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| author | Roger Frank <rfrank@pglaf.org> | 2025-10-14 20:03:00 -0700 |
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Le Roi + +Release Date: January 27, 2011 [EBook #35089] + +Language: French + +Character set encoding: UTF-8 + +*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK CURIOSITÉS HISTORIQUES *** + + + + +Produced by Chuck Greif and the Online Distributed +Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This file was +produced from images at the Bibliothèque nationale de +France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr) + + + + + + + + + +CURIOSITÉS HISTORIQUES + +SUR + +LOUIS XIII, LOUIS XIV, LOUIS XV, + +MME DE MAINTENON, +MME DE POMPADOUR, MME DU BARRY, ETC., + +PAR J. A. LE ROI, + +CONSERVATEUR DE LA BIBLIOTHÈQUE DE VERSAILLES, +CORRESPONDANT DU MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION +PUBLIQUE POUR LES TRAVAUX HISTORIQUES; + +PRÉCÉDÉES D'UNE INTRODUCTION + +PAR M. THÉOPHILE LAVALLÉE. + +[colophon] + +PARIS + +HENRI PLON, IMPRIMEUR-ÉDITEUR + +RUE GARANCIÈRE, 8. + +1864 + +_Tous droits réservés._ + + + + +CURIOSITÉS HISTORIQUES + +SUR + +LOUIS XIII, LOUIS XIV, LOUIS XV, + +M^{ME} DE MAINTENON, + +M^{ME} DE POMPADOUR, M^{ME} DU BARRY, ETC. + +L'auteur et l'éditeur déclarent réserver leurs droits de reproduction +et de traduction à l'étranger. + +Ce volume a été déposé au ministère de l'intérieur (direction de +la librairie), en mars 1864. + +PARIS.--TYPOGRAPHIE DE HENRI PLON + +IMPRIMEUR DE L'EMPEREUR + +RUE GARANCIÈRE, 8 + + + + +INTRODUCTION. + + +Les _curiosités historiques_ que renferme ce volume se rapportent +principalement au château de Versailles et aux règnes de Louis XIII, de +Louis XIV et de Louis XV. Malgré les essais qui en ont été tentés, on +peut dire que l'histoire du château de Versailles est encore à faire, et +il serait heureux, par le temps de révolutions, de démolitions, de +transformations où nous sommes, que cette histoire pût se faire +promptement; car cette grande création de Louis XIV, ce théâtre de tant +de splendeurs, de tant d'événements, «ce temple de la monarchie absolue +qui devait, avant que le temps eût noirci ses marbres, en être le +tombeau», a subi, surtout depuis l'établissement des _galeries +historiques_, des remaniements si malheureux qu'il n'est plus +reconnaissable qu'à l'extérieur, et que son histoire passera bientôt, +avec ses grandeurs et ses magnificences, à l'état de fable ou de +légende. Il n'est personne qui, en arpentant les dix ou douze kilomètres +de tableaux qu'on a entassés dans ce palais, n'ait «désiré connaître +l'histoire de chacune de ces chambres, surtout de ces petits +appartements dans lesquels on vit l'amour, la jalousie, l'ambition, la +haine, toutes les plus mauvaises passions du cÅ“ur humain s'agiter si +longtemps pour donner le spectacle de ces élévations et de ces chutes de +favoris et de maîtresses qui ont eu tant d'influence sur les destinées +de la France[1]». + +En attendant que se fasse l'histoire du château de Versailles, un +redresseur infatigable des faussetés et des falsifications historiques, +M. Le Roi, conservateur de la bibliothèque de Versailles, a porté ses +investigations sur quelques événements, sur quelques personnages, sur +quelques localités de Versailles, et, en fouillant les pièces +originales, les actes authentiques, les documents incontestables, il +est parvenu à mettre en lumière des faits restés obscurs ou douteux, à +réduire à néant ou à leur juste valeur des allégations mensongères, +enfin à porter la vérité dans un petit coin de ce vaste champ historique +si mal exploré, si mal connu, où l'erreur et la calomnie poussent si +bien, poussent si vite, et par tous les climats! + +Voici les questions ou problèmes historiques que s'est posés M. Le Roi +et qu'il a heureusement résolus: + +1º Où était le château de Versailles construit par Louis XIII, et dans +quelle partie du château s'est passée la _journée des Dupes_? + +2º Quels événements particuliers ont marqué la naissance du duc de +Bourgogne? + +3º Quels événements particuliers ont marqué la grande opération faite à +Louis XIV en 1686? + +4º Louvois est-il mort de poison ou de mort naturelle? + +5º Quel a été le véritable inventeur de la machine de Marly? De Ville ou +Rennequin Sualem? + +6º Où était, dans le château de Versailles, l'appartement de madame de +Maintenon? + +7º Quelles sont les paroles adressées au Dauphin par Louis XIV à son lit +de mort? + +8º A quelle somme s'élèvent les dépenses de madame de Pompadour pendant +tout son _règne_? + +9º Qu'était-ce que le Parc aux cerfs? + +10º A quelle somme s'élèvent les dépenses faites par madame du Barry? +Quel était son vrai nom? + +Nous allons dire en quelques mots comment M. Le Roi a résolu ces +_curiosités historiques_. + +1º Le château de Versailles, bâti par Louis XIII, en 1624, est le +pavillon central qui existe encore aujourd'hui. C'était un simple +rendez-vous de chasse, flanqué de quatre petits pavillons, avec un +balcon de fer tournant tout autour. Une fausse braie l'entourait et +était précédée d'un fossé à fond de cuve, revêtu de pierres et terminé +par une balustrade. La pièce principale était la salle ou salon du +premier étage, dont Louis XIV fit plus tard sa chambre à coucher et où +il mourut. Des fenêtres de cette salle d'où Louis XVI se montra au +peuple dans la journée du 6 octobre, on se figure aisément l'aspect que +présentait alors Versailles: la vue dominait sur un pays accidenté, +presque entièrement boisé, coupé de quelques étangs, marqué seulement +par un pauvre village d'une cinquantaine de feux, pays triste, monotone, +un peu sauvage, qui inspirait la mélancolie, qui était parfaitement en +rapport avec les goûts et l'humeur de Louis XIII. + +Quant aux lieux illustrés par la journée des Dupes, M. Le Roi nous +montre que la chambre à coucher de Louis XIII était dans la pièce dite +plus tard de l'Å’il-de-bÅ“uf, et qui fut aussi pendant longtemps la +chambre à coucher de Louis XIV; que la pièce où coucha Richelieu, +au-dessous de la chambre du roi, est aujourd'hui la salle des Portraits +des rois de France; que l'escalier dérobé par lequel le duc de +Saint-Simon le conduisit dans la chambre de Louis XIII existe encore +dans un coin de cette salle; enfin que l'entretien qu'il eut avec ce +prince et d'où l'on peut dire qu'ont dépendu les destinées de la France, +se passa dans le cabinet voisin de la chambre à coucher du roi et qui +fait partie du salon de l'Å’il-de-bÅ“uf. + +Louis XIV conserva religieusement le château construit par son père; il +ne fit que l'agrandir successivement, à mesure que Versailles lui +plaisait davantage. Il n'avait pas d'abord l'intention d'en faire +l'immense palais qui existe aujourd'hui; il n'avait pas l'intention de +faire de Versailles son séjour ordinaire. Les plans de construction +furent plusieurs fois changés; de nombreuses démolitions furent +nécessaires; de là le disparate si marqué entre la façade des jardins, +si noble, si belle, si harmonieuse, et la façade de la ville, si +compliquée, si travaillée, si irrégulière. + +2º Saint-Simon nous a donné un tableau précieux de l'aspect du château +de Versailles, le jour de la naissance du duc de Bourgogne, de la joie +du roi, des transports de la cour, de l'enthousiasme populaire. M. Le +Roi, d'après des documents originaux, ajoute quelques traits à ce +tableau, et qui l'achèvent. Il nous apprend que ce fut la première fois +qu'on confia à un médecin le soin d'accoucher une reine ou une Dauphine, +que jusqu'alors les sages-femmes avaient eu cet office, et qu'elles +cessèrent de l'avoir. Il entre alors dans des détails très-curieux sur +l'art des accouchements à cette époque, sur le choix des nourrices, +etc. L'accoucheur fut Clément, dont le roi avait éprouvé l'habileté, car +c'était lui qui avait assisté madame de Montespan dans ses nombreuses +grossesses. Il devint, dès lors, l'accoucheur de la Dauphine, puis de la +duchesse de Bourgogne, de la reine d'Espagne, etc. C'était un +très-habile et excellent homme, que le roi traita comme il traitait tous +les hommes de mérite, c'est-à -dire avec cette gracieuse dignité qui +doublait le prix des récompenses. Outre qu'il l'enrichit, il lui donna +des lettres de noblesse, avec une clause, dit M. Le Roi, qui honore au +même degré l'homme de mérite auquel s'adressait cette distinction et le +souverain qui l'accordait. Cette clause portait «qu'il ne pourrait +abandonner la pratique de son art, ni refuser ses conseils, ni ses +secours aux femmes qui les réclameraient». + +3º On sait qu'en 1686 Louis XIV fut affligé d'une hideuse maladie, la +fistule, qu'on regardait alors comme à peu près incurable ou mortelle. +Les mémoires du temps parlent peu de ce grave accident dans la vie du +roi, cette maladie ayant été longtemps tenue secrète, et l'opération +qui la termina ayant été faite avec le plus grand mystère, et divulguée +seulement quand la guérison fut assurée. M. Le Roi a retrouvé sur ce +sujet des détails importants, soit au point de vue médical, soit au +point de vue historique, dans les mémoires du médecin Dionis. +L'opérateur fut Félix de Tassy, chirurgien très-habile, qui le premier a +fait connaître les moyens de guérir par l'incision cette triste maladie. +C'est dans la chambre du roi, qui formait, comme nous l'avons dit, une +partie du salon appelé plus tard l'Å’il-de-bÅ“uf, qu'eut lieu cette +opération qui paraissait alors si périlleuse. Il n'y avait d'autres +témoins que madame de Maintenon, le père de la Chaise, le ministre +Louvois, les quatre médecins ou chirurgiens du roi, avec un garçon ou +élève. La famille royale et la cour n'avaient pas le moindre soupçon de +la grave résolution prise par Louis XIV; le Dauphin était à la chasse. +Le roi montra le calme et la fermeté qui le distinguaient dans toutes +ses actions: il ne poussa pas un cri, ne dit pas un mot. Une heure +après, il tenait son lever comme à l'ordinaire, et les courtisans +apprenaient avec effroi ce qui venait de se passer; quelques heures +plus tard, il tenait conseil dans son lit, et le soir il y eut dans sa +chambre la réception qu'on appelait _appartement_. On suit avec anxiété, +dans le récit de M. Le Roi, les détails de cette opération chirurgicale +qui marque dans les annales de la science, puisque la méthode inventée +en cette circonstance par Félix est encore celle qu'on suit de nos +jours, opération qui tint pendant quelques jours la France dans +l'anxiété; car à la vie du roi tenaient le salut du royaume et le repos +de l'Europe. On peut voir aussi, dans les Lettres de madame de Maintenon +à madame de Brinon (_Lettres historiques et édifiantes_, t. I) quelles +furent ses angoisses et ses craintes en cette circonstance; elles sont +une réponse à cette calomnie, qu'elle n'aimait point Louis XIV, de même +que sa présence au chevet du roi pendant la dégoûtante opération était +le témoignage du lien sacré qui les unissait. + +4º On sait que la mort subite de Louvois à l'âge de cinquante ans excita +le plus grand étonnement. Tout le monde le crut empoisonné. Saint-Simon +le dit ouvertement en entrant dans des détails qui semblent plausibles. +La princesse Palatine, dans l'aveuglement de ses haines, va plus loin: +elle accuse de cette mort madame de Maintenon. Les historiens +protestants ont seuls répété cette calomnie; mais les plus modérés, même +les plus modernes, s'arrêtent au récit de Saint-Simon, et pour eux tous, +Louvois est mort empoisonné, on ne sait par quel ennemi. Le récit de M. +Le Roi fait justice de cette accusation au moyen d'un témoignage +incontestable, celui de Dionis, médecin de Louvois, qui assista à sa +mort, et fit, de concert avec trois autres médecins, l'ouverture de son +corps. Il en résulte clairement que Louvois est mort d'une attaque +d'apoplexie pulmonaire. + +5º Dans quelle partie du château de Versailles était l'appartement de +madame de Maintenon, cet appartement où Louis XIV travaillait avec ses +ministres, et où, pendant trente ans, se sont décidées les destinées de +la France? A première vue il semble qu'une telle recherche soit facile, +et qu'il ne puisse y avoir de doute à ce sujet. Il n'en est pas ainsi, +grâce au Musée national qui a fait subir à l'intérieur du château de +Versailles une transformation complète. L'intention de ce musée était +excellente, l'exécution n'y a pas répondu. Entreprise par des hommes peu +versés dans l'histoire du dix-septième siècle, elle a bouleversé +malheureusement les parties les plus intéressantes du château, et c'est +ainsi que l'appartement de madame de Maintenon, presque méconnaissable +aujourd'hui, est occupé par trois salles des campagnes de 1793, 1794 et +1795. L'aspect de ces pièces témoigne que madame de Maintenon était +logée fort à l'étroit et fort incommodément. Je ne sais si la femme de +chambre de quelque parvenu de nos jours se contenterait de cette chambre +unique où Louis XIV venait travailler, où madame de Maintenon mangeait, +couchait, s'habillait, recevait toute la cour, où tout le monde passait, +disait-elle, comme dans une église. Au reste, les princesses, les +princes, le roi lui-même n'étaient pas plus commodément logés. Tout +avait été sacrifié au faste, à l'éclat, à la représentation dans ce +magnifique château; Louis XIV était perpétuellement en scène et y tenait +sans interruption son rôle de roi, mais au milieu de toutes ces +peintures, ces dorures, ces marbres, ces splendeurs, on n'avait pas une +seule des aisances de nos jours; on gelait dans ces immenses pièces, +dans ces grandes galeries, dans ces chambres ouvertes de toutes parts, +où d'ailleurs il fallait vivre continuellement en public. Aussi Louis +XV, qui n'avait pas la santé de fer de son aïeul, abandonna ces vastes +magnificences et se fit une existence plus commode et surtout plus +secrète dans les petits appartements qu'on voit encore aujourd'hui. + +6º Quel est le véritable inventeur de la machine de Marly? On sait que, +d'après toutes les histoires et biographies, cet inventeur serait un +ouvrier liégeois, Rennequin Sualem. L'ouvrage de M. Le Roi nous +démontre, d'après des documents authentiques et des témoignages +irréfutables, que c'est une erreur. L'inventeur, l'architecte, le +gouverneur de la machine qui passait au dix-septième siècle pour une +merveille du monde, est un gentilhomme liégeois nommé le chevalier de +Ville; Rennequin Sualem en aurait été seulement le constructeur, et plus +exactement le charpentier. M. Le Roi donne à ce sujet une description +de la machine qui montre quel était l'état de la science hydraulique à +cette époque et qui témoigne que cette Å“uvre lourde, coûteuse, +compliquée, n'en était pas moins digne d'admiration. + +7º On sait que le grand roi, sur le point de mourir, se fit apporter son +arrière-petit-fils et lui adressa quelques paroles pleines de dignité. +Ces paroles, recueillies par les assistants et qui furent mises au +chevet du lit du jeune Louis XV, ont été reproduites par les historiens +avec des variantes considérables. M. Le Roi a retrouvé une pièce très +curieuse qui fait cesser toute incertitude à cet égard et nous donne +définitivement le texte authentique. + +8º Ce morceau curieux est tout simplement l'analyse d'un manuscrit +composé par quelque secrétaire de madame de Pompadour, d'après les notes +mêmes de la marquise, et qui a pour titre: _État des dépenses faites +pendant le règne de madame la marquise de Pompadour, à commencer le 9 +septembre 1745 jusqu'au 15 avril 1764_ (c'est le jour de sa mort). +Disons tout de suite que le total général est d'environ trente-six +millions et demi pendant dix-neuf ans; donc, de moins de deux millions +par an. «Voilà , sur sa déclaration, dit M. Le Roi, le relevé de ce que +madame de Pompadour a coûté à la France.» C'est beaucoup, sans doute, +mais j'avoue que, d'après tout ce qu'on a écrit sur les prodigalités de +Louis XV envers ses maîtresses, sur le faste, le luxe de la marquise de +Pompadour, je m'attendais à un chiffre plus élevé, et je ne sais si pour +les dépensiers de nos jours ce chiffre ne paraîtra pas mesquin. +D'ailleurs, il faut remarquer que madame de Pompadour tenait une sorte +de cour, qu'elle donnait des fêtes, qu'elle faisait des pensions. Aussi +je lis sans étonnement cette réflexion qui termine le manuscrit: «Voici +un fait que personne ne voudra croire, qui est qu'à sa mort l'on n'ait +trouvé à cette femme que 37 louis d'or dans sa table à écrire, et se +trouve devoir la somme de 1,700,000 livres.» + +Voici comment se décomposent les trente-six millions. On sait que la +marquise était une femme de beaucoup d'esprit et de goût, aimant les +bâtiments, les tableaux, les sculptures, cultivant elle-même les arts, +et qui avait une cour d'écrivains et d'artistes. L'état des dépenses +entre à ce sujet dans des détails intéressants pour l'histoire des arts +et donne un total de plus de neuf millions. On sait aussi que madame de +Pompadour aimait les chevaux, qu'elle fit acheter des étalons dans +plusieurs pays, et qu'elle fonda dans sa terre de Pompadour le beau +haras qui existe encore aujourd'hui. L'état de ses dépenses sur cet +article s'élève à plus de trois millions. On trouve encore pour +médailles, 400,000 livres; pour une collection de pierres gravées, +400,000 livres; pour fêtes, voyages du roi, comédies, opéras, quatre +millions. Le chapitre des aumônes est malheureusement plus modeste, il +est ainsi marqué: _Donné aux pauvres pendant tout mon règne_, 150,000 +livres. Il est vrai qu'il y faut ajouter de nombreux secours et pensions +donnés à des maisons religieuses. + +9º «Il n'est aucun fait historique, dit M. Le Roi, qui ait rendu plus +odieux le nom de Louis XV; et qui, d'un autre côté, ait donné lieu à +plus de divagations parmi les écrivains, que le mystérieux établissement +du _Parc aux cerfs_.» On peut ajouter qu'il n'y en a pas qui ait excité +plus de haine contre l'ancien régime, qui ait valu à la cour des +Bourbons plus d'imprécations et de déclamations, qui ait eu plus +d'influence sur la révolution. M. Le Roi, pièces en main, réduit cette +monstruosité à sa juste valeur. Le nom seul de Parc aux cerfs est en +grande partie la cause des exagérations débitées à ce sujet. A ce nom, +on se figure une sorte de sérail à la façon orientale, un immense jardin +avec bosquets mystérieux, pelouses fleuries, pavillons enchantés, et un +essaim de biches plus ou moins timides, poursuivies par un lubrique +monarque. Il n'est rien de tout cela: le _Parc aux cerfs_ était le nom +d'un quartier de Versailles, du quartier aujourd'hui appelé Saint-Louis, +qui avait été bâti sous Louis XIV, sur l'emplacement d'un parc à bêtes +fauves, datant de Louis XIII, et qui en avait gardé le nom. Quant au +sérail, voici à quoi il se réduit. Louis XV avait acheté secrètement, +dans une impasse déserte de ce quartier, une petite maison bourgeoise où +pouvaient à peine loger trois personnes, et dans laquelle son valet de +chambre faisait élever quelques jeunes filles ordinairement vendues par +leurs parents. «Il n'y en avait que deux en général, dit madame du +Hausset, très-souvent une seule; quelquefois, le Parc aux cerfs était +vacant cinq ou six mois de suite. Lorsqu'elles se mariaient on leur +donnait des bijoux et une centaine de mille francs.» Il ne paraît pas +que le nombre de ces victimes, immense d'après tous les historiens, ait +dépassé une trentaine, le roi n'ayant gardé cette maison que de 1755 à +1771. M. Le Roi appuie cette curieuse découverte historique de pièces +irréfutables, mais cela n'empêchera pas les historiens de scandales de +parler des centaines de millions, et même des milliards que coûta le +Parc aux cerfs. + +10º Si la dissertation sur le Parc aux cerfs atténue, sans le rendre +moins odieux, le libertinage de Louis XV, il n'en est pas de même du +morceau suivant qui renferme une notice biographique sur madame du +Barry, d'après des cartons et des liasses de documents appartenant aux +archives de la préfecture de Seine-et-Oise, et à la bibliothèque de +Versailles. On sait qu'un gentilhomme débauché et ruiné, Jean du Barry, +ayant rencontré dans un mauvais lieu une fille d'une merveilleuse +beauté, parvint à la faire connaître au roi qui en devint follement +épris, que pour en faire une maîtresse en titre et lui donner un rang à +la cour, il la fit épouser à son frère le comte du Barry. M. Le Roi nous +donne _in extenso_ l'étrange contrat de mariage conclu à cet effet, où +l'on stipule la séparation des deux époux, où la future prend le nom de +Jeanne Gomard de Vaubernier, nom faux, comme nous le dirons tout à +l'heure; enfin, où elle apporte en dot 30,000 livres «provenant de ses +économies», et consistant, pourrait-on dire, en outils de son métier, +c'est-à -dire en diamants, perles, dentelles, «un lit complet, trente +robes et six douzaines de chemises». + +Après cette édifiante énumération, M. Le Roi nous donne l'état des +richesses accumulées par madame du Barry lorsqu'elle fut devenue la +maîtresse en titre du roi: 100,000 livres de rentes sur la ville de +Paris, la terre de Louveciennes, 40,000 livres de rentes sur la ville de +Nantes, etc. Madame du Barry n'avait reçu presque aucune éducation et +avait les goûts de son ancienne vie, l'amour effréné de la toilette, des +jolis meubles, des colifichets, des futilités. Son appartement n'était +qu'un boudoir: M. Le Roi nous en donne la description, et les détails +dans lesquels il entre sont à faire pâmer, à faire mourir d'envie les +plus charmantes dépensières de nos jours. Qu'on en juge par ce qu'il dit +des lieux les plus secrets de cet appartement: + +«Dans la garde-robe on voyait un meuble de toilette secrète à dossier, +en marqueterie, fond blanc à mosaïques bleues et filets d'or, avec +rosettes rouges, garni de velours bleu brodé d'or, et sabots dorés d'or +moulu, la boîte à éponges et la cuvette d'argent, deux tablettes +d'encoignure aussi en marqueterie, garnies de bronzes dorés d'or moulu, +et une chaise de garde-robe en marqueterie pareille aux autres meubles, +la lunette recouverte de maroquin, et les poignées et les sabots dorés +d'or moulu.» + +Le rêve de madame du Barry dura à peine six ans. Le roi mourut. Madame +du Barry, exilée d'abord dans un couvent, revint ensuite habiter son +château de Louveciennes. Ses créanciers l'y poursuivirent. Légère, +insouciante et prodigue malgré les libéralités du roi, elle avait +1,200,000 livres de dettes. Louis XVI se fit donner l'état des dons +faits à la maîtresse de son aïeul, et l'on trouva qu'elle avait reçu en +six ans six millions et demi, sans compter les maisons, les 150,000 +livres de rente viagère, etc. Sur cette somme les bijoutiers avaient +reçu 2,280,000 livres, les marchands de dentelles, soieries, etc., +738,000 livres; les tailleurs et brodeurs, 551,000 livres, etc. Madame +du Barry n'avait fait de mal à personne pendant sa faveur; elle était +d'une bonté extrême, d'une humeur charmante, et avait laissé à la cour +des amis qui lui restèrent très-dévoués. Grâce à eux, elle parvint à +payer ses dettes au moyen d'un échange de 60,000 livres de rente viagère +contre 1,250,000 livres qui lui furent données par le trésor. + +Mais madame du Barry ne s'était pas corrigée de son goût de dépenses, et +de sa négligence à compter; elle fit de nouvelles dettes, et à l'époque +de la Révolution elle fut obligée de songer à vendre ses bijoux. Elle +réunit les plus précieux dans une chambre où, pendant une nuit, des +voleurs s'introduisirent et firent main basse sur le précieux dépôt. +Madame du Barry fit publier la liste des objets volés. Cette liste est +donnée par M. Le Roi: c'est une rivière continue, une cascade +éblouissante de diamants, de perles, de bagues, de colliers, de +girandoles, de bracelets, d'_esclavages_, d'étuis, de boîtes, à faire +tourner la tête des dames qui la liront. + +Le vol des bijoux de madame du Barry fut la cause de sa mort. Ayant +appris que les voleurs avaient été arrêtés à Londres et qu'on +instruisait leur procès, elle voulut suivre cette affaire et alla en +Angleterre avec un passe-port régulier. C'était au mois d'octobre 1792. +Son absence s'étant prolongée, on la regarda comme émigrée et l'on mit +le scellé sur ses biens. Dès qu'elle l'apprit, elle revint en France; +mais au mois de juin 1793 elle fut arrêtée comme suspecte et traduite +(novembre 1793) au tribunal révolutionnaire, comme ayant fourni aux +émigrés réfugiés à Londres des secours pécuniaires, et entretenu avec +eux des correspondances. L'occasion était belle à faire de la +déclamation révolutionnaire; aussi Fouquier Tainville accumula les +accusations les plus forcenées, les plus emphatiques «contre cette +moderne Aspasie, cette sultane du crime couronné, contre cette +surintendante des honteuses débauches du Sardanapale moderne, etc.» On +sait que, condamnée à mort, elle fut conduite au supplice le 8 décembre +1793. + +M. Le Roi fait suivre cette lugubre histoire de détails intéressants sur +les biens confisqués de madame du Barry. Le total de l'appréciation des +effets mobiliers s'élève à 1,246,000 livres, sans compter les objets +d'art qui sont aujourd'hui répartis dans les musées de l'État. Le +château de Louveciennes fut vendu six millions. + +Cette notice biographique si pleine de faits inconnus, de chiffres +éloquents, se termine par un dernier détail qui n'est pas le moins +inattendu: c'est que l'acte de naissance présenté par madame du Barry +pour son mariage était faux; qu'elle n'était pas la fille légitime de +Gomard de Vaubernier et de Jeanne Bécu, née en 1746, mais la fille +naturelle d'une pauvre paysanne appelée Anne Bécu, et qu'elle était née +en 1743. Elle avait donc vingt-six ans lorsqu'elle fut présentée à Louis +XV et cinquante ans quand elle mourut. + +Telle est, à la place des lieux communs débités sur cette femme trop +célèbre, la vérité qui ressort des documents authentiques consultés par +M. Le Roi. Espérons que le savant bibliothécaire ne bornera pas à ces +dix morceaux ses investigations intéressantes et que, au grand plaisir +du public affriandé par ces révélations, il tirera bientôt de ses +cartons de nouvelles _Curiosités historiques_. + +TH. LAVALLÉE. + + + + +I + +LE CHATEAU DE VERSAILLES SOUS LOUIS XIII + +ET LA JOURNEE DES DUPES. + +1627-1630. + + +A quelle époque faut-il faire remonter la construction du château que +Louis XIII fit élever à Versailles? Comme les divers écrivains qui ont +traité ce point historique ne sont point d'accord entre eux, et que nous +nous proposons de fournir des documents nouveaux pouvant servir à +éclaircir la question, nous allons entrer dans quelques détails à ce +sujet. + +Les deux premiers auteurs qui s'occupèrent de l'époque de la fondation +du château, furent l'architecte Blondel, dans son livre de +l'_Architecture française_, t. IVe, 1756, et l'abbé Lebeuf, dans +l'_Histoire du diocèse de Paris_, t. VII<sup>e</sup>, 1757. + +Voici d'abord ce que dit l'abbé Lebeuf. Après avoir fait l'énumération +des divers seigneurs de Versailles, il ajoute: + +«Jean de Soisy prend, dans son contrat de mariage avec Antoinette +Postel, du 22 janvier 1610, la qualité de seigneur de Soisy, sous +Montmorency, et de Versailles au val de Galie. Ce fut lui qui vendit +cette terre au roi Louis XIII, vers l'an 1627.» + +Voici maintenant comment s'exprime Blondel, sur le même sujet: + +«La terre et seigneurie de Versailles était possédée, en 1560, par +plusieurs particuliers: _Philippe Colas_, écuyer, en possédait la plus +grande partie; une autre appartenait à _Antoine Poart_, maître des +comptes à Paris: ce dernier était aussi propriétaire de la seigneurie de +la Grange Lessart; enfin une autre partie appartenait à _Roberte de +Soisy_, femme de Jean de la Porte, et à _Marguerite de Soisy_, sa sÅ“ur, +veuve de Jean Dizy, en qualité d'héritières d'Antoinette de Portet, leur +mère. + +»_Martial de Loménie_, secrétaire du roi et de ses finances, devint, en +1561, propriétaire de cette terre et de celle de la Grange Lessart, par +les acquisitions qu'il en fit, et en a joui jusqu'à sa mort, arrivée en +1572; il avait épousé Jacqueline Pinault, décédée avec lui. + +»Les tuteur et curateur de leurs enfans mineurs vendirent cette terre et +seigneurie de Versailles, et celle de la Grange Lessart, par contrat du +27 juin 1573, à M. Albert de Gondi, comte de Retz. Son fils, +Jean-François de Gondi, archevêque de Paris, la vendit ensuite à Louis +XIII, par contrat passé le 8 avril 1632.» + +Blondel donne ensuite un extrait du contrat de vente, puis il ajoute: + +«Quoiqu'il paraisse, par la date de ce contrat, que Louis XIII n'acheta +la seigneurie de Versailles qu'en 1632, il est cependant certain que, +dès l'année 1624, il avait commencé à y faire bâtir un rendez-vous de +chasse, qu'il avait élevé sur le lieu le plus éminent, et où était situé +ci-devant un moulin à vent.» + +Ainsi voilà deux graves auteurs, écrivant tous deux à la même époque, +paraissant s'autoriser de documents authentiques, et qui tous deux +donnent une date différente à un fait qu'il semble au premier abord si +aisé de constater. + +Presque tous ceux qui, depuis cette époque, ont écrit sur l'origine du +château de Versailles, puisant leurs renseignements dans l'abbé Lebeuf, +ont donné l'année 1627 comme date de sa fondation[2]. Cette date est +encore indiquée dans les descriptions modernes de Versailles, que l'on +trouve dans toutes les mains des visiteurs du musée historique. + +Quelle est donc la véritable date de la construction du château de Louis +XIII? Est-ce 1624, 1627 ou 1632? + +M. Eckard, dans ses recherches historiques sur Versailles, frappé de +cette différence, et voulant tout concilier, accepte les trois dates et +cherche à les expliquer. + +Ainsi, d'après lui, en 1624, Louis XIII, _ennuyé, et sa suite encore +plus, d'y avoir souvent couché dans un méchant cabaret à rouliers, ou +dans un moulin à vent_[3], fit d'abord construire à Versailles un +pavillon pour servir de rendez-vous de chasse. + +Et il ajoute: «Ce pavillon, inconnu au duc de Saint-Simon, était oublié +lorsqu'il écrivait un siècle après cette construction: une partie, celle +donnant sur l'avenue de Saint-Cloud, a été démolie en 1827, et une +maison bâtie sur l'emplacement; l'autre partie, sur la rue de la Pompe, +subsiste toujours: le tout appartient à M. Amaury, et porte encore +aujourd'hui le nom de _Pavillon royal_; il est situé presqu'à l'angle +que forment l'avenue de Saint-Cloud et la rue de la Pompe, aboutissant +sur celle du Plessis. Il était donc sur le chemin qui conduisait à la +forêt de Saint-Léger-en-Yveline, à l'époque où la chaussée d'Auteuil et +l'ancien pont de bois, à Sèvres, n'existant pas encore, la grande route +de Paris à Brest passait par Saint-Cloud, d'où un chemin secondaire +partait et se dirigeait sur Ville-d'Avray, Montreuil, le territoire de +Versailles et les autres, jusqu'à cette forêt. Quoique engagé dans les +maisons voisines, ce pavillon était naguère encore facile à reconnaître +par la tourelle, ou lanterne, qui dominait et éclairait, un grand +escalier, et qui, ensuite, forma la coupole de la synagogue qu'on y a +vue pendant quelques années. Je me souviens très-bien qu'en 1780, un +habile professeur d'écriture, Hachette, qui en occupait le premier +étage, et dont la classe fort élevée et très-spacieuse donnait en partie +sur la rue de la Pompe, nous dit plusieurs fois que cette pièce avait +été la chambre à coucher de Louis XIII. Cette partie conservée du +pavillon a seulement subi quelques changements dans sa distribution +intérieure. De plus, _le Cicerone_ de 1804 contient, dans sa description +des édifices de Versailles, ce passage remarquable:--_Le Pavillon +royal_.--On assure qu'une portion, celle où se trouve son vaste +escalier, est véritablement la première propriété de Louis XIII, qui en +faisait son retour de chasse avant l'acquisition de la terre +seigneuriale. Enfin M. Guignet, ancien architecte des bâtiments du roi à +Versailles, à qui j'ai communiqué mes observations, et qui les a +vérifiées, a adopté entièrement mon opinion.» + +M. Eckard ajoute qu'en 1627, Louis XIII, ayant jugé qu'aucun pays ne +pouvait présenter en aussi peu d'espace, plus de variété pour les +courses à cheval, dans lesquelles consiste le plaisir de la chasse à cor +et à cris, acheta de Jean de Soisy un fief et des terrains à Versailles, +et y fit élever _un petit château de cartes_[4] sur un monticule qui +était occupé par un moulin à vent. Enfin, qu'en 1632, le roi fit +l'acquisition de la terre et seigneurie de Versailles, de Jean-François +de Gondi, archevêque de Paris, ainsi qu'il résulte du contrat cité par +Blondel. Donc en résumé: 1624, construction du Pavillon royal; + +1627, acquisition d'un fief de Jean de Soisy.--Louis XIII construit un +petit château sur l'emplacement du moulin, comme le point le plus +éminent. 1632, vente par l'archevêque de Paris, du vieux château et de +la seigneurie de Versailles. + +Ainsi, le travail de M. Eckard avait résolu la question et les trois +différentes dates de la fondation du château se trouvaient expliquées. + +En 1839, l'auteur de l'essai historique intitulé: _Versailles_, +_seigneurie_, _château et ville_, s'empressa d'adopter l'explication de +M. Eckard, surtout en ce qui concerne le Pavillon royal[5]. Quant au +château qui n'aurait été commencé qu'en 1627, l'auteur de _Versailles_, +_seigneurie_, _château et ville_ se demande si c'est bien à ce château +qu'il faut attribuer le mot de _chétif Versailles_, prononcé par +Bassompierre, ainsi que l'ont fait beaucoup d'autres auteurs et M. +Eckard lui-même? Si l'on adopte, en effet, l'opinion de l'abbé Lebeuf, +qui donne cette année 1627 comme celle où Louis XIII fit commencer la +construction du château sur les terrains vendus à cette époque par Jean +de Soisy, il est impossible de ne pas supposer que Bassompierre se soit +trompé en parlant d'un château n'existant pas encore; et cependant le +récit de Bassompierre est positif. Voici ce que l'on trouve dans le +journal de sa vie[6]. + +Après avoir raconté, jour par jour, ce qui lui était arrivé pendant le +mois de décembre 1626, il ajoute: + +«Les choses étoient en cet état, lorsque nous entrâmes en l'année 1627, +au commencement de laquelle le roy fit tenir une assemblée de notables, +en laquelle il me fit l'honneur de me choisir pour y estre un des +présidents. Monsieur, frère du roy, fut le chef et le premier, et +ensuite M. le cardinal de la Valette, le maréchal de la Force et moi.» + +Bassompierre indique ensuite la composition de cette assemblée; puis, +après avoir parlé des divers objets mis en délibération, il raconte +qu'il lui arriva peu d'occasions de parler: «Hormis une seule fois, +dit-il, que nous estant proposé si le roy cesseroit ses bastimens +jusques dans une meilleure saison, et que ses finances fussent en +meilleur estat, M. d'Osembray fut d'advis que l'on le devoit conseiller +au roy.» + +Il crut alors devoir prendre la parole, et prononça un discours qu'il +donne en son entier. C'est dans ce spirituel discours, épigramme adroite +contre la parcimonie de Louis XIII, parcimonie dont il se servit +habilement pour faire changer d'avis tous ceux qui avaient déjà voté +pour la proposition de M. d'Osembray, que se trouve ce fameux mot de +_chétif château de Versailles_, cité depuis si diversement. Après avoir +fait observer qu'il n'est pas nécessaire de conseiller à Louis XIII de +ne point faire une chose qu'il ne fait pas, il ajoute: «Le feu roy nous +eust pû demander cet advis, et nous eussions eu loisirs de le lui +donner, car il a employé des sommes immenses à bastir. Nous avons bien +pû connoistre en celui-cy la qualité de destructeur, mais non +d'édificateur. Saint-Jean-d'Angely, Clérac, Les Tonnains, Monheur, +Négrepelisse, Saint-Antonin, et tant d'autres places rasées, démolies ou +bruslées, me rendent preuve de l'un et le lieu où nous sommes, auquel, +depuis le décès du feu roy son père, il n'a pas ajouté une seule +pierre[7]; et la suspension qu'il a faite depuis seize années au +parachèvement de ses autres bastimens commencez, me font voir clairement +que son inclination n'est point portée à bastir, et que les finances de +la France ne seront point épuisées par ses somptueux édifices; si ce +n'est qu'on lui veuille reprocher le _chétif chasteau de Versailles_, de +la construction duquel un simple gentilhomme ne voudroit pas prendre +vanité.» Dans cette assemblée des notables, furent traités les plus +grands intérêts de l'État. Elle tient une place importante dans le règne +de Louis XIII, et ne peut être mise en doute, pas plus que le discours +si remarquable qu'y prononça Bassompierre, et qu'il ne pouvait avoir +oublié lorsqu'il écrivit ses mémoires très-peu d'années après[8]. Aussi +l'auteur de _Versailles_, _seigneurie_, _château et ville_, pense-t-il +que ce discours, prononcé au commencement de 1627, n'a dû s'appliquer +qu'au Pavillon royal, bâti dès 1624. Mais cependant, peu certain que le +maréchal de Bassompierre ait parlé avec tant d'assurance d'une maison si +peu importante, il ajoute: «Ou bien si l'on veut que Bassompierre ait +appliqué son mot de _chétif_ au château bâti sur le tertre de Jean de +Soisy, il faudra convenir que son discours aura été fait après coup, +c'est-à -dire depuis 1631, époque où le maréchal fut enfermé à la +Bastille, et où il commença pour se désennuyer, et fort souvent de +mauvaise humeur, à écrire les mémoires qu'il a laissés; il aura donc +donné l'épithète de chétif au nouveau château, par la raison que tout ce +que devait faire le roi, alors sous l'influence de Richelieu, l'ennemi +juré du maréchal, devait paraître, aux yeux de ce dernier, mauvais, +tyrannique ou chétif, et le pauvre château aura été enveloppé dans une +commune disgrâce avec les actes despotiques du cardinal.» + +Il paraît donc à peu près certain, d'après tout ce que nous venons de +rapporter, que Louis XIII avait une habitation à Versailles dès l'année +1624, et certainement avant 1627. Cette habitation, Blondel assure +qu'_elle était élevée sur le lieu le plus éminent, et où était situé +ci-devant un moulin à vent_, par conséquent à la place même où se trouve +le château actuel, tandis que M. Eckard, et après lui l'auteur de +_Versailles_, _seigneurie_, _château et ville_, pensent que c'était le +Pavillon royal; c'est pour éclairer cette question que nous nous sommes +livré à quelques recherches, qui nous ont procuré la connaissance de +nouveaux documents propres à la résoudre. + +M. Eckard, lorsqu'il écrivit son livre sur Versailles, fit de nombreuses +visites aux Archives du royaume et aux Archives de la couronne, pour +avoir quelques renseignements sur les faits dont il s'agit; mais là +comme à Versailles, il ne put trouver aucun acte, aucun titre qui se +rapportât aux acquisitions de Louis XIII à Versailles; ce qui lui fit +penser «que les contrats primordiaux, soit du vieux château et de la +seigneurie de Versailles, soit du fief vendu par Jean de Soisy, ont été +détruits, de même qu'une foule d'autres documents plus importants encore +pour notre histoire l'ont été dans toute la France, parce qu'ils +établissaient des droits féodaux et des redevances seigneuriales +supprimés, sans indemnité, par différents décrets.» + +«En effet, une loi du 17 juillet 1793, a ordonné le brûlement de tous +les titres énonciatifs de ces droits, et existants entre les mains des +anciens seigneurs, ou qui, pour les domaines nationaux, avaient été +déposés dans les secrétariats des districts. Or, cette loi, qui +prononçait cinq années de fers contre ceux qui auraient caché ou +soustrait et recelé des minutes, ou des expéditions des actes qui +devaient être brûlés, fut rigoureusement exécutée à Versailles, d'où +relevaient en outre trente-quatre seigneuries.» + +Il était donc nécessaire de suivre une autre direction dans les +recherches nouvelles que l'on voulait faire sur ce sujet; et comme il +s'agissait surtout de constater l'époque de la construction du Pavillon +royal, regardé comme la première habitation de Louis XIII, ce fut +particulièrement de ce côté que nous portâmes nos investigations. + +Nous nous adressâmes au propriétaire de ce pavillon, M. Peert, avoué à +Versailles, et grâce à son extrême obligeance, nous avons trouvé, parmi +les titres de propriété, deux pièces qui établissent d'une manière +positive l'époque de la construction du _Pavillon royal_. + +La première de ces pièces est ainsi conçue: + +«Don de place à Versailles pour les héritiers de la veuve Hérault. + +»Aujourd'hui, 2 aoust mil sept cent un, le Roy étant à Versailles, les +héritiers de la veuve Hérault lui ont fait représenter que Sa Majesté +lui auroit accordé, il y a environ 25 ans, une place scize en ce lieu, +sur laquelle elle a fait bastir une maison appelée le _Pavillon royal_; +mais comme il ne luy en a pas été expédié de brevet pour en assurer la +propriété à ses héritiers, ils l'ont très-humblement suppliée de vouloir +sur ce leur pourvoir, à quoy ayant égard, Sa Majesté a, en tant que de +besoin, accordé et fait don aux héritiers de ladite veuve Hérault de +ladite place, contenant 24 toises 4 pieds de face sur la rue de la +Pompe, 29 toises de face sur l'avenue de Saint-Cloud, 3 toises 2 pieds +de face à la pointe aboutissant par le côté opposé à ladite pointe, au +mur de l'hostel de Guise, et ayant 17 toises de profondeur, le long +dudit mur, à la charge par eux de payer au domaine de Versailles le +droit de cens sur le pied de 5 sols par arpens, au jour de Saint-Michel, +et d'entretenir en bon état et cimétrie la maison qui y a été bastie, et +pour assurance de sa volonté, Sa Majesté m'a commandé de leur en +expédier le présent brevet, qu'elle a signé de sa main et fait +contresigner par moy, conseiller secrétaire d'État et de ses +commandements et finances, signé: Louis et plus bas Phelypeaux; et au +dos est écrit: Paraffé _ne varietur_, au désir du partage passé devant +les notaires soussignés, ce 20 mars 1720. Signé: Bergeret, Delaroche, +Delaroche avec Besnier et Junot, notaires, en l'original des présentes, +paraffé et demeuré annexé à la minute d'un partage passé devant les +notaires soussignés, ce 20 mars 1720, dont la minute envers ledit Junot. +Signé: Besnier et Junot, avec paraffes et scellé ledit jour.» + +La deuxième donne le plan du terrain, et au milieu est écrit: + +[Illustration: + +AVENUE DE SAINT-CLOUD, 29 TOISES. + + +--------+ + ______________| |______________ + 3 toises, | / + Ville-Nueve. | / + | / + \ / + \ / 17 toises, + \ / madame de Guise. + \ / + \ / + \______________________/ + + 24 toises 4 piedes, + rue de la Pompe. + +] + +«Le Roy a accordé, il y a environ 25 ans, à la veuve Hérault une place +scize à Versailles, ayant 24 toises 4 pieds de face sur la rue de la +Pompe, 29 toises de face sur l'avenue de Saint-Cloud, 3 toises 2 pieds +de face à la pointe où se joignent ladite rue de la Pompe avec ladite +avenue, aboutissant par le côté opposé à ladite pointe, au mur de +l'hostel de Guise, et ayant 17 toises de profondeur le long dudit mur, +le tout ou environ, sur laquelle place elle a fait bastir une maison +appelée le _Pavillon royal_, suivant les décorations réglées par Sa +Majesté, dont n'ayant point eu ci-devant de brevet, Sa Majesté m'a +commandé de donner le présent certificat aux héritiers de ladite veuve +Hérault, pour obtenir sur iceluy tous brevets nécessaires. + +«Fait à Versailles, le 10 juillet 1701, signé: Hardouin Mansart.» + + * * * * * + +Et plus bas: «Première inventoriée.» + + * * * * * + +Deuxième, et au dos est écrit: «Paraffé _ne varietur_, au désir du +partage passé devant les notaires soussignés, ce 20 mars 1720. Signé: +Delaroche, Bergeret, Delaroche avec Besnier et Junot, notaires. + +»Est l'original des présentes demeuré annexé à la minute d'un partage, +passé devant les notaires soussignés, dont Junot, l'un d'eux, a la +minute, ce 20 mars 1720. Signé: Besnier et Junot, avec paraffes, et +scellés ledit jour.» + +Il résulte de ces documents authentiques, que M. Eckard se trompe quand +il affirme que le Pavillon royal a été bâti par Louis XIII; que ce +pavillon, l'une des plus anciennes maisons de Versailles, ne remonte +cependant qu'à l'année 1676, c'est-à -dire au règne de Louis XIV, et que +ce qui a sans doute induit en erreur M. Eckard, et avant lui le +_Cicerone de Versailles_, sur l'origine de ce bâtiment, c'est le nom de +_Pavillon royal_, qu'on lui supposait venir du séjour qu'y aurait fait +anciennement Louis XIII, tandis que les pièces citées prouvent que ce +nom lui a été donné au moment de sa construction par la veuve Hérault, +probablement pour le distinguer des hôtels des grands seigneurs qui +l'environnaient de tous côtés. + +Il reste donc établi, par tout ce qui précède, que Louis XIII avait une +habitation, à Versailles avant l'année 1627, date à laquelle l'abbé +Lebeuf fait remonter la vente du fief de Jean de Soisy; que cette +habitation, n'est point le _Pavillon royal_, ainsi que le croyait +l'auteur des _Recherches sur Versailles_; et qu'alors il faut bien en +revenir à l'opinion de Blondel, établissant comme certain que, dès +l'année 1624, _Louis XIII avait commencé à y bâtir un rendez-vous de +chasse, qu'il avait élevé sur le lieu le plus éminent, et où était situé +ci-devant, un moulin à vent_. + +Quant à la date de 1632, Louis XIII ne devint véritablement seigneur de +Versailles qu'à cette époque, en achetant de l'archevêque de Paris la +terre et seigneurie de Versailles. + +Louis XIII aimait beaucoup Versailles; il y prolongeait ses séjours +pendant la saison des chasses; aussi le _Rendez-vous_ devint une +habitation qui alla en s'agrandissant jusqu'à la fin de son règne. + +Ce château, construit par _Lemercier_, architecte, du roi, était flanqué +de quatre pavillons bâtis de pierres et de briques, avec un balcon de +fer tournant tout autour, et dégageant les appartements du premier +étage. Suivant l'usage de ce temps, quelques moyens de défense le +mettaient à l'abri d'un coup de main. + +Une fausse braie ou basse enceinte l'entourait et était précédée d'un +fossé à fond de cuve, revêtu de briques et de pierres de taille, terminé +par une balustrade. Ce petit édifice était environné de bois, de plaines +et d'étangs, dont la nature faisait seule les frais[9]. + +Tel était encore le château de Louis XIII, lorsque, au mois de novembre +1630, s'y passa le curieux événement qui porte dans l'histoire le nom de +_journée des Dupes_. + +Ce fut le seul événement politique de quelque importance qui eut lieu +dans le château de Versailles pendant le règne de Louis XIII; il est +donc intéressant de s'y arrêter un moment, d'autant plus qu'il va servir +à faire reconnaître quelques-unes des distributions du château à cette +époque. + +Dans le mois de septembre 1630, Louis XIII venait de diriger sur +l'Italie une armée considérable: «Toutes les troupes avaient passé par +Lyon, et le roi les avait voulu voir l'une après l'autre. S'y trouvant +beaucoup de soldats bien nouveaux et mal façonnés au métier, pour les +mieux former, il montrait à quelques-uns comment il fallait porter et +manier les armes, y prenant un singulier plaisir. Il ne s'occupait pas à +ceci, néanmoins, sans beaucoup de travail, s'y adonnant pendant la +chaleur du jour le plus souvent, et pendant les pluies et le mauvais +temps. Le vingt-deuxième jour du mois de septembre, sur les deux à +trois heures après midi, ayant été toute la matinée bien gai, il se +sentit attaqué d'un frisson qui fut suivi d'une fièvre continue, avec +des redoublements chaque nuit, qui donnèrent à ses gens de bien grandes +appréhensions, sans qu'on lui fît connaître que la fièvre dont il était +atteint fût si maligne[10].» La maladie du roi allait toujours en +augmentant; les médecins en désespéraient, et avaient même dit qu'il ne +passerait pas le 30 septembre. A chaque instant on croyait le voir +expirer, lorsque _Sénéles_, médecin du commun de la reine, proposa de +lui administrer un remède qui, disait-il, devait, en moins de quatre +heures, ou sauver le roi ou le faire périr. «Les deux reines, dit +Valdori[11], qui raconte ce fait, voyant l'une son fils, l'autre son +époux sans espérance, et entièrement abandonné des médecins, +consentirent à faire l'épreuve, laquelle réussit si heureusement que ce +monarque, déjà à demi mort, revint dans peu en convalescence[12].» + +La reine Anne d'Autriche était depuis longtemps fort en froid avec Louis +XIII; les soins qu'elle lui rendit dans le cours de sa maladie avaient +amené entre eux une espèce de réconciliation. Anne en profita pour +seconder sa belle-mère, Marie de Médicis, dans la guerre que celle-ci +avait déclarée au cardinal de Richelieu. On ne laissa pas respirer le +roi pendant sa pénible convalescence. Les deux reines profitèrent de sa +faiblesse, l'étourdirent de violentes accusations contre Richelieu, qui, +selon elles, n'avait entrepris cette guerre que pour se rendre +nécessaire, et avait ainsi sacrifié la santé et la vie du roi à son +ambition; Louis XIII ne trouva d'autre moyen de se débarrasser des +obsessions de sa mère qu'en lui promettant de prendre un parti définitif +après son retour à Paris. + +Le roi ne tarda pas à quitter Lyon. «Il en sortit sur un brancard, dit +Ch. Bernard[13], pour aller prendre la rivière à _Rouane_, d'où il +arriva en peu de temps à Briare et de là à Versailles, maison qu'il +avait fait bâtir à quatre lieues de Paris et à deux lieues de +Saint-Germain-en-Laye. «Elle était petite, pour n'y admettre que peu de +gens et n'être point troublé dans le repos qu'il cherchait loin des +importunités de la cour, et afin d'être plus libre dans l'exercice de +ses chasses, lorsqu'il s'y voulait adonner.» Il fut là quelque temps et +alla après à Saint-Germain, ne pouvant loger dans son Louvre à Paris, +d'autant que l'on travaillait à la grande salle, dont jusqu'alors le +plancher n'avait été construit que de poutres et de solives, qui +offraient si peu de sûreté que lorsqu'on s'y réunissait l'on était +obligé d'y mettre des étais, et que Sa Majesté avait ordonné de +remplacer par des voûtes en pierre.» + +A peine arrivée à Paris, Marie de Médicis recommence ses instances +auprès du roi, pour faire éloigner le cardinal. Louis oppose une vive +résistance aux importunités de sa mère, et insiste sur le besoin qu'il a +des services de Richelieu. Marie paraît d'abord se rendre; mais, +toujours poussée par sa haine contre le premier ministre, elle se résout +enfin à prendre un parti décisif. Cet événement est raconté comme il +suit par l'auteur des _Anecdotes du ministère du cardinal de Richelieu_: + +«La reine-mère ayant résolu de mettre le feu le jour de saint Martin, 11 +novembre 1630, à la mine qu'elle avait creusée, pour faire sauter en +l'air et détruire jusqu'aux fondements de la fortune du cardinal, et +ayant pris ses mesures, pour mieux effectuer son dessein, de se trouver +seule avec le roi son fils, afin de lui faire toucher au doigt et à +l'Å“il, pour me servir de ses propres termes, toutes les fautes énormes +que ce prélat avait commises pendant son ministère, les dommages et le +préjudice que l'État en avait souffert, la mine joua et eut un succès +bien différent de celui qu'elle et ceux qui l'avaient aidée à la +fabriquer avaient espéré, car elle écrasa tous les architectes qui en +avaient donné le plan, et ensevelit sous ses ruines tous ceux qui +avaient contribué à sa construction. + +»Mais cette intrigue mérite bien que l'on fasse un détail un peu +circonstancié d'une scène qui fait la plus curieuse époque du règne de +Louis XIII, et qui à fait donner le nom de _journée des dupes_ au jour +où elle se passa. + +»La reine-mère étant donc convenue avec le roi son fils qu'il la +viendrait voir le jour de saint Martin, dans la matinée, à son palais du +Luxembourg, à l'insu du cardinal, feignit d'avoir pris médecine ce +jour-là , afin d'avoir un prétexte apparent de défendre l'entrée de sa +chambre à qui que ce fût, pour pouvoir entretenir ce monarque en +particulier plus à son aise. Ce prince faisait cependant cette visite +secrètement, de concert avec son premier ministre, du moins à ce qu'en +publia pour lors la renommée; mais, quoi qu'il en soit, cette princesse +mit en ce moment tout en usage, et employa tout l'art du monde pour +persuader à son fils qu'il était trompé et trahi par le cardinal. Elle +lui fit là -dessus une longue énumération de toutes les fautes, de toutes +les bévues et de tous les manquements de ce ministre. Elle fit ensuite +tous ses efforts, pour tirer parole de lui qu'il le chasserait, qu'il ne +l'admettrait jamais plus à ses conseils. Elle n'eut aucun scrupule +d'exiger du roi, au milieu des acclamations publiques qu'il recevait +pour son heureuse convalescence et l'heureux succès de ses armes en +Italie, où ce prélat avait eu tant de part, une chose aussi honteuse +pour sa réputation, qui était celle de sacrifier un si digne serviteur, +et de le faire servir de victime au ressentiment de sa mère, et de faire +voir à toute l'Europe, par la disgrâce de celui qui était l'âme de tous +ses conseils, qu'il se repentait de ce qu'il avait fait pendant tout le +temps qu'il avait été son premier ministre. Comme la reine était au plus +fort de son discours, et qu'elle pressait vivement son fils de lui +accorder ce qu'elle désirait de lui avec tant d'instances, le cardinal +entra brusquement dans sa chambre; il en avait trouvé, à la vérité, la +porte fermée, avec défenses très-expresses à l'huissier de l'ouvrir à +personne et surtout à lui, s'il s'y présentait; mais comme il +connaissait toutes les issues de ce palais, il s'en fut à la garde-robe +de cette princesse, et se fit introduire par là dans la chambre, ayant +gagné pour cet effet une de ses femmes nommée _Zuccole_, qui, étant dans +la confidence de sa maîtresse, était restée seule de garde en cet +endroit-là [14]. Voilà de quelle manière il parvint jusqu'au lieu où la +mère et le fils s'entretenaient tête à tête sur son sujet et où il +servait d'ample matière à leur conversation. Ce fut la faute de la +reine, si elle fut ainsi interrompue; car ses plus fidèles domestiques +lui avaient conseillé, pour obvier à toutes sortes d'inconvénients, de +faire fermer cette porte de communication dans sa chambre, et d'en tenir +elle-même les clefs sous sa main.» + +L'auteur des _Anecdotes_ raconte ensuite la scène qui eut lieu entre la +reine Marie de Médicis et le cardinal, la soumission apparente de +Richelieu, les cris et les emportements de la reine; puis il ajoute: «Le +cardinal se tourna du côté du roi et le supplia de vouloir bien lui +permettre de se retirer quelque part pour y passer le reste de ses jours +en repos, n'étant pas juste que Sa Majesté se servît de lui et le +continuât dans le ministère contre les volontés de la Reine. A ces +paroles, ce monarque, témoignant avoir envie de déférer aux désirs de sa +mère, lui accorda sa demande et lui ordonna de sortir. Il ne fut plus +question que du choix d'un nouveau ministre; mais cette princesse, qui +l'avait déjà désigné en elle-même, proposa à son fils le garde des +sceaux, de Marillac, dont le roi approuva l'élection et consentit qu'il +fût revêtu de la dignité de premier ministre. Après quoi la mère et le +fils se séparèrent. + +»La reine, pleine de joie et de contentement, resta dans son palais du +Luxembourg, s'applaudissant en elle-même d'avoir si bien réussi dans son +dessein. Le bruit de la disgrâce du cardinal et de l'élévation de +Marillac s'étant répandu dans un instant de tous côtés, les affections +des courtisans changèrent d'objets dans le moment, la faveur ayant +coutume d'attirer à soi les cÅ“urs, de même que la lumière d'un nouvel +astre attire les regards de tout le monde; aussi le cardinal se vit tout +d'un coup délaissé de toute la cour, à l'exception de ses parents et +d'un petit nombre d'amis qui étaient le plus avant dans sa confidence. + +»Le roi, au partir du Luxembourg, s'en alla tout droit à son château de +Versailles, où la reine-mère ne le suivit point, contre le sentiment de +tous ses serviteurs, et particulièrement du vicomte _Fabroni_, qui lui +conseillait d'y accompagner son fils et de ne le point perdre de vue +qu'elle n'eût mis la dernière main à la disgrâce du cardinal, et qu'elle +ne l'eût fait chasser de Paris et de la cour. Énivrée de sa prospérité +présente, elle en voulut goûter toutes les douceurs, et s'amusa à +recevoir les compliments et les congratulations que tout Paris lui +venait faire sur le recouvrement de son autorité perdue. Mais, tandis +qu'elle avalait à longs traits le doux poison de la flatterie, qu'elle +écoutait avec plaisir toutes les louanges qu'un chacun lui donnait sur +l'admirable conduite qu'elle avait tenue dans cette affaire, et qu'elle +disposait déjà des principaux emplois de l'État en faveur de ses +confidents, le cardinal de Richelieu, conseillé et encouragé par le +cardinal de la Valette, qui vivait dans une étroite amitié avec lui, de +faire une dernière tentative auprès du roi pour essayer de se maintenir +dans le poste qu'il occupait, en dépit de ses ennemis, et de ne leur pas +céder une victoire si aisée, s'en fut trouver ce prince à Versailles. + +«Entre plusieurs raisons dont ce véritable ami se servit pour lui +persuader ce voyage, il employa celle de ce commun proverbe des +Français, que, _qui quitte la partie la perd_. Le cardinal et le garde +des sceaux de Marillac arrivèrent en même temps à la cour: le premier +sous prétexte de prendre congé de Sa Majesté, et le second à dessein de +remplir sa place et de prendre possession de l'emploi de premier +ministre; _les fourriers lui avaient déjà marqué dans le château le +logement qui était attaché aux fonctions de cette charge_; mais les +choses changèrent bientôt de face, et bien des gens furent pris pour +dupes. On reconnut alors que les courtisans s'étaient lourdement abusés +dans l'empressement qu'ils avaient témoigné à congratuler le nouveau +ministre, et que le cÅ“ur et la conduite des princes sont impénétrables; +car le cardinal de Richelieu ayant été bien servi auprès du roi par M. +de Saint-Simon, qui était lors son favori, il arriva que, comme ce +premier ministre prenait congé de lui en compagnie du cardinal _de la +Valette_, Sa Majesté, au lieu de lui octroyer la permission qu'il lui +demandait de se retirer, lui ordonna, au contraire, de demeurer et de +continuer l'exercice de son emploi, lui disant de plus «de ne point +s'inquiéter, qu'il trouverait bien le moyen d'apaiser sa mère, et de la +faire consentir à ce qu'il faisait, en ôtant d'auprès d'elle les +personnes qui lui donnaient de pernicieux conseils.» + +»Cette scène se passa publiquement dans la chambre du roi; mais le +cardinal avait été secrètement introduit, un peu avant, _par un escalier +dérobé dans le cabinet de ce monarque_, avec lequel il avait eu un assez +long entretien qui avait produit tout l'effet qu'il en pouvait attendre; +car ce prince, persuadé, par toutes les raisons qu'il lui avait +alléguées pour sa justification, qu'il était fidèlement et uniquement +attaché à sa personne et au bien de son royaume, lui avait redonné son +affection et toute sa confiance. Il était, de plus, convenu avec lui de +toutes les choses qui se passèrent ensuite dans sa chambre, afin que la +victoire qu'il remportait sur ses ennemis en parût plus éclatante. Ce +fut M. de Saint-Simon qui lui rendit un service si important, en +ménageant cette secrète entrevue entre Sa Majesté, et en le conduisant +lui-même, à l'insu de tout le monde, dans le cabinet du roi.» + +Charles Bernard, racontant le même fait dans son Histoire de Louis XIII, +dit: «Le roi, qui recognoissait bien d'où le mal pouvoit venir, résolut +de le terminer. Il savoit qui estoient les artisans de ces divisions, si +bien que s'en allant en sa maison de Versailles, il commanda au cardinal +et au garde des sceaux, chacun à Paris, de l'y suivre. Il n'avoit encore +mené en ce lieu pas un conseil, ayant fait bastir cette petite maison +pour se distraire entièrement des affaires.... + +»Cependant, les deux personnages qui estoient les premiers du conseil du +roy, pour obéir au commandement de Sa Majesté, le suivirent et eurent un +divers événement de leur arrivée: le garde des sceaux ayant eu +commandement d'aller _loger à Glatigny_, le roy lui ayant fait dire +qu'il lui ferait le lendemain savoir sa volonté; au lieu que le cardinal +fut logé dans le chasteau de Versailles, sous la chambre du roy, en +celle où l'on avoit coutume de loger M. le comte de Soissons[15], et dès +le soir il entra en conseil avec Sa Majesté.» + +Telle fut cette _journée_, dans laquelle les Marillac[16], les Guise, la +princesse de Conti et les autres partisans de la reine-mère, qui se +croyaient arrivés au sommet des grandeurs par la chute du cardinal, se +virent, les uns destitués de leurs emplois; d'autres chassés de la cour, +et plusieurs emprisonnés. + +«Le pauvre maréchal de Bassompierre lui-même, dit Valdori, tout fin et +délié courtisan qu'il était, se trouva, par les engagements qu'il avait +avec l'incomparable princesse de Conti, compris au nombre des +malheureux. Il fut envoyé à la Bastille, d'où il ne sortit, qu'après la +mort du cardinal.» + +Ce récit éclaire plusieurs détails intéressants du château de +Versailles. Et d'abord, on voit que Louis XIII avait fait bâtir une +petite maison _pour n'y admettre que peu de gens et n'être point troublé +dans le repos qu'il y cherchait loin des importunités de la cour_; et, +par conséquent, on conçoit très-bien que Bassompierre ait pu l'appeler +le _chétif château de Versailles_. Ce fut plus tard, et quand il eut +acheté le domaine de Versailles de Jean-François de Gondi, qu'il y +ajouta de nouvelles constructions et en fit un palais de quelque +importance. + +Ce qui vient d'être dit peut aussi servir à retrouver dans le château +quelques anciennes distributions existant encore aujourd'hui. + +Quand Louis XIV fit faire ses grands travaux de Versailles, il voulut +conserver religieusement le château de son père. Dans les premières +années de son règne, il fit commencer les embellissements des jardins, +et y donna les grandes fêtes de 1664 et 1668; la distribution des +appartements du château de Louis XIII était restée la même, et les +chefs-d'Å“uvre de peinture et de sculpture que Louis XIV commençait à y +accumuler, étaient tout ce que l'on y voyait de nouveau. + +En 1671, Félibien, historiographe des bâtiments du roi, donna la +première description du château de Versailles et des embellissements +qu'y faisait exécuter Louis XIV. On voit dans cette description que la +pièce du milieu, qui devint plus tard la chambre à coucher de Louis XIV, +et dans laquelle mourut ce roi, formait alors un salon comme au temps de +Louis XIII; que ce qui est devenu depuis le salon de l'Å’il-de-BÅ“uf, +était divisé en deux pièces, dont l'une, la plus près du salon central, +formait la chambre à coucher du roi, et dont l'autre était un cabinet ou +antichambre; que dans cette antichambre ouvrait un escalier dérobé +communiquant avec les appartements du rez-de-chaussée. Ces pièces, de +l'ancien château de Louis XIII, étaient donc restées comme au temps de +ce roi. + +Voyons dans le récit précédent ce qui se rapporte aux appartements du +château. + +«Cette scène, dit Valdori, se passa publiquement dans la chambre du roi; +mais le cardinal avait été secrètement introduit, un peu auparavant; par +un escalier dérobé, dans le cabinet de ce monarque.» + +Charles Bernard ajoute de son côté: «Que le cardinal fut logé dans le +château de Versailles, sous la chambre du roi, en celle où l'on avoit +coustume de loger M. le comte de Soissons, et que dès le soir il entra +en conseil avec Sa Majesté.» + +Ainsi l'appartement _où l'on avait coutume de loger M. le comte de +Soissons_, comme grand-maître de la maison du roi, était au-dessous de +la chambre à coucher de Louis XIII; conséquemment à l'endroit occupé +aujourd'hui par la salle des portraits des rois de France, et c'est là +que Richelieu coucha la nuit de ce célèbre événement. L'_escalier +dérobé_, par lequel Saint-Simon vint le chercher pour le conduire dans +le _cabinet du roi_, existe encore dans un petit couloir placé à l'angle +sud-ouest de cette salle, et aboutit au premier étage à l'angle +correspondant du salon de l'Å’il-de-BÅ“uf, et par conséquent à la partie +du cabinet précédant la chambre à coucher du roi. Il est donc évident +que dans l'état actuel du château de Versailles, et malgré toutes les +transformations qu'il a subies depuis son origine, on peut suivre +encore, dans ses détails les plus intéressants, la principale scène de +cette grande comédie historique appelée _la journée des dupes_[17]. + + + + +II + +LA NAISSANCE DU DUC DE BOURGOGNE. + +1682. + + +Anne-Marie-Victoire de Bavière, princesse d'une constitution délicate, +épousa, au mois de janvier 1680, le dauphin, fils de Louis XIV. La +première année de ce mariage ne fut qu'une longue série de fêtes pour la +jeune dauphine. Mais quand, vers la fin de 1681, l'on eut la certitude +de sa grossesse, de grandes précautions, commandées par la faiblesse de +son organisation, lui furent imposées. Tout le monde s'intéressait à +cette princesse et attendait avec anxiété l'époque de sa délivrance. La +naissance d'un petit-fils était surtout le désir le plus ardent de Louis +XIV, et il voyait approcher ce moment avec une joie mêlée de quelques +inquiétudes. + +Une première pensée dut se présenter à lui dans une conjoncture aussi +grave: à qui remettrait-on le soin d'accomplir cette opération +importante? à un accoucheur ou à une sage-femme? + +Aujourd'hui le choix serait bientôt fait, ou plutôt il n'y en aurait +pas. Mais il n'en était pas ainsi à cette époque. Les accoucheurs +n'étaient pas répandus comme ils le sont actuellement, et la science +obstétricale était presque entièrement confiée à des femmes. Non pas que +depuis longtemps d'illustres chirurgiens n'eussent pratiqué des +accouchements, mais en général c'était dans des cas exceptionnels et +difficiles, et dans l'ordre ordinaire des choses, l'on voyait les +accouchements confiés presque exclusivement à des sages-femmes. Déjà , +cependant, les femmes avaient moins de répugnance à se remettre dans les +mains des hommes, et quelques accoucheurs célèbres étaient parvenus à se +faire une brillante réputation parmi les dames de la cour, de la +magistrature et de la haute bourgeoisie. Mais le plus grand nombre des +femmes grosses choisissaient des accoucheuses pour les délivrer, et les +reines, Marie de Médicis, épouse de Henri IV; Anne d'Autriche, épouse de +Louis XIII; et Marie-Thérèse, épouse de Louis XIV, avaient été +accouchées par des femmes. Il semblait donc tout naturel que dans cette +circonstance, le roi choisît une sage-femme pour accoucher la dauphine. +Il n'en fut cependant pas ainsi, et un chirurgien fut chargé de cette +importante opération. On a déjà dit que la dauphine était d'une +constitution délicate, et que le roi redoutait beaucoup ce moment; il +voulut donc la remettre entre les mains d'un homme habile et ayant toute +sa confiance, et il désigna pour accoucheur _Clément_. + +_Clément_ (Julien) était alors l'accoucheur le plus célèbre de Paris. Né +en 1638, à Arles, il vint fort jeune à Paris pour étudier l'art des +accouchements. Gendre et élevé de _Lefebvre_, autre accoucheur en renom +de la même époque, il acquit bientôt une grande réputation; et par son +habileté et le talent qu'il montra dans quelques occasions dangereuses, +il contribua beaucoup à la véritable révolution qui fit préférer les +accoucheurs aux sages-femmes, révolution achevée surtout par le choix +que Louis XIV fit de lui pour la dauphine. + +La réputation de Clément ne l'avait pas seule indiqué au choix de Louis +XIV. Amené mystérieusement auprès de madame de Montespan quand elle mit +au monde le duc du Maine, il avait continué de l'assister dans ses +autres accouchements, et le roi avait pu ainsi apprécier ses +talents[18]. + +L'accoucheur choisi, il fallait s'occuper de prendre une nourrice. +Celles-ci ne manquèrent point; et il en vint s'offrir de tous côtés. On +était dans l'usage de les choisir vers le septième mois de la grossesse. + +Peut-être paraîtra-t-il curieux de connaître les conditions exigées +alors pour être la nourrice d'un prince.--Elle devait être âgée de +vingt-deux à trente ans,--avoir un lait de trois mois,--avoir déjà fait +une nourriture étrangère,--être d'un tempérament sanguin,--avoir les +cheveux noirs ou d'un châtain brun,--avoir une constitution forte et +robuste,--être assez grasse,--avoir bon appétit,--et n'être délicate ni +sur le boire, ni sur le manger,--être gaie et de bonne humeur,--avoir +toujours le mot pour rire,--n'être sujette à aucune incommodité,--ne +sentir mauvais ni de la bouche, ni des aisselles, ni des pieds,--n'avoir +point de dents gâtées et les avoir toutes,--avoir la peau blanche et +nette,--enfin avoir tous les signes d'une bonne santé.--Il fallait de +plus qu'elle fût assez jolie,--gracieuse dans son parler,--bien faite +dans sa taille,--ni trop grande, ni trop petite, ni bossue, ni boiteuse, +et qu'elle n'eût aucun accent prononcé.--Mais ce qu'on exigeait surtout, +c'était que la gorge fût bien faite et contînt suffisamment de +lait.--Quant au lait, on n'avait pas alors les moyens que l'on possède +actuellement pour juger de sa bonté, et l'on s'en rapportait à son +aspect et à son goût. + +Quand une nourrice réunissait toutes ces qualités, on exigeait encore +d'elle, et par-dessus tout, qu'elle fût de bonne vie et mÅ“urs. C'était +sans doute, et c'est encore aujourd'hui une très-bonne précaution de +s'informer de la sagesse de la femme à laquelle on va confier son bien +le plus cher. Mais comment le savoir positivement? Et d'ailleurs, ne se +peut-il pas que quelque grave affection soit venue atteindre une +nourrice, sans que pour cela elle ait en rien manqué à une conduite sage +et réglée? Une histoire arrivée dans une circonstance analogue, et +racontée par _Louise Bourgeois_, la célèbre accoucheuse de Marie de +Médicis, montre combien l'on peut être encore trompé malgré toutes ces +précautions: «La reine étant grosse de madame sa fille aînée, dit madame +Bourgeois, alla à Fontainebleau pour y faire ses couches, et partit en +octobre de Paris après la moitié du mois, où étant arrivée l'on avait +quantité de nourrices qui importunaient tellement le roi et la reine, et +tout le monde, que Leurs Majestés en remirent l'élection à +Fontainebleau, où il ne manqua d'en venir de tous côtés. L'on attendit +proche de l'accouchement de la reine à en faire l'élection. Il vint un +homme, lequel avait envoyé sa femme pour être nourrice, laquelle avait +une petite fille fort délicate et menue. La femme était bien honnête, et +de gens de bien, en faveur de quoi il se trouva des plus signalés +seigneurs de la cour qui en parlèrent d'affection aux médecins. Ce fut +une affaire qui me donna bien de la peine. Elle logea chez une de mes +amies, laquelle s'employa de bon cÅ“ur pour elle; elle me priait aussi +d'y faire ce que je pourrais. Je voyais son enfant extrêmement menu, +mais elle était appropriée à son avantage, de sorte que la hard parait +le fagot. Quand on m'en parlait, je ne pouvais répondre gaiement, à +cause que sa nourriture ne m'agréait guère. Je fus un jour, comme +j'avais coutume, la voir, où j'entendis nommer cette nourrice du nom de +son mari. Je me ressouvins que c'était le nom d'un jeune homme que mon +mari[19] avait traité de la v..., lequel avait voulu sortir sans +attendre qu'il eût été guéri.... Je fus bien empêchée et eusse voulu ne +l'avoir jamais vue.... Elle fut retenue, et aussitôt on fit état de +renvoyer toutes les autres; c'était l'heure du dîner. Je fis chercher M. +du Laurens[20], lequel était allé dîner en compagnie. Comme je vis qu'il +ne se trouvait pas, et qu'il n'eût pas été à propos de le dire quand les +autres nourrices eussent été renvoyées, je priai mademoiselle Cervage, +femme de chambre de la reine, de lui aller dire de ma part.... La reine +le dit aussitôt au roi, lequel dit tout haut «que des nourrices venaient +de loin pour le tromper», devant tout le monde. Il envoya chercher M. du +Laurens et les autres médecins, lesquels me vinrent trouver pour savoir +la vérité, et comment, si je vérifierais cela. Je leur dis le tout, et +que pour preuve, il y avait un valet de chambre de M. _de Beaulieu-Rusé_ +qui, demeurant en notre logis, l'avait aidé à panser, qui en pourrait +dire la vérité, et un autre qui était chirurgien à Auxerre, qui avait +été en même temps chez nous. Comme cela fut vérifié, l'on fit une autre +élection de nourrice.» + +La conséquence à tirer de cette histoire, c'est que, malgré tous les +certificats, on peut encore être trompé; car, si le hasard n'avait pas +fait connaître à l'accoucheuse de la reine l'état antérieur du mari de +cette femme, elle aurait été parfaitement acceptée pour nourrice de la +fille du roi. Ainsi donc, s'il est bon, en tout état de choses, de +tâcher d'avoir les meilleurs renseignements sur la vie antérieure d'une +nourrice, il faut cependant, sous ce rapport, s'en remettre un peu à la +grâce de Dieu. + +Voici, du reste, comment on s'y prit pour la Dauphine: On choisit +d'abord les quatre meilleures nourrices, c'est-à -dire celles qui +remplissaient le mieux les conditions déjà indiquées, et l'on prit leurs +noms et leurs demeures; puis, le premier médecin envoya un homme de +confiance pour procéder aux informations. Cet homme s'adressa aux curés +pour avoir un certificat constatant _qu'elles étaient de la religion +catholique, qu'elles servaient bien Dieu, et qu'elles fréquentaient les +sacrements_. Il obtint ensuite un certificat des chirurgiens de chacune +d'elles, assurant qu'ils n'avaient connu dans leurs familles aucune +personne atteinte de maladies contagieuses, ni écrouelles, ni épilepsie. +Après avoir obtenu ces deux certificats, il assembla les voisins, qui +attestèrent qu'elles étaient de bonne conduite, et qu'elles avaient +toujours bien vécu avec leurs maris et leurs voisins. Une fois cette +enquête terminée, on les mit chez la gouvernante des nourrices, où +chacune d'elles avait une chambre et nourrissait son enfant en attendant +l'accouchement de la Dauphine; et sitôt qu'elle fut accouchée, les +médecins vinrent visiter ces nourrices, choisirent celle qu'ils +considérèrent alors comme la meilleure, et les trois autres restèrent +chez la gouvernante, pour n'en pas manquer en cas qu'on fût dans la +nécessité d'en changer. La nourrice choisie fut ensuite gardée à vue par +une femme qui ne la quittait point, pour qu'elle ne pût approcher de son +mari, car on craignait qu'elle ne devînt grosse et ne donnât à l'enfant +de mauvais lait. + +On était très-rigide sur cette séparation des maris, et _Dionis_[21] +raconte à ce sujet ce qui arriva à l'une des premières nourrices de +Louis XIV.--Cette nourrice était de Poissy. La cour habitait à cette +époque le château neuf de Saint-Germain. Louis XIII, ravi d'avoir un +fils, l'allait voir tous les jours et s'entretenait avec la nourrice. +Celle-ci lui raconta plusieurs aventures amoureuses arrivées entre les +dames de Poissy et les mousquetaires de quartier. Le roi en fit quelques +réprimandes à leur commandant, en lui ordonnant de mieux veiller sur +leur conduite. Un jour le mari de la nourrice, impatient de voir sa +femme, rôdait autour du château. La nourrice l'ayant aperçu descendit un +moment pour lui parler sur une des terrasses du jardin. Malheureusement +pour elle, elle fut vue du mousquetaire en sentinelle sur cette +terrasse. Ne voulant pas perdre une si belle occasion de se venger des +discours tenus par elle au roi sur leurs aventures, il la dénonça, et +elle fut immédiatement changée. + +L'accouchement tant désiré de la Dauphine eut lieu au mois d'août 1682. +Le roi venait de fixer depuis quelques mois son séjour à Versailles, et +cette ville présenta alors le plus curieux spectacle. + +Depuis près d'un mois, Clément était établi dans les appartements du +château, lorsque le mardi 4, dans la soirée, la Dauphine ressentit les +premières douleurs. Depuis ce moment jusqu'au jeudi 6, jour de la +délivrance, l'accoucheur ne quitta plus la princesse. Aussitôt les +premières douleurs, la Dauphine fit prévenir la reine et la pria de n'en +rien dire, pour éviter dans ces premiers moments le trouble que cette +nouvelle allait jeter parmi tout le monde. Le Dauphin vint aussi et ne +quitta pas la chambre de la nuit. Cependant, comme elle souffrait de +plus en plus, vers une heure du matin le bruit s'en répandit dans tout +le château. + +Lorsque les reines accouchaient, on préparait près de leur chambre +ordinaire une autre chambre où devait se terminer l'accouchement, et +dans laquelle se tenaient toutes les personnes ayant le droit d'y +assister. C'était dans cette dernière chambre qu'étaient le lit où elles +restaient après l'accouchement et le lit de travail. Celui-ci était +placé dans une espèce de petite tente pour la reine, le roi, +l'accoucheuse et les aides. Cette tente était entourée d'une autre, +beaucoup plus grande, pour les assistants. Ce cérémonial ne fut pas +suivi pour la Dauphine, et l'accouchement se fit dans sa chambre à +coucher. + +Bientôt toute la cour fut en mouvement. Les princes et les princesses du +sang se rendirent aussitôt chez la Dauphine. Les cours, les places, le +chemin de Versailles à Paris, furent éclairés presque comme en plein +jour par la grande quantité de torches et de lumières de toute espèce +des allants et des venants. + +Les antichambres de l'appartement de la Dauphine et la galerie qui y +menait ne tardèrent pas à être encombrées par tous les habitants du +château et de ses environs. Cet appartement était situé à l'extrémité de +l'aile du sud, vis-à -vis la pièce d'eau des Suisses, dans le pavillon de +la surintendante de la maison de la reine[22]. + +Malgré tout ce mouvement, on n'avait pas encore jugé nécessaire +d'éveiller le roi. Cependant, sur les cinq heures du matin, on vint lui +apprendre l'état de la princesse. Il se leva aussitôt, et après +l'assurance que rien ne pressait encore, il ordonna d'adresser des +prières au ciel, et entendit immédiatement la messe. Vers six heures, il +se rendit chez la Dauphine, afin de savoir par lui-même où tout en +était. + +La cour grossissait à tout moment. Les moins diligents se rendaient de +toutes parts aux environs de l'appartement de la jeune malade, d'où +l'on ne pouvait approcher, tandis que le reste du château paraissait +désert. + +Vers neuf heures, le roi, voyant diminuer les douleurs de sa +belle-fille, sortit de chez cette princesse pour aller au conseil; et la +plupart des princes et princesses, ayant veillé toute la nuit, +profitèrent de ce moment pour prendre quelques heures de repos. + +La reine passa toute cette matinée en prière ou auprès de la princesse. +Le roi y revint encore aussitôt que le conseil fut terminé. Il la trouva +assez calme, y demeura quelque temps, voulut qu'elle mangeât pendant +qu'il était là et sortit ensuite avec la reine, chez laquelle il vint +dîner accompagné de tous les princes. Vers la fin du dîner, on lui +annonça que la Dauphine reposait. Jugeant alors sa présence inutile, il +laissa la reine dans son appartement, et alla, selon sa coutume, +travailler dans son cabinet. + +L'un des premiers soins de ce prince avait été d'ordonner des prières +dans toutes les églises de Paris et de Versailles, et de faire +distribuer des aumônes considérables dans ces deux villes. + +Les douleurs de la Dauphine la reprirent avec force vers l'après-dinée; +le roi revint immédiatement auprès d'elle. + +Pendant tout ce temps, la plupart des ambassadeurs, des envoyés et des +résidents des princes étrangers se rendirent à Versailles, afin d'être +prêts à faire partir des courriers à leurs cours aussitôt après +l'accouchement. + +La reine n'avait point quitté l'appartement de la Dauphine depuis ses +premières douleurs; les voyant se continuer avec énergie, elle fit +apporter dans la chambre les reliques de sainte Marguerite, que l'on +était dans l'usage d'exposer dans la chambre des reines quand elles +accouchaient; puis on dressa le lit de travail. Ce lit, conservé dans le +garde-meuble du roi, avait déjà servi aux reines _Anne d'Autriche_ et +_Marie-Thérèse_[23]. + +Les femmes de la Dauphine entrèrent alors, arrangèrent ses cheveux, et +lui mirent sur la tête de grosses cornettes, comme c'était l'usage, pour +qu'elle n'attrapât point de froid. + +Toute la nuit du 5 au 6 se passa encore dans des douleurs de plus en +plus vives et prolongées, surtout vers le matin. + +Les soins et les prières de la reine redoublèrent. Tous les services +qu'une femme est si heureuse de recevoir dans cet instant solennel +furent rendus à la Dauphine avec empressement par la reine et les +princesses du sang. + +Le roi lui-même cherchait à l'encourager et était rempli d'attentions +pleines de bonté. A plusieurs reprises, aidé du Dauphin, il la soutint +pendant qu'elle se promenait dans sa chambre, et comme les douleurs ne +discontinuèrent plus, il y passa la nuit sans vouloir prendre un moment +de repos. + +Pendant cette soirée du mercredi, la nuit du mercredi au jeudi et la +matinée du jeudi jusqu'à l'heure de la délivrance, il n'est sorte de +mots doux et affectueux qui n'aient été échangés entre Louis XIV et la +Dauphine. Le jeudi, le roi ne se reposa pas un moment. Le matin, il +entendit la messe; puis il tint conseil comme à l'ordinaire; car l'on +sait que c'était un des devoirs qu'il s'était imposés, et que rien ne +pouvait empêcher. Immédiatement après le conseil, il revint chez la +Dauphine. + +La longueur du travail commençait à donner de l'inquiétude à tous les +assistants, et les visages semblaient abattus et consternés. _Clément_ +seul, pendant tout ce temps, paraissait impassible. Il s'était assuré, à +plusieurs reprises, de l'état de la princesse; il n'avait reconnu à +l'accouchement aucun obstacle important, et il avait déjà prévenu le roi +que si, par suite de la constitution assez grêle de la Dauphine, +l'accouchement devait être long, il devait cependant se terminer sans +accident. Le roi, on l'a déjà dit, avait une entière confiance dans +l'accoucheur; il s'en rapporta complétement à son savoir, attendit avec +patience l'instant qui allait combler ses vÅ“ux, et convint avec lui +qu'afin de savoir le premier le sexe de l'enfant au moment de la +naissance, il lui demanderait _ce que c'était_, et que Clément +répondrait: Je ne sais pas, Sire,--si c'était une fille; et je ne sais +point _encore_, Sire,--si c'était un fils. + +Les douleurs devenant de plus en plus vives et prolongées, Clément jugea +nécessaire de faire pratiquer une saignée, et les médecins furent tous +de cet avis. + +Aussitôt les apothicaires apportèrent du vinaigre, de l'eau de la reine +de Hongrie et un verre rempli d'eau, dans le cas où la princesse aurait +une faiblesse. Le chirurgien Dionis pratiqua la saignée. On était alors +dans l'usage de fermer les volets et de se servir de bougies afin de +mieux voir la veine. C'est ce qu'on fit pour la Dauphine. Le premier +médecin du roi tint la bougie, et le premier apothicaire tint les +_poilettes_[24]. + +Après la saignée, les douleurs reprirent de l'intensité, et tout +annonçait la prompte terminaison de l'accouchement. Pour soutenir les +forces de la Dauphine, le roi voulut qu'on lui donnât de temps à autre +de son _rossolis_[25]. + +Clément, jugeant que l'instant de la délivrance approchait, en prévint +le roi. La Dauphine fut placée sur le lit de travail, et le roi ordonna +de faire entrer toutes les personnes qui devaient assister à cet acte +solennel. + +Alors se trouvaient dans la chambre le roi, la reine, le Dauphin, +Monsieur, Madame, Mademoiselle d'Orléans, et les princes et princesses +du sang, qu'on avait mandés à cause du droit que leur donnait leur +naissance d'être présents à l'accouchement. Il y avait en outre celles +des dames dont les charges leur donnaient le privilège d'y assister, ou +dont le service était nécessaire à la princesse; c'étaient: madame de +Montespan, surintendante de la maison de la reine; la duchesse de Créqui +et la comtesse de Béthune, dames d'honneur de la Dauphine; la maréchale +de Rochefort et madame de Maintenon, dames d'atour; la duchesse d'Uzès; +la duchesse d'Aumont, femme du premier gentilhomme de la chambre en +année; la duchesse de Beauvilliers, femme du premier gentilhomme de la +chambre; madame de Venelle, première sous-gouvernante; madame de +Montchevreuil, gouvernante des filles d'honneur de la Dauphine; madame +Pelard, première femme de chambre du nouveau-né; madame Moreau, première +femme de chambre de la Dauphine; et les femmes de chambre de jour. + +Tout ce monde était sans mouvement et paraissait attendre avec anxiété +le dernier moment. Bientôt les dernières et énergiques douleurs se +succédèrent et se rapprochèrent, et la Dauphine accoucha à dix heures +vingt minutes du matin. + +A peine l'enfant venait de passer, le roi, impatient, demanda à Clément: +Qu'est-ce? Celui-ci, d'un air satisfait, lui répondit, ainsi qu'il en +était convenu: Je ne sais point _encore_, Sire. Aussitôt le roi, +radieux, s'écria: Nous avons un duc de Bourgogne[26]. + +Tout ce qui se passa alors dans la chambre où ce prince venait de naître +peut à peine se décrire. + +Le roi, dans le premier moment de sa joie, embrassa la reine et la +Dauphine; puis on ouvrit deux portes à la fois, afin de faire connaître +la grande nouvelle à ceux du dehors. Le roi annonça lui-même aux +princesses et aux dames du premier rang la naissance d'un prince, et la +dame d'honneur aux hommes réunis dans la pièce à côté. Il se produisit +alors un mouvement incroyable. Les uns tâchaient de percer la foule pour +aller publier ce qu'ils venaient d'apprendre, et les autres, sans bien +savoir où ils allaient ni ce qu'ils faisaient, forcèrent la porte de la +chambre de la Dauphine. Tout le monde paraissait dans l'ivresse de la +joie. Il y eut un tel pêle-mêle dans ce premier moment, que les +domestiques se trouvèrent dans l'antichambre au milieu des princes et +des dames de la première qualité. Le roi défendit qu'on renvoyât +personne et voulut que chacun pût exprimer librement sa joie. + +Il semblait que le nom du prince nouveau-né eût volé dans l'air jusque +dans les endroits les plus reculés du château et aux deux extrémités de +Versailles; partout des feux de joie s'allumèrent comme par +enchantement, et les missionnaires, établis depuis peu par le roi dans +le château, chantèrent un _Te Deum_ d'actions de grâces dans la +chapelle. + +Quelques instants après sa naissance, le duc de Bourgogne fut ondoyé +dans la chambre de la Dauphine par le cardinal de Bouillon, grand +aumônier de France, revêtu de l'étole, en camail et en rochet. La +cérémonie se fit en présence du curé de la paroisse de Versailles[27]; +et sitôt qu'elle fut faite, on alla bercer le prince dans le cabinet de +la Dauphine, d'où on le rapporta un peu après pour le montrer à cette +princesse. Puis la maréchale de la Mothe étant entrée dans une chaise à +porteurs, on le mit sur ses genoux, et il fut ainsi porté jusque dans +l'appartement qu'on lui avait préparé. A peine y fut-il entré, le +marquis de Seignelay, secrétaire d'État et trésorier de l'ordre du +Saint-Esprit, lui mit au cou, de la part du roi, la croix de cet ordre, +que les fils de France portaient dès leur naissance. + +Enfin, après deux jours et deux nuits d'inquiétudes et de fatigues, il +était temps de laisser reposer la Dauphine[28]; mais ici une nouvelle +scène allait commencer pour le roi. + +En sortant de la chambre, il fallait traverser la foule de grands +seigneurs et de personnages de toutes sortes encombrant les portes et +les corridors. Aussitôt qu'il parut, chacun se précipita et, quel que +fût son rang, chercha par ses acclamations et ses gestes à lui témoigner +sa joie. Le roi paraissait dans ce moment si heureux, et il recevait ces +manifestations d'un air si engageant, que, loin de s'éloigner, chacun +cherchait à se rapprocher de lui. Il faut se figurer que depuis +l'appartement où la Dauphine était accouchée jusque chez la reine où le +roi allait souper, il y avait à traverser une antichambre, la salle des +gardes de la Dauphine, une très-longue galerie, le palier de l'escalier +des princes avec les retours, diverses salles, la salle des gardes de la +reine, et que tous ces lieux étaient tellement remplis de monde, qu'on +peut dire que Louis XIV fut porté à table, depuis la chambre de la +Dauphine, jusqu'au lieu où il soupa[29]. + +Quant au Dauphin, ce qu'il avait vu souffrir à la Dauphine, et les +choses tendres qu'elle lui avait dites pendant cette longue attente, +l'avaient jeté dans une sorte de stupéfaction. Aussi, quand il fallut +passer de la tristesse à la joie, il eut peine à se soutenir. Il +semblait sortir d'un long rêve, et sa première action fut d'embrasser +non-seulement la Dauphine, mais toutes les dames qui se trouvaient dans +la chambre. + +Le roi fit, dès le soir même, donner de fortes sommes d'argent pour +délivrer des prisonniers. + +Louis XIV, dans ses libéralités, ne pouvait oublier celui qui, par son +sang-froid et sa prudence, avait été la cause principale de l'heureuse +réussite de cet événement. Il fit donner à l'accoucheur dix mille +livres, et lorsque Clément alla le remercier, il le reçut gracieusement, +lui dit qu'il était très-satisfait du service qu'il lui avait rendu, +qu'en lui donnant cette somme, il ne croyait pas le payer, et que ce +n'était que le commencement de ce qu'il voulait faire pour lui. + +En effet, Louis XIV ne cessa de le combler de bienfaits. Il n'avait de +confiance qu'en lui. Outre la Dauphine, qu'il accoucha de tous ses +enfants, Clément fut plus tard l'accoucheur de la duchesse de Bourgogne, +et il alla trois fois à Madrid pour accoucher la reine d'Espagne. Enfin, +en 1711, le roi lui donna des lettres de noblesse avec une clause qui +honore au même degré l'homme de mérite auquel s'adressait cette +distinction et le souverain qui la lui accordait; cette clause portait +qu'il ne pourrait abandonner la pratique de son art, ni refuser ses +conseils, ni ses secours aux femmes qui les réclameraient. + +La joie manifestée si vivement dans le château à la nouvelle de cet +heureux événement ne fut pas moins vive au dehors et dans tout +Versailles. + +Un garde du roi dormait sur une paillasse pendant l'accouchement de la +Dauphine: réveillé en sursaut par le bruit extraordinaire que la joie +venait de produire dans l'intérieur du palais, et comprenant, quoique +encore à moitié endormi, qu'il venait de naître un prince, il prit sa +paillasse sur son dos, et sans rien dire a personne, courut le plus vite +possible jusqu'à la première cour[30], et mit le feu à cette paillasse. +Il semblait que chacun n'attendît que ce signal, car on vit presque au +même instant un nombre infini d'autres feux s'allumer comme par +enchantement. Les uns allaient chercher du bois; d'autres prirent tout +ce qu'ils trouvèrent, bancs, tables, meubles de toute nature, et +jetèrent au feu tout ce qui pouvait l'alimenter. Il se forma des danses +où se trouvèrent mêlés ensemble peuple, officiers et grands seigneurs. A +peine ces manifestations de la joie publique eurent-elles commencé, +qu'on vit couler des fontaines de vin de chaque côté de la première +grille du château, ainsi que de l'intérieur des cours. + +Versailles était alors rempli d'un grand nombre d'ouvriers attirés par +les travaux immenses que faisait exécuter le roi. On leur fit distribuer +du vin en grande quantité à l'Étape[31] et dans les ateliers; les +soldats des gardes française et suisse ne furent pas les derniers à +manifester leur joie. Ils firent du feu de tout et brûlèrent même +quantité de choses dont on ne leur aurait pas permis de disposer dans un +autre moment. Le roi, apercevant tout ce désordre, voulut cependant +qu'on les laissât faire, _pourvu_, ajouta-t-il, _qu'ils ne nous brûlent +pas_. + +Devant chaque hôtel de ministre, l'on avait établi des feux et des +distributions de vin. + +Ces réjouissances durèrent plusieurs jours avec les mêmes transports. +C'était à qui varierait chaque fois les illuminations et les artifices. + +Tant que durèrent les fêtes, la pompe[32] fut magnifiquement illuminée, +et tous les feux dont brillaient Versailles, se reflétant sur l'or +couvrant le château[33], imprimèrent à la ville une physionomie toute +magique. + +Pendant les deux ou trois premiers jours qui suivirent celui de la +naissance du duc de Bourgogne, tout le chemin de Versailles fut couvert +de peuple venant témoigner sa joie par ses acclamations. Après avoir vu +le roi, on allait voir le nouveau-né, et la maréchale de la Mothe était +fréquemment obligée de le montrer à tout ce peuple accouru pour +contempler un instant son visage[34]. + +A l'occasion de cette naissance, on chanta plusieurs _Te Deum_ en +musique à Versailles. La plupart des maîtres en avaient composé, et le +roi voulut bien les entendre dans sa chapelle. + +Louis XIV avait dispensé les différents corps de l'État des compliments +d'usage; quant aux ambassadeurs et aux ministres des princes étrangers, +il leur accorda l'audience qu'ils lui demandèrent à cette occasion. Elle +eut lieu dans le grand appartement de Versailles, avec les cérémonies +accoutumées. Tous les corps de la garde du roi étaient en haie. Les +ambassadeurs entrèrent par le grand escalier[35]. + +Le roi était assis sur son trône d'argent, il avait auprès de lui d'un +côté le duc de Bouillon, grand chambellan, le duc de Créqui et le prince +de Marsillac; de l'autre, le duc d'Aumont, le duc de Saint-Aignan et le +marquis de Gesvres. Une foule de courtisans les environnait. Le duc de +Luxembourg, capitaine des gardes de quartier, allait recevoir les +ambassadeurs à la porte de la salle des gardes. Le roi écouta leur +compliment avec gravité, et leur répondit avec une grande affabilité. +Ils allèrent ensuite chez le Dauphin, le duc de Bourgogne et Monsieur. +Madame la maréchale de la Mothe répondit pour le petit prince. + +Toutes ces audiences durèrent cinq heures, après lesquelles ces +messieurs furent reconduits avec les mêmes cérémonies. Ils n'eurent +audience de la reine et de Madame que l'après-dinée, parce qu'elles n'en +donnaient jamais le matin. + +Tel est le récit de ce qui se passa dans Versailles à la naissance du +duc de Bourgogne. La joie de cette ville se répandit partout avec +rapidité, et l'on peut voir, dans la plupart des écrits du temps, les +détails des réjouissances extraordinaires faites dans toute la France à +cette occasion. + + + + +III + +RÉCIT DE LA GRANDE OPÉRATION + +FAITE AU ROI LOUIS XIV. + +1686. + + +Le 18 novembre 1686, Versailles apprit avec surprise et effroi que le +roi Louis XIV venait de subir _la grande opération_; c'est ainsi que +l'on nommait alors l'opération de la _fistule à l'anus_. + +Le 5 février 1686, le roi fut obligé de prendre le lit à la suite de +vives douleurs dont il souffrait depuis plusieurs jours; l'on s'aperçut +alors qu'il s'était formé un abcès à la marge de l'anus. _Félix de +Tassy_, son premier chirurgien, l'un des hommes les plus instruits de +cette époque, en proposa immédiatement l'ouverture; mais, ainsi que le +remarque Dionis, _on ne trouve pas toujours dans les grands cette +déférence nécessaire pour obtenir la guérison_: mille gens proposèrent +des remèdes qu'ils disaient infaillibles, et l'on préféra à la lancette +du chirurgien un emplâtre fait par une grande dame de la cour, _madame +de la Daubière_. L'inventeur du remède assista elle-même à la pose de +son emplâtre, qui, probablement, ne pouvait avoir d'effet que sous ses +yeux. Tel infaillible que fût cet emplâtre, on l'ôta cinq jours après +son application, n'ayant eu d'autre résultat que d'augmenter les +souffrances du roi. Enfin, le 23, c'est-à -dire plus de vingt jours après +l'apparition de la tumeur, on se décida à donner issue au pus; mais, +malgré l'avis de Félix, qui voulait employer le bistouri, et pour +ménager le royal malade, auquel on craignait de faire subir une +opération sanglante, on eut recours, pour l'ouverture de l'abcès, à +l'application de la _pierre à cautère_. «Ce matin, à dix heures, _dit +Dangeau dans son journal_, on appliqua au roi la pierre à cautère sur la +tumeur; on l'y laissa une heure et demie, et puis on ouvrit la peau avec +le ciseau; mais on ne toucha point au vif.» C'est-à -dire qu'on se +contenta de fendre l'escharre, et lorsque celle-ci tomba, il se forma, +comme le dit Dionis, un petit trou par où la matière s'écoula, et qui +continua à suppurer. Bientôt on constata la présence d'une fistule +communiquant dans l'intérieur de l'intestin. + +En pareille occurrence, et pour débarrasser le roi de cette dégoûtante +infirmité, il ne restait plus qu'à pratiquer l'opération. Mais il n'en +est pas des rois comme des simples particuliers, et, avant de pouvoir +leur faire entendre les paroles graves et réfléchies de la science, il +faut préalablement que le médecin s'attende à voir défiler avant lui +tout le cortége des empressés plus ou moins ignorants, flanqués chacun +de leurs remèdes _infaillibles_, sans compter encore le charlatanisme, +qui sait si bien exploiter la tête et la queue de la société. C'est ce +qui arriva pour Louis XIV. + +Dès que l'on sut le roi atteint de la fistule, il y eut encore un bien +plus grand nombre de remèdes proposés que quand il s'était agi d'une +simple tumeur. + +Cependant _Louvois_, qui était alors le principal ministre et qui avait +en quelque sorte la responsabilité de la vie du roi, ne voulut permettre +l'usage d'aucun de ces remèdes avant qu'il eût été préalablement +expérimenté. + +Parmi tous ces moyens, un fut surtout préconisé, et le roi paraissait +assez décidé à l'essayer: c'était l'emploi des eaux de Baréges. Mais +avant que Louis XIV partît pour ces eaux, comme le bruit en avait couru, +on jugea convenable d'en constater les effets. On chercha quatre +personnes ayant la même maladie que le roi, et on les envoya à Baréges à +ses dépens, sous la conduite de _Gervais_, chirurgien de l'hôpital de la +Charité. C'était l'un des hommes les plus instruits de Paris, et il +s'était acquis surtout une très-grande réputation pour la guérison des +tumeurs. Ces quatre malades furent soumis par lui à l'action des eaux +sous toutes les formes, en bains, à l'intérieur, et surtout en +injections répétées dans le trajet fistuleux. Ce traitement dura fort +longtemps et ne fut suivi d'aucune espèce d'amélioration; en sorte +qu'ils revinrent _tout aussi avancés dans leur guérison que quand ils +étaient partis_[36]. + +Une dame de la cour ayant raconté qu'allée aux eaux de Bourbon pour une +maladie particulière, elle s'était trouvée guérie par leur usage d'une +fistule qu'elle avait avant, on envoya à Bourbon l'un des chirurgiens du +roi, avec quatre autres malades; ils furent soumis aux mêmes expériences +que ceux de Baréges, et en revinrent comme eux sans changement dans leur +état. + +Mais l'essai des remèdes ne devait point s'arrêter là . Un religieux +jacobin vint trouver Louvois et lui apporta une eau avec laquelle il +guérissait, disait-il, toutes sortes de fistules. Un autre annonçait +posséder un onguent qui n'en manquait aucune. D'autres proposaient aussi +des remèdes avec lesquels ils avaient obtenu des cures merveilleuses. Le +ministre, un peu embarrassé de toutes ces propositions, ne voulut +cependant en rejeter aucune avant que l'expérience eût démontré son +inefficacité. Pour juger en quelque sorte, par lui-même de leur valeur, +il fit meubler plusieurs chambres de son hôtel de la surintendance[37], +pour recevoir tous les malades atteints de fistule qui voulaient se +soumettre à ces différents essais, et il les fit traiter, en présence +de Félix, par les auteurs de ces remèdes. + +Tous ces essais durèrent un temps fort long, sans aboutir à aucun +résultat. + +Louvois et Félix rendaient compte à Louis XIV des tentatives inutiles +faites chaque jour pour trouver un remède qui pût lui éviter +l'opération, sur laquelle le premier chirurgien insistait de plus en +plus. Mais avant de s'y décider, le roi voulut encore avoir l'avis de +Bessières, chirurgien en renom de Paris. Bessières examina le mal, puis +Louis XIV lui ayant demandé ce qu'il en pensait, il lui répondit +librement _que tous les remèdes du monde n'y feraient rien sans +l'opération_[38]. Le roi n'hésita plus, et l'opération fut décidée. + +Mais quelle méthode devait-on employer? + +Il y avait alors à Paris un nommé _Lemoyne_, qui s'était acquis une +grande réputation pour la guérison des fistules. Voici ce qu'en dit +Dionis: «Sa méthode consistait dans l'usage du caustique, c'est-à -dire +qu'avec un onguent corrosif, dont il couvrait une petite tente qu'il +fourrait dans l'ouverture de l'ulcère, il en consumait peu à peu la +circonférence, ayant soin de grossir tous les jours la tente, de manière +qu'à force d'agrandir la fistule, il en découvrait le fond. S'il y avait +de la callosité, il la rongeait avec son onguent, qui lui servait aussi +à ruiner les clapiers, et enfin, avec de la patience, il en guérissait +beaucoup. Cet homme est mort vieux et riche, parce qu'il se faisait bien +payer, en quoi il avait raison, car le public n'estime les choses +qu'autant qu'elles coûtent. Ceux à qui le ciseau faisait horreur se +mettaient entre ses mains, et comme le nombre des poltrons est fort +grand, il ne manquait point de pratiques.» Ainsi Lemoyne avait remis en +honneur la cautérisation.--La ligature était le mode d'opérer le plus +généralement suivi. Puis restait l'incision que Félix proposait au roi. +Mais avant de se déterminer à suivre l'avis de son premier chirurgien, +Louis XIV voulut qu'il lui expliquât la préférence qu'il donnait à cette +méthode sur les autres. Félix fut alors obligé de décrire au roi les +trois procédés; puis il lui fit remarquer, nous raconte Dionis, que le +caustique fait une douleur continuelle pendant cinq ou six semaines +qu'on est obligé de s'en servir; que la ligature ne coupe les chairs +qu'après un long espace de temps, et qu'il ne faut pas manquer de la +serrer tous les jours, ce qui ne se fait pas sans douleur; que +l'incision cause, à la vérité, une douleur plus vive, mais qu'elle est +de si peu de durée qu'elle ne doit point alarmer une personne qui veut +guérir sans crainte de retour; car outre qu'elle achève en une minute ce +que les deux autres manières n'opèrent qu'en un mois, c'est que par +celles-ci la guérison est douteuse et qu'elle est sûre par +l'incision.--Ces raisons, appuyées par Daquin, Fagon et Bessières, +déterminèrent le roi, qui se décida pour l'incision. + +C'était une grave résolution qu'avait prise Félix. L'opération par +l'instrument tranchant paraissait alors si terrible, que chacun +tremblait de la subir, d'où son nom de _grande opération_. + +Mais Félix n'était point un chirurgien ordinaire. Fils de François Félix +de Tassy, homme d'un grand talent, et aussi premier chirurgien du même +prince, il fut l'élève de son père, qui, le destinant à le remplacer +auprès du monarque, ne négligea aucun des moyens qui pouvaient le rendre +digne d'occuper un emploi aussi important. Exerçant sa profession dans +les hôpitaux civils, puis dans ceux des armées, il fut, fort jeune +encore, compté parmi les plus habiles chirurgiens de son temps; ses +confrères le nommèrent chef du collége de Saint-Côme, qui devint ensuite +l'académie de chirurgie; puis il succéda à son père dans la charge de +premier chirurgien du roi, en 1676. + +Dès que Félix se fut assuré de la maladie du roi, il le rassura sur sa +vie et promit de le délivrer de son horrible incommodité. Ce grand +chirurgien n'avait jamais fait l'opération qu'il méditait, mais il avait +lu tout ce que les auteurs anciens avaient écrit sur la maladie dont le +roi était attaqué. Il se traça alors un plan d'opération, et tandis que +le temps s'écoulait en essais de remèdes qui n'avaient aucun résultat, +Félix occupait le sien d'une manière profitable à ses desseins. Pendant +plusieurs mois tous les malades atteints de la maladie du roi qui se +trouvaient dans les hôpitaux de Paris ou à la Charité de Versailles +furent opérés par lui, et lorsque Louis XIV fut enfin décidé, il avait +acquis l'expérience d'un chirurgien consommé dans cette partie de l'art +opératoire. + +Pour faire l'incision de la fistule, Galien avait inventé un instrument +d'une forme particulière, auquel il avait donné le nom de syringotome, +du nom même de la fistule--(_syrinx_, flûte). C'était un bistouri en +forme de croissant, à manche contourné, et dont la pointe était terminée +par un stylet long, pointu et flexible. On introduisait la pointe dans +l'ouverture extérieure de la fistule et on poussait le stylet jusque +dans l'intestin; le doigt indicateur de la main gauche, placé dans le +rectum, ramenait la pointe par l'anus, puis la lame du bistouri, poussée +dans la fistule, achevait l'incision. Félix fit subir à l'instrument de +Galien un notable changement. Il fit faire un simple bistouri courbe, à +lame très-étroite, terminée, comme le syringotome, par un stylet, mais +en argent recuit, et long de plusieurs pouces. Le tranchant de la lame +était recouvert d'une chape d'argent faite exprès pour être introduite +dans la fistule sans blesser les parties. Cet instrument ainsi disposé, +on poussait le stylet dans la fistule et on le ramenait par le +fondement; puis, le bistouri étant entré après le stylet, on retirait +doucement la chape qui enveloppait le tranchant, et tenant d'une main +le bout du stylet et de l'autre le manche du bistouri, en tirant à soi +on tranchait tout d'un coup toute la fistule. + +Cet instrument, dont Félix se servit pour le roi, reçut depuis ce moment +le nom de _bistouri à la royale_. + +Ce fut le 18 novembre 1686 qu'eut lieu l'opération. + +Qu'on nous pardonne les détails peut-être un peu minutieux dans lesquels +nous allons entrer; mais, outre qu'il s'agit d'une opération qui, par +son retentissement et son succès, changea toutes les idées reçues à +cette époque, il s'agit encore d'un fait historique que l'on peut encore +suivre _sur place_ dans ses plus petits incidents. + +Le roi était à Fontainebleau lorsque l'opération fut arrêtée. Afin de +s'y préparer et en même temps pour ôter tout soupçon de ce qui allait se +passer, deux médecines lui furent administrées dans ce séjour. Arrivé à +Versailles le 15 novembre, rien ne décéla en lui la grave détermination +qu'il avait prise. Le dimanche 17, veille de l'opération, il monta à +cheval, alla visiter ses jardins, ses réservoirs et les nombreux travaux +en cours d'exécution, et parut fort tranquille et fort gai pendant tout +le cours de la promenade[39]. + +La chambre à coucher de Louis XIV, dans laquelle il fut opéré, n'était +point celle connue aujourd'hui sous ce nom: elle était située dans la +pièce précédant celle-ci et portant actuellement le nom si célèbre de +salon de l'Å’il-de-BÅ“uf. Ce salon de l'Å’il-de-BÅ“uf était alors coupé +en deux; la pièce la plus rapprochée de la chambre à coucher actuelle +était la chambre du roi, et l'autre pièce était un cabinet orné des +tableaux du Bassan, portant pour cela le nom de cabinet des Bassans. + +Le lundi 18 novembre, de grand matin, tout se préparait dans le cabinet +des Bassans pour la _grande opération_. Vers cinq heures, les +apothicaires entrèrent chez le roi et lui administrèrent le lavement +préparatoire. Un peu avant sept heures, Louvois alla prendre chez elle +madame de Maintenon; ils entrèrent ensemble chez le roi, auprès duquel +se trouvait déjà le père de la Chaise, son confesseur. Félix, d'Aquin, +premier médecin du roi, Fagon, qui le devint quelques années après, +Bessières, les quatre apothicaires du roi, et Laraye, _élève_ de Félix, +mais que l'on appelait alors son _garçon_, étaient réunis dans le +cabinet des Bassans pour préparer tout ce qui devait servir à +l'opération. + +A sept heures, ils entrèrent dans la chambre du roi. Louis XIV ne parut +nullement ému de leur présence; il fit approcher Félix, lui demanda +l'usage de chacun des instruments et des diverses pièces de l'appareil, +puis s'abandonna avec confiance à son talent. + +Le roi fut placé sur le bord de son lit, un traversin sous le ventre +pour élever les fesses, tournées du côté de la fenêtre, les cuisses +écartées et assujetties par deux des apothicaires. + +Voici comment procéda l'opérateur: Une petite incision, faite avec la +pointe d'un instrument ordinaire, fut d'abord pratiquée à l'orifice +externe de la fistule, afin de l'agrandir et de pouvoir plus facilement +y introduire le bistouri à la royale. L'incision fut ensuite pratiquée +avec cet instrument, à l'aide de la manÅ“uvre déjà indiquée. Une fois le +trajet fistuleux mis à découvert, il s'agissait de détruire les +callosités qu'on supposait devoir empêcher la réussite de l'opération: +huit coups de ciseaux enlevèrent toutes les callosités que Félix +rencontra sous son doigt. Cette partie si douloureuse de l'opération fut +supportée avec beaucoup de courage par Louis XIV: pas un cri, pas un mot +ne lui échappa. + +L'opération terminée, on introduisit dans l'anus une grosse tente de +charpie recouverte d'un liniment composé d'huile et de jaune d'Å“uf. On +la fit entrer avec force, afin d'écarter les lèvres de la plaie; on +garnit ensuite la plaie de plumasseaux, enduits du même liniment, et on +appliqua les compresses et le bandage comme on le fait à présent. + +Rien ne saurait dire l'étonnement dans lequel fut toute la cour lorsque +l'on apprit que le roi venait de subir une opération que chacun +regardait comme si dangereuse. Le récit fait de cet événement par le +_Mercure Galant_, journal officiel de la cour, fera mieux comprendre +qu'on ne pourrait le dire l'effet produit par cette nouvelle +inattendue.--«Quoique le roi, dit-il, fût dans une santé parfaite, à la +réserve de l'incommodité qui lui était survenue il y a environ onze +mois, et qu'il fût même en état de monter à cheval et de chasser, comme +il faisait très-souvent, Sa Majesté, qui vit qu'elle courait risque de +souffrir toute sa vie de cette sorte d'incommodité, à laquelle sont +sujets tous ceux qui manquent du courage nécessaire pour s'en tirer, +prit une résolution digne de sa fermeté; et, comme ce mal était grand +plutôt par la douleur que l'opération lui devait faire souffrir que par +la nature dont il était, il cacha ce qu'il avait résolu de faire, comme +il fait de toutes les choses qu'il juge à propos de tenir secrètes. Il +savait l'inquiétude que donnerait le mal qu'il devait endurer, et ne +doutait point que la crainte de quelque accident et l'amour qu'on a pour +lui ne fissent trouver des raisons pour l'en détourner. Mais ce prince +voulait souffrir, afin d'être plus en état de travailler sans cesse pour +le bien et pour le repos de ses sujets; et pour éviter les contestations +qui se pourraient former là -dessus, il aima mieux se charger de toute la +douleur que de jouir du soulagement d'être plaint, ce qui console +beaucoup ceux qui souffrent. D'ailleurs, il savait que ce bruit, venant +à se répandre, aurait jeté de la crainte et de l'abattement dans tous +les cÅ“urs, et qu'il rendrait incapables d'agir tous ceux qui étaient +occupés pour les affaires de l'État, et il voulait endurer seul, sans +que l'État en souffrît un seul moment. Ainsi ayant pris sa résolution, +il travailla à la faire exécuter sans que l'on s'en aperçût. Comme +jamais prince ne sut régner sur lui-même avec tant d'empire, il en vint +à bout sans peine. Il se purgea deux fois à Fontainebleau, parce que +venant ensuite à Versailles, ce changement de lieu devait ôter l'idée +qu'on aurait pu prendre, s'il avait été possible qu'on eût soupçonné +quelque chose de son dessein. Il monta à cheval le dimanche 17 de ce +mois, soupa ce jour-là avec la famille royale, et s'informa de +Monseigneur où était le rendez-vous de chasse le lendemain. On connut le +jour suivant que ce prince, quoiqu'il dût alors sentir les premières +atteintes de la peur que lui pouvait causer l'opération, avait demandé +ce rendez-vous d'une âme tranquille, afin que s'il arrivait quelque +accident, il pût en faire avertir Monseigneur. On a même remarqué qu'il +se coucha ce soir-là plus tard qu'à l'ordinaire. Il marqua pour le lundi +18, l'heure de son lever, où la plus grande partie de la cour se trouve +ordinairement. Il avait pris la sienne plus matin pour l'opération. Ceux +qui devaient y travailler, ou dont la présence était nécessaire, +entrèrent par différents endroits, ce qui empêcha qu'on en eût aucun +soupçon. Quoique je ne fasse point ici le détail du reste, je puis vous +dire qu'il s'y passa mille choses dignes de l'inébranlable fermeté du +roi. Il voulut voir tout ce qui devait le faire souffrir et ne fit que +sourire au lieu d'en paraître étonné. Il fit ensuite ce qu'un prince +aussi chrétien que lui doit faire en de pareilles occasions et souffrit +patiemment, étant toujours dans l'état d'un homme libre et qui est +assuré d'être maître de sa douleur. Aucun cri ne lui échappa, et loin de +témoigner de la crainte, il demanda si on ne l'avait point épargné, +parce qu'il avait recommandé sur toutes choses de ne le pas faire. Sitôt +qu'on eut achevé l'opération, la porte fut ouverte à ce qu'on appelle la +première entrée, c'est-à -dire aux personnes qui ont droit d'entrer les +premières au lever. Les autres n'entrèrent pas, parce qu'il n'y eut +point de lever. + +«Le bruit de cette opération s'étant répandu dans Versailles, comme on +s'imagine toujours voir les maux que l'on craint, quand même ils ne +seraient point à craindre, la douleur parut sur tous les visages, et +l'on eût dit à voir le roi que ce monarque était le seul qui se portait +bien. Ayant remarqué qu'on ne faisait aucun bruit, il ordonna que toutes +choses se fissent à l'ordinaire, tint conseil dès le jour même, et +permit dès le lendemain aux ministres étrangers de le saluer. Quoique de +semblables maux aient accoutumé de causer un peu de fièvre, sans +pourtant qu'il y ait sujet d'en appréhender aucune suite fâcheuse, il +semble que le ciel, pour ne nous pas alarmer, n'ait pas voulu qu'il en +eût le moindre ressentiment.» + +A ces détails, _Dangeau_ ajoute: «Dès que l'opération fut faite, le roi +l'envoya dire à Monseigneur, qui était à la chasse, à madame la +Dauphine, dès qu'elle fut éveillée, à Monsieur et à Madame, qui étaient +à Paris, et à M. le prince et à M. le duc, qui étaient à Fontainebleau, +auprès de madame la duchesse de Bourbon, leur défendant de venir. Dès +l'après-dîner, le roi tint son conseil; il vit beaucoup de courtisans, +et voulut qu'il y eût appartement et que l'on commençât le grand jeu de +reversi qu'il avait ordonné à Fontainebleau. Madame de Montespan partit +en diligence pour venir trouver le roi; mais ayant appris à Essone que +le roi se portait très-bien, elle retourna auprès de madame de Bourbon. +Monseigneur, apprenant la nouvelle, quitta la chasse et revint ici à +toute bride et en pleurant.» + +Dans son journal, Dangeau nous a conservé jour par jour l'état du roi +après son opération. L'on y voit que les premiers jours se passèrent +fort bien. Les pansements se faisaient avec régularité, et le malade +n'en éprouvait aucune douleur, tout enfin semblait annoncer une guérison +solide et prompte; mais, soit que l'on se fût trop vite empressé de +diminuer la grosseur de la mèche, soit pour tout autre motif, l'on +s'aperçut le quinzième jour qu'une partie des bords s'étaient cicatrisés +avant le fond, et que la fistule menaçait de reparaître de nouveau. Le 6 +décembre, l'on chercha à détruire, par quelques légers coups de ciseaux, +cette cicatrisation trop rapide, mais sans obtenir le résultat désiré. +Enfin, le lundi 7 décembre, c'est-à -dire vingt et un jours après la +première opération, l'on fut obligé de détruire la nouvelle cicatrice, à +l'aide de plusieurs incisions, et de mettre à nu le fond de la fistule. + +Le roi supporta cette seconde opération avec beaucoup de courage, mais +il paraît qu'elle fut extrêmement douloureuse, car pendant plusieurs +jours il renvoya son conseil, ce qui n'était pas arrivé la première +fois. Quoi qu'il en soit, de ce moment la cicatrisation marcha avec +régularité, et le samedi 11 janvier 1687, cinquante-quatre jours après +l'opération et trente-trois après les dernières incisions, le roi fut +assez bien guéri pour sortir à pied de ses appartements et se promener +pendant fort longtemps dans l'Orangerie. + +Louis XIV venait d'être débarrassé d'une grave infirmité, grâce à +l'habileté de son chirurgien. Mais si le service était grand, la +récompense fut royale. Félix reçut cinquante mille écus et la terre des +_Moulineaux_, estimée à la même somme; d'Aquin, le premier médecin, cent +mille livres; Fagon, quatre-vingt mille livres; les quatre apothicaires, +chacun douze mille livres, et Leraye, l'élève de Félix, quatre cents +pistoles; le tout formant un total de cinq cent soixante-douze mille +livres, qui, comparé à la valeur actuelle de l'argent, représente +presque un million!!! + +La réussite de l'opération pratiquée à Louis XIV, en mettant le comble +à la réputation de Félix, mit aussi à la mode son procédé; et il fut +facile de constater immédiatement son efficacité, car depuis l'opération +faite au roi, il semblait que tout le monde fût attaqué de la fistule. +«C'est une maladie, dit Dionis, qui est devenue à la mode depuis celle +du roi. Plusieurs de ceux qui la cachaient avec soin avant ce temps +n'ont plus eu honte de la rendre publique; il y a eu même des courtisans +qui ont choisi Versailles pour se soumettre à cette opération, parce que +le roi s'informait de toutes les circonstances de cette maladie. Ceux +qui avaient quelque petit suintement ou de simples hémorroïdes ne +différaient pas à présenter leur derrière au chirurgien pour y faire des +incisions; j'en ai vu plus de trente qui voulaient qu'on leur fît +l'opération, et dont la folie était si grande, qu'ils paraissaient +fâchés lorsqu'on les assurait qu'il n'y avait point nécessité de la +faire.» + +Tel est le récit de cette grande opération de Louis XIV. Ainsi, grâce à +l'heureuse tentative de Félix; la méthode de l'incision a été remise en +honneur, et par suite des travaux de la chirurgie moderne, ce mode +opératoire, le plus généralement suivi, est devenu d'une telle +simplicité, qu'il n'est pas nécessaire d'être le premier chirurgien d'un +roi pour le pratiquer avec succès. + + + + +IV + +MORT DE LOUVOIS. + +1691. + + +Louvois mourut à Versailles dans l'ancien hôtel de la surintendance des +bâtiments du roi[40], le 16 juillet 1691. + +La mort de Louvois fut un événement si important et donna lieu à tant de +commentaires, qu'il n'est pas sans intérêt d'en rechercher les +véritables causes. + +Depuis un certain temps Louvois, jusqu'alors si puissant, baissait dans +la faveur du roi, et tout le monde s'attendait à une disgrâce prochaine +du ministre. C'est dans ces circonstances que le 15 juillet 1691, il a, +chez madame de Maintenon, une vive altercation avec Louis XIV. + +Cette scène est ainsi racontée, dans une note écrite par le duc de +Luynes, sur le manuscrit de Dangeau[41]: «Nous avons déjà vu ce qui +s'était passé au siége de Mons, et le mauvais gré que le roi fit à M. de +Louvois de trouver le prince d'Orange si près de lui. On prétendit aussi +qu'il imputa à ce ministre la levée du siége de Coni. Ajoutez à cela le +bombardement de Liége, auquel le roi s'était opposé parce que des +ennemis de M. de Louvois, ou de bons citoyens, avaient fait entendre à +Sa Majesté que son ministre entretenait la haine de ses voisins par les +cruautés qu'il faisait exercer partout. Il avait insisté sur le +bombardement, qui se fit le 4 juin. Le roi avait déclaré précisément +qu'il n'en voulait rien faire, et enfin ce ministre fut obligé d'avouer +qu'il n'était plus temps de s'en dédire, parce que les ordres étaient +donnés. Cette explication se passait chez madame de Maintenon. Le roi, +qui d'ailleurs était mal disposé par ce que nous venons de dire, et +parce qu'en général toutes les choses violentes lui répugnaient, fut +indigné de tant de précipitation et lui laissa voir son ressentiment. M. +de Louvois, qui n'était pas accoutumé à être contredit, au lieu de +chercher à se justifier, répondit au roi assez brusquement et jeta son +portefeuille sur la table du roi. Le roi se leva et prit sa canne. +Madame de Maintenon, craignant l'effet de la colère de Sa Majesté, se +mit entre elle et son ministre; mais le roi la rassura en lui disant +qu'il n'avait eu nulle intention.» + +M. de Louvois se retira et rentra chez lui tout ému. Cependant le +lendemain 16, il alla comme à l'ordinaire chez le roi pour travailler +avec lui; mais à peine eut-il commencé la lecture d'une dépêche, qu'il +se sentit indisposé, se retira dans son appartement et mourut au bout de +quelques instants, malgré les soins rapides qui lui furent donnés. + +Une mort aussi prompte et dans de pareilles circonstances, fit +généralement croire à un empoisonnement. Dangeau et Saint-Simon en +parlent dans ce sens: «Le 16 juillet, dit ce dernier, j'étais à +Versailles... sortant le même jour du dîner du roi, je le rencontrai +(Louvois) au fond d'une très-petite pièce qui est entre la grande salle +des gardes et ce grand salon qui donne sur la petite cour des Princes. +M. de Marsan lui parlait, et il allait travailler chez madame de +Maintenon avec le roi, qui devait se promener après dans les jardins de +Versailles à pied, où les gens de la cour avaient la liberté de le +suivre. Sur les quatre heures après-midi du même jour, j'allai chez +madame de Châteauneuf, où j'appris qu'il s'était trouvé un peu mal chez +madame de Maintenon, que le roi l'avait forcé de s'en aller, qu'il était +retourné à pied chez lui, où le mal avait subitement augmenté; qu'on +s'était hâté de lui donner un lavement qu'il avait rendu aussitôt, et +qu'il était mort en le rendant, et demandant son fils Barbésieux, qu'il +n'eut pas le temps de voir, quoique celui-ci accourût de sa chambre.» + +«La soudaineté du mal et de la mort de Louvois fit tenir bien des +discours, bien plus encore _quand on sut par l'ouverture de son corps +qu'il avait été empoisonné_. Il était grand buveur d'eau, et en avait +toujours un pot sur la cheminée de son cabinet, à même duquel il buvait. +On sut qu'il en avait bu ainsi en sortant pour aller travailler avec le +roi, et qu'entre sa sortie de dîner avec bien du monde, et son entrée +dans son cabinet pour prendre les papiers qu'il voulait porter à son +travail avec le roi, un frotteur du logis était entré dans ce cabinet, +et y était resté quelques moments seul. Il fut arrêté et mis en prison. +Mais à peine y eut-il demeuré quatre jours, et la procédure commencée, +qu'il fut élargi par ordre du roi, ce qui avait déjà été fait, jeté au +feu, et défense de faire aucune recherche. Il devint même dangereux de +parler là -dessus, et la famille de Louvois étouffa tous ces bruits, +d'une manière à ne laisser aucun doute que l'ordre très-précis n'en eût +été donné.» + +Puis, comme si ce n'était pas encore assez de toutes ces insinuations +pour prouver l'empoisonnement, Saint-Simon ajoute l'histoire suivante du +médecin de Louvois, qui, dit-il, lui fut racontée par un gentilhomme +attaché à la maison de ce ministre. «Il m'a conté, dit Saint-Simon, +étant toujours à madame de Louvois depuis la mort de son mari, que +_Séron_, médecin domestique de ce ministre, et qui l'était demeuré de +madame de Barbésieux, logé dans la même chambre au château de +Versailles, dans la surintendance que Barbésieux avait conservée +quoiqu'il n'eût pas succédé aux bâtiments, s'était un jour barricadé +dans cette chambre, seul, quatre ou cinq mois après la mort de Louvois; +qu'aux cris qu'il y fit on était accouru à sa porte, qu'il ne voulut +jamais ouvrir; que ces cris durèrent presque toute la journée, sans +qu'il voulût ouïr parler d'aucun secours temporel ni spirituel, ni qu'on +pût venir à bout d'entrer dans sa chambre; que sur sa fin on l'entendit +s'écrier qu'il n'avait que ce qu'il méritait, que ce qu'il avait fait à +son maître, qu'il était un misérable indigne de tout secours; et qu'il +mourut de la sorte en désespéré au bout de huit ou dix heures, sans +avoir jamais parlé de personne, ni prononcé aucun nom.--A cet événement +les discours se réveillèrent à l'oreille; il n'était pas sûr d'en +parler. Qui a fait le coup? C'est ce qui est demeuré dans les plus +épaisses ténèbres.» + +Le récit de Saint-Simon et les détails circonstanciés dans lesquels il +entre, semblent ne point devoir laisser de doutes sur la nature de la +mort de Louvois. Aussi les historiens, tout en admettant avec une +certaine circonspection les insinuations de Saint-Simon, n'ont-ils +jamais repoussé complétement l'idée du poison. Une phrase de son récit, +si elle était vraie, serait surtout la preuve certaine de +l'empoisonnement; c'est celle-ci: _On sut par l'ouverture de son corps +qu'il avait été empoisonné_. En effet, si les médecins ont constaté la +présence du poison, il ne peut plus y avoir d'incertitude que sur la +main qui a commis le crime et sur _la personne qui l'a commandé_. Eh +bien, cette affirmation de Saint-Simon est tout à fait démentie par +l'ouverture du corps de Louvois, et si les historiens n'ont pas été plus +affirmatifs, c'est qu'ils n'ont pas eu connaissance de ce document, +enfoui dans un livre de médecine, où ils étaient bien éloignés d'aller +chercher une pièce si importante. + +Dionis était le chirurgien de Louvois. C'était un chirurgien fort +instruit. Il publia plusieurs ouvrages encore recherchés aujourd'hui +pour les observations curieuses qu'ils renferment. Dans l'un de ces +ouvrages intitulé _Dissertation sur la mort subite_[42], voici comment +il raconte la mort de Louvois: «Le 16 juillet 1691, M. le marquis de +Louvois, après avoir dîné chez lui en bonne compagnie, alla au conseil. +En lisant une lettre au roi, il fut obligé d'en cesser la lecture, parce +qu'il _se sentait fort oppressé_; il voulut en reprendre la lecture, +mais ne pouvant pas la continuer, il sortit du cabinet du roi, et, +s'appuyant sur le bras d'un gentilhomme à lui, il prit le chemin de la +surintendance où il était logé. + +»En passant par la galerie qui conduit de chez le roi à son appartement, +il dit à un de ses gens de me venir chercher au plus tôt. J'arrivai dans +sa chambre comme on le déshabillait; il me dit: Saignez-moi vite, car +j'étouffe. Je lui demandai s'il sentait de la douleur plus dans un des +côtés de la poitrine que dans l'autre; il me montra la région du cÅ“ur, +me disant: Voilà où est mon mal. Je lui fis une grande saignée en +présence de M. _Séron_, son médecin. Un moment après, il me dit: +Saignez-moi encore, car je ne suis point soulagé. M. _d'Aquin_ et M. +_Fagon_ arrivèrent qui examinèrent l'état fâcheux où il était, le voyant +souffrir avec des angoisses épouvantables; il sentit un mouvement dans +le ventre comme s'il voulait s'ouvrir; il demanda la chaise, et, peu de +temps après s'y être mis, il dit: Je me sens évanouir. Il se jeta en +arrière, appuyé sur les bras d'un côté de M. Séron, et de l'autre d'un +de ses valets de chambre. Il eut des râlements qui durèrent quelques +minutes, et il mourut. + +»On voulut que je lui appliquasse des ventouses avec scarifications, ce +que je fis, on lui apporta et on lui envoya de l'eau apoplectique, des +gouttes d'Angleterre, des eaux divines et générales; on lui fit avaler +de tous ces remèdes qui furent inutiles, puisqu'il était mort, et en peu +de temps, car il ne se passa pas une demi-heure depuis le moment qu'il +fut attaqué de son mal jusqu'à sa mort. + +»Le lendemain, M. Séron vint chez moi me dire que la famille souhaitait +que ce fût moi qui en fît l'ouverture. Je la fis en présence de MM. +_d'Aquin_, _Fagon_, _Duchesne_ et _Séron_. + +»En faisant prendre le corps pour le porter dans l'antichambre, je vis +son matelas tout baigné de sang; il y en avait plus d'une pinte qui +avait distillé pendant vingt-quatre heures par les scarifications que je +lui avais faites aux épaules; et ce qui est de particulier, c'est +qu'étant sur la table, je voulus lui ôter la bande qui était encore à +son bras de la saignée du jour précédent, et que je fus obligé de la +remettre, parce que le sang en coulait, ce qui gâtait le drap sur lequel +il était. + +»Le cerveau était dans son état naturel et très-bien disposé; _l'estomac +était plein de tout ce qu'il avait mangé à son dîner_; il y avait +plusieurs petites pierres dans la vésicule du fiel; _les poumons étaient +gonflés et pleins de sang_; le cÅ“ur était gros, flétri, mollasse et +semblable à du linge mouillé, n'ayant pas une goutte de sang dans ses +ventricules. + +»On fit une relation de tout ce qu'on avait trouvé, qui fut portée au +roi, après avoir été signée par les quatre médecins que je viens de +nommer, et par quatre chirurgiens, qui étaient MM. _Félix_, _Gervais_, +_Dutertre et moi_: + +«_Le jugement certain qu'on peut faire de la cause de cette mort, est +l'interception de la circulation du sang; les poumons en étaient pleins, +parce qu'il y était retenu, et il n'y en a point dans le cÅ“ur, parce +qu'il n'y en pouvait point entrer; il fallait donc que ses mouvements +cessassent, ne recevant point de sang pour les continuer: c'est ce qui +s'est fait aussi, et ce qui a causé une mort si subite._» + +Telle est l'opinion des hommes de l'art; c'est à une _apoplexie +pulmonaire_ qu'ils attribuent avec juste raison la cause de la mort, et +l'on ne voit nulle part qu'ils aient parlé d'empoisonnement, ainsi que +l'affirme Saint-Simon. D'ailleurs Louvois était menacé depuis longtemps +de cette affection; il éprouvait fréquemment des oppressions. Les +médecins cherchaient à les combattre, en lui donnant les eaux de forges, +qu'il allait prendre tous les matins dans l'Orangerie, _où le suivaient +ses commis pour ne pas discontinuer son travail ordinaire_[43]. + +Il résulte de ces faits que Louvois a été frappé d'une attaque +d'apoplexie pulmonaire, et qu'il faut reléguer au rang des fables tous +les bruits d'empoisonnement répandus à sa mort, et recueillis avec +avidité par le caustique Saint-Simon. + +L'appartement occupé par Louvois était au premier étage de l'hôtel de la +surintendance; cet appartement a vue sur le parc du côté de la petite +Orangerie. Cela explique le passage de Saint-Simon, dans lequel il parle +de la promenade de Louis XIV le jour de la mort de son ministre. +«Quoique je n'eusse guère que quinze ans, je voulus voir la contenance +du roi à un événement de cette qualité. J'allai l'attendre, et le suivis +toute sa promenade. Il me parut avec sa majesté accoutumée, mais avec +je ne sais quoi de leste et de délivré, qui me surprit assez pour en +parler après, d'autant plus que j'ignorais alors et longtemps depuis les +choses que je viens d'écrire. Je remarquai encore qu'au lieu d'aller +visiter ses fontaines et de diversifier sa promenade, comme il faisait +toujours dans ces jardins, il ne fit qu'aller et venir _le long de la +balustrade de l'Orangerie_, d'où il voyait en revenant vers le château +le logement de la surintendance où Louvois venait de mourir, qui +terminait l'ancienne aile[44] du château sur le flanc de l'Orangerie, et +vers lequel il regarda sans cesse toutes les fois qu'il revenait vers le +château.» + +Le corps de Louvois fut porté aux Invalides. Voici son acte de décès tel +qu'il est inscrit sur les registres de la paroisse Notre-Dame de +Versailles: + +«Le seizième jour de juillet mil six cent quatre-vingt-onze, est décédé +au château, dans l'appartement de la surintendance, très-haut et +puissant seigneur monseigneur Michel-François le Tellier, marquis de +Louvois, ministre et secrétaire d'État, surintendant des bâtiments, des +fortifications, des arts et manufactures de France, grand maître des +postes, vicaire général de l'ordre de Saint-Lazare, commandeur et +chancelier des ordres du roi, âgé de cinquante-deux ans, dont le corps +ayant d'abord été apporté en cette église paroissiale, a été ensuite +transporté à Paris, dans l'hôtel royal des Invalides, pour être inhumé +dans l'église; ses entrailles laissées à Meudon, aux révérends pères +capucins, et son cÅ“ur porté aux capucines de la rue Saint-Honoré, par +moi soussigné, supérieur de la maison de la congrégation de la Mission +de Versailles et curé de la même ville, en présence de MM. Henri Moreau +et François Maricourt, qui ont signé: Moreau, de Maricourt, prêtres de +la congrégation de la Mission. Et plus bas, signé: Hébert.» + + + + +V + +L'APPARTEMENT DE MADAME DE MAINTENON. + +1686-1715. + + +Saint-Simon, voulant faire connaître les particularités de la vie privée +de Louis XIV et de madame de Maintenon, dit dans un endroit de ses +_Mémoires_: «Je me trouve, je l'avoue, entre la crainte de quelques +redites et celle de ne pas expliquer assez en détail des curiosités que +nous regrettons dans toutes les histoires et dans presque tous les +Mémoires des divers temps. On voudrait y voir les princes, avec leurs +maîtresses et leurs ministres, dans leur vie journalière. Outre une +curiosité si raisonnable, on en connaîtrait bien mieux les mÅ“urs du +temps et le génie des monarques, celui de leurs maîtresses et de leurs +ministres, de leurs favoris, de ceux qui les ont le plus approchés, et +les adresses qui ont été employées pour les gouverner ou pour arriver +aux divers buts qu'on s'est proposés. Si ces choses doivent passer pour +curieuses, et même pour instructives dans tous les règnes, à plus forte +raison d'un règne aussi long et aussi rempli que l'a été celui de Louis +XIV, et d'un personnage unique dans la monarchie depuis qu'elle est +connue, qui a, trente-deux ans durant, revêtu ceux de confidente, de +maîtresse, d'épouse, de ministre, et de toute-puissante, après avoir été +si longuement néant, et, comme on dit, avoir si longtemps et si +publiquement rôti le balai.» Ces réflexions de Saint-Simon peuvent +également s'appliquer aux recherches des lieux habités par les mêmes +personnages, et en particulier à Versailles, cette magnifique création +de Louis XIV; on voudrait pouvoir connaître l'histoire de chacune des +chambres de ce palais, surtout de ces petits appartements, dans lesquels +on vit l'amour, la jalousie, l'ambition, la haine, toutes les plus +mauvaises passions du cÅ“ur humain s'agiter si longtemps pour donner le +spectacle de ces élévations et de ces chutes de favoris et de maîtresses +qui ont eu tant d'influence sur les destinées de la France dans le +dernier siècle. Malheureusement le château de Versailles a subi de +nombreux changements depuis Louis XIV jusqu'à nos jours, et il est +difficile de se reconnaître au milieu de toutes ces transformations. + +L'un des appartements que l'on désire généralement le plus connaître, et +sur lequel il y a eu jusqu'à ce jour le plus d'obscurité, est celui de +madame de Maintenon, de cette femme extraordinaire qui, de la position +la plus humble, s'éleva jusqu'au titre d'épouse du roi, et gouverna +pendant plus de trente ans et le monarque et le royaume. + +Nous avons étudié avec attention ce point de l'histoire du château de +Versailles, comparé avec soin les divers documents qui peuvent +l'éclairer, et nous croyons pouvoir établir d'une manière positive +l'emplacement de cet appartement. + +L'opinion, aujourd'hui la plus répandue, est que cet appartement +occupait quelques pièces situées derrière les petits appartements du +roi, dans l'aile nord de la cour de marbre. C'est cette opinion que M. +Vatout a adoptée dans son livre du _Palais de Versailles_; elle paraît +avoir été suivie dans la réparation de cette partie du château, +puisqu'on y signale plusieurs pièces comme ayant appartenu à +l'appartement de madame de Maintenon, et que _Louis-Philippe_ y a fait +placer le portrait de cette femme célèbre. Voici, du reste, ce que dit +M. Vatout: + +SALLE DU DÉJEUNER. + +«Louis XVI avait l'habitude de déjeuner dans cette pièce avant de partir +pour la chasse. Il y laissait entrer, pour les caresser, quatre chiens +favoris qu'il aimait tant, que, dans la crainte de trop les fatiguer, +les pages avaient ordre de les conduire en voiture à la chasse. + +»Louis-Philippe avait l'habitude de s'y reposer lorsqu'il allait visiter +et suivre les travaux du Musée national de Versailles. + +»Cette pièce, éclairée sur la cour des Cerfs, faisait autrefois partie +_du petit appartement de madame de Maintenon_. «Cet appartement, dit +Saint-Simon, était au haut du grand escalier, de plain-pied avec +l'appartement du roi[45].» + +Nous verrons plus tard où Saint-Simon plaçait cet appartement, et nous +sommes encore étonné, après la description si claire qu'il en donne, que +M. Vatout ait pu l'indiquer dans ce lieu. + +«La destruction de ce grand escalier, ajoute M. Vatout, et les nombreux +changements opérés par Louis XV dans cette partie intérieure du palais, +ne permettent plus aujourd'hui que d'indiquer l'emplacement du logement +occupé par cette femme célèbre. _Ce qu'il y a de certain_, c'est que la +pièce qu'on appelle aujourd'hui _Salle du déjeuner_ faisait partie du +salon par lequel le roi passait, en sortant de la salle à manger, pour +se rendre dans le cabinet de madame de Maintenon. La petite galerie +_Mignard_, avec ses deux salons, pouvait offrir à cet appartement de +brillants accessoires, lorsqu'on y faisait de la musique ou qu'on y +jouait la comédie.» + +Cette description ne laisse aucun doute, et l'on voit que M. Vatout +place l'appartement de madame de Maintenon au haut du grand escalier +des ambassadeurs[46], entre les grands et les petits appartements du +roi, tandis que sa place véritable, comme on va le voir, était dans la +partie opposée, c'est-à -dire au haut de l'escalier de marbre, et du côté +des appartements de la reine. + +Mais avant d'aller plus loin, et pour bien comprendre ce que nous allons +dire, il est nécessaire de jeter un coup d'Å“il sur la distribution des +appartements du château à l'époque de Louis XIV. + +En 1671, _André Félibien_, historiographe des bâtiments du roi, publia +une description de Versailles et des embellissements que Louis XIV y +faisait exécuter. Les agrandissements successifs opérés dans le palais, +et les nouveaux arrangements nécessités par le séjour du roi, +déterminèrent _Félibien des Avaux_, son fils et son successeur dans +l'emploi d'historiographe des bâtiments, à faire paraître une nouvelle +description de Versailles. C'est cette nouvelle description, publiée en +l'année 1703, qui va nous servir. Nous en rapporterons tout ce qui peut +faire connaître d'une manière exacte la disposition des appartements, en +retranchant ce qui est inutile à la solution de la question qui nous +occupe; c'est, du reste, une description très-curieuse du Versailles de +Louis XIV, et qui vaudrait la peine d'être publiée de nouveau. + +Félibien décrit d'abord les appartements du rez-de-chaussée, occupés +d'un côté par le Dauphin et de l'autre par le duc du Maine, et nous +ferons remarquer qu'il indique comme habité par le _duc du Maine_ +l'appartement des bains, situé sous les grands appartements du roi, car +la situation de ce logement pourra nous servir à expliquer ce qui a pu +faire croire que l'appartement de madame de Maintenon devait être de ce +côté du château. + +Félibien ajoute ensuite[47]: «Aux côtés de la petite cour pavée de +marbre du milieu du château, et aux côtés de la grande cour par où l'on +a été voir les grands appartements bas, il y a huit escaliers outre ceux +des quatre petites cours voisines. La plupart des uns et des autres +servent à dégager les grands appartements hauts, et à monter à quantité +d'autres appartements que les principaux officiers de la maison du roi, +obligés par leurs charges d'être proche de la personne de Sa Majesté, +occupent, tant dans les logements qui sont aux côtés des grands +appartements, que dans les attiques et proche des combles du vieux et du +nouveau château. Les deux escaliers les plus considérables servent pour +monter aux appartements du roi. Ils sont enrichis de marbre et situés +aux côtés de la grande cour proche des passages, où l'appartement des +bains (pour le grand escalier des ambassadeurs) et l'appartement de +Monseigneur (pour l'escalier de marbre) ont leurs principales entrées. + +»Le moins grand de ces deux escaliers, appelé le petit escalier de +marbre, est auprès de ce dernier appartement où l'on entre même +d'ordinaire par une porte qui est proche de la rampe de cet escalier. Il +n'y en a pas de plus fréquenté et qu'on connaisse davantage dans +Versailles. Trois arcades donnent d'abord entrée par la grande cour dans +un vestibule fait en forme d'une double galerie voûtée de pierre et pavé +de carreaux de marbre blanc et de marbre noir. C'est de là qu'on va à +l'escalier proche duquel une des portes de l'appartement de Monseigneur +est ouverte vers le midi. Une autre porte, vers l'occident, donne entrée +dans la petite cour qui est environnée, de ce côté, des bâtiments du +vieux et du nouveau château, et partagée par un corridor orné de +colonnes. Tout l'escalier est pavé de marbre.... + +»Sur le grand palier du haut, vers le midi, est une porte qui, de ce +grand palier par le bout le plus proche du haut de la dernière rampe, +conduit à l'appartement de la reine, occupé par madame la duchesse de +Bourgogne. Et dans la face vers le septentrion, à l'autre bout du même +palier, il y a une simple porte qui donne entrée dans les appartements +du roi. Deux autres portes proche les précédentes servent, à l'autre +bout de l'escalier vers l'orient, à entrer dans la grande salle des +gardes, la plus proche de l'appartement de la reine. C'est en traversant +un petit passage, qui est au bout de cette salle, qu'on peut aller par +une autre grande salle (salle de 1792) à un petit appartement de jour de +monseigneur le duc de Bourgogne (salles des Gouaches), et par la même +salle à un grand escalier de pierre (des Princes), par où l'on va aux +appartements de Monsieur, de Madame, de monseigneur le duc de Chartres +et de madame la duchesse de Chartres (galerie des Batailles) qui, comme +nous avons déjà dit, sont de plain-pied avec ceux du roi.... + +»Tâchons à présent, par une description la plus sommaire qu'il nous sera +possible, de faire connaître l'état où les appartements du roi et les +autres appartements hauts du vieux et du nouveau château sont +aujourd'hui. + +»Le premier appartement du roi, où l'on entre, comme nous avons dit, par +le petit escalier de marbre du côté du septentrion, a vue sur la petite +cour pavée de marbre, qu'il environne de trois côtés. Un vestibule que +l'on trouve d'abord proche du petit escalier _sert vers l'orient à +donner passage à un appartement particulier qu'occupe madame la marquise +de Maintenon dans une des ailes de la grande cour_; et vers l'occident à +entrer par une salle des gardes dans une antichambre où l'on sert le roi +quand il mange en public.» + +Ainsi, il n'y a pas ici de termes ambigus; c'est sur le vestibule placé +près du palier du petit escalier de marbre et en face de l'entrée de +l'appartement de Louis XIV, que se trouvait l'appartement de madame de +Maintenon. Nous reviendrons bientôt sur cet appartement, et nous allons +continuer la description de celui du roi, en suivant toujours Félibien, +afin de montrer qu'il indique la destination de toutes les pièces de cet +appartement, et que l'endroit qu'il vient de désigner est le seul où +l'on puisse placer l'habitation de cette femme célèbre: + +«Cette antichambre, _celle où le roi mangeait en public_, a depuis peu, +vers le midi, une porte par où l'on entre dans un petit appartement de +nuit de monseigneur le duc de Bourgogne (depuis petit appartement de la +reine), que l'on a construit de nouveau au-dessus du corridor qui +traverse en bas le milieu de la petite cour la plus proche de +l'appartement de Monseigneur. Mais pour aller par la grande antichambre +du roi dans l'appartement de Sa Majesté, on entre, vers l'occident, dans +la chambre _des Bassans_, ainsi appelée à cause qu'il y a plusieurs +tableaux de ces anciens maîtres au-dessus des portes et dans les +lambris. Cette chambre a trois portes, outre celle de la grande +antichambre par où l'on est entré. Une porte au midi conduit à un +escalier de dégagement par où monseigneur monte de son appartement à +celui du roi (cet escalier en pierre existe encore aujourd'hui, +quoiqu'il ne soit plus d'aucun usage); une autre porte à l'occident +conduit dans la grande galerie haute du nouveau château, du côté des +jardins; et la troisième porte, au septentrion, est celle par où il faut +passer dans la suite du premier appartement du roi, et premièrement dans +la chambre à coucher de Sa Majesté.» + +Après la description de la chambre du roi et de son ameublement, il +ajoute: «Les portes du côté de la cheminée donnent entrée vers le +septentrion dans un grand salon carré, situé au milieu de l'ancien +château, sur le vestibule pavé et lambrissé de marbre qu'on a remarqué +en bas.... Ensuite du salon on trouve une autre pièce appelée _chambre +du Conseil_. Le premier des cabinets du roi est entièrement revêtu de +glaces.... On le nomme _cabinet des Termes_, parce que vingt figures de +jeunes enfants en forme de Termes, qui soutiennent des festons dorés, +ornent une manière d'attique élevée au-dessus de la corniche, dans le +même cabinet[48]. Il reçoit son jour vers le septentrion, par la petite +cour de l'appartement des bains.» + +Cette description de l'appartement du roi est curieuse en ce qu'elle +nous donne l'époque exacte de l'établissement de la chambre à coucher +dans laquelle mourut Louis XIV. En effet, l'on a pu voir dans les +détails donnés par Félibien que ce que l'on nomme le _salon de +l'Å’il-de-bÅ“uf_ était coupé en deux parties, dont l'une était occupée +par une antichambre nommée des _Bassans_, et l'autre par la chambre à +coucher du roi, tandis que la chambre à coucher actuelle, qui occupe le +centre du château, était un grand salon de réception, probablement +l'ancien grand salon de Louis XIII. + +C'est en 1703 que Félibien des Avaux fit paraître sa _Description +sommaire de Versailles_. Mais à la fin de ce même volume, dans un +chapitre intitulé _Changements qui ont été faits à Versailles, en divers +endroits du château, pendant l'impression de ce volume_, voici ce qu'il +dit de l'appartement du roi: «On voit un nouveau salon qui ne surprend +pas moins par sa richesse que par sa grandeur. Il contient tout l'espace +d'une seconde antichambre et d'une chambre où l'on a vu jusqu'ici le lit +du roi: ainsi ce nouveau salon a au moins soixante pieds de longueur sur +environ vingt-six de largeur, et son exhaussement, qu'on a beaucoup +augmenté, a donné moyen de faire une ouverture ovale de fenêtre dans le +haut de l'extrémité vers le midi--que l'on nomme un Å“il-de-bÅ“uf--pour +donner plus de jour au salon. L'on ne peut trop considérer dans la +chambre du roi, qui servait autrefois de salon, les changements qu'on y +a faits et les ornements nouveaux dont on l'a embellie. Elle est toute +boisée et presque entièrement dorée sur un fond blanc, ainsi que le +grand salon, mais ornée avec encore plus de magnificence. La cheminée +est placée à présent vers le septentrion; son chambranle de marbre +occupe le bas d'une grande arcade remplie de glaces de miroir, et dont +le cintre est porté par des pilastres ioniques, et chargé d'une +cassolette fumante, accompagnée de festons de fleurs, et de deux Zéphyrs +figurés par des enfants en bas-reliefs, qui ont des ailes de papillon au +dos. Il y a une semblable arcade vis-à -vis, aussi toute remplie de +glaces et accompagnée d'ornements. L'on a doré de nouveau les pilastres, +et tous les ouvrages de sculpture qu'on a conservés. Une grande arcade +surbaissée sert du côté de l'occident, vis-à -vis des fenêtres, à +augmenter la profondeur de cette chambre pour y placer plus commodément +le lit du roi.» + +Il est donc évident que le salon dit de l'Å’il-de-bÅ“uf et la chambre +actuelle du roi Louis XIV ne datent que de l'année 1703, c'est-à -dire de +l'époque écoulée entre l'impression de l'ouvrage de Félibien et les +additions qu'il a placées à la fin, avant de la livrer au public. + +Dans les changements qu'on venait de faire subir à l'appartement du roi, +Félibien signale l'agrandissement de la salle du Conseil aux dépens du +cabinet des Termes, qui, quoique plus petit, n'en continua pas moins +d'exister. + +Félibien ajoute: «Le second cabinet, dans lequel on entre par le grand +cabinet du Conseil et par l'ancien cabinet des Termes, et qui a vue vers +le septentrion sur la même cour, et vers le midi sur la petite cour +pavée de marbre, est orné de tableaux de tous côtés.» (Sous Louis XV, +cette chambre fut agrandie du côté du nord, l'on boucha les fenêtres de +ce côté, et elle devint la chambre à coucher du roi.) «La pièce suivante +sert de vestibule à un escalier par où le roi descend de son appartement +pour sortir du château, et sert à passer dans un autre cabinet, qu'une +arcade et deux autres ouvertures moins grandes qui l'accompagnent +unissent à la dernière pièce de l'enfilade. Ici une porte située au +septentrion donne entrée dans un salon ovale tout doré et orné de +pilastres et de quatre niches où l'on a placé autant de groupes de +bronze. Enfin, dans ce salon ovale, une porte donne entrée dans un +cabinet qui l'accompagne vers l'occident, et une autre porte vers +l'orient conduit à la petite galerie peinte par _Mignard_, dont nous +avons rapporté une description assez étendue, ainsi que des deux salons +qui sont à ses extrémités.» Ici s'arrête la description des petits +appartements du roi. Félibien décrit ensuite le grand escalier des +ambassadeurs, les grands appartements du roi, la grande galerie et les +appartements de la reine, qui ne sont point changés. + +En suivant pas à pas, sur les plans de _Blondel_, la description de +Félibien, on voit que toutes les pièces de l'appartement du roi, qui y +sont parfaitement indiquées, avaient toutes une destination, et qu'il +est impossible d'y trouver un endroit pouvant s'appliquer à +l'appartement de madame de Maintenon. Il faut donc absolument chercher +cet appartement dans une autre partie du château. + +Nous avons dit que Félibien en plaçait la porte dans le vestibule qui +servait d'entrée à l'appartement du roi: «Un vestibule que l'on trouve +d'abord proche du petit escalier sert, vers l'orient, à donner passage à +un appartement particulier qu'occupe madame la marquise de Maintenon +dans une des ailes de la grande cour.» Malheureusement Félibien, si +exact dans le détail des divers appartements qu'il décrit, mais voulant +seulement faire connaître au public ceux qu'on pouvait visiter et qui +étaient curieux par leurs ornements, les tableaux, les sculptures, ou +les choses rares qu'ils contenaient, n'a parlé que des appartements du +roi, de la reine et des princes, et n'a rien ajouté de plus sur celui de +madame de Maintenon. Cependant cette indication est déjà une preuve de +sa situation en ce lieu, et de la nécessité de ne point le chercher +ailleurs. + +Voyons, maintenant que nous savons le lieu occupé par cet appartement, +si nous trouverons quelque part des détails assez circonstanciés pour +qu'il ne reste aucun doute, et que nous puissions, en quelque sorte, le +rétablir comme il était à cette époque. + +Il était impossible que Saint-Simon, ce caustique et spirituel +chroniqueur, qui passait, pour ainsi dire, tous ses jours dans le +château de Versailles à suivre ses habitants, pour deviner leurs +pensées, leurs actions, connaître les événements nouveaux et surtout les +intrigues que ce peuple de courtisans faisait éclore et avorter à chaque +instant, ne donnât pas quelques renseignements sur le lieu qu'habitait +le plus célèbre de tous ces personnages, sur celui qui était devenu le +véritable chef de l'État, et que Saint-Simon avait d'autant plus de +motifs de faire connaître dans ses moindres actions, qu'il y cherchait +presque toujours des raisons de faire excuser la haine qu'il lui +portait. + +Il donne en effet dans ses _Mémoires_ une description si exacte et si +minutieuse de l'appartement de madame de Maintenon, que l'on est étonné +d'avoir vu sa place si longtemps ignorée. + +Voici à quelle occasion. Au mois de décembre 1708, le duc de Bourgogne +revenait de sa campagne de Flandre, qui n'avait pas été heureuse. Il +était attendu à la cour avec grande impatience; et tous ses amis +redoutaient la réception qu'allait lui faire Louis XIV. Saint-Simon, +très-attaché au duc de Bourgogne, raconte ainsi cette réception, dans +laquelle il entre, pour la mieux faire comprendre, dans les plus +minutieux détails: + +«Madame la duchesse de Bourgogne, dit-il, était dans une grande +agitation de la réception que recevrait monseigneur le duc de Bourgogne, +et de pouvoir avoir le temps de l'entretenir et de l'instruire avant +qu'il pût voir le roi en personne. Je lui fis dire de lui mander +d'ajuster son voyage de façon qu'il arrivât à une ou deux heures après +minuit, parce que de la sorte, arrivant tout droit chez elle et ne +pouvant voir qu'elle, ils auraient tout le temps de la nuit à être +ensemble seuls, les premiers instants du matin avec le duc de +Beauvillier et peut-être avec madame de Maintenon, et l'avantage encore +que le prince saluerait le roi et Monseigneur avant que personne fût +entré chez eux, et que personne n'y serait témoin de sa réception, à +très-peu de valets près et même écartés. L'avis ne fut pas donné, ou, +s'il le fut, il ne fut pas suivi. Le jeune prince arriva le lundi 11 +décembre, un peu après sept heures du soir, comme Monseigneur venait +d'entrer à la comédie[49], où madame la duchesse de Bourgogne n'était +pas allée pour l'attendre. Je ne sais pourquoi il vint descendre dans la +_cour des Princes_ au lieu de la grande. J'étais en ce moment-là chez la +comtesse de Roucy dont les fenêtres donnaient dessus. Je sortis +aussitôt, et arrivant au haut du grand degré du bout de la galerie[50], +j'aperçus le prince qui le montait, entre les ducs de Beauvillier et de +la Rocheguyon, qui s'étaient trouvés à la descente de sa chaise. Il +avait bon visage, gai et riant, et parlait à droite et à gauche. Je lui +fis ma révérence au bord des marches. Il me fit l'honneur de +m'embrasser, mais de façon à me marquer qu'il était encore plus instruit +qu'attentif à ce qu'il devait à la dignité, et il ne parla plus qu'à moi +un assez long bout de chemin, pendant lequel il me glissa bas qu'il +n'ignorait pas comment j'avais parlé, et comment j'en avais usé à son +égard. Il fut rencontré par un groupe de courtisans, à la tête desquels +était le duc de la Rochefoucauld. Entouré de ce groupe, il traversa la +grande salle des gardes, au lieu d'entrer chez madame de Maintenon par +son antichambre de jour et par les derrières, bien que son plus +court[51], et alla, par le palier du grand degré[52], entrer par la +grande porte de l'appartement de madame de Maintenon[53]. C'était le +jour du travail ordinaire de Pontchartrain, qui, depuis quelque temps, +avait changé avec Chamillart du mardi au lundi. Il était alors en tiers +avec le roi et madame de Maintenon, et le soir même il me conta cette +curieuse réception, qu'il remarqua bien et dont il fut seul témoin. Je +dis en tiers, parce que madame la duchesse de Bourgogne allait et +venait; mais pour le bien entendre, il faut un moment d'ennui de +mécanique. + +»L'appartement de madame de Maintenon était de plain-pied et faisant +face à la salle des gardes du roi[54]. L'antichambre était plutôt un +passage long en travers, étroit, jusqu'à une autre antichambre toute +pareille de forme, dans laquelle les seuls capitaines des gardes +entraient[55], puis une grande chambre profonde[56]. Entre la porte, par +où l'on y entrait de cette seconde antichambre, et la cheminée[57], +était le fauteuil du roi adossé à la muraille, une table devant lui, et +un ployant autour pour le ministre qui travaillait. De l'autre côté de +la cheminée une niche de damas rouge et un fauteuil ou se tenait madame +de Maintenon avec une petite table devant elle. Plus loin son lit dans +un enfoncement[58]. Vis-à -vis les pieds du lit une porte et cinq +marches[59]. Puis un fort grand cabinet qui donnait dans la première +antichambre de l'appartement de monseigneur le duc de Bourgogne, que +cette porte enfilait, et qui est aujourd'hui l'appartement du cardinal +de Fleury[60]. Cette première antichambre ayant à droite cet +appartement, et à gauche ce grand cabinet de madame de Maintenon, +descendait, comme encore aujourd'hui, par cinq marches dans le salon de +marbre contigu au palier du grand degré au bout des deux galeries, haute +et basse, dites de madame la duchesse d'Orléans, ou des Princes[61]. + +«Tous les soirs, madame la duchesse de Bourgogne jouait dans le grand +cabinet de madame de Maintenon avec les dames à qui on avait donné +l'entrée, qui ne laissait pas d'être assez étendue, et de là , entrait, +tant et si souvent qu'elle voulait, dans la pièce joignante, qui était +la chambre de madame de Maintenon, où elle était avec le roi, la +cheminée entre deux. Monseigneur, après la comédie, montait dans ce +grand cabinet[62] où le roi n'entrait point, et madame de Maintenon +presque jamais. + +»Avant le souper du roi, les gens de madame de Maintenon lui apportaient +son potage avec son couvert, et quelque autre chose encore. Elle +mangeait, ses femmes et un valet de chambre la servaient, toujours le +roi présent, et presque toujours travaillant avec un ministre. Le souper +achevé, qui était court, on emportait la table; les femmes de madame de +Maintenon demeuraient, qui tout de suite la déshabillaient en un moment, +et la mettaient au lit. Lorsque le roi était averti qu'il était servi, +il passait un moment dans une garde-robe[63], allait après dire un mot à +madame de Maintenon, puis sonnait une sonnette qui répondait au grand +cabinet. Alors Monseigneur, s'il y était, monseigneur et madame la +duchesse de Bourgogne, M. le duc de Berry, et les dames qui étaient à +elle, entraient à la file dans la chambre de madame de Maintenon, ne +faisaient presque que la traverser, et précédaient le roi qui allait se +mettre à table suivi de madame la duchesse de Bourgogne et de ses dames. +Celles qui n'étaient point à elle, ou s'en allaient, ou, si elles +étaient habillées pour aller au souper, car le privilège de ce cabinet +était d'y faire sa cour à madame la duchesse de Bourgogne sans l'être, +faisaient le tour par la grande salle des gardes sans entrer dans la +chambre de madame de Maintenon. Nul homme, sans exception que ces trois +princes, n'entrait dans le grand cabinet. Cela expliqué, venons à la +réception et à tout son détail, auquel Pontchartrain fut très-attentif, +et qu'il me rendit tête à tête très-exactement une demi-heure après +qu'il fut revenu chez lui[64]. + +»Sitôt que de chez madame de Maintenon on entendit la rumeur qui précède +de quelques instants ces sortes d'arrivée, le roi s'embarrassa jusqu'à +changer diverses fois de visage. Madame la duchesse de Bourgogne parut +un peu tremblante, et voltigeait par la chambre pour cacher son trouble, +sous prétexte d'incertitude par où le prince arriverait, du _grand +cabinet_ ou de l'_antichambre_. Madame de Maintenon était rêveuse. Tout +à coup les portes s'ouvrirent. Le jeune prince s'avança au roi, qui, +maître de soi plus que qui que ce fût, perdit à l'instant tout embarras, +fit un pas ou deux vers son petit-fils, l'embrassa avec assez de +démonstration de tendresse, lui parla de son voyage; puis, lui montrant +la princesse:--Ne lui dites-vous rien? ajouta-t-il d'un visage riant. Le +prince se retourna un moment vers elle, et répondit respectueusement +comme n'osant se détourner du roi, et sans avoir remué de place. Il +salua ensuite madame de Maintenon, qui lui fit fort bien. Ces propos de +voyage, de couchées, de chemins durèrent ainsi et tout debout un +demi-quart d'heure; puis le roi lui dit qu'il n'était pas juste de lui +retarder plus longtemps le plaisir qu'il aurait d'être avec madame la +duchesse de Bourgogne, et le renvoya, ajoutant qu'ils auraient loisir de +se revoir. Le prince fit sa révérence au roi, une autre à madame de +Maintenon, passa devant le peu de dames du palais qui s'étaient +enhardies de mettre la tête dans la chambre, _au bas de ces cinq +marches_, entra dans le _grand cabinet_, où il embrassa madame la +duchesse de Bourgogne, y salua les dames qui s'y trouvèrent, +c'est-à -dire les baisa, demeura quelques moments, et passa dans son +appartement, où il s'enferma avec madame la duchesse de Bourgogne. + +»Leur tête-à -tête dura deux heures et plus; tout à la fin madame d'O y +fut en tiers; presque aussitôt après, la maréchale d'Estrées y entra, et +peu de moments après madame la duchesse de Bourgogne sortit avec elles, +et revint dans le grand cabinet de madame de Maintenon. Monseigneur y +vint à l'ordinaire au sortir de la comédie[65]; madame la duchesse de +Bourgogne, en peine de ce que monseigneur le duc de Bourgogne ne se +pressait point d'y venir saluer Monseigneur, l'alla chercher, et revint +disant qu'il se poudrait; mais remarquant que Monseigneur n'était pas +satisfait de ce peu d'empressement, elle envoya le hâter. Cependant la +maréchale d'Estrées, folle et étourdie, et en possession de dire tout ce +qui lui passait par la tête, se mit à attaquer Monseigneur de ce qu'il +attendait si tranquillement son fils au lieu d'aller lui-même +l'embrasser. Ce propos hasardé ne réussit pas. Monseigneur répondit +sèchement que ce n'était pas à lui à aller chercher le duc de Bourgogne, +mais au duc de Bourgogne à le venir trouver. Il vint enfin. La réception +fut assez bonne, mais elle n'égala pas celle du roi à beaucoup près. +Presque aussitôt le roi sonna, et on passa pour le souper[66].» + +Nous avons transcrit tout entière cette scène de la réception du duc de +Bourgogne par le roi Louis XIV, malgré sa longueur, parce qu'elle donne +les renseignements les plus exacts sur cet appartement de madame de +Maintenon, tant cherché, et aussi parce que nous avons pensé qu'elle +paraîtrait d'autant plus piquante qu'on pourrait la suivre dans tous +ses détails sur les lieux mêmes. + +Il nous semble que d'après ces diverses descriptions de Félibien et de +Saint-Simon, et en les comparant aux plans que Blondel a donnés des +appartements du château de Versailles à l'époque de Louis XIV, il ne +doit rester aucun doute dans l'esprit des personnes même les plus +prévenues sur l'emplacement qu'occupait l'appartement de madame de +Maintenon. + +Maintenant, quelle raison a donc pu faire indiquer comme _appartement de +madame de Maintenon_ des chambres qui n'en ont jamais fait partie, et +qui en sont même si éloignées? + +La seule véritable, c'est qu'au moment où l'on cherchait à retrouver, +pour chacune des pièces des petits appartements, le nom qu'elles avaient +dû avoir sous Louis XIV, on n'avait aucune donnée sur le lieu qu'avait +occupé l'appartement de madame de Maintenon; et que comme il existait un +petit escalier allant des petits appartements à l'appartement du +rez-de-chaussée (ancien appartement des Bains), et portant encore le nom +d'_escalier de Maintenon_, on supposa que l'appartement de la secrète +épouse de Louis XIV avait dû ouvrir sur cet escalier, qui lui servait +sans doute d'entrée particulière. De là la place qu'on lui donne dans +tous les ouvrages modernes, et en particulier dans celui de M. Vatout. + +Mais ce nom de Maintenon, conservé à l'escalier dont nous parlons, et +qui a induit en erreur l'_historiographe moderne des bâtiments du roi_, +ne peut-il pas s'expliquer tout autrement? + +Félibien nous dit, dans sa description du château, que l'appartement +_des Bains_, placé sous les grands appartements du roi, était occupé par +le duc du Maine; or, tout le monde sait que madame de Maintenon est +restée gouvernante de ce jeune prince jusqu'au moment de son élévation, +et qu'elle allait fréquemment chez le roi, surtout dans les premiers +temps de sa faveur. Eh bien, ne peut-on pas considérer comme à peu près +certain que cet escalier, qui se rendait directement des appartements +qu'elle habitait avec le duc du Maine dans ceux de Louis XIV, devait +être celui qu'elle prenait pour y aller; d'où, par suite, lui serait +venu le nom qu'il a conservé jusqu'à nos jours? + +Quelle que soit la valeur de cette explication, à laquelle nous +attachons très-peu d'importance, toujours est-il qu'il résulte des +descriptions de _Félibien_ et de _Saint-Simon_, comparées aux plans de +_Blondel_, que l'appartement occupé par madame de Maintenon dans le +château de Versailles était situé du côté des appartements de la reine, +occupés alors par la duchesse de Bourgogne, derrière la grande salle des +gardes du corps, de plain-pied avec l'appartement de Louis XIV, et +ouvrant en face de ce dernier dans le vestibule placé au haut de +l'escalier de marbre ou de la reine; et que cet appartement, +successivement occupé sous Louis XV par le comte de Clermont, et sous +Louis XVI par le maréchal de Duras, forme aujourd'hui trois des salles +consacrées aux campagnes de 1793, 1794 et 1795. + +Tout en admettant cette conclusion, quelques personnes pourraient +peut-être penser que dans les derniers temps de la vie de Louis XIV, et +particulièrement après la mort du duc et de la duchesse de Bourgogne, +madame de Maintenon vint habiter une autre partie du château; mais en +lisant attentivement Saint-Simon, surtout lorsqu'il parle de la dernière +maladie du roi, on voit qu'elle resta toujours dans le même appartement. + +«Toute la cour, dit-il, se tenait tout le jour dans la galerie. Personne +ne s'arrêtait dans l'antichambre la plus proche de la chambre +(l'Å’il-de-bÅ“uf) que les valets familiers, et la pharmacie, qui y +faisaient chauffer ce qui était nécessaire; on y passait seulement, et +vite, et d'une porte à l'autre. Les entrées passaient dans les cabinets +par la porte de glace qui y donnait de la galerie qui était toujours +fermée, et qui ne s'ouvrait que lorsqu'on y grattait, et se refermait à +l'instant. Les ministres et les secrétaires d'État y entraient aussi, et +tous se tenaient dans le cabinet qui joignait la galerie (le cabinet des +Termes). Les princes du sang, ni les princesses filles du roi +n'entraient pas plus avant, à moins que le roi ne les demandât, ce qui +n'arrivait guère. Le maréchal de Villeroy, le chancelier, les deux +bâtards, M. le duc d'Orléans, le père Tellier, le curé de la paroisse, +quand Maréchal, Fagon et les premiers valets de chambre n'étaient pas +dans la chambre, se tenaient dans le cabinet du Conseil, qui est entre +la chambre du roi et un autre cabinet (des Termes), où étaient les +princes et princesses du sang, les entrées et les ministres. + +»Le duc de Tresmes, premier gentilhomme de la chambre en année, se +tenait sur la porte, entre les deux cabinets, qui demeurait ouverte, et +n'entrait dans la chambre du roi que pour les moments de son service +absolument nécessaire. Dans tout le jour personne n'entrait dans la +chambre du roi que par le cabinet du Conseil, excepté ces valets +intérieurs ou de la pharmacie qui demeuraient dans la première +antichambre, _madame de Maintenon_ et les dames familières, et pour le +dîner et le souper, le service et les courtisans qu'on y laissait +entrer.» + +Ainsi, c'était par les antichambres, c'est-à -dire du côté où se trouvait +l'appartement déjà indiqué de madame de Maintenon, qu'elle entrait dans +la chambre du roi; et l'on ne concevrait pas qu'elle eût pris cette +route, dans le cas où son logement eût été transféré de l'autre côté du +château. Mais Saint-Simon ajoute encore plus loin quelque chose de plus +positif. Après avoir raconté comment le roi, à l'extrémité, venait de +recevoir les soins d'un _manant provençal, fort grossier, qui lui +apportait un remède qui guérissait la gangrène_, il dit: «Madame de +Maintenon venait de sortir de chez le roi, ses coiffes baissées, menée +par le maréchal de Villeroy _par devant chez elle sans y entrer, +jusqu'au bas du grand degré_, où elle leva ses coiffes. Elle embrassa le +maréchal d'un Å“il fort sec, en lui disant: Adieu, monsieur le maréchal, +monta dans un carrosse du roi qui la servait toujours, dans lequel +madame de Caylus l'attendait seule, et s'en alla à Saint-Cyr, suivie de +son carrosse où étaient ses femmes[67].» + +Comme il n'y a pas de doute, d'après ce que nous avons déjà expliqué, +sur l'escalier appelé par Saint-Simon le _grand degré_, que c'est +l'escalier de marbre existant encore aujourd'hui, il est donc évident +que madame de Maintenon passait ainsi devant l'appartement que nous +avons décrit, qu'elle habitait encore en 1715, à la mort de Louis XIV. + +Les recherches auxquelles nous nous sommes livré pour retrouver +l'emplacement de l'appartement de madame de Maintenon, nous ont mis à +même de relever une erreur assez grave du livre de M. Vatout. C'est à +l'occasion du confessionnal de Louis XIV. + +L'on a vu sur le plan de Blondel, et d'après la description de Félibien, +que la pièce où se trouve aujourd'hui le confessionnal formait un salon +ovale, dont un côté ouvrait sur un cabinet et l'autre sur le salon +précédant la galerie de Mignard. M. Vatout, qui a vu aussi ce salon sur +le plan de Blondel, pense qu'il faisait partie, ainsi que le cabinet et +la salle du déjeuner, de l'appartement de madame de Maintenon, puisqu'il +dit: «La petite galerie Mignard, avec ses deux salons, pouvait offrir à +cet appartement de brillants accessoires, lorsqu'on y jouait la +comédie.» Ce qui ne l'empêche pas, quelques pages plus loin, d'y mettre +le confessionnal de Louis XIV: «C'est là , dit-il; que s'agenouillait le +grand roi; c'est là qu'il humiliait sa fierté devant Celui au nom duquel +s'abaissent toutes les grandeurs de la terre.» Comme s'il était +présumable que le roi eût été placer le mystérieux endroit où devait se +dévoiler ses plus secrètes pensées au milieu même de l'appartement de la +favorite! Nous ne faisons cette remarque que pour montrer la +contradiction dans laquelle est tombé M. Vatout, car il est évident que +le confessionnal de Louis XIV n'a jamais été placé dans ce lieu. Sous ce +roi, s'y trouvaient le salon ovale et un cabinet. Sous Louis XV, d'après +les changements indiqués dans l'un des plans de Blondel, on fit à la +place du salon ovale un petit salon carré, et l'on établit une +_garde-robe_ dans le cabinet. Enfin, sous Louis XVI, de nouveaux +changements eurent encore lieu, le salon fut diminué, et l'on en fit un +cabinet dans lequel fut placé le confessionnal du roi. C'est donc Louis +XVI, et non Louis XIV, qui a fait mettre son confessionnal dans cet +endroit. Nous ne savons si, sous Louis XVI, le capitaine des gardes se +tenait l'épée à la main, pendant la confession, derrière la glace sans +tain que l'on remarque dans la niche près du confessionnal; mais s'il en +était ainsi sous Louis XIV, comme le dit M. Vatout, ce n'est point dans +cet endroit qu'avait lieu cette _étrange habitude_. + + + + +VI + +L'ANCIENNE MACHINE DE MARLY + +OU + +DE VILLE ET RENNEQUIN. + + +Il n'existe peut-être pas de machine qui ait eu une réputation aussi +colossale que l'ancienne machine de Marly. Son aspect gigantesque, sa +complication apparente, le bruit extraordinaire produit par son +mécanisme que l'on entendait d'une distance considérable, cette masse de +charpentes et de chaînes de fer se mouvant continuellement depuis le +bord de la Seine jusqu'au haut de la montagne de Louveciennes, tout +enfin dans cette immense machine était fait pour étonner les regards et +frapper l'imagination de la foule. Il semble que l'auteur d'un si +étonnant travail n'a pu rester inconnu, et cependant, même aujourd'hui, +l'on discute encore pour savoir qui il est. Ce fait, qui paraît +extraordinaire, s'explique naturellement par l'usage où l'on était, sous +Louis XIV, de faire tout au nom du roi ou de ses ministres, et de +placer ainsi dans l'ombre et au rang de simples employés des bâtiments +les véritables auteurs de la plupart des merveilles exécutées sous le +règne du grand roi. Que l'on demande en effet aux historiens à qui sont +dus les immenses travaux faits pour amener les eaux de l'Eure à +Versailles, ou pour réunir les eaux de pluie et de neige à plus de dix +lieues à la ronde, et les verser dans ces réservoirs, si heureusement +alimentés aujourd'hui par la nouvelle machine hydraulique de la Seine; +qu'on les interroge pour savoir les noms des habiles artistes qui ont +exécuté les plus jolis arrangements des jardins de Versailles, et ces +magnifiques jets d'eau si habilement et si élégamment disposés, ils +nommeront Louis XIV, Colbert et Louvois, et à la suite Mansart et Le +Nôtre; mais de l'abbé Picard, de Lahire, de Vauban, de Perrault, de +Francine, etc., pas un mot; et il faut, comme nous l'avons fait, aller +fouiller dans les archives, dans les registres des bâtiments, pour +retrouver les véritables auteurs de tous ces beaux travaux. C'est là ce +qui est arrivé aussi pour la machine de Marly. En n'allant pas chercher +aux véritables sources, on s'en est rapporté à des on dit plus ou moins +désintéressés, et aidé du merveilleux populaire, qui aime toujours à +rencontrer des moyens extraordinaires dans l'exécution de choses qui lui +paraissent extraordinaires, l'on a ainsi déplacé les rôles, et attribué +à un seul, et encore à celui qui y a pris la moindre part, l'honneur de +son invention. Reprenons donc un peu l'historique de la machine de +Marly, et suivons-le d'après les documents authentiques, dont les pièces +vont être mises sous les yeux du lecteur. + +Louis XIV venait de désigner Versailles pour son séjour habituel. +Colbert, l'exécuteur des volontés du maître, donnait les ordres les plus +précis pour hâter les travaux nécessaires à leur accomplissement. Une +chose cependant semblait s'opposer aux désirs du roi, et paraissait +condamner Versailles à n'être jamais qu'un séjour passager: c'était le +manque d'eau. Mais le roi avait parlé, et son ministre avait fait un +appel à tous ceux que leurs connaissances spéciales pouvaient mettre à +même de résoudre cette importante question. Déjà , des travaux importants +avaient été exécutés[68], et non-seulement les eaux de sources, mais +encore des eaux recueillies sur les hauteurs environnant Versailles, +commençaient à satisfaire les désirs du roi et de son ministre. Sur ces +entrefaites, Colbert apprend qu'un gentilhomme liégeois, ingénieur +lui-même, vient de faire exécuter dans le domaine des comtes de Marchin, +seigneurs de Modave[69] une machine qui élève l'eau à une très-grande +hauteur, et qui, appliquée à Versailles, pourrait amener les eaux de la +Seine jusque dans cette ville. Il se hâte de lui écrire au nom du roi, +et l'engage à venir examiner si, à l'aide d'une semblable machine, +Versailles peut être alimenté des eaux qui lui manquent. Ce gentilhomme +liégeois était le chevalier de Ville, baron libre du Saint-Empire +romain[70]. Vivant dans un pays où l'on construisait de nombreuses +machines pour épuiser les eaux souterraines qui nuisent à l'exploitation +des houillères et des mines de charbon de terre, il s'était familiarisé +avec l'étude de ces machines. Désirant élever l'eau du Hoyoux sur les +hauteurs du domaine de Modave, il avait fait construire un de ces +appareils déjà employés depuis longtemps dans les mines de Hongrie, +lorsqu'il s'agissait de transmettre l'eau à de grandes distances, +par-dessus de hautes montagnes[71]. Mais il dut principalement la +réussite de son entreprise à l'habileté du constructeur chargé de son +exécution, Rennequin Sualem, qu'une grande intelligence et une longue +pratique avaient initié à toutes les difficultés de la mécanique. + +De Ville se rend aussitôt à l'invitation de Colbert, et arrive à +Versailles, accompagné de Rennequin Sualem, car il sent que pour +l'exécution de pareille entreprise il ne peut se passer de l'habile +ouvrier dont il connaît par expérience toute la capacité. + +La réussite d'une mécanique assez puissante pour amener l'eau de la +Seine jusqu'à Versailles demandait une chute considérable, pouvant faire +mouvoir les grandes et nombreuses roues destinées à lui donner +l'impulsion. De Ville suit la Seine dans tous ses contours, la sonde +lui-même dans tous ses points, et trouve enfin, entre Chatou et la +chaussée de Bougival, une chute assez forte pour la réussite de son +entreprise[72]. + +La chute trouvée, il fallait faire franchir à l'eau de la Seine la +distance qui la séparait non-seulement de la hauteur de la montagne de +Louveciennes, mais encore du sommet d'une tour élevée sur cette hauteur, +et qui, dominant tout le pays, pouvait permettre d'envoyer cette eau +soit à Versailles, point principal pour lequel on demandait +l'établissement de cet instrument hydraulique, soit à Marly, dont le roi +venait d'arrêter la construction, soit même à Saint-Germain[73]. De +Ville se mit aussitôt au travail, fit les projets de cet immense +appareil, les présenta au roi qui les adopta, et commença aussitôt les +travaux. + +Il fallait, pour la bonne exécution de ces travaux, qu'ils fussent +confiés à des hommes déjà au fait de ces sortes d'ouvrages. De Ville et +Rennequin retournèrent à Liége et en ramenèrent une colonie d'ouvriers, +charpentiers, menuisiers, forgerons, etc., et de plus de Ville passa des +marchés avec les entrepreneurs de ce pays, en sorte que, corps de +pompes, mécanismes, cuirs, fers, etc., tout vint de Liége[74]. + +Toute la partie de la Seine comprise entre le Port-Marly et Bezons était +à cette époque presque entièrement divisée en deux bras par une suite de +petites îles. Pour que la navigation ne fût pas interrompue et avoir en +même temps une grande partie des eaux du fleuve employée au mouvement de +la machine, il fallait réunir toutes ces îles, n'en faire qu'une seule +digue, et agrandir le bras de la rive droite afin d'en former un canal +navigable. Ce fut le premier travail exécuté par de Ville[75]. Cette +digue et ce canal, qui ont plus de 10,000 mètres de longueur, furent +commencés au mois de mai 1681 et achevés au mois d'octobre de la même +année. Pendant ce temps se construisait la machine. Toutes les maisons, +terres, vignes, etc., comprises entre l'endroit où se trouvait la chute +et les hauteurs de Louveciennes, avaient été achetées par le roi. De +Ville s'établit dans l'une des maisons de la chaussée, afin de mieux +surveiller les travaux; il y fait construire un modèle de la machine, et +Rennequin Sualem, le constructeur et l'inspecteur de cette immense +machine, y habite auprès de lui[76]. + +La science de l'hydraulique était alors peu avancée, surtout en France, +et peu de personnes étaient en état de comprendre le mécanisme et les +effets de ce grand travail. Des doutes s'étant manifestés sur sa +réussite[77], et le roi ayant désiré qu'il fût fait un essai, de Ville +fit construire, au moulin de Palfour, sous sa direction, et par deux +Liégeois, Lambotte et Georges d'Espa, une machine analogue à celle que +l'on construisait en grand à Marly, qui éleva l'eau jusque sur la +terrasse de Saint-Germain[78]. + +Après cette expérience décisive on ne fit plus d'objections, et l'on +continua avec activité les travaux de la machine. Nous n'entreprendrons +pas d'en faire ici la description complète[79], nous rappellerons +seulement qu'au-dessous de la chute, dans la Seine, se trouvaient +quatorze roues hydrauliques de 36 pieds de diamètre chacune, mises en +mouvement par l'eau de cette chute[80]; ces roues mettaient en jeu huit +pompes chargées d'entretenir toujours l'eau à une égale élévation dans +un bassin élevé à peu près à la hauteur du bord des autres corps de +pompes. Celles-ci, au nombre de soixante-quatre, refoulaient cette eau +dans un puisard placé sur le penchant de la montagne. L'eau élevée à ce +premier puisard y était reprise par soixante-dix-neuf pompes, et +refoulée une seconde fois jusqu'à un second puisard supérieur au +premier; là , quatre-vingt-deux pompes achevaient d'opérer l'ascension de +l'eau jusqu'au sommet de la tour, dont la plate-forme supérieure est +élevée de 154 mètres au-dessus des eaux moyennes de la Seine, et se +trouve placée à 1,236 mètres de distance horizontale de la machine en +rivière, ou du premier mobile. Comme, par suite de la difficulté que +l'on éprouvait alors à bien joindre les tuyaux entre eux, beaucoup d'eau +se perdait en montant à la tour, seize pompes étaient placées dans un +réservoir situé derrière le puisard supérieur afin de ramener cette eau +perdue dans ce même puisard. Pour augmenter la quantité d'eau élevée par +la machine, on avait réuni dans un bassin, un peu au-dessous du premier +puisard, les eaux assez abondantes de toutes les sources des environs, +et huit pompes servaient à les élever dans le second puisard. On voit +donc que le produit de la machine était le résultat du travail de deux +cent cinquante-trois pompes, placées tant dans le lit du fleuve que dans +les puisards établis sur le penchant de la montagne. Tout ce système de +pompes était mis en mouvement par les roues hydrauliques tournant par +l'impulsion de l'eau du fleuve, qui avaient deux fonctions: l'une de +faire mouvoir les soixante-quatre pompes fournissant l'eau reprise +successivement par les deux systèmes supérieurs; l'autre de mettre en +jeu les longues suites de pièces de communication de mouvement au moyen +desquelles les pompes des deux systèmes supérieurs pouvaient faire leur +service. Cette transmission du mouvement s'opérait par l'intermède de +plusieurs couples de chaînes de fer partant de la Seine, et aboutissant +aux points où le mouvement devait être transmis; chaque couple avait ses +deux chaînes dans un même plan vertical, attachées d'espace en espace +aux extrémités des balanciers, dont les axes de rotation, placés à +mi-distance entre les deux chaînes, étaient posés sur des cours de lices +établis sur des chevalets. Des manivelles en fer, fixées aux extrémités +des axes des roues hydrauliques, agissaient sur les chaînes, dans le +sens de leur longueur, par l'intermède de pièces de traction et de +rotation. En résultat, lorsque la chaîne supérieure d'une couple était +tirée et se mouvait dans le sens de la descente de la montagne, +l'inférieure se mouvait dans le sens de la montée, et réciproquement; +ces allées et, venues oscillatoires, qui se répétaient plusieurs fois +par minute, produisaient des oscillations correspondantes dans les +pièces du mécanisme auxquelles les points supérieurs des chaînes étaient +attachés, et par suite l'ascension et la descente des pistons des pompes +de reprise des puisards. Ces indications sommaires, ajoute M. de Prony, +à qui nous empruntons ces détails, suffisent pour motiver l'énorme +quantité de fer et de bois dont la montagne se trouvait couverte sur une +longueur d'environ 700 mètres. + +Actuellement que l'on voit arriver l'eau facilement d'un seul jet au +haut de la tour, et avec un appareil d'une grande simplicité, on est +étonné de la nécessité où l'on fut alors d'établir cette masse de +pompes, de puisards, de leviers immenses, de rouages de toute espèce +pour obtenir un résultat bien inférieur à celui d'aujourd'hui. On oublie +les progrès faits par les arts industriels depuis ce temps. Alors le jeu +des pistons dans les corps de pompes, et l'assemblage des tuyaux étaient +tels que l'air s'y introduisait de toutes parts et opposait une énorme +résistance à l'ascension de l'eau, et qu'une grande quantité de liquide +était perdue sans aucun résultat pour le but qu'on voulait obtenir. +Voilà pourquoi, l'eau ne pouvant s'élever d'un jet qu'au tiers de la +route qu'elle avait à parcourir, on fut obligé de diviser la machine en +trois systèmes de pompes, dont l'un, partant de la Seine, la portait à +mi-côte, le deuxième la faisait arriver au réservoir supérieur, et le +troisième enfin l'élevait jusque sur la tour; et comme les deux systèmes +de pompes, qui reprenaient à mi-côte l'eau refoulée immédiatement de la +Seine, ne pouvaient avoir de mouvement qu'en vertu de la force motrice +transmise du point inférieur du système général et émanant des eaux +mêmes du fleuve, on s'explique la complication apparente de cette +machine, son aspect gigantesque et les mouvements bruyants de toutes ces +masses, dont on ne pouvait pas, sans instruction et sans étude, saisir +la correspondance avec le premier mobile. + +Les travaux de cette immense machine, commencés en 1681, étaient déjà +assez avancés en 1684 pour qu'on en fit l'essai. Nous avons dit que de +Ville, en élevant la tour, avait eu pour but de dominer tous les +environs et de pouvoir ainsi, de ce point, diriger l'eau partout où le +roi voudrait la distribuer. Pour faire son essai, il fit construire une +espèce de tour en charpente[81], sur le sommet de laquelle on vit en +effet l'eau arriver ainsi qu'il l'avait promis. + +Après cet essai qui levait tous les doutes sur la réussite de la +machine, on remplaça la tour en bois par la tour en pierre et le bel +aqueduc qui domine, d'une façon si pittoresque, tous les environs. +Mansart en dessina les plans, en fit les devis, et fut chargé de la +construction. On creusa en même temps les réservoirs de Marly et de +Louveciennes, on fit les aqueducs pour conduire l'eau à Versailles, on +éleva, dans cette ville, le _gros mur_ de Montreuil, qui reliait la +butte de Picardie à la butte de Montbauron, on creusa aussi les +réservoirs placés sur cette butte, et Louvois, qui venait de faire +exécuter tous ces travaux, eut la satisfaction de voir arriver l'eau de +la Seine dans ces derniers bassins, l'année suivante, 1685. + +En 1684, après l'essai de l'ascension de l'eau sur la tour, le roi +chargea Vauban de visiter la machine et de faire faire les travaux +qu'il jugerait nécessaires pour sa confection. Vauban, accompagné de de +Ville, examina tout avec la plus minutieuse attention; il admira cet +immense travail, et en comprit immédiatement tout le mécanisme et les +effets[82]; il fit simplement quelques observations sur la construction +de plusieurs parties des digues de la Seine, et crut nécessaire, pour +préserver la machine de l'action destructive des glaces, de faire +construire au-devant une estacade qui pût les diriger sur la grande +digue[83]. + +Telle est l'histoire, bien abrégée, de la construction de l'ancienne +machine de Marly. Mais à qui doit-on cette machine, et quel en est +l'inventeur? Il semble, d'après ce récit, que nul autre que de Ville ne +doit en recueillir l'honneur, et cependant aujourd'hui l'opinion +générale lui conteste cette invention pour l'attribuer à un homme dont +nous avons à peine parlé, à Rennequin Sualem. Cherchons donc la cause de +cette opinion, et voyons, en consultant les pièces authentiques, quels +rôles ont pu jouer, dans l'établissement de cette célèbre machine, de +Ville et Rennequin Sualem. + +Et d'abord examinons comment s'est établie l'opinion qui en attribue +l'invention à Rennequin. + +Un Allemand, Frédéric Weidler, professeur à Wittemberg, écrivit, en +1728, un ouvrage intitulé _Tractatus de machinis hydraulicis toto +terrarum orbe maximis, Marliensi, Londinensi et aliis rarioribus_. En +1714, il vint visiter la machine qu'il allait décrire. Dans cette +visite, qui va lui servir plus tard pour donner le nom de son inventeur, +il ne voit ni de Ville, son gouverneur, ni les contrôleurs, ni Vauban, +ni Mansart, ni même les entrepreneurs qui avaient eu des rapports +directs avec l'inventeur; il se contente de consulter les ouvriers qui +ont travaillé dès le commencement avec Rennequin: _Ii autem, qui initiis +fabricoe interfuerunt, affirmarunt mihi ad unum omnes, Rannequium illius +verum auctorem et fabricatorem, et Villaneum commendatorem apud aulam et +veluti ergo dioctem extitisse_.--Et quels étaient ces ouvriers qui lui +assuraient ainsi que Rennequin était le véritable inventeur de la +machine, c'était toute la colonie liégeoise, Paul Sualem, Toussaint, +Siane, etc., tous parents ou amis de Rennequin. Cette assertion de +Weidler, répétée, sans contrôle, par les écrivains spéciaux, est restée +comme certaine pour ceux qui depuis ont parlé de la machine. Mais ce qui +a surtout rendu cette opinion populaire, c'est l'épitaphe gravée sur sa +tombe, qui, de l'église de Bougival, où elle était à peine connue avant +la Révolution, a passé dans un cabaret de la chaussée, et y est restée +pendant de longues années exposée aux regards de tous ceux qui venaient +visiter la machine, en indiquant Rennequin comme son seul +inventeur[84]. + +Telles sont les deux seules autorités qui ont fait attribuer à Rennequin +l'invention de la machine. + +Quelques écrivains modernes ont cherché à rétablir les faits et à rendre +à de Ville la place qu'il aurait dû toujours occuper[85]; l'abbé Caron, +entre autres[86], dans une notice lue à la Société des sciences morales, +des lettres et des arts de Seine-et-Oise, semblait avoir justement +attribué à chacun le rôle joué dans la construction de la machine, et +nous croyions la question jugée, lorsque nous avons reçu de Liége une, +petite brochure[87], dans laquelle non-seulement Rennequin Sualem est +regardé comme l'inventeur de la machine, mais où de Ville est traité +d'imposteur, et où nous voyons que le conseil communal de Liége, pour +honorer l'inventeur de cette machine, vient d'appeler une des rues de la +ville du nom de Rennequin. Il nous paraît donc nécessaire de faire +connaître les nombreuses pièces qui constatent le rôle joué par de Ville +dans l'établissement de la machine de Marly. + +Ce qui a beaucoup contribué à faire dépouiller de Ville de son titre +d'inventeur de la machine, ce sont surtout sa position de fortune et ses +titres. Comment supposer, en effet, qu'un chevalier, baron du +Saint-Empire, possédant des terres, pût être en même temps un savant? +Non, le baron de Ville n'a dû être que le négociateur de l'entreprise, +l'entremetteur de la cour de Louis XIV avec le véritable auteur de la +machine, simple ouvrier, _ferè analphabêtos, sed manuariâ arte +excellens_[88]. On attribue aussi à Rennequin la construction de la +machine hydraulique de la terre de Modave, qui a attiré les regards de +Colbert, et comme c'est de cette construction qu'est venue la première +idée de la machine de Marly, on en tire la preuve qu'on lui doit +l'invention de cette dernière machine. Mais ce qu'on ne dit pas, c'est +que cette machine hydraulique de Modave n'était qu'une imitation de +celles dont on se servait déjà depuis longtemps dans les mines de +Hongrie et de Suède; que, par conséquent, ce n'était point une invention +de Rennequin, et que c'est à de Ville, ingénieur instruit et au courant +de tout ce qui avait été fait en ce genre, que l'on en doit +l'application dans le domaine des comtes de Marchin. + +Suivons maintenant de Ville à la machine de Marly. Avant de penser à +établir un mécanisme capable de faire monter l'eau de la Seine à +Versailles, il est nécessaire de trouver une chute assez puissante pour +faire mouvoir ce mécanisme. Il faut pour cela un homme instruit et +expert dans les travaux hydrauliques. Qui est chargé de ce travail? De +Ville. Nous le voyons, en effet, rechercher et reconnaître les pentes de +la Seine, indiquer et faire exécuter les travaux nécessaires pour +établir les digues et agrandir le lit du fleuve laissé à la +navigation[89]. + +La chute trouvée, qui voyons-nous encore préparer et ordonner tous les +travaux de construction de la machine, faire arriver les eaux des +sources de Prunay, de Louveciennes et de Bougival, afin de les joindre à +celles élevées de la Seine? C'est encore de Ville[90]. + +Le roi désire qu'un essai de ce que peut une machine de ce genre pour +élever l'eau soit tenté devant lui. N'est-ce pas encore de Ville, et ici +sans le secours de Rennequin, qui fait construire la pompe du moulin de +Palfour, et démontre ainsi au roi, par avance, la certitude du résultat +de ses opérations[91]? + +N'est-ce pas lui aussi que nous voyons, en 1683, indiquer à l'arpenteur +Caron, et dessiner sur le terrain les places que devront occuper les +chevalets, puisards, réservoirs, etc., nouveaux, nécessités par +l'augmentation du mécanisme de la machine[92]? + +En 1684, Vauban, chargé par le roi d'examiner la machine, la visite dans +tous ses détails, et c'est de Ville qui lui en explique le mécanisme. + +On le voit encore non-seulement surveiller et diriger les travaux sur +place, mais de plus faire des voyages à Liége pour s'entendre avec ceux +qui fabriquent les pompes, et faire venir de ce pays et fers et +mécaniques. + +Et si on le voit ainsi partout, c'est qu'il ne pouvait en être +autrement. N'était-ce pas lui, en effet, qui avait présenté les projets +d'après lesquels on exécutait cet immense appareil[93], et n'était-il +pas responsable de la réussite de cette machine dont on attendait de si +grands résultats? Aussi, lorsque le succès a couronné son entreprise, +avec quelle magnificence le roi le récompense! En 1684, après +l'expérience de l'arrivée de l'eau au sommet de la tour, le roi lui +accorde 6,000 livres de gratification. En 1685, les 6,000 livres de +gratification lui sont continuées, et le 28 juillet de la même année, +quand l'eau de la Seine est enfin arrivée à Versailles, Louis XIV lui +fait un don de 100,000 livres. Puis il lui fait bâtir près de la machine +une magnifique habitation[94], le nomme gouverneur de cette machine, et +aux 6,000 livres de gratification qu'il conserve sa vie durant, il en +ajoute 6,000 de pension[95]. + +Voilà , d'après les documents que nous donnons à la suite de ce récit, +la part de de Ville dans l'établissement de la machine de Marly. Voyons +maintenant celle de Rennequin. + +Rennequin Sualem était un ouvrier charpentier de Liége, d'une grande +intelligence et d'une habileté peu commune. Il tenait le premier rang +parmi les constructeurs des mécaniques dont on se servait dans les mines +du territoire liégeois pour épuiser les eaux souterraines. On a vu qu'il +construisit la machine dont de Ville se servit à Modave pour élever les +eaux du Hoyoux. Aussi, lorsque celui-ci fut chargé par Colbert de venir +étudier les moyens de donner de l'eau à la ville royale, se fit-il +accompagner de l'habile exécuteur de ses idées. + +En étudiant les diverses pièces que nous faisons connaître, nous ne +voyons apparaître Rennequin que lorsqu'il s'agit de la construction de +la machine. Nous le trouvons établi auprès de de Ville, et à la tête de +tous ces ouvriers liégeois habitués depuis longtemps à des travaux +analogues, les commandant, les dirigeant dans l'exécution d'un mécanisme +souvent modifié et amélioré par sa longue pratique et sa haute +intelligence; mais nous ne le rencontrons ni lorsqu'il s'agit de la +recherche de la chute d'eau nécessaire à l'établissement de la machine +et de la construction des digues; ni lorsque, pour augmenter les eaux +élevées par la machine, on vient y ajouter celles des diverses sources +des environs; ni, enfin, dans la combinaison qui fait distribuer en +trois parties distinctes la route que doit suivre l'eau pour son +ascension au haut de la tour. Son rôle, enfin, paraît avoir été celui +d'un mécanicien plein de sagacité, de connaissances et de talent dans +son art, et sans lequel peut-être les idées de de Ville n'eussent pu +être exécutées; et c'est probablement dans ce sens que ses compagnons, +ayant pu apprécier à l'Å“uvre la facilité avec laquelle il saisissait +les problèmes les plus difficiles de la mécanique, savait les réduire en +pratique, et combien de fois les difficultés les plus grandes avaient +été surmontées par lui dans la construction de la machine, l'en +regardaient comme le véritable inventeur. Rennequin, enfin, était un +habile charpentier-mécanicien, et probablement le premier de cette +époque dans ce genre de travail. C'est ainsi qu'il fut toujours +considéré pendant sa vie. + +En 1688, des pompes et une machine à cheval sont nécessaires pour le +service de la maison des demoiselles de Saint-Cyr; c'est Rennequin et +Lambotte qui sont chargés de son exécution[96]. Et lorsque la machine de +Marly est enfin entièrement terminée, on le voit chargé de sa +surveillance, y rester attaché, ainsi que les autres ouvriers de Liége, +avec le titre d'ingénieur et de chef des charpentiers liégeois, et on +lui accorde en outre un logement spécial et 1,800 livres +d'appointements. + +Ainsi, il résulte de l'étude de nos documents que de Ville a été +véritablement, comme le dit la légende du plan de la machine dessinée en +1688; l'inventeur, et Rennequin Sualem le constructeur de cette célèbre +machine, et qu'ils ont été tous deux récompensés suivant le rôle qu'ils +avaient joué chacun dans son exécution. + +Si cependant quelques personnes, s'appuyant sur l'opinion de Weidler et +sur l'inscription de la pierre tumulaire de Bougival, veulent conserver +à Rennequin le titre d'inventeur, nous les prierons de se rappeler que +Weidler n'a établi son dire, que sur les propos d'ouvriers parents ou +amis de Rennequin, et plusieurs années après la mort de celui-ci; et +que, quant à l'épitaphe placée par les mêmes parents dans l'église de +Bougival après le décès de la veuve de Rennequin, et longtemps après la +mort de celui-ci, on y aurait probablement répondu avant la mort de de +Ville, arrivée en 1722, si elle n'eût pas été enfouie et ignorée dans un +coin obscur dont l'a fait sortir la révolution, pour la livrer à la +publicité dans un cabaret de la chaussée. D'ailleurs un acte beaucoup +plus sérieux et authentique, son acte de décès dressé du vivant de sa +veuve, porte son véritable titre: _constructeur_ et non inventeur de la +machine[97]. + +Que sont d'ailleurs ces deux faibles preuves auprès de celles indiquées +dans les notes qui suivent en faveur de de Ville? + +Ce sont d'abord les registres des bâtiments qui donnent à de Ville le +titre d'_ingénieur_, tandis qu'ils donnent à Rennequin celui de +_charpentier liégeois_;--puis le plan de la machine, dessiné par Liévin +Creuil en 1688, c'est-à -dire quand elle venait d'être terminée, et qui +dit en toutes lettres: «Cette machine a été inventée et exécutée par M. +le baron de Ville.» Et plus loin: «Elle a été construite par ordre du +roi, sur les projets et par la direction de M. le baron de Ville.»