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+The Project Gutenberg EBook of Le Téléphone, le Microphone et le
+Phonographe, by Théodore du Moncel
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
+
+
+Title: Le Téléphone, le Microphone et le Phonographe
+
+Author: Théodore du Moncel
+
+Illustrator: B. Bonnafoux
+
+Release Date: December 20, 2008 [EBook #27574]
+
+Language: French
+
+Character set encoding: ISO-8859-1
+
+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK TELEPHONE, MICROPHONE, PHONOGRAPHE ***
+
+
+
+
+Produced by Laurent Vogel, Christine P. Travers and the
+Online Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net
+(This file was produced from images generously made
+available by the Bibliothèque nationale de France
+(BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr)
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+[Notes au lecteur de ce ficher digital:
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+Seules les erreurs clairement introduites par le typographe ont été
+corrigées.
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+Le signe ^ précède les exposants; { } entoure les indices; = démarque
+les caractères gras.
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+
+
+
+BIBLIOTHÈQUE DES MERVEILLES
+
+
+LE TÉLÉPHONE
+
+LE MICROPHONE
+
+ET LE PHONOGRAPHE
+
+
+PAR
+
+
+LE COMTE TH. DU MONCEL
+
+Membre de l'Institut
+
+
+
+
+OUVRAGE ILLUSTRÉ
+
+DE 67 FIGURES DESSINÉES SUR BOIS
+
+PAR B. BONNAFOUX
+
+
+
+
+PARIS
+
+LIBRAIRIE HACHETTE ET Cie
+
+79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 79
+
+1878
+
+Droits de propriété et de traduction réservés
+
+
+
+
+BIBLIOTHÈQUE DES MERVEILLES
+
+PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION
+
+DE M. ÉDOUARD CHARTON
+
+
+LE TÉLÉPHONE, LE MICROPHONE ET LE PHONOGRAPHE
+
+
+
+
+ 21571-78.--PARIS, TYPOGRAPHIE LAHURE
+ Rue de Fleurus, 9
+
+
+
+
+LE TÉLÉPHONE
+
+LE MICROPHONE
+
+ET LE PHONOGRAPHE
+
+
+UN COUP D'OEIL HISTORIQUE.
+
+À proprement parler, le téléphone n'est qu'un instrument apte à
+transmettre les sons à distance, et l'idée de cette transmission est
+aussi ancienne que le monde. Les Grecs employaient des moyens
+susceptibles de la réaliser, et il n'est pas douteux que ces moyens
+n'aient été quelquefois mis à contribution dans les oracles du
+paganisme. Seulement cette transmission des sons ne sortait pas de
+certaines limites assez restreintes, ne dépassant pas sans doute
+celles des porte-voix. Suivant M. Preece, le document le plus ancien
+où cette transmission du son à distance soit formulée d'une manière un
+peu nette, remonte à l'année 1667, comme il résulte d'un écrit d'un
+certain Robert Hooke, qui dit à ce propos: «Il n'est pas impossible
+d'entendre un bruit à grande distance, car on y est déjà parvenu, et
+l'on pourrait même décupler cette distance sans qu'on puisse taxer la
+chose d'impossible. Bien que certains auteurs estimés aient affirmé
+qu'il était impossible d'entendre à travers une plaque de verre
+noircie même très-mince, je connais un moyen facile de faire entendre
+la parole à travers un mur d'une grande épaisseur. On n'a pas encore
+examiné à fond jusqu'où pouvaient atteindre les moyens acoustiques, ni
+comment on pourrait impressionner l'ouïe par l'intermédiaire d'autres
+milieux que l'air, et je puis affirmer _qu'en employant un fil tendu,
+j'ai pu transmettre instantanément le son à une grande distance et
+avec une vitesse sinon aussi rapide que celle de la lumière, du moins
+incomparablement plus grande que celle du son dans l'air. Cette
+transmission peut être effectuée non-seulement avec le fil tendu en
+ligne droite, mais encore quand ce fil présente plusieurs coudes._»
+
+Ce système de transmission des sons, sur lequel sont basés les
+téléphones à ficelle qui attirent l'attention depuis quelques années,
+est resté à l'état de simple expérience jusqu'en 1819, époque à
+laquelle M. Wheatstone l'appliqua à sa lyre magique. Dans cet
+appareil, les sons étaient transmis à travers une longue tige de sapin
+dont l'extrémité était adaptée à une caisse sonore; de là à l'emploi
+des membranes utilisées dans les téléphones à ficelle, il n'y avait
+qu'un pas. Quel est celui qui eut cette dernière idée?... il est assez
+difficile de le dire, car beaucoup de ces vendeurs de téléphones se
+l'attribuent sans se douter même de la question. S'il faut en croire
+certains voyageurs, ce système serait depuis longtemps employé en
+Espagne pour les correspondances amoureuses. Quoi qu'il en soit, les
+cabinets de physique ne possédaient pas ces appareils il y a quelques
+années, et beaucoup de personnes croyaient même que la ficelle était
+constituée par un tube acoustique de petit diamètre. Cet appareil,
+quoique devenu un jouet d'enfant, est d'une grande importance
+scientifique, car il montre que les vibrations capables de reproduire
+la parole peuvent être d'un ordre infiniment petit, puisqu'elles
+peuvent être transmises mécaniquement à des distances dépassant cent
+mètres. Toutefois, au point de vue télégraphique, le problème de la
+propagation des sons à distance était loin d'être résolu de cette
+manière, et l'idée d'appliquer les effets électriques à cette sorte de
+transmission dut naître aussitôt qu'on put être témoin des effets
+merveilleux de la télégraphie électrique, ce qui nous reporte déjà aux
+époques qui suivirent l'année 1839. Une découverte inattendue faite
+par M. Page en 1837, en Amérique, et étudiée depuis par MM. Wertheim,
+de la Rive et autres, devait d'ailleurs y conduire naturellement; car
+on avait reconnu qu'une tige magnétique soumise à des aimantations et
+à des désaimantations très-rapides, pouvait émettre des sons, et que
+ces sons étaient en rapport avec le nombre des émissions de courants
+qui les provoquaient.
+
+D'un autre côté, les vibrateurs électriques combinés par MM.
+Mac-Gauley, Wagner, Neef, etc., et disposés dès 1847 et 1852 par MM.
+Froment et Pétrina pour la production de sons musicaux, prouvaient que
+le problème de la transmission des sons à distance était possible.
+Toutefois, jusqu'en 1854, personne n'avait osé admettre la possibilité
+de transmettre électriquement la parole à distance, et quand M.
+Charles Bourseul publia à cette époque une note sur la transmission
+électrique de la parole, on regarda cette idée comme un rêve
+fantastique. Moi-même, je dois l'avouer, je ne pouvais y croire, et
+quand, dans la première édition de mon exposé des applications de
+l'électricité publiée en 1854[1], je rapportai cette note, je crus
+devoir l'accompagner de commentaires plus que dubitatifs. Cependant,
+comme la note me paraissait bien raisonnée, je n'hésitai pas à la
+publier en la signant seulement des initiales Ch. B***. La suite
+devait donner raison à cette idée hardie, et quoiqu'elle ne renfermât
+pas en elle le principe physique qui seul pouvait conduire à la
+reproduction des sons articulés, elle était pourtant le germe de
+l'invention féconde qui a illustré les noms de Graham Bell et d'Elisha
+Gray. C'est à ce titre que nous allons reproduire encore ici la note
+de M. Charles Bourseul.
+
+ [Note 1: Voy. t. II, p. 225, et t. III, p. 110, de la 2e
+ édition du même ouvrage publiée en 1857.]
+
+«Après les merveilleux télégraphes qui peuvent reproduire à distance
+l'écriture de tel ou tel individu, et même des dessins plus ou moins
+compliqués, il semblerait impossible, dit M. B***, d'aller plus en
+avant dans les régions du merveilleux. Essayons cependant de faire
+quelques pas de plus encore. Je me suis demandé, par exemple, si la
+parole elle-même ne pourrait pas être transmise par l'électricité, en
+un mot, si l'on ne pourrait pas parler à Vienne et se faire entendre
+à Paris. La chose est praticable: voici comment:
+
+«Les sons, on le sait, sont formés par des vibrations et appropriés à
+l'oreille par ces mêmes vibrations que reproduisent les milieux
+intermédiaires.
+
+«Mais l'intensité de ces vibrations diminue très rapidement avec la
+distance; de sorte qu'il y a, même en employant des porte-voix, des
+tubes et des cornets acoustiques, des limites assez restreintes qu'on
+ne peut dépasser. Imaginez que l'on parle près d'une plaque mobile,
+assez flexible pour ne perdre aucune des vibrations produites par la
+voix, que cette plaque établisse et interrompe successivement la
+communication avec une pile: vous pourrez avoir à distance une autre
+plaque qui exécutera en même temps les mêmes vibrations.
+
+«Il est vrai que l'intensité des sons produits sera variable au point
+de départ, où la plaque vibre par la voix, et constante au point
+d'arrivée, où elle vibre par l'électricité; mais il est démontré que
+cela ne peut altérer les sons.
+
+«Il est évident d'abord que les sons se reproduiraient avec la même
+hauteur dans la gamme.
+
+«L'état actuel de la science acoustique ne permet pas de dire _a
+priori_ s'il en sera tout à fait de même des syllabes articulées par
+la voix humaine. On ne s'est pas encore suffisamment occupé de la
+manière dont ces syllabes sont produites. On a remarqué, il est vrai,
+que les unes se prononcent des dents, les autres des lèvres, etc.,
+mais c'est là tout.
+
+«Quoi qu'il en soit, il faut bien songer que les syllabes ne
+reproduisent, à l'audition, rien autre chose que des vibrations des
+milieux intermédiaires; reproduisez exactement ces vibrations, et vous
+reproduirez exactement aussi les syllabes.
+
+«En tout cas, il est impossible de démontrer, dans l'état actuel de la
+science, que la transmission électrique des sons soit impossible.
+Toutes les probabilités, au contraire, sont pour la possibilité.
+
+«Quand on parla pour la première fois d'appliquer l'électro-magnétisme
+à la transmission des dépêches, un homme haut placé dans la science
+traita cette idée de sublime utopie, et cependant aujourd'hui on
+communique directement de Londres à Vienne par un simple fil
+métallique.--Cela n'était pas possible, disait-on, et cela est.
+
+«Il va sans dire que des applications sans nombre et de la plus haute
+importance surgiraient immédiatement de la transmission de la parole
+par l'électricité.
+
+«À moins d'être sourd et muet, qui que ce soit pourrait se servir de
+ce mode de transmission qui n'exigerait aucune espèce d'appareils. Une
+pile électrique, deux plaques vibrantes et un fil métallique
+suffiraient.
+
+«Dans une multitude de cas, dans de vastes établissements, par
+exemple, on pourrait, par ce moyen, transmettre à distance tel ou tel
+avis, tandis qu'on renoncera à opérer cette transmission par
+l'électricité, dès lors qu'il faudra procéder lettre par lettre et à
+l'aide de télégraphes exigeant un apprentissage et de l'habitude.
+
+«Quoi qu'il arrive, il est certain que dans un avenir plus ou moins
+éloigné, la parole sera transmise à distance par l'électricité. _J'ai
+commencé des expériences à cet égard_: elles sont délicates et exigent
+du temps et de la patience, mais _les approximations obtenues_ font
+entrevoir un résultat favorable.»
+
+Il est certain que cette description n'est pas assez complète pour
+qu'on puisse y découvrir la disposition qui pouvait conduire à la
+solution du problème, et si les vibrations de la lame au poste de
+réception devaient résulter d'interruptions et de fermetures de
+courant effectuées au poste de transmission, sous l'influence des
+vibrations déterminées par la voix, elles ne pouvaient fournir que des
+sons musicaux et non des sons articulés. Néanmoins l'idée était
+_très-belle_, comme le dit M. Preece, tout en regardant sa réalisation
+comme impossible[2]. Il est du reste facile de voir que M. Bourseul
+lui-même ne se dissimulait pas les difficultés du problème en ce qui
+touchait les sons articulés, car il signale, comme on vient de le
+voir, les différences qui existent entre les vibrations simples
+produisant les sons musicaux et les vibrations complexes déterminant
+les sons articulés; mais, comme il le disait fort justement:
+_Reproduisez au poste de réception les vibrations de l'air déterminées
+au poste de transmission, et vous aurez la transmission de la parole
+quelque compliqué que soit le mécanisme au moyen duquel on l'obtient._
+Nous verrons à l'instant comment a été résolu ce problème, et il est
+probable que certains essais avaient déjà fait pressentir à M.
+Bourseul la solution de la question; mais rien dans sa note ne peut
+faire entrevoir quels étaient les moyens auxquels il avait pensé; de
+sorte que l'on ne peut raisonnablement pas lui rapporter la découverte
+de la transmission électrique de la parole, et nous ne comprenons
+guère qu'on ait pu nous faire un reproche de ne pas avoir apprécié,
+dès cette époque, l'importance de cette découverte qui pouvait bien
+alors paraître un peu du domaine de la fantaisie.
+
+ [Note 2: Voy. le _Journal de la Société des Ingénieurs
+ télégraphistes de Londres_, t. VI, p. 417 et 419.]
+
+Ce n'est qu'en 1876 que le problème de la transmission électrique de
+la parole a été définitivement résolu, et cette découverte a soulevé
+dans ces derniers temps, entre MM. Elisha Gray, de Chicago, et Graham
+Bell un débat de priorité intéressant sur lequel nous devons dire
+quelques mots.
+
+Dès l'année 1874, M. Elisha Gray s'occupait d'un système de téléphone
+musical qu'il voulait appliquer aux transmissions télégraphiques
+multiples, et les recherches qu'il dut entreprendre pour établir ce
+système dans les meilleures conditions possibles lui firent entrevoir
+la possibilité de transmettre électriquement les mots articulés. Tout
+en expérimentant son système télégraphique, il combina, en effet, vers
+le 15 janvier 1876, un système de _téléphone parlant_ dont il déposa à
+l'office des patentes américaines, sous la forme de _caveat_ ou de
+brevet provisoire, la description et les dessins. Ce dépôt fut fait le
+14 février 1876: or ce même jour M. Graham Bell déposait également à
+l'office des patentes américaines une demande de brevet dans laquelle
+il était bien question d'un appareil du même genre, mais qui
+s'appliquait surtout à des transmissions télégraphiques simultanées
+au moyen d'appareils téléphoniques, et les quelques mots qui, dans ce
+brevet, pouvaient se rapporter au téléphone à sons articulés,
+s'appliquaient à un instrument qui, de l'aveu même de M. Bell, n'a pu
+fournir _aucuns résultats satisfaisants_[3]. Dans le _caveat_ de M.
+Gray, au contraire, l'application de l'appareil à la transmission
+électrique de la parole est uniquement indiquée, la description du
+système est complète, et les dessins qui l'accompagnent sont tellement
+précis qu'un téléphone exécuté d'après eux pouvait parfaitement
+fonctionner; c'est du reste ce que M. Gray put constater lui-même
+quand, quelque temps après, il exécuta son appareil qui ne différait
+guère de celui à liquide dont parle M. Bell dans son mémoire. À ce
+titre, M. Elisha Gray se serait trouvé certainement mis en possession
+du brevet, si une omission de formes de l'office des patentes
+américaines, qui, comme on le sait, prononce sur la priorité des
+inventions dans ce pays, n'avait entraîné la déchéance de son
+_caveat_, et c'est à propos de cette omission qu'un procès a été
+intenté dernièrement à M. Bell, devant la Cour suprême de l'office des
+patentes américaines, pour faire tomber son brevet. Si M. Gray ne
+s'est pas occupé plus tôt de cette réclamation, c'est qu'il était
+alors entièrement occupé d'expérimenter son système de téléphone
+harmonique appliqué aux transmissions télégraphiques qu'il jugeait
+plus important au point de vue commercial, et que le temps lui avait
+complètement manqué pour donner suite à cette affaire.
+
+ [Note 3: Voy. le Mémoire de M. Bell dans le _Journal de
+ la Société des Ingénieurs télégraphistes de Londres_, t. VI,
+ p. 407.]
+
+Quoi qu'il en soit, c'est seulement à partir de la prise de possession
+de son brevet que M. Bell commença à s'occuper sérieusement du
+téléphone parlant, et ses efforts ne tardèrent pas à être couronnés de
+succès, car peu de mois après, il exposait à Philadelphie son
+téléphone parlant qui excita, dès cette époque, l'attention publique
+au plus haut degré, et qui, perfectionné encore au point de vue
+pratique, nous arriva en Europe dans l'automne 1877 avec la forme que
+nous lui connaissons.
+
+Comme complément à cette histoire sommaire du téléphone, nous devons
+dire que, depuis sa réussite, bon nombre de réclamations de priorité
+ont surgi comme par enchantement. Nous voyons d'abord qu'un certain M.
+John Camack, Anglais d'origine, s'attribue l'invention du téléphone,
+se basant sur ce qu'en 1865 il aurait non-seulement fait la
+description de cet appareil, mais encore exécuté les dessins; il
+ajoute même que si les moyens ne lui avaient pas fait défaut pour le
+construire, le téléphone aurait été découvert dès cette époque. Une
+prétention semblable a été également émise par M. Dolbear, compatriote
+de M. Bell, et nous verrons bientôt ce qu'en dit ce dernier.
+
+Il en est de même d'un certain M. Manzetti, d'Aoste, qui prétend que
+son invention téléphonique a été décrite dans beaucoup de journaux de
+1865, entre autres dans _le Petit Journal_, de Paris, du 22 novembre
+1865, le _Diretto_, de Rome, du 10 juillet 1865, _l'Écho d'Italie_, de
+New-York, du 9 août 1865, _l'Italie_, de Florence, du 10 août 1865,
+_la Commune d'Italie_, de Gênes, du 1er décembre 1865, _la Vérité_, de
+Novarre, du 4 janvier 1866, _le Commerce_, de Gênes, du 6 janvier
+1866. Il est vrai qu'aucune description n'a été donnée de ce système,
+et que les journaux en question n'ont fait qu'assurer que les
+expériences qui avaient été faites avaient montré que la solution
+pratique du problème de la transmission électrique de la parole par ce
+système était possible. Quoi qu'il en soit, M. Charles Bourseul aurait
+encore la priorité de l'idée; mais suivant nous, on ne doit ajouter
+qu'une médiocre confiance à toutes ces revendications faites après
+coup.
+
+Avant de nous occuper du téléphone de Bell et des diverses
+modifications qu'on lui a apportées, il nous a paru important, pour
+bien familiariser le lecteur avec ces sortes d'appareils, d'étudier
+les téléphones électro-musicaux qui l'ont précédé, et en particulier
+celui de M. Reiss, qui fut construit en 1860 et qui a été le point de
+départ de tous les autres. Nous verrons d'ailleurs que ces instruments
+ont des applications très-importantes, et la télégraphie leur devra
+probablement un jour de grands progrès.
+
+
+
+
+TÉLÉPHONES MUSICAUX.
+
+
+=Téléphone de M. Reiss.=--Le téléphone de M. Reiss est fondé, quant à
+la reproduction des sons, sur les effets découverts par M. Page en
+1837 et, pour leur transmission électrique, sur le système à membrane
+vibrante utilisé dès 1855 par M. L. Scott dans son phonautographe. Cet
+appareil se compose donc, comme les systèmes télégraphiques, de deux
+parties distinctes, d'un transmetteur et d'un récepteur, et nous les
+représentons fig. 1.
+
+Le transmetteur était essentiellement constitué par une boîte sonore
+K, qui portait à sa partie supérieure une large ouverture circulaire à
+travers laquelle était tendue une membrane, et au centre de celle-ci
+était adapté un léger disque de platine _o_, au-dessus duquel était
+fixée une pointe métallique _b_, qui constituait avec le disque
+l'interrupteur. Sur une des faces de cette boîte sonore K, se trouvait
+une sorte de porte-voix T qui était destiné à recueillir les sons et à
+les diriger à l'intérieur de la boîte pour les faire réagir ensuite
+sur la membrane. Une partie de la boîte K est brisée sur la figure
+pour qu'on puisse distinguer les différentes parties qui la composent.
+
+Les tiges _a_, _c_, qui portent la pointe de platine _b_, sont réunies
+métalliquement avec une clef Morse _t_, placée sur le côté de la boîte
+K, et avec un électro-aimant A, qui appartient à un système
+télégraphique destiné à échanger les signaux nécessaires à la mise en
+action des deux appareils aux deux stations.
+
+Le récepteur est constitué par une caisse sonore B, portant deux
+chevalets _d_, _d_, sur lesquels est soutenu un fil de fer _d d_ de la
+grosseur d'une aiguille à tricoter. Une bobine électro-magnétique _g_
+enveloppe ce fil et se trouve enfermée par un couvercle D, qui
+concentre les sons déjà amplifiés par la caisse sonore; cette caisse
+est même munie, à cet effet, de deux ouvertures pratiquées au-dessous
+de la bobine.
+
+Le circuit de ligne est mis en rapport avec le fil de cette bobine par
+les deux bornes d'attache 3 et 4, et une clef Morse _t_ se trouve
+placée sur le côté de la caisse B pour l'échange des correspondances.
+
+Pour faire fonctionner ce système, il suffit de faire parler
+l'instrument dont on veut transmettre les sons devant l'ouverture T,
+et cet instrument peut être une flûte, un violon ou même la voix
+humaine. Les vibrations de l'air déterminées par ces instruments font
+vibrer à l'unisson la membrane téléphonique, et celle-ci, en
+approchant et éloignant rapidement le disque de platine _o_ de la
+pointe _b_, fournit une série d'interruptions de courant qui se
+trouvent répercutées par le fil de fer _d d_ et transformées en
+vibrations métalliques, dont le nombre est égal à celui des sons
+successivement produits.
+
+D'après ce mode d'action, on comprend donc qu'il soit possible de
+transmettre les sons avec leur valeur relative; mais l'on conçoit
+également que ces sons ainsi transmis n'auront pas le timbre de ceux
+qui leur donnent naissance, car le timbre est indépendant du nombre
+des vibrations, et, il faut même le dire ici, les sons produits par
+l'appareil de M. Reiss avaient un timbre de flûte à l'oignon qui
+n'avait rien de séduisant; toutefois le problème de la transmission
+électrique des sons musicaux était bien réellement résolu, et l'on
+pouvait dire en toute vérité qu'un air ou une mélodie pouvait être
+entendu à une distance aussi grande qu'on pouvait le désirer.
+
+L'invention de ce téléphone date, comme on l'a déjà vu, de l'année
+1860, et le professeur Heisler en parle dans son traité de physique
+technique, publié à Vienne en 1866; il prétend même dans l'article
+qu'il lui a consacré, que, quoique dans son enfance, cet appareil
+était susceptible de transmettre non-seulement des sons musicaux, mais
+encore des mélodies chantées. Ce système fut ensuite perfectionné par
+M. Vander-Weyde, qui, après avoir lu la description publiée par M.
+Heisler, chercha à rendre la boîte de transmission de l'appareil plus
+sonore et les sons produits par le récepteur plus forts. Voici ce
+qu'il dit à ce sujet dans le _Scientific american Journal_:
+
+«Ayant fait construire en 1868 deux téléphones du genre de celui
+décrit précédemment, je les montrai à la réunion du club polytechnique
+de l'Institut américain. Les sons transmis étaient produits à
+l'extrémité la plus éloignée du Cooper Institut, et tout à fait en
+dehors de la salle où se trouvaient les auditeurs de l'association;
+l'appareil récepteur était placé sur une table, dans la salle même des
+séances. Il reproduisait fidèlement les airs chantés, mais les sons
+étaient un peu faibles et un peu nasillards. Je songeai alors à
+perfectionner cet appareil, et je cherchai d'abord à obtenir dans la
+boîte K des vibrations plus puissantes en les faisant répercuter par
+les côtés de cette boîte au moyen de parois creuses. Je renforçai
+ensuite les sons produits par le récepteur, en introduisant dans la
+bobine plusieurs fils de fer, au lieu d'un seul. Ces perfectionnements
+ayant été soumis à la réunion de l'Association américaine pour
+l'avancement des sciences qui eut lieu en 1869, on exprima l'opinion
+que cette invention renfermait en elle le germe d'une nouvelle méthode
+de transmission télégraphique qui pourrait conduire à des résultats
+importants. Cette appréciation devait être bientôt justifiée par la
+découverte de Bell et d'Elisha Gray.
+
+
+=Téléphone de MM. Cécil et Léonard Wray.=--Ce système, que nous
+représentons fig. 2 et 3, n'est qu'un simple perfectionnement de celui
+de M. Reiss, imaginé en vue de rendre les effets produits plus
+énergiques. Ainsi le transmetteur est muni de deux membranes au lieu
+d'une, et son récepteur, au lieu d'être constitué par un simple fil de
+fer recouvert d'une bobine magnétisante, se compose de deux bobines
+distinctes, H, H', fig. 2, placées dans le prolongement l'une de
+l'autre, et à l'intérieur desquelles se trouvent deux tiges de fer.
+Ces tiges sont fixées par une de leurs extrémités à deux lames de
+cuivre A, B, maintenues elles-mêmes dans une position fixe au moyen de
+deux piliers à écrous I, I', et les deux autres extrémités de ces
+tiges, entre les bobines, sont disposées à une très-petite distance
+l'une devant l'autre, mais sans cependant se toucher. Le système est
+d'ailleurs monté sur une caisse sonore, munie d'un trou T dans
+l'espace correspondant à l'intervalle séparant les bobines, et
+celles-ci communiquent avec quatre boutons d'attache qui sont mis en
+rapport avec le circuit de ligne de telle manière que les polarités
+opposées des deux tiges soient de signes contraires, et ne forment
+qu'un seul et même aimant coupé par le milieu. Il paraît qu'avec cette
+disposition les sons produits sont beaucoup plus accentués.
+
+La forme du transmetteur est aussi un peu différente de celle que nous
+avons décrite précédemment; la partie supérieure, au lieu d'être
+horizontale, est un peu inclinée, comme on le voit fig. 3, et
+l'ouverture E par laquelle les sons doivent se communiquer à la
+membrane vibrante, occupe une grande partie du côté le plus élevé de
+la caisse, qui, à cet effet, se présente sous une certaine obliquité.
+La seconde membrane G, qui est en caoutchouc, forme une sorte de
+cloison qui divise en deux la caisse, à partir du bord supérieur de
+l'ouverture, et, d'après l'inventeur, elle aurait pour effet, tout en
+augmentant l'amplitude des vibrations produites par la membrane
+extérieure D, comme dans un tambour, de protéger celle-ci contre les
+effets de la respiration et plusieurs autres causes nuisibles.
+L'interrupteur lui-même diffère aussi de celui de l'appareil de M.
+Reiss. Ainsi le disque de platine _b_, appelé à fournir les contacts,
+n'est mis en rapport métallique avec le circuit que par
+l'intermédiaire de deux petits fils de platine ou d'acier qui plongent
+dans deux petits godets _a_, _c_ remplis de mercure et reliés à ce
+circuit. Par ce moyen, la membrane D se trouve libre dans ses
+mouvements et peut vibrer plus facilement.
+
+L'interruption est d'ailleurs effectuée par une petite pointe de
+platine portée par un levier à ressort articulé KH qui se trouve
+au-dessus du disque, et dont l'extrémité, étant fixée au-dessous d'une
+sorte de clef Morse MI, permet d'effectuer à la main les fermetures de
+courant nécessaires à l'échange des correspondances pour la mise en
+train des appareils.
+
+
+=Harmonica électrique.=--Longtemps avant M. Reiss et à plus forte
+raison longtemps avant M. Elisha Gray qui a imaginé un téléphone du
+même genre, j'avais fait mention d'une sorte d'harmonica électrique
+qui a été décrit de la manière suivante dans le tome I, p. 167, de la
+première édition de mon _Exposé des applications de l'électricité_
+publié en 1853[4].
+
+ [Note 4: Cette description n'était que la répétition d'un
+ article publié antérieurement dans le _Journal de
+ l'Arrondissement de Valognes_.]
+
+«La faculté que possède l'électricité de mettre en mouvement des lames
+métalliques et de les faire vibrer, a pu être utilisée à la production
+de sons distincts, susceptibles d'être combinés et harmonisés; mais,
+en outre de cette application toute physique, l'électro-magnétisme a
+pu venir en auxiliaire à certains instruments, tels que pianos,
+orgues, etc., pour leur donner la facilité d'être joués à distance.
+Ainsi jusque dans les arts en apparence les moins susceptibles de
+recevoir de l'électricité quelque application, cet élément si
+extraordinaire a pu être d'un secours utile.
+
+«Nous avons déjà parlé de l'interrupteur de M. de la Rive. C'est,
+comme on le sait, une lame de fer soudée à un ressort d'acier et
+maintenue dans une position fixe vis-à-vis un électro-aimant, par un
+autre ressort ou un butoir métallique en connexion avec l'une des
+branches du courant. Comme l'autre branche, après avoir passé dans le
+fil de l'électro-aimant aboutit à la lame de fer elle-même,
+l'électro-aimant n'est actif qu'au moment où cette lame touche le
+butoir ou le ressort d'arrêt; mais aussitôt qu'elle l'abandonne,
+l'aimantation cesse, et la lame de fer revient en son point d'arrêt,
+puis l'abandonne ensuite. Il se détermine donc une vibration d'autant
+plus rapide que la longueur de la lame vibrante est plus courte, et
+que la force est plus grande par suite du rapprochement de la lame de
+l'électro-aimant.
+
+«Pour rendre les sons de plus en plus aigus, il ne s'agit donc que
+d'employer l'un ou l'autre des deux moyens. Le plus simple est d'avoir
+une vis que l'on serre ou que l'on desserre à volonté, et qui par cela
+même éloigne plus ou moins la lame vibrante de l'électro-aimant. Tel
+est l'appareil de M. Froment au moyen duquel il a obtenu des sons
+d'une acuité extraordinaire, bien qu'étant fort doux à l'oreille.
+
+«M. Froment n'a pas fait de cet appareil un instrument de musique;
+mais on conçoit que rien ne serait plus facile que d'en constituer un;
+il ne s'agirait pour cela que de faire agir les touches d'un clavier
+sur des leviers métalliques, dont la longueur des bras serait en
+rapport avec le rapprochement de la lame nécessité pour la vibration
+des différentes notes. Ces différents leviers, en appuyant sur la
+lame, joueraient le rôle du butoir d'arrêt, mais ce butoir varierait
+de position suivant la touche.
+
+«Si le courant était constant, un pareil instrument aurait
+certainement beaucoup d'avantages sur les instruments à anches dont on
+se sert, en ce sens qu'on aurait une vibration aussi prolongée qu'on
+le voudrait pour chaque note, et que les sons seraient plus veloutés;
+malheureusement l'inégalité d'action de la pile en rend l'usage bien
+difficile. Aussi ne s'est-on guère servi de ce genre d'appareils que
+comme régulateurs auditifs pour l'intensité des piles, régulateurs
+infiniment plus commodes que les rhéomètres, puisqu'ils peuvent faire
+apprécier les différentes variations d'une pile pendant une
+expérience, sans qu'on soit obligé d'en détourner son attention.»
+
+En 1856, M. Pétrina, de Prague, imagina un dispositif analogue auquel
+il donna le nom d'_harmonica électrique_, bien qu'à proprement parler
+il ne constituât pas dans sa pensée un instrument de musique.
+
+Voici ce que j'en disais dans le tome IV de la seconde édition de mon
+exposé des applications de l'électricité publié en 1859.
+
+«Le principe de cet appareil est le même que celui du rhéotome de
+Neef, au marteau duquel on a substitué une baguette dont les
+vibrations transversales produisent un son. Quatre de ces baguettes,
+différentes en longueur, sont placées l'une à côté de l'autre, et
+étant mises en mouvement au moyen de touches, puis arrêtées par des
+leviers, produisent des sons de combinaison dont il devient facile de
+démontrer l'origine.»
+
+Dans ce qui précède je ne dis pas, il est vrai, que ces appareils
+pouvaient être joués à distance; mais cette idée était toute
+naturelle, et les journaux allemands prétendent que M. Pétrina l'avait
+réalisée même avant 1856. Elle était la conséquence de ce que je
+disais en débutant: «que l'électro-magnétisme pouvait venir en
+auxiliaire à certains instruments tels que pianos, orgues, etc., _pour
+leur donner la facilité d'être joués à distance_», et j'indiquais plus
+loin les moyens employés pour cela et même pour les faire fonctionner
+sous l'influence d'une petite boîte à musique. Je n'y avais du reste
+pas attaché d'importance, et ce n'est que comme document historique
+que je parle de ces systèmes.
+
+
+=Téléphone de M. Elisha Gray, de Chicago.=--Ce système, imaginé en
+1874, n'est en réalité qu'un appareil du genre de ceux qui précèdent,
+mais avec des combinaisons importantes qui ont permis de l'appliquer
+utilement à la télégraphie. Dans un premier modèle il mettait à
+contribution une bobine d'induction à deux hélices superposées, dont
+l'interrupteur, qui était à trembleur, était multiple et disposé de
+manière à produire des vibrations assez nombreuses pour émettre des
+sons. Ces sons, comme on l'a vu, peuvent avec cette disposition être
+modifiés suivant la manière dont l'appareil est réglé, et s'il existe
+à côté les uns des autres un certain nombre d'interrupteurs de ce
+genre, dont les lames vibrantes soient réglées de manière à fournir
+les différentes notes de la gamme sur plusieurs octaves, on pourra, en
+mettant en action tels ou tels d'entre eux, exécuter sur cet
+instrument d'un nouveau genre un morceau de musique dont les sons se
+rapprocheront de ceux produits par les instruments à anches, tels que
+harmoniums, accordéons, etc. La mise en action de ces interrupteurs
+pourra d'ailleurs être effectuée au moyen du courant primaire de la
+bobine d'induction qui circulera à travers l'un ou l'autre des
+électro-aimants de ces interrupteurs, sous l'influence de
+l'abaissement de l'une ou l'autre des touches d'un clavier
+commutateur, et les courants secondaires qui naîtront dans la bobine
+sous l'influence de ces courants primaires interrompus, pourront
+transmettre des vibrations correspondantes à distance sur un
+récepteur. Celui-ci pourrait être analogue à ceux dont nous avons
+parlé précédemment pour les téléphones de Reiss, de Wray, etc., mais
+M. Gray a dû le modifier pour obtenir des effets plus amplifiés.
+
+Nous représentons (fig. 4) la disposition de ce premier système. Les
+vibrateurs sont en A et A', les touches du clavier en M et M', la
+bobine d'induction en B, et le récepteur en C. Ce récepteur se
+compose, comme on le voit, d'un simple électro-aimant NN' au-dessus
+des pôles duquel est adaptée une caisse cylindrique en métal C dont le
+fond est en fer et sert d'armature. Cette boîte étant percée comme les
+violons de deux trous en S, joue le rôle de caisse sonore, et M.
+Elisha Gray a reconnu que les mouvements moléculaires déterminés au
+sein du noyau magnétique et de son armature, sous l'influence des
+alternatives d'aimantation et de désaimantation, étaient suffisants
+pour engendrer des vibrations en rapport avec la rapidité de ces
+alternatives, et fournir des sons qui devenaient perceptibles par
+suite de leur amplification par la boîte sonore.
+
+S'il faut en croire M. Elisha Gray, les vibrations transmises par des
+courants secondaires seraient capables de faire résonner à distance,
+par l'intermédiaire du corps humain, des lames conductrices
+susceptibles d'entrer facilement en vibration et disposées sur des
+caisses sonores. Ainsi l'on pourrait faire produire des sons musicaux
+à des cylindres de cuivre placés sur une table, à une plaque
+métallique appliquée sur une sorte de violon, à une feuille de
+clinquant tendue sur un tambour ou à toute autre substance résonnante,
+en touchant d'une main ces différents corps et en prenant de l'autre
+le bout du fil du circuit. Ces sons qui pourraient avoir un timbre
+différent, suivant la nature de la substance touchée, reproduiraient
+la note transmise avec le nombre exact de vibrations qui lui
+correspond[5].
+
+ [Note 5: M. Gray dans un article inséré dans le
+ _Telegrapher_ du 7 octobre 1876, et dont on trouvera une
+ traduction dans les _Annales télégraphiques_ de mars-avril
+ 1877, p. 97-120, entre dans de longs détails sur ce mode de
+ transmission des sons par les tissus du corps humain, et
+ voici, suivant lui, les conditions dans lesquelles il faut
+ être placé pour obtenir de bons résultats:
+
+ 1º Les émissions électriques doivent avoir une tension
+ considérable pour rendre l'effet perceptible à l'oreille;
+
+ 2º La substance employée pour toucher la plaque métallique
+ doit être douce, flexible et conductrice jusqu'au point de
+ contact; là, il faut interposer une résistance très-mince, ni
+ trop grande ni trop petite;
+
+ 3º La plaque et la main ou autre tissu, ne doivent pas
+ seulement être en contact, il faut que ce contact résulte
+ d'un frottement ou d'un glissement;
+
+ 4º Les parties en contact doivent être sèches, afin de
+ conserver le degré voulu de résistance.]
+
+On comprend aisément que les effets obtenus dans le système représenté
+(fig. 4) pourraient être reproduits, si au lieu d'interrupteurs ou de
+rhéotomes électriques, on employait à la station de transmission des
+interrupteurs mécaniques disposés de manière à fournir le nombre
+d'interruptions de courants en rapport avec les vibrations des
+différentes notes de la gamme. On pourrait encore, par ce moyen, se
+dispenser de la bobine d'induction et faire réagir directement sur le
+récepteur le courant ainsi interrompu par l'interrupteur mécanique. M.
+Elisha Gray a du reste combiné une autre disposition de ce système
+téléphonique qu'il a appliquée à la télégraphie pour les transmissions
+électriques simultanées, et dont nous parlerons plus tard.
+
+
+=Téléphone de M. Varley.=--Ce téléphone n'est à proprement parler
+qu'un téléphone musical dans le genre de celui de M. Gray, mais dont
+le récepteur présente une disposition originale vraiment intéressante.
+
+Cette partie de l'appareil est essentiellement constituée par un
+véritable tambour de grandes dimensions (3 ou 4 pieds de diamètre),
+dans l'intérieur duquel est placé un condensateur formé de quatre
+feuilles de papier d'étain séparées par des feuilles en matière
+parfaitement isolante, et dont la surface représente à peu près la
+moitié de celle du tambour. Les lames de ce condensateur sont
+disposées parallèlement aux membranes du tambour et à une très-petite
+distance de leur surface.
+
+Si une charge électrique est communiquée à l'une des séries de plaques
+conductrices de ce condensateur, celles qui leur correspondront se
+trouveront attirées, et si elles peuvent se mouvoir, elles pourront
+communiquer aux couches d'air interposées un mouvement qui, en se
+communiquant aux membranes du tambour, pourront, pour une série de
+charges très-rapprochées les unes des autres, faire vibrer ces
+membranes et engendrer des sons; or ces sons seront en rapport avec le
+nombre des charges et décharges qui seront produites. Comme ces
+charges et décharges peuvent être déterminées par la réunion des deux
+armatures du condensateur aux extrémités du circuit secondaire d'une
+bobine d'induction dont le circuit primaire sera interrompu
+convenablement, on voit immédiatement que, pour faire émettre par le
+tambour un son donné, il suffira de faire fonctionner l'interrupteur
+de la bobine d'induction de manière à produire le nombre de vibrations
+que comporte ce son.
+
+Le moyen employé par M. Varley pour produire ces interruptions est
+celui qui a été déjà mis en usage dans plusieurs applications
+électriques et notamment pour les chronographes; c'est un diapason
+électro-magnétique réglé de manière à émettre le son qu'il s'agit de
+transmettre. Ce diapason peut, en formant lui-même interrupteur,
+réagir sur le courant primaire de la bobine d'induction, et s'il y a
+autant de ces diapasons que de notes musicales à transmettre, et que
+les électro-aimants qui les animent soient reliés à un clavier de
+piano, il sera possible de transmettre de cette manière une mélodie à
+distance comme dans le système de M. Elisha Gray.
+
+La seule chose particulière dans ce système est le fait de la
+reproduction des sons par l'action d'un condensateur, et nous verrons
+plus loin que cette idée, reprise par MM. Pollard et Garnier, a
+conduit à des résultats vraiment intéressants.
+
+
+
+
+TÉLÉPHONES PARLANTS.
+
+
+Les téléphones que nous venons d'étudier ne peuvent transmettre, comme
+on l'a vu, que des sons musicaux, puisqu'ils ne peuvent répéter que
+des vibrations simples, en nombre plus ou moins grand, il est vrai,
+mais non en combinaisons simultanées, telles que celles qui doivent
+reproduire les sons articulés. Jusqu'à l'époque de l'invention de M.
+Bell, la transmission de la parole ne pouvait donc se faire que par
+des tubes acoustiques ou par les téléphones à ficelle dont nous avons
+déjà parlé. Bien que ces sortes d'appareils n'aient aucun rapport avec
+ceux que nous nous proposons d'étudier dans cet ouvrage, nous avons
+cru devoir en dire ici quelques mots, car ils peuvent quelquefois être
+combinés avec les téléphones électriques, et, d'ailleurs, ils
+représentent la première étape de l'invention.
+
+
+=Téléphones à ficelle.=--Les téléphones à ficelle qui depuis plusieurs
+années inondent les boulevards et les rues des différentes villes
+d'Europe, et dont l'invention remonte, comme on l'a vu, à l'année
+1667, sont des appareils très-intéressants par eux-mêmes, et nous
+sommes étonné qu'ils n'aient pas figuré plutôt dans les cabinets de
+physique. Ils sont constitués par des tubes cylindro-coniques en métal
+ou en carton, dont un bout est fermé par une membrane tendue de
+parchemin, au centre de laquelle est fixée par un noeud la ficelle ou
+le cordon destiné à les réunir. Quand deux tubes de ce genre sont
+ainsi réunis et que le fil est bien tendu, comme on le voit fig. 5, il
+suffit qu'une personne applique un de ces tubes contre l'oreille et
+qu'une autre personne parle très-près de l'ouverture de l'autre tube,
+pour que toutes les paroles prononcées par cette dernière soient
+immédiatement transmises à l'autre, et l'on peut même converser de
+cette manière à voix presque basse. Dans ces conditions, les
+vibrations de la membrane impressionnée par la voix se trouvent
+transmises mécaniquement à l'autre membrane par le fil qui, comme
+l'avait annoncé le physicien de 1667, transmet les sons beaucoup mieux
+que l'air. On a pu par ce moyen converser à une distance de cent
+cinquante mètres, et il paraîtrait que la grosseur et la nature des
+fils exercent une certaine influence. Suivant les vendeurs de ces
+appareils, les fils de soie seraient ceux qui donneraient les
+meilleurs résultats et les ficelles de chanvre les moins bons. Ce sont
+ordinairement des fils de coton tressés qui sont employés afin de
+permettre de livrer à bon marché ces appareils.
+
+Dans certains modèles on a disposé les tubes de manière à présenter,
+entre la membrane et l'embouchure, un diaphragme percé d'un trou, et
+l'appareil ressemble alors à une espèce de cloche dont le fond aurait
+été percé et recouvert à quelques millimètres au-dessus de la membrane
+de parchemin; mais je n'ai pas reconnu de supériorité bien marquée à
+ce modèle.
+
+On a également prétendu que les cornets en métal nickelé étaient
+préférables; je n'en suis pas davantage convaincu. Quoi qu'il en soit,
+ces appareils ont donné des résultats qu'on était loin d'attendre, et
+bien que leurs usages pratiques soient très-restreints, ils
+constituent des instruments scientifiques très-intéressants et des
+jouets instructifs pour les enfants.
+
+D'après M. Millar, de Glascow, l'intensité des effets produits dans
+ces téléphones dépend beaucoup de la nature de la ficelle, de la
+manière dont elle est attachée et de la manière dont la membrane est
+placée sur l'embouchure.
+
+
+=Perfectionnements apportés aux téléphones à ficelle.=--Les effets
+prodigieux des téléphones Bell ont dans ces derniers temps remis à la
+mode les téléphones à ficelle qui étaient restés jusque-là dans le
+domaine des jouets d'enfant. La possibilité qu'ils ont donnée de
+transmettre à plusieurs personnes la parole reproduite sur un
+téléphone électrique a fait rechercher les moyens de les utiliser
+concurremment avec ces derniers, et pour cela on a dû d'abord examiner
+le moyen le plus efficace de les faire parler sur un fil présentant
+plusieurs coudes; nous avons vu que, dans les conditions ordinaires,
+ces appareils ne parlaient distinctement que quand le fil était tendu
+en ligne droite. Pour résoudre ce problème, M. A. Bréguet a eu l'idée
+d'employer comme supports des espèces de petits tambours de basque par
+le centre desquels on fait passer le fil; le son porté par la partie
+du fil en rapport avec le cornet dans lequel on parle, fait alors
+vibrer la membrane de ce tambour, et celle-ci communique ensuite la
+vibration à la partie du fil qui suit. On peut de cette manière
+obtenir autant de coudes que l'on veut et soutenir le fil sur toute la
+longueur qui peut convenir à ces sortes de téléphones, laquelle ne
+dépasse guère cent mètres.
+
+M. A. Bréguet a fait encore de ce système des espèces de relais pour
+arriver au même but, et pour cela il fait aboutir les fils à deux
+membranes qui ferment les deux ouvertures d'un cylindre de laiton; les
+sons reproduits par l'une des membranes réagissent sur l'autre, et
+celle-ci vibre sous cette influence comme si elle était impressionnée
+par la voix; le cylindre joue alors le rôle d'un tube acoustique
+ordinaire, et sa forme peut être aussi variée qu'on peut le désirer.
+
+Il paraît que M. A. Badet, dès le 1er février 1878, était parvenu à
+faire fonctionner d'une manière analogue les téléphones à ficelle, et
+il se servait pour cela de parchemins tendus sur des cadres qui
+faisaient l'office de tables résonnantes. Le fil était fixé au centre
+de la membrane et faisait avec elle tel angle que l'on voulait.
+
+Plusieurs savants, entre autres MM. Wheatstone, Cornu et Mercadier, se
+sont occupés il y a déjà longtemps de ces sortes de transmissions par
+les fils, et tout dernièrement MM. Millar, Heaviside et Nixon ont fait
+des expériences intéressantes dont nous devons dire quelques mots.
+Ainsi, M. Millar a reconnu qu'avec un fil télégraphique tendu et relié
+par deux fils de cuivre à deux disques susceptibles de vibrer, on
+pouvait transporter les sons musicaux à cent cinquante mètres, et
+qu'en tendant des fils à travers une maison, ces fils étant reliés à
+des embouchures et à des cornets auriculaires placés dans différentes
+chambres, on pouvait correspondre avec toutes ces chambres de la
+manière la plus facile.
+
+Il a employé pour les disques vibrants, soit du bois, soit du métal,
+soit de la gutta-percha ayant la forme d'un tambour, et les fils
+étaient fixés au centre. L'intensité du son semblait augmenter avec la
+grosseur du fil.
+
+MM. Heaviside et Nixon, dans leurs expériences à New-Castle sur la
+Tyne, ont reconnu que la grosseur du fil qui donnait les meilleurs
+résultats était le fil nº 4 de la jauge anglaise. Les disques qu'ils
+avaient employés étaient en bois de 1/8 de pouce d'épaisseur, et ils
+pouvaient être placés en un point quelconque de la longueur du fil.
+Avec un fil bien tendu et tranquille, la parole a pu être entendue de
+cette manière à une distance de deux cents mètres.
+
+
+=Téléphone électrique de M. Graham Bell.=--Tel était l'état des
+appareils téléphoniques, lorsqu'en 1876 apparut à l'exposition de
+Philadelphie le téléphone de Bell que sir W. Thomson n'a pas craint
+d'appeler la _merveille des merveilles_, et sur lequel l'attention du
+monde entier s'est trouvée immédiatement portée, bien qu'à vrai dire
+son authenticité ait soulevé dans l'origine bien des incrédulités. Ce
+téléphone, en effet, reproduisait les mots articulés, et ce résultat
+dépassait tout ce que les physiciens avaient pu concevoir. Cette fois
+ce n'était plus une conception que l'on pouvait, jusqu'à preuve
+contraire, traiter de fantastique: l'appareil parlait, et même parlait
+assez haut pour n'avoir pas besoin d'être placé contre l'oreille.
+Voici ce qu'en disait sir W. Thomson à l'Association britannique pour
+l'avancement des sciences lors de sa réunion à Glascow en septembre
+1876.
+
+«Au département des télégraphes des États-Unis, j'ai vu et entendu le
+téléphone électrique de M. Elisha Gray, merveilleusement construit,
+faire résonner en même temps quatre dépêches en langage Morse, et avec
+quelques améliorations de détail, cet appareil serait évidemment
+susceptible d'un rendement quadruple.... Au département du Canada,
+j'ai entendu: _To be or not to be.--There's the rub_, articulés à
+travers un fil télégraphique, et la prononciation électrique ne
+faisait qu'accentuer encore l'expression railleuse des monosyllabes;
+le fil m'a récité aussi des extraits au hasard des journaux de
+New-York... Tout cela, mes oreilles l'ont entendu articuler
+très-distinctement par le mince disque circulaire formé par l'armature
+d'un électro-aimant. C'était mon collègue du jury, le professeur
+Watson, qui, à l'autre extrémité de la ligne, proférait ces paroles à
+haute et intelligible voix, en appliquant sa bouche contre une
+membrane tendue, munie d'une petite pièce de fer doux, laquelle
+exécutait près d'un électro-aimant introduit dans le circuit de la
+ligne, des mouvements proportionnels aux vibrations sonores de l'air.
+Cette découverte, la merveille des merveilles du télégraphe
+électrique, est due à un de nos jeunes compatriotes, M. Graham Bell,
+originaire d'Édimbourg et aujourd'hui naturalisé citoyen des
+États-Unis.
+
+«On ne peut qu'admirer la hardiesse d'invention qui a permis de
+réaliser avec des moyens si simples, le problème si complexe de faire
+reproduire par l'électricité les intonations et les articulations si
+délicates de la voix et du langage, et pour obtenir ce résultat, il
+fallait trouver moyen de faire varier l'intensité du courant dans le
+même rapport que les inflexions des sons émis par la voix.»
+
+S'il faut en croire M. G. Bell, l'invention du téléphone n'aurait pas
+été le résultat d'une conception spontanée et heureuse; elle aurait
+été la conséquence de longues et patientes études entreprises par lui
+sur l'acoustique et les travaux des physiciens qui s'en étaient
+occupés avant lui[6]. Déjà son père, M. Alexandre Melville Bell,
+d'Édimbourg, avait fait de cette science une étude approfondie, et
+était même parvenu à représenter d'une manière excessivement
+ingénieuse la disposition des organes vocaux pour émettre des sons. Il
+devait naturellement inculquer à son fils le goût de ses études
+favorites, et ils firent ensemble de nombreuses recherches pour
+découvrir les relations qui pouvaient exister entre les divers
+éléments de la parole dans les différentes langues et les relations
+musicales existant entre les voyelles. Plusieurs de ces recherches
+avaient, il est vrai, déjà été entreprises par M. Helmholtz, et même
+dans de meilleures conditions; mais ces études lui furent d'une grande
+utilité quand il s'occupa plus tard du téléphone, et les expériences
+d'Helmholtz qu'il répéta avec un de ses amis, M. Hellis, de Londres,
+sur la reproduction artificielle des voyelles au moyen de diapasons
+électriques, le lancèrent dans l'étude de l'application des moyens
+électriques aux instruments d'acoustique. Il combina d'abord un
+système d'harmonica électrique à clavier, dans lequel les différents
+sons de la gamme étaient reproduits par des diapasons électriques de
+différentes tailles, accordés suivant les différentes notes, et qui
+étant mis en action par suite de l'abaissement successif des touches
+du clavier, pouvaient reproduire les sons correspondants aux touches
+abaissées, comme cela a lieu dans les pianos ordinaires.
+
+ [Note 6: Voici les noms des physiciens qu'il cite dans
+ son _Mémoire sur l'électric telephony_: MM. Page, Marrian,
+ Beatson, Gassiot, De la Rive, Matteucci, Guillemin, Wertheim,
+ Wartmann, Janniar, Joule, Laborde, Legat, Reiss, Poggendorff,
+ du Moncel, Delezenne, Gore, etc. (Voy. le Mémoire de M. G.
+ Bell, dans le _Journal de la Société des Ingénieurs
+ télégraphistes de Londres_, t. VI, p. 590, 391.)]
+
+Il s'occupa ensuite, dit-il, de télégraphie et pensa à rendre les
+télégraphes Morse auditifs en faisant réagir l'organe électro-magnétique
+sur des contacts sonores. Ce résultat, il est vrai, était déjà obtenu
+dans les parleurs usités en télégraphie, mais il pensa qu'en appliquant
+ce système à son harmonica électrique et en employant des appareils
+renforceurs tels que le résonnateur d'Helmholtz à la station de
+réception, on pourrait obtenir à travers un seul fil des transmissions
+simultanées, fondées sur l'emploi des moyens phonétiques. Nous verrons
+plus tard que cette idée s'est trouvée réalisée presque simultanément
+par plusieurs inventeurs, entre autres par MM. Paul Lacour, de
+Copenhague, Elisha Gray, de Chicago, Edison et Varley.
+
+C'est à partir de ce moment que commencèrent sérieusement les
+recherches de M. G. Bell sur les téléphones électriques, et des
+appareils compliqués il passa aux appareils simples, en faisant une
+étude complète des différents modes de vibrations résultant d'actions
+électriques différentes; voici ce qu'il dit à cet égard dans son
+Mémoire lu à la Société des ingénieurs télégraphistes de Londres, le
+31 octobre 1877:
+
+«Si l'on représente par les ordonnées d'une courbe les intensités d'un
+courant électrique, et les durées des fermetures de ce courant par les
+abscisses, la courbe fournie pourra représenter des ondes en dessus ou
+en dessous de la ligne des x, suivant que le courant sera positif ou
+négatif, et ces ondes pourront être plus ou moins accentuées suivant
+que les courants transmis seront plus ou moins instantanés.
+
+«Si les courants interrompus pour produire un son sont tout à fait
+instantanés dans leur manifestation, la courbe représente une série de
+dentelures isolées comme on le voit, fig. 6, et si les interruptions
+sont faites de manière à ne provoquer que des différences
+d'intensité, la courbe se présente sous la forme de la figure 7. Enfin
+si les émissions de courant sont effectuées de manière que les
+intensités soient successivement croissantes ou décroissantes, la
+courbe prend l'aspect représenté fig. 8. Or je donne aux premiers
+courants le nom de _courants intermittents_, aux seconds le nom de
+_courants d'impulsion_ et aux troisièmes le nom de _courants
+ondulatoires_.
+
+«Naturellement ces courants sont _positifs_ ou _négatifs_, suivant
+leur position au-dessus ou au-dessous de la ligne des _x_, et s'ils
+sont alternativement renversés, les courbes se présentent sous
+l'aspect de la figure 9, courbes essentiellement différentes des
+premières, non-seulement par le sens différent des dentelures, mais
+surtout par la suppression du courant résiduel qui existe toujours
+avec les courants d'impulsion et les courants ondulatoires.
+
+«Les deux premiers systèmes de courants ont été employés depuis
+longtemps pour la transmission électrique des sons musicaux, et le
+téléphone de Reiss dont nous avons déjà parlé en a été une application
+intéressante. Mais les courants ondulatoires n'avaient pas été
+employés avant moi[7], et ce sont eux qui ont permis de résoudre le
+problème de la transmission de la parole. Pour qu'on puisse se rendre
+compte de l'importance de cette découverte, il suffit d'analyser les
+effets produits avec ces différents systèmes de courants, quand
+plusieurs sons de hauteur différente doivent entrer en combinaison.
+
+ [Note 7: Ceci n'est pas exact, car M. Elisha Gray en
+ avait déjà reconnu l'importance pour les transmissions des
+ sons combinés.]
+
+«La fig. 6 montre une combinaison dans laquelle les styles _a_ et _a'_
+de deux instruments transmetteurs provoquent l'interruption du courant
+d'une même batterie B, de manière que les vibrations déterminées
+soient entre elles dans le rapport d'une tierce majeure, c'est-à-dire
+dans le rapport de quatre à cinq. Dans ces conditions, les courants
+sont intermittents, et quatre fermetures de _a_ se produiront dans le
+même espace de temps que les cinq fermetures de _a'_, et les
+intensités électriques correspondantes seront représentées par les
+dentelures que l'on voit en A^2 et en B^2; la combinaison de ces
+intensités A^2 + B^2 donnera lieu aux dentelures inégalement espacées
+que l'on distingue sur la troisième ligne. Or l'on voit que, bien que
+le courant conserve une intensité uniforme, il est moins de temps
+interrompu quand les styles interrupteurs réagissent ensemble que
+quand ils réagissent isolément; de sorte que pour un grand nombre de
+fermetures simultanées effectuées par des styles animés de différentes
+vitesses, les effets produits équivalent à celui d'un courant continu.
+Toutefois le nombre maximum des effets distincts qui pourront être
+obtenus de cette manière dépendra beaucoup du rapport existant entre
+les durées des fermetures et des interruptions du courant. Plus les
+fermetures seront courtes et les interruptions longues, plus les
+effets transmis sans confusion seront nombreux et vice versâ.
+
+«Avec les courants d'impulsion, la transmission des sons musicaux
+s'effectue comme l'indique la figure 7, et l'on voit que quand ils
+sont produits simultanément, l'effet résultant A^2 + B^2 est analogue
+à celui qui serait produit par un courant continu d'intensité minima.
+
+«Avec les courants ondulatoires, les choses se passent autrement, mais
+pour les produire il est nécessaire d'avoir recours aux effets
+d'induction, et la fig. 8 indique la manière dont l'expérience doit
+être faite. Dans ce cas, les courants réagissant sur le récepteur
+musical R résultent de renforcements et d'affaiblissements produits
+par l'action d'armatures, M, M' vibrant devant des électro-aimants
+_e_, _e'_, placés dans le circuit de la batterie B, et comme ces
+renforcements et affaiblissements successifs sont en rapport avec les
+positions respectives des armatures par rapport aux pôles magnétiques,
+les courants qui en résultent peuvent avoir leur intensité
+représentée par des lignes ondulées comme on le voit en A^2 et en B^2;
+or ces ondulations, pour la tierce dont il a été question
+précédemment, seront telles qu'il s'en produira quatre en A^2, dans le
+même temps qu'il s'en produira cinq en B^2, et il résultera de la
+combinaison de ces deux effets une résultante qui pourra être
+représentée par la courbe A^2 + B^2, laquelle représente la somme
+algébrique des courbes A^2 et B^2. Un effet analogue est produit quand
+on emploie des courants ondulatoires alternativement renversés comme
+on le voit fig. 9, et pour les obtenir, il suffit d'opposer aux
+armatures de fer M, M' employées dans la précédente expérience, des
+aimants permanents et de supprimer la batterie voltaïque B.
+
+«Pour peu qu'on étudie les fig. 8 et 9, continue M. G. Bell, on
+reconnaît aisément que la transmission simultanée, par un même fil, de
+sons de différente force et de différente nature ne peut, dans le cas
+qui nous occupe en ce moment, altérer le caractère des vibrations qui
+les ont provoquées, comme cela a lieu avec les courants intermittents
+ou avec les courants d'impulsion; elle ne fait que changer la forme
+des ondulations, et ce changement se produit de la même manière que
+dans le milieu aériforme qui transmet à l'oreille la combinaison des
+sons émis. On peut donc de cette manière transmettre à travers un fil
+télégraphique le même nombre de sons qu'à travers l'air.»
+
+Après avoir appliqué les principes précédents à la construction d'un
+système télégraphique à transmissions multiples[8], M. G. Bell ne
+tarda pas à en tirer parti dans de nouvelles recherches qu'il fit
+alors pour perfectionner l'éducation vocale des sourds et muets. «Il
+est bien connu, dit M. Bell, que les sourds et muets ne sont muets que
+parce qu'ils sont sourds et qu'il n'y a dans leur système vocal aucun
+défaut qui puisse les empêcher de parler. Par conséquent, si l'on
+parvenait à rendre visible la parole et à déterminer les fonctions du
+mécanisme vocal nécessaires pour produire tel ou tel son articulé
+représenté, il deviendrait possible d'enseigner aux sourds et muets la
+manière de se servir de leur voix pour parler. Le succès que j'obtins
+de ce système dans les expériences que je fis à l'école de Boston
+m'engagea à étudier d'une manière toute particulière les relations qui
+pouvaient exister entre les sons produits et leur représentation
+graphique, et j'employai, à cet effet, la capsule manométrique de M.
+Koenig et le phonautographe de M. Léon Scott auquel M. Maurey de
+Boston avait appliqué un enregistreur assez sensible pour être mis en
+action par la voix. Cet enregistreur consistait d'ailleurs dans un
+style de bois de un pied de longueur environ, qui était fixé
+directement sur la membrane vibrante du phonautographe et qui pouvait
+fournir sur une surface plane de verre noirci, des traces assez
+amplifiées pour être d'une distinction facile. Quelques-unes de ces
+traces sont représentées fig. 10. Je fus très-frappé des résultats
+produits par cet instrument, et il me sembla qu'il y avait une grande
+analogie entre lui et l'oreille humaine. Je cherchai alors à
+construire un phonautographe modelé davantage sur le mécanisme de
+l'oreille, et j'eus pour cela recours à un célèbre médecin spécialiste
+de Boston, M. le docteur Clarence J. Blake. Il me proposa de me
+servir de l'oreille humaine elle-même comme de phonautographe plutôt
+que de chercher à l'imiter, et d'après cette idée, il construisit
+l'appareil représenté fig. 11, auquel fut adapté un style traçant. En
+enduisant la membrane du tympan et le pavillon circulaire avec un
+mélange de glycérine et d'eau, on communiqua à ces organes une
+souplesse suffisante pour que, en chantant dans la partie extérieure
+de cette sorte de membrane artificielle, le style fût mis en
+vibration, et l'on obtint ainsi des traces sur une plaque de verre
+noircie, disposée au-dessous de ce style et soumise à un mouvement
+d'entraînement rapide. La disproportion considérable de masse et de
+grandeur qui, dans cet appareil, existait entre la membrane et les
+osselets mis en vibration par elle, attira particulièrement mon
+attention et me fit penser à substituer à la disposition compliquée
+que j'avais employée pour mon téléphone à transmission de sons
+multiples, une simple membrane à laquelle était fixée une armature de
+fer. Cet appareil fut alors disposé comme l'indique la fig. 12, et je
+croyais obtenir par lui les courants ondulatoires qui m'étaient
+nécessaires[9]. En effet, en articulant à la branche sans bobine d'un
+électro-aimant boiteux une armature de fer doux A, reliée par une tige
+à une membrane en or battu _n_, je devais obtenir, par suite des
+vibrations de celles-ci, une série de courants induits ondulatoires
+qui, réagissant sur l'électro-aimant d'un appareil semblable placé à
+distance, devaient faire reproduire à l'armature de celui-ci les
+mouvements de la première armature, et par conséquent faire vibrer la
+membrane correspondante, exactement comme celle ayant provoqué les
+courants. Toutefois les résultats que j'obtins de cet arrangement ne
+furent pas satisfaisants, et il me fallut encore entreprendre bien des
+essais qui m'amenèrent à réduire autant que possible les dimensions et
+le poids des armatures et même à les constituer avec des ressorts de
+pendule de la grandeur de l'ongle de mon pouce. Dans ces conditions,
+au lieu d'articuler ces armatures, je les attachai au centre des
+membranes, et mon appareil fut alors disposé comme l'indique la fig.
+13[10]. Nous pûmes alors, mon ami M. Thomas Watson et moi, obtenir des
+transmissions téléphoniques qui nous montrèrent que nous étions dans
+la bonne voie. Je me souviens d'une expérience faite alors avec ce
+téléphone qui me remplit de joie. Un des deux appareils était placé à
+Boston dans une des salles de conférences de l'université, l'autre
+dans le soubassement d'un bâtiment adjacent. Un de mes élèves
+observait ce dernier appareil, et je tenais l'autre. Après que j'eus
+prononcé ces mots: «_Comprenez-vous ce que je dis?_», quelle a été ma
+joie quand je pus entendre moi-même cette réponse à travers
+l'instrument: «Oui, je vous comprends parfaitement.» Certainement
+l'articulation de la parole n'était pas alors parfaite, et il fallait
+l'extrême attention que je prêtais, pour distinguer les mots de cette
+réponse; cependant l'articulation de ces mots existait, et je pouvais
+croire que leur manque de clarté devait être rapporté uniquement à
+l'imperfection de l'instrument. Sans entrer dans le détail de tous les
+essais que je dus entreprendre pour améliorer la construction de cet
+appareil, je dirai qu'au bout de quelque temps je fus conduit à
+employer comme téléphone de réception l'appareil représenté fig. 14,
+et c'est ce modèle joint à celui de la fig. 13, combiné comme
+transmetteur, qui fut admis à l'exposition de Philadelphie.
+
+ [Note 8: Ce système, comme on le verra, est venu après
+ celui de M. Elisha Gray.]
+
+ [Note 9: C'est cette disposition qui est représentée dans
+ le brevet de M. Bell, de février 1876.]
+
+ [Note 10: Cet appareil était constitué par un système
+ électro-magnétique composé d'un électro-aimant M recouvert
+ par une bobine d'induction et devant les pôles duquel était
+ placée la membrane avec son disque de fer. Cette membrane
+ pouvait être plus ou moins tendue au moyen des vis v, v, v
+ adaptées à une sorte d'entonnoir E formant cornet acoustique,
+ et servant d'embouchure: le système électro-magnétique était
+ soutenu par une vis qui permettait de l'éloigner plus ou
+ moins de la membrane et, par conséquent, du disque de fer qui
+ servait d'armature.]
+
+«Dans ce nouveau modèle de récepteur, la membrane était remplacée par
+une lame vibrante de fer L fixée sur l'enveloppe cylindrique d'un
+électro-aimant tubulaire C, et le système était monté sur un pont P
+qui servait de caisse sonore. Les articulations produites par cet
+appareil étaient bien distinctes; mais son grand défaut était qu'il ne
+pouvait servir d'appareil transmetteur; il était donc nécessaire
+d'avoir deux appareils à chaque station, l'un pour la transmission,
+l'autre pour la réception.
+
+«Je cherchai alors à changer la disposition du téléphone transmetteur
+en variant les conditions de ses éléments constituants, tels que les
+dimensions et la tension de la membrane, le diamètre et l'épaisseur de
+l'armature, la grandeur et la puissance de l'aimant et même les
+hélices de fil enroulé sur ce dernier; j'ai pu en reconnaître
+empiriquement les meilleures conditions d'organisation et combiner la
+meilleure forme à donner à l'appareil. Ainsi j'avais reconnu, par
+exemple, qu'en diminuant la longueur de la bobine du fil de l'hélice
+magnétisante et la surface de la lame de fer attachée à la membrane,
+j'augmentais non-seulement l'intensité des sons, mais encore leur
+netteté d'articulation; ce qui me fit naturellement abandonner la
+membrane en or battu pour n'employer qu'une simple plaque de fer, et
+comme il m'était démontré depuis longtemps que l'intervention du
+courant traversant la bobine de l'électro-aimant n'était utile que
+pour magnétiser celui-ci, je me décidai à supprimer la pile et à
+employer pour noyau magnétique un aimant permanent. Toutefois, comme à
+l'époque où ces instruments devaient être exposés pour la première
+fois en public, les résultats obtenus avec ce dernier système étaient
+moins satisfaisants qu'avec celui qui mettait à contribution la
+batterie voltaïque, je ne voulus exposer que cette dernière
+disposition d'instrument, ce qui donna l'occasion à certaines
+personnes et, entre autres au professeur Dolbear du collége de Tufts,
+de réclamer la priorité pour l'introduction des aimants permanents
+dans le téléphone; mais j'en avais eu l'idée dès le commencement de
+mes recherches et alors que je m'occupais des transmissions
+simultanées des sons musicaux.
+
+«La fig. 15 représente le premier perfectionnement que j'ai apporté à
+l'appareil exposé à Philadelphie, et la fig. 16 en représente un
+autre qui a fourni des effets très-puissants. Dans ce dernier,
+l'aimant était en fer à cheval et disposé à la manière de celui que M.
+Hughes a employé pour son télégraphe imprimeur. Avec cet appareil, les
+sons pouvaient être entendus (faiblement il est vrai) par une
+nombreuse assemblée; il fut exposé le 12 février 1877 à l'institut
+d'Essex, à Salem (Massachusetts), et y reproduisit devant un auditoire
+de 600 personnes un discours prononcé à Boston dans un appareil
+semblable. Les intonations de la voix de celui qui parlait ont pu être
+distinguées par l'auditoire. Toutefois l'articulation n'était
+distincte qu'à une distance de 6 pieds de l'instrument. Il fut fait à
+cette occasion un rapport qu'on transmit par l'appareil à Boston, et
+qui fut reproduit le lendemain dans les journaux de cette ville.
+
+«Entre la forme de la fig. 13 et celle de l'appareil actuel,
+représenté fig. 17, il n'y a qu'une différence bien légère, et cette
+dernière forme n'a été combinée que pour rendre l'appareil plus
+portatif et d'un usage plus commode. Sous ce rapport, je dois exprimer
+ma reconnaissance à plusieurs de mes amis, entre autres à MM. les
+professeurs Peirce et Blake, le docteur Channing, M. Clarke et M.
+Jones, pour l'aide qu'ils m'ont prêté. Ainsi M. Peirce a été le
+premier à démontrer la possibilité de l'emploi dans les téléphones
+d'aimants de très-petites dimensions. C'est lui également qui a donné
+à l'embouchure recouvrant la plaque vibrante la forme que j'ai adoptée
+pour le modèle définitif qui est représenté fig. 17.
+
+Outre le modèle représenté fig. 13, il se trouvait encore à
+l'exposition de Philadelphie un autre système de transmetteur
+téléphonique qui est reproduit fig. 18 et qui était fondé sur l'action
+directe des courants voltaïques. Un fil de platine _p_ fixé à une
+membrane tendue LL complétait par son immersion dans de l'eau V le
+circuit réunissant les deux appareils en correspondance. En parlant en
+E devant la membrane tendue, les vibrations communiquées à la pointe
+de platine modifiaient la résistance du circuit dans des conditions
+telles, que le courant réagissait sur le récepteur par impulsions
+ondulatoires tout à fait semblables à celles résultant des courants
+induits. Les sons produits devenaient plus forts quand le liquide
+était légèrement acidulé ou salé, et l'on obtenait encore de bons
+résultats au moyen d'une pointe de plombagine immergée dans du
+mercure, de l'eau acidulée ou salée, ou dans une solution de
+bichromate de potasse.
+
+«Bien que mes recherches eussent pour but final le perfectionnement de
+la télégraphie, je pus constater dans le cours de mes expériences
+quelques effets intéressants que je crois devoir rapporter ici. Ainsi
+j'observai qu'un son musical était produit par le seul fait du passage
+d'un courant à travers un morceau de plombagine ou de charbon de
+cornue. Des effets extrêmement curieux résultaient aussi du passage de
+courants intermittents alternativement renversés à travers le corps
+humain. Ainsi un rhéotome étant placé dans le circuit primaire d'un
+appareil d'induction et les deux bouts du fil du circuit secondaire
+étant réunis à deux électrodes de cuivre dont une était placée près de
+l'oreille, on percevait des sons très-distincts aussitôt que l'on
+touchait de la main l'autre électrode. En touchant des deux mains les
+deux électrodes et plaçant les doigts contre l'oreille, des
+craquements se faisaient entendre et semblaient venir des doigts,
+comme s'ils étaient la répercussion du tremblement musculaire
+résultant du passage des courants induits. Ces bruits pourtant
+n'existaient que pour la personne sur laquelle l'expérience était
+faite. Quand deux personnes se tenant par la main étaient interposées
+dans le circuit au lieu d'une seule, un son se produisait au contact
+des mains réunies, mais il fallait pour cela que les mains ne fussent
+pas humides. Ce phénomène se reproduisait, du reste, quand le contact
+de ces deux personnes était effectué sur une partie quelconque de leur
+corps. Au contact des bras, le bruit était assez intense pour être
+entendu à plusieurs pieds de distance, et il était alors presque
+toujours accompagné d'une légère secousse. L'introduction d'une
+feuille de papier entre les deux parties en contact n'interrompait pas
+la production du son, mais elle supprimait l'effet désagréable de la
+secousse. Quand on faisait passer le courant intermittent de la bobine
+de Ruhmkorff à travers le bras d'une personne, on pouvait, en y
+appliquant l'oreille, entendre un son qui semblait provenir des
+muscles de l'avant-bras et du biceps.
+
+«Du reste, des sons musicaux très-nets se font entendre quand on fait
+fonctionner l'interrupteur du circuit primaire de l'appareil de
+Ruhmkorff, et s'il y a deux interrupteurs, on obtient deux sons
+différents, ce qui montre que ces sons proviennent de l'étincelle.
+
+«Voici encore une expérience très-intéressante, faite par le
+professeur Blake avec un téléphone dont le barreau aimanté était
+remplacé par une tige de fer doux de six pieds de longueur. Ce
+téléphone étant réuni électriquement à un téléphone ordinaire du
+modèle de la fig. 17, reproduisait très-bien les sons émis dans ce
+dernier; mais leur intensité variait suivant la direction que l'on
+donnait à la tige de fer, et le maximum correspondait à la position de
+la tige dans le méridien magnétique.
+
+«Quand on interpose un téléphone dans un circuit télégraphique, on
+entend des bruits d'un caractère très-particulier dont l'origine me
+paraît encore assez complexe et souvent obscure. Il en est pourtant
+qui doivent provenir de l'induction exercée par les fils voisins et
+des dérivations de courant qui se produisent toujours à travers les
+supports des fils, car les signaux télégraphiques échangés à travers
+ces fils voisins sont parfaitement perçus dans le téléphone. Certains
+bruits résultent aussi des courants terrestres, des vibrations du fil
+sous l'influence des courants d'air et même des frictions produites
+par des joints défectueux. La sensibilité du téléphone est, du reste,
+telle que les bruits résultant des transmissions télégraphiques
+voisines peuvent être perçus quand on substitue au fil télégraphique
+du téléphone un rail de chemin de fer, et alors même que les fils
+télégraphiques les plus voisins de ce rail sont éloignés de quarante
+pieds. D'un autre côté, M. Peirce a reconnu que des sons peuvent être
+produits dans un téléphone, quand le fil télégraphique auquel cet
+appareil est réuni est impressionné par une aurore boréale.
+Quelquefois aussi, des airs chantés ou joués sur un instrument de
+musique se sont trouvés transmis par le téléphone sans qu'on ait pu
+savoir leur provenance; mais ce qui montre le plus la merveilleuse
+sensibilité de cet appareil, c'est la possibilité qu'il donne de
+reproduire la parole à travers des corps que l'on pourrait croire à
+peu près non conducteurs. Ainsi la communication à la terre d'un
+circuit téléphonique peut être faite par l'intermédiaire du corps
+humain malgré l'interposition des bas et des chaussures; et elle peut
+même être effectuée si, au lieu d'être sur le sol, on est placé sur un
+mur en briques. Il n'y a que la pierre de taille et le bois qui
+constituent un obstacle assez grand pour couper la communication; mais
+il suffit que le pied touche le terrain avoisinant, soit même une
+touffe de gazon, pour qu'aussitôt les effets électriques manifestent
+leur présence.
+
+«D'après ces résultats, une question toute naturelle pouvait se poser
+à l'esprit: quelle est la longueur maxima de circuit à laquelle les
+transmissions téléphoniques peuvent atteindre?... Mais il est
+difficile d'y répondre en raison des conditions différentes dans
+lesquelles peut être placée l'expérience. Dans les essais de
+laboratoire on est parvenu à échanger sans difficulté des
+correspondances sur des circuits de 60,000 ohms de résistance, soit
+6000 kilomètres de fil télégraphique, et je suis parvenu à transmettre
+sur un circuit dans lequel étaient interposées 16 personnes se tenant
+par la main, lequel circuit avait une résistance d'environ 6400
+kilomètres. Toutefois la plus grande longueur de circuit télégraphique
+sur laquelle j'ai pu obtenir une transmission nette de la parole, n'a
+pas dépassé 250 milles. Dans cette expérience, aucune difficulté ne
+survint, tant que les lignes télégraphiques voisines n'étaient pas en
+activité; mais aussitôt que les correspondances s'échangèrent à
+travers ces lignes, les sons vocaux, quoique encore perceptibles,
+étaient bien diminués d'intensité, et l'on aurait cru entendre une
+conversation échangée au milieu d'un orage. On a pu également
+transmettre la parole à travers les câbles sous-marins, et M. Preece
+m'informe que des résultats satisfaisants ont été obtenus à travers un
+câble de 60 milles de longueur, immergé entre Dartmouth et l'île de
+Guernesey, et cela avec des téléphones à main du modèle ordinaire.»
+
+
+=Part de M. Elisha Gray dans l'invention du téléphone.=--Nous avons vu
+(p. 8) que si M. Bell a été le premier à construire et à rendre
+pratique le téléphone parlant, M. Elisha Gray avait le premier conçu
+le principe de cet instrument et l'avait combiné en électricien
+consommé. Un travail très-curieux qu'il vient de publier sur ses
+diverses inventions en téléphonie montre que dès l'année 1874 (en
+juin), il avait combiné un récepteur à lame vibrante dont on peut se
+faire une idée en supposant un électro-aimant soutenu verticalement
+devant le fond d'un plat métallique évasé, dont la partie plate,
+c'est-à-dire le fond, serait très-mince et éloignée de quelques
+dixièmes de millimètre seulement des pôles de l'électro-aimant.
+
+Le transmetteur correspondant à ce récepteur n'était, il est vrai,
+qu'une sorte de tuyau d'orgue dont l'anche agissait comme interrupteur
+de courant, et par conséquent il ne pouvait transmettre que des sons
+musicaux. Mais en 1875, M. Gray pensa à disposer un transmetteur pour
+les sons articulés, et le 15 février 1876, il déposa, comme nous
+l'avons vu, à l'office des patentes américaines un _caveat_ dans
+lequel était exposé un système complet de téléphone parlant. Ce
+système ne fut pas, il est vrai, exécuté immédiatement, car M. Gray
+croyait qu'un téléphone de ce genre n'avait qu'un intérêt secondaire
+au point de vue commercial et télégraphique, et il attachait plus
+d'importance à son système de téléphone musical appliqué aux
+transmissions multiples; mais sa description était complète comme on
+peut en juger par la fig. 19 qui représente l'ensemble du système.
+
+Dans ce système, le transmetteur était tout à fait semblable à celui à
+liquide dont M. Bell parle dans son mémoire et que nous avons décrit
+p. 51[11], et le récepteur ressemblait beaucoup à celui que nous avons
+représenté fig. 13. Pourtant, en principe, le système de M. Gray
+différait entièrement de celui adopté définitivement par M. G. Bell.
+Dans le premier, en effet, les variations d'intensité du courant
+nécessaires pour la production des mots articulés, étaient la
+conséquence de variations dans la résistance du circuit, et ces
+variations étaient obtenues par l'intermédiaire d'un liquide au sein
+duquel se mouvait, sous l'influence des vibrations d'une membrane
+tendue adaptée à un porte-voix, une pointe de platine mise en rapport
+avec une pile. Du rapprochement plus ou moins grand de cette pointe
+d'une électrode mise en rapport avec l'appareil récepteur, résultaient
+des différences de conductibilité du liquide proportionnelles aux
+amplitudes et aux inflexions des vibrations de la membrane, et ces
+différences d'intensité étaient traduites sur le récepteur par des
+magnétisations plus ou moins grandes d'un électro-aimant actionnant un
+disque de fer doux, fixé au centre d'une membrane tendue sur une sorte
+de résonnateur ou de cornet acoustique. Ce système appartenait donc à
+la catégorie des téléphones à pile que M. Edison, comme nous allons le
+voir à l'instant, a rendus si importants par la substitution au
+liquide d'un conducteur secondaire en charbon, et qui devaient plus
+tard donner naissance au _microphone_.
+
+ [Note 11: S'il faut en croire M. Prescott, ce
+ transmetteur, que M. Bell semble vouloir s'attribuer, était
+ l'appareil de Gray lui-même.]
+
+Le système Bell, comme on l'a vu, bien que mettant dans l'origine à
+contribution une pile, ne déterminait les affaiblissements et les
+renforcements électriques nécessaires à l'articulation des mots, qu'au
+moyen de courants d'induction provoqués par les mouvements d'une
+armature de fer doux, courants dont l'intensité était, par conséquent,
+fonction de l'amplitude et des inflexions de ces mouvements. La pile
+n'intervenait que pour communiquer à l'inducteur une forte
+aimantation. Or cet emploi des courants induits dans les transmissions
+téléphoniques était déjà d'une grande importance, car les diverses
+expériences faites depuis ont montré leur supériorité sur les courants
+voltaïques dans cette application. Mais l'expérience lui montra
+bientôt que non-seulement il n'était pas besoin pour faire agir cet
+instrument d'un appareil d'induction puissant animé par une pile, mais
+qu'un aimant permanent très-faible et très-petit pouvait à lui seul
+fournir des courants suffisants. Cette découverte à laquelle avait
+contribué M. Peirce, ainsi qu'on l'a vu, était d'une extrême
+importance, car elle permettait de réduire considérablement les
+dimensions de l'appareil, elle le rendait portatif et susceptible de
+se prêter à la transmission et à la réception, et elle montrait que le
+téléphone était le plus sensible de tous les appareils révélateurs de
+l'action des courants. Si donc M. Bell n'a pas employé le premier les
+moyens efficaces pour transmettre les mots articulés, on peut dire
+qu'il a cherché comme M. Gray à résoudre le problème par des _courants
+ondulatoires_, et qu'il a obtenu ces courants au moyen des effets
+d'induction, système qui, étant perfectionné, devait conduire aux
+résultats importants que tout le monde connaît. N'y eût-il que la
+connaissance qu'il a donnée au monde étonné d'un instrument capable de
+reproduire télégraphiquement la parole, qu'une grande gloire lui
+serait acquise, car ce problème avait été regardé jusque-là comme
+insoluble.
+
+En résumé, les prétentions de M. Gray à l'invention du téléphone ont
+été résumées par lui de la manière suivante, dans un travail
+très-intéressant intitulé: _Experimental researches on electro-harmonic
+telegraphy and telephony._
+
+1º J'ai trouvé le premier les moyens pratiques de transmettre à
+travers un circuit fermé les sons composés et d'inflexions variables
+par la superposition de deux ou de plusieurs ondes électriques.
+
+2º Je prétends avoir découvert et utilisé le premier le moyen de
+reproduire les vibrations par l'emploi d'un aimant récepteur
+constamment animé par une action électrique.
+
+3º Je prétends encore être le premier à avoir construit un instrument
+ayant un aimant avec un diaphragme circulaire en matière magnétique,
+soutenu par ses bords à une petite distance en face des pôles de
+l'aimant, et susceptible d'être appliqué à la transmission et à la
+réception des sons articulés.
+
+4º Je soutiens avoir décrit le premier le téléphone à sons articulés,
+et cela d'une manière assez exacte et assez complète pour qu'un
+téléphone exécuté d'après cette description ait pu transmettre et
+reproduire fidèlement la parole.
+
+
+
+
+EXAMEN DES PRINCIPES FONDAMENTAUX SUR LESQUELS REPOSE LE TÉLÉPHONE DE
+BELL.
+
+
+Bien que l'historique qui précède soit suffisant pour faire comprendre
+aux personnes initiées dans la science électrique le principe du
+téléphone de Bell, il pourrait bien ne pas en être de même pour la
+plupart des personnes auxquelles notre livre s'adresse, et nous
+croyons en conséquence devoir entrer dans quelques détails physiques
+sur l'origine des courants électriques qui sont en jeu dans les
+transmissions téléphoniques. Ces détails nous paraissent d'autant
+plus nécessaires qu'il est beaucoup de personnes qui croient encore
+que les téléphones de Bell ne sont pas électriques, parce qu'ils ne
+mettent pas une pile à contribution, et le plus souvent elles les
+confondent avec les téléphones à ficelle, s'étonnant de la différence
+de prix qui existe entre les appareils que l'on vend dans les rues et
+ceux que l'on vend chez les constructeurs.
+
+Sans définir ici ce que c'est qu'un courant électrique, ce qui serait
+par trop élémentaire, nous pourrons dire que les courants électriques
+peuvent provenir de beaucoup d'effets divers, et qu'en dehors de ceux
+qui résultent des piles, il en est d'aussi énergiques qui peuvent
+provenir d'une action exercée par des aimants sur un circuit
+conducteur convenablement combiné. Ces courants sont alors appelés
+_courants d'induction_, et ce sont eux qui sont en jeu dans les
+téléphones de Bell. Pour qu'on puisse comprendre comment ils se
+développent dans ces conditions, il sera nécessaire que nous
+examinions d'abord ce qui arrive quand, devant un circuit fermé, on
+avance ou l'on retire le pôle d'un aimant, et pour cela nous
+supposerons qu'un fil de cuivre sur lequel est interposé un
+galvanomètre est enroulé en cercle, et qu'on dirige vers le centre de
+ce cercle l'un des pôles d'un aimant permanent. Or voici ce que l'on
+observera:
+
+1º Au moment où l'on approchera l'aimant, un courant électrique
+prendra naissance et fera dévier le galvanomètre d'un certain côté.
+Cette déviation sera d'autant plus grande que le mouvement accompli
+sera plus étendu, et la tension de ce courant sera d'autant plus
+grande que le mouvement sera plus brusquement effectué. Ce courant
+toutefois ne sera jamais qu'instantané.
+
+2º Au moment où l'on éloignera l'aimant, un nouveau courant du même
+genre prendra naissance, mais il se manifestera en sens inverse du
+premier. Il sera ce que l'on appelle un _courant direct_, parce qu'il
+est de même sens que le courant magnétique de l'aimant qui lui donne
+naissance, tandis que l'autre courant sera dit _inverse_.
+
+3º Si au lieu d'avancer ou de retirer l'aimant par l'effet d'un seul
+mouvement, on le fait avancer par saccades, on reconnaît qu'il se
+détermine une succession de courants dans le même sens dont la
+présence peut être constatée sur le galvanomètre quand les mouvements
+sont suffisamment espacés, mais qui se confondent en se superposant
+quand ces espacements sont très-faibles, et comme des effets inverses
+résultent des mouvements de l'aimant effectués dans un sens contraire,
+il arrive que l'aiguille du galvanomètre suit les mouvements de
+l'aimant et les stéréotype en quelque sorte.
+
+4º Naturellement si, au lieu de réagir sur un simple circuit fermé,
+l'aimant exerce son action sur un nombre considérable de
+circonvolutions de ce circuit, c'est-à-dire sur une bobine de fil
+enroulé, les effets seront considérablement augmentés, et ils le
+seront encore plus si, à l'intérieur de cette bobine, se trouve un
+noyau magnétique, car l'action inductive s'effectuera alors de plus
+près et sur toutes les parties de la bobine. Comme le noyau magnétique
+en s'aimantant ou en se désaimantant plus ou moins sous l'influence
+du rapprochement ou de l'éloignement de l'aimant inducteur subit le
+contre-coup de tous les accidents qui peuvent se manifester pendant le
+mouvement de cet aimant, les courants induits qui en résultent les
+accusent parfaitement.
+
+5º Au lieu d'admettre que l'aimant inducteur est mobile, on peut le
+supposer fixe au centre de la bobine, et l'on peut dès lors déterminer
+les courants induits dont nous avons parlé en modifiant son énergie.
+Il suffit pour cela de réagir sur ses pôles au moyen d'une armature de
+fer. Quand cette armature est approchée de l'un de ces pôles ou de
+tous les deux en même temps, il acquiert de l'énergie et produit un
+courant inverse, c'est-à-dire un courant dans le sens qui aurait
+correspondu à un rapprochement de l'aimant du circuit fermé. Quand
+elle s'éloigne, l'effet inverse se produit; mais dans les deux cas,
+les courants induits sont en rapport avec l'étendue et le sens des
+mouvements accomplis par l'armature, et par conséquent, ils peuvent
+reproduire par leurs effets les mouvements de cette armature. Or si
+cette armature est une lame de fer et que cette lame vibre sous
+l'influence d'un son quelconque devant un système électro-magnétique
+disposé comme il vient d'être dit plus haut, les allées et venues de
+cette lame se traduiront par des courants induits, plus ou moins
+forts, plus ou moins accidentés, suivant l'amplitude et la complexité
+des vibrations, mais qui seront _ondulatoires_, puisqu'ils résulteront
+toujours de mouvements successifs et continus et seront, par
+conséquent, dans les conditions voulues pour transmettre la parole
+ainsi qu'on l'a vu précédemment.
+
+Quant à l'action déterminée sur le récepteur, c'est-à-dire sur
+l'appareil qui reproduit la parole, elle est assez complexe, et nous
+aurons occasion de la discuter plus tard; mais, au premier abord, on
+peut la concevoir si l'on considère que les effets produits par ces
+courants induits d'intensité variable qui traversent la bobine du
+système électro-magnétique, doivent déterminer par les magnétisations
+et démagnétisations qui en résultent, des vibrations plus ou moins
+amplifiées, plus ou moins accidentées de la lame armature, lesquelles
+représentent exactement celles de la lame devant laquelle on a parlé,
+mais qui n'en peuvent être qu'une réduction. Toutefois les effets sont
+par le fait plus compliqués, quoique se produisant dans des conditions
+analogues, et ce sont eux que nous discuterons plus tard quand nous en
+serons aux expériences faites avec le téléphone. Nous ferons observer
+néanmoins, dès maintenant, que pour ces reproductions de la parole, il
+n'est pas nécessaire que le noyau magnétique soit en fer doux, car les
+effets vibratoires peuvent résulter aussi bien d'aimantations
+différentielles que d'aimantations directes.
+
+
+
+
+DISPOSITION ORDINAIRE DES TÉLÉPHONES BELL.
+
+
+La disposition la plus généralement employée pour les téléphones est
+celle que nous avons représentée fig. 20. C'est une sorte de petite
+boîte circulaire en bois adaptée à l'extrémité d'un manche M,
+également de bois, qui renferme dans son intérieur le barreau aimanté
+NS. Ce barreau est fixé au moyen d'une vis _t_ et est disposé de
+manière à pouvoir être avancé ou reculé quand on serre ou l'on
+desserre la vis, condition nécessaire pour le réglage de l'appareil. À
+l'extrémité libre du barreau est fixée la bobine magnétique B qui,
+d'après MM. Pollard et Garnier, doit, pour fournir le maximum d'effet,
+être construite avec du fil nº. 42 et présenter un grand nombre de
+spires. Les bouts du fil de cette bobine aboutissent le plus
+généralement à l'extrémité inférieure du manche par deux tiges de
+cuivre _f_, _f_, qui traversent celui-ci dans sa longueur et viennent
+se relier à deux boutons d'attache I, I' où l'on fixe les fils C, C du
+circuit. Cependant dans les appareils construits par M. Bréguet il n'y
+a pas de boutons d'attache, et c'est une petite torsade de deux fils
+flexibles recouverts de gutta-percha et de soie qui est fixée aux deux
+tiges; un capuchon en bois se visse alors à l'extrémité du manche, et
+la torsade passe par un trou pratiqué dans ce capuchon; de sorte que
+l'on n'est nullement gêné dans la manipulation de l'appareil. Des
+serre-fils adaptés aux extrémités des fils de la torsade, permettent
+d'ailleurs de les réunir à ceux du circuit. La figure 21 représente
+cet appareil.
+
+Dans une autre disposition, les fils de la bobine aboutissent
+directement à des boutons d'attache placés au-dessous de la boîte de
+bois; mais cette disposition est incommode.
+
+Au-dessus de l'extrémité polaire du barreau aimanté est placée la lame
+vibrante en fer LL qui est recouverte soit de vernis noir ou jaune,
+soit d'étain, soit d'un oxyde bleu, mais qui doit toujours être
+très-mince. Cette lame a la forme d'un disque, et c'est par les bords
+de ce disque, appuyés sur une bague en caoutchouc, qu'elle est fixée
+fortement sur les bords circulaires de la boîte de bois qui est à cet
+effet composée de deux parties. Ces parties s'ajustent l'une sur
+l'autre soit au moyen de vis, soit au moyen d'un pas de vis, ménagé à
+mi-épaisseur de bois. Cette lame doit être le plus rapprochée possible
+de l'extrémité polaire de l'aimant, mais pas assez pour que les
+vibrations de la voix déterminent le contact de ces deux pièces. Enfin
+l'embouchure RR', fig. 20, par laquelle on parle et qui a la forme
+d'un entonnoir très-évasé, termine la partie supérieure de la boîte et
+doit être disposée de manière à laisser un certain vide entre la lame
+et les bords du trou V qui est ouvert à son centre. La capacité
+intérieure de la boîte doit être calculée de manière à pouvoir jouer
+le rôle de caisse sonore, sans cependant provoquer d'échos et
+d'interférences de sons.
+
+Quand l'appareil est bien exécuté, il peut produire des effets
+très-accentués, et voici ce que m'écrivait à ce sujet M. Pollard, qui
+est un des premiers qui se soient occupés en France de téléphone.
+
+«L'appareil que j'ai confectionné donne des résultats réellement
+étonnants: D'abord, au point de vue de la résistance, 5 ou 6 personnes
+introduites dans le circuit n'affaiblissent pas sensiblement
+l'intensité des sons. Quand on met un appareil sur chaque oreille on a
+absolument la même sensation que si le correspondant parlait derrière
+à quelques mètres. L'intensité, la netteté, la pureté du timbre sont
+irréprochables.
+
+«Je puis parler à mon collègue à voix complétement basse, avec le
+souffle pour ainsi dire, et causer avec lui sans que des personnes
+placées à deux mètres de moi puissent saisir un seul mot de notre
+conversation.
+
+«Au point de vue de la réception, lorsqu'on m'appelle en élevant la
+voix, j'entends cet appel de tous les points de mon bureau, du moins
+quand le silence y règne; dans tous les cas, lorsque je suis assis à
+ma table et que l'instrument est à quelques mètres de moi, je
+m'entends toujours appeler. Pour augmenter l'intensité des sons,
+j'adapte à l'embouchure un cornet en cuivre de forme conique, et dans
+ces conditions, on entend, au bout de la ligne, parler dans mon bureau
+à 2 ou 3 mètres de l'embouchure; de ma place, à 1 mètre environ du
+cornet, je puis entendre et parler sans effort à mon collègue.»
+
+Pour se servir du téléphone ordinaire de Bell, il faut parler
+nettement devant l'embouchure du téléphone qu'on tient à la main,
+pendant que l'auditeur placé à la station correspondante tient contre
+son oreille l'embouchure du téléphone récepteur. Ces deux appareils
+composent un circuit fermé avec les deux fils qui les relient, mais un
+seul suffit pour réaliser complétement la transmission, si l'on a soin
+de mettre en communication les deux appareils avec la terre qui, de
+cette manière, tient lieu du second fil. M. Bourbouze prétend qu'en
+employant ce moyen l'intensité des sons dans le téléphone est
+grandement augmentée; mais nous croyons que cette augmentation dépend
+des conditions du circuit, quoiqu'il prétende qu'on puisse la
+constater sur un circuit ne dépassant pas 70 mètres.
+
+Dans la pratique, il convient d'avoir à sa disposition deux téléphones
+à chaque station, afin d'en avoir un à l'oreille pendant qu'on parle
+dans l'autre, comme on le voit fig. 22. On entend aussi beaucoup mieux
+quand on applique un téléphone contre chaque oreille. On tient alors
+les deux téléphones comme on le voit fig. 23. Afin d'éviter la fatigue
+des bras, on a disposé un modèle qui les tient suspendus devant les
+oreilles au moyen d'une sangle à ressort qui entoure la tête.
+
+Il y a du reste des différences considérables dans le pouvoir de
+transmission téléphonique des différentes voix. Suivant M. Preece,
+crier ne sert à rien: il faut pour obtenir de bons résultats, que
+l'intonation soit claire, que l'articulation soit distincte, et que
+les sons émis se rapprochent le plus possible des sons musicaux.
+
+«J'ai entendu, dit-il, M. Willmot, l'un des électriciens de
+l'administration des postes, sur des circuits à travers lesquels
+aucunes autres voix n'auraient pu se faire entendre. Les sons des
+voyelles viennent toujours le mieux, et parmi les autres lettres, _e_,
+_g_, _j_, _k_, _q_ sont toujours les plus mal répétées. L'oreille
+aussi demande à être exercée, et les facultés auditives varient d'une
+manière surprenante suivant les personnes. Le chant est toujours
+entendu avec une grande netteté ainsi que les sons des instruments à
+vent et surtout ceux du cornet à piston qui, de Londres, pourraient
+être entendus par des milliers de personnes à la fois à travers le
+large Corn Exchange de Basingstoke.»
+
+Suivant M. Rollo Russel, le circuit d'un téléphone n'aurait pas besoin
+d'isolation sur une longueur relativement petite; ainsi avec un
+circuit de 418 mètres on a pu employer un fil de cuivre nu déposé sur
+un gazon sans que les transmissions téléphoniques résultant d'une
+petite boîte à musique fussent annulées, mais à la condition que les
+deux fils ne fussent pas en contact. On a pu même obtenir des
+transmissions quand ce circuit était enterré dans de la terre mouillée
+sur une longueur de 30 mètres, ou immergé dans un puits sur une
+longueur de 40 mètres. La parole transmise dans ces conditions ne
+semblait même pas différente de ce qu'elle était quand le circuit
+était isolé.
+
+Le téléphone peut se faire entendre simultanément à plusieurs
+auditeurs, soit en prenant sur les deux fils réunissant les deux
+téléphones en correspondance (près du téléphone récepteur) des
+dérivations aboutissant à différents téléphones, qui peuvent
+facilement être au nombre de 5 ou 6, sur les courts circuits, soit au
+moyen d'une petite caisse sonore fermée par deux membranes légères
+dont l'une est fixée sur la lame vibrante. En faisant aboutir à cette
+caisse un certain nombre de tubes acoustiques, plusieurs personnes
+pourraient, suivant M. Mc. Kendrick, entendre très-distinctement.
+
+On peut obtenir encore des auditions simultanées du téléphone en les
+interposant dans un même circuit, et les expériences faites à New-York
+ont montré qu'on pouvait ainsi en faire parler cinq échelonnés en
+différents points d'une ligne télégraphique. Dans des essais
+téléphoniques faits sur les lignes des écluses du département de
+l'Yonne, on a constaté que sur un fil de 12 kilomètres où l'on avait
+placé à des distances différentes plusieurs téléphones, trois ou
+quatre personnes ont pu causer entres elles à travers ces téléphones,
+chacune entendant ce que disaient les autres. Les réponses et les
+demandes tout en se croisant restaient perceptibles. On a pu même, en
+plaçant un téléphone sur un second fil de dix kilomètres éloigné du
+premier de cinquante centimètres, et le suivant sur une longueur de
+deux kilomètres seulement, saisir la conversation échangée sur l'autre
+fil. On pouvait même distinguer très-bien les timbres des voix des
+deux interlocuteurs.
+
+Depuis l'apparition du téléphone en Europe, beaucoup d'inventeurs
+prétendent être parvenus à faire parler un téléphone de manière qu'il
+soit entendu des différents points d'une vaste salle. Nous avons vu
+que M. Bell avait déjà obtenu ce résultat, et sous ce rapport nous ne
+voyons pas que ceux qui ont perfectionné le téléphone soient arrivés à
+des résultats beaucoup plus importants. Mais ce qui est certain, c'est
+qu'un téléphone ordinaire peut parfaitement émettre des sons musicaux
+susceptibles d'être entendus dans une pièce assez grande et tout en
+étant attaché à la muraille. On doit se rappeler les résultats obtenus
+par MM. Pollard et Garnier lors des essais qu'ils firent à Cherbourg
+pour relier la digue à la préfecture maritime de cette ville.
+
+La digue de Cherbourg est, comme on le sait, une sorte d'île factice
+créée de main d'homme devant cette ville pour constituer une rade. Les
+forts établis sur cette digue sont reliés par des câbles sous-marins
+au port militaire et à la préfecture maritime. Un jour qu'après des
+expériences faites dans le cabinet du préfet sur l'un de ces câbles,
+au moyen de téléphones, plusieurs des personnes présentes causaient
+ensemble dans la pièce, elles furent très-étonnées d'entendre le
+clairon sonner la retraite, et les sons semblaient venir de l'un des
+points de la pièce. On cherche, et l'on reconnaît bientôt que c'est le
+téléphone pendu à la muraille qui se livrait à cet exercice. On
+s'informe et l'on apprend que c'était un des expérimentateurs de la
+station de la digue qui avait fait la plaisanterie de sonner du
+clairon devant le téléphone de cette station. Or la digue est éloignée
+de Cherbourg de plus d'une lieue, et la préfecture maritime est au
+milieu de la ville. Les téléphones étaient pourtant construits
+grossièrement dans les ateliers du port de Cherbourg, ce qui prouve
+une fois de plus combien ces appareils exigent peu de précision pour
+fonctionner.
+
+Les téléphones du modèle de Bell les plus variés dans leurs
+dispositions se trouvent chez M. C. Roosevelt, représentant de M. Bell
+à Paris, 1, rue de la Bourse. Ils sont généralement construits par M.
+Bréguet, et les modèles les plus recherchés sont, indépendamment de
+celui que nous avons décrit, le grand modèle carré dont l'aimant est
+en fer à cheval et qui est renfermé dans une boîte plate, portant sur
+sa face antérieure un cornet qui sert en même temps d'embouchure. Nous
+représentons (fig. 24), ce système, qui a du reste été construit tout
+récemment à Boston dans de meilleures conditions. Dans ce nouveau
+modèle, établi par M. Gower, l'aimant est composé de plusieurs lames
+terminées par un noyau magnétique en fer sur lequel est fixée la
+bobine, et le tout est recouvert d'une épaisse couche de paraffine.
+Les sons reproduits sont alors beaucoup plus nets et plus forts. Il y
+a aussi un modèle en forme de tabatière dans lequel l'aimant est
+contourné en spirale afin de conserver sa longueur sous une forme
+ronde. Le pôle qui occupe la partie centrale de cette spirale est
+alors muni d'un noyau de fer sur lequel est fixée la bobine
+d'induction, et le couvercle de la tabatière porte la lame vibrante
+ainsi que l'embouchure; nous représentons ce modèle fig. 25. Dans un
+autre modèle, dit _téléphone miroir_, le dispositif précédent est
+adapté sur un manche comme la glace d'un miroir portatif, et
+l'embouchure se présentant sur l'une des faces latérales, on parle
+avec cet instrument comme si l'on parlait devant un écran de cheminée.
+
+On trouve d'un autre côté chez M. Bailey les divers modèles de
+téléphones à pile et à charbon d'Edison dont nous parlerons bientôt
+et qui ont donné les meilleurs résultats sur les longues lignes, ainsi
+que les téléphones de MM. Gray et Phelps.
+
+
+
+
+DISPOSITIONS DIFFÉRENTES DES TÉLÉPHONES.
+
+
+Les résultats si prodigieux obtenus avec le téléphone Bell et dont
+l'authenticité avait été mise en doute par la plupart des savants,
+devaient naturellement, étant une fois démontrés, provoquer une foule
+de recherches de la part des inventeurs et même de ceux qui avaient
+été dans l'origine les plus incrédules. Il en est résulté une foule de
+perfectionnements et de modifications qui ont évidemment leur intérêt,
+et dont nous allons maintenant nous occuper.
+
+
+
+
+TÉLÉPHONES À PILE.
+
+
+=Téléphone de M. Edison.=--L'un des premiers et des plus intéressants
+perfectionnements apportés au téléphone de Bell, est celui qui a été
+combiné dans la première moitié de l'année 1876 par M. Edison. Ce
+système est, à la vérité, plus compliqué que celui que nous avons
+étudié précédemment, car il met à contribution une pile, et l'appareil
+transmetteur est différent de l'appareil récepteur; mais il est moins
+susceptible d'être influencé par les causes extérieures et permet des
+transmissions à plus grande distance.
+
+Le téléphone de M. Edison, comme celui de M. Gray, dont nous avons
+déjà eu occasion de parler, est fondé sur l'action de courants
+ondulatoires déterminés par des variations de résistance d'un médiocre
+conducteur interposé dans le circuit, et sur lequel réagissent les
+vibrations d'un diaphragme devant lequel on parle. Seulement, au lieu
+d'employer un conducteur liquide qui ne peut jamais être utilisé
+pratiquement, M. Edison a cherché à mettre à contribution les corps
+solides semi-conducteurs. Ceux qui lui offrirent le plus d'avantages,
+à ce point de vue, furent le graphite et le charbon, surtout le
+charbon résultant du noir de fumée comprimé. Ces substances, en effet,
+étant introduites dans un circuit entre deux lames conductrices dont
+l'une est mobile, sont susceptibles de modifier la résistance de ce
+circuit dans le même rapport à peu près que la pression qui est
+exercée sur elles par la lame mobile[12], et l'on conçoit que pour
+obtenir avec ce système les courants ondulatoires nécessaires à la
+reproduction des sons articulés, il suffisait d'introduire un disque
+de plombagine ou de noir de fumée entre la lame vibrante d'un
+téléphone et une lame de platine mise en rapport avec la pile. La lame
+du téléphone étant mise en communication avec le fil du circuit, il
+devait résulter des vibrations de cette lame devant le disque de
+charbon, une série de pressions croissantes et décroissantes, donnant
+lieu à des effets correspondants dans l'intensité du courant transmis,
+et ces effets devaient réagir d'une manière analogue aux courants
+ondulatoires déterminés par l'induction dans le système de Bell.
+Toutefois, pour obtenir de très-bons résultats, plusieurs dispositions
+accessoires étaient nécessaires, et nous représentons (fig. 26) l'une
+des dispositions qui ont été données à cette partie du système
+téléphonique de M. Edison.
+
+ [Note 12: Cette propriété était connue depuis longtemps,
+ mais non appliquée. Je l'avais indiquée dès 1856 dans le tome
+ I de mon _Exposé des applications de l'électricité_, page 240
+ (2e édition), à propos des interrupteurs de circuit. J'en ai
+ parlé encore dans un Mémoire sur les électro-aimants à fil nu
+ (publié en 1865 dans les _Annales télégraphiques_) et dans
+ plusieurs notes présentées à l'Académie des sciences en 1872
+ et 1875 sur la conductibilité des limailles et poussières
+ conductrices. M. Clérac, de son côté, en 1865, la mettait à
+ contribution pour obtenir des résistances variables.]
+
+Dans cette figure, l'appareil est vu en coupe, et il se rapproche
+beaucoup, quant à la forme, du téléphone de Bell. L L est la lame
+vibrante, O O, l'embouchure, M le trou de cette embouchure, N N N la
+cage de l'appareil qui est construite ainsi que l'embouchure en
+ébonite et qui présente au-dessous de la lame une cavité assez
+spacieuse et un trou tubulaire qui est creusé dans le manche. À sa
+partie supérieure, ce tube est continué par un rebord cylindrique muni
+d'un pas de vis sur lequel est vissée une petite bague présentant une
+saillie intérieurement, et c'est à l'intérieur de ce tube que se
+trouve disposé le système rhéostatique. Celui-ci se compose d'abord
+d'un piston E, adapté à l'extrémité d'une longue vis E F, dont le
+bouton F en tournant permet de faire avancer ou reculer le piston
+d'une certaine quantité. Au-dessus de ce piston, se trouve adaptée une
+lame de platine très mince A reliée par une lamelle flexible et un fil
+à un bouton d'attache P'. Une autre lame B, exactement semblable, est
+reliée avec le bouton d'attache P, et c'est entre ces deux lames
+qu'est placé le disque de charbon C. Ce disque est constitué avec du
+noir de fumée de pétrole comprimé, et sa résistance est d'un _ohm_ ou
+de 100 mètres de fil télégraphique. Enfin un disque d'ébonite est
+appliqué sur la lame de platine supérieure B, et un tampon élastique
+composé d'un morceau de tube de caoutchouc G et d'un disque de liège
+H, est interposé entre la lame vibrante L L et le disque B, afin que
+les vibrations de cette lame ne soient pas arrêtées par l'obstacle
+rigide constitué par l'ensemble du système rhéostatique. Quand ces
+différentes pièces sont en place, on règle l'appareil au moyen de la
+vis F, et ce réglage est facile puisqu'il suffit de la serrer ou de la
+desserrer jusqu'à ce que le téléphone récepteur donne son maximum de
+son.
+
+Dans un nouveau modèle représenté (fig. 27), et qui a fourni les
+meilleurs résultats pour la netteté des transmissions, la lame
+vibrante L L est maintenue et appuyée contre les disques du conducteur
+secondaire en charbon C, par l'intermédiaire d'un petit cylindre de
+fer A au lieu d'un tampon en caoutchouc, et la pression est réglée par
+une vis placée au-dessous de _e_. L'embouchure E de l'appareil est
+plus saillante, et le trou plus large. Enfin il n'y a plus de manche à
+l'appareil dont l'enveloppe est en fonte nickelée. Le disque rigide
+_b_ qui appuie sur la première lame de platine _p_ est, d'un autre
+côté, en _aluminium_ au lieu d'être en ébonite.
+
+Le téléphone récepteur ressemble assez à celui de M. Bell. Il
+présente néanmoins quelques différences que l'on peut reconnaître par
+l'inspection de la fig. 28. Ainsi l'aimant N S est recourbé en fer à
+cheval, et la bobine magnétisante E recouvre seulement un des pôles N;
+ce pôle occupe précisément le centre de la lame vibrante L L, tandis
+que le second pôle est près du bord de cette lame. Les dimensions
+elles-mêmes de la lame sont considérablement réduites; sa surface est
+à peu près celle d'une pièce de cinq francs, et elle est enclavée dans
+une espèce de rainure circulaire qui la maintient dans une position
+parfaitement déterminée. En raison de cette disposition, le manche de
+l'instrument est en bois plein, et l'espace vide où se trouve le
+système électro-magnétique est un peu plus développé que dans le
+modèle de Bell; mais l'on s'est arrangé de manière à éviter les échos
+et à en faire une sorte de caisse sonore apte à amplifier les sons. La
+disposition du système électro-magnétique par rapport à la lame
+vibrante doit évidemment augmenter aussi la sensibilité de
+l'appareil, car le pôle S étant en contact intime avec la lame L L,
+celle-ci se trouve polarisée et peut recevoir beaucoup plus
+énergiquement les influences magnétiques du second pôle N, qui en est
+distant de l'épaisseur d'une forte feuille de papier. Dans les deux
+appareils de M. Edison (récepteur et transmetteur) la partie
+supérieure CC correspondante à la lame vibrante, au lieu d'être fixée
+par des vis sur la partie attenante au manche, est vissée sur cette
+partie elle-même, ce qui permet de démonter beaucoup plus facilement
+l'instrument.
+
+M. Edison a, du reste, beaucoup varié la forme de ses appareils, et
+aujourd'hui leur enveloppe est en métal avec une embouchure d'ébonite
+en forme d'entonnoir.
+
+Ayant constaté, comme du reste l'avait fait avant lui M. Elisha Gray,
+que les courants induits sont plus favorables aux transmissions
+téléphoniques que les courants voltaïques, M. Edison transforma les
+courants de pile passant par son transmetteur en courants induits, et
+cela en leur faisant traverser le circuit primaire d'une bobine
+d'induction bien isolée; le fil de ligne était alors mis en
+communication avec le fil secondaire de la bobine. Nous rapporterons
+plus tard des expériences qui montreront les avantages de cette
+combinaison; pour le moment, nous ne faisons que la signaler, car elle
+fait aujourd'hui partie intégrante de presque tous les systèmes de
+téléphones à pile.
+
+
+=Téléphone musical d'Edison.=--Les effets curieux et réellement
+très-avantageux que M. Edison avait obtenus avec son _électro-motographe_,
+lui donnèrent l'idée, dès le commencement de l'année 1877, d'appliquer
+le principe de cet appareil au téléphone pour la reproduction des sons
+transmis, et il a obtenu des résultats tellement intéressants que
+l'auteur d'un article sur les téléphones, publié dans le _Telegraphic
+Journal_ du 15 août 1877, présente cette invention comme l'une des plus
+belles du dix-neuvième siècle. Ce qui est certain, c'est qu'elle semble
+avoir donné naissance au phonographe qui, dans ces derniers temps, a
+fait tant de bruit et a tant étonné les savants.
+
+Pour qu'on puisse comprendre le principe de ce téléphone, nous devrons
+entrer dans quelques détails sur l'électro-motographe de M. Edison,
+découvert en 1872. Cet appareil est fondé sur ce principe: que si une
+feuille de papier, préparée avec une solution d'hydrate de potasse,
+est appliquée sur une plaque métallique réunie au pôle positif d'une
+pile, et qu'une pointe de plomb ou de platine reliée au pôle négatif
+soit promenée sur le papier, le frottement que cette pointe rencontre
+cesse dès que le courant passe, et elle peut dès lors glisser comme
+sur une glace jusqu'à ce que le courant soit interrompu. Or, comme
+cette réaction peut être effectuée instantanément sous l'influence de
+courants excessivement faibles, les effets mécaniques produits par ces
+alternatives d'arrêt et de glissement, peuvent, pour une disposition
+convenable de l'appareil, déterminer des vibrations en rapport avec
+les interruptions de courant produites par le transmetteur.
+
+Dans ce système, le récepteur téléphonique se compose d'un résonnateur
+et d'un tambour monté sur un axe que fait tourner une manivelle. Une
+bande de papier en provision sur un rouleau, passe sur le tambour dont
+la surface est rugueuse, et sur cette bande appuie fortement une
+pointe émoussée de platine qui est adaptée à l'extrémité d'un ressort
+fixé au centre du résonnateur. Le courant de la pile dirigé d'abord
+sur le ressort, passe par la pointe de platine à travers le papier
+chimique, et retourne par le tambour à la pile. Quand on tourne la
+manivelle, le papier avance, et le frottement normal qui se produit
+entre le papier et la pointe de platine, pousse en avant cette
+dernière, en provoquant par l'intermédiaire du ressort une traction
+sur un des côtés du résonnateur; mais au moment de chaque passage du
+courant à travers le papier, tout frottement cessant, le ressort n'est
+plus entraîné, et le résonnateur revient à sa position normale. Or,
+comme à chaque vibration effectuée au transmetteur ce double effet se
+manifeste, il en résulte une série de vibrations du résonnateur qui
+sont la répétition de celles du transmetteur et, par conséquent, la
+reproduction plus ou moins réduite des sons musicaux qui ont affecté
+le transmetteur. Suivant les journaux américains, cet appareil aurait
+fourni des résultats surprenants; les courants les plus faibles, qui
+n'exerceraient aucune action sur un électro-aimant, produisent de
+cette manière des effets complets. L'appareil peut même reproduire,
+avec une grande intensité, les notes les plus élevées de la voix
+humaine, notes que l'on peut à peine distinguer lorsque l'on emploie
+des électro-aimants.
+
+Le transmetteur est à peu près le même que celui que nous avons
+décrit précédemment; seulement, au lieu du disque de charbon, c'est
+une pointe de platine qui est employée, et elle ne doit pas être en
+contact continuel avec la lame vibrante. Voici du reste comment il est
+décrit dans le _Telegraphic Journal_: «Il consiste simplement dans un
+long tube de deux pouces de diamètre, ayant un de ses bouts recouvert
+d'un diaphragme constitué par une mince feuille de cuivre et maintenu
+serré au moyen d'une bague élastique. Au centre du diaphragme de
+cuivre se trouve rivé un petit disque de platine, et devant ce disque,
+est ajustée une pointe du même métal adaptée à un support fixe. Quand
+on chante devant le diaphragme, celui-ci en vibrant rencontre la
+pointe de platine et lui fait produire le nombre de fermetures de
+courant en rapport avec les vibrations des notes chantées.»
+
+D'après de nouvelles expériences faites en Amérique pour juger du
+mérite des différents systèmes de téléphones, ce serait celui de M.
+Edison qui aurait fourni les meilleurs résultats. Voici ce que nous
+lisons, en effet, dans le _Telegraphic Journal_ du 1er mai 1878 (p.
+187): «Le 2 avril dernier, on expérimenta le téléphone à charbon de M.
+Edison entre New-York et Philadelphie, sur une des lignes si
+nombreuses de la compagnie de l'_Ouest Union_. La ligne avait une
+longueur de cent six milles, et dans presque tout son parcours elle
+longeait les autres fils. Or les effets d'induction déterminés par les
+transmissions télégraphiques à travers les fils voisins, et qui
+étaient suffisants pour empêcher l'audition de la parole dans tous les
+téléphones essayés, furent sans influence quand on employa le
+téléphone d'Edison avec deux éléments de pile et une petite bobine
+d'induction, et MM. Batchelor, Phelps et Edison purent échanger
+facilement une conversation. Le téléphone magnétique de M. Phelps
+regardé comme le plus puissant de son espèce, donna même de moins bons
+résultats.»
+
+Dans des expériences faites entre le palais de l'Exposition de Paris
+et Versailles, la commission du jury a pu constater les mêmes
+résultats avantageux.
+
+
+=Téléphones du colonel Navez.=--Le colonel d'artillerie belge Navez,
+l'auteur du chronographe balistique bien connu, a cherché à
+perfectionner le téléphone d'Edison en employant plusieurs disques de
+charbon au lieu d'un seul. Suivant lui, les variations de résistance
+électrique produites par les disques de charbon, sous l'influence de
+pressions inégales, dépendent surtout de leur surface de contact, et
+il croit en conséquence que plus ces surfaces sont multipliées, plus
+les différences en question sont considérables, comme cela a lieu
+quand on polarise la lumière avec une pile de glaces. Les meilleurs
+résultats ont été obtenus par lui avec une pile de douze rondelles de
+charbon. «Ces rondelles, dit-il, agissent bien par leurs surfaces de
+contact, car il suffit de les séparer par des rondelles d'étain
+interposées, pour détruire toute articulation de la parole
+reproduite[13].»
+
+ [Note 13: J'ai pu, dès l'année 1865, m'assurer de la
+ vérité de cette observation, en provoquant le serrage des
+ spires d'un électro-aimant à fil nu. Plus le nombre des
+ spires était considérable dans le sens de la pression, plus
+ les différences de résistance de l'hélice magnétisante
+ étaient accentuées.]
+
+Pour éteindre les vibrations musicales nuisibles qui accompagnent les
+transmissions téléphoniques, M. Navez emploie, comme lame vibrante du
+transmetteur, une lame de cuivre recouverte d'argent, et pour lame
+vibrante du récepteur, une lame de fer doublée d'une plaque de laiton,
+le tout soudé ensemble. Il emploie d'ailleurs des tubes de caoutchouc
+munis d'embouchures et de conduits auriculaires, pour la transmission
+et la réception des sons, et les appareils sont disposés à plat, sur
+une table. À cet effet, le barreau aimanté du téléphone récepteur est
+alors remplacé par deux aimants horizontaux agissant par un pôle de
+même nom sur un petit noyau de fer qui porte la bobine et qui se
+trouve placé verticalement entre les deux aimants. Il emploie
+naturellement une petite bobine de Ruhmkorff, pour transformer
+l'électricité de la pile en électricité d'induction.
+
+Les figures 29 et 30 représentent les deux parties de ce système
+téléphonique. La pile de charbon est en C, fig. 29; la lame vibrante
+en LL, et l'embouchure E, adaptée à un tube en caoutchouc TE,
+correspond par le dessous à la lame vibrante. La pile de charbons est
+réunie métalliquement au circuit par une tige de platine EC, et la
+lame vibrante communique également au circuit par l'intermédiaire d'un
+bouton d'attache. Dans le téléphone récepteur, fig. 30, la partie
+supérieure est disposée à peu près comme dans les téléphones
+ordinaires; seulement, au lieu d'une embouchure, on a adapté à
+l'appareil un conduit auriculaire TO. Les deux aimants qui
+communiquent une polarité uniforme au noyau de fer N portant la bobine
+d'induction B, sont en A, A' et ont la forme de fers à cheval; on en
+voit un en coupe en D du côté droit, et l'autre ne montre en C que la
+courbe du fer à cheval. Les deux boutons d'attache de ce récepteur
+correspondent aux deux extrémités du fil induit de la bobine
+d'induction supplémentaire, et les deux boutons d'attache du
+transmetteur correspondent aux deux bouts du fil primaire de cette
+bobine et à la pile qui est interposée dans le circuit près de cet
+appareil.
+
+
+=Téléphones de MM. Pollard et Garnier.=--Le téléphone à pile construit
+par MM. Pollard et Garnier est différent de ceux qui précèdent, en ce
+qu'il met simplement à contribution deux pointes de mine de plomb
+portées par des porte-crayons métalliques, et que ces pointes sont
+appliquées directement contre la lame vibrante avec une pression qui
+doit être réglée. La fig. 31 représente la disposition qu'ils ont
+adoptée, et qui du reste peut être variée d'une infinité de manières.
+
+LL est la lame vibrante en fer-blanc au-dessus de laquelle se trouve
+l'embouchure E, et P, P' sont les deux pointes de graphite munies de
+leur porte-crayons. Ces porte-crayons portent à leur partie inférieure
+un pas de vis qui, étant engagé dans un trou fileté pratiqué dans une
+plaque métallique CC, permet de serrer plus ou moins les crayons
+contre la lame LL. Cette plaque métallique CC est composée de deux
+parties juxtaposées qui, étant isolées l'une de l'autre, peuvent être
+mises en rapport avec un commutateur cylindrique au moyen duquel on
+peut disposer le circuit de diverses manières. Ce commutateur étant
+pourvu de cinq lames, permet de passer presque instantanément d'une
+combinaison à l'autre, et ces combinaisons sont les suivantes:
+
+1º Le courant entre par le crayon P, passe dans la plaque et de là
+dans la ligne;
+
+2º Le courant arrive par le crayon P', passe dans la plaque et de là
+dans la ligne;
+
+3º Le courant arrive à la fois par les crayons P et P', se rend dans
+la plaque et de là à la ligne;
+
+4º Le courant arrive par le crayon P, va de là à la plaque, puis dans
+le crayon P', et de là à la ligne.
+
+On a donc de cette manière deux éléments de combinaison que l'on peut
+utiliser séparément ou en les associant en tension ou en quantité.
+
+Lorsque les crayons sont bien réglés et donnent une transmission bien
+régulière et de même intensité, on peut étudier facilement les effets
+produits quand on passe de l'une des combinaisons à l'autre, et l'on
+constate: 1º que pour un circuit court, il n'y a pas de changement
+appréciable, quelle que soit la combinaison employée; 2º que quand le
+circuit est long ou présente une grande résistance, c'est la
+combinaison en tension qui a l'avantage, et cela d'autant plus que la
+ligne est plus longue.
+
+Ce système téléphonique, comme du reste les deux précédents, met à
+contribution une machine d'induction pour transformer les courants
+voltaïques en courants induits; nous parlerons plus tard de cet
+accessoire important de ces sortes d'appareils.
+
+Quant au téléphone récepteur, la disposition adoptée par MM. Pollard
+et Garnier est à peu près celle de Bell. Seulement ils emploient des
+lames de fer-blanc et des hélices beaucoup plus résistantes. Cette
+résistance est, en effet, de cent cinquante à deux cents kilomètres.
+«Nous avons toujours reconnu, disent ces messieurs, que quelle que
+soit la résistance du circuit extérieur, on a avantage à augmenter le
+nombre des tours de spires, même en faisant usage du fil nº 42, qui
+est celui que nous avons employé de préférence.»
+
+
+=Téléphone à réaction de M. Hellesen.=--M. Hellesen pensant que les
+vibrations produites par la voix sur un transmetteur téléphonique à
+charbon, devaient se trouver amplifiées si la pièce mobile du rhéotome
+était soumise à une action électro-magnétique résultant de ces
+vibrations elles-mêmes, a combiné un transmetteur fondé sur ce
+principe que nous représentons fig. 32, et qui a l'avantage de
+constituer lui-même l'appareil d'induction destiné à transformer les
+courants voltaïques employés. Cet appareil se compose d'un tube de fer
+vertical appuyé sur une masse magnétique NS et entouré d'une bobine
+magnétisante BB au-dessus de laquelle est adaptée une hélice
+d'induction en fil fin II, mise en communication avec le circuit. À
+l'intérieur du tube, se trouve un crayon de plombagine C, disposé dans
+un porte-crayon qui peut être élevé ou abaissé au moyen d'une vis de
+rappel V adaptée au dessous de la masse magnétique. Enfin, au-dessus
+de ce crayon, est fixée une lame vibrante en fer LL, qui est munie à
+son centre d'un contact de platine communiquant à la pile; le circuit
+local est alors mis en rapport avec le crayon par l'intermédiaire de
+l'hélice magnétisante B, dont un bout est à cet effet soudé sur le
+tube de fer.
+
+Il résulte de cette disposition que les vibrations de la lame LL, au
+moment de leur plus grande amplitude du côté du crayon, tendent à
+s'amplifier par suite de l'action attractive exercée sur la plaque,
+et la pression sur le graphite devenant plus forte, accroît les
+différences de résistance qui en résultent et, par suite, détermine
+des variations plus grandes dans l'intensité des courants transmis.
+
+
+=Téléphone à réaction de MM. Thomson et Houston.=--La disposition
+téléphonique que nous venons de décrire a été reprise dernièrement par
+MM. Elihu Thomson et Edwin. J. Houston qui, dans l'_English mechanic
+and World of science_ du 21 juin 1878, c'est-à-dire deux mois après
+que M. Hellesen m'a indiqué son système[14], ont publié un article sur
+un appareil à peu près semblable au précédent.
+
+ [Note 14: M. Hellesen m'a communiqué le dessin de son
+ appareil le 3 mai 1878. Or les expériences faites à
+ Copenhague dataient de plus de six semaines.]
+
+Dans cet appareil, en effet, le courant qui passe à travers le corps
+médiocrement conducteur, anime un électro-aimant muni d'une bobine
+d'induction, et cet électro-aimant réagit sur le diaphragme pour
+augmenter l'amplitude de ses vibrations et créer en même temps deux
+actions électriques agissant dans le même sens; seulement la
+disposition du contact du mauvais conducteur avec la lame vibrante est
+un peu différente. Au lieu d'un simple contact par pression effectué
+entre cette lame et un crayon de charbon, c'est un petit fragment de
+cette matière, taillé en pointe, qui est fixé sur la lame vibrante et
+qui plonge dans une gouttelette de mercure versée au fond d'une cavité
+pratiquée à l'extrémité supérieure du fer de l'électro-aimant. La
+disposition de l'appareil est d'ailleurs la même que celle d'un
+téléphone ordinaire, et c'est la tige de fer de l'électro-aimant qui
+représente le barreau aimanté du téléphone Bell. Suivant les auteurs,
+cet appareil peut être employé comme transmetteur et comme récepteur,
+et voici comment les effets se produisent dans les deux cas.
+
+Quand l'appareil transmet, le fragment de charbon plonge plus ou moins
+dans le mercure, et par suite des différences qui se produisent dans
+les surfaces de contact suivant l'amplitude des vibrations de la lame,
+le courant subit des variations d'intensité en rapport avec ces
+amplitudes, et de ces variations résultent, dans la bobine
+d'induction, des courants induits, qui réagissent sur le téléphone
+récepteur comme dans l'appareil Bell, et qui sont encore renforcés de
+ceux qui sont produits magnéto-électriquement par le mouvement du
+diaphragme devant la bobine d'induction et le fer de l'électro-aimant.
