi. + + +LE MARQUIS, à Ariste. + +Monsieur, excusez; mon oncle ne s'est jamais piqué d'être +orateur, et... Vous me voyez, je vous demande grâce pour Julie +; je vous la demande pour moi-même. Nous sommes coupables de +vous avoir caché.... (Voyant qu'Orgon se met en colère.) Mais, +je vois que le feu s'allume dans les yeux de mon oncle; je ne +veux point l'irriter. + + +ORGON. + +Je vous promets que si vous paroissez avant que je vous le +dise, je.... + + +LE MARQUIS, l'interrompant. + +Je ne crois pas que ce que je fais soit hors de sa place. +N'importe, il faut céder; je me retire. + +(Il sort.) + + + + +SCENE IV. + + +ARISTE, ORGON. + + +ORGON. + +Il est tant soit peu étourdi, comme vous voyez: aussi me +suis-je long-temps tenu en garde contre ses discours; mais +enfin il m'a parlé d'une façon à me persuader que la pupille +et lui ne sont point mal ensemble. + + +ARISTE. + +J'en reçois la première nouvelle. Si cela est, je ne conçois +pas pourquoi Julie m'en a fait un mystère; car je l'ai vingt +fois assurée que je ne gênerois jamais son inclination, et je +m'opposerois encore moins à celle qu'elle pourroit avoir pour +une personne qui vous appartient. Une si grande réserve de sa +part me pique, je vous l'avoue, et me surprend en même temps. + + +ORGON. + +Une première passion est un mal que l'on voudroit volontiers +se cacher à soi-même. + + + + +SCENE V. + + +JULIE, LISETTE, se tenant d'abord dans le fond; ARISTE, +ORGON. + + +ORGON, bas, à Ariste, en apercevant Julie. + +La voilà, je crois, qui paroit. Elle est, ma foi, aimable. + + +JULIE, bas, à Lisette. + +Ariste parle à quelqu'un. N'avançons pas, Lisette. + + +LISETTE. + +Vous êtes la première personne jeune et jolie qui craigniez de +vous montrer. + + +ARISTE, à Julie. + +Approchez, Julie. (En lui montrant Orgon.) Vous êtes sans +doute instruite du sujet qui amène monsieur ici? Il me fait +une proposition à laquelle je souscris volontiers, si elle +vous touche autant que l'on me le fait entendre. + + +JULIE, troublée. + +J'ignore, monsieur, de quoi il est question. + + +ARISTE. + +Ne dissimulez pas davantage. J'aurois lieu de m'offenser du +peu de confiance que vous auriez en moi. Rassurez-vous, Julie +; votre penchant n'est point un crime, et je ne vous reproche +rien, que le secret que vous m'en avez fait. + + +JULIE. + +En vérité, monsieur... (A Lisette.) Lisette?... + + +LISETTE, l'interrompant. + +Eh bien! Lisette? Je gage qu'on veut vous parler de mariage. +Cela est-il si effrayant? Il y a cent filles qui, en pareil +cas, seroient intrépides. + + +ARISTE, bas, à Orgon. + +Elle s'obstine à se taire. Il faut lui pardonner cette +timidité. Je fais réflexion que je lui parlerai mieux en +particulier. Laissons-la revenir de l'embarras que tout ceci +lui cause, et soyez persuadé que je m'emploierai tout entier +pour que la chose aille selon vos désirs. + + +ORGON, bas. + +Je vous en suis obligé. (Regardant Julie.) Elle a une certaine +grâce, une certaine modestie qui me feroient souhaiter d'être +mon neveu. + +(Il sort, en saluant affectueusement Julie, et Ariste va le +reconduire.) + + + + +SCENE VI. + + +JULIE, LISETTE. + + +LISETTE. + +Vous vous êtes ennuyée au couvent. Vous êtes sourde aux +propositions de mariage. Oserois-je demander, mademoiselle, ce +que vous comptez devenir? Orgon, que vous venez de voir, est +oncle du marquis, qui, selon les apparences, a fait faire des +démarches auprès d'Ariste. + + +JULIE. + +Ah! ne me parle point du marquis. + + +LISETTE. + +Pourquoi donc? Parce qu'il a la tête un peu folle, qu'il est +grand parleur, prévenu de son mérite, et même un peu menteur? +Bon! bon! il est jeune et vous aime; cela ne suffit-il pas? +Le commerce tomberoit, si l'on y regardoit de si près. + + +JULIE. + +Je connois quelqu'un à qui on ne sauroit reprocher aucun de +ces défauts; qui est humble, sensé, poli, bienfaisant; qui +sait plaire sans les dehors affectés et les airs étourdis qui +font valoir tant d'autres hommes. + + +LISETTE. + +Oui-dà? Cette peinture est naïve. Seroit-ce l'esprit seul qui +l'auroit faite? + + +JULIE. + +Non, Lisette, puisqu'il faut l'avouer. + + +LISETTE. + +Eh! que ne parlez-vous? Quelle crainte ridicule vous a fait +garder le silence si long-temps? Vous êtes trop bien née pour +avoir fait un choix indigne de vous. Vous avez un tuteur qui +porte la complaisance au-delà de l'imagination, et qui ne vous +contraindra pas. Quelle difficulté vous reste-t-il donc à +vaincre? + + +JULIE. + +La difficulté est d'en instruire celui que j'aime. + + +LISETTE. + +La difficulté est de l'en instruire? Cette personne-là est +donc bien peu intelligente. J'en croirois, moi, vos yeux sur +leur parole. + + +JULIE. + +Quand mes yeux parleroient beaucoup, je ne sais si on les +entendroit encore. Mais j'ai soin qu'ils n'en disent pas trop; +car, Lisette, voici l'embarras où je suis. Quoique je sois +jeune et que l'on me trouve quelques charmes, quoique j'aie du +bien et que celui que j'aime et moi soyons de même condition, +je crains qu'il n'approuve pas mon amour, et s'il m'arrivoit +d'en faire l'aveu et que j'essuyasse un refus, je mourrois de +douleur. + + +LISETTE. + +Je vous suis caution que jamais homme, usant et jouissant de +sa raison, ne vous refusera. Qui pourroit le porter à agir de +la sorte? + + +JULIE. + +Son excès de mérite. + + +LISETTE. + +Je ne conçois rien à cela. (Après avoir rêvé un instant.) +Mais, attendez. Que ne m'en faites-vous la confidence, à moi? +Vous me demanderez le secret, je vous promettrai de le garder: +je n'en ferai rien; il transpirera, fera un tour par la +ville, viendra aux oreilles du monsieur en question, et quand +il sera instruit, selon l'air du bureau, vous aurez la liberté +d'avouer ou de nier. + + +JULIE. + +Non, je ne puis te le nommer. Outre cette crainte dont je +viens de te parler, outre une certaine pudeur qui me feroit +souhaiter qu'on me devinât, je crains de passer dans le monde +pour extraordinaire, pour bizarre; car mon choix est +singulier. Mais pourquoi m'en faire une honte? L'impression +qu'un caractère vertueux fait sur les coeurs est-elle donc une +foiblesse que l'on n'ose avouer? + + +LISETTE. + +Oh! ma foi, mademoiselle, expliquez-vous mieux, s'il vous +plaît. Vous craignez de passer pour extraordinaire, et +franchement vous l'êtes. O ciel! je renoncerois plutôt à +toutes les passions de l'univers que d'en avoir une d'une +nature à n'en pouvoir pas parler. + + + + +SCENE VII. + + +ARISTE, JULIE, LISETTE. + + +ARISTE, à Lisette. + +Lisette, retirez-vous. + +(Lisette sort.) + + + + +SCENE VIII. + + +ARISTE, JULIE. + + +ARISTE, à part. + +Elle a quelquefois entendu parler du marquis comme d'un homme +peu formé; elle craint sans doute que je ne la désapprouve. + + +JULIE, à part. + +Quel parti prendre avec un homme trop modeste pour rien +entendre? + + +ARISTE. + +Je ne devrois point, Julie, paroître en savoir plus que vous +ne voulez m'en dire; mais enfin, les soins que j'ai pris de +votre enfance et l'amitié que je vous ai toujours témoignée, +me font prétendre à ne rien ignorer de ce qui vous touche. +Quelques amis m'ont parlé en particulier. Ce n'est pas tout. +Depuis un temps, je vous trouve rêveuse, inquiète, +embarrassée. Il faut que vous en conveniez, Julie, quelqu'un a +su vous toucher. + + +JULIE. + +J'en conviendrai, monsieur. Oui, quelqu'un a su me plaire; +mais ne tenez point compte de ce qu'on a pu vous dire, et ne +me demandez point qui est celui pour qui je sens du penchant, +car je ne puis me résoudre à vous le déclarer. + + +ARISTE. + +Auriez-vous fait un choix.....? + + +JULIE, l'interrompant. + +Je ne pouvois pas mieux choisir: la raison, l'honneur, tout +s'accorde avec mon amour. + + +ARISTE. + +Eh! quand cet amour a-t-il commencé? + + +JULIE. + +En sortant du couvent... Quand je commençai à vivre avec vous. + + +ARISTE. + +Mes soupçons ne peuvent tomber que sur peu de personnes... +Encore une fois, Julie, je sais ce qui se passe; et, +d'avance, je puis vous répondre que votre amour est payé du +plus tendre retour, que l'on désire de vous obtenir, avec +l'ardeur la plus vive et la plus constante. + + +JULIE. + +Si vous devinez juste, mon sort ne sauroit être plus heureux. + + +ARISTE. + +Je ne crois pas me tromper; mais, après les assurances que je +vous donne, quelle raison auriez-vous encore de me taire son +nom? N'est-ce pas une chose qu'il faut que je sache, tôt ou +tard, puisque mon consentement vous est nécessaire? + + +JULIE. + +Ce seroit à vous à le nommer... Je vois bien que vous ne +m'entendez pas. + + +ARISTE. + +Je vous entends, sans doute; et je le nommerois si je n'avois +pas mérité d'avoir plus de part à votre confidence. + + +JULIE. + +Vous l'auriez cette confidence, si je n'étois pas certaine que +vous combattrez mes sentiments. + + +ARISTE. + +Moi, les combattre! Suis-je donc si intraitable! Pouvez-vous +douter de mon coeur? Croyez que je n'aurai point de volonté que +la vôtre. J'en ferai serment, s'il le faut. + + +JULIE. + +Puisque vous le voulez, je vais donc tâcher de m'expliquer +mieux. + + +ARISTE. + +Parlez. + + +JULIE. + +Mais je prévois qu'après je ne pourrai plus jeter les yeux sur +vous. + + +ARISTE. + +Cela n'arrivera pas, car je serai de votre sentiment. + + +JULIE. + +Non, après un tel aveu, permettez que je me retire. + + +ARISTE. + +Volontiers.... Mais ne craignez rien, encore un coup. Nommez-le +moi; vous me verrez aller, de ce pas, assurer de mon +consentement celui que vous avez choisi. + + +JULIE. + +Vous le trouverez aisément; je vais vous laisser avec lui.... +Représentez-lui qu'il est peu convenable à une fille de se +déclarer la première; déterminez-le à m'épargner cette +honte.... Je vous laisse avec lui.... C'est, je crois, vous le +faire connoître d'une façon à ne pas vous y méprendre. + +(Elle veut se retirer; mais elle voit venir le marquis, ce +qui la fait rester.) + + + +SCENE IX + + +LE MARQUIS, ARISTE, JULIE. + + +ARISTE, à part. + +Ne sommes-nous pas seuls?... Que penser de ce discours? + + +LE MARQUIS, à part, au fond du théâtre. + +Je les trouve fort à propos ensemble. + + +JULIE, à part. + +Que vient faire ici le marquis?.... Le fâcheux contre-temps! + + +LE MARQUIS, à Julie. + +Je vous trouve donc, divine personne?... (A Ariste.) Eh bien! +seigneur Ariste, mon oncle m'a rapporté que vous agissiez en +galant homme. Tout est convenu, sans doute. + + +ARISTE, à part. + +Je ne l'avois pas vu d'abord; mais voilà l'énigme expliquée. + + +LE MARQUIS. + +Mais quel présage funeste! L'un parle tout seul et ne me +répond pas; l'autre détourne la tête et me fait un clin +d'oeil. Comment interpréter tout ceci? + + +JULIE. + +Un clin-d'oeil! Qui? moi, monsieur? + + +LE MARQUIS. + +Oui, ma charmante. Qu'en dois-je augurer? Mon oncle auroit-il +fait un faux rapport? auroit-on juré de traverser nos feux? +Parlez.... (A Ariste.) Ah! seigneur Ariste, dissipez une +inquiétude mortelle. + + +JULIE, à part. + +Que je suis malheureuse! + + +ARISTE. + +Vous avez lieu d'être, tous deux, contents; rien ne s'oppose +à vos désirs, la volonté de Julie est une loi pour moi.... (Au +marquis.) Et, à votre égard, monsieur, l'amitié que j'ai +toujours eue pour votre oncle est trop intime pour que je ne +consente pas volontiers à ce qui peut en resserrer les noeuds. + + +LE MARQUIS. + +Vous nous rendez la vie. Vous êtes un homme charmant, divin, +adorable. Je vous sais bon gré de n'avoir pas d'entêtement +ridicule et de connoître que je vaux quelque chose. + + +ARISTE. + +Vous appartenez à de trop honnêtes gens pour ne pas espérer +que vous rendrez une femme heureuse. + + +LE MARQUIS. + +Ecoutez donc, nous sommes jeunes, riches; nous nous aimerons +: il faudroit qu'une influence bien maligne tombât sur nous +pour nous rendre malheureux. Il est vrai que le diable s'en +mêle quelquefois. + + +ARISTE. + +Je vais trouver Orgon, et lui apprendre que tout va selon ses +intentions..... Nous reviendrons bientôt, pour prendre les +arrangements nécessaires.... (A Julie, en montrant le +marquis.) Monsieur voudra bien vous tenir compagnie, Julie, +pendant le peu de temps que