--Les +écrivains qui, sous Louis XIV et depuis lui, ont été puiser aux sources +et ont parlé de la machine, Dangeau, l'abbé de Choisy, Claude Saugrain, +Piganiol de la Force, ont tous attribué son invention à de Ville. +_Cassan_, dans un poëme sur l'arrivée de la Seine au château de Marly, +de 1699, ne lui fait-il pas dire en passant devant le pavillon que de +Ville habitait: + + Et reprend en ce lieu l'usage de la voix, + Pour se plaindre en passant _du chevalier de Ville_, + + * * * * * * * * + + Qui t'oblige, dit-elle, _avec ton art maudit_ + _A venir malgré moi m'enlever de mon lit_? + +La _Gazette de France_ de 1682 indique les travaux de la machine comme +faits par le _sieur de Ville, gentilhomme liégeois_. La +Chesnaye-Desbois, dans son _Dictionnaire de la noblesse_, et le père +Anselme, dans l'_Histoire généalogique de France_, disent, en parlant de +sa fille qui avait épousé le baron de Montmorency: «Elle était fille +d'_Arnold de Ville_, chevalier, etc., gouverneur et directeur de la +machine de Marly, _dont il était l'inventeur_[98].»--Le duc de Luynes, +dans ses Mémoires, cite aussi de Ville comme l'_auteur de la +machine_.--Ceux qui étaient plus à même que tous autres de savoir la +vérité sur ce sujet, les contrôleurs chargés plus tard de la direction, +le considérèrent toujours comme l'inventeur, et M. Gondouin, dans un +rapport écrit en 1792, dit positivement: «Lors de la construction de la +machine, le sieur de Ville, mécanicien et _inventeur de la machine_, en +fut nommé le gouverneur[99].» + +Enfin, lui-même, au moment suprême où le cÅ“ur de l'homme s'ouvre à la +vérité, dans son testament retrouvé au château de Modave[100], ne +vient-il pas consacrer de nouveau son titre d'inventeur en exprimant +ainsi l'une de ses volontés: «J'ordonne que tous les ouvrages que j'ai +composés concernant les constructions de la machine de Marly soient +imprimés suivant mes dessins en grand.» + +Il résulte donc positivement de tout ceci que le baron de Ville a été +bien véritablement l'inventeur, ou pour mieux dire l'_auteur du projet +de construction de la machine de Marly_, et que Rennequin Sualem en a +été l'habile et adroit constructeur. + +Que maintenant les habitants de la ville de Liége, qui veulent honorer +le nom de celui de leurs compatriotes auteur de cette célèbre machine, +soient heureux. Leur bonne fortune veut qu'au lieu d'un seul nom, ils en +aient deux à offrir en exemple à leur industrieuse population: celui du +noble employant les loisirs que lui donne la richesse à cultiver la +science pour en faire une application grande et utile, et celui du +modeste artisan dont le génie inculte saisit avec facilité les plus +hautes conceptions de la science, et sait dans la pratique les résoudre +avec bonheur. + + + + +PIÈCES JUSTIFICATIVES. + + +NOTE Nº 1. + +DÉPENSES DE CONSTRUCTION DE LA MACHINE DE MARLY, + +Extraites des registres des bâtiments du roi, déposés aux Archives de +l'Empire. + + +ANNÉE 1681. + + ORDONNANCES. + + Au sieur de Ville, gentilhomme liégeois, pour payement + des fers corroyés qu'il a fait venir de Liége, pour servir à + la machine du moulin de Palfour. 2,845l. 3s. »d. + Aux ouvriers. 977 19 » + + ORDRES. + + 26 mars.--Au même, pour _id._ 2,845 3 » + Aux ouvriers. 977 19 » + + 22 juin.--A George d'Espa, taillandier + liégeois, pour une manivelle + qu'il a livrée pour la machine, _id._ 490 » » + Aux ouvriers. 455 10 » + + A Lambotte, charpentier liégeois, + pour l'entretennement de la + machine. Pour trois + mois 360 » » + A Valland, pour clous 32 1 » + ----------------- + Total. 5,160l. 13s. 2d. + + MARLY 1681. + + 28 octobre 1681.--A Raoul de Pierre, + dit Laporte, charpentier, sur la + machine de la rivière de Seine. 2,000l. »s. »d. + + OUVRAGES DES ILES DE CROISSY. + + ORDONNANCES DU 22 JUIN 1681. + + 11 octobre.--A Renkin-Sualem, pour + son travail et soins à la construction + de la machine, pendant un + mois. 150 » » + A Paul Sualem, autre charpentier + liégeois, pour son travail + pendant. 150 » » + + ORDRES DU 22 JUIN AU 11 JANVIER 1682. + + Aubert, charpentier;--LebÅ“uf, Gonnot, Guyot, + Simon, Feuillastre, Boursault, Dupuis, Houet, Morin, + terrassiers. + Des charpentiers liégeois. + Laporte, charpentier. + Morel, _id._ + + A Rankin-Sualem, charpentier liégois, pour un mois + de son travail. 150l. »s. »d. + Despas, forgeron liégeois. + Sommes. 210,575 13 » + + + ANNÉE 1682. + + _Pour les grandes pompes sur la rivière de Seine, pour + l'élévation et conduite des eaux à Versailles._ + + ORDRES + + A Laporte, charpentier;--Clerget, Berlin, Ogier, + Leroy, Boileau, terrassiers;--Paul Sualem, charpentier + liégeois, Rankin-Sualem, _id._;--Toussaint Michel, menuisier + liégeois;--Lafontaine, maçon;--Morel, serrurier;--Pauli, + maître de forges liégeois;--Arnault, pour + loyer de la maison de la chaussée, occupée par les menuisiers + et par le modèle de la machine;--Menoiet, + marchand de fer et charbon de terre;--Caron, arpenteur;--Dupont, + terrassier;--Lemaire, fondeur;--Lahaye, + plombier, Despas, _id._;--Devienne, maçon;--Noiret, + marchand;--Duvivier, maçon;--Allan, pour + charbon;--Devolman, garde de la prévôté de l'hôtel;--de + Ville, ingénieur;--Montagne, serrurier;--Miche, + menuisier,--Robert, terrassier;--Berger, de Spa, pour + fers corroyés;--Lesieur, charpentier;--Frades, de + Vienne;--Cuvier, marchand de bois;--Piat, charpentier;--Corbey, + cordier;--Baffront, maçon;--Bourienne, + terrassier;--Duval, serrurier;--Godefroy, + chirurgien, pour pansements de blessés;--au sieur + Desvongoins, pour tuyaux;--Pays, pour peaux de vaches;--Langlois, + pour ficelles;--Rousseau, charron;--Lecerf, + plâtrier;--Aimond, marchand;--Jean Siane, + charpentier liégeois;--Hardel, paveur,--Goutier, maçon;--Martin, + maçon,--Remy, pour les conduites de + grès;--et aux divers ouvriers de la machine. + + + Sommes. 515,815l. 17s. 1d. + + On trouve particulièrement dans ce chapitre: + + A Paul Sualem, charpentier liégeois, + pour son travail d'un + mois. 150 » » + A _Renkin-Sualem_, _id._ _id._ 150 » » + A Siane, _id._ _id._ 150 » » + A Toussaint Michel, menuisier + liégeois, _id._ 67 10 » + 1er mars.--Au sieur Pauli, maître + de forges de Liége, sur les corps + de pompe de fer fondu qu'il fait + pour la machine.--A-compte. 1,000 » » + + (Il y a ainsi plusieurs à -compte.) + + 12 avril.--A Clerget, maçon, pour + payement de 4,920 l. pour ses + travaux. 420 » » + 5 juillet.--A Allen, pour son payement + de goudrons et poix noires, + qu'il a livrés. 761 10 » + 12 juillet.--_Au sieur de Ville_, ingénieur, + sur les fers et autres + ustensiles qu'il fait venir de + Liége, pour la machine. 900 » » + + (Il y a ainsi plusieurs à -compte.) + + 26 juillet.--A Robert, pour payement + de 1,426 l. 13 s. 9 d., pour + la maçonnerie de remplissage de + la digue qui joint une petite île + à l'île de Chatou. 276l. 13s. 9d. + + 26 juillet.--A Devienne, pour + payement de 1,998 l. 15 s. pour + la fouille et transport de terre + du réservoir, près le premier repos + de la machine. 198 15 » + + 9 août.--A Menoist, pour payement + de 2,649 l. 5 s. 2 d., pour + fourniture de gros fers et charbon + pour ladite machine. 269 5 2 + + 23 août.--A Martin Nicolle, pour + payement de deux grands bateaux + qu'il a livrés pour servir + aux ouvrages de la machine. 257 » » + + 6 septembre.--A Berlin, pour + payement de 2,808 l. 10 s. pour + les moellons qu'il a fournis. 408 10 » + + 6 septembre.--A Raffront, pour + payement de 1,354 l., pour moellons + qu'il a fournis à la machine. 104 » » + + _Id._--A Allen, pour payement de + 1,859 l. 5 s., pour le charbon de + terre et autres fournitures qu'il + a faites. 959 15 » + + _Id._--A Menoist, pour payement + de 1,879 l. 15 s. 10 d., pour + fourniture de gros fers. 879 15 10 + + 13 septembre.--A Berlin, pour + payement de 1,404 l. de moellons. 604l. »s. »d. + + 11 octobre.--A Devienne, pour + payement de 11,455 l. 3 s. 7 d., + pour ouvrages de remplissage et + pavé de la digue. 855 3 7 + + 18 octobre.--A Raffront, pour + payement de 1,976 l. de moellons. 761 » 5 + + _Id._--A Frades et Devienne, pour + payement de 8,249 l. 14 s. 4 d., + pour moellons. 449 14 4 + + _Id._--A Noiret, pour payement de + 8,874 l. 2 s. 9 d., pour divers + ouvrages de fer. 874 2 9 + + _Id._--A Frades et Devienne, pour + complément de 11,455 l. 3 s. + 7 d., pour remplissage de la digue, + près l'île de Chatou. 300 » » + + 1er novembre.--A Eux, pour payement + de 3,040 l. 11 s., pour + moellons. 640 11 » + + 6 décembre.--A Eux, pour payement + de 5,197 l. 10 s., pour + 12,300--3/4 de moellons. 1,797 10 » + + _Id._--A Charruel, couvreur, pour + payement de 422 l. 3 s., pour + la couverture de la nouvelle forge. 122 12 3 + + _Id._--A Mathelin, pour payement + de 153 l., pour transport de terre. 53 » » + + 13 décembre.--A Frades et Devienne, + pour payement de 300 l., + pour voitures de glaise. 100l. »s. »d. + + 20 décembre.--A Eux, pour payement + de 2,499 l., pour moellons + fournis. 999 » » + + 27 décembre.--A Lamontagne, + pour payement de 938 l. 14 s., + pour plates-bandes. 438 14 » + + Id.--A Menoist, pour payement de + 1,998 l. 5 s., pour fers. 398 5 » + + + En outre: + + Octobre 1682.--A Boudet, sur les + tuyaux de fer de fonte, qu'il doit + livrer pour la machine de la rivière + de Seine. 17,300 » » + + Au sieur Desvaugoins, sur les + tuyaux pour la nouvelle machine + de la rivière de Seine. 92,200 » » + + Au sieur Lebreton, sur les + tuyaux pour la nouvelle machine + de la rivière de Seine. 2,000 » » + + A Lahaye, _id._ 5,500 » » + + A Coulon, _id._ 1,000 » » + + + ANNÉE 1683. + + ORDRES DU 10 JANVIER 1683 AU 2 JANVIER 1684. + + A Laporte, Aubert, charpentiers;--Raffront, maçon;--Frades, + maçon;--Devienne, maçon;--Noiret, serrurier;--Menoist, + serrurier;--Allan, marchand de + charbon;--Grey-Spa;--de Ville, ingénieur;--Hardel, + terrassier;--Bourienne, _id._;--Gondaut, charron;--Devaux, + voiturier;--Martin, terrassier;--Caron, arpenteur;--Lejongleur, + pour les eaux;--Arnault, pour + loyer;--veuve Raffront, _id._;--Duvivier, Decoste, maçons;--Benoist, + terrassier;--Montoque, _id._;--Marchand, + paveur;--Mathelin, terrassier;--Langlois, + cordier;--Berlin, paveur;--Delaunay, Richard, terrassiers;--Lahaye, + plombier;--Morel, serrurier;--Louchard, + cordier;--Rousseau, charron;--Langlois, + cordier;--Remy, fontainier;--Paul et Rankin-Sualem, + charpentiers;--Sianne, _id._;--Miché, menuisier;--Mathieu, + plombier;--Desyaugoins, fabricant de tuyaux,--Godefroy, + briquetier;--Masson, serrurier;--Laharpe, + plombier;--Esmery, _id._;--Boileau, marchand + de fer;--Pernolle, _id._;--Bourbonnais, pour un soufflet + de forges;--Nicolle, terrassier;--Levasseur, _id._;--Charruel, + couvreur;--Delbert, plombier;--Bachelart, + voilurier;--Duval, serrurier;--Simon, maçon;--Malin + et Vaillant, marchands de fer;--Crosnier, terrassier;--Lambotte, + mécanicien;--Viart, terrassier;--Noël, + serrurier;--veuve Lavier, menuisier;--Vivret, marchande + de toiles;--Namurois, serrurier;--Pays, corroyeur;--Baumont, + terrassier;--Racine, _id._;--Belier, + _id._;--Renault, serrurier;--Lapoterie, marchand + de fer;--Sauvage, _id._;--Gervais, serrurier;--Guessard, + id.;--Ansaume, maçon;--Desjardins, tailleur;--Chenet, + chirurgien;--Lucas, plombier;--Duremar, + serrurier. + + + Sommes. 858,228l. 15s. 6d. + + On trouve particulièrement dans ce chapitre: + + A Frades et Devienne, pour payement + de 2,025 l., pour le transport + des sables provenant de + l'atterrissement qui s'est fait + au-dessous de la machine dans la + rivière de Seine. 75l. »s. »d. + + A Menoist, pour payement de 948 l. + 13 s., pour fers par lui fournis. 348 13 » + + A Allen, pour payement de 1,308 l. + 4 s., pour fournitures de charbon + de terre. 808 8 » + + A Hardel, pour payement de 895 l. + 8 s. 4 d., pour pavage qu'il a fait + au rétablissement du grand chemin. 95 8 4 + + A Haffront, pour payement de 5,109l. + 5 s. 10 d., pour maçonnerie au + deuxième puisard. 359 5 10 + + A Noiret, pour payement de 7,674 l. + 1 s. 6 d., pour fournitures de fers + de pieux. 474 1 6 + + A Marchand, pour payement de + 3,229 l. de pavés. 729 » » + + A Frades et Devienne, pour payement + de 1,747 l. 17 s. 6 d., pour + moellons et libage. 947 17 6 + + A Montagne, pour payement de + 1,369 l. 4 s. 4 d., pour ouvrages + de fer. 469 4 4 + + A Frades et Devienne, pour payement + de 2,892 l. pour transports + de terre. 72l. »s. »d. + + Aux soldats suisses, qui ont fait des + fascines et travaillé. 123 13 6 + + A Bourienne, pour payement de + 2,736 l. 14 d., pour fouilles au + deuxième puisard. 86 14 6 + + A Marchand, pour payement de + 3,229 l. 8 s., pour pavés. 500 » » + + A Noiret, pour payement de 1,604 l. + 6 s. 6 d., pour fouilles. 304 6 6 + + A Charuel, pour payement de 439 l. + 7 s. 6 d., pour couverture. 39 7 6 + + A Boileau, pour payement de 6,911 l. + 16 s. 8 d., pour gros fer du + Nivernois. 411 16 8 + + A Nicole, pour payement de 1,578 l. + 3 s. 4 d., pour fouilles au canal. 78 3 4 + + A Mathelin, pour payement de + 10,453 l. 18 s. 10 d., pour + transport de terre. 453 18 10 + + A Frades et Devienne, pour payement + de 3,344 l. 5 s., pour moellons. 1,044 5 » + + A Martin, pour payement de 4,642 l. + 7 s. 9 d., pour tranchées au bord + du nouveau canal. 342 7 9 + + A Richard, pour payement de 2,684 l. + 7 s. 9 d., pour cuivres. 184 7 9 + + A Frades et Devienne, pour payement + de 2,430 l. 45 s., pour moellons. 830l. 15s. »d. + + A Duremar, pour payement de 7331l + 5 s. 6 d., pour appuis de fer. 133 5 6 + + A Berlin, pour payement de 500 l., + pour démolition. 200 » » + + A Frades et Devienne, pour payement + de 2,089 l. 10 s., pour moellons. 689 10 » + + A Pays, corroyeur, pour payement + de 360 l., pour cuirs de vache. 210 » » + + A Berlin, pour payement de 819 l., + pour 1,900 1/2 de moellons. 419 » » + + A Spa, pour payement de fers corroyés + fournis par lui, montant à + 27,742 l. 14 s. 11 d. 142 14 11 + + A Raffront, pour payement de 700 l., + pour l'atterrissement qui s'est fait + par derrière les coursières de la + machine. 50 » » + + A Lacoste, pour payement de 5,506 l. + 10 s., à quoi montent 1,217 toises + 1/2 de tuyaux de 8 pouces, relevés + et posés a la conduite du Chesnay, + 459 toises 1/2 _id._ de 8 pouces, + à celle depuis les Moulins de Louveciennes + jusqu'au regard du chemin + de Versailles, à 50 s. la toise, + et 328 toises 1/2 d'un pied, _id._ à + 14 l. la toise, et 600 l. de gratification + à cause de sa diligence. 656 10 » + + A Renault, pour payement de 1,516 l. + 12 s. 9 d., pour serrurerie. 572l. 16s. 9d. + + A Bourbonnais, pour payement de + 938 l. 17 s., pour serrurerie. 50 17 » + + A Spa, pour payement de 3,140 l. + 11 s., pour serrurerie, pour + l'entretien des mouvements de + la machine. 1,140 11 » + + A André Pernelle, pour, payement + de 1,053 l. 10 s., pour serrurerie. 153 10 » + + A Desjardins, tailleur d'habits, pour + vingt et un juste-au-corps de toile, + pour les charpentiers de la machine. 31 10 » + + A Thevenet, chirurgien, pour avoir + pansé les ouvriers blessés de la + machine, depuis le mois de juillet + jusqu'au mois d'octobre. 90 » » + + Le sieur _de Ville_ fait venir beaucoup de fers et de + mécaniques de Liége. + + Lejongleur fait les aqueducs pour conduire l'eau de + la machine de la rivière de Seine. + + + ANNÉE 1684. + + RECETTE: + + De M. Etienne Jehannot, sieur de Bartillat, garde du + trésor royal, la somme de 6,000 l. pour délivrer au sieur + _de Ville_, gentilhomme liégeois, par gratification, en considération + de ses soins pour la construction de la machine + de la rivière de Seine, pour la présente année. + + + _Parfaits payements._ + + 16 janvier 1684.--Au sieur Desvaugoins, 20,000 l. pour + avec 64,366 l. 16 s. 9 d. contenus en l'ordre de parfait + payement du 28 mars 1683, pour 2,529 toises + 1 pied 1/4 de tuyaux de fer de fonte de 8, 6 et 4 pouces + 1/2 de diamètre; 43,400 l. qui lui ont été ordonnancées + à -compte depuis le 21 février jusques et compris + le 3 octobre 1683, et 4,833 l. 3 s. 3 d. qui lui + sont retenus pour la garantie pendant une année, faire + le parfait payement de 132,600 l., à quoi montent + 5,099 toises 1 pied de conduites de fer de fonte qu'il a + fournies pour la machine de la rivière de Seine, en + 1682 et 1683. 20,000l. »s. »d. + + 23 janvier 1684.--A Lacoste, + 1,254 l. 14 s., pour fournitures + de cuirs, vis et mastic, pour la + machine de la rivière de Seine, + et déposage et reposage de plusieurs + conduites de tuyaux en 1683. 1,254 14 » + + 23 juillet 1684.--A Lejongleur, + 1,400 l. pour avec 5,600 l. qu'il + a reçues faisant le parfait payement + de 7,000 l. à quoi ont été + fixés les ouvrages du regard de + pierre de taille qu'il a faits proche + Marly, pour recevoir les eaux de + la machine. 1,400 » » + + + _Fonds libellés._ + + 14 décembre 1684.--Au sieur + _de Ville_, 6,000 l. par gratification + en considération de ses soins + pour la construction de la machine + de la rivière de Seine. 6,000l. »s. »d. + + + OUVRAGES DE LA MACHINE DE LA RIVIÈRE DE SEINE. + + _Maçonnerie._ + + 1684.--DU 9 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE. + + Donné à Martin Caumont et Anseaume, + Raffront, Decotte, Simon, + Bertin, Jean Couturier de + la Chaussée, Denis Gérard, + Drouilly, Mouffle, Frades, Saint-Allard, + de la Rue, Lejongleur, + Lecerf, Lefébure. + + + Somme. 141,832 18 » + + Remarques. + + De Cotte, entrepreneur, construit la tour. + + + _Charpenterie._ + + DU 9 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE. + + A Laporte et Aubert, Langlois, + Paillard, Charles Fournet. + + Somme. 117.005 5 » + + + _Couverture._ + + DU 26 MARS AU 19 NOVEMBRE. + + A Dimanche-Charruel. + + Somme. 4,070 12 6 + + + _Menuiserie._ + + LE 23 JUILLET. + + A Milot, menuisier, à -compte de + ce qu'il a fait au grand puisard + de la machine de la chaussée. 200l. »s. »d. + + + _Ouvrages de fer._ + + DU 9 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE. + + A Namurois, Noiret, Morel, Noël, + Renault, Dezenstres, Bourbonnais, + Ladoireau, Gervais, Delbert, + Spa, Martin, Vaillant, + Thomas Delaunay, Claude Montagne, + Pernelle, Marlin, Massot, + Boileau, Fordin, Boutté, Duval, + Cucu, Pilon. + + Somme. 150,096 13 11 + + _Ouvrages de cuivre._ + + DU 16 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE. + + Au sieur Lerond, bourgmestre de + Liége, Delbert, Noiret. + + Somme. 30,874 4 8 + + Remarques. + + Le sieur Lerond, bourgmestre de + Liége, reçoit 3,000 l. à -compte + pour deux cents corps de pompes, + qu'il fait pour la machine de la + rivière de Seine. + + + _Pavé._ + + DU 26 MARS AU 24 DÉCEMBRE. + + A Georges Marchand, Lecerf, Lefébure, + Petit-Jean. + + + Somme. 11,952l. 10s. »d. + + _Plomberie._ + + DU 9 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE. + + A Lucas, Laharpe. + + Somme. 38,269 14 » + + + _Fouilles de terre._ + + DU 16 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE. + + A Jean Crosnier de Luciennes, Debecq + et Beaumont, Martelin, + Jean-Baptiste Crosnier, Bachelart, + Racine, Deber, Lefébure, + Aubé, Rufron, Michel, Gautier, + Audiger, Bertin, Cherly, Léger. + + Somme. 24,375 11 1 + + + _Ouvrages extraordinaires._ + + DU 9 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE. + + Somme. 22,090 9 9 + + + _Ouvriers à journées._ + + DU 9 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE. + + Somme. 19,153 5 7 + + + ANNÉE 1685. + + _Parfaits payements d'ouvrages de maçonnerie et terrasses._ + + 7 janvier.--A Guillaume Poullier, + 943 l. 5 s., pour payement de + 2,243 l. 5 s. pour maçonnerie + aux murs qui portent les tuyaux + où passent les eaux provenant de + la machine. 943l. 5s. »d. + + + _Gratifications._ + + 20 mai.--A _Rennequin-Sualem_, + charpentier liégeois, en considération + de ses voyages extraordinaires. 300 » » + + + _Machine de Marly._ + + DU 31 DÉCEMBRE 1684 AU 26 AOÛT 1685. + + A de Cotte, entrepreneur, à -compte + de la maçonnerie qu'il fait à la + tour de la machine de la rivière + de Seine. 17,500 » » + + _Clôture de la machine._ + + DU 17 JUIN AU 21 OCTOBRE 1685. + + A Michel Crosnier, pour payement + de pierres, pour la construction + d'un puits derrière le réservoir, + à mi-côte. 870 10 » + + + _Maçonnerie et couverture._ + + DU 28 JANVIER AU 16 DÉCEMBBE 1685. + + A Jean de la Rue, maçon, à -compte + des ouvrages du magasin et aux + murs de terrasse des rigoles, + près les grands chevalets, et des + couvertures de tuiles aux forges. 21,050l. »s. »d. + + _Massifs de maçonnerie derrière les murailles du réservoir + à mi-côte._ + + A Duvivier, pour payement. 2,536 13 4 + + + _Moellons pour la digue de l'île Bautier et la grande digue._ + + DU 21 JANVIER AU 9 DÉCEMBRE 1685. + + A François Berlin, carrier; Jacques + Raffront, _id._;--Antoine Hémont, + _id._;--Gaspard Hémont, + _id._;--J. Frades,--J. Darneville. + + Somme. 15,837 1 » + + + _Parfaits payements de la maçonnerie et moellons pour + la machine._ + + 21 janvier.--A Lerouge, carrier, + pour payement de moellons, + pour l'île de la Chaussée. 104 3 4 + + A Étienne Potier, _id._ 137 10 » + + 28 janvier.--A Lecerf, pour payement + du quai sur l'île Gautier. 93 15 » + + A Ballet, pour payement de + pierres dures de Nanterre, + pour la grande digue. 194 » » + + A Binet, _id._ 58 » » + + 25 février.--A Lerouge, pour + payement de moellons, pour l'île + Gautier. 101l. 5s. »d. + + 11 mars.--A G. Raffront, pour + payement de chaux, pour le mur + proche la tour. 56 16 8 + + A Rousselet, pour payement + de moellons au quai de l'île + la Loge. 27 » » + + 1er avril.--A Lejongleur, pour + payement de 4,745 l., pour + tuyaux de grès aux aqueducs des + eaux de Prunay, près la machine. 1,345 » » + + 8 avril.--A Lecerf, pour payement + de moellons, à l'île Gautier. 408 10 » + + A Roussel, _id._ 27 » » + + 23 avril.--A Leau, terrassier, + pour aplanissement près la tour. 63 » » + + 6 mai.--A Laroue et Crosnier, + pour payement de moellons. 134 » » + + 27 mai.--A Duvivier, pour payement + de 16,386 l. 10 s., pour + ouvrages de maçonnerie. 1,986 10 » + + 15 juillet.--A Laroue, pour payement + de chaux. 351 15 » + + 29 juillet.--A Jean, pour payement + de moellons. 40 » » + + 7 octobre.--A Périgord, pour + payement de moellons. 47 10 » + + A Jean, _id._ 42 10 » + + A Laroue, pour payement de + chaux. 245 l. »s. »d. + + A Julien, _id._ 302 10 » + + A Potier, pour payement de + moellons. 44 7 6 + + 18 novembre.--A Lebaille, pour + payement de pavé tiré dans les + rigoles du côté des Graissets. 25 » » + + A Lecerf, Lefébure, Lejongleur, + Hémont, Roussel, + pour payement de maçonnerie. 2,084 5 » + + _Terrasses._ + + DU 7 JANVIER AU 25 NOVEMBRE 1685. + + A Gautier, pour les terres enlevées + le long du réservoir, à mi-côte. 677 9 2 + + + _Rigoles et parterre sur la terrasse du pavillon._ + + 23 avril.--A Jean Léger, pour + payement de ses ouvrages. 749 15 » + + + _Terrasses._ + + DU 7 JANVIER AU 11 NOVEMBRE. + + A Cherfils,--Audiger,--Levau, + --Gosset,--Horin,--Morille, + --Hémont, terrassiers. + + Sommes. 11,287 » 11 + + + _Chevilles et coyaux pour les roues de la machine._ + + 16 juillet.--A P. Sauvage et Leclerc. 248 18 » + + _Nettoyement, maçonnerie et moellons._ + + DU 15 JUILLET AU 16 DÉCEMBRE. + + A Michel, de la Rue, Hémont 10,960 l. 14 s. 2 d. + + _Charpenterie._ + + DU 31 DÉCEMBRE 1684 AU 16 DÉCEMBRE 1685. + + A Raoul de Pierre, dit Laporte, et + Jacques Aubert, charpentiers, + pour les bois employés dans divers + endroits de la machine 8,860 » » + + A Mallet, Roussel, charpentiers, + pour id. 8,314 11 10 + + _Couverture._ + + DU 14 JANVIER AU 2 DÉCEMBRE 1685. + + A la veuve Dimanche Charruel 10,390 7 » + + _Menuiserie._ + + DU 12 AOÛT AU 16 DÉCEMBRE. + + A Dubois, Bourdon, Massa. + + Somme 3,220 » » + + _Serrurerie._ + + DU 31 DÉCEMBRE 1684 AU 21 OCTOBRE 1685. + + A Fordrin,--Boutet,--Rouillé,--Landry,--Renault, + --Corvieux,--Noël,--Morel,--Montagne,--Cucu, + Maslin et Vaillant,--Menoist,--Dezeustres, + --Boileau,--Noiret,--Georges de Spa,--Longuet,--Darche,--Michel. + + Somme 146,223 6 11 + + _Ouvrages de cuivre._ + + DU 15 JANVIER AU 2 DÉCEMBRE 1685. + + A Nicolas de Nainville;--Jean Lefond, + bourgmestre de Liége;--Mathieu + Delbert,--Joseph + Royer;--François Namurois. + Somme 73,142l. 6s. 10d. + + _Plomberie._ + + DU 14 JANVIER AU 2 DÉCEMBRE 1685. + + A Jacques Lucas 32,191 11 7 + + _Ouvrages de goudron._ + + DU 31 DÉCEMBRE 1684 AU 16 DÉCEMBRE 1685. + + A Michel Deschamps,--Vinant + Allen,--Nicolas de Gomas,--Philippe + Hormoire,--Calfatiers,--pour + payement des ouvrages + de goudron qu'ils font aux grands + chevalets de la machine de la + rivière de Seine 36,076 10 » + + _Cuirs de vache._ + + DU 7 JANVIER AU 2 DÉCEMBRE 1685. + + A Proust et Julien Pays, pour cuirs + de vache venus de Liége 2,675 » 6 + + _Loyers de maisons._ + + 7 janvier.--A Thomas Chevalier, + successeur d'Arnault, 125 l., + pour le loyer de sa maison occupée + par l'ancien logement du + sieur de Ville: une forge, une + écurie, _le modèle et le logement + de Rennequin_ pendant le quartier + d'octobre 1684 125l. » s. » d. + + A Gilles Raffront, 150 l., pour + le loyer de sa maison, occupée + par le magasin et + deux forges de la machine, + pendant les quartiers de juillet + et d'octobre 1684 150 » » + + A Nicolas Malherbe, 22 1. + 10 s., pour le loyer de sa + maison, occupée par _Jean + Beltier_ piqueur à la machine, + pendant le quartier + d'octobre 1681 22 10 » + + 8 avril.--A Chevalier, pour le + loyer de sa maison, pendant le + quartier de janvier 1685 125 » » + + A la dame Duchannoy, 36 l., + pour le loyer de son pressoir, + occupé par _les chevaux + du sieur de Ville_, à la machine, + pendant une année 36 » » + + 26 avril.--A Raffront, 75 l, pour + le loyer de janvier 75 » » + + 15 juillet.--A Chevalier, pour le + quartier d'avril 125 » » + + A Raffront, _id._ 75 » » + + A Malherbe, _id._ 22 10 » + + + 18 novembre.--A Chevalier, pour + le quartier de juillet 125l. » s. » d. + + + _Ouvrages extraordinaires de la machine de la rivière + de Seine._ + + DU 31 DÉCEMBRE 1684 AU 16 DÉCEMBRE 1685. + + A Duchemin, charron;--J. Crosnier;--Pierre + Brady;--J. Leclerc;--P. + Potier;--E. Langlois;--Alexis + Mercier;--M. Lecerf;--Henri + Lenormand, batelier;--V. + Frades;--N. Maillot;--C. + Lefébure;--Sauvage;--Boucault;--Massa, + menuisier;--Cotillon;--Saintard;--Marchand;--C. + Caron, arpenteur;--Chambon;--Gaumont; + Ricy;--Paul Sualem,--Boursin;--Proust;--Fosset;--Grandhomme, + chirurgien;--Tournay;--Paillard;--Thévenet, + chirurgien,--Pinault;--Bara. + + Somme 7,245 18 6 + + A remarquer: + + Pierre Brady mène dans une voiture + un modèle de manivelle de + Paris à Maubeuge et de Maubeuge + à Chimay. + + + _Pavés et moellons dans les îles, proche la machine et + à la machine._ + + DU 25 MARS AU 9 DÉCEMBRE 1685. + + A Sylvain Mercier,--Léonard Lamoureux,--Ant. + Gargot,--Fr. + Legrand,--G. Marchand,--Fr. + Vatel. + + Somme 10,056 l. 14 s. 2 d. + + _Ouvriers à journées._ + + DU 31 DÉCEMBRE 1684 AU 16 DÉCEMBRE 1685. + + Aux ouvriers qui ont travaillé à la + construction et entretien de la + machine de la rivière de Seine. 29,235 9 3 + + _Clôture de la machine._ + + DU 11 MARS AU 16 DÉCEMBRE 1685. + + A J. Fay, pour les ouvrages de + clôture 22,900 » » + + _Réservoir de Louveciennes._ + + DU 11 MARS AU 16 DÉCEMBRE 1685. + + A Jean Bailly et Louis Rocher, pour + ouvrages de maçonnerie 180,000 » » + + _Vitrerie dans les puisards et aux magasins de la machine._ + + DU 20 MAI AU 16 DÉCEMBRE 1685. + + A Cl. Cossette 300 » » + + _Menuiserie à la cour de la machine._ + + 1er juillet.--A Michel Dubois 300 » » + + _Grosse peinture._ + + 21 octobre.--A J.-B. Fauconnier, + pour ouvrages de peinture aux + portes et croisées des magasins + et puisards 160 l. » s. » d. + + _Cordages pour les équipages des puisards._ + + 4 novembre.--A E. Langlois, + cordier 150 » » + + _Bois de provision pour les magasins de la machine._ + + 18 novembre.--A Ragalus, marchand 300 » » + + ANNÉE 1686. + + Recettes: + + 17 janvier.--Du sieur de Bartillat, garde du trésor + royal, 6,000 l., pour délivrer au sieur _de Ville_, gentilhomme + liégeois, pour gratification en considération + de ses soins pour la construction de la machine de la + rivière de Seine pendant l'année 1685. + + 6,000 l. » s. » d. + + 6 février.--Du sieur de Bartillat, 7,723 l. 7 s. 9 d., + pour employer au remboursement des terres, vignes + et autres héritages appartenant à divers particuliers + occupés par l'aqueduc qui conduit les eaux des sources + de la Celle et de Bougival au premier puisard de la + machine de la rivière de Seine, en la largeur d'une + perche sur toute la longueur pour le fond. + + 8 février.--Du sieur de Bartillat, 120,533 l. 6 s., pour + employer au remboursement du prix principal et non-jouissances + des terres, prés, bois et vignes appartenant + à divers particuliers, lesquels sont occupés par + la grande pièce d'eau que Sa Majesté a ordonné être + faite l'année dernière dans les hauteurs de Louveciennes;--par + les deux rigoles faites dans lesdites + hauteurs qui conduisaient les eaux dans les étangs des + Graissets;--par les quatre étangs des Graissets;--par + les bois plantés dans les plaines du Trou-d'Enfer + et dans les hauteurs de Rocquencourt;--par l'avenue + qui conduit de Versailles à Saint-Germain depuis Rocquencourt + jusqu'à l'étang de Béchevet;--et par l'espace + qui est entre ladite avenue et les murs du Grand-Parc;--par + les terres occupées par la grande pépinière + qui est au-dessus de Rocquencourt:--par les rigoles + qui conduisaient les eaux des hauteurs de Rocquencourt + dans les étangs des Graissets;--par l'aqueduc + qui conduit les eaux de la machine au réservoir du + Chesnay;--et par une partie de l'aqueduc nouvellement + fait pour conduire les eaux de la machine dans + le réservoir de la butte de Montbauron, jusqu'à l'endroit + du puits de l'angle qui est au-dessus du Chesnay;--et + encore pour l'indemnité du droit de dimes et les + non-jouissances qui étaient dues aux sieurs de Luciennes, + comme gros décimateurs dans la paroisse sur + cinq cents arpents de terre labourable et vignes qui + sont occupés par les travaux que Sa Majesté a fait faire + dans les hauteurs de Marly, de Luciennes, et dans + l'enceinte de la machine. + + 12 juillet.--Du sieur de Bartillat, pour délivrer au sieur + _de Ville_, par gratification, en considération des soins + qu'il a pris pour la construction de la machine de la + rivière de Seine 100,000 l. » s. » d. + + Dépenses. + + _Fonds libellés._ + + 27 janvier 1686.--Au sieur _de + Ville_, gentilhomme liégeois, par + gratification, en considération de + ses soins pour la construction de + la machine de la rivière de Seine + pendant l'année dernière 6,000l. » s. » d. + + 17 février.--A divers particuliers + pour le remboursement des terres, + vignes et autres héritages + à eux appartenant, occupés par + l'aqueduc qui conduit les eaux + des sources de la Celle et Bougival + au premier puisard de la + machine de la rivière de Seine 7,723 7 9 + + A divers particuliers, pour + remboursement du prix + principal et non-jouissances + des héritages occupés par + les quatre étangs des Graissets + et autres travaux faits + sur les hauteurs de Luciennes 120,533 6 » + + 28 juillet.--Au sieur _de Ville_, par + gratification, en considération des + soins qu'il a pris pour la construction + de la machine de la rivière + de Seine 100,000 » » + + 27 octobre.--A Noël, serrurier, + à -compte des tréteaux de fer pour + les conduites de tuyaux dans + l'aqueduc sous la tour de la machine 800l. » s. » d. + + A Lahaye, plombier, à -compte + des tuyaux de 6 pouces posés + dans le deuxième puisard + de la machine au haut + de la montagne de Luciennes 2,400 » » + + Au sieur Mezeret, greffier de + l'écritoire, à -compte du travail + aux toisés d'ouvrage de + la machine de Marly 400 » » + + A Morel, serrurier, sur les fers + d'équipages aux pompes du + deuxième puisard de la machine 300 » » + + 1er décembre.--A Menoist, marchand + de fer, à -compte des chevrons + de fer de la machine 800 » » + + A Aubert, charpentier, à -compte + des pieux qu'il a + fait battre pour contre-garder + les îles, et à la chute + de la grande digue de la + machine 3,100 » » + + A la veuve Lemaire, fondeur, + pour payement de deux robinets + pour la conduite des + eaux de la machine 237l. 16 s. » d. + + A Bertin, pour moellons à la + machine 600 » » + + A Mathieu, fondeur,à -compte + des tambours, tuyaux coudés + et passières de cuivre, + fournis pour les mouvements + de la machine 600 » » + + Au sieur Desvaugoins, sur les + tuyaux de la machine 1,000 » » + + _Payements d'ouvrages de maçonnerie et terrasses._ + + A Aubrat, entrepreneur, pour payement + d'un bout d'aqueduc qui + sert de communication du puits + de l'Angle aux grands aqueducs + venant des Graissets 390 » » + + A lui,--pour payement de 1,597 l. + 10 s. à quoi montent le gravoillage + pour poser le ciment aux + aqueducs venant du regard au-dessus + des étants des Graissets 17 10 » + + _Aqueduc pour la communication des deux proche le puits + de l'Angle._ + + Du 29 septembre au 22 décembre.--A + Lafosse, sur l'aqueduc pour + la décharge des eaux de la machine + de la Chaussée 950 » » + + _Gages payés par ordonnance._ + + DU 6 JANVIER 1686 AU 18 JANVIER 1687. + + A _Rennequin-Sualem_, charpentier + liégeois, employé à la machine. 1,800 l. » s. » d. + + A Miché, menuisier liégeois, employé + à la machine. 720 » » + + A Monget, qui a soin d'apporter la + hauteur des eaux de la machine. 900 » » + + MACHINE DE MARLY. + + _Maçonnerie._ + + DU 3 MARS AU 8 DÉCEMBRE 1686. + + A J. Delarive,--à J. Fay,--à J. + Frades,--à Ant. Hémon,--Bailly-Lamoureux,--Pottier. + + Somme. 21,902 17 6 + + _Terrasses._ + + A J. Chapeau,--Depautre,--Cherfils. + + Somme. 7,327 10 » + + _Charpenterie._ + + A Raoul de Pierre et J. Aubert,--Laporte,--Claude + Garde,--Nicolas Roussel. + + Somme. 23,757 16 » + + _Couverture._ + + A Étienne Yvon. 1,100 » » + + _Menuiserie._ + + A Nicolas Dubois,--Elisabeth Breton,--Gilles + Massa. + + Somme. 6,691 l. 2 s. 8 d. + + _Ouvrages de fer._ + + A J. B. Boileau,--Cormieux,--J. Rouillé,--F. + Michel,--d'Arche,--Guerreau,--Noël. + + Somme. 8,732 3 9 + + _Manivelles._ + + A J. Proust,--G. Longuet,--J. Longuet,--C. + Jean,--A. Fordrin + et Boulet,--F. Pasquier,--P. + Noiret,--Menoist,--Th. + Cucu,--Morel,--V. Morel,--Renault. + + Somme. 132,024 6 » + + _Ouvrages de cuivre._ + + A J. Royer,--Dezeustres. + + Somme. 27,500 » » + + _Plomberie._ + + A J. Lucas. 3,000 » » + + _Ouvrages de goudron._ + + A M. Deschamps. 2,050 » » + + _Braye._ + + A Clerx. 349 2 » + + _Chandelle_. + + A Haulmoire. 1,189 l. 1 s. 6 d. + + _Corps de pompe d'Aulne_. + + A Cimery. 112 7 6 + + _Cuirs de vaches_. + + A J. Pays. 576 » » + + _Loyers de maisons_. + + A Th. Chevalier,--Malherbe,--Raffront. 169 10 » + + _Pavé_. + + A Georges,--Legrand. 4,360 1 » + + _Ouvrages extraordinaires_. + + A divers ouvriers. 4,886 8 8 + + Ouvriers à journées. 19,719 12 » + + _Vitrerie_. + + A Cl. Cosset. 79 16 6 + + _Grosses peintures_. + + A J.-B. Fauconnier. 210 » » + + _Potin_. + + A Noiret. 7,922 » » + + _Cordages_. + + A E. Langlois. 292 10 » + + + ANNÉE 1687. + + RECETTES. + + De M. Gédéon Dumetz, garde du Trésor royal, 9,000 l., + pour délivrer au sieur _de Ville_, savoir: 6,000 l. par gratification, + en considération des soins qu'il a pris de la + machine de la rivière de Seine pendant l'année dernière + 1686, et 3,000 l. de pension extraordinaire que Sa Majesté + lui a accordées pendant les derniers mois de la + même année. + + DÉPENSES. + + _Dépenses extraordinaires de Versailles._ + + DU 5 JANVIER AU 21 DÉCEMBRE 1687. + + Au sieur _de Ville_, gentilhomme liégeois, pour achat et + frais de voiture de cinquante-un lauriers de Flandre, + pour Versailles. 1,274 l. 10 s. » d. + + _Fonds libellés_. + + DU 9 JANVIER 1687 AU 19 JANVIER 1688. + + Au sieur _de Ville_, 6,000 l., en considération + des soins qu'il a pris + de la machine de la rivière de + Seine pendant l'année 1686, et + 3,000 l. de pension extraordinaire + pendant les six derniers mois de + la même année. 9,000l. » s. » d. + + MACHINE DE MARLY. + + Maçonnerie. + + A Larue,--J. Fay,--J. Bailly,--Le + Boisselier. 121,960 » » + + _Terrasses_. + + A Bourienne,--de Pautre,--Cherfils,--J. + Frades,--Hémont. + + Somme. 5,184 l. 16 s. 3 d. + + _Charpenterie_. + + A Raoul de Pierre (dit Laporte),--J. + Aubert. 21,997 14 » + + _Couverture_. + + A E. Yvon. 511 10 7 + + _Menuiserie_. + + A M. Dubois,--Berton,--Nivet. 1,507 14 5 + + _Serrurerie_. + + A J. Rouillé. 392 6 » + + _Charbon_. + + A P. Dailly. 154 10 » + + _Fers d'équipages_. + + A F. Noël,--Longuet. 1,833 9 » + + _Clous et cuirs forts_. + + A J. Proust. 2,836 19 » + + _Manivelles_. + + A Longuet,--Gordrin. 2,347 16 » + + _Ouvrages de fer_. + + A M. Deseustres,--Noiret,--Menoist. 3,450 » » + + _Entretien de la serrurerie de la machine._ + + A Renault,--Morel. 14,784 l. 12 s. » d. + + _Ouvrages de cuivre._ + + A J. Royer. 28,630 19 1 + + _Plomberie._ + + A J. Lucas. 6,600 » » + + _Goudronages._ + + A M. Deschamps,--Levasseur, + calfatiers. 2,576 17 4 + + _Chandelles et pots à brûler._ + + A Haulmoir. 750 » » + + _Vitrerie._ + + A Cossette. 119 1 » + + _Pavé._ + + A Renoult. 500 » » + + _Peinture._ + + A Fauconnier. 120 » » + + _Diverses dépenses._ + + A divers fournisseurs. 1,454 2 1 + + Remis au sieur Lebegue, sur les + réparations de la machine. 12,021 » » + + _Cordages._ + A Langlois, cordier. 310 10 » + + _Ouvriers à journées._ + + A divers ouvriers. 17,498 1 » + + _Gages_. + + Au sieur Cochu, employé au toisé + des terres à la machine. 3,600 l. » s. » d. + + Au sieur _Rennequin-Sualem_, employé + à la machine. 1,800 » » + + A Mauger, qui a soin d'apporter la + hauteur des eaux. 900 » » + + Au sieur de la Maison-Blanche, employé + au magasin de la machine. 900 » » + + _Gratifications_. + + 9 janvier.--A Gilles Lambotte et + _Rennequin-Sualem_, qui ont travaillé + aux pompes et à la machine + à cheval de Saint-Cyr. 115 » » + + 9 janvier.--Au sieur Proust, courrier + de la poste à Liége, en considération + des soins qu'il a pris + des envois faits pour la machine + de Seine. 150 » » + + ANNÉE 1688. + + Recettes. + + De M. Étienne Jehannot, sieur de Bartillat, 12,000 l. + pour délivrer air sieur _de Ville_, savoir: 6,000 l. par + gratification en considération des soins qu'il a pris de + la machine de la rivière de Seine pendant l'année + 1687, et 6,000 l. de pension extraordinaire que Sa Majesté + lui a accordées pendant la même année. + + + _Fonds libellés_. + + 25 janvier.--Au sieur _de Ville_, savoir: par gratification + en considération des soins qu'il a pris de la machine + de la rivière de Seine, et de pension extraordinaire que + Sa Majesté lui a accordée. 12,000 l. » s. » d. + + A la veuve Nicolas de Bise, pour + payement de la dépense du + changement et transport du + moulin à vent situé vis-a-vis + des piles du grand aqueduc + de la machine, et rétablissement + d'icelui a un autre endroit + des environs de Marly. 3,074 10 » + + + Il résulte de ce relevé des dépenses + de la machine, qu'en + 1681 et 1682 elles s'élevèrent à 923,558 12 7 + En 1683 970,828 1 11 + En 1684 713,776 2 7 + En 1685 678,183 5 6 + En 1686 415,183 13 » + En 1687 248,957 7 9 + En 1688 3,074 10 » + ____________________ + Total 3,953,561l. 13s. 4d. + + +NOTE Nº 2. + +Il existe dans le cabinet de M. Dufrayer, directeur actuel de la +machine, à qui nous devons l'établissement du nouvel instrument +hydraulique de la Seine, un plan magnifique de l'ancienne machine de +Marly. + +Nous transcrivons ici le titre et la légende qui l'accompagnent. Ce +titre est orné d'un très-bel encadrement et surmonté d'un portrait de +Louis XIV, le voici: + +VEUE DE LA MACHINE DE MARLY + +qui élève l'eau de la rivière de Seine et de plusieurs sources, 535 +pieds par des mouvements continuez, 530 toises de longueur pendant 700 +toises de chemin. + +Cette machine sert à embellir les maisons royales de Versailles, de +Trianon, de Marly, et peut servir à Saint-Germain en Laye. + +Elle a été construite par ordre du Roy, sur les projets et par la +direction de M. le baron de Ville. + + + LÉGENDE. + + 1º Rivière neuve faite pour la navigation. + + 2º Ouvrages construits pour garantir les îles contre la rivière. + + 3º Iles. + + 4º Digues sèches pour entretenir les niveaux de la rivière et + préserver les îles. + + 5º Grande digue qui barre l'ancien cours de la rivière. + + 6º Coffre pour renvoyer la chute de la rivière dans son ancien + cours, et amortir l'impétuosité de la chute de la rivière du bas de + la digue. + + 7º Digue sèche faite au travers des îles pour arrêter les grandes + inondations et barrer un ancien bras de la rivière. + + 8º Épaulement contre les glaces, qui sert de soutien à la machine. + + 9º Éperon contre les glaces. + + 10º Canal devant la machine où passaient anciennement les bateaux. + + 11º Canal au-dessous de la machine. + + 12º Grilles contre les glaces. + + 13º Pont des grilles. + + 14º Pont des vannes. + + 15º Toit qui couvre les équipages des vannes. + + 16º Huit balanciers en bascule, qui élèvent l'eau de la rivière par + le moyen chacun de huit corps de pompes, de sept pouces de diamètre + et de cinq pieds de jeu. + + 17º Conduites posées crainte du feu, lesquelles arrosent toute la + machine. + + 18º Vingt gros balanciers, ou varlets, qui tiennent aux manivelles, + pour donner les mouvements aux chaînes. + + 19º Quatorze roues de trente-sept pieds de diamètre. + + 20º Treize rangées de balanciers, qui portent les mouvements des + roues dans les puisards supérieurs et alternatifs. + + 21º Sept rangées de balanciers, qui portent les mouvements des + manivelles aux puisards d'amy-côte et aux puisards des sources. + + 22º Estacade pour guider les glaces sur la grande digue. + + 23º Maison du contrôleur et magasin. + + 24º Chemin de Saint-Germain. + + 25º La forge d'en bas, d'amy-côte, avec les supérieures, la + fonderie et le magasin. + + 26º Les puisards d'amy-côte, et celui alternatif. + + 27º Puisards des sources. + + 28º Réservoir des sources. + + 29º Réservoir d'amy-côte. + + 30º Puisard supérieur, où il y a treize équipages qui font aller + quatre-vingt-deux corps de pompes sur la tour. + + 31º Conduites qui portent l'eau sur la tour. + + 32º Réservoir du baron de Ville. + + 33º La tour où sont portées les eaux de la machine. + + 34º Aqueduc qui conduit les eaux dans les réservoirs. + + 35º Pavillon, basse-cour et jardin de M. le baron de Ville. + + 36º Les trois portes de la machine. + + 37º Réservoir de Luciennes. + + 38º Réservoir du Trou-d'Enfer. + + 39º Les trois réservoirs de Marly. + + 40º Chemin de Versailles a Marly. + + 41º Château de Marly. + + 42º Chapelle de Marly. + + 43º Les douze pavillons de Marly. + + 44º L'église de Marly, dite Saint-Vigor. + + 45º Le Chenil. + + 46º Les jardins de Marly. + + 47º Le grand parc de Marly. + + 48º La maison et jardin de M. de Cavois. + + 49º L'église et le village de Luciennes. + +Cette machine a été inventée et exécutée par M. le baron de Ville, +dessinée par Liévin Creuil, en 1688, gravée en 1708, et finie en 1716, +par Pierre Giffart, graveur du roy. Elle se vend a Paris, chez ledit +Giffart, rue Saint-Jacques, à l'Image Sainte-Thérèse, avec privilège du +roy. + + +NOTE Nº 3. + +_Extrait du journal de Dangeau._ + +Tome Ier.--Mardi, 13 juin 1684. + +Le roi et monseigneur allèrent a Marly, qu'on trouva fort avancé; +ensuite on passa aux regards de M. de Ville, pour voir arriver les eaux. + +Tome Ier.--Vendredi, 10 août 1685. + +Le roi alla se promener à cheval à la machine de M. de Ville. + +_Extrait de la_ Gazette de France _de_ 1682, _page_ 358. + +De Versailles, le 26 juin 1682. + +Ces jours passez, le roy alla voir les travaux que le sieur de Ville, +gentilhomme et échevin de Liége, fait faire sur la Seine afin d'élever +l'eau de cette rivière quatre cent soixante-dix pieds de haut pour estre +conduite ici, et la première épreuve en fut faite en présence de Sa +Majesté avec beaucoup de succez. + + +NOTE Nº 4. + +Vauban, chargé par le roi de visiter la machine de Marly, donne une +instruction pour établir une estacade biaise devant la machine afin de +diriger les glaces sur la grande digue, et pour refaire certaines +parties des digues. + +Cette instruction est signée de lui, et datée du 27 février 1684. Il y +parle de de Ville comme chef de la machine. + +Le devis, pour faire cette estacade, est signé par Pierre Delaporte, +entrepreneur, et par le marquis de Louvois. + +Ces deux pièces font partie des archives de la machine de Marly. + +Nous devons la communication de ces pièces, et de toutes celles qui +proviennent des archives de la machine, à l'obligeance de M. Dufrayer, +directeur actuel, qui nous a permis de visiter un à un tous les cartons +renfermés dans ces archives. + + +NOTE Nº 5. + +Procès-verbal et état général des terrains situés dans les îles +appartenant à divers particuliers et dont le roy a fait l'acquisition +pour l'élargissement de la rivière neuve. + +L'an mil six cent quatre-vingt-un, onzième jour de mai et jours +suivants, je, Claude Caron, arpenteur ordinaire du roy, et la maîtrise +des eaux et forêts de Saint-Germain en Laye, demeurant a Paris, rue de +Jouy, paroisse Saint-Paul, de présent a Louveciennes, commis par Sa +Majesté pour faire ces mesurages et arpentages, plans figurés et cartes +des bois et terres dans l'étendue des environs de Versailles, dont Sa +Majesté acquiert la propriété, me suis transporté suivant l'ordre de +messire Jean-Baptiste Colbert, chevalier, etc., conseiller du roy, +ordinaire, etc., sur la terre de Croissy, dans les îles côtoyantes le +bras de la rivière de Seine, en présence de M. Lambert, architecte et +contrôleur des bâtiments de Sa Majesté, qui m'avait montré et désigné +les piquets qu'il avait fait planter pour élargir iceluy, pour faire un +canal navigable _à cause de la machine qui se devait construire dans la +rivière pour élever l'eau au château de Versailles_, afin de connaître a +la suite ce qui aurait été pris par la fouille qui en sera faite par +ledit élargissement, en conséquence de quoi j'ai mesuré, arpenté et levé +le plan, tant dudit bras de Seine que des îles, prés et terres +adjacentes, dont j'ai fait une carte et figures pour servir en temps et +lieu. + +Et le vingtième jour d'octobre et jours suivants, je me suis d'abord +transporté aux susdits endroits (_le canal étant entièrement fini et +navigable_), pour faire l'arpentage final de ce qui a été pris par ledit +élargissement d'iceluy et ce qui est occupé par les terres et vidanges +qui en proviennent et par le chemin fait pour le tirage des bateaux, +tant sur la terre de la seigneurie de Croissy que dans les îles +appartenant a plusieurs particuliers dont le roy acquiert la propriété +afin de les en dédommager. + +Et le douzième jour de janvier 1682 et jours suivants, je me suis +pareillement transporté, suivant l'ordre de mondit seigneur, _à la +machine qui a été faite depuis ledit temps pour élever l'eau au château +de Versailles_, où étant, j'avais trouvé _M. de Ville, ingénieur de +ladite machine_, avec ledit sieur Lambert, qui m'avaient montré et +désigné les endroits où devaient passer les mouvements d'icelle, +puisards et conduites des eaux jusques aux étangs des Gressets, comme +aussi les rigoles et conduites des eaux de Bougival, Louveciennes et +Prunay, qui descendent au premier puisard pour être enlevé avec l'eau de +ladite rivière, afin de faire aussi l'arpentage des terres et vignes qui +pouvaient être occupées, et considérer ces choses en l'état qu'elles +pouvaient être, afin d'en faire au juste l'estimation, pour parvenir au +remboursement que Sa Majesté en doit aussi faire; et auparavant de +procéder, j'avais fait publier aux prônes des paroisses, afin d'avertir +les particuliers a qui appartiennent lesdits héritages de venir montrer +les limites et séparations d'icelles terres, tenants et aboutissants, et +au défaut de plusieurs qui ne seraient comparus, j'aurais eu recours aux +anciens habitants des lieux qui m'auraient fait la démonstration +d'iceux, en même temps j'ai fait marquer les séparations desdites terres +et ensuite mesurer et arpenter suivant la désignation qui en a été +faite. + +Et le quinzième jour de février 1683, je me suis d'abord transporté avec +ledit _sieur de Ville dans les îles de la rivière de Seine et les terres +adjacentes de la machine, pour marquer l'étendue qu'il désirait être +prise pour Sa Majesté étant occupée et partagée par l'augmentation des +chevalets, puisards, réservoirs, aqueducs, conduites de tuyaux, +bâtiments et autres travaux faits et iceux_. Après avoir le tout +considéré, _j'aurais fait planter des piquets aux endroits marqués par +ledit sieur de Ville_, afin de faire l'arpentage et mesurage desdites +terres, comme celles ci-devant, ce que j'aurais exécuté et aurais, après +ledit mesurage, _fait faire des fossés pour marquer la séparation des +terres dont Sa Majesté acquiert la propriété_ dans celles qui restent +aux particuliers _suivant l'ordre dudit sieur de Ville_, dont six pieds +au delà dudit fossé appartenant pareillement à Sadite Majesté, qui ont +été laissés pour servir de chemin et passage; de toutes et chacune +desdites terres et autres héritages ci-devant déclarés, j'ai fait plan, +et figures, le tout coté et par chiffres comme au présent procès-verbal, +dont la teneur et déclaration en suit. + +Suit le détail des différentes terres et leur contenance. + +Extrait des archives de la machine de Marly. + + +NOTE Nº 6. + +Pentes des rivières de Seine depuis 100 toises au-dessus de la pointe de +Bezons jusques à la machine, dont toutes les pentes et les longueurs +sont prises a l'égard desdites 100 toises. + + Toises. Pieds. Pouces. Lignes. + + 100, pointe de Bezons » 2 » + + 130, milieu de l'ancienne digue + de la pointe A » 5 6 + + _Id._ ancienne rivière,--A » 1 » + + 200, milieu de la digue de Bezons.» 7 » + + _Id._ ancienne rivière » 1 6 + + 300, nouvelle » 9 6 + + 400, _id._ » 11 6 + + 500, _id._ 1 » 4 + + 600, _id._ 1 1 2 + + 700, _id._ 1 2 » + + 770, digue de la Morue 1 5 » + + _Id._ ancienne rivière » 4 » + + 800, nouvelle 1 5 8 + + 900, _id._ 1 6 6 + + 1,000, _id._ 1 8 » + + 1,200, pointe de la petite île de + Carrière 1 9 4 + + 1,400, petite porte des jardins de + Carrière 1 10 8 + + 1,600, nouvelle 2 » » + + 1,800, _id._ 2 1 2 + + 2,000, nouvelles perches pour le + poisson 2 2 4 + + 2,200, nouvelle. 2 3 » + + 2,350, le dessus du pont de Chatou. 2 3 6 + + 2,400, milieu de la digue de Chatou. 2 4 3 + + _Id._ ancienne rivière. 1 10 6 + + 2,600, nouvelle. 2 7 6 + + 2,800, _id._ 3 1 » + + 3,100, milieu de la digue de Croissy. 3 8 9 + + _Id._ ancienne rivière. 2 1 » + + 3,200, nouvelle. 4 » 6 + + 3,400, _id._ 4 9 3 + + 3,600, _id._ 5 4 6 + + 3,800, _id._ 5 9 9 + + 3,900, digue de la Chaussée. 5 11 » + + _Id._ ancienne rivière. 2 4 » + + 4,000, nouvelle. 6 1 » + + 4,250, nouvelle vis-à -vis la machine. 6 4 » + + _Id._ ancienne au-dessus de la machine. 2 6 » + + _Id._ ancienne sous la machine. 6 8 9 + + Pointe de Bezons. » 2 3 + + Ancienne digue de la pointe, + nouvelle rivière. » 8 6 + + Ancienne rivière. » » » + + Digue de Bezons, nouv. riv. » 10 9 + + Ancienne rivière. » » 3 + + Digue de la Morue, nouv. r. 1 8 2 + + Ancienne rivière. » » 3 + + Digue de Chatou, nouv. riv. 1 11 4 + + Ancienne rivière. 1 8 4 + + Digue de Croissy, nouv. riv. 4 1 2 + + Ancienne rivière. 2 1 8 + + Digue de la Chaussée, n. r. 6 2 2 + + Ancienne rivière. 2 2 6 + + Nouvelle rivière vis-à -vis la + machine. 6 10 » + + Ancienne rivière au-dessus + de la machine. 2 7 4 + + Ancienne rivière au-dessous + de la machine. 7 1 4 + +Pentes des rivières de Seine, depuis 100 toises au-dessus de la pointe +de Bezons, jusqu'à la machine, toutes lesdites pentes et les longueurs +étant prises à l'égard desdites 100 toises.--La digue n'étant pas +fermée. + + Longueurs. Pieds. Pouces. Lignes. + + 100, pointe de Bezons, anc. riv. » 2 » + + _Id._ _id._ nouv. r. » 2 » + + 130, ancienne digue de la pointe, + ancienne rivière. » 1 » + + _Id._ ancienne digue de la pointe, + nouvelle rivière. » 5 » + + 200, digue de Bezons, anc. riv. » 1 6 + + _Id._ _id._ nouv. r. » 7 » + + 770, digue de la Morue, anc. riv. » 4 » + + _Id._ _id._ nouv. r. 1 5 » + + 2,400, digue de Chatou, anc. riv. 1 10 6 + + _Id._ _id._ nouv. r. 2 4 3 + + 3,100, digue de Croissy, anc. riv. 2 7 » + + _Id._ _id._ nouv. r. 3 8 9 + + 3,900, digue de la Chaussée; a. r. 2 4 » + + _Id._ _id._ n. r. 5 11 » + + 4,250, Ancienne rivière au-dessus + de la machine. 2 6 » + + Nouvelle rivière vis-à -vis la + machine. 6 4 » + + Ancienne rivière au-dessous + de la machine. 6 8 9 + +Les divers devis pour les digues sont de l'année 1681, et signés de +Colbert. + +Extrait des archives de la machine de Marly. + + +NOTE Nº 7. + +Les renseignements suivants ont été pris dans les archives de la machine +de Marly: + +1º La tour en pierre et l'aqueduc de Louveciennes ont été construits en +1684, sur les plans et sous la direction de Mansart. Les devis de ces +constructions, signés de lui, sont aux archives de la machine. + +2º Dans un rapport de M. Lucas, contrôleur de la machine, adressé en +janvier 1784 à M. le comte d'Angeviller, on trouve l'observation +suivante sur la cause qui fit élever la tour: + +«Le point capital de l'établissement de la grande tour a été d'y monter +l'eau de la rivière, afin de dominer tous les endroits où cette eau +communique.» + +3º Dans une note sur les contrôleurs, qui paraît aussi avoir été écrite +par M. Lucas, on lit: + +«M. Delespine père, contrôleur de la machine, l'a été environ +quarante-quatre ans; il est entré au département de la machine en 1707, +sous le règne de Louis XIV, et sous le gouvernement du chevalier Arnold +de Ville, qui n'est mort qu'en 1722. Il était gouverneur (M. de Ville) +depuis le commencement de la machine, et a été le seul qu'il y ait eu +dans ce département.» + +Et plus loin: + +«Après M. Lambert, qui a été le premier contrôleur, c'est M. _Cochu_ qui +l'a remplacé. Il était ingénieur des fortifications que l'on faisait +dans ce temps a Maubeuge, et c'est le chevalier de Ville qui l'a tiré de +cet endroit pour le faire venir à la machine.» + +4º En 1792, M. Gondouin, contrôleur, adresse à M. Laporte, intendant de +la liste civile, un rapport dans lequel il fait l'historique suivant des +officiers de la machine: + +«Lors de la construction de la machine, en 1680, le sieur de Ville, +mécanicien et inventeur de la machine, en fut nommé le gouverneur, avec +18 à 20,000 livres, et le logement du pavillon de Luciennes, occupé +aujourd'hui par madame du Barry. Les sieurs Lambert, Petit et Cochu, +successivement contrôleurs, jusqu'en 1683, eurent 4,000 livres +d'appointements, et 1,000 livres de gratification. Le sieur Delespine +père eut le même traitement jusqu'en 1742, où il fit recevoir son fils +adjoint à sa place, et demanda que sur les 4,000 livres de traitement il +en fût donné 1,000 livres a son fils. A la mort de M. Delespine père, le +fils lui succéda jusqu'en 1749, et il n'eut plus pour appointements que +3,000 livres et 1,000 livres de gratification. Le sieur Tarbé succéda au +sieur Delespine fils en 1749, avec les mêmes appointements jusqu'en +1754, où il obtint de commuer en pension sa gratification de 1,000 +livres. Le sieur Lucas succéda au sieur Tarbé en 1768, et n'eut plus que +3,000 livres, sans aucune espèce de gratification, ce qui est mon +traitement actuel.» + +5º Les personnes qui attribuent à Rennequin l'invention de la machine +donnent comme une preuve les faveurs du gouvernement envers sa famille; +et ils racontent qu'une demoiselle Lambotte, presque centenaire, et +petite-nièce de Rennequin, était logée aux bâtiments de la machine, et +jouissait d'une pension prise sur les fonds affectés à l'entretien de +l'établissement. On va voir par la lettre ci-après quelles étaient ces +faveurs du gouvernement. + +Lettre du sieur Lucas, contrôleur de la machine, à M. le comte +d'Angeviller: + +«Monsieur le comte, + +»J'ai l'honneur de vous informer du décès de mademoiselle Marie-Benoist +Lambotte, fille d'un ancien inspecteur de ce département, qui jouissait +d'un petit logement dans les mansardes au-dessus de celui de +l'inspecteur actuel, et d'une pension de 400 livres sur le trésor royal. + +»Je suis, etc.» + +C'était là une faveur que l'on accordait a toutes les femmes des +employés de la machine morts en exercice. + + +NOTE Nº 8. + +Renseignements sur de Ville et Rennequin, puisés dans divers ouvrages: + +1º Curiosités de Paris, de Versailles, Marly, Vincennes, Saint-Cloud et +ses environs, par Claude Saugrain; Paris, 1716. + +Cette machine (de Marly) étonnante _a été inventée par le chevalier de +Ville_, et n'a sûrement jamais eu de pareille dans le monde. + +2º Nouvelle description des châteaux et parcs de Versailles et de Marly, +par Piganiol de la Force; Paris, 1764. + +La grosseur de ce volume, dit Piganiol, suffirait à peine pour en +décrire la construction (de la machine), les mouvements et les effets. +Peu de gens sont d'ailleurs capables de les comprendre, puisque _M. de +Ville assure qu'il n'a presque trouvé que feu M. le maréchal de Vauban +qui, en voyant ce merveilleux ouvrage, en ait connu la plupart des +effets_. + +3º Dictionnaire géographique, historique et politique des Gaules et de +la France, par l'abbé Expilly; Amsterdam, 1766. + +_Cette machine a été inventée par le chevalier de Ville_. + +4º État de la France.--Janvier 1708. + +La machine de Marly, qui fournit d'eau de la rivière de Seine les +châteaux de Marly, de Versailles et de Trianon. + +_M. le baron de Ville_ a le gouvernement et la direction de cette +machine, lequel a d'appointements et de pension 12,000 livres. + +Entretien de la ferrure des pistons et de la serrurerie des bâtiments, +le sieur Lempérier. + +Entretien des ouvrages de cuivre, le sieur Lemoine. + +Entretien des couvertures des maisons dépendantes de la machine, le +sieur Charuel. + +Entretien des cuirs forts pour les pompes, le sieur Nolant. + +Entretien de la maçonnerie, du moellon et cailloux des digues, le sieur +Loison. + +Entretien des vitres, le sieur Cosset. + +Entretien du pavé des puisards, le sieur Regnout. + +Un contrôleur, M. Delespine. + +Un garde-magasin, le sieur Creté. + +Un charpentier liégeois, le _sieur Rennequin_. + +Les fêtes et dimanches, les Récollets viennent dire la messe à cette +machine pour les ouvriers. + + +NOTE Nº 9. + +L'ARRIVÉE DE LA SEINE AU CHATEAU DE MARLY. + +Poëme, par M. Cassan, _Mercure galant_, année 1699. + +L'auteur décrit d'abord le cours de la Seine avant son arrivée au +château de Marly.--Au moment où le fleuve se resserre par suite des +travaux d'endiguement, il décrit ainsi la machine: + + Mais enfin son penchant lui faisant violence, + L'entraîne dans ce lieu, malgré sa résistance, + Et fait voir à la nymphe, au delà du tournant, + Le formidable objet d'un travail surprenant. + Comme on voit en hiver la forêt des Ardennes, + Quand la bise a fait choir le feuillage des chênes, + Et chassé les voleurs de tous les défilés, + Présenter ses vieux troncs qui paraissent brûlés; + Ainsi se voit de loin la machine effroyable, + Ouvrage de nos jours, qui paraît incroyable, + Avec tout l'attirail de son corps hérissé + De rouage et de ponts, l'un sur l'autre exhaussé, + Dont les bras, s'étendant vers le haut de la côte, + Meuvent les balanciers comme on voit une flotte, + Que la vague entretient dans le balancement, + Incliner tous ses mâts à chaque mouvement. + Quoi! dit-elle en voyant la machine étonnante, + Serai-je donc contrainte à poursuivre ma pente, + Et me faire rouer parmi tous les ressorts + Que je vois remuer par de si grands efforts! + Non, non, dit-elle alors, la nymphe de la Seine + Se mêlera plutôt avec l'eau qui l'entraîne, + Et, par son changement, saura bien éviter + Les outrages cruels qu'elle voit apprêter. + Ainsi dit, à l'instant elle se rend liquide; + Son corps va se mêler avec l'onde rapide, + Et, dans le fil de l'eau, tâche de s'allonger, + Croyant par ce moyen éviter le danger. + Mais en vain, car aux ponts cent pompes aspirantes + L'enlèvent de son lit à reprises fréquentes, + Et la livrent ensuite aux pistons refoulants, + Qui font pour l'enlever des efforts violents. + Alors par ces efforts elle sent qu'elle monte + Vers le haut du coteau dans des tuyaux de fonte, + Qui vont la revomir au prochain réservoir, + Où cent autres tuyaux viennent la recevoir. + Là , les pistons changeant leur manière ordinaire, + Pressent de bas en haut par un effet contraire. + Elle reçoit le jour pour la seconde fois, + Et reprend en ce lieu l'usage de la voix, + Pour se plaindre en passant _du chevalier de Ville_ + Qu'elle voit sur sa gauche avec son air tranquille. + _Qui t'oblige_, dit-elle, _avec ton art maudit, + A venir malgré moi m'enlever de mon lit_? + A ces mots les pistons lui coupant la parole, + Le clapet la retient, s'ouvrant à tour de rôle, + Et la fait parvenir, après tant de détours, + Sur le haut du regard pour lui donner son cours. + De là sur l'aqueduc, sa pente naturelle + Lui fait prendre bientôt une route nouvelle. + Enfin elle descend par des tuyaux de fer + Dans un long réservoir appelé _Trou d'Enfer_. + +Après cette description, le poëte la fait arriver dans les jardins de +Marly, où, brillant d'un nouvel éclat, elle concourt à l'ornement des +jardins du grand roi. + +Ces vers sont reproduits dans _le Mercure de France_ d'avril 1739. + + +NOTE Nº 10. + +En 1681, Charles II d'Angleterre, sachant combien Louis XIV désirait +avoir de l'eau à Versailles, lui envoya sir Samuel Morland, célèbre +mécanicien anglais. Ce sir Morland fut d'abord employé par Cromwell à +des missions diplomatiques. Après le rétablissement de Charles II sur le +trône, il fut tout à fait dans les bonnes grâces du roi, qui le créa +baronnet, gentilhomme de la chambre privée, et le nomma maître des +mécaniques du roi. Il venait d'inventer une machine qui élevait l'eau de +la Tamise jusqu'à la plus haute corniche du château de Windsor, quand +Charles II, croyant faire plaisir au roi de France, lui envoya cet +ingénieur. En 1683, Morland fut reçu par Louis XIV, dans son château de +Saint-Germain, où il lui expliqua ses inventions. Il chercha à démontrer +au roi qu'à l'aide d'une mécanique beaucoup plus simple et bien moins +dispendieuse que la machine de Marly, il obtiendrait un résultat bien +plus satisfaisant, puisqu'il avait la prétention de faire arriver d'un +seul jet l'eau de la Seine sur les hauteurs de Louveciennes. Il paraît +que ses démonstrations ne convainquirent pas le roi, puisque l'on n'en +continua pas moins les travaux de la machine. Il fit un essai de son +invention au château du président de Maisons; cet essai n'eut point un +résultat favorable; il en explique la raison dans un ouvrage qu'il +publia en 1685, intitulé: + +Élévation des eaux pour toutes sortes de machines, réduites à la mesure, +au poids, à la balance, par le moyen d'un nouveau piston et corps de +pompe, et d'un nouveau mouvement cyclo-elliptique, en rejetant l'usage +de toute sorte de manivelles ordinaires.--Paris, Michallet, 1685, in-4º. + +Après avoir décrit sa nouvelle invention, il parle ainsi des +explications qu'il fit devant Louis XIV: + +«C'est par le moyen de cette nouvelle manière de piston, corps de pompe, +et mouvement cyclo-elliptique, que l'on peut aisément, et en peu de +temps, fabriquer une petite machine et la réduire à la mesure, au poids +et à la balance, conformément aux démonstrations oculaires et +convaincantes que j'ai eu l'honneur de montrer au roi, à Saint-Germain, +en l'année 1683. Et cette machine, dont la construction ne montera pas à +une grande somme, ni son entretien annuel à dix pistoles, peut pousser, +par la force d'un cheval, tout le produit d'eau de la fontaine de la +ville d'Avrée, jusqu'au haut du château de Versailles, d'ici à cent +années, tout au long du grand chemin, dans un tuyau de plomb d'environ +sept lignes de diamètre intérieur, et d'environ trois lignes et demie ou +quatre d'épaisseur.» + +Et plus loin, en parlant de l'essai qu'il fit au château de Maisons, il +dit: + +«Que si j'avais eu douze grandes roues pareilles, posées dans un +bâtiment d'un moulin, semblable à celui de Maisons, la où la rivière de +Seine aurait eu une pente de huit ou neuf pieds, j'aurais fait lever +plus de deux mille pouces d'eau à la hauteur perpendiculaire de quatre +cents pieds, par des machines qui auraient duré plus d'un siècle, sans +avoir coûté cinq cents pistoles par année pour les entretenir.» + +On voit ici une critique indirecte de la machine de Marly, dont +l'entretien annuel était fort coûteux. + + +NOTE Nº 11. + +Nous devons a l'obligeance de M. Parent de Rosan communication d'un +travail manuscrit de M. Stanislas Bormans, archiviste de Liége, sur +cette question controversée de l'auteur de la machine, d'où il résulte +les faits suivants relatifs à de Ville. + +De Ville, né le 15 mai 1653, était fils de Reynaud de Ville, bourgmestre +de Ville. Il passa la plus grande partie de sa jeunesse chez les comtes +de Marchin, seigneurs de Modave. C'est dans ce domaine qu'il fit +exécuter, avec Rennequin, la machine dont la célébrité engagea Colbert à +le faire venir à Versailles. Après la construction de la machine, il en +fut nommé gouverneur, et, Louis XIV lui ayant fait construire une +habitation, il resta en France. Mais il avait toujours les yeux tournés +vers son pays, et, a la mort du dernier comte de Marchin, il acheta la +terre des Modaves, dont il devint ainsi le seigneur, et y mourut le 22 +février 1722. + +M. Bormans a retrouvé dans l'église de Modave sa pierre tumulaire, +portant l'inscription suivante: + +Ci gist noble et illustre seigneur, Arnould de Ville, baron libre du +Saint-Empire romain, seigneur des Modaves, etc., né le 15 mai +1653,--mort le 22 février 1722. + +Il a retrouvé aussi son testament, dans lequel est ainsi consignée l'une +de ses volontés: + +J'ordonne que tous les ouvrages que j'ai composés, concernant les +constructions de la machine de Marly, soient imprimés suivant mes +_desseins_ (sic) en grand. + +Le dernier des comtes de Marchin, Ferdinand, vint en France à l'âge de +dix-sept ans, après la mort de son père. Capitaine-lieutenant des +gendarmes de Flandres, en 1673, on le voit s'élever de grade en grade +jusqu'à celui de maréchal de France, qui lui fut conféré en 1703. Il est +très-probable que, tenant déjà un rang distingué à la cour de France, il +fit savoir à Colbert, qui recherchait partout les moyens de faire venir +de l'eau à Versailles, l'établissement de la machine hydraulique +exécutée dans son domaine de Modave, par de Ville et Rennequin. Il +mourut sans postérité, à la suite d'une blessure qu'il reçut dans un +combat près de Turin, le 7 septembre 1706. Ce fut à cette époque et par +suite de l'extinction des comtes de Marchin, que le chevalier de Ville +se rendit propriétaire du domaine des Modaves, et que probablement il +reçut le titre de baron du Saint-Empire romain, attaché à quelques-unes +des terres de ce domaine, achetées par le père du dernier comte de +Marchin. Quoique devenu seigneur des Modaves, il n'en conserva pas moins +le titre de gouverneur de la machine de Marly jusqu'à sa mort, arrivée +le 22 février 1722. + + +NOTE Nº 12. + +FAMILLE DE VILLE. + +Anne-Léon de Montmorency, premier du nom, chef des noms et armes de sa +maison, baron de Fosseux, seigneur de Courtalain, Bois-Ruffin, le +Plessis, d'Arroue, etc., né en 1705, appelé le baron de Montmorency, +successivement capitaine-lieutenant de la compagnie des gendarmes +d'Anjou en février 1735, brigadier de cavalerie le 20 février 1743, +capitaine-lieutenant des gendarmes de la reine en décembre 1744; +maréchal de camp le 1er mai 1745; menin de feu M. le Dauphin en 1746; +lieutenant général des armées du roi le 10 mai 1748; nommé chevalier de +ses ordres le 2 février 1749; reçu le 25 mai suivant, et chevalier +d'honneur de Madame Adélaïde, en octobre 1750, fille de feu Louis XV, a +été nommé, le 21 octobre 1771, commandant en chef du pays d'Aunis.--Il a +épousé: _1º le 11 décembre 1730, Anne-Marie Barbe de Ville, morte en +couche le 13 août 1731, fille et unique héritière de feu Arnold de +Ville, chevalier, baron libre du Saint-Empire romain, etc., gouverneur +et directeur de la machine de Marly, dont il était l'inventeur, et +d'Anne-Barbe de Courcelles_; et 2º le 23 octobre 1752, +Marie-Madeleine-Gabrielle de Charette de Montebert, d'une ancienne +noblesse de Bretagne, veuve, en premières noces, de Louis de Serent, +marquis de Kerfily, et en secondes, de Henri-François, baron d'Avaugour, +comte de Vertus, etc. + + Extrait du Dictionnaire de la noblesse, par de la Chesnaye-Desbois, + tom. X, p. 411. + +Ajoutez à l'article de Anne-Léon de Montmorency: Il épousa, le 11 +décembre 1730, Anne-Barbe de Ville, morte à Paris le 13 août 1731, dans +sa dix-neuvième année, fille d'Armand, baron de Ville, et d'Anne-Barbe +de Courcelles, dont il eut [*] N. de Montmorency, né au mois d'août +1731. + + Extrait de l'Histoire généalogique de France, par le P. Anselme, + tom. IX, p. 417. + +[*] Ce fils fut Anne-Léon de Montmorency, deuxième du nom, appelé le +marquis de Fosseux, né le 11 août 1731; par son mariage en secondes +noces avec Charlotte-Anne-Françoise de Montmorency-Luxembourg, le 21 +septembre 1767, il a pris le titre de duc de Montmorency, que lui +apportait sa femme. + + Dictionnaire de la noblesse de la Chesnaye-Desbois, tom. IX, p. + 411. + + +MORTS DANS LE MOIS D'AOUT 1731. + +Le 13 de ce mois, dame Anne-Marie-Barbe de Ville, épouse de Anne-Léon de +Montmorency, chef du nom et armes de la maison, premier baron chrétien +en France, enseigne des gendarmes de Berry, seigneur de Courtalin, +Bois-Ruffen, le Plessis-d'Arouë, le Poilay, le Vernay, les deux Modaves, +de Biemrcé, de Banderesse, de Fermée, Termoyne, etc., mourut âgée de +dix-huit ans sept mois. + + _Mercure de France_, août 1731, p. 2044. + +On lit dans les mémoires du duc de Luynes, à la date du mardi 2 mai +1739: + +«Madame de Châteaurenaud a un frère qu'on appelle le baron de +Montmorency, qui est celui qui avait épousé mademoiselle de Ville (_M. +de Ville était chargé de l'entretien de la machine de Marly et en était +regardé comme l'auteur_). M. le baron de Montmorency est veuf depuis +quelques années.» + + +NOTE Nº 13. + +Acte de baptême de Rennequin, ou mieux Renier Sualem, extrait des +registres d'état civil tenus par les anciens curés de Jemeppe, province +de Liége: + +«29ª januarii 1645, baptisatus Renerus filius Renardi Sualem, et +Catharinæ David, susc. Leonardo Alard et Anna Simon.» + +Acte de décès de Rennequin, extrait des registres de l'état civil de la +commune de Bougival, département de Seine-et-Oise: + +«L'an de grâce mil sept cent huit, le lundy trentième de juillet, a esté +inhumé dans l'église de Notre-Dame de Bougival le corps de deffunt René +Soüalem, autrement dit Rennequin, premier ingénieur du roy à la machine +et constructeur de la machine, mort d'hier à onze heures et demie du +matin, âgé de soixante-quatre ans et demi, en présence de M. Levesque, +curé, M. Lherminot, brodeur du roy, de M. Prévotel, vicaire de cette +paroisse, qui ont signé: Lherminot, Levesque, Prévotel, Ricard.» + +ÉPITAPHE GRAVÉE SUR LA TOMBE DE RENNEQUIN. + +D. O. M. + +«Cy-gissent honorables personnes sieur Rennequin Sualem, seul inventeur +de la machine de Marly, décédé le 29 juillet 1708, âgé de +soixante-quatre ans, et dame Marie Nouelle, son épouse, décédée le 4 mai +1714, âgée de quatre-vingt-quatre ans, laquelle, pour satisfaire à la +dernière volonté dudit deffunct sieur Rennequin, son mari, a fondé à +perpétuité en cette église de Bougival une messe basse tous les premiers +lundys de chaque mois de l'année, un service complet le 29 juillet de +chaque année, jour du déceds dudit deffunct, et vingt libéras pour être +dits sur leurs _sepulturs_, scavoir les quatre grandes festes de +l'année, les quatre _principalles_ festes de la sainte Vierge, et les +douze autres tous les premiers dimanches de chaque mois de l'année, à +l'issue des vespres; à quoi les sieurs curé et marguilliers de l'Å“uvre +et fabrique de ladite paroisse se sont obligés faire dire et célébrer +mesme fournir les pain, vin, luminaire et ornements nécessaires, et ce, +moyennant certaine _sôme_ que ladite dame leur a payée, _ainssy_ qu'il +est plus au long porté par le contract passé devant Dupuis et Gervais, +notaires au Châtelet de Paris, le 2 août 1710. + +»Priez Dieu pour leurs âmes.» + + + + +VII + +DÉTAILS INÉDITS + +SUR LA MORT DE LOUIS XIV. + +1715. + + +Le lundi 26 août 1715, le roi Louis XIV venait de subir une opération +douloureuse. Couché sur son lit de mort, il voulut dire un dernier adieu +au jeune Dauphin, son successeur. A midi, madame de Ventadour, +gouvernante du prince, l'amena dans la chambre du roi, qui, après +l'avoir embrassé et fait placer sur son lit, lui adressa quelques +conseils dans lesquels ce monarque, en faisant l'aveu solennel de ses +fautes, montra plus peut-être la grandeur de son caractère que dans +aucune autre circonstance de sa vie. + +Les paroles prononcées par Louis XIV dans cette occasion furent +entendues d'un grand nombre de courtisans. La plupart les répétèrent +plus ou moins fidèlement: de là les nombreuses versions qui en ont été +données, où, tout en conservant les idées principales, les divers +historiens du grand roi ont ajouté ou retranché suivant le besoin de +leurs éloges ou de leurs critiques. + +La première donnée au public parut dans les premiers jours d'octobre +1715, un mois environ après la mort de Louis XIV. Elle se trouve dans un +écrit intitulé: _Journal historique de tout ce qui s'est passé depuis +les premiers jours de la maladie de Louis XIV, jusqu'au jour de son +service à Saint-Denis_, par le sieur Lefebvre. Voici comment l'auteur +s'exprime: «Sa Majesté fit venir le Dauphin dans sa chambre, où il entra +avec madame la duchesse de Ventadour, sa gouvernante, et après l'avoir +embrassé, elle lui dit:--Mignon, vous allez estre un grand roy; mais +tout vostre bonheur dépendra d'estre soumis à Dieu, et du soin que vous +aurez de soulager vos peuples. Il faut pour cela que vous évitiez autant +que vous le pourrez de faire la guerre. C'est la ruine des peuples. Ne +suivez pas le mauvais exemple que je vous ay donné sur cela: j'ay +entrepris la guerre trop légèrement, et l'ay soutenue par vanité; ne +m'imitez pas! mais soyez un prince pacifique, et que vostre principale +application soit de soulager vos sujets. Profitez de la bonne éducation +que madame de Ventadour vous donne, obéissez-luy, et suivez les bons +sentiments qu'elle vous inspire.» + +Cette version est-elle la bonne? Certainement elle renferme au fond ce +qu'a dit Louis XIV; mais a-t-il dû s'exprimer dans ces termes? Sans +doute il se repentait de ses guerres trop nombreuses et des maux +qu'elles avaient attirés sur ses peuples, et il recommandait à son +petit-fils de ne pas l'imiter en cela; mais on ne peut croire qu'il ait +été jusqu'à se servir de ces expressions: «Ne suivez pas le mauvais +exemple que je vous ay donné sur cela,» et qu'il ait encore ajouté, +comme s'il ne se fût pas assez humilié: «J'ai souvent entrepris la +guerre trop légèrement et l'ay soutenue par vanité.» Non, Louis XIV ne +pouvait ni penser, ni dire que ce fût par vanité qu'il eût soutenu ses +guerres! Il avait vu, dans ses dernières années, le royaume à deux +doigts de sa perte par suite de la guerre, et il recommandait à son +successeur de l'éviter autant que possible pour le bonheur de ses +sujets, voilà tout. + +A peu près à la même époque, Saint-Simon, ce courtisan frondeur, +rapportait aussi à sa manière les paroles de Louis XIV: «Mon enfant, +vous allez être un grand roi; ne m'imitez pas dans le goût que j'ai eu +pour les bâtiments ni dans celui que j'ai eu pour la guerre; tâchez, au +contraire, d'avoir la paix avec vos voisins. Rendez à Dieu ce que vous +lui devez; reconnaissez les obligations que vous lui avez; faites-le +honorer par vos sujets. Suivez toujours les bons conseils; tâchez de +soulager vos peuples, ce que je suis assez malheureux pour n'avoir pu +faire. N'oubliez point la reconnaissance que vous devez à madame de +Ventadour.» + +Si le fond des pensées est le même que dans la version précédente, la +forme en est complétement changée. Puis Saint-Simon, déprédateur +constant des constructions de Louis XIV, et en particulier de +Versailles, n'étant pas fâché, pour excuser ses amères critiques, de +supposer qu'à ses derniers moments ce prince pensait comme lui, ne +craint pas de le faire s'accuser d'une faute de plus en mettant dans sa +bouche cette phrase évidemment inventée par lui: «Ne m'imitez pas dans +le goût que j'ai eu pour les bâtiments.» Il ajoute encore cette autre +phrase que l'on ne trouve pas dans les paroles rapportées par Lefebvre, +en parlant de Dieu: «Faites-le honorer par vos sujets.» + +En 1742, Bruzen de la Martinière, dans la continuation de l'_Histoire de +Louis XIV_, commencée par Larrey, adopte la version de Saint-Simon, sauf +la phrase: «Ne m'imitez pas dans le goût que j'ai eu pour les +bâtiments,» qu'il supprime. + +Reboulet, dans son _Histoire de Louis XIV_, publiée en 1744, copie d'un +bout à l'autre le _Journal historique_ de Lefebvre. + +Enfin, le père Daniel, en 1756, revient à la version de Saint-Simon, +corrigée par la Martinière. + +Puis vient Voltaire! Voltaire historiographe de France, Voltaire +écrivant le _Siècle de Louis XIV_, devait avoir une autre importance que +ceux qui jusqu'alors avaient rapporté ces paroles. Il en sentait toute +la gravité; il puisait aux sources les plus authentiques, et ce qu'il +allait dire devait être la vérité. Aussi, voyez s'il est possible de +douter de son récit! «Son successeur, dit-il, a toujours conservé +écrites, au chevet de son lit, les paroles remarquables que ce monarque +lui dit, en le tenant sur son lit entre ses bras: ces paroles ne sont +point telles qu'elles sont rapportées dans toutes les histoires; les +voici _fidèlement copiées_:--«Vous allez être bientôt roi d'un grand +royaume. Ce que je vous recommande plus fortement est de n'oublier +jamais les obligations que vous avez à Dieu. Souvenez-vous que vous lui +devez tout ce que vous êtes. Tâchez de conserver la paix avec vos +voisins. J'ai trop aimé la guerre; ne m'imitez pas en cela, _non plus +que dans les trop grandes dépenses que j'ai faites_. Prenez conseil en +toutes choses, et cherchez à connaître le meilleur pour le suivre +toujours. Soulagez vos peuples le plus tôt que vous pourrez, et faites +ce que j'ai eu le malheur de ne pouvoir faire moi-même, etc.» + +Voltaire avait raison, Louis XV a toujours conservé, écrites au chevet +de son lit, les dernières paroles de Louis XIV; mais Voltaire ne disait +plus vrai lorsqu'il ajoutait qu'il les donnait «_fidèlement copiées_;» +car si rien n'est omis de ce qui y était écrit, tout est transposé, +arrangé pour l'effet de la phrase, et n'a plus cet abandon qui donne +tant de vérité à ces paroles que Louis XV pouvait lire tous les jours. +Il y a mieux, si Voltaire, tout en arrangeant, n'a cependant rien +retranché, il a au contraire ajouté. Ainsi, nous retrouvons encore ici +la fameuse phrase de Saint-Simon sur les dépenses. C'est que Voltaire, +comme Saint-Simon, critiquait les dépenses de Louis XIV[101], et que, +comme lui, il tenait, par le repentir du prince, à montrer combien il +avait raison. + +Jusqu'à ce jour, cependant, la version donnée par Voltaire était +considérée comme la bonne, et presque tous ceux qui écrivirent sur Louis +XIV depuis lui, ne firent que la copier. + +Le hasard nous fit trouver la minute d'après laquelle fut faite la copie +placée dans la chambre à coucher du roi Louis XV; nous allons la +transcrire, et l'on pourra juger ainsi quelles altérations on lui a fait +subir. + +Lorsque Louis XIV fit venir le jeune Dauphin et prononça les paroles, +que nous allons rapporter, l'un des secrétaires écrivait dans la chambre +même tout ce que disait ce prince. Madame de Ventadour, gouvernante du +Dauphin, frappée de la grandeur de cette scène, et persuadée que ces +conseils du grand roi pouvaient avoir une heureuse influence sur la +jeune imagination de son élève, voulut, en les plaçant constamment sous +ses yeux, les graver dans sa mémoire. Elle envoya donc la minute qui lui +fut remise par le secrétaire à Charles Gilbert, maître à écrire du +Dauphin, et l'un des calligraphes les plus distingués de cette époque, +avec ordre d'en faire immédiatement une copie sur vélin pour la placer +au chevet du lit du jeune prince. Voici ces paroles telles qu'elles sont +sur le manuscrit: + +«Mon cher enfant, vous allez estre le plus grand roy du monde. N'oubliez +jamais les obligations que vous avez à Dieu. Ne m'imitez pas dans les +guerres, taschez de maintenir tousjours la paix avec vos voisins, de +soulager vostre peuple autant que vous pourrez, ce que j'ay eu le +malheur de ne pouvoir faire par les nécessitez de l'Estat. Suivez +tousjours les bons conseils, et songez bien que c'est à Dieu à qui vous +devez tout ce que vous estes[102]. Je vous donne le père Letellier pour +confesseur, suivez ses advis et ressouvenez-vous toujours des +obligations que vous avez à madame de Ventadour[103].» + +Gilbert se mit aussitôt à la besogne. Une copie textuelle sur vélin, +ornée de majuscules dorées, fut faite en quelques jours. Mais tandis +qu'il s'empressait de se conformer aux désirs de la gouvernante, la +mort, encore plus prompte, venait frapper le monarque. Louis XIV mort, +tout changeait dans l'État. Le père Letellier, qui était resté auprès du +roi jusqu'à son dernier moment, fut envoyé en exil par le régent. L'on +ne pouvait donc laisser sous les yeux du jeune souverain la +recommandation de son bisaïeul, de conserver ce jésuite pour son +confesseur. + +Gilbert reçut alors l'ordre de faire une autre copie et de supprimer la +phrase ayant rapport au confesseur, et c'est cette copie qui fut placée +dans la chambre à coucher de Louis XV. + +La minute envoyée à Gilbert, la première copie sur vélin qu'il en avait +faite, et deux autres aussi sur vélin avec la correction, furent +précieusement conservées par lui et transmises à son petit-fils, P.-Ch. +Gilbert, qui lui succéda dans sa charge de maître à écrire du Dauphin. +Celui-ci la garda jusqu'à l'époque de sa mort, arrivée vers 1789, et +c'est alors qu'elles passèrent entre les mains de son neveu, F. +Dumesnil de Saint-Cyr, dernier maître à écrire du Dauphin (Louis XVII). +C'est à la mort de M. de Saint-Cyr, survenue à Versailles en 1845, que +l'une de ses héritières, mademoiselle Ducroset, nous montra ce curieux +document historique au milieu des précieux manuscrits renfermés dans le +cabinet de son oncle, et c'est entre les mains de cette demoiselle qu'il +se trouve aujourd'hui. + +Les faits que nous venons de raconter ne laissent aucun doute sur +l'authenticité de ce document, et fixent d'une manière positive la +nature des paroles prononcées par Louis XIV mourant à l'héritier de sa +couronne. + + + + +VIII + +RELEVÉ DES DÉPENSES + +DE MADAME DE POMPADOUR + +DEPUIS LA PREMIÈRE ANNÉE DE SA FAVEUR JUSQU'A SA MORT. + + +On sait que Jeanne-Antoinette Poisson, mariée fort jeune au sous-fermier +général Lenormand d'Étiolles, ne tarda pas à devenir la maîtresse de +Louis XV. La mère de madame d'Étiolles, ambitieuse et intrigante, avait +toujours rêvé pour sa fille le rôle _honorable_ auquel elle venait de +parvenir. Elle lui fit, en conséquence, donner une éducation brillante, +et lui inspira surtout le goût des arts. Ce fut en 1745 qu'elle fut +reconnue maîtresse en titre du roi et créée par lettres patentes +marquise de Pompadour. + +C'est de cette année 1745 que date le manuscrit dont nous allons nous +occuper. C'est un petit in-quarto sur papier gros et gris. Écrit en +petit caractère et sans orthographe, il paraît être de la main de +quelque employé de la maison de la marquise, et a été composé sur des +notes dont un grand nombre ont été écrites par madame de Pompadour +elle-même, ainsi qu'il est facile de le voir quand le copiste, ne se +donnant pas la peine de changer ce qu'il a sous les yeux, parle à la +première personne, comme dans cet article: _J'avais en vaisselle +d'argent pour_, etc., et dans cet autre: _Gages de mes domestiques_, +etc.--Il est recouvert d'une feuille de papier jaune sur laquelle est +écrit: _Énorme dépense_. La première feuille porte ce titre: _État des +dépenses faites pendant le règne de madame la marquise de Pompadour, à +commencer le 9 septembre 1745 jusqu'au 15 d'avril 1764_.--C'est le jour +où elle est morte. + +La première partie du manuscrit est consacrée aux dépenses des +bâtiments. Madame de Pompadour aimait beaucoup les constructions. +Non-seulement elle fit réparer à grands frais plusieurs propriétés +qu'elle avait achetées, mais encore elle fit élever un assez grand +nombre de maisons. Son jeune frère, Poisson, connu sous le nom de +marquis de Marigny, qui fut directeur gérant des bâtiments du roi, la +seconda dans ses vues. Il dirigea particulièrement la construction du +charmant château de Bellevue, qui a depuis appartenu à Mesdames de +France, et dont il ne reste plus de traces aujourd'hui.--Ce chapitre est +intitulé: _État des sommes payées par ordre du roi par le sieur de +Montmartel sur les travaux et bâtiments de Crécy, Bellevue et autres +endroits, suivant les mandements visés par les sieurs de l'Assurance, +d'Isle, et Maurenzel._ + +_Crécy et Aunay._--Crécy était un fort joli château, faisant aujourd'hui +partie du département d'Eure-et-Loir. Madame de Pompadour en fit +l'acquisition, en 1748, pour la somme de 650,000 l. Elle acheta en même +temps, 140,000 l., la terre d'Aunay, qui touche à Crécy. Les travaux +qu'elle y fit faire, pendant les années 1748, 1749, 1750, 1751, 1752, +1753, 1754, s'élevèrent à la somme de 3,288,403 l. 16 s. 6 d. + +_La Celle_ est une charmante propriété, à la porte de Versailles. Madame +de Pompadour l'acheta 260,000 l., en 1749. Les sommes payées pour +l'embellissement du château, pendant les années 1749 et 1751, +s'élevèrent à 68,114 l. 15 s. 4 d. + +En 1749, Louis XV lui donna une portion du terrain du petit parc de +Versailles, sur lequel elle fit construire une jolie habitation qu'elle +appela son _Ermitage_. La construction de l'_Ermitage_ lui coûta 283,013 +l. 1 s. 5 d. + +Madame de Pompadour ne s'arrêtait pas dans son goût de construction +qu'elle sut faire partager à Louis XV. Elle venait de créer un charmant +bijou dans sa propriété de l'Ermitage, elle voulut construire un +véritable château, avec son parc et ses jardins. Il existait sur la côte +qui domine la Seine, entre Sèvres et Meudon, des terres qui +appartenaient au roi; Louis XV les lui donna, et, grâce au goût de +Marigny, l'on vit s'élever l'une des plus jolies habitations princières +des environs de Paris. _Bellevue_, nom que méritait bien cette charmante +maison, fut construite en 1750. Elle revint à 2,526,927 l. 10 s. 11 d. + +Outre ces propriétés, madame de Pompadour avait encore des habitations +particulières dans les principales résidences royales. A Versailles, à +Compiègne, à Fontainebleau et à Paris. + +A Versailles, le roi lui donna, en 1752, le terrain sur lequel se +trouvait, sous Louis XIV, la Pompe ou Tour d'Eau, détruite en 1686. Elle +y fit construire un hôtel qui lui revint à 210,844 l. 14 s. 10 d. C'est +aujourd'hui l'_Hôtel des Réservoirs_ ou _restaurant Duboux_. On avait +fait établir contre le mur du réservoir de l'Opéra un corridor qui +permettait d'aller du château dans cet hôtel. Madame Duhausset en parle +dans un endroit de ses Mémoires: «J'avais, dit-elle, un très-joli +appartement à l'hôtel, où j'allais presque toujours à couvert, etc.» + +Dans son hôtel de Compiègne, elle dépensa, en 1751, 1752 et 1753, 30,242 +l. 7 s. 8 d. + +A Fontainebleau, elle fit construire, en 1753, à l'imitation de celui de +Versailles, un ermitage qui lui revint à 216,382 l. 18 s. 8 d. Elle +acheta à Paris l'hôtel d'Évreux, qu'elle paya 730,000 l., et y dépensa, +en 1754, 95,169 l. 6 s. + +On trouve encore, au chapitre des dépenses des bâtiments, diverses +sommes pour des institutions religieuses. Ainsi l'on voit, pour le +couvent des ursulines de Poissy, dont sa tante du côté maternel madame +Sainte-Perpétue était l'abbesse, une somme de 4,908 l. 15 s. 10 d., et +pour les dames de l'Assomption de Paris, une autre somme de 32,069 l. 14 +s. Enfin l'on voit le marquisat de Pompadour y figurer pour 28,000 l., +dépensées en 1753.--Dans ce chapitre des bâtiments se trouvent les noms +de tous les entrepreneurs et artistes qui ont été employés soit à +construire, soit à embellir ces diverses maisons. Les artistes qui ont +travaillé au château de Crécy et à Aunay sont: Rousseau, Verbeck et +Pigalle, sculpteurs; à la Celle, Rousseau, sculpteur; à l'Ermitage, près +Versailles, Rousseau et "Verbeck, sculpteurs, et Rysbrack, peintre de +fleurs; à son hôtel de Versailles, Rousseau et Verbeck, sculpteurs, et +Rysbrack, peintre; à Bellevue, Coustou, Rousseau, Maurisan, la veuve +Chevalier, Verbeck, sculpteurs; Nelson, Gavau, Brunelly, Oudry, +peintres; Janson, la veuve Cropel, dessinateurs; Martiniere, émailleur à +l'hôtel d'Évreux, à Paris, Verbeck, sculpteur; à l'Ermitage de +Fontainebleau, Verbeck. + +A la suite du chapitre des dépenses de bâtiments vient un journal +commencé le 9 septembre 1745, et terminé en mars 1764, dans lequel est +inscrit, mois par mois, ce que recevait madame de Pompadour pour ses +dépenses ordinaires. L'on y voit que, pendant ces dix-neuf années, les +recettes, pour ses dépenses ordinaires, ont été de 1,767,678 l. 8 s. 9 +d., et les dépenses de 977,207 l. 11 s. 6 d. Ce journal peut donner lieu +à quelques curieuses observations. Madame de Pompadour touchait une +pension qui lui était payée tous les mois, sans compter les sommes +qu'elle recevait du roi comme cadeau, toujours pour sa dépense +ordinaire. Cette pension était, la première année, de 2,400 l. par mois; +en 1746, 1747, 1748 et 1749, les sommes données s'élèvent souvent +jusqu'à 30,000 l. dans un mois; puis, dans les années suivantes, pendant +lesquelles la passion du roi pour sa maîtresse s'était beaucoup +affaiblie, l'on voit la pension se régulariser et se réduire presque +constamment à 4,000 l. par mois. On remarque encore que, pendant les +premières années, madame de Pompadour reçoit du roi des étrennes, qui +disparaissent aussi dans les années suivantes: ainsi, en 1747, année du +plus fort de la passion de Louis XV, elle reçoit 50,000 l. d'étrennes; +en 1749, elle n'en reçoit plus que 24,000 l., et depuis 1750, on ne les +voit plus figurer dans les comptes. + +Les sommes qu'elle recevait du roi étant moins fortes et ses dépenses +habituelles étant toujours fort considérables, il fallait trouver +d'autres ressources. C'est dans le jeu et dans la vente de ses bijoux +que madame de Pompadour trouve le moyen d'équilibrer les recettes avec +les dépenses. Ainsi on la voit gagner au jeu à Marly, le 15 mai 1752, +9,120 l., et le 31 du même mois, 28,000 l.--En 1760, elle vend des +_bracelets de perles_ 12,960 l.--En 1761, elle vend encore des bijoux +pour 9,000 l.; en 1762, sa vente de bijoux et le gain du jeu lui +rapportent 20,489 l. + +Ce journal est terminé par une récapitulation, dans laquelle les +recettes et leur emploi sont comparés année par année, et qui montre, +comme je l'ai indiqué en donnant le chiffre des recettes et des +dépenses, que madame de Pompadour savait très-bien dépenser tous les ans +ce qui lui était donné, et ne faisait aucune économie. + +A la suite de ce journal se trouve une sorte de dénombrement des +richesses de madame de Pompadour et des dépenses autres que celles des +bâtiments. C'est particulièrement à cette partie que s'applique la +remarque faite plus haut, sur la manière dont l'auteur du manuscrit fait +souvent parler madame de Pompadour elle-même. Tous les articles de cette +partie sont curieux et méritent d'être cités: + + +_État de mes effets en général._ + + Livres. + + 1. J'avais en vaisselle d'argent, pour 537,600 + + 2. Plus, en vaisselle d'or ou en collifichets 150,000 + + 3. Elle a dépensé pour ses menus plaisirs + et en se satisfaisant 1,338,867 + + 4. Pour sa bouche, pendant les dix-neuf + années de son _règne_ 3,504,800 + + 5. Pour les voyages du roi, extraordinaires, + comédies, opéras, faits et donnés en + différentes maisons 4,005,900 + + 6. Gages pour mes domestiques, dix-neuf + années 1,168,886 + + 7. Pensions que j'ai toujours faites, _jusqu'à + ma mort_ (sic) 229,236 + + 8. Ma cassette, contenant quatre-vingt-dix-huit + boîtes d'or, évaluées l'une dans + l'autre à 3,000 livres 294,000 + + 9. Une autre cassette contenant tous mes + diamants 1,783,000 + + 10. Une superbe collection de pierres gravées + chez moi par le sieur le Guay, + donnée au roi, estimée 400,000 + +Madame de Pompadour, qui dessinait fort bien, grava elle-même _une suite +de soixante-trois estampes_, d'après ces pierres. Ces gravures ont été +publiées et forment un petit in-folio, fort rare, dont il n'avait été +tiré qu'un très-petit nombre d'exemplaires pour faire des présents: en +1782, il en parut une autre édition in-quarto, qui est moins recherchée. +Ce fut à l'occasion de son talent pour le dessin que Voltaire, l'ayant +un jour surprise dessinant une tête, improvisa ce madrigal: + + Pompadour, ton crayon divin + Devrait dessiner ton visage; + Jamais une plus belle main + N'aurait fait un plus bel ouvrage. + + 11. En différents morceaux de vieux laque 111,945 + + 12. En porcelaine ancienne 150,000 + + 13. Achat de pierres fines pour compléter la + collection 60,000 + + 14. Linge pour draps et table, pour Crécy 600,452 + + 15. Plus, pour mes autres maisons 400,325 + + 16. Ma garde-robe, tout compris 350,235 + + 17. Ma batterie de cuisine pour toutes mes + maisons 66,172 + + 18. Ma bibliothèque, y compris nombre de + manuscrits[104] 12,500 + + 19. Donné aux dames qui m'ont toujours accompagnée, + pour présent, en variant les + effets 460,000 + + 20. Donné aux pauvres pendant tout mon règne 150,000 + + 21. En générosités aux concierges, en robes, + vestes, étoffes, ainsi qu'au cabinet du roi 100,000 + + 22. Pour les affaires de mon père, M. de Machault + les régla à la somme de 400,000 + +Le père de madame de Pompadour, François Poisson, avait eu dans +l'administration des vivres un emploi fructueux. Accusé de gestion +infidèle, il fut forcé de se soustraire aux poursuites du gouvernement. +On voit, par cet article, que dans sa fortune elle n'oublia point de +faire payer les dettes de son père. Jusqu'ici tous les biographes +avaient bien dit que l'affaire de François Poisson avait été oubliée, +grâce au crédit de sa fille; mais ce qu'on ignorait, c'est que c'était +en satisfaisant ses créanciers: + + Livres. + + 23. En tableaux et autres fantaisies 60,000 + + 24. La dépense de la bougie, pendant dix-neuf + ans 660,000 + + 25. La dépense des fallots et chandelles 150,000 + + 26. En belles juments, voitures, chaises à + porteurs, chevaux de selle, quoi qu'en + ait dit _le Gazetier d'Utrecht_, en tout 1,800,000 + +Nous ne savons ce qu'a pu dire le _Gazetier d'Utrecht_ à l'occasion des +chevaux de madame de Pompadour, car nous avons inutilement cherché ce +qui pouvait avoir trait à cette question dans la collection de cette +gazette que possède la bibliothèque de Versailles. Ce qu'il y a de +certain, c'est que madame de Pompadour aimait beaucoup les chevaux; +qu'elle fit acheter de fort beaux étalons dans plusieurs pays, et les +réunit dans sa terre de Pompadour, où elle fonda le superbe haras qui +existe aujourd'hui, et qu'en 1763 M. de Choiseul fit transformer en +haras royal: + + Livres. + + 27. Fourrages, fourniture de mes chevaux + pendant dix-neuf années 1,300,000 + + (Cette somme montre que madame + de Pompadour devait avoir, en effet, + un assez grand nombre de chevaux.) + + 28. Pour toute ma livrée, dans toutes mes + maisons 250,000 + + 29. Pour achat de Crécy 650,000 + + 30. Achat de la Celle 260,000 + + 31. Achat d'Aunay 140,000 + + 32. Achat de la baronnie de Tréon 80,000 + + (Tréon est auprès de la terre de Crécy.) + + 33. Achat de Magenville 25,000 + + 34. Achat de Saint-Remy 24,000 + + 35. Achat d'Ovillé, à moitié chemin d'Orléans 11,000 + + 36. Achat de l'hôtel d'Évreux, à Paris 650,000 + + 37. Achat du terrain à côté dudit hôtel 80,000 + + 38. Dépensé à Champs, pendant l'espace de + trois ans 200,000 + + (Champs est un village du département + de Seine-et-Marne, dans lequel + se trouvait une fort jolie habitation.) + + 39. Dépensé à Saint-Ouen pendant l'espace + de cinq ans, sans faire les réparations + constatées par la maison de Gesvres. 500,000 + +Saint-Ouen ne paraît pas avoir appartenu à madame de Pompadour, mais +elle en avait la jouissance; et, comme on le voit par cet article, elle +y fit faire des embellissements qu'elle paya de ses propres fonds. + +Dans cette nomenclature des richesses de madame de Pompadour, l'auteur +du manuscrit ne dit rien du château de Ménars, qui appartenait aussi à +la marquise; on trouve seulement dans le journal de ses dépenses, en +marge de l'année 1760: _Achat de Ménars_. Cette propriété paraît avoir +été payée par elle sur ses revenus annuels et par petites sommes, car on +trouve indiquées dans les années 1760, 1761, 1762, 1763, un assez grand +nombre de sommes, sous le titre: _Gratification pour Ménars_. + +Enfin, cette partie se termine par un dernier article, intitulé: + + 40. Médailles d'or et d'argent. 400,000 liv. + +Puis, à la suite, l'auteur ajoute quelques réflexions assez curieuses: + +«D'après toutes ces dépenses énormes, dit-il, voici un fait que personne +ne voudra croire, qui est qu'à sa mort l'on n'ait trouvé à cette femme +que 37 louis d'or dans sa table à écrire, qu'elle avait destinés pour +les pauvres.» + +«Autre fait incroyable, ajoute-t-il, lâché par Collin[105], c'est que +pendant sa maladie il fut obligé d'emprunter 70,000 l. pour faire face à +la dépense. Ce fait détruit entièrement l'imposture, qui est qu'on a +prétendu qu'elle avait dans toutes les banques de l'Europe, et elle se +trouve devoir après sa mort la somme de 1,700,000 l.» + +Vient ensuite l'énumération de tous les gens attachés à madame de +Pompadour, tant à Versailles que dans toutes ses maisons particulières, +avec leurs appointements. On remarque parmi tous ces noms: + + Livres. + + Nesme, premier intendant. 8,000 + + Collin, chargé des domestiques, et lui servant + de secrétaire. 6,000 + + Le médecin Quesnay, entretenu de tout. 3,000 + + La Duhausset, femme de chambre. 150 + + La Couraget, id. 150 + + La Neveu, id. 150 + +On sait que madame Duhausset a écrit des _Mémoires_ qui donnent des +détails fort curieux sur la vie intime de madame de Pompadour. L'une des +deux autres femmes de chambre était femme de condition, mais elle prit +un nom emprunté, que madame Duhausset elle-même ne connut jamais bien. +Celle-ci seule ne changea point de nom, quoique au service de la +maîtresse du roi. + +L'on y voit aussi figurer deux nègres, à raison de 1,800 l. + +Puis une série de gens attachés à la cuisine, à la garde-robe; la livrée +et les employés des différentes maisons, concierges, portiers, +jardiniers, etc., et trois aumôniers: un à Versailles, un à +Fontainebleau et un à Compiègne. + +Après l'énumération des gens attachés à son service, se trouve l'état +des pensions que faisait madame de Pompadour. On voit avec plaisir dans +ce chapitre qu'une partie des sommes considérables qu'elle touchait +était employée en bonnes Å“uvres. + +La première pension sur cette liste et la plus curieuse est celle faite +à madame Lebon pour lui avoir prédit à l'âge de neuf ans qu'elle serait +un jour la maîtresse de Louis XV, 600 l. Cette prédiction, dont ne +parlent pas les biographes, et dont, on le voit, madame de Pompadour +s'est toujours souvenue, a dû avoir une grande influence sur sa +destinée, et a été probablement l'une des causes qui poussa sa mère à +chercher par tous les moyens à mettre Louis XV en rapport avec la jeune +et jolie madame d'Étiolles. La reconnaissance que madame de Pompadour +conserva pour madame Lebon fut sans doute la raison qui lui fit toujours +avoir un faible pour les sorcières et les sorciers. Madame Duhausset +raconte dans ses Mémoires une histoire qui le prouve bien: + +«Un an ou quinze mois avant la disgrâce de l'abbé de Bernis, dit-elle, +Madame[106] étant à Fontainebleau, elle se mit devant un petit +secrétaire pour écrire; il y avait au-dessus un portrait du roi. En +fermant le secrétaire, après avoir écrit, le portrait tomba et frappa +assez fortement sa tête. Les personnes qui en furent témoins +s'alarmèrent, et on envoya chercher M. Quesnay. Il se fit expliquer la +chose, et ordonna des calmants et une saignée. Comme elle venait d'être +faite, entre madame de Brancas, qui vit du trouble, du mouvement, et +Madame sur sa chaise longue. Elle demanda ce que c'était, et on le lui +dit. Après avoir témoigné à Madame ses regrets et l'avoir rassurée, elle +lui dit: «Je demande en grâce à Madame et au roi, qui venait d'entrer, +d'envoyer aussitôt un courrier à M. l'abbé de Bernis, et que madame la +marquise veuille bien lui écrire une lettre dans laquelle, sans autre +détail, elle lui demandera de lui marquer ce que lui a dit sa sorcière, +et qu'il ne craigne pas de l'inquiéter.» La chose fut faite, et ensuite +madame de Brancas dit que _la Bontemps_ lui avait prédit dans du marc de +café, où elle voyait tout, que la tête de sa meilleure amie était +menacée, mais qu'il n'en arriverait rien de fâcheux. Le lendemain, +l'abbé écrivit que madame Bontemps lui avait dit aussi: «Vous étiez +presque noir en venant au monde,» et que cela était vrai, et qu'on a +attribué cette couleur, qui avait duré quelque temps, à un tableau qui +était devant le lit de sa mère, et qu'elle regardait souvent ce tableau, +qui représentait Cléopâtre se tuant au moyen d'une piqûre d'aspic, que +lui apportait un Maure dans des fleurs. Il dit encore qu'elle lui avait +dit: «Vous avez bien de l'argent avec vous, mais il ne vous appartient +pas;» qu'effectivement il avait deux cents louis pour remettre au duc de +la Vallière. Enfin il marquait que, regardant dans la tasse, elle avait +dit: «Je vois une de vos amies, la meilleure, une grande dame, menacée +d'un accident.» Qu'il devait avouer, malgré sa philosophie, qu'il avait +pâli; qu'elle s'en était aperçue, avait regardé de nouveau, et avait +dit: «Sa tête sera un peu menacée, mais il n'y paraîtra pas une +demi-heure après.» Il n'y avait pas moyen de douter du fait, et il parut +fort étonnant au roi, qui fit prendre des informations sur la sorcière, +mais que Madame empêcha d'être poursuivie par la police. Elle protégea +aussi le fameux _comte de Saint-Germain_, qui prétendait avoir plus de +deux mille ans, blanchissait les diamants, faisait grossir les perles, +était enfin un véritable sorcier, et que, malgré tout ce charlatanisme, +le roi voyait chez madame de Pompadour par amour pour elle.» + +La liste des pensions contient ensuite: + + Livres. + + A madame Sainte-Perpétue, sa tante du côté + maternel. 3,000 + + (Elle était supérieure des ursulines de + Poissy.) + + A mademoiselle Clergé, ancienne femme de + chambre de sa mère. 600 + + Aux capucines de Paris. 720 + + (C'est dans l'église de ce couvent qu'elle + fut inhumée.) + + Aux filles de l'Ave-Maria. 240 + + A madame Becker, religieuse de Saint-Joseph. 240 + + A la dame Plantier, nourrice de sa fille. 200 + + A la dame Pin, son ancienne fille de garde-robe. 50 + + A Dablon, son père nourricier. 300 + +Madame de Pompadour eut une fille de M. d'Étiolles; elle se nommait +Alexandrine. Il paraît que sa figure était charmante et pleine de feu. +Sa mère rêvait pour elle les plus brillantes alliances, lorsqu'elle +mourut à quatorze ans, de la petite vérole, dans le couvent de +l'Assomption, où elle était élevée. On voit par ces pensions que madame +de Pompadour n'oubliait pas ceux qui avaient approché sa fille, et cela +explique aussi pourquoi elle protégea toujours ce couvent de +l'Assomption, et y fit faire des embellissements dont nous avons vu le +chiffre au chapitre des bâtiments. + + Livres. + + Au fils de sa première femme de chambre. 212 + + (Celle qui la servait sous un nom supposé.) + + Au fils de Douy. 300 + + Au fils de madame Duhausset, seconde femme + de chambre. 400 + + Pour le petit Beaulieu, gentilhomme. 150 + + Pour le petit Capon, gentilhomme. 300 + + Pour la fille Manoyé. 380 + + Pour mademoiselle Guillier. 300 + + Pour mademoiselle de Pontavici. 250 + + Pour madame la baronne de Rhone, âgée de + quatre-vingt-dix ans. 3,000 + + Pour mesdemoiselles de Farges. 2,000 + + Pour la petite nymphe de Compiègne. 400 + + Pour le petit Jean-Simon. 300 + + (Elle faisait distribuer dans les greniers de + Versailles, par son homme de confiance, tous + les ans, 12 à 13 mille livres.) 12,000 + + Au petit Sans-Bras. 144 + + A un pauvre boiteux. 36 + + A madame Questier. 72 + + A madame de Gosmond, pour être religieuse. 1,800 + + A mademoiselle Dulaurent, pour être religieuse. 1,800 + + A mademoiselle Duhausset. 400 + + A mademoiselle de Longpré, sa parente. 600 + + A madame de la Croix. 300 + + A madame Trusson, pour remettre à quelqu'un + à Paris. 240 + +Puis vient une longue liste des maisons religieuses auxquelles madame de +Pompadour accordait des secours; ces maisons sont au nombre de cinquante +et une. + + + Elle leur donnait tous les ans dans le carême. 600 + + A tous les curés de ses maisons. 1,452 + + Aux deux curés de Versailles, à chacun 10 louis. 480 + + Au curé de Fontainebleau. 120 + + Au curé de Choisy. 120 + + Aux sÅ“urs grises de Choisy. 120 + + Aux sÅ“urs grises de Fontainebleau. 120 + + A tous les curés de Compiègne. 600 + + A toutes les maisons religieuses de Compiègne. 1,200 + + A un pauvre abbé de Compiègne, aux carmélites. 48 + + A madame de Villars, pour ses pauvres, tous + les ans. 1,200 + + Aux frères de la forêt de Sénart. 46 + + A la bouquetière du château de Versailles, suivant + la cour. 120 + + La fondation d'une grand'messe aux carmélites + de Compiègne. 600 + + Le jour de l'an, à tous les officiers des petits + appartements du roi, et garçons du château, + à chacun une très-belle veste. 1,000 + + A tous les autres domestiques du roi, suisses + des appartements grands et petits, valets de + pied, frotteurs, cochers, postillons et palefreniers + du roi, et tous les métiers travaillant + au château. 1,200 + + A la naissance de Mgr le duc de Bourgogne, elle + donna 3,000 livres à distribuer aux pauvres + de Versailles. 3,000 + + Ainsi qu'aux autres naissances, trois autres fois. 9,000 + + Elle fit donner aux pauvres de la Trappe, en + deux fois. 15,000 + + Elle fit à Crécy, en deux fois, quarante-deux + mariages, à l'occasion de la naissance des + princes. Elle dota mari et femme à raison de + 300 livres et 200 livres pour les habits. 21,000 + +Telle est la liste de ses dons. + +Le manuscrit est enfin terminé par une récapitulation des sommes +dépensées par madame de Pompadour pendant les dix-neuf années de sa +faveur.--Le total général est de 36,924,140 l. 8 s. 9 d. + +Voilà , sur sa déclaration, le relevé de ce que madame de Pompadour a +coûté à la France. + + + + +IX + +LE PARC AUX CERFS SOUS LOUIS XV. + +1755-1771. + + +Il n'est aucun fait historique qui ait rendu plus odieux le nom de Louis +XV, et qui, d'un autre côté, ait donné lieu à plus de divagation parmi +les écrivains, que _le mystérieux établissement du Parc aux Cerfs_. Les +historiens les mieux renseignés ne savent où il était placé. Les uns, se +fondant sur son nom, en font une ancienne habitation de chasse de Louis +XIII transformée en une sorte de petit palais entouré de jardins et de +bois. D'autres le confondent avec l'Ermitage de madame de Pompadour; +personne en un mot, jusqu'à ce jour, n'a pu dire d'une manière positive +où il était placé. Depuis fort longtemps, nous cherchions à découvrir +cette énigme historique, et tous nos efforts avaient été inutiles. Il y +a peu de temps qu'en parcourant les Mémoires de madame Campan, nous +fûmes frappé d'une anecdote sur Louis XV, à laquelle nous avions fait +jusqu'alors peu d'attention. La voici: + +«Louis XV, dit madame Campan, avait, comme on le sait, adopté le système +bizarre de séparer Louis de Bourbon du roi de France. Comme homme privé, +il avait sa fortune personnelle, ses intérêts de finance à part. + +»Louis XV traitait comme particulier dans toutes les affaires ou les +marchés qu'il faisait; il avait _acheté au Parc aux Cerfs, à Versailles, +une jolie maison_ où il logeait une de ces maîtresses obscures que +l'indulgence ou la politique de madame de Pompadour avait tolérées pour +ne pas perdre ses droits de maîtresse en titre. Ayant réformé cet usage, +le roi voulut vendre sa petite maison. Sévin, premier commis de la +guerre, se présenta pour l'acheter; le notaire qui était chargé de cette +commission en rendit compte au roi. Le contrat de vente fut passé entre +Louis de Bourbon et Pierre Sévin, et le roi lui fit dire de lui apporter +lui-même la somme en or. Le premier commis réunit 40,000 francs en +louis, et, introduit par le notaire dans les cabinets intérieurs du roi, +il lui remit la valeur de sa maison.» + +Ces renseignements donnés par madame Campan, quoique bien incomplets, +puisqu'elle ne donne ni la rue, ni l'époque de la vente et de l'achat, +ni le nom du notaire, étaient cependant une précieuse indication, s'ils +se trouvaient exacts, car ils venaient confirmer l'établissement de la +petite maison du roi dans le Parc aux Cerfs et donnaient, en outre, le +nom de la personne à laquelle cette maison avait été vendue, lorsque, +par suite d'autres habitudes, elle devint inutile à Louis XV. + +Nous résolûmes alors de faire de nouvelles recherches, et nous sommes +parvenu, non sans peine, à découvrir cette mystérieuse habitation du +Parc aux Cerfs. Mais, avant tout, rappelons ici ce qu'on entendait par +ce nom de _Parc aux Cerfs_. + +Quand Louis XIII acheta la seigneurie de Versailles et y fit construire +un petit château, c'était surtout pour être plus facilement au milieu +des bois dont ce lieu était entouré et pour s'y livrer au plaisir de la +chasse, qu'il aimait passionnément. Aussi l'un de ses premiers soins fut +de faire élever près de son habitation les animaux pouvant servir à ses +plaisirs. C'est pour cela qu'il choisit, dans les bois qui couvraient +alors le sol de la ville, un emplacement dans lequel il pût réunir et +faire élever des cerfs, des daims, et d'autres bêtes fauves. Il le fit +entourer de murs, y fit construire quelques habitations de gardes, et ce +lieu reçut le nom de _Parc aux Cerfs_. + +Le Parc aux Cerfs comprenait tout l'espace situé entre la rue de Satory, +la rue des Rossignols et la rue Saint-Martin. Ce Parc aux Cerfs fut +d'abord conservé par Louis XIV, et la ville se composa du vieux +Versailles et de la ville neuve, ne formant qu'une seule paroisse, celle +de Notre-Dame. + +Quelques années après son séjour à Versailles, vers 1694, Louis XIV, +voyant les habitations s'élever avec rapidité dans la ville qu'il venait +de créer, songea à son agrandissement. Le Parc aux Cerfs fut alors +sacrifié. Louis XIV fit abattre les murs, arracher les arbres, détruire +les maisons des gardes, niveler le sol, et l'on y traça des rues et des +places. Des terrains furent donnés, surtout à des gens de la maison du +roi, mais l'on n'y vit cependant s'élever sous son règne que quelques +rares habitations. Louis XIV mort, Versailles resta pendant quelques +années comme une ville abandonnée. Aucune construction ne s'y fit. Mais +lorsque Louis XV y eut de nouveau fixé son séjour, et que la cour y fut +revenue, on vit affluer de toutes parts de nouveaux habitants. Leur +nombre, qui, à la mort de Louis XIV, était de vingt-quatre mille, fut +presque doublé dans les quinze premières années du règne de son +successeur. Les maisons se construisirent de tous côtés dans le quartier +du _Parc aux Cerfs_, et les habitants de ce quartier furent si nombreux +que l'on sentit la nécessité de diviser la ville en deux parties égales +et de créer une nouvelle paroisse formant aujourd'hui le quartier ou la +paroisse Saint-Louis. + +Revenons maintenant à la petite maison de Louis XV. + +Nous n'avions pour nous diriger dans nos recherches que le nom de +_Sévin_. Mais dans quel endroit du _Parc aux Cerfs_ était placée cette +maison achetée au roi par Sévin? + +Nous savions que les archives du bailliage de Versailles étaient +déposées au palais de justice de cette ville, et que ces archives +contenaient les rôles de la répartition des sommes dues chaque année par +les propriétaires des maisons de Versailles pour les boues et lanternes, +depuis l'année 1664 jusqu'en 1788. Le dépouillement assez fastidieux de +tous les noms des propriétaires du quartier du Parc aux Cerfs nous fit +enfin rencontrer, comme propriétaire d'une maison située rue +Saint-Médéric, en 1772, le nom de _Sévin_. La place qu'elle occupait +dans le rôle nous indiquait que ce devait être ou la maison nº 2, ou +celle nº 4.--Mais était-ce bien celle ayant appartenu à Louis XV et +indiquée par madame Campan? Rien ne nous le prouvait, car sur ces rôles +nous trouvions immédiatement comme propriétaire avant _Sévin_ le nom de +_Vallet_. + +En cherchant dans les titres actuels de propriété de la maison nº 4, +nous avons trouvé qu'elle appartenait effectivement à Sévin, et qu'elle +fut vendue par ses héritiers, après la Révolution, aux criées du +tribunal civil. Ces titres, ne remontant point au delà , nous laissaient +toujours dans l'obscurité sur les noms des propriétaires antérieurs à +_Sévin_. + + * * * * * + +Nous nous adressâmes alors aux possesseurs des maisons nos 2 et 4, +qui nous permirent gracieusement de rechercher dans tous les papiers +antérieurs ce que nous pourrions trouver chez les notaires touchant +cette intéressante question. Voici maintenant le résultat de ces +recherches: + +Quand Louis XIV eut décidé de faire un nouveau quartier dans l'ancien +Parc aux Cerfs, les terrains furent donnés en propriété à divers +particuliers et surtout aux personnes appartenant à la maison du roi. +C'est ainsi que le roi fit don de l'emplacement occupé aujourd'hui par +les nos 2 et 4 de la rue Saint-Médéric à Jacques _Desnoues_, maître +d'hôtel et l'un de ses valets de chambre. Le 18 juin 1712, _Desnoues_ +vend à _J.-B. Pizet, écuyer de la Maison-Fort_, le jardin et la _maison_ +qu'il y avait fait construire. Le 27 septembre 1718, nouvelle vente de +cette propriété faite par _J.-B. Pizet_ au profit de _Jean-Michel +Crémer_, bourgeois de Versailles. A cette époque, le jardin n'était +point enclos de murs. En 1734, _Crémer_ fait construire les murs, ferme +les rues des Tournelles et Saint-Médéric et fait ainsi deux impasses. +Ces impasses portent sur les rôles de répartition des boues et lanternes +les noms de culs-de-sac Saint-Médéric et des Tournelles. + +_Crémer_ meurt en 1740. Par suite, la propriété est partagée en deux; la +maison et la moitié du jardin échoient en partage à _Jean-Michel-Denis +Crémer_, son fils, et l'autre moitié appartient à la _veuve Crémer_. +Elle fait à son tour bâtir sur sa portion une maison à peu près +semblable à l'autre formant aujourd'hui le nº 2 de la rue Saint-Médéric. + +Tel était l'état des lieux, lorsqu'en 1755 les agents secrets des +honteuses passions de Louis XV cherchent au roi une petite maison, de +façon à éviter la publicité dans ses rendez-vous de galanterie. Quelle +maison pouvait mieux convenir que celle de _Crémer_? Placée dans un +quartier retiré, au fond d'une impasse, n'ayant de voisins que la maison +construite par la veuve Crémer, dont toutes les fenêtres regardaient sur +la rue des Tournelles et n'avaient point de vue sur celle du fils, tout +enfin la désignait à leur choix. Ils proposent son acquisition au roi, +et l'argent est aussitôt donné. Il restait un dernier embarras: si le +roi lui-même ou ses agents bien connus traitent directement de l'achat +de cette maison, il n'y a plus de secret possible, et sa destination +sera bientôt découverte. On charge alors un tiers inconnu de cet achat. +Un huissier au Châtelet de Paris, nommé _Vallet_, traite directement +avec Crémer, et la maison est achetée en son nom. De là l'obscurité qui +a si longtemps régné sur l'emplacement de ce triste séjour. Qui aurait +pu penser que sous ce nom de _Vallet_, de cet huissier, que les rôles +des impôts de Versailles portent comme propriétaire de cette maison, se +cachait le nom du roi de France[107]? + +Crémer croyait avoir vendu à Vallet; mais celui-ci, aussitôt +l'acquisition terminée, se présente seul devant notaires et fait la +déclaration suivante: + +«Aujourd'hui est comparu par-devant les conseillers du roi, notaires au +Châtelet de Paris, soussignés, sieur François Vallet, huissier-priseur +audit Châtelet de Paris, y demeurant, rue des Déchargeurs, paroisse +Saint-Germain l'Auxerrois, lequel a déclaré ne rien avoir ni prétendre +en l'acquisition qui vient d'être faite sous son nom, de +Jean-Michel-Denis Crémer et sa femme, d'une maison située à Versailles, +rue Saint-Médéric, paroisse Saint-Louis, avec ses dépendances, par +contrat passé devant les notaires soussignés, dont Me Patu, l'un +d'eux, à la minute, cejourd'hui; mais que cette acquisition _est pour et +au profit du roi, le prix en ayant été payé des deniers de Sa Majesté à +lui fournis à cet effet_; c'est pourquoi il fait cette déclaration, +_consentant que Sa Majesté jouisse, fasse et dispose de ladite maison en +toute propriété, sans que le payement, qui sera fait sous le nom du +comparant, des droits de lots et ventes et centième denier, le décret +volontaire, qui sera fait et adjugé, et la jouissance et perception des +loyers, qui pourra être faite aussi sous son nom, puissent affaiblir la +propriété acquise à Sa Majesté de ladite maison et dépendances_, +déclarant que l'expédition dudit contrat d'acquisition et les titres +énoncés en icelui ont été par lui remis entre les mains du chargé des +ordres de Sa Majesté, ce qui a été accepté pour Sa Majesté par les +notaires soussignés, etc. + +»Fait et passé à Paris, l'an 1755, le 25 novembre, et a signé: + +»VALLET.--PATU, BROCHANT.» + +Ainsi il n'y a plus de doute, c'est bien là la petite maison du Parc aux +Cerfs, si longtemps ignorée. Voilà le lieu où, depuis l'année 1755 +jusqu'en 1771, furent successivement installées les jeunes filles que +les infâmes fournisseurs des plaisirs du roi offraient aux sens blasés +de Louis XV. + +L'ignorance où l'on était généralement sur cette maison, sa grandeur et +son arrangement, le nom de Parc aux Cerfs toujours donné à cette +habitation, tandis que c'était celui du quartier où elle était située, +lui ont fait attribuer beaucoup plus d'importance qu'elle n'en avait +réellement et sont la cause des exagérations dans lesquelles sont tombés +à ce sujet plusieurs historiens. + +«La tradition et le témoignage de plusieurs personnes attachées à la +cour, dit Lacretelle, ne confirment que trop les récits consignés dans +une foule de libelles relativement au Parc aux Cerfs. On prétend que le +roi y faisait élever des jeunes filles de neuf ou dix ans. _Le nombre de +celles qui y furent conduites fut immense._ Elles étaient dotées, +mariées à des hommes vils ou crédules. + +«Les dépenses du Parc aux Cerfs se payaient avec des acquits au +comptant. Il est difficile de les évaluer; mais il ne peut y avoir +aucune exagération à affirmer qu'elles coûtèrent _plus de cent millions +à l'État_. Dans quelques libelles, on les porte jusqu'à un milliard.» + +Nous ne voulons diminuer en rien l'odieux de la conduite de Louis XV, et +nous pensons aussi que l'entretien de ces jeunes filles, les rentes +qu'on leur donnait lorsque le roi en était dégoûté, et celles que l'on +faisait à leurs enfants lorsqu'elles en avaient, ont dû coûter des +sommes assez considérables. Mais la connaissance exacte de la maison du +Parc aux Cerfs ne permet pas d'admettre toutes ces exagérations. + +La maison était petite et à peu près comme celle du nº 2, puisque le +jardin était derrière et sur le côté. Il était impossible que dans une +si petite maison il séjournât plus d'une demoiselle à la fois, avec la +dame chargée de la garder[108] et le domestique nécessaire pour les +servir. Il faut bien admettre encore que les jeunes filles qui furent +conduites dans ce lieu y demeurèrent au moins une année, puisque la +plupart n'en sortaient que pour devenir mères! Eh bien, si le roi ne +garda cette maison que depuis 1755 jusqu'en 1771, comme nous allons le +voir, c'est-à -dire seize ans, on ne peut dire _que le nombre de celles +qui y furent conduites fut immense_, et il faut nécessairement un peu +rabattre _du milliard et même des centaines de millions_ que coûtèrent +les dépenses du Parc aux Cerfs[109]. + +Madame de Pompadour, voulant donner à Louis XV des maîtresses dont elle +n'eût rien à redouter pour son pouvoir, protégea ce commerce du roi avec +des jeunes filles, mais il cessa entièrement lorsque madame du Barry +eut su concentrer sur elle seule toute la passion du vieux roi débauché. +La petite maison du Parc aux Cerfs n'ayant plus alors aucun but +d'utilité, Louis XV, qui l'avait achetée de ses deniers, la vendit afin +de faire rentrer cet argent dans sa cassette particulière. + +Pour cette vente, Louis XV n'avait plus besoin de se cacher sous un faux +nom comme pour l'achat, et, malgré l'assertion de madame Campan, ce +n'est pas comme _Louis de Bourbon_, mais bien comme _roi de France_ +qu'il vendit l'ancienne habitation de ses innocentes victimes à J.-B. +Sévin. + +Voici ce contrat de vente: + +«Vente par le roi, notre sire, à M. J.-B. Sévin, 27 mai 1771. + +»Par-devant les notaires au bailliage royal de Versailles, soussignés, +fut présent très-haut, très-puissant et très-excellent prince Louis, par +la grâce de Dieu roi de France et de Navarre; lequel a, par ces +présentes, vendu et abandonné pour toujours et promet garantir de tous +troubles à sieur Jean-Baptiste Sévin, huissier de la chambre de madame +Victoire de France et commis principal de l'un des bureaux de la guerre, +demeurant à Versailles, rue Saint-Médéric, paroisse Saint-Louis, à ce +présent et acceptant acquéreur pour lui, ses hoirs et ayant cause, une +maison sise à Versailles, susdite rue Saint-Médéric, paroisse +Saint-Louis, consistant en bâtiments sur ladite rue, jardin derrière et +à côté, ainsi que ladite maison se comporte sans réserve, appartenant à +Sa Majesté au moyen de l'acquisition qu'elle en a fait faire _sous le +nom de François Vallet_, huissier-priseur au Châtelet de Paris, de J. +Crémer et Élisabeth Quartier, sa femme, par contrat passé devant Me +Patu et son confrère, notaires à Paris, le 25 novembre 1755, insinué et +ensaisiné, lequel Vallet a fait sa déclaration au profit de Sa Majesté +par acte passé devant ledit Patu et son confrère le même jour, le brevet +original en papier, laquelle est demeurée ci-joint, auxquels Crémer et +sa femme ladite maison appartenait de la manière expliquée au contrat +sus-daté, étant la dite maison en la censive de Sa Majesté et vers elle +chargée à raison de vingt sols de cens par arpent par chacun an pour +toutes choses, _de laquelle maison, dont Sa Majesté n'a jamais retiré +aucun revenu, elle a toujours entendu jouir à titre particulier pour en +disposer ainsi qu'elle jugerait à propos_. + +»Cette vente faite à la charge dudit cens seulement pour l'avenir, à +compter de ce jour, et sans être tenu par ledit sieur Sévin au payement +d'aucuns droits de lots et ventes, contrôles, insinuation et autres qui +pourraient être prétendus à cause de la présente vente dont Sa Majesté +dispense ledit sieur Sévin. + +»La présente vente aussi faite moyennant la somme de 16,000 livres; +laquelle somme Sa Majesté reconnaît avoir présentement reçue par les +mains d'Alain, l'un des notaires soussignés, qui, des deniers à lui +remis par ledit sieur Sévin, la lui a payée réellement délivrée en louis +d'or et monnoye ayant cours, à la vue desdits notaires, dont quittance +transportant, dessaisissant, voulant procureur, le porteur donnant +pouvoir. + +»Reconnaissant, ledit sieur Sévin, que Sa Majesté lui a fait remettre +l'expédition en parchemin du contrat de vente susdaté, ensemble tous les +titres et pièces que ledit Vallet a reconnu par icelui lui avoir été +remis par lesdits Crémer et sa femme, dont déchargé. + +»Par ainsi promettant, obligeant, renonçant; fait et passé audit +Versailles _à l'égard de Sa Majesté en son appartement au château_, et à +l'égard dudit sieur Sévin ès étudè, l'an 1774, le 27 mai, avant midi. Sa +Majesté a signé, ainsi que ledit sieur Sévin. Signé: LOUIS, SÉVIN, DUCRO +et ALAIN.» + +Il résulte donc de ces diverses pièces que la fameuse maison désignée +dans l'histoire de Louis XV sous le nom de _Parc aux Cerfs_ était placée +au nº 4 de la rue Saint-Médéric. + +Aujourd'hui cette maison a entièrement changé d'aspect; transformée en +un fort joli hôtel par les propriétaires qui l'ont successivement +habitée depuis quelques années, elle ne rappelle plus rien de cette trop +célèbre _petite maison_. + + + + +X + +MADAME DU BARRY. + +1768-1793. + + +Les archives de la préfecture de Seine-et-Oise contiennent deux cartons +avec cette suscription: _Madame du Barry_. Ces cartons renferment en +effet un grand nombre de papiers transportés dans les archives du +district de Versailles, lors de sa condamnation à mort, en 1793. A cette +époque, on apporta à Versailles tout ce qui fut trouvé de papiers au +château de Louveciennes. Ils étaient fort nombreux, et furent pour la +plupart rendus à la famille en 1825. On peut voir par l'inventaire +dressé alors, qui se trouve plus loin, qu'un grand nombre d'entre eux +étaient du plus haut intérêt. Tels qu'ils sont, ceux de la préfecture de +Versailles sont encore fort curieux et méritent d'être connus. + +On a écrit plus d'une fois la vie de madame du Barry; mais dans tous ces +écrits le vrai est fréquemment mêlé au faux, et ce sont pour la plupart +de véritables romans. + +Les documents renfermés aux archives de Seine-et-Oise, et d'autres que +nous avons puisés à des sources aussi sûres[110], s'ils ne nous +éclairent pas sur tous les points de la vie de cette célèbre maîtresse +de Louis XV, nous mettent au moins à même d'établir avec certitude +plusieurs faits principaux. + +Vers 1767, un homme, comme on en voit souvent dans les grandes +capitales, sans principes et sans mÅ“urs, mais non pas sans esprit, le +comte _Jean du Barry_, rencontra dans une de ces maisons qu'on +appellerait aujourd'hui du _demi-monde_ une des plus jolies personnes +qu'il eût encore vues de sa vie. Frappé de sa beauté et de ses grâces, +il lui donna aussitôt le nom de l'_Ange_, et vit tout le parti qu'il en +pourrait tirer dans l'intérêt de sa fortune et de son ambition. Dès ce +moment il rêva et parvint à en faire la maîtresse du roi. + +Depuis l'année 1764, date de la mort de madame de Pompadour, Louis XV +n'avait plus de maîtresse en titre, et il commençait à se lasser de ses +amours obscures du Parc aux Cerfs. Le comte du Barry était ami de +Lebel, ce valet de chambre du roi, dont le principal emploi est connu de +tout le monde. Il est de certains hommes qui finissent toujours par se +donner la main. Du Barry lui présenta mademoiselle l'Ange, et Lebel, +frappé de sa beauté, n'hésita point à la mettre en rapport avec le +roi.--Dès la première entrevue, Louis XV fut tellement subjugué par les +charmes de mademoiselle l'Ange, qu'il ne voulut plus entendre parler +d'une autre femme. Les rendez-vous se succédèrent rapidement, et le roi +brûla du désir de la déclarer maîtresse en titre. Mais mademoiselle +l'Ange n'avait point de nom, et pour paraître à la cour et y jouer un +rôle aussi important, il fallait qu'elle fût revêtue d'un titre et +qu'elle eût une position sociale un peu moins équivoque. Le comte Jean +du Barry aimait bien plus mademoiselle l'Ange pour les avantages qu'elle +pouvait lui rapporter que pour elle-même, et il n'aurait pas hésité à +lui donner sa main et son nom; mais il était marié. Un autre, en +épousant la maîtresse du roi, profiterait de tous les avantages rêvés +pour lui-même, et que la reconnaissance de celle qu'il allait élever à +une si haute position lui assurait! Il résolut alors de lui donner son +propre nom, en lui faisant épouser son frère, et de conserver par cette +alliance l'ascendant qu'il avait pris sur l'esprit de la nouvelle +favorite. + +Le comte _Guillaume du Barry_, le mari futur de la maîtresse du roi, +était un pauvre officier des troupes de la marine, vivant à Toulouse +avec sa mère. Son frère lui écrivit aussitôt pour lui proposer ce +mariage, et lui faire envisager la brillante fortune qui en résulterait +pour lui et sa famille. Guillaume n'était pas plus scrupuleux que Jean, +il accepta avec joie sa proposition et partit immédiatement pour Paris. +Cependant, pour contracter ce mariage, il fallait le consentement de sa +mère. Cette dame ne le refusa pas; mais, soit par respect pour son nom, +soit pour toute autre raison, elle ne voulut pas sanctionner par sa +présence un acte si peu honorable, et elle chargea une autre personne de +la représenter dans tout ce qui allait être fait. Le comte Guillaume +arriva donc à Paris, muni de la pièce que voici: + +«Par-devant le notaire royal de la ville de Toulouse et témoins bas +nommés, fut présente dame _Catherine de Lacaze_, veuve de noble _Antoine +du Barry_, chevalier de l'ordre militaire de Saint-Louis, habitant de +cette ville; + +»Laquelle a fait et constitué pour son procureur général et spécial M. +Jean Gruel, négociant, rue du Roule, à Paris, auquel elle donne pouvoir +de, pour elle et en son nom, consentir que noble Guillaume du Barry, son +fils, ancien officier d'infanterie, contracte mariage avec telle +personne qu'il jugera à propos, pourvu toutefois qu'elle soit approuvée +et agréée par ledit sieur procureur constitué, et que la bénédiction +nuptiale lui soit départie suivant les constitutions canoniques, par le +premier prêtre requis, sans cependant que ladite dame constituante +entende rien donner à son fils dans son contrat de mariage; voulant en +outre que les présentes vaillent nonobstant surannotation et jusqu'à +révocation expresse, promettant, obligeant, renonçant. + +»Fait et passé audit Toulouse, dans notre étude, le quinzième jour du +mois de juillet, avant midi, l'an 1768, en présence des sieurs +Bernard-Joseph Fourmont et Bonaventure Calvet, praticiens, habitant +cette ville, soussignés, avec ladite dame constituante et nous, notaire. + + »_Signé_: DELACAZE DU BARRY, FOURMONT, + B. CALVET, et SANS, notaire, avec + paraphe[111].» + +A son arrivée à Paris, Guillaume du Barry descendit à l'hôtel de son +frère, rue Neuve des Petits-Champs. Celui-ci ne perdit pas un seul +instant, et huit jours après le consentement de leur mère, le 23 +juillet, il faisait signer à Guillaume le curieux contrat de mariage qui +suit: + +«Par-devant les conseillers du roi, notaires au Châtelet de Paris, +furent présents: + +»Haut et puissant seigneur messire Guillaume comte du Barry, chevalier, +capitaine des troupes détachées de la marine, demeurant à Paris, rue +Neuve des Petits-Champs, paroisse Saint-Roch, majeur, fils de défunt +messire Antoine, comte du Barry, chevalier de l'ordre royal et militaire +de Saint-Louis, et de dame Catherine Delacaze, son épouse, actuellement +sa veuve, demeurant à Toulouse, contractant pour lui et en son nom; + +»Sieur André-Marie Gruel, négociant à Paris, y demeurant, rue du Roule, +paroisse Saint-Germain l'Auxerrois, au nom et comme fondé de la +procuration spéciale à l'effet du mariage dont va être parlé, de ladite +dame du Barry mère, passé devant _Sans_, notaire royal à Toulouse, en +présence de témoins, le 15 juillet présent mois, dont l'original, dûment +contrôlé et légalisé, est, à la réquisition du sieur Gruel, demeuré +annexé à la minute des présentes, préalablement de lui certifié +véritable, signé et paraphé en présence des notaires soussignés. + +»Ledit sieur Gruel, audit nom, assistant et autorisant autant que de +besoin ledit seigneur comte du Barry, d'une part; + +»Et sieur _Nicolas Rançon_, intéressé dans les affaires du roi, et dame +_Anne Bécu_, son épouse, qu'il autorise à l'effet des présentes, +demeurant à Paris, rue du Ponceau, paroisse Saint-Laurent, ladite dame +auparavant _veuve du sieur Jean-Jacques Gomard de Vaubernier_, intéressé +dans les affaires du roi, stipulant pour _mademoiselle Jeanne Gomard de +Vaubernier_, fille _mineure_ de ladite dame Rançon et dudit feu sieur +Gomard de Vaubernier, _son premier mari_, demeurant avec eux; à ce +présente et de son consentement pour elle et en son nom; + +»Lesquels, dans la vue du mariage proposé et agréé entre ledit sieur +comte du Barry et ladite demoiselle Gomard de Vaubernier, qui sera +célébré incessamment en face d'Église, ont pris par ces présentes +volontairement fait et rédigé les clauses et conditions civiles dudit +mariage ainsi qu'il suit, en la présence et de l'_agrément_ de haut et +puissant seigneur _messire Jean, comte du Barry-Cérès_, gouverneur de +Lévignac, frère aîné dudit seigneur, futur époux, et de _Claire du +Barry_, demoiselle majeure, sÅ“ur dudit seigneur futur époux. + +»ARTICLE PREMIER.--Il n'y aura point communauté de biens entre ledit +seigneur et demoiselle future épouse, dérogeant à cet égard à la coutume +de Paris et à toute autre qui l'admette entre conjoints; et, au +contraire, ils seront et demeureront séparés de biens, et ladite +demoiselle future épouse aura seule la jouissance et l'administration +des biens, droits et actions, meubles et immeubles qui lui appartiennent +et pourront lui appartenir dans la suite _à tel titre que ce soit_. + +»ART. 2.--La demoiselle future épouse se marie avec les biens et droits +qui lui appartiennent et qui lui appartiendront par la suite, _dont elle +aura l'administration_, comme il est ci-devant dit. Et son mobilier +consiste en la somme de 30,000 livres, composé de bijoux, diamants, +habits, linge, dentelles et meubles à son usage, le tout _provenant de +ses gains et économies_, et dont, pour éviter la confusion avec le +mobilier dudit sieur futur époux, il a été fait et dressé un état, +transcrit sur les deux premières pages d'une feuille de papier à lettre, +lequel est, à leur réquisition, demeuré annexé à la minute des +présentes, après avoir été desdites parties contractantes certifié +véritable, signé et paraphé en présence des notaires soussignés. + +»ART. 3.--Tous les meubles et effets qui se trouveront dans les maisons +qu'occuperont les futurs époux, tant à Paris qu'à la campagne, autres +que ceux désignés dans l'état ci-devant annexé, seront censés appartenir +et appartiendront en effet audit seigneur futur époux, et si dans la +suite ladite demoiselle future épouse fait quelque achat de meubles et +effets, elle sera tenue de retirer quittances en forme et, par-devant +notaire, du prix d'iceux. + +»ART. 4.--Tous les biens appartenant aux demoiselle et seigneur futurs +époux, et ceux qui leur échoiront pendant le mariage, à tel titre que ce +soit, tant en meubles qu'immeubles, seront réputés propres à chacun +d'eux et aux leurs, de côtés et lignes respectivement. + +»ART. 5.--Ledit seigneur futur époux a doué et doue la demoiselle future +épouse de 1,000 livres de rente de douaire préfix, dont le fonds, en +denier 25, demeurera propre aux enfants à naître dudit mariage. + +»ART. 6.--Arrivant le décès de l'un des futurs époux, le survivant aura +et prendra sur les biens du prédécédé, par forme de gain de survie, en +meubles et effets prisés sans crue, la somme de 10,000 livres ou ladite +somme en deniers comptants, au choix dudit survivant. + +»ART. 7.--Il est convenu que ladite demoiselle future épouse _demeurera +chargée seule de la conduite et de toutes les dépenses du ménage_, tant +pour la nourriture que pour les loyers ou appartements qu'ils +occuperont, gages de domestiques, linge de table, ustensiles de ménage, +entretien d'équipages, nourriture de chevaux et _toutes autres dépenses +quelconques sans exception_, tant envers ledit seigneur futur époux +qu'envers les enfants à naître dudit mariage, qu'elle sera tenue +d'élever et faire éduquer à ses frais, à la charge par ledit seigneur +futur époux, ainsi qu'il s'y oblige, de payer à ladite demoiselle future +épouse la somme de 6,000 livres de pension, pour tenir lieu de sa moitié +dans lesdites dépenses et entretien du ménage, par chaque année, de six +mois en six mois, et toujours d'avance, en sorte que les six premiers +mois seront exigibles le lendemain de la célébration du mariage. + +»C'est ainsi que le tout a été convenu et arrêté entre les parties, +promettant, obligeant, renonçant. + +»Fait et passé à Paris, en la demeure dudit seigneur comte du Barry, +futur époux susdésigné. + +»L'an 1768, le 23 juillet après midi, et ont signé: J. GOMARD DE +VAUBERNIER, le CHEVALIER DU BARRY, GRUEL, le COMTE DU BARRY-CÉRÈS, A. +BÉCU, C.-F. DU BARRY, RANÇON. + +»La minute des présentes demeurée à Me Garnier-Deschênes, l'un des +notaires, etc.[112].» + +Par ce singulier contrat de mariage, madame du Barry était parfaitement +libre de faire tout ce que bon lui semblait, et le comte n'entrait dans +cet acte que pour lui donner un nom et lui permettre de recueillir +complétement les avantages de la position que l'on venait de lui +procurer. + +Il est dit dans le contrat que la future épouse possède une somme de +30,000 livres en mobilier. Voici le détail assez curieux des divers +objets qui composaient cette somme de 30,000 livres provenant des _gains +et économies_ de mademoiselle l'Ange, d'après l'état annexé au contrat +de mariage: + +«État des meubles, habits, linge, hardes et bijoux, dentelles et autres +effets appartenant à mademoiselle Gomard de Vaubernier: + + «1º Un collier de diamants fins, évalué + à . 8,000 liv. + + »2º Une aigrette et une paire de boucles + d'oreilles en girandolle, le tout + estimé à . 8,000 + + »3º Un lit complet, les rideaux, ciel, + dossier et bonnes grâces de damas vert; + une tenture servant de tapisserie, de + pareil damas; huit chaises, quatre fauteuils + et deux rideaux de fenêtres aussi + en pareil damas vert, le tout évalué à . 3,000 liv. + + »4º Trente robes et jupons de différentes + étoffes de soie or et argent, de + toutes saisons, évaluées à . 3,000 + + »5º Dentelles d'Angleterre, de Bruxelles, + de Valenciennes, d'Argentan et autres, + tant en garnitures de robes qu'en + manchettes, bonnets ou autrement. 6,000 + + »Six douzaines de chemises fines de + toile de Hollande, garnies de manchettes + de mousseline brodée; douze déshabillés + complets de différentes étoffes de + soie et autres; deux douzaines de corsets + et plusieurs autres linges et effets + à l'usage de ladite demoiselle de Vaubernier, + le tout évalué à . 2,000 + + Total. 30,000 l.[113].» + +Tels étaient les cadeaux de noces que le royal amant donnait à la +nouvelle épouse. Ce qui domine surtout dans ces divers objets, ce sont +les diamants, les robes, les dentelles, tous les ornements de toilette, +et l'on verra plus tard que le même goût préside aux dépenses de madame +du Barry pendant toute sa grandeur. + +Un mois après le contrat, a lieu la célébration du mariage. A cette +cérémonie n'assistent ni la mère du marié, ni celle de la mariée, et +l'on voit cette dernière représentée par un personnage sur lequel nous +reviendrons dans la suite. L'acte de célébration est ainsi conçu: + +«Le 1er septembre 1768, après publication de trois bans sans +empêchement, en cette paroisse Saint-Laurent et en celle de +Saint-Eustache, les 24, 25 et 31 juillet dernier, vu la procuration +donnée par la mère de l'époux à M. Jean Gruel, négociant à Paris, rue du +Roule, auquel elle donne pouvoir de, pour elle et en son nom, consentir +au présent mariage; vu pareillement la procuration des beau-père et mère +de l'épouse, donnée à messire _Jean-Baptiste Gomard_, prêtre, aumônier +du roi, auquel ils donnent pouvoir de les représenter lors de la +célébration de ce mariage, les fiançailles célébrées aujourd'hui, ont +été par nous mariés messire Guillaume, comte du Barry, ancien capitaine, +et demoiselle Jeanne Gomard de Vaubernier, âgée de vingt-deux ans, fille +de Jean-Jacques de Vaubernier, intéressé dans les affaires du roi, et +d'Anne Bécu, dite Cantigny, etc.[114].» + +Madame du Barry mariée, le comte son mari retourna à Toulouse, et elle +vint s'établir définitivement à Versailles. Le roi n'attendait que cela +pour se livrer tranquillement à toute sa passion. + +Elle eut un appartement dans le château. Cet appartement était situé au +deuxième étage précisément au-dessus de celui du roi[115]. Louis XV +pouvait s'y rendre à toute heure et sans être vu, soit par un escalier +aboutissant au balcon de la cour des Cerfs, soit par la bibliothèque +située au-dessus du grand cabinet, dont une porte ouvrait sur un petit +palier donnant entrée dans un des deux cabinets placés de chaque côté de +l'alcôve de la chambre à coucher de madame du Barry. + +De ce moment, madame du Barry allait avoir des équipages et des gens: il +fallait les loger en ville et avoir un hôtel, comme tous les grands +seigneurs qui habitaient Versailles. + +Le 22 décembre 1768, on passe un bail en son nom avec la veuve _Duru_, +pour un hôtel situé à Versailles, rue de l'Orangerie[116], et c'est là +qu'elle établit sa maison. + +Madame du Barry était installée au château, mais le roi ne la voyait +qu'en particulier. Elle ne pouvait monter dans les carrosses de la cour +et elle ne paraissait point en public; pour cela, il aurait fallu que +la favorite fût présentée et fît ainsi partie des dames de la cour. Le +roi le désirait ardemment, et madame du Barry encore plus. Malgré les +obstacles qui semblaient devoir s'y opposer, cette présentation se fit +rapidement, et elle eut lieu le 22 avril 1769. Dès ce moment, madame du +Barry fut reconnue comme maîtresse en titre, et entourée d'une foule de +courtisans qui, jusqu'à sa chute, ne cessèrent de briguer ses faveurs. + +On a vu de quoi se composait la dot de mademoiselle l'Ange, mais cela ne +pouvait plus suffire à la maîtresse du roi. Aussi, dès les premiers +jours de 1769, le roi lui constistue 100,000 livres de rentes viagères +sur la ville de Paris, et 10,000 livres de rente sur les États de +Bourgogne. Madame de Pompadour avait eu près de Versailles une +habitation princière[117], il en fallut une à madame du Barry. + +En 1690, Louis XIV avait acheté à M. de Valentinay la belle terre et le +château de Louveciennes. Il en fit don à la princesse de Conty, sa +fille. A la mort de la princesse, cette terre passa au comte de +Toulouse, puis au duc de Penthièvre. Le 7 mai 1768, le prince de +Lamballe y étant mort des suites de ses débauches, son père, le duc de +Penthièvre, ne voulut plus habiter une terre qui lui rappelait de si +tristes souvenirs, et il la vendit au roi. Louis XV la donna à madame +du Barry, et par brevet du roi du 24 juillet 1769, elle obtint, sa vie +durant, la _jouissance de la maison, jardins et dépendances de +Louveciennes_[118]. On voit, dans le relevé des dépenses de madame de +Pompadour, que dans les premières années de sa faveur, Louis XV lui +faisait des cadeaux d'une valeur fort considérable; c'est ce qui eut +lieu aussi pour madame du Barry. Le 1er janvier 1770, le roi entra de +bonne heure chez sa maîtresse, et, en l'embrassant, lui remit un brevet +signé le 23 décembre précédent, qui lui concédait, sa vie durant, _les +Loges de Nantes_. Ce que l'on nommait _les Loges de Nantes_ était une +réunion de _boutiques, baraques et appentis établis sur la contrescarpe, +à Nantes_, et rapportant environ 40,000 livres de rente. + +Mais les libéralités du roi pour sa nouvelle maîtresse ne s'arrêtaient +pas là , et il fournissait avec abondance l'argent nécessaire à ses +nombreuses dépenses. + +Madame de Pompadour reçut une brillante éducation; artiste elle-même, +elle aimait les arts et les artistes, et ses dépenses consistent plus +dans la création de charmants séjours, embellis par les arts de la +peinture et de la sculpture, en concerts délicieux, en représentations +théâtrales, en tout ce qui est le résultat d'une éducation recherchée et +de bon goût qu'en dépenses personnelles et de toilette. Madame du +Barry, au contraire, n'ayant reçu aucune éducation, et arrivée à jouer +un rôle si important par sa seule beauté, ne pensa qu'aux moyens de +faire valoir ses charmes, et dirigea toutes ses dépenses vers la +toilette, le luxe et la recherche de ses appartements intimes. + +On peut juger par la quantité de robes, d'étoffes de toutes sortes, de +dentelles, de bijoux trouvés chez elle à sa mort, de son goût effréné +pour la toilette. Ainsi, il y avait de dentelles, étoffes, robes, +corsets et linge de corps, pour 160,029 livres 5 sols;--de bijoux, +diamants, montres, etc., pour 400,000 livres[119];--et elle devait +encore, entre autres objets de toilette, 40,896 livres 13 sols à +mademoiselle _Bertin_, sa marchande de modes à Paris, et 2,275 livres 6 +sols à M. _Bataille_, son parfumeur à Versailles. + +Elle fit de son appartement de Versailles une suite de boudoirs +délicieux. + +Les objets qui en faisaient l'ornement sont décrits dans les Mémoires +conservés aux archives de la préfecture de Seine-et-Oise. La description +de quelques-uns de ces objets fera juger de ce que devait être ce +charmant logis[120]. + +Dans le salon, on voyait sur la cheminée une magnifique pendule à +colonnes, ornée de figures de porcelaine; au milieu, une superbe table +ornée de porcelaines de France: le dessus, qui était le morceau +principal, représentait un tableau en miniature d'après _Leprince_, les +garnitures de bronze, parfaitement ciselées et dorées d'or mat.--Il y +avait aussi un très-beau forte-piano anglais, qu'on avait fait organiser +à Paris par le fameux _Clicot_, avec flûtes et galoubet, un mouvement +pour le luth et deux autres pour les cymbales; la caisse, que l'on fut +obligé d'y ajouter pour contenir les tuyaux et les soufflets, était +plaquée en bois rose et à mosaïques blanches et bleues, et +très-richement garnie de bronzes dorés d'or mat.--Sur un des côtés était +une superbe commode d'ancien laque, de la première qualité, le panneau +du milieu à magots très-richement habillés; les frises plaquées en +ébène, les garnitures de bronze, ciselées et dorées d'or mat; le marbre +blanc de statuaire.--Et de l'autre côté une autre belle commode, ornée +de cinq morceaux de porcelaine de France, à fleurs et filets d'or, +très-richement garnie de bronzes bien finis et dorés d'or mat; le dedans +doublé en tapis vert et galonné d'or; le marbre blanc de statuaire.--Sur +chacune de ces commodes se trouvaient: d'un côté un très-fort groupe de +bronze et de couleur antique, composé de quatre figures représentant +l'enlèvement d'Hélène par Pâris, le tout sur un pied de bronze doré d'or +moulu;--et de l'autre côté un autre groupe de bronze, plus petit, et +d'après _Sarrazin_, composé de cinq enfants qui jouent avec un bouc; le +tout sur un pied de marqueterie de _Boule_, et orné de bronzes dorés +d'or moulu;--enfin un fort lustre de cristal de roche, à six luminaires, +et ayant coûté 16,000 livres, était appendu au milieu de la pièce. Comme +l'on jouait souvent dans ce petit salon, madame du Barry avait fait +faire une boîte de jeux, dont ces Mémoires nous ont conservé la +description: cette boîte était en acajou, doublée en tabis bleu, +galonnée en or; elle renfermait quatre boîtes à quadrilles en ivoire, le +trèfle, le pique, le cÅ“ur et le carreau en or incrusté sur chacune +desdites boîtes et entourés d'un cartouche avec nÅ“uds de rubans, le +tout en or et aussi incrusté;--les quatre-vingts fiches et les vingt +contrats distingués par le trèfle; le pique, le cÅ“ur et le carreau, +aussi en or et incrustés. + +Dans la chambre à coucher, il y avait une commode ornée de tableaux de +porcelaine d'après _Watteau_ et _Wanloo_, très-richement garnie de +bronzes très-bien finis et dorés d'or mat;--un secrétaire en armoire, de +porcelaine de France, fond vert et à fleurs, richement garni de bronzes +dorés d'or moulu.--On voyait sur les meubles deux cuvettes à mettre des +fleurs, en porcelaine de France, fond petit vert, à marines en +miniatures.--Une cuvette gros bleu caillouté d'or, avec des sujets de +_Teniers_, en miniature, et deux autres, moins grandes et décorées de +même.--Sur la cheminée, une pendule dorée d'or de Germain: elle +représentait les trois Grâces supportant un vase dans lequel était un +cadran tournant, et au-dessus un Amour indiquait l'heure avec sa +flèche; le tout était élevé sur un piédestal très-bien ciselé et doré. + +Le cabinet ne le cédait point au reste: sur la cheminée était une +pendule à vase et serpent, en bronze doré d'or moulu, le cadran +tournant; le piédestal garni de trois morceaux de porcelaine de France, +fond bleu, avec des enfants en miniature; le dard du serpent fait en +marcassite. On y voyait aussi une très-jolie table à gradins, en +porcelaine de France, fond vert et cartouches à fleurs, très-richement +ornée de bronzes dorés d'or moulu, le dessus du tiroir couvert d'un +velours vert et les pièces d'écritoire dorées. Sur des étagères on +remarquait, parmi une quantité d'objets de toutes sortes: une cassette +d'ancien laque, fond noir, ouvrage en or de reliefs et aventurine, avec +paysages et magots;--cinq tasses et soucoupes d'ancien Saxe, à tableaux +et à miniatures, avec la théière et la boîte à thé pareilles;--une cave, +composée de quatre gros flacons, un gobelet et sa soucoupe, le tout de +cristal de roche; six petits flacons de cristal de Bohême; deux cuillers +et un entonnoir d'or; les dix flacons garnis d'or et le tout dans une +boîte de bois des Indes garnie de velours rouge. Cette jolie cave avait +été achetée à la vente de madame de Lauraguais.--Enfin on remarquait +encore dans ce cabinet un baromètre et un thermomètre de Passemant, +montés très-richement en bronzes dorés d'or moulu, et ornés de trois +plaques de porcelaine de France, à enfants en miniature. + +Tout, jusqu'aux lieux les plus secrets de ce petit appartement, portait +le goût du luxe de la comtesse. Ainsi, dans le petit couloir qui menait +à la garde-robe, on voyait, au-dessous de la croisée, une commode à +portes de 52 pouces de long, en bois rose et garnie de bronzes dorés +d'or moulu, le marbre en brèche d'Alep; et _dans la garde-robe, un +meuble de toilette secrète à dossier, en marqueterie, fond blanc, à +mosaïques bleues et filets noirs, avec rosettes rouges, garni de velours +bleu brodé d'or, et sabots dorés d'or moulu_; la boîte à éponges et la +cuvette en argent; deux tablettes d'encoignure, aussi en marqueterie, +garnies de bronzes dorés d'or moulu; et une _chaise de garde-robe en +marqueterie pareille aux autres meubles, la lunette recouverte de +maroquin, et les poignées et sabots dorés d'or moulu_. + +Aussitôt que madame du Barry eut la jouissance du château de +Louveciennes, elle y fit faire de nombreux travaux. Mais quoiqu'elle y +eût dépensé beaucoup d'argent, elle ne put transformer en boudoirs de +_petite maison_ ces grands appartements bâtis pour une fille de Louis +XIV. Elle y renonça, et tout en conservant le château principal, elle +fit bâtir, un peu plus loin, un _pavillon_ beaucoup plus approprié à la +destination galante qu'elle voulait lui donner. + +Ce pavillon, d'où l'on jouit d'une vue magnifique et qui, regardé des +bords de la Seine, est d'un effet très-pittoresque et paraît suspendu +dans les airs, fut bâti par l'architecte Ledoux, pendant les années 1771 +et 1772. On appela les plus habiles artistes pour travailler à son +embellissement, et l'intérieur était un véritable modèle de goût et +d'élégance. + +On se doute bien que les appartements particuliers de la comtesse, dans +cette nouvelle habitation, ne le cédaient pas à ceux de Versailles, et +en parcourant les cartons de la préfecture de Seine-et-Oise, on voit +figurer, dans les diverses parties du pavillon de Louveciennes, des +objets analogues à ceux déjà indiqués à Versailles. + +Louis XV, quand il venait à Louveciennes, n'avait pas d'autre +appartement que celui de la comtesse, excepté pourtant la partie +destinée à sa toilette. On sait qu'il était extrêmement soigneux de sa +personne, et il est à présumer que dans ce lieu il devait avoir +quelquefois besoin de réparer le désordre de sa tenue. + +Cette partie, complétement réservée au roi, se composait d'une +antichambre, d'un cabinet et d'une garde-robe. L'antichambre, tapissée +en damas bleu et blanc, n'offrait aucun meuble remarquable. Dans le +cabinet de toilette, il y avait dans la cheminée un feu doré d'or moulu, +à trophées militaires, garni de pelle, pincettes et tenailles +analogues.--Sur la cheminée, une garniture de trois pièces de porcelaine +de Saxe à petites fleurs en relief, sur un fond petit bleu, avec +cartouches en miniatures sur fond d'or, et ornées de bronzes dorés d'or +moulu.--Une paire de flambeaux, cannelés de bronze doré d'or moulu.--De +chaque côté de la cheminée, une forte paire de bras à trois branches et +colliers de perles, en bronze doré d'or moulu.--De l'autre côté, en face +de la cheminée, une paire de girandoles à trois branches, d'un nouveau +modèle de goût antique, dorées d'or moulu.--Au-dessous, une commode +d'ancien laque du Japon, richement ornée de bronzes dorés, avec son +marbre de cinq pieds en gruotte d'Italie.--Enfin, au milieu était un +fauteuil à poudrer, garni de maroquin rouge, avec un coussin sur fond de +canne, et devant une table d'ébénisterie à mosaïques, sur fond gris +satiné, avec une tablette dans les jambes, et garnie en bronzes +dorés.--Quant à la garde-robe, elle renfermait tous les meubles déjà +indiqués dans celle de madame du Barry, excepté cependant qu'au lieu du +raffinement de luxe observé dans ceux de la comtesse, ils étaient fort +simples et tous en bois de noyer[121]. + +Au milieu des grandeurs de la favorite, la famille du Barry ne +s'oubliait pas. Déjà plusieurs fois le mari de la comtesse, _Guillaume_ +du Barry, était venu tourmenter sa femme de ses doléances et avait +cherché à obtenir par elle des faveurs et de l'argent. Pour faire cesser +ces importunités, madame du Barry lui constitua 5,000 livres de rente, +et par sentence contradictoire du Châtelet de Paris du 1er avril +1772, elle fut séparée d'habitation avec son mari[122]. Quant au comte +_Jean_, il avait toujours conservé un certain ascendant sur madame du +Barry. Il avait placé auprès d'elle sa propre sÅ“ur, mademoiselle +_Claire du Barry_, petite bossue que la comtesse aimait fort peu, pour +surveiller toutes ses actions et lui rappeler sans cesse que sa faveur +était due à son frère, et qu'elle devait en être reconnaissante. On +verra qu'il sut en tirer ainsi des sommes s'élevant à plus d'un million. +Mais il ne voulait pas seulement de l'argent, il fallait encore qu'il +profitât de la favorite pour satisfaire son ambition. Le comte Jean +avait un fils, débauché comme le père; il voulut le marier à une fille +de grande maison, et pouvoir, à l'aide de cette alliance, marcher de +pair avec les premières familles de la cour. C'est ce qu'il parvint à +réaliser grâce à la faveur et surtout à l'argent de madame du Barry. + +M. le prince de Soubise avait pour parente une jeune personne d'une +grande beauté, mais peu riche, la fille du marquis de Tournon. Ce fut +elle que l'on destina au fils du comte du Barry. A peine âgée de +dix-sept ans, mademoiselle de Tournon était encore au couvent lorsque +l'on décida de son sort. Par ce mariage, les du Barry s'alliaient +presque au sang royal, puisque la mère du duc de Bourbon, fils du prince +de Condé, était fille du prince de Soubise. Le roi, sous l'influence de +madame du Barry, pressait fortement la conclusion de ce mariage; le +prince de Soubise le désirait aussi, le prince de Condé seul s'y +opposait. Mais enfin, vaincu par les instances du roi, il y donna son +consentement. Le 18 juillet 1773, le roi et la famille royale signèrent +le contrat de mariage du vicomte du Barry avec mademoiselle de Tournon; +quelques jours après ils reçurent la bénédiction nuptiale, et le 1er +août suivant, la nouvelle vicomtesse était présentée au roi et à la +famille royale par madame du Barry elle-même. + +En faveur de ce mariage, le vicomte du Barry fut fait capitaine des +Suisses de M. le comte d'Artois, et sa femme, qui reçut en dot 200,000 +livres de madame du Barry[123], fut nommée dame pour accompagner la +comtesse d'Artois. + +Madame du Barry acheta fort peu de biens pendant sa grandeur. Elle fit +l'acquisition d'une maison à Saint-Vrain, près Arpajon, et d'une petite +ferme appelée la _Maison-Rouge_, à Villiers-sur-Orge, près de +Lonjumeau[124]. + +On a vu par le contrat de mariage de madame du Barry que sa mère se +nommait madame _Rançon_. En effet, elle avait épousé, en 1749, un nommé +_Rançon_, commis aux aides, titre qu'on changea, dans le contrat de la +comtesse, en celui d'_intéressé dans les affaires du roi_. On conçoit +qu'avec un si mince emploi pour toute fortune, M. et madame Rançon +devaient mener une assez triste existence. Dans sa haute position, +madame du Barry n'oublia pas sa mère. Elle allait souvent la voir, et +elle la mit à même de vivre largement. Quoiqu'elle n'eût ni les manières +ni le langage d'une femme de qualité, on ne pouvait cependant continuer +de donner ce nom de Rançon à la mère d'une comtesse qui avait l'insigne +honneur d'être la maîtresse du roi, et on l'appela madame de Montrable. +C'est pour madame de _Montrable_ que madame du Barry acheta _la +Maison-Rouge_, et cette dame l'habita fort longtemps. + +La maison de madame du Barry était devenue très-considérable, et ses +équipages et ses gens ne pouvaient plus tenir dans l'hôtel de la rue de +l'Orangerie, qu'elle avait loué la première année de son arrivée à +Versailles[125]. Il y avait, sur l'avenue de Paris, une charmante +habitation construite par _Binet_, valet de chambre du Dauphin et parent +de madame de Pompadour. Madame du Barry l'acheta pour y faire construire +un grand hôtel. _Ledoux_, son architecte, tout en conservant le joli +pavillon de _Binet_, y fit ajouter des constructions considérables, afin +d'y placer les chevaux, les voitures et les gens. C'était un véritable +palais, et l'on alla même jusqu'à y élever une chapelle, à laquelle, +pour la desservir, madame du Barry nomma un aumônier en titre[126]. + +Madame du Barry était arrivée au comble de la faveur; le roi n'était pas +encore dans un âge très-avancé (64 ans), tout lui faisait espérer une +longue carrière dans le poste qu'elle occupait; et cependant, quelques +jours encore, et toute cette grandeur allait disparaître. Louis XV, déjà +triste et souffrant, venait, pour se distraire, de passer quelques jours +à Trianon, lorsqu'il y fut atteint de la petite vérole. Ramené à +Versailles, il y succomba le 10 mai 1774. + +Quelques jours avant la mort du roi, et lorsqu'on le vit dans un état +tout à fait désespéré, on fit partir de Versailles madame du Barry. Elle +se retira à Rueil, chez M. et madame d'Aiguillon, qui lui prodiguèrent +les soins les plus affectueux. + +Le premier acte du nouveau monarque fut d'éloigner de la cour celle qui +en avait été le scandale pendant les dernières années de la vie du feu +roi. Le jour même de la mort de Louis XV, le duc de la Vrillière fut +envoyé à Rueil et remit à madame du Barry une lettre de cachet lui +intimant l'ordre de se rendre immédiatement au couvent de +Pont-aux-Dames, près de Meaux. + +La chute de madame du Barry entraîna celle de toute la famille. Le comte +Jean et son fils sortirent de France. Quant au comte Guillaume, resté à +Toulouse, il y fut l'objet des huées et des railleries de la populace. + +Il y avait un an que madame du Barry était renfermée dans l'abbaye de +Pont-aux-Dames. Sa santé s'altérait de cette vie si éloignée de ses +habitudes. Ses amis faisaient des efforts pour l'en faire sortir, et +elle parvint enfin à obtenir la permission d'aller habiter sa petite +maison de Saint-Vrain. Elle y passa une partie de l'année 1775; mais, +vers l'automne, des fièvres assez graves attribuées à l'humidité de ce +lieu ayant attaqué une partie de ses gens et la menaçant elle-même, elle +obtint enfin de M. de Maurepas, oncle de M. d'Aiguillon, alors +tout-puissant, de revenir habiter le joli pavillon de Louveciennes. + +Pendant le temps de sa faveur, madame du Barry avait eu à sa disposition +des sommes considérables; mais légère comme elle l'était, coquette et +désirant contenter à l'instant ses moindres caprices sans regarder à la +dépense, surprise surtout par la brusque mort de Louis XV, elle n'eut +point le temps de satisfaire ses créanciers, et il fut établi que +lorsqu'elle quitta la cour elle avait pour plus de 1,200,000 livres de +dettes. + +Les créanciers de la comtesse ne savaient à qui s'adresser pendant son +séjour à Pont-aux-Dames. L'intendant général de la maison du roi +recevait de toutes parts des réclamations. On jugea alors nécessaire de +se rendre compte de la fortune de madame du Barry et des sommes qu'elle +avait reçues pendant le temps de sa faveur. Montvallier, intendant de +la comtesse, fut chargé de dresser un état de toutes ces sommes. Voici +cet état, copié sur les papiers déposés à la préfecture de +Seine-et-Oise[127]: + +«État des sommes payées pour le compte de madame la comtesse du Barry, +par M. Beaujon[128], pendant qu'elle était en faveur à la cour de +France. + +«15 juillet 1774.» + + +OBSERVATION. + +Montvallier prévient qu'il n'a pu rendre le travail plus complet, +attendu qu'il n'a pas la suite des bordereaux de M. Beaujon, et qu'il y +a même une lacune entre celui du 15 février 1772 et celui du 10 +septembre suivant, et qu'il lui a été fait une remise de pièces sans +bordereaux par madame du Barry, pour cette lacune, montant ensemble à la +somme de 93,200 livres, employée dans les articles qui suivent, savoir: + +ART. 1er.--_Aux marchands orfèvres, joailliers et bijoutiers_. + + Orfèvres 313,328 l. 4 s. + Joailliers 1,808,635 9 + Bijoutiers 158,000 » + ------------------ + Total 2,279,963 l. 13 s. + +ART. 2.--_Aux marchands de soieries, dentelles, toiles, modes_, etc. + + Soieries 369,810 l. 15 s. 3 d. + Toiles, dentelles 215,888 6 » + Modes 116,818 5 » + Merceries 35,443 14 » + --------------------- + Total 737,961 l. » s. 3 d. + + + ART. 3.--_A divers parfumeurs, fourreurs, chapeliers, + chaudronniers_, etc. 52,148 l. 9 s. + + +ART. 4.--_Pour meubles, tableaux, vases et autres ornements._ + + Meubles 24,398 l. 18 s. + Tableaux, vases 91,519 19 + ---------------- + Total 115,918 l. 17 s. + +ART. 5.--_Aux tailleurs et brodeurs._ + + Tailleurs 60,322 l. 10 s. + Brodeurs 471,178 » + ---------------- + Total 531,500 l. 10 s. + + +ART. 6.--_Pour achat de voitures, chevaux et fourrages._ + + Voitures et entretien 67,470 l. 1 s. + Chevaux 57,347 » + Fourrages 6,810 » + ---------------- + Total 131,627 l. 1 s. + + +ART. 7.--_Aux peintres, sculpteurs_, etc. + + Doreurs 78,026 l. » s. » d. + Sculpteurs 95,426 » » + Peintres 48,875 12 6 + Fondeurs 98,000 » » + Marbriers 17,540 8 10 + A divers ouvriers menuisiers, + serruriers 32,240 8 » + ---------------------- + Total 370,108 l. 9 s. 4 d. + + +ART. 8.--_Pour les anciens et nouveaux ouvrages de Louveciennes._ + + Anciens ouvrages 111,475 l. 6 s. 9 d. + Jardins 3,739 19 » + Nouveaux ouvrages 205,638 16 8 + Jardins 3,000 » » + ---------------------- + Total 323,854 l. 2 s. 5 d. + + + ART. 9.--Sommes payées, qu'on n'a pu appliquer aux + différents comptes, les motifs des payements n'étant + point connus 55,619 l. 2 s. » d. + + + ART. 10.--Pour dépenses extraordinaires, + dons, gratifications, + musique, aumônes 47,525 5 » + + + ART. 11.--Sommes payées, divisées + en deux parties, la première + considérée comme pour + le compte de madame du + Barry, et la deuxième pour ses + affaires; à madame du Barry + directement ou pour elle; aux + comte, vicomte et demoiselle + du Barry, et autres 1,081,052 l. 15 s. 2 d. + + A ses gens d'affaires et autres, + y compris l'acquisition du + pavillon de l'avenue de Paris, + à Versailles 661,628 16 9 + + ART. 12.--A-compte sur la + construction du bâtiment audit + pavillon 18,000 » » + + ART. 13.--Recouvrements à + faire 20,000 » » + ------------------------ + Total général 6,375,559 l. 11 s. 11 d. + + Certifié véritable et conforme aux bordereaux mentionnés + ci-dessus. + + Louveciennes, le 14 juillet 1774. + + _Signé_: MONTVALLIER. + +Pour payer toutes ses dettes, madame du Barry restait avec sa propriété +de Louveciennes et 150,000 livres de rentes viagères. Elle parvint à +faire des arrangements avec la plupart de ses créanciers; quant aux plus +récalcitrants, elle les paya à l'aide de la vente de plusieurs de ses +bijoux, et de la cession qu'elle fit de son hôtel de Versailles, en +1775, à Monsieur, frère du roi, moyennant la somme de 224,000 +livres[129]. + +Retirée à Louveciennes, madame du Barry y mena une vie fort tranquille. +Belle et bonne, malgré sa position équivoque à la cour, elle s'y était +fait un grand nombre d'amis. Les plus grands personnages et bon nombre +de dames allaient à Louveciennes. On vit même le frère de +Marie-Antoinette, l'empereur Joseph II, venir lui faire une visite, et +lui offrir le bras en se promenant avec elle dans ses jardins. La +comtesse avait su se créer une petite cour, et les anciens amis de Louis +XV étaient toujours les bienvenus dans son château. Habituée depuis +plusieurs années à satisfaire tous ses caprices sans savoir ce qu'ils +pouvaient coûter, elle recevait ses hôtes en princesse, et, jolie femme, +continuait toutes ces folles dépenses de toilette qu'une jolie femme, +même sans être une madame du Barry, a souvent tant de peine à +abandonner. On la trouvait de plus toujours prête à secourir ses amis; +et l'on voit dans les papiers de la préfecture de Seine-et-Oise que le 9 +avril 1775, c'est-à -dire un an après la mort de Louis XV, elle prêta +200,000 livres à M. le duc d'Aiguillon, qui ne les lui rendit que le 30 +août 1784. + +Madame du Barry dut donc économiser fort peu pour payer ses créanciers, +et ses dettes, au lieu de diminuer, ne firent qu'aller en augmentant. +Aussi, pour se liquider complétement, à force d'instances et de +démarches de ses amis, elle obtint enfin du roi Louis XVI, en avril +1784, l'échange de 60,000 livres de rente contre 1,250,000 livres qui +lui furent délivrées par le trésor royal[130]. + +Après comme pendant sa faveur, madame du Barry eut les mêmes soins de sa +mère; et lorsqu'elle mourut, le 20 octobre 1788, _elle constitua au +profit du sieur Rançon de Montrable, le mari de sa mère, une rente +viagère de 2,000 livres pour, dit-elle, reconnaître les bons procédés de +Rançon à l'égard de son épouse_[131]. Elle n'oublia pas non plus la +famille de sa mère; elle constitua des rentes à ses oncles et tantes, et +maria très-avantageusement plusieurs des ses cousines[132]. + +Madame du Barry était excessivement bonne pour ses domestiques. Elle +avait en eux une très-grande confiance, dont ils abusèrent plusieurs +fois, surtout à l'époque de la Révolution. Soit que ces domestiques, +paresseux et insouciants comme ils le sont dans la plupart des grandes +maisons, n'exerçassent point une surveillance assez active, soit que +quelques-uns d'entre-eux s'entendissent avec les fripons que tentaient +les richesses accumulées dans ce lieu, toujours est-il que plusieurs +vols considérables eurent lieu à Louveciennes, depuis que la comtesse y +faisait son séjour habituel. + +Le 20 avril 1776, trois individus fort bien mis se présentent au château +et demandent à parler à madame du Barry. L'un d'eux, décoré de la croix +de Saint-Louis, est introduit dans son cabinet, où elle se trouvait +seule en ce moment, pendant que les deux autres restent dans la chambre +qui précède. Il va droit à elle un pistolet à la main, la menace de +tirer si elle fait le moindre geste pour appeler, et lui ordonne de +donner ce qu'elle a d'argent et de bijoux. Effrayée, elle s'empresse de +remettre à cet homme un riche écrin qu'elle avait près d'elle. Le +voleur, frappé de la beauté des diamants et content de sa proie, se +retire avec ses compagnons sans qu'on ait jamais pu les retrouver. + +Un autre vol, beaucoup plus considérable, eut lieu dans la nuit du 10 au +11 janvier 1791. + +On a vu que dans sa retraite de Louveciennes, madame du Barry avait +conservé de nombreux amis. Parmi eux se trouvait M. le duc de Brissac. +Brave, loyal et d'une superbe figure, le duc fit impression sur le cÅ“ur +de la comtesse. Ils s'attachèrent bientôt l'un à l'autre, et leurs +relations devinrent si intimes, que madame du Barry était aussi souvent +à Paris, à l'hôtel de Brissac, que le duc était à Louveciennes[133]. +C'est pendant l'un de ces séjours à Paris que s'accomplit le vol dont on +va parler. + +A l'aide des sacrifices qu'elle avait déjà faits, madame du Barry était +parvenue à combler la plus grande partie de ses dettes. Mais à l'époque +dont il s'agit (1791), elle en avait contracté de nouvelles. + +Sa négligence à se rendre compte de ses propres affaires, le goût des +folles dépenses qui ne l'avait pas quittée, mais surtout le besoin de +soulager les infortunes que la Révolution commençait à faire peser sur +ses amis, avaient mis de nouveau le désordre dans ses finances. Déjà +elle avait cherché, par l'entremise de son banquier, à faire vendre +quelques-uns de ses diamants à l'étranger. Elle avait, à cet effet, +réuni dans un seul endroit du château ses bijoux les plus précieux. Peu +défiante, elle s'était fait aider dans ce travail par plusieurs de ses +domestiques; aussi savait-on parfaitement dans la maison le lieu où +étaient placées toutes ces richesses, et si les gens de la comtesse n'y +furent pour rien, leurs indiscrétions mirent au moins sur la voie les +malfaiteurs qui accomplirent ce vol audacieux. + +Dans la nuit du 10 au 11 janvier 1791, pendant que madame du Barry était +à Paris chez le duc de Brissac, des voleurs s'introduisirent dans le +château, allèrent droit au lieu où étaient les diamants et les bijoux de +la comtesse, et enlevèrent tout ce qui s'y trouvait réuni; puis ils se +retirèrent tranquillement, sans que personne dans la maison se fût +aperçu de leur présence. Depuis quelque temps madame du Barry, pour +ajouter à sa sûreté, avait demandé au commandant des Suisses de +Courbevoie de lui donner un des soldats du régiment pour lui servir de +concierge. Aussitôt que l'on eut connaissance du vol, la municipalité de +Louveciennes fit arrêter le Suisse qui servait de gardien. Interrogé par +ses officiers, il avoua que des hommes qu'il ne connaissait pas +l'avaient enivré dans un cabaret; mais voilà tout ce que la police de +l'époque put recueillir sur cet attentat. + +C'était une immense perte pour madame du Barry, car on venait de lui +enlever ses bijoux les plus précieux. On peut juger de la valeur de ce +vol et des richesses accumulées dans ce lieu par l'état des objets volés +qu'elle fit afficher dans Paris et annoncer dans les journaux étrangers: + +«Trois bagues montées chacune d'un brillant blanc, le premier pesant 35 +grains, le deuxième 50 grains, et le troisième 28 grains; + +»Une bague montée d'un saphir, carré long, avec un Amour gravé dessus, +et deux brillants sur le corps; + +»Un baguier en rosette verte, renfermant vingt à vingt-cinq bagues, dont +une grosse émeraude; + +»Une pendeloque montée à jour, pesant environ 36 grains, d'une belle +couleur, mais très-jardineuse, ayant beaucoup de dessous; + +»Une autre d'un onyx, représentant le portrait de Louis XIII, dont les +cheveux et les moustaches sont en sardoine; + +»Une autre d'un César, de deux couleurs, entourée de brillants; + +»Une autre d'une émeraude, carré long, pesant environ 20 grains; + +»Une autre d'un brun-puce, pesant de 14 à 16 grains; + +»Une autre d'un Bacchus antique, gravée en relief sur une cornaline +brûlée; + +»Une autre d'une sardoine jaune, gravée par _Barrier_, représentant +Louis XIV, entourée sur le corps de roses de Hollande; + +»Une autre d'un gros saphir en cÅ“ur, montée à jour, entourée de +diamants sur le corps et sur la moitié de l'anneau.--L'onyx de Louis +XIII et l'émeraude carrée sont montés de même et garnis également de +diamants, de roses et de brillants; + +»Plus, dans ce _baguier_, il y a un _Bonus Eventus_ antique, gravé sur +un onyx;--un brillant blanc pesant 29 grains;--un autre pesant 25 +grains;--un autre, forme de pendeloque, pesant 28 grains;--un autre, +rond, pesant 23 grains;--un autre, 25 grains;--un, 24 grains;--un, +qualité inférieure, carré long, 23 grains;--trois pesant chacun 28 +grains;--un brillant en épingle, forme longue, pesant 30 grains;--un +brillant, forme losange, 33 grains; + +»Deux bracelets, ensemble de 24 grains; + +»Une rose montée à jour, de deux cent vingt-huit brillants blancs, dont +un gros au milieu, cristallin, pesant 24 grains; + +»Un collier de vingt-quatre beaux brillants, montés en chatons à jour, +de 20 grains chaque; + +»Huit parties de rubans en bouillon, chacune de vingt-un brillants à +jour, pesant depuis 4 grains jusqu'à 8; + +»Une paire de boucles de souliers de quatre-vingt-quatre brillants, +pesant 77 karats 1/4; + +»Une croix de seize brillants, pesant 8 à 10 grains chaque; + +»Soixante-quatre chatons, pesant de 6 jusqu'à 10 grains; + +»Une belle paire de girandoles en gros brillants de la valeur de 12,000 +livres; + +»Une bourse à argent en soie bleue, avec ses coulants, ses glands et +leurs franges, le tout en petits brillants montés à jour; + +»Un esclavage à double rang de perles, avec sa chute, le tout d'environ +deux cents perles, pesant 4 à 5 grains chaque;--un gros brillant au haut +de la chute, pesant 24 à 26 grains, et au bas un gland à franges et son +nÅ“ud, le tout en brillants montés à jour; + +»Une paire de bracelets à six rangs de perles, pesant 4 à 5 grains; le +fond du bracelet est une émeraude surmontée d'un chiffre en diamants, en +deux L pour l'un, et d'un D et B pour l'autre, et deux cadenas de +quatre brillants, pesant 8 à 10 grains; + +»Un rang de cent quatre perles enfilées, pesant 4 à 5 grains chacune; + +»Un portrait de Louis XV peint par _Massé_, entouré d'une bordure d'or, +à feuilles de laurier; ledit portrait de 5 à 6 pouces de haut; + +»Un autre portrait de Louis XV, peint par le même, plus petit, dans un +médaillon d'or; + +»Une montre d'or simple, de Romilly; + +»Un étui d'or à une dent émaillée en vert, avec un très-gros brillant au +bout, pesant environ 12 grains, tenant sur le tout par une vis; + +»Une paire de boutons de manches, d'une émeraude, d'un saphir, d'un +diamant jaune et d'un rubis, le tout entouré de brillants couleur de +rose, pesant 36 à 40 grains, montés en bouton de cou; + +»Deux grandes bandes de cordons de montre, composées de seize chaînons à +trois pierres, dont une grande émeraude, et deux brillants de 3 à 4 +grains de chaque côté, et trois autres petites bandes de deux chaînons +chaque, pareils à ceux ci-dessus; + +»Une barrette d'un très-gros brillant, carré long, pesant environ 60 +grains, avec trois grosses émeraudes pesant 8 à 10 grains, avec deux +brillants aux deux côtés, pesant un grain chaque, montés à jour; + +»Une bague d'un brillant d'environ 26 grains, montée à jour, avec des +brillants sur le corps; + +»Deux girandoles d'or formant flambeaux, montées sur deux fûts de +colonne d'or émaillées de lapis, surmontées de deux tourterelles +d'argent, de carquois et de flèches, faites par _Durand_; + +»Un étui d'or émaillé en vert, au bout duquel est une petite montre +faite par Romilly, entourée de cercles de diamants et ayant un chiffre +par derrière[134]. + +»Deux autres étuis d'or, l'un émaillé en rubans bleus, et l'autre en +émaux de couleur et paysages; + +»Dix-sept diamants démontés, de toutes formes, pesant depuis 25 jusqu'à +30 grains chacun, dont une pendeloque montée, pesant 36 grains; + +»Soixante-quatre chatons dans un seul fil, formant collier, pesant 8, 9 +et 10 grains chacun, en diamants montés à jour. + +»Deux boucles d'oreilles de coques de perles, avec deux diamants au +bout; + +»Un portrait de Louis XVI, de _Petitot_; + +»Un autre portrait de feu Monsieur, tous les deux en émail, ainsi qu'un +portrait de femme, également de _Petitot_; + +»Une écritoire de vieux laque superbe, enrichie d'or et formant +nécessaire, tous les ustensiles en or; + +»Deux souvenirs, l'un en laque rouge et l'autre en laque fond d'or à +figures, l'un monté d'or et l'autre monté en or émaillé; + +»Deux flambeaux d'argent de toilette, perlés et armoriés; + +»Une boîte de cristal de roche couverte d'une double boîte travaillée à +jour; + +»Des pièces d'or et des médailles d'or de différents pays; + +»Quarante petits diamants pesant un karat chaque; + +»Deux lorgnettes, l'une émaillée en bleu, l'autre émaillée en rouge, +avec le portrait du feu roi, toutes deux montées en or; + +»Un souvenir en émail bleu avec des peintures en grisailles, +représentant d'un côté une offrande, et de l'autre côté une jardinière +avec un petit chien à longues oreilles; + +»Un reliquaire, d'un pouce environ, d'un or très-pur, émaillé en noir et +blanc, une petite croix montée dessus assez gothiquement, et une perle +fine de la grosseur d'un pois au bas; + +»Et plusieurs autres bijoux d'un très-grand prix.» + +On peut penser à quelle somme considérable devait s'élever un pareil +vol. + +Ses ennemis répétaient partout que ce vol n'existait pas, et que madame +du Barry avait fait courir ce bruit pour arranger plus aisément ses +affaires. D'autres prétendirent plus tard qu'elle avait porté elle-même +ses bijoux en Angleterre, pour soulager les infortunes de la plupart des +émigrés retirés à Londres; Cet autre bruit se répandit surtout lorsque +l'on sut qu'ils venaient d'être retrouvés dans ce pays. Ce fut l'un des +chefs d'accusation les plus violents que fit valoir contre cette +malheureuse femme le farouche _Fouquier-Tainville_, et aujourd'hui +encore il est répété par ses biographes; bien entendu cependant qu'ils +ne le regardent plus comme un acte criminel, mais au contraire comme +très-honorable. + +Quels que soient les motifs que l'on ait fait valoir pour douter du vol +de madame du Barry, un acte authentique, solennel, fait peu de jours +avant la mort, le testament de M. de Brissac, dont on parlera bientôt, +le constate et ne laisse aucun doute sur sa réalité. + +Ce vol fût donc un extrême malheur pour madame du Barry, et elle fit +toutes les démarches possibles pour pouvoir se mettre sur la trace des +coupables. Dans le courant de février suivant, madame du Barry apprit +que ses voleurs avaient été arrêtés à Londres. Il paraît que peu de +jours après leur arrivée dans ce pays, un Anglais, qui leur servait +d'interprète, se présenta chez un lapidaire et lui offrit à très-bon +marché une riche collection de diamants. Le joaillier les lui acheta; +mais, frappé de la beauté de ces pierres, de leur nombre, de leur bas +prix et étonné surtout que tant de pierres précieuses se trouvassent +ainsi dans les mains d'un inconnu, il prévint la police, qui arrêta +l'interprète et ses compagnons, encore munis de tous les bijoux de la +comtesse. + +Madame du Barry partit immédiatement pour Londres, où on lui représenta +ses diamants. Elle les reconnut parfaitement. Mais comme la procédure +devait durer un certain temps, les diamants furent déposés chez MM. +_Hamerleys_ et _Morland_, banquiers à Londres, scellés de son cachet et +de celui des banquiers, et madame du Barry revint à Louveciennes. + +Un mois après son retour, elle reçut une lettre de Londres, qui l'y +appelait de nouveau pour la poursuite du procès de ses voleurs. Cette +fois, madame du Barry, pensant rester plus longtemps que la première, se +munit d'un passe-port signé du roi et de M. de Montmorin, valable pour +_trois semaines_, et lui permettant d'emmener avec elle le chevalier +d'_Escourt_, le joaillier _Rouen_, deux femmes de chambre, un valet de +chambre et deux courriers, et elle partit après avoir reçu de ses +banquiers à Paris, MM. _Wandenyver_, des lettres de crédit pour Londres. +Elle y resta plus des trois semaines que lui accordait son passe-port, +espérant toujours voir la fin du procès. Mais comme rien ne finissait +encore, elle se décida à revenir en France, et arriva à Paris dans les +premiers jours de juillet. + +Sa liaison avec le duc de Brissac n'avait point cessé, et paraissait au +contraire se resserrer à mesure que les orages s'accumulaient sur la +France et éloignaient tous ceux qu'un grand nom ou une grande fortune +semblaient désigner d'avance aux fureurs populaires. M. de Brissac, en +loyal et brave chevalier, ne voulut point abandonner le roi au milieu +des dangers dont il était entouré. Nommé commandant de la garde +constitutionnelle, il inspira à cette garde, composée des éléments les +plus divers, un esprit d'unité et d'amour pour le roi, qui fut la cause +de sa perte. + +Le 29 mai 1792, le député _Bazire_ vient dénoncer à la tribune de +l'Assemblée législative la garde constitutionnelle du roi, comme animée +d'un mauvais esprit, et particulièrement son chef, M. de Brissac. Après +une discussion qui va toujours en s'envenimant, _Couthon_ demande le +licenciement de cette garde et l'arrestation de Brissac, et l'assemblée +adopte successivement deux décrets, conformes à la proposition de +_Couthon_. + +M. de Brissac fut immédiatement arrêté, et envoyé à Orléans pour y être +jugé par la haute cour de justice. Un de ses aides de camp, un jeune +officier qui lui était fort attaché, M. de Maussabré, courut à +Louveciennes pour annoncer ces terribles nouvelles à madame du Barry. + +Il était parvenu à entretenir quelques intelligences avec le duc depuis +son arrestation, et c'est par lui qu'une correspondance put s'établir +entre le duc et la comtesse. Après la fatale journée du 10 août, ce +jeune officier chercha un refuge chez madame du Barry. Malheureusement +pour lui, et malgré toutes les précautions prises pour le dérober à tous +les regards, il y fut découvert par un détachement de fédérés. Emmené à +Paris, il fut emprisonné à l'Abbaye, où il périt égorgé le mois de +septembre suivant. + +Le duc de Brissac, renfermé dans les prisons d'Orléans, ne se faisait +aucune illusion sur le sort qui l'attendait. Il se préparait à la mort +qu'il allait bientôt recevoir d'une si horrible manière, et le 11 août +1792, il écrivait ses dernières volontés, transmises plus tard à sa +famille. Il n'oublie pas dans son testament celle qu'il aimait depuis +longtemps. Après avoir institué pour sa légataire universelle sa fille, +madame de Mortemart, il ajoute en s'adressant à elle: + +«Je lui recommande ardemment une personne qui _m'est bien chère_, et que +les malheurs des temps peuvent mettre dans la plus grande détresse. Ma +fille aura de moi un codicille qui lui indiquera ce que je lui ordonne à +ce sujet.» + +Ce codicille est ainsi conçu: + +«Je donne et lègue à madame du Barry, de Louveciennes, outre et +par-dessus ce que je lui dois, une rente viagère et annuelle de 24,000 +livres, quitte et exempte de toute retenue, ou bien l'usufruit et +jouissance pendant sa vie de ma terre de la Rambaudière et de la +Graffinière, en Poitou, et des meubles qui en dépendent; ou bien encore +une somme de 300,000 livres une fois payée en argent, le tout à son +choix, d'autant qu'après qu'elle aura opté pour l'un desdits trois legs, +les deux autres seront pour non avenus. Je la prie d'accepter ce faible +gage de mes sentiments et de ma reconnaissance, dont je lui suis +d'autant plus redevable que _j'ai été la cause involontaire de la perte +de ses diamants, et que si jamais elle parvient à les retirer +d'Angleterre, ceux qui resteront égarés, ou les frais des divers voyages +que leur recherche aura rendus nécessaires, ainsi que ceux de la prime à +payer, s'élèveront au niveau de la valeur effective de ce legs_. Je prie +ma fille de lui faire accepter. La connaissance que j'ai de son cÅ“ur +m'assure de l'exactitude qu'elle mettra à l'acquitter, quelles que +soient les charges dont ma succession se trouvera grevée par mon +testament et mon codicille, ma volonté étant qu'aucun de mes autres legs +ne soit délivré que celui-ci ne soit entièrement accompli. + + »Ce 11 août 1792. + + »_Signé_: LOUIS-HERCULE TIMOLÉON + DE COSSÉ-BRISSAC[135].» + +Après des paroles si formelles, il est impossible de douter de la +réalité du vol. + +Madame du Barry était à Louveciennes lorsque le duc de Brissac fut +massacré à Versailles. On dit que quelques-uns des forcenés qui prirent +part à cette boucherie portèrent à Louveciennes la tête du duc, et +vinrent la mettre sous ses yeux[136]. Ce terrible coup la plongea dans +la plus profonde douleur.--Isolée dans son château, elle craignit pour +elle-même, et commença à prendre des précautions pour sauver ses +richesses. Aidée d'un valet de chambre dévoué, nommé Morin, qui paya de +sa tête son attachement à sa maîtresse, elle cacha ce qu'elle avait de +plus précieux dans différentes parties de la maison et des jardins. + +Elle entretenait toujours une correspondance avec Londres à l'occasion +de ses diamants. On lui écrivit de cette ville qu'il fallait absolument +suivre le procès, parce que c'était la seule manière de rentrer en +possession de son bien. Elle s'occupa alors des moyens de passer +tranquillement en Angleterre, et surtout de ne pas être considérée comme +émigrée. + +Elle écrivit au président de la Convention nationale et au ministre des +affaires étrangères _Lebrun_, pour leur expliquer le motif de son voyage +et les assurer qu'elle ne comptait pas abandonner la France, et qu'elle +prenait l'engagement formel de revenir à Louveciennes aussitôt la fin de +son procès. Quelques jours après, elle reçut du ministre son passe-port, +et une lettre lui disant qu'elle ne serait en rien tourmentée pour ce +voyage, et qu'elle pouvait le faire en toute assurance. Mais pour plus +de certitude et pour bien établir dans le pays même qu'elle ne voulait +pas émigrer, et prévenir les malintentionnés dans le cas d'une absence +prolongée, elle renouvela, devant la municipalité de Louveciennes, les +déclarations déjà faites par elle au président de la Convention et au +ministre. La municipalité inscrivit cette déclaration sur ses registres, +et lui en remit une copie ainsi conçue: + +«Ce jourd'hui 7 octobre 1792, l'an Ier de la République française, +s'est présentée devant nous, officiers municipaux de la commune de +Louveciennes, district de Versailles, département de Seine-et-Oise, dame +Vaubernier du Barry, résidant habituellement en ce lieu, laquelle nous a +déclaré qu'étant obligée d'aller à Londres, pour assister au jugement +définitif des voleurs qui, la nuit du 10 au 11 janvier 1791, lui ont +volé ses bijoux dans son château de Louveciennes, elle nous en fait la +déclaration pour qu'elle ne puisse point être regardée comme émigrée +pendant son absence, ni traitée comme telle par aucune autorité +constituée, de laquelle déclaration elle nous a requis acte que nous lui +avons octroyé, vu la lettre de M. Lebrun, ministre des affaires +étrangères, en date du 2 du courant, qui est restée annexée à la +présente minute, et la susdite dame du Barry a signé avec nous, les +jours et an que dessus. + +»Bon pour copie conforme à l'original, le 8 septembre +1792[137].»