+
+Quand l'appareil est employé comme récepteur, les effets ordinaires se
+manifestent, car le fer de l'électro-aimant étant aimanté par le
+courant, se trouve exactement dans les conditions des téléphones Bell
+ordinaires, et les courants induits lui arrivent de la même manière,
+seulement plus intenses. MM. Thomson et Houston prétendent que ce
+système a fourni des résultats excellents et que le son de la voix y
+est beaucoup moins altéré que dans les autres téléphones.
+
+
+=Téléphones à piles et à transmetteurs liquides.=--On a vu que M.
+Gray, dès l'année 1876, avait imaginé un système téléphonique basé
+sur les variations de résistance qu'éprouve un circuit complété par un
+liquide, lorsque la couche liquide interposée entre les électrodes
+varie d'épaisseur sous l'influence des vibrations de la lame
+téléphonique mise en rapport avec l'une de ces électrodes. Ce système
+a été étudié depuis par plusieurs inventeurs, entre autres par MM.
+Richemond et Salet, et voici les quelques renseignements qui ont été
+publiés relativement à leurs recherches.
+
+«Un autre téléphone reproduisant les sons articulés, et appelé par M.
+Richemond _électro-hydro-téléphone_, a été breveté récemment aux
+États-Unis. Il est sous certains rapports semblable à celui de M.
+Edison, mais au lieu de mettre à contribution des disques de charbon
+pour modifier la résistance du circuit, c'est l'eau qui est employée,
+et cette eau est mise en rapport avec le circuit et la pile par
+l'intermédiaire de deux pointes de platine, dont une est fixée sur le
+diaphragme métallique qui vibre sous l'influence de la voix. Les
+vibrations de ce diaphragme en transportant la pointe qui lui est
+adhérente en des points différents de la couche liquide interpolaire,
+diminuent ou augmentent la résistance électrique de cette couche, et
+déterminent des variations correspondantes dans l'intensité du courant
+traversant le circuit. Le téléphone récepteur a d'ailleurs la
+disposition ordinaire.» (Voir le _Telegraphic Journal_ du 15 sept.
+1877, p. 222).
+
+«Il m'a paru intéressant, dit M. Salet, de construire un téléphone
+dans lequel le mouvement de deux membranes soient absolument
+solidaires, et pour cela j'ai mis à profit la grande résistance des
+liquides. M. Bell avait déjà obtenu quelques résultats en attachant à
+la membrane vibrante un fil de platine communiquant avec une pile, et
+plongeant plus ou moins dans de l'eau acidulée contenue dans un vase
+métallique relié lui-même par la ligne au téléphone receveur. J'ai
+substitué au fil de platine un petit levier d'aluminium portant une
+lame de platine; à une très-faible distance de celle-ci s'en trouvait
+une seconde en relation avec la ligne. Les vibrations de la membrane,
+triplées ou quadruplées dans leur amplitude, ne sont pas altérées dans
+leurs formes, grâce à la petitesse et à la légèreté du levier; elles
+déterminent dans l'épaisseur de la couche liquide traversée par le
+courant, et par suite dans l'intensité de celui-ci, des variations,
+lesquelles en occasionnent de semblables dans la force attractive de
+l'électro-aimant récepteur. Sous son influence, la membrane recevante
+exécute des mouvements solidaires de ceux de la membrane expéditrice.
+Le son transmis est très-net et, résultat auquel on pouvait
+s'attendre, le timbre est parfaitement conservé. Les consonnes
+cependant n'ont pas tout le mordant de celles transmises par
+l'instrument de M. Bell. C'est un inconvénient qui apparaît surtout
+quand le levier est un peu lourd; on pourrait facilement le faire
+disparaître. L'électrolyse produit en outre un bruissement continu qui
+ne nuit guère à la netteté du son.
+
+«Comme dans ce système on ne demande pas à la voix de _produire_, mais
+seulement de _diriger_ le courant électrique engendré par une pile, on
+peut théoriquement augmenter à volonté l'intensité du son reçu. En
+réalité j'ai pu faire rendre au récepteur des sons très-forts, et il
+me semble que cet avantage compense largement la nécessité d'employer
+une pile et un appareil expéditeur assez délicat. Malheureusement la
+transmission ne peut se faire à des distances un peu considérables.
+Supposons qu'un certain déplacement de la membrane expéditrice
+détermine dans la résistance le même accroissement que cinq à six
+cents mètres de fil: si la ligne a cinq cents mètres, l'intensité du
+courant se trouvera réduite de moitié et la membrane recevante prendra
+une nouvelle position notablement différente de la première; mais si
+la ligne a cinq cents kilomètres, l'intensité du courant ne sera
+modifiée que de un millième. Il faudrait donc employer une pile énorme
+pour que cette variation se traduisît par un changement sensible dans
+la position de la membrane recevante.»
+
+(Voir _Comptes rendus de l'Académie des sciences_ du 18 février 1878,
+p. 471.)
+
+M. J. Luvini, dans un article inséré dans _les Mondes_, du 7 mars
+1878, a indiqué un système de rhéotome de courant pour les téléphones
+à pile qui, malgré sa complication, pourrait peut-être présenter
+quelques avantages, en ce sens qu'il fournirait des courants
+alternativement _renversés_. Dans ce système, la lame vibrante
+transmettrice qui doit être placée verticalement, réagit sur un fil
+mobile horizontal replié rectangulairement et portant sur chacune de
+ses branches deux pointes de platine plongeant dans deux godets
+remplis d'un liquide médiocrement conducteur; les deux branches de ce
+fil, isolées l'une de l'autre, sont mises en rapport avec les deux
+pôles de la pile, et les quatre godets dans lesquels plongent les
+fils de platine, communiquent d'une manière inverse à la ligne et à la
+terre par l'intermédiaire de fils de platine immobiles fixés dans les
+godets. Il résulte de cette disposition que, pour un réglage
+convenable des distances entre les fils fixes et mobiles, deux
+courants égaux se trouveront opposés à travers le circuit de la ligne
+quand le diaphragme sera immobile; mais aussitôt que celui-ci vibrera,
+les distances respectives des fils varieront, et il en résultera, un
+courant différentiel dont l'intensité sera en rapport avec l'étendue
+du déplacement du système ou l'amplitude de la vibration, et dont le
+sens variera pour les mouvements en dessus et en dessous de la ligne
+des noeuds de vibration. On aurait donc de cette manière les effets
+avantageux des courants induits.
+
+
+=Téléphones à pile et à arcs voltaïques.=--Pour obtenir des variations
+de résistance encore plus sensibles qu'avec les liquides et les corps
+pulvérulents, on a eu l'idée d'avoir recours aux conducteurs gazeux
+échauffés, et on a combiné plusieurs dispositifs de téléphones à pile
+dans lesquels le circuit était complété par une couche d'air séparant
+la lame vibrante d'une pointe de platine servant d'excitateur à une
+décharge électrique de haute tension. Dans ces conditions, cette
+couche d'air devient conductrice, et l'intensité du courant qui la
+traverse est en rapport avec son épaisseur. Ce problème a été résolu
+soit au moyen de courants voltaïques d'une grande tension, soit au
+moyen d'une bobine de Ruhmkorff.
+
+Le premier système a été combiné par M. Trouvé, et voici ce qu'il en
+dit dans le journal _la Nature_ du 6 avril 1878. «Une membrane
+métallique vibrante constitue l'un des pôles d'une pile à haute
+tension; l'autre pôle est assujetti devant la plaque par une vis
+micrométrique qui permet de faire varier, suivant la tension de la
+pile, la distance à la plaque, sans pourtant jamais être en contact
+avec elle. Cette distance, toutefois, ne doit pas dépasser celle que
+pourrait franchir la décharge de la pile. Dans ces conditions, la
+membrane vibrant sous l'influence des ondes sonores a pour effet de
+modifier constamment la distance entre les deux pôles et de faire
+ainsi varier sans cesse l'intensité du courant; par conséquent
+l'appareil récepteur (téléphone Bell ou à électro-aimant) subit des
+variations magnétiques en rapport avec les variations du courant qui
+l'influence, ce qui a pour effet de faire vibrer synchroniquement la
+membrane réceptrice. C'est donc sur la possibilité de faire varier
+entre des limites très-étendues la résistance du circuit extérieur
+d'une pile ou batterie à haute tension dont les pôles ne sont pas en
+contact, que repose le nouvel appareil téléphonique. On pourra aussi,
+pour faire varier les conditions de cette résistance, faire intervenir
+une vapeur quelconque ou bien des milieux différents, tels que l'air
+ou les gaz plus ou moins raréfiés.»
+
+M. Trouvé pense obtenir de bons résultats avec sa pile à rondelles
+humectées de sulfate de cuivre et de sulfate de zinc, en en disposant
+les éléments, au nombre de quatre ou cinq cents, dans des tubes de
+verre de petit diamètre. Pour obtenir des courants de tension, il
+n'est pas besoin, comme on le sait, que ces éléments soient de grandes
+dimensions.
+
+M. de Lalagade a proposé un moyen analogue en employant, pour la
+formation de l'arc, un courant dont la tension est augmentée par
+l'interposition dans le circuit d'un fort électro-aimant. Cet
+électro-aimant réagit d'ailleurs sur un électro-aimant Hughes pour lui
+faire fournir des courants d'induction susceptibles de faire
+fonctionner le récepteur. Suivant M. de Lalagade, une pile de Bunsen
+ou à bichromate de potasse de 6 éléments, suffirait pour obtenir un
+arc voltaïque continu entre la lame vibrante d'un téléphone et une
+pointe de platine éloignée suffisamment pour ne donner lieu à aucun
+contact. Il faudrait cependant en déterminer un en commençant, pour
+provoquer la formation de cet arc. Dans le système de M. de Lalagade,
+la lame vibrante doit être munie à son centre d'une petite lame de
+platine pour éviter les effets d'oxydation de l'étincelle. Suivant
+l'auteur, les sons ainsi transmis et reproduits dans un téléphone dont
+le système électro-magnétique serait monté sur une caisse sonore,
+auraient une intensité plus grande qu'avec les téléphones ordinaires,
+et il semblerait qu'on vous parlerait dans l'oreille.
+
+
+=Téléphones à mercure.=--Ces systèmes sont fondés sur ce phénomène
+physique découvert par M. Lippmann, que si une couche d'eau acidulée
+est superposée à du mercure et réunie au moyen d'une électrode et d'un
+fil avec celui-ci, de manière à constituer un circuit, toute action
+mécanique qui aura pour effet de presser sur la surface du mercure et
+de faire varier la forme de son ménisque, déterminera une réaction
+électrique capable de donner lieu à un courant dont la force sera en
+rapport avec l'action mécanique exercée. Par réciproque, toute action
+électrique qui sera produite sur le circuit d'un pareil système,
+donnera lieu à une déformation du ménisque et par suite à un mouvement
+de celui-ci, qui sera d'autant plus caractérisé que le tube où se
+trouve le mercure sera plus petit et l'action électrique plus grande.
+Cette action électrique pourra d'ailleurs résulter d'une différence de
+potentiel dans l'état électrique des deux extrémités du circuit mis en
+rapport avec la source électrique employée ou d'un générateur
+électrique quelconque[15].
+
+ [Note 15: M. J. M. Page avait déjà reconnu que si un
+ téléphone est placé dans le circuit de l'hélice primaire
+ d'une bobine d'induction alors que l'hélice secondaire de cet
+ appareil est placée dans le circuit d'un électromètre
+ capillaire de M. Lippmann, il se produit à chaque mot
+ prononcé dans le téléphone un mouvement de la colonne
+ mercurielle de l'électromètre, lequel mouvement s'effectue
+ vers le bout capillaire du tube et quelle que soit la
+ direction du courant envoyé par le téléphone. On reconnut que
+ cet effet était dû à ce que le mercure tend toujours à se
+ mouvoir plus rapidement du côté du bout capillaire que du
+ côté opposé.]
+
+On comprend facilement, d'après ces effets, que si on plonge dans deux
+vases VV{1} (fig. 33), remplis d'eau acidulée et de mercure, deux
+tubes TT{1} à bout effilé contenant du mercure M, et qu'on réunisse
+entre elles, par des fils métalliques PP{1}, QQ{1} d'abord, les deux
+colonnes de mercure remplissant les tubes et, en second lieu, les
+couches de mercure qui occuperont le fond des deux vases, on aura, si
+on a soin de placer les tubes à une certaine distance de la surface du
+mercure dans les vases, un circuit métallique complété par deux
+électrolytes, dont l'un pourra accuser les effets mécaniques ou
+électriques produits au sein de l'autre. Si donc on adapte au-dessus
+des tubes deux lames vibrantes B, B{1}, et qu'on fasse vibrer l'une
+d'elles, l'autre devra reproduire ces vibrations sous l'influence des
+mouvements vibratoires communiqués par la colonne de mercure
+correspondante. Ces vibrations seront en rapport elles-mêmes avec les
+émissions électriques résultant des mouvements de la colonne de
+mercure du premier tube, et qui sont déterminés mécaniquement. Si un
+générateur électrique est introduit dans le circuit, l'effet que nous
+venons d'analyser s'effectuera sous l'influence des modifications dans
+le potentiel de ce générateur sous l'influence des effets
+électro-capillaires. Mais si on n'emploie aucun générateur, l'action
+résultera des courants électriques déterminés par l'action
+électro-capillaire elle-même. Dans ce dernier cas, cependant,
+l'appareil doit être construit d'une manière un peu plus délicate,
+pour obtenir des réactions électriques plus sensibles, et voici
+comment M. A. Bréguet décrit son appareil.
+
+«L'appareil consiste dans un tube de verre fin, de quelques
+centimètres de longueur, contenant des gouttes alternées de mercure et
+d'eau acidulée, de façon à constituer autant d'éléments
+électro-capillaires associés en tension. Les deux extrémités du tube
+sont fermées à la lampe, mais laissent pourtant un fil de platine
+prendre contact de chaque côté sur la goutte de mercure la plus
+voisine. Une rondelle de sapin mince est fixée normalement au tube par
+son centre, et permet ainsi d'avoir une surface de quelque étendue à
+s'appliquer sur la coquille de l'oreille quand l'appareil est
+récepteur, et de fournir au tube une plus grande quantité de mouvement
+sous l'influence de la voix, quand l'appareil est transmetteur. Voici
+les avantages que présentent ces sortes d'appareils:
+
+«1º Ils ne nécessitent l'usage d'aucune pile;
+
+«2º L'influence perturbatrice de la résistance d'une longue ligne est
+presque nulle pour ces instruments alors qu'elle est encore
+appréciable avec le téléphone Bell;
+
+«3º Deux appareils à mercure accouplés comme il a été dit plus haut,
+sont absolument corrélatifs, en ce sens que, même des positions
+_différentes_ d'équilibre de la surface du mercure dans l'un d'eux,
+produisent des positions différentes d'équilibre dans l'appareil
+opposé. On peut donc reproduire à distance, sans pile, non-seulement
+des indications fidèles de mouvements pendulaires, comme le fait le
+téléphone de Bell, mais encore l'image exacte des mouvements les plus
+généraux.»
+
+Nous croyons devoir faire toutefois nos réserves à l'égard de cette
+assertion: que la résistance du circuit serait sans influence sur ces
+téléphones. Nous ne le pensons pas et voici pourquoi.
+
+Si j'ai bien compris l'idée de M. A. Bréguet, cette indépendance
+tiendrait à ce que les effets produits ne sont seulement fonction que
+des différences de potentiel déterminées dans les conditions
+d'équilibre électrique du système. Si l'on considère que les courants
+résultant de l'action électrique de l'eau acidulée sur le mercure, se
+trouvent annulés à travers le circuit par l'opposition des deux
+systèmes l'un à l'autre, on comprend aisément que les forces
+électro-motrices développées se trouvent maintenues sur les deux
+appareils à peu près dans les mêmes conditions que sur les pôles de
+deux éléments de pile réunis par leurs pôles de même nom, et pour
+qu'un courant se manifeste il suffit que la tension électrique de
+l'une des sources soit affaiblie ou augmentée; mais alors le courant
+différentiel qui en résulte et qui est seul à agir, est soumis à
+toutes les lois qui régissent la transmission des courants sur les
+circuits et, par conséquent, doit être aussi bien affecté par la
+résistance du circuit que tout autre courant.
+
+
+
+
+MODIFICATIONS APPORTÉES À LA CONSTRUCTION DES TÉLÉPHONES BELL.
+
+
+Les modifications que nous avons étudiées précédemment se rapportent
+au principe même de l'appareil; celles qui nous restent à étudier ne
+sont que des modifications dans la forme et la disposition des
+différents organes qui constituent le téléphone Bell lui-même, et qui
+ont été combinées en vue d'augmenter l'intensité et la netteté des
+sons produits.
+
+
+=Téléphones à diaphragmes multiples.=--Si l'on considère que les
+courants induits déterminés dans un téléphone, résultent des
+mouvements vibratoires du diaphragme, et que ceux-ci sont provoqués
+par les vibrations de la couche d'air interposée entre ce diaphragme
+et l'organe vocal, on en déduit naturellement que si ces vibrations de
+la couche d'air réagissaient sur plusieurs diaphragmes accompagnés
+isolément de leur organe électro-magnétique, on pourrait déterminer
+simultanément plusieurs courants induits qui, étant associés
+convenablement, pourraient fournir des effets d'autant plus intenses
+sur le récepteur, que les sons qui seraient engendrés résulteraient de
+plusieurs sources sonores combinées. Plusieurs inventeurs, en partant
+de ce raisonnement, ont combiné des appareils plus ou moins ingénieux
+que nous allons maintenant passer en revue, sans pouvoir cependant
+indiquer celui qui le premier a réalisé cette idée. Elle est, en
+effet, tellement simple, qu'elle est venue vraisemblablement à
+l'esprit de plusieurs inventeurs au même moment, et nous voyons que
+tandis que M. Trouvé indiquait en France, au mois de novembre 1877, ce
+perfectionnement, on le mettait en essai en Amérique et on le
+discutait en Angleterre, et même on ne le regardait pas, dans ce
+dernier pays, comme appelé à donner des résultats favorables; voici,
+en effet, ce que dit M. Preece à cet égard, dans un mémoire publié par
+lui le 4 avril 1878, et intitulé: _On some physical points connected
+with the telephone._ «Tous ceux qui se sont occupés de perfectionner
+le téléphone n'ont éprouvé que des désappointements et des insuccès
+désespérants. Un des premiers essais de ce genre fut entrepris par M.
+Willmot qui pensait obtenir un bon résultat en augmentant le nombre
+des diaphragmes, des hélices et des aimants, en réunissant les hélices
+en séries et en les faisant agir simultanément afin d'augmenter
+l'énergie des courants développés sous l'influence de la voix; mais
+l'expérience montra que quand l'appareil agissait directement, l'effet
+vibratoire de chacun des diaphragmes décroissait proportionnellement à
+leur nombre, et l'effet général restait le même qu'avec un seul
+diaphragme. L'instrument de M. Willmot a été construit au commencement
+d'octobre 1877, et celui de M. Trouvé n'en est qu'une dérivation.»
+
+D'un autre côté, nous voyons que si, en Angleterre, les téléphones à
+membranes multiples n'ont pas produit de bons résultats, il n'en a pas
+été de même en Amérique, car les téléphones aujourd'hui les plus en
+usage dans ce pays sont précisément ceux de MM. Elisha Gray et Phelps,
+qui sont à plusieurs diaphragmes. Il y a évidemment dans la
+disposition de ces appareils des détails de construction qui peuvent
+paraître insignifiants, théoriquement, et qui ont pourtant une grande
+importance au point de vue pratique, et nous croyons que c'est surtout
+à cette circonstance que les appareils de ce genre doivent leur
+réussite ou leur non réussite. Ainsi, par exemple, il paraît que les
+vibrations de l'air, déterminées dans l'embouchure, doivent être
+dirigées sur les diaphragmes normalement à leur surface et par
+l'intermédiaire de canaux distincts; il faut que les espaces vides
+autour des diaphragmes, soient assez étroits afin d'éviter les échos
+et les interférences, à moins que la caisse ne soit assez grande pour
+que ces effets ne soient pas à craindre. Il faut surtout que les
+matières employées pour la fixation des organes ne soient pas
+susceptibles de jouer, et c'est pour cela qu'on emploie de préférence
+le fer ou l'ébonite. Ce qui paraît certain, c'est que quand l'appareil
+est bien construit, il donne des effets supérieurs aux téléphones
+Bell, et, s'il faut croire le _Telegraphic Journal_, un appareil de ce
+genre expérimenté devant la Société royale de Londres le 1er mai 1878,
+aurait déterminé des effets d'une intensité proportionnelle au nombre
+des diaphragmes. Cet appareil avait été combiné par M. Cox Walker de
+New-York, et possédait huit diaphragmes. C'est d'après lui, la
+disposition qui donne les meilleurs résultats.
+
+
+_Système de M. Elisha Gray._--Le dernier système de M. Elisha Gray,
+que nous représentons fig. 34, est un de ceux qui ont donné les
+meilleurs effets. Il est constitué, comme on le voit, par deux
+téléphones juxtaposés auxquels correspondent deux tuyaux V, issus
+d'une embouchure commune E. L'un de ces téléphones est vu en coupe sur
+la figure, l'autre en élévation, et ils correspondent aux deux
+branches d'un aimant en fer à cheval nickelisé NUS, qui peut servir
+d'anneau pour le suspendre. Dans le côté de la figure qui montre la
+coupe, on peut voir en B la bobine d'induction et en A le noyau
+magnétique qui est en fer doux et vissé sur l'extrémité polaire S de
+l'aimant; la lame vibrante est en LL, et, comme on le voit, le tuyau
+de l'embouchure y aboutit normalement à sa surface.
+
+Dans un autre modèle, il existe quatre téléphones juxtaposés au lieu
+de deux, et il donne des effets encore plus marqués.
+
+
+_Système de M. Phelps._--Ce système n'est qu'une dérivation du
+précédent, mais il y a deux modèles; dans le grand, qui permet
+d'entendre comme si la personne avec laquelle vous entrez en
+correspondance parlait à haute voix et de très-près, les deux
+téléphones sont placés parallèlement l'un devant l'autre et de manière
+à présenter verticalement leur diaphragme. L'intervalle compris entre
+ces deux lames est occupé par un tuyau vertical terminé inférieurement
+par un tuyau horizontal correspondant aux centres des deux
+diaphragmes, et c'est sur ce tuyau qu'est adaptée l'embouchure qui
+ressort extérieurement de la boîte carrée où est renfermé l'appareil.
+Les bobines d'induction et les noyaux magnétiques qui les traversent
+sont placés suivant l'axe du système, et semblent constituer une sorte
+d'axe de roue qui se trouve polarisé par les pôles d'un aimant en fer
+à cheval dont on peut régler la position par rapport à la surface des
+diaphragmes au moyen d'écrous mobiles. On dirait en voyant l'appareil,
+une sorte de tore de gyroscope soutenu par un axe horizontal sur deux
+piliers issus d'un aimant en fer à cheval aplati.
+
+Au-dessus de ce système, se trouve l'appareil magnéto-électrique de la
+sonnerie d'appel, qui n'a d'ailleurs rien de particulier et qui se
+rapproche des avertisseurs allemands dont nous parlerons à la fin de
+cette notice. Cet appareil est remarquable par la force et la netteté
+de ses sons et surtout par l'absence de cette voix de polichinelle si
+désagréable dans les autres téléphones.
+
+Le petit modèle de M. Phelps a la forme d'une tabatière oblongue ou en
+ellipse dont les deux centres sont occupés par deux systèmes
+téléphoniques actionnés par un même aimant. Celui-ci est placé
+horizontalement au-dessous de la tabatière, et ses pôles correspondent
+aux noyaux magnétiques des bobines. Ces noyaux sont constitués par des
+tubes de fer fendus longitudinalement pour faire disparaître les
+réactions d'induction insolites, et les diaphragmes de fer sont
+appuyés sur cinq ressorts à boudin qui tendent à les soulever
+au-dessus du système magnétique. Du côté opposé, ces diaphragmes sont
+munis de bagues en matière demi-élastique, qui empêchent les
+vibrations centrales des lames de se compliquer de celles des bords.
+Sur ces lames est ensuite appliqué le couvercle qui est creusé de
+cavités très-évasées et peu profondes, avec couloirs de communication
+qui constituent la caisse sonore. L'embouchure correspond à l'une des
+cavités, et l'autre est fermée par un petit bouchon métallique que
+l'on retire pour régler l'appareil quand besoin en est. Les vibrations
+de l'air se trouvant transmises par les couloirs aux deux cavités, les
+deux téléphones fonctionnent simultanément quoique, à première vue, un
+seul des téléphones semble être appelé à produire l'effet.
+
+Suivant M. Pope, la perfection de cet appareil tient à la
+simultanéité des effets produits sur les deux appareils, à la petite
+bague semi-élastique qui circonscrit les contours de chaque lame
+vibrante et qui joue le rôle du marteau de l'oreille, c'est-à-dire
+celui d'étouffoir, aux fentes longitudinales du noyau tubulaire
+magnétique et à la petitesse des cavités laissées au-dessus des lames
+vibrantes. L'appareil est d'ailleurs en ébonite et strié sur sa
+surface pour lui donner plus de fixité dans la main.
+
+
+_Système de M. Cox Walker._--Ce système, dont nous avons dit
+précédemment quelques mots, a exactement la disposition de celui de M.
+Elisha Gray. Les aimants qui agissent sur les diaphragmes sont en fer
+à cheval, et des conduits séparés, issus d'une embouchure commune,
+dirigent les vibrations de l'air sur les diaphragmes. Ceux-ci, par
+exemple, ne sont que des parties circonscrites d'un même diaphragme,
+limitées circulairement par des embouchures correspondantes aux
+conduits d'air, et qui sont assez comprimées sur leurs bords pour
+limiter le champ de la vibration.
+
+
+_Système de M. Trouvé._--M. Trouvé a rendu très-simple la disposition
+des téléphones à double diaphragme en combinant son appareil de
+manière à faire réagir sur plusieurs lames l'aimant droit de Bell par
+ses deux pôles à la fois. À cet effet, il emploie un aimant tubulaire
+et enroule l'hélice sur toute sa longueur, comme on le voit fig. 35.
+Cet aimant est maintenu dans une position fixe au centre d'une petite
+boîte cylindrique dont les bases sont taillées de manière à former
+légèrement entonnoir, et ce sont elles qui servent d'embouchure et de
+cornet acoustique. Elles sont en conséquence percées d'un trou central
+plus large en _a_, du côté où l'on parle, que du côté opposé _b_.
+Entre ces bases et les pôles de l'aimant sont disposées deux lames
+vibrantes en fer M, M' dont l'une, M, est percée d'un trou _a_, de
+même diamètre que la partie creuse de l'aimant et plus petit par
+conséquent que celui de l'embouchure. Enfin entre ces deux lames se
+trouve échelonnée une série d'autres lames _n_, _n_, _n_ disposées
+parallèlement de manière à laisser passer, au travers, l'aimant et son
+hélice.
+
+Quand on parle devant l'embouchure _a_, les ondes sonores, en
+rencontrant les bords de la lame M, la mettent en vibration, et
+continuant leur route dans l'intérieur du tube aimant, viennent faire
+vibrer la lame pleine M' qui vibre alors synchroniquement avec la lame
+M. Il en résulte sur l'aimant tubulaire une double action inductrice
+qui se traduit par des courants induits développés dans l'hélice, et
+qui sont d'autant plus énergiques, que chacune des lames renforce les
+effets magnétiques produits au pôle opposé à celui qu'elles
+actionnent, comme cela a toujours lieu avec les aimants droits dont le
+pôle inactif est garni d'une armature. Cet avantage peut même être
+constaté avec les téléphones ordinaires quand on met seulement en
+contact la vis qui tient l'aimant avec une masse de fer doux.
+
+Avec la disposition de M. Trouvé, les courants induits déterminés sont
+donc plus énergiques; mais suivant l'auteur, les sons reproduits
+seraient aussi plus forts par la multiplicité des effets vibratoires
+et par l'amplification des effets magnétiques résultant de la
+disposition plus avantageuse des pièces magnétiques.
+
+«L'oreille placée en _a_, dit M. Trouvé, perçoit directement les sons
+produits par la première lame M, et ceux de la seconde lui arrivent
+par l'intérieur du tube aimant. Cette nouvelle disposition est des
+plus heureuses pour comparer expérimentalement les résultats fournis
+par un téléphone à membrane unique (téléphone Bell), et ceux fournis
+par un téléphone à membranes multiples. En effet, il suffit d'écouter
+alternativement aux deux faces de ce téléphone, pour s'apercevoir
+immédiatement de la différence d'intensité des sons perçus. Ceux
+recueillis en _a_, du côté de la membrane percée, paraissent
+sensiblement doubles en intensité de ceux recueillis en _b_ du côté de
+la membrane pleine qui constitue le téléphone ordinaire.
+
+«La différence est encore plus frappante si, en transmettant ou
+recevant un son invariable d'intensité à travers un téléphone
+multiple, on empêche à plusieurs reprises la membrane pleine M' de
+vibrer.»
+
+Avant cette disposition, M. Trouvé en avait imaginé une autre qu'il
+présenta à l'Académie des sciences, le 26 novembre 1877 et qui est
+celle à laquelle nous avons fait allusion au commencement de ce
+chapitre. Il la décrit en ces termes:
+
+«Pour augmenter l'intensité des effets produits dans le téléphone
+Bell, j'ai substitué à la membrane unique de ce téléphone, une chambre
+cubique dont chaque face, à l'exception d'une, est constituée par une
+membrane vibrante. Chacune de ces membranes, mise en vibration par le
+même son, influence un aimant fixe également muni d'un circuit
+électrique. De cette sorte, en associant tous les courants engendrés
+par ces aimants, on obtient une intensité unique qui croît
+proportionnellement au nombre des aimants influencés. On peut
+remplacer le cube par un polyèdre dont les faces seraient formées d'un
+nombre indéfini de membranes vibrantes afin d'obtenir l'intensité
+voulue.»
+
+
+_Système de M. Demoget._--Plusieurs autres systèmes de téléphones à
+membranes multiples ont encore été proposés:
+
+L'un d'eux, imaginé par M. Demoget, consiste à placer en avant et à un
+millimètre de la plaque vibrante du téléphone ordinaire de Bell, une
+ou deux plaques vibrantes semblables, en ayant soin de percer dans la
+première et au centre, un orifice circulaire d'un diamètre égal à
+celui du barreau aimanté, et dans la seconde un orifice d'un diamètre
+plus grand.
+
+Suivant l'auteur, on augmente ainsi non-seulement l'intensité des sons
+transmis, mais encore leur netteté.
+
+«Par cette disposition, dit M. Demoget, la masse vibrante magnétique
+en regard de l'aimant étant plus grande, la force électro-motrice des
+courants engendrés est augmentée, et par conséquent les vibrations des
+plaques du deuxième téléphone sont plus perceptibles.»
+
+
+=Modifications dans la disposition des organes téléphoniques.=--Les
+formes que l'on a données au téléphone Bell ont été, comme on l'a déjà
+vu, très-diversifiées, mais celles que l'on a adoptées pour ses
+organes constituants l'ont été encore plus, sans amener de notables
+améliorations. Voici ce que dit à cet égard M. Preece dans le travail
+intéressant dont nous avons parlé plus haut: «En augmentant ou en
+variant les dimensions et la force des aimants, on n'a obtenu que peu
+ou point d'améliorations, et le plus grand effet obtenu a été réalisé
+par l'emploi d'aimants en fer à cheval disposés comme l'a indiqué Bell
+lui-même. Le téléphone a certainement été introduit en Europe avec sa
+disposition théorique la plus parfaite, quoique Bell travaille encore
+à l'améliorer.» Cet avis est aussi celui de M. Hellesen qui a fait
+comme M. Preece beaucoup d'expériences à cet égard, ce qui n'empêche
+pas beaucoup de personnes d'annoncer qu'ils ont découvert le moyen de
+faire parler un téléphone devant toute une assemblée. De ce nombre
+nous citerons M. Righi de Milan, qui prétend avoir obtenu de
+merveilleux résultats; mais nous avons vu que M. Bell y était
+également parvenu. Si ce n'est le microphone de M. Hughes, nous ne
+voyons pas de progrès bien marqués réalisés dans ces nouvelles
+inventions.
+
+Néanmoins nous croyons utile d'indiquer les dispositions nouvelles qui
+ont été proposées, et parmi elles nous en citerons une dans laquelle,
+au lieu d'un aimant droit, on emploie un aimant en fer à cheval, entre
+les pôles duquel est placée la lame vibrante. Ces pôles sont, à cet
+effet, munis de semelles de fer, et l'une d'elles est percée d'un
+trou, qui correspond à l'embouchure de l'appareil. Les deux branches
+de l'aimant sont d'ailleurs munies d'hélices magnétisantes. Quand on
+parle à travers le trou, la lame en vibrant détermine dans les deux
+hélices des courants induits qui seraient de sens contraire si les
+deux pôles étaient de même nom, mais qui se trouvent être de même
+sens, en raison de la nature contraire des pôles magnétiques. La lame
+vibrante joue alors le même rôle que les deux lames de l'appareil de
+M. Trouvé, que nous avons décrit précédemment.
+
+D'un autre côté, un inventeur anonyme, dans une petite note insérée
+dans les _Mondes_, du 7 février 1878, écrit ce qui suit: «L'intensité
+des courants produits dans le téléphone, étant proportionnelle à la
+masse de fer doux qui vibre devant le pôle de l'aimant, et d'autre
+part, la plaque étant d'autant plus sensible qu'elle est plus mince,
+j'emploie, au lieu de la plaque ordinaire, une plaque réduite par
+l'acide azotique à la plus faible épaisseur, et je la fixe à un cercle
+de fer doux qui la tient tendue et fait corps avec elle. Ce cercle se
+trouve logé dans une ouverture circulaire ménagée à l'intérieur du
+pavillon. Pour un même téléphone, l'intensité est très-sensiblement
+augmentée quand on ajuste un système semblable à la place de la plaque
+ordinaire, ne fut-ce qu'à une des extrémités de la ligne.»
+
+Afin de permettre d'employer des lames vibrantes d'une épaisseur
+extrêmement faible, M. E. Duchemin a imaginé de mettre à contribution
+des lames de mica très-minces, saupoudrées de fer porphyrisé qu'il
+fixe au moyen d'une couche de silicate de potasse. On pourrait,
+d'après l'auteur, correspondre à voix basse avec ce système, mais on
+aurait l'inconvénient de crever la lame en parlant trop haut.
+
+M. le professeur Jorgensen, de Copenhague, a construit aussi un
+téléphone Bell produisant des sons très-intenses et qui lui a permis
+de constater des effets très-curieux. Dans cet appareil, l'aimant est
+constitué d'une manière analogue aux électro-aimants tubulaires de
+Nicklès. C'est d'abord un aimant cylindrique muni à sa partie
+supérieure d'un noyau de fer doux sur lequel est adaptée la bobine;
+puis un tube aimanté constitué par une bague d'acier qui enveloppe le
+premier système magnétique et qui est relié avec celui-ci par une
+culasse de fer. Enfin, au-dessus des extrémités polaires de ce
+système, se trouve la lame vibrante qui est disposée comme dans les
+téléphones ordinaires, et qui présente une grande surface. Quand cette
+lame n'avait qu'un millimètre d'épaisseur, on pouvait entendre la
+parole dans toute une chambre; mais quand on mettait l'oreille près de
+la lame vibrante, les sons n'avaient plus aucune netteté; la parole
+était confuse et semblait répercutée comme quand on parle dans un
+espace trop sonore et sujet à produire beaucoup d'échos; on était en
+un mot étourdi par les sons produits. En prenant une plaque plus
+épaisse de 3 ou 4 millimètres, par exemple, le téléphone ne produisait
+plus que les effets des téléphones ordinaires, et il fallait mettre
+l'oreille contre l'instrument.
+
+M. Marin Maillet, de Lyon, a de son côté imaginé, pour augmenter les
+sons reproduits par le téléphone, de les faire réfléchir par un
+certain nombre de réflecteurs qui, en les concentrant à leur foyer sur
+un résonnateur pouvaient les amplifier considérablement. Cette idée
+n'ayant pas été accompagnée d'expériences ne présente à la vérité rien
+de sérieux.
+
+
+
+
+EXPÉRIENCES RELATIVES AU TÉLÉPHONE.
+
+
+Depuis les expériences de M. Bell rapportées dans la première partie
+de ce travail, bien des essais ont été entrepris par divers savants et
+divers inventeurs pour étudier les effets produits dans ce curieux
+instrument, en bien préciser la théorie et en déduire des
+perfectionnements pour sa construction. Nous allons passer
+successivement en revue ces différentes recherches.
+
+
+=Expériences sur les effets produits par les courants voltaïques et
+les courants induits.=--L'une des premières et des plus importantes a
+été l'étude comparative des effets produits dans le téléphone par les
+courants voltaïques et les courants induits. Dès l'année 1873, M.
+Elisha Gray avait, comme on l'a vu, transformé les courants voltaïques
+qu'il employait pour faire vibrer les lames de son transmetteur, en
+courants induits, par l'intermédiaire d'une bobine d'induction
+analogue à celle de Ruhmkorff. Les courants voltaïques traversaient
+alors l'hélice primaire de la bobine, et c'étaient les courants
+induits qui réagissaient sur l'appareil récepteur en déterminant sur
+les systèmes électro-magnétiques qui le composaient les vibrations
+provoquées au poste de transmission. Quand M. Edison combina son
+système de téléphone à pile, il eut recours au même moyen pour
+actionner son téléphone récepteur, parce qu'il avait reconnu lui-même
+que les courants induits étaient plus avantageux que les courants
+voltaïques. Mais cette particularité du dispositif de M. Edison
+n'avait pas été bien comprise d'après les descriptions parvenues en
+Europe; de sorte que plusieurs personnes ont cru avoir imaginé cette
+disposition avantageuse, et parmi elles nous citerons le colonel Navez
+et MM. Pollard et Garnier.
+
+Le colonel Navez, dans une note intéressante sur un système nouveau de
+téléphone présenté à l'Académie royale de Belgique le 2 février 1878,
+ne fait qu'indiquer cette disposition comme moyen de reproduire la
+parole à de longues distances; mais il ne cite aucune expérience qui
+montre nettement les avantages de cette combinaison. MM. Pollard et
+Garnier vingt jours après M. Navez, et sans avoir eu connaissance du
+travail de ce dernier, m'ont envoyé les résultats qu'ils avaient
+obtenus par un moyen semblable, et ces résultats m'ont paru si
+intéressants que j'en ai fait l'objet d'une communication à
+l'Académie des sciences, le 25 février 1878. Pour qu'on puisse être
+bien fixé sur l'importance de ces résultats, je vais rapporter
+textuellement ce qu'en dit M. Pollard dans la lettre qu'il m'a écrite
+le 20 février 1878.
+
+«Dans le but d'accroître les variations de l'intensité électrique dans
+le système d'Edison, nous faisons passer le courant dans le circuit
+inducteur d'une petite bobine de Ruhmkorff, et nous adaptons le
+téléphone récepteur aux extrémités du fil induit. Le courant reçu a
+alors pour intensité la dérivée de celle du courant inducteur, et par
+suite, les variations produites dans le courant actionnant le
+téléphone ont beaucoup plus d'amplitude. L'intensité des sons transmis
+est fortement augmentée, et la valeur de cette augmentation dépend du
+rapport entre les nombres des tours de spires des circuits inducteurs
+et induits. Les essais que nous faisons pour déterminer les meilleures
+proportions sont pénibles, puisqu'il faut faire autant de bobines que
+d'expériences; jusqu'ici nous avons obtenu d'excellents résultats avec
+une petite bobine de Ruhmkorff réduite à sa plus simple expression,
+c'est-à-dire sans condensateur ni interrupteur. Le fil inducteur est
+du nº 16 et forme 5 couches; le fil induit est du nº 32 et forme 20
+couches. La longueur de la bobine est de 10 centimètres.
+
+«L'expérience la plus remarquable et la plus saisissante est la
+suivante: en faisant fonctionner le transmetteur avec un seul élément
+Daniell, on n'obtient rien d'appréciable à la réception, du moins dans
+le téléphone que j'ai construit, quand il est adapté directement au
+circuit. En intercalant la petite bobine d'induction, on perçoit alors
+les sons avec une grande netteté et une intensité égale à celle des
+bons téléphones ordinaires. L'amplification est alors considérable et
+très nettement accusée. Comme le courant de pile est alors peu
+intense, les pointes de plombagine ne s'usent pas, et le réglage
+persiste longtemps. En employant une pile plus énergique, six éléments
+au bichromate de potasse (en tension) ou douze éléments Leclanché, on
+obtient, par l'action directe, une intensité suffisante pour percevoir
+les sons un peu plus faiblement qu'avec les téléphones ordinaires;
+mais en intercalant la bobine d'induction, on a alors des sons bien
+plus intenses et qui peuvent être entendus à 50 ou 60 centimètres de
+l'embouchure. Des chants peuvent, dans ces mêmes circonstances, être
+entendus à plusieurs mètres; mais le rapport d'amplification ne paraît
+pas jusqu'ici être aussi grand que pour le cas d'un seul élément
+Daniell.»
+
+D'un autre côté, on voit dans les _Mondes_ du 7 mars 1878, la
+description d'une série d'expériences faites par M. Luvini, professeur
+de physique à l'académie militaire de Turin qui montrent que
+l'introduction d'électro-aimants dans le circuit réunissant deux
+téléphones augmente assez sensiblement l'intensité du son. En en
+plaçant un près du téléphone transmetteur, l'autre près du téléphone
+récepteur, on obtient le maximum d'effet, et l'introduction d'un plus
+grand nombre de ces organes ne produit rien d'utile. Le fil inducteur
+d'une bobine de Ruhmkorff introduit dans le circuit dont il vient
+d'être question, n'a provoqué aucun effet d'induction sensible dans le
+circuit induit, et par conséquent n'a pu faire fonctionner le
+téléphone correspondant à ce circuit. En revanche, le courant d'une
+machine de Clarke détermine des sons prononcés qui ressemblent assez à
+des coups de caisse et sont assourdissants quand l'oreille est
+appliquée contre l'instrument; mais ils deviennent très-faibles à un
+mètre de distance. Les courants d'une machine de Ruhmkorff donnent des
+effets encore plus énergiques: le son remplit toute une chambre. En
+modifiant la position du marteau de la bobine, le son passe par des
+tons différents qui sont toujours à l'unisson des interruptions du
+courant, du moins jusqu'à une certaine hauteur de ton.
+
+Cette propriété des courants induits de la bobine de Ruhmkorff a
+permis à M. Gaiffe d'obtenir, par leur intermédiaire, un moyen
+très-facile de réglage pour les téléphones afin de les placer dans
+leurs conditions de maximum de sensibilité. Il met pour cela à
+contribution un de ses appareils d'induction à hélices mobiles et à
+intensités graduées dans le circuit duquel il interpose le téléphone à
+régler. Les sons résultant du vibrateur se trouvent alors répercutés
+par le téléphone, et s'entendant à distance de l'instrument, on peut
+au moyen d'un tournevis, réagir sur la vis à laquelle est fixée
+l'extrémité libre du barreau aimanté de l'appareil. En la serrant ou
+en la desserrant, on rapproche ou on éloigne l'autre extrémité de ce
+barreau de la lame vibrante du téléphone, et on répète ces essais
+jusqu'à ce qu'on soit arrivé à obtenir le maximum de l'intensité du
+son.
+
+D'un autre côté, comme les sons rendus par les deux téléphones en
+correspondance sont d'autant plus intenses que les vibrations produites
+par eux se rapprochent plus de l'unisson, il est nécessaire de les
+choisir de manière à émettre les mêmes sons pour une même note donnée,
+et le moyen indiqué précédemment peut être très-avantageusement employé;
+car il suffit de noter ceux de ces appareils qui, pour un même réglage
+de la machine d'induction, donnent la même note dans les conditions de
+maximum de sensibilité. Un bon accouplement des deux téléphones en
+correspondance est non-seulement très-important au point de vue de la
+netteté des transmissions, mais il doit être encore considéré par
+rapport à la hauteur de la voix de ceux qui sont destinés à en faire
+usage. Plus cette hauteur est en rapport avec celle des sons produits
+par les appareils, mieux les sons sont perçus; c'est pourquoi il est des
+téléphones qui résonnent beaucoup mieux avec la voix des enfants et des
+femmes qu'avec la voix des hommes, tandis que l'inverse a lieu pour
+d'autres.
+
+Les vibrations des téléphones sont très-différentes d'un appareil à
+l'autre, et les moyens que nous venons d'indiquer permettent
+facilement de s'en rendre compte.
+
+Si on place dans le circuit induit d'une bobine d'induction reliée à
+un téléphone, un condensateur de grande surface et que l'on éloigne
+assez le contact de plombagine de la lame vibrante pour ne la toucher
+que momentanément à chaque vibration, on ne reçoit plus naturellement
+les articulations des sons, mais seulement les notes d'un air que l'on
+chante devant la plaque du transmetteur; seulement le courant
+inducteur ayant des interruptions brusques, engendre des courants
+induits très-intenses, et suivant MM. Pollard et Garnier, on entend
+dans tout un appartement l'air chanté, mais avec un timbre particulier
+qui dépend de la construction du téléphone et du condensateur.
+
+Les avantages des courants induits dans les transmissions
+téléphoniques se comprennent aisément, si l'on réfléchit que les
+variations de résistance du circuit qui résultent de la plus ou moins
+grande amplitude des vibrations de la lame transmettrice étant des
+valeurs constantes, ne peuvent manifester distinctement leurs effets
+que sur des circuits courts; par conséquent les articulations des sons
+qui en résultent, doivent ne plus être très-appréciables sur des
+circuits très-résistants. Toutefois, si on considère que d'après les
+expériences de M. Warren de la Rue (voir le _Telegraphic journal_ du
+1er mars 1878, p. 97), les courants produits par les vibrations de la
+voix dans un téléphone ordinaire, représentent en intensité ceux d'un
+élément Daniell traversant 100 megohms de résistance (soit 10 000 000
+de kilomètres de fil télégraphique), on peut comprendre qu'il y a
+autre chose à considérer dans les effets avantageux des courants
+induits que la simple question d'intensité plus ou moins grande des
+courants agissant sur le téléphone récepteur. Avec une pile énergique,
+il est évident, en effet, que les courants différentiels qui agiront
+seront toujours plus intenses que les courants induits déterminés par
+le jeu de l'instrument. Je ne serais pas, quant à moi, éloigné de
+croire que c'est surtout à leurs inversions successives et à leur
+faible durée, que les courants induits doivent les avantages qu'ils
+présentent. Ces courants en effet dont la durée ne dépasse guère,
+suivant M. Blaserna, 1/200 de seconde, se prêtent beaucoup mieux que
+les courants voltaïques aux vibrations multipliées qui sont le propre
+des vibrations phonétiques, et cela d'autant mieux que les inversions
+successives qui se produisent, déchargent la ligne, renversent les
+effets magnétiques et contribuent à rendre les actions plus nettes et
+plus promptes. On ne doit donc pas s'étonner si les courants induits
+de la bobine d'induction, qui peuvent se produire dans des conditions
+excellentes au poste de transmission, puisque le circuit du courant
+voltaïque est alors très-court, soient capables de fournir des
+résultats non-seulement plus avantageux que les courants voltaïques
+qui leur donnent naissance, mais même que les courants induits
+résultant du jeu des téléphones Bell, puisqu'ils sont infiniment plus
+énergiques.
+
+Quant aux effets relativement considérables produits par les courants
+si minimes des téléphones Bell, ils s'expliquent facilement par cette
+considération que, prenant naissance sous l'influence même des
+vibrations de la lame téléphonique, leurs variations d'intensité
+conservent toujours le même rapport, quelle que soit la résistance du
+circuit, et ne sont pas, en conséquence, effacées par la distance
+séparant les deux téléphones.
+
+
+=Expériences sur le rôle des différents organes d'un téléphone dans la
+transmission de la parole.=--Pour pouvoir apporter au téléphone tous
+les perfectionnements dont il est susceptible, le point important
+était d'être bien fixé sur la nature des effets déterminés dans les
+différentes parties qui le composent et sur le rôle joué par les
+différents organes qui s'y trouvent mis en jeu. C'est pour être fixé à
+cet égard qu'un certain nombre de savants et de constructeurs ont
+entrepris une série d'expériences qui ont fourni de très-intéressantes
+indications.
+
+L'un des points les plus intéressants à élucider était celui de savoir
+si la lame vibrante dont MM. Bell et Gray ont muni leur récepteur
+téléphonique, détermine à elle seule les vibrations complexes qui
+reproduisent la parole, ou bien si les différentes parties du système
+électro-magnétique de l'appareil concourent toutes à cet effet. Les
+expériences faites dès l'année 1837 par M. Page sur les sons produits
+par les tiges électro-magnétiques résonnantes, et les recherches
+entreprises en 1846 par MM. de la Rive, Wertheim, Matteucci, etc. sur
+ce phénomène curieux, permettaient certainement de poser la question,
+et nous verrons à l'instant qu'elle est beaucoup plus complexe qu'on
+ne pourrait le croire à première vue.
+
+Pour avoir un point de départ fixe, il fallait avant tout reconnaître
+si un téléphone dépourvu de lame vibrante peut reproduire la parole.
+Les expériences faites dès le mois de novembre 1877 par M. Edison[16]
+avec des téléphones munis d'un diaphragme en cuivre, téléphones qui
+avaient pu cependant fournir des sons, pouvaient le faire croire, et
+ces expériences confirmées par M. Preece et surtout par M. Blyth,
+donnaient plus de poids à cette hypothèse; mais, quand M. Spottiswoode
+eut assuré, (voir le _Telegraphic-Journal_ du 1er mars 1878, p. 95)
+que l'on pouvait supprimer entièrement la lame vibrante d'un téléphone
+sans empêcher la transmission de la parole, pourvu que l'extrémité
+polaire de l'aimant fût placée très-près de l'oreille, le doute ne fut
+plus permis, et c'est alors que je présentai à l'Académie des sciences
+ma note sur la théorie du téléphone qui provoqua bientôt de la part de
+MM. Navez et Luvini une discussion intéressante dont je parlerai à
+l'instant. On voulut d'abord nier l'authenticité de ces résultats,
+puis on chercha à expliquer les sons entendus par M. Spottiswoode par
+une transmission mécanique des vibrations effectuée de la même manière
+que dans les téléphones à ficelle; mais de nombreuses expériences
+entreprises depuis par MM. Warwich, Rossetti, Hughes et beaucoup
+d'autres ont montré qu'il n'en était pas ainsi, et qu'un téléphone
+sans diaphragme pouvait transmettre électriquement la parole.
+
+ [Note 16: Voici un extrait d'une lettre de M. Edison
+ relative à ces expériences et qui est datée du 25 novembre
+ 1877.
+
+ «J'ai construit, dit-il, un couple de téléphones fonctionnant
+ avec des diaphragmes de cuivre et qui est basé sur les effets
+ du magnétisme de rotation d'Arago. J'ai reconnu qu'un
+ diaphragme de cuivre peut remplacer la lame de fer, dans
+ l'appareil de Bell, si le cuivre a seulement 1/32 de pouce
+ d'épaisseur. L'effet produit est très-petit quand le
+ diaphragme de cuivre existe dans les deux appareils en
+ correspondance, mais quand l'un de ces appareils, le
+ récepteur, conserve la disposition ordinaire et que le
+ téléphone transmetteur seul est muni de la lame de cuivre, on
+ peut parler des deux côtés avec facilité.»
+
+ M. Preece a répété ces expériences, mais il n'a obtenu que
+ des effets extrêmement faibles et à peine distincts; il
+ croit, en conséquence, qu'ils ne peuvent être d'aucune
+ utilité pour la pratique, mais qu'ils sont très-intéressants
+ au point de vue théorique.]
+
+M. Navez lui-même qui, dans l'origine, avait nié le fait, convient
+aujourd'hui qu'un téléphone sans diaphragme peut émettre des sons, et,
+même dans certaines conditions exceptionnelles de phonation et
+d'audition téléphonique, reproduire la voix humaine; mais il croit
+toujours que l'on ne peut reconnaître s'il y a ou non articulation des
+mots.
+
+Cette incertitude dans les résultats obtenus par les différents
+physiciens qui se sont occupés de cette question prouve, toutefois,
+que les sons ainsi reproduits ne sont pas très-accentués et que, dans
+des phénomènes physiques appréciables seulement à nos sens, la
+constatation d'un effet peu accentué dépend surtout de la perfection
+de nos organes. Nous verrons à l'instant comment cet effet si faible
+peut se développer dans de grandes proportions par suite de la
+disposition adoptée par MM. Bell et Gray.
+
+Un second point était encore à éclaircir. Il s'agissait de savoir si
+le diaphragme d'un téléphone vibre réellement, ou du moins si ses
+vibrations peuvent entraîner son déplacement, comme cela a lieu dans
+un trembleur électrique ou un instrument à anches que l'on fait vibrer
+par un courant d'air. M. Antoine Bréguet a fait à cet égard des
+expériences intéressantes qui ont montré que ce mouvement n'était pas
+admissible, car il a pu faire parler très-distinctement des téléphones
+avec des lames vibrantes de toutes les épaisseurs, et il a poussé les
+expériences jusqu'à employer des lames de 15 centimètres d'épaisseur.
+La superposition sur ces lames épaisses de morceaux de bois, de
+caoutchouc et en général de substances quelconques n'empêchait pas
+l'effet de se produire. Or on ne peut admettre dans ce cas que les
+lames puissent être animées d'un mouvement de va-et-vient. J'ai
+d'ailleurs constaté en superposant une couche d'eau ou de mercure sur
+ces lames et même sur des diaphragmes minces, qu'aucun mouvement
+sensible ne les animait, du moins en n'employant, comme source
+électrique, que les courants induits déterminés par l'action de la
+parole. Aucunes rides ne se distinguaient à la surface de la couche
+liquide, même quand pour les apercevoir on employait des appareils à
+réflexion lumineuse. Comment d'ailleurs pourrait-on admettre qu'un
+courant qui n'est pas plus intense que celui d'un élément de Daniell
+ayant traversé dix millions de kilomètres de fil télégraphique,
+courant qui ne peut fournir de déviation que sur un galvanomètre
+Thomson, et encore en admettant que le courant a été provoqué en
+appuyant le doigt sur le diaphragme, ait une énergie suffisante pour
+faire vibrer mécaniquement par attraction une lame de fer aussi tendue
+que l'est celle d'un téléphone!!!
+
+Il résulte toutefois d'expériences photographiques très-précises, que
+des vibrations sont produites par le diaphragme d'un téléphone
+récepteur; elles sont infiniment petites, si l'on veut, mais elles
+sont, suivant M. Blake, suffisantes pour qu'un index très-léger, porté
+par ce diaphragme, puisse fournir quelques petites inflexions sur une
+ligne décrite par lui sur un enregistreur. Toutefois, de ce qu'un
+petit mouvement de vibration existe sur ce diaphragme, il ne s'ensuit
+pas qu'il doive être rapporté à un effet d'attraction, car il peut
+résulter d'une vibration déterminée par l'action même de la
+magnétisation au sein du diaphragme[17].
+
+ [Note 17: Suivant M. J. Bosscha, qui a publié dans les
+ _Archives néerlandaises_, T. XIII, un mémoire
+ très-intéressant sur l'intensité des courants électriques du
+ téléphone, l'intensité minima de courant nécessaire pour
+ fournir un son dans un téléphone par la vibration de son
+ diaphragme, pourrait être au-dessous de un cent millième de
+ celle d'un élément Daniell, et le déplacement du centre du
+ diaphragme pourrait être alors invisible, car il ne serait
+ guère que de 2,5 millionièmes de millimètre pour une
+ intensité de courant n'étant que un dix-millième de
+ l'intensité du même élément Daniell. Quant à l'amplitude des
+ mouvements produits par le diaphragme sous l'influence de la
+ voix, il n'a pu la mesurer exactement, mais il la croit
+ inférieure à un millième de millimètre, et il en résulterait
+ que, pour un son de 880 vibrations, l'intensité des courants
+ induits développés serait 0,0000792 de l'unité d'intensité
+ électro-magnétique.]
+
+Voici, du reste, une expérience très-intéressante de M. Hughes,
+répétée d'ailleurs dans d'autres conditions par M. Millar, qui prouve
+bien en faveur de notre opinion.
+
+Si l'aimant d'un téléphone récepteur est constitué par deux barreaux
+aimantés parfaitement égaux, séparés l'un de l'autre par un isolant
+magnétique, et qu'on les place dans la bobine de manière à présenter
+en face du diaphragme tantôt des pôles de même nom, tantôt des pôles
+contraires, on reconnaît que le téléphone reproduit mieux la parole
+dans ce dernier cas que dans le premier. Or, si les effets étaient
+attractifs il n'en serait pas ainsi, car les actions sont en
+discordance quand des pôles de noms contraires sont soumis à une même
+action électrique, tandis qu'elles sont conspirantes dans un même sens
+quand ces pôles sont de même nom.
+
+D'un autre côté, on reconnaît que si on emploie plusieurs lames de
+fer superposées pour constituer le diaphragme d'un téléphone
+récepteur, la transmission des sons est beaucoup plus forte que quand
+le diaphragme est simple, et pourtant l'attraction, si tant est
+qu'elle pût se faire, ne pourrait se produire que sur l'un des
+diaphragmes.
+
+Une expérience très-intéressante de M. A. Bréguet a montré encore que
+les différentes parties constituantes d'un téléphone, aussi bien le
+manche, les bornes de cuivre, la coquille que la plaque et le barreau
+aimanté, peuvent transmettre les sons; et pour arriver à constater ce
+résultat, M. Bréguet a employé des téléphones à ficelle dont il
+attachait le fil en différents points du téléphone expérimenté. Il a
+pu de cette manière non-seulement établir une correspondance entre une
+personne faisant agir le téléphone électrique et une autre écoutant
+dans le téléphone à ficelle, mais encore faire parler plusieurs
+téléphones à ficelle, reliés en plusieurs points du téléphone
+électrique.
+
+Ces deux séries d'expériences montrent que des sons peuvent être
+obtenus des diverses parties d'un téléphone sans mouvements
+vibratoires très-appréciables; mais M. J. Luvini a voulu s'en assurer
+d'une manière plus nette encore, en examinant si définitivement
+l'aimantation d'un corps magnétique suivie de sa désaimantation
+entraînerait une variation dans la forme et les dimensions de ce
+corps. Il a en conséquence fait construire un grand électro-aimant
+tubulaire qu'il remplissait d'une assez grande quantité d'eau pour
+que, ses deux extrémités étant bouchées, le liquide pût apparaître
+dans un tube capillaire adapté à l'un des bouchons. De cette manière,
+les plus petites variations dans la capacité de la partie creuse de
+l'électro-aimant étaient accusées par une ascension ou une descente de
+la colonne liquide. Or, en faisant traverser l'électro-aimant par un
+courant électrique de différente intensité, il n'a jamais observé
+aucun changement dans le niveau de l'eau dans le tube. Avec cette
+disposition il pouvait mesurer pourtant un changement de volume de
+1/30 de millimètre cube. Donc, il résulte de ces effets, que les
+vibrations produites dans un corps magnétique sous l'influence
+d'aimantations et de désaimantations successives, sont _tout à fait
+moléculaires_. Nous examinerons à l'instant comment ces différentes
+déductions peuvent être interprétées pour que l'on puisse comprendre
+la véritable théorie du téléphone; mais avant d'entamer cette étude
+nous devrons indiquer encore quelques autres expériences qui ont aussi
+leur intérêt.
+
+Nous avons vu que MM. Edison, Blyth et Preece avaient fait des
+expériences qui ont montré que des sons pouvaient être reproduits par
+un téléphone dont le diaphragme était constitué avec une matière non
+magnétique, mais ils ont fait voir aussi, chose plus curieuse encore,
+que ces sons pouvaient être transmis sous l'influence de courants
+induits provoqués par ces diaphragmes mis en vibration devant
+l'aimant. Déjà MM. Edison et Blyth avaient avancé ce fait, mais M.
+B.-W. Warwich, dans un article publié dans l'_English-mecanic_ (voir
+les _Mondes_ du 2 mai 1878), l'a confirmé malgré l'incrédulité qui
+avait accueilli cette nouvelle; «Il semblerait, dit-il, que pour agir
+sur l'aimant de manière à produire des courants induits, quelque chose
+doit d'abord vibrer d'une manière quelconque et être en possession de
+plus de force vive qu'un gaz; mais il n'est pas nécessaire que la
+substance soit magnétique, car les corps diamagnétiques agissent
+très-bien[18].» M. Preece en avait recherché la cause dans les
+courants induits développés dans un corps conducteur quelconque quand
+on fait mouvoir devant lui un aimant, courants qui donnent lieu au
+phénomène découvert par Arago et connu sous le nom de _magnétisme de
+rotation_. Ces faits toutefois ne nous paraissent pas encore assez
+bien établis pour qu'on puisse s'occuper sérieusement de leur théorie,
+et il pourrait se faire que les effets observés fussent la conséquence
+de simples transmissions mécaniques.
+
+ [Note 18: Voici comment ces expériences sont décrites par
+ l'auteur: les aimants employés avaient à peu près les
+ dimensions ordinaires, 1 pouce 1/2 de diamètre, et une
+ longueur environ huit fois aussi grande. On s'est servi
+ d'abord de plaques de fer; mais elles n'étaient nullement
+ nécessaires. Mettant de côté ces plaques, j'ai essayé
+ naturellement un certain nombre de substances: d'abord une
+ plaque mince d'étain qui convenait parfaitement et pour
+ transmetteur et pour récepteur. Une plaque de tôle de 1/10
+ d'épaisseur environ n'opérait pas aussi bien, mais tout ce
+ qu'on disait était parfaitement compris. En faisant les
+ expériences avec ces plaques, on les mettait simplement au
+ haut de l'instrument sans qu'elles y fussent fixées en aucune
+ manière; le pavillon en bois du sommet et la cavité conique a
+ été aussi mis de côté, parce que la transmission et la
+ réception se faisaient également sans elles. Cette partie de
+ l'instrument semble superflue, car le son, lorsque la simple
+ plaque est appuyée à plat contre l'oreille, paraît plus fort
+ à cause de sa plus grande proximité. Maintenant, les plaques
+ de fer ne paraissent pas être absolument nécessaires, quoique
+ le fer agisse mieux qu'aucune autre chose, et que les
+ substances diamagnétiques agissent aussi très-bien. Désirant
+ que mon assistant qui était à une certaine distance et ne
+ pouvait en aucune manière percevoir un son direct, continuât
+ de compter pendant quelque temps, j'ai enlevé la plaque de
+ fer et mis en travers de l'instrument un large barreau de
+ fer, de 1/1 de pouce d'épaisseur. En plaçant mon oreille
+ contre lui, j'ai entendu chaque nombre distinctement, mais un
+ peu affaibli. Un morceau carré de cuivre, de 3/3 de pouce, a
+ été mis en place; le son quoique distinct, n'était pas aussi
+ fort que précédemment. Des morceaux épais de plomb, de zinc
+ et d'acier ont été tour à tour essayés. L'acier agit à peu
+ près comme le fer, et, comme dans les autres cas, chaque mot
+ prononcé était faiblement et distinctement entendu.
+ Quelques-uns de ces métaux étaient diamagnétiques, et
+ cependant l'action se produisait. Des substances non
+ métalliques ont été ensuite essayées; d'abord un morceau de
+ verre de vitre; il opérait vraiment très-bien. Avec du bois,
+ un morceau d'une boîte à allumettes, l'action était faible;
+ mais en plaçant des morceaux d'une épaisseur graduellement
+ croissante, le son augmentait sensiblement, et avec un
+ morceau grossier de bois de 1 pouce 1/2 d'épaisseur, le son
+ était parfaitement distinct. J'ai mis ensuite en place une
+ boîte vide en bois; elle agissait très-bien. Un morceau de
+ liège épais de 1/2 pouce agissait, mais un peu faiblement. Un
+ bloc de pierre à rasoir, épais de 2 pouces, a été placé sur
+ l'instrument, et en appliquant l'oreille contre lui, on
+ pouvait suivre facilement celui qui parlait. Alors j'ai
+ essayé sans qu'il y eût rien d'interposé, et j'ai placé mon
+ oreille tout contre l'aimant et la bobine, et, ce qui est
+ vraiment très-curieux, sans aucune plaque vibrante, j'ai pu
+ entendre faiblement, et en écoutant attentivement j'ai pu
+ comprendre tout ce qu'on disait. La chose a été répétée
+ plusieurs fois: la transmission mécanique du son était
+ impossible, car beaucoup de mètres de fil étaient couchés sur
+ le sol, et cependant sans qu'il y eût rien d'interposé
+ (excepté de l'air) entre mon oreille et l'extrémité de
+ l'aimant, j'ai pu comprendre ce qui était dit. Dans toutes
+ ces expériences, les sons ont été perçus, mais les sons
+ transmis ou essayés agissaient un peu différemment. Un
+ diapason, qu'on faisait sonner et qu'on plaçait sur la plaque
+ même de fer ou sur le bois de l'instrument était entendu
+ clairement; pour la parole, les plaques minces de fer
+ agissaient mieux. Avec d'autres corps, la pierre, le bois
+ épais, le verre, le zinc, etc., le son du diapason était
+ entendu, soit qu'il reposât sur eux, soit qu'on tînt sur eux
+ la branche vibrante. Ces corps épais ne convenaient pas pour
+ transmettre le son de la voix. Tous ont été mis de côté, et
+ l'instrument sonore a été tenu directement sur le pôle de
+ l'aimant; le son a été clairement entendu, quoiqu'il n'y eût
+ rien d'interposé, excepté l'air, entre le diapason et
+ l'extrémité de l'aimant. L'intensité du son n'était peut-être
+ pas aussi grande quand le diapason posait directement sur le
+ pôle que quand il était tenu sur l'extrémité de l'aimant.
+ J'ai ensuite essayé si ma voix serait entendue avec cet
+ arrangement. Le résultat a été un peu douteux, mais je pense
+ que quelque action a dû se produire, car le diapason était
+ entendu lorsqu'il vibrait simplement dans le voisinage du
+ pôle; l'effet produit par la voix doit avoir différé
+ seulement par le degré d'intensité; il était trop faible pour
+ être entendu à l'autre extrémité. J'ai répété ces résultats,
+ je les ai rendus tout à fait certains, et j'ai réussi à
+ transmettre les sons très-distinctement sans plaque sur le
+ pôle, et j'ai entendu en retour distinctement tout ce qui
+ était dit en plaçant mon oreille contre l'instrument, sans
+ qu'il y eût aucune plaque.]
+
+S'il faut en croire M. Preece, il paraîtrait qu'on pourrait
+transmettre avec un téléphone dont on remplacerait l'aimant par un
+simple noyau de fer doux, et il attribue ce résultat au magnétisme
+rémanent du fer et à l'action magnétique exercée sur ce barreau par le
+magnétisme terrestre. M. Blake de Boston a constaté aussi le même
+phénomène, mais il ne l'observait d'une manière marquée que quand le
+noyau de fer doux était placé dans une direction inclinée par rapport
+à la terre.
+
+Suivant M. Navez, l'intensité du son reproduit dans un téléphone
+dépend, non-seulement de l'amplitude des vibrations, mais aussi de la
+surface vibrante par suite de l'action qu'elle exerce sur la couche
+d'air qui doit transmettre les sons. (Voir le mémoire de M. Navez dans
+le _Bulletin de l'Académie de Belgique_, du 7 juillet 1878).
+
+
+=Expériences sur les effets résultant de chocs mécaniques communiqués
+à différentes parties d'un téléphone.=--Si dans un téléphone ordinaire
+on adapte une pièce de fer contre la vis qui tient l'aimant, on
+reconnaît que les sons transmis sont un peu plus accentués, ce qui
+tient au renforcement du pôle actif de l'aimant; mais on entend au
+moment où l'on applique la pièce de fer contre la vis, un bruit assez
+prononcé qui semble être dû aux vibrations mécaniques déterminées dans
+le barreau au moment du choc. M. le lieutenant de vaisseau des Portes
+a fait dernièrement sur ce genre de phénomènes des expériences
+intéressantes. Ainsi il a reconnu que, si sur un circuit téléphonique
+de 100 mètres complété par le sol, le téléphone transmetteur est
+réduit au simple aimant muni de sa bobine qui constitue son organe
+électro-magnétique, et que cet aimant soit suspendu verticalement par
+un fil de soie, la bobine en haut, un coup frappé sur cet aimant, soit
+au moyen d'un morceau de bois, soit au moyen d'une tige de cuivre,
+pourra déterminer dans le téléphone récepteur, des sons distincts qui
+augmenteront d'autant plus d'intensité que le coup sera frappé plus
+près de la bobine, et qui deviendront plus forts encore, mais moins
+nets, quand on mettra en contact avec le pôle supérieur de l'aimant
+une lame vibrante de fer doux.
+
+Quand le corps avec lequel on frappe est en fer, les sons dont il
+vient d'être question sont plus accentués qu'avec le morceau de bois,
+et quand l'aimant est muni de sa lame vibrante appliquée sur son pôle
+actif, on saisit en même temps que le bruit du choc une vibration de
+la plaque.
+
+Si le corps percuteur est un aimant, les bruits produits sont
+semblables à ceux que l'on obtient avec un percuteur en fer, quand
+l'effet est produit entre pôles de même nom, mais si ce sont des pôles
+de noms contraires, on entend après chaque coup un second bruit
+produit par l'arrachement de l'aimant et qui paraît être un coup
+frappé beaucoup moins fort. Naturellement ces bruits augmentent si
+l'aimant est muni de sa lame vibrante.
+
+Si on parle sur la plaque vibrante du téléphone transmetteur quand
+elle est appliquée sur le pôle de l'aimant, on entend sur le téléphone
+récepteur des sons variés assez semblables à ceux produits par les
+vibrations d'une corde à violon, et le bruit que fait la plaque quand
+on la retire du contact de l'aimant est parfaitement entendu au
+récepteur.
+
+Quand on parle au récepteur, la personne qui a l'oreille appliquée sur
+la plaque vibrante du transmetteur, disposé comme ci-dessus, entend
+très-bien, mais ne distingue pas les paroles, ce qui tient sans doute
+au magnétisme condensé au point de contact de l'aimant et de la lame
+vibrante, et qui rend les variations magnétiques plus lentes et plus
+difficiles à s'effectuer.
+
+Pour percevoir les coups frappés sur l'aimant avec une tige de fer
+doux, la présence de la bobine n'est pas nécessaire. En enroulant
+trois tours seulement du fil conducteur dénudé, servant de fil de
+ligne, sur une extrémité de l'aimant, on peut percevoir les sons, et
+ces sons cessent, comme dans les autres expériences, quand le circuit
+est interrompu, ce qui montre bien qu'on ne peut les attribuer à une
+transmission mécanique. Mais ce qui est le plus curieux, c'est que si
+l'aimant est interposé dans le circuit de manière à en faire partie
+intégrante, et que les deux extrémités du fil conducteur soient
+enroulées autour des bouts de l'aimant, les coups frappés sur celui-ci
+avec le fer doux, sont perçus dans le téléphone aussitôt que l'un des
+pôles de l'aimant est muni de la plaque vibrante.
+
+J'ai répété moi-même les expériences de M. des Portes en frappant
+simplement sur la vis qui, dans les téléphones ordinaires fixe
+l'aimant à l'appareil, et j'ai constaté que, toutes les fois que le
+circuit était complet, les coups frappés avec un couteau d'ivoire
+étaient répétés par le téléphone; ils étaient très-faibles, il est
+vrai, quand la lame vibrante était enlevée, mais très-marqués avec
+l'addition de cette lame. Au contraire, toutes les fois que le circuit
+était interrompu, aucun bruit n'était perçu. Ces bruits étaient du
+reste plus forts quand les coups étaient frappés sur la vis que quand
+ils étaient frappés sur le pôle même de l'aimant au-dessus de la
+bobine, ce qui tenait à ce que, dans le premier cas, le barreau
+pouvait vibrer librement, tandis que dans le second, les vibrations se
+trouvaient étouffées par suite de la fixation du barreau.
+
+On pourrait, jusqu'à un certain point, expliquer ces effets en disant
+que les vibrations déterminées sur l'aimant par le choc, ont pour
+résultat de déterminer _des déplacements ondulatoires des particules
+magnétiques_ dans toute l'étendue du barreau, et que de ces
+déplacements doivent résulter, dans l'hélice, d'après la loi de Lenz,
+des courants induits dont la force augmente quand la puissance de
+l'aimant est surexcitée par la réaction de son diaphragme, lequel joue
+le rôle d'armature, et par celle du corps percuteur quand il est
+magnétique. Toutefois, les dernières expériences de M. des Portes sont
+plus difficiles à expliquer, et il pourrait bien y avoir autre chose
+que des courants induits ordinaires.
+
+Ces expériences ne sont pas les seules qui montrent les effets
+déterminés sous l'influence d'ébranlements moléculaires de diverses
+natures.--Ainsi, M. Thomson de Bristol a reconnu que si on introduit
+dans le circuit d'un téléphone ordinaire, une pièce de fer et une tige
+de laiton placée perpendiculairement sur le fer, il suffira de donner
+un coup sur la tige de laiton pour déterminer un son énergique dans le
+téléphone. D'un autre côté, il a montré aussi que si on entoure les
+deux extrémités polaires d'un aimant droit de deux bobines
+d'induction, mises en rapport avec le circuit d'un téléphone, et qu'on
+promène au-dessous de l'aimant, dans l'intervalle séparant les deux
+bobines, la flamme d'une lampe à alcool, on entend un bruit
+très-marqué aussitôt que la flamme exerce son action sur le barreau
+aimanté. Cet effet provient sans doute de l'affaiblissement du
+magnétisme du barreau déterminé par l'effet calorifique alors produit.
+Enfin j'ai reconnu moi-même que des grattements effectués sur l'un des
+fils qui réunissent deux téléphones entre eux, sont perçus dans ces
+téléphones, quel que soit d'ailleurs le point du circuit où ces
+grattements sont produits. Les sons ainsi provoqués sont, à la vérité,
+très-faibles, mais ils se distinguent nettement, et acquièrent une
+plus grande intensité quand le grattement est effectué sur les bornes
+d'attache des fils des téléphones. Tous ces sons, d'ailleurs, ne
+peuvent pas être la conséquence d'une transmission mécanique de
+vibrations, car quand le circuit est interrompu, on ne peut en
+percevoir aucun. D'après ces expériences, on pourrait croire que
+certains bruits que l'on constate dans les téléphones expérimentés sur
+les lignes télégraphiques, pourraient bien provenir des frictions des
+fils sur les supports, frictions qui donnent lieu à ces sons souvent
+très-intenses que l'on entend quelquefois sur certaines lignes
+télégraphiques.
+
+
+=Théorie du téléphone.=--Il semblerait résulter des diverses
+expériences que nous avons rapportées précédemment, que l'explication
+qu'on donne généralement des effets produits dans le téléphone, serait
+très-incomplète, et que la transmission de la parole, au lieu de
+résulter de la répétition par la membrane du téléphone récepteur (sous
+l'influence des effets électro-magnétiques produits) des vibrations
+déterminées par la voix sur la membrane du téléphone transmetteur,
+devrait provenir des vibrations moléculaires déterminées dans le
+système électro-magnétique tout entier et particulièrement sur le
+noyau magnétique enveloppé par l'hélice. Ces vibrations seraient dès
+lors de la même nature que celles qui ont été étudiées dans les tiges
+électro-magnétiques résonnantes par MM. Page, de la Rive, Wertheim,
+Matteucci, etc., et ce sont elles qui ont été mises à contribution
+dans les téléphones de Reiss, de Cécil et Léonard Wray, et de
+Vander-Weyde. Dans cette hypothèse, la lame vibrante aurait pour
+principal rôle à remplir, de réagir pour la production des courants
+induits quand elle serait mise en vibration par la voix, et de
+renforcer par sa réaction sur l'extrémité polaire du barreau aimanté,
+les effets magnétiques déterminés au sein de celui-ci, quand elle
+vibrerait sous l'influence électro-magnétique, ou du moins, quand elle
+serait actionnée par l'aimant. Or comme ces vibrations sont d'autant
+plus amplifiées pour une même note, que la lame est plus flexible, et
+comme, d'un autre côté, les variations dans l'état magnétique d'une
+lame s'effectuent d'autant plus rapidement qu'elle présente moins de
+masse, on comprend immédiatement pourquoi il convient d'employer des
+lames vibrantes très-minces et relativement petites, comme l'a fait M.
+Edison. Dans le cas de la transmission, la plus grande amplitude des
+vibrations augmente l'intensité des courants induits transmis. Dans le
+cas de la réception, les variations d'aimantation déterminant les
+sons, sont rendues plus accentuées et plus nettes, aussi bien dans la
+membrane armature que dans le barreau aimanté; il y a donc avantage
+dans les deux cas. Cette hypothèse n'exclut d'ailleurs en rien l'effet
+phonétique des vibrations mécaniques et physiques qui pourraient se
+produire dans la lame armature sous l'influence des magnétisations et
+démagnétisations qu'elle subit, et qui viendraient ajouter leur action
+à celle des noyaux magnétiques.
+
+Quelle est la nature des vibrations transmises dans le téléphone
+récepteur? C'est une question encore obscure, et ceux qui s'en sont
+occupés sont loin d'être d'accord; elle a même été l'objet d'une
+discussion intéressante en 1846 entre MM. Wertheim et De la Rive, et
+les découvertes nouvelles la rendent encore plus compliquée. Suivant
+M. Wertheim, ces vibrations seraient à la fois longitudinales et
+transversales et proviendraient d'attractions échangées entre les
+spires de l'hélice magnétisante et les particules magnétiques du
+noyau; suivant M. De la Rive elles seraient, dans le cas qui nous
+occupe, uniquement longitudinales et résulteraient de contractions et
+dilatations moléculaires déterminées par des arrangements différents
+pris par les molécules magnétiques, sous l'influence des aimantations
+et des désaimantations. C'est cette explication qui nous paraît la
+plus rationnelle, et une expérience faite en 1846 par M. Guillemin
+semblerait la confirmer. M. Guillemin avait en effet reconnu que si
+une tige flexible de fer entourée d'une hélice magnétisante est pincée
+dans un étau à l'une de ses extrémités et recourbée sous l'influence
+d'un poids adapté à l'autre extrémité, on peut la faire redresser
+instantanément par le passage d'un courant à travers l'hélice
+magnétisante. Or ce redressement ne peut, dans ce cas, provenir que de
+la contraction déterminée par les molécules magnétiques qui, sous
+l'influence de leur aimantation, tendent à provoquer des attractions
+intermoléculaires et à modifier les conditions d'élasticité du métal.
+On sait en effet que du fer ainsi aimanté acquiert la dureté de
+l'acier et qu'il ne peut plus être attaqué par la lime.
+
+Quoi qu'il en soit, il est impossible de ne pas admettre que des sons
+soient produits dans le noyau magnétique aussi bien que dans
+l'armature, sous l'influence d'effets électriques intermittents. Ces
+sons pourront d'ailleurs être musicaux ou articulés; car du moment où
+le transmetteur aura provoqué l'action électrique convenable, nous ne
+voyons pas de raison pour que des vibrations effectuées
+transversalement ou longitudinalement transmettent les uns plutôt que
+les autres. Ces vibrations, du reste, sont, comme on l'a vu, pour
+ainsi dire microscopiques[19].
+
+ [Note 19: Voir les Mémoires de MM. de la Rive et
+ Guillemin aux _Comptes rendus de l'Académie des sciences_, t.
+ XXII.]
+
+M. J. Luvini, qui partage nos idées sur la théorie qui précède, croit
+cependant qu'elle ne peut satisfaire complétement l'esprit, que si
+l'on fait entrer en ligne de compte la réaction déterminée par le
+barreau magnétique sur l'hélice qui l'entoure. «Il ne peut y avoir,
+dit-il, _action_ sans _réaction_, et en conséquence les changements
+moléculaires déterminés dans le barreau doivent provoquer des
+variations correspondantes dans l'hélice, et les deux effets doivent
+contribuer à la production des sons.» Il cite à l'appui de son dire
+l'expérience suivante du professeur Rossetti, qui est réellement
+curieuse.
+
+Dans une suite de recherches qu'il avait entreprises sur les
+téléphones sans lame vibrante, ce savant avait employé sans le savoir
+un téléphone dont la bobine n'était pas bien fixée sur le noyau
+magnétique, et il remarqua à son grand étonnement que cette bobine
+oscillait le long du noyau magnétique, au passage des courants
+discontinus, et qu'elle produisait des sons. Or ce mouvement était une
+réaction déterminée par les effets magnétiques produits.
+
+La difficulté d'expliquer la production des sons dans un organe
+électro-magnétique dépourvu d'armature, avait fait nier dans l'origine
+l'authenticité des expériences que nous avons rapportées précédemment,
+et M. Navez avait entamé avec nous une discussion qui ne sera pas sans
+doute terminée de sitôt; mais il est résulté de cette discussion, que
+ce savant a été obligé de convenir que _le son de la voix humaine
+pouvait être reproduit par un récepteur téléphonique privé de sa
+plaque_. Toutefois, il croit encore que cette reproduction est trop
+faible pour qu'on puisse reconnaître s'il y a ou s'il n'y a pas
+articulation, et soutient toujours que les vibrations transversales de
+la plaque résultant d'effets attractifs, sont les seules qui
+reproduisent la parole articulée avec une intensité suffisante pour
+être utile.
+
+Il est certain que l'articulation de la parole exige une certaine
+puissance de vibration qu'un téléphone sans diaphragme ne peut pas
+facilement fournir, car il faut considérer que, dans un appareil ainsi
+disposé, les effets magnétiques sont réduits dans un rapport
+considérable qui est celui de la force magnétique développée dans le
+barreau à cette force multipliée par elle-même, et qu'une action,
+aussi faible que l'est celle accusée dans un téléphone, devient pour
+ainsi dire nulle, quand par suite de la suppression de l'armature,
+elle n'est plus représentée que par la racine carrée de la force qui
+l'a déterminée. Il peut donc se faire que des sons à peine
+perceptibles dans un téléphone sans diaphragme, le deviennent quand,
+par suite de la présence de ce diaphragme, la cause qui les provoque
+est multipliée par elle-même et qu'il s'y ajoute encore les vibrations
+déterminées au sein de l'armature elle-même sous l'influence des
+magnétisations et démagnétisations qu'elle subit.
+
+Pour montrer que l'action du diaphragme n'est pas aussi indispensable
+que M. Navez semble le supposer, et que les vibrations de ce
+diaphragme ne sont pas le résultat d'attractions électro-magnétiques,
+il suffit de se reporter aux expériences de M. Hughes que nous avons
+exposées p. 129. Il est certain que si cet effet était en jeu, on
+entendrait mieux quand les deux barreaux aimantés présenteraient des
+pôles de même nom devant le diaphragme, que quand ils présenteraient
+des pôles de noms contraires, puisque toutes les actions seraient
+alors conspirantes dans le même sens. D'un autre côté les plus grands
+effets que l'on obtient avec des diaphragmes multiples juxtaposés
+éloignent complétement cette hypothèse. Néanmoins, il pourrait se
+faire que dans les téléphones électro-magnétiques, le diaphragme de
+fer, en raison des variations faciles de son état magnétique, pût
+contribuer beaucoup à rendre les sons articulés plus nets et plus
+distincts; il pourrait alors réagir à la manière de la langue; mais
+nous croyons que c'est surtout à l'amplitude des vibrations
+déterminées sur le transmetteur, qu'on doit rapporter la plus ou moins
+grande netteté des sons articulés. Ainsi M. Hughes a démontré que les
+charbons de bois métallisés employés dans ses parleurs microphoniques
+étaient préférables aux charbons de cornue pour transmettre la parole,
+précisément parce que, étant moins conducteurs, les différences de
+résistance qui résultent des différences de pression, sont plus
+accentuées et permettent par conséquent de mieux faire saisir les
+différentes nuances des sons vocaux qui constituent l'articulation de
+la parole.
+
+Mais il ne s'agit plus aujourd'hui d'une discussion d'effets
+magnétiques; la science a marché depuis que M. Navez a ouvert la
+discussion, et nous lui demanderons maintenant comment, avec sa
+théorie des mouvements attractifs du diaphragme des téléphones, il
+peut expliquer la reproduction de la parole par un microphone
+récepteur _dépourvu de tout organe électro-magnétique_, et je puis lui
+certifier que dans les expériences que j'ai faites, la transmission
+des vibrations ne pouvait se faire mécaniquement, car quand le circuit
+était coupé ou la pile retirée du circuit, aucun son n'était entendu.
+Il faut décidément que M. Navez compte avec les _vibrations
+moléculaires_. Certainement, c'est un terrain nouveau à étudier; mais
+c'est parce que nous nous acharnons en Europe à vouloir rester dans
+les limites de théories incomplètes que nous avons laissé aux
+américains, qui ne s'en inquiètent guère, la gloire de faire les
+grandes découvertes qui nous étonnent depuis quelques mois. Que M.
+Navez lise avec soin les notes de MM. Luvini, des Portes, Trève,
+Hughes, Rossetti, et nous sommes certain que ses idées se modifieront.
+
+En résumé, la théorie du téléphone et du microphone considérés comme
+organes reproducteurs de la parole est encore loin d'être élucidée
+complétement, et dans des questions aussi neuves, il serait imprudent
+d'être trop affirmatif.
+
+La transmission électrique des sons, dans les téléphones
+magnéto-électriques, ne laisse pas que de présenter quelques
+complications théoriques. On a vu en effet qu'on pouvait les obtenir
+avec des diaphragmes en matière non magnétique et même par l'effet de
+simples vibrations mécaniques déterminées par des chocs. Est-ce à des
+réactions d'induction de l'aimant sur la lame vibrante mise en action
+qu'il faut les attribuer dans le premier cas, et aux mouvements des
+particules magnétiques devant les spires de l'hélice qu'il faut les
+rapporter dans le second?.... la question est encore bien obscure;
+néanmoins on peut concevoir que les modifications de l'action
+inductrice de l'aimant sur le diaphragme mis en vibration puissent
+entraîner des variations de l'intensité magnétique, de même qu'on peut
+admettre une action de la même nature par suite de l'éloignement, et
+du rapprochement des particules magnétiques des spires de l'hélice;
+toutefois M. Trève croit, dans ce dernier cas, à une action
+particulière qu'il a déjà eu occasion d'étudier dans d'autres
+circonstances, et voit dans le courant ainsi produit l'effet d'une
+transformation du travail mécanique déterminé au sein des molécules
+magnétiques. Ce qui complique encore la question, c'est que souvent
+ces effets sont produits par des transmissions simplement mécaniques.
+
+Il était encore un point intéressant à étudier et sur lequel M. Navez
+a donné quelques indications intéressantes; c'était de savoir si les
+effets étaient plus énergiques, pour la réception, avec des aimants
+permanents, qu'avec des aimants temporaires. Dans le premier modèle de
+téléphone exposé à Philadelphie par M. Bell, le récepteur était, comme
+on l'a vu, constitué par un électro-aimant tubulaire dont le pôle
+cylindrique était muni de la lame vibrante; mais M. Bell n'a pas
+maintenu cette disposition, et s'il faut en croire ce qu'il dit à cet
+égard dans son mémoire, ce serait afin de rendre son appareil à la
+fois récepteur et transmetteur[20]. Toutefois M. Navez prétend que le
+rôle de l'aimant est plus important, et même qu'il est indispensable
+dans les conditions actuelles de sa construction. «On peut, dit-il,
+dans certaines circonstances, et en construisant l'instrument d'une
+manière spéciale, faire parler un Bell récepteur sans aimant
+permanent; cependant, l'instrument tel qu'il est construit
+généralement, _reste muet_ si on retire l'aimant pour le remplacer par
+un cylindre de fer doux fixé dans la bobine. Néanmoins il suffit
+d'approcher le pôle d'un aimant permanent d'un cylindre en fer doux,
+pour rendre la voix au téléphone: il résulte de nos expériences que
+pour qu'un téléphone Bell fonctionne bien, il est indispensable que la
+plaque soit soumise à une _tension magnétique initiale_, obtenue au
+moyen d'un aimant permanent. Cette assertion est d'ailleurs facile à
+déduire de considérations théoriques.»
+
+ [Note 20: Voici ses propres paroles: «The articulation
+ produced from the instrument (le récepteur à électro-aimant
+ tubulaire) was remarkably distinct, but its great defect
+ consisted in the fact that it could not be used as a
+ transmitting instrument, and thus two telephones were
+ required at each station, one for transmitting and one for
+ receiving spoken messages.»]
+
+Quant à l'action des courants envoyés à travers l'hélice d'un
+téléphone, elle s'explique aisément. Quelles que soient les conditions
+magnétiques du barreau, les courants induits de différente intensité
+qui agissent sur lui, provoquent des modifications dans son état
+magnétique, d'où résultent des vibrations moléculaires par contraction
+et dilatation. Ces vibrations se produisant également dans l'armature
+sous l'influence des aimantations et désaimantations qui y sont
+déterminées par l'action magnétique du noyau, renforcent celles de ce
+noyau, en même temps que les modifications dans l'état magnétique du
+système se trouvent amplifiées par suite de la réaction des deux
+pièces magnétiques l'une sur l'autre. Quand le barreau est en fer
+doux, les courants induits agissent en créant des aimantations plus ou
+moins énergiques auxquelles succèdent des désaimantations qui sont
+d'autant plus promptes que des courants inverses succèdent toujours à
+ceux qui ont été actifs, ce qui rend les alternatives d'aimantation et
+de désaimantation plus nettes et plus rapides. Quand le barreau est
+aimanté, l'action est différentielle, et peut s'exercer dans un sens
+ou dans un autre, suivant que les courants induits correspondant aux
+vibrations effectives, passent à travers la bobine réceptrice dans le
+même sens ou en sens contraire du courant magnétique du barreau. Si
+ces courants sont de même sens, l'action est renforçante, et les
+modifications sont effectuées comme si c'était une aimantation qui
+était déterminée. Si ces courants sont de sens contraire, l'effet
+inverse se produit; mais quels que soient ces effets, les vibrations
+moléculaires conservent les mêmes rapports réciproques et la même
+hauteur dans l'échelle des sons musicaux. Si on étudie la question au
+point de vue mathématique, on trouve la présence d'une constante en
+rapport avec l'intensité du courant qui n'existe pas dans les
+vibrations mécaniques et d'où résulterait peut-être le timbre
+particulier que présente la parole reproduite dans le téléphone,
+timbre qui l'a fait comparer à la voix de polichinelle. M. Dubois
+Raymond a du reste publié sur cette théorie un mémoire intéressant
+qui est rapporté dans les _Mondes_ du 21 février 1878 (p. 314), mais
+que nous ne reproduisons pas ici, parce que les considérations qu'il
+émet sont trop scientifiques pour les lecteurs auxquels s'adresse
+notre ouvrage. Nous ajouterons seulement que d'après M. C. W.
+Cuningham, les vibrations produites dans un téléphone ne peuvent se
+manifester exactement dans les mêmes conditions que celles qui
+affectent le tympan de l'oreille, parce que celui-ci a une forme
+particulière en entonnoir qui exclut toute note fondamentale qui lui
+soit spécialement propre, tandis qu'il n'en est pas de même pour les
+barreaux et lames magnétiques qui possèdent des notes fondamentales
+capables de masquer beaucoup des demi-tons de la voix. C'est suivant
+lui à ces notes fondamentales qu'il faut attribuer l'altération de la
+voix observée dans le téléphone.
+
+
+
+
+EXPÉRIENCES DIVERSES FAITES AVEC LE TÉLÉPHONE.
+
+
+Nous allons nous occuper maintenant d'une série d'expériences qui,
+tout en faisant ressortir les merveilleuses propriétés du téléphone
+peuvent encore donner quelques indications sur l'importance des
+actions qui sont susceptibles de l'affecter.
+
+
+=Expériences de M. d'Arsonval.=--On a vu que le téléphone était un
+instrument d'une extrême sensibilité, mais cette sensibilité n'avait
+pu être appréciée d'une manière bien nette par les moyens ordinaires.
+Pour la mesurer en quelque sorte, M. d'Arsonval a eu l'idée de la
+comparer à celle du nerf d'une grenouille, appareil qui, comme on le
+sait, avait été regardé jusqu'ici comme le plus parfait de tous les
+galvanoscopes, et le résultat de ses expériences a été que le
+téléphone est deux cents fois plus sensible que ce nerf. Voici du
+reste comment M. d'Arsonval rend compte de ses recherches à cet égard
+dans les comptes rendus de l'Académie des sciences du 1er avril 1878.
+
+«Je prépare une grenouille à la manière de Galvani. Je prends
+l'appareil d'induction de Siemens usité en physiologie sous le nom
+d'_appareil à chariot_; j'excite avec la pince ordinaire le nerf
+sciatique, et j'éloigne la bobine induite jusqu'à ce que le nerf ne
+réponde plus à l'excitation électrique. Je remplace alors le nerf par
+le téléphone, et le courant induit qui n'excitait plus le nerf fait
+vibrer avec force cet appareil. J'éloigne la bobine induite et le
+téléphone vibre toujours.
+
+«Dans le silence de la nuit, j'ai pu entendre vibrer le téléphone en
+éloignant la bobine induite à une distance quinze fois plus grande que
+celle du minimum d'excitation du nerf; par conséquent, si l'on admet
+pour l'induction comme pour les actions à distance la loi des carrés
+inverses, on voit que, dans cette circonstance, le téléphone est au
+moins deux cents fois plus sensible que le nerf.
+
+«Nous possédons dans le téléphone un instrument d'une sensibilité
+exquise. Il est, comme on le voit, beaucoup plus sensible que la patte
+galvanoscopique, et j'ai songé à en faire un galvanoscope. On n'étudie
+que très-difficilement les courants musculaires et nerveux avec un
+galvanomètre de 30000 tours, parce que l'appareil manque
+d'instantanéité et que l'aiguille, à cause de son inertie, ne peut
+manifester de variations électriques se succédant rapidement, comme
+celles qui ont lieu par exemple dans le muscle lorsqu'on le tétanise.
+Cet inconvénient n'existe plus avec le téléphone qui répond toujours
+par une vibration à un changement électrique, quelque rapide qu'il
+soit. C'est donc un excellent instrument pour étudier le tétanos
+électrique du muscle. On peut être sûr d'avance que le courant
+musculaire excitera le téléphone puisque ce courant excite le nerf qui
+est moins sensible que cet appareil. L'instrument nécessite pour cela
+quelques dispositions spéciales.
+
+«Le téléphone ne peut servir qu'à constater les variations d'un
+courant électrique, quelque faibles qu'elles soient, il est vrai; mais
+j'ai trouvé le moyen par son intermédiaire de constater la présence
+d'un courant continu, quelque faible qu'il puisse être. J'y ai réussi
+en employant un artifice très-simple. Je lance dans le téléphone le
+courant supposé, et, pour obtenir des variations, j'interromps
+mécaniquement ce courant par le diapason. Si aucun courant ne traverse
+le téléphone, l'instrument reste muet. Si, au contraire, le plus
+faible courant existe, le téléphone vibre à l'unisson du diapason.»
+
+M. le professeur Eick, de Wurtzbourg, a aussi employé le téléphone
+pour des recherches physiologiques, mais en suivant une voie
+précisément contraire à celle explorée par M. d'Arsonval. Il a reconnu
+qu'en mettant les nerfs d'une grenouille en rapport avec un
+téléphone, on les contractait d'une manière énergique aussitôt qu'on
+parlait dans l'appareil, et l'énergie des contractions dépendait
+surtout de la nature des mots prononcés; ainsi, il a constaté que les
+voyelles _a_, _e_, _i_ ne produisaient presque pas d'effet, tandis que
+l'_o_ et surtout l'_u_ en déterminaient un très-énergique. Les mots
+_liege-still_ prononcés à haute voix ne produisent qu'une très-faible
+action, tandis que le mot _tucker_, même prononcé à voix basse,
+agitait fortement la grenouille. Ces expériences, qui rappellent
+celles de Galvani, étaient naturellement basées sur les effets
+produits par les courants induits développés dans le téléphone, et
+prouvent que si cet instrument est un galvanoscope plus sensible que
+le nerf d'une grenouille, celui-ci est plus impressionnable que nos
+galvanomètres les plus perfectionnés.
+
+
+=Expériences de M. Demoget.=--Pour comparer l'intensité des sons
+transmis par le téléphone avec l'intensité du son primitif, M. Demoget
+a disposé dans une plaine découverte deux téléphones. Il tenait à
+l'oreille le premier, tandis qu'un aide s'éloignait de lui, en
+répétant sans cesse la même syllabe avec la même intensité de voix
+dans le deuxième instrument. Il entendait d'abord le son transmis par
+le téléphone, puis ensuite le son qui arrivait directement, en sorte
+que rien n'était plus facile que de comparer. Or, voici les résultats
+qu'il a obtenus.
+
+«À quatre-vingt-dix mètres, les intensités perçues étaient égales, la
+plaque vibrante étant éloignée du tympan d'environ cinq centimètres. À
+ce moment, le rapport des intensités était donc de 25 à 81.000.000.
+En d'autres termes, le son transmis par le téléphone n'était que
+1/3.000.000 du son émis. «Mais comme les stations dans lesquelles on
+opérait ne pouvaient être considérées comme deux points vibrant
+librement dans l'espace, il y avait lieu, dit M. Demoget, de réduire
+ce rapport de moitié, à cause de l'influence du sol, et d'admettre que
+le son transmis par le téléphone était 1.500.000 fois plus faible que
+celui émis par la voix.
+
+«Comme, d'autre part, on sait que l'intensité de deux sons est
+proportionnelle au carré de l'amplitude des vibrations, on peut en
+conclure que les vibrations des deux plaques des téléphones étaient
+directement proportionnelles aux distances, c'est-à-dire, comme 5 est
+à 9.000, ou que les vibrations du téléphone transmetteur étaient
+dix-huit cents fois plus grandes que celles du téléphone récepteur. On
+peut donc comparer celles-ci à des vibrations moléculaires, car celles
+du téléphone transmetteur ont déjà une amplitude très-petite.
+
+«Sans diminuer en rien le mérite de la remarquable invention de Bell,
+continue M. Demoget, on peut conclure de ce qui précède que le
+téléphone, au point de vue du rendement, est une machine qui laisse
+bien à désirer, puisqu'elle ne transmet que la dix-huit centième
+partie du travail primitif, et que si cet instrument a donné des
+résultats si inattendus, cela tient bien plus à la perfection de
+l'organe de l'ouïe qu'à la perfection de l'instrument lui-même.»
+
+M. Demoget attribue cette déperdition du travail produit dans le
+téléphone, surtout aux huit transformations successives que subit le
+son avant d'arriver à l'oreille, sans parler de celle qui est due à la
+résistance électrique de la ligne et qui, à elle seule, peut absorber
+toute l'énergie.
+
+Pour se rendre compte de la force des courants induits qui actionnent
+un téléphone, M. Demoget a cherché à les comparer à des courants d'une
+intensité connue, produisant des vibrations de même nature et de même
+force, et pour cela il a mis à contribution deux téléphones A et B en
+communication au moyen d'une ligne de 20 mètres de longueur. Près de
+la plaque vibrante du téléphone A, il a appuyé légèrement une petite
+lime sur laquelle on frottait avec une lame métallique; le bruit ainsi
+produit, était naturellement transmis par le téléphone B avec une
+certaine intensité qu'on pouvait apprécier. Il a ensuite remplacé le
+téléphone A par une pile, et la lime était introduite dans le circuit
+en la reliant à l'un des pôles. Le courant ne pouvait être fermé qu'en
+frottant la lime au moyen de la lame de ressort mise en communication
+avec l'autre extrémité du circuit. Mais on pouvait obtenir ainsi des
+courants interrompus qui, en faisant vibrer le téléphone B,
+produisaient un bruit dont l'intensité variait avec la force du
+courant de la pile. En cherchant l'intensité électrique capable de
+fournir de cette manière un son équivalant à celui produit par le
+téléphone A, M. Demoget a reconnu qu'elle correspondait à celle que
+fournit une petite pile thermo-électrique constituée par un fil de fer
+et un fil de cuivre de deux millimètres de diamètre, aplatis à leur
+extrémité et soudés à l'étain; le faible courant résultant de cette
+pile ne faisait dévier que de deux degrés un galvanomètre à fil court.
+
+Cette estimation ne nous paraît pas toutefois réunir assez de
+conditions d'exactitude pour qu'on puisse en déduire le degré de
+sensibilité du téléphone, sensibilité qui, d'après les expériences de
+MM. Warren de la Rue, Brough, Peirce, est infiniment plus grande. M.
+Warren de la Rue, en effet, comme on l'a déjà vu, a reconnu au moyen
+du galvanomètre de Thomson, et en ramenant à la déviation fournie sur
+l'échelle de ce galvanomètre celle déterminée par un élément Daniell
+traversant un circuit complété par un Rhéostat, que les courants émis
+par un téléphone ordinaire de Bell sont équivalents à celui d'un
+élément Daniell traversant 100 megohms de résistance, c'est-à-dire dix
+millions de kilomètres de fil télégraphique. Suivant M. Brough, le
+directeur des télégraphes de l'Inde, le plus fort courant qui, à un
+moment donné, fait fonctionner le téléphone Bell, n'excède pas
+1/1.000.000.000 de l'unité de courant, c'est-à-dire, de un Weber, et
+le courant qui fait agir les relais dans l'Inde a 400 000 fois cette
+force. Enfin, le professeur Peirce, de Boston, compare les effets du
+courant téléphonique à ceux qui seraient produits par une source
+électrique dont la force électro-motrice serait la 1/200.000 partie
+d'un volt, ou de celle d'un élément Daniell. Du reste, comme l'observe
+M. Peirce, il est difficile de fixer un chiffre exact pour estimer la
+valeur réelle de ces sortes de courants, car elle est essentiellement
+variable suivant l'intensité des sons produits sur le téléphone
+transmetteur; mais on peut affirmer qu'elle est moindre que la
+1/1.000.000 partie du courant employé ordinairement pour faire
+fonctionner les appareils télégraphiques sur les lignes.
+
+
+=Expériences de M. Hellesen, de Copenhague.=--Pour se rendre compte
+des effets réciproques produits par les différentes parties d'un
+téléphone, M. Hellesen a construit des téléphones de mêmes dimensions
+avec trois dispositions différentes et inverses les unes des autres.
+Il en a d'abord établi une dans les conditions ordinaires, puis une
+autre dans les conditions du premier système de Bell, c'est-à-dire, en
+employant pour lame vibrante une membrane portant à son centre une
+petite armature de fer, et enfin la troisième disposition mettait à
+contribution un aimant cylindrique creux, à l'un des pôles duquel
+était fixée la lame vibrante, laquelle pouvait se mouvoir devant une
+spirale plate en limaçon, présentant le même nombre de spires que les
+deux autres hélices. Dans cette dernière disposition, les courants
+induits résultant des vibrations de la voix pouvaient être assimilés à
+ceux qui seraient la conséquence du rapprochement et de l'éloignement
+de deux spirales parallèles, dont une serait parcourue par un courant.
+Or, de ces trois dispositions, c'est celle qui a été adoptée par Bell,
+qui a fourni les meilleurs effets, et c'est un résultat réellement
+bien rare dans l'histoire des découvertes, qu'un inventeur soit arrivé
+du premier coup à la meilleure disposition à donner à son instrument.
+
+
+=Expériences de M. Zetzche.= Il est toujours un certain noyau
+d'esprits de travers qui veulent nier l'évidence, le plus souvent pour
+faire acte de contradiction, et qui croient ainsi diminuer
+l'importance d'une découverte dont le retentissement les exaspère. Le
+téléphone et le phonographe ont été l'objet de ces critiques de
+mauvais aloi. Ne s'est-on pas avisé de dire que l'action électrique
+n'entrait pour rien dans les effets produits par le téléphone, et
+qu'il fonctionnait toujours sous l'influence de vibrations mécaniques
+transmises par le fil conducteur, absolument comme cela a lieu dans
+les téléphones à ficelle!!.. On a eu beau démontrer à ces esprits
+avisés que quand l'un des fils du circuit était interrompu, aucun son
+n'était produit, cette démonstration ne leur a pas suffi, et pour
+détruire toute objection de leur part, M. Zetzche a fait des
+expériences dans lesquelles il a démontré, par le mode même de la
+propagation du son, que l'idée d'attribuer le son produit dans un
+téléphone à une vibration mécanique est tout simplement absurde. Voici
+en effet ce qu'il dit à cet égard dans un article inséré dans le
+_Journal télégraphique_ de Berne du 25 janvier 1878.
+
+«La correspondance par téléphone entre Leipzig et Dresde a fourni une
+nouvelle preuve que c'est bien par les courants électriques et non par
+la propagation purement mécanique des sons que se reproduisent les
+mots à la station de réception. La vitesse de propagation du son dans
+le fer (pour les ondulations longitudinales), pouvant être évaluée à 5
+kilomètres par seconde, le son devrait parcourir la distance de
+Leipzig à Dresde en 115/5 c'est-à-dire en 23 secondes. Jusqu'à
+l'arrivée de la réponse il devrait s'écouler au moins autant de
+secondes. Par conséquent, dans chaque changement de direction de la
+correspondance, il devrait donc intervenir un intervalle de plus de
+3/4 de minute, ce qui n'est point du tout le cas.»
+
+
+=Expérience que tout le monde peut faire.=--Nous terminerons ce
+chapitre consacré à l'exposé des diverses expériences faites avec le
+téléphone, par l'indication d'une expérience curieuse qui, bien que
+très-facile à répéter, n'a été signalée qu'il y a quelques mois par
+les journaux de Pennsylvanie. Il s'agit de la transmission de la
+parole par un téléphone simplement appliqué sur l'une des parties du
+corps humain voisines de la poitrine. On a même prétendu que toutes
+les parties du corps pouvaient produire ce résultat; mais dans les
+expériences que j'ai faites je n'ai pu réussir que quand le téléphone
+était fortement appliqué sur ma poitrine. Dans ces conditions, et à
+travers même mes vêtements, j'ai pu me faire entendre, mais en parlant
+à voix très-haute, ce qui ferait supposer que le corps de l'homme
+participe tout entier aux vibrations provoquées par la voix. Dans ce
+cas, les vibrations sont transmises mécaniquement au diaphragme du
+téléphone transmetteur, non plus par l'air mais par le corps lui-même
+agissant sur la coque du téléphone.
+
+
+
+
+LE MICROPHONE.
+
+
+Le microphone n'est en réalité qu'un transmetteur de téléphone à pile,
+mais avec des caractères tellement particuliers qu'il constitue par le
+fait une invention originale qui méritait bien d'être désignée sous un
+nom particulier. Dans ces derniers temps il s'est élevé, à l'occasion
+de cette invention, entre M. Hughes, son auteur, et M. Edison,
+l'inventeur du téléphone à charbon et du phonographe, une contestation
+regrettable que les journaux ont envenimée et qui n'avait pas
+réellement sa raison d'être; car, en définitive si le principe
+physique du microphone peut paraître le même que celui du transmetteur
+téléphonique à charbon de M. Edison, sa disposition est tout à fait
+différente, la manière d'agir sur lui n'est pas la même, et les effets
+qu'on lui demande généralement sont d'une toute autre nature. C'est
+plus qu'il n'en faut pour constituer une invention nouvelle.
+D'ailleurs si on voulait bien examiner à fond le principe même de
+l'instrument, on pourrait s'étonner des prétentions que M. Edison a
+élevées. En effet M. Edison ne peut pas réclamer comme lui appartenant
+la découverte de la propriété que possèdent certains corps
+médiocrement conducteurs d'avoir leur conductibilité modifiée par la
+pression. J'ai fait dès l'année 1856 et à diverses autres époques, par
+exemple en 1864, 1872, 1875, de nombreuses expériences à cet égard,
+qui sont consignées dans le tome I de la seconde édition de mon exposé
+des applications de l'électricité, p. 246[21] et dans plusieurs notes
+présentées à l'Académie des sciences et insérées aux comptes rendus.
+D'un autre côté, M. Clérac s'était servi en 1865 d'un tube muni de
+plombagine avec une électrode mobile pour produire des résistances
+variables dans un circuit télégraphique. D'ailleurs, dans le
+transmetteur téléphonique de M. Edison, le disque de charbon doit
+être, comme on l'a vu, soumis à une certaine pression initiale afin
+que le courant ne soit pas interrompu par suite des vibrations de la
+lame contre laquelle il appuie, et il en résulte que les modifications
+de résistance du circuit qui donnent lieu aux sons articulés, ne sont
+produites que par des augmentations ou des diminutions plus ou moins
+grandes de pression, c'est-à-dire par des actions différentielles. Or
+nous allons voir à l'instant qu'il n'en est pas de même pour le
+microphone. D'abord, dans ce dernier appareil, le contact du charbon
+s'effectue sur d'autres charbons et non avec des disques de platine,
+et ces contacts sont multiples; en second lieu, la pression exercée
+sur tous les points de contact est excessivement légère, ce qui fait
+qu'on peut faire varier les résistances dans un rapport infiniment
+plus grand que dans le système de M. Edison, et c'est précisément ce
+qui permet d'amplifier les sons; en troisième lieu on peut employer
+d'autres corps que le charbon pour constituer un microphone; enfin
+pour faire agir le microphone, il n'est pas besoin de lame vibrante;
+le simple intermédiaire de l'air suffit, et c'est ce qui permet de
+faire fonctionner cet appareil à une distance assez grande de lui.
+Nous ne voyons donc pas de raisons qui aient pu motiver la réclamation
+de M. Edison et surtout les termes dont il s'est servi à l'égard de
+MM. Preece et Hughes qui sont des hommes considérables dans la science
+et très-respectables sous tous les rapports. Nous regrettons, je le
+répète encore, cette triste sortie de M. Edison qui ne peut que lui
+faire du tort, et qui n'est pas digne d'un inventeur de sa taille. Si
+maintenant envisageant la question sous un autre aspect, nous
+demandions à M. Edison pourquoi, puisqu'il a inventé le microphone,
+n'en a-t-il pas fait connaître les propriétés et les résultats?...
+Quelle réponse pourrait-il faire? Il fallait pourtant que ces
+résultats fussent bien saisissants puisque le microphone est devenu en
+peu de jours l'objet de la préoccupation du monde entier; or il est
+évident pour nous qu'avec le génie perspicace du célèbre inventeur
+Américain il aurait fait valoir cette découverte s'il l'eût faite
+réellement, et il en aurait évidemment tiré parti. Ce qui peut
+justifier la réclamation de M. Edison, c'est que, n'étant pas au
+courant des découvertes purement scientifiques faites en Europe, il a
+cru que son invention résidait toute entière dans le principe sur
+lequel elle repose et qu'il croyait avoir découvert.
+
+ [Note 21: Voici textuellement ce que j'en dis dans cet
+ ouvrage: «Une chose curieuse à constater et qui paraît être,
+ au premier abord, en contradiction avec la théorie que l'on
+ s'est faite de l'électricité, c'est que la plus ou moins
+ grande pression exercée entre les pièces de contact des
+ interrupteurs influe considérablement sur l'intensité des
+ courants qui les traverse. Cela tient souvent à ce que les
+ métaux ne sont pas toujours dans un état parfait de décapage
+ au point de contact, mais peut-être aussi à une cause
+ physique encore mal appréciée. Ce qui est certain, c'est que
+ dans les interrupteurs où la pièce mobile de contact est
+ sollicitée par une force extrêmement minime, le courant
+ éprouve souvent des affaiblissements assez notables pour
+ faire manquer la réaction électrique qu'on attend d'eux.»]
+
+Dans l'appareil de M. Hughes, que nous étudions en ce moment, les
+sons, au lieu d'arriver très-affaiblis à la station de réception,
+comme cela a lieu avec les téléphones ordinaires, même avec celui de
+M. Edison, y sont comme je l'ai déjà dit, le plus souvent reproduits
+avec une amplification notable, et de là le nom de _microphone_ que M.
+Hughes a donné à ce système téléphonique; on peut par conséquent
+l'employer à révéler des sons très-faibles. Cependant nous devons le
+dire dès à présent, cette amplification n'existe réellement que quand
+ces sons résultent de vibrations transmises mécaniquement à l'appareil
+transmetteur par des corps solides. Les sons propagés par l'air sont
+sans doute un peu plus intenses qu'avec le système ordinaire, mais ils
+le sont moins que ceux qui leur donnent naissance, et, en conséquence,
+on ne peut pas dire dans ce cas que le microphone agit par rapport aux
+sons comme le microscope le fait par rapport aux objets éclairés par
+la lumière. Il est vrai qu'avec ce système on peut parler de loin dans
+l'appareil, et j'ai pu même transmettre de cette manière une
+conversation à voix élevée étant placé à huit mètres du microphone.
+J'ai pu encore parler à voix basse près de ce dernier et me faire
+entendre parfaitement dans l'appareil récepteur, et même faire arriver
+les sons à une distance de dix à quinze centimètres de l'embouchure du
+téléphone récepteur, en élevant un peu la voix; mais l'amplification
+du son n'est réellement bien manifeste que quand celui-ci résulte
+d'une action mécanique transmise au support de l'appareil. Ainsi les
+pas d'une mouche marchant sur ce support s'entendent parfaitement et
+vous donnent la sensation du piétinement d'un cheval, le cri même de
+la mouche, surtout son cri de mort devient, suivant M. Hughes,
+perceptible; le frôlement d'une barbe de plume ou d'une étoffe sur la
+planche de l'appareil, bruits complétement imperceptibles à l'audition
+directe, s'entendent d'une manière marquée dans le téléphone. Il en
+est de même des battements d'une montre posée sur le support de
+l'appareil, que l'on entend même à dix ou quinze centimètres du
+récepteur. Une petite boîte à musique placée sur l'instrument donne
+des sons tellement forts par suite des trépidations qui l'agitent,
+qu'il est impossible de distinguer les sons, et pour les percevoir, il
+faut disposer la boîte près de l'appareil sans qu'elle soit en contact
+avec aucune de ses parties constituantes. C'est alors par les
+vibrations de l'air que l'appareil est impressionné, et les sons
+transmis sont plus faibles que ceux que l'on entend près de la boîte.
+En revanche les vibrations déterminées par le balancier d'une pendule
+mise en communication par une tige métallique avec le support de
+l'appareil, s'entendent admirablement, et on peut même les distinguer
+quand cette liaison est effectuée par l'intermédiaire d'un fil de
+cuivre. Un courant d'air projeté sur le système donne la sensation
+d'un écoulement liquide perçu dans le lointain. Enfin les trépidations
+causées par le passage d'une voiture dans la rue se traduisent par des
+bruits crépitants très-intenses qui se combinent à ceux d'une montre
+que l'on écoute et qui souvent prédominent.
+
+
+=Différents systèmes de microphones.=--Le microphone a été combiné de
+plusieurs manières, mais la disposition qui a donné à l'instrument le
+plus de sensibilité est celle que nous représentons fig. 36. Dans ce
+système, on adapte l'un au-dessus de l'autre sur un prisme vertical de
+bois M, deux petits cubes de charbon A, B, dans lesquels sont percés
+deux trous servant de crapaudines à un crayon de charbon C en forme de
+fusée, c'est-à-dire avec des pointes émoussées par les deux bouts, et
+d'une longueur d'environ quatre centimètres; il ne faut pas qu'il soit
+trop grand afin d'avoir peu d'inertie. Ce crayon appuie par une de ses
+extrémités dans le trou du charbon inférieur et doit ballotter dans le
+trou supérieur qui ne fait que le maintenir dans une position plus ou
+moins rapprochée de celle de l'équilibre instable, c'est-à-dire de la
+verticale. En imprégnant ces charbons de mercure par leur immersion à
+la température rouge dans un bain de mercure, les effets, suivant M.
+Hughes, sont meilleurs, mais ils peuvent très-bien se produire sans
+cela. Les deux cubes de charbon sont d'ailleurs munis de contacts
+métalliques qui permettent de les mettre en rapport avec le circuit
+d'un téléphone ordinaire, dans lequel est interposée une pile
+Leclanché de 1 ou 2 éléments ou mieux de 3 éléments Daniell avec une
+résistance additionnelle intercalée dans le circuit.
+
+Pour faire usage de l'appareil, on le place avec la planche qui lui
+sert de support sur une table en ayant soin d'interposer entre cette
+planche et la table, pour amortir les vibrations étrangères, plusieurs
+doubles d'étoffe disposés de manière à former coussin ou, ce qui est
+mieux, une bande de ouate ou deux tubes de caoutchouc; alors il suffit
+de parler devant le système, pour qu'aussitôt la parole soit
+reproduite dans le téléphone, et si l'on place sur la planche support
+la montre dont il a été question ou une boîte dans laquelle est
+renfermée une mouche, tous ses mouvements sont entendus. L'appareil
+est si sensible que c'est à voix peu élevée que la parole s'entend le
+mieux, et on peut, comme je l'ai déjà dit, l'entendre en parlant à
+une distance de huit mètres du microphone. Toutefois, quelques
+précautions doivent être prises pour obtenir les meilleurs résultats
+avec ce système, et, en outre des coussins que l'on place sous
+l'appareil, pour le soustraire aux vibrations étrangères qui
+pourraient résulter de mouvements insolites communiqués à la table, il
+faut encore régler la position du crayon de charbon. Celui-ci doit en
+effet toujours appuyer en un point du rebord du trou supérieur, mais
+comme le contact peut être plus ou moins bon, l'expérience seule peut
+indiquer la meilleure position à lui donner, et pour la trouver on
+peut employer avantageusement le moyen de la montre. On met alors le
+téléphone à l'oreille et on place le crayon dans diverses positions
+jusqu'à ce qu'on ait trouvé celle donnant les effets maxima. Pour
+éviter ce réglage, qui, avec la disposition précédente, doit être
+souvent répété, MM. Chardin et Berjot, qui construisent habilement ce
+modèle de téléphone, lui ont ajouté une petite lame de ressort dont la
+pression peut être réglée et qui appuie contre le charbon vertical
+lui-même. Ce système est très-bon.
+
+M. Gaiffe de son côté a donné une forme plus élégante à l'appareil en
+le construisant comme un appareil de physique. La figure 37 représente
+l'un des deux modèles qu'il a combinés. Dans ce modèle, les cubes ou
+dés de charbon A et B sont soutenus par des porte-charbons
+métalliques, dont l'un, E, le supérieur, est mobile sur une colonne de
+cuivre G et peut être placé dans telle position qu'il convient à
+l'aide d'une vis de pression V. On peut de cette manière incliner plus
+ou moins le crayon de charbon et augmenter à volonté la pression
+qu'il exerce sur le charbon supérieur. Quand le crayon est vertical,
+l'appareil transmet difficilement les sons articulés, en raison de
+l'instabilité du point de contact, et des bruissements de toute nature
+se font entendre; quand il est trop incliné, les sons sont plus purs
+et plus distincts, mais l'appareil est moins sensible. Il est un degré
+d'inclinaison qui doit être recherché, et l'expérience l'indique
+facilement. Dans un autre modèle, M. Gaiffe substitue au crayon de
+charbon une lame carrée et très-mince de la même matière, taillée en
+biseau sur ses côtés inférieur et supérieur et pivotant dans une
+rainure pratiquée dans le charbon inférieur. Cette lame ne fait
+qu'appuyer contre le charbon supérieur sous une légère inclinaison, et
+dans ces conditions il transmet beaucoup plus fortement et plus
+distinctement la parole.
+
+Je dois encore parler d'une autre disposition combinée par le
+capitaine du génie Carette qui a donné pour les sons non articulés
+d'excellents résultats. Le charbon vertical a alors la forme d'une
+poire et repose par son bout le plus gros dans un large trou fait dans
+le charbon inférieur; son bout supérieur qui est pointu, vient
+s'engager dans un petit trou pratiqué dans le charbon supérieur, mais
+de manière à ne le toucher qu'à peine, et une vis de réglage permet de
+rapprocher plus ou moins ces deux charbons. Dans ces conditions, les
+contacts sont si instables qu'un rien peut les supprimer, et alors les
+variations dans l'intensité du courant transmis sont si fortes que
+les sons produits par le téléphone peuvent s'entendre à plusieurs
+mètres.
+
+La figure 38 représente une autre disposition combinée par M.
+Ducretet. Les deux dés de charbon sont en D, D', le charbon mobile en
+C, le téléphone en T et les boutons d'attache du circuit en B, B'. Un
+détail du dispositif des charbons se voit à gauche de l'appareil. Le
+bras qui porte le charbon supérieur D est adapté à une tige munie d'un
+plateau P' à surface rugueuse, et une petite cage C' en toile
+métallique que l'on pose sur ce plateau permet d'étudier les
+mouvements d'insectes vivants.
+
+Quand il s'agit de transmettre la parole assez fortement pour qu'un
+téléphone puisse se faire entendre dans toute une salle, le microphone
+doit avoir une disposition particulière, et la figure 39 représente
+celle qui a donné à M. Hughes les meilleurs résultats; il donne alors
+à l'appareil le nom de _parleur_.
+
+Sous cette nouvelle forme le charbon mobile appelé à produire les
+contacts variables est adapté en C, à l'extrémité d'une bascule
+horizontale BA pivotant en son point milieu et convenablement
+équilibrée. Le support sur lequel cette bascule oscille est adapté à
+l'extrémité d'une lame de ressort pour rendre l'appareil plus
+susceptible de vibrer, et le charbon inférieur est placé en D
+au-dessous du premier. Il est constitué par deux fragments superposés
+afin d'augmenter la sensibilité de l'appareil, et nous avons
+représenté en E le fragment supérieur qui est soulevé pour montrer
+qu'on peut employer à volonté un seul des deux charbons. Ce charbon E,
+se trouve, à cet effet collé à une petite lame de papier fixée à la
+planchette et qui sert d'articulation. Un ressort antagoniste R, dont
+on peut régler la tension au moyen d'une vis _t_, permet de régler la
+pression des deux charbons. M. Hughes recommande l'emploi de charbons
+en sapin métallisé[22]. Le tout est ensuite recouvert d'une enveloppe
+semi-cylindrique HIG en bois blanc, dont les parois sont très-minces
+surtout les deux bases, et on fixe le système accompagné d'un autre
+semblable dans une boîte plate MJLI qui présente du côté MI une
+ouverture devant laquelle on parle, en ayant soin de placer la lèvre
+inférieure à deux centimètre du fond de la boîte. Si les deux
+microphones sont réunis en quantité et si la pile employée se compose
+de deux éléments à bichromate de potasse, on agit assez fortement sur
+le courant, pour que, passant à travers une bobine d'induction de six
+centimètres seulement de longueur, il puisse faire parler un téléphone
+du modèle carré de Bell, de manière à être entendu de tous les points
+d'une salle. Il faut par exemple lui adapter un porte-voix de près
+d'un mètre de longueur. M. Hughes prétend que les sons produits dans
+ces conditions sont à peu près aussi élevés que ceux du phonographe,
+et M. W. Thomson m'a confirmé ce fait.
+
+ [Note 22: On obtient ces charbons en chauffant pendant 20
+ minutes à une température qu'on élève successivement jusqu'au
+ rouge blanc, des fragments de bois de sapin à fibres serrées
+ que l'on enferme dans une boîte ou un tube de fer
+ hermétiquement fermée.]
+
+Le microphone peut être aussi constitué par des fragments de charbon
+entassés dans une boîte entre deux électrodes métalliques, ou enfermés
+dans un tube avec deux électrodes représentées par deux fragments de
+charbon allongés. Dans ce dernier cas, les charbons doivent autant que
+possible être cylindriques, et ceux que construit M. Carré pour les
+bougies Jablochkoff sont très-bons pour cela. Nous représentons fig.
+40 un appareil de ce genre que j'ai fait disposer en instrument par M.
+Gaiffe, et qui peut, comme nous le verrons à l'instant, servir de
+thermoscope. Cet instrument est représenté fig. 41 et se compose d'un
+tuyau de plume rempli de fragments de charbon, dont ceux qui occupent
+les deux bouts sont montés dans des garnitures métalliques. L'une de
+ces garnitures se termine par une vis à large tête qui permet, au
+moyen des supports A, B, de pousser plus ou moins les charbons dans le
+tube et, par conséquent, d'établir un contact plus ou moins intime
+entre les divers fragments de charbon. Quand cet appareil est
+convenablement réglé, il suffit de parler au-dessus du tube pour que
+la parole soit reproduite. C'est donc un microphone aussi bien qu'un
+thermoscope. Une chose réellement curieuse que M. Hughes a remarquée,
+c'est que si on prononce séparément les différentes lettres de
+l'alphabet devant cette sorte de microphone, on constate qu'il en est
+qui se font beaucoup mieux entendre que d'autres, et ce sont
+précisément celles qui correspondent aux aspirations de la voix.
+
+On peut encore obtenir un microphone de ce genre en remplaçant les
+fragments de charbon par des poussières plus ou moins conductrices,
+des limailles métalliques même. J'ai démontré, en effet, dans mon
+mémoire sur la conductibilité des corps médiocrement conducteurs, que
+le pouvoir conducteur de ces poussières varie d'une manière
+considérable avec la pression et avec la température, et comme le
+microphone est fondé sur les différences de conductibilité résultant
+des différences de pression, on comprend facilement que ce moyen
+puisse être employé comme organe de transmission téléphonique. Dans
+une disposition récente de ce système, M. Hughes a aggloméré ces
+poussières avec une sorte de gomme, et il en a formé un crayon
+cylindrique qui, étant relié à deux électrodes bonnes conductrices, a
+pu fournir des effets analogues à ceux dont nous avons parlé
+précédemment. Comme on l'a vu, toutes les limailles métalliques
+peuvent être employées, mais M. Hughes donne la préférence à la
+poussière de charbon.
+
+D'après M. Blyth, une boîte plate d'environ quinze pouces sur neuf,
+remplie de ces charbons échappés à la combustion que l'on appelle en
+Angleterre _cinders gas_, et aux deux extrémités de laquelle sont
+fixées deux électrodes de fer-blanc, est une des meilleures
+dispositions de microphones. Suivant lui, trois de ces appareils
+suspendus comme des tableaux contre les murs d'une chambre auraient
+suffi, sous l'influence d'un seul élément Leclanché, pour faire
+entendre dans le téléphone tous les bruits produits dans la chambre,
+et surtout les airs chantés. M. Blyth prétend même qu'on peut
+construire un microphone capable de transmettre la parole avec un
+simple charbon relié au fil du circuit par ses deux bouts, mais il
+faut que ce charbon soit un cinder gas; un charbon de cornue pourvu de
+pinces d'attache à ses deux extrémités, ne pourrait produire cet
+effet.