je suis obligé de vous quitter. + + +LE MARQUIS. + +Allez, allez, monsieur, je me charge de ce soin. + + +(Ariste sort.) + + + + +SCENE X. + + +JULIE, LE MARQUIS. + + +LE MARQUIS, à demi-voix. + +Voilà une petite personne bien contente. + + +JULIE. + +Tout-à-fait, monsieur. Je vous prie de vouloir bien me dire ce +que tout ceci signifie. + + +LE MARQUIS. + +Comment! vous le dire? La chose est, je crois, assez claire. +On comble nos voeux, on nous marie. + + +JULIE. + +On nous marie?.. Dites-moi donc quel rapport, quelle liaison +il y a entre vous et moi? + + +LE MARQUIS. + +Je ne sais si je me trompe, mais je me suis flatté qu'il y en +avoit tant soit peu. + + +JULIE. + +Et vous auriez osé faire parler à Ariste sur cette confiance? + + +LE AMRQUIS. + +Assurément. En êtes-vous fâchée? Je ne le crois pas. Je sais +que c'est à l'amant à faire des démarches. Une fille aimeroit +passionnément qu'une bienséance mal entendue lui prescrit de +se taire; aussi, quand on est instruit du bel usage, on lui +épargne la peine de se déclarer. Vos yeux ont trop su me +parler pour que je demeurasse dans l'inaction; et, si vous +voulez m'ouvrir votre coeur, vous conviendrez que vous m'en +savez quelque gré. + + +JULIE. + +En vérité, monsieur, un pareil discours me semble bien +extraordinaire. + + +LE MARQUIS. + +Oh çà! si vous voulez que nous soyons amis, il faut vous +défaire de cette retenue hors de saison. Que diable! quand on +se convient, et que les tuteurs, les oncles et tous ces +animaux-là consentent, à quoi bon se contraindre? + + +JULIE. + +Si l'on consent de votre côté, je puis vous assurer qu'il n'en +est pas de même du mien. + + +LE MARQUIS. + +Quoi! votre tuteur ne vient pas, dans le moment, de me +témoigner le plaisir que lui fait notre union? + + +JULIE. + +Il est dans l'erreur, et je l'en aurois déjà désabusé si la +surprise où je suis me l'avoit permis. + + +LE MARQUIS. + +Quel est donc votre dessein? Avez-vous envie qu'il s'oppose à +ce que vous désirez vous-même? + + +JULIE. + +Mais, encore une fois, sur quel fondement vous êtes-vous +imaginé ce désir de ma part? + + +LE MARQUIS. + +La question est charmante! Savez-vous bien qu'à la fin je me +fâcherai? + + +JULIE. + +Mais vraiment, vous vous fâcherez si vous voulez. Soyez +persuadé que je n'ai, de ma vie, pensé à vous. + + +LE MARQUIS. + +C'est une façon de parler. + + +JULIE. + +Non; vous pouvez prendre ce que je dis à la lettre. + + +LE MARQUIS. + +Allons, allons, je sais ce que j'en dois croire. + + +JULIE. + +Ne poussez pas, croyez-moi, plus loin l'extravagance. + + +LE MARQUIS. + +Ne soyez pas plus long-temps cruelle à vous-même. + + +JULIE. + +Finissons, de grâce. + + +LE MARQUIS. + +Franchement, vous croyez donc ne me point aimer? + + +JULIE. + +Je le crois, et rien n'est plus certain. + + +LE MARQUIS. + +Je vous permets de me haïr toujours de même. + + +JULIE. + +Je ne puis plus soutenir un pareil entretien. + + +LE MARQUIS. + +Un coeur qui ne sent point son mal est dangereusement atteint. + + +JULIE, à part. + +La fatuité est un ridicule bien insupportable. + + +LE MARQUIS, à part. + +Cette fille prend plaisir à se donner la torture. + + + + +SCENE XI. + + +ARISTE, ORGON, JULIE, LE MARQUIS. + + +ORGON, à Ariste, au fond du théâtre. + +Ce que vous me dites là me faut un grand plaisir.... (Montrant +Julie et le marquis.) Les voilà, ces pauvres enfants! Que +l'on passe d'heureux moments à cet âge! + + +ARISTE. + +Je ne perds point de temps, comme vous voyez: mon +empressement vous prouve combien je suis sensible à cet +honneur. + + +ORGON. + +Je suis d'avis que l'on dresse le contrat aujourd'hui. L'idée +d'une noce me ragaillardit; et quoique la mode des violons +soit passée, il faut en avoir et suivre la manière +bourgeoise... (S'apercevant du trouble où sont Julie et le +marquis.) Mais, il me semble que nos amants se boudent.... (Au +marquis, en s'approchant.) Qu'as-tu donc, Valère? te voilà +tout rêveur. + + +LE MARQUIS. + +Une bagatelle, mon oncle. + + +ARISTE, à Julie, en s'approchant aussi. + +Et vous, Julie, quel est le trouble où je vous vois? + + +JULIE. + +Vous êtres dans l'erreur à mon égard. Je vous y ai laissé, +parce que je n'ai point cru que les conséquences en seroient +si promptes, ni si sérieuses: mais je me trouve forcée de +vous dire que vous ne m'avez point entendue. + + +ARISTE. + +Comment? + + +ORGON. + +Qu'est-ce que cela veut dire? + + +LE MARQUIS, à Julie. + +Il n'est pas mal de le prendre sur ce ton! et c'est bien à +vous à vous plaindre vraiment.... (A Ariste et Orgon.) Il est +bon que vous sachiez que nous avons eu quelque altercation +ensemble. Mademoiselle, sur un mot, se révolte, et fait la +méchante. + + +ORGON. + +Oh! n'est-ce que cela? Bon! bon! ce sont là de ces orages +qui mènent les amants au port. + + +ARISTE, à Julie. + +Ne vous repentez point de vous être déclarée. Il ne faut +point, ma chère Julie, passer si promptement d'un sentiment à +un autre. Votre querelle est une querelle d'amitié. + + +LE MARQUIS. + +Faites-lui un peu sa leçon, je vous prie, monsieur. + + +ORGON, à Julie et au marquis. + +Allons, allons, mes enfants, raccommodez-vous. + + +JULIE. + +Laissez-moi, de grâce! Vous prenez un soin inutile. + + +ARISTE. + +Julie, je vous en conjure! faites cesser ce mystère. + + +JULIE. + +Non, monsieur. Contre toute raison, j'ai fait voir le foible +de mon coeur: j'ai fait connoître celui pour qui je me +déclarois; mais ses interprétations fausses, la conduite +qu'il observe avec moi m'avertissent assez que je n'en ai que +trop dit. + +(Elle sort.) + + + + +SCENE XII. + + +ARISTE, ORGON, LE MARQUIS. + + +ORGON, au marquis. + +Pourquoi donc vous attirer ces reproches? Il faut que vous lui +ayez donné des sujets violents de se plaindre. + + +LE MARQUIS. + +Non; cela m'étonne. La brouillerie est venue sue ce qu'elle +m'a dit qu'il n'y avoit jamais eu de liaison sincère entre +elle et moi, et qu'il ne falloit point compter sur les +discours des jeunes gens aimables. + + +ORGON. + +Entre nous, tu as un air libertin qui ne me