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+The Project Gutenberg EBook of Poésies complètes, by Arthur Rimbaud
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
+
+
+Title: Poésies complètes
+
+Author: Arthur Rimbaud
+
+Commentator: Paul Verlaine
+
+Release Date: July 3, 2009 [EBook #29302]
+[Last updated: August 2, 2014]
+
+Language: French
+
+Character set encoding: ISO-8859-1
+
+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK POÉSIES COMPLÈTES ***
+
+
+
+
+Produced by Laurent Vogel, Robert Connal and the Online
+Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This
+file was produced from images generously made available
+by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at
+http://gallica.bnf.fr)
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+[Notes sur cette version électronique:
+
+Le texte a été établi sur la base des épreuves de l'imprimerie de Ch.
+Herissey à Évreux, revues avec les corrections de la main de Paul
+Verlaine en 1895. Certains passages illisibles ou d'une reconstitution
+hypothétique ont été signalés entre crochets.
+
+On donne ici le texte après application des corrections; le texte
+original de la préface avec les corrections se trouve en annexe à la fin
+de la version HTML.]
+
+
+
+
+
+ARTHUR RIMBAUD
+
+
+POÉSIES
+
+COMPLÈTES
+
+AVEC PRÉFACE DE PAUL VERLAINE
+
+ET NOTES DE L'ÉDITEUR
+
+[Marque d'éditeur: L. V.]
+
+PARIS
+
+LÉON VANIER, LIBRAIRE-ÉDITEUR
+
+19, QUAI SAINT-MICHEL, 19
+
+1895
+
+Tous droits réservés
+
+
+
+
+DU MÊME AUTEUR
+
+MÊME ÉDITEUR
+
+
+Les Illuminations, Une Saison en Enfer. . . 3 50
+
+TIRAGE DE LUXE:
+
+25 exemplaires numérotés sur Hollande, 6 fr.
+
+
+
+
+PRÉFACE
+
+ARTHUR RIMBAUD
+
+SES POÉSIES COMPLÈTES
+
+
+À mon avis tout à fait intime, j'eusse préféré, en dépit de tant
+d'intérêt s'attachant intrinsèquement presque aussi bien que
+chronologiquement à beaucoup de pièces du présent recueil, que celui-ci
+fût allégé pour, surtout, des causes littéraires: trop de jeunesse
+décidément, d'inexpériences mal savoureuses, point d'assez heureuses
+naïvetés. J'eusse, si le maître, donné juste un dessus de panier, quitte
+à regretter que le reste dût disparaître, ou, alors, ajouté ce reste à
+la fin du livre, après la table des matières et sans table des matières
+quant à ce qui l'eût concerné, sous la rubrique «pièces attribuées à
+l'auteur», encore excluant de cette peut-être trop indulgente déjà
+hospitalité les tout à fait apocryphes sonnets publiés, sous le nom
+glorieux et désormais sacré, par de spirituels parodistes.
+
+Quoi qu'il en soit, voici, seulement expurgé des apocryphes en question
+et classé aussi soigneusement que possible par ordre de dates, mais,
+hélas! privé de trop de choses qui furent, aux déplorables fins de
+puériles et criminelles rancunes, sans même d'excuses suffisamment
+bêtes, confisquées, confisquées? volées! pour tout et mieux dire, dans
+les tiroirs fermés d'un absent, voici _le livre des poésies complètes
+d'Arthur Rimbaud_, avec ses additions inutiles à mon avis et ses
+déplorables mutilations irréparables à jamais, il faut le craindre.
+
+Justice est donc faite, et bonne et complète, car en outre du présent
+fragment de l'[illisible], il y a eu des reproductions par la Presse et
+la Librairie des choses en prose si inappréciables, peut-être même si
+supérieures aux vers, dont quelques-uns pourtant incomparables, que je
+sache!
+
+Ici, avant de procéder plus avant, dans ce très sérieux et très sincère
+et pénible et douloureux travail, il me sied et me plaît de remercier
+mes amis Dujardin et Kahn, Fénéon, et ce trop méconnu, trop modeste
+Anatole Baju, de leur intervention en un cas si beau, mais à l'époque
+périculeux, je vous l'assure, car je ne le sais que trop.
+
+Kahn et Dujardin disposaient néanmoins de revues jeunes et d'aspect
+presque imposant, un peu d'outre-Rhin et parfois, pour ainsi dire,
+pédantesques; depuis il y a eu encore du plomb dans l'aile de ces
+périodiques changés de direction--et Baju, naïf, eut aussi son
+influence, vraiment.
+
+Tous trois firent leur devoir en faveur de mes efforts pour Rimbaud,
+Baju avec le tort, peut-être inconscient, de publier, à l'appui de la
+bonne thèse, des gloses farceuses de gens de talent et surtout d'esprit
+qui auraient mieux fait certainement de travailler pour leur compte, qui
+en valait, je le leur dis en toute sincérité,
+
+ La peine assurément!
+
+Mais un devoir sacré m'incombe, en dehors de toute diversion même
+quasiment nécessaire, vite. C'est de rectifier des faits d'abord--et
+ensuite d'élucider un peu la disposition, à mon sens, mal littéraire,
+mais conçue dans un but tellement respectable! du présent volume des
+_Poésies complètes d'Arthur Rimbaud._
+
+On a tout dit, en une préface abominable que la Justice a châtiée,
+d'ailleurs par la saisie, sur la requête d'un galant homme de qui la
+signature avait été escroquée, M. Rodolphe Darzens, on a dit tout le
+mauvais sur Rimbaud, homme et poète.
+
+Ce mauvais-là, il faut malheureusement, mais carrément, l'amalgamer avec
+celui qu'a écrit, pensé sans nul doute, un homme de talent dans un
+journal d'irréprochable tenue. Je veux parler de M. Charles Maurras et
+en appeler de lui à lui mieux informé.
+
+Je lis, par exemple, ceci de lui, M. Charles Maurras:
+
+«Au dîner du Bon Bock», or il n'y avait pas alors, de _dîner du Bon
+Bock_ où nous allassions, Valade, Mérat, Silvestre, quelques autres
+Parnassiens [et] moi, ni par conséquent Rimbaud avec nous, mais bien un
+dîner mensuel des _Vilains Bonshommes_ [note illisible], fondé avant la
+guerre et qu'avaient honoré quelquefois Théodore de Banville et, de la
+part de Sainte-Beuve, le secrétaire de celui-ci, M. Jules Troubat. Au
+moment dont il est question, fin 1871, nos «assises» se tenaient au
+premier étage d'un marchand de vins établi au coin de la rue Bonaparte
+et de la place Saint-Sulpice, vis-à-vis d'un libraire d'occasion (rue
+Bonaparte) et (rue du Vieux-Colombier) d'un négociant [en] objets
+religieux. «Au dîner du Bon Bock, dit donc M. Maurras, ses reparties (à
+Rimbaud) causaient de grands scandales. Ernest d'Hervilly le rappelait
+en vain à la raison. CARJAT LE MIT À LA PORTE. Rimbaud attendit
+_patiemment_ à la porte et Carjat reçut à la sortie un «bon» (je retiens
+«bon») coup de canne à épée DANS LE VENTRE.»
+
+Je n'ai pas à invoquer le témoignage de d'Hervilly qui est un cher poète
+et un cher ami, parce qu'il n'a jamais été plus l'auteur d'une
+intervention absurdement inutile que l'objet d'une insulte ignoble
+publiée sans la plus simple pudeur, non plus que sans la moindre
+conscience du faux ou du vrai dans la préface de l'édition Genonceaux;
+ni celui de M. Carjat lui-même, par trop juge et partie, ni celui des
+encore assez nombreux survivants d'une scène assurément peu glorieuse
+pour Rimbaud, mais démesurément grossie et dénaturée jusqu'à la plus
+complète calomnie.
+
+Voici donc un récit succinct, mais vrai jusque dans le moindre détail,
+du «drame» en question: ce soir-là, aux _Vilains Bonshommes_, on avait
+lu beaucoup de vers après le dessert et le café. Beaucoup de vers, même
+à la fin d'un dîner (plutôt modeste), ce n'est pas toujours des moins
+fatigants, particulièrement quand ils sont un peu bien déclamatoires
+comme ceux dont _vraiment_ il s'agissait (et non du bon poète Jean
+Aicard). Ces vers étaient d'un monsieur qui faisait beaucoup de sonnets
+à l'époque et de qui le nom m'échappe.
+
+Et, sur le début suivant, après passablement d'autres choses d'autres
+gens:
+
+ _On dirait des soldats d'Agrippa d'Aubigné
+ Alignés au cordeau par Philibert Delorme..._
+
+Rimbaud eut le tort incontestable de protester d'abord entre haut et bas
+contre la prolongation d'à la fin abusives récitations. Sur quoi M.
+Etienne Carjat, le photographe poète de qui le récitateur était l'ami
+littéraire et artistique, s'interposa trop vite et trop vivement à mon
+gré, traitant l'interrupteur de gamin. Rimbaud qui ne savait supporter
+la boisson, et que l'on avait contracté dans ces «agapes» pourtant
+modérées, la mauvaise habitude de gâter au point de vue du vin et des
+liqueurs,--Rimbaud qui se trouvait gris, prit mal la chose, se saisit
+d'une canne à épée à moi qui était derrière nous, voisins immédiats et,
+par-dessus la table large de près de deux mètres, dirigea vers M. Carjat
+qui se trouvait en face ou tout comme, la lame dégainée qui ne fit pas
+heureusement de très grands ravages, puisque le sympathique ex-directeur
+du _Boulevard_ ne reçut, si j'en crois ma mémoire qui est excellente
+dans ce cas, qu'une éraflure très légère à une main.
+
+Néanmoins l'alarme fut grande et la tentative très regrettable, vite et
+plus vite encore réprimée. J'arrachai la lame au furieux, la brisai sur
+mon genou et confiai, devant rentrer de très bonne heure chez moi, le
+[«gamin»] à moitié dégrisé maintenant, au peintre bien connu, Michel de
+l'Hay, alors déjà un solide gaillard en outre d'un tout jeune homme des
+plus remarquablement beaux qu'il soit donné de voir, qui eut tôt fait de
+reconduire à son domicile de la rue Campagne-Première, en le chapitrant
+d'importance, notre jeune intoxiqué de qui l'accès de colère ne tarda
+pas à se dissiper tout à fait, avec les fumées du vin et de l'alcool,
+dans le sommeil réparateur de la seizième année.
+
+Avant de «lâcher» tout à fait M. Charles Maurras, je lui demanderai de
+expliquer sur un malheureux membre de phrase de lui me concernant.
+
+À propos de la question d'ailleurs subsidiaire de savoir si Rimbaud
+était beau ou laid, M. Maurras qui ne l'a jamais vu et qui le trouve
+laid, d'après des témoins «plus rassis» que votre serviteur, me
+blâmerait presque, ma parole d'honneur! d'avoir dit qu'il avait
+(Rimbaud) un visage parfaitement ovale d'ange en exil, une forte bouche
+rouge au pli amer et (_in cauda venenum!_) des «jambes sans rivales».
+
+Ça c'est, je veux bien le croire, idiot sans plus, autrement, quoi?
+Voici toujours _ma_ phrase sur les jambes en question, extraite des
+_Homme d'aujourd'hui_. Au surplus, lisez toute la petite biographie.
+Elle répond à tout d'_avance_, et coûte deux sous.
+
+«... Des projets pour la Russie, une anicroche à Vienne (Autriche),
+quelques mois en France, d'Arras et Douai à Marseille, et le Sénégal
+vers lequel bercé par un naufrage[;] puis la Hollande, 1879-80; vu
+décharger des voitures de moisson dans une ferme à sa mère, entre
+Attigny et Vouziers, et arpenter ces routes maigres de ses «JAMBES SANS
+RIVALES».
+
+Voyons, M. Maurras, est-ce bien de bonne foi votre confusion entre
+infatigabilité... et autre chose?
+
+--Ouf! j'en ai fini avec les petites (et grosses) infamies qui, de
+régions prétendues uniquement littéraires, s'insinueraient dans la vie
+privée pour s'y installer, et veuillez, lecteur, me permettre de
+m'étendre un peu, maintenant qu'on a brûlé quelque sucre, sur le pur
+plaisir intellectuel de vous parler du présent ouvrage qu'on peut ne pas
+aimer, ni même admirer, mais qui a droit à tout respect en tout
+consciencieux examen?
+
+On a laissé les pièces objectionables au point de vue bourgeois, car le
+point de vue chrétien et surtout catholique dont je m'honore d'être un
+des plus indignes peut-être mais à coup sûr le plus sincère tenant, me
+semble supérieur et doit être écarté--j'entends, notamment les
+_Premières Communions_, les _Pauvres à l'église_ (pour mon compte,
+j'eusse négligé cette pièce brutale ayant pourtant ceci:
+
+ _... Les malades du foie
+ Font baiser leurs longs doigts jaunes aux bénitiers._
+
+
+Quant aux _Premières Communions_ dont j'ai sévèrement parlé dans mes
+_Poètes maudits_ à cause de certains vers affreusement blasphémateurs,
+c'est si beau!... n'est-ce pas? à travers tant de coup[ables] choses...
+n'est ce pas?
+
+Pour le reste de ce que j'aime parfaitement, le _Bateau ivre_, les
+_Effarés_, les _Chercheuses de poux_ et, bien après, les _Assis_ aussi,
+parbleu! un peu fumiste, mais si beau de détails; _Sonnet de Voyelles_
+qui a fait faire à M. Réné Ghill de ses mirobolantes théories, et
+l'ardent _Faune_ [illisible] est parfait de fauves,--en liberté! et
+encore une fois, je vous le présente, ce «numéro», comme autrefois dans
+ce petit journal de combat mort en pleine brèche _Lutèce_, de tout mon
+coeur, de toute mon âme et de toutes mes forces.
+
+On a cru devoir, évidemment dans un but de réhabilitation qui n'a rien à
+voir ni avec la vie honorable ni avec l'oeuvre très intéressante,
+[illisible] ouvrir le volume par une pièce intitulée _Étrennes des
+Orphelins_, laquelle assez longue pièce, dans le goût un peu Guiraud
+avec déjà des beautés tout autres. Ceci qui vaut du Desbordes-Valmore:
+
+ _Les tout petits enfants ont le coeur si sensible!_
+
+Cela:
+
+ _La bise sous le seuil a fini par se taire..._
+
+qui est d'un net et d'un vrai, quant à ce qui concerne un beau jour de
+premier janvier. Surtout une facture solide, même un peu trop, qui dit
+l'extrême jeunesse de l'auteur quand il s'en servit d'après la formule
+parnassienne exagérée.
+
+On a cru aussi devoir intercaler de gré ou de force un trop long poème:
+_Le Forgeron_, daté des _Tuileries vers le 10 août 1792_, où vraiment
+c'est trop démoc-soc [illisible], par trop démodé, même en 1870 où ce
+fut écrit; mais l'auteur, direz-vous, était si, si jeune! Mais,
+répondrais-je, était-ce une raison pour publier cette chose faite à
+coups de «mauvaises lectures» dans des manuels surannés ou de trop
+moisis historiens? Je ne m'empresse pas moins d'ajouter qu'il y a là
+encore de très beaux vers. Parbleu! avec cet être-là!
+
+Cette caricature de Louis XVI, d'abord:
+
+ _Et prenant ce gros-là dans son regard farouche._
+
+Cette autre encore;
+
+ _Or le bon roi, debout sur son ventre, était pâle._
+
+Ce cri bien dans le ton juste, trop rare ici:
+
+ _On ne veut pas de nous dans les boulangeries_
+
+Mais j'avoue préférer telles pièces purement jolies, mais alors très
+jolies, d'une joliesse sauvageonne ou sauvage tout à fait alors presque
+aussi belles que les _Effarés_ ou que les Assis.
+
+Il y a, dans ce ton, _Ce qui relient Nina_, vingt-neuf strophes, plus de
+cent vers, sur un [rh]ythme sautilleur avec des gentillesse à tout bout
+de champ:
+
+ _Dix-sept ans! tu seras heureuse!
+ Ô les grands prés,
+ La grande campagne amoureuse!
+ --Dis, viens plus près!...
+ . . . . . . . . . . . . . .
+ Puis comme une petite morte
+ Le coeur pâmé
+ Tu me dirais que je te porte
+ L'oeil mi-fermé..._
+
+Et, après la promenade au bois... et la résurrection de la _petite
+morte_, l'entrée dans le village où _çà sentirait le laitage_, une
+étable pleine d'un rhythme lent d'haleine, et de grands dos, un
+intérieur à la Téniers:
+
+ _Les lunettes de la grand-mère
+ Et son nez long
+ Dans son missel..._
+ . . . . . . . . . . . . . .
+
+Aussi la _Comédie en trois baisers:_
+
+ . . . . . . . . . . . . . .
+ _Elle était fort déshabillée
+ Et de grands arbres indiscrets.
+ Aux vitres penchaient leur feuillée
+ Malinement, tout près, tout près._
+
+_Sensation_, où le poète adolescent va loin, bien loin, «comme un
+bohémien»
+
+ _Par la nature, heureux comme avec une femme..._
+
+Roman:
+
+ _On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans._
+
+Ce qu'il y a d'amusant, c'est que Rimbaud, quand il écrivait ce vers,
+n'avait pas encore seize ans. Évidemment il se «vieillissait» pour mieux
+plaire à quelque belle... de, très probablement, son imagination.
+
+_Ma Bohème_, la plus gentille sans doute de ces gentilles choses:
+
+ _Comme des lyres je tirai les élastiques
+ De mes souliers blessés, un pied près de mon coeur_...
+
+Mes _Petites amoureuses_, les _Poètes de sept ans_, frères franchement
+douloureux des _Chercheuses de poux_:
+
+ _Et la mère fermant le livre du devoir
+ S'en allait satisfaite et très fière sans voir
+ Dans les yeux bleus et sous le front plein d'éminences
+ L'âme de son enfant livrée aux répugnances._
+ . . . . . . . . . . . . . .
+
+Quant aux quelques morceaux en prose qui terminent le volume, je les
+eusse retenus pour les publier dans une nouvelle édition des oeuvres en
+prose. Ils sont d'ailleurs merveilleux, mais tout à fait dans la note
+des _Illuminations_ et de la _Saison en Enfer_. Je l'ai dit tout à
+l'heure et je sais que je ne suis pas le seul à le penser: Rimbaud en
+prose est peut-être supérieur à celui en vers...
+
+J'ai terminé, je crois avoir terminé ma tâche de préfacier. De la vie de
+l'homme j'ai parlé suffisamment. De son oeuvre je reparlerai peut-être
+encore.
+
+Mon dernier mot ne peut-être ici que ceci: Rimbaud fut un poète mort
+jeune (à dix-huit ans, puisque né à Charleville[--le 20] Octobre
+1854--nous n'avons pas de vers de lui [postérieur] à 1872.) mais vierge
+de toute platitude ou décadence--comme il fut un homme mort jeune aussi
+[(à trente] sept ans [le] 10 Novembre 1891 à l'hôpital de la Conception
+de Marseille), mais dans son voeu bien formulé d'indépendance et de haut
+dédain de n'importe quelle adhésion à ce qu'il ne lui plaisait pas de
+faire ni d'être.
+
+ Paul VERLAINE.
+
+
+
+
+POESIES COMPLÈTES
+
+
+DE CE LIVRE
+
+IL A ÉTÉ TIRÉ
+
+_25 exemplaires numérotés sur hollande._
+
+
+
+
+ARTHUR RIMBAUD
+
+POÉSIES
+
+COMPLÈTES
+
+PARIS
+
+LÉON VANIER, LIBRAIRE-ÉDITEUR 19, QUAI SAINT-MICHEL, 19
+
+1895
+
+Tous droits réservés.
+
+
+
+
+LES ÉTRENNES DES ORPHELlNS
+
+
+I
+
+ La chambre est pleine d'ombre; on entend vaguement
+ De deux enfants le triste et doux chuchotement.
+ Leur front se penche, encor, alourdi par le rêve,
+ Sous le long rideau blanc qui tremble et se soulève...
+ --Au dehors les oiseaux se rapprochent frileux;
+ Leur aile s'engourdit sous le ton gris des cieux;
+ Et la nouvelle année, à la suite brumeuse,
+ Laissant traîner les plis de sa robe neigeuse,
+ Sourit avec des pleurs, et chante en grelottant...
+
+
+II
+
+ Or les petits enfants, sous le rideau flottant,
+ Parlent bas comme on fait dans une nuit obscure.
+ Ils écoutent, pensifs, comme un lointain murmure...
+ Ils tressaillent souvent à la claire voix d'or
+ Du timbre matinal, qui frappe et frappe encor
+ Son refrain métallique en son globe de verre...
+ --Puis, la chambre est glacée... on voit traîner à terre,
+ Épars autour des lits, des vêtements de deuil:
+ L'âpre bise d'hiver qui se lamente au seuil,
+ Souffle dans le logis son haleine morose!
+ On sent, dans tout cela, qu'il manque quelque chose...
+ --Il n'est donc point de mère à ces petits enfants,
+ De mère au frais sourire, aux regards triomphants?
+ Elle a donc oublié, le soir, seule et penchée,
+ D'exciter une flamme à la cendre arrachée,
+ D'amonceler sur eux la laine et l'édredon
+ Avant de les quitter en leur criant: pardon.
+ Elle n'a point prévu la froideur matinale,
+ Ni bien fermé le seuil à la bise hivernale?...
+ --Le rêve maternel, c'est le tiède tapis,
+ C'est le nid cotonneux où les enfants tapis,
+ Comme de beaux oiseaux que balancent les branches,
+ Dorment leur doux sommeil plein de visions blanches.
+ --Et là,--c'est comme un nid sans plumes, sans chaleur
+ Où les petits ont froid, ne dorment pas, ont peur;
+ Un nid que doit avoir glacé la bise amère...
+
+
+III
+
+ Votre coeur l'a compris:--ces enfants sont sans mère,
+ Plus de mère au logis!--et le père est bien loin!...
+ --Une vieille servante, alors, en a pris soin:
+ Les petits sont tout seuls en la maison glacée;
+ Orphelins de quatre ans, voilà qu'en leur pensée
+ S'éveille, par degrés, un souvenir riant...
+ C'est comme un chapelet qu'on égrène en priant:
+ --Ah! quel beau matin, que ce matin des étrennes!
+ Chacun, pendant la nuit, avait rêvé des siennes
+ Dans quelque songe étrange où l'on voyait joujoux,
+ Bonbons habillés d'or, étincelants bijoux,
+ Tourbillonner, danser une danse sonore,
+ Puis fuir sous les rideaux, puis reparaître encore!
+ On s'éveillait matin, on se levait joyeux,
+ La lèvre affriandée, en se frottant les yeux...
+ On allait, les cheveux emmêlés sur la tête,
+ Les yeux tout rayonnants, comme aux grands jours de fête
+ Et les petits pieds nus effleurant le plancher,
+ Aux portes des parents tout doucement toucher...
+ On entrait!... Puis alors les souhaits... en chemise,
+ Les baisers répétés, et la gaîté permise?
+
+
+IV
+
+ Ah! c'était si charmant, ces mots dits tant de fois!
+ --Mais comme il est changé, le logis d'autrefois:
+ Un grand feu pétillait, clair, dans la cheminée,
+ Toute la vieille chambre était illuminée;
+ Et les reflets vermeils, sortis du grand foyer,
+ Sur les meubles vernis aimaient à tournoyer...
+ --L'armoire était sans clefs!... sans clefs, la grande armoire
+ On regardait souvent sa porte brune et noire...
+ Sans clefs!... c'était étrange!... On rêvait bien des fois
+ Aux mystères dormant entre ses flancs de bois,
+ Et l'on croyait ouïr, au fond de la serrure
+ Béante, un bruit lointain, vague et joyeux murmure
+ --La chambre des parents est bien vide, aujourd'hui
+ Aucun reflet vermeil sous la porte n'a lui;
+ Il n'est point de parents, de foyer, de clefs prises:
+ Partant point de baisers, point de douces surprises!
+ Oh! que le jour de l'an sera triste pour eux!
+ --Et, tout pensifs, tandis que de leurs grands yeux bleus
+ Silencieusement tombe une larme amère,
+ ils murmurent: «Quand donc reviendra notre mère?»
+ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
+
+
+V
+
+ Maintenant, les petits sommeillent tristement:
+ Vous diriez, à les voir, qu'ils pleurent en dormant,
+ Tant leurs yeux sont gonflés et leur souffle pénible!
+ Les tout petits enfants ont le coeur si sensible!
+ --Mais l'ange des berceaux vient essuyer leurs yeux,
+ Et dans ce lourd sommeil mit un rêve joyeux,
+ Un rêve si joyeux, que leur lèvre mi-close,
+ Souriante, semblait murmurer quelque chose...
+ Ils rêvent que, penchés sur leur petit bras rond,
+ Doux geste du réveil, ils avancent le front,
+ Et leur vague regard tout autour d'eux repose...
+ Ils se croient endormis dans un paradis rose...
+ Au foyer plein d'éclairs chante gaîment le feu...
+ Par la fenêtre on voit là-bas un beau ciel bleu;
+ La nature s'éveille et de rayons s'enivre...
+ La terre, demi-nue, heureuse de revivre,
+ A des frissons de joie aux baisers du soleil...
+ Et dans le vieux logis tout est tiède et vermeil:
+ Des sombres vêtements ne jonchent plus la terre,
+ La bise sous le seuil a fini par se taire.
+ On dirait qu'une fée a passé dans cela!...
+ --Les enfants, tout joyeux, ont jeté deux cris... Là,
+ Près du lit maternel, sous un beau rayon rose,
+ Là, sur le grand tapis, resplendit quelque chose...
+ Ce sont des médaillons argentés, noirs et blancs,
+ De la nacre et du jais aux reflets scintillants:
+ Des petits cadres noirs, des couronnes de verre,
+ Ayant trois mots gravés en or: «À NOTRE MÈRE!»
+ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
+
+ 2 janvier 1870
+
+
+
+
+VOYELLES
+
+
+ A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu, voyelles,
+ Je dirai quelque jour vos naissances latentes,
+ A, noir corset velu des mouches éclatantes
+ Qui bombillent autour des puanteurs cruelles,
+
+ Golfe d'ombre: E, candeur des vapeurs et des tentes,
+ Lance des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombelles
+ I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
+ Dans la colère ou les ivresses pénitentes;
+
+ U, cycles, vibrements divins des mers virides,
+ Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides
+ Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux;
+
+ O, suprême Clairon plein de strideurs étranges,
+ Silences traversés des Mondes et des Anges:
+ --O l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux!
+
+
+
+
+ORAISON DU SOIR
+
+
+ Je vis assis tel qu'un ange aux mains d'un barbier,
+ Empoignant une chope à fortes cannelures,
+ L'hypogastre et le col cambrés, une Gambier
+ Aux dents, sous l'air gonflé d'impalpables voilures.
+
+ Tels que les excréments chauds d'un vieux colombier
+ Mille rêves en moi font de douces brûlures;
+ Puis par instants mon coeur triste est comme un aubier
+ Qu'ensanglante l'or jaune et sombre des coulures.
+
+ Puis quand j'ai ravalé mes rêves avec soin,
+ Je me tourne, ayant bu trente ou quarante chopes,
+ Et me recueille pour lâcher l'âcre besoin.
+
+ Doux comme le Seigneur du cèdre et des hysopes,
+ Je pisse vers les cieux bruns très haut et très loin,
+ Avec l'assentiment des grands héliotropes.
+
+
+
+
+LES ASSIS
+
+
+ Noirs de loupes, grêlés, les yeux cerclés de bagues
+ Vertes, leurs doigts boulus crispés à leurs fémurs,
+ Le sinciput plaqué de hargnosités vagues
+ Comme les floraisons lépreuses des vieux murs,
+
+ Ils ont greffé dans des amours épileptiques
+ Leur fantasque ossature aux grands squelettes noirs
+ De leurs chaises; leurs pieds aux barreaux rachitiques
+ S'entrelacent pour les matins et pour les soirs.
+
+ Ces vieillards ont toujours fait tresse avec leurs sièges,
+ Sentant les soleils vifs percaliser leur peaux,
+ Ou les yeux à la vitre où se fanent les neiges,
+ Tremblant du tremblement douloureux des crapauds.
+
+ Et les Sièges leur ont des bontés; culottée
+ De brun, la paille cède aux angles de leurs reins.
+ L'âme des vieux soleils s'allume, emmaillotée
+ Dans ces tresses d'épis où fermentaient les grains.
+
+ Et les Assis, genoux aux dents, verts pianistes,
+ Les dix doigts sous leur siège aux rumeurs de tambour
+ S'écoutent clapoter des barcarolles tristes
+ Et leurs caboches vont dans des roulis d'amour.
+
+ Oh! ne les faites pas lever! C'est le naufrage.
+ Ils surgissent, grondant comme des chats gifflés,
+ Ouvrant lentement leurs omoplates, ô rage!
+ Tout leur pantalon bouffe à leurs reins boursouflés.
+
+ Et vous les écoutez cognant leurs têtes chauves
+ Aux murs sombres, plaquant et plaquant leurs pieds tors
+ Et leurs boutons d'habit sont des prunelles fauves
+ Qui vous accrochent l'oeil du fond des corridors.
+
+ Puis ils ont une main invisible qui tue;
+ Au retour, leur regard filtre ce venin noir
+ Qui charge l'oeil souffrant de la chienne battue,
+ Et vous suez, pris dans un atroce entonnoir.
+
+ Assis, les poings crispés dans des manchettes sales,
+ Ils songent à ceux-là qui les ont fait lever,
+ Et de l'aurore au soir des grappes d'amygdales
+ Sous leurs mentons chétifs s'agitent à crever.
+
+ Quand l'austère sommeil a baissé leurs visières
+ Ils rêvent sur leurs bras de sièges fécondés,
+ De vrais petits amours de chaises en lisières
+ Sur lesquelles de fiers bureaux seront bordés.
+
+ Les fleurs d'encre, crachant des pollens en virgules,
+ Les bercent le long des calices accroupis,
+ Tels qu'au fil des glaïeuls le vol des libellules,
+ --Et leur membre s'agace à des barbes d'épis!
+
+
+
+
+LES EFFARÉS
+
+ Noirs dans la neige et dans la brume,
+ Au grand soupirail qui s'allume,
+ Leurs culs en rond,
+
+ À genoux, cinq petits,--misère!--
+ Regardent le boulanger faire
+ Le lourd pain blond...
+
+ Ils voient le fort bras blanc qui tourne
+ La pâte grise, et qui l'enfourne
+ Dans un trou clair.
+
+ Ils écoutent le bon pain cuire
+ Le boulanger au gras sourire
+ Chante un vieil air.
+
+ Ils sont blottis, pas un ne bouge,
+ Au souffle du soupirail rouge,
+ Chaud comme un sein.
+
+ Et quand, pendant que minuit sonne,
+ Façonné, pétillant et jaune,
+ On sort le pain;
+
+ Quand, sous les poutres enfumées,
+ Chantent les croûtes parfumées,
+ Et les grillons;
+
+ Que ce trou chaud souffle la vie;
+ Ils ont leur âme si ravie
+ Sous leurs haillons,
+
+ Ils se ressentent si bien vivre,
+ Les pauvres petits pleins de givre!
+ --Qu'ils sont là, tous,
+
+ Collant leurs petits museaux roses
+ Au grillage, chantant des choses,
+ Entre les trous,
+
+ Mais bien bas,--comme une prière...
+ Repliés vers cette lumière
+ Du ciel rouvert,
+
+ --Si fort, qu'ils crèvent leur culotte,
+ --Et que leur lange blanc tremblotte
+ Au vent d'hiver...
+
+20 septembre 1870.
+
+
+
+
+LES CHERCHEUSES DE POUX
+
+
+ Quand le front de l'enfant plein de rouges tourmentes,
+ Implore l'essaim blanc des rêves indistincts,
+ Il vient près de son lit deux grandes soeurs charmantes
+ Avec de frêles doigts aux ongles argentins.
+
+ Elles assoient l'enfant devant une croisée
+ Grande ouverte où l'air bleu baigne un fouillis de fleurs,
+ Et dans ses lourds cheveux où tombe la rosée
+ Promènent leurs doigts fins, terribles et charmeurs.
+
+ Il écoute chanter leurs haleines craintives
+ Qui fleurent de longs miels végétaux et rosés
+ Et qu'interrompt parfois un sifflement, salives
+ Reprises sur la lèvre ou désirs de baisers.
+
+ Il entend leurs cils noirs battant sous les silences
+ Parfumés; et leurs doigts électriques et doux
+ Font crépiter parmi ses grises indolences
+ Sous leurs ongles royaux la mort des petits poux.
+
+ Voilà que monte en lui le vin de la Paresse,
+ Soupir d'harmonica qui pourrait délirer;
+ L'enfant se sent, selon la lenteur des caresses,
+ Sourdre et mourir sans cesse un désir de pleurer.
+
+
+
+
+BATEAU IVRE
+
+
+ Comme je descendais des Fleuves impassibles
+ Je ne me sentis plus guidé par les haleurs;
+ Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,
+ Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.
+
+ J'étais insoucieux de tous les équipages,
+ Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.
+ Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,
+ Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.
+
+ Dans les clapotements furieux des marées,
+ Moi, l'autre hiver, plus sourd que les cerveaux d'enfants,
+ Je courus! Et les Péninsules démarrées,
+ N'ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.
+
+ La tempête a béni mes éveils maritimes.
+ Plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flots
+ Qu'on appelle rouleurs éternels de victimes,
+ Dix nuits, sans regretter l'oeil niais des falots.
+
+ Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sures
+ L'eau verte pénétra ma coque de sapin
+ Et des taches de vins bleus et des vomissures
+ Me lava, dispersant gouvernail et grappin.
+
+ Et dès lors je me suis baigné dans le poème
+ De la mer, infusé d'astres et latescent,
+ Dévorant les azurs verts où, flottaison blême
+ Et ravie, un noyé pensif parfois descend,
+
+ Où, teignant tout à coup les bleuités, délires
+ Et rythmes lents sous les rutilements du jour,
+ Plus fortes que l'alcool, plus vastes que vos lyres,
+ Fermentent les rousseurs amères de l'amour.
+
+ Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes,
+ Et les ressacs, et les courants, je sais le soir,
+ L'aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes,
+ Et j'ai vu quelquefois ce que l'homme a cru voir.
+
+ J'ai vu le soleil bas taché d'horreurs mystiques
+ Illuminant de longs figements violets,
+ Pareils à des acteurs de drames très antiques,
+ Les flots roulant au loin leurs frissons de volets;
+
+ J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,
+ Baisers montant aux yeux des mers avec lenteur,
+ La circulation des sèves inouïes
+ Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs.
+
+ J'ai suivi des mois pleins, pareille aux vacheries
+ Hystériques, la houle à l'assaut des récifs,
+ Sans songer que les pieds lumineux des Maries
+ Pussent forcer le muffle aux Océans poussifs;
+
+ J'ai heurté, savez-vous? d'incroyables Florides,
+ Mêlant aux fleurs des yeux de panthères, aux peaux
+ D'hommes, des arcs-en-ciel tendus comme des brides,
+ Sous l'horizon des mers, à de glauques troupeaux;
+
+ J'ai vu fermenter les marais énormes, nasses
+ Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan,
+ Des écroulements d'eaux au milieu des bonaces
+ Et les lointains vers les gouffres cataractant!
+
+ Glaciers, soleils d'argent, flots nacreux, cieux de braises!
+ Échouages hideux au fond des golfes bruns
+ Où les serpents géants dévorés des punaises
+ Choient des arbres tordus avec de noirs parfums!
+
+ J'aurais voulu montrer aux enfants ces dorades
+ Du flot bleu, ces poissons d'or, ces poissons chantants,
+ Des écumes de fleurs ont béni mes dérades
+ Et d'ineffables vents m'ont ailé par instants.
+
+ Parfois, martyr lassé des pôles et des zones,
+ La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux
+ Montait vers moi ses fleurs d'ombre aux ventouses jaunes
+ Et je restais ainsi qu'une femme à genoux,
+
+ Presqu'île ballottant sur mes bords les querelles
+ Et les fientes d'oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds,
+ Et je voguais lorsqu'à travers mes liens frêles
+ Des noyés descendaient dormir à reculons.
+
+ Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,
+ Jeté par l'ouragan dans l'éther sans oiseau,
+ Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses
+ N'auraient pas repêché la carcasse ivre d'eau,
+
+ Libre, fumant, monté de brumes violettes,
+ Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur
+ Qui porte, confiture exquise aux bons poètes,
+ Des lichens de soleil et des morves d'azur,
+
+ Qui courais taché de lunules électriques,
+ Plante folle, escorté des hippocampes noirs,
+ Quand les Juillets faisaient croûler à coups de triques
+ Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs,
+
+ Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues
+ Le rut des Béhémots et des Maelstroms épais,
+ Fileur éternel des immobilités bleues,
+ Je regrette l'Europe aux anciens parapets.
+
+ J'ai vu des archipels sidéraux! Et des îles
+ Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur:
+ --Est-ce en ces nuits sans fond que tu dors et t'exiles,
+ Million d'oiseaux d'or, ô future Vigueur?
+
+ Mais, vrai, j'ai trop pleuré! Les aubes sont navrantes,
+ Toute lune est atroce et tout soleil amer.
+ L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes.
+ Oh! que ma quille éclate! Oh! que j'aille à la mer!
+
+ Si je désire une eau d'Europe, c'est la flache
+ Noire et froide où, vers le crépuscule embaumé,
+ Un enfant accroupi, plein de tristesse, lâche
+ Un bateau frêle comme un papillon de mai.
+
+ Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,
+ Enlever leur sillage aux porteurs de cotons,
+ Ni traverser l'orgueil des drapeaux et des flammes,
+ Ni nager sous les yeux horribles des pontons!
+
+
+
+
+LES PREMIÈRES COMMUNIONS
+
+
+I
+
+ Vraiment, c'est bête, ces églises de villages
+ Où quinze laids marmots, encrassant les piliers,
+ Écoutent, grasseyant les divins babillages,
+ Un noir grotesque dont fermentent les souliers.
+ Mais le soleil éveille, à travers les feuillages,
+ Les vieilles couleurs des vitraux ensoleillés,
+
+ La pierre sent toujours la terre maternelle,
+ Vous verrez des monceaux de ces cailloux terreux
+ Dans la campagne en rut qui frémit, solennelle,
+ Portant, près des blés lourds, dans les sentiers séreux,
+ Ces arbrisseaux brûlés où bleuit la prunelle,
+ Des noeuds de mûriers noirs ou de rosiers furieux.
+
+ Tous les cent ans, on rend ces granges respectables
+ Par un badigeon d'eau bleue et de lait caillé.
+ Si des mysticités grotesques sont notables
+ Près de la Notre-Dame ou du saint empaillé,
+ Des mouches sentant bon l'auberge et les étables
+ Se gorgent de cire au plancher ensoleillé.
+
+ L'enfant se doit surtout à la maison, famille
+ Des soins naïfs, des bons travaux abrutissants,
+ Ils sortent, oubliant que la peau leur fourmille
+ Où le Prêtre du Christ a mis ses doigts puissants.
+ On paie au Prêtre un toit ombré d'une charmille
+ Pour qu'il laisse au soleil tous ces fronts bruissants.
+
+ Le premier habit noir, le plus beau jour de tartes
+ Sous le Napoléon ou le Petit Tambour,
+ Quelque enluminure où les Josephs et les Marthes
+ Tirent la langue avec un excessif amour
+ Et qui joindront aux jours de science deux cartes,
+ Ces deux seuls souvenirs lui restent du grand jour.
+
+ Les filles vont toujours à l'église, contentes
+ De s'entendre appeler garces par les garçons
+ Qui font du genre, après messe et vêpres chantantes,
+ Eux, qui sont destinés au chic des garnisons,
+ Ils narguent au café les maisons importantes,
+ Blousés neuf et gueulant d'effroyables chansons.
+
+ Cependant le curé choisit, pour les enfances,
+ Des dessins; dans son clos, les vêpres dites, quand
+ L'air s'emplit du lointain nasillement des danses,
+ Il se sent, en dépit des célestes défenses,
+ Les doigts de pied ravis et le mollet marquant...
+ --La nuit vient, noir pirate au ciel noir débarquant.
+
+
+II
+
+ Le prêtre a distingué, parmi les catéchistes
+ Congrégés des faubourgs ou des riches quartiers,
+ Cette petite fille inconnue, aux yeux tristes,
+ Front jaune. Ses parents semblent de doux portiers.
+ Au grand jour, la marquant parmi les catéchistes,
+ Dieu fera, sur son front, neiger ses bénitiers.
+
+ La veille du grand jour, l'enfant se fait malade
+ Mieux qu'à l'église haute aux funèbres rumeurs.
+ D'abord le frisson vient, le lit n'étant pas fade,
+ Un frisson surhumain qui retourne: Je meurs...
+
+ Et, comme un vol d'amour fait à ses soeurs stupides,
+ Elle compte, abattue et les mains sur son coeur,
+ Ses Anges, ses Jésus et ses Vierges nitides,
+ Et, calmement, son âme a bu tout son vainqueur.
+
+ Adonaï!... Dans les terminaisons latines
+ Des cieux moirés de vert baignent les Fronts vermeils
+ Et tachés du sang pur des célestes poitrines,
+ De grands linges neigeux tombent sur les soleils.