+
+L'un des effets les plus intéressants de ces sortes de microphones,
+c'est qu'ils peuvent fonctionner sans pile, du moins, si on les
+dispose de manière à former eux-mêmes l'élément voltaïque, et pour
+cela, il suffit de verser de l'eau sur les charbons. M. Blyth qui a
+parlé le premier de ce système, n'indique pas nettement sa
+disposition, et on peut supposer que son appareil n'était autre que
+celui que nous avons décrit précédemment, auquel il aurait ajouté de
+l'eau. J'ai répété cette expérience en employant des électrodes _zinc_
+et _cuivre_ et des fragments un peu gros de charbon de cornue, et j'ai
+parfaitement réussi. J'ai, en effet, pu transmettre de cette manière,
+non-seulement tous les sons de la montre et de la boîte à musique,
+mais encore la parole qui se trouvait même souvent plus nettement
+exprimée qu'avec un microphone ordinaire, car on n'entendait pas les
+crachements qui accompagnent souvent les transmissions téléphoniques
+de ce dernier. M. Blyth prétend aussi que l'on peut obtenir de cette
+manière la transmission des sons sans que l'appareil soit pourvu
+d'eau; mais il croit que c'est à l'humidité de l'haleine de celui qui
+parle qu'il faut attribuer ce résultat. Il est certain qu'il ne faut
+pas beaucoup d'humidité pour mettre en action un couple voltaïque,
+surtout quand on a pour appareil révélateur un téléphone. Du reste le
+microphone ordinaire peut être lui-même employé sans pile, si le
+circuit dans lequel il est interposé est en communication avec le sol
+par l'intermédiaire de plaques de terre; les courants telluriques qui
+traversent alors le circuit sont suffisants pour que les battements
+d'une montre posée sur le microphone soient parfaitement perceptibles.
+M. Cauderay, de Lausanne, dans une note envoyée à l'Académie des
+sciences, le 8 juillet 1878, annonce qu'il a fait cette expérience sur
+un fil télégraphique réunissant l'hôtel des Alpes à Montreux, à un
+chalet situé à 500 mètres de là, sur la colline.
+
+
+=Le microphone employé comme organe parlant.=--Le microphone peut
+non-seulement transmettre la parole, mais il peut encore dans
+certaines conditions la reproduire et être substitué par conséquent au
+téléphone récepteur. Cette fois c'est à n'y rien comprendre, car c'est
+seulement dans des variations d'intensité de courant qu'il faut
+chercher une cause du mouvement vibratoire produit dans l'une des
+parties du circuit lui-même, et il n'y a plus alors à invoquer des
+effets d'attraction et d'aimantation. Est-ce aux répulsions
+qu'exercent entre eux les éléments contigus d'un même courant qu'il
+faut rapporter cette action? Ou bien faut-il la considérer comme étant
+de la même nature que celle qui fait émettre des sons à un fil de fer
+lorsqu'il est traversé par un courant interrompu? un courant
+électrique est-il lui-même un mouvement vibratoire, comme l'admet M.
+Hughes? Voilà des questions auxquelles il est bien difficile de
+répondre dans l'état actuel de la science; toujours est-il que le fait
+existe, et ce sont MM. Hughes, Blyth et Robert, H. Courtenay et même
+M. Edison, qui, chacun de leur côté, viennent de le faire connaître;
+moi-même j'ai pu le vérifier dans les conditions expérimentales
+indiquées par M. Hughes, mais je n'ai pas été aussi heureux quand j'ai
+voulu répéter les expériences de M. Blyth. Suivant ce savant il
+suffirait, pour entendre la parole dans le microphone, d'employer le
+modèle à fragments de charbon dont nous avons parlé précédemment, d'y
+joindre comme appareil transmetteur un second microphone du même
+genre, et d'introduire dans le circuit une pile de deux éléments de
+Grove. Alors si on parle au-dessus des charbons de l'un des
+microphones, on devrait entendre distinctement la parole en approchant
+l'oreille du second, et l'importance des sons ainsi reproduits serait
+en rapport avec l'intensité de la source électrique employée.
+Toutefois, comme je le disais, je n'ai pu, en m'y prenant de cette
+manière, entendre aucun son et encore moins la parole, et si d'autres
+expériences ne m'avaient pas convaincu, j'aurais douté de
+l'authenticité du fait annoncé. Mais cette expérience négative ne
+prouve en définitif rien, car il est possible que je me sois placé
+dans de mauvaises conditions, et que les _escarbilles_ que j'employais
+ne fussent pas dans les mêmes conditions que les _cinders gas_ de M.
+Blyth.
+
+Quant aux expériences de M. Hughes, je les ai répétées avec le
+microphone de MM. Chardin et Berjot, relié avec celui de M. Gaiffe
+employé comme transmetteur, et j'ai reconnu qu'avec une pile de quatre
+éléments Leclanché, seulement, tous les grattements effectués sur le
+microphone de M. Gaiffe et même les trépidations et les airs résultant
+du jeu d'une petite boîte à musique placée sur cet appareil, étaient
+reproduits, très-faiblement il est vrai, dans le second microphone;
+pour les percevoir il suffisait de coller l'oreille contre la
+planchette verticale. La parole n'était pas reproduite il est vrai,
+mais M. Hughes m'en avait prévenu; l'appareil ainsi disposé n'était
+pas évidemment assez sensible.
+
+Pour reproduire la parole par ce système et pour la transmettre, il
+faut une autre disposition du microphone, et celle qui a donné les
+meilleurs résultats à M. Hughes est représentée, vue en coupe, figure
+42. C'est un peu le microphone parleur de M. Hughes, disposé
+verticalement et dont le charbon fixe est collé au centre de la
+membrane tendue d'un téléphone à ficelle. Le cornet de ce téléphone
+est représenté en A, la membrane en DD, et le charbon en question en
+C; ce charbon est en sapin carbonisé et métallisé ainsi que le double
+charbon E qui est en contact avec lui et qui est adapté à l'extrémité
+supérieure de la bascule GI. Le tout est renfermé dans une petite
+boîte, et on règle la pression exercée au contact des deux charbons au
+moyen d'un ressort antagoniste R et d'une vis H. C'est alors le cornet
+du téléphone qui sert de cornet acoustique, et c'est le parleur de M.
+Hughes décrit page 169 qui sert de transmetteur pour entendre. Inutile
+de dire que deux appareils de ce genre sont placés aux deux bouts du
+circuit, que les charbons sont reliés aux deux pôles d'une pile de
+deux éléments à bichromate de potasse ou de Bunsen ou de six éléments
+de Leclanché, et que les deux appareils sont reliés par le fil de
+ligne.
+
+Dans ces conditions, une conversation peut être échangée, mais les
+sons sont toujours beaucoup moins accentués que dans le téléphone.
+
+J'ai pu constater ce fait avec un appareil grossier apporté
+d'Angleterre par M. Hughes. MM. Berjot, Chardin et de Méritens qui
+étaient présents aux expériences, ont pu comme moi parfaitement
+entendre la parole, et j'ai depuis répété moi-même l'expérience avec
+succès; mais elle ne réussit pas toujours et, dans ses conditions
+actuelles, l'appareil ne présente d'importance qu'au point de vue
+scientifique. On le construit chez MM. Chardin et Berjot.
+
+On comprend facilement que l'appareil peut se passer de support, et la
+petite boîte forme alors le manche de l'instrument; les deux boutons
+d'attache sont disposés dans ce cas au bout de ce manche, comme dans
+un téléphone.
+
+Les effets du microphone récepteur expliquent les sons souvent
+très-intenses déterminés par les bougies Jablochkoff quand elles sont
+actionnées par des machines magnéto-électriques. Ces sons vibrent
+toujours à l'unisson de ceux émis par la machine elle-même, et ceux-ci
+proviennent, comme je l'ai déjà démontré, des aimantations et des
+désaimantations rapides des organes magnétiques qui sont mis en jeu
+par cette machine. Ces effets, remarqués par M. Marcel Deprez,
+étaient particulièrement caractérisés avec les premières machines de
+M. de Méritens.
+
+
+=Autres dispositions de microphones.=--Une disposition du genre de
+celle que nous venons de décrire a été employée par M. Carette pour
+constituer un parleur microphone extrêmement énergique; seulement au
+lieu d'une membrane tendue, il emploie une plaque métallique mince; il
+colle l'un des charbons au centre de cette plaque et adapte devant lui
+l'autre charbon qui est taillé en pointe et porté par un système de
+porte-charbon à vis de réglage au moyen duquel on peut régler comme on
+le veut la pression exercée entre les deux charbons. Avec cette
+disposition, la parole peut être entendue à distance du téléphone
+récepteur. Elle est, du reste, analogue à celle du transmetteur
+téléphonique de M. Edison.
+
+En exécutant dans de grandes dimensions le système représenté, fig.
+42, et formant le cornet AB avec un grand entonnoir en zinc de près de
+un mètre de longueur, M. de Méritens a pu parvenir à amplifier assez
+les sons de la parole pour qu'une conversation faite à voix basse à
+trois ou quatre mètres de cet instrument, ait été reproduite dans un
+téléphone d'une manière plus sonore et plus distincte. L'appareil
+était placé sur le plancher de l'appartement, l'ouverture de
+l'entonnoir en haut, et le téléphone était dans les caves de la
+maison.
+
+On a du reste varié de mille manières la forme du microphone suivant
+les applications auxquelles on veut l'appliquer. C'est ainsi que nous
+voyons dans l'_English Mechanic and World of Science_, du 28 juin
+1878, les dessins de plusieurs dispositions dont l'une est
+spécialement applicable à l'audition des pas d'une mouche; c'est une
+boîte à la partie supérieure de laquelle est tendue une feuille de
+papier végétal; deux charbons séparés par un petit morceau de bois et
+mis en rapport avec les deux fils du circuit y sont collés, et un
+troisième charbon allongé, placé en croix sur les deux autres, se
+trouve maintenu dans cette position par une rainure pratiquée dans
+ceux-ci. Une pile très-faible suffit pour faire fonctionner cet
+appareil, et la mouche se promenant sur la feuille de papier détermine
+des vibrations assez fortes pour faire réagir énergiquement un
+téléphone ordinaire. Il faut alors recouvrir l'appareil d'un globe de
+verre. En plaçant une montre sur la membrane et en ayant soin
+d'appuyer son bouton sur le morceau de bois séparant les deux
+charbons, le bruit de ses battements peut être entendu dans toute une
+salle. On peut encore, au lieu de l'arrangement de charbons décrit
+plus haut, employer deux cubes de charbon juxtaposés et séparés
+seulement par une carte à jouer. Une cavité semi-sphérique pratiquée à
+la partie supérieure de cette masse entre les deux charbons et dans
+laquelle on place quelques petites boules de charbon d'une grosseur
+intermédiaire entre celle d'un pois et celle d'une graine de moutarde,
+permet d'obtenir des contacts multiples excessivement mobiles et
+éminemment propres à des transmissions téléphoniques. Ces dispositions
+ont été combinées par M. T. Cuttriss.
+
+Il est encore beaucoup d'autres dispositions de microphones imaginées
+par différents constructeurs et inventeurs qui donnent des résultats
+plus ou moins satisfaisants, telles sont celles de MM. Varey, Trouvé,
+Vercker, de Combettes, Loiseau, etc., etc., mais comme elles se
+rapprochent plus ou moins des types que nous avons déjà décrits, nous
+n'en parlerons pas davantage.
+
+
+=Expériences faites avec le microphone.=--Il me reste maintenant à
+indiquer les expériences intéressantes qui ont conduit M. Hughes à
+l'instrument remarquable dont nous venons de parler, et celles qui ont
+été entreprises par d'autres savants, soit au point de vue
+scientifique, soit au point de vue pratique.
+
+Considérant que la lumière et la chaleur peuvent modifier la
+conductibilité électrique des corps, M. Hughes s'est demandé si des
+vibrations sonores transmises à un conducteur traversé par un courant
+ne modifieraient pas aussi cette conductibilité en provoquant des
+contractions et des dilatations des molécules conductrices, qui
+équivaudraient à des raccourcissements ou à des allongements du
+conducteur ainsi impressionné. Si cette propriété existait réellement,
+elle devrait permettre de transmettre les sons à distance, car de ces
+variations de conductibilité devaient résulter des variations
+proportionnelles de l'intensité d'un courant agissant sur un
+téléphone. L'expérience qu'il fit sur un fil métallique tendu n'a pas
+répondu toutefois à son attente, et ce n'est que quand le fil dut
+vibrer assez fortement pour se rompre, qu'il entendit un son au
+moment de la rupture. En rejoignant les deux bouts du fil, un son se
+produisit encore, et il reconnut bientôt que pour en obtenir, il
+suffisait d'un contact imparfait entre les deux bouts disjoints du
+fil. Il devint dès lors manifeste, pour M. Hughes, que les effets
+qu'il prévoyait ne pouvaient se produire qu'avec un conducteur divisé,
+et par suite de contacts imparfaits.
+
+Il rechercha alors quel était le degré de pression le plus convenable
+à exercer entre les deux bouts rapprochés du fil pour obtenir le
+maximum d'effet, et pour cela il effectua cette pression à l'aide de
+poids. Il reconnut que, quand elle était légère et qu'elle ne
+dépassait pas celle d'une once par pouce carré, au point de jonction,
+les sons étaient reproduits distinctement, mais d'une manière un peu
+imparfaite; en modifiant les conditions de l'expérience, il put
+s'assurer bientôt qu'il n'était pas nécessaire, pour obtenir ce
+résultat, que les fils fussent réunis bout à bout, et qu'ils pouvaient
+être placés côte à côte sur une planche ou même séparés (mais avec
+addition d'un conducteur posé en croix sur eux), pourvu que les métaux
+en contact fussent du fer et qu'une pression légère et constante pût
+les réunir métalliquement. L'expérience fut faite avec trois pointes
+de Paris disposées comme on le voit fig. 43, et elle a été répétée
+depuis, dans de meilleures conditions par M. Willoughby-Smith, avec
+trois limes dites queues-de-rat qui permirent de transmettre le bruit
+d'une faible respiration[23].
+
+ [Note 23: M. Willoughby-Smith a varié encore cette
+ expérience en plaçant sur les bouts disjoints du circuit
+ qu'il disposait angulairement l'un par rapport à l'autre, un
+ paquet de fils de soie cuivrés. Dans ces conditions,
+ l'appareil devenait tellement sensible, que le courant d'air
+ résultant d'une lampe placée au-dessous du système,
+ déterminait un crépitement très-accentué dans le téléphone.]
+
+Il essaya ensuite différentes combinaisons de ce genre présentant
+plusieurs solutions de continuité, et une chaîne d'acier lui fournit
+d'assez bons résultats; mais les légères inflexions, c'est-à-dire le
+timbre de la voix, manquaient, et il dut chercher d'autres
+dispositions. Il essaya d'abord d'introduire aux points de contacts
+des poudres métalliques; la poudre de zinc et d'étain connue dans le
+commerce sous le nom de _bronze blanc_, améliora beaucoup les effets
+obtenus; mais ils n'étaient pas stables à cause de l'oxydation des
+contacts, et c'est en essayant de résoudre cette difficulté, ainsi
+qu'en cherchant la disposition la plus simple pour obtenir une
+pression légère et constante sur ces contacts, que M. Hughes fut
+conduit à la disposition des charbons mercurisés décrite
+précédemment[24], laquelle donna les effets maxima.
+
+ [Note 24: Voici ce que dit M. Hughes, relativement à
+ cette disposition: «Le charbon, en raison de son
+ inoxydabilité, est un corps précieux pour ce genre
+ d'applications. En y alliant le mercure, les effets sont
+ beaucoup meilleurs. Je prends pour cela le charbon employé
+ par les artistes pour leurs dessins, je le chauffe
+ graduellement au blanc, et le plongeant ensuite tout d'un
+ coup dans le mercure, ce métal s'introduit instantanément en
+ globules dans les pores du charbon et le métallise pour ainsi
+ dire. J'ai essayé aussi du charbon recouvert d'un dépôt de
+ platine ou imprégné de chlorure de platine, mais je n'ai pas
+ eu un effet supérieur à celui que j'obtenais par le moyen
+ précédent. Le charbon de sapin chauffé à blanc dans un tube
+ de fer contenant de l'étain et du zinc ou tout autre métal
+ s'évaporant facilement, se trouve également métallisé, et il
+ est dans de bonnes conditions si le métal est à l'état de
+ grande division dans les pores de ce corps, ou s'il n'entre
+ pas en combinaison avec lui. Le fer, introduit de cette
+ manière dans le charbon, est un des métaux qui m'a donné les
+ meilleurs effets. Le charbon de sapin, quoique mauvais
+ conducteur, acquiert de cette manière un grand pouvoir
+ conducteur.»]
+
+L'importance de l'effet obtenu dans le microphone dépend du reste,
+d'après M. Hughes, du nombre et de la perfection des contacts, et
+c'est sans doute pour cela que certaines positions du crayon, dans
+l'appareil qui a été décrit plus haut, sont plus favorables que
+d'autres.
+
+Pour concilier les résultats de ses expériences avec les idées qu'il
+s'était faites, M. Hughes pensa que si les différences de résistance
+provenant des vibrations du conducteur n'étaient pas produites quand
+ce conducteur était entier, c'est que les mouvements moléculaires se
+trouvaient arrêtés par des résistances latérales égales et contraires,
+mais qu'il suffisait qu'une de ces résistances n'existât pas pour que
+le mouvement moléculaire put se développer librement. Or un mauvais
+contact équivalait, selon lui, à la suppression de l'une de ces
+résistances, et du moment où ce mouvement pouvait se produire, les
+dilatations et contractions moléculaires qui étaient la conséquence
+des vibrations, devaient correspondre à des accroissements ou à des
+affaiblissements de résistance du circuit. Nous ne suivrons pas
+davantage M. Hughes dans cette théorie, qui serait assez longue à
+développer, et nous allons continuer notre examen des différentes
+propriétés du microphone[25].
+
+ [Note 25: Suivant M. Hughes, les vibrations qui affectent
+ le microphone, même quand on parle à distance de
+ l'instrument, ne proviendraient pas de l'action directe des
+ ondes sonores sur les contacts du microphone, mais des
+ vibrations moléculaires déterminées par elles sur la planche
+ servant de support à l'appareil; il montre, en effet, que
+ plus cette planche présente de surface, plus les sons
+ produits par le microphone sont intenses, et qu'en enfermant
+ le microphone de son parleur dans une enveloppe cylindrique,
+ il ne diminue pas beaucoup la sensibilité, si la boîte qui
+ renferme le tout présente une certaine surface. C'est pour
+ augmenter encore, à ce point de vue, la sensibilité de ses
+ appareils, qu'il adapte la monture sur laquelle pivote la
+ pièce mobile du parleur et du récepteur microphonique sur une
+ lame de ressort.]
+
+Le charbon, comme nous l'avons déjà dit, n'est pas la seule substance
+qu'on peut employer à composer l'organe sensible de ce système de
+transmetteur, M. Hughes a essayé d'autres substances et même des corps
+très-conducteurs, tels que les métaux. Le fer lui a donné d'assez bons
+résultats, et l'effet produit par des surfaces de platine dans un
+grand état de division a été égal, sinon supérieur, à celui fourni par
+le charbon mercurisé. Toutefois, comme avec ce métal on rencontre plus
+de difficultés dans la construction des appareils, il donne la
+préférence au charbon qui, comme lui, jouit de l'avantage de
+l'inoxydabilité.
+
+Nous avons dit en commençant que le microphone pouvait être employé
+comme thermoscope: mais il doit avoir alors la disposition
+particulière que nous avons représentée fig. 40. Dans ces conditions,
+la chaleur, en réagissant sur la conductibilité de ces contacts, peut
+faire varier dans de si grandes proportions la résistance du circuit,
+qu'en approchant la main du tube, on peut annuler le courant de trois
+éléments Daniell. Il suffit, pour apprécier l'intensité relative de
+différentes sources de chaleur, exposées devant l'appareil,
+d'introduire dans le circuit des deux électrodes A et B, fig. 40, une
+pile P de un ou deux éléments Daniell et un galvanomètre un peu
+sensible G. Un galvanomètre de cent vingt tours est suffisant pour
+cela. Quand la déviation diminue, c'est que la source calorifique est
+supérieure à la température ambiante; quand elle augmente c'est
+qu'elle est inférieure. «Les effets résultant de l'intervention du
+soleil et de l'ombre se traduisent sur cet appareil, dit M. Hughes,
+par des variations considérables dans les déviations du galvanomètre.
+Il est même impossible de le tenir en repos, tant il est sensible aux
+moindres variations de la température.»
+
+J'ai répété avec un seul élément Leclanché, les expériences de M.
+Hughes et j'ai pour cela, employé un tuyau de plume rempli de cinq
+fragments de charbon, provenant d'un des charbons cylindriques de
+petit diamètre que fabrique M. Carré pour la lumière électrique. J'ai
+bien obtenu les résultats qu'il indique; mais je dois dire que
+l'expérience est assez délicate. En effet, quand les fragments de
+charbon sont trop serrés les uns contre les autres, le courant passe
+avec trop de force pour que les effets calorifiques puissent faire
+varier la déviation galvanométrique; quand ils sont trop peu serrés,
+le courant ne passe pas. Il est donc un degré moyen de serrage qui
+doit être effectué pour que les expériences réussissent, et quand il
+est obtenu, on observe en approchant la main du tube, qu'une déviation
+qui était de 90° diminue au bout de quelques secondes et semble être
+en rapport avec le rapprochement plus ou moins grand de la main. Mais
+c'est l'haleine qui produit les effets les plus marqués, et je ne
+serais pas éloigné de croire que les déviations plus ou moins grandes
+que provoquent les émissions des sons articulés quand on prononce
+séparément les différentes lettres de l'alphabet, proviendraient d'une
+émission plus ou moins grande et plus ou moins directe des gaz
+échauffés sortant de la poitrine. Ce qui est certain, c'est que ce
+sont les lettres qui provoquent les sons les plus accentués telles
+que, A, F, H, I, K, L, M, N, O, P, R, S, W, Y, Z, qui déterminent les
+plus fortes déviations de l'aiguille galvanométrique.
+
+Dans mon mémoire sur la conductibilité des corps médiocrement
+conducteurs, j'avais déjà signalé cet effet de la chaleur sur les
+corps divisés, et j'avais de plus montré que, après une certaine
+déviation rétrograde qui se produisait toujours au premier moment, il
+se manifestait un mouvement en sens inverse de l'aiguille
+galvanométrique qui accusait, au bout de quelques instants de
+chauffage, une déviation bien supérieure à celle indiquée
+primitivement.
+
+Dans une note publiée dans le _Scientific American_ du 22 juin 1878,
+M. Edison donne quelques détails intéressants sur l'application de
+son système de transmetteur téléphonique à la mesure des pressions,
+des dilatations et autres forces capables de faire varier la
+résistance du disque de charbon de cet appareil par suite d'une
+compression plus ou moins forte. Comme les expériences qu'il fit à ce
+sujet remontent au mois de décembre 1877, il en conclut encore qu'il a
+la priorité de l'invention du microphone employé comme thermoscope;
+mais nous devons lui faire observer que, d'après la manière dont M.
+Hughes a disposé son appareil, l'effet produit par la chaleur est
+précisément inverse de celui qu'il signale. En effet, dans le
+dispositif adopté par M. Edison, la chaleur agit par une augmentation
+de conductibilité qu'acquiert le charbon sous l'influence d'une
+augmentation de pression déterminée par la dilatation d'un corps
+sensible à la chaleur; dans le système de M. Hughes, la chaleur
+provoque un effet diamétralement opposé, parce qu'elle n'agit alors
+que sur des contacts et non par effet de pression. Aussi la résistance
+du microphone thermoscope se trouve augmentée sous l'influence de la
+chaleur au lieu d'être diminuée. Cet effet différent tient à la
+division du corps médiocrement conducteur, et j'ai démontré que, dans
+ces conditions, ces corps, quand ils ne sont chauffés que faiblement,
+déterminent toujours un affaiblissement dans l'intensité du courant
+qu'ils transmettent. Je crois du reste, que la disposition de M.
+Edison est meilleure comme appareil thermoscopique et permet de
+mesurer des sources calorifiques beaucoup moins intenses. S'il faut
+l'en croire, on pourrait avec son appareil non-seulement mesurer la
+chaleur du rayonnement lumineux des étoiles, de la lune et du soleil,
+mais encore les variations de l'humidité de l'air et de la pression
+barométrique.
+
+Cet appareil, que nous représentons figure 44 avec ses différents
+détails et la disposition rhéostatique employée pour les mesures, se
+compose d'une pièce métallique A fixée sur une planchette C et sur
+l'un des côtés de laquelle est adapté le système de disques de platine
+et de charbon D décrit page 77. Une pièce rigide G munie d'une
+crapaudine soutient extérieurement ce système, et on introduit dans
+cette crapaudine l'une des extrémités effilées d'un corps susceptible
+d'être impressionné par la chaleur, l'humidité ou la pression
+barométrique. L'autre extrémité est soutenue par une seconde
+crapaudine I adaptée à un écrou H susceptible d'être plus ou moins
+serré par une vis de réglage. Si on introduit ce système dans un
+circuit galvanométrique _a_ _b_ _c_ _i_ _g_ muni de tous les
+instruments de mesure électrique, les variations de longueur du corps
+interposé se traduisent par des déviations de l'aiguille
+galvanométrique plus ou moins grandes, qui sont la conséquence des
+différences de pression résultant de l'allongement ou du
+raccourcissement du corps dilatable interposé dans le circuit sur
+l'appareil.
+
+Les expériences du microphone faites à la séance de la Société des
+ingénieurs télégraphistes de Londres, le 23 mai dernier, ont
+admirablement réussi et ont été l'occasion d'un article intéressant
+dans l'_Engineering_ du 31 mai, dans lequel on constate que toute
+l'assemblée a pu entendre parler le téléphone, dont la voix se
+rapprochait beaucoup de celle du phonographe. Quand on annonça que ces
+paroles avaient été prononcées à une distance assez grande du
+microphone, le duc d'Argyle, présent à la séance, tout en admirant
+l'importance de la découverte, ne put s'empêcher de s'écrier que
+cette invention pourrait avoir des conséquences terribles, «ainsi, par
+exemple, dit-il, nous sommes à Downing-street, et je ne puis
+m'empêcher de penser que si un des appareils du professeur Hughes
+était placé dans la pièce où les ministres de Sa Majesté sont en
+conférence, nous pourrions entendre d'ici tous les secrets de cabinet.
+Si un de ces petits appareils pouvait être mis dans la poche de mon
+ami Schouvaloff ou bien dans celle de lord Salisbury, nous serions
+tout à coup en possession de ces grands secrets que tout ce pays et
+toute l'Europe attendent avec une si grande anxiété. Si l'assurance
+qu'on donne que ces appareils sont susceptibles de répéter toutes les
+conversations qui peuvent se faire dans une pièce où ils sont placés,
+cela pourrait constituer un véritable danger, et je pense que le
+professeur Hughes qui a inventé ce magnifique et en même temps si
+dangereux instrument, devrait rechercher maintenant un antidote à sa
+découverte.» D'un autre côté, le docteur Lyon-Playfair pense que le
+microphone devrait être appliqué à l'aérophone, pour qu'en plaçant ces
+instruments dans les deux chambres du parlement, les discours des
+grands orateurs puissent être entendus par toute une population sur
+une étendue de quatre à cinq milles carrés.
+
+Les essais du microphone faits récemment à Harlifax et qui ont été
+rapportés dans les journaux anglais, montrent que les prévisions du
+duc d'Argyle étaient parfaitement justifiées. Il paraîtrait en effet
+qu'un dimanche un microphone ayant été placé sur la devanture de la
+chaire d'un prédicateur à l'église d'Harlifax, et cet instrument étant
+relié par un fil de 3 kilomètres à un téléphone placé près du lit
+d'un malade, habitant un château voisin, ce malade a pu entendre
+toutes les prières, les cantiques et le sermon. M. Hughes, qui m'avait
+communiqué cette nouvelle, m'assurait qu'elle lui avait été donnée par
+des personnes dignes de foi, et nous apprenons maintenant qu'il y a
+sept abonnés pour jouir de l'avantage d'écouter les offices
+d'Harlifax, sans se déranger.
+
+Le microphone a été aussi appliqué dernièrement à la répétition à
+distance d'un opéra tout entier, et voici ce que dit à cet égard le
+_Journal télégraphique_ de Berne du 25 juillet:
+
+ «Le 19 juin dernier a eu lieu à Billenzona (Suisse) une curieuse
+ expérience micro-téléphonique. Une troupe italienne de passage
+ devait donner ce jour-là, au théâtre de cette ville, l'opéra de
+ Donizetti, _Don Pasquale_. M. Patocchi, inspecteur-adjoint du VIe
+ arrondissement télégraphique de la Suisse, a eu l'idée de
+ profiter de cette occasion, pour expérimenter les effets combinés
+ du microphone à charbon de Hughes comme appareil transmetteur et
+ du téléphone de Bell comme appareil récepteur. À cet effet, il
+ installa dans une loge de premier rang, à côté du proscenium, un
+ microphone Hughes qu'il relia au moyen de deux fils de 1.1/2
+ millimètres de diamètre à quatre récepteurs Bell disposés dans
+ une salle de billard, au-dessus du vestibule du théâtre même,
+ salle où ne parvient aucun des bruits de l'intérieur du théâtre.
+ Dans le circuit, et près du microphone de Hughes, était
+ intercalée une petite pile de deux éléments du modèle ordinaire
+ de l'administration suisse.
+
+ «Les résultats ont été aussi heureux et aussi complets que
+ possible. Les téléphones reproduisaient exactement, avec une
+ clarté et une netteté merveilleuse, aussi bien les sons de
+ l'orchestre que le chant des artistes. Plusieurs spectateurs ont
+ constaté, avec M. Patocchi, que l'on ne perdait pas une note des
+ instruments ou des voix, qu'on distinguait parfaitement les mots
+ prononcés, que les airs étaient reproduits dans leur ton naturel,
+ avec toutes leurs nuances, les _piano_ comme les _forte_, les
+ motifs doux comme les passage de force, et plusieurs _dilettanti_
+ amateurs ont même assuré à M. Patocchi que, par cette seule
+ audition au moyen des téléphones, l'on pouvait apprécier les
+ beautés musicales, les qualités des voix des artistes et
+ généralement juger de la pièce elle-même, comme pouvaient le
+ faire les spectateurs à l'intérieur du théâtre.
+
+ «Les résultats ont été les mêmes en introduisant dans le circuit
+ des résistances jusqu'à 10 kilomètres sans augmenter le nombre
+ des éléments de la pile. C'est, croyons-nous la première
+ expérience de ce genre qui ait été faite, en Europe du moins,
+ dans un théâtre et sur un opéra complet; et ceux qui connaissent
+ toute la légèreté et la grâce des mélodies de _Don Pasquale_,
+ apprécieront à quelle sensibilité doit atteindre la combinaison
+ du microphone de Hughes et du téléphone de Bell, pour ne rien
+ laisser perdre des délicatesses de cette musique.»
+
+Les expériences avec le microphone, quoique à leur début, ont été
+cependant très-variées, et nous voyons dans les journaux anglais,
+entre autres expériences curieuses, qu'on a voulu établir sur le même
+principe un appareil sensible téléphoniquement aux variations d'une
+source lumineuse. On sait que certains corps et particulièrement le
+sélénium sont impressionnables électriquement à la lumière,
+c'est-à-dire que leur conductibilité peut varier dans d'assez grandes
+proportions suivant la quantité plus ou moins grande de lumière qui
+les éclaire. Or si on fait passer brusquement un circuit dans lequel
+est interposé un corps de cette nature, de l'obscurité à un
+éclairement un peu intense, il doit résulter de l'augmentation subite
+de résistance qui en est la conséquence, un son énergique dans un
+téléphone interposé dans le circuit. C'est en effet ce que
+l'expérience a démontré, et M. Willoughby-Smith en tire la conséquence
+que, conformément à ce que nous avons dit plus haut, les effets
+produits dans le microphone sont la conséquence de variations de
+résistance dans le circuit par suite de contacts plus ou moins intimes
+entre conducteurs imparfaits.
+
+Pour obtenir l'effet précédent dans ses meilleures conditions, M.
+Siemens emploie deux électrodes composées par des réseaux de fils de
+platine très-fins enchevêtrés les uns dans les autres, à la manière de
+deux fourchettes dont les dents seraient intercalées dans leurs
+intervalles réciproques. Ces électrodes sont introduites entre deux
+lames de verre, et une goutte de sélénium versée au centre de ces
+réseaux, les réunit sur une surface circulaire assez étendue pour
+établir une conductibilité suffisante dans le circuit. Or c'est sur
+cette goutte ainsi étendue qu'on doit projeter le rayon de lumière.
+
+Une jolie expérience que l'on peut faire encore avec le microphone est
+celle-ci: vous placez sur une planche en bois un peu grande, une
+planchette à dessin par exemple, un microphone à charbon vertical dont
+les extrémités sont bien pointues et qui est placé tout à fait
+verticalement. On dispose dans le circuit un ou plusieurs téléphones,
+et si on les renverse sur la planche de manière que leur membrane soit
+en regard de celle-ci, on entend un roulement continu qui ressemble
+tantôt à un son musical, tantôt au bruissement de l'eau bouillant dans
+une chaudière, et ce bruit qui peut être entendu à distance, dure
+indéfiniment tant que la source électrique est en activité. M. Hughes
+explique ce phénomène de la manière suivante.
+
+La moindre secousse qui mettra le microphone en action, aura pour
+effet d'envoyer des courants plus ou moins interrompus à travers les
+téléphones qui les transformeront en vibrations sonores, et celles-ci
+étant transmises mécaniquement par la planche au microphone,
+entretiendront son mouvement qui sera même amplifié et provoquera de
+nouvelles vibrations sur les téléphones; d'où il résultera une
+nouvelle action sur le microphone et ainsi de suite indéfiniment. D'un
+autre côté, en plaçant sur la même planche un second microphone
+correspondant à un autre circuit téléphonique, on peut en faire un
+appareil réagissant comme _un relais télégraphique_, c'est-à-dire
+répétant à distance les bruits transmis à la planche, et ces bruits
+répétés peuvent constituer soit un appel, soit les éléments d'une
+dépêche dans le langage Morse, si l'on place dans le circuit du
+premier microphone un manipulateur Morse. «J'ai fait, dit M. Hughes,
+avec cette disposition d'appareils, plusieurs expériences qui ont
+produit beaucoup d'effet, quoique n'ayant employé qu'une pile de
+Daniell de six éléments sans bobine d'induction. En adaptant au
+téléphone récepteur un cornet en carton de 40 centimètres de longueur,
+on a pu entendre dans toute une grande salle le bruit continu du
+relais, les battements d'une pendule et le bruit fait par la plume en
+écrivant. Je n'ai pas essayé de transmettre la parole parce que, dans
+ces conditions, elle n'aurait pas été reproduite avec netteté.»
+
+L'idée d'employer le microphone comme relais était, du reste, venue à
+l'esprit de plusieurs personnes et entre autres de M. Latimer-Clark
+qui proposait pour cela de faire réagir l'armature d'un électro-aimant
+introduit dans le circuit du microphone, sur un tube disposé comme on
+l'a vu fig. 40 et réagissant lui-même sur le second circuit,
+c'est-à-dire sur le circuit du téléphone. MM. Houston et Thomson en
+ont fait également un dernièrement.
+
+D'un autre côté lord Lindsay a imaginé d'adapter au microphone une
+membrane résonnante, et il a obtenu par ce moyen une reproduction
+excellente des sons musicaux produits par un piano; mais lorsque les
+vibrations de cet instrument concordaient avec les vibrations
+fondamentales de la membrane, un bruit très-fort se faisait entendre
+dans le téléphone, et dans ce bruit, on distinguait non-seulement la
+note fondamentale de cette membrane, mais encore toutes les vibrations
+sympathiques déterminées par les cordes du piano réagissant les unes
+sur les autres.
+
+En raison de son extrême sensibilité, cet appareil pourrait permettre de
+constater les bruits produits à l'intérieur du corps humain et servir
+par conséquent de _stéthoscope_ pour l'auscultation des poumons et des
+battements du coeur. Le Dr Richardson en Angleterre, conjointement avec
+M. Hughes, s'occupe en ce moment de rendre pratique cette importante
+application; mais jusqu'à présent les résultats obtenus n'ont pas été
+très-satisfaisants. On espère toutefois y parvenir. En attendant M.
+Ducretet a construit un microphone stéthoscopique que nous représentons
+fig. 45 et qui est d'une extrême sensibilité. C'est un microphone à
+charbon CP, à simple contact, dont le charbon inférieur P est adapté à
+un tambour à membrane vibrante de M. Marais T. Ce tambour est relié par
+un tube de caoutchouc CC' à un autre tambour T' qui est destiné à être
+appliqué sur les différentes parties du corps à ausculter, et que l'on
+appelle en conséquence _tambour explorateur_; la sensibilité de
+l'appareil est réglée au moyen d'un contrepoids PO, qui se visse sur le
+bras d'un levier bascule LL, auquel est fixé le second charbon C. Tout
+le monde connaît la grande sensibilité des tambours de M. Marais pour la
+transmission des vibrations, et cette sensibilité étant encore augmentée
+par le microphone, l'appareil acquiert une impressionnabilité extrême,
+peut-être même une trop grande, car il révèle tout espèce de bruits
+qu'il est très-difficile de distinguer les uns des autres. Du reste, cet
+appareil ne peut donner de bons résultats que confié à des mains
+expérimentées, et il faudra évidemment une éducation auditive
+particulière pour qu'on puisse en tirer parti.
+
+Comme application de ce genre, la plus importante est celle que vient
+d'en faire, conjointement avec M. Hughes, M. Henry Thompson célèbre
+chirurgien anglais, pour l'exploration de la vessie dans la maladie de
+la pierre. Au moyen de cet appareil, on peut en effet constater la
+présence et préciser le siège des calculs pierreux qui peuvent s'y
+trouver, quelques petits qu'ils soient d'ailleurs. On emploie pour
+cela une sonde exploratrice composée d'une tige de Maillechort un peu
+recourbée par le bout et qui est mise en communication avec un
+microphone sensible à charbon. Quand, en promenant cette sonde dans la
+vessie, la tige en question rencontre des particules pierreuses,
+fussent-elles de la grosseur d'une tête d'épingle, le frottement qui
+en résulte détermine des vibrations qui se distinguent parfaitement,
+dans le téléphone, de celles qui se produisent par la simple friction
+de la tige sur les tissus mous des parois de la vessie. Toutefois, M.
+Thompson prétend que pour obtenir de bons résultats de cette méthode,
+il faut prendre certaines précautions. Il faut que l'instrument ne
+soit pas trop sensible afin que la nature des bruits soit bien
+distincte, la pile ne doit pas être trop forte, pour éviter les sons
+qui pourraient résulter des bruits extérieurs. L'appareil est du reste
+disposé comme on le voit fig. 46. Le microphone est placé dans le
+manche qui porte la sonde et n'est autre que celui que nous avons
+représenté fig. 39, mais avec de plus petites dimensions, et les deux
+fils conducteurs _e_ allant au téléphone, ressortent du manche par le
+bout _a_ opposé à celui _bb_ où la sonde _dd_ est vissée. Comme cet
+appareil n'est pas destiné à reproduire la parole, on emploie des
+charbons de cornue au lieu de charbons de bois.
+
+On a pu encore par un moyen basé sur le principe du microphone, faire
+entendre certains sourds dont l'oreille n'était pas encore tout à fait
+insensibilisée. Pour obtenir ce résultat, on adapte devant les deux
+oreilles du malade deux téléphones, reliés entre eux par une couronne
+métallique appuyée sur l'os frontal, et on met les deux téléphones en
+rapport avec un microphone muni de sa pile, lequel pend à l'extrémité
+d'un double fil conducteur. Le malade conserve dans sa poche ce
+microphone, et il le présente comme un cornet acoustique à son
+interlocuteur quand il veut converser avec lui. Le microphone est
+alors constitué par le parleur de M. Hughes représenté fig. 39.
+
+Le microphone peut avoir encore beaucoup d'autres applications, et
+voici ce que nous lisons à cet égard dans l'_English Mechanic_ du 21
+Juin 1878: «Au moyen de cet instrument, les ingénieurs pourront
+apprécier les effets des vibrations occasionnées sur les édifices
+anciens et nouveaux par le passage de lourdes charges; un soldat
+pourra reconnaître l'approche de l'ennemi à plusieurs milles de
+distance et distinguer même s'il aura affaire avec de l'artillerie ou
+de la cavalerie; la marche des navires dans le voisinage des torpilles
+pourra même être annoncée à la côte, et on pourra dès lors, à coup
+sûr, en déterminer l'explosion.»
+
+On a aussi proposé d'appliquer le microphone comme un avertisseur des
+fuites de gaz dans les mines à charbon. Le gaz s'échappant des
+crevasses de charbon, produit un son sifflant qui par le moyen du
+microphone et du téléphone pourrait être entendu au haut des puits.
+D'un autre côté, on a eu l'idée que le microphone pourrait être
+utilement employé comme Séismographe pour signaler les bruits
+souterrains qui précèdent généralement les tremblements de terre et
+les éruptions volcaniques, et qui se trouveraient de cette manière
+notablement amplifiés. Cet appareil pourrait même être d'un usage
+utile à M. Palmieri pour ses études à l'observatoire du Vésuve.
+
+Comme on devait s'y attendre, des réclamations de priorité devaient
+être la conséquence de la grande faveur qui a accueilli l'invention de
+M. Hughes, et même en dehors de la réclamation de M. Edison sur
+laquelle nous avons exprimé notre opinion[26], nous en trouvons
+plusieurs autres qui montrent que, si quelques effets du microphone
+ont été découverts à différentes époques avant M. Hughes, on n'y avait
+prêté qu'une très-médiocre attention puisqu'ils n'ont même pas été
+publiés. De ce nombre sont celles de M. Wentwork Lacelles-Scott
+enregistrées dans l'_Electrician_ du 25 mai 1878, et celle de M.
+Weyher présentée à la Société de Physique de Paris au mois de juin
+dernier; mais elles n'ont guère d'importance, attendu que les dates
+auxquelles remontent les expériences de ces savants sont encore
+postérieures à celles des premières expériences de M. Hughes;
+celles-ci datent, en effet, du commencement de décembre 1877, et ont
+même été montrées en janvier 1878 aux fonctionnaires de la _Submarine
+Telegraph Company_, ainsi que le publie M. Preece dans une lettre
+adressée aux différents savants.
+
+ [Note 26: Nous reproduisons ci-dessous une lettre que sir
+ William Thomson a publiée au sujet de cette discussion:
+
+ «Monsieur,
+
+ «Au plaisir que le public a éprouvé en prenant connaissance
+ de ces magnifiques découvertes qui, sous le nom de téléphone,
+ de microphone et de phonographe, ont tant étonné le monde
+ savant, est venu se mêler dernièrement, très-inutilement,
+ j'ai besoin de le dire, un des incidents les plus
+ regrettables qui puissent se produire. Il s'agit d'une
+ réclamation de priorité accompagnée d'accusation de mauvaise
+ foi, qui a été lancée par M. Edison contre une personne dont
+ le nom et la réputation sont depuis longtemps respectés dans
+ l'opinion publique.
+
+ «Avant de faire intervenir le public dans une semblable
+ affaire, M. Edison aurait dû évidemment discuter sa
+ réclamation avec M. Preece qui était, depuis l'origine de
+ toutes ses inventions, en correspondance avec lui; ou bien
+ encore, il aurait pu, en s'adressant directement aux journaux
+ publics, établir sa réclamation, en montrant avec calme la
+ grande similitude qui pouvait exister entre son téléphone à
+ charbon et le microphone de M. Hughes qui l'avait suivi. Le
+ monde scientifique aurait alors pu juger le débat avec calme,
+ il aurait pu s'y intéresser et examiner sainement ce qu'il
+ pouvait y avoir de commun entre les deux inventions. Mais,
+ par son attaque violente dans les journaux contre MM. Preece
+ et Hughes, et en les accusant de _piraterie_, de _plagiat_ et
+ d'_abus de confiance_, il a ôté tout crédit à sa réclamation
+ aux yeux des personnes compétentes. Rien d'ailleurs n'était
+ moins fondé que ces accusations. M. Preece fit lui-même la
+ description détaillée du téléphone à charbon de M. Edison à
+ la réunion de l'Association britannique qui eut lieu à
+ Plymouth, en août dernier; il en fit ressortir le mérite, et
+ les journaux publics en rendirent compte d'après sa
+ communication. Les magnifiques résultats présentés, au
+ commencement de l'année, par M. Hughes avec son microphone,
+ ont été décrits par lui-même sous une forme telle, qu'il est
+ impossible de mettre en doute qu'il n'ait travaillé sur son
+ propre fonds et en dehors de toutes les recherches de M.
+ Edison qu'il n'avait pas le plus petit intérêt à
+ s'approprier.
+
+ «Il est vrai que le principe physique appliqué par M. Edison
+ dans son téléphone à charbon et par M. Hughes dans son
+ microphone est le même; mais il est également le même que
+ celui employé par M. Clérac, fonctionnaire de
+ l'administration des lignes télégraphiques françaises, dans
+ son tube à résistance variable qu'il avait donné à M. Hughes
+ et à d'autres en 1866 pour des usages pratiques importants,
+ appareil qui, du reste dérive entièrement de ce fait signalé
+ il y a longtemps par M. du Moncel, que _l'augmentation de
+ pression entre deux conducteurs en contact produit une
+ diminution dans leur résistance électrique_.»]
+
+Avant de terminer avec le microphone, je crois devoir rappeler ici
+deux expériences intéressantes de M. Hughes, qui tout en montrant que
+l'attraction magnétique n'entre pour rien dans la reproduction de la
+parole, prouve que les effets électro-magnétiques peuvent se combiner
+aux effets microphoniques.
+
+1º Si une armature de fer doux est appliquée sur les pôles d'un
+électro-aimant à deux branches solidement fixé sur une planche, et
+qu'on interpose entre cette armature et les pôles magnétiques des
+morceaux de papier afin d'éviter les effets de magnétisme condensé, on
+peut, en reliant cet électro-aimant à un microphone parleur du modèle
+de la fig. 39, entendre sur la planche servant de support à
+l'électro-aimant les mots prononcés dans le parleur.
+
+2º Si on oppose par leurs pôles de noms contraires deux
+électro-aimants mis en rapport avec un microphone, en ayant soin de
+séparer ces pôles par des morceaux de papier, on obtiendra clairement
+la reproduction de la parole, sans qu'il y ait besoin d'armature ni de
+diaphragme. Ces deux faits peuvent encore être opposés à la théorie
+soutenue par M. Navez.
+
+3º Si au lieu de faire passer le courant actionné par un microphone à
+travers l'hélice d'un téléphone servant de récepteur, on lui fait
+traverser directement le barreau aimanté de ce téléphone dans le sens
+de son axe, c'est-à-dire d'un pôle à l'autre, on peut entendre
+distinctement les paroles prononcées dans le microphone. Cette
+expérience, qui est de M. Paul Roy, indiquerait, si elle est exacte,
+que les ondulations électriques qui parcoureraient longitudinalement
+un aimant, en modifieraient l'intensité magnétique. Cette expérience
+est toutefois à vérifier.
+
+
+
+
+EFFETS DES ACTIONS EXTÉRIEURES SUR LES TRANSMISSIONS TÉLÉPHONIQUES.
+
+
+Les obstacles qu'on rencontre dans les transmissions téléphoniques
+proviennent de trois causes; 1º de l'affaiblissement des sons par
+suite des pertes de courant sur les lignes, pertes beaucoup plus
+grandes avec les courants d'induction qu'avec les courants de pile; 2º
+des mélanges produits par les dérivations des courants voisins; 3º de
+l'induction des fils les uns sur les autres. Cette dernière influence
+est beaucoup plus grande qu'on ne se le figure ordinairement. Placez
+côte à côte deux fils parfaitement isolés, l'un en correspondance avec
+un circuit de sonnerie trembleuse, l'autre avec un circuit de
+téléphone: ce dernier répétera les bruits de la sonnerie avec une
+intensité souvent assez grande pour fournir lui-même un appel sans
+qu'on ait l'appareil à l'oreille. MM. Pollard et Garnier, dans leurs
+intéressantes expériences avec les courants induits de la bobine de
+Ruhmkorff, ont reconnu qu'on pouvait obtenir de cette manière,
+non-seulement les sons en rapport avec les courants induits résultant
+de l'action du courant traversant l'hélice primaire, mais encore ceux
+qui résultent de l'action des courants secondaires sur d'autres
+hélices et qu'on a désignés sous le nom de courants de second ordre.
+Ce sont ces différentes réactions qui font que les transmissions
+téléphoniques faites sur les lignes télégraphiques se trouvent souvent
+troublées par des bruits insolites qui viennent des transmissions
+électriques sur les fils voisins; mais elles paraissent subir ces
+influences sans s'éteindre, et il arrive que l'on peut entendre à la
+fois une conversation parlée en langage ordinaire et une dépêche
+transmise dans le langage Morse.
+
+À l'école d'artillerie de Clermont, on a établi à titre d'expériences
+une communication téléphonique entre cette école et le champ de tir
+qui est à une distance de 14 kilomètres. Une autre communication du
+même genre est établie entre l'Observatoire de Clermont et celui du
+Puy-de-Dôme à 15 kilomètres de distance. Ces deux lignes sont portées
+par les mêmes poteaux sur un parcours de 10 kilomètres, et dans ce
+trajet sur ces poteaux, se trouve un fil télégraphique ordinaire;
+enfin dans cet espace, les poteaux pendant 300 mètres portent aussi
+sept autres fils télégraphiques. Les deux fils téléphoniques sont
+d'ailleurs éloignés de 0m,85 l'un de l'autre. Dans ces conditions on a
+constaté:
+
+1º Que le téléphone de l'école lit très-bien, par le son, les dépêches
+Morse qui passent dans le télégraphe sur les deux fils qui
+l'avoisinent, mais que le tic-tac de l'appareil ne gêne en rien le
+passage ni l'audition de la communication verbale du téléphone;
+
+2º Que les deux lignes téléphoniques voisines, quoique ne se touchant
+pas, et sans communication entre elles, mélangent cependant leurs
+dépêches, et il est arrivé qu'on a pu entendre à l'école par le fil
+venant du champ de tir, des dépêches du Puy-de-Dôme, et qu'on a pu y
+répondre, sans que nulle part la distance entre les fils des deux
+lignes fut moindre que 85 centimètres.
+
+On a pu remédier un peu à ces inconvénients en interposant dans le
+circuit de fortes résistances, ou en établissant des dérivations à la
+terre à une certaine distance des postes téléphoniques.
+
+Suivant M. Izarn, professeur de physique au lycée de Clermont, les
+courants électriques téléphoniques pourraient très-bien se dériver par
+la terre, surtout quand ils rencontreraient sur leur passage des
+conducteurs métalliques comme des conduites d'eau ou de gaz. Voici ce
+qu'il dit dans une note adressée à l'académie des sciences le 13 mai
+1878. «J'ai installé au lycée de Clermont un téléphone sur un fil
+unique d'une cinquantaine de mètres, qui, traversant la grande cour
+du lycée, va du laboratoire de physique où il s'accroche à un bec de
+gaz, à une pièce placée près de la loge du concierge où il s'accroche
+à un autre bec de gaz. En appliquant l'oreille au téléphone, j'entends
+très-nettement les signaux télégraphiques Morse ou autres qui
+proviennent soit du bureau télégraphique de Clermont, soit du bureau
+téléphonique fonctionnant entre l'école d'artillerie de Clermont et le
+polygone de tir, établi à 14 kilomètres de la ville au pied du
+Puy-de-Dôme. J'entends même des paroles et surtout des commandements
+militaires émis dans le téléphone du polygone et destinés à être
+entendus à l'école. Or mon fil est absolument indépendant de ceux où
+circulent ces signaux; il en est même très-éloigné; mais comme les
+prises de terre du bureau télégraphique et de l'école d'artillerie se
+font à une petite distance des tuyaux de gaz, il n'est pas douteux que
+le phénomène ne soit dû à une dérivation du courant produite à travers
+mon fil par l'intermédiaire du sol et du réseau métallique des
+tuyaux.»
+
+Cette remarque avait été déjà faite par M. Preece dans sa notice: _Sur
+quelques points physiques en rapport avec le téléphone._ D'un autre
+côté, nous lisons dans le _Telegraphic journal_ du 15 juin 1878, que
+dans un concert téléphonique, transmis de Buffalo à New-York, les
+chanteurs de Buffalo ont été entendus dans un bureau particulier placé
+en dehors du circuit télégraphique sur lequel s'opérait la
+transmission. Après informations, on reconnut que le fil à travers
+lequel la transmission téléphonique s'effectuait dans ce bureau, se
+rapprochait en un point de son parcours de celui qui transmettait
+directement les sons musicaux; mais la distance entre les deux fils
+n'était pas moindre de dix pieds.
+
+Avec les circuits entièrement métalliques, les effets des mélanges
+sont beaucoup moins à craindre, et suivant M. Zetzche, on n'entend que
+très-peu et seulement par instants, les sons provenant d'autres fils;
+on entend donc beaucoup mieux et plus aisément avec cette disposition
+qu'avec la disposition ordinaire. «Ce ne sont pas d'ailleurs, dit-il,
+les résistances des fils, mais bien plutôt les dérivations de courant
+près des poteaux qui présentent des obstacles pour les correspondances
+téléphoniques échangées sur de longues lignes aériennes. J'ai pu en
+avoir la preuve dans les expériences suivantes: Ayant relié la ligne
+télégraphique de Dresde à Chemnitz à l'une des lignes de Chemnitz à
+Leipzig (87 kil.), ce qui fournissait un circuit de 167 kilomètres
+communiquant à la terre à ses deux extrémités, Dresde et Leipzig n'ont
+pu s'entretenir, tandis que Dresde et Chemnitz le pouvaient très-bien
+malgré la plus grande étendue de la ligne. Ayant fait supprimer la
+communication à la terre, d'abord à Leipzig, puis à Leipzig et à
+Dresde simultanément, j'ai constaté les effets suivants: Avec
+l'isolation effectuée à Leipzig seulement, les stations de Dresde, de
+Riesa, Wurzen purent bien s'entendre au moyen du téléphone; mais avec
+l'isolation de la ligne aux deux extrémités, les deux dernières
+stations communiquèrent bien entre elles, mais la station
+intermédiaire fit remarquer qu'elle entendait mieux les mots prononcés
+à Wurzen que l'on n'entendait à Wurzen les paroles dites à Riesa.
+Dans les deux cas, le téléphone reproduisait distinctement les
+signaux télégraphiques émis sur les fils parallèles à celui de la
+ligne d'essai. Or, comme Wurzen, n'est qu'à 26,6 kilomètres de
+Leipzig, tandis que Riesa se trouve à une distance de 49 kilomètres de
+Dresde, et qu'il y a, par conséquent, sur ce dernier parcours à peu
+près une fois autant de poteaux offrant aux courants des dérivations à
+la terre, j'ai cru pouvoir en conclure que c'était par les dérivations
+qu'on pouvait expliquer la possibilité de correspondre sur une ligne
+isolée et la perception plus distincte des sons à la station de Riesa,
+laquelle provenait de la plus grande intensité de courant restant
+encore sur la ligne.»
+
+Il est aussi certaines vibrations résultant de l'action des courants
+d'air sur les fils télégraphiques et qui leur font émettre ces
+bourdonnements bien connus sur certaines lignes, qui peuvent encore
+réagir sur le téléphone; mais elles sont alors le plus souvent
+propagées mécaniquement, et on peut les distinguer des autres, quand
+les sons qui en résultent sont entendus après qu'on a exclu le
+téléphone du circuit par une fermeture à court circuit, et après avoir
+supprimé la communication à la terre établie en arrière du téléphone.
+
+Les réactions d'induction exercées par les fils de ligne les uns sur
+les autres ne sont pas les seules qui puissent être accusées sur un
+circuit téléphonique: toute manifestation électrique produite dans le
+voisinage d'un téléphone peut déterminer des sons plus ou moins forts.
+Nous en avons déjà eu la preuve dans les expériences de M. d'Arsonval,
+et voici quelques expériences de M. Demoget qui le démontrent de la
+manière la plus notoire. En effet si devant l'un des téléphones d'un
+circuit téléphonique, on place un petit électro-aimant droit muni d'un
+trembleur, et que, pour écarter l'influence du son produit par le
+trembleur, on enlève la lame vibrante du téléphone, on entend
+parfaitement sur le second téléphone du circuit le bourdonnement du
+trembleur, qui atteint son maximum quand les deux extrémités de
+l'électro-aimant sont le plus rapprochées possible du téléphone sans
+diaphragme, et son minimum quand cet électro-aimant lui est présenté
+suivant sa ligne neutre. D'après M. Demoget, l'action exercée dans
+cette circonstance pourrait être considérée comme celle d'un aimant
+exerçant deux actions inductrices opposées et symétriques, dont le
+champ serait limité par un double paraboloïde, ayant pour grand axe,
+dans ses expériences, 0m,55 de longueur au delà du noyau magnétique,
+et pour grand diamètre perpendiculaire, 60 centimètres. Il croit que
+par ce moyen on pourrait aisément télégraphier dans le système Morse,
+et qu'il suffirait pour cela d'adapter une clef à l'électro-aimant
+inducteur.
+
+Pour surmonter les difficultés que présentent les réactions
+d'induction des fils les uns sur les autres dans les transmissions
+téléphoniques, M. Preece indique trois moyens:
+
+1º Augmenter l'intensité des courants transmis de manière à les faire
+prédominer notablement sur les courants induits, et réduire la
+sensibilité du téléphone de réception;
+
+2º Mettre le fil téléphonique à l'abri de l'induction.
+
+3º Neutraliser les effets d'induction.
+
+Le premier moyen peut être réalisé par le système à pile d'Edison, et
+nous avons vu qu'il a fourni des résultats avantageux.
+
+Pour mettre à exécution le second moyen, M. Preece considère qu'il y a
+lieu de se préoccuper des deux sortes d'inductions qui se développent
+sur les lignes télégraphiques: de l'induction électro-statique,
+analogue à celle qui se produit sur les câbles immergés, et en second
+lieu de l'induction électro-dynamique résultant de l'électricité en
+mouvement. Dans le premier cas, M. Preece propose d'interposer entre
+le fil téléphonique et les autres fils, un corps conducteur en
+communication avec la terre, et susceptible de former écran à
+l'induction en absorbant lui-même les effets électro-statiques
+produits. Ce problème pourrait être résolu, suivant lui, en entourant
+les fils télégraphiques avoisinant le fil téléphonique, d'une
+enveloppe métallique, ou en les immergeant dans l'eau. «Bien que par
+ce dernier moyen, dit-il, on n'élimine pas complétement les effets
+d'induction statique, en raison de la mauvaise conductibilité de ce
+corps, on peut les réduire considérablement, ainsi que mes expériences
+entre Dublin, Holyhead, Manchester et Liverpool l'ont démontré.» Dans
+le second cas, M. Preece admet qu'une enveloppe de fer est susceptible
+de paralyser les effets électro-dynamiques déterminés, en les
+absorbant; de sorte qu'en employant des fils isolés recouverts d'une
+garniture de fer mise en communication avec le sol, on annulerait les
+deux réactions d'induction. Nous ne suivrons pas M. Preece dans la
+théorie qu'il donne de ces effets, théorie qui nous paraît tout au
+moins discutable, et nous nous contenterons de l'indication du moyen
+d'atténuation qu'il propose.
+
+Pour mettre à exécution le troisième moyen, on pourrait croire qu'il
+suffirait de supprimer les communications avec la terre et d'employer
+un fil de retour, car dans ces conditions, les courants d'induction
+déterminés sur l'un des fils devraient se trouver neutralisés par ceux
+qui résulteraient de la même induction sur le second fil, et qui se
+trouveraient alors agir dans un sens opposé; mais ce moyen ne peut
+être efficace qu'autant que la distance entre les deux fils
+téléphoniques est très-petite et que leur éloignement des autres fils
+est considérable. Quand il n'en est pas ainsi et qu'ils se trouvent
+tous très-rapprochés, comme cela a lieu dans les câbles sous-marins ou
+souterrains à plusieurs fils, ce moyen est tout à fait insuffisant. En
+prenant comme ligne aérienne un petit câble renfermant deux
+conducteurs isolés avec de la gutta-percha, on peut obtenir de
+très-bons résultats.
+
+L'emploi de deux conducteurs a encore l'avantage d'éviter les
+inconvénients des dérivations sur la ligne et à travers le sol qui,
+quand les communications à la terre ne sont pas parfaites, permettent
+au courant d'une ligne de passer plus ou moins facilement à travers la
+ligne téléphonique.
+
+En outre des causes de perturbation que nous venons d'énumérer, il en
+est d'autres qui sont également très-appréciables dans les
+transmissions téléphoniques, et, parmi elles, nous devrons citer les
+courants accidentels qui se produisent constamment sur les lignes
+télégraphiques. Ces courants peuvent provenir de bien des causes,
+tantôt de l'électricité atmosphérique, tantôt du magnétisme terrestre,
+tantôt d'effets thermo-électriques produits sur les lignes, tantôt de
+réactions hydro-électriques déterminées sur les fils et les plaques de
+communication avec le sol. Ces courants sont toujours très-instables,
+et ils doivent, par conséquent, en réagissant sur les courants
+transmis, les altérer plus ou moins et déterminer par cela même des
+sons sur le téléphone. Suivant M. Preece, le bruit provenant des
+courants telluriques se rapproche un peu de celui d'une cascade. Les
+décharges d'électricité atmosphérique, même quand l'orage est éloigné,
+déterminent un son plus ou moins sec suivant la nature de la décharge.
+Quand elle est diffuse et qu'elle éclate à peu de distance, le bruit
+produit ressemble, d'après le docteur Channing de La Providence, à
+celui que produit une goutte de métal en fusion quand elle tombe dans
+de l'eau, ou bien encore à celui d'une fusée volante tirée à distance;
+dans ce cas, il paraîtrait que le son serait perçu avant l'apparition
+de l'éclair, ce qui démontre bien que les décharges électriques
+atmosphériques ne se produisent qu'à la suite d'un mouvement
+électrique déterminé dans l'air. «Quelquefois, dit M. Preece, on
+entend un son lamentable, un son que l'on a comparé au cri d'un oiseau
+naissant, et qui doit provenir des courants induits que le magnétisme
+terrestre doit déterminer dans les fils télégraphiques quand ils sont
+mis en mouvement vibratoire par les courants d'air.»
+
+Dernièrement M. Gressier, dans une communication faite à l'Académie
+des sciences le 6 mai 1878, a mentionné quelques-uns de ces bruits,
+mais il s'est tout à fait trompé sur l'origine qu'il leur a supposée.
+
+«Indépendamment du grésillement dû aux appareils télégraphiques mis en
+action sur les lignes voisines, dit-il, il se produit dans le
+téléphone un bruissement très-confus, un froissement assez intense
+parfois pour faire croire que la plaque vibrante va se déchirer. C'est
+plutôt le soir que le jour qu'on entend ce bruissement qui devient
+même insupportable et empêche de se comprendre au téléphone, alors
+qu'on n'est plus troublé par le travail des bureaux. On entend ce
+bruit quand on ne fait usage que d'un seul téléphone. Un bon
+galvanomètre interposé dans le circuit a montré la présence de
+courants assez sensibles, tantôt dans un sens, tantôt dans un autre.»
+
+Ces courants que j'ai étudiés pendant longtemps avec le galvanomètre
+et qui ont été l'objet de quatre mémoires présentés par moi à
+l'académie des sciences en 1872, n'ont généralement aucun rapport avec
+l'électricité atmosphérique, comme le croit M. Gressier, et
+proviennent soit d'actions thermo-électriques, soit d'actions
+hydro-électriques. Ils se manifestent toujours et en tous temps sur
+les lignes télégraphiques, qu'elles soient isolées à l'une de leurs
+extrémités ou en contact avec la terre par les deux bouts. Dans le
+premier cas, les électrodes polaires du couple sont constituées par le
+fil télégraphique et la plaque de terre, ordinairement de la même
+nature, et le milieu conducteur intermédiaire est représenté par les
+poteaux souteneurs du fil et le sol qui complètent le circuit. Dans le
+second cas, le couple est constitué à peu près de la même manière,
+mais la différence de composition chimique des terrains aux deux
+points où les plaques de terre sont enterrées, et souvent leur
+différence de température, exercent un effet prédominant. Si l'on ne
+considère que le premier cas, il arrive le plus souvent, par les beaux
+jours de l'été, que les courants produits pendant la journée sont
+inverses de ceux qui sont produits pendant la nuit, et varient avec la
+température ambiante dans l'un et l'autre sens. La présence ou
+l'absence du soleil, le passage des nuages, les courants d'air,
+entraînent même des variations très-brusques et très-caractérisées que
+l'on peut suivre facilement sur le galvanomètre et qui engendrent des
+sons plus ou moins accentués dans le téléphone.
+
+Pendant le jour, ces courants sont dirigés de la ligne télégraphique à
+la plaque de terre, parce que le fil est plus échauffé que la plaque,
+et _ces courants sont alors thermo-électriques_. Pendant la nuit, le
+contraire a lieu parce que le serein, en tombant, provoque sur le fil
+un refroidissement et y détermine une oxydation plus grande que celle
+qui est effectuée sur la plaque de terre, et _les courants sont alors
+surtout hydro-électriques_.
+
+J'ai insisté un peu sur ces courants parce que, par suite d'une fausse
+interprétation de leur origine, on a cru que le téléphone pourrait
+servir à l'étude des variations de l'électricité atmosphérique
+répandue normalement dans l'air; or, cette application du téléphone
+serait dans ces conditions, non-seulement inutile, mais encore
+pourrait égarer les observateurs en leur faisant faire des recherches
+sur des phénomènes très-compliqués, dont l'étude ne conduirait à rien
+de plus que ce que j'ai dit dans mes différents mémoires sur cette
+question.
+
+Il est aussi certaines actions locales qui peuvent déterminer des sons
+sur le téléphone. Ainsi la distension du diaphragme sous l'influence
+de la chaleur humide de la respiration, quand on porte l'appareil
+devant la bouche pour parler, détermine un bruissement qui est facile
+à percevoir.
+
+En raison des réactions électro-statiques si énergiques déterminées
+sur les câbles sous-marins par suite des transmissions électriques, on
+pouvait craindre que l'on ne pût correspondre facilement à travers ces
+sortes de conducteurs au moyen du téléphone, et pour s'en assurer, on
+fit une expérience entre Guernesey et Darmouth à travers un câble de
+soixante milles de longueur. On reconnut avec surprise et satisfaction
+que les articulations de la parole étaient parfaitement effectuées,
+seulement un peu voilées. D'autres expériences entreprises par MM.
+Preece et Willmot sur un câble sous-marin artificiel placé dans des
+conditions analogues à celui des États-Unis, démontrèrent que sur une
+longueur de cent milles, on pouvait facilement entretenir une
+correspondance téléphonique, bien que les effets d'induction fussent
+manifestes. Sur une longueur de cent cinquante milles, il devint assez
+difficile de s'entendre, et les sons étaient considérablement
+affaiblis; il semblait qu'on parlait à travers une épaisse cloison.
+Les sons diminuèrent rapidement jusqu'à deux cents milles, et à partir
+de là, la parole devint complétement indistincte, quoique le chant pût
+être encore perçu. On put même l'entendre sur toute la longueur du
+câble, c'est-à-dire sur une longueur de trois mille milles; mais cela
+tenait, suivant M. Preece, à l'induction du condensateur sur lui-même;
+néanmoins M. Preece croit que le chant peut être entendu à une bien
+plus grande distance que la parole, en raison de la plus grande
+régularité dans la succession des ondes électriques.
+
+«J'ai expérimenté aussi, dit M. Preece, des câbles souterrains entre
+Manchester et Liverpool sur une longueur de trente milles, et je n'ai
+rencontré aucune difficulté dans la correspondance que j'ai échangée;
+il en a été de même sur le câble de Dublin à Holyhead ayant
+soixante-sept milles de longueur. Celui-ci avait 7 fils conducteurs,
+et quand le téléphone était réuni à l'un des fils, on pouvait entendre
+la répétition des sons à travers tous les autres, mais à un degré plus
+faible. Quand les fils fonctionnaient avec les courants des appareils
+télégraphiques, l'induction était manifeste, mais elle ne suffisait
+pas pour empêcher les communications téléphoniques.»
+
+
+
+
+INSTALLATION D'UN POSTE-TÉLÉPHONIQUE.
+
+
+Bien que le système télégraphique par le téléphone soit très-simple,
+il exige pourtant, pour le service qu'on peut demander à cet
+instrument, certaines dispositions accessoires qui sont
+indispensables. Ainsi, par exemple, il est nécessaire que l'on soit
+appelé au moyen d'un appareil d'alarme pour qu'on puisse savoir quand
+l'échange des correspondances doit avoir lieu, et il faut également
+que l'on soit prévenu si l'appel a été entendu. Une sonnerie
+électrique est donc le complément indispensable du téléphone, et comme
+le même circuit peut être employé pour les deux systèmes d'appareils à
+la condition de se servir d'un commutateur, on dut, pour conserver au
+système sa simplicité de manipulation qui en faisait le principal
+mérite, rechercher un moyen de faire réagir ce commutateur
+automatiquement et, pour ainsi dire, à l'insu de ceux appelés à faire
+usage de l'appareil.
+
+
+=Système de MM. Pollard et Garnier.=--Dès le mois de mars dernier, MM.
+Pollard et Garnier avaient imaginé dans ce but un dispositif qui leur
+a parfaitement réussi et qui utilisait le poids de l'instrument comme
+moyen d'action sur le commutateur.
+
+À cet effet, ils suspendaient l'instrument à l'extrémité d'une lame de
+ressort fixée entre les deux contacts du commutateur. Le fil du
+circuit correspondait à cette lame, et les deux contacts
+correspondaient l'un avec le téléphone, l'autre avec la sonnerie.
+Quand le téléphone pendait au-dessous du ressort-support, c'est-à-dire
+quand il n'était pas mis en action, son poids faisait abaisser la lame
+de ressort sur le contact inférieur, et la communication de la ligne
+avec la sonnerie était établie; quand, au contraire, le téléphone
+était soulevé pour s'en servir, la lame de ressort venait toucher le
+contact supérieur, et la communication était établie entre la ligne et
+le téléphone. Pour faire fonctionner la sonnerie, il ne s'agissait
+donc que d'établir sur le fil de liaison de la ligne avec le contact
+de sonnerie du commutateur, un interrupteur de courant à la fois
+conjoncteur et disjoncteur, mis en rapport d'un côté avec le contact
+de sonnerie, de l'autre avec la pile de cette sonnerie. Un simple
+bouton de sonnerie électrique ordinaire pouvait suffire pour cela en y
+adaptant un second contact; mais MM. Pollard et Garnier ont préféré
+que cette action se fît aussi automatiquement, et ils ont en
+conséquence combiné le dispositif que nous représentons fig. 47.
+
+Dans ce système, comme du reste dans ceux qui ont été combinés depuis,
+on met à contribution deux téléphones: l'un que l'on applique
+constamment contre l'oreille, l'autre que l'on tient devant la bouche
+pour être en mesure de parler tout en écoutant. Ces téléphones sont
+soutenus par trois fils dont deux contiennent des conducteurs
+souples; le troisième ne joue d'autre rôle que celui de soutien.
+
+Des quatre fils des deux téléphones, deux sont réunis l'un à l'autre,
+et les deux autres sont reliés à deux boutons d'attache du commutateur
+_t_, _t'_; les cordons sans conducteurs sont suspendus aux extrémités
+des deux lames flexibles _l_, _l'_ qui correspondent à la terre et à
+la ligne.
+
+Au repos, le poids des téléphones fait appuyer les deux lames _l_,
+_l'_ sur les contacts inférieurs S, S'; mais lorsqu'on prend à la main
+ces appareils, ces lames appuient contre les contacts supérieurs.
+
+Les deux fils de la sonnerie aboutissent aux contacts inférieurs, ceux
+des téléphones aux contacts supérieurs, et les pôles de la pile sont
+reliés, l'un au contact inférieur de gauche S', l'autre au contact
+supérieur de droite T.
+
+Au repos, le système est sur sonnerie, et le courant envoyé de la
+station opposée, suivrait le circuit L_l_SS'S'_l'_T'; on pourrait donc
+être appelé; mais si on prend les deux téléphones à la main, le
+circuit est coupé à travers la sonnerie et établi à travers les
+téléphones; de sorte que le courant suit le trajet L_l_T_tt'_T'_l'_T.
+Si on ne soulève qu'un téléphone à la fois, le courant est envoyé à la
+sonnerie du poste opposé, et suit la route +P_t_LT_tl'_S'P-. On fait
+donc ainsi, sans s'en douter, les trois manoeuvres nécessaires pour
+appeler, correspondre et mettre l'appareil en position de fournir un
+appel.
+
+
+=Système de MM. Bréguet et Roosevelt.=--Dans le système établi par la
+compagnie Bell à Paris, le dispositif est à peu près semblable au
+précédent, seulement il n'y a qu'un commutateur à ressort, et c'est
+avec un bouton de sonnerie ordinaire qu'on provoque les appels. Sur
+une planchette d'acajou suspendue à la muraille, sont disposées
+d'abord une sonnerie trembleuse ordinaire au-dessous de laquelle est
+fixé un bouton transmetteur, et en second lieu deux fourches servant
+de support aux deux téléphones et dont une est adaptée à la bascule
+d'un commutateur disposé comme une clef de Morse. Les deux téléphones
+sont reliés, par deux fils conducteurs disposés de manière à être
+extensibles, à quatre boutons d'attache dont deux sont reliés
+directement l'un à l'autre et les deux autres à la ligne, à la terre
+et à la pile par l'intermédiaire du commutateur, du bouton
+transmetteur et de la sonnerie. La figure 48 montre ce dispositif.
+
+Le commutateur A se compose d'une bascule métallique ac portant
+au-dessus de son point d'articulation, la fourche de suspension F' de
+l'un des téléphones; elle se termine par deux taquets _a_ et _c_
+au-dessous desquels sont fixés les deux contacts du commutateur, et un
+ressort presse le bras inférieur de la bascule de manière à faire
+appuyer constamment l'autre bras contre le contact supérieur. Pour
+plus de sûreté, une languette d'acier _ab_ adaptée à l'extrémité
+inférieure de la bascule, frotte contre une colonnette _b_ munie de
+deux contacts isolés qui correspondent à ceux de la planchette. La
+bascule est en communication avec le fil de ligne par l'intermédiaire
+du bouton d'appel, et les deux contacts dont nous venons de parler,
+correspondent l'un, le supérieur, avec l'un des fils des téléphones
+qui sont intercalés dans le même circuit, l'autre avec la sonnerie S,
+qui elle-même communique à la terre. Il résulte de cette disposition,
+que quand le téléphone de droite appuie de tout son poids sur son
+support, la bascule du commutateur est inclinée sur le contact
+inférieur, et, par conséquent, la ligne est mise directement en
+rapport avec la sonnerie, ce qui permet d'appeler la station. Quand,
+au contraire, le téléphone est enlevé de son support, la bascule est
+sur le contact supérieur, et les téléphones sont reliés à la ligne.
+
+Pour appeler la station en correspondance, il suffit d'appuyer sur le
+bouton transmetteur; alors la liaison de la ligne avec les téléphones
+est brisée et établie avec la pile du poste, laquelle envoie un
+courant à travers la sonnerie du poste correspondant. Pour obtenir ce
+double effet, le ressort de contact du bouton transmetteur appuie en
+temps ordinaire contre un contact adapté à une équerre qui l'enveloppe
+par sa partie antérieure, et, au-dessous de ce ressort, se trouve un
+second contact qui communique avec le pôle positif de la pile du
+poste. L'autre contact correspond au fil de ligne, et une liaison est
+établie entre le fil de terre et le pôle négatif de la pile du poste,
+ce qui fait que ce fil de terre est commun à trois circuits:
+
+ 1º Au circuit des téléphones;
+ 2º Au circuit de la sonnerie;
+ 3º Au circuit de la pile locale.
+
+La seconde fourche qui sert de support au téléphone de droite est
+fixée sur la planchette et n'a aucun rôle électrique à remplir.
+
+Il est facile de comprendre que ce dispositif peut être varié de
+mille façons différentes, mais nous nous bornerons au modèle que nous
+venons de décrire qui est le plus pratique.
+
+
+=Système de M. Edison.=--Avec les téléphones à pile, le problème est
+plus complexe, à cause de l'emploi d'une pile qui doit être commune à
+deux systèmes d'appareils, et de la bobine d'induction qui doit être
+intercalée dans deux circuits distincts. La figure 49 représente le
+modèle qui a été adopté pour le téléphone de M. Edison. Dans ce
+dispositif, la planchette d'acajou porte au milieu une petite étagère
+C pour y poser les deux téléphones par leur partie plate. La sonnerie
+S est mise en action par un parleur électro-magnétique P qui peut
+servir, par l'adjonction d'une clef Morse M au système, à l'échange
+d'une correspondance en langage Morse, si les téléphones faisaient
+défaut, ou pour l'organisation de ces téléphones eux-mêmes.
+
+Au-dessous de ce parleur, est disposé un commutateur à bouchon D pour
+mettre la ligne en transmission ou en réception, avec ou sans
+sonnerie, et enfin au-dessous de la planchette étagère C, est
+disposée, dans une petite boîte fermée E, la bobine d'induction
+destinée à transformer les courants voltaïques en courants induits.
+
+Quand le commutateur est placé sur réception, la ligne correspond
+directement soit au parleur, soit au téléphone récepteur, suivant le
+trou dans lequel le bouchon est introduit; quand, au contraire, il est
+placé sur transmission, la ligne correspond au circuit secondaire de
+la bobine d'induction. Dans ces conditions, la manoeuvre ne peut plus
+être automatique; mais comme ce genre de téléphone ne peut être
+appliqué avec avantage que pour la télégraphie et que ce sont alors
+des personnes habituées aux appareils électriques qui en font usage,
+cette complication ne peut présenter d'inconvénients.
+
+
+
+
+SONNERIES D'APPEL ET AVERTISSEURS.
+
+
+Les sonneries d'appel appliquées aux services téléphoniques ont été
+combinées de diverses manières. Quand on emploie les sonneries
+trembleuses, comme dans les cas dont il a été question précédemment,
+il devient nécessaire d'employer une pile, et le grand avantage que
+présente le téléphone à courants induits se trouve ainsi notablement
+amoindri. On a donc cherché à se passer de pile et on a imaginé
+d'employer des sonneries magnéto-électriques.
+
+Ce sont généralement deux timbres entre lesquels oscille un marteau,
+dont le support est constitué par l'armature polarisée d'un
+électro-aimant. Au-dessous de ce système, est disposé l'appareil
+magnéto-électrique qui, étant tourné à l'aide d'une manivelle, envoie
+les courants alternativement renversés, nécessaires pour communiquer
+au marteau un mouvement vibratoire, et ce mouvement est suffisant pour
+faire carillonner les deux timbres. Au-dessous de la manivelle de ce
+système magnéto-électrique, se trouve un commutateur à deux contacts
+qui dispose l'appareil pour la réception ou la transmission.
+
+Dans un autre système imaginé en Allemagne, on utilise le téléphone
+lui-même pour l'avertissement, et voici comment.
+
+À l'état de repos, le téléphone transmetteur est remplacé par un
+système semblable qui est terminé par un cornet allongé en forme de
+porte-voix. Au poste opposé se trouve un timbre en acier de 12
+centimètres environ de diamètre, qui peut être frappé aisément par un
+marteau en bois dur monté sur un ressort. Perpendiculairement à la
+direction du choc et un peu au-dessous du timbre, est placé, en face
+de son ouverture, un barreau aimanté qui est en communication avec la
+ligne téléphonique par des bobines d'induction. Lorsque le timbre
+frappé par le marteau entre en vibration en rendant un son strident,
+le barreau aimanté est influencé, et transmet à l'autre station ce son
+qui a une intensité beaucoup plus grande que la voix humaine, et le
+pavillon du porte-voix concentrant les vibrations aériennes
+résultantes, fait entendre ce son dans toute l'étendue de
+l'appartement où est l'expérimentateur; on est ainsi dispensé de
+l'emploi de la sonnerie électrique et de sa pile qui sont étrangères
+au téléphone.
+
+La Compagnie du téléphone Bell à Paris a disposé encore un petit
+système d'appel, qui est bien suffisant et qui a l'avantage de servir
+de téléphone eu même temps. C'est un modèle analogue à celui que nous
+avons désigné sous le nom de téléphone à tabatière, et qui possède un
+commutateur à bouton au moyen duquel la ligne est mise en rapport avec
+le système électro-magnétique de l'appareil, ou avec une pile capable
+de faire vibrer assez énergiquement ce genre de téléphone. Quand on
+appelle, on presse le bouton, et le courant de la pile est envoyé à
+travers l'appareil correspondant qui se met à vibrer sous l'influence
+d'un cri que l'on émet, et quand on est prévenu que le signal est
+reçu, on abandonne le bouton, ce qui permet de parler et de recevoir
+comme avec des téléphones ordinaires.
+
+
+=Système de M. de Weinhold.=--M. Zetzche parle avec éloge d'un
+avertisseur, combiné par le professeur A. de Weinhold qui est, du
+reste, analogue à celui de M. Lorenz que nous représentons fig. 50, et
+dont l'organe sonore est un timbre d'acier T de 13 à 14 centimètres
+de diamètre accordé à environ 420 doubles vibrations par seconde. «Ce
+diamètre et cet accordement, dit-il, ne semblent pas sans quelque
+importance, et l'on ne peut s'en éloigner beaucoup sans nuire à
+l'effet. Le timbre a son orifice tourné en bas, et est fixé par son
+milieu sur un support. Ce dernier est traversé par une barre aimantée
+recourbée légèrement, pourvue à ses deux extrémités d'appendices en
+fer entourés de bobines d'induction N, S. Le barreau aimanté du
+téléphone se termine également par un appendice en fer renfermé dans
+une bobine. Dans les deux cas, les changements qui se produisent dans
+l'état magnétique, paraissent être plus intenses que dans les aimants
+dépourvus d'appendices. La barre aimantée est placée à l'intérieur de
+la cloche dans le sens d'un de ses diamètres, de sorte que les
+appendices en touchent presque la paroi.
+
+«Lors donc que le timbre vient à être frappé à un endroit distant
+d'environ 90° de ce diamètre, au moyen d'un battant en bois M, mu par
+un ressort et que la main ramène en arrière en tendant le ressort
+(comme avec les timbres de table) pour le relâcher ensuite, les
+vibrations qui lui sont communiquées envoient des courants dans les
+bobines, et ces courants produisent dans la plaque de fer du téléphone
+des vibrations identiques, qu'un résonnateur conique adapté au
+téléphone renforce suffisamment, pour qu'on puisse encore les entendre
+facilement à quelques pas de distance. Pour les usages ordinaires, la
+bobine du timbre est fermée à court circuit au moyen d'un ressort
+métallique R, et par conséquent, lorsqu'on frappe le timbre, ce
+ressort doit être baissé pour faire cesser cette fermeture à court
+circuit. Un appareil du même genre a encore été combiné par M. W. E.
+Fein à Stuttgart.»
+
+
+=Système de MM. Dutertre et Gouhault.=--Une des plus jolies solutions
+du problème de l'avertissement téléphonique, est celle qu'ont
+présentée récemment MM. Dutertre et Gouhault et que nous représentons
+fig. 51 et 52, l'appareil étant vu sur ses deux faces opposées. C'est
+une sorte de téléphone en tabatière analogue à celui que nous avons
+représenté fig. 25 et qui est disposé de manière à transmettre ou à
+recevoir l'avertissement, suivant la manière dont il est posé sur son
+support, lequel n'est autre qu'une petite console ordinaire pendue à
+la muraille. Quand il est posé sur cette console de manière à
+présenter extérieurement l'embouchure téléphonique, il est dans la
+position de réception, et alors il peut fournir l'appel. Quand, au
+contraire, il est renversé sur son support de bas en haut, il fournit
+l'appel à l'autre station en déterminant, sous l'influence d'une
+pile, les vibrations d'un trembleur, et ces vibrations se trouvent
+assez fortement répercutées dans l'appareil en correspondance pour
+fournir l'appel. En appuyant alors le doigt sur un petit bouton à
+ressort, et en le prenant à la main, on peut s'en servir comme d'un
+téléphone ordinaire.
+
+Dans cet appareil, l'aimant NS, fig. 51, est disposé en forme de
+limaçon, comme ceux dont il a déjà été question, mais le noyau de fer
+doux S sur lequel est adaptée la bobine E peut déterminer à ses deux
+extrémités deux effets différents. D'un côté, il réagit sur la lame
+vibrante LL de l'appareil téléphonique, comme dans les appareils
+ordinaires, de l'autre, il réagit sur une petite armature adaptée à
+l'extrémité d'une lame vibrante C, fig. 52, qui, étant tendue contre
+un contact fixé au pont B, constitue un trembleur électro-magnétique.
+À cet effet, ce pont communique métalliquement avec le fil de la
+bobine dont l'autre bout correspond au fil de ligne, et le ressort C
+est monté sur une pièce A qui porte en même temps un autre ressort DG
+agissant sur deux contacts, l'un situé en G et qui correspond au fil
+de terre, l'autre situé en H et qui est réuni au pôle positif de la
+pile. Un petit bouton mobile qui dépasse le couvercle de la boîte en
+passant à travers un trou, est fixé en G, et toute cette partie de
+l'appareil fait face au fond de la boîte. La lame vibrante et son
+embouchure constituent la partie supérieure, de sorte que tout les
+mécanismes que nous venons de décrire sont montés sur une cloison
+intermédiaire entre les deux fonds de la boîte.
+
+Quand cette boîte est appuyée sur son fond, du côté de la fig. 52, le
+petit bouton adapté en G appuie sur le ressort DG et en le soulevant
+rompt la communication avec la pile; la bobine de l'appareil est alors
+simplement réunie au circuit, et elle peut en conséquence recevoir les
+courants transmis qui suivent le chemin suivant: le fil de ligne,
+bobine E, pont B, ressort C, ressort DG, contact de terre. Si ces
+courants sont transmis par un trembleur, ils sont assez forts pour
+déterminer un bruit capable d'être entendu de tous les points d'une
+pièce, et en conséquence l'avertissement peut être donné de cette
+manière. Si ces courants résultent d'une transmission téléphonique, on
+place l'appareil à l'oreille en ayant soin de pousser avec le doigt le
+bouton en G, et l'échange des correspondances se fait comme avec les
+appareils ordinaires; mais il est plus simple d'avoir pour cet usage
+un second téléphone intercalé dans le circuit et qui est plus
+maniable. Quand la boîte est renversée sur son embouchure, le bouton G
+ne pressant plus le ressort DG, le courant de la pile réagit sur le
+trembleur de l'appareil et transmet l'appel à la station
+correspondante en suivant la route: I D A C B E, ligne, terre et pile,
+et cet appel subsiste jusqu'à ce que le correspondant ait coupé le
+courant en prenant lui-même son appareil, ce qui prévient l'autre
+qu'on est prêt à entendre.
+
+
+=Système de M. Puluj.=--Voici encore un système avertisseur proposé
+par le docteur Puluj. Il se compose de deux téléphones sans
+embouchure, reliés entre eux et dont les bobines sont placées en face
+des branches de deux diapasons, accordés le plus exactement possible
+sur le même ton. Une sonnette en métal est adaptée à la face opposée
+de chacun des diapasons, et un fil suspendu à leur portée, est munie
+d'une petite boule en contact avec leurs branches. Dès que, à la
+station de départ on fait vibrer le diapason en le frappant avec un
+marteau de fer recouvert de peau, le diapason de l'autre station se
+trouve mis en vibration, et sa boule fait retentir la sonnette. Dès
+que la première station a reçu le même signal de la seconde, on adapte
+aux téléphones des embouchures à membranes de fer, et l'on entame la
+correspondance. On peut, paraît-il, en se servant d'un résonnateur,
+renforcer le son parvenu à la station de réception au point de le
+rendre perceptible dans une grande salle, et le signal par la sonnerie
+peut être entendu dans une pièce attenante, même à travers une porte
+fermée.
+
+
+
+
+APPLICATIONS DU TÉLÉPHONE.
+
+
+Les applications du téléphone sont beaucoup plus nombreuses qu'on
+l'aurait pensé à première vue. Au point de vue du service
+télégraphique, son usage ne peut être évidemment qu'assez restreint,
+puisqu'il ne laisse pas de traces des dépêches transmises, et que sa
+vitesse de transmission est moins grande que celle des télégraphes
+perfectionnés; mais il est une foule de cas où son emploi peut être
+précieux, même comme système télégraphique, car pour le faire
+fonctionner il n'est pas besoin d'une éducation télégraphique
+spéciale. Le premier venu peut transmettre et recevoir avec le
+téléphone, ce qu'on ne pourrait certainement pas faire avec les
+appareils télégraphiques, même les plus simples. Aussi ce système
+est-il employé maintenant pour le service des établissements publics
+et industriels, pour les services des mines, pour les travaux
+sous-marins, pour la marine militaire, surtout lorsque plusieurs
+vaisseaux marchent de conserve dans les mêmes eaux et à la remorque
+les uns des autres, enfin, pour les opérations militaires, soit pour
+les transmissions d'ordres à divers corps d'armée, soit pour les
+correspondances à échanger dans les écoles de tir. En Amérique, le
+service des télégraphes municipaux et des télégraphes privés à
+l'intérieur des villes est effectué de cette manière, et il est
+probable que ce système sera prochainement adopté en Europe. Déjà en
+Allemagne un service de cette nature est établi depuis l'automne
+dernier aux bureaux télégraphiques de certaines villes, et le
+Post-office de Londres s'occupe en ce moment de l'établir en
+Angleterre. Il est à supposer que le réseau municipal de notre
+administration française sera un jour ou l'autre desservi ainsi. Mais
+indépendamment des services qu'il peut rendre comme appareil de
+correspondance, le téléphone peut être d'un grand secours aux services
+télégraphiques eux-mêmes en fournissant un moyen des plus simples
+d'obtenir un grand nombre de transmissions télégraphiques simultanées
+à travers un même fil et même d'être associés en _Duplex_ avec des
+télégraphes Morse. Ses applications sous la forme de microphone sont
+incalculables, et le proverbe qui dit que _les murs ont des oreilles_
+pourra devenir de cette manière matériellement vrai. On est effrayé
+des conséquences que pourrait avoir un organe aussi indiscret. MM. les
+diplomates devront évidemment redoubler de réserve, et les tendres
+confidences ne pourront plus se faire avec le même abandon. Y
+gagnera-t-on? nous n'osons le croire, mais en revanche le médecin
+pourra vraisemblablement un jour en tirer parti pour étudier avec une
+plus grande facilité tout ce qui se passe dans notre corps.
+
+
+
+
+APPLICATION DU TÉLÉPHONE AUX TRANSMISSIONS TÉLÉGRAPHIQUES SIMULTANÉES.
+
+
+L'une des plus curieuses et des plus importantes applications du
+téléphone est celle qu'on peut en faire aux appareils télégraphiques
+pour transmettre simultanément plusieurs dépêches à travers le même
+fil, et nous avons vu que c'était cette application qui avait conduit
+MM. Gray et Bell à leurs téléphones parlants que nous admirons tant
+aujourd'hui, et qui ont fait perdre un peu de vue les conceptions
+primitives, bien qu'elles aient peut-être une plus grande importance
+pratique. Ce sont de ces systèmes dont nous allons maintenant nous
+occuper.
+
+Pour obtenir la transmission simultanée, il n'est pas besoin d'un
+téléphone articulant; les téléphones musicaux imaginés par MM.
+Pétrina, Elisha Gray, Froment, etc., peuvent parfaitement suffire, et
+pour qu'on puisse le comprendre, il me suffira d'en exposer
+brièvement le principe: Qu'on imagine aux deux stations en
+correspondance sept vibrateurs électro-magnétiques accordés sur les
+différentes notes de la gamme et d'après un même diapason, et
+admettons qu'une touche analogue à une clef de télégraphe Morse
+permette, par son abaissement, de faire réagir électriquement chaque
+vibrateur; on comprendra aisément que ces vibrateurs pourront faire
+réagir par le même moyen les vibrateurs correspondants de la station
+opposée, mais il faudra qu'ils soient accordés sur la même note, et la
+durée des sons émis sera en rapport avec la durée de l'abaissement des
+touches. On pourra donc, au moyen d'un abaissement court ou prolongé,
+obtenir des sons longs et brefs qui pourront constituer les éléments
+du langage télégraphique usité dans le système Morse, et, par
+conséquent, se prêter à une transmission télégraphique auditive.
+Admettons maintenant que, devant chacun des vibrateurs dont nous avons
+parlé, soit placé un employé télégraphiste façonné à ce genre de
+transmission, et que ces employés transmettent en même temps par ce
+moyen des dépêches différentes: le fil télégraphique se trouvera
+instantanément traversé par sept courants interrompus et superposés
+qui, à la station d'arrivée, sembleraient ne devoir fournir sur tous
+les vibrateurs qu'un mélange de bruits confus, mais qui, en raison de
+l'accord existant entre les vibrateurs en correspondance,
+n'influenceront d'une manière sensible que ceux de ces vibrateurs
+auxquels ils sont destinés. La prédominance des sons ainsi reproduits,
+pourra d'ailleurs être accentuée davantage en adaptant à chaque
+vibrateur un _résonnateur d'Helmholtz_[27], c'est-à-dire un appareil
+acoustique susceptible de ne vibrer que sous l'influence d'une seule
+note sur laquelle il aura été accordé. Par ce moyen, il deviendra donc
+possible de _trier_ les sons transmis et de ne faire arriver aux
+oreilles de chaque employé que les sons qui lui sont destinés.
+Conséquemment, que les sons soient mêlés ou non sur les vibrateurs
+d'arrivée, l'employé du _do_ ne recevra que des _do_, l'employé du
+_sol_ ne recevra que des _sol_, etc., de sorte que tous les employés
+pourront correspondre entre eux comme s'ils avaient chacun un fil
+spécial.
+
+ [Note 27: Le résonnateur d'Helmholtz repose sur ce
+ principe qu'un volume d'air contenu dans un vase ouvert émet
+ une certaine noie quand il est mis en vibration, et que la
+ hauteur de cette note dépend de la dimension du vase et de
+ celle de l'ouverture découverte. La forme employée par
+ Helmholtz est celle d'un globe, avec ouverture large sur un
+ côté et petite sur l'autre; c'est cette dernière qu'on
+ approche de l'oreille. S'il y a dans l'air une série de sons
+ musicaux, c'est celui qui est d'accord avec la note
+ fondamentale du globe qui est renforcé et qui est perçu parmi
+ tous les autres. C'est du reste le même effet qui se produit
+ quand en chantant dans un piano, on entend certaines cordes
+ qui vibrent plus fortement que les autres. Ce sont
+ précisément celles qui vibrent à l'unisson des sons émis. On
+ a donné aux résonnateurs des formes bien différentes; les
+ plus employées sont des caisses plus ou moins longues qui
+ servent en même temps de boîtes sonores.]
+
+Tel qu'il vient d'être exposé, ce système télégraphique ne permettrait
+que des transmissions auditives, et l'on ne pourrait pas, par
+conséquent, obtenir aucune trace des dépêches envoyées. Pour obvier à
+cet inconvénient, on a imaginé de faire réagir les vibrateurs du poste
+de réception sur des enregistreurs, en disposant ceux-ci de manière
+que leur organe électrique présentât assez d'inertie magnétique pour
+que, étant mis en action sous l'influence des vibrations sonores, il
+put maintenir l'effet produit tout le temps de la vibration.
+L'expérience a montré qu'un récepteur Morse, animé par le courant
+d'une pile locale, suffisait parfaitement pour cela; de sorte qu'en
+faisant réagir le vibrateur musical comme relais, c'est-à-dire sur un
+contact en rapport avec la pile locale et le récepteur, on pouvait
+obtenir sur celui-ci les traces longues et courtes qui sont les
+éléments constituants du langage Morse.
+
+D'après ces principes, et en considérant les espaces musicaux séparant
+les différentes notes de la gamme comme suffisants pour être
+facilement distingués par le résonnateur, on pourrait donc obtenir
+sept transmissions simultanées à travers le même fil; mais
+l'expérience a montré qu'il fallait se contenter d'un moins grand
+nombre. Toutefois, comme on peut appliquer à ce système les moyens de
+transmission en sens contraire, on peut doubler ce nombre facilement.
+
+Suivant M. G. Bell, l'idée de l'application du téléphone aux
+transmissions électriques multiples serait venue simultanément à MM.
+Paul Lacour de Copenhague, à M. Elisha Gray de Chicago, à M. C. Varley
+de Londres et à M. Edison de New-Marck; mais nous croyons qu'il a fait
+confusion, car nous voyons déjà, les brevets en mains, que le système
+de M. Varley date de 1870, que celui de M. Paul Lacour date de
+septembre 1874, que celui de M. Elisha Gray date de février 1875, et
+que ceux de MM. Bell et Edison sont postérieurs; mais si on se reporte
+aux caveats de M. Elisha Gray, on voit que c'est lui qui, le premier,
+a conçu et exécuté des appareils de ce genre. En effet, dans un caveat
+rédigé le 6 août 1874, il exposait nettement le système que nous
+avons décrit précédemment et qui fut la base de ceux dont nous
+parlerons plus loin. Ce caveat n'était d'ailleurs lui-même qu'un
+complément de deux autres remplis en avril et en juin 1874. Quant au
+système de M. Varley, il ne se rapportait que très-indirectement à
+celui que nous avons exposé. Du reste, M. Bell lui-même semble avoir
+abandonné maintenant toute prétention à cette invention. Voici,
+toutefois, ce qu'il disait à cet égard dans son mémoire lu à la
+Société des ingénieurs télégraphistes de Londres:
+
+«Ayant été frappé de l'idée que la durée plus ou moins grande d'un son
+musical pouvait représenter le point et la barre de l'alphabet
+télégraphique, je pensai qu'au moyen d'un clavier de diapasons
+(analogue à celui d'Helmholtz) adapté à l'une des extrémités d'une
+ligne télégraphique et disposé de manière à réagir électriquement à
+l'autre bout de la ligne sur des appareils électro-magnétiques
+frappant sur des cordes de piano, on pourrait obtenir, par des
+combinaisons convenables de sons longs et courts, des transmissions
+télégraphiques simultanées, dont le nombre ne pourrait être limité que
+par la délicatesse de l'ouïe. Il ne s'agissait pour cela que
+d'affecter au service de la transmission un employé pour chaque touche
+du clavier, et de faire en sorte que son correspondant ne put
+distinguer, au milieu de tous les sons transmis, que celui qui lui
+était propre. Cette idée envahit tellement mon esprit que je ne
+m'occupai plus que de résoudre le problème ainsi posé, et c'est ce qui
+m'a conduit à mes recherches sur la téléphonie.
+
+«Pendant plusieurs années, je cherchai le meilleur moyen de
+reproduire, à distance, les sons musicaux au moyen de Rhéotomes à
+trembleur; celui qui m'a donné les meilleurs résultats était une lame
+d'acier vibrant entre deux contacts et dont les vibrations étaient
+provoquées et entretenues électriquement au moyen d'un électro-aimant
+et d'une batterie locale. Par suite de sa vibration, les deux contacts
+se trouvaient alternativement touchés, et il en résultait des
+fermetures alternatives de deux circuits, l'un local qui entretenait
+le mouvement de la lame, l'autre en rapport avec la ligne, et qui
+réagissait à distance sur le récepteur de manière à lui faire
+accomplir des vibrations isochrones. Une clef Morse était adaptée dans
+ce dernier circuit près de l'appareil transmetteur, et quand elle
+était abaissée, les vibrations étaient transmises à travers la ligne;
+quand elle était relevée, ces vibrations cessaient, et l'on comprend
+aisément qu'en abaissant plus ou moins longtemps la clef, on pouvait
+obtenir les sons brefs et longs nécessaires aux différentes
+combinaisons du langage télégraphique. De plus, si la lame vibrante de
+l'appareil récepteur avait été réglée de manière à vibrer à l'unisson
+de celle de l'appareil transmetteur correspondant, elle devait vibrer
+beaucoup mieux avec ce transmetteur qu'avec un autre qui n'aurait pas
+eu sa lame ainsi accordée.
+
+«Il est facile de comprendre, d'après cette disposition
+d'interrupteur, comment on peut obtenir avec plusieurs lames de sons
+différents des transmissions simultanées, et comment, au poste de
+réception, il est possible de distinguer les sons qui sont destinés à
+chaque employé, puisque c'est celui qui se rapporte au son
+fondamental de chaque lame vibrante qui est reproduit le plus
+fortement par cette lame. Conséquemment, les sons provoqués par la
+lame vibrante du _do_, par exemple, ne seront bien perceptibles à la
+station d'arrivée que sur l'appareil dont la lame aura été accordée
+sur le _do_, et il en sera de même pour les autres lames; de sorte que
+les sons arriveront à destination, sinon sans confusion, du moins
+suffisamment clairement pour être distingués par les employés.
+
+«Sans entrer dans les détails de cette disposition, je dirai seulement
+qu'il existait dans ce système plusieurs défauts qui peuvent se
+résumer ainsi:
+
+«1º L'employé qui devait recevoir les dépêches devait avoir une bonne
+oreille musicale afin de bien distinguer la valeur des sons.
+
+«2º Les signaux ne pouvant être produits qu'autant que les courants
+transmis sont dans la même direction, il fallait employer deux fils
+pour échanger les dépêches dans les deux directions.
+
+«Je surmontai la première difficulté en adaptant au récepteur un
+appareil auquel je donnai le nom d'interrupteur de circuit vibratoire
+et qui permettait d'enregistrer automatiquement les sons produits. Cet
+interrupteur était disposé dans le circuit d'une pile locale qui
+pouvait actionner un appareil Morse sous certaines conditions. Quand
+les sons émis par l'appareil ne correspondaient pas à ceux pour
+lesquels il avait été accordé, l'interrupteur restait sans action sur
+l'appareil télégraphique; au contraire il agissait sur lui quand les
+sons émis étaient ceux qui devaient être interprétés, et naturellement
+cette action durait plus ou moins, suivant que ces sons étaient brefs
+ou longs. Dès lors, on obtenait sur l'appareil télégraphique les
+points et les traits qui correspondaient aux signaux transmis.»
+
+M. Bell dit encore qu'il a appliqué ce système aux télégraphes
+électro-chimiques, mais nous n'insisterons pas davantage sur cette
+partie de l'invention, puisque, ainsi que nous l'avons dit, il semble
+l'avoir abandonnée.
+
+
+=Système de M. Paul Lacour de Copenhague.=--Le système de M. Paul
+Lacour a été breveté le 2 septembre 1874, mais les premières
+expériences ont été faites dès le 5 juin de la même année. À cette
+époque, comme M. Lacour craignait que les vibrations ne fussent pas
+perceptibles sur de longues lignes, les essais ne furent entrepris que
+sur une ligne assez courte; mais au mois de novembre 1874, de
+nouvelles expériences furent entreprises entre Frédériccia et
+Copenhague, sur une ligne dont la longueur était de 390 kilomètres, et
+on put constater que les effets vibratoires pouvaient être transmis
+facilement, même sous l'influence d'une pile assez faible.
+
+Dans le système de M. P. Lacour, l'appareil transmetteur est un simple
+diapason soutenu horizontalement et dont l'un des bras réagit sur un
+interrupteur de courant qui peut produire à travers la ligne un nombre
+d'émissions de courants exactement égal à celui des vibrations du
+diapason. Si un manipulateur Morse est interposé dans le circuit, on
+comprend aisément qu'en le manoeuvrant de manière à produire les
+traits et les points de l'alphabet Morse, on pourra reproduire ces
+sortes de signaux à la station opposée, et ces signaux s'y
+manifesteront par des sons longs et courts, si un récepteur
+électro-magnétique est disposé en conséquence. Ce transmetteur est
+indiqué fig. 53.
+
+La fig. 54 représente le récepteur de M. Lacour. C'est un diapason F non
+plus en acier comme le diapason transmetteur, mais en fer doux et dont
+chacune des branches est introduite dans le tube d'une bobine
+électro-magnétique CC; deux électro-aimants particuliers M, M réagissent
+très-près de l'extrémité antérieure de ces branches et de telle manière
+que les polarités développées sur ces branches sous l'influence des
+bobines CC, se trouvent être de noms contraires à celles des
+électro-aimants M, M. Si ce double système électro-magnétique est
+interposé dans un circuit de ligne, il arrivera que, pour chaque
+émission de courant qui sera transmise, il se produira une attraction
+correspondante des branches du diapason, d'où naîtra une vibration, et
+par suite un son si ces émissions sont nombreuses. Ce son sera
+naturellement bref ou long, suivant la durée d'action du transmetteur,
+et il sera le même que celui du diapason de cet appareil. De plus, si
+l'une des branches du diapason réagit sur un contact P introduit dans le
+circuit d'une pile locale correspondant à un récepteur Morse, il pourra
+se produire sur ce récepteur des traces qui seront longues ou courtes
+suivant la durée des sons reproduits, car l'électro-aimant du Morse se
+trouvera, si promptement actionné par ces fermetures successives de
+courant, qu'il ne changera pas de place pendant toute la durée de chaque
+vibration. «Je n'ai pu encore, dit M. Lacour, à l'Académie des sciences
+de Danemark, en 1875, calculer le temps nécessaire pour produire dans le
+diapason du récepteur des vibrations d'un ordre déterminé. Ce temps est
+fonction de divers facteurs, mais l'expérience a montré que le temps qui
+s'écoule avant la fermeture du circuit local est une fraction de
+seconde si petite, qu'elle est presque inappréciable, même quand le
+courant est très-faible.
+
+«Comme les courants intermittents n'agissent sur un diapason qu'à la
+condition que ce diapason vibre à l'unisson de celui qui produit ces
+courants, il en résulte que, si on dispose à l'une des extrémités d'un
+circuit une série de diapasons transmetteurs accordés sur différentes
+notes de l'échelle musicale, et que l'on dispose à l'autre extrémité
+une série semblable de diapasons électro-magnétiques accordés
+exactement sur les autres, les courants intermittents qui seront
+transmis par les diapasons transmetteurs, se superposeront sans se
+confondre, et chacun des diapasons récepteurs électro-magnétiques ne
+sera impressionnable qu'aux courants lancés par le diapason vibrant à
+son unisson. De cette façon, les combinaisons de signaux élémentaires
+représentant un mot, pourront être télégraphiées au même instant.»
+
+M. Lacour énumère de la manière suivante les applications que l'on
+peut faire de ce système: «si les clefs reliées aux diapasons
+transmetteurs sont placées les unes à côté des autres et abaissées
+successivement ou simultanément en nombre plus ou moins grand, il
+suffira de jouer de ces clefs comme on joue de celles d'un instrument
+de musique pour jouer un air à distance, ou bien encore les signaux
+transmis simultanément pourront appartenir chacun à une dépêche
+différente. Ce système permettra donc à la station extrême d'une ligne
+de communiquer avec une ou plusieurs stations intermédiaires et
+vice-versâ, sans troubler en rien l'installation des autres postes.
+Ainsi deux des stations pourront s'envoyer des signaux sans que les
+autres s'en aperçoivent. Cette faculté de transmettre beaucoup de
+signaux à la fois donne un moyen avantageux de perfectionner le
+télégraphe autographique. Dans les appareils qui existent
+actuellement, tels que ceux de Caselli, de d'Arlincourt et autres, il
+n'y a qu'un seul style traceur, et, pour obtenir la copie d'un
+télégramme, il faut que ce style passe sur toute sa surface; mais avec
+le téléphone, on peut placer un certain nombre de styles à côté les
+uns des autres de manière à figurer un peigne, et il suffit de tirer
+ce peigne dans un sens pour qu'il parcoure la surface du télégramme.
+On obtiendra ainsi en moins de temps une copie plus fidèle.»
+
+M. Lacour fait remarquer également que son système offre cet avantage
+déjà signalé par M. Varley, que ses appareils laissent passer les
+courants ordinaires sans en accuser la présence, d'où il résulterait
+que les courants accidentels qui troublent généralement les
+transmissions télégraphiques, seraient sans action sur les systèmes
+télégraphiques dont il vient d'être question.
+
+Dans l'origine, M. Lacour n'avait pas adapté au transmetteur de son
+appareil un système électro-magnétique pour entretenir le mouvement du
+diapason; mais il n'a pas tardé à reconnaître que cet accessoire était
+indispensable, et il a dû faire de ses diapasons des électro-diapasons.
+D'un autre côté, il a pensé à transformer les courants transmis en
+courants ondulatoires en interposant dans le circuit, comme l'avait fait
+du reste M. Elisha Gray, une bobine d'induction. Enfin, pour obtenir la
+mise en action immédiate des diapasons et la cessation également
+immédiate de leur action, il les construisit de manière à rendre leur
+inertie aussi petite que possible. Le moyen qui lui a le mieux réussi a
+été d'introduire d'abord les deux branches du diapason dans une même
+bobine, et de prolonger en arrière le pied du diapason de manière
+qu'après s'être recourbé, il passât à travers une seconde bobine, se
+divisant en deux branches et embrassant sans les toucher les deux
+branches vibrantes. Lorsqu'un courant traverse les deux bobines, il
+produit dans ces deux systèmes qui constituent une sorte
+d'électro-aimant en fer à cheval, des polarités contraires qui
+provoquent une double réaction sur les branches vibrantes, réaction par
+répulsion exercée par ces deux branches en raison de leur même polarité,
+réaction par attraction par les deux autres branches en raison de leurs
+polarités contraires, et cette action est renouvelée par le jeu d'un
+interrupteur de courant adapté à l'une des branches vibrantes du
+diapason.
+
+
+=Système de M. Elisha Gray.=--Dans le système breveté primitivement,
+chacun des transmetteurs dont nous représentons fig. 55 la
+disposition, se compose d'un électro-aimant M M soutenu au-dessous
+d'une petite tablette de cuivre BS, de manière que ses pôles
+traversant cette tablette viennent affleurer la surface supérieure de
+celle-ci. Au dessus de ces pôles se trouve fixée une lame d'acier AS
+qui peut être tendue plus ou moins au moyen d'une vis S, et contre
+laquelle vient appuyer une autre vis _c_, mise en rapport électrique
+avec une pile locale R' par l'intermédiaire d'une clef Morse.
+Au-dessous de cette lame AS se trouve un contact _d_ relié au fil de
+ligne L, lequel contact, étant rencontré par la lame au moment de son
+attraction par l'électro-aimant, forme le courant d'une pile de ligne
+P qui agit sur le récepteur de la station opposée. Enfin des
+communications électriques établies entre la pile locale R' et
+l'électro-aimant, comme on le voit sur la figure, permettent de
+déterminer à chaque abaissement de la clef, et à la manière des
+trembleurs ordinaires, des vibrations de la part de la lame d'acier
+AS, vibrations qui, par une tension convenable de cette lame et une
+intensité donnée de la pile R', peuvent fournir une note musicale
+déterminée. De plus, comme à chaque vibration, cette lame AS rencontre
+le contact _d_, des émissions du courant de ligne sont produites à
+travers la ligne L et peuvent réagir sur l'appareil récepteur en lui
+faisant reproduire exactement les mêmes vibrations que sur l'appareil
+transmetteur.
+
+L'appareil récepteur que nous représentons fig. 56 est exactement
+semblable à celui que nous venons de décrire, seulement le contact _d_
+manque au-dessous de la lame vibrante AS, et le contact _c_, au lieu
+de correspondre au fil de ligne, est relié électriquement à un
+enregistreur E et à une pile locale P. Or il résulte de cette
+disposition que quand la lame AS vibre sous l'influence des courants
+interrompus traversant l'électro-aimant MM, des vibrations semblables
+sont transmises à travers l'enregistreur; mais si l'organe
+électro-magnétique de cet enregistreur est convenablement réglé, ces
+vibrations ne pourront produire que l'effet d'un courant continu, et
+dès lors les traces laissées sur l'appareil seront plus ou moins
+longues suivant la durée des sons produits; on aura donc de cette
+manière l'enregistration des traits et des points qui composent les
+signaux du vocabulaire Morse.
+
+Si l'on considère maintenant que la lame AS peut vibrer d'autant plus
+facilement, sous l'influence des attractions électro-magnétiques, que
+le nombre de ces attractions se rapproche davantage de celui des
+vibrations correspondantes au son fondamental qu'elle peut émettre,
+on comprend immédiatement qu'en accordant cette lame sur celle de
+l'appareil transmetteur correspondant de manière à lui faire produire
+le même son, elle deviendra particulièrement impressionnable aux
+vibrations transmises par le transmetteur, et les autres vibrations
+qui pourraient l'affecter n'agiront que faiblement. De plus, un
+résonnateur placé au-dessus de cette lame pourra encore augmenter dans
+une grande proportion cette prédisposition; de sorte que si plusieurs
+systèmes de ce genre, accordés sur des tons différents, fournissent
+des transmissions simultanées, les sons en rapport avec les
+différentes vibrations transmises, se trouveront en quelque sorte
+triés et distribués, malgré leur mélange, sur les récepteurs qui leur
+sont spécialement appropriés, et chacun d'eux pourra conserver les
+traces des sons émis, par l'adjonction de l'enregistreur qui pourra
+être d'ailleurs un récepteur Morse ordinaire convenablement disposé.
+Suivant M. Elisha Gray, il peut y avoir autant d'appareils
+transmetteurs et de circuits locaux indépendants qu'il y a de tons et
+de demi-tons dans deux octaves, ou plus, pourvu que chaque lame
+vibrante soit accordée sur une note différente de l'échelle musicale.
+Les instruments pourront être placés les uns à côté des autres, et
+leurs clefs locales respectives, disposées comme les touches d'un
+piano, permettront de jouer facilement un air composé de notes et
+d'accords; on pourra encore espacer les appareils et même les éloigner
+assez les uns des autres pour que chaque employé ne soit pas importuné
+par des sons autres que ceux qui sont propres à l'appareil dont il
+est chargé.
+
+Dans une nouvelle disposition qui a figuré à l'Exposition universelle
+de 1878, M. Elisha Gray a modifié assez notablement le mode de
+fonctionnement des divers organes électro-magnétiques que nous venons
+de décrire; cette fois les lames sont constituées par de véritables
+diapasons à une branche qui vibrent continuellement aux deux stations,
+et les signaux ne sont perçus que par des renforcements dans
+l'intensité des sons produits. Cette disposition a été la conséquence
+de la nécessité dans laquelle on se trouve, pour des transmissions
+multiples de ce genre, de maintenir le circuit de ligne toujours
+fermé, afin de réagir avec des courants ondulatoires, les seuls qui,
+ainsi qu'on l'a vu page 39, peuvent conserver à plusieurs sons
+transmis simultanément leur caractère individuel.
+
+Dans ces conditions, le transmetteur se compose, comme on le voit fig.
+57, d'une branche de diapason _a_ munie d'une rainure dans laquelle
+peut courir un curseur pesant afin d'accorder le diapason sur la note
+voulue, et qui oscille entre deux électro-aimants _e_ et _f_ et deux
+contacts I et G. Ces électro-aimants ont une résistance
+très-différente; celle de l'un _f_ est de 3 kilomètres de fil
+télégraphique, et celle de l'autre ne dépasse pas 400 mètres. Les
+communications électriques étant établies ainsi qu'on le voit sur la
+figure, voici ce qui se passe: le courant de la pile locale BL étant
+fermé à travers les deux électro-aimants _e_ et _f_ par le contact de
+repos de la clef Morse H, la lame _a_ se trouve sollicitée par deux
+actions contraires; mais comme l'électro-aimant _f_ a plus de spires
+que l'électro-aimant _e_, son action est prépondérante, et la lame _a_
+se trouve attirée du côté de _f_, déterminant avec le ressort G un
+contact qui ouvre une issue moins résistante au courant; celui-ci
+passant alors presqu'entièrement par G, _b_, 1, 2, B, permet à
+l'électro-aimant _e_ d'exercer à son tour son action; la lame _a_ se
+trouve alors attirée vers _e_ et, déterminant un contact sur le
+ressort I, peut transmettre à travers la ligne télégraphique le
+courant de ligne BP, si la clef H est en ce moment abaissée sur le
+contact de transmission; si elle ne l'est pas, aucun effet n'a lieu
+de ce côté, mais comme la lame _a_ a abandonné le ressort G, le
+premier effet attractif de l'électro-aimant _f_ se renouvelle et tend
+à attirer de nouveau la lame vers _f_, et les choses se renouvelant
+ainsi indéfiniment, la vibration de la lame _a_ se trouve entretenue,
+déterminant des émissions de courants de ligne en rapport avec ces
+vibrations, toutes les fois que la clef H se trouve abaissée. Ces
+vibrations sont d'ailleurs facilitées par l'élasticité de la lame qui
+doit d'ailleurs être mise en vibration mécaniquement au début.
+
+Le récepteur que nous représentons fig. 58, consiste dans un
+électro-aimant M, monté sur une caisse sonore C et dont l'armature est
+constituée par une lame de diapason LL solidement fixée sur la caisse
+avec arqueboutement par une traverse T. Cette armature porte un
+curseur P, mobile dans une rainure, qui permet d'accorder ses
+vibrations propres sur la note fondamentale de la caisse sonore C,
+laquelle doit vibrer à l'unisson avec elle et est disposée en
+conséquence. Par conséquent, quand la lame LL vibre, l'intensité de la
+note fondamentale est amplifiée suivant les lois bien connues des
+résonnateurs, et un son ne pourra être reproduit par elle qu'à la
+condition de vibrer à l'unisson avec elle. Dans ces conditions, la
+caisse aussi bien que le diapason agira donc comme un analyseur des
+vibrations transmises par les courants, et pourra faire fonctionner
+l'enregistreur en réagissant elle-même sur un interrupteur de courant
+local. Pour obtenir ce résultat, il suffit de tendre devant
+l'ouverture de la caisse une membrane de baudruche ou de parchemin et
+d'y adapter un contact de platine disposé de manière à rencontrer,
+quand la membrane entre en vibration, un ressort métallique relié à un
+enregistreur quelconque, soit un appareil Morse. Toutefois, comme en
+Amérique les dépêches sont généralement reçues au son, on n'emploie
+pas ce complément du système.
+
+On règle l'appareil non-seulement au moyen du curseur P mais encore
+d'une vis de réglage V qui permet de placer l'électro-aimant M dans
+une position convenable; ce réglage est assuré au moyen de la petite
+vis _v_, et l'appareil est relié à la ligne par le bouton d'attache B.
+Ce double dispositif est naturellement établi pour chacun des systèmes
+de transmission.
+
+Comme je le disais, on pourrait à la rigueur transmettre simultanément
+de cette manière sept dépêches différentes à la fois, mais jusqu'à
+présent M. Elisha Gray n'a disposé ses appareils que pour quatre; il
+leur a appliqué toutefois la combinaison en _duplex_, ce qui lui a
+permis de doubler le nombre des transmissions; de sorte que huit
+dépêches peuvent être transmises en même temps, quatre dans le même
+sens, quatre en sens contraire.
+
+D'après l'_Engineering_ et du reste d'après ce que m'a affirmé M.
+Haskins, ce système aurait fonctionné avec le succès le plus complet
+sur les lignes de la Western-Union Telegraph Company, de Boston à
+New-York et de Chicago à Milwaukee. Mais depuis ces expériences, de
+nouveaux perfectionnements ont permis de transmettre un beaucoup plus
+grand nombre de dépêches.
+
+M. Elisha Gray a combiné encore, conjointement avec M. Haskins, un
+système dans lequel il peut effectuer des transmissions téléphoniques
+sur un fil déjà desservi par des appareils Morse. C'est un problème
+qu'avait résolu avant lui M. Varley; mais le système de M. Elisha Gray
+paraît avoir fourni des résultats très-importants, et à ce titre il
+mérite de fixer l'attention. Nous ne le décrirons pas toutefois ici,
+car nous sortirions du cadre que nous nous sommes tracé, et nous nous
+réservons d'en parler dans les appendices que nous ajouterons à notre
+exposé des applications de l'électricité. En attendant, ceux que cette
+question pourra intéresser trouveront tous les détails nécessaires
+dans un travail inséré dans le journal de la Société des ingénieurs
+télégraphistes de Londres, tome VI, p. 506.
+
+
+=Système de M. Varley.=--Ce système est évidemment le premier en date,
+puisqu'il a été breveté en 1870 et que ce brevet indique en principe
+la plupart des dispositifs adoptés depuis par MM. Paul Lacour, Elisha
+Gray et G. Bell. Il est basé sur l'emploi du téléphone musical du même
+auteur que nous avons décrit p. 25 et dont il a, du reste, varié la
+disposition de plusieurs manières qu'il indique, en le rapportant plus
+ou moins au système de Reiss.
+
+En fait, le but que s'était proposé M. Varley était de faire
+fonctionner son appareil téléphonique concurremment avec des
+instruments à courants ordinaires, par la superposition d'ondes
+électriques rapides, incapables d'altérer pratiquement le pouvoir
+mécanique ou chimique des courants formant les signaux ordinaires,
+mais susceptibles de produire des signaux distincts perceptibles à
+l'oreille et même à l'oeil. «Un électro-aimant, dit-il, offre au
+premier moment une grande résistance au passage d'un courant
+électrique, et, par suite, peut être regardé comme un corps
+partiellement opaque eu égard à la transmission de courants inverses
+très-rapides ou d'ondes électriques. En conséquence, si on place à la
+station de transmission un diapason ou un instrument à lame vibrante
+accordé sur une note déterminée et disposé de manière à avoir son
+mouvement sans cesse entretenu par des moyens électriques, on pourra,
+en faisant passer le courant qui l'anime à travers deux hélices
+superposées constituant l'hélice primaire d'une bobine d'induction,
+obtenir dans deux circuits distincts deux séries de courants
+rapidement interrompus qui correspondront aux deux sens de la
+vibration du diapason, et l'on aura encore les courants induits
+déterminés dans l'hélice secondaire par ces courants, qui pourront
+animer un troisième circuit. Ce troisième circuit pourra d'ailleurs
+être mis en rapport avec une ligne télégraphique déjà desservie par un
+système télégraphique ordinaire, si on y adapte un condensateur, et
+l'on pourra obtenir deux transmissions simultanées différentes[28].»
+
+ [Note 28: J'avais décrit dans le tome III de mon exposé
+ des applications de l'électricité, p. 466, un système de ce
+ genre, que M. Varley avait expérimenté au moment de la pose
+ du câble transatlantique français.]
+
+La figure 59 représente le dispositif de ce système, D est la lame
+vibrante du diapason appelée à fournir les contacts électriques pour
+l'entretien de son mouvement. Ces contacts sont en S et S', et les
+électro-aimants qui l'actionnent sont en M et M'; la bobine
+d'induction est en I, et les trois hélices qui la composent sont
+indiquées par les lignes circulaires qui l'entourent. En A se trouve
+un manipulateur Morse; un autre est en A', et en P et P' se trouvent
+les deux piles destinées à animer le système. Le condensateur est en
+C et le téléphone T à l'extrémité de la ligne L.
+
+Quand la vibration de la lame D se porte à droite et que le contact
+électrique est effectué en S', le courant de la pile P', après avoir
+traversé la première hélice, arrive aux électro-aimants M, M' qui
+l'actionnent en lui donnant une impulsion en sens contraire. Quand au
+contraire elle se porte vers la gauche, le courant est envoyé à
+travers le second circuit primaire qui sera équilibré avec le premier.
+Il en résultera donc dans le circuit induit correspondant à la clef
+A', une série de courants renversés qui chargeront et déchargeront
+alternativement le condensateur C, envoyant ainsi sur la ligne une
+série correspondante d'ondulations électriques qui réagiront sur
+l'appareil téléphonique placé à l'extrémité de la ligne, et comme ces
+courants peuvent être transmis avec des durées plus ou moins longues
+suivant le temps d'abaissement de la clef A', on pourra obtenir sur
+cet appareil téléphonique une correspondance en langage Morse en même
+temps qu'une autre correspondance sera échangée avec la clef A et les
+récepteurs Morse ordinaires.
+
+Pour rendre sensibles à la vue les signaux vibratoires, M. Varley
+propose d'employer, pour la reproduction des vibrations, un fil
+d'acier fin, tendu à travers une hélice, en regard d'une fente
+très-étroite. On place derrière la fente une lumière qui est
+interceptée par le fil. Mais aussitôt qu'un courant passe, le fil
+vibre et une lumière apparaît. Une lentille placée en avant projette
+une image agrandie de la fente lumineuse sur un écran blanc tant que
+le fil est en vibration.
+
+
+
+
+APPLICATIONS DIVERSES DU TÉLÉPHONE.
+
+
+=Applications aux usages domestiques.=--Nous avons vu que le téléphone
+pouvait être employé avec beaucoup d'avantages aux services des
+établissements publics et privés; ils sont en effet d'une installation
+beaucoup moins dispendieuse que les tubes acoustiques, et peuvent
+s'appliquer dans des cas où ceux-ci ne pourraient jamais être
+employés. Grâce aux avertisseurs dont nous avons parlé, ils présentent
+les mêmes avantages, et la liaison des appareils entre eux peut être
+beaucoup mieux dissimulée. La différence du prix d'installation est
+d'ailleurs environ dans le rapport de 1 à 7.
+
+Pour ce genre d'application, les téléphones magnéto-électriques sont
+évidemment ceux auxquels on doit donner la préférence, car ils ne
+nécessitent pas de pile, et sont toujours prêts à fonctionner. On les
+emploie déjà dans la plupart des bureaux des ministères, et il est
+probable que d'ici à peu de temps, ils seront l'accompagnement des
+sonneries électriques pour le service des hôtels et des grands
+établissement publics et privés; on pourra même les employer dans les
+maisons particulières pour donner des ordres aux domestiques éloignés
+ou aux concierges qui, par leur intermédiaire, pourront éviter aux
+visiteurs la fatigue de monter inutilement plusieurs étages. Dans ce
+cas, ces appareils devront être accompagnés de commutateurs et de
+boutons d'appel dont la disposition se devine du reste aisément.
+
+Dans les établissements industriels, les téléphones remplaceront
+évidemment prochainement les systèmes télégraphiques déjà installés
+dans beaucoup d'entre eux. Ils pourront alors servir non-seulement à
+la transmission des ordres ordinaires, mais encore aux services de
+secours en cas d'incendie, et ils feront partie intégrante des divers
+systèmes déjà établis dans ce but.
+
+Dans les pays qui ont la liberté de communication télégraphique, le
+téléphone a déjà remplacé en grande partie les appareils de
+télégraphie privée jusque-là en usage, et si nous jouissons un jour de
+ce privilége, il est évident qu'on n'emploiera pas d'autre moyen de
+correspondance. Espérons que d'ici à peu de temps ce desiderata
+exprimé depuis si longtemps aux divers gouvernements qui se sont
+succédé, sera enfin accompli, et le téléphone sera venu juste à point
+pour inaugurer cette ère nouvelle.
+
+
+=Application aux services télégraphiques.=--Les avantages que le
+téléphone peut rendre aux services télégraphiques est assez restreint,
+car au point de vue de la célérité de la transmission des dépêches, il
+aurait évidemment une moindre valeur que beaucoup de nos appareils
+télégraphiques actuellement en usage, et les dépêches qu'ils
+fourniraient ne seraient pas susceptibles d'être contrôlées. Néanmoins
+dans les bureaux municipaux peu chargés de dépêches, ils pourraient
+présenter des avantages en ce sens que l'on n'aurait pas besoin de
+former des employés. Mais sur les lignes un peu longues, leur emploi
+serait évidemment moins avantageux. Le _Journal télégraphique_ de
+Berne a publié à cet égard des considérations d'un grand intérêt sur
+lesquelles nous appellerons l'attention du lecteur et qu'il résume
+ainsi:
+
+ «1º Pour transmettre une dépêche avec tous les avantages que
+ comporte le système, il faudrait que l'expéditeur pût parler
+ directement au destinataire sans l'intermédiaire d'employés. Et
+ tous ceux qui connaissent l'organisation des réseaux savent que
+ cela n'est pas possible, qu'il faut nécessairement des bureaux
+ intermédiaires de dépôt, et que le public ne peut être admis dans
+ les bureaux de transmission et de réception; par conséquent
+ l'expéditeur devra remettre sa dépêche écrite.