_Suivent les signatures._» + +Après s'être mise en règle, madame du Barry partit pour Londres le 14 +octobre 1792. Pendant qu'elle était en Angleterre, de terribles +événements s'étaient passés en France. Le roi était tombé sous la hache +du bourreau. Partout s'étaient développées les passions +révolutionnaires. Jusque dans les petits villages, on voyait s'établir +des assemblées populaires, des clubs, et Louveciennes n'y avait point +échappé. Un intrigant nommé _Greive_ était venu s'y établir depuis +quelque temps. Aussitôt son arrivée, il y forma un club. Son premier +acte fut une dénonciation contre madame du Barry, et, le 14 février +1793, le procureur général syndic du district de Versailles adressait +aux administrateurs du district la lettre suivante: + +«La femme du Barry, propriétaire à Louveciennes, a quitté la France au +moyen d'un passe-port, au commencement de 1792, pour poursuivre en +Angleterre les auteurs d'un vol considérable fait en sa maison. + +»Le doute inspiré sur cette poursuite par le laps de temps et par +l'ignorance de ses effets a fait naître nécessairement l'incertitude. + +»Dans cet état, l'administration a pensé qu'il convenait de prendre sur +les biens de cette femme des mesures conservatrices pour assurer à la +fois ses droits et ceux de la nation. + +»Elle me charge, en conséquence, de vous inviter à faire apposer les +scellés sur la maison de la femme du Barry, à Louveciennes, d'y +commettre un gardien, et de lui adresser le procès-verbal qui sera +dressé à cette occasion. + +»Vous voudrez bien, citoyens, presser cette opération et m'en faire part +aussitôt qu'elle aura été faite[138].» + +Deux jours après, les membres du Directoire du district répondirent à la +lettre du procureur syndic par une résolution ainsi conçue: + +«Vu la lettre du procureur général syndic, le directoire du district a +commis le citoyen _Brunette_, l'un de ses membres, à l'effet de +procéder, en présence de deux officiers de la commune de Louveciennes, à +l'apposition des scellés sur tous les meubles, titres et effets de la +femme du Barry, et établir à la conservation desdits scellés un ou +plusieurs gardiens solvables, lesquels ne pourront être choisis parmi +les parents, domestiques ou agents de ladite du Barry, et auxquels il +sera attribué un salaire journalier de trente sols par jour[139]. + +»Fait à Versailles, le 16 février 1793, an II de la République.» + +_Greive_ savait bien que madame du Barry n'avait point émigré; mais il +espérait que ce premier acte, qui paraissait la soupçonner d'émigration, +lui ferait peur, empêcherait son retour en France et le mettrait à même, +sous le prétexte du salut public, de toucher aux trésors accumulés dans +le château, et dont il espérait tirer un peu parti pour lui-même. + +Mais madame du Barry comptait bien revenir à Louveciennes. Ayant appris +à Londres que les scellés avaient été mis sur ses biens, elle se hâta de +quitter l'Angleterre. Son procès ayant été jugé le 28 février, jour du +terme du tribunal, elle partit de Londres le 3 mars, arriva à Calais le +5, où elle fut retenue jusqu'au 18 pour attendre de nouveaux passe-ports +du pouvoir exécutif, et arriva à Louveciennes le 19[140]. + +L'arrivée de madame du Barry déconcerta un peu _Greive_, mais ne +l'empêcha pas de suivre ses projets. La société populaire de +Louveciennes était composée d'une quarantaine de membres, au nombre +desquels se trouvaient plusieurs domestiques de madame du Barry, et +entre autres les nommés _Salanave_ et _Zamor_. Le premier était un valet +de chambre que madame du Barry renvoya plusieurs jours après son retour, +à cause de quelques actes d'infidélité; l'autre était un nègre, élevé +par elle, dont elle était la marraine, auquel elle avait assuré des +rentes, et qu'à cause de son ingratitude elle chassa de sa maison. A +l'aide de ces deux hommes, _Greive_ sut tout ce qui se passait dans +l'intérieur du château, les personnes qu'on y recevait, et recueillit +une foule de renseignements qui lui permirent de continuer ses +dénonciations. + +Le 2 juin 1793, la Convention avait rendu un décret portant: «Les +autorités constituées, dans toute l'étendue de la République, seront +tenues de faire saisir et mettre en état d'arrestation toutes les +personnes _notoirement suspectées d'aristocratie ou d'incivisme_; elles +rendront compte à la Convention nationale de l'activité qu'elles +apporteront à mettre à exécution le présent décret, et demeureront +responsables des désordres que pourrait occasionner leur négligence.» + +_Greive_ fait assembler la société populaire de Louveciennes, et le 26 +juin se présente devant les administrateurs du département de +Seine-et-Oise. Là il lit une adresse signée de trente-six citoyens de +Louveciennes, dans laquelle on demande la mise à exécution du décret de +la Convention et un exemplaire de ce décret pour la commune. + +Le lendemain 27, armé de ce décret, _Greive_, accompagné du maire de la +commune, se présente chez madame du Barry et procède à son arrestation. + +Les administrateurs du département ne paraissaient pas avoir un zèle +aussi exagéré du bien public que les clubistes de Louveciennes, et ils +se doutaient un peu du motif qui les faisait agir. Pour prévenir l'acte +de vengeance qu'ils redoutaient, ils envoyèrent le même jour à +Louveciennes un des membres du district de Versailles, en le chargeant +de faire exécuter la loi avec quelques modifications et restrictions. +Arrivé juste au moment où l'on se disposait à faire enlever madame du +Barry, le membre du district fit suspendre son arrestation, et reprocha +vivement à la municipalité son extrême précipitation. + +_Greive_ et les membres de la société populaire, dont la plupart avaient +été employés dans la maison de madame du Barry, irrités de ce +contre-temps, rédigèrent une autre pétition qu'ils adressèrent cette +fois à la Convention. Dans cette pièce, remplie de déclamations et de +grands sentiments patriotiques, comme on en voyait dans tous les écrits +de cette époque, on accumula les accusations contre madame du Barry, et +on demanda l'approbation de la Convention nationale pour l'arrestation +de la citoyenne se disant comtesse _du Barry, de sa nièce, fille d'un +émigré, et de ceux de ses domestiques notoirement suspects +d'aristocratie et d'incivisme_, c'est-à -dire de ses domestiques restés +fidèles. «Dites, ajoutent les pétitionnaires, dites que nous avons +rempli votre vÅ“u, en mettant à prompte exécution votre décret du 2 +juin; ordonnez l'impression de notre adresse, afin de donner le _branle_ +aux autres communes du département; déclarez que nous avons bien mérité +de la patrie, etc.» + +La Convention ne pouvait qu'approuver de pareils sentiments, exprimés +dans un pareil style; aussi le président remercia la députation de +Louveciennes de son patriotisme, et l'invita aux honneurs de la séance. + +De retour à Louveciennes, et forts de l'approbation de la Convention, +les membres de la société populaire arrêtèrent madame du Barry et les +diverses personnes indiquées dans leur pétition, et les conduisirent à +Versailles, pour les faire enfermer dans les prisons de cette ville. +_Goujon_[141] était alors procureur général syndic; il leur reprocha +leur acte comme illégal, leur représenta que les faits sur lesquels ils +basaient leur accusation étaient dénués de preuves, et ordonna de +reconduire les prisonniers à Louveciennes. + +Empêché dans l'exécution de ses desseins, _Greive_ fit alors imprimer un +libelle dont voici le litre: «_l'Égalité controuvée, ou Histoire de la +protection_, contenant les pièces relatives à l'arrestation de madame du +Barry, ancienne maîtresse de Louis XV, pour servir d'exemple aux +patriotes trop ardents qui veulent sauver la République, et aux modérés +qui s'entendent à merveille pour la perdre.» Dans cet écrit, _Greive_ +s'intitule défenseur officieux des braves sans-culottes de Louveciennes +et ami de Franklin et Marat, et n'épargne ni madame du Barry, ni le +comité de sûreté générale, qu'il accuse de faiblesse, ni le département. + +Pendant ce temps, madame du Barry cherchait, par tous les moyens, à +conjurer l'orage qui s'accumulait sur sa tête. Elle adressa à la +Convention des notes explicatives de sa conduite, tandis que la plupart +des habitants de Louveciennes qui ne faisaient pas partie de la société +des sans-culottes présentaient de leur côté plusieurs pétitions en sa +faveur. Elle fit aussi des démarches auprès des administrateurs du +département pour être protégée contre ses ennemis. + +Le directoire du département voyait avec peine l'acharnement que l'on +mettait à perdre cette malheureuse femme, dont le principal crime était +ses richesses. Il envoya auprès d'elle un de ses membres, nommé +_Lavallery_[142]. Celui-ci lui conseilla d'abandonner Louveciennes et de +se retirer à Versailles, où il serait plus aisé de la protéger. Mais +tout ce que madame du Barry avait encore de richesse était enfoui à +Louveciennes, et elle craignait que, pendant son absence et sous le +moindre prétexte, on ne fouillât sa maison, et que l'on ne s'emparât de +ce qui y était caché, et elle ne voulut pas quitter ce séjour. + +_Greive_ cependant ne perdait pas un instant pour arriver à ses fins. Il +reçut du nègre Zamor une foule de renseignements qu'il mit habilement à +profit, et à force de dénonciations réitérées et d'actives démarches, il +obtint enfin du Comité de sûreté générale de la Convention l'ordre +d'arrêter madame du Barry. Muni de cet ordre, il accourt à Louveciennes, +et le dimanche 22 septembre, il se fait accompagner au château par le +maire, le juge de paix et deux gendarmes, fait mettre les scellés sur +tous les meubles, ordonne à madame du Barry de le suivre, la fait placer +entre les deux gendarmes dans une mauvaise voiture de place qu'il avait +fait venir exprès, y monte après elle et l'emmène triomphant à Paris, où +il la dépose dans la prison de Sainte-Pélagie. + +_Greive_ avait remis au Comité de sûreté générale de la Convention les +papiers qu'il pensait devoir le plus compromettre madame du Barry. Un +ami de Marat, _Héron_, fut chargé de les examiner, et, sur son rapport, +le Comité rendit, le 29 brumaire de l'an II (19 novembre 1793), l'arrêté +suivant: + + «CONVENTION NATIONALE. + + »COMITÉ DE SÛRETÉ GÉNÉRALE ET DE SURVEILLANCE DE + LA CONVENTION NATIONALE, + + »_du 29 brumaire, l'an II de la République + française_, + + »UNE ET INDIVISIBLE. + +»Le Comité de sûreté générale, ayant pris connaissance des diverses +pièces trouvées chez la nommée du Barry, mise en état d'arrestation par +mesure de sûreté générale, comme personne suspecte, aux termes du décret +du 17 septembre dernier (vieux style), considérant qu'il résulte de +l'ensemble desdites pièces que la femme du Barry est prévenue +d'émigration et d'avoir, pendant le séjour qu'elle a fait à Londres, +depuis le mois d'octobre 1792 jusqu'au mois de mars dernier (vieux +style), fourni aux émigrés réfugiés à Londres des secours pécuniaires, +et entretenu avec eux des correspondances suspectes; et que les nommés +Wandenyver père et fils, négociants, sont prévenus d'avoir fait passer +des fonds à la femme du Barry pendant qu'elle était en Angleterre; +arrête: que la femme du Barry, prévenue d'émigration, et que les nommés +Wandenyver père et fils, prévenus d'avoir fait passer à ladite dame du +Barry des fonds pendant son séjour a Londres, seront traduits au +tribunal révolutionnaire, pour y être poursuivis et jugés à la diligence +de l'accusateur public. + +»Les représentants du peuple, membres du Comité de sûreté générale de la +Convention nationale, + + »VOULAND, DAVID, VADIER, DUBARRAN, JAGOT, + PANIS, LAVICOMTERIE.» + +Les Wandenyver ne se trouvaient ainsi compromis que parce qu'ils étaient +les banquiers de madame du Barry. Mais pour donner plus d'importance à +ce procès et compromettre davantage ces banquiers, qui faisaient alors +beaucoup d'affaires et étaient chargés des intérêts de plusieurs grandes +familles, le Comité rendit, deux jours après, un nouvel arrêté ainsi +conçu: + + «COMITÉ + + »DE SÛRETÉ GÉNÉRALE ET DE SURVEILLANCE DE LA + CONVENTION NATIONALE, + + »_du_ 1er _frimaire, l'an II de la République_, + + »UNE ET INDIVISIBLE. + +»En faisant droit à la dénonciation faite par le citoyen Héron au +Comité, d'après son mémoire imprimé, rédigé par le martyr de la liberté +(_Marat_), représentant du peuple, dans lequel on y reconnaissait +Wandenyver, ainsi qu'une multitude de complices, pour avoir été les +instruments d'un complot de banqueroute générale, qui aurait perpétué +l'esclavage des Français et sauvé la tête du tyran, entretenu les abus +de la féodalité, qui servaient au déshonneur de la nation française; +considérant que les faits pour lesquels Wandenyver a subi interrogatoire +à notre Comité ne sont qu'une suite de ceux désignés dans le +développement de la banqueroute, en ce qu'il y a coopéré, ainsi qu'au +massacre du peuple, dont il est conjointement accusé avec tous ceux +désignés dans le mémoire; le Comité arrête qu'ils seront traduits au +tribunal révolutionnaire pour y être jugés, et que les pièces françaises +et espagnoles seront jointes au présent arrêté pour servir au procès. + +»Les représentants du peuple, membres du Comité de sûreté générale et de +surveillance de la Convention nationale, + + »MOYSE BAYLE, DAVID, AMAR, JAGOT, + LOUIS (du Bas-Rhin), A. BENOIT, + GUFFROY, LAVICOMTERIE.» + +Dès que l'arrêté qui traduisait madame du Barry et ses co-accusés devant +le tribunal révolutionnaire fut rendu, son procès ne dura pas longtemps. +Le 3 décembre (13 frimaire an II), Fouquier lit à là chambre du conseil +l'acte d'accusation, la chambre en donne acte et ordonne le +transfèrement des prévenus à la Conciergerie. Le 6, ils paraissent +devant le tribunal, et, le 7, ils sont condamnés à mort. + +L'acte d'accusation dressé par Fouquier-Tainville contre cette +malheureuse femme est un chef-d'Å“uvre du genre. Son titre de maîtresse +du roi et ses folles dépenses lui donnèrent beau jeu pour se laisser +aller à toute son indignation d'_honnête homme_ et de _bon patriote_, et +il en usa largement, comme on peut le voir dans toute la partie qui +regarde madame du Barry, qu'on ne lira pas sans curiosité. + +Après avoir annoncé qu'il avait été procédé à l'examen des pièces du +procès et à l'interrogatoire des accusés, il ajoute: + +«Qu'examen fait desdites pièces par l'accusateur public, il en résulte +que les plaies profondes et mortelles qui avaient mis la France à deux +doigts de sa perte avaient été faites à son corps politique bien des +années avant la glorieuse et impérissable révolution qui doit nous faire +réjouir des maux cuisants qui l'ont précédée, puisqu'elle nous a +délivrés pour jamais des monstres barbares et fanatiques qui nous +tenaient enchaînés sur l'héritage de nos pères; que, pour prendre une +idée juste de l'immoralité de l'accusée du Barry, il faut jeter un coup +d'Å“il rapide sur les dernières années, pendant le cours desquelles le +tyran français, Louis quinzième du nom, a scandalisé l'univers, en +donnant la surintendance de ses honteuses débauches à cette célèbre +courtisane; qu'en 1769, ce Sardanapale moderne se trouvant blasé sur +toutes les jouissances qu'il avait poussées à l'excès dans le Parc aux +Cerfs, sérail infâme où le déshonneur d'une infinité de familles +honnêtes fut consommé, s'abandonna lâchement aux vils complaisants qui +l'entouraient pour réveiller ses feux presque éteints; qu'un de ces +odieux complaisants ayant fait la connaissance d'un ci-devant comte du +Barry, noyé de dettes, et le plus crapuleux libertin, eut occasion de +voir chez lui la nommée _Vaubernier_, sa maîtresse, qui n'était passée +dans ses bras qu'après avoir fait un cours de prostitution; que le +ci-devant comte du Barry, à qui tous les moyens étaient bons pour +parvenir à apaiser ses créanciers, proposa à ce complaisant de lui céder +la _Vaubernier_, s'il parvenait à la faire admettre au nombre des +sultanes du crime couronné; que cette créature éhontée lui fut en effet +présentée, et qu'en peu de temps elle parvint, par ses rares talents, à +prendre l'empire le plus absolu sur le faible et débile despote. Bientôt +des fleuves d'or roulèrent à ses pieds; les pierreries les plus +précieuses lui furent données avec profusion; les artistes les plus +célèbres furent occupés aux chefs-d'Å“uvre les plus dispendieux; elle +devint la cause universelle des ci-devant grands; les ministres, les +généraux et les ci-devant princes de l'Église furent nommés et culbutés +par cette nouvelle Aspasie; et tous venaient bassement faire fumer leur +encens à ses genoux; le faste le plus insolent, les dépravations et les +débordements de tout genre furent affichés par elle; le scandale était, +à son comble; elle puisait à pleines mains dans les coffres de la nation +pour enrichir sa famille et combler l'abîme de dettes du ci-devant comte +du Barry, qui avait poussé l'infamie et le déshonneur jusqu'à devenir +son époux. Son imbécile amant ne rougit pas lui-même d'insulter au +peuple, en se plaçant à côté d'elle dans les chars les plus brillants et +la promenant ainsi dans différents lieux; que, pour ne pas _effaroucher +sa pudeur_, l'accusateur public ne soulèvera pas le voile qui doit +couvrir à jamais les vices effroyables de la cour, jusqu'en l'année +1774, époque à laquelle celui à qui des esclaves avaient donné le nom de +Bien-Aimé disparut de dessus la terre, emportant dans ses veines le +poison infect du libertinage, et couvert du mépris des Français; que la +du Barry fut reléguée à Rhetel-Mazarin, et de là à Meaux, dans la +ci-devant abbaye de Pont-aux-Dames; que dans cette retraite salutaire, +elle aurait dû faire les plus sérieuses réflexions sur le néant des +grandeurs et sur les désordres de sa conduite qui avaient entraîné la +ruine de son pays; mais qu'ayant été rendue à la liberté par le dernier +tyran des Français, il lui conserva non-seulement les dépouilles du +peuple, mais encore la combla de nouvelles prodigalités, et lui +abandonna le château de Louveciennes, où elle se forma une nouvelle +cour, à laquelle se présentèrent en foule les vils courtisans qui +avaient profité de sa faveur pour dilapider les finances avec elle; +qu'elle les tint enchaînés à son char jusqu'à l'époque mémorable où le +peuple français, fatigué de ses chaînes, se leva, brisa ces chaînes et +en frappa la tête du despote. Tous les soi-disant grands d'alors, se +voyant prêts à être écrasés par la vengeance nationale, s'enfuirent +épouvantés, abandonnèrent un sol qu'ils avaient souillé depuis trop +longtemps, furent implorer l'assistance des tyrans de l'Europe pour +venir égorger un peuple qui avait eu le courage de conquérir sa liberté; +mais ce peuple saura leur faire mordre la poussière, ainsi qu'à ceux qui +ont épousé leurs projets sanguinaires; que la du Barry ayant vu se +dissiper l'essaim de ses adorateurs, et réduite à régner seulement sur +son nombreux domestique, ne retrancha non-seulement rien de son faste, +mais forma le dessein d'être utile tant aux émigrés qu'au petit nombre +de ses amis qui étaient restés en France, et qui trouvaient chez elle un +asile assuré, notamment _Laroche_, ci-devant grand vicaire d'Agen, +condamné à la peine de mort par jugement du tribunal; que pour procurer +d'une manière certaine des secours aux émigrés, elle se servit d'un +stratagème qui lui donna la facilité de faire quatre voyages à Londres; +qu'elle prétendit avoir éprouvé un vol considérable de diamants et +autres effets, dans la nuit du 10 au 11 janvier 1791, et que les voleurs +étaient passés en Angleterre, où il fallait qu'elle se rendit pour en +poursuivre la restitution; que ce vol n'était qu'un jeu concerté entre +elle et un nommé _Forth_, le plus rusé des espions que le cabinet +britannique ait envoyés en France pour soutenir le parti de la cour et +s'opposer aux progrès de notre révolution; que, pour suivre les auteurs +de ce prétendu vol, elle eut le talent de subtiliser différents +passe-ports, tant du ministère des affaires étrangères que de la +municipalité de Louveciennes et du département de Seine-et-Oise, dont +plusieurs membres la protégeaient ouvertement, et particulièrement le +nommé _Lavalery_[143], qui depuis s'est donné la mort; qu'au moyen de +ces passe-ports clandestins, elle se joua impunément de la loi contre +les émigrés, puisqu'elle était encore à Londres dans les premiers jours +du mois de mars dernier; que pendant les quatre séjours qu'elle fit dans +cette ville, elle vivait habituellement avec tous les émigrés qui s'y +étaient réfugiés, et auxquels elle a prêté des sommes d'argent +considérables, ainsi qu'il sera démontré par la suite; qu'elle avait +également formé les liaisons les plus étroites avec les lords les plus +puissants, tous conseillers intimes du tyran de l'Angleterre, et +particulièrement avec l'infâme Pitt, cet ennemi implacable du genre +humain, pour lequel elle avait un si haut degré d'estime, _qu'elle +rapporta dans la république française une médaille d'argent portant +l'effigie de ce monstre_[144]; qu'elle favorisait également de tout son +pouvoir les ennemis de l'intérieur, auxquels elle prodiguait les trésors +immenses qu'elle possédait; qu'elle fit compter une somme de _deux cent +mille livres_ en constitution de rentes à Rohan-Chabot, qui possède des +terres considérables dans la Vendée, sur l'étendue desquelles s'est +formé le premier noyau des rebelles, selon la commune renommée[145]; que +par l'entremise d'un nommé _d'Escourt_, ci-devant chevalier, elle prêta +une pareille somme de 200,000 livres à la Rochefoucault, ancien évêque +de Rouen[146]; que ce même d'Escourt, détenu à la Force, le nommé +Laboudie, son neveu, et le ci-devant vicomte de Jumilhac, émigré, ont +reçu d'elle des sommes considérables à la même époque; qu'elle +provoquait des rassemblements dans son pavillon de Louveciennes, dont +elle voulait faire un petit château fort, ce qui est suffisamment prouvé +par les _huit fusils_ que son bon ami, le scélérat d'_Angremont_, +escroqua pour elle à la municipalité de Paris, sous le prétexte que +c'était la municipalité de Louveciennes qui demandait ces fusils, ce qui +a été reconnu faux; qu'elle comptait tellement sur la contre-révolution, +à laquelle elle travaillait si puissamment, qu'elle avait fait cacher +dans sa cave sa vaisselle plate et autre argenterie; qu'elle avait fait +enterrer dans son jardin ses diamants, son or, ses pierres précieuses, +avec les titres de noblesse, brevets, etc., de l'émigré _Graillet_[147]; +qu'elle avait également fait enterrer dans les bois les bronzes les plus +riches et les bustes de la royauté; et qu'elle avait dans un grenier un +magasin énorme de marchandises et d'étoffes du plus haut prix, dont elle +avait nié l'existence; qu'il a été trouvé chez elle une collection rare +d'écrits et de gravures contre-révolutionnaires; que lors de son séjour +à Londres, elle a publiquement porté le deuil du tyran; que cette femme, +enfin, qui a fait tout le mal qui était en elle, et dont Forth, le +fameux espion anglais, s'était adroitement servi comme d'un instrument +utile aux desseins perfides des cours des Tuileries et de Londres, +entretenait des correspondances et des liaisons avec les ennemis les +plus cruels de la République, tels que Crussol, de Poix, Canonet, +Calonne, etc., et une foule d'autres, dont il serait trop long de donner +l'énumération; qu'elle était tellement protégée par le parti ministériel +de la Grande-Bretagne, que quand la guerre fut déclarée à cette +puissance, elle resta tranquillement à Londres, tandis que les Français +en étaient chassés ou horriblement persécutés, ce qui ne peut laisser +aucun doute sur le rôle odieux que jouait cette femme, que l'on doit +regarder comme un des plus grands fléaux de la France, et comme un +gouffre épouvantable dans lequel s'est engloutie une quantité effrayante +de millions, etc.» + +Le 8 décembre 1793 (18 frimaire an II), madame du Barry fut conduite au +supplice. + +On sait qu'elle jeta les hauts cris depuis la Conciergerie jusqu'à la +place de la Révolution, où était dressée la guillotine. Elle avait une +telle frayeur de cette horrible mort, qu'arrivée sur l'échafaud elle +cria à la foule qui l'entourait: _A moi! A moi!_ et s'adressant ensuite +au bourreau: _Encore un moment, monsieur, je vous en prie_, lui dit-elle +les larmes aux yeux. Un instant après, elle avait cessé de vivre[148]. + +On a vu, le jour même de l'arrestation de madame du Barry, _Greive_ +faire mettre les scellés sur une partie du mobilier du château de +Louveciennes. Le lendemain, il revint accompagné du juge de paix, son +ami, et ils procédèrent seuls à la continuation de la pose des scellés +et à l'examen des richesses de ce lieu. Jusqu'au 27, Greive fut +parfaitement le maître de faire tout ce que bon lui semblait dans cette +habitation, et l'on verra dans le résumé historique des opérations des +commissaires envoyés par le directoire du département de Seine-et-Oise +que des soupçons sérieux s'élevèrent dans leur esprit sur la probité qui +avait présidé à ce premier travail. + +_Salanave_, l'ancien domestique de madame du Barry, faisait partie du +comité de salut public du district de Versailles. _Greive_, dont presque +tous les membres de ce comité étaient les amis, fit nommer _Salanave_ et +un appelé _Soyer_ commissaires chargés de prendre connaissance des +scellés apposés par le juge de paix de Marly. On pense bien que ces deux +commissaires, en se rendant à Louveciennes le 27, approuvèrent tout ce +qui avait été fait. Ils nommèrent ensuite pour la garde des scellés +_Fournier_, le père du juge de paix, et _Zamor_, ce nègre _si excellent +et si intelligent patriote_[149]. De plus, pour la sûreté des trésors +renfermés, on établit une garde composée de dix-huit patriotes faisant +partie de la société des sans-culottes de Louveciennes. C'était une +fort bonne affaire pour ces patriotes, car on voit dans le résumé +historique dont on a déjà parlé que cette garde, depuis son installation +jusqu'au 13 frimaire, c'est-à -dire en soixante-dix jours, avait déjà +coûté 9,274 livres. + +On n'attendit pas la condamnation de madame du Barry pour fouiller dans +sa maison, et l'on procéda comme si l'on avait été sûr de sa mort. Des +commissaires spéciaux furent désignés pour faire l'inventaire et +l'estimation de tout ce qui s'y trouvait. Outre un précieux mobilier, de +nombreux objets d'art et des bijoux de prix, les commissaires ont +surtout été frappés de la quantité d'objets de toilette, tels que +dentelles, corsets de toutes couleurs, brodés en soie, or et argent; +étoffes de soie et de velours, simples ou brochées d'or et d'argent, +coupées ou en pièces, et en si grand nombre, qu'elles furent estimées à +environ 200,000 mille livres, mises à part et destinées à être vendues à +l'étranger[150]. + +Cependant, malgré les recherches les plus minutieuses, un grand nombre +des cachettes faites par madame du Barry avaient échappé aux regards +scrutateurs des commissaires. Le jour même de sa mort, persuadée que +c'était moins à sa personne qu'à ses richesses qu'on en voulait, et +qu'en faisant connaître exactement les divers endroits où elles étaient +enfouies, elle pourrait sauver sa vie, elle se décida à en faire la +déclaration; ce qui ne la sauva pas, mais fut la cause de la mort de +_Morin_, le seul de ses domestiques resté fidèle. + +Cette déclaration servit beaucoup aux commissaires dans leurs +recherches, comme on le verra dans le résumé historique. Dans le grand +nombre de bijoux indiqués, on en voit quelques-uns qui montrent son +intimité avec le duc de Brissac. Ainsi elle indique dans une des +cachettes «une boîte, montée en cage d'or, avec le portrait de l'épouse +de Brissac;--un portrait de la fille de ce dernier, monté en or;--un +autre de son frère;--une boîte d'écaille blonde montée en or, avec une +très-belle pierre blanche gravée, où est le portrait de Brissac et de la +déclarante;--un portrait en émail de la grand'mère de Brissac;--deux +tasses d'or avec leurs manches de corail, et quelques autres objets +appartenant à Brissac;--une paire d'éperons d'or, avec des chiffres +appartenant à feu Brissac». + +Deux jours après la mort de madame du Barry, Fouquier-Tainville écrivit +au directoire du département de Seine-et-Oise pour lui annoncer le +jugement et faire procéder au séquestre des biens de la condamnée, et le +4 nivôse suivant (24 décembre), le directoire prenait la délibération +suivante: + +«Vu par l'administration la lettre de l'accusateur public près le +tribunal révolutionnaire, du 20 frimaire, qui annonce que la femme du +Barry a été condamnée, par jugement de ce tribunal du 17 du même mois, +à la peine de mort, et que tous ses biens étaient acquis et confisqués +au profit de la nation, il convenait de faire procéder au séquestre des +biens de cette condamnée qui sont situés dans l'étendue du département +de Seine-et-Oise. + +»Vu la lettre adressée le 19 du mois dernier par l'administration +provisoire des domaines nationaux aux administrateurs composant le +directoire du département de Seine-et-Oise, de laquelle il appert que le +glaive de la loi a fait tomber la tête d'une femme qui avait la plus +grande part à la dilapidation de la fortune publique et qui, à ce +premier crime que la nation avait à lui reprocher, a joint celui +d'émigrer et d'avoir des relations avec les ennemis de notre liberté, +qu'il importe que les mesures les plus promptes soient prises pour que +ce qu'elle avait conservé des scandaleuses prodigalités de +l'avant-dernier tyran rentre en entier sous la main de la nation; il +engage donc l'administration, si les scellés ne sont déjà mis dans sa +dernière demeure, à Louveciennes, à les y faire apposer sans délai et à +faire procéder le plus tôt possible à l'inventaire, afin de mettre la +régie en possession des immeubles et d'avoir un moyen de tirer du +mobilier le meilleur parti possible; qu'au surplus l'administration ne +saurait mettre trop de soins dans le choix des gardiens qui y sont ou +qui y seraient établis, ni les faire surveiller avec trop d'exactitude; +que les objets précieux que renferme cette habitation perdraient +beaucoup de leur valeur si l'on n'apportait la plus grande attention à +empêcher qu'ils ne soient dégradés, et qu'il y en a que, vu leur peu de +volume, il serait facile de soustraire. Il invite l'administration à le +tenir au courant de ce qu'elle fera pour remplir le vÅ“u de cette lettre +et pour que la République ne perde rien de ce qu'elle doit retrouver +dans cette importante confiscation; + +»L'administration, considérant que les scellés ont été apposés chez +ladite femme, à Louveciennes, et l'inventaire fait dès le mois de +février dernier, arrête qu'en attendant la vente des immeubles ayant +ci-devant appartenu à la femme du Barry, à laquelle il sera procédé le +plus tôt possible, il sera à la poursuite et diligence du directoire du +district de Versailles, également procédé à la vente de tous les effets +mobiliers provenant de cette femme; + +»Invite en outre le directoire du district de Versailles à exercer la +surveillance la plus active sur les gardiens qui sont déjà établis dans +la maison qu'occupait cette femme, ou qui leur seront substitués, pour +prévenir la dégradation des objets précieux qui s'y trouvent et la +spoliation de ceux que leur peu de volume rend faciles à soustraire, +_comme aussi à constater les effets qui ont pu être distraits du +mobilier de cette femme, pour en assurer le recouvrement_. + +»Arrête aussi que le directeur de la régie nationale sera tenu de +prendre, conjointement avec le directoire du district de Versailles, les +mesures convenables pour opérer le séquestre des biens de cette femme, +et que, dès à présent, l'administration lui en sera confiée pour la +conservation des droits tant de ses créanciers que de la +République[151].» + +Par suite de cette délibération, le district de Versailles donna de +nouveaux pouvoirs à la commission qu'elle avait chargée dès le 29 +frimaire de procéder à l'inventaire et à la constatation des objets +mobiliers, d'art, etc., de toute nature du château de Louveciennes. + +Cette commission s'était déjà transportée à Louveciennes, et elle +procéda consciencieusement à ce travail long et difficile. On voit, dans +les nombreux procès-verbaux particuliers adressés par elle au district +de Versailles[152], combien elle eut de peine et souvent de luttes à +soutenir avec ceux jusqu'alors chargés de ce travail, pour y établir +l'ordre et la clarté et remplir le mandat qui lui avait été confié. + +Lorsqu'elle crut sa mission terminée, elle adressa au directoire du +district de Versailles les divers procès-verbaux des opérations dont +chacun de ses membres en particulier avait été chargé. Les +procès-verbaux étaient accompagnés d'un résumé historique du travail +général de la commission. Ce résumé raconte tout ce qui s'est passé à +Louveciennes depuis la mort de madame du Barry jusqu'au moment de la +vente de ses effets; il est, par conséquent, le complément de ce récit. + + +RÉSUMÉ HISTORIQUE + +DES OPÉRATIONS DES COMMISSAIRES DE LOUVECIENNES. + +«La du Barry, condamnée à mort par le tribunal révolutionnaire de Paris, +le 18 frimaire, a fait le même jour la déclaration des lieux où elle +avait caché différents objets précieux, et des personnes à qui elle les +avait confiés. + +»En conséquence, les commissaires, à leur arrivée à Louveciennes, le 21 +frimaire, se sont occupés d'abord des moyens de parvenir à la découverte +des objets déclarés.--Le moyen qui devait être le plus fructueux était +de faire traduire à Louveciennes Morin[153], valet de chambre de la du +Barry et son homme de confiance; aussi les commissaires ont écrit à +l'accusateur public, et lui ont même envoyé un exprès. + +»Avant que de procéder à aucune recherche, ils ont interrogé pendant +plusieurs jours ceux des domestiques de la du Barry qui n'avaient pas +été arrêtés avec cette femme. D'après les dépositions qu'ils ont reçues, +ils n'ont trouvé de coupables que le nommé Déliant, frotteur, et +particulièrement la femme Déliant, dénommée dans la déclaration de la +du Barry, comme dépositaire de deux boîtes renfermant des bijoux, +diamants et autres effets précieux. + +»La fausseté qui avait dicté les réponses de la femme Déliant a engagé +la commission à la mettre en arrestation chez elle, avec son mari, et à +leur donner deux gardes choisis par la municipalité du lieu. + +»Le nommé Déliant, frotteur, a prouvé par ses déclarations moins de +mauvaise foi que sa femme. Cet homme, moribond depuis longtemps, a paru +avoir peu de connaissance des dépôts confiés à cette dernière, et depuis +huit jours il est mort à l'infirmerie de Versailles, où la commission +l'avait fait transporter. + +»La femme Déliant, lors de son premier interrogatoire, le 22 frimaire, +avait simplement déclaré que la du Barry, cinq ou six jours avant son +arrestation, lui avait mis dans son tablier plusieurs paquets enveloppés +de papier; que le même jour, d'après les ordres de sa maîtresse, elle +les avait cachés dans un fumier contre la melonnière; mais la suite +prouvera la fausseté de cette déclaration. + +»Le 24 frimaire, jour de l'arrivée de Morin, la femme Déliant, voulant +prévenir les perquisitions que les commissaires se disposaient à faire +chez elle, avait, le même jour, demandé à leur parler; mais les +commissaires étant, dans ce moment-là , occupés à faire fouiller le +jardin de Morin, le citoyen Greive, commissaire du Comité de sûreté +générale de la Convention, s'est rendu chez ladite Déliant. Cette femme +lui a remis cent quatre-vingt-treize louis simples en or, à elle confiés +par la du Barry quelque temps avant son dernier voyage en Angleterre. + +»Le 16 frimaire, les commissaires ont interrogé ladite Déliant. Il +résulte de sa déclaration que la du Barry, à l'époque de son dernier +voyage en Angleterre, lui avait remis trois coffres renfermant beaucoup +d'objets précieux, pour les mettre soi-disant plus en sûreté et à l'abri +d'être volés; que le lendemain de l'arrestation de la du Barry, ladite +Déliant les avait déposés dans la maison de la veuve Aubert, sa mère, où +ils sont restés environ douze jours; que les perquisitions exercées dans +la maison de la du Barry et dépendances lui donnant à craindre qu'on ne +trouvât chez sa mère les coffres y déposés, elle avait, la veille de son +arrestation et de son incarcération aux Récollets[154], ouvert les trois +coffres, avait vidé les objets y contenus, les avait mis dans son +tablier et cachés le même soir dans un fumier contre la melonnière, à +l'exception de quatre rouleaux de louis simples, d'un gobelet d'or avec +son couvercle, d'une bourse pleine de jetons d'argent et de quelques +flacons; que sa mère avait jeté le lendemain dans la pièce d'eau du +Grand Jet de Marly ces derniers objets, à l'exception cependant de +quatre rouleaux de louis, qu'elle avait gardés pour elle sans en donner +connaissance à son mari. + +»Les 24 et 26 frimaire, les commissaires ont interrogé Morin. Mais avant +de rendre compte des découvertes qu'ils ont faites sur ses indications, +il est nécessaire de suivre la conduite de la femme Déliant. + +»Le même jour de l'interrogatoire de cette dernière, il a été déposé +entre les mains des commissaires, par Agathe Gournay et la femme +Borgard, une montre enrichie de diamants, trouvée par elles, il y avait +six semaines, dans une pièce d'eau du jardin de Marly; et par Jacques +Richard, fontainier, deux flacons de cristal de roche, sans bouchons ni +sans garnitures, et trouvés dans la même pièce. + +»La femme Déliant avait été présente au dépôt de la montre dont est +question, et cet acte de probité, peu conforme à son caractère fourbe et +à sa conduite plus que suspecte, la faisant regarder elle-même comme +très-coupable à ses propres yeux, cette femme, sous prétexte de +satisfaire des besoins naturels, a surpris la surveillance de ses gardes +et s'est coupé la gorge avec un rasoir. + +»Les commissaires ont fait dresser par le juge de paix procès-verbal de +cet événement, qui n'a pas eu de suites funestes, au moyen des soins du +chirurgien appelé alors. + +»Dans le même moment, le mari de ladite Déliant, alité depuis +longtemps, ayant déclaré que sa femme avait jeté quelque chose par la +fenêtre, l'on a trouvé dans une gouttière, au-dessous du charbonnier, +sous la fenêtre de la chambre desdits Déliant, quatre boîtes, dont une +d'or enrichie de diamants, une autre aussi d'or; lesdites renfermées +dans un sac à poudre, jetées comme il est dit par ladite femme Déliant, +quoique cette dernière n'ait jamais voulu en convenir. + +»Les commissaires ont séparé ladite Déliant de son mari, lui ont donné +deux gardes pendant deux jours, au bout desquels ils l'ont fait +transférer à l'infirmerie de Versailles, où elle est encore. + +»Les bijoux, diamants et autres effets précieux, cachés dans le fumier +par ladite femme Déliant, y ont été trouvés par le citoyen Greive deux +mois et demi après l'arrestation de la du Barry; mais comme _on n'a +jamais eu l'état désignatif et la connaissance positive des objets que +renfermaient les trois boîtes, il reste incertain si tous ont été +trouvés_. + +»_Sans vouloir rien préjuger sur la conduite que l'on a tenue_, le 11 +frimaire, _lors de cette découverte_, les commissaires ignorent s'il y a +eu un procès-verbal dressé au moment même, mais il ne leur a été remis +d'autre procès-verbal que celui de reconnaissance, fait le 13 frimaire, +par Houdon, juge de paix actuel de Louveciennes, _c'est-à -dire deux +jours et demi après la découverte_, le juge de paix n'ayant été appelé +qu'à cette époque. + +»Quant aux objets jetés dans les pièces d'eau du jardin de Marly par la +mère de la femme Déliant, on a trouvé seulement la montre déposée par +Agathe Gournay et la femme Borgard, les deux flacons remis par Richard, +deux autres flacons trouvés par les commissaires lors de leurs +perquisitions dans la pièce d'eau du Grand Jet de Marly, un flacon remis +au moment même par Joséphine Lochard. Il reste conséquemment à recouvrer +le gobelet et le couvercle en or, provenant d'un plateau de toilette, et +la bourse pleine de jetons d'argent. + +»Après être entrés dans les détails des déclarations toujours tardives, +toujours partielles de la femme Déliant, de la nature des dépôts +précieux qui lui ont été confiés par la du Barry, de l'usage +inconcevable qu'elle en a fait, des événements tragiques qui ont suivi +sa conduite, les commissaires rendent compte du résultat de Morin, valet +de chambre et agent secret de la du Barry. + +»Les perquisitions les plus amples avaient été faites dans le jardin de +ce prévenu, et toujours infructueusement. Cet homme allait être jugé, +exécuté, emportant avec lui la connaissance des différents dépôts, si +les commissaires n'eussent pas écrit à l'accusateur public, ne lui +eussent pas envoyé un exprès au moment où Morin allait subir la peine +due à ses crimes. + +»Les 24 et 26 frimaire, les commissaires ont interrogé ce prévenu: +d'après ses déclarations, et sur ses indications, ils ont trouvé cachés +derrière des bois de charpente placés contre un mur du jardin de Morin +une douzaine de cuillers d'or à café; dans le grenier au-dessus de la +cuisine de sa maison, une croix d'argent, un calice et une patène +d'argent; une boîte à quadrille, la boîte, les fiches et contrats en +ivoire, incrustés en or; dans le jardin de Morin, et enterrés en divers +endroits sous des arbres hors de monter, et près la grille, deux boîtes +de sapin renfermant savoir: + + Argent blanc 7,203 liv. + 40 doubles louis 1,920 + Un louis en or 24 + 2 guinées et une demi-guinée 36 + ---------- + Total 9,183 liv. + +»En outre, 99 jetons d'argent et un globe d'argent-vermeil. + +»D'après la déclaration de la du Barry, on aurait dû trouver douze sacs +de 1,200 livres environ, et différents objets précieux. Cependant +lesdites boîtes ne renfermaient que cinq sacs, les louis, les guinées en +or et le gobelet d'argent-vermeil. + +»Il est à croire que Morin en a détourné une partie; l'espérance qu'il +avait d'être acquitté l'a sans doute engagé à ne pas déclarer les dépôts +qu'il avait faits pour le compte de sa maîtresse et pour son propre +compte, et il serait nécessaire de faire fouiller son jardin en entier. + +»Les commissaires ont aussi trouvé dans la chambre de Morin, et sur ses +indications, une râpe à muscade en argent, dans un étui d'argent; un +paquet intitulé _Graines de panais_, contenant dix-sept aunes de galon +d'argent à livrée, et quelques autres objets. + +»Les perquisitions antérieures faites par le citoyen Greive avaient +procuré la découverte de 393 livres en argent blanc, d'un billet qui +prouvait que Morin était chargé de faire passer cette somme à l'abbé de +Fontenille, poste restante, à Coblentz. Cette somme existe encore dans +la chambre de Morin, et les commissaires du district chargés de faire +l'inventaire en rendront compte en tant que de besoin. + +»Les commissaires ont fait ce qui dépendait d'eux pour tirer de Morin +tous les aveux qui pouvaient aider leurs découvertes; mais cet homme n'a +déclaré que les dépôts trouvés antérieurement, et il est hors de doute +qu'il avait la connaissance de plusieurs autres, dans le cas où sa +conduite contre-révolutionnaire n'aurait pas été dévoilée et punie. + +»L'objet principal de la mission des commissaires était de faire des +recherches. Quoique le citoyen Greive eût découvert une grande partie +des objets déclarés et non déclarés par la du Barry, il restait encore +des recherches à faire, et les commissaires n'ont rien négligé pour les +rendre heureuses. + +»A cet effet, ils ont renouvelé dans plusieurs endroits les +perquisitions les plus exactes. Ils ont fait fouiller deux fois dans le +jardin de Morin, et deux jours de suite dans la cave commune de la +maison de la du Barry; mais ces nouvelles fouilles n'ont produit aucune +découverte, et quoique que l'on soit bien persuadé qu'il existe encore +des dépôts cachés, il faudrait avoir, pour les trouver, des indices +particuliers, les terrains environnant la maison de la du Barry étant +trop spacieux pour qu'on puisse hasarder de nouvelles fouilles, +dispendieuses d'ailleurs et d'un succès incertain. + +»D'après l'arrêté du comité de salut public et les instructions du +ministre, les commissaires devaient remettre à la Trésorerie nationale +les assignats, espèces monnayées, et aux domaines tout ce qui +consisterait en bijoux, diamants et autres objets précieux. + +»Pour remplir une partie de leur mission, il ne suffisait pas de faire +un simple inventaire de ces objets, il fallait en faire le récolement +exact, pour opérer la décharge des commissaires et gardiens +responsables. + +»A cet effet, les commissaires ont procédé au dépouillement de tous les +procès-verbaux de l'ancien et du nouveau juge de paix, dressés sur la +réquisition du citoyen Greive, commissaire du comité de sûreté générale +de la Convention, en présence des officiers municipaux de Louveciennes. +Ils ont fermé l'état désignatif de tous les objets y mentionnés par +nature et espèce, en distinguant par ordre l'argenterie, les effets en +or, etc. + +»Ce relevé, nécessaire pour assurer la justesse de toutes +vérifications, a demandé un temps très-long, à raison de la lecture +qu'il a fallu prendre de tous les procès-verbaux, et de ce que chaque +objet se trouvait mentionné isolément dans un procès-verbal et dans un +autre. + +»Les commissaires ont d'abord procédé à la reconnaissance d'une somme de +37,986 livres en numéraire, trouvée chez la du Barry. Cette somme, +jointe à celle de 13,815 liv. découverte par la commission, forme celle +de 51,801 liv. remise par elle à la Trésorerie nationale. + +»Il avait été trouvé, en outre, dans la commode de la chambre à coucher +de la du Barry, une somme de 3,443 liv. en assignats; mais cette somme a +été mise par les citoyens Lacroix et Musset, représentants du peuple à +Versailles, à la disposition du citoyen Greive, pour subvenir aux +dépenses du moment, et il reste encore une somme de 29 liv. en +assignats, et 7 liv. en argent monnayé. + +»Les commissaires observent qu'il a été déposé entre leurs mains, le 27 +nivôse, par le citoyen Fournier, ancien juge de paix, à l'appui d'un +procès-verbal de découverte, chez la femme Couture, une somme de 1,200 +liv., savoir: 400 liv., dont 200 liv. démonétisées appartenant à Morin, +et 800 livr. au nommé Pétry, coiffeur, détenu à Paris. Les commissaires +du district chargés de faire l'inventaire rendront compte de ces sommes +et des autres en tant que de besoin. + +»Les commissaires, en suivant l'ordre de leur relevé sur les +procès-verbaux remis entre leurs mains, ont fait, en présence du citoyen +Greive, du juge de paix et du maire de Louveciennes, le récolement et la +reconnaissance de l'argenterie, des effets en or, cristaux, bijoux, +diamants et autres objets précieux, mis sous les scellés dans la chambre +à coucher de la du Barry, nº 4. Ils ont rédigé procès-verbal de chaque +opération, et en ont donné copie au citoyen Greive et à la municipalité +du lieu. + +»Cette vérification leur a demandé un temps très-long, attendu que +beaucoup de ces objets n'avaient pas été désignés suivant leur nature et +espèce, et suivant les termes techniques qui leur convenaient. +_Peut-être que le plaisir d'avoir fait les découvertes, la précipitation +avec laquelle on a procédé à leur inventaire, ont fait négliger les +formalités de la rédaction et l'exactitude dans la prescription et +reconnaissance des objets; mais en général les commissaires ont aperçu +un défaut d'ordre, et ils ne peuvent mieux le prouver que par le grand +nombre d'effets qu'ils ont reconnus n'avoir pas été inventoriés._ Le +désordre ne porte pas seulement sur les objets découverts, mais sur tous +ceux en évidence dans la maison. Ces objets sont épars et en confusion. + +»_Les commissaires ont trouvé, dans différents endroits de la maison, +plusieurs étuis de chagrin et galuchat, qui renfermaient sans doute des +effets précieux et qui, cependant, ne font pas partie de ceux +inventoriés et reconnus._ Les commissaires ont vu, entre autres étuis, +celui dans lequel devait se trouver une paire de boucles de souliers en +or, garnies de perles, dont l'existence antérieure est prouvée par la +déclaration même de la du Barry. _Tous ces étuis ont été trouvés vides._ +Les commissaires ignorent si les objets qu'ils contenaient existaient au +moment de l'arrestation de cette femme, ou si elle n'en aurait pas +disposé elle-même, d'une manière ou d'une autre. + +»Les commissaires ont remis successivement à l'administration des +domaines l'argenterie, les bijoux, diamants, effets en or, et +généralement tous les objets provenant soit de leurs découvertes +personnelles, soit des découvertes faites avant eux par le citoyen +Greive, commissaire de sûreté du comité général de la Convention. Ils +invitent à en acquérir la preuve par l'examen de l'état ci-joint, dont +les objets y mentionnés portent le numéro correspondant à celui des +objets désignés dans les procès-verbaux et récépissés de remise aux +domaines. Ils joignent aussi au présent résumé historique d'opérations +l'état de comparaison des objets déclarés par la du Barry et trouvés, +avec ceux qui restent à découvrir. + +»Jusque-là les commissaires avaient rempli l'objet intrinsèque de leur +mission. Mais la nature même de leurs fonctions les a entraînés dans une +quantité de détails dont ils devaient prendre connaissance, autant parce +qu'ils se sont trouvés liés à leurs fonctions que parce que le besoin de +se mettre à l'abri de tous reproches leur recommandait de faire tout ce +qui intéressait le bien public. + +»Des mesures de sûreté générale, relatives à la conservation des dépôts +précieux, existant dans la maison de la du Barry, avaient exigé la +surveillance d'une garde assez nombreuse; mais l'enlèvement successif de +ces dépôts demandait une économie dans cette dépense. En conséquence, +les commissaires ont réduit, le 6 pluviôse, la garde à six hommes, au +lieu de dix-huit. Cette garde, depuis le 2 vendémiaire, jour de son +établissement par le citoyen Greive, jusqu'au 13 frimaire, avait été +payée sur des fonds mis à la disposition du citoyen Greive, savoir: +3,143 liv. par les citoyens Lacroix et Musset, représentants du peuple à +Versailles, et 3,000 liv. par Voulant et Jajot; mais le citoyen Greive +n'avait plus de fonds disponibles. Il est dû encore à la garde la somme +de 3,151 liv., et les commissaires en ont envoyé l'état à +l'administration du district de Versailles. + +»Le besoin de rétablir l'ordre dans la maison de la du Barry devait +fixer, la sollicitude des commissaires. Ce soin paraissait cependant +devoir appartenir plus particulièrement au citoyen Greive, qui depuis +longtemps habitait la maison de la du Barry, connaissait les causes de +la dépense, et l'avait mise ou laissée sur le pied où les commissaires +l'ont trouvée.--_Mais le citoyen Greive, trop occupé sans doute de +l'exécution des grandes mesures de sûreté générale, dont il annonçait +être chargé par sa qualité même, n'avait pas le temps d'entrer dans les +petits détails._ Les commissaires ont cru devoir prendre sur eux de +faire la réforme commandée par l'économie, en attendant d'ailleurs la +solution de plusieurs questions dont la nature les attachait encore à +leur place. + +»Jusque-là différentes circonstances, dont il sera parlé ci-après, +avaient occasionné une dépense assez considérable de bouche et de +chauffage; mais les circonstances n'étant plus les mêmes, les +commissaires ont jugé devoir rompre le cours de cette dépense. A cet +effet, ils ont arrêté les mémoires du boulanger, du boucher et des +autres fournisseurs de la maison. Ils ont envoyé à l'administration du +district de Versailles le bordereau de cette dépense, montant à la somme +de 2,749 fr. + +»Cette dépense, dont le citoyen Greive peut rendre compte mieux que +personne des causes qui l'ont déterminée, a été plus considérable +pendant le cours de sa mission. En général, cette dépense a été faite +par les différents commissaires qui se sont succédé, par le juge de +paix, son greffier, par les officiers municipaux, dans un temps où le +secret des opérations demandait leur permanence continuelle, par les +personnes que le citoyen Greive a employées à auner les étoffes, à peser +les matières d'or et d'argent, par les prévenus traduits devant la +commission, par les gendarmes, huissiers qui les ont accompagnés, enfin +par toutes les personnes dont la présence a été reconnue nécessaire. + +»Les fonctions des commissaires ont acquis, par l'effet des +circonstances, une plus grande latitude. Ils ont appris, par exemple, +qu'il existait à Paris, dans la maison de Brissac, un coffre de fer +caché entre deux boiseries. A cet effet, ils sont allés plusieurs fois à +Paris pour se concerter avec le ministre sur les moyens à employer pour +sa découverte. Le ministre a écrit lui-même au comité de surveillance de +la Fontaine de Grenelle, pour l'inviter à nommer deux membres pour +seconder les commissaires dans leurs recherches. Le citoyen Villette +s'est présenté lui-même au comité de cette section, à celui de sûreté +générale; mais les formalités à remplir pour la levée des scellés chez +Brissac ont arrêté sans doute l'usage de toutes mesures, et le coffre de +fer reste encore à découvrir, ou, s'il a été découvert, la commission +l'ignore. + +»Les commissaires ont aussi, sur la réquisition des citoyens Lacroix et +Musset, représentants du peuple à Versailles, fait l'inventaire du vieux +linge existant dans la maison de la du Barry, et l'ont envoyé à +l'hôpital militaire de Saint-Cyr. + +»Ces différentes démarches et opérations ont occupé les commissaires en +attendant la réponse à plusieurs questions de la solution desquelles +dépendait la continuation ou la cessation de leurs fonctions. + +»Une de ces questions était de connaître la manière dont on disposerait +des étoffes précieuses existant dans la maison de la du Barry. Une +grande partie de ces étoffes, dont la valeur peut s'élever à 200,000 +livres, ne pouvait être vendue qu'à l'étranger. Le ministre, sur les +observations des commissaires, avait écrit au comité de salut public: +depuis peu, ce comité a chargé l'administration des subsistances d'en +faire l'inventaire, et dans ce moment ce travail occupe les +commissaires. + +»Le rétablissement de l'ordre, des précautions de tout genre, le besoin +d'éviter même des dilapidations, le besoin de liquider la succession de +la du Barry pour payer les créanciers, toutes ces considérations ont +engagé les commissaires à demander qu'il soit procédé promptement à +l'inventaire du mobilier de la du Barry, et, depuis le 20 pluviôse, les +citoyens Delcros et Lequoy ont été nommés à cet effet par +l'administration du district de Versailles. + +»En conséquence, les pouvoirs du citoyen Villette, seul commissaire du +pouvoir exécutif à Louveciennes, doivent cesser lorsqu'il aura fini, +conjointement avec le commissaire des subsistances et ceux du district, +l'inventaire des étoffes dont il est spécialement chargé par le +ministre. + +»Voici la manière dont les membres composant la commission de +Louveciennes ont cru devoir rendre compte de leur mission, chacun pour +les opérations auxquelles ils ont été présents, nonobstant les pièces +qu'ils joignent à l'appui de leur compte, certifiant le tout sincère et +véritable. + +»Signé à la minute: Huvé, Villette, Delcros, Houdon, Bicault et Lequoy, +secrétaire[155].» + +Outre la commission générale, deux autres devaient s'entendre avec elle, +l'une, pour faire passer immédiatement à Versailles tout ce qui pourrait +être employé par l'État, l'autre, pour envoyer aussi dans cette ville +les objets d'art, afin de les ajouter à ceux déjà très-nombreux +provenant des maisons du roi et des princes, que l'on réunissait dans le +palais. + +La première de ces commissions fit passer au district, en fer, cuivre, +linge, literie, harnais, sucre et eau-de-vie, pour la somme de 128,089 +fr. Le linge, la literie, le sucre et l'eau-de-vie furent envoyés à la +maison de Saint-Cyr, transformée en hôpital militaire. Le reste fut +déposé dans les magasins de l'État. + +La commission des arts fit choix des objets qui lui parurent dignes +d'être conservés. Comme la plupart de ces Å“uvres d'art sont aujourd'hui +dans les musées et dans les palais impériaux, il n'est pas sans intérêt +d'en faire connaître l'origine, en donnant la liste dressée alors par la +commission. Ces objets sont au nombre de cinquante-cinq. + +1º Deux tableaux de Vien; + +2º Une gaîne avec chapiteau et base de granit d'Italie; + +3º Une Vénus Callipyge (petite proportion); + +4º Un Apollon du Belvédère; + +5º Thésée enlevant Hermione; + +6º Une Vestale entretenant le feu sacré, suivie par deux enfants; + +7º Un groupe représentant Louis XV porté par quatre guerriers; + +8º Un petit buste de Louis XV; + +9º Un feu en bronze doré, cerf, sanglier et attributs de chasse; + +10º Un tableau représentant une marine, par Vernet, de huit pieds de +haut sur cinq de large. + +11º Un autre tableau de même dimension, représentant une ruine, par +Robert; + +12º Quatre dessus de porte, par Fragonard; + +13º Une Nymphe en marbre, fuyant, et un Amour la menaçant; + +14º Une Baigneuse, de Falconnet; + +15º Le buste de Louis XV, en marbre, par Pajou; + +16º Une pendule représentant l'Amour porté par les Grâces, en bronze +doré d'or moulu; + +17º Deux vases de porcelaine de Sèvres, fond azur; + +18º Deux vases de porcelaine, forme étrusque; + +19º Un baromètre et thermomètre avec cartouches et figures de +porcelaine; + +20º Deux vases en marbre blanc et porphyre; + +21º Deux feux dorés d'or moulu, les plus riches; + +22º Deux figures en marbre blanc, proportion de deux pieds; + +23º Deux candélabres à trois branches, représentant deux femmes +groupées; + +24º Deux autres, en forme de bouteille; + +25º Un feu doré, en forme de vase; + +26º Une table en porcelaine de Sèvres, les peintures d'après Vanloo; + +27º Un vase de porphyre; + +28º Un feu en forme de cassolettes et pommes de pin; + +29º Trois chandeliers à trois branches, en cassolettes; + +30º Le buste de la du Barry, par Pajou, sur sa gaîne; + +31º Partie d'un _forte-piano_; + +32º Deux grands vases de porphyre; + +33º Une harpe dans sa robe de taffetas noir; + +34º Un tableau représentant la Fuite de l'Amour; + +35º La Marchande d'Amours, par Vien; + +36º La Cruche cassée, par Greuze; + +37º Jupiter et Antiope; + +38º Une pastorale, par Boucher, de trente-six pouces de haut sur +vingt-huit de large; + +39º Un paysage, de Visnose; + +40º Une bordure ovale de trois pieds de haut, richement sculptée et +dorée; + +41º Une autre de deux pieds de haut; + +42º Une commode de vieux laque; + +43º Une autre plaquée, en porcelaine de Sèvres, à sujets et figures +très-jolis; + +44º Un tableau représentant la Visitation d'Élisabeth; + +45º Un autre représentant la Vierge et l'Enfant Jésus; + +46º Un autre, non fini, représentant la du Barry en Bacchante; + +47º Un pastel: un Enfant jouant du tambour de basque, d'après Drouet; + +48º Un Enfant jouant du triangle, d'après Drouet; + +49º Un tableau représentant un enfant tenant une pomme, peint par +Drouet, de vingt pouces de haut sur dix-huit de large; + +50º Un tableau: une Femme en lévite blanche; + +51º Un autre: Louis XV en habit de revue; + +52º Un autre: Louis XV enfant; + +53º Une gravure enluminée représentant un paysage; + +54º Une estampe représentant la femme Lebrun; + +55º Un tableau peint sur toile, par Robert, représentant une esquisse de +la messe, de quatorze pouces de haut sur seize de large. + +Après les travaux particuliers des diverses commissions, la commission +générale fit un relevé de tous les procès-verbaux d'inventaires, +enlèvements, reconnaissances et ventes du mobilier ayant eu lieu +successivement sous sa direction; elle y ajouta les récépissés de dépôt +des différents objets extraits, de la maison de madame du Barry, et elle +envoya cet immense travail au district de Versailles pour le faire +passer au directoire du département de Seine-et-Oise. Ce travail, avec +toutes les pièces à l'appui, forme aujourd'hui la plus grande partie des +papiers renfermés aux archives de la préfecture de Seine-et-Oise, sous +le nom de _madame du Barry_. + + Le relevé général est terminé par le bordereau du + montant des seuls objets vendus et estimés, lequel s'élève + à 707,251 l. 15 s. + + Les bijoux, diamants, cristaux, etc., + dont le prix n'est pas porté, sont + évalués au même inventaire 400,000 » + + Les matières d'or, 89 marcs, 6 onces, + peuvent être appréciées au moins 60,000 l. » s. + + Celles d'argent, 1,449 marcs, à 45 + livres le marc 65,205 » + + Celles de vermeil, 84 marcs, à + 50 livres 4,200 » + + Galons et franges d'or, 34 marcs 2,700 » + + Galons d'argent et brûlé, 121 marcs 3,600 » + + Cuivre, fer, plomb et étain 4,000 » + ------------------ + Total général de l'appréciation des + effets mobiliers confisqués chez + madame du Barry 1,246,956 l. 15 s.[156] + +Quand madame du Barry fut arrêtée, elle avait encore un grand nombre de +dettes, et la municipalité de Louveciennes ne tarda pas à être accablée +de mémoires de tous les créanciers. Tous ces mémoires, visés par elle, +furent envoyés au district. Il résulte de leur relevé général qu'ils +s'élevaient à la somme de 956,124 liv. 13 s. 4 d.--La vérification de +ces mémoires fut renvoyée à une commission chargée de mettre la plus +grande sévérité dans l'examen de ces dettes. Le gouvernement d'alors dut +être satisfait de l'habileté des commissaires, car les mémoires ont été +si bien examinés et contrôlés, que presque aucun des créanciers n'a été +payé. + +Les parents de madame du Barry, auxquels on a vu qu'elle avait fait des +pensions viagères, réclamèrent aussi la continuation de leurs pensions; +mais on les supprima toutes, à l'exception de celle de Rançon, le mari +de la mère de madame du Barry, qui vint se retirer à Versailles, et y +mourut le 25 octobre 1801. + +La propriété de Louveciennes avait été vendue le 20 thermidor an III (7 +août 1795)[157], et le comte Guillaume, qui s'était remarié[158], était +mort à Toulouse, le 2 août 1811, à l'âge de 79 ans. Tout avait disparu. +Il ne restait plus, comme souvenir du nom de _du Barry_, que la honte +jetée par lui sur les dernières années du règne de Louis XV. Mais à ce +souvenir, cependant, venait se mêler celui des souffrances supportées +par cette malheureuse femme dans les derniers temps de sa vie, et l'on +se prenait de pitié quand on considérait par quelle horrible mort elle +avait expié ses quelques années de bonheur! + +Ce nom devait recevoir encore une nouvelle humiliation, et il devait la +recevoir de ses propres parents, de ses héritiers. + +Dans l'acte de mariage de madame du Barry, elle y était dite fille du +sieur _Jean-Jacques Gomard de Vaubernier_, intéressé dans les affaires +du roi. Aussitôt le retour en France, en 1814, du roi Louis XVIII, les +héritiers _Gomard_ firent de nombreuses démarches auprès des ministres +pour être remis en possession des objets ayant appartenu à madame du +Barry, et existant dans les établissements publics. Ils se fondaient, +pour appuyer leur demande, sur l'acte de naissance[159] de madame du +Barry, annexé à celui de célébration de son mariage à la paroisse de +Saint-Laurent, ainsi conçu: + +«Extrait des registres de baptême de la paroisse de Vaucouleurs, diocèse +de Touls, pour l'année mil sept cent quarante-_six_. + +»Jeanne, fille de _Jean-Jacques Gomard de Vaubernier_ et _d'Anne Bécu_, +dite _Quantigny_, est née le dix-neuf août mil sept cent quarante-six, a +été baptisée le même jour, a eu pour parrain Joseph _de Mange_ et pour +marraine Jeanne _de Birabin_, qui ont signé avec moi: + +»L. Gaon, vicaire de Vaucouleurs; Joseph de Mange et Jeanne de Birabin. + +»Je soussigné, prêtre-curé de la paroisse et ville de Vaucouleurs, +diocèse de Touls, certifie à qui il appartient, vu le présent extrait +conforme à l'original. + +»A Vaucouleurs, ce quatre juillet mil sept cent cinquante-neuf. + +»L.-P. Dubois. + +»Nous, Claude-François Duparge, licencié ès loix, conseiller du roi, +commissaire enquesteur-examinateur en la ville et prévôté de +Vaucouleurs, faisant les fonctions de M. le président Prevost, absent, +certifions que les écriture et signature ci-dessus sont du sieur Dubois, +curé de Vaucouleurs, et que foy y est et doit y être ajoutée. En +témoignage de quoi nous avons signé les présentes et scellé de notre +cachet.--A Vaucouleurs, ce quatre juillet mil sept cent cinquante-neuf: + +»Signé, Duparge, avec paraphe. Approuvé l'écriture, Duparge[160].» + +Après beaucoup de démarches infructueuses, et après avoir présenté au +ministre des finances un acte de notoriété constatant que le sieur +_Philbert Gomard_, frère de _Gomard de Vaubernier_, père de madame du +Barry, étant le plus proche parent de la comtesse à l'heure de sa mort, +était son héritier, le même acte établissant leur filiation comme +héritiers directs du sieur _Philbert Gomard_, le ministre les autorisa à +faire retirer de la préfecture de Seine-et-Oise les papiers de madame du +Barry, déposés aux archives lors du séquestre mis sur ses biens en 1793. +Ces papiers devaient servir à les diriger dans les réclamations qu'ils +faisaient au gouvernement. L'inventaire des papiers ainsi donnés un peu +légèrement montre combien de documents intéressants ont été perdus pour +les recherches historiques. + +Inventaire des titres et papiers provenant de madame la comtesse du +Barry, condamnée révolutionnairement, et dont les biens ont été +séquestrés; lesquels papiers, par suite du séquestre, ont été extraits +du domicile de ladite dame, à Louveciennes, transférés à +l'administration du ci-devant district de Versailles, et ensuite déposés +aux archives de la préfecture de Seine-et-Oise: + +1re _liasse_.--Composée de pièces relatives aux anciens ouvrages +faits au pavillon de Louveciennes, années 1760 et 1770, etc., mémoires +de divers fournisseurs, et ouvriers, quittances, états de payements et +diverses pièces de renseignements. + +2e _liasse_.--Anciens mémoires de fournisseurs et ouvriers quittancés +de 1770 à 1774. Bail passé à madame du Barry par la veuve Duru et +consorts, d'une maison située à Versailles, rue de l'Orangerie, le 22 +décembre 1768. Bordereau des sommes payées par Me Lepot-d'Auteuil, +notaire. + +3e _liasse_.--Autres différents mémoires de marchands, ouvriers et +fournisseurs, également quittancés. Dépenses de tout genre à l'hôtel et +pavillon de l'avenue de Paris, à Versailles, en 1773. Comptes rendus par +M. de Montvallier, intendant de madame la comtesse du Barry, ès années +1773 et 1774. + +4e _liasse_.--Divers mémoires de marchands, orfèvres, bijoutiers, +drapiers, modistes, fournisseurs, gagistes, peintres, ouvriers, etc., en +1772 et années suivantes, également quittancés. Inventaires et états +d'effets mobiliers, tels que tableaux, statues, pièces d'ornement, etc., +étant à Louveciennes, à différentes époques, notamment un inventaire +général du mobilier de Louveciennes, fait en 1774. + +5e _liasse_.--Mémoires quittancés d'orfèvres, bijoutiers, marchands +de meubles et d'étoffes. États de gages payés aux personnes de la maison +de madame du Barry, et autres pièces diverses de dépenses, années 1771 +et suivantes. + +6e _liasse_.--Pièces relatives à la construction du nouveau pavillon +de Louveciennes, en 1771 et 1772. Comptes et mémoires quittancés de +divers entrepreneurs, marchands, ouvriers, etc. + +7e _liasse_.--Formée de mémoires et de quittances donnés par des +ouvriers, marchands, fournisseurs, pensionnaires et autres personnes +attachées à madame du Barry, en diverses années. + +8e _liasse_.--Mémoires acquittés de marchands, ouvriers, +fournisseurs, notamment du sieur Aubert, joaillier, du sieur Cozette, +entrepreneur de la manufacture royale des Gobelins. Quittances de sommes +payées pour pensions et bienfaits accordés par madame du Barry. Ouvrages +faits à un hôtel, à Versailles, avenue de Paris, et à une maison à +Saint-Vrain. + +9e _liasse_.--Pièces relatives aux locations de baraques, boutiques +et appentis établis sur la contrescarpe, à Nantes, concédés à madame du +Barry, pour l'usufruit seulement, sa vie durant, par brevet du roi du +23 décembre 1769. Compte du sieur Dardel, régisseur, et du sieur +Couillaud de la Pironnière, receveur du produit desdites boutiques, etc. +Pièces et plans y relatifs. Baux desdits biens, passés en 1771. + +10e _liasse_.--Papiers, mémoires, lettres, relatifs aux dépenses +faites à la Maison-Rouge, sise commune de Villiers-sur-Orge. Inventaire +d'effets mobiliers garnissant ladite maison. _Lettres et autres pièces +de correspondance particulière de madame du Barry, en 1792 et 1793._ +Quittances, reçus de l'année 1793. Contrat du 24 octobre 1775, devant +Me Deschesnes, notaire à Paris, concernant vente par madame la +comtesse du Barry à _Monsieur_, frère du roi, d'un grand hôtel sis à +Versailles, avenue de Paris, moyennant 224,000 liv[161]. + +Tels sont les papiers remis aux héritiers Gomard. Où sont aujourd'hui +ces titres, ces lettres de madame du Barry? Que sont-ils devenus? Ils +ornent probablement la collection de quelque amateur d'autographes[162]. + +Malgré toutes leurs demandes, ils n'avaient encore rien recueilli de la +succession de madame du Barry, lorsque fut rendue, le 17 avril 1825, la +loi d'indemnité des biens des émigrés. + +A l'époque de sa mort, madame du Barry ne possédait aucun immeuble, et +par conséquent ses héritiers n'avaient rien à réclamer de l'indemnité. +Mais l'on se rappela alors le testament de M. de Brissac, et l'on +réclama de la famille de Mortemart, héritière du duc, et qui avait une +part considérable dans la liquidation du milliard d'indemnité, +l'exécution du legs fait au profit de madame du Barry. + +Jusque-là , les héritiers Gomard s'étaient seuls présentés. Mais +lorsqu'il se fut agi du legs du duc de Brissac, les héritiers _Bécu_, +c'est-à -dire ceux du côté maternel, vinrent, non-seulement pour entrer +en partage, mais contestèrent même aux _Gomard_ leur titre d'héritiers +de madame du Barry. + +On a vu qu'une fois riche, madame du Barry n'a jamais cessé de faire du +bien à sa famille. Elle mit sa mère à l'abri du besoin et fit une +pension viagère à Rançon, son beau-père, lorsqu'il fut devenu veuf. Les +frères de sa mère reçurent aussi d'elle des pensions viagères, et elle +dota leurs filles en leur faisant faire des mariages avantageux. Mais on +ne voit nulle part qu'elle se soit jamais intéressée aux _Gomard_. D'où +vient cette différence dans la manière d'agir de madame du Barry à +l'égard de sa famille? Le procès qui s'est élevé entre les divers +héritiers va nous en donner l'explication. + +Les _Gomard_ appuyaient leurs prétentions à l'héritage de madame du +Barry sur l'acte de naissance déposé à la paroisse de Saint-Laurent, +reconnaissant comme père de madame du Barry _Jean-Jacques Gomard de +Vaubernier_. Les Bécu attaquèrent cet acte comme faux, et présentèrent +un autre acte de naissance, levé par eux sur les registres de l'état +civil de la ville de Vaucouleurs, le 25 septembre 1827, constatant que +madame du Barry était _fille naturelle de Anne Bécu_, et que, par +conséquent, les héritiers _Gomard_ n'avaient aucun droit dans cette +succession. + +De là , procès entre les deux branches et jugement du tribunal civil de +première instance de la Seine du 9 janvier 1829, confirmé par arrêt de +la cour royale de Paris du 22 février 1830, qui donne gain de cause aux +_Bécu_ et les reconnaît comme seuls héritiers de madame du Barry. + +La cause de ce faux acte de naissance s'explique aisément. Madame du +Barry était la maîtresse du roi. Le mariage lui donnait un nom et allait +lui permettre d'arriver aux plus grandes faveurs. Mais il fallait un peu +flatter la vanité des du Barry, et d'ailleurs Louis XV n'aurait-il pas +eu quelque répugnance à conserver pour maîtresse, quoique comtesse, la +bâtarde d'une pauvre fille de campagne? + +Il est probable que celui qui joua le rôle le plus important dans la +fabrication de cet acte fut cet _abbé Gomard_, aumônier du roi, qu'on a +vu déjà figurer à la célébration du mariage de madame du Barry, comme +fondé de pouvoir de sa mère et de son beau-père. Depuis longtemps cet +abbé était lié avec Rançon et sa femme, et les pamphlets du temps disent +qu'il connaissait très-bien le père de madame du Barry: il était, de +plus, intime avec Lebel, le valet de chambre de Louis XV, et avec le +comte Jean. On peut donc supposer que ce fut lui qui fit placer dans cet +acte le nom de son propre frère Jean-Jacques Gomard de Vaubernier, mort +depuis longtemps, comme père de _Jeanne Bécu_, et en fit ainsi une fille +légitime[163]. + +Il est curieux, au reste, d'examiner les transformations que l'on fit +subir à l'acte primitif que voici: + +«Extrait des registres de l'état civil de la ville de Vaucouleurs, +déposés aux archives du tribunal de première instance séant à +Saint-Mihiel (Meuse). + +»Jeanne, fille naturelle d'Anne Béqus, dit Quantiny, est née le +dix-neufième aoust de l'an mil sept cent quarante-trois, et a été +baptisée le même jour. Elle a eu pour parain Joseph Demange, et pour +maraine Jeanne Birabin, qui ont signé avec moy. + +»Les signatures sont ainsi apposées sur l'acte: + +»Janne Birabine. L. galon, vic. de Vau. + +»Joseph Demange. + +Pour copie collationnée sur la seconde minute déposée aux archives. + +»Saint-Mihiel, le 25 septembre 1827. Le commis-greffier, + +»François.[164]» + +D'abord, et c'était la partie essentielle, on donne un père à la fille +naturelle; et, comme le nom de _Gomard_ tout court est encore bien +bourgeois, on y ajoute celui de _Vaubernier_. Puis, comme le parrain et +la marraine doivent être à la hauteur du père de l'enfant, on fait du +simple Joseph Demange, monsieur Joseph _de Mange_ avec une particule, et +de Jeanne Birabin, qui, suivant l'usage de la campagne, est appelée la +Birabine, et signe comme on est dans l'habitude de l'appeler, on fait +madame _de Birabin_. Enfin, comme il paraîtra plus agréable au roi de +lui donner pour maîtresse une _demoiselle noble et mineure_ qu'une +_fille naturelle et majeure_, on retranche trois ans de l'acte primitif, +et on fait naître madame du Barry le 19 août 1746, au lieu du 19 août +1743. + +Après l'arrêt de la cour royale de Paris, qui frappe de faux l'acte de +naissance déposé à l'église de Saint-Laurent, et reconnaît les _Bécu_ +comme seuls héritiers de madame du Barry, ceux-ci continuèrent à +attaquer la famille de Mortemart pour l'exécution du legs de M. de +Brissac. Le procès dura jusqu'à la fin de 1833. Enfin les héritiers +_Bécu_ s'entendirent avec la famille de Mortemart sur la somme à +recevoir; mais elle leur profita peu et fut presque entièrement absorbée +par les créanciers de madame du Barry et par les frais du procès[165]. + +Outre les détails généraux qu'on a pu faire connaître grâce à L'analyse +des diverses pièces indiquées dans ce récit, il en est de particuliers à +la personne même de madame du Barry, qu'il est bon de rappeler en +terminant: + +1º Madame du Barry était fille naturelle, et son véritable nom était +_Jeanne Bécu_. + +2º A l'époque de son mariage on fit un faux acte de naissance, dans +lequel on lui donna pour père légitime _Jean-Jacques Gomard de +Vaubernier_. + +3º C'est donc à tort que, dans toutes les biographies, et dans les plus +récents ouvrages sur l'histoire de France, on lui conserve le nom de +_Jeanne Gomard de Vaubernier_, et il faut lui rendre son vrai nom de +_Jeanne Bécu_. + +4º Par suite de l'examen de son véritable acte de naissance, on voit que +madame du Barry avait 26 ans quand elle devint la maîtresse du roi Louis +XV, et non vingt-trois ans, comme cela semblait résulter du faux acte. +Elle est, par conséquent, morte sur l'échafaud à l'âge de cinquante ans. + +Quant aux sommes que madame du Barry a coûté à la France pour avoir eu +l'honneur d'être la maîtresse du roi, on peut, d'après l'examen de ces +mêmes pièces, en faire le relevé suivant: + + 1º Mobilier donné par le roi à madame du Barry, lors de + son mariage 30,000 l. » + + 2º Sommes payées pour madame + du Barry, par _Baujon_, banquier + de la cour, depuis 1769, première + année de sa faveur, jusqu'en + 1774, année de la mort + de Louis XV 6,375,559 l. 11 s. 11 d. + + 3º Pour achat de son hôtel de + Versailles, par _Monsieur_, frère + du roi, le 24 octobre 1775 224,000 » + + 4º Pour l'échange de 50,000 livres + de rente viagère contre + 1,250,000 livres, délivrées par + le trésor royal par arrêt du roi + en avril 1784 1,250,000 » + + 5º Madame du Barry jouit de + 150,000 livres de rente viagère + sur la ville de Paris, les + États de Bourgogne et les loges + de Nantes, depuis l'année 1769 + jusqu'en 1784, ce qui donne un + total de 2,400,000 » + + 6º Depuis l'année 1784 jusqu'en + 1793, elle n'a plus que 100,000 + livres de rente viagère, ce qui + donne un total de 900,000 » + + 7º La jouissance du château de + Louveciennes et de ses nombreuses + dépendances; les diverses + dépenses faites à + l'ancien château et la construction + du pavillon, peuvent + s'évaluer à un revenu + de 50,000 livres de rente, + ce qui fait, depuis 1769 + jusqu'en 1793 1,250,000 » + + Le total général de toutes ces + sommes est de 12,429,559 l. 11 s. 11 d.!!! + + + + +NOTES. + + +Les trois lettres suivantes nous ont été communiquées par M. Vatel, +avocat à Versailles. Elles nous ont paru assez intéressantes pour être +publiées en notes. + + +Nº I.--_Lettre de M. de Brissac à madame du Barry_. + +Brissac, ce samedi 5 septembre 1789. + +Les courriers ne sont pas assez fréquents, madame la comtesse, il est +bien vrai; car cette lettre qui partira demain par le Mans, arrivera +aussitôt que celle d'hier par la levée; mais c'est un plaisir que de +s'entretenir avec vous qu'il ne faut pas laisser échapper. Oui, l'avenir +comme le présent est désolant. A moins que la raison, le plus beau de +l'apanage de l'homme, ne le cède à l'esprit, l'ambition, la vanité, quel +est l'homme qui ne désire pas le bonheur et la liberté pour lui et les +autres, a moins qu'il ne soit un forcené? et je vois qu'il y en a trop. +Mais des personnes agissantes, assez franchement loyales pour concourir +à l'arrangement avantageux de tous, à ce gros de la nation, dont la +philosophie parle ainsi que le philosophe, qui par malheur ne connaît ni +n'a les moyens de lui faire éprouver ce charme du vrai bonheur qu'il +n'est pas permis a tout le monde de connaître, où sont-ils, ces hommes? +Bien loin de nous. On ne les écoute pas, ou ils ne parlent pas, ou ils +n'existent pas. Que de tristesse toutes ces idées procurent! L'amour +sortant, ou fuyant l'esclavage, n'est pas mon emblème, madame la +comtesse, quoique ce soit celui de mon âge; il n'en est point, il est +vrai, si la beauté et la bonté d'accord partagent un sentiment senti par +un cÅ“ur digne de celui qu'il a pu toucher. Mais, par parenthèse, j'ai +ouï dire du mal de ce tableau, que l'on trouve froid, correct, mais peu +piquant. Je l'ai un peu pensé comme le critique; mais les détails et le +fini, ainsi que le coloris, en sont beaux et donneront toujours du +charme à ce tableau. Pas une dame ne prendra pour elle ces insultes que +leur fait l'amour, ou plutôt le peintre qui peut être froid, ou son âge +et ses travaux. Je pense qu'il y a eu fort peu de portraits, surtout de +madame Lebrun, qui a présenté celui de madame la duchesse d'Orléans. +Elle est faite pour être généralement aimée et estimée, et peut paraître +en public en quel temps que ce soit. Le Salon est-il beau? Je crois que +les campagnards n'auront pas été le voir. D'ailleurs il ne vaut pas la +peine depuis longtemps de se déplacer.--Je ne crois pas vous avoir dit +que je mangeais de mauvais pain; je le fais venir du Pont-de-Cé, et il +est bon, pas très-bien fait, mais mieux qu'ici, où on devrait le manger +excellent a cause de la beauté et bonté du grain. Notre froment est un +des plus beaux de la France, sans vouloir néanmoins attaquer et celui de +Brie, et le bienfait aimable et charmant de vos amies du Pont. Elles +vous aiment pour vous-même, parce qu'elles vous connaissent bien, et +qu'alors il est difficile de vous refuser le tribut qu'arrache et +beauté, _et bonté et douceur, et cette aimable et parfaite égalité +d'humeur qui fait le charme d'une société habituelle_. Aussi +auraient-elles voulu vous garder, aussi vous y voudraient-elles; _et moi +je voudrais également y partager avec vous retraite et solitude, le tout +bien tranquille_. C'est ainsi que le trouble fait penser l'homme +raisonnable, qui a reconnu que le plus grand bien à faire est la chose +la plus difficile, et plus tumultueuse que l'orage, qui ramène si +souvent et si promptement un beau jour. Je ne vois pas que nous +avancions en besogne. Hélas! pourvu qu'elle soit faite, terminée, je +serai content. Je le serai beaucoup aussi, madame la comtesse, quand il +me sera permis de vous offrir tous mes hommages, tout mon respect et +tous les sentiments que je vous ai toujours offerts avec joie et +plaisir. + +Vos lettres sont presque toujours sept jours à arriver. Il m'en parvient +de Paris à deux jours de date; celles de Versailles éprouvent le même +retard. Mille respectueux hommages a mademoiselle votre belle-sÅ“ur. + + +Nº 2.--_Lettre de madame du Barry aux administrateurs du district de +Versailles_. + +Citoyens administrateurs, + +La citoyenne de Vaubernier du Barry est très étonnée qu'après toutes les +promesses qu'elle vous a fournies des raisons qui l'ont forcée d'aller +en Angleterre, vous l'ayez traitée comme émigrée.--Avant son départ elle +vous a communiqué la déclaration qu'elle avait faite à sa municipalité; +vous l'avez enregistrée dans vos bureaux. Vous savez que c'est le +quatrième voyage qu'elle est obligée de faire, toujours pour le même +motif. + +Elle espère que vous voudrez bien faire lever les scellés qui ont été +apposés chez elle, contre toute justice, puisque la loi n'a jamais +défendu de sortir du royaume à ceux que des affaires particulières et +pressantes appellent en pays étranger. Toute la France est instruite du +vol qui lui a été fait la nuit du 10 au 11 janvier 1791; que ses voleurs +ont été arrêtés à Londres; qu'elle y a eu une procédure suivie, dont le +dernier jugement n'a été rendu que le 28 février dernier, ainsi que +l'atteste le certificat ci-joint. + +Louveciennes, ce 27 mars 1793. + + +Nº 3.--_Lettre de Lavallery, membre du district de Versailles, à madame +du Barry_. + +Citoyenne, + +Je me ferai représenter le plus tôt possible votre demande, dont le +succès ne me paraît pas devoir éprouver de grandes difficultés, vu la +notoriété du motif de vos absences, si vous avez eu surtout le soin de +joindre à votre mémoire les pièces justificatives, telles que vos +passe-ports ou leurs copies certifiées, certificats de résidence, etc. +_Soyez convaincue que s'il est des occasions où je désire donner du prix +à mon travail, vous avez droit à les faire naître. Votre sexe vous donne +le droit de désirer la tranquillité, et votre amabilité_.... Mille +pardons, citoyenne, un républicain et un inconnu ne doit parler que la +langue des affaires. + +Agréez l'assurance de mon respect et de tout l'intérêt que vous avez +droit d'inspirer. + +LAVALLERY[166]. + +Versailles, 17 mai (an II de la République). + + +Nº 4.--_Récit de la mort de madame du Barry, extrait du journal_ LA +NOUVELLE MINERVE, _intitulé_ SOUVENIRS DE LA RÉVOLUTION. + +... Arrivé au pont au Change, j'y trouvai une assez grande foule +rassemblée. Je n'eus pas besoin de demander l'explication de ce +rassemblement: elle ne se fit pas attendre. J'entendis au loin des cris +déchirants, et aussitôt je vis sortir de la cour du palais de Justice +cette fatale charrette que Barrère, dans un de ces accès de gaieté qui +lui étaient si familiers, avait appelée _la bière des vivants_. Une +femme était sur cette charrette, qui approcha lentement de l'endroit où +je m'étais arrêté. Sa figure, son attitude, ses gestes exprimaient le +désespoir arrivé au plus haut paroxysme. Alternativement d'un rouge +foncé et d'une pâleur effrayante, se débattant au milieu de l'exécuteur +et de ses deux aides, qui avaient peine à la maintenir sur son banc, et +poussant de ces cris affreux que je disais tout à l'heure, elle +invoquait tour à tour leur pitié et celle des assistants. C'était madame +du Barry que l'on conduisait au supplice. Revenue de Londres cinq ou +six jours auparavant pour retirer de son château de Louveciennes des +bijoux de prix qu'elle y avait cachés en partant pour l'émigration, elle +avait été dénoncée le soir même de son arrivée, par son nègre favori, +Zamor, gardien du château en son absence, et traduite au tribunal +révolutionnaire[167]. Agée alors de quarante-deux à quarante-trois ans +seulement, sa figure, malgré la terreur profonde qui en altérait les +traits, était encore remarquablement belle[168]. Entièrement vêtue de +blanc, comme Marie-Antoinette qui l'avait quelques semaines auparavant +précédée sur la même route, ses cheveux du plus beau noir formaient un +contraste pareil à celui que présente le drap funéraire jeté sur un +cercueil. Coupés sur la nuque, ainsi que cela se pratique en pareil cas, +ceux de devant étaient ramenés à chaque instant sur le front par ses +mouvements désordonnés, et lui cachaient une partie du visage. «Au nom +du ciel, mes amis, s'écriait-elle au milieu des sanglots et des larmes, +au nom du ciel, sauvez-moi, je n'ai jamais fait de mal à personne; +sauvez-moi.» + +La frayeur délirante de cette malheureuse femme produisait une telle +impression parmi le peuple, qu'aucun de ceux qui étaient venus là pour +insulter à ses derniers moments ne se sentit le courage de lui adresser +une parole d'injure. Autour d'elle tout semblait stupéfié, et l'on +n'entendait d'autres cris que les siens; mais ces cris étaient si +perçants qu'ils auraient, je n'en doute pas; dominé ceux de la +multitude, si elle en eût proféré. J'ai dit tout à l'heure, je crois, +que personne ne s'était senti le courage de l'injurier. Si fait. Un +homme, un seul, vêtu avec une certaine recherche, éleva la voix au +moment où la charrette passant vis-a-vis de moi, la patiente, toujours +s'adressant au peuple, s'écriait: «La vie! la vie! qu'on me laisse la +vie, et je donne tous mes biens à la nation.»--«Tu ne donnes à la nation +que ce qui lui appartient, dit cet homme, puisque le tribunal vient de +les confisquer, tes biens.» Un charbonnier, qui était placé devant lui, +se retourne et lui donne un soufflet. J'en éprouvai un sentiment de +plaisir. + +On sait que pendant toute la route elle continua à pousser les mêmes +cris, et à s'agiter dans des convulsions frénétiques pour fuir la mort +qui déjà l'avait saisie; aussi, on sait qu'arrivée à l'échafaud il +fallut user de violence pour l'attacher à la fatale planche, et que ses +derniers mots furent ceux-ci: «Grâce! grâce! monsieur le bourreau! +Encore une minute, monsieur le bourreau! encore... et tout fut dit.» + +Jamais la terreur ne fut portée à une si haute expression, et madame du +Barry est la seule femme qui ait offert un spectacle aussi déchirant. +Toutes les autres femmes victimes de nos discordes civiles ont montré a +ce moment suprême autant de calme que de courage, et plus d'une a +raffermi le courage de ses compagnons d'infortune. + + +Nº 5.--_Bibliothèque de madame du Barry_. + +La bibliothèque de la ville de Versailles renferme cent quarante-deux +ouvrages ayant appartenu à madame du Barry, et formant trois cent +quatre-vingts volumes. Presque tous ces volumes sont reliés en maroquin +rouge, dorés sur tranches et portent sur le plat des deux côtés les +armes de la comtesse avec la fameuse devise _Boutez en avant_, qui donna +lieu dans le temps à tant de commentaires ironiques. La date de leur +impression ne dépasse pas l'année 1774. Plusieurs sont reliés en +maroquin vert et portent les mêmes ornements que les rouges. Ils +paraissent provenir de cadeaux. Il est bien probable que ces livres +faisaient partie de la bibliothèque des appartements de madame du Barry +au château de Versailles, où ils sont sans doute restés jusqu'à la +révolution. D'autres volumes, beaucoup moins bien reliés que les +précédents et portant les armes de la comtesse sur le dos, font aussi +partie de cette collection; mais la date de leur impression est +postérieure à l'année 1774, et ils proviennent de son habitation de +Louveciennes. + +Beaucoup de ces ouvrages sont des Å“uvres littéraires; mais en +parcourant leurs titres et en y retrouvant la plupart des productions +futiles et licencieuses d'une partie de la littérature du dix-huitième +siècle, on pourra juger, sans en être surpris, du goût qui a présidé à +la composition de cette bibliothèque. + +Presque tous les exemplaires venant de la bibliothèque de madame du +Barry, outre leurs jolies reliures, sont surtout remarquables par la +beauté de l'exécution typographique. On peut citer sous ce rapport les +_Baisers_, de Dorat, charmant exemplaire orné de figures exécutées par +Eisen, d'un fini extrême, mais d'une très-grande indécence. Au reste, +plusieurs des ouvrages de cette collection, et particulièrement les +romans de Crébillon fils, sont accompagnés de gravures fort +licencieuses. + +Parmi les divers ouvrages dont nous donnons la liste, on en doit +particulièrement signaler quatre comme se rapportant à la personne même +de madame du Barry, par les dédicaces adulatrices qui lui sont +adressées. + +Le premier porte pour titre: _le Royalisme, ou Mémoires de du Barry de +Saint-Aunet et de Constance de Cézelli, sa femme. Anecdotes héroïques +sous Henri IV_, par M. de Limairac.--La plupart des exemplaires de cet +ouvrage ne portent aucun nom d'auteur. Dans celui-ci, le nom de l'auteur +se trouve non seulement à la suite du titre, mais encore au bas de +l'épître dédicatoire. Cet exemplaire a certainement été offert par +l'auteur à la comtesse; le choix de l'exemplaire et sa magnifique +reliure en maroquin rouge, toute couverte de dorures, en sont la preuve. +Au-dessus de l'épître dédicatoire sont gravées les armes de madame du +Barry, et de chaque côté deux levrettes enchaînées. Voici cette épître: + + + +_A madame la comtesse du Barry._ + +Madame, + +Daignez accueillir avec bonté un hommage public de sentiment et de +reconnaissance. Le zèle seul m'a dicté ce petit ouvrage; seul il ose +vous l'offrir. Je sens qu'il est capable d'égarer dans une carrière qui +demande des talents, mais j'espère, madame, que vos suffrages +suppléeront à la médiocrité des miens. Les traits que je développe dans +cet essai le rendent digne de paraître sous vos auspices. Ils sont tous +puisés _dans votre maison_; ils retracent la fidélité la plus héroïque +de deux sujets pour le roi. Trop heureux si vous voulez bien me +pardonner une entreprise au-dessus de mes forces, en faveur du motif qui +me l'a inspirée. + +Je suis avec un profond respect, madame, votre très-humble et +très-obéissant serviteur. + +DE LIMAIRAC. + + +Le second est un _Almanach de Flore_, pour 1774. C'est un recueil de +quarante-huit fleurs gravées et coloriées. Au-dessous de chaque fleur se +trouve une devise et derrière un horoscope. Ces devises et ces +horoscopes sont divisés en séries de numéros, applicables à une +demoiselle, à un garçon, à une femme mariée, à un homme marié, à une +veuve et à un veuf. L'auteur était un capitaine d'infanterie nommé +Douin, né à Versailles. + +La beauté des dorures de ce petit volume, relié en maroquin rouge, fait +présumer que c'est encore un cadeau offert à madame du Barry. Après le +titre sont placées deux gravures en rouge. L'une représente un tournesol +regardant le soleil avec cette devise. + + L'astre est constant, + La fleur fidèle; + +allégorie se rapportant aux amours du roi et de la comtesse. L'autre +offre le portrait de madame du Barry. Au-dessous sont deux flèches +croisées avec un cÅ“ur et les vers suivants: + + _A la plus belle_. + + Je dormais; le Maître des dieux + Me dit: «Je sais ce que tu veux; + Choisis ou déesse, ou mortelle, + Pour lui consacrer tes couplets.» + Quoi, lui dis-je, une bagatelle! + «Ne crains rien: je te le permets.» + Je choisirai donc la plus belle. + +Le troisième ouvrage est intitulé _Contes moraux et nouvelles idylles de +D... et Salomon Gessner_.--Les contes sont de Diderot, et la traduction +des idylles de Gessner est de Meister, qui fut secrétaire de Grimm. + +Le traducteur dont le nom ne parut pas sur cette édition ne voulut +cependant pas le laisser ignorer de madame du Barry, et dans +l'exemplaire qu'il lui adressa, il ajouta une épître dédicatoire signée +de lui. Cette épître, écrite par un habile calligraphe, est ainsi +conçue: + + De la beauté, les talents et les arts + Chérissent tous l'aimable empire. + Que l'églogue au naïf sourire + Arrête un instant vos regards! + Comme vous, belle sans parure, + Elle doit tout aux mains de la nature. + Comme vous elle a quelquefois, + Sous l'air d'une simple bergère, + Charmé les héros et les rois, + Même les dieux. Apollon, pour lui plaire, + Vint oublier l'Olympe à l'ombre de ces bois. + Quel dieu pour vous ne l'oublierait de même, + Si de l'amour la puissance suprême + Vous permettait encore un choix? + +Je suis avec le plus profond respect, madame, votre très-humble et +très-obéissant serviteur. + +MEISTER. + +Enfin le quatrième est un recueil contenant deux opéras comiques: _les +Étrennes de l'Amour_ et _le Nouveau Marié_, dont les paroles sont de +Cailhava. En envoyant cet exemplaire à madame du Barry, l'auteur écrivit +sur la première page les vers suivants: + + _A madame la comtesse du Barry._ + + Transporté par un songe au haut de l'Empyrée, + J'ai cru voir cette nuit la belle Cythérée, + L'aimable Hébé, le dieu qù'invoquent les amants. + La tendre Volupté, les Grâces, les Talents, + Qui d'un air satisfait parcouraient mon ouvrage. + Un sourire flatteur m'annonçait leur suffrage. + J'ai redouté leur fuite à l'instant du réveil; + Mais je les vois encor, ce n'est pas un mensonge: + Un seul de vos regards réalise mon songe, + Et j'étais moins heureux dans les bras du sommeil. + +Voici maintenant la liste générale des ouvrages ayant appartenu à madame +du Barry, et possédés aujourd'hui par la bibliothèque de la ville de +Versailles: + +_Grammaire générale et raisonnée_, par Cl. Lancelot et Ant. Arnaud, avec +des notes par Duclos. Paris, Prault, 1754, 1 vol. in-12. + +_Abrégé du Dictionnaire universel français et latin, vulgairement appelé +Dictionnaire de Trévoux_, par Berthelin. Paris, les libraires associés, +1762, 3 vol. in-4º. + +_Les Å’uvres de Clément Marot_, de Cahors, valet de chambre du roi, +revues et augmentées de nouveau. La Haye, Moetgens, 1714, 2 vol. in-12. + +_Les Å’uvres de François Villon_, avec les notes de Clément Marot et les +poésies de Jean Marot et de Michel Marot. Paris, Constelier, 1723, 2 +vol. petit in-8º. + +_Les Métamorphoses d'Ovide_, traduites en français, avec des remarques +et des observations historiques, par l'abbé Banier, nouvelle édition, 2 +tomes en 1 volume. Paris, Nyon, 1738, in-4º, avec figures, par Humblot. + +_Satires et autres Å’uvres de Regnier_, accompagnées de remarques +historiques de Cl. Brossette. Nouvelle édition considérablement +augmentée, par Lenglet du Fresnoy. Londres, Tonson, 1733, grand in-4º, +belle édition dont les pages sont entourées de cadres rouges. + +_L'Arcadie de Sannazar_, traduite de l'italien, par Pecquet. Paris, +Nyon, 1737, 1 vol. in-12. + +_Recueil de traductions_ en vers français, contenant le poëme de +Pétrone, deux épîtres d'Ovide et le _Pervigilium Veneris_, avec des +remarques par le président Bouhier. Paris, compagnie des libraires, +1738, 1 vol. in-12. + +_Les Poésies du roi de Navarre_, avec des notes et un glossaire +français, précédées de l'histoire des révolutions de la langue française +depuis Charlemagne jusqu'à saint Louis, d'un discours sur l'ancienneté +des chansons françaises et de quelques autres pièces, par Levesque de la +Revallière. Paris, Guérin, 1742, 2 vol. in-12. + +_Å’uvres de madame et de mademoiselle Deshoulières_, nouvelle édition. +Paris, les libraires associés, 1754, 2 vol. in-12. + +_La Colombiade, ou la Foi portée au nouveau monde_, poëme, par madame +Dubocage. Paris, Desaint, 1756, 1 vol. in-8º orné de jolies vignettes. + +_L'Art d'aimer et le remède d'amour_, traduction d'Ovide, par l'abbé de +Marolles. Amsterdam, 1757, 1 vol. in-12 avec des figures, par Vanloo et +Eisen. + +_Å’uvres de l'abbé de Chaulieu_, nouvelle édition, par de Saint-Marc. +Paris, David, 1757, 2 vol. in-12. + +_Le Conte du Tonneau_, par le fameux docteur Swift, traduit de +l'anglais. La Haye, H. Scheurleer, 1757, suivi du _Traité des +dissensions entre les nobles et le peuple dans les républiques d'Athènes +et de Rome_, etc. _L'Art de ramper en poésie et l'Art du mensonge +politique_, par le même, 3 vol. in-12. + +_Å’uvres de M. le marquis de Ximenez, ancien mestre de camp de +cavalerie_, nouvelle édition. Paris, 1772.--Ce volume contient encore: +_Amalazonte_, tragédie du même auteur. Paris, Jarry, 1758, 1 vol. in-8º, +relié en maroquin vert avec de nombreuses dorures; c'est probablement un +cadeau. + +_L'Univers perdu et reconquis par l'Amour_, suivi d'_Iphis et Amarante, +ou l'Amour vengé_, par de Carné. Amsterdam, 1758, 1 vol. in-8º. + +_Poésies de Haller_, traduites de l'allemand, par Tscharner, édition +retouchée et augmentée. Berne, soc. typog., 1760, 2 vol. in-12. + +_Poésie du philosophe de Sans-Souci_, nouvelle édition. Sans-Souci, +1760, 2.vol. in-12. + +_Le Trésor du Parnasse, ou le plus joli des recueils_, par Couret de +Villeneuve et Berenger. Londres, 1762, 6 vol. in-12. + +_La Farce de maistre Pierre Pathelin, avec son Testament à quatre +personnages_. Paris, Durand, 1762, 1 vol. petit in-8º. + +_Å’uvres diverses de Desmahis_. Genève, 1763, 1 vol. in-12. + +_Le Hasard du coin du feu_, dialogue moral par Crébillon fils. La Haye, +1763, 1 vol. in-12. + +_L'Iliade d'Homère_, traduite en vers, avec des remarques, par de +Rochefort. Paris, Saillant, 1766, 2 vol. in-8º. + +_La Pharsale de Lucain_, traduite en français par Marmontel. Paris, +Merlin, 1766, 2 vol. in-8º, avec des figures, par Gravelot. + +_Roman comique_, par Scarron, nouvelle édition. Amsterdam, comp. des +libraires, 1766, 3 vol. in-12. + +_Traité de la prosodie française_, par l'abbé d'Olivet. Paris, Barbou, +1767.--Dans le même volume se trouve: _Remarques sur Racine_, par l'abbé +d'Olivet. Paris, Barbou, 1766, 1 vol. in-8º. + +_Å’uvres complètes de M. le c. de B..._ (le cardinal de Bernis), +dernière édition. Londres, 1767, deux tomes dans 1 volume in-12. + +_Å’uvres de S. Gessner_, traduites de l'allemand, par Huber. Zurich, +Orel, 1768, 2 vol. in-12. + +_Essais de Montaigne_, avec les notes de Coste, nouvelle édition. +Londres, Nourse, 1769, 10 vol. in-12. + +_Le Messie_, poëme en dix chants, traduit de l'allemand, de Klopstock, +par d'Antelmy, Junker et autres. Paris, Vincent, 1769, 2 vol. in-12. + +_Narcisse dans l'île de Vénus_, poëme en quatre chants, par Malfilâtre. +Paris, Lejay, 1769, 1 vol. in-8º orné d'un frontispice par Eisen, et de +figures par Saint-Aubin. + +_La Peinture_, poëme en trois chants, par Lemierre. Paris, Jay, 1769, 1 +vol. in-4º.--Au frontispice est un portrait du grand Corneille. Les +figures sont de Cochin. + +_Les Nuits d'Young_, suivies des Å“uvres diverses du même auteur, +traduites de l'anglais par Letourneur, deuxième édition. Paris, Lejay, +1769, 4 vol. in-8º avec figures par Eisen. + +_Les Grâces_, précédées d'une dissertation par l'abbé Massieu, et +suivies d'un discours par le P. André; recueil publié par de Querlon. +Paris, Prault, 1769, 1 vol. in-8º avec figures, de Boucher et de Moreau +jeune. + +_Les Quatre parties du jour_, poëme traduit de l'allemand de Zacharie, +par Millier. Paris, Musier, 1769, 1 vol. in-8º avec de charmantes +figures par Eisen. + +_Les Éléments_, poëme par Delavergue. La Haye, Gosse, 1770, 1 vol. +in-8º. + +_La Récréation des honnêtes gens, ou Opuscules en vers_, par M. de la +M... Amsterdam et Paris, Fétil, 1770, 1 vol. in-8º, relié en maroquin +vert. + +_Les Baisers_, précédés du _Mois de mai_, poëme par Dorat. La Haye et +Paris, Lambert, 1770, 1 vol. in-8º. + +_Jérusalem délivrée_, poëme héroïque du Tasse, traduit en français par +Mirabaud. Paris, Barrais, 1771, 2 vol. in-12. + +_Le Bonheur_, poëme en six chants avec des fragments de quelques +épîtres, ouvrages posthumes d'Helvétius. Londres, 1772; précédé d'une +_Vie d'Helvétius_, par Saint-Lambert, 1 vol. in-8º, relié en maroquin +vert. Les armes de la comtesse sont sur le plat avec la devise _Boutez +en avant_ au-dessus. + +_Contes moraux et Nouvelles idylles_ de D... (Diderot) et Salomon +Gessner, traduites par Meister. Zurich, 1773, 1 vol. in-4º. + +_Almanach des trois règnes_, en huit parties: première partie, _Almanach +de Flore_, 1774, gravé et orné de plus de cinquante planches en +taille-douce, dessinées et coloriées d'après nature avec le plus grand +soin, contenant quarante-huit devises et autant d'horoscopes pour tous +les états et tous les âges. Les paroles sont de Douin, capitaine +d'infanterie; les fleurs dessinées et gravées par Chevalier, lieutenant +d'infanterie, le texte gravé par Drouet, ancien soldat d'infanterie. +Versailles, Blaizot, 1774, 1 vol. in-24. + +_Les Comédies de M. Marivaux_, jouées sur le théâtre de l'hôtel de +Bourgogne par les comédiens ordinaires du roi. Paris, Briasson, 1732, 2 +vol. in-12. + +_Recherches, sur les théâtres de France depuis l'année_ 1161 _jusqu'à +présent_, par de Beauchamps. Paris, Prault, 1735, 3 vol. in-8º. + +_Réflexions historiques et critiques sur les différents théâtres de +l'Europe, avec les pensées sur la déclamation_, par Louis Riccoboni. +Paris, Guérin, 1738, 1 vol. in-8º. + +_Tragédies-opéras_ de l'abbé Metastasio, traduites en français par M. +C.-P. Richelet. Vienne, 1751, 12 vol. in-12. + +_Å’uvres de théâtre_ de MM. Brueys et Palaprat. Paris, Briasson, 1755, 5 +vol. in-12. + +_Choix de petites pièces du théâtre anglais_ par Dodsley et Gay, +traduites des originaux par Patu. Paris, Prault, 1756, 2 vol. in-12. + +_Å’uvres dramatiques_ de Néricault-Destouches, nouvelle édition. Paris, +Prault, 1758, 10 vol. in-12. + +_Å’uvres_ d'Alexis Piron, avec figures en taille douce d'après les +dessins de Cochin. Paris, Duchesne, 1758, 3 vol. in-12. + +_Le Théâtre_ de Baron. Paris, les libraires associés, 1759, 3 vol. +in-12. + +_Les Å’uvres de théâtre_ de Dancourt, nouvelle édition. Paris, les +libraires associés, 1760, 12 vol. in-12. + +_Le Prix de la beauté, ou les Couronnes_, pastorale en trois actes et un +prologue, avec des divertissements sur des airs choisis et nouveaux, par +Goudot. Paris, Delormel, 1760, vol. in-4º. + +_Å’uvres_ de M. Nivelle de la Chaussée, nouvelle édition, publiée par +Sablier. Paris, Prault, 1762, 2 vol. 12. + +Recueil contenant: 1º _les Étrennes de l'Amour_, comédie-ballet en un +acte; 2º _le Nouveau Marié_, opéra-comique en un acte par Cailhava. +Paris, Lejay et Duchesne, 1769-1770, 1 vol. in-8º. + +_Fables allemandes et contes français en vers_, avec un _Essai sur la +Fable_, par du Coudray. Paris, Jarry, 1770, 1 vol. in-8º. + +_Les Chefs-d'Å“uvre_ de Pierre et de Thomas Corneille, nouvelle édition, +avec _les Commentaires_ de Voltaire. Paris, libraires associés, 1771, 3 +vol. in-12. + +_Théâtre des Grecs_ par le P. Brumoy, nouvelle édition enrichie de +très-belles gravures et augmentée de la traduction entière des pièces +grecques dont il n'existe que des extraits dans toutes les éditions +précédentes, et de comparaisons, d'observations et de remarques +nouvelles, par MM. de Rochefort et Dutheil. Paris, Cussac, 1785, 13 vol. +in-4º, reliés en maroquin rouge, avec armes sur le dos. + +_Les Aventures de Télémaque, fils d'Ulysse_, par François de Salignac de +la Motte-Fénelon, nouvelle édition. Paris, Estienne, 1730, deux tomes en +1 volume in-4º, édition médiocre, ornée de figures par Coypel, Souville, +Cazes et Humblot. + +_Le Marquis de Chavigny_, par Boursault. Paris, Nyon, 1739, 1 vol. +in-12. + +_Le Prince de Condé_, par Boursault. Paris, Nyon, 1739. Dans le même +volume: _Ne pas croire ce qu'on voit_, histoire espagnole par Boursault. +Paris, Lebreton, 1739, 1 vol. in-12. + +_Å’uvres de Maître François Rabelais_, avec des remarques historiques et +critiques de le Duchat, nouvelle édition ornée de figures, par Picart. +Amsterdam, J. Bernard, 1741, 3 vol. in-4º. + +_Tanzaï et Néadarné_, histoire japonaise, par Crébillon fils, Pékin, +1743, 2 vol. in-18, avec figures licencieuses. + +_Amours de Théagène et de Chariclée_, histoire éthiopique. Londres, 2 +vol. petit in-8º, avec figures, dont quelques-unes sont assez +licencieuses. + +_Les Malheurs de l'Amour_, par la marquise de Tencin et Pont-de-Vesle. +Amsterdam et Paris, Prault, 1746, deux parties en 1 vol. in-12. + +_Lettres de la marquise de M*** au comte de R***_, par Crébillon fils. +La Haye, Scheurser, 1746, 1 vol. in-12. + +_Histoire amoureuse des Gaules_, par le comte de Bussi-Rabutin, 1754, 5 +vol. in-12. + +_Mémoires et Å’uvres de madame Staal_. Londres, 1755, 4 vol. in-12. + +_Histoire d'Emilie Montayne_, par l'auteur de _Julie Mondeville +(Mistriss Brooke)_, traduite de l'anglais, par Robinet, 4 tomes en 2 +vol. in-12. + +_Mémoires et Aventures d'un homme de qualité qui s'est retiré du monde_, +par l'abbé Prévost. Amsterdam, Arkstée, 1759, 3 vol. in-12. + +_Mémoires du comte de Grammont_, par le comte A. Hamilton, 1760, 2 vol. +in-12. + +_Les Amours d'Ismène et d'Isménius_, par M. de Beauchamps. La Haye, +1743.--Dans le même volume se trouve: _Acajou et Zirphile_, conte, par +Duclos, Minutie, 1761, 1 vol. in-12, avec figures. + +_Amélie_, roman de Fiedling, traduit de l'anglais, par madame Riccoboni. +Paris, Brocas, 1762, 3 vol. in-12. + +_Lettres de milady Julliette Catesby à milady Henriette Campley, son +amie_, par madame Riccoboni. Amsterdam, 1762, 1 vol. in-12. + +_Histoire de miss Jenny_, écrite et envoyée par elle à milady comtesse +de Roscomond, par madame Riccoboni. Paris, Brocas, 1764, 2 vol. in-12. + +_La Nouvelle Héloïse, ou Lettres de deux amants habitants d'une petite +ville au pied des Alpes_, recueillies et publiées par Jean-Jacques +Rousseau, nouvelle édition. Neufchâtel et Paris, Duchesne, 1764, 4 vol. +in-12 avec figures, par Gravelot. + +_Contes moraux_, par Marmontel. Paris, Merlin, 1765, 3 vol. in-12, avec +le portrait de l'auteur, par Cochin, et ornés de figures par Gravelot. + +_Histoire de M. le marquis de Cressy_, par madame Riccoboni. Paris, +Humblot, 1766, 1 vol. 12. + +_Contes de Guillaume Vadé_, 1768, 1 vol. in-8º. + +_Histoire d'Hippolyte, comte de Douglas_, par madame d'Aulnoy. +Amsterdam, Lhonoré, 1769, deux tomes en 1 vol. in-12. + +_Télèphe_, en douze livres. Londres et Paris, Pissot, 1784, par +Pechméja, 1 vol. in-8º relié en maroquin rouge, les armes sur le dos. + +_Voltariana, ou Éloges amphigouriques_ de F.-M. Arouet, sieur de +Voltaire, discutés et décidés pour sa réception à l'Académie française, +par Travenol et Mannory. Paris, 1748, 1 vol. in-8º. + +_Lettres de Rousseau, sur différents sujets de littérature._ Genève, +Barillot, 1750, 5 vol. in-12. + +_Essai historique et philosophique sur le goût_, par Cartaud de la +Vilale. Londres, 1751, 1 vol. in-12. + +_Considérations sur les ouvrages d'esprit_, par Chicaneau de Neuville. +Amsterdam, 1758, 1 vol. in-12. + +_Le Chef-d'Å“uvre d'un inconnu_, poëme heureusement découvert et mis au +jour, avec des remarques savantes et recherchées, par le docteur +Chrysostome Matanasius, par Saint-Hyacinthe, aidé de S'gravesande, +Sallengre, Prosper Marchand et autres. On trouve de plus une +Dissertation sur Homère et sur Chapelain, par Van Effen; deux Lettres +sur des Antiques; la préface de Cervantes, sur l'histoire de don +Quichotte de la Manche; la déification d'Aristarchus Masso, et plusieurs +autres choses non moins agréables qu'instructives, neuvième édition. +Lausanne, Bousquet, 1758, 2 vol. in-12. + +_Pensées de Pascal sur la religion et sur quelques autres sujets._ +Paris, Desprez, 1761, 1 vol. in-12. + +_Recueil de Lettres_ de madame la marquise de Sévigné à madame la +comtesse de Grignan, sa fille. Paris, Compagnie des libraires, 1763, 8 +vol. in-12. + +_Lettres secrètes de M. de Voltaire_, publiées par L.-B. Robinet. +Genève, 1765, 1 vol. in-8º. + +_Pensées de milord Bolingbroke_, sur différents sujets d'histoire, de +philosophie, de morale, etc., recueillies par Prault. Paris, Prault, +1771, 1 vol. in-12. + +_Les Loisirs d'un ministre, ou Essais dans le goût de ceux de Montagne_, +composés en 1736, par le marquis d'Argenson. Liége, Plomteux, 1787, 2 +vol. in-8º, reliés en veau vert avec armes sur le dos. + +_Å’uvres du Philosophe de Sans-Souci_, au Donjon du Château, 1750, 3 +vol. in-8º. + +_Å’uvres de Saint-Évremont_, avec la vie de l'auteur, par des Maileaux, +1753, 11 vol. in-12. + +_Å’uvres de madame la marquise de Lambert._ Paris, Ganeau, 1761, 2 vol. +in-12. + +_Å’uvres diverses de J. J. Rousseau._ Neufchâtel, 1764, 8 vol. in-12. Le +premier volume est orné d'un frontispice par Gravelot, et d'un portrait +de J. J. Rousseau par Delatour. + +_Plaidoyer_ pour et contre J. J. Rousseau et le docteur D. Hume, +l'historien anglais, avec des anecdotes intéressantes relatives au +sujet; ouvrage moral et critique, pour servir de suite aux Å“uvres de +ces deux grands hommes, par Bergerat. Paris, Dufour, 1768, 1 vol. in-12. + +_Les Å’uvres de l'abbé de Saint-Réal_, nouvelle édition. Libraires +associés, 8 vol. in-12. + +_Å’uvres posthumes de Frédéric II_, roi de Prusse. Berlin, Woss et +Decker, 1788, 15 vol. in-8º, reliés en maroquin fauve avec armes sur le +dos. + +_Divers Éloges_, par Thomas. Paris, Regnard, 1763-1773, 1 vol. in-8º. + +_La Muse historique, ou Recueil de Lettres en vers_, contenant les +nouvelles du temps, écrites à S. A. marquise de Longueville, par le +sieur Loret. Paris, Ch. Chenault, de 1650 à 1664, 5 vol. in-fol.--Les +lettres du 1er janvier 1665 au 28 mars de la même année sont +manuscrites, et copiées par de la Rue, en 1771. + +_Anecdotes ecclésiastiques_, tirées de l'_Histoire du royaume de +Naples_, de Giannone, par Jacques Vernet. Amsterdam, Catuffe, 1753, 1 +vol. petit in-8º. + +_Abrégé chronologique de l'Histoire des Juifs_, par Charbuy. Paris, +Chaubert, 1 vol. in-8º. + +_Lettres sur l'Egypte_, par Savary. Paris, Onfroy, 1785, 3 vol. in-8º, +avec armes sur le dos. + +_Histoire ancienne des peuples de l'Europe_, par le comte de Buat. +Paris, Desaint, 1772, 12 vol. in-12, avec armes sur le dos. + +_Mémoires de la cour de France_, pour les années 1688 et 1689, par +madame la comtesse de la Fayette. Amsterdam, Bernard, 1731, 1 vol. +in-12. + +_Histoire de la vie et du règne de Louis XIV_, par Bruzen de la +Martinière. La Haye, Venduren, 1740, 2 vol. in-4º. + +_Histoire de madame de Luz_, anecdote du règne de Henri IV, par Duclos. +La Haye, de Hondt, 1744, deux parties en 1 vol. in-12. Histoire plus que +galante. + +_Histoire politique du siècle_, par Maubert de Gouvest. Londres, 1754, 2 +vol. in-12. + +_Histoire du règne de Louis XIII_, par le P. Griffet. Paris, Libraires +associés, 1758, 2 vol. in-4º. + +_Les Amours de Henri IV, roi de France_, avec ses lettres galantes à la +duchesse de Beaufort et à la marquise de Verneuil. Amsterdam, 1765, deux +parties en 1 vol. in-12. + +_Dictionnaire géographique et portatif de la France_, par le P. +Dominique Magnan. Paris, Desaint, 1765, 4 vol. in-8º. + +_Les Soirées helvétiennes, alsaciennes et francomtoises_, par le marquis +de Pezay. Amsterdam, Paris, Delalain, 1771, 1 vol. in-8º. + +_Usages et MÅ“urs des Français_, par Poullin de Lumina. Lyon, Berthaud, +1769, 1 vol. in-12. + +_Le Royalisme, ou Mémoires de du Barry de Saint-Aunez et de Constance de +Cézelli, sa femme_, anecdotes héroïques sous Henri IV, par de Limairac. +Paris, Valade, 1770, 1 vol. in-8º. + +_Histoire de la vie privée des Français, depuis l'origine de la nation +jusqu'à nos jours_, par Legrand d'Aussy. Paris, Pierres, 1782, 3 vol. +in-8º, reliés en maroquin rouge, armes sur le dos. + +_Lettres du baron de Busbec_, ambassadeur de Ferdinand 1er, roi des +Romains, auprès de Soliman II, empereur des Turcs, etc., traduites en +français, avec des notes historiques et géographiques, par l'abbé Defoy. +Paris, Bauche, 1748, 3 vol. in-12. + +_Histoire abrégée de la vie d'Éléonore-Marie, archiduchesse d'Autriche_, +etc., par N. Frizon. Nancy, Cusson, 1725, 1 vol. in-8º. + +_Les Fastes du royaume de Pologne et de l'empire de Russie_, par +Constant Dorville. Paris, Costard, 1769, 2 vol. in-8º. + +_Histoire de l'Afrique et de l'Espagne sous la domination des Arabes_, +par Cardonne. Paris, Saillant, 1765, 3 vol. in-12. + +_Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce +des Européens dans les deux Indes_, par Guillaume-Thomas Raynal. +Neufchâtel, Libraires associés, 1783, 10 vol. in-8º, reliés en maroquin +vert, armes sur le dos. + +_Monuments de la mythologie et de la poésie des Celtes, et +particulièrement des anciens Scandinaves_, pour servir de supplément et +de preuves à l'introduction à l'histoire du Danemark, par Mallet. +Copenhague, Philibert, 1756, 1 vol. in-4º. + +_Histoire de l'Académie française_, par Pellisson et d'Olivet, troisième +édition. Paris, Coignard, 1743, 2 vol. in-12. + +_Tablettes dramatiques_, contenant l'abrégé de l'histoire du théâtre +français, l'établissement des théâtres à Paris, un dictionnaire des +pièces et l'abrégé de l'histoire des auteurs et des acteurs, par le +chevalier de Mouy. Paris, Jarry, 1752, 1 vol. petit in-8º. + +_Histoire et commerce des Antilles anglaises_, par Butel-Dumont, 1 vol. +in-12. + +_Correspondance secrète, politique et littéraire, ou Mémoires pour +servir à l'Histoire des cours, des sociétés et de la littérature en +France, depuis la mort de Louis XV_, 1789, 1790, par Métra et autres, 14 +vol. in-12, reliés en veau vert, les armes sur le dos. On est d'autant +plus étonné de trouver cet ouvvage parmi les livres de madame du Barry, +qu'elle y est fort maltraitée. + +_Dictionnaire de littérature_, par l'abbé Sabatier de Castres. Paris, +Vincent, 1770, 3 vol. in-8º. + +_Recueil d'anecdotes_, par madame de Laisse. Amsterdam, 1773, 1 vol. +in-12. + +_Principes du droit politique_, par Burlamaqui. Amsterdam, Châtelain, +1751, deux tomes en 1 vol. petit in-8º. + +_Le Droit public de France éclairci par les monuments de l'antiquité_, +par Bousquet. Paris, Desaint et Saillant, 1756, 1 vol. in-4º. + +_De l'autorité du clergé et du pouvoir du magistrat politique sur +l'exercice des fonctions du ministère ecclésiastique_, par Richer. +Amsterdam, Arkstée, 1767, 2 vol. in-12. + +_Constitution de l'Angleterre, ou État du gouvernement anglais_, comparé +avec la forme républicaine et avec les autres monarchies de l'Europe, +par Delolme. Genève, Barde, 1787, 2 vol. in-8º, reliés en veau marbré +vert, avec armes sur le dos. + +L'_Alcoran de Mahomet_, traduit de l'arabe par André du Ryer, sieur de +la Garde Malézair, nouvelle édition, revue, corrigée et augmentée des +observations historiques et critiques sur le mahométisme, ou traduction +du discours préliminaire mis à la tête de la version anglaise de +l'Alcoran, publiée par Georges Sale. Amsterdam, Arkstée, 1770, 2 vol. +in-12. + +_Réflexions, sentences et maximes morales_, mises en nouvel ordre, avec +des notes pratiques et historiques, par Amelot de la Houssaye, nouvelle +édition, augmentée de maximes chrétiennes. Paris, Ganeau, 1754, 1 vol. +in-12. + +_Émile, ou de l'Éducation_, par J. J. Rousseau. Amsterdam, Néaulme, +1762, 4 vol. in-12. + +_Réflexions politiques sur les finances et le commerce_, par Dutot. La +Haye, Vaillant, 1754, 2 vol. in-12. + +_Essai politique sur le commerce_, par Melon, nouvelle édition, 1761, 1 +vol. in-12. + +_Annales politiques_ de feu M. Charles-Irénée Castel, abbé de +Saint-Pierre, nouvelle édition. Lyon, Duplais, 1767, 2 vol. in-12. + +_Essai philosophique_, concernant l'entendement humain, par Locke, +traduit de l'anglais par Coste. Amsterdam, aux dépens de la Compagnie, +1758, 4 vol. in-12. + +_De la recherche de la vérité_, par Mallebranche. Paris. 1762, 4 vol. in +12. + +_Histoire du ciel_ considéré selon les idées des poëtes, des philosophes +et de Moïse, par Noël Planche. Paris, Estienne, 1739, 2 vol. in-12. + +_Considérations sur la constitution de la marine militaire de France_, +par de Secondat. Londres, 1756, 1 vol. in-12. + +_Rouge végétal à l'usage des dames_, avec une lettre à M***, sur les +maladies des yeux causées par l'usage du rouge et du blanc, par le +docteur Deshais-Gendron. Paris, 1760, 1 vol. in-12. + + * * * * * + + +Nº 6.--_Liste des dossiers, concernant madame du Barry, déposés à la +bibliothèque publique de la ville de Versailles:_ + +1º Dossier renfermant toutes les pièces regardant particulièrement +madame _du Barry_. + +2º Procès entre les héritiers _du Barry_, dans lequel est établie la +preuve que madame _du Barry_ est fille naturelle d'_Anne Bécu_. + +3º Autre dossier, dans lequel on trouve une foule de renseignements sur +tout ce qui regarde madame _du Barry_. + +4º Dossier concernant le vol des diamants de madame _du Barry_, et les +dépôts d'argent faits par elle en Angleterre. + +5º Dossier _Cossé-Brissac_. + +6º Dossier de _Rançon de Montrabe_, beau-père de madame _du Barry_. + +7º Dossier contenant les états des dettes, oppositions et significations +existant au trésor public, sur la comtesse _du Barry_. + +8º Procès des héritiers de madame _du Barry_.--Mémoires imprimés. + +9º, 10º, 11º, 12º. Dossiers des divers procès intentés par les héritiers +de madame _du Barry_, contre MM. _Rohan-Chabot_, _de Chabrillan_, _de +Mondragon_. + +13º Dossier concernant le comte _Guillaume du Barry_, mari de la +comtesse.--Son second mariage avec _Madeleine Lemoine_.--Sa mort. + +14º et 15º Papiers concernant les parents de madame _du Barry_. + + +FIN. + + + + +TABLE DES MATIÈRES. + + +INTRODUCTION I + + I.--Le château de Versailles sous Louis XIII et la + journée des Dupes (1627-1630) 1 + + II.--La naissance du duc de Bourgogne (1682) 30 + + III.--Récit de la grande opération faite au roi + Louis XIV (1686) 57 + + IV.--Mort de Louvois (1691) 74 + + V.--L'appartement de madame de Maintenon + (1686-1715) 85 + + VI.--L'ancienne machine de Marly ou de Ville et + Rennequin 115 + + Pièces justificatives 138 + + VII.--Détails inédits sur la mort de Louis XIV (1715) 200 + +VIII.--Relevé des dépenses de madame de Pompadour 209 + + IX.--Le Parc aux cerfs sous Louis XV (1755-1771) 229 + + X.--Madame du Barry (1768-1793) 243 + + Notes 249 + + +NOTES: + +[1] _Curiosités historiques_, p. 86. + +[2] Les Almanachs de Versailles avant 1789.--Le Cicerone de Versailles +(avril 1804, etc.) + +[3] Mémoires de Saint-Simon. + +[4] Mémoires de Saint-Simon. + +[5] Jusqu'en 1836, dit cet auteur, époque de la publication du livre de +M. Eckard, on avait cru et répété que Jean de Soisy était le seigneur de +Versailles. En 1833, lorsque nous écrivîmes pour la première fois cet +ouvrage, nous avancions sous la forme du doute, que Jean de Soisy +n'avait dû vendre que le _Pavillon royal_, puisque le château +appartenait aux Gondi. Toutefois, les dates nous embarrassaient. Grâce à +M. Eckard, la lumière a été jetée sur l'ordre des acquisitions, et nous +n'y ajouterons que ce que nous croirons indispensable de faire +connaître. + +[6] _Mémoires du maréchal de Bassompierre_, contenant l'histoire de sa +vie et de ce qui s'est fait de plus remarquable à la cour de France +pendant quelques années. Cologne, 1665, t. III, p. 53. + +[7] Le palais des Tuileries. L'assemblée se tenait dans la grande salle +de ce palais. + +[8] En 1631, pendant qu'il était enfermé à la Bastille. + +[9] _Architecture française_, par Blondel, t. IV, p. 93. + +[10] _Histoire du roi Louis XIII_, par Ch. Bernard, 1646, I. XII, p. +223. + +[11] Anecdotes du ministère du cardinal de Richelieu. + +[12] Ch. Bernard (_Histoire de Louis XIII_) dit que ce qui sauva le roi +fut l'ouverture d'un abcès qu'il avait intérieurement, ce qui le mit +aussitôt hors de fièvre. + +[13] _Histoire de Louis XIII_, liv. XIV, p. 226. + +[14] Voici ce que dit à ce sujet Bassompierre: «Le lundi 11, jour de la +Saint-Martin, je vins de bonne heure chez le roi, qui me dit qu'il s'en +retournoit à Versailles; je ne sçay point quel dessein j'en avois fait +d'aller dîner chez M. le cardinal, que je n'avois pû voir chez luy +depuis son arrivée, et m'en alloyt vers midi en son logis. On me dit +qu'il n'y estoit pas, et qu'il partoit ce jour-là pour aller à Pontoise. +Encore jusques-là je ne pensoy à rien, ni moins encore, quand étant +entré au Luxembourg, M. le cardinal y arrivant, je le conduisis jusques +à la porte de la reine, et qu'il me dit: Vous ne ferez plus de cas d'un +défavorisé comme moy. Je m'imaginai qu'il vouloit parler du mauvais +visage qu'il avoit reçu de Monsieur. Sur cela, je voulus attendre pour +aller dîner avec lui; mais M. de Longueville me débaucha pour aller +dîner chez M. de Créqui avec Monsieur, comme il m'en avoit prié.» +(_Mémoires du maréchal de Bassompierre_, t. III, p. 273.) + +[15] Comme grand-maître de la maison du roi. + +[16] L'ordonnance royale par laquelle Louis XIII ôte les sceaux à +Marillac pour les donner à Charles de Laubespin, sieur de Chasteau-Neuf, +est datée de Versailles, au mois de novembre 1630, et l'on y voit que +Chasteau-Neuf y prêta serment entre les mains du roi, le 14 du même +mois. + +[17] Cette année 1630, Louis XIII retira au seigneur de Glatigny les +droits d'aides de Versailles, qui avaient été aliénés en 1619, et les +fit recevoir par le concierge de son château. (Rapport de M. Coste, +1790.) + +Le concierge du château et le jardinier avaient chacun six cents livres +de gages. (Manuscrits de Narbonne, premier commissaire de Versailles.) + +[18] Voir _Histoire amoureuse des Gaules_, par Bussi Rabutin. + +[19] Son mari était chirurgien à Paris. + +[20] Le premier médecin du roi. + +[21] Premier chirurgien de la Dauphine. + +[22] C'est ce qui a fait dire à plusieurs historiens, et entre autres à +M. Vatout, dans son livre du _Palais de Versailles_, que la Dauphine +était accouchée à la surintendance. La surintendance était complétement +séparée du château, et l'on a évidemment confondu le pavillon de la +surintendante avec ce bâtiment. Sous Louis XVI ce pavillon portait le +nom de _Pavillon de Monsieur_. + +[23] Il était composé de deux matelas, sans lit de plumes, placés sur un +lit de repos, large de trois pieds. Une planche était placée entre les +deux matelas, afin que le siége ne fût pas dans un creux. On étendait +dessus deux draps et une couverture. Un double traversin était placé +sous les épaules et la tête. Enfin il était complété par deux chevilles +d'un pied de long, placées l'une à droite et l'autre à gauche, que la +princesse devait saisir pendant les douleurs, et par une barre au pied, +pour servir d'appui à ses pieds pendant le travail. + +[24] Qu'on a traduit plus tard en _palettes_. + +[25] Ce rossolis était composé de graines aromatiques macérées dans +l'alcool. + +[26] L'usage de la plupart des accoucheurs de cette époque, ainsi que +l'enseigne _Mauriceau_ dans son _Traité des accouchements_, était de +délivrer la femme aussitôt la sortie de l'enfant, et de ne couper le +cordon que lorsque l'arrière-faix tout entier était dehors. Clément +était d'un avis tout opposé. Il voulait que l'on commençât par la +ligature du cordon. Il donnait pour raison qu'on ne peut trop tôt ôter +l'enfant d'auprès de sa mère, et l'en débarrasser pour le mettre entre +les mains de celles qui doivent l'accommoder. Il ajoutait que plus on +différait à lier le cordon, plus la circulation de l'enfant avec le +placenta se continuait, et plus par conséquent le placenta se détachait +difficilement de l'utérus; et de plus, qu'en laissant crier l'enfant +près de sa mère, on lui faisait de la peine, et que cet éveil à la +tendresse maternelle pouvait être encore une cause de retard à la sortie +du délivre. + +Il lia donc le cordon, le coupa, et remit l'enfant entre les mains des +femmes qui devaient l'arranger. On l'enveloppa dans un linge et on le +porta dans un cabinet voisin, et près du feu. On le lava avec une éponge +trempée dans du vin légèrement chauffé, dans lequel on avait fait fondre +une certaine quantité de beurre. Clément vint lui mettre le cordon dans +un linge huilé, plaça la bande de corps, et l'on emmaillotta l'enfant. +Il s'occupa ensuite de délivrer la princesse. L'arrière-faix, à sa +sortie, fut placé sur un plat d'argent et présenté à l'examen des +médecins pour s'assurer de son intégrité. + +[27] Les curés de paroisses royales avaient le droit non-seulement +d'assister en étole aux baptêmes, mariages et autres sacrements qui +s'administraient à la cour, mais encore de faire mention de leur +présence dans les actes les constatant. Voici comment cet usage s'était +introduit. + +Le cardinal de Richelieu connaissait le grand nombre de ses ennemis et +la faiblesse de Louis XIII. Craignant qu'après sa mort sa famille ne fût +inquiétée, il chercha pour elle un appui dans la puissante maison de +Condé, et fit épouser à sa nièce, Claire-Clémence de Maillé-Brézé, Louis +de Bourbon, duc d'Enghien, si connu sous le nom de grand Condé! + +Ce mariage se fit le 11 février 1645, dans la chapelle du Louvre, et le +frère de Richelieu, le cardinal de Lyon, leur donna la bénédiction +nuptiale. Le prince de Condé, père de Louis, et Louis lui-même, ayant +montré de la répugnance pour cette alliance, le cardinal ne parvint à la +conclure qu'à l'aide des grands avantages qu'il assura à sa nièce; et +comme il craignait que plus tard on ne cherchât quelques prétextes pour +la rompre, il voulut que le curé de Saint-Germain l'Auxerrois fût +présent à la célébration avec son étole, et qu'il apportât ses registres +afin d'y faire inscrire l'acte. Telle est l'origine de l'usage où +étaient les curés des résidences royales d'assister en étole à tous les +sacrements s'administrant à la cour. Cet usage s'est renouvelé de nos +jours, car on a vu, il y a quelques années, le curé de l'église de +Notre-Dame de Versailles, depuis évêque de Dijon, venir au château de +Trianon et y assister en étole à la cérémonie du mariage de la princesse +Marie, fille du roi Louis-Philippe, avec le prince de Wurtemberg. + +[28] Après que les femmes de la Dauphine eurent procédé à sa toilette, +elle fut placée dans son lit, préalablement chauffé. Comme l'enfant +était resté assez longtemps au passage, les parties externes de la +génération étaient contusionnées et douloureuses; Clément y fit +appliquer un cataplasme ainsi fait: On prit deux onces d'huile d'amandes +douces et deux Å“ufs dont on mit le blanc et le jaune, qu'on fit cuire +dans un petit vase, comme des Å“ufs brouillés; on les étendit ensuite +sur de l'étoupe, et on les appliqua médiocrement chauds sur la partie. + +Comme le ventre était un peu sensible, Clément se servit, pour prévenir +l'inflammation de cette partie, d'un singulier moyen, auquel il renonça +cependant pour les autres accouchements de la Dauphine, quoiqu'ils aient +été aussi laborieux*. Il fit appliquer la peau encore chaude d'un mouton +noir nouvellement écorché. Pour cela on avait fait venir un boucher qui +écorcha le mouton dans une pièce voisine. Le boucher, voulant ne pas +laisser refroidir la peau, s'empressa d'entrer dans la chambre de la +princesse, en ayant pris cette peau ployée dans son tablier, et laissa +la porte ouverte; de sorte que le mouton écorché et tout sanglant le +suivit et entra jusqu'auprès du lit, ce qui fit une peur effroyable à +toutes les dames présentes à ce spectacle. Les seins furent ensuite +recouverts de deux petits matelas de laine. Ces soins terminés, la +Dauphine prit une potion qu'on était dans l'usage d'administrer pour +éviter aux femmes les tranchées, consistant dans un mélange d'huile +d'amandes douces, de sirop de capillaire et de jus d'orange. + +A la couche de la Dauphine, Clément se conforma encore à un usage +observé chez les reines, mais qu'il supprima plus tard, c'était +d'empêcher la femme de dormir aussitôt après l'accouchement. Dionis +resta trois heures auprès du lit de la Dauphine, ainsi qu'il avait fait +à la reine, pour causer avec elle et l'empêcher de se livrer au sommeil. + +Après que tout le monde se fut retiré de la chambre de la Dauphine, on +ferma tous les volets des fenêtres, et une seule bougie éclaira sa +chambre jour et nuit pendant les neuf premiers jours. Excepté +l'accoucheur, les médecins et les femmes nécessaires au service, +personne ne s'approcha non plus de la Dauphine pendant tout ce temps. +Les trois premiers jours, sa nourriture se composa de bouillons, d'Å“ufs +frais et de gelée; et sa boisson de tisane d'orge, de chiendent et de +réglisse chaude. Lorsque la fièvre de lait fut passée, on donna des +potages et du poulet, et elle but un peu de vin trempé. + +Une précaution regardée comme très-importante était de ne laisser entrer +dans la chambre de l'accouchée aucune personne ayant sur elle quelque +odeur. Aussi un huissier était-il placé à la porte de l'appartement de +la princesse, avec ordre de sentir toutes les dames, et de renvoyer +celles ayant quelque parfum ou quelque fleur, non-seulement pendant les +neuf premiers jours, mais même pendant les six semaines qui suivirent +l'accouchement. + +* Dionis. + +[29] Dans son livre du _Palais de Versailles_, M. Vatout dit qu'après la +naissance du duc de Bourgogne, Louis XIV s'étant montré en public, le +peuple le porta depuis la surintendance, où la Dauphine était accouchée, +jusqu'à ses appartements. On voit, par ce récit, que cette scène +d'effusion entre Louis XIV et ses courtisans eut lieu dans l'intérieur +du palais, et que _le peuple_ n'y prit aucune part. L'erreur de M. +Vatout vient, on l'a déjà fait remarquer, de ce qu'il a confondu la +surintendance avec le pavillon de la surintendante. + +[30] Il y avait alors la grande cour, appelée aussi première cour, +fermée par la grille que l'on voit encore aujourd'hui; la deuxième cour, +ou cour royale, séparée de la première par une grille aujourd'hui +détruite, et la troisième cour, ou cour de marbre. + +[31] L'Étape était une espèce de halle aux vins, dans laquelle les +marchands de vins en gros de la ville déposaient leurs pièces pour les +vendre aux habitants. Elle était située derrière l'ancienne geôle. + +[32] La pompe, située rue des Réservoirs, sur l'emplacement du +restaurant Duboux, était un instrument hydraulique servant à élever +l'eau de l'étang de Clagny dans les réservoirs du château, pour de là +les distribuer dans les bassins du parc. Plus tard, madame de Pompadour +fit bâtir son hôtel sur le même emplacement. + +[33] Tous les ornements de plomb de la toiture du château et des ailes +des ministres étaient dorés. + +[34] Sauf les grands seigneurs, les habitants de Versailles étaient +alors composés de paysans, d'ouvriers, et de gens de bas étage, attirés +par les travaux que faisait faire le roi, et par les privilèges qu'il +accorda aux premiers propriétaires de la ville. Les marguilliers de la +paroisse, se considérant comme les représentants des bourgeois de la +ville, ne voulurent pas laisser passer une occasion si favorable de se +distinguer, ce qui amena une scène assez plaisante. + +Ils allèrent trouver Bontemps, premier valet de chambre du roi et alors +gouverneur de Versailles; ils lui représentèrent que, dans une +circonstance aussi solennelle, ils ne pouvaient se dispenser de porter +au roi les félicitations des habitants de Versailles, et le prièrent de +les présenter à Louis XIV. Bontemps en parla au roi, qui voulut bien les +recevoir et leur assigna une heure le lendemain. + +A l'heure indiquée, Bontemps, comme gouverneur de Versailles, avait cru +devoir se mettre à la tête de la députation. Il les introduisit dans le +salon où se trouvait le roi; mais, à peine y furent-ils entrés, que, +sans donner à Bontemps le temps de prononcer la formule d'usage: «Sire, +voici les bourgeois de Versailles que je présente à Votre Majesté», l'un +des marguilliers, nommé Colette, épicier de profession, chargé de faire +le compliment, enthousiasmé sans doute par la présence du roi, se mit à +chanter à pleine gorge: _Domine salvum fac regem_, auquel les +marguilliers, électrisés à leur tour par la voix de lutrin de leur +orateur, répondirent: _Et exaudi nos in die, qua invocaverimus +te_.--Louis XIV ne s'attendait pas à un pareil discours. Il ne put +conserver sa gravité et se mit à rire, ainsi que tous les seigneurs qui +l'entouraient. Mais Bontemps, peu flatté du rôle que venaient de lui +faire jouer les marguilliers, leur fit de vifs reproches et les poussa +hors du salon, d'où ils se retirèrent un peu confus de leur réception. + +[35] Louis XIV aimait le faste et la représentation. Lorsqu'il résolut +de venir habiter Versailles, l'un de ses premiers soins fut d'ordonner +la construction d'un escalier qui annonçât dignement la magnificence des +appartements de ce palais. Levau et Dorbay furent chargés de sa +construction, et Lebrun de sa décoration. Ce bel escalier passait alors +pour un chef-d'Å“uvre. Il fut détruit sous Louis XV, lorsque l'on fit de +nouvelles distributions. Il était situé tout à fait en face de +l'escalier de marbre ou _de la Reine_, existant encore de l'autre côté +de la cour royale. Il était vraiment digne, si l'on en croit sa +description et les planches de Baudet, représentant les peintures du +plafond, des grands artistes auxquels Louis XIV en avait confié +l'exécution. Cet escalier portait aussi le nom _d'escalier des +Ambassadeurs_, parce que c'était par là que les ambassadeurs entraient +dans les appartements, du roi, lors des grandes réceptions. + +[36] Dionis. + +[37] Dans le bâtiment en face de la bibliothèque de la ville de +Versailles. + +[38] Dionis. + +[39] Dangeau. + +[40] Cet hôtel, situé rue de la Bibliothèque, nº 6, fut construit en +1670. C'est l'une des plus anciennes maisons de Versailles. Devenu trop +petit pour la surintendance, on en construisit un plus vaste dans la +même rue, nº 9, aujourd'hui le petit séminaire. L'ancien hôtel resta +l'habitation des surintendants. + +[41] _Journal de Dangeau_, publié par MM. Soulié, Dussieux, de +Chennevières et de Montaiglon. + +[42] Paris, 1710. + +[43] Dionis, ouvr. cité. + +[44] L'aile du midi, construite en 1679, s'appelait l'_ancienne aile_, +et celle du nord, élevée en 1685, l'_aile neuve_. + +[45] Il est évident, par l'explication qu'il donne ailleurs du lieu où +se trouvait l'appartement de madame de Maintenon, que Saint-Simon entend +par _grand escalier_ l'escalier de marbre ou de la Reine, le seul par où +l'on entrât directement dans les petits appartements du roi. + +[46] Détruit sous Louis XV. + +[47] Suivre pour toute cette description le plan de Blondel dans son +livre de l'_Architecture française_, tome IV. + +[48] On le nommait aussi _cabinet des Perruques_, parce que c'était dans +ce cabinet que l'on déposait les différentes perruques de Louis XIV. + +[49] La comédie était située au fond de la cour des Princes, dans le +vestibule servant aujourd'hui de passage de cette cour dans les jardins. +Elle n'a cessé d'exister que sous le premier Empire. + +[50] L'escalier des Princes. + +[51] En effet, on va voir tout à l'heure que l'antichambre de +l'appartement de jour du duc de Bourgogne (salle des Gouaches), donnait +sur la salle des Cent-Suisses (salle de 1792), et qu'on pouvait de cette +antichambre passer dans l'appartement de madame de Maintenon. + +[52] Saint-Simon appelle tantôt grand degré, tantôt grand escalier, +l'escalier de marbre; c'est ce qui a mis dans l'erreur M. Vatout, et lui +a fait supposer que Saint-Simon voulait parler de l'escalier des +ambassadeurs. Dans ce récit il n'y a aucun doute sur celui auquel il +donne le nom de grand degré. + +[53] L'on voit que Saint-Simon place cette porte dans l'endroit déjà +indiqué par Félibien. + +[54] Nous avons déjà vu, dans la description de Félibien, que cette +salle des gardes, qu'il ne faut pas confondre avec la grande salle des +gardes, que le duc de Bourgogne venait de traverser pour entrer chez +madame de Maintenon, avait son entrée sur le vestibule, au haut de +l'escalier et en face de l'appartement de madame de Maintenon. + +[55] Voir le plan de Blondel. Ces deux antichambres ont été détruites et +ne forment aujourd'hui qu'une seule pièce, la salle de 1795. + +[56] Cette chambre forme la salle de 1794. + +[57] Pour pouvoir faire de cette chambre une salle de tableaux, on a +détruit la cheminée, qui, d'après Blondel, se trouvait au fond, dans la +face orientale. + +[58] Cet enfoncement est très-bien indiqué dans le plan de Blondel. La +croisée qui s'y trouvait alors était condamnée. On l'a ouverte depuis +pour donner plus de jour à cette salle. + +[59] Ces marches, indiquées dans le plan de Blondel, ont été supprimées +depuis qu'on a baissé le sol du grand cabinet auquel elles servaient à +monter. Aujourd'hui c'est un passage étroit qui sert à aller de la salle +de 1794 dans celle de 1793. + +[60] Le grand cabinet (aujourd'hui salle de 1793) était en effet de +plain-pied avec l'appartement de jour du duc de Bourgogne (salle des +Gouaches), et l'on entrait dans l'antichambre de cet appartement, noté +sur le plan de Blondel comme celui du cardinal de Fleury, par une porte +(aujourd'hui cachée par un tableau) qui se trouvait en face de celle de +la chambre de madame de Maintenon, et qui ouvrait sur le petit palier +d'un escalier communiquant à la salle de comédie. + +[61] Cette antichambre, où se trouvent aujourd'hui les costumes des +divers régiments, descend encore dans la salle dont parle Saint-Simon +(salle de 1792), par plusieurs marches, le sol de l'ancien appartement +de jour du duc de Bourgogne étant resté plus élevé. + +[62] Par l'escalier déjà indiqué. + +[63] Cette garde-robe existe encore, mais on y a construit un +calorifère. + +[64] Dans un autre endroit de ses _Mémoires_, Saint-Simon dit:--Chez +elle, avec le roi, ils étaient chacun dans leur fauteuil, une table +devant chacun d'eux, aux deux coins de la cheminée, elle du côté du lit, +le roi le dos à la muraille, du côté de la porte de l'antichambre, et +deux tabourets devant sa table, un pour le ministre qui venait +travailler, l'autre pour son sac. Les jours de travail, ils n'étaient +seuls ensemble que fort peu de temps avant que le ministre entrât, et +moins encore fort souvent après qu'il était sorti. Le roi passait à une +_chaise percée_, revenait au lit de madame de Maintenon, où il se tenait +debout fort peu, lui donnait le bonsoir, et s'en allait se mettre à +table. + +[65] Par le petit escalier qui se trouve entre le grand cabinet de +madame de Maintenon et l'antichambre de M. le duc de Bourgogne. + +[66] _Mémoires de Saint-Simon_, tome XII, page 132. Édition Delloye. + +[67] Voir _Histoire de la maison royale de Saint-Cyr_, par M. Théophile +Lavallée, le même fait raconté d'une manière bien différente. + +[68] Voir le livre des _Eaux de Versailles_, par J. A. Le Roi. + +[69] De Ville, qui était fils d'un bourgmestre de Ville, passa la plus +grande partie de sa jeunesse au château de Modave. + +[70] Voir note nº 11, _Pièces justificatives_. + +[71] De Prony, art. Rennequin, _Biographie universelle_. + +[72] Voir le tableau des pentes de la Seine fait à cette époque, note nº +6. + +[73] Voir le plan de la machine, par P. Giffart, note nº 2. + +[74] Voir le détail des dépenses de la machine, registre des bâtiments +du roi, note nº 1. + +[75] Voir le procès-verbal de l'arpenteur Caron, note nº 5. + +[76] Cette maison est occupée aujourd'hui par le directeur. + +[77] Voir la note nº 10, _Pièces justificatives_. + +[78] Voir détail des dépenses, note nº 1. + +[79] Voir l'_Architecture hydraulique_ de Bélidor, et les _Eaux de +Versailles_, par J. A. Le Roi. + +[80] Nous nous servons ici de la description donnée par M. de Prony et +par Bélidor. + +[81] Cette tour en charpente fut plus tard portée à l'Observatoire de +Paris, et servit à placer les premiers télescopes. Voir l'_Histoire de +l'Académie des sciences_, année 1690. + +[82] Voir Piganiol de la Force, _Description de la machine_, note nº 8. + +[83] _Instruction pour l'établissement d'une estacade_, par Vauban. +Archives de la machine, note nº 4. + +[84] Elle est aujourd'hui chez le directeur de la machine. + +[85] Le _Siècle des beaux-arts_, par Ossude, et des _Eaux de +Versailles_, par J. A. Le Roi. + +[86] _Mélanges littéraires et scientifiques_, par l'abbé Caron. + +[87] _Quelques mots sur le lieu de naissance et l'époque du décès de +Renkin Sualem._ + +[88] Weidler. + +[89] Voir le procès-verbal du sieur Caron, du 15 février 1683, note nº +5. + +[90] Voir le procès-verbal du 12 janvier 1682, du même, note nº 5. + +[91] Registre des bâtiments du roi, année 1681, note nº 1. + +[92] Procès-verbal du 15 février 1683, note nº 5. + +[93] Voir le plan de la machine.--Arch. de la machine, note nº 2. + +[94] Cette maison est celle où madame du Barry fit bâtir son pavillon de +Louveciennes. + +[95] Registre des dépenses des bâtiments du roi, note nº 1. + +[96] Dépenses des bâtiments du roi, note nº 1. + +[97] Voir l'acte de décès de Rennequin, note nº 13. + +[98] Voir note 12. + +[99] Voir note 7. + +[100] Note de M. Bormans. V. note 11. + +[101] «S'il avait employé à embellir Paris, à finir le Louvre, les +sommes immenses que coûtèrent les aqueducs et les travaux de Maintenon +pour conduire des eaux à Versailles, travaux interrompus et devenus +inutiles; s'il avait dépensé à Paris la cinquième partie de ce qu'il en +a coûté pour forcer la nature à Versailles, Paris serait, dans toute son +étendue, aussi beau qu'il l'est du côté des Tuileries et du pont Royal, +et serait devenu la plus magnifique ville de l'univers.» (Voltaire, +_Siècle de Louis XIV_, t. II, p. 272.) + +[102] Songez bien que c'est à Dieu à qui vous devez tout ce que vous +estes. Cette faute de français, qui peut paraître aujourd'hui assez +extraordinaire dans la bouche de Louis XIV, nous semble, au contraire, +établir la vérité de la version que nous donnons. C'était, à cette +époque, une locution presque généralement en usage, et nous voyons +Boileau lui-même y céder dans ce vers célèbre: + + C'est à vous, mon esprit, à qui je veux parler. + +C'est là , à notre avis, une preuve presque certaine que ces paroles, +telles qu'elles sont rapportées ici, ont été en quelque sorte +sténographiées par celui qui était chargé de les recueillir. + +[103] Dangeau, qui ne quittait presque jamais Louis XIV, donne dans son +journal une version à peu près semblable à celle-ci, dans laquelle on +trouve aussi cette phrase: «_Je vous donne le père Letellier pour +confesseur._» + +[104] Le catalogue de la bibliothèque de madame de Pompadour, recherché +encore aujourd'hui des bibliographes, contient 3,535 articles de livres, +235 de musique, 36 d'estampes. Il est terminé par une table des auteurs +et orné de son portrait. La marquise n'avait pas en tout dix volumes +latins, y compris un _Épinicion_, en l'honneur de milord Pot-au-feu, et +l'Horace gravé en 1733, exemplaire auquel était jointe une explication +française manuscrite des figures. Les grands auteurs grecs et latins +n'existaient qu'en traductions dans cette bibliothèque; qui, à la +réserve tout au plus de dix articles, se composait de livres français et +italiens. Il paraît, au reste, qu'on avait distrait quelques articles, +car on n'y a pas trouvé l'exemplaire de l'_Abrégé_ chronologique du +président Hénault, donné par l'auteur à Voltaire, puis offert par +celui-ci à madame de Pompadour. Il avait écrit sur la première page +quelques vers, dont les premiers seulement ont été conservés: + + Le voici ce livre vanté; + Les Grâces daignèrent l'écrire + Sous les yeux de la Vérité: + Et c'est aux Grâces de le lire. + + +[105] Collin était le factotum de madame de Pompadour. + +[106] Madame Duhausset donne toujours à madame de Pompadour le nom de +_Madame_. + +[107] Louis XV avait eu déjà , avant 1755, quelques rendez-vous galants, +soit dans cette maison louée probablement avant d'en faire +l'acquisition, soit dans quelque autre de ce quartier, car on lit dans +le journal de l'avocat Barbier, à la date du mois de mars 1753, _que le +bruit courait dans Paris qu'une jeune fille de seize ans avait été logée +au Parc aux_* _Cerfs pour l'amusement du roi_; et dans une note des +_Mémoires de madame Duhausset: Quelquefois on a changé de maison et de +quartier, mais sans renoncer à l'ancienne maison._ + +[108] Cela est confirmé par une note qu'on trouve dans les _Mémoires de +madame Duhausset_: + +«Un commissaire de la marine, nommé Mercier, qui avait eu part à +l'éducation de l'abbé de Bourbon, avait plus de connaissance qu'aucun +autre sur cet établissement; et voici ce qu'il a dit à un de ses amis: +«_La maison était de très-peu d'apparence_; il n'y avait en général +qu'une seule jeune personne; la femme d'un commis du bureau de la guerre +lui tenait compagnie, jouait avec elle, ou travaillait en tapisserie. +Cette dame disait que c'était sa nièce; elle la menait, pendant les +voyages du roi, à la campagne.» Et plus loin, madame Duhausset dit +encore: «Il n'y en avait au reste que deux en général, et très-souvent +une seule. Lorsqu'elles se mariaient, on leur donnait des bijoux et une +centaine de mille francs. _Quelquefois le Parc aux Cerfs était vacant +cinq et six mois de suite._» + +[109] Ou trouve ce qui suit dans un écrit récent intitulé _le Château de +Luciennes_, de M. Léon Gozlan: «Le Parc aux Cerfs, qui est encore mal +connu, était un endroit solitaire, silencieux, _lugubre comme un +abattoir_. C'est là que le roi, sans suite et à l'entrée de la nuit, +allait commettre ses plaisirs. Il en avait tellement pris l'habitude +qu'il avait fini par se croire quitte envers Dieu et les hommes en +dotant les jeunes filles flétries dans cet antre.--Le Parc aux Cerfs +coûtait près de cent soixante-dix mille francs par mois, _ce qui fait +pour trente années d'existence plus de cent cinquante millions_.» Où +l'auteur a-t-il puisé ces renseignements? + +[110] La bibliothèque de la ville de Versailles possède aujourd'hui la +plus grande partie des papiers concernant madame du Barry, formant +quinze dossiers. Ces papiers donnent les renseignements les plus +détaillés sur sa famille, sa fortune, sa liaison avec de grands +personnages, les procès de ses héritiers, etc. + +[111] Bibliothèque de Versailles. + +[112] Bibliothèque de Versailles. + +[113] Bibliothèque de Versailles. + +[114] Bibliothèque de Versailles. + +[115] Sous Louis XVI, ce même appartement fut changé dans sa +disposition, et devint le petit appartement particulier de la reine +Marie-Antoinette. + +[116] Archives de la préfecture de Seine-et-Oise. Cette maison porte +aujourd'hui le nº 7. + +[117] Le charmant château de Bellevue. + +[118] Bibliothèque de Versailles. + +[119] Archives de la préfecture de Seine-et-Oise. + +[120] Toutes ces descriptions de meubles sont copiées textuellement sur +les mémoires des fournisseurs. + +[121] Archives de Seine-et-Oise. + +[122] Bibliothèque de Versailles. + +[123] Archives de Seine-et-Oise. + +[124] Archives de Seine-et-Oise. + +[125] Madame du Barry avait aussi loué pour ses gens l'hôtel de +Luynes,--aujourd'hui rue de la Bibliothèque, nos 4 et 6. + +[126] C'est aujourd'hui une caserne de cavalerie. + +[127] C'est l'un des papiers remis aux héritiers en 1825. + +[128] Beaujon était le banquier de la cour. + +[129] Archives de la préfecture de Seine-et-Oise. + +[130] Archives de Seine-et-Oise. + +[131] Bibliothèque de Versailles. + +[132] _Idem_, et Archives de Seine-et-Oise. + +[133] Voir aux notes la lettre nº 1 de M. de Brissac à madame du Barry. + +[134] Ce joli petit bijou est en ce moment en la possession du +bibliothécaire de Versailles.--Le chiffre en diamants est composé des +deux lettres _J. B._ + +[135] Bibliothèque de Versailles. + +[136] Ce fait est raconté dans le nº 259 du _Courrier français_ (1792). + +[137] Archives de la préfecture de Seine-et-Oise. + +[138] Archives de Seine-et-Oise. + +[139] Archives de Seine-et-Oise. + +[140] Voir aux notes la lettre nº 2 de madame du Barry aux +administrateurs du district de Versailles. + +[141] Après la journée du 20 mai 1795, Goujon fut traduit devant une +commission militaire, et après avoir entendu son arrêt de mort, il se +poignarda en descendant les marches de sa prison. + +[142] Madame du Barry avait alors cinquante ans, mais elle était encore +fort belle, et Lavallery parut s'intéresser à elle par un sentiment plus +vif que la simple pitié.--Voir à ce sujet aux notes la lettre nº 3, +écrite par Lavallery à madame du Barry, et le récit nº 4. + +[143] Celui qui lui conseilla de venir s'établir à Versailles. + +[144] C'était une simple médaille très-ordinaire. + +[145] Étant à Londres, madame du Barry plaça 200,000 francs qui furent +hypothéqués sur les biens de M. Rohan-Chabot. + +[146] Ces 200,000 francs n'ont jamais été prêtés. + +[147] Graillet avait épousé une de ses cousines. + +[148] Voir aux notes, le récit nº 4. + +[149] Termes de leur rapport. + +[150] Archives de Seine-et-Oise. + +[151] Archives de Seine-et-Oise. + +[152] Archives de Seine-et-Oise. + +[153] Morin fut condamné à mort quelques jours après, _comme complice +des crimes de la du Barry_. + +[154] Prison de Versailles où l'on renfermait les prisonniers +politiques. + +[155] Archives de Seine-et-Oise. + +[156] Archives de Seine-et-Oise. + +[157] Elle fut adjugée 6,000,000 de francs en assignats, à +Jean-Baptiste-Charles-Édouard Delapalme, demeurant aux Vaux-de-Cernay. +(Bibliothèque de Versailles.) + +[158] Il avait épousé en deuxièmes noces Jeanne-Madeleine Lemoine. + +[159] Les registres de l'état civil étant à cette époque entre les mains +du clergé, les actes de naissance et de baptême ne faisaient qu'un. + +[160] Bibliothèque de Versailles. + +[161] Archives de Seine-et-Oise. + +[162] Une partie de ces papiers se trouve actuellement à la bibliothèque +de Versailles. + +[163] Cet abbé Gomard était un pauvre hère qui dut facilement se prêter +pour de l'argent au rôle qu'on lui fit jouer dans cette affaire. On voit +dans les papiers de madame du Barry, réunis à la bibliothèque de +Versailles, qu'aussitôt installée à la cour, elle lui donna de l'argent, +le fit habiller par son tailleur, et qu'on le nomma aumônier du roi. + +[164] Bibliothèque de Versailles. + +[165] Voir, pour ce procès, le tome XXXII de la _Collection de_ _Sirey_ +et la _Gazette des Tribunaux_ des 4 juillet, 5, 11 et 27 août 1833. + +[166] Ce même Lavallery se suicida quelques jours après la mort de +madame du Barry. + +[167] On a vu que ce n'est pas tout à fait ainsi que les choses se sont +passées, mais c'était la croyance de l'époque. + +[168] Nous avons montré qu'elle avait cinquante ans au moment de sa +mort. + + + + + + +End of the Project Gutenberg EBook of Curiosités historiques sur Louis XIII + Louis XIV, Louis XV, Mme de Maintenon, by J. A. Le Roi + +*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK CURIOSITÉS HISTORIQUES *** + +***** This file should be named 35089-0.txt or 35089-0.zip ***** +This and all associated files of various formats will be found in: + http://www.gutenberg.org/3/5/0/8/35089/ + +Produced by Chuck Greif and the Online Distributed +Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This file was +produced from images at the Bibliothèque nationale de +France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr) + + +Updated editions will replace the previous one--the old editions +will be renamed. + +Creating the works from public domain print editions means that no +one owns a United States copyright in these works, so the Foundation +(and you!) can copy and distribute it in the United States without +permission and without paying copyright royalties. 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You may copy it, give it away or +re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included +with this eBook or online at www.gutenberg.org + + +Title: Curiosités historiques sur Louis XIII, Louis XIV, Louis XV, Mme de Maintenon, Mme de Pompadour, Mme du Barry, etc. + +Author: J. A. Le Roi + +Release Date: January 27, 2011 [EBook #35089] + +Language: French + +Character set encoding: ISO-8859-1 + +*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK CURIOSITÉS HISTORIQUES *** + + + + +Produced by Chuck Greif and the Online Distributed +Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This file was +produced from images at the Bibliothèque nationale de +France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr) + + + + + + + + + +CURIOSITÉS HISTORIQUES + +SUR + +LOUIS XIII, LOUIS XIV, LOUIS XV, + +MME DE MAINTENON, +MME DE POMPADOUR, MME DU BARRY, ETC., + +PAR J. A. LE ROI, + +CONSERVATEUR DE LA BIBLIOTHÈQUE DE VERSAILLES, +CORRESPONDANT DU MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION +PUBLIQUE POUR LES TRAVAUX HISTORIQUES; + +PRÉCÉDÉES D'UNE INTRODUCTION + +PAR M. THÉOPHILE LAVALLÉE. + +[colophon] + +PARIS + +HENRI PLON, IMPRIMEUR-ÉDITEUR + +RUE GARANCIÈRE, 8. + +1864 + +_Tous droits réservés._ + + + + +CURIOSITÉS HISTORIQUES + +SUR + +LOUIS XIII, LOUIS XIV, LOUIS XV, + +M^{ME} DE MAINTENON, + +M^{ME} DE POMPADOUR, M^{ME} DU BARRY, ETC. + +L'auteur et l'éditeur déclarent réserver leurs droits de reproduction +et de traduction à l'étranger. + +Ce volume a été déposé au ministère de l'intérieur (direction de +la librairie), en mars 1864. + +PARIS.--TYPOGRAPHIE DE HENRI PLON + +IMPRIMEUR DE L'EMPEREUR + +RUE GARANCIÈRE, 8 + + + + +INTRODUCTION. + + +Les _curiosités historiques_ que renferme ce volume se rapportent +principalement au château de Versailles et aux règnes de Louis XIII, de +Louis XIV et de Louis XV. Malgré les essais qui en ont été tentés, on +peut dire que l'histoire du château de Versailles est encore à faire, et +il serait heureux, par le temps de révolutions, de démolitions, de +transformations où nous sommes, que cette histoire pût se faire +promptement; car cette grande création de Louis XIV, ce théâtre de tant +de splendeurs, de tant d'événements, «ce temple de la monarchie absolue +qui devait, avant que le temps eût noirci ses marbres, en être le +tombeau», a subi, surtout depuis l'établissement des _galeries +historiques_, des remaniements si malheureux qu'il n'est plus +reconnaissable qu'à l'extérieur, et que son histoire passera bientôt, +avec ses grandeurs et ses magnificences, à l'état de fable ou de +légende. Il n'est personne qui, en arpentant les dix ou douze kilomètres +de tableaux qu'on a entassés dans ce palais, n'ait «désiré connaître +l'histoire de chacune de ces chambres, surtout de ces petits +appartements dans lesquels on vit l'amour, la jalousie, l'ambition, la +haine, toutes les plus mauvaises passions du coeur humain s'agiter si +longtemps pour donner le spectacle de ces élévations et de ces chutes de +favoris et de maîtresses qui ont eu tant d'influence sur les destinées +de la France[1]». + +En attendant que se fasse l'histoire du château de Versailles, un +redresseur infatigable des faussetés et des falsifications historiques, +M. Le Roi, conservateur de la bibliothèque de Versailles, a porté ses +investigations sur quelques événements, sur quelques personnages, sur +quelques localités de Versailles, et, en fouillant les pièces +originales, les actes authentiques, les documents incontestables, il +est parvenu à mettre en lumière des faits restés obscurs ou douteux, à +réduire à néant ou à leur juste valeur des allégations mensongères, +enfin à porter la vérité dans un petit coin de ce vaste champ historique +si mal exploré, si mal connu, où l'erreur et la calomnie poussent si +bien, poussent si vite, et par tous les climats! + +Voici les questions ou problèmes historiques que s'est posés M. Le Roi +et qu'il a heureusement résolus: + +1º Où était le château de Versailles construit par Louis XIII, et dans +quelle partie du château s'est passée la _journée des Dupes_? + +2º Quels événements particuliers ont marqué la naissance du duc de +Bourgogne? + +3º Quels événements particuliers ont marqué la grande opération faite à +Louis XIV en 1686? + +4º Louvois est-il mort de poison ou de mort naturelle? + +5º Quel a été le véritable inventeur de la machine de Marly? De Ville ou +Rennequin Sualem? + +6º Où était, dans le château de Versailles, l'appartement de madame de +Maintenon? + +7º Quelles sont les paroles adressées au Dauphin par Louis XIV à son lit +de mort? + +8º A quelle somme s'élèvent les dépenses de madame de Pompadour pendant +tout son _règne_? + +9º Qu'était-ce que le Parc aux cerfs? + +10º A quelle somme s'élèvent les dépenses faites par madame du Barry? +Quel était son vrai nom? + +Nous allons dire en quelques mots comment M. Le Roi a résolu ces +_curiosités historiques_. + +1º Le château de Versailles, bâti par Louis XIII, en 1624, est le +pavillon central qui existe encore aujourd'hui. C'était un simple +rendez-vous de chasse, flanqué de quatre petits pavillons, avec un +balcon de fer tournant tout autour. Une fausse braie l'entourait et +était précédée d'un fossé à fond de cuve, revêtu de pierres et terminé +par une balustrade. La pièce principale était la salle ou salon du +premier étage, dont Louis XIV fit plus tard sa chambre à coucher et où +il mourut. Des fenêtres de cette salle d'où Louis XVI se montra au +peuple dans la journée du 6 octobre, on se figure aisément l'aspect que +présentait alors Versailles: la vue dominait sur un pays accidenté, +presque entièrement boisé, coupé de quelques étangs, marqué seulement +par un pauvre village d'une cinquantaine de feux, pays triste, monotone, +un peu sauvage, qui inspirait la mélancolie, qui était parfaitement en +rapport avec les goûts et l'humeur de Louis XIII. + +Quant aux lieux illustrés par la journée des Dupes, M. Le Roi nous +montre que la chambre à coucher de Louis XIII était dans la pièce dite +plus tard de l'OEil-de-boeuf, et qui fut aussi pendant longtemps la +chambre à coucher de Louis XIV; que la pièce où coucha Richelieu, +au-dessous de la chambre du roi, est aujourd'hui la salle des Portraits +des rois de France; que l'escalier dérobé par lequel le duc de +Saint-Simon le conduisit dans la chambre de Louis XIII existe encore +dans un coin de cette salle; enfin que l'entretien qu'il eut avec ce +prince et d'où l'on peut dire qu'ont dépendu les destinées de la France, +se passa dans le cabinet voisin de la chambre à coucher du roi et qui +fait partie du salon de l'OEil-de-boeuf. + +Louis XIV conserva religieusement le château construit par son père; il +ne fit que l'agrandir successivement, à mesure que Versailles lui +plaisait davantage. Il n'avait pas d'abord l'intention d'en faire +l'immense palais qui existe aujourd'hui; il n'avait pas l'intention de +faire de Versailles son séjour ordinaire. Les plans de construction +furent plusieurs fois changés; de nombreuses démolitions furent +nécessaires; de là le disparate si marqué entre la façade des jardins, +si noble, si belle, si harmonieuse, et la façade de la ville, si +compliquée, si travaillée, si irrégulière. + +2º Saint-Simon nous a donné un tableau précieux de l'aspect du château +de Versailles, le jour de la naissance du duc de Bourgogne, de la joie +du roi, des transports de la cour, de l'enthousiasme populaire. M. Le +Roi, d'après des documents originaux, ajoute quelques traits à ce +tableau, et qui l'achèvent. Il nous apprend que ce fut la première fois +qu'on confia à un médecin le soin d'accoucher une reine ou une Dauphine, +que jusqu'alors les sages-femmes avaient eu cet office, et qu'elles +cessèrent de l'avoir. Il entre alors dans des détails très-curieux sur +l'art des accouchements à cette époque, sur le choix des nourrices, +etc. L'accoucheur fut Clément, dont le roi avait éprouvé l'habileté, car +c'était lui qui avait assisté madame de Montespan dans ses nombreuses +grossesses. Il devint, dès lors, l'accoucheur de la Dauphine, puis de la +duchesse de Bourgogne, de la reine d'Espagne, etc. C'était un +très-habile et excellent homme, que le roi traita comme il traitait tous +les hommes de mérite, c'est-à-dire avec cette gracieuse dignité qui +doublait le prix des récompenses. Outre qu'il l'enrichit, il lui donna +des lettres de noblesse, avec une clause, dit M. Le Roi, qui honore au +même degré l'homme de mérite auquel s'adressait cette distinction et le +souverain qui l'accordait. Cette clause portait «qu'il ne pourrait +abandonner la pratique de son art, ni refuser ses conseils, ni ses +secours aux femmes qui les réclameraient». + +3º On sait qu'en 1686 Louis XIV fut affligé d'une hideuse maladie, la +fistule, qu'on regardait alors comme à peu près incurable ou mortelle. +Les mémoires du temps parlent peu de ce grave accident dans la vie du +roi, cette maladie ayant été longtemps tenue secrète, et l'opération +qui la termina ayant été faite avec le plus grand mystère, et divulguée +seulement quand la guérison fut assurée. M. Le Roi a retrouvé sur ce +sujet des détails importants, soit au point de vue médical, soit au +point de vue historique, dans les mémoires du médecin Dionis. +L'opérateur fut Félix de Tassy, chirurgien très-habile, qui le premier a +fait connaître les moyens de guérir par l'incision cette triste maladie. +C'est dans la chambre du roi, qui formait, comme nous l'avons dit, une +partie du salon appelé plus tard l'OEil-de-boeuf, qu'eut lieu cette +opération qui paraissait alors si périlleuse. Il n'y avait d'autres +témoins que madame de Maintenon, le père de la Chaise, le ministre +Louvois, les quatre médecins ou chirurgiens du roi, avec un garçon ou +élève. La famille royale et la cour n'avaient pas le moindre soupçon de +la grave résolution prise par Louis XIV; le Dauphin était à la chasse. +Le roi montra le calme et la fermeté qui le distinguaient dans toutes +ses actions: il ne poussa pas un cri, ne dit pas un mot. Une heure +après, il tenait son lever comme à l'ordinaire, et les courtisans +apprenaient avec effroi ce qui venait de se passer; quelques heures +plus tard, il tenait conseil dans son lit, et le soir il y eut dans sa +chambre la réception qu'on appelait _appartement_. On suit avec anxiété, +dans le récit de M. Le Roi, les détails de cette opération chirurgicale +qui marque dans les annales de la science, puisque la méthode inventée +en cette circonstance par Félix est encore celle qu'on suit de nos +jours, opération qui tint pendant quelques jours la France dans +l'anxiété; car à la vie du roi tenaient le salut du royaume et le repos +de l'Europe. On peut voir aussi, dans les Lettres de madame de Maintenon +à madame de Brinon (_Lettres historiques et édifiantes_, t. I) quelles +furent ses angoisses et ses craintes en cette circonstance; elles sont +une réponse à cette calomnie, qu'elle n'aimait point Louis XIV, de même +que sa présence au chevet du roi pendant la dégoûtante opération était +le témoignage du lien sacré qui les unissait. + +4º On sait que la mort subite de Louvois à l'âge de cinquante ans excita +le plus grand étonnement. Tout le monde le crut empoisonné. Saint-Simon +le dit ouvertement en entrant dans des détails qui semblent plausibles. +La princesse Palatine, dans l'aveuglement de ses haines, va plus loin: +elle accuse de cette mort madame de Maintenon. Les historiens +protestants ont seuls répété cette calomnie; mais les plus modérés, même +les plus modernes, s'arrêtent au récit de Saint-Simon, et pour eux tous, +Louvois est mort empoisonné, on ne sait par quel ennemi. Le récit de M. +Le Roi fait justice de cette accusation au moyen d'un témoignage +incontestable, celui de Dionis, médecin de Louvois, qui assista à sa +mort, et fit, de concert avec trois autres médecins, l'ouverture de son +corps. Il en résulte clairement que Louvois est mort d'une attaque +d'apoplexie pulmonaire. + +5º Dans quelle partie du château de Versailles était l'appartement de +madame de Maintenon, cet appartement où Louis XIV travaillait avec ses +ministres, et où, pendant trente ans, se sont décidées les destinées de +la France? A première vue il semble qu'une telle recherche soit facile, +et qu'il ne puisse y avoir de doute à ce sujet. Il n'en est pas ainsi, +grâce au Musée national qui a fait subir à l'intérieur du château de +Versailles une transformation complète. L'intention de ce musée était +excellente, l'exécution n'y a pas répondu. Entreprise par des hommes peu +versés dans l'histoire du dix-septième siècle, elle a bouleversé +malheureusement les parties les plus intéressantes du château, et c'est +ainsi que l'appartement de madame de Maintenon, presque méconnaissable +aujourd'hui, est occupé par trois salles des campagnes de 1793, 1794 et +1795. L'aspect de ces pièces témoigne que madame de Maintenon était +logée fort à l'étroit et fort incommodément. Je ne sais si la femme de +chambre de quelque parvenu de nos jours se contenterait de cette chambre +unique où Louis XIV venait travailler, où madame de Maintenon mangeait, +couchait, s'habillait, recevait toute la cour, où tout le monde passait, +disait-elle, comme dans une église. Au reste, les princesses, les +princes, le roi lui-même n'étaient pas plus commodément logés. Tout +avait été sacrifié au faste, à l'éclat, à la représentation dans ce +magnifique château; Louis XIV était perpétuellement en scène et y tenait +sans interruption son rôle de roi, mais au milieu de toutes ces +peintures, ces dorures, ces marbres, ces splendeurs, on n'avait pas une +seule des aisances de nos jours; on gelait dans ces immenses pièces, +dans ces grandes galeries, dans ces chambres ouvertes de toutes parts, +où d'ailleurs il fallait vivre continuellement en public. Aussi Louis +XV, qui n'avait pas la santé de fer de son aïeul, abandonna ces vastes +magnificences et se fit une existence plus commode et surtout plus +secrète dans les petits appartements qu'on voit encore aujourd'hui. + +6º Quel est le véritable inventeur de la machine de Marly? On sait que, +d'après toutes les histoires et biographies, cet inventeur serait un +ouvrier liégeois, Rennequin Sualem. L'ouvrage de M. Le Roi nous +démontre, d'après des documents authentiques et des témoignages +irréfutables, que c'est une erreur. L'inventeur, l'architecte, le +gouverneur de la machine qui passait au dix-septième siècle pour une +merveille du monde, est un gentilhomme liégeois nommé le chevalier de +Ville; Rennequin Sualem en aurait été seulement le constructeur, et plus +exactement le charpentier. M. Le Roi donne à ce sujet une description +de la machine qui montre quel était l'état de la science hydraulique à +cette époque et qui témoigne que cette oeuvre lourde, coûteuse, +compliquée, n'en était pas moins digne d'admiration. + +7º On sait que le grand roi, sur le point de mourir, se fit apporter son +arrière-petit-fils et lui adressa quelques paroles pleines de dignité. +Ces paroles, recueillies par les assistants et qui furent mises au +chevet du lit du jeune Louis XV, ont été reproduites par les historiens +avec des variantes considérables. M. Le Roi a retrouvé une pièce très +curieuse qui fait cesser toute incertitude à cet égard et nous donne +définitivement le texte authentique. + +8º Ce morceau curieux est tout simplement l'analyse d'un manuscrit +composé par quelque secrétaire de madame de Pompadour, d'après les notes +mêmes de la marquise, et qui a pour titre: _État des dépenses faites +pendant le règne de madame la marquise de Pompadour, à commencer le 9 +septembre 1745 jusqu'au 15 avril 1764_ (c'est le jour de sa mort). +Disons tout de suite que le total général est d'environ trente-six +millions et demi pendant dix-neuf ans; donc, de moins de deux millions +par an. «Voilà, sur sa déclaration, dit M. Le Roi, le relevé de ce que +madame de Pompadour a coûté à la France.» C'est beaucoup, sans doute, +mais j'avoue que, d'après tout ce qu'on a écrit sur les prodigalités de +Louis XV envers ses maîtresses, sur le faste, le luxe de la marquise de +Pompadour, je m'attendais à un chiffre plus élevé, et je ne sais si pour +les dépensiers de nos jours ce chiffre ne paraîtra pas mesquin. +D'ailleurs, il faut remarquer que madame de Pompadour tenait une sorte +de cour, qu'elle donnait des fêtes, qu'elle faisait des pensions. Aussi +je lis sans étonnement cette réflexion qui termine le manuscrit: «Voici +un fait que personne ne voudra croire, qui est qu'à sa mort l'on n'ait +trouvé à cette femme que 37 louis d'or dans sa table à écrire, et se +trouve devoir la somme de 1,700,000 livres.» + +Voici comment se décomposent les trente-six millions. On sait que la +marquise était une femme de beaucoup d'esprit et de goût, aimant les +bâtiments, les tableaux, les sculptures, cultivant elle-même les arts, +et qui avait une cour d'écrivains et d'artistes. L'état des dépenses +entre à ce sujet dans des détails intéressants pour l'histoire des arts +et donne un total de plus de neuf millions. On sait aussi que madame de +Pompadour aimait les chevaux, qu'elle fit acheter des étalons dans +plusieurs pays, et qu'elle fonda dans sa terre de Pompadour le beau +haras qui existe encore aujourd'hui. L'état de ses dépenses sur cet +article s'élève à plus de trois millions. On trouve encore pour +médailles, 400,000 livres; pour une collection de pierres gravées, +400,000 livres; pour fêtes, voyages du roi, comédies, opéras, quatre +millions. Le chapitre des aumônes est malheureusement plus modeste, il +est ainsi marqué: _Donné aux pauvres pendant tout mon règne_, 150,000 +livres. Il est vrai qu'il y faut ajouter de nombreux secours et pensions +donnés à des maisons religieuses. + +9º «Il n'est aucun fait historique, dit M. Le Roi, qui ait rendu plus +odieux le nom de Louis XV; et qui, d'un autre côté, ait donné lieu à +plus de divagations parmi les écrivains, que le mystérieux établissement +du _Parc aux cerfs_.» On peut ajouter qu'il n'y en a pas qui ait excité +plus de haine contre l'ancien régime, qui ait valu à la cour des +Bourbons plus d'imprécations et de déclamations, qui ait eu plus +d'influence sur la révolution. M. Le Roi, pièces en main, réduit cette +monstruosité à sa juste valeur. Le nom seul de Parc aux cerfs est en +grande partie la cause des exagérations débitées à ce sujet. A ce nom, +on se figure une sorte de sérail à la façon orientale, un immense jardin +avec bosquets mystérieux, pelouses fleuries, pavillons enchantés, et un +essaim de biches plus ou moins timides, poursuivies par un lubrique +monarque. Il n'est rien de tout cela: le _Parc aux cerfs_ était le nom +d'un quartier de Versailles, du quartier aujourd'hui appelé Saint-Louis, +qui avait été bâti sous Louis XIV, sur l'emplacement d'un parc à bêtes +fauves, datant de Louis XIII, et qui en avait gardé le nom. Quant au +sérail, voici à quoi il se réduit. Louis XV avait acheté secrètement, +dans une impasse déserte de ce quartier, une petite maison bourgeoise où +pouvaient à peine loger trois personnes, et dans laquelle son valet de +chambre faisait élever quelques jeunes filles ordinairement vendues par +leurs parents. «Il n'y en avait que deux en général, dit madame du +Hausset, très-souvent une seule; quelquefois, le Parc aux cerfs était +vacant cinq ou six mois de suite. Lorsqu'elles se mariaient on leur +donnait des bijoux et une centaine de mille francs.» Il ne paraît pas +que le nombre de ces victimes, immense d'après tous les historiens, ait +dépassé une trentaine, le roi n'ayant gardé cette maison que de 1755 à +1771. M. Le Roi appuie cette curieuse découverte historique de pièces +irréfutables, mais cela n'empêchera pas les historiens de scandales de +parler des centaines de millions, et même des milliards que coûta le +Parc aux cerfs. + +10º Si la dissertation sur le Parc aux cerfs atténue, sans le rendre +moins odieux, le libertinage de Louis XV, il n'en est pas de même du +morceau suivant qui renferme une notice biographique sur madame du +Barry, d'après des cartons et des liasses de documents appartenant aux +archives de la préfecture de Seine-et-Oise, et à la bibliothèque de +Versailles. On sait qu'un gentilhomme débauché et ruiné, Jean du Barry, +ayant rencontré dans un mauvais lieu une fille d'une merveilleuse +beauté, parvint à la faire connaître au roi qui en devint follement +épris, que pour en faire une maîtresse en titre et lui donner un rang à +la cour, il la fit épouser à son frère le comte du Barry. M. Le Roi nous +donne _in extenso_ l'étrange contrat de mariage conclu à cet effet, où +l'on stipule la séparation des deux époux, où la future prend le nom de +Jeanne Gomard de Vaubernier, nom faux, comme nous le dirons tout à +l'heure; enfin, où elle apporte en dot 30,000 livres «provenant de ses +économies», et consistant, pourrait-on dire, en outils de son métier, +c'est-à-dire en diamants, perles, dentelles, «un lit complet, trente +robes et six douzaines de chemises». + +Après cette édifiante énumération, M. Le Roi nous donne l'état des +richesses accumulées par madame du Barry lorsqu'elle fut devenue la +maîtresse en titre du roi: 100,000 livres de rentes sur la ville de +Paris, la terre de Louveciennes, 40,000 livres de rentes sur la ville de +Nantes, etc. Madame du Barry n'avait reçu presque aucune éducation et +avait les goûts de son ancienne vie, l'amour effréné de la toilette, des +jolis meubles, des colifichets, des futilités. Son appartement n'était +qu'un boudoir: M. Le Roi nous en donne la description, et les détails +dans lesquels il entre sont à faire pâmer, à faire mourir d'envie les +plus charmantes dépensières de nos jours. Qu'on en juge par ce qu'il dit +des lieux les plus secrets de cet appartement: + +«Dans la garde-robe on voyait un meuble de toilette secrète à dossier, +en marqueterie, fond blanc à mosaïques bleues et filets d'or, avec +rosettes rouges, garni de velours bleu brodé d'or, et sabots dorés d'or +moulu, la boîte à éponges et la cuvette d'argent, deux tablettes +d'encoignure aussi en marqueterie, garnies de bronzes dorés d'or moulu, +et une chaise de garde-robe en marqueterie pareille aux autres meubles, +la lunette recouverte de maroquin, et les poignées et les sabots dorés +d'or moulu.» + +Le rêve de madame du Barry dura à peine six ans. Le roi mourut. Madame +du Barry, exilée d'abord dans un couvent, revint ensuite habiter son +château de Louveciennes. Ses créanciers l'y poursuivirent. Légère, +insouciante et prodigue malgré les libéralités du roi, elle avait +1,200,000 livres de dettes. Louis XVI se fit donner l'état des dons +faits à la maîtresse de son aïeul, et l'on trouva qu'elle avait reçu en +six ans six millions et demi, sans compter les maisons, les 150,000 +livres de rente viagère, etc. Sur cette somme les bijoutiers avaient +reçu 2,280,000 livres, les marchands de dentelles, soieries, etc., +738,000 livres; les tailleurs et brodeurs, 551,000 livres, etc. Madame +du Barry n'avait fait de mal à personne pendant sa faveur; elle était +d'une bonté extrême, d'une humeur charmante, et avait laissé à la cour +des amis qui lui restèrent très-dévoués. Grâce à eux, elle parvint à +payer ses dettes au moyen d'un échange de 60,000 livres de rente viagère +contre 1,250,000 livres qui lui furent données par le trésor. + +Mais madame du Barry ne s'était pas corrigée de son goût de dépenses, et +de sa négligence à compter; elle fit de nouvelles dettes, et à l'époque +de la Révolution elle fut obligée de songer à vendre ses bijoux. Elle +réunit les plus précieux dans une chambre où, pendant une nuit, des +voleurs s'introduisirent et firent main basse sur le précieux dépôt. +Madame du Barry fit publier la liste des objets volés. Cette liste est +donnée par M. Le Roi: c'est une rivière continue, une cascade +éblouissante de diamants, de perles, de bagues, de colliers, de +girandoles, de bracelets, d'_esclavages_, d'étuis, de boîtes, à faire +tourner la tête des dames qui la liront. + +Le vol des bijoux de madame du Barry fut la cause de sa mort. Ayant +appris que les voleurs avaient été arrêtés à Londres et qu'on +instruisait leur procès, elle voulut suivre cette affaire et alla en +Angleterre avec un passe-port régulier. C'était au mois d'octobre 1792. +Son absence s'étant prolongée, on la regarda comme émigrée et l'on mit +le scellé sur ses biens. Dès qu'elle l'apprit, elle revint en France; +mais au mois de juin 1793 elle fut arrêtée comme suspecte et traduite +(novembre 1793) au tribunal révolutionnaire, comme ayant fourni aux +émigrés réfugiés à Londres des secours pécuniaires, et entretenu avec +eux des correspondances. L'occasion était belle à faire de la +déclamation révolutionnaire; aussi Fouquier Tainville accumula les +accusations les plus forcenées, les plus emphatiques «contre cette +moderne Aspasie, cette sultane du crime couronné, contre cette +surintendante des honteuses débauches du Sardanapale moderne, etc.» On +sait que, condamnée à mort, elle fut conduite au supplice le 8 décembre +1793. + +M. Le Roi fait suivre cette lugubre histoire de détails intéressants sur +les biens confisqués de madame du Barry. Le total de l'appréciation des +effets mobiliers s'élève à 1,246,000 livres, sans compter les objets +d'art qui sont aujourd'hui répartis dans les musées de l'État. Le +château de Louveciennes fut vendu six millions. + +Cette notice biographique si pleine de faits inconnus, de chiffres +éloquents, se termine par un dernier détail qui n'est pas le moins +inattendu: c'est que l'acte de naissance présenté par madame du Barry +pour son mariage était faux; qu'elle n'était pas la fille légitime de +Gomard de Vaubernier et de Jeanne Bécu, née en 1746, mais la fille +naturelle d'une pauvre paysanne appelée Anne Bécu, et qu'elle était née +en 1743. Elle avait donc vingt-six ans lorsqu'elle fut présentée à Louis +XV et cinquante ans quand elle mourut. + +Telle est, à la place des lieux communs débités sur cette femme trop +célèbre, la vérité qui ressort des documents authentiques consultés par +M. Le Roi. Espérons que le savant bibliothécaire ne bornera pas à ces +dix morceaux ses investigations intéressantes et que, au grand plaisir +du public affriandé par ces révélations, il tirera bientôt de ses +cartons de nouvelles _Curiosités historiques_. + +TH. LAVALLÉE. + + + + +I + +LE CHATEAU DE VERSAILLES SOUS LOUIS XIII + +ET LA JOURNEE DES DUPES. + +1627-1630. + + +A quelle époque faut-il faire remonter la construction du château que +Louis XIII fit élever à Versailles? Comme les divers écrivains qui ont +traité ce point historique ne sont point d'accord entre eux, et que nous +nous proposons de fournir des documents nouveaux pouvant servir à +éclaircir la question, nous allons entrer dans quelques détails à ce +sujet. + +Les deux premiers auteurs qui s'occupèrent de l'époque de la fondation +du château, furent l'architecte Blondel, dans son livre de +l'_Architecture française_, t. IVe, 1756, et l'abbé Lebeuf, dans +l'_Histoire du diocèse de Paris_, t. VIIe, 1757. + +Voici d'abord ce que dit l'abbé Lebeuf. Après avoir fait l'énumération +des divers seigneurs de Versailles, il ajoute: + +«Jean de Soisy prend, dans son contrat de mariage avec Antoinette +Postel, du 22 janvier 1610, la qualité de seigneur de Soisy, sous +Montmorency, et de Versailles au val de Galie. Ce fut lui qui vendit +cette terre au roi Louis XIII, vers l'an 1627.» + +Voici maintenant comment s'exprime Blondel, sur le même sujet: + +«La terre et seigneurie de Versailles était possédée, en 1560, par +plusieurs particuliers: _Philippe Colas_, écuyer, en possédait la plus +grande partie; une autre appartenait à _Antoine Poart_, maître des +comptes à Paris: ce dernier était aussi propriétaire de la seigneurie de +la Grange Lessart; enfin une autre partie appartenait à _Roberte de +Soisy_, femme de Jean de la Porte, et à _Marguerite de Soisy_, sa soeur, +veuve de Jean Dizy, en qualité d'héritières d'Antoinette de Portet, leur +mère. + +»_Martial de Loménie_, secrétaire du roi et de ses finances, devint, en +1561, propriétaire de cette terre et de celle de la Grange Lessart, par +les acquisitions qu'il en fit, et en a joui jusqu'à sa mort, arrivée en +1572; il avait épousé Jacqueline Pinault, décédée avec lui. + +»Les tuteur et curateur de leurs enfans mineurs vendirent cette terre et +seigneurie de Versailles, et celle de la Grange Lessart, par contrat du +27 juin 1573, à M. Albert de Gondi, comte de Retz. Son fils, +Jean-François de Gondi, archevêque de Paris, la vendit ensuite à Louis +XIII, par contrat passé le 8 avril 1632.» + +Blondel donne ensuite un extrait du contrat de vente, puis il ajoute: + +«Quoiqu'il paraisse, par la date de ce contrat, que Louis XIII n'acheta +la seigneurie de Versailles qu'en 1632, il est cependant certain que, +dès l'année 1624, il avait commencé à y faire bâtir un rendez-vous de +chasse, qu'il avait élevé sur le lieu le plus éminent, et où était situé +ci-devant un moulin à vent.» + +Ainsi voilà deux graves auteurs, écrivant tous deux à la même époque, +paraissant s'autoriser de documents authentiques, et qui tous deux +donnent une date différente à un fait qu'il semble au premier abord si +aisé de constater. + +Presque tous ceux qui, depuis cette époque, ont écrit sur l'origine du +château de Versailles, puisant leurs renseignements dans l'abbé Lebeuf, +ont donné l'année 1627 comme date de sa fondation[2]. Cette date est +encore indiquée dans les descriptions modernes de Versailles, que l'on +trouve dans toutes les mains des visiteurs du musée historique. + +Quelle est donc la véritable date de la construction du château de Louis +XIII? Est-ce 1624, 1627 ou 1632? + +M. Eckard, dans ses recherches historiques sur Versailles, frappé de +cette différence, et voulant tout concilier, accepte les trois dates et +cherche à les expliquer. + +Ainsi, d'après lui, en 1624, Louis XIII, _ennuyé, et sa suite encore +plus, d'y avoir souvent couché dans un méchant cabaret à rouliers, ou +dans un moulin à vent_[3], fit d'abord construire à Versailles un +pavillon pour servir de rendez-vous de chasse. + +Et il ajoute: «Ce pavillon, inconnu au duc de Saint-Simon, était oublié +lorsqu'il écrivait un siècle après cette construction: une partie, celle +donnant sur l'avenue de Saint-Cloud, a été démolie en 1827, et une +maison bâtie sur l'emplacement; l'autre partie, sur la rue de la Pompe, +subsiste toujours: le tout appartient à M. Amaury, et porte encore +aujourd'hui le nom de _Pavillon royal_; il est situé presqu'à l'angle +que forment l'avenue de Saint-Cloud et la rue de la Pompe, aboutissant +sur celle du Plessis. Il était donc sur le chemin qui conduisait à la +forêt de Saint-Léger-en-Yveline, à l'époque où la chaussée d'Auteuil et +l'ancien pont de bois, à Sèvres, n'existant pas encore, la grande route +de Paris à Brest passait par Saint-Cloud, d'où un chemin secondaire +partait et se dirigeait sur Ville-d'Avray, Montreuil, le territoire de +Versailles et les autres, jusqu'à cette forêt. Quoique engagé dans les +maisons voisines, ce pavillon était naguère encore facile à reconnaître +par la tourelle, ou lanterne, qui dominait et éclairait, un grand +escalier, et qui, ensuite, forma la coupole de la synagogue qu'on y a +vue pendant quelques années. Je me souviens très-bien qu'en 1780, un +habile professeur d'écriture, Hachette, qui en occupait le premier +étage, et dont la classe fort élevée et très-spacieuse donnait en partie +sur la rue de la Pompe, nous dit plusieurs fois que cette pièce avait +été la chambre à coucher de Louis XIII. Cette partie conservée du +pavillon a seulement subi quelques changements dans sa distribution +intérieure. De plus, _le Cicerone_ de 1804 contient, dans sa description +des édifices de Versailles, ce passage remarquable:--_Le Pavillon +royal_.--On assure qu'une portion, celle où se trouve son vaste +escalier, est véritablement la première propriété de Louis XIII, qui en +faisait son retour de chasse avant l'acquisition de la terre +seigneuriale. Enfin M. Guignet, ancien architecte des bâtiments du roi à +Versailles, à qui j'ai communiqué mes observations, et qui les a +vérifiées, a adopté entièrement mon opinion.» + +M. Eckard ajoute qu'en 1627, Louis XIII, ayant jugé qu'aucun pays ne +pouvait présenter en aussi peu d'espace, plus de variété pour les +courses à cheval, dans lesquelles consiste le plaisir de la chasse à cor +et à cris, acheta de Jean de Soisy un fief et des terrains à Versailles, +et y fit élever _un petit château de cartes_[4] sur un monticule qui +était occupé par un moulin à vent. Enfin, qu'en 1632, le roi fit +l'acquisition de la terre et seigneurie de Versailles, de Jean-François +de Gondi, archevêque de Paris, ainsi qu'il résulte du contrat cité par +Blondel. Donc en résumé: 1624, construction du Pavillon royal; + +1627, acquisition d'un fief de Jean de Soisy.--Louis XIII construit un +petit château sur l'emplacement du moulin, comme le point le plus +éminent. 