persuaderoit +point, si j'étois fille. + + +LE MARQUIS. + +Que voulez-vous, mon oncle? je ne me referai point. On a des +façons aisées; on a du brillant: tout cela est naturel.... +Mais quant à Julie, je la demande en mariage: n'est-ce pas +assez lui prouver que je l'aime? Il faut qu'un joli homme soit +furieusement épris pour former une pareille résolution. + + +ORGON. + +A la vérité, je ne conçois pas qu'une fille puisse désirer +quelque chose au-delà du mariage.... (A Ariste.) Mais, que +dites-vous à tout cela, Ariste? + + +ARISTE. + +Franchement, je ne sais. Il me vient différentes idées qui se +détruisent les unes les autres. Ce que je vois, ce que +j'entends, semble se contredire, et.... (Au marquis.) Mais, ce +ne peut être que vous qu'elle aime? + + +LE MARQUIS. + +Eh! vraiment non. Je le sais bien. + + +ARISTE. + +Elle craint, comme vous dites, que votre passion pour elle ne +soit pas sincère, et que vous ne soyez aussi inconstant que la +plupart des jeunes gens, qui font profession de l'être? + + +LE MARQUIS. + +Tout juste. + + +ARISTE. + +Et elle s'exhale en reproches, parce que vous n'avez pas été +assez prompt à la rassurer? + + +LE MARQUIS. + +Je lui ai pourtant répété cent fois que nous étions faits l'un +pour l'autre: mais il ne faut pas que cela vous surprenne; +c'est le tourment d'un coeur bien épris de toujours douter de +son bonheur. + + +ORGON, à Ariste. + +Il est vrai qu'elle ne le croit pas où elle le voit. + + + + +SCENE XIII. + + +LISETTE, ARISTE, ORGON, LE MARQUIS. + + +LISETTE, à Ariste. + +Que s'est-il donc passé ici, monsieur, et qui peut avoir si +fort chagriné Julie? Elle est dans une tristesse que je ne +puis vous exprimer: elle parle de retourner au couvent. Je la +questionne; elle ne me répond que par des soupirs. Enfin, +elle m'envoie vous demander si, avec la permission de ces +messieurs, elle pourrait vous entretenir un moment? + + +ARISTE. + +Je l'entendrai tant qu'il lui plaira. + + +LE MARQUIS, chantant. + +"Divin Bacchus!... La, la, la!" + + +ORGON. + +Je donnerois, je crois, mon bien, pour être aimé de la sorte. +Tu ne sens pas ton bonheur, mon neveu. + + +LISETTE. + +Il faut bien que monsieur votre neveu lui ait donné quelque +sujet de mécontentement; car elle s'est écriée plusieurs fois: +"Ah! dans quel trouble me jette ce Valère! Qu'il me cause +d'embarras et de peine! Quel supplice d'aimer sans retour!" + + +ORGON, à part. + +La pauvre enfant! + + +LE MARQUIS. + +Je suis fâché qu'elle ne me croie pas sur ma parole. + + +LISETTE. + +Allez, cela est mal à vous, monsieur. Les hommes sont bien +ingrats et bien insensibles. Hélas! elle avoit beau me dire +qu'elle ne vous aimoit pas, j'ai toujours bien remarqué, moi, +ce qui en étoit, et cela n'est que trop vrai pour elle. + + +LE MARQUIS. + +Crois-moi, mon enfant, elle n'est pas la première. + + +ORGON. + +Ecoutez, Valère. Je suis d'avis que vous alliez trouver cette +aimable personne, que vous lui juriez encore que vous êtes +pénétré de sa beauté et de son mérite; enfin, que vous ne la +laissiez pas dans un trouble que vous pouvez dissiper. + + +LE MARQUIS. + +Ah! que me demandez-vous? Faut-il que je redise un million de +fois la même chose? Non, je ne le puis. Je suis piqué aussi de +mon côté. + + +ORGON. + +Quoi! vous faites le cruel? + + +LISETTE, à part. + +Est-il possible que l'impertinence soit un titre pour être +aimé? + + +ARISTE, au marquis. + +Julie étant forcée, par son ascendant, à se déclarer pour +vous, il ne vous sied pas, monsieur, d'user de rigueur. Etre +aimé est un bien digne d'envie, et le plus bel apanage de +l'humanité; mais c'est en abuser que de manquer d'égards pour +les personnes qui nous rendent hommage, et de ne pas épargner +à un sexe plein de charmes jusqu'à la moindre inquiétude. + + +ORGON. + +C'est aussi mon sentiment. + + +LE MARQUIS, à Ariste. + +Je sais comment on doit conduire une passion. + + +ARISTE, à Lisette. + +Lisette, dites à Julie que je l'attends ici. + + +(Lisette sort.) + + + + +SCENE XIV. + + +ARISTE, ORGON, LE MARQUIS. + + +ORGON, à Ariste. + +Puisqu'elle veut vous parler en particulier, nous allons vous +laisser libres. Tâchez, dans cet entretien, de lui remettre +l'esprit et de l'assurer que mon neveu est bien son petit +serviteur. + + +LE MARQUIS, à Ariste. + +Oui, l'on peut toujours compter sur moi: on y peut compter. +Nous reviendrons savoir de quoi elle vous aura entretenu. + +(Il sort avec Orgon.) + + + + +SCENE XV. + + +ARISTE, seul. + + +L'homme le plus en garde contre la présomption est encore bien +foible de ce côté-là. J'ai pu interpréter deux fois en ma +faveur les paroles de Julie. Oui, Ariste, tu as beau en +rougir, il t'est venu deux fois en idée qu'on te faisoit une +déclaration d'amour. A toi! à toi! Oh! quelle extravagance +! quelque mystérieuse que soit sa conduite, je n'en saurois +douter, ce neveu d'Orgon a su lui plaire. Il y a bien quelque +chose à dire contre lui, et parmi tant de jeunes gens aimables +que le hasard présente à Julie, j'avoue qu'elle auroit pu +mieux choisir. Elle a assez d'esprit pour s'en apercevoir +elle-même; et c'est, si je ne me trompe, un combat de raison +et d'amour qui cause en elle tant d'indécision. (Voyant +paroître Julie.) Mais la voilà. + + + + +SCENE XVI. + + +JULIE, ARISTE. + + +JULIE. + +Vous me voyez revenir, monsieur, quoique je vous aie quitté +avec assez de vivacité. J'ai fait réflexion que ce pouvoit +être un sage motif dans celui que je veux avoir pour époux, +qui le fait douter de mon penchant. Je voudrois répondre aux +objections qu'il pourroit me faire, et l'assurer combien il +est digne de mon estime. + + +ARISTE. + +Je n'ai pas bien compris quelle espèce de dispute il pouvoit y +avoir entre vous et le marquis, mais je ne puis que vous +engager tous deux à vous réconcilier au plus tôt. La sympathie +est une loi impérieuse à laquelle on veut en vain se +soustraire, et quelque réflexion que la raison nous inspire, +il faut céder au trait qui nous a frappés, quand le destin le +veut. + + +JULIE, à part. + +Il est toujours