+
+ «2º L'employé une fois chargé de ce soin, l'appareil a déjà perdu
+ un de ses principaux avantages, car cet employé va lire la
+ dépêche et devra la prononcer à son correspondant; mais si cette
+ dépêche est écrite dans une langue étrangère, cela devient
+ évidemment impossible.
+
+ «3º Enfin, aujourd'hui les administrations possèdent des
+ instruments qui permettent d'expédier les dépêches avec une
+ vitesse plus grande que celle qu'on obtiendrait en les expédiant
+ par la voix.»
+
+Cependant on a installé en Allemagne dans différents bureaux
+télégraphiques un service téléphonique, et pour qu'on puisse
+comprendre les avantages qu'on peut y trouver, il suffira de se
+reporter à la circulaire administrative qui a créé l'établissement de
+ces services. Voici cette circulaire:
+
+ Les bureaux qui seront ouverts au public pour le service des
+ dépêches téléphoniques en Allemagne, seront considérés comme des
+ établissements indépendants; mais ils seront en même temps
+ rattachés aux bureaux télégraphiques ordinaires, lesquels se
+ chargeront de la transmission, sur leurs fils, des télégrammes
+ envoyés au moyen du téléphone.
+
+ «La transmission aura lieu de la manière suivante: le bureau qui
+ aura un télégramme à expédier invitera le bureau de destination à
+ mettre l'appareil en place. Dès que les cornets auront été
+ ajustés, le bureau de transmission donnera le signal de l'envoi
+ de la dépêche verbale.
+
+ «L'expéditeur devra parler lentement d'une manière claire et sans
+ forcer la voix; les syllabes seules seront nettement séparées
+ dans la prononciation, on aura soin surtout de bien articuler les
+ syllabes finales et d'observer une pause après chaque mot, afin
+ de donner à l'employé récepteur le temps nécessaire à la
+ transcription.
+
+ «Lorsque le télégramme a été reçu et transmis, l'employé du
+ bureau de destination vérifie le nombre de mots envoyés; puis il
+ répète, à l'aide du téléphone, le télégramme entier rapidement et
+ sans pause, afin de constater qu'aucune erreur n'a été commise.
+
+ «Pour assurer le secret des correspondances, les instruments
+ téléphoniques sont installés dans des locaux particuliers, où les
+ personnes étrangères au service ne peuvent entendre celui qui
+ envoie la dépêche verbale, et il est interdit aux employés de
+ communiquer à qui que ce soit le nom de l'expéditeur ou celui du
+ destinataire.
+
+ «Les taxes à percevoir pour les dépêches téléphoniques sont
+ calculées à tant par mot, comme sur les lignes télégraphiques
+ ordinaires.»
+
+
+=Application aux arts militaires.=--Depuis la découverte du téléphone,
+de nombreuses expériences ont été entreprises dans les différents
+pays, pour reconnaître les avantages que pourrait fournir son emploi à
+l'armée pour les opérations militaires. Jusqu'à présent ces
+expériences n'ont été que médiocrement satisfaisantes à cause des
+bruits qui existent toujours dans une armée et qui empêchent le plus
+souvent d'entendre; et on recherche avec empressement tous les moyens
+de rendre les bruits du téléphone plus accentués. Au moment de la
+découverte du microphone, on avait cru un instant le problème résolu,
+et plusieurs écoles militaires m'avaient demandé des renseignements à
+cet égard; mais je ne vois pas jusqu'ici que la question ait bien
+avancé sous ce rapport. Quoi qu'il en soit, le téléphone a été un
+instrument excessivement utile dans les écoles de tir et sur les
+polygones d'artillerie. Avec la grande portée qu'ont aujourd'hui les
+armes à feu, il devenait nécessaire pour juger de la justesse du tir
+d'être prévenu télégraphiquement de la position des points frappés des
+cibles, et on avait même imaginé pour cela, des cibles télégraphiques;
+mais le téléphone est bien préférable, et on l'emploie aujourd'hui
+avec un grand succès.
+
+Si le téléphone présente des inconvénients pour le service de la
+télégraphie volante en campagne, en revanche il peut être d'un grand
+secours pour la défense des places, pour la transmission des ordres du
+commandant aux différentes batteries et même pour l'échange des
+correspondances avec des ballons captifs lancés au-dessus des champs
+de bataille.
+
+Malgré les difficultés de son emploi à l'armée, des essais ont été
+tentés par les Russes à la dernière guerre; le câble des fils de
+communication était assez léger pour être posé par un seul homme et
+avait de quatre cents à cinq cents mètres. «Le mauvais temps, dit le
+_Telegraphic Journal_ du 15 mars 1878, ne troubla pas le
+fonctionnement des appareils, mais le bruit empêchait d'entendre, et
+on était obligé de se couvrir la tête avec le capuchon d'un grand
+manteau pour intercepter les sons extérieurs.» Les résultats n'ont
+donc pas été très-satisfaisants. Toutefois le téléphone peut rendre à
+l'armée de grands services, en permettant d'intercepter au passage les
+dépêches de l'ennemi; ainsi un homme résolu muni d'un téléphone de
+poche pourra, en se plaçant dans un endroit écarté, établir des
+dérivations entre le fil télégraphique de l'ennemi et son téléphone et
+saisir parfaitement, ainsi qu'on l'a vu, toutes les dépêches
+transmises. Il pourra même obtenir ce résultat en prenant ses
+dérivations à la terre ou sur un rail de chemin de fer. Bien des
+recherches sont du reste encore à tenter dans cet ordre d'idées et il
+est probable que l'on arrivera quelque jour à des combinaisons tout à
+fait pratiques.
+
+
+=Applications à la marine.=--L'un des plus grands avantages du
+téléphone est celui qu'il peut rendre à la marine pour le service des
+électro-sémaphores, des forts en mer, et des navires mouillés en rade.
+«Les essais faits entre la préfecture maritime de Cherbourg, les
+sémaphores et les forts de la digue, dit M. Pollard, ont fait
+ressortir les avantages qu'il y aurait à munir ces postes de
+téléphones, ce qui assurerait une communication facile entre les
+bâtiments d'une escadre et la terre ou entre ces navires eux-mêmes. En
+mouillant de petits câbles qui viendraient à la surface de la mer le
+long des chaînes des corps-morts et aboutiraient aux bouées ou coffres
+disposés en permanence dans la rade, les navires de guerre en
+s'amarrant se mettraient de cette manière en relation avec la
+préfecture maritime, et en mouillant temporairement des câbles légers
+d'un bâtiment à l'autre, l'amiral entrerait en communication intime
+avec les bâtiments de son escadre.»
+
+On a essayé l'application du téléphone à bord des navires pour la
+transmission des ordres, mais le bruit qui existe toujours sur un
+bâtiment empêche d'entendre, et les résultats ont été négatifs.
+
+C'est surtout pour les torpilles sous-marines que l'usage du téléphone
+peut être utile. Nous avons déjà vu le genre de service qu'il peut
+rendre quand il est accompagné d'un microphone. Mais il peut encore
+être très-utile pour la mise à feu des torpilles, lorsqu'il s'agit de
+connaître la position exacte du navire ennemi d'après deux visées
+faites en deux points différents de la côte.
+
+D'un autre côté, M. Trève a montré qu'on pouvait encore employer avec
+avantage le téléphone pour relier télégraphiquement des navires
+marchant à la remorque l'un de l'autre, et M. des Portes en a fait une
+très-heureuse application pour les recherches que l'on est souvent
+appelé à faire au fond de la mer à l'aide du scaphandre. Dans ce cas,
+on remplace une glace du casque par une plaque en cuivre dans laquelle
+est enchâssé le téléphone, ce qui fait que le scaphandrier n'a qu'un
+léger mouvement de tête à faire soit pour recevoir des communications
+de l'extérieur, soit pour en adresser. Avec ce système, on peut
+visiter les carènes des navires et rendre compte de tout ce que l'on
+voit, sans qu'il soit besoin de ramener les scaphandriers hors de
+l'eau, comme on était obligé de le faire jusque-là.
+
+
+=Applications industrielles.=--L'une des premières et des plus
+importantes applications qui ont été faites du téléphone est celle qui
+a été tentée des l'automne de 1877 en Angleterre et en Amérique pour
+le service des mines. Les galeries de mines sont, comme on le sait,
+souvent bien longues, et les transmissions des ordres de services
+avaient déjà nécessité l'emploi de télégraphes électriques; mais les
+mineurs sont loin d'être exercés à la manoeuvre de ces appareils, et
+ce service laissait beaucoup à désirer. Grâce au téléphone qui permet
+au premier venu de transmettre et de recevoir, rien ne s'oppose plus
+maintenant à un échange facile de communications entre les galeries et
+le dehors.
+
+On a pu aussi à l'aide du téléphone surveiller la ventilation dans les
+mines. Un téléphone étant placé près d'une roue mise en mouvement par
+l'air servant à la ventilation et étant relié à un autre téléphone
+placé dans le bureau de l'ingénieur, celui-ci pourra constater par le
+bruit qu'il entendra, si la ventilation se fait dans les conditions
+convenables et si la machine fonctionne régulièrement.
+
+
+=Application aux recherches scientifiques.=--Les expériences de M.
+d'Arsonval que nous avons rapportées p. 149, nous ont montré qu'on
+pouvait employer le téléphone comme un galvanoscope des plus
+sensibles; mais comme cet appareil ne peut fournir des sons que sous
+l'influence de courants interrompus, il faut que le circuit sur lequel
+on expérimente soit coupé à des intervalles plus ou moins rapprochés.
+Il n'est même pas nécessaire, comme on l'a vu, que le téléphone soit
+interposé dans le circuit; il peut être impressionné à distance, soit
+directement, soit par l'induction du courant interrompu sur un autre
+circuit placé parallèlement à côté du premier, et on peut augmenter la
+puissance de ces effets par la réaction d'un noyau de fer autour
+duquel on enroule le circuit inducteur. L'inconvénient de ce système
+est que l'on n'obtient pas le sens du courant et qu'il ne peut être
+employé comme instrument mesureur; mais, en revanche, il est tellement
+sensible, tellement facile à installer et si peu coûteux, qu'employé
+comme galvanoscope, il peut rendre les plus grands services.
+
+Lors des essais que l'on a faits du téléphone entre Calais et
+Boulogne, on a constaté un résultat qui semblerait indiquer une
+application avantageuse de cet appareil à l'étude de la balistique. En
+effet, des expériences de tir étant faites sur la plage de Boulogne,
+on a placé près de la pièce de canon un téléphone, et l'on a perçu la
+détonation à trois kilomètres (point de chute). En mesurant le temps
+écoulé entre la sortie du projectile et sa chute, on a pu calculer sa
+vitesse. Cette appréciation se fait ordinairement par l'observation
+visuelle de la flamme qui accompagne la sortie du projectile; mais
+dans certaines circonstances telles que le brouillard ou le tir à
+longue portée, le téléphone remplacerait peut-être l'observation
+visuelle. Sur le champ de bataille, un observateur muni d'un téléphone
+et placé sur une éminence, pourrait, à distance, rectifier le tir de
+sa batterie établie généralement dans un endroit abrité et moins
+élevé.
+
+
+
+
+LE PHONOGRAPHE
+
+
+Le phonographe de M. Edison qui a tant préoccupé les esprits depuis
+quelques mois, est un appareil qui, non-seulement enregistre les
+diverses vibrations déterminées par la parole sur une lame vibrante,
+mais qui reproduit encore la parole d'après les traces enregistrées.
+La première fonction de cet appareil n'est pas le résultat d'une
+découverte nouvelle. Depuis bien longtemps les physiciens avaient
+cherché à résoudre le problème de l'enregistration de la parole, et,
+en 1856, M. Léon Scott avait combiné un instrument bien connu des
+physiciens sous le nom de _phonautographe_ qui résolvait parfaitement
+la question; cet appareil est décrit dans tous les traités de physique
+un peu complets; mais la seconde fonction de l'appareil d'Edison
+n'avait pas été réalisée ni même posée par M. L. Scott, et nous nous
+étonnons que cet intelligent inventeur ait vu dans l'invention de M.
+Edison un acte de spoliation commis à son préjudice. Nous regrettons
+surtout pour lui, à qui, quoiqu'il en dise, tout le monde a rendu
+justice, qu'il ait à cette occasion publié, en termes amers, une sorte
+de pamphlet qui ne prouve absolument rien, et qui n'apprend que ce que
+tous les physiciens savent déjà. Si quelqu'un pouvait élever des
+prétentions à l'égard de l'invention du phonographe, du moins dans ce
+qu'il a de plus curieux, c'est-à-dire la reproduction de la parole, ce
+serait bien certainement M. Ch. Cros; car dans un pli cacheté déposé à
+l'Académie des sciences, le 30 avril 1877, il indiquait en principe un
+instrument au moyen duquel on pouvait obtenir la reproduction de la
+parole d'après les traces fournies par un enregistreur du genre du
+phonautographe[29]. Le brevet de M. Edison dans lequel le principe du
+phonographe est indiqué pour la première fois, ne date en effet que du
+31 juillet 1877, et encore ne s'appliquait-il qu'à la répétition des
+signaux Morse. Dans ce brevet, M. Edison ne fait que décrire un moyen
+d'enregistrer ces signaux par des dentelures effectuées par un style
+traceur sur une feuille de papier enveloppant un cylindre, et ce
+cylindre était creusé sur sa surface d'une rainure en spirale. Les
+dentelures ou gaufrages ainsi produits devaient être utilisés, d'après
+le brevet, pour transmettre automatiquement la même dépêche, en
+repassant sous un style capable de réagir sur un interrupteur de
+courant. Il n'est donc dans ce brevet nullement question de
+l'enregistration de la parole ni de sa reproduction; mais, comme le
+fait observer le _Telegraphic journal_ du 1er mai 1878, l'invention
+précédente lui donnait les moyens de résoudre ce double problème
+aussitôt que l'idée lui en serait venue. S'il faut en croire les
+journaux américains, cette idée ne tarda pas à se faire jour, et elle
+aurait été le résultat d'un accident. Pendant des expériences qu'il
+faisait un jour avec le téléphone, un style attaché au diaphragme lui
+piqua le doigt au moment où le diaphragme entrait en vibration sous
+l'influence de la voix, et cette piqûre avait été assez forte pour que
+le sang en jaillit; il pensa alors que, puisque les vibrations de ce
+diaphragme étaient assez fortes pour percer la peau, elles pourraient
+bien produire sur une surface flexible des gaufrages assez
+caractérisés pour représenter toutes les inflexions des ondes
+provoquées par la parole, et il put croire que ces gaufrages
+pourraient même reproduire mécaniquement les vibrations qui les
+avaient provoquées, en réagissant sur une lame capable de vibrer à la
+manière de celle qu'il avait déjà employée pour la reproduction des
+signaux Morse. Dès lors le phonographe était découvert, car de cette
+idée à sa réalisation, il n'y avait qu'un pas, et, en moins de deux
+jours, l'appareil était exécuté et expérimenté.
+
+ [Note 29: Voici le texte du pli cacheté de M. Cros,
+ ouvert sur sa demande à l'Académie des sciences le 3 décembre
+ 1877. (Voir comptes rendus, tome 85, p. 1082). «En général,
+ mon procédé consiste à obtenir le tracé de va et vient d'une
+ membrane vibrante et à se servir de ce tracé pour reproduire
+ le même va et vient, avec ses relations intrinsèques de
+ durées et d'intensités, sur la même membrane ou sur une autre
+ appropriée à rendre les sons et bruits qui résultent de cette
+ série de mouvements.
+
+ «Il s'agit donc de transformer un tracé extrêmement délicat,
+ tel que celui qu'on obtient avec des index légers frôlant des
+ surfaces noircies à la flamme, de transformer, dis-je, ces
+ tracés en relief ou creux résistants capables de conduire un
+ mobile qui transmettra ses mouvements à la membrane sonore.
+
+ «Un index léger est solidaire du centre de figure d'une
+ membrane vibrante; il se termine par une pointe (fil
+ métallique, barbe de plume, etc.), qui repose sur une surface
+ noircie à la flamme. Cette surface fait corps avec un disque
+ animé d'un double mouvement de rotation et de progression
+ rectiligne. Si la membrane est en repos, la pointe tracera
+ une spirale simple; si la membrane vibre, la spirale tracée
+ sera ondulée et ses ondulations présenteront exactement tous
+ les va et vient de la membrane en leur temps et en leurs
+ intensités.
+
+ «On traduit, au moyen de procédés photographiques
+ actuellement bien connus, cette spirale ondulée et tracée en
+ transparence par une ligne de semblables dimensions, tracée
+ en creux ou en relief dans une matière résistante (acier
+ trempé, par exemple).
+
+ «Cela fait, on met cette surface résistante dans un appareil
+ moteur qui la fait tourner et progresser d'une vitesse et
+ d'un mouvement pareils à ceux dont avait été animée la
+ surface d'enregistrement. Une pointe métallique, si le tracé
+ est en creux, ou un doigt à encoche, s'il est en relief, est
+ tenue par un ressort sur ce tracé, et, d'autre part, l'index
+ qui supporte cette pointe est solidaire du centre de figure
+ de la membrane propre à produire des sons. Dans ces
+ conditions, cette membrane sera animée, non plus par l'air
+ vibrant, mais par le tracé commandant l'index à pointe,
+ d'impulsions exactement pareilles en durées et en intensités,
+ à celles que la membrane d'enregistrement avait subies.
+
+ «Le tracé spiral représente des temps successifs égaux par
+ des longueurs croissantes ou décroissantes. Cela n'a pas
+ d'inconvénients si l'on n'utilise que la portion périphérique
+ du cercle tournant, les tours de spires étant
+ très-rapprochés; mais alors on perd la surface centrale.
+
+ «Dans tous les cas, le tracé de l'hélice sur un cylindre est
+ très-préférable et je m'occupe actuellement d'en trouver la
+ réalisation pratique.»]
+
+Cette petite histoire est assez ingénieuse et fait bien dans le
+tableau, mais nous aimons à croire que cette découverte a été faite un
+peu plus sérieusement. En effet, un inventeur comme M. Edison, qui
+avait découvert l'_électro-motographe_, et qui l'avait appliqué au
+téléphone, se trouvait par cette application même sur la voie du
+phonographe, et nous estimons trop M. Edison pour ajouter foi au petit
+roman américain. D'ailleurs le phonautographe de M. L. Scott était
+parfaitement connu de M. Edison.
+
+Ce n'est qu'au mois de janvier 1877, que le phonographe de M. Edison
+a été breveté. Par conséquent, au point de vue du principe de
+l'invention, M. Ch. Cros paraît avoir une priorité incontestable; mais
+son système tel qu'il est décrit dans son pli cacheté et tel qu'il a
+été publié dans la _Semaine du clergé_ du 10 octobre 1877, aurait-il
+été susceptible de reproduire la parole?... Nous en doutons fort, et
+notre doute pourrait être légitimé par les essais infructueux tentés
+par M. l'abbé Leblanc qui avait voulu réaliser l'idée de M. Cros.
+Quand il s'agit de vibrations aussi accidentées, aussi complexes que
+celles qui sont exigées pour la reproduction des mots articulés, il
+faut que leur clichage soit en quelque sorte moulé par elles-mêmes, et
+leur reproduction artificielle doit forcément laisser échapper les
+nuances qui distinguent les fines liaisons du langage; d'ailleurs, les
+mouvements déterminés par une pointe engagée dans une rainure suivant
+une _courbe sinusoïde_, ne peuvent s'effectuer avec toute la liberté
+nécessaire au développement des sons, et les frottements exercés sur
+les deux bords opposés de la rainure, seraient d'ailleurs souvent de
+nature à les étouffer. Un membre distingué de la Société de physique
+disait avec raison, quand j'ai présenté le phonographe à cette
+Société, que toute l'invention de M. Edison résidait dans la feuille
+métallique mince sur laquelle les vibrations se trouvent inscrites, et
+effectivement, c'est grâce à cette feuille qui a permis de clicher
+directement les vibrations d'une lame vibrante, que le problème a pu
+être résolu; mais il fallait penser à ce moyen, et c'est M. Edison qui
+l'a trouvé; c'est donc lui qui est bien l'inventeur du phonographe.
+
+Après M. Ch. Cros, et encore avant M. Edison, MM. Napoli et Marcel
+Deprez avaient cherché à construire un phonographe; mais leurs essais
+avaient été si infructueux qu'ils avaient cru un moment le problème
+insoluble, et quand on annonça à la Société de physique l'invention de
+M. Edison, ils la mirent en doute. Depuis, ils ont repris leurs
+travaux et nous font espérer qu'un jour ils pourront nous présenter un
+phonographe encore plus perfectionné que celui de M. Edison; c'est ce
+que la suite nous dira.
+
+En définitive, c'est M. Edison qui le premier a reproduit,
+mécaniquement la parole, et a réalisé par ce fait, une des plus
+curieuses et des plus importantes découvertes de notre époque; car
+elle a pu nous montrer que cette reproduction est beaucoup moins
+compliquée qu'on pouvait le supposer. Cependant il ne faut pas
+s'exagérer les conséquences théoriques de cette découverte qui n'a pas
+du tout démontré, suivant moi, que nos théories sur la voix fussent
+inexactes. Il faut, en effet, établir une grande différence entre la
+reproduction d'un son émis et la manière de déterminer ce son. La
+reproduction pourra être effectuée d'une manière très-simple, comme le
+disait M. Bourseul, du moment où l'on aura trouvé un moyen de
+transmettre les vibrations de l'air, quelque compliquées qu'elles
+puissent être; mais pour produire par la voix les vibrations
+compliquées de la parole, il faudra la mise en action de plusieurs
+organes particuliers, d'abord des cordes du larynx, en second lieu, de
+la langue, des lèvres, du nez, des dents mêmes, et c'est pourquoi une
+machine réellement parlante est forcément très-compliquée.
+
+On s'est étonné que la machine parlante qui nous est venue, il y a
+deux ans d'Allemagne, et qui a été exhibée au Grand-Hôtel, fut d'une
+extrême complication, alors que le phonographe résolvait le problème
+d'une manière si simple: c'est que l'une de ces machines ne faisait
+que reproduire la parole, tandis que l'autre l'émettait, et
+l'inventeur de cette dernière machine avait dû, dans son mécanisme,
+mettre à contribution tous les organes qui dans notre organisme
+concourent à la production de la parole. Le problème était infiniment
+plus complexe, et on n'a pas accordé à cette invention tout l'intérêt
+qu'elle méritait.
+
+Il est temps de décrire le phonographe et les diverses applications
+qu'on en a faites et qu'on pourra en faire dans l'avenir.
+
+
+=Description du phonographe.--Manière de s'en servir.=--Le premier
+modèle de cet appareil, celui qui est le plus connu et que nous
+représentons fig. 60, se compose simplement d'un cylindre enregistreur
+R, mis en mouvement au moyen d'une manivelle M tournée à la main, et
+devant lequel est fixée une lame vibrante munie antérieurement d'une
+embouchure de téléphone E et, sur sa face postérieure, d'une pointe
+traçante; cette pointe traçante que l'on voit en _s_ dans la fig. 62
+qui représente la coupe de l'appareil, n'est pas fixée directement sur
+la lame; elle est portée par un ressort _r_, et entre elle et la lame
+vibrante est adapté un tampon de caoutchouc _c_, constitué par un bout
+de tube, lequel a pour mission de transmettre à la pointe s les
+vibrations de la lame sans les étouffer; un autre tampon _r_, placé
+entre la lame LL et le support rigide de la pointe, tend à atténuer un
+peu ces vibrations qui seraient presque toujours trop fortes sans
+cette précaution.
+
+Le cylindre, dont l'axe AA, fig. 60, est muni d'un pas de vis pour lui
+faire accomplir un mouvement de translation horizontal à mesure que
+s'effectue son mouvement de rotation sur lui-même, présente à sa
+surface une petite rainure hélicoïdale dont le pas est exactement
+celui de la vis qui le fait avancer, et la pointe traçante s'y
+trouvant une fois engagée, peut la parcourir sur une plus ou moins
+grande partie de sa longueur, suivant le temps plus ou moins long
+qu'on tourne le cylindre. Une feuille de papier d'étain ou de cuivre
+très-mince est appliquée exactement sur cette surface cylindrique, et
+doit y être un peu déprimée afin d'y marquer légèrement la trace de la
+rainure et de placer convenablement la pointe de la lame vibrante.
+Celle-ci, d'ailleurs, appuie sur cette feuille sous une pression qui
+doit être réglée, et, c'est à cet effet, aussi bien que pour dégager
+le cylindre quand on doit placer ou retirer la feuille d'étain, qu'a
+été adapté le système articulé SN qui soutient le support S de la lame
+vibrante. Ce système, comme on le voit, se compose d'un levier
+articulé qui porte une rainure dans laquelle s'engage la vis R. Un
+manche N qui termine ce levier, permet, quand la vis R est desserrée,
+de faire pivoter le système traçant. Conséquemment, pour régler la
+pression de la pointe traçante sur la feuille de papier d'étain, il
+suffit d'engager plus ou moins la vis R dans la rainure, et de la
+serrer fortement quand le degré convenable de pression est obtenu.
+
+Telle est la planche sur laquelle la parole viendra tout à l'heure se
+graver en caractères durables, et voici comment fonctionne ce système
+si peu compliqué.
+
+On parle dans l'embouchure E de l'appareil, comme on le fait dans un
+téléphone ou dans un tube acoustique, mais avec une voix forte et
+accentuée et les lèvres appuyées contre les parois de l'embouchure,
+comme on le voit fig. 61; on tourne en même temps le cylindre qui,
+pour avoir un mouvement régulier, est muni d'un lourd volant, V. fig.
+60. Sous l'influence de la voix, la lame LL entre en vibration et fait
+manoeuvrer la pointe traçante, qui, à chaque vibration, déprime la
+feuille d'étain et détermine un gaufrage plus ou moins creux, plus ou
+moins accidenté, suivant l'amplitude de la vibration et ses
+inflexions. Le cylindre qui marche pendant ce temps, présente
+successivement à la pointe traçante les différents points de la
+rainure dont il a été question plus haut; de sorte que, quand on est
+arrivé au bout de la phrase prononcée, le dessin pointillé, composé de
+creux et de reliefs successifs que l'on a obtenus, représente
+l'enregistration de la phrase elle-même. En ce qui concerne
+l'enregistrement, l'opération est donc terminée, et en détachant la
+feuille de l'appareil, la parole pourrait être mise en portefeuille.
+Voyons maintenant comment l'appareil arrive à répéter ce qu'il a si
+facilement inscrit.
+
+Pour cela, il s'agit de recommencer tout simplement la même
+manoeuvre, et le même effet se reproduit identiquement en sens
+inverse. On replace le style traçant à l'extrémité de la rainure qu'il
+a déjà parcourue, et on remet le cylindre en marche; les traces
+gaufrées en repassant sous la pointe tendent à la soulever et à lui
+communiquer un mouvement qui ne peut être que la répétition de celui
+qui les avait primitivement provoquées, et la lame vibrante obéissant
+à ce mouvement, entre en vibration, reproduisant ainsi les mêmes sons
+et par suite les mêmes paroles; toutefois, comme il y a nécessairement
+perte de force dans cette double transformation des effets
+mécaniques, on est obligé, pour obtenir des sons plus forts, d'adapter
+à l'embouchure E le cornet C qui est une sorte de porte-voix. Dans ces
+conditions, la parole reproduite par l'appareil peut être entendue de
+tous les points d'une salle, et rien n'est plus saisissant que
+d'entendre cette voix, un peu grêle il est vrai, qui semble venir
+d'outre-tombe pour formuler ses sentences. Si cette invention eût été
+faite au moyen âge, on en aurait bien certainement fait
+l'accompagnement des fantômes, et elle aurait donné beau jeu aux
+faiseurs de miracles.
+
+Comme la hauteur des sons dans l'échelle musicale dépend du nombre des
+vibrations effectuées par un corps vibrant dans un temps donné, la
+parole peut être reproduite par le phonographe sur un ton plus ou
+moins élevé suivant la vitesse de rotation que l'on donne au cylindre
+qui porte la feuille impressionnée. Si cette vitesse est la même que
+celle qui a servi à l'enregistration, le ton des paroles reproduites
+est le même que celui des paroles prononcées. Si elle est plus grande,
+le ton est plus élevé, et si elle est moins grande, le ton est plus
+bas; mais on reconnaît toujours l'accent de celui qui a parlé; cette
+particularité fait qu'avec les appareils tournés à la main, la
+reproduction des chants est le plus souvent défectueuse, et l'appareil
+chante faux; il n'en est plus de même quand l'appareil se meut sous
+l'influence d'un mouvement d'horlogerie parfaitement régularisé, et
+l'on a pu obtenir de cette manière des reproductions satisfaisantes de
+duos chantés.
+
+La parole, enregistrée sur une feuille d'étain, peut se reproduire
+plusieurs fois; mais à chaque fois les sons deviennent plus faibles et
+moins distincts, parce que les reliefs s'affaissent de plus en plus.
+Avec une lame de cuivre, ces reproductions sont meilleures, mais pour
+les obtenir indéfiniment, il faut faire clicher ces lames, et dans ce
+cas, la disposition de l'appareil doit être différente.
+
+On a essayé de faire parler le phonographe en prenant les
+enregistrations à rebours de leur véritable sens; on a obtenu
+naturellement des sons n'ayant aucune ressemblance avec les mots émis;
+cependant MM. Fleeming Jenkin et Ewing ont remarqué que non seulement
+les voyelles ne sont pas altérées par cette action inverse, mais
+encore que les consonnes, les syllabes et des mots tout entiers
+peuvent être reproduits avec l'accentuation que leur donnerait leur
+lecture si elle était faite à rebours.
+
+Les sons produits par le phonographe, quoique plus faibles que ceux de
+la voix qui a déterminé les traces enregistrées, sont néanmoins assez
+forts pour réagir sur des téléphones à ficelle et même sur des
+téléphones Bell, et comme dans ce cas les sons sont éteints sur
+l'appareil et qu'il n'y a que celui qui est en rapport avec le
+téléphone qui les perçoit, on peut être assuré qu'aucune supercherie
+n'a pu être employée pour les produire.
+
+Quand je présentai le 11 mars 1878 le phonographe à l'Académie des
+Sciences de la part de M. Edison, et que M. Puskas, son représentant,
+eût fait parler ce merveilleux instrument, un murmure d'admiration se
+fit entendre de tous les points de la salle, et ce murmure se changea
+bientôt en applaudissements répétés. «Jamais, écrivait à un journal
+une des personnes présentes à la séance, on n'avait vu la docte
+Académie, ordinairement si froide, se livrer à un épanchement si
+enthousiaste. Pourtant quelques membres incrédules par nature, au lieu
+d'examiner le fait physique, voulurent le déduire de considérations
+morales et d'analogies, et bientôt on entendit dans la salle une
+rumeur qui semblait accuser l'Académie de s'être laissée mystifier par
+un habile _ventriloque_. Décidément l'esprit gaulois se retrouve
+toujours chez les Français et même chez les académiciens. Les sons
+émis par l'instrument sont exactement ceux des ventriloques, disait
+l'un. Avez-vous remarqué les mouvements des lèvres et de la figure de
+M. Puskas quand il tourne l'appareil?... disait l'autre; ne sont-ce
+pas les grimaces des ventriloques?... Il peut se faire que l'appareil
+émette des sons, disait encore un autre, mais l'appareil est
+considérablement aidé par celui qui le manoeuvre! Bref, le bureau de
+l'Académie demanda à M. du Moncel de faire lui-même l'expérience, et
+comme il n'avait pas l'habitude de parler dans cet appareil,
+l'expérience fut négative, à la grande joie des incrédules. Toutefois,
+quelques académiciens désirant fixer leurs idées sur ce qu'il y avait
+de vrai dans ces effets, prièrent M. Puskas de répéter devant eux les
+expériences dans le cabinet du secrétaire perpétuel et dans les
+conditions qu'ils lui indiqueraient. M. Puskas se prêta à ce désir, et
+ils revinrent de là parfaitement convaincus. Néanmoins, les incrédules
+ne se tinrent pas pour battus, et il fallut qu'ils fîssent eux-mêmes
+les expériences pour accepter définitivement ce fait, que la parole
+pouvait être reproduite dans des conditions excessivement simples.»
+
+Cette petite anecdote que je viens de raconter ne peut certes pas être
+interprétée en défaveur de l'Académie des Sciences; car son rôle est
+avant tout de conserver intactes les vrais principes de la Science et
+de n'accueillir les faits qui peuvent provoquer l'étonnement, qu'après
+un examen scrupuleux. C'est grâce à cette attitude qu'elle a pu donner
+un crédit absolu à tout ce qui émane d'elle, et nous ne saurions trop
+l'approuver de se maintenir ainsi sur la réserve et en dehors d'un
+premier moment d'enthousiasme et d'engouement.
+
+Le peu de réussite de l'expérience que j'avais tentée à l'Académie
+provenait uniquement de ce que je n'avais pas parlé assez près de la
+lame vibrante et que mes lèvres ne touchaient pas les parois de
+l'embouchure. Quelques jours après, sur l'invitation de plusieurs de
+mes confrères, je fis des expériences répétées avec l'appareil, et je
+parvins bientôt à le faire parler aussi bien que celui qu'on accusait
+de ventriloquie; mais je reconnus en même temps qu'il fallait une
+certaine habitude pour être sûr des résultats produits. Il y a aussi
+des mots qui sont reproduits beaucoup mieux que d'autres. Ceux qui
+renferment beaucoup de voyelles et beaucoup d'R viennent bien mieux
+que ceux où les consonnes dominent et surtout que ceux où il y a
+beaucoup d'S. On ne doit donc pas s'étonner, comme l'ont fait
+plusieurs personnes, que même avec la grande habitude que possède le
+représentant de M. Edison, certaines phrases prononcées par lui
+s'entendaient mieux que d'autres.
+
+Un des résultats les plus étonnants que le phonographe a produits a
+été la répétition simultanée de plusieurs phrases en langues
+différentes dont l'enregistration avait été superposée. On a pu
+obtenir jusqu'à trois de ces phrases; mais pour pouvoir les distinguer
+au milieu du bruit confus résultant de leur superposition, il fallait
+que des personnes différentes, en faisant une attention spéciale à
+chacune des phrases inscrites, pussent les séparer et en comprendre le
+sens. On a pu même superposer des airs chantés aux phrases prononcées,
+et la séparation devenait même dans ce cas plus facile.
+
+Il y a plusieurs modèles de phonographes. Celui que nous avons
+représenté fig. 60, est le modèle qui a servi pour les expériences
+publiques; mais il est un modèle plus petit que l'on vend
+principalement aux amateurs, et dans lequel le cylindre, beaucoup
+moins long, sert à la fois d'enregistreur et de volant. Cet appareil
+donne de très-bons résultats, mais il ne peut enregistrer que des
+phrases courtes. Dans ce modèle, comme du reste dans l'autre, on peut
+rendre l'enregistration de la parole beaucoup plus facile en adaptant
+dans l'embouchure un petit cornet en forme de porte-voix allongé; les
+vibrations de l'air sont alors plus concentrées sur la lame vibrante
+et agissent plus vigoureusement. Il paraît aussi que l'appareil gagne
+à avoir une lame vibrante un peu épaisse, et on a reconnu qu'on
+pouvait adapter directement la pointe traçante sur la lame.
+
+Je ne parlerai pas d'une manière spéciale du phonographe à mouvement
+d'horlogerie. C'est un appareil exactement semblable à celui de la
+fig. 60, seulement il est monté sur une table spéciale un peu haute de
+pieds pour donner au poids du mouvement d'horlogerie une course
+suffisante; le mécanisme est adapté directement sur l'axe du cylindre
+au lieu et place de la manivelle, et il est régularisé par un volant à
+ailettes. Celui qu'on a adopté est un volant d'un système anglais;
+mais nous croyons que le régulateur à ailettes de M. Villarceau serait
+préférable.
+
+Comme le raccordement des feuilles d'étain sur un cylindre est
+toujours délicat à effectuer, M. Edison a cherché à obtenir les traces
+de la feuille d'étain sur une surface plane, et il a obtenu ce
+résultat de la manière la plus heureuse, au moyen de la disposition
+que nous représentons fig. 63. Dans ce nouveau modèle, la plaque sur
+laquelle doit être appliquée la feuille d'étain ou de cuivre est
+creusée d'une rainure hélicoïdale en limaçon, dont un bout correspond
+au centre de la plaque et l'autre bout aux côtés extérieurs, et cette
+plaque est mise en mouvement par un fort mécanisme d'horlogerie dont
+la vitesse est régularisée proportionnellement à l'allongement des
+spires de l'hélice. Au-dessus de cette plaque est placée la lame
+vibrante qui est d'ailleurs disposée comme dans le premier appareil,
+et dont la pointe traçante peut, par suite d'un mouvement de
+translation communiqué au système, suivre la rainure en limaçon depuis
+le centre de la plaque jusqu'à sa circonférence. Enfin quatre points
+de repère permettent déplacer toujours et sans tâtonnements la feuille
+d'étain dans la véritable position qu'elle doit avoir. La figure 64
+montre comment cette feuille peut être retirée de l'appareil.
+
+Il ne faudrait pas croire que toutes les feuilles d'étain employées
+pour les enregistrations phonographiques soient également bonnes, il
+faut que ces feuilles contiennent une certaine quantité de plomb et
+présentent une certaine épaisseur. Les feuilles d'étain qui
+enveloppent le chocolat, et même toutes celles que l'on trouve en
+France, sont trop riches en étain et trop minces pour donner de bons
+résultats, et M. Puskas a été obligé d'en faire venir d'Amérique pour
+continuer à Paris ses expériences. Jusqu'ici les proportions de plomb
+et d'étain n'ont pas encore été bien définies, et c'est l'expérience
+qui permet de décider le choix des feuilles; mais quand le phonographe
+sera plus répandu, il faudra évidemment que ce travail soit effectué,
+et cela sera facile en analysant la composition des feuilles qui
+auront fourni les meilleurs résultats.
+
+La disposition de la pointe traçante est aussi une question
+très-importante pour le bon fonctionnement d'un phonographe. Elle doit
+être très-tenue et très-courte (un millimètre de longueur tout au
+plus), afin qu'elle puisse enregistrer nettement les vibrations les
+plus minimes de la lame vibrante sans se courber et vibrer dans un
+autre sens que le sens normal au cylindre, ce qui pourrait arriver si
+elle était longue, en raison des frottements inégaux exercés sur la
+feuille d'étain. Il a fallu aussi la construire avec un métal ne
+pouvant facilement provoquer des déchirures sur la feuille métallique.
+Le fer a paru réunir le mieux les conditions voulues.
+
+Le phonographe n'est du reste qu'à son début, et il est probable que
+d'ici à peu de temps, il pourra être dans des conditions convenables
+pour enregistrer la parole sans qu'on ait besoin de parler dans une
+embouchure. S'il faut en croire les journaux, M. Edison aurait déjà
+trouvé le moyen de recueillir sans le secours d'un tuyau acoustique,
+les sons émis à une distance de 3 à 4 pieds de l'appareil et de les
+imprimer sur une feuille métallique. De là à inscrire sur l'appareil
+un discours prononcé dans une grande salle, à une distance quelconque
+du phonographe, il n'y a qu'un pas, et si ce pas est fait, ce qui est
+probable, la phonographie pourra avantageusement remplacer la
+sténographie.
+
+Nous publions dans la note ci-dessous les instructions que M.
+Roosevelt le vendeur de ces machines, donne aux acquéreurs pour les
+initier à la manoeuvre de l'appareil[30].
+
+ [Note 30: Ne jamais établir le contact entre le stylet et
+ le cylindre avant que celui-ci soit recouvert de la feuille
+ d'étain.
+
+ Ne commencer à tourner le cylindre qu'après s'être assuré que
+ tout est en place. Avoir toujours soin, en faisant revenir le
+ stylet au point de départ, de ramener l'embouchure en avant.
+
+ Laisser toujours une marge de 5 à 10 millimètres à la gauche
+ et au commencement de la feuille d'étain, car si le stylet
+ décrivait la courbe sur le bord extrême du cylindre, il
+ pourrait déchirer le papier ou sortir de la rainure.
+
+ Avoir soin de ne pas détacher le ressort du coussin en
+ caoutchouc.
+
+ Pour placer la feuille d'étain sur le cylindre, enduire
+ l'extrémité de la feuille avec du vernis au moyen d'un
+ pinceau, prendre cette extrémité entre le pouce et l'index de
+ la main gauche, le côté gommé vers le cylindre, la relever
+ avec la main droite et la tendre fortement en l'appliquant
+ contre le cylindre de façon à bien lisser le papier,
+ appliquer alors le bout gommé sur l'autre extrémité et les
+ réunir fortement.
+
+ Pour ajuster le stylet et le placer au centre de la rainure,
+ ramener le cylindre vers la droite afin de mettre le stylet
+ en face de l'extrémité gauche de la feuille de métal, faire
+ avancer doucement et peu à peu le cylindre jusqu'à ce que le
+ stylet touche la feuille d'étain avec assez de force pour y
+ laisser une trace.
+
+ Observer si cette trace est bien au centre de la rainure
+ (pour cela avec l'ongle rayer en travers le cylindre), si non
+ ajuster le stylet à gauche ou à droite au moyen de la petite
+ vis placée au haut de l'embouchure.
+
+ La meilleure profondeur à donner à la trace du stylet est de
+ 1/3 de millimètre, c'est-à-dire juste assez pour que le
+ stylet, quelle que soit l'ampleur des vibrations de la
+ plaque, laisse toujours une légère trace sur la feuille.
+
+ Pour reproduire les mots, faire en sorte de tourner la
+ manivelle avec la même vitesse que lors de l'inscription; la
+ vitesse moyenne doit être de 80 tours par minute.
+
+ Pour parler dans l'appareil, appuyer la bouche contre
+ l'embouchure; les sons gutturaux ou la voix de poitrine se
+ gravent mieux que la voix de fausset.
+
+ Pour reproduire les sons, desserrer la vis de pression et
+ ramener en avant l'embouchure; faire revenir le cylindre au
+ point de départ, rétablir le contact entre la pointe du
+ stylet et la feuille, faire tourner de nouveau le cylindre
+ dans le même sens que lorsque la phrase a été prononcée.
+
+ Pour augmenter le volume de son restitué: appliquer sur
+ l'embouchure un cornet en carton, en bois ou en corne, de
+ forme conique dont l'extrémité inférieure sera un peu plus
+ large que l'ouverture placée devant la plaque vibrante.
+
+ Le stylet est fait d'une aiguille nº 9 un peu aplatie sur les
+ deux côtés par frottement sur une pierre huilée: il est
+ facile de construire un stylet, d'ailleurs la maison en a de
+ rechange à la disposition de ses clients.
+
+ Le coussin de caoutchouc qui réunit la plaque au ressort sert
+ à atténuer les vibrations de la plaque.
+
+ Dans le cas où ce coussin viendrait à se détacher: chauffer
+ la tête d'un petit clou, l'appuyer sur la cire qui colle le
+ coussin à la plaque ou au ressort jusqu'à ce que cette cire
+ soit amollie, et alors après avoir retiré le clou, presser
+ légèrement le caoutchouc sur la partie décollée jusqu'à ce
+ que, étant refroidie, la cire fasse adhérer le coussin à la
+ plaque ou au ressort.
+
+ Avoir soin de renouveler de temps à autre ces coussins qui,
+ par l'usage, perdent de leur élasticité.
+
+ En les remplaçant: faire attention à ne pas abîmer la plaque
+ vibrante, soit par une pression trop forte, soit par une
+ éraflure avec l'instrument qui servira à maintenir le
+ coussin.
+
+ Commencer les expériences par des mots isolés ou par des
+ phrases très-courtes: les augmenter au fur et à mesure que
+ l'oreille s'habitue au timbre particulier de l'appareil.
+
+ Varier les intonations et faire reproduire les phrases ou les
+ airs sur des tons différents en accélérant ou en ralentissant
+ le mouvement de rotation du cylindre.
+
+ Imiter les cris d'animaux (coq, poule, chien, chat, etc.)
+
+ Faire jouer dans l'embouchure devant laquelle on aura au
+ préalable placé un cornet en carton, des instruments en
+ cuivre.
+
+ Autant que possible jouer des airs sur mesure rapide, leur
+ reproduction parfaite, sans mouvement d'horlogerie, étant
+ plus facile à obtenir que celle des airs lents.]
+
+
+=Considérations théoriques.=--Bien que les explications que nous avons
+données précédemment soient suffisantes pour faire comprendre les
+effets du phonographe, il est une question curieuse qui ne laisse pas
+que d'étonner beaucoup les physiciens, c'est celle-ci: Comment se
+fait-il que des gaufrages effectués sur une surface aussi peu
+résistante que l'étain, puissent en repassant sous la pointe traçante
+qui présente une rigidité relativement grande, déterminer de sa part
+un mouvement vibratoire sans se trouver complètement écrasés? À cela
+nous répondrons qu'en raison de l'extrême rapidité du passage de ces
+traces devant la pointe, il se développe des effets de force vive qui
+n'agissent que localement, et que, dans ces conditions, les corps mous
+peuvent exercer des effets mécaniques aussi énergiques que les corps
+durs. Qui ne se rappelle cette curieuse expérience relatée tant de
+fois dans les traités de physique, d'une planche percée par une
+chandelle servant de balle à un fusil. Qui ne se rappelle les
+accidents produits à diverses reprises par des bourres de papier
+projetées par les armes à feu? Dans ces conditions, le mouvement
+communiqué aux molécules qui reçoivent le choc n'ayant pas le temps
+d'être transmis à toute la masse du corps auquel elles appartiennent,
+elles sont obligées de s'en séparer ou tout au moins de déterminer,
+quand le corps est susceptible de vibrer, un centre de vibration qui,
+propageant ensuite des ondes sur toute sa surface, détermine les sons.
+
+Plusieurs savants, entre autres MM. Preece et Mayer ont cherché à
+étudier avec soin la forme des gaufrages laissés par la voix sur la
+lame d'étain du phonographe, et ont reconnu que ces formes
+ressemblaient beaucoup à celles des flammes chantantes si bien
+dessinées avec les appareils de M. Koenig. Voici ce que dit à cet
+égard M. Mayer dans le _Popular Science Monthly_ d'avril 1878.
+
+«Par la méthode suivante, j'ai pu parvenir à reproduire sur du verre
+enfumé, de magnifiques traces montrant le profil des vibrations
+sonores enregistrées sur la feuille d'étain avec leurs différentes
+sinuosités. J'adapte pour cela au ressort supportant la pointe
+traçante du phonographe, une tige longue et légère terminée par une
+pointe qui appuie de côté sur la lame de verre enfumée, et qui peut,
+par suite de la position verticale de celle-ci et d'un mouvement qui
+lui est communiqué, déterminer des traces sinusoïdes. Par cette
+disposition, on obtient donc simultanément, quand le phonographe est
+mis en action, deux systèmes de traces dont les unes sont le profil
+des autres.
+
+«L'instrument a été en ma possession pendant si peu de temps, que je
+n'ai pu faire autant d'expériences que je l'aurais voulu; mais j'ai
+néanmoins pu étudier quelques-unes de ces courbes, et il m'a semblé
+que les contours enregistrés avaient, pour un même son, une grande
+ressemblance avec ceux des flammes chantantes de Koenig.
+
+«La fig. 65 représente les traces correspondantes au son de la lettre
+A prononcé _bat_ dans les trois systèmes d'enregistration. Celles qui
+correspondent à la ligne A sont la reproduction agrandie des traces
+laissées sur la feuille d'étain; celles qui correspondent à la ligne
+B, en représentent les profils sur la feuille de verre noirci. Enfin
+celles qui correspondent à la ligne C montrent les contours des
+flammes chantantes de Koenig, quand le même son est produit
+_très-près_ de la membrane de l'enregistreur. Je dis _très-près_ avec
+intention, car la forme des traces produites par une pointe attachée à
+une membrane vibrante sous l'influence de sons composés, dépend de la
+distance séparant la membrane de la source du son, et l'on peut
+obtenir une infinité de traces de forme différente en variant cette
+distance. Il arrive, en effet, qu'en augmentant cette distance, les
+ondes sonores résultant de sons composés réagissent sur la membrane à
+différentes époques de leur émission. Par exemple, si le son composé
+est formé de six harmoniques, le déplacement de la source des
+vibrations de 1/4 de longueur d'onde de la première harmonique,
+éloignera la seconde, la troisième, la quatrième, la cinquième et la
+sixième harmonique de 1/2, 3/4, 1, 1-1/4, 1-1/2 de longueur d'onde, et
+par conséquent les contours résultant de la combinaison de ces ondes,
+ne pourront plus être les mêmes qu'avant le déplacement de la source
+sonore, quoique la sensation des sons reste le même, dans les deux
+cas. Ce principe a été parfaitement démontré au moyen de l'appareil de
+Koenig, en allongeant et en raccourcissant un tube extensible
+interposé entre le résonnateur et la membrane vibrante placée prés de
+la flamme, et il explique le désaccord qui s'est produit entre
+différents physiciens sur la composition des sons vocaux, quand ils
+les ont analysés au moyen des flammes chantantes.
+
+«Ces faits nous démontrent d'un autre côté, qu'il n'y a pas lieu
+d'espérer que l'on puisse _lire_ les impressions et les traces du
+phonographe, car ces traces varient non-seulement avec la nature des
+voix, mais encore avec les moments différents d'émission des
+harmoniques de ces voix et avec les différences relatives des
+intensités de ces harmoniques.»
+
+Nous reproduisons néanmoins, fig. 66, des traces extrêmement curieuses
+que nous a communiquées M. Blake, et qui représentent les vibrations
+déterminées par les mots: _Brown university; how do you do._ Elles ont
+été photographiées sous l'influence d'un index adapté à une lame
+vibrante et illuminé par un pinceau de lumière. Le mot how est surtout
+remarquable par les formes combinées des inflexions des vibrations.
+
+Des expériences récentes semblent montrer que plus la membrane
+vibrante d'un phonographe se rapproche comme construction de celle de
+l'oreille humaine, et mieux elle répète et enregistre les vibrations
+sonores; elle devrait, en quelque sorte, être tendue à la manière de
+la membrane tympanique par l'os du marteau et surtout en avoir la
+forme, car les vibrations aériennes s'effectueraient alors beaucoup
+mieux.
+
+Suivant M. Edison, la grandeur du trou de l'embouchure influe beaucoup
+sur la netteté de l'articulation de la parole. Quand les mots sont
+prononcés devant toute la surface du diaphragme, le sifflement de
+certains sons est perdu. Au contraire, il est renforcé quand les sons
+n'arrivent à ce diaphragme qu'à travers un orifice étroit et dont les
+bords sont aigus. Si ce trou est pourvu de dentelures sur ses bords
+aplatis, les consonnes sifflantes sont rendues plus clairement. La
+meilleure reproduction de la parole est obtenue quand l'embouchure est
+recouverte avec des enveloppes plus ou moins épaisses disposées de
+manière à éteindre les sons provenant de la friction de la pointe
+traçante sur l'étain.
+
+M. Hardy a, du reste, rendu l'enregistration des traces du phonographe
+plus facile en adaptant dans le trou de l'embouchure de l'appareil un
+petit cornet d'ébonite formant comme une embouchure d'instrument à
+vent.
+
+
+
+
+APPLICATIONS DU PHONOGRAPHE ET SON AVENIR.
+
+
+M. Edison vient de publier dans le _North American Review_, de
+mai-juin 1878, un article très-intéressant sur l'avenir du
+phonographe, dans lequel il discute lui-même les différentes
+applications qui pourront être faites de cet instrument et dont nous
+allons reproduire ici les conclusions.
+
+Afin de fournir au lecteur une base sur laquelle il puisse asseoir son
+jugement, il commence par poser sous forme de questions auxquelles il
+répond, les différents principes de son invention. Voici ces
+questions:
+
+1º Une plaque ou un disque vibrant peut-il recevoir un mouvement
+complexe qui représentera exactement les propriétés particulières de
+chaque vibration et de toutes les ondes sonores résultant des
+émissions des sons complexes si variés de la voix?
+
+R. Le téléphone répond affirmativement à cette question.
+
+2º Un mouvement si complexe peut-il être transmis à une pointe adaptée
+à une plaque de cette nature, de manière à lui faire imprimer sur une
+matière plastique des traces gaufrées capables de le représenter
+exactement dans toutes ses conditions? et si cela est, cette pointe
+traçante pourra-t-elle, en repassant à travers ces traces, les suivre
+assez fidèlement pour transmettre de nouveau au disque les mouvements
+complexes dont il avait été primitivement animé lorsqu'il avait
+produit ces traces, lesquels mouvements doivent nécessairement
+reproduire à l'oreille les sons vocaux aussi bien que tout les autres
+bruits qui auraient pu les accompagner?
+
+R. Les expériences faites avec le phonographe, quand il est placé dans
+de bonnes conditions d'exécution et d'expérimentation, répondent
+affirmativement à cette question, et les effets obtenus sont
+aujourd'hui si parfaits, qu'avec un peu d'habitude on peut même, en
+quelque sorte, lire les sons enregistrés, sans en connaître
+l'origine[31].
+
+ [Note 31: M. Edison dit que son préparateur a pu lire,
+ sans en perdre un mot, plusieurs colonnes d'un article de
+ journal qui lui était inconnu et qui avait été enregistré sur
+ l'appareil en son absence. La seule chose qu'il ne put pas
+ distinguer fut la nature de la prononciation de celui qui
+ avait provoqué cette enregistration, et suivant M. Edison, ce
+ ne serait pas un défaut, car souvent la prononciation de
+ l'instrument est meilleure que celle de certains individus
+ qui, par suite d'un défaut de langue ou de lèvres, ne parlent
+ pas distinctement. «Le mécanisme du phonographe, dit M.
+ Edison, diminue ou supprime ce défaut.» Nous devons toutefois
+ avouer que nous avons peine à croire à cette vertu du
+ phonographe qui nous a toujours fait entendre une voix de
+ polichinelle enroué dont nous l'aurions dispensé avec
+ plaisir.]
+
+3º La feuille tracée peut-elle être enlevée de l'appareil sur lequel
+elle a été impressionnée, et replacée sur un autre sans annuler ou
+amoindrir son pouvoir reproducteur de la parole?
+
+R. Ceci est question de précision de mécanisme et d'ajustement qui ne
+présente pas plus de difficultés que la disposition de l'appareil
+lui-même, et le problème est certainement moins difficile à résoudre
+que celui de l'ajustement des différentes pièces d'une montre.
+
+4º Une feuille contenant ainsi l'enregistration de la parole peut-elle
+être facilement déplacée et expédiée par la poste?
+
+R. Dix ou quinze secondes suffisent pour placer ou déplacer la feuille
+enregistrée, mais comme il faut pour son expédition une enveloppe
+spéciale, le poids de la dépêche pourra dépasser un peu celui de la
+taxe postale; mais l'augmentation ne sera que très-minime.
+
+5º Quelle est la durée d'une dépêche ainsi reproduite?
+
+R. Des expériences répétées ont prouvé que les gaufrages ont un grand
+pouvoir de résistance, même quand la reproduction a été effectuée par
+une plaque vibrante relativement rigide; mais on pense pouvoir
+substituer aux lames d'étain des lames d'un métal plus dur et
+extrêmement mince, sur lesquelles réagiraient des pointes très-dures,
+telles que des pointes de diamant ou de saphir, et alors ces feuilles
+pourraient répéter les dépêches cinquante ou cent fois.
+
+6º Peut-on avoir un duplicata d'une feuille enregistrée, et quelle
+serait sa durée?
+
+R. Un grand nombre d'expériences ont été entreprises avec plus ou
+moins de succès dans le but d'obtenir des enregistrations
+électrotypiques, et d'après les renseignements qui ont été donnés, il
+paraîtrait qu'on aurait pu obtenir ce résultat d'une manière
+satisfaisante. Il ne paraît pas, du reste, que la solution du problème
+présente de difficulté sérieuse, pas plus que celle d'obtenir des
+épreuves inaltérables.
+
+7º Quelle peut être la force des ondes sonores et la distance à
+laquelle elles doivent agir sur le diaphragme pour produire une bonne
+enregistration?
+
+R. Ceci dépend essentiellement de l'intensité des sons que l'on
+demande à l'instrument pour leur reproduction. Si cette reproduction
+doit être faite de manière à être entendue d'une assistance nombreuse,
+les ondes sonores qui doivent fournir l'enregistration doivent être
+déterminées d'une manière très-énergique; mais si on se contente d'une
+reproduction à l'oreille, la parole prononcée à voix ordinaire ou même
+à voix presque basse est susceptible d'être entendue. Dans les deux
+cas, les paroles doivent être prononcées devant l'embouchure de
+l'instrument. Cependant on a pu, dans certaines conditions, obtenir
+une reproduction de la parole en parlant à voix très-haute à deux ou
+trois pieds de l'instrument. L'application à l'appareil d'un tube
+ouvert ou d'un entonnoir pour concentrer les ondes sonores, le bon
+établissement d'un diaphragme délicat et d'une pointe traçante bien
+établie, étaient les conditions nécessaires pour obtenir ce résultat.
+Il ne peut y avoir, du reste, de grande difficulté pratique à réunir
+et à faire converger les ondes sonores à partir d'une source de
+vibration placée dans un rayon de trois pieds, rayon qui est assez
+étendu pour ne pas embarrasser une personne qui parle ou qui chante.
+Les différents essais tentés dans cette voie ont démontré du reste que
+l'on peut obtenir de cette manière:
+
+1º L'emmagasinement, d'une manière permanente, de toutes les espèces
+d'ondes sonores regardées comme _fugitives_.
+
+2º Leur reproduction avec tous leurs caractères primitifs, que la
+source de la vibration soit ou non présente, et quelque soit le laps
+de temps écoulé entre le moment de l'enregistration et celui de la
+reproduction.
+
+3º Le moyen de transmettre matériellement la parole ainsi emmagasinée
+par les voies ordinaires ouvertes aux transactions commerciales, et de
+pouvoir remplacer ainsi une dépêche écrite.
+
+4º La multiplication indéfinie de ces sortes de dépêches et leur
+conservation, sans avoir à se préoccuper de la source primitive.
+
+5º Le moyen d'enregistrer la parole ou les chants avec ou sans le
+consentement de la personne qui les a émis, et même à son insu.
+
+M. Edison entame ensuite le chapitre des applications du phonographe
+qu'il énumère de la manière suivante:
+
+«Parmi les plus importantes applications du phonographe on peut citer,
+dit-il, son application à l'écriture des lettres, à l'éducation, à la
+lecture, à la musique, aux enregistrations de famille, aux
+compositions électrotypiques pour les boîtes à musique, les joujoux,
+les horloges, les appareils avertisseurs ou les appareils à signaux,
+la sténographie des discours, etc.
+
+
+«=Écriture des lettres.=--L'appareil étant perfectionné au point de
+vue des détails mécaniques de sa construction, pourrait être employé
+pour tous les usages domestiques (excepté ceux qui exigent une
+disposition particulière) qui demanderont la répétition indéfinie d'un
+même ordre ou d'un même avis; mais, comme le principal rôle du
+phonographe est d'enregistrer la parole et des sons, sa disposition a
+dû être combinée en conséquence.
+
+«La disposition la plus générale consiste dans une plaque plate ou un
+disque à la surface duquel est évidée une rainure fine en spirale et à
+pas serré qui peut fournir par son développement une grande longueur.
+Cette plaque est mise en mouvement par un mécanisme d'horlogerie placé
+au-dessous, et la rainure est combinée de manière à permettre
+l'enregistration de 40000 mots. Le débit de l'appareil peut être
+effectué dans des conditions telles, que sur une surface d'étain de
+10 pouces carrés, on peut enregistrer 100 mots. Reste à savoir si un
+débit moins grand par pouce carré ne serait pas d'un meilleur effet.
+Il est certain que pour les lettres cela vaudrait mieux, mais comme on
+ne peut pas multiplier indéfiniment les types de machines, et que les
+messages étendus sont enregistrés plus économiquement sur une seule
+feuille que sur deux, il vaut mieux que l'appareil puisse fournir le
+plus de travail possible sur la surface la moins grande possible.
+Cette question devra, du reste, être étudiée avant de créer le type
+définitif.
+
+«Le fonctionnement du phonographe ainsi disposé pour l'application que
+nous traitons en ce moment, est très-simple. On place la feuille
+d'étain sur le phonographe et on met en action le mécanisme
+d'horlogerie; on parle devant l'embouchure comme si l'on dictait sa
+lettre à un secrétaire, et, quand on a terminé, on ôte la feuille de
+l'appareil, on la met dans une enveloppe, et on l'expédie par la voie
+ordinaire à celui auquel elle est destinée. Celui-ci la place alors
+sur son phonographe, met en action l'appareil et entend bientôt la
+parole de son correspondant comme s'il lui parlait réellement; il peut
+même lui faire répéter sa missive s'il ne l'a pas bien comprise. On
+comprend quel avantage un pareil système peut présenter pour les
+relations qui peuvent exister entre les aveugles. Comme deux feuilles
+d'étain peuvent être aussi facilement marquées par la pointe traçante
+de l'appareil qu'une seule, on peut expédier un message en double, ou
+bien en garder un comme copie ou contrôle de la lettre envoyée. De
+cette manière les commerçants peuvent faire leur correspondance en
+secret et sans qu'elles passent par des tiers.
+
+«Comme au moyen de la parole on peut transmettre et entendre avec une
+vitesse de 150 à 200 mots par minute, l'expédition des dépêches pourra
+être effectuée beaucoup plus promptement que par les moyens
+ordinaires, et quand on en prendra connaissance, on pourra continuer
+ses occupations, en accompagnant même l'audition de la dépêche de
+commentaires, d'exclamations et de réflexions, comme cela a lieu dans
+une conversation échangée directement entre deux personnes.
+
+«Le phonographe permet encore à une personne ne sachant ni lire ni
+écrire de correspondre avec une autre placée dans le même cas, ou même
+avec les autres personnes qui ne pourront pas, de cette manière,
+s'apercevoir de son ignorance.
+
+«Les avantages de ce nouveau système de correspondance sont si
+nombreux qu'il est inutile de les faire ressortir davantage; ils
+viennent d'ailleurs immédiatement à l'esprit quand on considère la
+lenteur qu'entraîne l'inscription de la parole avec les procédés
+ordinaires.
+
+
+«=Dictées.=--Il est aussi facile de faire dicter la parole à un
+phonographe que de la dicter soi-même au phonographe en parlant devant
+son embouchure, et souvent cette dictée pourra être faite dans des
+conditions avantageuses. Ainsi, par exemple, si un imprimeur possédait
+un appareil de ce genre, il lui serait plus facile de composer en
+entendant directement les mots sortir de l'appareil, que de les lire
+sur des manuscrits souvent illisibles et de détourner ses yeux de son
+travail manuel. Il serait même bon qu'il pût, pour la vérification et
+le contrôle, parler directement dans l'instrument.
+
+«Mais l'application la plus importante du phonographe au point de vue
+qui nous occupe en ce moment, est celle qui pourra en être faite, en
+justice, pour l'enregistration des dépositions des témoins, des
+plaidoiries des avocats, et des paroles des juges, et dans d'autres
+cas, à la reproduction des discours publics des orateurs. Il est vrai
+que le phonographe, dans son état actuel, ne peut pas encore résoudre
+ce problème; mais il sera bientôt assez perfectionné pour atteindre ce
+résultat.
+
+
+«=Livres.=--La lecture des livres étant effectuée dans de bonnes
+conditions par des personnes dont c'est la profession, on pourra en
+reproduire l'enregistrement phonographique, et en composer des
+recueils qui pourront être lus par le phonographe aux aveugles, aux
+malades ou aux personnes qui voudraient pendant ce temps occuper leurs
+yeux et leurs doigts à faire autre chose. Comme les feuilles
+enregistrées auraient été le résultat d'une bonne lecture, les
+auditeurs du phonographe auraient l'avantage d'entendre un bon
+lecteur, ce qui n'est pas toujours possible d'obtenir. Le prix d'un
+livre, dont la lecture pourrait être répétée 50 ou 100 fois et même
+plus, serait sans doute plus élevé qu'un livre ordinaire, mais cette
+élévation de prix serait bien compensée par les avantages qu'on
+aurait de n'être plus obligé de lire le livre à haute voix.
+
+
+«=Besoins de l'éducation.=--Comme professeur d'élocution ou comme
+premier maître de lecture pour les enfants, le phonographe pourrait
+être d'un grand secours. Par son intermédiaire les passages difficiles
+pourraient être rendus correctement par l'élève, et celui-ci n'aurait
+plus qu'à avoir recours à son phonographe pour continuer à
+s'instruire. L'enfant pourrait ainsi s'exercer à épeler et à apprendre
+par coeur une leçon récitée par le phonographe.
+
+
+«=Musique.=--Le phonographe, nous n'en doutons pas, pourra être
+appliqué avec avantage à la musique, car on pourra arriver, je le
+crois, à reproduire par son action un chant avec une grande force et
+une grande clarté. Un ami pourra donc nous envoyer avec son bonjour du
+matin un chant qui fera le soir le bonheur d'une réunion entière. On
+pourra même employer le phonographe comme maître de musique, car il
+pourra vous seriner un air et apprendre à l'enfant son premier chant.
+Il pourra même, comme une nourrice, endormir celui-ci dans une
+chanson.
+
+
+«=Impressions de famille.=--Les dernières paroles prononcées par un
+mourant à son lit de mort sont pour sa famille des souvenirs sacrés
+qu'on voudrait conserver, et ces souvenirs acquièrent une valeur plus
+grande encore quand ce mourant est un grand homme. Le phonographe
+permet de satisfaire à ce désir, et la répétition de ses paroles
+devient alors d'autant plus émotionnante, qu'elles sont empreintes de
+cet accent solennel que la voix acquiert au moment suprême. C'est en
+quelque sorte la photographie de la parole, et comme par les procédés
+électrotypiques on peut multiplier les reproductions des paroles ainsi
+enregistrées, tous les membres d'une famille peuvent avoir un spécimen
+des dernières volontés et des dernières paroles d'un membre qui lui
+est cher.
+
+
+«=Livres phonographiques.=--Le peu de place que nécessite
+l'inscription de la parole par les moyens phonographiques permettrait
+d'obtenir sous un petit volume des livres phonographiques qui, entre
+autres avantages qu'ils pourraient présenter, auraient celui
+très-important de conserver aux générations futures l'intonation et la
+prononciation des différents mots de notre langage. Si on avait eu
+dans l'antiquité le phonographe, nous saurions aujourd'hui comment les
+Grecs et les Romains prononçaient les différentes lettres de leur
+alphabet, et nous pourrions avoir une idée du ton déclamatoire des
+Démosthènes et des Cicéron dans leurs discours. D'un autre côté, une
+lecture faite d'une manière aussi facile rendrait les ouvrages plus
+populaires, et beaucoup d'entre eux qui ne sont pas lus le seraient
+quand il ne s'agirait plus que d'écouter.
+
+
+«=Boîtes à musique, joujoux, etc.=--La seule difficulté qu'on ait
+jusqu'ici rencontrée dans la reproduction du chant par le phonographe,
+difficulté qui, du reste, pourra être aplanie un jour, ce sont les
+sons étrangers et nasillards qui accompagnent cette reproduction et
+qui font qu'il est en ce moment impossible d'obtenir avec toute leur
+pureté et toute leur suavité les sons émis par la voix d'un habile
+chanteur. Si on pouvait se donner à volonté la reproduction d'un
+concert de la célèbre Adelina Patti, combien le phonographe
+deviendrait-il un instrument précieux!! Dans tous les cas, on pourra
+toujours obtenir de cette manière des effets bien supérieurs à ceux
+des boîtes à musique, puisqu'on pourra alors reproduire le chant de la
+voix humaine.
+
+Les poupées pourront maintenant parler, chanter, rire et crier, et les
+animaux eux-mêmes, reproduits en joujoux, pourront pousser les cris
+qui leur sont propres; il n'est pas jusqu'à un modèle de locomotive
+qui ne puisse faire entendre les bruits qui accompagnent sa marche.
+Dans certains cabinets de curiosités, les figures de cire représentant
+les grands hommes de l'époque, pourront non-seulement donner une image
+fidèle de leurs traits, mais encore les faire parler, et l'illusion
+sera complète. D'un autre côté, une horloge phonographique au lieu de
+sonner ses coups monotones, vous dira poliment l'heure qu'il est; elle
+vous invitera au lunch et vous indiquera l'heure du réveil ou l'heure
+du coucher, l'heure d'une affaire ou l'heure du plaisir.
+
+
+«=Applications à la télégraphie.=--Le phonographe perfectionnera le
+téléphone et révolutionnera le système actuel de la télégraphie. En ce
+moment, le téléphone a nécessairement un rôle restreint parce que les
+messages échangés, n'étant pas enregistrés, se réduisent à une simple
+conversation qui ne présente pas les garanties voulues; mais du jour
+où les appareils seront assez perfectionnés pour enregistrer les
+messages, la question changera complètement d'aspect, et ce mode
+d'enregistration sera bien préférable à l'écriture ordinaire. En
+effet, lorsque nous inscrivons nos conventions commerciales, nous
+résumons brièvement notre pensée, et nous pouvons employer des
+expressions qui peuvent laisser certains doutes dans l'esprit; or, ces
+doutes peuvent donner lieu à des discussions, souvent même à des
+malentendus regrettables. Avec le téléphone combiné au phonographe, il
+n'en serait pas de même, car les discussions préliminaires des
+affaires se trouveraient enregistrées, et l'on aurait la reproduction
+textuelle de tout ce qui aurait été convenu. Chaque mot pourrait alors
+éclairer la discussion en cas de contestation, et dans ces conditions,
+on pourrait avoir avantage à traiter les affaires à distance plutôt
+que verbalement, car on ne pourrait pas alors chercher une forme de
+langage capable d'embrouiller les questions et de créer des sujets de
+chicane. S'il en est déjà ainsi pour des personnes habitant un même
+lieu, il devra, à plus forte raison, en être de même pour les
+personnes éloignées les unes des autres, et surtout pour celles qui
+usent fréquemment du télégraphe et de la poste.
+
+«Comment est-il possible d'arriver à un pareil résultat?... telle est
+la question qui doit naturellement nous être faite, et pour y répondre
+il suffira de dire que, puisque le téléphone et le phonographe mettent
+tous les deux à contribution une lame vibrante impressionnable aux
+ondes sonores de l'air, on peut disposer cette lame de façon à
+fonctionner à la fois comme téléphone et comme phonographe, et de
+cette manière, celui qui parle enregistre lui-même la parole, il la
+conserve, et comme son correspondant peut en faire autant, on a ainsi
+tous les éléments d'une discussion sérieuse. On économise donc de
+cette manière beaucoup de temps et même souvent beaucoup d'argent.
+
+«Pour obtenir la solution de ce problème, il suffit de disposer
+l'appareil de manière à le rendre très-sensible à l'enregistration, et
+ce résultat peut être produit en augmentant l'amplitude des vibrations
+sur le téléphone transmetteur. Déjà le téléphone à charbon que j'ai
+imaginé peut être employé dans ce but, car il peut, tel qu'il est
+déjà, fournir quelques indications sur le phonographe, et comme je
+travaille toujours à le perfectionner à ce point de vue, on peut dès
+maintenant considérer cette application comme à peu près certaine.
+
+«Dans l'avenir, les Compagnies télégraphiques ne seront donc que des
+administrations possédant des réseaux de fils télégraphiques, des
+stations centrales et des stations de second ordre, dont les employés
+n'auront d'autres fonctions à remplir que de surveiller les lignes et
+les maintenir en bon état, de fournir les communications de fils
+nécessaires pour mettre en rapport tel abonné avec tel autre, et de
+noter le temps employé par chacun d'eux pour sa correspondance.
+
+«Les difficultés que peut présenter ce mode d'organisation
+télégraphiques aux yeux des personnes habituées aux anciens usages,
+sont très-minimes, et disparaîtront fatalement devant les besoins
+croissants de l'humanité; car il n'est rien de tel pour faire
+disparaître les préjugés ou les partis pris, que les exigences du
+public. Or ces exigences naîtront du moment où l'on saura que, par un
+nouveau système de correspondance télégraphique, les intéressés
+peuvent être mis directement en présence et avoir leur correspondance
+enregistrée d'une manière infiniment plus exacte qu'avec le meilleure
+secrétaire possible.»
+
+Ici se termine le mémoire de M. Edison; mais depuis l'époque où il a
+paru, c'est-à-dire depuis le mois de juin 1878, plusieurs autres
+applications ont été encore combinées par lui, et parmi elles nous
+citerons celle qu'il en a faite à l'enregistration de la force des
+sons produits sur les chemins de fer, et notamment sur le chemin de
+fer métropolitain et aérien de New-York. L'appareil qu'il a construit
+dans ce but est d'ailleurs tout-à-fait analogue à celui de M. Léon
+Scott, et il lui adonné le même nom. Il est décrit et représenté d'une
+manière complète dans le _Daily Graphic_, du 19 juillet 1878, ainsi
+que l'aérophone, le mégaphone et le micro-tasimètre disposé pour les
+observations astronomiques. Nous sortirions du cadre que nous nous
+sommes tracé dans ce volume, si nous entrions dans de plus grands
+détails sur ces inventions; mais peut-être qu'un jour nous publierons
+un second volume dans lequel nous pourrons donner à ce sujet tous les
+développements qu'il comporte.
+
+Dernièrement, M. Lambrigot, fonctionnaire de l'administration des
+lignes télégraphiques, l'auteur de divers perfectionnements apportés
+au télégraphe Caselli, m'a montré un système de phonographe combiné
+par lui et qui a été réduit à sa plus simple expression[32].
+
+ [Note 32: Voici la description du procédé de M. Lambrigot
+ telle qu'il vient de me l'envoyer:
+
+ «L'appareil se compose d'un plateau de bois dressé
+ verticalement sur un socle et fixé solidement. Au milieu de
+ ce plateau se trouve une ouverture ronde recouverte d'une
+ feuille de parchemin bien tendue, sur laquelle appuie un
+ couteau d'acier qui doit, comme la pointe du phonographe,
+ tracer les vibrations. Un bâtis solide s'élève depuis le
+ socle jusqu'au milieu du plateau, et supporte une glissière
+ qui permet à un chariot de circuler devant ce plateau. Sur ce
+ chariot se trouve une baguette de verre dont l'une des faces
+ est recouverte de stéarine. En rapprochant le chariot et en
+ le faisant aller et venir, la stéarine se trouve en contact
+ avec le couteau, et prend régulièrement sa forme qui est
+ hémi-cylindrique sur toute sa longueur.
+
+ «Lorsqu'un bruit se fait entendre, la feuille de parchemin se
+ met en vibration et communique son mouvement au couteau, qui
+ pénètre dans la stéarine et trace des stries variées.
+
+ «La reproduction ainsi obtenue sur la baguette de verre est
+ soumise aux procédés ordinaires de métallisation. Par la
+ galvanisation, on obtient un dépôt de cuivre qui reproduit
+ les stries en sens inverse. Lorsqu'on veut faire parler la
+ lame métallique, il suffit de passer légèrement sur les
+ signaux une pointe de bois, d'ivoire ou de corne, et en la
+ promenant plus ou moins vite, on peut faire entendre des
+ intonations diverses sans altérer la prononciation.
+
+ «En raison de la dureté du cuivre par rapport au plomb, la
+ lame de cuivre qui contient les traces des vibrations, peut
+ donner sur ce dernier métal un nombre illimité de
+ reproductions. Pour obtenir ce résultat, il suffit
+ d'appliquer sur la lame en question un fil de plomb, et
+ d'opérer sur ce fil une pression convenable. Le fil s'aplatit
+ et prend l'empreinte de toutes les traces qui apparaissent
+ alors en relief. En passant à travers ces traces la tranche
+ d'une carte à jouer, on provoque les mêmes sons que ceux que
+ l'on obtient avec la lame de cuivre.»
+
+ Suivant M. Lambrigot, les lames parlantes peuvent être
+ utilisées dans bien des cas; pour l'étude des langues
+ étrangères, par exemple, elles permettront d'apprendre
+ facilement la prononciation, car on pourra, en les réunissant
+ en assez grand nombre, en former une sorte de vocabulaire qui
+ donnera l'intonation des mots les plus usités dans telle ou
+ telle langue.]
+
+Il a trouvé moyen, par un procédé extrêmement simple, d'imprimer
+fortement, à l'intérieur d'une petite rigole de cuivre, les vibrations
+déterminées par la voix, et elles sont assez nettement gravées pour
+qu'en passant au travers la pointe émoussée d'une allumette, on puisse
+entendre des phrases entières. Il est vrai que cette reproduction de
+la parole est encore très-imparfaite, et qu'on ne distingue les mots
+que parce qu'on les connaît d'avance, mais il est possible qu'on
+puisse obtenir de meilleurs résultats en perfectionnant le système;
+toujours est-il que cette impression si nette des vibrations de la
+voix sur un métal dur est une invention réellement intéressante.
+
+
+
+
+APPENDICES
+
+
+Pour terminer, nous devons encore mentionner quelques travaux récents
+qui nous ont été communiqués trop tard pour occuper la place qui leur
+conviendrait.
+
+Le plus important est de M. A. Righi et se rapporte à un système de
+téléphone qui permet d'entendre à plusieurs mètres de l'instrument.
+Pour obtenir ce résultat, on emploie un transmetteur à pile et un
+récepteur Bell à membrane de parchemin très-analogue au modèle que
+nous avons représenté (fig. 13). Seulement à l'électro-aimant à deux
+branches de ce dernier modèle, est substitué le système ordinaire à
+barreau droit qui est beaucoup plus développé. Le transmetteur est à
+peu près le même que celui de la figure 18, sauf qu'au lieu de
+liquide, M. Righi emploie de la plombagine mêlée à de la poudre
+argentée, et que l'aiguille de platine est remplacée par un disque. Le
+récipient où est la poudre tassée est porté par un ressort que peut
+pousser plus ou moins une vis de réglage. Enfin on emploie comme
+générateur électrique le courant de deux éléments de Bunsen.
+
+Quand la distance séparant les deux instruments est grande, on
+introduit dans le circuit, à chaque station, une bobine d'induction
+dont le fil primaire est traversé par le courant de la pile locale,
+ainsi que le transmetteur, et qui est relié d'autre part avec le
+récepteur par un commutateur. Le circuit secondaire de ces bobines est
+ensuite complété par la terre et le fil de ligne. Il résulte de cette
+disposition que le courant induit qui actionne le récepteur en
+correspondance, ne produit son effet qu'après une seconde induction
+déterminée sur le fil primaire de la bobine locale, et il paraît que
+cet effet est bien suffisant; mais l'on a l'avantage, avec cette
+disposition, de pouvoir transmettre et recevoir sans autre manoeuvre à
+faire que celle du commutateur.
+
+Un autre travail intéressant nous a été aussi communiqué par MM. Ed.
+Houston et El. Thomson sur un relais téléphonique basé sur l'emploi du
+microphone. Dès le mois de février 1878, j'avais songé à ce problème,
+et voici ce que je disais dans ma communication à l'Académie du 25
+février: «Si les vibrations de la lame du téléphone récepteur étaient
+semblables à celles du téléphone transmetteur, il est facile de
+concevoir qu'en substituant au téléphone récepteur un téléphone à la
+fois récepteur et transmetteur ayant sa pile locale, ce dernier
+pourrait réagir comme un relais, grâce à l'intermédiaire de la bobine
+d'induction, et pourrait ainsi non-seulement amplifier les sons, mais
+encore les transmettre à toute distance; mais il n'est pas prouvé que
+les vibrations des deux lames en correspondance soient de la même
+nature, et si les sons résultent de rétractions et dilatations
+moléculaires, le problème serait beaucoup plus difficile à résoudre.
+Ce sont des expériences à tenter.» Eh bien! ces expériences ont été
+tentées avec succès par M. Hughes, qui, ainsi qu'on l'a vu page 194,
+est parvenu, grâce à la combinaison du microphone au téléphone, à
+faire un relais téléphonique. Le relais de MM. Houston et Thomson ne
+diffère de celui de M. Hughes qu'en ce que le microphone, au lieu
+d'être placé sur une planche de bois à côté du téléphone, est fixé sur
+le diaphragme lui-même du téléphone et se compose de trois microphones
+à charbons verticaux que l'on peut associer en tension ou en quantité,
+suivant les conditions de l'application. Le modèle de cet appareil est
+reproduit dans la _Telegraphic Journal_ du 15 août 1878, et nous y
+renvoyons le lecteur qui voudrait avoir plus de renseignements à ce
+sujet.
+
+D'un autre côté M. Hughes est parvenu à obtenir un relais téléphonique
+par l'intermédiaire de deux microphones à charbon vertical. En plaçant
+sur une planchette deux microphones de ce genre, et reliant l'un de
+ces microphones à un troisième servant de transmetteur, alors que le
+second est mis en rapport avec un téléphone et une seconde pile, on
+entend dans le téléphone les paroles prononcées devant le microphone
+transmetteur sans que le relais téléphonique mette à contribution
+aucun organe électro-magnétique.
+
+On peut encore obtenir la reproduction de la parole au moyen d'un
+microphone, en fixant sur la même planche que ce microphone un aimant en
+fer à cheval entre les pôles duquel est adapté un noyau de fer doux
+recouvert de la bobine magnétisante. C'est encore un système de _relais
+téléphonique_ qui fonctionne sans diaphragme électro-magnétique.
+
+Enfin, on peut faire parler distinctement un téléphone sans noyau
+magnétique. Une simple lame de fer et un tube de cuivre évasé sur
+lequel est enroulée la bobine, tels sont les éléments constituants de
+ce nouvel instrument qui, suivant l'auteur, _parlerait plus
+distinctement qu'un Bell ordinaire_ sous l'influence d'un microphone
+transmetteur et d'une pile de six éléments Leclanché.
+
+M. Ader, de son côté, vient d'exécuter un modèle de téléphone qui a
+aussi son mérite. Le récepteur n'est autre chose qu'un électro-aimant
+ordinaire à deux branches, dont l'armature est soutenue à deux
+millimètres environ de ses pôles, par une lame de verre à laquelle
+elle est collée, et qui elle-même est fixée à deux supports rigides.
+Pour entendre, il suffit de l'appliquer contre l'oreille. Le
+transmetteur est une tige mobile de fer ou de charbon qui appuie sur
+un morceau de charbon fixe, sans autre pression que son poids, et qui
+porte une plaque concave devant laquelle on parle. Ces deux pièces
+sont disposées de manière à se mouvoir horizontalement, de sorte que,
+quand l'appareil est suspendu, le circuit est forcément disjoint par
+ce seul fait, alors qu'il se trouve fermé au moment où on prend
+l'appareil pour parler. La parole est très-bien reproduite avec ce
+système qui, exécuté dans de plus grandes dimensions, peut transmettre
+la parole à une certaine distance.
+
+En fait de microphones, nous devons encore signaler de nouveaux
+modèles combinés par M. Trouvé, dont un est représenté fig. 67. Ils
+sont d'une simplicité réellement remarquable et peuvent se prêter à
+beaucoup d'expériences différentes; ils se composent généralement
+d'une petite boîte cylindrique verticale, dont les deux bases sont
+constituées par deux disques de charbon dont les centres sont réunis
+soit par une tige de charbon, soit par une tige métallique. Ces boîtes
+peuvent s'ouvrir, et servent en même temps de caisse pour renfermer
+des insectes dont on veut étudier les bruits; elles peuvent être
+suspendues à une potence par les deux fils de communication pour
+éviter les coussins, et en s'appliquant sur le cadran d'une montre,
+elles en révèlent les battements avec une certaine intensité.
+
+Au moment où nous terminons l'impression de notre volume, nous
+recevons de M. Edison la communication suivante, signée de MM. Edison,
+Batchelor et J. Adams, qui semblerait indiquer que le récepteur
+téléphonique sans organe électro-magnétique aurait été découvert par
+lui dès le 24 septembre 1877. Cette communication est une copie
+extraite du registre d'expériences de M. Edison et qui est ainsi
+conçue:
+
+ «Sept. 24 1877.
+
+ Télégraphe parlant.
+
+ Ce soir, en essayant des parleurs, nous avons remarqué que les
+ sons ordinaires étaient reproduits très-haut. Quand j'ai fait
+ éloigner le receveur de M. Batchelor, celui-ci remarqua ou crut
+ entendre M. Adams parler dans le transmetteur. Cherchant à se
+ rendre compte de cet effet, il répéta l'expérience et reconnut
+ qu'il ne s'était pas trompé, et il continua la conversation avec
+ M. Adams pendant plusieurs minutes, _en n'employant que deux
+ transmetteurs_. La pile se composait de 12 éléments, et le
+ circuit était de 1200 Ohms (120 kilomètres de fil télégraphique);
+ mais avec 100, on pouvait fonctionner sur une ligne. Toutefois,
+ comme les sons transmis étaient un peu bas, les sons reproduits
+ l'étaient également, et même n'étaient pas toujours entendus. Je
+ me propose d'entreprendre une série d'expériences avec un
+ récepteur basé sur le principe de l'expansion et avec différentes
+ compositions.
+
+ MM. A. EDISON, MAC. BATCHELOR, JAMES ADAMS.
+
+Une seconde communication de M. Edison, qu'il m'a également envoyée,
+se rapporte à un appareil auquel il a donné le nom de _gouverneur
+électrique_. C'est un électro-aimant dont l'armature, soulevée par un
+ressort antagoniste, appuie contre un disque de charbon placé
+au-dessus d'elle et du côté opposé au pôle électro-magnétique. Le
+courant qui passe à travers l'électro-aimant continue sa marche à
+travers le disque de charbon, et suivant que la pression exercée par
+l'armature sur le charbon est plus ou moins grande, son intensité est
+plus ou moins marquée. Or cette pression dépend de l'excès de force du
+ressort antagoniste sur l'attraction électro-magnétique. Quand
+celle-ci s'affaiblit, la pression sur le charbon augmente, et
+l'intensité du courant, devenant plus forte, fait réagir
+l'électro-aimant plus fortement. Quand, au contraire, celui-ci agit
+trop fortement, la pression sur le charbon diminuant, affaiblit le
+courant et, par suite, l'action électro-magnétique se trouve forcée de
+rester constante entre les limites qui ont été réglées. On comprend
+qu'en ajoutant au-dessus du charbon dont il vient d'être question un
+second charbon isolé du premier, on pourrait faire réagir l'appareil
+sur un second circuit qui se trouverait régularisé en même temps.
+
+Un régulateur d'une disposition analogue, mais fondé sur un autre
+principe, avait été déjà appliqué par MM. Lacassagne et Thiers pour un
+régulateur de lumière électrique.
+
+
+
+
+TABLE DES MATIÈRES
+
+
+ Un coup d'oeil historique......................................... 1
+
+
+TÉLÉPHONES MUSICAUX.
+
+ Téléphone de M. Reiss............................................ 11
+
+ Téléphone de MM. Cécil et Léonard Wray........................... 15
+
+ Harmonica électrique............................................. 18
+
+ Téléphone de M. Elisha Gray...................................... 21
+
+ Téléphone de M. Varley........................................... 25
+
+
+TÉLÉPHONES PARLANTS.
+
+ Téléphones à ficelle............................................. 27
+
+ Perfectionnements apportés aux téléphones à ficelle.............. 29
+
+ Téléphone électrique de M. Graham Bell........................... 32
+
+ Part de M. Elisha Gray dans l'invention du téléphone............. 56
+
+
+EXAMEN DES PRINCIPES FONDAMENTAUX SUR LESQUELS REPOSE LE TÉLÉPHONE BELL.
+
+ Exposition de ces principes...................................... 60
+
+
+DISPOSITION ORDINAIRE DES TÉLÉPHONES BELL.
+
+ Description et étude............................................. 64
+
+
+DISPOSITIONS DIFFÉRENTES DES TÉLÉPHONES.
+
+ Exposé de la question............................................ 75
+
+
+TÉLÉPHONES À PILE.
+
+ Téléphone de M. Edison........................................... 76
+
+ Téléphone musical d'Edison....................................... 81
+
+ Téléphones du colonel Navez...................................... 85
+
+ Téléphones de MM. Pollard et Garnier............................. 88
+
+ Téléphone à réaction de M. Hellesen.............................. 90
+
+ Téléphone à réaction de MM. Thomson et Houston................... 92
+
+ Téléphones à piles et à transmetteurs liquides................... 93
+
+ Téléphones à pile et à arcs voltaïques........................... 97
+
+ Téléphones à mercure............................................. 99
+
+
+MODIFICATIONS APPORTÉES À LA CONSTRUCTION DES TÉLÉPHONES BELL.
+
+ Téléphones à diaphragmes multiples.............................. 104
+
+ Système de M. Elisha Gray....................................... 106
+
+ Système de M. Phelps............................................ 108
+
+ Système de M. Cox-Walker........................................ 110
+
+ Systèmes de M. Trouvé........................................... 110
+
+ Système de M. Demoget........................................... 113
+
+ Modifications dans la disposition des organes téléphoniques..... 114
+
+
+EXPÉRIENCES RELATIVES AU TÉLÉPHONE.
+
+ Expériences sur les effets produits par les courants voltaïques
+ et les courants induits......................................... 117
+
+ Expériences sur le rôle des différents organes d'un téléphone
+ dans la transmission de la parole............................... 124
+
+ Expériences sur les effets résultant de chocs mécaniques
+ communiqués à différentes parties d'un téléphone................ 134
+
+ Théorie du téléphone............................................ 139
+
+
+EXPÉRIENCES DIVERSES FAITES AVEC LE TÉLÉPHONE.
+
+ Expériences de M. d'Arsonval.................................... 149
+
+ Expériences de M. Demoget....................................... 152
+
+ Expériences de M. Hellesen...................................... 156
+
+ Expériences de M. Zetzche....................................... 157
+
+ Expériences que tout le monde peut faire........................ 158
+
+
+LE MICROPHONE.
+
+ Historique de la question....................................... 159
+
+ Différents systèmes de microphones.............................. 164
+
+ Le microphone employé comme organe parlant...................... 175
+
+ Autres dispositions de microphones.............................. 179
+
+ Expériences faites avec le microphone........................... 181
+
+
+EFFETS DES ACTIONS EXTÉRIEURES SUR LES TRANSMISSIONS TÉLÉPHONIQUES.
+
+ Exposé de la question........................................... 203
+
+
+INSTALLATION D'UN POSTE TÉLÉPHONIQUE.
+
+ Système de MM. Pollard et Garnier............................... 216
+
+ Système de MM. Bréguet et Roosevelt............................. 219
+
+ Système de M. Edison............................................ 223
+
+
+SONNERIES D'APPEL ET AVERTISSEURS.
+
+ Exposé de la question........................................... 225
+
+ Système de M. de Weinhold....................................... 227
+
+ Système de MM. Dutertre et Gouhault............................. 229
+
+ Système de M. Puluj............................................. 231
+
+
+APPLICATIONS DU TÉLÉPHONE.
+
+ Exposé général.................................................. 232
+
+
+APPLICATIONS DU TÉLÉPHONE AUX TRANSMISSIONS TÉLÉGRAPHIQUES SIMULTANÉES.
+
+ Historique de la question....................................... 234
+
+ Système de Bell................................................. 237
+
+ Système de M. Paul Lacour....................................... 241
+
+ Système de M. Elisha Gray....................................... 246
+
+ Système de M. Varley............................................ 255
+
+
+APPLICATIONS DIVERSES DU TÉLÉPHONE.
+
+ Application aux usages domestiques.............................. 258
+
+ Application aux services télégraphiques......................... 259
+
+ Application aux arts militaires................................. 261
+
+ Application à la marine......................................... 263
+
+ Applications industrielles...................................... 265
+
+ Application aux recherches scientifiques........................ 265
+
+
+LE PHONOGRAPHE.
+
+ Historique de cette découverte.................................. 267
+
+ Description du phonographe et manière de s'en servir............ 273
+
+ Considérations théoriques....................................... 287
+
+
+APPLICATIONS DU PHONOGRAPHE ET SON AVENIR.
+
+ Mémoire de M. Edison sur cette question......................... 293
+
+ Écriture des lettres............................................ 298
+
+ Dictées......................................................... 300
+
+ Livres.......................................................... 301
+
+ Besoins de l'éducation.......................................... 302
+
+ Musique......................................................... 302
+
+ Impressions de famille.......................................... 302
+
+ Livres phonographiques.......................................... 303
+
+ Boîtes à musique, joujoux, etc.................................. 303
+
+ Applications à la télégraphie................................... 304
+
+ Phonautographe.................................................. 307
+
+ Disposition de M. Lambrigot..................................... 307
+
+ Appendices...................................................... 310
+
+ Table des matières.............................................. 317
+
+
+FIN.
+
+
+21 651.--Typographie Lahure, rue de Fleurus, 9, à Paris
+
+
+
+
+
+End of the Project Gutenberg EBook of Le Téléphone, le Microphone et le
+Phonographe, by Théodore du Moncel
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK TELEPHONE, MICROPHONE, PHONOGRAPHE ***
+
+***** This file should be named 27574-8.txt or 27574-8.zip *****
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+
+Produced by Laurent Vogel, Christine P. Travers and the
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+available by the Bibliothèque nationale de France
+(BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr)
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+will be renamed.
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+
+
+
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+
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+things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works
+even without complying with the full terms of this agreement. See
+paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project
+Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement
+and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic
+works. See paragraph 1.E below.
+
+1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation"
+or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project
+Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual works in the
+collection are in the public domain in the United States. If an
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+States.
+
+1.E. Unless you have removed all references to Project Gutenberg:
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+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
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+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
+because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
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+
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+assistance they need, is critical to reaching Project Gutenberg-tm's
+goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation web page at https://www.pglaf.org.
+
+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
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+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
+permitted by U.S. federal laws and your state's laws.
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+throughout numerous locations. Its business office is located at
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+Literary Archive Foundation
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+increasing the number of public domain and licensed works that can be
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+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
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+against accepting unsolicited donations from donors in such states who
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+
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+works.
+
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+keep eBooks in compliance with any particular paper edition.
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+
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+Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
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+Title: Le Téléphone, le Microphone et le Phonographe
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+Author: Théodore du Moncel
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+Illustrator: B. Bonnafoux
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+Release Date: December 20, 2008 [EBook #27574]
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+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK TELEPHONE, MICROPHONE, PHONOGRAPHE ***
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+
+
+Produced by Laurent Vogel, Christine P. Travers and the
+Online Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net
+(This file was produced from images generously made
+available by the Bibliothèque nationale de France
+(BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr)
+
+
+
+
+
+
+</pre>
+
+
+<p class="tn">Notes au lecteur de ce ficher digital:<br>
+Seules les erreurs clairement introduites par le typographe ont été
+corrigées.</p>
+
+<p class="p4 center">BIBLIOTHÈQUE DES MERVEILLES</p>
+
+<h1><span class="bigger">LE TÉLÉPHONE</span><br>
+<span class="smaller">LE MICROPHONE</span><br>
+ET LE PHONOGRAPHE</h1>
+
+<p class="p4 center smcap">par</p>
+
+<h2><span class="smcap">Le comte Th.</span> DU MONCEL<br>
+<span class="small">Membre de l'Institut</span></h2>
+
+<p class="p4 center smaller">OUVRAGE ILLUSTRÉ<br>
+DE 67 FIGURES DESSINÉES SUR BOIS<br>
+PAR B. BONNAFOUX</p>
+
+<p class="p4 center small">PARIS<br>
+LIBRAIRIE HACHETTE ET C<sup>ie</sup><br>
+79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 79<br>
+1878<br>
+Droits de propriété et de traduction réservés</p>
+
+<p class="p4 center">BIBLIOTHÈQUE DES MERVEILLES</p>
+<p class="center"><span class="small">PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION</span><br>
+DE M. ÉDOUARD CHARTON</p>
+
+<p class="p2 center">LE TÉLÉPHONE, LE MICROPHONE<br>
+<span class="smaller">ET LE PHONOGRAPHE</span></p>
+
+<p class="p4 center small">21571-78.&mdash;PARIS, TYPOGRAPHIE LAHURE<br>
+ Rue de Fleurus, 9</p>
+
+<h1><span class="pagenum"><a id="page001" name="page001"></a>(p. 001)</span> LE TÉLÉPHONE<br>
+LE MICROPHONE<br>
+ET LE PHONOGRAPHE</h1>
+
+<h2>UN COUP D'&OElig;IL HISTORIQUE.</h2>
+
+<p>À proprement parler, le téléphone n'est qu'un instrument apte à
+transmettre les sons à distance, et l'idée de cette transmission est
+aussi ancienne que le monde. Les Grecs employaient des moyens
+susceptibles de la réaliser, et il n'est pas douteux que ces moyens
+n'aient été quelquefois mis à contribution dans les oracles du
+paganisme. Seulement cette transmission des sons ne sortait pas de
+certaines limites assez restreintes, ne dépassant pas sans doute
+celles des porte-voix. Suivant M. Preece, le document le plus ancien
+où cette transmission du son à distance soit formulée d'une manière un
+peu nette, remonte à l'année 1667, comme il résulte d'un écrit d'un
+certain Robert Hooke, qui dit à ce propos: «Il n'est pas impossible
+d'entendre <span class="pagenum"><a id="page002" name="page002"></a>(p. 002)</span> un bruit à grande distance, car on y est déjà
+parvenu, et l'on pourrait même décupler cette distance sans qu'on
+puisse taxer la chose d'impossible. Bien que certains auteurs estimés
+aient affirmé qu'il était impossible d'entendre à travers une plaque
+de verre noircie même très-mince, je connais un moyen facile de faire
+entendre la parole à travers un mur d'une grande épaisseur. On n'a pas
+encore examiné à fond jusqu'où pouvaient atteindre les moyens
+acoustiques, ni comment on pourrait impressionner l'ouïe par
+l'intermédiaire d'autres milieux que l'air, et je puis affirmer <i>qu'en
+employant un fil tendu, j'ai pu transmettre instantanément le son à
+une grande distance et avec une vitesse sinon aussi rapide que celle
+de la lumière, du moins incomparablement plus grande que celle du son
+dans l'air. Cette transmission peut être effectuée non-seulement avec
+le fil tendu en ligne droite, mais encore quand ce fil présente
+plusieurs coudes.</i>»</p>
+
+<p>Ce système de transmission des sons, sur lequel sont basés les
+téléphones à ficelle qui attirent l'attention depuis quelques années,
+est resté à l'état de simple expérience jusqu'en 1819, époque à
+laquelle M. Wheatstone l'appliqua à sa lyre magique. Dans cet
+appareil, les sons étaient transmis à travers une longue tige de sapin
+dont l'extrémité était adaptée à une caisse sonore; de là à l'emploi
+des membranes utilisées dans les téléphones à ficelle, il n'y avait
+qu'un pas. Quel est celui qui eut cette dernière idée?... il est assez
+difficile de le dire, car beaucoup de ces vendeurs de téléphones se
+l'attribuent sans se douter même de la question. <span class="pagenum"><a id="page003" name="page003"></a>(p. 003)</span> S'il faut
+en croire certains voyageurs, ce système serait depuis longtemps
+employé en Espagne pour les correspondances amoureuses. Quoi qu'il en
+soit, les cabinets de physique ne possédaient pas ces appareils il y a
+quelques années, et beaucoup de personnes croyaient même que la
+ficelle était constituée par un tube acoustique de petit diamètre. Cet
+appareil, quoique devenu un jouet d'enfant, est d'une grande
+importance scientifique, car il montre que les vibrations capables de
+reproduire la parole peuvent être d'un ordre infiniment petit,
+puisqu'elles peuvent être transmises mécaniquement à des distances
+dépassant cent mètres. Toutefois, au point de vue télégraphique, le
+problème de la propagation des sons à distance était loin d'être
+résolu de cette manière, et l'idée d'appliquer les effets électriques
+à cette sorte de transmission dut naître aussitôt qu'on put être
+témoin des effets merveilleux de la télégraphie électrique, ce qui
+nous reporte déjà aux époques qui suivirent l'année 1839. Une
+découverte inattendue faite par M. Page en 1837, en Amérique, et
+étudiée depuis par MM. Wertheim, de la Rive et autres, devait
+d'ailleurs y conduire naturellement; car on avait reconnu qu'une tige
+magnétique soumise à des aimantations et à des désaimantations
+très-rapides, pouvait émettre des sons, et que ces sons étaient en
+rapport avec le nombre des émissions de courants qui les provoquaient.</p>
+
+<p>D'un autre côté, les vibrateurs électriques combinés par MM.
+Mac-Gauley, Wagner, Neef, etc., et disposés dès 1847 et 1852 par MM.
+Froment et Pétrina pour la production de sons musicaux, prouvaient que
+le problème <span class="pagenum"><a id="page004" name="page004"></a>(p. 004)</span> de la transmission des sons à distance était
+possible. Toutefois, jusqu'en 1854, personne n'avait osé admettre la
+possibilité de transmettre électriquement la parole à distance, et
+quand M. Charles Bourseul publia à cette époque une note sur la
+transmission électrique de la parole, on regarda cette idée comme un
+rêve fantastique. Moi-même, je dois l'avouer, je ne pouvais y croire,
+et quand, dans la première édition de mon exposé des applications de
+l'électricité publiée en 1854<a id="footnotetag1" name="footnotetag1"></a><a href="#footnote1" title="Lien vers la note 1"><span class="smaller">[1]</span></a>, je rapportai cette note, je crus
+devoir l'accompagner de commentaires plus que dubitatifs. Cependant,
+comme la note me paraissait bien raisonnée, je n'hésitai pas à la
+publier en la signant seulement des initiales Ch. B***. La suite
+devait donner raison à cette idée hardie, et quoiqu'elle ne renfermât
+pas en elle le principe physique qui seul pouvait conduire à la
+reproduction des sons articulés, elle était pourtant le germe de
+l'invention féconde qui a illustré les noms de Graham Bell et d'Elisha
+Gray. C'est à ce titre que nous allons reproduire encore ici la note
+de M. Charles Bourseul.</p>
+
+<p>«Après les merveilleux télégraphes qui peuvent reproduire à distance
+l'écriture de tel ou tel individu, et même des dessins plus ou moins
+compliqués, il semblerait impossible, dit M. B***, d'aller plus en
+avant dans les régions du merveilleux. Essayons cependant de faire
+quelques pas de plus encore. Je me suis demandé, par exemple, si la
+parole elle-même ne pourrait pas être transmise par l'électricité, en
+un mot, si <span class="pagenum"><a id="page005" name="page005"></a>(p. 005)</span> l'on ne pourrait pas parler à Vienne et se faire
+entendre à Paris. La chose est praticable: voici comment:</p>
+
+<p>«Les sons, on le sait, sont formés par des vibrations et appropriés à
+l'oreille par ces mêmes vibrations que reproduisent les milieux
+intermédiaires.</p>
+
+<p>«Mais l'intensité de ces vibrations diminue très rapidement avec la
+distance; de sorte qu'il y a, même en employant des porte-voix, des
+tubes et des cornets acoustiques, des limites assez restreintes qu'on
+ne peut dépasser. Imaginez que l'on parle près d'une plaque mobile,
+assez flexible pour ne perdre aucune des vibrations produites par la
+voix, que cette plaque établisse et interrompe successivement la
+communication avec une pile: vous pourrez avoir à distance une autre
+plaque qui exécutera en même temps les mêmes vibrations.</p>
+
+<p>«Il est vrai que l'intensité des sons produits sera variable au point
+de départ, où la plaque vibre par la voix, et constante au point
+d'arrivée, où elle vibre par l'électricité; mais il est démontré que
+cela ne peut altérer les sons.</p>
+
+<p>«Il est évident d'abord que les sons se reproduiraient avec la même
+hauteur dans la gamme.</p>
+
+<p>«L'état actuel de la science acoustique ne permet pas de dire <i>a
+priori</i> s'il en sera tout à fait de même des syllabes articulées par
+la voix humaine. On ne s'est pas encore suffisamment occupé de la
+manière dont ces syllabes sont produites. On a remarqué, il est vrai,
+que les unes se prononcent des dents, les autres des lèvres, etc.,
+mais c'est là tout.</p>
+
+<p>«Quoi qu'il en soit, il faut bien songer que les syllabes <span class="pagenum"><a id="page006" name="page006"></a>(p. 006)</span> ne
+reproduisent, à l'audition, rien autre chose que des vibrations des
+milieux intermédiaires; reproduisez exactement ces vibrations, et vous
+reproduirez exactement aussi les syllabes.</p>
+
+<p>«En tout cas, il est impossible de démontrer, dans l'état actuel de la
+science, que la transmission électrique des sons soit impossible.
+Toutes les probabilités, au contraire, sont pour la possibilité.</p>
+
+<p>«Quand on parla pour la première fois d'appliquer l'électro-magnétisme
+à la transmission des dépêches, un homme haut placé dans la science
+traita cette idée de sublime utopie, et cependant aujourd'hui on
+communique directement de Londres à Vienne par un simple fil
+métallique.&mdash;Cela n'était pas possible, disait-on, et cela est.</p>
+
+<p>«Il va sans dire que des applications sans nombre et de la plus haute
+importance surgiraient immédiatement de la transmission de la parole
+par l'électricité.</p>
+
+<p>«À moins d'être sourd et muet, qui que ce soit pourrait se servir de
+ce mode de transmission qui n'exigerait aucune espèce d'appareils. Une
+pile électrique, deux plaques vibrantes et un fil métallique
+suffiraient.</p>
+
+<p>«Dans une multitude de cas, dans de vastes établissements, par
+exemple, on pourrait, par ce moyen, transmettre à distance tel ou tel
+avis, tandis qu'on renoncera à opérer cette transmission par
+l'électricité, dès lors qu'il faudra procéder lettre par lettre et à
+l'aide de télégraphes exigeant un apprentissage et de l'habitude.</p>
+
+<p>«Quoi qu'il arrive, il est certain que dans un avenir <span class="pagenum"><a id="page007" name="page007"></a>(p. 007)</span> plus
+ou moins éloigné, la parole sera transmise à distance par
+l'électricité. <i>J'ai commencé des expériences à cet égard</i>: elles sont
+délicates et exigent du temps et de la patience, mais <i>les
+approximations obtenues</i> font entrevoir un résultat favorable.»</p>
+
+<p>Il est certain que cette description n'est pas assez complète pour
+qu'on puisse y découvrir la disposition qui pouvait conduire à la
+solution du problème, et si les vibrations de la lame au poste de
+réception devaient résulter d'interruptions et de fermetures de
+courant effectuées au poste de transmission, sous l'influence des
+vibrations déterminées par la voix, elles ne pouvaient fournir que des
+sons musicaux et non des sons articulés. Néanmoins l'idée était
+<i>très-belle</i>, comme le dit M. Preece, tout en regardant sa réalisation
+comme impossible<a id="footnotetag2" name="footnotetag2"></a><a href="#footnote2" title="Lien vers la note 2"><span class="smaller">[2]</span></a>. Il est du reste facile de voir que M. Bourseul
+lui-même ne se dissimulait pas les difficultés du problème en ce qui
+touchait les sons articulés, car il signale, comme on vient de le
+voir, les différences qui existent entre les vibrations simples
+produisant les sons musicaux et les vibrations complexes déterminant
+les sons articulés; mais, comme il le disait fort justement:
+<i>Reproduisez au poste de réception les vibrations de l'air déterminées
+au poste de transmission, et vous aurez la transmission de la parole
+quelque compliqué que soit le mécanisme au moyen duquel on l'obtient.</i>
+Nous verrons à l'instant comment a été résolu ce problème, et il est
+probable que certains essais avaient déjà fait pressentir à <span class="pagenum"><a id="page008" name="page008"></a>(p. 008)</span>
+M. Bourseul la solution de la question; mais rien dans sa note ne peut
+faire entrevoir quels étaient les moyens auxquels il avait pensé; de
+sorte que l'on ne peut raisonnablement pas lui rapporter la découverte
+de la transmission électrique de la parole, et nous ne comprenons
+guère qu'on ait pu nous faire un reproche de ne pas avoir apprécié,
+dès cette époque, l'importance de cette découverte qui pouvait bien
+alors paraître un peu du domaine de la fantaisie.</p>
+
+<p>Ce n'est qu'en 1876 que le problème de la transmission électrique de
+la parole a été définitivement résolu, et cette découverte a soulevé
+dans ces derniers temps, entre MM. Elisha Gray, de Chicago, et Graham
+Bell un débat de priorité intéressant sur lequel nous devons dire
+quelques mots.</p>
+
+<p>Dès l'année 1874, M. Elisha Gray s'occupait d'un système de téléphone
+musical qu'il voulait appliquer aux transmissions télégraphiques
+multiples, et les recherches qu'il dut entreprendre pour établir ce
+système dans les meilleures conditions possibles lui firent entrevoir
+la possibilité de transmettre électriquement les mots articulés. Tout
+en expérimentant son système télégraphique, il combina, en effet, vers
+le 15 janvier 1876, un système de <i>téléphone parlant</i> dont il déposa à
+l'office des patentes américaines, sous la forme de <i>caveat</i> ou de
+brevet provisoire, la description et les dessins. Ce dépôt fut fait le
+14 février 1876: or ce même jour M. Graham Bell déposait également à
+l'office des patentes américaines une demande de brevet dans laquelle
+il était bien question d'un appareil du même genre, mais qui
+s'appliquait surtout à des transmissions <span class="pagenum"><a id="page009" name="page009"></a>(p. 009)</span> télégraphiques
+simultanées au moyen d'appareils téléphoniques, et les quelques mots
+qui, dans ce brevet, pouvaient se rapporter au téléphone à sons
+articulés, s'appliquaient à un instrument qui, de l'aveu même de M.
+Bell, n'a pu fournir <i>aucuns résultats satisfaisants</i><a id="footnotetag3" name="footnotetag3"></a><a href="#footnote3" title="Lien vers la note 3"><span class="smaller">[3]</span></a>. Dans le
+<i>caveat</i> de M. Gray, au contraire, l'application de l'appareil à la
+transmission électrique de la parole est uniquement indiquée, la
+description du système est complète, et les dessins qui l'accompagnent
+sont tellement précis qu'un téléphone exécuté d'après eux pouvait
+parfaitement fonctionner; c'est du reste ce que M. Gray put constater
+lui-même quand, quelque temps après, il exécuta son appareil qui ne
+différait guère de celui à liquide dont parle M. Bell dans son
+mémoire. À ce titre, M. Elisha Gray se serait trouvé certainement mis
+en possession du brevet, si une omission de formes de l'office des
+patentes américaines, qui, comme on le sait, prononce sur la priorité
+des inventions dans ce pays, n'avait entraîné la déchéance de son
+<i>caveat</i>, et c'est à propos de cette omission qu'un procès a été
+intenté dernièrement à M. Bell, devant la Cour suprême de l'office des
+patentes américaines, pour faire tomber son brevet. Si M. Gray ne
+s'est pas occupé plus tôt de cette réclamation, c'est qu'il était
+alors entièrement occupé d'expérimenter son système de téléphone
+harmonique appliqué aux transmissions télégraphiques qu'il jugeait
+plus important au point de vue commercial, et que le temps lui avait
+complètement manqué pour donner suite à cette affaire.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page010" name="page010"></a>(p. 010)</span> Quoi qu'il en soit, c'est seulement à partir de la prise de
+possession de son brevet que M. Bell commença à s'occuper sérieusement
+du téléphone parlant, et ses efforts ne tardèrent pas à être couronnés
+de succès, car peu de mois après, il exposait à Philadelphie son
+téléphone parlant qui excita, dès cette époque, l'attention publique
+au plus haut degré, et qui, perfectionné encore au point de vue
+pratique, nous arriva en Europe dans l'automne 1877 avec la forme que
+nous lui connaissons.</p>
+
+<p>Comme complément à cette histoire sommaire du téléphone, nous devons
+dire que, depuis sa réussite, bon nombre de réclamations de priorité
+ont surgi comme par enchantement. Nous voyons d'abord qu'un certain M.
+John Camack, Anglais d'origine, s'attribue l'invention du téléphone,
+se basant sur ce qu'en 1865 il aurait non-seulement fait la
+description de cet appareil, mais encore exécuté les dessins; il
+ajoute même que si les moyens ne lui avaient pas fait défaut pour le
+construire, le téléphone aurait été découvert dès cette époque. Une
+prétention semblable a été également émise par M. Dolbear, compatriote
+de M. Bell, et nous verrons bientôt ce qu'en dit ce dernier.</p>
+
+<p>Il en est de même d'un certain M. Manzetti, d'Aoste, qui prétend que
+son invention téléphonique a été décrite dans beaucoup de journaux de
+1865, entre autres dans <i>le Petit Journal</i>, de Paris, du 22 novembre
+1865, le <i>Diretto</i>, de Rome, du 10 juillet 1865, <i>l'Écho d'Italie</i>, de
+New-York, du 9 août 1865, <i>l'Italie</i>, de Florence, du 10 août 1865,
+<i>la Commune d'Italie</i>, de Gênes, du 1<sup>er</sup> décembre 1865, <i>la Vérité</i>,
+de Novarre, du 4 janvier <span class="pagenum"><a id="page011" name="page011"></a>(p. 011)</span> 1866, <i>le Commerce</i>, de Gênes, du 6
+janvier 1866. Il est vrai qu'aucune description n'a été donnée de ce
+système, et que les journaux en question n'ont fait qu'assurer que les
+expériences qui avaient été faites avaient montré que la solution
+pratique du problème de la transmission électrique de la parole par ce
+système était possible. Quoi qu'il en soit, M. Charles Bourseul aurait
+encore la priorité de l'idée; mais suivant nous, on ne doit ajouter
+qu'une médiocre confiance à toutes ces revendications faites après
+coup.</p>
+
+<p>Avant de nous occuper du téléphone de Bell et des diverses
+modifications qu'on lui a apportées, il nous a paru important, pour
+bien familiariser le lecteur avec ces sortes d'appareils, d'étudier
+les téléphones électro-musicaux qui l'ont précédé, et en particulier
+celui de M. Reiss, qui fut construit en 1860 et qui a été le point de
+départ de tous les autres. Nous verrons d'ailleurs que ces instruments
+ont des applications très-importantes, et la télégraphie leur devra
+probablement un jour de grands progrès.<a href="#toc"><span class="small">[Table des Matières]</span></a></p>
+
+<h2>TÉLÉPHONES MUSICAUX.</h2>
+
+<p><b>Téléphone de M. Reiss.</b>&mdash;Le téléphone de M. Reiss est fondé, quant à la
+reproduction des sons, sur les effets découverts par M. Page en 1837
+et, pour leur transmission électrique, sur le système à membrane
+vibrante utilisé dès 1855 par M. L. Scott dans son phonautographe. Cet
+appareil se compose donc, comme les systèmes télégraphiques, de deux
+parties distinctes, <span class="pagenum"><a id="page012" name="page012"></a>(p. 012)</span> d'un transmetteur et d'un récepteur, et
+nous les représentons fig. 1.</p>
+
+<a id="img001" name="img001"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img001.jpg" width="600" height="512" alt="" title="">
+<p>Fig. 1.</p>
+</div>
+
+<p>Le transmetteur était essentiellement constitué par une boîte sonore
+K, qui portait à sa partie supérieure une large ouverture circulaire à
+travers laquelle était tendue une membrane, et au centre de celle-ci
+était adapté un léger disque de platine <i>o</i>, au-dessus duquel était
+fixée une pointe métallique <i>b</i>, qui constituait avec le disque
+l'interrupteur. Sur une des faces de cette boîte sonore K, se trouvait
+une sorte de porte-voix T qui était destiné à recueillir les sons et à
+les diriger à l'intérieur de la boîte pour les faire réagir ensuite
+sur <span class="pagenum"><a id="page013" name="page013"></a>(p. 013)</span> la membrane. Une partie de la boîte K est brisée sur la
+figure pour qu'on puisse distinguer les différentes parties qui la
+composent.</p>
+
+<p>Les tiges <i>a</i>, <i>c</i>, qui portent la pointe de platine <i>b</i>, sont réunies
+métalliquement avec une clef Morse <i>t</i>, placée sur le côté de la boîte
+K, et avec un électro-aimant A, qui appartient à un système
+télégraphique destiné à échanger les signaux nécessaires à la mise en
+action des deux appareils aux deux stations.</p>
+
+<p>Le récepteur est constitué par une caisse sonore B, portant deux
+chevalets <i>d</i>, <i>d</i>, sur lesquels est soutenu un fil de fer <i>d d</i> de la
+grosseur d'une aiguille à tricoter. Une bobine électro-magnétique <i>g</i>
+enveloppe ce fil et se trouve enfermée par un couvercle D, qui
+concentre les sons déjà amplifiés par la caisse sonore; cette caisse
+est même munie, à cet effet, de deux ouvertures pratiquées au-dessous
+de la bobine.</p>
+
+<p>Le circuit de ligne est mis en rapport avec le fil de cette bobine par
+les deux bornes d'attache 3 et 4, et une clef Morse <i>t</i> se trouve
+placée sur le côté de la caisse B pour l'échange des correspondances.</p>
+
+<p>Pour faire fonctionner ce système, il suffit de faire parler
+l'instrument dont on veut transmettre les sons devant l'ouverture T,
+et cet instrument peut être une flûte, un violon ou même la voix
+humaine. Les vibrations de l'air déterminées par ces instruments font
+vibrer à l'unisson la membrane téléphonique, et celle-ci, en
+approchant et éloignant rapidement le disque de platine <i>o</i> de la
+pointe <i>b</i>, fournit une série d'interruptions de courant qui se
+trouvent répercutées par le fil de fer <i>d d</i> et transformées en
+vibrations métalliques, <span class="pagenum"><a id="page014" name="page014"></a>(p. 014)</span> dont le nombre est égal à celui des
+sons successivement produits.</p>
+
+<p>D'après ce mode d'action, on comprend donc qu'il soit possible de
+transmettre les sons avec leur valeur relative; mais l'on conçoit
+également que ces sons ainsi transmis n'auront pas le timbre de ceux
+qui leur donnent naissance, car le timbre est indépendant du nombre
+des vibrations, et, il faut même le dire ici, les sons produits par
+l'appareil de M. Reiss avaient un timbre de flûte à l'oignon qui
+n'avait rien de séduisant; toutefois le problème de la transmission
+électrique des sons musicaux était bien réellement résolu, et l'on
+pouvait dire en toute vérité qu'un air ou une mélodie pouvait être
+entendu à une distance aussi grande qu'on pouvait le désirer.</p>
+
+<p>L'invention de ce téléphone date, comme on l'a déjà vu, de l'année
+1860, et le professeur Heisler en parle dans son traité de physique
+technique, publié à Vienne en 1866; il prétend même dans l'article
+qu'il lui a consacré, que, quoique dans son enfance, cet appareil
+était susceptible de transmettre non-seulement des sons musicaux, mais
+encore des mélodies chantées. Ce système fut ensuite perfectionné par
+M. Vander-Weyde, qui, après avoir lu la description publiée par M.
+Heisler, chercha à rendre la boîte de transmission de l'appareil plus
+sonore et les sons produits par le récepteur plus forts. Voici ce
+qu'il dit à ce sujet dans le <i>Scientific american Journal</i>:</p>
+
+<p>«Ayant fait construire en 1868 deux téléphones du genre de celui
+décrit précédemment, je les montrai à la réunion du club polytechnique
+de l'Institut américain. <span class="pagenum"><a id="page015" name="page015"></a>(p. 015)</span> Les sons transmis étaient produits
+à l'extrémité la plus éloignée du Cooper Institut, et tout à fait en
+dehors de la salle où se trouvaient les auditeurs de l'association;
+l'appareil récepteur était placé sur une table, dans la salle même des
+séances. Il reproduisait fidèlement les airs chantés, mais les sons
+étaient un peu faibles et un peu nasillards. Je songeai alors à
+perfectionner cet appareil, et je cherchai d'abord à obtenir dans la
+boîte K des vibrations plus puissantes en les faisant répercuter par
+les côtés de cette boîte au moyen de parois creuses. Je renforçai
+ensuite les sons produits par le récepteur, en introduisant dans la
+bobine plusieurs fils de fer, au lieu d'un seul. Ces perfectionnements
+ayant été soumis à la réunion de l'Association américaine pour
+l'avancement des sciences qui eut lieu en 1869, on exprima l'opinion
+que cette invention renfermait en elle le germe d'une nouvelle méthode
+de transmission télégraphique qui pourrait conduire à des résultats
+importants. Cette appréciation devait être bientôt justifiée par la
+découverte de Bell et d'Elisha Gray.</p>
+
+<p class="p2"><b>Téléphone de MM. Cécil et Léonard Wray.</b>&mdash;Ce système, que nous
+représentons fig. 2 et 3, n'est qu'un simple perfectionnement de celui
+de M. Reiss, imaginé en vue de rendre les effets produits plus
+énergiques. Ainsi le transmetteur est muni de deux membranes au lieu
+d'une, et son récepteur, au lieu d'être constitué par un simple fil de
+fer recouvert d'une bobine magnétisante, se compose de deux bobines
+distinctes, H, H', fig. 2, placées dans le prolongement l'une de
+<span class="pagenum"><a id="page016" name="page016"></a>(p. 016)</span> l'autre, et à l'intérieur desquelles se trouvent deux tiges
+de fer. Ces tiges sont fixées par une de leurs extrémités à deux lames
+de cuivre A, B, maintenues elles-mêmes dans une position fixe au moyen
+de deux piliers à écrous I, I', et les deux autres extrémités de ces
+tiges, entre les bobines, sont disposées à une très-petite distance
+l'une devant l'autre, mais sans cependant se toucher. Le système est
+d'ailleurs monté sur une caisse sonore, munie d'un trou T dans
+l'espace correspondant à l'intervalle séparant les bobines, et
+celles-ci communiquent avec quatre boutons d'attache qui sont mis en
+rapport avec le circuit de ligne de telle manière que les polarités
+opposées des deux tiges soient de signes contraires, et ne forment
+qu'un seul et même aimant coupé par le milieu. Il paraît qu'avec cette
+disposition les sons produits sont beaucoup plus accentués.</p>
+
+<a id="img002" name="img002"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img002.jpg" width="400" height="197" alt="" title="">
+<p>Fig. 2.</p>
+</div>
+
+<p>La forme du transmetteur est aussi un peu différente de celle que nous
+avons décrite précédemment; la partie supérieure, au lieu d'être
+horizontale, est un peu inclinée, comme on le voit fig. 3, et
+l'ouverture <span class="pagenum"><a id="page017" name="page017"></a>(p. 017)</span> E par laquelle les sons doivent se communiquer à
+la membrane vibrante, occupe une grande partie du côté le plus élevé
+de la caisse, qui, à cet effet, se présente sous une certaine
+obliquité. La seconde membrane G, qui est en caoutchouc, forme une
+sorte de cloison qui divise en deux la caisse, à partir du bord
+supérieur de l'ouverture, et, d'après l'inventeur, elle aurait pour
+effet, tout en augmentant l'amplitude des vibrations produites par la
+membrane extérieure D, comme dans un tambour, de protéger celle-ci
+contre les effets de la respiration et plusieurs autres causes
+nuisibles. L'interrupteur lui-même diffère aussi de celui de
+l'appareil de M. Reiss. Ainsi le disque de platine <span class="pagenum"><a id="page018" name="page018"></a>(p. 018)</span> <i>b</i>,
+appelé à fournir les contacts, n'est mis en rapport métallique avec le
+circuit que par l'intermédiaire de deux petits fils de platine ou
+d'acier qui plongent dans deux petits godets <i>a</i>, <i>c</i> remplis de
+mercure et reliés à ce circuit. Par ce moyen, la membrane D se trouve
+libre dans ses mouvements et peut vibrer plus facilement.</p>
+
+<a id="img003" name="img003"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img003.jpg" width="500" height="419" alt="" title="">
+<p>Fig. 3.</p>
+</div>
+
+<p>L'interruption est d'ailleurs effectuée par une petite pointe de
+platine portée par un levier à ressort articulé KH qui se trouve
+au-dessus du disque, et dont l'extrémité, étant fixée au-dessous d'une
+sorte de clef Morse MI, permet d'effectuer à la main les fermetures de
+courant nécessaires à l'échange des correspondances pour la mise en
+train des appareils.</p>
+
+<p class="p2"><b>Harmonica électrique.</b>&mdash;Longtemps avant M. Reiss et à plus forte raison
+longtemps avant M. Elisha Gray qui a imaginé un téléphone du même
+genre, j'avais fait mention d'une sorte d'harmonica électrique qui a
+été décrit de la manière suivante dans le tome I, p. 167, de la
+première édition de mon <i>Exposé des applications de l'électricité</i>
+publié en 1853<a id="footnotetag4" name="footnotetag4"></a><a href="#footnote4" title="Lien vers la note 4"><span class="smaller">[4]</span></a>.</p>
+
+<p>«La faculté que possède l'électricité de mettre en mouvement des lames
+métalliques et de les faire vibrer, a pu être utilisée à la production
+de sons distincts, susceptibles d'être combinés et harmonisés; mais,
+en outre de cette application toute physique, l'électro-magnétisme a
+pu venir en auxiliaire à certains instruments, tels que pianos,
+orgues, etc., pour leur donner <span class="pagenum"><a id="page019" name="page019"></a>(p. 019)</span> la facilité d'être joués à
+distance. Ainsi jusque dans les arts en apparence les moins
+susceptibles de recevoir de l'électricité quelque application, cet
+élément si extraordinaire a pu être d'un secours utile.</p>
+
+<p>«Nous avons déjà parlé de l'interrupteur de M. de la Rive. C'est,
+comme on le sait, une lame de fer soudée à un ressort d'acier et
+maintenue dans une position fixe vis-à-vis un électro-aimant, par un
+autre ressort ou un butoir métallique en connexion avec l'une des
+branches du courant. Comme l'autre branche, après avoir passé dans le
+fil de l'électro-aimant aboutit à la lame de fer elle-même,
+l'électro-aimant n'est actif qu'au moment où cette lame touche le
+butoir ou le ressort d'arrêt; mais aussitôt qu'elle l'abandonne,
+l'aimantation cesse, et la lame de fer revient en son point d'arrêt,
+puis l'abandonne ensuite. Il se détermine donc une vibration d'autant
+plus rapide que la longueur de la lame vibrante est plus courte, et
+que la force est plus grande par suite du rapprochement de la lame de
+l'électro-aimant.</p>
+
+<p>«Pour rendre les sons de plus en plus aigus, il ne s'agit donc que
+d'employer l'un ou l'autre des deux moyens. Le plus simple est d'avoir
+une vis que l'on serre ou que l'on desserre à volonté, et qui par cela
+même éloigne plus ou moins la lame vibrante de l'électro-aimant. Tel
+est l'appareil de M. Froment au moyen duquel il a obtenu des sons
+d'une acuité extraordinaire, bien qu'étant fort doux à l'oreille.</p>
+
+<p>«M. Froment n'a pas fait de cet appareil un instrument de musique;
+mais on conçoit que rien ne serait plus facile que d'en constituer un;
+il ne s'agirait pour <span class="pagenum"><a id="page020" name="page020"></a>(p. 020)</span> cela que de faire agir les touches d'un
+clavier sur des leviers métalliques, dont la longueur des bras serait
+en rapport avec le rapprochement de la lame nécessité pour la
+vibration des différentes notes. Ces différents leviers, en appuyant
+sur la lame, joueraient le rôle du butoir d'arrêt, mais ce butoir
+varierait de position suivant la touche.</p>
+
+<p>«Si le courant était constant, un pareil instrument aurait
+certainement beaucoup d'avantages sur les instruments à anches dont on
+se sert, en ce sens qu'on aurait une vibration aussi prolongée qu'on
+le voudrait pour chaque note, et que les sons seraient plus veloutés;
+malheureusement l'inégalité d'action de la pile en rend l'usage bien
+difficile. Aussi ne s'est-on guère servi de ce genre d'appareils que
+comme régulateurs auditifs pour l'intensité des piles, régulateurs
+infiniment plus commodes que les rhéomètres, puisqu'ils peuvent faire
+apprécier les différentes variations d'une pile pendant une
+expérience, sans qu'on soit obligé d'en détourner son attention.»</p>
+
+<p>En 1856, M. Pétrina, de Prague, imagina un dispositif analogue auquel
+il donna le nom d'<i>harmonica électrique</i>, bien qu'à proprement parler
+il ne constituât pas dans sa pensée un instrument de musique.</p>
+
+<p>Voici ce que j'en disais dans le tome IV de la seconde édition de mon
+exposé des applications de l'électricité publié en 1859.</p>
+
+<p>«Le principe de cet appareil est le même que celui du rhéotome de
+Neef, au marteau duquel on a substitué une baguette dont les
+vibrations transversales produisent un son. Quatre de ces baguettes,
+différentes <span class="pagenum"><a id="page021" name="page021"></a>(p. 021)</span> en longueur, sont placées l'une à côté de
+l'autre, et étant mises en mouvement au moyen de touches, puis
+arrêtées par des leviers, produisent des sons de combinaison dont il
+devient facile de démontrer l'origine.»</p>
+
+<p>Dans ce qui précède je ne dis pas, il est vrai, que ces appareils
+pouvaient être joués à distance; mais cette idée était toute
+naturelle, et les journaux allemands prétendent que M. Pétrina l'avait
+réalisée même avant 1856. Elle était la conséquence de ce que je
+disais en débutant: «que l'électro-magnétisme pouvait venir en
+auxiliaire à certains instruments tels que pianos, orgues, etc., <i>pour
+leur donner la facilité d'être joués à distance</i>», et j'indiquais plus
+loin les moyens employés pour cela et même pour les faire fonctionner
+sous l'influence d'une petite boîte à musique. Je n'y avais du reste
+pas attaché d'importance, et ce n'est que comme document historique
+que je parle de ces systèmes.</p>
+
+<p class="p2"><b>Téléphone de M. Elisha Gray, de Chicago.</b>&mdash;Ce système, imaginé en 1874,
+n'est en réalité qu'un appareil du genre de ceux qui précèdent, mais
+avec des combinaisons importantes qui ont permis de l'appliquer
+utilement à la télégraphie. Dans un premier modèle il mettait à
+contribution une bobine d'induction à deux hélices superposées, dont
+l'interrupteur, qui était à trembleur, était multiple et disposé de
+manière à produire des vibrations assez nombreuses pour émettre des
+sons. Ces sons, comme on l'a vu, peuvent avec cette disposition être
+modifiés suivant la manière dont l'appareil est réglé, et s'il existe
+à côté les uns des <span class="pagenum"><a id="page022" name="page022"></a>(p. 022)</span> autres un certain nombre d'interrupteurs
+de ce genre, dont les lames vibrantes soient réglées de manière à
+fournir les différentes notes de la gamme sur plusieurs octaves, on
+pourra, en mettant en action tels ou tels d'entre eux, exécuter sur
+cet instrument d'un nouveau genre un morceau de musique dont les sons
+se rapprocheront de ceux produits par les instruments à anches, tels
+que harmoniums, accordéons, etc. La mise en action de ces
+interrupteurs pourra d'ailleurs être effectuée au moyen du courant
+primaire de la bobine d'induction qui circulera à travers l'un ou
+l'autre des électro-aimants de ces interrupteurs, sous l'influence de
+l'abaissement de l'une ou l'autre des touches d'un clavier
+commutateur, et les courants secondaires qui naîtront dans la bobine
+sous l'influence de ces courants primaires interrompus, pourront
+transmettre des vibrations correspondantes à distance sur un
+récepteur. Celui-ci pourrait être analogue à ceux dont nous avons
+parlé précédemment pour les téléphones de Reiss, de Wray, etc., mais
+M. Gray a dû le modifier pour obtenir des effets plus amplifiés.</p>
+
+<p>Nous représentons (fig. 4) la disposition de ce premier système. Les
+vibrateurs sont en A et A', les touches du clavier en M et M', la
+bobine d'induction en B, et le récepteur en C. Ce récepteur se
+compose, comme on le voit, d'un simple électro-aimant NN' au-dessus
+des pôles duquel est adaptée une caisse cylindrique en métal C dont le
+fond est en fer et sert d'armature. Cette boîte étant percée comme les
+violons de deux trous en S, joue le rôle de caisse sonore, et M.