1632, vente par l'archevêque de Paris, du vieux château et de +la seigneurie de Versailles. + +Ainsi, le travail de M. Eckard avait résolu la question et les trois +différentes dates de la fondation du château se trouvaient expliquées. + +En 1839, l'auteur de l'essai historique intitulé: _Versailles_, +_seigneurie_, _château et ville_, s'empressa d'adopter l'explication de +M. Eckard, surtout en ce qui concerne le Pavillon royal[5]. Quant au +château qui n'aurait été commencé qu'en 1627, l'auteur de _Versailles_, +_seigneurie_, _château et ville_ se demande si c'est bien à ce château +qu'il faut attribuer le mot de _chétif Versailles_, prononcé par +Bassompierre, ainsi que l'ont fait beaucoup d'autres auteurs et M. +Eckard lui-même? Si l'on adopte, en effet, l'opinion de l'abbé Lebeuf, +qui donne cette année 1627 comme celle où Louis XIII fit commencer la +construction du château sur les terrains vendus à cette époque par Jean +de Soisy, il est impossible de ne pas supposer que Bassompierre se soit +trompé en parlant d'un château n'existant pas encore; et cependant le +récit de Bassompierre est positif. Voici ce que l'on trouve dans le +journal de sa vie[6]. + +Après avoir raconté, jour par jour, ce qui lui était arrivé pendant le +mois de décembre 1626, il ajoute: + +«Les choses étoient en cet état, lorsque nous entrâmes en l'année 1627, +au commencement de laquelle le roy fit tenir une assemblée de notables, +en laquelle il me fit l'honneur de me choisir pour y estre un des +présidents. Monsieur, frère du roy, fut le chef et le premier, et +ensuite M. le cardinal de la Valette, le maréchal de la Force et moi.» + +Bassompierre indique ensuite la composition de cette assemblée; puis, +après avoir parlé des divers objets mis en délibération, il raconte +qu'il lui arriva peu d'occasions de parler: «Hormis une seule fois, +dit-il, que nous estant proposé si le roy cesseroit ses bastimens +jusques dans une meilleure saison, et que ses finances fussent en +meilleur estat, M. d'Osembray fut d'advis que l'on le devoit conseiller +au roy.» + +Il crut alors devoir prendre la parole, et prononça un discours qu'il +donne en son entier. C'est dans ce spirituel discours, épigramme adroite +contre la parcimonie de Louis XIII, parcimonie dont il se servit +habilement pour faire changer d'avis tous ceux qui avaient déjà voté +pour la proposition de M. d'Osembray, que se trouve ce fameux mot de +_chétif château de Versailles_, cité depuis si diversement. Après avoir +fait observer qu'il n'est pas nécessaire de conseiller à Louis XIII de +ne point faire une chose qu'il ne fait pas, il ajoute: «Le feu roy nous +eust pû demander cet advis, et nous eussions eu loisirs de le lui +donner, car il a employé des sommes immenses à bastir. Nous avons bien +pû connoistre en celui-cy la qualité de destructeur, mais non +d'édificateur. Saint-Jean-d'Angely, Clérac, Les Tonnains, Monheur, +Négrepelisse, Saint-Antonin, et tant d'autres places rasées, démolies ou +bruslées, me rendent preuve de l'un et le lieu où nous sommes, auquel, +depuis le décès du feu roy son père, il n'a pas ajouté une seule +pierre[7]; et la suspension qu'il a faite depuis seize années au +parachèvement de ses autres bastimens commencez, me font voir clairement +que son inclination n'est point portée à bastir, et que les finances de +la France ne seront point épuisées par ses somptueux édifices; si ce +n'est qu'on lui veuille reprocher le _chétif chasteau de Versailles_, de +la construction duquel un simple gentilhomme ne voudroit pas prendre +vanité.» Dans cette assemblée des notables, furent traités les plus +grands intérêts de l'État. Elle tient une place importante dans le règne +de Louis XIII, et ne peut être mise en doute, pas plus que le discours +si remarquable qu'y prononça Bassompierre, et qu'il ne pouvait avoir +oublié lorsqu'il écrivit ses mémoires très-peu d'années après[8]. Aussi +l'auteur de _Versailles_, _seigneurie_, _château et ville_, pense-t-il +que ce discours, prononcé au commencement de 1627, n'a dû s'appliquer +qu'au Pavillon royal, bâti dès 1624. Mais cependant, peu certain que le +maréchal de Bassompierre ait parlé avec tant d'assurance d'une maison si +peu importante, il ajoute: «Ou bien si l'on veut que Bassompierre ait +appliqué son mot de _chétif_ au château bâti sur le tertre de Jean de +Soisy, il faudra convenir que son discours aura été fait après coup, +c'est-à-dire depuis 1631, époque où le maréchal fut enfermé à la +Bastille, et où il commença pour se désennuyer, et fort souvent de +mauvaise humeur, à écrire les mémoires qu'il a laissés; il aura donc +donné l'épithète de chétif au nouveau château, par la raison que tout ce +que devait faire le roi, alors sous l'influence de Richelieu, l'ennemi +juré du maréchal, devait paraître, aux yeux de ce dernier, mauvais, +tyrannique ou chétif, et le pauvre château aura été enveloppé dans une +commune disgrâce avec les actes despotiques du cardinal.» + +Il paraît donc à peu près certain, d'après tout ce que nous venons de +rapporter, que Louis XIII avait une habitation à Versailles dès l'année +1624, et certainement avant 1627. Cette habitation, Blondel assure +qu'_elle était élevée sur le lieu le plus éminent, et où était situé +ci-devant un moulin à vent_, par conséquent à la place même où se trouve +le château actuel, tandis que M. Eckard, et après lui l'auteur de +_Versailles_, _seigneurie_, _château et ville_, pensent que c'était le +Pavillon royal; c'est pour éclairer cette question que nous nous sommes +livré à quelques recherches, qui nous ont procuré la connaissance de +nouveaux documents propres à la résoudre. + +M. Eckard, lorsqu'il écrivit son livre sur Versailles, fit de nombreuses +visites aux Archives du royaume et aux Archives de la couronne, pour +avoir quelques renseignements sur les faits dont il s'agit; mais là +comme à Versailles, il ne put trouver aucun acte, aucun titre qui se +rapportât aux acquisitions de Louis XIII à Versailles; ce qui lui fit +penser «que les contrats primordiaux, soit du vieux château et de la +seigneurie de Versailles, soit du fief vendu par Jean de Soisy, ont été +détruits, de même qu'une foule d'autres documents plus importants encore +pour notre histoire l'ont été dans toute la France, parce qu'ils +établissaient des droits féodaux et des redevances seigneuriales +supprimés, sans indemnité, par différents décrets.» + +«En effet, une loi du 17 juillet 1793, a ordonné le brûlement de tous +les titres énonciatifs de ces droits, et existants entre les mains des +anciens seigneurs, ou qui, pour les domaines nationaux, avaient été +déposés dans les secrétariats des districts. Or, cette loi, qui +prononçait cinq années de fers contre ceux qui auraient caché ou +soustrait et recelé des minutes, ou des expéditions des actes qui +devaient être brûlés, fut rigoureusement exécutée à Versailles, d'où +relevaient en outre trente-quatre seigneuries.» + +Il était donc nécessaire de suivre une autre direction dans les +recherches nouvelles que l'on voulait faire sur ce sujet; et comme il +s'agissait surtout de constater l'époque de la construction du Pavillon +royal, regardé comme la première habitation de Louis XIII, ce fut +particulièrement de ce côté que nous portâmes nos investigations. + +Nous nous adressâmes au propriétaire de ce pavillon, M. Peert, avoué à +Versailles, et grâce à son extrême obligeance, nous avons trouvé, parmi +les titres de propriété, deux pièces qui établissent d'une manière +positive l'époque de la construction du _Pavillon royal_. + +La première de ces pièces est ainsi conçue: + +«Don de place à Versailles pour les héritiers de la veuve Hérault. + +»Aujourd'hui, 2 aoust mil sept cent un, le Roy étant à Versailles, les +héritiers de la veuve Hérault lui ont fait représenter que Sa Majesté +lui auroit accordé, il y a environ 25 ans, une place scize en ce lieu, +sur laquelle elle a fait bastir une maison appelée le _Pavillon royal_; +mais comme il ne luy en a pas été expédié de brevet pour en assurer la +propriété à ses héritiers, ils l'ont très-humblement suppliée de vouloir +sur ce leur pourvoir, à quoy ayant égard, Sa Majesté a, en tant que de +besoin, accordé et fait don aux héritiers de ladite veuve Hérault de +ladite place, contenant 24 toises 4 pieds de face sur la rue de la +Pompe, 29 toises de face sur l'avenue de Saint-Cloud, 3 toises 2 pieds +de face à la pointe aboutissant par le côté opposé à ladite pointe, au +mur de l'hostel de Guise, et ayant 17 toises de profondeur, le long +dudit mur, à la charge par eux de payer au domaine de Versailles le +droit de cens sur le pied de 5 sols par arpens, au jour de Saint-Michel, +et d'entretenir en bon état et cimétrie la maison qui y a été bastie, et +pour assurance de sa volonté, Sa Majesté m'a commandé de leur en +expédier le présent brevet, qu'elle a signé de sa main et fait +contresigner par moy, conseiller secrétaire d'État et de ses +commandements et finances, signé: Louis et plus bas Phelypeaux; et au +dos est écrit: Paraffé _ne varietur_, au désir du partage passé devant +les notaires soussignés, ce 20 mars 1720. Signé: Bergeret, Delaroche, +Delaroche avec Besnier et Junot, notaires, en l'original des présentes, +paraffé et demeuré annexé à la minute d'un partage passé devant les +notaires soussignés, ce 20 mars 1720, dont la minute envers ledit Junot. +Signé: Besnier et Junot, avec paraffes et scellé ledit jour.» + +La deuxième donne le plan du terrain, et au milieu est écrit: + +[Illustration: + +AVENUE DE SAINT-CLOUD, 29 TOISES. + + +--------+ + ______________| |______________ + 3 toises, | / + Ville-Nueve. | / + | / + \ / + \ / 17 toises, + \ / madame de Guise. + \ / + \ / + \______________________/ + + 24 toises 4 piedes, + rue de la Pompe. + +] + +«Le Roy a accordé, il y a environ 25 ans, à la veuve Hérault une place +scize à Versailles, ayant 24 toises 4 pieds de face sur la rue de la +Pompe, 29 toises de face sur l'avenue de Saint-Cloud, 3 toises 2 pieds +de face à la pointe où se joignent ladite rue de la Pompe avec ladite +avenue, aboutissant par le côté opposé à ladite pointe, au mur de +l'hostel de Guise, et ayant 17 toises de profondeur le long dudit mur, +le tout ou environ, sur laquelle place elle a fait bastir une maison +appelée le _Pavillon royal_, suivant les décorations réglées par Sa +Majesté, dont n'ayant point eu ci-devant de brevet, Sa Majesté m'a +commandé de donner le présent certificat aux héritiers de ladite veuve +Hérault, pour obtenir sur iceluy tous brevets nécessaires. + +«Fait à Versailles, le 10 juillet 1701, signé: Hardouin Mansart.» + + * * * * * + +Et plus bas: «Première inventoriée.» + + * * * * * + +Deuxième, et au dos est écrit: «Paraffé _ne varietur_, au désir du +partage passé devant les notaires soussignés, ce 20 mars 1720. Signé: +Delaroche, Bergeret, Delaroche avec Besnier et Junot, notaires. + +»Est l'original des présentes demeuré annexé à la minute d'un partage, +passé devant les notaires soussignés, dont Junot, l'un d'eux, a la +minute, ce 20 mars 1720. Signé: Besnier et Junot, avec paraffes, et +scellés ledit jour.» + +Il résulte de ces documents authentiques, que M. Eckard se trompe quand +il affirme que le Pavillon royal a été bâti par Louis XIII; que ce +pavillon, l'une des plus anciennes maisons de Versailles, ne remonte +cependant qu'à l'année 1676, c'est-à-dire au règne de Louis XIV, et que +ce qui a sans doute induit en erreur M. Eckard, et avant lui le +_Cicerone de Versailles_, sur l'origine de ce bâtiment, c'est le nom de +_Pavillon royal_, qu'on lui supposait venir du séjour qu'y aurait fait +anciennement Louis XIII, tandis que les pièces citées prouvent que ce +nom lui a été donné au moment de sa construction par la veuve Hérault, +probablement pour le distinguer des hôtels des grands seigneurs qui +l'environnaient de tous côtés. + +Il reste donc établi, par tout ce qui précède, que Louis XIII avait une +habitation, à Versailles avant l'année 1627, date à laquelle l'abbé +Lebeuf fait remonter la vente du fief de Jean de Soisy; que cette +habitation, n'est point le _Pavillon royal_, ainsi que le croyait +l'auteur des _Recherches sur Versailles_; et qu'alors il faut bien en +revenir à l'opinion de Blondel, établissant comme certain que, dès +l'année 1624, _Louis XIII avait commencé à y bâtir un rendez-vous de +chasse, qu'il avait élevé sur le lieu le plus éminent, et où était situé +ci-devant, un moulin à vent_. + +Quant à la date de 1632, Louis XIII ne devint véritablement seigneur de +Versailles qu'à cette époque, en achetant de l'archevêque de Paris la +terre et seigneurie de Versailles. + +Louis XIII aimait beaucoup Versailles; il y prolongeait ses séjours +pendant la saison des chasses; aussi le _Rendez-vous_ devint une +habitation qui alla en s'agrandissant jusqu'à la fin de son règne. + +Ce château, construit par _Lemercier_, architecte, du roi, était flanqué +de quatre pavillons bâtis de pierres et de briques, avec un balcon de +fer tournant tout autour, et dégageant les appartements du premier +étage. Suivant l'usage de ce temps, quelques moyens de défense le +mettaient à l'abri d'un coup de main. + +Une fausse braie ou basse enceinte l'entourait et était précédée d'un +fossé à fond de cuve, revêtu de briques et de pierres de taille, terminé +par une balustrade. Ce petit édifice était environné de bois, de plaines +et d'étangs, dont la nature faisait seule les frais[9]. + +Tel était encore le château de Louis XIII, lorsque, au mois de novembre +1630, s'y passa le curieux événement qui porte dans l'histoire le nom de +_journée des Dupes_. + +Ce fut le seul événement politique de quelque importance qui eut lieu +dans le château de Versailles pendant le règne de Louis XIII; il est +donc intéressant de s'y arrêter un moment, d'autant plus qu'il va servir +à faire reconnaître quelques-unes des distributions du château à cette +époque. + +Dans le mois de septembre 1630, Louis XIII venait de diriger sur +l'Italie une armée considérable: «Toutes les troupes avaient passé par +Lyon, et le roi les avait voulu voir l'une après l'autre. S'y trouvant +beaucoup de soldats bien nouveaux et mal façonnés au métier, pour les +mieux former, il montrait à quelques-uns comment il fallait porter et +manier les armes, y prenant un singulier plaisir. Il ne s'occupait pas à +ceci, néanmoins, sans beaucoup de travail, s'y adonnant pendant la +chaleur du jour le plus souvent, et pendant les pluies et le mauvais +temps. Le vingt-deuxième jour du mois de septembre, sur les deux à +trois heures après midi, ayant été toute la matinée bien gai, il se +sentit attaqué d'un frisson qui fut suivi d'une fièvre continue, avec +des redoublements chaque nuit, qui donnèrent à ses gens de bien grandes +appréhensions, sans qu'on lui fît connaître que la fièvre dont il était +atteint fût si maligne[10].» La maladie du roi allait toujours en +augmentant; les médecins en désespéraient, et avaient même dit qu'il ne +passerait pas le 30 septembre. A chaque instant on croyait le voir +expirer, lorsque _Sénéles_, médecin du commun de la reine, proposa de +lui administrer un remède qui, disait-il, devait, en moins de quatre +heures, ou sauver le roi ou le faire périr. «Les deux reines, dit +Valdori[11], qui raconte ce fait, voyant l'une son fils, l'autre son +époux sans espérance, et entièrement abandonné des médecins, +consentirent à faire l'épreuve, laquelle réussit si heureusement que ce +monarque, déjà à demi mort, revint dans peu en convalescence[12].» + +La reine Anne d'Autriche était depuis longtemps fort en froid avec Louis +XIII; les soins qu'elle lui rendit dans le cours de sa maladie avaient +amené entre eux une espèce de réconciliation. Anne en profita pour +seconder sa belle-mère, Marie de Médicis, dans la guerre que celle-ci +avait déclarée au cardinal de Richelieu. On ne laissa pas respirer le +roi pendant sa pénible convalescence. Les deux reines profitèrent de sa +faiblesse, l'étourdirent de violentes accusations contre Richelieu, qui, +selon elles, n'avait entrepris cette guerre que pour se rendre +nécessaire, et avait ainsi sacrifié la santé et la vie du roi à son +ambition; Louis XIII ne trouva d'autre moyen de se débarrasser des +obsessions de sa mère qu'en lui promettant de prendre un parti définitif +après son retour à Paris. + +Le roi ne tarda pas à quitter Lyon. «Il en sortit sur un brancard, dit +Ch. Bernard[13], pour aller prendre la rivière à _Rouane_, d'où il +arriva en peu de temps à Briare et de là à Versailles, maison qu'il +avait fait bâtir à quatre lieues de Paris et à deux lieues de +Saint-Germain-en-Laye. «Elle était petite, pour n'y admettre que peu de +gens et n'être point troublé dans le repos qu'il cherchait loin des +importunités de la cour, et afin d'être plus libre dans l'exercice de +ses chasses, lorsqu'il s'y voulait adonner.» Il fut là quelque temps et +alla après à Saint-Germain, ne pouvant loger dans son Louvre à Paris, +d'autant que l'on travaillait à la grande salle, dont jusqu'alors le +plancher n'avait été construit que de poutres et de solives, qui +offraient si peu de sûreté que lorsqu'on s'y réunissait l'on était +obligé d'y mettre des étais, et que Sa Majesté avait ordonné de +remplacer par des voûtes en pierre.» + +A peine arrivée à Paris, Marie de Médicis recommence ses instances +auprès du roi, pour faire éloigner le cardinal. Louis oppose une vive +résistance aux importunités de sa mère, et insiste sur le besoin qu'il a +des services de Richelieu. Marie paraît d'abord se rendre; mais, +toujours poussée par sa haine contre le premier ministre, elle se résout +enfin à prendre un parti décisif. Cet événement est raconté comme il +suit par l'auteur des _Anecdotes du ministère du cardinal de Richelieu_: + +«La reine-mère ayant résolu de mettre le feu le jour de saint Martin, 11 +novembre 1630, à la mine qu'elle avait creusée, pour faire sauter en +l'air et détruire jusqu'aux fondements de la fortune du cardinal, et +ayant pris ses mesures, pour mieux effectuer son dessein, de se trouver +seule avec le roi son fils, afin de lui faire toucher au doigt et à +l'oeil, pour me servir de ses propres termes, toutes les fautes énormes +que ce prélat avait commises pendant son ministère, les dommages et le +préjudice que l'État en avait souffert, la mine joua et eut un succès +bien différent de celui qu'elle et ceux qui l'avaient aidée à la +fabriquer avaient espéré, car elle écrasa tous les architectes qui en +avaient donné le plan, et ensevelit sous ses ruines tous ceux qui +avaient contribué à sa construction. + +»Mais cette intrigue mérite bien que l'on fasse un détail un peu +circonstancié d'une scène qui fait la plus curieuse époque du règne de +Louis XIII, et qui à fait donner le nom de _journée des dupes_ au jour +où elle se passa. + +»La reine-mère étant donc convenue avec le roi son fils qu'il la +viendrait voir le jour de saint Martin, dans la matinée, à son palais du +Luxembourg, à l'insu du cardinal, feignit d'avoir pris médecine ce +jour-là, afin d'avoir un prétexte apparent de défendre l'entrée de sa +chambre à qui que ce fût, pour pouvoir entretenir ce monarque en +particulier plus à son aise. Ce prince faisait cependant cette visite +secrètement, de concert avec son premier ministre, du moins à ce qu'en +publia pour lors la renommée; mais, quoi qu'il en soit, cette princesse +mit en ce moment tout en usage, et employa tout l'art du monde pour +persuader à son fils qu'il était trompé et trahi par le cardinal. Elle +lui fit là-dessus une longue énumération de toutes les fautes, de toutes +les bévues et de tous les manquements de ce ministre. Elle fit ensuite +tous ses efforts, pour tirer parole de lui qu'il le chasserait, qu'il ne +l'admettrait jamais plus à ses conseils. Elle n'eut aucun scrupule +d'exiger du roi, au milieu des acclamations publiques qu'il recevait +pour son heureuse convalescence et l'heureux succès de ses armes en +Italie, où ce prélat avait eu tant de part, une chose aussi honteuse +pour sa réputation, qui était celle de sacrifier un si digne serviteur, +et de le faire servir de victime au ressentiment de sa mère, et de faire +voir à toute l'Europe, par la disgrâce de celui qui était l'âme de tous +ses conseils, qu'il se repentait de ce qu'il avait fait pendant tout le +temps qu'il avait été son premier ministre. Comme la reine était au plus +fort de son discours, et qu'elle pressait vivement son fils de lui +accorder ce qu'elle désirait de lui avec tant d'instances, le cardinal +entra brusquement dans sa chambre; il en avait trouvé, à la vérité, la +porte fermée, avec défenses très-expresses à l'huissier de l'ouvrir à +personne et surtout à lui, s'il s'y présentait; mais comme il +connaissait toutes les issues de ce palais, il s'en fut à la garde-robe +de cette princesse, et se fit introduire par là dans la chambre, ayant +gagné pour cet effet une de ses femmes nommée _Zuccole_, qui, étant dans +la confidence de sa maîtresse, était restée seule de garde en cet +endroit-là[14]. Voilà de quelle manière il parvint jusqu'au lieu où la +mère et le fils s'entretenaient tête à tête sur son sujet et où il +servait d'ample matière à leur conversation. Ce fut la faute de la +reine, si elle fut ainsi interrompue; car ses plus fidèles domestiques +lui avaient conseillé, pour obvier à toutes sortes d'inconvénients, de +faire fermer cette porte de communication dans sa chambre, et d'en tenir +elle-même les clefs sous sa main.» + +L'auteur des _Anecdotes_ raconte ensuite la scène qui eut lieu entre la +reine Marie de Médicis et le cardinal, la soumission apparente de +Richelieu, les cris et les emportements de la reine; puis il ajoute: «Le +cardinal se tourna du côté du roi et le supplia de vouloir bien lui +permettre de se retirer quelque part pour y passer le reste de ses jours +en repos, n'étant pas juste que Sa Majesté se servît de lui et le +continuât dans le ministère contre les volontés de la Reine. A ces +paroles, ce monarque, témoignant avoir envie de déférer aux désirs de sa +mère, lui accorda sa demande et lui ordonna de sortir. Il ne fut plus +question que du choix d'un nouveau ministre; mais cette princesse, qui +l'avait déjà désigné en elle-même, proposa à son fils le garde des +sceaux, de Marillac, dont le roi approuva l'élection et consentit qu'il +fût revêtu de la dignité de premier ministre. Après quoi la mère et le +fils se séparèrent. + +»La reine, pleine de joie et de contentement, resta dans son palais du +Luxembourg, s'applaudissant en elle-même d'avoir si bien réussi dans son +dessein. Le bruit de la disgrâce du cardinal et de l'élévation de +Marillac s'étant répandu dans un instant de tous côtés, les affections +des courtisans changèrent d'objets dans le moment, la faveur ayant +coutume d'attirer à soi les coeurs, de même que la lumière d'un nouvel +astre attire les regards de tout le monde; aussi le cardinal se vit tout +d'un coup délaissé de toute la cour, à l'exception de ses parents et +d'un petit nombre d'amis qui étaient le plus avant dans sa confidence. + +»Le roi, au partir du Luxembourg, s'en alla tout droit à son château de +Versailles, où la reine-mère ne le suivit point, contre le sentiment de +tous ses serviteurs, et particulièrement du vicomte _Fabroni_, qui lui +conseillait d'y accompagner son fils et de ne le point perdre de vue +qu'elle n'eût mis la dernière main à la disgrâce du cardinal, et qu'elle +ne l'eût fait chasser de Paris et de la cour. Énivrée de sa prospérité +présente, elle en voulut goûter toutes les douceurs, et s'amusa à +recevoir les compliments et les congratulations que tout Paris lui +venait faire sur le recouvrement de son autorité perdue. Mais, tandis +qu'elle avalait à longs traits le doux poison de la flatterie, qu'elle +écoutait avec plaisir toutes les louanges qu'un chacun lui donnait sur +l'admirable conduite qu'elle avait tenue dans cette affaire, et qu'elle +disposait déjà des principaux emplois de l'État en faveur de ses +confidents, le cardinal de Richelieu, conseillé et encouragé par le +cardinal de la Valette, qui vivait dans une étroite amitié avec lui, de +faire une dernière tentative auprès du roi pour essayer de se maintenir +dans le poste qu'il occupait, en dépit de ses ennemis, et de ne leur pas +céder une victoire si aisée, s'en fut trouver ce prince à Versailles. + +«Entre plusieurs raisons dont ce véritable ami se servit pour lui +persuader ce voyage, il employa celle de ce commun proverbe des +Français, que, _qui quitte la partie la perd_. Le cardinal et le garde +des sceaux de Marillac arrivèrent en même temps à la cour: le premier +sous prétexte de prendre congé de Sa Majesté, et le second à dessein de +remplir sa place et de prendre possession de l'emploi de premier +ministre; _les fourriers lui avaient déjà marqué dans le château le +logement qui était attaché aux fonctions de cette charge_; mais les +choses changèrent bientôt de face, et bien des gens furent pris pour +dupes. On reconnut alors que les courtisans s'étaient lourdement abusés +dans l'empressement qu'ils avaient témoigné à congratuler le nouveau +ministre, et que le coeur et la conduite des princes sont impénétrables; +car le cardinal de Richelieu ayant été bien servi auprès du roi par M. +de Saint-Simon, qui était lors son favori, il arriva que, comme ce +premier ministre prenait congé de lui en compagnie du cardinal _de la +Valette_, Sa Majesté, au lieu de lui octroyer la permission qu'il lui +demandait de se retirer, lui ordonna, au contraire, de demeurer et de +continuer l'exercice de son emploi, lui disant de plus «de ne point +s'inquiéter, qu'il trouverait bien le moyen d'apaiser sa mère, et de la +faire consentir à ce qu'il faisait, en ôtant d'auprès d'elle les +personnes qui lui donnaient de pernicieux conseils.» + +»Cette scène se passa publiquement dans la chambre du roi; mais le +cardinal avait été secrètement introduit, un peu avant, _par un escalier +dérobé dans le cabinet de ce monarque_, avec lequel il avait eu un assez +long entretien qui avait produit tout l'effet qu'il en pouvait attendre; +car ce prince, persuadé, par toutes les raisons qu'il lui avait +alléguées pour sa justification, qu'il était fidèlement et uniquement +attaché à sa personne et au bien de son royaume, lui avait redonné son +affection et toute sa confiance. Il était, de plus, convenu avec lui de +toutes les choses qui se passèrent ensuite dans sa chambre, afin que la +victoire qu'il remportait sur ses ennemis en parût plus éclatante. Ce +fut M. de Saint-Simon qui lui rendit un service si important, en +ménageant cette secrète entrevue entre Sa Majesté, et en le conduisant +lui-même, à l'insu de tout le monde, dans le cabinet du roi.» + +Charles Bernard, racontant le même fait dans son Histoire de Louis XIII, +dit: «Le roi, qui recognoissait bien d'où le mal pouvoit venir, résolut +de le terminer. Il savoit qui estoient les artisans de ces divisions, si +bien que s'en allant en sa maison de Versailles, il commanda au cardinal +et au garde des sceaux, chacun à Paris, de l'y suivre. Il n'avoit encore +mené en ce lieu pas un conseil, ayant fait bastir cette petite maison +pour se distraire entièrement des affaires.... + +»Cependant, les deux personnages qui estoient les premiers du conseil du +roy, pour obéir au commandement de Sa Majesté, le suivirent et eurent un +divers événement de leur arrivée: le garde des sceaux ayant eu +commandement d'aller _loger à Glatigny_, le roy lui ayant fait dire +qu'il lui ferait le lendemain savoir sa volonté; au lieu que le cardinal +fut logé dans le chasteau de Versailles, sous la chambre du roy, en +celle où l'on avoit coutume de loger M. le comte de Soissons[15], et dès +le soir il entra en conseil avec Sa Majesté.» + +Telle fut cette _journée_, dans laquelle les Marillac[16], les Guise, la +princesse de Conti et les autres partisans de la reine-mère, qui se +croyaient arrivés au sommet des grandeurs par la chute du cardinal, se +virent, les uns destitués de leurs emplois; d'autres chassés de la cour, +et plusieurs emprisonnés. + +«Le pauvre maréchal de Bassompierre lui-même, dit Valdori, tout fin et +délié courtisan qu'il était, se trouva, par les engagements qu'il avait +avec l'incomparable princesse de Conti, compris au nombre des +malheureux. Il fut envoyé à la Bastille, d'où il ne sortit, qu'après la +mort du cardinal.» + +Ce récit éclaire plusieurs détails intéressants du château de +Versailles. Et d'abord, on voit que Louis XIII avait fait bâtir une +petite maison _pour n'y admettre que peu de gens et n'être point troublé +dans le repos qu'il y cherchait loin des importunités de la cour_; et, +par conséquent, on conçoit très-bien que Bassompierre ait pu l'appeler +le _chétif château de Versailles_. Ce fut plus tard, et quand il eut +acheté le domaine de Versailles de Jean-François de Gondi, qu'il y +ajouta de nouvelles constructions et en fit un palais de quelque +importance. + +Ce qui vient d'être dit peut aussi servir à retrouver dans le château +quelques anciennes distributions existant encore aujourd'hui. + +Quand Louis XIV fit faire ses grands travaux de Versailles, il voulut +conserver religieusement le château de son père. Dans les premières +années de son règne, il fit commencer les embellissements des jardins, +et y donna les grandes fêtes de 1664 et 1668; la distribution des +appartements du château de Louis XIII était restée la même, et les +chefs-d'oeuvre de peinture et de sculpture que Louis XIV commençait à y +accumuler, étaient tout ce que l'on y voyait de nouveau. + +En 1671, Félibien, historiographe des bâtiments du roi, donna la +première description du château de Versailles et des embellissements +qu'y faisait exécuter Louis XIV. On voit dans cette description que la +pièce du milieu, qui devint plus tard la chambre à coucher de Louis XIV, +et dans laquelle mourut ce roi, formait alors un salon comme au temps de +Louis XIII; que ce qui est devenu depuis le salon de l'OEil-de-Boeuf, +était divisé en deux pièces, dont l'une, la plus près du salon central, +formait la chambre à coucher du roi, et dont l'autre était un cabinet ou +antichambre; que dans cette antichambre ouvrait un escalier dérobé +communiquant avec les appartements du rez-de-chaussée. Ces pièces, de +l'ancien château de Louis XIII, étaient donc restées comme au temps de +ce roi. + +Voyons dans le récit précédent ce qui se rapporte aux appartements du +château. + +«Cette scène, dit Valdori, se passa publiquement dans la chambre du roi; +mais le cardinal avait été secrètement introduit, un peu auparavant; par +un escalier dérobé, dans le cabinet de ce monarque.» + +Charles Bernard ajoute de son côté: «Que le cardinal fut logé dans le +château de Versailles, sous la chambre du roi, en celle où l'on avoit +coustume de loger M. le comte de Soissons, et que dès le soir il entra +en conseil avec Sa Majesté.» + +Ainsi l'appartement _où l'on avait coutume de loger M. le comte de +Soissons_, comme grand-maître de la maison du roi, était au-dessous de +la chambre à coucher de Louis XIII; conséquemment à l'endroit occupé +aujourd'hui par la salle des portraits des rois de France, et c'est là +que Richelieu coucha la nuit de ce célèbre événement. L'_escalier +dérobé_, par lequel Saint-Simon vint le chercher pour le conduire dans +le _cabinet du roi_, existe encore dans un petit couloir placé à l'angle +sud-ouest de cette salle, et aboutit au premier étage à l'angle +correspondant du salon de l'OEil-de-Boeuf, et par conséquent à la partie +du cabinet précédant la chambre à coucher du roi. Il est donc évident +que dans l'état actuel du château de Versailles, et malgré toutes les +transformations qu'il a subies depuis son origine, on peut suivre +encore, dans ses détails les plus intéressants, la principale scène de +cette grande comédie historique appelée _la journée des dupes_[17]. + + + + +II + +LA NAISSANCE DU DUC DE BOURGOGNE. + +1682. + + +Anne-Marie-Victoire de Bavière, princesse d'une constitution délicate, +épousa, au mois de janvier 1680, le dauphin, fils de Louis XIV. La +première année de ce mariage ne fut qu'une longue série de fêtes pour la +jeune dauphine. Mais quand, vers la fin de 1681, l'on eut la certitude +de sa grossesse, de grandes précautions, commandées par la faiblesse de +son organisation, lui furent imposées. Tout le monde s'intéressait à +cette princesse et attendait avec anxiété l'époque de sa délivrance. La +naissance d'un petit-fils était surtout le désir le plus ardent de Louis +XIV, et il voyait approcher ce moment avec une joie mêlée de quelques +inquiétudes. + +Une première pensée dut se présenter à lui dans une conjoncture aussi +grave: à qui remettrait-on le soin d'accomplir cette opération +importante? à un accoucheur ou à une sage-femme? + +Aujourd'hui le choix serait bientôt fait, ou plutôt il n'y en aurait +pas. Mais il n'en était pas ainsi à cette époque. Les accoucheurs +n'étaient pas répandus comme ils le sont actuellement, et la science +obstétricale était presque entièrement confiée à des femmes. Non pas que +depuis longtemps d'illustres chirurgiens n'eussent pratiqué des +accouchements, mais en général c'était dans des cas exceptionnels et +difficiles, et dans l'ordre ordinaire des choses, l'on voyait les +accouchements confiés presque exclusivement à des sages-femmes. Déjà, +cependant, les femmes avaient moins de répugnance à se remettre dans les +mains des hommes, et quelques accoucheurs célèbres étaient parvenus à se +faire une brillante réputation parmi les dames de la cour, de la +magistrature et de la haute bourgeoisie. Mais le plus grand nombre des +femmes grosses choisissaient des accoucheuses pour les délivrer, et les +reines, Marie de Médicis, épouse de Henri IV; Anne d'Autriche, épouse de +Louis XIII; et Marie-Thérèse, épouse de Louis XIV, avaient été +accouchées par des femmes. Il semblait donc tout naturel que dans cette +circonstance, le roi choisît une sage-femme pour accoucher la dauphine. +Il n'en fut cependant pas ainsi, et un chirurgien fut chargé de cette +importante opération. On a déjà dit que la dauphine était d'une +constitution délicate, et que le roi redoutait beaucoup ce moment; il +voulut donc la remettre entre les mains d'un homme habile et ayant toute +sa confiance, et il désigna pour accoucheur _Clément_. + +_Clément_ (Julien) était alors l'accoucheur le plus célèbre de Paris. Né +en 1638, à Arles, il vint fort jeune à Paris pour étudier l'art des +accouchements. Gendre et élevé de _Lefebvre_, autre accoucheur en renom +de la même époque, il acquit bientôt une grande réputation; et par son +habileté et le talent qu'il montra dans quelques occasions dangereuses, +il contribua beaucoup à la véritable révolution qui fit préférer les +accoucheurs aux sages-femmes, révolution achevée surtout par le choix +que Louis XIV fit de lui pour la dauphine. + +La réputation de Clément ne l'avait pas seule indiqué au choix de Louis +XIV. Amené mystérieusement auprès de madame de Montespan quand elle mit +au monde le duc du Maine, il avait continué de l'assister dans ses +autres accouchements, et le roi avait pu ainsi apprécier ses +talents[18]. + +L'accoucheur choisi, il fallait s'occuper de prendre une nourrice. +Celles-ci ne manquèrent point; et il en vint s'offrir de tous côtés. On +était dans l'usage de les choisir vers le septième mois de la grossesse. + +Peut-être paraîtra-t-il curieux de connaître les conditions exigées +alors pour être la nourrice d'un prince.--Elle devait être âgée de +vingt-deux à trente ans,--avoir un lait de trois mois,--avoir déjà fait +une nourriture étrangère,--être d'un tempérament sanguin,--avoir les +cheveux noirs ou d'un châtain brun,--avoir une constitution forte et +robuste,--être assez grasse,--avoir bon appétit,--et n'être délicate ni +sur le boire, ni sur le manger,--être gaie et de bonne humeur,--avoir +toujours le mot pour rire,--n'être sujette à aucune incommodité,--ne +sentir mauvais ni de la bouche, ni des aisselles, ni des pieds,--n'avoir +point de dents gâtées et les avoir toutes,--avoir la peau blanche et +nette,--enfin avoir tous les signes d'une bonne santé.--Il fallait de +plus qu'elle fût assez jolie,--gracieuse dans son parler,--bien faite +dans sa taille,--ni trop grande, ni trop petite, ni bossue, ni boiteuse, +et qu'elle n'eût aucun accent prononcé.--Mais ce qu'on exigeait surtout, +c'était que la gorge fût bien faite et contînt suffisamment de +lait.--Quant au lait, on n'avait pas alors les moyens que l'on possède +actuellement pour juger de sa bonté, et l'on s'en rapportait à son +aspect et à son goût. + +Quand une nourrice réunissait toutes ces qualités, on exigeait encore +d'elle, et par-dessus tout, qu'elle fût de bonne vie et moeurs. C'était +sans doute, et c'est encore aujourd'hui une très-bonne précaution de +s'informer de la sagesse de la femme à laquelle on va confier son bien +le plus cher. Mais comment le savoir positivement? Et d'ailleurs, ne se +peut-il pas que quelque grave affection soit venue atteindre une +nourrice, sans que pour cela elle ait en rien manqué à une conduite sage +et réglée? Une histoire arrivée dans une circonstance analogue, et +racontée par _Louise Bourgeois_, la célèbre accoucheuse de Marie de +Médicis, montre combien l'on peut être encore trompé malgré toutes ces +précautions: «La reine étant grosse de madame sa fille aînée, dit madame +Bourgeois, alla à Fontainebleau pour y faire ses couches, et partit en +octobre de Paris après la moitié du mois, où étant arrivée l'on avait +quantité de nourrices qui importunaient tellement le roi et la reine, et +tout le monde, que Leurs Majestés en remirent l'élection à +Fontainebleau, où il ne manqua d'en venir de tous côtés. L'on attendit +proche de l'accouchement de la reine à en faire l'élection. Il vint un +homme, lequel avait envoyé sa femme pour être nourrice, laquelle avait +une petite fille fort délicate et menue. La femme était bien honnête, et +de gens de bien, en faveur de quoi il se trouva des plus signalés +seigneurs de la cour qui en parlèrent d'affection aux médecins. Ce fut +une affaire qui me donna bien de la peine. Elle logea chez une de mes +amies, laquelle s'employa de bon coeur pour elle; elle me priait aussi +d'y faire ce que je pourrais. Je voyais son enfant extrêmement menu, +mais elle était appropriée à son avantage, de sorte que la hard parait +le fagot. Quand on m'en parlait, je ne pouvais répondre gaiement, à +cause que sa nourriture ne m'agréait guère. Je fus un jour, comme +j'avais coutume, la voir, où j'entendis nommer cette nourrice du nom de +son mari. Je me ressouvins que c'était le nom d'un jeune homme que mon +mari[19] avait traité de la v..., lequel avait voulu sortir sans +attendre qu'il eût été guéri.... Je fus bien empêchée et eusse voulu ne +l'avoir jamais vue.... Elle fut retenue, et aussitôt on fit état de +renvoyer toutes les autres; c'était l'heure du dîner. Je fis chercher M. +du Laurens[20], lequel était allé dîner en compagnie. Comme je vis qu'il +ne se trouvait pas, et qu'il n'eût pas été à propos de le dire quand les +autres nourrices eussent été renvoyées, je priai mademoiselle Cervage, +femme de chambre de la reine, de lui aller dire de ma part.... La reine +le dit aussitôt au roi, lequel dit tout haut «que des nourrices venaient +de loin pour le tromper», devant tout le monde. Il envoya chercher M. du +Laurens et les autres médecins, lesquels me vinrent trouver pour savoir +la vérité, et comment, si je vérifierais cela. Je leur dis le tout, et +que pour preuve, il y avait un valet de chambre de M. _de Beaulieu-Rusé_ +qui, demeurant en notre logis, l'avait aidé à panser, qui en pourrait +dire la vérité, et un autre qui était chirurgien à Auxerre, qui avait +été en même temps chez nous. Comme cela fut vérifié, l'on fit une autre +élection de nourrice.» + +La conséquence à tirer de cette histoire, c'est que, malgré tous les +certificats, on peut encore être trompé; car, si le hasard n'avait pas +fait connaître à l'accoucheuse de la reine l'état antérieur du mari de +cette femme, elle aurait été parfaitement acceptée pour nourrice de la +fille du roi. Ainsi donc, s'il est bon, en tout état de choses, de +tâcher d'avoir les meilleurs renseignements sur la vie antérieure d'une +nourrice, il faut cependant, sous ce rapport, s'en remettre un peu à la +grâce de Dieu. + +Voici, du reste, comment on s'y prit pour la Dauphine: On choisit +d'abord les quatre meilleures nourrices, c'est-à-dire celles qui +remplissaient le mieux les conditions déjà indiquées, et l'on prit leurs +noms et leurs demeures; puis, le premier médecin envoya un homme de +confiance pour procéder aux informations. Cet homme s'adressa aux curés +pour avoir un certificat constatant _qu'elles étaient de la religion +catholique, qu'elles servaient bien Dieu, et qu'elles fréquentaient les +sacrements_. Il obtint ensuite un certificat des chirurgiens de chacune +d'elles, assurant qu'ils n'avaient connu dans leurs familles aucune +personne atteinte de maladies contagieuses, ni écrouelles, ni épilepsie. +Après avoir obtenu ces deux certificats, il assembla les voisins, qui +attestèrent qu'elles étaient de bonne conduite, et qu'elles avaient +toujours bien vécu avec leurs maris et leurs voisins. Une fois cette +enquête terminée, on les mit chez la gouvernante des nourrices, où +chacune d'elles avait une chambre et nourrissait son enfant en attendant +l'accouchement de la Dauphine; et sitôt qu'elle fut accouchée, les +médecins vinrent visiter ces nourrices, choisirent celle qu'ils +considérèrent alors comme la meilleure, et les trois autres restèrent +chez la gouvernante, pour n'en pas manquer en cas qu'on fût dans la +nécessité d'en changer. La nourrice choisie fut ensuite gardée à vue par +une femme qui ne la quittait point, pour qu'elle ne pût approcher de son +mari, car on craignait qu'elle ne devînt grosse et ne donnât à l'enfant +de mauvais lait. + +On était très-rigide sur cette séparation des maris, et _Dionis_[21] +raconte à ce sujet ce qui arriva à l'une des premières nourrices de +Louis XIV.--Cette nourrice était de Poissy. La cour habitait à cette +époque le château neuf de Saint-Germain. Louis XIII, ravi d'avoir un +fils, l'allait voir tous les jours et s'entretenait avec la nourrice. +Celle-ci lui raconta plusieurs aventures amoureuses arrivées entre les +dames de Poissy et les mousquetaires de quartier. Le roi en fit quelques +réprimandes à leur commandant, en lui ordonnant de mieux veiller sur +leur conduite. Un jour le mari de la nourrice, impatient de voir sa +femme, rôdait autour du château. La nourrice l'ayant aperçu descendit un +moment pour lui parler sur une des terrasses du jardin. Malheureusement +pour elle, elle fut vue du mousquetaire en sentinelle sur cette +terrasse. Ne voulant pas perdre une si belle occasion de se venger des +discours tenus par elle au roi sur leurs aventures, il la dénonça, et +elle fut immédiatement changée. + +L'accouchement tant désiré de la Dauphine eut lieu au mois d'août 1682. +Le roi venait de fixer depuis quelques mois son séjour à Versailles, et +cette ville présenta alors le plus curieux spectacle. + +Depuis près d'un mois, Clément était établi dans les appartements du +château, lorsque le mardi 4, dans la soirée, la Dauphine ressentit les +premières douleurs. Depuis ce moment jusqu'au jeudi 6, jour de la +délivrance, l'accoucheur ne quitta plus la princesse. Aussitôt les +premières douleurs, la Dauphine fit prévenir la reine et la pria de n'en +rien dire, pour éviter dans ces premiers moments le trouble que cette +nouvelle allait jeter parmi tout le monde. Le Dauphin vint aussi et ne +quitta pas la chambre de la nuit. Cependant, comme elle souffrait de +plus en plus, vers une heure du matin le bruit s'en répandit dans tout +le château. + +Lorsque les reines accouchaient, on préparait près de leur chambre +ordinaire une autre chambre où devait se terminer l'accouchement, et +dans laquelle se tenaient toutes les personnes ayant le droit d'y +assister. C'était dans cette dernière chambre qu'étaient le lit où elles +restaient après l'accouchement et le lit de travail. Celui-ci était +placé dans une espèce de petite tente pour la reine, le roi, +l'accoucheuse et les aides. Cette tente était entourée d'une autre, +beaucoup plus grande, pour les assistants. Ce cérémonial ne fut pas +suivi pour la Dauphine, et l'accouchement se fit dans sa chambre à +coucher. + +Bientôt toute la cour fut en mouvement. Les princes et les princesses du +sang se rendirent aussitôt chez la Dauphine. Les cours, les places, le +chemin de Versailles à Paris, furent éclairés presque comme en plein +jour par la grande quantité de torches et de lumières de toute espèce +des allants et des venants. + +Les antichambres de l'appartement de la Dauphine et la galerie qui y +menait ne tardèrent pas à être encombrées par tous les habitants du +château et de ses environs. Cet appartement était situé à l'extrémité de +l'aile du sud, vis-à-vis la pièce d'eau des Suisses, dans le pavillon de +la surintendante de la maison de la reine[22]. + +Malgré tout ce mouvement, on n'avait pas encore jugé nécessaire +d'éveiller le roi. Cependant, sur les cinq heures du matin, on vint lui +apprendre l'état de la princesse. Il se leva aussitôt, et après +l'assurance que rien ne pressait encore, il ordonna d'adresser des +prières au ciel, et entendit immédiatement la messe. Vers six heures, il +se rendit chez la Dauphine, afin de savoir par lui-même où tout en +était. + +La cour grossissait à tout moment. Les moins diligents se rendaient de +toutes parts aux environs de l'appartement de la jeune malade, d'où +l'on ne pouvait approcher, tandis que le reste du château paraissait +désert. + +Vers neuf heures, le roi, voyant diminuer les douleurs de sa +belle-fille, sortit de chez cette princesse pour aller au conseil; et la +plupart des princes et princesses, ayant veillé toute la nuit, +profitèrent de ce moment pour prendre quelques heures de repos. + +La reine passa toute cette matinée en prière ou auprès de la princesse. +Le roi y revint encore aussitôt que le conseil fut terminé. Il la trouva +assez calme, y demeura quelque temps, voulut qu'elle mangeât pendant +qu'il était là et sortit ensuite avec la reine, chez laquelle il vint +dîner accompagné de tous les princes. Vers la fin du dîner, on lui +annonça que la Dauphine reposait. Jugeant alors sa présence inutile, il +laissa la reine dans son appartement, et alla, selon sa coutume, +travailler dans son cabinet. + +L'un des premiers soins de ce prince avait été d'ordonner des prières +dans toutes les églises de Paris et de Versailles, et de faire +distribuer des aumônes considérables dans ces deux villes. + +Les douleurs de la Dauphine la reprirent avec force vers l'après-dinée; +le roi revint immédiatement auprès d'elle. + +Pendant tout ce temps, la plupart des ambassadeurs, des envoyés et des +résidents des princes étrangers se rendirent à Versailles, afin d'être +prêts à faire partir des courriers à leurs cours aussitôt après +l'accouchement. + +La reine n'avait point quitté l'appartement de la Dauphine depuis ses +premières douleurs; les voyant se continuer avec énergie, elle fit +apporter dans la chambre les reliques de sainte Marguerite, que l'on +était dans l'usage d'exposer dans la chambre des reines quand elles +accouchaient; puis on dressa le lit de travail. Ce lit, conservé dans le +garde-meuble du roi, avait déjà servi aux reines _Anne d'Autriche_ et +_Marie-Thérèse_[23]. + +Les femmes de la Dauphine entrèrent alors, arrangèrent ses cheveux, et +lui mirent sur la tête de grosses cornettes, comme c'était l'usage, pour +qu'elle n'attrapât point de froid. + +Toute la nuit du 5 au 6 se passa encore dans des douleurs de plus en +plus vives et prolongées, surtout vers le matin. + +Les soins et les prières de la reine redoublèrent. Tous les services +qu'une femme est si heureuse de recevoir dans cet instant solennel +furent rendus à la Dauphine avec empressement par la reine et les +princesses du sang. + +Le roi lui-même cherchait à l'encourager et était rempli d'attentions +pleines de bonté. A plusieurs reprises, aidé du Dauphin, il la soutint +pendant qu'elle se promenait dans sa chambre, et comme les douleurs ne +discontinuèrent plus, il y passa la nuit sans vouloir prendre un moment +de repos. + +Pendant cette soirée du mercredi, la nuit du mercredi au jeudi et la +matinée du jeudi jusqu'à l'heure de la délivrance, il n'est sorte de +mots doux et affectueux qui n'aient été échangés entre Louis XIV et la +Dauphine. Le jeudi, le roi ne se reposa pas un moment. Le matin, il +entendit la messe; puis il tint conseil comme à l'ordinaire; car l'on +sait que c'était un des devoirs qu'il s'était imposés, et que rien ne +pouvait empêcher. Immédiatement après le conseil, il revint chez la +Dauphine. + +La longueur du travail commençait à donner de l'inquiétude à tous les +assistants, et les visages semblaient abattus et consternés. _Clément_ +seul, pendant tout ce temps, paraissait impassible. Il s'était assuré, à +plusieurs reprises, de l'état de la princesse; il n'avait reconnu à +l'accouchement aucun obstacle important, et il avait déjà prévenu le roi +que si, par suite de la constitution assez grêle de la Dauphine, +l'accouchement devait être long, il devait cependant se terminer sans +accident. Le roi, on l'a déjà dit, avait une entière confiance dans +l'accoucheur; il s'en rapporta complétement à son savoir, attendit avec +patience l'instant qui allait combler ses voeux, et convint avec lui +qu'afin de savoir le premier le sexe de l'enfant au moment de la +naissance, il lui demanderait _ce que c'était_, et que Clément +répondrait: Je ne sais pas, Sire,--si c'était une fille; et je ne sais +point _encore_, Sire,--si c'était un fils. + +Les douleurs devenant de plus en plus vives et prolongées, Clément jugea +nécessaire de faire pratiquer une saignée, et les médecins furent tous +de cet avis. + +Aussitôt les apothicaires apportèrent du vinaigre, de l'eau de la reine +de Hongrie et un verre rempli d'eau, dans le cas où la princesse aurait +une faiblesse. Le chirurgien Dionis pratiqua la saignée. On était alors +dans l'usage de fermer les volets et de se servir de bougies afin de +mieux voir la veine. C'est ce qu'on fit pour la Dauphine. Le premier +médecin du roi tint la bougie, et le premier apothicaire tint les +_poilettes_[24]. + +Après la saignée, les douleurs reprirent de l'intensité, et tout +annonçait la prompte terminaison de l'accouchement. Pour soutenir les +forces de la Dauphine, le roi voulut qu'on lui donnât de temps à autre +de son _rossolis_[25]. + +Clément, jugeant que l'instant de la délivrance approchait, en prévint +le roi. La Dauphine fut placée sur le lit de travail, et le roi ordonna +de faire entrer toutes les personnes qui devaient assister à cet acte +solennel. + +Alors se trouvaient dans la chambre le roi, la reine, le Dauphin, +Monsieur, Madame, Mademoiselle d'Orléans, et les princes et princesses +du sang, qu'on avait mandés à cause du droit que leur donnait leur +naissance d'être présents à l'accouchement. Il y avait en outre celles +des dames dont les charges leur donnaient le privilège d'y assister, ou +dont le service était nécessaire à la princesse; c'étaient: madame de +Montespan, surintendante de la maison de la reine; la duchesse de Créqui +et la comtesse de Béthune, dames d'honneur de la Dauphine; la maréchale +de Rochefort et madame de Maintenon, dames d'atour; la duchesse d'Uzès; +la duchesse d'Aumont, femme du premier gentilhomme de la chambre en +année; la duchesse de Beauvilliers, femme du premier gentilhomme de la +chambre; madame de Venelle, première sous-gouvernante; madame de +Montchevreuil, gouvernante des filles d'honneur de la Dauphine; madame +Pelard, première femme de chambre du nouveau-né; madame Moreau, première +femme de chambre de la Dauphine; et les femmes de chambre de jour. + +Tout ce monde était sans mouvement et paraissait attendre avec anxiété +le dernier moment. Bientôt les dernières et énergiques douleurs se +succédèrent et se rapprochèrent, et la Dauphine accoucha à dix heures +vingt minutes du matin. + +A peine l'enfant venait de passer, le roi, impatient, demanda à Clément: +Qu'est-ce? Celui-ci, d'un air satisfait, lui répondit, ainsi qu'il en +était convenu: Je ne sais point _encore_, Sire. Aussitôt le roi, +radieux, s'écria: Nous avons un duc de Bourgogne[26]. + +Tout ce qui se passa alors dans la chambre où ce prince venait de naître +peut à peine se décrire. + +Le roi, dans le premier moment de sa joie, embrassa la reine et la +Dauphine; puis on ouvrit deux portes à la fois, afin de faire connaître +la grande nouvelle à ceux du dehors. Le roi annonça lui-même aux +princesses et aux dames du premier rang la naissance d'un prince, et la +dame d'honneur aux hommes réunis dans la pièce à côté. Il se produisit +alors un mouvement incroyable. Les uns tâchaient de percer la foule pour +aller publier ce qu'ils venaient d'apprendre, et les autres, sans bien +savoir où ils allaient ni ce qu'ils faisaient, forcèrent la porte de la +chambre de la Dauphine. Tout le monde paraissait dans l'ivresse de la +joie. Il y eut un tel pêle-mêle dans ce premier moment, que les +domestiques se trouvèrent dans l'antichambre au milieu des princes et +des dames de la première qualité. Le roi défendit qu'on renvoyât +personne et voulut que chacun pût exprimer librement sa joie. + +Il semblait que le nom du prince nouveau-né eût volé dans l'air jusque +dans les endroits les plus reculés du château et aux deux extrémités de +Versailles; partout des feux de joie s'allumèrent comme par +enchantement, et les missionnaires, établis depuis peu par le roi dans +le château, chantèrent un _Te Deum_ d'actions de grâces dans la +chapelle. + +Quelques instants après sa naissance, le duc de Bourgogne fut ondoyé +dans la chambre de la Dauphine par le cardinal de Bouillon, grand +aumônier de France, revêtu de l'étole, en camail et en rochet. La +cérémonie se fit en présence du curé de la paroisse de Versailles[27]; +et sitôt qu'elle fut faite, on alla bercer le prince dans le cabinet de +la Dauphine, d'où on le rapporta un peu après pour le montrer à cette +princesse. Puis la maréchale de la Mothe étant entrée dans une chaise à +porteurs, on le mit sur ses genoux, et il fut ainsi porté jusque dans +l'appartement qu'on lui avait préparé. A peine y fut-il entré, le +marquis de Seignelay, secrétaire d'État et trésorier de l'ordre du +Saint-Esprit, lui mit au cou, de la part du roi, la croix de cet ordre, +que les fils de France portaient dès leur naissance. + +Enfin, après deux jours et deux nuits d'inquiétudes et de fatigues, il +était temps de laisser reposer la Dauphine[28]; mais ici une nouvelle +scène allait commencer pour le roi. + +En sortant de la chambre, il fallait traverser la foule de grands +seigneurs et de personnages de toutes sortes encombrant les portes et +les corridors. Aussitôt qu'il parut, chacun se précipita et, quel que +fût son rang, chercha par ses acclamations et ses gestes à lui témoigner +sa joie. Le roi paraissait dans ce moment si heureux, et il recevait ces +manifestations d'un air si engageant, que, loin de s'éloigner, chacun +cherchait à se rapprocher de lui. Il faut se figurer que depuis +l'appartement où la Dauphine était accouchée jusque chez la reine où le +roi allait souper, il y avait à traverser une antichambre, la salle des +gardes de la Dauphine, une très-longue galerie, le palier de l'escalier +des princes avec les retours, diverses salles, la salle des gardes de la +reine, et que tous ces lieux étaient tellement remplis de monde, qu'on +peut dire que Louis XIV fut porté à table, depuis la chambre de la +Dauphine, jusqu'au lieu où il soupa[29]. + +Quant au Dauphin, ce qu'il avait vu souffrir à la Dauphine, et les +choses tendres qu'elle lui avait dites pendant cette longue attente, +l'avaient jeté dans une sorte de stupéfaction. Aussi, quand il fallut +passer de la tristesse à la joie, il eut peine à se soutenir. Il +semblait sortir d'un long rêve, et sa première action fut d'embrasser +non-seulement la Dauphine, mais toutes les dames qui se trouvaient dans +la chambre. + +Le roi fit, dès le soir même, donner de fortes sommes d'argent pour +délivrer des prisonniers. + +Louis XIV, dans ses libéralités, ne pouvait oublier celui qui, par son +sang-froid et sa prudence, avait été la cause principale de l'heureuse +réussite de cet événement. Il fit donner à l'accoucheur dix mille +livres, et lorsque Clément alla le remercier, il le reçut gracieusement, +lui dit qu'il était très-satisfait du service qu'il lui avait rendu, +qu'en lui donnant cette somme, il ne croyait pas le payer, et que ce +n'était que le commencement de ce qu'il voulait faire pour lui. + +En effet, Louis XIV ne cessa de le combler de bienfaits. Il n'avait de +confiance qu'en lui. Outre la Dauphine, qu'il accoucha de tous ses +enfants, Clément fut plus tard l'accoucheur de la duchesse de Bourgogne, +et il alla trois fois à Madrid pour accoucher la reine d'Espagne. Enfin, +en 1711, le roi lui donna des lettres de noblesse avec une clause qui +honore au même degré l'homme de mérite auquel s'adressait cette +distinction et le souverain qui la lui accordait; cette clause portait +qu'il ne pourrait abandonner la pratique de son art, ni refuser ses +conseils, ni ses secours aux femmes qui les réclameraient. + +La joie manifestée si vivement dans le château à la nouvelle de cet +heureux événement ne fut pas moins vive au dehors et dans tout +Versailles. + +Un garde du roi dormait sur une paillasse pendant l'accouchement de la +Dauphine: réveillé en sursaut par le bruit extraordinaire que la joie +venait de produire dans l'intérieur du palais, et comprenant, quoique +encore à moitié endormi, qu'il venait de naître un prince, il prit sa +paillasse sur son dos, et sans rien dire a personne, courut le plus vite +possible jusqu'à la première cour[30], et mit le feu à cette paillasse. +Il semblait que chacun n'attendît que ce signal, car on vit presque au +même instant un nombre infini d'autres feux s'allumer comme par +enchantement. Les uns allaient chercher du bois; d'autres prirent tout +ce qu'ils trouvèrent, bancs, tables, meubles de toute nature, et +jetèrent au feu tout ce qui pouvait l'alimenter. Il se forma des danses +où se trouvèrent mêlés ensemble peuple, officiers et grands seigneurs. A +peine ces manifestations de la joie publique eurent-elles commencé, +qu'on vit couler des fontaines de vin de chaque côté de la première +grille du château, ainsi que de l'intérieur des cours. + +Versailles était alors rempli d'un grand nombre d'ouvriers attirés par +les travaux immenses que faisait exécuter le roi. On leur fit distribuer +du vin en grande quantité à l'Étape[31] et dans les ateliers; les +soldats des gardes française et suisse ne furent pas les derniers à +manifester leur joie. Ils firent du feu de tout et brûlèrent même +quantité de choses dont on ne leur aurait pas permis de disposer dans un +autre moment. Le roi, apercevant tout ce désordre, voulut cependant +qu'on les laissât faire, _pourvu_, ajouta-t-il, _qu'ils ne nous brûlent +pas_. + +Devant chaque hôtel de ministre, l'on avait établi des feux et des +distributions de vin. + +Ces réjouissances durèrent plusieurs jours avec les mêmes transports. +C'était à qui varierait chaque fois les illuminations et les artifices. + +Tant que durèrent les fêtes, la pompe[32] fut magnifiquement illuminée, +et tous les feux dont brillaient Versailles, se reflétant sur l'or +couvrant le château[33], imprimèrent à la ville une physionomie toute +magique. + +Pendant les deux ou trois premiers jours qui suivirent celui de la +naissance du duc de Bourgogne, tout le chemin de Versailles fut couvert +de peuple venant témoigner sa joie par ses acclamations. Après avoir vu +le roi, on allait voir le nouveau-né, et la maréchale de la Mothe était +fréquemment obligée de le montrer à tout ce peuple accouru pour +contempler un instant son visage[34]. + +A l'occasion de cette naissance, on chanta plusieurs _Te Deum_ en +musique à Versailles. La plupart des maîtres en avaient composé, et le +roi voulut bien les entendre dans sa chapelle. + +Louis XIV avait dispensé les différents corps de l'État des compliments +d'usage; quant aux ambassadeurs et aux ministres des princes étrangers, +il leur accorda l'audience qu'ils lui demandèrent à cette occasion. Elle +eut lieu dans le grand appartement de Versailles, avec les cérémonies +accoutumées. Tous les corps de la garde du roi étaient en haie. Les +ambassadeurs entrèrent par le grand escalier[35]. + +Le roi était assis sur son trône d'argent, il avait auprès de lui d'un +côté le duc de Bouillon, grand chambellan, le duc de Créqui et le prince +de Marsillac; de l'autre, le duc d'Aumont, le duc de Saint-Aignan et le +marquis de Gesvres. Une foule de courtisans les environnait. Le duc de +Luxembourg, capitaine des gardes de quartier, allait recevoir les +ambassadeurs à la porte de la salle des gardes. Le roi écouta leur +compliment avec gravité, et leur répondit avec une grande affabilité. +Ils allèrent ensuite chez le Dauphin, le duc de Bourgogne et Monsieur. +Madame la maréchale de la Mothe répondit pour le petit prince. + +Toutes ces audiences durèrent cinq heures, après lesquelles ces +messieurs furent reconduits avec les mêmes cérémonies. Ils n'eurent +audience de la reine et de Madame que l'après-dinée, parce qu'elles n'en +donnaient jamais le matin. + +Tel est le récit de ce qui se passa dans Versailles à la naissance du +duc de Bourgogne. La joie de cette ville se répandit partout avec +rapidité, et l'on peut voir, dans la plupart des écrits du temps, les +détails des réjouissances extraordinaires faites dans toute la France à +cette occasion. + + + + +III + +RÉCIT DE LA GRANDE OPÉRATION + +FAITE AU ROI LOUIS XIV. + +1686. + + +Le 18 novembre 1686, Versailles apprit avec surprise et effroi que le +roi Louis XIV venait de subir _la grande opération_; c'est ainsi que +l'on nommait alors l'opération de la _fistule à l'anus_. + +Le 5 février 1686, le roi fut obligé de prendre le lit à la suite de +vives douleurs dont il souffrait depuis plusieurs jours; l'on s'aperçut +alors qu'il s'était formé un abcès à la marge de l'anus. _Félix de +Tassy_, son premier chirurgien, l'un des hommes les plus instruits de +cette époque, en proposa immédiatement l'ouverture; mais, ainsi que le +remarque Dionis, _on ne trouve pas toujours dans les grands cette +déférence nécessaire pour obtenir la guérison_: mille gens proposèrent +des remèdes qu'ils disaient infaillibles, et l'on préféra à la lancette +du chirurgien un emplâtre fait par une grande dame de la cour, _madame +de la Daubière_. L'inventeur du remède assista elle-même à la pose de +son emplâtre, qui, probablement, ne pouvait avoir d'effet que sous ses +yeux. Tel infaillible que fût cet emplâtre, on l'ôta cinq jours après +son application, n'ayant eu d'autre résultat que d'augmenter les +souffrances du roi. Enfin, le 23, c'est-à-dire plus de vingt jours après +l'apparition de la tumeur, on se décida à donner issue au pus; mais, +malgré l'avis de Félix, qui voulait employer le bistouri, et pour +ménager le royal malade, auquel on craignait de faire subir une +opération sanglante, on eut recours, pour l'ouverture de l'abcès, à +l'application de la _pierre à cautère_. «Ce matin, à dix heures, _dit +Dangeau dans son journal_, on appliqua au roi la pierre à cautère sur la +tumeur; on l'y laissa une heure et demie, et puis on ouvrit la peau avec +le ciseau; mais on ne toucha point au vif.» C'est-à-dire qu'on se +contenta de fendre l'escharre, et lorsque celle-ci tomba, il se forma, +comme le dit Dionis, un petit trou par où la matière s'écoula, et qui +continua à suppurer. Bientôt on constata la présence d'une fistule +communiquant dans l'intérieur de l'intestin. + +En pareille occurrence, et pour débarrasser le roi de cette dégoûtante +infirmité, il ne restait plus qu'à pratiquer l'opération. Mais il n'en +est pas des rois comme des simples particuliers, et, avant de pouvoir +leur faire entendre les paroles graves et réfléchies de la science, il +faut préalablement que le médecin s'attende à voir défiler avant lui +tout le cortége des empressés plus ou moins ignorants, flanqués chacun +de leurs remèdes _infaillibles_, sans compter encore le charlatanisme, +qui sait si bien exploiter la tête et la queue de la société. C'est ce +qui arriva pour Louis XIV. + +Dès que l'on sut le roi atteint de la fistule, il y eut encore un bien +plus grand nombre de remèdes proposés que quand il s'était agi d'une +simple tumeur. + +Cependant _Louvois_, qui était alors le principal ministre et qui avait +en quelque sorte la responsabilité de la vie du roi, ne voulut permettre +l'usage d'aucun de ces remèdes avant qu'il eût été préalablement +expérimenté. + +Parmi tous ces moyens, un fut surtout préconisé, et le roi paraissait +assez décidé à l'essayer: c'était l'emploi des eaux de Baréges. Mais +avant que Louis XIV partît pour ces eaux, comme le bruit en avait couru, +on jugea convenable d'en constater les effets. On chercha quatre +personnes ayant la même maladie que le roi, et on les envoya à Baréges à +ses dépens, sous la conduite de _Gervais_, chirurgien de l'hôpital de la +Charité. C'était l'un des hommes les plus instruits de Paris, et il +s'était acquis surtout une très-grande réputation pour la guérison des +tumeurs. Ces quatre malades furent soumis par lui à l'action des eaux +sous toutes les formes, en bains, à l'intérieur, et surtout en +injections répétées dans le trajet fistuleux. Ce traitement dura fort +longtemps et ne fut suivi d'aucune espèce d'amélioration; en sorte +qu'ils revinrent _tout aussi avancés dans leur guérison que quand ils +étaient partis_[36]. + +Une dame de la cour ayant raconté qu'allée aux eaux de Bourbon pour une +maladie particulière, elle s'était trouvée guérie par leur usage d'une +fistule qu'elle avait avant, on envoya à Bourbon l'un des chirurgiens du +roi, avec quatre autres malades; ils furent soumis aux mêmes expériences +que ceux de Baréges, et en revinrent comme eux sans changement dans leur +état. + +Mais l'essai des remèdes ne devait point s'arrêter là. Un religieux +jacobin vint trouver Louvois et lui apporta une eau avec laquelle il +guérissait, disait-il, toutes sortes de fistules. Un autre annonçait +posséder un onguent qui n'en manquait aucune. D'autres proposaient aussi +des remèdes avec lesquels ils avaient obtenu des cures merveilleuses. Le +ministre, un peu embarrassé de toutes ces propositions, ne voulut +cependant en rejeter aucune avant que l'expérience eût démontré son +inefficacité. Pour juger en quelque sorte, par lui-même de leur valeur, +il fit meubler plusieurs chambres de son hôtel de la surintendance[37], +pour recevoir tous les malades atteints de fistule qui voulaient se +soumettre à ces différents essais, et il les fit traiter, en présence +de Félix, par les auteurs de ces remèdes. + +Tous ces essais durèrent un temps fort long, sans aboutir à aucun +résultat. + +Louvois et Félix rendaient compte à Louis XIV des tentatives inutiles +faites chaque jour pour trouver un remède qui pût lui éviter +l'opération, sur laquelle le premier chirurgien insistait de plus en +plus. Mais avant de s'y décider, le roi voulut encore avoir l'avis de +Bessières, chirurgien en renom de Paris. Bessières examina le mal, puis +Louis XIV lui ayant demandé ce qu'il en pensait, il lui répondit +librement _que tous les remèdes du monde n'y feraient rien sans +l'opération_[38]. Le roi n'hésita plus, et l'opération fut décidée. + +Mais quelle méthode devait-on employer? + +Il y avait alors à Paris un nommé _Lemoyne_, qui s'était acquis une +grande réputation pour la guérison des fistules. Voici ce qu'en dit +Dionis: «Sa méthode consistait dans l'usage du caustique, c'est-à-dire +qu'avec un onguent corrosif, dont il couvrait une petite tente qu'il +fourrait dans l'ouverture de l'ulcère, il en consumait peu à peu la +circonférence, ayant soin de grossir tous les jours la tente, de manière +qu'à force d'agrandir la fistule, il en découvrait le fond. S'il y avait +de la callosité, il la rongeait avec son onguent, qui lui servait aussi +à ruiner les clapiers, et enfin, avec de la patience, il en guérissait +beaucoup. Cet homme est mort vieux et riche, parce qu'il se faisait bien +payer, en quoi il avait raison, car le public n'estime les choses +qu'autant qu'elles coûtent. Ceux à qui le ciseau faisait horreur se +mettaient entre ses mains, et comme le nombre des poltrons est fort +grand, il ne manquait point de pratiques.» Ainsi Lemoyne avait remis en +honneur la cautérisation.--La ligature était le mode d'opérer le plus +généralement suivi. Puis restait l'incision que Félix proposait au roi. +Mais avant de se déterminer à suivre l'avis de son premier chirurgien, +Louis XIV voulut qu'il lui expliquât la préférence qu'il donnait à cette +méthode sur les autres. Félix fut alors obligé de décrire au roi les +trois procédés; puis il lui fit remarquer, nous raconte Dionis, que le +caustique fait une douleur continuelle pendant cinq ou six semaines +qu'on est obligé de s'en servir; que la ligature ne coupe les chairs +qu'après un long espace de temps, et qu'il ne faut pas manquer de la +serrer tous les jours, ce qui ne se fait pas sans douleur; que +l'incision cause, à la vérité, une douleur plus vive, mais qu'elle est +de si peu de durée qu'elle ne doit point alarmer une personne qui veut +guérir sans crainte de retour; car outre qu'elle achève en une minute ce +que les deux autres manières n'opèrent qu'en un mois, c'est que par +celles-ci la guérison est douteuse et qu'elle est sûre par +l'incision.--Ces raisons, appuyées par Daquin, Fagon et Bessières, +déterminèrent le roi, qui se décida pour l'incision. + +C'était une grave résolution qu'avait prise Félix. L'opération par +l'instrument tranchant paraissait alors si terrible, que chacun +tremblait de la subir, d'où son nom de _grande opération_. + +Mais Félix n'était point un chirurgien ordinaire. Fils de François Félix +de Tassy, homme d'un grand talent, et aussi premier chirurgien du même +prince, il fut l'élève de son père, qui, le destinant à le remplacer +auprès du monarque, ne négligea aucun des moyens qui pouvaient le rendre +digne d'occuper un emploi aussi important. Exerçant sa profession dans +les hôpitaux civils, puis dans ceux des armées, il fut, fort jeune +encore, compté parmi les plus habiles chirurgiens de son temps; ses +confrères le nommèrent chef du collége de Saint-Côme, qui devint ensuite +l'académie de chirurgie; puis il succéda à son père dans la charge de +premier chirurgien du roi, en 1676. + +Dès que Félix se fut assuré de la maladie du roi, il le rassura sur sa +vie et promit de le délivrer de son horrible incommodité. Ce grand +chirurgien n'avait jamais fait l'opération qu'il méditait, mais il avait +lu tout ce que les auteurs anciens avaient écrit sur la maladie dont le +roi était attaqué. Il se traça alors un plan d'opération, et tandis que +le temps s'écoulait en essais de remèdes qui n'avaient aucun résultat, +Félix occupait le sien d'une manière profitable à ses desseins. Pendant +plusieurs mois tous les malades atteints de la maladie du roi qui se +trouvaient dans les hôpitaux de Paris ou à la Charité de Versailles +furent opérés par lui, et lorsque Louis XIV fut enfin décidé, il avait +acquis l'expérience d'un chirurgien consommé dans cette partie de l'art +opératoire. + +Pour faire l'incision de la fistule, Galien avait inventé un instrument +d'une forme particulière, auquel il avait donné le nom de syringotome, +du nom même de la fistule--(_syrinx_, flûte). C'était un bistouri en +forme de croissant, à manche contourné, et dont la pointe était terminée +par un stylet long, pointu et flexible. On introduisait la pointe dans +l'ouverture extérieure de la fistule et on poussait le stylet jusque +dans l'intestin; le doigt indicateur de la main gauche, placé dans le +rectum, ramenait la pointe par l'anus, puis la lame du bistouri, poussée +dans la fistule, achevait l'incision. Félix fit subir à l'instrument de +Galien un notable changement. Il fit faire un simple bistouri courbe, à +lame très-étroite, terminée, comme le syringotome, par un stylet, mais +en argent recuit, et long de plusieurs pouces. Le tranchant de la lame +était recouvert d'une chape d'argent faite exprès pour être introduite +dans la fistule sans blesser les parties. Cet instrument ainsi disposé, +on poussait le stylet dans la fistule et on le ramenait par le +fondement; puis, le bistouri étant entré après le stylet, on retirait +doucement la chape qui enveloppait le tranchant, et tenant d'une main +le bout du stylet et de l'autre le manche du bistouri, en tirant à soi +on tranchait tout d'un coup toute la fistule. + +Cet instrument, dont Félix se servit pour le roi, reçut depuis ce moment +le nom de _bistouri à la royale_. + +Ce fut le 18 novembre 1686 qu'eut lieu l'opération. + +Qu'on nous pardonne les détails peut-être un peu minutieux dans lesquels +nous allons entrer; mais, outre qu'il s'agit d'une opération qui, par +son retentissement et son succès, changea toutes les idées reçues à +cette époque, il s'agit encore d'un fait historique que l'on peut encore +suivre _sur place_ dans ses plus petits incidents. + +Le roi était à Fontainebleau lorsque l'opération fut arrêtée. Afin de +s'y préparer et en même temps pour ôter tout soupçon de ce qui allait se +passer, deux médecines lui furent administrées dans ce séjour. Arrivé à +Versailles le 15 novembre, rien ne décéla en lui la grave détermination +qu'il avait prise. Le dimanche 17, veille de l'opération, il monta à +cheval, alla visiter ses jardins, ses réservoirs et les nombreux travaux +en cours d'exécution, et parut fort tranquille et fort gai pendant tout +le cours de la promenade[39]. + +La chambre à coucher de Louis XIV, dans laquelle il fut opéré, n'était +point celle connue aujourd'hui sous ce nom: elle était située dans la +pièce précédant celle-ci et portant actuellement le nom si célèbre de +salon de l'OEil-de-Boeuf. Ce salon de l'OEil-de-Boeuf était alors coupé +en deux; la pièce la plus rapprochée de la chambre à coucher actuelle +était la chambre du roi, et l'autre pièce était un cabinet orné des +tableaux du Bassan, portant pour cela le nom de cabinet des Bassans. + +Le lundi 18 novembre, de grand matin, tout se préparait dans le cabinet +des Bassans pour la _grande opération_. Vers cinq heures, les +apothicaires entrèrent chez le roi et lui administrèrent le lavement +préparatoire. Un peu avant sept heures, Louvois alla prendre chez elle +madame de Maintenon; ils entrèrent ensemble chez le roi, auprès duquel +se trouvait déjà le père de la Chaise, son confesseur. Félix, d'Aquin, +premier médecin du roi, Fagon, qui le devint quelques années après, +Bessières, les quatre apothicaires du roi, et Laraye, _élève_ de Félix, +mais que l'on appelait alors son _garçon_, étaient réunis dans le +cabinet des Bassans pour préparer tout ce qui devait servir à +l'opération. + +A sept heures, ils entrèrent dans la chambre du roi. Louis XIV ne parut +nullement ému de leur présence; il fit approcher Félix, lui demanda +l'usage de chacun des instruments et des diverses pièces de l'appareil, +puis s'abandonna avec confiance à son talent. + +Le roi fut placé sur le bord de son lit, un traversin sous le ventre +pour élever les fesses, tournées du côté de la fenêtre, les cuisses +écartées et assujetties par deux des apothicaires. + +Voici comment procéda l'opérateur: Une petite incision, faite avec la +pointe d'un instrument ordinaire, fut d'abord pratiquée à l'orifice +externe de la fistule, afin de l'agrandir et de pouvoir plus facilement +y introduire le bistouri à la royale. L'incision fut ensuite pratiquée +avec cet instrument, à l'aide de la manoeuvre déjà indiquée. Une fois le +trajet fistuleux mis à découvert, il s'agissait de détruire les +callosités qu'on supposait devoir empêcher la réussite de l'opération: +huit coups de ciseaux enlevèrent toutes les callosités que Félix +rencontra sous son doigt. Cette partie si douloureuse de l'opération fut +supportée avec beaucoup de courage par Louis XIV: pas un cri, pas un mot +ne lui échappa. + +L'opération terminée, on introduisit dans l'anus une grosse tente de +charpie recouverte d'un liniment composé d'huile et de jaune d'oeuf. On +la fit entrer avec force, afin d'écarter les lèvres de la plaie; on +garnit ensuite la plaie de plumasseaux, enduits du même liniment, et on +appliqua les compresses et le bandage comme on le fait à présent. + +Rien ne saurait dire l'étonnement dans lequel fut toute la cour lorsque +l'on apprit que le roi venait de subir une opération que chacun +regardait comme si dangereuse. Le récit fait de cet événement par le +_Mercure Galant_, journal officiel de la cour, fera mieux comprendre +qu'on ne pourrait le dire l'effet produit par cette nouvelle +inattendue.--«Quoique le roi, dit-il, fût dans une santé parfaite, à la +réserve de l'incommodité qui lui était survenue il y a environ onze +mois, et qu'il fût même en état de monter à cheval et de chasser, comme +il faisait très-souvent, Sa Majesté, qui vit qu'elle courait risque de +souffrir toute sa vie de cette sorte d'incommodité, à laquelle sont +sujets tous ceux qui manquent du courage nécessaire pour s'en tirer, +prit une résolution digne de sa fermeté; et, comme ce mal était grand +plutôt par la douleur que l'opération lui devait faire souffrir que par +la nature dont il était, il cacha ce qu'il avait résolu de faire, comme +il fait de toutes les choses qu'il juge à propos de tenir secrètes. Il +savait l'inquiétude que donnerait le mal qu'il devait endurer, et ne +doutait point que la crainte de quelque accident et l'amour qu'on a pour +lui ne fissent trouver des raisons pour l'en détourner. Mais ce prince +voulait souffrir, afin d'être plus en état de travailler sans cesse pour +le bien et pour le repos de ses sujets; et pour éviter les contestations +qui se pourraient former là-dessus, il aima mieux se charger de toute la +douleur que de jouir du soulagement d'être plaint, ce qui console +beaucoup ceux qui souffrent. D'ailleurs, il savait que ce bruit, venant +à se répandre, aurait jeté de la crainte et de l'abattement dans tous +les coeurs, et qu'il rendrait incapables d'agir tous ceux qui étaient +occupés pour les affaires de l'État, et il voulait endurer seul, sans +que l'État en souffrît un seul moment. Ainsi ayant pris sa résolution, +il travailla à la faire exécuter sans que l'on s'en aperçût. Comme +jamais prince ne sut régner sur lui-même avec tant d'empire, il en vint +à bout sans peine. Il se purgea deux fois à Fontainebleau, parce que +venant ensuite à Versailles, ce changement de lieu devait ôter l'idée +qu'on aurait pu prendre, s'il avait été possible qu'on eût soupçonné +quelque chose de son dessein. Il monta à cheval le dimanche 17 de ce +mois, soupa ce jour-là avec la famille royale, et s'informa de +Monseigneur où était le rendez-vous de chasse le lendemain. On connut le +jour suivant que ce prince, quoiqu'il dût alors sentir les premières +atteintes de la peur que lui pouvait causer l'opération, avait demandé +ce rendez-vous d'une âme tranquille, afin que s'il arrivait quelque +accident, il pût en faire avertir Monseigneur. On a même remarqué qu'il +se coucha ce soir-là plus tard qu'à l'ordinaire. Il marqua pour le lundi +18, l'heure de son lever, où la plus grande partie de la cour se trouve +ordinairement. Il avait pris la sienne plus matin pour l'opération. Ceux +qui devaient y travailler, ou dont la présence était nécessaire, +entrèrent par différents endroits, ce qui empêcha qu'on en eût aucun +soupçon. Quoique je ne fasse point ici le détail du reste, je puis vous +dire qu'il s'y passa mille choses dignes de l'inébranlable fermeté du +roi. Il voulut voir tout ce qui devait le faire souffrir et ne fit que +sourire au lieu d'en paraître étonné. Il fit ensuite ce qu'un prince +aussi chrétien que lui doit faire en de pareilles occasions et souffrit +patiemment, étant toujours dans l'état d'un homme libre et qui est +assuré d'être maître de sa douleur. Aucun cri ne lui échappa, et loin de +témoigner de la crainte, il demanda si on ne l'avait point épargné, +parce qu'il avait recommandé sur toutes choses de ne le pas faire. Sitôt +qu'on eut achevé l'opération, la porte fut ouverte à ce qu'on appelle la +première entrée, c'est-à-dire aux personnes qui ont droit d'entrer les +premières au lever. Les autres n'entrèrent pas, parce qu'il n'y eut +point de lever. + +«Le bruit de cette opération s'étant répandu dans Versailles, comme on +s'imagine toujours voir les maux que l'on craint, quand même ils ne +seraient point à craindre, la douleur parut sur tous les visages, et +l'on eût dit à voir le roi que ce monarque était le seul qui se portait +bien. Ayant remarqué qu'on ne faisait aucun bruit, il ordonna que toutes +choses se fissent à l'ordinaire, tint conseil dès le jour même, et +permit dès le lendemain aux ministres étrangers de le saluer. Quoique de +semblables maux aient accoutumé de causer un peu de fièvre, sans +pourtant qu'il y ait sujet d'en appréhender aucune suite fâcheuse, il +semble que le ciel, pour ne nous pas alarmer, n'ait pas voulu qu'il en +eût le moindre ressentiment.» + +A ces détails, _Dangeau_ ajoute: «Dès que l'opération fut faite, le roi +l'envoya dire à Monseigneur, qui était à la chasse, à madame la +Dauphine, dès qu'elle fut éveillée, à Monsieur et à Madame, qui étaient +à Paris, et à M. le prince et à M. le duc, qui étaient à Fontainebleau, +auprès de madame la duchesse de Bourbon, leur défendant de venir. Dès +l'après-dîner, le roi tint son conseil; il vit beaucoup de courtisans, +et voulut qu'il y eût appartement et que l'on commençât le grand jeu de +reversi qu'il avait ordonné à Fontainebleau. Madame de Montespan partit +en diligence pour venir trouver le roi; mais ayant appris à Essone que +le roi se portait très-bien, elle retourna auprès de madame de Bourbon. +Monseigneur, apprenant la nouvelle, quitta la chasse et revint ici à +toute bride et en pleurant.» + +Dans son journal, Dangeau nous a conservé jour par jour l'état du roi +après son opération. L'on y voit que les premiers jours se passèrent +fort bien. Les pansements se faisaient avec régularité, et le malade +n'en éprouvait aucune douleur, tout enfin semblait annoncer une guérison +solide et prompte; mais, soit que l'on se fût trop vite empressé de +diminuer la grosseur de la mèche, soit pour tout autre motif, l'on +s'aperçut le quinzième jour qu'une partie des bords s'étaient cicatrisés +avant le fond, et que la fistule menaçait de reparaître de nouveau. Le 6 +décembre, l'on chercha à détruire, par quelques légers coups de ciseaux, +cette cicatrisation trop rapide, mais sans obtenir le résultat désiré. +Enfin, le lundi 7 décembre, c'est-à-dire vingt et un jours après la +première opération, l'on fut obligé de détruire la nouvelle cicatrice, à +l'aide de plusieurs incisions, et de mettre à nu le fond de la fistule. + +Le roi supporta cette seconde opération avec beaucoup de courage, mais +il paraît qu'elle fut extrêmement douloureuse, car pendant plusieurs +jours il renvoya son conseil, ce qui n'était pas arrivé la première +fois. Quoi qu'il en soit, de ce moment la cicatrisation marcha avec +régularité, et le samedi 11 janvier 1687, cinquante-quatre jours après +l'opération et trente-trois après les dernières incisions, le roi fut +assez bien guéri pour sortir à pied de ses appartements et se promener +pendant fort longtemps dans l'Orangerie. + +Louis XIV venait d'être débarrassé d'une grave infirmité, grâce à +l'habileté de son chirurgien. Mais si le service était grand, la +récompense fut royale. Félix reçut cinquante mille écus et la terre des +_Moulineaux_, estimée à la même somme; d'Aquin, le premier médecin, cent +mille livres; Fagon, quatre-vingt mille livres; les quatre apothicaires, +chacun douze mille livres, et Leraye, l'élève de Félix, quatre cents +pistoles; le tout formant un total de cinq cent soixante-douze mille +livres, qui, comparé à la valeur actuelle de l'argent, représente +presque un million!!! + +La réussite de l'opération pratiquée à Louis XIV, en mettant le comble +à la réputation de Félix, mit aussi à la mode son procédé; et il fut +facile de constater immédiatement son efficacité, car depuis l'opération +faite au roi, il semblait que tout le monde fût attaqué de la fistule. +«C'est une maladie, dit Dionis, qui est devenue à la mode depuis celle +du roi. Plusieurs de ceux qui la cachaient avec soin avant ce temps +n'ont plus eu honte de la rendre publique; il y a eu même des courtisans +qui ont choisi Versailles pour se soumettre à cette opération, parce que +le roi s'informait de toutes les circonstances de cette maladie. Ceux +qui avaient quelque petit suintement ou de simples hémorroïdes ne +différaient pas à présenter leur derrière au chirurgien pour y faire des +incisions; j'en ai vu plus de trente qui voulaient qu'on leur fît +l'opération, et dont la folie était si grande, qu'ils paraissaient +fâchés lorsqu'on les assurait qu'il n'y avait point nécessité de la +faire.» + +Tel est le récit de cette grande opération de Louis XIV. Ainsi, grâce à +l'heureuse tentative de Félix; la méthode de l'incision a été remise en +honneur, et par suite des travaux de la chirurgie moderne, ce mode +opératoire, le plus généralement suivi, est devenu d'une telle +simplicité, qu'il n'est pas nécessaire d'être le premier chirurgien d'un +roi pour le pratiquer avec succès. + + + + +IV + +MORT DE LOUVOIS. + +1691. + + +Louvois mourut à Versailles dans l'ancien hôtel de la surintendance des +bâtiments du roi[40], le 16 juillet 1691. + +La mort de Louvois fut un événement si important et donna lieu à tant de +commentaires, qu'il n'est pas sans intérêt d'en rechercher les +véritables causes. + +Depuis un certain temps Louvois, jusqu'alors si puissant, baissait dans +la faveur du roi, et tout le monde s'attendait à une disgrâce prochaine +du ministre. C'est dans ces circonstances que le 15 juillet 1691, il a, +chez madame de Maintenon, une vive altercation avec Louis XIV. + +Cette scène est ainsi racontée, dans une note écrite par le duc de +Luynes, sur le manuscrit de Dangeau[41]: «Nous avons déjà vu ce qui +s'était passé au siége de Mons, et le mauvais gré que le roi fit à M. de +Louvois de trouver le prince d'Orange si près de lui. On prétendit aussi +qu'il imputa à ce ministre la levée du siége de Coni. Ajoutez à cela le +bombardement de Liége, auquel le roi s'était opposé parce que des +ennemis de M. de Louvois, ou de bons citoyens, avaient fait entendre à +Sa Majesté que son ministre entretenait la haine de ses voisins par les +cruautés qu'il faisait exercer partout. Il avait insisté sur le +bombardement, qui se fit le 4 juin. Le roi avait déclaré précisément +qu'il n'en voulait rien faire, et enfin ce ministre fut obligé d'avouer +qu'il n'était plus temps de s'en dédire, parce que les ordres étaient +donnés. Cette explication se passait chez madame de Maintenon. Le roi, +qui d'ailleurs était mal disposé par ce que nous venons de dire, et +parce qu'en général toutes les choses violentes lui répugnaient, fut +indigné de tant de précipitation et lui laissa voir son ressentiment. M. +de Louvois, qui n'était pas accoutumé à être contredit, au lieu de +chercher à se justifier, répondit au roi assez brusquement et jeta son +portefeuille sur la table du roi. Le roi se leva et prit sa canne. +Madame de Maintenon, craignant l'effet de la colère de Sa Majesté, se +mit entre elle et son ministre; mais le roi la rassura en lui disant +qu'il n'avait eu nulle intention.» + +M. de Louvois se retira et rentra chez lui tout ému. Cependant le +lendemain 16, il alla comme à l'ordinaire chez le roi pour travailler +avec lui; mais à peine eut-il commencé la lecture d'une dépêche, qu'il +se sentit indisposé, se retira dans son appartement et mourut au bout de +quelques instants, malgré les soins rapides qui lui furent donnés. + +Une mort aussi prompte et dans de pareilles circonstances, fit +généralement croire à un empoisonnement. Dangeau et Saint-Simon en +parlent dans ce sens: «Le 16 juillet, dit ce dernier, j'étais à +Versailles... sortant le même jour du dîner du roi, je le rencontrai +(Louvois) au fond d'une très-petite pièce qui est entre la grande salle +des gardes et ce grand salon qui donne sur la petite cour des Princes. +M. de Marsan lui parlait, et il allait travailler chez madame de +Maintenon avec le roi, qui devait se promener après dans les jardins de +Versailles à pied, où les gens de la cour avaient la liberté de le +suivre. Sur les quatre heures après-midi du même jour, j'allai chez +madame de Châteauneuf, où j'appris qu'il s'était trouvé un peu mal chez +madame de Maintenon, que le roi l'avait forcé de s'en aller, qu'il était +retourné à pied chez lui, où le mal avait subitement augmenté; qu'on +s'était hâté de lui donner un lavement qu'il avait rendu aussitôt, et +qu'il était mort en le rendant, et demandant son fils Barbésieux, qu'il +n'eut pas le temps de voir, quoique celui-ci accourût de sa chambre.» + +«La soudaineté du mal et de la mort de Louvois fit tenir bien des +discours, bien plus encore _quand on sut par l'ouverture de son corps +qu'il avait été empoisonné_. Il était grand buveur d'eau, et en avait +toujours un pot sur la cheminée de son cabinet, à même duquel il buvait. +On sut qu'il en avait bu ainsi en sortant pour aller travailler avec le +roi, et qu'entre sa sortie de dîner avec bien du monde, et son entrée +dans son cabinet pour prendre les papiers qu'il voulait porter à son +travail avec le roi, un frotteur du logis était entré dans ce cabinet, +et y était resté quelques moments seul. Il fut arrêté et mis en prison. +Mais à peine y eut-il demeuré quatre jours, et la procédure commencée, +qu'il fut élargi par ordre du roi, ce qui avait déjà été fait, jeté au +feu, et défense de faire aucune recherche. Il devint même dangereux de +parler là-dessus, et la famille de Louvois étouffa tous ces bruits, +d'une manière à ne laisser aucun doute que l'ordre très-précis n'en eût +été donné.» + +Puis, comme si ce n'était pas encore assez de toutes ces insinuations +pour prouver l'empoisonnement, Saint-Simon ajoute l'histoire suivante du +médecin de Louvois, qui, dit-il, lui fut racontée par un gentilhomme +attaché à la maison de ce ministre. «Il m'a conté, dit Saint-Simon, +étant toujours à madame de Louvois depuis la mort de son mari, que +_Séron_, médecin domestique de ce ministre, et qui l'était demeuré de +madame de Barbésieux, logé dans la même chambre au château de +Versailles, dans la surintendance que Barbésieux avait conservée +quoiqu'il n'eût pas succédé aux bâtiments, s'était un jour barricadé +dans cette chambre, seul, quatre ou cinq mois après la mort de Louvois; +qu'aux cris qu'il y fit on était accouru à sa porte, qu'il ne voulut +jamais ouvrir; que ces cris durèrent presque toute la journée, sans +qu'il voulût ouïr parler d'aucun secours temporel ni spirituel, ni qu'on +pût venir à bout d'entrer dans sa chambre; que sur sa fin on l'entendit +s'écrier qu'il n'avait que ce qu'il méritait, que ce qu'il avait fait à +son maître, qu'il était un misérable indigne de tout secours; et qu'il +mourut de la sorte en désespéré au bout de huit ou dix heures, sans +avoir jamais parlé de personne, ni prononcé aucun nom.--A cet événement +les discours se réveillèrent à l'oreille; il n'était pas sûr d'en +parler. Qui a fait le coup? C'est ce qui est demeuré dans les plus +épaisses ténèbres.» + +Le récit de Saint-Simon et les détails circonstanciés dans lesquels il +entre, semblent ne point devoir laisser de doutes sur la nature de la +mort de Louvois. Aussi les historiens, tout en admettant avec une +certaine circonspection les insinuations de Saint-Simon, n'ont-ils +jamais repoussé complétement l'idée du poison. Une phrase de son récit, +si elle était vraie, serait surtout la preuve certaine de +l'empoisonnement; c'est celle-ci: _On sut par l'ouverture de son corps +qu'il avait été empoisonné_. En effet, si les médecins ont constaté la +présence du poison, il ne peut plus y avoir d'incertitude que sur la +main qui a commis le crime et sur _la personne qui l'a commandé_. Eh +bien, cette affirmation de Saint-Simon est tout à fait démentie par +l'ouverture du corps de Louvois, et si les historiens n'ont pas été plus +affirmatifs, c'est qu'ils n'ont pas eu connaissance de ce document, +enfoui dans un livre de médecine, où ils étaient bien éloignés d'aller +chercher une pièce si importante. + +Dionis était le chirurgien de Louvois. C'était un chirurgien fort +instruit. Il publia plusieurs ouvrages encore recherchés aujourd'hui +pour les observations curieuses qu'ils renferment. Dans l'un de ces +ouvrages intitulé _Dissertation sur la mort subite_[42], voici comment +il raconte la mort de Louvois: «Le 16 juillet 1691, M. le marquis de +Louvois, après avoir dîné chez lui en bonne compagnie, alla au conseil. +En lisant une lettre au roi, il fut obligé d'en cesser la lecture, parce +qu'il _se sentait fort oppressé_; il voulut en reprendre la lecture, +mais ne pouvant pas la continuer, il sortit du cabinet du roi, et, +s'appuyant sur le bras d'un gentilhomme à lui, il prit le chemin de la +surintendance où il était logé. + +»En passant par la galerie qui conduit de chez le roi à son appartement, +il dit à un de ses gens de me venir chercher au plus tôt. J'arrivai dans +sa chambre comme on le déshabillait; il me dit: Saignez-moi vite, car +j'étouffe. Je lui demandai s'il sentait de la douleur plus dans un des +côtés de la poitrine que dans l'autre; il me montra la région du coeur, +me disant: Voilà où est mon mal. Je lui fis une grande saignée en +présence de M. _Séron_, son médecin. Un moment après, il me dit: +Saignez-moi encore, car je ne suis point soulagé. M. _d'Aquin_ et M. +_Fagon_ arrivèrent qui examinèrent l'état fâcheux où il était, le voyant +souffrir avec des angoisses épouvantables; il sentit un mouvement dans +le ventre comme s'il voulait s'ouvrir; il demanda la chaise, et, peu de +temps après s'y être mis, il dit: Je me sens évanouir. Il se jeta en +arrière, appuyé sur les bras d'un côté de M. Séron, et de l'autre d'un +de ses valets de chambre. Il eut des râlements qui durèrent quelques +minutes, et il mourut. + +»On voulut que je lui appliquasse des ventouses avec scarifications, ce +que je fis, on lui apporta et on lui envoya de l'eau apoplectique, des +gouttes d'Angleterre, des eaux divines et générales; on lui fit avaler +de tous ces remèdes qui furent inutiles, puisqu'il était mort, et en peu +de temps, car il ne se passa pas une demi-heure depuis le moment qu'il +fut attaqué de son mal jusqu'à sa mort. + +»Le lendemain, M. Séron vint chez moi me dire que la famille souhaitait +que ce fût moi qui en fît l'ouverture. Je la fis en présence de MM. +_d'Aquin_, _Fagon_, _Duchesne_ et _Séron_. + +»En faisant prendre le corps pour le porter dans l'antichambre, je vis +son matelas tout baigné de sang; il y en avait plus d'une pinte qui +avait distillé pendant vingt-quatre heures par les scarifications que je +lui avais faites aux épaules; et ce qui est de particulier, c'est +qu'étant sur la table, je voulus lui ôter la bande qui était encore à +son bras de la saignée du jour précédent, et que je fus obligé de la +remettre, parce que le sang en coulait, ce qui gâtait le drap sur lequel +il était. + +»Le cerveau était dans son état naturel et très-bien disposé; _l'estomac +était plein de tout ce qu'il avait mangé à son dîner_; il y avait +plusieurs petites pierres dans la vésicule du fiel; _les poumons étaient +gonflés et pleins de sang_; le coeur était gros, flétri, mollasse et +semblable à du linge mouillé, n'ayant pas une goutte de sang dans ses +ventricules. + +»On fit une relation de tout ce qu'on avait trouvé, qui fut portée au +roi, après avoir été signée par les quatre médecins que je viens de +nommer, et par quatre chirurgiens, qui étaient MM. _Félix_, _Gervais_, +_Dutertre et moi_: + +«_Le jugement certain qu'on peut faire de la cause de cette mort, est +l'interception de la circulation du sang; les poumons en étaient pleins, +parce qu'il y était retenu, et il n'y en a point dans le coeur, parce +qu'il n'y en pouvait point entrer; il fallait donc que ses mouvements +cessassent, ne recevant point de sang pour les continuer: c'est ce qui +s'est fait aussi, et ce qui a causé une mort si subite._» + +Telle est l'opinion des hommes de l'art; c'est à une _apoplexie +pulmonaire_ qu'ils attribuent avec juste raison la cause de la mort, et +l'on ne voit nulle part qu'ils aient parlé d'empoisonnement, ainsi que +l'affirme Saint-Simon. D'ailleurs Louvois était menacé depuis longtemps +de cette affection; il éprouvait fréquemment des oppressions. Les +médecins cherchaient à les combattre, en lui donnant les eaux de forges, +qu'il allait prendre tous les matins dans l'Orangerie, _où le suivaient +ses commis pour ne pas discontinuer son travail ordinaire_[43]. + +Il résulte de ces faits que Louvois a été frappé d'une attaque +d'apoplexie pulmonaire, et qu'il faut reléguer au rang des fables tous +les bruits d'empoisonnement répandus à sa mort, et recueillis avec +avidité par le caustique Saint-Simon. + +L'appartement occupé par Louvois était au premier étage de l'hôtel de la +surintendance; cet appartement a vue sur le parc du côté de la petite +Orangerie. Cela explique le passage de Saint-Simon, dans lequel il parle +de la promenade de Louis XIV le jour de la mort de son ministre. +«Quoique je n'eusse guère que quinze ans, je voulus voir la contenance +du roi à un événement de cette qualité. J'allai l'attendre, et le suivis +toute sa promenade. Il me parut avec sa majesté accoutumée, mais avec +je ne sais quoi de leste et de délivré, qui me surprit assez pour en +parler après, d'autant plus que j'ignorais alors et longtemps depuis les +choses que je viens d'écrire. Je remarquai encore qu'au lieu d'aller +visiter ses fontaines et de diversifier sa promenade, comme il faisait +toujours dans ces jardins, il ne fit qu'aller et venir _le long de la +balustrade de l'Orangerie_, d'où il voyait en revenant vers le château +le logement de la surintendance où Louvois venait de mourir, qui +terminait l'ancienne aile[44] du château sur le flanc de l'Orangerie, et +vers lequel il regarda sans cesse toutes les fois qu'il revenait vers le +château.» + +Le corps de Louvois fut porté aux Invalides. Voici son acte de décès tel +qu'il est inscrit sur les registres de la paroisse Notre-Dame de +Versailles: + +«Le seizième jour de juillet mil six cent quatre-vingt-onze, est décédé +au château, dans l'appartement de la surintendance, très-haut et +puissant seigneur monseigneur Michel-François le Tellier, marquis de +Louvois, ministre et secrétaire d'État, surintendant des bâtiments, des +fortifications, des arts et manufactures de France, grand maître des +postes, vicaire général de l'ordre de Saint-Lazare, commandeur et +chancelier des ordres du roi, âgé de cinquante-deux ans, dont le corps +ayant d'abord été apporté en cette église paroissiale, a été ensuite +transporté à Paris, dans l'hôtel royal des Invalides, pour être inhumé +dans l'église; ses entrailles laissées à Meudon, aux révérends pères +capucins, et son coeur porté aux capucines de la rue Saint-Honoré, par +moi soussigné, supérieur de la maison de la congrégation de la Mission +de Versailles et curé de la même ville, en présence de MM. Henri Moreau +et François Maricourt, qui ont signé: Moreau, de Maricourt, prêtres de +la congrégation de la Mission. Et plus bas, signé: Hébert.» + + + + +V + +L'APPARTEMENT DE MADAME DE MAINTENON. + +1686-1715. + + +Saint-Simon, voulant faire connaître les particularités de la vie privée +de Louis XIV et de madame de Maintenon, dit dans un endroit de ses +_Mémoires_: «Je me trouve, je l'avoue, entre la crainte de quelques +redites et celle de ne pas expliquer assez en détail des curiosités que +nous regrettons dans toutes les histoires et dans presque tous les +Mémoires des divers temps. On voudrait y voir les princes, avec leurs +maîtresses et leurs ministres, dans leur vie journalière. Outre une +curiosité si raisonnable, on en connaîtrait bien mieux les moeurs du +temps et le génie des monarques, celui de leurs maîtresses et de leurs +ministres, de leurs favoris, de ceux qui les ont le plus approchés, et +les adresses qui ont été employées pour les gouverner ou pour arriver +aux divers buts qu'on s'est proposés. Si ces choses doivent passer pour +curieuses, et même pour instructives dans tous les règnes, à plus forte +raison d'un règne aussi long et aussi rempli que l'a été celui de Louis +XIV, et d'un personnage unique dans la monarchie depuis qu'elle est +connue, qui a, trente-deux ans durant, revêtu ceux de confidente, de +maîtresse, d'épouse, de ministre, et de toute-puissante, après avoir été +si longuement néant, et, comme on dit, avoir si longtemps et si +publiquement rôti le balai.» Ces réflexions de Saint-Simon peuvent +également s'appliquer aux recherches des lieux habités par les mêmes +personnages, et en particulier à Versailles, cette magnifique création +de Louis XIV; on voudrait pouvoir connaître l'histoire de chacune des +chambres de ce palais, surtout de ces petits appartements, dans lesquels +on vit l'amour, la jalousie, l'ambition, la haine, toutes les plus +mauvaises passions du coeur humain s'agiter si longtemps pour donner le +spectacle de ces élévations et de ces chutes de favoris et de maîtresses +qui ont eu tant d'influence sur les destinées de la France dans le +dernier siècle. Malheureusement le château de Versailles a subi de +nombreux changements depuis Louis XIV jusqu'à nos jours, et il est +difficile de se reconnaître au milieu de toutes ces transformations. + +L'un des appartements que l'on désire généralement le plus connaître, et +sur lequel il y a eu jusqu'à ce jour le plus d'obscurité, est celui de +madame de Maintenon, de cette femme extraordinaire qui, de la position +la plus humble, s'éleva jusqu'au titre d'épouse du roi, et gouverna +pendant plus de trente ans et le monarque et le royaume. + +Nous avons étudié avec attention ce point de l'histoire du château de +Versailles, comparé avec soin les divers documents qui peuvent +l'éclairer, et nous croyons pouvoir établir d'une manière positive +l'emplacement de cet appartement. + +L'opinion, aujourd'hui la plus répandue, est que cet appartement +occupait quelques pièces situées derrière les petits appartements du +roi, dans l'aile nord de la cour de marbre. C'est cette opinion que M. +Vatout a adoptée dans son livre du _Palais de Versailles_; elle paraît +avoir été suivie dans la réparation de cette partie du château, +puisqu'on y signale plusieurs pièces comme ayant appartenu à +l'appartement de madame de Maintenon, et que _Louis-Philippe_ y a fait +placer le portrait de cette femme célèbre. Voici, du reste, ce que dit +M. Vatout: + +SALLE DU DÉJEUNER. + +«Louis XVI avait l'habitude de déjeuner dans cette pièce avant de partir +pour la chasse. Il y laissait entrer, pour les caresser, quatre chiens +favoris qu'il aimait tant, que, dans la crainte de trop les fatiguer, +les pages avaient ordre de les conduire en voiture à la chasse. + +»Louis-Philippe avait l'habitude de s'y reposer lorsqu'il allait visiter +et suivre les travaux du Musée national de Versailles. + +»Cette pièce, éclairée sur la cour des Cerfs, faisait autrefois partie +_du petit appartement de madame de Maintenon_. «Cet appartement, dit +Saint-Simon, était au haut du grand escalier, de plain-pied avec +l'appartement du roi[45].» + +Nous verrons plus tard où Saint-Simon plaçait cet appartement, et nous +sommes encore étonné, après la description si claire qu'il en donne, que +M. Vatout ait pu l'indiquer dans ce lieu. + +«La destruction de ce grand escalier, ajoute M. Vatout, et les nombreux +changements opérés par Louis XV dans cette partie intérieure du palais, +ne permettent plus aujourd'hui que d'indiquer l'emplacement du logement +occupé par cette femme célèbre. _Ce qu'il y a de certain_, c'est que la +pièce qu'on appelle aujourd'hui _Salle du déjeuner_ faisait partie du +salon par lequel le roi passait, en sortant de la salle à manger, pour +se rendre dans le cabinet de madame de Maintenon. La petite galerie +_Mignard_, avec ses deux salons, pouvait offrir à cet appartement de +brillants accessoires, lorsqu'on y faisait de la musique ou qu'on y +jouait la comédie.» + +Cette description ne laisse aucun doute, et l'on voit que M. Vatout +place l'appartement de madame de Maintenon au haut du grand escalier +des ambassadeurs[46], entre les grands et les petits appartements du +roi, tandis que sa place véritable, comme on va le voir, était dans la +partie opposée, c'est-à-dire au haut de l'escalier de marbre, et du côté +des appartements de la reine. + +Mais avant d'aller plus loin, et pour bien comprendre ce que nous allons +dire, il est nécessaire de jeter un coup d'oeil sur la distribution des +appartements du château à l'époque de Louis XIV. + +En 1671, _André Félibien_, historiographe des bâtiments du roi, publia +une description de Versailles et des embellissements que Louis XIV y +faisait exécuter. Les agrandissements successifs opérés dans le palais, +et les nouveaux arrangements nécessités par le séjour du roi, +déterminèrent _Félibien des Avaux_, son fils et son successeur dans +l'emploi d'historiographe des bâtiments, à faire paraître une nouvelle +description de Versailles. C'est cette nouvelle description, publiée en +l'année 1703, qui va nous servir. Nous en rapporterons tout ce qui peut +faire connaître d'une manière exacte la disposition des appartements, en +retranchant ce qui est inutile à la solution de la question qui nous +occupe; c'est, du reste, une description très-curieuse du Versailles de +Louis XIV, et qui vaudrait la peine d'être publiée de nouveau. + +Félibien décrit d'abord les appartements du rez-de-chaussée, occupés +d'un côté par le Dauphin et de l'autre par le duc du Maine, et nous +ferons remarquer qu'il indique comme habité par le _duc du Maine_ +l'appartement des bains, situé sous les grands appartements du roi, car +la situation de ce logement pourra nous servir à expliquer ce qui a pu +faire croire que l'appartement de madame de Maintenon devait être de ce +côté du château. + +Félibien ajoute ensuite[47]: «Aux côtés de la petite cour pavée de +marbre du milieu du château, et aux côtés de la grande cour par où l'on +a été voir les grands appartements bas, il y a huit escaliers outre ceux +des quatre petites cours voisines. La plupart des uns et des autres +servent à dégager les grands appartements hauts, et à monter à quantité +d'autres appartements que les principaux officiers de la maison du roi, +obligés par leurs charges d'être proche de la personne de Sa Majesté, +occupent, tant dans les logements qui sont aux côtés des grands +appartements, que dans les attiques et proche des combles du vieux et du +nouveau château. Les deux escaliers les plus considérables servent pour +monter aux appartements du roi. Ils sont enrichis de marbre et situés +aux côtés de la grande cour proche des passages, où l'appartement des +bains (pour le grand escalier des ambassadeurs) et l'appartement de +Monseigneur (pour l'escalier de marbre) ont leurs principales entrées. + +»Le moins grand de ces deux escaliers, appelé le petit escalier de +marbre, est auprès de ce dernier appartement où l'on entre même +d'ordinaire par une porte qui est proche de la rampe de cet escalier. Il +n'y en a pas de plus fréquenté et qu'on connaisse davantage dans +Versailles. Trois arcades donnent d'abord entrée par la grande cour dans +un vestibule fait en forme d'une double galerie voûtée de pierre et pavé +de carreaux de marbre blanc et de marbre noir. C'est de là qu'on va à +l'escalier proche duquel une des portes de l'appartement de Monseigneur +est ouverte vers le midi. Une autre porte, vers l'occident, donne entrée +dans la petite cour qui est environnée, de ce côté, des bâtiments du +vieux et du nouveau château, et partagée par un corridor orné de +colonnes. Tout l'escalier est pavé de marbre.... + +»Sur le grand palier du haut, vers le midi, est une porte qui, de ce +grand palier par le bout le plus proche du haut de la dernière rampe, +conduit à l'appartement de la reine, occupé par madame la duchesse de +Bourgogne. Et dans la face vers le septentrion, à l'autre bout du même +palier, il y a une simple porte qui donne entrée dans les appartements +du roi. Deux autres portes proche les précédentes servent, à l'autre +bout de l'escalier vers l'orient, à entrer dans la grande salle des +gardes, la plus proche de l'appartement de la reine. C'est en traversant +un petit passage, qui est au bout de cette salle, qu'on peut aller par +une autre grande salle (salle de 1792) à un petit appartement de jour de +monseigneur le duc de Bourgogne (salles des Gouaches), et par la même +salle à un grand escalier de pierre (des Princes), par où l'on va aux +appartements de Monsieur, de Madame, de monseigneur le duc de Chartres +et de madame la duchesse de Chartres (galerie des Batailles) qui, comme +nous avons déjà dit, sont de plain-pied avec ceux du roi.... + +»Tâchons à présent, par une description la plus sommaire qu'il nous sera +possible, de faire connaître l'état où les appartements du roi et les +autres appartements hauts du vieux et du nouveau château sont +aujourd'hui. + +»Le premier appartement du roi, où l'on entre, comme nous avons dit, par +le petit escalier de marbre du côté du septentrion, a vue sur la petite +cour pavée de marbre, qu'il environne de trois côtés. Un vestibule que +l'on trouve d'abord proche du petit escalier _sert vers l'orient à +donner passage à un appartement particulier qu'occupe madame la marquise +de Maintenon dans une des ailes de la grande cour_; et vers l'occident à +entrer par une salle des gardes dans une antichambre où l'on sert le roi +quand il mange en public.» + +Ainsi, il n'y a pas ici de termes ambigus; c'est sur le vestibule placé +près du palier du petit escalier de marbre et en face de l'entrée de +l'appartement de Louis XIV, que se trouvait l'appartement de madame de +Maintenon. Nous reviendrons bientôt sur cet appartement, et nous allons +continuer la description de celui du roi, en suivant toujours Félibien, +afin de montrer qu'il indique la destination de toutes les pièces de cet +appartement, et que l'endroit qu'il vient de désigner est le seul où +l'on puisse placer l'habitation de cette femme célèbre: + +«Cette antichambre, _celle où le roi mangeait en public_, a depuis peu, +vers le midi, une porte par où l'on entre dans un petit appartement de +nuit de monseigneur le duc de Bourgogne (depuis petit appartement de la +reine), que l'on a construit de nouveau au-dessus du corridor qui +traverse en bas le milieu de la petite cour la plus proche de +l'appartement de Monseigneur. Mais pour aller par la grande antichambre +du roi dans l'appartement de Sa Majesté, on entre, vers l'occident, dans +la chambre _des Bassans_, ainsi appelée à cause qu'il y a plusieurs +tableaux de ces anciens maîtres au-dessus des portes et dans les +lambris. Cette chambre a trois portes, outre celle de la grande +antichambre par où l'on est entré. Une porte au midi conduit à un +escalier de dégagement par où monseigneur monte de son appartement à +celui du roi (cet escalier en pierre existe encore aujourd'hui, +quoiqu'il ne soit plus d'aucun usage); une autre porte à l'occident +conduit dans la grande galerie haute du nouveau château, du côté des +jardins; et la troisième porte, au septentrion, est celle par où il faut +passer dans la suite du premier appartement du roi, et premièrement dans +la chambre à coucher de Sa Majesté.» + +Après la description de la chambre du roi et de son ameublement, il +ajoute: «Les portes du côté de la cheminée donnent entrée vers le +septentrion dans un grand salon carré, situé au milieu de l'ancien +château, sur le vestibule pavé et lambrissé de marbre qu'on a remarqué +en bas.... Ensuite du salon on trouve une autre pièce appelée _chambre +du Conseil_. Le premier des cabinets du roi est entièrement revêtu de +glaces.... On le nomme _cabinet des Termes_, parce que vingt figures de +jeunes enfants en forme de Termes, qui soutiennent des festons dorés, +ornent une manière d'attique élevée au-dessus de la corniche, dans le +même cabinet[48]. Il reçoit son jour vers le septentrion, par la petite +cour de l'appartement des bains.» + +Cette description de l'appartement du roi est curieuse en ce qu'elle +nous donne l'époque exacte de l'établissement de la chambre à coucher +dans laquelle mourut Louis XIV. En effet, l'on a pu voir dans les +détails donnés par Félibien que ce que l'on nomme le _salon de +l'OEil-de-boeuf_ était coupé en deux parties, dont l'une était occupée +par une antichambre nommée des _Bassans_, et l'autre par la chambre à +coucher du roi, tandis que la chambre à coucher actuelle, qui occupe le +centre du château, était un grand salon de réception, probablement +l'ancien grand salon de Louis XIII. + +C'est en 1703 que Félibien des Avaux fit paraître sa _Description +sommaire de Versailles_. Mais à la fin de ce même volume, dans un +chapitre intitulé _Changements qui ont été faits à Versailles, en divers +endroits du château, pendant l'impression de ce volume_, voici ce qu'il +dit de l'appartement du roi: «On voit un nouveau salon qui ne surprend +pas moins par sa richesse que par sa grandeur. Il contient tout l'espace +d'une seconde antichambre et d'une chambre où l'on a vu jusqu'ici le lit +du roi: ainsi ce nouveau salon a au moins soixante pieds de longueur sur +environ vingt-six de largeur, et son exhaussement, qu'on a beaucoup +augmenté, a donné moyen de faire une ouverture ovale de fenêtre dans le +haut de l'extrémité vers le midi--que l'on nomme un oeil-de-boeuf--pour +donner plus de jour au salon. L'on ne peut trop considérer dans la +chambre du roi, qui servait autrefois de salon, les changements qu'on y +a faits et les ornements nouveaux dont on l'a embellie. Elle est toute +boisée et presque entièrement dorée sur un fond blanc, ainsi que le +grand salon, mais ornée avec encore plus de magnificence. La cheminée +est placée à présent vers le septentrion; son chambranle de marbre +occupe le bas d'une grande arcade remplie de glaces de miroir, et dont +le cintre est porté par des pilastres ioniques, et chargé d'une +cassolette fumante, accompagnée de festons de fleurs, et de deux Zéphyrs +figurés par des enfants en bas-reliefs, qui ont des ailes de papillon au +dos. Il y a une semblable arcade vis-à-vis, aussi toute remplie de +glaces et accompagnée d'ornements. L'on a doré de nouveau les pilastres, +et tous les ouvrages de sculpture qu'on a conservés. Une grande arcade +surbaissée sert du côté de l'occident, vis-à-vis des fenêtres, à +augmenter la profondeur de cette chambre pour y placer plus commodément +le lit du roi.» + +Il est donc évident que le salon dit de l'OEil-de-boeuf et la chambre +actuelle du roi Louis XIV ne datent que de l'année 1703, c'est-à-dire de +l'époque écoulée entre l'impression de l'ouvrage de Félibien et les +additions qu'il a placées à la fin, avant de la livrer au public. + +Dans les changements qu'on venait de faire subir à l'appartement du roi, +Félibien signale l'agrandissement de la salle du Conseil aux dépens du +cabinet des Termes, qui, quoique plus petit, n'en continua pas moins +d'exister. + +Félibien ajoute: «Le second cabinet, dans lequel on entre par le grand +cabinet du Conseil et par l'ancien cabinet des Termes, et qui a vue vers +le septentrion sur la même cour, et vers le midi sur la petite cour +pavée de marbre, est orné de tableaux de tous côtés.» (Sous Louis XV, +cette chambre fut agrandie du côté du nord, l'on boucha les fenêtres de +ce côté, et elle devint la chambre à coucher du roi.) «La pièce suivante +sert de vestibule à un escalier par où le roi descend de son appartement +pour sortir du château, et sert à passer dans un autre cabinet, qu'une +arcade et deux autres ouvertures moins grandes qui l'accompagnent +unissent à la dernière pièce de l'enfilade. Ici une porte située au +septentrion donne entrée dans un salon ovale tout doré et orné de +pilastres et de quatre niches où l'on a placé autant de groupes de +bronze. Enfin, dans ce salon ovale, une porte donne entrée dans un +cabinet qui l'accompagne vers l'occident, et une autre porte vers +l'orient conduit à la petite galerie peinte par _Mignard_, dont nous +avons rapporté une description assez étendue, ainsi que des deux salons +qui sont à ses extrémités.» Ici s'arrête la description des petits +appartements du roi. Félibien décrit ensuite le grand escalier des +ambassadeurs, les grands appartements du roi, la grande galerie et les +appartements de la reine, qui ne sont point changés. + +En suivant pas à pas, sur les plans de _Blondel_, la description de +Félibien, on voit que toutes les pièces de l'appartement du roi, qui y +sont parfaitement indiquées, avaient toutes une destination, et qu'il +est impossible d'y trouver un endroit pouvant s'appliquer à +l'appartement de madame de Maintenon. Il faut donc absolument chercher +cet appartement dans une autre partie du château. + +Nous avons dit que Félibien en plaçait la porte dans le vestibule qui +servait d'entrée à l'appartement du roi: «Un vestibule que l'on trouve +d'abord proche du petit escalier sert, vers l'orient, à donner passage à +un appartement particulier qu'occupe madame la marquise de Maintenon +dans une des ailes de la grande cour.» Malheureusement Félibien, si +exact dans le détail des divers appartements qu'il décrit, mais voulant +seulement faire connaître au public ceux qu'on pouvait visiter et qui +étaient curieux par leurs ornements, les tableaux, les sculptures, ou +les choses rares qu'ils contenaient, n'a parlé que des appartements du +roi, de la reine et des princes, et n'a rien ajouté de plus sur celui de +madame de Maintenon. Cependant cette indication est déjà une preuve de +sa situation en ce lieu, et de la nécessité de ne point le chercher +ailleurs. + +Voyons, maintenant que nous savons le lieu occupé par cet appartement, +si nous trouverons quelque part des détails assez circonstanciés pour +qu'il ne reste aucun doute, et que nous puissions, en quelque sorte, le +rétablir comme il était à cette époque. + +Il était impossible que Saint-Simon, ce caustique et spirituel +chroniqueur, qui passait, pour ainsi dire, tous ses jours dans le +château de Versailles à suivre ses habitants, pour deviner leurs +pensées, leurs actions, connaître les événements nouveaux et surtout les +intrigues que ce peuple de courtisans faisait éclore et avorter à chaque +instant, ne donnât pas quelques renseignements sur le lieu qu'habitait +le plus célèbre de tous ces personnages, sur celui qui était devenu le +véritable chef de l'État, et que Saint-Simon avait d'autant plus de +motifs de faire connaître dans ses moindres actions, qu'il y cherchait +presque toujours des raisons de faire excuser la haine qu'il lui +portait. + +Il donne en effet dans ses _Mémoires_ une description si exacte et si +minutieuse de l'appartement de madame de Maintenon, que l'on est étonné +d'avoir vu sa place si longtemps ignorée. + +Voici à quelle occasion. Au mois de décembre 1708, le duc de Bourgogne +revenait de sa campagne de Flandre, qui n'avait pas été heureuse. Il +était attendu à la cour avec grande impatience; et tous ses amis +redoutaient la réception qu'allait lui faire Louis XIV. Saint-Simon, +très-attaché au duc de Bourgogne, raconte ainsi cette réception, dans +laquelle il entre, pour la mieux faire comprendre, dans les plus +minutieux détails: + +«Madame la duchesse de Bourgogne, dit-il, était dans une grande +agitation de la réception que recevrait monseigneur le duc de Bourgogne, +et de pouvoir avoir le temps de l'entretenir et de l'instruire avant +qu'il pût voir le roi en personne. Je lui fis dire de lui mander +d'ajuster son voyage de façon qu'il arrivât à une ou deux heures après +minuit, parce que de la sorte, arrivant tout droit chez elle et ne +pouvant voir qu'elle, ils auraient tout le temps de la nuit à être +ensemble seuls, les premiers instants du matin avec le duc de +Beauvillier et peut-être avec madame de Maintenon, et l'avantage encore +que le prince saluerait le roi et Monseigneur avant que personne fût +entré chez eux, et que personne n'y serait témoin de sa réception, à +très-peu de valets près et même écartés. L'avis ne fut pas donné, ou, +s'il le fut, il ne fut pas suivi. Le jeune prince arriva le lundi 11 +décembre, un peu après sept heures du soir, comme Monseigneur venait +d'entrer à la comédie[49], où madame la duchesse de Bourgogne n'était +pas allée pour l'attendre. Je ne sais pourquoi il vint descendre dans la +_cour des Princes_ au lieu de la grande. J'étais en ce moment-là chez la +comtesse de Roucy dont les fenêtres donnaient dessus. Je sortis +aussitôt, et arrivant au haut du grand degré du bout de la galerie[50], +j'aperçus le prince qui le montait, entre les ducs de Beauvillier et de +la Rocheguyon, qui s'étaient trouvés à la descente de sa chaise. Il +avait bon visage, gai et riant, et parlait à droite et à gauche. Je lui +fis ma révérence au bord des marches. Il me fit l'honneur de +m'embrasser, mais de façon à me marquer qu'il était encore plus instruit +qu'attentif à ce qu'il devait à la dignité, et il ne parla plus qu'à moi +un assez long bout de chemin, pendant lequel il me glissa bas qu'il +n'ignorait pas comment j'avais parlé, et comment j'en avais usé à son +égard. Il fut rencontré par un groupe de courtisans, à la tête desquels +était le duc de la Rochefoucauld. Entouré de ce groupe, il traversa la +grande salle des gardes, au lieu d'entrer chez madame de Maintenon par +son antichambre de jour et par les derrières, bien que son plus +court[51], et alla, par le palier du grand degré[52], entrer par la +grande porte de l'appartement de madame de Maintenon[53]. C'était le +jour du travail ordinaire de Pontchartrain, qui, depuis quelque temps, +avait changé avec Chamillart du mardi au lundi. Il était alors en tiers +avec le roi et madame de Maintenon, et le soir même il me conta cette +curieuse réception, qu'il remarqua bien et dont il fut seul témoin. Je +dis en tiers, parce que madame la duchesse de Bourgogne allait et +venait; mais pour le bien entendre, il faut un moment d'ennui de +mécanique. + +»L'appartement de madame de Maintenon était de plain-pied et faisant +face à la salle des gardes du roi[54]. L'antichambre était plutôt un +passage long en travers, étroit, jusqu'à une autre antichambre toute +pareille de forme, dans laquelle les seuls capitaines des gardes +entraient[55], puis une grande chambre profonde[56]. Entre la porte, par +où l'on y entrait de cette seconde antichambre, et la cheminée[57], +était le fauteuil du roi adossé à la muraille, une table devant lui, et +un ployant autour pour le ministre qui travaillait. De l'autre côté de +la cheminée une niche de damas rouge et un fauteuil ou se tenait madame +de Maintenon avec une petite table devant elle. Plus loin son lit dans +un enfoncement[58]. Vis-à-vis les pieds du lit une porte et cinq +marches[59]. Puis un fort grand cabinet qui donnait dans la première +antichambre de l'appartement de monseigneur le duc de Bourgogne, que +cette porte enfilait, et qui est aujourd'hui l'appartement du cardinal +de Fleury[60]. Cette première antichambre ayant à droite cet +appartement, et à gauche ce grand cabinet de madame de Maintenon, +descendait, comme encore aujourd'hui, par cinq marches dans le salon de +marbre contigu au palier du grand degré au bout des deux galeries, haute +et basse, dites de madame la duchesse d'Orléans, ou des Princes[61]. + +«Tous les soirs, madame la duchesse de Bourgogne jouait dans le grand +cabinet de madame de Maintenon avec les dames à qui on avait donné +l'entrée, qui ne laissait pas d'être assez étendue, et de là, entrait, +tant et si souvent qu'elle voulait, dans la pièce joignante, qui était +la chambre de madame de Maintenon, où elle était avec le roi, la +cheminée entre deux. Monseigneur, après la comédie, montait dans ce +grand cabinet[62] où le roi n'entrait point, et madame de Maintenon +presque jamais. + +»Avant le souper du roi, les gens de madame de Maintenon lui apportaient +son potage avec son couvert, et quelque autre chose encore. Elle +mangeait, ses femmes et un valet de chambre la servaient, toujours le +roi présent, et presque toujours travaillant avec un ministre. Le souper +achevé, qui était court, on emportait la table; les femmes de madame de +Maintenon demeuraient, qui tout de suite la déshabillaient en un moment, +et la mettaient au lit. Lorsque le roi était averti qu'il était servi, +il passait un moment dans une garde-robe[63], allait après dire un mot à +madame de Maintenon, puis sonnait une sonnette qui répondait au grand +cabinet. Alors Monseigneur, s'il y était, monseigneur et madame la +duchesse de Bourgogne, M. le duc de Berry, et les dames qui étaient à +elle, entraient à la file dans la chambre de madame de Maintenon, ne +faisaient presque que la traverser, et précédaient le roi qui allait se +mettre à table suivi de madame la duchesse de Bourgogne et de ses dames. +Celles qui n'étaient point à elle, ou s'en allaient, ou, si elles +étaient habillées pour aller au souper, car le privilège de ce cabinet +était d'y faire sa cour à madame la duchesse de Bourgogne sans l'être, +faisaient le tour par la grande salle des gardes sans entrer dans la +chambre de madame de Maintenon. Nul homme, sans exception que ces trois +princes, n'entrait dans le grand cabinet. Cela expliqué, venons à la +réception et à tout son détail, auquel Pontchartrain fut très-attentif, +et qu'il me rendit tête à tête très-exactement une demi-heure après +qu'il fut revenu chez lui[64]. + +»Sitôt que de chez madame de Maintenon on entendit la rumeur qui précède +de quelques instants ces sortes d'arrivée, le roi s'embarrassa jusqu'à +changer diverses fois de visage. Madame la duchesse de Bourgogne parut +un peu tremblante, et voltigeait par la chambre pour cacher son trouble, +sous prétexte d'incertitude par où le prince arriverait, du _grand +cabinet_ ou de l'_antichambre_. Madame de Maintenon était rêveuse. Tout +à coup les portes s'ouvrirent. Le jeune prince s'avança au roi, qui, +maître de soi plus que qui que ce fût, perdit à l'instant tout embarras, +fit un pas ou deux vers son petit-fils, l'embrassa avec assez de +démonstration de tendresse, lui parla de son voyage; puis, lui montrant +la princesse:--Ne lui dites-vous rien? ajouta-t-il d'un visage riant. Le +prince se retourna un moment vers elle, et répondit respectueusement +comme n'osant se détourner du roi, et sans avoir remué de place. Il +salua ensuite madame de Maintenon, qui lui fit fort bien. Ces propos de +voyage, de couchées, de chemins durèrent ainsi et tout debout un +demi-quart d'heure; puis le roi lui dit qu'il n'était pas juste de lui +retarder plus longtemps le plaisir qu'il aurait d'être avec madame la +duchesse de Bourgogne, et le renvoya, ajoutant qu'ils auraient loisir de +se revoir. Le prince fit sa révérence au roi, une autre à madame de +Maintenon, passa devant le peu de dames du palais qui s'étaient +enhardies de mettre la tête dans la chambre, _au bas de ces cinq +marches_, entra dans le _grand cabinet_, où il embrassa madame la +duchesse de Bourgogne, y salua les dames qui s'y trouvèrent, +c'est-à-dire les baisa, demeura quelques moments, et passa dans son +appartement, où il s'enferma avec madame la duchesse de Bourgogne. + +»Leur tête-à-tête dura deux heures et plus; tout à la fin madame d'O y +fut en tiers; presque aussitôt après, la maréchale d'Estrées y entra, et +peu de moments après madame la duchesse de Bourgogne sortit avec elles, +et revint dans le grand cabinet de madame de Maintenon. Monseigneur y +vint à l'ordinaire au sortir de la comédie[65]; madame la duchesse de +Bourgogne, en peine de ce que monseigneur le duc de Bourgogne ne se +pressait point d'y venir saluer Monseigneur, l'alla chercher, et revint +disant qu'il se poudrait; mais remarquant que Monseigneur n'était pas +satisfait de ce peu d'empressement, elle envoya le hâter. Cependant la +maréchale d'Estrées, folle et étourdie, et en possession de dire tout ce +qui lui passait par la tête, se mit à attaquer Monseigneur de ce qu'il +attendait si tranquillement son fils au lieu d'aller lui-même +l'embrasser. Ce propos hasardé ne réussit pas. Monseigneur répondit +sèchement que ce n'était pas à lui à aller chercher le duc de Bourgogne, +mais au duc de Bourgogne à le venir trouver. Il vint enfin. La réception +fut assez bonne, mais elle n'égala pas celle du roi à beaucoup près. +Presque aussitôt le roi sonna, et on passa pour le souper[66].» + +Nous avons transcrit tout entière cette scène de la réception du duc de +Bourgogne par le roi Louis XIV, malgré sa longueur, parce qu'elle donne +les renseignements les plus exacts sur cet appartement de madame de +Maintenon, tant cherché, et aussi parce que nous avons pensé qu'elle +paraîtrait d'autant plus piquante qu'on pourrait la suivre dans tous +ses détails sur les lieux mêmes. + +Il nous semble que d'après ces diverses descriptions de Félibien et de +Saint-Simon, et en les comparant aux plans que Blondel a donnés des +appartements du château de Versailles à l'époque de Louis XIV, il ne +doit rester aucun doute dans l'esprit des personnes même les plus +prévenues sur l'emplacement qu'occupait l'appartement de madame de +Maintenon. + +Maintenant, quelle raison a donc pu faire indiquer comme _appartement de +madame de Maintenon_ des chambres qui n'en ont jamais fait partie, et +qui en sont même si éloignées? + +La seule véritable, c'est qu'au moment où l'on cherchait à retrouver, +pour chacune des pièces des petits appartements, le nom qu'elles avaient +dû avoir sous Louis XIV, on n'avait aucune donnée sur le lieu qu'avait +occupé l'appartement de madame de Maintenon; et que comme il existait un +petit escalier allant des petits appartements à l'appartement du +rez-de-chaussée (ancien appartement des Bains), et portant encore le nom +d'_escalier de Maintenon_, on supposa que l'appartement de la secrète +épouse de Louis XIV avait dû ouvrir sur cet escalier, qui lui servait +sans doute d'entrée particulière. De là la place qu'on lui donne dans +tous les ouvrages modernes, et en particulier dans celui de M. Vatout. + +Mais ce nom de Maintenon, conservé à l'escalier dont nous parlons, et +qui a induit en erreur l'_historiographe moderne des bâtiments du roi_, +ne peut-il pas s'expliquer tout autrement? + +Félibien nous dit, dans sa description du château, que l'appartement +_des Bains_, placé sous les grands appartements du roi, était occupé par +le duc du Maine; or, tout le monde sait que madame de Maintenon est +restée gouvernante de ce jeune prince jusqu'au moment de son élévation, +et qu'elle allait fréquemment chez le roi, surtout dans les premiers +temps de sa faveur. Eh bien, ne peut-on pas considérer comme à peu près +certain que cet escalier, qui se rendait directement des appartements +qu'elle habitait avec le duc du Maine dans ceux de Louis XIV, devait +être celui qu'elle prenait pour y aller; d'où, par suite, lui serait +venu le nom qu'il a conservé jusqu'à nos jours? + +Quelle que soit la valeur de cette explication, à laquelle nous +attachons très-peu d'importance, toujours est-il qu'il résulte des +descriptions de _Félibien_ et de _Saint-Simon_, comparées aux plans de +_Blondel_, que l'appartement occupé par madame de Maintenon dans le +château de Versailles était situé du côté des appartements de la reine, +occupés alors par la duchesse de Bourgogne, derrière la grande salle des +gardes du corps, de plain-pied avec l'appartement de Louis XIV, et +ouvrant en face de ce dernier dans le vestibule placé au haut de +l'escalier de marbre ou de la reine; et que cet appartement, +successivement occupé sous Louis XV par le comte de Clermont, et sous +Louis XVI par le maréchal de Duras, forme aujourd'hui trois des salles +consacrées aux campagnes de 1793, 1794 et 1795. + +Tout en admettant cette conclusion, quelques personnes pourraient +peut-être penser que dans les derniers temps de la vie de Louis XIV, et +particulièrement après la mort du duc et de la duchesse de Bourgogne, +madame de Maintenon vint habiter une autre partie du château; mais en +lisant attentivement Saint-Simon, surtout lorsqu'il parle de la dernière +maladie du roi, on voit qu'elle resta toujours dans le même appartement. + +«Toute la cour, dit-il, se tenait tout le jour dans la galerie. Personne +ne s'arrêtait dans l'antichambre la plus proche de la chambre +(l'OEil-de-boeuf) que les valets familiers, et la pharmacie, qui y +faisaient chauffer ce qui était nécessaire; on y passait seulement, et +vite, et d'une porte à l'autre. Les entrées passaient dans les cabinets +par la porte de glace qui y donnait de la galerie qui était toujours +fermée, et qui ne s'ouvrait que lorsqu'on y grattait, et se refermait à +l'instant. Les ministres et les secrétaires d'État y entraient aussi, et +tous se tenaient dans le cabinet qui joignait la galerie (le cabinet des +Termes). Les princes du sang, ni les princesses filles du roi +n'entraient pas plus avant, à moins que le roi ne les demandât, ce qui +n'arrivait guère. Le maréchal de Villeroy, le chancelier, les deux +bâtards, M. le duc d'Orléans, le père Tellier, le curé de la paroisse, +quand Maréchal, Fagon et les premiers valets de chambre n'étaient pas +dans la chambre, se tenaient dans le cabinet du Conseil, qui est entre +la chambre du roi et un autre cabinet (des Termes), où étaient les +princes et princesses du sang, les entrées et les ministres. + +»Le duc de Tresmes, premier gentilhomme de la chambre en année, se +tenait sur la porte, entre les deux cabinets, qui demeurait ouverte, et +n'entrait dans la chambre du roi que pour les moments de son service +absolument nécessaire. Dans tout le jour personne n'entrait dans la +chambre du roi que par le cabinet du Conseil, excepté ces valets +intérieurs ou de la pharmacie qui demeuraient dans la première +antichambre, _madame de Maintenon_ et les dames familières, et pour le +dîner et le souper, le service et les courtisans qu'on y laissait +entrer.» + +Ainsi, c'était par les antichambres, c'est-à-dire du côté où se trouvait +l'appartement déjà indiqué de madame de Maintenon, qu'elle entrait dans +la chambre du roi; et l'on ne concevrait pas qu'elle eût pris cette +route, dans le cas où son logement eût été transféré de l'autre côté du +château. Mais Saint-Simon ajoute encore plus loin quelque chose de plus +positif. Après avoir raconté comment le roi, à l'extrémité, venait de +recevoir les soins d'un _manant provençal, fort grossier, qui lui +apportait un remède qui guérissait la gangrène_, il dit: «Madame de +Maintenon venait de sortir de chez le roi, ses coiffes baissées, menée +par le maréchal de Villeroy _par devant chez elle sans y entrer, +jusqu'au bas du grand degré_, où elle leva ses coiffes. Elle embrassa le +maréchal d'un oeil fort sec, en lui disant: Adieu, monsieur le maréchal, +monta dans un carrosse du roi qui la servait toujours, dans lequel +madame de Caylus l'attendait seule, et s'en alla à Saint-Cyr, suivie de +son carrosse où étaient ses femmes[67].» + +Comme il n'y a pas de doute, d'après ce que nous avons déjà expliqué, +sur l'escalier appelé par Saint-Simon le _grand degré_, que c'est +l'escalier de marbre existant encore aujourd'hui, il est donc évident +que madame de Maintenon passait ainsi devant l'appartement que nous +avons décrit, qu'elle habitait encore en 1715, à la mort de Louis XIV. + +Les recherches auxquelles nous nous sommes livré pour retrouver +l'emplacement de l'appartement de madame de Maintenon, nous ont mis à +même de relever une erreur assez grave du livre de M. Vatout. C'est à +l'occasion du confessionnal de Louis XIV. + +L'on a vu sur le plan de Blondel, et d'après la description de Félibien, +que la pièce où se trouve aujourd'hui le confessionnal formait un salon +ovale, dont un côté ouvrait sur un cabinet et l'autre sur le salon +précédant la galerie de Mignard. M. Vatout, qui a vu aussi ce salon sur +le plan de Blondel, pense qu'il faisait partie, ainsi que le cabinet et +la salle du déjeuner, de l'appartement de madame de Maintenon, puisqu'il +dit: «La petite galerie Mignard, avec ses deux salons, pouvait offrir à +cet appartement de brillants accessoires, lorsqu'on y jouait la +comédie.» Ce qui ne l'empêche pas, quelques pages plus loin, d'y mettre +le confessionnal de Louis XIV: «C'est là, dit-il; que s'agenouillait le +grand roi; c'est là qu'il humiliait sa fierté devant Celui au nom duquel +s'abaissent toutes les grandeurs de la terre.» Comme s'il était +présumable que le roi eût été placer le mystérieux endroit où devait se +dévoiler ses plus secrètes pensées au milieu même de l'appartement de la +favorite! Nous ne faisons cette remarque que pour montrer la +contradiction dans laquelle est tombé M. Vatout, car il est évident que +le confessionnal de Louis XIV n'a jamais été placé dans ce lieu. Sous ce +roi, s'y trouvaient le salon ovale et un cabinet. Sous Louis XV, d'après +les changements indiqués dans l'un des plans de Blondel, on fit à la +place du salon ovale un petit salon carré, et l'on établit une +_garde-robe_ dans le cabinet. Enfin, sous Louis XVI, de nouveaux +changements eurent encore lieu, le salon fut diminué, et l'on en fit un +cabinet dans lequel fut placé le confessionnal du roi. C'est donc Louis +XVI, et non Louis XIV, qui a fait mettre son confessionnal dans cet +endroit. Nous ne savons si, sous Louis XVI, le capitaine des gardes se +tenait l'épée à la main, pendant la confession, derrière la glace sans +tain que l'on remarque dans la niche près du confessionnal; mais s'il en +était ainsi sous Louis XIV, comme le dit M. Vatout, ce n'est point dans +cet endroit qu'avait lieu cette _étrange habitude_. + + + + +VI + +L'ANCIENNE MACHINE DE MARLY + +OU + +DE VILLE ET RENNEQUIN. + + +Il n'existe peut-être pas de machine qui ait eu une réputation aussi +colossale que l'ancienne machine de Marly. Son aspect gigantesque, sa +complication apparente, le bruit extraordinaire produit par son +mécanisme que l'on entendait d'une distance considérable, cette masse de +charpentes et de chaînes de fer se mouvant continuellement depuis le +bord de la Seine jusqu'au haut de la montagne de Louveciennes, tout +enfin dans cette immense machine était fait pour étonner les regards et +frapper l'imagination de la foule. Il semble que l'auteur d'un si +étonnant travail n'a pu rester inconnu, et cependant, même aujourd'hui, +l'on discute encore pour savoir qui il est. Ce fait, qui paraît +extraordinaire, s'explique naturellement par l'usage où l'on était, sous +Louis XIV, de faire tout au nom du roi ou de ses ministres, et de +placer ainsi dans l'ombre et au rang de simples employés des bâtiments +les véritables auteurs de la plupart des merveilles exécutées sous le +règne du grand roi. Que l'on demande en effet aux historiens à qui sont +dus les immenses travaux faits pour amener les eaux de l'Eure à +Versailles, ou pour réunir les eaux de pluie et de neige à plus de dix +lieues à la ronde, et les verser dans ces réservoirs, si heureusement +alimentés aujourd'hui par la nouvelle machine hydraulique de la Seine; +qu'on les interroge pour savoir les noms des habiles artistes qui ont +exécuté les plus jolis arrangements des jardins de Versailles, et ces +magnifiques jets d'eau si habilement et si élégamment disposés, ils +nommeront Louis XIV, Colbert et Louvois, et à la suite Mansart et Le +Nôtre; mais de l'abbé Picard, de Lahire, de Vauban, de Perrault, de +Francine, etc., pas un mot; et il faut, comme nous l'avons fait, aller +fouiller dans les archives, dans les registres des bâtiments, pour +retrouver les véritables auteurs de tous ces beaux travaux. C'est là ce +qui est arrivé aussi pour la machine de Marly. En n'allant pas chercher +aux véritables sources, on s'en est rapporté à des on dit plus ou moins +désintéressés, et aidé du merveilleux populaire, qui aime toujours à +rencontrer des moyens extraordinaires dans l'exécution de choses qui lui +paraissent extraordinaires, l'on a ainsi déplacé les rôles, et attribué +à un seul, et encore à celui qui y a pris la moindre part, l'honneur de +son invention. Reprenons donc un peu l'historique de la machine de +Marly, et suivons-le d'après les documents authentiques, dont les pièces +vont être mises sous les yeux du lecteur. + +Louis XIV venait de désigner Versailles pour son séjour habituel. +Colbert, l'exécuteur des volontés du maître, donnait les ordres les plus +précis pour hâter les travaux nécessaires à leur accomplissement. Une +chose cependant semblait s'opposer aux désirs du roi, et paraissait +condamner Versailles à n'être jamais qu'un séjour passager: c'était le +manque d'eau. Mais le roi avait parlé, et son ministre avait fait un +appel à tous ceux que leurs connaissances spéciales pouvaient mettre à +même de résoudre cette importante question. Déjà, des travaux importants +avaient été exécutés[68], et non-seulement les eaux de sources, mais +encore des eaux recueillies sur les hauteurs environnant Versailles, +commençaient à satisfaire les désirs du roi et de son ministre. Sur ces +entrefaites, Colbert apprend qu'un gentilhomme liégeois, ingénieur +lui-même, vient de faire exécuter dans le domaine des comtes de Marchin, +seigneurs de Modave[69] une machine qui élève l'eau à une très-grande +hauteur, et qui, appliquée à Versailles, pourrait amener les eaux de la +Seine jusque dans cette ville. Il se hâte de lui écrire au nom du roi, +et l'engage à venir examiner si, à l'aide d'une semblable machine, +Versailles peut être alimenté des eaux qui lui manquent. Ce gentilhomme +liégeois était le chevalier de Ville, baron libre du Saint-Empire +romain[70]. Vivant dans un pays où l'on construisait de nombreuses +machines pour épuiser les eaux souterraines qui nuisent à l'exploitation +des houillères et des mines de charbon de terre, il s'était familiarisé +avec l'étude de ces machines. Désirant élever l'eau du Hoyoux sur les +hauteurs du domaine de Modave, il avait fait construire un de ces +appareils déjà employés depuis longtemps dans les mines de Hongrie, +lorsqu'il s'agissait de transmettre l'eau à de grandes distances, +par-dessus de hautes montagnes[71]. Mais il dut principalement la +réussite de son entreprise à l'habileté du constructeur chargé de son +exécution, Rennequin Sualem, qu'une grande intelligence et une longue +pratique avaient initié à toutes les difficultés de la mécanique. + +De Ville se rend aussitôt à l'invitation de Colbert, et arrive à +Versailles, accompagné de Rennequin Sualem, car il sent que pour +l'exécution de pareille entreprise il ne peut se passer de l'habile +ouvrier dont il connaît par expérience toute la capacité. + +La réussite d'une mécanique assez puissante pour amener l'eau de la +Seine jusqu'à Versailles demandait une chute considérable, pouvant faire +mouvoir les grandes et nombreuses roues destinées à lui donner +l'impulsion. De Ville suit la Seine dans tous ses contours, la sonde +lui-même dans tous ses points, et trouve enfin, entre Chatou et la +chaussée de Bougival, une chute assez forte pour la réussite de son +entreprise[72]. + +La chute trouvée, il fallait faire franchir à l'eau de la Seine la +distance qui la séparait non-seulement de la hauteur de la montagne de +Louveciennes, mais encore du sommet d'une tour élevée sur cette hauteur, +et qui, dominant tout le pays, pouvait permettre d'envoyer cette eau +soit à Versailles, point principal pour lequel on demandait +l'établissement de cet instrument hydraulique, soit à Marly, dont le roi +venait d'arrêter la construction, soit même à Saint-Germain[73]. De +Ville se mit aussitôt au travail, fit les projets de cet immense +appareil, les présenta au roi qui les adopta, et commença aussitôt les +travaux. + +Il fallait, pour la bonne exécution de ces travaux, qu'ils fussent +confiés à des hommes déjà au fait de ces sortes d'ouvrages. De Ville et +Rennequin retournèrent à Liége et en ramenèrent une colonie d'ouvriers, +charpentiers, menuisiers, forgerons, etc., et de plus de Ville passa des +marchés avec les entrepreneurs de ce pays, en sorte que, corps de +pompes, mécanismes, cuirs, fers, etc., tout vint de Liége[74]. + +Toute la partie de la Seine comprise entre le Port-Marly et Bezons était +à cette époque presque entièrement divisée en deux bras par une suite de +petites îles. Pour que la navigation ne fût pas interrompue et avoir en +même temps une grande partie des eaux du fleuve employée au mouvement de +la machine, il fallait réunir toutes ces îles, n'en faire qu'une seule +digue, et agrandir le bras de la rive droite afin d'en former un canal +navigable. Ce fut le premier travail exécuté par de Ville[75]. Cette +digue et ce canal, qui ont plus de 10,000 mètres de longueur, furent +commencés au mois de mai 1681 et achevés au mois d'octobre de la même +année. Pendant ce temps se construisait la machine. Toutes les maisons, +terres, vignes, etc., comprises entre l'endroit où se trouvait la chute +et les hauteurs de Louveciennes, avaient été achetées par le roi. De +Ville s'établit dans l'une des maisons de la chaussée, afin de mieux +surveiller les travaux; il y fait construire un modèle de la machine, et +Rennequin Sualem, le constructeur et l'inspecteur de cette immense +machine, y habite auprès de lui[76]. + +La science de l'hydraulique était alors peu avancée, surtout en France, +et peu de personnes étaient en état de comprendre le mécanisme et les +effets de ce grand travail. Des doutes s'étant manifestés sur sa +réussite[77], et le roi ayant désiré qu'il fût fait un essai, de Ville +fit construire, au moulin de Palfour, sous sa direction, et par deux +Liégeois, Lambotte et Georges d'Espa, une machine analogue à celle que +l'on construisait en grand à Marly, qui éleva l'eau jusque sur la +terrasse de Saint-Germain[78]. + +Après cette expérience décisive on ne fit plus d'objections, et l'on +continua avec activité les travaux de la machine. Nous n'entreprendrons +pas d'en faire ici la description complète[79], nous rappellerons +seulement qu'au-dessous de la chute, dans la Seine, se trouvaient +quatorze roues hydrauliques de 36 pieds de diamètre chacune, mises en +mouvement par l'eau de cette chute[80]; ces roues mettaient en jeu huit +pompes chargées d'entretenir toujours l'eau à une égale élévation dans +un bassin élevé à peu près à la hauteur du bord des autres corps de +pompes. Celles-ci, au nombre de soixante-quatre, refoulaient cette eau +dans un puisard placé sur le penchant de la montagne. L'eau élevée à ce +premier puisard y était reprise par soixante-dix-neuf pompes, et +refoulée une seconde fois jusqu'à un second puisard supérieur au +premier; là, quatre-vingt-deux pompes achevaient d'opérer l'ascension de +l'eau jusqu'au sommet de la tour, dont la plate-forme supérieure est +élevée de 154 mètres au-dessus des eaux moyennes de la Seine, et se +trouve placée à 1,236 mètres de distance horizontale de la machine en +rivière, ou du premier mobile. Comme, par suite de la difficulté que +l'on éprouvait alors à bien joindre les tuyaux entre eux, beaucoup d'eau +se perdait en montant à la tour, seize pompes étaient placées dans un +réservoir situé derrière le puisard supérieur afin de ramener cette eau +perdue dans ce même puisard. Pour augmenter la quantité d'eau élevée par +la machine, on avait réuni dans un bassin, un peu au-dessous du premier +puisard, les eaux assez abondantes de toutes les sources des environs, +et huit pompes servaient à les élever dans le second puisard. On voit +donc que le produit de la machine était le résultat du travail de deux +cent cinquante-trois pompes, placées tant dans le lit du fleuve que dans +les puisards établis sur le penchant de la montagne. Tout ce système de +pompes était mis en mouvement par les roues hydrauliques tournant par +l'impulsion de l'eau du fleuve, qui avaient deux fonctions: l'une de +faire mouvoir les soixante-quatre pompes fournissant l'eau reprise +successivement par les deux systèmes supérieurs; l'autre de mettre en +jeu les longues suites de pièces de communication de mouvement au moyen +desquelles les pompes des deux systèmes supérieurs pouvaient faire leur +service. Cette transmission du mouvement s'opérait par l'intermède de +plusieurs couples de chaînes de fer partant de la Seine, et aboutissant +aux points où le mouvement devait être transmis; chaque couple avait ses +deux chaînes dans un même plan vertical, attachées d'espace en espace +aux extrémités des balanciers, dont les axes de rotation, placés à +mi-distance entre les deux chaînes, étaient posés sur des cours de lices +établis sur des chevalets. Des manivelles en fer, fixées aux extrémités +des axes des roues hydrauliques, agissaient sur les chaînes, dans le +sens de leur longueur, par l'intermède de pièces de traction et de +rotation. En résultat, lorsque la chaîne supérieure d'une couple était +tirée et se mouvait dans le sens de la descente de la montagne, +l'inférieure se mouvait dans le sens de la montée, et réciproquement; +ces allées et, venues oscillatoires, qui se répétaient plusieurs fois +par minute, produisaient des oscillations correspondantes dans les +pièces du mécanisme auxquelles les points supérieurs des chaînes étaient +attachés, et par suite l'ascension et la descente des pistons des pompes +de reprise des puisards. Ces indications sommaires, ajoute M. de Prony, +à qui nous empruntons ces détails, suffisent pour motiver l'énorme +quantité de fer et de bois dont la montagne se trouvait couverte sur une +longueur d'environ 700 mètres. + +Actuellement que l'on voit arriver l'eau facilement d'un seul jet au +haut de la tour, et avec un appareil d'une grande simplicité, on est +étonné de la nécessité où l'on fut alors d'établir cette masse de +pompes, de puisards, de leviers immenses, de rouages de toute espèce +pour obtenir un résultat bien inférieur à celui d'aujourd'hui. On oublie +les progrès faits par les arts industriels depuis ce temps. Alors le jeu +des pistons dans les corps de pompes, et l'assemblage des tuyaux étaient +tels que l'air s'y introduisait de toutes parts et opposait une énorme +résistance à l'ascension de l'eau, et qu'une grande quantité de liquide +était perdue sans aucun résultat pour le but qu'on voulait obtenir. +Voilà pourquoi, l'eau ne pouvant s'élever d'un jet qu'au tiers de la +route qu'elle avait à parcourir, on fut obligé de diviser la machine en +trois systèmes de pompes, dont l'un, partant de la Seine, la portait à +mi-côte, le deuxième la faisait arriver au réservoir supérieur, et le +troisième enfin l'élevait jusque sur la tour; et comme les deux systèmes +de pompes, qui reprenaient à mi-côte l'eau refoulée immédiatement de la +Seine, ne pouvaient avoir de mouvement qu'en vertu de la force motrice +transmise du point inférieur du système général et émanant des eaux +mêmes du fleuve, on s'explique la complication apparente de cette +machine, son aspect gigantesque et les mouvements bruyants de toutes ces +masses, dont on ne pouvait pas, sans instruction et sans étude, saisir +la correspondance avec le premier mobile. + +Les travaux de cette immense machine, commencés en 1681, étaient déjà +assez avancés en 1684 pour qu'on en fit l'essai. Nous avons dit que de +Ville, en élevant la tour, avait eu pour but de dominer tous les +environs et de pouvoir ainsi, de ce point, diriger l'eau partout où le +roi voudrait la distribuer. Pour faire son essai, il fit construire une +espèce de tour en charpente[81], sur le sommet de laquelle on vit en +effet l'eau arriver ainsi qu'il l'avait promis. + +Après cet essai qui levait tous les doutes sur la réussite de la +machine, on remplaça la tour en bois par la tour en pierre et le bel +aqueduc qui domine, d'une façon si pittoresque, tous les environs. +Mansart en dessina les plans, en fit les devis, et fut chargé de la +construction. On creusa en même temps les réservoirs de Marly et de +Louveciennes, on fit les aqueducs pour conduire l'eau à Versailles, on +éleva, dans cette ville, le _gros mur_ de Montreuil, qui reliait la +butte de Picardie à la butte de Montbauron, on creusa aussi les +réservoirs placés sur cette butte, et Louvois, qui venait de faire +exécuter tous ces travaux, eut la satisfaction de voir arriver l'eau de +la Seine dans ces derniers bassins, l'année suivante, 1685. + +En 1684, après l'essai de l'ascension de l'eau sur la tour, le roi +chargea Vauban de visiter la machine et de faire faire les travaux +qu'il jugerait nécessaires pour sa confection. Vauban, accompagné de de +Ville, examina tout avec la plus minutieuse attention; il admira cet +immense travail, et en comprit immédiatement tout le mécanisme et les +effets[82]; il fit simplement quelques observations sur la construction +de plusieurs parties des digues de la Seine, et crut nécessaire, pour +préserver la machine de l'action destructive des glaces, de faire +construire au-devant une estacade qui pût les diriger sur la grande +digue[83]. + +Telle est l'histoire, bien abrégée, de la construction de l'ancienne +machine de Marly. Mais à qui doit-on cette machine, et quel en est +l'inventeur? Il semble, d'après ce récit, que nul autre que de Ville ne +doit en recueillir l'honneur, et cependant aujourd'hui l'opinion +générale lui conteste cette invention pour l'attribuer à un homme dont +nous avons à peine parlé, à Rennequin Sualem. Cherchons donc la cause de +cette opinion, et voyons, en consultant les pièces authentiques, quels +rôles ont pu jouer, dans l'établissement de cette célèbre machine, de +Ville et Rennequin Sualem. + +Et d'abord examinons comment s'est établie l'opinion qui en attribue +l'invention à Rennequin. + +Un Allemand, Frédéric Weidler, professeur à Wittemberg, écrivit, en +1728, un ouvrage intitulé _Tractatus de machinis hydraulicis toto +terrarum orbe maximis, Marliensi, Londinensi et aliis rarioribus_. En +1714, il vint visiter la machine qu'il allait décrire. Dans cette +visite, qui va lui servir plus tard pour donner le nom de son inventeur, +il ne voit ni de Ville, son gouverneur, ni les contrôleurs, ni Vauban, +ni Mansart, ni même les entrepreneurs qui avaient eu des rapports +directs avec l'inventeur; il se contente de consulter les ouvriers qui +ont travaillé dès le commencement avec Rennequin: _Ii autem, qui initiis +fabricoe interfuerunt, affirmarunt mihi ad unum omnes, Rannequium illius +verum auctorem et fabricatorem, et Villaneum commendatorem apud aulam et +veluti ergo dioctem extitisse_.--Et quels étaient ces ouvriers qui lui +assuraient ainsi que Rennequin était le véritable inventeur de la +machine, c'était toute la colonie liégeoise, Paul Sualem, Toussaint, +Siane, etc., tous parents ou amis de Rennequin. Cette assertion de +Weidler, répétée, sans contrôle, par les écrivains spéciaux, est restée +comme certaine pour ceux qui depuis ont parlé de la machine. Mais ce qui +a surtout rendu cette opinion populaire, c'est l'épitaphe gravée sur sa +tombe, qui, de l'église de Bougival, où elle était à peine connue avant +la Révolution, a passé dans un cabaret de la chaussée, et y est restée +pendant de longues années exposée aux regards de tous ceux qui venaient +visiter la machine, en indiquant Rennequin comme son seul +inventeur[84]. + +Telles sont les deux seules autorités qui ont fait attribuer à Rennequin +l'invention de la machine. + +Quelques écrivains modernes ont cherché à rétablir les faits et à rendre +à de Ville la place qu'il aurait dû toujours occuper[85]; l'abbé Caron, +entre autres[86], dans une notice lue à la Société des sciences morales, +des lettres et des arts de Seine-et-Oise, semblait avoir justement +attribué à chacun le rôle joué dans la construction de la machine, et +nous croyions la question jugée, lorsque nous avons reçu de Liége une, +petite brochure[87], dans laquelle non-seulement Rennequin Sualem est +regardé comme l'inventeur de la machine, mais où de Ville est traité +d'imposteur, et où nous voyons que le conseil communal de Liége, pour +honorer l'inventeur de cette machine, vient d'appeler une des rues de la +ville du nom de Rennequin. Il nous paraît donc nécessaire de faire +connaître les nombreuses pièces qui constatent le rôle joué par de Ville +dans l'établissement de la machine de Marly. + +Ce qui a beaucoup contribué à faire dépouiller de Ville de son titre +d'inventeur de la machine, ce sont surtout sa position de fortune et ses +titres. Comment supposer, en effet, qu'un chevalier, baron du +Saint-Empire, possédant des terres, pût être en même temps un savant? +Non, le baron de Ville n'a dû être que le négociateur de l'entreprise, +l'entremetteur de la cour de Louis XIV avec le véritable auteur de la +machine, simple ouvrier, _ferè analphabêtos, sed manuariâ arte +excellens_[88]. On attribue aussi à Rennequin la construction de la +machine hydraulique de la terre de Modave, qui a attiré les regards de +Colbert, et comme c'est de cette construction qu'est venue la première +idée de la machine de Marly, on en tire la preuve qu'on lui doit +l'invention de cette dernière machine. Mais ce qu'on ne dit pas, c'est +que cette machine hydraulique de Modave n'était qu'une imitation de +celles dont on se servait déjà depuis longtemps dans les mines de +Hongrie et de Suède; que, par conséquent, ce n'était point une invention +de Rennequin, et que c'est à de Ville, ingénieur instruit et au courant +de tout ce qui avait été fait en ce genre, que l'on en doit +l'application dans le domaine des comtes de Marchin. + +Suivons maintenant de Ville à la machine de Marly. Avant de penser à +établir un mécanisme capable de faire monter l'eau de la Seine à +Versailles, il est nécessaire de trouver une chute assez puissante pour +faire mouvoir ce mécanisme. Il faut pour cela un homme instruit et +expert dans les travaux hydrauliques. Qui est chargé de ce travail? De +Ville. Nous le voyons, en effet, rechercher et reconnaître les pentes de +la Seine, indiquer et faire exécuter les travaux nécessaires pour +établir les digues et agrandir le lit du fleuve laissé à la +navigation[89]. + +La chute trouvée, qui voyons-nous encore préparer et ordonner tous les +travaux de construction de la machine, faire arriver les eaux des +sources de Prunay, de Louveciennes et de Bougival, afin de les joindre à +celles élevées de la Seine? C'est encore de Ville[90]. + +Le roi désire qu'un essai de ce que peut une machine de ce genre pour +élever l'eau soit tenté devant lui. N'est-ce pas encore de Ville, et ici +sans le secours de Rennequin, qui fait construire la pompe du moulin de +Palfour, et démontre ainsi au roi, par avance, la certitude du résultat +de ses opérations[91]? + +N'est-ce pas lui aussi que nous voyons, en 1683, indiquer à l'arpenteur +Caron, et dessiner sur le terrain les places que devront occuper les +chevalets, puisards, réservoirs, etc., nouveaux, nécessités par +l'augmentation du mécanisme de la machine[92]? + +En 1684, Vauban, chargé par le roi d'examiner la machine, la visite dans +tous ses détails, et c'est de Ville qui lui en explique le mécanisme. + +On le voit encore non-seulement surveiller et diriger les travaux sur +place, mais de plus faire des voyages à Liége pour s'entendre avec ceux +qui fabriquent les pompes, et faire venir de ce pays et fers et +mécaniques. + +Et si on le voit ainsi partout, c'est qu'il ne pouvait en être +autrement. N'était-ce pas lui, en effet, qui avait présenté les projets +d'après lesquels on exécutait cet immense appareil[93], et n'était-il +pas responsable de la réussite de cette machine dont on attendait de si +grands résultats? Aussi, lorsque le succès a couronné son entreprise, +avec quelle magnificence le roi le récompense! En 1684, après +l'expérience de l'arrivée de l'eau au sommet de la tour, le roi lui +accorde 6,000 livres de gratification. En 1685, les 6,000 livres de +gratification lui sont continuées, et le 28 juillet de la même année, +quand l'eau de la Seine est enfin arrivée à Versailles, Louis XIV lui +fait un don de 100,000 livres. Puis il lui fait bâtir près de la machine +une magnifique habitation[94], le nomme gouverneur de cette machine, et +aux 6,000 livres de gratification qu'il conserve sa vie durant, il en +ajoute 6,000 de pension[95]. + +Voilà, d'après les documents que nous donnons à la suite de ce récit, +la part de de Ville dans l'établissement de la machine de Marly. Voyons +maintenant celle de Rennequin. + +Rennequin Sualem était un ouvrier charpentier de Liége, d'une grande +intelligence et d'une habileté peu commune. Il tenait le premier rang +parmi les constructeurs des mécaniques dont on se servait dans les mines +du territoire liégeois pour épuiser les eaux souterraines. On a vu qu'il +construisit la machine dont de Ville se servit à Modave pour élever les +eaux du Hoyoux. Aussi, lorsque celui-ci fut chargé par Colbert de venir +étudier les moyens de donner de l'eau à la ville royale, se fit-il +accompagner de l'habile exécuteur de ses idées. + +En étudiant les diverses pièces que nous faisons connaître, nous ne +voyons apparaître Rennequin que lorsqu'il s'agit de la construction de +la machine. Nous le trouvons établi auprès de de Ville, et à la tête de +tous ces ouvriers liégeois habitués depuis longtemps à des travaux +analogues, les commandant, les dirigeant dans l'exécution d'un mécanisme +souvent modifié et amélioré par sa longue pratique et sa haute +intelligence; mais nous ne le rencontrons ni lorsqu'il s'agit de la +recherche de la chute d'eau nécessaire à l'établissement de la machine +et de la construction des digues; ni lorsque, pour augmenter les eaux +élevées par la machine, on vient y ajouter celles des diverses sources +des environs; ni, enfin, dans la combinaison qui fait distribuer en +trois parties distinctes la route que doit suivre l'eau pour son +ascension au haut de la tour. Son rôle, enfin, paraît avoir été celui +d'un mécanicien plein de sagacité, de connaissances et de talent dans +son art, et sans lequel peut-être les idées de de Ville n'eussent pu +être exécutées; et c'est probablement dans ce sens que ses compagnons, +ayant pu apprécier à l'oeuvre la facilité avec laquelle il saisissait +les problèmes les plus difficiles de la mécanique, savait les réduire en +pratique, et combien de fois les difficultés les plus grandes avaient +été surmontées par lui dans la construction de la machine, l'en +regardaient comme le véritable inventeur. Rennequin, enfin, était un +habile charpentier-mécanicien, et probablement le premier de cette +époque dans ce genre de travail. C'est ainsi qu'il fut toujours +considéré pendant sa vie. + +En 1688, des pompes et une machine à cheval sont nécessaires pour le +service de la maison des demoiselles de Saint-Cyr; c'est Rennequin et +Lambotte qui sont chargés de son exécution[96]. Et lorsque la machine de +Marly est enfin entièrement terminée, on le voit chargé de sa +surveillance, y rester attaché, ainsi que les autres ouvriers de Liége, +avec le titre d'ingénieur et de chef des charpentiers liégeois, et on +lui accorde en outre un logement spécial et 1,800 livres +d'appointements. + +Ainsi, il résulte de l'étude de nos documents que de Ville a été +véritablement, comme le dit la légende du plan de la machine dessinée en +1688; l'inventeur, et Rennequin Sualem le constructeur de cette célèbre +machine, et qu'ils ont été tous deux récompensés suivant le rôle qu'ils +avaient joué chacun dans son exécution. + +Si cependant quelques personnes, s'appuyant sur l'opinion de Weidler et +sur l'inscription de la pierre tumulaire de Bougival, veulent conserver +à Rennequin le titre d'inventeur, nous les prierons de se rappeler que +Weidler n'a établi son dire, que sur les propos d'ouvriers parents ou +amis de Rennequin, et plusieurs années après la mort de celui-ci; et +que, quant à l'épitaphe placée par les mêmes parents dans l'église de +Bougival après le décès de la veuve de Rennequin, et longtemps après la +mort de celui-ci, on y aurait probablement répondu avant la mort de de +Ville, arrivée en 1722, si elle n'eût pas été enfouie et ignorée dans un +coin obscur dont l'a fait sortir la révolution, pour la livrer à la +publicité dans un cabaret de la chaussée. D'ailleurs un acte beaucoup +plus sérieux et authentique, son acte de décès dressé du vivant de sa +veuve, porte son véritable titre: _constructeur_ et non inventeur de la +machine[97]. + +Que sont d'ailleurs ces deux faibles preuves auprès de celles indiquées +dans les notes qui suivent en faveur de de Ville? + +Ce sont d'abord les registres des bâtiments qui donnent à de Ville le +titre d'_ingénieur_, tandis qu'ils donnent à Rennequin celui de +_charpentier liégeois_;--puis le plan de la machine, dessiné par Liévin +Creuil en 1688, c'est-à-dire quand elle venait d'être terminée, et qui +dit en toutes lettres: «Cette machine a été inventée et exécutée par M. +le baron de Ville.» Et plus loin: «Elle a été construite par ordre du +roi, sur les projets et par la direction de M. le baron de Ville.»--Les +écrivains qui, sous Louis XIV et depuis lui, ont été puiser aux sources +et ont parlé de la machine, Dangeau, l'abbé de Choisy, Claude Saugrain, +Piganiol de la Force, ont tous attribué son invention à de Ville. +_Cassan_, dans un poëme sur l'arrivée de la Seine au château de Marly, +de 1699, ne lui fait-il pas dire en passant devant le pavillon que de +Ville habitait: + + Et reprend en ce lieu l'usage de la voix, + Pour se plaindre en passant _du chevalier de Ville_, + + * * * * * * * * + + Qui t'oblige, dit-elle, _avec ton art maudit_ + _A venir malgré moi m'enlever de mon lit_? + +La _Gazette de France_ de 1682 indique les travaux de la machine comme +faits par le _sieur de Ville, gentilhomme liégeois_. La +Chesnaye-Desbois, dans son _Dictionnaire de la noblesse_, et le père +Anselme, dans l'_Histoire généalogique de France_, disent, en parlant de +sa fille qui avait épousé le baron de Montmorency: «Elle était fille +d'_Arnold de Ville_, chevalier, etc., gouverneur et directeur de la +machine de Marly, _dont il était l'inventeur_[98].»--Le duc de Luynes, +dans ses Mémoires, cite aussi de Ville comme l'_auteur de la +machine_.--Ceux qui étaient plus à même que tous autres de savoir la +vérité sur ce sujet, les contrôleurs chargés plus tard de la direction, +le considérèrent toujours comme l'inventeur, et M. Gondouin, dans un +rapport écrit en 1792, dit positivement: «Lors de la construction de la +machine, le sieur de Ville, mécanicien et _inventeur de la machine_, en +fut nommé le gouverneur[99].» + +Enfin, lui-même, au moment suprême où le coeur de l'homme s'ouvre à la +vérité, dans son testament retrouvé au château de Modave[100], ne +vient-il pas consacrer de nouveau son titre d'inventeur en exprimant +ainsi l'une de ses volontés: «J'ordonne que tous les ouvrages que j'ai +composés concernant les constructions de la machine de Marly soient +imprimés suivant mes dessins en grand.» + +Il résulte donc positivement de tout ceci que le baron de Ville a été +bien véritablement l'inventeur, ou pour mieux dire l'_auteur du projet +de construction de la machine de Marly_, et que Rennequin Sualem en a +été l'habile et adroit constructeur. + +Que maintenant les habitants de la ville de Liége, qui veulent honorer +le nom de celui de leurs compatriotes auteur de cette célèbre machine, +soient heureux. Leur bonne fortune veut qu'au lieu d'un seul nom, ils en +aient deux à offrir en exemple à leur industrieuse population: celui du +noble employant les loisirs que lui donne la richesse à cultiver la +science pour en faire une application grande et utile, et celui du +modeste artisan dont le génie inculte saisit avec facilité les plus +hautes conceptions de la science, et sait dans la pratique les résoudre +avec bonheur. + + + + +PIÈCES JUSTIFICATIVES. + + +NOTE Nº 1. + +DÉPENSES DE CONSTRUCTION DE LA MACHINE DE MARLY, + +Extraites des registres des bâtiments du roi, déposés aux Archives de +l'Empire. + + +ANNÉE 1681. + + ORDONNANCES. + + Au sieur de Ville, gentilhomme liégeois, pour payement + des fers corroyés qu'il a fait venir de Liége, pour servir à + la machine du moulin de Palfour. 2,845l. 3s. »d. + Aux ouvriers. 977 19 » + + ORDRES. + + 26 mars.--Au même, pour _id._ 2,845 3 » + Aux ouvriers. 977 19 » + + 22 juin.--A George d'Espa, taillandier + liégeois, pour une manivelle + qu'il a livrée pour la machine, _id._ 490 » » + Aux ouvriers. 455 10 » + + A Lambotte, charpentier liégeois, + pour l'entretennement de la + machine. Pour trois + mois 360 » » + A Valland, pour clous 32 1 » + ----------------- + Total. 5,160l. 13s. 2d. + + MARLY 1681. + + 28 octobre 1681.--A Raoul de Pierre, + dit Laporte, charpentier, sur la + machine de la rivière de Seine. 2,000l. »s. »d. + + OUVRAGES DES ILES DE CROISSY. + + ORDONNANCES DU 22 JUIN 1681. + + 11 octobre.--A Renkin-Sualem, pour + son travail et soins à la construction + de la machine, pendant un + mois. 150 » » + A Paul Sualem, autre charpentier + liégeois, pour son travail + pendant. 150 » » + + ORDRES DU 22 JUIN AU 11 JANVIER 1682. + + Aubert, charpentier;--Leboeuf, Gonnot, Guyot, + Simon, Feuillastre, Boursault, Dupuis, Houet, Morin, + terrassiers. + Des charpentiers liégeois. + Laporte, charpentier. + Morel, _id._ + + A Rankin-Sualem, charpentier liégois, pour un mois + de son travail. 150l. »s. »d. + Despas, forgeron liégeois. + Sommes. 210,575 13 » + + + ANNÉE 1682. + + _Pour les grandes pompes sur la rivière de Seine, pour + l'élévation et conduite des eaux à Versailles._ + + ORDRES + + A Laporte, charpentier;--Clerget, Berlin, Ogier, + Leroy, Boileau, terrassiers;--Paul Sualem, charpentier + liégeois, Rankin-Sualem, _id._;--Toussaint Michel, menuisier + liégeois;--Lafontaine, maçon;--Morel, serrurier;--Pauli, + maître de forges liégeois;--Arnault, pour + loyer de la maison de la chaussée, occupée par les menuisiers + et par le modèle de la machine;--Menoiet, + marchand de fer et charbon de terre;--Caron, arpenteur;--Dupont, + terrassier;--Lemaire, fondeur;--Lahaye, + plombier, Despas, _id._;--Devienne, maçon;--Noiret, + marchand;--Duvivier, maçon;--Allan, pour + charbon;--Devolman, garde de la prévôté de l'hôtel;--de + Ville, ingénieur;--Montagne, serrurier;--Miche, + menuisier,--Robert, terrassier;--Berger, de Spa, pour + fers corroyés;--Lesieur, charpentier;--Frades, de + Vienne;--Cuvier, marchand de bois;--Piat, charpentier;--Corbey, + cordier;--Baffront, maçon;--Bourienne, + terrassier;--Duval, serrurier;--Godefroy, + chirurgien, pour pansements de blessés;--au sieur + Desvongoins, pour tuyaux;--Pays, pour peaux de vaches;--Langlois, + pour ficelles;--Rousseau, charron;--Lecerf, + plâtrier;--Aimond, marchand;--Jean Siane, + charpentier liégeois;--Hardel, paveur,--Goutier, maçon;--Martin, + maçon,--Remy, pour les conduites de + grès;--et aux divers ouvriers de la machine. + + + Sommes. 515,815l. 17s. 1d. + + On trouve particulièrement dans ce chapitre: + + A Paul Sualem, charpentier liégeois, + pour son travail d'un + mois. 150 » » + A _Renkin-Sualem_, _id._ _id._ 150 » » + A Siane, _id._ _id._ 150 » » + A Toussaint Michel, menuisier + liégeois, _id._ 67 10 » + 1er mars.--Au sieur Pauli, maître + de forges de Liége, sur les corps + de pompe de fer fondu qu'il fait + pour la machine.--A-compte. 1,000 » » + + (Il y a ainsi plusieurs à-compte.) + + 12 avril.--A Clerget, maçon, pour + payement de 4,920 l. pour ses + travaux. 420 » » + 5 juillet.--A Allen, pour son payement + de goudrons et poix noires, + qu'il a livrés. 761 10 » + 12 juillet.--_Au sieur de Ville_, ingénieur, + sur les fers et autres + ustensiles qu'il fait venir de + Liége, pour la machine. 900 » » + + (Il y a ainsi plusieurs à-compte.) + + 26 juillet.--A Robert, pour payement + de 1,426 l. 13 s. 9 d., pour + la maçonnerie de remplissage de + la digue qui joint une petite île + à l'île de Chatou. 276l. 13s. 9d. + + 26 juillet.--A Devienne, pour + payement de 1,998 l. 15 s. pour + la fouille et transport de terre + du réservoir, près le premier repos + de la machine. 198 15 » + + 9 août.--A Menoist, pour payement + de 2,649 l. 5 s. 2 d., pour + fourniture de gros fers et charbon + pour ladite machine. 269 5 2 + + 23 août.--A Martin Nicolle, pour + payement de deux grands bateaux + qu'il a livrés pour servir + aux ouvrages de la machine. 257 » » + + 6 septembre.--A Berlin, pour + payement de 2,808 l. 10 s. pour + les moellons qu'il a fournis. 408 10 » + + 6 septembre.--A Raffront, pour + payement de 1,354 l., pour moellons + qu'il a fournis à la machine. 104 » » + + _Id._--A Allen, pour payement de + 1,859 l. 5 s., pour le charbon de + terre et autres fournitures qu'il + a faites. 959 15 » + + _Id._--A Menoist, pour payement + de 1,879 l. 15 s. 10 d., pour + fourniture de gros fers. 879 15 10 + + 13 septembre.--A Berlin, pour + payement de 1,404 l. de moellons. 604l. »s. »d. + + 11 octobre.--A Devienne, pour + payement de 11,455 l. 3 s. 7 d., + pour ouvrages de remplissage et + pavé de la digue. 855 3 7 + + 18 octobre.--A Raffront, pour + payement de 1,976 l. de moellons. 761 » 5 + + _Id._--A Frades et Devienne, pour + payement de 8,249 l. 14 s. 4 d., + pour moellons. 449 14 4 + + _Id._--A Noiret, pour payement de + 8,874 l. 2 s. 9 d., pour divers + ouvrages de fer. 874 2 9 + + _Id._--A Frades et Devienne, pour + complément de 11,455 l. 3 s. + 7 d., pour remplissage de la digue, + près l'île de Chatou. 300 » » + + 1er novembre.--A Eux, pour payement + de 3,040 l. 11 s., pour + moellons. 640 11 » + + 6 décembre.--A Eux, pour payement + de 5,197 l. 10 s., pour + 12,300--3/4 de moellons. 1,797 10 » + + _Id._--A Charruel, couvreur, pour + payement de 422 l. 3 s., pour + la couverture de la nouvelle forge. 122 12 3 + + _Id._--A Mathelin, pour payement + de 153 l., pour transport de terre. 53 » » + + 13 décembre.--A Frades et Devienne, + pour payement de 300 l., + pour voitures de glaise. 100l. »s. »d. + + 20 décembre.--A Eux, pour payement + de 2,499 l., pour moellons + fournis. 999 » » + + 27 décembre.--A Lamontagne, + pour payement de 938 l. 14 s., + pour plates-bandes. 438 14 » + + Id.--A Menoist, pour payement de + 1,998 l. 5 s., pour fers. 398 5 » + + + En outre: + + Octobre 1682.--A Boudet, sur les + tuyaux de fer de fonte, qu'il doit + livrer pour la machine de la rivière + de Seine. 17,300 » » + + Au sieur Desvaugoins, sur les + tuyaux pour la nouvelle machine + de la rivière de Seine. 92,200 » » + + Au sieur Lebreton, sur les + tuyaux pour la nouvelle machine + de la rivière de Seine. 2,000 » » + + A Lahaye, _id._ 5,500 » » + + A Coulon, _id._ 1,000 » » + + + ANNÉE 1683. + + ORDRES DU 10 JANVIER 1683 AU 2 JANVIER 1684. + + A Laporte, Aubert, charpentiers;--Raffront, maçon;--Frades, + maçon;--Devienne, maçon;--Noiret, serrurier;--Menoist, + serrurier;--Allan, marchand de + charbon;--Grey-Spa;--de Ville, ingénieur;--Hardel, + terrassier;--Bourienne, _id._;--Gondaut, charron;--Devaux, + voiturier;--Martin, terrassier;--Caron, arpenteur;--Lejongleur, + pour les eaux;--Arnault, pour + loyer;--veuve Raffront, _id._;--Duvivier, Decoste, maçons;--Benoist, + terrassier;--Montoque, _id._;--Marchand, + paveur;--Mathelin, terrassier;--Langlois, + cordier;--Berlin, paveur;--Delaunay, Richard, terrassiers;--Lahaye, + plombier;--Morel, serrurier;--Louchard, + cordier;--Rousseau, charron;--Langlois, + cordier;--Remy, fontainier;--Paul et Rankin-Sualem, + charpentiers;--Sianne, _id._;--Miché, menuisier;--Mathieu, + plombier;--Desyaugoins, fabricant de tuyaux,--Godefroy, + briquetier;--Masson, serrurier;--Laharpe, + plombier;--Esmery, _id._;--Boileau, marchand + de fer;--Pernolle, _id._;--Bourbonnais, pour un soufflet + de forges;--Nicolle, terrassier;--Levasseur, _id._;--Charruel, + couvreur;--Delbert, plombier;--Bachelart, + voilurier;--Duval, serrurier;--Simon, maçon;--Malin + et Vaillant, marchands de fer;--Crosnier, terrassier;--Lambotte, + mécanicien;--Viart, terrassier;--Noël, + serrurier;--veuve Lavier, menuisier;--Vivret, marchande + de toiles;--Namurois, serrurier;--Pays, corroyeur;--Baumont, + terrassier;--Racine, _id._;--Belier, + _id._;--Renault, serrurier;--Lapoterie, marchand + de fer;--Sauvage, _id._;--Gervais, serrurier;--Guessard, + id.;--Ansaume, maçon;--Desjardins, tailleur;--Chenet, + chirurgien;--Lucas, plombier;--Duremar, + serrurier. + + + Sommes. 858,228l. 15s. 6d. + + On trouve particulièrement dans ce chapitre: + + A Frades et Devienne, pour payement + de 2,025 l., pour le transport + des sables provenant de + l'atterrissement qui s'est fait + au-dessous de la machine dans la + rivière de Seine. 75l. »s. »d. + + A Menoist, pour payement de 948 l. + 13 s., pour fers par lui fournis. 348 13 » + + A Allen, pour payement de 1,308 l. + 4 s., pour fournitures de charbon + de terre. 808 8 » + + A Hardel, pour payement de 895 l. + 8 s. 4 d., pour pavage qu'il a fait + au rétablissement du grand chemin. 95 8 4 + + A Haffront, pour payement de 5,109l. + 5 s. 10 d., pour maçonnerie au + deuxième puisard. 359 5 10 + + A Noiret, pour payement de 7,674 l. + 1 s. 6 d., pour fournitures de fers + de pieux. 474 1 6 + + A Marchand, pour payement de + 3,229 l. de pavés. 729 » » + + A Frades et Devienne, pour payement + de 1,747 l. 17 s. 6 d., pour + moellons et libage. 947 17 6 + + A Montagne, pour payement de + 1,369 l. 4 s. 4 d., pour ouvrages + de fer. 469 4 4 + + A Frades et Devienne, pour payement + de 2,892 l. pour transports + de terre. 72l. »s. »d. + + Aux soldats suisses, qui ont fait des + fascines et travaillé. 123 13 6 + + A Bourienne, pour payement de + 2,736 l. 14 d., pour fouilles au + deuxième puisard. 86 14 6 + + A Marchand, pour payement de + 3,229 l. 8 s., pour pavés. 500 » » + + A Noiret, pour payement de 1,604 l. + 6 s. 6 d., pour fouilles. 304 6 6 + + A Charuel, pour payement de 439 l. + 7 s. 6 d., pour couverture. 39 7 6 + + A Boileau, pour payement de 6,911 l. + 16 s. 8 d., pour gros fer du + Nivernois. 411 16 8 + + A Nicole, pour payement de 1,578 l. + 3 s. 4 d., pour fouilles au canal. 78 3 4 + + A Mathelin, pour payement de + 10,453 l. 18 s. 10 d., pour + transport de terre. 453 18 10 + + A Frades et Devienne, pour payement + de 3,344 l. 5 s., pour moellons. 1,044 5 » + + A Martin, pour payement de 4,642 l. + 7 s. 9 d., pour tranchées au bord + du nouveau canal. 342 7 9 + + A Richard, pour payement de 2,684 l. + 7 s. 9 d., pour cuivres. 184 7 9 + + A Frades et Devienne, pour payement + de 2,430 l. 45 s., pour moellons. 830l. 15s. »d. + + A Duremar, pour payement de 7331l + 5 s. 6 d., pour appuis de fer. 133 5 6 + + A Berlin, pour payement de 500 l., + pour démolition. 200 » » + + A Frades et Devienne, pour payement + de 2,089 l. 10 s., pour moellons. 689 10 » + + A Pays, corroyeur, pour payement + de 360 l., pour cuirs de vache. 210 » » + + A Berlin, pour payement de 819 l., + pour 1,900 1/2 de moellons. 419 » » + + A Spa, pour payement de fers corroyés + fournis par lui, montant à + 27,742 l. 14 s. 11 d. 142 14 11 + + A Raffront, pour payement de 700 l., + pour l'atterrissement qui s'est fait + par derrière les coursières de la + machine. 50 » » + + A Lacoste, pour payement de 5,506 l. + 10 s., à quoi montent 1,217 toises + 1/2 de tuyaux de 8 pouces, relevés + et posés a la conduite du Chesnay, + 459 toises 1/2 _id._ de 8 pouces, + à celle depuis les Moulins de Louveciennes + jusqu'au regard du chemin + de Versailles, à 50 s. la toise, + et 328 toises 1/2 d'un pied, _id._ à + 14 l. la toise, et 600 l. de gratification + à cause de sa diligence. 656 10 » + + A Renault, pour payement de 1,516 l. + 12 s. 9 d., pour serrurerie. 572l. 16s. 9d. + + A Bourbonnais, pour payement de + 938 l. 17 s., pour serrurerie. 50 17 » + + A Spa, pour payement de 3,140 l. + 11 s., pour serrurerie, pour + l'entretien des mouvements de + la machine. 1,140 11 » + + A André Pernelle, pour, payement + de 1,053 l. 10 s., pour serrurerie. 153 10 » + + A Desjardins, tailleur d'habits, pour + vingt et un juste-au-corps de toile, + pour les charpentiers de la machine. 31 10 » + + A Thevenet, chirurgien, pour avoir + pansé les ouvriers blessés de la + machine, depuis le mois de juillet + jusqu'au mois d'octobre. 90 » » + + Le sieur _de Ville_ fait venir beaucoup de fers et de + mécaniques de Liége. + + Lejongleur fait les aqueducs pour conduire l'eau de + la machine de la rivière de Seine. + + + ANNÉE 1684. + + RECETTE: + + De M. Etienne Jehannot, sieur de Bartillat, garde du + trésor royal, la somme de 6,000 l. pour délivrer au sieur + _de Ville_, gentilhomme liégeois, par gratification, en considération + de ses soins pour la construction de la machine + de la rivière de Seine, pour la présente année. + + + _Parfaits payements._ + + 16 janvier 1684.--Au sieur Desvaugoins, 20,000 l. pour + avec 64,366 l. 16 s. 9 d. contenus en l'ordre de parfait + payement du 28 mars 1683, pour 2,529 toises + 1 pied 1/4 de tuyaux de fer de fonte de 8, 6 et 4 pouces + 1/2 de diamètre; 43,400 l. qui lui ont été ordonnancées + à-compte depuis le 21 février jusques et compris + le 3 octobre 1683, et 4,833 l. 3 s. 3 d. qui lui + sont retenus pour la garantie pendant une année, faire + le parfait payement de 132,600 l., à quoi montent + 5,099 toises 1 pied de conduites de fer de fonte qu'il a + fournies pour la machine de la rivière de Seine, en + 1682 et 1683. 20,000l. »s. »d. + + 23 janvier 1684.--A Lacoste, + 1,254 l. 14 s., pour fournitures + de cuirs, vis et mastic, pour la + machine de la rivière de Seine, + et déposage et reposage de plusieurs + conduites de tuyaux en 1683. 1,254 14 » + + 23 juillet 1684.--A Lejongleur, + 1,400 l. pour avec 5,600 l. qu'il + a reçues faisant le parfait payement + de 7,000 l. à quoi ont été + fixés les ouvrages du regard de + pierre de taille qu'il a faits proche + Marly, pour recevoir les eaux de + la machine. 1,400 » » + + + _Fonds libellés._ + + 14 décembre 1684.--Au sieur + _de Ville_, 6,000 l. par gratification + en considération de ses soins + pour la construction de la machine + de la rivière de Seine. 6,000l. »s. »d. + + + OUVRAGES DE LA MACHINE DE LA RIVIÈRE DE SEINE. + + _Maçonnerie._ + + 1684.--DU 9 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE. + + Donné à Martin Caumont et Anseaume, + Raffront, Decotte, Simon, + Bertin, Jean Couturier de + la Chaussée, Denis Gérard, + Drouilly, Mouffle, Frades, Saint-Allard, + de la Rue, Lejongleur, + Lecerf, Lefébure. + + + Somme. 141,832 18 » + + Remarques. + + De Cotte, entrepreneur, construit la tour. + + + _Charpenterie._ + + DU 9 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE. + + A Laporte et Aubert, Langlois, + Paillard, Charles Fournet. + + Somme. 117.005 5 » + + + _Couverture._ + + DU 26 MARS AU 19 NOVEMBRE. + + A Dimanche-Charruel. + + Somme. 4,070 12 6 + + + _Menuiserie._ + + LE 23 JUILLET. + + A Milot, menuisier, à-compte de + ce qu'il a fait au grand puisard + de la machine de la chaussée. 200l. »s. »d. + + + _Ouvrages de fer._ + + DU 9 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE. + + A Namurois, Noiret, Morel, Noël, + Renault, Dezenstres, Bourbonnais, + Ladoireau, Gervais, Delbert, + Spa, Martin, Vaillant, + Thomas Delaunay, Claude Montagne, + Pernelle, Marlin, Massot, + Boileau, Fordin, Boutté, Duval, + Cucu, Pilon. + + Somme. 150,096 13 11 + + _Ouvrages de cuivre._ + + DU 16 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE. + + Au sieur Lerond, bourgmestre de + Liége, Delbert, Noiret. + + Somme. 30,874 4 8 + + Remarques. + + Le sieur Lerond, bourgmestre de + Liége, reçoit 3,000 l. à-compte + pour deux cents corps de pompes, + qu'il fait pour la machine de la + rivière de Seine. + + + _Pavé._ + + DU 26 MARS AU 24 DÉCEMBRE. + + A Georges Marchand, Lecerf, Lefébure, + Petit-Jean. + + + Somme. 11,952l. 10s. »d. + + _Plomberie._ + + DU 9 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE. + + A Lucas, Laharpe. + + Somme. 38,269 14 » + + + _Fouilles de terre._ + + DU 16 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE. + + A Jean Crosnier de Luciennes, Debecq + et Beaumont, Martelin, + Jean-Baptiste Crosnier, Bachelart, + Racine, Deber, Lefébure, + Aubé, Rufron, Michel, Gautier, + Audiger, Bertin, Cherly, Léger. + + Somme. 24,375 11 1 + + + _Ouvrages extraordinaires._ + + DU 9 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE. + + Somme. 22,090 9 9 + + + _Ouvriers à journées._ + + DU 9 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE. + + Somme. 19,153 5 7 + + + ANNÉE 1685. + + _Parfaits payements d'ouvrages de maçonnerie et terrasses._ + + 7 janvier.--A Guillaume Poullier, + 943 l. 5 s., pour payement de + 2,243 l. 5 s. pour maçonnerie + aux murs qui portent les tuyaux + où passent les eaux provenant de + la machine. 943l. 5s. »d. + + + _Gratifications._ + + 20 mai.--A _Rennequin-Sualem_, + charpentier liégeois, en considération + de ses voyages extraordinaires. 300 » » + + + _Machine de Marly._ + + DU 31 DÉCEMBRE 1684 AU 26 AOÛT 1685. + + A de Cotte, entrepreneur, à-compte + de la maçonnerie qu'il fait à la + tour de la machine de la rivière + de Seine. 17,500 » » + + _Clôture de la machine._ + + DU 17 JUIN AU 21 OCTOBRE 1685. + + A Michel Crosnier, pour payement + de pierres, pour la construction + d'un puits derrière le réservoir, + à mi-côte. 870 10 » + + + _Maçonnerie et couverture._ + + DU 28 JANVIER AU 16 DÉCEMBBE 1685. + + A Jean de la Rue, maçon, à-compte + des ouvrages du magasin et aux + murs de terrasse des rigoles, + près les grands chevalets, et des + couvertures de tuiles aux forges. 21,050l. »s. »d. + + _Massifs de maçonnerie derrière les murailles du réservoir + à mi-côte._ + + A Duvivier, pour payement. 2,536 13 4 + + + _Moellons pour la digue de l'île Bautier et la grande digue._ + + DU 21 JANVIER AU 9 DÉCEMBRE 1685. + + A François Berlin, carrier; Jacques + Raffront, _id._;--Antoine Hémont, + _id._;--Gaspard Hémont, + _id._;--J. Frades,--J. Darneville. + + Somme. 15,837 1 » + + + _Parfaits payements de la maçonnerie et moellons pour + la machine._ + + 21 janvier.--A Lerouge, carrier, + pour payement de moellons, + pour l'île de la Chaussée. 104 3 4 + + A Étienne Potier, _id._ 137 10 » + + 28 janvier.--A Lecerf, pour payement + du quai sur l'île Gautier. 93 15 » + + A Ballet, pour payement de + pierres dures de Nanterre, + pour la grande digue. 194 » » + + A Binet, _id._ 58 » » + + 25 février.--A Lerouge, pour + payement de moellons, pour l'île + Gautier. 101l. 5s. »d. + + 11 mars.--A G. Raffront, pour + payement de chaux, pour le mur + proche la tour. 56 16 8 + + A Rousselet, pour payement + de moellons au quai de l'île + la Loge. 27 » » + + 1er avril.--A Lejongleur, pour + payement de 4,745 l., pour + tuyaux de grès aux aqueducs des + eaux de Prunay, près la machine. 1,345 » » + + 8 avril.--A Lecerf, pour payement + de moellons, à l'île Gautier. 408 10 » + + A Roussel, _id._ 27 » » + + 23 avril.--A Leau, terrassier, + pour aplanissement près la tour. 63 » » + + 6 mai.--A Laroue et Crosnier, + pour payement de moellons. 134 » » + + 27 mai.--A Duvivier, pour payement + de 16,386 l. 10 s., pour + ouvrages de maçonnerie. 1,986 10 » + + 15 juillet.--A Laroue, pour payement + de chaux. 351 15 » + + 29 juillet.--A Jean, pour payement + de moellons. 40 » » + + 7 octobre.--A Périgord, pour + payement de moellons. 47 10 » + + A Jean, _id._ 42 10 » + + A Laroue, pour payement de + chaux. 245 l. »s. »d. + + A Julien, _id._ 302 10 » + + A Potier, pour payement de + moellons. 44 7 6 + + 18 novembre.--A Lebaille, pour + payement de pavé tiré dans les + rigoles du côté des Graissets. 25 » » + + A Lecerf, Lefébure, Lejongleur, + Hémont, Roussel, + pour payement de maçonnerie. 2,084 5 » + + _Terrasses._ + + DU 7 JANVIER AU 25 NOVEMBRE 1685. + + A Gautier, pour les terres enlevées + le long du réservoir, à mi-côte. 677 9 2 + + + _Rigoles et parterre sur la terrasse du pavillon._ + + 23 avril.--A Jean Léger, pour + payement de ses ouvrages. 749 15 » + + + _Terrasses._ + + DU 7 JANVIER AU 11 NOVEMBRE. + + A Cherfils,--Audiger,--Levau, + --Gosset,--Horin,--Morille, + --Hémont, terrassiers. + + Sommes. 11,287 » 11 + + + _Chevilles et coyaux pour les roues de la machine._ + + 16 juillet.--A P. Sauvage et Leclerc. 248 18 » + + _Nettoyement, maçonnerie et moellons._ + + DU 15 JUILLET AU 16 DÉCEMBRE. + + A Michel, de la Rue, Hémont 10,960 l. 14 s. 2 d. + + _Charpenterie._ + + DU 31 DÉCEMBRE 1684 AU 16 DÉCEMBRE 1685. + + A Raoul de Pierre, dit Laporte, et + Jacques Aubert, charpentiers, + pour les bois employés dans divers + endroits de la machine 8,860 » » + + A Mallet, Roussel, charpentiers, + pour id. 8,314 11 10 + + _Couverture._ + + DU 14 JANVIER AU 2 DÉCEMBRE 1685. + + A la veuve Dimanche Charruel 10,390 7 » + + _Menuiserie._ + + DU 12 AOÛT AU 16 DÉCEMBRE. + + A Dubois, Bourdon, Massa. + + Somme 3,220 » » + + _Serrurerie._ + + DU 31 DÉCEMBRE 1684 AU 21 OCTOBRE 1685. + + A Fordrin,--Boutet,--Rouillé,--Landry,--Renault, + --Corvieux,--Noël,--Morel,--Montagne,--Cucu, + Maslin et Vaillant,--Menoist,--Dezeustres, + --Boileau,--Noiret,--Georges de Spa,--Longuet,--Darche,--Michel. + + Somme 146,223 6 11 + + _Ouvrages de cuivre._ + + DU 15 JANVIER AU 2 DÉCEMBRE 1685. + + A Nicolas de Nainville;--Jean Lefond, + bourgmestre de Liége;--Mathieu + Delbert,--Joseph + Royer;--François Namurois. + Somme 73,142l. 6s. 10d. + + _Plomberie._ + + DU 14 JANVIER AU 2 DÉCEMBRE 1685. + + A Jacques Lucas 32,191 11 7 + + _Ouvrages de goudron._ + + DU 31 DÉCEMBRE 1684 AU 16 DÉCEMBRE 1685. + + A Michel Deschamps,--Vinant + Allen,--Nicolas de Gomas,--Philippe + Hormoire,--Calfatiers,--pour + payement des ouvrages + de goudron qu'ils font aux grands + chevalets de la machine de la + rivière de Seine 36,076 10 » + + _Cuirs de vache._ + + DU 7 JANVIER AU 2 DÉCEMBRE 1685. + + A Proust et Julien Pays, pour cuirs + de vache venus de Liége 2,675 » 6 + + _Loyers de maisons._ + + 7 janvier.--A Thomas Chevalier, + successeur d'Arnault, 125 l., + pour le loyer de sa maison occupée + par l'ancien logement du + sieur de Ville: une forge, une + écurie, _le modèle et le logement + de Rennequin_ pendant le quartier + d'octobre 1684 125l. » s. » d. + + A Gilles Raffront, 150 l., pour + le loyer de sa maison, occupée + par le magasin et + deux forges de la machine, + pendant les quartiers de juillet + et d'octobre 1684 150 » » + + A Nicolas Malherbe, 22 1. + 10 s., pour le loyer de sa + maison, occupée par _Jean + Beltier_ piqueur à la machine, + pendant le quartier + d'octobre 1681 22 10 » + + 8 avril.--A Chevalier, pour le + loyer de sa maison, pendant le + quartier de janvier 1685 125 » » + + A la dame Duchannoy, 36 l., + pour le loyer de son pressoir, + occupé par _les chevaux + du sieur de Ville_, à la machine, + pendant une année 36 » » + + 26 avril.--A Raffront, 75 l, pour + le loyer de janvier 75 » » + + 15 juillet.--A Chevalier, pour le + quartier d'avril 125 » » + + A Raffront, _id._ 75 » » + + A Malherbe, _id._ 22 10 » + + + 18 novembre.--A Chevalier, pour + le quartier de juillet 125l. » s. » d. + + + _Ouvrages extraordinaires de la machine de la rivière + de Seine._ + + DU 31 DÉCEMBRE 1684 AU 16 DÉCEMBRE 1685. + + A Duchemin, charron;--J. Crosnier;--Pierre + Brady;--J. Leclerc;--P. + Potier;--E. Langlois;--Alexis + Mercier;--M. Lecerf;--Henri + Lenormand, batelier;--V. + Frades;--N. Maillot;--C. + Lefébure;--Sauvage;--Boucault;--Massa, + menuisier;--Cotillon;--Saintard;--Marchand;--C. + Caron, arpenteur;--Chambon;--Gaumont; + Ricy;--Paul Sualem,--Boursin;--Proust;--Fosset;--Grandhomme, + chirurgien;--Tournay;--Paillard;--Thévenet, + chirurgien,--Pinault;--Bara. + + Somme 7,245 18 6 + + A remarquer: + + Pierre Brady mène dans une voiture + un modèle de manivelle de + Paris à Maubeuge et de Maubeuge + à Chimay. + + + _Pavés et moellons dans les îles, proche la machine et + à la machine._ + + DU 25 MARS AU 9 DÉCEMBRE 1685. + + A Sylvain Mercier,--Léonard Lamoureux,--Ant. + Gargot,--Fr. + Legrand,--G. Marchand,--Fr. + Vatel. + + Somme 10,056 l. 14 s. 2 d. + + _Ouvriers à journées._ + + DU 31 DÉCEMBRE 1684 AU 16 DÉCEMBRE 1685. + + Aux ouvriers qui ont travaillé à la + construction et entretien de la + machine de la rivière de Seine. 29,235 9 3 + + _Clôture de la machine._ + + DU 11 MARS AU 16 DÉCEMBRE 1685. + + A J. Fay, pour les ouvrages de + clôture 22,900 » » + + _Réservoir de Louveciennes._ + + DU 11 MARS AU 16 DÉCEMBRE 1685. + + A Jean Bailly et Louis Rocher, pour + ouvrages de maçonnerie 180,000 » » + + _Vitrerie dans les puisards et aux magasins de la machine._ + + DU 20 MAI AU 16 DÉCEMBRE 1685. + + A Cl. Cossette 300 » » + + _Menuiserie à la cour de la machine._ + + 1er juillet.--A Michel Dubois 300 » » + + _Grosse peinture._ + + 21 octobre.--A J.-B. Fauconnier, + pour ouvrages de peinture aux + portes et croisées des magasins + et puisards 160 l. » s. » d. + + _Cordages pour les équipages des puisards._ + + 4 novembre.--A E. Langlois, + cordier 150 » » + + _Bois de provision pour les magasins de la machine._ + + 18 novembre.--A Ragalus, marchand 300 » » + + ANNÉE 1686. + + Recettes: + + 17 janvier.--Du sieur de Bartillat, garde du trésor + royal, 6,000 l., pour délivrer au sieur _de Ville_, gentilhomme + liégeois, pour gratification en considération + de ses soins pour la construction de la machine de la + rivière de Seine pendant l'année 1685. + + 6,000 l. » s. » d. + + 6 février.--Du sieur de Bartillat, 7,723 l. 7 s. 9 d., + pour employer au remboursement des terres, vignes + et autres héritages appartenant à divers particuliers + occupés par l'aqueduc qui conduit les eaux des sources + de la Celle et de Bougival au premier puisard de la + machine de la rivière de Seine, en la largeur d'une + perche sur toute la longueur pour le fond. + + 8 février.--Du sieur de Bartillat, 120,533 l. 6 s., pour + employer au remboursement du prix principal et non-jouissances + des terres, prés, bois et vignes appartenant + à divers particuliers, lesquels sont occupés par + la grande pièce d'eau que Sa Majesté a ordonné être + faite l'année dernière dans les hauteurs de Louveciennes;--par + les deux rigoles faites dans lesdites + hauteurs qui conduisaient les eaux dans les étangs des + Graissets;--par les quatre étangs des Graissets;--par + les bois plantés dans les plaines du Trou-d'Enfer + et dans les hauteurs de Rocquencourt;--par l'avenue + qui conduit de Versailles à Saint-Germain depuis Rocquencourt + jusqu'à l'étang de Béchevet;--et par l'espace + qui est entre ladite avenue et les murs du Grand-Parc;--par + les terres occupées par la grande pépinière + qui est au-dessus de Rocquencourt:--par les rigoles + qui conduisaient les eaux des hauteurs de Rocquencourt + dans les étangs des Graissets;--par l'aqueduc + qui conduit les eaux de la machine au réservoir du + Chesnay;--et par une partie de l'aqueduc nouvellement + fait pour conduire les eaux de la machine dans + le réservoir de la butte de Montbauron, jusqu'à l'endroit + du puits de l'angle qui est au-dessus du Chesnay;--et + encore pour l'indemnité du droit de dimes et les + non-jouissances qui étaient dues aux sieurs de Luciennes, + comme gros décimateurs dans la paroisse sur + cinq cents arpents de terre labourable et vignes qui + sont occupés par les travaux que Sa Majesté a fait faire + dans les hauteurs de Marly, de Luciennes, et dans + l'enceinte de la machine. + + 12 juillet.--Du sieur de Bartillat, pour délivrer au sieur + _de Ville_, par gratification, en considération des soins + qu'il a pris pour la construction de la machine de la + rivière de Seine 100,000 l. » s. » d. + + Dépenses. + + _Fonds libellés._ + + 27 janvier 1686.--Au sieur _de + Ville_, gentilhomme liégeois, par + gratification, en considération de + ses soins pour la construction de + la machine de la rivière de Seine + pendant l'année dernière 6,000l. » s. » d. + + 17 février.--A divers particuliers + pour le remboursement des terres, + vignes et autres héritages + à eux appartenant, occupés par + l'aqueduc qui conduit les eaux + des sources de la Celle et Bougival + au premier puisard de la + machine de la rivière de Seine 7,723 7 9 + + A divers particuliers, pour + remboursement du prix + principal et non-jouissances + des héritages occupés par + les quatre étangs des Graissets + et autres travaux faits + sur les hauteurs de Luciennes 120,533 6 » + + 28 juillet.--Au sieur _de Ville_, par + gratification, en considération des + soins qu'il a pris pour la construction + de la machine de la rivière + de Seine 100,000 » » + + 27 octobre.--A Noël, serrurier, + à-compte des tréteaux de fer pour + les conduites de tuyaux dans + l'aqueduc sous la tour de la machine 800l. » s. » d. + + A Lahaye, plombier, à-compte + des tuyaux de 6 pouces posés + dans le deuxième puisard + de la machine au haut + de la montagne de Luciennes 2,400 » » + + Au sieur Mezeret, greffier de + l'écritoire, à-compte du travail + aux toisés d'ouvrage de + la machine de Marly 400 » » + + A Morel, serrurier, sur les fers + d'équipages aux pompes du + deuxième puisard de la machine 300 » » + + 1er décembre.--A Menoist, marchand + de fer, à-compte des chevrons + de fer de la machine 800 » » + + A Aubert, charpentier, à-compte + des pieux qu'il a + fait battre pour contre-garder + les îles, et à la chute + de la grande digue de la + machine 3,100 » » + + A la veuve Lemaire, fondeur, + pour payement de deux robinets + pour la conduite des + eaux de la machine 237l. 16 s. » d. + + A Bertin, pour moellons à la + machine 600 » » + + A Mathieu, fondeur,à-compte + des tambours, tuyaux coudés + et passières de cuivre, + fournis pour les mouvements + de la machine 600 » » + + Au sieur Desvaugoins, sur les + tuyaux de la machine 1,000 » » + + _Payements d'ouvrages de maçonnerie et terrasses._ + + A Aubrat, entrepreneur, pour payement + d'un bout d'aqueduc qui + sert de communication du puits + de l'Angle aux grands aqueducs + venant des Graissets 390 » » + + A lui,--pour payement de 1,597 l. + 10 s. à quoi montent le gravoillage + pour poser le ciment aux + aqueducs venant du regard au-dessus + des étants des Graissets 17 10 » + + _Aqueduc pour la communication des deux proche le puits + de l'Angle._ + + Du 29 septembre au 22 décembre.--A + Lafosse, sur l'aqueduc pour + la décharge des eaux de la machine + de la Chaussée 950 » » + + _Gages payés par ordonnance._ + + DU 6 JANVIER 1686 AU 18 JANVIER 1687. + + A _Rennequin-Sualem_, charpentier + liégeois, employé à la machine. 1,800 l. » s. » d. + + A Miché, menuisier liégeois, employé + à la machine. 720 » » + + A Monget, qui a soin d'apporter la + hauteur des eaux de la machine. 900 » » + + MACHINE DE MARLY. + + _Maçonnerie._ + + DU 3 MARS AU 8 DÉCEMBRE 1686. + + A J. Delarive,--à J. Fay,--à J. + Frades,--à Ant. Hémon,--Bailly-Lamoureux,--Pottier. + + Somme. 21,902 17 6 + + _Terrasses._ + + A J. Chapeau,--Depautre,--Cherfils. + + Somme. 7,327 10 » + + _Charpenterie._ + + A Raoul de Pierre et J. Aubert,--Laporte,--Claude + Garde,--Nicolas Roussel. + + Somme. 23,757 16 » + + _Couverture._ + + A Étienne Yvon. 1,100 » » + + _Menuiserie._ + + A Nicolas Dubois,--Elisabeth Breton,--Gilles + Massa. + + Somme. 6,691 l. 2 s. 8 d. + + _Ouvrages de fer._ + + A J. B. Boileau,--Cormieux,--J. Rouillé,--F. + Michel,--d'Arche,--Guerreau,--Noël. + + Somme. 8,732 3 9 + + _Manivelles._ + + A J. Proust,--G. Longuet,--J. Longuet,--C. + Jean,--A. Fordrin + et Boulet,--F. Pasquier,--P. + Noiret,--Menoist,--Th. + Cucu,--Morel,--V. Morel,--Renault. + + Somme. 132,024 6 » + + _Ouvrages de cuivre._ + + A J. Royer,--Dezeustres. + + Somme. 27,500 » » + + _Plomberie._ + + A J. Lucas. 3,000 » » + + _Ouvrages de goudron._ + + A M. Deschamps. 2,050 » » + + _Braye._ + + A Clerx. 349 2 » + + _Chandelle_. + + A Haulmoire. 1,189 l. 1 s. 6 d. + + _Corps de pompe d'Aulne_. + + A Cimery. 112 7 6 + + _Cuirs de vaches_. + + A J. Pays. 576 » » + + _Loyers de maisons_. + + A Th. Chevalier,--Malherbe,--Raffront. 169 10 » + + _Pavé_. + + A Georges,--Legrand. 4,360 1 » + + _Ouvrages extraordinaires_. + + A divers ouvriers. 4,886 8 8 + + Ouvriers à journées. 19,719 12 » + + _Vitrerie_. + + A Cl. Cosset. 79 16 6 + + _Grosses peintures_. + + A J.-B. Fauconnier. 210 » » + + _Potin_. + + A Noiret. 7,922 » » + + _Cordages_. + + A E. Langlois. 292 10 » + + + ANNÉE 1687. + + RECETTES. + + De M. Gédéon Dumetz, garde du Trésor royal, 9,000 l., + pour délivrer au sieur _de Ville_, savoir: 6,000 l. par gratification, + en considération des soins qu'il a pris de la + machine de la rivière de Seine pendant l'année dernière + 1686, et 3,000 l. de pension extraordinaire que Sa Majesté + lui a accordées pendant les derniers mois de la + même année. + + DÉPENSES. + + _Dépenses extraordinaires de Versailles._ + + DU 5 JANVIER AU 21 DÉCEMBRE 1687. + + Au sieur _de Ville_, gentilhomme liégeois, pour achat et + frais de voiture de cinquante-un lauriers de Flandre, + pour Versailles. 1,274 l. 10 s. » d. + + _Fonds libellés_. + + DU 9 JANVIER 1687 AU 19 JANVIER 1688. + + Au sieur _de Ville_, 6,000 l., en considération + des soins qu'il a pris + de la machine de la rivière de + Seine pendant l'année 1686, et + 3,000 l. de pension extraordinaire + pendant les six derniers mois de + la même année. 9,000l. » s. » d. + + MACHINE DE MARLY. + + Maçonnerie. + + A Larue,--J. Fay,--J. Bailly,--Le + Boisselier. 121,960 » » + + _Terrasses_. + + A Bourienne,--de Pautre,--Cherfils,--J. + Frades,--Hémont. + + Somme. 5,184 l. 16 s. 3 d. + + _Charpenterie_. + + A Raoul de Pierre (dit Laporte),--J. + Aubert. 21,997 14 » + + _Couverture_. + + A E. Yvon. 511 10 7 + + _Menuiserie_. + + A M. Dubois,--Berton,--Nivet. 1,507 14 5 + + _Serrurerie_. + + A J. Rouillé. 392 6 » + + _Charbon_. + + A P. Dailly. 154 10 » + + _Fers d'équipages_. + + A F. Noël,--Longuet. 1,833 9 » + + _Clous et cuirs forts_. + + A J. Proust. 2,836 19 » + + _Manivelles_. + + A Longuet,--Gordrin. 2,347 16 » + + _Ouvrages de fer_. + + A M. Deseustres,--Noiret,--Menoist. 3,450 » » + + _Entretien de la serrurerie de la machine._ + + A Renault,--Morel. 14,784 l. 12 s. » d. + + _Ouvrages de cuivre._ + + A J. Royer. 28,630 19 1 + + _Plomberie._ + + A J. Lucas. 6,600 » » + + _Goudronages._ + + A M. Deschamps,--Levasseur, + calfatiers. 2,576 17 4 + + _Chandelles et pots à brûler._ + + A Haulmoir. 750 » » + + _Vitrerie._ + + A Cossette. 119 1 » + + _Pavé._ + + A Renoult. 500 » » + + _Peinture._ + + A Fauconnier. 120 » » + + _Diverses dépenses._ + + A divers fournisseurs. 1,454 2 1 + + Remis au sieur Lebegue, sur les + réparations de la machine. 12,021 » » + + _Cordages._ + A Langlois, cordier. 310 10 » + + _Ouvriers à journées._ + + A divers ouvriers. 17,498 1 » + + _Gages_. + + Au sieur Cochu, employé au toisé + des terres à la machine. 3,600 l. » s. » d. + + Au sieur _Rennequin-Sualem_, employé + à la machine. 1,800 » » + + A Mauger, qui a soin d'apporter la + hauteur des eaux. 900 » » + + Au sieur de la Maison-Blanche, employé + au magasin de la machine. 900 » » + + _Gratifications_. + + 9 janvier.--A Gilles Lambotte et + _Rennequin-Sualem_, qui ont travaillé + aux pompes et à la machine + à cheval de Saint-Cyr. 115 » » + + 9 janvier.--Au sieur Proust, courrier + de la poste à Liége, en considération + des soins qu'il a pris + des envois faits pour la machine + de Seine. 150 » » + + ANNÉE 1688. + + Recettes. + + De M. Étienne Jehannot, sieur de Bartillat, 12,000 l. + pour délivrer air sieur _de Ville_, savoir: 6,000 l. par + gratification en considération des soins qu'il a pris de + la machine de la rivière de Seine pendant l'année + 1687, et 6,000 l. de pension extraordinaire que Sa Majesté + lui a accordées pendant la même année. + + + _Fonds libellés_. + + 25 janvier.--Au sieur _de Ville_, savoir: par gratification + en considération des soins qu'il a pris de la machine + de la rivière de Seine, et de pension extraordinaire que + Sa Majesté lui a accordée. 12,000 l. » s. » d. + + A la veuve Nicolas de Bise, pour + payement de la dépense du + changement et transport du + moulin à vent situé vis-a-vis + des piles du grand aqueduc + de la machine, et rétablissement + d'icelui a un autre endroit + des environs de Marly. 3,074 10 » + + + Il résulte de ce relevé des dépenses + de la machine, qu'en + 1681 et 1682 elles s'élevèrent à 923,558 12 7 + En 1683 970,828 1 11 + En 1684 713,776 2 7 + En 1685 678,183 5 6 + En 1686 415,183 13 » + En 1687 248,957 7 9 + En 1688 3,074 10 » + ____________________ + Total 3,953,561l. 13s. 4d. + + +NOTE Nº 2. + +Il existe dans le cabinet de M. Dufrayer, directeur actuel de la +machine, à qui nous devons l'établissement du nouvel instrument +hydraulique de la Seine, un plan magnifique de l'ancienne machine de +Marly. + +Nous transcrivons ici le titre et la légende qui l'accompagnent. Ce +titre est orné d'un très-bel encadrement et surmonté d'un portrait de +Louis XIV, le voici: + +VEUE DE LA MACHINE DE MARLY + +qui élève l'eau de la rivière de Seine et de plusieurs sources, 535 +pieds par des mouvements continuez, 530 toises de longueur pendant 700 +toises de chemin. + +Cette machine sert à embellir les maisons royales de Versailles, de +Trianon, de Marly, et peut servir à Saint-Germain en Laye. + +Elle a été construite par ordre du Roy, sur les projets et par la +direction de M. le baron de Ville. + + + LÉGENDE. + + 1º Rivière neuve faite pour la navigation. + + 2º Ouvrages construits pour garantir les îles contre la rivière. + + 3º Iles. + + 4º Digues sèches pour entretenir les niveaux de la rivière et + préserver les îles. + + 5º Grande digue qui barre l'ancien cours de la rivière. + + 6º Coffre pour renvoyer la chute de la rivière dans son ancien + cours, et amortir l'impétuosité de la chute de la rivière du bas de + la digue. + + 7º Digue sèche faite au travers des îles pour arrêter les grandes + inondations et barrer un ancien bras de la rivière. + + 8º Épaulement contre les glaces, qui sert de soutien à la machine. + + 9º Éperon contre les glaces. + + 10º Canal devant la machine où passaient anciennement les bateaux. + + 11º Canal au-dessous de la machine. + + 12º Grilles contre les glaces. + + 13º Pont des grilles. + + 14º Pont des vannes. + + 15º Toit qui couvre les équipages des vannes. + + 16º Huit balanciers en bascule, qui élèvent l'eau de la rivière par + le moyen chacun de huit corps de pompes, de sept pouces de diamètre + et de cinq pieds de jeu. + + 17º Conduites posées crainte du feu, lesquelles arrosent toute la + machine. + + 18º Vingt gros balanciers, ou varlets, qui tiennent aux manivelles, + pour donner les mouvements aux chaînes. + + 19º Quatorze roues de trente-sept pieds de diamètre. + + 20º Treize rangées de balanciers, qui portent les mouvements des + roues dans les puisards supérieurs et alternatifs. + + 21º Sept rangées de balanciers, qui portent les mouvements des + manivelles aux puisards d'amy-côte et aux puisards des sources. + + 22º Estacade pour guider les glaces sur la grande digue. + + 23º Maison du contrôleur et magasin. + + 24º Chemin de Saint-Germain. + + 25º La forge d'en bas, d'amy-côte, avec les supérieures, la + fonderie et le magasin. + + 26º Les puisards d'amy-côte, et celui alternatif. + + 27º Puisards des sources. + + 28º Réservoir des sources. + + 29º Réservoir d'amy-côte. + + 30º Puisard supérieur, où il y a treize équipages qui font aller + quatre-vingt-deux corps de pompes sur la tour. + + 31º Conduites qui portent l'eau sur la tour. + + 32º Réservoir du baron de Ville. + + 33º La tour où sont portées les eaux de la machine. + + 34º Aqueduc qui conduit les eaux dans les réservoirs. + + 35º Pavillon, basse-cour et jardin de M. le baron de Ville. + + 36º Les trois portes de la machine. + + 37º Réservoir de Luciennes. + + 38º Réservoir du Trou-d'Enfer. + + 39º Les trois réservoirs de Marly. + + 40º Chemin de Versailles a Marly. + + 41º Château de Marly. + + 42º Chapelle de Marly. + + 43º Les douze pavillons de Marly. + + 44º L'église de Marly, dite Saint-Vigor. + + 45º Le Chenil. + + 46º Les jardins de Marly. + + 47º Le grand parc de Marly. + + 48º La maison et jardin de M. de Cavois. + + 49º L'église et le village de Luciennes. + +Cette machine a été inventée et exécutée par M. le baron de Ville, +dessinée par Liévin Creuil, en 1688, gravée en 1708, et finie en 1716, +par Pierre Giffart, graveur du roy. Elle se vend a Paris, chez ledit +Giffart, rue Saint-Jacques, à l'Image Sainte-Thérèse, avec privilège du +roy. + + +NOTE Nº 3. + +_Extrait du journal de Dangeau._ + +Tome Ier.--Mardi, 13 juin 1684. + +Le roi et monseigneur allèrent a Marly, qu'on trouva fort avancé; +ensuite on passa aux regards de M. de Ville, pour voir arriver les eaux. + +Tome Ier.