dans l'erreur, et je n'ose encore l'en tirer. + + +ARISTE. + +Me sera-t-il permis de le dire? Je sens bien ce qui fait votre +peine. Vous craignez que le monde ne soit pas aussi convaincu +du mérite du marquis que vous l'êtes; et, à mon égard, il +faudroit qu'il fût plus parfait pour qu'il me parût digne de +vous. Mais enfin le penchant que vous avez pour lui me le fait +respecter, et le justifie devant moi de tous ses défauts. + + +JULIE. + +Vous me conseillez donc de le prendre pour époux? + + +ARISTE. + +Je vous conseille, comme j'ai toujours fait, de ne consulter +que votre coeur. + + +JULIE. + +Si vous me conseillez de ne consulter que mon coeur, je suivrai +votre avis. Je suis, pour la dernière fois, résolue de +découvrir mes véritables sentiments; mais comme il en coûte +toujours infiniment à les déclarer, je cherche quelque +innocent stratagème, et je pense qu'une lettre m'épargneroit +une partie de ma honte. + + +ARISTE. + +Eh bien! écrivez. Il est permis d'écrire à un homme que l'on +est sur le point d'épouser. Une lettre, effectivement, +expliquera ce que vous n'auriez peut-être pas la force de dire +de bouche, et l'explication est nécessaire après le petit +démêlé que vous avez eu ensemble. + + +JULIE. + +J'exigerois encore de votre complaisance que vous +l'écrivissiez pour moi. + + +ARISTE. + +Volontiers. + + +JULIE. + +Je suis prête à la dicter. + + +ARISTE, montrant un bureau, devant lequel il va s'asseoir. + +Voilà, sur ce bureau, tout ce qu'il faut pour cela. (A part.) +Le marquis, après tout, est homme de condition, et s'il a +quelques défauts, l'âge l'en corrigera. (A Julie.) Allons, +dictez, me voilà prêt. + + +JULIE, dictant. + +"Vous être trop intelligent pour ne pas savoir le secret de +mon coeur." + + +ARISTE, lisant, après avoir écrit. + +"De mon coeur." + + +JULIE, dictant. + +"Mais un excès de modestie vous empêche d'en convenir." + + +ARISTE, après avoir écrit. + +Bon! + + +JULIE, dictant. + +"Tout vous fait voir que c'est vous que j'aime." + + +ARISTE, après avoir écrit. + +Fort bien. + + +JULIE. + +Oui, c'est vous que j'aime... M'entendez-vous? + + +ARISTE. + +J'ai bien mis. + + +JULIE, dictant. + +"Je vous suis déjà attachée par la reconnoissance." + + +ARISTE, à part. + +De la reconnaissance au marquis? + + +JULIE. + +Ecrivez donc, monsieur. + + +ARISTE. + +Allons. (A part.) Il faut écrire ce qu'elle veut. (Lisant, +après avoir écrit.) "Par la reconnoissance." + + +JULIE, dictant. + +"Mais j'y joins un sentiment désintéressé." + + +ARISTE, lisant, après avoir écrit. + +"Désintéressé." + + +JULIE. + +"Et pour vous prouver que vous devez bien plus à mon +penchant...." + + +ARISTE, après avoir écrit. + +Après? + + +JULIE. + +"Je voudrais n'avoir point reçu de vous tant de soins +généreux dans mon enfance." + + +ARISTE, sans écrire. + +Y pensez-vous, Julie?... (A Part.) L'ai-je entendu, ou si +c'est une illusion? + + +JULIE, à part. + +Pourquoi ai-je rompu le silence? Je me doutois bien qu'il +recevroit mal un pareil aveu! + + +ARISTE, se levant. + +Julie! + + +JULIE. + +Ariste! + + +ARISTE. + +A qui donc écrivez-vous cette lettre? + + +JULIE. + +C'est au marquis, sans doute. + + +ARISTE. + +Il ne faut donc point parler des soins de votre enfance. Ce +seroit un contre-sens. + + +JULIE. + +J'ai tort.... je l'avoue; et cela ne sauroit lui convenir. + + +ARISTE. + +C'est donc par distraction que cela vous est échappé? + + +JULIE. + +Assurément. Les bienfaits n'étant point à lui, il n'en doit +point recueillir le salaire. + + +ARISTE. + +Voyez donc ce que vous voulez substituer à cela? + + +JULIE. + +J'en ai assez dit pour me faire entendre. + + +ARISTE. + +En ce cas, il ne s'agit donc que de finir le billet par un +compliment ordinaire, et de l'envoyer de votre part? + + +JULIE. + +Envoyez-le, de ma part, puisque vous croyez que je doive le +faire. + + +ARISTE, appelant. + +Holà! quelqu'un.... + + + + +SCENE XVII. + + +UN LAQUAIS, ARISTE, JULIE. + + +ARISTE, au laquais. + +Portez ce billet.... + + +(Julie fait un geste, comme pour empêcher qu'Ariste ne donne +la lettre au laquais.) + + +ARISTE, à Julie. + +N'est-ce pas au marquis? + + +JULIE, d'un ton piqué. + +Oui, monsieur; encore une fois, qui peut vous arrêter? + + +ARISTE, au laquais. + +Tenez donc.... Portez cette lettre à Valère. + + +(Le laquais sort.) + + + + +SCENE XVIII. + + +ARISTE, JULIE. + + +JULIE, à part. + +De quel trouble suis-je agitée? + + +ARISTE, à part. + +Quels coups redoublés attaquent ma raison! + + +JULIE, à part. + +Je ne puis prendre sur moi d'en dire davantage. + + +ARISTE, à part. + +Toute ma prudence échoue. + + +JULIE, à part. + +Il désapprouve la passion la plus pure.... Je meurs de +confusion. + + + + +SCENE XIX. + + +LISETTE, ARISTE, JULIE. + + +LISETTE, à part. + +La conversation me paroît terminée... (A Ariste.) Orgon, qui +est là-dedans, monsieur, est impatient de savoir le résultat +de votre entretien, et demande s'il peut paroître à présent. + + +ARISTE, à part. + +Ce n'est qu'en me retirant que je puis cacher ma défaite. + +(Il sort.) + + + + +SCENE XX. + + +JULIE, LISETTE. + + +LISETTE, à part. + +Ah! ah! voilà qui est singulier!... (A Julie.) Pourquoi +donc, mademoiselle, se retire-t-il ainsi sans me répondre? + + +JULIE, à part. + +Son mépris pour moi est-il assez marqué? + +(Elle sort.) + + +SCENE XXI. + + +LISETTE, seule. + +Fort bien! autant de raison d'un côté que de l'autre. D'où +cela peut-il provenir? Il me vient dans l'esprit.... +N'aimeroit-elle pas Valère? Auroit-elle fait à Ariste l'aveu +de quelque passion bizarre, que le bon monsieur, malgré sa +complaisance, n'aura pas pu approuver? Quelle honte que je ne +sois pas mieux instruite! Suivante et curieuse, autant et +plus qu'une autre, je ne saurai pas le secret de ma maîtresse? +Oh! je le saurai, assurément! C'est un affront que je ne +puis plus endurer.... (Voyant revenir Ariste.) Ariste revient, +plongé dans une profonde rêverie.... Je ne laisse plus Julie +en repos qu'elle ne m'ait avoué son foible... Elle m'en fera +la confidence, ou me donnera