+Elisha Gray a reconnu que les mouvements moléculaires <span class="pagenum"><a id="page023" name="page023"></a>(p. 023)</span>
+déterminés au sein du noyau magnétique et de son armature, sous
+l'influence des alternatives d'aimantation et de désaimantation,
+étaient suffisants pour engendrer des vibrations en rapport avec la
+rapidité de ces alternatives, et fournir des sons qui devenaient
+perceptibles par suite de leur amplification par la boîte sonore.</p>
+
+<a id="img004" name="img004"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img004.jpg" width="500" height="462" alt="" title="">
+<p>Fig. 4.</p>
+</div>
+
+<p>S'il faut en croire M. Elisha Gray, les vibrations transmises par des
+courants secondaires seraient capables de faire résonner à distance,
+par l'intermédiaire du corps humain, des lames conductrices
+susceptibles d'entrer facilement en vibration et disposées sur des
+caisses sonores. Ainsi l'on pourrait faire produire des <span class="pagenum"><a id="page024" name="page024"></a>(p. 024)</span> sons
+musicaux à des cylindres de cuivre placés sur une table, à une plaque
+métallique appliquée sur une sorte de violon, à une feuille de
+clinquant tendue sur un tambour ou à toute autre substance résonnante,
+en touchant d'une main ces différents corps et en prenant de l'autre
+le bout du fil du circuit. Ces sons qui pourraient avoir un timbre
+différent, suivant la nature de la substance touchée, reproduiraient
+la note transmise avec le nombre exact de vibrations qui lui
+correspond<a id="footnotetag5" name="footnotetag5"></a><a href="#footnote5" title="Lien vers la note 5"><span class="smaller">[5]</span></a>.</p>
+
+<p>On comprend aisément que les effets obtenus dans le système représenté
+(fig. 4) pourraient être reproduits, si au lieu d'interrupteurs ou de
+rhéotomes électriques, on employait à la station de transmission des
+interrupteurs mécaniques disposés de manière à fournir le nombre
+d'interruptions de courants en rapport avec les vibrations des
+différentes notes de la gamme. On pourrait encore, par ce moyen, se
+dispenser de la bobine d'induction et faire réagir directement sur le
+récepteur le courant ainsi interrompu par l'interrupteur mécanique. M.
+Elisha Gray a du reste combiné une autre disposition de ce système
+téléphonique qu'il a appliquée à la télégraphie pour les transmissions
+électriques simultanées, et dont nous parlerons plus tard.</p>
+
+<p class="p2"><span class="pagenum"><a id="page025" name="page025"></a>(p. 025)</span> <b>Téléphone de M. Varley.</b>&mdash;Ce téléphone n'est à proprement
+parler qu'un téléphone musical dans le genre de celui de M. Gray, mais
+dont le récepteur présente une disposition originale vraiment
+intéressante.</p>
+
+<p>Cette partie de l'appareil est essentiellement constituée par un
+véritable tambour de grandes dimensions (3 ou 4 pieds de diamètre),
+dans l'intérieur duquel est placé un condensateur formé de quatre
+feuilles de papier d'étain séparées par des feuilles en matière
+parfaitement isolante, et dont la surface représente à peu près la
+moitié de celle du tambour. Les lames de ce condensateur sont
+disposées parallèlement aux membranes du tambour et à une très-petite
+distance de leur surface.</p>
+
+<p>Si une charge électrique est communiquée à l'une des séries de plaques
+conductrices de ce condensateur, celles qui leur correspondront se
+trouveront attirées, et si elles peuvent se mouvoir, elles pourront
+communiquer aux couches d'air interposées un mouvement qui, en se
+communiquant aux membranes du tambour, pourront, pour une série de
+charges très-rapprochées les unes des autres, faire vibrer ces
+membranes et engendrer des sons; or ces sons seront en rapport avec le
+nombre des charges et décharges qui seront produites. Comme ces
+charges et décharges peuvent être déterminées <span class="pagenum"><a id="page026" name="page026"></a>(p. 026)</span> par la réunion
+des deux armatures du condensateur aux extrémités du circuit
+secondaire d'une bobine d'induction dont le circuit primaire sera
+interrompu convenablement, on voit immédiatement que, pour faire
+émettre par le tambour un son donné, il suffira de faire fonctionner
+l'interrupteur de la bobine d'induction de manière à produire le
+nombre de vibrations que comporte ce son.</p>
+
+<p>Le moyen employé par M. Varley pour produire ces interruptions est
+celui qui a été déjà mis en usage dans plusieurs applications
+électriques et notamment pour les chronographes; c'est un diapason
+électro-magnétique réglé de manière à émettre le son qu'il s'agit de
+transmettre. Ce diapason peut, en formant lui-même interrupteur,
+réagir sur le courant primaire de la bobine d'induction, et s'il y a
+autant de ces diapasons que de notes musicales à transmettre, et que
+les électro-aimants qui les animent soient reliés à un clavier de
+piano, il sera possible de transmettre de cette manière une mélodie à
+distance comme dans le système de M. Elisha Gray.</p>
+
+<p>La seule chose particulière dans ce système est le fait de la
+reproduction des sons par l'action d'un condensateur, et nous verrons
+plus loin que cette idée, reprise par MM. Pollard et Garnier, a
+conduit à des résultats vraiment intéressants.<a href="#toc"><span class="small">[Table des Matières]</span></a></p>
+
+<h2><span class="pagenum"><a id="page027" name="page027"></a>(p. 027)</span> TÉLÉPHONES PARLANTS.</h2>
+
+<p>Les téléphones que nous venons d'étudier ne peuvent transmettre, comme
+on l'a vu, que des sons musicaux, puisqu'ils ne peuvent répéter que
+des vibrations simples, en nombre plus ou moins grand, il est vrai,
+mais non en combinaisons simultanées, telles que celles qui doivent
+reproduire les sons articulés. Jusqu'à l'époque de l'invention de M.
+Bell, la transmission de la parole ne pouvait donc se faire que par
+des tubes acoustiques ou par les téléphones à ficelle dont nous avons
+déjà parlé. Bien que ces sortes d'appareils n'aient aucun rapport avec
+ceux que nous nous proposons d'étudier dans cet ouvrage, nous avons
+cru devoir en dire ici quelques mots, car ils peuvent quelquefois être
+combinés avec les téléphones électriques, et, d'ailleurs, ils
+représentent la première étape de l'invention.</p>
+
+<p class="p2"><b>Téléphones à ficelle.</b>&mdash;Les téléphones à ficelle qui depuis plusieurs
+années inondent les boulevards et les rues des différentes villes
+d'Europe, et dont l'invention remonte, comme on l'a vu, à l'année
+1667, sont des appareils très-intéressants par eux-mêmes, et nous
+sommes étonné qu'ils n'aient pas figuré plutôt dans les cabinets de
+physique. Ils sont constitués par des tubes cylindro-coniques en métal
+ou en carton, dont un bout est fermé par une membrane tendue de
+parchemin, au centre de laquelle est fixée par un n&oelig;ud la ficelle
+ou le cordon destiné à les réunir. Quand deux <span class="pagenum"><a id="page028" name="page028"></a>(p. 028)</span> tubes de ce
+genre sont ainsi réunis et que le fil est bien tendu, comme on le voit
+fig. 5, il suffit qu'une personne applique un de ces tubes contre
+l'oreille et qu'une autre personne parle très-près de l'ouverture de
+l'autre tube, pour que toutes les paroles prononcées par cette
+dernière soient immédiatement transmises à l'autre, et l'on peut même
+converser de cette manière à voix presque basse. Dans ces conditions,
+les vibrations de la membrane impressionnée par la voix se trouvent
+transmises mécaniquement à l'autre membrane par le fil qui, comme
+l'avait annoncé le physicien de 1667, transmet les sons beaucoup mieux
+que l'air. On a pu par ce moyen converser à une distance de cent
+cinquante mètres, et il paraîtrait que la <span class="pagenum"><a id="page029" name="page029"></a>(p. 029)</span> grosseur et la
+nature des fils exercent une certaine influence. Suivant les vendeurs
+de ces appareils, les fils de soie seraient ceux qui donneraient les
+meilleurs résultats et les ficelles de chanvre les moins bons. Ce sont
+ordinairement des fils de coton tressés qui sont employés afin de
+permettre de livrer à bon marché ces appareils.</p>
+
+<a id="img005" name="img005"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img005.jpg" width="500" height="413" alt="" title="">
+<p>Fig. 5.</p>
+</div>
+
+<p>Dans certains modèles on a disposé les tubes de manière à présenter,
+entre la membrane et l'embouchure, un diaphragme percé d'un trou, et
+l'appareil ressemble alors à une espèce de cloche dont le fond aurait
+été percé et recouvert à quelques millimètres au-dessus de la membrane
+de parchemin; mais je n'ai pas reconnu de supériorité bien marquée à
+ce modèle.</p>
+
+<p>On a également prétendu que les cornets en métal nickelé étaient
+préférables; je n'en suis pas davantage convaincu. Quoi qu'il en soit,
+ces appareils ont donné des résultats qu'on était loin d'attendre, et
+bien que leurs usages pratiques soient très-restreints, ils
+constituent des instruments scientifiques très-intéressants et des
+jouets instructifs pour les enfants.</p>
+
+<p>D'après M. Millar, de Glascow, l'intensité des effets produits dans
+ces téléphones dépend beaucoup de la nature de la ficelle, de la
+manière dont elle est attachée et de la manière dont la membrane est
+placée sur l'embouchure.</p>
+
+<p class="p2"><b>Perfectionnements apportés aux téléphones à ficelle.</b>&mdash;Les effets
+prodigieux des téléphones Bell ont dans ces derniers temps remis à la
+mode les téléphones à ficelle qui étaient restés jusque-là dans le
+domaine <span class="pagenum"><a id="page030" name="page030"></a>(p. 030)</span> des jouets d'enfant. La possibilité qu'ils ont
+donnée de transmettre à plusieurs personnes la parole reproduite sur
+un téléphone électrique a fait rechercher les moyens de les utiliser
+concurremment avec ces derniers, et pour cela on a dû d'abord examiner
+le moyen le plus efficace de les faire parler sur un fil présentant
+plusieurs coudes; nous avons vu que, dans les conditions ordinaires,
+ces appareils ne parlaient distinctement que quand le fil était tendu
+en ligne droite. Pour résoudre ce problème, M. A. Bréguet a eu l'idée
+d'employer comme supports des espèces de petits tambours de basque par
+le centre desquels on fait passer le fil; le son porté par la partie
+du fil en rapport avec le cornet dans lequel on parle, fait alors
+vibrer la membrane de ce tambour, et celle-ci communique ensuite la
+vibration à la partie du fil qui suit. On peut de cette manière
+obtenir autant de coudes que l'on veut et soutenir le fil sur toute la
+longueur qui peut convenir à ces sortes de téléphones, laquelle ne
+dépasse guère cent mètres.</p>
+
+<p>M. A. Bréguet a fait encore de ce système des espèces de relais pour
+arriver au même but, et pour cela il fait aboutir les fils à deux
+membranes qui ferment les deux ouvertures d'un cylindre de laiton; les
+sons reproduits par l'une des membranes réagissent sur l'autre, et
+celle-ci vibre sous cette influence comme si elle était impressionnée
+par la voix; le cylindre joue alors le rôle d'un tube acoustique
+ordinaire, et sa forme peut être aussi variée qu'on peut le désirer.</p>
+
+<p>Il paraît que M. A. Badet, dès le 1<sup>er</sup> février 1878, était parvenu à
+faire fonctionner d'une manière analogue les téléphones à ficelle, et
+il se servait pour cela de parchemins <span class="pagenum"><a id="page031" name="page031"></a>(p. 031)</span> tendus sur des cadres
+qui faisaient l'office de tables résonnantes. Le fil était fixé au
+centre de la membrane et faisait avec elle tel angle que l'on voulait.</p>
+
+<p>Plusieurs savants, entre autres MM. Wheatstone, Cornu et Mercadier, se
+sont occupés il y a déjà longtemps de ces sortes de transmissions par
+les fils, et tout dernièrement MM. Millar, Heaviside et Nixon ont fait
+des expériences intéressantes dont nous devons dire quelques mots.
+Ainsi, M. Millar a reconnu qu'avec un fil télégraphique tendu et relié
+par deux fils de cuivre à deux disques susceptibles de vibrer, on
+pouvait transporter les sons musicaux à cent cinquante mètres, et
+qu'en tendant des fils à travers une maison, ces fils étant reliés à
+des embouchures et à des cornets auriculaires placés dans différentes
+chambres, on pouvait correspondre avec toutes ces chambres de la
+manière la plus facile.</p>
+
+<p>Il a employé pour les disques vibrants, soit du bois, soit du métal,
+soit de la gutta-percha ayant la forme d'un tambour, et les fils
+étaient fixés au centre. L'intensité du son semblait augmenter avec la
+grosseur du fil.</p>
+
+<p>MM. Heaviside et Nixon, dans leurs expériences à New-Castle sur la
+Tyne, ont reconnu que la grosseur du fil qui donnait les meilleurs
+résultats était le fil n<sup>o</sup> 4 de la jauge anglaise. Les disques qu'ils
+avaient employés étaient en bois de 1/8 de pouce d'épaisseur, et ils
+pouvaient être placés en un point quelconque de la longueur du fil.
+Avec un fil bien tendu et tranquille, la parole a pu être entendue de
+cette manière à une distance de deux cents mètres.</p>
+
+<p class="p2"><span class="pagenum"><a id="page032" name="page032"></a>(p. 032)</span> <b>Téléphone électrique de M. Graham Bell.</b>&mdash;Tel était l'état des
+appareils téléphoniques, lorsqu'en 1876 apparut à l'exposition de
+Philadelphie le téléphone de Bell que sir W. Thomson n'a pas craint
+d'appeler la <i>merveille des merveilles</i>, et sur lequel l'attention du
+monde entier s'est trouvée immédiatement portée, bien qu'à vrai dire
+son authenticité ait soulevé dans l'origine bien des incrédulités. Ce
+téléphone, en effet, reproduisait les mots articulés, et ce résultat
+dépassait tout ce que les physiciens avaient pu concevoir. Cette fois
+ce n'était plus une conception que l'on pouvait, jusqu'à preuve
+contraire, traiter de fantastique: l'appareil parlait, et même parlait
+assez haut pour n'avoir pas besoin d'être placé contre l'oreille.
+Voici ce qu'en disait sir W. Thomson à l'Association britannique pour
+l'avancement des sciences lors de sa réunion à Glascow en septembre
+1876.</p>
+
+<p>«Au département des télégraphes des États-Unis, j'ai vu et entendu le
+téléphone électrique de M. Elisha Gray, merveilleusement construit,
+faire résonner en même temps quatre dépêches en langage Morse, et avec
+quelques améliorations de détail, cet appareil serait évidemment
+susceptible d'un rendement quadruple.... Au département du Canada,
+j'ai entendu: <i>To be or not to be.&mdash;There's the rub</i>, articulés à
+travers un fil télégraphique, et la prononciation électrique ne
+faisait qu'accentuer encore l'expression railleuse des monosyllabes;
+le fil m'a récité aussi des extraits au hasard des journaux de
+New-York... Tout cela, mes oreilles l'ont entendu articuler
+très-distinctement par le mince disque circulaire formé par l'armature
+<span class="pagenum"><a id="page033" name="page033"></a>(p. 033)</span> d'un électro-aimant. C'était mon collègue du jury, le
+professeur Watson, qui, à l'autre extrémité de la ligne, proférait ces
+paroles à haute et intelligible voix, en appliquant sa bouche contre
+une membrane tendue, munie d'une petite pièce de fer doux, laquelle
+exécutait près d'un électro-aimant introduit dans le circuit de la
+ligne, des mouvements proportionnels aux vibrations sonores de l'air.
+Cette découverte, la merveille des merveilles du télégraphe
+électrique, est due à un de nos jeunes compatriotes, M. Graham Bell,
+originaire d'Édimbourg et aujourd'hui naturalisé citoyen des
+États-Unis.</p>
+
+<p>«On ne peut qu'admirer la hardiesse d'invention qui a permis de
+réaliser avec des moyens si simples, le problème si complexe de faire
+reproduire par l'électricité les intonations et les articulations si
+délicates de la voix et du langage, et pour obtenir ce résultat, il
+fallait trouver moyen de faire varier l'intensité du courant dans le
+même rapport que les inflexions des sons émis par la voix.»</p>
+
+<p>S'il faut en croire M. G. Bell, l'invention du téléphone n'aurait pas
+été le résultat d'une conception spontanée et heureuse; elle aurait
+été la conséquence de longues et patientes études entreprises par lui
+sur l'acoustique et les travaux des physiciens qui s'en étaient
+occupés avant lui<a id="footnotetag6" name="footnotetag6"></a><a href="#footnote6" title="Lien vers la note 6"><span class="smaller">[6]</span></a>. Déjà son père, M. Alexandre <span class="pagenum"><a id="page034" name="page034"></a>(p. 034)</span> Melville
+Bell, d'Édimbourg, avait fait de cette science une étude approfondie,
+et était même parvenu à représenter d'une manière excessivement
+ingénieuse la disposition des organes vocaux pour émettre des sons. Il
+devait naturellement inculquer à son fils le goût de ses études
+favorites, et ils firent ensemble de nombreuses recherches pour
+découvrir les relations qui pouvaient exister entre les divers
+éléments de la parole dans les différentes langues et les relations
+musicales existant entre les voyelles. Plusieurs de ces recherches
+avaient, il est vrai, déjà été entreprises par M. Helmholtz, et même
+dans de meilleures conditions; mais ces études lui furent d'une grande
+utilité quand il s'occupa plus tard du téléphone, et les expériences
+d'Helmholtz qu'il répéta avec un de ses amis, M. Hellis, de Londres,
+sur la reproduction artificielle des voyelles au moyen de diapasons
+électriques, le lancèrent dans l'étude de l'application des moyens
+électriques aux instruments d'acoustique. Il combina d'abord un
+système d'harmonica électrique à clavier, dans lequel les différents
+sons de la gamme étaient reproduits par des diapasons électriques de
+différentes tailles, accordés suivant les différentes notes, et qui
+étant mis en action par suite de l'abaissement successif des touches
+du clavier, pouvaient reproduire les sons correspondants aux touches
+abaissées, comme cela a lieu dans les pianos ordinaires.</p>
+
+<p>Il s'occupa ensuite, dit-il, de télégraphie et pensa à rendre les
+télégraphes Morse auditifs en faisant réagir l'organe
+électro-magnétique sur des contacts sonores. Ce résultat, il est vrai,
+était déjà obtenu dans les parleurs <span class="pagenum"><a id="page035" name="page035"></a>(p. 035)</span> usités en télégraphie,
+mais il pensa qu'en appliquant ce système à son harmonica électrique
+et en employant des appareils renforceurs tels que le résonnateur
+d'Helmholtz à la station de réception, on pourrait obtenir à travers
+un seul fil des transmissions simultanées, fondées sur l'emploi des
+moyens phonétiques. Nous verrons plus tard que cette idée s'est
+trouvée réalisée presque simultanément par plusieurs inventeurs, entre
+autres par MM. Paul Lacour, de Copenhague, Elisha Gray, de Chicago,
+Edison et Varley.</p>
+
+<p>C'est à partir de ce moment que commencèrent sérieusement les
+recherches de M. G. Bell sur les téléphones électriques, et des
+appareils compliqués il passa aux appareils simples, en faisant une
+étude complète des différents modes de vibrations résultant d'actions
+électriques différentes; voici ce qu'il dit à cet égard dans son
+Mémoire lu à la Société des ingénieurs télégraphistes de Londres, le
+31 octobre 1877:</p>
+
+<p>«Si l'on représente par les ordonnées d'une courbe les intensités d'un
+courant électrique, et les durées des fermetures de ce courant par les
+abscisses, la courbe fournie pourra représenter des ondes en dessus ou
+en dessous de la ligne des x, suivant que le courant sera positif ou
+négatif, et ces ondes pourront être plus ou moins accentuées suivant
+que les courants transmis seront plus ou moins instantanés.</p>
+
+<p>«Si les courants interrompus pour produire un son sont tout à fait
+instantanés dans leur manifestation, la courbe représente une série de
+dentelures isolées comme on le voit, fig. 6, et si les interruptions
+sont faites de <span class="pagenum"><a id="page036" name="page036"></a>(p. 036)</span> manière à ne provoquer que des différences
+d'intensité, la courbe se présente sous la forme de la figure 7. Enfin
+si les émissions de courant sont effectuées de manière que les
+intensités soient successivement croissantes ou décroissantes, la
+courbe prend l'aspect représenté fig. 8. Or je donne aux premiers
+courants le nom de <i>courants intermittents</i>, aux seconds le nom de
+<i>courants d'impulsion</i> et aux troisièmes le nom de <i>courants
+ondulatoires</i>.</p>
+
+<a id="img006" name="img006"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img006.jpg" width="500" height="352" alt="" title="">
+<p>Fig. 6.</p>
+</div>
+
+<p>«Naturellement ces courants sont <i>positifs</i> ou <i>négatifs</i>, suivant
+leur position au-dessus ou au-dessous de la ligne des <i>x</i>, et s'ils
+sont alternativement renversés, les courbes se présentent sous
+l'aspect de la figure 9, courbes essentiellement différentes des
+premières, non-seulement par le sens différent des dentelures, mais
+surtout par la suppression du courant résiduel <span class="pagenum"><a id="page037" name="page037"></a>(p. 037)</span> qui existe
+toujours avec les courants d'impulsion et les courants ondulatoires.</p>
+
+<a id="img007" name="img007"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img007.jpg" width="500" height="340" alt="" title="">
+<p>Fig. 7.</p>
+</div>
+
+<p>«Les deux premiers systèmes de courants ont été employés depuis
+longtemps pour la transmission électrique des sons musicaux, et le
+téléphone de Reiss dont nous avons déjà parlé en a été une application
+intéressante. Mais les courants ondulatoires n'avaient pas été
+employés avant moi<a id="footnotetag7" name="footnotetag7"></a><a href="#footnote7" title="Lien vers la note 7"><span class="smaller">[7]</span></a>, et ce sont eux qui ont permis de résoudre le
+problème de la transmission de la parole. Pour qu'on puisse se rendre
+compte de l'importance de cette découverte, il suffit d'analyser les
+effets produits avec ces différents systèmes de courants, quand
+plusieurs sons de hauteur différente doivent entrer en combinaison.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page038" name="page038"></a>(p. 038)</span> «La fig. 6 montre une combinaison dans laquelle les styles
+<i>a</i> et <i>a'</i> de deux instruments transmetteurs provoquent
+l'interruption du courant d'une même batterie B, de manière que les
+vibrations déterminées soient entre elles dans le rapport d'une tierce
+majeure, c'est-à-dire dans le rapport de quatre à cinq. Dans ces
+conditions, les courants sont intermittents, et quatre fermetures de
+<i>a</i> se produiront dans le même espace de temps que les cinq fermetures
+de <i>a'</i>, et les intensités électriques correspondantes seront
+représentées par les dentelures que l'on voit en A<sup>2</sup> et en B<sup>2</sup>; la
+combinaison de ces intensités A<sup>2</sup> + B<sup>2</sup> donnera lieu aux dentelures
+inégalement espacées que l'on distingue sur la troisième ligne. Or
+l'on voit que, bien que le courant conserve une intensité uniforme, il
+est moins de temps interrompu quand les styles interrupteurs
+réagissent ensemble que quand ils réagissent isolément; de sorte que
+pour un grand nombre de fermetures simultanées effectuées par des
+styles animés de différentes vitesses, les effets produits équivalent
+à celui d'un courant continu. Toutefois le nombre maximum des effets
+distincts qui pourront être obtenus de cette manière dépendra beaucoup
+du rapport existant entre les durées des fermetures et des
+interruptions du courant. Plus les fermetures seront courtes et les
+interruptions longues, plus les effets transmis sans confusion seront
+nombreux et vice versâ.</p>
+
+<p>«Avec les courants d'impulsion, la transmission des sons musicaux
+s'effectue comme l'indique la figure 7, et l'on voit que quand ils
+sont produits simultanément, l'effet résultant A<sup>2</sup> + B<sup>2</sup> est analogue
+à celui <span class="pagenum"><a id="page039" name="page039"></a>(p. 039)</span> qui serait produit par un courant continu
+d'intensité minima.</p>
+
+<a id="img008" name="img008"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img008.jpg" width="500" height="376" alt="" title="">
+<p>Fig. 8.</p>
+</div>
+
+<p>«Avec les courants ondulatoires, les choses se passent autrement, mais
+pour les produire il est nécessaire d'avoir recours aux effets
+d'induction, et la fig. 8 indique la manière dont l'expérience doit
+être faite. Dans ce cas, les courants réagissant sur le récepteur
+musical R résultent de renforcements et d'affaiblissements produits
+par l'action d'armatures, M, M' vibrant devant des électro-aimants
+<i>e</i>, <i>e'</i>, placés dans le circuit de la batterie B, et comme ces
+renforcements et affaiblissements successifs sont en rapport avec les
+positions respectives des armatures par rapport aux pôles magnétiques,
+les courants qui en résultent peuvent avoir leur <span class="pagenum"><a id="page040" name="page040"></a>(p. 040)</span> intensité
+représentée par des lignes ondulées comme on le voit en A<sup>2</sup> et en B<sup>2</sup>;
+or ces ondulations, pour la tierce dont il a été question
+précédemment, seront telles qu'il s'en produira quatre en A<sup>2</sup>, dans le
+même temps qu'il s'en produira cinq en B<sup>2</sup>, et il résultera de la
+combinaison de ces deux effets une résultante qui pourra être
+représentée par la courbe A<sup>2</sup> + B<sup>2</sup>, laquelle représente la somme
+algébrique des courbes A<sup>2</sup> et B<sup>2</sup>. Un effet analogue est produit quand
+on emploie des courants ondulatoires alternativement renversés comme
+on le voit fig. 9, et pour les obtenir, il suffit d'opposer aux
+armatures de fer M, M' employées dans la précédente expérience, des
+aimants permanents et de supprimer la batterie voltaïque B.</p>
+
+<p>«Pour peu qu'on étudie les fig. 8 et 9, continue M. G. Bell, on
+reconnaît aisément que la transmission simultanée, par un même fil, de
+sons de différente force et de différente nature ne peut, dans le cas
+qui nous occupe en ce moment, altérer le caractère des vibrations qui
+les ont provoquées, comme cela a lieu avec les courants intermittents
+ou avec les courants d'impulsion; elle ne fait que changer la forme
+des ondulations, et ce changement se produit de la même manière que
+dans le milieu aériforme qui transmet à l'oreille la combinaison des
+sons émis. On peut donc de cette manière transmettre à travers un fil
+télégraphique le même nombre de sons qu'à travers l'air.»</p>
+
+<a id="img009" name="img009"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img009.jpg" width="500" height="382" alt="" title="">
+<p>Fig. 9.</p>
+</div>
+
+<p>Après avoir appliqué les principes précédents à la construction d'un
+système télégraphique à transmissions <span class="pagenum"><a id="page041" name="page041"></a>(p. 041)</span> multiples<a id="footnotetag8" name="footnotetag8"></a><a href="#footnote8" title="Lien vers la note 8"><span class="smaller">[8]</span></a>, M. G.
+Bell ne tarda pas à en tirer parti dans de nouvelles recherches qu'il
+fit alors pour perfectionner l'éducation vocale des sourds et muets.
+«Il est bien connu, dit M. Bell, que les sourds et muets ne sont muets
+que parce qu'ils sont sourds et qu'il n'y a dans leur système vocal
+aucun défaut qui puisse les empêcher de parler. Par conséquent, si
+l'on parvenait à rendre visible la parole et à déterminer les
+fonctions du mécanisme vocal nécessaires pour produire tel ou tel son
+articulé représenté, il deviendrait possible d'enseigner aux sourds et
+muets la manière de se servir de leur voix pour parler. Le succès que
+j'obtins de ce système <span class="pagenum"><a id="page042" name="page042"></a>(p. 042)</span> dans les expériences que je fis à
+l'école de Boston m'engagea à étudier d'une manière toute particulière
+les relations qui pouvaient exister entre les sons produits et leur
+représentation graphique, et j'employai, à cet effet, la capsule
+manométrique de M. K&oelig;nig et le phonautographe de M. Léon Scott
+auquel M. Maurey de Boston avait appliqué un enregistreur assez
+sensible pour être mis en action par la voix. Cet enregistreur
+consistait d'ailleurs dans un style de bois de un pied de longueur
+environ, qui était fixé directement sur la membrane vibrante du
+phonautographe et qui pouvait fournir sur une surface plane de verre
+noirci, des traces assez amplifiées pour être d'une distinction
+facile. Quelques-unes de ces traces sont représentées <span class="pagenum"><a id="page043" name="page043"></a>(p. 043)</span> fig.
+10. Je fus très-frappé des résultats produits par cet instrument, et
+il me sembla qu'il y avait une grande analogie entre lui et l'oreille
+humaine. Je cherchai alors à construire un phonautographe modelé
+davantage sur le mécanisme de l'oreille, et j'eus pour cela recours à
+un célèbre médecin spécialiste de Boston, <span class="pagenum"><a id="page044" name="page044"></a>(p. 044)</span> M. le docteur
+Clarence J. Blake. Il me proposa de me servir de l'oreille humaine
+elle-même comme de phonautographe plutôt que de chercher à l'imiter,
+et d'après cette idée, il construisit l'appareil représenté fig. 11,
+auquel fut adapté un style traçant. En enduisant la membrane du tympan
+et le pavillon circulaire avec un mélange de glycérine et d'eau, on
+communiqua à ces organes une souplesse suffisante pour que, en
+chantant dans la partie extérieure de cette sorte de membrane
+artificielle, le style fût mis en vibration, et l'on obtint ainsi des
+traces sur une plaque de verre noircie, disposée au-dessous de ce
+style et soumise à un mouvement d'entraînement rapide. La
+disproportion considérable de masse et de grandeur qui, dans cet
+appareil, existait entre la membrane et les osselets mis en vibration
+par elle, attira particulièrement mon attention et me fit penser à
+substituer à la disposition compliquée que j'avais employée pour mon
+téléphone à transmission de sons multiples, une simple membrane à
+laquelle était fixée une armature de fer. Cet appareil fut alors
+disposé comme l'indique la fig. 12, et je croyais obtenir par lui les
+courants ondulatoires qui m'étaient nécessaires<a id="footnotetag9" name="footnotetag9"></a><a href="#footnote9" title="Lien vers la note 9"><span class="smaller">[9]</span></a>. <span class="pagenum"><a id="page045" name="page045"></a>(p. 045)</span> En
+effet, en articulant à la branche sans bobine d'un électro-aimant
+boiteux une armature de fer doux A, reliée par une tige à une membrane
+en or battu <i>n</i>, je devais obtenir, par suite des vibrations de
+celles-ci, une série de courants induits ondulatoires qui, réagissant
+sur l'électro-aimant d'un appareil semblable placé à distance,
+devaient faire reproduire à l'armature de celui-ci les mouvements de
+la première armature, et par conséquent faire vibrer la membrane
+correspondante, exactement comme celle ayant provoqué les courants.
+Toutefois les résultats que j'obtins de cet arrangement ne furent pas
+satisfaisants, et il me fallut encore entreprendre bien des essais qui
+m'amenèrent à réduire autant que possible les dimensions et le poids
+des armatures et même à les constituer avec des ressorts de pendule de
+la grandeur de l'ongle de mon pouce. Dans ces conditions, au lieu
+d'articuler ces armatures, je les attachai au centre des membranes, et
+mon appareil fut alors disposé comme l'indique la fig. 13<a id="footnotetag10" name="footnotetag10"></a><a href="#footnote10" title="Lien vers la note 10"><span class="smaller">[10]</span></a>. Nous
+pûmes alors, mon ami M. Thomas Watson et moi, obtenir des
+transmissions téléphoniques qui nous montrèrent que nous <span class="pagenum"><a id="page046" name="page046"></a>(p. 046)</span>
+étions dans la bonne voie. Je me souviens d'une expérience faite alors
+avec ce téléphone qui me remplit de joie. Un des deux appareils était
+placé à Boston dans une des salles de conférences de l'université,
+l'autre dans le soubassement d'un bâtiment adjacent. Un de mes élèves
+observait ce dernier appareil, et je tenais l'autre. Après que j'eus
+prononcé ces mots: «<i>Comprenez-vous ce que je dis?</i>», quelle a été ma
+joie quand je pus entendre moi-même cette réponse à travers
+l'instrument: «Oui, je vous comprends parfaitement.» Certainement
+l'articulation de la parole n'était pas alors parfaite, et il fallait
+l'extrême attention que je prêtais, pour distinguer les mots de cette
+réponse; cependant l'articulation de ces mots existait, et je pouvais
+croire que leur manque de clarté devait être rapporté uniquement à
+l'imperfection de l'instrument. Sans entrer dans le détail de tous les
+essais que je dus entreprendre pour améliorer la construction de cet
+appareil, <span class="pagenum"><a id="page047" name="page047"></a>(p. 047)</span> je dirai qu'au bout de quelque temps je fus
+conduit à employer comme téléphone de réception l'appareil représenté
+fig. 14, et c'est ce modèle joint à celui de la fig. 13, combiné comme
+transmetteur, qui fut admis à l'exposition de Philadelphie.</p>
+
+<a id="img010" name="img010"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img010.jpg" width="400" height="334" alt="" title="">
+<p>Fig. 10.</p>
+</div>
+
+<a id="img011" name="img011"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img011.jpg" width="400" height="488" alt="" title="">
+<p>Fig. 11.</p>
+</div>
+
+<a id="img012" name="img012"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img012.jpg" width="300" height="125" alt="" title="">
+<p>Fig. 12.</p>
+</div>
+
+<a id="img013" name="img013"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img013.jpg" width="400" height="243" alt="" title="">
+<p>Fig. 13.</p>
+</div>
+
+<a id="img014" name="img014"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img014.jpg" width="400" height="252" alt="" title="">
+<p>Fig. 14.</p>
+</div>
+
+<p>«Dans ce nouveau modèle de récepteur, la membrane était remplacée par
+une lame vibrante de fer L fixée sur l'enveloppe cylindrique d'un
+électro-aimant tubulaire C, et le système était monté sur un pont P
+qui servait de caisse sonore. Les articulations produites par cet
+appareil étaient bien distinctes; mais son grand défaut était qu'il ne
+pouvait servir d'appareil transmetteur; il était donc nécessaire
+d'avoir deux appareils à chaque station, l'un pour la transmission,
+l'autre pour la réception.</p>
+
+<p>«Je cherchai alors à changer la disposition du téléphone transmetteur
+en variant les conditions de ses éléments constituants, tels que les
+dimensions et la tension de la membrane, le diamètre et l'épaisseur de
+<span class="pagenum"><a id="page048" name="page048"></a>(p. 048)</span> l'armature, la grandeur et la puissance de l'aimant et même
+les hélices de fil enroulé sur ce dernier; j'ai pu en reconnaître
+empiriquement les meilleures conditions d'organisation et combiner la
+meilleure forme à donner à l'appareil. Ainsi j'avais reconnu, par
+exemple, qu'en diminuant la longueur de la bobine du fil de l'hélice
+magnétisante et la surface de la lame de fer attachée à la membrane,
+j'augmentais non-seulement l'intensité des sons, mais encore leur
+netteté d'articulation; ce qui me fit naturellement abandonner la
+membrane en or battu pour n'employer qu'une simple plaque de fer, et
+comme il m'était démontré depuis longtemps que l'intervention du
+courant traversant la bobine de l'électro-aimant n'était utile que
+pour magnétiser celui-ci, je me décidai à supprimer la pile et à
+employer pour noyau magnétique un aimant permanent. Toutefois, comme à
+l'époque où ces instruments devaient être exposés pour la première
+fois en public, les résultats obtenus avec ce dernier système étaient
+moins satisfaisants qu'avec celui qui mettait à contribution la
+batterie voltaïque, je ne voulus exposer que cette dernière
+disposition d'instrument, ce qui donna l'occasion à certaines
+personnes et, entre autres au professeur Dolbear du collége de Tufts,
+de réclamer la priorité pour l'introduction des aimants permanents
+dans le téléphone; mais j'en avais eu l'idée dès le commencement de
+mes recherches et alors que je m'occupais des transmissions
+simultanées des sons musicaux.</p>
+
+<a id="img015" name="img015"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img015.jpg" width="400" height="239" alt="" title="">
+<p>Fig. 15.</p>
+</div>
+
+<a id="img016" name="img016"></a>
+<div class="floatright">
+<img src="images/img016.jpg" width="300" height="186" alt="" title="">
+<p>Fig. 16.</p>
+</div>
+
+<p>«La fig. 15 représente le premier perfectionnement que j'ai apporté à
+l'appareil exposé à Philadelphie, et la <span class="pagenum"><a id="page049" name="page049"></a>(p. 049)</span> fig. 16 en
+représente un autre qui a fourni des effets très-puissants. Dans ce
+dernier, l'aimant était en fer à cheval et disposé à la manière de
+celui que M. Hughes a employé pour son télégraphe imprimeur. Avec cet
+appareil, les sons pouvaient être entendus (faiblement il est vrai)
+par une nombreuse assemblée; il fut exposé le 12 février 1877 à
+l'institut d'Essex, à Salem (Massachusetts), et y reproduisit devant
+un auditoire de 600 personnes un discours prononcé à Boston dans un
+appareil semblable. Les intonations de la voix de celui qui parlait
+ont pu être distinguées par l'auditoire. Toutefois l'articulation
+n'était distincte qu'à une distance de 6 pieds de l'instrument. Il fut
+fait à cette occasion un rapport qu'on transmit par l'appareil à
+<span class="pagenum"><a id="page050" name="page050"></a>(p. 050)</span> Boston, et qui fut reproduit le lendemain dans les journaux
+de cette ville.</p>
+
+<p>«Entre la forme de la fig. 13 et celle de l'appareil actuel,
+représenté fig. 17, il n'y a qu'une différence bien légère, et cette
+dernière forme n'a été combinée que pour rendre l'appareil plus
+portatif et d'un usage plus commode. Sous ce rapport, je dois exprimer
+ma reconnaissance à plusieurs de mes amis, entre autres à MM. les
+professeurs Peirce et Blake, le docteur Channing, M. Clarke et M.
+Jones, pour l'aide qu'ils m'ont prêté. Ainsi M. Peirce a été le
+premier à démontrer la possibilité de l'emploi dans les téléphones
+d'aimants de très-petites dimensions. C'est lui également qui a donné
+à l'embouchure recouvrant la plaque vibrante la forme que j'ai adoptée
+pour le modèle définitif qui est représenté fig. 17.</p>
+
+<a id="img017" name="img017"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img017.jpg" width="400" height="228" alt="" title="">
+<p>Fig. 17.</p>
+</div>
+
+<p>Outre le modèle représenté fig. 13, il se trouvait encore à
+l'exposition de Philadelphie un autre système de transmetteur
+téléphonique qui est reproduit fig. 18 et qui était fondé sur l'action
+directe <span class="pagenum"><a id="page051" name="page051"></a>(p. 051)</span> des courants voltaïques. Un fil de platine <i>p</i> fixé
+à une membrane tendue LL complétait par son immersion dans de l'eau V
+le circuit réunissant les deux appareils en correspondance. En parlant
+en E devant la membrane tendue, les vibrations communiquées à la
+pointe de platine modifiaient la résistance du circuit dans des
+conditions telles, que le courant réagissait sur le récepteur par
+impulsions ondulatoires tout à fait semblables à celles résultant des
+courants induits. Les sons produits devenaient plus forts quand le
+liquide était légèrement acidulé ou salé, et l'on obtenait encore de
+bons résultats au moyen d'une pointe de plombagine immergée dans du
+mercure, de l'eau <span class="pagenum"><a id="page052" name="page052"></a>(p. 052)</span> acidulée ou salée, ou dans une solution de
+bichromate de potasse.</p>
+
+<a id="img018" name="img018"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img018.jpg" width="400" height="404" alt="" title="">
+<p>Fig. 18.</p>
+</div>
+
+<p>«Bien que mes recherches eussent pour but final le perfectionnement de
+la télégraphie, je pus constater dans le cours de mes expériences
+quelques effets intéressants que je crois devoir rapporter ici. Ainsi
+j'observai qu'un son musical était produit par le seul fait du passage
+d'un courant à travers un morceau de plombagine ou de charbon de
+cornue. Des effets extrêmement curieux résultaient aussi du passage de
+courants intermittents alternativement renversés à travers le corps
+humain. Ainsi un rhéotome étant placé dans le circuit primaire d'un
+appareil d'induction et les deux bouts du fil du circuit secondaire
+étant réunis à deux électrodes de cuivre dont une était placée près de
+l'oreille, on percevait des sons très-distincts aussitôt que l'on
+touchait de la main l'autre électrode. En touchant des deux mains les
+deux électrodes et plaçant les doigts contre l'oreille, des
+craquements se faisaient entendre et semblaient venir des doigts,
+comme s'ils étaient la répercussion du tremblement musculaire
+résultant du passage des courants induits. Ces bruits pourtant
+n'existaient que pour la personne sur laquelle l'expérience était
+faite. Quand deux personnes se tenant par la main étaient interposées
+dans le circuit au lieu d'une seule, un son se produisait au contact
+des mains réunies, mais il fallait pour cela que les mains ne fussent
+pas humides. Ce phénomène se reproduisait, du reste, quand le contact
+de ces deux personnes était effectué sur une partie quelconque de leur
+corps. Au contact des bras, le bruit était assez <span class="pagenum"><a id="page053" name="page053"></a>(p. 053)</span> intense
+pour être entendu à plusieurs pieds de distance, et il était alors
+presque toujours accompagné d'une légère secousse. L'introduction
+d'une feuille de papier entre les deux parties en contact
+n'interrompait pas la production du son, mais elle supprimait l'effet
+désagréable de la secousse. Quand on faisait passer le courant
+intermittent de la bobine de Ruhmkorff à travers le bras d'une
+personne, on pouvait, en y appliquant l'oreille, entendre un son qui
+semblait provenir des muscles de l'avant-bras et du biceps.</p>
+
+<p>«Du reste, des sons musicaux très-nets se font entendre quand on fait
+fonctionner l'interrupteur du circuit primaire de l'appareil de
+Ruhmkorff, et s'il y a deux interrupteurs, on obtient deux sons
+différents, ce qui montre que ces sons proviennent de l'étincelle.</p>
+
+<p>«Voici encore une expérience très-intéressante, faite par le
+professeur Blake avec un téléphone dont le barreau aimanté était
+remplacé par une tige de fer doux de six pieds de longueur. Ce
+téléphone étant réuni électriquement à un téléphone ordinaire du
+modèle de la fig. 17, reproduisait très-bien les sons émis dans ce
+dernier; mais leur intensité variait suivant la direction que l'on
+donnait à la tige de fer, et le maximum correspondait à la position de
+la tige dans le méridien magnétique.</p>
+
+<p>«Quand on interpose un téléphone dans un circuit télégraphique, on
+entend des bruits d'un caractère très-particulier dont l'origine me
+paraît encore assez complexe et souvent obscure. Il en est pourtant
+qui doivent provenir de l'induction exercée par les fils voisins
+<span class="pagenum"><a id="page054" name="page054"></a>(p. 054)</span> et des dérivations de courant qui se produisent toujours à
+travers les supports des fils, car les signaux télégraphiques échangés
+à travers ces fils voisins sont parfaitement perçus dans le téléphone.
+Certains bruits résultent aussi des courants terrestres, des
+vibrations du fil sous l'influence des courants d'air et même des
+frictions produites par des joints défectueux. La sensibilité du
+téléphone est, du reste, telle que les bruits résultant des
+transmissions télégraphiques voisines peuvent être perçus quand on
+substitue au fil télégraphique du téléphone un rail de chemin de fer,
+et alors même que les fils télégraphiques les plus voisins de ce rail
+sont éloignés de quarante pieds. D'un autre côté, M. Peirce a reconnu
+que des sons peuvent être produits dans un téléphone, quand le fil
+télégraphique auquel cet appareil est réuni est impressionné par une
+aurore boréale. Quelquefois aussi, des airs chantés ou joués sur un
+instrument de musique se sont trouvés transmis par le téléphone sans
+qu'on ait pu savoir leur provenance; mais ce qui montre le plus la
+merveilleuse sensibilité de cet appareil, c'est la possibilité qu'il
+donne de reproduire la parole à travers des corps que l'on pourrait
+croire à peu près non conducteurs. Ainsi la communication à la terre
+d'un circuit téléphonique peut être faite par l'intermédiaire du corps
+humain malgré l'interposition des bas et des chaussures; et elle peut
+même être effectuée si, au lieu d'être sur le sol, on est placé sur un
+mur en briques. Il n'y a que la pierre de taille et le bois qui
+constituent un obstacle assez grand pour couper la communication; mais
+il suffit que le pied touche le terrain avoisinant, soit <span class="pagenum"><a id="page055" name="page055"></a>(p. 055)</span>
+même une touffe de gazon, pour qu'aussitôt les effets électriques
+manifestent leur présence.</p>
+
+<p>«D'après ces résultats, une question toute naturelle pouvait se poser
+à l'esprit: quelle est la longueur maxima de circuit à laquelle les
+transmissions téléphoniques peuvent atteindre?... Mais il est
+difficile d'y répondre en raison des conditions différentes dans
+lesquelles peut être placée l'expérience. Dans les essais de
+laboratoire on est parvenu à échanger sans difficulté des
+correspondances sur des circuits de 60,000 ohms de résistance, soit
+6000 kilomètres de fil télégraphique, et je suis parvenu à transmettre
+sur un circuit dans lequel étaient interposées 16 personnes se tenant
+par la main, lequel circuit avait une résistance d'environ 6400
+kilomètres. Toutefois la plus grande longueur de circuit télégraphique
+sur laquelle j'ai pu obtenir une transmission nette de la parole, n'a
+pas dépassé 250 milles. Dans cette expérience, aucune difficulté ne
+survint, tant que les lignes télégraphiques voisines n'étaient pas en
+activité; mais aussitôt que les correspondances s'échangèrent à
+travers ces lignes, les sons vocaux, quoique encore perceptibles,
+étaient bien diminués d'intensité, et l'on aurait cru entendre une
+conversation échangée au milieu d'un orage. On a pu également
+transmettre la parole à travers les câbles sous-marins, et M. Preece
+m'informe que des résultats satisfaisants ont été obtenus à travers un
+câble de 60 milles de longueur, immergé entre Dartmouth et l'île de
+Guernesey, et cela avec des téléphones à main du modèle ordinaire.»</p>
+
+<p class="p2"><span class="pagenum"><a id="page056" name="page056"></a>(p. 056)</span> <b>Part de M. Elisha Gray dans l'invention du téléphone.</b>&mdash;Nous
+avons vu (p. <a href="#page008">8</a>) que si M. Bell a été le premier à construire et à
+rendre pratique le téléphone parlant, M. Elisha Gray avait le premier
+conçu le principe de cet instrument et l'avait combiné en électricien
+consommé. Un travail très-curieux qu'il vient de publier sur ses
+diverses inventions en téléphonie montre que dès l'année 1874 (en
+juin), il avait combiné un récepteur à lame vibrante dont on peut se
+faire une idée en supposant un électro-aimant soutenu verticalement
+devant le fond d'un plat métallique évasé, dont la partie plate,
+c'est-à-dire le fond, serait très-mince et éloignée de quelques
+dixièmes de millimètre seulement des pôles de l'électro-aimant.</p>
+
+<p>Le transmetteur correspondant à ce récepteur n'était, il est vrai,
+qu'une sorte de tuyau d'orgue dont l'anche agissait comme interrupteur
+de courant, et par conséquent il ne pouvait transmettre que des sons
+musicaux. Mais en 1875, M. Gray pensa à disposer un transmetteur pour
+les sons articulés, et le 15 février 1876, il déposa, comme nous
+l'avons vu, à l'office des patentes américaines un <i>caveat</i> dans
+lequel était exposé un système complet de téléphone parlant. Ce
+système ne fut pas, il est vrai, exécuté immédiatement, car M. Gray
+croyait qu'un téléphone de ce genre n'avait qu'un intérêt secondaire
+au point de vue commercial et télégraphique, et il attachait plus
+d'importance à son système de téléphone musical appliqué aux
+transmissions multiples; mais sa description était complète comme on
+peut en juger par la fig. 19 qui représente l'ensemble du système.</p>
+
+<a id="img019" name="img019"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img019.jpg" width="500" height="398" alt="" title="">
+<p>Fig. 19.</p>
+</div>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page057" name="page057"></a>(p. 057)</span> Dans ce système, le transmetteur était tout à fait semblable
+à celui à liquide dont M. Bell parle dans son mémoire et que nous
+avons décrit p. <a href="#page051">51</a><a id="footnotetag11" name="footnotetag11"></a><a href="#footnote11" title="Lien vers la note 11"><span class="smaller">[11]</span></a>, et le récepteur ressemblait beaucoup à celui
+que nous avons représenté fig. 13. Pourtant, en principe, le système
+de M. Gray différait entièrement de celui adopté définitivement par M.
+G. Bell. Dans le premier, en effet, les variations d'intensité du
+courant nécessaires pour la production des mots articulés, étaient la
+conséquence de variations dans la résistance du circuit, et ces
+variations étaient obtenues par l'intermédiaire d'un liquide au sein
+duquel se mouvait, sous l'influence <span class="pagenum"><a id="page058" name="page058"></a>(p. 058)</span> des vibrations d'une
+membrane tendue adaptée à un porte-voix, une pointe de platine mise en
+rapport avec une pile. Du rapprochement plus ou moins grand de cette
+pointe d'une électrode mise en rapport avec l'appareil récepteur,
+résultaient des différences de conductibilité du liquide
+proportionnelles aux amplitudes et aux inflexions des vibrations de la
+membrane, et ces différences d'intensité étaient traduites sur le
+récepteur par des magnétisations plus ou moins grandes d'un
+électro-aimant actionnant un disque de fer doux, fixé au centre d'une
+membrane tendue sur une sorte de résonnateur ou de cornet acoustique.
+Ce système appartenait donc à la catégorie des téléphones à pile que
+M. Edison, comme nous allons le voir à l'instant, a rendus si
+importants par la substitution au liquide d'un conducteur secondaire
+en charbon, et qui devaient plus tard donner naissance au
+<i>microphone</i>.</p>
+
+<p>Le système Bell, comme on l'a vu, bien que mettant dans l'origine à
+contribution une pile, ne déterminait les affaiblissements et les
+renforcements électriques nécessaires à l'articulation des mots, qu'au
+moyen de courants d'induction provoqués par les mouvements d'une
+armature de fer doux, courants dont l'intensité était, par conséquent,
+fonction de l'amplitude et des inflexions de ces mouvements. La pile
+n'intervenait que pour communiquer à l'inducteur une forte
+aimantation. Or cet emploi des courants induits dans les transmissions
+téléphoniques était déjà d'une grande importance, car les diverses
+expériences faites depuis ont montré leur supériorité sur les courants
+voltaïques <span class="pagenum"><a id="page059" name="page059"></a>(p. 059)</span> dans cette application. Mais l'expérience lui
+montra bientôt que non-seulement il n'était pas besoin pour faire agir
+cet instrument d'un appareil d'induction puissant animé par une pile,
+mais qu'un aimant permanent très-faible et très-petit pouvait à lui
+seul fournir des courants suffisants. Cette découverte à laquelle
+avait contribué M. Peirce, ainsi qu'on l'a vu, était d'une extrême
+importance, car elle permettait de réduire considérablement les
+dimensions de l'appareil, elle le rendait portatif et susceptible de
+se prêter à la transmission et à la réception, et elle montrait que le
+téléphone était le plus sensible de tous les appareils révélateurs de
+l'action des courants. Si donc M. Bell n'a pas employé le premier les
+moyens efficaces pour transmettre les mots articulés, on peut dire
+qu'il a cherché comme M. Gray à résoudre le problème par des <i>courants
+ondulatoires</i>, et qu'il a obtenu ces courants au moyen des effets
+d'induction, système qui, étant perfectionné, devait conduire aux
+résultats importants que tout le monde connaît. N'y eût-il que la
+connaissance qu'il a donnée au monde étonné d'un instrument capable de
+reproduire télégraphiquement la parole, qu'une grande gloire lui
+serait acquise, car ce problème avait été regardé jusque-là comme
+insoluble.</p>
+
+<p>En résumé, les prétentions de M. Gray à l'invention du téléphone ont
+été résumées par lui de la manière suivante, dans un travail
+très-intéressant intitulé: <i>Experimental researches on
+electro-harmonic telegraphy and telephony.</i></p>
+
+<p>1<sup>o</sup> J'ai trouvé le premier les moyens pratiques de <span class="pagenum"><a id="page060" name="page060"></a>(p. 060)</span>
+transmettre à travers un circuit fermé les sons composés et
+d'inflexions variables par la superposition de deux ou de plusieurs
+ondes électriques.</p>
+
+<p>2<sup>o</sup> Je prétends avoir découvert et utilisé le premier le moyen de
+reproduire les vibrations par l'emploi d'un aimant récepteur
+constamment animé par une action électrique.</p>
+
+<p>3<sup>o</sup> Je prétends encore être le premier à avoir construit un instrument
+ayant un aimant avec un diaphragme circulaire en matière magnétique,
+soutenu par ses bords à une petite distance en face des pôles de
+l'aimant, et susceptible d'être appliqué à la transmission et à la
+réception des sons articulés.</p>
+
+<p>4<sup>o</sup> Je soutiens avoir décrit le premier le téléphone à sons articulés,
+et cela d'une manière assez exacte et assez complète pour qu'un
+téléphone exécuté d'après cette description ait pu transmettre et
+reproduire fidèlement la parole.<a href="#toc"><span class="small">[Table des Matières]</span></a></p>
+
+<h2>EXAMEN DES PRINCIPES FONDAMENTAUX SUR LESQUELS REPOSE LE TÉLÉPHONE DE
+BELL.</h2>
+
+
+<p>Bien que l'historique qui précède soit suffisant pour faire comprendre
+aux personnes initiées dans la science électrique le principe du
+téléphone de Bell, il pourrait bien ne pas en être de même pour la
+plupart des personnes auxquelles notre livre s'adresse, et nous
+croyons en conséquence devoir entrer dans quelques détails physiques
+sur l'origine des courants électriques qui sont en jeu dans les
+transmissions téléphoniques. <span class="pagenum"><a id="page061" name="page061"></a>(p. 061)</span> Ces détails nous paraissent
+d'autant plus nécessaires qu'il est beaucoup de personnes qui croient
+encore que les téléphones de Bell ne sont pas électriques, parce
+qu'ils ne mettent pas une pile à contribution, et le plus souvent
+elles les confondent avec les téléphones à ficelle, s'étonnant de la
+différence de prix qui existe entre les appareils que l'on vend dans
+les rues et ceux que l'on vend chez les constructeurs.</p>
+
+<p>Sans définir ici ce que c'est qu'un courant électrique, ce qui serait
+par trop élémentaire, nous pourrons dire que les courants électriques
+peuvent provenir de beaucoup d'effets divers, et qu'en dehors de ceux
+qui résultent des piles, il en est d'aussi énergiques qui peuvent
+provenir d'une action exercée par des aimants sur un circuit
+conducteur convenablement combiné. Ces courants sont alors appelés
+<i>courants d'induction</i>, et ce sont eux qui sont en jeu dans les
+téléphones de Bell. Pour qu'on puisse comprendre comment ils se
+développent dans ces conditions, il sera nécessaire que nous
+examinions d'abord ce qui arrive quand, devant un circuit fermé, on
+avance ou l'on retire le pôle d'un aimant, et pour cela nous
+supposerons qu'un fil de cuivre sur lequel est interposé un
+galvanomètre est enroulé en cercle, et qu'on dirige vers le centre de
+ce cercle l'un des pôles d'un aimant permanent. Or voici ce que l'on
+observera:</p>
+
+<p>1<sup>o</sup> Au moment où l'on approchera l'aimant, un courant électrique
+prendra naissance et fera dévier le galvanomètre d'un certain côté.
+Cette déviation sera d'autant plus grande que le mouvement accompli
+sera plus étendu, et la tension de ce courant sera d'autant <span class="pagenum"><a id="page062" name="page062"></a>(p. 062)</span>
+plus grande que le mouvement sera plus brusquement effectué. Ce
+courant toutefois ne sera jamais qu'instantané.</p>
+
+<p>2<sup>o</sup> Au moment où l'on éloignera l'aimant, un nouveau courant du même
+genre prendra naissance, mais il se manifestera en sens inverse du
+premier. Il sera ce que l'on appelle un <i>courant direct</i>, parce qu'il
+est de même sens que le courant magnétique de l'aimant qui lui donne
+naissance, tandis que l'autre courant sera dit <i>inverse</i>.</p>
+
+<p>3<sup>o</sup> Si au lieu d'avancer ou de retirer l'aimant par l'effet d'un seul
+mouvement, on le fait avancer par saccades, on reconnaît qu'il se
+détermine une succession de courants dans le même sens dont la
+présence peut être constatée sur le galvanomètre quand les mouvements
+sont suffisamment espacés, mais qui se confondent en se superposant
+quand ces espacements sont très-faibles, et comme des effets inverses
+résultent des mouvements de l'aimant effectués dans un sens contraire,
+il arrive que l'aiguille du galvanomètre suit les mouvements de
+l'aimant et les stéréotype en quelque sorte.</p>
+
+<p>4<sup>o</sup> Naturellement si, au lieu de réagir sur un simple circuit fermé,
+l'aimant exerce son action sur un nombre considérable de
+circonvolutions de ce circuit, c'est-à-dire sur une bobine de fil
+enroulé, les effets seront considérablement augmentés, et ils le
+seront encore plus si, à l'intérieur de cette bobine, se trouve un
+noyau magnétique, car l'action inductive s'effectuera alors de plus
+près et sur toutes les parties de la bobine. Comme le noyau magnétique
+en s'aimantant <span class="pagenum"><a id="page063" name="page063"></a>(p. 063)</span> ou en se désaimantant plus ou moins sous
+l'influence du rapprochement ou de l'éloignement de l'aimant inducteur
+subit le contre-coup de tous les accidents qui peuvent se manifester
+pendant le mouvement de cet aimant, les courants induits qui en
+résultent les accusent parfaitement.</p>
+
+<p>5<sup>o</sup> Au lieu d'admettre que l'aimant inducteur est mobile, on peut le
+supposer fixe au centre de la bobine, et l'on peut dès lors déterminer
+les courants induits dont nous avons parlé en modifiant son énergie.
+Il suffit pour cela de réagir sur ses pôles au moyen d'une armature de
+fer. Quand cette armature est approchée de l'un de ces pôles ou de
+tous les deux en même temps, il acquiert de l'énergie et produit un
+courant inverse, c'est-à-dire un courant dans le sens qui aurait
+correspondu à un rapprochement de l'aimant du circuit fermé. Quand
+elle s'éloigne, l'effet inverse se produit; mais dans les deux cas,
+les courants induits sont en rapport avec l'étendue et le sens des
+mouvements accomplis par l'armature, et par conséquent, ils peuvent
+reproduire par leurs effets les mouvements de cette armature. Or si
+cette armature est une lame de fer et que cette lame vibre sous
+l'influence d'un son quelconque devant un système électro-magnétique
+disposé comme il vient d'être dit plus haut, les allées et venues de
+cette lame se traduiront par des courants induits, plus ou moins
+forts, plus ou moins accidentés, suivant l'amplitude et la complexité
+des vibrations, mais qui seront <i>ondulatoires</i>, puisqu'ils résulteront
+toujours de mouvements successifs et continus et seront, par
+conséquent, dans les conditions voulues pour <span class="pagenum"><a id="page064" name="page064"></a>(p. 064)</span> transmettre la
+parole ainsi qu'on l'a vu précédemment.</p>
+
+<p>Quant à l'action déterminée sur le récepteur, c'est-à-dire sur
+l'appareil qui reproduit la parole, elle est assez complexe, et nous
+aurons occasion de la discuter plus tard; mais, au premier abord, on
+peut la concevoir si l'on considère que les effets produits par ces
+courants induits d'intensité variable qui traversent la bobine du
+système électro-magnétique, doivent déterminer par les magnétisations
+et démagnétisations qui en résultent, des vibrations plus ou moins
+amplifiées, plus ou moins accidentées de la lame armature, lesquelles
+représentent exactement celles de la lame devant laquelle on a parlé,
+mais qui n'en peuvent être qu'une réduction. Toutefois les effets sont
+par le fait plus compliqués, quoique se produisant dans des conditions
+analogues, et ce sont eux que nous discuterons plus tard quand nous en
+serons aux expériences faites avec le téléphone. Nous ferons observer
+néanmoins, dès maintenant, que pour ces reproductions de la parole, il
+n'est pas nécessaire que le noyau magnétique soit en fer doux, car les
+effets vibratoires peuvent résulter aussi bien d'aimantations
+différentielles que d'aimantations directes.<a href="#toc"><span class="small">[Table des Matières]</span></a></p>
+
+<h2>DISPOSITION ORDINAIRE DES TÉLÉPHONES BELL.</h2>
+
+<p>La disposition la plus généralement employée pour les téléphones est
+celle que nous avons représentée fig. 20. C'est une sorte de petite
+boîte circulaire en bois adaptée à l'extrémité d'un manche M,
+également de <span class="pagenum"><a id="page065" name="page065"></a>(p. 065)</span> bois, qui renferme dans son intérieur le
+barreau aimanté NS. Ce barreau est fixé au moyen d'une vis <i>t</i> et est
+disposé de manière à pouvoir être avancé ou reculé quand on serre ou
+l'on desserre la vis, condition nécessaire pour le réglage de
+l'appareil. À l'extrémité libre du barreau est fixée la bobine
+magnétique B qui, d'après MM. Pollard et Garnier, doit, pour fournir
+le maximum d'effet, être construite avec du fil n<sup>o</sup>. 42 et présenter
+un grand nombre de spires. Les bouts du fil de cette bobine
+aboutissent le plus généralement à l'extrémité inférieure du manche
+par deux tiges de cuivre <i>f</i>, <i>f</i>, qui traversent celui-ci dans sa
+longueur et viennent se relier à deux boutons d'attache I, I' où l'on
+fixe les fils C, C du circuit. Cependant dans les appareils construits
+par M. Bréguet il n'y a pas de boutons d'attache, et c'est une petite
+torsade de deux fils flexibles recouverts de gutta-percha et de soie
+qui est fixée aux deux tiges; un capuchon en bois se visse alors à
+l'extrémité du manche, et la torsade passe par un trou pratiqué dans
+ce capuchon; de sorte que l'on <span class="pagenum"><a id="page066" name="page066"></a>(p. 066)</span> n'est nullement gêné dans la
+manipulation de l'appareil. Des serre-fils adaptés aux extrémités des
+fils de la torsade, permettent d'ailleurs de les réunir à ceux du
+circuit. La figure 21 représente cet appareil.</p>
+
+<a id="img020" name="img020"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img020.jpg" width="500" height="222" alt="" title="">
+<p>Fig. 20.</p>
+</div>
+
+<p>Dans une autre disposition, les fils de la bobine aboutissent
+directement à des boutons d'attache placés au-dessous de la boîte de
+bois; mais cette disposition est incommode.</p>
+
+<a id="img021" name="img021"></a>
+<div class="floatleft">
+<img src="images/img021.jpg" width="200" height="407" alt="" title="">
+<p>Fig. 21.</p>
+</div>
+
+<p>Au-dessus de l'extrémité polaire du barreau aimanté est placée la lame
+vibrante en fer LL qui est recouverte soit de vernis noir ou jaune,
+soit d'étain, soit d'un oxyde bleu, mais qui doit toujours être
+très-mince. Cette lame a la forme d'un disque, et c'est par les bords
+de ce disque, appuyés sur une bague en caoutchouc, <span class="pagenum"><a id="page067" name="page067"></a>(p. 067)</span> qu'elle
+est fixée fortement sur les bords circulaires de la boîte de bois qui
+est à cet effet composée de deux parties. Ces parties s'ajustent l'une
+sur l'autre soit au moyen de vis, soit au moyen d'un pas de vis,
+ménagé à mi-épaisseur de bois. Cette lame doit être le plus rapprochée
+possible de l'extrémité polaire de l'aimant, mais pas assez pour que
+les vibrations de la voix déterminent le contact de ces deux pièces.
+Enfin l'embouchure RR', fig. 20, par laquelle on parle et qui a la
+forme d'un entonnoir très-évasé, termine la partie supérieure de la
+boîte et doit être disposée de manière à laisser un certain vide entre
+la lame et les bords du trou V qui est ouvert à son centre. La
+capacité intérieure de la boîte doit être calculée de manière à
+pouvoir jouer le rôle de caisse sonore, sans cependant provoquer
+d'échos et d'interférences de sons.</p>
+
+<p>Quand l'appareil est bien exécuté, il peut produire des effets
+très-accentués, et voici ce que m'écrivait à ce sujet M. Pollard, qui
+est un des premiers qui se soient occupés en France de téléphone.</p>
+
+<p>«L'appareil que j'ai confectionné donne des résultats réellement
+étonnants: D'abord, au point de vue de la résistance, 5 ou 6 personnes
+introduites dans le circuit n'affaiblissent pas sensiblement
+l'intensité des sons. Quand on met un appareil sur chaque oreille on a
+absolument la même sensation que si le correspondant parlait derrière
+à quelques mètres. L'intensité, la netteté, la pureté du timbre sont
+irréprochables.</p>
+
+<p>«Je puis parler à mon collègue à voix complétement basse, avec le
+souffle pour ainsi dire, et causer avec lui <span class="pagenum"><a id="page068" name="page068"></a>(p. 068)</span> sans que des
+personnes placées à deux mètres de moi puissent saisir un seul mot de
+notre conversation.</p>
+
+<p>«Au point de vue de la réception, lorsqu'on m'appelle en élevant la
+voix, j'entends cet appel de tous les points de mon bureau, du moins
+quand le silence y règne; dans tous les cas, lorsque je suis assis à
+ma table et que l'instrument est à quelques mètres de moi, je
+m'entends toujours appeler. Pour augmenter l'intensité des sons,
+j'adapte à l'embouchure un cornet en cuivre de forme conique, et dans
+ces conditions, on entend, au bout de la ligne, parler dans mon bureau
+à 2 ou 3 mètres de l'embouchure; de ma place, à 1 mètre environ du
+cornet, je puis entendre et parler sans effort à mon collègue.»</p>
+
+<p>Pour se servir du téléphone ordinaire de Bell, il faut parler
+nettement devant l'embouchure du téléphone qu'on tient à la main,
+pendant que l'auditeur placé à la station correspondante tient contre
+son oreille l'embouchure du téléphone récepteur. Ces deux appareils
+composent un circuit fermé avec les deux fils qui les relient, mais un
+seul suffit pour réaliser complétement la transmission, si l'on a soin
+de mettre en communication les deux appareils avec la terre qui, de
+cette manière, tient lieu du second fil. M. Bourbouze prétend qu'en
+employant ce moyen l'intensité des sons dans le téléphone est
+grandement augmentée; mais nous croyons que cette augmentation dépend
+des conditions du circuit, quoiqu'il prétende qu'on puisse la
+constater sur un circuit ne dépassant pas 70 mètres.</p>
+
+<p>Dans la pratique, il convient d'avoir à sa disposition deux téléphones
+à chaque station, afin d'en avoir un <span class="pagenum"><a id="page069" name="page069"></a>(p. 069)</span> à l'oreille pendant
+qu'on parle dans l'autre, comme on le voit fig. 22. On entend aussi
+beaucoup mieux quand on applique un téléphone contre chaque oreille.
+On tient alors les deux téléphones comme on le voit fig. 23. Afin
+d'éviter la fatigue des bras, on a disposé un modèle qui les tient
+suspendus devant les oreilles au moyen d'une sangle à ressort qui
+entoure la tête.</p>
+
+<a id="img022" name="img022"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img022.jpg" width="300" height="330" alt="" title="">
+<p>Fig. 22.</p>
+</div>
+
+<p>Il y a du reste des différences considérables dans le pouvoir de
+transmission téléphonique des différentes voix. Suivant M. Preece,
+crier ne sert à rien: il faut pour obtenir de bons résultats, que
+l'intonation soit claire, que l'articulation soit distincte, et que
+les sons émis se rapprochent le plus possible des sons musicaux.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page070" name="page070"></a>(p. 070)</span> «J'ai entendu, dit-il, M. Willmot, l'un des électriciens de
+l'administration des postes, sur des circuits à travers lesquels
+aucunes autres voix n'auraient pu se faire entendre. Les sons des
+voyelles viennent toujours le mieux, et parmi les autres lettres, <i>e</i>,
+<i>g</i>, <i>j</i>, <i>k</i>, <i>q</i> sont toujours les plus mal répétées. L'oreille
+aussi demande à être exercée, et les facultés auditives varient d'une
+manière surprenante suivant les personnes. Le chant est toujours
+entendu avec une grande netteté ainsi que les sons des instruments à
+vent et surtout ceux du cornet à piston qui, de Londres, pourraient
+être entendus par des milliers de personnes à la fois à travers le
+large Corn Exchange de Basingstoke.»</p>
+
+<a id="img023" name="img023"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img023.jpg" width="300" height="287" alt="" title="">
+<p>Fig. 23.</p>
+</div>
+
+<p>Suivant M. Rollo Russel, le circuit d'un téléphone n'aurait pas besoin
+d'isolation sur une longueur relativement <span class="pagenum"><a id="page071" name="page071"></a>(p. 071)</span> petite; ainsi avec
+un circuit de 418 mètres on a pu employer un fil de cuivre nu déposé
+sur un gazon sans que les transmissions téléphoniques résultant d'une
+petite boîte à musique fussent annulées, mais à la condition que les
+deux fils ne fussent pas en contact. On a pu même obtenir des
+transmissions quand ce circuit était enterré dans de la terre mouillée
+sur une longueur de 30 mètres, ou immergé dans un puits sur une
+longueur de 40 mètres. La parole transmise dans ces conditions ne
+semblait même pas différente de ce qu'elle était quand le circuit
+était isolé.</p>
+
+<p>Le téléphone peut se faire entendre simultanément à plusieurs
+auditeurs, soit en prenant sur les deux fils réunissant les deux
+téléphones en correspondance (près du téléphone récepteur) des
+dérivations aboutissant à différents téléphones, qui peuvent
+facilement être au nombre de 5 ou 6, sur les courts circuits, soit au
+moyen d'une petite caisse sonore fermée par deux membranes légères
+dont l'une est fixée sur la lame vibrante. En faisant aboutir à cette
+caisse un certain nombre de tubes acoustiques, plusieurs personnes
+pourraient, suivant M. Mc. Kendrick, entendre très-distinctement.</p>
+
+<p>On peut obtenir encore des auditions simultanées du téléphone en les
+interposant dans un même circuit, et les expériences faites à New-York
+ont montré qu'on pouvait ainsi en faire parler cinq échelonnés en
+différents points d'une ligne télégraphique. Dans des essais
+téléphoniques faits sur les lignes des écluses du département de
+l'Yonne, on a constaté que sur un fil de 12 kilomètres où l'on avait
+placé à des distances <span class="pagenum"><a id="page072" name="page072"></a>(p. 072)</span> différentes plusieurs téléphones,
+trois ou quatre personnes ont pu causer entres elles à travers ces
+téléphones, chacune entendant ce que disaient les autres. Les réponses
+et les demandes tout en se croisant restaient perceptibles. On a pu
+même, en plaçant un téléphone sur un second fil de dix kilomètres
+éloigné du premier de cinquante centimètres, et le suivant sur une
+longueur de deux kilomètres seulement, saisir la conversation échangée
+sur l'autre fil. On pouvait même distinguer très-bien les timbres des
+voix des deux interlocuteurs.</p>
+
+<p>Depuis l'apparition du téléphone en Europe, beaucoup d'inventeurs
+prétendent être parvenus à faire parler un téléphone de manière qu'il
+soit entendu des différents points d'une vaste salle. Nous avons vu
+que M. Bell avait déjà obtenu ce résultat, et sous ce rapport nous ne
+voyons pas que ceux qui ont perfectionné le téléphone soient arrivés à
+des résultats beaucoup plus importants. Mais ce qui est certain, c'est
+qu'un téléphone ordinaire peut parfaitement émettre des sons musicaux
+susceptibles d'être entendus dans une pièce assez grande et tout en
+étant attaché à la muraille. On doit se rappeler les résultats obtenus
+par MM. Pollard et Garnier lors des essais qu'ils firent à Cherbourg
+pour relier la digue à la préfecture maritime de cette ville.</p>
+
+<p>La digue de Cherbourg est, comme on le sait, une sorte d'île factice
+créée de main d'homme devant cette ville pour constituer une rade. Les
+forts établis sur cette digue sont reliés par des câbles sous-marins
+au port militaire et à la préfecture maritime. Un jour <span class="pagenum"><a id="page073" name="page073"></a>(p. 073)</span>
+qu'après des expériences faites dans le cabinet du préfet sur l'un de
+ces câbles, au moyen de téléphones, plusieurs des personnes présentes
+causaient ensemble dans la pièce, elles furent très-étonnées
+d'entendre le clairon sonner la retraite, et les sons semblaient venir
+de l'un des points de la pièce. On cherche, et l'on reconnaît bientôt
+que c'est le téléphone pendu à la muraille qui se livrait à cet
+exercice. On s'informe et l'on apprend que c'était un des
+expérimentateurs de la station de la digue qui avait fait la
+plaisanterie de sonner du clairon devant le téléphone de cette
+station. Or la digue est éloignée de Cherbourg de plus d'une lieue, et
+la préfecture maritime est au milieu de la ville. Les téléphones
+étaient pourtant construits grossièrement dans les ateliers du port de
+Cherbourg, ce qui prouve une fois de plus combien ces appareils
+exigent peu de précision pour fonctionner.</p>
+
+<p>Les téléphones du modèle de Bell les plus variés dans leurs
+dispositions se trouvent chez M. C. Roosevelt, représentant de M. Bell
+à Paris, 1, rue de la Bourse. Ils sont généralement construits par M.
+Bréguet, et les modèles les plus recherchés sont, indépendamment de
+celui que nous avons décrit, le grand modèle carré dont l'aimant est
+en fer à cheval et qui est renfermé dans une boîte plate, portant sur
+sa face antérieure un cornet qui sert en même temps d'embouchure. Nous
+représentons (fig. 24), ce système, qui a du reste été construit tout
+récemment à Boston dans de meilleures conditions. Dans ce nouveau
+modèle, établi par M. Gower, l'aimant est composé de plusieurs lames
+terminées par un noyau magnétique en fer sur lequel <span class="pagenum"><a id="page074" name="page074"></a>(p. 074)</span> est
+fixée la bobine, et le tout est recouvert d'une épaisse couche de
+paraffine. Les sons reproduits sont alors beaucoup plus nets et plus
+forts. Il y a aussi un modèle en forme de tabatière dans lequel
+l'aimant est contourné en spirale afin de conserver sa longueur sous
+une forme ronde. Le pôle qui occupe la partie centrale de cette
+spirale est alors muni d'un noyau de fer sur lequel est fixée la
+bobine d'induction, et le couvercle de la tabatière porte la lame
+vibrante ainsi que l'embouchure; nous représentons ce modèle fig. 25.
+Dans un autre modèle, dit <i>téléphone miroir</i>, le dispositif précédent
+est adapté sur un manche comme la glace d'un miroir portatif, et
+l'embouchure se présentant sur l'une des faces latérales, on parle
+avec cet instrument comme si l'on parlait devant un écran de cheminée.</p>
+
+<a id="img024" name="img024"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img024.jpg" width="500" height="233" alt="" title="">
+<p>Fig. 24.</p>
+</div>
+
+<p>On trouve d'un autre côté chez M. Bailey les divers modèles de
+téléphones à pile et à charbon d'Edison <span class="pagenum"><a id="page075" name="page075"></a>(p. 075)</span> dont nous parlerons
+bientôt et qui ont donné les meilleurs résultats sur les longues
+lignes, ainsi que les téléphones de MM. Gray et Phelps.<a href="#toc"><span class="small">[Table des Matières]</span></a></p>
+
+<h2>DISPOSITIONS DIFFÉRENTES DES TÉLÉPHONES.</h2>
+
+<p>Les résultats si prodigieux obtenus avec le téléphone Bell et dont
+l'authenticité avait été mise en doute par la plupart des savants,
+devaient naturellement, étant une fois démontrés, provoquer une foule
+de recherches de la part des inventeurs et même de ceux qui avaient
+été dans l'origine les plus incrédules. Il en est résulté une foule de
+perfectionnements et de modifications qui ont évidemment leur intérêt,
+et dont nous allons maintenant nous occuper.<a href="#toc"><span class="small">[Table des Matières]</span></a></p>
+
+<a id="img025" name="img025"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img025.jpg" width="500" height="321" alt="" title="">
+<p>Fig. 25.</p>
+</div>
+
+<h2><span class="pagenum"><a id="page076" name="page076"></a>(p. 076)</span> TÉLÉPHONES À PILE.</h2>
+
+
+<p><b>Téléphone de M. Edison.</b>&mdash;L'un des premiers et des plus intéressants
+perfectionnements apportés au téléphone de Bell, est celui qui a été
+combiné dans la première moitié de l'année 1876 par M. Edison. Ce
+système est, à la vérité, plus compliqué que celui que nous avons
+étudié précédemment, car il met à contribution une pile, et l'appareil
+transmetteur est différent de l'appareil récepteur; mais il est moins
+susceptible d'être influencé par les causes extérieures et permet des
+transmissions à plus grande distance.</p>
+
+<p>Le téléphone de M. Edison, comme celui de M. Gray, dont nous avons
+déjà eu occasion de parler, est fondé sur l'action de courants
+ondulatoires déterminés par des variations de résistance d'un médiocre
+conducteur interposé dans le circuit, et sur lequel réagissent les
+vibrations d'un diaphragme devant lequel on parle. Seulement, au lieu
+d'employer un conducteur liquide qui ne peut jamais être utilisé
+pratiquement, M. Edison a cherché à mettre à contribution les corps
+solides semi-conducteurs. Ceux qui lui offrirent le plus d'avantages,
+à ce point de vue, furent le graphite et le charbon, surtout le
+charbon résultant du noir de fumée comprimé. Ces substances, en effet,
+étant introduites dans un circuit entre deux lames conductrices dont
+l'une est mobile, sont susceptibles de modifier la résistance de ce
+circuit dans le même rapport à peu près que la pression qui est
+exercée sur elles par la lame <span class="pagenum"><a id="page077" name="page077"></a>(p. 077)</span> mobile<a id="footnotetag12" name="footnotetag12"></a><a href="#footnote12" title="Lien vers la note 12"><span class="smaller">[12]</span></a>, et l'on conçoit
+que pour obtenir avec ce système les courants ondulatoires nécessaires
+à la reproduction des sons articulés, il suffisait d'introduire un
+disque de plombagine ou de noir de fumée entre la lame vibrante d'un
+téléphone et une lame de platine mise en rapport avec la pile. La lame
+du téléphone étant mise en communication avec le fil du circuit, il
+devait résulter des vibrations de cette lame devant le disque de
+charbon, une série de pressions croissantes et décroissantes, donnant
+lieu à des effets correspondants dans l'intensité du courant transmis,
+et ces effets devaient réagir d'une manière analogue aux courants
+ondulatoires déterminés par l'induction dans le système de Bell.
+Toutefois, pour obtenir de très-bons résultats, plusieurs dispositions
+accessoires étaient nécessaires, et nous représentons (fig. 26) l'une
+des dispositions qui ont été données à cette partie du système
+téléphonique de M. Edison.</p>
+
+<a id="img026" name="img026"></a>
+<div class="floatleft">
+<img src="images/img026.jpg" width="250" height="340" alt="" title="">
+<p>Fig. 26.</p>
+</div>
+
+<p>Dans cette figure, l'appareil est vu en coupe, et il se rapproche
+beaucoup, quant à la forme, du téléphone de Bell. L L est la lame
+vibrante, O O, l'embouchure, M le trou de cette embouchure, N N N la
+cage de l'appareil qui est construite ainsi que l'embouchure en
+ébonite et qui présente au-dessous de la lame une <span class="pagenum"><a id="page078" name="page078"></a>(p. 078)</span> cavité
+assez spacieuse et un trou tubulaire qui est creusé dans le manche. À
+sa partie supérieure, ce tube est continué par un rebord cylindrique
+muni d'un pas de vis sur lequel est vissée une petite bague présentant
+une saillie intérieurement, et c'est à l'intérieur de ce tube que se
+trouve disposé le système rhéostatique. Celui-ci se compose d'abord
+d'un piston E, adapté à l'extrémité d'une longue vis E F, dont le
+bouton F en tournant permet de faire avancer ou reculer le piston
+d'une certaine quantité. Au-dessus de ce piston, se trouve adaptée une
+lame de platine très mince A reliée par une lamelle flexible et un fil
+à un bouton d'attache P'. Une autre lame B, exactement semblable, est
+reliée avec le bouton d'attache P, et c'est entre ces deux lames
+qu'est placé le disque de charbon C. Ce disque est constitué avec du
+noir de fumée de pétrole comprimé, et sa résistance est d'un <i>ohm</i> ou
+de 100 mètres de fil télégraphique. Enfin un disque <span class="pagenum"><a id="page079" name="page079"></a>(p. 079)</span>
+d'ébonite est appliqué sur la lame de platine supérieure B, et un
+tampon élastique composé d'un morceau de tube de caoutchouc G et d'un
+disque de liège H, est interposé entre la lame vibrante L L et le
+disque B, afin que les vibrations de cette lame ne soient pas arrêtées
+par l'obstacle rigide constitué par l'ensemble du système
+rhéostatique. Quand ces différentes pièces sont en place, on règle
+l'appareil au moyen de la vis F, et ce réglage est facile puisqu'il
+suffit de la serrer ou de la desserrer jusqu'à ce que le téléphone
+récepteur donne son maximum de son.</p>
+
+<a id="img027" name="img027"></a>
+<div class="floatright">
+<img src="images/img027.jpg" width="300" height="167" alt="" title="">
+<p>Fig. 27.</p>
+</div>
+
+<p>Dans un nouveau modèle représenté (fig. 27), et qui a fourni les
+meilleurs résultats pour la netteté des transmissions, la lame
+vibrante L L est maintenue et appuyée contre les disques du conducteur
+secondaire en charbon C, par l'intermédiaire d'un petit cylindre de
+fer A au lieu d'un tampon en caoutchouc, et la pression est réglée par
+une vis placée au-dessous de <i>e</i>. L'embouchure E de l'appareil est
+plus saillante, et le trou plus large. Enfin il n'y a plus de manche à
+l'appareil dont l'enveloppe est en fonte nickelée. Le disque rigide
+<i>b</i> qui appuie sur la première lame de platine <i>p</i> est, d'un autre
+côté, en <i>aluminium</i> au lieu d'être en ébonite.</p>
+
+<a id="img028" name="img028"></a>
+<div class="floatleft">
+<img src="images/img028.jpg" width="250" height="423" alt="" title="">
+<p>Fig. 28.</p>
+</div>
+
+<p>Le téléphone récepteur ressemble assez à celui de <span class="pagenum"><a id="page080" name="page080"></a>(p. 080)</span> M. Bell.
+Il présente néanmoins quelques différences que l'on peut reconnaître
+par l'inspection de la fig. 28. Ainsi l'aimant N S est recourbé en fer
+à cheval, et la bobine magnétisante E recouvre seulement un des pôles
+N; ce pôle occupe précisément le centre de la lame vibrante L L,
+tandis que le second pôle est près du bord de cette lame. Les
+dimensions elles-mêmes de la lame sont considérablement réduites; sa
+surface est à peu près celle d'une pièce de cinq francs, et elle est
+enclavée dans une espèce de rainure circulaire qui la maintient dans
+une position parfaitement déterminée. En raison de cette disposition,
+le manche de l'instrument est en bois plein, et l'espace vide où se
+trouve le système électro-magnétique est un peu plus développé que
+dans le modèle de Bell; mais l'on s'est arrangé de manière à éviter
+les échos et à en faire une sorte de caisse sonore apte à amplifier
+les sons. La disposition du système électro-magnétique par rapport à
+la lame vibrante doit évidemment augmenter aussi la <span class="pagenum"><a id="page081" name="page081"></a>(p. 081)</span>
+sensibilité de l'appareil, car le pôle S étant en contact intime avec
+la lame L L, celle-ci se trouve polarisée et peut recevoir beaucoup
+plus énergiquement les influences magnétiques du second pôle N, qui en
+est distant de l'épaisseur d'une forte feuille de papier. Dans les
+deux appareils de M. Edison (récepteur et transmetteur) la partie
+supérieure CC correspondante à la lame vibrante, au lieu d'être fixée
+par des vis sur la partie attenante au manche, est vissée sur cette
+partie elle-même, ce qui permet de démonter beaucoup plus facilement
+l'instrument.</p>
+
+<p>M. Edison a, du reste, beaucoup varié la forme de ses appareils, et
+aujourd'hui leur enveloppe est en métal avec une embouchure d'ébonite
+en forme d'entonnoir.</p>
+
+<p>Ayant constaté, comme du reste l'avait fait avant lui M. Elisha Gray,
+que les courants induits sont plus favorables aux transmissions
+téléphoniques que les courants voltaïques, M. Edison transforma les
+courants de pile passant par son transmetteur en courants induits, et
+cela en leur faisant traverser le circuit primaire d'une bobine
+d'induction bien isolée; le fil de ligne était alors mis en
+communication avec le fil secondaire de la bobine. Nous rapporterons
+plus tard des expériences qui montreront les avantages de cette
+combinaison; pour le moment, nous ne faisons que la signaler, car elle
+fait aujourd'hui partie intégrante de presque tous les systèmes de
+téléphones à pile.</p>
+
+<p class="p2"><b>Téléphone musical d'Edison.</b>&mdash;Les effets curieux et réellement
+très-avantageux que M. Edison avait obtenus avec son
+<i>électro-motographe</i>, lui donnèrent l'idée, <span class="pagenum"><a id="page082" name="page082"></a>(p. 082)</span> dès le
+commencement de l'année 1877, d'appliquer le principe de cet appareil
+au téléphone pour la reproduction des sons transmis, et il a obtenu
+des résultats tellement intéressants que l'auteur d'un article sur les
+téléphones, publié dans le <i>Telegraphic Journal</i> du 15 août 1877,
+présente cette invention comme l'une des plus belles du dix-neuvième
+siècle. Ce qui est certain, c'est qu'elle semble avoir donné naissance
+au phonographe qui, dans ces derniers temps, a fait tant de bruit et a
+tant étonné les savants.</p>
+
+<p>Pour qu'on puisse comprendre le principe de ce téléphone, nous devrons
+entrer dans quelques détails sur l'électro-motographe de M. Edison,
+découvert en 1872. Cet appareil est fondé sur ce principe: que si une
+feuille de papier, préparée avec une solution d'hydrate de potasse,
+est appliquée sur une plaque métallique réunie au pôle positif d'une
+pile, et qu'une pointe de plomb ou de platine reliée au pôle négatif
+soit promenée sur le papier, le frottement que cette pointe rencontre
+cesse dès que le courant passe, et elle peut dès lors glisser comme
+sur une glace jusqu'à ce que le courant soit interrompu. Or, comme
+cette réaction peut être effectuée instantanément sous l'influence de
+courants excessivement faibles, les effets mécaniques produits par ces
+alternatives d'arrêt et de glissement, peuvent, pour une disposition
+convenable de l'appareil, déterminer des vibrations en rapport avec
+les interruptions de courant produites par le transmetteur.</p>
+
+<p>Dans ce système, le récepteur téléphonique se compose d'un résonnateur
+et d'un tambour monté sur un <span class="pagenum"><a id="page083" name="page083"></a>(p. 083)</span> axe que fait tourner une
+manivelle. Une bande de papier en provision sur un rouleau, passe sur
+le tambour dont la surface est rugueuse, et sur cette bande appuie
+fortement une pointe émoussée de platine qui est adaptée à l'extrémité
+d'un ressort fixé au centre du résonnateur. Le courant de la pile
+dirigé d'abord sur le ressort, passe par la pointe de platine à
+travers le papier chimique, et retourne par le tambour à la pile.
+Quand on tourne la manivelle, le papier avance, et le frottement
+normal qui se produit entre le papier et la pointe de platine, pousse
+en avant cette dernière, en provoquant par l'intermédiaire du ressort
+une traction sur un des côtés du résonnateur; mais au moment de chaque
+passage du courant à travers le papier, tout frottement cessant, le
+ressort n'est plus entraîné, et le résonnateur revient à sa position
+normale. Or, comme à chaque vibration effectuée au transmetteur ce
+double effet se manifeste, il en résulte une série de vibrations du
+résonnateur qui sont la répétition de celles du transmetteur et, par
+conséquent, la reproduction plus ou moins réduite des sons musicaux
+qui ont affecté le transmetteur. Suivant les journaux américains, cet
+appareil aurait fourni des résultats surprenants; les courants les
+plus faibles, qui n'exerceraient aucune action sur un électro-aimant,
+produisent de cette manière des effets complets. L'appareil peut même
+reproduire, avec une grande intensité, les notes les plus élevées de
+la voix humaine, notes que l'on peut à peine distinguer lorsque l'on
+emploie des électro-aimants.</p>
+
+<p>Le transmetteur est à peu près le même que celui <span class="pagenum"><a id="page084" name="page084"></a>(p. 084)</span> que nous
+avons décrit précédemment; seulement, au lieu du disque de charbon,
+c'est une pointe de platine qui est employée, et elle ne doit pas être
+en contact continuel avec la lame vibrante. Voici du reste comment il
+est décrit dans le <i>Telegraphic Journal</i>: «Il consiste simplement dans
+un long tube de deux pouces de diamètre, ayant un de ses bouts
+recouvert d'un diaphragme constitué par une mince feuille de cuivre et
+maintenu serré au moyen d'une bague élastique. Au centre du diaphragme
+de cuivre se trouve rivé un petit disque de platine, et devant ce
+disque, est ajustée une pointe du même métal adaptée à un support
+fixe. Quand on chante devant le diaphragme, celui-ci en vibrant
+rencontre la pointe de platine et lui fait produire le nombre de
+fermetures de courant en rapport avec les vibrations des notes
+chantées.»</p>
+
+<p>D'après de nouvelles expériences faites en Amérique pour juger du
+mérite des différents systèmes de téléphones, ce serait celui de M.
+Edison qui aurait fourni les meilleurs résultats. Voici ce que nous
+lisons, en effet, dans le <i>Telegraphic Journal</i> du 1<sup>er</sup> mai 1878 (p.
+187): «Le 2 avril dernier, on expérimenta le téléphone à charbon de M.
+Edison entre New-York et Philadelphie, sur une des lignes si
+nombreuses de la compagnie de l'<i>Ouest Union</i>. La ligne avait une
+longueur de cent six milles, et dans presque tout son parcours elle
+longeait les autres fils. Or les effets d'induction déterminés par les
+transmissions télégraphiques à travers les fils voisins, et qui
+étaient suffisants pour empêcher l'audition de la parole dans tous les
+téléphones essayés, furent sans influence quand on employa le
+téléphone d'Edison <span class="pagenum"><a id="page085" name="page085"></a>(p. 085)</span> avec deux éléments de pile et une petite
+bobine d'induction, et MM. Batchelor, Phelps et Edison purent échanger
+facilement une conversation. Le téléphone magnétique de M. Phelps
+regardé comme le plus puissant de son espèce, donna même de moins bons
+résultats.»</p>
+
+<p>Dans des expériences faites entre le palais de l'Exposition de Paris
+et Versailles, la commission du jury a pu constater les mêmes
+résultats avantageux.</p>
+
+<p class="p2"><b>Téléphones du colonel Navez.</b>&mdash;Le colonel d'artillerie belge Navez,
+l'auteur du chronographe balistique bien connu, a cherché à
+perfectionner le téléphone d'Edison en employant plusieurs disques de
+charbon au lieu d'un seul. Suivant lui, les variations de résistance
+électrique produites par les disques de charbon, sous l'influence de
+pressions inégales, dépendent surtout de leur surface de contact, et
+il croit en conséquence que plus ces surfaces sont multipliées, plus
+les différences en question sont considérables, comme cela a lieu
+quand on polarise la lumière avec une pile de glaces. Les meilleurs
+résultats ont été obtenus par lui avec une pile de douze rondelles de
+charbon. «Ces rondelles, dit-il, agissent bien par leurs surfaces de
+contact, car il suffit de les séparer par des rondelles d'étain
+interposées, pour détruire toute articulation de la parole
+reproduite<a id="footnotetag13" name="footnotetag13"></a><a href="#footnote13" title="Lien vers la note 13"><span class="smaller">[13]</span></a>.»</p>
+
+<a id="img029" name="img029"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img029.jpg" width="400" height="459" alt="" title="">
+<p>Fig. 29.</p>
+</div>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page086" name="page086"></a>(p. 086)</span> Pour éteindre les vibrations musicales nuisibles qui
+accompagnent les transmissions téléphoniques, M. Navez emploie, comme
+lame vibrante du transmetteur, une lame de cuivre recouverte d'argent,
+et pour lame vibrante du récepteur, une lame de fer doublée d'une
+plaque de laiton, le tout soudé ensemble. Il emploie d'ailleurs des
+tubes de caoutchouc munis d'embouchures et de conduits auriculaires,
+pour la transmission et la réception des sons, et les appareils sont
+disposés à plat, sur une table. À cet effet, le barreau aimanté du
+téléphone récepteur est alors remplacé par deux aimants horizontaux
+agissant par un pôle de même nom sur un petit noyau de fer qui porte
+la bobine et qui se <span class="pagenum"><a id="page087" name="page087"></a>(p. 087)</span> trouve placé verticalement entre les
+deux aimants. Il emploie naturellement une petite bobine de Ruhmkorff,
+pour transformer l'électricité de la pile en électricité d'induction.</p>
+
+<a id="img030" name="img030"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img030.jpg" width="300" height="387" alt="" title="">
+<p>Fig. 30.</p>
+</div>
+
+<p>Les figures 29 et 30 représentent les deux parties de ce système
+téléphonique. La pile de charbon est en C, fig. 29; la lame vibrante
+en LL, et l'embouchure E, adaptée à un tube en caoutchouc TE,
+correspond par le dessous à la lame vibrante. La pile de charbons est
+réunie métalliquement au circuit par une tige de platine EC, et la
+lame vibrante communique également au circuit par l'intermédiaire d'un
+bouton d'attache. Dans le téléphone récepteur, fig. 30, la partie
+supérieure est disposée à <span class="pagenum"><a id="page088" name="page088"></a>(p. 088)</span> peu près comme dans les téléphones
+ordinaires; seulement, au lieu d'une embouchure, on a adapté à
+l'appareil un conduit auriculaire TO. Les deux aimants qui
+communiquent une polarité uniforme au noyau de fer N portant la bobine
+d'induction B, sont en A, A' et ont la forme de fers à cheval; on en
+voit un en coupe en D du côté droit, et l'autre ne montre en C que la
+courbe du fer à cheval. Les deux boutons d'attache de ce récepteur
+correspondent aux deux extrémités du fil induit de la bobine
+d'induction supplémentaire, et les deux boutons d'attache du
+transmetteur correspondent aux deux bouts du fil primaire de cette
+bobine et à la pile qui est interposée dans le circuit près de cet
+appareil.</p>
+
+<p class="p2"><b>Téléphones de MM. Pollard et Garnier.</b>&mdash;Le téléphone à pile construit
+par MM. Pollard et Garnier est différent de ceux qui précèdent, en ce
+qu'il met simplement à contribution deux pointes de mine de plomb
+portées par des porte-crayons métalliques, et que ces pointes sont
+appliquées directement contre la lame vibrante avec une pression qui
+doit être réglée. La fig. 31 représente la disposition qu'ils ont
+adoptée, et qui du reste peut être variée d'une infinité de manières.</p>
+
+<p>LL est la lame vibrante en fer-blanc au-dessus de laquelle se trouve
+l'embouchure E, et P, P' sont les deux pointes de graphite munies de
+leur porte-crayons. Ces porte-crayons portent à leur partie inférieure
+un pas de vis qui, étant engagé dans un trou fileté pratiqué dans une
+plaque métallique CC, permet de serrer plus ou moins les crayons
+contre la lame LL. <span class="pagenum"><a id="page089" name="page089"></a>(p. 089)</span> Cette plaque métallique CC est composée
+de deux parties juxtaposées qui, étant isolées l'une de l'autre,
+peuvent être mises en rapport avec un commutateur cylindrique au moyen
+duquel on peut disposer le circuit de diverses manières. Ce
+commutateur étant pourvu de cinq lames, permet de passer presque
+instantanément d'une combinaison à l'autre, et ces combinaisons sont
+les suivantes:</p>
+
+<p>1<sup>o</sup> Le courant entre par le crayon P, passe dans la plaque et de là
+dans la ligne;</p>
+
+<a id="img031" name="img031"></a>
+<div class="floatright">
+<img src="images/img031.jpg" width="250" height="181" alt="" title="">
+<p>Fig. 31.</p>
+</div>
+
+<p>2<sup>o</sup> Le courant arrive par le crayon P', passe dans la plaque et de là
+dans la ligne;</p>
+
+<p>3<sup>o</sup> Le courant arrive à la fois par les crayons P et P', se rend dans
+la plaque et de là à la ligne;</p>
+
+<p>4<sup>o</sup> Le courant arrive par le crayon P, va de là à la plaque, puis dans
+le crayon P', et de là à la ligne.</p>
+
+<p>On a donc de cette manière deux éléments de combinaison que l'on peut
+utiliser séparément ou en les associant en tension ou en quantité.</p>
+
+<p>Lorsque les crayons sont bien réglés et donnent une transmission bien
+régulière et de même intensité, on peut étudier facilement les effets
+produits quand on passe de l'une des combinaisons à l'autre, et l'on
+constate: 1<sup>o</sup> que pour un circuit court, il n'y a pas de changement
+appréciable, quelle que soit la combinaison employée; 2<sup>o</sup> que quand le
+circuit est long ou présente une grande résistance, c'est la
+combinaison en tension <span class="pagenum"><a id="page090" name="page090"></a>(p. 090)</span> qui a l'avantage, et cela d'autant
+plus que la ligne est plus longue.</p>
+
+<p>Ce système téléphonique, comme du reste les deux précédents, met à
+contribution une machine d'induction pour transformer les courants
+voltaïques en courants induits; nous parlerons plus tard de cet
+accessoire important de ces sortes d'appareils.</p>
+
+<p>Quant au téléphone récepteur, la disposition adoptée par MM. Pollard
+et Garnier est à peu près celle de Bell. Seulement ils emploient des
+lames de fer-blanc et des hélices beaucoup plus résistantes. Cette
+résistance est, en effet, de cent cinquante à deux cents kilomètres.
+«Nous avons toujours reconnu, disent ces messieurs, que quelle que
+soit la résistance du circuit extérieur, on a avantage à augmenter le
+nombre des tours de spires, même en faisant usage du fil n<sup>o</sup> 42, qui
+est celui que nous avons employé de préférence.»</p>
+
+<p class="p2"><b>Téléphone à réaction de M. Hellesen.</b>&mdash;M. Hellesen pensant que les
+vibrations produites par la voix sur un transmetteur téléphonique à
+charbon, devaient se trouver amplifiées si la pièce mobile du rhéotome
+était soumise à une action électro-magnétique résultant de ces
+vibrations elles-mêmes, a combiné un transmetteur fondé sur ce
+principe que nous représentons fig. 32, et qui a l'avantage de
+constituer lui-même l'appareil d'induction destiné à transformer les
+courants voltaïques employés. Cet appareil se compose d'un tube de fer
+vertical appuyé sur une masse magnétique NS et entouré d'une bobine
+magnétisante BB au-dessus de laquelle est adaptée une hélice
+d'induction en fil fin II, <span class="pagenum"><a id="page091" name="page091"></a>(p. 091)</span> mise en communication avec le
+circuit. À l'intérieur du tube, se trouve un crayon de plombagine C,
+disposé dans un porte-crayon qui peut être élevé ou abaissé au moyen
+d'une vis de rappel V adaptée au dessous de la masse magnétique.
+Enfin, au-dessus de ce crayon, est fixée une lame vibrante en fer LL,
+qui est munie à son centre d'un contact de platine communiquant à la
+pile; le circuit local est alors mis en rapport avec le crayon par
+l'intermédiaire de l'hélice magnétisante B, dont un bout est à cet
+effet soudé sur le tube de fer.</p>
+
+<a id="img032" name="img032"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img032.jpg" width="500" height="375" alt="" title="">
+<p>Fig. 32.</p>
+</div>
+
+<p>Il résulte de cette disposition que les vibrations de la lame LL, au
+moment de leur plus grande amplitude du côté du crayon, tendent à
+s'amplifier par suite de <span class="pagenum"><a id="page092" name="page092"></a>(p. 092)</span> l'action attractive exercée sur la
+plaque, et la pression sur le graphite devenant plus forte, accroît
+les différences de résistance qui en résultent et, par suite,
+détermine des variations plus grandes dans l'intensité des courants
+transmis.</p>
+
+<p class="p2"><b>Téléphone à réaction de MM. Thomson et Houston.</b>&mdash;La disposition
+téléphonique que nous venons de décrire a été reprise dernièrement par
+MM. Elihu Thomson et Edwin. J. Houston qui, dans l'<i>English mechanic
+and World of science</i> du 21 juin 1878, c'est-à-dire deux mois après
+que M. Hellesen m'a indiqué son système<a id="footnotetag14" name="footnotetag14"></a><a href="#footnote14" title="Lien vers la note 14"><span class="smaller">[14]</span></a>, ont publié un article sur
+un appareil à peu près semblable au précédent.</p>
+
+<p>Dans cet appareil, en effet, le courant qui passe à travers le corps
+médiocrement conducteur, anime un électro-aimant muni d'une bobine
+d'induction, et cet électro-aimant réagit sur le diaphragme pour
+augmenter l'amplitude de ses vibrations et créer en même temps deux
+actions électriques agissant dans le même sens; seulement la
+disposition du contact du mauvais conducteur avec la lame vibrante est
+un peu différente. Au lieu d'un simple contact par pression effectué
+entre cette lame et un crayon de charbon, c'est un petit fragment de
+cette matière, taillé en pointe, qui est fixé sur la lame vibrante et
+qui plonge dans une gouttelette de mercure versée au fond d'une cavité
+pratiquée à l'extrémité supérieure du fer de l'électro-aimant.
+<span class="pagenum"><a id="page093" name="page093"></a>(p. 093)</span> La disposition de l'appareil est d'ailleurs la même que
+celle d'un téléphone ordinaire, et c'est la tige de fer de
+l'électro-aimant qui représente le barreau aimanté du téléphone Bell.
+Suivant les auteurs, cet appareil peut être employé comme transmetteur
+et comme récepteur, et voici comment les effets se produisent dans les
+deux cas.</p>
+
+<p>Quand l'appareil transmet, le fragment de charbon plonge plus ou moins
+dans le mercure, et par suite des différences qui se produisent dans
+les surfaces de contact suivant l'amplitude des vibrations de la lame,
+le courant subit des variations d'intensité en rapport avec ces
+amplitudes, et de ces variations résultent, dans la bobine
+d'induction, des courants induits, qui réagissent sur le téléphone
+récepteur comme dans l'appareil Bell, et qui sont encore renforcés de
+ceux qui sont produits magnéto-électriquement par le mouvement du
+diaphragme devant la bobine d'induction et le fer de l'électro-aimant.</p>
+
+<p>Quand l'appareil est employé comme récepteur, les effets ordinaires se
+manifestent, car le fer de l'électro-aimant étant aimanté par le
+courant, se trouve exactement dans les conditions des téléphones Bell
+ordinaires, et les courants induits lui arrivent de la même manière,
+seulement plus intenses. MM. Thomson et Houston prétendent que ce
+système a fourni des résultats excellents et que le son de la voix y
+est beaucoup moins altéré que dans les autres téléphones.</p>
+
+<p class="p2"><b>Téléphones à piles et à transmetteurs liquides.</b>&mdash;On a vu que M. Gray,
+dès l'année 1876, avait imaginé <span class="pagenum"><a id="page094" name="page094"></a>(p. 094)</span> un système téléphonique basé
+sur les variations de résistance qu'éprouve un circuit complété par un
+liquide, lorsque la couche liquide interposée entre les électrodes
+varie d'épaisseur sous l'influence des vibrations de la lame
+téléphonique mise en rapport avec l'une de ces électrodes. Ce système
+a été étudié depuis par plusieurs inventeurs, entre autres par MM.
+Richemond et Salet, et voici les quelques renseignements qui ont été
+publiés relativement à leurs recherches.</p>
+
+<p>«Un autre téléphone reproduisant les sons articulés, et appelé par M.
+Richemond <i>électro-hydro-téléphone</i>, a été breveté récemment aux
+États-Unis. Il est sous certains rapports semblable à celui de M.
+Edison, mais au lieu de mettre à contribution des disques de charbon
+pour modifier la résistance du circuit, c'est l'eau qui est employée,
+et cette eau est mise en rapport avec le circuit et la pile par
+l'intermédiaire de deux pointes de platine, dont une est fixée sur le
+diaphragme métallique qui vibre sous l'influence de la voix. Les
+vibrations de ce diaphragme en transportant la pointe qui lui est
+adhérente en des points différents de la couche liquide interpolaire,
+diminuent ou augmentent la résistance électrique de cette couche, et
+déterminent des variations correspondantes dans l'intensité du courant
+traversant le circuit. Le téléphone récepteur a d'ailleurs la
+disposition ordinaire.» (Voir le <i>Telegraphic Journal</i> du 15 sept.
+1877, p. 222).</p>
+
+<p>«Il m'a paru intéressant, dit M. Salet, de construire un téléphone
+dans lequel le mouvement de deux membranes soient absolument
+solidaires, et pour cela j'ai mis à profit la grande résistance des
+liquides. M. Bell <span class="pagenum"><a id="page095" name="page095"></a>(p. 095)</span> avait déjà obtenu quelques résultats en
+attachant à la membrane vibrante un fil de platine communiquant avec
+une pile, et plongeant plus ou moins dans de l'eau acidulée contenue
+dans un vase métallique relié lui-même par la ligne au téléphone
+receveur. J'ai substitué au fil de platine un petit levier d'aluminium
+portant une lame de platine; à une très-faible distance de celle-ci
+s'en trouvait une seconde en relation avec la ligne. Les vibrations de
+la membrane, triplées ou quadruplées dans leur amplitude, ne sont pas
+altérées dans leurs formes, grâce à la petitesse et à la légèreté du
+levier; elles déterminent dans l'épaisseur de la couche liquide
+traversée par le courant, et par suite dans l'intensité de celui-ci,
+des variations, lesquelles en occasionnent de semblables dans la force
+attractive de l'électro-aimant récepteur. Sous son influence, la
+membrane recevante exécute des mouvements solidaires de ceux de la
+membrane expéditrice. Le son transmis est très-net et, résultat auquel
+on pouvait s'attendre, le timbre est parfaitement conservé. Les
+consonnes cependant n'ont pas tout le mordant de celles transmises par
+l'instrument de M. Bell. C'est un inconvénient qui apparaît surtout
+quand le levier est un peu lourd; on pourrait facilement le faire
+disparaître. L'électrolyse produit en outre un bruissement continu qui
+ne nuit guère à la netteté du son.</p>
+
+<p>«Comme dans ce système on ne demande pas à la voix de <i>produire</i>, mais
+seulement de <i>diriger</i> le courant électrique engendré par une pile, on
+peut théoriquement augmenter à volonté l'intensité du son reçu. En
+réalité j'ai pu faire rendre au récepteur des sons très-forts,
+<span class="pagenum"><a id="page096" name="page096"></a>(p. 096)</span> et il me semble que cet avantage compense largement la
+nécessité d'employer une pile et un appareil expéditeur assez délicat.
+Malheureusement la transmission ne peut se faire à des distances un
+peu considérables. Supposons qu'un certain déplacement de la membrane
+expéditrice détermine dans la résistance le même accroissement que
+cinq à six cents mètres de fil: si la ligne a cinq cents mètres,
+l'intensité du courant se trouvera réduite de moitié et la membrane
+recevante prendra une nouvelle position notablement différente de la
+première; mais si la ligne a cinq cents kilomètres, l'intensité du
+courant ne sera modifiée que de un millième. Il faudrait donc employer
+une pile énorme pour que cette variation se traduisît par un
+changement sensible dans la position de la membrane recevante.»</p>
+
+<p>(Voir <i>Comptes rendus de l'Académie des sciences</i> du 18 février 1878,
+p. 471.)</p>
+
+<p>M. J. Luvini, dans un article inséré dans <i>les Mondes</i>, du 7 mars
+1878, a indiqué un système de rhéotome de courant pour les téléphones
+à pile qui, malgré sa complication, pourrait peut-être présenter
+quelques avantages, en ce sens qu'il fournirait des courants
+alternativement <i>renversés</i>. Dans ce système, la lame vibrante
+transmettrice qui doit être placée verticalement, réagit sur un fil
+mobile horizontal replié rectangulairement et portant sur chacune de
+ses branches deux pointes de platine plongeant dans deux godets
+remplis d'un liquide médiocrement conducteur; les deux branches de ce
+fil, isolées l'une de l'autre, sont mises en rapport avec les deux
+pôles de la pile, et les quatre godets dans <span class="pagenum"><a id="page097" name="page097"></a>(p. 097)</span> lesquels
+plongent les fils de platine, communiquent d'une manière inverse à la
+ligne et à la terre par l'intermédiaire de fils de platine immobiles
+fixés dans les godets. Il résulte de cette disposition que, pour un
+réglage convenable des distances entre les fils fixes et mobiles, deux
+courants égaux se trouveront opposés à travers le circuit de la ligne
+quand le diaphragme sera immobile; mais aussitôt que celui-ci vibrera,
+les distances respectives des fils varieront, et il en résultera, un
+courant différentiel dont l'intensité sera en rapport avec l'étendue
+du déplacement du système ou l'amplitude de la vibration, et dont le
+sens variera pour les mouvements en dessus et en dessous de la ligne
+des n&oelig;uds de vibration. On aurait donc de cette manière les effets
+avantageux des courants induits.</p>
+
+<p class="p2"><b>Téléphones à pile et à arcs voltaïques.</b>&mdash;Pour obtenir des variations
+de résistance encore plus sensibles qu'avec les liquides et les corps
+pulvérulents, on a eu l'idée d'avoir recours aux conducteurs gazeux
+échauffés, et on a combiné plusieurs dispositifs de téléphones à pile
+dans lesquels le circuit était complété par une couche d'air séparant
+la lame vibrante d'une pointe de platine servant d'excitateur à une
+décharge électrique de haute tension. Dans ces conditions, cette
+couche d'air devient conductrice, et l'intensité du courant qui la
+traverse est en rapport avec son épaisseur. Ce problème a été résolu
+soit au moyen de courants voltaïques d'une grande tension, soit au
+moyen d'une bobine de Ruhmkorff.</p>
+
+<p>Le premier système a été combiné par M. Trouvé, et <span class="pagenum"><a id="page098" name="page098"></a>(p. 098)</span> voici ce
+qu'il en dit dans le journal <i>la Nature</i> du 6 avril 1878. «Une
+membrane métallique vibrante constitue l'un des pôles d'une pile à
+haute tension; l'autre pôle est assujetti devant la plaque par une vis
+micrométrique qui permet de faire varier, suivant la tension de la
+pile, la distance à la plaque, sans pourtant jamais être en contact
+avec elle. Cette distance, toutefois, ne doit pas dépasser celle que
+pourrait franchir la décharge de la pile. Dans ces conditions, la
+membrane vibrant sous l'influence des ondes sonores a pour effet de
+modifier constamment la distance entre les deux pôles et de faire
+ainsi varier sans cesse l'intensité du courant; par conséquent
+l'appareil récepteur (téléphone Bell ou à électro-aimant) subit des
+variations magnétiques en rapport avec les variations du courant qui
+l'influence, ce qui a pour effet de faire vibrer synchroniquement la
+membrane réceptrice. C'est donc sur la possibilité de faire varier
+entre des limites très-étendues la résistance du circuit extérieur
+d'une pile ou batterie à haute tension dont les pôles ne sont pas en
+contact, que repose le nouvel appareil téléphonique. On pourra aussi,
+pour faire varier les conditions de cette résistance, faire intervenir
+une vapeur quelconque ou bien des milieux différents, tels que l'air
+ou les gaz plus ou moins raréfiés.»</p>
+
+<p>M. Trouvé pense obtenir de bons résultats avec sa pile à rondelles
+humectées de sulfate de cuivre et de sulfate de zinc, en en disposant
+les éléments, au nombre de quatre ou cinq cents, dans des tubes de
+verre de petit diamètre. Pour obtenir des courants de tension, il
+n'est pas besoin, comme on le sait, que ces éléments soient de grandes
+dimensions.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page099" name="page099"></a>(p. 099)</span> M. de Lalagade a proposé un moyen analogue en employant, pour
+la formation de l'arc, un courant dont la tension est augmentée par
+l'interposition dans le circuit d'un fort électro-aimant. Cet
+électro-aimant réagit d'ailleurs sur un électro-aimant Hughes pour lui
+faire fournir des courants d'induction susceptibles de faire
+fonctionner le récepteur. Suivant M. de Lalagade, une pile de Bunsen
+ou à bichromate de potasse de 6 éléments, suffirait pour obtenir un
+arc voltaïque continu entre la lame vibrante d'un téléphone et une
+pointe de platine éloignée suffisamment pour ne donner lieu à aucun
+contact. Il faudrait cependant en déterminer un en commençant, pour
+provoquer la formation de cet arc. Dans le système de M. de Lalagade,
+la lame vibrante doit être munie à son centre d'une petite lame de
+platine pour éviter les effets d'oxydation de l'étincelle. Suivant
+l'auteur, les sons ainsi transmis et reproduits dans un téléphone dont
+le système électro-magnétique serait monté sur une caisse sonore,
+auraient une intensité plus grande qu'avec les téléphones ordinaires,
+et il semblerait qu'on vous parlerait dans l'oreille.</p>
+
+<p class="p2"><b>Téléphones à mercure.</b>&mdash;Ces systèmes sont fondés sur ce phénomène
+physique découvert par M. Lippmann, que si une couche d'eau acidulée
+est superposée à du mercure et réunie au moyen d'une électrode et d'un
+fil avec celui-ci, de manière à constituer un circuit, toute action
+mécanique qui aura pour effet de presser sur la surface du mercure et
+de faire varier la forme de son ménisque, déterminera une réaction
+électrique <span class="pagenum"><a id="page100" name="page100"></a>(p. 100)</span> capable de donner lieu à un courant dont la force
+sera en rapport avec l'action mécanique exercée. Par réciproque, toute
+action électrique qui sera produite sur le circuit d'un pareil
+système, donnera lieu à une déformation du ménisque et par suite à un
+mouvement de celui-ci, qui sera d'autant plus caractérisé que le tube
+où se trouve le mercure sera plus petit et l'action électrique plus
+grande. Cette action électrique pourra d'ailleurs résulter d'une
+différence de potentiel dans l'état électrique des deux extrémités du
+circuit mis en rapport avec la source électrique employée ou d'un
+générateur électrique quelconque<a id="footnotetag15" name="footnotetag15"></a><a href="#footnote15" title="Lien vers la note 15"><span class="smaller">[15]</span></a>.</p>
+
+<a id="img033" name="img033"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img033.jpg" width="500" height="290" alt="" title="">
+<p>Fig. 33.</p>
+</div>
+
+<p>On comprend facilement, d'après ces effets, que si on plonge dans deux
+vases VV<sub>1</sub> (fig. 33), remplis d'eau acidulée et de mercure, deux
+tubes TT<sub>1</sub> à bout effilé contenant du mercure M, et qu'on réunisse
+entre elles, par des fils métalliques PP<sub>1</sub>, QQ<sub>1</sub> d'abord, les
+deux colonnes de mercure remplissant les tubes et, en second lieu, les
+couches de mercure qui occuperont le fond des deux vases, on aura, si
+on a soin de placer les tubes à une certaine distance de la surface du
+mercure dans les vases, un circuit métallique complété par deux
+<span class="pagenum"><a id="page101" name="page101"></a>(p. 101)</span> électrolytes, dont l'un pourra accuser les effets mécaniques
+ou électriques produits au sein de l'autre. Si donc on adapte
+au-dessus des tubes deux lames vibrantes B, B<sub>1</sub>, et qu'on fasse vibrer
+l'une d'elles, l'autre devra reproduire ces vibrations sous
+l'influence des mouvements vibratoires communiqués par la colonne de
+mercure correspondante. Ces vibrations seront en rapport elles-mêmes
+avec les émissions électriques résultant des mouvements de la colonne
+de mercure du premier tube, et qui sont déterminés mécaniquement. Si
+un générateur électrique est introduit dans le circuit, l'effet que
+nous venons d'analyser s'effectuera sous l'influence des modifications
+dans le potentiel de ce générateur sous l'influence des effets
+électro-capillaires. Mais si on n'emploie aucun générateur, l'action
+résultera des courants électriques déterminés par l'action
+électro-capillaire elle-même. Dans ce dernier cas, cependant,
+l'appareil doit être construit d'une <span class="pagenum"><a id="page102" name="page102"></a>(p. 102)</span> manière un peu plus
+délicate, pour obtenir des réactions électriques plus sensibles, et
+voici comment M. A. Bréguet décrit son appareil.</p>
+
+<p>«L'appareil consiste dans un tube de verre fin, de quelques
+centimètres de longueur, contenant des gouttes alternées de mercure et
+d'eau acidulée, de façon à constituer autant d'éléments
+électro-capillaires associés en tension. Les deux extrémités du tube
+sont fermées à la lampe, mais laissent pourtant un fil de platine
+prendre contact de chaque côté sur la goutte de mercure la plus
+voisine. Une rondelle de sapin mince est fixée normalement au tube par
+son centre, et permet ainsi d'avoir une surface de quelque étendue à
+s'appliquer sur la coquille de l'oreille quand l'appareil est
+récepteur, et de fournir au tube une plus grande quantité de mouvement
+sous l'influence de la voix, quand l'appareil est transmetteur. Voici
+les avantages que présentent ces sortes d'appareils:</p>
+
+<p>«1<sup>o</sup> Ils ne nécessitent l'usage d'aucune pile;</p>
+
+<p>«2<sup>o</sup> L'influence perturbatrice de la résistance d'une longue ligne est
+presque nulle pour ces instruments alors qu'elle est encore
+appréciable avec le téléphone Bell;</p>
+
+<p>«3<sup>o</sup> Deux appareils à mercure accouplés comme il a été dit plus haut,
+sont absolument corrélatifs, en ce sens que, même des positions
+<i>différentes</i> d'équilibre de la surface du mercure dans l'un d'eux,
+produisent des positions différentes d'équilibre dans l'appareil
+opposé. On peut donc reproduire à distance, sans pile, non-seulement
+des indications fidèles de mouvements pendulaires, comme le fait le
+téléphone de Bell, mais encore <span class="pagenum"><a id="page103" name="page103"></a>(p. 103)</span> l'image exacte des mouvements
+les plus généraux.»</p>
+
+<p>Nous croyons devoir faire toutefois nos réserves à l'égard de cette
+assertion: que la résistance du circuit serait sans influence sur ces
+téléphones. Nous ne le pensons pas et voici pourquoi.</p>
+
+<p>Si j'ai bien compris l'idée de M. A. Bréguet, cette indépendance
+tiendrait à ce que les effets produits ne sont seulement fonction que
+des différences de potentiel déterminées dans les conditions
+d'équilibre électrique du système. Si l'on considère que les courants
+résultant de l'action électrique de l'eau acidulée sur le mercure, se
+trouvent annulés à travers le circuit par l'opposition des deux
+systèmes l'un à l'autre, on comprend aisément que les forces
+électro-motrices développées se trouvent maintenues sur les deux
+appareils à peu près dans les mêmes conditions que sur les pôles de
+deux éléments de pile réunis par leurs pôles de même nom, et pour
+qu'un courant se manifeste il suffit que la tension électrique de
+l'une des sources soit affaiblie ou augmentée; mais alors le courant
+différentiel qui en résulte et qui est seul à agir, est soumis à
+toutes les lois qui régissent la transmission des courants sur les
+circuits et, par conséquent, doit être aussi bien affecté par la
+résistance du circuit que tout autre courant.<a href="#toc"><span class="small">[Table des Matières]</span></a></p>
+
+<h2><span class="pagenum"><a id="page104" name="page104"></a>(p. 104)</span> MODIFICATIONS APPORTÉES À LA CONSTRUCTION DES TÉLÉPHONES
+BELL.</h2>
+
+<p>Les modifications que nous avons étudiées précédemment se rapportent
+au principe même de l'appareil; celles qui nous restent à étudier ne
+sont que des modifications dans la forme et la disposition des
+différents organes qui constituent le téléphone Bell lui-même, et qui
+ont été combinées en vue d'augmenter l'intensité et la netteté des
+sons produits.</p>
+
+<p class="p2"><b>Téléphones à diaphragmes multiples.</b>&mdash;Si l'on considère que les
+courants induits déterminés dans un téléphone, résultent des
+mouvements vibratoires du diaphragme, et que ceux-ci sont provoqués
+par les vibrations de la couche d'air interposée entre ce diaphragme
+et l'organe vocal, on en déduit naturellement que si ces vibrations de
+la couche d'air réagissaient sur plusieurs diaphragmes accompagnés
+isolément de leur organe électro-magnétique, on pourrait déterminer
+simultanément plusieurs courants induits qui, étant associés
+convenablement, pourraient fournir des effets d'autant plus intenses
+sur le récepteur, que les sons qui seraient engendrés résulteraient de
+plusieurs sources sonores combinées. Plusieurs inventeurs, en partant
+de ce raisonnement, ont combiné des appareils plus ou moins ingénieux
+que nous allons maintenant passer en revue, sans pouvoir cependant
+indiquer celui qui le premier a réalisé cette idée. Elle est, en
+effet, tellement simple, qu'elle est venue vraisemblablement <span class="pagenum"><a id="page105" name="page105"></a>(p. 105)</span>
+à l'esprit de plusieurs inventeurs au même moment, et nous voyons que
+tandis que M. Trouvé indiquait en France, au mois de novembre 1877, ce
+perfectionnement, on le mettait en essai en Amérique et on le
+discutait en Angleterre, et même on ne le regardait pas, dans ce
+dernier pays, comme appelé à donner des résultats favorables; voici,
+en effet, ce que dit M. Preece à cet égard, dans un mémoire publié par
+lui le 4 avril 1878, et intitulé: <i>On some physical points connected
+with the telephone.</i> «Tous ceux qui se sont occupés de perfectionner
+le téléphone n'ont éprouvé que des désappointements et des insuccès
+désespérants. Un des premiers essais de ce genre fut entrepris par M.