--Vendredi, 10 août 1685. + +Le roi alla se promener à cheval à la machine de M. de Ville. + +_Extrait de la_ Gazette de France _de_ 1682, _page_ 358. + +De Versailles, le 26 juin 1682. + +Ces jours passez, le roy alla voir les travaux que le sieur de Ville, +gentilhomme et échevin de Liége, fait faire sur la Seine afin d'élever +l'eau de cette rivière quatre cent soixante-dix pieds de haut pour estre +conduite ici, et la première épreuve en fut faite en présence de Sa +Majesté avec beaucoup de succez. + + +NOTE Nº 4. + +Vauban, chargé par le roi de visiter la machine de Marly, donne une +instruction pour établir une estacade biaise devant la machine afin de +diriger les glaces sur la grande digue, et pour refaire certaines +parties des digues. + +Cette instruction est signée de lui, et datée du 27 février 1684. Il y +parle de de Ville comme chef de la machine. + +Le devis, pour faire cette estacade, est signé par Pierre Delaporte, +entrepreneur, et par le marquis de Louvois. + +Ces deux pièces font partie des archives de la machine de Marly. + +Nous devons la communication de ces pièces, et de toutes celles qui +proviennent des archives de la machine, à l'obligeance de M. Dufrayer, +directeur actuel, qui nous a permis de visiter un à un tous les cartons +renfermés dans ces archives. + + +NOTE Nº 5. + +Procès-verbal et état général des terrains situés dans les îles +appartenant à divers particuliers et dont le roy a fait l'acquisition +pour l'élargissement de la rivière neuve. + +L'an mil six cent quatre-vingt-un, onzième jour de mai et jours +suivants, je, Claude Caron, arpenteur ordinaire du roy, et la maîtrise +des eaux et forêts de Saint-Germain en Laye, demeurant a Paris, rue de +Jouy, paroisse Saint-Paul, de présent a Louveciennes, commis par Sa +Majesté pour faire ces mesurages et arpentages, plans figurés et cartes +des bois et terres dans l'étendue des environs de Versailles, dont Sa +Majesté acquiert la propriété, me suis transporté suivant l'ordre de +messire Jean-Baptiste Colbert, chevalier, etc., conseiller du roy, +ordinaire, etc., sur la terre de Croissy, dans les îles côtoyantes le +bras de la rivière de Seine, en présence de M. Lambert, architecte et +contrôleur des bâtiments de Sa Majesté, qui m'avait montré et désigné +les piquets qu'il avait fait planter pour élargir iceluy, pour faire un +canal navigable _à cause de la machine qui se devait construire dans la +rivière pour élever l'eau au château de Versailles_, afin de connaître a +la suite ce qui aurait été pris par la fouille qui en sera faite par +ledit élargissement, en conséquence de quoi j'ai mesuré, arpenté et levé +le plan, tant dudit bras de Seine que des îles, prés et terres +adjacentes, dont j'ai fait une carte et figures pour servir en temps et +lieu. + +Et le vingtième jour d'octobre et jours suivants, je me suis d'abord +transporté aux susdits endroits (_le canal étant entièrement fini et +navigable_), pour faire l'arpentage final de ce qui a été pris par ledit +élargissement d'iceluy et ce qui est occupé par les terres et vidanges +qui en proviennent et par le chemin fait pour le tirage des bateaux, +tant sur la terre de la seigneurie de Croissy que dans les îles +appartenant a plusieurs particuliers dont le roy acquiert la propriété +afin de les en dédommager. + +Et le douzième jour de janvier 1682 et jours suivants, je me suis +pareillement transporté, suivant l'ordre de mondit seigneur, _à la +machine qui a été faite depuis ledit temps pour élever l'eau au château +de Versailles_, où étant, j'avais trouvé _M. de Ville, ingénieur de +ladite machine_, avec ledit sieur Lambert, qui m'avaient montré et +désigné les endroits où devaient passer les mouvements d'icelle, +puisards et conduites des eaux jusques aux étangs des Gressets, comme +aussi les rigoles et conduites des eaux de Bougival, Louveciennes et +Prunay, qui descendent au premier puisard pour être enlevé avec l'eau de +ladite rivière, afin de faire aussi l'arpentage des terres et vignes qui +pouvaient être occupées, et considérer ces choses en l'état qu'elles +pouvaient être, afin d'en faire au juste l'estimation, pour parvenir au +remboursement que Sa Majesté en doit aussi faire; et auparavant de +procéder, j'avais fait publier aux prônes des paroisses, afin d'avertir +les particuliers a qui appartiennent lesdits héritages de venir montrer +les limites et séparations d'icelles terres, tenants et aboutissants, et +au défaut de plusieurs qui ne seraient comparus, j'aurais eu recours aux +anciens habitants des lieux qui m'auraient fait la démonstration +d'iceux, en même temps j'ai fait marquer les séparations desdites terres +et ensuite mesurer et arpenter suivant la désignation qui en a été +faite. + +Et le quinzième jour de février 1683, je me suis d'abord transporté avec +ledit _sieur de Ville dans les îles de la rivière de Seine et les terres +adjacentes de la machine, pour marquer l'étendue qu'il désirait être +prise pour Sa Majesté étant occupée et partagée par l'augmentation des +chevalets, puisards, réservoirs, aqueducs, conduites de tuyaux, +bâtiments et autres travaux faits et iceux_. Après avoir le tout +considéré, _j'aurais fait planter des piquets aux endroits marqués par +ledit sieur de Ville_, afin de faire l'arpentage et mesurage desdites +terres, comme celles ci-devant, ce que j'aurais exécuté et aurais, après +ledit mesurage, _fait faire des fossés pour marquer la séparation des +terres dont Sa Majesté acquiert la propriété_ dans celles qui restent +aux particuliers _suivant l'ordre dudit sieur de Ville_, dont six pieds +au delà dudit fossé appartenant pareillement à Sadite Majesté, qui ont +été laissés pour servir de chemin et passage; de toutes et chacune +desdites terres et autres héritages ci-devant déclarés, j'ai fait plan, +et figures, le tout coté et par chiffres comme au présent procès-verbal, +dont la teneur et déclaration en suit. + +Suit le détail des différentes terres et leur contenance. + +Extrait des archives de la machine de Marly. + + +NOTE Nº 6. + +Pentes des rivières de Seine depuis 100 toises au-dessus de la pointe de +Bezons jusques à la machine, dont toutes les pentes et les longueurs +sont prises a l'égard desdites 100 toises. + + Toises. Pieds. Pouces. Lignes. + + 100, pointe de Bezons » 2 » + + 130, milieu de l'ancienne digue + de la pointe A » 5 6 + + _Id._ ancienne rivière,--A » 1 » + + 200, milieu de la digue de Bezons.» 7 » + + _Id._ ancienne rivière » 1 6 + + 300, nouvelle » 9 6 + + 400, _id._ » 11 6 + + 500, _id._ 1 » 4 + + 600, _id._ 1 1 2 + + 700, _id._ 1 2 » + + 770, digue de la Morue 1 5 » + + _Id._ ancienne rivière » 4 » + + 800, nouvelle 1 5 8 + + 900, _id._ 1 6 6 + + 1,000, _id._ 1 8 » + + 1,200, pointe de la petite île de + Carrière 1 9 4 + + 1,400, petite porte des jardins de + Carrière 1 10 8 + + 1,600, nouvelle 2 » » + + 1,800, _id._ 2 1 2 + + 2,000, nouvelles perches pour le + poisson 2 2 4 + + 2,200, nouvelle. 2 3 » + + 2,350, le dessus du pont de Chatou. 2 3 6 + + 2,400, milieu de la digue de Chatou. 2 4 3 + + _Id._ ancienne rivière. 1 10 6 + + 2,600, nouvelle. 2 7 6 + + 2,800, _id._ 3 1 » + + 3,100, milieu de la digue de Croissy. 3 8 9 + + _Id._ ancienne rivière. 2 1 » + + 3,200, nouvelle. 4 » 6 + + 3,400, _id._ 4 9 3 + + 3,600, _id._ 5 4 6 + + 3,800, _id._ 5 9 9 + + 3,900, digue de la Chaussée. 5 11 » + + _Id._ ancienne rivière. 2 4 » + + 4,000, nouvelle. 6 1 » + + 4,250, nouvelle vis-à-vis la machine. 6 4 » + + _Id._ ancienne au-dessus de la machine. 2 6 » + + _Id._ ancienne sous la machine. 6 8 9 + + Pointe de Bezons. » 2 3 + + Ancienne digue de la pointe, + nouvelle rivière. » 8 6 + + Ancienne rivière. » » » + + Digue de Bezons, nouv. riv. » 10 9 + + Ancienne rivière. » » 3 + + Digue de la Morue, nouv. r. 1 8 2 + + Ancienne rivière. » » 3 + + Digue de Chatou, nouv. riv. 1 11 4 + + Ancienne rivière. 1 8 4 + + Digue de Croissy, nouv. riv. 4 1 2 + + Ancienne rivière. 2 1 8 + + Digue de la Chaussée, n. r. 6 2 2 + + Ancienne rivière. 2 2 6 + + Nouvelle rivière vis-à-vis la + machine. 6 10 » + + Ancienne rivière au-dessus + de la machine. 2 7 4 + + Ancienne rivière au-dessous + de la machine. 7 1 4 + +Pentes des rivières de Seine, depuis 100 toises au-dessus de la pointe +de Bezons, jusqu'à la machine, toutes lesdites pentes et les longueurs +étant prises à l'égard desdites 100 toises.--La digue n'étant pas +fermée. + + Longueurs. Pieds. Pouces. Lignes. + + 100, pointe de Bezons, anc. riv. » 2 » + + _Id._ _id._ nouv. r. » 2 » + + 130, ancienne digue de la pointe, + ancienne rivière. » 1 » + + _Id._ ancienne digue de la pointe, + nouvelle rivière. » 5 » + + 200, digue de Bezons, anc. riv. » 1 6 + + _Id._ _id._ nouv. r. » 7 » + + 770, digue de la Morue, anc. riv. » 4 » + + _Id._ _id._ nouv. r. 1 5 » + + 2,400, digue de Chatou, anc. riv. 1 10 6 + + _Id._ _id._ nouv. r. 2 4 3 + + 3,100, digue de Croissy, anc. riv. 2 7 » + + _Id._ _id._ nouv. r. 3 8 9 + + 3,900, digue de la Chaussée; a. r. 2 4 » + + _Id._ _id._ n. r. 5 11 » + + 4,250, Ancienne rivière au-dessus + de la machine. 2 6 » + + Nouvelle rivière vis-à-vis la + machine. 6 4 » + + Ancienne rivière au-dessous + de la machine. 6 8 9 + +Les divers devis pour les digues sont de l'année 1681, et signés de +Colbert. + +Extrait des archives de la machine de Marly. + + +NOTE Nº 7. + +Les renseignements suivants ont été pris dans les archives de la machine +de Marly: + +1º La tour en pierre et l'aqueduc de Louveciennes ont été construits en +1684, sur les plans et sous la direction de Mansart. Les devis de ces +constructions, signés de lui, sont aux archives de la machine. + +2º Dans un rapport de M. Lucas, contrôleur de la machine, adressé en +janvier 1784 à M. le comte d'Angeviller, on trouve l'observation +suivante sur la cause qui fit élever la tour: + +«Le point capital de l'établissement de la grande tour a été d'y monter +l'eau de la rivière, afin de dominer tous les endroits où cette eau +communique.» + +3º Dans une note sur les contrôleurs, qui paraît aussi avoir été écrite +par M. Lucas, on lit: + +«M. Delespine père, contrôleur de la machine, l'a été environ +quarante-quatre ans; il est entré au département de la machine en 1707, +sous le règne de Louis XIV, et sous le gouvernement du chevalier Arnold +de Ville, qui n'est mort qu'en 1722. Il était gouverneur (M. de Ville) +depuis le commencement de la machine, et a été le seul qu'il y ait eu +dans ce département.» + +Et plus loin: + +«Après M. Lambert, qui a été le premier contrôleur, c'est M. _Cochu_ qui +l'a remplacé. Il était ingénieur des fortifications que l'on faisait +dans ce temps a Maubeuge, et c'est le chevalier de Ville qui l'a tiré de +cet endroit pour le faire venir à la machine.» + +4º En 1792, M. Gondouin, contrôleur, adresse à M. Laporte, intendant de +la liste civile, un rapport dans lequel il fait l'historique suivant des +officiers de la machine: + +«Lors de la construction de la machine, en 1680, le sieur de Ville, +mécanicien et inventeur de la machine, en fut nommé le gouverneur, avec +18 à 20,000 livres, et le logement du pavillon de Luciennes, occupé +aujourd'hui par madame du Barry. Les sieurs Lambert, Petit et Cochu, +successivement contrôleurs, jusqu'en 1683, eurent 4,000 livres +d'appointements, et 1,000 livres de gratification. Le sieur Delespine +père eut le même traitement jusqu'en 1742, où il fit recevoir son fils +adjoint à sa place, et demanda que sur les 4,000 livres de traitement il +en fût donné 1,000 livres a son fils. A la mort de M. Delespine père, le +fils lui succéda jusqu'en 1749, et il n'eut plus pour appointements que +3,000 livres et 1,000 livres de gratification. Le sieur Tarbé succéda au +sieur Delespine fils en 1749, avec les mêmes appointements jusqu'en +1754, où il obtint de commuer en pension sa gratification de 1,000 +livres. Le sieur Lucas succéda au sieur Tarbé en 1768, et n'eut plus que +3,000 livres, sans aucune espèce de gratification, ce qui est mon +traitement actuel.» + +5º Les personnes qui attribuent à Rennequin l'invention de la machine +donnent comme une preuve les faveurs du gouvernement envers sa famille; +et ils racontent qu'une demoiselle Lambotte, presque centenaire, et +petite-nièce de Rennequin, était logée aux bâtiments de la machine, et +jouissait d'une pension prise sur les fonds affectés à l'entretien de +l'établissement. On va voir par la lettre ci-après quelles étaient ces +faveurs du gouvernement. + +Lettre du sieur Lucas, contrôleur de la machine, à M. le comte +d'Angeviller: + +«Monsieur le comte, + +»J'ai l'honneur de vous informer du décès de mademoiselle Marie-Benoist +Lambotte, fille d'un ancien inspecteur de ce département, qui jouissait +d'un petit logement dans les mansardes au-dessus de celui de +l'inspecteur actuel, et d'une pension de 400 livres sur le trésor royal. + +»Je suis, etc.» + +C'était là une faveur que l'on accordait a toutes les femmes des +employés de la machine morts en exercice. + + +NOTE Nº 8. + +Renseignements sur de Ville et Rennequin, puisés dans divers ouvrages: + +1º Curiosités de Paris, de Versailles, Marly, Vincennes, Saint-Cloud et +ses environs, par Claude Saugrain; Paris, 1716. + +Cette machine (de Marly) étonnante _a été inventée par le chevalier de +Ville_, et n'a sûrement jamais eu de pareille dans le monde. + +2º Nouvelle description des châteaux et parcs de Versailles et de Marly, +par Piganiol de la Force; Paris, 1764. + +La grosseur de ce volume, dit Piganiol, suffirait à peine pour en +décrire la construction (de la machine), les mouvements et les effets. +Peu de gens sont d'ailleurs capables de les comprendre, puisque _M. de +Ville assure qu'il n'a presque trouvé que feu M. le maréchal de Vauban +qui, en voyant ce merveilleux ouvrage, en ait connu la plupart des +effets_. + +3º Dictionnaire géographique, historique et politique des Gaules et de +la France, par l'abbé Expilly; Amsterdam, 1766. + +_Cette machine a été inventée par le chevalier de Ville_. + +4º État de la France.--Janvier 1708. + +La machine de Marly, qui fournit d'eau de la rivière de Seine les +châteaux de Marly, de Versailles et de Trianon. + +_M. le baron de Ville_ a le gouvernement et la direction de cette +machine, lequel a d'appointements et de pension 12,000 livres. + +Entretien de la ferrure des pistons et de la serrurerie des bâtiments, +le sieur Lempérier. + +Entretien des ouvrages de cuivre, le sieur Lemoine. + +Entretien des couvertures des maisons dépendantes de la machine, le +sieur Charuel. + +Entretien des cuirs forts pour les pompes, le sieur Nolant. + +Entretien de la maçonnerie, du moellon et cailloux des digues, le sieur +Loison. + +Entretien des vitres, le sieur Cosset. + +Entretien du pavé des puisards, le sieur Regnout. + +Un contrôleur, M. Delespine. + +Un garde-magasin, le sieur Creté. + +Un charpentier liégeois, le _sieur Rennequin_. + +Les fêtes et dimanches, les Récollets viennent dire la messe à cette +machine pour les ouvriers. + + +NOTE Nº 9. + +L'ARRIVÉE DE LA SEINE AU CHATEAU DE MARLY. + +Poëme, par M. Cassan, _Mercure galant_, année 1699. + +L'auteur décrit d'abord le cours de la Seine avant son arrivée au +château de Marly.--Au moment où le fleuve se resserre par suite des +travaux d'endiguement, il décrit ainsi la machine: + + Mais enfin son penchant lui faisant violence, + L'entraîne dans ce lieu, malgré sa résistance, + Et fait voir à la nymphe, au delà du tournant, + Le formidable objet d'un travail surprenant. + Comme on voit en hiver la forêt des Ardennes, + Quand la bise a fait choir le feuillage des chênes, + Et chassé les voleurs de tous les défilés, + Présenter ses vieux troncs qui paraissent brûlés; + Ainsi se voit de loin la machine effroyable, + Ouvrage de nos jours, qui paraît incroyable, + Avec tout l'attirail de son corps hérissé + De rouage et de ponts, l'un sur l'autre exhaussé, + Dont les bras, s'étendant vers le haut de la côte, + Meuvent les balanciers comme on voit une flotte, + Que la vague entretient dans le balancement, + Incliner tous ses mâts à chaque mouvement. + Quoi! dit-elle en voyant la machine étonnante, + Serai-je donc contrainte à poursuivre ma pente, + Et me faire rouer parmi tous les ressorts + Que je vois remuer par de si grands efforts! + Non, non, dit-elle alors, la nymphe de la Seine + Se mêlera plutôt avec l'eau qui l'entraîne, + Et, par son changement, saura bien éviter + Les outrages cruels qu'elle voit apprêter. + Ainsi dit, à l'instant elle se rend liquide; + Son corps va se mêler avec l'onde rapide, + Et, dans le fil de l'eau, tâche de s'allonger, + Croyant par ce moyen éviter le danger. + Mais en vain, car aux ponts cent pompes aspirantes + L'enlèvent de son lit à reprises fréquentes, + Et la livrent ensuite aux pistons refoulants, + Qui font pour l'enlever des efforts violents. + Alors par ces efforts elle sent qu'elle monte + Vers le haut du coteau dans des tuyaux de fonte, + Qui vont la revomir au prochain réservoir, + Où cent autres tuyaux viennent la recevoir. + Là, les pistons changeant leur manière ordinaire, + Pressent de bas en haut par un effet contraire. + Elle reçoit le jour pour la seconde fois, + Et reprend en ce lieu l'usage de la voix, + Pour se plaindre en passant _du chevalier de Ville_ + Qu'elle voit sur sa gauche avec son air tranquille. + _Qui t'oblige_, dit-elle, _avec ton art maudit, + A venir malgré moi m'enlever de mon lit_? + A ces mots les pistons lui coupant la parole, + Le clapet la retient, s'ouvrant à tour de rôle, + Et la fait parvenir, après tant de détours, + Sur le haut du regard pour lui donner son cours. + De là sur l'aqueduc, sa pente naturelle + Lui fait prendre bientôt une route nouvelle. + Enfin elle descend par des tuyaux de fer + Dans un long réservoir appelé _Trou d'Enfer_. + +Après cette description, le poëte la fait arriver dans les jardins de +Marly, où, brillant d'un nouvel éclat, elle concourt à l'ornement des +jardins du grand roi. + +Ces vers sont reproduits dans _le Mercure de France_ d'avril 1739. + + +NOTE Nº 10. + +En 1681, Charles II d'Angleterre, sachant combien Louis XIV désirait +avoir de l'eau à Versailles, lui envoya sir Samuel Morland, célèbre +mécanicien anglais. Ce sir Morland fut d'abord employé par Cromwell à +des missions diplomatiques. Après le rétablissement de Charles II sur le +trône, il fut tout à fait dans les bonnes grâces du roi, qui le créa +baronnet, gentilhomme de la chambre privée, et le nomma maître des +mécaniques du roi. Il venait d'inventer une machine qui élevait l'eau de +la Tamise jusqu'à la plus haute corniche du château de Windsor, quand +Charles II, croyant faire plaisir au roi de France, lui envoya cet +ingénieur. En 1683, Morland fut reçu par Louis XIV, dans son château de +Saint-Germain, où il lui expliqua ses inventions. Il chercha à démontrer +au roi qu'à l'aide d'une mécanique beaucoup plus simple et bien moins +dispendieuse que la machine de Marly, il obtiendrait un résultat bien +plus satisfaisant, puisqu'il avait la prétention de faire arriver d'un +seul jet l'eau de la Seine sur les hauteurs de Louveciennes. Il paraît +que ses démonstrations ne convainquirent pas le roi, puisque l'on n'en +continua pas moins les travaux de la machine. Il fit un essai de son +invention au château du président de Maisons; cet essai n'eut point un +résultat favorable; il en explique la raison dans un ouvrage qu'il +publia en 1685, intitulé: + +Élévation des eaux pour toutes sortes de machines, réduites à la mesure, +au poids, à la balance, par le moyen d'un nouveau piston et corps de +pompe, et d'un nouveau mouvement cyclo-elliptique, en rejetant l'usage +de toute sorte de manivelles ordinaires.--Paris, Michallet, 1685, in-4º. + +Après avoir décrit sa nouvelle invention, il parle ainsi des +explications qu'il fit devant Louis XIV: + +«C'est par le moyen de cette nouvelle manière de piston, corps de pompe, +et mouvement cyclo-elliptique, que l'on peut aisément, et en peu de +temps, fabriquer une petite machine et la réduire à la mesure, au poids +et à la balance, conformément aux démonstrations oculaires et +convaincantes que j'ai eu l'honneur de montrer au roi, à Saint-Germain, +en l'année 1683. Et cette machine, dont la construction ne montera pas à +une grande somme, ni son entretien annuel à dix pistoles, peut pousser, +par la force d'un cheval, tout le produit d'eau de la fontaine de la +ville d'Avrée, jusqu'au haut du château de Versailles, d'ici à cent +années, tout au long du grand chemin, dans un tuyau de plomb d'environ +sept lignes de diamètre intérieur, et d'environ trois lignes et demie ou +quatre d'épaisseur.» + +Et plus loin, en parlant de l'essai qu'il fit au château de Maisons, il +dit: + +«Que si j'avais eu douze grandes roues pareilles, posées dans un +bâtiment d'un moulin, semblable à celui de Maisons, la où la rivière de +Seine aurait eu une pente de huit ou neuf pieds, j'aurais fait lever +plus de deux mille pouces d'eau à la hauteur perpendiculaire de quatre +cents pieds, par des machines qui auraient duré plus d'un siècle, sans +avoir coûté cinq cents pistoles par année pour les entretenir.» + +On voit ici une critique indirecte de la machine de Marly, dont +l'entretien annuel était fort coûteux. + + +NOTE Nº 11. + +Nous devons a l'obligeance de M. Parent de Rosan communication d'un +travail manuscrit de M. Stanislas Bormans, archiviste de Liége, sur +cette question controversée de l'auteur de la machine, d'où il résulte +les faits suivants relatifs à de Ville. + +De Ville, né le 15 mai 1653, était fils de Reynaud de Ville, bourgmestre +de Ville. Il passa la plus grande partie de sa jeunesse chez les comtes +de Marchin, seigneurs de Modave. C'est dans ce domaine qu'il fit +exécuter, avec Rennequin, la machine dont la célébrité engagea Colbert à +le faire venir à Versailles. Après la construction de la machine, il en +fut nommé gouverneur, et, Louis XIV lui ayant fait construire une +habitation, il resta en France. Mais il avait toujours les yeux tournés +vers son pays, et, a la mort du dernier comte de Marchin, il acheta la +terre des Modaves, dont il devint ainsi le seigneur, et y mourut le 22 +février 1722. + +M. Bormans a retrouvé dans l'église de Modave sa pierre tumulaire, +portant l'inscription suivante: + +Ci gist noble et illustre seigneur, Arnould de Ville, baron libre du +Saint-Empire romain, seigneur des Modaves, etc., né le 15 mai +1653,--mort le 22 février 1722. + +Il a retrouvé aussi son testament, dans lequel est ainsi consignée l'une +de ses volontés: + +J'ordonne que tous les ouvrages que j'ai composés, concernant les +constructions de la machine de Marly, soient imprimés suivant mes +_desseins_ (sic) en grand. + +Le dernier des comtes de Marchin, Ferdinand, vint en France à l'âge de +dix-sept ans, après la mort de son père. Capitaine-lieutenant des +gendarmes de Flandres, en 1673, on le voit s'élever de grade en grade +jusqu'à celui de maréchal de France, qui lui fut conféré en 1703. Il est +très-probable que, tenant déjà un rang distingué à la cour de France, il +fit savoir à Colbert, qui recherchait partout les moyens de faire venir +de l'eau à Versailles, l'établissement de la machine hydraulique +exécutée dans son domaine de Modave, par de Ville et Rennequin. Il +mourut sans postérité, à la suite d'une blessure qu'il reçut dans un +combat près de Turin, le 7 septembre 1706. Ce fut à cette époque et par +suite de l'extinction des comtes de Marchin, que le chevalier de Ville +se rendit propriétaire du domaine des Modaves, et que probablement il +reçut le titre de baron du Saint-Empire romain, attaché à quelques-unes +des terres de ce domaine, achetées par le père du dernier comte de +Marchin. Quoique devenu seigneur des Modaves, il n'en conserva pas moins +le titre de gouverneur de la machine de Marly jusqu'à sa mort, arrivée +le 22 février 1722. + + +NOTE Nº 12. + +FAMILLE DE VILLE. + +Anne-Léon de Montmorency, premier du nom, chef des noms et armes de sa +maison, baron de Fosseux, seigneur de Courtalain, Bois-Ruffin, le +Plessis, d'Arroue, etc., né en 1705, appelé le baron de Montmorency, +successivement capitaine-lieutenant de la compagnie des gendarmes +d'Anjou en février 1735, brigadier de cavalerie le 20 février 1743, +capitaine-lieutenant des gendarmes de la reine en décembre 1744; +maréchal de camp le 1er mai 1745; menin de feu M. le Dauphin en 1746; +lieutenant général des armées du roi le 10 mai 1748; nommé chevalier de +ses ordres le 2 février 1749; reçu le 25 mai suivant, et chevalier +d'honneur de Madame Adélaïde, en octobre 1750, fille de feu Louis XV, a +été nommé, le 21 octobre 1771, commandant en chef du pays d'Aunis.--Il a +épousé: _1º le 11 décembre 1730, Anne-Marie Barbe de Ville, morte en +couche le 13 août 1731, fille et unique héritière de feu Arnold de +Ville, chevalier, baron libre du Saint-Empire romain, etc., gouverneur +et directeur de la machine de Marly, dont il était l'inventeur, et +d'Anne-Barbe de Courcelles_; et 2º le 23 octobre 1752, +Marie-Madeleine-Gabrielle de Charette de Montebert, d'une ancienne +noblesse de Bretagne, veuve, en premières noces, de Louis de Serent, +marquis de Kerfily, et en secondes, de Henri-François, baron d'Avaugour, +comte de Vertus, etc. + + Extrait du Dictionnaire de la noblesse, par de la Chesnaye-Desbois, + tom. X, p. 411. + +Ajoutez à l'article de Anne-Léon de Montmorency: Il épousa, le 11 +décembre 1730, Anne-Barbe de Ville, morte à Paris le 13 août 1731, dans +sa dix-neuvième année, fille d'Armand, baron de Ville, et d'Anne-Barbe +de Courcelles, dont il eut [*] N. de Montmorency, né au mois d'août +1731. + + Extrait de l'Histoire généalogique de France, par le P. Anselme, + tom. IX, p. 417. + +[*] Ce fils fut Anne-Léon de Montmorency, deuxième du nom, appelé le +marquis de Fosseux, né le 11 août 1731; par son mariage en secondes +noces avec Charlotte-Anne-Françoise de Montmorency-Luxembourg, le 21 +septembre 1767, il a pris le titre de duc de Montmorency, que lui +apportait sa femme. + + Dictionnaire de la noblesse de la Chesnaye-Desbois, tom. IX, p. + 411. + + +MORTS DANS LE MOIS D'AOUT 1731. + +Le 13 de ce mois, dame Anne-Marie-Barbe de Ville, épouse de Anne-Léon de +Montmorency, chef du nom et armes de la maison, premier baron chrétien +en France, enseigne des gendarmes de Berry, seigneur de Courtalin, +Bois-Ruffen, le Plessis-d'Arouë, le Poilay, le Vernay, les deux Modaves, +de Biemrcé, de Banderesse, de Fermée, Termoyne, etc., mourut âgée de +dix-huit ans sept mois. + + _Mercure de France_, août 1731, p. 2044. + +On lit dans les mémoires du duc de Luynes, à la date du mardi 2 mai +1739: + +«Madame de Châteaurenaud a un frère qu'on appelle le baron de +Montmorency, qui est celui qui avait épousé mademoiselle de Ville (_M. +de Ville était chargé de l'entretien de la machine de Marly et en était +regardé comme l'auteur_). M. le baron de Montmorency est veuf depuis +quelques années.» + + +NOTE Nº 13. + +Acte de baptême de Rennequin, ou mieux Renier Sualem, extrait des +registres d'état civil tenus par les anciens curés de Jemeppe, province +de Liége: + +«29ª januarii 1645, baptisatus Renerus filius Renardi Sualem, et +Catharinæ David, susc. Leonardo Alard et Anna Simon.» + +Acte de décès de Rennequin, extrait des registres de l'état civil de la +commune de Bougival, département de Seine-et-Oise: + +«L'an de grâce mil sept cent huit, le lundy trentième de juillet, a esté +inhumé dans l'église de Notre-Dame de Bougival le corps de deffunt René +Soüalem, autrement dit Rennequin, premier ingénieur du roy à la machine +et constructeur de la machine, mort d'hier à onze heures et demie du +matin, âgé de soixante-quatre ans et demi, en présence de M. Levesque, +curé, M. Lherminot, brodeur du roy, de M. Prévotel, vicaire de cette +paroisse, qui ont signé: Lherminot, Levesque, Prévotel, Ricard.» + +ÉPITAPHE GRAVÉE SUR LA TOMBE DE RENNEQUIN. + +D. O. M. + +«Cy-gissent honorables personnes sieur Rennequin Sualem, seul inventeur +de la machine de Marly, décédé le 29 juillet 1708, âgé de +soixante-quatre ans, et dame Marie Nouelle, son épouse, décédée le 4 mai +1714, âgée de quatre-vingt-quatre ans, laquelle, pour satisfaire à la +dernière volonté dudit deffunct sieur Rennequin, son mari, a fondé à +perpétuité en cette église de Bougival une messe basse tous les premiers +lundys de chaque mois de l'année, un service complet le 29 juillet de +chaque année, jour du déceds dudit deffunct, et vingt libéras pour être +dits sur leurs _sepulturs_, scavoir les quatre grandes festes de +l'année, les quatre _principalles_ festes de la sainte Vierge, et les +douze autres tous les premiers dimanches de chaque mois de l'année, à +l'issue des vespres; à quoi les sieurs curé et marguilliers de l'oeuvre +et fabrique de ladite paroisse se sont obligés faire dire et célébrer +mesme fournir les pain, vin, luminaire et ornements nécessaires, et ce, +moyennant certaine _sôme_ que ladite dame leur a payée, _ainssy_ qu'il +est plus au long porté par le contract passé devant Dupuis et Gervais, +notaires au Châtelet de Paris, le 2 août 1710. + +»Priez Dieu pour leurs âmes.» + + + + +VII + +DÉTAILS INÉDITS + +SUR LA MORT DE LOUIS XIV. + +1715. + + +Le lundi 26 août 1715, le roi Louis XIV venait de subir une opération +douloureuse. Couché sur son lit de mort, il voulut dire un dernier adieu +au jeune Dauphin, son successeur. A midi, madame de Ventadour, +gouvernante du prince, l'amena dans la chambre du roi, qui, après +l'avoir embrassé et fait placer sur son lit, lui adressa quelques +conseils dans lesquels ce monarque, en faisant l'aveu solennel de ses +fautes, montra plus peut-être la grandeur de son caractère que dans +aucune autre circonstance de sa vie. + +Les paroles prononcées par Louis XIV dans cette occasion furent +entendues d'un grand nombre de courtisans. La plupart les répétèrent +plus ou moins fidèlement: de là les nombreuses versions qui en ont été +données, où, tout en conservant les idées principales, les divers +historiens du grand roi ont ajouté ou retranché suivant le besoin de +leurs éloges ou de leurs critiques. + +La première donnée au public parut dans les premiers jours d'octobre +1715, un mois environ après la mort de Louis XIV. Elle se trouve dans un +écrit intitulé: _Journal historique de tout ce qui s'est passé depuis +les premiers jours de la maladie de Louis XIV, jusqu'au jour de son +service à Saint-Denis_, par le sieur Lefebvre. Voici comment l'auteur +s'exprime: «Sa Majesté fit venir le Dauphin dans sa chambre, où il entra +avec madame la duchesse de Ventadour, sa gouvernante, et après l'avoir +embrassé, elle lui dit:--Mignon, vous allez estre un grand roy; mais +tout vostre bonheur dépendra d'estre soumis à Dieu, et du soin que vous +aurez de soulager vos peuples. Il faut pour cela que vous évitiez autant +que vous le pourrez de faire la guerre. C'est la ruine des peuples. Ne +suivez pas le mauvais exemple que je vous ay donné sur cela: j'ay +entrepris la guerre trop légèrement, et l'ay soutenue par vanité; ne +m'imitez pas! mais soyez un prince pacifique, et que vostre principale +application soit de soulager vos sujets. Profitez de la bonne éducation +que madame de Ventadour vous donne, obéissez-luy, et suivez les bons +sentiments qu'elle vous inspire.» + +Cette version est-elle la bonne? Certainement elle renferme au fond ce +qu'a dit Louis XIV; mais a-t-il dû s'exprimer dans ces termes? Sans +doute il se repentait de ses guerres trop nombreuses et des maux +qu'elles avaient attirés sur ses peuples, et il recommandait à son +petit-fils de ne pas l'imiter en cela; mais on ne peut croire qu'il ait +été jusqu'à se servir de ces expressions: «Ne suivez pas le mauvais +exemple que je vous ay donné sur cela,» et qu'il ait encore ajouté, +comme s'il ne se fût pas assez humilié: «J'ai souvent entrepris la +guerre trop légèrement et l'ay soutenue par vanité.» Non, Louis XIV ne +pouvait ni penser, ni dire que ce fût par vanité qu'il eût soutenu ses +guerres! Il avait vu, dans ses dernières années, le royaume à deux +doigts de sa perte par suite de la guerre, et il recommandait à son +successeur de l'éviter autant que possible pour le bonheur de ses +sujets, voilà tout. + +A peu près à la même époque, Saint-Simon, ce courtisan frondeur, +rapportait aussi à sa manière les paroles de Louis XIV: «Mon enfant, +vous allez être un grand roi; ne m'imitez pas dans le goût que j'ai eu +pour les bâtiments ni dans celui que j'ai eu pour la guerre; tâchez, au +contraire, d'avoir la paix avec vos voisins. Rendez à Dieu ce que vous +lui devez; reconnaissez les obligations que vous lui avez; faites-le +honorer par vos sujets. Suivez toujours les bons conseils; tâchez de +soulager vos peuples, ce que je suis assez malheureux pour n'avoir pu +faire. N'oubliez point la reconnaissance que vous devez à madame de +Ventadour.» + +Si le fond des pensées est le même que dans la version précédente, la +forme en est complétement changée. Puis Saint-Simon, déprédateur +constant des constructions de Louis XIV, et en particulier de +Versailles, n'étant pas fâché, pour excuser ses amères critiques, de +supposer qu'à ses derniers moments ce prince pensait comme lui, ne +craint pas de le faire s'accuser d'une faute de plus en mettant dans sa +bouche cette phrase évidemment inventée par lui: «Ne m'imitez pas dans +le goût que j'ai eu pour les bâtiments.» Il ajoute encore cette autre +phrase que l'on ne trouve pas dans les paroles rapportées par Lefebvre, +en parlant de Dieu: «Faites-le honorer par vos sujets.» + +En 1742, Bruzen de la Martinière, dans la continuation de l'_Histoire de +Louis XIV_, commencée par Larrey, adopte la version de Saint-Simon, sauf +la phrase: «Ne m'imitez pas dans le goût que j'ai eu pour les +bâtiments,» qu'il supprime. + +Reboulet, dans son _Histoire de Louis XIV_, publiée en 1744, copie d'un +bout à l'autre le _Journal historique_ de Lefebvre. + +Enfin, le père Daniel, en 1756, revient à la version de Saint-Simon, +corrigée par la Martinière. + +Puis vient Voltaire! Voltaire historiographe de France, Voltaire +écrivant le _Siècle de Louis XIV_, devait avoir une autre importance que +ceux qui jusqu'alors avaient rapporté ces paroles. Il en sentait toute +la gravité; il puisait aux sources les plus authentiques, et ce qu'il +allait dire devait être la vérité. Aussi, voyez s'il est possible de +douter de son récit! «Son successeur, dit-il, a toujours conservé +écrites, au chevet de son lit, les paroles remarquables que ce monarque +lui dit, en le tenant sur son lit entre ses bras: ces paroles ne sont +point telles qu'elles sont rapportées dans toutes les histoires; les +voici _fidèlement copiées_:--«Vous allez être bientôt roi d'un grand +royaume. Ce que je vous recommande plus fortement est de n'oublier +jamais les obligations que vous avez à Dieu. Souvenez-vous que vous lui +devez tout ce que vous êtes. Tâchez de conserver la paix avec vos +voisins. J'ai trop aimé la guerre; ne m'imitez pas en cela, _non plus +que dans les trop grandes dépenses que j'ai faites_. Prenez conseil en +toutes choses, et cherchez à connaître le meilleur pour le suivre +toujours. Soulagez vos peuples le plus tôt que vous pourrez, et faites +ce que j'ai eu le malheur de ne pouvoir faire moi-même, etc.» + +Voltaire avait raison, Louis XV a toujours conservé, écrites au chevet +de son lit, les dernières paroles de Louis XIV; mais Voltaire ne disait +plus vrai lorsqu'il ajoutait qu'il les donnait «_fidèlement copiées_;» +car si rien n'est omis de ce qui y était écrit, tout est transposé, +arrangé pour l'effet de la phrase, et n'a plus cet abandon qui donne +tant de vérité à ces paroles que Louis XV pouvait lire tous les jours. +Il y a mieux, si Voltaire, tout en arrangeant, n'a cependant rien +retranché, il a au contraire ajouté. Ainsi, nous retrouvons encore ici +la fameuse phrase de Saint-Simon sur les dépenses. C'est que Voltaire, +comme Saint-Simon, critiquait les dépenses de Louis XIV[101], et que, +comme lui, il tenait, par le repentir du prince, à montrer combien il +avait raison. + +Jusqu'à ce jour, cependant, la version donnée par Voltaire était +considérée comme la bonne, et presque tous ceux qui écrivirent sur Louis +XIV depuis lui, ne firent que la copier. + +Le hasard nous fit trouver la minute d'après laquelle fut faite la copie +placée dans la chambre à coucher du roi Louis XV; nous allons la +transcrire, et l'on pourra juger ainsi quelles altérations on lui a fait +subir. + +Lorsque Louis XIV fit venir le jeune Dauphin et prononça les paroles, +que nous allons rapporter, l'un des secrétaires écrivait dans la chambre +même tout ce que disait ce prince. Madame de Ventadour, gouvernante du +Dauphin, frappée de la grandeur de cette scène, et persuadée que ces +conseils du grand roi pouvaient avoir une heureuse influence sur la +jeune imagination de son élève, voulut, en les plaçant constamment sous +ses yeux, les graver dans sa mémoire. Elle envoya donc la minute qui lui +fut remise par le secrétaire à Charles Gilbert, maître à écrire du +Dauphin, et l'un des calligraphes les plus distingués de cette époque, +avec ordre d'en faire immédiatement une copie sur vélin pour la placer +au chevet du lit du jeune prince. Voici ces paroles telles qu'elles sont +sur le manuscrit: + +«Mon cher enfant, vous allez estre le plus grand roy du monde. N'oubliez +jamais les obligations que vous avez à Dieu. Ne m'imitez pas dans les +guerres, taschez de maintenir tousjours la paix avec vos voisins, de +soulager vostre peuple autant que vous pourrez, ce que j'ay eu le +malheur de ne pouvoir faire par les nécessitez de l'Estat. Suivez +tousjours les bons conseils, et songez bien que c'est à Dieu à qui vous +devez tout ce que vous estes[102]. Je vous donne le père Letellier pour +confesseur, suivez ses advis et ressouvenez-vous toujours des +obligations que vous avez à madame de Ventadour[103].» + +Gilbert se mit aussitôt à la besogne. Une copie textuelle sur vélin, +ornée de majuscules dorées, fut faite en quelques jours. Mais tandis +qu'il s'empressait de se conformer aux désirs de la gouvernante, la +mort, encore plus prompte, venait frapper le monarque. Louis XIV mort, +tout changeait dans l'État. Le père Letellier, qui était resté auprès du +roi jusqu'à son dernier moment, fut envoyé en exil par le régent. L'on +ne pouvait donc laisser sous les yeux du jeune souverain la +recommandation de son bisaïeul, de conserver ce jésuite pour son +confesseur. + +Gilbert reçut alors l'ordre de faire une autre copie et de supprimer la +phrase ayant rapport au confesseur, et c'est cette copie qui fut placée +dans la chambre à coucher de Louis XV. + +La minute envoyée à Gilbert, la première copie sur vélin qu'il en avait +faite, et deux autres aussi sur vélin avec la correction, furent +précieusement conservées par lui et transmises à son petit-fils, P.-Ch. +Gilbert, qui lui succéda dans sa charge de maître à écrire du Dauphin. +Celui-ci la garda jusqu'à l'époque de sa mort, arrivée vers 1789, et +c'est alors qu'elles passèrent entre les mains de son neveu, F. +Dumesnil de Saint-Cyr, dernier maître à écrire du Dauphin (Louis XVII). +C'est à la mort de M. de Saint-Cyr, survenue à Versailles en 1845, que +l'une de ses héritières, mademoiselle Ducroset, nous montra ce curieux +document historique au milieu des précieux manuscrits renfermés dans le +cabinet de son oncle, et c'est entre les mains de cette demoiselle qu'il +se trouve aujourd'hui. + +Les faits que nous venons de raconter ne laissent aucun doute sur +l'authenticité de ce document, et fixent d'une manière positive la +nature des paroles prononcées par Louis XIV mourant à l'héritier de sa +couronne. + + + + +VIII + +RELEVÉ DES DÉPENSES + +DE MADAME DE POMPADOUR + +DEPUIS LA PREMIÈRE ANNÉE DE SA FAVEUR JUSQU'A SA MORT. + + +On sait que Jeanne-Antoinette Poisson, mariée fort jeune au sous-fermier +général Lenormand d'Étiolles, ne tarda pas à devenir la maîtresse de +Louis XV. La mère de madame d'Étiolles, ambitieuse et intrigante, avait +toujours rêvé pour sa fille le rôle _honorable_ auquel elle venait de +parvenir. Elle lui fit, en conséquence, donner une éducation brillante, +et lui inspira surtout le goût des arts. Ce fut en 1745 qu'elle fut +reconnue maîtresse en titre du roi et créée par lettres patentes +marquise de Pompadour. + +C'est de cette année 1745 que date le manuscrit dont nous allons nous +occuper. C'est un petit in-quarto sur papier gros et gris. Écrit en +petit caractère et sans orthographe, il paraît être de la main de +quelque employé de la maison de la marquise, et a été composé sur des +notes dont un grand nombre ont été écrites par madame de Pompadour +elle-même, ainsi qu'il est facile de le voir quand le copiste, ne se +donnant pas la peine de changer ce qu'il a sous les yeux, parle à la +première personne, comme dans cet article: _J'avais en vaisselle +d'argent pour_, etc., et dans cet autre: _Gages de mes domestiques_, +etc.--Il est recouvert d'une feuille de papier jaune sur laquelle est +écrit: _Énorme dépense_. La première feuille porte ce titre: _État des +dépenses faites pendant le règne de madame la marquise de Pompadour, à +commencer le 9 septembre 1745 jusqu'au 15 d'avril 1764_.--C'est le jour +où elle est morte. + +La première partie du manuscrit est consacrée aux dépenses des +bâtiments. Madame de Pompadour aimait beaucoup les constructions. +Non-seulement elle fit réparer à grands frais plusieurs propriétés +qu'elle avait achetées, mais encore elle fit élever un assez grand +nombre de maisons. Son jeune frère, Poisson, connu sous le nom de +marquis de Marigny, qui fut directeur gérant des bâtiments du roi, la +seconda dans ses vues. Il dirigea particulièrement la construction du +charmant château de Bellevue, qui a depuis appartenu à Mesdames de +France, et dont il ne reste plus de traces aujourd'hui.--Ce chapitre est +intitulé: _État des sommes payées par ordre du roi par le sieur de +Montmartel sur les travaux et bâtiments de Crécy, Bellevue et autres +endroits, suivant les mandements visés par les sieurs de l'Assurance, +d'Isle, et Maurenzel._ + +_Crécy et Aunay._--Crécy était un fort joli château, faisant aujourd'hui +partie du département d'Eure-et-Loir. Madame de Pompadour en fit +l'acquisition, en 1748, pour la somme de 650,000 l. Elle acheta en même +temps, 140,000 l., la terre d'Aunay, qui touche à Crécy. Les travaux +qu'elle y fit faire, pendant les années 1748, 1749, 1750, 1751, 1752, +1753, 1754, s'élevèrent à la somme de 3,288,403 l. 16 s. 6 d. + +_La Celle_ est une charmante propriété, à la porte de Versailles. Madame +de Pompadour l'acheta 260,000 l., en 1749. Les sommes payées pour +l'embellissement du château, pendant les années 1749 et 1751, +s'élevèrent à 68,114 l. 15 s. 4 d. + +En 1749, Louis XV lui donna une portion du terrain du petit parc de +Versailles, sur lequel elle fit construire une jolie habitation qu'elle +appela son _Ermitage_. La construction de l'_Ermitage_ lui coûta 283,013 +l. 1 s. 5 d. + +Madame de Pompadour ne s'arrêtait pas dans son goût de construction +qu'elle sut faire partager à Louis XV. Elle venait de créer un charmant +bijou dans sa propriété de l'Ermitage, elle voulut construire un +véritable château, avec son parc et ses jardins. Il existait sur la côte +qui domine la Seine, entre Sèvres et Meudon, des terres qui +appartenaient au roi; Louis XV les lui donna, et, grâce au goût de +Marigny, l'on vit s'élever l'une des plus jolies habitations princières +des environs de Paris. _Bellevue_, nom que méritait bien cette charmante +maison, fut construite en 1750. Elle revint à 2,526,927 l. 10 s. 11 d. + +Outre ces propriétés, madame de Pompadour avait encore des habitations +particulières dans les principales résidences royales. A Versailles, à +Compiègne, à Fontainebleau et à Paris. + +A Versailles, le roi lui donna, en 1752, le terrain sur lequel se +trouvait, sous Louis XIV, la Pompe ou Tour d'Eau, détruite en 1686. Elle +y fit construire un hôtel qui lui revint à 210,844 l. 14 s. 10 d. C'est +aujourd'hui l'_Hôtel des Réservoirs_ ou _restaurant Duboux_. On avait +fait établir contre le mur du réservoir de l'Opéra un corridor qui +permettait d'aller du château dans cet hôtel. Madame Duhausset en parle +dans un endroit de ses Mémoires: «J'avais, dit-elle, un très-joli +appartement à l'hôtel, où j'allais presque toujours à couvert, etc.» + +Dans son hôtel de Compiègne, elle dépensa, en 1751, 1752 et 1753, 30,242 +l. 7 s. 8 d. + +A Fontainebleau, elle fit construire, en 1753, à l'imitation de celui de +Versailles, un ermitage qui lui revint à 216,382 l. 18 s. 8 d. Elle +acheta à Paris l'hôtel d'Évreux, qu'elle paya 730,000 l., et y dépensa, +en 1754, 95,169 l. 6 s. + +On trouve encore, au chapitre des dépenses des bâtiments, diverses +sommes pour des institutions religieuses. Ainsi l'on voit, pour le +couvent des ursulines de Poissy, dont sa tante du côté maternel madame +Sainte-Perpétue était l'abbesse, une somme de 4,908 l. 15 s. 10 d., et +pour les dames de l'Assomption de Paris, une autre somme de 32,069 l. 14 +s. Enfin l'on voit le marquisat de Pompadour y figurer pour 28,000 l., +dépensées en 1753.--Dans ce chapitre des bâtiments se trouvent les noms +de tous les entrepreneurs et artistes qui ont été employés soit à +construire, soit à embellir ces diverses maisons. Les artistes qui ont +travaillé au château de Crécy et à Aunay sont: Rousseau, Verbeck et +Pigalle, sculpteurs; à la Celle, Rousseau, sculpteur; à l'Ermitage, près +Versailles, Rousseau et "Verbeck, sculpteurs, et Rysbrack, peintre de +fleurs; à son hôtel de Versailles, Rousseau et Verbeck, sculpteurs, et +Rysbrack, peintre; à Bellevue, Coustou, Rousseau, Maurisan, la veuve +Chevalier, Verbeck, sculpteurs; Nelson, Gavau, Brunelly, Oudry, +peintres; Janson, la veuve Cropel, dessinateurs; Martiniere, émailleur à +l'hôtel d'Évreux, à Paris, Verbeck, sculpteur; à l'Ermitage de +Fontainebleau, Verbeck. + +A la suite du chapitre des dépenses de bâtiments vient un journal +commencé le 9 septembre 1745, et terminé en mars 1764, dans lequel est +inscrit, mois par mois, ce que recevait madame de Pompadour pour ses +dépenses ordinaires. L'on y voit que, pendant ces dix-neuf années, les +recettes, pour ses dépenses ordinaires, ont été de 1,767,678 l. 8 s. 9 +d., et les dépenses de 977,207 l. 11 s. 6 d. Ce journal peut donner lieu +à quelques curieuses observations. Madame de Pompadour touchait une +pension qui lui était payée tous les mois, sans compter les sommes +qu'elle recevait du roi comme cadeau, toujours pour sa dépense +ordinaire. Cette pension était, la première année, de 2,400 l. par mois; +en 1746, 1747, 1748 et 1749, les sommes données s'élèvent souvent +jusqu'à 30,000 l. dans un mois; puis, dans les années suivantes, pendant +lesquelles la passion du roi pour sa maîtresse s'était beaucoup +affaiblie, l'on voit la pension se régulariser et se réduire presque +constamment à 4,000 l. par mois. On remarque encore que, pendant les +premières années, madame de Pompadour reçoit du roi des étrennes, qui +disparaissent aussi dans les années suivantes: ainsi, en 1747, année du +plus fort de la passion de Louis XV, elle reçoit 50,000 l. d'étrennes; +en 1749, elle n'en reçoit plus que 24,000 l., et depuis 1750, on ne les +voit plus figurer dans les comptes. + +Les sommes qu'elle recevait du roi étant moins fortes et ses dépenses +habituelles étant toujours fort considérables, il fallait trouver +d'autres ressources. C'est dans le jeu et dans la vente de ses bijoux +que madame de Pompadour trouve le moyen d'équilibrer les recettes avec +les dépenses. Ainsi on la voit gagner au jeu à Marly, le 15 mai 1752, +9,120 l., et le 31 du même mois, 28,000 l.--En 1760, elle vend des +_bracelets de perles_ 12,960 l.--En 1761, elle vend encore des bijoux +pour 9,000 l.; en 1762, sa vente de bijoux et le gain du jeu lui +rapportent 20,489 l. + +Ce journal est terminé par une récapitulation, dans laquelle les +recettes et leur emploi sont comparés année par année, et qui montre, +comme je l'ai indiqué en donnant le chiffre des recettes et des +dépenses, que madame de Pompadour savait très-bien dépenser tous les ans +ce qui lui était donné, et ne faisait aucune économie. + +A la suite de ce journal se trouve une sorte de dénombrement des +richesses de madame de Pompadour et des dépenses autres que celles des +bâtiments. C'est particulièrement à cette partie que s'applique la +remarque faite plus haut, sur la manière dont l'auteur du manuscrit fait +souvent parler madame de Pompadour elle-même. Tous les articles de cette +partie sont curieux et méritent d'être cités: + + +_État de mes effets en général._ + + Livres. + + 1. J'avais en vaisselle d'argent, pour 537,600 + + 2. Plus, en vaisselle d'or ou en collifichets 150,000 + + 3. Elle a dépensé pour ses menus plaisirs + et en se satisfaisant 1,338,867 + + 4. Pour sa bouche, pendant les dix-neuf + années de son _règne_ 3,504,800 + + 5. Pour les voyages du roi, extraordinaires, + comédies, opéras, faits et donnés en + différentes maisons 4,005,900 + + 6. Gages pour mes domestiques, dix-neuf + années 1,168,886 + + 7. Pensions que j'ai toujours faites, _jusqu'à + ma mort_ (sic) 229,236 + + 8. Ma cassette, contenant quatre-vingt-dix-huit + boîtes d'or, évaluées l'une dans + l'autre à 3,000 livres 294,000 + + 9. Une autre cassette contenant tous mes + diamants 1,783,000 + + 10. Une superbe collection de pierres gravées + chez moi par le sieur le Guay, + donnée au roi, estimée 400,000 + +Madame de Pompadour, qui dessinait fort bien, grava elle-même _une suite +de soixante-trois estampes_, d'après ces pierres. Ces gravures ont été +publiées et forment un petit in-folio, fort rare, dont il n'avait été +tiré qu'un très-petit nombre d'exemplaires pour faire des présents: en +1782, il en parut une autre édition in-quarto, qui est moins recherchée. +Ce fut à l'occasion de son talent pour le dessin que Voltaire, l'ayant +un jour surprise dessinant une tête, improvisa ce madrigal: + + Pompadour, ton crayon divin + Devrait dessiner ton visage; + Jamais une plus belle main + N'aurait fait un plus bel ouvrage. + + 11. En différents morceaux de vieux laque 111,945 + + 12. En porcelaine ancienne 150,000 + + 13. Achat de pierres fines pour compléter la + collection 60,000 + + 14. Linge pour draps et table, pour Crécy 600,452 + + 15. Plus, pour mes autres maisons 400,325 + + 16. Ma garde-robe, tout compris 350,235 + + 17. Ma batterie de cuisine pour toutes mes + maisons 66,172 + + 18. Ma bibliothèque, y compris nombre de + manuscrits[104] 12,500 + + 19. Donné aux dames qui m'ont toujours accompagnée, + pour présent, en variant les + effets 460,000 + + 20. Donné aux pauvres pendant tout mon règne 150,000 + + 21. En générosités aux concierges, en robes, + vestes, étoffes, ainsi qu'au cabinet du roi 100,000 + + 22. Pour les affaires de mon père, M. de Machault + les régla à la somme de 400,000 + +Le père de madame de Pompadour, François Poisson, avait eu dans +l'administration des vivres un emploi fructueux. Accusé de gestion +infidèle, il fut forcé de se soustraire aux poursuites du gouvernement. +On voit, par cet article, que dans sa fortune elle n'oublia point de +faire payer les dettes de son père. Jusqu'ici tous les biographes +avaient bien dit que l'affaire de François Poisson avait été oubliée, +grâce au crédit de sa fille; mais ce qu'on ignorait, c'est que c'était +en satisfaisant ses créanciers: + + Livres. + + 23. En tableaux et autres fantaisies 60,000 + + 24. La dépense de la bougie, pendant dix-neuf + ans 660,000 + + 25. La dépense des fallots et chandelles 150,000 + + 26. En belles juments, voitures, chaises à + porteurs, chevaux de selle, quoi qu'en + ait dit _le Gazetier d'Utrecht_, en tout 1,800,000 + +Nous ne savons ce qu'a pu dire le _Gazetier d'Utrecht_ à l'occasion des +chevaux de madame de Pompadour, car nous avons inutilement cherché ce +qui pouvait avoir trait à cette question dans la collection de cette +gazette que possède la bibliothèque de Versailles. Ce qu'il y a de +certain, c'est que madame de Pompadour aimait beaucoup les chevaux; +qu'elle fit acheter de fort beaux étalons dans plusieurs pays, et les +réunit dans sa terre de Pompadour, où elle fonda le superbe haras qui +existe aujourd'hui, et qu'en 1763 M. de Choiseul fit transformer en +haras royal: + + Livres. + + 27. Fourrages, fourniture de mes chevaux + pendant dix-neuf années 1,300,000 + + (Cette somme montre que madame + de Pompadour devait avoir, en effet, + un assez grand nombre de chevaux.) + + 28. Pour toute ma livrée, dans toutes mes + maisons 250,000 + + 29. Pour achat de Crécy 650,000 + + 30. Achat de la Celle 260,000 + + 31. Achat d'Aunay 140,000 + + 32. Achat de la baronnie de Tréon 80,000 + + (Tréon est auprès de la terre de Crécy.) + + 33. Achat de Magenville 25,000 + + 34. Achat de Saint-Remy 24,000 + + 35. Achat d'Ovillé, à moitié chemin d'Orléans 11,000 + + 36. Achat de l'hôtel d'Évreux, à Paris 650,000 + + 37. Achat du terrain à côté dudit hôtel 80,000 + + 38. Dépensé à Champs, pendant l'espace de + trois ans 200,000 + + (Champs est un village du département + de Seine-et-Marne, dans lequel + se trouvait une fort jolie habitation.) + + 39. Dépensé à Saint-Ouen pendant l'espace + de cinq ans, sans faire les réparations + constatées par la maison de Gesvres. 500,000 + +Saint-Ouen ne paraît pas avoir appartenu à madame de Pompadour, mais +elle en avait la jouissance; et, comme on le voit par cet article, elle +y fit faire des embellissements qu'elle paya de ses propres fonds. + +Dans cette nomenclature des richesses de madame de Pompadour, l'auteur +du manuscrit ne dit rien du château de Ménars, qui appartenait aussi à +la marquise; on trouve seulement dans le journal de ses dépenses, en +marge de l'année 1760: _Achat de Ménars_. Cette propriété paraît avoir +été payée par elle sur ses revenus annuels et par petites sommes, car on +trouve indiquées dans les années 1760, 1761, 1762, 1763, un assez grand +nombre de sommes, sous le titre: _Gratification pour Ménars_. + +Enfin, cette partie se termine par un dernier article, intitulé: + + 40. Médailles d'or et d'argent. 400,000 liv. + +Puis, à la suite, l'auteur ajoute quelques réflexions assez curieuses: + +«D'après toutes ces dépenses énormes, dit-il, voici un fait que personne +ne voudra croire, qui est qu'à sa mort l'on n'ait trouvé à cette femme +que 37 louis d'or dans sa table à écrire, qu'elle avait destinés pour +les pauvres.» + +«Autre fait incroyable, ajoute-t-il, lâché par Collin[105], c'est que +pendant sa maladie il fut obligé d'emprunter 70,000 l. pour faire face à +la dépense. Ce fait détruit entièrement l'imposture, qui est qu'on a +prétendu qu'elle avait dans toutes les banques de l'Europe, et elle se +trouve devoir après sa mort la somme de 1,700,000 l.» + +Vient ensuite l'énumération de tous les gens attachés à madame de +Pompadour, tant à Versailles que dans toutes ses maisons particulières, +avec leurs appointements. On remarque parmi tous ces noms: + + Livres. + + Nesme, premier intendant. 8,000 + + Collin, chargé des domestiques, et lui servant + de secrétaire. 6,000 + + Le médecin Quesnay, entretenu de tout. 3,000 + + La Duhausset, femme de chambre. 150 + + La Couraget, id. 150 + + La Neveu, id. 150 + +On sait que madame Duhausset a écrit des _Mémoires_ qui donnent des +détails fort curieux sur la vie intime de madame de Pompadour. L'une des +deux autres femmes de chambre était femme de condition, mais elle prit +un nom emprunté, que madame Duhausset elle-même ne connut jamais bien. +Celle-ci seule ne changea point de nom, quoique au service de la +maîtresse du roi. + +L'on y voit aussi figurer deux nègres, à raison de 1,800 l. + +Puis une série de gens attachés à la cuisine, à la garde-robe; la livrée +et les employés des différentes maisons, concierges, portiers, +jardiniers, etc., et trois aumôniers: un à Versailles, un à +Fontainebleau et un à Compiègne. + +Après l'énumération des gens attachés à son service, se trouve l'état +des pensions que faisait madame de Pompadour. On voit avec plaisir dans +ce chapitre qu'une partie des sommes considérables qu'elle touchait +était employée en bonnes oeuvres. + +La première pension sur cette liste et la plus curieuse est celle faite +à madame Lebon pour lui avoir prédit à l'âge de neuf ans qu'elle serait +un jour la maîtresse de Louis XV, 600 l. Cette prédiction, dont ne +parlent pas les biographes, et dont, on le voit, madame de Pompadour +s'est toujours souvenue, a dû avoir une grande influence sur sa +destinée, et a été probablement l'une des causes qui poussa sa mère à +chercher par tous les moyens à mettre Louis XV en rapport avec la jeune +et jolie madame d'Étiolles. La reconnaissance que madame de Pompadour +conserva pour madame Lebon fut sans doute la raison qui lui fit toujours +avoir un faible pour les sorcières et les sorciers. Madame Duhausset +raconte dans ses Mémoires une histoire qui le prouve bien: + +«Un an ou quinze mois avant la disgrâce de l'abbé de Bernis, dit-elle, +Madame[106] étant à Fontainebleau, elle se mit devant un petit +secrétaire pour écrire; il y avait au-dessus un portrait du roi. En +fermant le secrétaire, après avoir écrit, le portrait tomba et frappa +assez fortement sa tête. Les personnes qui en furent témoins +s'alarmèrent, et on envoya chercher M. Quesnay. Il se fit expliquer la +chose, et ordonna des calmants et une saignée. Comme elle venait d'être +faite, entre madame de Brancas, qui vit du trouble, du mouvement, et +Madame sur sa chaise longue. Elle demanda ce que c'était, et on le lui +dit. Après avoir témoigné à Madame ses regrets et l'avoir rassurée, elle +lui dit: «Je demande en grâce à Madame et au roi, qui venait d'entrer, +d'envoyer aussitôt un courrier à M. l'abbé de Bernis, et que madame la +marquise veuille bien lui écrire une lettre dans laquelle, sans autre +détail, elle lui demandera de lui marquer ce que lui a dit sa sorcière, +et qu'il ne craigne pas de l'inquiéter.» La chose fut faite, et ensuite +madame de Brancas dit que _la Bontemps_ lui avait prédit dans du marc de +café, où elle voyait tout, que la tête de sa meilleure amie était +menacée, mais qu'il n'en arriverait rien de fâcheux. Le lendemain, +l'abbé écrivit que madame Bontemps lui avait dit aussi: «Vous étiez +presque noir en venant au monde,» et que cela était vrai, et qu'on a +attribué cette couleur, qui avait duré quelque temps, à un tableau qui +était devant le lit de sa mère, et qu'elle regardait souvent ce tableau, +qui représentait Cléopâtre se tuant au moyen d'une piqûre d'aspic, que +lui apportait un Maure dans des fleurs. Il dit encore qu'elle lui avait +dit: «Vous avez bien de l'argent avec vous, mais il ne vous appartient +pas;» qu'effectivement il avait deux cents louis pour remettre au duc de +la Vallière. Enfin il marquait que, regardant dans la tasse, elle avait +dit: «Je vois une de vos amies, la meilleure, une grande dame, menacée +d'un accident.» Qu'il devait avouer, malgré sa philosophie, qu'il avait +pâli; qu'elle s'en était aperçue, avait regardé de nouveau, et avait +dit: «Sa tête sera un peu menacée, mais il n'y paraîtra pas une +demi-heure après.» Il n'y avait pas moyen de douter du fait, et il parut +fort étonnant au roi, qui fit prendre des informations sur la sorcière, +mais que Madame empêcha d'être poursuivie par la police. Elle protégea +aussi le fameux _comte de Saint-Germain_, qui prétendait avoir plus de +deux mille ans, blanchissait les diamants, faisait grossir les perles, +était enfin un véritable sorcier, et que, malgré tout ce charlatanisme, +le roi voyait chez madame de Pompadour par amour pour elle.» + +La liste des pensions contient ensuite: + + Livres. + + A madame Sainte-Perpétue, sa tante du côté + maternel. 3,000 + + (Elle était supérieure des ursulines de + Poissy.) + + A mademoiselle Clergé, ancienne femme de + chambre de sa mère. 600 + + Aux capucines de Paris. 720 + + (C'est dans l'église de ce couvent qu'elle + fut inhumée.) + + Aux filles de l'Ave-Maria. 240 + + A madame Becker, religieuse de Saint-Joseph. 240 + + A la dame Plantier, nourrice de sa fille. 200 + + A la dame Pin, son ancienne fille de garde-robe. 50 + + A Dablon, son père nourricier. 300 + +Madame de Pompadour eut une fille de M. d'Étiolles; elle se nommait +Alexandrine. Il paraît que sa figure était charmante et pleine de feu. +Sa mère rêvait pour elle les plus brillantes alliances, lorsqu'elle +mourut à quatorze ans, de la petite vérole, dans le couvent de +l'Assomption, où elle était élevée. On voit par ces pensions que madame +de Pompadour n'oubliait pas ceux qui avaient approché sa fille, et cela +explique aussi pourquoi elle protégea toujours ce couvent de +l'Assomption, et y fit faire des embellissements dont nous avons vu le +chiffre au chapitre des bâtiments. + + Livres. + + Au fils de sa première femme de chambre. 212 + + (Celle qui la servait sous un nom supposé.) + + Au fils de Douy. 300 + + Au fils de madame Duhausset, seconde femme + de chambre. 400 + + Pour le petit Beaulieu, gentilhomme. 150 + + Pour le petit Capon, gentilhomme. 300 + + Pour la fille Manoyé. 380 + + Pour mademoiselle Guillier. 300 + + Pour mademoiselle de Pontavici. 250 + + Pour madame la baronne de Rhone, âgée de + quatre-vingt-dix ans. 3,000 + + Pour mesdemoiselles de Farges. 2,000 + + Pour la petite nymphe de Compiègne. 400 + + Pour le petit Jean-Simon. 300 + + (Elle faisait distribuer dans les greniers de + Versailles, par son homme de confiance, tous + les ans, 12 à 13 mille livres.) 12,000 + + Au petit Sans-Bras. 144 + + A un pauvre boiteux. 36 + + A madame Questier. 72 + + A madame de Gosmond, pour être religieuse. 1,800 + + A mademoiselle Dulaurent, pour être religieuse. 1,800 + + A mademoiselle Duhausset. 400 + + A mademoiselle de Longpré, sa parente. 600 + + A madame de la Croix. 300 + + A madame Trusson, pour remettre à quelqu'un + à Paris. 240 + +Puis vient une longue liste des maisons religieuses auxquelles madame de +Pompadour accordait des secours; ces maisons sont au nombre de cinquante +et une. + + + Elle leur donnait tous les ans dans le carême. 600 + + A tous les curés de ses maisons. 1,452 + + Aux deux curés de Versailles, à chacun 10 louis. 480 + + Au curé de Fontainebleau. 120 + + Au curé de Choisy. 120 + + Aux soeurs grises de Choisy. 120 + + Aux soeurs grises de Fontainebleau. 120 + + A tous les curés de Compiègne. 600 + + A toutes les maisons religieuses de Compiègne. 1,200 + + A un pauvre abbé de Compiègne, aux carmélites. 48 + + A madame de Villars, pour ses pauvres, tous + les ans. 1,200 + + Aux frères de la forêt de Sénart. 46 + + A la bouquetière du château de Versailles, suivant + la cour. 120 + + La fondation d'une grand'messe aux carmélites + de Compiègne. 600 + + Le jour de l'an, à tous les officiers des petits + appartements du roi, et garçons du château, + à chacun une très-belle veste. 1,000 + + A tous les autres domestiques du roi, suisses + des appartements grands et petits, valets de + pied, frotteurs, cochers, postillons et palefreniers + du roi, et tous les métiers travaillant + au château. 1,200 + + A la naissance de Mgr le duc de Bourgogne, elle + donna 3,000 livres à distribuer aux pauvres + de Versailles. 3,000 + + Ainsi qu'aux autres naissances, trois autres fois. 9,000 + + Elle fit donner aux pauvres de la Trappe, en + deux fois. 15,000 + + Elle fit à Crécy, en deux fois, quarante-deux + mariages, à l'occasion de la naissance des + princes. Elle dota mari et femme à raison de + 300 livres et 200 livres pour les habits. 21,000 + +Telle est la liste de ses dons. + +Le manuscrit est enfin terminé par une récapitulation des sommes +dépensées par madame de Pompadour pendant les dix-neuf années de sa +faveur.--Le total général est de 36,924,140 l. 8 s. 9 d. + +Voilà, sur sa déclaration, le relevé de ce que madame de Pompadour a +coûté à la France. + + + + +IX + +LE PARC AUX CERFS SOUS LOUIS XV. + +1755-1771. + + +Il n'est aucun fait historique qui ait rendu plus odieux le nom de Louis +XV, et qui, d'un autre côté, ait donné lieu à plus de divagation parmi +les écrivains, que _le mystérieux établissement du Parc aux Cerfs_. Les +historiens les mieux renseignés ne savent où il était placé. Les uns, se +fondant sur son nom, en font une ancienne habitation de chasse de Louis +XIII transformée en une sorte de petit palais entouré de jardins et de +bois. D'autres le confondent avec l'Ermitage de madame de Pompadour; +personne en un mot, jusqu'à ce jour, n'a pu dire d'une manière positive +où il était placé. Depuis fort longtemps, nous cherchions à découvrir +cette énigme historique, et tous nos efforts avaient été inutiles. Il y +a peu de temps qu'en parcourant les Mémoires de madame Campan, nous +fûmes frappé d'une anecdote sur Louis XV, à laquelle nous avions fait +jusqu'alors peu d'attention. La voici: + +«Louis XV, dit madame Campan, avait, comme on le sait, adopté le système +bizarre de séparer Louis de Bourbon du roi de France. Comme homme privé, +il avait sa fortune personnelle, ses intérêts de finance à part. + +»Louis XV traitait comme particulier dans toutes les affaires ou les +marchés qu'il faisait; il avait _acheté au Parc aux Cerfs, à Versailles, +une jolie maison_ où il logeait une de ces maîtresses obscures que +l'indulgence ou la politique de madame de Pompadour avait tolérées pour +ne pas perdre ses droits de maîtresse en titre. Ayant réformé cet usage, +le roi voulut vendre sa petite maison. Sévin, premier commis de la +guerre, se présenta pour l'acheter; le notaire qui était chargé de cette +commission en rendit compte au roi. Le contrat de vente fut passé entre +Louis de Bourbon et Pierre Sévin, et le roi lui fit dire de lui apporter +lui-même la somme en or. Le premier commis réunit 40,000 francs en +louis, et, introduit par le notaire dans les cabinets intérieurs du roi, +il lui remit la valeur de sa maison.» + +Ces renseignements donnés par madame Campan, quoique bien incomplets, +puisqu'elle ne donne ni la rue, ni l'époque de la vente et de l'achat, +ni le nom du notaire, étaient cependant une précieuse indication, s'ils +se trouvaient exacts, car ils venaient confirmer l'établissement de la +petite maison du roi dans le Parc aux Cerfs et donnaient, en outre, le +nom de la personne à laquelle cette maison avait été vendue, lorsque, +par suite d'autres habitudes, elle devint inutile à Louis XV. + +Nous résolûmes alors de faire de nouvelles recherches, et nous sommes +parvenu, non sans peine, à découvrir cette mystérieuse habitation du +Parc aux Cerfs. Mais, avant tout, rappelons ici ce qu'on entendait par +ce nom de _Parc aux Cerfs_. + +Quand Louis XIII acheta la seigneurie de Versailles et y fit construire +un petit château, c'était surtout pour être plus facilement au milieu +des bois dont ce lieu était entouré et pour s'y livrer au plaisir de la +chasse, qu'il aimait passionnément. Aussi l'un de ses premiers soins fut +de faire élever près de son habitation les animaux pouvant servir à ses +plaisirs. C'est pour cela qu'il choisit, dans les bois qui couvraient +alors le sol de la ville, un emplacement dans lequel il pût réunir et +faire élever des cerfs, des daims, et d'autres bêtes fauves. Il le fit +entourer de murs, y fit construire quelques habitations de gardes, et ce +lieu reçut le nom de _Parc aux Cerfs_. + +Le Parc aux Cerfs comprenait tout l'espace situé entre la rue de Satory, +la rue des Rossignols et la rue Saint-Martin. Ce Parc aux Cerfs fut +d'abord conservé par Louis XIV, et la ville se composa du vieux +Versailles et de la ville neuve, ne formant qu'une seule paroisse, celle +de Notre-Dame. + +Quelques années après son séjour à Versailles, vers 1694, Louis XIV, +voyant les habitations s'élever avec rapidité dans la ville qu'il venait +de créer, songea à son agrandissement. Le Parc aux Cerfs fut alors +sacrifié. Louis XIV fit abattre les murs, arracher les arbres, détruire +les maisons des gardes, niveler le sol, et l'on y traça des rues et des +places. Des terrains furent donnés, surtout à des gens de la maison du +roi, mais l'on n'y vit cependant s'élever sous son règne que quelques +rares habitations. Louis XIV mort, Versailles resta pendant quelques +années comme une ville abandonnée. Aucune construction ne s'y fit. Mais +lorsque Louis XV y eut de nouveau fixé son séjour, et que la cour y fut +revenue, on vit affluer de toutes parts de nouveaux habitants. Leur +nombre, qui, à la mort de Louis XIV, était de vingt-quatre mille, fut +presque doublé dans les quinze premières années du règne de son +successeur. Les maisons se construisirent de tous côtés dans le quartier +du _Parc aux Cerfs_, et les habitants de ce quartier furent si nombreux +que l'on sentit la nécessité de diviser la ville en deux parties égales +et de créer une nouvelle paroisse formant aujourd'hui le quartier ou la +paroisse Saint-Louis. + +Revenons maintenant à la petite maison de Louis XV. + +Nous n'avions pour nous diriger dans nos recherches que le nom de +_Sévin_. Mais dans quel endroit du _Parc aux Cerfs_ était placée cette +maison achetée au roi par Sévin? + +Nous savions que les archives du bailliage de Versailles étaient +déposées au palais de justice de cette ville, et que ces archives +contenaient les rôles de la répartition des sommes dues chaque année par +les propriétaires des maisons de Versailles pour les boues et lanternes, +depuis l'année 1664 jusqu'en 1788. Le dépouillement assez fastidieux de +tous les noms des propriétaires du quartier du Parc aux Cerfs nous fit +enfin rencontrer, comme propriétaire d'une maison située rue +Saint-Médéric, en 1772, le nom de _Sévin_. La place qu'elle occupait +dans le rôle nous indiquait que ce devait être ou la maison nº 2, ou +celle nº 4.--Mais était-ce bien celle ayant appartenu à Louis XV et +indiquée par madame Campan? Rien ne nous le prouvait, car sur ces rôles +nous trouvions immédiatement comme propriétaire avant _Sévin_ le nom de +_Vallet_. + +En cherchant dans les titres actuels de propriété de la maison nº 4, +nous avons trouvé qu'elle appartenait effectivement à Sévin, et qu'elle +fut vendue par ses héritiers, après la Révolution, aux criées du +tribunal civil. Ces titres, ne remontant point au delà, nous laissaient +toujours dans l'obscurité sur les noms des propriétaires antérieurs à +_Sévin_. + + * * * * * + +Nous nous adressâmes alors aux possesseurs des maisons nos 2 et 4, +qui nous permirent gracieusement de rechercher dans tous les papiers +antérieurs ce que nous pourrions trouver chez les notaires touchant +cette intéressante question. Voici maintenant le résultat de ces +recherches: + +Quand Louis XIV eut décidé de faire un nouveau quartier dans l'ancien +Parc aux Cerfs, les terrains furent donnés en propriété à divers +particuliers et surtout aux personnes appartenant à la maison du roi. +C'est ainsi que le roi fit don de l'emplacement occupé aujourd'hui par +les nos 2 et 4 de la rue Saint-Médéric à Jacques _Desnoues_, maître +d'hôtel et l'un de ses valets de chambre. Le 18 juin 1712, _Desnoues_ +vend à _J.-B. Pizet, écuyer de la Maison-Fort_, le jardin et la _maison_ +qu'il y avait fait construire. Le 27 septembre 1718, nouvelle vente de +cette propriété faite par _J.-B. Pizet_ au profit de _Jean-Michel +Crémer_, bourgeois de Versailles. A cette époque, le jardin n'était +point enclos de murs. En 1734, _Crémer_ fait construire les murs, ferme +les rues des Tournelles et Saint-Médéric et fait ainsi deux impasses. +Ces impasses portent sur les rôles de répartition des boues et lanternes +les noms de culs-de-sac Saint-Médéric et des Tournelles. + +_Crémer_ meurt en 1740. Par suite, la propriété est partagée en deux; la +maison et la moitié du jardin échoient en partage à _Jean-Michel-Denis +Crémer_, son fils, et l'autre moitié appartient à la _veuve Crémer_. +Elle fait à son tour bâtir sur sa portion une maison à peu près +semblable à l'autre formant aujourd'hui le nº 2 de la rue Saint-Médéric. + +Tel était l'état des lieux, lorsqu'en 1755 les agents secrets des +honteuses passions de Louis XV cherchent au roi une petite maison, de +façon à éviter la publicité dans ses rendez-vous de galanterie. Quelle +maison pouvait mieux convenir que celle de _Crémer_? Placée dans un +quartier retiré, au fond d'une impasse, n'ayant de voisins que la maison +construite par la veuve Crémer, dont toutes les fenêtres regardaient sur +la rue des Tournelles et n'avaient point de vue sur celle du fils, tout +enfin la désignait à leur choix. Ils proposent son acquisition au roi, +et l'argent est aussitôt donné. Il restait un dernier embarras: si le +roi lui-même ou ses agents bien connus traitent directement de l'achat +de cette maison, il n'y a plus de secret possible, et sa destination +sera bientôt découverte. On charge alors un tiers inconnu de cet achat. +Un huissier au Châtelet de Paris, nommé _Vallet_, traite directement +avec Crémer, et la maison est achetée en son nom. De là l'obscurité qui +a si longtemps régné sur l'emplacement de ce triste séjour. Qui aurait +pu penser que sous ce nom de _Vallet_, de cet huissier, que les rôles +des impôts de Versailles portent comme propriétaire de cette maison, se +cachait le nom du roi de France[107]? + +Crémer croyait avoir vendu à Vallet; mais celui-ci, aussitôt +l'acquisition terminée, se présente seul devant notaires et fait la +déclaration suivante: + +«Aujourd'hui est comparu par-devant les conseillers du roi, notaires au +Châtelet de Paris, soussignés, sieur François Vallet, huissier-priseur +audit Châtelet de Paris, y demeurant, rue des Déchargeurs, paroisse +Saint-Germain l'Auxerrois, lequel a déclaré ne rien avoir ni prétendre +en l'acquisition qui vient d'être faite sous son nom, de +Jean-Michel-Denis Crémer et sa femme, d'une maison située à Versailles, +rue Saint-Médéric, paroisse Saint-Louis, avec ses dépendances, par +contrat passé devant les notaires soussignés, dont Me Patu, l'un +d'eux, à la minute, cejourd'hui; mais que cette acquisition _est pour et +au profit du roi, le prix en ayant été payé des deniers de Sa Majesté à +lui fournis à cet effet_; c'est pourquoi il fait cette déclaration, +_consentant que Sa Majesté jouisse, fasse et dispose de ladite maison en +toute propriété, sans que le payement, qui sera fait sous le nom du +comparant, des droits de lots et ventes et centième denier, le décret +volontaire, qui sera fait et adjugé, et la jouissance et perception des +loyers, qui pourra être faite aussi sous son nom, puissent affaiblir la +propriété acquise à Sa Majesté de ladite maison et dépendances_, +déclarant que l'expédition dudit contrat d'acquisition et les titres +énoncés en icelui ont été par lui remis entre les mains du chargé des +ordres de Sa Majesté, ce qui a été accepté pour Sa Majesté par les +notaires soussignés, etc. + +»Fait et passé à Paris, l'an 1755, le 25 novembre, et a signé: + +»VALLET.--PATU, BROCHANT.» + +Ainsi il n'y a plus de doute, c'est bien là la petite maison du Parc aux +Cerfs, si longtemps ignorée. Voilà le lieu où, depuis l'année 1755 +jusqu'en 1771, furent successivement installées les jeunes filles que +les infâmes fournisseurs des plaisirs du roi offraient aux sens blasés +de Louis XV. + +L'ignorance où l'on était généralement sur cette maison, sa grandeur et +son arrangement, le nom de Parc aux Cerfs toujours donné à cette +habitation, tandis que c'était celui du quartier où elle était située, +lui ont fait attribuer beaucoup plus d'importance qu'elle n'en avait +réellement et sont la cause des exagérations dans lesquelles sont tombés +à ce sujet plusieurs historiens. + +«La tradition et le témoignage de plusieurs personnes attachées à la +cour, dit Lacretelle, ne confirment que trop les récits consignés dans +une foule de libelles relativement au Parc aux Cerfs. On prétend que le +roi y faisait élever des jeunes filles de neuf ou dix ans. _Le nombre de +celles qui y furent conduites fut immense._ Elles étaient dotées, +mariées à des hommes vils ou crédules. + +«Les dépenses du Parc aux Cerfs se payaient avec des acquits au +comptant. Il est difficile de les évaluer; mais il ne peut y avoir +aucune exagération à affirmer qu'elles coûtèrent _plus de cent millions +à l'État_. Dans quelques libelles, on les porte jusqu'à un milliard.» + +Nous ne voulons diminuer en rien l'odieux de la conduite de Louis XV, et +nous pensons aussi que l'entretien de ces jeunes filles, les rentes +qu'on leur donnait lorsque le roi en était dégoûté, et celles que l'on +faisait à leurs enfants lorsqu'elles en avaient, ont dû coûter des +sommes assez considérables. Mais la connaissance exacte de la maison du +Parc aux Cerfs ne permet pas d'admettre toutes ces exagérations. + +La maison était petite et à peu près comme celle du nº 2, puisque le +jardin était derrière et sur le côté. Il était impossible que dans une +si petite maison il séjournât plus d'une demoiselle à la fois, avec la +dame chargée de la garder[108] et le domestique nécessaire pour les +servir. Il faut bien admettre encore que les jeunes filles qui furent +conduites dans ce lieu y demeurèrent au moins une année, puisque la +plupart n'en sortaient que pour devenir mères! Eh bien, si le roi ne +garda cette maison que depuis 1755 jusqu'en 1771, comme nous allons le +voir, c'est-à-dire seize ans, on ne peut dire _que le nombre de celles +qui y furent conduites fut immense_, et il faut nécessairement un peu +rabattre _du milliard et même des centaines de millions_ que coûtèrent +les dépenses du Parc aux Cerfs[109]. + +Madame de Pompadour, voulant donner à Louis XV des maîtresses dont elle +n'eût rien à redouter pour son pouvoir, protégea ce commerce du roi avec +des jeunes filles, mais il cessa entièrement lorsque madame du Barry +eut su concentrer sur elle seule toute la passion du vieux roi débauché. +La petite maison du Parc aux Cerfs n'ayant plus alors aucun but +d'utilité, Louis XV, qui l'avait achetée de ses deniers, la vendit afin +de faire rentrer cet argent dans sa cassette particulière. + +Pour cette vente, Louis XV n'avait plus besoin de se cacher sous un faux +nom comme pour l'achat, et, malgré l'assertion de madame Campan, ce +n'est pas comme _Louis de Bourbon_, mais bien comme _roi de France_ +qu'il vendit l'ancienne habitation de ses innocentes victimes à J.-B. +Sévin. + +Voici ce contrat de vente: + +«Vente par le roi, notre sire, à M. J.-B. Sévin, 27 mai 1771. + +»Par-devant les notaires au bailliage royal de Versailles, soussignés, +fut présent très-haut, très-puissant et très-excellent prince Louis, par +la grâce de Dieu roi de France et de Navarre; lequel a, par ces +présentes, vendu et abandonné pour toujours et promet garantir de tous +troubles à sieur Jean-Baptiste Sévin, huissier de la chambre de madame +Victoire de France et commis principal de l'un des bureaux de la guerre, +demeurant à Versailles, rue Saint-Médéric, paroisse Saint-Louis, à ce +présent et acceptant acquéreur pour lui, ses hoirs et ayant cause, une +maison sise à Versailles, susdite rue Saint-Médéric, paroisse +Saint-Louis, consistant en bâtiments sur ladite rue, jardin derrière et +à côté, ainsi que ladite maison se comporte sans réserve, appartenant à +Sa Majesté au moyen de l'acquisition qu'elle en a fait faire _sous le +nom de François Vallet_, huissier-priseur au Châtelet de Paris, de J. +Crémer et Élisabeth Quartier, sa femme, par contrat passé devant Me +Patu et son confrère, notaires à Paris, le 25 novembre 1755, insinué et +ensaisiné, lequel Vallet a fait sa déclaration au profit de Sa Majesté +par acte passé devant ledit Patu et son confrère le même jour, le brevet +original en papier, laquelle est demeurée ci-joint, auxquels Crémer et +sa femme ladite maison appartenait de la manière expliquée au contrat +sus-daté, étant la dite maison en la censive de Sa Majesté et vers elle +chargée à raison de vingt sols de cens par arpent par chacun an pour +toutes choses, _de laquelle maison, dont Sa Majesté n'a jamais retiré +aucun revenu, elle a toujours entendu jouir à titre particulier pour en +disposer ainsi qu'elle jugerait à propos_. + +»Cette vente faite à la charge dudit cens seulement pour l'avenir, à +compter de ce jour, et sans être tenu par ledit sieur Sévin au payement +d'aucuns droits de lots et ventes, contrôles, insinuation et autres qui +pourraient être prétendus à cause de la présente vente dont Sa Majesté +dispense ledit sieur Sévin. + +»La présente vente aussi faite moyennant la somme de 16,000 livres; +laquelle somme Sa Majesté reconnaît avoir présentement reçue par les +mains d'Alain, l'un des notaires soussignés, qui, des deniers à lui +remis par ledit sieur Sévin, la lui a payée réellement délivrée en louis +d'or et monnoye ayant cours, à la vue desdits notaires, dont quittance +transportant, dessaisissant, voulant procureur, le porteur donnant +pouvoir. + +»Reconnaissant, ledit sieur Sévin, que Sa Majesté lui a fait remettre +l'expédition en parchemin du contrat de vente susdaté, ensemble tous les +titres et pièces que ledit Vallet a reconnu par icelui lui avoir été +remis par lesdits Crémer et sa femme, dont déchargé. + +»Par ainsi promettant, obligeant, renonçant; fait et passé audit +Versailles _à l'égard de Sa Majesté en son appartement au château_, et à +l'égard dudit sieur Sévin ès étudè, l'an 1774, le 27 mai, avant midi. Sa +Majesté a signé, ainsi que ledit sieur Sévin. Signé: LOUIS, SÉVIN, DUCRO +et ALAIN.» + +Il résulte donc de ces diverses pièces que la fameuse maison désignée +dans l'histoire de Louis XV sous le nom de _Parc aux Cerfs_ était placée +au nº 4 de la rue Saint-Médéric. + +Aujourd'hui cette maison a entièrement changé d'aspect; transformée en +un fort joli hôtel par les propriétaires qui l'ont successivement +habitée depuis quelques années, elle ne rappelle plus rien de cette trop +célèbre _petite maison_. + + + + +X + +MADAME DU BARRY. + +1768-1793. + + +Les archives de la préfecture de Seine-et-Oise contiennent deux cartons +avec cette suscription: _Madame du Barry_. Ces cartons renferment en +effet un grand nombre de papiers transportés dans les archives du +district de Versailles, lors de sa condamnation à mort, en 1793. A cette +époque, on apporta à Versailles tout ce qui fut trouvé de papiers au +château de Louveciennes. Ils étaient fort nombreux, et furent pour la +plupart rendus à la famille en 1825. On peut voir par l'inventaire +dressé alors, qui se trouve plus loin, qu'un grand nombre d'entre eux +étaient du plus haut intérêt. Tels qu'ils sont, ceux de la préfecture de +Versailles sont encore fort curieux et méritent d'être connus. + +On a écrit plus d'une fois la vie de madame du Barry; mais dans tous ces +écrits le vrai est fréquemment mêlé au faux, et ce sont pour la plupart +de véritables romans. + +Les documents renfermés aux archives de Seine-et-Oise, et d'autres que +nous avons puisés à des sources aussi sûres[110], s'ils ne nous +éclairent pas sur tous les points de la vie de cette célèbre maîtresse +de Louis XV, nous mettent au moins à même d'établir avec certitude +plusieurs faits principaux. + +Vers 1767, un homme, comme on en voit souvent dans les grandes +capitales, sans principes et sans moeurs, mais non pas sans esprit, le +comte _Jean du Barry_, rencontra dans une de ces maisons qu'on +appellerait aujourd'hui du _demi-monde_ une des plus jolies personnes +qu'il eût encore vues de sa vie. Frappé de sa beauté et de ses grâces, +il lui donna aussitôt le nom de l'_Ange_, et vit tout le parti qu'il en +pourrait tirer dans l'intérêt de sa fortune et de son ambition. Dès ce +moment il rêva et parvint à en faire la maîtresse du roi. + +Depuis l'année 1764, date de la mort de madame de Pompadour, Louis XV +n'avait plus de maîtresse en titre, et il commençait à se lasser de ses +amours obscures du Parc aux Cerfs. Le comte du Barry était ami de +Lebel, ce valet de chambre du roi, dont le principal emploi est connu de +tout le monde. Il est de certains hommes qui finissent toujours par se +donner la main. Du Barry lui présenta mademoiselle l'Ange, et Lebel, +frappé de sa beauté, n'hésita point à la mettre en rapport avec le +roi.--Dès la première entrevue, Louis XV fut tellement subjugué par les +charmes de mademoiselle l'Ange, qu'il ne voulut plus entendre parler +d'une autre femme. Les rendez-vous se succédèrent rapidement, et le roi +brûla du désir de la déclarer maîtresse en titre. Mais mademoiselle +l'Ange n'avait point de nom, et pour paraître à la cour et y jouer un +rôle aussi important, il fallait qu'elle fût revêtue d'un titre et +qu'elle eût une position sociale un peu moins équivoque. Le comte Jean +du Barry aimait bien plus mademoiselle l'Ange pour les avantages qu'elle +pouvait lui rapporter que pour elle-même, et il n'aurait pas hésité à +lui donner sa main et son nom; mais il était marié. Un autre, en +épousant la maîtresse du roi, profiterait de tous les avantages rêvés +pour lui-même, et que la reconnaissance de celle qu'il allait élever à +une si haute position lui assurait! Il résolut alors de lui donner son +propre nom, en lui faisant épouser son frère, et de conserver par cette +alliance l'ascendant qu'il avait pris sur l'esprit de la nouvelle +favorite. + +Le comte _Guillaume du Barry_, le mari futur de la maîtresse du roi, +était un pauvre officier des troupes de la marine, vivant à Toulouse +avec sa mère. Son frère lui écrivit aussitôt pour lui proposer ce +mariage, et lui faire envisager la brillante fortune qui en résulterait +pour lui et sa famille. Guillaume n'était pas plus scrupuleux que Jean, +il accepta avec joie sa proposition et partit immédiatement pour Paris. +Cependant, pour contracter ce mariage, il fallait le consentement de sa +mère. Cette dame ne le refusa pas; mais, soit par respect pour son nom, +soit pour toute autre raison, elle ne voulut pas sanctionner par sa +présence un acte si peu honorable, et elle chargea une autre personne de +la représenter dans tout ce qui allait être fait. Le comte Guillaume +arriva donc à Paris, muni de la pièce que voici: + +«Par-devant le notaire royal de la ville de Toulouse et témoins bas +nommés, fut présente dame _Catherine de Lacaze_, veuve de noble _Antoine +du Barry_, chevalier de l'ordre militaire de Saint-Louis, habitant de +cette ville; + +»Laquelle a fait et constitué pour son procureur général et spécial M. +Jean Gruel, négociant, rue du Roule, à Paris, auquel elle donne pouvoir +de, pour elle et en son nom, consentir que noble Guillaume du Barry, son +fils, ancien officier d'infanterie, contracte mariage avec telle +personne qu'il jugera à propos, pourvu toutefois qu'elle soit approuvée +et agréée par ledit sieur procureur constitué, et que la bénédiction +nuptiale lui soit départie suivant les constitutions canoniques, par le +premier prêtre requis, sans cependant que ladite dame constituante +entende rien donner à son fils dans son contrat de mariage; voulant en +outre que les présentes vaillent nonobstant surannotation et jusqu'à +révocation expresse, promettant, obligeant, renonçant. + +»Fait et passé audit Toulouse, dans notre étude, le quinzième jour du +mois de juillet, avant midi, l'an 1768, en présence des sieurs +Bernard-Joseph Fourmont et Bonaventure Calvet, praticiens, habitant +cette ville, soussignés, avec ladite dame constituante et nous, notaire. + + »_Signé_: DELACAZE DU BARRY, FOURMONT, + B. CALVET, et SANS, notaire, avec + paraphe[111].» + +A son arrivée à Paris, Guillaume du Barry descendit à l'hôtel de son +frère, rue Neuve des Petits-Champs. Celui-ci ne perdit pas un seul +instant, et huit jours après le consentement de leur mère, le 23 +juillet, il faisait signer à Guillaume le curieux contrat de mariage qui +suit: + +«Par-devant les conseillers du roi, notaires au Châtelet de Paris, +furent présents: + +»Haut et puissant seigneur messire Guillaume comte du Barry, chevalier, +capitaine des troupes détachées de la marine, demeurant à Paris, rue +Neuve des Petits-Champs, paroisse Saint-Roch, majeur, fils de défunt +messire Antoine, comte du Barry, chevalier de l'ordre royal et militaire +de Saint-Louis, et de dame Catherine Delacaze, son épouse, actuellement +sa veuve, demeurant à Toulouse, contractant pour lui et en son nom; + +»Sieur André-Marie Gruel, négociant à Paris, y demeurant, rue du Roule, +paroisse Saint-Germain l'Auxerrois, au nom et comme fondé de la +procuration spéciale à l'effet du mariage dont va être parlé, de ladite +dame du Barry mère, passé devant _Sans_, notaire royal à Toulouse, en +présence de témoins, le 15 juillet présent mois, dont l'original, dûment +contrôlé et légalisé, est, à la réquisition du sieur Gruel, demeuré +annexé à la minute des présentes, préalablement de lui certifié +véritable, signé et paraphé en présence des notaires soussignés. + +»Ledit sieur Gruel, audit nom, assistant et autorisant autant que de +besoin ledit seigneur comte du Barry, d'une part; + +»Et sieur _Nicolas Rançon_, intéressé dans les affaires du roi, et dame +_Anne Bécu_, son épouse, qu'il autorise à l'effet des présentes, +demeurant à Paris, rue du Ponceau, paroisse Saint-Laurent, ladite dame +auparavant _veuve du sieur Jean-Jacques Gomard de Vaubernier_, intéressé +dans les affaires du roi, stipulant pour _mademoiselle Jeanne Gomard de +Vaubernier_, fille _mineure_ de ladite dame Rançon et dudit feu sieur +Gomard de Vaubernier, _son premier mari_, demeurant avec eux; à ce +présente et de son consentement pour elle et en son nom; + +»Lesquels, dans la vue du mariage proposé et agréé entre ledit sieur +comte du Barry et ladite demoiselle Gomard de Vaubernier, qui sera +célébré incessamment en face d'Église, ont pris par ces présentes +volontairement fait et rédigé les clauses et conditions civiles dudit +mariage ainsi qu'il suit, en la présence et de l'_agrément_ de haut et +puissant seigneur _messire Jean, comte du Barry-Cérès_, gouverneur de +Lévignac, frère aîné dudit seigneur, futur époux, et de _Claire du +Barry_, demoiselle majeure, soeur dudit seigneur futur époux. + +»ARTICLE PREMIER.--Il n'y aura point communauté de biens entre ledit +seigneur et demoiselle future épouse, dérogeant à cet égard à la coutume +de Paris et à toute autre qui l'admette entre conjoints; et, au +contraire, ils seront et demeureront séparés de biens, et ladite +demoiselle future épouse aura seule la jouissance et l'administration +des biens, droits et actions, meubles et immeubles qui lui appartiennent +et pourront lui appartenir dans la suite _à tel titre que ce soit_. + +»ART. 2.--La demoiselle future épouse se marie avec les biens et droits +qui lui appartiennent et qui lui appartiendront par la suite, _dont elle +aura l'administration_, comme il est ci-devant dit. Et son mobilier +consiste en la somme de 30,000 livres, composé de bijoux, diamants, +habits, linge, dentelles et meubles à son usage, le tout _provenant de +ses gains et économies_, et dont, pour éviter la confusion avec le +mobilier dudit sieur futur époux, il a été fait et dressé un état, +transcrit sur les deux premières pages d'une feuille de papier à lettre, +lequel est, à leur réquisition, demeuré annexé à la minute des +présentes, après avoir été desdites parties contractantes certifié +véritable, signé et paraphé en présence des notaires soussignés. + +»ART. 3.--Tous les meubles et effets qui se trouveront dans les maisons +qu'occuperont les futurs époux, tant à Paris qu'à la campagne, autres +que ceux désignés dans l'état ci-devant annexé, seront censés appartenir +et appartiendront en effet audit seigneur futur époux, et si dans la +suite ladite demoiselle future épouse fait quelque achat de meubles et +effets, elle sera tenue de retirer quittances en forme et, par-devant +notaire, du prix d'iceux. + +»ART. 4.--Tous les biens appartenant aux demoiselle et seigneur futurs +époux, et ceux qui leur échoiront pendant le mariage, à tel titre que ce +soit, tant en meubles qu'immeubles, seront réputés propres à chacun +d'eux et aux leurs, de côtés et lignes respectivement. + +»ART. 5.--Ledit seigneur futur époux a doué et doue la demoiselle future +épouse de 1,000 livres de rente de douaire préfix, dont le fonds, en +denier 25, demeurera propre aux enfants à naître dudit mariage. + +»ART. 6.--Arrivant le décès de l'un des futurs époux, le survivant aura +et prendra sur les biens du prédécédé, par forme de gain de survie, en +meubles et effets prisés sans crue, la somme de 10,000 livres ou ladite +somme en deniers comptants, au choix dudit survivant. + +»ART. 7.--Il est convenu que ladite demoiselle future épouse _demeurera +chargée seule de la conduite et de toutes les dépenses du ménage_, tant +pour la nourriture que pour les loyers ou appartements qu'ils +occuperont, gages de domestiques, linge de table, ustensiles de ménage, +entretien d'équipages, nourriture de chevaux et _toutes autres dépenses +quelconques sans exception_, tant envers ledit seigneur futur époux +qu'envers les enfants à naître dudit mariage, qu'elle sera tenue +d'élever et faire éduquer à ses frais, à la charge par ledit seigneur +futur époux, ainsi qu'il s'y oblige, de payer à ladite demoiselle future +épouse la somme de 6,000 livres de pension, pour tenir lieu de sa moitié +dans lesdites dépenses et entretien du ménage, par chaque année, de six +mois en six mois, et toujours d'avance, en sorte que les six premiers +mois seront exigibles le lendemain de la célébration du mariage. + +»C'est ainsi que le tout a été convenu et arrêté entre les parties, +promettant, obligeant, renonçant. + +»Fait et passé à Paris, en la demeure dudit seigneur comte du Barry, +futur époux susdésigné. + +»L'an 1768, le 23 juillet après midi, et ont signé: J. GOMARD DE +VAUBERNIER, le CHEVALIER DU BARRY, GRUEL, le COMTE DU BARRY-CÉRÈS, A. +BÉCU, C.-F. DU BARRY, RANÇON. + +»La minute des présentes demeurée à Me Garnier-Deschênes, l'un des +notaires, etc.[112].» + +Par ce singulier contrat de mariage, madame du Barry était parfaitement +libre de faire tout ce que bon lui semblait, et le comte n'entrait dans +cet acte que pour lui donner un nom et lui permettre de recueillir +complétement les avantages de la position que l'on venait de lui +procurer. + +Il est dit dans le contrat que la future épouse possède une somme de +30,000 livres en mobilier. Voici le détail assez curieux des divers +objets qui composaient cette somme de 30,000 livres provenant des _gains +et économies_ de mademoiselle l'Ange, d'après l'état annexé au contrat +de mariage: + +«État des meubles, habits, linge, hardes et bijoux, dentelles et autres +effets appartenant à mademoiselle Gomard de Vaubernier: + + «1º Un collier de diamants fins, évalué + à. 8,000 liv. + + »2º Une aigrette et une paire de boucles + d'oreilles en girandolle, le tout + estimé à. 8,000 + + »3º Un lit complet, les rideaux, ciel, + dossier et bonnes grâces de damas vert; + une tenture servant de tapisserie, de + pareil damas; huit chaises, quatre fauteuils + et deux rideaux de fenêtres aussi + en pareil damas vert, le tout évalué à. 3,000 liv. + + »4º Trente robes et jupons de différentes + étoffes de soie or et argent, de + toutes saisons, évaluées à. 3,000 + + »5º Dentelles d'Angleterre, de Bruxelles, + de Valenciennes, d'Argentan et autres, + tant en garnitures de robes qu'en + manchettes, bonnets ou autrement. 6,000 + + »Six douzaines de chemises fines de + toile de Hollande, garnies de manchettes + de mousseline brodée; douze déshabillés + complets de différentes étoffes de + soie et autres; deux douzaines de corsets + et plusieurs autres linges et effets + à l'usage de ladite demoiselle de Vaubernier, + le tout évalué à. 2,000 + + Total. 30,000 l.[113].» + +Tels étaient les cadeaux de noces que le royal amant donnait à la +nouvelle épouse. Ce qui domine surtout dans ces divers objets, ce sont +les diamants, les robes, les dentelles, tous les ornements de toilette, +et l'on verra plus tard que le même goût préside aux dépenses de madame +du Barry pendant toute sa grandeur. + +Un mois après le contrat, a lieu la célébration du mariage. A cette +cérémonie n'assistent ni la mère du marié, ni celle de la mariée, et +l'on voit cette dernière représentée par un personnage sur lequel nous +reviendrons dans la suite. L'acte de célébration est ainsi conçu: + +«Le 1er septembre 1768, après publication de trois bans sans +empêchement, en cette paroisse Saint-Laurent et en celle de +Saint-Eustache, les 24, 25 et 31 juillet dernier, vu la procuration +donnée par la mère de l'époux à M. Jean Gruel, négociant à Paris, rue du +Roule, auquel elle donne pouvoir de, pour elle et en son nom, consentir +au présent mariage; vu pareillement la procuration des beau-père et mère +de l'épouse, donnée à messire _Jean-Baptiste Gomard_, prêtre, aumônier +du roi, auquel ils donnent pouvoir de les représenter lors de la +célébration de ce mariage, les fiançailles célébrées aujourd'hui, ont +été par nous mariés messire Guillaume, comte du Barry, ancien capitaine, +et demoiselle Jeanne Gomard de Vaubernier, âgée de vingt-deux ans, fille +de Jean-Jacques de Vaubernier, intéressé dans les affaires du roi, et +d'Anne Bécu, dite Cantigny, etc.[114].» + +Madame du Barry mariée, le comte son mari retourna à Toulouse, et elle +vint s'établir définitivement à Versailles. Le roi n'attendait que cela +pour se livrer tranquillement à toute sa passion. + +Elle eut un appartement dans le château. Cet appartement était situé au +deuxième étage précisément au-dessus de celui du roi[115]. Louis XV +pouvait s'y rendre à toute heure et sans être vu, soit par un escalier +aboutissant au balcon de la cour des Cerfs, soit par la bibliothèque +située au-dessus du grand cabinet, dont une porte ouvrait sur un petit +palier donnant entrée dans un des deux cabinets placés de chaque côté de +l'alcôve de la chambre à coucher de madame du Barry. + +De ce moment, madame du Barry allait avoir des équipages et des gens: il +fallait les loger en ville et avoir un hôtel, comme tous les grands +seigneurs qui habitaient Versailles. + +Le 22 décembre 1768, on passe un bail en son nom avec la veuve _Duru_, +pour un hôtel situé à Versailles, rue de l'Orangerie[116], et c'est là +qu'elle établit sa maison. + +Madame du Barry était installée au château, mais le roi ne la voyait +qu'en particulier. Elle ne pouvait monter dans les carrosses de la cour +et elle ne paraissait point en public; pour cela, il aurait fallu que +la favorite fût présentée et fît ainsi partie des dames de la cour. Le +roi le désirait ardemment, et madame du Barry encore plus. Malgré les +obstacles qui semblaient devoir s'y opposer, cette présentation se fit +rapidement, et elle eut lieu le 22 avril 1769. Dès ce moment, madame du +Barry fut reconnue comme maîtresse en titre, et entourée d'une foule de +courtisans qui, jusqu'à sa chute, ne cessèrent de briguer ses faveurs. + +On a vu de quoi se composait la dot de mademoiselle l'Ange, mais cela ne +pouvait plus suffire à la maîtresse du roi. Aussi, dès les premiers +jours de 1769, le roi lui constistue 100,000 livres de rentes viagères +sur la ville de Paris, et 10,000 livres de rente sur les États de +Bourgogne. Madame de Pompadour avait eu près de Versailles une +habitation princière[117], il en fallut une à madame du Barry. + +En 1690, Louis XIV avait acheté à M. de Valentinay la belle terre et le +château de Louveciennes. Il en fit don à la princesse de Conty, sa +fille. A la mort de la princesse, cette terre passa au comte de +Toulouse, puis au duc de Penthièvre. Le 7 mai 1768, le prince de +Lamballe y étant mort des suites de ses débauches, son père, le duc de +Penthièvre, ne voulut plus habiter une terre qui lui rappelait de si +tristes souvenirs, et il la vendit au roi. Louis XV la donna à madame +du Barry, et par brevet du roi du 24 juillet 1769, elle obtint, sa vie +durant, la _jouissance de la maison, jardins et dépendances de +Louveciennes_[118]. On voit, dans le relevé des dépenses de madame de +Pompadour, que dans les premières années de sa faveur, Louis XV lui +faisait des cadeaux d'une valeur fort considérable; c'est ce qui eut +lieu aussi pour madame du Barry. Le 1er janvier 1770, le roi entra de +bonne heure chez sa maîtresse, et, en l'embrassant, lui remit un brevet +signé le 23 décembre précédent, qui lui concédait, sa vie durant, _les +Loges de Nantes_. Ce que l'on nommait _les Loges de Nantes_ était une +réunion de _boutiques, baraques et appentis établis sur la contrescarpe, +à Nantes_, et rapportant environ 40,000 livres de rente. + +Mais les libéralités du roi pour sa nouvelle maîtresse ne s'arrêtaient +pas là, et il fournissait avec abondance l'argent nécessaire à ses +nombreuses dépenses. + +Madame de Pompadour reçut une brillante éducation; artiste elle-même, +elle aimait les arts et les artistes, et ses dépenses consistent plus +dans la création de charmants séjours, embellis par les arts de la +peinture et de la sculpture, en concerts délicieux, en représentations +théâtrales, en tout ce qui est le résultat d'une éducation recherchée et +de bon goût qu'en dépenses personnelles et de toilette. Madame du +Barry, au contraire, n'ayant reçu aucune éducation, et arrivée à jouer +un rôle si important par sa seule beauté, ne pensa qu'aux moyens de +faire valoir ses charmes, et dirigea toutes ses dépenses vers la +toilette, le luxe et la recherche de ses appartements intimes. + +On peut juger par la quantité de robes, d'étoffes de toutes sortes, de +dentelles, de bijoux trouvés chez elle à sa mort, de son goût effréné +pour la toilette. Ainsi, il y avait de dentelles, étoffes, robes, +corsets et linge de corps, pour 160,029 livres 5 sols;--de bijoux, +diamants, montres, etc., pour 400,000 livres[119];--et elle devait +encore, entre autres objets de toilette, 40,896 livres 13 sols à +mademoiselle _Bertin_, sa marchande de modes à Paris, et 2,275 livres 6 +sols à M. _Bataille_, son parfumeur à Versailles. + +Elle fit de son appartement de Versailles une suite de boudoirs +délicieux. + +Les objets qui en faisaient l'ornement sont décrits dans les Mémoires +conservés aux archives de la préfecture de Seine-et-Oise. La description +de quelques-uns de ces objets fera juger de ce que devait être ce +charmant logis[120]. + +Dans le salon, on voyait sur la cheminée une magnifique pendule à +colonnes, ornée de figures de porcelaine; au milieu, une superbe table +ornée de porcelaines de France: le dessus, qui était le morceau +principal, représentait un tableau en miniature d'après _Leprince_, les +garnitures de bronze, parfaitement ciselées et dorées d'or mat.--Il y +avait aussi un très-beau forte-piano anglais, qu'on avait fait organiser +à Paris par le fameux _Clicot_, avec flûtes et galoubet, un mouvement +pour le luth et deux autres pour les cymbales; la caisse, que l'on fut +obligé d'y ajouter pour contenir les tuyaux et les soufflets, était +plaquée en bois rose et à mosaïques blanches et bleues, et +très-richement garnie de bronzes dorés d'or mat.--Sur un des côtés était +une superbe commode d'ancien laque, de la première qualité, le panneau +du milieu à magots très-richement habillés; les frises plaquées en +ébène, les garnitures de bronze, ciselées et dorées d'or mat; le marbre +blanc de statuaire.--Et de l'autre côté une autre belle commode, ornée +de cinq morceaux de porcelaine de France, à fleurs et filets d'or, +très-richement garnie de bronzes bien finis et dorés d'or mat; le dedans +doublé en tapis vert et galonné d'or; le marbre blanc de statuaire.--Sur +chacune de ces commodes se trouvaient: d'un côté un très-fort groupe de +bronze et de couleur antique, composé de quatre figures représentant +l'enlèvement d'Hélène par Pâris, le tout sur un pied de bronze doré d'or +moulu;--et de l'autre côté un autre groupe de bronze, plus petit, et +d'après _Sarrazin_, composé de cinq enfants qui jouent avec un bouc; le +tout sur un pied de marqueterie de _Boule_, et orné de bronzes dorés +d'or moulu;--enfin un fort lustre de cristal de roche, à six luminaires, +et ayant coûté 16,000 livres, était appendu au milieu de la pièce. Comme +l'on jouait souvent dans ce petit salon, madame du Barry avait fait +faire une boîte de jeux, dont ces Mémoires nous ont conservé la +description: cette boîte était en acajou, doublée en tabis bleu, +galonnée en or; elle renfermait quatre boîtes à quadrilles en ivoire, le +trèfle, le pique, le coeur et le carreau en or incrusté sur chacune +desdites boîtes et entourés d'un cartouche avec noeuds de rubans, le +tout en or et aussi incrusté;--les quatre-vingts fiches et les vingt +contrats distingués par le trèfle; le pique, le coeur et le carreau, +aussi en or et incrustés. + +Dans la chambre à coucher, il y avait une commode ornée de tableaux de +porcelaine d'après _Watteau_ et _Wanloo_, très-richement garnie de +bronzes très-bien finis et dorés d'or mat;--un secrétaire en armoire, de +porcelaine de France, fond vert et à fleurs, richement garni de bronzes +dorés d'or moulu.--On voyait sur les meubles deux cuvettes à mettre des +fleurs, en porcelaine de France, fond petit vert, à marines en +miniatures.--Une cuvette gros bleu caillouté d'or, avec des sujets de +_Teniers_, en miniature, et deux autres, moins grandes et décorées de +même.--Sur la cheminée, une pendule dorée d'or de Germain: elle +représentait les trois Grâces supportant un vase dans lequel était un +cadran tournant, et au-dessus un Amour indiquait l'heure avec sa +flèche; le tout était élevé sur un piédestal très-bien ciselé et doré. + +Le cabinet ne le cédait point au reste: sur la cheminée était une +pendule à vase et serpent, en bronze doré d'or moulu, le cadran +tournant; le piédestal garni de trois morceaux de porcelaine de France, +fond bleu, avec des enfants en miniature; le dard du serpent fait en +marcassite. On y voyait aussi une très-jolie table à gradins, en +porcelaine de France, fond vert et cartouches à fleurs, très-richement +ornée de bronzes dorés d'or moulu, le dessus du tiroir couvert d'un +velours vert et les pièces d'écritoire dorées. Sur des étagères on +remarquait, parmi une quantité d'objets de toutes sortes: une cassette +d'ancien laque, fond noir, ouvrage en or de reliefs et aventurine, avec +paysages et magots;--cinq tasses et soucoupes d'ancien Saxe, à tableaux +et à miniatures, avec la théière et la boîte à thé pareilles;--une cave, +composée de quatre gros flacons, un gobelet et sa soucoupe, le tout de +cristal de roche; six petits flacons de cristal de Bohême; deux cuillers +et un entonnoir d'or; les dix flacons garnis d'or et le tout dans une +boîte de bois des Indes garnie de velours rouge. Cette jolie cave avait +été achetée à la vente de madame de Lauraguais.--Enfin on remarquait +encore dans ce cabinet un baromètre et un thermomètre de Passemant, +montés très-richement en bronzes dorés d'or moulu, et ornés de trois +plaques de porcelaine de France, à enfants en miniature. + +Tout, jusqu'aux lieux les plus secrets de ce petit appartement, portait +le goût du luxe de la comtesse. Ainsi, dans le petit couloir qui menait +à la garde-robe, on voyait, au-dessous de la croisée, une commode à +portes de 52 pouces de long, en bois rose et garnie de bronzes dorés +d'or moulu, le marbre en brèche d'Alep; et _dans la garde-robe, un +meuble de toilette secrète à dossier, en marqueterie, fond blanc, à +mosaïques bleues et filets noirs, avec rosettes rouges, garni de velours +bleu brodé d'or, et sabots dorés d'or moulu_; la boîte à éponges et la +cuvette en argent; deux tablettes d'encoignure, aussi en marqueterie, +garnies de bronzes dorés d'or moulu; et une _chaise de garde-robe en +marqueterie pareille aux autres meubles, la lunette recouverte de +maroquin, et les poignées et sabots dorés d'or moulu_. + +Aussitôt que madame du Barry eut la jouissance du château de +Louveciennes, elle y fit faire de nombreux travaux. Mais quoiqu'elle y +eût dépensé beaucoup d'argent, elle ne put transformer en boudoirs de +_petite maison_ ces grands appartements bâtis pour une fille de Louis +XIV. Elle y renonça, et tout en conservant le château principal, elle +fit bâtir, un peu plus loin, un _pavillon_ beaucoup plus approprié à la +destination galante qu'elle voulait lui donner. + +Ce pavillon, d'où l'on jouit d'une vue magnifique et qui, regardé des +bords de la Seine, est d'un effet très-pittoresque et paraît suspendu +dans les airs, fut bâti par l'architecte Ledoux, pendant les années 1771 +et 1772. On appela les plus habiles artistes pour travailler à son +embellissement, et l'intérieur était un véritable modèle de goût et +d'élégance. + +On se doute bien que les appartements particuliers de la comtesse, dans +cette nouvelle habitation, ne le cédaient pas à ceux de Versailles, et +en parcourant les cartons de la préfecture de Seine-et-Oise, on voit +figurer, dans les diverses parties du pavillon de Louveciennes, des +objets analogues à ceux déjà indiqués à Versailles. + +Louis XV, quand il venait à Louveciennes, n'avait pas d'autre +appartement que celui de la comtesse, excepté pourtant la partie +destinée à sa toilette. On sait qu'il était extrêmement soigneux de sa +personne, et il est à présumer que dans ce lieu il devait avoir +quelquefois besoin de réparer le désordre de sa tenue. + +Cette partie, complétement réservée au roi, se composait d'une +antichambre, d'un cabinet et d'une garde-robe. L'antichambre, tapissée +en damas bleu et blanc, n'offrait aucun meuble remarquable. Dans le +cabinet de toilette, il y avait dans la cheminée un feu doré d'or moulu, +à trophées militaires, garni de pelle, pincettes et tenailles +analogues.--Sur la cheminée, une garniture de trois pièces de porcelaine +de Saxe à petites fleurs en relief, sur un fond petit bleu, avec +cartouches en miniatures sur fond d'or, et ornées de bronzes dorés d'or +moulu.--Une paire de flambeaux, cannelés de bronze doré d'or moulu.--De +chaque côté de la cheminée, une forte paire de bras à trois branches et +colliers de perles, en bronze doré d'or moulu.--De l'autre côté, en face +de la cheminée, une paire de girandoles à trois branches, d'un nouveau +modèle de goût antique, dorées d'or moulu.--Au-dessous, une commode +d'ancien laque du Japon, richement ornée de bronzes dorés, avec son +marbre de cinq pieds en gruotte d'Italie.--Enfin, au milieu était un +fauteuil à poudrer, garni de maroquin rouge, avec un coussin sur fond de +canne, et devant une table d'ébénisterie à mosaïques, sur fond gris +satiné, avec une tablette dans les jambes, et garnie en bronzes +dorés.--Quant à la garde-robe, elle renfermait tous les meubles déjà +indiqués dans celle de madame du Barry, excepté cependant qu'au lieu du +raffinement de luxe observé dans ceux de la comtesse, ils étaient fort +simples et tous en bois de noyer[121]. + +Au milieu des grandeurs de la favorite, la famille du Barry ne +s'oubliait pas. Déjà plusieurs fois le mari de la comtesse, _Guillaume_ +du Barry, était venu tourmenter sa femme de ses doléances et avait +cherché à obtenir par elle des faveurs et de l'argent. Pour faire cesser +ces importunités, madame du Barry lui constitua 5,000 livres de rente, +et par sentence contradictoire du Châtelet de Paris du 1er avril +1772, elle fut séparée d'habitation avec son mari[122]. Quant au comte +_Jean_, il avait toujours conservé un certain ascendant sur madame du +Barry. Il avait placé auprès d'elle sa propre soeur, mademoiselle +_Claire du Barry_, petite bossue que la comtesse aimait fort peu, pour +surveiller toutes ses actions et lui rappeler sans cesse que sa faveur +était due à son frère, et qu'elle devait en être reconnaissante. On +verra qu'il sut en tirer ainsi des sommes s'élevant à plus d'un million. +Mais il ne voulait pas seulement de l'argent, il fallait encore qu'il +profitât de la favorite pour satisfaire son ambition. Le comte Jean +avait un fils, débauché comme le père; il voulut le marier à une fille +de grande maison, et pouvoir, à l'aide de cette alliance, marcher de +pair avec les premières familles de la cour. C'est ce qu'il parvint à +réaliser grâce à la faveur et surtout à l'argent de madame du Barry. + +M. le prince de Soubise avait pour parente une jeune personne d'une +grande beauté, mais peu riche, la fille du marquis de Tournon. Ce fut +elle que l'on destina au fils du comte du Barry. A peine âgée de +dix-sept ans, mademoiselle de Tournon était encore au couvent lorsque +l'on décida de son sort. Par ce mariage, les du Barry s'alliaient +presque au sang royal, puisque la mère du duc de Bourbon, fils du prince +de Condé, était fille du prince de Soubise. Le roi, sous l'influence de +madame du Barry, pressait fortement la conclusion de ce mariage; le +prince de Soubise le désirait aussi, le prince de Condé seul s'y +opposait. Mais enfin, vaincu par les instances du roi, il y donna son +consentement. Le 18 juillet 1773, le roi et la famille royale signèrent +le contrat de mariage du vicomte du Barry avec mademoiselle de Tournon; +quelques jours après ils reçurent la bénédiction nuptiale, et le 1er +août suivant, la nouvelle vicomtesse était présentée au roi et à la +famille royale par madame du Barry elle-même. + +En faveur de ce mariage, le vicomte du Barry fut fait capitaine des +Suisses de M. le comte d'Artois, et sa femme, qui reçut en dot 200,000 +livres de madame du Barry[123], fut nommée dame pour accompagner la +comtesse d'Artois. + +Madame du Barry acheta fort peu de biens pendant sa grandeur. Elle fit +l'acquisition d'une maison à Saint-Vrain, près Arpajon, et d'une petite +ferme appelée la _Maison-Rouge_, à Villiers-sur-Orge, près de +Lonjumeau[124]. + +On a vu par le contrat de mariage de madame du Barry que sa mère se +nommait madame _Rançon_. En effet, elle avait épousé, en 1749, un nommé +_Rançon_, commis aux aides, titre qu'on changea, dans le contrat de la +comtesse, en celui d'_intéressé dans les affaires du roi_. On conçoit +qu'avec un si mince emploi pour toute fortune, M. et madame Rançon +devaient mener une assez triste existence. Dans sa haute position, +madame du Barry n'oublia pas sa mère. Elle allait souvent la voir, et +elle la mit à même de vivre largement. Quoiqu'elle n'eût ni les manières +ni le langage d'une femme de qualité, on ne pouvait cependant continuer +de donner ce nom de Rançon à la mère d'une comtesse qui avait l'insigne +honneur d'être la maîtresse du roi, et on l'appela madame de Montrable. +C'est pour madame de _Montrable_ que madame du Barry acheta _la +Maison-Rouge_, et cette dame l'habita fort longtemps. + +La maison de madame du Barry était devenue très-considérable, et ses +équipages et ses gens ne pouvaient plus tenir dans l'hôtel de la rue de +l'Orangerie, qu'elle avait loué la première année de son arrivée à +Versailles[125]. Il y avait, sur l'avenue de Paris, une charmante +habitation construite par _Binet_, valet de chambre du Dauphin et parent +de madame de Pompadour. Madame du Barry l'acheta pour y faire construire +un grand hôtel. _Ledoux_, son architecte, tout en conservant le joli +pavillon de _Binet_, y fit ajouter des constructions considérables, afin +d'y placer les chevaux, les voitures et les gens. C'était un véritable +palais, et l'on alla même jusqu'à y élever une chapelle, à laquelle, +pour la desservir, madame du Barry nomma un aumônier en titre[126]. + +Madame du Barry était arrivée au comble de la faveur; le roi n'était pas +encore dans un âge très-avancé (64 ans), tout lui faisait espérer une +longue carrière dans le poste qu'elle occupait; et cependant, quelques +jours encore, et toute cette grandeur allait disparaître. Louis XV, déjà +triste et souffrant, venait, pour se distraire, de passer quelques jours +à Trianon, lorsqu'il y fut atteint de la petite vérole. Ramené à +Versailles, il y succomba le 10 mai 1774. + +Quelques jours avant la mort du roi, et lorsqu'on le vit dans un état +tout à fait désespéré, on fit partir de Versailles madame du Barry. Elle +se retira à Rueil, chez M. et madame d'Aiguillon, qui lui prodiguèrent +les soins les plus affectueux. + +Le premier acte du nouveau monarque fut d'éloigner de la cour celle qui +en avait été le scandale pendant les dernières années de la vie du feu +roi. Le jour même de la mort de Louis XV, le duc de la Vrillière fut +envoyé à Rueil et remit à madame du Barry une lettre de cachet lui +intimant l'ordre de se rendre immédiatement au couvent de +Pont-aux-Dames, près de Meaux. + +La chute de madame du Barry entraîna celle de toute la famille. Le comte +Jean et son fils sortirent de France. Quant au comte Guillaume, resté à +Toulouse, il y fut l'objet des huées et des railleries de la populace. + +Il y avait un an que madame du Barry était renfermée dans l'abbaye de +Pont-aux-Dames. Sa santé s'altérait de cette vie si éloignée de ses +habitudes. Ses amis faisaient des efforts pour l'en faire sortir, et +elle parvint enfin à obtenir la permission d'aller habiter sa petite +maison de Saint-Vrain. Elle y passa une partie de l'année 1775; mais, +vers l'automne, des fièvres assez graves attribuées à l'humidité de ce +lieu ayant attaqué une partie de ses gens et la menaçant elle-même, elle +obtint enfin de M. de Maurepas, oncle de M. d'Aiguillon, alors +tout-puissant, de revenir habiter le joli pavillon de Louveciennes. + +Pendant le temps de sa faveur, madame du Barry avait eu à sa disposition +des sommes considérables; mais légère comme elle l'était, coquette et +désirant contenter à l'instant ses moindres caprices sans regarder à la +dépense, surprise surtout par la brusque mort de Louis XV, elle n'eut +point le temps de satisfaire ses créanciers, et il fut établi que +lorsqu'elle quitta la cour elle avait pour plus de 1,200,000 livres de +dettes. + +Les créanciers de la comtesse ne savaient à qui s'adresser pendant son +séjour à Pont-aux-Dames. L'intendant général de la maison du roi +recevait de toutes parts des réclamations. On jugea alors nécessaire de +se rendre compte de la fortune de madame du Barry et des sommes qu'elle +avait reçues pendant le temps de sa faveur. Montvallier, intendant de +la comtesse, fut chargé de dresser un état de toutes ces sommes. Voici +cet état, copié sur les papiers déposés à la préfecture de +Seine-et-Oise[127]: + +«État des sommes payées pour le compte de madame la comtesse du Barry, +par M. Beaujon[128], pendant qu'elle était en faveur à la cour de +France. + +«15 juillet 1774.» + + +OBSERVATION. + +Montvallier prévient qu'il n'a pu rendre le travail plus complet, +attendu qu'il n'a pas la suite des bordereaux de M. Beaujon, et qu'il y +a même une lacune entre celui du 15 février 1772 et celui du 10 +septembre suivant, et qu'il lui a été fait une remise de pièces sans +bordereaux par madame du Barry, pour cette lacune, montant ensemble à la +somme de 93,200 livres, employée dans les articles qui suivent, savoir: + +ART. 1er.--_Aux marchands orfèvres, joailliers et bijoutiers_. + + Orfèvres 313,328 l. 4 s. + Joailliers 1,808,635 9 + Bijoutiers 158,000 » + ------------------ + Total 2,279,963 l. 13 s. + +ART. 2.--_Aux marchands de soieries, dentelles, toiles, modes_, etc. + + Soieries 369,810 l. 15 s. 3 d. + Toiles, dentelles 215,888 6 » + Modes 116,818 5 » + Merceries 35,443 14 » + --------------------- + Total 737,961 l. » s. 3 d. + + + ART. 3.--_A divers parfumeurs, fourreurs, chapeliers, + chaudronniers_, etc. 52,148 l. 9 s. + + +ART. 4.--_Pour meubles, tableaux, vases et autres ornements._ + + Meubles 24,398 l. 18 s. + Tableaux, vases 91,519 19 + ---------------- + Total 115,918 l. 17 s. + +ART. 5.--_Aux tailleurs et brodeurs._ + + Tailleurs 60,322 l. 10 s. + Brodeurs 471,178 » + ---------------- + Total 531,500 l. 10 s. + + +ART. 6.--_Pour achat de voitures, chevaux et fourrages._ + + Voitures et entretien 67,470 l. 1 s. + Chevaux 57,347 » + Fourrages 6,810 » + ---------------- + Total 131,627 l. 1 s. + + +ART. 7.--_Aux peintres, sculpteurs_, etc. + + Doreurs 78,026 l. » s. » d. + Sculpteurs 95,426 » » + Peintres 48,875 12 6 + Fondeurs 98,000 » » + Marbriers 17,540 8 10 + A divers ouvriers menuisiers, + serruriers 32,240 8 » + ---------------------- + Total 370,108 l. 9 s. 4 d. + + +ART. 8.--_Pour les anciens et nouveaux ouvrages de Louveciennes._ + + Anciens ouvrages 111,475 l. 6 s. 9 d. + Jardins 3,739 19 » + Nouveaux ouvrages 205,638 16 8 + Jardins 3,000 » » + ---------------------- + Total 323,854 l. 2 s. 5 d. + + + ART. 9.--Sommes payées, qu'on n'a pu appliquer aux + différents comptes, les motifs des payements n'étant + point connus 55,619 l. 2 s. » d. + + + ART. 10.--Pour dépenses extraordinaires, + dons, gratifications, + musique, aumônes 47,525 5 » + + + ART. 11.--Sommes payées, divisées + en deux parties, la première + considérée comme pour + le compte de madame du + Barry, et la deuxième pour ses + affaires; à madame du Barry + directement ou pour elle; aux + comte, vicomte et demoiselle + du Barry, et autres 1,081,052 l. 15 s. 2 d. + + A ses gens d'affaires et autres, + y compris l'acquisition du + pavillon de l'avenue de Paris, + à Versailles 661,628 16 9 + + ART. 12.--A-compte sur la + construction du bâtiment audit + pavillon 18,000 » » + + ART. 13.--Recouvrements à + faire 20,000 » » + ------------------------ + Total général 6,375,559 l. 11 s. 11 d. + + Certifié véritable et conforme aux bordereaux mentionnés + ci-dessus. + + Louveciennes, le 14 juillet 1774. + + _Signé_: MONTVALLIER. + +Pour payer toutes ses dettes, madame du Barry restait avec sa propriété +de Louveciennes et 150,000 livres de rentes viagères. Elle parvint à +faire des arrangements avec la plupart de ses créanciers; quant aux plus +récalcitrants, elle les paya à l'aide de la vente de plusieurs de ses +bijoux, et de la cession qu'elle fit de son hôtel de Versailles, en +1775, à Monsieur, frère du roi, moyennant la somme de 224,000 +livres[129]. + +Retirée à Louveciennes, madame du Barry y mena une vie fort tranquille. +Belle et bonne, malgré sa position équivoque à la cour, elle s'y était +fait un grand nombre d'amis. Les plus grands personnages et bon nombre +de dames allaient à Louveciennes. On vit même le frère de +Marie-Antoinette, l'empereur Joseph II, venir lui faire une visite, et +lui offrir le bras en se promenant avec elle dans ses jardins. La +comtesse avait su se créer une petite cour, et les anciens amis de Louis +XV étaient toujours les bienvenus dans son château. Habituée depuis +plusieurs années à satisfaire tous ses caprices sans savoir ce qu'ils +pouvaient coûter, elle recevait ses hôtes en princesse, et, jolie femme, +continuait toutes ces folles dépenses de toilette qu'une jolie femme, +même sans être une madame du Barry, a souvent tant de peine à +abandonner. On la trouvait de plus toujours prête à secourir ses amis; +et l'on voit dans les papiers de la préfecture de Seine-et-Oise que le 9 +avril 1775, c'est-à-dire un an après la mort de Louis XV, elle prêta +200,000 livres à M. le duc d'Aiguillon, qui ne les lui rendit que le 30 +août 1784. + +Madame du Barry dut donc économiser fort peu pour payer ses créanciers, +et ses dettes, au lieu de diminuer, ne firent qu'aller en augmentant. +Aussi, pour se liquider complétement, à force d'instances et de +démarches de ses amis, elle obtint enfin du roi Louis XVI, en avril +1784, l'échange de 60,000 livres de rente contre 1,250,000 livres qui +lui furent délivrées par le trésor royal[130]. + +Après comme pendant sa faveur, madame du Barry eut les mêmes soins de sa +mère; et lorsqu'elle mourut, le 20 octobre 1788, _elle constitua au +profit du sieur Rançon de Montrable, le mari de sa mère, une rente +viagère de 2,000 livres pour, dit-elle, reconnaître les bons procédés de +Rançon à l'égard de son épouse_[131]. Elle n'oublia pas non plus la +famille de sa mère; elle constitua des rentes à ses oncles et tantes, et +maria très-avantageusement plusieurs des ses cousines[132]. + +Madame du Barry était excessivement bonne pour ses domestiques. Elle +avait en eux une très-grande confiance, dont ils abusèrent plusieurs +fois, surtout à l'époque de la Révolution. Soit que ces domestiques, +paresseux et insouciants comme ils le sont dans la plupart des grandes +maisons, n'exerçassent point une surveillance assez active, soit que +quelques-uns d'entre-eux s'entendissent avec les fripons que tentaient +les richesses accumulées dans ce lieu, toujours est-il que plusieurs +vols considérables eurent lieu à Louveciennes, depuis que la comtesse y +faisait son séjour habituel. + +Le 20 avril 1776, trois individus fort bien mis se présentent au château +et demandent à parler à madame du Barry. L'un d'eux, décoré de la croix +de Saint-Louis, est introduit dans son cabinet, où elle se trouvait +seule en ce moment, pendant que les deux autres restent dans la chambre +qui précède. Il va droit à elle un pistolet à la main, la menace de +tirer si elle fait le moindre geste pour appeler, et lui ordonne de +donner ce qu'elle a d'argent et de bijoux. Effrayée, elle s'empresse de +remettre à cet homme un riche écrin qu'elle avait près d'elle. Le +voleur, frappé de la beauté des diamants et content de sa proie, se +retire avec ses compagnons sans qu'on ait jamais pu les retrouver. + +Un autre vol, beaucoup plus considérable, eut lieu dans la nuit du 10 au +11 janvier 1791. + +On a vu que dans sa retraite de Louveciennes, madame du Barry avait +conservé de nombreux amis. Parmi eux se trouvait M. le duc de Brissac. +Brave, loyal et d'une superbe figure, le duc fit impression sur le coeur +de la comtesse. Ils s'attachèrent bientôt l'un à l'autre, et leurs +relations devinrent si intimes, que madame du Barry était aussi souvent +à Paris, à l'hôtel de Brissac, que le duc était à Louveciennes[133]. +C'est pendant l'un de ces séjours à Paris que s'accomplit le vol dont on +va parler. + +A l'aide des sacrifices qu'elle avait déjà faits, madame du Barry était +parvenue à combler la plus grande partie de ses dettes. Mais à l'époque +dont il s'agit (1791), elle en avait contracté de nouvelles. + +Sa négligence à se rendre compte de ses propres affaires, le goût des +folles dépenses qui ne l'avait pas quittée, mais surtout le besoin de +soulager les infortunes que la Révolution commençait à faire peser sur +ses amis, avaient mis de nouveau le désordre dans ses finances. Déjà +elle avait cherché, par l'entremise de son banquier, à faire vendre +quelques-uns de ses diamants à l'étranger. Elle avait, à cet effet, +réuni dans un seul endroit du château ses bijoux les plus précieux. Peu +défiante, elle s'était fait aider dans ce travail par plusieurs de ses +domestiques; aussi savait-on parfaitement dans la maison le lieu où +étaient placées toutes ces richesses, et si les gens de la comtesse n'y +furent pour rien, leurs indiscrétions mirent au moins sur la voie les +malfaiteurs qui accomplirent ce vol audacieux. + +Dans la nuit du 10 au 11 janvier 1791, pendant que madame du Barry était +à Paris chez le duc de Brissac, des voleurs s'introduisirent dans le +château, allèrent droit au lieu où étaient les diamants et les bijoux de +la comtesse, et enlevèrent tout ce qui s'y trouvait réuni; puis ils se +retirèrent tranquillement, sans que personne dans la maison se fût +aperçu de leur présence. Depuis quelque temps madame du Barry, pour +ajouter à sa sûreté, avait demandé au commandant des Suisses de +Courbevoie de lui donner un des soldats du régiment pour lui servir de +concierge. Aussitôt que l'on eut connaissance du vol, la municipalité de +Louveciennes fit arrêter le Suisse qui servait de gardien. Interrogé par +ses officiers, il avoua que des hommes qu'il ne connaissait pas +l'avaient enivré dans un cabaret; mais voilà tout ce que la police de +l'époque put recueillir sur cet attentat. + +C'était une immense perte pour madame du Barry, car on venait de lui +enlever ses bijoux les plus précieux. On peut juger de la valeur de ce +vol et des richesses accumulées dans ce lieu par l'état des objets volés +qu'elle fit afficher dans Paris et annoncer dans les journaux étrangers: + +«Trois bagues montées chacune d'un brillant blanc, le premier pesant 35 +grains, le deuxième 50 grains, et le troisième 28 grains; + +»Une bague montée d'un saphir, carré long, avec un Amour gravé dessus, +et deux brillants sur le corps; + +»Un baguier en rosette verte, renfermant vingt à vingt-cinq bagues, dont +une grosse émeraude; + +»Une pendeloque montée à jour, pesant environ 36 grains, d'une belle +couleur, mais très-jardineuse, ayant beaucoup de dessous; + +»Une autre d'un onyx, représentant le portrait de Louis XIII, dont les +cheveux et les moustaches sont en sardoine; + +»Une autre d'un César, de deux couleurs, entourée de brillants; + +»Une autre d'une émeraude, carré long, pesant environ 20 grains; + +»Une autre d'un brun-puce, pesant de 14 à 16 grains; + +»Une autre d'un Bacchus antique, gravée en relief sur une cornaline +brûlée; + +»Une autre d'une sardoine jaune, gravée par _Barrier_, représentant +Louis XIV, entourée sur le corps de roses de Hollande; + +»Une autre d'un gros saphir en coeur, montée à jour, entourée de +diamants sur le corps et sur la moitié de l'anneau.--L'onyx de Louis +XIII et l'émeraude carrée sont montés de même et garnis également de +diamants, de roses et de brillants; + +»Plus, dans ce _baguier_, il y a un _Bonus Eventus_ antique, gravé sur +un onyx;--un brillant blanc pesant 29 grains;--un autre pesant 25 +grains;--un autre, forme de pendeloque, pesant 28 grains;--un autre, +rond, pesant 23 grains;--un autre, 25 grains;--un, 24 grains;--un, +qualité inférieure, carré long, 23 grains;--trois pesant chacun 28 +grains;--un brillant en épingle, forme longue, pesant 30 grains;--un +brillant, forme losange, 33 grains; + +»Deux bracelets, ensemble de 24 grains; + +»Une rose montée à jour, de deux cent vingt-huit brillants blancs, dont +un gros au milieu, cristallin, pesant 24 grains; + +»Un collier de vingt-quatre beaux brillants, montés en chatons à jour, +de 20 grains chaque; + +»Huit parties de rubans en bouillon, chacune de vingt-un brillants à +jour, pesant depuis 4 grains jusqu'à 8; + +»Une paire de boucles de souliers de quatre-vingt-quatre brillants, +pesant 77 karats 1/4; + +»Une croix de seize brillants, pesant 8 à 10 grains chaque; + +»Soixante-quatre chatons, pesant de 6 jusqu'à 10 grains; + +»Une belle paire de girandoles en gros brillants de la valeur de 12,000 +livres; + +»Une bourse à argent en soie bleue, avec ses coulants, ses glands et +leurs franges, le tout en petits brillants montés à jour; + +»Un esclavage à double rang de perles, avec sa chute, le tout d'environ +deux cents perles, pesant 4 à 5 grains chaque;--un gros brillant au haut +de la chute, pesant 24 à 26 grains, et au bas un gland à franges et son +noeud, le tout en brillants montés à jour; + +»Une paire de bracelets à six rangs de perles, pesant 4 à 5 grains; le +fond du bracelet est une émeraude surmontée d'un chiffre en diamants, en +deux L pour l'un, et d'un D et B pour l'autre, et deux cadenas de +quatre brillants, pesant 8 à 10 grains; + +»Un rang de cent quatre perles enfilées, pesant 4 à 5 grains chacune; + +»Un portrait de Louis XV peint par _Massé_, entouré d'une bordure d'or, +à feuilles de laurier; ledit portrait de 5 à 6 pouces de haut; + +»Un autre portrait de Louis XV, peint par le même, plus petit, dans un +médaillon d'or; + +»Une montre d'or simple, de Romilly; + +»Un étui d'or à une dent émaillée en vert, avec un très-gros brillant au +bout, pesant environ 12 grains, tenant sur le tout par une vis; + +»Une paire de boutons de manches, d'une émeraude, d'un saphir, d'un +diamant jaune et d'un rubis, le tout entouré de brillants couleur de +rose, pesant 36 à 40 grains, montés en bouton de cou; + +»Deux grandes bandes de cordons de montre, composées de seize chaînons à +trois pierres, dont une grande émeraude, et deux brillants de 3 à 4 +grains de chaque côté, et trois autres petites bandes de deux chaînons +chaque, pareils à ceux ci-dessus; + +»Une barrette d'un très-gros brillant, carré long, pesant environ 60 +grains, avec trois grosses émeraudes pesant 8 à 10 grains, avec deux +brillants aux deux côtés, pesant un grain chaque, montés à jour; + +»Une bague d'un brillant d'environ 26 grains, montée à jour, avec des +brillants sur le corps; + +»Deux girandoles d'or formant flambeaux, montées sur deux fûts de +colonne d'or émaillées de lapis, surmontées de deux tourterelles +d'argent, de carquois et de flèches, faites par _Durand_; + +»Un étui d'or émaillé en vert, au bout duquel est une petite montre +faite par Romilly, entourée de cercles de diamants et ayant un chiffre +par derrière[134]. + +»Deux autres étuis d'or, l'un émaillé en rubans bleus, et l'autre en +émaux de couleur et paysages; + +»Dix-sept diamants démontés, de toutes formes, pesant depuis 25 jusqu'à +30 grains chacun, dont une pendeloque montée, pesant 36 grains; + +»Soixante-quatre chatons dans un seul fil, formant collier, pesant 8, 9 +et 10 grains chacun, en diamants montés à jour. + +»Deux boucles d'oreilles de coques de perles, avec deux diamants au +bout; + +»Un portrait de Louis XVI, de _Petitot_; + +»Un autre portrait de feu Monsieur, tous les deux en émail, ainsi qu'un +portrait de femme, également de _Petitot_; + +»Une écritoire de vieux laque superbe, enrichie d'or et formant +nécessaire, tous les ustensiles en or; + +»Deux souvenirs, l'un en laque rouge et l'autre en laque fond d'or à +figures, l'un monté d'or et l'autre monté en or émaillé; + +»Deux flambeaux d'argent de toilette, perlés et armoriés; + +»Une boîte de cristal de roche couverte d'une double boîte travaillée à +jour; + +»Des pièces d'or et des médailles d'or de différents pays; + +»Quarante petits diamants pesant un karat chaque; + +»Deux lorgnettes, l'une émaillée en bleu, l'autre émaillée en rouge, +avec le portrait du feu roi, toutes deux montées en or; + +»Un souvenir en émail bleu avec des peintures en grisailles, +représentant d'un côté une offrande, et de l'autre côté une jardinière +avec un petit chien à longues oreilles; + +»Un reliquaire, d'un pouce environ, d'un or très-pur, émaillé en noir et +blanc, une petite croix montée dessus assez gothiquement, et une perle +fine de la grosseur d'un pois au bas; + +»Et plusieurs autres bijoux d'un très-grand prix.» + +On peut penser à quelle somme considérable devait s'élever un pareil +vol. + +Ses ennemis répétaient partout que ce vol n'existait pas, et que madame +du Barry avait fait courir ce bruit pour arranger plus aisément ses +affaires. D'autres prétendirent plus tard qu'elle avait porté elle-même +ses bijoux en Angleterre, pour soulager les infortunes de la plupart des +émigrés retirés à Londres; Cet autre bruit se répandit surtout lorsque +l'on sut qu'ils venaient d'être retrouvés dans ce pays. Ce fut l'un des +chefs d'accusation les plus violents que fit valoir contre cette +malheureuse femme le farouche _Fouquier-Tainville_, et aujourd'hui +encore il est répété par ses biographes; bien entendu cependant qu'ils +ne le regardent plus comme un acte criminel, mais au contraire comme +très-honorable. + +Quels que soient les motifs que l'on ait fait valoir pour douter du vol +de madame du Barry, un acte authentique, solennel, fait peu de jours +avant la mort, le testament de M. de Brissac, dont on parlera bientôt, +le constate et ne laisse aucun doute sur sa réalité. + +Ce vol fût donc un extrême malheur pour madame du Barry, et elle fit +toutes les démarches possibles pour pouvoir se mettre sur la trace des +coupables. Dans le courant de février suivant, madame du Barry apprit +que ses voleurs avaient été arrêtés à Londres. Il paraît que peu de +jours après leur arrivée dans ce pays, un Anglais, qui leur servait +d'interprète, se présenta chez un lapidaire et lui offrit à très-bon +marché une riche collection de diamants. Le joaillier les lui acheta; +mais, frappé de la beauté de ces pierres, de leur nombre, de leur bas +prix et étonné surtout que tant de pierres précieuses se trouvassent +ainsi dans les mains d'un inconnu, il prévint la police, qui arrêta +l'interprète et ses compagnons, encore munis de tous les bijoux de la +comtesse. + +Madame du Barry partit immédiatement pour Londres, où on lui représenta +ses diamants. Elle les reconnut parfaitement. Mais comme la procédure +devait durer un certain temps, les diamants furent déposés chez MM. +_Hamerleys_ et _Morland_, banquiers à Londres, scellés de son cachet et +de celui des banquiers, et madame du Barry revint à Louveciennes. + +Un mois après son retour, elle reçut une lettre de Londres, qui l'y +appelait de nouveau pour la poursuite du procès de ses voleurs. Cette +fois, madame du Barry, pensant rester plus longtemps que la première, se +munit d'un passe-port signé du roi et de M. de Montmorin, valable pour +_trois semaines_, et lui permettant d'emmener avec elle le chevalier +d'_Escourt_, le joaillier _Rouen_, deux femmes de chambre, un valet de +chambre et deux courriers, et elle partit après avoir reçu de ses +banquiers à Paris, MM. _Wandenyver_, des lettres de crédit pour Londres. +Elle y resta plus des trois semaines que lui accordait son passe-port, +espérant toujours voir la fin du procès. Mais comme rien ne finissait +encore, elle se décida à revenir en France, et arriva à Paris dans les +premiers jours de juillet. + +Sa liaison avec le duc de Brissac n'avait point cessé, et paraissait au +contraire se resserrer à mesure que les orages s'accumulaient sur la +France et éloignaient tous ceux qu'un grand nom ou une grande fortune +semblaient désigner d'avance aux fureurs populaires. M. de Brissac, en +loyal et brave chevalier, ne voulut point abandonner le roi au milieu +des dangers dont il était entouré. Nommé commandant de la garde +constitutionnelle, il inspira à cette garde, composée des éléments les +plus divers, un esprit d'unité et d'amour pour le roi, qui fut la cause +de sa perte. + +Le 29 mai 1792, le député _Bazire_ vient dénoncer à la tribune de +l'Assemblée législative la garde constitutionnelle du roi, comme animée +d'un mauvais esprit, et particulièrement son chef, M. de Brissac. Après +une discussion qui va toujours en s'envenimant, _Couthon_ demande le +licenciement de cette garde et l'arrestation de Brissac, et l'assemblée +adopte successivement deux décrets, conformes à la proposition de +_Couthon_. + +M. de Brissac fut immédiatement arrêté, et envoyé à Orléans pour y être +jugé par la haute cour de justice. Un de ses aides de camp, un jeune +officier qui lui était fort attaché, M. de Maussabré, courut à +Louveciennes pour annoncer ces terribles nouvelles à madame du Barry. + +Il était parvenu à entretenir quelques intelligences avec le duc depuis +son arrestation, et c'est par lui qu'une correspondance put s'établir +entre le duc et la comtesse. Après la fatale journée du 10 août, ce +jeune officier chercha un refuge chez madame du Barry. Malheureusement +pour lui, et malgré toutes les précautions prises pour le dérober à tous +les regards, il y fut découvert par un détachement de fédérés. Emmené à +Paris, il fut emprisonné à l'Abbaye, où il périt égorgé le mois de +septembre suivant. + +Le duc de Brissac, renfermé dans les prisons d'Orléans, ne se faisait +aucune illusion sur le sort qui l'attendait. Il se préparait à la mort +qu'il allait bientôt recevoir d'une si horrible manière, et le 11 août +1792, il écrivait ses dernières volontés, transmises plus tard à sa +famille. Il n'oublie pas dans son testament celle qu'il aimait depuis +longtemps. Après avoir institué pour sa légataire universelle sa fille, +madame de Mortemart, il ajoute en s'adressant à elle: + +«Je lui recommande ardemment une personne qui _m'est bien chère_, et que +les malheurs des temps peuvent mettre dans la plus grande détresse. Ma +fille aura de moi un codicille qui lui indiquera ce que je lui ordonne à +ce sujet.» + +Ce codicille est ainsi conçu: + +«Je donne et lègue à madame du Barry, de Louveciennes, outre et +par-dessus ce que je lui dois, une rente viagère et annuelle de 24,000 +livres, quitte et exempte de toute retenue, ou bien l'usufruit et +jouissance pendant sa vie de ma terre de la Rambaudière et de la +Graffinière, en Poitou, et des meubles qui en dépendent; ou bien encore +une somme de 300,000 livres une fois payée en argent, le tout à son +choix, d'autant qu'après qu'elle aura opté pour l'un desdits trois legs, +les deux autres seront pour non avenus. Je la prie d'accepter ce faible +gage de mes sentiments et de ma reconnaissance, dont je lui suis +d'autant plus redevable que _j'ai été la cause involontaire de la perte +de ses diamants, et que si jamais elle parvient à les retirer +d'Angleterre, ceux qui resteront égarés, ou les frais des divers voyages +que leur recherche aura rendus nécessaires, ainsi que ceux de la prime à +payer, s'élèveront au niveau de la valeur effective de ce legs_. Je prie +ma fille de lui faire accepter. La connaissance que j'ai de son coeur +m'assure de l'exactitude qu'elle mettra à l'acquitter, quelles que +soient les charges dont ma succession se trouvera grevée par mon +testament et mon codicille, ma volonté étant qu'aucun de mes autres legs +ne soit délivré que celui-ci ne soit entièrement accompli. + + »Ce 11 août 1792. + + »_Signé_: LOUIS-HERCULE TIMOLÉON + DE COSSÉ-BRISSAC[135].» + +Après des paroles si formelles, il est impossible de douter de la +réalité du vol. + +Madame du Barry était à Louveciennes lorsque le duc de Brissac fut +massacré à Versailles. On dit que quelques-uns des forcenés qui prirent +part à cette boucherie portèrent à Louveciennes la tête du duc, et +vinrent la mettre sous ses yeux[136]. Ce terrible coup la plongea dans +la plus profonde douleur.--Isolée dans son château, elle craignit pour +elle-même, et commença à prendre des précautions pour sauver ses +richesses. Aidée d'un valet de chambre dévoué, nommé Morin, qui paya de +sa tête son attachement à sa maîtresse, elle cacha ce qu'elle avait de +plus précieux dans différentes parties de la maison et des jardins. + +Elle entretenait toujours une correspondance avec Londres à l'occasion +de ses diamants. On lui écrivit de cette ville qu'il fallait absolument +suivre le procès, parce que c'était la seule manière de rentrer en +possession de son bien. Elle s'occupa alors des moyens de passer +tranquillement en Angleterre, et surtout de ne pas être considérée comme +émigrée. + +Elle écrivit au président de la Convention nationale et au ministre des +affaires étrangères _Lebrun_, pour leur expliquer le motif de son voyage +et les assurer qu'elle ne comptait pas abandonner la France, et qu'elle +prenait l'engagement formel de revenir à Louveciennes aussitôt la fin de +son procès. Quelques jours après, elle reçut du ministre son passe-port, +et une lettre lui disant qu'elle ne serait en rien tourmentée pour ce +voyage, et qu'elle pouvait le faire en toute assurance. Mais pour plus +de certitude et pour bien établir dans le pays même qu'elle ne voulait +pas émigrer, et prévenir les malintentionnés dans le cas d'une absence +prolongée, elle renouvela, devant la municipalité de Louveciennes, les +déclarations déjà faites par elle au président de la Convention et au +ministre. La municipalité inscrivit cette déclaration sur ses registres, +et lui en remit une copie ainsi conçue: + +«Ce jourd'hui 7 octobre 1792, l'an Ier de la République française, +s'est présentée devant nous, officiers municipaux de la commune de +Louveciennes, district de Versailles, département de Seine-et-Oise, dame +Vaubernier du Barry, résidant habituellement en ce lieu, laquelle nous a +déclaré qu'étant obligée d'aller à Londres, pour assister au jugement +définitif des voleurs qui, la nuit du 10 au 11 janvier 1791, lui ont +volé ses bijoux dans son château de Louveciennes, elle nous en fait la +déclaration pour qu'elle ne puisse point être regardée comme émigrée +pendant son absence, ni traitée comme telle par aucune autorité +constituée, de laquelle déclaration elle nous a requis acte que nous lui +avons octroyé, vu la lettre de M. Lebrun, ministre des affaires +étrangères, en date du 2 du courant, qui est restée annexée à la +présente minute, et la susdite dame du Barry a signé avec nous, les +jours et an que dessus. + +»Bon pour copie conforme à l'original, le 8 septembre +1792[137].»_Suivent les signatures._» + +Après s'être mise en règle, madame du Barry partit pour Londres le 14 +octobre 1792. Pendant qu'elle était en Angleterre, de terribles +événements s'étaient passés en France. Le roi était tombé sous la hache +du bourreau. Partout s'étaient développées les passions +révolutionnaires. Jusque dans les petits villages, on voyait s'établir +des assemblées populaires, des clubs, et Louveciennes n'y avait point +échappé. Un intrigant nommé _Greive_ était venu s'y établir depuis +quelque temps. Aussitôt son arrivée, il y forma un club. Son premier +acte fut une dénonciation contre madame du Barry, et, le 14 février +1793, le procureur général syndic du district de Versailles adressait +aux administrateurs du district la lettre suivante: + +«La femme du Barry, propriétaire à Louveciennes, a quitté la France au +moyen d'un passe-port, au commencement de 1792, pour poursuivre en +Angleterre les auteurs d'un vol considérable fait en sa maison. + +»Le doute inspiré sur cette poursuite par le laps de temps et par +l'ignorance de ses effets a fait naître nécessairement l'incertitude. + +»Dans cet état, l'administration a pensé qu'il convenait de prendre sur +les biens de cette femme des mesures conservatrices pour assurer à la +fois ses droits et ceux de la nation. + +»Elle me charge, en conséquence, de vous inviter à faire apposer les +scellés sur la maison de la femme du Barry, à Louveciennes, d'y +commettre un gardien, et de lui adresser le procès-verbal qui sera +dressé à cette occasion. + +»Vous voudrez bien, citoyens, presser cette opération et m'en faire part +aussitôt qu'elle aura été faite[138].» + +Deux jours après, les membres du Directoire du district répondirent à la +lettre du procureur syndic par une résolution ainsi conçue: + +«Vu la lettre du procureur général syndic, le directoire du district a +commis le citoyen _Brunette_, l'un de ses membres, à l'effet de +procéder, en présence de deux officiers de la commune de Louveciennes, à +l'apposition des scellés sur tous les meubles, titres et effets de la +femme du Barry, et établir à la conservation desdits scellés un ou +plusieurs gardiens solvables, lesquels ne pourront être choisis parmi +les parents, domestiques ou agents de ladite du Barry, et auxquels il +sera attribué un salaire journalier de trente sols par jour[139]. + +»Fait à Versailles, le 16 février 1793, an II de la République.» + +_Greive_ savait bien que madame du Barry n'avait point émigré; mais il +espérait que ce premier acte, qui paraissait la soupçonner d'émigration, +lui ferait peur, empêcherait son retour en France et le mettrait à même, +sous le prétexte du salut public, de toucher aux trésors accumulés dans +le château, et dont il espérait tirer un peu parti pour lui-même. + +Mais madame du Barry comptait bien revenir à Louveciennes. Ayant appris +à Londres que les scellés avaient été mis sur ses biens, elle se hâta de +quitter l'Angleterre. Son procès ayant été jugé le 28 février, jour du +terme du tribunal, elle partit de Londres le 3 mars, arriva à Calais le +5, où elle fut retenue jusqu'au 18 pour attendre de nouveaux passe-ports +du pouvoir exécutif, et arriva à Louveciennes le 19[140]. + +L'arrivée de madame du Barry déconcerta un peu _Greive_, mais ne +l'empêcha pas de suivre ses projets. La société populaire de +Louveciennes était composée d'une quarantaine de membres, au nombre +desquels se trouvaient plusieurs domestiques de madame du Barry, et +entre autres les nommés _Salanave_ et _Zamor_. Le premier était un valet +de chambre que madame du Barry renvoya plusieurs jours après son retour, +à cause de quelques actes d'infidélité; l'autre était un nègre, élevé +par elle, dont elle était la marraine, auquel elle avait assuré des +rentes, et qu'à cause de son ingratitude elle chassa de sa maison. A +l'aide de ces deux hommes, _Greive_ sut tout ce qui se passait dans +l'intérieur du château, les personnes qu'on y recevait, et recueillit +une foule de renseignements qui lui permirent de continuer ses +dénonciations. + +Le 2 juin 1793, la Convention avait rendu un décret portant: «Les +autorités constituées, dans toute l'étendue de la République, seront +tenues de faire saisir et mettre en état d'arrestation toutes les +personnes _notoirement suspectées d'aristocratie ou d'incivisme_; elles +rendront compte à la Convention nationale de l'activité qu'elles +apporteront à mettre à exécution le présent décret, et demeureront +responsables des désordres que pourrait occasionner leur négligence.» + +_Greive_ fait assembler la société populaire de Louveciennes, et le 26 +juin se présente devant les administrateurs du département de +Seine-et-Oise. Là il lit une adresse signée de trente-six citoyens de +Louveciennes, dans laquelle on demande la mise à exécution du décret de +la Convention et un exemplaire de ce décret pour la commune. + +Le lendemain 27, armé de ce décret, _Greive_, accompagné du maire de la +commune, se présente chez madame du Barry et procède à son arrestation. + +Les administrateurs du département ne paraissaient pas avoir un zèle +aussi exagéré du bien public que les clubistes de Louveciennes, et ils +se doutaient un peu du motif qui les faisait agir. Pour prévenir l'acte +de vengeance qu'ils redoutaient, ils envoyèrent le même jour à +Louveciennes un des membres du district de Versailles, en le chargeant +de faire exécuter la loi avec quelques modifications et restrictions. +Arrivé juste au moment où l'on se disposait à faire enlever madame du +Barry, le membre du district fit suspendre son arrestation, et reprocha +vivement à la municipalité son extrême précipitation. + +_Greive_ et les membres de la société populaire, dont la plupart avaient +été employés dans la maison de madame du Barry, irrités de ce +contre-temps, rédigèrent une autre pétition qu'ils adressèrent cette +fois à la Convention. Dans cette pièce, remplie de déclamations et de +grands sentiments patriotiques, comme on en voyait dans tous les écrits +de cette époque, on accumula les accusations contre madame du Barry, et +on demanda l'approbation de la Convention nationale pour l'arrestation +de la citoyenne se disant comtesse _du Barry, de sa nièce, fille d'un +émigré, et de ceux de ses domestiques notoirement suspects +d'aristocratie et d'incivisme_, c'est-à-dire de ses domestiques restés +fidèles. «Dites, ajoutent les pétitionnaires, dites que nous avons +rempli votre voeu, en mettant à prompte exécution votre décret du 2 +juin; ordonnez l'impression de notre adresse, afin de donner le _branle_ +aux autres communes du département; déclarez que nous avons bien mérité +de la patrie, etc.» + +La Convention ne pouvait qu'approuver de pareils sentiments, exprimés +dans un pareil style; aussi le président remercia la députation de +Louveciennes de son patriotisme, et l'invita aux honneurs de la séance. + +De retour à Louveciennes, et forts de l'approbation de la Convention, +les membres de la société populaire arrêtèrent madame du Barry et les +diverses personnes indiquées dans leur pétition, et les conduisirent à +Versailles, pour les faire enfermer dans les prisons de cette ville. +_Goujon_[141] était alors procureur général syndic; il leur reprocha +leur acte comme illégal, leur représenta que les faits sur lesquels ils +basaient leur accusation étaient dénués de preuves, et ordonna de +reconduire les prisonniers à Louveciennes. + +Empêché dans l'exécution de ses desseins, _Greive_ fit alors imprimer un +libelle dont voici le litre: «_l'Égalité controuvée, ou Histoire de la +protection_, contenant les pièces relatives à l'arrestation de madame du +Barry, ancienne maîtresse de Louis XV, pour servir d'exemple aux +patriotes trop ardents qui veulent sauver la République, et aux modérés +qui s'entendent à merveille pour la perdre.» Dans cet écrit, _Greive_ +s'intitule défenseur officieux des braves sans-culottes de Louveciennes +et ami de Franklin et Marat, et n'épargne ni madame du Barry, ni le +comité de sûreté générale, qu'il accuse de faiblesse, ni le département. + +Pendant ce temps, madame du Barry cherchait, par tous les moyens, à +conjurer l'orage qui s'accumulait sur sa tête. Elle adressa à la +Convention des notes explicatives de sa conduite, tandis que la plupart +des habitants de Louveciennes qui ne faisaient pas partie de la société +des sans-culottes présentaient de leur côté plusieurs pétitions en sa +faveur. Elle fit aussi des démarches auprès des administrateurs du +département pour être protégée contre ses ennemis. + +Le directoire du département voyait avec peine l'acharnement que l'on +mettait à perdre cette malheureuse femme, dont le principal crime était +ses richesses. Il envoya auprès d'elle un de ses membres, nommé +_Lavallery_[142]. Celui-ci lui conseilla d'abandonner Louveciennes et de +se retirer à Versailles, où il serait plus aisé de la protéger. Mais +tout ce que madame du Barry avait encore de richesse était enfoui à +Louveciennes, et elle craignait que, pendant son absence et sous le +moindre prétexte, on ne fouillât sa maison, et que l'on ne s'emparât de +ce qui y était caché, et elle ne voulut pas quitter ce séjour. + +_Greive_ cependant ne perdait pas un instant pour arriver à ses fins. Il +reçut du nègre Zamor une foule de renseignements qu'il mit habilement à +profit, et à force de dénonciations réitérées et d'actives démarches, il +obtint enfin du Comité de sûreté générale de la Convention l'ordre +d'arrêter madame du Barry. Muni de cet ordre, il accourt à Louveciennes, +et le dimanche 22 septembre, il se fait accompagner au château par le +maire, le juge de paix et deux gendarmes, fait mettre les scellés sur +tous les meubles, ordonne à madame du Barry de le suivre, la fait placer +entre les deux gendarmes dans une mauvaise voiture de place qu'il avait +fait venir exprès, y monte après elle et l'emmène triomphant à Paris, où +il la dépose dans la prison de Sainte-Pélagie. + +_Greive_ avait remis au Comité de sûreté générale de la Convention les +papiers qu'il pensait devoir le plus compromettre madame du Barry. Un +ami de Marat, _Héron_, fut chargé de les examiner, et, sur son rapport, +le Comité rendit, le 29 brumaire de l'an II (19 novembre 1793), l'arrêté +suivant: + + «CONVENTION NATIONALE. + + »COMITÉ DE SÛRETÉ GÉNÉRALE ET DE SURVEILLANCE DE + LA CONVENTION NATIONALE, + + »_du 29 brumaire, l'an II de la République + française_, + + »UNE ET INDIVISIBLE. + +»Le Comité de sûreté générale, ayant pris connaissance des diverses +pièces trouvées chez la nommée du Barry, mise en état d'arrestation par +mesure de sûreté générale, comme personne suspecte, aux termes du décret +du 17 septembre dernier (vieux style), considérant qu'il résulte de +l'ensemble desdites pièces que la femme du Barry est prévenue +d'émigration et d'avoir, pendant le séjour qu'elle a fait à Londres, +depuis le mois d'octobre 1792 jusqu'au mois de mars dernier (vieux +style), fourni aux émigrés réfugiés à Londres des secours pécuniaires, +et entretenu avec eux des correspondances suspectes; et que les nommés +Wandenyver père et fils, négociants, sont prévenus d'avoir fait passer +des fonds à la femme du Barry pendant qu'elle était en Angleterre; +arrête: que la femme du Barry, prévenue d'émigration, et que les nommés +Wandenyver père et fils, prévenus d'avoir fait passer à ladite dame du +Barry des fonds pendant son séjour a Londres, seront traduits au +tribunal révolutionnaire, pour y être poursuivis et jugés à la diligence +de l'accusateur public. + +»Les représentants du peuple, membres du Comité de sûreté générale de la +Convention nationale, + + »VOULAND, DAVID, VADIER, DUBARRAN, JAGOT, + PANIS, LAVICOMTERIE.» + +Les Wandenyver ne se trouvaient ainsi compromis que parce qu'ils étaient +les banquiers de madame du Barry. Mais pour donner plus d'importance à +ce procès et compromettre davantage ces banquiers, qui faisaient alors +beaucoup d'affaires et étaient chargés des intérêts de plusieurs grandes +familles, le Comité rendit, deux jours après, un nouvel arrêté ainsi +conçu: + + «COMITÉ + + »DE SÛRETÉ GÉNÉRALE ET DE SURVEILLANCE DE LA + CONVENTION NATIONALE, + + »_du_ 1er _frimaire, l'an II de la République_, + + »UNE ET INDIVISIBLE. + +»En faisant droit à la dénonciation faite par le citoyen Héron au +Comité, d'après son mémoire imprimé, rédigé par le martyr de la liberté +(_Marat_), représentant du peuple, dans lequel on y reconnaissait +Wandenyver, ainsi qu'une multitude de complices, pour avoir été les +instruments d'un complot de banqueroute générale, qui aurait perpétué +l'esclavage des Français et sauvé la tête du tyran, entretenu les abus +de la féodalité, qui servaient au déshonneur de la nation française; +considérant que les faits pour lesquels Wandenyver a subi interrogatoire +à notre Comité ne sont qu'une suite de ceux désignés dans le +développement de la banqueroute, en ce qu'il y a coopéré, ainsi qu'au +massacre du peuple, dont il est conjointement accusé avec tous ceux +désignés dans le mémoire; le Comité arrête qu'ils seront traduits au +tribunal révolutionnaire pour y être jugés, et que les pièces françaises +et espagnoles seront jointes au présent arrêté pour servir au procès. + +»Les représentants du peuple, membres du Comité de sûreté générale et de +surveillance de la Convention nationale, + + »MOYSE BAYLE, DAVID, AMAR, JAGOT, + LOUIS (du Bas-Rhin), A. BENOIT, + GUFFROY, LAVICOMTERIE.» + +Dès que l'arrêté qui traduisait madame du Barry et ses co-accusés devant +le tribunal révolutionnaire fut rendu, son procès ne dura pas longtemps. +Le 3 décembre (13 frimaire an II), Fouquier lit à là chambre du conseil +l'acte d'accusation, la chambre en donne acte et ordonne le +transfèrement des prévenus à la Conciergerie. Le 6, ils paraissent +devant le tribunal, et, le 7, ils sont condamnés à mort. + +L'acte d'accusation dressé par Fouquier-Tainville contre cette +malheureuse femme est un chef-d'oeuvre du genre. Son titre de maîtresse +du roi et ses folles dépenses lui donnèrent beau jeu pour se laisser +aller à toute son indignation d'_honnête homme_ et de _bon patriote_, et +il en usa largement, comme on peut le voir dans toute la partie qui +regarde madame du Barry, qu'on ne lira pas sans curiosité. + +Après avoir annoncé qu'il avait été procédé à l'examen des pièces du +procès et à l'interrogatoire des accusés, il ajoute: + +«Qu'examen fait desdites pièces par l'accusateur public, il en résulte +que les plaies profondes et mortelles qui avaient mis la France à deux +doigts de sa perte avaient été faites à son corps politique bien des +années avant la glorieuse et impérissable révolution qui doit nous faire +réjouir des maux cuisants qui l'ont précédée, puisqu'elle nous a +délivrés pour jamais des monstres barbares et fanatiques qui nous +tenaient enchaînés sur l'héritage de nos pères; que, pour prendre une +idée juste de l'immoralité de l'accusée du Barry, il faut jeter un coup +d'oeil rapide sur les dernières années, pendant le cours desquelles le +tyran français, Louis quinzième du nom, a scandalisé l'univers, en +donnant la surintendance de ses honteuses débauches à cette célèbre +courtisane; qu'en 1769, ce Sardanapale moderne se trouvant blasé sur +toutes les jouissances qu'il avait poussées à l'excès dans le Parc aux +Cerfs, sérail infâme où le déshonneur d'une infinité de familles +honnêtes fut consommé, s'abandonna lâchement aux vils complaisants qui +l'entouraient pour réveiller ses feux presque éteints; qu'un de ces +odieux complaisants ayant fait la connaissance d'un ci-devant comte du +Barry, noyé de dettes, et le plus crapuleux libertin, eut occasion de +voir chez lui la nommée _Vaubernier_, sa maîtresse, qui n'était passée +dans ses bras qu'après avoir fait un cours de prostitution; que le +ci-devant comte du Barry, à qui tous les moyens étaient bons pour +parvenir à apaiser ses créanciers, proposa à ce complaisant de lui céder +la _Vaubernier_, s'il parvenait à la faire admettre au nombre des +sultanes du crime couronné; que cette créature éhontée lui fut en effet +présentée, et qu'en peu de temps elle parvint, par ses rares talents, à +prendre l'empire le plus absolu sur le faible et débile despote. Bientôt +des fleuves d'or roulèrent à ses pieds; les pierreries les plus +précieuses lui furent données avec profusion; les artistes les plus +célèbres furent occupés aux chefs-d'oeuvre les plus dispendieux; elle +devint la cause universelle des ci-devant grands; les ministres, les +généraux et les ci-devant princes de l'Église furent nommés et culbutés +par cette nouvelle Aspasie; et tous venaient bassement faire fumer leur +encens à ses genoux; le faste le plus insolent, les dépravations et les +débordements de tout genre furent affichés par elle; le scandale était, +à son comble; elle puisait à pleines mains dans les coffres de la nation +pour enrichir sa famille et combler l'abîme de dettes du ci-devant comte +du Barry, qui avait poussé l'infamie et le déshonneur jusqu'à devenir +son époux. Son imbécile amant ne rougit pas lui-même d'insulter au +peuple, en se plaçant à côté d'elle dans les chars les plus brillants et +la promenant ainsi dans différents lieux; que, pour ne pas _effaroucher +sa pudeur_, l'accusateur public ne soulèvera pas le voile qui doit +couvrir à jamais les vices effroyables de la cour, jusqu'en l'année +1774, époque à laquelle celui à qui des esclaves avaient donné le nom de +Bien-Aimé disparut de dessus la terre, emportant dans ses veines le +poison infect du libertinage, et couvert du mépris des Français; que la +du Barry fut reléguée à Rhetel-Mazarin, et de là à Meaux, dans la +ci-devant abbaye de Pont-aux-Dames; que dans cette retraite salutaire, +elle aurait dû faire les plus sérieuses réflexions sur le néant des +grandeurs et sur les désordres de sa conduite qui avaient entraîné la +ruine de son pays; mais qu'ayant été rendue à la liberté par le dernier +tyran des Français, il lui conserva non-seulement les dépouilles du +peuple, mais encore la combla de nouvelles prodigalités, et lui +abandonna le château de Louveciennes, où elle se forma une nouvelle +cour, à laquelle se présentèrent en foule les vils courtisans qui +avaient profité de sa faveur pour dilapider les finances avec elle; +qu'elle les tint enchaînés à son char jusqu'à l'époque mémorable où le +peuple français, fatigué de ses chaînes, se leva, brisa ces chaînes et +en frappa la tête du despote. Tous les soi-disant grands d'alors, se +voyant prêts à être écrasés par la vengeance nationale, s'enfuirent +épouvantés, abandonnèrent un sol qu'ils avaient souillé depuis trop +longtemps, furent implorer l'assistance des tyrans de l'Europe pour +venir égorger un peuple qui avait eu le courage de conquérir sa liberté; +mais ce peuple saura leur faire mordre la poussière, ainsi qu'à ceux qui +ont épousé leurs projets sanguinaires; que la du Barry ayant vu se +dissiper l'essaim de ses adorateurs, et réduite à régner seulement sur +son nombreux domestique, ne retrancha non-seulement rien de son faste, +mais forma le dessein d'être utile tant aux émigrés qu'au petit nombre +de ses amis qui étaient restés en France, et qui trouvaient chez elle un +asile assuré, notamment _Laroche_, ci-devant grand vicaire d'Agen, +condamné à la peine de mort par jugement du tribunal; que pour procurer +d'une manière certaine des secours aux émigrés, elle se servit d'un +stratagème qui lui donna la facilité de faire quatre voyages à Londres; +qu'elle prétendit avoir éprouvé un vol considérable de diamants et +autres effets, dans la nuit du 10 au 11 janvier 1791, et que les voleurs +étaient passés en Angleterre, où il fallait qu'elle se rendit pour en +poursuivre la restitution; que ce vol n'était qu'un jeu concerté entre +elle et un nommé _Forth_, le plus rusé des espions que le cabinet +britannique ait envoyés en France pour soutenir le parti de la cour et +s'opposer aux progrès de notre révolution; que, pour suivre les auteurs +de ce prétendu vol, elle eut le talent de subtiliser différents +passe-ports, tant du ministère des affaires étrangères que de la +municipalité de Louveciennes et du département de Seine-et-Oise, dont +plusieurs membres la protégeaient ouvertement, et particulièrement le +nommé _Lavalery_[143], qui depuis s'est donné la mort; qu'au moyen de +ces passe-ports clandestins, elle se joua impunément de la loi contre +les émigrés, puisqu'elle était encore à Londres dans les premiers jours +du mois de mars dernier; que pendant les quatre séjours qu'elle fit dans +cette ville, elle vivait habituellement avec tous les émigrés qui s'y +étaient réfugiés, et auxquels elle a prêté des sommes d'argent +considérables, ainsi qu'il sera démontré par la suite; qu'elle avait +également formé les liaisons les plus étroites avec les lords les plus +puissants, tous conseillers intimes du tyran de l'Angleterre, et +particulièrement avec l'infâme Pitt, cet ennemi implacable du genre +humain, pour lequel elle avait un si haut degré d'estime, _qu'elle +rapporta dans la république française une médaille d'argent portant +l'effigie de ce monstre_[144]; qu'elle favorisait également de tout son +pouvoir les ennemis de l'intérieur, auxquels elle prodiguait les trésors +immenses qu'elle possédait; qu'elle fit compter une somme de _deux cent +mille livres_ en constitution de rentes à Rohan-Chabot, qui possède des +terres considérables dans la Vendée, sur l'étendue desquelles s'est +formé le premier noyau des rebelles, selon la commune renommée[145]; que +par l'entremise d'un nommé _d'Escourt_, ci-devant chevalier, elle prêta +une pareille somme de 200,000 livres à la Rochefoucault, ancien évêque +de Rouen[146]; que ce même d'Escourt, détenu à la Force, le nommé +Laboudie, son neveu, et le ci-devant vicomte de Jumilhac, émigré, ont +reçu d'elle des sommes considérables à la même époque; qu'elle +provoquait des rassemblements dans son pavillon de Louveciennes, dont +elle voulait faire un petit château fort, ce qui est suffisamment prouvé +par les _huit fusils_ que son bon ami, le scélérat d'_Angremont_, +escroqua pour elle à la municipalité de Paris, sous le prétexte que +c'était la municipalité de Louveciennes qui demandait ces fusils, ce qui +a été reconnu faux; qu'elle comptait tellement sur la contre-révolution, +à laquelle elle travaillait si puissamment, qu'elle avait fait cacher +dans sa cave sa vaisselle plate et autre argenterie; qu'elle avait fait +enterrer dans son jardin ses diamants, son or, ses pierres précieuses, +avec les titres de noblesse, brevets, etc., de l'émigré _Graillet_[147]; +qu'elle avait également fait enterrer dans les bois les bronzes les plus +riches et les bustes de la royauté; et qu'elle avait dans un grenier un +magasin énorme de marchandises et d'étoffes du plus haut prix, dont elle +avait nié l'existence; qu'il a été trouvé chez elle une collection rare +d'écrits et de gravures contre-révolutionnaires; que lors de son séjour +à Londres, elle a publiquement porté le deuil du tyran; que cette femme, +enfin, qui a fait tout le mal qui était en elle, et dont Forth, le +fameux espion anglais, s'était adroitement servi comme d'un instrument +utile aux desseins perfides des cours des Tuileries et de Londres, +entretenait des correspondances et des liaisons avec les ennemis les +plus cruels de la République, tels que Crussol, de Poix, Canonet, +Calonne, etc., et une foule d'autres, dont il serait trop long de donner +l'énumération; qu'elle était tellement protégée par le parti ministériel +de la Grande-Bretagne, que quand la guerre fut déclarée à cette +puissance, elle resta tranquillement à Londres, tandis que les Français +en étaient chassés ou horriblement persécutés, ce qui ne peut laisser +aucun doute sur le rôle odieux que jouait cette femme, que l'on doit +regarder comme un des plus grands fléaux de la France, et comme un +gouffre épouvantable dans lequel s'est engloutie une quantité effrayante +de millions, etc.» + +Le 8 décembre 1793 (18 frimaire an II), madame du Barry fut conduite au +supplice. + +On sait qu'elle jeta les hauts cris depuis la Conciergerie jusqu'à la +place de la Révolution, où était dressée la guillotine. Elle avait une +telle frayeur de cette horrible mort, qu'arrivée sur l'échafaud elle +cria à la foule qui l'entourait: _A moi! A moi!_ et s'adressant ensuite +au bourreau: _Encore un moment, monsieur, je vous en prie_, lui dit-elle +les larmes aux yeux. Un instant après, elle avait cessé de vivre[148]. + +On a vu, le jour même de l'arrestation de madame du Barry, _Greive_ +faire mettre les scellés sur une partie du mobilier du château de +Louveciennes. Le lendemain, il revint accompagné du juge de paix, son +ami, et ils procédèrent seuls à la continuation de la pose des scellés +et à l'examen des richesses de ce lieu. Jusqu'au 27, Greive fut +parfaitement le maître de faire tout ce que bon lui semblait dans cette +habitation, et l'on verra dans le résumé historique des opérations des +commissaires envoyés par le directoire du département de Seine-et-Oise +que des soupçons sérieux s'élevèrent dans leur esprit sur la probité qui +avait présidé à ce premier travail. + +_Salanave_, l'ancien domestique de madame du Barry, faisait partie du +comité de salut public du district de Versailles. _Greive_, dont presque +tous les membres de ce comité étaient les amis, fit nommer _Salanave_ et +un appelé _Soyer_ commissaires chargés de prendre connaissance des +scellés apposés par le juge de paix de Marly. On pense bien que ces deux +commissaires, en se rendant à Louveciennes le 27, approuvèrent tout ce +qui avait été fait. Ils nommèrent ensuite pour la garde des scellés +_Fournier_, le père du juge de paix, et _Zamor_, ce nègre _si excellent +et si intelligent patriote_[149]. De plus, pour la sûreté des trésors +renfermés, on établit une garde composée de dix-huit patriotes faisant +partie de la société des sans-culottes de Louveciennes. C'était une +fort bonne affaire pour ces patriotes, car on voit dans le résumé +historique dont on a déjà parlé que cette garde, depuis son installation +jusqu'au 13 frimaire, c'est-à-dire en soixante-dix jours, avait déjà +coûté 9,274 livres. + +On n'attendit pas la condamnation de madame du Barry pour fouiller dans +sa maison, et l'on procéda comme si l'on avait été sûr de sa mort. Des +commissaires spéciaux furent désignés pour faire l'inventaire et +l'estimation de tout ce qui s'y trouvait. Outre un précieux mobilier, de +nombreux objets d'art et des bijoux de prix, les commissaires ont +surtout été frappés de la quantité d'objets de toilette, tels que +dentelles, corsets de toutes couleurs, brodés en soie, or et argent; +étoffes de soie et de velours, simples ou brochées d'or et d'argent, +coupées ou en pièces, et en si grand nombre, qu'elles furent estimées à +environ 200,000 mille livres, mises à part et destinées à être vendues à +l'étranger[150]. + +Cependant, malgré les recherches les plus minutieuses, un grand nombre +des cachettes faites par madame du Barry avaient échappé aux regards +scrutateurs des commissaires. Le jour même de sa mort, persuadée que +c'était moins à sa personne qu'à ses richesses qu'on en voulait, et +qu'en faisant connaître exactement les divers endroits où elles étaient +enfouies, elle pourrait sauver sa vie, elle se décida à en faire la +déclaration; ce qui ne la sauva pas, mais fut la cause de la mort de +_Morin_, le seul de ses domestiques resté fidèle. + +Cette déclaration servit beaucoup aux commissaires dans leurs +recherches, comme on le verra dans le résumé historique. Dans le grand +nombre de bijoux indiqués, on en voit quelques-uns qui montrent son +intimité avec le duc de Brissac. Ainsi elle indique dans une des +cachettes «une boîte, montée en cage d'or, avec le portrait de l'épouse +de Brissac;--un portrait de la fille de ce dernier, monté en or;--un +autre de son frère;--une boîte d'écaille blonde montée en or, avec une +très-belle pierre blanche gravée, où est le portrait de Brissac et de la +déclarante;--un portrait en émail de la grand'mère de Brissac;--deux +tasses d'or avec leurs manches de corail, et quelques autres objets +appartenant à Brissac;--une paire d'éperons d'or, avec des chiffres +appartenant à feu Brissac». + +Deux jours après la mort de madame du Barry, Fouquier-Tainville écrivit +au directoire du département de Seine-et-Oise pour lui annoncer le +jugement et faire procéder au séquestre des biens de la condamnée, et le +4 nivôse suivant (24 décembre), le directoire prenait la délibération +suivante: + +«Vu par l'administration la lettre de l'accusateur public près le +tribunal révolutionnaire, du 20 frimaire, qui annonce que la femme du +Barry a été condamnée, par jugement de ce tribunal du 17 du même mois, +à la peine de mort, et que tous ses biens étaient acquis et confisqués +au profit de la nation, il convenait de faire procéder au séquestre des +biens de cette condamnée qui sont situés dans l'étendue du département +de Seine-et-Oise. + +»Vu la lettre adressée le 19 du mois dernier par l'administration +provisoire des domaines nationaux aux administrateurs composant le +directoire du département de Seine-et-Oise, de laquelle il appert que le +glaive de la loi a fait tomber la tête d'une femme qui avait la plus +grande part à la dilapidation de la fortune publique et qui, à ce +premier crime que la nation avait à lui reprocher, a joint celui +d'émigrer et d'avoir des relations avec les ennemis de notre liberté, +qu'il importe que les mesures les plus promptes soient prises pour que +ce qu'elle avait conservé des scandaleuses prodigalités de +l'avant-dernier tyran rentre en entier sous la main de la nation; il +engage donc l'administration, si les scellés ne sont déjà mis dans sa +dernière demeure, à Louveciennes, à les y faire apposer sans délai et à +faire procéder le plus tôt possible à l'inventaire, afin de mettre la +régie en possession des immeubles et d'avoir un moyen de tirer du +mobilier le meilleur parti possible; qu'au surplus l'administration ne +saurait mettre trop de soins dans le choix des gardiens qui y sont ou +qui y seraient établis, ni les faire surveiller avec trop d'exactitude; +que les objets précieux que renferme cette habitation perdraient +beaucoup de leur valeur si l'on n'apportait la plus grande attention à +empêcher qu'ils ne soient dégradés, et qu'il y en a que, vu leur peu de +volume, il serait facile de soustraire. Il invite l'administration à le +tenir au courant de ce qu'elle fera pour remplir le voeu de cette lettre +et pour que la République ne perde rien de ce qu'elle doit retrouver +dans cette importante confiscation; + +»L'administration, considérant que les scellés ont été apposés chez +ladite femme, à Louveciennes, et l'inventaire fait dès le mois de +février dernier, arrête qu'en attendant la vente des immeubles ayant +ci-devant appartenu à la femme du Barry, à laquelle il sera procédé le +plus tôt possible, il sera à la poursuite et diligence du directoire du +district de Versailles, également procédé à la vente de tous les effets +mobiliers provenant de cette femme; + +»Invite en outre le directoire du district de Versailles à exercer la +surveillance la plus active sur les gardiens qui sont déjà établis dans +la maison qu'occupait cette femme, ou qui leur seront substitués, pour +prévenir la dégradation des objets précieux qui s'y trouvent et la +spoliation de ceux que leur peu de volume rend faciles à soustraire, +_comme aussi à constater les effets qui ont pu être distraits du +mobilier de cette femme, pour en assurer le recouvrement_. + +»Arrête aussi que le directeur de la régie nationale sera tenu de +prendre, conjointement avec le directoire du district de Versailles, les +mesures convenables pour opérer le séquestre des biens de cette femme, +et que, dès à présent, l'administration lui en sera confiée pour la +conservation des droits tant de ses créanciers que de la +République[151].» + +Par suite de cette délibération, le district de Versailles donna de +nouveaux pouvoirs à la commission qu'elle avait chargée dès le 29 +frimaire de procéder à l'inventaire et à la constatation des objets +mobiliers, d'art, etc., de toute nature du château de Louveciennes. + +Cette commission s'était déjà transportée à Louveciennes, et elle +procéda consciencieusement à ce travail long et difficile. On voit, dans +les nombreux procès-verbaux particuliers adressés par elle au district +de Versailles[152], combien elle eut de peine et souvent de luttes à +soutenir avec ceux jusqu'alors chargés de ce travail, pour y établir +l'ordre et la clarté et remplir le mandat qui lui avait été confié. + +Lorsqu'elle crut sa mission terminée, elle adressa au directoire du +district de Versailles les divers procès-verbaux des opérations dont +chacun de ses membres en particulier avait été chargé. Les +procès-verbaux étaient accompagnés d'un résumé historique du travail +général de la commission. Ce résumé raconte tout ce qui s'est passé à +Louveciennes depuis la mort de madame du Barry jusqu'au moment de la +vente de ses effets; il est, par conséquent, le complément de ce récit. + + +RÉSUMÉ HISTORIQUE + +DES OPÉRATIONS DES COMMISSAIRES DE LOUVECIENNES. + +«La du Barry, condamnée à mort par le tribunal révolutionnaire de Paris, +le 18 frimaire, a fait le même jour la déclaration des lieux où elle +avait caché différents objets précieux, et des personnes à qui elle les +avait confiés. + +»En conséquence, les commissaires, à leur arrivée à Louveciennes, le 21 +frimaire, se sont occupés d'abord des moyens de parvenir à la découverte +des objets déclarés.--Le moyen qui devait être le plus fructueux était +de faire traduire à Louveciennes Morin[153], valet de chambre de la du +Barry et son homme de confiance; aussi les commissaires ont écrit à +l'accusateur public, et lui ont même envoyé un exprès. + +»Avant que de procéder à aucune recherche, ils ont interrogé pendant +plusieurs jours ceux des domestiques de la du Barry qui n'avaient pas +été arrêtés avec cette femme. D'après les dépositions qu'ils ont reçues, +ils n'ont trouvé de coupables que le nommé Déliant, frotteur, et +particulièrement la femme Déliant, dénommée dans la déclaration de la +du Barry, comme dépositaire de deux boîtes renfermant des bijoux, +diamants et autres effets précieux. + +»La fausseté qui avait dicté les réponses de la femme Déliant a engagé +la commission à la mettre en arrestation chez elle, avec son mari, et à +leur donner deux gardes choisis par la municipalité du lieu. + +»Le nommé Déliant, frotteur, a prouvé par ses déclarations moins de +mauvaise foi que sa femme. Cet homme, moribond depuis longtemps, a paru +avoir peu de connaissance des dépôts confiés à cette dernière, et depuis +huit jours il est mort à l'infirmerie de Versailles, où la commission +l'avait fait transporter. + +»La femme Déliant, lors de son premier interrogatoire, le 22 frimaire, +avait simplement déclaré que la du Barry, cinq ou six jours avant son +arrestation, lui avait mis dans son tablier plusieurs paquets enveloppés +de papier; que le même jour, d'après les ordres de sa maîtresse, elle +les avait cachés dans un fumier contre la melonnière; mais la suite +prouvera la fausseté de cette déclaration. + +»Le 24 frimaire, jour de l'arrivée de Morin, la femme Déliant, voulant +prévenir les perquisitions que les commissaires se disposaient à faire +chez elle, avait, le même jour, demandé à leur parler; mais les +commissaires étant, dans ce moment-là, occupés à faire fouiller le +jardin de Morin, le citoyen Greive, commissaire du Comité de sûreté +générale de la Convention, s'est rendu chez ladite Déliant. Cette femme +lui a remis cent quatre-vingt-treize louis simples en or, à elle confiés +par la du Barry quelque temps avant son dernier voyage en Angleterre. + +»Le 16 frimaire, les commissaires ont interrogé ladite Déliant. Il +résulte de sa déclaration que la du Barry, à l'époque de son dernier +voyage en Angleterre, lui avait remis trois coffres renfermant beaucoup +d'objets précieux, pour les mettre soi-disant plus en sûreté et à l'abri +d'être volés; que le lendemain de l'arrestation de la du Barry, ladite +Déliant les avait déposés dans la maison de la veuve Aubert, sa mère, où +ils sont restés environ douze jours; que les perquisitions exercées dans +la maison de la du Barry et dépendances lui donnant à craindre qu'on ne +trouvât chez sa mère les coffres y déposés, elle avait, la veille de son +arrestation et de son incarcération aux Récollets[154], ouvert les trois +coffres, avait vidé les objets y contenus, les avait mis dans son +tablier et cachés le même soir dans un fumier contre la melonnière, à +l'exception de quatre rouleaux de louis simples, d'un gobelet d'or avec +son couvercle, d'une bourse pleine de jetons d'argent et de quelques +flacons; que sa mère avait jeté le lendemain dans la pièce d'eau du +Grand Jet de Marly ces derniers objets, à l'exception cependant de +quatre rouleaux de louis, qu'elle avait gardés pour elle sans en donner +connaissance à son mari. + +»Les 24 et 26 frimaire, les commissaires ont interrogé Morin. Mais avant +de rendre compte des découvertes qu'ils ont faites sur ses indications, +il est nécessaire de suivre la conduite de la femme Déliant. + +»Le même jour de l'interrogatoire de cette dernière, il a été déposé +entre les mains des commissaires, par Agathe Gournay et la femme +Borgard, une montre enrichie de diamants, trouvée par elles, il y avait +six semaines, dans une pièce d'eau du jardin de Marly; et par Jacques +Richard, fontainier, deux flacons de cristal de roche, sans bouchons ni +sans garnitures, et trouvés dans la même pièce. + +»La femme Déliant avait été présente au dépôt de la montre dont est +question, et cet acte de probité, peu conforme à son caractère fourbe et +à sa conduite plus que suspecte, la faisant regarder elle-même comme +très-coupable à ses propres yeux, cette femme, sous prétexte de +satisfaire des besoins naturels, a surpris la surveillance de ses gardes +et s'est coupé la gorge avec un rasoir. + +»Les commissaires ont fait dresser par le juge de paix procès-verbal de +cet événement, qui n'a pas eu de suites funestes, au moyen des soins du +chirurgien appelé alors. + +»Dans le même moment, le mari de ladite Déliant, alité depuis +longtemps, ayant déclaré que sa femme avait jeté quelque chose par la +fenêtre, l'on a trouvé dans une gouttière, au-dessous du charbonnier, +sous la fenêtre de la chambre desdits Déliant, quatre boîtes, dont une +d'or enrichie de diamants, une autre aussi d'or; lesdites renfermées +dans un sac à poudre, jetées comme il est dit par ladite femme Déliant, +quoique cette dernière n'ait jamais voulu en convenir. + +»Les commissaires ont séparé ladite Déliant de son mari, lui ont donné +deux gardes pendant deux jours, au bout desquels ils l'ont fait +transférer à l'infirmerie de Versailles, où elle est encore. + +»Les bijoux, diamants et autres effets précieux, cachés dans le fumier +par ladite femme Déliant, y ont été trouvés par le citoyen Greive deux +mois et demi après l'arrestation de la du Barry; mais comme _on n'a +jamais eu l'état désignatif et la connaissance positive des objets que +renfermaient les trois boîtes, il reste incertain si tous ont été +trouvés_. + +»_Sans vouloir rien préjuger sur la conduite que l'on a tenue_, le 11 +frimaire, _lors de cette découverte_, les commissaires ignorent s'il y a +eu un procès-verbal dressé au moment même, mais il ne leur a été remis +d'autre procès-verbal que celui de reconnaissance, fait le 13 frimaire, +par Houdon, juge de paix actuel de Louveciennes, _c'est-à-dire deux +jours et demi après la découverte_, le juge de paix n'ayant été appelé +qu'à cette époque. + +»Quant aux objets jetés dans les pièces d'eau du jardin de Marly par la +mère de la femme Déliant, on a trouvé seulement la montre déposée par +Agathe Gournay et la femme Borgard, les deux flacons remis par Richard, +deux autres flacons trouvés par les commissaires lors de leurs +perquisitions dans la pièce d'eau du Grand Jet de Marly, un flacon remis +au moment même par Joséphine Lochard. Il reste conséquemment à recouvrer +le gobelet et le couvercle en or, provenant d'un plateau de toilette, et +la bourse pleine de jetons d'argent. + +»Après être entrés dans les détails des déclarations toujours tardives, +toujours partielles de la femme Déliant, de la nature des dépôts +précieux qui lui ont été confiés par la du Barry, de l'usage +inconcevable qu'elle en a fait, des événements tragiques qui ont suivi +sa conduite, les commissaires rendent compte du résultat de Morin, valet +de chambre et agent secret de la du Barry. + +»Les perquisitions les plus amples avaient été faites dans le jardin de +ce prévenu, et toujours infructueusement. Cet homme allait être jugé, +exécuté, emportant avec lui la connaissance des différents dépôts, si +les commissaires n'eussent pas écrit à l'accusateur public, ne lui +eussent pas envoyé un exprès au moment où Morin allait subir la peine +due à ses crimes. + +»Les 24 et 26 frimaire, les commissaires ont interrogé ce prévenu: +d'après ses déclarations, et sur ses indications, ils ont trouvé cachés +derrière des bois de charpente placés contre un mur du jardin de Morin +une douzaine de cuillers d'or à café; dans le grenier au-dessus de la +cuisine de sa maison, une croix d'argent, un calice et une patène +d'argent; une boîte à quadrille, la boîte, les fiches et contrats en +ivoire, incrustés en or; dans le jardin de Morin, et enterrés en divers +endroits sous des arbres hors de monter, et près la grille, deux boîtes +de sapin renfermant savoir: + + Argent blanc 7,203 liv. + 40 doubles louis 1,920 + Un louis en or 24 + 2 guinées et une demi-guinée 36 + ---------- + Total 9,183 liv. + +»En outre, 99 jetons d'argent et un globe d'argent-vermeil. + +»D'après la déclaration de la du Barry, on aurait dû trouver douze sacs +de 1,200 livres environ, et différents objets précieux. Cependant +lesdites boîtes ne renfermaient que cinq sacs, les louis, les guinées en +or et le gobelet d'argent-vermeil. + +»Il est à croire que Morin en a détourné une partie; l'espérance qu'il +avait d'être acquitté l'a sans doute engagé à ne pas déclarer les dépôts +qu'il avait faits pour le compte de sa maîtresse et pour son propre +compte, et il serait nécessaire de faire fouiller son jardin en entier. + +»Les commissaires ont aussi trouvé dans la chambre de Morin, et sur ses +indications, une râpe à muscade en argent, dans un étui d'argent; un +paquet intitulé _Graines de panais_, contenant dix-sept aunes de galon +d'argent à livrée, et quelques autres objets. + +»Les perquisitions antérieures faites par le citoyen Greive avaient +procuré la découverte de 393 livres en argent blanc, d'un billet qui +prouvait que Morin était chargé de faire passer cette somme à l'abbé de +Fontenille, poste restante, à Coblentz. Cette somme existe encore dans +la chambre de Morin, et les commissaires du district chargés de faire +l'inventaire en rendront compte en tant que de besoin. + +»Les commissaires ont fait ce qui dépendait d'eux pour tirer de Morin +tous les aveux qui pouvaient aider leurs découvertes; mais cet homme n'a +déclaré que les dépôts trouvés antérieurement, et il est hors de doute +qu'il avait la connaissance de plusieurs autres, dans le cas où sa +conduite contre-révolutionnaire n'aurait pas été dévoilée et punie. + +»L'objet principal de la mission des commissaires était de faire des +recherches. Quoique le citoyen Greive eût découvert une grande partie +des objets déclarés et non déclarés par la du Barry, il restait encore +des recherches à faire, et les commissaires n'ont rien négligé pour les +rendre heureuses. + +»A cet effet, ils ont renouvelé dans plusieurs endroits les +perquisitions les plus exactes. Ils ont fait fouiller deux fois dans le +jardin de Morin, et deux jours de suite dans la cave commune de la +maison de la du Barry; mais ces nouvelles fouilles n'ont produit aucune +découverte, et quoique que l'on soit bien persuadé qu'il existe encore +des dépôts cachés, il faudrait avoir, pour les trouver, des indices +particuliers, les terrains environnant la maison de la du Barry étant +trop spacieux pour qu'on puisse hasarder de nouvelles fouilles, +dispendieuses d'ailleurs et d'un succès incertain. + +»D'après l'arrêté du comité de salut public et les instructions du +ministre, les commissaires devaient remettre à la Trésorerie nationale +les assignats, espèces monnayées, et aux domaines tout ce qui +consisterait en bijoux, diamants et autres objets précieux. + +»Pour remplir une partie de leur mission, il ne suffisait pas de faire +un simple inventaire de ces objets, il fallait en faire le récolement +exact, pour opérer la décharge des commissaires et gardiens +responsables. + +»A cet effet, les commissaires ont procédé au dépouillement de tous les +procès-verbaux de l'ancien et du nouveau juge de paix, dressés sur la +réquisition du citoyen Greive, commissaire du comité de sûreté générale +de la Convention, en présence des officiers municipaux de Louveciennes. +Ils ont fermé l'état désignatif de tous les objets y mentionnés par +nature et espèce, en distinguant par ordre l'argenterie, les effets en +or, etc. + +»Ce relevé, nécessaire pour assurer la justesse de toutes +vérifications, a demandé un temps très-long, à raison de la lecture +qu'il a fallu prendre de tous les procès-verbaux, et de ce que chaque +objet se trouvait mentionné isolément dans un procès-verbal et dans un +autre. + +»Les commissaires ont d'abord procédé à la reconnaissance d'une somme de +37,986 livres en numéraire, trouvée chez la du Barry. Cette somme, +jointe à celle de 13,815 liv. découverte par la commission, forme celle +de 51,801 liv. remise par elle à la Trésorerie nationale. + +»Il avait été trouvé, en outre, dans la commode de la chambre à coucher +de la du Barry, une somme de 3,443 liv. en assignats; mais cette somme a +été mise par les citoyens Lacroix et Musset, représentants du peuple à +Versailles, à la disposition du citoyen Greive, pour subvenir aux +dépenses du moment, et il reste encore une somme de 29 liv. en +assignats, et 7 liv. en argent monnayé. + +»Les commissaires observent qu'il a été déposé entre leurs mains, le 27 +nivôse, par le citoyen Fournier, ancien juge de paix, à l'appui d'un +procès-verbal de découverte, chez la femme Couture, une somme de 1,200 +liv., savoir: 400 liv., dont 200 liv. démonétisées appartenant à Morin, +et 800 livr. au nommé Pétry, coiffeur, détenu à Paris. Les commissaires +du district chargés de faire l'inventaire rendront compte de ces sommes +et des autres en tant que de besoin. + +»Les commissaires, en suivant l'ordre de leur relevé sur les +procès-verbaux remis entre leurs mains, ont fait, en présence du citoyen +Greive, du juge de paix et du maire de Louveciennes, le récolement et la +reconnaissance de l'argenterie, des effets en or, cristaux, bijoux, +diamants et autres objets précieux, mis sous les scellés dans la chambre +à coucher de la du Barry, nº 4. Ils ont rédigé procès-verbal de chaque +opération, et en ont donné copie au citoyen Greive et à la municipalité +du lieu. + +»Cette vérification leur a demandé un temps très-long, attendu que +beaucoup de ces objets n'avaient pas été désignés suivant leur nature et +espèce, et suivant les termes techniques qui leur convenaient. +_Peut-être que le plaisir d'avoir fait les découvertes, la précipitation +avec laquelle on a procédé à leur inventaire, ont fait négliger les +formalités de la rédaction et l'exactitude dans la prescription et +reconnaissance des objets; mais en général les commissaires ont aperçu +un défaut d'ordre, et ils ne peuvent mieux le prouver que par le grand +nombre d'effets qu'ils ont reconnus n'avoir pas été inventoriés._ Le +désordre ne porte pas seulement sur les objets découverts, mais sur tous +ceux en évidence dans la maison. Ces objets sont épars et en confusion. + +»_Les commissaires ont trouvé, dans différents endroits de la maison, +plusieurs étuis de chagrin et galuchat, qui renfermaient sans doute des +effets précieux et qui, cependant, ne font pas partie de ceux +inventoriés et reconnus._ Les commissaires ont vu, entre autres étuis, +celui dans lequel devait se trouver une paire de boucles de souliers en +or, garnies de perles, dont l'existence antérieure est prouvée par la +déclaration même de la du Barry. _Tous ces étuis ont été trouvés vides._ +Les commissaires ignorent si les objets qu'ils contenaient existaient au +moment de l'arrestation de cette femme, ou si elle n'en aurait pas +disposé elle-même, d'une manière ou d'une autre. + +»Les commissaires ont remis successivement à l'administration des +domaines l'argenterie, les bijoux, diamants, effets en or, et +généralement tous les objets provenant soit de leurs découvertes +personnelles, soit des découvertes faites avant eux par le citoyen +Greive, commissaire de sûreté du comité général de la Convention. Ils +invitent à en acquérir la preuve par l'examen de l'état ci-joint, dont +les objets y mentionnés portent le numéro correspondant à celui des +objets désignés dans les procès-verbaux et récépissés de remise aux +domaines. Ils joignent aussi au présent résumé historique d'opérations +l'état de comparaison des objets déclarés par la du Barry et trouvés, +avec ceux qui restent à découvrir. + +»Jusque-là les commissaires avaient rempli l'objet intrinsèque de leur +mission. Mais la nature même de leurs fonctions les a entraînés dans une +quantité de détails dont ils devaient prendre connaissance, autant parce +qu'ils se sont trouvés liés à leurs fonctions que parce que le besoin de +se mettre à l'abri de tous reproches leur recommandait de faire tout ce +qui intéressait le bien public. + +»Des mesures de sûreté générale, relatives à la conservation des dépôts +précieux, existant dans la maison de la du Barry, avaient exigé la +surveillance d'une garde assez nombreuse; mais l'enlèvement successif de +ces dépôts demandait une économie dans cette dépense. En conséquence, +les commissaires ont réduit, le 6 pluviôse, la garde à six hommes, au +lieu de dix-huit. Cette garde, depuis le 2 vendémiaire, jour de son +établissement par le citoyen Greive, jusqu'au 13 frimaire, avait été +payée sur des fonds mis à la disposition du citoyen Greive, savoir: +3,143 liv. par les citoyens Lacroix et Musset, représentants du peuple à +Versailles, et 3,000 liv. par Voulant et Jajot; mais le citoyen Greive +n'avait plus de fonds disponibles. Il est dû encore à la garde la somme +de 3,151 liv., et les commissaires en ont envoyé l'état à +l'administration du district de Versailles. + +»Le besoin de rétablir l'ordre dans la maison de la du Barry devait +fixer, la sollicitude des commissaires. Ce soin paraissait cependant +devoir appartenir plus particulièrement au citoyen Greive, qui depuis +longtemps habitait la maison de la du Barry, connaissait les causes de +la dépense, et l'avait mise ou laissée sur le pied où les commissaires +l'ont trouvée.