+
+ Pour ses virginités présentes et futures
+ Elle mord aux fraîcheurs de ta Rémission;
+ Mais plus que les lys d'eau, plus que les confitures
+ Tes pardons sont glacés, ô Reine de Sion.
+
+
+III
+
+ Puis la Vierge n'est plus que la Vierge du livre;
+ Les mystiques élans se cassent quelquefois,
+ Et vient la pauvreté des images que cuivre
+ L'ennui, l'enluminure atroce et les vieux bois.
+
+ Des curiosités vaguement impudiques
+ Épouvantent le rêve aux chastes bleuités
+ Qui sont surpris autour des célestes tuniques
+ Du linge dont Jésus voile ses nudités.
+
+ Elle veut, elle veut pourtant, l'âme en détresse,
+ Le front dans l'oreiller creusé par les cris sourds,
+ Prolonger les éclairs suprêmes de tendresse
+ Et bave...--L'ombre emplit les maisons et les cours,
+
+ Et l'enfant ne peut plus. Elle s'agite et cambre
+ Les reins, et d'une main ouvre le rideau bleu
+ Pour amener un peu la fraîcheur de la chambre
+ Sous le drap, vers son ventre et sa poitrine en feu.
+
+
+IV
+
+ À son réveil,--minuit,--la fenêtre était blanche
+ Devant le soleil bleu des rideaux illunés;
+ La vision la prit des langueurs du Dimanche,
+ Elle avait rêvé rouge. Elle saigna du nez,
+
+ Et se sentant bien chaste et pleine de faiblesse,
+ Pour savourer en Dieu son amour revenant,
+ Elle eut soif de la nuit où s'exalte et s'abaisse
+ Le coeur, sous l'oeil des cieux doux, en les devinant;
+
+ De la nuit, Vierge-Mère impalpable qui baigne
+ Tous les jeunes émois de ses silences gris;
+ Elle eut soif de la nuit forte où le coeur qui saigne
+ Écoute sans témoin sa révolte sans cris.
+
+ Et, faisant la victime et la petite épouse,
+ Son étoile la vit, une chandelle aux doigts,
+ Descendre dans la cour où séchait une blouse,
+ Spectre blanc, et lever les spectres noirs des toits.
+
+
+V
+
+ Elle passa sa nuit Sainte dans les latrines.
+ Vers la chandelle, aux trous du toit, coulait l'air blanc
+ Et quelque vigne folle aux noirceurs purpurines
+ En deçà d'une cour voisine s'écroulant.
+
+ La lucarne faisait un coeur de lueur vive
+ Dans la cour où les cieux bas plaquaient d'ors vermeils
+ Les vitres; les pavés puant l'eau de lessive
+ Souffraient l'ombre des toits bordés de noirs sommeils.
+
+
+VI
+
+ Qui dira ces langueurs et ces pitiés immondes
+ Et ce qui lui viendra de haine, ô sales fous,
+ Dont le travail divin déforme encor les mondes
+ Quand la lèpre, à la fin, rongera ce corps doux,
+
+ Et quand, ayant rentré tous ces noeuds d'hystéries
+ Elle verra, sous les tristesses du bonheur,
+ L'amant rêver au blanc million de Maries
+ Au matin de la nuit d'amour, avec douleur!
+
+
+VII
+
+ Sais-tu que je t'ai fait mourir? J'ai pris ta bouche,
+ Ton coeur, tout ce qu'on a, tout ce que vous avez,
+ Et moi je suis malade. Oh! je veux qu'on me couche
+ Parmi les Morts des eaux nocturnes abreuvés!
+
+ J'étais bien jeune, et Christ a souillé mes haleines,
+ Il me bonda jusqu'à la gorge de dégoûts;
+ Tu baisais mes cheveux profonds comme des laines,
+ Et je me laissais faire!... Oh! va... c'est bon pour vous,
+
+ Hommes! qui songez peu que la plus amoureuse
+ Est, dans sa conscience, aux ignobles terreurs
+ La plus prostituée et la plus douloureuse
+ Et que tous nos élans vers vous sont des erreurs.
+
+ Car ma communion première est bien passée!
+ Tes baisers, je ne puis jamais les avoir bus.
+ Et mon coeur et ma chair par ta chair embrassée
+ Fourmillent du baiser putride de Jésus...
+
+
+VIII
+
+ Alors l'âme pourrie et l'âme désolée
+ Sentiront ruisseler tes malédictions.
+ --Ils avaient couché sur ta haine inviolée
+ Echappés, pour la mort, des justes passions.
+
+ Christ, ô Christ, éternel voleur des énergies,
+ Dieu qui, pour deux mille ans, vouas, à ta pâleur,
+ Cloués au sol, de honte et de céphalalgies,
+ Ou renversés, les fronts des Femmes de douleur.
+
+Juillet 1871.
+
+
+
+
+L'ORGIE PARISIENNE
+
+OU
+
+PARIS SE REPEUPLE
+
+
+ Ô lâches, la voilà! dégorgez dans les gares!
+ Le soleil expia de ses poumons ardents
+ Les boulevards qu'un soir comblèrent les Barbares
+ Voilà la Cité belle assise à l'occident!
+
+ Allez! on préviendra les reflux d'incendie,
+ Voilà les quais! voilà les boulevards! voilà,
+ Sur les maisons, l'azur léger qui s'irradie,
+ Et qu'un soir la rougeur des bombes étoila.
+
+ Cachez les palais morts dans des niches de planches
+ L'ancien jour effaré rafraîchit vos regards.
+ Voici le troupeau roux des tordeuses de hanches,
+ Soyez fous, vous serez drôles, étant hagards!
+
+ Tas de chiennes en rut mangeant des cataplasmes,
+ Le cri des maisons d'or vous réclame. Volez!
+ Mangez! voici la nuit de joie aux profonds spasmes
+ Qui descend dans la rue, ô buveurs désolés,
+
+ Buvez. Quand La lumière arrive intense et folle
+ Fouillant à vos côtés les luxes ruisselants,
+ Vous n'allez pas baver, sans geste, sans parole,
+ Dans vos verres, les yeux perdus aux lointains blancs,
+
+ Avalez, pour la Reine aux fesses cascadantes!
+ Écoutez l'action des stupides hoquets
+ Déchirants. Écoutez, sauter aux nuits ardentes
+ Les idiots râleux, vieillards, pantins, laquais!
+
+ Ô coeurs de saleté, bouches épouvantables,
+ Fonctionnez plus fort, bouches de puanteurs!
+ Un vin pour ces torpeurs ignobles, sur ces tables...
+ Vos ventres sont fondus de hontes, ô Vainqueurs!
+
+ Ouvrez votre narine aux superbes nausées!
+ Trempez de poisons forts les cordes de vos cous!
+ Sur vos nuques d'enfants baissant ses mains croisées
+ Le Poète vous dit: ô lâches, soyez fous!
+
+ Parce que vous fouillez le ventre de la Femme
+ Vous craignez d'elle encore une convulsion
+ Qui crie, asphyxiant votre nichée infâme
+ Sur sa poitrine, en une horrible pression.
+
+ Syphilitiques, fous, rois, pantins, ventriloques,
+ Qu'est-ce que ça peut faire à la pudeur Paris,
+ Vos âmes et vos corps, vos poisons et vos loques?
+ Elle se secouera de vous, hargneux pourris!
+
+ Et quand vous serez bas, geignant sur vos entrailles
+ Les flancs morts, réclamant votre argent, éperdus,
+ La rouge courtisane aux seins gros des batailles,
+ Loin de votre stupeur tordra ses poings ardus!
+
+ Quand tes pieds ont dansé si fort dans les colères,
+ Paris! quand tu reçus tant de coups de couteau,
+ Quand tu gis, retenant dans tes prunelles claires,
+ Un peu de la bonté du fauve renouveau,
+
+ Ô cité douloureuse, ô cité quasi morte,
+ La tête et les deux seins jetés vers l'Avenir
+ Ouvrant sur ta pâleur ses milliards de portes,
+ Cité que le Passé sombre pourrait bénir:
+
+ Corps remagnétisé pour les énormes peines,
+ Tu rebois donc la vie effroyable! tu sens
+ Sourdre le flux des vers livides en tes veines,
+ Et sur ton clair amour rôder les doigts glaçants!
+
+ Et ce n'est pas mauvais. Tes vers, tes vers livides
+ Ne gêneront pas plus ton souffle de Progrès
+ Que les Stryx n'éteignaient l'oeil des Cariatides
+ Où des pleurs d'or astral tombaient des bleus degrés.
+
+ Quoique ce soit affreux de te revoir couverte
+ Ainsi; quoiqu'on n'ait fait jamais d'une cité
+ Ulcère plus puant à la Nature verte,
+ Le Poète te dit «Splendide est ta Beauté!»
+
+ L'orage t'a sacrée suprême poésie;
+ L'immense remuement des forces te secourt;
+ Ton oeuvre bout, la mort gronde, Cité choisie!
+ Amasse les strideurs au coeur du clairon lourd.
+
+ Le Poète prendra le sanglot des Infâmes,
+ La haine des Forçats, la clameur des maudits;
+ Et ses rayons d'amour flagelleront les Femmes.
+ Ses strophes bondiront, voilà! voilà! bandits!
+
+ --Société, tout est rétabli:--les orgies
+ Pleurent leur ancien râle aux anciens lupanars:
+ Et les gaz en délire aux murailles rougies
+ Flambent sinistrement vers les azurs blafards!
+
+Mai 1871.
+
+
+
+
+ACCROUPISSEMENTS
+
+
+ Bien tard, quand il se sent l'estomac écoeuré,
+ Le frère Milotus un oeil à la lucarne
+ D'où le soleil, clair comme un chaudron récuré,
+ Lui darde une migraine et fait son regard darne,
+ Déplace dans les draps son ventre de curé.
+
+ Il se démène sous sa couverture grise
+ Et descend ses genoux à son ventre tremblant,
+ Effaré comme un vieux qui mangerait sa prise,
+ Car il lui faut, le poing à l'anse d'un pot blanc,
+ À ses reins largement retrousser sa chemise!
+
+ Or, il s'est accroupi frileux, les doigts de pied
+ Repliés grelottant au clair soleil qui plaque
+ Des jaunes de brioches aux vitres de papiers,
+ Et le nez du bonhomme où s'allume la laque
+ Renifle aux rayons, tel qu'un charnel polypier.
+
+ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
+
+ Le bonhomme mijote au feu, bras tordus, lippe
+ Au ventre: il sent glisser ses cuisses dans le feu
+ Et ses chausses roussir et s'éteindre sa pipe;
+ Quelque chose comme un oiseau remue un peu
+ À son ventre serein comme un morceau de tripe!
+
+ Autour, dort un fouillis de meubles abrutis
+ Dans des haillons de crasse et sur de sales ventres,
+ Des escabeaux, crapauds étranges, sont blottis
+ Aux coins noirs: des buffets ont des gueules de chantres
+ Qu'entr'ouvre un sommeil plein d'horribles appétits.
+
+ L'écoeurante chaleur gorge la chambre étroite,
+ Le cerveau du bonhomme est bourré de chiffons,
+ Il écoute les poils pousser dans sa peau moite
+ Et parfois en hoquets fort gravement bouffons
+ S'échappe, secouant son escabeau qui boite...
+
+ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
+
+ Et le soir aux rayons de lune qui lui font
+ Aux contours du cul des bavures de lumière,
+ Une ombre avec détails s'accroupit sur un fond
+ De neige rose ainsi qu'une rose trémière...
+ Fantasque, un nez poursuit Vénus au ciel profond.
+
+
+
+
+LES PAUVRES À L'ÉGLISE
+
+
+ Parqués entre des bancs de chêne, aux coins d'église
+ Qu'attiédit puamment leur souffle, tous leurs yeux
+ Vers le coeur ruisselant d'orrie et la maîtrise
+ Aux vingt gueules gueulant les cantiques pieux;
+
+ Comme un parfum de pain humant l'odeur de cire,
+ Heureux, humiliés comme des chiens battus,
+ Les Pauvres au bon Dieu, le patron et le sire,
+ Tendent leurs oremus risibles et têtus.
+
+ Aux femmes, c'est bien bon de faire des bancs lisses;
+ Après les six jours noirs où Dieu les fait souffrir!
+ Elles bercent, tordus dans d'étranges pelisses,
+ Des espèces d'enfants qui pleurent à mourir;
+
+ Leurs seins crasseux dehors, ces mangeuses de soupe,
+ Une prière aux yeux et ne priant jamais,
+ Regardent parader mauvaisement un groupe
+ De gamines avec leurs chapeaux déformés.
+
+ Dehors, le froid, la faim, l'homme en ribote:
+ C'est bon. Encore une heure; après, les maux sans nom
+ --Cependant, alentour, geint, nazille, chuchote
+ Une collection de vieilles à fanons;
+
+ Ces effarés y sont et ces épileptiques
+ Dont on se détournait hier aux carrefours;
+ Et, fringalant du nez dans des missels antiques
+ Ces aveugles qu'un chien introduit dans les cours.
+
+ Et tous, bavant la foi mendiante et stupide,
+ Récitent la complainte infinie à Jésus
+ Qui rêve en haut, jauni par le vitrail livide,
+ Loin des maigres mauvais et des méchants pansus,
+
+ Loin des senteurs de viande et d'étoffes moisies,
+ Farce prostrée et sombre aux gestes repoussants;
+ --Et l'oraison fleurit d'expressions choisies,
+ Et les mysticités prennent des tons pressants,
+
+ Quand, des nefs où périt le soleil, plis de soie
+ Banals, sourires verts, les Dames des quartiers
+ Distingués,--ô Jésus!--les malades du foie
+ Font baiser leurs longs doigts jaunes aux bénitiers.
+
+1871
+
+
+
+
+CE QUI RETIENT NINA
+
+
+LUI
+
+ Ta poitrine sur ma poitrine,
+ Hein? nous irions,
+ Ayant de l'air plein la narine,
+ Aux frais rayons
+
+ Du bon matin bleu qui vous baigne
+ Du vin de jour?...
+ Quand tout le bois frissonnant saigne
+ Muet d'amour
+
+ De chaque branche, gouttes vertes,
+ Des bourgeons clairs,
+ On sent dans les choses ouvertes
+ Frémir des chairs;
+
+ Tu plongerais dans la luzerne
+ Ton long peignoir,
+ Divine avec ce bleu qui cerne
+ Ton grand oeil noir,
+
+ Amoureuse de la campagne,
+ Semant partout,
+ Comme une mousse de champagne,
+ Ton rire fou!
+
+ Riant à moi, brutal d'ivresse,
+ Qui te prendrais
+ Comme cela,--la belle tresse,
+ Oh!--qui boirais
+
+ Ton goût de framboise et de fraise,
+ Ô chair de fleur!
+ Riant au vent vif qui te baise
+ Comme un voleur!
+
+ Au rose églantier qui t'embête
+ Aimablement...
+ Riant surtout, ô folle tête,
+ À ton amant!...
+
+ Dix-sept ans! Tu seras heureuse!
+ Oh! les grands prés,
+ La grande campagne amoureuse!
+ --Dis, viens plus près!...
+
+ Ta poitrine sur ma poitrine,
+ Mêlant nos voix,
+ Lents, nous gagnerions la ravine,
+ Puis les grands bois!...
+
+ Puis, comme une petite morte,
+ Le coeur pâmé,
+ Tu me dirais que je te porte,
+ L'oeil mi-fermé...
+
+ Je te porterais, palpitante
+ Dans le sentier...
+ L'oiseau filerait son andante,
+ Joli portier...
+
+ Je te parlerais dans ta bouche:
+ J'irais, pressant
+ Ton corps, comme une enfant qu'on couche
+ Ivre du sang
+
+ Qui coule, bleu, sous ta peau blanche
+ Aux tons rosés,
+ Te parlant bas la langue franche...
+ Tiens!... que tu sais...
+
+ Nos grands bois sentiraient la sève,
+ Et le soleil
+ Sablerait d'or fin leur grand rêve
+ Sombre et vermeil!
+
+ Le soir?... Nous reprendrons la route
+ Blanche qui court,
+ Flânant, comme un troupeau qui broute,
+ Tout à l'entour...
+
+ Les bons vergers à l'herbe bleue
+ Aux pommiers tors!
+ Comme on les sent tout une lieue,
+ Leurs parfums forts!
+
+ Nous regagnerions le village
+ Au ciel mi-noir;
+ Et ça sentirait le laitage
+ Dans l'air du soir:
+
+ Ça sentirait l'étable pleine
+ De fumiers chauds,
+ Pleine d'un rythme lent d'haleine,
+ Et de grands dos
+
+ Blanchissant sous quelque lumière;
+ Et, tout là-bas,
+ Une vache fienterait fière,
+ À chaque pas!...
+
+ --Les lunettes de la grand'mère
+ Et son nez long
+ Dans son missel, le pot de bière
+ Cerclé de plomb
+
+ Moussant entre trois larges pipes
+ Qui, crânement,
+ Fument: dix, quinze, immenses lippes
+ Qui, tout fumant,
+
+ Happent le jambon aux fourchettes
+ Tant, tant et plus;
+ Le feu qui claire les couchettes,
+ Et les bahuts:
+
+ Les fesses luisantes et grasses
+ D'un gros enfant
+ Qui fourre, à genoux, dans des tasses,
+ Son museau blanc
+
+ Frolé par un mufle qui gronde
+ D'un ton gentil,
+ Et pourlèche la face ronde
+ Du cher petit...
+
+ Noire, rogue au bord de sa chaise,
+ Affreux profil,
+ Une vieille devant la braise
+ Qui fait du fil;
+
+ Que de choses nous verrions, chère,
+ Dans ces taudis,
+ Quand la flamme illumine, claire,
+ Les carreaux gris!...
+
+ --Et puis, fraîche et toute nichée
+ Dans les lilas,
+ La maison, la vitre cachée
+ Qui rit là-bas...
+
+ Tu viendras, tu viendras, je t'aime,
+ Ce sera beau!
+ Tu viendras, n'est-ce pas? et même...
+
+ELLE
+
+ Mais le bureau?
+
+15 août 1870.
+
+
+
+
+VÉNUS ANADYOMÈNE
+
+
+ Comme d'un cercueil vert en fer-blanc, une tête
+ De femme à cheveux bruns fortement pommadés
+ D'une vieille baignoire émerge, lente et bête,
+ Montrant des déficits assez mal ravaudés;
+
+ Puis le col gras et gris, les larges omoplates
+ Qui saillent; le dos court qui rentre et qui ressort.
+ --La graisse sous la peau paraît en feuilles plates;
+ Et les rondeurs des reins semblent prendre l'essor...
+
+ L'échine est un peu rouge, et le tout sent un goût
+ Horrible étrangement,--on remarque surtout
+ Des singularités qu'il faut voir à la loupe...
+
+ Les reins portent deux mots gravés: _Clara Vénus_
+ --Et tout ce corps remue et tend sa large croupe
+ Belle hideusement d'un ulcère à l'anus.
+
+27 juillet 1870.
+
+
+
+
+ «Français de soixante-dix, bonapartistes, républicains, souvenez-vous
+ de vos pères en 92, etc...»
+
+ PAUL DE CASSAGNAC _(Le Pays)_
+
+
+ Morts de quatre-vingt-douze et de quatre-vingt-treize
+ Qui, pâles du baiser fort de la liberté,
+ Calmes, sous vos sabots, brisiez le joug qui pèse
+ Sur l'âme et sur le front de toute humanité;
+
+ Hommes extasiés et grands dans la tourmente,
+ Vous dont les coeurs sautaient d'amour sous les haillons,
+ Ô soldats que la Mort a semés, noble Amante,
+ Pour les régénérer, dans tous les vieux sillons;
+
+ Vous dont le sang lavait toute grandeur salie,
+ Morts de Valmy, Morts de Fleurus, Morts d'Italie,
+ Ô Million de Christs aux yeux sombres et doux;
+
+ Nous vous laissions dormir avec la République,
+ Nous, courbés sous les rois comme sous une trique:
+ --Messieurs de Cassagnac nous reparlent de vous!
+
+3 septembre 1870.
+
+
+
+
+COMÉDIE EN TROIS BAISERS
+
+
+ Elle était fort déshabillée,
+ Et de grands arbres indiscrets
+ Aux vitres penchaient leur feuillée
+ Malinement, tout près, tout près.
+
+ Assise sur ma grande chaise,
+ Mi-nue elle joignait les mains.
+ Sur le plancher frissonnaient d'aise
+ Ses petits pieds si fins, si fins.
+
+ --Je regardai, couleur de cire
+ Un petit rayon buissonnier
+ Papillonner, comme un sourire,
+ Sur son beau sein, mouche au rosier,
+
+ --Je baisai ses fines chevilles.
+ Elle eut un long rire tris-mal
+ Qui s'égrenait en claires trilles,
+ Une risure de cristal...
+
+ Les petits pieds sous la chemise
+ Se sauvèrent: «Veux-tu finir!»
+ --La première audace permise,
+ Le rire feignait de punir!
+
+ --Pauvrets palpitant sous ma lèvre,
+ Je baisai doucement ses yeux:
+ --Elle jeta sa tête mièvre
+ En arrière: «Oh! c'est encor mieux!...»
+
+ «Monsieur, j'ai deux mots à te dire...»
+ --Je lui jetai le reste au sein
+ Dans un baiser, qui la fit rire
+ D'un bon rire qui voulait bien...
+
+ --Elle était fort déshabillée
+ Et de grands arbres indiscrets
+ Aux vitres penchaient leur feuillée
+ Malinement, tout près, tout près.
+
+
+
+
+SENSATION
+
+
+ Par les soirs bleus d'été, j'irai dans les sentiers,
+ Picoté par les blés, fouler l'herbe menue:
+ Rêveur, j'en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
+ Je laisserai le vent baigner ma tête nue!
+
+ Je ne parlerai pas, je ne penserai rien;
+ Mais l'amour infini me montera dans l'âme,
+ Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien
+ Par la Nature,--heureux comme avec une femme.
+
+Mars 1870.
+
+
+
+
+BAL DES PENDUS
+
+
+ Au gibet noir, manchot aimable,
+ Dansent, dansent les paladins,
+ Les maigres paladins du diable,
+ Les squelettes de Saladins.
+
+ Messire Belzebuth tire par la cravate
+ Ses petits pantins noirs grimaçant sur le ciel,
+ Et, leur claquant au front un revers de savate,
+ Les fait danser, danser aux sons d'un vieux Noël!
+
+ Et les pantins choqués enlacent leurs bras grêles:
+ Comme des orgues noirs, les poitrines à jour
+ Que serraient autrefois les gentes damoiselles,
+ Se heurtent longuement dans un hideux amour.
+
+ Hurrah! les gais danseurs, qui n'avez plus de panse!
+ On peut cabrioler, les tréteaux sont si longs!
+ Hop! qu'on ne sache plus si c'est bataille ou danse!
+ Belzebuth enragé râcle ses violons!
+
+ Ô durs talons, jamais on n'use sa sandale!
+ Presque tous ont quitté la chemise de peau:
+ Le reste est peu gênant et se voit sans scandale.
+ Sur les crânes, la neige applique un blanc chapeau:
+
+ Le corbeau fait panache à ces têtes fêlées,
+ Un morceau de chair tremble à leur maigre menton:
+ On dirait, tournoyant dans les sombres mêlées,
+ Des preux, raides, heurtant armures de carton.
+
+ Hurrah! la bise siffle au grand bal des squelettes!
+ Le gibet noir mugit comme un orgue de fer!
+ Les loups vont répondant des forêts violettes:
+ À l'horizon, le ciel est d'un rouge d'enfer...
+
+ Holà, secouez-moi ces capitans funèbres
+ Qui défilent, sournois, de leurs gros doigts cassés
+ Un chapelet d'amour sur leurs pâles vertèbres:
+ Ce n'est pas un monstier ici, les trépassés!
+
+ Oh! voilà qu'au milieu de la danse macabre
+ Bondit dans le ciel rouge un grand squelette fou
+ Emporté par l'élan, comme un cheval se cabre:
+ Et, se sentant encor la corde raide au cou,
+
+ Crispe ses petits doigts sur son fémur qui craque
+ Avec des cris pareils à des ricanements,
+ Et, comme un baladin rentre dans la baraque,
+ Rebondit dans le bal au chant des ossements.
+
+ Au gibet noir, manchot aimable,
+ Dansent, dansent les paladins,
+ Les maigres paladins du diable,
+ Les squelettes de Saladins.
+
+
+
+
+ROMAN
+
+
+I
+
+ On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans.
+ --Un beau soir, foin des bocks et de la limonade,
+ Ces cafés tapageurs aux lustres éclatants!
+ --On va sous les tilleuls verts de la promenade,
+
+ Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de juin!
+ L'air est parfois si doux, qu'on ferme la paupière;
+ Le vent chargé de bruits,--la ville n'est pas loin,--
+ A des parfums de vigne et des parfums de bière...
+
+
+II
+
+ --Voilà qu'on aperçoit un tout petit chiffon
+ D'azur sombre, encadré d'une petite branche,
+ Piqué d'une mauvaise étoile, qui se fond
+ Avec de doux frissons, petite et toute blanche...
+
+ Nuit de juin! Dix-sept ans!--On se laisse griser.
+ La sève est du champagne et vous monte à la tête...
+ On divague; on se sent aux lèvres un baiser
+ Qui palpite là, comme une petite bête...
+
+
+III
+
+ Le coeur fou Robinsonne à travers les romans,
+ --Lorsque, dans la clarté d'un pâle réverbère,
+ Passe une demoiselle aux petits airs charmants,
+ Sous l'ombre du faux-col effrayant de son père...
+
+ Et, comme elle vous trouve immensément naïf,
+ Tout en faisant trotter ses petites bottines,
+ Elle se tourne, alerte et d'un mouvement vif...
+ --Sur vos lèvres alors meurent les cavatines...
+
+
+IV
+
+ Vous êtes amoureux. Loué jusqu'au moi d'août.
+ Vous êtes amoureux.--Vos sonnets la font rire.
+ Tous vos amis s'en vont, vous êtes mauvais goût.
+ --Puis l'adorée, un soir, a daigné vous écrire...!
+
+ --Ce soir-là, ...--vous rentrez aux cafés éclatants,
+ Vous demandez des bocks ou de la limonade...
+ --On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans
+ Et qu'on a des tilleuls verts sur la promenade.
+
+23 septembre 1870.
+
+
+
+
+RAGES DE CÉSARS
+
+
+ L'Homme pâle, le long des pelouses fleuries,
+ Chemine, en habit noir, et le cigare aux dents:
+ L'Homme pâle repense aux fleurs des Tuileries
+ --Et parfois son oeil terne a des regards ardents...!
+
+ Car l'Empereur est saoûl de ses vingt ans d'orgie!
+ Il s'était dit: «Je vais souffler la Liberté
+ Bien délicatement, ainsi qu'une bougie!»
+ La Liberté revit! Il se sent éreinté!
+
+ Il est pris.--Oh! quel nom sur ses lèvres muettes
+ Tressaille? Quel regret incapable le mord?
+ On ne le saura pas. L'Empereur a l'oeil mort.
+
+ Il repense peut-être au Compère en lunettes...
+ --Et regarde filer de son cigare en feu,
+ Comme aux soirs de Saint-Cloud, un fin nuage bleu
+
+
+
+
+LE MAL
+
+
+ Tandis que les crachats rouges de la mitraille
+ Sifflent tout le jour par l'infini du ciel bleu;
+ Qu'écarlates ou verts, près du Roi qui les raille,
+ Croulent les bataillons en masse dans le feu;
+
+ Tandis qu'une folie épouvantable, broie
+ Et fait de cent milliers d'hommes un tas fumant;
+ --Pauvres morts! dans l'été, dans l'herbe, dans ta joie,
+ Nature! ô toi qui fis ces hommes saintement!...--
+
+ --Il est un Dieu, qui rit aux nappes damassées
+ Des autels, à l'encens, aux grands calices d'or;
+ Qui dans le bercement des hosannah s'endort,
+
+ Et se réveille, quand des mères, ramassées
+ Dans l'angoisse et pleurant sous leur vieux bonnet noir,
+ Lui donnent un gros sou lié dans leur mouchoir!
+
+
+
+
+OPHÉLIE
+
+
+I
+
+ Sur l'onde calme et noire où dorment les étoiles,
+ La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,
+ Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles...
+ --On entend dans les bois de lointains hallalis...
+
+ Voici plus de mille ans que la triste Ophélie
+ Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir;
+ Voici plus de mille ans que sa douce folie
+ Murmure sa romance à la brise du soir.
+
+ Le vent baise ses seins et déploie en corolle
+ Ses longs voiles bercés mollement par les eaux;
+ Les saules frissonnants pleurent sur son épaule,
+ Sur son grand front rêveur s'inclinent les roseaux.
+
+ Les nénuphars froissés soupirent autour d'elle;
+ Elle éveille parfois, dans un aune qui dort,
+ Quelque nid, d'où s'échappe un petit frisson d'aile.
+ --Un chant mystérieux tombe des astres d'or.
+
+
+II
+
+ Ô pâle Ophélia! belle comme la neige,
+ Oui, tu mourus, enfant, par un fleuve emporté!
+ --C'est que les vents tombant des grands monts de Norwège
+ T'avaient parlé tout bas de l'âpre liberté!
+
+ C'est qu'un souffle inconnu, fouettant ta chevelure,
+ À ton esprit rêveur portait d'étranges bruits;
+ Que ton coeur entendait la voix de la Nature
+ Dans les plaintes de l'arbre et les soupirs des nuits!
+
+ C'est que la voix des mers, comme un immense râle,
+ Brisait ton sein d'enfant, trop humain et trop doux;
+ C'est qu'un matin d'avril, un beau cavalier pâle,
+ Un pauvre fou s'assit, muet, à tes genoux!
+
+ Ciel! Amour! Liberté! Quel rêve, ô pauvre Follet
+ Tu te fondais à lui comme une neige au feu.
+ Tes grandes visions étranglaient ta parole:
+ --Un Infini terrible effara ton oeil bleu!
+
+
+III
+
+ --Et le Poète dit qu'aux rayons des étoiles
+ Tu viens chercher, la nuit, les fleurs que tu cueillis;
+ Et qu'il a vu sur l'eau, couchée en ses longs voiles,
+ La blanche Ophélia flotter, comme un grand lys.
+
+
+
+
+LE CHÂTIMENT DE TARTUFE
+
+
+ Tisonnant, tisonnant son coeur amoureux sous
+ Sa chaste robe noire, heureux, la main gantée,
+ Un jour qu'il s'en allait, effroyablement doux,
+ Jaune, bavant la foi de sa bouche édentée,
+
+ Un jour qu'il s'en allait, «Orémus»,--un Méchant
+ Le prit rudement par son oreille benoite
+ Et lui jeta des mots affreux, en arrachant
+ Sa chaste robe noire autour de sa peau moite!
+
+ Châtiment!... Ses habits étaient déboutonnés,
+ Et le long chapelet des péchés pardonnés
+ S'égrenant dans son coeur, Saint Tartufe était pâle!...
+
+ Donc, il se confessait, priait, avec un râle!
+ L'homme se contenta d'emporter ses rabats...
+ --Peuh! Tartufe était nu du haut jusques en bas!
+
+
+
+
+À LA MUSIQUE
+
+
+ _Place de la Gare, à Charleville._
+
+ Sur la place taillée en mesquines pelouses,
+ Square où tout est correct, les arbres et les fleurs,
+ Tous les bourgeois poussifs qu'étranglent les chaleurs
+ Portent, les jeudis soirs, leurs bêtises jalouses.
+
+ Un orchestre guerrier, au milieu du jardin,
+ Balance ses schakos dans la Valse des fifres:
+ On voit, aux premiers rangs, parader le gandin,
+ Les notaires montrent leurs breloques à chiffres:
+
+ Des rentiers à lorgnons soulignent tous les couacs;
+ Les gros bureaux bouffis traînent leurs grosses dames,
+ Auprès desquelles vont, officieux cornacs,
+ Celles dont les volants ont des airs de réclames;
+
+ Sur les bancs verts, des clubs d'épiciers retraités
+ Qui tisonnent le sable avec leur canne à pomme,
+ Fort sérieusement discutent des traités,
+ Puis prisent en argent, mieux que monsieur Prud'homme!
+
+ Étalant sur un banc les rondeurs de ses reins,
+ Un bourgeois bienheureux, à bedaine flamande,
+ Savoure, s'abîmant en des rêves divins,
+ La musique française et la pipe allemande!
+
+ Au bord des gazons frais ricanent les voyous;
+ Et, rendus amoureux par le chant des trombones,
+ Très naïfs, et fumant des roses, des pioupious
+ Caressent les bébés pour enjôler les bonnes...
+
+ --Moi, je suis, débraillé comme un étudiant,
+ Sous les marronniers verts les alertes fillettes:
+ Elles le savent bien, et tournent en riant,
+ Vers moi, leurs yeux tout pleins de choses indiscrètes.
+
+ Je ne dis pas un mot: je regarde toujours
+ La chair de leurs cous blancs brodés de mèches folles;
+ Je suis, sous leur corsage et les frêles atours,
+ Le dos divin après la courbe des épaules...
+
+ Je cherche la bottine... et je vais jusqu'aux bas;
+ Je reconstruis le corps, brûlé de belles fièvres.
+ Elles me trouvent drôle et se parlent tout bas...
+ --Et je sens les baisers qui me viennent aux lèvres...
+
+
+
+
+LE FORGERON
+
+ _Palais des Tuileries, vers le 10 août 92._
+
+ Le bras sur un marteau gigantesque, effrayant
+ D'ivresse et de grandeur, le front vaste, riant
+ Comme un clairon d'airain, avec toute sa bouche,
+ Et prenant ce gros-là dans son regard farouche,
+ Le Forgeron parlait à Louis Seize, un jour
+ Que le Peuple était là, se tordant tout autour,
+ Et sur les lambris d'or traînant sa veste sale.
+ Or le bon roi, debout sur son ventre, était pâle,
+ Pâle comme un vaincu qu'on prend pour le gibet,
+ Et, soumis comme un chien, jamais ne regimbait,
+ Car ce maraud de forge aux énormes épaules
+ Lui disait de vieux mots et des choses si drôles,
+ Que cela l'empoignait au front, comme cela!
+ «Or, tu sais bien, Monsieur, nous chantions tra la la
+ Et nous piquions les boeufs vers les sillons des autres:
+ Le Chanoine au soleil filait des patenôtres
+ Sur des chapelets clairs grenés de pièces d'or.
+ Le Seigneur, à cheval, passait, sonnant du cor
+ Et l'un avec la hart, l'autre avec la cravache
+ Nous fouillaient.--Hébétés comme des yeux de vache,
+ Nos yeux ne pleuraient plus; nous allions, nous allions
+ Et quand nous avions mis le pays en sillons,
+ Quand nous avions laissée dans cette terre noire
+ Un peu de notre chair... nous avions un pourboire:
+ On nous faisait flamber nos taudis dans la nuit,
+ Nos petits y faisaient un gâteau fort bien cuit.
+
+ ... «Oh! je ne me plains pas. Je te dis mes bêtises,
+ C'est entre nous. J'admets que tu me contredises,
+ Or, n'est-ce pas joyeux de voir, au mois de juin
+ Dans les granges entrer des voitures de foin
+ Énormes? De sentir l'odeur de ce qui pousse,
+ Des vergers quand il pleut un peu, de l'herbe rousse?
+ De voir des blés, des blés, des épis pleins de grain,
+ De penser que cela prépare bien du pain...
+ Oh! plus fort, on irait, au fourneau qu'il s'allume,
+ Chanter joyeusement en martelant l'enclume,
+ Si l'on était certain de pouvoir prendre un peu,
+ Étant homme, à la fin! de ce que donne Dieu!
+ «Mais voilà, c'est toujours la même vieille histoire!...
+ Mais je sais, maintenant! Moi je ne peux plus croire,
+ Quand j'ai deux bonnes mains, mon front et mon marteau
+ Qu'un homme vienne là, dague sur le manteau,
+ Et me dise: Mon gars, ensemence ma terre;
+ Que l'on arrive encor, quand ce serait la guerre,
+ De prendre mon garçon comme cela, chez moi!
+ --Moi, je serais un homme, et toi, tu serais roi,
+ Tu me dirais: Je veux!...--Tu vois bien, c'est stupide.
+ Tu crois que j'aime voir ta baraque splendide,
+ Tes officiers dorés, tes mille chenapans,
+ Tes palsembleu bâtards tournant comme des paons:
+ Ils ont rempli ton nid de l'odeur de nos filles
+ Et de petits billets pour nous mettre aux Bastilles
+ Et nous dirons: C'est bien; les pauvres à genoux!
+ Nous dorerons ton Louvre en donnant nos gros sous!
+ Et tu te soûleras, tu feras belle fête.
+ --Et ces Messieurs riront, les reins sur notre tête!
+ «Non. Ces saletés-là datent de nos papas!
+ Oh! Le Peuple n'est plus une putain. Trois pas
+ Et, tous, nous avons mis ta Bastille en poussière.
+ Cette bête suait du sang à chaque pierre
+ Et c'était dégoûtant, la Bastille debout
+ Avec ses murs lépreux qui nous racontaient tout
+ Et, toujours, nous tenaient enfermés dans leur ombre!
+ --Citoyen! citoyen! c'était le passé sombre
+ Qui croulait, qui râlait, quand nous prîmes la tour
+ Nous avions quelque chose au coeur comme l'amour.
+ Nous avions embrassé nos fils sur nos poitrines.
+ Et, comme des chevaux, en soufflant des narines
+ Nous allions, fiers et forts, et ça nous battait là...
+ Nous marchions au soleil, front haut; comme cela,
+ Dans Paris! On venait devant nos vestes sales.
+ Enfin! Nous nous sentions Hommes! Nous étions pâles
+ Sire, nous étions soûls de terribles espoirs:
+ Et quand nous fûmes là, devant les donjons noirs,
+ Agitant nos clairons et nos feuilles de chêne,
+ Les piques à la main; nous n'eûmes pas de haine,
+ --Nous nous sentions si forts, nous voulions être doux!
+ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
+ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
+
+ «Et depuis ce jour-là, nous sommes comme fous!
+ Le tas des ouvriers a monté dans la rue,
+ Et ces maudits s'en vont, foule toujours accrue
+ De sombres revenants, aux portes des richards.
+ Moi, je cours avec eux assommer les mouchards:
+ Et je vais dans Paris, noir, marteau sur l'épaule,
+ Farouche, à chaque coin balayant quelque drôle,
+ Et, si tu me riais au nez, je te tuerais!
+ --Puis, tu peux y compter, tu te feras des frais
+ Avec tes hommes noirs, qui prennent nos requêtes
+ Pour se les renvoyer comme sur des raquettes
+ Et, tout bas, les malins se disent; «Qu'ils sont sots!»
+ Pour mitonner des lois, coller de petits pots
+ Pleins de jolis décrets roses et de droguailles,
+ S'amuser à couper proprement quelques tailles,
+ Puis se boucher le nez quand nous marchons près d'eux
+ --Nos doux représentants qui nous trouvent crasseux!
+ Pour ne rien redouter, rien, que les baïonnettes...,
+ C'est très bien. Foin de leur tabatière à sornettes!
+ Nous en avons assez, là, de ces cerveaux plats
+ Et de ces ventres-dieux. Ah! ce sont là les plats
+ Que tu nous sers bourgeois, quand nous sommes féroces
+ Quand nous brisons déjà les sceptres et les crosses!...
+ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
+
+ Il le prend par le bras, arrache le velours
+ Des rideaux, et lui montre en bas les larges cours
+ Où fourmille, où fourmille, où se lève la foule,
+ La foule épouvantable avec des bruits de houle
+ Hurlant comme une chienne, hurlant comme une mer,
+ Avec ses bâtons forts et ses piques de fer,
+ Ses tambours, ses grands cris de halles et de bouges,
+ Tas sombre de haillons saignants de bonnets rouges;
+ L'Homme, par la fenêtre ouverte, montre tout
+ Au roi pâle, et suant qui chancelle debout,
+ Malade à regarder cela!
+
+ «C'est la crapule,
+ Sire. Ça bave aux murs, ça monte, ça pullule:
+ --Puisqu'ils ne mangent pas, Sire, ce sont des gueux!
+ Je suis un forgeron: ma femme est avec eux,
+ Folle! Elle croit trouver du pain aux Tuileries!
+ --On ne veut pas de nous dans les boulangeries.
+ J'ai trois petits. Je suis crapule.--Je connais
+ Des vieilles qui s'en vont pleurant sous leurs bonnets
+ Parce qu'on leur a pris leur garçon ou leur fille:
+ C'est la crapule.--Un homme était à la Bastille,
+ Un autre était forçat: et, tous deux, citoyens
+ Honnêtes. Libérés, ils sont comme des chiens:
+ On les insulte! Alors, ils ont là quelque chose
+ Qui leur fait mal, allez! C'est terrible, et c'est cause
+ Que, se sentant brisés, que, se sentant damnés,
+ Ils sont là, maintenant, hurlant sous votre nez!
+ Crapule.--Là dedans sont des filles, infâmes
+ Parce que,--vous saviez que c'est faible, les femmes,
+ Messeigneurs de la cour,--que ça veut toujours bien,
+ Vous avez craché sur l'âme, comme rien!
+ Vos belles, aujourd'hui, sont là. C'est la crapule.
+ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
+
+ «Oh! tous les malheureux, tous ceux dont le dos brûle
+ Sous le soleil féroce, et qui vont, et qui vont,
+ Qui dans ce travail-là sentent crever leur front.
+ Chapeau bas, mes bourgeois! Oh! ceux-là sont les Hommes!
+ Nous sommes Ouvriers, Sire! Ouvriers! Nous sommes
+ Pour les grands temps nouveaux où l'on voudra savoir,
+ Où l'Homme forgera du matin jusqu'au soir,
+ Chasseur des grands effets, chasseur des grandes causes
+ Ou, lentement vainqueur, il domptera les choses
+ Et montera sur Tout, comme sur un cheval!
+ Oh! splendides lueurs des forges! Plus de mal,
+ Plus!--Ce qu'on ne sait pas, c'est peut-être terrible:
+ Nous saurons!--Nos marteaux en main; passons au crible
+ Tout ce que nous savons: puis, Frères, en avant!
+ Nous faisons quelquefois ce grand rêve émouvant
+ De vivre simplement, ardemment, sans rien dire
+ De mauvais, travaillant sous l'auguste sourire
+ D'une femme qu'on aime avec un noble amour:
+ Et l'on travaillerait fièrement tout le jour,
+ Écoutant le devoir comme un clairon qui sonne:
+ Et l'on se sentirait très heureux: et personne
+ Oh! personne, surtout, ne vous ferait ployer!
+ On aurait un fusil au-dessus du foyer...
+ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
+
+ Oh! mais l'air est tout plein d'une odeur de bataille!
+ Que te disais-je donc? Je suis de la canaille!
+ Il reste des mouchards et des accapareurs.
+ Nous sommes libres, nous! Nous avons des terreurs
+ Où nous nous sentons grands, oh! si grands! Tout à l'heure
+ Je parlais de devoir calme, d'une demeure...
+ Regarde donc le ciel!--C'est trop petit pour nous,
+ Nous crèverions de chaud, nous serions à genoux!
+ Regarde donc le ciel!--Je rentre dans la foule
+ Dans la grande canaille effroyable qui roule,
+ Sire, tes vieux canons sur les sales pavés;
+ --Oh! quand nous serons morts, nous les aurons lavés.
+ --Et si, devant nos cris, devant notre vengeance,
+ Les pattes des vieux rois mordorés, sur la France
+ Poussaient leurs régiments en habits de gala,
+ Eh bien, n'est-ce pas, vous tous? Merde à ces chiens-là
+ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
+
+ --Il reprit son marteau sur l'épaule.
+
+ La foule
+ Près de cet homme-là se sentait l'âme soûle,
+ Et, dans la grande cour, dans les appartements,
+ Où Paris haletait avec des hurlements,
+ Un frisson secoua l'immense populace.
+ Alors, de sa main large et superbe de crasse
+ Bien que le roi ventru suât, le Forgeron,
+ Terrible, lui jeta le bonnet rouge au front!
+
+
+
+
+SOLEIL ET CHAIR
+
+
+ Le Soleil, le foyer de tendresse et de vie,
+ Verse l'amour brûlant à la terre ravie,
+ Et, quand on est couché sur la vallée, on sent
+ Que la terre est nubile et déborde de sang;
+ Que son immense sein, soulevé par une âme,
+ Est d'amour comme dieu, de chair comme la femme,
+ Et qu'il renferme, gros de sève et de rayons,
+ Le grand fourmillement de tous les embryons!
+
+ Et tout croît, et tout monte!
+ Ô Vénus, ô Déesse!
+ Je regrette les temps de l'antique jeunesse,
+ Des satyres lascifs, des faunes animaux,
+ Dieux qui mordaient d'amour l'écorce des rameaux
+ Et dans les nénufars baisaient la Nymphe blonde!
+ Je regrette les temps où la sève du monde,
+ L'eau du fleuve, le sang rose des arbres verts
+ Dans les veines de Pan mettaient un univers!
+ Où le sol palpitait, vert, sous ses pieds de chèvre;
+ Où, baisant mollement le clair syrinx, sa lèvre
+ Modulait sous le ciel le grand hymne d'amour;
+ Où, debout sur la plaine, il entendait autour
+ Répondre à son appel la Nature vivante;
+ Où, les arbres muets, berçant l'oiseau qui chante,
+ La terre berçant l'homme, et tout l'Océan bleu
+ Et tous les animaux, aimaient, aimaient en Dieu!
+ Je regrette les temps de la grande Cybèle
+ Qu'on disait parcourir, gigantesquement belle,
+ Sur un grand char d'airain, les splendides cités;
+ Son double sein versait dans les immensités
+ Le pur ruissellement de la vie infinie.
+ L'Homme suçait, heureux, sa mamelle bénie,
+ Comme un petit enfant, jouant sur ses genoux.
+ --Parce qu'il était fort, l'Homme était chaste et doux.
+
+ Misère! Maintenant il dit: Je sais les choses,
+ Et va, les yeux fermés et les oreilles closes;
+ --Et pourtant, plus de dieux! plus de dieux! l'Homme est Roi!
+ L'Homme est Dieu! Mais l'Amour, voilà la grande Foi!
+ Oh! si l'homme puisait encore à ta mamelle,
+ Grande mère des dieux et des hommes, Cybèle;
+ S'il n'avait pas laissé l'immortelle Astarté
+ Qui jadis, émergeant dans l'immense clarté
+ Des flots bleus, fleur de chair que la vague parfume,
+ Montra son nombril rose où vint neiger l'écume,
+ Et fit chanter, Déesse aux grands yeux noirs vainqueurs,
+ Le rossignol aux bois et l'amour dans les coeurs!
+
+
+II
+
+ Je crois en toi! Je crois en toi! Divine mère,
+ Aphrodite marine!--Oh! la route est amère
+ Depuis que l'autre Dieu nous attelle à sa croix;
+ Chair, Marbre, Fleur, Vénus, c'est en toi que je crois!
+ --Oui l'Homme est triste et laid, triste sous le ciel vaste,
+ Il a des vêtements, parce qu'il n'est plus chaste,
+ Parce qu'il a sali son fier buste de Dieu,
+ Et qu'il a rabougri, comme une idole au feu,
+ Son corps olympien aux servitudes sales!
+ Oui, même après la mort, dans les squelettes pâles
+ Il veut vivre, insultant la première beauté!
+ --Et l'Idole où tu mis tant de virginité,
+ Où tu divinisas notre argile, la Femme,
+ Afin que l'homme pût éclairer sa pauvre âme
+ Et monter lentement, dans un immense amour,
+ De la prison terrestre à la beauté du jour,
+ La femme ne sait plus même être courtisane!
+ --C'est une bonne farce! et le monde ricane
+ Au nom doux et sacré de la grande Vénus!
+
+
+III
+
+ Si les temps revenaient, les temps qui sont venus!
+ --Car l'Homme a fini! l'Homme a joué tous les rôles!
+ Au grand jour, fatigué de briser des idoles
+ Il ressuscitera, libre de tous ses Dieux,
+ Et, comme il est du ciel, il scrutera les cieux!
+ L'Idéal, la pensée invincible, éternelle,
+ Tout le dieu qui vit, sous son argile charnelle,
+ Montera, montera, brûlera sous son front!
+ Et quand tu le verras sonder tout l'horizon,
+ Contempteur des vieux jougs, libre de toute crainte,
+ Tu viendras lui donner la Rédemption sainte!
+ --Splendide, radieuse, au sein des grandes mers
+ Tu surgiras, jetant sur le vaste Univers
+ L'Amour infini dans un infini sourire!
+ Le Monde vibrera comme une immense lyre
+ Dans le frémissement d'un immense baiser:
+
+ --Le Monde a soif d'amour: tu viendras l'apaiser.
+ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
+
+
+IV
+
+ Ô splendeur de la chair! ô splendeur idéale!
+ Ô renouveau d'amour, aurore triomphale
+ Où, courbant à leurs pieds les Dieux et les Héros
+ Kallipige la blanche et le petit Éros
+ Effleureront, couverts de la neige des roses,
+ Les femmes et les fleurs sous leurs beaux pieds écloses!
+ Ô grande Ariadné, qui jettes tes sanglots
+ Sur la rive, en voyant fuir là-bas sur les flots,
+ Blanche sous le soleil, la voile de Thésée,
+ Ô douce vierge enfant qu'une nuit a brisée,
+ Tais-toi! Sur son char d'or brodé de noirs raisins,
+ Lysios, promené dans les champs Phrygiens
+ Par les tigres lascifs et les panthères rousses,
+ Le long des fleuves bleus rougit les sombres mousses.
+ Zeus, Taureau, sur son cou berce comme un enfant
+ Le corps nu d'Europé, qui jette son bras blanc
+ Au cou nerveux du Dieu frissonnant dans la vague,
+ Il tourne lentement vers elle son oeil vague;
+ Elle, laisse traîner sa pâle joue en fleur
+ Au front de Zeus; ses yeux sont fermés; elle meurt
+ Dans un divin baiser, et le flot qui murmure
+ De son écume d'or fleurit sa chevelure.
+ --Entre le laurier-rose et le lotus jaseur
+ Glisse amoureusement le grand Cygne rêveur
+ Embrassant la Léda des blancheurs de son aile;
+ --Et tandis que Cypris passe, étrangement belle,
+ Et, cambrant les rondeurs splendides de ses reins,
+ Étale fièrement l'or de ses larges seins
+ Et son ventre neigeux brodé de mousse noire,
+ --Héraclès, le Dompteur, qui, comme d'une gloire
+ Fort, ceint son vaste corps de la peau du lion,
+ S'avance, front terrible et doux, à l'horizon!
+
+ Par la lune d'été vaguement éclairée,
+ Debout, nue, et rêvant dans sa pâleur dorée
+ Que tache le flot lourd de ses longs cheveux bleus,
+ Dans la clairière sombre où la mousse s'étoile,
+ La Dryade regarde au ciel silencieux...
+ --La blanche Séléné laisse flotter son voile,
+ Craintive, sur les pieds du bel Endymion,
+ Et lui jette un baiser dans un pâle rayon...
+ --La Source pleure au loin dans une longue extase...
+ C'est la Nymphe qui rêve, un coude sur son vase,
+ Au beau jeune homme blanc que son onde a pressé.
+ --Une brise d'amour dans la nuit a passé,
+ Et, dans les bois sacrés, dans l'horreur des grands arbres,
+ Majestueusement debout, les sombres Marbres,
+ Les Dieux, au front desquels le Bouvreuil fait son nid,
+ --Les Dieux écoutent l'Homme et le Monde infini!
+
+7 mai 1870.
+
+
+
+
+LE DORMEUR DU VAL
+
+
+ C'est un trou de verdure où chante une rivière
+ Accrochant follement aux herbes des haillons
+ D'argent; où le soleil, de la montagne fière,
+ Luit: c'est un petit aval qui mousse de rayons.
+
+ Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
+ Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
+ Dort; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
+ Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
+
+ Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
+ Sourirait un enfant malade, il fait un somme:
+ Nature, berce-le chaudement: il a froid.
+
+ Les parfums ne font pas frissonner sa narine;
+ Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
+ Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
+
+7 octobre 1870.
+
+
+
+
+AU CABARET-VERT
+
+
+ _Cinq heures du soir._
+
+ Depuis huit jours, j'avais déchiré mes bottines
+ Aux cailloux des chemins. J'entrais à Charleroi,
+ --_Au Cabaret-Vert_: je demandai des tartines
+ De beurre et du jambon qui fût à moitié froid.
+
+ Bienheureux, j'allongeai les jambes sous la table
+ Verte: je contemplai les sujets très naïfs
+ De la tapisserie.--Et ce fut adorable,
+ Quand la fille aux tétons énormes, aux yeux vifs,
+
+ --Celle-là, ce n'est pas un baiser qui l'épeure!--
+ Rieuse, m'apporta des tartines de beurre,
+ Du jambon tiède, dans un plat colorié,
+
+ Du jambon rose et blanc parfumé d'une gousse
+ D'ail,--et m'emplit la chope immense, avec sa mousse
+ Que dorait un rayon de soleil arriéré.
+
+Octobre 1870.
+
+
+
+
+LA MALINE
+
+
+ Dans la salle à manger brune, que parfumait
+ Une odeur de vernis et de fruits, à mon aise
+ Je ramassais un plat de je ne sais quel met
+ Belge, et je m'épatais dans mon immense chaise.
+
+ En mangeant, j'écoutais l'horloge,--heureux et coi.
+ La cuisine s'ouvrit avec une bouffée
+ --Et la servante vint, je ne sais pas pourquoi,
+ Fichu moitié défait, malinement coiffée.
+
+ Et tout en promenant son petit doigt tremblant
+ Sur sa joue, un velours de pêche rose et blanc,
+ En faisant, de sa lèvre enfantine, une moue,
+
+ Elle arrangeait les plats, près de moi, pour m'aiser;
+ --Puis, comme ça,--bien sûr pour avoir un baiser,--
+ Tout bas: «Sens donc: j'ai pris une froid sur la joue...»
+
+Charleroi, octobre 1870.
+
+
+
+
+L'ÉCLATANTE VICTOIRE
+
+DE SARREBRUCK
+
+REMPORTÉE AUX CRIS DE VIVE L'EMPEREUR!
+
+(Gravure belge brillamment coloriée, se vend à Charleroi, 35 centimes.)
+
+
+ Au milieu, l'Empereur, dans une apothéose
+ Bleue et jaune, s'en va, raide, sur son dada
+ Flamboyant; très heureux,--car il voit tout en rose,
+ Féroce comme Zeus et doux comme un papa;
+
+ En bas, les bons Pioupious qui faisaient la sieste
+ Près des tambours dorés et des rouges canons,
+ Se lèvent gentiment. Pitou remet sa veste,
+ Et, tourné vers le Chef, s'étourdit de grands noms
+
+ À droite, Dumanet, appuyé sur la crosse
+ De son chassepot, sent frémir sa nuque en brosse,
+ Et: «Vive l'Empereur!!»--Son voisin reste coi...
+
+ Un schako surgit, comme un soleil noir...--Au centre
+ Boquillon, rouge et bleu, très naïf, sur son ventre
+ Se dresse, et,--présentant ses derrières: «De quoi?...»
+
+Octobre 1870.
+
+
+
+
+RÊVÉ POUR L'HIVER
+
+
+ _À Elle._
+
+ L'hiver, nous irons dans un petit wagon rose
+ Avec des coussins bleus.
+ Nous serons bien. Un nid de baisers fous repose
+ Dans chaque coin moelleux.
+
+ Tu fermeras l'oeil, pour ne point voir, par la glace,
+ Grimacer les ombres des soirs,
+ Ces monstruosités hargneuses, populace
+ De démons noirs et de loups noirs.
+
+ Puis tu te sentiras la joue égratignée...
+ Un petit baiser, comme une folle araignée,
+ Te courra par le cou...
+
+ Et tu me diras: «Cherche!» en inclinant la tête;
+ --Et nous prendons du temps à trouver cette bête!
+ --Qui voyage beaucoup...
+
+En wagon, le 7 octobre 1870.
+
+
+
+
+LE BUFFET
+
+
+ C'est un large buffet sculpté; le chêne sombre,
+ Très vieux, a pris cet air si bon des vieilles gens;
+ Le buffet est ouvert, et verse dans son ombre
+ Comme un flot de vin vieux, des parfums engageants;
+
+ Tout plein, c'est un fouillis de vieilles vieilleries,
+ De linges odorants et jaunes, de chiffons
+ De femmes ou d'enfants, de dentelles flétries,
+ De fichus de grand'mère où sont peints des griffons;
+
+ --C'est là qu'on trouverait les médaillons, les mèches
+ De cheveux blancs ou blonds, les portraits, les fleurs sèches
+ Dont le parfum se mêle à des parfums de fruits.
+
+ --Ô buffet du vieux temps, tu sais bien des histoires,
+ Et tu voudrais conter tes contes, et tu bruis
+ Quand s'ouvrent lentement tes grands portes noires.
+
+Octobre 1870.
+
+
+
+
+MA BOHÈME
+
+(_Fantaisie_)
+
+
+ Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées;
+ Mon paletot aussi devenait idéal;
+ J'allais sous le ciel, Muse! et j'étais ton féal;
+ Oh! là là! que d'amours splendides j'ai rêvées!
+
+ Mon unique culotte avait un large trou.
+ --Petit Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course
+ Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse;
+ --Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou.
+
+ Et je les écoutais, assis au bord des routes,
+ Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
+ De rosée à mon front, comme un vin de vigueur;
+
+ Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
+ Comme des lyres, je tirais les élastiques
+ De mes souliers blessés, un pied près de mon coeur!
+
+Octobre 1870.
+
+
+
+
+ENTENDS COMME BRAME
+
+
+ Entends, comme brame
+ près des acacias
+ en avril la rame
+ viride du pois!
+
+ Dans sa vapeur nette,
+ Vers Phoebé! tu vois
+ s'agiter la tête
+ de saints d'autrefois...
+
+ Loin des claires meules
+ des caps, des beaux toits,
+ ces chers Anciens veulent
+ ce philtre sournois...
+
+ Or ni feriale
+ ni astrale! n'est
+ la brume qu'exhale
+ ce nocturne effet.
+
+ Néanmoins ils restent,
+ --Sicile, Allemagne,
+ dans ce brouillard triste
+ et blêmi, justement!
+
+
+
+
+CHANT DE GUERRE PARISIEN
+
+
+ Le printemps est évident, car
+ Du coeur des Propriétés vertes
+ Le vol de Thiers et de Picard
+ Tient ses splendeurs grandes ouvertes.
+
+ Ô mai! Quels délirants cul-nus!
+ Sèvres, Meudon, Bagneux, Asnières,
+ Écoutez donc les bienvenus
+ Semer les choses printanières!
+
+ Ils ont schako, sabre et tamtam
+ Non la vieille boîte à bougies
+ Et des yoles qui n'ont jam... jam...
+ Fendent le lac aux eaux rougies!...
+
+ Plus que jamais nous bambochons
+ Quand arrivent sur nos tanières[1]
+ Crouler les jaunes cabochons
+ Dans des aubes particulières.
+
+ Thiers et Picard sont des Éros
+ Des enleveurs d'héliotropes
+ Au pétrole ils font des Corots.
+ Voici hannetonner leurs tropes...
+
+ Ils sont familiers du grand turc!...
+ Et couché dans les glaïeuls, Favre,
+ Fait son cillement aqueduc
+ Et ses reniflements à poivre!
+
+ La Grand-Ville a le pavé chaud
+ Malgré vos douches de pétrole
+ Et décidément il nous faut
+ Nous secouer dans votre rôle...
+
+ Et les ruraux qui se prélassent
+ Dans de longs accroupissements
+ Entendront des rameaux qui cassent
+ Parmi les rouges froissements.
+
+ [1] Quand viennent sur nos fourmilières (_var. de l'auteur_).
+
+
+
+
+MES PETITES AMOUREUSES
+
+
+ Un hydrolat lacrymal lave
+ Les cieux vert-chou:
+ Sous l'arbre tendronnier qui bave
+ Vos caoutchoucs.
+
+ Blancs de lunes particulières
+ Aux pialats ronds,
+ Entrechoquez vos genouillères
+ Mes laiderons!
+
+ Nous nous aimions à cette époque,
+ Bleu laideron:
+ On mangeait des oeufs à la coque
+ Et du mouron!
+
+ Un soir tu me sacras poète,
+ Blond laideron.
+ Descends ici que je te fouette
+ En mon giron;
+
+ J'ai dégueulé ta bandoline
+ Noir laideron;
+ Tu couperais ma mandoline
+ Au fil du front.
+
+ Pouah! nos salives desséchées
+ Roux laideron
+ Infectent encor les tranchées
+ De ton sein rond!
+
+ Ô mes petites amoureuses
+ Que je vous hais!
+ Plaquez de fouffes douloureuses,
+ Vos tétons laids!
+
+ Piétinez mes vieilles terrines
+ De sentiment;
+ Hop donc soyez-moi ballerines
+ Pour un moment!...
+
+ Vos omoplates se déboîtent
+ Ô mes amours!
+ Une étoile à vos reins qui boîtent
+ Tournez vos tours.
+
+ Est-ce pourtant pour ces éclanches
+ Que j'ai rimé!
+ Je voudrais vous casser les hanches
+ D'avoir aimé!
+
+ Fade amas d'étoiles ratées
+ Comblez les coins
+ --Vous creverez en Dieu, bâtées
+ D'ignobles soins!
+
+ Sous les lunes particulières
+ Aux pialats ronds
+ Entrechoquez vos genouillières,
+ Mes laiderons!
+
+
+
+
+LES POÈTES DE SEPT ANS
+
+
+ _A M. P. Demeny._
+
+ Et la Mère, fermant le livre du devoir,
+ S'en allait satisfaite et très fière sans voir,
+ Dans les yeux bleus et sous le front plein d'éminence,
+ L'âme de son enfant livrée aux répugnances.
+
+ Tout le jour il suait d'obéissance; très
+ Intelligent; pourtant des tics noirs, quelques traits,
+ Semblaient prouver en lui d'âcres hypocrisies.
+ Dans l'ombre des couloirs aux tentures moisies,
+ En passant il tirait la langue, les deux poings
+ À l'aine, et dans ses yeux fermés voyait des points.
+ Une porte s'ouvrait sur le soir; à la lampe
+ On le voyait, là-haut qui râlait sur la rampe,
+ Sous un golfe de jour pendant du toit. L'été
+ Surtout, vaincu, stupide, il était entêté
+ À se renfermer dans la fraîcheur des latrines:
+ Il pensait là, tranquille et livrant ses narines.
+ Quand, lavé des odeurs du jour, le jardinet
+ Derrière la maison, en hiver s'illunait,
+ Gisant au pied d'un mur, enterré dans la marne
+ Et pour des visions écrasant son oeil darne,
+ Il écoutait grouiller les galeux espaliers.
+ Pitié! Ces enfants seuls étaient ses familiers
+ Qui, chétifs, fronts nus, oeil déteignant sur la joue,
+ Cachant de maigres doigts jaunes et noirs de boue,
+ Sous des habits puant la foire et tout vieillots,
+ Conversaient avec la douceur des idiots!
+ Et si, l'ayant surpris à des pitiés immondes,
+ Sa mère s'effrayait; les tendresses profondes
+ De l'enfant se jetaient sur cet étonnement.
+ C'était bon. Elle avait le bleu regard,--qui ment!
+
+ À sept ans, il faisait des romans sur la vie
+ Du grand désert, où luit la Liberté ravie,
+ Forêts, soleils, rives, savanes!--Il s'aidait
+ De journaux illustrés où, rouge, il regardait
+ Des Espagnoles rire et des Italiennes.
+ Quand venait, l'oeil brun, folle, en robes d'indiennes,
+ --Huit ans,--la fille des ouvriers d'à côté,
+ La petite brutale, et qu'elle avait sauté,
+ Dans un coin, sur son dos, en secouant ses tresses,
+ Et qu'il était sous elle, il lui mordait les fesses,
+ Car elle ne portait jamais de pantalons;
+ --Et, par elle meurtri des poings et des talons
+ Remportait les saveurs de sa peau dans sa chambre.
+
+ Il craignait les blafards dimanches de décembre,
+ Où, pommadé, sur un guéridon d'acajou,
+ Il lisait une Bible à la tranche vert-chou;
+ Des rêves l'oppressaient chaque nuit dans l'alcôve.
+ Il n'aimait pas Dieu; mais les hommes, qu'au soir fauve,
+ Noirs, en blouse, il voyait rentrer dans le faubourg
+ Où les crieurs, en trois roulements de tambour
+ Font autour des édits rire et gronder les foules.
+ --Il rêvait la prairie amoureuse, où des houles
+ Lumineuses, parfums sains, pubescences d'or,
+ Font leur remuement calme et prennent leur essor!
+
+ Et comme il savourait surtout les sombres choses,
+ Quand, dans la chambre nue aux persiennes closes,
+ Haute et bleue, âcrement prise d'humidité,
+ Il lisait son roman sans cesse médité,
+ Plein de lourds ciels ocreux et de forêts noyées,
+ De fleurs de chair aux bois sidérals déployées,
+ Vertige, écroulements, déroutes et pitié!
+ --Tandis que se faisait la rumeur du quartier,
+ En bas,--seul, et couché sur des pièces de toile
+ Écrue, et pressentant violemment le voile!
+
+26 mai 1871.
+
+[Note (Project Gutenberg).
+
+On nous a fait savoir que le terme "le voile" dans la dernière ligne du
+poème «LES POÈTES DE SEPT ANS», doit être corrigée en "la voile".
+
+D'après nos recherches, le poème écrit en 1871 se terminait en effet sur
+les mots "la voile".
+
+La présente édition de 1895 a été corrigée de la main de Verlaine, sur
+des épreuves fournies par l'imprimerie Ch. Herissey à Évreux. Il nous
+est difficile de savoir pourquoi Verlaine a corrigé «la voile» en «le
+voile», ou s'agit-il d'un moment d'inattention?
+
+Ce qui est certain, notre édition marque bien «le voile».]
+
+
+
+
+LE COEUR VOLÉ
+
+
+ Mon pauvre coeur bave à la poupe,
+ Mon coeur est plein de caporal;
+ Ils lui lancent des jets de soupe,
+ Mon triste coeur bave à la poupe.
+ Sous les quolibets de la troupe
+ Qui pousse un rire général,
+ Mon triste coeur brave à la poupe
+ Mon coeur est plein de caporal!
+
+ Ithyphalliques et pioupiesques,
+ Leurs insultes l'ont dépravé.
+ À la vesprée, ils font des fresques
+ Ithyphalliques et pioupiesques,
+ Ô flots abracadabrantesques
+ Prenez mon coeur, qu'il soit sauvé!
+ Ithyphalliques et pioupiesques
+ Leurs insultes l'ont dépravé!
+
+ Quand ils auront tari leurs chiques,
+ Comment agir, ô coeur volé?
+ Ce seront des refrains bachiques
+ Quand ils auront tari leurs chiques.
+ J'aurai des sursauts stomachiques
+ Si mon coeur triste est ravalé:
+ Quand ils auront tari leurs chiques,
+ Comment agir, ô coeur volé?
+
+
+
+
+TÊTE DE FAUNE
+
+
+ Dans la feuillée, écrin vert taché d'or,
+ Dans la feuillée incertaine et fleurie,
+ D'énormes fleurs où l'âcre baiser dort
+ Vif et devant l'exquise broderie,
+
+ Le Faune affolé montre ses grands yeux
+ Et mord la fleur rouge avec ses dents blanches
+ Brunie et sanglante ainsi qu'un vin vieux,
+ Sa lèvre éclate en rires par les branches;
+
+ Et quand il a fui, tel un écureuil,
+ Son rire perle encore à chaque feuille
+ Et l'on croit épeuré par un bouvreuil
+ Le baiser d'or du bois qui se recueille.
+
+
+
+
+POISON PERDU
+
+
+ Des nuits du blond et de la brune
+ Pas un souvenir n'est resté;
+ Pas une dentelle d'été,
+ Pas une cravate commune.
+
+ Et sur le balcon, où le thé
+ Se prend aux heures de la lune,
+ Il n'est resté de trace aucune,
+ Aucun souvenir n'est resté,
+
+ Au bord d'un rideau bleu piquée,
+ Luit une épingle à tête d'or
+ Comme un gros insecte qui dort,
+
+ Pointe d'un fin poison trempée,
+ Je te prends, sois-moi préparée
+ Aux heures des désirs de mort.
+
+
+
+
+LES CORBEAUX
+
+
+ Seigneur, quand froide est la prairie,
+ Quand dans les hameaux abattus,
+ Les longs angelus se sont tus
+ Sur la nature défleurie,
+ Faites s'abattre des grands cieux
+ Les chers corbeaux délicieux.
+
+ Armée étrange aux cris sévères,
+ Les vents froids attaquent vos nids!
+ Vous, le long des fleuves jaunis,
+ Sur les routes aux vieux calvaires,
+ Sur les fossés et sur les trous,
+ Dispersez-vous, ralliez-vous!
+
+ Par milliers, sur les champs de France,
+ Où dorment les morts d'avant-hier,
+ Tournoyez, n'est-ce pas, l'hiver,
+ Pour que chaque passant repense!
+ Sois donc le crieur du devoir,
+ Ô notre funèbre oiseau noir!
+
+ Mais, saints du ciel, en haut du chêne,
+ Mât perdu dans le soir charmé,
+ Laissez les fauvettes de mai
+ Pour ceux qu'au fond du bois enchaîne,
+ Dans l'herbe d'où l'on ne peut fuir,
+ La défaite sans avenir.
+
+1872.
+
+
+
+
+PATIENCE
+
+
+ _D'un été._
+
+ Aux branches claires des tilleurs
+ Meurt un maladif hallali.
+ Mais des chansons spirituelles
+ Voltigent partout les groseilles.
+ Que notre sang rie en nos veines,
+ Voici s'enchevêtrer les vignes.
+ Le ciel est joli comme un ange,
+ Azur et Onde communient.
+ Je sors! Si un rayon me blesse,
+ Je succomberai sur la mousse.
+
+ Qu'on patiente et qu'on s'ennuie,
+ C'est si simple!... Fi de ces peines!
+ Je veux que l'été dramatique
+ Me lie à son char de fortune.
+ Que par toi beaucoup, ô Nature,
+ --Ah! moins nul et moins seul! je meure,
+ Au lieu que les bergers, c'est drôle,
+ Meurent à peu près par le monde.
+
+ Je veux bien que les saisons m'usent.
+ À toi, Nature! je me rends,
+ Et ma faim et toute ma soif;
+ Et s'il te plaît, nourris, abreuve.
+ Rien de rien ne m'illusionne;
+ C'est rire aux parents qu'au soleil;
+ Mais moi je ne veux rire à rien,
+ Et libre soit cette infortune.
+
+
+
+
+JEUNE MÉNAGE
+
+
+ La chambre est ouverte au ciel bleu turquin;
+ Pas de place: des coffrets et des huches!
+ Dehors le mur est plein d'aristoloches
+ Où vibrent les gencives des lutins.
+
+ Que ce sont bien intrigues de génies
+ Cette dépense et ces désordres vains!
+ C'est la fée africaine qui fournit
+ La mûre, et les résilles dans les coins.
+
+ Plusieurs entrent, marraines mécontentes,
+ En pans de lumière dans les buffets,
+ Puis y restent! le ménage s'absente
+ Peu sérieusement, et rien ne se fait.
+
+ Le marié a le vent qui le floue
+ Pendant son absence, ici, tout le temps.
+ Même des esprits des eaux malfaisants
+ Entrent vaguer aux sphères de l'alcôve.
+
+ La nuit, l'amie oh, la lune de miel
+ Cueillera leur sourire et remplira
+ De mille bandeaux de cuivre le ciel.
+ Puis ils auront affaire au malin rat.
+
+ --S'il n'arrive pas un feu follet blême,
+ Comme un coup de fusil, après des vêpres.
+ --Ô spectres saints et blancs de Bethléem,
+ Charmez plutôt le bleu de leur fenêtre!
+
+27 juin 1872.
+
+
+
+
+MÉMOIRE
+
+
+I
+
+ L'eau claire; comme le sel des larmes d'enfance;
+ L'assaut au soleil des blancheurs des corps de femmes;
+ La soie, en foule et de lys pur des oriflammes
+ Sous les murs dont quelque pucelle eut la défense;
+
+ L'ébat des anges;--non... le courant d'or en marche,
+ Meut ses bras, noirs, et lourds, et frais surtout, d'herbe. Elle,
+ Sombre, ayant le ciel bleu pour ciel de lit, appelle
+ Pour rideaux l'ombre de la colline et de l'arche.
+
+
+II
+
+ Eh! l'humide carreau tend ses bouillons limpides!
+ L'eau meuble d'or pâle et sans fond les couches prêtes.
+ Les robes vertes et déteintes des fillettes
+ Font les saules, d'où sautent les oiseaux sans brides.
+
+ Plus pure qu'un louis, jaune et chaude paupière
+ Le souci d'eau--ta foi conjugale, ô l'Épouse!--
+ Au midi prompt, de son terne miroir, jalouse
+ Au ciel gris de chaleur la sphère rose et chère.
+
+
+III
+
+ Madame se tient trop debout dans la prairie
+ Prochaine où neigent les fils du travail; l'ombrelle
+ Aux doigts; foulant l'ombelle; trop fière pour elle
+ Des enfants lisant dans la verdure fleurie
+
+ Leur livre de maroquin rouge! Hélas, Lui, comme
+ Mille anges blancs qui se séparent sur la route,
+ S'éloigne par delà la montagne! Elle, toute
+ Froide, et noire, court! après le départ de l'homme!
+
+
+IV
+
+ Regrets des bras épais et jeunes d'herbe pure!
+ Or des lunes d'avril au coeur du saint lit! Joie
+ Des chantiers riverains à l'abandon, en proie
+ Aux soirs d'août qui faisaient germer ces pourritures!
+
+ Qu'elle pleure à présent sous les remparts: l'haleine
+ Des peupliers d'en haut est pour la seule brise.
+ Amis, c'est la nappe, sans reflets, sans source, grise--
+ Un vieux dragueur, dans sa barque immobile, peine.
+
+
+V
+
+ Jouet de cet oeil d'eau morne, je n'y puis prendre,
+ Ô canot immobile! ô bras trop courts! ni l'une
+ Ni l'autre fleur; ni la jaune qui m'importune,
+ Là; ni la bleue, amis, à l'eau couleur de cendre.
+
+ Ah! la poudre des saules qu'une aile secoue!
+ Les roses des roseaux dès longtemps dévorées!...
+ Mon canot toujours fixe; et sa chaîne tirée
+ Au fond de cet oeil d'eau sans bords--à quelle boue?
+
+
+
+
+ Est-elle almée?... aux premières heures bleues
+ Se détruira-t-elle comme les fleurs feues...
+ Devant la splendide étendue où l'on sente
+ Souffler la ville énormément florissante!
+
+ C'est trop beau! c'est trop beau! mais c'est nécessaire
+ --Pour la Pêcheuse et la chanson du corsaire,
+ Et aussi puisque les derniers masques crurent
+ Encore aux fêtes de nuit sur la mer pure!
+
+Juillet 1872
+
+
+
+
+FÊTES DE LA FAIM
+
+
+ Ma faim, Anne, Anne,
+ Fuis sur ton âne.
+
+ Si j'ai du goût, ce n'est guères
+ Que pour la terre et les pierres
+ Dinn! dinn! dinn! dinn! Mangeons l'air,
+ Le roc, les terres, le fer,
+ Charbons.
+
+ Mes faims, tournez. Paissez, faims,
+ Le pré des sons!
+ Attirez le gai venin
+ Des liserons;
+
+ Mangez les cailloux qu'un pauvre brise,
+ Les vieilles pierres d'églises,
+ Les galets, fils des déluges,
+ Pains couchés aux vallées grises!
+
+ Des faims, c'est les bouts d'air noir;
+ L'azur sonneur;
+ --C'est l'estomac qui me tire,
+ C'est le malheur.
+
+ Sur terre ont paru les feuilles:
+ Je vais aux chairs de fruit blettes,
+ Au sein du sillon je cueille
+ La doucette et la violette.
+
+ Ma faim, Anne, Anne!
+ Fuis sur ton âne.
+
+Août 1872.
+
+
+
+
+PROSE
+
+
+
+
+I
+
+FLAIRY
+
+
+Pour Hélène se conjurèrent les sèves ornementales dans les ombres
+vierges et les clartés impassibles dans le silence astral. L'ardeur de
+l'été fut confiée à des oiseaux muets et l'indolence requise à une
+barque de deuils sans prix par des anses d'amours morts et de parfums
+affaissés.
+
+Après le moment de l'air des bûcheronnes à la rumeur du torrent sous la
+ruine des bois, de la sonnerie des bestiaux à l'écho des vals, et des
+cris des steppes.
+
+Pour l'enfance d'Hélène frissonnèrent les fourrés et les ombres, et le
+sein des pauvres, et les légendes du ciel.
+
+Et ses yeux et sa danse supérieurs encore aux éclats précieux, aux
+influences froides, au plaisir du décor et de l'heure uniques.
+
+
+
+
+II
+
+GUERRE
+
+
+Enfant, certains ciels ont affiné mon optique, tous les caractères
+nuancèrent ma physionomie. Les phénomènes s'émurent. À présent
+l'inflexion éternelle des moments de l'infini des mathématiques me
+chassent par ce monde où je subis tous les succès civils, respecté de
+l'enfance étrange et des affections énormes. Je songe à une guerre, de
+droit ou de force, de logique bien imprévue.
+
+C'est aussi simple qu'une phrase musicale.
+
+
+
+
+III
+
+GÉNIE
+
+
+Il est l'affection et le présent puisqu'il a fait la maison ouverte à
+l'hiver écumeux et à la rumeur de l'été, lui qui a purifié les boissons
+et les aliments, lui qui est le charme des lieux fuyant et le délice
+surhumain des stations. Il est l'affection et l'avenir, la force et
+l'amour que nous, debout dans les rages et les ennuis, nous voyons
+passer dans le ciel de tempête et les drapeaux d'extase.
+
+Il est l'amour, mesure parfaite et réinventée, raison merveilleuse et
+imprévue, et l'éternité: machine aimée des qualités fatales. Nous avons
+tous eu l'épouvante de sa concession et de la nôtre: ô jouissance de
+notre santé, élan de nos facultés, affection égoïste et passion pour
+lui, lui qui nous aime pour sa vie infinie...
+
+Et nous nous le rappelons et il voyage... Et si l'Adoration s'en va,
+sonne, sa promesse sonne: «Arrière ces superstitions, ces anciens corps,
+ces ménages et ces âges. C'est cette époque-ci qui a sombré!»
+
+Il ne s'en ira pas, il ne redescendra pas d'un ciel, il n'accomplira pas
+la rédemption des colères de femmes et des gaîtés des hommes et de tout
+ce péché: car c'est fait, lui étant, et étant aimé.
+
+Ô ses souffles, ses têtes, ses courses; la terrible célérité de la
+perfection des formes et de l'action.
+
+Ô fécondité de l'esprit et immensité de l'univers!
+
+Son corps! Le dégagement rêvé le brisement de la grâce croisée de
+violence nouvelle! sa vue, sa vue! tous les agenouillages anciens et les
+peines _relevés_ à sa suite.
+
+Son jour! l'abolition de toutes souffrances sonores et mouvantes dans la
+musique plus intense.
+
+Son pas! les migrations plus énormes que les anciennes invasions.
+
+Ô Lui et nous! l'orgueil plus bienveillant que les charités perdues.
+
+Ô monde! et le chant clair des malheurs nouveaux!
+
+Il nous a connus tous et nous a tous tous aimé. Sachons, cette nuit
+d'hiver, de cap en cap, du pôle tumultueux au château, de la foule à la
+plage, de regards en regards, forces et sentiments las, le héler et le
+voir, et le renvoyer, et sous les marées et au haut des déserts de
+neige, suivre ses vues, ses souffles, son corps, son jour.
+
+
+
+
+IV
+
+JEUNESSE
+
+
+I
+
+DIMANCHE
+
+Les calculs de côté, l'inévitable descente du ciel, la visite des
+souvenirs et la séance des rythmes occupent la demeure, la tête et le
+monde de l'esprit.
+
+--Un cheval détale sur le turf suburbain, le long des cultures et des
+boisements, percé par la peste carbonique. Une misérable femme de drame,
+quelque part dans le monde soupire après les abandons improbables. Les
+desperadves languissent après l'orage, l'ivresse et les blessures. De
+petits enfants étouffent des malédictions le long des rivières.
+
+Reprenons l'étude au bruit de l'oeuvre dévorante qui se rassemble et se
+monte dans les masses.
+
+
+II
+
+SONNET
+
+_Homme_ de constitution ordinaire, la chair n'était-elle pas un fruit
+pendu dans le verger, ô journées enfantes! le corps un trésor à
+prodiguer; ô aimer, le péril ou la force de Psyché? La terre avait des
+versants fertiles en princes et en artistes, et la descendance et la
+race nous poussaient aux crimes et aux deuils: ce monde votre fortune et
+votre péril. Mais à présent, le labeur comblé, toi, tes calculs, toi,
+tes impatiences, ne sont plus que votre danse et votre voix, non fixées
+et point forcées, quoique d'un double événement d'invention et de succès
+une liaison, en l'humanité fraternelle est discrète par l'univers sans
+images;--la force et le droit réfléchissent la danse et la voix à
+présent seulement appréciées.
+
+
+III
+
+VINGT ANS
+
+Les voix instructives exilées... L'ingénuité physique amèrement
+rassise... Adagio. Ah! l'égoïsme infini de l'adolescence, l'optimisme
+studieux: que le monde était plein de fleurs cet été! Les airs et les
+formes mourant... Un choeur, pour calmer l'impuissance et l'absence! Un
+choeur de verres de mélodies nocturnes... En effet les nerfs vont vite
+chasser.
+
+
+IV
+
+Tu en es encore à la tentation d'Antoine. L'ébat du zèle écourté, les
+tics d'orgueil, l'affaissement et l'effroi. Mais tu te mettras à ce
+travail: toutes les possibilités harmoniques et architecturales
+s'émouvront autour de ton siège. Des êtres parfaits, imprévus,
+s'offriront à tes expériences. Dans tes environs affluera rêveusement la
+curiosité d'anciennes foules et de luxes oisifs. Ta mémoire et tes sens
+ne seront que la nourriture de ton impulsion créatrice. Quant au monde,
+quand tu sortiras, que sera-t-il devenu? En tout cas, rien des
+apparences actuelles.