+Willmot qui pensait obtenir un bon résultat en augmentant le nombre
+des diaphragmes, des hélices et des aimants, en réunissant les hélices
+en séries et en les faisant agir simultanément afin d'augmenter
+l'énergie des courants développés sous l'influence de la voix; mais
+l'expérience montra que quand l'appareil agissait directement, l'effet
+vibratoire de chacun des diaphragmes décroissait proportionnellement à
+leur nombre, et l'effet général restait le même qu'avec un seul
+diaphragme. L'instrument de M. Willmot a été construit au commencement
+d'octobre 1877, et celui de M. Trouvé n'en est qu'une dérivation.»</p>
+
+<p>D'un autre côté, nous voyons que si, en Angleterre, les téléphones à
+membranes multiples n'ont pas produit de bons résultats, il n'en a pas
+été de même en Amérique, car les téléphones aujourd'hui les plus en
+usage dans ce pays sont précisément ceux de MM. Elisha Gray et Phelps,
+qui sont à plusieurs diaphragmes. Il <span class="pagenum"><a id="page106" name="page106"></a>(p. 106)</span> y a évidemment dans la
+disposition de ces appareils des détails de construction qui peuvent
+paraître insignifiants, théoriquement, et qui ont pourtant une grande
+importance au point de vue pratique, et nous croyons que c'est surtout
+à cette circonstance que les appareils de ce genre doivent leur
+réussite ou leur non réussite. Ainsi, par exemple, il paraît que les
+vibrations de l'air, déterminées dans l'embouchure, doivent être
+dirigées sur les diaphragmes normalement à leur surface et par
+l'intermédiaire de canaux distincts; il faut que les espaces vides
+autour des diaphragmes, soient assez étroits afin d'éviter les échos
+et les interférences, à moins que la caisse ne soit assez grande pour
+que ces effets ne soient pas à craindre. Il faut surtout que les
+matières employées pour la fixation des organes ne soient pas
+susceptibles de jouer, et c'est pour cela qu'on emploie de préférence
+le fer ou l'ébonite. Ce qui paraît certain, c'est que quand l'appareil
+est bien construit, il donne des effets supérieurs aux téléphones
+Bell, et, s'il faut croire le <i>Telegraphic Journal</i>, un appareil de ce
+genre expérimenté devant la Société royale de Londres le 1<sup>er</sup> mai
+1878, aurait déterminé des effets d'une intensité proportionnelle au
+nombre des diaphragmes. Cet appareil avait été combiné par M. Cox
+Walker de New-York, et possédait huit diaphragmes. C'est d'après lui,
+la disposition qui donne les meilleurs résultats.</p>
+
+<a id="img034" name="img034"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img034.jpg" width="400" height="499" alt="" title="">
+<p>Fig. 34.</p>
+</div>
+
+<p class="p2"><i>Système de M. Elisha Gray.</i>&mdash;Le dernier système de M. Elisha Gray,
+que nous représentons fig. 34, est un de ceux qui ont donné les
+meilleurs effets. Il est <span class="pagenum"><a id="page107" name="page107"></a>(p. 107)</span> constitué, comme on le voit, par
+deux téléphones juxtaposés auxquels correspondent deux tuyaux V, issus
+d'une embouchure commune E. L'un de ces téléphones est vu en coupe sur
+la figure, l'autre en élévation, et ils correspondent aux deux
+branches d'un aimant en fer à cheval nickelisé NUS, qui peut servir
+d'anneau pour le suspendre. Dans le côté de la figure qui montre la
+coupe, on peut voir en B la bobine d'induction et en A le noyau
+magnétique qui est en fer doux et vissé sur l'extrémité polaire S de
+l'aimant; la lame vibrante est en <span class="pagenum"><a id="page108" name="page108"></a>(p. 108)</span> LL, et, comme on le voit,
+le tuyau de l'embouchure y aboutit normalement à sa surface.</p>
+
+<p>Dans un autre modèle, il existe quatre téléphones juxtaposés au lieu
+de deux, et il donne des effets encore plus marqués.</p>
+
+<p class="p2"><i>Système de M. Phelps.</i>&mdash;Ce système n'est qu'une dérivation du
+précédent, mais il y a deux modèles; dans le grand, qui permet
+d'entendre comme si la personne avec laquelle vous entrez en
+correspondance parlait à haute voix et de très-près, les deux
+téléphones sont placés parallèlement l'un devant l'autre et de manière
+à présenter verticalement leur diaphragme. L'intervalle compris entre
+ces deux lames est occupé par un tuyau vertical terminé inférieurement
+par un tuyau horizontal correspondant aux centres des deux
+diaphragmes, et c'est sur ce tuyau qu'est adaptée l'embouchure qui
+ressort extérieurement de la boîte carrée où est renfermé l'appareil.
+Les bobines d'induction et les noyaux magnétiques qui les traversent
+sont placés suivant l'axe du système, et semblent constituer une sorte
+d'axe de roue qui se trouve polarisé par les pôles d'un aimant en fer
+à cheval dont on peut régler la position par rapport à la surface des
+diaphragmes au moyen d'écrous mobiles. On dirait en voyant l'appareil,
+une sorte de tore de gyroscope soutenu par un axe horizontal sur deux
+piliers issus d'un aimant en fer à cheval aplati.</p>
+
+<p>Au-dessus de ce système, se trouve l'appareil magnéto-électrique de la
+sonnerie d'appel, qui n'a d'ailleurs rien de particulier et qui se
+rapproche des avertisseurs <span class="pagenum"><a id="page109" name="page109"></a>(p. 109)</span> allemands dont nous parlerons à
+la fin de cette notice. Cet appareil est remarquable par la force et
+la netteté de ses sons et surtout par l'absence de cette voix de
+polichinelle si désagréable dans les autres téléphones.</p>
+
+<p>Le petit modèle de M. Phelps a la forme d'une tabatière oblongue ou en
+ellipse dont les deux centres sont occupés par deux systèmes
+téléphoniques actionnés par un même aimant. Celui-ci est placé
+horizontalement au-dessous de la tabatière, et ses pôles correspondent
+aux noyaux magnétiques des bobines. Ces noyaux sont constitués par des
+tubes de fer fendus longitudinalement pour faire disparaître les
+réactions d'induction insolites, et les diaphragmes de fer sont
+appuyés sur cinq ressorts à boudin qui tendent à les soulever
+au-dessus du système magnétique. Du côté opposé, ces diaphragmes sont
+munis de bagues en matière demi-élastique, qui empêchent les
+vibrations centrales des lames de se compliquer de celles des bords.
+Sur ces lames est ensuite appliqué le couvercle qui est creusé de
+cavités très-évasées et peu profondes, avec couloirs de communication
+qui constituent la caisse sonore. L'embouchure correspond à l'une des
+cavités, et l'autre est fermée par un petit bouchon métallique que
+l'on retire pour régler l'appareil quand besoin en est. Les vibrations
+de l'air se trouvant transmises par les couloirs aux deux cavités, les
+deux téléphones fonctionnent simultanément quoique, à première vue, un
+seul des téléphones semble être appelé à produire l'effet.</p>
+
+<p>Suivant M. Pope, la perfection de cet appareil tient <span class="pagenum"><a id="page110" name="page110"></a>(p. 110)</span> à la
+simultanéité des effets produits sur les deux appareils, à la petite
+bague semi-élastique qui circonscrit les contours de chaque lame
+vibrante et qui joue le rôle du marteau de l'oreille, c'est-à-dire
+celui d'étouffoir, aux fentes longitudinales du noyau tubulaire
+magnétique et à la petitesse des cavités laissées au-dessus des lames
+vibrantes. L'appareil est d'ailleurs en ébonite et strié sur sa
+surface pour lui donner plus de fixité dans la main.</p>
+
+<p class="p2"><i>Système de M. Cox Walker.</i>&mdash;Ce système, dont nous avons dit
+précédemment quelques mots, a exactement la disposition de celui de M.
+Elisha Gray. Les aimants qui agissent sur les diaphragmes sont en fer
+à cheval, et des conduits séparés, issus d'une embouchure commune,
+dirigent les vibrations de l'air sur les diaphragmes. Ceux-ci, par
+exemple, ne sont que des parties circonscrites d'un même diaphragme,
+limitées circulairement par des embouchures correspondantes aux
+conduits d'air, et qui sont assez comprimées sur leurs bords pour
+limiter le champ de la vibration.</p>
+
+<p class="p2"><i>Système de M. Trouvé.</i>&mdash;M. Trouvé a rendu très-simple la disposition
+des téléphones à double diaphragme en combinant son appareil de
+manière à faire réagir sur plusieurs lames l'aimant droit de Bell par
+ses deux pôles à la fois. À cet effet, il emploie un aimant tubulaire
+et enroule l'hélice sur toute sa longueur, comme on le voit fig. 35.
+Cet aimant est maintenu dans une position fixe au centre d'une petite
+boîte cylindrique dont les bases sont taillées de manière <span class="pagenum"><a id="page111" name="page111"></a>(p. 111)</span> à
+former légèrement entonnoir, et ce sont elles qui servent d'embouchure
+et de cornet acoustique. Elles sont en conséquence percées d'un trou
+central plus large en <i>a</i>, du côté où l'on parle, que du côté opposé
+<i>b</i>. Entre ces bases et les pôles de l'aimant sont disposées deux
+lames vibrantes en fer M, M' dont l'une, M, est percée d'un trou <i>a</i>,
+de même diamètre que la partie creuse de l'aimant et plus petit par
+conséquent que celui de l'embouchure. Enfin entre ces deux lames se
+trouve échelonnée une série d'autres lames <i>n</i>, <i>n</i>, <i>n</i> disposées
+parallèlement de manière à laisser passer, au travers, l'aimant et son
+hélice.</p>
+
+<a id="img035" name="img035"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img035.jpg" width="350" height="255" alt="" title="">
+<p>Fig. 35.</p>
+</div>
+
+<p>Quand on parle devant l'embouchure <i>a</i>, les ondes sonores, en
+rencontrant les bords de la lame M, la mettent en vibration, et
+continuant leur route dans l'intérieur du tube aimant, viennent faire
+vibrer la lame pleine M' qui vibre alors synchroniquement avec la lame
+M. Il en résulte sur l'aimant tubulaire une <span class="pagenum"><a id="page112" name="page112"></a>(p. 112)</span> double action
+inductrice qui se traduit par des courants induits développés dans
+l'hélice, et qui sont d'autant plus énergiques, que chacune des lames
+renforce les effets magnétiques produits au pôle opposé à celui
+qu'elles actionnent, comme cela a toujours lieu avec les aimants
+droits dont le pôle inactif est garni d'une armature. Cet avantage
+peut même être constaté avec les téléphones ordinaires quand on met
+seulement en contact la vis qui tient l'aimant avec une masse de fer
+doux.</p>
+
+<p>Avec la disposition de M. Trouvé, les courants induits déterminés sont
+donc plus énergiques; mais suivant l'auteur, les sons reproduits
+seraient aussi plus forts par la multiplicité des effets vibratoires
+et par l'amplification des effets magnétiques résultant de la
+disposition plus avantageuse des pièces magnétiques.</p>
+
+<p>«L'oreille placée en <i>a</i>, dit M. Trouvé, perçoit directement les sons
+produits par la première lame M, et ceux de la seconde lui arrivent
+par l'intérieur du tube aimant. Cette nouvelle disposition est des
+plus heureuses pour comparer expérimentalement les résultats fournis
+par un téléphone à membrane unique (téléphone Bell), et ceux fournis
+par un téléphone à membranes multiples. En effet, il suffit d'écouter
+alternativement aux deux faces de ce téléphone, pour s'apercevoir
+immédiatement de la différence d'intensité des sons perçus. Ceux
+recueillis en <i>a</i>, du côté de la membrane percée, paraissent
+sensiblement doubles en intensité de ceux recueillis en <i>b</i> du côté de
+la membrane pleine qui constitue le téléphone ordinaire.</p>
+
+<p>«La différence est encore plus frappante si, en <span class="pagenum"><a id="page113" name="page113"></a>(p. 113)</span> transmettant
+ou recevant un son invariable d'intensité à travers un téléphone
+multiple, on empêche à plusieurs reprises la membrane pleine M' de
+vibrer.»</p>
+
+<p>Avant cette disposition, M. Trouvé en avait imaginé une autre qu'il
+présenta à l'Académie des sciences, le 26 novembre 1877 et qui est
+celle à laquelle nous avons fait allusion au commencement de ce
+chapitre. Il la décrit en ces termes:</p>
+
+<p>«Pour augmenter l'intensité des effets produits dans le téléphone
+Bell, j'ai substitué à la membrane unique de ce téléphone, une chambre
+cubique dont chaque face, à l'exception d'une, est constituée par une
+membrane vibrante. Chacune de ces membranes, mise en vibration par le
+même son, influence un aimant fixe également muni d'un circuit
+électrique. De cette sorte, en associant tous les courants engendrés
+par ces aimants, on obtient une intensité unique qui croît
+proportionnellement au nombre des aimants influencés. On peut
+remplacer le cube par un polyèdre dont les faces seraient formées d'un
+nombre indéfini de membranes vibrantes afin d'obtenir l'intensité
+voulue.»</p>
+
+<p class="p2"><i>Système de M. Demoget.</i>&mdash;Plusieurs autres systèmes de téléphones à
+membranes multiples ont encore été proposés:</p>
+
+<p>L'un d'eux, imaginé par M. Demoget, consiste à placer en avant et à un
+millimètre de la plaque vibrante du téléphone ordinaire de Bell, une
+ou deux plaques vibrantes semblables, en ayant soin de percer dans la
+première et au centre, un orifice circulaire d'un diamètre <span class="pagenum"><a id="page114" name="page114"></a>(p. 114)</span>
+égal à celui du barreau aimanté, et dans la seconde un orifice d'un
+diamètre plus grand.</p>
+
+<p>Suivant l'auteur, on augmente ainsi non-seulement l'intensité des sons
+transmis, mais encore leur netteté.</p>
+
+<p>«Par cette disposition, dit M. Demoget, la masse vibrante magnétique
+en regard de l'aimant étant plus grande, la force électro-motrice des
+courants engendrés est augmentée, et par conséquent les vibrations des
+plaques du deuxième téléphone sont plus perceptibles.»</p>
+
+<p class="p2"><b>Modifications dans la disposition des organes téléphoniques.</b>&mdash;Les
+formes que l'on a données au téléphone Bell ont été, comme on l'a déjà
+vu, très-diversifiées, mais celles que l'on a adoptées pour ses
+organes constituants l'ont été encore plus, sans amener de notables
+améliorations. Voici ce que dit à cet égard M. Preece dans le travail
+intéressant dont nous avons parlé plus haut: «En augmentant ou en
+variant les dimensions et la force des aimants, on n'a obtenu que peu
+ou point d'améliorations, et le plus grand effet obtenu a été réalisé
+par l'emploi d'aimants en fer à cheval disposés comme l'a indiqué Bell
+lui-même. Le téléphone a certainement été introduit en Europe avec sa
+disposition théorique la plus parfaite, quoique Bell travaille encore
+à l'améliorer.» Cet avis est aussi celui de M. Hellesen qui a fait
+comme M. Preece beaucoup d'expériences à cet égard, ce qui n'empêche
+pas beaucoup de personnes d'annoncer qu'ils ont découvert le moyen de
+faire parler un téléphone devant toute une assemblée. De ce nombre
+nous citerons M. Righi de Milan, <span class="pagenum"><a id="page115" name="page115"></a>(p. 115)</span> qui prétend avoir obtenu de
+merveilleux résultats; mais nous avons vu que M. Bell y était
+également parvenu. Si ce n'est le microphone de M. Hughes, nous ne
+voyons pas de progrès bien marqués réalisés dans ces nouvelles
+inventions.</p>
+
+<p>Néanmoins nous croyons utile d'indiquer les dispositions nouvelles qui
+ont été proposées, et parmi elles nous en citerons une dans laquelle,
+au lieu d'un aimant droit, on emploie un aimant en fer à cheval, entre
+les pôles duquel est placée la lame vibrante. Ces pôles sont, à cet
+effet, munis de semelles de fer, et l'une d'elles est percée d'un
+trou, qui correspond à l'embouchure de l'appareil. Les deux branches
+de l'aimant sont d'ailleurs munies d'hélices magnétisantes. Quand on
+parle à travers le trou, la lame en vibrant détermine dans les deux
+hélices des courants induits qui seraient de sens contraire si les
+deux pôles étaient de même nom, mais qui se trouvent être de même
+sens, en raison de la nature contraire des pôles magnétiques. La lame
+vibrante joue alors le même rôle que les deux lames de l'appareil de
+M. Trouvé, que nous avons décrit précédemment.</p>
+
+<p>D'un autre côté, un inventeur anonyme, dans une petite note insérée
+dans les <i>Mondes</i>, du 7 février 1878, écrit ce qui suit: «L'intensité
+des courants produits dans le téléphone, étant proportionnelle à la
+masse de fer doux qui vibre devant le pôle de l'aimant, et d'autre
+part, la plaque étant d'autant plus sensible qu'elle est plus mince,
+j'emploie, au lieu de la plaque ordinaire, une plaque réduite par
+l'acide azotique à la plus faible épaisseur, et je la fixe à un cercle
+de fer doux qui la tient tendue et fait corps avec elle. Ce cercle se
+trouve <span class="pagenum"><a id="page116" name="page116"></a>(p. 116)</span> logé dans une ouverture circulaire ménagée à
+l'intérieur du pavillon. Pour un même téléphone, l'intensité est
+très-sensiblement augmentée quand on ajuste un système semblable à la
+place de la plaque ordinaire, ne fut-ce qu'à une des extrémités de la
+ligne.»</p>
+
+<p>Afin de permettre d'employer des lames vibrantes d'une épaisseur
+extrêmement faible, M. E. Duchemin a imaginé de mettre à contribution
+des lames de mica très-minces, saupoudrées de fer porphyrisé qu'il
+fixe au moyen d'une couche de silicate de potasse. On pourrait,
+d'après l'auteur, correspondre à voix basse avec ce système, mais on
+aurait l'inconvénient de crever la lame en parlant trop haut.</p>
+
+<p>M. le professeur Jorgensen, de Copenhague, a construit aussi un
+téléphone Bell produisant des sons très-intenses et qui lui a permis
+de constater des effets très-curieux. Dans cet appareil, l'aimant est
+constitué d'une manière analogue aux électro-aimants tubulaires de
+Nicklès. C'est d'abord un aimant cylindrique muni à sa partie
+supérieure d'un noyau de fer doux sur lequel est adaptée la bobine;
+puis un tube aimanté constitué par une bague d'acier qui enveloppe le
+premier système magnétique et qui est relié avec celui-ci par une
+culasse de fer. Enfin, au-dessus des extrémités polaires de ce
+système, se trouve la lame vibrante qui est disposée comme dans les
+téléphones ordinaires, et qui présente une grande surface. Quand cette
+lame n'avait qu'un millimètre d'épaisseur, on pouvait entendre la
+parole dans toute une chambre; mais quand on mettait l'oreille près de
+la lame vibrante, les sons n'avaient plus aucune netteté; la parole
+était confuse et semblait <span class="pagenum"><a id="page117" name="page117"></a>(p. 117)</span> répercutée comme quand on parle
+dans un espace trop sonore et sujet à produire beaucoup d'échos; on
+était en un mot étourdi par les sons produits. En prenant une plaque
+plus épaisse de 3 ou 4 millimètres, par exemple, le téléphone ne
+produisait plus que les effets des téléphones ordinaires, et il
+fallait mettre l'oreille contre l'instrument.</p>
+
+<p>M. Marin Maillet, de Lyon, a de son côté imaginé, pour augmenter les
+sons reproduits par le téléphone, de les faire réfléchir par un
+certain nombre de réflecteurs qui, en les concentrant à leur foyer sur
+un résonnateur pouvaient les amplifier considérablement. Cette idée
+n'ayant pas été accompagnée d'expériences ne présente à la vérité rien
+de sérieux.<a href="#toc"><span class="small">[Table des Matières]</span></a></p>
+
+<h2>EXPÉRIENCES RELATIVES AU TÉLÉPHONE.</h2>
+
+
+<p>Depuis les expériences de M. Bell rapportées dans la première partie
+de ce travail, bien des essais ont été entrepris par divers savants et
+divers inventeurs pour étudier les effets produits dans ce curieux
+instrument, en bien préciser la théorie et en déduire des
+perfectionnements pour sa construction. Nous allons passer
+successivement en revue ces différentes recherches.</p>
+
+<p class="p2"><b>Expériences sur les effets produits par les courants voltaïques et les
+courants induits.</b>&mdash;L'une des premières et des plus importantes a été
+l'étude comparative des effets produits dans le téléphone par les
+courants voltaïques et les courants induits. Dès l'année <span class="pagenum"><a id="page118" name="page118"></a>(p. 118)</span>
+1873, M. Elisha Gray avait, comme on l'a vu, transformé les courants
+voltaïques qu'il employait pour faire vibrer les lames de son
+transmetteur, en courants induits, par l'intermédiaire d'une bobine
+d'induction analogue à celle de Ruhmkorff. Les courants voltaïques
+traversaient alors l'hélice primaire de la bobine, et c'étaient les
+courants induits qui réagissaient sur l'appareil récepteur en
+déterminant sur les systèmes électro-magnétiques qui le composaient
+les vibrations provoquées au poste de transmission. Quand M. Edison
+combina son système de téléphone à pile, il eut recours au même moyen
+pour actionner son téléphone récepteur, parce qu'il avait reconnu
+lui-même que les courants induits étaient plus avantageux que les
+courants voltaïques. Mais cette particularité du dispositif de M.
+Edison n'avait pas été bien comprise d'après les descriptions
+parvenues en Europe; de sorte que plusieurs personnes ont cru avoir
+imaginé cette disposition avantageuse, et parmi elles nous citerons le
+colonel Navez et MM. Pollard et Garnier.</p>
+
+<p>Le colonel Navez, dans une note intéressante sur un système nouveau de
+téléphone présenté à l'Académie royale de Belgique le 2 février 1878,
+ne fait qu'indiquer cette disposition comme moyen de reproduire la
+parole à de longues distances; mais il ne cite aucune expérience qui
+montre nettement les avantages de cette combinaison. MM. Pollard et
+Garnier vingt jours après M. Navez, et sans avoir eu connaissance du
+travail de ce dernier, m'ont envoyé les résultats qu'ils avaient
+obtenus par un moyen semblable, et ces résultats m'ont paru si
+intéressants que j'en ai fait l'objet d'une <span class="pagenum"><a id="page119" name="page119"></a>(p. 119)</span> communication à
+l'Académie des sciences, le 25 février 1878. Pour qu'on puisse être
+bien fixé sur l'importance de ces résultats, je vais rapporter
+textuellement ce qu'en dit M. Pollard dans la lettre qu'il m'a écrite
+le 20 février 1878.</p>
+
+<p>«Dans le but d'accroître les variations de l'intensité électrique dans
+le système d'Edison, nous faisons passer le courant dans le circuit
+inducteur d'une petite bobine de Ruhmkorff, et nous adaptons le
+téléphone récepteur aux extrémités du fil induit. Le courant reçu a
+alors pour intensité la dérivée de celle du courant inducteur, et par
+suite, les variations produites dans le courant actionnant le
+téléphone ont beaucoup plus d'amplitude. L'intensité des sons transmis
+est fortement augmentée, et la valeur de cette augmentation dépend du
+rapport entre les nombres des tours de spires des circuits inducteurs
+et induits. Les essais que nous faisons pour déterminer les meilleures
+proportions sont pénibles, puisqu'il faut faire autant de bobines que
+d'expériences; jusqu'ici nous avons obtenu d'excellents résultats avec
+une petite bobine de Ruhmkorff réduite à sa plus simple expression,
+c'est-à-dire sans condensateur ni interrupteur. Le fil inducteur est
+du n<sup>o</sup> 16 et forme 5 couches; le fil induit est du n<sup>o</sup> 32 et forme 20
+couches. La longueur de la bobine est de 10 centimètres.</p>
+
+<p>«L'expérience la plus remarquable et la plus saisissante est la
+suivante: en faisant fonctionner le transmetteur avec un seul élément
+Daniell, on n'obtient rien d'appréciable à la réception, du moins dans
+le téléphone que j'ai construit, quand il est adapté directement
+<span class="pagenum"><a id="page120" name="page120"></a>(p. 120)</span> au circuit. En intercalant la petite bobine d'induction, on
+perçoit alors les sons avec une grande netteté et une intensité égale
+à celle des bons téléphones ordinaires. L'amplification est alors
+considérable et très nettement accusée. Comme le courant de pile est
+alors peu intense, les pointes de plombagine ne s'usent pas, et le
+réglage persiste longtemps. En employant une pile plus énergique, six
+éléments au bichromate de potasse (en tension) ou douze éléments
+Leclanché, on obtient, par l'action directe, une intensité suffisante
+pour percevoir les sons un peu plus faiblement qu'avec les téléphones
+ordinaires; mais en intercalant la bobine d'induction, on a alors des
+sons bien plus intenses et qui peuvent être entendus à 50 ou 60
+centimètres de l'embouchure. Des chants peuvent, dans ces mêmes
+circonstances, être entendus à plusieurs mètres; mais le rapport
+d'amplification ne paraît pas jusqu'ici être aussi grand que pour le
+cas d'un seul élément Daniell.»</p>
+
+<p>D'un autre côté, on voit dans les <i>Mondes</i> du 7 mars 1878, la
+description d'une série d'expériences faites par M. Luvini, professeur
+de physique à l'académie militaire de Turin qui montrent que
+l'introduction d'électro-aimants dans le circuit réunissant deux
+téléphones augmente assez sensiblement l'intensité du son. En en
+plaçant un près du téléphone transmetteur, l'autre près du téléphone
+récepteur, on obtient le maximum d'effet, et l'introduction d'un plus
+grand nombre de ces organes ne produit rien d'utile. Le fil inducteur
+d'une bobine de Ruhmkorff introduit dans le circuit dont il vient
+d'être question, n'a provoqué aucun effet d'induction sensible dans le
+circuit induit, et par conséquent <span class="pagenum"><a id="page121" name="page121"></a>(p. 121)</span> n'a pu faire fonctionner
+le téléphone correspondant à ce circuit. En revanche, le courant d'une
+machine de Clarke détermine des sons prononcés qui ressemblent assez à
+des coups de caisse et sont assourdissants quand l'oreille est
+appliquée contre l'instrument; mais ils deviennent très-faibles à un
+mètre de distance. Les courants d'une machine de Ruhmkorff donnent des
+effets encore plus énergiques: le son remplit toute une chambre. En
+modifiant la position du marteau de la bobine, le son passe par des
+tons différents qui sont toujours à l'unisson des interruptions du
+courant, du moins jusqu'à une certaine hauteur de ton.</p>
+
+<p>Cette propriété des courants induits de la bobine de Ruhmkorff a
+permis à M. Gaiffe d'obtenir, par leur intermédiaire, un moyen
+très-facile de réglage pour les téléphones afin de les placer dans
+leurs conditions de maximum de sensibilité. Il met pour cela à
+contribution un de ses appareils d'induction à hélices mobiles et à
+intensités graduées dans le circuit duquel il interpose le téléphone à
+régler. Les sons résultant du vibrateur se trouvent alors répercutés
+par le téléphone, et s'entendant à distance de l'instrument, on peut
+au moyen d'un tournevis, réagir sur la vis à laquelle est fixée
+l'extrémité libre du barreau aimanté de l'appareil. En la serrant ou
+en la desserrant, on rapproche ou on éloigne l'autre extrémité de ce
+barreau de la lame vibrante du téléphone, et on répète ces essais
+jusqu'à ce qu'on soit arrivé à obtenir le maximum de l'intensité du
+son.</p>
+
+<p>D'un autre côté, comme les sons rendus par les deux <span class="pagenum"><a id="page122" name="page122"></a>(p. 122)</span>
+téléphones en correspondance sont d'autant plus intenses que les
+vibrations produites par eux se rapprochent plus de l'unisson, il est
+nécessaire de les choisir de manière à émettre les mêmes sons pour une
+même note donnée, et le moyen indiqué précédemment peut être
+très-avantageusement employé; car il suffit de noter ceux de ces
+appareils qui, pour un même réglage de la machine d'induction, donnent
+la même note dans les conditions de maximum de sensibilité. Un bon
+accouplement des deux téléphones en correspondance est non-seulement
+très-important au point de vue de la netteté des transmissions, mais
+il doit être encore considéré par rapport à la hauteur de la voix de
+ceux qui sont destinés à en faire usage. Plus cette hauteur est en
+rapport avec celle des sons produits par les appareils, mieux les sons
+sont perçus; c'est pourquoi il est des téléphones qui résonnent
+beaucoup mieux avec la voix des enfants et des femmes qu'avec la voix
+des hommes, tandis que l'inverse a lieu pour d'autres.</p>
+
+<p>Les vibrations des téléphones sont très-différentes d'un appareil à
+l'autre, et les moyens que nous venons d'indiquer permettent
+facilement de s'en rendre compte.</p>
+
+<p>Si on place dans le circuit induit d'une bobine d'induction reliée à
+un téléphone, un condensateur de grande surface et que l'on éloigne
+assez le contact de plombagine de la lame vibrante pour ne la toucher
+que momentanément à chaque vibration, on ne reçoit plus naturellement
+les articulations des sons, mais seulement les notes d'un air que l'on
+chante devant la <span class="pagenum"><a id="page123" name="page123"></a>(p. 123)</span> plaque du transmetteur; seulement le
+courant inducteur ayant des interruptions brusques, engendre des
+courants induits très-intenses, et suivant MM. Pollard et Garnier, on
+entend dans tout un appartement l'air chanté, mais avec un timbre
+particulier qui dépend de la construction du téléphone et du
+condensateur.</p>
+
+<p>Les avantages des courants induits dans les transmissions
+téléphoniques se comprennent aisément, si l'on réfléchit que les
+variations de résistance du circuit qui résultent de la plus ou moins
+grande amplitude des vibrations de la lame transmettrice étant des
+valeurs constantes, ne peuvent manifester distinctement leurs effets
+que sur des circuits courts; par conséquent les articulations des sons
+qui en résultent, doivent ne plus être très-appréciables sur des
+circuits très-résistants. Toutefois, si on considère que d'après les
+expériences de M. Warren de la Rue (voir le <i>Telegraphic journal</i> du
+1<sup>er</sup> mars 1878, p. 97), les courants produits par les vibrations de la
+voix dans un téléphone ordinaire, représentent en intensité ceux d'un
+élément Daniell traversant 100 megohms de résistance (soit 10 000 000
+de kilomètres de fil télégraphique), on peut comprendre qu'il y a
+autre chose à considérer dans les effets avantageux des courants
+induits que la simple question d'intensité plus ou moins grande des
+courants agissant sur le téléphone récepteur. Avec une pile énergique,
+il est évident, en effet, que les courants différentiels qui agiront
+seront toujours plus intenses que les courants induits déterminés par
+le jeu de l'instrument. Je ne serais pas, quant à moi, éloigné de
+croire que c'est surtout à leurs inversions successives <span class="pagenum"><a id="page124" name="page124"></a>(p. 124)</span> et à
+leur faible durée, que les courants induits doivent les avantages
+qu'ils présentent. Ces courants en effet dont la durée ne dépasse
+guère, suivant M. Blaserna, 1/200 de seconde, se prêtent beaucoup
+mieux que les courants voltaïques aux vibrations multipliées qui sont
+le propre des vibrations phonétiques, et cela d'autant mieux que les
+inversions successives qui se produisent, déchargent la ligne,
+renversent les effets magnétiques et contribuent à rendre les actions
+plus nettes et plus promptes. On ne doit donc pas s'étonner si les
+courants induits de la bobine d'induction, qui peuvent se produire
+dans des conditions excellentes au poste de transmission, puisque le
+circuit du courant voltaïque est alors très-court, soient capables de
+fournir des résultats non-seulement plus avantageux que les courants
+voltaïques qui leur donnent naissance, mais même que les courants
+induits résultant du jeu des téléphones Bell, puisqu'ils sont
+infiniment plus énergiques.</p>
+
+<p>Quant aux effets relativement considérables produits par les courants
+si minimes des téléphones Bell, ils s'expliquent facilement par cette
+considération que, prenant naissance sous l'influence même des
+vibrations de la lame téléphonique, leurs variations d'intensité
+conservent toujours le même rapport, quelle que soit la résistance du
+circuit, et ne sont pas, en conséquence, effacées par la distance
+séparant les deux téléphones.</p>
+
+<p class="p2"><b>Expériences sur le rôle des différents organes d'un téléphone dans la
+transmission de la parole.</b>&mdash;Pour pouvoir apporter au téléphone tous
+les perfectionnements <span class="pagenum"><a id="page125" name="page125"></a>(p. 125)</span> dont il est susceptible, le point
+important était d'être bien fixé sur la nature des effets déterminés
+dans les différentes parties qui le composent et sur le rôle joué par
+les différents organes qui s'y trouvent mis en jeu. C'est pour être
+fixé à cet égard qu'un certain nombre de savants et de constructeurs
+ont entrepris une série d'expériences qui ont fourni de
+très-intéressantes indications.</p>
+
+<p>L'un des points les plus intéressants à élucider était celui de savoir
+si la lame vibrante dont MM. Bell et Gray ont muni leur récepteur
+téléphonique, détermine à elle seule les vibrations complexes qui
+reproduisent la parole, ou bien si les différentes parties du système
+électro-magnétique de l'appareil concourent toutes à cet effet. Les
+expériences faites dès l'année 1837 par M. Page sur les sons produits
+par les tiges électro-magnétiques résonnantes, et les recherches
+entreprises en 1846 par MM. de la Rive, Wertheim, Matteucci, etc. sur
+ce phénomène curieux, permettaient certainement de poser la question,
+et nous verrons à l'instant qu'elle est beaucoup plus complexe qu'on
+ne pourrait le croire à première vue.</p>
+
+<p>Pour avoir un point de départ fixe, il fallait avant tout reconnaître
+si un téléphone dépourvu de lame vibrante peut reproduire la parole.
+Les expériences faites dès le mois de novembre 1877 par M. Edison<a id="footnotetag16" name="footnotetag16"></a><a href="#footnote16" title="Lien vers la note 16"><span class="smaller">[16]</span></a>
+<span class="pagenum"><a id="page126" name="page126"></a>(p. 126)</span> avec des téléphones munis d'un diaphragme en cuivre,
+téléphones qui avaient pu cependant fournir des sons, pouvaient le
+faire croire, et ces expériences confirmées par M. Preece et surtout
+par M. Blyth, donnaient plus de poids à cette hypothèse; mais, quand
+M. Spottiswoode eut assuré, (voir le <i>Telegraphic-Journal</i> du 1<sup>er</sup>
+mars 1878, p. 95) que l'on pouvait supprimer entièrement la lame
+vibrante d'un téléphone sans empêcher la transmission de la parole,
+pourvu que l'extrémité polaire de l'aimant fût placée très-près de
+l'oreille, le doute ne fut plus permis, et c'est alors que je
+présentai à l'Académie des sciences ma note sur la théorie du
+téléphone qui provoqua bientôt de la part de MM. Navez et Luvini une
+discussion intéressante dont je parlerai à l'instant. On voulut
+d'abord nier l'authenticité de ces résultats, puis on chercha à
+expliquer les sons entendus par M. Spottiswoode par une transmission
+mécanique des vibrations effectuée de la même manière que dans les
+téléphones à ficelle; mais de nombreuses expériences entreprises
+depuis par MM. Warwich, Rossetti, Hughes et beaucoup d'autres ont
+montré qu'il n'en était pas ainsi, et qu'un <span class="pagenum"><a id="page127" name="page127"></a>(p. 127)</span> téléphone sans
+diaphragme pouvait transmettre électriquement la parole.</p>
+
+<p>M. Navez lui-même qui, dans l'origine, avait nié le fait, convient
+aujourd'hui qu'un téléphone sans diaphragme peut émettre des sons, et,
+même dans certaines conditions exceptionnelles de phonation et
+d'audition téléphonique, reproduire la voix humaine; mais il croit
+toujours que l'on ne peut reconnaître s'il y a ou non articulation des
+mots.</p>
+
+<p>Cette incertitude dans les résultats obtenus par les différents
+physiciens qui se sont occupés de cette question prouve, toutefois,
+que les sons ainsi reproduits ne sont pas très-accentués et que, dans
+des phénomènes physiques appréciables seulement à nos sens, la
+constatation d'un effet peu accentué dépend surtout de la perfection
+de nos organes. Nous verrons à l'instant comment cet effet si faible
+peut se développer dans de grandes proportions par suite de la
+disposition adoptée par MM. Bell et Gray.</p>
+
+<p>Un second point était encore à éclaircir. Il s'agissait de savoir si
+le diaphragme d'un téléphone vibre réellement, ou du moins si ses
+vibrations peuvent entraîner son déplacement, comme cela a lieu dans
+un trembleur électrique ou un instrument à anches que l'on fait vibrer
+par un courant d'air. M. Antoine Bréguet a fait à cet égard des
+expériences intéressantes qui ont montré que ce mouvement n'était pas
+admissible, car il a pu faire parler très-distinctement des téléphones
+avec des lames vibrantes de toutes les épaisseurs, et il a poussé les
+expériences jusqu'à employer des lames de 15 centimètres d'épaisseur.
+La <span class="pagenum"><a id="page128" name="page128"></a>(p. 128)</span> superposition sur ces lames épaisses de morceaux de bois,
+de caoutchouc et en général de substances quelconques n'empêchait pas
+l'effet de se produire. Or on ne peut admettre dans ce cas que les
+lames puissent être animées d'un mouvement de va-et-vient. J'ai
+d'ailleurs constaté en superposant une couche d'eau ou de mercure sur
+ces lames et même sur des diaphragmes minces, qu'aucun mouvement
+sensible ne les animait, du moins en n'employant, comme source
+électrique, que les courants induits déterminés par l'action de la
+parole. Aucunes rides ne se distinguaient à la surface de la couche
+liquide, même quand pour les apercevoir on employait des appareils à
+réflexion lumineuse. Comment d'ailleurs pourrait-on admettre qu'un
+courant qui n'est pas plus intense que celui d'un élément de Daniell
+ayant traversé dix millions de kilomètres de fil télégraphique,
+courant qui ne peut fournir de déviation que sur un galvanomètre
+Thomson, et encore en admettant que le courant a été provoqué en
+appuyant le doigt sur le diaphragme, ait une énergie suffisante pour
+faire vibrer mécaniquement par attraction une lame de fer aussi tendue
+que l'est celle d'un téléphone!!!</p>
+
+<p>Il résulte toutefois d'expériences photographiques très-précises, que
+des vibrations sont produites par le diaphragme d'un téléphone
+récepteur; elles sont infiniment petites, si l'on veut, mais elles
+sont, suivant M. Blake, suffisantes pour qu'un index très-léger, porté
+par ce diaphragme, puisse fournir quelques petites inflexions sur une
+ligne décrite par lui sur un enregistreur. Toutefois, de ce qu'un
+petit mouvement <span class="pagenum"><a id="page129" name="page129"></a>(p. 129)</span> de vibration existe sur ce diaphragme, il ne
+s'ensuit pas qu'il doive être rapporté à un effet d'attraction, car il
+peut résulter d'une vibration déterminée par l'action même de la
+magnétisation au sein du diaphragme<a id="footnotetag17" name="footnotetag17"></a><a href="#footnote17" title="Lien vers la note 17"><span class="smaller">[17]</span></a>.</p>
+
+<p>Voici, du reste, une expérience très-intéressante de M. Hughes,
+répétée d'ailleurs dans d'autres conditions par M. Millar, qui prouve
+bien en faveur de notre opinion.</p>
+
+<p>Si l'aimant d'un téléphone récepteur est constitué par deux barreaux
+aimantés parfaitement égaux, séparés l'un de l'autre par un isolant
+magnétique, et qu'on les place dans la bobine de manière à présenter
+en face du diaphragme tantôt des pôles de même nom, tantôt des pôles
+contraires, on reconnaît que le téléphone reproduit mieux la parole
+dans ce dernier cas que dans le premier. Or, si les effets étaient
+attractifs il n'en serait pas ainsi, car les actions sont en
+discordance quand des pôles de noms contraires sont soumis à une même
+action électrique, tandis qu'elles sont conspirantes dans un même sens
+quand ces pôles sont de même nom.</p>
+
+<p>D'un autre côté, on reconnaît que si on emploie plusieurs <span class="pagenum"><a id="page130" name="page130"></a>(p. 130)</span>
+lames de fer superposées pour constituer le diaphragme d'un téléphone
+récepteur, la transmission des sons est beaucoup plus forte que quand
+le diaphragme est simple, et pourtant l'attraction, si tant est
+qu'elle pût se faire, ne pourrait se produire que sur l'un des
+diaphragmes.</p>
+
+<p>Une expérience très-intéressante de M. A. Bréguet a montré encore que
+les différentes parties constituantes d'un téléphone, aussi bien le
+manche, les bornes de cuivre, la coquille que la plaque et le barreau
+aimanté, peuvent transmettre les sons; et pour arriver à constater ce
+résultat, M. Bréguet a employé des téléphones à ficelle dont il
+attachait le fil en différents points du téléphone expérimenté. Il a
+pu de cette manière non-seulement établir une correspondance entre une
+personne faisant agir le téléphone électrique et une autre écoutant
+dans le téléphone à ficelle, mais encore faire parler plusieurs
+téléphones à ficelle, reliés en plusieurs points du téléphone
+électrique.</p>
+
+<p>Ces deux séries d'expériences montrent que des sons peuvent être
+obtenus des diverses parties d'un téléphone sans mouvements
+vibratoires très-appréciables; mais M. J. Luvini a voulu s'en assurer
+d'une manière plus nette encore, en examinant si définitivement
+l'aimantation d'un corps magnétique suivie de sa désaimantation
+entraînerait une variation dans la forme et les dimensions de ce
+corps. Il a en conséquence fait construire un grand électro-aimant
+tubulaire qu'il remplissait d'une assez grande quantité d'eau pour
+que, ses deux extrémités étant bouchées, le liquide pût apparaître
+dans un tube capillaire adapté <span class="pagenum"><a id="page131" name="page131"></a>(p. 131)</span> à l'un des bouchons. De cette
+manière, les plus petites variations dans la capacité de la partie
+creuse de l'électro-aimant étaient accusées par une ascension ou une
+descente de la colonne liquide. Or, en faisant traverser
+l'électro-aimant par un courant électrique de différente intensité, il
+n'a jamais observé aucun changement dans le niveau de l'eau dans le
+tube. Avec cette disposition il pouvait mesurer pourtant un changement
+de volume de 1/30 de millimètre cube. Donc, il résulte de ces effets,
+que les vibrations produites dans un corps magnétique sous l'influence
+d'aimantations et de désaimantations successives, sont <i>tout à fait
+moléculaires</i>. Nous examinerons à l'instant comment ces différentes
+déductions peuvent être interprétées pour que l'on puisse comprendre
+la véritable théorie du téléphone; mais avant d'entamer cette étude
+nous devrons indiquer encore quelques autres expériences qui ont aussi
+leur intérêt.</p>
+
+<p>Nous avons vu que MM. Edison, Blyth et Preece avaient fait des
+expériences qui ont montré que des sons pouvaient être reproduits par
+un téléphone dont le diaphragme était constitué avec une matière non
+magnétique, mais ils ont fait voir aussi, chose plus curieuse encore,
+que ces sons pouvaient être transmis sous l'influence de courants
+induits provoqués par ces diaphragmes mis en vibration devant
+l'aimant. Déjà MM. Edison et Blyth avaient avancé ce fait, mais M.
+B.-W. Warwich, dans un article publié dans l'<i>English-mecanic</i> (voir
+les <i>Mondes</i> du 2 mai 1878), l'a confirmé malgré l'incrédulité qui
+avait accueilli cette nouvelle; «Il semblerait, dit-il, que <span class="pagenum"><a id="page132" name="page132"></a>(p. 132)</span>
+pour agir sur l'aimant de manière à produire des courants induits,
+quelque chose doit d'abord vibrer d'une manière quelconque et être en
+possession de plus de force vive qu'un gaz; mais il n'est pas
+nécessaire que la substance soit magnétique, car les corps
+diamagnétiques agissent très-bien<a id="footnotetag18" name="footnotetag18"></a><a href="#footnote18" title="Lien vers la note 18"><span class="smaller">[18]</span></a>.» M. Preece en avait recherché
+<span class="pagenum"><a id="page133" name="page133"></a>(p. 133)</span> la cause dans les courants induits développés dans un corps
+conducteur quelconque quand on fait mouvoir devant lui un aimant,
+courants qui donnent lieu au phénomène découvert par Arago et connu
+sous le nom de <i>magnétisme de rotation</i>. Ces faits toutefois ne nous
+paraissent pas encore assez bien établis pour <span class="pagenum"><a id="page134" name="page134"></a>(p. 134)</span> qu'on puisse
+s'occuper sérieusement de leur théorie, et il pourrait se faire que
+les effets observés fussent la conséquence de simples transmissions
+mécaniques.</p>
+
+<p>S'il faut en croire M. Preece, il paraîtrait qu'on pourrait
+transmettre avec un téléphone dont on remplacerait l'aimant par un
+simple noyau de fer doux, et il attribue ce résultat au magnétisme
+rémanent du fer et à l'action magnétique exercée sur ce barreau par le
+magnétisme terrestre. M. Blake de Boston a constaté aussi le même
+phénomène, mais il ne l'observait d'une manière marquée que quand le
+noyau de fer doux était placé dans une direction inclinée par rapport
+à la terre.</p>
+
+<p>Suivant M. Navez, l'intensité du son reproduit dans un téléphone
+dépend, non-seulement de l'amplitude des vibrations, mais aussi de la
+surface vibrante par suite de l'action qu'elle exerce sur la couche
+d'air qui doit transmettre les sons. (Voir le mémoire de M. Navez dans
+le <i>Bulletin de l'Académie de Belgique</i>, du 7 juillet 1878).</p>
+
+<p class="p2"><b>Expériences sur les effets résultant de chocs mécaniques communiqués à
+différentes parties d'un téléphone.</b>&mdash;Si dans un téléphone ordinaire on
+adapte une pièce de fer contre la vis qui tient l'aimant, on reconnaît
+que les sons transmis sont un peu plus accentués, ce qui tient au
+renforcement du pôle actif de l'aimant; mais on entend au moment où
+l'on applique la pièce de fer contre la vis, un bruit assez prononcé
+qui semble être dû aux vibrations mécaniques déterminées dans le
+barreau au moment du <span class="pagenum"><a id="page135" name="page135"></a>(p. 135)</span> choc. M. le lieutenant de vaisseau des
+Portes a fait dernièrement sur ce genre de phénomènes des expériences
+intéressantes. Ainsi il a reconnu que, si sur un circuit téléphonique
+de 100 mètres complété par le sol, le téléphone transmetteur est
+réduit au simple aimant muni de sa bobine qui constitue son organe
+électro-magnétique, et que cet aimant soit suspendu verticalement par
+un fil de soie, la bobine en haut, un coup frappé sur cet aimant, soit
+au moyen d'un morceau de bois, soit au moyen d'une tige de cuivre,
+pourra déterminer dans le téléphone récepteur, des sons distincts qui
+augmenteront d'autant plus d'intensité que le coup sera frappé plus
+près de la bobine, et qui deviendront plus forts encore, mais moins
+nets, quand on mettra en contact avec le pôle supérieur de l'aimant
+une lame vibrante de fer doux.</p>
+
+<p>Quand le corps avec lequel on frappe est en fer, les sons dont il
+vient d'être question sont plus accentués qu'avec le morceau de bois,
+et quand l'aimant est muni de sa lame vibrante appliquée sur son pôle
+actif, on saisit en même temps que le bruit du choc une vibration de
+la plaque.</p>
+
+<p>Si le corps percuteur est un aimant, les bruits produits sont
+semblables à ceux que l'on obtient avec un percuteur en fer, quand
+l'effet est produit entre pôles de même nom, mais si ce sont des pôles
+de noms contraires, on entend après chaque coup un second bruit
+produit par l'arrachement de l'aimant et qui paraît être un coup
+frappé beaucoup moins fort. Naturellement ces bruits augmentent si
+l'aimant est muni de sa lame vibrante.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page136" name="page136"></a>(p. 136)</span> Si on parle sur la plaque vibrante du téléphone transmetteur
+quand elle est appliquée sur le pôle de l'aimant, on entend sur le
+téléphone récepteur des sons variés assez semblables à ceux produits
+par les vibrations d'une corde à violon, et le bruit que fait la
+plaque quand on la retire du contact de l'aimant est parfaitement
+entendu au récepteur.</p>
+
+<p>Quand on parle au récepteur, la personne qui a l'oreille appliquée sur
+la plaque vibrante du transmetteur, disposé comme ci-dessus, entend
+très-bien, mais ne distingue pas les paroles, ce qui tient sans doute
+au magnétisme condensé au point de contact de l'aimant et de la lame
+vibrante, et qui rend les variations magnétiques plus lentes et plus
+difficiles à s'effectuer.</p>
+
+<p>Pour percevoir les coups frappés sur l'aimant avec une tige de fer
+doux, la présence de la bobine n'est pas nécessaire. En enroulant
+trois tours seulement du fil conducteur dénudé, servant de fil de
+ligne, sur une extrémité de l'aimant, on peut percevoir les sons, et
+ces sons cessent, comme dans les autres expériences, quand le circuit
+est interrompu, ce qui montre bien qu'on ne peut les attribuer à une
+transmission mécanique. Mais ce qui est le plus curieux, c'est que si
+l'aimant est interposé dans le circuit de manière à en faire partie
+intégrante, et que les deux extrémités du fil conducteur soient
+enroulées autour des bouts de l'aimant, les coups frappés sur celui-ci
+avec le fer doux, sont perçus dans le téléphone aussitôt que l'un des
+pôles de l'aimant est muni de la plaque vibrante.</p>
+
+<p>J'ai répété moi-même les expériences de M. des Portes <span class="pagenum"><a id="page137" name="page137"></a>(p. 137)</span> en
+frappant simplement sur la vis qui, dans les téléphones ordinaires
+fixe l'aimant à l'appareil, et j'ai constaté que, toutes les fois que
+le circuit était complet, les coups frappés avec un couteau d'ivoire
+étaient répétés par le téléphone; ils étaient très-faibles, il est
+vrai, quand la lame vibrante était enlevée, mais très-marqués avec
+l'addition de cette lame. Au contraire, toutes les fois que le circuit
+était interrompu, aucun bruit n'était perçu. Ces bruits étaient du
+reste plus forts quand les coups étaient frappés sur la vis que quand
+ils étaient frappés sur le pôle même de l'aimant au-dessus de la
+bobine, ce qui tenait à ce que, dans le premier cas, le barreau
+pouvait vibrer librement, tandis que dans le second, les vibrations se
+trouvaient étouffées par suite de la fixation du barreau.</p>
+
+<p>On pourrait, jusqu'à un certain point, expliquer ces effets en disant
+que les vibrations déterminées sur l'aimant par le choc, ont pour
+résultat de déterminer <i>des déplacements ondulatoires des particules
+magnétiques</i> dans toute l'étendue du barreau, et que de ces
+déplacements doivent résulter, dans l'hélice, d'après la loi de Lenz,
+des courants induits dont la force augmente quand la puissance de
+l'aimant est surexcitée par la réaction de son diaphragme, lequel joue
+le rôle d'armature, et par celle du corps percuteur quand il est
+magnétique. Toutefois, les dernières expériences de M. des Portes sont
+plus difficiles à expliquer, et il pourrait bien y avoir autre chose
+que des courants induits ordinaires.</p>
+
+<p>Ces expériences ne sont pas les seules qui montrent <span class="pagenum"><a id="page138" name="page138"></a>(p. 138)</span> les
+effets déterminés sous l'influence d'ébranlements moléculaires de
+diverses natures.&mdash;Ainsi, M. Thomson de Bristol a reconnu que si on
+introduit dans le circuit d'un téléphone ordinaire, une pièce de fer
+et une tige de laiton placée perpendiculairement sur le fer, il
+suffira de donner un coup sur la tige de laiton pour déterminer un son
+énergique dans le téléphone. D'un autre côté, il a montré aussi que si
+on entoure les deux extrémités polaires d'un aimant droit de deux
+bobines d'induction, mises en rapport avec le circuit d'un téléphone,
+et qu'on promène au-dessous de l'aimant, dans l'intervalle séparant
+les deux bobines, la flamme d'une lampe à alcool, on entend un bruit
+très-marqué aussitôt que la flamme exerce son action sur le barreau
+aimanté. Cet effet provient sans doute de l'affaiblissement du
+magnétisme du barreau déterminé par l'effet calorifique alors produit.
+Enfin j'ai reconnu moi-même que des grattements effectués sur l'un des
+fils qui réunissent deux téléphones entre eux, sont perçus dans ces
+téléphones, quel que soit d'ailleurs le point du circuit où ces
+grattements sont produits. Les sons ainsi provoqués sont, à la vérité,
+très-faibles, mais ils se distinguent nettement, et acquièrent une
+plus grande intensité quand le grattement est effectué sur les bornes
+d'attache des fils des téléphones. Tous ces sons, d'ailleurs, ne
+peuvent pas être la conséquence d'une transmission mécanique de
+vibrations, car quand le circuit est interrompu, on ne peut en
+percevoir aucun. D'après ces expériences, on pourrait croire que
+certains bruits que l'on constate dans les téléphones expérimentés sur
+les lignes télégraphiques, <span class="pagenum"><a id="page139" name="page139"></a>(p. 139)</span> pourraient bien provenir des
+frictions des fils sur les supports, frictions qui donnent lieu à ces
+sons souvent très-intenses que l'on entend quelquefois sur certaines
+lignes télégraphiques.</p>
+
+<p class="p2"><b>Théorie du téléphone.</b>&mdash;Il semblerait résulter des diverses expériences
+que nous avons rapportées précédemment, que l'explication qu'on donne
+généralement des effets produits dans le téléphone, serait
+très-incomplète, et que la transmission de la parole, au lieu de
+résulter de la répétition par la membrane du téléphone récepteur (sous
+l'influence des effets électro-magnétiques produits) des vibrations
+déterminées par la voix sur la membrane du téléphone transmetteur,
+devrait provenir des vibrations moléculaires déterminées dans le
+système électro-magnétique tout entier et particulièrement sur le
+noyau magnétique enveloppé par l'hélice. Ces vibrations seraient dès
+lors de la même nature que celles qui ont été étudiées dans les tiges
+électro-magnétiques résonnantes par MM. Page, de la Rive, Wertheim,
+Matteucci, etc., et ce sont elles qui ont été mises à contribution
+dans les téléphones de Reiss, de Cécil et Léonard Wray, et de
+Vander-Weyde. Dans cette hypothèse, la lame vibrante aurait pour
+principal rôle à remplir, de réagir pour la production des courants
+induits quand elle serait mise en vibration par la voix, et de
+renforcer par sa réaction sur l'extrémité polaire du barreau aimanté,
+les effets magnétiques déterminés au sein de celui-ci, quand elle
+vibrerait sous l'influence électro-magnétique, ou du moins, quand elle
+serait actionnée par l'aimant. Or <span class="pagenum"><a id="page140" name="page140"></a>(p. 140)</span> comme ces vibrations sont
+d'autant plus amplifiées pour une même note, que la lame est plus
+flexible, et comme, d'un autre côté, les variations dans l'état
+magnétique d'une lame s'effectuent d'autant plus rapidement qu'elle
+présente moins de masse, on comprend immédiatement pourquoi il
+convient d'employer des lames vibrantes très-minces et relativement
+petites, comme l'a fait M. Edison. Dans le cas de la transmission, la
+plus grande amplitude des vibrations augmente l'intensité des courants
+induits transmis. Dans le cas de la réception, les variations
+d'aimantation déterminant les sons, sont rendues plus accentuées et
+plus nettes, aussi bien dans la membrane armature que dans le barreau
+aimanté; il y a donc avantage dans les deux cas. Cette hypothèse
+n'exclut d'ailleurs en rien l'effet phonétique des vibrations
+mécaniques et physiques qui pourraient se produire dans la lame
+armature sous l'influence des magnétisations et démagnétisations
+qu'elle subit, et qui viendraient ajouter leur action à celle des
+noyaux magnétiques.</p>
+
+<p>Quelle est la nature des vibrations transmises dans le téléphone
+récepteur? C'est une question encore obscure, et ceux qui s'en sont
+occupés sont loin d'être d'accord; elle a même été l'objet d'une
+discussion intéressante en 1846 entre MM. Wertheim et De la Rive, et
+les découvertes nouvelles la rendent encore plus compliquée. Suivant
+M. Wertheim, ces vibrations seraient à la fois longitudinales et
+transversales et proviendraient d'attractions échangées entre les
+spires de l'hélice magnétisante et les particules magnétiques du
+noyau; suivant M. De la Rive elles seraient, dans le <span class="pagenum"><a id="page141" name="page141"></a>(p. 141)</span> cas qui
+nous occupe, uniquement longitudinales et résulteraient de
+contractions et dilatations moléculaires déterminées par des
+arrangements différents pris par les molécules magnétiques, sous
+l'influence des aimantations et des désaimantations. C'est cette
+explication qui nous paraît la plus rationnelle, et une expérience
+faite en 1846 par M. Guillemin semblerait la confirmer. M. Guillemin
+avait en effet reconnu que si une tige flexible de fer entourée d'une
+hélice magnétisante est pincée dans un étau à l'une de ses extrémités
+et recourbée sous l'influence d'un poids adapté à l'autre extrémité,
+on peut la faire redresser instantanément par le passage d'un courant
+à travers l'hélice magnétisante. Or ce redressement ne peut, dans ce
+cas, provenir que de la contraction déterminée par les molécules
+magnétiques qui, sous l'influence de leur aimantation, tendent à
+provoquer des attractions intermoléculaires et à modifier les
+conditions d'élasticité du métal. On sait en effet que du fer ainsi
+aimanté acquiert la dureté de l'acier et qu'il ne peut plus être
+attaqué par la lime.</p>
+
+<p>Quoi qu'il en soit, il est impossible de ne pas admettre que des sons
+soient produits dans le noyau magnétique aussi bien que dans
+l'armature, sous l'influence d'effets électriques intermittents. Ces
+sons pourront d'ailleurs être musicaux ou articulés; car du moment où
+le transmetteur aura provoqué l'action électrique convenable, nous ne
+voyons pas de raison pour que des vibrations effectuées
+transversalement ou longitudinalement transmettent les uns plutôt que
+les autres. Ces vibrations, du reste, <span class="pagenum"><a id="page142" name="page142"></a>(p. 142)</span> sont, comme on l'a vu,
+pour ainsi dire microscopiques<a id="footnotetag19" name="footnotetag19"></a><a href="#footnote19" title="Lien vers la note 19"><span class="smaller">[19]</span></a>.</p>
+
+<p>M. J. Luvini, qui partage nos idées sur la théorie qui précède, croit
+cependant qu'elle ne peut satisfaire complétement l'esprit, que si
+l'on fait entrer en ligne de compte la réaction déterminée par le
+barreau magnétique sur l'hélice qui l'entoure. «Il ne peut y avoir,
+dit-il, <i>action</i> sans <i>réaction</i>, et en conséquence les changements
+moléculaires déterminés dans le barreau doivent provoquer des
+variations correspondantes dans l'hélice, et les deux effets doivent
+contribuer à la production des sons.» Il cite à l'appui de son dire
+l'expérience suivante du professeur Rossetti, qui est réellement
+curieuse.</p>
+
+<p>Dans une suite de recherches qu'il avait entreprises sur les
+téléphones sans lame vibrante, ce savant avait employé sans le savoir
+un téléphone dont la bobine n'était pas bien fixée sur le noyau
+magnétique, et il remarqua à son grand étonnement que cette bobine
+oscillait le long du noyau magnétique, au passage des courants
+discontinus, et qu'elle produisait des sons. Or ce mouvement était une
+réaction déterminée par les effets magnétiques produits.</p>
+
+<p>La difficulté d'expliquer la production des sons dans un organe
+électro-magnétique dépourvu d'armature, avait fait nier dans l'origine
+l'authenticité des expériences que nous avons rapportées précédemment,
+et M. Navez avait entamé avec nous une discussion qui ne sera pas sans
+doute terminée de sitôt; mais il <span class="pagenum"><a id="page143" name="page143"></a>(p. 143)</span> est résulté de cette
+discussion, que ce savant a été obligé de convenir que <i>le son de la
+voix humaine pouvait être reproduit par un récepteur téléphonique
+privé de sa plaque</i>. Toutefois, il croit encore que cette reproduction
+est trop faible pour qu'on puisse reconnaître s'il y a ou s'il n'y a
+pas articulation, et soutient toujours que les vibrations
+transversales de la plaque résultant d'effets attractifs, sont les
+seules qui reproduisent la parole articulée avec une intensité
+suffisante pour être utile.</p>
+
+<p>Il est certain que l'articulation de la parole exige une certaine
+puissance de vibration qu'un téléphone sans diaphragme ne peut pas
+facilement fournir, car il faut considérer que, dans un appareil ainsi
+disposé, les effets magnétiques sont réduits dans un rapport
+considérable qui est celui de la force magnétique développée dans le
+barreau à cette force multipliée par elle-même, et qu'une action,
+aussi faible que l'est celle accusée dans un téléphone, devient pour
+ainsi dire nulle, quand par suite de la suppression de l'armature,
+elle n'est plus représentée que par la racine carrée de la force qui
+l'a déterminée. Il peut donc se faire que des sons à peine
+perceptibles dans un téléphone sans diaphragme, le deviennent quand,
+par suite de la présence de ce diaphragme, la cause qui les provoque
+est multipliée par elle-même et qu'il s'y ajoute encore les vibrations
+déterminées au sein de l'armature elle-même sous l'influence des
+magnétisations et démagnétisations qu'elle subit.</p>
+
+<p>Pour montrer que l'action du diaphragme n'est pas aussi indispensable
+que M. Navez semble le supposer, <span class="pagenum"><a id="page144" name="page144"></a>(p. 144)</span> et que les vibrations de ce
+diaphragme ne sont pas le résultat d'attractions électro-magnétiques,
+il suffit de se reporter aux expériences de M. Hughes que nous avons
+exposées p. <a href="#page129">129</a>. Il est certain que si cet effet était en jeu, on
+entendrait mieux quand les deux barreaux aimantés présenteraient des
+pôles de même nom devant le diaphragme, que quand ils présenteraient
+des pôles de noms contraires, puisque toutes les actions seraient
+alors conspirantes dans le même sens. D'un autre côté les plus grands
+effets que l'on obtient avec des diaphragmes multiples juxtaposés
+éloignent complétement cette hypothèse. Néanmoins, il pourrait se
+faire que dans les téléphones électro-magnétiques, le diaphragme de
+fer, en raison des variations faciles de son état magnétique, pût
+contribuer beaucoup à rendre les sons articulés plus nets et plus
+distincts; il pourrait alors réagir à la manière de la langue; mais
+nous croyons que c'est surtout à l'amplitude des vibrations
+déterminées sur le transmetteur, qu'on doit rapporter la plus ou moins
+grande netteté des sons articulés. Ainsi M. Hughes a démontré que les
+charbons de bois métallisés employés dans ses parleurs microphoniques
+étaient préférables aux charbons de cornue pour transmettre la parole,
+précisément parce que, étant moins conducteurs, les différences de
+résistance qui résultent des différences de pression, sont plus
+accentuées et permettent par conséquent de mieux faire saisir les
+différentes nuances des sons vocaux qui constituent l'articulation de
+la parole.</p>
+
+<p>Mais il ne s'agit plus aujourd'hui d'une discussion d'effets
+magnétiques; la science a marché depuis que <span class="pagenum"><a id="page145" name="page145"></a>(p. 145)</span> M. Navez a
+ouvert la discussion, et nous lui demanderons maintenant comment, avec
+sa théorie des mouvements attractifs du diaphragme des téléphones, il
+peut expliquer la reproduction de la parole par un microphone
+récepteur <i>dépourvu de tout organe électro-magnétique</i>, et je puis lui
+certifier que dans les expériences que j'ai faites, la transmission
+des vibrations ne pouvait se faire mécaniquement, car quand le circuit
+était coupé ou la pile retirée du circuit, aucun son n'était entendu.
+Il faut décidément que M. Navez compte avec les <i>vibrations
+moléculaires</i>. Certainement, c'est un terrain nouveau à étudier; mais
+c'est parce que nous nous acharnons en Europe à vouloir rester dans
+les limites de théories incomplètes que nous avons laissé aux
+américains, qui ne s'en inquiètent guère, la gloire de faire les
+grandes découvertes qui nous étonnent depuis quelques mois. Que M.
+Navez lise avec soin les notes de MM. Luvini, des Portes, Trève,
+Hughes, Rossetti, et nous sommes certain que ses idées se modifieront.</p>
+
+<p>En résumé, la théorie du téléphone et du microphone considérés comme
+organes reproducteurs de la parole est encore loin d'être élucidée
+complétement, et dans des questions aussi neuves, il serait imprudent
+d'être trop affirmatif.</p>
+
+<p>La transmission électrique des sons, dans les téléphones
+magnéto-électriques, ne laisse pas que de présenter quelques
+complications théoriques. On a vu en effet qu'on pouvait les obtenir
+avec des diaphragmes en matière non magnétique et même par l'effet de
+simples vibrations mécaniques déterminées par des <span class="pagenum"><a id="page146" name="page146"></a>(p. 146)</span> chocs.
+Est-ce à des réactions d'induction de l'aimant sur la lame vibrante
+mise en action qu'il faut les attribuer dans le premier cas, et aux
+mouvements des particules magnétiques devant les spires de l'hélice
+qu'il faut les rapporter dans le second?.... la question est encore
+bien obscure; néanmoins on peut concevoir que les modifications de
+l'action inductrice de l'aimant sur le diaphragme mis en vibration
+puissent entraîner des variations de l'intensité magnétique, de même
+qu'on peut admettre une action de la même nature par suite de
+l'éloignement, et du rapprochement des particules magnétiques des
+spires de l'hélice; toutefois M. Trève croit, dans ce dernier cas, à
+une action particulière qu'il a déjà eu occasion d'étudier dans
+d'autres circonstances, et voit dans le courant ainsi produit l'effet
+d'une transformation du travail mécanique déterminé au sein des
+molécules magnétiques. Ce qui complique encore la question, c'est que
+souvent ces effets sont produits par des transmissions simplement
+mécaniques.</p>
+
+<p>Il était encore un point intéressant à étudier et sur lequel M. Navez
+a donné quelques indications intéressantes; c'était de savoir si les
+effets étaient plus énergiques, pour la réception, avec des aimants
+permanents, qu'avec des aimants temporaires. Dans le premier modèle de
+téléphone exposé à Philadelphie par M. Bell, le récepteur était, comme
+on l'a vu, constitué par un électro-aimant tubulaire dont le pôle
+cylindrique était muni de la lame vibrante; mais M. Bell n'a pas
+maintenu cette disposition, et s'il faut en croire ce qu'il dit à cet
+égard dans son mémoire, ce serait afin de <span class="pagenum"><a id="page147" name="page147"></a>(p. 147)</span> rendre son
+appareil à la fois récepteur et transmetteur<a id="footnotetag20" name="footnotetag20"></a><a href="#footnote20" title="Lien vers la note 20"><span class="smaller">[20]</span></a>. Toutefois M. Navez
+prétend que le rôle de l'aimant est plus important, et même qu'il est
+indispensable dans les conditions actuelles de sa construction. «On
+peut, dit-il, dans certaines circonstances, et en construisant
+l'instrument d'une manière spéciale, faire parler un Bell récepteur
+sans aimant permanent; cependant, l'instrument tel qu'il est construit
+généralement, <i>reste muet</i> si on retire l'aimant pour le remplacer par
+un cylindre de fer doux fixé dans la bobine. Néanmoins il suffit
+d'approcher le pôle d'un aimant permanent d'un cylindre en fer doux,
+pour rendre la voix au téléphone: il résulte de nos expériences que
+pour qu'un téléphone Bell fonctionne bien, il est indispensable que la
+plaque soit soumise à une <i>tension magnétique initiale</i>, obtenue au
+moyen d'un aimant permanent. Cette assertion est d'ailleurs facile à
+déduire de considérations théoriques.»</p>
+
+<p>Quant à l'action des courants envoyés à travers l'hélice d'un
+téléphone, elle s'explique aisément. Quelles que soient les conditions
+magnétiques du barreau, les courants induits de différente intensité
+qui agissent sur lui, provoquent des modifications dans son état
+magnétique, d'où résultent des vibrations moléculaires par contraction
+et dilatation. Ces vibrations se produisant également dans l'armature
+sous l'influence des <span class="pagenum"><a id="page148" name="page148"></a>(p. 148)</span> aimantations et désaimantations qui y
+sont déterminées par l'action magnétique du noyau, renforcent celles
+de ce noyau, en même temps que les modifications dans l'état
+magnétique du système se trouvent amplifiées par suite de la réaction
+des deux pièces magnétiques l'une sur l'autre. Quand le barreau est en
+fer doux, les courants induits agissent en créant des aimantations
+plus ou moins énergiques auxquelles succèdent des désaimantations qui
+sont d'autant plus promptes que des courants inverses succèdent
+toujours à ceux qui ont été actifs, ce qui rend les alternatives
+d'aimantation et de désaimantation plus nettes et plus rapides. Quand
+le barreau est aimanté, l'action est différentielle, et peut s'exercer
+dans un sens ou dans un autre, suivant que les courants induits
+correspondant aux vibrations effectives, passent à travers la bobine
+réceptrice dans le même sens ou en sens contraire du courant
+magnétique du barreau. Si ces courants sont de même sens, l'action est
+renforçante, et les modifications sont effectuées comme si c'était une
+aimantation qui était déterminée. Si ces courants sont de sens
+contraire, l'effet inverse se produit; mais quels que soient ces
+effets, les vibrations moléculaires conservent les mêmes rapports
+réciproques et la même hauteur dans l'échelle des sons musicaux. Si on
+étudie la question au point de vue mathématique, on trouve la présence
+d'une constante en rapport avec l'intensité du courant qui n'existe
+pas dans les vibrations mécaniques et d'où résulterait peut-être le
+timbre particulier que présente la parole reproduite dans le
+téléphone, timbre qui l'a fait comparer à la voix de polichinelle. M.
+Dubois Raymond <span class="pagenum"><a id="page149" name="page149"></a>(p. 149)</span> a du reste publié sur cette théorie un
+mémoire intéressant qui est rapporté dans les <i>Mondes</i> du 21 février
+1878 (p. 314), mais que nous ne reproduisons pas ici, parce que les
+considérations qu'il émet sont trop scientifiques pour les lecteurs
+auxquels s'adresse notre ouvrage. Nous ajouterons seulement que
+d'après M. C. W. Cuningham, les vibrations produites dans un téléphone
+ne peuvent se manifester exactement dans les mêmes conditions que
+celles qui affectent le tympan de l'oreille, parce que celui-ci a une
+forme particulière en entonnoir qui exclut toute note fondamentale qui
+lui soit spécialement propre, tandis qu'il n'en est pas de même pour
+les barreaux et lames magnétiques qui possèdent des notes
+fondamentales capables de masquer beaucoup des demi-tons de la voix.
+C'est suivant lui à ces notes fondamentales qu'il faut attribuer
+l'altération de la voix observée dans le téléphone.<a href="#toc"><span class="small">[Table des Matières]</span></a></p>
+
+<h2>EXPÉRIENCES DIVERSES FAITES AVEC LE TÉLÉPHONE.</h2>
+
+
+<p>Nous allons nous occuper maintenant d'une série d'expériences qui,
+tout en faisant ressortir les merveilleuses propriétés du téléphone
+peuvent encore donner quelques indications sur l'importance des
+actions qui sont susceptibles de l'affecter.</p>
+
+<p class="p2"><b>Expériences de M. d'Arsonval.</b>&mdash;On a vu que le téléphone était un
+instrument d'une extrême sensibilité, mais cette sensibilité n'avait
+pu être appréciée d'une manière bien nette par les moyens ordinaires.
+Pour la <span class="pagenum"><a id="page150" name="page150"></a>(p. 150)</span> mesurer en quelque sorte, M. d'Arsonval a eu l'idée
+de la comparer à celle du nerf d'une grenouille, appareil qui, comme
+on le sait, avait été regardé jusqu'ici comme le plus parfait de tous
+les galvanoscopes, et le résultat de ses expériences a été que le
+téléphone est deux cents fois plus sensible que ce nerf. Voici du
+reste comment M. d'Arsonval rend compte de ses recherches à cet égard
+dans les comptes rendus de l'Académie des sciences du 1<sup>er</sup> avril 1878.</p>
+
+<p>«Je prépare une grenouille à la manière de Galvani. Je prends
+l'appareil d'induction de Siemens usité en physiologie sous le nom
+d'<i>appareil à chariot</i>; j'excite avec la pince ordinaire le nerf
+sciatique, et j'éloigne la bobine induite jusqu'à ce que le nerf ne
+réponde plus à l'excitation électrique. Je remplace alors le nerf par
+le téléphone, et le courant induit qui n'excitait plus le nerf fait
+vibrer avec force cet appareil. J'éloigne la bobine induite et le
+téléphone vibre toujours.</p>
+
+<p>«Dans le silence de la nuit, j'ai pu entendre vibrer le téléphone en
+éloignant la bobine induite à une distance quinze fois plus grande que
+celle du minimum d'excitation du nerf; par conséquent, si l'on admet
+pour l'induction comme pour les actions à distance la loi des carrés
+inverses, on voit que, dans cette circonstance, le téléphone est au
+moins deux cents fois plus sensible que le nerf.</p>
+
+<p>«Nous possédons dans le téléphone un instrument d'une sensibilité
+exquise. Il est, comme on le voit, beaucoup plus sensible que la patte
+galvanoscopique, et j'ai songé à en faire un galvanoscope. On n'étudie
+que très-difficilement les courants musculaires et nerveux <span class="pagenum"><a id="page151" name="page151"></a>(p. 151)</span>
+avec un galvanomètre de 30000 tours, parce que l'appareil manque
+d'instantanéité et que l'aiguille, à cause de son inertie, ne peut
+manifester de variations électriques se succédant rapidement, comme
+celles qui ont lieu par exemple dans le muscle lorsqu'on le tétanise.
+Cet inconvénient n'existe plus avec le téléphone qui répond toujours
+par une vibration à un changement électrique, quelque rapide qu'il
+soit. C'est donc un excellent instrument pour étudier le tétanos
+électrique du muscle. On peut être sûr d'avance que le courant
+musculaire excitera le téléphone puisque ce courant excite le nerf qui
+est moins sensible que cet appareil. L'instrument nécessite pour cela
+quelques dispositions spéciales.</p>
+
+<p>«Le téléphone ne peut servir qu'à constater les variations d'un
+courant électrique, quelque faibles qu'elles soient, il est vrai; mais
+j'ai trouvé le moyen par son intermédiaire de constater la présence
+d'un courant continu, quelque faible qu'il puisse être. J'y ai réussi
+en employant un artifice très-simple. Je lance dans le téléphone le
+courant supposé, et, pour obtenir des variations, j'interromps
+mécaniquement ce courant par le diapason. Si aucun courant ne traverse
+le téléphone, l'instrument reste muet. Si, au contraire, le plus
+faible courant existe, le téléphone vibre à l'unisson du diapason.»</p>
+
+<p>M. le professeur Eick, de Wurtzbourg, a aussi employé le téléphone
+pour des recherches physiologiques, mais en suivant une voie
+précisément contraire à celle explorée par M. d'Arsonval. Il a reconnu
+qu'en mettant les nerfs d'une grenouille en rapport avec un <span class="pagenum"><a id="page152" name="page152"></a>(p. 152)</span>
+téléphone, on les contractait d'une manière énergique aussitôt qu'on
+parlait dans l'appareil, et l'énergie des contractions dépendait
+surtout de la nature des mots prononcés; ainsi, il a constaté que les
+voyelles <i>a</i>, <i>e</i>, <i>i</i> ne produisaient presque pas d'effet, tandis que
+l'<i>o</i> et surtout l'<i>u</i> en déterminaient un très-énergique. Les mots
+<i>liege-still</i> prononcés à haute voix ne produisent qu'une très-faible
+action, tandis que le mot <i>tucker</i>, même prononcé à voix basse,
+agitait fortement la grenouille. Ces expériences, qui rappellent
+celles de Galvani, étaient naturellement basées sur les effets
+produits par les courants induits développés dans le téléphone, et
+prouvent que si cet instrument est un galvanoscope plus sensible que
+le nerf d'une grenouille, celui-ci est plus impressionnable que nos
+galvanomètres les plus perfectionnés.</p>
+
+<p class="p2"><b>Expériences de M. Demoget.</b>&mdash;Pour comparer l'intensité des sons
+transmis par le téléphone avec l'intensité du son primitif, M. Demoget
+a disposé dans une plaine découverte deux téléphones. Il tenait à
+l'oreille le premier, tandis qu'un aide s'éloignait de lui, en
+répétant sans cesse la même syllabe avec la même intensité de voix
+dans le deuxième instrument. Il entendait d'abord le son transmis par
+le téléphone, puis ensuite le son qui arrivait directement, en sorte
+que rien n'était plus facile que de comparer. Or, voici les résultats
+qu'il a obtenus.</p>
+
+<p>«À quatre-vingt-dix mètres, les intensités perçues étaient égales, la
+plaque vibrante étant éloignée du tympan d'environ cinq centimètres. À
+ce moment, le <span class="pagenum"><a id="page153" name="page153"></a>(p. 153)</span> rapport des intensités était donc de 25 à
+81.000.000. En d'autres termes, le son transmis par le téléphone
+n'était que 1/3.000.000 du son émis. «Mais comme les stations dans
+lesquelles on opérait ne pouvaient être considérées comme deux points
+vibrant librement dans l'espace, il y avait lieu, dit M. Demoget, de
+réduire ce rapport de moitié, à cause de l'influence du sol, et
+d'admettre que le son transmis par le téléphone était 1.500.000 fois
+plus faible que celui émis par la voix.</p>
+
+<p>«Comme, d'autre part, on sait que l'intensité de deux sons est
+proportionnelle au carré de l'amplitude des vibrations, on peut en
+conclure que les vibrations des deux plaques des téléphones étaient
+directement proportionnelles aux distances, c'est-à-dire, comme 5 est
+à 9.000, ou que les vibrations du téléphone transmetteur étaient
+dix-huit cents fois plus grandes que celles du téléphone récepteur. On
+peut donc comparer celles-ci à des vibrations moléculaires, car celles
+du téléphone transmetteur ont déjà une amplitude très-petite.</p>
+
+<p>«Sans diminuer en rien le mérite de la remarquable invention de Bell,
+continue M. Demoget, on peut conclure de ce qui précède que le
+téléphone, au point de vue du rendement, est une machine qui laisse
+bien à désirer, puisqu'elle ne transmet que la dix-huit centième
+partie du travail primitif, et que si cet instrument a donné des
+résultats si inattendus, cela tient bien plus à la perfection de
+l'organe de l'ouïe qu'à la perfection de l'instrument lui-même.»</p>
+
+<p>M. Demoget attribue cette déperdition du travail produit <span class="pagenum"><a id="page154" name="page154"></a>(p. 154)</span>
+dans le téléphone, surtout aux huit transformations successives que
+subit le son avant d'arriver à l'oreille, sans parler de celle qui est
+due à la résistance électrique de la ligne et qui, à elle seule, peut
+absorber toute l'énergie.</p>
+
+<p>Pour se rendre compte de la force des courants induits qui actionnent
+un téléphone, M. Demoget a cherché à les comparer à des courants d'une
+intensité connue, produisant des vibrations de même nature et de même
+force, et pour cela il a mis à contribution deux téléphones A et B en
+communication au moyen d'une ligne de 20 mètres de longueur. Près de
+la plaque vibrante du téléphone A, il a appuyé légèrement une petite
+lime sur laquelle on frottait avec une lame métallique; le bruit ainsi
+produit, était naturellement transmis par le téléphone B avec une
+certaine intensité qu'on pouvait apprécier. Il a ensuite remplacé le
+téléphone A par une pile, et la lime était introduite dans le circuit
+en la reliant à l'un des pôles. Le courant ne pouvait être fermé qu'en
+frottant la lime au moyen de la lame de ressort mise en communication
+avec l'autre extrémité du circuit. Mais on pouvait obtenir ainsi des
+courants interrompus qui, en faisant vibrer le téléphone B,
+produisaient un bruit dont l'intensité variait avec la force du
+courant de la pile. En cherchant l'intensité électrique capable de
+fournir de cette manière un son équivalant à celui produit par le
+téléphone A, M. Demoget a reconnu qu'elle correspondait à celle que
+fournit une petite pile thermo-électrique constituée par un fil de fer
+et un fil de cuivre de deux millimètres de diamètre, aplatis à leur
+extrémité <span class="pagenum"><a id="page155" name="page155"></a>(p. 155)</span> et soudés à l'étain; le faible courant résultant
+de cette pile ne faisait dévier que de deux degrés un galvanomètre à
+fil court.</p>
+
+<p>Cette estimation ne nous paraît pas toutefois réunir assez de
+conditions d'exactitude pour qu'on puisse en déduire le degré de
+sensibilité du téléphone, sensibilité qui, d'après les expériences de
+MM. Warren de la Rue, Brough, Peirce, est infiniment plus grande. M.
+Warren de la Rue, en effet, comme on l'a déjà vu, a reconnu au moyen
+du galvanomètre de Thomson, et en ramenant à la déviation fournie sur
+l'échelle de ce galvanomètre celle déterminée par un élément Daniell
+traversant un circuit complété par un Rhéostat, que les courants émis
+par un téléphone ordinaire de Bell sont équivalents à celui d'un
+élément Daniell traversant 100 megohms de résistance, c'est-à-dire dix
+millions de kilomètres de fil télégraphique. Suivant M. Brough, le
+directeur des télégraphes de l'Inde, le plus fort courant qui, à un
+moment donné, fait fonctionner le téléphone Bell, n'excède pas
+1/1.000.000.000 de l'unité de courant, c'est-à-dire, de un Weber, et
+le courant qui fait agir les relais dans l'Inde a 400 000 fois cette
+force. Enfin, le professeur Peirce, de Boston, compare les effets du
+courant téléphonique à ceux qui seraient produits par une source
+électrique dont la force électro-motrice serait la 1/200.000 partie
+d'un volt, ou de celle d'un élément Daniell. Du reste, comme l'observe
+M. Peirce, il est difficile de fixer un chiffre exact pour estimer la
+valeur réelle de ces sortes de courants, car elle est essentiellement
+variable suivant l'intensité des sons produits sur le téléphone
+<span class="pagenum"><a id="page156" name="page156"></a>(p. 156)</span> transmetteur; mais on peut affirmer qu'elle est moindre que
+la 1/1.000.000 partie du courant employé ordinairement pour faire
+fonctionner les appareils télégraphiques sur les lignes.</p>
+
+<p class="p2"><b>Expériences de M. Hellesen, de Copenhague.</b>&mdash;Pour se rendre compte des
+effets réciproques produits par les différentes parties d'un
+téléphone, M. Hellesen a construit des téléphones de mêmes dimensions
+avec trois dispositions différentes et inverses les unes des autres.
+Il en a d'abord établi une dans les conditions ordinaires, puis une
+autre dans les conditions du premier système de Bell, c'est-à-dire, en
+employant pour lame vibrante une membrane portant à son centre une
+petite armature de fer, et enfin la troisième disposition mettait à
+contribution un aimant cylindrique creux, à l'un des pôles duquel
+était fixée la lame vibrante, laquelle pouvait se mouvoir devant une
+spirale plate en limaçon, présentant le même nombre de spires que les
+deux autres hélices. Dans cette dernière disposition, les courants
+induits résultant des vibrations de la voix pouvaient être assimilés à
+ceux qui seraient la conséquence du rapprochement et de l'éloignement
+de deux spirales parallèles, dont une serait parcourue par un courant.
+Or, de ces trois dispositions, c'est celle qui a été adoptée par Bell,
+qui a fourni les meilleurs effets, et c'est un résultat réellement
+bien rare dans l'histoire des découvertes, qu'un inventeur soit arrivé
+du premier coup à la meilleure disposition à donner à son instrument.</p>
+
+<p class="p2"><span class="pagenum"><a id="page157" name="page157"></a>(p. 157)</span> <b>Expériences de M. Zetzche.</b> Il est toujours un certain noyau
+d'esprits de travers qui veulent nier l'évidence, le plus souvent pour
+faire acte de contradiction, et qui croient ainsi diminuer
+l'importance d'une découverte dont le retentissement les exaspère. Le
+téléphone et le phonographe ont été l'objet de ces critiques de
+mauvais aloi. Ne s'est-on pas avisé de dire que l'action électrique
+n'entrait pour rien dans les effets produits par le téléphone, et
+qu'il fonctionnait toujours sous l'influence de vibrations mécaniques
+transmises par le fil conducteur, absolument comme cela a lieu dans
+les téléphones à ficelle!!.. On a eu beau démontrer à ces esprits
+avisés que quand l'un des fils du circuit était interrompu, aucun son
+n'était produit, cette démonstration ne leur a pas suffi, et pour
+détruire toute objection de leur part, M. Zetzche a fait des
+expériences dans lesquelles il a démontré, par le mode même de la
+propagation du son, que l'idée d'attribuer le son produit dans un
+téléphone à une vibration mécanique est tout simplement absurde. Voici
+en effet ce qu'il dit à cet égard dans un article inséré dans le
+<i>Journal télégraphique</i> de Berne du 25 janvier 1878.</p>
+
+<p>«La correspondance par téléphone entre Leipzig et Dresde a fourni une
+nouvelle preuve que c'est bien par les courants électriques et non par
+la propagation purement mécanique des sons que se reproduisent les
+mots à la station de réception. La vitesse de propagation du son dans
+le fer (pour les ondulations longitudinales), pouvant être évaluée à 5
+kilomètres par seconde, le son devrait parcourir la distance de
+Leipzig à Dresde en 115/5 c'est-à-dire en 23 secondes. Jusqu'à
+l'arrivée <span class="pagenum"><a id="page158" name="page158"></a>(p. 158)</span> de la réponse il devrait s'écouler au moins autant
+de secondes. Par conséquent, dans chaque changement de direction de la
+correspondance, il devrait donc intervenir un intervalle de plus de
+3/4 de minute, ce qui n'est point du tout le cas.»</p>
+
+<p class="p2"><b>Expérience que tout le monde peut faire.</b>&mdash;Nous terminerons ce chapitre
+consacré à l'exposé des diverses expériences faites avec le téléphone,
+par l'indication d'une expérience curieuse qui, bien que très-facile à
+répéter, n'a été signalée qu'il y a quelques mois par les journaux de
+Pennsylvanie. Il s'agit de la transmission de la parole par un
+téléphone simplement appliqué sur l'une des parties du corps humain
+voisines de la poitrine. On a même prétendu que toutes les parties du
+corps pouvaient produire ce résultat; mais dans les expériences que
+j'ai faites je n'ai pu réussir que quand le téléphone était fortement
+appliqué sur ma poitrine. Dans ces conditions, et à travers même mes
+vêtements, j'ai pu me faire entendre, mais en parlant à voix
+très-haute, ce qui ferait supposer que le corps de l'homme participe
+tout entier aux vibrations provoquées par la voix. Dans ce cas, les
+vibrations sont transmises mécaniquement au diaphragme du téléphone
+transmetteur, non plus par l'air mais par le corps lui-même agissant
+sur la coque du téléphone.<a href="#toc"><span class="small">[Table des Matières]</span></a></p>
+
+<h2><span class="pagenum"><a id="page159" name="page159"></a>(p. 159)</span> LE MICROPHONE.</h2>
+
+<p>Le microphone n'est en réalité qu'un transmetteur de téléphone à pile,
+mais avec des caractères tellement particuliers qu'il constitue par le
+fait une invention originale qui méritait bien d'être désignée sous un
+nom particulier. Dans ces derniers temps il s'est élevé, à l'occasion
+de cette invention, entre M. Hughes, son auteur, et M. Edison,
+l'inventeur du téléphone à charbon et du phonographe, une contestation
+regrettable que les journaux ont envenimée et qui n'avait pas
+réellement sa raison d'être; car, en définitive si le principe
+physique du microphone peut paraître le même que celui du transmetteur
+téléphonique à charbon de M. Edison, sa disposition est tout à fait
+différente, la manière d'agir sur lui n'est pas la même, et les effets
+qu'on lui demande généralement sont d'une toute autre nature. C'est
+plus qu'il n'en faut pour constituer une invention nouvelle.
+D'ailleurs si on voulait bien examiner à fond le principe même de
+l'instrument, on pourrait s'étonner des prétentions que M. Edison a
+élevées. En effet M. Edison ne peut pas réclamer comme lui appartenant
+la découverte de la propriété que possèdent certains corps
+médiocrement conducteurs d'avoir leur conductibilité modifiée par la
+pression. J'ai fait dès l'année 1856 et à diverses autres époques, par
+exemple en 1864, 1872, 1875, de nombreuses expériences à cet égard,
+qui sont consignées dans le tome I de la seconde édition de mon exposé
+des applications <span class="pagenum"><a id="page160" name="page160"></a>(p. 160)</span> de l'électricité, p. 246<a id="footnotetag21" name="footnotetag21"></a><a href="#footnote21" title="Lien vers la note 21"><span class="smaller">[21]</span></a> et dans
+plusieurs notes présentées à l'Académie des sciences et insérées aux
+comptes rendus. D'un autre côté, M. Clérac s'était servi en 1865 d'un
+tube muni de plombagine avec une électrode mobile pour produire des
+résistances variables dans un circuit télégraphique. D'ailleurs, dans
+le transmetteur téléphonique de M. Edison, le disque de charbon doit
+être, comme on l'a vu, soumis à une certaine pression initiale afin
+que le courant ne soit pas interrompu par suite des vibrations de la
+lame contre laquelle il appuie, et il en résulte que les modifications
+de résistance du circuit qui donnent lieu aux sons articulés, ne sont
+produites que par des augmentations ou des diminutions plus ou moins
+grandes de pression, c'est-à-dire par des actions différentielles. Or
+nous allons voir à l'instant qu'il n'en est pas de même pour le
+microphone. D'abord, dans ce dernier appareil, le contact du charbon
+s'effectue sur d'autres charbons et non avec des disques de platine,
+et ces contacts sont multiples; en second lieu, la pression exercée
+sur tous les points de contact est excessivement <span class="pagenum"><a id="page161" name="page161"></a>(p. 161)</span> légère, ce
+qui fait qu'on peut faire varier les résistances dans un rapport
+infiniment plus grand que dans le système de M. Edison, et c'est
+précisément ce qui permet d'amplifier les sons; en troisième lieu on
+peut employer d'autres corps que le charbon pour constituer un
+microphone; enfin pour faire agir le microphone, il n'est pas besoin
+de lame vibrante; le simple intermédiaire de l'air suffit, et c'est ce
+qui permet de faire fonctionner cet appareil à une distance assez
+grande de lui. Nous ne voyons donc pas de raisons qui aient pu motiver
+la réclamation de M. Edison et surtout les termes dont il s'est servi
+à l'égard de MM. Preece et Hughes qui sont des hommes considérables
+dans la science et très-respectables sous tous les rapports. Nous
+regrettons, je le répète encore, cette triste sortie de M. Edison qui
+ne peut que lui faire du tort, et qui n'est pas digne d'un inventeur
+de sa taille. Si maintenant envisageant la question sous un autre
+aspect, nous demandions à M. Edison pourquoi, puisqu'il a inventé le
+microphone, n'en a-t-il pas fait connaître les propriétés et les
+résultats?... Quelle réponse pourrait-il faire? Il fallait pourtant
+que ces résultats fussent bien saisissants puisque le microphone est
+devenu en peu de jours l'objet de la préoccupation du monde entier; or
+il est évident pour nous qu'avec le génie perspicace du célèbre
+inventeur Américain il aurait fait valoir cette découverte s'il l'eût
+faite réellement, et il en aurait évidemment tiré parti. Ce qui peut
+justifier la réclamation de M. Edison, c'est que, n'étant pas au
+courant des découvertes purement scientifiques faites en Europe, il a
+cru que <span class="pagenum"><a id="page162" name="page162"></a>(p. 162)</span> son invention résidait toute entière dans le
+principe sur lequel elle repose et qu'il croyait avoir découvert.</p>
+
+<p>Dans l'appareil de M. Hughes, que nous étudions en ce moment, les
+sons, au lieu d'arriver très-affaiblis à la station de réception,
+comme cela a lieu avec les téléphones ordinaires, même avec celui de
+M. Edison, y sont comme je l'ai déjà dit, le plus souvent reproduits
+avec une amplification notable, et de là le nom de <i>microphone</i> que M.
+Hughes a donné à ce système téléphonique; on peut par conséquent
+l'employer à révéler des sons très-faibles. Cependant nous devons le
+dire dès à présent, cette amplification n'existe réellement que quand
+ces sons résultent de vibrations transmises mécaniquement à l'appareil
+transmetteur par des corps solides. Les sons propagés par l'air sont
+sans doute un peu plus intenses qu'avec le système ordinaire, mais ils
+le sont moins que ceux qui leur donnent naissance, et, en conséquence,
+on ne peut pas dire dans ce cas que le microphone agit par rapport aux
+sons comme le microscope le fait par rapport aux objets éclairés par
+la lumière. Il est vrai qu'avec ce système on peut parler de loin dans
+l'appareil, et j'ai pu même transmettre de cette manière une
+conversation à voix élevée étant placé à huit mètres du microphone.
+J'ai pu encore parler à voix basse près de ce dernier et me faire
+entendre parfaitement dans l'appareil récepteur, et même faire arriver
+les sons à une distance de dix à quinze centimètres de l'embouchure du
+téléphone récepteur, en élevant un peu la voix; mais l'amplification
+du son n'est réellement <span class="pagenum"><a id="page163" name="page163"></a>(p. 163)</span> bien manifeste que quand celui-ci
+résulte d'une action mécanique transmise au support de l'appareil.
+Ainsi les pas d'une mouche marchant sur ce support s'entendent
+parfaitement et vous donnent la sensation du piétinement d'un cheval,
+le cri même de la mouche, surtout son cri de mort devient, suivant M.
+Hughes, perceptible; le frôlement d'une barbe de plume ou d'une étoffe
+sur la planche de l'appareil, bruits complétement imperceptibles à
+l'audition directe, s'entendent d'une manière marquée dans le
+téléphone. Il en est de même des battements d'une montre posée sur le
+support de l'appareil, que l'on entend même à dix ou quinze
+centimètres du récepteur. Une petite boîte à musique placée sur
+l'instrument donne des sons tellement forts par suite des trépidations
+qui l'agitent, qu'il est impossible de distinguer les sons, et pour
+les percevoir, il faut disposer la boîte près de l'appareil sans
+qu'elle soit en contact avec aucune de ses parties constituantes.
+C'est alors par les vibrations de l'air que l'appareil est
+impressionné, et les sons transmis sont plus faibles que ceux que l'on
+entend près de la boîte. En revanche les vibrations déterminées par le
+balancier d'une pendule mise en communication par une tige métallique
+avec le support de l'appareil, s'entendent admirablement, et on peut
+même les distinguer quand cette liaison est effectuée par
+l'intermédiaire d'un fil de cuivre. Un courant d'air projeté sur le
+système donne la sensation d'un écoulement liquide perçu dans le
+lointain. Enfin les trépidations causées par le passage d'une voiture
+dans la rue se traduisent par des bruits crépitants très-intenses qui
+se <span class="pagenum"><a id="page164" name="page164"></a>(p. 164)</span> combinent à ceux d'une montre que l'on écoute et qui
+souvent prédominent.</p>
+
+<a id="img036" name="img036"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img036.jpg" width="400" height="425" alt="" title="">
+<p>Fig. 36.</p>
+</div>
+
+<p class="p2"><b>Différents systèmes de microphones.</b>&mdash;Le microphone a été combiné de
+plusieurs manières, mais la disposition qui a donné à l'instrument le
+plus de sensibilité est celle que nous représentons fig. 36. Dans ce
+système, on adapte l'un au-dessus de l'autre sur un prisme vertical de
+bois M, deux petits cubes de charbon A, B, dans lesquels sont percés
+deux trous servant de crapaudines à un crayon de charbon C en forme de
+fusée, c'est-à-dire avec des pointes émoussées par <span class="pagenum"><a id="page165" name="page165"></a>(p. 165)</span> les deux
+bouts, et d'une longueur d'environ quatre centimètres; il ne faut pas
+qu'il soit trop grand afin d'avoir peu d'inertie. Ce crayon appuie par
+une de ses extrémités dans le trou du charbon inférieur et doit
+ballotter dans le trou supérieur qui ne fait que le maintenir dans une
+position plus ou moins rapprochée de celle de l'équilibre instable,
+c'est-à-dire de la verticale. En imprégnant ces charbons de mercure
+par leur immersion à la température rouge dans un bain de mercure, les
+effets, suivant M. Hughes, sont meilleurs, mais ils peuvent très-bien
+se produire sans cela. Les deux cubes de charbon sont d'ailleurs munis
+de contacts métalliques qui permettent de les mettre en rapport avec
+le circuit d'un téléphone ordinaire, dans lequel est interposée une
+pile Leclanché de 1 ou 2 éléments ou mieux de 3 éléments Daniell avec
+une résistance additionnelle intercalée dans le circuit.</p>
+
+<p>Pour faire usage de l'appareil, on le place avec la planche qui lui
+sert de support sur une table en ayant soin d'interposer entre cette
+planche et la table, pour amortir les vibrations étrangères, plusieurs
+doubles d'étoffe disposés de manière à former coussin ou, ce qui est
+mieux, une bande de ouate ou deux tubes de caoutchouc; alors il suffit
+de parler devant le système, pour qu'aussitôt la parole soit
+reproduite dans le téléphone, et si l'on place sur la planche support
+la montre dont il a été question ou une boîte dans laquelle est
+renfermée une mouche, tous ses mouvements sont entendus. L'appareil
+est si sensible que c'est à voix peu élevée que la parole s'entend le
+mieux, et on peut, comme je l'ai déjà dit, l'entendre en parlant
+<span class="pagenum"><a id="page166" name="page166"></a>(p. 166)</span> à une distance de huit mètres du microphone. Toutefois,
+quelques précautions doivent être prises pour obtenir les meilleurs
+résultats avec ce système, et, en outre des coussins que l'on place
+sous l'appareil, pour le soustraire aux vibrations étrangères qui
+pourraient résulter de mouvements insolites communiqués à la table, il
+faut encore régler la position du crayon de charbon. Celui-ci doit en
+effet toujours appuyer en un point du rebord du trou supérieur, mais
+comme le contact peut être plus ou moins bon, l'expérience seule peut
+indiquer la meilleure position à lui donner, et pour la trouver on
+peut employer avantageusement le moyen de la montre. On met alors le
+téléphone à l'oreille et on place le crayon dans diverses positions
+jusqu'à ce qu'on ait trouvé celle donnant les effets maxima. Pour
+éviter ce réglage, qui, avec la disposition précédente, doit être
+souvent répété, MM. Chardin et Berjot, qui construisent habilement ce
+modèle de téléphone, lui ont ajouté une petite lame de ressort dont la
+pression peut être réglée et qui appuie contre le charbon vertical
+lui-même. Ce système est très-bon.</p>
+
+<a id="img037" name="img037"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img037.jpg" width="500" height="327" alt="" title="">
+<p>Fig. 37.</p>
+</div>
+
+<p>M. Gaiffe de son côté a donné une forme plus élégante à l'appareil en
+le construisant comme un appareil de physique. La figure 37 représente
+l'un des deux modèles qu'il a combinés. Dans ce modèle, les cubes ou
+dés de charbon A et B sont soutenus par des porte-charbons
+métalliques, dont l'un, E, le supérieur, est mobile sur une colonne de
+cuivre G et peut être placé dans telle position qu'il convient à
+l'aide d'une vis de pression V. On peut de cette manière incliner plus
+ou moins le crayon de charbon et augmenter à volonté la <span class="pagenum"><a id="page167" name="page167"></a>(p. 167)</span>
+pression qu'il exerce sur le charbon supérieur. Quand le crayon est
+vertical, l'appareil transmet difficilement les sons articulés, en
+raison de l'instabilité du point de contact, et des bruissements de
+toute nature se font entendre; quand il est trop incliné, les sons
+sont plus purs et plus distincts, mais l'appareil est moins sensible.
+Il est un degré d'inclinaison qui doit être recherché, et l'expérience
+l'indique facilement. Dans un autre modèle, M. Gaiffe substitue au
+crayon de charbon une lame carrée et très-mince de la même matière,
+taillée en biseau sur ses côtés inférieur et supérieur et pivotant
+dans une rainure pratiquée dans le charbon inférieur. Cette lame ne
+fait qu'appuyer contre le charbon supérieur sous une légère
+inclinaison, et dans ces conditions il transmet <span class="pagenum"><a id="page168" name="page168"></a>(p. 168)</span> beaucoup
+plus fortement et plus distinctement la parole.</p>
+
+<a id="img038" name="img038"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img038.jpg" width="500" height="390" alt="" title="">
+<p>Fig. 38.</p>
+</div>
+
+<p>Je dois encore parler d'une autre disposition combinée par le
+capitaine du génie Carette qui a donné pour les sons non articulés
+d'excellents résultats. Le charbon vertical a alors la forme d'une
+poire et repose par son bout le plus gros dans un large trou fait dans
+le charbon inférieur; son bout supérieur qui est pointu, vient
+s'engager dans un petit trou pratiqué dans le charbon supérieur, mais
+de manière à ne le toucher qu'à peine, et une vis de réglage permet de
+rapprocher plus ou moins ces deux charbons. Dans ces conditions, les
+contacts sont si instables qu'un rien peut les supprimer, et alors les
+variations dans l'intensité <span class="pagenum"><a id="page169" name="page169"></a>(p. 169)</span> du courant transmis sont si
+fortes que les sons produits par le téléphone peuvent s'entendre à
+plusieurs mètres.</p>
+
+<p>La figure 38 représente une autre disposition combinée par M.
+Ducretet. Les deux dés de charbon sont en D, D', le charbon mobile en
+C, le téléphone en T et les boutons d'attache du circuit en B, B'. Un
+détail du dispositif des charbons se voit à gauche de l'appareil. Le
+bras qui porte le charbon supérieur D est adapté à une tige munie d'un
+plateau P' à surface rugueuse, et une petite cage C' en toile
+métallique que l'on pose sur ce plateau permet d'étudier les
+mouvements d'insectes vivants.</p>
+
+<a id="img039" name="img039"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img039.jpg" width="400" height="226" alt="" title="">
+<p>Fig. 39.</p>
+</div>
+
+<p>Quand il s'agit de transmettre la parole assez fortement pour qu'un
+téléphone puisse se faire entendre dans toute une salle, le microphone
+doit avoir une disposition particulière, et la figure 39 représente
+celle qui a donné à M. Hughes les meilleurs résultats; il donne alors
+à l'appareil le nom de <i>parleur</i>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page170" name="page170"></a>(p. 170)</span> Sous cette nouvelle forme le charbon mobile appelé à produire
+les contacts variables est adapté en C, à l'extrémité d'une bascule
+horizontale BA pivotant en son point milieu et convenablement
+équilibrée. Le support sur lequel cette bascule oscille est adapté à
+l'extrémité d'une lame de ressort pour rendre l'appareil plus
+susceptible de vibrer, et le charbon inférieur est placé en D
+au-dessous du premier. Il est constitué par deux fragments superposés
+afin d'augmenter la sensibilité de l'appareil, et nous avons
+représenté en E le fragment supérieur qui est soulevé pour montrer
+qu'on peut employer à volonté un seul des deux charbons. Ce charbon E,
+se trouve, à cet effet collé à une petite lame de papier fixée à la
+planchette et qui sert d'articulation. Un ressort antagoniste R, dont
+on peut régler la tension au moyen d'une vis <i>t</i>, permet de régler la
+pression des deux charbons. M. Hughes recommande l'emploi de charbons
+en sapin métallisé<a id="footnotetag22" name="footnotetag22"></a><a href="#footnote22" title="Lien vers la note 22"><span class="smaller">[22]</span></a>. Le tout est ensuite recouvert d'une enveloppe
+semi-cylindrique HIG en bois blanc, dont les parois sont très-minces
+surtout les deux bases, et on fixe le système accompagné d'un autre
+semblable dans une boîte plate MJLI qui présente du côté MI une
+ouverture devant laquelle on parle, en ayant soin de placer la lèvre
+inférieure à deux centimètre du fond de la boîte. Si les deux
+microphones sont réunis en quantité et si la pile employée se compose
+de deux éléments à bichromate de potasse, <span class="pagenum"><a id="page171" name="page171"></a>(p. 171)</span> on agit assez
+fortement sur le courant, pour que, passant à travers une bobine
+d'induction de six centimètres seulement de longueur, il puisse faire
+parler un téléphone du modèle carré de Bell, de manière à être entendu
+de tous les points d'une salle. Il faut par exemple lui adapter un
+porte-voix de près d'un mètre de longueur. M. Hughes prétend que les
+sons produits dans ces conditions sont à peu près aussi élevés que
+ceux du phonographe, et M. W. Thomson m'a confirmé ce fait.</p>
+
+<p>Le microphone peut être aussi constitué par des fragments de charbon
+entassés dans une boîte entre deux électrodes métalliques, ou enfermés
+dans un tube avec deux électrodes représentées par deux fragments de
+charbon allongés. Dans ce dernier cas, les charbons doivent autant que
+possible être cylindriques, et ceux que construit M. Carré pour les
+bougies Jablochkoff sont très-bons pour cela. Nous représentons fig.
+40 un appareil de ce genre que j'ai fait disposer en instrument par M.
+Gaiffe, et qui peut, comme nous le verrons à l'instant, servir de
+thermoscope. Cet instrument est représenté fig. 41 et se compose d'un
+tuyau de plume rempli de fragments de charbon, dont ceux qui occupent
+les deux bouts sont montés dans des garnitures métalliques. L'une de
+ces garnitures se termine par une vis à large tête qui permet, au
+moyen des supports A, B, de pousser plus ou moins les charbons dans le
+tube et, par conséquent, d'établir un contact plus ou moins intime
+entre les divers fragments de charbon. Quand cet appareil est
+convenablement réglé, il suffit de parler au-dessus du tube pour que
+la parole soit reproduite. C'est donc un microphone <span class="pagenum"><a id="page172" name="page172"></a>(p. 172)</span> aussi
+bien qu'un thermoscope. Une chose réellement curieuse que M. Hughes a
+remarquée, c'est que si on prononce séparément les différentes lettres
+de l'alphabet devant cette sorte de microphone, on constate qu'il en
+est qui se font beaucoup mieux entendre que d'autres, et ce sont
+précisément celles qui correspondent aux aspirations de la voix.</p>
+
+<a id="img040" name="img040"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img040.jpg" width="500" height="358" alt="" title="">
+<p>Fig. 40 et 41.</p>
+</div>
+
+<p>On peut encore obtenir un microphone de ce genre en remplaçant les
+fragments de charbon par des poussières plus ou moins conductrices,
+des limailles métalliques même. J'ai démontré, en effet, dans mon
+mémoire sur la conductibilité des corps médiocrement conducteurs, que
+le pouvoir conducteur de ces poussières varie d'une manière
+considérable avec la pression et avec la température, et comme le
+microphone <span class="pagenum"><a id="page173" name="page173"></a>(p. 173)</span> est fondé sur les différences de conductibilité
+résultant des différences de pression, on comprend facilement que ce
+moyen puisse être employé comme organe de transmission téléphonique.
+Dans une disposition récente de ce système, M. Hughes a aggloméré ces
+poussières avec une sorte de gomme, et il en a formé un crayon
+cylindrique qui, étant relié à deux électrodes bonnes conductrices, a
+pu fournir des effets analogues à ceux dont nous avons parlé
+précédemment. Comme on l'a vu, toutes les limailles métalliques
+peuvent être employées, mais M. Hughes donne la préférence à la
+poussière de charbon.</p>
+
+<p>D'après M. Blyth, une boîte plate d'environ quinze pouces sur neuf,
+remplie de ces charbons échappés à la combustion que l'on appelle en
+Angleterre <i>cinders gas</i>, et aux deux extrémités de laquelle sont
+fixées deux électrodes de fer-blanc, est une des meilleures
+dispositions de microphones. Suivant lui, trois de ces appareils
+suspendus comme des tableaux contre les murs d'une chambre auraient
+suffi, sous l'influence d'un seul élément Leclanché, pour faire
+entendre dans le téléphone tous les bruits produits dans la chambre,
+et surtout les airs chantés. M. Blyth prétend même qu'on peut
+construire un microphone capable de transmettre la parole avec un
+simple charbon relié au fil du circuit par ses deux bouts, mais il
+faut que ce charbon soit un cinder gas; un charbon de cornue pourvu de
+pinces d'attache à ses deux extrémités, ne pourrait produire cet
+effet.</p>
+
+<p>L'un des effets les plus intéressants de ces sortes de microphones,
+c'est qu'ils peuvent fonctionner sans <span class="pagenum"><a id="page174" name="page174"></a>(p. 174)</span> pile, du moins, si on
+les dispose de manière à former eux-mêmes l'élément voltaïque, et pour
+cela, il suffit de verser de l'eau sur les charbons. M. Blyth qui a
+parlé le premier de ce système, n'indique pas nettement sa
+disposition, et on peut supposer que son appareil n'était autre que
+celui que nous avons décrit précédemment, auquel il aurait ajouté de
+l'eau. J'ai répété cette expérience en employant des électrodes <i>zinc</i>
+et <i>cuivre</i> et des fragments un peu gros de charbon de cornue, et j'ai
+parfaitement réussi. J'ai, en effet, pu transmettre de cette manière,
+non-seulement tous les sons de la montre et de la boîte à musique,
+mais encore la parole qui se trouvait même souvent plus nettement
+exprimée qu'avec un microphone ordinaire, car on n'entendait pas les
+crachements qui accompagnent souvent les transmissions téléphoniques
+de ce dernier. M. Blyth prétend aussi que l'on peut obtenir de cette
+manière la transmission des sons sans que l'appareil soit pourvu
+d'eau; mais il croit que c'est à l'humidité de l'haleine de celui qui
+parle qu'il faut attribuer ce résultat. Il est certain qu'il ne faut
+pas beaucoup d'humidité pour mettre en action un couple voltaïque,
+surtout quand on a pour appareil révélateur un téléphone. Du reste le
+microphone ordinaire peut être lui-même employé sans pile, si le
+circuit dans lequel il est interposé est en communication avec le sol
+par l'intermédiaire de plaques de terre; les courants telluriques qui
+traversent alors le circuit sont suffisants pour que les battements
+d'une montre posée sur le microphone soient parfaitement perceptibles.
+M. Cauderay, de Lausanne, dans une note envoyée <span class="pagenum"><a id="page175" name="page175"></a>(p. 175)</span> à l'Académie
+des sciences, le 8 juillet 1878, annonce qu'il a fait cette expérience
+sur un fil télégraphique réunissant l'hôtel des Alpes à Montreux, à un
+chalet situé à 500 mètres de là, sur la colline.</p>
+
+<p class="p2"><b>Le microphone employé comme organe parlant.</b>&mdash;Le microphone peut
+non-seulement transmettre la parole, mais il peut encore dans
+certaines conditions la reproduire et être substitué par conséquent au
+téléphone récepteur. Cette fois c'est à n'y rien comprendre, car c'est
+seulement dans des variations d'intensité de courant qu'il faut
+chercher une cause du mouvement vibratoire produit dans l'une des
+parties du circuit lui-même, et il n'y a plus alors à invoquer des
+effets d'attraction et d'aimantation. Est-ce aux répulsions
+qu'exercent entre eux les éléments contigus d'un même courant qu'il
+faut rapporter cette action? Ou bien faut-il la considérer comme étant
+de la même nature que celle qui fait émettre des sons à un fil de fer
+lorsqu'il est traversé par un courant interrompu? un courant
+électrique est-il lui-même un mouvement vibratoire, comme l'admet M.
+Hughes? Voilà des questions auxquelles il est bien difficile de
+répondre dans l'état actuel de la science; toujours est-il que le fait
+existe, et ce sont MM. Hughes, Blyth et Robert, H. Courtenay et même
+M. Edison, qui, chacun de leur côté, viennent de le faire connaître;
+moi-même j'ai pu le vérifier dans les conditions expérimentales
+indiquées par M. Hughes, mais je n'ai pas été aussi heureux quand j'ai
+voulu répéter les expériences de M. Blyth. Suivant ce savant il
+suffirait, pour entendre la parole dans le <span class="pagenum"><a id="page176" name="page176"></a>(p. 176)</span> microphone,
+d'employer le modèle à fragments de charbon dont nous avons parlé
+précédemment, d'y joindre comme appareil transmetteur un second
+microphone du même genre, et d'introduire dans le circuit une pile de
+deux éléments de Grove. Alors si on parle au-dessus des charbons de
+l'un des microphones, on devrait entendre distinctement la parole en
+approchant l'oreille du second, et l'importance des sons ainsi
+reproduits serait en rapport avec l'intensité de la source électrique
+employée. Toutefois, comme je le disais, je n'ai pu, en m'y prenant de
+cette manière, entendre aucun son et encore moins la parole, et si
+d'autres expériences ne m'avaient pas convaincu, j'aurais douté de
+l'authenticité du fait annoncé. Mais cette expérience négative ne
+prouve en définitif rien, car il est possible que je me sois placé
+dans de mauvaises conditions, et que les <i>escarbilles</i> que j'employais
+ne fussent pas dans les mêmes conditions que les <i>cinders gas</i> de M.
+Blyth.</p>
+
+<p>Quant aux expériences de M. Hughes, je les ai répétées avec le
+microphone de MM. Chardin et Berjot, relié avec celui de M. Gaiffe
+employé comme transmetteur, et j'ai reconnu qu'avec une pile de quatre
+éléments Leclanché, seulement, tous les grattements effectués sur le
+microphone de M. Gaiffe et même les trépidations et les airs résultant
+du jeu d'une petite boîte à musique placée sur cet appareil, étaient
+reproduits, très-faiblement il est vrai, dans le second microphone;
+pour les percevoir il suffisait de coller l'oreille contre la
+planchette verticale. La parole n'était pas reproduite il est vrai,
+mais M. Hughes m'en avait prévenu; <span class="pagenum"><a id="page177" name="page177"></a>(p. 177)</span> l'appareil ainsi disposé
+n'était pas évidemment assez sensible.</p>
+
+<a id="img042" name="img042"></a>
+<div class="floatright">
+<img src="images/img042.jpg" width="250" height="327" alt="" title="">
+<p>Fig. 42.</p>
+</div>
+
+<p>Pour reproduire la parole par ce système et pour la transmettre, il
+faut une autre disposition du microphone, et celle qui a donné les
+meilleurs résultats à M. Hughes est représentée, vue en coupe, figure
+42. C'est un peu le microphone parleur de M. Hughes, disposé
+verticalement et dont le charbon fixe est collé au centre de la
+membrane tendue d'un téléphone à ficelle. Le cornet de ce téléphone
+est représenté en A, la membrane en DD, et le charbon en question en
+C; ce charbon est en sapin carbonisé et métallisé ainsi que le double
+charbon E qui est en contact avec lui et qui est adapté à l'extrémité
+supérieure de la bascule GI. Le tout est renfermé dans une petite
+boîte, et on règle la pression exercée au contact des deux charbons au
+moyen d'un ressort antagoniste R et d'une vis H. C'est alors le cornet
+du téléphone qui sert de cornet acoustique, et c'est le parleur de M.
+Hughes décrit page <a href="#page169">169</a> qui sert de transmetteur pour entendre. Inutile
+<span class="pagenum"><a id="page178" name="page178"></a>(p. 178)</span> de dire que deux appareils de ce genre sont placés aux deux
+bouts du circuit, que les charbons sont reliés aux deux pôles d'une
+pile de deux éléments à bichromate de potasse ou de Bunsen ou de six
+éléments de Leclanché, et que les deux appareils sont reliés par le
+fil de ligne.</p>
+
+<p>Dans ces conditions, une conversation peut être échangée, mais les
+sons sont toujours beaucoup moins accentués que dans le téléphone.</p>
+
+<p>J'ai pu constater ce fait avec un appareil grossier apporté
+d'Angleterre par M. Hughes. MM. Berjot, Chardin et de Méritens qui
+étaient présents aux expériences, ont pu comme moi parfaitement
+entendre la parole, et j'ai depuis répété moi-même l'expérience avec
+succès; mais elle ne réussit pas toujours et, dans ses conditions
+actuelles, l'appareil ne présente d'importance qu'au point de vue
+scientifique. On le construit chez MM. Chardin et Berjot.</p>
+
+<p>On comprend facilement que l'appareil peut se passer de support, et la
+petite boîte forme alors le manche de l'instrument; les deux boutons
+d'attache sont disposés dans ce cas au bout de ce manche, comme dans
+un téléphone.</p>
+
+<p>Les effets du microphone récepteur expliquent les sons souvent
+très-intenses déterminés par les bougies Jablochkoff quand elles sont
+actionnées par des machines magnéto-électriques. Ces sons vibrent
+toujours à l'unisson de ceux émis par la machine elle-même, et ceux-ci
+proviennent, comme je l'ai déjà démontré, des aimantations et des
+désaimantations rapides des organes magnétiques qui sont mis en jeu
+par cette <span class="pagenum"><a id="page179" name="page179"></a>(p. 179)</span> machine. Ces effets, remarqués par M. Marcel
+Deprez, étaient particulièrement caractérisés avec les premières
+machines de M. de Méritens.</p>
+
+<p class="p2"><b>Autres dispositions de microphones.</b>&mdash;Une disposition du genre de celle
+que nous venons de décrire a été employée par M. Carette pour
+constituer un parleur microphone extrêmement énergique; seulement au
+lieu d'une membrane tendue, il emploie une plaque métallique mince; il
+colle l'un des charbons au centre de cette plaque et adapte devant lui
+l'autre charbon qui est taillé en pointe et porté par un système de
+porte-charbon à vis de réglage au moyen duquel on peut régler comme on
+le veut la pression exercée entre les deux charbons. Avec cette
+disposition, la parole peut être entendue à distance du téléphone
+récepteur. Elle est, du reste, analogue à celle du transmetteur
+téléphonique de M. Edison.</p>
+
+<p>En exécutant dans de grandes dimensions le système représenté, fig.
+42, et formant le cornet AB avec un grand entonnoir en zinc de près de
+un mètre de longueur, M. de Méritens a pu parvenir à amplifier assez
+les sons de la parole pour qu'une conversation faite à voix basse à
+trois ou quatre mètres de cet instrument, ait été reproduite dans un
+téléphone d'une manière plus sonore et plus distincte. L'appareil
+était placé sur le plancher de l'appartement, l'ouverture de
+l'entonnoir en haut, et le téléphone était dans les caves de la
+maison.</p>
+
+<p>On a du reste varié de mille manières la forme du microphone suivant
+les applications auxquelles on <span class="pagenum"><a id="page180" name="page180"></a>(p. 180)</span> veut l'appliquer. C'est ainsi
+que nous voyons dans l'<i>English Mechanic and World of Science</i>, du 28
+juin 1878, les dessins de plusieurs dispositions dont l'une est
+spécialement applicable à l'audition des pas d'une mouche; c'est une
+boîte à la partie supérieure de laquelle est tendue une feuille de
+papier végétal; deux charbons séparés par un petit morceau de bois et
+mis en rapport avec les deux fils du circuit y sont collés, et un
+troisième charbon allongé, placé en croix sur les deux autres, se
+trouve maintenu dans cette position par une rainure pratiquée dans
+ceux-ci. Une pile très-faible suffit pour faire fonctionner cet
+appareil, et la mouche se promenant sur la feuille de papier détermine
+des vibrations assez fortes pour faire réagir énergiquement un
+téléphone ordinaire. Il faut alors recouvrir l'appareil d'un globe de
+verre. En plaçant une montre sur la membrane et en ayant soin
+d'appuyer son bouton sur le morceau de bois séparant les deux
+charbons, le bruit de ses battements peut être entendu dans toute une
+salle. On peut encore, au lieu de l'arrangement de charbons décrit
+plus haut, employer deux cubes de charbon juxtaposés et séparés
+seulement par une carte à jouer. Une cavité semi-sphérique pratiquée à
+la partie supérieure de cette masse entre les deux charbons et dans
+laquelle on place quelques petites boules de charbon d'une grosseur
+intermédiaire entre celle d'un pois et celle d'une graine de moutarde,
+permet d'obtenir des contacts multiples excessivement mobiles et
+éminemment propres à des transmissions téléphoniques. Ces dispositions
+ont été combinées par M. T. Cuttriss.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page181" name="page181"></a>(p. 181)</span> Il est encore beaucoup d'autres dispositions de microphones
+imaginées par différents constructeurs et inventeurs qui donnent des
+résultats plus ou moins satisfaisants, telles sont celles de MM.
+Varey, Trouvé, Vercker, de Combettes, Loiseau, etc., etc., mais comme
+elles se rapprochent plus ou moins des types que nous avons déjà
+décrits, nous n'en parlerons pas davantage.</p>
+
+<p class="p2"><b>Expériences faites avec le microphone.</b>&mdash;Il me reste maintenant à
+indiquer les expériences intéressantes qui ont conduit M. Hughes à
+l'instrument remarquable dont nous venons de parler, et celles qui ont
+été entreprises par d'autres savants, soit au point de vue
+scientifique, soit au point de vue pratique.</p>
+
+<p>Considérant que la lumière et la chaleur peuvent modifier la
+conductibilité électrique des corps, M. Hughes s'est demandé si des
+vibrations sonores transmises à un conducteur traversé par un courant
+ne modifieraient pas aussi cette conductibilité en provoquant des
+contractions et des dilatations des molécules conductrices, qui
+équivaudraient à des raccourcissements ou à des allongements du
+conducteur ainsi impressionné. Si cette propriété existait réellement,
+elle devrait permettre de transmettre les sons à distance, car de ces
+variations de conductibilité devaient résulter des variations
+proportionnelles de l'intensité d'un courant agissant sur un
+téléphone. L'expérience qu'il fit sur un fil métallique tendu n'a pas
+répondu toutefois à son attente, et ce n'est que quand le fil dut
+vibrer assez fortement pour se rompre, qu'il entendit <span class="pagenum"><a id="page182" name="page182"></a>(p. 182)</span> un son
+au moment de la rupture. En rejoignant les deux bouts du fil, un son
+se produisit encore, et il reconnut bientôt que pour en obtenir, il
+suffisait d'un contact imparfait entre les deux bouts disjoints du
+fil. Il devint dès lors manifeste, pour M. Hughes, que les effets
+qu'il prévoyait ne pouvaient se produire qu'avec un conducteur divisé,
+et par suite de contacts imparfaits.</p>
+
+<p>Il rechercha alors quel était le degré de pression le plus convenable
+à exercer entre les deux bouts rapprochés du fil pour obtenir le
+maximum d'effet, et pour cela il effectua cette pression à l'aide de
+poids. Il reconnut que, quand elle était légère et qu'elle ne
+dépassait pas celle d'une once par pouce carré, au point de jonction,
+les sons étaient reproduits distinctement, mais d'une manière un peu
+imparfaite; en modifiant les conditions de l'expérience, il put
+s'assurer bientôt qu'il n'était pas nécessaire, pour obtenir ce
+résultat, que les fils fussent réunis bout à bout, et qu'ils pouvaient
+être placés côte à côte sur une planche ou même séparés (mais avec
+addition d'un conducteur posé en croix sur eux), pourvu que les métaux
+en contact fussent du fer et qu'une pression légère et constante pût
+les réunir métalliquement. L'expérience fut faite avec trois pointes
+de Paris disposées comme on le voit fig. 43, et elle a été répétée
+depuis, dans de meilleures conditions par M. Willoughby-Smith, avec
+trois limes dites queues-de-rat qui permirent de transmettre le bruit
+d'une faible respiration<a id="footnotetag23" name="footnotetag23"></a><a href="#footnote23" title="Lien vers la note 23"><span class="smaller">[23]</span></a>.</p>
+
+<a id="img043" name="img043"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img043.jpg" width="450" height="270" alt="" title="">
+<p>Fig. 43.</p>
+</div>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page183" name="page183"></a>(p. 183)</span> Il essaya ensuite différentes combinaisons de ce genre
+présentant plusieurs solutions de continuité, et une chaîne d'acier
+lui fournit d'assez bons résultats; mais les légères inflexions,
+c'est-à-dire le timbre de la voix, manquaient, et il dut chercher
+d'autres dispositions. Il essaya d'abord d'introduire aux points de
+contacts des poudres métalliques; la poudre de zinc et d'étain connue
+dans le commerce sous le nom de <i>bronze blanc</i>, améliora beaucoup les
+effets obtenus; mais ils n'étaient pas stables à cause de l'oxydation
+des contacts, et c'est en essayant de résoudre cette difficulté, ainsi
+qu'en cherchant la disposition la plus simple pour obtenir une
+pression légère et constante sur ces contacts, que M. Hughes fut
+conduit à la disposition <span class="pagenum"><a id="page184" name="page184"></a>(p. 184)</span> des charbons mercurisés décrite
+précédemment<a id="footnotetag24" name="footnotetag24"></a><a href="#footnote24" title="Lien vers la note 24"><span class="smaller">[24]</span></a>, laquelle donna les effets maxima.</p>
+
+<p>L'importance de l'effet obtenu dans le microphone dépend du reste,
+d'après M. Hughes, du nombre et de la perfection des contacts, et
+c'est sans doute pour cela que certaines positions du crayon, dans
+l'appareil qui a été décrit plus haut, sont plus favorables que
+d'autres.</p>
+
+<p>Pour concilier les résultats de ses expériences avec les idées qu'il
+s'était faites, M. Hughes pensa que si les différences de résistance
+provenant des vibrations du conducteur n'étaient pas produites quand
+ce conducteur était entier, c'est que les mouvements moléculaires se
+trouvaient arrêtés par des résistances latérales égales et contraires,
+mais qu'il suffisait qu'une de ces résistances n'existât pas pour que
+le mouvement moléculaire put se développer librement. Or un mauvais
+contact équivalait, selon lui, à la suppression <span class="pagenum"><a id="page185" name="page185"></a>(p. 185)</span> de l'une de
+ces résistances, et du moment où ce mouvement pouvait se produire, les
+dilatations et contractions moléculaires qui étaient la conséquence
+des vibrations, devaient correspondre à des accroissements ou à des
+affaiblissements de résistance du circuit. Nous ne suivrons pas
+davantage M. Hughes dans cette théorie, qui serait assez longue à
+développer, et nous allons continuer notre examen des différentes
+propriétés du microphone<a id="footnotetag25" name="footnotetag25"></a><a href="#footnote25" title="Lien vers la note 25"><span class="smaller">[25]</span></a>.</p>
+
+<p>Le charbon, comme nous l'avons déjà dit, n'est pas la seule substance
+qu'on peut employer à composer l'organe sensible de ce système de
+transmetteur, M. Hughes a essayé d'autres substances et même des corps
+très-conducteurs, tels que les métaux. Le fer lui a donné d'assez bons
+résultats, et l'effet produit par des surfaces de platine dans un
+grand état de division a été égal, sinon supérieur, à celui fourni par
+le charbon mercurisé. Toutefois, comme avec ce métal on rencontre plus
+de difficultés dans la construction des appareils, il donne la
+préférence au charbon qui, comme lui, jouit de l'avantage de
+l'inoxydabilité.</p>
+
+<p>Nous avons dit en commençant que le microphone <span class="pagenum"><a id="page186" name="page186"></a>(p. 186)</span> pouvait être
+employé comme thermoscope: mais il doit avoir alors la disposition
+particulière que nous avons représentée fig. 40. Dans ces conditions,
+la chaleur, en réagissant sur la conductibilité de ces contacts, peut
+faire varier dans de si grandes proportions la résistance du circuit,
+qu'en approchant la main du tube, on peut annuler le courant de trois
+éléments Daniell. Il suffit, pour apprécier l'intensité relative de
+différentes sources de chaleur, exposées devant l'appareil,
+d'introduire dans le circuit des deux électrodes A et B, fig. 40, une
+pile P de un ou deux éléments Daniell et un galvanomètre un peu
+sensible G. Un galvanomètre de cent vingt tours est suffisant pour
+cela. Quand la déviation diminue, c'est que la source calorifique est
+supérieure à la température ambiante; quand elle augmente c'est
+qu'elle est inférieure. «Les effets résultant de l'intervention du
+soleil et de l'ombre se traduisent sur cet appareil, dit M. Hughes,
+par des variations considérables dans les déviations du galvanomètre.