--_Mais le citoyen Greive, trop occupé sans doute de +l'exécution des grandes mesures de sûreté générale, dont il annonçait +être chargé par sa qualité même, n'avait pas le temps d'entrer dans les +petits détails._ Les commissaires ont cru devoir prendre sur eux de +faire la réforme commandée par l'économie, en attendant d'ailleurs la +solution de plusieurs questions dont la nature les attachait encore à +leur place. + +»Jusque-là différentes circonstances, dont il sera parlé ci-après, +avaient occasionné une dépense assez considérable de bouche et de +chauffage; mais les circonstances n'étant plus les mêmes, les +commissaires ont jugé devoir rompre le cours de cette dépense. A cet +effet, ils ont arrêté les mémoires du boulanger, du boucher et des +autres fournisseurs de la maison. Ils ont envoyé à l'administration du +district de Versailles le bordereau de cette dépense, montant à la somme +de 2,749 fr. + +»Cette dépense, dont le citoyen Greive peut rendre compte mieux que +personne des causes qui l'ont déterminée, a été plus considérable +pendant le cours de sa mission. En général, cette dépense a été faite +par les différents commissaires qui se sont succédé, par le juge de +paix, son greffier, par les officiers municipaux, dans un temps où le +secret des opérations demandait leur permanence continuelle, par les +personnes que le citoyen Greive a employées à auner les étoffes, à peser +les matières d'or et d'argent, par les prévenus traduits devant la +commission, par les gendarmes, huissiers qui les ont accompagnés, enfin +par toutes les personnes dont la présence a été reconnue nécessaire. + +»Les fonctions des commissaires ont acquis, par l'effet des +circonstances, une plus grande latitude. Ils ont appris, par exemple, +qu'il existait à Paris, dans la maison de Brissac, un coffre de fer +caché entre deux boiseries. A cet effet, ils sont allés plusieurs fois à +Paris pour se concerter avec le ministre sur les moyens à employer pour +sa découverte. Le ministre a écrit lui-même au comité de surveillance de +la Fontaine de Grenelle, pour l'inviter à nommer deux membres pour +seconder les commissaires dans leurs recherches. Le citoyen Villette +s'est présenté lui-même au comité de cette section, à celui de sûreté +générale; mais les formalités à remplir pour la levée des scellés chez +Brissac ont arrêté sans doute l'usage de toutes mesures, et le coffre de +fer reste encore à découvrir, ou, s'il a été découvert, la commission +l'ignore. + +»Les commissaires ont aussi, sur la réquisition des citoyens Lacroix et +Musset, représentants du peuple à Versailles, fait l'inventaire du vieux +linge existant dans la maison de la du Barry, et l'ont envoyé à +l'hôpital militaire de Saint-Cyr. + +»Ces différentes démarches et opérations ont occupé les commissaires en +attendant la réponse à plusieurs questions de la solution desquelles +dépendait la continuation ou la cessation de leurs fonctions. + +»Une de ces questions était de connaître la manière dont on disposerait +des étoffes précieuses existant dans la maison de la du Barry. Une +grande partie de ces étoffes, dont la valeur peut s'élever à 200,000 +livres, ne pouvait être vendue qu'à l'étranger. Le ministre, sur les +observations des commissaires, avait écrit au comité de salut public: +depuis peu, ce comité a chargé l'administration des subsistances d'en +faire l'inventaire, et dans ce moment ce travail occupe les +commissaires. + +»Le rétablissement de l'ordre, des précautions de tout genre, le besoin +d'éviter même des dilapidations, le besoin de liquider la succession de +la du Barry pour payer les créanciers, toutes ces considérations ont +engagé les commissaires à demander qu'il soit procédé promptement à +l'inventaire du mobilier de la du Barry, et, depuis le 20 pluviôse, les +citoyens Delcros et Lequoy ont été nommés à cet effet par +l'administration du district de Versailles. + +»En conséquence, les pouvoirs du citoyen Villette, seul commissaire du +pouvoir exécutif à Louveciennes, doivent cesser lorsqu'il aura fini, +conjointement avec le commissaire des subsistances et ceux du district, +l'inventaire des étoffes dont il est spécialement chargé par le +ministre. + +»Voici la manière dont les membres composant la commission de +Louveciennes ont cru devoir rendre compte de leur mission, chacun pour +les opérations auxquelles ils ont été présents, nonobstant les pièces +qu'ils joignent à l'appui de leur compte, certifiant le tout sincère et +véritable. + +»Signé à la minute: Huvé, Villette, Delcros, Houdon, Bicault et Lequoy, +secrétaire[155].» + +Outre la commission générale, deux autres devaient s'entendre avec elle, +l'une, pour faire passer immédiatement à Versailles tout ce qui pourrait +être employé par l'État, l'autre, pour envoyer aussi dans cette ville +les objets d'art, afin de les ajouter à ceux déjà très-nombreux +provenant des maisons du roi et des princes, que l'on réunissait dans le +palais. + +La première de ces commissions fit passer au district, en fer, cuivre, +linge, literie, harnais, sucre et eau-de-vie, pour la somme de 128,089 +fr. Le linge, la literie, le sucre et l'eau-de-vie furent envoyés à la +maison de Saint-Cyr, transformée en hôpital militaire. Le reste fut +déposé dans les magasins de l'État. + +La commission des arts fit choix des objets qui lui parurent dignes +d'être conservés. Comme la plupart de ces oeuvres d'art sont aujourd'hui +dans les musées et dans les palais impériaux, il n'est pas sans intérêt +d'en faire connaître l'origine, en donnant la liste dressée alors par la +commission. Ces objets sont au nombre de cinquante-cinq. + +1º Deux tableaux de Vien; + +2º Une gaîne avec chapiteau et base de granit d'Italie; + +3º Une Vénus Callipyge (petite proportion); + +4º Un Apollon du Belvédère; + +5º Thésée enlevant Hermione; + +6º Une Vestale entretenant le feu sacré, suivie par deux enfants; + +7º Un groupe représentant Louis XV porté par quatre guerriers; + +8º Un petit buste de Louis XV; + +9º Un feu en bronze doré, cerf, sanglier et attributs de chasse; + +10º Un tableau représentant une marine, par Vernet, de huit pieds de +haut sur cinq de large. + +11º Un autre tableau de même dimension, représentant une ruine, par +Robert; + +12º Quatre dessus de porte, par Fragonard; + +13º Une Nymphe en marbre, fuyant, et un Amour la menaçant; + +14º Une Baigneuse, de Falconnet; + +15º Le buste de Louis XV, en marbre, par Pajou; + +16º Une pendule représentant l'Amour porté par les Grâces, en bronze +doré d'or moulu; + +17º Deux vases de porcelaine de Sèvres, fond azur; + +18º Deux vases de porcelaine, forme étrusque; + +19º Un baromètre et thermomètre avec cartouches et figures de +porcelaine; + +20º Deux vases en marbre blanc et porphyre; + +21º Deux feux dorés d'or moulu, les plus riches; + +22º Deux figures en marbre blanc, proportion de deux pieds; + +23º Deux candélabres à trois branches, représentant deux femmes +groupées; + +24º Deux autres, en forme de bouteille; + +25º Un feu doré, en forme de vase; + +26º Une table en porcelaine de Sèvres, les peintures d'après Vanloo; + +27º Un vase de porphyre; + +28º Un feu en forme de cassolettes et pommes de pin; + +29º Trois chandeliers à trois branches, en cassolettes; + +30º Le buste de la du Barry, par Pajou, sur sa gaîne; + +31º Partie d'un _forte-piano_; + +32º Deux grands vases de porphyre; + +33º Une harpe dans sa robe de taffetas noir; + +34º Un tableau représentant la Fuite de l'Amour; + +35º La Marchande d'Amours, par Vien; + +36º La Cruche cassée, par Greuze; + +37º Jupiter et Antiope; + +38º Une pastorale, par Boucher, de trente-six pouces de haut sur +vingt-huit de large; + +39º Un paysage, de Visnose; + +40º Une bordure ovale de trois pieds de haut, richement sculptée et +dorée; + +41º Une autre de deux pieds de haut; + +42º Une commode de vieux laque; + +43º Une autre plaquée, en porcelaine de Sèvres, à sujets et figures +très-jolis; + +44º Un tableau représentant la Visitation d'Élisabeth; + +45º Un autre représentant la Vierge et l'Enfant Jésus; + +46º Un autre, non fini, représentant la du Barry en Bacchante; + +47º Un pastel: un Enfant jouant du tambour de basque, d'après Drouet; + +48º Un Enfant jouant du triangle, d'après Drouet; + +49º Un tableau représentant un enfant tenant une pomme, peint par +Drouet, de vingt pouces de haut sur dix-huit de large; + +50º Un tableau: une Femme en lévite blanche; + +51º Un autre: Louis XV en habit de revue; + +52º Un autre: Louis XV enfant; + +53º Une gravure enluminée représentant un paysage; + +54º Une estampe représentant la femme Lebrun; + +55º Un tableau peint sur toile, par Robert, représentant une esquisse de +la messe, de quatorze pouces de haut sur seize de large. + +Après les travaux particuliers des diverses commissions, la commission +générale fit un relevé de tous les procès-verbaux d'inventaires, +enlèvements, reconnaissances et ventes du mobilier ayant eu lieu +successivement sous sa direction; elle y ajouta les récépissés de dépôt +des différents objets extraits, de la maison de madame du Barry, et elle +envoya cet immense travail au district de Versailles pour le faire +passer au directoire du département de Seine-et-Oise. Ce travail, avec +toutes les pièces à l'appui, forme aujourd'hui la plus grande partie des +papiers renfermés aux archives de la préfecture de Seine-et-Oise, sous +le nom de _madame du Barry_. + + Le relevé général est terminé par le bordereau du + montant des seuls objets vendus et estimés, lequel s'élève + à 707,251 l. 15 s. + + Les bijoux, diamants, cristaux, etc., + dont le prix n'est pas porté, sont + évalués au même inventaire 400,000 » + + Les matières d'or, 89 marcs, 6 onces, + peuvent être appréciées au moins 60,000 l. » s. + + Celles d'argent, 1,449 marcs, à 45 + livres le marc 65,205 » + + Celles de vermeil, 84 marcs, à + 50 livres 4,200 » + + Galons et franges d'or, 34 marcs 2,700 » + + Galons d'argent et brûlé, 121 marcs 3,600 » + + Cuivre, fer, plomb et étain 4,000 » + ------------------ + Total général de l'appréciation des + effets mobiliers confisqués chez + madame du Barry 1,246,956 l. 15 s.[156] + +Quand madame du Barry fut arrêtée, elle avait encore un grand nombre de +dettes, et la municipalité de Louveciennes ne tarda pas à être accablée +de mémoires de tous les créanciers. Tous ces mémoires, visés par elle, +furent envoyés au district. Il résulte de leur relevé général qu'ils +s'élevaient à la somme de 956,124 liv. 13 s. 4 d.--La vérification de +ces mémoires fut renvoyée à une commission chargée de mettre la plus +grande sévérité dans l'examen de ces dettes. Le gouvernement d'alors dut +être satisfait de l'habileté des commissaires, car les mémoires ont été +si bien examinés et contrôlés, que presque aucun des créanciers n'a été +payé. + +Les parents de madame du Barry, auxquels on a vu qu'elle avait fait des +pensions viagères, réclamèrent aussi la continuation de leurs pensions; +mais on les supprima toutes, à l'exception de celle de Rançon, le mari +de la mère de madame du Barry, qui vint se retirer à Versailles, et y +mourut le 25 octobre 1801. + +La propriété de Louveciennes avait été vendue le 20 thermidor an III (7 +août 1795)[157], et le comte Guillaume, qui s'était remarié[158], était +mort à Toulouse, le 2 août 1811, à l'âge de 79 ans. Tout avait disparu. +Il ne restait plus, comme souvenir du nom de _du Barry_, que la honte +jetée par lui sur les dernières années du règne de Louis XV. Mais à ce +souvenir, cependant, venait se mêler celui des souffrances supportées +par cette malheureuse femme dans les derniers temps de sa vie, et l'on +se prenait de pitié quand on considérait par quelle horrible mort elle +avait expié ses quelques années de bonheur! + +Ce nom devait recevoir encore une nouvelle humiliation, et il devait la +recevoir de ses propres parents, de ses héritiers. + +Dans l'acte de mariage de madame du Barry, elle y était dite fille du +sieur _Jean-Jacques Gomard de Vaubernier_, intéressé dans les affaires +du roi. Aussitôt le retour en France, en 1814, du roi Louis XVIII, les +héritiers _Gomard_ firent de nombreuses démarches auprès des ministres +pour être remis en possession des objets ayant appartenu à madame du +Barry, et existant dans les établissements publics. Ils se fondaient, +pour appuyer leur demande, sur l'acte de naissance[159] de madame du +Barry, annexé à celui de célébration de son mariage à la paroisse de +Saint-Laurent, ainsi conçu: + +«Extrait des registres de baptême de la paroisse de Vaucouleurs, diocèse +de Touls, pour l'année mil sept cent quarante-_six_. + +»Jeanne, fille de _Jean-Jacques Gomard de Vaubernier_ et _d'Anne Bécu_, +dite _Quantigny_, est née le dix-neuf août mil sept cent quarante-six, a +été baptisée le même jour, a eu pour parrain Joseph _de Mange_ et pour +marraine Jeanne _de Birabin_, qui ont signé avec moi: + +»L. Gaon, vicaire de Vaucouleurs; Joseph de Mange et Jeanne de Birabin. + +»Je soussigné, prêtre-curé de la paroisse et ville de Vaucouleurs, +diocèse de Touls, certifie à qui il appartient, vu le présent extrait +conforme à l'original. + +»A Vaucouleurs, ce quatre juillet mil sept cent cinquante-neuf. + +»L.-P. Dubois. + +»Nous, Claude-François Duparge, licencié ès loix, conseiller du roi, +commissaire enquesteur-examinateur en la ville et prévôté de +Vaucouleurs, faisant les fonctions de M. le président Prevost, absent, +certifions que les écriture et signature ci-dessus sont du sieur Dubois, +curé de Vaucouleurs, et que foy y est et doit y être ajoutée. En +témoignage de quoi nous avons signé les présentes et scellé de notre +cachet.--A Vaucouleurs, ce quatre juillet mil sept cent cinquante-neuf: + +»Signé, Duparge, avec paraphe. Approuvé l'écriture, Duparge[160].» + +Après beaucoup de démarches infructueuses, et après avoir présenté au +ministre des finances un acte de notoriété constatant que le sieur +_Philbert Gomard_, frère de _Gomard de Vaubernier_, père de madame du +Barry, étant le plus proche parent de la comtesse à l'heure de sa mort, +était son héritier, le même acte établissant leur filiation comme +héritiers directs du sieur _Philbert Gomard_, le ministre les autorisa à +faire retirer de la préfecture de Seine-et-Oise les papiers de madame du +Barry, déposés aux archives lors du séquestre mis sur ses biens en 1793. +Ces papiers devaient servir à les diriger dans les réclamations qu'ils +faisaient au gouvernement. L'inventaire des papiers ainsi donnés un peu +légèrement montre combien de documents intéressants ont été perdus pour +les recherches historiques. + +Inventaire des titres et papiers provenant de madame la comtesse du +Barry, condamnée révolutionnairement, et dont les biens ont été +séquestrés; lesquels papiers, par suite du séquestre, ont été extraits +du domicile de ladite dame, à Louveciennes, transférés à +l'administration du ci-devant district de Versailles, et ensuite déposés +aux archives de la préfecture de Seine-et-Oise: + +1re _liasse_.--Composée de pièces relatives aux anciens ouvrages +faits au pavillon de Louveciennes, années 1760 et 1770, etc., mémoires +de divers fournisseurs, et ouvriers, quittances, états de payements et +diverses pièces de renseignements. + +2e _liasse_.--Anciens mémoires de fournisseurs et ouvriers quittancés +de 1770 à 1774. Bail passé à madame du Barry par la veuve Duru et +consorts, d'une maison située à Versailles, rue de l'Orangerie, le 22 +décembre 1768. Bordereau des sommes payées par Me Lepot-d'Auteuil, +notaire. + +3e _liasse_.--Autres différents mémoires de marchands, ouvriers et +fournisseurs, également quittancés. Dépenses de tout genre à l'hôtel et +pavillon de l'avenue de Paris, à Versailles, en 1773. Comptes rendus par +M. de Montvallier, intendant de madame la comtesse du Barry, ès années +1773 et 1774. + +4e _liasse_.--Divers mémoires de marchands, orfèvres, bijoutiers, +drapiers, modistes, fournisseurs, gagistes, peintres, ouvriers, etc., en +1772 et années suivantes, également quittancés. Inventaires et états +d'effets mobiliers, tels que tableaux, statues, pièces d'ornement, etc., +étant à Louveciennes, à différentes époques, notamment un inventaire +général du mobilier de Louveciennes, fait en 1774. + +5e _liasse_.--Mémoires quittancés d'orfèvres, bijoutiers, marchands +de meubles et d'étoffes. États de gages payés aux personnes de la maison +de madame du Barry, et autres pièces diverses de dépenses, années 1771 +et suivantes. + +6e _liasse_.--Pièces relatives à la construction du nouveau pavillon +de Louveciennes, en 1771 et 1772. Comptes et mémoires quittancés de +divers entrepreneurs, marchands, ouvriers, etc. + +7e _liasse_.--Formée de mémoires et de quittances donnés par des +ouvriers, marchands, fournisseurs, pensionnaires et autres personnes +attachées à madame du Barry, en diverses années. + +8e _liasse_.--Mémoires acquittés de marchands, ouvriers, +fournisseurs, notamment du sieur Aubert, joaillier, du sieur Cozette, +entrepreneur de la manufacture royale des Gobelins. Quittances de sommes +payées pour pensions et bienfaits accordés par madame du Barry. Ouvrages +faits à un hôtel, à Versailles, avenue de Paris, et à une maison à +Saint-Vrain. + +9e _liasse_.--Pièces relatives aux locations de baraques, boutiques +et appentis établis sur la contrescarpe, à Nantes, concédés à madame du +Barry, pour l'usufruit seulement, sa vie durant, par brevet du roi du +23 décembre 1769. Compte du sieur Dardel, régisseur, et du sieur +Couillaud de la Pironnière, receveur du produit desdites boutiques, etc. +Pièces et plans y relatifs. Baux desdits biens, passés en 1771. + +10e _liasse_.--Papiers, mémoires, lettres, relatifs aux dépenses +faites à la Maison-Rouge, sise commune de Villiers-sur-Orge. Inventaire +d'effets mobiliers garnissant ladite maison. _Lettres et autres pièces +de correspondance particulière de madame du Barry, en 1792 et 1793._ +Quittances, reçus de l'année 1793. Contrat du 24 octobre 1775, devant +Me Deschesnes, notaire à Paris, concernant vente par madame la +comtesse du Barry à _Monsieur_, frère du roi, d'un grand hôtel sis à +Versailles, avenue de Paris, moyennant 224,000 liv[161]. + +Tels sont les papiers remis aux héritiers Gomard. Où sont aujourd'hui +ces titres, ces lettres de madame du Barry? Que sont-ils devenus? Ils +ornent probablement la collection de quelque amateur d'autographes[162]. + +Malgré toutes leurs demandes, ils n'avaient encore rien recueilli de la +succession de madame du Barry, lorsque fut rendue, le 17 avril 1825, la +loi d'indemnité des biens des émigrés. + +A l'époque de sa mort, madame du Barry ne possédait aucun immeuble, et +par conséquent ses héritiers n'avaient rien à réclamer de l'indemnité. +Mais l'on se rappela alors le testament de M. de Brissac, et l'on +réclama de la famille de Mortemart, héritière du duc, et qui avait une +part considérable dans la liquidation du milliard d'indemnité, +l'exécution du legs fait au profit de madame du Barry. + +Jusque-là, les héritiers Gomard s'étaient seuls présentés. Mais +lorsqu'il se fut agi du legs du duc de Brissac, les héritiers _Bécu_, +c'est-à-dire ceux du côté maternel, vinrent, non-seulement pour entrer +en partage, mais contestèrent même aux _Gomard_ leur titre d'héritiers +de madame du Barry. + +On a vu qu'une fois riche, madame du Barry n'a jamais cessé de faire du +bien à sa famille. Elle mit sa mère à l'abri du besoin et fit une +pension viagère à Rançon, son beau-père, lorsqu'il fut devenu veuf. Les +frères de sa mère reçurent aussi d'elle des pensions viagères, et elle +dota leurs filles en leur faisant faire des mariages avantageux. Mais on +ne voit nulle part qu'elle se soit jamais intéressée aux _Gomard_. D'où +vient cette différence dans la manière d'agir de madame du Barry à +l'égard de sa famille? Le procès qui s'est élevé entre les divers +héritiers va nous en donner l'explication. + +Les _Gomard_ appuyaient leurs prétentions à l'héritage de madame du +Barry sur l'acte de naissance déposé à la paroisse de Saint-Laurent, +reconnaissant comme père de madame du Barry _Jean-Jacques Gomard de +Vaubernier_. Les Bécu attaquèrent cet acte comme faux, et présentèrent +un autre acte de naissance, levé par eux sur les registres de l'état +civil de la ville de Vaucouleurs, le 25 septembre 1827, constatant que +madame du Barry était _fille naturelle de Anne Bécu_, et que, par +conséquent, les héritiers _Gomard_ n'avaient aucun droit dans cette +succession. + +De là, procès entre les deux branches et jugement du tribunal civil de +première instance de la Seine du 9 janvier 1829, confirmé par arrêt de +la cour royale de Paris du 22 février 1830, qui donne gain de cause aux +_Bécu_ et les reconnaît comme seuls héritiers de madame du Barry. + +La cause de ce faux acte de naissance s'explique aisément. Madame du +Barry était la maîtresse du roi. Le mariage lui donnait un nom et allait +lui permettre d'arriver aux plus grandes faveurs. Mais il fallait un peu +flatter la vanité des du Barry, et d'ailleurs Louis XV n'aurait-il pas +eu quelque répugnance à conserver pour maîtresse, quoique comtesse, la +bâtarde d'une pauvre fille de campagne? + +Il est probable que celui qui joua le rôle le plus important dans la +fabrication de cet acte fut cet _abbé Gomard_, aumônier du roi, qu'on a +vu déjà figurer à la célébration du mariage de madame du Barry, comme +fondé de pouvoir de sa mère et de son beau-père. Depuis longtemps cet +abbé était lié avec Rançon et sa femme, et les pamphlets du temps disent +qu'il connaissait très-bien le père de madame du Barry: il était, de +plus, intime avec Lebel, le valet de chambre de Louis XV, et avec le +comte Jean. On peut donc supposer que ce fut lui qui fit placer dans cet +acte le nom de son propre frère Jean-Jacques Gomard de Vaubernier, mort +depuis longtemps, comme père de _Jeanne Bécu_, et en fit ainsi une fille +légitime[163]. + +Il est curieux, au reste, d'examiner les transformations que l'on fit +subir à l'acte primitif que voici: + +«Extrait des registres de l'état civil de la ville de Vaucouleurs, +déposés aux archives du tribunal de première instance séant à +Saint-Mihiel (Meuse). + +»Jeanne, fille naturelle d'Anne Béqus, dit Quantiny, est née le +dix-neufième aoust de l'an mil sept cent quarante-trois, et a été +baptisée le même jour. Elle a eu pour parain Joseph Demange, et pour +maraine Jeanne Birabin, qui ont signé avec moy. + +»Les signatures sont ainsi apposées sur l'acte: + +»Janne Birabine. L. galon, vic. de Vau. + +»Joseph Demange. + +Pour copie collationnée sur la seconde minute déposée aux archives. + +»Saint-Mihiel, le 25 septembre 1827. Le commis-greffier, + +»François.[164]» + +D'abord, et c'était la partie essentielle, on donne un père à la fille +naturelle; et, comme le nom de _Gomard_ tout court est encore bien +bourgeois, on y ajoute celui de _Vaubernier_. Puis, comme le parrain et +la marraine doivent être à la hauteur du père de l'enfant, on fait du +simple Joseph Demange, monsieur Joseph _de Mange_ avec une particule, et +de Jeanne Birabin, qui, suivant l'usage de la campagne, est appelée la +Birabine, et signe comme on est dans l'habitude de l'appeler, on fait +madame _de Birabin_. Enfin, comme il paraîtra plus agréable au roi de +lui donner pour maîtresse une _demoiselle noble et mineure_ qu'une +_fille naturelle et majeure_, on retranche trois ans de l'acte primitif, +et on fait naître madame du Barry le 19 août 1746, au lieu du 19 août +1743. + +Après l'arrêt de la cour royale de Paris, qui frappe de faux l'acte de +naissance déposé à l'église de Saint-Laurent, et reconnaît les _Bécu_ +comme seuls héritiers de madame du Barry, ceux-ci continuèrent à +attaquer la famille de Mortemart pour l'exécution du legs de M. de +Brissac. Le procès dura jusqu'à la fin de 1833. Enfin les héritiers +_Bécu_ s'entendirent avec la famille de Mortemart sur la somme à +recevoir; mais elle leur profita peu et fut presque entièrement absorbée +par les créanciers de madame du Barry et par les frais du procès[165]. + +Outre les détails généraux qu'on a pu faire connaître grâce à L'analyse +des diverses pièces indiquées dans ce récit, il en est de particuliers à +la personne même de madame du Barry, qu'il est bon de rappeler en +terminant: + +1º Madame du Barry était fille naturelle, et son véritable nom était +_Jeanne Bécu_. + +2º A l'époque de son mariage on fit un faux acte de naissance, dans +lequel on lui donna pour père légitime _Jean-Jacques Gomard de +Vaubernier_. + +3º C'est donc à tort que, dans toutes les biographies, et dans les plus +récents ouvrages sur l'histoire de France, on lui conserve le nom de +_Jeanne Gomard de Vaubernier_, et il faut lui rendre son vrai nom de +_Jeanne Bécu_. + +4º Par suite de l'examen de son véritable acte de naissance, on voit que +madame du Barry avait 26 ans quand elle devint la maîtresse du roi Louis +XV, et non vingt-trois ans, comme cela semblait résulter du faux acte. +Elle est, par conséquent, morte sur l'échafaud à l'âge de cinquante ans. + +Quant aux sommes que madame du Barry a coûté à la France pour avoir eu +l'honneur d'être la maîtresse du roi, on peut, d'après l'examen de ces +mêmes pièces, en faire le relevé suivant: + + 1º Mobilier donné par le roi à madame du Barry, lors de + son mariage 30,000 l. » + + 2º Sommes payées pour madame + du Barry, par _Baujon_, banquier + de la cour, depuis 1769, première + année de sa faveur, jusqu'en + 1774, année de la mort + de Louis XV 6,375,559 l. 11 s. 11 d. + + 3º Pour achat de son hôtel de + Versailles, par _Monsieur_, frère + du roi, le 24 octobre 1775 224,000 » + + 4º Pour l'échange de 50,000 livres + de rente viagère contre + 1,250,000 livres, délivrées par + le trésor royal par arrêt du roi + en avril 1784 1,250,000 » + + 5º Madame du Barry jouit de + 150,000 livres de rente viagère + sur la ville de Paris, les + États de Bourgogne et les loges + de Nantes, depuis l'année 1769 + jusqu'en 1784, ce qui donne un + total de 2,400,000 » + + 6º Depuis l'année 1784 jusqu'en + 1793, elle n'a plus que 100,000 + livres de rente viagère, ce qui + donne un total de 900,000 » + + 7º La jouissance du château de + Louveciennes et de ses nombreuses + dépendances; les diverses + dépenses faites à + l'ancien château et la construction + du pavillon, peuvent + s'évaluer à un revenu + de 50,000 livres de rente, + ce qui fait, depuis 1769 + jusqu'en 1793 1,250,000 » + + Le total général de toutes ces + sommes est de 12,429,559 l. 11 s. 11 d.!!! + + + + +NOTES. + + +Les trois lettres suivantes nous ont été communiquées par M. Vatel, +avocat à Versailles. Elles nous ont paru assez intéressantes pour être +publiées en notes. + + +Nº I.--_Lettre de M. de Brissac à madame du Barry_. + +Brissac, ce samedi 5 septembre 1789. + +Les courriers ne sont pas assez fréquents, madame la comtesse, il est +bien vrai; car cette lettre qui partira demain par le Mans, arrivera +aussitôt que celle d'hier par la levée; mais c'est un plaisir que de +s'entretenir avec vous qu'il ne faut pas laisser échapper. Oui, l'avenir +comme le présent est désolant. A moins que la raison, le plus beau de +l'apanage de l'homme, ne le cède à l'esprit, l'ambition, la vanité, quel +est l'homme qui ne désire pas le bonheur et la liberté pour lui et les +autres, a moins qu'il ne soit un forcené? et je vois qu'il y en a trop. +Mais des personnes agissantes, assez franchement loyales pour concourir +à l'arrangement avantageux de tous, à ce gros de la nation, dont la +philosophie parle ainsi que le philosophe, qui par malheur ne connaît ni +n'a les moyens de lui faire éprouver ce charme du vrai bonheur qu'il +n'est pas permis a tout le monde de connaître, où sont-ils, ces hommes? +Bien loin de nous. On ne les écoute pas, ou ils ne parlent pas, ou ils +n'existent pas. Que de tristesse toutes ces idées procurent! L'amour +sortant, ou fuyant l'esclavage, n'est pas mon emblème, madame la +comtesse, quoique ce soit celui de mon âge; il n'en est point, il est +vrai, si la beauté et la bonté d'accord partagent un sentiment senti par +un coeur digne de celui qu'il a pu toucher. Mais, par parenthèse, j'ai +ouï dire du mal de ce tableau, que l'on trouve froid, correct, mais peu +piquant. Je l'ai un peu pensé comme le critique; mais les détails et le +fini, ainsi que le coloris, en sont beaux et donneront toujours du +charme à ce tableau. Pas une dame ne prendra pour elle ces insultes que +leur fait l'amour, ou plutôt le peintre qui peut être froid, ou son âge +et ses travaux. Je pense qu'il y a eu fort peu de portraits, surtout de +madame Lebrun, qui a présenté celui de madame la duchesse d'Orléans. +Elle est faite pour être généralement aimée et estimée, et peut paraître +en public en quel temps que ce soit. Le Salon est-il beau? Je crois que +les campagnards n'auront pas été le voir. D'ailleurs il ne vaut pas la +peine depuis longtemps de se déplacer.--Je ne crois pas vous avoir dit +que je mangeais de mauvais pain; je le fais venir du Pont-de-Cé, et il +est bon, pas très-bien fait, mais mieux qu'ici, où on devrait le manger +excellent a cause de la beauté et bonté du grain. Notre froment est un +des plus beaux de la France, sans vouloir néanmoins attaquer et celui de +Brie, et le bienfait aimable et charmant de vos amies du Pont. Elles +vous aiment pour vous-même, parce qu'elles vous connaissent bien, et +qu'alors il est difficile de vous refuser le tribut qu'arrache et +beauté, _et bonté et douceur, et cette aimable et parfaite égalité +d'humeur qui fait le charme d'une société habituelle_. Aussi +auraient-elles voulu vous garder, aussi vous y voudraient-elles; _et moi +je voudrais également y partager avec vous retraite et solitude, le tout +bien tranquille_. C'est ainsi que le trouble fait penser l'homme +raisonnable, qui a reconnu que le plus grand bien à faire est la chose +la plus difficile, et plus tumultueuse que l'orage, qui ramène si +souvent et si promptement un beau jour. Je ne vois pas que nous +avancions en besogne. Hélas! pourvu qu'elle soit faite, terminée, je +serai content. Je le serai beaucoup aussi, madame la comtesse, quand il +me sera permis de vous offrir tous mes hommages, tout mon respect et +tous les sentiments que je vous ai toujours offerts avec joie et +plaisir. + +Vos lettres sont presque toujours sept jours à arriver. Il m'en parvient +de Paris à deux jours de date; celles de Versailles éprouvent le même +retard. Mille respectueux hommages a mademoiselle votre belle-soeur. + + +Nº 2.--_Lettre de madame du Barry aux administrateurs du district de +Versailles_. + +Citoyens administrateurs, + +La citoyenne de Vaubernier du Barry est très étonnée qu'après toutes les +promesses qu'elle vous a fournies des raisons qui l'ont forcée d'aller +en Angleterre, vous l'ayez traitée comme émigrée.--Avant son départ elle +vous a communiqué la déclaration qu'elle avait faite à sa municipalité; +vous l'avez enregistrée dans vos bureaux. Vous savez que c'est le +quatrième voyage qu'elle est obligée de faire, toujours pour le même +motif. + +Elle espère que vous voudrez bien faire lever les scellés qui ont été +apposés chez elle, contre toute justice, puisque la loi n'a jamais +défendu de sortir du royaume à ceux que des affaires particulières et +pressantes appellent en pays étranger. Toute la France est instruite du +vol qui lui a été fait la nuit du 10 au 11 janvier 1791; que ses voleurs +ont été arrêtés à Londres; qu'elle y a eu une procédure suivie, dont le +dernier jugement n'a été rendu que le 28 février dernier, ainsi que +l'atteste le certificat ci-joint. + +Louveciennes, ce 27 mars 1793. + + +Nº 3.--_Lettre de Lavallery, membre du district de Versailles, à madame +du Barry_. + +Citoyenne, + +Je me ferai représenter le plus tôt possible votre demande, dont le +succès ne me paraît pas devoir éprouver de grandes difficultés, vu la +notoriété du motif de vos absences, si vous avez eu surtout le soin de +joindre à votre mémoire les pièces justificatives, telles que vos +passe-ports ou leurs copies certifiées, certificats de résidence, etc. +_Soyez convaincue que s'il est des occasions où je désire donner du prix +à mon travail, vous avez droit à les faire naître. Votre sexe vous donne +le droit de désirer la tranquillité, et votre amabilité_.... Mille +pardons, citoyenne, un républicain et un inconnu ne doit parler que la +langue des affaires. + +Agréez l'assurance de mon respect et de tout l'intérêt que vous avez +droit d'inspirer. + +LAVALLERY[166]. + +Versailles, 17 mai (an II de la République). + + +Nº 4.--_Récit de la mort de madame du Barry, extrait du journal_ LA +NOUVELLE MINERVE, _intitulé_ SOUVENIRS DE LA RÉVOLUTION. + +... Arrivé au pont au Change, j'y trouvai une assez grande foule +rassemblée. Je n'eus pas besoin de demander l'explication de ce +rassemblement: elle ne se fit pas attendre. J'entendis au loin des cris +déchirants, et aussitôt je vis sortir de la cour du palais de Justice +cette fatale charrette que Barrère, dans un de ces accès de gaieté qui +lui étaient si familiers, avait appelée _la bière des vivants_. Une +femme était sur cette charrette, qui approcha lentement de l'endroit où +je m'étais arrêté. Sa figure, son attitude, ses gestes exprimaient le +désespoir arrivé au plus haut paroxysme. Alternativement d'un rouge +foncé et d'une pâleur effrayante, se débattant au milieu de l'exécuteur +et de ses deux aides, qui avaient peine à la maintenir sur son banc, et +poussant de ces cris affreux que je disais tout à l'heure, elle +invoquait tour à tour leur pitié et celle des assistants. C'était madame +du Barry que l'on conduisait au supplice. Revenue de Londres cinq ou +six jours auparavant pour retirer de son château de Louveciennes des +bijoux de prix qu'elle y avait cachés en partant pour l'émigration, elle +avait été dénoncée le soir même de son arrivée, par son nègre favori, +Zamor, gardien du château en son absence, et traduite au tribunal +révolutionnaire[167]. Agée alors de quarante-deux à quarante-trois ans +seulement, sa figure, malgré la terreur profonde qui en altérait les +traits, était encore remarquablement belle[168]. Entièrement vêtue de +blanc, comme Marie-Antoinette qui l'avait quelques semaines auparavant +précédée sur la même route, ses cheveux du plus beau noir formaient un +contraste pareil à celui que présente le drap funéraire jeté sur un +cercueil. Coupés sur la nuque, ainsi que cela se pratique en pareil cas, +ceux de devant étaient ramenés à chaque instant sur le front par ses +mouvements désordonnés, et lui cachaient une partie du visage. «Au nom +du ciel, mes amis, s'écriait-elle au milieu des sanglots et des larmes, +au nom du ciel, sauvez-moi, je n'ai jamais fait de mal à personne; +sauvez-moi.» + +La frayeur délirante de cette malheureuse femme produisait une telle +impression parmi le peuple, qu'aucun de ceux qui étaient venus là pour +insulter à ses derniers moments ne se sentit le courage de lui adresser +une parole d'injure. Autour d'elle tout semblait stupéfié, et l'on +n'entendait d'autres cris que les siens; mais ces cris étaient si +perçants qu'ils auraient, je n'en doute pas; dominé ceux de la +multitude, si elle en eût proféré. J'ai dit tout à l'heure, je crois, +que personne ne s'était senti le courage de l'injurier. Si fait. Un +homme, un seul, vêtu avec une certaine recherche, éleva la voix au +moment où la charrette passant vis-a-vis de moi, la patiente, toujours +s'adressant au peuple, s'écriait: «La vie! la vie! qu'on me laisse la +vie, et je donne tous mes biens à la nation.»--«Tu ne donnes à la nation +que ce qui lui appartient, dit cet homme, puisque le tribunal vient de +les confisquer, tes biens.» Un charbonnier, qui était placé devant lui, +se retourne et lui donne un soufflet. J'en éprouvai un sentiment de +plaisir. + +On sait que pendant toute la route elle continua à pousser les mêmes +cris, et à s'agiter dans des convulsions frénétiques pour fuir la mort +qui déjà l'avait saisie; aussi, on sait qu'arrivée à l'échafaud il +fallut user de violence pour l'attacher à la fatale planche, et que ses +derniers mots furent ceux-ci: «Grâce! grâce! monsieur le bourreau! +Encore une minute, monsieur le bourreau! encore... et tout fut dit.» + +Jamais la terreur ne fut portée à une si haute expression, et madame du +Barry est la seule femme qui ait offert un spectacle aussi déchirant. +Toutes les autres femmes victimes de nos discordes civiles ont montré a +ce moment suprême autant de calme que de courage, et plus d'une a +raffermi le courage de ses compagnons d'infortune. + + +Nº 5.--_Bibliothèque de madame du Barry_. + +La bibliothèque de la ville de Versailles renferme cent quarante-deux +ouvrages ayant appartenu à madame du Barry, et formant trois cent +quatre-vingts volumes. Presque tous ces volumes sont reliés en maroquin +rouge, dorés sur tranches et portent sur le plat des deux côtés les +armes de la comtesse avec la fameuse devise _Boutez en avant_, qui donna +lieu dans le temps à tant de commentaires ironiques. La date de leur +impression ne dépasse pas l'année 1774. Plusieurs sont reliés en +maroquin vert et portent les mêmes ornements que les rouges. Ils +paraissent provenir de cadeaux. Il est bien probable que ces livres +faisaient partie de la bibliothèque des appartements de madame du Barry +au château de Versailles, où ils sont sans doute restés jusqu'à la +révolution. D'autres volumes, beaucoup moins bien reliés que les +précédents et portant les armes de la comtesse sur le dos, font aussi +partie de cette collection; mais la date de leur impression est +postérieure à l'année 1774, et ils proviennent de son habitation de +Louveciennes. + +Beaucoup de ces ouvrages sont des oeuvres littéraires; mais en +parcourant leurs titres et en y retrouvant la plupart des productions +futiles et licencieuses d'une partie de la littérature du dix-huitième +siècle, on pourra juger, sans en être surpris, du goût qui a présidé à +la composition de cette bibliothèque. + +Presque tous les exemplaires venant de la bibliothèque de madame du +Barry, outre leurs jolies reliures, sont surtout remarquables par la +beauté de l'exécution typographique. On peut citer sous ce rapport les +_Baisers_, de Dorat, charmant exemplaire orné de figures exécutées par +Eisen, d'un fini extrême, mais d'une très-grande indécence. Au reste, +plusieurs des ouvrages de cette collection, et particulièrement les +romans de Crébillon fils, sont accompagnés de gravures fort +licencieuses. + +Parmi les divers ouvrages dont nous donnons la liste, on en doit +particulièrement signaler quatre comme se rapportant à la personne même +de madame du Barry, par les dédicaces adulatrices qui lui sont +adressées. + +Le premier porte pour titre: _le Royalisme, ou Mémoires de du Barry de +Saint-Aunet et de Constance de Cézelli, sa femme. Anecdotes héroïques +sous Henri IV_, par M. de Limairac.--La plupart des exemplaires de cet +ouvrage ne portent aucun nom d'auteur. Dans celui-ci, le nom de l'auteur +se trouve non seulement à la suite du titre, mais encore au bas de +l'épître dédicatoire. Cet exemplaire a certainement été offert par +l'auteur à la comtesse; le choix de l'exemplaire et sa magnifique +reliure en maroquin rouge, toute couverte de dorures, en sont la preuve. +Au-dessus de l'épître dédicatoire sont gravées les armes de madame du +Barry, et de chaque côté deux levrettes enchaînées. Voici cette épître: + + + +_A madame la comtesse du Barry._ + +Madame, + +Daignez accueillir avec bonté un hommage public de sentiment et de +reconnaissance. Le zèle seul m'a dicté ce petit ouvrage; seul il ose +vous l'offrir. Je sens qu'il est capable d'égarer dans une carrière qui +demande des talents, mais j'espère, madame, que vos suffrages +suppléeront à la médiocrité des miens. Les traits que je développe dans +cet essai le rendent digne de paraître sous vos auspices. Ils sont tous +puisés _dans votre maison_; ils retracent la fidélité la plus héroïque +de deux sujets pour le roi. Trop heureux si vous voulez bien me +pardonner une entreprise au-dessus de mes forces, en faveur du motif qui +me l'a inspirée. + +Je suis avec un profond respect, madame, votre très-humble et +très-obéissant serviteur. + +DE LIMAIRAC. + + +Le second est un _Almanach de Flore_, pour 1774. C'est un recueil de +quarante-huit fleurs gravées et coloriées. Au-dessous de chaque fleur se +trouve une devise et derrière un horoscope. Ces devises et ces +horoscopes sont divisés en séries de numéros, applicables à une +demoiselle, à un garçon, à une femme mariée, à un homme marié, à une +veuve et à un veuf. L'auteur était un capitaine d'infanterie nommé +Douin, né à Versailles. + +La beauté des dorures de ce petit volume, relié en maroquin rouge, fait +présumer que c'est encore un cadeau offert à madame du Barry. Après le +titre sont placées deux gravures en rouge. L'une représente un tournesol +regardant le soleil avec cette devise. + + L'astre est constant, + La fleur fidèle; + +allégorie se rapportant aux amours du roi et de la comtesse. L'autre +offre le portrait de madame du Barry. Au-dessous sont deux flèches +croisées avec un coeur et les vers suivants: + + _A la plus belle_. + + Je dormais; le Maître des dieux + Me dit: «Je sais ce que tu veux; + Choisis ou déesse, ou mortelle, + Pour lui consacrer tes couplets.» + Quoi, lui dis-je, une bagatelle! + «Ne crains rien: je te le permets.» + Je choisirai donc la plus belle. + +Le troisième ouvrage est intitulé _Contes moraux et nouvelles idylles de +D... et Salomon Gessner_.--Les contes sont de Diderot, et la traduction +des idylles de Gessner est de Meister, qui fut secrétaire de Grimm. + +Le traducteur dont le nom ne parut pas sur cette édition ne voulut +cependant pas le laisser ignorer de madame du Barry, et dans +l'exemplaire qu'il lui adressa, il ajouta une épître dédicatoire signée +de lui. Cette épître, écrite par un habile calligraphe, est ainsi +conçue: + + De la beauté, les talents et les arts + Chérissent tous l'aimable empire. + Que l'églogue au naïf sourire + Arrête un instant vos regards! + Comme vous, belle sans parure, + Elle doit tout aux mains de la nature. + Comme vous elle a quelquefois, + Sous l'air d'une simple bergère, + Charmé les héros et les rois, + Même les dieux. Apollon, pour lui plaire, + Vint oublier l'Olympe à l'ombre de ces bois. + Quel dieu pour vous ne l'oublierait de même, + Si de l'amour la puissance suprême + Vous permettait encore un choix? + +Je suis avec le plus profond respect, madame, votre très-humble et +très-obéissant serviteur. + +MEISTER. + +Enfin le quatrième est un recueil contenant deux opéras comiques: _les +Étrennes de l'Amour_ et _le Nouveau Marié_, dont les paroles sont de +Cailhava. En envoyant cet exemplaire à madame du Barry, l'auteur écrivit +sur la première page les vers suivants: + + _A madame la comtesse du Barry._ + + Transporté par un songe au haut de l'Empyrée, + J'ai cru voir cette nuit la belle Cythérée, + L'aimable Hébé, le dieu qù'invoquent les amants. + La tendre Volupté, les Grâces, les Talents, + Qui d'un air satisfait parcouraient mon ouvrage. + Un sourire flatteur m'annonçait leur suffrage. + J'ai redouté leur fuite à l'instant du réveil; + Mais je les vois encor, ce n'est pas un mensonge: + Un seul de vos regards réalise mon songe, + Et j'étais moins heureux dans les bras du sommeil. + +Voici maintenant la liste générale des ouvrages ayant appartenu à madame +du Barry, et possédés aujourd'hui par la bibliothèque de la ville de +Versailles: + +_Grammaire générale et raisonnée_, par Cl. Lancelot et Ant. Arnaud, avec +des notes par Duclos. Paris, Prault, 1754, 1 vol. in-12. + +_Abrégé du Dictionnaire universel français et latin, vulgairement appelé +Dictionnaire de Trévoux_, par Berthelin. Paris, les libraires associés, +1762, 3 vol. in-4º. + +_Les OEuvres de Clément Marot_, de Cahors, valet de chambre du roi, +revues et augmentées de nouveau. La Haye, Moetgens, 1714, 2 vol. in-12. + +_Les OEuvres de François Villon_, avec les notes de Clément Marot et les +poésies de Jean Marot et de Michel Marot. Paris, Constelier, 1723, 2 +vol. petit in-8º. + +_Les Métamorphoses d'Ovide_, traduites en français, avec des remarques +et des observations historiques, par l'abbé Banier, nouvelle édition, 2 +tomes en 1 volume. Paris, Nyon, 1738, in-4º, avec figures, par Humblot. + +_Satires et autres OEuvres de Regnier_, accompagnées de remarques +historiques de Cl. Brossette. Nouvelle édition considérablement +augmentée, par Lenglet du Fresnoy. Londres, Tonson, 1733, grand in-4º, +belle édition dont les pages sont entourées de cadres rouges. + +_L'Arcadie de Sannazar_, traduite de l'italien, par Pecquet. Paris, +Nyon, 1737, 1 vol. in-12. + +_Recueil de traductions_ en vers français, contenant le poëme de +Pétrone, deux épîtres d'Ovide et le _Pervigilium Veneris_, avec des +remarques par le président Bouhier. Paris, compagnie des libraires, +1738, 1 vol. in-12. + +_Les Poésies du roi de Navarre_, avec des notes et un glossaire +français, précédées de l'histoire des révolutions de la langue française +depuis Charlemagne jusqu'à saint Louis, d'un discours sur l'ancienneté +des chansons françaises et de quelques autres pièces, par Levesque de la +Revallière. Paris, Guérin, 1742, 2 vol. in-12. + +_OEuvres de madame et de mademoiselle Deshoulières_, nouvelle édition. +Paris, les libraires associés, 1754, 2 vol. in-12. + +_La Colombiade, ou la Foi portée au nouveau monde_, poëme, par madame +Dubocage. Paris, Desaint, 1756, 1 vol. in-8º orné de jolies vignettes. + +_L'Art d'aimer et le remède d'amour_, traduction d'Ovide, par l'abbé de +Marolles. Amsterdam, 1757, 1 vol. in-12 avec des figures, par Vanloo et +Eisen. + +_OEuvres de l'abbé de Chaulieu_, nouvelle édition, par de Saint-Marc. +Paris, David, 1757, 2 vol. in-12. + +_Le Conte du Tonneau_, par le fameux docteur Swift, traduit de +l'anglais. La Haye, H. Scheurleer, 1757, suivi du _Traité des +dissensions entre les nobles et le peuple dans les républiques d'Athènes +et de Rome_, etc. _L'Art de ramper en poésie et l'Art du mensonge +politique_, par le même, 3 vol. in-12. + +_OEuvres de M. le marquis de Ximenez, ancien mestre de camp de +cavalerie_, nouvelle édition. Paris, 1772.--Ce volume contient encore: +_Amalazonte_, tragédie du même auteur. Paris, Jarry, 1758, 1 vol. in-8º, +relié en maroquin vert avec de nombreuses dorures; c'est probablement un +cadeau. + +_L'Univers perdu et reconquis par l'Amour_, suivi d'_Iphis et Amarante, +ou l'Amour vengé_, par de Carné. Amsterdam, 1758, 1 vol. in-8º. + +_Poésies de Haller_, traduites de l'allemand, par Tscharner, édition +retouchée et augmentée. Berne, soc. typog., 1760, 2 vol. in-12. + +_Poésie du philosophe de Sans-Souci_, nouvelle édition. Sans-Souci, +1760, 2.vol. in-12. + +_Le Trésor du Parnasse, ou le plus joli des recueils_, par Couret de +Villeneuve et Berenger. Londres, 1762, 6 vol. in-12. + +_La Farce de maistre Pierre Pathelin, avec son Testament à quatre +personnages_. Paris, Durand, 1762, 1 vol. petit in-8º. + +_OEuvres diverses de Desmahis_. Genève, 1763, 1 vol. in-12. + +_Le Hasard du coin du feu_, dialogue moral par Crébillon fils. La Haye, +1763, 1 vol. in-12. + +_L'Iliade d'Homère_, traduite en vers, avec des remarques, par de +Rochefort. Paris, Saillant, 1766, 2 vol. in-8º. + +_La Pharsale de Lucain_, traduite en français par Marmontel. Paris, +Merlin, 1766, 2 vol. in-8º, avec des figures, par Gravelot. + +_Roman comique_, par Scarron, nouvelle édition. Amsterdam, comp. des +libraires, 1766, 3 vol. in-12. + +_Traité de la prosodie française_, par l'abbé d'Olivet. Paris, Barbou, +1767.--Dans le même volume se trouve: _Remarques sur Racine_, par l'abbé +d'Olivet. Paris, Barbou, 1766, 1 vol. in-8º. + +_OEuvres complètes de M. le c. de B..._ (le cardinal de Bernis), +dernière édition. Londres, 1767, deux tomes dans 1 volume in-12. + +_OEuvres de S. Gessner_, traduites de l'allemand, par Huber. Zurich, +Orel, 1768, 2 vol. in-12. + +_Essais de Montaigne_, avec les notes de Coste, nouvelle édition. +Londres, Nourse, 1769, 10 vol. in-12. + +_Le Messie_, poëme en dix chants, traduit de l'allemand, de Klopstock, +par d'Antelmy, Junker et autres. Paris, Vincent, 1769, 2 vol. in-12. + +_Narcisse dans l'île de Vénus_, poëme en quatre chants, par Malfilâtre. +Paris, Lejay, 1769, 1 vol. in-8º orné d'un frontispice par Eisen, et de +figures par Saint-Aubin. + +_La Peinture_, poëme en trois chants, par Lemierre. Paris, Jay, 1769, 1 +vol. in-4º.--Au frontispice est un portrait du grand Corneille. Les +figures sont de Cochin. + +_Les Nuits d'Young_, suivies des oeuvres diverses du même auteur, +traduites de l'anglais par Letourneur, deuxième édition. Paris, Lejay, +1769, 4 vol. in-8º avec figures par Eisen. + +_Les Grâces_, précédées d'une dissertation par l'abbé Massieu, et +suivies d'un discours par le P. André; recueil publié par de Querlon. +Paris, Prault, 1769, 1 vol. in-8º avec figures, de Boucher et de Moreau +jeune. + +_Les Quatre parties du jour_, poëme traduit de l'allemand de Zacharie, +par Millier. Paris, Musier, 1769, 1 vol. in-8º avec de charmantes +figures par Eisen. + +_Les Éléments_, poëme par Delavergue. La Haye, Gosse, 1770, 1 vol. +in-8º. + +_La Récréation des honnêtes gens, ou Opuscules en vers_, par M. de la +M... Amsterdam et Paris, Fétil, 1770, 1 vol. in-8º, relié en maroquin +vert. + +_Les Baisers_, précédés du _Mois de mai_, poëme par Dorat. La Haye et +Paris, Lambert, 1770, 1 vol. in-8º. + +_Jérusalem délivrée_, poëme héroïque du Tasse, traduit en français par +Mirabaud. Paris, Barrais, 1771, 2 vol. in-12. + +_Le Bonheur_, poëme en six chants avec des fragments de quelques +épîtres, ouvrages posthumes d'Helvétius. Londres, 1772; précédé d'une +_Vie d'Helvétius_, par Saint-Lambert, 1 vol. in-8º, relié en maroquin +vert. Les armes de la comtesse sont sur le plat avec la devise _Boutez +en avant_ au-dessus. + +_Contes moraux et Nouvelles idylles_ de D... (Diderot) et Salomon +Gessner, traduites par Meister. Zurich, 1773, 1 vol. in-4º. + +_Almanach des trois règnes_, en huit parties: première partie, _Almanach +de Flore_, 1774, gravé et orné de plus de cinquante planches en +taille-douce, dessinées et coloriées d'après nature avec le plus grand +soin, contenant quarante-huit devises et autant d'horoscopes pour tous +les états et tous les âges. Les paroles sont de Douin, capitaine +d'infanterie; les fleurs dessinées et gravées par Chevalier, lieutenant +d'infanterie, le texte gravé par Drouet, ancien soldat d'infanterie. +Versailles, Blaizot, 1774, 1 vol. in-24. + +_Les Comédies de M. Marivaux_, jouées sur le théâtre de l'hôtel de +Bourgogne par les comédiens ordinaires du roi. Paris, Briasson, 1732, 2 +vol. in-12. + +_Recherches, sur les théâtres de France depuis l'année_ 1161 _jusqu'à +présent_, par de Beauchamps. Paris, Prault, 1735, 3 vol. in-8º. + +_Réflexions historiques et critiques sur les différents théâtres de +l'Europe, avec les pensées sur la déclamation_, par Louis Riccoboni. +Paris, Guérin, 1738, 1 vol. in-8º. + +_Tragédies-opéras_ de l'abbé Metastasio, traduites en français par M. +C.-P. Richelet. Vienne, 1751, 12 vol. in-12. + +_OEuvres de théâtre_ de MM. Brueys et Palaprat. Paris, Briasson, 1755, 5 +vol. in-12. + +_Choix de petites pièces du théâtre anglais_ par Dodsley et Gay, +traduites des originaux par Patu. Paris, Prault, 1756, 2 vol. in-12. + +_OEuvres dramatiques_ de Néricault-Destouches, nouvelle édition. Paris, +Prault, 1758, 10 vol. in-12. + +_OEuvres_ d'Alexis Piron, avec figures en taille douce d'après les +dessins de Cochin. Paris, Duchesne, 1758, 3 vol. in-12. + +_Le Théâtre_ de Baron. Paris, les libraires associés, 1759, 3 vol. +in-12. + +_Les OEuvres de théâtre_ de Dancourt, nouvelle édition. Paris, les +libraires associés, 1760, 12 vol. in-12. + +_Le Prix de la beauté, ou les Couronnes_, pastorale en trois actes et un +prologue, avec des divertissements sur des airs choisis et nouveaux, par +Goudot. Paris, Delormel, 1760, vol. in-4º. + +_OEuvres_ de M. Nivelle de la Chaussée, nouvelle édition, publiée par +Sablier. Paris, Prault, 1762, 2 vol. 12. + +Recueil contenant: 1º _les Étrennes de l'Amour_, comédie-ballet en un +acte; 2º _le Nouveau Marié_, opéra-comique en un acte par Cailhava. +Paris, Lejay et Duchesne, 1769-1770, 1 vol. in-8º. + +_Fables allemandes et contes français en vers_, avec un _Essai sur la +Fable_, par du Coudray. Paris, Jarry, 1770, 1 vol. in-8º. + +_Les Chefs-d'oeuvre_ de Pierre et de Thomas Corneille, nouvelle édition, +avec _les Commentaires_ de Voltaire. Paris, libraires associés, 1771, 3 +vol. in-12. + +_Théâtre des Grecs_ par le P. Brumoy, nouvelle édition enrichie de +très-belles gravures et augmentée de la traduction entière des pièces +grecques dont il n'existe que des extraits dans toutes les éditions +précédentes, et de comparaisons, d'observations et de remarques +nouvelles, par MM. de Rochefort et Dutheil. Paris, Cussac, 1785, 13 vol. +in-4º, reliés en maroquin rouge, avec armes sur le dos. + +_Les Aventures de Télémaque, fils d'Ulysse_, par François de Salignac de +la Motte-Fénelon, nouvelle édition. Paris, Estienne, 1730, deux tomes en +1 volume in-4º, édition médiocre, ornée de figures par Coypel, Souville, +Cazes et Humblot. + +_Le Marquis de Chavigny_, par Boursault. Paris, Nyon, 1739, 1 vol. +in-12. + +_Le Prince de Condé_, par Boursault. Paris, Nyon, 1739. Dans le même +volume: _Ne pas croire ce qu'on voit_, histoire espagnole par Boursault. +Paris, Lebreton, 1739, 1 vol. in-12. + +_OEuvres de Maître François Rabelais_, avec des remarques historiques et +critiques de le Duchat, nouvelle édition ornée de figures, par Picart. +Amsterdam, J. Bernard, 1741, 3 vol. in-4º. + +_Tanzaï et Néadarné_, histoire japonaise, par Crébillon fils, Pékin, +1743, 2 vol. in-18, avec figures licencieuses. + +_Amours de Théagène et de Chariclée_, histoire éthiopique. Londres, 2 +vol. petit in-8º, avec figures, dont quelques-unes sont assez +licencieuses. + +_Les Malheurs de l'Amour_, par la marquise de Tencin et Pont-de-Vesle. +Amsterdam et Paris, Prault, 1746, deux parties en 1 vol. in-12. + +_Lettres de la marquise de M*** au comte de R***_, par Crébillon fils. +La Haye, Scheurser, 1746, 1 vol. in-12. + +_Histoire amoureuse des Gaules_, par le comte de Bussi-Rabutin, 1754, 5 +vol. in-12. + +_Mémoires et OEuvres de madame Staal_. Londres, 1755, 4 vol. in-12. + +_Histoire d'Emilie Montayne_, par l'auteur de _Julie Mondeville +(Mistriss Brooke)_, traduite de l'anglais, par Robinet, 4 tomes en 2 +vol. in-12. + +_Mémoires et Aventures d'un homme de qualité qui s'est retiré du monde_, +par l'abbé Prévost. Amsterdam, Arkstée, 1759, 3 vol. in-12. + +_Mémoires du comte de Grammont_, par le comte A. Hamilton, 1760, 2 vol. +in-12. + +_Les Amours d'Ismène et d'Isménius_, par M. de Beauchamps. La Haye, +1743.--Dans le même volume se trouve: _Acajou et Zirphile_, conte, par +Duclos, Minutie, 1761, 1 vol. in-12, avec figures. + +_Amélie_, roman de Fiedling, traduit de l'anglais, par madame Riccoboni. +Paris, Brocas, 1762, 3 vol. in-12. + +_Lettres de milady Julliette Catesby à milady Henriette Campley, son +amie_, par madame Riccoboni. Amsterdam, 1762, 1 vol. in-12. + +_Histoire de miss Jenny_, écrite et envoyée par elle à milady comtesse +de Roscomond, par madame Riccoboni. Paris, Brocas, 1764, 2 vol. in-12. + +_La Nouvelle Héloïse, ou Lettres de deux amants habitants d'une petite +ville au pied des Alpes_, recueillies et publiées par Jean-Jacques +Rousseau, nouvelle édition. Neufchâtel et Paris, Duchesne, 1764, 4 vol. +in-12 avec figures, par Gravelot. + +_Contes moraux_, par Marmontel. Paris, Merlin, 1765, 3 vol. in-12, avec +le portrait de l'auteur, par Cochin, et ornés de figures par Gravelot. + +_Histoire de M. le marquis de Cressy_, par madame Riccoboni. Paris, +Humblot, 1766, 1 vol. 12. + +_Contes de Guillaume Vadé_, 1768, 1 vol. in-8º. + +_Histoire d'Hippolyte, comte de Douglas_, par madame d'Aulnoy. +Amsterdam, Lhonoré, 1769, deux tomes en 1 vol. in-12. + +_Télèphe_, en douze livres. Londres et Paris, Pissot, 1784, par +Pechméja, 1 vol. in-8º relié en maroquin rouge, les armes sur le dos. + +_Voltariana, ou Éloges amphigouriques_ de F.-M. Arouet, sieur de +Voltaire, discutés et décidés pour sa réception à l'Académie française, +par Travenol et Mannory. Paris, 1748, 1 vol. in-8º. + +_Lettres de Rousseau, sur différents sujets de littérature._ Genève, +Barillot, 1750, 5 vol. in-12. + +_Essai historique et philosophique sur le goût_, par Cartaud de la +Vilale. Londres, 1751, 1 vol. in-12. + +_Considérations sur les ouvrages d'esprit_, par Chicaneau de Neuville. +Amsterdam, 1758, 1 vol. in-12. + +_Le Chef-d'oeuvre d'un inconnu_, poëme heureusement découvert et mis au +jour, avec des remarques savantes et recherchées, par le docteur +Chrysostome Matanasius, par Saint-Hyacinthe, aidé de S'gravesande, +Sallengre, Prosper Marchand et autres. On trouve de plus une +Dissertation sur Homère et sur Chapelain, par Van Effen; deux Lettres +sur des Antiques; la préface de Cervantes, sur l'histoire de don +Quichotte de la Manche; la déification d'Aristarchus Masso, et plusieurs +autres choses non moins agréables qu'instructives, neuvième édition. +Lausanne, Bousquet, 1758, 2 vol. in-12. + +_Pensées de Pascal sur la religion et sur quelques autres sujets._ +Paris, Desprez, 1761, 1 vol. in-12. + +_Recueil de Lettres_ de madame la marquise de Sévigné à madame la +comtesse de Grignan, sa fille. Paris, Compagnie des libraires, 1763, 8 +vol. in-12. + +_Lettres secrètes de M. de Voltaire_, publiées par L.-B. Robinet. +Genève, 1765, 1 vol. in-8º. + +_Pensées de milord Bolingbroke_, sur différents sujets d'histoire, de +philosophie, de morale, etc., recueillies par Prault. Paris, Prault, +1771, 1 vol. in-12. + +_Les Loisirs d'un ministre, ou Essais dans le goût de ceux de Montagne_, +composés en 1736, par le marquis d'Argenson. Liége, Plomteux, 1787, 2 +vol. in-8º, reliés en veau vert avec armes sur le dos. + +_OEuvres du Philosophe de Sans-Souci_, au Donjon du Château, 1750, 3 +vol. in-8º. + +_OEuvres de Saint-Évremont_, avec la vie de l'auteur, par des Maileaux, +1753, 11 vol. in-12. + +_OEuvres de madame la marquise de Lambert._ Paris, Ganeau, 1761, 2 vol. +in-12. + +_OEuvres diverses de J. J. Rousseau._ Neufchâtel, 1764, 8 vol. in-12. Le +premier volume est orné d'un frontispice par Gravelot, et d'un portrait +de J. J. Rousseau par Delatour. + +_Plaidoyer_ pour et contre J. J. Rousseau et le docteur D. Hume, +l'historien anglais, avec des anecdotes intéressantes relatives au +sujet; ouvrage moral et critique, pour servir de suite aux oeuvres de +ces deux grands hommes, par Bergerat. Paris, Dufour, 1768, 1 vol. in-12. + +_Les OEuvres de l'abbé de Saint-Réal_, nouvelle édition. Libraires +associés, 8 vol. in-12. + +_OEuvres posthumes de Frédéric II_, roi de Prusse. Berlin, Woss et +Decker, 1788, 15 vol. in-8º, reliés en maroquin fauve avec armes sur le +dos. + +_Divers Éloges_, par Thomas. Paris, Regnard, 1763-1773, 1 vol. in-8º. + +_La Muse historique, ou Recueil de Lettres en vers_, contenant les +nouvelles du temps, écrites à S. A. marquise de Longueville, par le +sieur Loret. Paris, Ch. Chenault, de 1650 à 1664, 5 vol. in-fol.--Les +lettres du 1er janvier 1665 au 28 mars de la même année sont +manuscrites, et copiées par de la Rue, en 1771. + +_Anecdotes ecclésiastiques_, tirées de l'_Histoire du royaume de +Naples_, de Giannone, par Jacques Vernet. Amsterdam, Catuffe, 1753, 1 +vol. petit in-8º. + +_Abrégé chronologique de l'Histoire des Juifs_, par Charbuy. Paris, +Chaubert, 1 vol. in-8º. + +_Lettres sur l'Egypte_, par Savary. Paris, Onfroy, 1785, 3 vol. in-8º, +avec armes sur le dos. + +_Histoire ancienne des peuples de l'Europe_, par le comte de Buat. +Paris, Desaint, 1772, 12 vol. in-12, avec armes sur le dos. + +_Mémoires de la cour de France_, pour les années 1688 et 1689, par +madame la comtesse de la Fayette. Amsterdam, Bernard, 1731, 1 vol. +in-12. + +_Histoire de la vie et du règne de Louis XIV_, par Bruzen de la +Martinière. La Haye, Venduren, 1740, 2 vol. in-4º. + +_Histoire de madame de Luz_, anecdote du règne de Henri IV, par Duclos. +La Haye, de Hondt, 1744, deux parties en 1 vol. in-12. Histoire plus que +galante. + +_Histoire politique du siècle_, par Maubert de Gouvest. Londres, 1754, 2 +vol. in-12. + +_Histoire du règne de Louis XIII_, par le P. Griffet. Paris, Libraires +associés, 1758, 2 vol. in-4º. + +_Les Amours de Henri IV, roi de France_, avec ses lettres galantes à la +duchesse de Beaufort et à la marquise de Verneuil. Amsterdam, 1765, deux +parties en 1 vol. in-12. + +_Dictionnaire géographique et portatif de la France_, par le P. +Dominique Magnan. Paris, Desaint, 1765, 4 vol. in-8º. + +_Les Soirées helvétiennes, alsaciennes et francomtoises_, par le marquis +de Pezay. Amsterdam, Paris, Delalain, 1771, 1 vol. in-8º. + +_Usages et Moeurs des Français_, par Poullin de Lumina. Lyon, Berthaud, +1769, 1 vol. in-12. + +_Le Royalisme, ou Mémoires de du Barry de Saint-Aunez et de Constance de +Cézelli, sa femme_, anecdotes héroïques sous Henri IV, par de Limairac. +Paris, Valade, 1770, 1 vol. in-8º. + +_Histoire de la vie privée des Français, depuis l'origine de la nation +jusqu'à nos jours_, par Legrand d'Aussy. Paris, Pierres, 1782, 3 vol. +in-8º, reliés en maroquin rouge, armes sur le dos. + +_Lettres du baron de Busbec_, ambassadeur de Ferdinand 1er, roi des +Romains, auprès de Soliman II, empereur des Turcs, etc., traduites en +français, avec des notes historiques et géographiques, par l'abbé Defoy. +Paris, Bauche, 1748, 3 vol. in-12. + +_Histoire abrégée de la vie d'Éléonore-Marie, archiduchesse d'Autriche_, +etc., par N. Frizon. Nancy, Cusson, 1725, 1 vol. in-8º. + +_Les Fastes du royaume de Pologne et de l'empire de Russie_, par +Constant Dorville. Paris, Costard, 1769, 2 vol. in-8º. + +_Histoire de l'Afrique et de l'Espagne sous la domination des Arabes_, +par Cardonne. Paris, Saillant, 1765, 3 vol. in-12. + +_Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce +des Européens dans les deux Indes_, par Guillaume-Thomas Raynal. +Neufchâtel, Libraires associés, 1783, 10 vol. in-8º, reliés en maroquin +vert, armes sur le dos. + +_Monuments de la mythologie et de la poésie des Celtes, et +particulièrement des anciens Scandinaves_, pour servir de supplément et +de preuves à l'introduction à l'histoire du Danemark, par Mallet. +Copenhague, Philibert, 1756, 1 vol. in-4º. + +_Histoire de l'Académie française_, par Pellisson et d'Olivet, troisième +édition. Paris, Coignard, 1743, 2 vol. in-12. + +_Tablettes dramatiques_, contenant l'abrégé de l'histoire du théâtre +français, l'établissement des théâtres à Paris, un dictionnaire des +pièces et l'abrégé de l'histoire des auteurs et des acteurs, par le +chevalier de Mouy. Paris, Jarry, 1752, 1 vol. petit in-8º. + +_Histoire et commerce des Antilles anglaises_, par Butel-Dumont, 1 vol. +in-12. + +_Correspondance secrète, politique et littéraire, ou Mémoires pour +servir à l'Histoire des cours, des sociétés et de la littérature en +France, depuis la mort de Louis XV_, 1789, 1790, par Métra et autres, 14 +vol. in-12, reliés en veau vert, les armes sur le dos. On est d'autant +plus étonné de trouver cet ouvvage parmi les livres de madame du Barry, +qu'elle y est fort maltraitée. + +_Dictionnaire de littérature_, par l'abbé Sabatier de Castres. Paris, +Vincent, 1770, 3 vol. in-8º. + +_Recueil d'anecdotes_, par madame de Laisse. Amsterdam, 1773, 1 vol. +in-12. + +_Principes du droit politique_, par Burlamaqui. Amsterdam, Châtelain, +1751, deux tomes en 1 vol. petit in-8º. + +_Le Droit public de France éclairci par les monuments de l'antiquité_, +par Bousquet. Paris, Desaint et Saillant, 1756, 1 vol. in-4º. + +_De l'autorité du clergé et du pouvoir du magistrat politique sur +l'exercice des fonctions du ministère ecclésiastique_, par Richer. +Amsterdam, Arkstée, 1767, 2 vol. in-12. + +_Constitution de l'Angleterre, ou État du gouvernement anglais_, comparé +avec la forme républicaine et avec les autres monarchies de l'Europe, +par Delolme. Genève, Barde, 1787, 2 vol. in-8º, reliés en veau marbré +vert, avec armes sur le dos. + +L'_Alcoran de Mahomet_, traduit de l'arabe par André du Ryer, sieur de +la Garde Malézair, nouvelle édition, revue, corrigée et augmentée des +observations historiques et critiques sur le mahométisme, ou traduction +du discours préliminaire mis à la tête de la version anglaise de +l'Alcoran, publiée par Georges Sale. Amsterdam, Arkstée, 1770, 2 vol. +in-12. + +_Réflexions, sentences et maximes morales_, mises en nouvel ordre, avec +des notes pratiques et historiques, par Amelot de la Houssaye, nouvelle +édition, augmentée de maximes chrétiennes. Paris, Ganeau, 1754, 1 vol. +in-12. + +_Émile, ou de l'Éducation_, par J. J. Rousseau. Amsterdam, Néaulme, +1762, 4 vol. in-12. + +_Réflexions politiques sur les finances et le commerce_, par Dutot. La +Haye, Vaillant, 1754, 2 vol. in-12. + +_Essai politique sur le commerce_, par Melon, nouvelle édition, 1761, 1 +vol. in-12. + +_Annales politiques_ de feu M. Charles-Irénée Castel, abbé de +Saint-Pierre, nouvelle édition. Lyon, Duplais, 1767, 2 vol. in-12. + +_Essai philosophique_, concernant l'entendement humain, par Locke, +traduit de l'anglais par Coste. Amsterdam, aux dépens de la Compagnie, +1758, 4 vol. in-12. + +_De la recherche de la vérité_, par Mallebranche. Paris. 1762, 4 vol. in +12. + +_Histoire du ciel_ considéré selon les idées des poëtes, des philosophes +et de Moïse, par Noël Planche. Paris, Estienne, 1739, 2 vol. in-12. + +_Considérations sur la constitution de la marine militaire de France_, +par de Secondat. Londres, 1756, 1 vol. in-12. + +_Rouge végétal à l'usage des dames_, avec une lettre à M***, sur les +maladies des yeux causées par l'usage du rouge et du blanc, par le +docteur Deshais-Gendron. Paris, 1760, 1 vol. in-12. + + * * * * * + + +Nº 6.--_Liste des dossiers, concernant madame du Barry, déposés à la +bibliothèque publique de la ville de Versailles:_ + +1º Dossier renfermant toutes les pièces regardant particulièrement +madame _du Barry_. + +2º Procès entre les héritiers _du Barry_, dans lequel est établie la +preuve que madame _du Barry_ est fille naturelle d'_Anne Bécu_. + +3º Autre dossier, dans lequel on trouve une foule de renseignements sur +tout ce qui regarde madame _du Barry_. + +4º Dossier concernant le vol des diamants de madame _du Barry_, et les +dépôts d'argent faits par elle en Angleterre. + +5º Dossier _Cossé-Brissac_. + +6º Dossier de _Rançon de Montrabe_, beau-père de madame _du Barry_. + +7º Dossier contenant les états des dettes, oppositions et significations +existant au trésor public, sur la comtesse _du Barry_. + +8º Procès des héritiers de madame _du Barry_.--Mémoires imprimés. + +9º, 10º, 11º, 12º. Dossiers des divers procès intentés par les héritiers +de madame _du Barry_, contre MM. _Rohan-Chabot_, _de Chabrillan_, _de +Mondragon_. + +13º Dossier concernant le comte _Guillaume du Barry_, mari de la +comtesse.--Son second mariage avec _Madeleine Lemoine_.--Sa mort. + +14º et 15º Papiers concernant les parents de madame _du Barry_. + + +FIN. + + + + +TABLE DES MATIÈRES. + + +INTRODUCTION I + + I.--Le château de Versailles sous Louis XIII et la + journée des Dupes (1627-1630) 1 + + II.--La naissance du duc de Bourgogne (1682) 30 + + III.--Récit de la grande opération faite au roi + Louis XIV (1686) 57 + + IV.--Mort de Louvois (1691) 74 + + V.--L'appartement de madame de Maintenon + (1686-1715) 85 + + VI.--L'ancienne machine de Marly ou de Ville et + Rennequin 115 + + Pièces justificatives 138 + + VII.--Détails inédits sur la mort de Louis XIV (1715) 200 + +VIII.--Relevé des dépenses de madame de Pompadour 209 + + IX.--Le Parc aux cerfs sous Louis XV (1755-1771) 229 + + X.--Madame du Barry (1768-1793) 243 + + Notes 249 + + +NOTES: + +[1] _Curiosités historiques_, p. 86. + +[2] Les Almanachs de Versailles avant 1789.--Le Cicerone de Versailles +(avril 1804, etc.) + +[3] Mémoires de Saint-Simon. + +[4] Mémoires de Saint-Simon. + +[5] Jusqu'en 1836, dit cet auteur, époque de la publication du livre de +M. Eckard, on avait cru et répété que Jean de Soisy était le seigneur de +Versailles. En 1833, lorsque nous écrivîmes pour la première fois cet +ouvrage, nous avancions sous la forme du doute, que Jean de Soisy +n'avait dû vendre que le _Pavillon royal_, puisque le château +appartenait aux Gondi. Toutefois, les dates nous embarrassaient. Grâce à +M. Eckard, la lumière a été jetée sur l'ordre des acquisitions, et nous +n'y ajouterons que ce que nous croirons indispensable de faire +connaître. + +[6] _Mémoires du maréchal de Bassompierre_, contenant l'histoire de sa +vie et de ce qui s'est fait de plus remarquable à la cour de France +pendant quelques années. Cologne, 1665, t. III, p. 53. + +[7] Le palais des Tuileries. L'assemblée se tenait dans la grande salle +de ce palais. + +[8] En 1631, pendant qu'il était enfermé à la Bastille. + +[9] _Architecture française_, par Blondel, t. IV, p. 93. + +[10] _Histoire du roi Louis XIII_, par Ch. Bernard, 1646, I. XII, p. +223. + +[11] Anecdotes du ministère du cardinal de Richelieu. + +[12] Ch. Bernard (_Histoire de Louis XIII_) dit que ce qui sauva le roi +fut l'ouverture d'un abcès qu'il avait intérieurement, ce qui le mit +aussitôt hors de fièvre. + +[13] _Histoire de Louis XIII_, liv. XIV, p. 226. + +[14] Voici ce que dit à ce sujet Bassompierre: «Le lundi 11, jour de la +Saint-Martin, je vins de bonne heure chez le roi, qui me dit qu'il s'en +retournoit à Versailles; je ne sçay point quel dessein j'en avois fait +d'aller dîner chez M. le cardinal, que je n'avois pû voir chez luy +depuis son arrivée, et m'en alloyt vers midi en son logis. On me dit +qu'il n'y estoit pas, et qu'il partoit ce jour-là pour aller à Pontoise. +Encore jusques-là je ne pensoy à rien, ni moins encore, quand étant +entré au Luxembourg, M. le cardinal y arrivant, je le conduisis jusques +à la porte de la reine, et qu'il me dit: Vous ne ferez plus de cas d'un +défavorisé comme moy. Je m'imaginai qu'il vouloit parler du mauvais +visage qu'il avoit reçu de Monsieur. Sur cela, je voulus attendre pour +aller dîner avec lui; mais M. de Longueville me débaucha pour aller +dîner chez M. de Créqui avec Monsieur, comme il m'en avoit prié.» +(_Mémoires du maréchal de Bassompierre_, t. III, p. 273.) + +[15] Comme grand-maître de la maison du roi. + +[16] L'ordonnance royale par laquelle Louis XIII ôte les sceaux à +Marillac pour les donner à Charles de Laubespin, sieur de Chasteau-Neuf, +est datée de Versailles, au mois de novembre 1630, et l'on y voit que +Chasteau-Neuf y prêta serment entre les mains du roi, le 14 du même +mois. + +[17] Cette année 1630, Louis XIII retira au seigneur de Glatigny les +droits d'aides de Versailles, qui avaient été aliénés en 1619, et les +fit recevoir par le concierge de son château. (Rapport de M. Coste, +1790.) + +Le concierge du château et le jardinier avaient chacun six cents livres +de gages. (Manuscrits de Narbonne, premier commissaire de Versailles.) + +[18] Voir _Histoire amoureuse des Gaules_, par Bussi Rabutin. + +[19] Son mari était chirurgien à Paris. + +[20] Le premier médecin du roi. + +[21] Premier chirurgien de la Dauphine. + +[22] C'est ce qui a fait dire à plusieurs historiens, et entre autres à +M. Vatout, dans son livre du _Palais de Versailles_, que la Dauphine +était accouchée à la surintendance. La surintendance était complétement +séparée du château, et l'on a évidemment confondu le pavillon de la +surintendante avec ce bâtiment. Sous Louis XVI ce pavillon portait le +nom de _Pavillon de Monsieur_. + +[23] Il était composé de deux matelas, sans lit de plumes, placés sur un +lit de repos, large de trois pieds. Une planche était placée entre les +deux matelas, afin que le siége ne fût pas dans un creux. On étendait +dessus deux draps et une couverture. Un double traversin était placé +sous les épaules et la tête. Enfin il était complété par deux chevilles +d'un pied de long, placées l'une à droite et l'autre à gauche, que la +princesse devait saisir pendant les douleurs, et par une barre au pied, +pour servir d'appui à ses pieds pendant le travail. + +[24] Qu'on a traduit plus tard en _palettes_. + +[25] Ce rossolis était composé de graines aromatiques macérées dans +l'alcool. + +[26] L'usage de la plupart des accoucheurs de cette époque, ainsi que +l'enseigne _Mauriceau_ dans son _Traité des accouchements_, était de +délivrer la femme aussitôt la sortie de l'enfant, et de ne couper le +cordon que lorsque l'arrière-faix tout entier était dehors. Clément +était d'un avis tout opposé. Il voulait que l'on commençât par la +ligature du cordon. Il donnait pour raison qu'on ne peut trop tôt ôter +l'enfant d'auprès de sa mère, et l'en débarrasser pour le mettre entre +les mains de celles qui doivent l'accommoder. Il ajoutait que plus on +différait à lier le cordon, plus la circulation de l'enfant avec le +placenta se continuait, et plus par conséquent le placenta se détachait +difficilement de l'utérus; et de plus, qu'en laissant crier l'enfant +près de sa mère, on lui faisait de la peine, et que cet éveil à la +tendresse maternelle pouvait être encore une cause de retard à la sortie +du délivre. + +Il lia donc le cordon, le coupa, et remit l'enfant entre les mains des +femmes qui devaient l'arranger. On l'enveloppa dans un linge et on le +porta dans un cabinet voisin, et près du feu. On le lava avec une éponge +trempée dans du vin légèrement chauffé, dans lequel on avait fait fondre +une certaine quantité de beurre. Clément vint lui mettre le cordon dans +un linge huilé, plaça la bande de corps, et l'on emmaillotta l'enfant. +Il s'occupa ensuite de délivrer la princesse. L'arrière-faix, à sa +sortie, fut placé sur un plat d'argent et présenté à l'examen des +médecins pour s'assurer de son intégrité. + +[27] Les curés de paroisses royales avaient le droit non-seulement +d'assister en étole aux baptêmes, mariages et autres sacrements qui +s'administraient à la cour, mais encore de faire mention de leur +présence dans les actes les constatant. Voici comment cet usage s'était +introduit. + +Le cardinal de Richelieu connaissait le grand nombre de ses ennemis et +la faiblesse de Louis XIII. Craignant qu'après sa mort sa famille ne fût +inquiétée, il chercha pour elle un appui dans la puissante maison de +Condé, et fit épouser à sa nièce, Claire-Clémence de Maillé-Brézé, Louis +de Bourbon, duc d'Enghien, si connu sous le nom de grand Condé! + +Ce mariage se fit le 11 février 1645, dans la chapelle du Louvre, et le +frère de Richelieu, le cardinal de Lyon, leur donna la bénédiction +nuptiale. Le prince de Condé, père de Louis, et Louis lui-même, ayant +montré de la répugnance pour cette alliance, le cardinal ne parvint à la +conclure qu'à l'aide des grands avantages qu'il assura à sa nièce; et +comme il craignait que plus tard on ne cherchât quelques prétextes pour +la rompre, il voulut que le curé de Saint-Germain l'Auxerrois fût +présent à la célébration avec son étole, et qu'il apportât ses registres +afin d'y faire inscrire l'acte. Telle est l'origine de l'usage où +étaient les curés des résidences royales d'assister en étole à tous les +sacrements s'administrant à la cour. Cet usage s'est renouvelé de nos +jours, car on a vu, il y a quelques années, le curé de l'église de +Notre-Dame de Versailles, depuis évêque de Dijon, venir au château de +Trianon et y assister en étole à la cérémonie du mariage de la princesse +Marie, fille du roi Louis-Philippe, avec le prince de Wurtemberg. + +[28] Après que les femmes de la Dauphine eurent procédé à sa toilette, +elle fut placée dans son lit, préalablement chauffé. Comme l'enfant +était resté assez longtemps au passage, les parties externes de la +génération étaient contusionnées et douloureuses; Clément y fit +appliquer un cataplasme ainsi fait: On prit deux onces d'huile d'amandes +douces et deux oeufs dont on mit le blanc et le jaune, qu'on fit cuire +dans un petit vase, comme des oeufs brouillés; on les étendit ensuite +sur de l'étoupe, et on les appliqua médiocrement chauds sur la partie. + +Comme le ventre était un peu sensible, Clément se servit, pour prévenir +l'inflammation de cette partie, d'un singulier moyen, auquel il renonça +cependant pour les autres accouchements de la Dauphine, quoiqu'ils aient +été aussi laborieux*. Il fit appliquer la peau encore chaude d'un mouton +noir nouvellement écorché. Pour cela on avait fait venir un boucher qui +écorcha le mouton dans une pièce voisine. Le boucher, voulant ne pas +laisser refroidir la peau, s'empressa d'entrer dans la chambre de la +princesse, en ayant pris cette peau ployée dans son tablier, et laissa +la porte ouverte; de sorte que le mouton écorché et tout sanglant le +suivit et entra jusqu'auprès du lit, ce qui fit une peur effroyable à +toutes les dames présentes à ce spectacle. Les seins furent ensuite +recouverts de deux petits matelas de laine. Ces soins terminés, la +Dauphine prit une potion qu'on était dans l'usage d'administrer pour +éviter aux femmes les tranchées, consistant dans un mélange d'huile +d'amandes douces, de sirop de capillaire et de jus d'orange. + +A la couche de la Dauphine, Clément se conforma encore à un usage +observé chez les reines, mais qu'il supprima plus tard, c'était +d'empêcher la femme de dormir aussitôt après l'accouchement. Dionis +resta trois heures auprès du lit de la Dauphine, ainsi qu'il avait fait +à la reine, pour causer avec elle et l'empêcher de se livrer au sommeil. + +Après que tout le monde se fut retiré de la chambre de la Dauphine, on +ferma tous les volets des fenêtres, et une seule bougie éclaira sa +chambre jour et nuit pendant les neuf premiers jours. Excepté +l'accoucheur, les médecins et les femmes nécessaires au service, +personne ne s'approcha non plus de la Dauphine pendant tout ce temps. +Les trois premiers jours, sa nourriture se composa de bouillons, d'oeufs +frais et de gelée; et sa boisson de tisane d'orge, de chiendent et de +réglisse chaude. Lorsque la fièvre de lait fut passée, on donna des +potages et du poulet, et elle but un peu de vin trempé. + +Une précaution regardée comme très-importante était de ne laisser entrer +dans la chambre de l'accouchée aucune personne ayant sur elle quelque +odeur. Aussi un huissier était-il placé à la porte de l'appartement de +la princesse, avec ordre de sentir toutes les dames, et de renvoyer +celles ayant quelque parfum ou quelque fleur, non-seulement pendant les +neuf premiers jours, mais même pendant les six semaines qui suivirent +l'accouchement. + +* Dionis. + +[29] Dans son livre du _Palais de Versailles_, M. Vatout dit qu'après la +naissance du duc de Bourgogne, Louis XIV s'étant montré en public, le +peuple le porta depuis la surintendance, où la Dauphine était accouchée, +jusqu'à ses appartements. On voit, par ce récit, que cette scène +d'effusion entre Louis XIV et ses courtisans eut lieu dans l'intérieur +du palais, et que _le peuple_ n'y prit aucune part. L'erreur de M. +Vatout vient, on l'a déjà fait remarquer, de ce qu'il a confondu la +surintendance avec le pavillon de la surintendante. + +[30] Il y avait alors la grande cour, appelée aussi première cour, +fermée par la grille que l'on voit encore aujourd'hui; la deuxième cour, +ou cour royale, séparée de la première par une grille aujourd'hui +détruite, et la troisième cour, ou cour de marbre. + +[31] L'Étape était une espèce de halle aux vins, dans laquelle les +marchands de vins en gros de la ville déposaient leurs pièces pour les +vendre aux habitants. Elle était située derrière l'ancienne geôle. + +[32] La pompe, située rue des Réservoirs, sur l'emplacement du +restaurant Duboux, était un instrument hydraulique servant à élever +l'eau de l'étang de Clagny dans les réservoirs du château, pour de là +les distribuer dans les bassins du parc. Plus tard, madame de Pompadour +fit bâtir son hôtel sur le même emplacement. + +[33] Tous les ornements de plomb de la toiture du château et des ailes +des ministres étaient dorés. + +[34] Sauf les grands seigneurs, les habitants de Versailles étaient +alors composés de paysans, d'ouvriers, et de gens de bas étage, attirés +par les travaux que faisait faire le roi, et par les privilèges qu'il +accorda aux premiers propriétaires de la ville. Les marguilliers de la +paroisse, se considérant comme les représentants des bourgeois de la +ville, ne voulurent pas laisser passer une occasion si favorable de se +distinguer, ce qui amena une scène assez plaisante. + +Ils allèrent trouver Bontemps, premier valet de chambre du roi et alors +gouverneur de Versailles; ils lui représentèrent que, dans une +circonstance aussi solennelle, ils ne pouvaient se dispenser de porter +au roi les félicitations des habitants de Versailles, et le prièrent de +les présenter à Louis XIV. Bontemps en parla au roi, qui voulut bien les +recevoir et leur assigna une heure le lendemain. + +A l'heure indiquée, Bontemps, comme gouverneur de Versailles, avait cru +devoir se mettre à la tête de la députation. Il les introduisit dans le +salon où se trouvait le roi; mais, à peine y furent-ils entrés, que, +sans donner à Bontemps le temps de prononcer la formule d'usage: «Sire, +voici les bourgeois de Versailles que je présente à Votre Majesté», l'un +des marguilliers, nommé Colette, épicier de profession, chargé de faire +le compliment, enthousiasmé sans doute par la présence du roi, se mit à +chanter à pleine gorge: _Domine salvum fac regem_, auquel les +marguilliers, électrisés à leur tour par la voix de lutrin de leur +orateur, répondirent: _Et exaudi nos in die, qua invocaverimus +te_.--Louis XIV ne s'attendait pas à un pareil discours. Il ne put +conserver sa gravité et se mit à rire, ainsi que tous les seigneurs qui +l'entouraient. Mais Bontemps, peu flatté du rôle que venaient de lui +faire jouer les marguilliers, leur fit de vifs reproches et les poussa +hors du salon, d'où ils se retirèrent un peu confus de leur réception. + +[35] Louis XIV aimait le faste et la représentation. Lorsqu'il résolut +de venir habiter Versailles, l'un de ses premiers soins fut d'ordonner +la construction d'un escalier qui annonçât dignement la magnificence des +appartements de ce palais. Levau et Dorbay furent chargés de sa +construction, et Lebrun de sa décoration. Ce bel escalier passait alors +pour un chef-d'oeuvre. Il fut détruit sous Louis XV, lorsque l'on fit de +nouvelles distributions. Il était situé tout à fait en face de +l'escalier de marbre ou _de la Reine_, existant encore de l'autre côté +de la cour royale. Il était vraiment digne, si l'on en croit sa +description et les planches de Baudet, représentant les peintures du +plafond, des grands artistes auxquels Louis XIV en avait confié +l'exécution. Cet escalier portait aussi le nom _d'escalier des +Ambassadeurs_, parce que c'était par là que les ambassadeurs entraient +dans les appartements, du roi, lors des grandes réceptions. + +[36] Dionis. + +[37] Dans le bâtiment en face de la bibliothèque de la ville de +Versailles. + +[38] Dionis. + +[39] Dangeau. + +[40] Cet hôtel, situé rue de la Bibliothèque, nº 6, fut construit en +1670. C'est l'une des plus anciennes maisons de Versailles. Devenu trop +petit pour la surintendance, on en construisit un plus vaste dans la +même rue, nº 9, aujourd'hui le petit séminaire. L'ancien hôtel resta +l'habitation des surintendants. + +[41] _Journal de Dangeau_, publié par MM. Soulié, Dussieux, de +Chennevières et de Montaiglon. + +[42] Paris, 1710. + +[43] Dionis, ouvr. cité. + +[44] L'aile du midi, construite en 1679, s'appelait l'_ancienne aile_, +et celle du nord, élevée en 1685, l'_aile neuve_. + +[45] Il est évident, par l'explication qu'il donne ailleurs du lieu où +se trouvait l'appartement de madame de Maintenon, que Saint-Simon entend +par _grand escalier_ l'escalier de marbre ou de la Reine, le seul par où +l'on entrât directement dans les petits appartements du roi. + +[46] Détruit sous Louis XV. + +[47] Suivre pour toute cette description le plan de Blondel dans son +livre de l'_Architecture française_, tome IV. + +[48] On le nommait aussi _cabinet des Perruques_, parce que c'était dans +ce cabinet que l'on déposait les différentes perruques de Louis XIV. + +[49] La comédie était située au fond de la cour des Princes, dans le +vestibule servant aujourd'hui de passage de cette cour dans les jardins. +Elle n'a cessé d'exister que sous le premier Empire. + +[50] L'escalier des Princes. + +[51] En effet, on va voir tout à l'heure que l'antichambre de +l'appartement de jour du duc de Bourgogne (salle des Gouaches), donnait +sur la salle des Cent-Suisses (salle de 1792), et qu'on pouvait de cette +antichambre passer dans l'appartement de madame de Maintenon. + +[52] Saint-Simon appelle tantôt grand degré, tantôt grand escalier, +l'escalier de marbre; c'est ce qui a mis dans l'erreur M. Vatout, et lui +a fait supposer que Saint-Simon voulait parler de l'escalier des +ambassadeurs. Dans ce récit il n'y a aucun doute sur celui auquel il +donne le nom de grand degré. + +[53] L'on voit que Saint-Simon place cette porte dans l'endroit déjà +indiqué par Félibien. + +[54] Nous avons déjà vu, dans la description de Félibien, que cette +salle des gardes, qu'il ne faut pas confondre avec la grande salle des +gardes, que le duc de Bourgogne venait de traverser pour entrer chez +madame de Maintenon, avait son entrée sur le vestibule, au haut de +l'escalier et en face de l'appartement de madame de Maintenon. + +[55] Voir le plan de Blondel. Ces deux antichambres ont été détruites et +ne forment aujourd'hui qu'une seule pièce, la salle de 1795. + +[56] Cette chambre forme la salle de 1794. + +[57] Pour pouvoir faire de cette chambre une salle de tableaux, on a +détruit la cheminée, qui, d'après Blondel, se trouvait au fond, dans la +face orientale. + +[58] Cet enfoncement est très-bien indiqué dans le plan de Blondel. La +croisée qui s'y trouvait alors était condamnée. On l'a ouverte depuis +pour donner plus de jour à cette salle. + +[59] Ces marches, indiquées dans le plan de Blondel, ont été supprimées +depuis qu'on a baissé le sol du grand cabinet auquel elles servaient à +monter. Aujourd'hui c'est un passage étroit qui sert à aller de la salle +de 1794 dans celle de 1793. + +[60] Le grand cabinet (aujourd'hui salle de 1793) était en effet de +plain-pied avec l'appartement de jour du duc de Bourgogne (salle des +Gouaches), et l'on entrait dans l'antichambre de cet appartement, noté +sur le plan de Blondel comme celui du cardinal de Fleury, par une porte +(aujourd'hui cachée par un tableau) qui se trouvait en face de celle de +la chambre de madame de Maintenon, et qui ouvrait sur le petit palier +d'un escalier communiquant à la salle de comédie. + +[61] Cette antichambre, où se trouvent aujourd'hui les costumes des +divers régiments, descend encore dans la salle dont parle Saint-Simon +(salle de 1792), par plusieurs marches, le sol de l'ancien appartement +de jour du duc de Bourgogne étant resté plus élevé. + +[62] Par l'escalier déjà indiqué. + +[63] Cette garde-robe existe encore, mais on y a construit un +calorifère. + +[64] Dans un autre endroit de ses _Mémoires_, Saint-Simon dit:--Chez +elle, avec le roi, ils étaient chacun dans leur fauteuil, une table +devant chacun d'eux, aux deux coins de la cheminée, elle du côté du lit, +le roi le dos à la muraille, du côté de la porte de l'antichambre, et +deux tabourets devant sa table, un pour le ministre qui venait +travailler, l'autre pour son sac. Les jours de travail, ils n'étaient +seuls ensemble que fort peu de temps avant que le ministre entrât, et +moins encore fort souvent après qu'il était sorti. Le roi passait à une +_chaise percée_, revenait au lit de madame de Maintenon, où il se tenait +debout fort peu, lui donnait le bonsoir, et s'en allait se mettre à +table. + +[65] Par le petit escalier qui se trouve entre le grand cabinet de +madame de Maintenon et l'antichambre de M. le duc de Bourgogne. + +[66] _Mémoires de Saint-Simon_, tome XII, page 132. Édition Delloye. + +[67] Voir _Histoire de la maison royale de Saint-Cyr_, par M. Théophile +Lavallée, le même fait raconté d'une manière bien différente. + +[68] Voir le livre des _Eaux de Versailles_, par J. A. Le Roi. + +[69] De Ville, qui était fils d'un bourgmestre de Ville, passa la plus +grande partie de sa jeunesse au château de Modave. + +[70] Voir note nº 11, _Pièces justificatives_. + +[71] De Prony, art. Rennequin, _Biographie universelle_. + +[72] Voir le tableau des pentes de la Seine fait à cette époque, note nº +6. + +[73] Voir le plan de la machine, par P. Giffart, note nº 2. + +[74] Voir le détail des dépenses de la machine, registre des bâtiments +du roi, note nº 1. + +[75] Voir le procès-verbal de l'arpenteur Caron, note nº 5. + +[76] Cette maison est occupée aujourd'hui par le directeur. + +[77] Voir la note nº 10, _Pièces justificatives_. + +[78] Voir détail des dépenses, note nº 1. + +[79] Voir l'_Architecture hydraulique_ de Bélidor, et les _Eaux de +Versailles_, par J. A. Le Roi. + +[80] Nous nous servons ici de la description donnée par M. de Prony et +par Bélidor. + +[81] Cette tour en charpente fut plus tard portée à l'Observatoire de +Paris, et servit à placer les premiers télescopes. Voir l'_Histoire de +l'Académie des sciences_, année 1690. + +[82] Voir Piganiol de la Force, _Description de la machine_, note nº 8. + +[83] _Instruction pour l'établissement d'une estacade_, par Vauban. +Archives de la machine, note nº 4. + +[84] Elle est aujourd'hui chez le directeur de la machine. + +[85] Le _Siècle des beaux-arts_, par Ossude, et des _Eaux de +Versailles_, par J. A. Le Roi. + +[86] _Mélanges littéraires et scientifiques_, par l'abbé Caron. + +[87] _Quelques mots sur le lieu de naissance et l'époque du décès de +Renkin Sualem._ + +[88] Weidler. + +[89] Voir le procès-verbal du sieur Caron, du 15 février 1683, note nº +5. + +[90] Voir le procès-verbal du 12 janvier 1682, du même, note nº 5. + +[91] Registre des bâtiments du roi, année 1681, note nº 1. + +[92] Procès-verbal du 15 février 1683, note nº 5. + +[93] Voir le plan de la machine.--Arch. de la machine, note nº 2. + +[94] Cette maison est celle où madame du Barry fit bâtir son pavillon de +Louveciennes. + +[95] Registre des dépenses des bâtiments du roi, note nº 1. + +[96] Dépenses des bâtiments du roi, note nº 1. + +[97] Voir l'acte de décès de Rennequin, note nº 13. + +[98] Voir note 12. + +[99] Voir note 7. + +[100] Note de M. Bormans. V. note 11. + +[101] «S'il avait employé à embellir Paris, à finir le Louvre, les +sommes immenses que coûtèrent les aqueducs et les travaux de Maintenon +pour conduire des eaux à Versailles, travaux interrompus et devenus +inutiles; s'il avait dépensé à Paris la cinquième partie de ce qu'il en +a coûté pour forcer la nature à Versailles, Paris serait, dans toute son +étendue, aussi beau qu'il l'est du côté des Tuileries et du pont Royal, +et serait devenu la plus magnifique ville de l'univers.» (Voltaire, +_Siècle de Louis XIV_, t. II, p. 272.) + +[102] Songez bien que c'est à Dieu à qui vous devez tout ce que vous +estes. Cette faute de français, qui peut paraître aujourd'hui assez +extraordinaire dans la bouche de Louis XIV, nous semble, au contraire, +établir la vérité de la version que nous donnons. C'était, à cette +époque, une locution presque généralement en usage, et nous voyons +Boileau lui-même y céder dans ce vers célèbre: + + C'est à vous, mon esprit, à qui je veux parler. + +C'est là, à notre avis, une preuve presque certaine que ces paroles, +telles qu'elles sont rapportées ici, ont été en quelque sorte +sténographiées par celui qui était chargé de les recueillir. + +[103] Dangeau, qui ne quittait presque jamais Louis XIV, donne dans son +journal une version à peu près semblable à celle-ci, dans laquelle on +trouve aussi cette phrase: «_Je vous donne le père Letellier pour +confesseur._» + +[104] Le catalogue de la bibliothèque de madame de Pompadour, recherché +encore aujourd'hui des bibliographes, contient 3,535 articles de livres, +235 de musique, 36 d'estampes. Il est terminé par une table des auteurs +et orné de son portrait. La marquise n'avait pas en tout dix volumes +latins, y compris un _Épinicion_, en l'honneur de milord Pot-au-feu, et +l'Horace gravé en 1733, exemplaire auquel était jointe une explication +française manuscrite des figures. Les grands auteurs grecs et latins +n'existaient qu'en traductions dans cette bibliothèque; qui, à la +réserve tout au plus de dix articles, se composait de livres français et +italiens. Il paraît, au reste, qu'on avait distrait quelques articles, +car on n'y a pas trouvé l'exemplaire de l'_Abrégé_ chronologique du +président Hénault, donné par l'auteur à Voltaire, puis offert par +celui-ci à madame de Pompadour. Il avait écrit sur la première page +quelques vers, dont les premiers seulement ont été conservés: + + Le voici ce livre vanté; + Les Grâces daignèrent l'écrire + Sous les yeux de la Vérité: + Et c'est aux Grâces de le lire. + + +[105] Collin était le factotum de madame de Pompadour. + +[106] Madame Duhausset donne toujours à madame de Pompadour le nom de +_Madame_. + +[107] Louis XV avait eu déjà, avant 1755, quelques rendez-vous galants, +soit dans cette maison louée probablement avant d'en faire +l'acquisition, soit dans quelque autre de ce quartier, car on lit dans +le journal de l'avocat Barbier, à la date du mois de mars 1753, _que le +bruit courait dans Paris qu'une jeune fille de seize ans avait été logée +au Parc aux_* _Cerfs pour l'amusement du roi_; et dans une note des +_Mémoires de madame Duhausset: Quelquefois on a changé de maison et de +quartier, mais sans renoncer à l'ancienne maison._ + +[108] Cela est confirmé par une note qu'on trouve dans les _Mémoires de +madame Duhausset_: + +«Un commissaire de la marine, nommé Mercier, qui avait eu part à +l'éducation de l'abbé de Bourbon, avait plus de connaissance qu'aucun +autre sur cet établissement; et voici ce qu'il a dit à un de ses amis: +«_La maison était de très-peu d'apparence_; il n'y avait en général +qu'une seule jeune personne; la femme d'un commis du bureau de la guerre +lui tenait compagnie, jouait avec elle, ou travaillait en tapisserie. +Cette dame disait que c'était sa nièce; elle la menait, pendant les +voyages du roi, à la campagne.» Et plus loin, madame Duhausset dit +encore: «Il n'y en avait au reste que deux en général, et très-souvent +une seule. Lorsqu'elles se mariaient, on leur donnait des bijoux et une +centaine de mille francs. _Quelquefois le Parc aux Cerfs était vacant +cinq et six mois de suite._» + +[109] Ou trouve ce qui suit dans un écrit récent intitulé _le Château de +Luciennes_, de M. Léon Gozlan: «Le Parc aux Cerfs, qui est encore mal +connu, était un endroit solitaire, silencieux, _lugubre comme un +abattoir_. C'est là que le roi, sans suite et à l'entrée de la nuit, +allait commettre ses plaisirs. Il en avait tellement pris l'habitude +qu'il avait fini par se croire quitte envers Dieu et les hommes en +dotant les jeunes filles flétries dans cet antre.--Le Parc aux Cerfs +coûtait près de cent soixante-dix mille francs par mois, _ce qui fait +pour trente années d'existence plus de cent cinquante millions_.» Où +l'auteur a-t-il puisé ces renseignements? + +[110] La bibliothèque de la ville de Versailles possède aujourd'hui la +plus grande partie des papiers concernant madame du Barry, formant +quinze dossiers. Ces papiers donnent les renseignements les plus +détaillés sur sa famille, sa fortune, sa liaison avec de grands +personnages, les procès de ses héritiers, etc. + +[111] Bibliothèque de Versailles. + +[112] Bibliothèque de Versailles. + +[113] Bibliothèque de Versailles. + +[114] Bibliothèque de Versailles. + +[115] Sous Louis XVI, ce même appartement fut changé dans sa +disposition, et devint le petit appartement particulier de la reine +Marie-Antoinette. + +[116] Archives de la préfecture de Seine-et-Oise. Cette maison porte +aujourd'hui le nº 7. + +[117] Le charmant château de Bellevue. + +[118] Bibliothèque de Versailles. + +[119] Archives de la préfecture de Seine-et-Oise. + +[120] Toutes ces descriptions de meubles sont copiées textuellement sur +les mémoires des fournisseurs. + +[121] Archives de Seine-et-Oise. + +[122] Bibliothèque de Versailles. + +[123] Archives de Seine-et-Oise. + +[124] Archives de Seine-et-Oise. + +[125] Madame du Barry avait aussi loué pour ses gens l'hôtel de +Luynes,--aujourd'hui rue de la Bibliothèque, nos 4 et 6. + +[126] C'est aujourd'hui une caserne de cavalerie. + +[127] C'est l'un des papiers remis aux héritiers en 1825. + +[128] Beaujon était le banquier de la cour. + +[129] Archives de la préfecture de Seine-et-Oise. + +[130] Archives de Seine-et-Oise. + +[131] Bibliothèque de Versailles. + +[132] _Idem_, et Archives de Seine-et-Oise. + +[133] Voir aux notes la lettre nº 1 de M. de Brissac à madame du Barry. + +[134] Ce joli petit bijou est en ce moment en la possession du +bibliothécaire de Versailles.--Le chiffre en diamants est composé des +deux lettres _J. B._ + +[135] Bibliothèque de Versailles. + +[136] Ce fait est raconté dans le nº 259 du _Courrier français_ (1792). + +[137] Archives de la préfecture de Seine-et-Oise. + +[138] Archives de Seine-et-Oise. + +[139] Archives de Seine-et-Oise. + +[140] Voir aux notes la lettre nº 2 de madame du Barry aux +administrateurs du district de Versailles. + +[141] Après la journée du 20 mai 1795, Goujon fut traduit devant une +commission militaire, et après avoir entendu son arrêt de mort, il se +poignarda en descendant les marches de sa prison. + +[142] Madame du Barry avait alors cinquante ans, mais elle était encore +fort belle, et Lavallery parut s'intéresser à elle par un sentiment plus +vif que la simple pitié.--Voir à ce sujet aux notes la lettre nº 3, +écrite par Lavallery à madame du Barry, et le récit nº 4. + +[143] Celui qui lui conseilla de venir s'établir à Versailles. + +[144] C'était une simple médaille très-ordinaire. + +[145] Étant à Londres, madame du Barry plaça 200,000 francs qui furent +hypothéqués sur les biens de M. Rohan-Chabot. + +[146] Ces 200,000 francs n'ont jamais été prêtés. + +[147] Graillet avait épousé une de ses cousines. + +[148] Voir aux notes, le récit nº 4. + +[149] Termes de leur rapport. + +[150] Archives de Seine-et-Oise. + +[151] Archives de Seine-et-Oise. + +[152] Archives de Seine-et-Oise. + +[153] Morin fut condamné à mort quelques jours après, _comme complice +des crimes de la du Barry_. + +[154] Prison de Versailles où l'on renfermait les prisonniers +politiques. + +[155] Archives de Seine-et-Oise. + +[156] Archives de Seine-et-Oise. + +[157] Elle fut adjugée 6,000,000 de francs en assignats, à +Jean-Baptiste-Charles-Édouard Delapalme, demeurant aux Vaux-de-Cernay. +(Bibliothèque de Versailles.) + +[158] Il avait épousé en deuxièmes noces Jeanne-Madeleine Lemoine. + +[159] Les registres de l'état civil étant à cette époque entre les mains +du clergé, les actes de naissance et de baptême ne faisaient qu'un. + +[160] Bibliothèque de Versailles. + +[161] Archives de Seine-et-Oise. + +[162] Une partie de ces papiers se trouve actuellement à la bibliothèque +de Versailles. + +[163] Cet abbé Gomard était un pauvre hère qui dut facilement se prêter +pour de l'argent au rôle qu'on lui fit jouer dans cette affaire. On voit +dans les papiers de madame du Barry, réunis à la bibliothèque de +Versailles, qu'aussitôt installée à la cour, elle lui donna de l'argent, +le fit habiller par son tailleur, et qu'on le nomma aumônier du roi. + +[164] Bibliothèque de Versailles. + +[165] Voir, pour ce procès, le tome XXXII de la _Collection de_ _Sirey_ +et la _Gazette des Tribunaux_ des 4 juillet, 5, 11 et 27 août 1833. + +[166] Ce même Lavallery se suicida quelques jours après la mort de +madame du Barry. + +[167] On a vu que ce n'est pas tout à fait ainsi que les choses se sont +passées, mais c'était la croyance de l'époque. + +[168] Nous avons montré qu'elle avait cinquante ans au moment de sa +mort. + + + + + + +End of the Project Gutenberg EBook of Curiosités historiques sur Louis XIII, +Louis XIV, Louis XV, Mme de Maintenon, Mme de Pompadour, Mme du Barry, etc., by J. A. Le Roi + +*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK CURIOSITÉS HISTORIQUES *** + +***** This file should be named 35089-8.txt or 35089-8.zip ***** +This and all associated files of various formats will be found in: + http://www.gutenberg.org/3/5/0/8/35089/ + +Produced by Chuck Greif and the Online Distributed +Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This file was +produced from images at the Bibliothèque nationale de +France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr) + + +Updated editions will replace the previous one--the old editions +will be renamed. + +Creating the works from public domain print editions means that no +one owns a United States copyright in these works, so the Foundation +(and you!) can copy and distribute it in the United States without +permission and without paying copyright royalties. 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A. Le Roi + +This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with +almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or +re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included +with this eBook or online at www.gutenberg.org + + +Title: Curiosités historiques sur Louis XIII, Louis XIV, Louis XV, Mme de Maintenon, Mme de Pompadour, Mme du Barry, etc. + +Author: J. A. Le Roi + +Release Date: January 27, 2011 [EBook #35089] + +Language: French + +Character set encoding: ISO-8859-1 + +*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK CURIOSITÉS HISTORIQUES *** + + + + +Produced by Chuck Greif and the Online Distributed +Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This file was +produced from images at the Bibliothèque nationale de +France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr) + + + + + + +</pre> + +<hr class="full" /> + +<h1>CURIOSITÉS HISTORIQUES<br /> +<br /> +<span style="font-size:50%;">SUR</span><br /> +<br /> +<span style="font-size:120%;">LOUIS XIII, LOUIS XIV, LOUIS XV,</span><br /><br /> +<span style="font-size:60%;">M<sup>ME</sup> DE MAINTENON,<br /><br /> +M<sup>ME</sup> DE POMPADOUR, M<sup>ME</sup> DU BARRY, <span class="smcap">ETC.</span>,</span></h1> + +<p class="cb">P A R J. A. L E R O I,</p> + +<p class="c"><small>CONSERVATEUR DE LA BIBLIOTHÈQUE DE VERSAILLES, +CORRESPONDANT DU MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE POUR LES TRAVAUX HISTORIQUES;</small></p> + +<p class="c"><small>PRÉCÉDÉES D'UNE INTRODUCTION</small></p> + +<p class="c">PAR M. THÉOPHILE LAVALLÉE.</p> + +<div class="figcenter" style="width: 200px;"> +<img src="images/colophon.png" width="200" height="187" alt="colophon" title="colophon" /> +</div> + +<p class="c">PARIS<br /> +HENRI PLON, IMPRIMEUR-ÉDITEUR<br /> +<small>RUE GARANCIÈRE, 8.</small><br /> +—<br /> +1864<br /> +<i>Tous droits réservés.</i></p> + +<p> +<br /><br /> +<br /><br /> +</p> + +<p class="c">CURIOSITÉS HISTORIQUES<br /> +<br /> +SUR<br /> +<br /> +<b>LOUIS XIII, LOUIS XIV, LOUIS XV,</b><br /> +<br /> +M<sup>ME</sup> DE MAINTENON,<br /> +<br /> +M<sup>ME</sup> DE POMPADOUR, M<sup>ME</sup> DU BARRY, <span class="smcap">ETC.</span><br /> +</p> + +<p> +<br /><br /> +<br /><br /> +</p> + +<table border="0" cellpadding="0" cellspacing="0" summary=""> +<tr><td> +<p class="hang">L'auteur et l'éditeur déclarent réserver leurs droits de reproduction<br /> +et de traduction à l'étranger.</p> + +<p class="hang">Ce volume a été déposé au ministère de l'intérieur (direction de<br /> +la librairie), en mars 1864.</p> +</td></tr> +</table> + +<p class="c"><small>PARIS.—TYPOGRAPHIE DE HENRI PLON<br /> +IMPRIMEUR DE L'EMPEREUR<br /> +RUE GARANCIÈRE, 8</small></p> + +<p> +<br /> +</p> + +<p class="c"><a href="#TABLE_DES_MATIERES"><b>TABLE DES MATIÈRES.</b></a></p> + +<p><a name="page_i" id="page_i"></a></p> + +<h3><a name="INTRODUCTION" id="INTRODUCTION"></a>INTRODUCTION.</h3> + +<p>Les <i>curiosités historiques</i> que renferme ce volume se rapportent +principalement au château de Versailles et aux règnes de Louis XIII, de +Louis XIV et de Louis XV. Malgré les essais qui en ont été tentés, on +peut dire que l'histoire du château de Versailles est encore à faire, et +il serait heureux, par le temps de révolutions, de démolitions, de +transformations où nous sommes, que cette histoire pût se faire +promptement; car cette grande création de Louis XIV, ce théâtre de tant +de splendeurs, de tant d'événements, «ce temple de la monarchie absolue +qui devait, avant que le temps eût noirci ses marbres, en être le +tombeau», a subi, surtout depuis l'établissement des <i>galeries +historiques</i>, des remaniements si malheureux qu'il n'est plus +<a name="page_ii" id="page_ii"></a>reconnaissable qu'à l'extérieur, et que son histoire passera bientôt, +avec ses grandeurs et ses magnificences, à l'état de fable ou de +légende. Il n'est personne qui, en arpentant les dix ou douze kilomètres +de tableaux qu'on a entassés dans ce palais, n'ait «désiré connaître +l'histoire de chacune de ces chambres, surtout de ces petits +appartements dans lesquels on vit l'amour, la jalousie, l'ambition, la +haine, toutes les plus mauvaises passions du cœur humain s'agiter si +longtemps pour donner le spectacle de ces élévations et de ces chutes de +favoris et de maîtresses qui ont eu tant d'influence sur les destinées +de la France<a name="FNanchor_1_1" id="FNanchor_1_1"></a><a href="#Footnote_1_1" class="fnanchor">[1]</a>».</p> + +<p>En attendant que se fasse l'histoire du château de Versailles, un +redresseur infatigable des faussetés et des falsifications historiques, +M. Le Roi, conservateur de la bibliothèque de Versailles, a porté ses +investigations sur quelques événements, sur quelques personnages, sur +quelques localités de Versailles, et, en fouillant les pièces +originales, les actes authentiques, les documents <a name="page_iii" id="page_iii"></a>incontestables, il +est parvenu à mettre en lumière des faits restés obscurs ou douteux, à +réduire à néant ou à leur juste valeur des allégations mensongères, +enfin à porter la vérité dans un petit coin de ce vaste champ historique +si mal exploré, si mal connu, où l'erreur et la calomnie poussent si +bien, poussent si vite, et par tous les climats!</p> + +<p>Voici les questions ou problèmes historiques que s'est posés M. Le Roi +et qu'il a heureusement résolus:</p> + +<p>1º Où était le château de Versailles construit par Louis XIII, et dans +quelle partie du château s'est passée la <i>journée des Dupes</i>?</p> + +<p>2º Quels événements particuliers ont marqué la naissance du duc de +Bourgogne?</p> + +<p>3º Quels événements particuliers ont marqué la grande opération faite à +Louis XIV en 1686?</p> + +<p>4º Louvois est-il mort de poison ou de mort naturelle?</p> + +<p>5º Quel a été le véritable inventeur de la machine de Marly? De Ville ou +Rennequin Sualem?</p> + +<p>6º Où était, dans le château de Versailles, l'appartement de madame de +Maintenon?<a name="page_iv" id="page_iv"></a></p> + +<p>7º Quelles sont les paroles adressées au Dauphin par Louis XIV à son lit +de mort?</p> + +<p>8º A quelle somme s'élèvent les dépenses de madame de Pompadour pendant +tout son <i>règne</i>?</p> + +<p>9º Qu'était-ce que le Parc aux cerfs?</p> + +<p>10º A quelle somme s'élèvent les dépenses faites par madame du Barry? +Quel était son vrai nom?</p> + +<p>Nous allons dire en quelques mots comment M. Le Roi a résolu ces +<i>curiosités historiques</i>.</p> + +<p>1º Le château de Versailles, bâti par Louis XIII, en 1624, est le +pavillon central qui existe encore aujourd'hui. C'était un simple +rendez-vous de chasse, flanqué de quatre petits pavillons, avec un +balcon de fer tournant tout autour. Une fausse braie l'entourait et +était précédée d'un fossé à fond de cuve, revêtu de pierres et terminé +par une balustrade. La pièce principale était la salle ou salon du +premier étage, dont Louis XIV fit plus tard sa chambre à coucher et où +il mourut. Des fenêtres de cette salle d'où Louis XVI se montra au +peuple dans la journée du 6 octobre, on se figure aisément l'aspect que +présentait alors Versailles: la vue dominait sur un pays accidenté, +<a name="page_v" id="page_v"></a>presque entièrement boisé, coupé de quelques étangs, marqué seulement +par un pauvre village d'une cinquantaine de feux, pays triste, monotone, +un peu sauvage, qui inspirait la mélancolie, qui était parfaitement en +rapport avec les goûts et l'humeur de Louis XIII.</p> + +<p>Quant aux lieux illustrés par la journée des Dupes, M. Le Roi nous +montre que la chambre à coucher de Louis XIII était dans la pièce dite +plus tard de l'Œil-de-bœuf, et qui fut aussi pendant longtemps la +chambre à coucher de Louis XIV; que la pièce où coucha Richelieu, +au-dessous de la chambre du roi, est aujourd'hui la salle des Portraits +des rois de France; que l'escalier dérobé par lequel le duc de +Saint-Simon le conduisit dans la chambre de Louis XIII existe encore +dans un coin de cette salle; enfin que l'entretien qu'il eut avec ce +prince et d'où l'on peut dire qu'ont dépendu les destinées de la France, +se passa dans le cabinet voisin de la chambre à coucher du roi et qui +fait partie du salon de l'Œil-de-bœuf.</p> + +<p>Louis XIV conserva religieusement le château construit par son père; il +ne fit que l'agrandir successivement, <a name="page_vi" id="page_vi"></a>à mesure que Versailles lui +plaisait davantage. Il n'avait pas d'abord l'intention d'en faire +l'immense palais qui existe aujourd'hui; il n'avait pas l'intention de +faire de Versailles son séjour ordinaire. Les plans de construction +furent plusieurs fois changés; de nombreuses démolitions furent +nécessaires; de là le disparate si marqué entre la façade des jardins, +si noble, si belle, si harmonieuse, et la façade de la ville, si +compliquée, si travaillée, si irrégulière.</p> + +<p>2º Saint-Simon nous a donné un tableau précieux de l'aspect du château +de Versailles, le jour de la naissance du duc de Bourgogne, de la joie +du roi, des transports de la cour, de l'enthousiasme populaire. M. Le +Roi, d'après des documents originaux, ajoute quelques traits à ce +tableau, et qui l'achèvent. Il nous apprend que ce fut la première fois +qu'on confia à un médecin le soin d'accoucher une reine ou une Dauphine, +que jusqu'alors les sages-femmes avaient eu cet office, et qu'elles +cessèrent de l'avoir. Il entre alors dans des détails très-curieux sur +l'art des accouchements à cette <a name="page_vii" id="page_vii"></a>époque, sur le choix des nourrices, +etc. L'accoucheur fut Clément, dont le roi avait éprouvé l'habileté, car +c'était lui qui avait assisté madame de Montespan dans ses nombreuses +grossesses. Il devint, dès lors, l'accoucheur de la Dauphine, puis de la +duchesse de Bourgogne, de la reine d'Espagne, etc. C'était un +très-habile et excellent homme, que le roi traita comme il traitait tous +les hommes de mérite, c'est-à-dire avec cette gracieuse dignité qui +doublait le prix des récompenses. Outre qu'il l'enrichit, il lui donna +des lettres de noblesse, avec une clause, dit M. Le Roi, qui honore au +même degré l'homme de mérite auquel s'adressait cette distinction et le +souverain qui l'accordait. Cette clause portait «qu'il ne pourrait +abandonner la pratique de son art, ni refuser ses conseils, ni ses +secours aux femmes qui les réclameraient».</p> + +<p>3º On sait qu'en 1686 Louis XIV fut affligé d'une hideuse maladie, la +fistule, qu'on regardait alors comme à peu près incurable ou mortelle. +Les mémoires du temps parlent peu de ce grave accident dans la vie du +roi, cette maladie ayant été longtemps tenue secrète, et l'opération +<a name="page_viii" id="page_viii"></a>qui la termina ayant été faite avec le plus grand mystère, et divulguée +seulement quand la guérison fut assurée. M. Le Roi a retrouvé sur ce +sujet des détails importants, soit au point de vue médical, soit au +point de vue historique, dans les mémoires du médecin Dionis. +L'opérateur fut Félix de Tassy, chirurgien très-habile, qui le premier a +fait connaître les moyens de guérir par l'incision cette triste maladie. +C'est dans la chambre du roi, qui formait, comme nous l'avons dit, une +partie du salon appelé plus tard l'Œil-de-bœuf, qu'eut lieu cette +opération qui paraissait alors si périlleuse. Il n'y avait d'autres +témoins que madame de Maintenon, le père de la Chaise, le ministre +Louvois, les quatre médecins ou chirurgiens du roi, avec un garçon ou +élève. La famille royale et la cour n'avaient pas le moindre soupçon de +la grave résolution prise par Louis XIV; le Dauphin était à la chasse. +Le roi montra le calme et la fermeté qui le distinguaient dans toutes +ses actions: il ne poussa pas un cri, ne dit pas un mot. Une heure +après, il tenait son lever comme à l'ordinaire, et les courtisans +apprenaient avec effroi ce qui venait <a name="page_ix" id="page_ix"></a>de se passer; quelques heures +plus tard, il tenait conseil dans son lit, et le soir il y eut dans sa +chambre la réception qu'on appelait <i>appartement</i>. On suit avec anxiété, +dans le récit de M. Le Roi, les détails de cette opération chirurgicale +qui marque dans les annales de la science, puisque la méthode inventée +en cette circonstance par Félix est encore celle qu'on suit de nos +jours, opération qui tint pendant quelques jours la France dans +l'anxiété; car à la vie du roi tenaient le salut du royaume et le repos +de l'Europe. On peut voir aussi, dans les Lettres de madame de Maintenon +à madame de Brinon (<i>Lettres historiques et édifiantes</i>, t. I) quelles +furent ses angoisses et ses craintes en cette circonstance; elles sont +une réponse à cette calomnie, qu'elle n'aimait point Louis XIV, de même +que sa présence au chevet du roi pendant la dégoûtante opération était +le témoignage du lien sacré qui les unissait.</p> + +<p>4º On sait que la mort subite de Louvois à l'âge de cinquante ans excita +le plus grand étonnement. Tout le monde le crut empoisonné. Saint-Simon +le dit ouvertement en entrant dans <a name="page_x" id="page_x"></a>des détails qui semblent plausibles. +La princesse Palatine, dans l'aveuglement de ses haines, va plus loin: +elle accuse de cette mort madame de Maintenon. Les historiens +protestants ont seuls répété cette calomnie; mais les plus modérés, même +les plus modernes, s'arrêtent au récit de Saint-Simon, et pour eux tous, +Louvois est mort empoisonné, on ne sait par quel ennemi. Le récit de M. +Le Roi fait justice de cette accusation au moyen d'un témoignage +incontestable, celui de Dionis, médecin de Louvois, qui assista à sa +mort, et fit, de concert avec trois autres médecins, l'ouverture de son +corps. Il en résulte clairement que Louvois est mort d'une attaque +d'apoplexie pulmonaire.</p> + +<p>5º Dans quelle partie du château de Versailles était l'appartement de +madame de Maintenon, cet appartement où Louis XIV travaillait avec ses +ministres, et où, pendant trente ans, se sont décidées les destinées de +la France? A première vue il semble qu'une telle recherche soit facile, +et qu'il ne puisse y avoir de doute à ce sujet. Il n'en est pas ainsi, +grâce au Musée national qui a fait subir à l'intérieur du château de +Versailles <a name="page_xi" id="page_xi"></a>une transformation complète. L'intention de ce musée était +excellente, l'exécution n'y a pas répondu. Entreprise par des hommes peu +versés dans l'histoire du dix-septième siècle, elle a bouleversé +malheureusement les parties les plus intéressantes du château, et c'est +ainsi que l'appartement de madame de Maintenon, presque méconnaissable +aujourd'hui, est occupé par trois salles des campagnes de 1793, 1794 et +1795. L'aspect de ces pièces témoigne que madame de Maintenon était +logée fort à l'étroit et fort incommodément. Je ne sais si la femme de +chambre de quelque parvenu de nos jours se contenterait de cette chambre +unique où Louis XIV venait travailler, où madame de Maintenon mangeait, +couchait, s'habillait, recevait toute la cour, où tout le monde passait, +disait-elle, comme dans une église. Au reste, les princesses, les +princes, le roi lui-même n'étaient pas plus commodément logés. Tout +avait été sacrifié au faste, à l'éclat, à la représentation dans ce +magnifique château; Louis XIV était perpétuellement en scène et y tenait +sans interruption son rôle de roi, mais au <a name="page_xii" id="page_xii"></a>milieu de toutes ces +peintures, ces dorures, ces marbres, ces splendeurs, on n'avait pas une +seule des aisances de nos jours; on gelait dans ces immenses pièces, +dans ces grandes galeries, dans ces chambres ouvertes de toutes parts, +où d'ailleurs il fallait vivre continuellement en public. Aussi Louis +XV, qui n'avait pas la santé de fer de son aïeul, abandonna ces vastes +magnificences et se fit une existence plus commode et surtout plus +secrète dans les petits appartements qu'on voit encore aujourd'hui.</p> + +<p>6º Quel est le véritable inventeur de la machine de Marly? On sait que, +d'après toutes les histoires et biographies, cet inventeur serait un +ouvrier liégeois, Rennequin Sualem. L'ouvrage de M. Le Roi nous +démontre, d'après des documents authentiques et des témoignages +irréfutables, que c'est une erreur. L'inventeur, l'architecte, le +gouverneur de la machine qui passait au dix-septième siècle pour une +merveille du monde, est un gentilhomme liégeois nommé le chevalier de +Ville; Rennequin Sualem en aurait été seulement le constructeur, et plus +exactement le charpentier. M. Le Roi donne à ce sujet une <a name="page_xiii" id="page_xiii"></a>description +de la machine qui montre quel était l'état de la science hydraulique à +cette époque et qui témoigne que cette œuvre lourde, coûteuse, +compliquée, n'en était pas moins digne d'admiration.</p> + +<p>7º On sait que le grand roi, sur le point de mourir, se fit apporter son +arrière-petit-fils et lui adressa quelques paroles pleines de dignité. +Ces paroles, recueillies par les assistants et qui furent mises au +chevet du lit du jeune Louis XV, ont été reproduites par les historiens +avec des variantes considérables. M. Le Roi a retrouvé une pièce très +curieuse qui fait cesser toute incertitude à cet égard et nous donne +définitivement le texte authentique.</p> + +<p>8º Ce morceau curieux est tout simplement l'analyse d'un manuscrit +composé par quelque secrétaire de madame de Pompadour, d'après les notes +mêmes de la marquise, et qui a pour titre: <i>État des dépenses faites +pendant le règne de madame la marquise de Pompadour, à commencer le 9 +septembre 1745 jusqu'au 15 avril 1764</i> (c'est le jour de sa mort). +Disons tout de suite que le total général est d'environ trente-six +millions et <a name="page_xiv" id="page_xiv"></a>demi pendant dix-neuf ans; donc, de moins de deux millions +par an. «Voilà, sur sa déclaration, dit M. Le Roi, le relevé de ce que +madame de Pompadour a coûté à la France.» C'est beaucoup, sans doute, +mais j'avoue que, d'après tout ce qu'on a écrit sur les prodigalités de +Louis XV envers ses maîtresses, sur le faste, le luxe de la marquise de +Pompadour, je m'attendais à un chiffre plus élevé, et je ne sais si pour +les dépensiers de nos jours ce chiffre ne paraîtra pas mesquin. +D'ailleurs, il faut remarquer que madame de Pompadour tenait une sorte +de cour, qu'elle donnait des fêtes, qu'elle faisait des pensions. Aussi +je lis sans étonnement cette réflexion qui termine le manuscrit: «Voici +un fait que personne ne voudra croire, qui est qu'à sa mort l'on n'ait +trouvé à cette femme que 37 louis d'or dans sa table à écrire, et se +trouve devoir la somme de 1,700,000 livres.»</p> + +<p>Voici comment se décomposent les trente-six millions. On sait que la +marquise était une femme de beaucoup d'esprit et de goût, aimant les +bâtiments, les tableaux, les sculptures, cultivant elle-même les arts, +et qui avait une cour <a name="page_xv" id="page_xv"></a>d'écrivains et d'artistes. L'état des dépenses +entre à ce sujet dans des détails intéressants pour l'histoire des arts +et donne un total de plus de neuf millions. On sait aussi que madame de +Pompadour aimait les chevaux, qu'elle fit acheter des étalons dans +plusieurs pays, et qu'elle fonda dans sa terre de Pompadour le beau +haras qui existe encore aujourd'hui. L'état de ses dépenses sur cet +article s'élève à plus de trois millions. On trouve encore pour +médailles, 400,000 livres; pour une collection de pierres gravées, +400,000 livres; pour fêtes, voyages du roi, comédies, opéras, quatre +millions. Le chapitre des aumônes est malheureusement plus modeste, il +est ainsi marqué: <i>Donné aux pauvres pendant tout mon règne</i>, 150,000 +livres. Il est vrai qu'il y faut ajouter de nombreux secours et pensions +donnés à des maisons religieuses.</p> + +<p>9º «Il n'est aucun fait historique, dit M. Le Roi, qui ait rendu plus +odieux le nom de Louis XV; et qui, d'un autre côté, ait donné lieu à +plus de divagations parmi les écrivains, que le mystérieux établissement +du <i>Parc aux cerfs</i>.» On peut ajouter qu'il <a name="page_xvii" id="page_xvii"></a>n'y en a pas qui ait excité +plus de <a name="page_xvi" id="page_xvi"></a>haine contre l'ancien régime, qui ait valu à la cour des +Bourbons plus d'imprécations et de déclamations, qui ait eu plus +d'influence sur la révolution. M. Le Roi, pièces en main, réduit cette +monstruosité à sa juste valeur. Le nom seul de Parc aux cerfs est en +grande partie la cause des exagérations débitées à ce sujet. A ce nom, +on se figure une sorte de sérail à la façon orientale, un immense jardin +avec bosquets mystérieux, pelouses fleuries, pavillons enchantés, et un +essaim de biches plus ou moins timides, poursuivies par un lubrique +monarque. Il n'est rien de tout cela: le <i>Parc aux cerfs</i> était le nom +d'un quartier de Versailles, du quartier aujourd'hui appelé Saint-Louis, +qui avait été bâti sous Louis XIV, sur l'emplacement d'un parc à bêtes +fauves, datant de Louis XIII, et qui en avait gardé le nom. Quant au +sérail, voici à quoi il se réduit. Louis XV avait acheté secrètement, +dans une impasse déserte de ce quartier, une petite maison bourgeoise où +pouvaient à peine loger trois personnes, et dans laquelle son valet de +chambre faisait élever quelques jeunes filles ordinairement vendues par +leurs parents. «Il n'y en avait que deux en général, dit madame du +Hausset, très-souvent une seule; quelquefois, le Parc aux cerfs était +vacant cinq ou six mois de suite. Lorsqu'elles se mariaient on leur +donnait des bijoux et une centaine de mille francs.» Il ne paraît pas +que le nombre de ces victimes, immense d'après tous les historiens, ait +dépassé une trentaine, le roi n'ayant gardé cette maison que de 1755 à +1771. M. Le Roi appuie cette curieuse découverte historique de pièces +irréfutables, mais cela n'empêchera pas les historiens de scandales de +parler des centaines de millions, et même des milliards que coûta le +Parc aux cerfs.</p> + +<p>10º Si la dissertation sur le Parc aux cerfs atténue, sans le rendre +moins odieux, le libertinage de Louis XV, il n'en est pas de même du +morceau suivant qui renferme une notice biographique sur madame du +Barry, d'après des cartons et des liasses de documents appartenant aux +archives de la préfecture de Seine-et-Oise, et à la bibliothèque de +Versailles. On sait qu'un gentilhomme débauché et ruiné, Jean du Barry, +ayant rencontré dans un mauvais lieu une fille <a name="page_xviii" id="page_xviii"></a>d'une merveilleuse +beauté, parvint à la faire connaître au roi qui en devint follement +épris, que pour en faire une maîtresse en titre et lui donner un rang à +la cour, il la fit épouser à son frère le comte du Barry. M. Le Roi nous +donne <i>in extenso</i> l'étrange contrat de mariage conclu à cet effet, où +l'on stipule la séparation des deux époux, où la future prend le nom de +Jeanne Gomard de Vaubernier, nom faux, comme nous le dirons tout à +l'heure; enfin, où elle apporte en dot 30,000 livres «provenant de ses +économies», et consistant, pourrait-on dire, en outils de son métier, +c'est-à-dire en diamants, perles, dentelles, «un lit complet, trente +robes et six douzaines de chemises».</p> + +<p>Après cette édifiante énumération, M. Le Roi nous donne l'état des +richesses accumulées par madame du Barry lorsqu'elle fut devenue la +maîtresse en titre du roi: 100,000 livres de rentes sur la ville de +Paris, la terre de Louveciennes, 40,000 livres de rentes sur la ville de +Nantes, etc. Madame du Barry n'avait reçu presque aucune éducation et +avait les goûts de son ancienne vie, l'amour effréné de la toilette, des +jolis meubles, <a name="page_xix" id="page_xix"></a>des colifichets, des futilités. Son appartement n'était +qu'un boudoir: M. Le Roi nous en donne la description, et les détails +dans lesquels il entre sont à faire pâmer, à faire mourir d'envie les +plus charmantes dépensières de nos jours. Qu'on en juge par ce qu'il dit +des lieux les plus secrets de cet appartement:</p> + +<p>«Dans la garde-robe on voyait un meuble de toilette secrète à dossier, +en marqueterie, fond blanc à mosaïques bleues et filets d'or, avec +rosettes rouges, garni de velours bleu brodé d'or, et sabots dorés d'or +moulu, la boîte à éponges et la cuvette d'argent, deux tablettes +d'encoignure aussi en marqueterie, garnies de bronzes dorés d'or moulu, +et une chaise de garde-robe en marqueterie pareille aux autres meubles, +la lunette recouverte de maroquin, et les poignées et les sabots dorés +d'or moulu.»</p> + +<p>Le rêve de madame du Barry dura à peine six ans. Le roi mourut. Madame +du Barry, exilée d'abord dans un couvent, revint ensuite habiter son +château de Louveciennes. Ses créanciers l'y poursuivirent. Légère, +insouciante et prodigue malgré les libéralités du roi, elle avait +<a name="page_xx" id="page_xx"></a>1,200,000 livres de dettes. Louis XVI se fit donner l'état des dons +faits à la maîtresse de son aïeul, et l'on trouva qu'elle avait reçu en +six ans six millions et demi, sans compter les maisons, les 150,000 +livres de rente viagère, etc. Sur cette somme les bijoutiers avaient +reçu 2,280,000 livres, les marchands de dentelles, soieries, etc., +738,000 livres; les tailleurs et brodeurs, 551,000 livres, etc. Madame +du Barry n'avait fait de mal à personne pendant sa faveur; elle était +d'une bonté extrême, d'une humeur charmante, et avait laissé à la cour +des amis qui lui restèrent très-dévoués. Grâce à eux, elle parvint à +payer ses dettes au moyen d'un échange de 60,000 livres de rente viagère +contre 1,250,000 livres qui lui furent données par le trésor.</p> + +<p>Mais madame du Barry ne s'était pas corrigée de son goût de dépenses, et +de sa négligence à compter; elle fit de nouvelles dettes, et à l'époque +de la Révolution elle fut obligée de songer à vendre ses bijoux. Elle +réunit les plus précieux dans une chambre où, pendant une nuit, des +voleurs s'introduisirent et firent main basse sur <a name="page_xxi" id="page_xxi"></a>le précieux dépôt. +Madame du Barry fit publier la liste des objets volés. Cette liste est +donnée par M. Le Roi: c'est une rivière continue, une cascade +éblouissante de diamants, de perles, de bagues, de colliers, de +girandoles, de bracelets, d'<i>esclavages</i>, d'étuis, de boîtes, à faire +tourner la tête des dames qui la liront.</p> + +<p>Le vol des bijoux de madame du Barry fut la cause de sa mort. Ayant +appris que les voleurs avaient été arrêtés à Londres et qu'on +instruisait leur procès, elle voulut suivre cette affaire et alla en +Angleterre avec un passe-port régulier. C'était au mois d'octobre 1792. +Son absence s'étant prolongée, on la regarda comme émigrée et l'on mit +le scellé sur ses biens. Dès qu'elle l'apprit, elle revint en France; +mais au mois de juin 1793 elle fut arrêtée comme suspecte et traduite +(novembre 1793) au tribunal révolutionnaire, comme ayant fourni aux +émigrés réfugiés à Londres des secours pécuniaires, et entretenu avec +eux des correspondances. L'occasion était belle à faire de la +déclamation révolutionnaire; aussi Fouquier Tainville accumula les +accusations les plus forcenées, les plus emphatiques <a name="page_xxii" id="page_xxii"></a>«contre cette +moderne Aspasie, cette sultane du crime couronné, contre cette +surintendante des honteuses débauches du Sardanapale moderne, etc.» On +sait que, condamnée à mort, elle fut conduite au supplice le 8 décembre +1793.</p> + +<p>M. Le Roi fait suivre cette lugubre histoire de détails intéressants sur +les biens confisqués de madame du Barry. Le total de l'appréciation des +effets mobiliers s'élève à 1,246,000 livres, sans compter les objets +d'art qui sont aujourd'hui répartis dans les musées de l'État. Le +château de Louveciennes fut vendu six millions.</p> + +<p>Cette notice biographique si pleine de faits inconnus, de chiffres +éloquents, se termine par un dernier détail qui n'est pas le moins +inattendu: c'est que l'acte de naissance présenté par madame du Barry +pour son mariage était faux; qu'elle n'était pas la fille légitime de +Gomard de Vaubernier et de Jeanne Bécu, née en 1746, mais la fille +naturelle d'une pauvre paysanne appelée Anne Bécu, et qu'elle était née +en 1743. Elle avait donc vingt-six ans lorsqu'elle fut présentée à Louis +XV et cinquante ans quand elle mourut.<a name="page_xxiii" id="page_xxiii"></a></p> + +<p>Telle est, à la place des lieux communs débités sur cette femme trop +célèbre, la vérité qui ressort des documents authentiques consultés par +M. Le Roi. Espérons que le savant bibliothécaire ne bornera pas à ces +dix morceaux ses investigations intéressantes et que, au grand plaisir +du public affriandé par ces révélations, il tirera bientôt de ses +cartons de nouvelles <i>Curiosités historiques</i>.</p> + +<p class="r">T<small>H</small>. L<small>AVALLÉE</small>. +</p> + +<p><a name="page_001" id="page_001"></a></p> + +<h3><a name="I" id="I"></a>I<br /><br /> +LE CHATEAU DE VERSAILLES SOUS LOUIS XIII<br /><br /> +ET LA JOURNEE DES DUPES.<br /><br /> +1627-1630.</h3> + +<p class="c">————</p> + +<p>A quelle époque faut-il faire remonter la construction du château que +Louis XIII fit élever à Versailles? Comme les divers écrivains qui ont +traité ce point historique ne sont point d'accord entre eux, et que nous +nous proposons de fournir des documents nouveaux pouvant servir à +éclaircir la question, nous allons entrer dans quelques détails à ce +sujet.</p> + +<p>Les deux premiers auteurs qui s'occupèrent de l'époque de la fondation +du château, furent l'architecte Blondel, dans son livre de +l'<i>Architecture française</i>, t. IV<sup>e</sup>, 1756, et l'abbé Lebeuf, dans +l'<i>Histoire du diocèse de Paris</i>, t. VII<sup>e</sup>, 1757.</p> + +<p>Voici d'abord ce que dit l'abbé Lebeuf. Après avoir fait l'énumération +des divers seigneurs de Versailles, il ajoute:</p> + +<p>«Jean de Soisy prend, dans son contrat de mariage<a name="page_002" id="page_002"></a> avec Antoinette +Postel, du 22 janvier 1610, la qualité de seigneur de Soisy, sous +Montmorency, et de Versailles au val de Galie. Ce fut lui qui vendit +cette terre au roi Louis XIII, vers l'an 1627.»</p> + +<p>Voici maintenant comment s'exprime Blondel, sur le même sujet:</p> + +<p>«La terre et seigneurie de Versailles était possédée, en 1560, par +plusieurs particuliers: <i>Philippe Colas</i>, écuyer, en possédait la plus +grande partie; une autre appartenait à <i>Antoine Poart</i>, maître des +comptes à Paris: ce dernier était aussi propriétaire de la seigneurie de +la Grange Lessart; enfin une autre partie appartenait à <i>Roberte de +Soisy</i>, femme de Jean de la Porte, et à <i>Marguerite de Soisy</i>, sa sœur, +veuve de Jean Dizy, en qualité d'héritières d'Antoinette de Portet, leur +mère.</p> + +<p>»<i>Martial de Loménie</i>, secrétaire du roi et de ses finances, devint, en +1561, propriétaire de cette terre et de celle de la Grange Lessart, par +les acquisitions qu'il en fit, et en a joui jusqu'à sa mort, arrivée en +1572; il avait épousé Jacqueline Pinault, décédée avec lui.</p> + +<p>»Les tuteur et curateur de leurs enfans mineurs vendirent cette terre et +seigneurie de Versailles, et celle de la Grange Lessart, par contrat du +27 juin 1573, à M. Albert de Gondi, comte de Retz. Son fils, +Jean-François de Gondi, archevêque de Paris, la vendit ensuite à Louis +XIII, par contrat passé le 8 avril 1632.»<a name="page_003" id="page_003"></a></p> + +<p>Blondel donne ensuite un extrait du contrat de vente, puis il ajoute:</p> + +<p>«Quoiqu'il paraisse, par la date de ce contrat, que Louis XIII n'acheta +la seigneurie de Versailles qu'en 1632, il est cependant certain que, +dès l'année 1624, il avait commencé à y faire bâtir un rendez-vous de +chasse, qu'il avait élevé sur le lieu le plus éminent, et où était situé +ci-devant un moulin à vent.»</p> + +<p>Ainsi voilà deux graves auteurs, écrivant tous deux à la même époque, +paraissant s'autoriser de documents authentiques, et qui tous deux +donnent une date différente à un fait qu'il semble au premier abord si +aisé de constater.</p> + +<p>Presque tous ceux qui, depuis cette époque, ont écrit sur l'origine du +château de Versailles, puisant leurs renseignements dans l'abbé Lebeuf, +ont donné l'année 1627 comme date de sa fondation<a name="FNanchor_2_2" id="FNanchor_2_2"></a><a href="#Footnote_2_2" class="fnanchor">[2]</a>. Cette date est +encore indiquée dans les descriptions modernes de Versailles, que l'on +trouve dans toutes les mains des visiteurs du musée historique.</p> + +<p>Quelle est donc la véritable date de la construction du château de Louis +XIII? Est-ce 1624, 1627 ou 1632?</p> + +<p>M. Eckard, dans ses recherches historiques sur Versailles, frappé de +cette différence, et voulant tout<a name="page_004" id="page_004"></a> concilier, accepte les trois dates et +cherche à les expliquer.</p> + +<p>Ainsi, d'après lui, en 1624, Louis XIII, <i>ennuyé, et sa suite encore +plus, d'y avoir souvent couché dans un méchant cabaret à rouliers, ou +dans un moulin à vent</i><a name="FNanchor_3_3" id="FNanchor_3_3"></a><a href="#Footnote_3_3" class="fnanchor">[3]</a>, fit d'abord construire à Versailles un +pavillon pour servir de rendez-vous de chasse.</p> + +<p>Et il ajoute: «Ce pavillon, inconnu au duc de Saint-Simon, était oublié +lorsqu'il écrivait un siècle après cette construction: une partie, celle +donnant sur l'avenue de Saint-Cloud, a été démolie en 1827, et une +maison bâtie sur l'emplacement; l'autre partie, sur la rue de la Pompe, +subsiste toujours: le tout appartient à M. Amaury, et porte encore +aujourd'hui le nom de <i>Pavillon royal</i>; il est situé presqu'à l'angle +que forment l'avenue de Saint-Cloud et la rue de la Pompe, aboutissant +sur celle du Plessis. Il était donc sur le chemin qui conduisait à la +forêt de Saint-Léger-en-Yveline, à l'époque où la chaussée d'Auteuil et +l'ancien pont de bois, à Sèvres, n'existant pas encore, la grande route +de Paris à Brest passait par Saint-Cloud, d'où un chemin secondaire +partait et se dirigeait sur Ville-d'Avray, Montreuil, le territoire de +Versailles et les autres, jusqu'à cette forêt. Quoique engagé dans les +maisons voisines, ce pavillon était naguère encore facile à reconnaître +par la tourelle, ou lanterne, qui dominait et éclairait, un<a name="page_005" id="page_005"></a> grand +escalier, et qui, ensuite, forma la coupole de la synagogue qu'on y a +vue pendant quelques années. Je me souviens très-bien qu'en 1780, un +habile professeur d'écriture, Hachette, qui en occupait le premier +étage, et dont la classe fort élevée et très-spacieuse donnait en partie +sur la rue de la Pompe, nous dit plusieurs fois que cette pièce avait +été la chambre à coucher de Louis XIII. Cette partie conservée du +pavillon a seulement subi quelques changements dans sa distribution +intérieure. De plus, <i>le Cicerone</i> de 1804 contient, dans sa description +des édifices de Versailles, ce passage remarquable:—<i>Le Pavillon +royal</i>.—On assure qu'une portion, celle où se trouve son vaste +escalier, est véritablement la première propriété de Louis XIII, qui en +faisait son retour de chasse avant l'acquisition de la terre +seigneuriale. Enfin M. Guignet, ancien architecte des bâtiments du roi à +Versailles, à qui j'ai communiqué mes observations, et qui les a +vérifiées, a adopté entièrement mon opinion.»</p> + +<p>M. Eckard ajoute qu'en 1627, Louis XIII, ayant jugé qu'aucun pays ne +pouvait présenter en aussi peu d'espace, plus de variété pour les +courses à cheval, dans lesquelles consiste le plaisir de la chasse à cor +et à cris, acheta de Jean de Soisy un fief et des terrains à Versailles, +et y fit élever <i>un petit château de cartes</i><a name="FNanchor_4_4" id="FNanchor_4_4"></a><a href="#Footnote_4_4" class="fnanchor">[4]</a> sur un monticule qui +était occupé par un<a name="page_006" id="page_006"></a> moulin à vent. Enfin, qu'en 1632, le roi fit +l'acquisition de la terre et seigneurie de Versailles, de Jean-François +de Gondi, archevêque de Paris, ainsi qu'il résulte du contrat cité par +Blondel. Donc en résumé: 1624, construction du Pavillon royal;</p> + +<p>1627, acquisition d'un fief de Jean de Soisy.—Louis XIII construit un +petit château sur l'emplacement du moulin, comme le point le plus +éminent. 1632, vente par l'archevêque de Paris, du vieux château et de +la seigneurie de Versailles.</p> + +<p>Ainsi, le travail de M. Eckard avait résolu la question et les trois +différentes dates de la fondation du château se trouvaient expliquées.</p> + +<p>En 1839, l'auteur de l'essai historique intitulé: <i>Versailles</i>, +<i>seigneurie</i>, <i>château et ville</i>, s'empressa d'adopter l'explication de +M. Eckard, surtout en ce qui concerne le Pavillon royal<a name="FNanchor_5_5" id="FNanchor_5_5"></a><a href="#Footnote_5_5" class="fnanchor">[5]</a>. Quant au +château qui n'aurait été commencé qu'en 1627, l'auteur de <i>Versailles</i>, +<i>seigneurie</i>, <i>château et ville</i> se demande si c'est bien à ce château +qu'il faut attribuer le mot de<a name="page_007" id="page_007"></a> <i>chétif Versailles</i>, prononcé par +Bassompierre, ainsi que l'ont fait beaucoup d'autres auteurs et M. +Eckard lui-même? Si l'on adopte, en effet, l'opinion de l'abbé Lebeuf, +qui donne cette année 1627 comme celle où Louis XIII fit commencer la +construction du château sur les terrains vendus à cette époque par Jean +de Soisy, il est impossible de ne pas supposer que Bassompierre se soit +trompé en parlant d'un château n'existant pas encore; et cependant le +récit de Bassompierre est positif. Voici ce que l'on trouve dans le +journal de sa vie<a name="FNanchor_6_6" id="FNanchor_6_6"></a><a href="#Footnote_6_6" class="fnanchor">[6]</a>.</p> + +<p>Après avoir raconté, jour par jour, ce qui lui était arrivé pendant le +mois de décembre 1626, il ajoute:</p> + +<p>«Les choses étoient en cet état, lorsque nous entrâmes en l'année 1627, +au commencement de laquelle le roy fit tenir une assemblée de notables, +en laquelle il me fit l'honneur de me choisir pour y estre un des +présidents. Monsieur, frère du roy, fut le chef et le premier, et +ensuite M. le cardinal de la Valette, le maréchal de la Force et moi.»</p> + +<p>Bassompierre indique ensuite la composition de cette assemblée; puis, +après avoir parlé des divers objets mis en délibération, il raconte +qu'il lui arriva peu d'occasions de parler: «Hormis une seule fois, +dit-il, que nous estant proposé si le roy cesseroit<a name="page_008" id="page_008"></a> ses bastimens +jusques dans une meilleure saison, et que ses finances fussent en +meilleur estat, M. d'Osembray fut d'advis que l'on le devoit conseiller +au roy.»</p> + +<p>Il crut alors devoir prendre la parole, et prononça un discours qu'il +donne en son entier. C'est dans ce spirituel discours, épigramme adroite +contre la parcimonie de Louis XIII, parcimonie dont il se servit +habilement pour faire changer d'avis tous ceux qui avaient déjà voté +pour la proposition de M. d'Osembray, que se trouve ce fameux mot de +<i>chétif château de Versailles</i>, cité depuis si diversement. Après avoir +fait observer qu'il n'est pas nécessaire de conseiller à Louis XIII de +ne point faire une chose qu'il ne fait pas, il ajoute: «Le feu roy nous +eust pû demander cet advis, et nous eussions eu loisirs de le lui +donner, car il a employé des sommes immenses à bastir. Nous avons bien +pû connoistre en celui-cy la qualité de destructeur, mais non +d'édificateur. Saint-Jean-d'Angely, Clérac, Les Tonnains, Monheur, +Négrepelisse, Saint-Antonin, et tant d'autres places rasées, démolies ou +bruslées, me rendent preuve de l'un et le lieu où nous sommes, auquel, +depuis le décès du feu roy son père, il n'a pas ajouté une seule +pierre<a name="FNanchor_7_7" id="FNanchor_7_7"></a><a href="#Footnote_7_7" class="fnanchor">[7]</a>; et la suspension qu'il a faite depuis seize années au +parachèvement de ses autres bastimens commencez, me font voir clairement +que son inclination n'est point portée à bastir, et que les finances de +la France<a name="page_009" id="page_009"></a> ne seront point épuisées par ses somptueux édifices; si ce +n'est qu'on lui veuille reprocher le <i>chétif chasteau de Versailles</i>, de +la construction duquel un simple gentilhomme ne voudroit pas prendre +vanité.» Dans cette assemblée des notables, furent traités les plus +grands intérêts de l'État. Elle tient une place importante dans le règne +de Louis XIII, et ne peut être mise en doute, pas plus que le discours +si remarquable qu'y prononça Bassompierre, et qu'il ne pouvait avoir +oublié lorsqu'il écrivit ses mémoires très-peu d'années après<a name="FNanchor_8_8" id="FNanchor_8_8"></a><a href="#Footnote_8_8" class="fnanchor">[8]</a>. Aussi +l'auteur de <i>Versailles</i>, <i>seigneurie</i>, <i>château et ville</i>, pense-t-il +que ce discours, prononcé au commencement de 1627, n'a dû s'appliquer +qu'au Pavillon royal, bâti dès 1624. Mais cependant, peu certain que le +maréchal de Bassompierre ait parlé avec tant d'assurance d'une maison si +peu importante, il ajoute: «Ou bien si l'on veut que Bassompierre ait +appliqué son mot de <i>chétif</i> au château bâti sur le tertre de Jean de +Soisy, il faudra convenir que son discours aura été fait après coup, +c'est-à-dire depuis 1631, époque où le maréchal fut enfermé à la +Bastille, et où il commença pour se désennuyer, et fort souvent de +mauvaise humeur, à écrire les mémoires qu'il a laissés; il aura donc +donné l'épithète de chétif au nouveau château, par la raison que tout ce +que devait faire le roi, alors sous l'influence de Richelieu, l'ennemi +juré du maréchal,<a name="page_010" id="page_010"></a> devait paraître, aux yeux de ce dernier, mauvais, +tyrannique ou chétif, et le pauvre château aura été enveloppé dans une +commune disgrâce avec les actes despotiques du cardinal.»</p> + +<p>Il paraît donc à peu près certain, d'après tout ce que nous venons de +rapporter, que Louis XIII avait une habitation à Versailles dès l'année +1624, et certainement avant 1627. Cette habitation, Blondel assure +qu'<i>elle était élevée sur le lieu le plus éminent, et où était situé +ci-devant un moulin à vent</i>, par conséquent à la place même où se trouve +le château actuel, tandis que M. Eckard, et après lui l'auteur de +<i>Versailles</i>, <i>seigneurie</i>, <i>château et ville</i>, pensent que c'était le +Pavillon royal; c'est pour éclairer cette question que nous nous sommes +livré à quelques recherches, qui nous ont procuré la connaissance de +nouveaux documents propres à la résoudre.</p> + +<p>M. Eckard, lorsqu'il écrivit son livre sur Versailles, fit de nombreuses +visites aux Archives du royaume et aux Archives de la couronne, pour +avoir quelques renseignements sur les faits dont il s'agit; mais là +comme à Versailles, il ne put trouver aucun acte, aucun titre qui se +rapportât aux acquisitions de Louis XIII à Versailles; ce qui lui fit +penser «que les contrats primordiaux, soit du vieux château et de la +seigneurie de Versailles, soit du fief vendu par Jean de Soisy, ont été +détruits, de même qu'une foule d'autres documents plus importants encore +pour notre histoire l'ont été dans toute la France,<a name="page_011" id="page_011"></a> parce qu'ils +établissaient des droits féodaux et des redevances seigneuriales +supprimés, sans indemnité, par différents décrets.»</p> + +<p>«En effet, une loi du 17 juillet 1793, a ordonné le brûlement de tous +les titres énonciatifs de ces droits, et existants entre les mains des +anciens seigneurs, ou qui, pour les domaines nationaux, avaient été +déposés dans les secrétariats des districts. Or, cette loi, qui +prononçait cinq années de fers contre ceux qui auraient caché ou +soustrait et recelé des minutes, ou des expéditions des actes qui +devaient être brûlés, fut rigoureusement exécutée à Versailles, d'où +relevaient en outre trente-quatre seigneuries.»</p> + +<p>Il était donc nécessaire de suivre une autre direction dans les +recherches nouvelles que l'on voulait faire sur ce sujet; et comme il +s'agissait surtout de constater l'époque de la construction du Pavillon +royal, regardé comme la première habitation de Louis XIII, ce fut +particulièrement de ce côté que nous portâmes nos investigations.</p> + +<p>Nous nous adressâmes au propriétaire de ce pavillon, M. Peert, avoué à +Versailles, et grâce à son extrême obligeance, nous avons trouvé, parmi +les titres de propriété, deux pièces qui établissent d'une manière +positive l'époque de la construction du <i>Pavillon royal</i>.</p> + +<p>La première de ces pièces est ainsi conçue:</p> + +<p>«Don de place à Versailles pour les héritiers de la veuve Hérault.<a name="page_012" id="page_012"></a></p> + +<p>»Aujourd'hui, 2 aoust mil sept cent un, le Roy étant à Versailles, les +héritiers de la veuve Hérault lui ont fait représenter que Sa Majesté +lui auroit accordé, il y a environ 25 ans, une place scize en ce lieu, +sur laquelle elle a fait bastir une maison appelée le <i>Pavillon royal</i>; +mais comme il ne luy en a pas été expédié de brevet pour en assurer la +propriété à ses héritiers, ils l'ont très-humblement suppliée de vouloir +sur ce leur pourvoir, à quoy ayant égard, Sa Majesté a, en tant que de +besoin, accordé et fait don aux héritiers de ladite veuve Hérault de +ladite place, contenant 24 toises 4 pieds de face sur la rue de la +Pompe, 29 toises de face sur l'avenue de Saint-Cloud, 3 toises 2 pieds +de face à la pointe aboutissant par le côté opposé à ladite pointe, au +mur de l'hostel de Guise, et ayant 17 toises de profondeur, le long +dudit mur, à la charge par eux de payer au domaine de Versailles le +droit de cens sur le pied de 5 sols par arpens, au jour de Saint-Michel, +et d'entretenir en bon état et cimétrie la maison qui y a été bastie, et +pour assurance de sa volonté, Sa Majesté m'a commandé de leur en +expédier le présent brevet, qu'elle a signé de sa main et fait +contresigner par moy, conseiller secrétaire d'État et de ses +commandements et finances, signé: Louis et plus bas Phelypeaux; et au +dos est écrit: Paraffé <i>ne varietur</i>, au désir du partage passé devant +les notaires soussignés, ce 20 mars 1720. Signé: Bergeret, Delaroche, +Delaroche avec Besnier et Junot,<a name="page_013" id="page_013"></a> notaires, en l'original des présentes, +paraffé et demeuré annexé à la minute d'un partage passé devant les +notaires soussignés, ce 20 mars 1720, dont la minute envers ledit Junot. +Signé: Besnier et Junot, avec paraffes et scellé ledit jour.»</p> + +<p>La deuxième donne le plan du terrain, et au milieu est écrit:</p> + +<div class="figcenter" style="width: 550px;"> +<a href="images/illpg_013.png"> +<img src="images/illpg_013-petite.png" width="550" height="287" +alt="plan du terrain" title="plan du terrain" /></a> +</div> + +<p>«Le Roy a accordé, il y a environ 25 ans, à la veuve Hérault une place +scize à Versailles, ayant 24 toises 4 pieds de face sur la rue de la +Pompe, 29 toises de face sur l'avenue de Saint-Cloud, 3 toises 2 pieds +de face à la pointe où se joignent ladite rue de la Pompe avec ladite +avenue, aboutissant par le côté opposé à ladite pointe, au mur de +l'hostel de Guise, et ayant 17 toises de profondeur le long dudit mur, +le tout ou environ, sur laquelle place elle a fait bastir une maison +appelée le <i>Pavillon royal</i>, suivant les décorations réglées par Sa +Majesté, dont n'ayant point eu ci-devant de brevet, Sa Majesté m'a<a name="page_014" id="page_014"></a> +commandé de donner le présent certificat aux héritiers de ladite veuve +Hérault, pour obtenir sur iceluy tous brevets nécessaires.</p> + +<p>«Fait à Versailles, le 10 juillet 1701, signé: Hardouin Mansart.»</p> + +<p> +<br /> +</p> + +<p>Et plus bas: «Première inventoriée.»</p> + +<p> +<br /> +</p> + +<p>Deuxième, et au dos est écrit: «Paraffé <i>ne varietur</i>, au désir du +partage passé devant les notaires soussignés, ce 20 mars 1720. Signé: +Delaroche, Bergeret, Delaroche avec Besnier et Junot, notaires.</p> + +<p>»Est l'original des présentes demeuré annexé à la minute d'un partage, +passé devant les notaires soussignés, dont Junot, l'un d'eux, a la +minute, ce 20 mars 1720. Signé: Besnier et Junot, avec paraffes, et +scellés ledit jour.»</p> + +<p>Il résulte de ces documents authentiques, que M. Eckard se trompe quand +il affirme que le Pavillon royal a été bâti par Louis XIII; que ce +pavillon, l'une des plus anciennes maisons de Versailles, ne remonte +cependant qu'à l'année 1676, c'est-à-dire au règne de Louis XIV, et que +ce qui a sans doute induit en erreur M. Eckard, et avant lui le +<i>Cicerone de Versailles</i>, sur l'origine de ce bâtiment, c'est le nom de +<i>Pavillon royal</i>, qu'on lui supposait venir du séjour qu'y aurait fait +anciennement Louis XIII, tandis que les pièces citées prouvent que ce +nom lui a été donné au moment de sa construction par la veuve Hérault, +probablement pour le distinguer des<a name="page_015" id="page_015"></a> hôtels des grands seigneurs qui +l'environnaient de tous côtés.</p> + +<p>Il reste donc établi, par tout ce qui précède, que Louis XIII avait une +habitation, à Versailles avant l'année 1627, date à laquelle l'abbé +Lebeuf fait remonter la vente du fief de Jean de Soisy; que cette +habitation, n'est point le <i>Pavillon royal</i>, ainsi que le croyait +l'auteur des <i>Recherches sur Versailles</i>; et qu'alors il faut bien en +revenir à l'opinion de Blondel, établissant comme certain que, dès +l'année 1624, <i>Louis XIII avait commencé à y bâtir un rendez-vous de +chasse, qu'il avait élevé sur le lieu le plus éminent, et où était situé +ci-devant, un moulin à vent</i>.</p> + +<p>Quant à la date de 1632, Louis XIII ne devint véritablement seigneur de +Versailles qu'à cette époque, en achetant de l'archevêque de Paris la +terre et seigneurie de Versailles.</p> + +<p>Louis XIII aimait beaucoup Versailles; il y prolongeait ses séjours +pendant la saison des chasses; aussi le <i>Rendez-vous</i> devint une +habitation qui alla en s'agrandissant jusqu'à la fin de son règne.</p> + +<p>Ce château, construit par <i>Lemercier</i>, architecte, du roi, était flanqué +de quatre pavillons bâtis de pierres et de briques, avec un balcon de +fer tournant tout autour, et dégageant les appartements du premier +étage. Suivant l'usage de ce temps, quelques moyens de défense le +mettaient à l'abri d'un coup de main.<a name="page_016" id="page_016"></a></p> + +<p>Une fausse braie ou basse enceinte l'entourait et était précédée d'un +fossé à fond de cuve, revêtu de briques et de pierres de taille, terminé +par une balustrade. Ce petit édifice était environné de bois, de plaines +et d'étangs, dont la nature faisait seule les frais<a name="FNanchor_9_9" id="FNanchor_9_9"></a><a href="#Footnote_9_9" class="fnanchor">[9]</a>.</p> + +<p>Tel était encore le château de Louis XIII, lorsque, au mois de novembre +1630, s'y passa le curieux événement qui porte dans l'histoire le nom de +<i>journée des Dupes</i>.</p> + +<p>Ce fut le seul événement politique de quelque importance qui eut lieu +dans le château de Versailles pendant le règne de Louis XIII; il est +donc intéressant de s'y arrêter un moment, d'autant plus qu'il va servir +à faire reconnaître quelques-unes des distributions du château à cette +époque.</p> + +<p>Dans le mois de septembre 1630, Louis XIII venait de diriger sur +l'Italie une armée considérable: «Toutes les troupes avaient passé par +Lyon, et le roi les avait voulu voir l'une après l'autre. S'y trouvant +beaucoup de soldats bien nouveaux et mal façonnés au métier, pour les +mieux former, il montrait à quelques-uns comment il fallait porter et +manier les armes, y prenant un singulier plaisir. Il ne s'occupait pas à +ceci, néanmoins, sans beaucoup de travail, s'y adonnant pendant la +chaleur du jour le plus souvent, et pendant les pluies et le mauvais +temps. Le vingt-deuxième <a name="page_017" id="page_017"></a>jour du mois de septembre, sur les deux à +trois heures après midi, ayant été toute la matinée bien gai, il se +sentit attaqué d'un frisson qui fut suivi d'une fièvre continue, avec +des redoublements chaque nuit, qui donnèrent à ses gens de bien grandes +appréhensions, sans qu'on lui fît connaître que la fièvre dont il était +atteint fût si maligne<a name="FNanchor_10_10" id="FNanchor_10_10"></a><a href="#Footnote_10_10" class="fnanchor">[10]</a>.» La maladie du roi allait toujours en +augmentant; les médecins en désespéraient, et avaient même dit qu'il ne +passerait pas le 30 septembre. A chaque instant on croyait le voir +expirer, lorsque <i>Sénéles</i>, médecin du commun de la reine, proposa de +lui administrer un remède qui, disait-il, devait, en moins de quatre +heures, ou sauver le roi ou le faire périr. «Les deux reines, dit +Valdori<a name="FNanchor_11_11" id="FNanchor_11_11"></a><a href="#Footnote_11_11" class="fnanchor">[11]</a>, qui raconte ce fait, voyant l'une son fils, l'autre son +époux sans espérance, et entièrement abandonné des médecins, +consentirent à faire l'épreuve, laquelle réussit si heureusement que ce +monarque, déjà à demi mort, revint dans peu en convalescence<a name="FNanchor_12_12" id="FNanchor_12_12"></a><a href="#Footnote_12_12" class="fnanchor">[12]</a>.»</p> + +<p>La reine Anne d'Autriche était depuis longtemps fort en froid avec Louis +XIII; les soins qu'elle lui rendit dans le cours de sa maladie avaient +amené<a name="page_018" id="page_018"></a> entre eux une espèce de réconciliation. Anne en profita pour +seconder sa belle-mère, Marie de Médicis, dans la guerre que celle-ci +avait déclarée au cardinal de Richelieu. On ne laissa pas respirer le +roi pendant sa pénible convalescence. Les deux reines profitèrent de sa +faiblesse, l'étourdirent de violentes accusations contre Richelieu, qui, +selon elles, n'avait entrepris cette guerre que pour se rendre +nécessaire, et avait ainsi sacrifié la santé et la vie du roi à son +ambition; Louis XIII ne trouva d'autre moyen de se débarrasser des +obsessions de sa mère qu'en lui promettant de prendre un parti définitif +après son retour à Paris.</p> + +<p>Le roi ne tarda pas à quitter Lyon. «Il en sortit sur un brancard, dit +Ch. Bernard<a name="FNanchor_13_13" id="FNanchor_13_13"></a><a href="#Footnote_13_13" class="fnanchor">[13]</a>, pour aller prendre la rivière à <i>Rouane</i>, d'où il +arriva en peu de temps à Briare et de là à Versailles, maison qu'il +avait fait bâtir à quatre lieues de Paris et à deux lieues de +Saint-Germain-en-Laye. «Elle était petite, pour n'y admettre que peu de +gens et n'être point troublé dans le repos qu'il cherchait loin des +importunités de la cour, et afin d'être plus libre dans l'exercice de +ses chasses, lorsqu'il s'y voulait adonner.» Il fut là quelque temps et +alla après à Saint-Germain, ne pouvant loger dans son Louvre à Paris, +d'autant que l'on travaillait à la grande salle, dont jusqu'alors le +plancher n'avait été construit que de poutres et de solives, qui +offraient si peu de<a name="page_019" id="page_019"></a> sûreté que lorsqu'on s'y réunissait l'on était +obligé d'y mettre des étais, et que Sa Majesté avait ordonné de +remplacer par des voûtes en pierre.»</p> + +<p>A peine arrivée à Paris, Marie de Médicis recommence ses instances +auprès du roi, pour faire éloigner le cardinal. Louis oppose une vive +résistance aux importunités de sa mère, et insiste sur le besoin qu'il a +des services de Richelieu. Marie paraît d'abord se rendre; mais, +toujours poussée par sa haine contre le premier ministre, elle se résout +enfin à prendre un parti décisif. Cet événement est raconté comme il +suit par l'auteur des <i>Anecdotes du ministère du cardinal de Richelieu</i>:</p> + +<p>«La reine-mère ayant résolu de mettre le feu le jour de saint Martin, 11 +novembre 1630, à la mine qu'elle avait creusée, pour faire sauter en +l'air et détruire jusqu'aux fondements de la fortune du cardinal, et +ayant pris ses mesures, pour mieux effectuer son dessein, de se trouver +seule avec le roi son fils, afin de lui faire toucher au doigt et à +l'œil, pour me servir de ses propres termes, toutes les fautes énormes +que ce prélat avait commises pendant son ministère, les dommages et le +préjudice que l'État en avait souffert, la mine joua et eut un succès +bien différent de celui qu'elle et ceux qui l'avaient aidée à la +fabriquer avaient espéré, car elle écrasa tous les architectes qui en +avaient donné le plan, et ensevelit sous ses ruines tous ceux qui +avaient contribué à sa construction.<a name="page_020" id="page_020"></a></p> + +<p>»Mais cette intrigue mérite bien que l'on fasse un détail un peu +circonstancié d'une scène qui fait la plus curieuse époque du règne de +Louis XIII, et qui à fait donner le nom de <i>journée des dupes</i> au jour +où elle se passa.</p> + +<p>»La reine-mère étant donc convenue avec le roi son fils qu'il la +viendrait voir le jour de saint Martin, dans la matinée, à son palais du +Luxembourg, à l'insu du cardinal, feignit d'avoir pris médecine ce +jour-là, afin d'avoir un prétexte apparent de défendre l'entrée de sa +chambre à qui que ce fût, pour pouvoir entretenir ce monarque en +particulier plus à son aise. Ce prince faisait cependant cette visite +secrètement, de concert avec son premier ministre, du moins à ce qu'en +publia pour lors la renommée; mais, quoi qu'il en soit, cette princesse +mit en ce moment tout en usage, et employa tout l'art du monde pour +persuader à son fils qu'il était trompé et trahi par le cardinal. Elle +lui fit là-dessus une longue énumération de toutes les fautes, de toutes +les bévues et de tous les manquements de ce ministre. Elle fit ensuite +tous ses efforts, pour tirer parole de lui qu'il le chasserait, qu'il ne +l'admettrait jamais plus à ses conseils. Elle n'eut aucun scrupule +d'exiger du roi, au milieu des acclamations publiques qu'il recevait +pour son heureuse convalescence et l'heureux succès de ses armes en +Italie, où ce prélat avait eu tant de part, une chose aussi honteuse +pour sa réputation, qui était celle de sacrifier un si digne<a name="page_021" id="page_021"></a> serviteur, +et de le faire servir de victime au ressentiment de sa mère, et de faire +voir à toute l'Europe, par la disgrâce de celui qui était l'âme de tous +ses conseils, qu'il se repentait de ce qu'il avait fait pendant tout le +temps qu'il avait été son premier ministre. Comme la reine était au plus +fort de son discours, et qu'elle pressait vivement son fils de lui +accorder ce qu'elle désirait de lui avec tant d'instances, le cardinal +entra brusquement dans sa chambre; il en avait trouvé, à la vérité, la +porte fermée, avec défenses très-expresses à l'huissier de l'ouvrir à +personne et surtout à lui, s'il s'y présentait; mais comme il +connaissait toutes les issues de ce palais, il s'en fut à la garde-robe +de cette princesse, et se fit introduire par là dans la chambre, ayant +gagné pour cet effet une de ses femmes nommée <i>Zuccole</i>, qui, étant dans +la confidence de sa maîtresse, était restée seule de garde en cet +endroit-là<a name="FNanchor_14_14" id="FNanchor_14_14"></a><a href="#Footnote_14_14" class="fnanchor">[14]</a>. Voilà de quelle manière il parvint jusqu'au lieu<a name="page_022" id="page_022"></a> où la +mère et le fils s'entretenaient tête à tête sur son sujet et où il +servait d'ample matière à leur conversation. Ce fut la faute de la +reine, si elle fut ainsi interrompue; car ses plus fidèles domestiques +lui avaient conseillé, pour obvier à toutes sortes d'inconvénients, de +faire fermer cette porte de communication dans sa chambre, et d'en tenir +elle-même les clefs sous sa main.»</p> + +<p>L'auteur des <i>Anecdotes</i> raconte ensuite la scène qui eut lieu entre la +reine Marie de Médicis et le cardinal, la soumission apparente de +Richelieu, les cris et les emportements de la reine; puis il ajoute: «Le +cardinal se tourna du côté du roi et le supplia de vouloir bien lui +permettre de se retirer quelque part pour y passer le reste de ses jours +en repos, n'étant pas juste que Sa Majesté se servît de lui et le +continuât dans le ministère contre les volontés de la Reine. A ces +paroles, ce monarque, témoignant avoir envie de déférer aux désirs de sa +mère, lui accorda sa demande et lui ordonna de sortir. Il ne fut plus +question que du choix d'un nouveau ministre; mais cette princesse, qui +l'avait déjà désigné en elle-même, proposa à son fils le garde des +sceaux, de Marillac, dont le roi approuva l'élection et consentit qu'il +fût<a name="page_023" id="page_023"></a> revêtu de la dignité de premier ministre. Après quoi la mère et le +fils se séparèrent.</p> + +<p>»La reine, pleine de joie et de contentement, resta dans son palais du +Luxembourg, s'applaudissant en elle-même d'avoir si bien réussi dans son +dessein. Le bruit de la disgrâce du cardinal et de l'élévation de +Marillac s'étant répandu dans un instant de tous côtés, les affections +des courtisans changèrent d'objets dans le moment, la faveur ayant +coutume d'attirer à soi les cœurs, de même que la lumière d'un nouvel +astre attire les regards de tout le monde; aussi le cardinal se vit tout +d'un coup délaissé de toute la cour, à l'exception de ses parents et +d'un petit nombre d'amis qui étaient le plus avant dans sa confidence.</p> + +<p>»Le roi, au partir du Luxembourg, s'en alla tout droit à son château de +Versailles, où la reine-mère ne le suivit point, contre le sentiment de +tous ses serviteurs, et particulièrement du vicomte <i>Fabroni</i>, qui lui +conseillait d'y accompagner son fils et de ne le point perdre de vue +qu'elle n'eût mis la dernière main à la disgrâce du cardinal, et qu'elle +ne l'eût fait chasser de Paris et de la cour. Énivrée de sa prospérité +présente, elle en voulut goûter toutes les douceurs, et s'amusa à +recevoir les compliments et les congratulations que tout Paris lui +venait faire sur le recouvrement de son autorité perdue. Mais, tandis +qu'elle avalait à longs traits le doux poison de la flatterie, qu'elle +écoutait avec plaisir toutes les louanges<a name="page_024" id="page_024"></a> qu'un chacun lui donnait sur +l'admirable conduite qu'elle avait tenue dans cette affaire, et qu'elle +disposait déjà des principaux emplois de l'État en faveur de ses +confidents, le cardinal de Richelieu, conseillé et encouragé par le +cardinal de la Valette, qui vivait dans une étroite amitié avec lui, de +faire une dernière tentative auprès du roi pour essayer de se maintenir +dans le poste qu'il occupait, en dépit de ses ennemis, et de ne leur pas +céder une victoire si aisée, s'en fut trouver ce prince à Versailles.</p> + +<p>«Entre plusieurs raisons dont ce véritable ami se servit pour lui +persuader ce voyage, il employa celle de ce commun proverbe des +Français, que, <i>qui quitte la partie la perd</i>. Le cardinal et le garde +des sceaux de Marillac arrivèrent en même temps à la cour: le premier +sous prétexte de prendre congé de Sa Majesté, et le second à dessein de +remplir sa place et de prendre possession de l'emploi de premier +ministre; <i>les fourriers lui avaient déjà marqué dans le château le +logement qui était attaché aux fonctions de cette charge</i>; mais les +choses changèrent bientôt de face, et bien des gens furent pris pour +dupes. On reconnut alors que les courtisans s'étaient lourdement abusés +dans l'empressement qu'ils avaient témoigné à congratuler le nouveau +ministre, et que le cœur et la conduite des princes sont impénétrables; +car le cardinal de Richelieu ayant été bien servi auprès du roi par M. +de Saint-Simon, qui était lors son favori, il arriva que, comme ce +premier ministre prenait congé<a name="page_025" id="page_025"></a> de lui en compagnie du cardinal <i>de la +Valette</i>, Sa Majesté, au lieu de lui octroyer la permission qu'il lui +demandait de se retirer, lui ordonna, au contraire, de demeurer et de +continuer l'exercice de son emploi, lui disant de plus «de ne point +s'inquiéter, qu'il trouverait bien le moyen d'apaiser sa mère, et de la +faire consentir à ce qu'il faisait, en ôtant d'auprès d'elle les +personnes qui lui donnaient de pernicieux conseils.»</p> + +<p>»Cette scène se passa publiquement dans la chambre du roi; mais le +cardinal avait été secrètement introduit, un peu avant, <i>par un escalier +dérobé dans le cabinet de ce monarque</i>, avec lequel il avait eu un assez +long entretien qui avait produit tout l'effet qu'il en pouvait attendre; +car ce prince, persuadé, par toutes les raisons qu'il lui avait +alléguées pour sa justification, qu'il était fidèlement et uniquement +attaché à sa personne et au bien de son royaume, lui avait redonné son +affection et toute sa confiance. Il était, de plus, convenu avec lui de +toutes les choses qui se passèrent ensuite dans sa chambre, afin que la +victoire qu'il remportait sur ses ennemis en parût plus éclatante. Ce +fut M. de Saint-Simon qui lui rendit un service si important, en +ménageant cette secrète entrevue entre Sa Majesté, et en le conduisant +lui-même, à l'insu de tout le monde, dans le cabinet du roi.»</p> + +<p>Charles Bernard, racontant le même fait dans son Histoire de Louis XIII, +dit: «Le roi, qui recognoissait<a name="page_026" id="page_026"></a> bien d'où le mal pouvoit venir, résolut +de le terminer. Il savoit qui estoient les artisans de ces divisions, si +bien que s'en allant en sa maison de Versailles, il commanda au cardinal +et au garde des sceaux, chacun à Paris, de l'y suivre. Il n'avoit encore +mené en ce lieu pas un conseil, ayant fait bastir cette petite maison +pour se distraire entièrement des affaires....</p> + +<p>»Cependant, les deux personnages qui estoient les premiers du conseil du +roy, pour obéir au commandement de Sa Majesté, le suivirent et eurent un +divers événement de leur arrivée: le garde des sceaux ayant eu +commandement d'aller <i>loger à Glatigny</i>, le roy lui ayant fait dire +qu'il lui ferait le lendemain savoir sa volonté; au lieu que le cardinal +fut logé dans le chasteau de Versailles, sous la chambre du roy, en +celle où l'on avoit coutume de loger M. le comte de Soissons<a name="FNanchor_15_15" id="FNanchor_15_15"></a><a href="#Footnote_15_15" class="fnanchor">[15]</a>, et dès +le soir il entra en conseil avec Sa Majesté.»</p> + +<p>Telle fut cette <i>journée</i>, dans laquelle les Marillac<a name="FNanchor_16_16" id="FNanchor_16_16"></a><a href="#Footnote_16_16" class="fnanchor">[16]</a>, les Guise, la +princesse de Conti et les autres partisans de la reine-mère, qui se +croyaient arrivés au sommet des grandeurs par la chute du cardinal, se<a name="page_027" id="page_027"></a> +virent, les uns destitués de leurs emplois; d'autres chassés de la cour, +et plusieurs emprisonnés.</p> + +<p>«Le pauvre maréchal de Bassompierre lui-même, dit Valdori, tout fin et +délié courtisan qu'il était, se trouva, par les engagements qu'il avait +avec l'incomparable princesse de Conti, compris au nombre des +malheureux. Il fut envoyé à la Bastille, d'où il ne sortit, qu'après la +mort du cardinal.»</p> + +<p>Ce récit éclaire plusieurs détails intéressants du château de +Versailles. Et d'abord, on voit que Louis XIII avait fait bâtir une +petite maison <i>pour n'y admettre que peu de gens et n'être point troublé +dans le repos qu'il y cherchait loin des importunités de la cour</i>; et, +par conséquent, on conçoit très-bien que Bassompierre ait pu l'appeler +le <i>chétif château de Versailles</i>. Ce fut plus tard, et quand il eut +acheté le domaine de Versailles de Jean-François de Gondi, qu'il y +ajouta de nouvelles constructions et en fit un palais de quelque +importance.</p> + +<p>Ce qui vient d'être dit peut aussi servir à retrouver dans le château +quelques anciennes distributions existant encore aujourd'hui.</p> + +<p>Quand Louis XIV fit faire ses grands travaux de Versailles, il voulut +conserver religieusement le château de son père. Dans les premières +années de son règne, il fit commencer les embellissements des jardins, +et y donna les grandes fêtes de 1664 et 1668; la distribution des +appartements du château de Louis XIII était restée la même, et les +chefs-d'œuvre<a name="page_028" id="page_028"></a> de peinture et de sculpture que Louis XIV commençait à y +accumuler, étaient tout ce que l'on y voyait de nouveau.</p> + +<p>En 1671, Félibien, historiographe des bâtiments du roi, donna la +première description du château de Versailles et des embellissements +qu'y faisait exécuter Louis XIV. On voit dans cette description que la +pièce du milieu, qui devint plus tard la chambre à coucher de Louis XIV, +et dans laquelle mourut ce roi, formait alors un salon comme au temps de +Louis XIII; que ce qui est devenu depuis le salon de l'Œil-de-Bœuf, +était divisé en deux pièces, dont l'une, la plus près du salon central, +formait la chambre à coucher du roi, et dont l'autre était un cabinet ou +antichambre; que dans cette antichambre ouvrait un escalier dérobé +communiquant avec les appartements du rez-de-chaussée. Ces pièces, de +l'ancien château de Louis XIII, étaient donc restées comme au temps de +ce roi.</p> + +<p>Voyons dans le récit précédent ce qui se rapporte aux appartements du +château.</p> + +<p>«Cette scène, dit Valdori, se passa publiquement dans la chambre du roi; +mais le cardinal avait été secrètement introduit, un peu auparavant; par +un escalier dérobé, dans le cabinet de ce monarque.»</p> + +<p>Charles Bernard ajoute de son côté: «Que le cardinal fut logé dans le +château de Versailles, sous la chambre du roi, en celle où l'on avoit +coustume de<a name="page_029" id="page_029"></a> loger M. le comte de Soissons, et que dès le soir il entra +en conseil avec Sa Majesté.»</p> + +<p>Ainsi l'appartement <i>où l'on avait coutume de loger M. le comte de +Soissons</i>, comme grand-maître de la maison du roi, était au-dessous de +la chambre à coucher de Louis XIII; conséquemment à l'endroit occupé +aujourd'hui par la salle des portraits des rois de France, et c'est là +que Richelieu coucha la nuit de ce célèbre événement. L'<i>escalier +dérobé</i>, par lequel Saint-Simon vint le chercher pour le conduire dans +le <i>cabinet du roi</i>, existe encore dans un petit couloir placé à l'angle +sud-ouest de cette salle, et aboutit au premier étage à l'angle +correspondant du salon de l'Œil-de-Bœuf, et par conséquent à la partie +du cabinet précédant la chambre à coucher du roi. Il est donc évident +que dans l'état actuel du château de Versailles, et malgré toutes les +transformations qu'il a subies depuis son origine, on peut suivre +encore, dans ses détails les plus intéressants, la principale scène de +cette grande comédie historique appelée <i>la journée des dupes</i><a name="FNanchor_17_17" id="FNanchor_17_17"></a><a href="#Footnote_17_17" class="fnanchor">[17]</a>.<a name="page_030" id="page_030"></a></p> + +<h3><a name="II" id="II"></a>II<br /><br /> +LA NAISSANCE DU DUC DE BOURGOGNE.<br /> +<br /> +1682.</h3> + +<p class="c">————</p> + +<p>Anne-Marie-Victoire de Bavière, princesse d'une constitution délicate, +épousa, au mois de janvier 1680, le dauphin, fils de Louis XIV. La +première année de ce mariage ne fut qu'une longue série de fêtes pour la +jeune dauphine. Mais quand, vers la fin de 1681, l'on eut la certitude +de sa grossesse, de grandes précautions, commandées par la faiblesse de +son organisation, lui furent imposées. Tout le monde s'intéressait à +cette princesse et attendait avec anxiété l'époque de sa délivrance. La +naissance d'un petit-fils était surtout le désir le plus ardent de Louis +XIV, et il voyait approcher ce moment avec une joie mêlée de quelques +inquiétudes.</p> + +<p>Une première pensée dut se présenter à lui dans une conjoncture aussi +grave: à qui remettrait-on le soin d'accomplir cette opération +importante? à un accoucheur ou à une sage-femme?</p> + +<p>Aujourd'hui le choix serait bientôt fait, ou plutôt<a name="page_031" id="page_031"></a> il n'y en aurait +pas. Mais il n'en était pas ainsi à cette époque. Les accoucheurs +n'étaient pas répandus comme ils le sont actuellement, et la science +obstétricale était presque entièrement confiée à des femmes. Non pas que +depuis longtemps d'illustres chirurgiens n'eussent pratiqué des +accouchements, mais en général c'était dans des cas exceptionnels et +difficiles, et dans l'ordre ordinaire des choses, l'on voyait les +accouchements confiés presque exclusivement à des sages-femmes. Déjà, +cependant, les femmes avaient moins de répugnance à se remettre dans les +mains des hommes, et quelques accoucheurs célèbres étaient parvenus à se +faire une brillante réputation parmi les dames de la cour, de la +magistrature et de la haute bourgeoisie. Mais le plus grand nombre des +femmes grosses choisissaient des accoucheuses pour les délivrer, et les +reines, Marie de Médicis, épouse de Henri IV; Anne d'Autriche, épouse de +Louis XIII; et Marie-Thérèse, épouse de Louis XIV, avaient été +accouchées par des femmes. Il semblait donc tout naturel que dans cette +circonstance, le roi choisît une sage-femme pour accoucher la dauphine. +Il n'en fut cependant pas ainsi, et un chirurgien fut chargé de cette +importante opération. On a déjà dit que la dauphine était d'une +constitution délicate, et que le roi redoutait beaucoup ce moment; il +voulut donc la remettre entre les mains d'un homme habile et ayant toute +sa confiance, et il désigna pour accoucheur <i>Clément</i>.<a name="page_032" id="page_032"></a></p> + +<p><i>Clément</i> (Julien) était alors l'accoucheur le plus célèbre de Paris. Né +en 1638, à Arles, il vint fort jeune à Paris pour étudier l'art des +accouchements. Gendre et élevé de <i>Lefebvre</i>, autre accoucheur en renom +de la même époque, il acquit bientôt une grande réputation; et par son +habileté et le talent qu'il montra dans quelques occasions dangereuses, +il contribua beaucoup à la véritable révolution qui fit préférer les +accoucheurs aux sages-femmes, révolution achevée surtout par le choix +que Louis XIV fit de lui pour la dauphine.</p> + +<p>La réputation de Clément ne l'avait pas seule indiqué au choix de Louis +XIV. Amené mystérieusement auprès de madame de Montespan quand elle mit +au monde le duc du Maine, il avait continué de l'assister dans ses +autres accouchements, et le roi avait pu ainsi apprécier ses +talents<a name="FNanchor_18_18" id="FNanchor_18_18"></a><a href="#Footnote_18_18" class="fnanchor">[18]</a>.</p> + +<p>L'accoucheur choisi, il fallait s'occuper de prendre une nourrice. +Celles-ci ne manquèrent point; et il en vint s'offrir de tous côtés. On +était dans l'usage de les choisir vers le septième mois de la grossesse.</p> + +<p>Peut-être paraîtra-t-il curieux de connaître les conditions exigées +alors pour être la nourrice d'un prince.—Elle devait être âgée de +vingt-deux à trente ans,—avoir un lait de trois mois,—avoir déjà fait +une nourriture étrangère,—être d'un tempérament sanguin,—avoir les +cheveux noirs ou<a name="page_033" id="page_033"></a> d'un châtain brun,—avoir une constitution forte et +robuste,—être assez grasse,—avoir bon appétit,—et n'être délicate ni +sur le boire, ni sur le manger,—être gaie et de bonne humeur,—avoir +toujours le mot pour rire,—n'être sujette à aucune incommodité,—ne +sentir mauvais ni de la bouche, ni des aisselles, ni des pieds,—n'avoir +point de dents gâtées et les avoir toutes,—avoir la peau blanche et +nette,—enfin avoir tous les signes d'une bonne santé.—Il fallait de +plus qu'elle fût assez jolie,—gracieuse dans son parler,—bien faite +dans sa taille,—ni trop grande, ni trop petite, ni bossue, ni boiteuse, +et qu'elle n'eût aucun accent prononcé.—Mais ce qu'on exigeait surtout, +c'était que la gorge fût bien faite et contînt suffisamment de +lait.—Quant au lait, on n'avait pas alors les moyens que l'on possède +actuellement pour juger de sa bonté, et l'on s'en rapportait à son +aspect et à son goût.</p> + +<p>Quand une nourrice réunissait toutes ces qualités, on exigeait encore +d'elle, et par-dessus tout, qu'elle fût de bonne vie et mœurs. C'était +sans doute, et c'est encore aujourd'hui une très-bonne précaution de +s'informer de la sagesse de la femme à laquelle on va confier son bien +le plus cher. Mais comment le savoir positivement? Et d'ailleurs, ne se +peut-il pas que quelque grave affection soit venue atteindre une +nourrice, sans que pour cela elle ait en rien manqué à une conduite sage +et réglée? Une histoire arrivée<a name="page_034" id="page_034"></a> dans une circonstance analogue, et +racontée par <i>Louise Bourgeois</i>, la célèbre accoucheuse de Marie de +Médicis, montre combien l'on peut être encore trompé malgré toutes ces +précautions: «La reine étant grosse de madame sa fille aînée, dit madame +Bourgeois, alla à Fontainebleau pour y faire ses couches, et partit en +octobre de Paris après la moitié du mois, où étant arrivée l'on avait +quantité de nourrices qui importunaient tellement le roi et la reine, et +tout le monde, que Leurs Majestés en remirent l'élection à +Fontainebleau, où il ne manqua d'en venir de tous côtés. L'on attendit +proche de l'accouchement de la reine à en faire l'élection. Il vint un +homme, lequel avait envoyé sa femme pour être nourrice, laquelle avait +une petite fille fort délicate et menue. La femme était bien honnête, et +de gens de bien, en faveur de quoi il se trouva des plus signalés +seigneurs de la cour qui en parlèrent d'affection aux médecins. Ce fut +une affaire qui me donna bien de la peine. Elle logea chez une de mes +amies, laquelle s'employa de bon cœur pour elle; elle me priait aussi +d'y faire ce que je pourrais. Je voyais son enfant extrêmement menu, +mais elle était appropriée à son avantage, de sorte que la hard parait +le fagot. Quand on m'en parlait, je ne pouvais répondre gaiement, à +cause que sa nourriture ne m'agréait guère. Je fus un jour, comme +j'avais coutume, la voir, où j'entendis nommer cette nourrice du nom de +son mari. Je me ressouvins que c'était le nom<a name="page_035" id="page_035"></a> d'un jeune homme que mon +mari<a name="FNanchor_19_19" id="FNanchor_19_19"></a><a href="#Footnote_19_19" class="fnanchor">[19]</a> avait traité de la v..., lequel avait voulu sortir sans +attendre qu'il eût été guéri.... Je fus bien empêchée et eusse voulu ne +l'avoir jamais vue.... Elle fut retenue, et aussitôt on fit état de +renvoyer toutes les autres; c'était l'heure du dîner. Je fis chercher M. +du Laurens<a name="FNanchor_20_20" id="FNanchor_20_20"></a><a href="#Footnote_20_20" class="fnanchor">[20]</a>, lequel était allé dîner en compagnie. Comme je vis qu'il +ne se trouvait pas, et qu'il n'eût pas été à propos de le dire quand les +autres nourrices eussent été renvoyées, je priai mademoiselle Cervage, +femme de chambre de la reine, de lui aller dire de ma part.... La reine +le dit aussitôt au roi, lequel dit tout haut «que des nourrices venaient +de loin pour le tromper», devant tout le monde. Il envoya chercher M. du +Laurens et les autres médecins, lesquels me vinrent trouver pour savoir +la vérité, et comment, si je vérifierais cela. Je leur dis le tout, et +que pour preuve, il y avait un valet de chambre de M. <i>de Beaulieu-Rusé</i> +qui, demeurant en notre logis, l'avait aidé à panser, qui en pourrait +dire la vérité, et un autre qui était chirurgien à Auxerre, qui avait +été en même temps chez nous. Comme cela fut vérifié, l'on fit une autre +élection de nourrice.»</p> + +<p>La conséquence à tirer de cette histoire, c'est que, malgré tous les +certificats, on peut encore être trompé; car, si le hasard n'avait pas +fait connaître à l'accoucheuse de la reine l'état antérieur du mari de<a name="page_036" id="page_036"></a> +cette femme, elle aurait été parfaitement acceptée pour nourrice de la +fille du roi. Ainsi donc, s'il est bon, en tout état de choses, de +tâcher d'avoir les meilleurs renseignements sur la vie antérieure d'une +nourrice, il faut cependant, sous ce rapport, s'en remettre un peu à la +grâce de Dieu.</p> + +<p>Voici, du reste, comment on s'y prit pour la Dauphine: On choisit +d'abord les quatre meilleures nourrices, c'est-à-dire celles qui +remplissaient le mieux les conditions déjà indiquées, et l'on prit leurs +noms et leurs demeures; puis, le premier médecin envoya un homme de +confiance pour procéder aux informations. Cet homme s'adressa aux curés +pour avoir un certificat constatant <i>qu'elles étaient de la religion +catholique, qu'elles servaient bien Dieu, et qu'elles fréquentaient les +sacrements</i>. Il obtint ensuite un certificat des chirurgiens de chacune +d'elles, assurant qu'ils n'avaient connu dans leurs familles aucune +personne atteinte de maladies contagieuses, ni écrouelles, ni épilepsie. +Après avoir obtenu ces deux certificats, il assembla les voisins, qui +attestèrent qu'elles étaient de bonne conduite, et qu'elles avaient +toujours bien vécu avec leurs maris et leurs voisins. Une fois cette +enquête terminée, on les mit chez la gouvernante des nourrices, où +chacune d'elles avait une chambre et nourrissait son enfant en attendant +l'accouchement de la Dauphine; et sitôt qu'elle fut accouchée, les +médecins vinrent visiter ces nourrices, choisirent celle qu'ils +considérèrent alors comme<a name="page_037" id="page_037"></a> la meilleure, et les trois autres restèrent +chez la gouvernante, pour n'en pas manquer en cas qu'on fût dans la +nécessité d'en changer. La nourrice choisie fut ensuite gardée à vue par +une femme qui ne la quittait point, pour qu'elle ne pût approcher de son +mari, car on craignait qu'elle ne devînt grosse et ne donnât à l'enfant +de mauvais lait.</p> + +<p>On était très-rigide sur cette séparation des maris, et <i>Dionis</i><a name="FNanchor_21_21" id="FNanchor_21_21"></a><a href="#Footnote_21_21" class="fnanchor">[21]</a> +raconte à ce sujet ce qui arriva à l'une des premières nourrices de +Louis XIV.—Cette nourrice était de Poissy. La cour habitait à cette +époque le château neuf de Saint-Germain. Louis XIII, ravi d'avoir un +fils, l'allait voir tous les jours et s'entretenait avec la nourrice. +Celle-ci lui raconta plusieurs aventures amoureuses arrivées entre les +dames de Poissy et les mousquetaires de quartier. Le roi en fit quelques +réprimandes à leur commandant, en lui ordonnant de mieux veiller sur +leur conduite. Un jour le mari de la nourrice, impatient de voir sa +femme, rôdait autour du château. La nourrice l'ayant aperçu descendit un +moment pour lui parler sur une des terrasses du jardin. Malheureusement +pour elle, elle fut vue du mousquetaire en sentinelle sur cette +terrasse. Ne voulant pas perdre une si belle occasion de se venger des +discours tenus par elle au roi sur leurs aventures, il la dénonça, et +elle fut immédiatement changée.<a name="page_038" id="page_038"></a></p> + +<p>L'accouchement tant désiré de la Dauphine eut lieu au mois d'août 1682. +Le roi venait de fixer depuis quelques mois son séjour à Versailles, et +cette ville présenta alors le plus curieux spectacle.</p> + +<p>Depuis près d'un mois, Clément était établi dans les appartements du +château, lorsque le mardi 4, dans la soirée, la Dauphine ressentit les +premières douleurs. Depuis ce moment jusqu'au jeudi 6, jour de la +délivrance, l'accoucheur ne quitta plus la princesse. Aussitôt les +premières douleurs, la Dauphine fit prévenir la reine et la pria de n'en +rien dire, pour éviter dans ces premiers moments le trouble que cette +nouvelle allait jeter parmi tout le monde. Le Dauphin vint aussi et ne +quitta pas la chambre de la nuit. Cependant, comme elle souffrait de +plus en plus, vers une heure du matin le bruit s'en répandit dans tout +le château.</p> + +<p>Lorsque les reines accouchaient, on préparait près de leur chambre +ordinaire une autre chambre où devait se terminer l'accouchement, et +dans laquelle se tenaient toutes les personnes ayant le droit d'y +assister. C'était dans cette dernière chambre qu'étaient le lit où elles +restaient après l'accouchement et le lit de travail. Celui-ci était +placé dans une espèce de petite tente pour la reine, le roi, +l'accoucheuse et les aides. Cette tente était entourée d'une autre, +beaucoup plus grande, pour les assistants. Ce cérémonial ne fut pas +suivi pour la Dauphine, et l'accouchement se fit dans sa chambre à +coucher.<a name="page_039" id="page_039"></a></p> + +<p>Bientôt toute la cour fut en mouvement. Les princes et les princesses du +sang se rendirent aussitôt chez la Dauphine. Les cours, les places, le +chemin de Versailles à Paris, furent éclairés presque comme en plein +jour par la grande quantité de torches et de lumières de toute espèce +des allants et des venants.</p> + +<p>Les antichambres de l'appartement de la Dauphine et la galerie qui y +menait ne tardèrent pas à être encombrées par tous les habitants du +château et de ses environs. Cet appartement était situé à l'extrémité de +l'aile du sud, vis-à-vis la pièce d'eau des Suisses, dans le pavillon de +la surintendante de la maison de la reine<a name="FNanchor_22_22" id="FNanchor_22_22"></a><a href="#Footnote_22_22" class="fnanchor">[22]</a>.</p> + +<p>Malgré tout ce mouvement, on n'avait pas encore jugé nécessaire +d'éveiller le roi. Cependant, sur les cinq heures du matin, on vint lui +apprendre l'état de la princesse. Il se leva aussitôt, et après +l'assurance que rien ne pressait encore, il ordonna d'adresser des +prières au ciel, et entendit immédiatement la messe. Vers six heures, il +se rendit chez la Dauphine, afin de savoir par lui-même où tout en +était.</p> + +<p>La cour grossissait à tout moment. Les moins diligents se rendaient de +toutes parts aux environs<a name="page_040" id="page_040"></a> de l'appartement de la jeune malade, d'où +l'on ne pouvait approcher, tandis que le reste du château paraissait +désert.</p> + +<p>Vers neuf heures, le roi, voyant diminuer les douleurs de sa +belle-fille, sortit de chez cette princesse pour aller au conseil; et la +plupart des princes et princesses, ayant veillé toute la nuit, +profitèrent de ce moment pour prendre quelques heures de repos.</p> + +<p>La reine passa toute cette matinée en prière ou auprès de la princesse. +Le roi y revint encore aussitôt que le conseil fut terminé. Il la trouva +assez calme, y demeura quelque temps, voulut qu'elle mangeât pendant +qu'il était là et sortit ensuite avec la reine, chez laquelle il vint +dîner accompagné de tous les princes. Vers la fin du dîner, on lui +annonça que la Dauphine reposait. Jugeant alors sa présence inutile, il +laissa la reine dans son appartement, et alla, selon sa coutume, +travailler dans son cabinet.</p> + +<p>L'un des premiers soins de ce prince avait été d'ordonner des prières +dans toutes les églises de Paris et de Versailles, et de faire +distribuer des aumônes considérables dans ces deux villes.</p> + +<p>Les douleurs de la Dauphine la reprirent avec force vers l'après-dinée; +le roi revint immédiatement auprès d'elle.</p> + +<p>Pendant tout ce temps, la plupart des ambassadeurs, des envoyés et des +résidents des princes étrangers se rendirent à Versailles, afin d'être +prêts<a name="page_041" id="page_041"></a> à faire partir des courriers à leurs cours aussitôt après +l'accouchement.</p> + +<p>La reine n'avait point quitté l'appartement de la Dauphine depuis ses +premières douleurs; les voyant se continuer avec énergie, elle fit +apporter dans la chambre les reliques de sainte Marguerite, que l'on +était dans l'usage d'exposer dans la chambre des reines quand elles +accouchaient; puis on dressa le lit de travail. Ce lit, conservé dans le +garde-meuble du roi, avait déjà servi aux reines <i>Anne d'Autriche</i> et +<i>Marie-Thérèse</i><a name="FNanchor_23_23" id="FNanchor_23_23"></a><a href="#Footnote_23_23" class="fnanchor">[23]</a>.</p> + +<p>Les femmes de la Dauphine entrèrent alors, arrangèrent ses cheveux, et +lui mirent sur la tête de grosses cornettes, comme c'était l'usage, pour +qu'elle n'attrapât point de froid.</p> + +<p>Toute la nuit du 5 au 6 se passa encore dans des douleurs de plus en +plus vives et prolongées, surtout vers le matin.</p> + +<p>Les soins et les prières de la reine redoublèrent. Tous les services +qu'une femme est si heureuse de<a name="page_042" id="page_042"></a> recevoir dans cet instant solennel +furent rendus à la Dauphine avec empressement par la reine et les +princesses du sang.</p> + +<p>Le roi lui-même cherchait à l'encourager et était rempli d'attentions +pleines de bonté. A plusieurs reprises, aidé du Dauphin, il la soutint +pendant qu'elle se promenait dans sa chambre, et comme les douleurs ne +discontinuèrent plus, il y passa la nuit sans vouloir prendre un moment +de repos.</p> + +<p>Pendant cette soirée du mercredi, la nuit du mercredi au jeudi et la +matinée du jeudi jusqu'à l'heure de la délivrance, il n'est sorte de +mots doux et affectueux qui n'aient été échangés entre Louis XIV et la +Dauphine. Le jeudi, le roi ne se reposa pas un moment. Le matin, il +entendit la messe; puis il tint conseil comme à l'ordinaire; car l'on +sait que c'était un des devoirs qu'il s'était imposés, et que rien ne +pouvait empêcher. Immédiatement après le conseil, il revint chez la +Dauphine.</p> + +<p>La longueur du travail commençait à donner de l'inquiétude à tous les +assistants, et les visages semblaient abattus et consternés. <i>Clément</i> +seul, pendant tout ce temps, paraissait impassible. Il s'était assuré, à +plusieurs reprises, de l'état de la princesse; il n'avait reconnu à +l'accouchement aucun obstacle important, et il avait déjà prévenu le roi +que si, par suite de la constitution assez grêle de la Dauphine, +l'accouchement devait être long, il devait cependant se terminer sans +accident. Le roi, on l'a déjà dit,<a name="page_043" id="page_043"></a> avait une entière confiance dans +l'accoucheur; il s'en rapporta complétement à son savoir, attendit avec +patience l'instant qui allait combler ses vœux, et convint avec lui +qu'afin de savoir le premier le sexe de l'enfant au moment de la +naissance, il lui demanderait <i>ce que c'était</i>, et que Clément +répondrait: Je ne sais pas, Sire,—si c'était une fille; et je ne sais +point <i>encore</i>, Sire,—si c'était un fils.</p> + +<p>Les douleurs devenant de plus en plus vives et prolongées, Clément jugea +nécessaire de faire pratiquer une saignée, et les médecins furent tous +de cet avis.</p> + +<p>Aussitôt les apothicaires apportèrent du vinaigre, de l'eau de la reine +de Hongrie et un verre rempli d'eau, dans le cas où la princesse aurait +une faiblesse. Le chirurgien Dionis pratiqua la saignée. On était alors +dans l'usage de fermer les volets et de se servir de bougies afin de +mieux voir la veine. C'est ce qu'on fit pour la Dauphine. Le premier +médecin du roi tint la bougie, et le premier apothicaire tint les +<i>poilettes</i><a name="FNanchor_24_24" id="FNanchor_24_24"></a><a href="#Footnote_24_24" class="fnanchor">[24]</a>.</p> + +<p>Après la saignée, les douleurs reprirent de l'intensité, et tout +annonçait la prompte terminaison de l'accouchement. Pour soutenir les +forces de la Dauphine, le roi voulut qu'on lui donnât de temps à autre +de son <i>rossolis</i><a name="FNanchor_25_25" id="FNanchor_25_25"></a><a href="#Footnote_25_25" class="fnanchor">[25]</a>.</p> + +<p>Clément, jugeant que l'instant de la délivrance<a name="page_044" id="page_044"></a> approchait, en prévint +le roi. La Dauphine fut placée sur le lit de travail, et le roi ordonna +de faire entrer toutes les personnes qui devaient assister à cet acte +solennel.</p> + +<p>Alors se trouvaient dans la chambre le roi, la reine, le Dauphin, +Monsieur, Madame, Mademoiselle d'Orléans, et les princes et princesses +du sang, qu'on avait mandés à cause du droit que leur donnait leur +naissance d'être présents à l'accouchement. Il y avait en outre celles +des dames dont les charges leur donnaient le privilège d'y assister, ou +dont le service était nécessaire à la princesse; c'étaient: madame de +Montespan, surintendante de la maison de la reine; la duchesse de Créqui +et la comtesse de Béthune, dames d'honneur de la Dauphine; la maréchale +de Rochefort et madame de Maintenon, dames d'atour; la duchesse d'Uzès; +la duchesse d'Aumont, femme du premier gentilhomme de la chambre en +année; la duchesse de Beauvilliers, femme du premier gentilhomme de la +chambre; madame de Venelle, première sous-gouvernante; madame de +Montchevreuil, gouvernante des filles d'honneur de la Dauphine; madame +Pelard, première femme de chambre du nouveau-né; madame Moreau, première +femme de chambre de la Dauphine; et les femmes de chambre de jour.</p> + +<p>Tout ce monde était sans mouvement et paraissait attendre avec anxiété +le dernier moment. Bientôt les dernières et énergiques douleurs se +succédèrent et se<a name="page_045" id="page_045"></a> rapprochèrent, et la Dauphine accoucha à dix heures +vingt minutes du matin.</p> + +<p>A peine l'enfant venait de passer, le roi, impatient, demanda à Clément: +Qu'est-ce? Celui-ci, d'un air satisfait, lui répondit, ainsi qu'il en +était convenu: Je ne sais point <i>encore</i>, Sire. Aussitôt le roi, +radieux, s'écria: Nous avons un duc de Bourgogne<a name="FNanchor_26_26" id="FNanchor_26_26"></a><a href="#Footnote_26_26" class="fnanchor">[26]</a>.<a name="page_046" id="page_046"></a></p> + +<p>Tout ce qui se passa alors dans la chambre où ce prince venait de naître +peut à peine se décrire.</p> + +<p>Le roi, dans le premier moment de sa joie, embrassa la reine et la +Dauphine; puis on ouvrit deux portes à la fois, afin de faire connaître +la grande nouvelle à ceux du dehors. Le roi annonça lui-même aux +princesses et aux dames du premier rang la naissance d'un prince, et la +dame d'honneur aux hommes réunis dans la pièce à côté. Il se produisit +alors un mouvement incroyable. Les uns tâchaient de percer la foule pour +aller publier ce qu'ils venaient d'apprendre, et les autres, sans bien +savoir où ils allaient ni ce qu'ils faisaient, forcèrent la porte de la +chambre de la Dauphine. Tout le monde paraissait dans l'ivresse de la +joie. Il y eut un tel pêle-mêle dans ce premier moment, que les +domestiques se trouvèrent dans l'antichambre au milieu des princes et +des dames de la première qualité. Le roi défendit qu'on renvoyât +personne et voulut que chacun pût exprimer librement sa joie.</p> + +<p>Il semblait que le nom du prince nouveau-né eût volé dans l'air jusque +dans les endroits les plus reculés du château et aux deux extrémités de +Versailles; partout des feux de joie s'allumèrent comme par +enchantement, et les missionnaires, établis depuis peu par le roi dans +le château, chantèrent un <i>Te Deum</i> d'actions de grâces dans la +chapelle.