+
+
+
+
+V
+
+SOLDES
+
+
+À vendre ce que les Juifs n'ont pas vendus, ce que noblesse ni crime
+n'ont goûté, ce qu'ignorent l'amour maudit et la probité infernale des
+masses; ce que le temps ni la science n'ont pas à reconnaître:
+
+Les voix reconstituées; l'éveil fraternel de toutes les énergies
+chorales et orchestrales, et leurs applications instantanées,
+l'occasion, unique, de dégager nos sens!
+
+À vendre les corps sans prix, hors de toute race, de tout monde, de tout
+sexe, de toute descendance! Les richesses jaillissant à chaque démarche!
+Solde de diamants sans contrôle!
+
+À vendre l'anarchie pour les masses; la satisfaction irrépréssible pour
+les amateurs supérieurs; la mort atroce pour les fidèles et les amants!
+
+À vendre les habitations et les migrations, sports, féeries et conforts
+parfaits, et le bruit, le mouvement et l'avenir qu'ils font:
+
+À vendre les applications de calcul et sauts d'harmonie inouïs. Les
+trouvailles et les termes non soupçonnés, possession immédiate.
+
+Élan insensé et infini aux splendeurs et invisibles aux délices
+insensibles, et ses secrets affolants pour chaque vice, et sa gaîté
+effroyante pour la foule.
+
+À vendre les corps, les voix, l'immense opulence inquestionable, ce
+qu'on ne vendra jamais. Les vendeurs ne sont pas à bout de solde! Les
+voyageurs n'ont pas à rendre leur commission de sitôt!
+
+
+
+
+TABLE
+
+
+ PRÉFACE
+ Les étrennes des orphelins
+ Voyelles
+ Oraison du soir
+ Les assis
+ Les effarés
+ Les chercheuses de poux
+ Bateau ivre
+ Premières communions
+ L'orgie parisienne ou Paris se repeuple
+ Accroupissements
+ Les pauvres à l'église
+ Ce qui retient Nina
+ Vénus Anadyomène
+ Morts de quatre-vingt-douze
+ Comédie en trois baisers
+ Sensation
+ Bal des pendus
+ Roman
+ Rages de Césars
+ Le mal
+ Ophélie
+ Le châtiment de Tartufe
+ À la musique
+ Le forgeron
+ Soleil et chair
+ Le dormeur du Val
+ Au Cabaret Vert
+ La Maline
+ L'éclatante victoire de Sarrebruck
+ Rêvé pour l'hiver
+ Le buffet
+ Ma bohème
+ Entends comme Brame
+ Chant de guerre parisien
+ Mes petites amoureuses
+ Les poètes de sept ans
+ Le coeur volé
+ Tête de faune
+ Poison perdu
+ Les corbeaux
+ Patience
+ Jeune ménage
+ Mémoire
+ ... Est-elle almée?
+ Fêtes de la faim (variante)
+
+PROSE
+
+ Fairy
+ Guerre
+ Génie
+ Jeunesse
+ I. Dimanche
+ II. Sonnet
+ III. Vingt ans
+ IV. Tu en es encore
+ Solde
+
+
+
+[Notes sur la transcription:
+
+On a effectué les corrections suivantes:
+
+ ombragé => ombré (On paie au Prêtre un toit ombragé d'une charmille)
+ retiré «petits» (De s'entendre appeler garces par les petits garçons)
+ retiré «fortes» (Elle eut soif de la nuit forte où s'exalte et s'abaisse)
+ Boète => Poète (Le Boète prendra le sanglot des Infâmes)
+ gravements => gravement (Et parfois en hoquets fort gravements bouffons)
+ ajouté «est Roi!» (--Et pourtant, plus de dieux! plus de dieux! l'Homme)
+ dlamants => diamants (Solde de dlamants sans contrôle!)]
+
+
+
+
+
+
+
+End of the Project Gutenberg EBook of Poésies complètes, by Arthur Rimbaud
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK POÉSIES COMPLÈTES ***
+
+***** This file should be named 29302-8.txt or 29302-8.zip *****
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+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
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+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation web page at https://www.pglaf.org.
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+The Project Gutenberg EBook of Poésies complètes, by Arthur Rimbaud
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+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
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+with this eBook or online at www.gutenberg.org
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+Title: Poésies complètes
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+Author: Arthur Rimbaud
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+Commentator: Paul Verlaine
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+Release Date: July 3, 2009 [EBook #29302]
+[Last updated: August 2, 2014]
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+Language: French
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+Character set encoding: ISO-8859-1
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+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK POÉSIES COMPLÈTES ***
+
+
+
+
+Produced by Laurent Vogel, Robert Connal and the Online
+Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This
+file was produced from images generously made available
+by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at
+http://gallica.bnf.fr)
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+
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+
+
+</pre>
+
+<div class="trnote"><h2>Notes sur cette version électronique</h2>
+
+
+<p>Le texte a été établi sur la base des épreuves de l'imprimerie
+de Ch. Herissey à Évreux, revues avec les corrections de la main de
+Paul Verlaine en 1895. Certains passages illisibles ou d'une
+reconstitution hypothétique ont été signalés entre crochets.</p>
+
+<p>On donne ici le texte après application des corrections; le texte
+original de la préface avec les corrections se trouve
+<a href="#annexe">en annexe</a> à
+la fin de cette version HTML.</p>
+
+</div>
+
+
+<p class="c"><big>ARTHUR RIMBAUD</big></p>
+
+
+<h1><big>POÉSIES</big><br>
+COMPLÈTES</h1>
+
+<p class="c"><small>AVEC PRÉFACE DE PAUL VERLAINE<br>
+ET NOTES DE L'ÉDITEUR</small></p>
+
+<div class="c"><img src="images/a.png" alt="L. V."></div>
+<p class="c"><big>PARIS</big></p>
+
+<p class="c">LÉON VANIER, LIBRAIRE-ÉDITEUR<br>
+19, <small>QUAI SAINT-MICHEL</small>, 19</p>
+
+<p class="c">1895<br>
+<small>Tous droits réservés</small></p>
+
+
+
+
+<h2>DU MÊME AUTEUR</h2>
+
+<p class="c">MÊME ÉDITEUR</p>
+
+
+<p class="c"><b>Les Illuminations, Une Saison en Enfer</b>. . . <b>3 50</b></p>
+
+<p class="c">TIRAGE DE LUXE:</p>
+
+<p class="c">25 exemplaires numérotés sur Hollande, <b>6</b> fr.</p>
+
+
+
+
+<h2><a name="preface" id="preface"></a>PRÉFACE</h2>
+
+<p class="c">ARTHUR RIMBAUD</p>
+
+<p class="c">SES POÉSIES COMPLÈTES</p>
+
+
+<p>À mon avis tout à fait intime, j'eusse préféré,
+en dépit de tant d'intérêt s'attachant intrinsèquement
+presque aussi bien que chronologiquement
+à beaucoup de pièces du présent recueil, que
+celui-ci fût allégé pour, surtout, des causes littéraires:
+trop de jeunesse décidément, d'inexpériences
+mal savoureuses, point d'assez heureuses
+naïvetés. J'eusse, si le maître, donné juste un
+dessus de panier, quitte à regretter que le reste
+dût disparaître, ou, alors, ajouté ce reste à la fin
+du livre, après la table des matières et sans table
+des matières quant à ce qui l'eût concerné, sous
+la rubrique «pièces attribuées à l'auteur», encore
+excluant de cette peut-être trop indulgente déjà
+hospitalité les tout à fait apocryphes sonnets publiés,
+sous le nom glorieux et désormais sacré,
+par de spirituels parodistes.</p>
+
+<p>Quoi qu'il en soit, voici, seulement expurgé
+des apocryphes en question et classé aussi soigneusement
+que possible par ordre de dates,
+mais, hélas! privé de trop de choses qui furent,
+aux déplorables fins de puériles et criminelles
+rancunes, sans même d'excuses suffisamment
+bêtes, confisquées, confisquées? volées! pour tout
+et mieux dire, dans les tiroirs fermés d'un absent,
+voici <i>le livre des poésies complètes d'Arthur
+Rimbaud</i>, avec ses additions inutiles à mon avis
+et ses déplorables mutilations irréparables à jamais,
+il faut le craindre.</p>
+
+<p>Justice est donc faite, et bonne et complète,
+car en outre du présent fragment de l'[illisible], il y
+a eu des reproductions par la Presse et la Librairie
+des choses en prose si inappréciables, peut-être
+même si supérieures aux vers, dont quelques-uns
+pourtant incomparables, que je sache!</p>
+
+<p>Ici, avant de procéder plus avant, dans ce très
+sérieux et très sincère et pénible et douloureux travail,
+il me sied et me plaît de remercier mes amis
+Dujardin et Kahn, Fénéon, et ce trop méconnu,
+trop modeste Anatole Baju, de leur intervention
+en un cas si beau, mais à l'époque périculeux, je
+vous l'assure, car je ne le sais que trop.</p>
+
+<p>Kahn et Dujardin disposaient néanmoins de
+revues jeunes et d'aspect presque imposant, un
+peu d'outre-Rhin et parfois, pour ainsi dire, pédantesques;
+depuis il y a eu encore du plomb dans
+l'aile de ces périodiques changés de direction&mdash;et
+Baju, naïf, eut aussi son influence, vraiment.</p>
+
+<p>Tous trois firent leur devoir en faveur de mes
+efforts pour Rimbaud, Baju avec le tort, peut-être
+inconscient, de publier, à l'appui de la bonne
+thèse, des gloses farceuses de gens de talent et
+surtout d'esprit qui auraient mieux fait certainement
+de travailler pour leur compte, qui en
+valait, je le leur dis en toute sincérité,</p>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">La peine assurément!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p>Mais un devoir sacré m'incombe, en dehors de
+toute diversion même quasiment nécessaire, vite.
+C'est de rectifier des faits d'abord&mdash;et ensuite
+d'élucider un peu la disposition, à mon sens, mal
+littéraire, mais conçue dans un but tellement
+respectable! du présent volume des <i>Poésies complètes
+d'Arthur Rimbaud.</i></p>
+
+<p>On a tout dit, en une préface abominable que
+la Justice a châtiée, d'ailleurs par la saisie, sur la requête d'un galant homme de qui la signature
+avait été escroquée, M. Rodolphe Darzens,
+on a dit tout le mauvais sur Rimbaud,
+homme et poète.</p>
+
+<p>Ce mauvais-là, il faut malheureusement, mais
+carrément, l'amalgamer avec celui qu'a écrit,
+pensé sans nul doute, un homme de talent dans
+un journal d'irréprochable tenue. Je veux parler
+de M. Charles Maurras et en appeler de lui à lui
+mieux informé.</p>
+
+<p>Je lis, par exemple, ceci de lui, M. Charles
+Maurras:</p>
+
+<p>«Au dîner du Bon Bock»,
+or il n'y avait pas
+alors, de <i>dîner du Bon Bock</i> où nous allassions,
+Valade, Mérat, Silvestre, quelques autres Parnassiens
+[et] moi, ni par conséquent Rimbaud avec
+nous, mais bien un dîner mensuel des <i>Vilains
+Bonshommes</i> [note illisible], fondé avant la guerre et
+qu'avaient honoré quelquefois Théodore de Banville
+et, de la part de Sainte-Beuve, le secrétaire de celui-ci,
+M. Jules Troubat. Au moment dont il est
+question, fin 1871, nos «assises» se tenaient au
+premier étage d'un marchand de vins établi au
+coin de la rue Bonaparte et de la place Saint-Sulpice,
+vis-à-vis d'un libraire d'occasion (rue
+Bonaparte) et (rue du Vieux-Colombier) d'un
+négociant [en] objets religieux.
+«Au dîner du Bon Bock,
+dit donc M. Maurras,
+ses reparties (à Rimbaud) causaient de grands
+scandales. Ernest d'Hervilly le rappelait en vain
+à la raison. <span class="sc">Carjat le mit à la porte.</span> Rimbaud
+attendit <i>patiemment</i> à la porte et Carjat reçut à
+la sortie un «bon» (je retiens «bon») coup de
+canne à épée <span class="sc">dans le ventre.</span>»</p>
+
+<p>Je n'ai pas à invoquer le témoignage de d'Hervilly
+qui est un cher poète et un cher ami, parce
+qu'il n'a jamais été plus l'auteur d'une intervention
+absurdement inutile que l'objet d'une insulte
+ignoble publiée sans la plus simple pudeur, non
+plus que sans la moindre conscience du faux ou
+du vrai dans la préface de l'édition Genonceaux; ni celui de M. Carjat
+lui-même, par trop juge et partie, ni celui des encore assez nombreux survivants
+d'une scène assurément peu glorieuse pour
+Rimbaud, mais démesurément grossie et dénaturée
+jusqu'à la plus complète calomnie.</p>
+
+<p>Voici donc un récit succinct, mais vrai jusque
+dans le moindre détail, du «drame» en question:
+ce soir-là, aux <i>Vilains Bonshommes</i>, on avait lu
+beaucoup de vers après le dessert et le café.
+Beaucoup de vers, même à la fin d'un dîner
+(plutôt modeste), ce n'est pas toujours des moins
+fatigants, particulièrement quand ils sont un peu
+bien déclamatoires comme ceux dont <i>vraiment</i> il
+s'agissait (et non du bon poète Jean Aicard). Ces
+vers étaient d'un monsieur qui faisait beaucoup
+de sonnets à l'époque et de qui le nom m'échappe.</p>
+
+<p>Et, sur le début suivant, après passablement
+d'autres choses d'autres gens:</p>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0"><i>On dirait des soldats d'Agrippa d'Aubigné</i></span><br>
+ <span class="i0"><i>Alignés au cordeau par Philibert Delorme...</i></span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p>Rimbaud eut le tort incontestable de protester
+d'abord entre haut et bas contre la prolongation
+d'à la fin abusives récitations. Sur quoi M. Etienne
+Carjat, le photographe poète de qui le récitateur
+était l'ami littéraire et artistique, s'interposa trop
+vite et trop vivement à mon gré, traitant l'interrupteur
+de gamin. Rimbaud qui ne savait supporter
+la boisson, et que l'on avait contracté dans
+ces «agapes» pourtant modérées, la mauvaise
+habitude de gâter au point de vue du vin et des
+liqueurs,&mdash;Rimbaud qui se trouvait gris, prit
+mal la chose, se saisit d'une canne à épée à moi qui
+était derrière nous, voisins immédiats et, par-dessus
+la table large de près de deux mètres,
+dirigea vers M. Carjat qui se trouvait en face ou
+tout comme, la lame dégainée qui ne fit pas heureusement
+de très grands ravages, puisque le
+sympathique ex-directeur du <i>Boulevard</i> ne reçut,
+si j'en crois ma mémoire qui est excellente dans
+ce cas, qu'une éraflure très légère à une main.</p>
+
+<p>Néanmoins l'alarme fut grande et la tentative
+très regrettable, vite et plus vite encore réprimée.
+J'arrachai la lame au furieux, la brisai sur mon
+genou et confiai, devant rentrer de très bonne
+heure chez moi, le [«gamin»] à moitié dégrisé maintenant,
+au peintre bien connu, Michel de l'Hay, alors déjà
+un solide gaillard en outre d'un tout jeune homme
+des plus remarquablement beaux qu'il soit donné
+de voir, qui eut tôt fait de reconduire à son domicile
+de la rue Campagne-Première, en le chapitrant
+d'importance, notre jeune intoxiqué de qui l'accès
+de colère ne tarda pas à se dissiper tout à fait,
+avec les fumées du vin et de l'alcool, dans le
+sommeil réparateur de la seizième année.</p>
+
+<p>Avant de «lâcher» tout à fait M. Charles
+Maurras, je lui demanderai de expliquer sur un malheureux
+membre de phrase de lui me concernant.</p>
+
+<p>À propos de la question d'ailleurs subsidiaire
+de savoir si Rimbaud était beau ou laid,
+M. Maurras qui ne l'a jamais vu et qui le trouve
+laid, d'après des témoins «plus rassis» que votre
+serviteur, me blâmerait presque, ma parole
+d'honneur! d'avoir dit qu'il avait (Rimbaud) un
+visage parfaitement ovale d'ange en exil, une forte
+bouche rouge au pli amer et (<i>in cauda venenum!</i>)
+des
+«jambes sans rivales».</p>
+
+<p>Ça c'est, je veux bien le croire, idiot sans plus, autrement,
+quoi? Voici toujours <i>ma</i> phrase sur les
+jambes en question, extraite des <i>Homme d'aujourd'hui</i>.
+Au surplus, lisez toute la petite biographie.
+Elle répond à tout d'<i>avance</i>, et coûte
+deux sous.</p>
+
+<p>«... Des projets pour la Russie, une anicroche
+à Vienne (Autriche), quelques mois en France,
+d'Arras et Douai à Marseille, et le Sénégal vers
+lequel bercé par un naufrage[;] puis la Hollande,
+1879-80; vu décharger des voitures de moisson
+dans une ferme à sa mère, entre Attigny et Vouziers,
+et arpenter ces routes maigres de ses
+«<span class="sc">jambes sans rivales</span>».</p>
+
+<p>Voyons, M. Maurras, est-ce bien de bonne foi
+votre confusion entre infatigabilité... et autre
+chose?</p>
+
+<p>&mdash;Ouf! j'en ai fini avec les petites (et grosses)
+infamies qui, de régions prétendues uniquement
+littéraires, s'insinueraient dans la vie privée pour
+s'y installer, et veuillez, lecteur, me permettre de
+m'étendre un peu, maintenant qu'on a brûlé quelque
+sucre, sur le pur plaisir intellectuel de vous
+parler du présent ouvrage qu'on peut ne pas
+aimer, ni même admirer, mais qui a droit à tout
+respect en tout consciencieux examen?</p>
+
+<p>On a laissé les pièces objectionables au point
+de vue bourgeois, car le point de vue chrétien et
+surtout catholique dont je m'honore d'être un des
+plus indignes peut-être mais à coup sûr le plus
+sincère tenant, me semble supérieur et doit être écarté&mdash;j'entends,
+notamment les <i>Premières Communions</i>, les
+<i>Pauvres à l'église</i> (pour mon compte, j'eusse
+négligé cette pièce brutale ayant pourtant ceci:</p>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i4"><i>... Les malades du foie</i></span><br>
+ <span class="i0"><i>Font baiser leurs longs doigts jaunes aux bénitiers.</i></span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+</div>
+
+<p>Quant aux <i>Premières Communions</i> dont j'ai
+sévèrement parlé dans mes <i>Poètes maudits</i> à
+cause de certains vers affreusement
+blasphémateurs, c'est si
+beau!... n'est-ce pas? à travers tant de coup[ables]
+choses... n'est ce pas?</p>
+
+<p>Pour le reste de ce que j'aime parfaitement, le
+<i>Bateau ivre</i>, les <i>Effarés</i>, les <i>Chercheuses de poux</i>
+et, bien après, les <i>Assis</i> aussi, parbleu! un
+peu fumiste, mais si beau de détails; <i>Sonnet de
+Voyelles</i> qui a fait faire à M. Réné Ghill de ses
+mirobolantes théories, et l'ardent <i>Faune</i> [illisible] est
+parfait de fauves,&mdash;en liberté! et encore une
+fois, je vous le présente, ce «numéro», comme
+autrefois dans ce petit journal de combat mort en pleine
+brèche <i>Lutèce</i>, de tout mon c&oelig;ur, de toute
+mon âme et de toutes mes forces.</p>
+
+<p>On a cru devoir, évidemment dans un but de
+réhabilitation qui n'a rien à voir ni avec la vie honorable
+ni avec l'&oelig;uvre très intéressante, [illisible] ouvrir le volume par une pièce
+intitulée <i>Étrennes des Orphelins</i>, laquelle assez
+longue pièce, dans le goût un peu Guiraud avec
+déjà des beautés tout autres. Ceci qui vaut du
+Desbordes-Valmore:</p>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0"><i>Les tout petits enfants ont le c&oelig;ur si sensible!</i></span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p>Cela:</p>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0"><i>La bise sous le seuil a fini par se taire...</i></span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p>qui est d'un net et d'un vrai, quant à ce qui concerne
+un beau jour de premier janvier. Surtout
+une facture solide, même un peu trop, qui dit
+l'extrême jeunesse de l'auteur quand il s'en
+servit d'après la formule parnassienne exagérée.</p>
+
+<p>On a cru aussi devoir intercaler de gré ou de
+force un trop long poème: <i>Le Forgeron</i>, daté des
+<i>Tuileries vers le 10 août 1792</i>, où vraiment c'est
+trop démoc-soc [illisible], par trop démodé, même en 1870 où ce fut écrit;
+mais l'auteur, direz-vous, était si, si jeune! Mais,
+répondrais-je, était-ce une raison pour publier
+cette chose faite à coups de «mauvaises lectures»
+dans des manuels surannés ou de trop
+moisis historiens? Je ne m'empresse pas moins
+d'ajouter qu'il y a là encore de très beaux vers.
+Parbleu! avec cet être-là!</p>
+
+<p>Cette caricature de Louis XVI, d'abord:</p>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0"><i>Et prenant ce gros-là dans son regard farouche.</i></span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p>Cette autre encore;</p>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0"><i>Or le bon roi, debout sur son ventre, était pâle.</i></span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p>Ce cri bien dans le ton juste, trop rare ici:</p>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0"><i>On ne veut pas de nous dans les boulangeries</i></span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p>Mais j'avoue préférer telles pièces purement
+jolies, mais alors très jolies, d'une joliesse sauvageonne
+ou sauvage tout à fait alors presque aussi
+belles que les <i>Effarés</i> ou que
+les Assis.</p>
+
+<p>Il y a, dans ce ton, <i>Ce qui relient Nina</i>, vingt-neuf
+strophes, plus de cent vers, sur un [rh]ythme
+sautilleur avec des gentillesse à tout bout de
+champ:</p>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0"><i>Dix-sept ans! tu seras heureuse!</i></span><br>
+ <span class="i6"><i>Ô les grands prés,</i></span><br>
+ <span class="i0"><i>La grande campagne amoureuse!</i></span><br>
+ <span class="i6"><i>&mdash;Dis, viens plus près!...</i></span><br>
+ <span class="i0">. . . . . . . . . . . . . .</span><br>
+ <span class="i0"><i>Puis comme une petite morte</i></span><br>
+ <span class="i6"><i>Le c&oelig;ur pâmé</i></span><br>
+ <span class="i0"><i>Tu me dirais que je te porte</i></span><br>
+ <span class="i6"><i>L'&oelig;il mi-fermé...</i></span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p>Et, après la promenade au bois... et la résurrection
+de la <i>petite morte</i>, l'entrée dans le village
+où <i>çà sentirait le laitage</i>, une étable pleine
+d'un rhythme lent d'haleine, et de grands dos, un
+intérieur à la Téniers:</p>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0"><i>Les lunettes de la grand-mère</i></span><br>
+ <span class="i3"><i>Et son nez long</i></span><br>
+ <span class="i0"><i>Dans son missel...</i></span><br>
+ <span class="i0">. . . . . . . . . . . . . .</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p>Aussi la <i>Comédie en trois baisers:</i></p>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">. . . . . . . . . . . . . .</span><br>
+ <span class="i0"><i>Elle était fort déshabillée</i></span><br>
+ <span class="i0"><i>Et de grands arbres indiscrets.</i></span><br>
+ <span class="i0"><i>Aux vitres penchaient leur feuillée</i></span><br>
+ <span class="i0"><i>Malinement, tout près, tout près.</i></span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p><i>Sensation</i>, où le poète adolescent va loin, bien
+loin, «comme un bohémien»</p>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0"><i>Par la nature, heureux comme avec une femme...</i></span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p>Roman:</p>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0"><i>On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans.</i></span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p>Ce qu'il y a d'amusant, c'est que Rimbaud,
+quand il écrivait ce vers, n'avait pas encore
+seize ans. Évidemment il se «vieillissait» pour
+mieux plaire à quelque belle... de, très probablement,
+son imagination.</p>
+
+<p><i>Ma Bohème</i>, la plus gentille sans doute de ces
+gentilles choses:</p>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0"><i>Comme des lyres je tirai les élastiques</i></span><br>
+ <span class="i0"><i>De mes souliers blessés, un pied près de mon c&oelig;ur</i>...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p>Mes <i>Petites amoureuses</i>, les <i>Poètes de sept ans</i>,
+frères franchement douloureux des <i>Chercheuses
+de poux</i>:</p>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0"><i>Et la mère fermant le livre du devoir</i></span><br>
+ <span class="i0"><i>S'en allait satisfaite et très fière sans voir</i></span><br>
+ <span class="i0"><i>Dans les yeux bleus et sous le front plein d'éminences</i></span><br>
+ <span class="i0"><i>L'âme de son enfant livrée aux répugnances.</i></span><br>
+ <span class="i0">. . . . . . . . . . . . . .</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p>Quant aux quelques morceaux en prose qui
+terminent le volume, je les eusse retenus pour les
+publier dans une nouvelle édition des &oelig;uvres en
+prose. Ils sont d'ailleurs merveilleux, mais tout à
+fait dans la note des <i>Illuminations</i> et de la <i>Saison
+en Enfer</i>. Je l'ai dit tout à l'heure et je sais
+que je ne suis pas le seul à le penser: Rimbaud
+en prose est peut-être supérieur à celui en
+vers...</p>
+
+<p>J'ai terminé, je crois avoir terminé ma tâche
+de préfacier. De la vie de l'homme j'ai parlé
+suffisamment. De son &oelig;uvre je reparlerai peut-être
+encore.</p>
+
+<p>Mon dernier mot ne peut-être ici que ceci:
+Rimbaud fut un poète mort jeune (à dix-huit ans,
+puisque né à Charleville[&mdash;le 20] Octobre 1854&mdash;nous n'avons pas de vers de lui
+[postérieur] à 1872.) mais vierge de
+toute platitude ou décadence&mdash;comme il fut un
+homme mort jeune aussi [(à trente] sept ans [le] 10 Novembre 1891 à l'hôpital
+de la Conception de Marseille), mais dans son v&oelig;u
+bien formulé d'indépendance et de haut dédain
+de n'importe quelle adhésion à ce qu'il ne lui
+plaisait pas de faire ni d'être.</p>
+
+<p class="s">Paul <span class="sc">Verlaine</span>.
+</p>
+
+
+
+<h2>POESIES COMPLÈTES</h2>
+
+
+<p class="c"><small>DE CE LIVRE<br>
+IL A ÉTÉ TIRÉ</small><br>
+<i>25 exemplaires numérotés<br>
+sur hollande.</i></p>
+
+
+
+
+<p class="c"><big>ARTHUR RIMBAUD</big></p>
+
+<h2><big>POÉSIES</big><br>
+COMPLÈTES</h2>
+
+<p class="c"><big>PARIS</big><br>
+LÉON VANIER, LIBRAIRE-ÉDITEUR<br>
+19, <small>QUAI SAINT-MICHEL</small>, 19</p>
+
+<p class="c">1895</p>
+
+<p class="c"><small>Tous droits réservés.</small></p>
+
+
+
+
+<h2><a name="t1" id="t1"></a>LES ÉTRENNES DES ORPHELlNS</h2>
+
+
+<h3>I</h3>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">La chambre est pleine d'ombre; on entend vaguement</span><br>
+ <span class="i0">De deux enfants le triste et doux chuchotement.</span><br>
+ <span class="i0">Leur front se penche, encor, alourdi par le rêve,</span><br>
+ <span class="i0">Sous le long rideau blanc qui tremble et se soulève...</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Au dehors les oiseaux se rapprochent frileux;</span><br>
+ <span class="i0">Leur aile s'engourdit sous le ton gris des cieux;</span><br>
+ <span class="i0">Et la nouvelle année, à la suite brumeuse,</span><br>
+ <span class="i0">Laissant traîner les plis de sa robe neigeuse,</span><br>
+ <span class="i0">Sourit avec des pleurs, et chante en grelottant...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+<h3>II</h3>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Or les petits enfants, sous le rideau flottant,</span><br>
+ <span class="i0">Parlent bas comme on fait dans une nuit obscure.</span><br>
+ <span class="i0">Ils écoutent, pensifs, comme un lointain murmure...</span><br>
+ <span class="i0">Ils tressaillent souvent à la claire voix d'or</span><br>
+ <span class="i0">Du timbre matinal, qui frappe et frappe encor</span><br>
+ <span class="i0">Son refrain métallique en son globe de verre...</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Puis, la chambre est glacée... on voit traîner à terre,</span><br>
+ <span class="i0">Épars autour des lits, des vêtements de deuil:</span><br>
+ <span class="i0">L'âpre bise d'hiver qui se lamente au seuil,</span><br>
+ <span class="i0">Souffle dans le logis son haleine morose!</span><br>
+ <span class="i0">On sent, dans tout cela, qu'il manque quelque chose...</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Il n'est donc point de mère à ces petits enfants,</span><br>
+ <span class="i0">De mère au frais sourire, aux regards triomphants?</span><br>
+ <span class="i0">Elle a donc oublié, le soir, seule et penchée,</span><br>
+ <span class="i0">D'exciter une flamme à la cendre arrachée,</span><br>
+ <span class="i0">D'amonceler sur eux la laine et l'édredon</span><br>
+ <span class="i0">Avant de les quitter en leur criant: pardon.</span><br>
+ <span class="i0">Elle n'a point prévu la froideur matinale,</span><br>
+ <span class="i0">Ni bien fermé le seuil à la bise hivernale?...</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Le rêve maternel, c'est le tiède tapis,</span><br>
+ <span class="i0">C'est le nid cotonneux où les enfants tapis,</span><br>
+ <span class="i0">Comme de beaux oiseaux que balancent les branches,</span><br>
+ <span class="i0">Dorment leur doux sommeil plein de visions blanches.</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Et là,&mdash;c'est comme un nid sans plumes, sans chaleur</span><br>
+ <span class="i0">Où les petits ont froid, ne dorment pas, ont peur;</span><br>
+ <span class="i0">Un nid que doit avoir glacé la bise amère...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+<h3>III</h3>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Votre c&oelig;ur l'a compris:&mdash;ces enfants sont sans mère,</span><br>
+ <span class="i0">Plus de mère au logis!&mdash;et le père est bien loin!...</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Une vieille servante, alors, en a pris soin:</span><br>
+ <span class="i0">Les petits sont tout seuls en la maison glacée;</span><br>
+ <span class="i0">Orphelins de quatre ans, voilà qu'en leur pensée</span><br>
+ <span class="i0">S'éveille, par degrés, un souvenir riant...</span><br>
+ <span class="i0">C'est comme un chapelet qu'on égrène en priant:</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Ah! quel beau matin, que ce matin des étrennes!</span><br>
+ <span class="i0">Chacun, pendant la nuit, avait rêvé des siennes</span><br>
+ <span class="i0">Dans quelque songe étrange où l'on voyait joujoux,</span><br>
+ <span class="i0">Bonbons habillés d'or, étincelants bijoux,</span><br>
+ <span class="i0">Tourbillonner, danser une danse sonore,</span><br>
+ <span class="i0">Puis fuir sous les rideaux, puis reparaître encore!</span><br>
+ <span class="i0">On s'éveillait matin, on se levait joyeux,</span><br>
+ <span class="i0">La lèvre affriandée, en se frottant les yeux...</span><br>
+ <span class="i0">On allait, les cheveux emmêlés sur la tête,</span><br>
+ <span class="i0">Les yeux tout rayonnants, comme aux grands jours de fête</span><br>
+ <span class="i0">Et les petits pieds nus effleurant le plancher,</span><br>
+ <span class="i0">Aux portes des parents tout doucement toucher...</span><br>
+ <span class="i0">On entrait!... Puis alors les souhaits... en chemise,</span><br>
+ <span class="i0">Les baisers répétés, et la gaîté permise?</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+<h3>IV</h3>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Ah! c'était si charmant, ces mots dits tant de fois!</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Mais comme il est changé, le logis d'autrefois:</span><br>
+ <span class="i0">Un grand feu pétillait, clair, dans la cheminée,</span><br>
+ <span class="i0">Toute la vieille chambre était illuminée;</span><br>
+ <span class="i0">Et les reflets vermeils, sortis du grand foyer,</span><br>
+ <span class="i0">Sur les meubles vernis aimaient à tournoyer...</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;L'armoire était sans clefs!... sans clefs, la grande armoire</span><br>
+ <span class="i0">On regardait souvent sa porte brune et noire...</span><br>
+ <span class="i0">Sans clefs!... c'était étrange!... On rêvait bien des fois</span><br>
+ <span class="i0">Aux mystères dormant entre ses flancs de bois,</span><br>
+ <span class="i0">Et l'on croyait ouïr, au fond de la serrure</span><br>
+ <span class="i0">Béante, un bruit lointain, vague et joyeux murmure</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;La chambre des parents est bien vide, aujourd'hui</span><br>
+ <span class="i0">Aucun reflet vermeil sous la porte n'a lui;</span><br>
+ <span class="i0">Il n'est point de parents, de foyer, de clefs prises:</span><br>
+ <span class="i0">Partant point de baisers, point de douces surprises!</span><br>
+ <span class="i0">Oh! que le jour de l'an sera triste pour eux!</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Et, tout pensifs, tandis que de leurs grands yeux bleus</span><br>
+ <span class="i0">Silencieusement tombe une larme amère,</span><br>
+ <span class="i0">ils murmurent: «Quand donc reviendra notre mère?»</span><br>
+ <span class="i0">. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+<h3>V</h3>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Maintenant, les petits sommeillent tristement:</span><br>
+ <span class="i0">Vous diriez, à les voir, qu'ils pleurent en dormant,</span><br>
+ <span class="i0">Tant leurs yeux sont gonflés et leur souffle pénible!</span><br>
+ <span class="i0">Les tout petits enfants ont le c&oelig;ur si sensible!</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Mais l'ange des berceaux vient essuyer leurs yeux,</span><br>
+ <span class="i0">Et dans ce lourd sommeil mit un rêve joyeux,</span><br>
+ <span class="i0">Un rêve si joyeux, que leur lèvre mi-close,</span><br>
+ <span class="i0">Souriante, semblait murmurer quelque chose...</span><br>
+ <span class="i0">Ils rêvent que, penchés sur leur petit bras rond,</span><br>
+ <span class="i0">Doux geste du réveil, ils avancent le front,</span><br>
+ <span class="i0">Et leur vague regard tout autour d'eux repose...</span><br>
+ <span class="i0">Ils se croient endormis dans un paradis rose...</span><br>
+ <span class="i0">Au foyer plein d'éclairs chante gaîment le feu...</span><br>
+ <span class="i0">Par la fenêtre on voit là-bas un beau ciel bleu;</span><br>
+ <span class="i0">La nature s'éveille et de rayons s'enivre...</span><br>
+ <span class="i0">La terre, demi-nue, heureuse de revivre,</span><br>
+ <span class="i0">A des frissons de joie aux baisers du soleil...</span><br>
+ <span class="i0">Et dans le vieux logis tout est tiède et vermeil:</span><br>
+ <span class="i0">Des sombres vêtements ne jonchent plus la terre,</span><br>
+ <span class="i0">La bise sous le seuil a fini par se taire.</span><br>
+ <span class="i0">On dirait qu'une fée a passé dans cela!...</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Les enfants, tout joyeux, ont jeté deux cris... Là,</span><br>
+ <span class="i0">Près du lit maternel, sous un beau rayon rose,</span><br>
+ <span class="i0">Là, sur le grand tapis, resplendit quelque chose...</span><br>
+ <span class="i0">Ce sont des médaillons argentés, noirs et blancs,</span><br>
+ <span class="i0">De la nacre et du jais aux reflets scintillants:</span><br>
+ <span class="i0">Des petits cadres noirs, des couronnes de verre,</span><br>
+ <span class="i0">Ayant trois mots gravés en or: «<small>À NOTRE MÈRE</small>!»</span><br>
+ <span class="i0">. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p class="s">2 janvier 1870
+</p>
+
+
+
+<h2><a name="t2" id="t2"></a>VOYELLES</h2>
+
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu, voyelles,</span><br>
+ <span class="i0">Je dirai quelque jour vos naissances latentes,</span><br>
+ <span class="i0">A, noir corset velu des mouches éclatantes</span><br>
+ <span class="i0">Qui bombillent autour des puanteurs cruelles,</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Golfe d'ombre: E, candeur des vapeurs et des tentes,</span><br>
+ <span class="i0">Lance des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombelles</span><br>
+ <span class="i0">I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles</span><br>
+ <span class="i0">Dans la colère ou les ivresses pénitentes;</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">U, cycles, vibrements divins des mers virides,</span><br>
+ <span class="i0">Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides</span><br>
+ <span class="i0">Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux;</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">O, suprême Clairon plein de strideurs étranges,</span><br>
+ <span class="i0">Silences traversés des Mondes et des Anges:</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;O l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+
+
+<h2><a name="t3" id="t3"></a>ORAISON DU SOIR</h2>
+
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Je vis assis tel qu'un ange aux mains d'un barbier,</span><br>
+ <span class="i0">Empoignant une chope à fortes cannelures,</span><br>
+ <span class="i0">L'hypogastre et le col cambrés, une Gambier</span><br>
+ <span class="i0">Aux dents, sous l'air gonflé d'impalpables voilures.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Tels que les excréments chauds d'un vieux colombier</span><br>
+ <span class="i0">Mille rêves en moi font de douces brûlures;</span><br>
+ <span class="i0">Puis par instants mon c&oelig;ur triste est comme un aubier</span><br>
+ <span class="i0">Qu'ensanglante l'or jaune et sombre des coulures.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Puis quand j'ai ravalé mes rêves avec soin,</span><br>
+ <span class="i0">Je me tourne, ayant bu trente ou quarante chopes,</span><br>
+ <span class="i0">Et me recueille pour lâcher l'âcre besoin.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Doux comme le Seigneur du cèdre et des hysopes,</span><br>
+ <span class="i0">Je pisse vers les cieux bruns très haut et très loin,</span><br>
+ <span class="i0">Avec l'assentiment des grands héliotropes.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+
+
+<h2><a name="t4" id="t4"></a>LES ASSIS</h2>
+
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Noirs de loupes, grêlés, les yeux cerclés de bagues</span><br>
+ <span class="i0">Vertes, leurs doigts boulus crispés à leurs fémurs,</span><br>
+ <span class="i0">Le sinciput plaqué de hargnosités vagues</span><br>
+ <span class="i0">Comme les floraisons lépreuses des vieux murs,</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Ils ont greffé dans des amours épileptiques</span><br>
+ <span class="i0">Leur fantasque ossature aux grands squelettes noirs</span><br>
+ <span class="i0">De leurs chaises; leurs pieds aux barreaux rachitiques</span><br>
+ <span class="i0">S'entrelacent pour les matins et pour les soirs.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Ces vieillards ont toujours fait tresse avec leurs sièges,</span><br>
+ <span class="i0">Sentant les soleils vifs percaliser leur peaux,</span><br>
+ <span class="i0">Ou les yeux à la vitre où se fanent les neiges,</span><br>
+ <span class="i0">Tremblant du tremblement douloureux des crapauds.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Et les Sièges leur ont des bontés; culottée</span><br>
+ <span class="i0">De brun, la paille cède aux angles de leurs reins.</span><br>
+ <span class="i0">L'âme des vieux soleils s'allume, emmaillotée</span><br>
+ <span class="i0">Dans ces tresses d'épis où fermentaient les grains.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Et les Assis, genoux aux dents, verts pianistes,</span><br>
+ <span class="i0">Les dix doigts sous leur siège aux rumeurs de tambour</span><br>
+ <span class="i0">S'écoutent clapoter des barcarolles tristes</span><br>
+ <span class="i0">Et leurs caboches vont dans des roulis d'amour.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Oh! ne les faites pas lever! C'est le naufrage.</span><br>
+ <span class="i0">Ils surgissent, grondant comme des chats gifflés,</span><br>
+ <span class="i0">Ouvrant lentement leurs omoplates, ô rage!</span><br>
+ <span class="i0">Tout leur pantalon bouffe à leurs reins boursouflés.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Et vous les écoutez cognant leurs têtes chauves</span><br>
+ <span class="i0">Aux murs sombres, plaquant et plaquant leurs pieds tors</span><br>
+ <span class="i0">Et leurs boutons d'habit sont des prunelles fauves</span><br>
+ <span class="i0">Qui vous accrochent l'&oelig;il du fond des corridors.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Puis ils ont une main invisible qui tue;</span><br>
+ <span class="i0">Au retour, leur regard filtre ce venin noir</span><br>
+ <span class="i0">Qui charge l'&oelig;il souffrant de la chienne battue,</span><br>
+ <span class="i0">Et vous suez, pris dans un atroce entonnoir.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Assis, les poings crispés dans des manchettes sales,</span><br>
+ <span class="i0">Ils songent à ceux-là qui les ont fait lever,</span><br>
+ <span class="i0">Et de l'aurore au soir des grappes d'amygdales</span><br>
+ <span class="i0">Sous leurs mentons chétifs s'agitent à crever.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Quand l'austère sommeil a baissé leurs visières</span><br>
+ <span class="i0">Ils rêvent sur leurs bras de sièges fécondés,</span><br>
+ <span class="i0">De vrais petits amours de chaises en lisières</span><br>
+ <span class="i0">Sur lesquelles de fiers bureaux seront bordés.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Les fleurs d'encre, crachant des pollens en virgules,</span><br>
+ <span class="i0">Les bercent le long des calices accroupis,</span><br>
+ <span class="i0">Tels qu'au fil des glaïeuls le vol des libellules,</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Et leur membre s'agace à des barbes d'épis!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+
+
+<h2><a name="t5" id="t5"></a>LES EFFARÉS</h2>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Noirs dans la neige et dans la brume,</span><br>
+ <span class="i0">Au grand soupirail qui s'allume,</span><br>
+ <span class="i2">Leurs culs en rond,</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">À genoux, cinq petits,&mdash;misère!&mdash;</span><br>
+ <span class="i0">Regardent le boulanger faire</span><br>
+ <span class="i2">Le lourd pain blond...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Ils voient le fort bras blanc qui tourne</span><br>
+ <span class="i0">La pâte grise, et qui l'enfourne</span><br>
+ <span class="i2">Dans un trou clair.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Ils écoutent le bon pain cuire</span><br>
+ <span class="i0">Le boulanger au gras sourire</span><br>
+ <span class="i2">Chante un vieil air.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Ils sont blottis, pas un ne bouge,</span><br>
+ <span class="i0">Au souffle du soupirail rouge,</span><br>
+ <span class="i2">Chaud comme un sein.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Et quand, pendant que minuit sonne,</span><br>
+ <span class="i0">Façonné, pétillant et jaune,</span><br>
+ <span class="i2">On sort le pain;</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Quand, sous les poutres enfumées,</span><br>
+ <span class="i0">Chantent les croûtes parfumées,</span><br>
+ <span class="i2">Et les grillons;</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Que ce trou chaud souffle la vie;</span><br>
+ <span class="i0">Ils ont leur âme si ravie</span><br>
+ <span class="i2">Sous leurs haillons,</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Ils se ressentent si bien vivre,</span><br>
+ <span class="i0">Les pauvres petits pleins de givre!</span><br>
+ <span class="i2">&mdash;Qu'ils sont là, tous,</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Collant leurs petits museaux roses</span><br>
+ <span class="i0">Au grillage, chantant des choses,</span><br>
+ <span class="i2">Entre les trous,</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Mais bien bas,&mdash;comme une prière...</span><br>
+ <span class="i0">Repliés vers cette lumière</span><br>
+ <span class="i2">Du ciel rouvert,</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">&mdash;Si fort, qu'ils crèvent leur culotte,</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Et que leur lange blanc tremblotte</span><br>
+ <span class="i2">Au vent d'hiver...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p class="s2">20 septembre 1870.