mon congé. + +(Elle sort.) + + + + +SCENE XXII. + + +ARISTE, seul. + +Non, à rappeler de sang-froid ce qui s'est passé, son +intention n'étoit pas d'écrire à Valère. Mais quelle +conséquence en tirer?... Quoi! Julie, il seroit possible +qu'Ariste eût obtenu quelque empire sur vous! Ah! Julie, +Julie, si ma raison ne m'eût pas soutenu contre l'effet de vos +charmes, pensez-vous que je n'eusse pas été le premier à me +déclarer pour vous? Avez-vous cru que je vous visse +impunément? Non, non.... Mais plus votre mérite m'a paru +accompli, et plus j'ai trouvé de motifs d'étouffer dans mon +coeur la passion que vous y faisiez naître.... Ciel! quelle +est ma foiblesse? Osé-je croire qu'elle pense à moi?... +Allons, rendons-nous justice, une bonne fois; et convenons +que, pour quelques apparences, il y a cent raisons qui +détruisent une idée aussi ridicule. + + + + +SCENE XXIII. + + +ORGON, ARISTE. + + +ARISTE. + +Je vous attends, Orgon, pour vous dire que les choses me +paroissent moins avancées que jamais. + + +ORGON. + +Que diable est-ce que tout ceci? On n'a guère vu d'amants plus +difficiles à accorder. Dites-moi donc de quoi il est question? +Il faut que votre conversation n'ait pas été du goût de Julie; +car je l'ai vue passer tout-à-l'heure: le dépit étoit peint +sur son visage; mais, ma foi, elle n'en étoit que plus belle. + + +ARISTE. + +Ce que je puis vous dire, c'est qu'après bien des réflexions, +je ne crois pas que le marquis soit aussi bien auprès d'elle +qu'il vous l'a fait entendre. + + +ORGON. + +Oui.... Attendez donc, ceci mérite examen.... Si les choses +sont ainsi, je voudrois savoir à propos de quoi les démarches +qu'il m'a fait faire? Me prend-il pour une benêt, un sot? +Parbleu!.... + + +ARISTE, l'interrompant. + +Un homme tel que lui est excusable de se croire aimé. + + +ORGON. + +Je suis votre serviteur. + + +ARISTE. + +Il est enjoué, bien fait, et d'âge.... + + +ORGON, l'interrompant. + +Oh! d'âge, tant qu'il vous plaira. Son âge est l'âge où l'on +fait le plus d'impertinences; et je prétends, ne vous +déplaise.... + + + + +SCENE XXIV. + + +LISETTE, ARISTE, ORGON. + + +LISETTE, à part. + +A la fin je triomphe, et l'on ne m'en donnera plus à +garder.... (A Ariste et à Orgon.) Messieurs, vous pouvez +parler devant moi, je sais le secret aussi bien que vous. Je +sais quel est le Médor de notre Angélique. + + +ORGON. + +As-tu débrouillé le mystère? + + +LISETTE. + +Comment!... (A Ariste.) Est-ce qu'elle ne vous l'a pas dit, à +vous, monsieur? + + +ARISTE. + +Elle ne m'a rien dit de décisif. + + +LISETTE. + +Tant mieux.... (A part.) Quelle félicité de savoir un secret, +et de le savoir seule! On a le plaisir de l'apprendre à tout +le monde.... (A Ariste.) Je l'ai tant pressée de m'avouer sur +qui elle avoit jeté les yeux pour en faire son époux qu'elle a +cédé à mes instances, et m'a répondu qu'il étoit triste pour +elle de ne pouvoir se faire entendre, quoiqu'elle eût parlé +assez clairement; et que l'on devoit s'être aperçu qu'elle +n'aimoit pas le marquis. + + +ORGON. + +Eh bien? + + +LISETTE. + +Qu'elle avoit, en général, une antipathie mortelle pour les +airs suffisants; qu'on ne trouvoit qu'inconsidération dans la +plupart des jeunes gens, et que celui qui l'avoit fixée étoit +d'un âge mûr. + + +ORGON. + +Oui-dà! + + +LISETTE. + +Que les amants pris dans leur automne étoient plus +affectionnés, plus complaisants, plus conformes à son humeur. + + +ORGON. + +Elle a raison. + + +LISETTE. + +Comme enfin elle s'est déclarée ouvertement contre le neveu, +je me suis avisée de parler de l'oncle.... + + +ORGON, l'interrompant. + +De moi? + + +LISETTE. + +On ne m'en a pas dédite. Un regard même m'a fait entendre ce +qui en étoit, et un soupir m'en a rendu certaine. + + +ORGON. + +Comment diable! Quoi! je.... Lisette, tu badines assurément. + + +LISETTE. + +Non, monsieur. J'ai eu beau lui dore, sur-le-champ (car cela +m'est échappé) que rien n'étoit si singulier qu'un pareil +choix; que, personnellement, vous étiez mal fait, cacochyme, +goutteux. Tout cela n'a rien fait, elle a pris son parti. + + +ORGON. + +Vous pouviez bien vous dispenser de lui dire cela. + + +ARISTE. + +Sans doute. Je suis persuadé que l'esprit, la sagesse, la +conduite sont les seules qualités qui puissent plaire à Julie +; elle les trouve parfaitement rassemblées chez Orgon. + + +ORGON. + +Ecoutez donc, j'ai toujours été assez bien venu des femmes, +moi.... Mais elle ne m'a pas nommé. Je suis d'ailleurs plutôt +dans mon hiver que dans mon automne. Par cet homme mûr +n'entendroit-elle pas parler de vous, Ariste? + + +ARISTE. + +De moi? + + +LISETTE, à Orgon, en montrant Ariste. + +Bon! s'il s'agissoit de monsieur, il n'a pas d'apparence +qu'après tant d'entretiens secrets il l'ignorât.... Qui plus +est, je vous ai nommé, et on ne m'a pas démentie. Non, vous +dis-je, c'est vous, M. Orgon. La bizarrerie de son étoile l'a +fait se déclarer pour vous. + + +ORGON, à part. + +Oh! parbleu! monsieur mon neveu, ceci va donc bien vous +faire rire.... (Riant.) Ah! ah! ah! vous n'en tâterez, ma +foi! que d'une dent.... (A Ariste et à Lisette.) N'ébruitons +rien. Il faut le faire venir, et nous divertir un peu à ses +dépens. + + +(On entend des instruments qui préludent dans l'appartement +voisin.) + + + + +SCENE XXV. + + +LE MARQUIS, ARISTE, ORGON, LISETTE. + + +LE MARQUIS, vers la coulisse, aux musiciens qui sont dans +l'appartement voisin, et que l'on ne voit pas. + +Oui, vous êtes bien sur ce ton-là. Cela ira à merveille. +Restez dans cette antichambre; je vous avertirai quand il +sera temps.... (A Ariste.) Vous ne le trouverez, je crois, pas +mauvais, monsieur? J'ai rencontré quelques musiciens et +quelques danseurs de ma connoissance, que j'ai amenés avec +moi, et qui doivent faire un impromptu, dont mon mariage sera +le sujet . + + +ARISTE. + +Il ne faut pas vous abuser plus long-temps, monsieur. + + +ORGON, bas, à Lisette. + +Motus! + + +ARISTE, au marquis. + +Julie n'étoit point née pour vous. + + +LE MARQUIS. + +Plaît-il, monsieur? + + +ARISTE. + +C'est