</p> + +<p>Quelques instants après sa naissance, le duc de Bourgogne fut ondoyé +dans la chambre de la Dauphine<a name="page_047" id="page_047"></a> par le cardinal de Bouillon, grand +aumônier de France, revêtu de l'étole, en camail et en rochet. La +cérémonie se fit en présence du curé de la paroisse de Versailles<a name="FNanchor_27_27" id="FNanchor_27_27"></a><a href="#Footnote_27_27" class="fnanchor">[27]</a>; +et sitôt qu'elle fut faite, on alla bercer le prince dans le cabinet de +la Dauphine, d'où<a name="page_048" id="page_048"></a> on le rapporta un peu après pour le montrer à cette +princesse. Puis la maréchale de la Mothe étant entrée dans une chaise à +porteurs, on le mit sur ses genoux, et il fut ainsi porté jusque dans +l'appartement qu'on lui avait préparé. A peine y fut-il entré, le +marquis de Seignelay, secrétaire d'État et trésorier de l'ordre du +Saint-Esprit, lui mit au cou, de la part du roi, la croix de cet ordre, +que les fils de France portaient dès leur naissance.</p> + +<p>Enfin, après deux jours et deux nuits d'inquiétudes et de fatigues, il +était temps de laisser reposer la Dauphine<a name="FNanchor_28_28" id="FNanchor_28_28"></a><a href="#Footnote_28_28" class="fnanchor">[28]</a>; mais ici une nouvelle +scène allait commencer pour le roi.<a name="page_049" id="page_049"></a></p> + +<p>En sortant de la chambre, il fallait traverser la foule de grands +seigneurs et de personnages de toutes sortes encombrant les portes et +les corridors. Aussitôt qu'il parut, chacun se précipita et, quel que +fût son rang, chercha par ses acclamations et ses gestes à lui témoigner +sa joie. Le roi paraissait dans ce moment si heureux, et il recevait ces +manifestations d'un air si engageant, que, loin de s'éloigner, chacun +cherchait à se rapprocher de lui. Il faut se figurer que depuis +l'appartement où la Dauphine était accouchée jusque chez la reine où le +roi allait souper,<a name="page_050" id="page_050"></a> il y avait à traverser une antichambre, la salle des +gardes de la Dauphine, une très-longue galerie, le palier de l'escalier +des princes avec les retours, diverses salles, la salle des gardes de la +reine, et que tous ces lieux étaient tellement remplis de monde, qu'on +peut dire que Louis XIV fut porté à table, depuis la chambre de la +Dauphine, jusqu'au lieu où il soupa<a name="FNanchor_29_29" id="FNanchor_29_29"></a><a href="#Footnote_29_29" class="fnanchor">[29]</a>.</p> + +<p>Quant au Dauphin, ce qu'il avait vu souffrir à la Dauphine, et les +choses tendres qu'elle lui avait dites pendant cette longue attente, +l'avaient jeté<a name="page_051" id="page_051"></a> dans une sorte de stupéfaction. Aussi, quand il fallut +passer de la tristesse à la joie, il eut peine à se soutenir. Il +semblait sortir d'un long rêve, et sa première action fut d'embrasser +non-seulement la Dauphine, mais toutes les dames qui se trouvaient dans +la chambre.</p> + +<p>Le roi fit, dès le soir même, donner de fortes sommes d'argent pour +délivrer des prisonniers.</p> + +<p>Louis XIV, dans ses libéralités, ne pouvait oublier celui qui, par son +sang-froid et sa prudence, avait été la cause principale de l'heureuse +réussite de cet événement. Il fit donner à l'accoucheur dix mille +livres, et lorsque Clément alla le remercier, il le reçut gracieusement, +lui dit qu'il était très-satisfait du service qu'il lui avait rendu, +qu'en lui donnant cette somme, il ne croyait pas le payer, et que ce +n'était que le commencement de ce qu'il voulait faire pour lui.</p> + +<p>En effet, Louis XIV ne cessa de le combler de bienfaits. Il n'avait de +confiance qu'en lui. Outre la Dauphine, qu'il accoucha de tous ses +enfants, Clément fut plus tard l'accoucheur de la duchesse de Bourgogne, +et il alla trois fois à Madrid pour accoucher la reine d'Espagne. Enfin, +en 1711, le roi lui donna des lettres de noblesse avec une clause qui +honore au même degré l'homme de mérite auquel s'adressait cette +distinction et le souverain qui la lui accordait; cette clause portait +qu'il ne pourrait abandonner la pratique de son art, ni refuser ses +conseils,<a name="page_052" id="page_052"></a> ni ses secours aux femmes qui les réclameraient.</p> + +<p>La joie manifestée si vivement dans le château à la nouvelle de cet +heureux événement ne fut pas moins vive au dehors et dans tout +Versailles.</p> + +<p>Un garde du roi dormait sur une paillasse pendant l'accouchement de la +Dauphine: réveillé en sursaut par le bruit extraordinaire que la joie +venait de produire dans l'intérieur du palais, et comprenant, quoique +encore à moitié endormi, qu'il venait de naître un prince, il prit sa +paillasse sur son dos, et sans rien dire a personne, courut le plus vite +possible jusqu'à la première cour<a name="FNanchor_30_30" id="FNanchor_30_30"></a><a href="#Footnote_30_30" class="fnanchor">[30]</a>, et mit le feu à cette paillasse. +Il semblait que chacun n'attendît que ce signal, car on vit presque au +même instant un nombre infini d'autres feux s'allumer comme par +enchantement. Les uns allaient chercher du bois; d'autres prirent tout +ce qu'ils trouvèrent, bancs, tables, meubles de toute nature, et +jetèrent au feu tout ce qui pouvait l'alimenter. Il se forma des danses +où se trouvèrent mêlés ensemble peuple, officiers et grands seigneurs. A +peine ces manifestations de la joie publique eurent-elles commencé, +qu'on vit couler des fontaines de vin de chaque côté de la première +grille du château, ainsi que de l'intérieur des cours.<a name="page_053" id="page_053"></a></p> + +<p>Versailles était alors rempli d'un grand nombre d'ouvriers attirés par +les travaux immenses que faisait exécuter le roi. On leur fit distribuer +du vin en grande quantité à l'Étape<a name="FNanchor_31_31" id="FNanchor_31_31"></a><a href="#Footnote_31_31" class="fnanchor">[31]</a> et dans les ateliers; les +soldats des gardes française et suisse ne furent pas les derniers à +manifester leur joie. Ils firent du feu de tout et brûlèrent même +quantité de choses dont on ne leur aurait pas permis de disposer dans un +autre moment. Le roi, apercevant tout ce désordre, voulut cependant +qu'on les laissât faire, <i>pourvu</i>, ajouta-t-il, <i>qu'ils ne nous brûlent +pas</i>.</p> + +<p>Devant chaque hôtel de ministre, l'on avait établi des feux et des +distributions de vin.</p> + +<p>Ces réjouissances durèrent plusieurs jours avec les mêmes transports. +C'était à qui varierait chaque fois les illuminations et les artifices.</p> + +<p>Tant que durèrent les fêtes, la pompe<a name="FNanchor_32_32" id="FNanchor_32_32"></a><a href="#Footnote_32_32" class="fnanchor">[32]</a> fut magnifiquement illuminée, +et tous les feux dont brillaient Versailles, se reflétant sur l'or +couvrant le château<a name="FNanchor_33_33" id="FNanchor_33_33"></a><a href="#Footnote_33_33" class="fnanchor">[33]</a>,<a name="page_054" id="page_054"></a> imprimèrent à la ville une physionomie toute +magique.</p> + +<p>Pendant les deux ou trois premiers jours qui suivirent celui de la +naissance du duc de Bourgogne, tout le chemin de Versailles fut couvert +de peuple venant témoigner sa joie par ses acclamations. Après avoir vu +le roi, on allait voir le nouveau-né, et la maréchale de la Mothe était +fréquemment obligée de le montrer à tout ce peuple accouru pour +contempler un instant son visage<a name="FNanchor_34_34" id="FNanchor_34_34"></a><a href="#Footnote_34_34" class="fnanchor">[34]</a>.<a name="page_055" id="page_055"></a></p> + +<p>A l'occasion de cette naissance, on chanta plusieurs <i>Te Deum</i> en +musique à Versailles. La plupart des maîtres en avaient composé, et le +roi voulut bien les entendre dans sa chapelle.</p> + +<p>Louis XIV avait dispensé les différents corps de l'État des compliments +d'usage; quant aux ambassadeurs et aux ministres des princes étrangers, +il leur accorda l'audience qu'ils lui demandèrent à cette occasion. Elle +eut lieu dans le grand appartement de Versailles, avec les cérémonies +accoutumées. Tous les corps de la garde du roi étaient en haie. Les +ambassadeurs entrèrent par le grand escalier<a name="FNanchor_35_35" id="FNanchor_35_35"></a><a href="#Footnote_35_35" class="fnanchor">[35]</a>.<a name="page_056" id="page_056"></a></p> + +<p>Le roi était assis sur son trône d'argent, il avait auprès de lui d'un +côté le duc de Bouillon, grand chambellan, le duc de Créqui et le prince +de Marsillac; de l'autre, le duc d'Aumont, le duc de Saint-Aignan et le +marquis de Gesvres. Une foule de courtisans les environnait. Le duc de +Luxembourg, capitaine des gardes de quartier, allait recevoir les +ambassadeurs à la porte de la salle des gardes. Le roi écouta leur +compliment avec gravité, et leur répondit avec une grande affabilité. +Ils allèrent ensuite chez le Dauphin, le duc de Bourgogne et Monsieur. +Madame la maréchale de la Mothe répondit pour le petit prince.</p> + +<p>Toutes ces audiences durèrent cinq heures, après lesquelles ces +messieurs furent reconduits avec les mêmes cérémonies. Ils n'eurent +audience de la reine et de Madame que l'après-dinée, parce qu'elles n'en +donnaient jamais le matin.</p> + +<p>Tel est le récit de ce qui se passa dans Versailles à la naissance du +duc de Bourgogne. La joie de cette ville se répandit partout avec +rapidité, et l'on peut voir, dans la plupart des écrits du temps, les +détails des réjouissances extraordinaires faites dans toute la France à +cette occasion.<a name="page_057" id="page_057"></a></p> + +<h3><a name="III" id="III"></a>III<br /><br /> +RÉCIT DE LA GRANDE OPÉRATION<br /><br /> +FAITE AU ROI LOUIS XIV.<br /><br /> +1686.</h3> + +<p class="c">————</p> + +<p>Le 18 novembre 1686, Versailles apprit avec surprise et effroi que le +roi Louis XIV venait de subir <i>la grande opération</i>; c'est ainsi que +l'on nommait alors l'opération de la <i>fistule à l'anus</i>.</p> + +<p>Le 5 février 1686, le roi fut obligé de prendre le lit à la suite de +vives douleurs dont il souffrait depuis plusieurs jours; l'on s'aperçut +alors qu'il s'était formé un abcès à la marge de l'anus. <i>Félix de +Tassy</i>, son premier chirurgien, l'un des hommes les plus instruits de +cette époque, en proposa immédiatement l'ouverture; mais, ainsi que le +remarque Dionis, <i>on ne trouve pas toujours dans les grands cette +déférence nécessaire pour obtenir la guérison</i>: mille gens proposèrent +des remèdes qu'ils disaient infaillibles, et l'on préféra à la lancette +du chirurgien un emplâtre fait par une grande dame de la cour, <i>madame +de la<a name="page_058" id="page_058"></a> Daubière</i>. L'inventeur du remède assista elle-même à la pose de +son emplâtre, qui, probablement, ne pouvait avoir d'effet que sous ses +yeux. Tel infaillible que fût cet emplâtre, on l'ôta cinq jours après +son application, n'ayant eu d'autre résultat que d'augmenter les +souffrances du roi. Enfin, le 23, c'est-à-dire plus de vingt jours après +l'apparition de la tumeur, on se décida à donner issue au pus; mais, +malgré l'avis de Félix, qui voulait employer le bistouri, et pour +ménager le royal malade, auquel on craignait de faire subir une +opération sanglante, on eut recours, pour l'ouverture de l'abcès, à +l'application de la <i>pierre à cautère</i>. «Ce matin, à dix heures, <i>dit +Dangeau dans son journal</i>, on appliqua au roi la pierre à cautère sur la +tumeur; on l'y laissa une heure et demie, et puis on ouvrit la peau avec +le ciseau; mais on ne toucha point au vif.» C'est-à-dire qu'on se +contenta de fendre l'escharre, et lorsque celle-ci tomba, il se forma, +comme le dit Dionis, un petit trou par où la matière s'écoula, et qui +continua à suppurer. Bientôt on constata la présence d'une fistule +communiquant dans l'intérieur de l'intestin.</p> + +<p>En pareille occurrence, et pour débarrasser le roi de cette dégoûtante +infirmité, il ne restait plus qu'à pratiquer l'opération. Mais il n'en +est pas des rois comme des simples particuliers, et, avant de pouvoir +leur faire entendre les paroles graves et réfléchies de la science, il +faut préalablement que le médecin<a name="page_059" id="page_059"></a> s'attende à voir défiler avant lui +tout le cortége des empressés plus ou moins ignorants, flanqués chacun +de leurs remèdes <i>infaillibles</i>, sans compter encore le charlatanisme, +qui sait si bien exploiter la tête et la queue de la société. C'est ce +qui arriva pour Louis XIV.</p> + +<p>Dès que l'on sut le roi atteint de la fistule, il y eut encore un bien +plus grand nombre de remèdes proposés que quand il s'était agi d'une +simple tumeur.</p> + +<p>Cependant <i>Louvois</i>, qui était alors le principal ministre et qui avait +en quelque sorte la responsabilité de la vie du roi, ne voulut permettre +l'usage d'aucun de ces remèdes avant qu'il eût été préalablement +expérimenté.</p> + +<p>Parmi tous ces moyens, un fut surtout préconisé, et le roi paraissait +assez décidé à l'essayer: c'était l'emploi des eaux de Baréges. Mais +avant que Louis XIV partît pour ces eaux, comme le bruit en avait couru, +on jugea convenable d'en constater les effets. On chercha quatre +personnes ayant la même maladie que le roi, et on les envoya à Baréges à +ses dépens, sous la conduite de <i>Gervais</i>, chirurgien de l'hôpital de la +Charité. C'était l'un des hommes les plus instruits de Paris, et il +s'était acquis surtout une très-grande réputation pour la guérison des +tumeurs. Ces quatre malades furent soumis par lui à l'action des eaux +sous toutes les formes, en bains, à l'intérieur, et surtout en +injections répétées dans le trajet<a name="page_060" id="page_060"></a> fistuleux. Ce traitement dura fort +longtemps et ne fut suivi d'aucune espèce d'amélioration; en sorte +qu'ils revinrent <i>tout aussi avancés dans leur guérison que quand ils +étaient partis</i><a name="FNanchor_36_36" id="FNanchor_36_36"></a><a href="#Footnote_36_36" class="fnanchor">[36]</a>.</p> + +<p>Une dame de la cour ayant raconté qu'allée aux eaux de Bourbon pour une +maladie particulière, elle s'était trouvée guérie par leur usage d'une +fistule qu'elle avait avant, on envoya à Bourbon l'un des chirurgiens du +roi, avec quatre autres malades; ils furent soumis aux mêmes expériences +que ceux de Baréges, et en revinrent comme eux sans changement dans leur +état.</p> + +<p>Mais l'essai des remèdes ne devait point s'arrêter là. Un religieux +jacobin vint trouver Louvois et lui apporta une eau avec laquelle il +guérissait, disait-il, toutes sortes de fistules. Un autre annonçait +posséder un onguent qui n'en manquait aucune. D'autres proposaient aussi +des remèdes avec lesquels ils avaient obtenu des cures merveilleuses. Le +ministre, un peu embarrassé de toutes ces propositions, ne voulut +cependant en rejeter aucune avant que l'expérience eût démontré son +inefficacité. Pour juger en quelque sorte, par lui-même de leur valeur, +il fit meubler plusieurs chambres de son hôtel de la surintendance<a name="FNanchor_37_37" id="FNanchor_37_37"></a><a href="#Footnote_37_37" class="fnanchor">[37]</a>, +pour recevoir tous les malades atteints de fistule qui voulaient se +soumettre à ces différents<a name="page_061" id="page_061"></a> essais, et il les fit traiter, en présence +de Félix, par les auteurs de ces remèdes.</p> + +<p>Tous ces essais durèrent un temps fort long, sans aboutir à aucun +résultat.</p> + +<p>Louvois et Félix rendaient compte à Louis XIV des tentatives inutiles +faites chaque jour pour trouver un remède qui pût lui éviter +l'opération, sur laquelle le premier chirurgien insistait de plus en +plus. Mais avant de s'y décider, le roi voulut encore avoir l'avis de +Bessières, chirurgien en renom de Paris. Bessières examina le mal, puis +Louis XIV lui ayant demandé ce qu'il en pensait, il lui répondit +librement <i>que tous les remèdes du monde n'y feraient rien sans +l'opération</i><a name="FNanchor_38_38" id="FNanchor_38_38"></a><a href="#Footnote_38_38" class="fnanchor">[38]</a>. Le roi n'hésita plus, et l'opération fut décidée.</p> + +<p>Mais quelle méthode devait-on employer?</p> + +<p>Il y avait alors à Paris un nommé <i>Lemoyne</i>, qui s'était acquis une +grande réputation pour la guérison des fistules. Voici ce qu'en dit +Dionis: «Sa méthode consistait dans l'usage du caustique, c'est-à-dire +qu'avec un onguent corrosif, dont il couvrait une petite tente qu'il +fourrait dans l'ouverture de l'ulcère, il en consumait peu à peu la +circonférence, ayant soin de grossir tous les jours la tente, de manière +qu'à force d'agrandir la fistule, il en découvrait le fond. S'il y avait +de la callosité, il la rongeait avec son onguent, qui lui servait aussi +à ruiner les clapiers,<a name="page_062" id="page_062"></a> et enfin, avec de la patience, il en guérissait +beaucoup. Cet homme est mort vieux et riche, parce qu'il se faisait bien +payer, en quoi il avait raison, car le public n'estime les choses +qu'autant qu'elles coûtent. Ceux à qui le ciseau faisait horreur se +mettaient entre ses mains, et comme le nombre des poltrons est fort +grand, il ne manquait point de pratiques.» Ainsi Lemoyne avait remis en +honneur la cautérisation.—La ligature était le mode d'opérer le plus +généralement suivi. Puis restait l'incision que Félix proposait au roi. +Mais avant de se déterminer à suivre l'avis de son premier chirurgien, +Louis XIV voulut qu'il lui expliquât la préférence qu'il donnait à cette +méthode sur les autres. Félix fut alors obligé de décrire au roi les +trois procédés; puis il lui fit remarquer, nous raconte Dionis, que le +caustique fait une douleur continuelle pendant cinq ou six semaines +qu'on est obligé de s'en servir; que la ligature ne coupe les chairs +qu'après un long espace de temps, et qu'il ne faut pas manquer de la +serrer tous les jours, ce qui ne se fait pas sans douleur; que +l'incision cause, à la vérité, une douleur plus vive, mais qu'elle est +de si peu de durée qu'elle ne doit point alarmer une personne qui veut +guérir sans crainte de retour; car outre qu'elle achève en une minute ce +que les deux autres manières n'opèrent qu'en un mois, c'est que par +celles-ci la guérison est douteuse et qu'elle est sûre par +l'incision.—Ces raisons, appuyées par Daquin, Fagon et Bessières,<a name="page_063" id="page_063"></a> +déterminèrent le roi, qui se décida pour l'incision.</p> + +<p>C'était une grave résolution qu'avait prise Félix. L'opération par +l'instrument tranchant paraissait alors si terrible, que chacun +tremblait de la subir, d'où son nom de <i>grande opération</i>.</p> + +<p>Mais Félix n'était point un chirurgien ordinaire. Fils de François Félix +de Tassy, homme d'un grand talent, et aussi premier chirurgien du même +prince, il fut l'élève de son père, qui, le destinant à le remplacer +auprès du monarque, ne négligea aucun des moyens qui pouvaient le rendre +digne d'occuper un emploi aussi important. Exerçant sa profession dans +les hôpitaux civils, puis dans ceux des armées, il fut, fort jeune +encore, compté parmi les plus habiles chirurgiens de son temps; ses +confrères le nommèrent chef du collége de Saint-Côme, qui devint ensuite +l'académie de chirurgie; puis il succéda à son père dans la charge de +premier chirurgien du roi, en 1676.</p> + +<p>Dès que Félix se fut assuré de la maladie du roi, il le rassura sur sa +vie et promit de le délivrer de son horrible incommodité. Ce grand +chirurgien n'avait jamais fait l'opération qu'il méditait, mais il avait +lu tout ce que les auteurs anciens avaient écrit sur la maladie dont le +roi était attaqué. Il se traça alors un plan d'opération, et tandis que +le temps s'écoulait en essais de remèdes qui n'avaient aucun résultat, +Félix occupait le sien d'une manière profitable à ses desseins. Pendant +plusieurs mois tous<a name="page_064" id="page_064"></a> les malades atteints de la maladie du roi qui se +trouvaient dans les hôpitaux de Paris ou à la Charité de Versailles +furent opérés par lui, et lorsque Louis XIV fut enfin décidé, il avait +acquis l'expérience d'un chirurgien consommé dans cette partie de l'art +opératoire.</p> + +<p>Pour faire l'incision de la fistule, Galien avait inventé un instrument +d'une forme particulière, auquel il avait donné le nom de syringotome, +du nom même de la fistule—(<i>syrinx</i>, flûte). C'était un bistouri en +forme de croissant, à manche contourné, et dont la pointe était terminée +par un stylet long, pointu et flexible. On introduisait la pointe dans +l'ouverture extérieure de la fistule et on poussait le stylet jusque +dans l'intestin; le doigt indicateur de la main gauche, placé dans le +rectum, ramenait la pointe par l'anus, puis la lame du bistouri, poussée +dans la fistule, achevait l'incision. Félix fit subir à l'instrument de +Galien un notable changement. Il fit faire un simple bistouri courbe, à +lame très-étroite, terminée, comme le syringotome, par un stylet, mais +en argent recuit, et long de plusieurs pouces. Le tranchant de la lame +était recouvert d'une chape d'argent faite exprès pour être introduite +dans la fistule sans blesser les parties. Cet instrument ainsi disposé, +on poussait le stylet dans la fistule et on le ramenait par le +fondement; puis, le bistouri étant entré après le stylet, on retirait +doucement la chape qui enveloppait le tranchant, et tenant d'une main<a name="page_065" id="page_065"></a> +le bout du stylet et de l'autre le manche du bistouri, en tirant à soi +on tranchait tout d'un coup toute la fistule.</p> + +<p>Cet instrument, dont Félix se servit pour le roi, reçut depuis ce moment +le nom de <i>bistouri à la royale</i>.</p> + +<p>Ce fut le 18 novembre 1686 qu'eut lieu l'opération.</p> + +<p>Qu'on nous pardonne les détails peut-être un peu minutieux dans lesquels +nous allons entrer; mais, outre qu'il s'agit d'une opération qui, par +son retentissement et son succès, changea toutes les idées reçues à +cette époque, il s'agit encore d'un fait historique que l'on peut encore +suivre <i>sur place</i> dans ses plus petits incidents.</p> + +<p>Le roi était à Fontainebleau lorsque l'opération fut arrêtée. Afin de +s'y préparer et en même temps pour ôter tout soupçon de ce qui allait se +passer, deux médecines lui furent administrées dans ce séjour. Arrivé à +Versailles le 15 novembre, rien ne décéla en lui la grave détermination +qu'il avait prise. Le dimanche 17, veille de l'opération, il monta à +cheval, alla visiter ses jardins, ses réservoirs et les nombreux travaux +en cours d'exécution, et parut fort tranquille et fort gai pendant tout +le cours de la promenade<a name="FNanchor_39_39" id="FNanchor_39_39"></a><a href="#Footnote_39_39" class="fnanchor">[39]</a>.</p> + +<p>La chambre à coucher de Louis XIV, dans laquelle<a name="page_066" id="page_066"></a> il fut opéré, n'était +point celle connue aujourd'hui sous ce nom: elle était située dans la +pièce précédant celle-ci et portant actuellement le nom si célèbre de +salon de l'Œil-de-Bœuf. Ce salon de l'Œil-de-Bœuf était alors coupé +en deux; la pièce la plus rapprochée de la chambre à coucher actuelle +était la chambre du roi, et l'autre pièce était un cabinet orné des +tableaux du Bassan, portant pour cela le nom de cabinet des Bassans.</p> + +<p>Le lundi 18 novembre, de grand matin, tout se préparait dans le cabinet +des Bassans pour la <i>grande opération</i>. Vers cinq heures, les +apothicaires entrèrent chez le roi et lui administrèrent le lavement +préparatoire. Un peu avant sept heures, Louvois alla prendre chez elle +madame de Maintenon; ils entrèrent ensemble chez le roi, auprès duquel +se trouvait déjà le père de la Chaise, son confesseur. Félix, d'Aquin, +premier médecin du roi, Fagon, qui le devint quelques années après, +Bessières, les quatre apothicaires du roi, et Laraye, <i>élève</i> de Félix, +mais que l'on appelait alors son <i>garçon</i>, étaient réunis dans le +cabinet des Bassans pour préparer tout ce qui devait servir à +l'opération.</p> + +<p>A sept heures, ils entrèrent dans la chambre du roi. Louis XIV ne parut +nullement ému de leur présence; il fit approcher Félix, lui demanda +l'usage de chacun des instruments et des diverses pièces de l'appareil, +puis s'abandonna avec confiance à son talent.</p> + +<p>Le roi fut placé sur le bord de son lit, un traversin<a name="page_067" id="page_067"></a> sous le ventre +pour élever les fesses, tournées du côté de la fenêtre, les cuisses +écartées et assujetties par deux des apothicaires.</p> + +<p>Voici comment procéda l'opérateur: Une petite incision, faite avec la +pointe d'un instrument ordinaire, fut d'abord pratiquée à l'orifice +externe de la fistule, afin de l'agrandir et de pouvoir plus facilement +y introduire le bistouri à la royale. L'incision fut ensuite pratiquée +avec cet instrument, à l'aide de la manœuvre déjà indiquée. Une fois le +trajet fistuleux mis à découvert, il s'agissait de détruire les +callosités qu'on supposait devoir empêcher la réussite de l'opération: +huit coups de ciseaux enlevèrent toutes les callosités que Félix +rencontra sous son doigt. Cette partie si douloureuse de l'opération fut +supportée avec beaucoup de courage par Louis XIV: pas un cri, pas un mot +ne lui échappa.</p> + +<p>L'opération terminée, on introduisit dans l'anus une grosse tente de +charpie recouverte d'un liniment composé d'huile et de jaune d'œuf. On +la fit entrer avec force, afin d'écarter les lèvres de la plaie; on +garnit ensuite la plaie de plumasseaux, enduits du même liniment, et on +appliqua les compresses et le bandage comme on le fait à présent.</p> + +<p>Rien ne saurait dire l'étonnement dans lequel fut toute la cour lorsque +l'on apprit que le roi venait de subir une opération que chacun +regardait comme si dangereuse. Le récit fait de cet événement par le<a name="page_068" id="page_068"></a> +<i>Mercure Galant</i>, journal officiel de la cour, fera mieux comprendre +qu'on ne pourrait le dire l'effet produit par cette nouvelle +inattendue.—«Quoique le roi, dit-il, fût dans une santé parfaite, à la +réserve de l'incommodité qui lui était survenue il y a environ onze +mois, et qu'il fût même en état de monter à cheval et de chasser, comme +il faisait très-souvent, Sa Majesté, qui vit qu'elle courait risque de +souffrir toute sa vie de cette sorte d'incommodité, à laquelle sont +sujets tous ceux qui manquent du courage nécessaire pour s'en tirer, +prit une résolution digne de sa fermeté; et, comme ce mal était grand +plutôt par la douleur que l'opération lui devait faire souffrir que par +la nature dont il était, il cacha ce qu'il avait résolu de faire, comme +il fait de toutes les choses qu'il juge à propos de tenir secrètes. Il +savait l'inquiétude que donnerait le mal qu'il devait endurer, et ne +doutait point que la crainte de quelque accident et l'amour qu'on a pour +lui ne fissent trouver des raisons pour l'en détourner. Mais ce prince +voulait souffrir, afin d'être plus en état de travailler sans cesse pour +le bien et pour le repos de ses sujets; et pour éviter les contestations +qui se pourraient former là-dessus, il aima mieux se charger de toute la +douleur que de jouir du soulagement d'être plaint, ce qui console +beaucoup ceux qui souffrent. D'ailleurs, il savait que ce bruit, venant +à se répandre, aurait jeté de la crainte et de l'abattement dans tous +les cœurs, et qu'il rendrait incapables d'agir tous ceux<a name="page_069" id="page_069"></a> qui étaient +occupés pour les affaires de l'État, et il voulait endurer seul, sans +que l'État en souffrît un seul moment. Ainsi ayant pris sa résolution, +il travailla à la faire exécuter sans que l'on s'en aperçût. Comme +jamais prince ne sut régner sur lui-même avec tant d'empire, il en vint +à bout sans peine. Il se purgea deux fois à Fontainebleau, parce que +venant ensuite à Versailles, ce changement de lieu devait ôter l'idée +qu'on aurait pu prendre, s'il avait été possible qu'on eût soupçonné +quelque chose de son dessein. Il monta à cheval le dimanche 17 de ce +mois, soupa ce jour-là avec la famille royale, et s'informa de +Monseigneur où était le rendez-vous de chasse le lendemain. On connut le +jour suivant que ce prince, quoiqu'il dût alors sentir les premières +atteintes de la peur que lui pouvait causer l'opération, avait demandé +ce rendez-vous d'une âme tranquille, afin que s'il arrivait quelque +accident, il pût en faire avertir Monseigneur. On a même remarqué qu'il +se coucha ce soir-là plus tard qu'à l'ordinaire. Il marqua pour le lundi +18, l'heure de son lever, où la plus grande partie de la cour se trouve +ordinairement. Il avait pris la sienne plus matin pour l'opération. Ceux +qui devaient y travailler, ou dont la présence était nécessaire, +entrèrent par différents endroits, ce qui empêcha qu'on en eût aucun +soupçon. Quoique je ne fasse point ici le détail du reste, je puis vous +dire qu'il s'y passa mille choses dignes de l'inébranlable fermeté du +roi. Il voulut<a name="page_070" id="page_070"></a> voir tout ce qui devait le faire souffrir et ne fit que +sourire au lieu d'en paraître étonné. Il fit ensuite ce qu'un prince +aussi chrétien que lui doit faire en de pareilles occasions et souffrit +patiemment, étant toujours dans l'état d'un homme libre et qui est +assuré d'être maître de sa douleur. Aucun cri ne lui échappa, et loin de +témoigner de la crainte, il demanda si on ne l'avait point épargné, +parce qu'il avait recommandé sur toutes choses de ne le pas faire. Sitôt +qu'on eut achevé l'opération, la porte fut ouverte à ce qu'on appelle la +première entrée, c'est-à-dire aux personnes qui ont droit d'entrer les +premières au lever. Les autres n'entrèrent pas, parce qu'il n'y eut +point de lever.</p> + +<p>«Le bruit de cette opération s'étant répandu dans Versailles, comme on +s'imagine toujours voir les maux que l'on craint, quand même ils ne +seraient point à craindre, la douleur parut sur tous les visages, et +l'on eût dit à voir le roi que ce monarque était le seul qui se portait +bien. Ayant remarqué qu'on ne faisait aucun bruit, il ordonna que toutes +choses se fissent à l'ordinaire, tint conseil dès le jour même, et +permit dès le lendemain aux ministres étrangers de le saluer. Quoique de +semblables maux aient accoutumé de causer un peu de fièvre, sans +pourtant qu'il y ait sujet d'en appréhender aucune suite fâcheuse, il +semble que le ciel, pour ne nous pas alarmer, n'ait pas voulu qu'il en +eût le moindre ressentiment.»<a name="page_071" id="page_071"></a></p> + +<p>A ces détails, <i>Dangeau</i> ajoute: «Dès que l'opération fut faite, le roi +l'envoya dire à Monseigneur, qui était à la chasse, à madame la +Dauphine, dès qu'elle fut éveillée, à Monsieur et à Madame, qui étaient +à Paris, et à M. le prince et à M. le duc, qui étaient à Fontainebleau, +auprès de madame la duchesse de Bourbon, leur défendant de venir. Dès +l'après-dîner, le roi tint son conseil; il vit beaucoup de courtisans, +et voulut qu'il y eût appartement et que l'on commençât le grand jeu de +reversi qu'il avait ordonné à Fontainebleau. Madame de Montespan partit +en diligence pour venir trouver le roi; mais ayant appris à Essone que +le roi se portait très-bien, elle retourna auprès de madame de Bourbon. +Monseigneur, apprenant la nouvelle, quitta la chasse et revint ici à +toute bride et en pleurant.»</p> + +<p>Dans son journal, Dangeau nous a conservé jour par jour l'état du roi +après son opération. L'on y voit que les premiers jours se passèrent +fort bien. Les pansements se faisaient avec régularité, et le malade +n'en éprouvait aucune douleur, tout enfin semblait annoncer une guérison +solide et prompte; mais, soit que l'on se fût trop vite empressé de +diminuer la grosseur de la mèche, soit pour tout autre motif, l'on +s'aperçut le quinzième jour qu'une partie des bords s'étaient cicatrisés +avant le fond, et que la fistule menaçait de reparaître de nouveau. Le 6 +décembre, l'on chercha à détruire, par quelques légers coups de ciseaux, +cette cicatrisation trop rapide,<a name="page_072" id="page_072"></a> mais sans obtenir le résultat désiré. +Enfin, le lundi 7 décembre, c'est-à-dire vingt et un jours après la +première opération, l'on fut obligé de détruire la nouvelle cicatrice, à +l'aide de plusieurs incisions, et de mettre à nu le fond de la fistule.</p> + +<p>Le roi supporta cette seconde opération avec beaucoup de courage, mais +il paraît qu'elle fut extrêmement douloureuse, car pendant plusieurs +jours il renvoya son conseil, ce qui n'était pas arrivé la première +fois. Quoi qu'il en soit, de ce moment la cicatrisation marcha avec +régularité, et le samedi 11 janvier 1687, cinquante-quatre jours après +l'opération et trente-trois après les dernières incisions, le roi fut +assez bien guéri pour sortir à pied de ses appartements et se promener +pendant fort longtemps dans l'Orangerie.</p> + +<p>Louis XIV venait d'être débarrassé d'une grave infirmité, grâce à +l'habileté de son chirurgien. Mais si le service était grand, la +récompense fut royale. Félix reçut cinquante mille écus et la terre des +<i>Moulineaux</i>, estimée à la même somme; d'Aquin, le premier médecin, cent +mille livres; Fagon, quatre-vingt mille livres; les quatre apothicaires, +chacun douze mille livres, et Leraye, l'élève de Félix, quatre cents +pistoles; le tout formant un total de cinq cent soixante-douze mille +livres, qui, comparé à la valeur actuelle de l'argent, représente +presque un million!!!</p> + +<p>La réussite de l'opération pratiquée à Louis XIV,<a name="page_073" id="page_073"></a> en mettant le comble +à la réputation de Félix, mit aussi à la mode son procédé; et il fut +facile de constater immédiatement son efficacité, car depuis l'opération +faite au roi, il semblait que tout le monde fût attaqué de la fistule. +«C'est une maladie, dit Dionis, qui est devenue à la mode depuis celle +du roi. Plusieurs de ceux qui la cachaient avec soin avant ce temps +n'ont plus eu honte de la rendre publique; il y a eu même des courtisans +qui ont choisi Versailles pour se soumettre à cette opération, parce que +le roi s'informait de toutes les circonstances de cette maladie. Ceux +qui avaient quelque petit suintement ou de simples hémorroïdes ne +différaient pas à présenter leur derrière au chirurgien pour y faire des +incisions; j'en ai vu plus de trente qui voulaient qu'on leur fît +l'opération, et dont la folie était si grande, qu'ils paraissaient +fâchés lorsqu'on les assurait qu'il n'y avait point nécessité de la +faire.»</p> + +<p>Tel est le récit de cette grande opération de Louis XIV. Ainsi, grâce à +l'heureuse tentative de Félix; la méthode de l'incision a été remise en +honneur, et par suite des travaux de la chirurgie moderne, ce mode +opératoire, le plus généralement suivi, est devenu d'une telle +simplicité, qu'il n'est pas nécessaire d'être le premier chirurgien d'un +roi pour le pratiquer avec succès.<a name="page_074" id="page_074"></a></p> + +<h3><a name="IV" id="IV"></a>IV<br /><br /> +MORT DE LOUVOIS.<br /><br /> +1691.</h3> + +<p class="c">————</p> + +<p>Louvois mourut à Versailles dans l'ancien hôtel de la surintendance des +bâtiments du roi<a name="FNanchor_40_40" id="FNanchor_40_40"></a><a href="#Footnote_40_40" class="fnanchor">[40]</a>, le 16 juillet 1691.</p> + +<p>La mort de Louvois fut un événement si important et donna lieu à tant de +commentaires, qu'il n'est pas sans intérêt d'en rechercher les +véritables causes.</p> + +<p>Depuis un certain temps Louvois, jusqu'alors si puissant, baissait dans +la faveur du roi, et tout le monde s'attendait à une disgrâce prochaine +du ministre. C'est dans ces circonstances que le 15 juillet 1691, il a, +chez madame de Maintenon, une vive altercation avec Louis XIV.<a name="page_075" id="page_075"></a></p> + +<p>Cette scène est ainsi racontée, dans une note écrite par le duc de +Luynes, sur le manuscrit de Dangeau<a name="FNanchor_41_41" id="FNanchor_41_41"></a><a href="#Footnote_41_41" class="fnanchor">[41]</a>: «Nous avons déjà vu ce qui +s'était passé au siége de Mons, et le mauvais gré que le roi fit à M. de +Louvois de trouver le prince d'Orange si près de lui. On prétendit aussi +qu'il imputa à ce ministre la levée du siége de Coni. Ajoutez à cela le +bombardement de Liége, auquel le roi s'était opposé parce que des +ennemis de M. de Louvois, ou de bons citoyens, avaient fait entendre à +Sa Majesté que son ministre entretenait la haine de ses voisins par les +cruautés qu'il faisait exercer partout. Il avait insisté sur le +bombardement, qui se fit le 4 juin. Le roi avait déclaré précisément +qu'il n'en voulait rien faire, et enfin ce ministre fut obligé d'avouer +qu'il n'était plus temps de s'en dédire, parce que les ordres étaient +donnés. Cette explication se passait chez madame de Maintenon. Le roi, +qui d'ailleurs était mal disposé par ce que nous venons de dire, et +parce qu'en général toutes les choses violentes lui répugnaient, fut +indigné de tant de précipitation et lui laissa voir son ressentiment. M. +de Louvois, qui n'était pas accoutumé à être contredit, au lieu de +chercher à se justifier, répondit au roi assez brusquement et jeta son +portefeuille sur la table du roi. Le roi se leva et prit sa canne. +Madame de Maintenon, craignant l'effet de la colère de Sa Majesté, se +mit entre elle et son<a name="page_076" id="page_076"></a> ministre; mais le roi la rassura en lui disant +qu'il n'avait eu nulle intention.»</p> + +<p>M. de Louvois se retira et rentra chez lui tout ému. Cependant le +lendemain 16, il alla comme à l'ordinaire chez le roi pour travailler +avec lui; mais à peine eut-il commencé la lecture d'une dépêche, qu'il +se sentit indisposé, se retira dans son appartement et mourut au bout de +quelques instants, malgré les soins rapides qui lui furent donnés.</p> + +<p>Une mort aussi prompte et dans de pareilles circonstances, fit +généralement croire à un empoisonnement. Dangeau et Saint-Simon en +parlent dans ce sens: «Le 16 juillet, dit ce dernier, j'étais à +Versailles... sortant le même jour du dîner du roi, je le rencontrai +(Louvois) au fond d'une très-petite pièce qui est entre la grande salle +des gardes et ce grand salon qui donne sur la petite cour des Princes. +M. de Marsan lui parlait, et il allait travailler chez madame de +Maintenon avec le roi, qui devait se promener après dans les jardins de +Versailles à pied, où les gens de la cour avaient la liberté de le +suivre. Sur les quatre heures après-midi du même jour, j'allai chez +madame de Châteauneuf, où j'appris qu'il s'était trouvé un peu mal chez +madame de Maintenon, que le roi l'avait forcé de s'en aller, qu'il était +retourné à pied chez lui, où le mal avait subitement augmenté; qu'on +s'était hâté de lui donner un lavement qu'il avait rendu aussitôt, et +qu'il était mort en le rendant, et demandant son fils Barbésieux, qu'il<a name="page_077" id="page_077"></a> +n'eut pas le temps de voir, quoique celui-ci accourût de sa chambre.»</p> + +<p>«La soudaineté du mal et de la mort de Louvois fit tenir bien des +discours, bien plus encore <i>quand on sut par l'ouverture de son corps +qu'il avait été empoisonné</i>. Il était grand buveur d'eau, et en avait +toujours un pot sur la cheminée de son cabinet, à même duquel il buvait. +On sut qu'il en avait bu ainsi en sortant pour aller travailler avec le +roi, et qu'entre sa sortie de dîner avec bien du monde, et son entrée +dans son cabinet pour prendre les papiers qu'il voulait porter à son +travail avec le roi, un frotteur du logis était entré dans ce cabinet, +et y était resté quelques moments seul. Il fut arrêté et mis en prison. +Mais à peine y eut-il demeuré quatre jours, et la procédure commencée, +qu'il fut élargi par ordre du roi, ce qui avait déjà été fait, jeté au +feu, et défense de faire aucune recherche. Il devint même dangereux de +parler là-dessus, et la famille de Louvois étouffa tous ces bruits, +d'une manière à ne laisser aucun doute que l'ordre très-précis n'en eût +été donné.»</p> + +<p>Puis, comme si ce n'était pas encore assez de toutes ces insinuations +pour prouver l'empoisonnement, Saint-Simon ajoute l'histoire suivante du +médecin de Louvois, qui, dit-il, lui fut racontée par un gentilhomme +attaché à la maison de ce ministre. «Il m'a conté, dit Saint-Simon, +étant toujours à madame de Louvois depuis la mort de son mari, que +<i>Séron</i>, médecin domestique de ce ministre, et qui<a name="page_078" id="page_078"></a> l'était demeuré de +madame de Barbésieux, logé dans la même chambre au château de +Versailles, dans la surintendance que Barbésieux avait conservée +quoiqu'il n'eût pas succédé aux bâtiments, s'était un jour barricadé +dans cette chambre, seul, quatre ou cinq mois après la mort de Louvois; +qu'aux cris qu'il y fit on était accouru à sa porte, qu'il ne voulut +jamais ouvrir; que ces cris durèrent presque toute la journée, sans +qu'il voulût ouïr parler d'aucun secours temporel ni spirituel, ni qu'on +pût venir à bout d'entrer dans sa chambre; que sur sa fin on l'entendit +s'écrier qu'il n'avait que ce qu'il méritait, que ce qu'il avait fait à +son maître, qu'il était un misérable indigne de tout secours; et qu'il +mourut de la sorte en désespéré au bout de huit ou dix heures, sans +avoir jamais parlé de personne, ni prononcé aucun nom.—A cet événement +les discours se réveillèrent à l'oreille; il n'était pas sûr d'en +parler. Qui a fait le coup? C'est ce qui est demeuré dans les plus +épaisses ténèbres.»</p> + +<p>Le récit de Saint-Simon et les détails circonstanciés dans lesquels il +entre, semblent ne point devoir laisser de doutes sur la nature de la +mort de Louvois. Aussi les historiens, tout en admettant avec une +certaine circonspection les insinuations de Saint-Simon, n'ont-ils +jamais repoussé complétement l'idée du poison. Une phrase de son récit, +si elle était vraie, serait surtout la preuve certaine de +l'empoisonnement; c'est celle-ci: <i>On sut par l'ouverture de son<a name="page_079" id="page_079"></a> corps +qu'il avait été empoisonné</i>. En effet, si les médecins ont constaté la +présence du poison, il ne peut plus y avoir d'incertitude que sur la +main qui a commis le crime et sur <i>la personne qui l'a commandé</i>. Eh +bien, cette affirmation de Saint-Simon est tout à fait démentie par +l'ouverture du corps de Louvois, et si les historiens n'ont pas été plus +affirmatifs, c'est qu'ils n'ont pas eu connaissance de ce document, +enfoui dans un livre de médecine, où ils étaient bien éloignés d'aller +chercher une pièce si importante.</p> + +<p>Dionis était le chirurgien de Louvois. C'était un chirurgien fort +instruit. Il publia plusieurs ouvrages encore recherchés aujourd'hui +pour les observations curieuses qu'ils renferment. Dans l'un de ces +ouvrages intitulé <i>Dissertation sur la mort subite</i><a name="FNanchor_42_42" id="FNanchor_42_42"></a><a href="#Footnote_42_42" class="fnanchor">[42]</a>, voici comment +il raconte la mort de Louvois: «Le 16 juillet 1691, M. le marquis de +Louvois, après avoir dîné chez lui en bonne compagnie, alla au conseil. +En lisant une lettre au roi, il fut obligé d'en cesser la lecture, parce +qu'il <i>se sentait fort oppressé</i>; il voulut en reprendre la lecture, +mais ne pouvant pas la continuer, il sortit du cabinet du roi, et, +s'appuyant sur le bras d'un gentilhomme à lui, il prit le chemin de la +surintendance où il était logé.</p> + +<p>»En passant par la galerie qui conduit de chez le roi à son appartement, +il dit à un de ses gens de me venir chercher au plus tôt. J'arrivai dans +sa chambre<a name="page_080" id="page_080"></a> comme on le déshabillait; il me dit: Saignez-moi vite, car +j'étouffe. Je lui demandai s'il sentait de la douleur plus dans un des +côtés de la poitrine que dans l'autre; il me montra la région du cœur, +me disant: Voilà où est mon mal. Je lui fis une grande saignée en +présence de M. <i>Séron</i>, son médecin. Un moment après, il me dit: +Saignez-moi encore, car je ne suis point soulagé. M. <i>d'Aquin</i> et M. +<i>Fagon</i> arrivèrent qui examinèrent l'état fâcheux où il était, le voyant +souffrir avec des angoisses épouvantables; il sentit un mouvement dans +le ventre comme s'il voulait s'ouvrir; il demanda la chaise, et, peu de +temps après s'y être mis, il dit: Je me sens évanouir. Il se jeta en +arrière, appuyé sur les bras d'un côté de M. Séron, et de l'autre d'un +de ses valets de chambre. Il eut des râlements qui durèrent quelques +minutes, et il mourut.</p> + +<p>»On voulut que je lui appliquasse des ventouses avec scarifications, ce +que je fis, on lui apporta et on lui envoya de l'eau apoplectique, des +gouttes d'Angleterre, des eaux divines et générales; on lui fit avaler +de tous ces remèdes qui furent inutiles, puisqu'il était mort, et en peu +de temps, car il ne se passa pas une demi-heure depuis le moment qu'il +fut attaqué de son mal jusqu'à sa mort.</p> + +<p>»Le lendemain, M. Séron vint chez moi me dire que la famille souhaitait +que ce fût moi qui en fît l'ouverture. Je la fis en présence de MM. +<i>d'Aquin</i>, <i>Fagon</i>, <i>Duchesne</i> et <i>Séron</i>.<a name="page_081" id="page_081"></a></p> + +<p>»En faisant prendre le corps pour le porter dans l'antichambre, je vis +son matelas tout baigné de sang; il y en avait plus d'une pinte qui +avait distillé pendant vingt-quatre heures par les scarifications que je +lui avais faites aux épaules; et ce qui est de particulier, c'est +qu'étant sur la table, je voulus lui ôter la bande qui était encore à +son bras de la saignée du jour précédent, et que je fus obligé de la +remettre, parce que le sang en coulait, ce qui gâtait le drap sur lequel +il était.</p> + +<p>»Le cerveau était dans son état naturel et très-bien disposé; <i>l'estomac +était plein de tout ce qu'il avait mangé à son dîner</i>; il y avait +plusieurs petites pierres dans la vésicule du fiel; <i>les poumons étaient +gonflés et pleins de sang</i>; le cœur était gros, flétri, mollasse et +semblable à du linge mouillé, n'ayant pas une goutte de sang dans ses +ventricules.</p> + +<p>»On fit une relation de tout ce qu'on avait trouvé, qui fut portée au +roi, après avoir été signée par les quatre médecins que je viens de +nommer, et par quatre chirurgiens, qui étaient MM. <i>Félix</i>, <i>Gervais</i>, +<i>Dutertre et moi</i>:</p> + +<p> +<br /> +</p> + +<p>«<i>Le jugement certain qu'on peut faire de la cause de cette mort, est +l'interception de la circulation du sang; les poumons en étaient pleins, +parce qu'il y était retenu, et il n'y en a point dans le cœur, parce +qu'il n'y en pouvait point entrer; il fallait donc que ses mouvements +cessassent, ne recevant point de sang pour<a name="page_082" id="page_082"></a> les continuer: c'est ce qui +s'est fait aussi, et ce qui a causé une mort si subite.</i>»</p> + +<p>Telle est l'opinion des hommes de l'art; c'est à une <i>apoplexie +pulmonaire</i> qu'ils attribuent avec juste raison la cause de la mort, et +l'on ne voit nulle part qu'ils aient parlé d'empoisonnement, ainsi que +l'affirme Saint-Simon. D'ailleurs Louvois était menacé depuis longtemps +de cette affection; il éprouvait fréquemment des oppressions. Les +médecins cherchaient à les combattre, en lui donnant les eaux de forges, +qu'il allait prendre tous les matins dans l'Orangerie, <i>où le suivaient +ses commis pour ne pas discontinuer son travail ordinaire</i><a name="FNanchor_43_43" id="FNanchor_43_43"></a><a href="#Footnote_43_43" class="fnanchor">[43]</a>.</p> + +<p>Il résulte de ces faits que Louvois a été frappé d'une attaque +d'apoplexie pulmonaire, et qu'il faut reléguer au rang des fables tous +les bruits d'empoisonnement répandus à sa mort, et recueillis avec +avidité par le caustique Saint-Simon.</p> + +<p>L'appartement occupé par Louvois était au premier étage de l'hôtel de la +surintendance; cet appartement a vue sur le parc du côté de la petite +Orangerie. Cela explique le passage de Saint-Simon, dans lequel il parle +de la promenade de Louis XIV le jour de la mort de son ministre. +«Quoique je n'eusse guère que quinze ans, je voulus voir la contenance +du roi à un événement de cette qualité. J'allai l'attendre, et le suivis +toute sa promenade. Il me parut avec sa majesté<a name="page_083" id="page_083"></a> accoutumée, mais avec +je ne sais quoi de leste et de délivré, qui me surprit assez pour en +parler après, d'autant plus que j'ignorais alors et longtemps depuis les +choses que je viens d'écrire. Je remarquai encore qu'au lieu d'aller +visiter ses fontaines et de diversifier sa promenade, comme il faisait +toujours dans ces jardins, il ne fit qu'aller et venir <i>le long de la +balustrade de l'Orangerie</i>, d'où il voyait en revenant vers le château +le logement de la surintendance où Louvois venait de mourir, qui +terminait l'ancienne aile<a name="FNanchor_44_44" id="FNanchor_44_44"></a><a href="#Footnote_44_44" class="fnanchor">[44]</a> du château sur le flanc de l'Orangerie, et +vers lequel il regarda sans cesse toutes les fois qu'il revenait vers le +château.»</p> + +<p>Le corps de Louvois fut porté aux Invalides. Voici son acte de décès tel +qu'il est inscrit sur les registres de la paroisse Notre-Dame de +Versailles:</p> + +<p>«Le seizième jour de juillet mil six cent quatre-vingt-onze, est décédé +au château, dans l'appartement de la surintendance, très-haut et +puissant seigneur monseigneur Michel-François le Tellier, marquis de +Louvois, ministre et secrétaire d'État, surintendant des bâtiments, des +fortifications, des arts et manufactures de France, grand maître des +postes, vicaire général de l'ordre de Saint-Lazare, commandeur et +chancelier des ordres du roi, âgé de cinquante-deux ans, dont le corps +ayant d'abord été apporté en cette église paroissiale, a été ensuite<a name="page_084" id="page_084"></a> +transporté à Paris, dans l'hôtel royal des Invalides, pour être inhumé +dans l'église; ses entrailles laissées à Meudon, aux révérends pères +capucins, et son cœur porté aux capucines de la rue Saint-Honoré, par +moi soussigné, supérieur de la maison de la congrégation de la Mission +de Versailles et curé de la même ville, en présence de MM. Henri Moreau +et François Maricourt, qui ont signé: Moreau, de Maricourt, prêtres de +la congrégation de la Mission. Et plus bas, signé: Hébert.»<a name="page_085" id="page_085"></a></p> + +<h3><a name="V" id="V"></a>V<br /><br /> +L'APPARTEMENT DE MADAME DE MAINTENON.<br /><br /> +1686-1715.</h3> + +<p class="c">————</p> + +<p>Saint-Simon, voulant faire connaître les particularités de la vie privée +de Louis XIV et de madame de Maintenon, dit dans un endroit de ses +<i>Mémoires</i>: «Je me trouve, je l'avoue, entre la crainte de quelques +redites et celle de ne pas expliquer assez en détail des curiosités que +nous regrettons dans toutes les histoires et dans presque tous les +Mémoires des divers temps. On voudrait y voir les princes, avec leurs +maîtresses et leurs ministres, dans leur vie journalière. Outre une +curiosité si raisonnable, on en connaîtrait bien mieux les mœurs du +temps et le génie des monarques, celui de leurs maîtresses et de leurs +ministres, de leurs favoris, de ceux qui les ont le plus approchés, et +les adresses qui ont été employées pour les gouverner ou pour arriver +aux divers buts qu'on s'est proposés. Si ces choses doivent passer pour +curieuses, et même pour instructives<a name="page_086" id="page_086"></a> dans tous les règnes, à plus forte +raison d'un règne aussi long et aussi rempli que l'a été celui de Louis +XIV, et d'un personnage unique dans la monarchie depuis qu'elle est +connue, qui a, trente-deux ans durant, revêtu ceux de confidente, de +maîtresse, d'épouse, de ministre, et de toute-puissante, après avoir été +si longuement néant, et, comme on dit, avoir si longtemps et si +publiquement rôti le balai.» Ces réflexions de Saint-Simon peuvent +également s'appliquer aux recherches des lieux habités par les mêmes +personnages, et en particulier à Versailles, cette magnifique création +de Louis XIV; on voudrait pouvoir connaître l'histoire de chacune des +chambres de ce palais, surtout de ces petits appartements, dans lesquels +on vit l'amour, la jalousie, l'ambition, la haine, toutes les plus +mauvaises passions du cœur humain s'agiter si longtemps pour donner le +spectacle de ces élévations et de ces chutes de favoris et de maîtresses +qui ont eu tant d'influence sur les destinées de la France dans le +dernier siècle. Malheureusement le château de Versailles a subi de +nombreux changements depuis Louis XIV jusqu'à nos jours, et il est +difficile de se reconnaître au milieu de toutes ces transformations.</p> + +<p>L'un des appartements que l'on désire généralement le plus connaître, et +sur lequel il y a eu jusqu'à ce jour le plus d'obscurité, est celui de +madame de Maintenon, de cette femme extraordinaire qui, de la position +la plus humble, s'éleva jusqu'au titre<a name="page_087" id="page_087"></a> d'épouse du roi, et gouverna +pendant plus de trente ans et le monarque et le royaume.</p> + +<p>Nous avons étudié avec attention ce point de l'histoire du château de +Versailles, comparé avec soin les divers documents qui peuvent +l'éclairer, et nous croyons pouvoir établir d'une manière positive +l'emplacement de cet appartement.</p> + +<p>L'opinion, aujourd'hui la plus répandue, est que cet appartement +occupait quelques pièces situées derrière les petits appartements du +roi, dans l'aile nord de la cour de marbre. C'est cette opinion que M. +Vatout a adoptée dans son livre du <i>Palais de Versailles</i>; elle paraît +avoir été suivie dans la réparation de cette partie du château, +puisqu'on y signale plusieurs pièces comme ayant appartenu à +l'appartement de madame de Maintenon, et que <i>Louis-Philippe</i> y a fait +placer le portrait de cette femme célèbre. Voici, du reste, ce que dit +M. Vatout:</p> + +<p class="c">SALLE DU DÉJEUNER.</p> + +<p>«Louis XVI avait l'habitude de déjeuner dans cette pièce avant de partir +pour la chasse. Il y laissait entrer, pour les caresser, quatre chiens +favoris qu'il aimait tant, que, dans la crainte de trop les fatiguer, +les pages avaient ordre de les conduire en voiture à la chasse.</p> + +<p>»Louis-Philippe avait l'habitude de s'y reposer lorsqu'il allait visiter +et suivre les travaux du Musée national de Versailles.<a name="page_088" id="page_088"></a></p> + +<p>»Cette pièce, éclairée sur la cour des Cerfs, faisait autrefois partie +<i>du petit appartement de madame de Maintenon</i>. «Cet appartement, dit +Saint-Simon, était au haut du grand escalier, de plain-pied avec +l'appartement du roi<a name="FNanchor_45_45" id="FNanchor_45_45"></a><a href="#Footnote_45_45" class="fnanchor">[45]</a>.»</p> + +<p>Nous verrons plus tard où Saint-Simon plaçait cet appartement, et nous +sommes encore étonné, après la description si claire qu'il en donne, que +M. Vatout ait pu l'indiquer dans ce lieu.</p> + +<p>«La destruction de ce grand escalier, ajoute M. Vatout, et les nombreux +changements opérés par Louis XV dans cette partie intérieure du palais, +ne permettent plus aujourd'hui que d'indiquer l'emplacement du logement +occupé par cette femme célèbre. <i>Ce qu'il y a de certain</i>, c'est que la +pièce qu'on appelle aujourd'hui <i>Salle du déjeuner</i> faisait partie du +salon par lequel le roi passait, en sortant de la salle à manger, pour +se rendre dans le cabinet de madame de Maintenon. La petite galerie +<i>Mignard</i>, avec ses deux salons, pouvait offrir à cet appartement de +brillants accessoires, lorsqu'on y faisait de la musique ou qu'on y +jouait la comédie.»</p> + +<p>Cette description ne laisse aucun doute, et l'on voit que M. Vatout +place l'appartement de madame<a name="page_089" id="page_089"></a> de Maintenon au haut du grand escalier +des ambassadeurs<a name="FNanchor_46_46" id="FNanchor_46_46"></a><a href="#Footnote_46_46" class="fnanchor">[46]</a>, entre les grands et les petits appartements du +roi, tandis que sa place véritable, comme on va le voir, était dans la +partie opposée, c'est-à-dire au haut de l'escalier de marbre, et du côté +des appartements de la reine.</p> + +<p>Mais avant d'aller plus loin, et pour bien comprendre ce que nous allons +dire, il est nécessaire de jeter un coup d'œil sur la distribution des +appartements du château à l'époque de Louis XIV.</p> + +<p>En 1671, <i>André Félibien</i>, historiographe des bâtiments du roi, publia +une description de Versailles et des embellissements que Louis XIV y +faisait exécuter. Les agrandissements successifs opérés dans le palais, +et les nouveaux arrangements nécessités par le séjour du roi, +déterminèrent <i>Félibien des Avaux</i>, son fils et son successeur dans +l'emploi d'historiographe des bâtiments, à faire paraître une nouvelle +description de Versailles. C'est cette nouvelle description, publiée en +l'année 1703, qui va nous servir. Nous en rapporterons tout ce qui peut +faire connaître d'une manière exacte la disposition des appartements, en +retranchant ce qui est inutile à la solution de la question qui nous +occupe; c'est, du reste, une description très-curieuse du Versailles de +Louis XIV, et qui vaudrait la peine d'être publiée de nouveau.</p> + +<p>Félibien décrit d'abord les appartements du rez-de-chaussée, occupés +d'un côté par le Dauphin et de<a name="page_090" id="page_090"></a> l'autre par le duc du Maine, et nous +ferons remarquer qu'il indique comme habité par le <i>duc du Maine</i> +l'appartement des bains, situé sous les grands appartements du roi, car +la situation de ce logement pourra nous servir à expliquer ce qui a pu +faire croire que l'appartement de madame de Maintenon devait être de ce +côté du château.</p> + +<p>Félibien ajoute ensuite<a name="FNanchor_47_47" id="FNanchor_47_47"></a><a href="#Footnote_47_47" class="fnanchor">[47]</a>: «Aux côtés de la petite cour pavée de +marbre du milieu du château, et aux côtés de la grande cour par où l'on +a été voir les grands appartements bas, il y a huit escaliers outre ceux +des quatre petites cours voisines. La plupart des uns et des autres +servent à dégager les grands appartements hauts, et à monter à quantité +d'autres appartements que les principaux officiers de la maison du roi, +obligés par leurs charges d'être proche de la personne de Sa Majesté, +occupent, tant dans les logements qui sont aux côtés des grands +appartements, que dans les attiques et proche des combles du vieux et du +nouveau château. Les deux escaliers les plus considérables servent pour +monter aux appartements du roi. Ils sont enrichis de marbre et situés +aux côtés de la grande cour proche des passages, où l'appartement des +bains (pour le grand escalier des ambassadeurs) et l'appartement de +Monseigneur (pour l'escalier de marbre) ont leurs principales entrées.</p> + +<p>»Le moins grand de ces deux escaliers, appelé le<a name="page_091" id="page_091"></a> petit escalier de +marbre, est auprès de ce dernier appartement où l'on entre même +d'ordinaire par une porte qui est proche de la rampe de cet escalier. Il +n'y en a pas de plus fréquenté et qu'on connaisse davantage dans +Versailles. Trois arcades donnent d'abord entrée par la grande cour dans +un vestibule fait en forme d'une double galerie voûtée de pierre et pavé +de carreaux de marbre blanc et de marbre noir. C'est de là qu'on va à +l'escalier proche duquel une des portes de l'appartement de Monseigneur +est ouverte vers le midi. Une autre porte, vers l'occident, donne entrée +dans la petite cour qui est environnée, de ce côté, des bâtiments du +vieux et du nouveau château, et partagée par un corridor orné de +colonnes. Tout l'escalier est pavé de marbre....</p> + +<p>»Sur le grand palier du haut, vers le midi, est une porte qui, de ce +grand palier par le bout le plus proche du haut de la dernière rampe, +conduit à l'appartement de la reine, occupé par madame la duchesse de +Bourgogne. Et dans la face vers le septentrion, à l'autre bout du même +palier, il y a une simple porte qui donne entrée dans les appartements +du roi. Deux autres portes proche les précédentes servent, à l'autre +bout de l'escalier vers l'orient, à entrer dans la grande salle des +gardes, la plus proche de l'appartement de la reine. C'est en traversant +un petit passage, qui est au bout de cette salle, qu'on peut aller par +une autre grande salle (salle de 1792) à un petit appartement de jour de +monseigneur le<a name="page_092" id="page_092"></a> duc de Bourgogne (salles des Gouaches), et par la même +salle à un grand escalier de pierre (des Princes), par où l'on va aux +appartements de Monsieur, de Madame, de monseigneur le duc de Chartres +et de madame la duchesse de Chartres (galerie des Batailles) qui, comme +nous avons déjà dit, sont de plain-pied avec ceux du roi....</p> + +<p>»Tâchons à présent, par une description la plus sommaire qu'il nous sera +possible, de faire connaître l'état où les appartements du roi et les +autres appartements hauts du vieux et du nouveau château sont +aujourd'hui.</p> + +<p>»Le premier appartement du roi, où l'on entre, comme nous avons dit, par +le petit escalier de marbre du côté du septentrion, a vue sur la petite +cour pavée de marbre, qu'il environne de trois côtés. Un vestibule que +l'on trouve d'abord proche du petit escalier <i>sert vers l'orient à +donner passage à un appartement particulier qu'occupe madame la marquise +de Maintenon dans une des ailes de la grande cour</i>; et vers l'occident à +entrer par une salle des gardes dans une antichambre où l'on sert le roi +quand il mange en public.»</p> + +<p>Ainsi, il n'y a pas ici de termes ambigus; c'est sur le vestibule placé +près du palier du petit escalier de marbre et en face de l'entrée de +l'appartement de Louis XIV, que se trouvait l'appartement de madame de +Maintenon. Nous reviendrons bientôt sur cet appartement, et nous allons +continuer la description de celui du roi, en suivant toujours Félibien,<a name="page_093" id="page_093"></a> +afin de montrer qu'il indique la destination de toutes les pièces de cet +appartement, et que l'endroit qu'il vient de désigner est le seul où +l'on puisse placer l'habitation de cette femme célèbre:</p> + +<p>«Cette antichambre, <i>celle où le roi mangeait en public</i>, a depuis peu, +vers le midi, une porte par où l'on entre dans un petit appartement de +nuit de monseigneur le duc de Bourgogne (depuis petit appartement de la +reine), que l'on a construit de nouveau au-dessus du corridor qui +traverse en bas le milieu de la petite cour la plus proche de +l'appartement de Monseigneur. Mais pour aller par la grande antichambre +du roi dans l'appartement de Sa Majesté, on entre, vers l'occident, dans +la chambre <i>des Bassans</i>, ainsi appelée à cause qu'il y a plusieurs +tableaux de ces anciens maîtres au-dessus des portes et dans les +lambris. Cette chambre a trois portes, outre celle de la grande +antichambre par où l'on est entré. Une porte au midi conduit à un +escalier de dégagement par où monseigneur monte de son appartement à +celui du roi (cet escalier en pierre existe encore aujourd'hui, +quoiqu'il ne soit plus d'aucun usage); une autre porte à l'occident +conduit dans la grande galerie haute du nouveau château, du côté des +jardins; et la troisième porte, au septentrion, est celle par où il faut +passer dans la suite du premier appartement du roi, et premièrement dans +la chambre à coucher de Sa Majesté.»</p> + +<p>Après la description de la chambre du roi et de<a name="page_094" id="page_094"></a> son ameublement, il +ajoute: «Les portes du côté de la cheminée donnent entrée vers le +septentrion dans un grand salon carré, situé au milieu de l'ancien +château, sur le vestibule pavé et lambrissé de marbre qu'on a remarqué +en bas.... Ensuite du salon on trouve une autre pièce appelée <i>chambre +du Conseil</i>. Le premier des cabinets du roi est entièrement revêtu de +glaces.... On le nomme <i>cabinet des Termes</i>, parce que vingt figures de +jeunes enfants en forme de Termes, qui soutiennent des festons dorés, +ornent une manière d'attique élevée au-dessus de la corniche, dans le +même cabinet<a name="FNanchor_48_48" id="FNanchor_48_48"></a><a href="#Footnote_48_48" class="fnanchor">[48]</a>. Il reçoit son jour vers le septentrion, par la petite +cour de l'appartement des bains.»</p> + +<p>Cette description de l'appartement du roi est curieuse en ce qu'elle +nous donne l'époque exacte de l'établissement de la chambre à coucher +dans laquelle mourut Louis XIV. En effet, l'on a pu voir dans les +détails donnés par Félibien que ce que l'on nomme le <i>salon de +l'Œil-de-bœuf</i> était coupé en deux parties, dont l'une était occupée +par une antichambre nommée des <i>Bassans</i>, et l'autre par la chambre à +coucher du roi, tandis que la chambre à coucher actuelle, qui occupe le +centre du château, était un grand salon de réception, probablement +l'ancien grand salon de Louis XIII.<a name="page_095" id="page_095"></a></p> + +<p>C'est en 1703 que Félibien des Avaux fit paraître sa <i>Description +sommaire de Versailles</i>. Mais à la fin de ce même volume, dans un +chapitre intitulé <i>Changements qui ont été faits à Versailles, en divers +endroits du château, pendant l'impression de ce volume</i>, voici ce qu'il +dit de l'appartement du roi: «On voit un nouveau salon qui ne surprend +pas moins par sa richesse que par sa grandeur. Il contient tout l'espace +d'une seconde antichambre et d'une chambre où l'on a vu jusqu'ici le lit +du roi: ainsi ce nouveau salon a au moins soixante pieds de longueur sur +environ vingt-six de largeur, et son exhaussement, qu'on a beaucoup +augmenté, a donné moyen de faire une ouverture ovale de fenêtre dans le +haut de l'extrémité vers le midi—que l'on nomme un œil-de-bœuf—pour +donner plus de jour au salon. L'on ne peut trop considérer dans la +chambre du roi, qui servait autrefois de salon, les changements qu'on y +a faits et les ornements nouveaux dont on l'a embellie. Elle est toute +boisée et presque entièrement dorée sur un fond blanc, ainsi que le +grand salon, mais ornée avec encore plus de magnificence. La cheminée +est placée à présent vers le septentrion; son chambranle de marbre +occupe le bas d'une grande arcade remplie de glaces de miroir, et dont +le cintre est porté par des pilastres ioniques, et chargé d'une +cassolette fumante, accompagnée de festons de fleurs, et de deux Zéphyrs +figurés par des enfants en bas-reliefs, qui ont des ailes de papillon au +dos. Il y a<a name="page_096" id="page_096"></a> une semblable arcade vis-à-vis, aussi toute remplie de +glaces et accompagnée d'ornements. L'on a doré de nouveau les pilastres, +et tous les ouvrages de sculpture qu'on a conservés. Une grande arcade +surbaissée sert du côté de l'occident, vis-à-vis des fenêtres, à +augmenter la profondeur de cette chambre pour y placer plus commodément +le lit du roi.»</p> + +<p>Il est donc évident que le salon dit de l'Œil-de-bœuf et la chambre +actuelle du roi Louis XIV ne datent que de l'année 1703, c'est-à-dire de +l'époque écoulée entre l'impression de l'ouvrage de Félibien et les +additions qu'il a placées à la fin, avant de la livrer au public.</p> + +<p>Dans les changements qu'on venait de faire subir à l'appartement du roi, +Félibien signale l'agrandissement de la salle du Conseil aux dépens du +cabinet des Termes, qui, quoique plus petit, n'en continua pas moins +d'exister.</p> + +<p>Félibien ajoute: «Le second cabinet, dans lequel on entre par le grand +cabinet du Conseil et par l'ancien cabinet des Termes, et qui a vue vers +le septentrion sur la même cour, et vers le midi sur la petite cour +pavée de marbre, est orné de tableaux de tous côtés.» (Sous Louis XV, +cette chambre fut agrandie du côté du nord, l'on boucha les fenêtres de +ce côté, et elle devint la chambre à coucher du roi.) «La pièce suivante +sert de vestibule à un escalier par où le roi descend de son appartement +pour sortir du château, et sert à passer dans un<a name="page_097" id="page_097"></a> autre cabinet, qu'une +arcade et deux autres ouvertures moins grandes qui l'accompagnent +unissent à la dernière pièce de l'enfilade. Ici une porte située au +septentrion donne entrée dans un salon ovale tout doré et orné de +pilastres et de quatre niches où l'on a placé autant de groupes de +bronze. Enfin, dans ce salon ovale, une porte donne entrée dans un +cabinet qui l'accompagne vers l'occident, et une autre porte vers +l'orient conduit à la petite galerie peinte par <i>Mignard</i>, dont nous +avons rapporté une description assez étendue, ainsi que des deux salons +qui sont à ses extrémités.» Ici s'arrête la description des petits +appartements du roi. Félibien décrit ensuite le grand escalier des +ambassadeurs, les grands appartements du roi, la grande galerie et les +appartements de la reine, qui ne sont point changés.</p> + +<p>En suivant pas à pas, sur les plans de <i>Blondel</i>, la description de +Félibien, on voit que toutes les pièces de l'appartement du roi, qui y +sont parfaitement indiquées, avaient toutes une destination, et qu'il +est impossible d'y trouver un endroit pouvant s'appliquer à +l'appartement de madame de Maintenon. Il faut donc absolument chercher +cet appartement dans une autre partie du château.</p> + +<p>Nous avons dit que Félibien en plaçait la porte dans le vestibule qui +servait d'entrée à l'appartement du roi: «Un vestibule que l'on trouve +d'abord proche du petit escalier sert, vers l'orient, à donner passage à +un appartement particulier qu'occupe<a name="page_098" id="page_098"></a> madame la marquise de Maintenon +dans une des ailes de la grande cour.» Malheureusement Félibien, si +exact dans le détail des divers appartements qu'il décrit, mais voulant +seulement faire connaître au public ceux qu'on pouvait visiter et qui +étaient curieux par leurs ornements, les tableaux, les sculptures, ou +les choses rares qu'ils contenaient, n'a parlé que des appartements du +roi, de la reine et des princes, et n'a rien ajouté de plus sur celui de +madame de Maintenon. Cependant cette indication est déjà une preuve de +sa situation en ce lieu, et de la nécessité de ne point le chercher +ailleurs.</p> + +<p>Voyons, maintenant que nous savons le lieu occupé par cet appartement, +si nous trouverons quelque part des détails assez circonstanciés pour +qu'il ne reste aucun doute, et que nous puissions, en quelque sorte, le +rétablir comme il était à cette époque.</p> + +<p>Il était impossible que Saint-Simon, ce caustique et spirituel +chroniqueur, qui passait, pour ainsi dire, tous ses jours dans le +château de Versailles à suivre ses habitants, pour deviner leurs +pensées, leurs actions, connaître les événements nouveaux et surtout les +intrigues que ce peuple de courtisans faisait éclore et avorter à chaque +instant, ne donnât pas quelques renseignements sur le lieu qu'habitait +le plus célèbre de tous ces personnages, sur celui qui était devenu le +véritable chef de l'État, et que Saint-Simon avait d'autant plus de +motifs de faire connaître dans ses moindres actions, qu'il y cherchait +presque toujours<a name="page_099" id="page_099"></a> des raisons de faire excuser la haine qu'il lui +portait.</p> + +<p>Il donne en effet dans ses <i>Mémoires</i> une description si exacte et si +minutieuse de l'appartement de madame de Maintenon, que l'on est étonné +d'avoir vu sa place si longtemps ignorée.</p> + +<p>Voici à quelle occasion. Au mois de décembre 1708, le duc de Bourgogne +revenait de sa campagne de Flandre, qui n'avait pas été heureuse. Il +était attendu à la cour avec grande impatience; et tous ses amis +redoutaient la réception qu'allait lui faire Louis XIV. Saint-Simon, +très-attaché au duc de Bourgogne, raconte ainsi cette réception, dans +laquelle il entre, pour la mieux faire comprendre, dans les plus +minutieux détails:</p> + +<p>«Madame la duchesse de Bourgogne, dit-il, était dans une grande +agitation de la réception que recevrait monseigneur le duc de Bourgogne, +et de pouvoir avoir le temps de l'entretenir et de l'instruire avant +qu'il pût voir le roi en personne. Je lui fis dire de lui mander +d'ajuster son voyage de façon qu'il arrivât à une ou deux heures après +minuit, parce que de la sorte, arrivant tout droit chez elle et ne +pouvant voir qu'elle, ils auraient tout le temps de la nuit à être +ensemble seuls, les premiers instants du matin avec le duc de +Beauvillier et peut-être avec madame de Maintenon, et l'avantage encore +que le prince saluerait le roi et Monseigneur avant que personne fût +entré chez eux, et que personne n'y serait témoin de sa réception, à +très-peu de valets<a name="page_100" id="page_100"></a> près et même écartés. L'avis ne fut pas donné, ou, +s'il le fut, il ne fut pas suivi. Le jeune prince arriva le lundi 11 +décembre, un peu après sept heures du soir, comme Monseigneur venait +d'entrer à la comédie<a name="FNanchor_49_49" id="FNanchor_49_49"></a><a href="#Footnote_49_49" class="fnanchor">[49]</a>, où madame la duchesse de Bourgogne n'était +pas allée pour l'attendre. Je ne sais pourquoi il vint descendre dans la +<i>cour des Princes</i> au lieu de la grande. J'étais en ce moment-là chez la +comtesse de Roucy dont les fenêtres donnaient dessus. Je sortis +aussitôt, et arrivant au haut du grand degré du bout de la galerie<a name="FNanchor_50_50" id="FNanchor_50_50"></a><a href="#Footnote_50_50" class="fnanchor">[50]</a>, +j'aperçus le prince qui le montait, entre les ducs de Beauvillier et de +la Rocheguyon, qui s'étaient trouvés à la descente de sa chaise. Il +avait bon visage, gai et riant, et parlait à droite et à gauche. Je lui +fis ma révérence au bord des marches. Il me fit l'honneur de +m'embrasser, mais de façon à me marquer qu'il était encore plus instruit +qu'attentif à ce qu'il devait à la dignité, et il ne parla plus qu'à moi +un assez long bout de chemin, pendant lequel il me glissa bas qu'il +n'ignorait pas comment j'avais parlé, et comment j'en avais usé à son +égard. Il fut rencontré par un groupe de courtisans, à la tête desquels +était le duc de la Rochefoucauld. Entouré de ce groupe, il traversa la +grande<a name="page_101" id="page_101"></a> salle des gardes, au lieu d'entrer chez madame de Maintenon par +son antichambre de jour et par les derrières, bien que son plus +court<a name="FNanchor_51_51" id="FNanchor_51_51"></a><a href="#Footnote_51_51" class="fnanchor">[51]</a>, et alla, par le palier du grand degré<a name="FNanchor_52_52" id="FNanchor_52_52"></a><a href="#Footnote_52_52" class="fnanchor">[52]</a>, entrer par la +grande porte de l'appartement de madame de Maintenon<a name="FNanchor_53_53" id="FNanchor_53_53"></a><a href="#Footnote_53_53" class="fnanchor">[53]</a>. C'était le +jour du travail ordinaire de Pontchartrain, qui, depuis quelque temps, +avait changé avec Chamillart du mardi au lundi. Il était alors en tiers +avec le roi et madame de Maintenon, et le soir même il me conta cette +curieuse réception, qu'il remarqua bien et dont il fut seul témoin. Je +dis en tiers, parce que madame la duchesse de Bourgogne allait et +venait; mais pour le bien entendre, il faut un moment d'ennui de +mécanique.</p> + +<p>»L'appartement de madame de Maintenon était de plain-pied et faisant +face à la salle des gardes du roi<a name="FNanchor_54_54" id="FNanchor_54_54"></a><a href="#Footnote_54_54" class="fnanchor">[54]</a>. L'antichambre était plutôt un +passage long en<a name="page_102" id="page_102"></a> travers, étroit, jusqu'à une autre antichambre toute +pareille de forme, dans laquelle les seuls capitaines des gardes +entraient<a name="FNanchor_55_55" id="FNanchor_55_55"></a><a href="#Footnote_55_55" class="fnanchor">[55]</a>, puis une grande chambre profonde<a name="FNanchor_56_56" id="FNanchor_56_56"></a><a href="#Footnote_56_56" class="fnanchor">[56]</a>. Entre la porte, par +où l'on y entrait de cette seconde antichambre, et la cheminée<a name="FNanchor_57_57" id="FNanchor_57_57"></a><a href="#Footnote_57_57" class="fnanchor">[57]</a>, +était le fauteuil du roi adossé à la muraille, une table devant lui, et +un ployant autour pour le ministre qui travaillait. De l'autre côté de +la cheminée une niche de damas rouge et un fauteuil ou se tenait madame +de Maintenon avec une petite table devant elle. Plus loin son lit dans +un enfoncement<a name="FNanchor_58_58" id="FNanchor_58_58"></a><a href="#Footnote_58_58" class="fnanchor">[58]</a>. Vis-à-vis les pieds du lit une porte et cinq +marches<a name="FNanchor_59_59" id="FNanchor_59_59"></a><a href="#Footnote_59_59" class="fnanchor">[59]</a>. Puis un fort grand cabinet qui donnait dans la première +antichambre de l'appartement de monseigneur le duc<a name="page_103" id="page_103"></a> de Bourgogne, que +cette porte enfilait, et qui est aujourd'hui l'appartement du cardinal +de Fleury<a name="FNanchor_60_60" id="FNanchor_60_60"></a><a href="#Footnote_60_60" class="fnanchor">[60]</a>. Cette première antichambre ayant à droite cet +appartement, et à gauche ce grand cabinet de madame de Maintenon, +descendait, comme encore aujourd'hui, par cinq marches dans le salon de +marbre contigu au palier du grand degré au bout des deux galeries, haute +et basse, dites de madame la duchesse d'Orléans, ou des Princes<a name="FNanchor_61_61" id="FNanchor_61_61"></a><a href="#Footnote_61_61" class="fnanchor">[61]</a>.</p> + +<p>«Tous les soirs, madame la duchesse de Bourgogne jouait dans le grand +cabinet de madame de Maintenon avec les dames à qui on avait donné +l'entrée, qui ne laissait pas d'être assez étendue, et de là, entrait, +tant et si souvent qu'elle voulait, dans la pièce joignante, qui était +la chambre de madame de Maintenon, où elle était avec le roi, la +cheminée entre deux. Monseigneur, après la comédie, montait<a name="page_104" id="page_104"></a> dans ce +grand cabinet<a name="FNanchor_62_62" id="FNanchor_62_62"></a><a href="#Footnote_62_62" class="fnanchor">[62]</a> où le roi n'entrait point, et madame de Maintenon +presque jamais.</p> + +<p>»Avant le souper du roi, les gens de madame de Maintenon lui apportaient +son potage avec son couvert, et quelque autre chose encore. Elle +mangeait, ses femmes et un valet de chambre la servaient, toujours le +roi présent, et presque toujours travaillant avec un ministre. Le souper +achevé, qui était court, on emportait la table; les femmes de madame de +Maintenon demeuraient, qui tout de suite la déshabillaient en un moment, +et la mettaient au lit. Lorsque le roi était averti qu'il était servi, +il passait un moment dans une garde-robe<a name="FNanchor_63_63" id="FNanchor_63_63"></a><a href="#Footnote_63_63" class="fnanchor">[63]</a>, allait après dire un mot à +madame de Maintenon, puis sonnait une sonnette qui répondait au grand +cabinet. Alors Monseigneur, s'il y était, monseigneur et madame la +duchesse de Bourgogne, M. le duc de Berry, et les dames qui étaient à +elle, entraient à la file dans la chambre de madame de Maintenon, ne +faisaient presque que la traverser, et précédaient le roi qui allait se +mettre à table suivi de madame la duchesse de Bourgogne et de ses dames. +Celles qui n'étaient point à elle, ou s'en allaient, ou, si elles +étaient habillées pour aller au souper, car le privilège de ce cabinet +était d'y faire sa cour à madame la duchesse de Bourgogne sans l'être, +faisaient le tour par la grande salle des<a name="page_105" id="page_105"></a> gardes sans entrer dans la +chambre de madame de Maintenon. Nul homme, sans exception que ces trois +princes, n'entrait dans le grand cabinet. Cela expliqué, venons à la +réception et à tout son détail, auquel Pontchartrain fut très-attentif, +et qu'il me rendit tête à tête très-exactement une demi-heure après +qu'il fut revenu chez lui<a name="FNanchor_64_64" id="FNanchor_64_64"></a><a href="#Footnote_64_64" class="fnanchor">[64]</a>.</p> + +<p>»Sitôt que de chez madame de Maintenon on entendit la rumeur qui précède +de quelques instants ces sortes d'arrivée, le roi s'embarrassa jusqu'à +changer diverses fois de visage. Madame la duchesse de Bourgogne parut +un peu tremblante, et voltigeait par la chambre pour cacher son trouble, +sous prétexte d'incertitude par où le prince arriverait, du <i>grand +cabinet</i> ou de l'<i>antichambre</i>. Madame de Maintenon était rêveuse. Tout +à coup les portes s'ouvrirent. Le jeune prince s'avança au roi, qui, +maître de soi plus que qui que ce fût, perdit à l'instant tout embarras, +fit<a name="page_106" id="page_106"></a> un pas ou deux vers son petit-fils, l'embrassa avec assez de +démonstration de tendresse, lui parla de son voyage; puis, lui montrant +la princesse:—Ne lui dites-vous rien? ajouta-t-il d'un visage riant. Le +prince se retourna un moment vers elle, et répondit respectueusement +comme n'osant se détourner du roi, et sans avoir remué de place. Il +salua ensuite madame de Maintenon, qui lui fit fort bien. Ces propos de +voyage, de couchées, de chemins durèrent ainsi et tout debout un +demi-quart d'heure; puis le roi lui dit qu'il n'était pas juste de lui +retarder plus longtemps le plaisir qu'il aurait d'être avec madame la +duchesse de Bourgogne, et le renvoya, ajoutant qu'ils auraient loisir de +se revoir. Le prince fit sa révérence au roi, une autre à madame de +Maintenon, passa devant le peu de dames du palais qui s'étaient +enhardies de mettre la tête dans la chambre, <i>au bas de ces cinq +marches</i>, entra dans le <i>grand cabinet</i>, où il embrassa madame la +duchesse de Bourgogne, y salua les dames qui s'y trouvèrent, +c'est-à-dire les baisa, demeura quelques moments, et passa dans son +appartement, où il s'enferma avec madame la duchesse de Bourgogne.</p> + +<p>»Leur tête-à-tête dura deux heures et plus; tout à la fin madame d'O y +fut en tiers; presque aussitôt après, la maréchale d'Estrées y entra, et +peu de moments après madame la duchesse de Bourgogne sortit avec elles, +et revint dans le grand cabinet de madame de Maintenon. Monseigneur y +vint à l'ordinaire<a name="page_107" id="page_107"></a> au sortir de la comédie<a name="FNanchor_65_65" id="FNanchor_65_65"></a><a href="#Footnote_65_65" class="fnanchor">[65]</a>; madame la duchesse de +Bourgogne, en peine de ce que monseigneur le duc de Bourgogne ne se +pressait point d'y venir saluer Monseigneur, l'alla chercher, et revint +disant qu'il se poudrait; mais remarquant que Monseigneur n'était pas +satisfait de ce peu d'empressement, elle envoya le hâter. Cependant la +maréchale d'Estrées, folle et étourdie, et en possession de dire tout ce +qui lui passait par la tête, se mit à attaquer Monseigneur de ce qu'il +attendait si tranquillement son fils au lieu d'aller lui-même +l'embrasser. Ce propos hasardé ne réussit pas. Monseigneur répondit +sèchement que ce n'était pas à lui à aller chercher le duc de Bourgogne, +mais au duc de Bourgogne à le venir trouver. Il vint enfin. La réception +fut assez bonne, mais elle n'égala pas celle du roi à beaucoup près. +Presque aussitôt le roi sonna, et on passa pour le souper<a name="FNanchor_66_66" id="FNanchor_66_66"></a><a href="#Footnote_66_66" class="fnanchor">[66]</a>.»</p> + +<p>Nous avons transcrit tout entière cette scène de la réception du duc de +Bourgogne par le roi Louis XIV, malgré sa longueur, parce qu'elle donne +les renseignements les plus exacts sur cet appartement de madame de +Maintenon, tant cherché, et aussi parce que nous avons pensé qu'elle +paraîtrait d'autant plus piquante<a name="page_108" id="page_108"></a> qu'on pourrait la suivre dans tous +ses détails sur les lieux mêmes.</p> + +<p>Il nous semble que d'après ces diverses descriptions de Félibien et de +Saint-Simon, et en les comparant aux plans que Blondel a donnés des +appartements du château de Versailles à l'époque de Louis XIV, il ne +doit rester aucun doute dans l'esprit des personnes même les plus +prévenues sur l'emplacement qu'occupait l'appartement de madame de +Maintenon.</p> + +<p>Maintenant, quelle raison a donc pu faire indiquer comme <i>appartement de +madame de Maintenon</i> des chambres qui n'en ont jamais fait partie, et +qui en sont même si éloignées?</p> + +<p>La seule véritable, c'est qu'au moment où l'on cherchait à retrouver, +pour chacune des pièces des petits appartements, le nom qu'elles avaient +dû avoir sous Louis XIV, on n'avait aucune donnée sur le lieu qu'avait +occupé l'appartement de madame de Maintenon; et que comme il existait un +petit escalier allant des petits appartements à l'appartement du +rez-de-chaussée (ancien appartement des Bains), et portant encore le nom +d'<i>escalier de Maintenon</i>, on supposa que l'appartement de la secrète +épouse de Louis XIV avait dû ouvrir sur cet escalier, qui lui servait +sans doute d'entrée particulière. De là la place qu'on lui donne dans +tous les ouvrages modernes, et en particulier dans celui de M. Vatout.</p> + +<p>Mais ce nom de Maintenon, conservé à l'escalier<a name="page_109" id="page_109"></a> dont nous parlons, et +qui a induit en erreur l'<i>historiographe moderne des bâtiments du roi</i>, +ne peut-il pas s'expliquer tout autrement?</p> + +<p>Félibien nous dit, dans sa description du château, que l'appartement +<i>des Bains</i>, placé sous les grands appartements du roi, était occupé par +le duc du Maine; or, tout le monde sait que madame de Maintenon est +restée gouvernante de ce jeune prince jusqu'au moment de son élévation, +et qu'elle allait fréquemment chez le roi, surtout dans les premiers +temps de sa faveur. Eh bien, ne peut-on pas considérer comme à peu près +certain que cet escalier, qui se rendait directement des appartements +qu'elle habitait avec le duc du Maine dans ceux de Louis XIV, devait +être celui qu'elle prenait pour y aller; d'où, par suite, lui serait +venu le nom qu'il a conservé jusqu'à nos jours?</p> + +<p>Quelle que soit la valeur de cette explication, à laquelle nous +attachons très-peu d'importance, toujours est-il qu'il résulte des +descriptions de <i>Félibien</i> et de <i>Saint-Simon</i>, comparées aux plans de +<i>Blondel</i>, que l'appartement occupé par madame de Maintenon dans le +château de Versailles était situé du côté des appartements de la reine, +occupés alors par la duchesse de Bourgogne, derrière la grande salle des +gardes du corps, de plain-pied avec l'appartement de Louis XIV, et +ouvrant en face de ce dernier dans le vestibule placé au haut de +l'escalier de marbre ou de la reine; et que cet appartement, +successivement<a name="page_110" id="page_110"></a> occupé sous Louis XV par le comte de Clermont, et sous +Louis XVI par le maréchal de Duras, forme aujourd'hui trois des salles +consacrées aux campagnes de 1793, 1794 et 1795.</p> + +<p>Tout en admettant cette conclusion, quelques personnes pourraient +peut-être penser que dans les derniers temps de la vie de Louis XIV, et +particulièrement après la mort du duc et de la duchesse de Bourgogne, +madame de Maintenon vint habiter une autre partie du château; mais en +lisant attentivement Saint-Simon, surtout lorsqu'il parle de la dernière +maladie du roi, on voit qu'elle resta toujours dans le même appartement.</p> + +<p>«Toute la cour, dit-il, se tenait tout le jour dans la galerie. Personne +ne s'arrêtait dans l'antichambre la plus proche de la chambre +(l'Œil-de-bœuf) que les valets familiers, et la pharmacie, qui y +faisaient chauffer ce qui était nécessaire; on y passait seulement, et +vite, et d'une porte à l'autre. Les entrées passaient dans les cabinets +par la porte de glace qui y donnait de la galerie qui était toujours +fermée, et qui ne s'ouvrait que lorsqu'on y grattait, et se refermait à +l'instant. Les ministres et les secrétaires d'État y entraient aussi, et +tous se tenaient dans le cabinet qui joignait la galerie (le cabinet des +Termes). Les princes du sang, ni les princesses filles du roi +n'entraient pas plus avant, à moins que le roi ne les demandât, ce qui +n'arrivait guère. Le maréchal de Villeroy, le chancelier, les deux +bâtards, M. le<a name="page_111" id="page_111"></a> duc d'Orléans, le père Tellier, le curé de la paroisse, +quand Maréchal, Fagon et les premiers valets de chambre n'étaient pas +dans la chambre, se tenaient dans le cabinet du Conseil, qui est entre +la chambre du roi et un autre cabinet (des Termes), où étaient les +princes et princesses du sang, les entrées et les ministres.</p> + +<p>»Le duc de Tresmes, premier gentilhomme de la chambre en année, se +tenait sur la porte, entre les deux cabinets, qui demeurait ouverte, et +n'entrait dans la chambre du roi que pour les moments de son service +absolument nécessaire. Dans tout le jour personne n'entrait dans la +chambre du roi que par le cabinet du Conseil, excepté ces valets +intérieurs ou de la pharmacie qui demeuraient dans la première +antichambre, <i>madame de Maintenon</i> et les dames familières, et pour le +dîner et le souper, le service et les courtisans qu'on y laissait +entrer.»</p> + +<p>Ainsi, c'était par les antichambres, c'est-à-dire du côté où se trouvait +l'appartement déjà indiqué de madame de Maintenon, qu'elle entrait dans +la chambre du roi; et l'on ne concevrait pas qu'elle eût pris cette +route, dans le cas où son logement eût été transféré de l'autre côté du +château. Mais Saint-Simon ajoute encore plus loin quelque chose de plus +positif. Après avoir raconté comment le roi, à l'extrémité, venait de +recevoir les soins d'un <i>manant provençal, fort grossier, qui lui +apportait un remède qui guérissait la gangrène</i>, il dit: «Madame de +Maintenon venait<a name="page_112" id="page_112"></a> de sortir de chez le roi, ses coiffes baissées, menée +par le maréchal de Villeroy <i>par devant chez elle sans y entrer, +jusqu'au bas du grand degré</i>, où elle leva ses coiffes. Elle embrassa le +maréchal d'un œil fort sec, en lui disant: Adieu, monsieur le maréchal, +monta dans un carrosse du roi qui la servait toujours, dans lequel +madame de Caylus l'attendait seule, et s'en alla à Saint-Cyr, suivie de +son carrosse où étaient ses femmes<a name="FNanchor_67_67" id="FNanchor_67_67"></a><a href="#Footnote_67_67" class="fnanchor">[67]</a>.»</p> + +<p>Comme il n'y a pas de doute, d'après ce que nous avons déjà expliqué, +sur l'escalier appelé par Saint-Simon le <i>grand degré</i>, que c'est +l'escalier de marbre existant encore aujourd'hui, il est donc évident +que madame de Maintenon passait ainsi devant l'appartement que nous +avons décrit, qu'elle habitait encore en 1715, à la mort de Louis XIV.</p> + +<p>Les recherches auxquelles nous nous sommes livré pour retrouver +l'emplacement de l'appartement de madame de Maintenon, nous ont mis à +même de relever une erreur assez grave du livre de M. Vatout. C'est à +l'occasion du confessionnal de Louis XIV.</p> + +<p>L'on a vu sur le plan de Blondel, et d'après la description de Félibien, +que la pièce où se trouve aujourd'hui le confessionnal formait un salon +ovale, dont un côté ouvrait sur un cabinet et l'autre sur le<a name="page_113" id="page_113"></a> salon +précédant la galerie de Mignard. M. Vatout, qui a vu aussi ce salon sur +le plan de Blondel, pense qu'il faisait partie, ainsi que le cabinet et +la salle du déjeuner, de l'appartement de madame de Maintenon, puisqu'il +dit: «La petite galerie Mignard, avec ses deux salons, pouvait offrir à +cet appartement de brillants accessoires, lorsqu'on y jouait la +comédie.» Ce qui ne l'empêche pas, quelques pages plus loin, d'y mettre +le confessionnal de Louis XIV: «C'est là, dit-il; que s'agenouillait le +grand roi; c'est là qu'il humiliait sa fierté devant Celui au nom duquel +s'abaissent toutes les grandeurs de la terre.» Comme s'il était +présumable que le roi eût été placer le mystérieux endroit où devait se +dévoiler ses plus secrètes pensées au milieu même de l'appartement de la +favorite! Nous ne faisons cette remarque que pour montrer la +contradiction dans laquelle est tombé M. Vatout, car il est évident que +le confessionnal de Louis XIV n'a jamais été placé dans ce lieu. Sous ce +roi, s'y trouvaient le salon ovale et un cabinet. Sous Louis XV, d'après +les changements indiqués dans l'un des plans de Blondel, on fit à la +place du salon ovale un petit salon carré, et l'on établit une +<i>garde-robe</i> dans le cabinet. Enfin, sous Louis XVI, de nouveaux +changements eurent encore lieu, le salon fut diminué, et l'on en fit un +cabinet dans lequel fut placé le confessionnal du roi. C'est donc Louis +XVI, et non Louis XIV, qui a fait mettre son confessionnal dans cet +endroit. Nous ne savons si, sous Louis XVI,<a name="page_114" id="page_114"></a> le capitaine des gardes se +tenait l'épée à la main, pendant la confession, derrière la glace sans +tain que l'on remarque dans la niche près du confessionnal; mais s'il en +était ainsi sous Louis XIV, comme le dit M. Vatout, ce n'est point dans +cet endroit qu'avait lieu cette <i>étrange habitude</i>.<a name="page_115" id="page_115"></a></p> + +<h3><a name="VI" id="VI"></a>VI<br /><br /> +L'ANCIENNE MACHINE DE MARLY<br /><br /> +<small>OU</small><br /><br /> +DE VILLE ET RENNEQUIN.</h3> + +<p class="c">————</p> + +<p>Il n'existe peut-être pas de machine qui ait eu une réputation aussi +colossale que l'ancienne machine de Marly. Son aspect gigantesque, sa +complication apparente, le bruit extraordinaire produit par son +mécanisme que l'on entendait d'une distance considérable, cette masse de +charpentes et de chaînes de fer se mouvant continuellement depuis le +bord de la Seine jusqu'au haut de la montagne de Louveciennes, tout +enfin dans cette immense machine était fait pour étonner les regards et +frapper l'imagination de la foule. Il semble que l'auteur d'un si +étonnant travail n'a pu rester inconnu, et cependant, même aujourd'hui, +l'on discute encore pour savoir qui il est. Ce fait, qui paraît +extraordinaire, s'explique naturellement par l'usage où l'on était, sous +Louis XIV, de faire tout au nom du roi ou de ses<a name="page_116" id="page_116"></a> ministres, et de +placer ainsi dans l'ombre et au rang de simples employés des bâtiments +les véritables auteurs de la plupart des merveilles exécutées sous le +règne du grand roi. Que l'on demande en effet aux historiens à qui sont +dus les immenses travaux faits pour amener les eaux de l'Eure à +Versailles, ou pour réunir les eaux de pluie et de neige à plus de dix +lieues à la ronde, et les verser dans ces réservoirs, si heureusement +alimentés aujourd'hui par la nouvelle machine hydraulique de la Seine; +qu'on les interroge pour savoir les noms des habiles artistes qui ont +exécuté les plus jolis arrangements des jardins de Versailles, et ces +magnifiques jets d'eau si habilement et si élégamment disposés, ils +nommeront Louis XIV, Colbert et Louvois, et à la suite Mansart et Le +Nôtre; mais de l'abbé Picard, de Lahire, de Vauban, de Perrault, de +Francine, etc., pas un mot; et il faut, comme nous l'avons fait, aller +fouiller dans les archives, dans les registres des bâtiments, pour +retrouver les véritables auteurs de tous ces beaux travaux. C'est là ce +qui est arrivé aussi pour la machine de Marly. En n'allant pas chercher +aux véritables sources, on s'en est rapporté à des on dit plus ou moins +désintéressés, et aidé du merveilleux populaire, qui aime toujours à +rencontrer des moyens extraordinaires dans l'exécution de choses qui lui +paraissent extraordinaires, l'on a ainsi déplacé les rôles, et attribué +à un seul, et encore à celui qui y a pris la moindre part, l'honneur de +son<a name="page_117" id="page_117"></a> invention. Reprenons donc un peu l'historique de la machine de +Marly, et suivons-le d'après les documents authentiques, dont les pièces +vont être mises sous les yeux du lecteur.</p> + +<p>Louis XIV venait de désigner Versailles pour son séjour habituel. +Colbert, l'exécuteur des volontés du maître, donnait les ordres les plus +précis pour hâter les travaux nécessaires à leur accomplissement. Une +chose cependant semblait s'opposer aux désirs du roi, et paraissait +condamner Versailles à n'être jamais qu'un séjour passager: c'était le +manque d'eau. Mais le roi avait parlé, et son ministre avait fait un +appel à tous ceux que leurs connaissances spéciales pouvaient mettre à +même de résoudre cette importante question. Déjà, des travaux importants +avaient été exécutés<a name="FNanchor_68_68" id="FNanchor_68_68"></a><a href="#Footnote_68_68" class="fnanchor">[68]</a>, et non-seulement les eaux de sources, mais +encore des eaux recueillies sur les hauteurs environnant Versailles, +commençaient à satisfaire les désirs du roi et de son ministre. Sur ces +entrefaites, Colbert apprend qu'un gentilhomme liégeois, ingénieur +lui-même, vient de faire exécuter dans le domaine des comtes de Marchin, +seigneurs de Modave<a name="FNanchor_69_69" id="FNanchor_69_69"></a><a href="#Footnote_69_69" class="fnanchor">[69]</a> une machine qui élève l'eau à une très-grande +hauteur, et qui, appliquée à Versailles, pourrait amener les eaux de la +Seine jusque dans cette ville. Il se hâte de lui écrire au nom du roi, +et l'engage à venir<a name="page_118" id="page_118"></a> examiner si, à l'aide d'une semblable machine, +Versailles peut être alimenté des eaux qui lui manquent. Ce gentilhomme +liégeois était le chevalier de Ville, baron libre du Saint-Empire +romain<a name="FNanchor_70_70" id="FNanchor_70_70"></a><a href="#Footnote_70_70" class="fnanchor">[70]</a>. Vivant dans un pays où l'on construisait de nombreuses +machines pour épuiser les eaux souterraines qui nuisent à l'exploitation +des houillères et des mines de charbon de terre, il s'était familiarisé +avec l'étude de ces machines. Désirant élever l'eau du Hoyoux sur les +hauteurs du domaine de Modave, il avait fait construire un de ces +appareils déjà employés depuis longtemps dans les mines de Hongrie, +lorsqu'il s'agissait de transmettre l'eau à de grandes distances, +par-dessus de hautes montagnes<a name="FNanchor_71_71" id="FNanchor_71_71"></a><a href="#Footnote_71_71" class="fnanchor">[71]</a>. Mais il dut principalement la +réussite de son entreprise à l'habileté du constructeur chargé de son +exécution, Rennequin Sualem, qu'une grande intelligence et une longue +pratique avaient initié à toutes les difficultés de la mécanique.</p> + +<p>De Ville se rend aussitôt à l'invitation de Colbert, et arrive à +Versailles, accompagné de Rennequin Sualem, car il sent que pour +l'exécution de pareille entreprise il ne peut se passer de l'habile +ouvrier dont il connaît par expérience toute la capacité.</p> + +<p>La réussite d'une mécanique assez puissante pour amener l'eau de la +Seine jusqu'à Versailles demandait une chute considérable, pouvant faire +mouvoir les grandes et nombreuses roues destinées à lui donner<a name="page_119" id="page_119"></a> +l'impulsion. De Ville suit la Seine dans tous ses contours, la sonde +lui-même dans tous ses points, et trouve enfin, entre Chatou et la +chaussée de Bougival, une chute assez forte pour la réussite de son +entreprise<a name="FNanchor_72_72" id="FNanchor_72_72"></a><a href="#Footnote_72_72" class="fnanchor">[72]</a>.</p> + +<p>La chute trouvée, il fallait faire franchir à l'eau de la Seine la +distance qui la séparait non-seulement de la hauteur de la montagne de +Louveciennes, mais encore du sommet d'une tour élevée sur cette hauteur, +et qui, dominant tout le pays, pouvait permettre d'envoyer cette eau +soit à Versailles, point principal pour lequel on demandait +l'établissement de cet instrument hydraulique, soit à Marly, dont le roi +venait d'arrêter la construction, soit même à Saint-Germain<a name="FNanchor_73_73" id="FNanchor_73_73"></a><a href="#Footnote_73_73" class="fnanchor">[73]</a>. De +Ville se mit aussitôt au travail, fit les projets de cet immense +appareil, les présenta au roi qui les adopta, et commença aussitôt les +travaux.</p> + +<p>Il fallait, pour la bonne exécution de ces travaux, qu'ils fussent +confiés à des hommes déjà au fait de ces sortes d'ouvrages. De Ville et +Rennequin retournèrent à Liége et en ramenèrent une colonie d'ouvriers, +charpentiers, menuisiers, forgerons, etc., et de plus de Ville passa des +marchés avec les entrepreneurs de ce pays, en sorte que, corps de +pompes,<a name="page_120" id="page_120"></a> mécanismes, cuirs, fers, etc., tout vint de Liége<a name="FNanchor_74_74" id="FNanchor_74_74"></a><a href="#Footnote_74_74" class="fnanchor">[74]</a>.</p> + +<p>Toute la partie de la Seine comprise entre le Port-Marly et Bezons était +à cette époque presque entièrement divisée en deux bras par une suite de +petites îles. Pour que la navigation ne fût pas interrompue et avoir en +même temps une grande partie des eaux du fleuve employée au mouvement de +la machine, il fallait réunir toutes ces îles, n'en faire qu'une seule +digue, et agrandir le bras de la rive droite afin d'en former un canal +navigable. Ce fut le premier travail exécuté par de Ville<a name="FNanchor_75_75" id="FNanchor_75_75"></a><a href="#Footnote_75_75" class="fnanchor">[75]</a>. Cette +digue et ce canal, qui ont plus de 10,000 mètres de longueur, furent +commencés au mois de mai 1681 et achevés au mois d'octobre de la même +année. Pendant ce temps se construisait la machine. Toutes les maisons, +terres, vignes, etc., comprises entre l'endroit où se trouvait la chute +et les hauteurs de Louveciennes, avaient été achetées par le roi. De +Ville s'établit dans l'une des maisons de la chaussée, afin de mieux +surveiller les travaux; il y fait construire un modèle de la machine, et +Rennequin Sualem, le constructeur et l'inspecteur de cette immense +machine, y habite auprès de lui<a name="FNanchor_76_76" id="FNanchor_76_76"></a><a href="#Footnote_76_76" class="fnanchor">[76]</a>.</p> + +<p>La science de l'hydraulique était alors peu avancée, surtout en France, +et peu de personnes étaient<a name="page_121" id="page_121"></a> en état de comprendre le mécanisme et les +effets de ce grand travail. Des doutes s'étant manifestés sur sa +réussite<a name="FNanchor_77_77" id="FNanchor_77_77"></a><a href="#Footnote_77_77" class="fnanchor">[77]</a>, et le roi ayant désiré qu'il fût fait un essai, de Ville +fit construire, au moulin de Palfour, sous sa direction, et par deux +Liégeois, Lambotte et Georges d'Espa, une machine analogue à celle que +l'on construisait en grand à Marly, qui éleva l'eau jusque sur la +terrasse de Saint-Germain<a name="FNanchor_78_78" id="FNanchor_78_78"></a><a href="#Footnote_78_78" class="fnanchor">[78]</a>.</p> + +<p>Après cette expérience décisive on ne fit plus d'objections, et l'on +continua avec activité les travaux de la machine. Nous n'entreprendrons +pas d'en faire ici la description complète<a name="FNanchor_79_79" id="FNanchor_79_79"></a><a href="#Footnote_79_79" class="fnanchor">[79]</a>, nous rappellerons +seulement qu'au-dessous de la chute, dans la Seine, se trouvaient +quatorze roues hydrauliques de 36 pieds de diamètre chacune, mises en +mouvement par l'eau de cette chute<a name="FNanchor_80_80" id="FNanchor_80_80"></a><a href="#Footnote_80_80" class="fnanchor">[80]</a>; ces roues mettaient en jeu huit +pompes chargées d'entretenir toujours l'eau à une égale élévation dans +un bassin élevé à peu près à la hauteur du bord des autres corps de +pompes. Celles-ci, au nombre de soixante-quatre, refoulaient cette eau +dans un puisard placé sur le penchant de la montagne. L'eau élevée à ce +premier puisard y était reprise par soixante-dix-neuf pompes, et +refoulée<a name="page_122" id="page_122"></a> une seconde fois jusqu'à un second puisard supérieur au +premier; là, quatre-vingt-deux pompes achevaient d'opérer l'ascension de +l'eau jusqu'au sommet de la tour, dont la plate-forme supérieure est +élevée de 154 mètres au-dessus des eaux moyennes de la Seine, et se +trouve placée à 1,236 mètres de distance horizontale de la machine en +rivière, ou du premier mobile. Comme, par suite de la difficulté que +l'on éprouvait alors à bien joindre les tuyaux entre eux, beaucoup d'eau +se perdait en montant à la tour, seize pompes étaient placées dans un +réservoir situé derrière le puisard supérieur afin de ramener cette eau +perdue dans ce même puisard. Pour augmenter la quantité d'eau élevée par +la machine, on avait réuni dans un bassin, un peu au-dessous du premier +puisard, les eaux assez abondantes de toutes les sources des environs, +et huit pompes servaient à les élever dans le second puisard. On voit +donc que le produit de la machine était le résultat du travail de deux +cent cinquante-trois pompes, placées tant dans le lit du fleuve que dans +les puisards établis sur le penchant de la montagne. Tout ce système de +pompes était mis en mouvement par les roues hydrauliques tournant par +l'impulsion de l'eau du fleuve, qui avaient deux fonctions: l'une de +faire mouvoir les soixante-quatre pompes fournissant l'eau reprise +successivement par les deux systèmes supérieurs; l'autre de mettre en +jeu les longues suites de pièces de communication de mouvement au moyen +desquelles les pompes des<a name="page_123" id="page_123"></a> deux systèmes supérieurs pouvaient faire leur +service. Cette transmission du mouvement s'opérait par l'intermède de +plusieurs couples de chaînes de fer partant de la Seine, et aboutissant +aux points où le mouvement devait être transmis; chaque couple avait ses +deux chaînes dans un même plan vertical, attachées d'espace en espace +aux extrémités des balanciers, dont les axes de rotation, placés à +mi-distance entre les deux chaînes, étaient posés sur des cours de lices +établis sur des chevalets. Des manivelles en fer, fixées aux extrémités +des axes des roues hydrauliques, agissaient sur les chaînes, dans le +sens de leur longueur, par l'intermède de pièces de traction et de +rotation. En résultat, lorsque la chaîne supérieure d'une couple était +tirée et se mouvait dans le sens de la descente de la montagne, +l'inférieure se mouvait dans le sens de la montée, et réciproquement; +ces allées et, venues oscillatoires, qui se répétaient plusieurs fois +par minute, produisaient des oscillations correspondantes dans les +pièces du mécanisme auxquelles les points supérieurs des chaînes étaient +attachés, et par suite l'ascension et la descente des pistons des pompes +de reprise des puisards. Ces indications sommaires, ajoute M. de Prony, +à qui nous empruntons ces détails, suffisent pour motiver l'énorme +quantité de fer et de bois dont la montagne se trouvait couverte sur une +longueur d'environ 700 mètres.</p> + +<p>Actuellement que l'on voit arriver l'eau facilement<a name="page_124" id="page_124"></a> d'un seul jet au +haut de la tour, et avec un appareil d'une grande simplicité, on est +étonné de la nécessité où l'on fut alors d'établir cette masse de +pompes, de puisards, de leviers immenses, de rouages de toute espèce +pour obtenir un résultat bien inférieur à celui d'aujourd'hui. On oublie +les progrès faits par les arts industriels depuis ce temps. Alors le jeu +des pistons dans les corps de pompes, et l'assemblage des tuyaux étaient +tels que l'air s'y introduisait de toutes parts et opposait une énorme +résistance à l'ascension de l'eau, et qu'une grande quantité de liquide +était perdue sans aucun résultat pour le but qu'on voulait obtenir. +Voilà pourquoi, l'eau ne pouvant s'élever d'un jet qu'au tiers de la +route qu'elle avait à parcourir, on fut obligé de diviser la machine en +trois systèmes de pompes, dont l'un, partant de la Seine, la portait à +mi-côte, le deuxième la faisait arriver au réservoir supérieur, et le +troisième enfin l'élevait jusque sur la tour; et comme les deux systèmes +de pompes, qui reprenaient à mi-côte l'eau refoulée immédiatement de la +Seine, ne pouvaient avoir de mouvement qu'en vertu de la force motrice +transmise du point inférieur du système général et émanant des eaux +mêmes du fleuve, on s'explique la complication apparente de cette +machine, son aspect gigantesque et les mouvements bruyants de toutes ces +masses, dont on ne pouvait pas, sans instruction et sans étude, saisir +la correspondance avec le premier mobile.<a name="page_125" id="page_125"></a></p> + +<p>Les travaux de cette immense machine, commencés en 1681, étaient déjà +assez avancés en 1684 pour qu'on en fit l'essai. Nous avons dit que de +Ville, en élevant la tour, avait eu pour but de dominer tous les +environs et de pouvoir ainsi, de ce point, diriger l'eau partout où le +roi voudrait la distribuer. Pour faire son essai, il fit construire une +espèce de tour en charpente<a name="FNanchor_81_81" id="FNanchor_81_81"></a><a href="#Footnote_81_81" class="fnanchor">[81]</a>, sur le sommet de laquelle on vit en +effet l'eau arriver ainsi qu'il l'avait promis.</p> + +<p>Après cet essai qui levait tous les doutes sur la réussite de la +machine, on remplaça la tour en bois par la tour en pierre et le bel +aqueduc qui domine, d'une façon si pittoresque, tous les environs. +Mansart en dessina les plans, en fit les devis, et fut chargé de la +construction. On creusa en même temps les réservoirs de Marly et de +Louveciennes, on fit les aqueducs pour conduire l'eau à Versailles, on +éleva, dans cette ville, le <i>gros mur</i> de Montreuil, qui reliait la +butte de Picardie à la butte de Montbauron, on creusa aussi les +réservoirs placés sur cette butte, et Louvois, qui venait de faire +exécuter tous ces travaux, eut la satisfaction de voir arriver l'eau de +la Seine dans ces derniers bassins, l'année suivante, 1685.</p> + +<p>En 1684, après l'essai de l'ascension de l'eau sur la tour, le roi +chargea Vauban de visiter la machine<a name="page_126" id="page_126"></a> et de faire faire les travaux +qu'il jugerait nécessaires pour sa confection. Vauban, accompagné de de +Ville, examina tout avec la plus minutieuse attention; il admira cet +immense travail, et en comprit immédiatement tout le mécanisme et les +effets<a name="FNanchor_82_82" id="FNanchor_82_82"></a><a href="#Footnote_82_82" class="fnanchor">[82]</a>; il fit simplement quelques observations sur la construction +de plusieurs parties des digues de la Seine, et crut nécessaire, pour +préserver la machine de l'action destructive des glaces, de faire +construire au-devant une estacade qui pût les diriger sur la grande +digue<a name="FNanchor_83_83" id="FNanchor_83_83"></a><a href="#Footnote_83_83" class="fnanchor">[83]</a>.</p> + +<p>Telle est l'histoire, bien abrégée, de la construction de l'ancienne +machine de Marly. Mais à qui doit-on cette machine, et quel en est +l'inventeur? Il semble, d'après ce récit, que nul autre que de Ville ne +doit en recueillir l'honneur, et cependant aujourd'hui l'opinion +générale lui conteste cette invention pour l'attribuer à un homme dont +nous avons à peine parlé, à Rennequin Sualem. Cherchons donc la cause de +cette opinion, et voyons, en consultant les pièces authentiques, quels +rôles ont pu jouer, dans l'établissement de cette célèbre machine, de +Ville et Rennequin Sualem.</p> + +<p>Et d'abord examinons comment s'est établie l'opinion qui en attribue +l'invention à Rennequin.<a name="page_127" id="page_127"></a></p> + +<p>Un Allemand, Frédéric Weidler, professeur à Wittemberg, écrivit, en +1728, un ouvrage intitulé <i>Tractatus de machinis hydraulicis toto +terrarum orbe maximis, Marliensi, Londinensi et aliis rarioribus</i>. En +1714, il vint visiter la machine qu'il allait décrire. Dans cette +visite, qui va lui servir plus tard pour donner le nom de son inventeur, +il ne voit ni de Ville, son gouverneur, ni les contrôleurs, ni Vauban, +ni Mansart, ni même les entrepreneurs qui avaient eu des rapports +directs avec l'inventeur; il se contente de consulter les ouvriers qui +ont travaillé dès le commencement avec Rennequin: <i>Ii autem, qui initiis +fabricoe interfuerunt, affirmarunt mihi ad unum omnes, Rannequium illius +verum auctorem et fabricatorem, et Villaneum commendatorem apud aulam et +veluti ergo dioctem extitisse</i>.—Et quels étaient ces ouvriers qui lui +assuraient ainsi que Rennequin était le véritable inventeur de la +machine, c'était toute la colonie liégeoise, Paul Sualem, Toussaint, +Siane, etc., tous parents ou amis de Rennequin. Cette assertion de +Weidler, répétée, sans contrôle, par les écrivains spéciaux, est restée +comme certaine pour ceux qui depuis ont parlé de la machine. Mais ce qui +a surtout rendu cette opinion populaire, c'est l'épitaphe gravée sur sa +tombe, qui, de l'église de Bougival, où elle était à peine connue avant +la Révolution, a passé dans un cabaret de la chaussée, et y est restée +pendant de longues années exposée aux regards de tous ceux qui venaient +visiter la machine, en<a name="page_128" id="page_128"></a> indiquant Rennequin comme son seul +inventeur<a name="FNanchor_84_84" id="FNanchor_84_84"></a><a href="#Footnote_84_84" class="fnanchor">[84]</a>.</p> + +<p>Telles sont les deux seules autorités qui ont fait attribuer à Rennequin +l'invention de la machine.</p> + +<p>Quelques écrivains modernes ont cherché à rétablir les faits et à rendre +à de Ville la place qu'il aurait dû toujours occuper<a name="FNanchor_85_85" id="FNanchor_85_85"></a><a href="#Footnote_85_85" class="fnanchor">[85]</a>; l'abbé Caron, +entre autres<a name="FNanchor_86_86" id="FNanchor_86_86"></a><a href="#Footnote_86_86" class="fnanchor">[86]</a>, dans une notice lue à la Société des sciences morales, +des lettres et des arts de Seine-et-Oise, semblait avoir justement +attribué à chacun le rôle joué dans la construction de la machine, et +nous croyions la question jugée, lorsque nous avons reçu de Liége une, +petite brochure<a name="FNanchor_87_87" id="FNanchor_87_87"></a><a href="#Footnote_87_87" class="fnanchor">[87]</a>, dans laquelle non-seulement Rennequin Sualem est +regardé comme l'inventeur de la machine, mais où de Ville est traité +d'imposteur, et où nous voyons que le conseil communal de Liége, pour +honorer l'inventeur de cette machine, vient d'appeler une des rues de la +ville du nom de Rennequin. Il nous paraît donc nécessaire de faire +connaître les nombreuses pièces qui constatent le rôle joué par de Ville +dans l'établissement de la machine de Marly.</p> + +<p>Ce qui a beaucoup contribué à faire dépouiller de Ville de son titre +d'inventeur de la machine, ce sont surtout sa position de fortune et ses +titres. Comment<a name="page_129" id="page_129"></a> supposer, en effet, qu'un chevalier, baron du +Saint-Empire, possédant des terres, pût être en même temps un savant? +Non, le baron de Ville n'a dû être que le négociateur de l'entreprise, +l'entremetteur de la cour de Louis XIV avec le véritable auteur de la +machine, simple ouvrier, <i>ferè analphabêtos, sed manuariâ arte +excellens</i><a name="FNanchor_88_88" id="FNanchor_88_88"></a><a href="#Footnote_88_88" class="fnanchor">[88]</a>. On attribue aussi à Rennequin la construction de la +machine hydraulique de la terre de Modave, qui a attiré les regards de +Colbert, et comme c'est de cette construction qu'est venue la première +idée de la machine de Marly, on en tire la preuve qu'on lui doit +l'invention de cette dernière machine. Mais ce qu'on ne dit pas, c'est +que cette machine hydraulique de Modave n'était qu'une imitation de +celles dont on se servait déjà depuis longtemps dans les mines de +Hongrie et de Suède; que, par conséquent, ce n'était point une invention +de Rennequin, et que c'est à de Ville, ingénieur instruit et au courant +de tout ce qui avait été fait en ce genre, que l'on en doit +l'application dans le domaine des comtes de Marchin.</p> + +<p>Suivons maintenant de Ville à la machine de Marly. Avant de penser à +établir un mécanisme capable de faire monter l'eau de la Seine à +Versailles, il est nécessaire de trouver une chute assez puissante pour +faire mouvoir ce mécanisme. Il faut pour cela un homme instruit et +expert dans les travaux hydrauliques.<a name="page_130" id="page_130"></a> Qui est chargé de ce travail? De +Ville. Nous le voyons, en effet, rechercher et reconnaître les pentes de +la Seine, indiquer et faire exécuter les travaux nécessaires pour +établir les digues et agrandir le lit du fleuve laissé à la +navigation<a name="FNanchor_89_89" id="FNanchor_89_89"></a><a href="#Footnote_89_89" class="fnanchor">[89]</a>.</p> + +<p>La chute trouvée, qui voyons-nous encore préparer et ordonner tous les +travaux de construction de la machine, faire arriver les eaux des +sources de Prunay, de Louveciennes et de Bougival, afin de les joindre à +celles élevées de la Seine? C'est encore de Ville<a name="FNanchor_90_90" id="FNanchor_90_90"></a><a href="#Footnote_90_90" class="fnanchor">[90]</a>.</p> + +<p>Le roi désire qu'un essai de ce que peut une machine de ce genre pour +élever l'eau soit tenté devant lui. N'est-ce pas encore de Ville, et ici +sans le secours de Rennequin, qui fait construire la pompe du moulin de +Palfour, et démontre ainsi au roi, par avance, la certitude du résultat +de ses opérations<a name="FNanchor_91_91" id="FNanchor_91_91"></a><a href="#Footnote_91_91" class="fnanchor">[91]</a>?</p> + +<p>N'est-ce pas lui aussi que nous voyons, en 1683, indiquer à l'arpenteur +Caron, et dessiner sur le terrain les places que devront occuper les +chevalets, puisards, réservoirs, etc., nouveaux, nécessités par +l'augmentation du mécanisme de la machine<a name="FNanchor_92_92" id="FNanchor_92_92"></a><a href="#Footnote_92_92" class="fnanchor">[92]</a>?</p> + +<p>En 1684, Vauban, chargé par le roi d'examiner la machine, la visite dans +tous ses détails, et c'est de Ville qui lui en explique le mécanisme.<a name="page_131" id="page_131"></a></p> + +<p>On le voit encore non-seulement surveiller et diriger les travaux sur +place, mais de plus faire des voyages à Liége pour s'entendre avec ceux +qui fabriquent les pompes, et faire venir de ce pays et fers et +mécaniques.</p> + +<p>Et si on le voit ainsi partout, c'est qu'il ne pouvait en être +autrement. N'était-ce pas lui, en effet, qui avait présenté les projets +d'après lesquels on exécutait cet immense appareil<a name="FNanchor_93_93" id="FNanchor_93_93"></a><a href="#Footnote_93_93" class="fnanchor">[93]</a>, et n'était-il +pas responsable de la réussite de cette machine dont on attendait de si +grands résultats? Aussi, lorsque le succès a couronné son entreprise, +avec quelle magnificence le roi le récompense! En 1684, après +l'expérience de l'arrivée de l'eau au sommet de la tour, le roi lui +accorde 6,000 livres de gratification. En 1685, les 6,000 livres de +gratification lui sont continuées, et le 28 juillet de la même année, +quand l'eau de la Seine est enfin arrivée à Versailles, Louis XIV lui +fait un don de 100,000 livres. Puis il lui fait bâtir près de la machine +une magnifique habitation<a name="FNanchor_94_94" id="FNanchor_94_94"></a><a href="#Footnote_94_94" class="fnanchor">[94]</a>, le nomme gouverneur de cette machine, et +aux 6,000 livres de gratification qu'il conserve sa vie durant, il en +ajoute 6,000 de pension<a name="FNanchor_95_95" id="FNanchor_95_95"></a><a href="#Footnote_95_95" class="fnanchor">[95]</a>.</p> + +<p>Voilà, d'après les documents que nous donnons à<a name="page_132" id="page_132"></a> la suite de ce récit, +la part de de Ville dans l'établissement de la machine de Marly. Voyons +maintenant celle de Rennequin.</p> + +<p>Rennequin Sualem était un ouvrier charpentier de Liége, d'une grande +intelligence et d'une habileté peu commune. Il tenait le premier rang +parmi les constructeurs des mécaniques dont on se servait dans les mines +du territoire liégeois pour épuiser les eaux souterraines. On a vu qu'il +construisit la machine dont de Ville se servit à Modave pour élever les +eaux du Hoyoux. Aussi, lorsque celui-ci fut chargé par Colbert de venir +étudier les moyens de donner de l'eau à la ville royale, se fit-il +accompagner de l'habile exécuteur de ses idées.</p> + +<p>En étudiant les diverses pièces que nous faisons connaître, nous ne +voyons apparaître Rennequin que lorsqu'il s'agit de la construction de +la machine. Nous le trouvons établi auprès de de Ville, et à la tête de +tous ces ouvriers liégeois habitués depuis longtemps à des travaux +analogues, les commandant, les dirigeant dans l'exécution d'un mécanisme +souvent modifié et amélioré par sa longue pratique et sa haute +intelligence; mais nous ne le rencontrons ni lorsqu'il s'agit de la +recherche de la chute d'eau nécessaire à l'établissement de la machine +et de la construction des digues; ni lorsque, pour augmenter les eaux +élevées par la machine, on vient y ajouter celles des diverses sources +des environs; ni, enfin, dans la combinaison qui fait distribuer en +trois parties<a name="page_133" id="page_133"></a> distinctes la route que doit suivre l'eau pour son +ascension au haut de la tour. Son rôle, enfin, paraît avoir été celui +d'un mécanicien plein de sagacité, de connaissances et de talent dans +son art, et sans lequel peut-être les idées de de Ville n'eussent pu +être exécutées; et c'est probablement dans ce sens que ses compagnons, +ayant pu apprécier à l'œuvre la facilité avec laquelle il saisissait +les problèmes les plus difficiles de la mécanique, savait les réduire en +pratique, et combien de fois les difficultés les plus grandes avaient +été surmontées par lui dans la construction de la machine, l'en +regardaient comme le véritable inventeur. Rennequin, enfin, était un +habile charpentier-mécanicien, et probablement le premier de cette +époque dans ce genre de travail. C'est ainsi qu'il fut toujours +considéré pendant sa vie.</p> + +<p>En 1688, des pompes et une machine à cheval sont nécessaires pour le +service de la maison des demoiselles de Saint-Cyr; c'est Rennequin et +Lambotte qui sont chargés de son exécution<a name="FNanchor_96_96" id="FNanchor_96_96"></a><a href="#Footnote_96_96" class="fnanchor">[96]</a>. Et lorsque la machine de +Marly est enfin entièrement terminée, on le voit chargé de sa +surveillance, y rester attaché, ainsi que les autres ouvriers de Liége, +avec le titre d'ingénieur et de chef des charpentiers liégeois, et on +lui accorde en outre un logement spécial et 1,800 livres +d'appointements.</p> + +<p>Ainsi, il résulte de l'étude de nos documents que<a name="page_134" id="page_134"></a> de Ville a été +véritablement, comme le dit la légende du plan de la machine dessinée en +1688; l'inventeur, et Rennequin Sualem le constructeur de cette célèbre +machine, et qu'ils ont été tous deux récompensés suivant le rôle qu'ils +avaient joué chacun dans son exécution.</p> + +<p>Si cependant quelques personnes, s'appuyant sur l'opinion de Weidler et +sur l'inscription de la pierre tumulaire de Bougival, veulent conserver +à Rennequin le titre d'inventeur, nous les prierons de se rappeler que +Weidler n'a établi son dire, que sur les propos d'ouvriers parents ou +amis de Rennequin, et plusieurs années après la mort de celui-ci; et +que, quant à l'épitaphe placée par les mêmes parents dans l'église de +Bougival après le décès de la veuve de Rennequin, et longtemps après la +mort de celui-ci, on y aurait probablement répondu avant la mort de de +Ville, arrivée en 1722, si elle n'eût pas été enfouie et ignorée dans un +coin obscur dont l'a fait sortir la révolution, pour la livrer à la +publicité dans un cabaret de la chaussée. D'ailleurs un acte beaucoup +plus sérieux et authentique, son acte de décès dressé du vivant de sa +veuve, porte son véritable titre: <i>constructeur</i> et non inventeur de la +machine<a name="FNanchor_97_97" id="FNanchor_97_97"></a><a href="#Footnote_97_97" class="fnanchor">[97]</a>.</p> + +<p>Que sont d'ailleurs ces deux faibles preuves auprès de celles indiquées +dans les notes qui suivent en faveur de de Ville?<a name="page_135" id="page_135"></a></p> + +<p>Ce sont d'abord les registres des bâtiments qui donnent à de Ville le +titre d'<i>ingénieur</i>, tandis qu'ils donnent à Rennequin celui de +<i>charpentier liégeois</i>;—puis le plan de la machine, dessiné par Liévin +Creuil en 1688, c'est-à-dire quand elle venait d'être terminée, et qui +dit en toutes lettres: «Cette machine a été inventée et exécutée par M. +le baron de Ville.» Et plus loin: «Elle a été construite par ordre du +roi, sur les projets et par la direction de M. le baron de Ville.»—Les +écrivains qui, sous Louis XIV et depuis lui, ont été puiser aux sources +et ont parlé de la machine, Dangeau, l'abbé de Choisy, Claude Saugrain, +Piganiol de la Force, ont tous attribué son invention à de Ville. +<i>Cassan</i>, dans un poëme sur l'arrivée de la Seine au château de Marly, +de 1699, ne lui fait-il pas dire en passant devant le pavillon que de +Ville habitait:</p> + +<table border="0" cellpadding="0" cellspacing="0" summary=""> +<tr><td align="left">Et reprend en ce lieu l'usage de la voix,</td></tr> +<tr><td align="left">Pour se plaindre en passant <i>du chevalier de Ville</i>,</td></tr> +<tr><td align="center">. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</td></tr> +<tr><td align="left">Qui t'oblige, dit-elle, <i>avec ton art maudit</i></td></tr> +<tr><td align="left"><i>A venir malgré moi m'enlever de mon lit</i>?</td></tr> +</table> + +<p>La <i>Gazette de France</i> de 1682 indique les travaux de la machine comme +faits par le <i>sieur de Ville, gentilhomme liégeois</i>. La +Chesnaye-Desbois, dans son <i>Dictionnaire de la noblesse</i>, et le père +Anselme, dans l'<i>Histoire généalogique de France</i>, disent, en parlant de +sa fille qui avait épousé le baron de Montmorency: «Elle était fille +d'<i>Arnold de Ville</i>, chevalier, etc.,<a name="page_136" id="page_136"></a> gouverneur et directeur de la +machine de Marly, <i>dont il était l'inventeur</i><a name="FNanchor_98_98" id="FNanchor_98_98"></a><a href="#Footnote_98_98" class="fnanchor">[98]</a>.»—Le duc de Luynes, +dans ses Mémoires, cite aussi de Ville comme l'<i>auteur de la +machine</i>.—Ceux qui étaient plus à même que tous autres de savoir la +vérité sur ce sujet, les contrôleurs chargés plus tard de la direction, +le considérèrent toujours comme l'inventeur, et M. Gondouin, dans un +rapport écrit en 1792, dit positivement: «Lors de la construction de la +machine, le sieur de Ville, mécanicien et <i>inventeur de la machine</i>, en +fut nommé le gouverneur<a name="FNanchor_99_99" id="FNanchor_99_99"></a><a href="#Footnote_99_99" class="fnanchor">[99]</a>.»</p> + +<p>Enfin, lui-même, au moment suprême où le cœur de l'homme s'ouvre à la +vérité, dans son testament retrouvé au château de Modave<a name="FNanchor_100_100" id="FNanchor_100_100"></a><a href="#Footnote_100_100" class="fnanchor">[100]</a>, ne +vient-il pas consacrer de nouveau son titre d'inventeur en exprimant +ainsi l'une de ses volontés: «J'ordonne que tous les ouvrages que j'ai +composés concernant les constructions de la machine de Marly soient +imprimés suivant mes dessins en grand.»</p> + +<p>Il résulte donc positivement de tout ceci que le baron de Ville a été +bien véritablement l'inventeur, ou pour mieux dire l'<i>auteur du projet +de construction de la machine de Marly</i>, et que Rennequin Sualem en a +été l'habile et adroit constructeur.</p> + +<p>Que maintenant les habitants de la ville de Liége, qui veulent honorer +le nom de celui de leurs compatriotes<a name="page_137" id="page_137"></a> auteur de cette célèbre machine, +soient heureux. Leur bonne fortune veut qu'au lieu d'un seul nom, ils en +aient deux à offrir en exemple à leur industrieuse population: celui du +noble employant les loisirs que lui donne la richesse à cultiver la +science pour en faire une application grande et utile, et celui du +modeste artisan dont le génie inculte saisit avec facilité les plus +hautes conceptions de la science, et sait dans la pratique les résoudre +avec bonheur.<a name="page_138" id="page_138"></a></p> + +<h3><a name="PIECES_JUSTIFICATIVES" id="PIECES_JUSTIFICATIVES"></a>PIÈCES JUSTIFICATIVES.</h3> + +<p class="c">NOTE Nº 1.</p> + +<p class="c">DÉPENSES DE CONSTRUCTION DE LA MACHINE DE MARLY,</p> + +<p class="c">Extraites des registres des bâtiments du roi, déposés aux Archives de +l'Empire.</p> + +<p class="c">————</p> + +<p class="c">A<small>NNÉE</small> 1681.</p> + +<p class="c">ORDONNANCES.</p> + +<table border="0" cellpadding="4" cellspacing="0" summary=""> +<tr valign="bottom"><td><p>Au sieur de Ville, gentilhomme liégeois, pour payement<br /> +des fers corroyés qu'il a fait venir de Liége, pour servir à<br /> +la machine du moulin de Palfour.</p></td><td align="right">2,845l.</td><td align="right">3s.</td><td align="right">»d.</td></tr> +<tr valign="bottom"><td align="left"><p>Aux ouvriers.</p></td><td align="right">977</td><td align="right">19 </td><td align="right">» </td></tr> +</table> + +<p class="c">ORDRES.</p> + +<table border="0" cellpadding="4" cellspacing="0" summary=""> +<tr><td><p class="hang">26 mars.—Au même, pour <i>id.</i> </p> </td><td align="right">2,845</td><td align="right">3</td><td align="right">»</td></tr> +<tr><td><p class="hang">Aux ouvriers. </p> </td><td align="right"> 977</td><td align="right">19</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">22 juin.—A George d'Espa, taillandier<br /> + liégeois, pour une manivelle<br /> + qu'il a livrée pour la machine, <i>id.</i> </p> </td><td align="right">490 </td><td align="right">» </td><td align="right">»</td></tr> +<tr><td><p class="hang">Aux ouvriers. </p> </td><td align="right"> 455 </td><td align="right"> 10 </td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Lambotte, charpentier liégeois,<br /> + pour l'entretennement de la<br /> + machine. Pour trois<br /> + mois </p> </td><td align="right"> 360 </td><td align="right">» </td><td align="right">»</td></tr> +<tr><td><p class="hang">A Valland, pour clous</p> </td><td align="right"> 32 </td><td align="right"> 1 </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td align="right">Total. </td><td align="right" +style="border-top:1px solid black;"> 5,160l.</td><td align="right" +style="border-top:1px solid black;"> 13s. </td><td align="right" +style="border-top:1px solid black;">2d.</td></tr> +</table> + +<p class="c">Marly 1681.</p> + +<table border="0" cellpadding="4" cellspacing="0" summary=""> + +<tr valign="bottom"><td><p class="hang">28 octobre 1681.—A Raoul de Pierre,<br /> + dit Laporte, charpentier, sur la<br /> + machine de la rivière de Seine. </p> </td><td align="right"> 2,000l. </td><td align="right"> »s.</td><td align="right"> »d.</td></tr> +</table> + +<p class="c">OUVRAGES DES ILES DE CROISSY.</p> + +<p class="c">ORDONNANCES DU 22 JUIN 1681.</p> + +<table border="0" cellpadding="4" cellspacing="0" summary=""> + +<tr valign="bottom"><td><p class="hang">11 octobre.—A Renkin-Sualem, pour<br /> +son travail et soins à la construction<br /> +de la machine, pendant un<br /> +mois. </p> </td><td align="right"> 150 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> +<tr valign="bottom"><td><p>A Paul Sualem, autre charpentier<br /> +liégeois, pour son travail<br /> +pendant. </p> </td><td align="right">150 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> +</table> + +<p class="c">ORDRES DU 22 JUIN AU 11 JANVIER 1682.</p> + +<table border="0" cellpadding="0" cellspacing="0" summary=""> +<tr><td><p>Aubert, charpentier;—Lebœuf, Gonnot, Guyot,<br /> + Simon, Feuillastre, Boursault, Dupuis, Houet, Morin,<br /> + terrassiers.</p></td></tr> + +<tr><td><p class="nind">Des charpentiers liégeois.<br /> +Laporte, charpentier.<br /> +Morel, <i>id.</i></p></td></tr> +</table> + +<table border="0" cellpadding="4" cellspacing="0" summary=""> +<tr><td><p>A Rankin-Sualem, charpentier liégois, pour un mois<br /> +de son travail.</p> </td><td align="right">150l. </td><td align="right"> »s. </td><td align="right">»d.</td></tr> +<tr><td><p>Despas, forgeron liégeois.<br /> + Sommes.</p> </td><td align="right">210,575 </td><td align="right">13 </td><td align="right"> »</td></tr> +</table> + +<p class="c">Année 1682.</p> + +<p class="c"> <i>Pour les grandes pompes sur la rivière de Seine, pour + l'élévation et conduite des eaux à Versailles.</i></p> + +<p class="c">ORDRES</p> + +<p>A Laporte, charpentier;—Clerget, Berlin, Ogier, + Leroy, Boileau, terrassiers;—Paul Sualem, charpentier + liégeois, Rankin-Sualem, <i>id.</i>;—Toussaint Michel, menuisier + liégeois;—Lafontaine, maçon;—Morel, serrurier;—Pauli, + maître de forges liégeois;—Arnault, pour + loyer de la maison de la chaussée, occupée par les menuisiers + et par le modèle de la machine;—Menoiet, + marchand de fer et charbon de terre;—Caron, arpenteur;—Dupont, + terrassier;—Lemaire, fondeur;—Lahaye, + plombier, Despas, <i>id.</i>;—Devienne, maçon;—Noiret, + marchand;—Duvivier, maçon;—Allan, pour + charbon;—Devolman, garde de la prévôté de l'hôtel;—de + Ville, ingénieur;—Montagne, serrurier;—Miche, + menuisier,—Robert, terrassier;—Berger, de Spa, pour + fers corroyés;—Lesieur, charpentier;—Frades, de + Vienne;—Cuvier, marchand de bois;—Piat, charpentier;—Corbey, + cordier;—Baffront, maçon;—Bourienne, + terrassier;—Duval, serrurier;—Godefroy, + chirurgien, pour pansements de blessés;—au sieur + Desvongoins, pour tuyaux;—Pays, pour peaux de vaches;—Langlois, + pour ficelles;—Rousseau, charron;—Lecerf, + plâtrier;—Aimond, marchand;—Jean Siane, + charpentier liégeois;—Hardel, paveur,—Goutier, maçon;—Martin, + maçon,—Remy, pour les conduites de + grès;—et aux divers ouvriers de la machine.</p> + +<p class="r">Sommes. 515,815l. 17s. 1d.</p> + +<table border="0" cellpadding="4" cellspacing="0" summary=""> + <tr><td>On trouve particulièrement dans ce chapitre:</td></tr> + +<tr><td><p>A Paul Sualem, charpentier liégeois,<br /> + pour son travail d'un<br /> + mois.</p></td> <td align="right"> 150 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> +<tr><td><p>A <i>Renkin-Sualem</i>, <i>id.</i> <i>id.</i> </p></td><td align="right"> 150 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> +<tr><td><p>A Siane, <i>id.</i> <i>id.</i> </p></td><td align="right"> 150</td><td align="right"> »</td><td align="right"> »</td></tr> +<tr><td><p>A Toussaint Michel, menuisier<br /> + liégeois, <i>id.</i> </p></td><td align="right"> 67 </td><td align="right">10 </td><td align="right"> »</td></tr> +<tr><td><p class="hang">1<sup>er</sup> mars.—Au sieur Pauli, maître<br /> + de forges de Liége, sur les corps<br /> + de pompe de fer fondu qu'il fait<br /> + pour la machine.—A-compte.</p></td><td align="right"> 1,000 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">(Il y a ainsi plusieurs à-compte.)</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">12 avril.—A Clerget, maçon, pour<br /> + payement de 4,920 l. pour ses<br /> + travaux.</p></td><td align="right"> 420 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> +<tr><td><p class="hang">5 juillet.—A Allen, pour son payement<br /> + de goudrons et poix noires,<br /> + qu'il a livrés.</p></td><td align="right"> 761 </td><td align="right"> 10 </td><td align="right"> »</td></tr> +<tr><td><p class="hang">12 juillet.—<i>Au sieur de Ville</i>, ingénieur,<br /> + sur les fers et autres<br /> + ustensiles qu'il fait venir de<br /> + Liége, pour la machine.</p></td><td align="right"> 900 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">(Il y a ainsi plusieurs à-compte.)</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">26 juillet.—A Robert, pour payement<br /> + de 1,426 l. 13 s. 9 d., pour<br /> + la maçonnerie de remplissage de<br /> + la digue qui joint une petite île<br /> + à l'île de Chatou.</p></td><td align="right"> 276l.</td><td align="right"> 13s.</td><td align="right"> 9d.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">26 juillet.—A Devienne, pour<br /> + payement de 1,998 l. 15 s. pour<br /> + la fouille et transport de terre<br /> + du réservoir, près le premier repos<br /> + de la machine.</p></td><td align="right"> 198 </td><td align="right"> 15 </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">9 août.—A Menoist, pour payement<br /> + de 2,649 l. 5 s. 2 d., pour<br /> + fourniture de gros fers et charbon<br /> + pour ladite machine.</p></td><td align="right"> 269 </td><td align="right"> 5 </td><td align="right"> 2</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">23 août.—A Martin Nicolle, pour<br /> + payement de deux grands bateaux<br /> + qu'il a livrés pour servir<br /> + aux ouvrages de la machine.</p></td><td align="right"> 257 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">6 septembre.—A Berlin, pour<br /> + payement de 2,808 l. 10 s. pour<br /> + les moellons qu'il a fournis.</p></td><td align="right"> 408 </td><td align="right"> 10</td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">6 septembre.—A Raffront, pour<br /> + payement de 1,354 l., pour moellons<br /> + qu'il a fournis à la machine.</p></td><td align="right"> 104 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang"><i>Id.</i>—A Allen, pour payement de<br /> + 1,859 l. 5 s., pour le charbon de<br /> + terre et autres fournitures qu'il<br /> + a faites. </p></td><td align="right"> 959 </td><td align="right"> 15 </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang"><i>Id.</i>—A Menoist, pour payement<br /> + de 1,879 l. 15 s. 10 d., pour<br /> + fourniture de gros fers. </p></td><td align="right"> 879 </td><td align="right"> 15 </td><td align="right"> 10</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">13 septembre.—A Berlin, pour<br /> + payement de 1,404 l. de moellons.</p></td><td align="right"> 604l. </td><td align="right"> »s.</td><td align="right"> »d.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">11 octobre.—A Devienne, pour<br /> + payement de 11,455 l. 3 s. 7 d.,<br /> + pour ouvrages de remplissage et<br /> + pavé de la digue. </p></td><td align="right"> 855 </td><td align="right"> 3 </td><td align="right"> 7</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">18 octobre.—A Raffront, pour<br /> + payement de 1,976 l. de moellons.</p></td><td align="right"> 761 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> 5</td></tr> + +<tr><td><p class="hang"><i>Id.</i>—A Frades et Devienne, pour<br /> + payement de 8,249 l. 14 s. 4 d.,<br /> + pour moellons. </p></td><td align="right"> 449 </td><td align="right"> 14 </td><td align="right"> 4</td></tr> + +<tr><td><p class="hang"><i>Id.</i>—A Noiret, pour payement de<br /> + 8,874 l. 2 s. 9 d., pour divers<br /> + ouvrages de fer. </p></td><td align="right"> 874 </td><td align="right"> 2 </td><td align="right"> 9</td></tr> + +<tr><td><p class="hang"><i>Id.</i>—A Frades et Devienne, pour<br /> + complément de 11,455 l. 3 s.<br /> + 7 d., pour remplissage de la digue,<br /> + près l'île de Chatou.</p></td><td align="right"> 300 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">1<sup>er</sup> novembre.—A Eux, pour payement<br /> + de 3,040 l. 11 s., pour<br /> + moellons.</p></td><td align="right"> 640 </td><td align="right"> 11 </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">6 décembre.—A Eux, pour payement<br /> + de 5,197 l. 10 s., pour<br /> + 12,300—3/4 de moellons.</p></td><td align="right"> 1,797</td><td align="right"> 10 </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang"><i>Id.</i>—A Charruel, couvreur, pour<br /> + payement de 422 l. 3 s., pour<br /> + la couverture de la nouvelle forge. </p></td><td align="right"> 122 </td><td align="right"> 12 </td><td align="right"> 3</td></tr> + +<tr><td><p class="hang"><i>Id.</i>—A Mathelin, pour payement<br /> + de 153 l., pour transport de terre. </p></td><td align="right"> 53 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">13 décembre.—A Frades et Devienne,<br /> + pour payement de 300 l.,<br /> + pour voitures de glaise. </p></td><td align="right"> 100l.</td><td align="right"> »s.</td><td align="right"> »d.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">20 décembre.—A Eux, pour payement<br /> + de 2,499 l., pour moellons<br /> + fournis.</p></td><td align="right"> 999 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">27 décembre.—A Lamontagne,<br /> + pour payement de 938 l. 14 s.,<br /> + pour plates-bandes.</p></td><td align="right"> 438 </td><td align="right"> 14 </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">Id.—A Menoist, pour payement de<br /> + 1,998 l. 5 s., pour fers.</p></td><td align="right"> 398 </td><td align="right"> 5 </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td>En outre:</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">Octobre 1682.—A Boudet, sur les<br /> + tuyaux de fer de fonte, qu'il doit<br /> + livrer pour la machine de la rivière<br /> + de Seine.</p></td><td align="right"> 17,300 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p>Au sieur Desvaugoins, sur les<br /> + tuyaux pour la nouvelle machine<br /> + de la rivière de Seine.</p></td><td align="right"> 92,200 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p>Au sieur Lebreton, sur les<br /> + tuyaux pour la nouvelle machine<br /> + de la rivière de Seine.</p></td><td align="right"> 2,000 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p>A Lahaye, <i>id.</i></p></td><td align="right"> 5,500 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p>A Coulon, <i>id.</i> </p></td><td align="right"> 1,000 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> +</table> + +<p class="c">Année 1683.</p> + +<p class="c">ORDRES DU 10 JANVIER 1683 AU 2 JANVIER 1684.</p> + +<p>A Laporte, Aubert, charpentiers;—Raffront, maçon;—Frades, + maçon;—Devienne, maçon;—Noiret, serrurier;—Menoist, + serrurier;—Allan, marchand de + charbon;—Grey-Spa;—de Ville, ingénieur;—Hardel, + terrassier;—Bourienne, <i>id.</i>;—Gondaut, charron;—Devaux, + voiturier;—Martin, terrassier;—Caron, arpenteur;—Lejongleur, + pour les eaux;—Arnault, pour + loyer;—veuve Raffront, <i>id.</i>;—Duvivier, Decoste, maçons;—Benoist, + terrassier;—Montoque, <i>id.</i>;—Marchand, + paveur;—Mathelin, terrassier;—Langlois, + cordier;—Berlin, paveur;—Delaunay, Richard, terrassiers;—Lahaye, + plombier;—Morel, serrurier;—Louchard, + cordier;—Rousseau, charron;—Langlois, + cordier;—Remy, fontainier;—Paul et Rankin-Sualem, + charpentiers;—Sianne, <i>id.</i>;—Miché, menuisier;—Mathieu, + plombier;—Desyaugoins, fabricant de tuyaux,—Godefroy, + briquetier;—Masson, serrurier;—Laharpe, + plombier;—Esmery, <i>id.</i>;—Boileau, marchand + de fer;—Pernolle, <i>id.</i>;—Bourbonnais, pour un soufflet + de forges;—Nicolle, terrassier;—Levasseur, <i>id.</i>;—Charruel, + couvreur;—Delbert, plombier;—Bachelart, + voilurier;—Duval, serrurier;—Simon, maçon;—Malin + et Vaillant, marchands de fer;—Crosnier, terrassier;—Lambotte, + mécanicien;—Viart, terrassier;—Noël, + serrurier;—veuve Lavier, menuisier;—Vivret, marchande + de toiles;—Namurois, serrurier;—Pays, corroyeur;—Baumont, + terrassier;—Racine, <i>id.</i>;—Belier, + <i>id.</i>;—Renault, serrurier;—Lapoterie, marchand + de fer;—Sauvage, <i>id.</i>;—Gervais, serrurier;—Guessard, + id.;—Ansaume, maçon;—Desjardins, tailleur;—Chenet, + chirurgien;—Lucas, plombier;—Duremar, + serrurier.</p> +<p class="r">Sommes. 858,228l. 15s. 6d.</p> + +<table border="0" cellpadding="4" cellspacing="0" summary=""> +<tr><td><p class="hang">A Frades et Devienne, pour payement<br /> + de 2,025 l., pour le transport<br /> + des sables provenant de<br /> + l'atterrissement qui s'est fait<br /> + au-dessous de la machine dans la<br /> + rivière de Seine.</p></td><td align="right">75l. </td><td align="right"> »s. </td><td align="right">»d.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Menoist, pour payement de 948 l.<br /> + 13 s., pour fers par lui fournis.</p></td><td align="right">348 </td><td align="right"> 13 </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Allen, pour payement de 1,308 l.<br /> + 4 s., pour fournitures de charbon<br /> + de terre.</p></td><td align="right">808 </td><td align="right"> 8 </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Hardel, pour payement de 895 l.<br /> + 8 s. 4 d., pour pavage qu'il a fait<br /> + au rétablissement du grand chemin.</p></td><td align="right">95 </td><td align="right"> 8 </td><td align="right"> 4</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Haffront, pour payement de 5,109l.<br /> + 5 s. 10 d., pour maçonnerie au<br /> + deuxième puisard.</p></td><td align="right">359 </td><td align="right"> 5 </td><td align="right"> 10</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Noiret, pour payement de 7,674 l.<br /> + 1 s. 6 d., pour fournitures de fers<br /> + de pieux.</p></td><td align="right">474 </td><td align="right"> 1 </td><td align="right"> 6</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Marchand, pour payement de<br /> + 3,229 l. de pavés.</p></td><td align="right">729</td><td align="right"> »</td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Frades et Devienne, pour payement<br /> + de 1,747 l. 17 s. 6 d., pour<br /> + moellons et libage.</p></td><td align="right">947 </td><td align="right"> 17 </td><td align="right"> 6</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Montagne, pour payement de<br /> + 1,369 l. 4 s. 4 d., pour ouvrages<br /> + de fer.</p></td><td align="right">469 </td><td align="right"> 4 </td><td align="right"> 4</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Frades et Devienne, pour payement<br /> + de 2,892 l. pour transports<br /> + de terre.</p></td><td align="right">72l. </td><td align="right"> »s.</td><td align="right"> »d.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">Aux soldats suisses, qui ont fait des<br /> + fascines et travaillé.</p></td><td align="right">123 </td><td align="right"> 13 </td><td align="right"> 6</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Bourienne, pour payement de<br /> + 2,736 l. 14 d., pour fouilles au<br /> + deuxième puisard.</p></td><td align="right">86 </td><td align="right"> 14 </td><td align="right"> 6</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Marchand, pour payement de<br /> + 3,229 l. 8 s., pour pavés.</p></td><td align="right">500 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Noiret, pour payement de 1,604 l.<br /> + 6 s. 6 d., pour fouilles.</p></td><td align="right">304 </td><td align="right"> 6 </td><td align="right"> 6</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Charuel, pour payement de 439 l.<br /> + 7 s. 6 d., pour couverture.</p></td><td align="right">39 </td><td align="right"> 7 </td><td align="right"> 6</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Boileau, pour payement de 6,911 l.<br /> + 16 s. 8 d., pour gros fer du<br /> + Nivernois.</p></td><td align="right">411 </td><td align="right"> 16 </td><td align="right"> 8</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Nicole, pour payement de 1,578 l.<br /> + 3 s. 4 d., pour fouilles au canal.</p></td><td align="right">78 </td><td align="right"> 3 </td><td align="right"> 4</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Mathelin, pour payement de<br /> + 10,453 l. 18 s. 10 d., pour<br /> + transport de terre.</p></td><td align="right">453 </td><td align="right"> 18 </td><td align="right"> 10</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Frades et Devienne, pour payement<br /> + de 3,344 l. 5 s., pour moellons.</p></td><td align="right">1,044 </td><td align="right"> 5 </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Martin, pour payement de 4,642 l.<br /> + 7 s. 9 d., pour tranchées au bord<br /> + du nouveau canal.</p></td><td align="right">342 </td><td align="right"> 7 </td><td align="right"> 9</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Richard, pour payement de 2,684 l.<br /> + 7 s. 9 d., pour cuivres.</p></td><td align="right">184 </td><td align="right"> 7 </td><td align="right"> 9</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Frades et Devienne, pour payement<br /> + de 2,430 l. 45 s., pour moellons.</p></td><td align="right">830l. </td><td align="right">15s. </td><td align="right">»d.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Duremar, pour payement de 7331l<br /> + 5 s. 6 d., pour appuis de fer.</p></td><td align="right">133 </td><td align="right"> 5 </td><td align="right"> 6</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Berlin, pour payement de 500 l.,<br /> + pour démolition.</p></td><td align="right">200 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Frades et Devienne, pour payement<br /> + de 2,089 l. 10 s., pour moellons.</p></td><td align="right">689 </td><td align="right"> 10 </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Pays, corroyeur, pour payement<br /> + de 360 l., pour cuirs de vache.</p></td><td align="right">210 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Berlin, pour payement de 819 l.,<br /> + pour 1,900 1/2 de moellons.</p></td><td align="right">419 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Spa, pour payement de fers corroyés<br /> + fournis par lui, montant à<br /> + 27,742 l. 14 s. 11 d.</p></td><td align="right">142 </td><td align="right"> 14 </td><td align="right">11</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Raffront, pour payement de 700 l.,<br /> + pour l'atterrissement qui s'est fait<br /> + par derrière les coursières de la<br /> + machine.</p></td><td align="right">50 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Lacoste, pour payement de 5,506 l.<br /> + 10 s., à quoi montent 1,217 toises<br /> + 1/2 de tuyaux de 8 pouces, relevés<br /> + et posés a la conduite du Chesnay,<br /> + 459 toises 1/2 <i>id.</i> de 8 pouces,<br /> + à celle depuis les Moulins de Louveciennes<br /> + jusqu'au regard du chemin<br /> + de Versailles, à 50 s. la toise,<br /> + et 328 toises 1/2 d'un pied, <i>id.</i> à<br /> + 14 l. la toise, et 600 l. de gratification<br /> + à cause de sa diligence.</p></td><td align="right">656 </td><td align="right"> 10 </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Renault, pour payement de 1,516 l. + 12 s. 9 d., pour serrurerie.</p></td><td align="right">572l.</td><td align="right"> 16s.</td><td align="right"> 9d.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Bourbonnais, pour payement de<br /> + 938 l. 17 s., pour serrurerie.</p></td><td align="right">50 </td><td align="right"> 17 </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Spa, pour payement de 3,140 l. + 11 s., pour serrurerie, pour<br /> + l'entretien des mouvements de<br /> + la machine.</p></td><td align="right">1,140 </td><td align="right"> 11 </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A André Pernelle, pour, payement<br /> + de 1,053 l. 10 s., pour serrurerie.</p></td><td align="right">153 </td><td align="right"> 10 </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Desjardins, tailleur d'habits, pour<br /> + vingt et un juste-au-corps de toile,<br /> + pour les charpentiers de la machine.</p></td><td align="right">31 </td><td align="right"> 10 </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Thevenet, chirurgien, pour avoir<br /> + pansé les ouvriers blessés de la<br /> + machine, depuis le mois de juillet<br /> + jusqu'au mois d'octobre.</p></td><td align="right">90 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p>Le sieur <i>de Ville</i> fait venir beaucoup de fers et de<br /> + mécaniques de Liége.</p></td></tr> + +<tr><td><p>Lejongleur fait les aqueducs pour conduire l'eau de<br /> + la machine de la rivière de Seine.</p></td></tr> +</table> + +<p class="c">Année 1684.</p> + +<p>Recette:</p> + +<p>De M. Etienne Jehannot, sieur de Bartillat, garde du + trésor royal, la somme de 6,000 l. pour délivrer au sieur + <i>de Ville</i>, gentilhomme liégeois, par gratification, en considération + de ses soins pour la construction de la machine + de la rivière de Seine, pour la présente année.</p> + +<p class="c"><i>Parfaits payements.</i></p> + +<table border="0" cellpadding="2" cellspacing="0" summary=""> + +<tr valign="bottom"><td><p class="hang">16 janvier 1684.—Au sieur Desvaugoins, 20,000 l. pour<br /> + avec 64,366 l. 16 s. 9 d. contenus en l'ordre de parfait<br /> + payement du 28 mars 1683, pour 2,529 toises<br /> + 1 pied 1/4 de tuyaux de fer de fonte de 8, 6 et 4 pouces<br /> + 1/2 de diamètre; 43,400 l. qui lui ont été ordonnancées<br /> + à-compte depuis le 21 février jusques et compris<br /> + le 3 octobre 1683, et 4,833 l. 3 s. 3 d. qui lui<br /> + sont retenus pour la garantie pendant une année, faire<br /> + le parfait payement de 132,600 l., à quoi montent<br /> + 5,099 toises 1 pied de conduites de fer de fonte qu'il a<br /> + fournies pour la machine de la rivière de Seine, en<br /> + 1682 et 1683. </p></td><td align="right"> 20,000l.</td><td align="right"> »s. </td><td align="right"> »d.</td></tr> + +<tr valign="bottom"><td><p class="hang">23 janvier 1684.—A Lacoste, + 1,254 l. 14 s., pour fournitures<br /> + de cuirs, vis et mastic, pour la<br /> + machine de la rivière de Seine, + et déposage et reposage de plusieurs<br /> + conduites de tuyaux en 1683. </p></td><td align="right"> 1,254 </td><td align="right"> 14 </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr valign="bottom"><td><p class="hang">23 juillet 1684.—A Lejongleur, + 1,400 l. pour avec 5,600 l. qu'il<br /> + a reçues faisant le parfait payement<br /> + de 7,000 l. à quoi ont été<br /> + fixés les ouvrages du regard de<br /> + pierre de taille qu'il a faits proche<br /> + Marly, pour recevoir les eaux de<br /> + la machine.</p></td><td align="right"> 1,400 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td align="right"><p class="hang"><i>Fonds libellés.</i></p></td></tr> + +<tr valign="bottom"><td><p class="hang">14 décembre 1684.—Au sieur<br /> + <i>de Ville</i>, 6,000 l. par gratification<br /> + en considération de ses soins<br /> + pour la construction de la machine<br /> + de la rivière de Seine.</p></td><td align="right"> 6,000l. </td><td align="right"> »s.</td><td align="right"> »d.</td></tr> +</table> + +<p class="c">OUVRAGES DE LA MACHINE DE LA RIVIÈRE DE SEINE.</p> + +<table border="0" cellpadding="4" cellspacing="0" summary=""> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Maçonnerie.</i></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">1684.—DU 9 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">Donné à Martin Caumont et Anseaume,<br /> +Raffront, Decotte, Simon,<br /> +Bertin, Jean Couturier de<br /> +la Chaussée, Denis Gérard,<br /> +Drouilly, Mouffle, Frades, Saint-Allard,<br /> +de la Rue, Lejongleur,<br /> +Lecerf, Lefébure.</p></td></tr> + +<tr><td align="right">Somme.</td> <td align="right">141,832 </td> <td align="right">18</td> <td align="right">»</td></tr> + +<tr><td><p>Remarques.</p></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">De Cotte, entrepreneur, construit la tour.</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Charpenterie.</i></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">DU 9 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Laporte et Aubert, Langlois,<br /> +Paillard, Charles Fournet.</p></td></tr> + +<tr><td align="right"> Somme.</td> <td align="right">117.005</td> <td align="right">5</td> <td align="right">»</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Couverture.</i></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">DU 26 MARS AU 19 NOVEMBRE.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Dimanche-Charruel.</p></td></tr> + +<tr><td align="right"> Somme.</td> <td align="right"> 4,070</td> <td align="right"> 12 </td> <td align="right">6</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Menuiserie.</i></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">LE 23 JUILLET.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Milot, menuisier, à-compte de<br /> +ce qu'il a fait au grand puisard<br /> +de la machine de la chaussée.</p></td> <td align="right">200l. </td> <td align="right"> » </td> <td align="right">»</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Ouvrages de fer.</i></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">DU 9 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Namurois, Noiret, Morel, Noël, +Renault, Dezenstres, Bourbonnais,<br /> +Ladoireau, Gervais, Delbert,<br /> +Spa, Martin, Vaillant,<br /> +Thomas Delaunay, Claude Montagne,<br /> +Pernelle, Marlin, Massot,<br /> +Boileau, Fordin, Boutté, Duval,<br /> +Cucu, Pilon.</p></td></tr> + +<tr><td align="right"> Somme.</td> <td align="right"> 150,096 </td> <td align="right">13</td> <td align="right">11</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Ouvrages de cuivre.</i></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"> DU 16 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">Au sieur Lerond, bourgmestre de<br /> +Liége, Delbert, Noiret.</p></td></tr> + +<tr><td align="right"> Somme.</td> <td align="right">30,874</td> <td align="right">4 </td> <td align="right">8</td></tr> + +<tr><td>Remarques.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">Le sieur Lerond, bourgmestre de<br /> +Liége, reçoit 3,000 l. à-compte<br /> +pour deux cents corps de pompes,<br /> +qu'il fait pour la machine de la<br /> +rivière de Seine.</p></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Pavé.</i></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">DU 26 MARS AU 24 DÉCEMBRE.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang"> A Georges Marchand, Lecerf, Lefébure,<br /> +Petit-Jean.</p></td></tr> + +<tr><td align="right">Somme.</td><td align="right">11,952l. </td> <td align="right">10s. </td> <td align="right">»</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Plomberie.</i></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">DU 9 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Lucas, Laharpe.</p></td></tr> + +<tr><td align="right">Somme.</td><td align="right">38,269 </td><td align="right">14 </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Fouilles de terre.</i></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">DU 16 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Jean Crosnier de Luciennes, Debecq<br /> +et Beaumont, Martelin,<br /> +Jean-Baptiste Crosnier, Bachelart,<br /> +Racine, Deber, Lefébure,<br /> +Aubé, Rufron, Michel, Gautier,<br /> +Audiger, Bertin, Cherly, Léger. +</p></td></tr> + +<tr><td align="right">Somme.</td><td align="right">24,375 </td><td align="right">11 </td><td align="right">1</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Ouvrages extraordinaires.</i></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">DU 9 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE.</td></tr> + +<tr><td align="right">Somme.</td><td align="right">22,090</td><td align="right">9</td><td align="right"> 9</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Ouvriers à journées.</i></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">DU 9 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE.</td></tr> + +<tr><td align="right">Somme.</td><td align="right">19,153</td><td align="right">5</td><td align="right"> 7</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">Année 1685.</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Parfaits payements d'ouvrages de maçonnerie et terrasses.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">7 janvier.—A Guillaume Poullier,<br /> +943 l. 5 s., pour payement de<br /> +2,243 l. 5 s. pour maçonnerie<br /> +aux murs qui portent les tuyaux<br /> +où passent les eaux provenant de<br /> +la machine.</p></td><td align="right">943l. </td><td align="right"> 5s. </td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Gratifications.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">20 mai.—A <i>Rennequin-Sualem</i>,<br /> +charpentier liégeois, en considération<br /> +de ses voyages extraordinaires.</p></td><td align="right">300</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Machine de Marly.</i></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">DU 31 DÉCEMBRE 1684 AU 26 AOÛT 1685.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A de Cotte, entrepreneur, à-compte<br /> +de la maçonnerie qu'il fait à la<br /> +tour de la machine de la rivière<br /> +de Seine.</p></td><td align="right">17,500</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Clôture de la machine.</i></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">DU 17 JUIN AU 21 OCTOBRE 1685.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Michel Crosnier, pour payement<br /> +de pierres, pour la construction<br /> +d'un puits derrière le réservoir,<br /> +à mi-côte.</p></td><td align="right">870 </td><td align="right">10 </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Maçonnerie et couverture.</i></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">DU 28 JANVIER AU 16 DÉCEMBBE 1685.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Jean de la Rue, maçon, à-compte<br /> +des ouvrages du magasin et aux<br /> +murs de terrasse des rigoles,<br /> +près les grands chevalets, et des<br /> +couvertures de tuiles aux forges.</p></td><td align="right">21,050l. </td><td align="right"> »</td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i> +Massifs de maçonnerie derrière les +murailles du réservoir à +mi-côte.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Duvivier, pour payement.</p></td><td align="right">2,536</td><td align="right"> 13 </td><td align="right">4</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Moellons pour la digue de l'île Bautier et la grande digue.</i></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">DU 21 JANVIER AU 9 DÉCEMBRE 1685.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A François Berlin, carrier; Jacques<br /> +Raffront, <i>id.</i>;—Antoine Hémont,<br /> +<i>id.</i>;—Gaspard Hémont,<br /> +<i>id.</i>;—J. Frades,—J. Darneville.</p></td></tr> + +<tr><td align="right">Somme.</td><td align="right">15,837</td><td align="right">1</td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Parfaits payements de la maçonnerie et +moellons pour la machine.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">21 janvier.—A Lerouge, carrier,<br /> +pour payement de moellons,<br /> +pour l'île de la Chaussée.</p></td><td align="right">104 </td><td align="right">3</td><td align="right"> 4</td></tr> + +<tr><td><p>A Étienne Potier, <i>id.</i></p></td><td align="right">137</td><td align="right"> 10</td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">28 janvier.—A Lecerf, pour payement +du quai sur l'île Gautier.</p></td><td align="right">93</td><td align="right"> 15 </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p>A Ballet, pour payement de<br /> +pierres dures de Nanterre,<br /> +pour la grande digue.</p></td><td align="right">194 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p>A Binet, <i>id.</i></p></td><td align="right"> 58</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">25 février.—A Lerouge, pour<br /> +payement de moellons, pour l'île<br /> +Gautier.</p></td><td align="right">101l. </td><td align="right"> 5s. </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">11 mars.—A G. Raffront, pour<br /> +payement de chaux, pour le mur<br /> +proche la tour.</p></td><td align="right">56</td><td align="right"> 16</td><td align="right">8</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Rousselet, pour payement<br /> +de moellons au quai de l'île<br /> +la Loge.</p></td><td align="right">27</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">1<sup>er</sup> avril.—A Lejongleur, pour<br /> +payement de 4,745 l., pour<br /> +tuyaux de grès aux aqueducs des<br /> +eaux de Prunay, près la machine.</p></td><td align="right">1,345</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">8 avril.—A Lecerf, pour payement<br /> +de moellons, à l'île Gautier.</p></td><td align="right">408 </td><td align="right">10</td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p>A Roussel, <i>id.</i></p></td><td align="right">27</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">23 avril.—A Leau, terrassier,<br /> +pour aplanissement près la tour.</p></td><td align="right">63 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">6 mai.—A Laroue et Crosnier,<br /> +pour payement de moellons.</p></td><td align="right">134</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">27 mai.—A Duvivier, pour payement<br /> +de 16,386 l. 10 s., pour<br /> +ouvrages de maçonnerie.</p></td><td align="right">1,986</td><td align="right"> 10 </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">15 juillet.—A Laroue, pour payement<br /> +de chaux.</p></td><td align="right">351</td><td align="right"> 15</td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">29 juillet.—A Jean, pour payement<br /> +de moellons.</p></td><td align="right">40</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">7 octobre.—A Périgord, pour<br /> +payement de moellons.</p></td><td align="right">47</td><td align="right">10 </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p>A Jean, <i>id.</i></p></td><td align="right">42 </td><td align="right">10 </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p>A Laroue, pour payement de<br /> +chaux.</p></td><td align="right">245 l. </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p>A Julien, <i>id.</i></p></td><td align="right">302</td><td align="right">10 </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p>A Potier, pour payement de<br /> +moellons.</p></td><td align="right">44</td><td align="right">7</td><td align="right">6</td></tr> + +<tr><td><p class="hang"> 18 novembre.—A Lebaille, pour<br /> +payement de pavé tiré dans les<br /> +rigoles du côté des Graissets.</p></td><td align="right">25</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Lecerf, Lefébure, Lejongleur,<br /> +Hémont, Roussel,<br /> +pour payement de maçonnerie.</p></td><td align="right">2,084</td><td align="right">5 </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Terrasses.</i></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">DU 7 JANVIER AU 25 NOVEMBRE 1685.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Gautier, pour les terres enlevées<br /> +le long du réservoir, à mi-côte.</p></td><td align="right">677</td><td align="right">9</td><td align="right">2</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Rigoles et parterre sur la terrasse du pavillon.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">23 avril.—A Jean Léger, pour<br /> +payement de ses ouvrages.</p></td><td align="right">749</td><td align="right">15</td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Terrasses.</i></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">DU 7 JANVIER AU 11 NOVEMBRE.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Cherfils,—Audiger,—Levau,<br /> +—Gosset,—Horin,—Morille,<br /> +—Hémont, terrassiers.</p></td></tr> + +<tr><td align="right">Somme.</td><td align="right">11,287 </td><td align="right"> » </td><td align="right">11</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Chevilles et coyaux pour les roues de la machine.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">16 juillet.—A P. Sauvage et Leclerc.</p></td><td align="right">248</td><td align="right">18</td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Nettoyement, maçonnerie et moellons.</i></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">DU 15 JUILLET AU 16 DÉCEMBRE.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Michel, de la Rue, Hémont</p></td><td align="right">10,960 l.</td><td align="right"> 14 s.</td><td align="right"> 2 d.</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Charpenterie.</i></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">DU 31 DÉCEMBRE 1684 AU 16 DÉCEMBRE 1685.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Raoul de Pierre, dit Laporte, et<br /> +Jacques Aubert, charpentiers,<br /> +pour les bois employés dans divers<br /> +endroits de la machine </p></td><td align="right">8,860 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Mallet, Roussel, charpentiers, +pour id.</p></td><td align="right">8,314</td><td align="right">11 </td><td align="right"> 10</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Couverture.</i></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">DU 14 JANVIER AU 2 DÉCEMBRE 1685.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A la veuve Dimanche Charruel</p></td><td align="right">10,390 </td><td align="right">7 </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Menuiserie.</i></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">DU 12 AOÛT AU 16 DÉCEMBRE.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Dubois, Bourdon, Massa.</p></td></tr> + +<tr><td align="right">Somme.</td><td align="right">3,220</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Serrurerie.</i></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">DU 31 DÉCEMBRE 1684 AU 21 OCTOBRE 1685.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Fordrin,—Boutet,—Rouillé,<br /> +—Landry,—Renault,—Corvieux,<br /> +—Noël,—Morel,—Montagne,—Cucu,<br /> +Maslin et Vaillant,—Menoist,—Dezeustres,<br /> +—Boileau,—Noiret,—Georges de Spa,<br /> +—Longuet,—Darche,—Michel.</p></td></tr> + +<tr><td align="right">Somme.</td><td align="right">146,223</td><td align="right">6</td><td align="right"> 11</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Ouvrages de cuivre.</i></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">DU 15 JANVIER AU 2 DÉCEMBRE 1685.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Nicolas de Nainville;—Jean Lefond,<br /> +bourgmestre de Liége;—Mathieu<br /> +Delbert,—Joseph<br /> +Royer;—François Namurois.</p></td></tr> + +<tr><td align="right">Somme.</td><td align="right">73,142l. </td><td align="right"> 6s.</td><td align="right"> 10d.</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Plomberie.</i></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">DU 14 JANVIER AU 2 DÉCEMBRE 1685.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Jacques Lucas</p></td><td align="right">32,191</td><td align="right"> 11</td><td align="right">7</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Ouvrages de goudron.</i></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">DU 31 DÉCEMBRE 1684 AU 16 DÉCEMBRE 1685.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Michel Deschamps,—Vinant<br /> +Allen,—Nicolas de Gomas,—Philippe<br /> +Hormoire,—Calfatiers,—pour<br /> +payement des ouvrages<br /> +de goudron qu'ils font aux grands<br /> +chevalets de la machine de la<br /> +rivière de Seine</p></td><td align="right">36,076 </td><td align="right">10</td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Cuirs de vache.</i></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">DU 7 JANVIER AU 2 DÉCEMBRE 1685.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Proust et Julien Pays, pour cuirs<br /> +de vache venus de Liége</p></td><td align="right">2,675 </td><td align="right"> » </td><td align="right">6</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Loyers de maisons.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">7 janvier.—A Thomas Chevalier,<br /> +successeur d'Arnault, 125 l.,<br /> +pour le loyer de sa maison occupée<br /> +par l'ancien logement du<br /> +sieur de Ville: une forge, une<br /> +écurie, <i>le modèle et le logement</i><br /> +<i>de Rennequin</i> pendant le quartier<br /> +d'octobre 1684</p></td><td align="right">125l. </td><td align="right"> » s.</td><td align="right"> » d.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Gilles Raffront, 150 l., pour<br /> +le loyer de sa maison, occupée<br /> +par le magasin et<br /> +deux forges de la machine,<br /> +pendant les quartiers de juillet<br /> +et d'octobre 1684 </p></td><td align="right">150</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Nicolas Malherbe, 22 1.<br /> +10 s., pour le loyer de sa<br /> +maison, occupée par <i>Jean</i> +<i>Beltier</i> piqueur à la machine,<br /> +pendant le quartier<br /> +d'octobre 1681 </p></td><td align="right">22 </td><td align="right"> 10</td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang"> 8 avril.—A Chevalier, pour le<br /> +loyer de sa maison, pendant le<br /> +quartier de janvier 1685 </p></td><td align="right">125</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A la dame Duchannoy, 36 l.,<br /> +pour le loyer de son pressoir,<br /> +occupé par <i>les chevaux</i><br /> +<i>du sieur de Ville</i>, à la machine,<br /> +pendant une année </p></td><td align="right">36 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">26 avril.—A Raffront, 75 l, pour<br /> +le loyer de janvier</p></td><td align="right">75</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">15 juillet.—A Chevalier, pour le<br /> +quartier d'avril</p></td><td align="right">125</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p>A Raffront, <i>id.</i></p></td><td align="right">75</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p>A Malherbe, <i>id.</i></p></td><td align="right">22 </td><td align="right"> 10</td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">18 novembre.—A Chevalier, pour<br /> +le quartier de juillet</p></td><td align="right">125l.</td><td align="right"> » s. </td><td align="right">» d.</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Ouvrages extraordinaires de la machine de la +rivière de Seine.</i></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">DU 31 DÉCEMBRE 1684 AU 16 DÉCEMBRE 1685.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Duchemin, charron;—J. Crosnier;—Pierre<br /> +Brady;—J. Leclerc;—P.<br /> +Potier;—E. Langlois;—Alexis<br /> +Mercier;—M. Lecerf;—Henri<br /> +Lenormand, batelier;—V.<br /> +Frades;—N. Maillot;—C.<br /> +Lefébure;—Sauvage;—Boucault;—Massa,<br /> +menuisier;—Cotillon;—Saintard;—Marchand;—C.<br /> +Caron, arpenteur;—Chambon;—Gaumont;<br /> +Ricy;—Paul Sualem,—Boursin;—Proust;<br /> +—Fosset;—Grandhomme,<br /> +chirurgien;—Tournay;—Paillard;—Thévenet,<br /> +chirurgien,—Pinault;—Bara.</p></td></tr> + +<tr><td align="right">Somme.</td><td align="right">7,245</td><td align="right"> 18</td><td align="right"> 6</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A remarquer:</p></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">Pierre Brady mène dans une voiture<br /> +un modèle de manivelle de<br /> +Paris à Maubeuge et de Maubeuge<br /> +à Chimay.</p></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Pavés<br /> +et moellons dans le îles,<br /> +proche la machine et<br /> +à la machine.</i></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">DU 25 MARS AU 9 DÉCEMBRE 1685.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang"> A Sylvain Mercier,—Léonard Lamoureux,—Ant.<br /> +Gargot,—Fr.<br /> +Legrand,—G. Marchand,—Fr.<br /> +Vatel.</p></td></tr> + +<tr><td align="right">Somme.</td><td align="right">10,056 l. </td><td align="right">14 s. </td><td align="right">2 d.</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Ouvriers à journées.</i></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">DU 31 DÉCEMBRE 1684 AU 16 DÉCEMBRE 1685.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">Aux ouvriers qui ont travaillé à la<br /> +construction et entretien de la<br /> +machine de la rivière de Seine. </p></td><td align="right">29,235 </td><td align="right">9 </td><td align="right">3</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Clôture de la machine.</i></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">DU 11 MARS AU 16 DÉCEMBRE 1685.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A J. Fay, pour les ouvrages de<br /> +clôture </p></td><td align="right">22,900</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Réservoir de Louveciennes.</i></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">DU 11 MARS AU 16 DÉCEMBRE 1685.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Jean Bailly et Louis Rocher, pour<br /> +ouvrages de maçonnerie</p></td><td align="right">180,000</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Vitrerie dans les puisards et aux magasins de la machine.</i></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">DU 20 MAI AU 16 DÉCEMBRE 1685.</td></tr> + +<tr><td><p>A Cl. Cossette</p></td><td align="right">300</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Menuiserie à la cour de la machine.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">1<sup>er</sup> juillet.—A Michel Dubois</p></td><td align="right">300</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Grosse peinture.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">21 octobre.—A J.-B. Fauconnier,<br /> +pour ouvrages de peinture aux<br /> +portes et croisées des magasins<br /> +et puisards</p></td><td align="right">160 l.</td><td align="right"> » s. </td><td align="right"> » d.</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Cordages pour les équipages des puisards.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">4 novembre.—A E. Langlois,<br /> +cordier</p></td><td align="right">150</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Bois de provision pour les magasins de la machine.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">18 novembre.—A Ragalus, marchand</p></td><td align="right">300</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr> +</table> + +<table border="0" cellpadding="4" cellspacing="0" summary=""> + +<tr><td colspan="4" align="center">Année 1686.</td></tr> + +<tr><td><p>Recettes:</p></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">17 janvier.—Du sieur de Bartillat, garde du trésor<br /> +royal, 6,000 l., pour délivrer au sieur <i>de Ville</i>, gentilhomme<br /> +liégeois, pour gratification en considération<br /> +de ses soins pour la construction de la machine de la<br /> +rivière de Seine pendant l'année 1685.</p></td><td align="right">6,000l.</td><td align="right"> »</td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">6 février.—Du sieur de Bartillat, 7,723l. 7 s. 9 d.,<br /> +pour employer au remboursement des terres, vignes<br /> +et autres héritages appartenant à divers particuliers<br /> +occupés par l'aqueduc qui conduit les eaux des sources<br /> +de la Celle et de Bougival au premier puisard de la<br /> +machine de la rivière de Seine, en la largeur d'une<br /> +perche sur toute la longueur pour le fond.</p></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">8 février.—Du sieur de Bartillat, 120,533 l. 6 s., pour<br /> +employer au remboursement du prix principal et non-jouissances<br /> +des terres, prés, bois et vignes appartenant<br /> +à divers particuliers, lesquels sont occupés par<br /> +la grande pièce d'eau que Sa Majesté a ordonné être<br /> +faite l'année dernière dans les hauteurs de Louveciennes;—par<br /> +les deux rigoles faites dans lesdites<br /> +hauteurs qui conduisaient les eaux dans les étangs des<br /> +Graissets;—par les quatre étangs des Graissets;—par<br /> +les bois plantés dans les plaines du Trou-d'Enfer<br /> +et dans les hauteurs de Rocquencourt;—par l'avenue<br /> +qui conduit de Versailles à Saint-Germain depuis Rocquencourt<br /> +jusqu'à l'étang de Béchevet;—et par l'espace<br /> +qui est entre ladite avenue et les murs du Grand-Parc;—par<br /> +les terres occupées par la grande pépinière<br /> +qui est au-dessus de Rocquencourt:—par les rigoles<br /> +qui conduisaient les eaux des hauteurs de Rocquencourt<br /> +dans les étangs des Graissets;—par l'aqueduc<br /> +qui conduit les eaux de la machine au réservoir du<br /> +Chesnay;—et par une partie de l'aqueduc nouvellement<br /> +fait pour conduire les eaux de la machine dans<br /> +le réservoir de la butte de Montbauron, jusqu'à l'endroit<br /> +du puits de l'angle qui est au-dessus du Chesnay;—et<br /> +encore pour l'indemnité du droit de dimes et les<br /> +non-jouissances qui étaient dues aux sieurs de Luciennes,<br /> +comme gros décimateurs dans la paroisse sur<br /> +cinq cents arpents de terre labourable et vignes qui<br /> +sont occupés par les travaux que Sa Majesté a fait faire<br /> +dans les hauteurs de Marly, de Luciennes, et dans<br /> +l'enceinte de la machine.</p></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">12 juillet.—Du sieur de Bartillat, pour délivrer au sieur<br /> +<i>de Ville</i>, par gratification, en considération des soins<br /> +qu'il a pris pour la construction de la machine de la<br /> +rivière de Seine</p></td><td align="right">100,000 l. </td><td align="right">»</td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p>Dépenses.</p></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Fonds libellés.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">27 janvier 1686.—Au sieur <i>de</i><br /> +<i>Ville</i>, gentilhomme liégeois, par<br /> +gratification, en considération de<br /> +ses soins pour la construction de<br /> +la machine de la rivière de Seine<br /> +pendant l'année dernière</p></td><td align="right">6,000l. </td><td align="right">» </td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">17 février.—A divers particuliers<br /> +pour le remboursement des terres,<br /> +vignes et autres héritages<br /> +à eux appartenant, occupés par<br /> +l'aqueduc qui conduit les eaux<br /> +des sources de la Celle et Bougival<br /> +au premier puisard de la<br /> +machine de la rivière de Seine</p></td><td align="right">7,723</td><td align="right"> 7</td><td align="right">9</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A divers particuliers, pour<br /> +remboursement du prix<br /> +principal et non-jouissances<br /> +des héritages occupés par<br /> +les quatre étangs des Graissets<br /> +et autres travaux faits<br /> +sur les hauteurs de Luciennes</p></td><td align="right">120,533 </td><td align="right">6</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">28 juillet.—Au sieur <i>de Ville</i>, par<br /> +gratification, en considération des<br /> +soins qu'il a pris pour la construction<br /> +de la machine de la rivière<br /> +de Seine</p></td><td align="right">100,000</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">27 octobre.—A Noël, serrurier,<br /> +à-compte des tréteaux de fer pour<br /> +les conduites de tuyaux dans<br /> +l'aqueduc sous la tour de la machine</p></td><td align="right">800l.</td><td align="right"> » </td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Lahaye, plombier, à-compte<br /> +des tuyaux de 6 pouces posés<br /> +dans le deuxième puisard<br /> +de la machine au haut<br /> +de la montagne de Luciennes </p></td><td align="right">2,400</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">Au sieur Mezeret, greffier de<br /> +l'écritoire, à-compte du travail<br /> +aux toisés d'ouvrage de<br /> +la machine de Marly</p></td><td align="right">400</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Morel, serrurier, sur les fers<br /> +d'équipages aux pompes du<br /> +deuxième puisard de la machine</p></td><td align="right">300</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">1<sup>er</sup> décembre.—A Menoist, marchand<br /> +de fer, à-compte des chevrons<br /> +de fer de la machine</p></td><td align="right">800</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Aubert, charpentier, à-compte<br /> +des pieux qu'il a<br /> +fait battre pour contre-garder<br /> +les îles, et à la chute<br /> +de la grande digue de la<br /> +machine</p></td><td align="right">3,100</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A la veuve Lemaire, fondeur,<br /> +pour payement de deux robinets<br /> +pour la conduite des<br /> +eaux de la machine</p></td><td align="right">237l. </td><td align="right">16 s. </td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Bertin, pour moellons à la<br /> +machine </p></td><td align="right">600</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Mathieu, fondeur,à-compte<br /> +des tambours, tuyaux coudés<br /> +et passières de cuivre,<br /> +fournis pour les mouvements<br /> +de la machine </p></td><td align="right">600</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">Au sieur Desvaugoins, sur les<br /> +tuyaux de la machine </p></td><td align="right">1,000</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Payements d'ouvrages de maçonnerie et terrasses.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Aubrat, entrepreneur, pour payement<br /> +d'un bout d'aqueduc qui<br /> +sert de communication du puits<br /> +de l'Angle aux grands aqueducs<br /> +venant des Graissets</p></td><td align="right">390</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A lui,—pour payement de 1,597 l.<br /> +10 s. à quoi montent le gravoillage<br /> +pour poser le ciment aux<br /> +aqueducs venant du regard au-dessus<br /> +des étants des Graissets</p></td><td align="right">17 10</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Aqueduc pour la communication des deux proche le puits de l'Angle.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">Du 29 septembre au 22 décembre.—A<br /> +Lafosse, sur l'aqueduc pour<br /> +la décharge des eaux de la machine<br /> +de la Chaussée</p></td><td align="right">950</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Gages payés par ordonnance.</i></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">DU 6 JANVIER 1686 AU 18 JANVIER 1687.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A <i>Rennequin-Sualem</i>, charpentier<br /> +liégeois, employé à la machine.</p></td><td align="right">1,800 l. </td><td align="right">»</td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Miché, menuisier liégeois, employé<br /> +à la machine.</p></td><td align="right">720</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr> + + <tr><td><p class="hang"> A Monget, qui a soin d'apporter la<br /> +hauteur des eaux de la machine.</p></td><td align="right">900</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">MACHINE DE MARLY.</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Maçonnerie.</i></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">DU 3 MARS AU 8 DÉCEMBRE 1686.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang"> A J. Delarive,—à J.<br /> +Fay,—à J. +Frades,—à Ant. Hémon,<br /> +—Bailly-Lamoureux,—Pottier.</p></td></tr> + +<tr><td align="right">Somme.</td><td align="right">21,902</td><td align="right"> 17</td><td align="right">6</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Terrasses.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang"> A J. Chapeau,—Depautre,—Cherfils.</p></td></tr> + +<tr><td align="right">Somme.</td><td align="right">7,32710</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Charpenterie.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Raoul de Pierre et J. Aubert,—Laporte,—Claude<br /> +Garde,—Nicolas Roussel.</p></td></tr> + +<tr><td align="right">Somme.</td><td align="right">23,75716</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Couverture.</i></td></tr> +<tr><td><p class="hang">A Étienne Yvon.</p></td><td align="right">1,100</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Menuiserie.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Nicolas Dubois,—Elisabeth Breton,—Gilles<br /> +Massa.</p></td></tr> + +<tr><td align="right">Somme.</td><td align="right">6,691 l.</td><td align="right"> 2 s. </td><td align="right">8 d.</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Ouvrages de fer.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A J. B. Boileau,—Cormieux,—J. Rouillé,—F.<br /> +Michel,—d'Arche,—Guerreau,—Noël.</p></td></tr> + +<tr><td align="right">Somme.</td><td align="right">8,732 </td><td align="right">3</td><td align="right"> 9</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Manivelles.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A J. Proust,—G. Longuet,—J. Longuet,—C.<br /> +Jean,—A. Fordrin<br /> +et Boulet,—F. Pasquier,—P.<br /> +Noiret,—Menoist,—Th.<br /> +Cucu,—Morel,—V. Morel,—Renault.</p></td></tr> + +<tr><td align="right">Somme.</td><td align="right">132,024</td><td align="right">6</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Ouvrages de cuivre.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A J. Royer,—Dezeustres.</p></td></tr> + +<tr><td align="right">Somme.</td><td align="right">27,500</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Plomberie.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang"> A J. Lucas.</p></td><td align="right">3,000</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Ouvrages de goudron.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A M. Deschamps.</p></td><td align="right">2,050</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Braye.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Clerx. </p></td><td align="right">349</td><td align="right">2</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Chandelle.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Haulmoire.</p></td><td align="right">1,189 l. </td><td align="right">1 s.</td><td align="right"> 6 d.</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Corps de pompe d'Aulne.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Cimery.</p></td><td align="right">112</td><td align="right"> 7</td><td align="right">6</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Cuirs de vaches.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A J. Pays.</p></td><td align="right">576</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Loyers de maisons.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Th. Chevalier,—Malherbe,—Raffront.</p></td><td align="right">169</td><td align="right"> 10</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Pavé.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Georges,—Legrand.</p></td><td align="right">4,360</td><td align="right"> 1</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Ouvrages extraordinaires.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A divers ouvriers.</p></td><td align="right">4,886</td><td align="right"> 8</td><td align="right">8</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">Ouvriers à journées.</p></td><td align="right">19,71912</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Vitrerie.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Cl. Cosset.</p></td><td align="right">79 </td><td align="right">16 </td><td align="right">6</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Grosses peintures.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A J.-B. Fauconnier.</p></td><td align="right">210</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Potin.</i></td></tr> + + <tr><td><p class="hang"> A Noiret.</p></td><td align="right">7,922</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Cordages.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A E. Langlois.</p></td><td align="right">292 10</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">Année 1687.</td></tr> + +<tr><td><p>RECETTES.</p></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">De M. Gédéon Dumetz, garde du Trésor royal, 9,000 l.,<br /> +pour délivrer au sieur <i>de Ville</i>, savoir: 6,000 l. par gratification,<br /> +en considération des soins qu'il a pris de la<br /> +machine de la rivière de Seine pendant l'année dernière<br /> +1686, et 3,000 l. de pension extraordinaire que Sa Majesté<br /> +lui a accordées pendant les derniers mois de la<br /> +même année.</p></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">DÉPENSES.</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Dépenses extraordinaires de Versailles.</i></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">DU 5 JANVIER AU 21 DÉCEMBRE 1687.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">Au sieur <i>de Ville</i>, gentilhomme liégeois, pour achat et<br /> +frais de voiture de cinquante-un lauriers de Flandre,<br /> +pour Versailles.</p></td><td align="right">1,274l.</td><td align="right"> 10 s.</td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Fonds libellés.</i></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">DU 9 JANVIER 1687 AU 19 JANVIER 1688.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">Au sieur <i>de Ville</i>, 6,000 l., en considération<br /> +des soins qu'il a pris<br /> +de la machine de la rivière de<br /> +Seine pendant l'année 1686, et<br /> +3,000 l. de pension extraordinaire<br /> +pendant les six derniers mois de<br /> +la même année.</p></td><td align="right">9,000l.</td><td align="right">»</td><td align="right">s. »</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">MACHINE DE MARLY.</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center">Maçonnerie.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Larue,—J. Fay,—J. Bailly,—Le<br /> +Boisselier.</p></td><td align="right">121,960</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Terrasses.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Bourienne,—de Pautre,—Cherfils,—J.<br /> +Frades,—Hémont.</p></td></tr> + +<tr><td align="right">Somme.</td><td align="right">5,184l. </td><td align="right">16 s.</td><td align="right"> 3 d.</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Charpenterie.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Raoul de Pierre (dit Laporte),—J.<br /> +Aubert. </p></td><td align="right">21,997</td><td align="right"> 14</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Couverture.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A E. Yvon.</p></td><td align="right">511</td><td align="right"> 10</td><td align="right"> 7</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Menuiserie.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A M. Dubois,—Berton,—Nivet.</p></td><td align="right">1,507</td><td align="right">14</td><td align="right">5</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Serrurerie.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A J. Rouillé.</p></td><td align="right">392</td><td align="right">6</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Charbon.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A P. Dailly.</p></td><td align="right">154</td><td align="right">10</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Fers d'équipages.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A F. Noël,—Longuet.</p></td><td align="right">1,833 </td><td align="right">9</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Clous et cuirs forts.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A J. Proust.</p></td><td align="right">2,836</td><td align="right"> 19</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Manivelles.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Longuet,—Gordrin.</p></td><td align="right">2,347</td><td align="right">16</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Ouvrages de fer.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A M. Deseustres,—Noiret,—Menoist.</p></td><td align="right">3,450</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Entretien de la serrurerie de la machine.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Renault,—Morel.</p></td><td align="right">14,784l.</td><td align="right"> 12 s.</td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Ouvrages de cuivre.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A J. Royer.</p></td><td align="right">28,630</td><td align="right">19</td><td align="right">1</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Plomberie.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A J. Lucas.</p></td><td align="right">6,600</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Goudronages.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A M. Deschamps,—Levasseur,<br /> +calfatiers.</p></td><td align="right">2,576</td><td align="right"> 17</td><td align="right"> 4</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Chandelles et pots à brûler.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Haulmoir.