+</p>
+
+
+
+<h2><a name="t6" id="t6"></a>LES CHERCHEUSES DE POUX</h2>
+
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Quand le front de l'enfant plein de rouges tourmentes,</span><br>
+ <span class="i0">Implore l'essaim blanc des rêves indistincts,</span><br>
+ <span class="i0">Il vient près de son lit deux grandes s&oelig;urs charmantes</span><br>
+ <span class="i0">Avec de frêles doigts aux ongles argentins.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Elles assoient l'enfant devant une croisée</span><br>
+ <span class="i0">Grande ouverte où l'air bleu baigne un fouillis de fleurs,</span><br>
+ <span class="i0">Et dans ses lourds cheveux où tombe la rosée</span><br>
+ <span class="i0">Promènent leurs doigts fins, terribles et charmeurs.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Il écoute chanter leurs haleines craintives</span><br>
+ <span class="i0">Qui fleurent de longs miels végétaux et rosés</span><br>
+ <span class="i0">Et qu'interrompt parfois un sifflement, salives</span><br>
+ <span class="i0">Reprises sur la lèvre ou désirs de baisers.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Il entend leurs cils noirs battant sous les silences</span><br>
+ <span class="i0">Parfumés; et leurs doigts électriques et doux</span><br>
+ <span class="i0">Font crépiter parmi ses grises indolences</span><br>
+ <span class="i0">Sous leurs ongles royaux la mort des petits poux.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Voilà que monte en lui le vin de la Paresse,</span><br>
+ <span class="i0">Soupir d'harmonica qui pourrait délirer;</span><br>
+ <span class="i0">L'enfant se sent, selon la lenteur des caresses,</span><br>
+ <span class="i0">Sourdre et mourir sans cesse un désir de pleurer.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+
+
+<h2><a name="t7" id="t7"></a>BATEAU IVRE</h2>
+
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Comme je descendais des Fleuves impassibles</span><br>
+ <span class="i0">Je ne me sentis plus guidé par les haleurs;</span><br>
+ <span class="i0">Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,</span><br>
+ <span class="i0">Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">J'étais insoucieux de tous les équipages,</span><br>
+ <span class="i0">Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.</span><br>
+ <span class="i0">Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,</span><br>
+ <span class="i0">Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Dans les clapotements furieux des marées,</span><br>
+ <span class="i0">Moi, l'autre hiver, plus sourd que les cerveaux d'enfants,</span><br>
+ <span class="i0">Je courus! Et les Péninsules démarrées,</span><br>
+ <span class="i0">N'ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">La tempête a béni mes éveils maritimes.</span><br>
+ <span class="i0">Plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flots</span><br>
+ <span class="i0">Qu'on appelle rouleurs éternels de victimes,</span><br>
+ <span class="i0">Dixs nuit, sans regretter l'&oelig;il niais des falots.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sures</span><br>
+ <span class="i0">L'eau verte pénétra ma coque de sapin</span><br>
+ <span class="i0">Et des taches de vins bleus et des vomissures</span><br>
+ <span class="i0">Me lava, dispersant gouvernail et grappin.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Et dès lors je me suis baigné dans le poème</span><br>
+ <span class="i0">De la mer, infusé d'astres et latescent,</span><br>
+ <span class="i0">Dévorant les azurs verts où, flottaison blême</span><br>
+ <span class="i0">Et ravie, un noyé pensif parfois descend,</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Où, teignant tout à coup les bleuités, délires</span><br>
+ <span class="i0">Et rythmes lents sous les rutilements du jour,</span><br>
+ <span class="i0">Plus fortes que l'alcool, plus vastes que vos lyres,</span><br>
+ <span class="i0">Fermentent les rousseurs amères de l'amour.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes,</span><br>
+ <span class="i0">Et les ressacs, et les courants, je sais le soir,</span><br>
+ <span class="i0">L'aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes,</span><br>
+ <span class="i0">Et j'ai vu quelquefois ce que l'homme a cru voir.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">J'ai vu le soleil bas taché d'horreurs mystiques</span><br>
+ <span class="i0">Illuminant de longs figements violets,</span><br>
+ <span class="i0">Pareils à des acteurs de drames très antiques,</span><br>
+ <span class="i0">Les flots roulant au loin leurs frissons de volets;</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,</span><br>
+ <span class="i0">Baisers montant aux yeux des mers avec lenteur,</span><br>
+ <span class="i0">La circulation des sèves inouïes</span><br>
+ <span class="i0">Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">J'ai suivi des mois pleins, pareille aux vacheries</span><br>
+ <span class="i0">Hystériques, la houle à l'assaut des récifs,</span><br>
+ <span class="i0">Sans songer que les pieds lumineux des Maries</span><br>
+ <span class="i0">Pussent forcer le muffle aux Océans poussifs;</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">J'ai heurté, savez-vous? d'incroyables Florides,</span><br>
+ <span class="i0">Mêlant aux fleurs des yeux de panthères, aux peaux</span><br>
+ <span class="i0">D'hommes, des arcs-en-ciel tendus comme des brides,</span><br>
+ <span class="i0">Sous l'horizon des mers, à de glauques troupeaux;</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">J'ai vu fermenter les marais énormes, nasses</span><br>
+ <span class="i0">Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan,</span><br>
+ <span class="i0">Des écroulements d'eaux au milieu des bonaces</span><br>
+ <span class="i0">Et les lointains vers les gouffres cataractant!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Glaciers, soleils d'argent, flots nacreux, cieux de braises!</span><br>
+ <span class="i0">Échouages hideux au fond des golfes bruns</span><br>
+ <span class="i0">Où les serpents géants dévorés des punaises</span><br>
+ <span class="i0">Choient des arbres tordus avec de noirs parfums!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">J'aurais voulu montrer aux enfants ces dorades</span><br>
+ <span class="i0">Du flot bleu, ces poissons d'or, ces poissons chantants,</span><br>
+ <span class="i0">Des écumes de fleurs ont béni mes dérades</span><br>
+ <span class="i0">Et d'ineffables vents m'ont ailé par instants.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Parfois, martyr lassé des pôles et des zones,</span><br>
+ <span class="i0">La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux</span><br>
+ <span class="i0">Montait vers moi ses fleurs d'ombre aux ventouses jaunes</span><br>
+ <span class="i0">Et je restais ainsi qu'une femme à genoux,</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Presqu'île ballottant sur mes bords les querelles</span><br>
+ <span class="i0">Et les fientes d'oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds,</span><br>
+ <span class="i0">Et je voguais lorsqu'à travers mes liens frêles</span><br>
+ <span class="i0">Des noyés descendaient dormir à reculons.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,</span><br>
+ <span class="i0">Jeté par l'ouragan dans l'éther sans oiseau,</span><br>
+ <span class="i0">Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses</span><br>
+ <span class="i0">N'auraient pas repêché la carcasse ivre d'eau,</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Libre, fumant, monté de brumes violettes,</span><br>
+ <span class="i0">Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur</span><br>
+ <span class="i0">Qui porte, confiture exquise aux bons poètes,</span><br>
+ <span class="i0">Des lichens de soleil et des morves d'azur,</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Qui courais taché de lunules électriques,</span><br>
+ <span class="i0">Plante folle, escorté des hippocampes noirs,</span><br>
+ <span class="i0">Quand les Juillets faisaient croûler à coups de triques</span><br>
+ <span class="i0">Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs,</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues</span><br>
+ <span class="i0">Le rut des Béhémots et des Maelstroms épais,</span><br>
+ <span class="i0">Fileur éternel des immobilités bleues,</span><br>
+ <span class="i0">Je regrette l'Europe aux anciens parapets.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">J'ai vu des archipels sidéraux! Et des îles</span><br>
+ <span class="i0">Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur:</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Est-ce en ces nuits sans fond que tu dors et t'exiles,</span><br>
+ <span class="i0">Million d'oiseaux d'or, ô future Vigueur?</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Mais, vrai, j'ai trop pleuré! Les aubes sont navrantes,</span><br>
+ <span class="i0">Toute lune est atroce et tout soleil amer.</span><br>
+ <span class="i0">L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes.</span><br>
+ <span class="i0">Oh! que ma quille éclate! Oh! que j'aille à la mer!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Si je désire une eau d'Europe, c'est la flache</span><br>
+ <span class="i0">Noire et froide où, vers le crépuscule embaumé,</span><br>
+ <span class="i0">Un enfant accroupi, plein de tristesse, lâche</span><br>
+ <span class="i0">Un bateau frêle comme un papillon de mai.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,</span><br>
+ <span class="i0">Enlever leur sillage aux porteurs de cotons,</span><br>
+ <span class="i0">Ni traverser l'orgueil des drapeaux et des flammes,</span><br>
+ <span class="i0">Ni nager sous les yeux horribles des pontons!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+
+
+<h2><a name="t8" id="t8"></a>LES PREMIÈRES COMMUNIONS</h2>
+
+
+<h3>I</h3>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Vraiment, c'est bête, ces églises de villages</span><br>
+ <span class="i0">Où quinze laids marmots, encrassant les piliers,</span><br>
+ <span class="i0">Écoutent, grasseyant les divins babillages,</span><br>
+ <span class="i0">Un noir grotesque dont fermentent les souliers.</span><br>
+ <span class="i0">Mais le soleil éveille, à travers les feuillages,</span><br>
+ <span class="i0">Les vieilles couleurs des vitraux ensoleillés,</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">La pierre sent toujours la terre maternelle,</span><br>
+ <span class="i0">Vous verrez des monceaux de ces cailloux terreux</span><br>
+ <span class="i0">Dans la campagne en rut qui frémit, solennelle,</span><br>
+ <span class="i0">Portant, près des blés lourds, dans les sentiers séreux,</span><br>
+ <span class="i0">Ces arbrisseaux brûlés où bleuit la prunelle,</span><br>
+ <span class="i0">Des n&oelig;uds de mûriers noirs ou de rosiers furieux.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Tous les cent ans, on rend ces granges respectables</span><br>
+ <span class="i0">Par un badigeon d'eau bleue et de lait caillé.</span><br>
+ <span class="i0">Si des mysticités grotesques sont notables</span><br>
+ <span class="i0">Près de la Notre-Dame ou du saint empaillé,</span><br>
+ <span class="i0">Des mouches sentant bon l'auberge et les étables</span><br>
+ <span class="i0">Se gorgent de cire au plancher ensoleillé.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">L'enfant se doit surtout à la maison, famille</span><br>
+ <span class="i0">Des soins naïfs, des bons travaux abrutissants,</span><br>
+ <span class="i0">Ils sortent, oubliant que la peau leur fourmille</span><br>
+ <span class="i0">Où le Prêtre du Christ a mis ses doigts puissants.</span><br>
+ <span class="i0">On paie au Prêtre un toit ombré d'une charmille</span><br>
+ <span class="i0">Pour qu'il laisse au soleil tous ces fronts bruissants.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Le premier habit noir, le plus beau jour de tartes</span><br>
+ <span class="i0">Sous le Napoléon ou le Petit Tambour,</span><br>
+ <span class="i0">Quelque enluminure où les Josephs et les Marthes</span><br>
+ <span class="i0">Tirent la langue avec un excessif amour</span><br>
+ <span class="i0">Et qui joindront aux jours de science deux cartes,</span><br>
+ <span class="i0">Ces deux seuls souvenirs lui restent du grand jour.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Les filles vont toujours à l'église, contentes</span><br>
+ <span class="i0">De s'entendre appeler garces par les garçons</span><br>
+ <span class="i0">Qui font du genre, après messe et vêpres chantantes,</span><br>
+ <span class="i0">Eux, qui sont destinés au chic des garnisons,</span><br>
+ <span class="i0">Ils narguent au café les maisons importantes,</span><br>
+ <span class="i0">Blousés neuf et gueulant d'effroyables chansons.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Cependant le curé choisit, pour les enfances,</span><br>
+ <span class="i0">Des dessins; dans son clos, les vêpres dites, quand</span><br>
+ <span class="i0">L'air s'emplit du lointain nasillement des danses,</span><br>
+ <span class="i0">Il se sent, en dépit des célestes défenses,</span><br>
+ <span class="i0">Les doigts de pied ravis et le mollet marquant...</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;La nuit vient, noir pirate au ciel noir débarquant.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+<h3>II</h3>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Le prêtre a distingué, parmi les catéchistes</span><br>
+ <span class="i0">Congrégés des faubourgs ou des riches quartiers,</span><br>
+ <span class="i0">Cette petite fille inconnue, aux yeux tristes,</span><br>
+ <span class="i0">Front jaune. Ses parents semblent de doux portiers.</span><br>
+ <span class="i0">Au grand jour, la marquant parmi les catéchistes,</span><br>
+ <span class="i0">Dieu fera, sur son front, neiger ses bénitiers.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">La veille du grand jour, l'enfant se fait malade</span><br>
+ <span class="i0">Mieux qu'à l'église haute aux funèbres rumeurs.</span><br>
+ <span class="i0">D'abord le frisson vient, le lit n'étant pas fade,</span><br>
+ <span class="i0">Un frisson surhumain qui retourne: Je meurs...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Et, comme un vol d'amour fait à ses s&oelig;urs stupides,</span><br>
+ <span class="i0">Elle compte, abattue et les mains sur son c&oelig;ur,</span><br>
+ <span class="i0">Ses Anges, ses Jésus et ses Vierges nitides,</span><br>
+ <span class="i0">Et, calmement, son âme a bu tout son vainqueur.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Adonaï!... Dans les terminaisons latines</span><br>
+ <span class="i0">Des cieux moirés de vert baignent les Fronts vermeils</span><br>
+ <span class="i0">Et tachés du sang pur des célestes poitrines,</span><br>
+ <span class="i0">De grands linges neigeux tombent sur les soleils.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Pour ses virginités présentes et futures</span><br>
+ <span class="i0">Elle mord aux fraîcheurs de ta Rémission;</span><br>
+ <span class="i0">Mais plus que les lys d'eau, plus que les confitures</span><br>
+ <span class="i0">Tes pardons sont glacés, ô Reine de Sion.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+<h3>III</h3>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Puis la Vierge n'est plus que la Vierge du livre;</span><br>
+ <span class="i0">Les mystiques élans se cassent quelquefois,</span><br>
+ <span class="i0">Et vient la pauvreté des images que cuivre</span><br>
+ <span class="i0">L'ennui, l'enluminure atroce et les vieux bois.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Des curiosités vaguement impudiques</span><br>
+ <span class="i0">Épouvantent le rêve aux chastes bleuités</span><br>
+ <span class="i0">Qui sont surpris autour des célestes tuniques</span><br>
+ <span class="i0">Du linge dont Jésus voile ses nudités.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Elle veut, elle veut pourtant, l'âme en détresse,</span><br>
+ <span class="i0">Le front dans l'oreiller creusé par les cris sourds,</span><br>
+ <span class="i0">Prolonger les éclairs suprêmes de tendresse</span><br>
+ <span class="i0">Et bave...&mdash;L'ombre emplit les maisons et les cours,</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Et l'enfant ne peut plus. Elle s'agite et cambre</span><br>
+ <span class="i0">Les reins, et d'une main ouvre le rideau bleu</span><br>
+ <span class="i0">Pour amener un peu la fraîcheur de la chambre</span><br>
+ <span class="i0">Sous le drap, vers son ventre et sa poitrine en feu.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+<h3>IV</h3>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">À son réveil,&mdash;minuit,&mdash;la fenêtre était blanche</span><br>
+ <span class="i0">Devant le soleil bleu des rideaux illunés;</span><br>
+ <span class="i0">La vision la prit des langueurs du Dimanche,</span><br>
+ <span class="i0">Elle avait rêvé rouge. Elle saigna du nez,</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Et se sentant bien chaste et pleine de faiblesse,</span><br>
+ <span class="i0">Pour savourer en Dieu son amour revenant,</span><br>
+ <span class="i0">Elle eut soif de la nuit où s'exalte et s'abaisse</span><br>
+ <span class="i0">Le c&oelig;ur, sous l'&oelig;il des cieux doux, en les devinant;</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">De la nuit, Vierge-Mère impalpable qui baigne</span><br>
+ <span class="i0">Tous les jeunes émois de ses silences gris;</span><br>
+ <span class="i0">Elle eut soif de la nuit forte où le c&oelig;ur qui saigne</span><br>
+ <span class="i0">Écoute sans témoin sa révolte sans cris.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Et, faisant la victime et la petite épouse,</span><br>
+ <span class="i0">Son étoile la vit, une chandelle aux doigts,</span><br>
+ <span class="i0">Descendre dans la cour où séchait une blouse,</span><br>
+ <span class="i0">Spectre blanc, et lever les spectres noirs des toits.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+<h3>V</h3>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Elle passa sa nuit Sainte dans les latrines.</span><br>
+ <span class="i0">Vers la chandelle, aux trous du toit, coulait l'air blanc</span><br>
+ <span class="i0">Et quelque vigne folle aux noirceurs purpurines</span><br>
+ <span class="i0">En deçà d'une cour voisine s'écroulant.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">La lucarne faisait un c&oelig;ur de lueur vive</span><br>
+ <span class="i0">Dans la cour où les cieux bas plaquaient d'ors vermeils</span><br>
+ <span class="i0">Les vitres; les pavés puant l'eau de lessive</span><br>
+ <span class="i0">Souffraient l'ombre des toits bordés de noirs sommeils.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+<h3>VI</h3>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Qui dira ces langueurs et ces pitiés immondes</span><br>
+ <span class="i0">Et ce qui lui viendra de haine, ô sales fous,</span><br>
+ <span class="i0">Dont le travail divin déforme encor les mondes</span><br>
+ <span class="i0">Quand la lèpre, à la fin, rongera ce corps doux,</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Et quand, ayant rentré tous ces n&oelig;uds d'hystéries</span><br>
+ <span class="i0">Elle verra, sous les tristesses du bonheur,</span><br>
+ <span class="i0">L'amant rêver au blanc million de Maries</span><br>
+ <span class="i0">Au matin de la nuit d'amour, avec douleur!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+<h3>VII</h3>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Sais-tu que je t'ai fait mourir? J'ai pris ta bouche,</span><br>
+ <span class="i0">Ton c&oelig;ur, tout ce qu'on a, tout ce que vous avez,</span><br>
+ <span class="i0">Et moi je suis malade. Oh! je veux qu'on me couche</span><br>
+ <span class="i0">Parmi les Morts des eaux nocturnes abreuvés!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">J'étais bien jeune, et Christ a souillé mes haleines,</span><br>
+ <span class="i0">Il me bonda jusqu'à la gorge de dégoûts;</span><br>
+ <span class="i0">Tu baisais mes cheveux profonds comme des laines,</span><br>
+ <span class="i0">Et je me laissais faire!... Oh! va... c'est bon pour vous,</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Hommes! qui songez peu que la plus amoureuse</span><br>
+ <span class="i0">Est, dans sa conscience, aux ignobles terreurs</span><br>
+ <span class="i0">La plus prostituée et la plus douloureuse</span><br>
+ <span class="i0">Et que tous nos élans vers vous sont des erreurs.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Car ma communion première est bien passée!</span><br>
+ <span class="i0">Tes baisers, je ne puis jamais les avoir bus.</span><br>
+ <span class="i0">Et mon c&oelig;ur et ma chair par ta chair embrassée</span><br>
+ <span class="i0">Fourmillent du baiser putride de Jésus...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+<h3>VIII</h3>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Alors l'âme pourrie et l'âme désolée</span><br>
+ <span class="i0">Sentiront ruisseler tes malédictions.</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Ils avaient couché sur ta haine inviolée</span><br>
+ <span class="i0">Echappés, pour la mort, des justes passions.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Christ, ô Christ, éternel voleur des énergies,</span><br>
+ <span class="i0">Dieu qui, pour deux mille ans, vouas, à ta pâleur,</span><br>
+ <span class="i0">Cloués au sol, de honte et de céphalalgies,</span><br>
+ <span class="i0">Ou renversés, les fronts des Femmes de douleur.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p class="s2">Juillet 1871.
+</p>
+
+
+
+<h2><a name="t9" id="t9"></a>L'ORGIE PARISIENNE<br>
+<small>OU<br>
+PARIS SE REPEUPLE</small></h2>
+
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Ô lâches, la voilà! dégorgez dans les gares!</span><br>
+ <span class="i0">Le soleil expia de ses poumons ardents</span><br>
+ <span class="i0">Les boulevards qu'un soir comblèrent les Barbares</span><br>
+ <span class="i0">Voilà la Cité belle assise à l'occident!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Allez! on préviendra les reflux d'incendie,</span><br>
+ <span class="i0">Voilà les quais! voilà les boulevards! voilà,</span><br>
+ <span class="i0">Sur les maisons, l'azur léger qui s'irradie,</span><br>
+ <span class="i0">Et qu'un soir la rougeur des bombes étoila.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Cachez les palais morts dans des niches de planches</span><br>
+ <span class="i0">L'ancien jour effaré rafraîchit vos regards.</span><br>
+ <span class="i0">Voici le troupeau roux des tordeuses de hanches,</span><br>
+ <span class="i0">Soyez fous, vous serez drôles, étant hagards!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Tas de chiennes en rut mangeant des cataplasmes,</span><br>
+ <span class="i0">Le cri des maisons d'or vous réclame. Volez!</span><br>
+ <span class="i0">Mangez! voici la nuit de joie aux profonds spasmes</span><br>
+ <span class="i0">Qui descend dans la rue, ô buveurs désolés,</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Buvez. Quand La lumière arrive intense et folle</span><br>
+ <span class="i0">Fouillant à vos côtés les luxes ruisselants,</span><br>
+ <span class="i0">Vous n'allez pas baver, sans geste, sans parole,</span><br>
+ <span class="i0">Dans vos verres, les yeux perdus aux lointains blancs,</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Avalez, pour la Reine aux fesses cascadantes!</span><br>
+ <span class="i0">Écoutez l'action des stupides hoquets</span><br>
+ <span class="i0">Déchirants. Écoutez, sauter aux nuits ardentes</span><br>
+ <span class="i0">Les idiots râleux, vieillards, pantins, laquais!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Ô c&oelig;urs de saleté, bouches épouvantables,</span><br>
+ <span class="i0">Fonctionnez plus fort, bouches de puanteurs!</span><br>
+ <span class="i0">Un vin pour ces torpeurs ignobles, sur ces tables...</span><br>
+ <span class="i0">Vos ventres sont fondus de hontes, ô Vainqueurs!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Ouvrez votre narine aux superbes nausées!</span><br>
+ <span class="i0">Trempez de poisons forts les cordes de vos cous!</span><br>
+ <span class="i0">Sur vos nuques d'enfants baissant ses mains croisées</span><br>
+ <span class="i0">Le Poète vous dit: ô lâches, soyez fous!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Parce que vous fouillez le ventre de la Femme</span><br>
+ <span class="i0">Vous craignez d'elle encore une convulsion</span><br>
+ <span class="i0">Qui crie, asphyxiant votre nichée infâme</span><br>
+ <span class="i0">Sur sa poitrine, en une horrible pression.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Syphilitiques, fous, rois, pantins, ventriloques,</span><br>
+ <span class="i0">Qu'est-ce que ça peut faire à la pudeur Paris,</span><br>
+ <span class="i0">Vos âmes et vos corps, vos poisons et vos loques?</span><br>
+ <span class="i0">Elle se secouera de vous, hargneux pourris!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Et quand vous serez bas, geignant sur vos entrailles</span><br>
+ <span class="i0">Les flancs morts, réclamant votre argent, éperdus,</span><br>
+ <span class="i0">La rouge courtisane aux seins gros des batailles,</span><br>
+ <span class="i0">Loin de votre stupeur tordra ses poings ardus!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Quand tes pieds ont dansé si fort dans les colères,</span><br>
+ <span class="i0">Paris! quand tu reçus tant de coups de couteau,</span><br>
+ <span class="i0">Quand tu gis, retenant dans tes prunelles claires,</span><br>
+ <span class="i0">Un peu de la bonté du fauve renouveau,</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Ô cité douloureuse, ô cité quasi morte,</span><br>
+ <span class="i0">La tête et les deux seins jetés vers l'Avenir</span><br>
+ <span class="i0">Ouvrant sur ta pâleur ses milliards de portes,</span><br>
+ <span class="i0">Cité que le Passé sombre pourrait bénir:</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Corps remagnétisé pour les énormes peines,</span><br>
+ <span class="i0">Tu rebois donc la vie effroyable! tu sens</span><br>
+ <span class="i0">Sourdre le flux des vers livides en tes veines,</span><br>
+ <span class="i0">Et sur ton clair amour rôder les doigts glaçants!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Et ce n'est pas mauvais. Tes vers, tes vers livides</span><br>
+ <span class="i0">Ne gêneront pas plus ton souffle de Progrès</span><br>
+ <span class="i0">Que les Stryx n'éteignaient l'&oelig;il des Cariatides</span><br>
+ <span class="i0">Où des pleurs d'or astral tombaient des bleus degrés.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Quoique ce soit affreux de te revoir couverte</span><br>
+ <span class="i0">Ainsi; quoiqu'on n'ait fait jamais d'une cité</span><br>
+ <span class="i0">Ulcère plus puant à la Nature verte,</span><br>
+ <span class="i0">Le Poète te dit «Splendide est ta Beauté!»</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">L'orage t'a sacrée suprême poésie;</span><br>
+ <span class="i0">L'immense remuement des forces te secourt;</span><br>
+ <span class="i0">Ton &oelig;uvre bout, la mort gronde, Cité choisie!</span><br>
+ <span class="i0">Amasse les strideurs au c&oelig;ur du clairon lourd.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Le Poète prendra le sanglot des Infâmes,</span><br>
+ <span class="i0">La haine des Forçats, la clameur des maudits;</span><br>
+ <span class="i0">Et ses rayons d'amour flagelleront les Femmes.</span><br>
+ <span class="i0">Ses strophes bondiront, voilà! voilà! bandits!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">&mdash;Société, tout est rétabli:&mdash;les orgies</span><br>
+ <span class="i0">Pleurent leur ancien râle aux anciens lupanars:</span><br>
+ <span class="i0">Et les gaz en délire aux murailles rougies</span><br>
+ <span class="i0">Flambent sinistrement vers les azurs blafards!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p class="s2">Mai 1871.
+</p>
+
+
+
+<h2><a name="t10" id="t10"></a>ACCROUPISSEMENTS</h2>
+
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Bien tard, quand il se sent l'estomac éc&oelig;uré,</span><br>
+ <span class="i0">Le frère Milotus un &oelig;il à la lucarne</span><br>
+ <span class="i0">D'où le soleil, clair comme un chaudron récuré,</span><br>
+ <span class="i0">Lui darde une migraine et fait son regard darne,</span><br>
+ <span class="i0">Déplace dans les draps son ventre de curé.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Il se démène sous sa couverture grise</span><br>
+ <span class="i0">Et descend ses genoux à son ventre tremblant,</span><br>
+ <span class="i0">Effaré comme un vieux qui mangerait sa prise,</span><br>
+ <span class="i0">Car il lui faut, le poing à l'anse d'un pot blanc,</span><br>
+ <span class="i0">À ses reins largement retrousser sa chemise!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Or, il s'est accroupi frileux, les doigts de pied</span><br>
+ <span class="i0">Repliés grelottant au clair soleil qui plaque</span><br>
+ <span class="i0">Des jaunes de brioches aux vitres de papiers,</span><br>
+ <span class="i0">Et le nez du bonhomme où s'allume la laque</span><br>
+ <span class="i0">Renifle aux rayons, tel qu'un charnel polypier.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Le bonhomme mijote au feu, bras tordus, lippe</span><br>
+ <span class="i0">Au ventre: il sent glisser ses cuisses dans le feu</span><br>
+ <span class="i0">Et ses chausses roussir et s'éteindre sa pipe;</span><br>
+ <span class="i0">Quelque chose comme un oiseau remue un peu</span><br>
+ <span class="i0">À son ventre serein comme un morceau de tripe!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Autour, dort un fouillis de meubles abrutis</span><br>
+ <span class="i0">Dans des haillons de crasse et sur de sales ventres,</span><br>
+ <span class="i0">Des escabeaux, crapauds étranges, sont blottis</span><br>
+ <span class="i0">Aux coins noirs: des buffets ont des gueules de chantres</span><br>
+ <span class="i0">Qu'entr'ouvre un sommeil plein d'horribles appétits.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">L'éc&oelig;urante chaleur gorge la chambre étroite,</span><br>
+ <span class="i0">Le cerveau du bonhomme est bourré de chiffons,</span><br>
+ <span class="i0">Il écoute les poils pousser dans sa peau moite</span><br>
+ <span class="i0">Et parfois en hoquets fort gravement bouffons</span><br>
+ <span class="i0">S'échappe, secouant son escabeau qui boite...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Et le soir aux rayons de lune qui lui font</span><br>
+ <span class="i0">Aux contours du cul des bavures de lumière,</span><br>
+ <span class="i0">Une ombre avec détails s'accroupit sur un fond</span><br>
+ <span class="i0">De neige rose ainsi qu'une rose trémière...</span><br>
+ <span class="i0">Fantasque, un nez poursuit Vénus au ciel profond.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+
+
+<h2><a name="t11" id="t11"></a>LES PAUVRES À L'ÉGLISE</h2>
+
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Parqués entre des bancs de chêne, aux coins d'église</span><br>
+ <span class="i0">Qu'attiédit puamment leur souffle, tous leurs yeux</span><br>
+ <span class="i0">Vers le c&oelig;ur ruisselant d'orrie et la maîtrise</span><br>
+ <span class="i0">Aux vingt gueules gueulant les cantiques pieux;</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Comme un parfum de pain humant l'odeur de cire,</span><br>
+ <span class="i0">Heureux, humiliés comme des chiens battus,</span><br>
+ <span class="i0">Les Pauvres au bon Dieu, le patron et le sire,</span><br>
+ <span class="i0">Tendent leurs oremus risibles et têtus.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Aux femmes, c'est bien bon de faire des bancs lisses;</span><br>
+ <span class="i0">Après les six jours noirs où Dieu les fait souffrir!</span><br>
+ <span class="i0">Elles bercent, tordus dans d'étranges pelisses,</span><br>
+ <span class="i0">Des espèces d'enfants qui pleurent à mourir;</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Leurs seins crasseux dehors, ces mangeuses de soupe,</span><br>
+ <span class="i0">Une prière aux yeux et ne priant jamais,</span><br>
+ <span class="i0">Regardent parader mauvaisement un groupe</span><br>
+ <span class="i0">De gamines avec leurs chapeaux déformés.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Dehors, le froid, la faim, l'homme en ribote:</span><br>
+ <span class="i0">C'est bon. Encore une heure; après, les maux sans nom</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Cependant, alentour, geint, nazille, chuchote</span><br>
+ <span class="i0">Une collection de vieilles à fanons;</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Ces effarés y sont et ces épileptiques</span><br>
+ <span class="i0">Dont on se détournait hier aux carrefours;</span><br>
+ <span class="i0">Et, fringalant du nez dans des missels antiques</span><br>
+ <span class="i0">Ces aveugles qu'un chien introduit dans les cours.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Et tous, bavant la foi mendiante et stupide,</span><br>
+ <span class="i0">Récitent la complainte infinie à Jésus</span><br>
+ <span class="i0">Qui rêve en haut, jauni par le vitrail livide,</span><br>
+ <span class="i0">Loin des maigres mauvais et des méchants pansus,</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Loin des senteurs de viande et d'étoffes moisies,</span><br>
+ <span class="i0">Farce prostrée et sombre aux gestes repoussants;</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Et l'oraison fleurit d'expressions choisies,</span><br>
+ <span class="i0">Et les mysticités prennent des tons pressants,</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Quand, des nefs où périt le soleil, plis de soie</span><br>
+ <span class="i0">Banals, sourires verts, les Dames des quartiers</span><br>
+ <span class="i0">Distingués,&mdash;ô Jésus!&mdash;les malades du foie</span><br>
+ <span class="i0">Font baiser leurs longs doigts jaunes aux bénitiers.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p class="s2">1871
+</p>
+
+
+
+<h2><a name="t12" id="t12"></a>CE QUI RETIENT NINA</h2>
+
+
+<h3>LUI</h3>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Ta poitrine sur ma poitrine,</span><br>
+ <span class="i2">Hein? nous irions,</span><br>
+ <span class="i0">Ayant de l'air plein la narine,</span><br>
+ <span class="i2">Aux frais rayons</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Du bon matin bleu qui vous baigne</span><br>
+ <span class="i2">Du vin de jour?...</span><br>
+ <span class="i0">Quand tout le bois frissonnant saigne</span><br>
+ <span class="i2">Muet d'amour</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">De chaque branche, gouttes vertes,</span><br>
+ <span class="i2">Des bourgeons clairs,</span><br>
+ <span class="i0">On sent dans les choses ouvertes</span><br>
+ <span class="i2">Frémir des chairs;</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Tu plongerais dans la luzerne</span><br>
+ <span class="i2">Ton long peignoir,</span><br>
+ <span class="i0">Divine avec ce bleu qui cerne</span><br>
+ <span class="i2">Ton grand &oelig;il noir,</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Amoureuse de la campagne,</span><br>
+ <span class="i2">Semant partout,</span><br>
+ <span class="i0">Comme une mousse de champagne,</span><br>
+ <span class="i2">Ton rire fou!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Riant à moi, brutal d'ivresse,</span><br>
+ <span class="i2">Qui te prendrais</span><br>
+ <span class="i0">Comme cela,&mdash;la belle tresse,</span><br>
+ <span class="i2">Oh!&mdash;qui boirais</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Ton goût de framboise et de fraise,</span><br>
+ <span class="i2">Ô chair de fleur!</span><br>
+ <span class="i0">Riant au vent vif qui te baise</span><br>
+ <span class="i2">Comme un voleur!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Au rose églantier qui t'embête</span><br>
+ <span class="i2">Aimablement...</span><br>
+ <span class="i0">Riant surtout, ô folle tête,</span><br>
+ <span class="i2">À ton amant!...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Dix-sept ans! Tu seras heureuse!</span><br>
+ <span class="i2">Oh! les grands prés,</span><br>
+ <span class="i0">La grande campagne amoureuse!</span><br>
+ <span class="i2">&mdash;Dis, viens plus près!...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Ta poitrine sur ma poitrine,</span><br>
+ <span class="i2">Mêlant nos voix,</span><br>
+ <span class="i0">Lents, nous gagnerions la ravine,</span><br>
+ <span class="i2">Puis les grands bois!...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Puis, comme une petite morte,</span><br>
+ <span class="i2">Le c&oelig;ur pâmé,</span><br>
+ <span class="i0">Tu me dirais que je te porte,</span><br>
+ <span class="i2">L'&oelig;il mi-fermé...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Je te porterais, palpitante</span><br>
+ <span class="i2">Dans le sentier...</span><br>
+ <span class="i0">L'oiseau filerait son andante,</span><br>
+ <span class="i2">Joli portier...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Je te parlerais dans ta bouche:</span><br>
+ <span class="i2">J'irais, pressant</span><br>
+ <span class="i0">Ton corps, comme une enfant qu'on couche</span><br>
+ <span class="i2">Ivre du sang</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Qui coule, bleu, sous ta peau blanche</span><br>
+ <span class="i2">Aux tons rosés,</span><br>
+ <span class="i0">Te parlant bas la langue franche...</span><br>
+ <span class="i2">Tiens!... que tu sais...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Nos grands bois sentiraient la sève,</span><br>
+ <span class="i2">Et le soleil</span><br>
+ <span class="i0">Sablerait d'or fin leur grand rêve</span><br>
+ <span class="i2">Sombre et vermeil!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Le soir?... Nous reprendrons la route</span><br>
+ <span class="i2">Blanche qui court,</span><br>
+ <span class="i0">Flânant, comme un troupeau qui broute,</span><br>
+ <span class="i2">Tout à l'entour...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Les bons vergers à l'herbe bleue</span><br>
+ <span class="i2">Aux pommiers tors!</span><br>
+ <span class="i0">Comme on les sent tout une lieue,</span><br>
+ <span class="i2">Leurs parfums forts!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Nous regagnerions le village</span><br>
+ <span class="i2">Au ciel mi-noir;</span><br>
+ <span class="i0">Et ça sentirait le laitage</span><br>
+ <span class="i2">Dans l'air du soir:</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Ça sentirait l'étable pleine</span><br>
+ <span class="i2">De fumiers chauds,</span><br>
+ <span class="i0">Pleine d'un rythme lent d'haleine,</span><br>
+ <span class="i2">Et de grands dos</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Blanchissant sous quelque lumière;</span><br>
+ <span class="i2">Et, tout là-bas,</span><br>
+ <span class="i0">Une vache fienterait fière,</span><br>
+ <span class="i2">À chaque pas!...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">&mdash;Les lunettes de la grand'mère</span><br>
+ <span class="i2">Et son nez long</span><br>
+ <span class="i0">Dans son missel, le pot de bière</span><br>
+ <span class="i2">Cerclé de plomb</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Moussant entre trois larges pipes</span><br>
+ <span class="i2">Qui, crânement,</span><br>
+ <span class="i0">Fument: dix, quinze, immenses lippes</span><br>
+ <span class="i2">Qui, tout fumant,</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Happent le jambon aux fourchettes</span><br>
+ <span class="i2">Tant, tant et plus;</span><br>
+ <span class="i0">Le feu qui claire les couchettes,</span><br>
+ <span class="i2">Et les bahuts:</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Les fesses luisantes et grasses</span><br>
+ <span class="i2">D'un gros enfant</span><br>
+ <span class="i0">Qui fourre, à genoux, dans des tasses,</span><br>
+ <span class="i2">Son museau blanc</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Frolé par un mufle qui gronde</span><br>
+ <span class="i2">D'un ton gentil,</span><br>
+ <span class="i0">Et pourlèche la face ronde</span><br>
+ <span class="i2">Du cher petit...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Noire, rogue au bord de sa chaise,</span><br>
+ <span class="i2">Affreux profil,</span><br>
+ <span class="i0">Une vieille devant la braise</span><br>
+ <span class="i2">Qui fait du fil;</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Que de choses nous verrions, chère,</span><br>
+ <span class="i2">Dans ces taudis,</span><br>
+ <span class="i0">Quand la flamme illumine, claire,</span><br>
+ <span class="i2">Les carreaux gris!...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">&mdash;Et puis, fraîche et toute nichée</span><br>
+ <span class="i2">Dans les lilas,</span><br>
+ <span class="i0">La maison, la vitre cachée</span><br>
+ <span class="i2">Qui rit là-bas...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Tu viendras, tu viendras, je t'aime,</span><br>
+ <span class="i2">Ce sera beau!</span><br>
+ <span class="i0">Tu viendras, n'est-ce pas? et même...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<h3>ELLE</h3>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i2">Mais le bureau?</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p class="s2">15 août 1870.