+Il est même impossible de le tenir en repos, tant il est sensible aux
+moindres variations de la température.»</p>
+
+<p>J'ai répété avec un seul élément Leclanché, les expériences de M.
+Hughes et j'ai pour cela, employé un tuyau de plume rempli de cinq
+fragments de charbon, provenant d'un des charbons cylindriques de
+petit diamètre que fabrique M. Carré pour la lumière électrique. J'ai
+bien obtenu les résultats qu'il indique; mais je dois dire que
+l'expérience est assez délicate. En effet, quand les fragments de
+charbon sont trop serrés les uns contre les autres, le courant passe
+avec <span class="pagenum"><a id="page187" name="page187"></a>(p. 187)</span> trop de force pour que les effets calorifiques puissent
+faire varier la déviation galvanométrique; quand ils sont trop peu
+serrés, le courant ne passe pas. Il est donc un degré moyen de serrage
+qui doit être effectué pour que les expériences réussissent, et quand
+il est obtenu, on observe en approchant la main du tube, qu'une
+déviation qui était de 90° diminue au bout de quelques secondes et
+semble être en rapport avec le rapprochement plus ou moins grand de la
+main. Mais c'est l'haleine qui produit les effets les plus marqués, et
+je ne serais pas éloigné de croire que les déviations plus ou moins
+grandes que provoquent les émissions des sons articulés quand on
+prononce séparément les différentes lettres de l'alphabet,
+proviendraient d'une émission plus ou moins grande et plus ou moins
+directe des gaz échauffés sortant de la poitrine. Ce qui est certain,
+c'est que ce sont les lettres qui provoquent les sons les plus
+accentués telles que, A, F, H, I, K, L, M, N, O, P, R, S, W, Y, Z, qui
+déterminent les plus fortes déviations de l'aiguille galvanométrique.</p>
+
+<p>Dans mon mémoire sur la conductibilité des corps médiocrement
+conducteurs, j'avais déjà signalé cet effet de la chaleur sur les
+corps divisés, et j'avais de plus montré que, après une certaine
+déviation rétrograde qui se produisait toujours au premier moment, il
+se manifestait un mouvement en sens inverse de l'aiguille
+galvanométrique qui accusait, au bout de quelques instants de
+chauffage, une déviation bien supérieure à celle indiquée
+primitivement.</p>
+
+<p>Dans une note publiée dans le <i>Scientific American</i> du 22 juin 1878,
+M. Edison donne quelques détails <span class="pagenum"><a id="page188" name="page188"></a>(p. 188)</span> intéressants sur
+l'application de son système de transmetteur téléphonique à la mesure
+des pressions, des dilatations et autres forces capables de faire
+varier la résistance du disque de charbon de cet appareil par suite
+d'une compression plus ou moins forte. Comme les expériences qu'il fit
+à ce sujet remontent au mois de décembre 1877, il en conclut encore
+qu'il a la priorité de l'invention du microphone employé comme
+thermoscope; mais nous devons lui faire observer que, d'après la
+manière dont M. Hughes a disposé son appareil, l'effet produit par la
+chaleur est précisément inverse de celui qu'il signale. En effet, dans
+le dispositif adopté par M. Edison, la chaleur agit par une
+augmentation de conductibilité qu'acquiert le charbon sous l'influence
+d'une augmentation de pression déterminée par la dilatation d'un corps
+sensible à la chaleur; dans le système de M. Hughes, la chaleur
+provoque un effet diamétralement opposé, parce qu'elle n'agit alors
+que sur des contacts et non par effet de pression. Aussi la résistance
+du microphone thermoscope se trouve augmentée sous l'influence de la
+chaleur au lieu d'être diminuée. Cet effet différent tient à la
+division du corps médiocrement conducteur, et j'ai démontré que, dans
+ces conditions, ces corps, quand ils ne sont chauffés que faiblement,
+déterminent toujours un affaiblissement dans l'intensité du courant
+qu'ils transmettent. Je crois du reste, que la disposition de M.
+Edison est meilleure comme appareil thermoscopique et permet de
+mesurer des sources calorifiques beaucoup moins intenses. S'il faut
+l'en croire, on pourrait avec son appareil non-seulement mesurer
+<span class="pagenum"><a id="page189" name="page189"></a>(p. 189)</span> la chaleur du rayonnement lumineux des étoiles, de la lune
+et du soleil, mais encore les variations de l'humidité de l'air et de
+la pression barométrique.</p>
+
+<a id="img044" name="img044"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img044.jpg" width="450" height="594" alt="" title="">
+<p>Fig. 44.</p>
+</div>
+
+<p>Cet appareil, que nous représentons figure 44 avec <span class="pagenum"><a id="page190" name="page190"></a>(p. 190)</span> ses
+différents détails et la disposition rhéostatique employée pour les
+mesures, se compose d'une pièce métallique A fixée sur une planchette
+C et sur l'un des côtés de laquelle est adapté le système de disques
+de platine et de charbon D décrit page <a href="#page077">77</a>. Une pièce rigide G munie
+d'une crapaudine soutient extérieurement ce système, et on introduit
+dans cette crapaudine l'une des extrémités effilées d'un corps
+susceptible d'être impressionné par la chaleur, l'humidité ou la
+pression barométrique. L'autre extrémité est soutenue par une seconde
+crapaudine I adaptée à un écrou H susceptible d'être plus ou moins
+serré par une vis de réglage. Si on introduit ce système dans un
+circuit galvanométrique <i>a</i> <i>b</i> <i>c</i> <i>i</i> <i>g</i> muni de tous les
+instruments de mesure électrique, les variations de longueur du corps
+interposé se traduisent par des déviations de l'aiguille
+galvanométrique plus ou moins grandes, qui sont la conséquence des
+différences de pression résultant de l'allongement ou du
+raccourcissement du corps dilatable interposé dans le circuit sur
+l'appareil.</p>
+
+<p>Les expériences du microphone faites à la séance de la Société des
+ingénieurs télégraphistes de Londres, le 23 mai dernier, ont
+admirablement réussi et ont été l'occasion d'un article intéressant
+dans l'<i>Engineering</i> du 31 mai, dans lequel on constate que toute
+l'assemblée a pu entendre parler le téléphone, dont la voix se
+rapprochait beaucoup de celle du phonographe. Quand on annonça que ces
+paroles avaient été prononcées à une distance assez grande du
+microphone, le duc d'Argyle, présent à la séance, tout en admirant
+l'importance de la découverte, ne put s'empêcher de <span class="pagenum"><a id="page191" name="page191"></a>(p. 191)</span> s'écrier
+que cette invention pourrait avoir des conséquences terribles, «ainsi,
+par exemple, dit-il, nous sommes à Downing-street, et je ne puis
+m'empêcher de penser que si un des appareils du professeur Hughes
+était placé dans la pièce où les ministres de Sa Majesté sont en
+conférence, nous pourrions entendre d'ici tous les secrets de cabinet.
+Si un de ces petits appareils pouvait être mis dans la poche de mon
+ami Schouvaloff ou bien dans celle de lord Salisbury, nous serions
+tout à coup en possession de ces grands secrets que tout ce pays et
+toute l'Europe attendent avec une si grande anxiété. Si l'assurance
+qu'on donne que ces appareils sont susceptibles de répéter toutes les
+conversations qui peuvent se faire dans une pièce où ils sont placés,
+cela pourrait constituer un véritable danger, et je pense que le
+professeur Hughes qui a inventé ce magnifique et en même temps si
+dangereux instrument, devrait rechercher maintenant un antidote à sa
+découverte.» D'un autre côté, le docteur Lyon-Playfair pense que le
+microphone devrait être appliqué à l'aérophone, pour qu'en plaçant ces
+instruments dans les deux chambres du parlement, les discours des
+grands orateurs puissent être entendus par toute une population sur
+une étendue de quatre à cinq milles carrés.</p>
+
+<p>Les essais du microphone faits récemment à Harlifax et qui ont été
+rapportés dans les journaux anglais, montrent que les prévisions du
+duc d'Argyle étaient parfaitement justifiées. Il paraîtrait en effet
+qu'un dimanche un microphone ayant été placé sur la devanture de la
+chaire d'un prédicateur à l'église d'Harlifax, et cet instrument étant
+relié par un fil de 3 kilomètres <span class="pagenum"><a id="page192" name="page192"></a>(p. 192)</span> à un téléphone placé près
+du lit d'un malade, habitant un château voisin, ce malade a pu
+entendre toutes les prières, les cantiques et le sermon. M. Hughes,
+qui m'avait communiqué cette nouvelle, m'assurait qu'elle lui avait
+été donnée par des personnes dignes de foi, et nous apprenons
+maintenant qu'il y a sept abonnés pour jouir de l'avantage d'écouter
+les offices d'Harlifax, sans se déranger.</p>
+
+<p>Le microphone a été aussi appliqué dernièrement à la répétition à
+distance d'un opéra tout entier, et voici ce que dit à cet égard le
+<i>Journal télégraphique</i> de Berne du 25 juillet:</p>
+
+<div class="quote">
+<p>«Le 19 juin dernier a eu lieu à Billenzona (Suisse) une curieuse
+ expérience micro-téléphonique. Une troupe italienne de passage
+ devait donner ce jour-là, au théâtre de cette ville, l'opéra de
+ Donizetti, <i>Don Pasquale</i>. M. Patocchi, inspecteur-adjoint du
+ VI<sup>e</sup> arrondissement télégraphique de la Suisse, a eu l'idée de
+ profiter de cette occasion, pour expérimenter les effets combinés
+ du microphone à charbon de Hughes comme appareil transmetteur et
+ du téléphone de Bell comme appareil récepteur. À cet effet, il
+ installa dans une loge de premier rang, à côté du proscenium, un
+ microphone Hughes qu'il relia au moyen de deux fils de 1.1/2
+ millimètres de diamètre à quatre récepteurs Bell disposés dans
+ une salle de billard, au-dessus du vestibule du théâtre même,
+ salle où ne parvient aucun des bruits de l'intérieur du théâtre.
+ Dans le circuit, et près du microphone de Hughes, était
+ intercalée une petite pile de deux éléments du modèle ordinaire
+ de l'administration suisse.</p>
+
+ <p>«Les résultats ont été aussi heureux et aussi complets que
+ possible. Les téléphones reproduisaient exactement, avec une
+ clarté et une netteté merveilleuse, aussi bien les sons de
+ l'orchestre que le chant des artistes. Plusieurs spectateurs ont
+ constaté, avec M. Patocchi, que l'on ne perdait pas une note des
+ <span class="pagenum"><a id="page193" name="page193"></a>(p. 193)</span> instruments ou des voix, qu'on distinguait parfaitement
+ les mots prononcés, que les airs étaient reproduits dans leur ton
+ naturel, avec toutes leurs nuances, les <i>piano</i> comme les
+ <i>forte</i>, les motifs doux comme les passage de force, et plusieurs
+ <i>dilettanti</i> amateurs ont même assuré à M. Patocchi que, par
+ cette seule audition au moyen des téléphones, l'on pouvait
+ apprécier les beautés musicales, les qualités des voix des
+ artistes et généralement juger de la pièce elle-même, comme
+ pouvaient le faire les spectateurs à l'intérieur du théâtre.</p>
+
+ <p>«Les résultats ont été les mêmes en introduisant dans le circuit
+ des résistances jusqu'à 10 kilomètres sans augmenter le nombre
+ des éléments de la pile. C'est, croyons-nous la première
+ expérience de ce genre qui ait été faite, en Europe du moins,
+ dans un théâtre et sur un opéra complet; et ceux qui connaissent
+ toute la légèreté et la grâce des mélodies de <i>Don Pasquale</i>,
+ apprécieront à quelle sensibilité doit atteindre la combinaison
+ du microphone de Hughes et du téléphone de Bell, pour ne rien
+ laisser perdre des délicatesses de cette musique.»</p>
+</div>
+
+<p>Les expériences avec le microphone, quoique à leur début, ont été
+cependant très-variées, et nous voyons dans les journaux anglais,
+entre autres expériences curieuses, qu'on a voulu établir sur le même
+principe un appareil sensible téléphoniquement aux variations d'une
+source lumineuse. On sait que certains corps et particulièrement le
+sélénium sont impressionnables électriquement à la lumière,
+c'est-à-dire que leur conductibilité peut varier dans d'assez grandes
+proportions suivant la quantité plus ou moins grande de lumière qui
+les éclaire. Or si on fait passer brusquement un circuit dans lequel
+est interposé un corps de cette nature, de l'obscurité à un
+éclairement un peu intense, il doit résulter de l'augmentation subite
+de résistance qui en <span class="pagenum"><a id="page194" name="page194"></a>(p. 194)</span> est la conséquence, un son énergique
+dans un téléphone interposé dans le circuit. C'est en effet ce que
+l'expérience a démontré, et M. Willoughby-Smith en tire la conséquence
+que, conformément à ce que nous avons dit plus haut, les effets
+produits dans le microphone sont la conséquence de variations de
+résistance dans le circuit par suite de contacts plus ou moins intimes
+entre conducteurs imparfaits.</p>
+
+<p>Pour obtenir l'effet précédent dans ses meilleures conditions, M.
+Siemens emploie deux électrodes composées par des réseaux de fils de
+platine très-fins enchevêtrés les uns dans les autres, à la manière de
+deux fourchettes dont les dents seraient intercalées dans leurs
+intervalles réciproques. Ces électrodes sont introduites entre deux
+lames de verre, et une goutte de sélénium versée au centre de ces
+réseaux, les réunit sur une surface circulaire assez étendue pour
+établir une conductibilité suffisante dans le circuit. Or c'est sur
+cette goutte ainsi étendue qu'on doit projeter le rayon de lumière.</p>
+
+<p>Une jolie expérience que l'on peut faire encore avec le microphone est
+celle-ci: vous placez sur une planche en bois un peu grande, une
+planchette à dessin par exemple, un microphone à charbon vertical dont
+les extrémités sont bien pointues et qui est placé tout à fait
+verticalement. On dispose dans le circuit un ou plusieurs téléphones,
+et si on les renverse sur la planche de manière que leur membrane soit
+en regard de celle-ci, on entend un roulement continu qui ressemble
+tantôt à un son musical, tantôt au bruissement de l'eau bouillant dans
+une chaudière, et ce bruit <span class="pagenum"><a id="page195" name="page195"></a>(p. 195)</span> qui peut être entendu à distance,
+dure indéfiniment tant que la source électrique est en activité. M.
+Hughes explique ce phénomène de la manière suivante.</p>
+
+<p>La moindre secousse qui mettra le microphone en action, aura pour
+effet d'envoyer des courants plus ou moins interrompus à travers les
+téléphones qui les transformeront en vibrations sonores, et celles-ci
+étant transmises mécaniquement par la planche au microphone,
+entretiendront son mouvement qui sera même amplifié et provoquera de
+nouvelles vibrations sur les téléphones; d'où il résultera une
+nouvelle action sur le microphone et ainsi de suite indéfiniment. D'un
+autre côté, en plaçant sur la même planche un second microphone
+correspondant à un autre circuit téléphonique, on peut en faire un
+appareil réagissant comme <i>un relais télégraphique</i>, c'est-à-dire
+répétant à distance les bruits transmis à la planche, et ces bruits
+répétés peuvent constituer soit un appel, soit les éléments d'une
+dépêche dans le langage Morse, si l'on place dans le circuit du
+premier microphone un manipulateur Morse. «J'ai fait, dit M. Hughes,
+avec cette disposition d'appareils, plusieurs expériences qui ont
+produit beaucoup d'effet, quoique n'ayant employé qu'une pile de
+Daniell de six éléments sans bobine d'induction. En adaptant au
+téléphone récepteur un cornet en carton de 40 centimètres de longueur,
+on a pu entendre dans toute une grande salle le bruit continu du
+relais, les battements d'une pendule et le bruit fait par la plume en
+écrivant. Je n'ai pas essayé de transmettre la parole parce que, dans
+ces conditions, elle n'aurait pas été reproduite avec netteté.»</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page196" name="page196"></a>(p. 196)</span> L'idée d'employer le microphone comme relais était, du reste,
+venue à l'esprit de plusieurs personnes et entre autres de M.
+Latimer-Clark qui proposait pour cela de faire réagir l'armature d'un
+électro-aimant introduit dans le circuit du microphone, sur un tube
+disposé comme on l'a vu fig. 40 et réagissant lui-même sur le second
+circuit, c'est-à-dire sur le circuit du téléphone. MM. Houston et
+Thomson en ont fait également un dernièrement.</p>
+
+<p>D'un autre côté lord Lindsay a imaginé d'adapter au microphone une
+membrane résonnante, et il a obtenu par ce moyen une reproduction
+excellente des sons musicaux produits par un piano; mais lorsque les
+vibrations de cet instrument concordaient avec les vibrations
+fondamentales de la membrane, un bruit très-fort se faisait entendre
+dans le téléphone, et dans ce bruit, on distinguait non-seulement la
+note fondamentale de cette membrane, mais encore toutes les vibrations
+sympathiques déterminées par les cordes du piano réagissant les unes
+sur les autres.</p>
+
+<a id="img045" name="img045"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img045.jpg" width="500" height="511" alt="" title="">
+<p>Fig. 45.</p>
+</div>
+
+<p>En raison de son extrême sensibilité, cet appareil pourrait permettre
+de constater les bruits produits à l'intérieur du corps humain et
+servir par conséquent de <i>stéthoscope</i> pour l'auscultation des poumons
+et des battements du c&oelig;ur. Le Dr Richardson en Angleterre,
+conjointement avec M. Hughes, s'occupe en ce moment de rendre pratique
+cette importante application; mais jusqu'à présent les résultats
+obtenus n'ont pas été très-satisfaisants. On espère toutefois y
+parvenir. En attendant M. Ducretet a construit un microphone
+stéthoscopique que nous représentons fig. 45 et qui <span class="pagenum"><a id="page197" name="page197"></a>(p. 197)</span> est
+d'une extrême sensibilité. C'est un microphone à charbon CP, à simple
+contact, dont le charbon inférieur P est adapté à un tambour à
+membrane vibrante de M. Marais T. Ce tambour est relié par un tube de
+caoutchouc CC' à un autre tambour T' qui est destiné à être appliqué
+sur les différentes parties du corps à ausculter, et que l'on appelle
+en conséquence <i>tambour explorateur</i>; la sensibilité de l'appareil est
+réglée au moyen d'un contrepoids PO, qui se visse sur le bras d'un
+levier <span class="pagenum"><a id="page198" name="page198"></a>(p. 198)</span> bascule LL, auquel est fixé le second charbon C. Tout
+le monde connaît la grande sensibilité des tambours de M. Marais pour
+la transmission des vibrations, et cette sensibilité étant encore
+augmentée par le microphone, l'appareil acquiert une
+impressionnabilité extrême, peut-être même une trop grande, car il
+révèle tout espèce de bruits qu'il est très-difficile de distinguer
+les uns des autres. Du reste, cet appareil ne peut donner de bons
+résultats que confié à des mains expérimentées, et il faudra
+évidemment une éducation auditive particulière pour qu'on puisse en
+tirer parti.</p>
+
+<p>Comme application de ce genre, la plus importante est celle que vient
+d'en faire, conjointement avec M. Hughes, M. Henry Thompson célèbre
+chirurgien anglais, pour l'exploration de la vessie dans la maladie de
+la pierre. Au moyen de cet appareil, on peut en effet constater la
+présence et préciser le siège des calculs pierreux qui peuvent s'y
+trouver, quelques petits qu'ils soient d'ailleurs. On emploie pour
+cela une sonde exploratrice composée d'une tige de Maillechort un peu
+recourbée par le bout et qui est mise en communication avec un
+microphone sensible à charbon. Quand, en promenant cette sonde dans la
+vessie, la tige en question rencontre des particules pierreuses,
+fussent-elles de la grosseur d'une tête d'épingle, le frottement qui
+en résulte détermine des vibrations qui se distinguent parfaitement,
+dans le téléphone, de celles qui se produisent par la simple friction
+de la tige sur les tissus mous des parois de la vessie. Toutefois, M.
+Thompson prétend que pour obtenir de bons résultats de cette <span class="pagenum"><a id="page199" name="page199"></a>(p. 199)</span>
+méthode, il faut prendre certaines précautions. Il faut que
+l'instrument ne soit pas trop sensible afin que la nature des bruits
+soit bien distincte, la pile ne doit pas être trop forte, pour éviter
+les sons qui pourraient résulter des bruits extérieurs. L'appareil est
+du reste disposé comme on le voit fig. 46. Le microphone est placé
+dans le manche qui porte la sonde et n'est autre que celui que nous
+avons représenté fig. 39, mais avec de plus petites dimensions, et les
+deux fils conducteurs <i>e</i> allant au téléphone, ressortent du manche
+par le bout <i>a</i> opposé à celui <i>bb</i> où la sonde <i>dd</i> est vissée. Comme
+cet appareil n'est pas destiné à reproduire la parole, on emploie des
+charbons de cornue au lieu de charbons de bois.</p>
+
+<a id="img046" name="img046"></a>
+<div class="floatright">
+<img src="images/img046.jpg" width="150" height="724" alt="" title="">
+<p>Fig. 46.</p>
+</div>
+
+<p>On a pu encore par un moyen basé sur le principe du microphone, faire
+entendre certains sourds dont l'oreille n'était pas encore tout à fait
+insensibilisée. Pour obtenir ce résultat, on adapte devant les deux
+oreilles du malade deux téléphones, reliés entre eux par une couronne
+métallique appuyée sur l'os frontal, et on met les deux téléphones en
+rapport avec un microphone muni de sa pile, lequel pend à l'extrémité
+d'un double fil conducteur. Le malade conserve dans sa poche ce
+microphone, et il le présente comme un cornet <span class="pagenum"><a id="page200" name="page200"></a>(p. 200)</span> acoustique à
+son interlocuteur quand il veut converser avec lui. Le microphone est
+alors constitué par le parleur de M. Hughes représenté fig. 39.</p>
+
+<p>Le microphone peut avoir encore beaucoup d'autres applications, et
+voici ce que nous lisons à cet égard dans l'<i>English Mechanic</i> du 21
+Juin 1878: «Au moyen de cet instrument, les ingénieurs pourront
+apprécier les effets des vibrations occasionnées sur les édifices
+anciens et nouveaux par le passage de lourdes charges; un soldat
+pourra reconnaître l'approche de l'ennemi à plusieurs milles de
+distance et distinguer même s'il aura affaire avec de l'artillerie ou
+de la cavalerie; la marche des navires dans le voisinage des torpilles
+pourra même être annoncée à la côte, et on pourra dès lors, à coup
+sûr, en déterminer l'explosion.»</p>
+
+<p>On a aussi proposé d'appliquer le microphone comme un avertisseur des
+fuites de gaz dans les mines à charbon. Le gaz s'échappant des
+crevasses de charbon, produit un son sifflant qui par le moyen du
+microphone et du téléphone pourrait être entendu au haut des puits.
+D'un autre côté, on a eu l'idée que le microphone pourrait être
+utilement employé comme Séismographe pour signaler les bruits
+souterrains qui précèdent généralement les tremblements de terre et
+les éruptions volcaniques, et qui se trouveraient de cette manière
+notablement amplifiés. Cet appareil pourrait même être d'un usage
+utile à M. Palmieri pour ses études à l'observatoire du Vésuve.</p>
+
+<p>Comme on devait s'y attendre, des réclamations de priorité devaient
+être la conséquence de la grande faveur qui a accueilli l'invention de
+M. Hughes, et <span class="pagenum"><a id="page201" name="page201"></a>(p. 201)</span> même en dehors de la réclamation de M. Edison
+sur laquelle nous avons exprimé notre opinion<a id="footnotetag26" name="footnotetag26"></a><a href="#footnote26" title="Lien vers la note 26"><span class="smaller">[26]</span></a>, nous en <span class="pagenum"><a id="page202" name="page202"></a>(p. 202)</span>
+trouvons plusieurs autres qui montrent que, si quelques effets du
+microphone ont été découverts à différentes époques avant M. Hughes,
+on n'y avait prêté qu'une très-médiocre attention puisqu'ils n'ont
+même pas été publiés. De ce nombre sont celles de M. Wentwork
+Lacelles-Scott enregistrées dans l'<i>Electrician</i> du 25 mai 1878, et
+celle de M. Weyher présentée à la Société de Physique de Paris au mois
+de juin dernier; mais elles n'ont guère d'importance, attendu que les
+dates auxquelles remontent les expériences de ces savants sont encore
+postérieures à celles des premières expériences de M. Hughes;
+celles-ci datent, en effet, du commencement de décembre 1877, et ont
+même été montrées en janvier 1878 aux fonctionnaires de la <i>Submarine
+Telegraph Company</i>, ainsi que le publie M. Preece dans une lettre
+adressée aux différents savants.</p>
+
+<p>Avant de terminer avec le microphone, je crois devoir rappeler ici
+deux expériences intéressantes de M. Hughes, qui tout en montrant que
+l'attraction magnétique n'entre pour rien dans la reproduction de la
+parole, prouve que les effets électro-magnétiques peuvent se combiner
+aux effets microphoniques.</p>
+
+<p>1<sup>o</sup> Si une armature de fer doux est appliquée sur les pôles d'un
+électro-aimant à deux branches solidement fixé sur une planche, et
+qu'on interpose entre cette armature et les pôles magnétiques des
+morceaux de papier afin d'éviter les effets de magnétisme condensé, on
+peut, en reliant cet électro-aimant à un microphone parleur du modèle
+de la fig. 39, entendre sur la planche servant de support à
+l'électro-aimant les mots prononcés dans le parleur.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page203" name="page203"></a>(p. 203)</span> 2<sup>o</sup> Si on oppose par leurs pôles de noms contraires deux
+électro-aimants mis en rapport avec un microphone, en ayant soin de
+séparer ces pôles par des morceaux de papier, on obtiendra clairement
+la reproduction de la parole, sans qu'il y ait besoin d'armature ni de
+diaphragme. Ces deux faits peuvent encore être opposés à la théorie
+soutenue par M. Navez.</p>
+
+<p>3<sup>o</sup> Si au lieu de faire passer le courant actionné par un microphone à
+travers l'hélice d'un téléphone servant de récepteur, on lui fait
+traverser directement le barreau aimanté de ce téléphone dans le sens
+de son axe, c'est-à-dire d'un pôle à l'autre, on peut entendre
+distinctement les paroles prononcées dans le microphone. Cette
+expérience, qui est de M. Paul Roy, indiquerait, si elle est exacte,
+que les ondulations électriques qui parcoureraient longitudinalement
+un aimant, en modifieraient l'intensité magnétique. Cette expérience
+est toutefois à vérifier.<a href="#toc"><span class="small">[Table des Matières]</span></a></p>
+
+<h2>EFFETS DES ACTIONS EXTÉRIEURES SUR LES TRANSMISSIONS TÉLÉPHONIQUES.</h2>
+
+<p>Les obstacles qu'on rencontre dans les transmissions téléphoniques
+proviennent de trois causes; 1<sup>o</sup> de l'affaiblissement des sons par
+suite des pertes de courant sur les lignes, pertes beaucoup plus
+grandes avec les courants d'induction qu'avec les courants de pile;
+2<sup>o</sup> des mélanges produits par les dérivations des courants voisins;
+3<sup>o</sup> de l'induction des fils les uns sur les autres. Cette dernière
+influence est beaucoup plus <span class="pagenum"><a id="page204" name="page204"></a>(p. 204)</span> grande qu'on ne se le figure
+ordinairement. Placez côte à côte deux fils parfaitement isolés, l'un
+en correspondance avec un circuit de sonnerie trembleuse, l'autre avec
+un circuit de téléphone: ce dernier répétera les bruits de la sonnerie
+avec une intensité souvent assez grande pour fournir lui-même un appel
+sans qu'on ait l'appareil à l'oreille. MM. Pollard et Garnier, dans
+leurs intéressantes expériences avec les courants induits de la bobine
+de Ruhmkorff, ont reconnu qu'on pouvait obtenir de cette manière,
+non-seulement les sons en rapport avec les courants induits résultant
+de l'action du courant traversant l'hélice primaire, mais encore ceux
+qui résultent de l'action des courants secondaires sur d'autres
+hélices et qu'on a désignés sous le nom de courants de second ordre.
+Ce sont ces différentes réactions qui font que les transmissions
+téléphoniques faites sur les lignes télégraphiques se trouvent souvent
+troublées par des bruits insolites qui viennent des transmissions
+électriques sur les fils voisins; mais elles paraissent subir ces
+influences sans s'éteindre, et il arrive que l'on peut entendre à la
+fois une conversation parlée en langage ordinaire et une dépêche
+transmise dans le langage Morse.</p>
+
+<p>À l'école d'artillerie de Clermont, on a établi à titre d'expériences
+une communication téléphonique entre cette école et le champ de tir
+qui est à une distance de 14 kilomètres. Une autre communication du
+même genre est établie entre l'Observatoire de Clermont et celui du
+Puy-de-Dôme à 15 kilomètres de distance. Ces deux lignes sont portées
+par les mêmes poteaux <span class="pagenum"><a id="page205" name="page205"></a>(p. 205)</span> sur un parcours de 10 kilomètres, et
+dans ce trajet sur ces poteaux, se trouve un fil télégraphique
+ordinaire; enfin dans cet espace, les poteaux pendant 300 mètres
+portent aussi sept autres fils télégraphiques. Les deux fils
+téléphoniques sont d'ailleurs éloignés de 0<sup>m</sup>,85 l'un de l'autre.
+Dans ces conditions on a constaté:</p>
+
+<p>1<sup>o</sup> Que le téléphone de l'école lit très-bien, par le son, les
+dépêches Morse qui passent dans le télégraphe sur les deux fils qui
+l'avoisinent, mais que le tic-tac de l'appareil ne gêne en rien le
+passage ni l'audition de la communication verbale du téléphone;</p>
+
+<p>2<sup>o</sup> Que les deux lignes téléphoniques voisines, quoique ne se touchant
+pas, et sans communication entre elles, mélangent cependant leurs
+dépêches, et il est arrivé qu'on a pu entendre à l'école par le fil
+venant du champ de tir, des dépêches du Puy-de-Dôme, et qu'on a pu y
+répondre, sans que nulle part la distance entre les fils des deux
+lignes fut moindre que 85 centimètres.</p>
+
+<p>On a pu remédier un peu à ces inconvénients en interposant dans le
+circuit de fortes résistances, ou en établissant des dérivations à la
+terre à une certaine distance des postes téléphoniques.</p>
+
+<p>Suivant M. Izarn, professeur de physique au lycée de Clermont, les
+courants électriques téléphoniques pourraient très-bien se dériver par
+la terre, surtout quand ils rencontreraient sur leur passage des
+conducteurs métalliques comme des conduites d'eau ou de gaz. Voici ce
+qu'il dit dans une note adressée à l'académie des sciences le 13 mai
+1878. «J'ai installé au lycée de Clermont un téléphone sur un fil
+unique d'une cinquantaine de mètres, qui, traversant la grande
+<span class="pagenum"><a id="page206" name="page206"></a>(p. 206)</span> cour du lycée, va du laboratoire de physique où il
+s'accroche à un bec de gaz, à une pièce placée près de la loge du
+concierge où il s'accroche à un autre bec de gaz. En appliquant
+l'oreille au téléphone, j'entends très-nettement les signaux
+télégraphiques Morse ou autres qui proviennent soit du bureau
+télégraphique de Clermont, soit du bureau téléphonique fonctionnant
+entre l'école d'artillerie de Clermont et le polygone de tir, établi à
+14 kilomètres de la ville au pied du Puy-de-Dôme. J'entends même des
+paroles et surtout des commandements militaires émis dans le téléphone
+du polygone et destinés à être entendus à l'école. Or mon fil est
+absolument indépendant de ceux où circulent ces signaux; il en est
+même très-éloigné; mais comme les prises de terre du bureau
+télégraphique et de l'école d'artillerie se font à une petite distance
+des tuyaux de gaz, il n'est pas douteux que le phénomène ne soit dû à
+une dérivation du courant produite à travers mon fil par
+l'intermédiaire du sol et du réseau métallique des tuyaux.»</p>
+
+<p>Cette remarque avait été déjà faite par M. Preece dans sa notice: <i>Sur
+quelques points physiques en rapport avec le téléphone.</i> D'un autre
+côté, nous lisons dans le <i>Telegraphic journal</i> du 15 juin 1878, que
+dans un concert téléphonique, transmis de Buffalo à New-York, les
+chanteurs de Buffalo ont été entendus dans un bureau particulier placé
+en dehors du circuit télégraphique sur lequel s'opérait la
+transmission. Après informations, on reconnut que le fil à travers
+lequel la transmission téléphonique s'effectuait dans ce bureau, se
+rapprochait en un point de son parcours de <span class="pagenum"><a id="page207" name="page207"></a>(p. 207)</span> celui qui
+transmettait directement les sons musicaux; mais la distance entre les
+deux fils n'était pas moindre de dix pieds.</p>
+
+<p>Avec les circuits entièrement métalliques, les effets des mélanges
+sont beaucoup moins à craindre, et suivant M. Zetzche, on n'entend que
+très-peu et seulement par instants, les sons provenant d'autres fils;
+on entend donc beaucoup mieux et plus aisément avec cette disposition
+qu'avec la disposition ordinaire. «Ce ne sont pas d'ailleurs, dit-il,
+les résistances des fils, mais bien plutôt les dérivations de courant
+près des poteaux qui présentent des obstacles pour les correspondances
+téléphoniques échangées sur de longues lignes aériennes. J'ai pu en
+avoir la preuve dans les expériences suivantes: Ayant relié la ligne
+télégraphique de Dresde à Chemnitz à l'une des lignes de Chemnitz à
+Leipzig (87 kil.), ce qui fournissait un circuit de 167 kilomètres
+communiquant à la terre à ses deux extrémités, Dresde et Leipzig n'ont
+pu s'entretenir, tandis que Dresde et Chemnitz le pouvaient très-bien
+malgré la plus grande étendue de la ligne. Ayant fait supprimer la
+communication à la terre, d'abord à Leipzig, puis à Leipzig et à
+Dresde simultanément, j'ai constaté les effets suivants: Avec
+l'isolation effectuée à Leipzig seulement, les stations de Dresde, de
+Riesa, Wurzen purent bien s'entendre au moyen du téléphone; mais avec
+l'isolation de la ligne aux deux extrémités, les deux dernières
+stations communiquèrent bien entre elles, mais la station
+intermédiaire fit remarquer qu'elle entendait mieux les mots prononcés
+à Wurzen que l'on n'entendait à Wurzen les paroles dites à Riesa.
+<span class="pagenum"><a id="page208" name="page208"></a>(p. 208)</span> Dans les deux cas, le téléphone reproduisait distinctement
+les signaux télégraphiques émis sur les fils parallèles à celui de la
+ligne d'essai. Or, comme Wurzen, n'est qu'à 26,6 kilomètres de
+Leipzig, tandis que Riesa se trouve à une distance de 49 kilomètres de
+Dresde, et qu'il y a, par conséquent, sur ce dernier parcours à peu
+près une fois autant de poteaux offrant aux courants des dérivations à
+la terre, j'ai cru pouvoir en conclure que c'était par les dérivations
+qu'on pouvait expliquer la possibilité de correspondre sur une ligne
+isolée et la perception plus distincte des sons à la station de Riesa,
+laquelle provenait de la plus grande intensité de courant restant
+encore sur la ligne.»</p>
+
+<p>Il est aussi certaines vibrations résultant de l'action des courants
+d'air sur les fils télégraphiques et qui leur font émettre ces
+bourdonnements bien connus sur certaines lignes, qui peuvent encore
+réagir sur le téléphone; mais elles sont alors le plus souvent
+propagées mécaniquement, et on peut les distinguer des autres, quand
+les sons qui en résultent sont entendus après qu'on a exclu le
+téléphone du circuit par une fermeture à court circuit, et après avoir
+supprimé la communication à la terre établie en arrière du téléphone.</p>
+
+<p>Les réactions d'induction exercées par les fils de ligne les uns sur
+les autres ne sont pas les seules qui puissent être accusées sur un
+circuit téléphonique: toute manifestation électrique produite dans le
+voisinage d'un téléphone peut déterminer des sons plus ou moins forts.
+Nous en avons déjà eu la preuve dans les expériences de M. d'Arsonval,
+et voici quelques expériences de M. Demoget qui le démontrent de la
+manière <span class="pagenum"><a id="page209" name="page209"></a>(p. 209)</span> la plus notoire. En effet si devant l'un des
+téléphones d'un circuit téléphonique, on place un petit électro-aimant
+droit muni d'un trembleur, et que, pour écarter l'influence du son
+produit par le trembleur, on enlève la lame vibrante du téléphone, on
+entend parfaitement sur le second téléphone du circuit le
+bourdonnement du trembleur, qui atteint son maximum quand les deux
+extrémités de l'électro-aimant sont le plus rapprochées possible du
+téléphone sans diaphragme, et son minimum quand cet électro-aimant lui
+est présenté suivant sa ligne neutre. D'après M. Demoget, l'action
+exercée dans cette circonstance pourrait être considérée comme celle
+d'un aimant exerçant deux actions inductrices opposées et symétriques,
+dont le champ serait limité par un double paraboloïde, ayant pour
+grand axe, dans ses expériences, 0<sup>m</sup>,55 de longueur au delà du noyau
+magnétique, et pour grand diamètre perpendiculaire, 60 centimètres. Il
+croit que par ce moyen on pourrait aisément télégraphier dans le
+système Morse, et qu'il suffirait pour cela d'adapter une clef à
+l'électro-aimant inducteur.</p>
+
+<p>Pour surmonter les difficultés que présentent les réactions
+d'induction des fils les uns sur les autres dans les transmissions
+téléphoniques, M. Preece indique trois moyens:</p>
+
+<p>1<sup>o</sup> Augmenter l'intensité des courants transmis de manière à les faire
+prédominer notablement sur les courants induits, et réduire la
+sensibilité du téléphone de réception;</p>
+
+<p>2<sup>o</sup> Mettre le fil téléphonique à l'abri de l'induction.</p>
+
+<p>3<sup>o</sup> Neutraliser les effets d'induction.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page210" name="page210"></a>(p. 210)</span> Le premier moyen peut être réalisé par le système à pile
+d'Edison, et nous avons vu qu'il a fourni des résultats avantageux.</p>
+
+<p>Pour mettre à exécution le second moyen, M. Preece considère qu'il y a
+lieu de se préoccuper des deux sortes d'inductions qui se développent
+sur les lignes télégraphiques: de l'induction électro-statique,
+analogue à celle qui se produit sur les câbles immergés, et en second
+lieu de l'induction électro-dynamique résultant de l'électricité en
+mouvement. Dans le premier cas, M. Preece propose d'interposer entre
+le fil téléphonique et les autres fils, un corps conducteur en
+communication avec la terre, et susceptible de former écran à
+l'induction en absorbant lui-même les effets électro-statiques
+produits. Ce problème pourrait être résolu, suivant lui, en entourant
+les fils télégraphiques avoisinant le fil téléphonique, d'une
+enveloppe métallique, ou en les immergeant dans l'eau. «Bien que par
+ce dernier moyen, dit-il, on n'élimine pas complétement les effets
+d'induction statique, en raison de la mauvaise conductibilité de ce
+corps, on peut les réduire considérablement, ainsi que mes expériences
+entre Dublin, Holyhead, Manchester et Liverpool l'ont démontré.» Dans
+le second cas, M. Preece admet qu'une enveloppe de fer est susceptible
+de paralyser les effets électro-dynamiques déterminés, en les
+absorbant; de sorte qu'en employant des fils isolés recouverts d'une
+garniture de fer mise en communication avec le sol, on annulerait les
+deux réactions d'induction. Nous ne suivrons pas M. Preece dans la
+théorie qu'il donne de ces effets, théorie qui nous paraît tout au
+moins discutable, <span class="pagenum"><a id="page211" name="page211"></a>(p. 211)</span> et nous nous contenterons de l'indication
+du moyen d'atténuation qu'il propose.</p>
+
+<p>Pour mettre à exécution le troisième moyen, on pourrait croire qu'il
+suffirait de supprimer les communications avec la terre et d'employer
+un fil de retour, car dans ces conditions, les courants d'induction
+déterminés sur l'un des fils devraient se trouver neutralisés par ceux
+qui résulteraient de la même induction sur le second fil, et qui se
+trouveraient alors agir dans un sens opposé; mais ce moyen ne peut
+être efficace qu'autant que la distance entre les deux fils
+téléphoniques est très-petite et que leur éloignement des autres fils
+est considérable. Quand il n'en est pas ainsi et qu'ils se trouvent
+tous très-rapprochés, comme cela a lieu dans les câbles sous-marins ou
+souterrains à plusieurs fils, ce moyen est tout à fait insuffisant. En
+prenant comme ligne aérienne un petit câble renfermant deux
+conducteurs isolés avec de la gutta-percha, on peut obtenir de
+très-bons résultats.</p>
+
+<p>L'emploi de deux conducteurs a encore l'avantage d'éviter les
+inconvénients des dérivations sur la ligne et à travers le sol qui,
+quand les communications à la terre ne sont pas parfaites, permettent
+au courant d'une ligne de passer plus ou moins facilement à travers la
+ligne téléphonique.</p>
+
+<p>En outre des causes de perturbation que nous venons d'énumérer, il en
+est d'autres qui sont également très-appréciables dans les
+transmissions téléphoniques, et, parmi elles, nous devrons citer les
+courants accidentels qui se produisent constamment sur les lignes
+télégraphiques. Ces courants peuvent provenir de bien <span class="pagenum"><a id="page212" name="page212"></a>(p. 212)</span> des
+causes, tantôt de l'électricité atmosphérique, tantôt du magnétisme
+terrestre, tantôt d'effets thermo-électriques produits sur les lignes,
+tantôt de réactions hydro-électriques déterminées sur les fils et les
+plaques de communication avec le sol. Ces courants sont toujours
+très-instables, et ils doivent, par conséquent, en réagissant sur les
+courants transmis, les altérer plus ou moins et déterminer par cela
+même des sons sur le téléphone. Suivant M. Preece, le bruit provenant
+des courants telluriques se rapproche un peu de celui d'une cascade.
+Les décharges d'électricité atmosphérique, même quand l'orage est
+éloigné, déterminent un son plus ou moins sec suivant la nature de la
+décharge. Quand elle est diffuse et qu'elle éclate à peu de distance,
+le bruit produit ressemble, d'après le docteur Channing de La
+Providence, à celui que produit une goutte de métal en fusion quand
+elle tombe dans de l'eau, ou bien encore à celui d'une fusée volante
+tirée à distance; dans ce cas, il paraîtrait que le son serait perçu
+avant l'apparition de l'éclair, ce qui démontre bien que les décharges
+électriques atmosphériques ne se produisent qu'à la suite d'un
+mouvement électrique déterminé dans l'air. «Quelquefois, dit M.
+Preece, on entend un son lamentable, un son que l'on a comparé au cri
+d'un oiseau naissant, et qui doit provenir des courants induits que le
+magnétisme terrestre doit déterminer dans les fils télégraphiques
+quand ils sont mis en mouvement vibratoire par les courants d'air.»</p>
+
+<p>Dernièrement M. Gressier, dans une communication faite à l'Académie
+des sciences le 6 mai 1878, a mentionné <span class="pagenum"><a id="page213" name="page213"></a>(p. 213)</span> quelques-uns de ces
+bruits, mais il s'est tout à fait trompé sur l'origine qu'il leur a
+supposée.</p>
+
+<p>«Indépendamment du grésillement dû aux appareils télégraphiques mis en
+action sur les lignes voisines, dit-il, il se produit dans le
+téléphone un bruissement très-confus, un froissement assez intense
+parfois pour faire croire que la plaque vibrante va se déchirer. C'est
+plutôt le soir que le jour qu'on entend ce bruissement qui devient
+même insupportable et empêche de se comprendre au téléphone, alors
+qu'on n'est plus troublé par le travail des bureaux. On entend ce
+bruit quand on ne fait usage que d'un seul téléphone. Un bon
+galvanomètre interposé dans le circuit a montré la présence de
+courants assez sensibles, tantôt dans un sens, tantôt dans un autre.»</p>
+
+<p>Ces courants que j'ai étudiés pendant longtemps avec le galvanomètre
+et qui ont été l'objet de quatre mémoires présentés par moi à
+l'académie des sciences en 1872, n'ont généralement aucun rapport avec
+l'électricité atmosphérique, comme le croit M. Gressier, et
+proviennent soit d'actions thermo-électriques, soit d'actions
+hydro-électriques. Ils se manifestent toujours et en tous temps sur
+les lignes télégraphiques, qu'elles soient isolées à l'une de leurs
+extrémités ou en contact avec la terre par les deux bouts. Dans le
+premier cas, les électrodes polaires du couple sont constituées par le
+fil télégraphique et la plaque de terre, ordinairement de la même
+nature, et le milieu conducteur intermédiaire est représenté par les
+poteaux souteneurs du fil et le sol qui complètent le circuit. Dans le
+second cas, le couple est constitué à peu près de la même manière,
+<span class="pagenum"><a id="page214" name="page214"></a>(p. 214)</span> mais la différence de composition chimique des terrains aux
+deux points où les plaques de terre sont enterrées, et souvent leur
+différence de température, exercent un effet prédominant. Si l'on ne
+considère que le premier cas, il arrive le plus souvent, par les beaux
+jours de l'été, que les courants produits pendant la journée sont
+inverses de ceux qui sont produits pendant la nuit, et varient avec la
+température ambiante dans l'un et l'autre sens. La présence ou
+l'absence du soleil, le passage des nuages, les courants d'air,
+entraînent même des variations très-brusques et très-caractérisées que
+l'on peut suivre facilement sur le galvanomètre et qui engendrent des
+sons plus ou moins accentués dans le téléphone.</p>
+
+<p>Pendant le jour, ces courants sont dirigés de la ligne télégraphique à
+la plaque de terre, parce que le fil est plus échauffé que la plaque,
+et <i>ces courants sont alors thermo-électriques</i>. Pendant la nuit, le
+contraire a lieu parce que le serein, en tombant, provoque sur le fil
+un refroidissement et y détermine une oxydation plus grande que celle
+qui est effectuée sur la plaque de terre, et <i>les courants sont alors
+surtout hydro-électriques</i>.</p>
+
+<p>J'ai insisté un peu sur ces courants parce que, par suite d'une fausse
+interprétation de leur origine, on a cru que le téléphone pourrait
+servir à l'étude des variations de l'électricité atmosphérique
+répandue normalement dans l'air; or, cette application du téléphone
+serait dans ces conditions, non-seulement inutile, mais encore
+pourrait égarer les observateurs en leur faisant faire des recherches
+sur des phénomènes très-compliqués, dont l'étude ne conduirait à rien
+de plus <span class="pagenum"><a id="page215" name="page215"></a>(p. 215)</span> que ce que j'ai dit dans mes différents mémoires sur
+cette question.</p>
+
+<p>Il est aussi certaines actions locales qui peuvent déterminer des sons
+sur le téléphone. Ainsi la distension du diaphragme sous l'influence
+de la chaleur humide de la respiration, quand on porte l'appareil
+devant la bouche pour parler, détermine un bruissement qui est facile
+à percevoir.</p>
+
+<p>En raison des réactions électro-statiques si énergiques déterminées
+sur les câbles sous-marins par suite des transmissions électriques, on
+pouvait craindre que l'on ne pût correspondre facilement à travers ces
+sortes de conducteurs au moyen du téléphone, et pour s'en assurer, on
+fit une expérience entre Guernesey et Darmouth à travers un câble de
+soixante milles de longueur. On reconnut avec surprise et satisfaction
+que les articulations de la parole étaient parfaitement effectuées,
+seulement un peu voilées. D'autres expériences entreprises par MM.
+Preece et Willmot sur un câble sous-marin artificiel placé dans des
+conditions analogues à celui des États-Unis, démontrèrent que sur une
+longueur de cent milles, on pouvait facilement entretenir une
+correspondance téléphonique, bien que les effets d'induction fussent
+manifestes. Sur une longueur de cent cinquante milles, il devint assez
+difficile de s'entendre, et les sons étaient considérablement
+affaiblis; il semblait qu'on parlait à travers une épaisse cloison.
+Les sons diminuèrent rapidement jusqu'à deux cents milles, et à partir
+de là, la parole devint complétement indistincte, quoique le chant pût
+être encore perçu. On put même l'entendre sur toute la longueur
+<span class="pagenum"><a id="page216" name="page216"></a>(p. 216)</span> du câble, c'est-à-dire sur une longueur de trois mille
+milles; mais cela tenait, suivant M. Preece, à l'induction du
+condensateur sur lui-même; néanmoins M. Preece croit que le chant peut
+être entendu à une bien plus grande distance que la parole, en raison
+de la plus grande régularité dans la succession des ondes électriques.</p>
+
+<p>«J'ai expérimenté aussi, dit M. Preece, des câbles souterrains entre
+Manchester et Liverpool sur une longueur de trente milles, et je n'ai
+rencontré aucune difficulté dans la correspondance que j'ai échangée;
+il en a été de même sur le câble de Dublin à Holyhead ayant
+soixante-sept milles de longueur. Celui-ci avait 7 fils conducteurs,
+et quand le téléphone était réuni à l'un des fils, on pouvait entendre
+la répétition des sons à travers tous les autres, mais à un degré plus
+faible. Quand les fils fonctionnaient avec les courants des appareils
+télégraphiques, l'induction était manifeste, mais elle ne suffisait
+pas pour empêcher les communications téléphoniques.»<a href="#toc"><span class="small">[Table des Matières]</span></a></p>
+
+<h2>INSTALLATION D'UN POSTE-TÉLÉPHONIQUE.</h2>
+
+<p>Bien que le système télégraphique par le téléphone soit très-simple,
+il exige pourtant, pour le service qu'on peut demander à cet
+instrument, certaines dispositions accessoires qui sont
+indispensables. Ainsi, par exemple, il est nécessaire que l'on soit
+appelé au moyen d'un appareil d'alarme pour qu'on puisse savoir quand
+l'échange des correspondances doit avoir lieu, et il <span class="pagenum"><a id="page217" name="page217"></a>(p. 217)</span> faut
+également que l'on soit prévenu si l'appel a été entendu. Une sonnerie
+électrique est donc le complément indispensable du téléphone, et comme
+le même circuit peut être employé pour les deux systèmes d'appareils à
+la condition de se servir d'un commutateur, on dut, pour conserver au
+système sa simplicité de manipulation qui en faisait le principal
+mérite, rechercher un moyen de faire réagir ce commutateur
+automatiquement et, pour ainsi dire, à l'insu de ceux appelés à faire
+usage de l'appareil.</p>
+
+<p class="p2"><b>Système de MM. Pollard et Garnier.</b>&mdash;Dès le mois de mars dernier, MM.
+Pollard et Garnier avaient imaginé dans ce but un dispositif qui leur
+a parfaitement réussi et qui utilisait le poids de l'instrument comme
+moyen d'action sur le commutateur.</p>
+
+<p>À cet effet, ils suspendaient l'instrument à l'extrémité d'une lame de
+ressort fixée entre les deux contacts du commutateur. Le fil du
+circuit correspondait à cette lame, et les deux contacts
+correspondaient l'un avec le téléphone, l'autre avec la sonnerie.
+Quand le téléphone pendait au-dessous du ressort-support, c'est-à-dire
+quand il n'était pas mis en action, son poids faisait abaisser la lame
+de ressort sur le contact inférieur, et la communication de la ligne
+avec la sonnerie était établie; quand, au contraire, le téléphone
+était soulevé pour s'en servir, la lame de ressort venait toucher le
+contact supérieur, et la communication était établie entre la ligne et
+le téléphone. Pour faire fonctionner la sonnerie, il ne s'agissait
+donc que d'établir sur le fil de liaison de la ligne avec le contact
+de sonnerie <span class="pagenum"><a id="page218" name="page218"></a>(p. 218)</span> du commutateur, un interrupteur de courant à la
+fois conjoncteur et disjoncteur, mis en rapport d'un côté avec le
+contact de sonnerie, de l'autre avec la pile de cette sonnerie. Un
+simple bouton de sonnerie électrique ordinaire pouvait suffire pour
+cela en y adaptant un second contact; mais MM. Pollard et Garnier ont
+préféré que cette action se fît aussi automatiquement, et ils ont en
+conséquence combiné le dispositif que nous représentons fig. 47.</p>
+
+<a id="img047" name="img047"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img047.jpg" width="400" height="271" alt="" title="">
+<p>Fig. 47.</p>
+</div>
+
+<p>Dans ce système, comme du reste dans ceux qui ont été combinés depuis,
+on met à contribution deux téléphones: l'un que l'on applique
+constamment contre l'oreille, l'autre que l'on tient devant la bouche
+pour être en mesure de parler tout en écoutant. Ces téléphones sont
+soutenus par trois fils dont deux contiennent <span class="pagenum"><a id="page219" name="page219"></a>(p. 219)</span> des
+conducteurs souples; le troisième ne joue d'autre rôle que celui de
+soutien.</p>
+
+<p>Des quatre fils des deux téléphones, deux sont réunis l'un à l'autre,
+et les deux autres sont reliés à deux boutons d'attache du commutateur
+<i>t</i>, <i>t'</i>; les cordons sans conducteurs sont suspendus aux extrémités
+des deux lames flexibles <i>l</i>, <i>l'</i> qui correspondent à la terre et à
+la ligne.</p>
+
+<p>Au repos, le poids des téléphones fait appuyer les deux lames <i>l</i>,
+<i>l'</i> sur les contacts inférieurs S, S'; mais lorsqu'on prend à la main
+ces appareils, ces lames appuient contre les contacts supérieurs.</p>
+
+<p>Les deux fils de la sonnerie aboutissent aux contacts inférieurs, ceux
+des téléphones aux contacts supérieurs, et les pôles de la pile sont
+reliés, l'un au contact inférieur de gauche S', l'autre au contact
+supérieur de droite T.</p>
+
+<p>Au repos, le système est sur sonnerie, et le courant envoyé de la
+station opposée, suivrait le circuit L<i>l</i>SS'S'<i>l'</i>T'; on pourrait donc
+être appelé; mais si on prend les deux téléphones à la main, le
+circuit est coupé à travers la sonnerie et établi à travers les
+téléphones; de sorte que le courant suit le trajet L<i>l</i>T<i>tt'</i>T'<i>l'</i>T.
+Si on ne soulève qu'un téléphone à la fois, le courant est envoyé à la
+sonnerie du poste opposé, et suit la route +P<i>t</i>LT<i>tl'</i>S'P-. On fait
+donc ainsi, sans s'en douter, les trois man&oelig;uvres nécessaires pour
+appeler, correspondre et mettre l'appareil en position de fournir un
+appel.</p>
+
+<a id="img048" name="img048"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img048.jpg" width="400" height="541" alt="" title="">
+<p>Fig. 48.</p>
+</div>
+
+<p class="p2"><b>Système de MM. Bréguet et Roosevelt.</b>&mdash;Dans le système <span class="pagenum"><a id="page220" name="page220"></a>(p. 220)</span> établi
+par la compagnie Bell à Paris, le dispositif est à peu près semblable
+au précédent, seulement il <span class="pagenum"><a id="page221" name="page221"></a>(p. 221)</span> n'y a qu'un commutateur à
+ressort, et c'est avec un bouton de sonnerie ordinaire qu'on provoque
+les appels. Sur une planchette d'acajou suspendue à la muraille, sont
+disposées d'abord une sonnerie trembleuse ordinaire au-dessous de
+laquelle est fixé un bouton transmetteur, et en second lieu deux
+fourches servant de support aux deux téléphones et dont une est
+adaptée à la bascule d'un commutateur disposé comme une clef de Morse.
+Les deux téléphones sont reliés, par deux fils conducteurs disposés de
+manière à être extensibles, à quatre boutons d'attache dont deux sont
+reliés directement l'un à l'autre et les deux autres à la ligne, à la
+terre et à la pile par l'intermédiaire du commutateur, du bouton
+transmetteur et de la sonnerie. La figure 48 montre ce dispositif.</p>
+
+<p>Le commutateur A se compose d'une bascule métallique ac portant
+au-dessus de son point d'articulation, la fourche de suspension F' de
+l'un des téléphones; elle se termine par deux taquets <i>a</i> et <i>c</i>
+au-dessous desquels sont fixés les deux contacts du commutateur, et un
+ressort presse le bras inférieur de la bascule de manière à faire
+appuyer constamment l'autre bras contre le contact supérieur. Pour
+plus de sûreté, une languette d'acier <i>ab</i> adaptée à l'extrémité
+inférieure de la bascule, frotte contre une colonnette <i>b</i> munie de
+deux contacts isolés qui correspondent à ceux de la planchette. La
+bascule est en communication avec le fil de ligne par l'intermédiaire
+du bouton d'appel, et les deux contacts dont nous venons de parler,
+correspondent l'un, le supérieur, avec l'un des fils des téléphones
+qui sont intercalés dans le même circuit, l'autre avec la sonnerie
+<span class="pagenum"><a id="page222" name="page222"></a>(p. 222)</span> S, qui elle-même communique à la terre. Il résulte de cette
+disposition, que quand le téléphone de droite appuie de tout son poids
+sur son support, la bascule du commutateur est inclinée sur le contact
+inférieur, et, par conséquent, la ligne est mise directement en
+rapport avec la sonnerie, ce qui permet d'appeler la station. Quand,
+au contraire, le téléphone est enlevé de son support, la bascule est
+sur le contact supérieur, et les téléphones sont reliés à la ligne.</p>
+
+<p>Pour appeler la station en correspondance, il suffit d'appuyer sur le
+bouton transmetteur; alors la liaison de la ligne avec les téléphones
+est brisée et établie avec la pile du poste, laquelle envoie un
+courant à travers la sonnerie du poste correspondant. Pour obtenir ce
+double effet, le ressort de contact du bouton transmetteur appuie en
+temps ordinaire contre un contact adapté à une équerre qui l'enveloppe
+par sa partie antérieure, et, au-dessous de ce ressort, se trouve un
+second contact qui communique avec le pôle positif de la pile du
+poste. L'autre contact correspond au fil de ligne, et une liaison est
+établie entre le fil de terre et le pôle négatif de la pile du poste,
+ce qui fait que ce fil de terre est commun à trois circuits:</p>
+
+<ul class="none">
+<li>1<sup>o</sup> Au circuit des téléphones;</li>
+<li>2<sup>o</sup> Au circuit de la sonnerie;</li>
+<li>3<sup>o</sup> Au circuit de la pile locale.</li>
+</ul>
+
+<p>La seconde fourche qui sert de support au téléphone de droite est
+fixée sur la planchette et n'a aucun rôle électrique à remplir.</p>
+
+<p>Il est facile de comprendre que ce dispositif peut <span class="pagenum"><a id="page223" name="page223"></a>(p. 223)</span> être
+varié de mille façons différentes, mais nous nous bornerons au modèle
+que nous venons de décrire qui est le plus pratique.</p>
+
+<p class="p2"><b>Système de M. Edison.</b>&mdash;Avec les téléphones à pile, le problème est
+plus complexe, à cause de l'emploi d'une pile qui doit être commune à
+deux systèmes d'appareils, et de la bobine d'induction qui doit être
+intercalée dans deux circuits distincts. La figure 49 représente le
+modèle qui a été adopté pour le téléphone de M. Edison. Dans ce
+dispositif, la planchette d'acajou porte au milieu une petite étagère
+C pour y poser les deux téléphones par leur partie plate. La sonnerie
+S est mise en action par un parleur électro-magnétique P qui peut
+servir, par l'adjonction d'une clef Morse M au système, à l'échange
+d'une correspondance en langage Morse, si les téléphones faisaient
+défaut, ou pour l'organisation de ces téléphones eux-mêmes.</p>
+
+<p>Au-dessous de ce parleur, est disposé un commutateur à bouchon D pour
+mettre la ligne en transmission ou en réception, avec ou sans
+sonnerie, et enfin au-dessous de la planchette étagère C, est
+disposée, dans une petite boîte fermée E, la bobine d'induction
+destinée à transformer les courants voltaïques en courants induits.</p>
+
+<a id="img049" name="img049"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img049.jpg" width="400" height="635" alt="" title="">
+<p>Fig. 49.</p>
+</div>
+
+<p>Quand le commutateur est placé sur réception, la ligne correspond
+directement soit au parleur, soit au téléphone récepteur, suivant le
+trou dans lequel le bouchon est introduit; quand, au contraire, il est
+placé sur transmission, la ligne correspond au circuit secondaire
+<span class="pagenum"><a id="page224" name="page224"></a>(p. 224)</span> de la bobine d'induction. Dans ces conditions, la
+man&oelig;uvre ne peut plus être automatique; mais comme <span class="pagenum"><a id="page225" name="page225"></a>(p. 225)</span> ce
+genre de téléphone ne peut être appliqué avec avantage que pour la
+télégraphie et que ce sont alors des personnes habituées aux appareils
+électriques qui en font usage, cette complication ne peut présenter
+d'inconvénients.<a href="#toc"><span class="small">[Table des Matières]</span></a></p>
+
+<h2>SONNERIES D'APPEL ET AVERTISSEURS.</h2>
+
+
+<p>Les sonneries d'appel appliquées aux services téléphoniques ont été
+combinées de diverses manières. Quand on emploie les sonneries
+trembleuses, comme dans les cas dont il a été question précédemment,
+il devient nécessaire d'employer une pile, et le grand avantage que
+présente le téléphone à courants induits se trouve ainsi notablement
+amoindri. On a donc cherché à se passer de pile et on a imaginé
+d'employer des sonneries magnéto-électriques.</p>
+
+<p>Ce sont généralement deux timbres entre lesquels oscille un marteau,
+dont le support est constitué par l'armature polarisée d'un
+électro-aimant. Au-dessous de ce système, est disposé l'appareil
+magnéto-électrique qui, étant tourné à l'aide d'une manivelle, envoie
+les courants alternativement renversés, nécessaires pour communiquer
+au marteau un mouvement vibratoire, et ce mouvement est suffisant pour
+faire carillonner les deux timbres. Au-dessous de la manivelle de ce
+système magnéto-électrique, se trouve un commutateur à deux contacts
+qui dispose l'appareil pour la réception ou la transmission.</p>
+
+<p>Dans un autre système imaginé en Allemagne, on <span class="pagenum"><a id="page226" name="page226"></a>(p. 226)</span> utilise le
+téléphone lui-même pour l'avertissement, et voici comment.</p>
+
+<p>À l'état de repos, le téléphone transmetteur est remplacé par un
+système semblable qui est terminé par un cornet allongé en forme de
+porte-voix. Au poste opposé se trouve un timbre en acier de 12
+centimètres environ de diamètre, qui peut être frappé aisément par un
+marteau en bois dur monté sur un ressort. Perpendiculairement à la
+direction du choc et un peu au-dessous du timbre, est placé, en face
+de son ouverture, un barreau aimanté qui est en communication avec la
+ligne téléphonique par des bobines d'induction. Lorsque le timbre
+frappé par le marteau entre en vibration en rendant un son strident,
+le barreau aimanté est influencé, et transmet à l'autre station ce son
+qui a une intensité beaucoup plus grande que la voix humaine, et le
+pavillon du porte-voix concentrant les vibrations aériennes
+résultantes, fait entendre ce son dans toute l'étendue de
+l'appartement où est l'expérimentateur; on est ainsi dispensé de
+l'emploi de la sonnerie électrique et de sa pile qui sont étrangères
+au téléphone.</p>
+
+<p>La Compagnie du téléphone Bell à Paris a disposé encore un petit
+système d'appel, qui est bien suffisant et qui a l'avantage de servir
+de téléphone eu même temps. C'est un modèle analogue à celui que nous
+avons désigné sous le nom de téléphone à tabatière, et qui possède un
+commutateur à bouton au moyen duquel la ligne est mise en rapport avec
+le système électro-magnétique de l'appareil, ou avec une pile capable
+de faire vibrer assez énergiquement ce <span class="pagenum"><a id="page227" name="page227"></a>(p. 227)</span> genre de téléphone.
+Quand on appelle, on presse le bouton, et le courant de la pile est
+envoyé à travers l'appareil correspondant qui se met à vibrer sous
+l'influence d'un cri que l'on émet, et quand on est prévenu que le
+signal est reçu, on abandonne le bouton, ce qui permet de parler et de
+recevoir comme avec des téléphones ordinaires.</p>
+
+<a id="img050" name="img050"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img050.jpg" width="500" height="380" alt="" title="">
+<p>Fig. 50.</p>
+</div>
+
+<p class="p2"><b>Système de M. de Weinhold.</b>&mdash;M. Zetzche parle avec éloge d'un
+avertisseur, combiné par le professeur A. de Weinhold qui est, du
+reste, analogue à celui de M. Lorenz que nous représentons fig. 50, et
+dont l'organe sonore est un timbre d'acier T de 13 à 14 centimètres
+<span class="pagenum"><a id="page228" name="page228"></a>(p. 228)</span> de diamètre accordé à environ 420 doubles vibrations par
+seconde. «Ce diamètre et cet accordement, dit-il, ne semblent pas sans
+quelque importance, et l'on ne peut s'en éloigner beaucoup sans nuire
+à l'effet. Le timbre a son orifice tourné en bas, et est fixé par son
+milieu sur un support. Ce dernier est traversé par une barre aimantée
+recourbée légèrement, pourvue à ses deux extrémités d'appendices en
+fer entourés de bobines d'induction N, S. Le barreau aimanté du
+téléphone se termine également par un appendice en fer renfermé dans
+une bobine. Dans les deux cas, les changements qui se produisent dans
+l'état magnétique, paraissent être plus intenses que dans les aimants
+dépourvus d'appendices. La barre aimantée est placée à l'intérieur de
+la cloche dans le sens d'un de ses diamètres, de sorte que les
+appendices en touchent presque la paroi.</p>
+
+<p>«Lors donc que le timbre vient à être frappé à un endroit distant
+d'environ 90° de ce diamètre, au moyen d'un battant en bois M, mu par
+un ressort et que la main ramène en arrière en tendant le ressort
+(comme avec les timbres de table) pour le relâcher ensuite, les
+vibrations qui lui sont communiquées envoient des courants dans les
+bobines, et ces courants produisent dans la plaque de fer du téléphone
+des vibrations identiques, qu'un résonnateur conique adapté au
+téléphone renforce suffisamment, pour qu'on puisse encore les entendre
+facilement à quelques pas de distance. Pour les usages ordinaires, la
+bobine du timbre est fermée à court circuit au moyen d'un ressort
+métallique R, et par conséquent, lorsqu'on frappe le timbre, ce
+<span class="pagenum"><a id="page229" name="page229"></a>(p. 229)</span> ressort doit être baissé pour faire cesser cette fermeture à
+court circuit. Un appareil du même genre a encore été combiné par M.
+W. E. Fein à Stuttgart.»</p>
+
+<a id="img051" name="img051"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img051.jpg" width="400" height="268" alt="" title="">
+<p>Fig. 51. et 52.</p>
+</div>
+
+<p class="p2"><b>Système de MM. Dutertre et Gouhault.</b>&mdash;Une des plus jolies solutions du
+problème de l'avertissement téléphonique, est celle qu'ont présentée
+récemment MM. Dutertre et Gouhault et que nous représentons fig. 51 et
+52, l'appareil étant vu sur ses deux faces opposées. C'est une sorte
+de téléphone en tabatière analogue à celui que nous avons représenté
+fig. 25 et qui est disposé de manière à transmettre ou à recevoir
+l'avertissement, suivant la manière dont il est posé sur son support,
+lequel n'est autre qu'une petite console ordinaire pendue à la
+muraille. Quand il est posé sur cette console de manière à présenter
+extérieurement l'embouchure téléphonique, il est dans la position de
+réception, et alors il peut fournir l'appel. Quand, au contraire, il
+est renversé sur son support de bas en haut, il fournit l'appel à
+l'autre station <span class="pagenum"><a id="page230" name="page230"></a>(p. 230)</span> en déterminant, sous l'influence d'une pile,
+les vibrations d'un trembleur, et ces vibrations se trouvent assez
+fortement répercutées dans l'appareil en correspondance pour fournir
+l'appel. En appuyant alors le doigt sur un petit bouton à ressort, et
+en le prenant à la main, on peut s'en servir comme d'un téléphone
+ordinaire.</p>
+
+<p>Dans cet appareil, l'aimant NS, fig. 51, est disposé en forme de
+limaçon, comme ceux dont il a déjà été question, mais le noyau de fer
+doux S sur lequel est adaptée la bobine E peut déterminer à ses deux
+extrémités deux effets différents. D'un côté, il réagit sur la lame
+vibrante LL de l'appareil téléphonique, comme dans les appareils
+ordinaires, de l'autre, il réagit sur une petite armature adaptée à
+l'extrémité d'une lame vibrante C, fig. 52, qui, étant tendue contre
+un contact fixé au pont B, constitue un trembleur électro-magnétique.
+À cet effet, ce pont communique métalliquement avec le fil de la
+bobine dont l'autre bout correspond au fil de ligne, et le ressort C
+est monté sur une pièce A qui porte en même temps un autre ressort DG
+agissant sur deux contacts, l'un situé en G et qui correspond au fil
+de terre, l'autre situé en H et qui est réuni au pôle positif de la
+pile. Un petit bouton mobile qui dépasse le couvercle de la boîte en
+passant à travers un trou, est fixé en G, et toute cette partie de
+l'appareil fait face au fond de la boîte. La lame vibrante et son
+embouchure constituent la partie supérieure, de sorte que tout les
+mécanismes que nous venons de décrire sont montés sur une cloison
+intermédiaire entre les deux fonds de la boîte.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page231" name="page231"></a>(p. 231)</span> Quand cette boîte est appuyée sur son fond, du côté de la
+fig. 52, le petit bouton adapté en G appuie sur le ressort DG et en le
+soulevant rompt la communication avec la pile; la bobine de l'appareil
+est alors simplement réunie au circuit, et elle peut en conséquence
+recevoir les courants transmis qui suivent le chemin suivant: le fil
+de ligne, bobine E, pont B, ressort C, ressort DG, contact de terre.
+Si ces courants sont transmis par un trembleur, ils sont assez forts
+pour déterminer un bruit capable d'être entendu de tous les points
+d'une pièce, et en conséquence l'avertissement peut être donné de
+cette manière. Si ces courants résultent d'une transmission
+téléphonique, on place l'appareil à l'oreille en ayant soin de pousser
+avec le doigt le bouton en G, et l'échange des correspondances se fait
+comme avec les appareils ordinaires; mais il est plus simple d'avoir
+pour cet usage un second téléphone intercalé dans le circuit et qui
+est plus maniable. Quand la boîte est renversée sur son embouchure, le
+bouton G ne pressant plus le ressort DG, le courant de la pile réagit
+sur le trembleur de l'appareil et transmet l'appel à la station
+correspondante en suivant la route: I D A C B E, ligne, terre et pile,
+et cet appel subsiste jusqu'à ce que le correspondant ait coupé le
+courant en prenant lui-même son appareil, ce qui prévient l'autre
+qu'on est prêt à entendre.</p>
+
+<p class="p2"><b>Système de M. Puluj.</b>&mdash;Voici encore un système avertisseur proposé par
+le docteur Puluj. Il se compose de deux téléphones sans embouchure,
+reliés entre eux et dont les bobines sont placées en face des
+<span class="pagenum"><a id="page232" name="page232"></a>(p. 232)</span> branches de deux diapasons, accordés le plus exactement
+possible sur le même ton. Une sonnette en métal est adaptée à la face
+opposée de chacun des diapasons, et un fil suspendu à leur portée, est
+munie d'une petite boule en contact avec leurs branches. Dès que, à la
+station de départ on fait vibrer le diapason en le frappant avec un
+marteau de fer recouvert de peau, le diapason de l'autre station se
+trouve mis en vibration, et sa boule fait retentir la sonnette. Dès
+que la première station a reçu le même signal de la seconde, on adapte
+aux téléphones des embouchures à membranes de fer, et l'on entame la
+correspondance. On peut, paraît-il, en se servant d'un résonnateur,
+renforcer le son parvenu à la station de réception au point de le
+rendre perceptible dans une grande salle, et le signal par la sonnerie
+peut être entendu dans une pièce attenante, même à travers une porte
+fermée.<a href="#toc"><span class="small">[Table des Matières]</span></a></p>
+
+<h2>APPLICATIONS DU TÉLÉPHONE.</h2>
+
+<p>Les applications du téléphone sont beaucoup plus nombreuses qu'on
+l'aurait pensé à première vue. Au point de vue du service
+télégraphique, son usage ne peut être évidemment qu'assez restreint,
+puisqu'il ne laisse pas de traces des dépêches transmises, et que sa
+vitesse de transmission est moins grande que celle des télégraphes
+perfectionnés; mais il est une foule de cas où son emploi peut être
+précieux, même comme système télégraphique, car pour le faire
+fonctionner <span class="pagenum"><a id="page233" name="page233"></a>(p. 233)</span> il n'est pas besoin d'une éducation
+télégraphique spéciale. Le premier venu peut transmettre et recevoir
+avec le téléphone, ce qu'on ne pourrait certainement pas faire avec
+les appareils télégraphiques, même les plus simples. Aussi ce système
+est-il employé maintenant pour le service des établissements publics
+et industriels, pour les services des mines, pour les travaux
+sous-marins, pour la marine militaire, surtout lorsque plusieurs
+vaisseaux marchent de conserve dans les mêmes eaux et à la remorque
+les uns des autres, enfin, pour les opérations militaires, soit pour
+les transmissions d'ordres à divers corps d'armée, soit pour les
+correspondances à échanger dans les écoles de tir. En Amérique, le
+service des télégraphes municipaux et des télégraphes privés à
+l'intérieur des villes est effectué de cette manière, et il est
+probable que ce système sera prochainement adopté en Europe. Déjà en
+Allemagne un service de cette nature est établi depuis l'automne
+dernier aux bureaux télégraphiques de certaines villes, et le
+Post-office de Londres s'occupe en ce moment de l'établir en
+Angleterre. Il est à supposer que le réseau municipal de notre
+administration française sera un jour ou l'autre desservi ainsi. Mais
+indépendamment des services qu'il peut rendre comme appareil de
+correspondance, le téléphone peut être d'un grand secours aux services
+télégraphiques eux-mêmes en fournissant un moyen des plus simples
+d'obtenir un grand nombre de transmissions télégraphiques simultanées
+à travers un même fil et même d'être associés en <i>Duplex</i> avec des
+télégraphes Morse. Ses applications sous la forme <span class="pagenum"><a id="page234" name="page234"></a>(p. 234)</span> de
+microphone sont incalculables, et le proverbe qui dit que <i>les murs
+ont des oreilles</i> pourra devenir de cette manière matériellement vrai.
+On est effrayé des conséquences que pourrait avoir un organe aussi
+indiscret. MM. les diplomates devront évidemment redoubler de réserve,
+et les tendres confidences ne pourront plus se faire avec le même
+abandon. Y gagnera-t-on? nous n'osons le croire, mais en revanche le
+médecin pourra vraisemblablement un jour en tirer parti pour étudier
+avec une plus grande facilité tout ce qui se passe dans notre corps.<a href="#toc"><span class="small">[Table des Matières]</span></a></p>
+
+<h2>APPLICATION DU TÉLÉPHONE AUX TRANSMISSIONS TÉLÉGRAPHIQUES SIMULTANÉES.</h2>
+
+
+<p>L'une des plus curieuses et des plus importantes applications du
+téléphone est celle qu'on peut en faire aux appareils télégraphiques
+pour transmettre simultanément plusieurs dépêches à travers le même
+fil, et nous avons vu que c'était cette application qui avait conduit
+MM. Gray et Bell à leurs téléphones parlants que nous admirons tant
+aujourd'hui, et qui ont fait perdre un peu de vue les conceptions
+primitives, bien qu'elles aient peut-être une plus grande importance
+pratique. Ce sont de ces systèmes dont nous allons maintenant nous
+occuper.</p>
+
+<p>Pour obtenir la transmission simultanée, il n'est pas besoin d'un
+téléphone articulant; les téléphones musicaux imaginés par MM.
+Pétrina, Elisha Gray, Froment, etc., peuvent parfaitement suffire, et
+pour qu'on <span class="pagenum"><a id="page235" name="page235"></a>(p. 235)</span> puisse le comprendre, il me suffira d'en exposer
+brièvement le principe: Qu'on imagine aux deux stations en
+correspondance sept vibrateurs électro-magnétiques accordés sur les
+différentes notes de la gamme et d'après un même diapason, et
+admettons qu'une touche analogue à une clef de télégraphe Morse
+permette, par son abaissement, de faire réagir électriquement chaque
+vibrateur; on comprendra aisément que ces vibrateurs pourront faire
+réagir par le même moyen les vibrateurs correspondants de la station
+opposée, mais il faudra qu'ils soient accordés sur la même note, et la
+durée des sons émis sera en rapport avec la durée de l'abaissement des
+touches. On pourra donc, au moyen d'un abaissement court ou prolongé,
+obtenir des sons longs et brefs qui pourront constituer les éléments
+du langage télégraphique usité dans le système Morse, et, par
+conséquent, se prêter à une transmission télégraphique auditive.
+Admettons maintenant que, devant chacun des vibrateurs dont nous avons
+parlé, soit placé un employé télégraphiste façonné à ce genre de
+transmission, et que ces employés transmettent en même temps par ce
+moyen des dépêches différentes: le fil télégraphique se trouvera
+instantanément traversé par sept courants interrompus et superposés
+qui, à la station d'arrivée, sembleraient ne devoir fournir sur tous
+les vibrateurs qu'un mélange de bruits confus, mais qui, en raison de
+l'accord existant entre les vibrateurs en correspondance,
+n'influenceront d'une manière sensible que ceux de ces vibrateurs
+auxquels ils sont destinés. La prédominance des sons ainsi reproduits,
+pourra d'ailleurs être accentuée davantage en adaptant à chaque
+<span class="pagenum"><a id="page236" name="page236"></a>(p. 236)</span> vibrateur un <i>résonnateur d'Helmholtz</i><a id="footnotetag27" name="footnotetag27"></a><a href="#footnote27" title="Lien vers la note 27"><span class="smaller">[27]</span></a>, c'est-à-dire un
+appareil acoustique susceptible de ne vibrer que sous l'influence
+d'une seule note sur laquelle il aura été accordé. Par ce moyen, il
+deviendra donc possible de <i>trier</i> les sons transmis et de ne faire
+arriver aux oreilles de chaque employé que les sons qui lui sont
+destinés. Conséquemment, que les sons soient mêlés ou non sur les
+vibrateurs d'arrivée, l'employé du <i>do</i> ne recevra que des <i>do</i>,
+l'employé du <i>sol</i> ne recevra que des <i>sol</i>, etc., de sorte que tous
+les employés pourront correspondre entre eux comme s'ils avaient
+chacun un fil spécial.</p>
+
+<p>Tel qu'il vient d'être exposé, ce système télégraphique ne permettrait
+que des transmissions auditives, et l'on ne pourrait pas, par
+conséquent, obtenir aucune trace des dépêches envoyées. Pour obvier à
+cet inconvénient, on a imaginé de faire réagir les vibrateurs du poste
+de réception sur des enregistreurs, en disposant ceux-ci de manière
+que leur organe électrique présentât assez d'inertie magnétique pour
+que, étant mis en action sous l'influence des vibrations sonores, il
+put <span class="pagenum"><a id="page237" name="page237"></a>(p. 237)</span> maintenir l'effet produit tout le temps de la vibration.
+L'expérience a montré qu'un récepteur Morse, animé par le courant
+d'une pile locale, suffisait parfaitement pour cela; de sorte qu'en
+faisant réagir le vibrateur musical comme relais, c'est-à-dire sur un
+contact en rapport avec la pile locale et le récepteur, on pouvait
+obtenir sur celui-ci les traces longues et courtes qui sont les
+éléments constituants du langage Morse.</p>
+
+<p>D'après ces principes, et en considérant les espaces musicaux séparant
+les différentes notes de la gamme comme suffisants pour être
+facilement distingués par le résonnateur, on pourrait donc obtenir
+sept transmissions simultanées à travers le même fil; mais
+l'expérience a montré qu'il fallait se contenter d'un moins grand
+nombre. Toutefois, comme on peut appliquer à ce système les moyens de
+transmission en sens contraire, on peut doubler ce nombre facilement.</p>
+
+<p>Suivant M. G. Bell, l'idée de l'application du téléphone aux
+transmissions électriques multiples serait venue simultanément à MM.
+Paul Lacour de Copenhague, à M. Elisha Gray de Chicago, à M. C. Varley
+de Londres et à M. Edison de New-Marck; mais nous croyons qu'il a fait
+confusion, car nous voyons déjà, les brevets en mains, que le système
+de M. Varley date de 1870, que celui de M. Paul Lacour date de
+septembre 1874, que celui de M. Elisha Gray date de février 1875, et
+que ceux de MM. Bell et Edison sont postérieurs; mais si on se reporte
+aux caveats de M. Elisha Gray, on voit que c'est lui qui, le premier,
+a conçu et exécuté des appareils de ce genre. En effet, dans un caveat
+rédigé le 6 août 1874, il exposait nettement le système que nous
+<span class="pagenum"><a id="page238" name="page238"></a>(p. 238)</span> avons décrit précédemment et qui fut la base de ceux dont
+nous parlerons plus loin. Ce caveat n'était d'ailleurs lui-même qu'un
+complément de deux autres remplis en avril et en juin 1874. Quant au
+système de M. Varley, il ne se rapportait que très-indirectement à
+celui que nous avons exposé. Du reste, M. Bell lui-même semble avoir
+abandonné maintenant toute prétention à cette invention. Voici,
+toutefois, ce qu'il disait à cet égard dans son mémoire lu à la
+Société des ingénieurs télégraphistes de Londres:</p>
+
+<p>«Ayant été frappé de l'idée que la durée plus ou moins grande d'un son
+musical pouvait représenter le point et la barre de l'alphabet
+télégraphique, je pensai qu'au moyen d'un clavier de diapasons
+(analogue à celui d'Helmholtz) adapté à l'une des extrémités d'une
+ligne télégraphique et disposé de manière à réagir électriquement à
+l'autre bout de la ligne sur des appareils électro-magnétiques
+frappant sur des cordes de piano, on pourrait obtenir, par des
+combinaisons convenables de sons longs et courts, des transmissions
+télégraphiques simultanées, dont le nombre ne pourrait être limité que
+par la délicatesse de l'ouïe. Il ne s'agissait pour cela que
+d'affecter au service de la transmission un employé pour chaque touche
+du clavier, et de faire en sorte que son correspondant ne put
+distinguer, au milieu de tous les sons transmis, que celui qui lui
+était propre. Cette idée envahit tellement mon esprit que je ne
+m'occupai plus que de résoudre le problème ainsi posé, et c'est ce qui
+m'a conduit à mes recherches sur la téléphonie.</p>
+
+<p>«Pendant plusieurs années, je cherchai le meilleur <span class="pagenum"><a id="page239" name="page239"></a>(p. 239)</span> moyen de
+reproduire, à distance, les sons musicaux au moyen de Rhéotomes à
+trembleur; celui qui m'a donné les meilleurs résultats était une lame
+d'acier vibrant entre deux contacts et dont les vibrations étaient
+provoquées et entretenues électriquement au moyen d'un électro-aimant
+et d'une batterie locale. Par suite de sa vibration, les deux contacts
+se trouvaient alternativement touchés, et il en résultait des
+fermetures alternatives de deux circuits, l'un local qui entretenait
+le mouvement de la lame, l'autre en rapport avec la ligne, et qui
+réagissait à distance sur le récepteur de manière à lui faire
+accomplir des vibrations isochrones. Une clef Morse était adaptée dans
+ce dernier circuit près de l'appareil transmetteur, et quand elle
+était abaissée, les vibrations étaient transmises à travers la ligne;
+quand elle était relevée, ces vibrations cessaient, et l'on comprend
+aisément qu'en abaissant plus ou moins longtemps la clef, on pouvait
+obtenir les sons brefs et longs nécessaires aux différentes
+combinaisons du langage télégraphique. De plus, si la lame vibrante de
+l'appareil récepteur avait été réglée de manière à vibrer à l'unisson
+de celle de l'appareil transmetteur correspondant, elle devait vibrer
+beaucoup mieux avec ce transmetteur qu'avec un autre qui n'aurait pas
+eu sa lame ainsi accordée.</p>
+
+<p>«Il est facile de comprendre, d'après cette disposition
+d'interrupteur, comment on peut obtenir avec plusieurs lames de sons
+différents des transmissions simultanées, et comment, au poste de
+réception, il est possible de distinguer les sons qui sont destinés à
+chaque employé, puisque c'est celui qui se rapporte <span class="pagenum"><a id="page240" name="page240"></a>(p. 240)</span> au son
+fondamental de chaque lame vibrante qui est reproduit le plus
+fortement par cette lame. Conséquemment, les sons provoqués par la
+lame vibrante du <i>do</i>, par exemple, ne seront bien perceptibles à la
+station d'arrivée que sur l'appareil dont la lame aura été accordée
+sur le <i>do</i>, et il en sera de même pour les autres lames; de sorte que
+les sons arriveront à destination, sinon sans confusion, du moins
+suffisamment clairement pour être distingués par les employés.</p>
+
+<p>«Sans entrer dans les détails de cette disposition, je dirai seulement
+qu'il existait dans ce système plusieurs défauts qui peuvent se
+résumer ainsi:</p>
+
+<p>«1<sup>o</sup> L'employé qui devait recevoir les dépêches devait avoir une bonne
+oreille musicale afin de bien distinguer la valeur des sons.</p>
+
+<p>«2<sup>o</sup> Les signaux ne pouvant être produits qu'autant que les courants
+transmis sont dans la même direction, il fallait employer deux fils
+pour échanger les dépêches dans les deux directions.</p>
+
+<p>«Je surmontai la première difficulté en adaptant au récepteur un
+appareil auquel je donnai le nom d'interrupteur de circuit vibratoire
+et qui permettait d'enregistrer automatiquement les sons produits. Cet
+interrupteur était disposé dans le circuit d'une pile locale qui
+pouvait actionner un appareil Morse sous certaines conditions. Quand
+les sons émis par l'appareil ne correspondaient pas à ceux pour
+lesquels il avait été accordé, l'interrupteur restait sans action sur
+l'appareil télégraphique; au contraire il agissait sur lui quand les
+sons émis étaient ceux qui devaient être interprétés, et naturellement
+cette action durait plus <span class="pagenum"><a id="page241" name="page241"></a>(p. 241)</span> ou moins, suivant que ces sons
+étaient brefs ou longs. Dès lors, on obtenait sur l'appareil
+télégraphique les points et les traits qui correspondaient aux signaux
+transmis.»</p>
+
+<p>M. Bell dit encore qu'il a appliqué ce système aux télégraphes
+électro-chimiques, mais nous n'insisterons pas davantage sur cette
+partie de l'invention, puisque, ainsi que nous l'avons dit, il semble
+l'avoir abandonnée.</p>
+
+<p class="p2"><b>Système de M. Paul Lacour de Copenhague.</b>&mdash;Le système de M. Paul Lacour
+a été breveté le 2 septembre 1874, mais les premières expériences ont
+été faites dès le 5 juin de la même année. À cette époque, comme M.
+Lacour craignait que les vibrations ne fussent pas perceptibles sur de
+longues lignes, les essais ne furent entrepris que sur une ligne assez
+courte; mais au mois de novembre 1874, de nouvelles expériences furent
+entreprises entre Frédériccia et Copenhague, sur une ligne dont la
+longueur était de 390 kilomètres, et on put constater que les effets
+vibratoires pouvaient être transmis facilement, même sous l'influence
+d'une pile assez faible.</p>
+
+<a id="img053" name="img053"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img053.jpg" width="400" height="164" alt="" title="">
+<p>Fig. 53.</p>
+</div>
+
+<p>Dans le système de M. P. Lacour, l'appareil transmetteur est un simple
+diapason soutenu horizontalement et dont l'un des bras réagit sur un
+interrupteur de courant qui peut produire à travers la ligne un nombre
+d'émissions de courants exactement égal à celui des vibrations du
+diapason. Si un manipulateur Morse est interposé dans le circuit, on
+comprend aisément qu'en le man&oelig;uvrant de manière à produire les
+traits <span class="pagenum"><a id="page242" name="page242"></a>(p. 242)</span> et les points de l'alphabet Morse, on pourra
+reproduire ces sortes de signaux à la station opposée, et ces signaux
+s'y manifesteront par des sons longs et courts, si un récepteur
+électro-magnétique est disposé en conséquence. Ce transmetteur est
+indiqué fig. 53.</p>
+
+<a id="img054" name="img054"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img054.jpg" width="400" height="283" alt="" title="">
+<p>Fig. 54.</p>
+</div>
+
+<p>La fig. 54 représente le récepteur de M. Lacour. C'est un diapason F
+non plus en acier comme le diapason transmetteur, mais en fer doux et
+dont chacune des branches est introduite dans le tube d'une bobine
+électro-magnétique CC; deux électro-aimants particuliers M, M
+réagissent très-près de l'extrémité antérieure de ces branches et de
+telle manière que les polarités développées sur ces branches sous
+l'influence des bobines CC, se trouvent être de noms contraires à
+celles des électro-aimants M, M. Si ce double système
+électro-magnétique est interposé dans un circuit de ligne, il arrivera
+que, pour chaque émission de courant qui sera transmise, il se
+produira une attraction correspondante des branches du diapason, d'où
+naîtra une vibration, et par suite un son si ces émissions sont
+nombreuses. Ce son sera naturellement bref ou long, suivant la durée
+d'action du transmetteur, et il sera le même que <span class="pagenum"><a id="page243" name="page243"></a>(p. 243)</span> celui du
+diapason de cet appareil. De plus, si l'une des branches du diapason
+réagit sur un contact P introduit dans le circuit d'une pile locale
+correspondant à un récepteur Morse, il pourra se produire sur ce
+récepteur des traces qui seront longues ou courtes suivant la durée
+des sons reproduits, car l'électro-aimant du Morse se trouvera, si
+promptement actionné par ces fermetures successives de courant, qu'il
+ne changera pas de place pendant toute la durée de chaque vibration.
+«Je n'ai pu encore, dit M. Lacour, à l'Académie des sciences de
+Danemark, en 1875, calculer le temps nécessaire pour produire dans le
+diapason du récepteur des vibrations d'un ordre déterminé. Ce temps
+est fonction de divers facteurs, mais l'expérience a montré que le
+temps qui s'écoule avant la fermeture du circuit <span class="pagenum"><a id="page244" name="page244"></a>(p. 244)</span> local est
+une fraction de seconde si petite, qu'elle est presque inappréciable,
+même quand le courant est très-faible.</p>
+
+<p>«Comme les courants intermittents n'agissent sur un diapason qu'à la
+condition que ce diapason vibre à l'unisson de celui qui produit ces
+courants, il en résulte que, si on dispose à l'une des extrémités d'un
+circuit une série de diapasons transmetteurs accordés sur différentes
+notes de l'échelle musicale, et que l'on dispose à l'autre extrémité
+une série semblable de diapasons électro-magnétiques accordés
+exactement sur les autres, les courants intermittents qui seront
+transmis par les diapasons transmetteurs, se superposeront sans se
+confondre, et chacun des diapasons récepteurs électro-magnétiques ne
+sera impressionnable qu'aux courants lancés par le diapason vibrant à
+son unisson. De cette façon, les combinaisons de signaux élémentaires
+représentant un mot, pourront être télégraphiées au même instant.»</p>
+
+<p>M. Lacour énumère de la manière suivante les applications que l'on
+peut faire de ce système: «si les clefs reliées aux diapasons
+transmetteurs sont placées les unes à côté des autres et abaissées
+successivement ou simultanément en nombre plus ou moins grand, il
+suffira de jouer de ces clefs comme on joue de celles d'un instrument
+de musique pour jouer un air à distance, ou bien encore les signaux
+transmis simultanément pourront appartenir chacun à une dépêche
+différente. Ce système permettra donc à la station extrême d'une ligne
+de communiquer avec une ou plusieurs stations intermédiaires et
+vice-versâ, sans troubler en rien l'installation <span class="pagenum"><a id="page245" name="page245"></a>(p. 245)</span> des autres
+postes. Ainsi deux des stations pourront s'envoyer des signaux sans
+que les autres s'en aperçoivent. Cette faculté de transmettre beaucoup
+de signaux à la fois donne un moyen avantageux de perfectionner le
+télégraphe autographique. Dans les appareils qui existent
+actuellement, tels que ceux de Caselli, de d'Arlincourt et autres, il
+n'y a qu'un seul style traceur, et, pour obtenir la copie d'un
+télégramme, il faut que ce style passe sur toute sa surface; mais avec
+le téléphone, on peut placer un certain nombre de styles à côté les
+uns des autres de manière à figurer un peigne, et il suffit de tirer
+ce peigne dans un sens pour qu'il parcoure la surface du télégramme.
+On obtiendra ainsi en moins de temps une copie plus fidèle.»</p>
+
+<p>M. Lacour fait remarquer également que son système offre cet avantage
+déjà signalé par M. Varley, que ses appareils laissent passer les
+courants ordinaires sans en accuser la présence, d'où il résulterait
+que les courants accidentels qui troublent généralement les
+transmissions télégraphiques, seraient sans action sur les systèmes
+télégraphiques dont il vient d'être question.</p>
+
+<p>Dans l'origine, M. Lacour n'avait pas adapté au transmetteur de son
+appareil un système électro-magnétique pour entretenir le mouvement du
+diapason; mais il n'a pas tardé à reconnaître que cet accessoire était
+indispensable, et il a dû faire de ses diapasons des
+électro-diapasons. D'un autre côté, il a pensé à transformer les
+courants transmis en courants ondulatoires en interposant dans le
+circuit, comme l'avait fait du reste M. Elisha Gray, une bobine
+d'induction. Enfin, pour <span class="pagenum"><a id="page246" name="page246"></a>(p. 246)</span> obtenir la mise en action immédiate
+des diapasons et la cessation également immédiate de leur action, il
+les construisit de manière à rendre leur inertie aussi petite que
+possible. Le moyen qui lui a le mieux réussi a été d'introduire
+d'abord les deux branches du diapason dans une même bobine, et de
+prolonger en arrière le pied du diapason de manière qu'après s'être
+recourbé, il passât à travers une seconde bobine, se divisant en deux
+branches et embrassant sans les toucher les deux branches vibrantes.
+Lorsqu'un courant traverse les deux bobines, il produit dans ces deux
+systèmes qui constituent une sorte d'électro-aimant en fer à cheval,
+des polarités contraires qui provoquent une double réaction sur les
+branches vibrantes, réaction par répulsion exercée par ces deux
+branches en raison de leur même polarité, réaction par attraction par
+les deux autres branches en raison de leurs polarités contraires, et
+cette action est renouvelée par le jeu d'un interrupteur de courant
+adapté à l'une des branches vibrantes du diapason.</p>
+
+<p class="p2"><b>Système de M. Elisha Gray.</b>&mdash;Dans le système breveté primitivement,
+chacun des transmetteurs dont nous représentons fig. 55 la
+disposition, se compose d'un électro-aimant M M soutenu au-dessous
+d'une petite tablette de cuivre BS, de manière que ses pôles
+traversant cette tablette viennent affleurer la surface supérieure de
+celle-ci. Au dessus de ces pôles se trouve fixée une lame d'acier AS
+qui peut être tendue plus ou moins au moyen d'une vis S, et contre
+laquelle vient appuyer une autre vis <i>c</i>, mise en rapport électrique
+avec <span class="pagenum"><a id="page247" name="page247"></a>(p. 247)</span> une pile locale R' par l'intermédiaire d'une clef
+Morse. Au-dessous de cette lame AS se trouve un contact <i>d</i> relié au
+fil de ligne L, lequel contact, étant rencontré par la lame au moment
+de son attraction par l'électro-aimant, forme le courant d'une pile de
+ligne P qui agit sur le récepteur de la station opposée. Enfin des
+communications électriques établies entre la pile locale R' et
+l'électro-aimant, comme on le voit sur la figure, permettent de
+déterminer à chaque abaissement de la clef, et à la manière des
+trembleurs ordinaires, des vibrations de la part de la lame d'acier
+AS, vibrations qui, par une tension convenable de cette lame et une
+intensité donnée de la pile R', peuvent fournir une note musicale
+déterminée. De plus, comme à chaque vibration, cette lame AS rencontre
+le contact <i>d</i>, des émissions du courant de ligne sont produites à
+travers la ligne L et peuvent réagir sur l'appareil récepteur en lui
+faisant reproduire exactement les mêmes vibrations que sur l'appareil
+transmetteur.</p>
+
+<a id="img055" name="img055"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img055.jpg" width="400" height="170" alt="" title="">
+<p>Fig. 55.</p>
+</div>
+
+<p>L'appareil récepteur que nous représentons fig. 56 <span class="pagenum"><a id="page248" name="page248"></a>(p. 248)</span> est
+exactement semblable à celui que nous venons de décrire, seulement le
+contact <i>d</i> manque au-dessous de la lame vibrante AS, et le contact
+<i>c</i>, au lieu de correspondre au fil de ligne, est relié électriquement
+à un enregistreur E et à une pile locale P. Or il résulte de cette
+disposition que quand la lame AS vibre sous l'influence des courants
+interrompus traversant l'électro-aimant MM, des vibrations semblables
+sont transmises à travers l'enregistreur; mais si l'organe
+électro-magnétique de cet enregistreur est convenablement réglé, ces
+vibrations ne pourront produire que l'effet d'un courant continu, et
+dès lors les traces laissées sur l'appareil seront plus ou moins
+longues suivant la durée des sons produits; on aura donc de cette
+manière l'enregistration des traits et des points qui composent les
+signaux du vocabulaire Morse.</p>
+
+<a id="img056" name="img056"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img056.jpg" width="400" height="175" alt="" title="">
+<p>Fig. 56.</p>
+</div>
+
+<p>Si l'on considère maintenant que la lame AS peut vibrer d'autant plus
+facilement, sous l'influence des attractions électro-magnétiques, que
+le nombre de ces attractions se rapproche davantage de celui des
+vibrations <span class="pagenum"><a id="page249" name="page249"></a>(p. 249)</span> correspondantes au son fondamental qu'elle peut
+émettre, on comprend immédiatement qu'en accordant cette lame sur
+celle de l'appareil transmetteur correspondant de manière à lui faire
+produire le même son, elle deviendra particulièrement impressionnable
+aux vibrations transmises par le transmetteur, et les autres
+vibrations qui pourraient l'affecter n'agiront que faiblement. De
+plus, un résonnateur placé au-dessus de cette lame pourra encore
+augmenter dans une grande proportion cette prédisposition; de sorte
+que si plusieurs systèmes de ce genre, accordés sur des tons
+différents, fournissent des transmissions simultanées, les sons en
+rapport avec les différentes vibrations transmises, se trouveront en
+quelque sorte triés et distribués, malgré leur mélange, sur les
+récepteurs qui leur sont spécialement appropriés, et chacun d'eux
+pourra conserver les traces des sons émis, par l'adjonction de
+l'enregistreur qui pourra être d'ailleurs un récepteur Morse ordinaire
+convenablement disposé. Suivant M. Elisha Gray, il peut y avoir autant
+d'appareils transmetteurs et de circuits locaux indépendants qu'il y a
+de tons et de demi-tons dans deux octaves, ou plus, pourvu que chaque
+lame vibrante soit accordée sur une note différente de l'échelle
+musicale. Les instruments pourront être placés les uns à côté des
+autres, et leurs clefs locales respectives, disposées comme les
+touches d'un piano, permettront de jouer facilement un air composé de
+notes et d'accords; on pourra encore espacer les appareils et même les
+éloigner assez les uns des autres pour que chaque employé ne soit pas
+importuné par des <span class="pagenum"><a id="page250" name="page250"></a>(p. 250)</span> sons autres que ceux qui sont propres à
+l'appareil dont il est chargé.</p>
+
+<p>Dans une nouvelle disposition qui a figuré à l'Exposition universelle
+de 1878, M. Elisha Gray a modifié assez notablement le mode de
+fonctionnement des divers organes électro-magnétiques que nous venons
+de décrire; cette fois les lames sont constituées par de véritables
+diapasons à une branche qui vibrent continuellement aux deux stations,
+et les signaux ne sont perçus que par des renforcements dans
+l'intensité des sons produits. Cette disposition a été la conséquence
+de la nécessité dans laquelle on se trouve, pour des transmissions
+multiples de ce genre, de maintenir le circuit de ligne toujours
+fermé, afin de réagir avec des courants ondulatoires, les seuls qui,
+ainsi qu'on l'a vu page <a href="#page039">39</a>, peuvent conserver à plusieurs sons
+transmis simultanément leur caractère individuel.</p>
+
+<a id="img057" name="img057"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img057.jpg" width="400" height="495" alt="" title="">
+<p>Fig. 57.</p>
+</div>
+
+<p>Dans ces conditions, le transmetteur se compose, comme on le voit fig.
+57, d'une branche de diapason <i>a</i> munie d'une rainure dans laquelle
+peut courir un curseur pesant afin d'accorder le diapason sur la note
+voulue, et qui oscille entre deux électro-aimants <i>e</i> et <i>f</i> et deux
+contacts I et G. Ces électro-aimants ont une résistance
+très-différente; celle de l'un <i>f</i> est de 3 kilomètres de fil
+télégraphique, et celle de l'autre ne dépasse pas 400 mètres. Les
+communications électriques étant établies ainsi qu'on le voit sur la
+figure, voici ce qui se passe: le courant de la pile locale BL étant
+fermé à travers les deux électro-aimants <i>e</i> et <i>f</i> par le contact de
+repos de la clef Morse H, la lame <i>a</i> se trouve sollicitée par deux
+actions contraires; mais <span class="pagenum"><a id="page251" name="page251"></a>(p. 251)</span> comme l'électro-aimant <i>f</i> a plus
+de spires que l'électro-aimant <i>e</i>, son action est prépondérante, et
+la lame <i>a</i> se trouve attirée du côté de <i>f</i>, déterminant avec le
+ressort G un contact qui ouvre une issue moins résistante au courant;
+celui-ci passant alors presqu'entièrement par G, <i>b</i>, 1, 2, B, permet
+à l'électro-aimant <i>e</i> d'exercer à son tour son action; la lame <i>a</i> se
+trouve alors attirée vers <i>e</i> et, déterminant un contact sur le
+ressort I, peut transmettre à travers la ligne télégraphique le
+courant de ligne BP, si la clef H est en ce moment abaissée sur le
+contact de transmission; si elle <span class="pagenum"><a id="page252" name="page252"></a>(p. 252)</span> ne l'est pas, aucun effet
+n'a lieu de ce côté, mais comme la lame <i>a</i> a abandonné le ressort G,
+le premier effet attractif de l'électro-aimant <i>f</i> se renouvelle et
+tend à attirer de nouveau la lame vers <i>f</i>, et les choses se
+renouvelant ainsi indéfiniment, la vibration de la lame <i>a</i> se trouve
+entretenue, déterminant des émissions de courants de ligne en rapport
+avec ces vibrations, toutes les fois que la clef H se trouve abaissée.
+Ces vibrations sont d'ailleurs facilitées par l'élasticité de la lame
+qui doit d'ailleurs être mise en vibration mécaniquement au début.</p>
+
+<a id="img058" name="img058"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img058.jpg" width="400" height="325" alt="" title="">
+<p>Fig. 58.</p>
+</div>
+
+<p>Le récepteur que nous représentons fig. 58, consiste dans un
+électro-aimant M, monté sur une caisse sonore C et dont l'armature est
+constituée par une lame de diapason <span class="pagenum"><a id="page253" name="page253"></a>(p. 253)</span> LL solidement fixée sur
+la caisse avec arqueboutement par une traverse T. Cette armature porte
+un curseur P, mobile dans une rainure, qui permet d'accorder ses
+vibrations propres sur la note fondamentale de la caisse sonore C,
+laquelle doit vibrer à l'unisson avec elle et est disposée en
+conséquence. Par conséquent, quand la lame LL vibre, l'intensité de la
+note fondamentale est amplifiée suivant les lois bien connues des
+résonnateurs, et un son ne pourra être reproduit par elle qu'à la
+condition de vibrer à l'unisson avec elle. Dans ces conditions, la
+caisse aussi bien que le diapason agira donc comme un analyseur des
+vibrations transmises par les courants, et pourra faire fonctionner
+l'enregistreur en réagissant elle-même sur un interrupteur de courant
+local. Pour obtenir ce résultat, il suffit de tendre devant
+l'ouverture de la caisse une membrane de baudruche ou de parchemin et
+d'y adapter un contact de platine disposé de manière à rencontrer,
+quand la membrane entre en vibration, un ressort métallique relié à un
+enregistreur quelconque, soit un appareil Morse. Toutefois, comme en
+Amérique les dépêches sont généralement reçues au son, on n'emploie
+pas ce complément du système.</p>
+
+<p>On règle l'appareil non-seulement au moyen du curseur P mais encore
+d'une vis de réglage V qui permet de placer l'électro-aimant M dans
+une position convenable; ce réglage est assuré au moyen de la petite
+vis <i>v</i>, et l'appareil est relié à la ligne par le bouton d'attache B.
+Ce double dispositif est naturellement établi pour chacun des systèmes
+de transmission.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page254" name="page254"></a>(p. 254)</span> Comme je le disais, on pourrait à la rigueur transmettre
+simultanément de cette manière sept dépêches différentes à la fois,
+mais jusqu'à présent M. Elisha Gray n'a disposé ses appareils que pour
+quatre; il leur a appliqué toutefois la combinaison en <i>duplex</i>, ce
+qui lui a permis de doubler le nombre des transmissions; de sorte que
+huit dépêches peuvent être transmises en même temps, quatre dans le
+même sens, quatre en sens contraire.</p>
+
+<p>D'après l'<i>Engineering</i> et du reste d'après ce que m'a affirmé M.
+Haskins, ce système aurait fonctionné avec le succès le plus complet
+sur les lignes de la Western-Union Telegraph Company, de Boston à
+New-York et de Chicago à Milwaukee. Mais depuis ces expériences, de
+nouveaux perfectionnements ont permis de transmettre un beaucoup plus
+grand nombre de dépêches.</p>
+
+<p>M. Elisha Gray a combiné encore, conjointement avec M. Haskins, un
+système dans lequel il peut effectuer des transmissions téléphoniques
+sur un fil déjà desservi par des appareils Morse. C'est un problème
+qu'avait résolu avant lui M. Varley; mais le système de M. Elisha Gray
+paraît avoir fourni des résultats très-importants, et à ce titre il
+mérite de fixer l'attention. Nous ne le décrirons pas toutefois ici,
+car nous sortirions du cadre que nous nous sommes tracé, et nous nous
+réservons d'en parler dans les appendices que nous ajouterons à notre
+exposé des applications de l'électricité. En attendant, ceux que cette
+question pourra intéresser trouveront tous les détails nécessaires
+dans un travail inséré dans le journal de la Société des ingénieurs
+télégraphistes de Londres, tome VI, p. 506.</p>
+
+<p class="p2"><span class="pagenum"><a id="page255" name="page255"></a>(p. 255)</span> <b>Système de M. Varley.</b>&mdash;Ce système est évidemment le premier
+en date, puisqu'il a été breveté en 1870 et que ce brevet indique en
+principe la plupart des dispositifs adoptés depuis par MM. Paul
+Lacour, Elisha Gray et G. Bell. Il est basé sur l'emploi du téléphone
+musical du même auteur que nous avons décrit p. <a href="#page025">25</a> et dont il a, du
+reste, varié la disposition de plusieurs manières qu'il indique, en le
+rapportant plus ou moins au système de Reiss.</p>
+
+<p>En fait, le but que s'était proposé M. Varley était de faire
+fonctionner son appareil téléphonique concurremment avec des
+instruments à courants ordinaires, par la superposition d'ondes
+électriques rapides, incapables d'altérer pratiquement le pouvoir
+mécanique ou chimique des courants formant les signaux ordinaires,
+mais susceptibles de produire des signaux distincts perceptibles à
+l'oreille et même à l'&oelig;il. «Un électro-aimant, dit-il, offre au
+premier moment une grande résistance au passage d'un courant
+électrique, et, par suite, peut être regardé comme un corps
+partiellement opaque eu égard à la transmission de courants inverses
+très-rapides ou d'ondes électriques. En conséquence, si on place à la
+station de transmission un diapason ou un instrument à lame vibrante
+accordé sur une note déterminée et disposé de manière à avoir son
+mouvement sans cesse entretenu par des moyens électriques, on pourra,
+en faisant passer le courant qui l'anime à travers deux hélices
+superposées constituant l'hélice primaire d'une bobine d'induction,
+obtenir dans deux circuits distincts deux séries de courants
+rapidement interrompus qui correspondront aux deux sens <span class="pagenum"><a id="page256" name="page256"></a>(p. 256)</span> de
+la vibration du diapason, et l'on aura encore les courants induits
+déterminés dans l'hélice secondaire par ces courants, qui pourront
+animer un troisième circuit. Ce troisième circuit pourra d'ailleurs
+être mis en rapport avec une ligne télégraphique déjà desservie par un
+système télégraphique ordinaire, si on y adapte un condensateur, et
+l'on pourra obtenir deux transmissions simultanées différentes<a id="footnotetag28" name="footnotetag28"></a><a href="#footnote28" title="Lien vers la note 28"><span class="smaller">[28]</span></a>.»</p>
+
+<a id="img059" name="img059"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img059.jpg" width="400" height="162" alt="" title="">
+<p>Fig. 59.</p>
+</div>
+
+<p>La figure 59 représente le dispositif de ce système, D est la lame
+vibrante du diapason appelée à fournir les contacts électriques pour
+l'entretien de son mouvement. Ces contacts sont en S et S', et les
+électro-aimants qui l'actionnent sont en M et M'; la bobine
+d'induction est en I, et les trois hélices qui la composent sont
+indiquées par les lignes circulaires qui l'entourent. En A se trouve
+un manipulateur Morse; un autre est en A', et en P et P' se trouvent
+les deux piles destinées à animer <span class="pagenum"><a id="page257" name="page257"></a>(p. 257)</span> le système. Le
+condensateur est en C et le téléphone T à l'extrémité de la ligne L.</p>
+
+<p>Quand la vibration de la lame D se porte à droite et que le contact
+électrique est effectué en S', le courant de la pile P', après avoir
+traversé la première hélice, arrive aux électro-aimants M, M' qui
+l'actionnent en lui donnant une impulsion en sens contraire. Quand au
+contraire elle se porte vers la gauche, le courant est envoyé à
+travers le second circuit primaire qui sera équilibré avec le premier.
+Il en résultera donc dans le circuit induit correspondant à la clef
+A', une série de courants renversés qui chargeront et déchargeront
+alternativement le condensateur C, envoyant ainsi sur la ligne une
+série correspondante d'ondulations électriques qui réagiront sur
+l'appareil téléphonique placé à l'extrémité de la ligne, et comme ces
+courants peuvent être transmis avec des durées plus ou moins longues
+suivant le temps d'abaissement de la clef A', on pourra obtenir sur
+cet appareil téléphonique une correspondance en langage Morse en même
+temps qu'une autre correspondance sera échangée avec la clef A et les
+récepteurs Morse ordinaires.</p>
+
+<p>Pour rendre sensibles à la vue les signaux vibratoires, M. Varley
+propose d'employer, pour la reproduction des vibrations, un fil
+d'acier fin, tendu à travers une hélice, en regard d'une fente
+très-étroite. On place derrière la fente une lumière qui est
+interceptée par le fil. Mais aussitôt qu'un courant passe, le fil
+vibre et une lumière apparaît. Une lentille placée en avant projette
+une image agrandie de la fente lumineuse sur un écran blanc tant que
+le fil est en vibration.<a href="#toc"><span class="small">[Table des Matières]</span></a></p>
+
+<h2><span class="pagenum"><a id="page258" name="page258"></a>(p. 258)</span> APPLICATIONS DIVERSES DU TÉLÉPHONE.</h2>
+
+
+<p><b>Applications aux usages domestiques.</b>&mdash;Nous avons vu que le téléphone
+pouvait être employé avec beaucoup d'avantages aux services des
+établissements publics et privés; ils sont en effet d'une installation
+beaucoup moins dispendieuse que les tubes acoustiques, et peuvent
+s'appliquer dans des cas où ceux-ci ne pourraient jamais être
+employés. Grâce aux avertisseurs dont nous avons parlé, ils présentent
+les mêmes avantages, et la liaison des appareils entre eux peut être
+beaucoup mieux dissimulée. La différence du prix d'installation est
+d'ailleurs environ dans le rapport de 1 à 7.</p>
+
+<p>Pour ce genre d'application, les téléphones magnéto-électriques sont
+évidemment ceux auxquels on doit donner la préférence, car ils ne
+nécessitent pas de pile, et sont toujours prêts à fonctionner. On les
+emploie déjà dans la plupart des bureaux des ministères, et il est
+probable que d'ici à peu de temps, ils seront l'accompagnement des
+sonneries électriques pour le service des hôtels et des grands
+établissement publics et privés; on pourra même les employer dans les
+maisons particulières pour donner des ordres aux domestiques éloignés
+ou aux concierges qui, par leur intermédiaire, pourront éviter aux
+visiteurs la fatigue de monter inutilement plusieurs étages. Dans ce
+cas, ces appareils devront être accompagnés de commutateurs et de
+boutons d'appel dont la disposition se devine du reste aisément.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page259" name="page259"></a>(p. 259)</span> Dans les établissements industriels, les téléphones
+remplaceront évidemment prochainement les systèmes télégraphiques déjà
+installés dans beaucoup d'entre eux. Ils pourront alors servir
+non-seulement à la transmission des ordres ordinaires, mais encore aux
+services de secours en cas d'incendie, et ils feront partie intégrante
+des divers systèmes déjà établis dans ce but.</p>
+
+<p>Dans les pays qui ont la liberté de communication télégraphique, le
+téléphone a déjà remplacé en grande partie les appareils de
+télégraphie privée jusque-là en usage, et si nous jouissons un jour de
+ce privilége, il est évident qu'on n'emploiera pas d'autre moyen de
+correspondance. Espérons que d'ici à peu de temps ce desiderata
+exprimé depuis si longtemps aux divers gouvernements qui se sont
+succédé, sera enfin accompli, et le téléphone sera venu juste à point
+pour inaugurer cette ère nouvelle.</p>
+
+<p class="p2"><b>Application aux services télégraphiques.</b>&mdash;Les avantages que le
+téléphone peut rendre aux services télégraphiques est assez restreint,
+car au point de vue de la célérité de la transmission des dépêches, il
+aurait évidemment une moindre valeur que beaucoup de nos appareils
+télégraphiques actuellement en usage, et les dépêches qu'ils
+fourniraient ne seraient pas susceptibles d'être contrôlées. Néanmoins
+dans les bureaux municipaux peu chargés de dépêches, ils pourraient
+présenter des avantages en ce sens que l'on n'aurait pas besoin de
+former des employés. Mais sur les lignes un peu longues, leur emploi
+serait évidemment moins <span class="pagenum"><a id="page260" name="page260"></a>(p. 260)</span> avantageux. Le <i>Journal
+télégraphique</i> de Berne a publié à cet égard des considérations d'un
+grand intérêt sur lesquelles nous appellerons l'attention du lecteur
+et qu'il résume ainsi:</p>
+
+<div class="quote">
+ <p>«1<sup>o</sup> Pour transmettre une dépêche avec tous les avantages que
+ comporte le système, il faudrait que l'expéditeur pût parler
+ directement au destinataire sans l'intermédiaire d'employés. Et
+ tous ceux qui connaissent l'organisation des réseaux savent que
+ cela n'est pas possible, qu'il faut nécessairement des bureaux
+ intermédiaires de dépôt, et que le public ne peut être admis dans
+ les bureaux de transmission et de réception; par conséquent
+ l'expéditeur devra remettre sa dépêche écrite.</p>
+
+ <p>«2<sup>o</sup> L'employé une fois chargé de ce soin, l'appareil a déjà
+ perdu un de ses principaux avantages, car cet employé va lire la
+ dépêche et devra la prononcer à son correspondant; mais si cette
+ dépêche est écrite dans une langue étrangère, cela devient
+ évidemment impossible.</p>
+
+ <p>«3<sup>o</sup> Enfin, aujourd'hui les administrations possèdent des
+ instruments qui permettent d'expédier les dépêches avec une
+ vitesse plus grande que celle qu'on obtiendrait en les expédiant
+ par la voix.»</p>
+</div>
+
+<p>Cependant on a installé en Allemagne dans différents bureaux
+télégraphiques un service téléphonique, et pour qu'on puisse
+comprendre les avantages qu'on peut y trouver, il suffira de se
+reporter à la circulaire administrative qui a créé l'établissement de
+ces services. Voici cette circulaire:</p>
+
+<div class="quote">
+ <p>Les bureaux qui seront ouverts au public pour le service des
+ dépêches téléphoniques en Allemagne, seront considérés comme des
+ établissements indépendants; mais ils seront en même temps
+ rattachés aux bureaux télégraphiques ordinaires, lesquels se
+ <span class="pagenum"><a id="page261" name="page261"></a>(p. 261)</span> chargeront de la transmission, sur leurs fils, des
+ télégrammes envoyés au moyen du téléphone.</p>
+
+ <p>«La transmission aura lieu de la manière suivante: le bureau qui
+ aura un télégramme à expédier invitera le bureau de destination à
+ mettre l'appareil en place. Dès que les cornets auront été
+ ajustés, le bureau de transmission donnera le signal de l'envoi
+ de la dépêche verbale.</p>
+
+ <p>«L'expéditeur devra parler lentement d'une manière claire et sans
+ forcer la voix; les syllabes seules seront nettement séparées
+ dans la prononciation, on aura soin surtout de bien articuler les
+ syllabes finales et d'observer une pause après chaque mot, afin
+ de donner à l'employé récepteur le temps nécessaire à la
+ transcription.</p>
+
+ <p>«Lorsque le télégramme a été reçu et transmis, l'employé du
+ bureau de destination vérifie le nombre de mots envoyés; puis il
+ répète, à l'aide du téléphone, le télégramme entier rapidement et
+ sans pause, afin de constater qu'aucune erreur n'a été commise.</p>
+
+ <p>«Pour assurer le secret des correspondances, les instruments
+ téléphoniques sont installés dans des locaux particuliers, où les
+ personnes étrangères au service ne peuvent entendre celui qui
+ envoie la dépêche verbale, et il est interdit aux employés de
+ communiquer à qui que ce soit le nom de l'expéditeur ou celui du
+ destinataire.</p>
+
+ <p>«Les taxes à percevoir pour les dépêches téléphoniques sont
+ calculées à tant par mot, comme sur les lignes télégraphiques
+ ordinaires.»</p>
+</div>
+
+<p class="p2"><b>Application aux arts militaires.</b>&mdash;Depuis la découverte du téléphone,
+de nombreuses expériences ont été entreprises dans les différents
+pays, pour reconnaître les avantages que pourrait fournir son emploi à
+l'armée pour les opérations militaires. Jusqu'à présent ces
+expériences n'ont été que médiocrement satisfaisantes à cause des
+bruits qui existent toujours dans une armée et qui empêchent le plus
+souvent d'entendre; <span class="pagenum"><a id="page262" name="page262"></a>(p. 262)</span> et on recherche avec empressement tous
+les moyens de rendre les bruits du téléphone plus accentués. Au moment
+de la découverte du microphone, on avait cru un instant le problème
+résolu, et plusieurs écoles militaires m'avaient demandé des
+renseignements à cet égard; mais je ne vois pas jusqu'ici que la
+question ait bien avancé sous ce rapport. Quoi qu'il en soit, le
+téléphone a été un instrument excessivement utile dans les écoles de
+tir et sur les polygones d'artillerie. Avec la grande portée qu'ont
+aujourd'hui les armes à feu, il devenait nécessaire pour juger de la
+justesse du tir d'être prévenu télégraphiquement de la position des
+points frappés des cibles, et on avait même imaginé pour cela, des
+cibles télégraphiques; mais le téléphone est bien préférable, et on
+l'emploie aujourd'hui avec un grand succès.</p>
+
+<p>Si le téléphone présente des inconvénients pour le service de la
+télégraphie volante en campagne, en revanche il peut être d'un grand
+secours pour la défense des places, pour la transmission des ordres du
+commandant aux différentes batteries et même pour l'échange des
+correspondances avec des ballons captifs lancés au-dessus des champs
+de bataille.</p>
+
+<p>Malgré les difficultés de son emploi à l'armée, des essais ont été
+tentés par les Russes à la dernière guerre; le câble des fils de
+communication était assez léger pour être posé par un seul homme et
+avait de quatre cents à cinq cents mètres. «Le mauvais temps, dit le
+<i>Telegraphic Journal</i> du 15 mars 1878, ne troubla pas le
+fonctionnement des appareils, mais le bruit empêchait d'entendre, et
+on était obligé de se couvrir <span class="pagenum"><a id="page263" name="page263"></a>(p. 263)</span> la tête avec le capuchon d'un
+grand manteau pour intercepter les sons extérieurs.» Les résultats
+n'ont donc pas été très-satisfaisants. Toutefois le téléphone peut
+rendre à l'armée de grands services, en permettant d'intercepter au
+passage les dépêches de l'ennemi; ainsi un homme résolu muni d'un
+téléphone de poche pourra, en se plaçant dans un endroit écarté,
+établir des dérivations entre le fil télégraphique de l'ennemi et son
+téléphone et saisir parfaitement, ainsi qu'on l'a vu, toutes les
+dépêches transmises. Il pourra même obtenir ce résultat en prenant ses
+dérivations à la terre ou sur un rail de chemin de fer. Bien des
+recherches sont du reste encore à tenter dans cet ordre d'idées et il
+est probable que l'on arrivera quelque jour à des combinaisons tout à
+fait pratiques.</p>
+
+<p class="p2"><b>Applications à la marine.</b>&mdash;L'un des plus grands avantages du téléphone
+est celui qu'il peut rendre à la marine pour le service des
+électro-sémaphores, des forts en mer, et des navires mouillés en rade.
+«Les essais faits entre la préfecture maritime de Cherbourg, les
+sémaphores et les forts de la digue, dit M. Pollard, ont fait
+ressortir les avantages qu'il y aurait à munir ces postes de
+téléphones, ce qui assurerait une communication facile entre les
+bâtiments d'une escadre et la terre ou entre ces navires eux-mêmes. En
+mouillant de petits câbles qui viendraient à la surface de la mer le
+long des chaînes des corps-morts et aboutiraient aux bouées ou coffres
+disposés en permanence dans la rade, les navires de guerre en
+s'amarrant se mettraient de cette manière en relation avec la
+préfecture maritime, <span class="pagenum"><a id="page264" name="page264"></a>(p. 264)</span> et en mouillant temporairement des
+câbles légers d'un bâtiment à l'autre, l'amiral entrerait en
+communication intime avec les bâtiments de son escadre.»</p>
+
+<p>On a essayé l'application du téléphone à bord des navires pour la
+transmission des ordres, mais le bruit qui existe toujours sur un
+bâtiment empêche d'entendre, et les résultats ont été négatifs.</p>
+
+<p>C'est surtout pour les torpilles sous-marines que l'usage du téléphone
+peut être utile. Nous avons déjà vu le genre de service qu'il peut
+rendre quand il est accompagné d'un microphone. Mais il peut encore
+être très-utile pour la mise à feu des torpilles, lorsqu'il s'agit de
+connaître la position exacte du navire ennemi d'après deux visées
+faites en deux points différents de la côte.</p>
+
+<p>D'un autre côté, M. Trève a montré qu'on pouvait encore employer avec
+avantage le téléphone pour relier télégraphiquement des navires
+marchant à la remorque l'un de l'autre, et M. des Portes en a fait une
+très-heureuse application pour les recherches que l'on est souvent
+appelé à faire au fond de la mer à l'aide du scaphandre. Dans ce cas,
+on remplace une glace du casque par une plaque en cuivre dans laquelle
+est enchâssé le téléphone, ce qui fait que le scaphandrier n'a qu'un
+léger mouvement de tête à faire soit pour recevoir des communications
+de l'extérieur, soit pour en adresser. Avec ce système, on peut
+visiter les carènes des navires et rendre compte de tout ce que l'on
+voit, sans qu'il soit besoin de ramener les scaphandriers hors de
+l'eau, comme on était obligé de le faire jusque-là.</p>
+
+<p class="p2"><span class="pagenum"><a id="page265" name="page265"></a>(p. 265)</span> <b>Applications industrielles.</b>&mdash;L'une des premières et des plus
+importantes applications qui ont été faites du téléphone est celle qui
+a été tentée des l'automne de 1877 en Angleterre et en Amérique pour
+le service des mines. Les galeries de mines sont, comme on le sait,
+souvent bien longues, et les transmissions des ordres de services
+avaient déjà nécessité l'emploi de télégraphes électriques; mais les
+mineurs sont loin d'être exercés à la man&oelig;uvre de ces appareils, et
+ce service laissait beaucoup à désirer. Grâce au téléphone qui permet
+au premier venu de transmettre et de recevoir, rien ne s'oppose plus
+maintenant à un échange facile de communications entre les galeries et
+le dehors.</p>
+
+<p>On a pu aussi à l'aide du téléphone surveiller la ventilation dans les
+mines. Un téléphone étant placé près d'une roue mise en mouvement par
+l'air servant à la ventilation et étant relié à un autre téléphone
+placé dans le bureau de l'ingénieur, celui-ci pourra constater par le
+bruit qu'il entendra, si la ventilation se fait dans les conditions
+convenables et si la machine fonctionne régulièrement.</p>
+
+<p class="p2"><b>Application aux recherches scientifiques.</b>&mdash;Les expériences de M.
+d'Arsonval que nous avons rapportées p. <a href="#page149">149</a>, nous ont montré qu'on
+pouvait employer le téléphone comme un galvanoscope des plus
+sensibles; mais comme cet appareil ne peut fournir des sons que sous
+l'influence de courants interrompus, il faut que le circuit sur lequel
+on expérimente soit coupé à des intervalles plus ou moins rapprochés.