un autre que vous qu'elle est résolue d'épouser. + + +LE MARQUIS. + +Un autre? + + +ORGON. + +Oui, un autre. + + +LE MARQUIS. + +Mon oncle appuie la chose bien sérieusement... (Riant.) Ah! +ah! ah! + + +ORGON. + +Vous avez beau ricaner; c'est un autre, vous dit-on. + + +LE MARQUIS. + +Fort bien, monsieur, fort bien! + + +LISETTE. + +Et cet autre est quelqu'un à qui vous devez le respect. + + +LE MARQUIS, ironiquement. + +Oh! qui que ce soit, je le respecte infiniment. + + +ORGON. + +Vous êtes d'une bonne pâte, monsieur mon neveu, de venir me +conter des sornettes, quand il n'est pas plus question de vous +que de Jean-de-Vert. + + +LE MARQUIS. + +Ah! de grâce, mon oncle, ne serrez pas tant la mesure. Vous +m'alarmez. + + +ORGON. + +Vous croyez que les femmes ne pensent qu'à vous autres +étourdis? + + +LE MARQUIS. + +Elles y sont quelquefois forcées. + + +ORGON. + +Oh bien! il faut, pourtant, que vous en rabattiez. + + +LE MARQUIS. + +Il faut que ce rival, quel qu'il soit, se prépare à être +humilié; car, en tous cas, mon cher oncle, j'ai en poche de +quoi le mortifier étrangement. + + +ORGON. + +Eh! qu'est-ce que c'est? + + +LE MARQUIS. + +Un billet, de la part de Julie. + + +ORGON. + +Qui s'adresse à vous? + + +LE MARQUIS. + +Oui; vous pouvez m'en croire. Billet, de la part de Julie, +reçu dans le moment, rempli des sentiments les plus +passionnés, et qui reproche à la personne son excès de +modestie.... C'est pour moi, comme vous voyez, à ne pouvoir +s'y tromper. + + +ORGON, à Ariste. + +Quel est donc ce billet dont il parle? + + +ARISTE. + +Un billet que Julie a dicté, et que j'ai écrit moi-même. + + +ORGON. + +Et elle écrivoit à Valère? + + +ARISTE. + +Il me l'a semblé. + + +ORGON. + +Que diantre, vous et Lisette, venez-vous donc me conter? + + +LISETTE. + +Je n'y conçois rien. + + +ORGON. + +Ni moi. + + +ARISTE, après avoir hésité un moment. + +Ni moi. + + +LE MARQUIS. + +On vous expliquera aisément tout cela dans un moment; on vous +l'expliquera.... (A Orgon.) Eh bien! mon cher oncle, êtes-vous +anéanti, pétrifié? + +ORGON. + +Il faut voir jusqu'au bout. + + + + +SCENE XXVI. + + +JULIE, ARISTE, ORGON, LE MARQUIS, LISETTE. + + +JULIE, à Ariste. + +Je ne puis m'empêcher de vous demander, monsieur, pour quelle +fête on a rassemblé ici ce nombre infini de musiciens. + + +LE MARQUIS. + +C'est moi qui les ai amenés, mademoiselle, pour célébrer le +plus beau de nos jours.... Mais on me tient ici des discours +étranges! Je vous prie d'éclaircir hautement le fait. On dit +qu'un autre que moi est le héros de la fête.... (En riant.) Ah +! rassurez-moi, de grâce. + + +Orgon, à Ariste. + +Ecoutons. + + +JULIE, au marquis. + +Les discours qu'on tient à présent me touchent peu. Je renonce +à tout engagement: mais il est vrai qu'un autre que vous +avoit quelque empire sur mon coeur. + + +ORGON, à part. + +Ah! ah! + + +JULIE. + +C'est un empire qu'il méprise.... Je ne prends plus le change +sur sa conduite. La fierté et la modestie gardent également le +silence. + + +ORGON, à part. + +J'entends bien le reproche. + + +LE MARQUIS, à Julie. + +Quoi! déguiseriez-vous toujours ce que vos yeux m'ont répété +tant de fois, et ce que votre main vient de me confirmer? + + +ORGON. + +Chanson. + + +JULIE, au marquis. + +A l'égard de la lettre, votre erreur est excusable. Aussi +n'est-ce pas ma faute si elle vous a été envoyée.... +Cependant, vous devez avoir vu clairement qu'elle n'étoit pas +écrite pour vous. + + +ORGON, au marquis. + +Cela est positif. + + +LE MARQUIS. + +Voilà un petit caprice aussi bien conditionné, et poussé aussi +loin.... Oh! qu'on me définisse à présent les femmes! + + +ORGON. + +Allez, allez, mademoiselle n'a point de caprices.... (A +Julie.) Vos attraits sont brillants, adorable personne! et si +fort au-dessus de tout ce que l'histoire et la fable nous +vantent qu'il n'étoit pas naturel qu'un homme de soixante et +dix ans.... + + +LE MARQUIS, l'interrompant. + +Qu'est-ce que dit donc mon oncle? Est-ce qu'il perd l'esprit? + + +ORGON, à Julie. + +Il étoit, dis-je, peu naturel qu'un homme septuagénaire +regardât ces attraits comme un bien qui pût lui devenir propre +: mais, de même qu'Eson fut rajeuni par les charmes de Médée, +vos charmes enchanteurs.... + + +LE MARQUIS, l'interrompant. + +Ah! miséricorde! Quoi! mon oncle a des prétentions? Il y a +de quoi mourir de rire! + + +JULIE, à Orgon. + +L'âge, même aussi avancé que le vôtre, n'est point un défaut, +selon moi, monsieur... + + +ORGON, l'interrompant. + +Vous êtes bien obligeante. + + +JULIE. + +Mais ce n'est pas non plus un mérite assez recommandable pour +qu'il me tienne lieu de l'inclination que je n'ai point pour +vous. + + +ORGON. + +Comment? + + +LISETTE, à part. + +Que veut dire ceci? + + +LE MARQUIS, à Orgon. + +Cela est positif, mon oncle, et très positif. + + +ORGON, à Julie. + +Excusez mon erreur. (A part.) Cette fille-là a quelque chose +d'extraordinaire. + + +LE MARQUIS, riant. + +Ah! ah! ah! + + +ARISTE, à part. + +Ce que je vois, et le souvenir de ce qui s'est passé, me force +à rompre le silence. + + +LE MARQUIS. + +Qu'est-ce que c'est? + + +ARISTE, à Julie, en se jetant à ses genoux. + +Ah! Julie, refusez donc aussi cet Ariste, qu'une passion +sincère oblige à se jeter à vos genoux; qui, jusqu'à présent, +n'a osé se livrer à un espoir trop flatteur, ni vous découvrir +ses sentiments, parce qu'il se croit cent fois indigne de +vous, mais qui, de tous les hommes, est le plus passionné. + + +LE MARQUIS, éclatant de rire. + +Ah! monsieur veut aller aussi sur mes brisées? Mais, mais +l'aventure devient trop bouffonne. + + +LISETTE, à part. + +Notre tuteur amoureux! + + +JULIE, à Ariste. + +J'ai dit que je renonçois à tout engagement... + + +LE MARQUIS, l'interrompant. + +Oui, et dans le fond il n'en est rien. + + +JULIE, à Ariste. + +Je viens de refuser Orgon et le marquis: l'un m'accuse de +caprice, l'autre de singularité. (En souriant.) Un troisième +refus m'attireroit sans doute un reproche plus sensible. (Lui +présentant la main pour le