+</p>
+
+
+
+<h2><a name="t13" id="t13"></a>VÉNUS ANADYOMÈNE</h2>
+
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Comme d'un cercueil vert en fer-blanc, une tête</span><br>
+ <span class="i0">De femme à cheveux bruns fortement pommadés</span><br>
+ <span class="i0">D'une vieille baignoire émerge, lente et bête,</span><br>
+ <span class="i0">Montrant des déficits assez mal ravaudés;</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Puis le col gras et gris, les larges omoplates</span><br>
+ <span class="i0">Qui saillent; le dos court qui rentre et qui ressort.</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;La graisse sous la peau paraît en feuilles plates;</span><br>
+ <span class="i0">Et les rondeurs des reins semblent prendre l'essor...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">L'échine est un peu rouge, et le tout sent un goût</span><br>
+ <span class="i0">Horrible étrangement,&mdash;on remarque surtout</span><br>
+ <span class="i0">Des singularités qu'il faut voir à la loupe...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Les reins portent deux mots gravés: <i>Clara Vénus</i></span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Et tout ce corps remue et tend sa large croupe</span><br>
+ <span class="i0">Belle hideusement d'un ulcère à l'anus.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p class="s2">27 juillet 1870.
+</p>
+
+<p><a name="t13a" id="t13a"></a><br><br></p>
+
+<blockquote style="margin-left: 50%;">
+«Français de soixante-dix, bonapartistes,
+républicains, souvenez-vous de vos pères en 92,
+etc...»
+</blockquote>
+<p class="s"><span class="sc">Paul de Cassagnac</span> <i>(Le Pays)</i>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Morts de quatre-vingt-douze et de quatre-vingt-treize</span><br>
+ <span class="i0">Qui, pâles du baiser fort de la liberté,</span><br>
+ <span class="i0">Calmes, sous vos sabots, brisiez le joug qui pèse</span><br>
+ <span class="i0">Sur l'âme et sur le front de toute humanité;</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Hommes extasiés et grands dans la tourmente,</span><br>
+ <span class="i0">Vous dont les c&oelig;urs sautaient d'amour sous les haillons,</span><br>
+ <span class="i0">Ô soldats que la Mort a semés, noble Amante,</span><br>
+ <span class="i0">Pour les régénérer, dans tous les vieux sillons;</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Vous dont le sang lavait toute grandeur salie,</span><br>
+ <span class="i0">Morts de Valmy, Morts de Fleurus, Morts d'Italie,</span><br>
+ <span class="i0">Ô Million de Christs aux yeux sombres et doux;</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Nous vous laissions dormir avec la République,</span><br>
+ <span class="i0">Nous, courbés sous les rois comme sous une trique:</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Messieurs de Cassagnac nous reparlent de vous!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p class="s2">3 septembre 1870.
+</p>
+
+
+
+<h2><a name="t14" id="t14"></a>COMÉDIE EN TROIS BAISERS</h2>
+
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Elle était fort déshabillée,</span><br>
+ <span class="i0">Et de grands arbres indiscrets</span><br>
+ <span class="i0">Aux vitres penchaient leur feuillée</span><br>
+ <span class="i0">Malinement, tout près, tout près.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Assise sur ma grande chaise,</span><br>
+ <span class="i0">Mi-nue elle joignait les mains.</span><br>
+ <span class="i0">Sur le plancher frissonnaient d'aise</span><br>
+ <span class="i0">Ses petits pieds si fins, si fins.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">&mdash;Je regardai, couleur de cire</span><br>
+ <span class="i0">Un petit rayon buissonnier</span><br>
+ <span class="i0">Papillonner, comme un sourire,</span><br>
+ <span class="i0">Sur son beau sein, mouche au rosier,</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">&mdash;Je baisai ses fines chevilles.</span><br>
+ <span class="i0">Elle eut un long rire tris-mal</span><br>
+ <span class="i0">Qui s'égrenait en claires trilles,</span><br>
+ <span class="i0">Une risure de cristal...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Les petits pieds sous la chemise</span><br>
+ <span class="i0">Se sauvèrent: «Veux-tu finir!»</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;La première audace permise,</span><br>
+ <span class="i0">Le rire feignait de punir!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">&mdash;Pauvrets palpitant sous ma lèvre,</span><br>
+ <span class="i0">Je baisai doucement ses yeux:</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Elle jeta sa tête mièvre</span><br>
+ <span class="i0">En arrière: «Oh! c'est encor mieux!...»</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">«Monsieur, j'ai deux mots à te dire...»</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Je lui jetai le reste au sein</span><br>
+ <span class="i0">Dans un baiser, qui la fit rire</span><br>
+ <span class="i0">D'un bon rire qui voulait bien...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">&mdash;Elle était fort déshabillée</span><br>
+ <span class="i0">Et de grands arbres indiscrets</span><br>
+ <span class="i0">Aux vitres penchaient leur feuillée</span><br>
+ <span class="i0">Malinement, tout près, tout près.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+
+
+<h2><a name="t15" id="t15"></a>SENSATION</h2>
+
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Par les soirs bleus d'été, j'irai dans les sentiers,</span><br>
+ <span class="i0">Picoté par les blés, fouler l'herbe menue:</span><br>
+ <span class="i0">Rêveur, j'en sentirai la fraîcheur à mes pieds.</span><br>
+ <span class="i0">Je laisserai le vent baigner ma tête nue!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Je ne parlerai pas, je ne penserai rien;</span><br>
+ <span class="i0">Mais l'amour infini me montera dans l'âme,</span><br>
+ <span class="i0">Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien</span><br>
+ <span class="i0">Par la Nature,&mdash;heureux comme avec une femme.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p class="s2">Mars 1870.
+</p>
+
+
+
+<h2><a name="t16" id="t16"></a>BAL DES PENDUS</h2>
+
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i2">Au gibet noir, manchot aimable,</span><br>
+ <span class="i2">Dansent, dansent les paladins,</span><br>
+ <span class="i2">Les maigres paladins du diable,</span><br>
+ <span class="i2">Les squelettes de Saladins.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Messire Belzebuth tire par la cravate</span><br>
+ <span class="i0">Ses petits pantins noirs grimaçant sur le ciel,</span><br>
+ <span class="i0">Et, leur claquant au front un revers de savate,</span><br>
+ <span class="i0">Les fait danser, danser aux sons d'un vieux Noël!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Et les pantins choqués enlacent leurs bras grêles:</span><br>
+ <span class="i0">Comme des orgues noirs, les poitrines à jour</span><br>
+ <span class="i0">Que serraient autrefois les gentes damoiselles,</span><br>
+ <span class="i0">Se heurtent longuement dans un hideux amour.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Hurrah! les gais danseurs, qui n'avez plus de panse!</span><br>
+ <span class="i0">On peut cabrioler, les tréteaux sont si longs!</span><br>
+ <span class="i0">Hop! qu'on ne sache plus si c'est bataille ou danse!</span><br>
+ <span class="i0">Belzebuth enragé râcle ses violons!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Ô durs talons, jamais on n'use sa sandale!</span><br>
+ <span class="i0">Presque tous ont quitté la chemise de peau:</span><br>
+ <span class="i0">Le reste est peu gênant et se voit sans scandale.</span><br>
+ <span class="i0">Sur les crânes, la neige applique un blanc chapeau:</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Le corbeau fait panache à ces têtes fêlées,</span><br>
+ <span class="i0">Un morceau de chair tremble à leur maigre menton:</span><br>
+ <span class="i0">On dirait, tournoyant dans les sombres mêlées,</span><br>
+ <span class="i0">Des preux, raides, heurtant armures de carton.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Hurrah! la bise siffle au grand bal des squelettes!</span><br>
+ <span class="i0">Le gibet noir mugit comme un orgue de fer!</span><br>
+ <span class="i0">Les loups vont répondant des forêts violettes:</span><br>
+ <span class="i0">À l'horizon, le ciel est d'un rouge d'enfer...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Holà, secouez-moi ces capitans funèbres</span><br>
+ <span class="i0">Qui défilent, sournois, de leurs gros doigts cassés</span><br>
+ <span class="i0">Un chapelet d'amour sur leurs pâles vertèbres:</span><br>
+ <span class="i0">Ce n'est pas un monstier ici, les trépassés!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Oh! voilà qu'au milieu de la danse macabre</span><br>
+ <span class="i0">Bondit dans le ciel rouge un grand squelette fou</span><br>
+ <span class="i0">Emporté par l'élan, comme un cheval se cabre:</span><br>
+ <span class="i0">Et, se sentant encor la corde raide au cou,</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Crispe ses petits doigts sur son fémur qui craque</span><br>
+ <span class="i0">Avec des cris pareils à des ricanements,</span><br>
+ <span class="i0">Et, comme un baladin rentre dans la baraque,</span><br>
+ <span class="i0">Rebondit dans le bal au chant des ossements.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i2">Au gibet noir, manchot aimable,</span><br>
+ <span class="i2">Dansent, dansent les paladins,</span><br>
+ <span class="i2">Les maigres paladins du diable,</span><br>
+ <span class="i2">Les squelettes de Saladins.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+
+
+<h2><a name="t17" id="t17"></a>ROMAN</h2>
+
+
+<h3>I</h3>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans.</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Un beau soir, foin des bocks et de la limonade,</span><br>
+ <span class="i0">Ces cafés tapageurs aux lustres éclatants!</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;On va sous les tilleuls verts de la promenade,</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de juin!</span><br>
+ <span class="i0">L'air est parfois si doux, qu'on ferme la paupière;</span><br>
+ <span class="i0">Le vent chargé de bruits,&mdash;la ville n'est pas loin,&mdash;</span><br>
+ <span class="i0">A des parfums de vigne et des parfums de bière...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+<h3>II</h3>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">&mdash;Voilà qu'on aperçoit un tout petit chiffon</span><br>
+ <span class="i0">D'azur sombre, encadré d'une petite branche,</span><br>
+ <span class="i0">Piqué d'une mauvaise étoile, qui se fond</span><br>
+ <span class="i0">Avec de doux frissons, petite et toute blanche...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Nuit de juin! Dix-sept ans!&mdash;On se laisse griser.</span><br>
+ <span class="i0">La sève est du champagne et vous monte à la tête...</span><br>
+ <span class="i0">On divague; on se sent aux lèvres un baiser</span><br>
+ <span class="i0">Qui palpite là, comme une petite bête...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+<h3>III</h3>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Le c&oelig;ur fou Robinsonne à travers les romans,</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Lorsque, dans la clarté d'un pâle réverbère,</span><br>
+ <span class="i0">Passe une demoiselle aux petits airs charmants,</span><br>
+ <span class="i0">Sous l'ombre du faux-col effrayant de son père...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Et, comme elle vous trouve immensément naïf,</span><br>
+ <span class="i0">Tout en faisant trotter ses petites bottines,</span><br>
+ <span class="i0">Elle se tourne, alerte et d'un mouvement vif...</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Sur vos lèvres alors meurent les cavatines...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+<h3>IV</h3>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Vous êtes amoureux. Loué jusqu'au moi d'août.</span><br>
+ <span class="i0">Vous êtes amoureux.&mdash;Vos sonnets la font rire.</span><br>
+ <span class="i0">Tous vos amis s'en vont, vous êtes mauvais goût.</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Puis l'adorée, un soir, a daigné vous écrire...!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">&mdash;Ce soir-là, ...&mdash;vous rentrez aux cafés éclatants,</span><br>
+ <span class="i0">Vous demandez des bocks ou de la limonade...</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans</span><br>
+ <span class="i0">Et qu'on a des tilleuls verts sur la promenade.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p class="s2">23 septembre 1870.
+</p>
+
+
+
+<h2><a name="t18" id="t18"></a>RAGES DE CÉSARS</h2>
+
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">L'Homme pâle, le long des pelouses fleuries,</span><br>
+ <span class="i0">Chemine, en habit noir, et le cigare aux dents:</span><br>
+ <span class="i0">L'Homme pâle repense aux fleurs des Tuileries</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Et parfois son &oelig;il terne a des regards ardents...!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Car l'Empereur est saoûl de ses vingt ans d'orgie!</span><br>
+ <span class="i0">Il s'était dit: «Je vais souffler la Liberté</span><br>
+ <span class="i0">Bien délicatement, ainsi qu'une bougie!»</span><br>
+ <span class="i0">La Liberté revit! Il se sent éreinté!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Il est pris.&mdash;Oh! quel nom sur ses lèvres muettes</span><br>
+ <span class="i0">Tressaille? Quel regret incapable le mord?</span><br>
+ <span class="i0">On ne le saura pas. L'Empereur a l'&oelig;il mort.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Il repense peut-être au Compère en lunettes...</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Et regarde filer de son cigare en feu,</span><br>
+ <span class="i0">Comme aux soirs de Saint-Cloud, un fin nuage bleu</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+
+
+<h2><a name="t19" id="t19"></a>LE MAL</h2>
+
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Tandis que les crachats rouges de la mitraille</span><br>
+ <span class="i0">Sifflent tout le jour par l'infini du ciel bleu;</span><br>
+ <span class="i0">Qu'écarlates ou verts, près du Roi qui les raille,</span><br>
+ <span class="i0">Croulent les bataillons en masse dans le feu;</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Tandis qu'une folie épouvantable, broie</span><br>
+ <span class="i0">Et fait de cent milliers d'hommes un tas fumant;</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Pauvres morts! dans l'été, dans l'herbe, dans ta joie,</span><br>
+ <span class="i0">Nature! ô toi qui fis ces hommes saintement!...&mdash;</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">&mdash;Il est un Dieu, qui rit aux nappes damassées</span><br>
+ <span class="i0">Des autels, à l'encens, aux grands calices d'or;</span><br>
+ <span class="i0">Qui dans le bercement des hosannah s'endort,</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Et se réveille, quand des mères, ramassées</span><br>
+ <span class="i0">Dans l'angoisse et pleurant sous leur vieux bonnet noir,</span><br>
+ <span class="i0">Lui donnent un gros sou lié dans leur mouchoir!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+
+
+<h2><a name="t20" id="t20"></a>OPHÉLIE</h2>
+
+
+<h3>I</h3>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Sur l'onde calme et noire où dorment les étoiles,</span><br>
+ <span class="i0">La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,</span><br>
+ <span class="i0">Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles...</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;On entend dans les bois de lointains hallalis...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Voici plus de mille ans que la triste Ophélie</span><br>
+ <span class="i0">Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir;</span><br>
+ <span class="i0">Voici plus de mille ans que sa douce folie</span><br>
+ <span class="i0">Murmure sa romance à la brise du soir.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Le vent baise ses seins et déploie en corolle</span><br>
+ <span class="i0">Ses longs voiles bercés mollement par les eaux;</span><br>
+ <span class="i0">Les saules frissonnants pleurent sur son épaule,</span><br>
+ <span class="i0">Sur son grand front rêveur s'inclinent les roseaux.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Les nénuphars froissés soupirent autour d'elle;</span><br>
+ <span class="i0">Elle éveille parfois, dans un aune qui dort,</span><br>
+ <span class="i0">Quelque nid, d'où s'échappe un petit frisson d'aile.</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Un chant mystérieux tombe des astres d'or.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+<h3>II</h3>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Ô pâle Ophélia! belle comme la neige,</span><br>
+ <span class="i0">Oui, tu mourus, enfant, par un fleuve emporté!</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;C'est que les vents tombant des grands monts de Norwège</span><br>
+ <span class="i0">T'avaient parlé tout bas de l'âpre liberté!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">C'est qu'un souffle inconnu, fouettant ta chevelure,</span><br>
+ <span class="i0">À ton esprit rêveur portait d'étranges bruits;</span><br>
+ <span class="i0">Que ton c&oelig;ur entendait la voix de la Nature</span><br>
+ <span class="i0">Dans les plaintes de l'arbre et les soupirs des nuits!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">C'est que la voix des mers, comme un immense râle,</span><br>
+ <span class="i0">Brisait ton sein d'enfant, trop humain et trop doux;</span><br>
+ <span class="i0">C'est qu'un matin d'avril, un beau cavalier pâle,</span><br>
+ <span class="i0">Un pauvre fou s'assit, muet, à tes genoux!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Ciel! Amour! Liberté! Quel rêve, ô pauvre Follet</span><br>
+ <span class="i0">Tu te fondais à lui comme une neige au feu.</span><br>
+ <span class="i0">Tes grandes visions étranglaient ta parole:</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Un Infini terrible effara ton &oelig;il bleu!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+<h3>III</h3>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">&mdash;Et le Poète dit qu'aux rayons des étoiles</span><br>
+ <span class="i0">Tu viens chercher, la nuit, les fleurs que tu cueillis;</span><br>
+ <span class="i0">Et qu'il a vu sur l'eau, couchée en ses longs voiles,</span><br>
+ <span class="i0">La blanche Ophélia flotter, comme un grand lys.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+
+
+<h2><a name="t21" id="t21"></a>LE CHÂTIMENT DE TARTUFE</h2>
+
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Tisonnant, tisonnant son c&oelig;ur amoureux sous</span><br>
+ <span class="i0">Sa chaste robe noire, heureux, la main gantée,</span><br>
+ <span class="i0">Un jour qu'il s'en allait, effroyablement doux,</span><br>
+ <span class="i0">Jaune, bavant la foi de sa bouche édentée,</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Un jour qu'il s'en allait, «Orémus»,&mdash;un Méchant</span><br>
+ <span class="i0">Le prit rudement par son oreille benoite</span><br>
+ <span class="i0">Et lui jeta des mots affreux, en arrachant</span><br>
+ <span class="i0">Sa chaste robe noire autour de sa peau moite!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Châtiment!... Ses habits étaient déboutonnés,</span><br>
+ <span class="i0">Et le long chapelet des péchés pardonnés</span><br>
+ <span class="i0">S'égrenant dans son c&oelig;ur, Saint Tartufe était pâle!...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Donc, il se confessait, priait, avec un râle!</span><br>
+ <span class="i0">L'homme se contenta d'emporter ses rabats...</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Peuh! Tartufe était nu du haut jusques en bas!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+
+
+<h2><a name="t22" id="t22"></a>À LA MUSIQUE</h2>
+
+
+<p class="s"><i>Place de la Gare, à Charleville.</i>
+</p>
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Sur la place taillée en mesquines pelouses,</span><br>
+ <span class="i0">Square où tout est correct, les arbres et les fleurs,</span><br>
+ <span class="i0">Tous les bourgeois poussifs qu'étranglent les chaleurs</span><br>
+ <span class="i0">Portent, les jeudis soirs, leurs bêtises jalouses.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Un orchestre guerrier, au milieu du jardin,</span><br>
+ <span class="i0">Balance ses schakos dans la Valse des fifres:</span><br>
+ <span class="i0">On voit, aux premiers rangs, parader le gandin,</span><br>
+ <span class="i0">Les notaires montrent leurs breloques à chiffres:</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Des rentiers à lorgnons soulignent tous les couacs;</span><br>
+ <span class="i0">Les gros bureaux bouffis traînent leurs grosses dames,</span><br>
+ <span class="i0">Auprès desquelles vont, officieux cornacs,</span><br>
+ <span class="i0">Celles dont les volants ont des airs de réclames;</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Sur les bancs verts, des clubs d'épiciers retraités</span><br>
+ <span class="i0">Qui tisonnent le sable avec leur canne à pomme,</span><br>
+ <span class="i0">Fort sérieusement discutent des traités,</span><br>
+ <span class="i0">Puis prisent en argent, mieux que monsieur Prud'homme!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Étalant sur un banc les rondeurs de ses reins,</span><br>
+ <span class="i0">Un bourgeois bienheureux, à bedaine flamande,</span><br>
+ <span class="i0">Savoure, s'abîmant en des rêves divins,</span><br>
+ <span class="i0">La musique française et la pipe allemande!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Au bord des gazons frais ricanent les voyous;</span><br>
+ <span class="i0">Et, rendus amoureux par le chant des trombones,</span><br>
+ <span class="i0">Très naïfs, et fumant des roses, des pioupious</span><br>
+ <span class="i0">Caressent les bébés pour enjôler les bonnes...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">&mdash;Moi, je suis, débraillé comme un étudiant,</span><br>
+ <span class="i0">Sous les marronniers verts les alertes fillettes:</span><br>
+ <span class="i0">Elles le savent bien, et tournent en riant,</span><br>
+ <span class="i0">Vers moi, leurs yeux tout pleins de choses indiscrètes.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Je ne dis pas un mot: je regarde toujours</span><br>
+ <span class="i0">La chair de leurs cous blancs brodés de mèches folles;</span><br>
+ <span class="i0">Je suis, sous leur corsage et les frêles atours,</span><br>
+ <span class="i0">Le dos divin après la courbe des épaules...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Je cherche la bottine... et je vais jusqu'aux bas;</span><br>
+ <span class="i0">Je reconstruis le corps, brûlé de belles fièvres.</span><br>
+ <span class="i0">Elles me trouvent drôle et se parlent tout bas...</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Et je sens les baisers qui me viennent aux lèvres...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+
+
+<h2><a name="t23" id="t23"></a>LE FORGERON</h2>
+
+<p class="s"><i>Palais des Tuileries, vers le 10 août 92.</i>
+</p>
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Le bras sur un marteau gigantesque, effrayant</span><br>
+ <span class="i0">D'ivresse et de grandeur, le front vaste, riant</span><br>
+ <span class="i0">Comme un clairon d'airain, avec toute sa bouche,</span><br>
+ <span class="i0">Et prenant ce gros-là dans son regard farouche,</span><br>
+ <span class="i0">Le Forgeron parlait à Louis Seize, un jour</span><br>
+ <span class="i0">Que le Peuple était là, se tordant tout autour,</span><br>
+ <span class="i0">Et sur les lambris d'or traînant sa veste sale.</span><br>
+ <span class="i0">Or le bon roi, debout sur son ventre, était pâle,</span><br>
+ <span class="i0">Pâle comme un vaincu qu'on prend pour le gibet,</span><br>
+ <span class="i0">Et, soumis comme un chien, jamais ne regimbait,</span><br>
+ <span class="i0">Car ce maraud de forge aux énormes épaules</span><br>
+ <span class="i0">Lui disait de vieux mots et des choses si drôles,</span><br>
+ <span class="i0">Que cela l'empoignait au front, comme cela!</span><br>
+ <span class="i0">«Or, tu sais bien, Monsieur, nous chantions tra la la</span><br>
+ <span class="i0">Et nous piquions les b&oelig;ufs vers les sillons des autres:</span><br>
+ <span class="i0">Le Chanoine au soleil filait des patenôtres</span><br>
+ <span class="i0">Sur des chapelets clairs grenés de pièces d'or.</span><br>
+ <span class="i0">Le Seigneur, à cheval, passait, sonnant du cor</span><br>
+ <span class="i0">Et l'un avec la hart, l'autre avec la cravache</span><br>
+ <span class="i0">Nous fouillaient.&mdash;Hébétés comme des yeux de vache,</span><br>
+ <span class="i0">Nos yeux ne pleuraient plus; nous allions, nous allions</span><br>
+ <span class="i0">Et quand nous avions mis le pays en sillons,</span><br>
+ <span class="i0">Quand nous avions laissée dans cette terre noire</span><br>
+ <span class="i0">Un peu de notre chair... nous avions un pourboire:</span><br>
+ <span class="i0">On nous faisait flamber nos taudis dans la nuit,</span><br>
+ <span class="i0">Nos petits y faisaient un gâteau fort bien cuit.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">... «Oh! je ne me plains pas. Je te dis mes bêtises,</span><br>
+ <span class="i0">C'est entre nous. J'admets que tu me contredises,</span><br>
+ <span class="i0">Or, n'est-ce pas joyeux de voir, au mois de juin</span><br>
+ <span class="i0">Dans les granges entrer des voitures de foin</span><br>
+ <span class="i0">Énormes? De sentir l'odeur de ce qui pousse,</span><br>
+ <span class="i0">Des vergers quand il pleut un peu, de l'herbe rousse?</span><br>
+ <span class="i0">De voir des blés, des blés, des épis pleins de grain,</span><br>
+ <span class="i0">De penser que cela prépare bien du pain...</span><br>
+ <span class="i0">Oh! plus fort, on irait, au fourneau qu'il s'allume,</span><br>
+ <span class="i0">Chanter joyeusement en martelant l'enclume,</span><br>
+ <span class="i0">Si l'on était certain de pouvoir prendre un peu,</span><br>
+ <span class="i0">Étant homme, à la fin! de ce que donne Dieu!</span><br>
+ <span class="i0">«Mais voilà, c'est toujours la même vieille histoire!...</span><br>
+ <span class="i0">Mais je sais, maintenant! Moi je ne peux plus croire,</span><br>
+ <span class="i0">Quand j'ai deux bonnes mains, mon front et mon marteau</span><br>
+ <span class="i0">Qu'un homme vienne là, dague sur le manteau,</span><br>
+ <span class="i0">Et me dise: Mon gars, ensemence ma terre;</span><br>
+ <span class="i0">Que l'on arrive encor, quand ce serait la guerre,</span><br>
+ <span class="i0">De prendre mon garçon comme cela, chez moi!</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Moi, je serais un homme, et toi, tu serais roi,</span><br>
+ <span class="i0">Tu me dirais: Je veux!...&mdash;Tu vois bien, c'est stupide.</span><br>
+ <span class="i0">Tu crois que j'aime voir ta baraque splendide,</span><br>
+ <span class="i0">Tes officiers dorés, tes mille chenapans,</span><br>
+ <span class="i0">Tes palsembleu bâtards tournant comme des paons:</span><br>
+ <span class="i0">Ils ont rempli ton nid de l'odeur de nos filles</span><br>
+ <span class="i0">Et de petits billets pour nous mettre aux Bastilles</span><br>
+ <span class="i0">Et nous dirons: C'est bien; les pauvres à genoux!</span><br>
+ <span class="i0">Nous dorerons ton Louvre en donnant nos gros sous!</span><br>
+ <span class="i0">Et tu te soûleras, tu feras belle fête.</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Et ces Messieurs riront, les reins sur notre tête!</span><br>
+ <span class="i0">«Non. Ces saletés-là datent de nos papas!</span><br>
+ <span class="i0">Oh! Le Peuple n'est plus une putain. Trois pas</span><br>
+ <span class="i0">Et, tous, nous avons mis ta Bastille en poussière.</span><br>
+ <span class="i0">Cette bête suait du sang à chaque pierre</span><br>
+ <span class="i0">Et c'était dégoûtant, la Bastille debout</span><br>
+ <span class="i0">Avec ses murs lépreux qui nous racontaient tout</span><br>
+ <span class="i0">Et, toujours, nous tenaient enfermés dans leur ombre!</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Citoyen! citoyen! c'était le passé sombre</span><br>
+ <span class="i0">Qui croulait, qui râlait, quand nous prîmes la tour</span><br>
+ <span class="i0">Nous avions quelque chose au c&oelig;ur comme l'amour.</span><br>
+ <span class="i0">Nous avions embrassé nos fils sur nos poitrines.</span><br>
+ <span class="i0">Et, comme des chevaux, en soufflant des narines</span><br>
+ <span class="i0">Nous allions, fiers et forts, et ça nous battait là...</span><br>
+ <span class="i0">Nous marchions au soleil, front haut; comme cela,</span><br>
+ <span class="i0">Dans Paris! On venait devant nos vestes sales.</span><br>
+ <span class="i0">Enfin! Nous nous sentions Hommes! Nous étions pâles</span><br>
+ <span class="i0">Sire, nous étions soûls de terribles espoirs:</span><br>
+ <span class="i0">Et quand nous fûmes là, devant les donjons noirs,</span><br>
+ <span class="i0">Agitant nos clairons et nos feuilles de chêne,</span><br>
+ <span class="i0">Les piques à la main; nous n'eûmes pas de haine,</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Nous nous sentions si forts, nous voulions être doux!</span><br>
+ <span class="i0">. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</span><br>
+ <span class="i0">. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">«Et depuis ce jour-là, nous sommes comme fous!</span><br>
+ <span class="i0">Le tas des ouvriers a monté dans la rue,</span><br>
+ <span class="i0">Et ces maudits s'en vont, foule toujours accrue</span><br>
+ <span class="i0">De sombres revenants, aux portes des richards.</span><br>
+ <span class="i0">Moi, je cours avec eux assommer les mouchards:</span><br>
+ <span class="i0">Et je vais dans Paris, noir, marteau sur l'épaule,</span><br>
+ <span class="i0">Farouche, à chaque coin balayant quelque drôle,</span><br>
+ <span class="i0">Et, si tu me riais au nez, je te tuerais!</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Puis, tu peux y compter, tu te feras des frais</span><br>
+ <span class="i0">Avec tes hommes noirs, qui prennent nos requêtes</span><br>
+ <span class="i0">Pour se les renvoyer comme sur des raquettes</span><br>
+ <span class="i0">Et, tout bas, les malins se disent; «Qu'ils sont sots!»</span><br>
+ <span class="i0">Pour mitonner des lois, coller de petits pots</span><br>
+ <span class="i0">Pleins de jolis décrets roses et de droguailles,</span><br>
+ <span class="i0">S'amuser à couper proprement quelques tailles,</span><br>
+ <span class="i0">Puis se boucher le nez quand nous marchons près d'eux</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Nos doux représentants qui nous trouvent crasseux!</span><br>
+ <span class="i0">Pour ne rien redouter, rien, que les baïonnettes...,</span><br>
+ <span class="i0">C'est très bien. Foin de leur tabatière à sornettes!</span><br>
+ <span class="i0">Nous en avons assez, là, de ces cerveaux plats</span><br>
+ <span class="i0">Et de ces ventres-dieux. Ah! ce sont là les plats</span><br>
+ <span class="i0">Que tu nous sers bourgeois, quand nous sommes féroces</span><br>
+ <span class="i0">Quand nous brisons déjà les sceptres et les crosses!...</span><br>
+ <span class="i0">. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Il le prend par le bras, arrache le velours</span><br>
+ <span class="i0">Des rideaux, et lui montre en bas les larges cours</span><br>
+ <span class="i0">Où fourmille, où fourmille, où se lève la foule,</span><br>
+ <span class="i0">La foule épouvantable avec des bruits de houle</span><br>
+ <span class="i0">Hurlant comme une chienne, hurlant comme une mer,</span><br>
+ <span class="i0">Avec ses bâtons forts et ses piques de fer,</span><br>
+ <span class="i0">Ses tambours, ses grands cris de halles et de bouges,</span><br>
+ <span class="i0">Tas sombre de haillons saignants de bonnets rouges;</span><br>
+ <span class="i0">L'Homme, par la fenêtre ouverte, montre tout</span><br>
+ <span class="i0">Au roi pâle, et suant qui chancelle debout,</span><br>
+ <span class="i0">Malade à regarder cela!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i11">«C'est la crapule,</span><br>
+ <span class="i0">Sire. Ça bave aux murs, ça monte, ça pullule:</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Puisqu'ils ne mangent pas, Sire, ce sont des gueux!</span><br>
+ <span class="i0">Je suis un forgeron: ma femme est avec eux,</span><br>
+ <span class="i0">Folle! Elle croit trouver du pain aux Tuileries!</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;On ne veut pas de nous dans les boulangeries.</span><br>
+ <span class="i0">J'ai trois petits. Je suis crapule.&mdash;Je connais</span><br>
+ <span class="i0">Des vieilles qui s'en vont pleurant sous leurs bonnets</span><br>
+ <span class="i0">Parce qu'on leur a pris leur garçon ou leur fille:</span><br>
+ <span class="i0">C'est la crapule.&mdash;Un homme était à la Bastille,</span><br>
+ <span class="i0">Un autre était forçat: et, tous deux, citoyens</span><br>
+ <span class="i0">Honnêtes. Libérés, ils sont comme des chiens:</span><br>
+ <span class="i0">On les insulte! Alors, ils ont là quelque chose</span><br>
+ <span class="i0">Qui leur fait mal, allez! C'est terrible, et c'est cause</span><br>
+ <span class="i0">Que, se sentant brisés, que, se sentant damnés,</span><br>
+ <span class="i0">Ils sont là, maintenant, hurlant sous votre nez!</span><br>
+ <span class="i0">Crapule.&mdash;Là dedans sont des filles, infâmes</span><br>
+ <span class="i0">Parce que,&mdash;vous saviez que c'est faible, les femmes,</span><br>
+ <span class="i0">Messeigneurs de la cour,&mdash;que ça veut toujours bien,</span><br>
+ <span class="i0">Vous avez craché sur l'âme, comme rien!</span><br>
+ <span class="i0">Vos belles, aujourd'hui, sont là. C'est la crapule.</span><br>
+ <span class="i0">. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">«Oh! tous les malheureux, tous ceux dont le dos brûle</span><br>
+ <span class="i0">Sous le soleil féroce, et qui vont, et qui vont,</span><br>
+ <span class="i0">Qui dans ce travail-là sentent crever leur front.</span><br>
+ <span class="i0">Chapeau bas, mes bourgeois! Oh! ceux-là sont les Hommes!</span><br>
+ <span class="i0">Nous sommes Ouvriers, Sire! Ouvriers! Nous sommes</span><br>
+ <span class="i0">Pour les grands temps nouveaux où l'on voudra savoir,</span><br>
+ <span class="i0">Où l'Homme forgera du matin jusqu'au soir,</span><br>
+ <span class="i0">Chasseur des grands effets, chasseur des grandes causes</span><br>
+ <span class="i0">Ou, lentement vainqueur, il domptera les choses</span><br>
+ <span class="i0">Et montera sur Tout, comme sur un cheval!</span><br>
+ <span class="i0">Oh! splendides lueurs des forges! Plus de mal,</span><br>
+ <span class="i0">Plus!&mdash;Ce qu'on ne sait pas, c'est peut-être terrible:</span><br>
+ <span class="i0">Nous saurons!&mdash;Nos marteaux en main; passons au crible</span><br>
+ <span class="i0">Tout ce que nous savons: puis, Frères, en avant!</span><br>
+ <span class="i0">Nous faisons quelquefois ce grand rêve émouvant</span><br>
+ <span class="i0">De vivre simplement, ardemment, sans rien dire</span><br>
+ <span class="i0">De mauvais, travaillant sous l'auguste sourire</span><br>
+ <span class="i0">D'une femme qu'on aime avec un noble amour:</span><br>
+ <span class="i0">Et l'on travaillerait fièrement tout le jour,</span><br>
+ <span class="i0">Écoutant le devoir comme un clairon qui sonne:</span><br>
+ <span class="i0">Et l'on se sentirait très heureux: et personne</span><br>
+ <span class="i0">Oh! personne, surtout, ne vous ferait ployer!</span><br>
+ <span class="i0">On aurait un fusil au-dessus du foyer...</span><br>
+ <span class="i0">. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Oh! mais l'air est tout plein d'une odeur de bataille!</span><br>
+ <span class="i0">Que te disais-je donc? Je suis de la canaille!</span><br>
+ <span class="i0">Il reste des mouchards et des accapareurs.</span><br>
+ <span class="i0">Nous sommes libres, nous! Nous avons des terreurs</span><br>
+ <span class="i0">Où nous nous sentons grands, oh! si grands! Tout à l'heure</span><br>
+ <span class="i0">Je parlais de devoir calme, d'une demeure...</span><br>
+ <span class="i0">Regarde donc le ciel!&mdash;C'est trop petit pour nous,</span><br>
+ <span class="i0">Nous crèverions de chaud, nous serions à genoux!</span><br>
+ <span class="i0">Regarde donc le ciel!&mdash;Je rentre dans la foule</span><br>
+ <span class="i0">Dans la grande canaille effroyable qui roule,</span><br>
+ <span class="i0">Sire, tes vieux canons sur les sales pavés;</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Oh! quand nous serons morts, nous les aurons lavés.</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Et si, devant nos cris, devant notre vengeance,</span><br>
+ <span class="i0">Les pattes des vieux rois mordorés, sur la France</span><br>
+ <span class="i0">Poussaient leurs régiments en habits de gala,</span><br>
+ <span class="i0">Eh bien, n'est-ce pas, vous tous? Merde à ces chiens-là</span><br>
+ <span class="i0">. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">&mdash;Il reprit son marteau sur l'épaule.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i18">La foule</span><br>
+ <span class="i0">Près de cet homme-là se sentait l'âme soûle,</span><br>
+ <span class="i0">Et, dans la grande cour, dans les appartements,</span><br>
+ <span class="i0">Où Paris haletait avec des hurlements,</span><br>
+ <span class="i0">Un frisson secoua l'immense populace.</span><br>
+ <span class="i0">Alors, de sa main large et superbe de crasse</span><br>
+ <span class="i0">Bien que le roi ventru suât, le Forgeron,</span><br>
+ <span class="i0">Terrible, lui jeta le bonnet rouge au front!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+
+
+<h2><a name="t24" id="t24"></a>SOLEIL ET CHAIR</h2>
+
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Le Soleil, le foyer de tendresse et de vie,</span><br>
+ <span class="i0">Verse l'amour brûlant à la terre ravie,</span><br>
+ <span class="i0">Et, quand on est couché sur la vallée, on sent</span><br>
+ <span class="i0">Que la terre est nubile et déborde de sang;</span><br>
+ <span class="i0">Que son immense sein, soulevé par une âme,</span><br>
+ <span class="i0">Est d'amour comme dieu, de chair comme la femme,</span><br>
+ <span class="i0">Et qu'il renferme, gros de sève et de rayons,</span><br>
+ <span class="i0">Le grand fourmillement de tous les embryons!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Et tout croît, et tout monte!</span><br>
+ <span class="i15">Ô Vénus, ô Déesse!</span><br>
+ <span class="i0">Je regrette les temps de l'antique jeunesse,</span><br>
+ <span class="i0">Des satyres lascifs, des faunes animaux,</span><br>
+ <span class="i0">Dieux qui mordaient d'amour l'écorce des rameaux</span><br>
+ <span class="i0">Et dans les nénufars baisaient la Nymphe blonde!</span><br>
+ <span class="i0">Je regrette les temps où la sève du monde,</span><br>
+ <span class="i0">L'eau du fleuve, le sang rose des arbres verts</span><br>
+ <span class="i0">Dans les veines de Pan mettaient un univers!</span><br>
+ <span class="i0">Où le sol palpitait, vert, sous ses pieds de chèvre;</span><br>
+ <span class="i0">Où, baisant mollement le clair syrinx, sa lèvre</span><br>
+ <span class="i0">Modulait sous le ciel le grand hymne d'amour;</span><br>
+ <span class="i0">Où, debout sur la plaine, il entendait autour</span><br>
+ <span class="i0">Répondre à son appel la Nature vivante;</span><br>
+ <span class="i0">Où, les arbres muets, berçant l'oiseau qui chante,</span><br>
+ <span class="i0">La terre berçant l'homme, et tout l'Océan bleu</span><br>
+ <span class="i0">Et tous les animaux, aimaient, aimaient en Dieu!</span><br>
+ <span class="i0">Je regrette les temps de la grande Cybèle</span><br>
+ <span class="i0">Qu'on disait parcourir, gigantesquement belle,</span><br>
+ <span class="i0">Sur un grand char d'airain, les splendides cités;</span><br>
+ <span class="i0">Son double sein versait dans les immensités</span><br>
+ <span class="i0">Le pur ruissellement de la vie infinie.</span><br>
+ <span class="i0">L'Homme suçait, heureux, sa mamelle bénie,</span><br>
+ <span class="i0">Comme un petit enfant, jouant sur ses genoux.</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Parce qu'il était fort, l'Homme était chaste et doux.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Misère! Maintenant il dit: Je sais les choses,</span><br>
+ <span class="i0">Et va, les yeux fermés et les oreilles closes;</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Et pourtant, plus de dieux! plus de dieux! l'Homme est Roi!</span><br>
+ <span class="i0">L'Homme est Dieu! Mais l'Amour, voilà la grande Foi!</span><br>
+ <span class="i0">Oh! si l'homme puisait encore à ta mamelle,</span><br>
+ <span class="i0">Grande mère des dieux et des hommes, Cybèle;</span><br>
+ <span class="i0">S'il n'avait pas laissé l'immortelle Astarté</span><br>
+ <span class="i0">Qui jadis, émergeant dans l'immense clarté</span><br>
+ <span class="i0">Des flots bleus, fleur de chair que la vague parfume,</span><br>
+ <span class="i0">Montra son nombril rose où vint neiger l'écume,</span><br>
+ <span class="i0">Et fit chanter, Déesse aux grands yeux noirs vainqueurs,</span><br>
+ <span class="i0">Le rossignol aux bois et l'amour dans les c&oelig;urs!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+<h3>II</h3>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Je crois en toi! Je crois en toi! Divine mère,</span><br>
+ <span class="i0">Aphrodite marine!&mdash;Oh! la route est amère</span><br>
+ <span class="i0">Depuis que l'autre Dieu nous attelle à sa croix;</span><br>
+ <span class="i0">Chair, Marbre, Fleur, Vénus, c'est en toi que je crois!</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Oui l'Homme est triste et laid, triste sous le ciel vaste,</span><br>
+ <span class="i0">Il a des vêtements, parce qu'il n'est plus chaste,</span><br>
+ <span class="i0">Parce qu'il a sali son fier buste de Dieu,</span><br>
+ <span class="i0">Et qu'il a rabougri, comme une idole au feu,</span><br>
+ <span class="i0">Son corps olympien aux servitudes sales!</span><br>
+ <span class="i0">Oui, même après la mort, dans les squelettes pâles</span><br>
+ <span class="i0">Il veut vivre, insultant la première beauté!</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Et l'Idole où tu mis tant de virginité,</span><br>
+ <span class="i0">Où tu divinisas notre argile, la Femme,</span><br>
+ <span class="i0">Afin que l'homme pût éclairer sa pauvre âme</span><br>
+ <span class="i0">Et monter lentement, dans un immense amour,</span><br>
+ <span class="i0">De la prison terrestre à la beauté du jour,</span><br>
+ <span class="i0">La femme ne sait plus même être courtisane!</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;C'est une bonne farce! et le monde ricane</span><br>
+ <span class="i0">Au nom doux et sacré de la grande Vénus!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+<h3>III</h3>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Si les temps revenaient, les temps qui sont venus!</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Car l'Homme a fini! l'Homme a joué tous les rôles!</span><br>
+ <span class="i0">Au grand jour, fatigué de briser des idoles</span><br>
+ <span class="i0">Il ressuscitera, libre de tous ses Dieux,</span><br>
+ <span class="i0">Et, comme il est du ciel, il scrutera les cieux!</span><br>
+ <span class="i0">L'Idéal, la pensée invincible, éternelle,</span><br>
+ <span class="i0">Tout le dieu qui vit, sous son argile charnelle,</span><br>
+ <span class="i0">Montera, montera, brûlera sous son front!</span><br>
+ <span class="i0">Et quand tu le verras sonder tout l'horizon,</span><br>
+ <span class="i0">Contempteur des vieux jougs, libre de toute crainte,</span><br>
+ <span class="i0">Tu viendras lui donner la Rédemption sainte!</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Splendide, radieuse, au sein des grandes mers</span><br>
+ <span class="i0">Tu surgiras, jetant sur le vaste Univers</span><br>
+ <span class="i0">L'Amour infini dans un infini sourire!</span><br>
+ <span class="i0">Le Monde vibrera comme une immense lyre</span><br>
+ <span class="i0">Dans le frémissement d'un immense baiser:</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">&mdash;Le Monde a soif d'amour: tu viendras l'apaiser.</span><br>
+ <span class="i0">. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+<h3>IV</h3>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Ô splendeur de la chair! ô splendeur idéale!</span><br>
+ <span class="i0">Ô renouveau d'amour, aurore triomphale</span><br>
+ <span class="i0">Où, courbant à leurs pieds les Dieux et les Héros</span><br>
+ <span class="i0">Kallipige la blanche et le petit Éros</span><br>
+ <span class="i0">Effleureront, couverts de la neige des roses,</span><br>
+ <span class="i0">Les femmes et les fleurs sous leurs beaux pieds écloses!</span><br>
+ <span class="i0">Ô grande Ariadné, qui jettes tes sanglots</span><br>
+ <span class="i0">Sur la rive, en voyant fuir là-bas sur les flots,</span><br>
+ <span class="i0">Blanche sous le soleil, la voile de Thésée,</span><br>
+ <span class="i0">Ô douce vierge enfant qu'une nuit a brisée,</span><br>
+ <span class="i0">Tais-toi! Sur son char d'or brodé de noirs raisins,</span><br>
+ <span class="i0">Lysios, promené dans les champs Phrygiens</span><br>
+ <span class="i0">Par les tigres lascifs et les panthères rousses,</span><br>
+ <span class="i0">Le long des fleuves bleus rougit les sombres mousses.</span><br>
+ <span class="i0">Zeus, Taureau, sur son cou berce comme un enfant</span><br>
+ <span class="i0">Le corps nu d'Europé, qui jette son bras blanc</span><br>
+ <span class="i0">Au cou nerveux du Dieu frissonnant dans la vague,</span><br>
+ <span class="i0">Il tourne lentement vers elle son &oelig;il vague;</span><br>
+ <span class="i0">Elle, laisse traîner sa pâle joue en fleur</span><br>
+ <span class="i0">Au front de Zeus; ses yeux sont fermés; elle meurt</span><br>
+ <span class="i0">Dans un divin baiser, et le flot qui murmure</span><br>
+ <span class="i0">De son écume d'or fleurit sa chevelure.</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Entre le laurier-rose et le lotus jaseur</span><br>
+ <span class="i0">Glisse amoureusement le grand Cygne rêveur</span><br>
+ <span class="i0">Embrassant la Léda des blancheurs de son aile;</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Et tandis que Cypris passe, étrangement belle,</span><br>
+ <span class="i0">Et, cambrant les rondeurs splendides de ses reins,</span><br>
+ <span class="i0">Étale fièrement l'or de ses larges seins</span><br>
+ <span class="i0">Et son ventre neigeux brodé de mousse noire,</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Héraclès, le Dompteur, qui, comme d'une gloire</span><br>
+ <span class="i0">Fort, ceint son vaste corps de la peau du lion,</span><br>
+ <span class="i0">S'avance, front terrible et doux, à l'horizon!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Par la lune d'été vaguement éclairée,</span><br>
+ <span class="i0">Debout, nue, et rêvant dans sa pâleur dorée</span><br>
+ <span class="i0">Que tache le flot lourd de ses longs cheveux bleus,</span><br>
+ <span class="i0">Dans la clairière sombre où la mousse s'étoile,</span><br>
+ <span class="i0">La Dryade regarde au ciel silencieux...</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;La blanche Séléné laisse flotter son voile,</span><br>
+ <span class="i0">Craintive, sur les pieds du bel Endymion,</span><br>
+ <span class="i0">Et lui jette un baiser dans un pâle rayon...</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;La Source pleure au loin dans une longue extase...</span><br>
+ <span class="i0">C'est la Nymphe qui rêve, un coude sur son vase,</span><br>
+ <span class="i0">Au beau jeune homme blanc que son onde a pressé.</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Une brise d'amour dans la nuit a passé,</span><br>
+ <span class="i0">Et, dans les bois sacrés, dans l'horreur des grands arbres,</span><br>
+ <span class="i0">Majestueusement debout, les sombres Marbres,</span><br>
+ <span class="i0">Les Dieux, au front desquels le Bouvreuil fait son nid,</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Les Dieux écoutent l'Homme et le Monde infini!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p class="s2">7 mai 1870.