+Il n'est <span class="pagenum"><a id="page266" name="page266"></a>(p. 266)</span> même pas nécessaire, comme on l'a vu, que le
+téléphone soit interposé dans le circuit; il peut être impressionné à
+distance, soit directement, soit par l'induction du courant interrompu
+sur un autre circuit placé parallèlement à côté du premier, et on peut
+augmenter la puissance de ces effets par la réaction d'un noyau de fer
+autour duquel on enroule le circuit inducteur. L'inconvénient de ce
+système est que l'on n'obtient pas le sens du courant et qu'il ne peut
+être employé comme instrument mesureur; mais, en revanche, il est
+tellement sensible, tellement facile à installer et si peu coûteux,
+qu'employé comme galvanoscope, il peut rendre les plus grands
+services.</p>
+
+<p>Lors des essais que l'on a faits du téléphone entre Calais et
+Boulogne, on a constaté un résultat qui semblerait indiquer une
+application avantageuse de cet appareil à l'étude de la balistique. En
+effet, des expériences de tir étant faites sur la plage de Boulogne,
+on a placé près de la pièce de canon un téléphone, et l'on a perçu la
+détonation à trois kilomètres (point de chute). En mesurant le temps
+écoulé entre la sortie du projectile et sa chute, on a pu calculer sa
+vitesse. Cette appréciation se fait ordinairement par l'observation
+visuelle de la flamme qui accompagne la sortie du projectile; mais
+dans certaines circonstances telles que le brouillard ou le tir à
+longue portée, le téléphone remplacerait peut-être l'observation
+visuelle. Sur le champ de bataille, un observateur muni d'un téléphone
+et placé sur une éminence, pourrait, à distance, rectifier le tir de
+sa batterie établie généralement dans un endroit abrité et moins
+élevé.<a href="#toc"><span class="small">[Table des Matières]</span></a></p>
+
+<h2><span class="pagenum"><a id="page267" name="page267"></a>(p. 267)</span> LE PHONOGRAPHE.</h2>
+
+
+<p>Le phonographe de M. Edison qui a tant préoccupé les esprits depuis
+quelques mois, est un appareil qui, non-seulement enregistre les
+diverses vibrations déterminées par la parole sur une lame vibrante,
+mais qui reproduit encore la parole d'après les traces enregistrées.
+La première fonction de cet appareil n'est pas le résultat d'une
+découverte nouvelle. Depuis bien longtemps les physiciens avaient
+cherché à résoudre le problème de l'enregistration de la parole, et,
+en 1856, M. Léon Scott avait combiné un instrument bien connu des
+physiciens sous le nom de <i>phonautographe</i> qui résolvait parfaitement
+la question; cet appareil est décrit dans tous les traités de physique
+un peu complets; mais la seconde fonction de l'appareil d'Edison
+n'avait pas été réalisée ni même posée par M. L. Scott, et nous nous
+étonnons que cet intelligent inventeur ait vu dans l'invention de M.
+Edison un acte de spoliation commis à son préjudice. Nous regrettons
+surtout pour lui, à qui, <span class="pagenum"><a id="page268" name="page268"></a>(p. 268)</span> quoiqu'il en dise, tout le monde a
+rendu justice, qu'il ait à cette occasion publié, en termes amers, une
+sorte de pamphlet qui ne prouve absolument rien, et qui n'apprend que
+ce que tous les physiciens savent déjà. Si quelqu'un pouvait élever
+des prétentions à l'égard de l'invention du phonographe, du moins dans
+ce qu'il a de plus curieux, c'est-à-dire la reproduction de la parole,
+ce serait bien certainement M. Ch. Cros; car dans un pli cacheté
+déposé à l'Académie des sciences, le 30 avril 1877, il indiquait en
+principe un instrument au moyen duquel on pouvait obtenir la
+reproduction de la parole d'après les traces fournies par un
+enregistreur du genre du phonautographe<a id="footnotetag29" name="footnotetag29"></a><a href="#footnote29" title="Lien vers la note 29"><span class="smaller">[29]</span></a>. Le brevet de M. Edison
+dans lequel <span class="pagenum"><a id="page269" name="page269"></a>(p. 269)</span> le principe du phonographe est indiqué pour la
+première fois, ne date en effet que du 31 juillet 1877, et encore ne
+s'appliquait-il qu'à la répétition des signaux Morse. Dans ce brevet,
+M. Edison ne fait que décrire un moyen d'enregistrer ces signaux par
+des dentelures effectuées par un style traceur sur une feuille de
+papier enveloppant un cylindre, et ce cylindre était creusé sur sa
+surface d'une rainure en spirale. Les dentelures ou gaufrages ainsi
+produits devaient être utilisés, d'après le brevet, pour transmettre
+automatiquement la même dépêche, en repassant sous un style capable de
+réagir sur un interrupteur de courant. Il n'est donc dans ce brevet
+nullement question de l'enregistration de la parole ni de sa
+reproduction; mais, comme le fait observer le <i>Telegraphic journal</i> du
+1<sup>er</sup> mai 1878, l'invention précédente lui donnait les moyens de
+résoudre ce double problème aussitôt que l'idée lui en serait venue.
+<span class="pagenum"><a id="page270" name="page270"></a>(p. 270)</span> S'il faut en croire les journaux américains, cette idée ne
+tarda pas à se faire jour, et elle aurait été le résultat d'un
+accident. Pendant des expériences qu'il faisait un jour avec le
+téléphone, un style attaché au diaphragme lui piqua le doigt au moment
+où le diaphragme entrait en vibration sous l'influence de la voix, et
+cette piqûre avait été assez forte pour que le sang en jaillit; il
+pensa alors que, puisque les vibrations de ce diaphragme étaient assez
+fortes pour percer la peau, elles pourraient bien produire sur une
+surface flexible des gaufrages assez caractérisés pour représenter
+toutes les inflexions des ondes provoquées par la parole, et il put
+croire que ces gaufrages pourraient même reproduire mécaniquement les
+vibrations qui les avaient provoquées, en réagissant sur une lame
+capable de vibrer à la manière de celle qu'il avait déjà employée pour
+la reproduction des signaux Morse. Dès lors le phonographe était
+découvert, car de cette idée à sa réalisation, il n'y avait qu'un pas,
+et, en moins de deux jours, l'appareil était exécuté et expérimenté.</p>
+
+<p>Cette petite histoire est assez ingénieuse et fait bien dans le
+tableau, mais nous aimons à croire que cette découverte a été faite un
+peu plus sérieusement. En effet, un inventeur comme M. Edison, qui
+avait découvert l'<i>électro-motographe</i>, et qui l'avait appliqué au
+téléphone, se trouvait par cette application même sur la voie du
+phonographe, et nous estimons trop M. Edison pour ajouter foi au petit
+roman américain. D'ailleurs le phonautographe de M. L. Scott était
+parfaitement connu de M. Edison.</p>
+
+<p>Ce n'est qu'au mois de janvier 1877, que le phonographe <span class="pagenum"><a id="page271" name="page271"></a>(p. 271)</span> de
+M. Edison a été breveté. Par conséquent, au point de vue du principe
+de l'invention, M. Ch. Cros paraît avoir une priorité incontestable;
+mais son système tel qu'il est décrit dans son pli cacheté et tel
+qu'il a été publié dans la <i>Semaine du clergé</i> du 10 octobre 1877,
+aurait-il été susceptible de reproduire la parole?... Nous en doutons
+fort, et notre doute pourrait être légitimé par les essais infructueux
+tentés par M. l'abbé Leblanc qui avait voulu réaliser l'idée de M.
+Cros. Quand il s'agit de vibrations aussi accidentées, aussi complexes
+que celles qui sont exigées pour la reproduction des mots articulés,
+il faut que leur clichage soit en quelque sorte moulé par elles-mêmes,
+et leur reproduction artificielle doit forcément laisser échapper les
+nuances qui distinguent les fines liaisons du langage; d'ailleurs, les
+mouvements déterminés par une pointe engagée dans une rainure suivant
+une <i>courbe sinusoïde</i>, ne peuvent s'effectuer avec toute la liberté
+nécessaire au développement des sons, et les frottements exercés sur
+les deux bords opposés de la rainure, seraient d'ailleurs souvent de
+nature à les étouffer. Un membre distingué de la Société de physique
+disait avec raison, quand j'ai présenté le phonographe à cette
+Société, que toute l'invention de M. Edison résidait dans la feuille
+métallique mince sur laquelle les vibrations se trouvent inscrites, et
+effectivement, c'est grâce à cette feuille qui a permis de clicher
+directement les vibrations d'une lame vibrante, que le problème a pu
+être résolu; mais il fallait penser à ce moyen, et c'est M. Edison qui
+l'a trouvé; c'est donc lui qui est bien l'inventeur du phonographe.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page272" name="page272"></a>(p. 272)</span> Après M. Ch. Cros, et encore avant M. Edison, MM. Napoli et
+Marcel Deprez avaient cherché à construire un phonographe; mais leurs
+essais avaient été si infructueux qu'ils avaient cru un moment le
+problème insoluble, et quand on annonça à la Société de physique
+l'invention de M. Edison, ils la mirent en doute. Depuis, ils ont
+repris leurs travaux et nous font espérer qu'un jour ils pourront nous
+présenter un phonographe encore plus perfectionné que celui de M.
+Edison; c'est ce que la suite nous dira.</p>
+
+<p>En définitive, c'est M. Edison qui le premier a reproduit,
+mécaniquement la parole, et a réalisé par ce fait, une des plus
+curieuses et des plus importantes découvertes de notre époque; car
+elle a pu nous montrer que cette reproduction est beaucoup moins
+compliquée qu'on pouvait le supposer. Cependant il ne faut pas
+s'exagérer les conséquences théoriques de cette découverte qui n'a pas
+du tout démontré, suivant moi, que nos théories sur la voix fussent
+inexactes. Il faut, en effet, établir une grande différence entre la
+reproduction d'un son émis et la manière de déterminer ce son. La
+reproduction pourra être effectuée d'une manière très-simple, comme le
+disait M. Bourseul, du moment où l'on aura trouvé un moyen de
+transmettre les vibrations de l'air, quelque compliquées qu'elles
+puissent être; mais pour produire par la voix les vibrations
+compliquées de la parole, il faudra la mise en action de plusieurs
+organes particuliers, d'abord des cordes du larynx, en second lieu, de
+la langue, des lèvres, du nez, des dents mêmes, <span class="pagenum"><a id="page273" name="page273"></a>(p. 273)</span> et c'est
+pourquoi une machine réellement parlante est forcément
+très-compliquée.</p>
+
+<p>On s'est étonné que la machine parlante qui nous est venue, il y a
+deux ans d'Allemagne, et qui a été exhibée au Grand-Hôtel, fut d'une
+extrême complication, alors que le phonographe résolvait le problème
+d'une manière si simple: c'est que l'une de ces machines ne faisait
+que reproduire la parole, tandis que l'autre l'émettait, et
+l'inventeur de cette dernière machine avait dû, dans son mécanisme,
+mettre à contribution tous les organes qui dans notre organisme
+concourent à la production de la parole. Le problème était infiniment
+plus complexe, et on n'a pas accordé à cette invention tout l'intérêt
+qu'elle méritait.</p>
+
+<p>Il est temps de décrire le phonographe et les diverses applications
+qu'on en a faites et qu'on pourra en faire dans l'avenir.</p>
+
+<a id="img060" name="img060"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img060.jpg" width="500" height="311" alt="" title="">
+<p>Fig. 60.</p>
+</div>
+
+<p class="p2"><b>Description du phonographe.&mdash;Manière de s'en servir.</b>&mdash;Le premier
+modèle de cet appareil, celui qui est le plus connu et que nous
+représentons fig. 60, se compose simplement d'un cylindre enregistreur
+R, mis en mouvement au moyen d'une manivelle M tournée à la main, et
+devant lequel est fixée une lame vibrante munie antérieurement d'une
+embouchure de téléphone E et, sur sa face postérieure, d'une pointe
+traçante; cette pointe traçante que l'on voit en <i>s</i> dans la fig. 62
+qui représente la coupe de l'appareil, n'est pas fixée directement sur
+la lame; elle est portée par un ressort <i>r</i>, et entre elle et la lame
+vibrante est adapté un tampon de caoutchouc <i>c</i>, constitué par un bout
+de tube, lequel a pour mission de <span class="pagenum"><a id="page274" name="page274"></a>(p. 274)</span> transmettre à la pointe s
+les vibrations de la lame sans les étouffer; un autre tampon <i>r</i>,
+placé entre la lame LL et le support rigide de la pointe, tend à
+atténuer un peu ces vibrations qui seraient presque toujours trop
+fortes sans cette précaution.</p>
+
+<a id="img061" name="img061"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img061.jpg" width="400" height="307" alt="" title="">
+<p>Fig. 61.</p>
+</div>
+
+<p>Le cylindre, dont l'axe AA, fig. 60, est muni d'un pas de vis pour lui
+faire accomplir un mouvement de translation horizontal à mesure que
+s'effectue son mouvement de rotation sur lui-même, présente à sa
+surface une petite rainure hélicoïdale dont le pas est exactement
+celui de la vis qui le fait avancer, et la pointe traçante s'y
+trouvant une fois engagée, peut la parcourir sur une plus ou moins
+grande partie de sa longueur, suivant le temps plus ou moins long
+qu'on tourne le cylindre. Une feuille de papier d'étain ou de
+<span class="pagenum"><a id="page275" name="page275"></a>(p. 275)</span> cuivre très-mince est appliquée exactement sur cette surface
+cylindrique, et doit y être un peu déprimée afin d'y marquer
+légèrement la trace de la rainure et de placer convenablement la
+pointe de la lame vibrante. Celle-ci, d'ailleurs, appuie sur cette
+feuille sous une pression qui doit être réglée, et, c'est à cet effet,
+aussi bien que pour dégager le cylindre quand on doit placer ou
+retirer la feuille d'étain, qu'a été adapté le système articulé SN qui
+soutient le support S de la lame vibrante. Ce système, comme on le
+voit, se compose d'un levier articulé qui porte une rainure dans
+laquelle s'engage la vis R. Un manche N qui termine ce levier, permet,
+quand la vis R est desserrée, de faire pivoter le système traçant.
+Conséquemment, pour régler la pression de la pointe traçante sur la
+feuille de papier d'étain, il suffit d'engager <span class="pagenum"><a id="page276" name="page276"></a>(p. 276)</span> plus ou moins
+la vis R dans la rainure, et de la serrer fortement quand le degré
+convenable de pression est obtenu.</p>
+
+<p>Telle est la planche sur laquelle la parole viendra tout à l'heure se
+graver en caractères durables, et voici comment fonctionne ce système
+si peu compliqué.</p>
+
+<p>On parle dans l'embouchure E de l'appareil, comme on le fait dans un
+téléphone ou dans un tube acoustique, mais avec une voix forte et
+accentuée et les lèvres appuyées contre les parois de l'embouchure,
+comme on le voit fig. 61; on tourne en même temps le cylindre qui,
+pour avoir un mouvement régulier, est muni d'un lourd volant, V. fig.
+60. Sous l'influence de la voix, la lame LL entre en vibration et fait
+man&oelig;uvrer la pointe traçante, qui, à chaque vibration, déprime la
+feuille d'étain et détermine un gaufrage plus ou moins creux, plus ou
+moins accidenté, suivant l'amplitude de la vibration et ses
+inflexions. Le cylindre qui marche pendant ce temps, présente
+successivement à la pointe traçante les différents points de la
+rainure dont il a été question plus haut; de sorte que, quand on est
+arrivé au bout de la phrase prononcée, le dessin pointillé, composé de
+creux et de reliefs successifs que l'on a obtenus, représente
+l'enregistration de la phrase elle-même. En ce qui concerne
+l'enregistrement, l'opération est donc terminée, et en détachant la
+feuille de l'appareil, la parole pourrait être mise en portefeuille.
+Voyons maintenant comment l'appareil arrive à répéter ce qu'il a si
+facilement inscrit.</p>
+
+<a id="img062" name="img062"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img062.jpg" width="500" height="406" alt="" title="">
+<p>Fig. 62.</p>
+</div>
+
+<p>Pour cela, il s'agit de recommencer tout simplement <span class="pagenum"><a id="page277" name="page277"></a>(p. 277)</span> la même
+man&oelig;uvre, et le même effet se reproduit identiquement en sens
+inverse. On replace le style traçant à l'extrémité de la rainure qu'il
+a déjà parcourue, et on remet le cylindre en marche; les traces
+gaufrées en repassant sous la pointe tendent à la soulever et à lui
+communiquer un mouvement qui ne peut être que la répétition de celui
+qui les avait primitivement provoquées, et la lame vibrante obéissant
+à ce mouvement, entre en vibration, reproduisant ainsi les mêmes sons
+et par suite les mêmes paroles; toutefois, comme il y a nécessairement
+perte de force dans <span class="pagenum"><a id="page278" name="page278"></a>(p. 278)</span> cette double transformation des effets
+mécaniques, on est obligé, pour obtenir des sons plus forts, d'adapter
+à l'embouchure E le cornet C qui est une sorte de porte-voix. Dans ces
+conditions, la parole reproduite par l'appareil peut être entendue de
+tous les points d'une salle, et rien n'est plus saisissant que
+d'entendre cette voix, un peu grêle il est vrai, qui semble venir
+d'outre-tombe pour formuler ses sentences. Si cette invention eût été
+faite au moyen âge, on en aurait bien certainement fait
+l'accompagnement des fantômes, et elle aurait donné beau jeu aux
+faiseurs de miracles.</p>
+
+<p>Comme la hauteur des sons dans l'échelle musicale dépend du nombre des
+vibrations effectuées par un corps vibrant dans un temps donné, la
+parole peut être reproduite par le phonographe sur un ton plus ou
+moins élevé suivant la vitesse de rotation que l'on donne au cylindre
+qui porte la feuille impressionnée. Si cette vitesse est la même que
+celle qui a servi à l'enregistration, le ton des paroles reproduites
+est le même que celui des paroles prononcées. Si elle est plus grande,
+le ton est plus élevé, et si elle est moins grande, le ton est plus
+bas; mais on reconnaît toujours l'accent de celui qui a parlé; cette
+particularité fait qu'avec les appareils tournés à la main, la
+reproduction des chants est le plus souvent défectueuse, et l'appareil
+chante faux; il n'en est plus de même quand l'appareil se meut sous
+l'influence d'un mouvement d'horlogerie parfaitement régularisé, et
+l'on a pu obtenir de cette manière des reproductions satisfaisantes de
+duos chantés.</p>
+
+<p>La parole, enregistrée sur une feuille d'étain, peut se <span class="pagenum"><a id="page279" name="page279"></a>(p. 279)</span>
+reproduire plusieurs fois; mais à chaque fois les sons deviennent plus
+faibles et moins distincts, parce que les reliefs s'affaissent de plus
+en plus. Avec une lame de cuivre, ces reproductions sont meilleures,
+mais pour les obtenir indéfiniment, il faut faire clicher ces lames,
+et dans ce cas, la disposition de l'appareil doit être différente.</p>
+
+<p>On a essayé de faire parler le phonographe en prenant les
+enregistrations à rebours de leur véritable sens; on a obtenu
+naturellement des sons n'ayant aucune ressemblance avec les mots émis;
+cependant MM. Fleeming Jenkin et Ewing ont remarqué que non seulement
+les voyelles ne sont pas altérées par cette action inverse, mais
+encore que les consonnes, les syllabes et des mots tout entiers
+peuvent être reproduits avec l'accentuation que leur donnerait leur
+lecture si elle était faite à rebours.</p>
+
+<p>Les sons produits par le phonographe, quoique plus faibles que ceux de
+la voix qui a déterminé les traces enregistrées, sont néanmoins assez
+forts pour réagir sur des téléphones à ficelle et même sur des
+téléphones Bell, et comme dans ce cas les sons sont éteints sur
+l'appareil et qu'il n'y a que celui qui est en rapport avec le
+téléphone qui les perçoit, on peut être assuré qu'aucune supercherie
+n'a pu être employée pour les produire.</p>
+
+<p>Quand je présentai le 11 mars 1878 le phonographe à l'Académie des
+Sciences de la part de M. Edison, et que M. Puskas, son représentant,
+eût fait parler ce merveilleux instrument, un murmure d'admiration se
+fit entendre de tous les points de la salle, et ce murmure <span class="pagenum"><a id="page280" name="page280"></a>(p. 280)</span>
+se changea bientôt en applaudissements répétés. «Jamais, écrivait à un
+journal une des personnes présentes à la séance, on n'avait vu la
+docte Académie, ordinairement si froide, se livrer à un épanchement si
+enthousiaste. Pourtant quelques membres incrédules par nature, au lieu
+d'examiner le fait physique, voulurent le déduire de considérations
+morales et d'analogies, et bientôt on entendit dans la salle une
+rumeur qui semblait accuser l'Académie de s'être laissée mystifier par
+un habile <i>ventriloque</i>. Décidément l'esprit gaulois se retrouve
+toujours chez les Français et même chez les académiciens. Les sons
+émis par l'instrument sont exactement ceux des ventriloques, disait
+l'un. Avez-vous remarqué les mouvements des lèvres et de la figure de
+M. Puskas quand il tourne l'appareil?... disait l'autre; ne sont-ce
+pas les grimaces des ventriloques?... Il peut se faire que l'appareil
+émette des sons, disait encore un autre, mais l'appareil est
+considérablement aidé par celui qui le man&oelig;uvre! Bref, le bureau de
+l'Académie demanda à M. du Moncel de faire lui-même l'expérience, et
+comme il n'avait pas l'habitude de parler dans cet appareil,
+l'expérience fut négative, à la grande joie des incrédules. Toutefois,
+quelques académiciens désirant fixer leurs idées sur ce qu'il y avait
+de vrai dans ces effets, prièrent M. Puskas de répéter devant eux les
+expériences dans le cabinet du secrétaire perpétuel et dans les
+conditions qu'ils lui indiqueraient. M. Puskas se prêta à ce désir, et
+ils revinrent de là parfaitement convaincus. Néanmoins, les incrédules
+ne se tinrent pas pour battus, et il fallut qu'ils fîssent eux-mêmes
+les expériences pour accepter <span class="pagenum"><a id="page281" name="page281"></a>(p. 281)</span> définitivement ce fait, que la
+parole pouvait être reproduite dans des conditions excessivement
+simples.»</p>
+
+<p>Cette petite anecdote que je viens de raconter ne peut certes pas être
+interprétée en défaveur de l'Académie des Sciences; car son rôle est
+avant tout de conserver intactes les vrais principes de la Science et
+de n'accueillir les faits qui peuvent provoquer l'étonnement, qu'après
+un examen scrupuleux. C'est grâce à cette attitude qu'elle a pu donner
+un crédit absolu à tout ce qui émane d'elle, et nous ne saurions trop
+l'approuver de se maintenir ainsi sur la réserve et en dehors d'un
+premier moment d'enthousiasme et d'engouement.</p>
+
+<p>Le peu de réussite de l'expérience que j'avais tentée à l'Académie
+provenait uniquement de ce que je n'avais pas parlé assez près de la
+lame vibrante et que mes lèvres ne touchaient pas les parois de
+l'embouchure. Quelques jours après, sur l'invitation de plusieurs de
+mes confrères, je fis des expériences répétées avec l'appareil, et je
+parvins bientôt à le faire parler aussi bien que celui qu'on accusait
+de ventriloquie; mais je reconnus en même temps qu'il fallait une
+certaine habitude pour être sûr des résultats produits. Il y a aussi
+des mots qui sont reproduits beaucoup mieux que d'autres. Ceux qui
+renferment beaucoup de voyelles et beaucoup d'R viennent bien mieux
+que ceux où les consonnes dominent et surtout que ceux où il y a
+beaucoup d'S. On ne doit donc pas s'étonner, comme l'ont fait
+plusieurs personnes, que même avec la grande habitude que possède le
+représentant de M. Edison, <span class="pagenum"><a id="page282" name="page282"></a>(p. 282)</span> certaines phrases prononcées par
+lui s'entendaient mieux que d'autres.</p>
+
+<p>Un des résultats les plus étonnants que le phonographe a produits a
+été la répétition simultanée de plusieurs phrases en langues
+différentes dont l'enregistration avait été superposée. On a pu
+obtenir jusqu'à trois de ces phrases; mais pour pouvoir les distinguer
+au milieu du bruit confus résultant de leur superposition, il fallait
+que des personnes différentes, en faisant une attention spéciale à
+chacune des phrases inscrites, pussent les séparer et en comprendre le
+sens. On a pu même superposer des airs chantés aux phrases prononcées,
+et la séparation devenait même dans ce cas plus facile.</p>
+
+<p>Il y a plusieurs modèles de phonographes. Celui que nous avons
+représenté fig. 60, est le modèle qui a servi pour les expériences
+publiques; mais il est un modèle plus petit que l'on vend
+principalement aux amateurs, et dans lequel le cylindre, beaucoup
+moins long, sert à la fois d'enregistreur et de volant. Cet appareil
+donne de très-bons résultats, mais il ne peut enregistrer que des
+phrases courtes. Dans ce modèle, comme du reste dans l'autre, on peut
+rendre l'enregistration de la parole beaucoup plus facile en adaptant
+dans l'embouchure un petit cornet en forme de porte-voix allongé; les
+vibrations de l'air sont alors plus concentrées sur la lame vibrante
+et agissent plus vigoureusement. Il paraît aussi que l'appareil gagne
+à avoir une lame vibrante un peu épaisse, et on a reconnu qu'on
+pouvait adapter directement la pointe traçante sur la lame.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page283" name="page283"></a>(p. 283)</span> Je ne parlerai pas d'une manière spéciale du phonographe à
+mouvement d'horlogerie. C'est un appareil exactement semblable à celui
+de la fig. 60, seulement il est monté sur une table spéciale un peu
+haute de pieds pour donner au poids du mouvement d'horlogerie une
+course suffisante; le mécanisme est adapté directement sur l'axe du
+cylindre au lieu et place de la manivelle, et il est régularisé par un
+volant à ailettes. Celui qu'on a adopté est un volant d'un système
+anglais; mais nous croyons que le régulateur à ailettes de M.
+Villarceau serait préférable.</p>
+
+<a id="img063" name="img063"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img063.jpg" width="400" height="243" alt="" title="">
+<p>Fig. 63.</p>
+</div>
+
+<p>Comme le raccordement des feuilles d'étain sur un cylindre est
+toujours délicat à effectuer, M. Edison a cherché à obtenir les traces
+de la feuille d'étain sur une surface plane, et il a obtenu ce
+résultat de la manière la plus heureuse, au moyen de la disposition
+que nous représentons fig. 63. Dans ce nouveau modèle, <span class="pagenum"><a id="page284" name="page284"></a>(p. 284)</span> la
+plaque sur laquelle doit être appliquée la feuille d'étain ou de
+cuivre est creusée d'une rainure hélicoïdale en limaçon, dont un bout
+correspond au centre de la plaque et l'autre bout aux côtés
+extérieurs, et cette plaque est mise en mouvement par un fort
+mécanisme d'horlogerie dont la vitesse est régularisée
+proportionnellement à l'allongement des spires de l'hélice. Au-dessus
+de cette plaque est placée la lame vibrante qui est d'ailleurs
+disposée comme dans le premier appareil, et dont la pointe traçante
+peut, par suite d'un mouvement de translation communiqué au système,
+suivre la rainure en limaçon depuis le centre de la plaque jusqu'à sa
+circonférence. Enfin quatre points de repère permettent déplacer
+toujours et sans tâtonnements la feuille d'étain dans la véritable
+position qu'elle doit avoir. La figure 64 montre comment cette feuille
+peut être retirée de l'appareil.</p>
+
+<p>Il ne faudrait pas croire que toutes les feuilles d'étain employées
+pour les enregistrations phonographiques soient également bonnes, il
+faut que ces feuilles contiennent une certaine quantité de plomb et
+présentent une certaine épaisseur. Les feuilles d'étain qui
+enveloppent le chocolat, et même toutes celles que l'on trouve en
+France, sont trop riches en étain et trop minces pour donner de bons
+résultats, et M. Puskas a été obligé d'en faire venir d'Amérique pour
+continuer à Paris ses expériences. Jusqu'ici les proportions de plomb
+et d'étain n'ont pas encore été bien définies, et c'est l'expérience
+qui permet de décider le choix des feuilles; mais quand le phonographe
+sera plus répandu, il faudra évidemment que ce travail soit effectué,
+et <span class="pagenum"><a id="page285" name="page285"></a>(p. 285)</span> cela sera facile en analysant la composition des feuilles
+qui auront fourni les meilleurs résultats.</p>
+
+<a id="img064" name="img064"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img064.jpg" width="400" height="376" alt="" title="">
+<p>Fig. 64.</p>
+</div>
+
+<p>La disposition de la pointe traçante est aussi une question
+très-importante pour le bon fonctionnement d'un phonographe. Elle doit
+être très-tenue et très-courte (un millimètre de longueur tout au
+plus), afin qu'elle puisse enregistrer nettement les vibrations les
+plus minimes de la lame vibrante sans se courber et vibrer dans un
+autre sens que le sens normal au cylindre, ce qui pourrait arriver si
+elle était longue, en raison des frottements inégaux exercés sur la
+feuille d'étain. Il a fallu aussi la construire avec un <span class="pagenum"><a id="page286" name="page286"></a>(p. 286)</span>
+métal ne pouvant facilement provoquer des déchirures sur la feuille
+métallique. Le fer a paru réunir le mieux les conditions voulues.</p>
+
+<p>Le phonographe n'est du reste qu'à son début, et il est probable que
+d'ici à peu de temps, il pourra être dans des conditions convenables
+pour enregistrer la parole sans qu'on ait besoin de parler dans une
+embouchure. S'il faut en croire les journaux, M. Edison aurait déjà
+trouvé le moyen de recueillir sans le secours d'un tuyau acoustique,
+les sons émis à une distance de 3 à 4 pieds de l'appareil et de les
+imprimer sur une feuille métallique. De là à inscrire sur l'appareil
+un discours prononcé dans une grande salle, à une distance quelconque
+du phonographe, il n'y a qu'un pas, et si ce pas est fait, ce qui est
+probable, la phonographie pourra avantageusement remplacer la
+sténographie.</p>
+
+<p>Nous publions dans la note ci-dessous les instructions que M.
+Roosevelt le vendeur de ces machines, donne aux acquéreurs pour les
+initier à la man&oelig;uvre de l'appareil<a id="footnotetag30" name="footnotetag30"></a><a href="#footnote30" title="Lien vers la note 30"><span class="smaller">[30]</span></a>.</p>
+
+<p class="p2"><span class="pagenum"><a id="page287" name="page287"></a>(p. 287)</span> <b>Considérations théoriques.</b>&mdash;Bien que les explications que
+nous avons données précédemment soient <span class="pagenum"><a id="page288" name="page288"></a>(p. 288)</span> suffisantes pour
+faire comprendre les effets du phonographe, il est une question
+curieuse qui ne laisse pas que d'étonner beaucoup les physiciens,
+c'est celle-ci: Comment se fait-il que des gaufrages effectués sur une
+surface aussi peu résistante que l'étain, puissent en repassant sous
+la pointe traçante qui présente une rigidité relativement grande,
+déterminer de sa part un mouvement vibratoire sans se trouver
+complètement écrasés? À cela nous répondrons qu'en raison de l'extrême
+rapidité du passage de ces traces devant la pointe, il se développe
+des effets de force vive qui n'agissent que localement, et que, dans
+ces conditions, les corps mous peuvent exercer des effets mécaniques
+aussi énergiques que les corps durs. Qui ne se rappelle cette curieuse
+expérience relatée tant de fois dans les traités de physique, d'une
+planche percée par une chandelle servant de balle à un fusil. Qui ne
+se <span class="pagenum"><a id="page289" name="page289"></a>(p. 289)</span> rappelle les accidents produits à diverses reprises par
+des bourres de papier projetées par les armes à feu? Dans ces
+conditions, le mouvement communiqué aux molécules qui reçoivent le
+choc n'ayant pas le temps d'être transmis à toute la masse du corps
+auquel elles appartiennent, elles sont obligées de s'en séparer ou
+tout au moins de déterminer, quand le corps est susceptible de vibrer,
+un centre de vibration qui, propageant ensuite des ondes sur toute sa
+surface, détermine les sons.</p>
+
+<p>Plusieurs savants, entre autres MM. Preece et Mayer ont cherché à
+étudier avec soin la forme des gaufrages laissés par la voix sur la
+lame d'étain du phonographe, et ont reconnu que ces formes
+ressemblaient beaucoup à celles des flammes chantantes si bien
+dessinées avec les appareils de M. K&oelig;nig. Voici ce que dit à cet
+égard M. Mayer dans le <i>Popular Science Monthly</i> d'avril 1878.</p>
+
+<p>«Par la méthode suivante, j'ai pu parvenir à reproduire sur du verre
+enfumé, de magnifiques traces montrant le profil des vibrations
+sonores enregistrées sur la feuille d'étain avec leurs différentes
+sinuosités. J'adapte pour cela au ressort supportant la pointe
+traçante du phonographe, une tige longue et légère terminée par une
+pointe qui appuie de côté sur la lame de verre enfumée, et qui peut,
+par suite de la position verticale de celle-ci et d'un mouvement qui
+lui est communiqué, déterminer des traces sinusoïdes. Par cette
+disposition, on obtient donc simultanément, quand le phonographe est
+mis en action, deux systèmes de traces dont les unes sont le profil
+des autres.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page290" name="page290"></a>(p. 290)</span> «L'instrument a été en ma possession pendant si peu de temps,
+que je n'ai pu faire autant d'expériences que je l'aurais voulu; mais
+j'ai néanmoins pu étudier quelques-unes de ces courbes, et il m'a
+semblé que les contours enregistrés avaient, pour un même son, une
+grande ressemblance avec ceux des flammes chantantes de K&oelig;nig.</p>
+
+<a id="img065" name="img065"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img065.jpg" width="400" height="182" alt="" title="">
+<p>Fig. 65.</p>
+</div>
+
+<p>«La fig. 65 représente les traces correspondantes au son de la lettre
+A prononcé <i>bat</i> dans les trois systèmes d'enregistration. Celles qui
+correspondent à la ligne A sont la reproduction agrandie des traces
+laissées sur la feuille d'étain; celles qui correspondent à la ligne
+B, en représentent les profils sur la feuille de verre noirci. Enfin
+celles qui correspondent à la ligne C montrent les contours des
+flammes chantantes de K&oelig;nig, quand le même son est produit
+<i>très-près</i> de la membrane de l'enregistreur. Je dis <i>très-près</i> avec
+intention, car la forme des traces produites par une pointe attachée à
+une membrane vibrante sous l'influence de sons composés, dépend de la
+distance séparant la membrane de la source du son, et l'on peut
+obtenir <span class="pagenum"><a id="page291" name="page291"></a>(p. 291)</span> une infinité de traces de forme différente en
+variant cette distance. Il arrive, en effet, qu'en augmentant cette
+distance, les ondes sonores résultant de sons composés réagissent sur
+la membrane à différentes époques de leur émission. Par exemple, si le
+son composé est formé de six harmoniques, le déplacement de la source
+des vibrations de 1/4 de longueur d'onde de la première harmonique,
+éloignera la seconde, la troisième, la quatrième, la cinquième et la
+sixième harmonique de 1/2, 3/4, 1, 1-1/4, 1-1/2 de longueur d'onde, et
+par conséquent les contours résultant de la combinaison de ces ondes,
+ne pourront plus être les mêmes qu'avant le déplacement de la source
+sonore, quoique la sensation des sons reste le même, dans les deux
+cas. Ce principe a été parfaitement démontré au moyen de l'appareil de
+K&oelig;nig, en allongeant et en raccourcissant un tube extensible
+interposé entre le résonnateur et la membrane vibrante placée prés de
+la flamme, et il explique le désaccord qui s'est produit entre
+différents physiciens sur la composition des sons vocaux, quand ils
+les ont analysés au moyen des flammes chantantes.</p>
+
+<p>«Ces faits nous démontrent d'un autre côté, qu'il n'y a pas lieu
+d'espérer que l'on puisse <i>lire</i> les impressions et les traces du
+phonographe, car ces traces varient non-seulement avec la nature des
+voix, mais encore avec les moments différents d'émission des
+harmoniques de ces voix et avec les différences relatives des
+intensités de ces harmoniques.»</p>
+
+<p>Nous reproduisons néanmoins, fig. 66, des traces extrêmement curieuses
+que nous a communiquées <span class="pagenum"><a id="page292" name="page292"></a>(p. 292)</span> M. Blake, et qui représentent les
+vibrations déterminées par les mots: <i>Brown university; how do you
+do.</i> Elles ont été photographiées sous l'influence d'un index adapté à
+une lame vibrante et illuminé par un pinceau de lumière. Le mot how
+est surtout remarquable par les formes combinées des inflexions des
+vibrations.</p>
+
+<a id="img066" name="img066"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img066.jpg" width="400" height="342" alt="" title="">
+<p>Fig. 66.</p>
+</div>
+
+<p>Des expériences récentes semblent montrer que plus la membrane
+vibrante d'un phonographe se rapproche comme construction de celle de
+l'oreille humaine, et mieux elle répète et enregistre les vibrations
+sonores; elle devrait, en quelque sorte, être tendue à la manière de
+la membrane tympanique par l'os du marteau et <span class="pagenum"><a id="page293" name="page293"></a>(p. 293)</span> surtout en
+avoir la forme, car les vibrations aériennes s'effectueraient alors
+beaucoup mieux.</p>
+
+<p>Suivant M. Edison, la grandeur du trou de l'embouchure influe beaucoup
+sur la netteté de l'articulation de la parole. Quand les mots sont
+prononcés devant toute la surface du diaphragme, le sifflement de
+certains sons est perdu. Au contraire, il est renforcé quand les sons
+n'arrivent à ce diaphragme qu'à travers un orifice étroit et dont les
+bords sont aigus. Si ce trou est pourvu de dentelures sur ses bords
+aplatis, les consonnes sifflantes sont rendues plus clairement. La
+meilleure reproduction de la parole est obtenue quand l'embouchure est
+recouverte avec des enveloppes plus ou moins épaisses disposées de
+manière à éteindre les sons provenant de la friction de la pointe
+traçante sur l'étain.</p>
+
+<p>M. Hardy a, du reste, rendu l'enregistration des traces du phonographe
+plus facile en adaptant dans le trou de l'embouchure de l'appareil un
+petit cornet d'ébonite formant comme une embouchure d'instrument à
+vent.<a href="#toc"><span class="small">[Table des Matières]</span></a></p>
+
+<h2>APPLICATIONS DU PHONOGRAPHE ET SON AVENIR.</h2>
+
+<p>M. Edison vient de publier dans le <i>North American Review</i>, de
+mai-juin 1878, un article très-intéressant sur l'avenir du
+phonographe, dans lequel il discute lui-même les différentes
+applications qui pourront être faites de cet instrument et dont nous
+allons reproduire ici les conclusions.</p>
+
+<p>Afin de fournir au lecteur une base sur laquelle il puisse asseoir son
+jugement, il commence par poser <span class="pagenum"><a id="page294" name="page294"></a>(p. 294)</span> sous forme de questions
+auxquelles il répond, les différents principes de son invention. Voici
+ces questions:</p>
+
+<p>1<sup>o</sup> Une plaque ou un disque vibrant peut-il recevoir un mouvement
+complexe qui représentera exactement les propriétés particulières de
+chaque vibration et de toutes les ondes sonores résultant des
+émissions des sons complexes si variés de la voix?</p>
+
+<p>R. Le téléphone répond affirmativement à cette question.</p>
+
+<p>2<sup>o</sup> Un mouvement si complexe peut-il être transmis à une pointe
+adaptée à une plaque de cette nature, de manière à lui faire imprimer
+sur une matière plastique des traces gaufrées capables de le
+représenter exactement dans toutes ses conditions? et si cela est,
+cette pointe traçante pourra-t-elle, en repassant à travers ces
+traces, les suivre assez fidèlement pour transmettre de nouveau au
+disque les mouvements complexes dont il avait été primitivement animé
+lorsqu'il avait produit ces traces, lesquels mouvements doivent
+nécessairement reproduire à l'oreille les sons vocaux aussi bien que
+tout les autres bruits qui auraient pu les accompagner?</p>
+
+<p>R. Les expériences faites avec le phonographe, quand il est placé dans
+de bonnes conditions d'exécution et d'expérimentation, répondent
+affirmativement à cette question, et les effets obtenus sont
+aujourd'hui si parfaits, qu'avec un peu d'habitude on peut même, en
+quelque sorte, lire les sons enregistrés, sans en connaître
+l'origine<a id="footnotetag31" name="footnotetag31"></a><a href="#footnote31" title="Lien vers la note 31"><span class="smaller">[31]</span></a>.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page295" name="page295"></a>(p. 295)</span> 3<sup>o</sup> La feuille tracée peut-elle être enlevée de l'appareil
+sur lequel elle a été impressionnée, et replacée sur un autre sans
+annuler ou amoindrir son pouvoir reproducteur de la parole?</p>
+
+<p>R. Ceci est question de précision de mécanisme et d'ajustement qui ne
+présente pas plus de difficultés que la disposition de l'appareil
+lui-même, et le problème est certainement moins difficile à résoudre
+que celui de l'ajustement des différentes pièces d'une montre.</p>
+
+<p>4<sup>o</sup> Une feuille contenant ainsi l'enregistration de la parole
+peut-elle être facilement déplacée et expédiée par la poste?</p>
+
+<p>R. Dix ou quinze secondes suffisent pour placer ou déplacer la feuille
+enregistrée, mais comme il faut pour son expédition une enveloppe
+spéciale, le poids de la dépêche pourra dépasser un peu celui de la
+taxe postale; mais l'augmentation ne sera que très-minime.</p>
+
+<p>5<sup>o</sup> Quelle est la durée d'une dépêche ainsi reproduite?</p>
+
+<p>R. Des expériences répétées ont prouvé que les gaufrages ont un grand
+pouvoir de résistance, même <span class="pagenum"><a id="page296" name="page296"></a>(p. 296)</span> quand la reproduction a été
+effectuée par une plaque vibrante relativement rigide; mais on pense
+pouvoir substituer aux lames d'étain des lames d'un métal plus dur et
+extrêmement mince, sur lesquelles réagiraient des pointes très-dures,
+telles que des pointes de diamant ou de saphir, et alors ces feuilles
+pourraient répéter les dépêches cinquante ou cent fois.</p>
+
+<p>6<sup>o</sup> Peut-on avoir un duplicata d'une feuille enregistrée, et quelle
+serait sa durée?</p>
+
+<p>R. Un grand nombre d'expériences ont été entreprises avec plus ou
+moins de succès dans le but d'obtenir des enregistrations
+électrotypiques, et d'après les renseignements qui ont été donnés, il
+paraîtrait qu'on aurait pu obtenir ce résultat d'une manière
+satisfaisante. Il ne paraît pas, du reste, que la solution du problème
+présente de difficulté sérieuse, pas plus que celle d'obtenir des
+épreuves inaltérables.</p>
+
+<p>7<sup>o</sup> Quelle peut être la force des ondes sonores et la distance à
+laquelle elles doivent agir sur le diaphragme pour produire une bonne
+enregistration?</p>
+
+<p>R. Ceci dépend essentiellement de l'intensité des sons que l'on
+demande à l'instrument pour leur reproduction. Si cette reproduction
+doit être faite de manière à être entendue d'une assistance nombreuse,
+les ondes sonores qui doivent fournir l'enregistration doivent être
+déterminées d'une manière très-énergique; mais si on se contente d'une
+reproduction à l'oreille, la parole prononcée à voix ordinaire ou même
+à voix presque basse est susceptible d'être entendue. Dans les deux
+cas, les paroles doivent être prononcées devant l'embouchure de
+l'instrument. Cependant on a <span class="pagenum"><a id="page297" name="page297"></a>(p. 297)</span> pu, dans certaines conditions,
+obtenir une reproduction de la parole en parlant à voix très-haute à
+deux ou trois pieds de l'instrument. L'application à l'appareil d'un
+tube ouvert ou d'un entonnoir pour concentrer les ondes sonores, le
+bon établissement d'un diaphragme délicat et d'une pointe traçante
+bien établie, étaient les conditions nécessaires pour obtenir ce
+résultat. Il ne peut y avoir, du reste, de grande difficulté pratique
+à réunir et à faire converger les ondes sonores à partir d'une source
+de vibration placée dans un rayon de trois pieds, rayon qui est assez
+étendu pour ne pas embarrasser une personne qui parle ou qui chante.
+Les différents essais tentés dans cette voie ont démontré du reste que
+l'on peut obtenir de cette manière:</p>
+
+<p>1<sup>o</sup> L'emmagasinement, d'une manière permanente, de toutes les espèces
+d'ondes sonores regardées comme <i>fugitives</i>.</p>
+
+<p>2<sup>o</sup> Leur reproduction avec tous leurs caractères primitifs, que la
+source de la vibration soit ou non présente, et quelque soit le laps
+de temps écoulé entre le moment de l'enregistration et celui de la
+reproduction.</p>
+
+<p>3<sup>o</sup> Le moyen de transmettre matériellement la parole ainsi emmagasinée
+par les voies ordinaires ouvertes aux transactions commerciales, et de
+pouvoir remplacer ainsi une dépêche écrite.</p>
+
+<p>4<sup>o</sup> La multiplication indéfinie de ces sortes de dépêches et leur
+conservation, sans avoir à se préoccuper de la source primitive.</p>
+
+<p>5<sup>o</sup> Le moyen d'enregistrer la parole ou les chants <span class="pagenum"><a id="page298" name="page298"></a>(p. 298)</span> avec ou
+sans le consentement de la personne qui les a émis, et même à son
+insu.</p>
+
+<p>M. Edison entame ensuite le chapitre des applications du phonographe
+qu'il énumère de la manière suivante:</p>
+
+<p>«Parmi les plus importantes applications du phonographe on peut citer,
+dit-il, son application à l'écriture des lettres, à l'éducation, à la
+lecture, à la musique, aux enregistrations de famille, aux
+compositions électrotypiques pour les boîtes à musique, les joujoux,
+les horloges, les appareils avertisseurs ou les appareils à signaux,
+la sténographie des discours, etc.</p>
+
+<p class="p2">«<b>Écriture des lettres.</b>&mdash;L'appareil étant perfectionné au point de vue
+des détails mécaniques de sa construction, pourrait être employé pour
+tous les usages domestiques (excepté ceux qui exigent une disposition
+particulière) qui demanderont la répétition indéfinie d'un même ordre
+ou d'un même avis; mais, comme le principal rôle du phonographe est
+d'enregistrer la parole et des sons, sa disposition a dû être combinée
+en conséquence.</p>
+
+<p>«La disposition la plus générale consiste dans une plaque plate ou un
+disque à la surface duquel est évidée une rainure fine en spirale et à
+pas serré qui peut fournir par son développement une grande longueur.
+Cette plaque est mise en mouvement par un mécanisme d'horlogerie placé
+au-dessous, et la rainure est combinée de manière à permettre
+l'enregistration de 40000 mots. Le débit de l'appareil peut être
+effectué <span class="pagenum"><a id="page299" name="page299"></a>(p. 299)</span> dans des conditions telles, que sur une surface
+d'étain de 10 pouces carrés, on peut enregistrer 100 mots. Reste à
+savoir si un débit moins grand par pouce carré ne serait pas d'un
+meilleur effet. Il est certain que pour les lettres cela vaudrait
+mieux, mais comme on ne peut pas multiplier indéfiniment les types de
+machines, et que les messages étendus sont enregistrés plus
+économiquement sur une seule feuille que sur deux, il vaut mieux que
+l'appareil puisse fournir le plus de travail possible sur la surface
+la moins grande possible. Cette question devra, du reste, être étudiée
+avant de créer le type définitif.</p>
+
+<p>«Le fonctionnement du phonographe ainsi disposé pour l'application que
+nous traitons en ce moment, est très-simple. On place la feuille
+d'étain sur le phonographe et on met en action le mécanisme
+d'horlogerie; on parle devant l'embouchure comme si l'on dictait sa
+lettre à un secrétaire, et, quand on a terminé, on ôte la feuille de
+l'appareil, on la met dans une enveloppe, et on l'expédie par la voie
+ordinaire à celui auquel elle est destinée. Celui-ci la place alors
+sur son phonographe, met en action l'appareil et entend bientôt la
+parole de son correspondant comme s'il lui parlait réellement; il peut
+même lui faire répéter sa missive s'il ne l'a pas bien comprise. On
+comprend quel avantage un pareil système peut présenter pour les
+relations qui peuvent exister entre les aveugles. Comme deux feuilles
+d'étain peuvent être aussi facilement marquées par la pointe traçante
+de l'appareil qu'une seule, on peut expédier un message en double, ou
+bien en garder un comme copie ou contrôle <span class="pagenum"><a id="page300" name="page300"></a>(p. 300)</span> de la lettre
+envoyée. De cette manière les commerçants peuvent faire leur
+correspondance en secret et sans qu'elles passent par des tiers.</p>
+
+<p>«Comme au moyen de la parole on peut transmettre et entendre avec une
+vitesse de 150 à 200 mots par minute, l'expédition des dépêches pourra
+être effectuée beaucoup plus promptement que par les moyens
+ordinaires, et quand on en prendra connaissance, on pourra continuer
+ses occupations, en accompagnant même l'audition de la dépêche de
+commentaires, d'exclamations et de réflexions, comme cela a lieu dans
+une conversation échangée directement entre deux personnes.</p>
+
+<p>«Le phonographe permet encore à une personne ne sachant ni lire ni
+écrire de correspondre avec une autre placée dans le même cas, ou même
+avec les autres personnes qui ne pourront pas, de cette manière,
+s'apercevoir de son ignorance.</p>
+
+<p>«Les avantages de ce nouveau système de correspondance sont si
+nombreux qu'il est inutile de les faire ressortir davantage; ils
+viennent d'ailleurs immédiatement à l'esprit quand on considère la
+lenteur qu'entraîne l'inscription de la parole avec les procédés
+ordinaires.</p>
+
+<p class="p2">«<b>Dictées.</b>&mdash;Il est aussi facile de faire dicter la parole à un
+phonographe que de la dicter soi-même au phonographe en parlant devant
+son embouchure, et souvent cette dictée pourra être faite dans des
+conditions avantageuses. Ainsi, par exemple, si un imprimeur possédait
+un appareil de ce genre, il lui serait <span class="pagenum"><a id="page301" name="page301"></a>(p. 301)</span> plus facile de
+composer en entendant directement les mots sortir de l'appareil, que
+de les lire sur des manuscrits souvent illisibles et de détourner ses
+yeux de son travail manuel. Il serait même bon qu'il pût, pour la
+vérification et le contrôle, parler directement dans l'instrument.</p>
+
+<p>«Mais l'application la plus importante du phonographe au point de vue
+qui nous occupe en ce moment, est celle qui pourra en être faite, en
+justice, pour l'enregistration des dépositions des témoins, des
+plaidoiries des avocats, et des paroles des juges, et dans d'autres
+cas, à la reproduction des discours publics des orateurs. Il est vrai
+que le phonographe, dans son état actuel, ne peut pas encore résoudre
+ce problème; mais il sera bientôt assez perfectionné pour atteindre ce
+résultat.</p>
+
+<p class="p2">«<b>Livres.</b>&mdash;La lecture des livres étant effectuée dans de bonnes
+conditions par des personnes dont c'est la profession, on pourra en
+reproduire l'enregistrement phonographique, et en composer des
+recueils qui pourront être lus par le phonographe aux aveugles, aux
+malades ou aux personnes qui voudraient pendant ce temps occuper leurs
+yeux et leurs doigts à faire autre chose. Comme les feuilles
+enregistrées auraient été le résultat d'une bonne lecture, les
+auditeurs du phonographe auraient l'avantage d'entendre un bon
+lecteur, ce qui n'est pas toujours possible d'obtenir. Le prix d'un
+livre, dont la lecture pourrait être répétée 50 ou 100 fois et même
+plus, serait sans doute plus élevé qu'un livre ordinaire, mais cette
+élévation de prix <span class="pagenum"><a id="page302" name="page302"></a>(p. 302)</span> serait bien compensée par les avantages
+qu'on aurait de n'être plus obligé de lire le livre à haute voix.</p>
+
+<p class="p2">«<b>Besoins de l'éducation.</b>&mdash;Comme professeur d'élocution ou comme
+premier maître de lecture pour les enfants, le phonographe pourrait
+être d'un grand secours. Par son intermédiaire les passages difficiles
+pourraient être rendus correctement par l'élève, et celui-ci n'aurait
+plus qu'à avoir recours à son phonographe pour continuer à
+s'instruire. L'enfant pourrait ainsi s'exercer à épeler et à apprendre
+par c&oelig;ur une leçon récitée par le phonographe.</p>
+
+<p class="p2">«<b>Musique.</b>&mdash;Le phonographe, nous n'en doutons pas, pourra être appliqué
+avec avantage à la musique, car on pourra arriver, je le crois, à
+reproduire par son action un chant avec une grande force et une grande
+clarté. Un ami pourra donc nous envoyer avec son bonjour du matin un
+chant qui fera le soir le bonheur d'une réunion entière. On pourra
+même employer le phonographe comme maître de musique, car il pourra
+vous seriner un air et apprendre à l'enfant son premier chant. Il
+pourra même, comme une nourrice, endormir celui-ci dans une chanson.</p>
+
+<p class="p2">«<b>Impressions de famille.</b>&mdash;Les dernières paroles prononcées par un
+mourant à son lit de mort sont pour sa famille des souvenirs sacrés
+qu'on voudrait conserver, et ces souvenirs acquièrent une valeur plus
+grande encore quand ce mourant est un grand homme. Le phonographe
+permet de satisfaire à ce désir, et la <span class="pagenum"><a id="page303" name="page303"></a>(p. 303)</span> répétition de ses
+paroles devient alors d'autant plus émotionnante, qu'elles sont
+empreintes de cet accent solennel que la voix acquiert au moment
+suprême. C'est en quelque sorte la photographie de la parole, et comme
+par les procédés électrotypiques on peut multiplier les reproductions
+des paroles ainsi enregistrées, tous les membres d'une famille peuvent
+avoir un spécimen des dernières volontés et des dernières paroles d'un
+membre qui lui est cher.</p>
+
+<p class="p2">«<b>Livres phonographiques.</b>&mdash;Le peu de place que nécessite l'inscription
+de la parole par les moyens phonographiques permettrait d'obtenir sous
+un petit volume des livres phonographiques qui, entre autres avantages
+qu'ils pourraient présenter, auraient celui très-important de
+conserver aux générations futures l'intonation et la prononciation des
+différents mots de notre langage. Si on avait eu dans l'antiquité le
+phonographe, nous saurions aujourd'hui comment les Grecs et les
+Romains prononçaient les différentes lettres de leur alphabet, et nous
+pourrions avoir une idée du ton déclamatoire des Démosthènes et des
+Cicéron dans leurs discours. D'un autre côté, une lecture faite d'une
+manière aussi facile rendrait les ouvrages plus populaires, et
+beaucoup d'entre eux qui ne sont pas lus le seraient quand il ne
+s'agirait plus que d'écouter.</p>
+
+<p class="p2">«<b>Boîtes à musique, joujoux, etc.</b>&mdash;La seule difficulté qu'on ait
+jusqu'ici rencontrée dans la reproduction du chant par le phonographe,
+difficulté qui, du reste, pourra <span class="pagenum"><a id="page304" name="page304"></a>(p. 304)</span> être aplanie un jour, ce
+sont les sons étrangers et nasillards qui accompagnent cette
+reproduction et qui font qu'il est en ce moment impossible d'obtenir
+avec toute leur pureté et toute leur suavité les sons émis par la voix
+d'un habile chanteur. Si on pouvait se donner à volonté la
+reproduction d'un concert de la célèbre Adelina Patti, combien le
+phonographe deviendrait-il un instrument précieux!! Dans tous les cas,
+on pourra toujours obtenir de cette manière des effets bien supérieurs
+à ceux des boîtes à musique, puisqu'on pourra alors reproduire le
+chant de la voix humaine.</p>
+
+<p>Les poupées pourront maintenant parler, chanter, rire et crier, et les
+animaux eux-mêmes, reproduits en joujoux, pourront pousser les cris
+qui leur sont propres; il n'est pas jusqu'à un modèle de locomotive
+qui ne puisse faire entendre les bruits qui accompagnent sa marche.
+Dans certains cabinets de curiosités, les figures de cire représentant
+les grands hommes de l'époque, pourront non-seulement donner une image
+fidèle de leurs traits, mais encore les faire parler, et l'illusion
+sera complète. D'un autre côté, une horloge phonographique au lieu de
+sonner ses coups monotones, vous dira poliment l'heure qu'il est; elle
+vous invitera au lunch et vous indiquera l'heure du réveil ou l'heure
+du coucher, l'heure d'une affaire ou l'heure du plaisir.</p>
+
+<p class="p2">«<b>Applications à la télégraphie.</b>&mdash;Le phonographe perfectionnera le
+téléphone et révolutionnera le système actuel de la télégraphie. En ce
+moment, le téléphone a nécessairement un rôle restreint parce que
+<span class="pagenum"><a id="page305" name="page305"></a>(p. 305)</span> les messages échangés, n'étant pas enregistrés, se réduisent
+à une simple conversation qui ne présente pas les garanties voulues;
+mais du jour où les appareils seront assez perfectionnés pour
+enregistrer les messages, la question changera complètement d'aspect,
+et ce mode d'enregistration sera bien préférable à l'écriture
+ordinaire. En effet, lorsque nous inscrivons nos conventions
+commerciales, nous résumons brièvement notre pensée, et nous pouvons
+employer des expressions qui peuvent laisser certains doutes dans
+l'esprit; or, ces doutes peuvent donner lieu à des discussions,
+souvent même à des malentendus regrettables. Avec le téléphone combiné
+au phonographe, il n'en serait pas de même, car les discussions
+préliminaires des affaires se trouveraient enregistrées, et l'on
+aurait la reproduction textuelle de tout ce qui aurait été convenu.
+Chaque mot pourrait alors éclairer la discussion en cas de
+contestation, et dans ces conditions, on pourrait avoir avantage à
+traiter les affaires à distance plutôt que verbalement, car on ne
+pourrait pas alors chercher une forme de langage capable d'embrouiller
+les questions et de créer des sujets de chicane. S'il en est déjà
+ainsi pour des personnes habitant un même lieu, il devra, à plus forte
+raison, en être de même pour les personnes éloignées les unes des
+autres, et surtout pour celles qui usent fréquemment du télégraphe et
+de la poste.</p>
+
+<p>«Comment est-il possible d'arriver à un pareil résultat?... telle est
+la question qui doit naturellement nous être faite, et pour y répondre
+il suffira de dire que, puisque le téléphone et le phonographe mettent
+<span class="pagenum"><a id="page306" name="page306"></a>(p. 306)</span> tous les deux à contribution une lame vibrante
+impressionnable aux ondes sonores de l'air, on peut disposer cette
+lame de façon à fonctionner à la fois comme téléphone et comme
+phonographe, et de cette manière, celui qui parle enregistre lui-même
+la parole, il la conserve, et comme son correspondant peut en faire
+autant, on a ainsi tous les éléments d'une discussion sérieuse. On
+économise donc de cette manière beaucoup de temps et même souvent
+beaucoup d'argent.</p>
+
+<p>«Pour obtenir la solution de ce problème, il suffit de disposer
+l'appareil de manière à le rendre très-sensible à l'enregistration, et
+ce résultat peut être produit en augmentant l'amplitude des vibrations
+sur le téléphone transmetteur. Déjà le téléphone à charbon que j'ai
+imaginé peut être employé dans ce but, car il peut, tel qu'il est
+déjà, fournir quelques indications sur le phonographe, et comme je
+travaille toujours à le perfectionner à ce point de vue, on peut dès
+maintenant considérer cette application comme à peu près certaine.</p>
+
+<p>«Dans l'avenir, les Compagnies télégraphiques ne seront donc que des
+administrations possédant des réseaux de fils télégraphiques, des
+stations centrales et des stations de second ordre, dont les employés
+n'auront d'autres fonctions à remplir que de surveiller les lignes et
+les maintenir en bon état, de fournir les communications de fils
+nécessaires pour mettre en rapport tel abonné avec tel autre, et de
+noter le temps employé par chacun d'eux pour sa correspondance.</p>
+
+<p>«Les difficultés que peut présenter ce mode d'organisation
+télégraphiques aux yeux des personnes habituées aux anciens usages,
+sont très-minimes, et disparaîtront <span class="pagenum"><a id="page307" name="page307"></a>(p. 307)</span> fatalement devant les
+besoins croissants de l'humanité; car il n'est rien de tel pour faire
+disparaître les préjugés ou les partis pris, que les exigences du
+public. Or ces exigences naîtront du moment où l'on saura que, par un
+nouveau système de correspondance télégraphique, les intéressés
+peuvent être mis directement en présence et avoir leur correspondance
+enregistrée d'une manière infiniment plus exacte qu'avec le meilleure
+secrétaire possible.»</p>
+
+<p>Ici se termine le mémoire de M. Edison; mais depuis l'époque où il a
+paru, c'est-à-dire depuis le mois de juin 1878, plusieurs autres
+applications ont été encore combinées par lui, et parmi elles nous
+citerons celle qu'il en a faite à l'enregistration de la force des
+sons produits sur les chemins de fer, et notamment sur le chemin de
+fer métropolitain et aérien de New-York. L'appareil qu'il a construit
+dans ce but est d'ailleurs tout-à-fait analogue à celui de M. Léon
+Scott, et il lui adonné le même nom. Il est décrit et représenté d'une
+manière complète dans le <i>Daily Graphic</i>, du 19 juillet 1878, ainsi
+que l'aérophone, le mégaphone et le micro-tasimètre disposé pour les
+observations astronomiques. Nous sortirions du cadre que nous nous
+sommes tracé dans ce volume, si nous entrions dans de plus grands
+détails sur ces inventions; mais peut-être qu'un jour nous publierons
+un second volume dans lequel nous pourrons donner à ce sujet tous les
+développements qu'il comporte.</p>
+
+<p>Dernièrement, M. Lambrigot, fonctionnaire de l'administration des
+lignes télégraphiques, l'auteur de divers perfectionnements apportés
+au télégraphe Caselli, <span class="pagenum"><a id="page308" name="page308"></a>(p. 308)</span> m'a montré un système de phonographe
+combiné par lui et qui a été réduit à sa plus simple expression<a id="footnotetag32" name="footnotetag32"></a><a href="#footnote32" title="Lien vers la note 32"><span class="smaller">[32]</span></a>.</p>
+
+<p>Il a trouvé moyen, par un procédé extrêmement simple, d'imprimer
+fortement, à l'intérieur d'une petite rigole de cuivre, les vibrations
+déterminées par la voix, <span class="pagenum"><a id="page309" name="page309"></a>(p. 309)</span> et elles sont assez nettement
+gravées pour qu'en passant au travers la pointe émoussée d'une
+allumette, on puisse entendre des phrases entières. Il est vrai que
+cette reproduction de la parole est encore très-imparfaite, et qu'on
+ne distingue les mots que parce qu'on les connaît d'avance, mais il
+est possible qu'on puisse obtenir de meilleurs résultats en
+perfectionnant le système; toujours est-il que cette impression si
+nette des vibrations de la voix sur un métal dur est une invention
+réellement intéressante.<a href="#toc"><span class="small">[Table des Matières]</span></a></p>
+
+<h2><span class="pagenum"><a id="page310" name="page310"></a>(p. 310)</span> APPENDICES</h2>
+
+
+<p>Pour terminer, nous devons encore mentionner quelques travaux récents
+qui nous ont été communiqués trop tard pour occuper la place qui leur
+conviendrait.</p>
+
+<p>Le plus important est de M. A. Righi et se rapporte à un système de
+téléphone qui permet d'entendre à plusieurs mètres de l'instrument.
+Pour obtenir ce résultat, on emploie un transmetteur à pile et un
+récepteur Bell à membrane de parchemin très-analogue au modèle que
+nous avons représenté (fig. 13). Seulement à l'électro-aimant à deux
+branches de ce dernier modèle, est substitué le système ordinaire à
+barreau droit qui est beaucoup plus développé. Le transmetteur est à
+peu près le même que celui de la figure 18, sauf qu'au lieu de
+liquide, M. Righi emploie de la plombagine mêlée à de la poudre
+argentée, et que l'aiguille de platine est remplacée par un disque. Le
+récipient où est la poudre tassée est porté par un ressort que peut
+<span class="pagenum"><a id="page311" name="page311"></a>(p. 311)</span> pousser plus ou moins une vis de réglage. Enfin on emploie
+comme générateur électrique le courant de deux éléments de Bunsen.</p>
+
+<p>Quand la distance séparant les deux instruments est grande, on
+introduit dans le circuit, à chaque station, une bobine d'induction
+dont le fil primaire est traversé par le courant de la pile locale,
+ainsi que le transmetteur, et qui est relié d'autre part avec le
+récepteur par un commutateur. Le circuit secondaire de ces bobines est
+ensuite complété par la terre et le fil de ligne. Il résulte de cette
+disposition que le courant induit qui actionne le récepteur en
+correspondance, ne produit son effet qu'après une seconde induction
+déterminée sur le fil primaire de la bobine locale, et il paraît que
+cet effet est bien suffisant; mais l'on a l'avantage, avec cette
+disposition, de pouvoir transmettre et recevoir sans autre man&oelig;uvre
+à faire que celle du commutateur.</p>
+
+<p>Un autre travail intéressant nous a été aussi communiqué par MM. Ed.
+Houston et El. Thomson sur un relais téléphonique basé sur l'emploi du
+microphone. Dès le mois de février 1878, j'avais songé à ce problème,
+et voici ce que je disais dans ma communication à l'Académie du 25
+février: «Si les vibrations de la lame du téléphone récepteur étaient
+semblables à celles du téléphone transmetteur, il est facile de
+concevoir qu'en substituant au téléphone récepteur un téléphone à la
+fois récepteur et transmetteur ayant sa pile locale, ce dernier
+pourrait réagir comme un relais, grâce à l'intermédiaire de la bobine
+d'induction, et pourrait ainsi non-seulement amplifier les sons, mais
+<span class="pagenum"><a id="page312" name="page312"></a>(p. 312)</span> encore les transmettre à toute distance; mais il n'est pas
+prouvé que les vibrations des deux lames en correspondance soient de
+la même nature, et si les sons résultent de rétractions et dilatations
+moléculaires, le problème serait beaucoup plus difficile à résoudre.
+Ce sont des expériences à tenter.» Eh bien! ces expériences ont été
+tentées avec succès par M. Hughes, qui, ainsi qu'on l'a vu page <a href="#page194">194</a>,
+est parvenu, grâce à la combinaison du microphone au téléphone, à
+faire un relais téléphonique. Le relais de MM. Houston et Thomson ne
+diffère de celui de M. Hughes qu'en ce que le microphone, au lieu
+d'être placé sur une planche de bois à côté du téléphone, est fixé sur
+le diaphragme lui-même du téléphone et se compose de trois microphones
+à charbons verticaux que l'on peut associer en tension ou en quantité,
+suivant les conditions de l'application. Le modèle de cet appareil est
+reproduit dans la <i>Telegraphic Journal</i> du 15 août 1878, et nous y
+renvoyons le lecteur qui voudrait avoir plus de renseignements à ce
+sujet.</p>
+
+<p>D'un autre côté M. Hughes est parvenu à obtenir un relais téléphonique
+par l'intermédiaire de deux microphones à charbon vertical. En plaçant
+sur une planchette deux microphones de ce genre, et reliant l'un de
+ces microphones à un troisième servant de transmetteur, alors que le
+second est mis en rapport avec un téléphone et une seconde pile, on
+entend dans le téléphone les paroles prononcées devant le microphone
+transmetteur sans que le relais téléphonique mette à contribution
+aucun organe électro-magnétique.</p>
+
+<p><span class="pagenum"><a id="page313" name="page313"></a>(p. 313)</span> On peut encore obtenir la reproduction de la parole au moyen
+d'un microphone, en fixant sur la même planche que ce microphone un
+aimant en fer à cheval entre les pôles duquel est adapté un noyau de
+fer doux recouvert de la bobine magnétisante. C'est encore un système
+de <i>relais téléphonique</i> qui fonctionne sans diaphragme
+électro-magnétique.</p>
+
+<p>Enfin, on peut faire parler distinctement un téléphone sans noyau
+magnétique. Une simple lame de fer et un tube de cuivre évasé sur
+lequel est enroulée la bobine, tels sont les éléments constituants de
+ce nouvel instrument qui, suivant l'auteur, <i>parlerait plus
+distinctement qu'un Bell ordinaire</i> sous l'influence d'un microphone
+transmetteur et d'une pile de six éléments Leclanché.</p>
+
+<p>M. Ader, de son côté, vient d'exécuter un modèle de téléphone qui a
+aussi son mérite. Le récepteur n'est autre chose qu'un électro-aimant
+ordinaire à deux branches, dont l'armature est soutenue à deux
+millimètres environ de ses pôles, par une lame de verre à laquelle
+elle est collée, et qui elle-même est fixée à deux supports rigides.
+Pour entendre, il suffit de l'appliquer contre l'oreille. Le
+transmetteur est une tige mobile de fer ou de charbon qui appuie sur
+un morceau de charbon fixe, sans autre pression que son poids, et qui
+porte une plaque concave devant laquelle on parle. Ces deux pièces
+sont disposées de manière à se mouvoir horizontalement, de sorte que,
+quand l'appareil est suspendu, le circuit est forcément disjoint par
+ce seul fait, alors qu'il se trouve fermé au moment où on prend
+l'appareil pour parler. La parole est très-bien <span class="pagenum"><a id="page314" name="page314"></a>(p. 314)</span> reproduite
+avec ce système qui, exécuté dans de plus grandes dimensions, peut
+transmettre la parole à une certaine distance.</p>
+
+<p>En fait de microphones, nous devons encore signaler de nouveaux
+modèles combinés par M. Trouvé, dont un est représenté fig. 67. Ils
+sont d'une simplicité réellement remarquable et peuvent se prêter à
+beaucoup d'expériences différentes; ils se composent généralement
+d'une petite boîte cylindrique verticale, dont les deux bases sont
+constituées par deux disques de charbon dont les centres sont réunis
+soit par une tige de charbon, soit par une tige métallique. Ces boîtes
+peuvent s'ouvrir, et servent en même temps de caisse pour renfermer
+des insectes dont on veut étudier les bruits; elles peuvent être
+suspendues à une potence par les deux fils de communication pour
+éviter les coussins, et en s'appliquant sur le cadran d'une montre,
+elles en révèlent les battements avec une certaine intensité.</p>
+
+<p>Au moment où nous terminons l'impression de notre volume, nous
+recevons de M. Edison la communication suivante, signée de MM. Edison,
+Batchelor et J. Adams, qui semblerait indiquer que le récepteur
+téléphonique sans organe électro-magnétique aurait été découvert par
+lui dès le 24 septembre 1877. Cette communication est une copie
+extraite du registre d'expériences de M. Edison et qui est ainsi
+conçue:</p>
+
+<div class="quote">
+<p class="right10">«Sept. 24 1877.</p>
+
+ <p>Télégraphe parlant.</p>
+
+ <p>Ce soir, en essayant des parleurs, nous avons remarqué <span class="pagenum"><a id="page315" name="page315"></a>(p. 315)</span>
+ que les sons ordinaires étaient reproduits très-haut. Quand j'ai
+ fait éloigner le receveur de M. Batchelor, celui-ci remarqua ou
+ crut entendre M. Adams parler dans le transmetteur. Cherchant à
+ se rendre compte de cet effet, il répéta l'expérience et reconnut
+ qu'il ne s'était pas trompé, et il continua la conversation avec
+ M. Adams pendant plusieurs minutes, <i>en n'employant que deux
+ transmetteurs</i>. La pile se composait de 12 éléments, et le
+ circuit était de 1200 Ohms (120 kilomètres de fil télégraphique);
+ mais avec 100, on pouvait fonctionner sur une ligne. Toutefois,
+ comme les sons transmis étaient un peu bas, les sons reproduits
+ l'étaient également, et même n'étaient pas toujours entendus. Je
+ me propose d'entreprendre une série d'expériences avec un
+ récepteur basé sur le principe de l'expansion et avec différentes
+ compositions.</p>
+
+<p class="right10 smcap">MM. A. Edison, Mac. Batchelor, James Adams.</p>
+</div>
+
+<p>Une seconde communication de M. Edison, qu'il m'a également envoyée,
+se rapporte à un appareil auquel il a donné le nom de <i>gouverneur
+électrique</i>. C'est un électro-aimant dont l'armature, soulevée par un
+ressort antagoniste, appuie contre un disque de charbon placé
+au-dessus d'elle et du côté opposé au pôle électro-magnétique. Le
+courant qui passe à travers l'électro-aimant continue sa marche à
+travers le disque de charbon, et suivant que la pression exercée par
+l'armature sur le charbon est plus ou moins grande, son intensité est
+plus ou moins marquée. Or cette pression dépend de l'excès de force du
+ressort antagoniste sur l'attraction électro-magnétique. Quand
+celle-ci s'affaiblit, la pression <span class="pagenum"><a id="page316" name="page316"></a>(p. 316)</span> sur le charbon augmente,
+et l'intensité du courant, devenant plus forte, fait réagir
+l'électro-aimant plus fortement. Quand, au contraire, celui-ci agit
+trop fortement, la pression sur le charbon diminuant, affaiblit le
+courant et, par suite, l'action électro-magnétique se trouve forcée de
+rester constante entre les limites qui ont été réglées. On comprend
+qu'en ajoutant au-dessus du charbon dont il vient d'être question un
+second charbon isolé du premier, on pourrait faire réagir l'appareil
+sur un second circuit qui se trouverait régularisé en même temps.</p>
+
+<p>Un régulateur d'une disposition analogue, mais fondé sur un autre
+principe, avait été déjà appliqué par MM. Lacassagne et Thiers pour un
+régulateur de lumière électrique.<a href="#toc"><span class="small">[Table des Matières]</span></a></p>
+
+<a id="img067" name="img067"></a>
+<div class="figcenter">
+<img src="images/img067.jpg" width="400" height="318" alt="" title="">
+<p>Fig. 67.</p>
+</div>
+
+<a id="toc" name="toc"></a>
+<h2><span class="pagenum"><a id="page317" name="page317"></a>(p. 317)</span> TABLE DES MATIÈRES</h2>
+
+
+<div class="toc">
+<ul class="none">
+<li>Un coup d'&oelig;il historique <span class="ralign"><a href="#page001">1</a></span></li>
+</ul>
+
+<p class="p2">TÉLÉPHONES MUSICAUX.</p>
+<ul class="none">
+<li>Téléphone de M. Reiss <span class="ralign"><a href="#page011">11</a></span></li>
+<li>Téléphone de MM. Cécil et Léonard Wray <span class="ralign"><a href="#page015">15</a></span></li>
+<li>Harmonica électrique <span class="ralign"><a href="#page018">18</a></span></li>
+<li>Téléphone de M. Elisha Gray <span class="ralign"><a href="#page021">21</a></span></li>
+<li>Téléphone de M. Varley <span class="ralign"><a href="#page025">25</a></span></li>
+</ul>
+
+<p class="p2">TÉLÉPHONES PARLANTS.</p>
+<ul class="none">
+<li>Téléphones à ficelle <span class="ralign"><a href="#page027">27</a></span></li>
+<li>Perfectionnements apportés aux téléphones à ficelle <span class="ralign"><a href="#page029">29</a></span></li>
+<li>Téléphone électrique de M. Graham Bell <span class="ralign"><a href="#page032">32</a></span></li>
+<li>Part de M. Elisha Gray dans l'invention du téléphone <span class="ralign"><a href="#page056">56</a></span></li>
+</ul>
+
+<p class="p2">EXAMEN DES PRINCIPES FONDAMENTAUX SUR LESQUELS REPOSE LE TÉLÉPHONE BELL.</p>
+<ul class="none">
+<li>Exposition de ces principes <span class="ralign"><a href="#page060">60</a></span></li>
+</ul>
+
+<p class="p2">DISPOSITION ORDINAIRE DES TÉLÉPHONES BELL.</p>
+<ul class="none">
+<li>Description et étude <span class="ralign"><a href="#page064">64</a></span></li>
+</ul>
+
+<p class="p2">DISPOSITIONS DIFFÉRENTES DES TÉLÉPHONES.</p>
+<ul class="none">
+<li>Exposé de la question <span class="ralign"><a href="#page075">75</a></span></li>
+</ul>
+
+<p class="p2">TÉLÉPHONES À PILE.</p>
+<ul class="none">
+<li>Téléphone de M. Edison <span class="ralign"><a href="#page076">76</a></span></li>
+<li>Téléphone musical d'Edison <span class="ralign"><a href="#page081">81</a></span></li>
+<li>Téléphones du colonel Navez <span class="ralign"><a href="#page085">85</a></span></li>
+<li>Téléphones de MM. Pollard et Garnier <span class="ralign"><a href="#page088">88</a></span></li>
+<li>Téléphone à réaction de M. Hellesen <span class="ralign"><a href="#page090">90</a></span></li>
+<li>Téléphone à réaction de MM. Thomson et Houston <span class="ralign"><a href="#page092">92</a></span></li>
+<li>Téléphones à piles et à transmetteurs liquides <span class="ralign"><a href="#page093">93</a></span></li>
+<li>Téléphones à pile et à arcs voltaïques <span class="ralign"><a href="#page097">97</a></span></li>
+<li>Téléphones à mercure <span class="ralign"><a href="#page099">99</a></span></li>
+</ul>
+
+<p class="p2">MODIFICATIONS APPORTÉES À LA CONSTRUCTION DES TÉLÉPHONES BELL.</p>
+<ul class="none">
+<li>Téléphones à diaphragmes multiples <span class="ralign"><a href="#page104">104</a></span></li>
+<li>Système de M. Elisha Gray <span class="ralign"><a href="#page106">106</a></span></li>
+<li>Système de M. Phelps <span class="ralign"><a href="#page108">108</a></span></li>
+<li>Système de M. Cox-Walker <span class="ralign"><a href="#page110">110</a></span></li>
+<li>Systèmes de M. Trouvé <span class="ralign"><a href="#page110">110</a></span></li>
+<li>Système de M. Demoget <span class="ralign"><a href="#page113">113</a></span></li>
+<li>Modifications dans la disposition des organes téléphoniques <span class="ralign"><a href="#page114">114</a></span></li>
+</ul>
+
+<p class="p2">EXPÉRIENCES RELATIVES AU TÉLÉPHONE.</p>
+<ul class="none">
+<li>Expériences sur les effets produits par les courants voltaïques et les courants induits <span class="ralign"><a href="#page117">117</a></span></li>
+<li>Expériences sur le rôle des différents organes d'un téléphone dans la transmission de la parole <span class="ralign"><a href="#page124">124</a></span></li>
+<li>Expériences sur les effets résultant de chocs mécaniques communiqués à différentes parties d'un téléphone <span class="ralign"><a href="#page134">134</a></span></li>
+<li>Théorie du téléphone <span class="ralign"><a href="#page139">139</a></span></li>
+</ul>
+
+<p class="p2">EXPÉRIENCES DIVERSES FAITES AVEC LE TÉLÉPHONE.</p>
+<ul class="none">
+<li>Expériences de M. d'Arsonval <span class="ralign"><a href="#page149">149</a></span></li>
+<li>Expériences de M. Demoget <span class="ralign"><a href="#page152">152</a></span></li>
+<li>Expériences de M. Hellesen <span class="ralign"><a href="#page156">156</a></span></li>
+<li>Expériences de M. Zetzche <span class="ralign"><a href="#page157">157</a></span></li>
+<li>Expériences que tout le monde peut faire <span class="ralign"><a href="#page158">158</a></span></li>
+</ul>
+
+<p class="p2">LE MICROPHONE.</p>
+<ul class="none">
+<li>Historique de la question <span class="ralign"><a href="#page159">159</a></span></li>
+<li>Différents systèmes de microphones <span class="ralign"><a href="#page164">164</a></span></li>
+<li>Le microphone employé comme organe parlant <span class="ralign"><a href="#page175">175</a></span></li>
+<li>Autres dispositions de microphones <span class="ralign"><a href="#page179">179</a></span></li>
+<li>Expériences faites avec le microphone <span class="ralign"><a href="#page181">181</a></span></li>
+</ul>
+
+<p class="p2">EFFETS DES ACTIONS EXTÉRIEURES SUR LES TRANSMISSIONS TÉLÉPHONIQUES.</p>
+<ul class="none">
+<li>Exposé de la question <span class="ralign"><a href="#page203">203</a></span></li>
+</ul>
+
+<p class="p2">INSTALLATION D'UN POSTE TÉLÉPHONIQUE.</p>
+<ul class="none">
+<li>Système de MM. Pollard et Garnier <span class="ralign"><a href="#page216">216</a></span></li>
+<li>Système de MM. Bréguet et Roosevelt <span class="ralign"><a href="#page219">219</a></span></li>
+<li>Système de M. Edison <span class="ralign"><a href="#page223">223</a></span></li>
+</ul>
+
+<p class="p2">SONNERIES D'APPEL ET AVERTISSEURS.</p>
+<ul class="none">
+<li>Exposé de la question <span class="ralign"><a href="#page225">225</a></span></li>
+<li>Système de M. de Weinhold <span class="ralign"><a href="#page227">227</a></span></li>
+<li>Système de MM. Dutertre et Gouhault <span class="ralign"><a href="#page229">229</a></span></li>
+<li>Système de M. Puluj <span class="ralign"><a href="#page231">231</a></span></li>
+</ul>
+
+<p class="p2">APPLICATIONS DU TÉLÉPHONE.</p>
+<ul class="none">
+<li>Exposé général <span class="ralign"><a href="#page232">232</a></span></li>
+</ul>
+
+<p class="p2">APPLICATIONS DU TÉLÉPHONE AUX TRANSMISSIONS TÉLÉGRAPHIQUES SIMULTANÉES.</p>
+<ul class="none">
+<li>Historique de la question <span class="ralign"><a href="#page234">234</a></span></li>
+<li>Système de Bell <span class="ralign"><a href="#page237">237</a></span></li>
+<li>Système de M. Paul Lacour <span class="ralign"><a href="#page241">241</a></span></li>
+<li>Système de M. Elisha Gray <span class="ralign"><a href="#page246">246</a></span></li>
+<li>Système de M. Varley <span class="ralign"><a href="#page255">255</a></span></li>
+</ul>
+
+<p class="p2">APPLICATIONS DIVERSES DU TÉLÉPHONE.</p>
+<ul class="none">
+<li>Application aux usages domestiques <span class="ralign"><a href="#page258">258</a></span></li>
+<li>Application aux services télégraphiques <span class="ralign"><a href="#page259">259</a></span></li>
+<li>Application aux arts militaires <span class="ralign"><a href="#page261">261</a></span></li>
+<li>Application à la marine <span class="ralign"><a href="#page263">263</a></span></li>
+<li>Applications industrielles <span class="ralign"><a href="#page265">265</a></span></li>
+<li>Application aux recherches scientifiques <span class="ralign"><a href="#page265">265</a></span></li>
+</ul>
+
+<p class="p2">LE PHONOGRAPHE.</p>
+<ul class="none">
+<li>Historique de cette découverte <span class="ralign"><a href="#page267">267</a></span></li>
+<li>Description du phonographe et manière de s'en servir <span class="ralign"><a href="#page273">273</a></span></li>
+<li>Considérations théoriques <span class="ralign"><a href="#page287">287</a></span></li>
+</ul>
+
+<p class="p2">APPLICATIONS DU PHONOGRAPHE ET SON AVENIR.</p>
+<ul class="none">
+<li>Mémoire de M. Edison sur cette question <span class="ralign"><a href="#page293">293</a></span></li>
+<li>Écriture des lettres <span class="ralign"><a href="#page298">298</a></span></li>
+<li>Dictées <span class="ralign"><a href="#page300">300</a></span></li>
+<li>Livres <span class="ralign"><a href="#page301">301</a></span></li>
+<li>Besoins de l'éducation <span class="ralign"><a href="#page302">302</a></span></li>
+<li>Musique <span class="ralign"><a href="#page302">302</a></span></li>
+<li>Impressions de famille <span class="ralign"><a href="#page302">302</a></span></li>
+<li>Livres phonographiques <span class="ralign"><a href="#page303">303</a></span></li>
+<li>Boîtes à musique, joujoux, etc. <span class="ralign"><a href="#page303">303</a></span></li>
+<li>Applications à la télégraphie <span class="ralign"><a href="#page304">304</a></span></li>
+<li>Phonautographe <span class="ralign"><a href="#page307">307</a></span></li>
+<li>Disposition de M. Lambrigot <span class="ralign"><a href="#page307">307</a></span></li>
+<li>Appendices <span class="ralign"><a href="#page310">310</a></span></li>
+<li>Table des matières <span class="ralign"><a href="#page317">317</a></span></li>
+</ul>
+</div>
+
+
+<p class="p4 center">FIN.</p>
+
+<p class="p4 center">21 651.&mdash;Typographie Lahure, rue de Fleurus, 9, à Paris</p>
+
+
+<p class="p4"><a id="footnote1" name="footnote1"></a>
+<b>Note 1:</b> Voy. t. II, p. 225, et t. III, p. 110, de la 2<sup>e</sup> édition
+du même ouvrage publiée en 1857.<a href="#footnotetag1"><span class="small">[Retour au texte principal]</span></a></p>
+
+<p><a id="footnote2" name="footnote2"></a>
+<b>Note 2:</b> Voy. le <i>Journal de la Société des Ingénieurs
+télégraphistes de Londres</i>, t. VI, p. 417 et 419.<a href="#footnotetag2"><span class="small">[Retour au texte principal]</span></a></p>
+
+<p><a id="footnote3" name="footnote3"></a>
+<b>Note 3:</b> Voy. le Mémoire de M. Bell dans le <i>Journal de la Société
+des Ingénieurs télégraphistes de Londres</i>, t. VI, p. 407.<a href="#footnotetag3"><span class="small">[Retour au texte principal]</span></a></p>
+
+<p><a id="footnote4" name="footnote4"></a>
+<b>Note 4:</b> Cette description n'était que la répétition d'un article
+publié antérieurement dans le <i>Journal de l'Arrondissement de
+Valognes</i>.<a href="#footnotetag4"><span class="small">[Retour au texte principal]</span></a></p>
+
+<p><a id="footnote5" name="footnote5"></a>
+<b>Note 5:</b> M. Gray dans un article inséré dans le <i>Telegrapher</i> du 7
+octobre 1876, et dont on trouvera une traduction dans les <i>Annales
+télégraphiques</i> de mars-avril 1877, p. 97-120, entre dans de longs
+détails sur ce mode de transmission des sons par les tissus du corps
+humain, et voici, suivant lui, les conditions dans lesquelles il faut
+être placé pour obtenir de bons résultats:</p>
+
+<p>1<sup>o</sup> Les émissions électriques doivent avoir une tension considérable
+pour rendre l'effet perceptible à l'oreille;</p>
+
+<p>2<sup>o</sup> La substance employée pour toucher la plaque métallique doit être
+douce, flexible et conductrice jusqu'au point de contact; là, il faut
+interposer une résistance très-mince, ni trop grande ni trop petite;</p>
+
+<p>3<sup>o</sup> La plaque et la main ou autre tissu, ne doivent pas seulement être
+en contact, il faut que ce contact résulte d'un frottement ou d'un
+glissement;</p>
+
+<p>4<sup>o</sup> Les parties en contact doivent être sèches, afin de conserver le
+degré voulu de résistance.<a href="#footnotetag5"><span class="small">[Retour au texte principal]</span></a></p>
+
+<p><a id="footnote6" name="footnote6"></a>
+<b>Note 6:</b> Voici les noms des physiciens qu'il cite dans son
+<i>Mémoire sur l'électric telephony</i>: MM. Page, Marrian, Beatson,
+Gassiot, De la Rive, Matteucci, Guillemin, Wertheim, Wartmann,
+Janniar, Joule, Laborde, Legat, Reiss, Poggendorff, du Moncel,
+Delezenne, Gore, etc. (Voy. le Mémoire de M. G. Bell, dans le <i>Journal
+de la Société des Ingénieurs télégraphistes de Londres</i>, t. VI, p.
+590, 391.)<a href="#footnotetag6"><span class="small">[Retour au texte principal]</span></a></p>
+
+<p><a id="footnote7" name="footnote7"></a>
+<b>Note 7:</b> Ceci n'est pas exact, car M. Elisha Gray en avait déjà
+reconnu l'importance pour les transmissions des sons combinés.<a href="#footnotetag7"><span class="small">[Retour au texte principal]</span></a></p>
+
+<p><a id="footnote8" name="footnote8"></a>
+<b>Note 8:</b> Ce système, comme on le verra, est venu après celui de M.
+Elisha Gray.<a href="#footnotetag8"><span class="small">[Retour au texte principal]</span></a></p>
+
+<p><a id="footnote9" name="footnote9"></a>
+<b>Note 9:</b> C'est cette disposition qui est représentée dans le
+brevet de M. Bell, de février 1876.<a href="#footnotetag9"><span class="small">[Retour au texte principal]</span></a></p>
+
+<p><a id="footnote10" name="footnote10"></a>
+<b>Note 10:</b> Cet appareil était constitué par un système
+électro-magnétique composé d'un électro-aimant M recouvert par une
+bobine d'induction et devant les pôles duquel était placée la membrane
+avec son disque de fer. Cette membrane pouvait être plus ou moins
+tendue au moyen des vis v, v, v adaptées à une sorte d'entonnoir E
+formant cornet acoustique, et servant d'embouchure: le système
+électro-magnétique était soutenu par une vis qui permettait de
+l'éloigner plus ou moins de la membrane et, par conséquent, du disque
+de fer qui servait d'armature.<a href="#footnotetag10"><span class="small">[Retour au texte principal]</span></a></p>
+
+<p><a id="footnote11" name="footnote11"></a>
+<b>Note 11:</b> S'il faut en croire M. Prescott, ce transmetteur, que M.
+Bell semble vouloir s'attribuer, était l'appareil de Gray lui-même.<a href="#footnotetag11"><span class="small">[Retour au texte principal]</span></a></p>
+
+<p><a id="footnote12" name="footnote12"></a>
+<b>Note 12:</b> Cette propriété était connue depuis longtemps, mais non
+appliquée. Je l'avais indiquée dès 1856 dans le tome I de mon <i>Exposé
+des applications de l'électricité</i>, page 240 (2<sup>e</sup> édition), à propos
+des interrupteurs de circuit. J'en ai parlé encore dans un Mémoire sur
+les électro-aimants à fil nu (publié en 1865 dans les <i>Annales
+télégraphiques</i>) et dans plusieurs notes présentées à l'Académie des
+sciences en 1872 et 1875 sur la conductibilité des limailles et
+poussières conductrices. M. Clérac, de son côté, en 1865, la mettait à
+contribution pour obtenir des résistances variables.<a href="#footnotetag12"><span class="small">[Retour au texte principal]</span></a></p>
+
+<p><a id="footnote13" name="footnote13"></a>
+<b>Note 13:</b> J'ai pu, dès l'année 1865, m'assurer de la vérité de
+cette observation, en provoquant le serrage des spires d'un
+électro-aimant à fil nu. Plus le nombre des spires était considérable
+dans le sens de la pression, plus les différences de résistance de
+l'hélice magnétisante étaient accentuées.<a href="#footnotetag13"><span class="small">[Retour au texte principal]</span></a></p>
+
+<p><a id="footnote14" name="footnote14"></a>
+<b>Note 14:</b> M. Hellesen m'a communiqué le dessin de son appareil le
+3 mai 1878. Or les expériences faites à Copenhague dataient de plus de
+six semaines.<a href="#footnotetag14"><span class="small">[Retour au texte principal]</span></a></p>
+
+<p><a id="footnote15" name="footnote15"></a>
+<b>Note 15:</b> M. J. M. Page avait déjà reconnu que si un téléphone est
+placé dans le circuit de l'hélice primaire d'une bobine d'induction
+alors que l'hélice secondaire de cet appareil est placée dans le
+circuit d'un électromètre capillaire de M. Lippmann, il se produit à
+chaque mot prononcé dans le téléphone un mouvement de la colonne
+mercurielle de l'électromètre, lequel mouvement s'effectue vers le
+bout capillaire du tube et quelle que soit la direction du courant
+envoyé par le téléphone. On reconnut que cet effet était dû à ce que
+le mercure tend toujours à se mouvoir plus rapidement du côté du bout
+capillaire que du côté opposé.<a href="#footnotetag15"><span class="small">[Retour au texte principal]</span></a></p>
+
+<p><a id="footnote16" name="footnote16"></a>
+<b>Note 16:</b> Voici un extrait d'une lettre de M. Edison relative à
+ces expériences et qui est datée du 25 novembre 1877.</p>
+
+<p>«J'ai construit, dit-il, un couple de téléphones fonctionnant avec des
+diaphragmes de cuivre et qui est basé sur les effets du magnétisme de
+rotation d'Arago. J'ai reconnu qu'un diaphragme de cuivre peut
+remplacer la lame de fer, dans l'appareil de Bell, si le cuivre a
+seulement 1/32 de pouce d'épaisseur. L'effet produit est très-petit
+quand le diaphragme de cuivre existe dans les deux appareils en
+correspondance, mais quand l'un de ces appareils, le récepteur,
+conserve la disposition ordinaire et que le téléphone transmetteur
+seul est muni de la lame de cuivre, on peut parler des deux côtés avec
+facilité.»</p>
+
+<p>M. Preece a répété ces expériences, mais il n'a obtenu que des effets
+extrêmement faibles et à peine distincts; il croit, en conséquence,
+qu'ils ne peuvent être d'aucune utilité pour la pratique, mais qu'ils
+sont très-intéressants au point de vue théorique.<a href="#footnotetag16"><span class="small">[Retour au texte principal]</span></a></p>
+
+<p><a id="footnote17" name="footnote17"></a>
+<b>Note 17:</b> Suivant M. J. Bosscha, qui a publié dans les <i>Archives
+néerlandaises</i>, T. XIII, un mémoire très-intéressant sur l'intensité
+des courants électriques du téléphone, l'intensité minima de courant
+nécessaire pour fournir un son dans un téléphone par la vibration de
+son diaphragme, pourrait être au-dessous de un cent millième de celle
+d'un élément Daniell, et le déplacement du centre du diaphragme
+pourrait être alors invisible, car il ne serait guère que de 2,5
+millionièmes de millimètre pour une intensité de courant n'étant que
+un dix-millième de l'intensité du même élément Daniell. Quant à
+l'amplitude des mouvements produits par le diaphragme sous l'influence
+de la voix, il n'a pu la mesurer exactement, mais il la croit
+inférieure à un millième de millimètre, et il en résulterait que, pour
+un son de 880 vibrations, l'intensité des courants induits développés
+serait 0,0000792 de l'unité d'intensité électro-magnétique.<a href="#footnotetag17"><span class="small">[Retour au texte principal]</span></a></p>
+
+<p><a id="footnote18" name="footnote18"></a>
+<b>Note 18:</b> Voici comment ces expériences sont décrites par
+l'auteur: les aimants employés avaient à peu près les dimensions
+ordinaires, 1 pouce 1/2 de diamètre, et une longueur environ huit fois
+aussi grande. On s'est servi d'abord de plaques de fer; mais elles
+n'étaient nullement nécessaires. Mettant de côté ces plaques, j'ai
+essayé naturellement un certain nombre de substances: d'abord une
+plaque mince d'étain qui convenait parfaitement et pour transmetteur
+et pour récepteur. Une plaque de tôle de 1/10 d'épaisseur environ
+n'opérait pas aussi bien, mais tout ce qu'on disait était parfaitement
+compris. En faisant les expériences avec ces plaques, on les mettait
+simplement au haut de l'instrument sans qu'elles y fussent fixées en
+aucune manière; le pavillon en bois du sommet et la cavité conique a
+été aussi mis de côté, parce que la transmission et la réception se
+faisaient également sans elles. Cette partie de l'instrument semble
+superflue, car le son, lorsque la simple plaque est appuyée à plat
+contre l'oreille, paraît plus fort à cause de sa plus grande
+proximité. Maintenant, les plaques de fer ne paraissent pas être
+absolument nécessaires, quoique le fer agisse mieux qu'aucune autre
+chose, et que les substances diamagnétiques agissent aussi très-bien.
+Désirant que mon assistant qui était à une certaine distance et ne
+pouvait en aucune manière percevoir un son direct, continuât de
+compter pendant quelque temps, j'ai enlevé la plaque de fer et mis en
+travers de l'instrument un large barreau de fer, de 1/1 de pouce
+d'épaisseur. En plaçant mon oreille contre lui, j'ai entendu chaque
+nombre distinctement, mais un peu affaibli. Un morceau carré de
+cuivre, de 3/3 de pouce, a été mis en place; le son quoique distinct,
+n'était pas aussi fort que précédemment. Des morceaux épais de plomb,
+de zinc et d'acier ont été tour à tour essayés. L'acier agit à peu
+près comme le fer, et, comme dans les autres cas, chaque mot prononcé
+était faiblement et distinctement entendu. Quelques-uns de ces métaux
+étaient diamagnétiques, et cependant l'action se produisait. Des
+substances non métalliques ont été ensuite essayées; d'abord un
+morceau de verre de vitre; il opérait vraiment très-bien. Avec du
+bois, un morceau d'une boîte à allumettes, l'action était faible; mais
+en plaçant des morceaux d'une épaisseur graduellement croissante, le
+son augmentait sensiblement, et avec un morceau grossier de bois de 1
+pouce 1/2 d'épaisseur, le son était parfaitement distinct. J'ai mis
+ensuite en place une boîte vide en bois; elle agissait très-bien. Un
+morceau de liège épais de 1/2 pouce agissait, mais un peu faiblement.
+Un bloc de pierre à rasoir, épais de 2 pouces, a été placé sur
+l'instrument, et en appliquant l'oreille contre lui, on pouvait suivre
+facilement celui qui parlait. Alors j'ai essayé sans qu'il y eût rien
+d'interposé, et j'ai placé mon oreille tout contre l'aimant et la
+bobine, et, ce qui est vraiment très-curieux, sans aucune plaque
+vibrante, j'ai pu entendre faiblement, et en écoutant attentivement
+j'ai pu comprendre tout ce qu'on disait. La chose a été répétée
+plusieurs fois: la transmission mécanique du son était impossible, car
+beaucoup de mètres de fil étaient couchés sur le sol, et cependant
+sans qu'il y eût rien d'interposé (excepté de l'air) entre mon oreille
+et l'extrémité de l'aimant, j'ai pu comprendre ce qui était dit. Dans
+toutes ces expériences, les sons ont été perçus, mais les sons
+transmis ou essayés agissaient un peu différemment. Un diapason, qu'on
+faisait sonner et qu'on plaçait sur la plaque même de fer ou sur le
+bois de l'instrument était entendu clairement; pour la parole, les
+plaques minces de fer agissaient mieux. Avec d'autres corps, la
+pierre, le bois épais, le verre, le zinc, etc., le son du diapason
+était entendu, soit qu'il reposât sur eux, soit qu'on tînt sur eux la
+branche vibrante. Ces corps épais ne convenaient pas pour transmettre
+le son de la voix. Tous ont été mis de côté, et l'instrument sonore a
+été tenu directement sur le pôle de l'aimant; le son a été clairement
+entendu, quoiqu'il n'y eût rien d'interposé, excepté l'air, entre le
+diapason et l'extrémité de l'aimant. L'intensité du son n'était
+peut-être pas aussi grande quand le diapason posait directement sur le
+pôle que quand il était tenu sur l'extrémité de l'aimant. J'ai ensuite
+essayé si ma voix serait entendue avec cet arrangement. Le résultat a
+été un peu douteux, mais je pense que quelque action a dû se produire,
+car le diapason était entendu lorsqu'il vibrait simplement dans le
+voisinage du pôle; l'effet produit par la voix doit avoir différé
+seulement par le degré d'intensité; il était trop faible pour être
+entendu à l'autre extrémité. J'ai répété ces résultats, je les ai
+rendus tout à fait certains, et j'ai réussi à transmettre les sons
+très-distinctement sans plaque sur le pôle, et j'ai entendu en retour
+distinctement tout ce qui était dit en plaçant mon oreille contre
+l'instrument, sans qu'il y eût aucune plaque.<a href="#footnotetag18"><span class="small">[Retour au texte principal]</span></a></p>
+
+<p><a id="footnote19" name="footnote19"></a>
+<b>Note 19:</b> Voir les Mémoires de MM. de la Rive et Guillemin aux
+<i>Comptes rendus de l'Académie des sciences</i>, t. XXII.<a href="#footnotetag19"><span class="small">[Retour au texte principal]</span></a></p>
+
+<p><a id="footnote20" name="footnote20"></a>
+<b>Note 20:</b> Voici ses propres paroles: «The articulation produced
+from the instrument (le récepteur à électro-aimant tubulaire) was
+remarkably distinct, but its great defect consisted in the fact that
+it could not be used as a transmitting instrument, and thus two
+telephones were required at each station, one for transmitting and one
+for receiving spoken messages.»<a href="#footnotetag20"><span class="small">[Retour au texte principal]</span></a></p>
+
+<p><a id="footnote21" name="footnote21"></a>
+<b>Note 21:</b> Voici textuellement ce que j'en dis dans cet ouvrage:
+«Une chose curieuse à constater et qui paraît être, au premier abord,
+en contradiction avec la théorie que l'on s'est faite de
+l'électricité, c'est que la plus ou moins grande pression exercée
+entre les pièces de contact des interrupteurs influe considérablement
+sur l'intensité des courants qui les traverse. Cela tient souvent à ce
+que les métaux ne sont pas toujours dans un état parfait de décapage
+au point de contact, mais peut-être aussi à une cause physique encore
+mal appréciée. Ce qui est certain, c'est que dans les interrupteurs où
+la pièce mobile de contact est sollicitée par une force extrêmement
+minime, le courant éprouve souvent des affaiblissements assez notables
+pour faire manquer la réaction électrique qu'on attend d'eux.»<a href="#footnotetag21"><span class="small">[Retour au texte principal]</span></a></p>
+
+<p><a id="footnote22" name="footnote22"></a>
+<b>Note 22:</b> On obtient ces charbons en chauffant pendant 20 minutes
+à une température qu'on élève successivement jusqu'au rouge blanc, des
+fragments de bois de sapin à fibres serrées que l'on enferme dans une
+boîte ou un tube de fer hermétiquement fermée.<a href="#footnotetag22"><span class="small">[Retour au texte principal]</span></a></p>
+
+<p><a id="footnote23" name="footnote23"></a>
+<b>Note 23:</b> M. Willoughby-Smith a varié encore cette expérience en
+plaçant sur les bouts disjoints du circuit qu'il disposait
+angulairement l'un par rapport à l'autre, un paquet de fils de soie
+cuivrés. Dans ces conditions, l'appareil devenait tellement sensible,
+que le courant d'air résultant d'une lampe placée au-dessous du
+système, déterminait un crépitement très-accentué dans le téléphone.<a href="#footnotetag23"><span class="small">[Retour au texte principal]</span></a></p>
+
+<p><a id="footnote24" name="footnote24"></a>
+<b>Note 24:</b> Voici ce que dit M. Hughes, relativement à cette
+disposition: «Le charbon, en raison de son inoxydabilité, est un corps
+précieux pour ce genre d'applications. En y alliant le mercure, les
+effets sont beaucoup meilleurs. Je prends pour cela le charbon employé
+par les artistes pour leurs dessins, je le chauffe graduellement au
+blanc, et le plongeant ensuite tout d'un coup dans le mercure, ce
+métal s'introduit instantanément en globules dans les pores du charbon
+et le métallise pour ainsi dire. J'ai essayé aussi du charbon
+recouvert d'un dépôt de platine ou imprégné de chlorure de platine,
+mais je n'ai pas eu un effet supérieur à celui que j'obtenais par le
+moyen précédent. Le charbon de sapin chauffé à blanc dans un tube de
+fer contenant de l'étain et du zinc ou tout autre métal s'évaporant
+facilement, se trouve également métallisé, et il est dans de bonnes
+conditions si le métal est à l'état de grande division dans les pores
+de ce corps, ou s'il n'entre pas en combinaison avec lui. Le fer,
+introduit de cette manière dans le charbon, est un des métaux qui m'a
+donné les meilleurs effets. Le charbon de sapin, quoique mauvais
+conducteur, acquiert de cette manière un grand pouvoir conducteur.»<a href="#footnotetag24"><span class="small">[Retour au texte principal]</span></a></p>
+
+<p><a id="footnote25" name="footnote25"></a>
+<b>Note 25:</b> Suivant M. Hughes, les vibrations qui affectent le
+microphone, même quand on parle à distance de l'instrument, ne
+proviendraient pas de l'action directe des ondes sonores sur les
+contacts du microphone, mais des vibrations moléculaires déterminées
+par elles sur la planche servant de support à l'appareil; il montre,
+en effet, que plus cette planche présente de surface, plus les sons
+produits par le microphone sont intenses, et qu'en enfermant le
+microphone de son parleur dans une enveloppe cylindrique, il ne
+diminue pas beaucoup la sensibilité, si la boîte qui renferme le tout
+présente une certaine surface. C'est pour augmenter encore, à ce point
+de vue, la sensibilité de ses appareils, qu'il adapte la monture sur
+laquelle pivote la pièce mobile du parleur et du récepteur
+microphonique sur une lame de ressort.<a href="#footnotetag25"><span class="small">[Retour au texte principal]</span></a></p>
+
+<p><a id="footnote26" name="footnote26"></a>
+<b>Note 26:</b> Nous reproduisons ci-dessous une lettre que sir William
+Thomson a publiée au sujet de cette discussion:</p>
+
+<p>«Monsieur,</p>
+
+<p>«Au plaisir que le public a éprouvé en prenant connaissance de ces
+magnifiques découvertes qui, sous le nom de téléphone, de microphone
+et de phonographe, ont tant étonné le monde savant, est venu se mêler
+dernièrement, très-inutilement, j'ai besoin de le dire, un des
+incidents les plus regrettables qui puissent se produire. Il s'agit
+d'une réclamation de priorité accompagnée d'accusation de mauvaise
+foi, qui a été lancée par M. Edison contre une personne dont le nom et
+la réputation sont depuis longtemps respectés dans l'opinion publique.</p>
+
+<p>«Avant de faire intervenir le public dans une semblable affaire, M.
+Edison aurait dû évidemment discuter sa réclamation avec M. Preece qui
+était, depuis l'origine de toutes ses inventions, en correspondance
+avec lui; ou bien encore, il aurait pu, en s'adressant directement aux
+journaux publics, établir sa réclamation, en montrant avec calme la
+grande similitude qui pouvait exister entre son téléphone à charbon et
+le microphone de M. Hughes qui l'avait suivi. Le monde scientifique
+aurait alors pu juger le débat avec calme, il aurait pu s'y intéresser
+et examiner sainement ce qu'il pouvait y avoir de commun entre les
+deux inventions. Mais, par son attaque violente dans les journaux
+contre MM. Preece et Hughes, et en les accusant de <i>piraterie</i>, de
+<i>plagiat</i> et d'<i>abus de confiance</i>, il a ôté tout crédit à sa
+réclamation aux yeux des personnes compétentes. Rien d'ailleurs
+n'était moins fondé que ces accusations. M. Preece fit lui-même la
+description détaillée du téléphone à charbon de M. Edison à la réunion
+de l'Association britannique qui eut lieu à Plymouth, en août dernier;
+il en fit ressortir le mérite, et les journaux publics en rendirent
+compte d'après sa communication. Les magnifiques résultats présentés,
+au commencement de l'année, par M. Hughes avec son microphone, ont été
+décrits par lui-même sous une forme telle, qu'il est impossible de
+mettre en doute qu'il n'ait travaillé sur son propre fonds et en
+dehors de toutes les recherches de M. Edison qu'il n'avait pas le plus
+petit intérêt à s'approprier.</p>
+
+<p>«Il est vrai que le principe physique appliqué par M. Edison dans son
+téléphone à charbon et par M. Hughes dans son microphone est le même;
+mais il est également le même que celui employé par M. Clérac,
+fonctionnaire de l'administration des lignes télégraphiques
+françaises, dans son tube à résistance variable qu'il avait donné à M.
+Hughes et à d'autres en 1866 pour des usages pratiques importants,
+appareil qui, du reste dérive entièrement de ce fait signalé il y a
+longtemps par M. du Moncel, que <i>l'augmentation de pression entre deux
+conducteurs en contact produit une diminution dans leur résistance
+électrique</i>.»<a href="#footnotetag26"><span class="small">[Retour au texte principal]</span></a></p>
+
+<p><a id="footnote27" name="footnote27"></a>
+<b>Note 27:</b> Le résonnateur d'Helmholtz repose sur ce principe qu'un
+volume d'air contenu dans un vase ouvert émet une certaine noie quand
+il est mis en vibration, et que la hauteur de cette note dépend de la
+dimension du vase et de celle de l'ouverture découverte. La forme
+employée par Helmholtz est celle d'un globe, avec ouverture large sur
+un côté et petite sur l'autre; c'est cette dernière qu'on approche de
+l'oreille. S'il y a dans l'air une série de sons musicaux, c'est celui
+qui est d'accord avec la note fondamentale du globe qui est renforcé
+et qui est perçu parmi tous les autres. C'est du reste le même effet
+qui se produit quand en chantant dans un piano, on entend certaines
+cordes qui vibrent plus fortement que les autres. Ce sont précisément
+celles qui vibrent à l'unisson des sons émis. On a donné aux
+résonnateurs des formes bien différentes; les plus employées sont des
+caisses plus ou moins longues qui servent en même temps de boîtes
+sonores.<a href="#footnotetag27"><span class="small">[Retour au texte principal]</span></a></p>
+
+<p><a id="footnote28" name="footnote28"></a>
+<b>Note 28:</b> J'avais décrit dans le tome III de mon exposé des
+applications de l'électricité, p. 466, un système de ce genre, que M.
+Varley avait expérimenté au moment de la pose du câble transatlantique
+français.<a href="#footnotetag28"><span class="small">[Retour au texte principal]</span></a></p>
+
+<p><a id="footnote29" name="footnote29"></a>
+<b>Note 29:</b> Voici le texte du pli cacheté de M. Cros, ouvert sur sa
+demande à l'Académie des sciences le 3 décembre 1877. (Voir comptes
+rendus, tome 85, p. 1082). «En général, mon procédé consiste à obtenir
+le tracé de va et vient d'une membrane vibrante et à se servir de ce
+tracé pour reproduire le même va et vient, avec ses relations
+intrinsèques de durées et d'intensités, sur la même membrane ou sur
+une autre appropriée à rendre les sons et bruits qui résultent de
+cette série de mouvements.</p>
+
+<p>«Il s'agit donc de transformer un tracé extrêmement délicat, tel que
+celui qu'on obtient avec des index légers frôlant des surfaces
+noircies à la flamme, de transformer, dis-je, ces tracés en relief ou
+creux résistants capables de conduire un mobile qui transmettra ses
+mouvements à la membrane sonore.</p>
+
+<p>«Un index léger est solidaire du centre de figure d'une membrane
+vibrante; il se termine par une pointe (fil métallique, barbe de
+plume, etc.), qui repose sur une surface noircie à la flamme. Cette
+surface fait corps avec un disque animé d'un double mouvement de
+rotation et de progression rectiligne. Si la membrane est en repos, la
+pointe tracera une spirale simple; si la membrane vibre, la spirale
+tracée sera ondulée et ses ondulations présenteront exactement tous
+les va et vient de la membrane en leur temps et en leurs intensités.</p>
+
+<p>«On traduit, au moyen de procédés photographiques actuellement bien
+connus, cette spirale ondulée et tracée en transparence par une ligne
+de semblables dimensions, tracée en creux ou en relief dans une
+matière résistante (acier trempé, par exemple).</p>
+
+<p>«Cela fait, on met cette surface résistante dans un appareil moteur
+qui la fait tourner et progresser d'une vitesse et d'un mouvement
+pareils à ceux dont avait été animée la surface d'enregistrement. Une
+pointe métallique, si le tracé est en creux, ou un doigt à encoche,
+s'il est en relief, est tenue par un ressort sur ce tracé, et, d'autre
+part, l'index qui supporte cette pointe est solidaire du centre de
+figure de la membrane propre à produire des sons. Dans ces conditions,
+cette membrane sera animée, non plus par l'air vibrant, mais par le
+tracé commandant l'index à pointe, d'impulsions exactement pareilles
+en durées et en intensités, à celles que la membrane d'enregistrement
+avait subies.</p>
+
+<p>«Le tracé spiral représente des temps successifs égaux par des
+longueurs croissantes ou décroissantes. Cela n'a pas d'inconvénients
+si l'on n'utilise que la portion périphérique du cercle tournant, les
+tours de spires étant très-rapprochés; mais alors on perd la surface
+centrale.</p>
+
+<p>«Dans tous les cas, le tracé de l'hélice sur un cylindre est
+très-préférable et je m'occupe actuellement d'en trouver la
+réalisation pratique.»<a href="#footnotetag29"><span class="small">[Retour au texte principal]</span></a></p>
+
+<p><a id="footnote30" name="footnote30"></a>
+<b>Note 30:</b> Ne jamais établir le contact entre le stylet et le
+cylindre avant que celui-ci soit recouvert de la feuille d'étain.</p>
+
+<p>Ne commencer à tourner le cylindre qu'après s'être assuré que tout est
+en place. Avoir toujours soin, en faisant revenir le stylet au point
+de départ, de ramener l'embouchure en avant.</p>
+
+<p>Laisser toujours une marge de 5 à 10 millimètres à la gauche et au
+commencement de la feuille d'étain, car si le stylet décrivait la
+courbe sur le bord extrême du cylindre, il pourrait déchirer le papier
+ou sortir de la rainure.</p>
+
+<p>Avoir soin de ne pas détacher le ressort du coussin en caoutchouc.</p>
+
+<p>Pour placer la feuille d'étain sur le cylindre, enduire l'extrémité de
+la feuille avec du vernis au moyen d'un pinceau, prendre cette
+extrémité entre le pouce et l'index de la main gauche, le côté gommé
+vers le cylindre, la relever avec la main droite et la tendre
+fortement en l'appliquant contre le cylindre de façon à bien lisser le
+papier, appliquer alors le bout gommé sur l'autre extrémité et les
+réunir fortement.</p>
+
+<p>Pour ajuster le stylet et le placer au centre de la rainure, ramener
+le cylindre vers la droite afin de mettre le stylet en face de
+l'extrémité gauche de la feuille de métal, faire avancer doucement et
+peu à peu le cylindre jusqu'à ce que le stylet touche la feuille
+d'étain avec assez de force pour y laisser une trace.</p>
+
+<p>Observer si cette trace est bien au centre de la rainure (pour cela
+avec l'ongle rayer en travers le cylindre), si non ajuster le stylet à
+gauche ou à droite au moyen de la petite vis placée au haut de
+l'embouchure.</p>
+
+<p>La meilleure profondeur à donner à la trace du stylet est de 1/3 de
+millimètre, c'est-à-dire juste assez pour que le stylet, quelle que
+soit l'ampleur des vibrations de la plaque, laisse toujours une légère
+trace sur la feuille.</p>
+
+<p>Pour reproduire les mots, faire en sorte de tourner la manivelle avec
+la même vitesse que lors de l'inscription; la vitesse moyenne doit
+être de 80 tours par minute.</p>
+
+<p>Pour parler dans l'appareil, appuyer la bouche contre l'embouchure;
+les sons gutturaux ou la voix de poitrine se gravent mieux que la voix
+de fausset.</p>
+
+<p>Pour reproduire les sons, desserrer la vis de pression et ramener en
+avant l'embouchure; faire revenir le cylindre au point de départ,
+rétablir le contact entre la pointe du stylet et la feuille, faire
+tourner de nouveau le cylindre dans le même sens que lorsque la phrase
+a été prononcée.</p>
+
+<p>Pour augmenter le volume de son restitué: appliquer sur l'embouchure
+un cornet en carton, en bois ou en corne, de forme conique dont
+l'extrémité inférieure sera un peu plus large que l'ouverture placée
+devant la plaque vibrante.</p>
+
+<p>Le stylet est fait d'une aiguille n<sup>o</sup> 9 un peu aplatie sur les deux
+côtés par frottement sur une pierre huilée: il est facile de
+construire un stylet, d'ailleurs la maison en a de rechange à la
+disposition de ses clients.</p>
+
+<p>Le coussin de caoutchouc qui réunit la plaque au ressort sert à
+atténuer les vibrations de la plaque.</p>
+
+<p>Dans le cas où ce coussin viendrait à se détacher: chauffer la tête
+d'un petit clou, l'appuyer sur la cire qui colle le coussin à la
+plaque ou au ressort jusqu'à ce que cette cire soit amollie, et alors
+après avoir retiré le clou, presser légèrement le caoutchouc sur la
+partie décollée jusqu'à ce que, étant refroidie, la cire fasse adhérer
+le coussin à la plaque ou au ressort.</p>
+
+<p>Avoir soin de renouveler de temps à autre ces coussins qui, par
+l'usage, perdent de leur élasticité.</p>
+
+<p>En les remplaçant: faire attention à ne pas abîmer la plaque vibrante,
+soit par une pression trop forte, soit par une éraflure avec
+l'instrument qui servira à maintenir le coussin.</p>
+
+<p>Commencer les expériences par des mots isolés ou par des phrases
+très-courtes: les augmenter au fur et à mesure que l'oreille s'habitue
+au timbre particulier de l'appareil.</p>
+
+<p>Varier les intonations et faire reproduire les phrases ou les airs sur
+des tons différents en accélérant ou en ralentissant le mouvement de
+rotation du cylindre.</p>
+
+<p>Imiter les cris d'animaux (coq, poule, chien, chat, etc.)</p>
+
+<p>Faire jouer dans l'embouchure devant laquelle on aura au préalable
+placé un cornet en carton, des instruments en cuivre.</p>
+
+<p>Autant que possible jouer des airs sur mesure rapide, leur
+reproduction parfaite, sans mouvement d'horlogerie, étant plus facile
+à obtenir que celle des airs lents.<a href="#footnotetag30"><span class="small">[Retour au texte principal]</span></a></p>
+
+<p><a id="footnote31" name="footnote31"></a>
+<b>Note 31:</b> M. Edison dit que son préparateur a pu lire, sans en
+perdre un mot, plusieurs colonnes d'un article de journal qui lui
+était inconnu et qui avait été enregistré sur l'appareil en son
+absence. La seule chose qu'il ne put pas distinguer fut la nature de
+la prononciation de celui qui avait provoqué cette enregistration, et
+suivant M. Edison, ce ne serait pas un défaut, car souvent la
+prononciation de l'instrument est meilleure que celle de certains
+individus qui, par suite d'un défaut de langue ou de lèvres, ne
+parlent pas distinctement. «Le mécanisme du phonographe, dit M.
+Edison, diminue ou supprime ce défaut.» Nous devons toutefois avouer
+que nous avons peine à croire à cette vertu du phonographe qui nous a
+toujours fait entendre une voix de polichinelle enroué dont nous
+l'aurions dispensé avec plaisir.<a href="#footnotetag31"><span class="small">[Retour au texte principal]</span></a></p>
+
+<p><a id="footnote32" name="footnote32"></a>
+<b>Note 32:</b> Voici la description du procédé de M. Lambrigot telle
+qu'il vient de me l'envoyer:</p>
+
+<p>«L'appareil se compose d'un plateau de bois dressé verticalement sur
+un socle et fixé solidement. Au milieu de ce plateau se trouve une
+ouverture ronde recouverte d'une feuille de parchemin bien tendue, sur
+laquelle appuie un couteau d'acier qui doit, comme la pointe du
+phonographe, tracer les vibrations. Un bâtis solide s'élève depuis le
+socle jusqu'au milieu du plateau, et supporte une glissière qui permet
+à un chariot de circuler devant ce plateau. Sur ce chariot se trouve
+une baguette de verre dont l'une des faces est recouverte de stéarine.
+En rapprochant le chariot et en le faisant aller et venir, la stéarine
+se trouve en contact avec le couteau, et prend régulièrement sa forme
+qui est hémi-cylindrique sur toute sa longueur.</p>
+
+<p>«Lorsqu'un bruit se fait entendre, la feuille de parchemin se met en
+vibration et communique son mouvement au couteau, qui pénètre dans la
+stéarine et trace des stries variées.</p>
+
+<p>«La reproduction ainsi obtenue sur la baguette de verre est soumise
+aux procédés ordinaires de métallisation. Par la galvanisation, on
+obtient un dépôt de cuivre qui reproduit les stries en sens inverse.
+Lorsqu'on veut faire parler la lame métallique, il suffit de passer
+légèrement sur les signaux une pointe de bois, d'ivoire ou de corne,
+et en la promenant plus ou moins vite, on peut faire entendre des
+intonations diverses sans altérer la prononciation.</p>
+
+<p>«En raison de la dureté du cuivre par rapport au plomb, la lame de
+cuivre qui contient les traces des vibrations, peut donner sur ce
+dernier métal un nombre illimité de reproductions. Pour obtenir ce
+résultat, il suffit d'appliquer sur la lame en question un fil de
+plomb, et d'opérer sur ce fil une pression convenable. Le fil
+s'aplatit et prend l'empreinte de toutes les traces qui apparaissent
+alors en relief. En passant à travers ces traces la tranche d'une
+carte à jouer, on provoque les mêmes sons que ceux que l'on obtient
+avec la lame de cuivre.»</p>
+
+<p>Suivant M. Lambrigot, les lames parlantes peuvent être utilisées dans
+bien des cas; pour l'étude des langues étrangères, par exemple, elles
+permettront d'apprendre facilement la prononciation, car on pourra, en
+les réunissant en assez grand nombre, en former une sorte de
+vocabulaire qui donnera l'intonation des mots les plus usités dans
+telle ou telle langue.<a href="#footnotetag32"><span class="small">[Retour au texte principal]</span></a></p>
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+<pre>
+
+
+
+
+
+End of the Project Gutenberg EBook of Le Téléphone, le Microphone et le
+Phonographe, by Théodore du Moncel
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK TELEPHONE, MICROPHONE, PHONOGRAPHE ***
+
+***** This file should be named 27574-h.htm or 27574-h.zip *****
+This and all associated files of various formats will be found in:
+ https://www.gutenberg.org/2/7/5/7/27574/
+
+Produced by Laurent Vogel, Christine P. Travers and the
+Online Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net
+(This file was produced from images generously made
+available by the Bibliothèque nationale de France
+(BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr)
+
+
+Updated editions will replace the previous one--the old editions
+will be renamed.
+
+Creating the works from public domain print editions means that no
+one owns a United States copyright in these works, so the Foundation
+(and you!) can copy and distribute it in the United States without
+permission and without paying copyright royalties. Special rules,
+set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to
+copying and distributing Project Gutenberg-tm electronic works to
+protect the PROJECT GUTENBERG-tm concept and trademark. Project
+Gutenberg is a registered trademark, and may not be used if you
+charge for the eBooks, unless you receive specific permission. If you
+do not charge anything for copies of this eBook, complying with the
+rules is very easy. You may use this eBook for nearly any purpose
+such as creation of derivative works, reports, performances and
+research. They may be modified and printed and given away--you may do
+practically ANYTHING with public domain eBooks. Redistribution is
+subject to the trademark license, especially commercial
+redistribution.
+
+
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+*** START: FULL LICENSE ***
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+THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE
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+Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full Project
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+https://gutenberg.org/license).
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+electronic works
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+1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm
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+the terms of this agreement, you must cease using and return or destroy
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+If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a Project
+Gutenberg-tm electronic work and you do not agree to be bound by the
+terms of this agreement, you may obtain a refund from the person or
+entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph 1.E.8.
+
+1.B. "Project Gutenberg" is a registered trademark. It may only be
+used on or associated in any way with an electronic work by people who
+agree to be bound by the terms of this agreement. There are a few
+things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works
+even without complying with the full terms of this agreement. See
+paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project
+Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement
+and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic
+works. See paragraph 1.E below.
+
+1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation"
+or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project
+Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual works in the
+collection are in the public domain in the United States. If an
+individual work is in the public domain in the United States and you are
+located in the United States, we do not claim a right to prevent you from
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+works based on the work as long as all references to Project Gutenberg
+are removed. Of course, we hope that you will support the Project
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+Gutenberg-tm License when you share it without charge with others.
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+
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+to the Project Gutenberg-tm License for all works posted with the
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+work or any other work associated with Project Gutenberg-tm.
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+1.E.5. Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this
+electronic work, or any part of this electronic work, without
+prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with
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+Gutenberg-tm License.
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+License as specified in paragraph 1.E.1.
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+ must be paid within 60 days following each date on which you
+ prepare (or are legally required to prepare) your periodic tax
+ returns. Royalty payments should be clearly marked as such and
+ sent to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation at the
+ address specified in Section 4, "Information about donations to
+ the Project Gutenberg Literary Archive Foundation."
+
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+ License. You must require such a user to return or
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+ money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the
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+ distribution of Project Gutenberg-tm works.
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+forth in this agreement, you must obtain permission in writing from
+both the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and Michael
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+Foundation as set forth in Section 3 below.
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+DAMAGE.
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+receive the work electronically in lieu of a refund. If the second copy
+is also defective, you may demand a refund in writing without further
+opportunities to fix the problem.
+
+1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth
+in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS' WITH NO OTHER
+WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO
+WARRANTIES OF MERCHANTIBILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.
+
+1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied
+warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages.
+If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the
+law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be
+interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by
+the applicable state law. The invalidity or unenforceability of any
+provision of this agreement shall not void the remaining provisions.
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+1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the
+trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
+providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in accordance
+with this agreement, and any volunteers associated with the production,
+promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works,
+harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees,
+that arise directly or indirectly from any of the following which you do
+or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
+work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
+Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.
+
+
+Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
+
+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
+electronic works in formats readable by the widest variety of computers
+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
+because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
+people in all walks of life.
+
+Volunteers and financial support to provide volunteers with the
+assistance they need, is critical to reaching Project Gutenberg-tm's
+goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation web page at https://www.pglaf.org.
+
+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
+https://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
+permitted by U.S. federal laws and your state's laws.
+
+The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
+Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
+throughout numerous locations. Its business office is located at
+809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
+business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact
+information can be found at the Foundation's web site and official
+page at https://pglaf.org
+
+For additional contact information:
+ Dr. Gregory B. Newby
+ Chief Executive and Director
+ gbnewby@pglaf.org
+
+
+Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation
+
+Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
+spread public support and donations to carry out its mission of
+increasing the number of public domain and licensed works that can be
+freely distributed in machine readable form accessible by the widest
+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
+($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
+status with the IRS.
+
+The Foundation is committed to complying with the laws regulating
+charities and charitable donations in all 50 states of the United
+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
+considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
+with these requirements. We do not solicit donations in locations
+where we have not received written confirmation of compliance. To
+SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
+particular state visit https://pglaf.org
+
+While we cannot and do not solicit contributions from states where we
+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
+against accepting unsolicited donations from donors in such states who
+approach us with offers to donate.
+
+International donations are gratefully accepted, but we cannot make
+any statements concerning tax treatment of donations received from
+outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
+
+Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
+methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
+ways including including checks, online payments and credit card
+donations. To donate, please visit: https://pglaf.org/donate
+
+
+Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
+works.
+
+Professor Michael S. Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm
+concept of a library of electronic works that could be freely shared
+with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project
+Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
+
+
+Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
+editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
+unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
+keep eBooks in compliance with any particular paper edition.
+
+
+Most people start at our Web site which has the main PG search facility:
+
+ https://www.gutenberg.org
+
+This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
+including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
+subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
+
+
+</pre>
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+</html>
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