relever.) J'accepte votre main, +Ariste. + + +ARISTE, se relevant. + +C'est in bonheur inattendu, auquel je me livre tout entier. + + +ORGON, à part. + +Parbleu! j'en suis ravi, et pour cause. (Au marquis.) Eh bien +! notre cher neveu, êtes-vous content du personnage que vous +m'avez fait jouer ici? + + +LE MARQUIS. + +Que voulez-vous, monsieur, que je vous dise? Le dépit a fait +faire des choses extraordinaires, et il y a, dans tout ceci, +moins de changement qu'on ne se l'imagine. + +(Il va chercher les musiciens et les danseurs dans la +coulisse.) + + + + +SCENE XXVII. + + +TROUPE DE MUSICIENS ET DE DANSEURS, ARISTE, JULIE, ORGON, LE +MARQUIS, LISETTE. + + +LE MARQUIS, aux musiciens et aux danseurs. + +Avancez, messieurs les musiciens et danseurs; avancez, et que +la fête aille son train. + + +DIVERTISSEMENT. + + +ARISTE, chantant. + + La saine philosophie, + Sévère sur nos désirs, + Nous porte à passer la vie + Loin des turbulents plaisirs: + Mais les jeux, enfants de la tendresse, + Peuvent être admis dans sa cour; + Et je préfère la sagesse + Qui pare ses traits de l'Amour. + + +(On danse.) + + +VAUDEVILLE. + + +ARISTE. + + Du jeune et malheureux Atys, + Cybèle envioit la conquête. + Anacréon, aux cheveux gris, + De myrrhes couronnoit sa tête. + En vain un tendre sentiment + D'Hébé semble être la partage; + Tant qu'on respire, on est amant. + L'amour est de tout âge + + +ORGON. + + Je suis si vieux, j'ai si long-temps + Près du beau sexe fait tapage, + Que je me croyois hors des rangs; + Mais, plus entreprenant qu'un page, + Dans le moment, il m'a suffi + D'entendre parler mariage: + Mon coeur acceptoit le défi. + L'amour est de tout âge. + + +LISETTE. + + Je n'avois pas encor dix ans, + Qu'un espiègle du voisinage, + En dépit de nos surveillants, + Accouroit pour me rendre hommage. + Que se passoit-il entre nous? + Rien qu'un innocent badinage: + Mais, ô grands dieux! qu'il étoit doux! + L'amour est de tout âge. + + +LE MARQUIS. + + Si dans un cercle je parois, + La grande maman, la plus sage, + Gémit de n'avoir plus d'attraits, + La mère affecte un doux langage; + La fille à marier rougit, + Et laisse tomber son ouvrage, + Celle à la bavette sourit. + L'amour est de tout âge. + + +JULIE. + + Le vieillard est plein de bon sens; + Mais il est jaloux et sauvage. + Si le jeune a des agrémens, + Il est fou, bizarre et volage. + Qu'il est difficile, en ce temps, + D'avoir un époux qui soit sage! + S'ils peuvent l'être à quarante ans, + Le mien est du bon âge. + + + + +FIN DE LA PUPILLE. + + + + + + + + + + +End of Project Gutenberg's La Pupille, by Christophe-Barthélemi Fagan + +*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LA PUPILLE *** + +***** This file should be named 26822-8.txt or 26822-8.zip ***** +This and all associated files of various formats will be found in: + https://www.gutenberg.org/2/6/8/2/26822/ + +Produced by Daniel Fromont + +Updated editions will replace the previous one--the old editions +will be renamed. + +Creating the works from public domain print editions means that no +one owns a United States copyright in these works, so the Foundation +(and you!) can copy and distribute it in the United States without +permission and without paying copyright royalties. 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It exists +because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from +people in all walks of life. + +Volunteers and financial support to provide volunteers with the +assistance they need, is critical to reaching Project Gutenberg-tm's +goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will +remain freely available for generations to come. In 2001, the Project +Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure +and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations. +To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation +and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 +and the Foundation web page at https://www.pglaf.org. + + +Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive +Foundation + +The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit +501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the +state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal +Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification +number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at +https://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg +Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent +permitted by U.S. federal laws and your state's laws. + +The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S. +Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered +throughout numerous locations. Its business office is located at +809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email +business@pglaf.org. 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Thus, we do not necessarily +keep eBooks in compliance with any particular paper edition. + + +Most people start at our Web site which has the main PG search facility: + + https://www.gutenberg.org + +This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, +including how to make donations to the Project Gutenberg Literary +Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to +subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. diff --git a/26822-8.zip b/26822-8.zip Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..c43601d --- /dev/null +++ b/26822-8.zip diff --git a/LICENSE.txt b/LICENSE.txt new file mode 100644 index 0000000..6312041 --- /dev/null +++ b/LICENSE.txt @@ -0,0 +1,11 @@ +This eBook, including all associated images, markup, improvements, +metadata, and any other content or labor, has been confirmed to be +in the PUBLIC DOMAIN IN THE UNITED STATES. + +Procedures for determining public domain status are described in +the "Copyright How-To" at https://www.gutenberg.org. + +No investigation has been made concerning possible copyrights in +jurisdictions other than the United States. 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