+</p>
+
+
+
+<h2><a name="t25" id="t25"></a>LE DORMEUR DU VAL</h2>
+
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">C'est un trou de verdure où chante une rivière</span><br>
+ <span class="i0">Accrochant follement aux herbes des haillons</span><br>
+ <span class="i0">D'argent; où le soleil, de la montagne fière,</span><br>
+ <span class="i0">Luit: c'est un petit aval qui mousse de rayons.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,</span><br>
+ <span class="i0">Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,</span><br>
+ <span class="i0">Dort; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,</span><br>
+ <span class="i0">Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme</span><br>
+ <span class="i0">Sourirait un enfant malade, il fait un somme:</span><br>
+ <span class="i0">Nature, berce-le chaudement: il a froid.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Les parfums ne font pas frissonner sa narine;</span><br>
+ <span class="i0">Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine</span><br>
+ <span class="i0">Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p class="s2">7 octobre 1870.
+</p>
+
+
+
+<h2><a name="t26" id="t26"></a>AU CABARET-VERT</h2>
+
+
+<p class="s"><i>Cinq heures du soir.</i>
+</p>
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Depuis huit jours, j'avais déchiré mes bottines</span><br>
+ <span class="i0">Aux cailloux des chemins. J'entrais à Charleroi,</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;<i>Au Cabaret-Vert</i>: je demandai des tartines</span><br>
+ <span class="i0">De beurre et du jambon qui fût à moitié froid.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Bienheureux, j'allongeai les jambes sous la table</span><br>
+ <span class="i0">Verte: je contemplai les sujets très naïfs</span><br>
+ <span class="i0">De la tapisserie.&mdash;Et ce fut adorable,</span><br>
+ <span class="i0">Quand la fille aux tétons énormes, aux yeux vifs,</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">&mdash;Celle-là, ce n'est pas un baiser qui l'épeure!&mdash;</span><br>
+ <span class="i0">Rieuse, m'apporta des tartines de beurre,</span><br>
+ <span class="i0">Du jambon tiède, dans un plat colorié,</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Du jambon rose et blanc parfumé d'une gousse</span><br>
+ <span class="i0">D'ail,&mdash;et m'emplit la chope immense, avec sa mousse</span><br>
+ <span class="i0">Que dorait un rayon de soleil arriéré.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p class="s2">Octobre 1870.
+</p>
+
+
+
+<h2><a name="t27" id="t27"></a>LA MALINE</h2>
+
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Dans la salle à manger brune, que parfumait</span><br>
+ <span class="i0">Une odeur de vernis et de fruits, à mon aise</span><br>
+ <span class="i0">Je ramassais un plat de je ne sais quel met</span><br>
+ <span class="i0">Belge, et je m'épatais dans mon immense chaise.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">En mangeant, j'écoutais l'horloge,&mdash;heureux et coi.</span><br>
+ <span class="i0">La cuisine s'ouvrit avec une bouffée</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Et la servante vint, je ne sais pas pourquoi,</span><br>
+ <span class="i0">Fichu moitié défait, malinement coiffée.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Et tout en promenant son petit doigt tremblant</span><br>
+ <span class="i0">Sur sa joue, un velours de pêche rose et blanc,</span><br>
+ <span class="i0">En faisant, de sa lèvre enfantine, une moue,</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Elle arrangeait les plats, près de moi, pour m'aiser;</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Puis, comme ça,&mdash;bien sûr pour avoir un baiser,&mdash;</span><br>
+ <span class="i0">Tout bas: «Sens donc: j'ai pris une froid sur la joue...»</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p class="s2">Charleroi, octobre 1870.
+</p>
+
+
+
+<h2><a name="t28" id="t28"></a>L'ÉCLATANTE VICTOIRE<br>
+DE SARREBRUCK<br>
+<small>REMPORTÉE AUX CRIS DE VIVE L'EMPEREUR!</small></h2>
+
+<p class="c">(Gravure belge brillamment coloriée, se vend à Charleroi, 35 centimes.)</p>
+
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Au milieu, l'Empereur, dans une apothéose</span><br>
+ <span class="i0">Bleue et jaune, s'en va, raide, sur son dada</span><br>
+ <span class="i0">Flamboyant; très heureux,&mdash;car il voit tout en rose,</span><br>
+ <span class="i0">Féroce comme Zeus et doux comme un papa;</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">En bas, les bons Pioupious qui faisaient la sieste</span><br>
+ <span class="i0">Près des tambours dorés et des rouges canons,</span><br>
+ <span class="i0">Se lèvent gentiment. Pitou remet sa veste,</span><br>
+ <span class="i0">Et, tourné vers le Chef, s'étourdit de grands noms</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">À droite, Dumanet, appuyé sur la crosse</span><br>
+ <span class="i0">De son chassepot, sent frémir sa nuque en brosse,</span><br>
+ <span class="i0">Et: «Vive l'Empereur!!»&mdash;Son voisin reste coi...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Un schako surgit, comme un soleil noir...&mdash;Au centre</span><br>
+ <span class="i0">Boquillon, rouge et bleu, très naïf, sur son ventre</span><br>
+ <span class="i0">Se dresse, et,&mdash;présentant ses derrières: «De quoi?...»</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p class="s2">Octobre 1870.
+</p>
+
+
+
+<h2><a name="t29" id="t29"></a>RÊVÉ POUR L'HIVER</h2>
+
+
+<p class="s"><i>À Elle.</i>
+</p>
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">L'hiver, nous irons dans un petit wagon rose</span><br>
+ <span class="i4">Avec des coussins bleus.</span><br>
+ <span class="i0">Nous serons bien. Un nid de baisers fous repose</span><br>
+ <span class="i4">Dans chaque coin moelleux.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Tu fermeras l'&oelig;il, pour ne point voir, par la glace,</span><br>
+ <span class="i3">Grimacer les ombres des soirs,</span><br>
+ <span class="i0">Ces monstruosités hargneuses, populace</span><br>
+ <span class="i3">De démons noirs et de loups noirs.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Puis tu te sentiras la joue égratignée...</span><br>
+ <span class="i0">Un petit baiser, comme une folle araignée,</span><br>
+ <span class="i4">Te courra par le cou...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Et tu me diras: «Cherche!» en inclinant la tête;</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Et nous prendons du temps à trouver cette bête!</span><br>
+ <span class="i4">&mdash;Qui voyage beaucoup...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p class="s2">En wagon, le 7 octobre 1870.
+</p>
+
+
+
+<h2><a name="t30" id="t30"></a>LE BUFFET</h2>
+
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">C'est un large buffet sculpté; le chêne sombre,</span><br>
+ <span class="i0">Très vieux, a pris cet air si bon des vieilles gens;</span><br>
+ <span class="i0">Le buffet est ouvert, et verse dans son ombre</span><br>
+ <span class="i0">Comme un flot de vin vieux, des parfums engageants;</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Tout plein, c'est un fouillis de vieilles vieilleries,</span><br>
+ <span class="i0">De linges odorants et jaunes, de chiffons</span><br>
+ <span class="i0">De femmes ou d'enfants, de dentelles flétries,</span><br>
+ <span class="i0">De fichus de grand'mère où sont peints des griffons;</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">&mdash;C'est là qu'on trouverait les médaillons, les mèches</span><br>
+ <span class="i0">De cheveux blancs ou blonds, les portraits, les fleurs sèches</span><br>
+ <span class="i0">Dont le parfum se mêle à des parfums de fruits.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">&mdash;Ô buffet du vieux temps, tu sais bien des histoires,</span><br>
+ <span class="i0">Et tu voudrais conter tes contes, et tu bruis</span><br>
+ <span class="i0">Quand s'ouvrent lentement tes grands portes noires.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p class="s2">Octobre 1870.
+</p>
+
+
+
+<h2><a name="t31" id="t31"></a>MA BOHÈME</h2>
+
+<p class="c">(<i>Fantaisie</i>)</p>
+
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées;</span><br>
+ <span class="i0">Mon paletot aussi devenait idéal;</span><br>
+ <span class="i0">J'allais sous le ciel, Muse! et j'étais ton féal;</span><br>
+ <span class="i0">Oh! là là! que d'amours splendides j'ai rêvées!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Mon unique culotte avait un large trou.</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Petit Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course</span><br>
+ <span class="i0">Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse;</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Et je les écoutais, assis au bord des routes,</span><br>
+ <span class="i0">Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes</span><br>
+ <span class="i0">De rosée à mon front, comme un vin de vigueur;</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,</span><br>
+ <span class="i0">Comme des lyres, je tirais les élastiques</span><br>
+ <span class="i0">De mes souliers blessés, un pied près de mon c&oelig;ur!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p class="s2">Octobre 1870.
+</p>
+
+
+
+<h2><a name="t32" id="t32"></a>ENTENDS COMME BRAME</h2>
+
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Entends, comme brame</span><br>
+ <span class="i0">près des acacias</span><br>
+ <span class="i0">en avril la rame</span><br>
+ <span class="i0">viride du pois!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Dans sa vapeur nette,</span><br>
+ <span class="i0">Vers Ph&oelig;bé! tu vois</span><br>
+ <span class="i0">s'agiter la tête</span><br>
+ <span class="i0">de saints d'autrefois...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Loin des claires meules</span><br>
+ <span class="i0">des caps, des beaux toits,</span><br>
+ <span class="i0">ces chers Anciens veulent</span><br>
+ <span class="i0">ce philtre sournois...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Or ni feriale</span><br>
+ <span class="i0">ni astrale! n'est</span><br>
+ <span class="i0">la brume qu'exhale</span><br>
+ <span class="i0">ce nocturne effet.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Néanmoins ils restent,</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Sicile, Allemagne,</span><br>
+ <span class="i0">dans ce brouillard triste</span><br>
+ <span class="i0">et blêmi, justement!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+
+
+<h2><a name="t33" id="t33"></a>CHANT DE GUERRE PARISIEN</h2>
+
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Le printemps est évident, car</span><br>
+ <span class="i0">Du c&oelig;ur des Propriétés vertes</span><br>
+ <span class="i0">Le vol de Thiers et de Picard</span><br>
+ <span class="i0">Tient ses splendeurs grandes ouvertes.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Ô mai! Quels délirants cul-nus!</span><br>
+ <span class="i0">Sèvres, Meudon, Bagneux, Asnières,</span><br>
+ <span class="i0">Écoutez donc les bienvenus</span><br>
+ <span class="i0">Semer les choses printanières!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Ils ont schako, sabre et tamtam</span><br>
+ <span class="i0">Non la vieille boîte à bougies</span><br>
+ <span class="i0">Et des yoles qui n'ont jam... jam...</span><br>
+ <span class="i0">Fendent le lac aux eaux rougies!...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Plus que jamais nous bambochons</span><br>
+ <span class="i0">Quand arrivent sur nos tanières<a id="FNanchor_1" name="FNanchor_1"></a><a href="#Footnote_1" class="fnanchor">1</a></span><br>
+ <span class="i0">Crouler les jaunes cabochons</span><br>
+ <span class="i0">Dans des aubes particulières.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Thiers et Picard sont des Éros</span><br>
+ <span class="i0">Des enleveurs d'héliotropes</span><br>
+ <span class="i0">Au pétrole ils font des Corots.</span><br>
+ <span class="i0">Voici hannetonner leurs tropes...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Ils sont familiers du grand turc!...</span><br>
+ <span class="i0">Et couché dans les glaïeuls, Favre,</span><br>
+ <span class="i0">Fait son cillement aqueduc</span><br>
+ <span class="i0">Et ses reniflements à poivre!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">La Grand-Ville a le pavé chaud</span><br>
+ <span class="i0">Malgré vos douches de pétrole</span><br>
+ <span class="i0">Et décidément il nous faut</span><br>
+ <span class="i0">Nous secouer dans votre rôle...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Et les ruraux qui se prélassent</span><br>
+ <span class="i0">Dans de longs accroupissements</span><br>
+ <span class="i0">Entendront des rameaux qui cassent</span><br>
+ <span class="i0">Parmi les rouges froissements.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_1" id="Footnote_1"></a>
+<a href="#FNanchor_1">
+<span class="label">[1]</span></a> Quand viennent sur nos fourmilières (<i>var. de l'auteur</i>).</p>
+</div>
+
+
+
+<h2><a name="t34" id="t34"></a>MES PETITES AMOUREUSES</h2>
+
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Un hydrolat lacrymal lave</span><br>
+ <span class="i1">Les cieux vert-chou:</span><br>
+ <span class="i0">Sous l'arbre tendronnier qui bave</span><br>
+ <span class="i1">Vos caoutchoucs.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Blancs de lunes particulières</span><br>
+ <span class="i1">Aux pialats ronds,</span><br>
+ <span class="i0">Entrechoquez vos genouillères</span><br>
+ <span class="i1">Mes laiderons!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Nous nous aimions à cette époque,</span><br>
+ <span class="i1">Bleu laideron:</span><br>
+ <span class="i0">On mangeait des &oelig;ufs à la coque</span><br>
+ <span class="i1">Et du mouron!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Un soir tu me sacras poète,</span><br>
+ <span class="i1">Blond laideron.</span><br>
+ <span class="i0">Descends ici que je te fouette</span><br>
+ <span class="i1">En mon giron;</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">J'ai dégueulé ta bandoline</span><br>
+ <span class="i1">Noir laideron;</span><br>
+ <span class="i0">Tu couperais ma mandoline</span><br>
+ <span class="i1">Au fil du front.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Pouah! nos salives desséchées</span><br>
+ <span class="i1">Roux laideron</span><br>
+ <span class="i0">Infectent encor les tranchées</span><br>
+ <span class="i1">De ton sein rond!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Ô mes petites amoureuses</span><br>
+ <span class="i1">Que je vous hais!</span><br>
+ <span class="i0">Plaquez de fouffes douloureuses,</span><br>
+ <span class="i1">Vos tétons laids!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Piétinez mes vieilles terrines</span><br>
+ <span class="i1">De sentiment;</span><br>
+ <span class="i0">Hop donc soyez-moi ballerines</span><br>
+ <span class="i1">Pour un moment!...</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Vos omoplates se déboîtent</span><br>
+ <span class="i1">Ô mes amours!</span><br>
+ <span class="i0">Une étoile à vos reins qui boîtent</span><br>
+ <span class="i1">Tournez vos tours.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Est-ce pourtant pour ces éclanches</span><br>
+ <span class="i1">Que j'ai rimé!</span><br>
+ <span class="i0">Je voudrais vous casser les hanches</span><br>
+ <span class="i1">D'avoir aimé!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Fade amas d'étoiles ratées</span><br>
+ <span class="i1">Comblez les coins</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Vous creverez en Dieu, bâtées</span><br>
+ <span class="i1">D'ignobles soins!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Sous les lunes particulières</span><br>
+ <span class="i1">Aux pialats ronds</span><br>
+ <span class="i0">Entrechoquez vos genouillières,</span><br>
+ <span class="i1">Mes laiderons!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+
+
+<h2><a name="t35" id="t35"></a>LES POÈTES DE SEPT ANS</h2>
+
+
+<p class="s"><i>A M. P. Demeny.</i>
+</p>
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Et la Mère, fermant le livre du devoir,</span><br>
+ <span class="i0">S'en allait satisfaite et très fière sans voir,</span><br>
+ <span class="i0">Dans les yeux bleus et sous le front plein d'éminence,</span><br>
+ <span class="i0">L'âme de son enfant livrée aux répugnances.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Tout le jour il suait d'obéissance; très</span><br>
+ <span class="i0">Intelligent; pourtant des tics noirs, quelques traits,</span><br>
+ <span class="i0">Semblaient prouver en lui d'âcres hypocrisies.</span><br>
+ <span class="i0">Dans l'ombre des couloirs aux tentures moisies,</span><br>
+ <span class="i0">En passant il tirait la langue, les deux poings</span><br>
+ <span class="i0">À l'aine, et dans ses yeux fermés voyait des points.</span><br>
+ <span class="i0">Une porte s'ouvrait sur le soir; à la lampe</span><br>
+ <span class="i0">On le voyait, là-haut qui râlait sur la rampe,</span><br>
+ <span class="i0">Sous un golfe de jour pendant du toit. L'été</span><br>
+ <span class="i0">Surtout, vaincu, stupide, il était entêté</span><br>
+ <span class="i0">À se renfermer dans la fraîcheur des latrines:</span><br>
+ <span class="i0">Il pensait là, tranquille et livrant ses narines.</span><br>
+ <span class="i0">Quand, lavé des odeurs du jour, le jardinet</span><br>
+ <span class="i0">Derrière la maison, en hiver s'illunait,</span><br>
+ <span class="i0">Gisant au pied d'un mur, enterré dans la marne</span><br>
+ <span class="i0">Et pour des visions écrasant son &oelig;il darne,</span><br>
+ <span class="i0">Il écoutait grouiller les galeux espaliers.</span><br>
+ <span class="i0">Pitié! Ces enfants seuls étaient ses familiers</span><br>
+ <span class="i0">Qui, chétifs, fronts nus, &oelig;il déteignant sur la joue,</span><br>
+ <span class="i0">Cachant de maigres doigts jaunes et noirs de boue,</span><br>
+ <span class="i0">Sous des habits puant la foire et tout vieillots,</span><br>
+ <span class="i0">Conversaient avec la douceur des idiots!</span><br>
+ <span class="i0">Et si, l'ayant surpris à des pitiés immondes,</span><br>
+ <span class="i0">Sa mère s'effrayait; les tendresses profondes</span><br>
+ <span class="i0">De l'enfant se jetaient sur cet étonnement.</span><br>
+ <span class="i0">C'était bon. Elle avait le bleu regard,&mdash;qui ment!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">À sept ans, il faisait des romans sur la vie</span><br>
+ <span class="i0">Du grand désert, où luit la Liberté ravie,</span><br>
+ <span class="i0">Forêts, soleils, rives, savanes!&mdash;Il s'aidait</span><br>
+ <span class="i0">De journaux illustrés où, rouge, il regardait</span><br>
+ <span class="i0">Des Espagnoles rire et des Italiennes.</span><br>
+ <span class="i0">Quand venait, l'&oelig;il brun, folle, en robes d'indiennes,</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Huit ans,&mdash;la fille des ouvriers d'à côté,</span><br>
+ <span class="i0">La petite brutale, et qu'elle avait sauté,</span><br>
+ <span class="i0">Dans un coin, sur son dos, en secouant ses tresses,</span><br>
+ <span class="i0">Et qu'il était sous elle, il lui mordait les fesses,</span><br>
+ <span class="i0">Car elle ne portait jamais de pantalons;</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Et, par elle meurtri des poings et des talons</span><br>
+ <span class="i0">Remportait les saveurs de sa peau dans sa chambre.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Il craignait les blafards dimanches de décembre,</span><br>
+ <span class="i0">Où, pommadé, sur un guéridon d'acajou,</span><br>
+ <span class="i0">Il lisait une Bible à la tranche vert-chou;</span><br>
+ <span class="i0">Des rêves l'oppressaient chaque nuit dans l'alcôve.</span><br>
+ <span class="i0">Il n'aimait pas Dieu; mais les hommes, qu'au soir fauve,</span><br>
+ <span class="i0">Noirs, en blouse, il voyait rentrer dans le faubourg</span><br>
+ <span class="i0">Où les crieurs, en trois roulements de tambour</span><br>
+ <span class="i0">Font autour des édits rire et gronder les foules.</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Il rêvait la prairie amoureuse, où des houles</span><br>
+ <span class="i0">Lumineuses, parfums sains, pubescences d'or,</span><br>
+ <span class="i0">Font leur remuement calme et prennent leur essor!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Et comme il savourait surtout les sombres choses,</span><br>
+ <span class="i0">Quand, dans la chambre nue aux persiennes closes,</span><br>
+ <span class="i0">Haute et bleue, âcrement prise d'humidité,</span><br>
+ <span class="i0">Il lisait son roman sans cesse médité,</span><br>
+ <span class="i0">Plein de lourds ciels ocreux et de forêts noyées,</span><br>
+ <span class="i0">De fleurs de chair aux bois sidérals déployées,</span><br>
+ <span class="i0">Vertige, écroulements, déroutes et pitié!</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Tandis que se faisait la rumeur du quartier,</span><br>
+ <span class="i0">En bas,&mdash;seul, et couché sur des pièces de toile</span><br>
+ <span class="i0">Écrue, et pressentant violemment le voile!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+<p class="s2">26 mai 1871.
+</p>
+
+<table border="0" cellpadding="2" cellspacing="0" summary=""
+style="border:2px dotted gray;margin-left:2%;max-width:50%;">
+<tr><td align="center">Note (Project Gutenberg).</td></tr>
+<tr><td align="left">On nous a fait savoir que le terme "le voile" dans la dernière ligne du poème «LES POÈTES DE SEPT ANS», doit être corrigée en "la voile".</td></tr>
+<tr><td align="left">D'après nos recherches, le poème écrit en 1871 se terminait en effet sur les mots "la voile".</td></tr>
+<tr><td align="left">La présente édition de 1895 a été corrigée de la main de Verlaine, sur des épreuves fournies par l'imprimerie Ch. Herissey à Évreux. Il nous est difficile de savoir pourquoi Verlaine a corrigé «la voile» en «le voile», ou s'agit-il d'un moment d'inattention?</td></tr>
+<tr><td align="left">Ce qui est certain, notre édition marque bien «le voile».</td></tr>
+</table>
+
+
+
+
+
+<h2><a name="t36" id="t36"></a>LE C&OElig;UR VOLÉ</h2>
+
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Mon pauvre c&oelig;ur bave à la poupe,</span><br>
+ <span class="i0">Mon c&oelig;ur est plein de caporal;</span><br>
+ <span class="i0">Ils lui lancent des jets de soupe,</span><br>
+ <span class="i0">Mon triste c&oelig;ur bave à la poupe.</span><br>
+ <span class="i0">Sous les quolibets de la troupe</span><br>
+ <span class="i0">Qui pousse un rire général,</span><br>
+ <span class="i0">Mon triste c&oelig;ur brave à la poupe</span><br>
+ <span class="i0">Mon c&oelig;ur est plein de caporal!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Ithyphalliques et pioupiesques,</span><br>
+ <span class="i0">Leurs insultes l'ont dépravé.</span><br>
+ <span class="i0">À la vesprée, ils font des fresques</span><br>
+ <span class="i0">Ithyphalliques et pioupiesques,</span><br>
+ <span class="i0">Ô flots abracadabrantesques</span><br>
+ <span class="i0">Prenez mon c&oelig;ur, qu'il soit sauvé!</span><br>
+ <span class="i0">Ithyphalliques et pioupiesques</span><br>
+ <span class="i0">Leurs insultes l'ont dépravé!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Quand ils auront tari leurs chiques,</span><br>
+ <span class="i0">Comment agir, ô c&oelig;ur volé?</span><br>
+ <span class="i0">Ce seront des refrains bachiques</span><br>
+ <span class="i0">Quand ils auront tari leurs chiques.</span><br>
+ <span class="i0">J'aurai des sursauts stomachiques</span><br>
+ <span class="i0">Si mon c&oelig;ur triste est ravalé:</span><br>
+ <span class="i0">Quand ils auront tari leurs chiques,</span><br>
+ <span class="i0">Comment agir, ô c&oelig;ur volé?</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+
+
+<h2><a name="t37" id="t37"></a>TÊTE DE FAUNE</h2>
+
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Dans la feuillée, écrin vert taché d'or,</span><br>
+ <span class="i0">Dans la feuillée incertaine et fleurie,</span><br>
+ <span class="i0">D'énormes fleurs où l'âcre baiser dort</span><br>
+ <span class="i0">Vif et devant l'exquise broderie,</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Le Faune affolé montre ses grands yeux</span><br>
+ <span class="i0">Et mord la fleur rouge avec ses dents blanches</span><br>
+ <span class="i0">Brunie et sanglante ainsi qu'un vin vieux,</span><br>
+ <span class="i0">Sa lèvre éclate en rires par les branches;</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Et quand il a fui, tel un écureuil,</span><br>
+ <span class="i0">Son rire perle encore à chaque feuille</span><br>
+ <span class="i0">Et l'on croit épeuré par un bouvreuil</span><br>
+ <span class="i0">Le baiser d'or du bois qui se recueille.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+
+
+<h2><a name="t38" id="t38"></a>POISON PERDU</h2>
+
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Des nuits du blond et de la brune</span><br>
+ <span class="i0">Pas un souvenir n'est resté;</span><br>
+ <span class="i0">Pas une dentelle d'été,</span><br>
+ <span class="i0">Pas une cravate commune.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Et sur le balcon, où le thé</span><br>
+ <span class="i0">Se prend aux heures de la lune,</span><br>
+ <span class="i0">Il n'est resté de trace aucune,</span><br>
+ <span class="i0">Aucun souvenir n'est resté,</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Au bord d'un rideau bleu piquée,</span><br>
+ <span class="i0">Luit une épingle à tête d'or</span><br>
+ <span class="i0">Comme un gros insecte qui dort,</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Pointe d'un fin poison trempée,</span><br>
+ <span class="i0">Je te prends, sois-moi préparée</span><br>
+ <span class="i0">Aux heures des désirs de mort.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+
+
+<h2><a name="t39" id="t39"></a>LES CORBEAUX</h2>
+
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Seigneur, quand froide est la prairie,</span><br>
+ <span class="i0">Quand dans les hameaux abattus,</span><br>
+ <span class="i0">Les longs angelus se sont tus</span><br>
+ <span class="i0">Sur la nature défleurie,</span><br>
+ <span class="i0">Faites s'abattre des grands cieux</span><br>
+ <span class="i0">Les chers corbeaux délicieux.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Armée étrange aux cris sévères,</span><br>
+ <span class="i0">Les vents froids attaquent vos nids!</span><br>
+ <span class="i0">Vous, le long des fleuves jaunis,</span><br>
+ <span class="i0">Sur les routes aux vieux calvaires,</span><br>
+ <span class="i0">Sur les fossés et sur les trous,</span><br>
+ <span class="i0">Dispersez-vous, ralliez-vous!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Par milliers, sur les champs de France,</span><br>
+ <span class="i0">Où dorment les morts d'avant-hier,</span><br>
+ <span class="i0">Tournoyez, n'est-ce pas, l'hiver,</span><br>
+ <span class="i0">Pour que chaque passant repense!</span><br>
+ <span class="i0">Sois donc le crieur du devoir,</span><br>
+ <span class="i0">Ô notre funèbre oiseau noir!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Mais, saints du ciel, en haut du chêne,</span><br>
+ <span class="i0">Mât perdu dans le soir charmé,</span><br>
+ <span class="i0">Laissez les fauvettes de mai</span><br>
+ <span class="i0">Pour ceux qu'au fond du bois enchaîne,</span><br>
+ <span class="i0">Dans l'herbe d'où l'on ne peut fuir,</span><br>
+ <span class="i0">La défaite sans avenir.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p class="s2">1872.
+</p>
+
+
+
+<h2><a name="t40" id="t40"></a>PATIENCE</h2>
+
+
+<p class="s"><i>D'un été.</i>
+</p>
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Aux branches claires des tilleurs</span><br>
+ <span class="i0">Meurt un maladif hallali.</span><br>
+ <span class="i0">Mais des chansons spirituelles</span><br>
+ <span class="i0">Voltigent partout les groseilles.</span><br>
+ <span class="i0">Que notre sang rie en nos veines,</span><br>
+ <span class="i0">Voici s'enchevêtrer les vignes.</span><br>
+ <span class="i0">Le ciel est joli comme un ange,</span><br>
+ <span class="i0">Azur et Onde communient.</span><br>
+ <span class="i0">Je sors! Si un rayon me blesse,</span><br>
+ <span class="i0">Je succomberai sur la mousse.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Qu'on patiente et qu'on s'ennuie,</span><br>
+ <span class="i0">C'est si simple!... Fi de ces peines!</span><br>
+ <span class="i0">Je veux que l'été dramatique</span><br>
+ <span class="i0">Me lie à son char de fortune.</span><br>
+ <span class="i0">Que par toi beaucoup, ô Nature,</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Ah! moins nul et moins seul! je meure,</span><br>
+ <span class="i0">Au lieu que les bergers, c'est drôle,</span><br>
+ <span class="i0">Meurent à peu près par le monde.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Je veux bien que les saisons m'usent.</span><br>
+ <span class="i0">À toi, Nature! je me rends,</span><br>
+ <span class="i0">Et ma faim et toute ma soif;</span><br>
+ <span class="i0">Et s'il te plaît, nourris, abreuve.</span><br>
+ <span class="i0">Rien de rien ne m'illusionne;</span><br>
+ <span class="i0">C'est rire aux parents qu'au soleil;</span><br>
+ <span class="i0">Mais moi je ne veux rire à rien,</span><br>
+ <span class="i0">Et libre soit cette infortune.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+
+
+<h2><a name="t41" id="t41"></a>JEUNE MÉNAGE</h2>
+
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">La chambre est ouverte au ciel bleu turquin;</span><br>
+ <span class="i0">Pas de place: des coffrets et des huches!</span><br>
+ <span class="i0">Dehors le mur est plein d'aristoloches</span><br>
+ <span class="i0">Où vibrent les gencives des lutins.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Que ce sont bien intrigues de génies</span><br>
+ <span class="i0">Cette dépense et ces désordres vains!</span><br>
+ <span class="i0">C'est la fée africaine qui fournit</span><br>
+ <span class="i0">La mûre, et les résilles dans les coins.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Plusieurs entrent, marraines mécontentes,</span><br>
+ <span class="i0">En pans de lumière dans les buffets,</span><br>
+ <span class="i0">Puis y restent! le ménage s'absente</span><br>
+ <span class="i0">Peu sérieusement, et rien ne se fait.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Le marié a le vent qui le floue</span><br>
+ <span class="i0">Pendant son absence, ici, tout le temps.</span><br>
+ <span class="i0">Même des esprits des eaux malfaisants</span><br>
+ <span class="i0">Entrent vaguer aux sphères de l'alcôve.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">La nuit, l'amie oh, la lune de miel</span><br>
+ <span class="i0">Cueillera leur sourire et remplira</span><br>
+ <span class="i0">De mille bandeaux de cuivre le ciel.</span><br>
+ <span class="i0">Puis ils auront affaire au malin rat.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">&mdash;S'il n'arrive pas un feu follet blême,</span><br>
+ <span class="i0">Comme un coup de fusil, après des vêpres.</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Ô spectres saints et blancs de Bethléem,</span><br>
+ <span class="i0">Charmez plutôt le bleu de leur fenêtre!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p class="s2">27 juin 1872.
+</p>
+
+
+
+<h2><a name="t42" id="t42"></a>MÉMOIRE</h2>
+
+
+<h3>I</h3>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">L'eau claire; comme le sel des larmes d'enfance;</span><br>
+ <span class="i0">L'assaut au soleil des blancheurs des corps de femmes;</span><br>
+ <span class="i0">La soie, en foule et de lys pur des oriflammes</span><br>
+ <span class="i0">Sous les murs dont quelque pucelle eut la défense;</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">L'ébat des anges;&mdash;non... le courant d'or en marche,</span><br>
+ <span class="i0">Meut ses bras, noirs, et lourds, et frais surtout, d'herbe. Elle,</span><br>
+ <span class="i0">Sombre, ayant le ciel bleu pour ciel de lit, appelle</span><br>
+ <span class="i0">Pour rideaux l'ombre de la colline et de l'arche.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+<h3>II</h3>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Eh! l'humide carreau tend ses bouillons limpides!</span><br>
+ <span class="i0">L'eau meuble d'or pâle et sans fond les couches prêtes.</span><br>
+ <span class="i0">Les robes vertes et déteintes des fillettes</span><br>
+ <span class="i0">Font les saules, d'où sautent les oiseaux sans brides.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Plus pure qu'un louis, jaune et chaude paupière</span><br>
+ <span class="i0">Le souci d'eau&mdash;ta foi conjugale, ô l'Épouse!&mdash;</span><br>
+ <span class="i0">Au midi prompt, de son terne miroir, jalouse</span><br>
+ <span class="i0">Au ciel gris de chaleur la sphère rose et chère.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+<h3>III</h3>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Madame se tient trop debout dans la prairie</span><br>
+ <span class="i0">Prochaine où neigent les fils du travail; l'ombrelle</span><br>
+ <span class="i0">Aux doigts; foulant l'ombelle; trop fière pour elle</span><br>
+ <span class="i0">Des enfants lisant dans la verdure fleurie</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Leur livre de maroquin rouge! Hélas, Lui, comme</span><br>
+ <span class="i0">Mille anges blancs qui se séparent sur la route,</span><br>
+ <span class="i0">S'éloigne par delà la montagne! Elle, toute</span><br>
+ <span class="i0">Froide, et noire, court! après le départ de l'homme!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+<h3>IV</h3>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Regrets des bras épais et jeunes d'herbe pure!</span><br>
+ <span class="i0">Or des lunes d'avril au c&oelig;ur du saint lit! Joie</span><br>
+ <span class="i0">Des chantiers riverains à l'abandon, en proie</span><br>
+ <span class="i0">Aux soirs d'août qui faisaient germer ces pourritures!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Qu'elle pleure à présent sous les remparts: l'haleine</span><br>
+ <span class="i0">Des peupliers d'en haut est pour la seule brise.</span><br>
+ <span class="i0">Amis, c'est la nappe, sans reflets, sans source, grise&mdash;</span><br>
+ <span class="i0">Un vieux dragueur, dans sa barque immobile, peine.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+<h3>V</h3>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Jouet de cet &oelig;il d'eau morne, je n'y puis prendre,</span><br>
+ <span class="i0">Ô canot immobile! ô bras trop courts! ni l'une</span><br>
+ <span class="i0">Ni l'autre fleur; ni la jaune qui m'importune,</span><br>
+ <span class="i0">Là; ni la bleue, amis, à l'eau couleur de cendre.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Ah! la poudre des saules qu'une aile secoue!</span><br>
+ <span class="i0">Les roses des roseaux dès longtemps dévorées!...</span><br>
+ <span class="i0">Mon canot toujours fixe; et sa chaîne tirée</span><br>
+ <span class="i0">Au fond de cet &oelig;il d'eau sans bords&mdash;à quelle boue?</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+
+<p><a name="t42a" id="t42a"></a><br><br></p>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Est-elle almée?... aux premières heures bleues</span><br>
+ <span class="i0">Se détruira-t-elle comme les fleurs feues...</span><br>
+ <span class="i0">Devant la splendide étendue où l'on sente</span><br>
+ <span class="i0">Souffler la ville énormément florissante!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">C'est trop beau! c'est trop beau! mais c'est nécessaire</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;Pour la Pêcheuse et la chanson du corsaire,</span><br>
+ <span class="i0">Et aussi puisque les derniers masques crurent</span><br>
+ <span class="i0">Encore aux fêtes de nuit sur la mer pure!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p class="s2">Juillet 1872
+</p>
+
+
+
+<h2><a name="t43" id="t43"></a>FÊTES DE LA FAIM</h2>
+
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i2">Ma faim, Anne, Anne,</span><br>
+ <span class="i2">Fuis sur ton âne.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Si j'ai du goût, ce n'est guères</span><br>
+ <span class="i0">Que pour la terre et les pierres</span><br>
+ <span class="i0">Dinn! dinn! dinn! dinn! Mangeons l'air,</span><br>
+ <span class="i0">Le roc, les terres, le fer,</span><br>
+ <span class="i4">Charbons.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Mes faims, tournez. Paissez, faims,</span><br>
+ <span class="i2">Le pré des sons!</span><br>
+ <span class="i0">Attirez le gai venin</span><br>
+ <span class="i2">Des liserons;</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Mangez les cailloux qu'un pauvre brise,</span><br>
+ <span class="i0">Les vieilles pierres d'églises,</span><br>
+ <span class="i0">Les galets, fils des déluges,</span><br>
+ <span class="i0">Pains couchés aux vallées grises!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Des faims, c'est les bouts d'air noir;</span><br>
+ <span class="i2">L'azur sonneur;</span><br>
+ <span class="i0">&mdash;C'est l'estomac qui me tire,</span><br>
+ <span class="i2">C'est le malheur.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">Sur terre ont paru les feuilles:</span><br>
+ <span class="i0">Je vais aux chairs de fruit blettes,</span><br>
+ <span class="i0">Au sein du sillon je cueille</span><br>
+ <span class="i0">La doucette et la violette.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+
+ <div class="stanza">
+ <span class="i2">Ma faim, Anne, Anne!</span><br>
+ <span class="i2">Fuis sur ton âne.</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p class="s2">Août 1872.
+</p>
+
+
+
+<h2>PROSE</h2>
+
+
+
+
+<h2><a name="t44" id="t44"></a>I<br>
+FLAIRY</h2>
+
+
+<p>Pour Hélène se conjurèrent les sèves ornementales
+dans les ombres vierges et les clartés impassibles dans
+le silence astral. L'ardeur de l'été fut confiée à des
+oiseaux muets et l'indolence requise à une barque de
+deuils sans prix par des anses d'amours morts et de
+parfums affaissés.</p>
+
+<p>Après le moment de l'air des bûcheronnes à la
+rumeur du torrent sous la ruine des bois, de la sonnerie
+des bestiaux à l'écho des vals, et des cris des
+steppes.</p>
+
+<p>Pour l'enfance d'Hélène frissonnèrent les fourrés et
+les ombres, et le sein des pauvres, et les légendes du
+ciel.</p>
+
+<p>Et ses yeux et sa danse supérieurs encore aux éclats
+précieux, aux influences froides, au plaisir du décor et
+de l'heure uniques.</p>
+
+
+
+
+<h2><a name="t45" id="t45"></a>II<br>
+GUERRE</h2>
+
+
+<p>Enfant, certains ciels ont affiné mon optique, tous
+les caractères nuancèrent ma physionomie. Les phénomènes
+s'émurent. À présent l'inflexion éternelle
+des moments de l'infini des mathématiques me chassent
+par ce monde où je subis tous les succès civils,
+respecté de l'enfance étrange et des affections énormes.
+Je songe à une guerre, de droit ou de force, de logique
+bien imprévue.</p>
+
+<p>C'est aussi simple qu'une phrase musicale.</p>
+
+
+
+
+<h2><a name="t46" id="t46"></a>III<br>
+GÉNIE</h2>
+
+
+<p>Il est l'affection et le présent puisqu'il a fait la maison
+ouverte à l'hiver écumeux et à la rumeur de l'été,
+lui qui a purifié les boissons et les aliments, lui qui
+est le charme des lieux fuyant et le délice surhumain
+des stations. Il est l'affection et l'avenir, la force et
+l'amour que nous, debout dans les rages et les ennuis,
+nous voyons passer dans le ciel de tempête et les drapeaux
+d'extase.</p>
+
+<p>Il est l'amour, mesure parfaite et réinventée, raison
+merveilleuse et imprévue, et l'éternité: machine aimée
+des qualités fatales. Nous avons tous eu l'épouvante
+de sa concession et de la nôtre: ô jouissance de notre
+santé, élan de nos facultés, affection égoïste et passion
+pour lui, lui qui nous aime pour sa vie infinie...</p>
+
+<p>Et nous nous le rappelons et il voyage... Et si
+l'Adoration s'en va, sonne, sa promesse sonne:
+«Arrière ces superstitions, ces anciens corps, ces
+ménages et ces âges. C'est cette époque-ci qui a sombré!»</p>
+
+<p>Il ne s'en ira pas, il ne redescendra pas d'un ciel,
+il n'accomplira pas la rédemption des colères de
+femmes et des gaîtés des hommes et de tout ce péché:
+car c'est fait, lui étant, et étant aimé.</p>
+
+<p>Ô ses souffles, ses têtes, ses courses; la terrible célérité
+de la perfection des formes et de l'action.</p>
+
+<p>Ô fécondité de l'esprit et immensité de l'univers!</p>
+
+<p>Son corps! Le dégagement rêvé le brisement de la
+grâce croisée de violence nouvelle! sa vue, sa vue!
+tous les agenouillages anciens et les peines <i>relevés</i> à
+sa suite.</p>
+
+<p>Son jour! l'abolition de toutes souffrances sonores
+et mouvantes dans la musique plus intense.</p>
+
+<p>Son pas! les migrations plus énormes que les
+anciennes invasions.</p>
+
+<p>Ô Lui et nous! l'orgueil plus bienveillant que les
+charités perdues.</p>
+
+<p>Ô monde! et le chant clair des malheurs nouveaux!</p>
+
+<p>Il nous a connus tous et nous a tous tous aimé.
+Sachons, cette nuit d'hiver, de cap en cap, du pôle
+tumultueux au château, de la foule à la plage, de
+regards en regards, forces et sentiments las, le héler
+et le voir, et le renvoyer, et sous les marées et au haut
+des déserts de neige, suivre ses vues, ses souffles, son
+corps, son jour.</p>
+
+
+
+
+<h2><a name="t47" id="t47"></a>IV<br>
+JEUNESSE</h2>
+
+
+<h3><a name="t47-1" id="t47-1"></a>I<br>
+DIMANCHE</h3>
+
+<p>Les calculs de côté, l'inévitable descente du ciel, la
+visite des souvenirs et la séance des rythmes occupent
+la demeure, la tête et le monde de l'esprit.</p>
+
+<p>&mdash;Un cheval détale sur le turf suburbain, le long des
+cultures et des boisements, percé par la peste carbonique.
+Une misérable femme de drame, quelque part
+dans le monde soupire après les abandons improbables.
+Les desperadves languissent après l'orage, l'ivresse et
+les blessures. De petits enfants étouffent des malédictions
+le long des rivières.</p>
+
+<p>Reprenons l'étude au bruit de l'&oelig;uvre dévorante qui
+se rassemble et se monte dans les masses.</p>
+
+
+<h3><a name="t47-2" id="t47-2"></a>II<br>
+SONNET</h3>
+
+<p><i>Homme</i> de constitution ordinaire, la chair n'était-elle
+pas un fruit pendu dans le verger, ô journées
+enfantes! le corps un trésor à prodiguer; ô aimer, le
+péril ou la force de Psyché? La terre avait des versants
+fertiles en princes et en artistes, et la descendance
+et la race nous poussaient aux crimes et aux
+deuils: ce monde votre fortune et votre péril. Mais à
+présent, le labeur comblé, toi, tes calculs, toi, tes
+impatiences, ne sont plus que votre danse et votre
+voix, non fixées et point forcées, quoique d'un double
+événement d'invention et de succès une liaison, en
+l'humanité fraternelle est discrète par l'univers sans
+images;&mdash;la force et le droit réfléchissent la danse
+et la voix à présent seulement appréciées.</p>
+
+
+<h3><a name="t47-3" id="t47-3"></a>III<br>
+VINGT ANS</h3>
+
+<p>Les voix instructives exilées... L'ingénuité physique
+amèrement rassise... Adagio. Ah! l'égoïsme infini de
+l'adolescence, l'optimisme studieux: que le monde
+était plein de fleurs cet été! Les airs et les formes
+mourant... Un ch&oelig;ur, pour calmer l'impuissance et
+l'absence! Un ch&oelig;ur de verres de mélodies nocturnes...
+En effet les nerfs vont vite chasser.</p>
+
+
+<h3><a name="t47-4" id="t47-4"></a>IV</h3>
+
+<p>Tu en es encore à la tentation d'Antoine. L'ébat du
+zèle écourté, les tics d'orgueil, l'affaissement et l'effroi.
+Mais tu te mettras à ce travail: toutes les possibilités
+harmoniques et architecturales s'émouvront autour de
+ton siège. Des êtres parfaits, imprévus, s'offriront à tes
+expériences. Dans tes environs affluera rêveusement
+la curiosité d'anciennes foules et de luxes oisifs. Ta
+mémoire et tes sens ne seront que la nourriture de
+ton impulsion créatrice. Quant au monde, quand tu
+sortiras, que sera-t-il devenu? En tout cas, rien des
+apparences actuelles.</p>
+
+
+
+
+<h2><a name="t48" id="t48"></a>V<br>
+SOLDES</h2>
+
+
+<p>À vendre ce que les Juifs n'ont pas vendus, ce que
+noblesse ni crime n'ont goûté, ce qu'ignorent l'amour
+maudit et la probité infernale des masses; ce que le
+temps ni la science n'ont pas à reconnaître:</p>
+
+<p>Les voix reconstituées; l'éveil fraternel de toutes les
+énergies chorales et orchestrales, et leurs applications
+instantanées, l'occasion, unique, de dégager nos sens!</p>
+
+<p>À vendre les corps sans prix, hors de toute race, de
+tout monde, de tout sexe, de toute descendance! Les
+richesses jaillissant à chaque démarche! Solde de diamants
+sans contrôle!</p>
+
+<p>À vendre l'anarchie pour les masses; la satisfaction
+irrépréssible pour les amateurs supérieurs; la mort
+atroce pour les fidèles et les amants!</p>
+
+<p>À vendre les habitations et les migrations, sports,
+féeries et conforts parfaits, et le bruit, le mouvement
+et l'avenir qu'ils font:</p>
+
+<p>À vendre les applications de calcul et sauts d'harmonie
+inouïs. Les trouvailles et les termes non
+soupçonnés, possession immédiate.</p>
+
+<p>Élan insensé et infini aux splendeurs et invisibles
+aux délices insensibles, et ses secrets affolants pour
+chaque vice, et sa gaîté effroyante pour la foule.</p>
+
+<p>À vendre les corps, les voix, l'immense opulence
+inquestionable, ce qu'on ne vendra jamais. Les vendeurs
+ne sont pas à bout de solde! Les voyageurs
+n'ont pas à rendre leur commission de sitôt!</p>
+
+
+
+
+<h2>TABLE</h2>
+
+
+<ul>
+<li><a href="#preface">PRÉFACE</a></li>
+<li><a href="#t1">Les étrennes des orphelins</a></li>
+<li><a href="#t2">Voyelles</a></li>
+<li><a href="#t3">Oraison du soir</a></li>
+<li><a href="#t4">Les assis</a></li>
+<li><a href="#t5">Les effarés</a></li>
+<li><a href="#t6">Les chercheuses de poux</a></li>
+<li><a href="#t7">Bateau ivre</a></li>
+<li><a href="#t8">Premières communions</a></li>
+<li><a href="#t9">L'orgie parisienne ou Paris se repeuple</a></li>
+<li><a href="#t10">Accroupissements</a></li>
+<li><a href="#t11">Les pauvres à l'église</a></li>
+<li><a href="#t12">Ce qui retient Nina</a></li>
+<li><a href="#t13">Vénus Anadyomène</a></li>
+<li><a href="#t13a">Morts de quatre-vingt-douze</a></li>
+<li><a href="#t14">Comédie en trois baisers</a></li>
+<li><a href="#t15">Sensation</a></li>
+<li><a href="#t16">Bal des pendus</a></li>
+<li><a href="#t17">Roman</a></li>
+<li><a href="#t18">Rages de Césars</a></li>
+<li><a href="#t19">Le mal</a></li>
+<li><a href="#t20">Ophélie</a></li>
+<li><a href="#t21">Le châtiment de Tartufe</a></li>
+<li><a href="#t22">À la musique</a></li>
+<li><a href="#t23">Le forgeron</a></li>
+<li><a href="#t24">Soleil et chair</a></li>
+<li><a href="#t25">Le dormeur du Val</a></li>
+<li><a href="#t26">Au Cabaret Vert</a></li>
+<li><a href="#t27">La Maline</a></li>
+<li><a href="#t28">L'éclatante victoire de Sarrebruck</a></li>
+<li><a href="#t29">Rêvé pour l'hiver</a></li>
+<li><a href="#t30">Le buffet</a></li>
+<li><a href="#t31">Ma bohème</a></li>
+<li><a href="#t32">Entends comme Brame</a></li>
+<li><a href="#t33">Chant de guerre parisien</a></li>
+<li><a href="#t34">Mes petites amoureuses</a></li>
+<li><a href="#t35">Les poètes de sept ans</a></li>
+<li><a href="#t36">Le c&oelig;ur volé</a></li>
+<li><a href="#t37">Tête de faune</a></li>
+<li><a href="#t38">Poison perdu</a></li>
+<li><a href="#t39">Les corbeaux</a></li>
+<li><a href="#t40">Patience</a></li>
+<li><a href="#t41">Jeune ménage</a></li>
+<li><a href="#t42">Mémoire</a></li>
+<li><a href="#t42a">... Est-elle almée?</a></li>
+<li><a href="#t43">Fêtes de la faim (variante)</a></li>
+</ul>
+<h3>PROSE</h3>
+
+<ul>
+<li><a href="#t44">Fairy</a></li>
+<li><a href="#t45">Guerre</a></li>
+<li><a href="#t46">Génie</a></li>
+<li><a href="#t47">Jeunesse</a></li>
+<li><a href="#t47-1">I. Dimanche</a></li>
+<li><a href="#t47-2">II. Sonnet</a></li>
+<li><a href="#t47-3">III. Vingt ans</a></li>
+<li><a href="#t47-4">IV. Tu en es encore</a></li>
+<li><a href="#t48">Solde</a></li>
+</ul>
+
+<div class="trnote"><h3>Notes sur la transcription</h3>
+
+<p>On a effectué les corrections suivantes:</p>
+
+<ul>
+<li>ombragé => ombré (On paie au Prêtre un toit ombragé d'une charmille)</li>
+<li>retiré «petits» (De s'entendre appeler garces par les petits garçons)</li>
+<li>retiré «fortes» (Elle eut soif de la nuit forte où s'exalte et s'abaisse)</li>
+<li>Boète => Poète (Le Boète prendra le sanglot des Infâmes)</li>
+<li>gravements => gravement (Et parfois en hoquets fort gravements bouffons)</li>
+<li>ajouté «est Roi!» (&mdash;Et pourtant, plus de dieux! plus de dieux! l'Homme)</li>
+<li>dlamants => diamants (Solde de dlamants sans contrôle!)</li>
+</ul>
+<p><a name="annexe" id="annexe"></a>On donne ici la préface selon les épreuves, avant et après correction.</p>
+
+<blockquote>
+
+
+
+
+<h2>PRÉFACE</h2>
+
+<p class="c">ARTHUR RIMBAUD</p>
+
+<p class="c">SES POÉSIES COMPLÈTES</p>
+
+
+<p>À mon avis tout à fait intime, j'eusse préféré,
+en dépit de tant d'intérêt s'attachant intrinsèquement
+presque aussi bien que chronologiquement
+à beaucoup de pièces du présent recueil<ins>,</ins> que
+celui-ci fût allégé pour<ins>,</ins> surtout<ins>,</ins> des causes littéraires <ins>:</ins>
+trop de jeunesse décidément, d'inexpériences
+mal savoureuses, point d'assez heureuses
+naïvetés. J'eusse, si le maître, donné juste un
+dessus de panier, quitte à regretter que le reste
+dût disparaître, ou<ins>,</ins> alors<ins>,</ins> ajouté ce reste à la fin
+du livre, après la table des matières et sans table
+des matières quant à ce qui l'eût concerné, sous
+la rubrique «pièces attribuées à l'auteur», encore
+excluant de cette peut-être trop indulgente déjà
+hospitalité les tout à fait apocryphes sonnets publiés<ins>,</ins>
+sous le nom glorieux et désormais sacré<ins>,</ins>
+par de spirituels parodistes.</p>
+
+<p>Quoi qu'il en soit, voici, seulement <del>expurgée</del> <ins>expurgé</ins>
+des apocryphes en question et <del>classée</del> <ins>classé</ins> aussi soigneusement
+que possible par ordre de dates,
+mais, hélas! <del>privée</del> <ins>privé</ins> de trop de choses qui furent<ins>,</ins>
+aux déplorables fins de puériles et criminelles
+rancunes<ins>,</ins> sans même d'excuses suffisamment
+bêtes, confisquées, confisquées? volées! pour tout
+et mieux dire, dans les tiroirs fermés d'un absent<del>.</del> <ins>,</ins>
+<del>Voici</del> <ins>voici</ins> <i>le livre des poésies complètes d'Arthur
+Rimbaud</i><ins>,</ins> avec ses additions inutiles à mon avis
+et ses déplorables mutilations irréparables à jamais,
+il faut le craindre.</p>
+
+<p>Justice est donc faite, et bonne et complète<ins>,</ins>
+car en outre du présent fragment de l'<del>&oelig;uvre</del> <ins>[illisible]</ins>, il y
+a eu des reproductions par la Presse et la Librairie
+des choses en prose si inappréciables, peut-être
+même si supérieures aux vers, dont quelques-uns
+pourtant incomparables, que je sache!</p>
+
+<p>Ici, avant de procéder plus avant, dans ce très
+sérieux et très sincère et pénible et douloureux travail,
+il me sied et me plaît de remercier mes amis
+Dujardin et Kahn, Fénéon, et ce trop méconnu,
+trop modeste Anatole Baju, de leur intervention
+en un cas si beau, mais<del>,</del> à l'époque<del>,</del> <del>periculent</del> <ins>périculeux</ins>, je
+vous l'assure, car je ne le sais que trop.</p>
+
+<p>Kahn et Dujardin disposaient néanmoins de
+revues jeunes et d'aspect presque imposant, un
+peu d'outre-Rhin et parfois, pour ainsi dire<ins>,</ins> pédantesques;
+depuis il y a eu encore du plomb dans
+l'aile de ces périodiques changés de direction&mdash;et
+Baju, naïf<ins>,</ins> eut aussi son influence, vraiment.</p>
+
+<p>Tous trois firent leur devoir en faveur de mes
+efforts pour Rimbaud, Baju avec le tort<ins>,</ins> peut-être
+inconscient<ins>,</ins> de publier<ins>,</ins> à l'appui de la bonne
+thèse<ins>,</ins> des gloses farceuses de gens de talent et
+surtout d'esprit qui auraient mieux fait certainement
+de travailler pour leur compte, qui en
+valait, je le leur dis en toute sincérité,</p>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">La peine assurément!</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p>Mais un devoir sacré m'incombe, en dehors de
+toute diversion même quasiment nécessaire, vite.
+C'est de rectifier des faits d'abord&mdash;et ensuite
+d'élucider un peu la disposition, à mon sens, mal
+littéraire, mais conçue dans un but tellement
+respectable! du présent volume des <i>Poésies complètes
+d'Arthur Rimbaud.</i></p>
+
+<p>On a tout dit<ins>,</ins> en une préface abominable que
+la Justice a châtiée, d'ailleurs par la saisie, <del>de
+par</del> <ins>sur</ins> la requête d'un galant homme de qui la signature
+avait été escroquée, M. Rodolphe Darzens,
+on a <del>donc</del> dit tout le mauvais sur Rimbaud,
+homme et poète.</p>
+
+<p>Ce mauvais-là, il faut malheureusement, mais
+carrément, l'amalgamer avec celui qu'a écrit,
+pensé sans nul doute, un homme de talent dans
+un journal d'irréprochable tenue. Je veux parler
+de M. Charles Maurras et en appeler de lui à lui
+mieux informé.</p>
+
+<p>Je lis, par exemple, ceci de lui, M. Charles
+Maurras<del>.</del> <ins>:</ins></p>
+
+<p><del><i>Au dîner du Bon Bock</i></del> <ins>«Au dîner du Bon Bock»</ins>,
+or il n'y avait pas
+alors, de <i>dîner du Bon Bock</i> où nous allassions,
+Valade, Mérat, Silvestre, quelques autres Parnassiens<del>, ou</del>
+<ins>[et]</ins> moi, <del>ou</del> <ins>ni</ins> par conséquent Rimbaud avec
+nous, mais bien un dîner mensuel des <i>Vilains
+Bonshommes</i> <ins>[note illisible]</ins>, fondé <del>bien</del> avant la guerre et
+qu'avaient honoré quelquefois Théodore de Banville
+et, de la part de Sainte-Beuve, <del>son</del> <ins>le</ins> secrétaire <ins>de celui-ci,</ins>
+M. Jules Troubat. Au moment dont il est
+question, fin 1871, nos «assises» se tenaient au
+premier étage d'un marchand de vins établi au
+coin de la rue Bonaparte et de la place Saint-Sulpice,
+vis-à-vis d'un libraire d'occasion (rue
+Bonaparte) et (rue du Vieux-Colombier) d'un
+<del>marchand</del> <ins>négociant</ins> <del>d'</del> <ins>[en] </ins>objets religieux <ins>.</ins>
+<del><i>Au dîner du Bon Bock</i></del> <ins>«Au dîner du Bon Bock</ins>,
+dit donc M. Maurras,
+ses reparties (à Rimbaud) causaient de grands
+scandales. Ernest d'Hervilly le rappelait en vain
+à la raison. <span class="sc">Carjat le mit à la porte.</span> Rimbaud
+attendit <del>patiemment</del> <ins><i>patiemment</i></ins> à la porte et Carjat reçut à
+la sortie un «bon» (je retiens «bon») coup de
+canne à épée <del>dans le ventre.</del> <ins><span class="sc">dans le ventre.</span>»</ins></p>
+
+<p>Je n'ai pas à invoquer le témoignage de d'Hervilly
+qui est un cher poète et un cher ami, parce
+qu'il n'a jamais été plus l'auteur d'une intervention
+absurdement inutile que l'objet d'une insulte
+ignoble publiée sans la plus simple pudeur, non
+plus que sans la moindre conscience du faux ou
+du vrai dans la préface de l'édition <del>de M.</del> Genonceaux<del>,
+cet exotique à Paris d'ailleurs failli depuis
+ou quelque chose comme cela</del>; ni celui de M. Carjat
+lui-même<ins>, par trop juge et partie</ins>, ni <ins>celui</ins> des encore assez nombreux survivants
+d'une scène assurément peu glorieuse pour
+Rimbaud, mais démesurément grossie et dénaturée
+jusqu'à la plus complète calomnie.</p>
+
+<p>Voici donc un récit succinct<ins>,</ins> mais vrai<del>,</del> jusque
+dans le moindre détail, du «drame» en question<del>;</del> <ins>:</ins>
+ce soir-là<ins>,</ins> aux <i>Vilains Bonshommes</i><ins>,</ins> on avait lu
+beaucoup de vers après le dessert et le café.
+Beaucoup de vers, même à la fin d'un dîner
+(plutôt modeste), ce n'est pas toujours des moins
+fatigants, particulièrement quand ils sont un peu
+bien déclamatoires comme ceux dont <i>vraiment</i> il
+s'agissait (et non du bon poète Jean Aicard). Ces
+vers étaient d'un monsieur qui faisait beaucoup
+de sonnets à l'époque et de qui le nom m'échappe.</p>
+
+<p>Et<ins>,</ins> sur le début suivant<ins>,</ins> après passablement
+d'autres choses d'autres gens:</p>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0"><i>On dirait des soldats d'Agrippa d'Aubigné</i></span><br>
+ <span class="i0"><i>Alignés au cordeau par Philibert Delorme <ins>...</ins></i></span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p>Rimbaud eut le tort incontestable de protester
+d'abord entre haut et bas contre la prolongation
+d'à la fin abusives récitations. Sur quoi M. Etienne
+Carjat<ins>,</ins> le photographe<del>,</del> poète de qui le récitateur
+était l'ami littéraire et artistique, s'interposa trop
+vite et trop vivement à mon gré, traitant l'interrupteur
+de gamin. Rimbaud qui ne savait supporter
+la boisson, et que l'on avait contracté dans
+ces «agapes» pourtant modérées, la mauvaise
+habitude de gâter au point de vue du vin et des
+liqueurs,&mdash;Rimbaud qui se trouvait gris, prit
+mal la chose, se saisit d'une canne à épée à moi qui
+était derrière nous<ins>,</ins> voisins immédiats et, par-dessus
+la table large de près de deux mètres,
+dirigea vers M. Carjat qui se trouvait en face ou
+tout comme<ins>,</ins> la lame dégainée qui ne fit pas heureusement
+de très grands ravages, puisque le
+sympathique ex-directeur du <i>Boulevard</i> ne reçut,
+si j'en crois ma mémoire qui est excellente dans
+ce cas, qu'une éraflure très légère <ins>à une main</ins>.</p>
+
+<p>Néanmoins l'alarme fut grande et la tentative
+très regrettable, vite et plus vite encore réprimée.
+J'arrachai la lame au furieux, la brisai sur mon
+genou et confiai, devant rentrer de très bonne
+heure chez moi<del> où ma femme était dans un état
+de grossesse avancé pour ne pas excuser de trop
+longue ou fréquentes miennes absences de la
+maison</del>, le <del>garçon</del> <ins>[«gamin»]</ins> à moitié dégrisé maintenant<ins>,</ins>
+au peintre bien connu, Michel de l'Hay<ins>,</ins> alors déjà
+un solide gaillard en outre d'un tout jeune homme
+des plus remarquablement beaux qu'il soit donné
+de voir, qui eut tôt fait de reconduire à son domicile
+de la rue Campagne-Première, en le chapitrant
+d'importance, <del>le «gamin»</del> <ins>notre jeune intoxiqué</ins> de qui l'accès
+de colère ne tarda pas à se dissiper tout à fait<ins>,</ins>
+avec les fumées du vin et de l'alcool<ins>,</ins> dans le
+sommeil réparateur de la seizième année.</p>
+
+<p>Avant de «lâcher» tout à fait M. Charles
+Maurras, je lui demanderai de <del>m'autoriser à
+m'</del> expliquer <del>une dernière fois</del> sur un malheureux
+membre de phrase de lui me concernant.</p>
+
+<p>À propos de la question d'ailleurs subsidiaire
+de savoir si <del>M.</del> Rimbaud était beau ou laid,
+M. Maurras qui ne l'a jamais vu et qui le trouve
+laid, d'après des témoins «plus rassis» que votre
+serviteur, me blâmerait presque, ma parole
+d'honneur! d'avoir dit qu'il avait (Rimbaud) un
+visage parfaitement ovale d'ange en exil, une forte
+bouche rouge au pli amer <del>(</del>et <ins>(</ins><i>in cauda venenum!</i>)
+<del>ce Latin et Romain et Grec et Italien! Que vous êtes, M. Maurras, ô gros voluptueux (à la Wilde!)</del> des
+«jambes sans rivales».</p>
+
+<p>Ça c'est<del> bête</del>, je veux <ins>bien</ins> le croire, <ins>idiot</ins> sans plus<ins>,</ins> autrement,
+quoi? Voici toujours <i>ma</i> phrase sur les
+jambes en question, extraite des <i>Homme d'aujourd'hui</i>.
+Au surplus, lisez toute la petite biographie.
+Elle répond à tout d'<i>avance</i>, et coûte
+deux sous.</p>
+
+<p>«... Des projets pour la Russie, une anicroche
+à Vienne (Autriche), quelques mois en France,
+d'Arras et Douai à Marseille, et le Sénégal vers
+lequel bercé par un naufrage<del>,</del> <ins>[;]</ins> puis la Hollande,
+1879-80<del>,</del> <ins>;</ins> vu décharger des voitures de moisson
+dans une ferme à sa mère, entre Attigny et Vouziers,
+et arpenter ces routes maigres de ses
+«<span class="sc">jambes sans rivales</span>».</p>
+
+<p>Voyons, M. Maurras, est-ce bien de bonne foi
+votre confusion entre infatigabilité... et autre
+chose<del>.</del> <ins>?</ins></p>
+
+<p>&mdash;Ouf! j'en ai fini avec les petites (et grosses)
+infamies qui<ins>,</ins> de régions prétendues uniquement
+littéraires, s'insinueraient dans la vie privée pour
+s'y installer<ins>,</ins> et veuillez, lecteur, me permettre de
+m'étendre un peu, maintenant qu'on a brûlé quelque
+sucre, sur le pur plaisir intellectuel de vous
+parler du présent ouvrage qu'on peut ne pas
+aimer, ni même admirer, mais qui a droit à tout
+respect en tout consciencieux examen?</p>
+
+<p>On a laissé les pièces <del>objectionnables</del> <ins>objectionables</ins> au point
+de vue bourgeois, car le point de vue chrétien et
+surtout catholique dont je m'honore d'être un des
+plus indignes peut <ins>-</ins>être mais à coup sûr le plus
+sincère tenant, me semble supérieur <ins>et doit être écarté</ins>&mdash;j'entends,
+notamment les <i>Premières Communions</i>, les
+<i>Pauvres à l'église</i> (pour mon compte, j'eusse
+négligé cette pièce brutale <del>avec</del> <ins>ayant</ins> pourtant ceci<del> qui
+est [illisible]</del>:</p>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i4"><i>... Les malades du foie</i></span><br>
+ <span class="i0"><i>Font baiser leurs longs doigts jaunes<del>.</del> <ins>aux bénitiers.</ins></i></span><br>
+ <span class="i4"><del><i>Aux bénitiers.</i></del></span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p>Quant aux <i>Premières Communions</i> dont j'ai
+sévèrement parlé dans mes <i>Poètes maudits</i> à
+cause de certains vers <del>plutôt irrrévérencieux que</del> <ins>affreusement</ins>
+blasphémateurs<del> (ou réciproquement)</del>, c'est si
+beau!... n'est-ce pas? à travers tant de <del>drôles de</del> <ins>coup[ables]</ins>
+choses... n'est ce pas?</p>
+
+<p>Pour le reste de ce que j'aime parfaitement, le
+<i>Bateau ivre</i>, les <i>Effarés</i>, les <i>Chercheuses de poux</i>
+et<ins>,</ins> bien après<ins>,</ins> les <i>Assis</i> aussi, parbleu! <del>C'est</del> un
+peu fumiste, mais si beau de détails; <i>Sonnet de
+Voyelles</i> qui a fait faire à M. Réné Ghill de ses
+mirobolantes théories<ins>,</ins> et l'ardent <i>Faune</i><del>.</del> <del>C'</del> <ins>[illisible]</ins> est
+parfait de fauves,&mdash;en liberté! et encore une
+fois, je vous le présente, ce «numéro», comme
+autrefois dans <ins>ce petit journal de combat mort en pleine
+brèche</ins> <i>Lutèce</i>, de tout mon c&oelig;ur, de toute
+mon âme et de toutes mes forces.</p>
+
+<p>On a cru devoir<ins>,</ins> évidemment dans un but de
+réhabilitation qui n'a rien à voir ni avec la vie <ins>honorable</ins>
+ni avec l'&oelig;uvre <ins>très intéressante</ins>, <ins>[illisible]</ins> ouvrir le volume par une pièce
+intitulée <i>Étrennes des Orphelins</i>, laquelle assez
+longue pièce, dans le goût un peu <del><i>Guiraud</i></del> <ins>Guiraud</ins> avec
+déjà des beautés tout autres. Ceci qui vaut du
+Desbordes-Valmore:</p>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0"><i>Les tout petits enfants ont le c&oelig;ur si sensible!</i></span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p>Cela:</p>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0"><i>La bise sous le seuil a fini par se taire...</i></span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p>qui est d'un net et d'un vrai, quant à ce qui concerne
+un beau jour de premier janvier. Surtout
+une facture solide<ins>,</ins> même un peu trop<ins>,</ins> qui dit
+l'extrême jeunesse de l'auteur quand il s'en
+servit d'après la formule parnassienne exagérée.</p>
+
+<p>On a cru aussi devoir intercaler de gré ou de
+force un trop long poème: <i>Le Forgeron</i>, daté des
+<i>Tuileries vers le 10 août <del>1892</del> <ins>1792</ins></i>, où vraiment c'est
+trop démoc-soc <ins> [illisible]</ins>, par trop démodé, même en 1870 <ins>où ce fut écrit;</ins>
+mais l'auteur<ins>,</ins> direz-vous, était si, si jeune! Mais,
+répondrais-je, était-ce une raison pour publier
+cette chose faite à coups de «mauvaises lectures»
+dans des manuels surannés ou de trop
+moisis historiens? Je ne m'empresse pas moins
+d'ajouter qu'il y a là encore de très beaux vers.
+Parbleu! avec cet être-là!</p>
+
+<p>Cette caricature de Louis <del>XIV</del> <ins>XVI</ins>, d'abord:</p>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0"><i>Et prenant ce gros-là dans son regard farouche.</i></span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p>Cette autre encore;</p>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0"><i>Or le bon roi, debout sur son ventre<ins>,</ins> était pâle.</i></span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p>Ce cri bien dans le ton juste, trop rare ici <ins>:</ins></p>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0"><i>On ne veut pas de nous dans les boulangeries</i></span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p>Mais j'avoue préférer telles pièces purement
+jolies, mais alors très jolies, d'une joliesse sauvageonne
+ou sauvage tout à fait alors presque aussi
+belles que <del>le <i>Bateau ivre</i></del> <ins>les <i>Effarés</i></ins> ou que
+les <del><i>Premières Communions</i></del> <ins>Assis</ins>.</p>
+
+<p>Il y a<ins>,</ins> dans ce ton<ins>,</ins> <i>Ce qui relient Nina</i>, vingt-neuf
+strophes, plus de cent vers<ins>,</ins> sur un <del>rythme</del> <ins>[rh]ythme</ins>
+sautilleur avec des gentillesse à tout bout de
+champ:</p>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0"><i>Dix-sept ans<del>,</del> <ins>!</ins> tu seras heureuse!</i></span><br>
+ <span class="i6"><i>Ô les grands prés<ins>,</ins></i></span><br>
+ <span class="i0"><i>La grande campagne amoureuse!</i></span><br>
+ <span class="i6"><i>&mdash;Dis, viens plus près!...</i></span><br>
+ <span class="i0">. . . . . . . . . . . . . .</span><br>
+ <span class="i0"><i>Puis comme une petite morte</i></span><br>
+ <span class="i6"><i>Le c&oelig;ur pâmé</i></span><br>
+ <span class="i0"><i>Tu me <del>disais</del> <ins>dirais</ins> que je te porte</i></span><br>
+ <span class="i6"><i>L'&oelig;il mi-fermé...</i></span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p>Et<ins>,</ins> après la promenade au bois... et la résurrection
+de la <i>petite morte</i>, l'entrée dans le village
+où <i><del>ça</del> <ins>çà</ins> sentirait le laitage</i>, une étable pleine
+d'un <del>rythme</del> <ins>rhythme</ins> lent d'haleine<ins>,</ins> et de grands dos<del>. Un</del> <ins>, un</ins>
+intérieur à la Téniers<del>.</del> <ins>:</ins></p>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0"><i>Les lunettes de <del>ma</del> <ins>la</ins> grand-mère</i></span><br>
+ <span class="i3"><i>Et son nez long</i></span><br>
+ <span class="i0"><i>Dans son missel...</i></span><br>
+ <span class="i0">. . . . . . . . . . . . . .</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p>Aussi la <i>Comédie en trois baisers:</i></p>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0">. . . . . . . . . . . . . .</span><br>
+ <span class="i0"><i>Elle était fort déshabillée</i></span><br>
+ <span class="i0"><i>Et de grands arbres indiscrets.</i></span><br>
+ <span class="i0"><i>Aux vitres penchaient leur feuillée</i></span><br>
+ <span class="i0"><i>Malinement, tout près, tout près.</i></span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p><i>Sensation</i>, où le poète adolescent va loin, bien
+loin<ins>, «</ins>comme un bohémien<del>.</del> <ins>»</ins></p>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0"><i>Par la nature, heureux comme avec une femme <ins>...</ins></i></span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p>Roman:</p>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0"><i>On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans.</i></span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p>Ce qu'il y a d'amusant, c'est que Rimbaud,
+quand il écrivait ce vers, n'avait pas encore
+seize ans. Évidemment il se «vieillissait» pour
+mieux plaire à quelque belle... de<ins>,</ins> très probablement<ins>,</ins>
+son imagination.</p>
+
+<p><i>Ma Bohème</i>, la plus gentille sans doute de ces
+gentilles choses<del>.</del> <ins>:</ins></p>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0"><i>Comme des lyres je tirai les élastiques<del>,</del></i></span><br>
+ <span class="i0"><i>De mes souliers blessés<ins>, un pied</ins> près de mon c&oelig;ur</i> <ins>...</ins></span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p>Mes <i>Petites amoureuses</i>, les <i>Poètes de sept ans</i>,
+frères franchement douloureux des <i>Chercheuses
+de poux</i>:</p>
+
+<div class="poem">
+ <div class="stanza">
+ <span class="i0"><i>Et la mère fermant le livre du devoir</i></span><br>
+ <span class="i0"><i>S'en allait satisfaite et très fière sans voir</i></span><br>
+ <span class="i0"><i>Dans les yeux bleus et sous le front plein d'éminences</i></span><br>
+ <span class="i0"><i>L'âme de son enfant livrée aux répugnances.</i></span><br>
+ <span class="i0">. . . . . . . . . . . . . .</span><br>
+ <br>
+ </div>
+</div>
+
+<p>Quant aux quelques morceaux en prose qui
+terminent le volume, je les eusse retenus pour les
+publier dans une nouvelle édition des &oelig;uvres en
+prose. Ils sont d'ailleurs <del>très beaux</del> <ins>merveilleux,</ins> mais tout à
+fait dans la note des <i>Illuminations</i> et de la <i>Saison
+en Enfer</i>. Je l'ai dit tout à l'heure et je sais
+que je ne suis pas le seul à le penser: <del>Le</del> Rimbaud
+en prose est peut-être supérieur à celui en
+vers...</p>
+
+<p>J'ai terminé, je crois avoir terminé ma tâche
+de préfacier. De la vie de l'homme j'ai parlé
+suffisamment. De son &oelig;uvre je reparlerai peut-être
+encore.</p>
+
+<p>Mon dernier mot ne peut-être ici que ceci:
+Rimbaud fut un poète mort jeune <ins>(à dix-huit ans,
+puisque né à Charleville[&mdash;le 20] Octobre 1854&mdash;nous n'avons pas de vers de lui
+[postérieur] à 1872.)</ins> mais vierge de
+toute platitude ou décadence&mdash;comme il fut un
+homme mort jeune aussi <ins>[(à trente] sept ans [le] 10 Novembre 1891 à l'hôpital
+de la Conception de Marseille)</ins>, mais dans son v&oelig;u
+bien formulé d'indépendance et de haut dédain
+de n'importe quelle adhésion à ce qu'il ne lui
+plaisait pas de faire ni d'être.</p>
+
+<p class="s">Paul <span class="sc">Verlaine</span>.
+</p>
+</blockquote>
+</div>
+
+
+
+
+
+
+
+
+<pre>
+
+
+
+
+
+End of the Project Gutenberg EBook of Poésies complètes, by Arthur Rimbaud
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK POÉSIES COMPLÈTES ***
+
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+works. See paragraph 1.E below.
+
+1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation"
+or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project
+Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual works in the
+collection are in the public domain in the United States. If an
+individual work is in the public domain in the United States and you are
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+ money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the
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+
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+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
+because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
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+
+Volunteers and financial support to provide volunteers with the
+assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
+goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
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+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation web page at https://www.pglaf.org.
+
+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
+https://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
+permitted by U.S. federal laws and your state's laws.
+
+The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
+Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
+throughout numerous locations. Its business office is located at
+809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
+business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact
+information can be found at the Foundation's web site and official
+page at https://pglaf.org
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+For additional contact information:
+ Dr. Gregory B. Newby
+ Chief Executive and Director
+ gbnewby@pglaf.org
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+
+Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation
+
+Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
+spread public support and donations to carry out its mission of
+increasing the number of public domain and licensed works that can be
+freely distributed in machine readable form accessible by the widest
+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
+($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
+status with the IRS.
+
+The Foundation is committed to complying with the laws regulating
+charities and charitable donations in all 50 states of the United
+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
+considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
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+where we have not received written confirmation of compliance. To
+SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
+particular state visit https://pglaf.org
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+While we cannot and do not solicit contributions from states where we
+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
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+approach us with offers to donate.
+
+International donations are gratefully accepted, but we cannot make
+any statements concerning tax treatment of donations received from
+outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
+
+Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
+methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
+ways including including checks, online payments and credit card
+donations. To donate, please visit: https://pglaf.org/donate
+
+
+Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
+works.
+
+Professor Michael S. Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm
+concept of a library of electronic works that could be freely shared
+with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project
+Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
+
+
+Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
+editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
+unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
+keep eBooks in compliance with any particular paper edition.
+
+
+Most people start at our Web site which has the main PG search facility:
+
+ https://www.gutenberg.org
+
+This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
+including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
+subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
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+
+</pre>
+
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+This eBook, including all associated images, markup, improvements,
+metadata, and any other content or labor, has been confirmed to be
+in the PUBLIC DOMAIN IN THE UNITED STATES.
+
+Procedures for determining public domain status are described in
+the "Copyright How-To" at https://www.gutenberg.org.
+
+No investigation has been made concerning possible copyrights in
+jurisdictions other than the United States. Anyone seeking to utilize
+this eBook outside of the United States should confirm copyright
+status under the laws that apply to them.
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+Project Gutenberg (https://www.gutenberg.org) public repository for
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