</p></td><td align="right">750</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Vitrerie.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Cossette.</p></td><td align="right">1191</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Pavé.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Renoult.</p></td><td align="right">500</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Peinture.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Fauconnier.</p></td><td align="right">120</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Diverses dépenses.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A divers fournisseurs.</p></td><td align="right">1,454</td><td align="right">2</td><td align="right">1</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">Remis au sieur Lebegue, sur les +réparations de la machine.</p></td><td align="right">12,021</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Cordages.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A Langlois, cordier.</p></td><td align="right">310</td><td align="right"> 10</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Ouvriers à journées.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">A divers ouvriers.</p></td><td align="right">17,4981</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Gages.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">Au sieur Cochu, employé au toisé<br /> +des terres à la machine. </p></td><td align="right">3,600 l.</td><td align="right"> »</td><td align="right"> »</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">Au sieur <i>Rennequin-Sualem</i>, employé<br /> +à la machine.</p></td><td align="right">1,800</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr> + + <tr><td><p class="hang"> A Mauger, qui a soin d'apporter la<br /> +hauteur des eaux.</p></td><td align="right">900</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">Au sieur de la Maison-Blanche, employé<br /> +au magasin de la machine.</p></td><td align="right">900</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Gratifications.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">9 janvier.—A Gilles Lambotte et<br /> +<i>Rennequin-Sualem</i>, qui ont travaillé<br /> +aux pompes et à la machine<br /> +à cheval de Saint-Cyr.</p></td><td align="right">115</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">9 janvier.—Au sieur Proust, courrier<br /> +de la poste à Liége, en considération<br /> +des soins qu'il a pris<br /> +des envois faits pour la machine<br /> +de Seine.</p></td><td align="right">150</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td align="center" colspan="4">Année 1688.</td></tr> + +<tr><td><p>Recettes.</p></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">De M. Étienne Jehannot, sieur de Bartillat, 12,000 l.<br /> +pour délivrer air sieur <i>de Ville</i>, savoir: 6,000 l. par<br /> +gratification en considération des soins qu'il a pris de<br /> +la machine de la rivière de Seine pendant l'année<br /> +1687, et 6,000 l. de pension extraordinaire que Sa Majesté<br /> +lui a accordées pendant la même année.</p></td></tr> + +<tr><td colspan="4" align="center"><i>Fonds libellés.</i></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">25 janvier.—Au sieur <i>de Ville</i>, savoir: par gratification<br /> +en considération des soins qu'il a pris de la machine<br /> +de la rivière de Seine, et de pension extraordinaire que<br /> +Sa Majesté lui a accordée. </p></td><td align="right">12,000l.</td><td align="right"> »</td><td align="right"> »</td></tr> + + <tr><td><p class="hang"> A la veuve Nicolas de Bise, pour<br /> +payement de la dépense du<br /> +changement et transport du<br /> +moulin à vent situé vis-a-vis<br /> +des piles du grand aqueduc<br /> +de la machine, et rétablissement<br /> +d'icelui a un autre endroit<br /> +des environs de Marly. </p></td><td align="right">3,074</td><td align="right"> 10</td><td align="right">»</td></tr> + +</table> + +<table border="0" cellpadding="2" cellspacing="0" summary=""> +<tr valign="bottom"><td align="left">Il résulte de ce relevé des dépenses<br /> +de la machine, qu'en<br /> +1681 et 1682 elles s'élevèrent à</td><td align="right">923,558</td><td align="right">12 </td><td align="right">7 </td></tr> +<tr><td align="left"> En 1683</td><td align="right">970,828</td><td align="right">1 </td><td align="right">11 </td></tr> +<tr><td align="left"> En 1684</td><td align="right">713,776</td><td align="right">2 </td><td align="right">7 </td></tr> +<tr><td align="left"> En 1685</td><td align="right">678,183</td><td align="right">5 </td><td align="right">6 </td></tr> +<tr><td align="left"> En 1686</td><td align="right">415,183</td><td align="right">13 </td><td align="right">» </td></tr> +<tr><td align="left"> En 1687</td><td align="right">248,957</td><td align="right">7 </td><td align="right">9 </td></tr> +<tr><td align="left"> En 1688</td><td align="right">3,074</td><td align="right">10 </td><td align="right">» </td></tr> +<tr><td align="right">Total </td><td align="right" +style="border-top:1px solid black;">3,953,561l.</td><td align="right" +style="border-top:1px solid black;">13s.</td><td align="right" +style="border-top:1px solid black;">4d.</td></tr> +</table> + +<p class="c">NOTE Nº 2.</p> + +<p>Il existe dans le cabinet de M. Dufrayer, directeur actuel de la +machine, à qui nous devons l'établissement du nouvel instrument +hydraulique de la Seine, un plan magnifique de l'ancienne machine de +Marly.<a name="page_176" id="page_176"></a></p> + +<p>Nous transcrivons ici le titre et la légende qui l'accompagnent. Ce +titre est orné d'un très-bel encadrement et surmonté d'un portrait de +Louis XIV, le voici:</p> + +<p class="c"><small>VEUE DE LA MACHINE DE MARLY</small></p> + +<p class="nind">qui élève l'eau de la rivière de Seine et de plusieurs sources, 535 +pieds par des mouvements continuez, 530 toises de longueur pendant 700 +toises de chemin.</p> + +<p>Cette machine sert à embellir les maisons royales de Versailles, de +Trianon, de Marly, et peut servir à Saint-Germain en Laye.</p> + +<p>Elle a été construite par ordre du Roy, sur les projets et par la +direction de M. le baron de Ville.</p> + +<p class="c">LÉGENDE.</p> +<table border="0" cellpadding="0" cellspacing="4" summary=""> +<tr valign="top"><td align="left">1º</td><td align="left">Rivière neuve faite pour la navigation.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">2º</td><td align="left">Ouvrages construits pour garantir les îles contre la rivière.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">3º</td><td align="left">Iles.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">4º</td><td align="left">Digues sèches pour entretenir les niveaux de la rivière et préserver les îles.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">5º</td><td align="left">Grande digue qui barre l'ancien cours de la rivière.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">6º</td><td align="left">Coffre pour renvoyer la chute de la rivière dans son ancien cours, et amortir l'impétuosité de la chute de la rivière du bas de la digue.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">7º</td><td align="left">Digue sèche faite au travers des îles pour arrêter les grandes inondations et barrer un ancien bras de la rivière.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">8º</td><td align="left">Épaulement contre les glaces, qui sert de soutien à la machine.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">9º</td><td align="left">Éperon contre les glaces.<a name="page_177" id="page_177"></a></td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">10º</td><td align="left">Canal devant la machine où passaient anciennement les bateaux.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">11º</td><td align="left">Canal au-dessous de la machine.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">12º</td><td align="left">Grilles contre les glaces.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">13º</td><td align="left">Pont des grilles.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">14º</td><td align="left">Pont des vannes.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">15º</td><td align="left">Toit qui couvre les équipages des vannes.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">16º</td><td align="left">Huit balanciers en bascule, qui élèvent l'eau de la rivière par le moyen chacun de huit corps de pompes, de sept pouces de diamètre et de cinq pieds de jeu.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">17º</td><td align="left">Conduites posées crainte du feu, lesquelles arrosent toute la machine.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">18º</td><td align="left">Vingt gros balanciers, ou varlets, qui tiennent aux manivelles, pour donner les mouvements aux chaînes.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">19º</td><td align="left">Quatorze roues de trente-sept pieds de diamètre.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">20º</td><td align="left">Treize rangées de balanciers, qui portent les mouvements des roues dans les puisards supérieurs et alternatifs.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">21º</td><td align="left">Sept rangées de balanciers, qui portent les mouvements des manivelles aux puisards d'amy-côte et aux puisards des sources.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">22º</td><td align="left">Estacade pour guider les glaces sur la grande digue.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">23º</td><td align="left">Maison du contrôleur et magasin.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">24º</td><td align="left">Chemin de Saint-Germain.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">25º</td><td align="left">La forge d'en bas, d'amy-côte, avec les supérieures, la fonderie et le magasin.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">26º</td><td align="left">Les puisards d'amy-côte, et celui alternatif.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">27º</td><td align="left">Puisards des sources.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">28º</td><td align="left">Réservoir des sources.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">29º</td><td align="left">Réservoir d'amy-côte.<a name="page_178" id="page_178"></a></td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">30º</td><td align="left">Puisard supérieur, où il y a treize équipages qui font aller quatre-vingt-deux corps de pompes sur la tour.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">31º</td><td align="left">Conduites qui portent l'eau sur la tour.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">32º</td><td align="left">Réservoir du baron de Ville.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">33º</td><td align="left">La tour où sont portées les eaux de la machine.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">34º</td><td align="left">Aqueduc qui conduit les eaux dans les réservoirs.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">35º</td><td align="left">Pavillon, basse-cour et jardin de M. le baron de Ville.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">36º</td><td align="left">Les trois portes de la machine.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">37º</td><td align="left">Réservoir de Luciennes.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">38º</td><td align="left">Réservoir du Trou-d'Enfer.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">39º</td><td align="left">Les trois réservoirs de Marly.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">40º</td><td align="left">Chemin de Versailles a Marly.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">41º</td><td align="left">Château de Marly.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">42º</td><td align="left">Chapelle de Marly.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">43º</td><td align="left">Les douze pavillons de Marly.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">44º</td><td align="left">L'église de Marly, dite Saint-Vigor.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">45º</td><td align="left">Le Chenil.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">46º</td><td align="left">Les jardins de Marly.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">47º</td><td align="left">Le grand parc de Marly.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">48º</td><td align="left">La maison et jardin de M. de Cavois.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="left">49º</td><td align="left">L'église et le village de Luciennes.</td></tr> +</table> + +<p>Cette machine a été inventée et exécutée par M. le baron de Ville, +dessinée par Liévin Creuil, en 1688, gravée en 1708, et finie en 1716, +par Pierre Giffart, graveur du roy. Elle se vend a Paris, chez ledit +Giffart, rue Saint-Jacques, à l'Image Sainte-Thérèse, avec privilège du +roy.</p> + +<p><a name="page_179" id="page_179"></a></p> + +<p class="c">NOTE Nº 3.</p> + +<p class="c"><i>Extrait du journal de Dangeau.</i></p> + +<p class="r"> +Tome I<sup>er</sup>.—Mardi, 13 juin 1684.<br /> +</p> + +<p>Le roi et monseigneur allèrent a Marly, qu'on trouva fort avancé; +ensuite on passa aux regards de M. de Ville, pour voir arriver les eaux.</p> + +<p class="r"> +Tome I<sup>er</sup>.—Vendredi, 10 août 1685.<br /> +</p> + +<p>Le roi alla se promener à cheval à la machine de M. de Ville.</p> + +<p class="c"><i>Extrait de la</i> Gazette de France <i>de</i> 1682, <i>page</i> 358.</p> + +<p class="r"> +De Versailles, le 26 juin 1682.<br /> +</p> + +<p>Ces jours passez, le roy alla voir les travaux que le sieur de Ville, +gentilhomme et échevin de Liége, fait faire sur la Seine afin d'élever +l'eau de cette rivière quatre cent soixante-dix pieds de haut pour estre +conduite ici, et la première épreuve en fut faite en présence de Sa +Majesté avec beaucoup de succez.</p> + +<p class="c">NOTE Nº 4.</p> + +<p>Vauban, chargé par le roi de visiter la machine de Marly, donne une +instruction pour établir une estacade biaise devant la machine afin de +diriger les glaces sur la grande digue, et pour refaire certaines +parties des digues.</p> + +<p>Cette instruction est signée de lui, et datée du 27 février 1684. Il y +parle de de Ville comme chef de la machine.</p> + +<p>Le devis, pour faire cette estacade, est signé par Pierre<a name="page_180" id="page_180"></a> Delaporte, +entrepreneur, et par le marquis de Louvois.</p> + +<p>Ces deux pièces font partie des archives de la machine de Marly.</p> + +<p>Nous devons la communication de ces pièces, et de toutes celles qui +proviennent des archives de la machine, à l'obligeance de M. Dufrayer, +directeur actuel, qui nous a permis de visiter un à un tous les cartons +renfermés dans ces archives.</p> + +<p class="c">NOTE Nº 5.</p> + +<p>Procès-verbal et état général des terrains situés dans les îles +appartenant à divers particuliers et dont le roy a fait l'acquisition +pour l'élargissement de la rivière neuve.</p> + +<p>L'an mil six cent quatre-vingt-un, onzième jour de mai et jours +suivants, je, Claude Caron, arpenteur ordinaire du roy, et la maîtrise +des eaux et forêts de Saint-Germain en Laye, demeurant a Paris, rue de +Jouy, paroisse Saint-Paul, de présent a Louveciennes, commis par Sa +Majesté pour faire ces mesurages et arpentages, plans figurés et cartes +des bois et terres dans l'étendue des environs de Versailles, dont Sa +Majesté acquiert la propriété, me suis transporté suivant l'ordre de +messire Jean-Baptiste Colbert, chevalier, etc., conseiller du roy, +ordinaire, etc., sur la terre de Croissy, dans les îles côtoyantes le +bras de la rivière de Seine, en présence de M. Lambert, architecte et +contrôleur des bâtiments de Sa Majesté, qui m'avait montré et désigné +les piquets qu'il avait fait planter pour élargir iceluy, pour faire un +canal navigable <i>à cause de la machine qui se devait construire dans la +rivière pour élever l'eau au château de Versailles</i>, afin de connaître a +la suite ce qui aurait été pris par la<a name="page_181" id="page_181"></a> fouille qui en sera faite par +ledit élargissement, en conséquence de quoi j'ai mesuré, arpenté et levé +le plan, tant dudit bras de Seine que des îles, prés et terres +adjacentes, dont j'ai fait une carte et figures pour servir en temps et +lieu.</p> + +<p>Et le vingtième jour d'octobre et jours suivants, je me suis d'abord +transporté aux susdits endroits (<i>le canal étant entièrement fini et +navigable</i>), pour faire l'arpentage final de ce qui a été pris par ledit +élargissement d'iceluy et ce qui est occupé par les terres et vidanges +qui en proviennent et par le chemin fait pour le tirage des bateaux, +tant sur la terre de la seigneurie de Croissy que dans les îles +appartenant a plusieurs particuliers dont le roy acquiert la propriété +afin de les en dédommager.</p> + +<p>Et le douzième jour de janvier 1682 et jours suivants, je me suis +pareillement transporté, suivant l'ordre de mondit seigneur, <i>à la +machine qui a été faite depuis ledit temps pour élever l'eau au château +de Versailles</i>, où étant, j'avais trouvé <i>M. de Ville, ingénieur de +ladite machine</i>, avec ledit sieur Lambert, qui m'avaient montré et +désigné les endroits où devaient passer les mouvements d'icelle, +puisards et conduites des eaux jusques aux étangs des Gressets, comme +aussi les rigoles et conduites des eaux de Bougival, Louveciennes et +Prunay, qui descendent au premier puisard pour être enlevé avec l'eau de +ladite rivière, afin de faire aussi l'arpentage des terres et vignes qui +pouvaient être occupées, et considérer ces choses en l'état qu'elles +pouvaient être, afin d'en faire au juste l'estimation, pour parvenir au +remboursement que Sa Majesté en doit aussi faire; et auparavant de +procéder, j'avais fait publier aux prônes des paroisses, afin d'avertir<a name="page_182" id="page_182"></a> +les particuliers a qui appartiennent lesdits héritages de venir montrer +les limites et séparations d'icelles terres, tenants et aboutissants, et +au défaut de plusieurs qui ne seraient comparus, j'aurais eu recours aux +anciens habitants des lieux qui m'auraient fait la démonstration +d'iceux, en même temps j'ai fait marquer les séparations desdites terres +et ensuite mesurer et arpenter suivant la désignation qui en a été +faite.</p> + +<p>Et le quinzième jour de février 1683, je me suis d'abord transporté avec +ledit <i>sieur de Ville dans les îles de la rivière de Seine et les terres +adjacentes de la machine, pour marquer l'étendue qu'il désirait être +prise pour Sa Majesté étant occupée et partagée par l'augmentation des +chevalets, puisards, réservoirs, aqueducs, conduites de tuyaux, +bâtiments et autres travaux faits et iceux</i>. Après avoir le tout +considéré, <i>j'aurais fait planter des piquets aux endroits marqués par +ledit sieur de Ville</i>, afin de faire l'arpentage et mesurage desdites +terres, comme celles ci-devant, ce que j'aurais exécuté et aurais, après +ledit mesurage, <i>fait faire des fossés pour marquer la séparation des +terres dont Sa Majesté acquiert la propriété</i> dans celles qui restent +aux particuliers <i>suivant l'ordre dudit sieur de Ville</i>, dont six pieds +au delà dudit fossé appartenant pareillement à Sadite Majesté, qui ont +été laissés pour servir de chemin et passage; de toutes et chacune +desdites terres et autres héritages ci-devant déclarés, j'ai fait plan, +et figures, le tout coté et par chiffres comme au présent procès-verbal, +dont la teneur et déclaration en suit.</p> + +<p>Suit le détail des différentes terres et leur contenance.</p> + +<p> +Extrait des archives de la machine de Marly.<br /> +</p> + +<p><a name="page_183" id="page_183"></a></p> + +<p class="c">NOTE Nº 6.</p> + +<p>Pentes des rivières de Seine depuis 100 toises au-dessus de la pointe de +Bezons jusques à la machine, dont toutes les pentes et les longueurs +sont prises a l'égard desdites 100 toises.</p> +<table border="0" cellpadding="4" cellspacing="0" summary=""> + +<tr><td align="left" colspan="2">Toises.</td><td align="right"> Pieds. </td><td align="right"> Pouces. </td><td align="right">Lignes.</td></tr> + +<tr><td align="right">100,</td><td> pointe de Bezons</td><td align="right">»</td><td align="right">2</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td align="right">130,</td><td> milieu de l'ancienne digue de la pointe A</td><td align="right">»</td><td align="right">5</td><td align="right">6</td></tr> + +<tr><td align="right"><i>Id.</i></td><td>ancienne rivière,—A</td><td align="right">»</td><td align="right">1</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td align="right">200,</td><td> milieu de la digue de Bezons.» </td><td align="right"> 7</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td align="right"><i>Id.</i></td><td>ancienne rivière</td><td align="right">»</td><td align="right">1</td><td align="right">6</td></tr> + +<tr><td align="right">300,</td><td> nouvelle</td><td align="right">»</td><td align="right">9</td><td align="right">6</td></tr> + +<tr><td align="right">400,</td><td> <i>id.</i></td><td align="right">»</td><td align="right">11</td><td align="right">6</td></tr> + +<tr><td align="right">500,</td><td> <i>id.</i></td><td align="right">1</td><td align="right">»</td><td align="right">4</td></tr> + +<tr><td align="right">600,</td><td> <i>id.</i></td><td align="right">1</td><td align="right">1</td><td align="right">2</td></tr> + +<tr><td align="right">700,</td><td> <i>id.</i></td><td align="right">1</td><td align="right">2</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td align="right">770,</td><td> digue de la Morue</td><td align="right">1</td><td align="right">5</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td align="right"><i>Id.</i></td><td>ancienne rivière</td><td align="right">»</td><td align="right">4</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td align="right">800,</td><td> nouvelle</td><td align="right">1</td><td align="right">5</td><td align="right">8</td></tr> + +<tr><td align="right">900,</td><td> <i>id.</i></td><td align="right">1</td><td align="right">6</td><td align="right">6</td></tr> + +<tr><td align="right">1,000,</td><td> <i>id.</i></td><td align="right">1</td><td align="right">8</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td align="right">1,200,</td><td> pointe de la petite île de Carrière</td><td align="right">1</td><td align="right">9</td><td align="right">4</td></tr> + +<tr><td align="right">1,400,</td><td> petite porte des jardins de Carrière</td><td align="right">1</td><td align="right">10</td><td align="right">8</td></tr> + +<tr><td align="right">1,600,</td><td> nouvelle</td><td align="right">2</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td align="right">1,800,</td><td> <i>id.</i></td><td align="right">2</td><td align="right">1</td><td align="right">2</td></tr> + +<tr><td align="right">2,000,</td><td> nouvelles perches pour le poisson</td><td align="right">2</td><td align="right">2</td><td align="right">4</td></tr> + +<tr><td align="right">2,200,</td><td> nouvelle.</td><td align="right">2</td><td align="right">3</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td align="right">2,350,</td><td> le dessus du pont de Chatou.</td><td align="right">2</td><td align="right">3</td><td align="right">6</td></tr> + +<tr><td align="right">2,400,</td><td> milieu de la digue de Chatou.</td><td align="right">2</td><td align="right">4</td><td align="right">3</td></tr> + +<tr><td align="right"><i>Id.</i></td><td>ancienne rivière.</td><td align="right">1</td><td align="right">10</td><td align="right">6</td></tr> + +<tr><td align="right">2,600,</td><td> nouvelle.</td><td align="right">2</td><td align="right">7</td><td align="right">6</td></tr> + +<tr><td align="right">2,800,</td><td> <i>id.</i></td><td align="right">3</td><td align="right">1</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td align="right">3,100,</td><td> milieu de la digue de Croissy.</td><td align="right">3</td><td align="right">8</td><td align="right">9</td></tr> + +<tr><td align="right"><i>Id.</i></td><td>ancienne rivière.</td><td align="right">2</td><td align="right">1</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td align="right">3,200,</td><td> nouvelle.</td><td align="right">4</td><td align="right">»</td><td align="right">6</td></tr> + +<tr><td align="right">3,400,</td><td> <i>id.</i></td><td align="right">4</td><td align="right">9</td><td align="right">3</td></tr> + +<tr><td align="right">3,600,</td><td> <i>id.</i></td><td align="right">5</td><td align="right">4</td><td align="right">6</td></tr> + +<tr><td align="right">3,800,</td><td> <i>id.</i></td><td align="right">5</td><td align="right">9</td><td align="right">9</td></tr> + +<tr><td align="right">3,900,</td><td> digue de la Chaussée.</td><td align="right">5</td><td align="right">11</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td align="right"><i>Id.</i></td><td>ancienne rivière.</td><td align="right">2</td><td align="right">4</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td align="right">4,000,</td><td> nouvelle.</td><td align="right">6</td><td align="right">1</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td align="right">4,250,</td><td> nouvelle vis-à-vis la machine.</td><td align="right">6</td><td align="right">4</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td align="right"><i>Id.</i></td><td>ancienne au-dessus de la machine.</td><td align="right">2</td><td align="right">6</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td align="right"><i>Id.</i></td><td>ancienne sous la machine.</td><td align="right">6</td><td align="right">8</td><td align="right">9</td></tr> + +<tr><td> </td><td>Pointe de Bezons.</td><td align="right">»</td><td align="right">2</td><td align="right">3</td></tr> + +<tr><td> </td><td>Ancienne digue de la pointe, nouvelle rivière.</td><td align="right">»</td><td align="right">8</td><td align="right">6</td></tr> + +<tr><td> </td><td>Ancienne rivière.</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td> </td><td>Digue de Bezons, nouv. riv.</td><td align="right">»</td><td align="right">10</td><td align="right">9</td></tr> + +<tr><td> </td><td>Ancienne rivière.</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td><td align="right">3</td></tr> + +<tr><td> </td><td>Digue de la Morue, nouv. r.</td><td align="right">1</td><td align="right">8</td><td align="right">2</td></tr> + +<tr><td> </td><td>Ancienne rivière.</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td><td align="right">3</td></tr> + +<tr><td> </td><td>Digue de Chatou, nouv. riv.</td><td align="right">1</td><td align="right">11</td><td align="right">4</td></tr> + +<tr><td> </td><td>Ancienne rivière.</td><td align="right">1</td><td align="right">8</td><td align="right">4</td></tr> + +<tr><td> </td><td>Digue de Croissy, nouv. riv.</td><td align="right">4</td><td align="right">1</td><td align="right">2</td></tr> + +<tr><td> </td><td>Ancienne rivière.</td><td align="right">2</td><td align="right">1</td><td align="right">8</td></tr> + +<tr><td> </td><td>Digue de la Chaussée, n. r.</td><td align="right">6</td><td align="right">2</td><td align="right">2</td></tr> + +<tr><td> </td><td>Ancienne rivière.</td><td align="right">2</td><td align="right">2</td><td align="right">6</td></tr> + +<tr><td> </td><td>Nouvelle rivière vis-à-vis la machine.</td><td align="right">6</td><td align="right">10</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td> </td><td>Ancienne rivière au-dessus de la machine.</td><td align="right">2</td><td align="right">7</td><td align="right">4</td></tr> + +<tr><td> </td><td>Ancienne rivière au-dessous de la machine.</td><td align="right">7</td><td align="right">1</td><td align="right">4</td></tr> +</table> + +<p>Pentes des rivières de Seine, depuis 100 toises au-dessus de la pointe +de Bezons, jusqu'à la machine, toutes lesdites pentes et les longueurs +étant prises à l'égard desdites 100 toises.—La digue n'étant pas +fermée.</p> + +<table border="0" cellpadding="4" cellspacing="0" summary=""> + +<tr><td colspan="2">Longueurs. </td><td align="right"> Pieds. </td><td align="right">Pouces.</td><td align="right"> Lignes.</td></tr> + +<tr><td align="right">100,</td><td> pointe de Bezons, anc. riv.</td><td align="right">»</td><td align="right"> 2</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td align="right"><i>Id.</i></td><td> <i>id.</i> nouv. r. </td><td align="right">»</td><td align="right">2</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td align="right">130,</td><td> ancienne digue de la pointe, ancienne rivière.</td><td align="right">»</td><td align="right">1</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td align="right"><i>Id.</i> </td><td>ancienne digue de la pointe, nouvelle rivière.</td><td align="right">»</td><td align="right">5</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td align="right">200,</td><td> digue de Bezons, anc. riv.</td><td align="right">»</td><td align="right">1</td><td align="right">6</td></tr> + +<tr><td align="right"><i>Id.</i> </td><td><i>id.</i> nouv. r.</td><td align="right">»</td><td align="right">7</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td align="right">770,</td><td> digue de la Morue, anc. riv.</td><td align="right">»</td><td align="right">4</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td align="right"><i>Id.</i></td><td> <i>id.</i> nouv. r.</td><td align="right">1</td><td align="right">5</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td align="right">2,400,</td><td> digue de Chatou, anc. riv.</td><td align="right">1</td><td align="right">10</td><td align="right">6</td></tr> + +<tr><td align="right"><i>Id.</i></td><td> <i>id.</i> nouv. r.</td><td align="right">2</td><td align="right">4</td><td align="right">3</td></tr> + +<tr><td align="right">3,100,</td><td> digue de Croissy, anc. riv.</td><td align="right">2</td><td align="right">7</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td align="right"><i>Id.</i></td><td> <i>id.</i> nouv. r.</td><td align="right">3</td><td align="right">8</td><td align="right">9</td></tr> + +<tr><td align="right">3,900,</td><td> digue de la Chaussée; a. r.</td><td align="right">2</td><td align="right">4</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td align="right"><i>Id.</i></td><td> <i>id.</i> n. r.</td><td align="right">5</td><td align="right">11</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td align="right">4,250, </td><td>Ancienne rivière au-dessus de la machine.</td><td align="right">2</td><td align="right">6</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td align="right"> </td><td> Nouvelle rivière vis-à-vis la machine.</td><td align="right">6</td><td align="right">4</td><td align="right">»</td></tr> + +<tr><td align="right"> </td><td> Ancienne rivière au-dessous de la machine.</td><td align="right">6</td><td align="right">8</td><td align="right">9</td></tr> + +</table> + +<p>Les divers devis pour les digues sont de l'année 1681, et signés de +Colbert.</p> + +<p class="r">Extrait des archives de la machine de Marly.</p> + +<p class="c">NOTE Nº 7.</p> + +<p>Les renseignements suivants ont été pris dans les archives de la machine +de Marly:</p> + +<p>1º La tour en pierre et l'aqueduc de Louveciennes ont été construits en +1684, sur les plans et sous la direction de Mansart. Les devis de ces +constructions, signés de lui, sont aux archives de la machine.</p> + +<p>2º Dans un rapport de M. Lucas, contrôleur de la machine, adressé en +janvier 1784 à M. le comte d'Angeviller, on trouve l'observation +suivante sur la cause qui fit élever la tour:</p> + +<p>«Le point capital de l'établissement de la grande tour a été d'y monter +l'eau de la rivière, afin de dominer tous les endroits où cette eau +communique.»</p> + +<p>3º Dans une note sur les contrôleurs, qui paraît aussi avoir été écrite +par M. Lucas, on lit:</p> + +<p>«M. Delespine père, contrôleur de la machine, l'a été environ +quarante-quatre ans; il est entré au département de la machine en 1707, +sous le règne de Louis XIV, et<a name="page_187" id="page_187"></a> sous le gouvernement du chevalier Arnold +de Ville, qui n'est mort qu'en 1722. Il était gouverneur (M. de Ville) +depuis le commencement de la machine, et a été le seul qu'il y ait eu +dans ce département.»</p> + +<p>Et plus loin:</p> + +<p>«Après M. Lambert, qui a été le premier contrôleur, c'est M. <i>Cochu</i> qui +l'a remplacé. Il était ingénieur des fortifications que l'on faisait +dans ce temps a Maubeuge, et c'est le chevalier de Ville qui l'a tiré de +cet endroit pour le faire venir à la machine.»</p> + +<p>4º En 1792, M. Gondouin, contrôleur, adresse à M. Laporte, intendant de +la liste civile, un rapport dans lequel il fait l'historique suivant des +officiers de la machine:</p> + +<p>«Lors de la construction de la machine, en 1680, le sieur de Ville, +mécanicien et inventeur de la machine, en fut nommé le gouverneur, avec +18 à 20,000 livres, et le logement du pavillon de Luciennes, occupé +aujourd'hui par madame du Barry. Les sieurs Lambert, Petit et Cochu, +successivement contrôleurs, jusqu'en 1683, eurent 4,000 livres +d'appointements, et 1,000 livres de gratification. Le sieur Delespine +père eut le même traitement jusqu'en 1742, où il fit recevoir son fils +adjoint à sa place, et demanda que sur les 4,000 livres de traitement il +en fût donné 1,000 livres a son fils. A la mort de M. Delespine père, le +fils lui succéda jusqu'en 1749, et il n'eut plus pour appointements que +3,000 livres et 1,000 livres de gratification. Le sieur Tarbé succéda au +sieur Delespine fils en 1749, avec les mêmes appointements jusqu'en +1754, où il obtint de commuer en pension sa<a name="page_188" id="page_188"></a> gratification de 1,000 +livres. Le sieur Lucas succéda au sieur Tarbé en 1768, et n'eut plus que +3,000 livres, sans aucune espèce de gratification, ce qui est mon +traitement actuel.»</p> + +<p>5º Les personnes qui attribuent à Rennequin l'invention de la machine +donnent comme une preuve les faveurs du gouvernement envers sa famille; +et ils racontent qu'une demoiselle Lambotte, presque centenaire, et +petite-nièce de Rennequin, était logée aux bâtiments de la machine, et +jouissait d'une pension prise sur les fonds affectés à l'entretien de +l'établissement. On va voir par la lettre ci-après quelles étaient ces +faveurs du gouvernement.</p> + +<p>Lettre du sieur Lucas, contrôleur de la machine, à M. le comte +d'Angeviller:</p> + +<p> +<span style="margin-left: 2em;">«Monsieur le comte,</span><br /> +</p> + +<p>»J'ai l'honneur de vous informer du décès de mademoiselle Marie-Benoist +Lambotte, fille d'un ancien inspecteur de ce département, qui jouissait +d'un petit logement dans les mansardes au-dessus de celui de +l'inspecteur actuel, et d'une pension de 400 livres sur le trésor royal.</p> + +<p>»Je suis, etc.»</p> + +<p>C'était là une faveur que l'on accordait a toutes les femmes des +employés de la machine morts en exercice.</p> + +<p class="c">NOTE Nº 8.</p> + +<p>Renseignements sur de Ville et Rennequin, puisés dans divers ouvrages:</p> + +<p>1º Curiosités de Paris, de Versailles, Marly, Vincennes,<a name="page_189" id="page_189"></a> Saint-Cloud et +ses environs, par Claude Saugrain; Paris, 1716.</p> + +<p>Cette machine (de Marly) étonnante <i>a été inventée par le chevalier de +Ville</i>, et n'a sûrement jamais eu de pareille dans le monde.</p> + +<p>2º Nouvelle description des châteaux et parcs de Versailles et de Marly, +par Piganiol de la Force; Paris, 1764.</p> + +<p>La grosseur de ce volume, dit Piganiol, suffirait à peine pour en +décrire la construction (de la machine), les mouvements et les effets. +Peu de gens sont d'ailleurs capables de les comprendre, puisque <i>M. de +Ville assure qu'il n'a presque trouvé que feu M. le maréchal de Vauban +qui, en voyant ce merveilleux ouvrage, en ait connu la plupart des +effets</i>.</p> + +<p>3º Dictionnaire géographique, historique et politique des Gaules et de +la France, par l'abbé Expilly; Amsterdam, 1766.</p> + +<p><i>Cette machine a été inventée par le chevalier de Ville</i>.</p> + +<p>4º État de la France.—Janvier 1708.</p> + +<p>La machine de Marly, qui fournit d'eau de la rivière de Seine les +châteaux de Marly, de Versailles et de Trianon.</p> + +<p><i>M. le baron de Ville</i> a le gouvernement et la direction de cette +machine, lequel a d'appointements et de pension 12,000 livres.</p> + +<p>Entretien de la ferrure des pistons et de la serrurerie des bâtiments, +le sieur Lempérier.</p> + +<p>Entretien des ouvrages de cuivre, le sieur Lemoine.</p> + +<p>Entretien des couvertures des maisons dépendantes de la machine, le +sieur Charuel.<a name="page_190" id="page_190"></a></p> + +<p>Entretien des cuirs forts pour les pompes, le sieur Nolant.</p> + +<p>Entretien de la maçonnerie, du moellon et cailloux des digues, le sieur +Loison.</p> + +<p>Entretien des vitres, le sieur Cosset.</p> + +<p>Entretien du pavé des puisards, le sieur Regnout.</p> + +<p>Un contrôleur, M. Delespine.</p> + +<p>Un garde-magasin, le sieur Creté.</p> + +<p>Un charpentier liégeois, le <i>sieur Rennequin</i>.</p> + +<p>Les fêtes et dimanches, les Récollets viennent dire la messe à cette +machine pour les ouvriers.</p> + +<p class="c">NOTE Nº 9.</p> + +<p class="c">L'ARRIVÉE DE LA SEINE AU CHATEAU DE MARLY.</p> + +<p class="c">Poëme, par M. Cassan, <i>Mercure galant</i>, année 1699.</p> + +<p>L'auteur décrit d'abord le cours de la Seine avant son arrivée au +château de Marly.—Au moment où le fleuve se resserre par suite des +travaux d'endiguement, il décrit ainsi la machine:</p> + +<table border="0" cellpadding="0" cellspacing="0" summary=""> +<tr><td align="left">Mais enfin son penchant lui faisant violence,</td></tr> +<tr><td align="left">L'entraîne dans ce lieu, malgré sa résistance,</td></tr> +<tr><td align="left">Et fait voir à la nymphe, au delà du tournant,</td></tr> +<tr><td align="left">Le formidable objet d'un travail surprenant.</td></tr> +<tr><td align="left">Comme on voit en hiver la forêt des Ardennes,</td></tr> +<tr><td align="left">Quand la bise a fait choir le feuillage des chênes,</td></tr> +<tr><td align="left">Et chassé les voleurs de tous les défilés,</td></tr> +<tr><td align="left">Présenter ses vieux troncs qui paraissent brûlés;</td></tr> +<tr><td align="left">Ainsi se voit de loin la machine effroyable,</td></tr> +<tr><td align="left">Ouvrage de nos jours, qui paraît incroyable,</td></tr> +<tr><td align="left">Avec tout l'attirail de son corps hérissé</td></tr> +<tr><td align="left">De rouage et de ponts, l'un sur l'autre exhaussé,</td></tr> +<tr><td align="left">Dont les bras, s'étendant vers le haut de la côte,</td></tr> +<tr><td align="left">Meuvent les balanciers comme on voit une flotte,</td></tr> +<tr><td align="left">Que la vague entretient dans le balancement,</td></tr> +<tr><td align="left">Incliner tous ses mâts à chaque mouvement.</td></tr> +<tr><td align="left">Quoi! dit-elle en voyant la machine étonnante,</td></tr> +<tr><td align="left">Serai-je donc contrainte à poursuivre ma pente,</td></tr> +<tr><td align="left">Et me faire rouer parmi tous les ressorts</td></tr> +<tr><td align="left">Que je vois remuer par de si grands efforts!</td></tr> +<tr><td align="left">Non, non, dit-elle alors, la nymphe de la Seine</td></tr> +<tr><td align="left">Se mêlera plutôt avec l'eau qui l'entraîne,</td></tr> +<tr><td align="left">Et, par son changement, saura bien éviter</td></tr> +<tr><td align="left">Les outrages cruels qu'elle voit apprêter.</td></tr> +<tr><td align="left">Ainsi dit, à l'instant elle se rend liquide;</td></tr> +<tr><td align="left">Son corps va se mêler avec l'onde rapide,</td></tr> +<tr><td align="left">Et, dans le fil de l'eau, tâche de s'allonger,</td></tr> +<tr><td align="left">Croyant par ce moyen éviter le danger.</td></tr> +<tr><td align="left">Mais en vain, car aux ponts cent pompes aspirantes</td></tr> +<tr><td align="left">L'enlèvent de son lit à reprises fréquentes,</td></tr> +<tr><td align="left">Et la livrent ensuite aux pistons refoulants,</td></tr> +<tr><td align="left">Qui font pour l'enlever des efforts violents.</td></tr> +<tr><td align="left">Alors par ces efforts elle sent qu'elle monte</td></tr> +<tr><td align="left">Vers le haut du coteau dans des tuyaux de fonte,</td></tr> +<tr><td align="left">Qui vont la revomir au prochain réservoir,</td></tr> +<tr><td align="left">Où cent autres tuyaux viennent la recevoir.</td></tr> +<tr><td align="left">Là, les pistons changeant leur manière ordinaire,</td></tr> +<tr><td align="left">Pressent de bas en haut par un effet contraire.</td></tr> +<tr><td align="left">Elle reçoit le jour pour la seconde fois,</td></tr> +<tr><td align="left">Et reprend en ce lieu l'usage de la voix,</td></tr> +<tr><td align="left">Pour se plaindre en passant <i>du chevalier de Ville</i></td></tr> +<tr><td align="left">Qu'elle voit sur sa gauche avec son air tranquille.</td></tr> +<tr><td align="left"><i>Qui t'oblige</i>, dit-elle, <i>avec ton art maudit,</i></td></tr> +<tr><td align="left"><i>A venir malgré moi m'enlever de mon lit</i>?</td></tr> +<tr><td align="left">A ces mots les pistons lui coupant la parole,</td></tr> +<tr><td align="left">Le clapet la retient, s'ouvrant à tour de rôle,</td></tr> +<tr><td align="left">Et la fait parvenir, après tant de détours,</td></tr> +<tr><td align="left">Sur le haut du regard pour lui donner son cours.</td></tr> +<tr><td align="left">De là sur l'aqueduc, sa pente naturelle</td></tr> +<tr><td align="left">Lui fait prendre bientôt une route nouvelle.</td></tr> +<tr><td align="left">Enfin elle descend par des tuyaux de fer</td></tr> +<tr><td align="left">Dans un long réservoir appelé <i>Trou d'Enfer</i>.</td></tr> +</table> + +<p>Après cette description, le poëte la fait arriver dans<a name="page_192" id="page_192"></a> les jardins de +Marly, où, brillant d'un nouvel éclat, elle concourt à l'ornement des +jardins du grand roi.</p> + +<p>Ces vers sont reproduits dans <i>le Mercure de France</i> d'avril 1739.</p> + +<p class="c">NOTE Nº 10.</p> + +<p>En 1681, Charles II d'Angleterre, sachant combien Louis XIV désirait +avoir de l'eau à Versailles, lui envoya sir Samuel Morland, célèbre +mécanicien anglais. Ce sir Morland fut d'abord employé par Cromwell à +des missions diplomatiques. Après le rétablissement de Charles II sur le +trône, il fut tout à fait dans les bonnes grâces du roi, qui le créa +baronnet, gentilhomme de la chambre privée, et le nomma maître des +mécaniques du roi. Il venait d'inventer une machine qui élevait l'eau de +la Tamise jusqu'à la plus haute corniche du château de Windsor, quand +Charles II, croyant faire plaisir au roi de France, lui envoya cet +ingénieur. En 1683, Morland fut reçu par Louis XIV, dans son château de +Saint-Germain, où il lui expliqua ses inventions. Il chercha à démontrer +au roi qu'à l'aide d'une mécanique beaucoup plus simple et bien moins +dispendieuse que la machine de Marly, il obtiendrait un résultat bien +plus satisfaisant, puisqu'il avait la prétention de faire arriver d'un +seul jet l'eau de la Seine sur les hauteurs de Louveciennes. Il paraît +que ses démonstrations ne convainquirent pas le roi, puisque l'on n'en +continua pas moins les travaux de la machine. Il fit un essai de son +invention au château du président de Maisons; cet essai n'eut point un +résultat favorable;<a name="page_193" id="page_193"></a> il en explique la raison dans un ouvrage qu'il +publia en 1685, intitulé:</p> + +<p>Élévation des eaux pour toutes sortes de machines, réduites à la mesure, +au poids, à la balance, par le moyen d'un nouveau piston et corps de +pompe, et d'un nouveau mouvement cyclo-elliptique, en rejetant l'usage +de toute sorte de manivelles ordinaires.—Paris, Michallet, 1685, in-4º.</p> + +<p>Après avoir décrit sa nouvelle invention, il parle ainsi des +explications qu'il fit devant Louis XIV:</p> + +<p>«C'est par le moyen de cette nouvelle manière de piston, corps de pompe, +et mouvement cyclo-elliptique, que l'on peut aisément, et en peu de +temps, fabriquer une petite machine et la réduire à la mesure, au poids +et à la balance, conformément aux démonstrations oculaires et +convaincantes que j'ai eu l'honneur de montrer au roi, à Saint-Germain, +en l'année 1683. Et cette machine, dont la construction ne montera pas à +une grande somme, ni son entretien annuel à dix pistoles, peut pousser, +par la force d'un cheval, tout le produit d'eau de la fontaine de la +ville d'Avrée, jusqu'au haut du château de Versailles, d'ici à cent +années, tout au long du grand chemin, dans un tuyau de plomb d'environ +sept lignes de diamètre intérieur, et d'environ trois lignes et demie ou +quatre d'épaisseur.»</p> + +<p>Et plus loin, en parlant de l'essai qu'il fit au château de Maisons, il +dit:</p> + +<p>«Que si j'avais eu douze grandes roues pareilles, posées dans un +bâtiment d'un moulin, semblable à celui de Maisons, la où la rivière de +Seine aurait eu une pente de<a name="page_194" id="page_194"></a> huit ou neuf pieds, j'aurais fait lever +plus de deux mille pouces d'eau à la hauteur perpendiculaire de quatre +cents pieds, par des machines qui auraient duré plus d'un siècle, sans +avoir coûté cinq cents pistoles par année pour les entretenir.»</p> + +<p>On voit ici une critique indirecte de la machine de Marly, dont +l'entretien annuel était fort coûteux.</p> + +<p class="c">NOTE Nº 11.</p> + +<p>Nous devons a l'obligeance de M. Parent de Rosan communication d'un +travail manuscrit de M. Stanislas Bormans, archiviste de Liége, sur +cette question controversée de l'auteur de la machine, d'où il résulte +les faits suivants relatifs à de Ville.</p> + +<p>De Ville, né le 15 mai 1653, était fils de Reynaud de Ville, bourgmestre +de Ville. Il passa la plus grande partie de sa jeunesse chez les comtes +de Marchin, seigneurs de Modave. C'est dans ce domaine qu'il fit +exécuter, avec Rennequin, la machine dont la célébrité engagea Colbert à +le faire venir à Versailles. Après la construction de la machine, il en +fut nommé gouverneur, et, Louis XIV lui ayant fait construire une +habitation, il resta en France. Mais il avait toujours les yeux tournés +vers son pays, et, a la mort du dernier comte de Marchin, il acheta la +terre des Modaves, dont il devint ainsi le seigneur, et y mourut le 22 +février 1722.</p> + +<p>M. Bormans a retrouvé dans l'église de Modave sa pierre tumulaire, +portant l'inscription suivante:</p> + +<p>Ci gist noble et illustre seigneur, Arnould de Ville,<a name="page_195" id="page_195"></a> baron libre du +Saint-Empire romain, seigneur des Modaves, etc., né le 15 mai +1653,—mort le 22 février 1722.</p> + +<p>Il a retrouvé aussi son testament, dans lequel est ainsi consignée l'une +de ses volontés:</p> + +<p>J'ordonne que tous les ouvrages que j'ai composés, concernant les +constructions de la machine de Marly, soient imprimés suivant mes +<i>desseins</i> (sic) en grand.</p> + +<p>Le dernier des comtes de Marchin, Ferdinand, vint en France à l'âge de +dix-sept ans, après la mort de son père. Capitaine-lieutenant des +gendarmes de Flandres, en 1673, on le voit s'élever de grade en grade +jusqu'à celui de maréchal de France, qui lui fut conféré en 1703. Il est +très-probable que, tenant déjà un rang distingué à la cour de France, il +fit savoir à Colbert, qui recherchait partout les moyens de faire venir +de l'eau à Versailles, l'établissement de la machine hydraulique +exécutée dans son domaine de Modave, par de Ville et Rennequin. Il +mourut sans postérité, à la suite d'une blessure qu'il reçut dans un +combat près de Turin, le 7 septembre 1706. Ce fut à cette époque et par +suite de l'extinction des comtes de Marchin, que le chevalier de Ville +se rendit propriétaire du domaine des Modaves, et que probablement il +reçut le titre de baron du Saint-Empire romain, attaché à quelques-unes +des terres de ce domaine, achetées par le père du dernier comte de +Marchin. Quoique devenu seigneur des Modaves, il n'en conserva pas moins +le titre de gouverneur de la machine de Marly jusqu'à sa mort, arrivée +le 22 février 1722.<a name="page_196" id="page_196"></a></p> + +<p class="c">NOTE Nº 12.</p> + +<p class="c">FAMILLE DE VILLE.</p> + +<p>Anne-Léon de Montmorency, premier du nom, chef des noms et armes de sa +maison, baron de Fosseux, seigneur de Courtalain, Bois-Ruffin, le +Plessis, d'Arroue, etc., né en 1705, appelé le baron de Montmorency, +successivement capitaine-lieutenant de la compagnie des gendarmes +d'Anjou en février 1735, brigadier de cavalerie le 20 février 1743, +capitaine-lieutenant des gendarmes de la reine en décembre 1744; +maréchal de camp le 1<sup>er</sup> mai 1745; menin de feu M. le Dauphin en 1746; +lieutenant général des armées du roi le 10 mai 1748; nommé chevalier de +ses ordres le 2 février 1749; reçu le 25 mai suivant, et chevalier +d'honneur de Madame Adélaïde, en octobre 1750, fille de feu Louis XV, a +été nommé, le 21 octobre 1771, commandant en chef du pays d'Aunis.—Il a +épousé: <i>1º le 11 décembre 1730, Anne-Marie Barbe de Ville, morte en +couche le 13 août 1731, fille et unique héritière de feu Arnold de +Ville, chevalier, baron libre du Saint-Empire romain, etc., gouverneur +et directeur de la machine de Marly, dont il était l'inventeur, et +d'Anne-Barbe de Courcelles</i>; et 2º le 23 octobre 1752, +Marie-Madeleine-Gabrielle de Charette de Montebert, d'une ancienne +noblesse de Bretagne, veuve, en premières noces, de Louis de Serent, +marquis de Kerfily, et en secondes, de Henri-François, baron d'Avaugour, +comte de Vertus, etc.</p> + +<p class="c"> +Extrait du Dictionnaire de la noblesse, par de la Chesnaye-Desbois, tom. X, p. 411.<br /> +</p> + +<p>Ajoutez à l'article de Anne-Léon de Montmorency: Il épousa, le 11 +décembre 1730, Anne-Barbe de Ville, morte à Paris le 13 août 1731, dans +sa dix-neuvième année, fille d'Armand, baron de Ville, et d'Anne-Barbe +de Courcelles, dont il eut [*] N. de Montmorency, né au mois d'août +1731.</p> + +<p class="c">Extrait de l'Histoire généalogique de France, par le P. Anselme, +tom. IX, p. 417.</p> + +<p>[*] Ce fils fut Anne-Léon de Montmorency, deuxième du nom, appelé le +marquis de Fosseux, né le 11 août 1731; par son mariage en secondes +noces avec Charlotte-Anne-Françoise de Montmorency-Luxembourg, le 21 +septembre 1767, il a pris le titre de duc de Montmorency, que lui +apportait sa femme.</p> + +<p class="c">Dictionnaire de la noblesse de la Chesnaye-Desbois, tom. IX, p. +411.</p> + +<p class="c">MORTS DANS LE MOIS D'AOUT 1731.</p> + +<p>Le 13 de ce mois, dame Anne-Marie-Barbe de Ville, épouse de Anne-Léon de +Montmorency, chef du nom et armes de la maison, premier baron chrétien +en France, enseigne des gendarmes de Berry, seigneur de Courtalin, +Bois-Ruffen, le Plessis-d'Arouë, le Poilay, le Vernay, les deux Modaves, +de Biemrcé, de Banderesse, de Fermée, Termoyne, etc., mourut âgée de +dix-huit ans sept mois.</p> + +<p class="r"><i>Mercure de France</i>, août 1731, p. 2044.</p> + +<p>On lit dans les mémoires du duc de Luynes, à la date du mardi 2 mai +1739:</p> + +<p>«Madame de Châteaurenaud a un frère qu'on appelle le baron de +Montmorency, qui est celui qui avait épousé mademoiselle de Ville (<i>M. +de Ville était chargé de l'entretien<a name="page_198" id="page_198"></a> de la machine de Marly et en était +regardé comme l'auteur</i>). M. le baron de Montmorency est veuf depuis +quelques années.»</p> + +<p class="c">NOTE Nº 13.</p> + +<p>Acte de baptême de Rennequin, ou mieux Renier Sualem, extrait des +registres d'état civil tenus par les anciens curés de Jemeppe, province +de Liége:</p> + +<p>«29ª januarii 1645, baptisatus Renerus filius Renardi Sualem, et +Catharinæ David, susc. Leonardo Alard et Anna Simon.»</p> + +<p>Acte de décès de Rennequin, extrait des registres de l'état civil de la +commune de Bougival, département de Seine-et-Oise:</p> + +<p>«L'an de grâce mil sept cent huit, le lundy trentième de juillet, a esté +inhumé dans l'église de Notre-Dame de Bougival le corps de deffunt René +Soüalem, autrement dit Rennequin, premier ingénieur du roy à la machine +et constructeur de la machine, mort d'hier à onze heures et demie du +matin, âgé de soixante-quatre ans et demi, en présence de M. Levesque, +curé, M. Lherminot, brodeur du roy, de M. Prévotel, vicaire de cette +paroisse, qui ont signé: Lherminot, Levesque, Prévotel, Ricard.»</p> + +<p class="c"> +ÉPITAPHE GRAVÉE SUR LA TOMBE DE RENNEQUIN.<br /> +D. O. M.<br /> +</p> + +<p>«Cy-gissent honorables personnes sieur Rennequin Sualem, seul inventeur +de la machine de Marly, décédé le 29 juillet 1708, âgé de +soixante-quatre ans, et dame Marie Nouelle, son épouse, décédée le 4 mai +1714, âgée<a name="page_199" id="page_199"></a> de quatre-vingt-quatre ans, laquelle, pour satisfaire à la +dernière volonté dudit deffunct sieur Rennequin, son mari, a fondé à +perpétuité en cette église de Bougival une messe basse tous les premiers +lundys de chaque mois de l'année, un service complet le 29 juillet de +chaque année, jour du déceds dudit deffunct, et vingt libéras pour être +dits sur leurs <i>sepulturs</i>, scavoir les quatre grandes festes de +l'année, les quatre <i>principalles</i> festes de la sainte Vierge, et les +douze autres tous les premiers dimanches de chaque mois de l'année, à +l'issue des vespres; à quoi les sieurs curé et marguilliers de l'œuvre +et fabrique de ladite paroisse se sont obligés faire dire et célébrer +mesme fournir les pain, vin, luminaire et ornements nécessaires, et ce, +moyennant certaine <i>sôme</i> que ladite dame leur a payée, <i>ainssy</i> qu'il +est plus au long porté par le contract passé devant Dupuis et Gervais, +notaires au Châtelet de Paris, le 2 août 1710.</p> + +<p class="c"> +»Priez Dieu pour leurs âmes.»<br /> +</p> + +<p><a name="page_200" id="page_200"></a></p> + +<h3><a name="VII" id="VII"></a>VII<br /><br /> +<br />DÉTAILS INÉDITS<br /><br /> +SUR LA MORT DE LOUIS XIV. +<br /><br /> +1715.</h3> + +<p class="c">————</p> + +<p>Le lundi 26 août 1715, le roi Louis XIV venait de subir une opération +douloureuse. Couché sur son lit de mort, il voulut dire un dernier adieu +au jeune Dauphin, son successeur. A midi, madame de Ventadour, +gouvernante du prince, l'amena dans la chambre du roi, qui, après +l'avoir embrassé et fait placer sur son lit, lui adressa quelques +conseils dans lesquels ce monarque, en faisant l'aveu solennel de ses +fautes, montra plus peut-être la grandeur de son caractère que dans +aucune autre circonstance de sa vie.</p> + +<p>Les paroles prononcées par Louis XIV dans cette occasion furent +entendues d'un grand nombre de courtisans. La plupart les répétèrent +plus ou moins fidèlement: de là les nombreuses versions qui en ont<a name="page_201" id="page_201"></a> été +données, où, tout en conservant les idées principales, les divers +historiens du grand roi ont ajouté ou retranché suivant le besoin de +leurs éloges ou de leurs critiques.</p> + +<p>La première donnée au public parut dans les premiers jours d'octobre +1715, un mois environ après la mort de Louis XIV. Elle se trouve dans un +écrit intitulé: <i>Journal historique de tout ce qui s'est passé depuis +les premiers jours de la maladie de Louis XIV, jusqu'au jour de son +service à Saint-Denis</i>, par le sieur Lefebvre. Voici comment l'auteur +s'exprime: «Sa Majesté fit venir le Dauphin dans sa chambre, où il entra +avec madame la duchesse de Ventadour, sa gouvernante, et après l'avoir +embrassé, elle lui dit:—Mignon, vous allez estre un grand roy; mais +tout vostre bonheur dépendra d'estre soumis à Dieu, et du soin que vous +aurez de soulager vos peuples. Il faut pour cela que vous évitiez autant +que vous le pourrez de faire la guerre. C'est la ruine des peuples. Ne +suivez pas le mauvais exemple que je vous ay donné sur cela: j'ay +entrepris la guerre trop légèrement, et l'ay soutenue par vanité; ne +m'imitez pas! mais soyez un prince pacifique, et que vostre principale +application soit de soulager vos sujets. Profitez de la bonne éducation +que madame de Ventadour vous donne, obéissez-luy, et suivez les bons +sentiments qu'elle vous inspire.»</p> + +<p>Cette version est-elle la bonne? Certainement elle renferme au fond ce +qu'a dit Louis XIV; mais a-t-il<a name="page_202" id="page_202"></a> dû s'exprimer dans ces termes? Sans +doute il se repentait de ses guerres trop nombreuses et des maux +qu'elles avaient attirés sur ses peuples, et il recommandait à son +petit-fils de ne pas l'imiter en cela; mais on ne peut croire qu'il ait +été jusqu'à se servir de ces expressions: «Ne suivez pas le mauvais +exemple que je vous ay donné sur cela,» et qu'il ait encore ajouté, +comme s'il ne se fût pas assez humilié: «J'ai souvent entrepris la +guerre trop légèrement et l'ay soutenue par vanité.» Non, Louis XIV ne +pouvait ni penser, ni dire que ce fût par vanité qu'il eût soutenu ses +guerres! Il avait vu, dans ses dernières années, le royaume à deux +doigts de sa perte par suite de la guerre, et il recommandait à son +successeur de l'éviter autant que possible pour le bonheur de ses +sujets, voilà tout.</p> + +<p>A peu près à la même époque, Saint-Simon, ce courtisan frondeur, +rapportait aussi à sa manière les paroles de Louis XIV: «Mon enfant, +vous allez être un grand roi; ne m'imitez pas dans le goût que j'ai eu +pour les bâtiments ni dans celui que j'ai eu pour la guerre; tâchez, au +contraire, d'avoir la paix avec vos voisins. Rendez à Dieu ce que vous +lui devez; reconnaissez les obligations que vous lui avez; faites-le +honorer par vos sujets. Suivez toujours les bons conseils; tâchez de +soulager vos peuples, ce que je suis assez malheureux pour n'avoir pu +faire. N'oubliez point la reconnaissance que vous devez à madame de +Ventadour.»<a name="page_203" id="page_203"></a></p> + +<p>Si le fond des pensées est le même que dans la version précédente, la +forme en est complétement changée. Puis Saint-Simon, déprédateur +constant des constructions de Louis XIV, et en particulier de +Versailles, n'étant pas fâché, pour excuser ses amères critiques, de +supposer qu'à ses derniers moments ce prince pensait comme lui, ne +craint pas de le faire s'accuser d'une faute de plus en mettant dans sa +bouche cette phrase évidemment inventée par lui: «Ne m'imitez pas dans +le goût que j'ai eu pour les bâtiments.» Il ajoute encore cette autre +phrase que l'on ne trouve pas dans les paroles rapportées par Lefebvre, +en parlant de Dieu: «Faites-le honorer par vos sujets.»</p> + +<p>En 1742, Bruzen de la Martinière, dans la continuation de l'<i>Histoire de +Louis XIV</i>, commencée par Larrey, adopte la version de Saint-Simon, sauf +la phrase: «Ne m'imitez pas dans le goût que j'ai eu pour les +bâtiments,» qu'il supprime.</p> + +<p>Reboulet, dans son <i>Histoire de Louis XIV</i>, publiée en 1744, copie d'un +bout à l'autre le <i>Journal historique</i> de Lefebvre.</p> + +<p>Enfin, le père Daniel, en 1756, revient à la version de Saint-Simon, +corrigée par la Martinière.</p> + +<p>Puis vient Voltaire! Voltaire historiographe de France, Voltaire +écrivant le <i>Siècle de Louis XIV</i>, devait avoir une autre importance que +ceux qui jusqu'alors avaient rapporté ces paroles. Il en sentait toute +la gravité; il puisait aux sources les plus authentiques,<a name="page_204" id="page_204"></a> et ce qu'il +allait dire devait être la vérité. Aussi, voyez s'il est possible de +douter de son récit! «Son successeur, dit-il, a toujours conservé +écrites, au chevet de son lit, les paroles remarquables que ce monarque +lui dit, en le tenant sur son lit entre ses bras: ces paroles ne sont +point telles qu'elles sont rapportées dans toutes les histoires; les +voici <i>fidèlement copiées</i>:—«Vous allez être bientôt roi d'un grand +royaume. Ce que je vous recommande plus fortement est de n'oublier +jamais les obligations que vous avez à Dieu. Souvenez-vous que vous lui +devez tout ce que vous êtes. Tâchez de conserver la paix avec vos +voisins. J'ai trop aimé la guerre; ne m'imitez pas en cela, <i>non plus +que dans les trop grandes dépenses que j'ai faites</i>. Prenez conseil en +toutes choses, et cherchez à connaître le meilleur pour le suivre +toujours. Soulagez vos peuples le plus tôt que vous pourrez, et faites +ce que j'ai eu le malheur de ne pouvoir faire moi-même, etc.»</p> + +<p>Voltaire avait raison, Louis XV a toujours conservé, écrites au chevet +de son lit, les dernières paroles de Louis XIV; mais Voltaire ne disait +plus vrai lorsqu'il ajoutait qu'il les donnait «<i>fidèlement copiées</i>;» +car si rien n'est omis de ce qui y était écrit, tout est transposé, +arrangé pour l'effet de la phrase, et n'a plus cet abandon qui donne +tant de vérité à ces paroles que Louis XV pouvait lire tous les jours. +Il y a mieux, si Voltaire, tout en arrangeant, n'a cependant rien +retranché, il a au contraire<a name="page_205" id="page_205"></a> ajouté. Ainsi, nous retrouvons encore ici +la fameuse phrase de Saint-Simon sur les dépenses. C'est que Voltaire, +comme Saint-Simon, critiquait les dépenses de Louis XIV<a name="FNanchor_101_101" id="FNanchor_101_101"></a><a href="#Footnote_101_101" class="fnanchor">[101]</a>, et que, +comme lui, il tenait, par le repentir du prince, à montrer combien il +avait raison.</p> + +<p>Jusqu'à ce jour, cependant, la version donnée par Voltaire était +considérée comme la bonne, et presque tous ceux qui écrivirent sur Louis +XIV depuis lui, ne firent que la copier.</p> + +<p>Le hasard nous fit trouver la minute d'après laquelle fut faite la copie +placée dans la chambre à coucher du roi Louis XV; nous allons la +transcrire, et l'on pourra juger ainsi quelles altérations on lui a fait +subir.</p> + +<p>Lorsque Louis XIV fit venir le jeune Dauphin et prononça les paroles, +que nous allons rapporter, l'un des secrétaires écrivait dans la chambre +même tout ce que disait ce prince. Madame de Ventadour, gouvernante du +Dauphin, frappée de la grandeur de cette scène, et persuadée que ces +conseils du grand roi pouvaient avoir une heureuse influence sur la<a name="page_206" id="page_206"></a> +jeune imagination de son élève, voulut, en les plaçant constamment sous +ses yeux, les graver dans sa mémoire. Elle envoya donc la minute qui lui +fut remise par le secrétaire à Charles Gilbert, maître à écrire du +Dauphin, et l'un des calligraphes les plus distingués de cette époque, +avec ordre d'en faire immédiatement une copie sur vélin pour la placer +au chevet du lit du jeune prince. Voici ces paroles telles qu'elles sont +sur le manuscrit:</p> + +<p>«Mon cher enfant, vous allez estre le plus grand roy du monde. N'oubliez +jamais les obligations que vous avez à Dieu. Ne m'imitez pas dans les +guerres, taschez de maintenir tousjours la paix avec vos voisins, de +soulager vostre peuple autant que vous pourrez, ce que j'ay eu le +malheur de ne pouvoir faire par les nécessitez de l'Estat. Suivez +tousjours les bons conseils, et songez bien que c'est à Dieu à qui vous +devez tout ce que vous estes<a name="FNanchor_102_102" id="FNanchor_102_102"></a><a href="#Footnote_102_102" class="fnanchor">[102]</a>. Je vous donne<a name="page_207" id="page_207"></a> le père Letellier pour +confesseur, suivez ses advis et ressouvenez-vous toujours des +obligations que vous avez à madame de Ventadour<a name="FNanchor_103_103" id="FNanchor_103_103"></a><a href="#Footnote_103_103" class="fnanchor">[103]</a>.»</p> + +<p>Gilbert se mit aussitôt à la besogne. Une copie textuelle sur vélin, +ornée de majuscules dorées, fut faite en quelques jours. Mais tandis +qu'il s'empressait de se conformer aux désirs de la gouvernante, la +mort, encore plus prompte, venait frapper le monarque. Louis XIV mort, +tout changeait dans l'État. Le père Letellier, qui était resté auprès du +roi jusqu'à son dernier moment, fut envoyé en exil par le régent. L'on +ne pouvait donc laisser sous les yeux du jeune souverain la +recommandation de son bisaïeul, de conserver ce jésuite pour son +confesseur.</p> + +<p>Gilbert reçut alors l'ordre de faire une autre copie et de supprimer la +phrase ayant rapport au confesseur, et c'est cette copie qui fut placée +dans la chambre à coucher de Louis XV.</p> + +<p>La minute envoyée à Gilbert, la première copie sur vélin qu'il en avait +faite, et deux autres aussi sur vélin avec la correction, furent +précieusement conservées par lui et transmises à son petit-fils, P.-Ch. +Gilbert, qui lui succéda dans sa charge de maître à écrire du Dauphin. +Celui-ci la garda jusqu'à l'époque de sa mort, arrivée vers 1789, et +c'est<a name="page_208" id="page_208"></a> alors qu'elles passèrent entre les mains de son neveu, F. +Dumesnil de Saint-Cyr, dernier maître à écrire du Dauphin (Louis XVII). +C'est à la mort de M. de Saint-Cyr, survenue à Versailles en 1845, que +l'une de ses héritières, mademoiselle Ducroset, nous montra ce curieux +document historique au milieu des précieux manuscrits renfermés dans le +cabinet de son oncle, et c'est entre les mains de cette demoiselle qu'il +se trouve aujourd'hui.</p> + +<p>Les faits que nous venons de raconter ne laissent aucun doute sur +l'authenticité de ce document, et fixent d'une manière positive la +nature des paroles prononcées par Louis XIV mourant à l'héritier de sa +couronne.<a name="page_209" id="page_209"></a></p> + +<h3><a name="VIII" id="VIII"></a>VIII<br /><br /> +RELEVÉ DES DÉPENSES<br /><br /> +DE MADAME DE POMPADOUR<br /><br /><br /> +<small><small>DEPUIS LA PREMIÈRE ANNÉE DE SA FAVEUR<br /> +JUSQU'A SA MORT.</small></small></h3> + +<p class="c">————</p> + +<p>On sait que Jeanne-Antoinette Poisson, mariée fort jeune au sous-fermier +général Lenormand d'Étiolles, ne tarda pas à devenir la maîtresse de +Louis XV. La mère de madame d'Étiolles, ambitieuse et intrigante, avait +toujours rêvé pour sa fille le rôle <i>honorable</i> auquel elle venait de +parvenir. Elle lui fit, en conséquence, donner une éducation brillante, +et lui inspira surtout le goût des arts. Ce fut en 1745 qu'elle fut +reconnue maîtresse en titre du roi et créée par lettres patentes +marquise de Pompadour.</p> + +<p>C'est de cette année 1745 que date le manuscrit dont nous allons nous +occuper. C'est un petit in-quarto sur papier gros et gris. Écrit en +petit caractère et<a name="page_210" id="page_210"></a> sans orthographe, il paraît être de la main de +quelque employé de la maison de la marquise, et a été composé sur des +notes dont un grand nombre ont été écrites par madame de Pompadour +elle-même, ainsi qu'il est facile de le voir quand le copiste, ne se +donnant pas la peine de changer ce qu'il a sous les yeux, parle à la +première personne, comme dans cet article: <i>J'avais en vaisselle +d'argent pour</i>, etc., et dans cet autre: <i>Gages de mes domestiques</i>, +etc.—Il est recouvert d'une feuille de papier jaune sur laquelle est +écrit: <i>Énorme dépense</i>. La première feuille porte ce titre: <i>État des +dépenses faites pendant le règne de madame la marquise de Pompadour, à +commencer le 9 septembre 1745 jusqu'au 15 d'avril 1764</i>.—C'est le jour +où elle est morte.</p> + +<p>La première partie du manuscrit est consacrée aux dépenses des +bâtiments. Madame de Pompadour aimait beaucoup les constructions. +Non-seulement elle fit réparer à grands frais plusieurs propriétés +qu'elle avait achetées, mais encore elle fit élever un assez grand +nombre de maisons. Son jeune frère, Poisson, connu sous le nom de +marquis de Marigny, qui fut directeur gérant des bâtiments du roi, la +seconda dans ses vues. Il dirigea particulièrement la construction du +charmant château de Bellevue, qui a depuis appartenu à Mesdames de +France, et dont il ne reste plus de traces aujourd'hui.—Ce chapitre est +intitulé: <i>État des sommes payées par ordre du roi par le sieur de +Montmartel sur les travaux et bâtiments<a name="page_211" id="page_211"></a> de Crécy, Bellevue et autres +endroits, suivant les mandements visés par les sieurs de l'Assurance, +d'Isle, et Maurenzel.</i></p> + +<p><i>Crécy et Aunay.</i>—Crécy était un fort joli château, faisant aujourd'hui +partie du département d'Eure-et-Loir. Madame de Pompadour en fit +l'acquisition, en 1748, pour la somme de 650,000 l. Elle acheta en même +temps, 140,000 l., la terre d'Aunay, qui touche à Crécy. Les travaux +qu'elle y fit faire, pendant les années 1748, 1749, 1750, 1751, 1752, +1753, 1754, s'élevèrent à la somme de 3,288,403 l. 16 s. 6 d.</p> + +<p><i>La Celle</i> est une charmante propriété, à la porte de Versailles. Madame +de Pompadour l'acheta 260,000 l., en 1749. Les sommes payées pour +l'embellissement du château, pendant les années 1749 et 1751, +s'élevèrent à 68,114 l. 15 s. 4 d.</p> + +<p>En 1749, Louis XV lui donna une portion du terrain du petit parc de +Versailles, sur lequel elle fit construire une jolie habitation qu'elle +appela son <i>Ermitage</i>. La construction de l'<i>Ermitage</i> lui coûta 283,013 +l. 1 s. 5 d.</p> + +<p>Madame de Pompadour ne s'arrêtait pas dans son goût de construction +qu'elle sut faire partager à Louis XV. Elle venait de créer un charmant +bijou dans sa propriété de l'Ermitage, elle voulut construire un +véritable château, avec son parc et ses jardins. Il existait sur la côte +qui domine la Seine, entre Sèvres et Meudon, des terres qui +appartenaient<a name="page_212" id="page_212"></a> au roi; Louis XV les lui donna, et, grâce au goût de +Marigny, l'on vit s'élever l'une des plus jolies habitations princières +des environs de Paris. <i>Bellevue</i>, nom que méritait bien cette charmante +maison, fut construite en 1750. Elle revint à 2,526,927 l. 10 s. 11 d.</p> + +<p>Outre ces propriétés, madame de Pompadour avait encore des habitations +particulières dans les principales résidences royales. A Versailles, à +Compiègne, à Fontainebleau et à Paris.</p> + +<p>A Versailles, le roi lui donna, en 1752, le terrain sur lequel se +trouvait, sous Louis XIV, la Pompe ou Tour d'Eau, détruite en 1686. Elle +y fit construire un hôtel qui lui revint à 210,844 l. 14 s. 10 d. C'est +aujourd'hui l'<i>Hôtel des Réservoirs</i> ou <i>restaurant Duboux</i>. On avait +fait établir contre le mur du réservoir de l'Opéra un corridor qui +permettait d'aller du château dans cet hôtel. Madame Duhausset en parle +dans un endroit de ses Mémoires: «J'avais, dit-elle, un très-joli +appartement à l'hôtel, où j'allais presque toujours à couvert, etc.»</p> + +<p>Dans son hôtel de Compiègne, elle dépensa, en 1751, 1752 et 1753, 30,242 +l. 7 s. 8 d.</p> + +<p>A Fontainebleau, elle fit construire, en 1753, à l'imitation de celui de +Versailles, un ermitage qui lui revint à 216,382 l. 18 s. 8 d. Elle +acheta à Paris l'hôtel d'Évreux, qu'elle paya 730,000 l., et y dépensa, +en 1754, 95,169 l. 6 s.</p> + +<p>On trouve encore, au chapitre des dépenses des<a name="page_213" id="page_213"></a> bâtiments, diverses +sommes pour des institutions religieuses. Ainsi l'on voit, pour le +couvent des ursulines de Poissy, dont sa tante du côté maternel madame +Sainte-Perpétue était l'abbesse, une somme de 4,908 l. 15 s. 10 d., et +pour les dames de l'Assomption de Paris, une autre somme de 32,069 l. 14 +s. Enfin l'on voit le marquisat de Pompadour y figurer pour 28,000 l., +dépensées en 1753.—Dans ce chapitre des bâtiments se trouvent les noms +de tous les entrepreneurs et artistes qui ont été employés soit à +construire, soit à embellir ces diverses maisons. Les artistes qui ont +travaillé au château de Crécy et à Aunay sont: Rousseau, Verbeck et +Pigalle, sculpteurs; à la Celle, Rousseau, sculpteur; à l'Ermitage, près +Versailles, Rousseau et "Verbeck, sculpteurs, et Rysbrack, peintre de +fleurs; à son hôtel de Versailles, Rousseau et Verbeck, sculpteurs, et +Rysbrack, peintre; à Bellevue, Coustou, Rousseau, Maurisan, la veuve +Chevalier, Verbeck, sculpteurs; Nelson, Gavau, Brunelly, Oudry, +peintres; Janson, la veuve Cropel, dessinateurs; Martiniere, émailleur à +l'hôtel d'Évreux, à Paris, Verbeck, sculpteur; à l'Ermitage de +Fontainebleau, Verbeck.</p> + +<p>A la suite du chapitre des dépenses de bâtiments vient un journal +commencé le 9 septembre 1745, et terminé en mars 1764, dans lequel est +inscrit, mois par mois, ce que recevait madame de Pompadour pour ses +dépenses ordinaires. L'on y voit que, pendant ces dix-neuf années, les +recettes, pour ses<a name="page_214" id="page_214"></a> dépenses ordinaires, ont été de 1,767,678 l. 8 s. 9 +d., et les dépenses de 977,207 l. 11 s. 6 d. Ce journal peut donner lieu +à quelques curieuses observations. Madame de Pompadour touchait une +pension qui lui était payée tous les mois, sans compter les sommes +qu'elle recevait du roi comme cadeau, toujours pour sa dépense +ordinaire. Cette pension était, la première année, de 2,400 l. par mois; +en 1746, 1747, 1748 et 1749, les sommes données s'élèvent souvent +jusqu'à 30,000 l. dans un mois; puis, dans les années suivantes, pendant +lesquelles la passion du roi pour sa maîtresse s'était beaucoup +affaiblie, l'on voit la pension se régulariser et se réduire presque +constamment à 4,000 l. par mois. On remarque encore que, pendant les +premières années, madame de Pompadour reçoit du roi des étrennes, qui +disparaissent aussi dans les années suivantes: ainsi, en 1747, année du +plus fort de la passion de Louis XV, elle reçoit 50,000 l. d'étrennes; +en 1749, elle n'en reçoit plus que 24,000 l., et depuis 1750, on ne les +voit plus figurer dans les comptes.</p> + +<p>Les sommes qu'elle recevait du roi étant moins fortes et ses dépenses +habituelles étant toujours fort considérables, il fallait trouver +d'autres ressources. C'est dans le jeu et dans la vente de ses bijoux +que madame de Pompadour trouve le moyen d'équilibrer les recettes avec +les dépenses. Ainsi on la voit gagner au jeu à Marly, le 15 mai 1752, +9,120 l., et le 31 du même mois, 28,000 l.—En 1760, elle<a name="page_215" id="page_215"></a> vend des +<i>bracelets de perles</i> 12,960 l.—En 1761, elle vend encore des bijoux +pour 9,000 l.; en 1762, sa vente de bijoux et le gain du jeu lui +rapportent 20,489 l.</p> + +<p>Ce journal est terminé par une récapitulation, dans laquelle les +recettes et leur emploi sont comparés année par année, et qui montre, +comme je l'ai indiqué en donnant le chiffre des recettes et des +dépenses, que madame de Pompadour savait très-bien dépenser tous les ans +ce qui lui était donné, et ne faisait aucune économie.</p> + +<p>A la suite de ce journal se trouve une sorte de dénombrement des +richesses de madame de Pompadour et des dépenses autres que celles des +bâtiments. C'est particulièrement à cette partie que s'applique la +remarque faite plus haut, sur la manière dont l'auteur du manuscrit fait +souvent parler madame de Pompadour elle-même. Tous les articles de cette +partie sont curieux et méritent d'être cités:</p> + +<p class="c"><i>État de mes effets en général.</i></p> + +<table border="0" cellpadding="4" cellspacing="0" summary=""> +<tr><td valign="top" align="right" colspan="3">Livres.</td></tr> +<tr><td valign="top" align="right">1.</td><td align="left">J'avais en vaisselle d'argent, pour</td><td align="right" valign="bottom">537,600</td></tr> +<tr><td valign="top" align="right">2.</td><td align="left">Plus, en vaisselle d'or ou en collifichets</td><td align="right" valign="bottom">150,000</td></tr> +<tr><td valign="top" align="right">3.</td><td align="left">Elle a dépensé pour ses menus plaisirs et en se satisfaisant</td><td align="right" valign="bottom">1,338,867</td></tr> +<tr><td valign="top" align="right">4.</td><td align="left">Pour sa bouche, pendant les dix-neuf années de son <i>règne</i></td><td align="right" valign="bottom">3,504,800</td></tr> +<tr><td valign="top" align="right">5.</td><td align="left">Pour les voyages du roi, extraordinaires, comédies, opéras, faits et donnés en différentes maisons</td><td align="right" valign="bottom">4,005,900</td></tr> +<tr><td valign="top" align="right">6.</td><td align="left">Gages pour mes domestiques, dix-neuf années</td><td align="right" valign="bottom">1,168,886</td></tr> +<tr><td valign="top" align="right">7.</td><td align="left">Pensions que j'ai toujours faites, <i>jusqu'à ma mort</i> (sic)</td><td align="right" valign="bottom">229,236</td></tr> +<tr><td valign="top" align="right">8.</td><td align="left">Ma cassette, contenant quatre-vingt-dix-huit boîtes d'or, évaluées l'une dans l'autre à 3,000 livres</td><td align="right" valign="bottom">294,000</td></tr> +<tr><td valign="top" align="right">9.</td><td align="left">Une autre cassette contenant tous mes diamants</td><td align="right" valign="bottom">1,783,000</td></tr> +<tr><td valign="top" align="right">10.</td><td align="left">Une superbe collection de pierres gravées chez moi par le sieur le Guay, donnée au roi, estimée</td><td align="right" valign="bottom">400,000</td></tr> +</table> + +<p>Madame de Pompadour, qui dessinait fort bien, grava elle-même <i>une suite +de soixante-trois estampes</i>, d'après ces pierres. Ces gravures ont été +publiées et forment un petit in-folio, fort rare, dont il n'avait été +tiré qu'un très-petit nombre d'exemplaires pour faire des présents: en +1782, il en parut une autre édition in-quarto, qui est moins recherchée. +Ce fut à l'occasion de son talent pour le dessin que Voltaire, l'ayant +un jour surprise dessinant une tête, improvisa ce madrigal:</p> + +<table border="0" cellpadding="0" cellspacing="0" summary=""> +<tr><td align="left">Pompadour, ton crayon divin</td></tr> +<tr><td align="left">Devrait dessiner ton visage;</td></tr> +<tr><td align="left">Jamais une plus belle main</td></tr> +<tr><td align="left">N'aurait fait un plus bel ouvrage.</td></tr> +</table> + +<table border="0" cellpadding="4" cellspacing="0" summary=""> +<tr valign="top"><td align="right" colspan="3">Livres.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="right">11.</td><td align="left">En différents morceaux de vieux laque</td><td align="right">111,945</td></tr> +<tr valign="top"><td align="right">12.</td><td align="left">En porcelaine ancienne</td><td align="right">150,000</td></tr> +<tr valign="top"><td align="right">13.</td><td align="left">Achat de pierres fines pour compléter la collection</td><td align="right">60,000</td></tr> +<tr valign="top"><td align="right">14.</td><td align="left">Linge pour draps et table, pour Crécy</td><td align="right">600,452</td></tr> +<tr valign="top"><td align="right">15.</td><td align="left">Plus, pour mes autres maisons</td><td align="right">400,325</td></tr> +<tr valign="top"><td align="right">16.</td><td align="left">Ma garde-robe, tout compris</td><td align="right">350,235</td></tr> +<tr valign="top"><td align="right">17.</td><td align="left">Ma batterie de cuisine pour toutes mes maisons</td><td align="right">66,172</td></tr> +<tr valign="top"><td align="right">18.</td><td align="left">Ma bibliothèque, y compris nombre de manuscrits<a name="FNanchor_104_104" id="FNanchor_104_104"></a><a href="#Footnote_104_104" class="fnanchor">[104]</a></td><td align="right">12,500</td></tr> +<tr valign="top"><td align="right">19.</td><td align="left">Donné aux dames qui m'ont toujours accompagnée, pour présent, en variant les effets</td><td align="right">460,000</td></tr> +<tr valign="top"><td align="right">20.</td><td align="left">Donné aux pauvres pendant tout mon règne</td><td align="right">150,000</td></tr> +<tr valign="top"><td align="right">21.</td><td align="left">En générosités aux concierges, en robes, vestes, étoffes, ainsi qu'au cabinet du roi</td><td align="right">100,000</td></tr> +<tr valign="top"><td align="right">22.</td><td align="left">Pour les affaires de mon père, M. de Machault les régla à la somme de</td><td align="right">400,000</td></tr> +</table> + +<p>Le père de madame de Pompadour, François Poisson, avait eu dans +l'administration des vivres un emploi fructueux. Accusé de gestion +infidèle, il fut forcé de se soustraire aux poursuites du gouvernement. +On voit, par cet article, que dans sa fortune elle n'oublia point de +faire payer les dettes de son père. Jusqu'ici tous les biographes +avaient bien dit que l'affaire de François Poisson avait été oubliée, +grâce au crédit de sa fille; mais ce qu'on ignorait, c'est que c'était +en satisfaisant ses créanciers:</p> + +<table border="0" cellpadding="4" cellspacing="0" summary=""> +<tr valign="top"><td align="right" colspan="3">Livres.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="right">23.</td><td align="left">En tableaux et autres fantaisies</td><td align="right">60,000</td></tr> +<tr valign="top"><td align="right">24.</td><td align="left">La dépense de la bougie, pendant dix-neuf ans</td><td align="right">660,000</td></tr> +<tr valign="top"><td align="right">25.</td><td align="left">La dépense des fallots et chandelles</td><td align="right">150,000</td></tr> +<tr><td align="right" valign="top">26.</td><td align="left">En belles juments, voitures, +chaises à porteurs,<br /> +chevaux de selle, quoi qu'en ait dit <i>le Gazetier d'Utrecht</i>, en tout</td><td align="right" valign="bottom">1,800,000</td></tr> +</table> + +<p>Nous ne savons ce qu'a pu dire le <i>Gazetier d'Utrecht</i> à l'occasion des +chevaux de madame de Pompadour, car nous avons inutilement cherché ce +qui pouvait<a name="page_219" id="page_219"></a> avoir trait à cette question dans la collection de cette +gazette que possède la bibliothèque de Versailles. Ce qu'il y a de +certain, c'est que madame de Pompadour aimait beaucoup les chevaux; +qu'elle fit acheter de fort beaux étalons dans plusieurs pays, et les +réunit dans sa terre de Pompadour, où elle fonda le superbe haras qui +existe aujourd'hui, et qu'en 1763 M. de Choiseul fit transformer en +haras royal:</p> + +<table border="0" cellpadding="4" cellspacing="0" summary=""> +<tr valign="top"><td align="right" colspan="3">Livres.</td></tr> +<tr valign="top"><td align="right">27.</td><td> Fourrages, fourniture de mes chevaux pendant dix-neuf années</td><td align="right"> 1,300,000</td></tr> + +<tr valign="top"><td colspan="3" align="center">(Cette somme montre que madame<br /> + de Pompadour devait avoir, en effet,<br /> + un assez grand nombre de chevaux.)</td></tr> +<tr valign="top"><td align="right">28.</td><td> Pour toute ma livrée, dans toutes mes maisons </td><td align="right"> 250,000</td></tr> +<tr valign="top"><td align="right">29.</td><td> Pour achat de Crécy </td><td align="right"> 650,000</td></tr> +<tr valign="top"><td align="right">30.</td><td> Achat de la Celle </td><td align="right"> 260,000</td></tr> +<tr valign="top"><td align="right">31.</td><td> Achat d'Aunay </td><td align="right"> 140,000</td></tr> +<tr valign="top"><td align="right">32.</td><td> Achat de la baronnie de Tréon </td><td align="right"> 80,000</td></tr> + +<tr valign="top"><td colspan="3" align="center">(Tréon est auprès de la terre de Crécy.)</td></tr> +<tr valign="top"><td align="right">33.</td><td> Achat de Magenville </td><td align="right"> 25,000</td></tr> +<tr valign="top"><td align="right">34.</td><td> Achat de Saint-Remy </td><td align="right"> 24,000</td></tr> +<tr valign="top"><td align="right">35.</td><td> Achat d'Ovillé, à moitié chemin d'Orléans </td><td align="right"> 11,000</td></tr> +<tr valign="top"><td align="right">36.</td><td> Achat de l'hôtel d'Évreux, à Paris</td><td align="right">650,000</td></tr> +<tr valign="top"><td align="right">37.</td><td> Achat du terrain à côté dudit hôtel</td><td align="right">80,000</td></tr> +<tr valign="top"><td align="right">38.</td><td> Dépensé à Champs, pendant l'espace de trois ans</td><td align="right">200,000</td></tr> + + <tr valign="top"><td colspan="3" align="center">(Champs est un village du département<br /> + de Seine-et-Marne, dans lequel<br /> + se trouvait une fort jolie habitation.)</td></tr> +<tr valign="top"><td align="right">39.</td><td> Dépensé à Saint-Ouen pendant l'espace<br /> + de cinq ans, sans faire les réparations<br /> + constatées par la maison de Gesvres.</td><td align="right" valign="bottom">500,000</td></tr> +</table> + +<p>Saint-Ouen ne paraît pas avoir appartenu à madame de Pompadour, mais +elle en avait la jouissance; et, comme on le voit par cet article, elle +y fit faire des embellissements qu'elle paya de ses propres fonds.</p> + +<p>Dans cette nomenclature des richesses de madame de Pompadour, l'auteur +du manuscrit ne dit rien du château de Ménars, qui appartenait aussi à +la marquise; on trouve seulement dans le journal de ses dépenses, en +marge de l'année 1760: <i>Achat de Ménars</i>. Cette propriété paraît avoir +été payée par elle sur ses revenus annuels et par petites sommes, car on +trouve indiquées dans les années 1760, 1761, 1762, 1763, un assez grand +nombre de sommes, sous le titre: <i>Gratification pour Ménars</i>.</p> + +<p>Enfin, cette partie se termine par un dernier article, intitulé:</p> + +<table border="0" cellpadding="4" cellspacing="0" summary=""> +<tr><td align="right">40.</td><td align="left">Médailles d'or et d'argent.</td><td align="right">400,000 liv.</td></tr> +</table> + +<p>Puis, à la suite, l'auteur ajoute quelques réflexions assez curieuses:</p> + +<p>«D'après toutes ces dépenses énormes, dit-il, voici un fait que personne +ne voudra croire, qui est qu'à sa mort l'on n'ait trouvé à cette femme +que<a name="page_221" id="page_221"></a> 37 louis d'or dans sa table à écrire, qu'elle avait destinés pour +les pauvres.»</p> + +<p>«Autre fait incroyable, ajoute-t-il, lâché par Collin<a name="FNanchor_105_105" id="FNanchor_105_105"></a><a href="#Footnote_105_105" class="fnanchor">[105]</a>, c'est que +pendant sa maladie il fut obligé d'emprunter 70,000 l. pour faire face à +la dépense. Ce fait détruit entièrement l'imposture, qui est qu'on a +prétendu qu'elle avait dans toutes les banques de l'Europe, et elle se +trouve devoir après sa mort la somme de 1,700,000 l.»</p> + +<p>Vient ensuite l'énumération de tous les gens attachés à madame de +Pompadour, tant à Versailles que dans toutes ses maisons particulières, +avec leurs appointements. On remarque parmi tous ces noms:</p> + +<table border="0" cellpadding="4" cellspacing="0" summary=""> +<tr><td align="left"> </td><td align="right">Livres.</td></tr> +<tr><td align="left">Nesme, premier intendant.</td><td align="right">8,000</td></tr> +<tr><td align="left">Collin, chargé des domestiques, et lui servant de secrétaire.</td><td align="right">6,000</td></tr> +<tr><td align="left">Le médecin Quesnay, entretenu de tout.</td><td align="right">3,000</td></tr> +<tr><td align="left">La Duhausset, femme de chambre.</td><td align="right">150</td></tr> +<tr><td align="left">La Couraget, id.</td><td align="right">150</td></tr> +<tr><td align="left">La Neveu, id.</td><td align="right">150</td></tr> +</table> + +<p>On sait que madame Duhausset a écrit des <i>Mémoires</i> qui donnent des +détails fort curieux sur la vie intime de madame de Pompadour. L'une des +deux autres femmes de chambre était femme de condition, mais elle prit +un nom emprunté, que madame Duhausset<a name="page_222" id="page_222"></a> elle-même ne connut jamais bien. +Celle-ci seule ne changea point de nom, quoique au service de la +maîtresse du roi.</p> + +<p>L'on y voit aussi figurer deux nègres, à raison de 1,800 l.</p> + +<p>Puis une série de gens attachés à la cuisine, à la garde-robe; la livrée +et les employés des différentes maisons, concierges, portiers, +jardiniers, etc., et trois aumôniers: un à Versailles, un à +Fontainebleau et un à Compiègne.</p> + +<p>Après l'énumération des gens attachés à son service, se trouve l'état +des pensions que faisait madame de Pompadour. On voit avec plaisir dans +ce chapitre qu'une partie des sommes considérables qu'elle touchait +était employée en bonnes œuvres.</p> + +<p>La première pension sur cette liste et la plus curieuse est celle faite +à madame Lebon pour lui avoir prédit à l'âge de neuf ans qu'elle serait +un jour la maîtresse de Louis XV, 600 l. Cette prédiction, dont ne +parlent pas les biographes, et dont, on le voit, madame de Pompadour +s'est toujours souvenue, a dû avoir une grande influence sur sa +destinée, et a été probablement l'une des causes qui poussa sa mère à +chercher par tous les moyens à mettre Louis XV en rapport avec la jeune +et jolie madame d'Étiolles. La reconnaissance que madame de Pompadour +conserva pour madame Lebon fut sans doute la raison qui lui fit toujours +avoir un faible pour les sorcières et les sorciers. Madame Duhausset<a name="page_223" id="page_223"></a> +raconte dans ses Mémoires une histoire qui le prouve bien:</p> + +<p>«Un an ou quinze mois avant la disgrâce de l'abbé de Bernis, dit-elle, +Madame<a name="FNanchor_106_106" id="FNanchor_106_106"></a><a href="#Footnote_106_106" class="fnanchor">[106]</a> étant à Fontainebleau, elle se mit devant un petit +secrétaire pour écrire; il y avait au-dessus un portrait du roi. En +fermant le secrétaire, après avoir écrit, le portrait tomba et frappa +assez fortement sa tête. Les personnes qui en furent témoins +s'alarmèrent, et on envoya chercher M. Quesnay. Il se fit expliquer la +chose, et ordonna des calmants et une saignée. Comme elle venait d'être +faite, entre madame de Brancas, qui vit du trouble, du mouvement, et +Madame sur sa chaise longue. Elle demanda ce que c'était, et on le lui +dit. Après avoir témoigné à Madame ses regrets et l'avoir rassurée, elle +lui dit: «Je demande en grâce à Madame et au roi, qui venait d'entrer, +d'envoyer aussitôt un courrier à M. l'abbé de Bernis, et que madame la +marquise veuille bien lui écrire une lettre dans laquelle, sans autre +détail, elle lui demandera de lui marquer ce que lui a dit sa sorcière, +et qu'il ne craigne pas de l'inquiéter.» La chose fut faite, et ensuite +madame de Brancas dit que <i>la Bontemps</i> lui avait prédit dans du marc de +café, où elle voyait tout, que la tête de sa meilleure amie était +menacée, mais qu'il n'en arriverait rien de fâcheux. Le lendemain, +l'abbé écrivit que madame Bontemps lui avait<a name="page_224" id="page_224"></a> dit aussi: «Vous étiez +presque noir en venant au monde,» et que cela était vrai, et qu'on a +attribué cette couleur, qui avait duré quelque temps, à un tableau qui +était devant le lit de sa mère, et qu'elle regardait souvent ce tableau, +qui représentait Cléopâtre se tuant au moyen d'une piqûre d'aspic, que +lui apportait un Maure dans des fleurs. Il dit encore qu'elle lui avait +dit: «Vous avez bien de l'argent avec vous, mais il ne vous appartient +pas;» qu'effectivement il avait deux cents louis pour remettre au duc de +la Vallière. Enfin il marquait que, regardant dans la tasse, elle avait +dit: «Je vois une de vos amies, la meilleure, une grande dame, menacée +d'un accident.» Qu'il devait avouer, malgré sa philosophie, qu'il avait +pâli; qu'elle s'en était aperçue, avait regardé de nouveau, et avait +dit: «Sa tête sera un peu menacée, mais il n'y paraîtra pas une +demi-heure après.» Il n'y avait pas moyen de douter du fait, et il parut +fort étonnant au roi, qui fit prendre des informations sur la sorcière, +mais que Madame empêcha d'être poursuivie par la police. Elle protégea +aussi le fameux <i>comte de Saint-Germain</i>, qui prétendait avoir plus de +deux mille ans, blanchissait les diamants, faisait grossir les perles, +était enfin un véritable sorcier, et que, malgré tout ce charlatanisme, +le roi voyait chez madame de Pompadour par amour pour elle.»</p> + +<p>La liste des pensions contient ensuite:<a name="page_225" id="page_225"></a></p> + +<table border="0" cellpadding="4" cellspacing="0" summary=""> +<tr><td> </td><td align="right">Livres.</td></tr> +<tr><td align="left">A madame Sainte-Perpétue, sa tante du côté maternel.</td><td align="right">3,000</td></tr> +<tr><td colspan="2" align="center">(Elle était supérieure des ursulines de<br /> +Poissy.)</td></tr> +<tr><td align="left">A mademoiselle Clergé, ancienne femme de chambre de sa mère.</td><td align="right">600</td></tr> +<tr><td align="left">Aux capucines de Paris.</td><td align="right">720</td></tr> +<tr><td colspan="2" align="center">(C'est dans l'église de ce couvent qu'elle<br /> +fut inhumée.)</td></tr> +<tr><td align="left">Aux filles de l'Ave-Maria.</td><td align="right">240</td></tr> +<tr><td align="left">A madame Becker, religieuse de Saint-Joseph.</td><td align="right">240</td></tr> +<tr><td align="left">A la dame Plantier, nourrice de sa fille.</td><td align="right">200</td></tr> +<tr><td align="left">A la dame Pin, son ancienne fille de garde-robe.</td><td align="right">50</td></tr> +<tr><td align="left">A Dablon, son père nourricier.</td><td align="right">300</td></tr> + +</table> + +<p>Madame de Pompadour eut une fille de M. d'Étiolles; elle se nommait +Alexandrine. Il paraît que sa figure était charmante et pleine de feu. +Sa mère rêvait pour elle les plus brillantes alliances, lorsqu'elle +mourut à quatorze ans, de la petite vérole, dans le couvent de +l'Assomption, où elle était élevée. On voit par ces pensions que madame +de Pompadour n'oubliait pas ceux qui avaient approché sa fille, et cela +explique aussi pourquoi elle protégea toujours ce couvent de +l'Assomption, et y fit faire des embellissements dont nous avons vu le +chiffre au chapitre des bâtiments.</p> + +<table border="0" cellpadding="0" cellspacing="0" summary=""> +<tr><td align="right" colspan="2">Livres.</td></tr> +<tr><td align="left">Au fils de sa première femme de chambre.</td><td align="right">212</td></tr> +<tr><td colspan="2" align="center">(Celle qui la servait sous un nom supposé.)</td></tr> +<tr><td align="left">Au fils de Douy.</td><td align="right">300</td></tr> +<tr><td align="left">Au fils de madame Duhausset, seconde femme de chambre.</td><td align="right">400</td></tr> +<tr><td align="left">Pour le petit Beaulieu, gentilhomme.</td><td align="right">150</td></tr> +<tr><td align="left">Pour le petit Capon, gentilhomme.</td><td align="right">300</td></tr> +<tr><td align="left">Pour la fille Manoyé.</td><td align="right">380</td></tr> +<tr><td align="left">Pour mademoiselle Guillier.</td><td align="right">300</td></tr> +<tr><td align="left">Pour mademoiselle de Pontavici.</td><td align="right">250</td></tr> +<tr><td align="left">Pour madame la baronne de Rhone, âgée de +quatre-vingt-dix ans.</td><td align="right">3,000</td></tr> +<tr><td align="left">Pour mesdemoiselles de Farges.</td><td align="right">2,000</td></tr> +<tr><td align="left">Pour la petite nymphe de Compiègne.</td><td align="right">400</td></tr> +<tr><td align="left">Pour le petit Jean-Simon.</td><td align="right">300</td></tr> + +<tr><td align="center">(Elle faisait distribuer dans les greniers de<br /> + Versailles, par son homme de confiance, tous<br /> + les ans, 12 à 13 mille livres.)</td><td align="right" valign="bottom">12,000</td></tr> + +<tr><td align="left">Au petit Sans-Bras.</td><td align="right">144</td></tr> +<tr><td align="left">A un pauvre boiteux.</td><td align="right">36</td></tr> +<tr><td align="left">A madame Questier.</td><td align="right">72</td></tr> +<tr><td align="left">A madame de Gosmond, pour être religieuse.</td><td align="right">1,800</td></tr> +<tr><td align="left">A mademoiselle Dulaurent, pour être religieuse.</td><td align="right">1,800</td></tr> +<tr><td align="left">A mademoiselle Duhausset.</td><td align="right">400</td></tr> +<tr><td align="left">A mademoiselle de Longpré, sa parente.</td><td align="right">600</td></tr> +<tr><td align="left">A madame de la Croix.</td><td align="right">300</td></tr> +<tr><td align="left">A madame Trusson, pour remettre à quelqu'un à Paris.</td><td align="right">240</td></tr> +</table> + +<p>Puis vient une longue liste des maisons religieuses auxquelles madame de +Pompadour accordait des secours; ces maisons sont au nombre de cinquante +et une.<a name="page_227" id="page_227"></a></p> + +<table border="0" cellpadding="4" cellspacing="0" summary=""> +<tr><td>Elle leur donnait tous les ans dans le carême.</td><td align="right" valign="bottom">600</td></tr> + +<tr><td>A tous les curés de ses maisons.</td><td align="right" valign="bottom">1,452</td></tr> + +<tr><td>Aux deux curés de Versailles, à chacun 10 louis.</td><td align="right" valign="bottom">480</td></tr> + +<tr><td>Au curé de Fontainebleau.</td><td align="right" valign="bottom">120</td></tr> + +<tr><td>Au curé de Choisy.</td><td align="right" valign="bottom">120</td></tr> + +<tr><td>Aux sœurs grises de Choisy.</td><td align="right" valign="bottom">120</td></tr> + +<tr><td>Aux sœurs grises de Fontainebleau.</td><td align="right" valign="bottom">120</td></tr> + +<tr><td>A tous les curés de Compiègne.</td><td align="right" valign="bottom">600</td></tr> + +<tr><td>A toutes les maisons religieuses de Compiègne.</td><td align="right" valign="bottom">1,200</td></tr> + +<tr><td>A un pauvre abbé de Compiègne, aux carmélites.</td><td align="right" valign="bottom">48</td></tr> + +<tr><td>A madame de Villars, pour ses pauvres, tous +les ans.</td><td align="right" valign="bottom">1,200</td></tr> + +<tr><td>Aux frères de la forêt de Sénart.</td><td align="right" valign="bottom">46</td></tr> + +<tr><td>A la bouquetière du château de Versailles, suivant la cour.</td><td align="right" valign="bottom">120</td></tr> + +<tr><td>La fondation d'une grand'messe aux carmélites<br /> +de Compiègne.</td><td align="right" valign="bottom">600</td></tr> + +<tr><td>Le jour de l'an, à tous les officiers des petits<br /> +appartements du roi, et garçons du château,<br /> +à chacun une très-belle veste.</td><td align="right" valign="bottom">1,000</td></tr> + +<tr><td>A tous les autres domestiques du roi, suisses<br /> +des appartements grands et petits, valets de<br /> +pied, frotteurs, cochers, postillons et palefreniers<br /> +du roi, et tous les métiers travaillant<br /> +au château.</td><td align="right" valign="bottom">1,200</td></tr> + +<tr><td>A la naissance de Mgr le duc de Bourgogne, elle<br /> +donna 3,000 livres à distribuer aux pauvres<br /> +de Versailles.</td><td align="right" valign="bottom">3,000</td></tr> + +<tr><td>Ainsi qu'aux autres naissances, trois autres fois.</td><td align="right" valign="bottom">9,000</td></tr> + +<tr><td>Elle fit donner aux pauvres de la Trappe, en<br /> +deux fois.</td><td align="right" valign="bottom">15,000</td></tr> + +<tr><td>Elle fit à Crécy, en deux fois, quarante-deux<br /> +mariages, à l'occasion de la naissance des<br /> +princes. Elle dota mari et femme à raison de<br /> +300 livres et 200 livres pour les habits.</td><td align="right" valign="bottom">21,000</td></tr> +</table> + +<p>Telle est la liste de ses dons.</p> + +<p>Le manuscrit est enfin terminé par une récapitulation des sommes +dépensées par madame de Pompadour pendant les dix-neuf années de sa +faveur.—Le total général est de 36,924,140 l. 8 s. 9 d.</p> + +<p>Voilà, sur sa déclaration, le relevé de ce que madame de Pompadour a +coûté à la France.<a name="page_229" id="page_229"></a></p> + +<h3><a name="IX" id="IX"></a>IX<br /><br /> +LE PARC AUX CERFS SOUS LOUIS XV.<br /><br /> +1755-1771.</h3> + +<p class="c">————</p> + +<p>Il n'est aucun fait historique qui ait rendu plus odieux le nom de Louis +XV, et qui, d'un autre côté, ait donné lieu à plus de divagation parmi +les écrivains, que <i>le mystérieux établissement du Parc aux Cerfs</i>. Les +historiens les mieux renseignés ne savent où il était placé. Les uns, se +fondant sur son nom, en font une ancienne habitation de chasse de Louis +XIII transformée en une sorte de petit palais entouré de jardins et de +bois. D'autres le confondent avec l'Ermitage de madame de Pompadour; +personne en un mot, jusqu'à ce jour, n'a pu dire d'une manière positive +où il était placé. Depuis fort longtemps, nous cherchions à découvrir +cette énigme historique, et tous nos efforts avaient été inutiles. Il y +a peu de temps qu'en parcourant les Mémoires de madame Campan, nous +fûmes frappé d'une anecdote<a name="page_230" id="page_230"></a> sur Louis XV, à laquelle nous avions fait +jusqu'alors peu d'attention. La voici:</p> + +<p>«Louis XV, dit madame Campan, avait, comme on le sait, adopté le système +bizarre de séparer Louis de Bourbon du roi de France. Comme homme privé, +il avait sa fortune personnelle, ses intérêts de finance à part.</p> + +<p>»Louis XV traitait comme particulier dans toutes les affaires ou les +marchés qu'il faisait; il avait <i>acheté au Parc aux Cerfs, à Versailles, +une jolie maison</i> où il logeait une de ces maîtresses obscures que +l'indulgence ou la politique de madame de Pompadour avait tolérées pour +ne pas perdre ses droits de maîtresse en titre. Ayant réformé cet usage, +le roi voulut vendre sa petite maison. Sévin, premier commis de la +guerre, se présenta pour l'acheter; le notaire qui était chargé de cette +commission en rendit compte au roi. Le contrat de vente fut passé entre +Louis de Bourbon et Pierre Sévin, et le roi lui fit dire de lui apporter +lui-même la somme en or. Le premier commis réunit 40,000 francs en +louis, et, introduit par le notaire dans les cabinets intérieurs du roi, +il lui remit la valeur de sa maison.»</p> + +<p>Ces renseignements donnés par madame Campan, quoique bien incomplets, +puisqu'elle ne donne ni la rue, ni l'époque de la vente et de l'achat, +ni le nom du notaire, étaient cependant une précieuse indication, s'ils +se trouvaient exacts, car ils venaient confirmer l'établissement de la +petite maison du roi dans<a name="page_231" id="page_231"></a> le Parc aux Cerfs et donnaient, en outre, le +nom de la personne à laquelle cette maison avait été vendue, lorsque, +par suite d'autres habitudes, elle devint inutile à Louis XV.</p> + +<p>Nous résolûmes alors de faire de nouvelles recherches, et nous sommes +parvenu, non sans peine, à découvrir cette mystérieuse habitation du +Parc aux Cerfs. Mais, avant tout, rappelons ici ce qu'on entendait par +ce nom de <i>Parc aux Cerfs</i>.</p> + +<p>Quand Louis XIII acheta la seigneurie de Versailles et y fit construire +un petit château, c'était surtout pour être plus facilement au milieu +des bois dont ce lieu était entouré et pour s'y livrer au plaisir de la +chasse, qu'il aimait passionnément. Aussi l'un de ses premiers soins fut +de faire élever près de son habitation les animaux pouvant servir à ses +plaisirs. C'est pour cela qu'il choisit, dans les bois qui couvraient +alors le sol de la ville, un emplacement dans lequel il pût réunir et +faire élever des cerfs, des daims, et d'autres bêtes fauves. Il le fit +entourer de murs, y fit construire quelques habitations de gardes, et ce +lieu reçut le nom de <i>Parc aux Cerfs</i>.</p> + +<p>Le Parc aux Cerfs comprenait tout l'espace situé entre la rue de Satory, +la rue des Rossignols et la rue Saint-Martin. Ce Parc aux Cerfs fut +d'abord conservé par Louis XIV, et la ville se composa du vieux +Versailles et de la ville neuve, ne formant qu'une seule paroisse, celle +de Notre-Dame.</p> + +<p>Quelques années après son séjour à Versailles,<a name="page_232" id="page_232"></a> vers 1694, Louis XIV, +voyant les habitations s'élever avec rapidité dans la ville qu'il venait +de créer, songea à son agrandissement. Le Parc aux Cerfs fut alors +sacrifié. Louis XIV fit abattre les murs, arracher les arbres, détruire +les maisons des gardes, niveler le sol, et l'on y traça des rues et des +places. Des terrains furent donnés, surtout à des gens de la maison du +roi, mais l'on n'y vit cependant s'élever sous son règne que quelques +rares habitations. Louis XIV mort, Versailles resta pendant quelques +années comme une ville abandonnée. Aucune construction ne s'y fit. Mais +lorsque Louis XV y eut de nouveau fixé son séjour, et que la cour y fut +revenue, on vit affluer de toutes parts de nouveaux habitants. Leur +nombre, qui, à la mort de Louis XIV, était de vingt-quatre mille, fut +presque doublé dans les quinze premières années du règne de son +successeur. Les maisons se construisirent de tous côtés dans le quartier +du <i>Parc aux Cerfs</i>, et les habitants de ce quartier furent si nombreux +que l'on sentit la nécessité de diviser la ville en deux parties égales +et de créer une nouvelle paroisse formant aujourd'hui le quartier ou la +paroisse Saint-Louis.</p> + +<p>Revenons maintenant à la petite maison de Louis XV.</p> + +<p>Nous n'avions pour nous diriger dans nos recherches que le nom de +<i>Sévin</i>. Mais dans quel endroit du <i>Parc aux Cerfs</i> était placée cette +maison achetée au roi par Sévin?<a name="page_233" id="page_233"></a></p> + +<p>Nous savions que les archives du bailliage de Versailles étaient +déposées au palais de justice de cette ville, et que ces archives +contenaient les rôles de la répartition des sommes dues chaque année par +les propriétaires des maisons de Versailles pour les boues et lanternes, +depuis l'année 1664 jusqu'en 1788. Le dépouillement assez fastidieux de +tous les noms des propriétaires du quartier du Parc aux Cerfs nous fit +enfin rencontrer, comme propriétaire d'une maison située rue +Saint-Médéric, en 1772, le nom de <i>Sévin</i>. La place qu'elle occupait +dans le rôle nous indiquait que ce devait être ou la maison nº 2, ou +celle nº 4.—Mais était-ce bien celle ayant appartenu à Louis XV et +indiquée par madame Campan? Rien ne nous le prouvait, car sur ces rôles +nous trouvions immédiatement comme propriétaire avant <i>Sévin</i> le nom de +<i>Vallet</i>.</p> + +<p>En cherchant dans les titres actuels de propriété de la maison nº 4, +nous avons trouvé qu'elle appartenait effectivement à Sévin, et qu'elle +fut vendue par ses héritiers, après la Révolution, aux criées du +tribunal civil. Ces titres, ne remontant point au delà, nous laissaient +toujours dans l'obscurité sur les noms des propriétaires antérieurs à +<i>Sévin</i>.</p> + +<hr style="width: 45%;" /> + +<p>Nous nous adressâmes alors aux possesseurs des maisons n<sup>os</sup> 2 et 4, +qui nous permirent gracieusement de rechercher dans tous les papiers +antérieurs ce que nous pourrions trouver chez les notaires touchant<a name="page_234" id="page_234"></a> +cette intéressante question. Voici maintenant le résultat de ces +recherches:</p> + +<p>Quand Louis XIV eut décidé de faire un nouveau quartier dans l'ancien +Parc aux Cerfs, les terrains furent donnés en propriété à divers +particuliers et surtout aux personnes appartenant à la maison du roi. +C'est ainsi que le roi fit don de l'emplacement occupé aujourd'hui par +les n<sup>os</sup> 2 et 4 de la rue Saint-Médéric à Jacques <i>Desnoues</i>, maître +d'hôtel et l'un de ses valets de chambre. Le 18 juin 1712, <i>Desnoues</i> +vend à <i>J.-B. Pizet, écuyer de la Maison-Fort</i>, le jardin et la <i>maison</i> +qu'il y avait fait construire. Le 27 septembre 1718, nouvelle vente de +cette propriété faite par <i>J.-B. Pizet</i> au profit de <i>Jean-Michel +Crémer</i>, bourgeois de Versailles. A cette époque, le jardin n'était +point enclos de murs. En 1734, <i>Crémer</i> fait construire les murs, ferme +les rues des Tournelles et Saint-Médéric et fait ainsi deux impasses. +Ces impasses portent sur les rôles de répartition des boues et lanternes +les noms de culs-de-sac Saint-Médéric et des Tournelles.</p> + +<p><i>Crémer</i> meurt en 1740. Par suite, la propriété est partagée en deux; la +maison et la moitié du jardin échoient en partage à <i>Jean-Michel-Denis +Crémer</i>, son fils, et l'autre moitié appartient à la <i>veuve Crémer</i>. +Elle fait à son tour bâtir sur sa portion une maison à peu près +semblable à l'autre formant aujourd'hui le nº 2 de la rue Saint-Médéric.</p> + +<p>Tel était l'état des lieux, lorsqu'en 1755 les agents<a name="page_235" id="page_235"></a> secrets des +honteuses passions de Louis XV cherchent au roi une petite maison, de +façon à éviter la publicité dans ses rendez-vous de galanterie. Quelle +maison pouvait mieux convenir que celle de <i>Crémer</i>? Placée dans un +quartier retiré, au fond d'une impasse, n'ayant de voisins que la maison +construite par la veuve Crémer, dont toutes les fenêtres regardaient sur +la rue des Tournelles et n'avaient point de vue sur celle du fils, tout +enfin la désignait à leur choix. Ils proposent son acquisition au roi, +et l'argent est aussitôt donné. Il restait un dernier embarras: si le +roi lui-même ou ses agents bien connus traitent directement de l'achat +de cette maison, il n'y a plus de secret possible, et sa destination +sera bientôt découverte. On charge alors un tiers inconnu de cet achat. +Un huissier au Châtelet de Paris, nommé <i>Vallet</i>, traite directement +avec Crémer, et la maison est achetée en son nom. De là l'obscurité qui +a si longtemps régné sur l'emplacement de ce triste séjour. Qui aurait +pu penser que sous ce nom de <i>Vallet</i>, de cet huissier, que les rôles +des impôts de Versailles portent comme propriétaire de cette maison, se +cachait le nom du roi de France<a name="FNanchor_107_107" id="FNanchor_107_107"></a><a href="#Footnote_107_107" class="fnanchor">[107]</a>?<a name="page_236" id="page_236"></a></p> + +<p>Crémer croyait avoir vendu à Vallet; mais celui-ci, aussitôt +l'acquisition terminée, se présente seul devant notaires et fait la +déclaration suivante:</p> + +<p>«Aujourd'hui est comparu par-devant les conseillers du roi, notaires au +Châtelet de Paris, soussignés, sieur François Vallet, huissier-priseur +audit Châtelet de Paris, y demeurant, rue des Déchargeurs, paroisse +Saint-Germain l'Auxerrois, lequel a déclaré ne rien avoir ni prétendre +en l'acquisition qui vient d'être faite sous son nom, de +Jean-Michel-Denis Crémer et sa femme, d'une maison située à Versailles, +rue Saint-Médéric, paroisse Saint-Louis, avec ses dépendances, par +contrat passé devant les notaires soussignés, dont M<sup>e</sup> Patu, l'un +d'eux, à la minute, cejourd'hui; mais que cette acquisition <i>est pour et +au profit du roi, le prix en ayant été payé des deniers de Sa Majesté à +lui fournis à cet effet</i>; c'est pourquoi il fait cette déclaration, +<i>consentant que Sa Majesté jouisse, fasse et dispose de ladite maison en +toute propriété, sans que le payement, qui sera fait sous le nom du +comparant, des droits de lots et ventes et centième denier, le décret +volontaire, qui sera fait et adjugé, et la jouissance et perception des +loyers, qui pourra être faite aussi sous son nom, puissent affaiblir la +propriété acquise à Sa Majesté de ladite maison et dépendances</i>, +déclarant que l'expédition dudit contrat d'acquisition et les titres +énoncés<a name="page_237" id="page_237"></a> en icelui ont été par lui remis entre les mains du chargé des +ordres de Sa Majesté, ce qui a été accepté pour Sa Majesté par les +notaires soussignés, etc.</p> + +<p>»Fait et passé à Paris, l'an 1755, le 25 novembre, et a signé:</p> + +<p class="r"> +»V<small>ALLET</small>.—P<small>ATU</small>, B<small>ROCHANT</small>.»<br /> +</p> + +<p>Ainsi il n'y a plus de doute, c'est bien là la petite maison du Parc aux +Cerfs, si longtemps ignorée. Voilà le lieu où, depuis l'année 1755 +jusqu'en 1771, furent successivement installées les jeunes filles que +les infâmes fournisseurs des plaisirs du roi offraient aux sens blasés +de Louis XV.</p> + +<p>L'ignorance où l'on était généralement sur cette maison, sa grandeur et +son arrangement, le nom de Parc aux Cerfs toujours donné à cette +habitation, tandis que c'était celui du quartier où elle était située, +lui ont fait attribuer beaucoup plus d'importance qu'elle n'en avait +réellement et sont la cause des exagérations dans lesquelles sont tombés +à ce sujet plusieurs historiens.</p> + +<p>«La tradition et le témoignage de plusieurs personnes attachées à la +cour, dit Lacretelle, ne confirment que trop les récits consignés dans +une foule de libelles relativement au Parc aux Cerfs. On prétend que le +roi y faisait élever des jeunes filles de neuf ou dix ans. <i>Le nombre de +celles qui y furent conduites fut immense.</i> Elles étaient dotées, +mariées à des hommes vils ou crédules.<a name="page_238" id="page_238"></a></p> + +<p>«Les dépenses du Parc aux Cerfs se payaient avec des acquits au +comptant. Il est difficile de les évaluer; mais il ne peut y avoir +aucune exagération à affirmer qu'elles coûtèrent <i>plus de cent millions +à l'État</i>. Dans quelques libelles, on les porte jusqu'à un milliard.»</p> + +<p>Nous ne voulons diminuer en rien l'odieux de la conduite de Louis XV, et +nous pensons aussi que l'entretien de ces jeunes filles, les rentes +qu'on leur donnait lorsque le roi en était dégoûté, et celles que l'on +faisait à leurs enfants lorsqu'elles en avaient, ont dû coûter des +sommes assez considérables. Mais la connaissance exacte de la maison du +Parc aux Cerfs ne permet pas d'admettre toutes ces exagérations.</p> + +<p>La maison était petite et à peu près comme celle du nº 2, puisque le +jardin était derrière et sur le côté. Il était impossible que dans une +si petite maison il séjournât plus d'une demoiselle à la fois, avec la +dame chargée de la garder<a name="FNanchor_108_108" id="FNanchor_108_108"></a><a href="#Footnote_108_108" class="fnanchor">[108]</a> et le domestique<a name="page_239" id="page_239"></a> nécessaire pour les +servir. Il faut bien admettre encore que les jeunes filles qui furent +conduites dans ce lieu y demeurèrent au moins une année, puisque la +plupart n'en sortaient que pour devenir mères! Eh bien, si le roi ne +garda cette maison que depuis 1755 jusqu'en 1771, comme nous allons le +voir, c'est-à-dire seize ans, on ne peut dire <i>que le nombre de celles +qui y furent conduites fut immense</i>, et il faut nécessairement un peu +rabattre <i>du milliard et même des centaines de millions</i> que coûtèrent +les dépenses du Parc aux Cerfs<a name="FNanchor_109_109" id="FNanchor_109_109"></a><a href="#Footnote_109_109" class="fnanchor">[109]</a>.</p> + +<p>Madame de Pompadour, voulant donner à Louis XV des maîtresses dont elle +n'eût rien à redouter pour son pouvoir, protégea ce commerce du roi avec +des jeunes filles, mais il cessa entièrement lorsque madame<a name="page_240" id="page_240"></a> du Barry +eut su concentrer sur elle seule toute la passion du vieux roi débauché. +La petite maison du Parc aux Cerfs n'ayant plus alors aucun but +d'utilité, Louis XV, qui l'avait achetée de ses deniers, la vendit afin +de faire rentrer cet argent dans sa cassette particulière.</p> + +<p>Pour cette vente, Louis XV n'avait plus besoin de se cacher sous un faux +nom comme pour l'achat, et, malgré l'assertion de madame Campan, ce +n'est pas comme <i>Louis de Bourbon</i>, mais bien comme <i>roi de France</i> +qu'il vendit l'ancienne habitation de ses innocentes victimes à J.-B. +Sévin.</p> + +<p>Voici ce contrat de vente:</p> + +<p>«Vente par le roi, notre sire, à M. J.-B. Sévin, 27 mai 1771.</p> + +<p>»Par-devant les notaires au bailliage royal de Versailles, soussignés, +fut présent très-haut, très-puissant et très-excellent prince Louis, par +la grâce de Dieu roi de France et de Navarre; lequel a, par ces +présentes, vendu et abandonné pour toujours et promet garantir de tous +troubles à sieur Jean-Baptiste Sévin, huissier de la chambre de madame +Victoire de France et commis principal de l'un des bureaux de la guerre, +demeurant à Versailles, rue Saint-Médéric, paroisse Saint-Louis, à ce +présent et acceptant acquéreur pour lui, ses hoirs et ayant cause, une +maison sise à Versailles, susdite rue Saint-Médéric, paroisse +Saint-Louis, consistant en bâtiments sur ladite rue, jardin derrière et +à côté,<a name="page_241" id="page_241"></a> ainsi que ladite maison se comporte sans réserve, appartenant à +Sa Majesté au moyen de l'acquisition qu'elle en a fait faire <i>sous le +nom de François Vallet</i>, huissier-priseur au Châtelet de Paris, de J. +Crémer et Élisabeth Quartier, sa femme, par contrat passé devant M<sup>e</sup> +Patu et son confrère, notaires à Paris, le 25 novembre 1755, insinué et +ensaisiné, lequel Vallet a fait sa déclaration au profit de Sa Majesté +par acte passé devant ledit Patu et son confrère le même jour, le brevet +original en papier, laquelle est demeurée ci-joint, auxquels Crémer et +sa femme ladite maison appartenait de la manière expliquée au contrat +sus-daté, étant la dite maison en la censive de Sa Majesté et vers elle +chargée à raison de vingt sols de cens par arpent par chacun an pour +toutes choses, <i>de laquelle maison, dont Sa Majesté n'a jamais retiré +aucun revenu, elle a toujours entendu jouir à titre particulier pour en +disposer ainsi qu'elle jugerait à propos</i>.</p> + +<p>»Cette vente faite à la charge dudit cens seulement pour l'avenir, à +compter de ce jour, et sans être tenu par ledit sieur Sévin au payement +d'aucuns droits de lots et ventes, contrôles, insinuation et autres qui +pourraient être prétendus à cause de la présente vente dont Sa Majesté +dispense ledit sieur Sévin.</p> + +<p>»La présente vente aussi faite moyennant la somme de 16,000 livres; +laquelle somme Sa Majesté reconnaît avoir présentement reçue par les +mains<a name="page_242" id="page_242"></a> d'Alain, l'un des notaires soussignés, qui, des deniers à lui +remis par ledit sieur Sévin, la lui a payée réellement délivrée en louis +d'or et monnoye ayant cours, à la vue desdits notaires, dont quittance +transportant, dessaisissant, voulant procureur, le porteur donnant +pouvoir.</p> + +<p>»Reconnaissant, ledit sieur Sévin, que Sa Majesté lui a fait remettre +l'expédition en parchemin du contrat de vente susdaté, ensemble tous les +titres et pièces que ledit Vallet a reconnu par icelui lui avoir été +remis par lesdits Crémer et sa femme, dont déchargé.</p> + +<p>»Par ainsi promettant, obligeant, renonçant; fait et passé audit +Versailles <i>à l'égard de Sa Majesté en son appartement au château</i>, et à +l'égard dudit sieur Sévin ès étudè, l'an 1774, le 27 mai, avant midi. Sa +Majesté a signé, ainsi que ledit sieur Sévin. Signé: <span class="smcap">Louis, Sévin, Ducro</span> +et A<small>LAIN</small>.»</p> + +<p>Il résulte donc de ces diverses pièces que la fameuse maison désignée +dans l'histoire de Louis XV sous le nom de <i>Parc aux Cerfs</i> était placée +au nº 4 de la rue Saint-Médéric.</p> + +<p>Aujourd'hui cette maison a entièrement changé d'aspect; transformée en +un fort joli hôtel par les propriétaires qui l'ont successivement +habitée depuis quelques années, elle ne rappelle plus rien de cette trop +célèbre <i>petite maison</i>.</p> + +<p><a name="page_243" id="page_243"></a></p> + +<h3><a name="X" id="X"></a>X<br /><br /> +MADAME DU BARRY.<br /><br /> +1768-1793.</h3> + +<p class="c">————</p> + +<p>Les archives de la préfecture de Seine-et-Oise contiennent deux cartons +avec cette suscription: <i>Madame du Barry</i>. Ces cartons renferment en +effet un grand nombre de papiers transportés dans les archives du +district de Versailles, lors de sa condamnation à mort, en 1793. A cette +époque, on apporta à Versailles tout ce qui fut trouvé de papiers au +château de Louveciennes. Ils étaient fort nombreux, et furent pour la +plupart rendus à la famille en 1825. On peut voir par l'inventaire +dressé alors, qui se trouve plus loin, qu'un grand nombre d'entre eux +étaient du plus haut intérêt. Tels qu'ils sont, ceux de la préfecture de +Versailles sont encore fort curieux et méritent d'être connus.</p> + +<p>On a écrit plus d'une fois la vie de madame du Barry; mais dans tous ces +écrits le vrai est fréquemment<a name="page_244" id="page_244"></a> mêlé au faux, et ce sont pour la plupart +de véritables romans.</p> + +<p>Les documents renfermés aux archives de Seine-et-Oise, et d'autres que +nous avons puisés à des sources aussi sûres<a name="FNanchor_110_110" id="FNanchor_110_110"></a><a href="#Footnote_110_110" class="fnanchor">[110]</a>, s'ils ne nous +éclairent pas sur tous les points de la vie de cette célèbre maîtresse +de Louis XV, nous mettent au moins à même d'établir avec certitude +plusieurs faits principaux.</p> + +<p>Vers 1767, un homme, comme on en voit souvent dans les grandes +capitales, sans principes et sans mœurs, mais non pas sans esprit, le +comte <i>Jean du Barry</i>, rencontra dans une de ces maisons qu'on +appellerait aujourd'hui du <i>demi-monde</i> une des plus jolies personnes +qu'il eût encore vues de sa vie. Frappé de sa beauté et de ses grâces, +il lui donna aussitôt le nom de l'<i>Ange</i>, et vit tout le parti qu'il en +pourrait tirer dans l'intérêt de sa fortune et de son ambition. Dès ce +moment il rêva et parvint à en faire la maîtresse du roi.</p> + +<p>Depuis l'année 1764, date de la mort de madame de Pompadour, Louis XV +n'avait plus de maîtresse en titre, et il commençait à se lasser de ses +amours obscures du Parc aux Cerfs. Le comte du Barry était<a name="page_245" id="page_245"></a> ami de +Lebel, ce valet de chambre du roi, dont le principal emploi est connu de +tout le monde. Il est de certains hommes qui finissent toujours par se +donner la main. Du Barry lui présenta mademoiselle l'Ange, et Lebel, +frappé de sa beauté, n'hésita point à la mettre en rapport avec le +roi.—Dès la première entrevue, Louis XV fut tellement subjugué par les +charmes de mademoiselle l'Ange, qu'il ne voulut plus entendre parler +d'une autre femme. Les rendez-vous se succédèrent rapidement, et le roi +brûla du désir de la déclarer maîtresse en titre. Mais mademoiselle +l'Ange n'avait point de nom, et pour paraître à la cour et y jouer un +rôle aussi important, il fallait qu'elle fût revêtue d'un titre et +qu'elle eût une position sociale un peu moins équivoque. Le comte Jean +du Barry aimait bien plus mademoiselle l'Ange pour les avantages qu'elle +pouvait lui rapporter que pour elle-même, et il n'aurait pas hésité à +lui donner sa main et son nom; mais il était marié. Un autre, en +épousant la maîtresse du roi, profiterait de tous les avantages rêvés +pour lui-même, et que la reconnaissance de celle qu'il allait élever à +une si haute position lui assurait! Il résolut alors de lui donner son +propre nom, en lui faisant épouser son frère, et de conserver par cette +alliance l'ascendant qu'il avait pris sur l'esprit de la nouvelle +favorite.</p> + +<p>Le comte <i>Guillaume du Barry</i>, le mari futur de la maîtresse du roi, +était un pauvre officier des<a name="page_246" id="page_246"></a> troupes de la marine, vivant à Toulouse +avec sa mère. Son frère lui écrivit aussitôt pour lui proposer ce +mariage, et lui faire envisager la brillante fortune qui en résulterait +pour lui et sa famille. Guillaume n'était pas plus scrupuleux que Jean, +il accepta avec joie sa proposition et partit immédiatement pour Paris. +Cependant, pour contracter ce mariage, il fallait le consentement de sa +mère. Cette dame ne le refusa pas; mais, soit par respect pour son nom, +soit pour toute autre raison, elle ne voulut pas sanctionner par sa +présence un acte si peu honorable, et elle chargea une autre personne de +la représenter dans tout ce qui allait être fait. Le comte Guillaume +arriva donc à Paris, muni de la pièce que voici:</p> + +<p>«Par-devant le notaire royal de la ville de Toulouse et témoins bas +nommés, fut présente dame <i>Catherine de Lacaze</i>, veuve de noble <i>Antoine +du Barry</i>, chevalier de l'ordre militaire de Saint-Louis, habitant de +cette ville;</p> + +<p>»Laquelle a fait et constitué pour son procureur général et spécial M. +Jean Gruel, négociant, rue du Roule, à Paris, auquel elle donne pouvoir +de, pour elle et en son nom, consentir que noble Guillaume du Barry, son +fils, ancien officier d'infanterie, contracte mariage avec telle +personne qu'il jugera à propos, pourvu toutefois qu'elle soit approuvée +et agréée par ledit sieur procureur constitué, et que la bénédiction +nuptiale lui soit départie suivant les constitutions canoniques, par le +premier<a name="page_247" id="page_247"></a> prêtre requis, sans cependant que ladite dame constituante +entende rien donner à son fils dans son contrat de mariage; voulant en +outre que les présentes vaillent nonobstant surannotation et jusqu'à +révocation expresse, promettant, obligeant, renonçant.</p> + +<p>»Fait et passé audit Toulouse, dans notre étude, le quinzième jour du +mois de juillet, avant midi, l'an 1768, en présence des sieurs +Bernard-Joseph Fourmont et Bonaventure Calvet, praticiens, habitant +cette ville, soussignés, avec ladite dame constituante et nous, notaire.</p> + +<p class="r"> +»<i>Signé</i>: D<small>ELACAZE</small> <small>DU</small> B<small>ARRY</small>, F<small>OURMONT</small>,<br /> +B. C<small>ALVET</small>, et S<small>ANS</small>, notaire, avec +paraphe<a name="FNanchor_111_111" id="FNanchor_111_111"></a><a href="#Footnote_111_111" class="fnanchor">[111]</a>.»<br /> +</p> + +<p>A son arrivée à Paris, Guillaume du Barry descendit à l'hôtel de son +frère, rue Neuve des Petits-Champs. Celui-ci ne perdit pas un seul +instant, et huit jours après le consentement de leur mère, le 23 +juillet, il faisait signer à Guillaume le curieux contrat de mariage qui +suit:</p> + +<p>«Par-devant les conseillers du roi, notaires au Châtelet de Paris, +furent présents:</p> + +<p>»Haut et puissant seigneur messire Guillaume comte du Barry, chevalier, +capitaine des troupes détachées de la marine, demeurant à Paris, rue +Neuve des Petits-Champs, paroisse Saint-Roch,<a name="page_248" id="page_248"></a> majeur, fils de défunt +messire Antoine, comte du Barry, chevalier de l'ordre royal et militaire +de Saint-Louis, et de dame Catherine Delacaze, son épouse, actuellement +sa veuve, demeurant à Toulouse, contractant pour lui et en son nom;</p> + +<p>»Sieur André-Marie Gruel, négociant à Paris, y demeurant, rue du Roule, +paroisse Saint-Germain l'Auxerrois, au nom et comme fondé de la +procuration spéciale à l'effet du mariage dont va être parlé, de ladite +dame du Barry mère, passé devant <i>Sans</i>, notaire royal à Toulouse, en +présence de témoins, le 15 juillet présent mois, dont l'original, dûment +contrôlé et légalisé, est, à la réquisition du sieur Gruel, demeuré +annexé à la minute des présentes, préalablement de lui certifié +véritable, signé et paraphé en présence des notaires soussignés.</p> + +<p>»Ledit sieur Gruel, audit nom, assistant et autorisant autant que de +besoin ledit seigneur comte du Barry, d'une part;</p> + +<p>»Et sieur <i>Nicolas Rançon</i>, intéressé dans les affaires du roi, et dame +<i>Anne Bécu</i>, son épouse, qu'il autorise à l'effet des présentes, +demeurant à Paris, rue du Ponceau, paroisse Saint-Laurent, ladite dame +auparavant <i>veuve du sieur Jean-Jacques Gomard de Vaubernier</i>, intéressé +dans les affaires du roi, stipulant pour <i>mademoiselle Jeanne Gomard de +Vaubernier</i>, fille <i>mineure</i> de ladite dame Rançon et dudit feu sieur +Gomard de Vaubernier, <i>son premier mari</i>, demeurant avec eux; à ce +présente<a name="page_249" id="page_249"></a> et de son consentement pour elle et en son nom;</p> + +<p>»Lesquels, dans la vue du mariage proposé et agréé entre ledit sieur +comte du Barry et ladite demoiselle Gomard de Vaubernier, qui sera +célébré incessamment en face d'Église, ont pris par ces présentes +volontairement fait et rédigé les clauses et conditions civiles dudit +mariage ainsi qu'il suit, en la présence et de l'<i>agrément</i> de haut et +puissant seigneur <i>messire Jean, comte du Barry-Cérès</i>, gouverneur de +Lévignac, frère aîné dudit seigneur, futur époux, et de <i>Claire du +Barry</i>, demoiselle majeure, sœur dudit seigneur futur époux.</p> + +<p>»<span class="smcap">Article premier.</span>—Il n'y aura point communauté de biens entre ledit +seigneur et demoiselle future épouse, dérogeant à cet égard à la coutume +de Paris et à toute autre qui l'admette entre conjoints; et, au +contraire, ils seront et demeureront séparés de biens, et ladite +demoiselle future épouse aura seule la jouissance et l'administration +des biens, droits et actions, meubles et immeubles qui lui appartiennent +et pourront lui appartenir dans la suite <i>à tel titre que ce soit</i>.</p> + +<p>»<span class="smcap">Art. 2.</span>—La demoiselle future épouse se marie avec les biens et droits +qui lui appartiennent et qui lui appartiendront par la suite, <i>dont elle +aura l'administration</i>, comme il est ci-devant dit. Et son mobilier +consiste en la somme de 30,000 livres, composé de bijoux, diamants, +habits, linge, dentelles et meubles à son usage, le tout <i>provenant de<a name="page_250" id="page_250"></a> +ses gains et économies</i>, et dont, pour éviter la confusion avec le +mobilier dudit sieur futur époux, il a été fait et dressé un état, +transcrit sur les deux premières pages d'une feuille de papier à lettre, +lequel est, à leur réquisition, demeuré annexé à la minute des +présentes, après avoir été desdites parties contractantes certifié +véritable, signé et paraphé en présence des notaires soussignés.</p> + +<p>»<span class="smcap">Art. 3.</span>—Tous les meubles et effets qui se trouveront dans les maisons +qu'occuperont les futurs époux, tant à Paris qu'à la campagne, autres +que ceux désignés dans l'état ci-devant annexé, seront censés appartenir +et appartiendront en effet audit seigneur futur époux, et si dans la +suite ladite demoiselle future épouse fait quelque achat de meubles et +effets, elle sera tenue de retirer quittances en forme et, par-devant +notaire, du prix d'iceux.</p> + +<p>»<span class="smcap">Art. 4.</span>—Tous les biens appartenant aux demoiselle et seigneur futurs +époux, et ceux qui leur échoiront pendant le mariage, à tel titre que ce +soit, tant en meubles qu'immeubles, seront réputés propres à chacun +d'eux et aux leurs, de côtés et lignes respectivement.</p> + +<p>»<span class="smcap">Art. 5.</span>—Ledit seigneur futur époux a doué et doue la demoiselle future +épouse de 1,000 livres de rente de douaire préfix, dont le fonds, en +denier 25, demeurera propre aux enfants à naître dudit mariage.<a name="page_251" id="page_251"></a></p> + +<p>»<span class="smcap">Art. 6.</span>—Arrivant le décès de l'un des futurs époux, le survivant aura +et prendra sur les biens du prédécédé, par forme de gain de survie, en +meubles et effets prisés sans crue, la somme de 10,000 livres ou ladite +somme en deniers comptants, au choix dudit survivant.</p> + +<p>»<span class="smcap">Art. 7.</span>—Il est convenu que ladite demoiselle future épouse <i>demeurera +chargée seule de la conduite et de toutes les dépenses du ménage</i>, tant +pour la nourriture que pour les loyers ou appartements qu'ils +occuperont, gages de domestiques, linge de table, ustensiles de ménage, +entretien d'équipages, nourriture de chevaux et <i>toutes autres dépenses +quelconques sans exception</i>, tant envers ledit seigneur futur époux +qu'envers les enfants à naître dudit mariage, qu'elle sera tenue +d'élever et faire éduquer à ses frais, à la charge par ledit seigneur +futur époux, ainsi qu'il s'y oblige, de payer à ladite demoiselle future +épouse la somme de 6,000 livres de pension, pour tenir lieu de sa moitié +dans lesdites dépenses et entretien du ménage, par chaque année, de six +mois en six mois, et toujours d'avance, en sorte que les six premiers +mois seront exigibles le lendemain de la célébration du mariage.</p> + +<p>»C'est ainsi que le tout a été convenu et arrêté entre les parties, +promettant, obligeant, renonçant.</p> + +<p>»Fait et passé à Paris, en la demeure dudit seigneur comte du Barry, +futur époux susdésigné.<a name="page_252" id="page_252"></a></p> + +<p>»L'an 1768, le 23 juillet après midi, et ont signé: <span class="smcap">J. Gomard de +Vaubernier</span>, le <span class="smcap">Chevalier du Barry</span>, G<small>RUEL</small>, le <span class="smcap">Comte du Barry-Cérès</span>, <span class="smcap">A. +Bécu</span>, <span class="smcap">C.-F. du Barry</span>, R<small>ANÇON</small>.</p> + +<p>»La minute des présentes demeurée à M<sup>e</sup> Garnier-Deschênes, l'un des +notaires, etc.<a name="FNanchor_112_112" id="FNanchor_112_112"></a><a href="#Footnote_112_112" class="fnanchor">[112]</a>.»</p> + +<p>Par ce singulier contrat de mariage, madame du Barry était parfaitement +libre de faire tout ce que bon lui semblait, et le comte n'entrait dans +cet acte que pour lui donner un nom et lui permettre de recueillir +complétement les avantages de la position que l'on venait de lui +procurer.</p> + +<p>Il est dit dans le contrat que la future épouse possède une somme de +30,000 livres en mobilier. Voici le détail assez curieux des divers +objets qui composaient cette somme de 30,000 livres provenant des <i>gains +et économies</i> de mademoiselle l'Ange, d'après l'état annexé au contrat +de mariage:</p> + +<p>«État des meubles, habits, linge, hardes et bijoux, dentelles et autres +effets appartenant à mademoiselle Gomard de Vaubernier:</p> + +<table border="0" cellpadding="0" cellspacing="0" summary=""> + +<tr><td><p>«1º Un collier de diamants fins, évalué à.</p></td><td align="right" valign="bottom"><p>8,000</p></td><td> liv.</td></tr> + +<tr><td><p>»2º Une aigrette et une paire de boucles +d'oreilles en girandolle, le tout +estimé à.</p></td><td align="right" valign="bottom"><p>8,000</p></td><td> </td></tr> + +<tr><td><p>»3º Un lit complet, les rideaux, ciel, +dossier et bonnes grâces de damas vert; +une tenture servant de tapisserie, de +pareil damas; huit chaises, quatre fauteuils +et deux rideaux de fenêtres aussi +en pareil damas vert, le tout évalué à.</p></td><td align="right" valign="bottom"><p>3,000</p></td><td> </td></tr> + +<tr><td><p>»4º Trente robes et jupons de différentes +étoffes de soie or et argent, de +toutes saisons, évaluées à.</p></td><td align="right" valign="bottom"><p>3,000</p></td><td> </td></tr> + +<tr><td><p>»5º Dentelles d'Angleterre, de Bruxelles, +de Valenciennes, d'Argentan et autres, +tant en garnitures de robes qu'en +manchettes, bonnets ou autrement.</p></td><td align="right" valign="bottom"><p>6,000</p></td><td> </td></tr> + +<tr><td><p>»Six douzaines de chemises fines de +toile de Hollande, garnies de manchettes +de mousseline brodée; douze déshabillés +complets de différentes étoffes de +soie et autres; deux douzaines de corsets +et plusieurs autres linges et effets +à l'usage de ladite demoiselle de Vaubernier, +le tout évalué à.</p></td><td align="right" valign="bottom"><p>2,000</p></td><td> </td></tr> + +<tr><td align="center">Total.</td><td align="right" valign="bottom" +style="border-top:1px solid black;">30,000</td><td +style="border-top:1px solid black;">l.<a name="FNanchor_113_113" id="FNanchor_113_113"></a><a href="#Footnote_113_113" class="fnanchor">[113]</a>.»</td></tr> + +</table> + +<p>Tels étaient les cadeaux de noces que le royal amant donnait à la +nouvelle épouse. Ce qui domine surtout dans ces divers objets, ce sont +les diamants, les robes, les dentelles, tous les ornements de toilette, +et l'on verra plus tard que le même goût préside<a name="page_254" id="page_254"></a> aux dépenses de madame +du Barry pendant toute sa grandeur.</p> + +<p>Un mois après le contrat, a lieu la célébration du mariage. A cette +cérémonie n'assistent ni la mère du marié, ni celle de la mariée, et +l'on voit cette dernière représentée par un personnage sur lequel nous +reviendrons dans la suite. L'acte de célébration est ainsi conçu:</p> + +<p>«Le 1<sup>er</sup> septembre 1768, après publication de trois bans sans +empêchement, en cette paroisse Saint-Laurent et en celle de +Saint-Eustache, les 24, 25 et 31 juillet dernier, vu la procuration +donnée par la mère de l'époux à M. Jean Gruel, négociant à Paris, rue du +Roule, auquel elle donne pouvoir de, pour elle et en son nom, consentir +au présent mariage; vu pareillement la procuration des beau-père et mère +de l'épouse, donnée à messire <i>Jean-Baptiste Gomard</i>, prêtre, aumônier +du roi, auquel ils donnent pouvoir de les représenter lors de la +célébration de ce mariage, les fiançailles célébrées aujourd'hui, ont +été par nous mariés messire Guillaume, comte du Barry, ancien capitaine, +et demoiselle Jeanne Gomard de Vaubernier, âgée de vingt-deux ans, fille +de Jean-Jacques de Vaubernier, intéressé dans les affaires du roi, et +d'Anne Bécu, dite Cantigny, etc.<a name="FNanchor_114_114" id="FNanchor_114_114"></a><a href="#Footnote_114_114" class="fnanchor">[114]</a>.»</p> + +<p>Madame du Barry mariée, le comte son mari<a name="page_255" id="page_255"></a> retourna à Toulouse, et elle +vint s'établir définitivement à Versailles. Le roi n'attendait que cela +pour se livrer tranquillement à toute sa passion.</p> + +<p>Elle eut un appartement dans le château. Cet appartement était situé au +deuxième étage précisément au-dessus de celui du roi<a name="FNanchor_115_115" id="FNanchor_115_115"></a><a href="#Footnote_115_115" class="fnanchor">[115]</a>. Louis XV +pouvait s'y rendre à toute heure et sans être vu, soit par un escalier +aboutissant au balcon de la cour des Cerfs, soit par la bibliothèque +située au-dessus du grand cabinet, dont une porte ouvrait sur un petit +palier donnant entrée dans un des deux cabinets placés de chaque côté de +l'alcôve de la chambre à coucher de madame du Barry.</p> + +<p>De ce moment, madame du Barry allait avoir des équipages et des gens: il +fallait les loger en ville et avoir un hôtel, comme tous les grands +seigneurs qui habitaient Versailles.</p> + +<p>Le 22 décembre 1768, on passe un bail en son nom avec la veuve <i>Duru</i>, +pour un hôtel situé à Versailles, rue de l'Orangerie<a name="FNanchor_116_116" id="FNanchor_116_116"></a><a href="#Footnote_116_116" class="fnanchor">[116]</a>, et c'est là +qu'elle établit sa maison.</p> + +<p>Madame du Barry était installée au château, mais le roi ne la voyait +qu'en particulier. Elle ne pouvait monter dans les carrosses de la cour +et elle ne paraissait<a name="page_256" id="page_256"></a> point en public; pour cela, il aurait fallu que +la favorite fût présentée et fît ainsi partie des dames de la cour. Le +roi le désirait ardemment, et madame du Barry encore plus. Malgré les +obstacles qui semblaient devoir s'y opposer, cette présentation se fit +rapidement, et elle eut lieu le 22 avril 1769. Dès ce moment, madame du +Barry fut reconnue comme maîtresse en titre, et entourée d'une foule de +courtisans qui, jusqu'à sa chute, ne cessèrent de briguer ses faveurs.</p> + +<p>On a vu de quoi se composait la dot de mademoiselle l'Ange, mais cela ne +pouvait plus suffire à la maîtresse du roi. Aussi, dès les premiers +jours de 1769, le roi lui constistue 100,000 livres de rentes viagères +sur la ville de Paris, et 10,000 livres de rente sur les États de +Bourgogne. Madame de Pompadour avait eu près de Versailles une +habitation princière<a name="FNanchor_117_117" id="FNanchor_117_117"></a><a href="#Footnote_117_117" class="fnanchor">[117]</a>, il en fallut une à madame du Barry.</p> + +<p>En 1690, Louis XIV avait acheté à M. de Valentinay la belle terre et le +château de Louveciennes. Il en fit don à la princesse de Conty, sa +fille. A la mort de la princesse, cette terre passa au comte de +Toulouse, puis au duc de Penthièvre. Le 7 mai 1768, le prince de +Lamballe y étant mort des suites de ses débauches, son père, le duc de +Penthièvre, ne voulut plus habiter une terre qui lui rappelait de si +tristes souvenirs, et il la vendit au roi. Louis XV la donna<a name="page_257" id="page_257"></a> à madame +du Barry, et par brevet du roi du 24 juillet 1769, elle obtint, sa vie +durant, la <i>jouissance de la maison, jardins et dépendances de +Louveciennes</i><a name="FNanchor_118_118" id="FNanchor_118_118"></a><a href="#Footnote_118_118" class="fnanchor">[118]</a>. On voit, dans le relevé des dépenses de madame de +Pompadour, que dans les premières années de sa faveur, Louis XV lui +faisait des cadeaux d'une valeur fort considérable; c'est ce qui eut +lieu aussi pour madame du Barry. Le 1<sup>er</sup> janvier 1770, le roi entra de +bonne heure chez sa maîtresse, et, en l'embrassant, lui remit un brevet +signé le 23 décembre précédent, qui lui concédait, sa vie durant, <i>les +Loges de Nantes</i>. Ce que l'on nommait <i>les Loges de Nantes</i> était une +réunion de <i>boutiques, baraques et appentis établis sur la contrescarpe, +à Nantes</i>, et rapportant environ 40,000 livres de rente.</p> + +<p>Mais les libéralités du roi pour sa nouvelle maîtresse ne s'arrêtaient +pas là, et il fournissait avec abondance l'argent nécessaire à ses +nombreuses dépenses.</p> + +<p>Madame de Pompadour reçut une brillante éducation; artiste elle-même, +elle aimait les arts et les artistes, et ses dépenses consistent plus +dans la création de charmants séjours, embellis par les arts de la +peinture et de la sculpture, en concerts délicieux, en représentations +théâtrales, en tout ce qui est le résultat d'une éducation recherchée et +de bon goût qu'en dépenses personnelles et de toilette. Madame<a name="page_258" id="page_258"></a> du +Barry, au contraire, n'ayant reçu aucune éducation, et arrivée à jouer +un rôle si important par sa seule beauté, ne pensa qu'aux moyens de +faire valoir ses charmes, et dirigea toutes ses dépenses vers la +toilette, le luxe et la recherche de ses appartements intimes.</p> + +<p>On peut juger par la quantité de robes, d'étoffes de toutes sortes, de +dentelles, de bijoux trouvés chez elle à sa mort, de son goût effréné +pour la toilette. Ainsi, il y avait de dentelles, étoffes, robes, +corsets et linge de corps, pour 160,029 livres 5 sols;—de bijoux, +diamants, montres, etc., pour 400,000 livres<a name="FNanchor_119_119" id="FNanchor_119_119"></a><a href="#Footnote_119_119" class="fnanchor">[119]</a>;—et elle devait +encore, entre autres objets de toilette, 40,896 livres 13 sols à +mademoiselle <i>Bertin</i>, sa marchande de modes à Paris, et 2,275 livres 6 +sols à M. <i>Bataille</i>, son parfumeur à Versailles.</p> + +<p>Elle fit de son appartement de Versailles une suite de boudoirs +délicieux.</p> + +<p>Les objets qui en faisaient l'ornement sont décrits dans les Mémoires +conservés aux archives de la préfecture de Seine-et-Oise. La description +de quelques-uns de ces objets fera juger de ce que devait être ce +charmant logis<a name="FNanchor_120_120" id="FNanchor_120_120"></a><a href="#Footnote_120_120" class="fnanchor">[120]</a>.</p> + +<p>Dans le salon, on voyait sur la cheminée une magnifique pendule à +colonnes, ornée de figures de porcelaine; au milieu, une superbe table +ornée de porcelaines<a name="page_259" id="page_259"></a> de France: le dessus, qui était le morceau +principal, représentait un tableau en miniature d'après <i>Leprince</i>, les +garnitures de bronze, parfaitement ciselées et dorées d'or mat.—Il y +avait aussi un très-beau forte-piano anglais, qu'on avait fait organiser +à Paris par le fameux <i>Clicot</i>, avec flûtes et galoubet, un mouvement +pour le luth et deux autres pour les cymbales; la caisse, que l'on fut +obligé d'y ajouter pour contenir les tuyaux et les soufflets, était +plaquée en bois rose et à mosaïques blanches et bleues, et +très-richement garnie de bronzes dorés d'or mat.—Sur un des côtés était +une superbe commode d'ancien laque, de la première qualité, le panneau +du milieu à magots très-richement habillés; les frises plaquées en +ébène, les garnitures de bronze, ciselées et dorées d'or mat; le marbre +blanc de statuaire.—Et de l'autre côté une autre belle commode, ornée +de cinq morceaux de porcelaine de France, à fleurs et filets d'or, +très-richement garnie de bronzes bien finis et dorés d'or mat; le dedans +doublé en tapis vert et galonné d'or; le marbre blanc de statuaire.—Sur +chacune de ces commodes se trouvaient: d'un côté un très-fort groupe de +bronze et de couleur antique, composé de quatre figures représentant +l'enlèvement d'Hélène par Pâris, le tout sur un pied de bronze doré d'or +moulu;—et de l'autre côté un autre groupe de bronze, plus petit, et +d'après <i>Sarrazin</i>, composé de cinq enfants qui jouent avec un bouc; le +tout sur un pied de marqueterie<a name="page_260" id="page_260"></a> de <i>Boule</i>, et orné de bronzes dorés +d'or moulu;—enfin un fort lustre de cristal de roche, à six luminaires, +et ayant coûté 16,000 livres, était appendu au milieu de la pièce. Comme +l'on jouait souvent dans ce petit salon, madame du Barry avait fait +faire une boîte de jeux, dont ces Mémoires nous ont conservé la +description: cette boîte était en acajou, doublée en tabis bleu, +galonnée en or; elle renfermait quatre boîtes à quadrilles en ivoire, le +trèfle, le pique, le cœur et le carreau en or incrusté sur chacune +desdites boîtes et entourés d'un cartouche avec nœuds de rubans, le +tout en or et aussi incrusté;—les quatre-vingts fiches et les vingt +contrats distingués par le trèfle; le pique, le cœur et le carreau, +aussi en or et incrustés.</p> + +<p>Dans la chambre à coucher, il y avait une commode ornée de tableaux de +porcelaine d'après <i>Watteau</i> et <i>Wanloo</i>, très-richement garnie de +bronzes très-bien finis et dorés d'or mat;—un secrétaire en armoire, de +porcelaine de France, fond vert et à fleurs, richement garni de bronzes +dorés d'or moulu.—On voyait sur les meubles deux cuvettes à mettre des +fleurs, en porcelaine de France, fond petit vert, à marines en +miniatures.—Une cuvette gros bleu caillouté d'or, avec des sujets de +<i>Teniers</i>, en miniature, et deux autres, moins grandes et décorées de +même.—Sur la cheminée, une pendule dorée d'or de Germain: elle +représentait les trois Grâces supportant un vase dans lequel était un +cadran tournant,<a name="page_261" id="page_261"></a> et au-dessus un Amour indiquait l'heure avec sa +flèche; le tout était élevé sur un piédestal très-bien ciselé et doré.</p> + +<p>Le cabinet ne le cédait point au reste: sur la cheminée était une +pendule à vase et serpent, en bronze doré d'or moulu, le cadran +tournant; le piédestal garni de trois morceaux de porcelaine de France, +fond bleu, avec des enfants en miniature; le dard du serpent fait en +marcassite. On y voyait aussi une très-jolie table à gradins, en +porcelaine de France, fond vert et cartouches à fleurs, très-richement +ornée de bronzes dorés d'or moulu, le dessus du tiroir couvert d'un +velours vert et les pièces d'écritoire dorées. Sur des étagères on +remarquait, parmi une quantité d'objets de toutes sortes: une cassette +d'ancien laque, fond noir, ouvrage en or de reliefs et aventurine, avec +paysages et magots;—cinq tasses et soucoupes d'ancien Saxe, à tableaux +et à miniatures, avec la théière et la boîte à thé pareilles;—une cave, +composée de quatre gros flacons, un gobelet et sa soucoupe, le tout de +cristal de roche; six petits flacons de cristal de Bohême; deux cuillers +et un entonnoir d'or; les dix flacons garnis d'or et le tout dans une +boîte de bois des Indes garnie de velours rouge. Cette jolie cave avait +été achetée à la vente de madame de Lauraguais.—Enfin on remarquait +encore dans ce cabinet un baromètre et un thermomètre de Passemant, +montés très-richement en bronzes dorés d'or moulu, et ornés de trois +plaques<a name="page_262" id="page_262"></a> de porcelaine de France, à enfants en miniature.</p> + +<p>Tout, jusqu'aux lieux les plus secrets de ce petit appartement, portait +le goût du luxe de la comtesse. Ainsi, dans le petit couloir qui menait +à la garde-robe, on voyait, au-dessous de la croisée, une commode à +portes de 52 pouces de long, en bois rose et garnie de bronzes dorés +d'or moulu, le marbre en brèche d'Alep; et <i>dans la garde-robe, un +meuble de toilette secrète à dossier, en marqueterie, fond blanc, à +mosaïques bleues et filets noirs, avec rosettes rouges, garni de velours +bleu brodé d'or, et sabots dorés d'or moulu</i>; la boîte à éponges et la +cuvette en argent; deux tablettes d'encoignure, aussi en marqueterie, +garnies de bronzes dorés d'or moulu; et une <i>chaise de garde-robe en +marqueterie pareille aux autres meubles, la lunette recouverte de +maroquin, et les poignées et sabots dorés d'or moulu</i>.</p> + +<p>Aussitôt que madame du Barry eut la jouissance du château de +Louveciennes, elle y fit faire de nombreux travaux. Mais quoiqu'elle y +eût dépensé beaucoup d'argent, elle ne put transformer en boudoirs de +<i>petite maison</i> ces grands appartements bâtis pour une fille de Louis +XIV. Elle y renonça, et tout en conservant le château principal, elle +fit bâtir, un peu plus loin, un <i>pavillon</i> beaucoup plus approprié à la +destination galante qu'elle voulait lui donner.</p> + +<p>Ce pavillon, d'où l'on jouit d'une vue magnifique et qui, regardé des +bords de la Seine, est d'un effet<a name="page_263" id="page_263"></a> très-pittoresque et paraît suspendu +dans les airs, fut bâti par l'architecte Ledoux, pendant les années 1771 +et 1772. On appela les plus habiles artistes pour travailler à son +embellissement, et l'intérieur était un véritable modèle de goût et +d'élégance.</p> + +<p>On se doute bien que les appartements particuliers de la comtesse, dans +cette nouvelle habitation, ne le cédaient pas à ceux de Versailles, et +en parcourant les cartons de la préfecture de Seine-et-Oise, on voit +figurer, dans les diverses parties du pavillon de Louveciennes, des +objets analogues à ceux déjà indiqués à Versailles.</p> + +<p>Louis XV, quand il venait à Louveciennes, n'avait pas d'autre +appartement que celui de la comtesse, excepté pourtant la partie +destinée à sa toilette. On sait qu'il était extrêmement soigneux de sa +personne, et il est à présumer que dans ce lieu il devait avoir +quelquefois besoin de réparer le désordre de sa tenue.</p> + +<p>Cette partie, complétement réservée au roi, se composait d'une +antichambre, d'un cabinet et d'une garde-robe. L'antichambre, tapissée +en damas bleu et blanc, n'offrait aucun meuble remarquable. Dans le +cabinet de toilette, il y avait dans la cheminée un feu doré d'or moulu, +à trophées militaires, garni de pelle, pincettes et tenailles +analogues.—Sur la cheminée, une garniture de trois pièces de porcelaine +de Saxe à petites fleurs en relief, sur un fond petit bleu, avec +cartouches en miniatures sur fond<a name="page_264" id="page_264"></a> d'or, et ornées de bronzes dorés d'or +moulu.—Une paire de flambeaux, cannelés de bronze doré d'or moulu.—De +chaque côté de la cheminée, une forte paire de bras à trois branches et +colliers de perles, en bronze doré d'or moulu.—De l'autre côté, en face +de la cheminée, une paire de girandoles à trois branches, d'un nouveau +modèle de goût antique, dorées d'or moulu.—Au-dessous, une commode +d'ancien laque du Japon, richement ornée de bronzes dorés, avec son +marbre de cinq pieds en gruotte d'Italie.—Enfin, au milieu était un +fauteuil à poudrer, garni de maroquin rouge, avec un coussin sur fond de +canne, et devant une table d'ébénisterie à mosaïques, sur fond gris +satiné, avec une tablette dans les jambes, et garnie en bronzes +dorés.—Quant à la garde-robe, elle renfermait tous les meubles déjà +indiqués dans celle de madame du Barry, excepté cependant qu'au lieu du +raffinement de luxe observé dans ceux de la comtesse, ils étaient fort +simples et tous en bois de noyer<a name="FNanchor_121_121" id="FNanchor_121_121"></a><a href="#Footnote_121_121" class="fnanchor">[121]</a>.</p> + +<p>Au milieu des grandeurs de la favorite, la famille du Barry ne +s'oubliait pas. Déjà plusieurs fois le mari de la comtesse, <i>Guillaume</i> +du Barry, était venu tourmenter sa femme de ses doléances et avait +cherché à obtenir par elle des faveurs et de l'argent. Pour faire cesser +ces importunités, madame du Barry lui constitua 5,000 livres de rente, +et par sentence contradictoire<a name="page_265" id="page_265"></a> du Châtelet de Paris du 1<sup>er</sup> avril +1772, elle fut séparée d'habitation avec son mari<a name="FNanchor_122_122" id="FNanchor_122_122"></a><a href="#Footnote_122_122" class="fnanchor">[122]</a>. Quant au comte +<i>Jean</i>, il avait toujours conservé un certain ascendant sur madame du +Barry. Il avait placé auprès d'elle sa propre sœur, mademoiselle +<i>Claire du Barry</i>, petite bossue que la comtesse aimait fort peu, pour +surveiller toutes ses actions et lui rappeler sans cesse que sa faveur +était due à son frère, et qu'elle devait en être reconnaissante. On +verra qu'il sut en tirer ainsi des sommes s'élevant à plus d'un million. +Mais il ne voulait pas seulement de l'argent, il fallait encore qu'il +profitât de la favorite pour satisfaire son ambition. Le comte Jean +avait un fils, débauché comme le père; il voulut le marier à une fille +de grande maison, et pouvoir, à l'aide de cette alliance, marcher de +pair avec les premières familles de la cour. C'est ce qu'il parvint à +réaliser grâce à la faveur et surtout à l'argent de madame du Barry.</p> + +<p>M. le prince de Soubise avait pour parente une jeune personne d'une +grande beauté, mais peu riche, la fille du marquis de Tournon. Ce fut +elle que l'on destina au fils du comte du Barry. A peine âgée de +dix-sept ans, mademoiselle de Tournon était encore au couvent lorsque +l'on décida de son sort. Par ce mariage, les du Barry s'alliaient +presque au sang royal, puisque la mère du duc de Bourbon, fils du prince +de Condé, était fille du prince de Soubise. Le<a name="page_266" id="page_266"></a> roi, sous l'influence de +madame du Barry, pressait fortement la conclusion de ce mariage; le +prince de Soubise le désirait aussi, le prince de Condé seul s'y +opposait. Mais enfin, vaincu par les instances du roi, il y donna son +consentement. Le 18 juillet 1773, le roi et la famille royale signèrent +le contrat de mariage du vicomte du Barry avec mademoiselle de Tournon; +quelques jours après ils reçurent la bénédiction nuptiale, et le 1<sup>er</sup> +août suivant, la nouvelle vicomtesse était présentée au roi et à la +famille royale par madame du Barry elle-même.</p> + +<p>En faveur de ce mariage, le vicomte du Barry fut fait capitaine des +Suisses de M. le comte d'Artois, et sa femme, qui reçut en dot 200,000 +livres de madame du Barry<a name="FNanchor_123_123" id="FNanchor_123_123"></a><a href="#Footnote_123_123" class="fnanchor">[123]</a>, fut nommée dame pour accompagner la +comtesse d'Artois.</p> + +<p>Madame du Barry acheta fort peu de biens pendant sa grandeur. Elle fit +l'acquisition d'une maison à Saint-Vrain, près Arpajon, et d'une petite +ferme appelée la <i>Maison-Rouge</i>, à Villiers-sur-Orge, près de +Lonjumeau<a name="FNanchor_124_124" id="FNanchor_124_124"></a><a href="#Footnote_124_124" class="fnanchor">[124]</a>.</p> + +<p>On a vu par le contrat de mariage de madame du Barry que sa mère se +nommait madame <i>Rançon</i>. En effet, elle avait épousé, en 1749, un nommé +<i>Rançon</i>, commis aux aides, titre qu'on changea, dans le contrat de la +comtesse, en celui d'<i>intéressé dans les affaires du roi</i>. On conçoit +qu'avec un si mince<a name="page_267" id="page_267"></a> emploi pour toute fortune, M. et madame Rançon +devaient mener une assez triste existence. Dans sa haute position, +madame du Barry n'oublia pas sa mère. Elle allait souvent la voir, et +elle la mit à même de vivre largement. Quoiqu'elle n'eût ni les manières +ni le langage d'une femme de qualité, on ne pouvait cependant continuer +de donner ce nom de Rançon à la mère d'une comtesse qui avait l'insigne +honneur d'être la maîtresse du roi, et on l'appela madame de Montrable. +C'est pour madame de <i>Montrable</i> que madame du Barry acheta <i>la +Maison-Rouge</i>, et cette dame l'habita fort longtemps.</p> + +<p>La maison de madame du Barry était devenue très-considérable, et ses +équipages et ses gens ne pouvaient plus tenir dans l'hôtel de la rue de +l'Orangerie, qu'elle avait loué la première année de son arrivée à +Versailles<a name="FNanchor_125_125" id="FNanchor_125_125"></a><a href="#Footnote_125_125" class="fnanchor">[125]</a>. Il y avait, sur l'avenue de Paris, une charmante +habitation construite par <i>Binet</i>, valet de chambre du Dauphin et parent +de madame de Pompadour. Madame du Barry l'acheta pour y faire construire +un grand hôtel. <i>Ledoux</i>, son architecte, tout en conservant le joli +pavillon de <i>Binet</i>, y fit ajouter des constructions considérables, afin +d'y placer les chevaux, les voitures et les gens. C'était un véritable +palais, et l'on alla même jusqu'à y élever<a name="page_268" id="page_268"></a> une chapelle, à laquelle, +pour la desservir, madame du Barry nomma un aumônier en titre<a name="FNanchor_126_126" id="FNanchor_126_126"></a><a href="#Footnote_126_126" class="fnanchor">[126]</a>.</p> + +<p>Madame du Barry était arrivée au comble de la faveur; le roi n'était pas +encore dans un âge très-avancé (64 ans), tout lui faisait espérer une +longue carrière dans le poste qu'elle occupait; et cependant, quelques +jours encore, et toute cette grandeur allait disparaître. Louis XV, déjà +triste et souffrant, venait, pour se distraire, de passer quelques jours +à Trianon, lorsqu'il y fut atteint de la petite vérole. Ramené à +Versailles, il y succomba le 10 mai 1774.</p> + +<p>Quelques jours avant la mort du roi, et lorsqu'on le vit dans un état +tout à fait désespéré, on fit partir de Versailles madame du Barry. Elle +se retira à Rueil, chez M. et madame d'Aiguillon, qui lui prodiguèrent +les soins les plus affectueux.</p> + +<p>Le premier acte du nouveau monarque fut d'éloigner de la cour celle qui +en avait été le scandale pendant les dernières années de la vie du feu +roi. Le jour même de la mort de Louis XV, le duc de la Vrillière fut +envoyé à Rueil et remit à madame du Barry une lettre de cachet lui +intimant l'ordre de se rendre immédiatement au couvent de +Pont-aux-Dames, près de Meaux.</p> + +<p>La chute de madame du Barry entraîna celle de toute la famille. Le comte +Jean et son fils sortirent de France. Quant au comte Guillaume, resté à +Toulouse,<a name="page_269" id="page_269"></a> il y fut l'objet des huées et des railleries de la populace.</p> + +<p>Il y avait un an que madame du Barry était renfermée dans l'abbaye de +Pont-aux-Dames. Sa santé s'altérait de cette vie si éloignée de ses +habitudes. Ses amis faisaient des efforts pour l'en faire sortir, et +elle parvint enfin à obtenir la permission d'aller habiter sa petite +maison de Saint-Vrain. Elle y passa une partie de l'année 1775; mais, +vers l'automne, des fièvres assez graves attribuées à l'humidité de ce +lieu ayant attaqué une partie de ses gens et la menaçant elle-même, elle +obtint enfin de M. de Maurepas, oncle de M. d'Aiguillon, alors +tout-puissant, de revenir habiter le joli pavillon de Louveciennes.</p> + +<p>Pendant le temps de sa faveur, madame du Barry avait eu à sa disposition +des sommes considérables; mais légère comme elle l'était, coquette et +désirant contenter à l'instant ses moindres caprices sans regarder à la +dépense, surprise surtout par la brusque mort de Louis XV, elle n'eut +point le temps de satisfaire ses créanciers, et il fut établi que +lorsqu'elle quitta la cour elle avait pour plus de 1,200,000 livres de +dettes.</p> + +<p>Les créanciers de la comtesse ne savaient à qui s'adresser pendant son +séjour à Pont-aux-Dames. L'intendant général de la maison du roi +recevait de toutes parts des réclamations. On jugea alors nécessaire de +se rendre compte de la fortune de madame du Barry et des sommes qu'elle +avait reçues pendant<a name="page_270" id="page_270"></a> le temps de sa faveur. Montvallier, intendant de +la comtesse, fut chargé de dresser un état de toutes ces sommes. Voici +cet état, copié sur les papiers déposés à la préfecture de +Seine-et-Oise<a name="FNanchor_127_127" id="FNanchor_127_127"></a><a href="#Footnote_127_127" class="fnanchor">[127]</a>:</p> + +<p>«État des sommes payées pour le compte de madame la comtesse du Barry, +par M. Beaujon<a name="FNanchor_128_128" id="FNanchor_128_128"></a><a href="#Footnote_128_128" class="fnanchor">[128]</a>, pendant qu'elle était en faveur à la cour de +France.</p> + +<p> +<span style="margin-left: 2em;">«15 juillet 1774.»</span><br /> +</p> + +<p class="c">OBSERVATION.</p> + +<p>Montvallier prévient qu'il n'a pu rendre le travail plus complet, +attendu qu'il n'a pas la suite des bordereaux de M. Beaujon, et qu'il y +a même une lacune entre celui du 15 février 1772 et celui du 10 +septembre suivant, et qu'il lui a été fait une remise de pièces sans +bordereaux par madame du Barry, pour cette lacune, montant ensemble à la +somme de 93,200 livres, employée dans les articles qui suivent, savoir:</p> + +<table border="0" cellpadding="2" cellspacing="0" summary=""> + +<tr><td +colspan="5" +align="center">A<small>RT</small>. 1<sup>er.</sup>—<i>Aux marchands orfèvres, joailliers et bijoutiers</i>.</td></tr> + +<tr><td align="left">Orfèvres</td><td align="right">313,328</td><td align="right">l.</td><td align="right">4</td><td align="right">s.</td></tr> +<tr><td align="left">Joailliers</td><td align="right">1,808,635</td><td align="right"> </td><td align="right">9</td><td align="right"> </td></tr> +<tr><td align="left">Bijoutiers</td><td align="right">158,000</td><td align="right"> </td><td align="right">»</td><td align="right"> </td></tr> +<tr><td align="center">Total</td><td align="right" +style="border-top:1px solid black;">2,279,963</td><td align="right" +style="border-top:1px solid black;">l.</td><td align="right" +style="border-top:1px solid black;">13</td><td align="right" +style="border-top:1px solid black;">s.</td></tr> + +<tr><td><br /> + </td></tr> + +<tr><td +colspan="5" +align="center">A<small>RT</small>. 2.—<i>Aux marchands de soieries, dentelles, toiles, modes</i>, etc.</td></tr> + +<tr><td align="left">Soieries</td><td align="right">369,810</td><td align="right">l.</td><td align="right">15</td><td align="right">s.</td><td align="right">3</td><td align="right">d.</td></tr> +<tr><td align="left">Toiles, dentelles</td><td align="right">215,888</td><td align="right">6</td><td align="right"> </td><td align="right">»</td><td align="right"> </td></tr> +<tr><td align="left">Modes</td><td align="right">116,818</td><td align="right">5</td><td align="right"> </td><td align="right">»</td><td align="right"> </td></tr> +<tr><td align="left">Merceries</td><td align="right">35,443</td><td align="right">14</td><td align="right"> </td><td align="right">»</td><td align="right"> </td></tr> +<tr><td align="center">Total</td><td align="right" +style="border-top:1px solid black;">737,961</td><td align="right" +style="border-top:1px solid black;">l.</td><td align="right" +style="border-top:1px solid black;">»</td><td align="right" +style="border-top:1px solid black;">s.</td><td align="right" +style="border-top:1px solid black;">3</td><td align="right" +style="border-top:1px solid black;">d.</td></tr> + +<tr><td><br /> + </td></tr> + +<tr><td>A<small>RT</small>. 3.—<i>A divers parfumeurs, fourreurs, chapeliers,</i><br /> + <i>chaudronniers</i>, etc.</td><td align="right">52,148 l. 9 s.</td></tr> + +<tr><td><br /> + </td></tr> + +<tr><td>A<small>RT</small>. 4.—<i>Pour meubles, tableaux, vases et autres ornements.</i></td></tr> + +<tr><td align="left">Meubles</td><td align="right">24,398</td><td align="right">l.</td><td align="right">18</td><td align="right">s.</td></tr> +<tr><td align="left">Tableaux, vases</td><td align="right">91,519</td><td align="right"> </td><td align="right">19</td><td align="right"> </td></tr> +<tr><td align="left">Total</td><td align="right" +style="border-top:1px solid black;">115,918</td><td align="right" +style="border-top:1px solid black;">l.</td><td align="right" +style="border-top:1px solid black;">17</td><td align="right" +style="border-top:1px solid black;">s.</td></tr> + +<tr><td><br /> + </td></tr> + +<tr><td>A<small>RT</small>. 5.—<i>Aux tailleurs et brodeurs.</i></td></tr> + +<tr><td align="left">Tailleurs</td><td align="right">60,322</td><td align="right">l.</td><td align="right"> 10</td><td align="right">s.</td></tr> +<tr><td align="left">Brodeurs</td><td align="right">471,178</td><td align="right"> </td><td align="right">»</td><td align="right"> </td></tr> +<tr><td align="center">Total</td><td align="right" +style="border-top:1px solid black;">531,500</td><td align="right" +style="border-top:1px solid black;">l.</td><td align="right" +style="border-top:1px solid black;"> 10</td><td align="right" +style="border-top:1px solid black;">s.</td></tr> + +<tr><td><br /> + </td></tr> + +<tr><td align="center" colspan="5">A<small>RT</small>. 6.—<i>Pour achat de voitures, chevaux et fourrages.</i></td></tr> + +<tr><td align="left">Voitures et entretien</td><td align="right">67,470</td><td align="right">l.</td><td align="right">1</td><td align="right">s.</td></tr> +<tr><td align="left">Chevaux</td><td align="right">57,347</td><td align="right"> </td><td align="right">»</td><td align="right"> </td></tr> +<tr><td align="left">Fourrages</td><td align="right">6,810</td><td align="right"> </td><td align="right">»</td><td align="right"> </td></tr> +<tr><td align="left">Total</td><td align="right" +style="border-top:1px solid black;">131,627</td><td align="right" +style="border-top:1px solid black;">l.</td><td align="right" +style="border-top:1px solid black;">1</td><td align="right" +style="border-top:1px solid black;">s.</td></tr> + +<tr><td><br /> + </td></tr> + +<tr><td align="center" colspan="5">A<small>RT</small>. 7.—<i>Aux peintres, sculpteurs</i>, etc.</td></tr> + +<tr><td align="left">Doreurs</td><td align="right">78,026</td><td align="right"> </td><td align="right"> l.</td><td align="right">»</td><td align="right">s.</td><td align="right">»</td><td align="right">d.</td></tr> +<tr><td align="left">Sculpteurs</td><td align="right">95,426</td><td align="right"> </td><td align="right">»</td><td align="right"> </td><td align="right">»</td><td align="right"> </td></tr> +<tr><td align="left">Peintres</td><td align="right">48,875</td><td align="right"> </td><td align="right">12</td><td align="right"> </td><td align="right">6</td><td align="right"> </td></tr> +<tr><td align="left">Fondeurs</td><td align="right">98,000</td><td align="right"> </td><td align="right">»</td><td align="right"> </td><td align="right">»</td><td align="right"> </td></tr> +<tr><td align="left">Marbriers</td><td align="right">17,540</td><td align="right"> </td><td align="right">8</td><td align="right"> </td><td align="right">10</td><td align="right"> </td></tr> +<tr><td align="left">A divers ouvriers menuisiers, serruriers</td><td align="right">32,240</td><td align="right"> </td><td align="right">8</td><td align="right"> </td><td align="right">»</td><td align="right"> </td></tr> +<tr><td align="left">Total</td><td align="right" +style="border-top:1px solid black;">370,108</td><td +style="border-top:1px solid black;">l.</td><td align="right" +style="border-top:1px solid black;">9</td><td +style="border-top:1px solid black;"> s.</td><td align="right" +style="border-top:1px solid black;">4</td><td +style="border-top:1px solid black;"> d.</td></tr> + +<tr><td><br /> + </td></tr> + +<tr><td align="center" colspan="5">A<small>RT</small>. 8.—<i>Pour les anciens et nouveaux ouvrages de Louveciennes.</i></td></tr> + +<tr><td align="left">Anciens ouvrages</td><td align="right">111,475</td><td align="right">l.</td><td align="right">6</td><td align="right">s.</td><td align="right">9</td><td align="right">d.</td></tr> +<tr><td align="left">Jardins</td><td align="right">3,739</td><td align="right"> </td><td align="right">19</td><td align="right"> </td><td align="right">»</td></tr> +<tr><td align="left">Nouveaux ouvrages</td><td align="right">205,638</td><td align="right"> </td><td align="right">16</td><td align="right"> </td><td align="right">8</td></tr> +<tr><td align="left">Jardins</td><td align="right">3,000</td><td align="right"> </td><td align="right">»</td><td align="right"> </td><td align="right">»</td></tr> +<tr><td align="left">Total</td><td align="right" +style="border-top:1px solid black;">323,854</td><td align="right" +style="border-top:1px solid black;">l.</td><td align="right" +style="border-top:1px solid black;">2</td><td align="right" +style="border-top:1px solid black;">s.</td><td align="right" +style="border-top:1px solid black;">5</td><td align="right" +style="border-top:1px solid black;">d.</td></tr> + +<tr><td><br /> + </td></tr> + +<tr><td>A<small>RT</small> 9.—Sommes payées, qu'on<br /> +n'a pu appliquer aux<br /> +différents comptes, les motifs<br /> +des payements n'étant point connus</td><td align="right" +valign="bottom"> +55,619 l.</td><td align="right" +valign="bottom"> 2</td><td align="right" +valign="bottom"> s.</td> <td align="right" +valign="bottom">»</td> <td align="right" +valign="bottom">d.</td></tr> + +<tr><td><br /> + </td></tr> + +<tr><td>A<small>RT</small> 10.—Pour dépenses extraordinaires,<br /> +dons, gratifications,<br /> +musique, aumônes</td><td align="right" +valign="bottom">47,525</td><td align="right" +valign="bottom">5</td><td align="right" +valign="bottom"> </td> +<td align="right" +valign="bottom"> »</td></tr> + +<tr><td><br /> + </td></tr> + +<tr><td>A<small>RT</small> 11.—Sommes payées, divisées<br /> +en deux parties, la première<br /> +considérée comme pour<br /> +le compte de madame du<br /> +Barry, et la deuxième pour ses<br /> +affaires; à madame du Barry<br /> +directement ou pour elle; aux<br /> +comte, vicomte et demoiselle<br /> +du Barry, et autres +</td><td align="right" +valign="bottom"> +1,081,052 l.</td><td align="right" +valign="bottom"> 15</td><td align="right" +valign="bottom"> s.</td> <td align="right" +valign="bottom">2</td> <td align="right" +valign="bottom">d.</td></tr> + +<tr><td>A ses gens d'affaires et autres,<br /> +y compris l'acquisition du<br /> +pavillon de l'avenue de Paris,<br /> +à Versailles</td> +<td align="right" valign="bottom">661,628</td> +<td align="right" valign="bottom">16</td> +<td> </td> +<td align="right" valign="bottom">9</td></tr> + +<tr><td><br /> + </td></tr> + +<tr><td>A<small>RT</small> 12.—A-compte sur la<br /> +construction du bâtiment audit<br /> +pavillon</td><td align="right" +valign="bottom"> +18,000</td> +<td align="right" +valign="bottom"> » +</td> +<td align="right" +valign="bottom"> </td><td align="right" +valign="bottom"> »</td></tr> + +<tr><td><br /> + </td></tr> + +<tr><td>A<small>RT</small> 13.—Recouvrements à<br /> +faire</td><td align="right" +valign="bottom">20,000</td> +<td align="right" +valign="bottom"> » +</td> +<td align="right" +valign="bottom"> </td><td align="right" +valign="bottom"> »</td></tr> + +<tr><td align="center">Total général</td> +<td align="right" +valign="bottom" +style="border-top:1px solid black;">6,375,559 l.</td> +<td align="right" +valign="bottom" +style="border-top:1px solid black;">11</td> +<td align="right" +valign="bottom" +style="border-top:1px solid black;">s.</td> +<td align="right" +valign="bottom" +style="border-top:1px solid black;">11</td> +<td align="right" +valign="bottom" +style="border-top:1px solid black;">d.</td></tr> + +</table> + +<p>Certifié véritable et conforme aux bordereaux mentionnés<br /> +ci-dessus.</p> + +<p>Louveciennes, le 14 juillet 1774.</p> + +<p class="r"><i>Signé</i>: M<small>ONTVALLIER</small>.</p> + +<p>Pour payer toutes ses dettes, madame du Barry restait avec sa propriété +de Louveciennes et 150,000 livres de rentes viagères. Elle parvint à +faire des arrangements avec la plupart de ses créanciers; quant aux plus +récalcitrants, elle les paya à l'aide de la vente de plusieurs de ses +bijoux, et de la cession qu'elle fit de son hôtel de Versailles, en<a name="page_274" id="page_274"></a> +1775, à Monsieur, frère du roi, moyennant la somme de 224,000 +livres<a name="FNanchor_129_129" id="FNanchor_129_129"></a><a href="#Footnote_129_129" class="fnanchor">[129]</a>.</p> + +<p>Retirée à Louveciennes, madame du Barry y mena une vie fort tranquille. +Belle et bonne, malgré sa position équivoque à la cour, elle s'y était +fait un grand nombre d'amis. Les plus grands personnages et bon nombre +de dames allaient à Louveciennes. On vit même le frère de +Marie-Antoinette, l'empereur Joseph II, venir lui faire une visite, et +lui offrir le bras en se promenant avec elle dans ses jardins. La +comtesse avait su se créer une petite cour, et les anciens amis de Louis +XV étaient toujours les bienvenus dans son château. Habituée depuis +plusieurs années à satisfaire tous ses caprices sans savoir ce qu'ils +pouvaient coûter, elle recevait ses hôtes en princesse, et, jolie femme, +continuait toutes ces folles dépenses de toilette qu'une jolie femme, +même sans être une madame du Barry, a souvent tant de peine à +abandonner. On la trouvait de plus toujours prête à secourir ses amis; +et l'on voit dans les papiers de la préfecture de Seine-et-Oise que le 9 +avril 1775, c'est-à-dire un an après la mort de Louis XV, elle prêta +200,000 livres à M. le duc d'Aiguillon, qui ne les lui rendit que le 30 +août 1784.</p> + +<p>Madame du Barry dut donc économiser fort peu pour payer ses créanciers, +et ses dettes, au lieu de diminuer, ne firent qu'aller en augmentant. +Aussi,<a name="page_275" id="page_275"></a> pour se liquider complétement, à force d'instances et de +démarches de ses amis, elle obtint enfin du roi Louis XVI, en avril +1784, l'échange de 60,000 livres de rente contre 1,250,000 livres qui +lui furent délivrées par le trésor royal<a name="FNanchor_130_130" id="FNanchor_130_130"></a><a href="#Footnote_130_130" class="fnanchor">[130]</a>.</p> + +<p>Après comme pendant sa faveur, madame du Barry eut les mêmes soins de sa +mère; et lorsqu'elle mourut, le 20 octobre 1788, <i>elle constitua au +profit du sieur Rançon de Montrable, le mari de sa mère, une rente +viagère de 2,000 livres pour, dit-elle, reconnaître les bons procédés de +Rançon à l'égard de son épouse</i><a name="FNanchor_131_131" id="FNanchor_131_131"></a><a href="#Footnote_131_131" class="fnanchor">[131]</a>. Elle n'oublia pas non plus la +famille de sa mère; elle constitua des rentes à ses oncles et tantes, et +maria très-avantageusement plusieurs des ses cousines<a name="FNanchor_132_132" id="FNanchor_132_132"></a><a href="#Footnote_132_132" class="fnanchor">[132]</a>.</p> + +<p>Madame du Barry était excessivement bonne pour ses domestiques. Elle +avait en eux une très-grande confiance, dont ils abusèrent plusieurs +fois, surtout à l'époque de la Révolution. Soit que ces domestiques, +paresseux et insouciants comme ils le sont dans la plupart des grandes +maisons, n'exerçassent point une surveillance assez active, soit que +quelques-uns d'entre-eux s'entendissent avec les fripons que tentaient +les richesses accumulées dans ce lieu, toujours est-il que plusieurs +vols considérables eurent<a name="page_276" id="page_276"></a> lieu à Louveciennes, depuis que la comtesse y +faisait son séjour habituel.</p> + +<p>Le 20 avril 1776, trois individus fort bien mis se présentent au château +et demandent à parler à madame du Barry. L'un d'eux, décoré de la croix +de Saint-Louis, est introduit dans son cabinet, où elle se trouvait +seule en ce moment, pendant que les deux autres restent dans la chambre +qui précède. Il va droit à elle un pistolet à la main, la menace de +tirer si elle fait le moindre geste pour appeler, et lui ordonne de +donner ce qu'elle a d'argent et de bijoux. Effrayée, elle s'empresse de +remettre à cet homme un riche écrin qu'elle avait près d'elle. Le +voleur, frappé de la beauté des diamants et content de sa proie, se +retire avec ses compagnons sans qu'on ait jamais pu les retrouver.</p> + +<p>Un autre vol, beaucoup plus considérable, eut lieu dans la nuit du 10 au +11 janvier 1791.</p> + +<p>On a vu que dans sa retraite de Louveciennes, madame du Barry avait +conservé de nombreux amis. Parmi eux se trouvait M. le duc de Brissac. +Brave, loyal et d'une superbe figure, le duc fit impression sur le cœur +de la comtesse. Ils s'attachèrent bientôt l'un à l'autre, et leurs +relations devinrent si intimes, que madame du Barry était aussi souvent +à Paris, à l'hôtel de Brissac, que le duc était à Louveciennes<a name="FNanchor_133_133" id="FNanchor_133_133"></a><a href="#Footnote_133_133" class="fnanchor">[133]</a>.<a name="page_277" id="page_277"></a> +C'est pendant l'un de ces séjours à Paris que s'accomplit le vol dont on +va parler.</p> + +<p>A l'aide des sacrifices qu'elle avait déjà faits, madame du Barry était +parvenue à combler la plus grande partie de ses dettes. Mais à l'époque +dont il s'agit (1791), elle en avait contracté de nouvelles.</p> + +<p>Sa négligence à se rendre compte de ses propres affaires, le goût des +folles dépenses qui ne l'avait pas quittée, mais surtout le besoin de +soulager les infortunes que la Révolution commençait à faire peser sur +ses amis, avaient mis de nouveau le désordre dans ses finances. Déjà +elle avait cherché, par l'entremise de son banquier, à faire vendre +quelques-uns de ses diamants à l'étranger. Elle avait, à cet effet, +réuni dans un seul endroit du château ses bijoux les plus précieux. Peu +défiante, elle s'était fait aider dans ce travail par plusieurs de ses +domestiques; aussi savait-on parfaitement dans la maison le lieu où +étaient placées toutes ces richesses, et si les gens de la comtesse n'y +furent pour rien, leurs indiscrétions mirent au moins sur la voie les +malfaiteurs qui accomplirent ce vol audacieux.</p> + +<p>Dans la nuit du 10 au 11 janvier 1791, pendant que madame du Barry était +à Paris chez le duc de Brissac, des voleurs s'introduisirent dans le +château, allèrent droit au lieu où étaient les diamants et les bijoux de +la comtesse, et enlevèrent tout ce qui s'y trouvait réuni; puis ils se +retirèrent tranquillement, sans que personne dans la maison se fût +aperçu de<a name="page_278" id="page_278"></a> leur présence. Depuis quelque temps madame du Barry, pour +ajouter à sa sûreté, avait demandé au commandant des Suisses de +Courbevoie de lui donner un des soldats du régiment pour lui servir de +concierge. Aussitôt que l'on eut connaissance du vol, la municipalité de +Louveciennes fit arrêter le Suisse qui servait de gardien. Interrogé par +ses officiers, il avoua que des hommes qu'il ne connaissait pas +l'avaient enivré dans un cabaret; mais voilà tout ce que la police de +l'époque put recueillir sur cet attentat.</p> + +<p>C'était une immense perte pour madame du Barry, car on venait de lui +enlever ses bijoux les plus précieux. On peut juger de la valeur de ce +vol et des richesses accumulées dans ce lieu par l'état des objets volés +qu'elle fit afficher dans Paris et annoncer dans les journaux étrangers:</p> + +<p>«Trois bagues montées chacune d'un brillant blanc, le premier pesant 35 +grains, le deuxième 50 grains, et le troisième 28 grains;</p> + +<p>»Une bague montée d'un saphir, carré long, avec un Amour gravé dessus, +et deux brillants sur le corps;</p> + +<p>»Un baguier en rosette verte, renfermant vingt à vingt-cinq bagues, dont +une grosse émeraude;</p> + +<p>»Une pendeloque montée à jour, pesant environ 36 grains, d'une belle +couleur, mais très-jardineuse, ayant beaucoup de dessous;</p> + +<p>»Une autre d'un onyx, représentant le portrait<a name="page_279" id="page_279"></a> de Louis XIII, dont les +cheveux et les moustaches sont en sardoine;</p> + +<p>»Une autre d'un César, de deux couleurs, entourée de brillants;</p> + +<p>»Une autre d'une émeraude, carré long, pesant environ 20 grains;</p> + +<p>»Une autre d'un brun-puce, pesant de 14 à 16 grains;</p> + +<p>»Une autre d'un Bacchus antique, gravée en relief sur une cornaline +brûlée;</p> + +<p>»Une autre d'une sardoine jaune, gravée par <i>Barrier</i>, représentant +Louis XIV, entourée sur le corps de roses de Hollande;</p> + +<p>»Une autre d'un gros saphir en cœur, montée à jour, entourée de +diamants sur le corps et sur la moitié de l'anneau.—L'onyx de Louis +XIII et l'émeraude carrée sont montés de même et garnis également de +diamants, de roses et de brillants;</p> + +<p>»Plus, dans ce <i>baguier</i>, il y a un <i>Bonus Eventus</i> antique, gravé sur +un onyx;—un brillant blanc pesant 29 grains;—un autre pesant 25 +grains;—un autre, forme de pendeloque, pesant 28 grains;—un autre, +rond, pesant 23 grains;—un autre, 25 grains;—un, 24 grains;—un, +qualité inférieure, carré long, 23 grains;—trois pesant chacun 28 +grains;—un brillant en épingle, forme longue, pesant 30 grains;—un +brillant, forme losange, 33 grains;</p> + +<p>»Deux bracelets, ensemble de 24 grains;<a name="page_280" id="page_280"></a></p> + +<p>»Une rose montée à jour, de deux cent vingt-huit brillants blancs, dont +un gros au milieu, cristallin, pesant 24 grains;</p> + +<p>»Un collier de vingt-quatre beaux brillants, montés en chatons à jour, +de 20 grains chaque;</p> + +<p>»Huit parties de rubans en bouillon, chacune de vingt-un brillants à +jour, pesant depuis 4 grains jusqu'à 8;</p> + +<p>»Une paire de boucles de souliers de quatre-vingt-quatre brillants, +pesant 77 karats 1/4;</p> + +<p>»Une croix de seize brillants, pesant 8 à 10 grains chaque;</p> + +<p>»Soixante-quatre chatons, pesant de 6 jusqu'à 10 grains;</p> + +<p>»Une belle paire de girandoles en gros brillants de la valeur de 12,000 +livres;</p> + +<p>»Une bourse à argent en soie bleue, avec ses coulants, ses glands et +leurs franges, le tout en petits brillants montés à jour;</p> + +<p>»Un esclavage à double rang de perles, avec sa chute, le tout d'environ +deux cents perles, pesant 4 à 5 grains chaque;—un gros brillant au haut +de la chute, pesant 24 à 26 grains, et au bas un gland à franges et son +nœud, le tout en brillants montés à jour;</p> + +<p>»Une paire de bracelets à six rangs de perles, pesant 4 à 5 grains; le +fond du bracelet est une émeraude surmontée d'un chiffre en diamants, en +deux L pour l'un, et d'un D et B pour l'autre, et<a name="page_281" id="page_281"></a> deux cadenas de +quatre brillants, pesant 8 à 10 grains;</p> + +<p>»Un rang de cent quatre perles enfilées, pesant 4 à 5 grains chacune;</p> + +<p>»Un portrait de Louis XV peint par <i>Massé</i>, entouré d'une bordure d'or, +à feuilles de laurier; ledit portrait de 5 à 6 pouces de haut;</p> + +<p>»Un autre portrait de Louis XV, peint par le même, plus petit, dans un +médaillon d'or;</p> + +<p>»Une montre d'or simple, de Romilly;</p> + +<p>»Un étui d'or à une dent émaillée en vert, avec un très-gros brillant au +bout, pesant environ 12 grains, tenant sur le tout par une vis;</p> + +<p>»Une paire de boutons de manches, d'une émeraude, d'un saphir, d'un +diamant jaune et d'un rubis, le tout entouré de brillants couleur de +rose, pesant 36 à 40 grains, montés en bouton de cou;</p> + +<p>»Deux grandes bandes de cordons de montre, composées de seize chaînons à +trois pierres, dont une grande émeraude, et deux brillants de 3 à 4 +grains de chaque côté, et trois autres petites bandes de deux chaînons +chaque, pareils à ceux ci-dessus;</p> + +<p>»Une barrette d'un très-gros brillant, carré long, pesant environ 60 +grains, avec trois grosses émeraudes pesant 8 à 10 grains, avec deux +brillants aux deux côtés, pesant un grain chaque, montés à jour;</p> + +<p>»Une bague d'un brillant d'environ 26 grains, montée à jour, avec des +brillants sur le corps;<a name="page_282" id="page_282"></a></p> + +<p>»Deux girandoles d'or formant flambeaux, montées sur deux fûts de +colonne d'or émaillées de lapis, surmontées de deux tourterelles +d'argent, de carquois et de flèches, faites par <i>Durand</i>;</p> + +<p>»Un étui d'or émaillé en vert, au bout duquel est une petite montre +faite par Romilly, entourée de cercles de diamants et ayant un chiffre +par derrière<a name="FNanchor_134_134" id="FNanchor_134_134"></a><a href="#Footnote_134_134" class="fnanchor">[134]</a>.</p> + +<p>»Deux autres étuis d'or, l'un émaillé en rubans bleus, et l'autre en +émaux de couleur et paysages;</p> + +<p>»Dix-sept diamants démontés, de toutes formes, pesant depuis 25 jusqu'à +30 grains chacun, dont une pendeloque montée, pesant 36 grains;</p> + +<p>»Soixante-quatre chatons dans un seul fil, formant collier, pesant 8, 9 +et 10 grains chacun, en diamants montés à jour.</p> + +<p>»Deux boucles d'oreilles de coques de perles, avec deux diamants au +bout;</p> + +<p>»Un portrait de Louis XVI, de <i>Petitot</i>;</p> + +<p>»Un autre portrait de feu Monsieur, tous les deux en émail, ainsi qu'un +portrait de femme, également de <i>Petitot</i>;</p> + +<p>»Une écritoire de vieux laque superbe, enrichie d'or et formant +nécessaire, tous les ustensiles en or;</p> + +<p>»Deux souvenirs, l'un en laque rouge et l'autre<a name="page_283" id="page_283"></a> en laque fond d'or à +figures, l'un monté d'or et l'autre monté en or émaillé;</p> + +<p>»Deux flambeaux d'argent de toilette, perlés et armoriés;</p> + +<p>»Une boîte de cristal de roche couverte d'une double boîte travaillée à +jour;</p> + +<p>»Des pièces d'or et des médailles d'or de différents pays;</p> + +<p>»Quarante petits diamants pesant un karat chaque;</p> + +<p>»Deux lorgnettes, l'une émaillée en bleu, l'autre émaillée en rouge, +avec le portrait du feu roi, toutes deux montées en or;</p> + +<p>»Un souvenir en émail bleu avec des peintures en grisailles, +représentant d'un côté une offrande, et de l'autre côté une jardinière +avec un petit chien à longues oreilles;</p> + +<p>»Un reliquaire, d'un pouce environ, d'un or très-pur, émaillé en noir et +blanc, une petite croix montée dessus assez gothiquement, et une perle +fine de la grosseur d'un pois au bas;</p> + +<p>»Et plusieurs autres bijoux d'un très-grand prix.»</p> + +<p>On peut penser à quelle somme considérable devait s'élever un pareil +vol.</p> + +<p>Ses ennemis répétaient partout que ce vol n'existait pas, et que madame +du Barry avait fait courir ce bruit pour arranger plus aisément ses +affaires. D'autres prétendirent plus tard qu'elle avait porté elle-même +ses bijoux en Angleterre, pour soulager les infortunes de la plupart des +émigrés retirés à Londres; Cet<a name="page_284" id="page_284"></a> autre bruit se répandit surtout lorsque +l'on sut qu'ils venaient d'être retrouvés dans ce pays. Ce fut l'un des +chefs d'accusation les plus violents que fit valoir contre cette +malheureuse femme le farouche <i>Fouquier-Tainville</i>, et aujourd'hui +encore il est répété par ses biographes; bien entendu cependant qu'ils +ne le regardent plus comme un acte criminel, mais au contraire comme +très-honorable.</p> + +<p>Quels que soient les motifs que l'on ait fait valoir pour douter du vol +de madame du Barry, un acte authentique, solennel, fait peu de jours +avant la mort, le testament de M. de Brissac, dont on parlera bientôt, +le constate et ne laisse aucun doute sur sa réalité.</p> + +<p>Ce vol fût donc un extrême malheur pour madame du Barry, et elle fit +toutes les démarches possibles pour pouvoir se mettre sur la trace des +coupables. Dans le courant de février suivant, madame du Barry apprit +que ses voleurs avaient été arrêtés à Londres. Il paraît que peu de +jours après leur arrivée dans ce pays, un Anglais, qui leur servait +d'interprète, se présenta chez un lapidaire et lui offrit à très-bon +marché une riche collection de diamants. Le joaillier les lui acheta; +mais, frappé de la beauté de ces pierres, de leur nombre, de leur bas +prix et étonné surtout que tant de pierres précieuses se trouvassent +ainsi dans les mains d'un inconnu, il prévint la police, qui arrêta +l'interprète et ses compagnons, encore munis de tous les bijoux de la +comtesse.<a name="page_285" id="page_285"></a></p> + +<p>Madame du Barry partit immédiatement pour Londres, où on lui représenta +ses diamants. Elle les reconnut parfaitement. Mais comme la procédure +devait durer un certain temps, les diamants furent déposés chez MM. +<i>Hamerleys</i> et <i>Morland</i>, banquiers à Londres, scellés de son cachet et +de celui des banquiers, et madame du Barry revint à Louveciennes.</p> + +<p>Un mois après son retour, elle reçut une lettre de Londres, qui l'y +appelait de nouveau pour la poursuite du procès de ses voleurs. Cette +fois, madame du Barry, pensant rester plus longtemps que la première, se +munit d'un passe-port signé du roi et de M. de Montmorin, valable pour +<i>trois semaines</i>, et lui permettant d'emmener avec elle le chevalier +d'<i>Escourt</i>, le joaillier <i>Rouen</i>, deux femmes de chambre, un valet de +chambre et deux courriers, et elle partit après avoir reçu de ses +banquiers à Paris, MM. <i>Wandenyver</i>, des lettres de crédit pour Londres. +Elle y resta plus des trois semaines que lui accordait son passe-port, +espérant toujours voir la fin du procès. Mais comme rien ne finissait +encore, elle se décida à revenir en France, et arriva à Paris dans les +premiers jours de juillet.</p> + +<p>Sa liaison avec le duc de Brissac n'avait point cessé, et paraissait au +contraire se resserrer à mesure que les orages s'accumulaient sur la +France et éloignaient tous ceux qu'un grand nom ou une grande fortune +semblaient désigner d'avance aux fureurs populaires. M. de Brissac, en +loyal et brave chevalier,<a name="page_286" id="page_286"></a> ne voulut point abandonner le roi au milieu +des dangers dont il était entouré. Nommé commandant de la garde +constitutionnelle, il inspira à cette garde, composée des éléments les +plus divers, un esprit d'unité et d'amour pour le roi, qui fut la cause +de sa perte.</p> + +<p>Le 29 mai 1792, le député <i>Bazire</i> vient dénoncer à la tribune de +l'Assemblée législative la garde constitutionnelle du roi, comme animée +d'un mauvais esprit, et particulièrement son chef, M. de Brissac. Après +une discussion qui va toujours en s'envenimant, <i>Couthon</i> demande le +licenciement de cette garde et l'arrestation de Brissac, et l'assemblée +adopte successivement deux décrets, conformes à la proposition de +<i>Couthon</i>.</p> + +<p>M. de Brissac fut immédiatement arrêté, et envoyé à Orléans pour y être +jugé par la haute cour de justice. Un de ses aides de camp, un jeune +officier qui lui était fort attaché, M. de Maussabré, courut à +Louveciennes pour annoncer ces terribles nouvelles à madame du Barry.</p> + +<p>Il était parvenu à entretenir quelques intelligences avec le duc depuis +son arrestation, et c'est par lui qu'une correspondance put s'établir +entre le duc et la comtesse. Après la fatale journée du 10 août, ce +jeune officier chercha un refuge chez madame du Barry. Malheureusement +pour lui, et malgré toutes les précautions prises pour le dérober à tous +les regards, il y fut découvert par un détachement<a name="page_287" id="page_287"></a> de fédérés. Emmené à +Paris, il fut emprisonné à l'Abbaye, où il périt égorgé le mois de +septembre suivant.</p> + +<p>Le duc de Brissac, renfermé dans les prisons d'Orléans, ne se faisait +aucune illusion sur le sort qui l'attendait. Il se préparait à la mort +qu'il allait bientôt recevoir d'une si horrible manière, et le 11 août +1792, il écrivait ses dernières volontés, transmises plus tard à sa +famille. Il n'oublie pas dans son testament celle qu'il aimait depuis +longtemps. Après avoir institué pour sa légataire universelle sa fille, +madame de Mortemart, il ajoute en s'adressant à elle:</p> + +<p>«Je lui recommande ardemment une personne qui <i>m'est bien chère</i>, et que +les malheurs des temps peuvent mettre dans la plus grande détresse. Ma +fille aura de moi un codicille qui lui indiquera ce que je lui ordonne à +ce sujet.»</p> + +<p>Ce codicille est ainsi conçu:</p> + +<p>«Je donne et lègue à madame du Barry, de Louveciennes, outre et +par-dessus ce que je lui dois, une rente viagère et annuelle de 24,000 +livres, quitte et exempte de toute retenue, ou bien l'usufruit et +jouissance pendant sa vie de ma terre de la Rambaudière et de la +Graffinière, en Poitou, et des meubles qui en dépendent; ou bien encore +une somme de 300,000 livres une fois payée en argent, le tout à son +choix, d'autant qu'après qu'elle aura opté pour l'un desdits trois legs, +les deux autres<a name="page_288" id="page_288"></a> seront pour non avenus. Je la prie d'accepter ce faible +gage de mes sentiments et de ma reconnaissance, dont je lui suis +d'autant plus redevable que <i>j'ai été la cause involontaire de la perte +de ses diamants, et que si jamais elle parvient à les retirer +d'Angleterre, ceux qui resteront égarés, ou les frais des divers voyages +que leur recherche aura rendus nécessaires, ainsi que ceux de la prime à +payer, s'élèveront au niveau de la valeur effective de ce legs</i>. Je prie +ma fille de lui faire accepter. La connaissance que j'ai de son cœur +m'assure de l'exactitude qu'elle mettra à l'acquitter, quelles que +soient les charges dont ma succession se trouvera grevée par mon +testament et mon codicille, ma volonté étant qu'aucun de mes autres legs +ne soit délivré que celui-ci ne soit entièrement accompli.</p> + +<p><span style="margin-left: 2em;">»Ce 11 août 1792.</span></p> + +<p class="r">»<i>Signé</i>: <span class="smcap">Louis-Hercule Timoléon</span><br /> +<span class="smcap">de Cossé-Brissac</span><a name="FNanchor_135_135" id="FNanchor_135_135"></a><a href="#Footnote_135_135" class="fnanchor">[135]</a>.»</p> + +<p>Après des paroles si formelles, il est impossible de douter de la +réalité du vol.</p> + +<p>Madame du Barry était à Louveciennes lorsque le duc de Brissac fut +massacré à Versailles. On dit que quelques-uns des forcenés qui prirent +part à cette boucherie portèrent à Louveciennes la tête du duc,<a name="page_289" id="page_289"></a> et +vinrent la mettre sous ses yeux<a name="FNanchor_136_136" id="FNanchor_136_136"></a><a href="#Footnote_136_136" class="fnanchor">[136]</a>. Ce terrible coup la plongea dans +la plus profonde douleur.—Isolée dans son château, elle craignit pour +elle-même, et commença à prendre des précautions pour sauver ses +richesses. Aidée d'un valet de chambre dévoué, nommé Morin, qui paya de +sa tête son attachement à sa maîtresse, elle cacha ce qu'elle avait de +plus précieux dans différentes parties de la maison et des jardins.</p> + +<p>Elle entretenait toujours une correspondance avec Londres à l'occasion +de ses diamants. On lui écrivit de cette ville qu'il fallait absolument +suivre le procès, parce que c'était la seule manière de rentrer en +possession de son bien. Elle s'occupa alors des moyens de passer +tranquillement en Angleterre, et surtout de ne pas être considérée comme +émigrée.</p> + +<p>Elle écrivit au président de la Convention nationale et au ministre des +affaires étrangères <i>Lebrun</i>, pour leur expliquer le motif de son voyage +et les assurer qu'elle ne comptait pas abandonner la France, et qu'elle +prenait l'engagement formel de revenir à Louveciennes aussitôt la fin de +son procès. Quelques jours après, elle reçut du ministre son passe-port, +et une lettre lui disant qu'elle ne serait en rien tourmentée pour ce +voyage, et qu'elle pouvait le faire en toute assurance. Mais pour plus +de certitude et pour bien établir dans le pays même qu'elle ne<a name="page_290" id="page_290"></a> voulait +pas émigrer, et prévenir les malintentionnés dans le cas d'une absence +prolongée, elle renouvela, devant la municipalité de Louveciennes, les +déclarations déjà faites par elle au président de la Convention et au +ministre. La municipalité inscrivit cette déclaration sur ses registres, +et lui en remit une copie ainsi conçue:</p> + +<p>«Ce jourd'hui 7 octobre 1792, l'an I<sup>er</sup> de la République française, +s'est présentée devant nous, officiers municipaux de la commune de +Louveciennes, district de Versailles, département de Seine-et-Oise, dame +Vaubernier du Barry, résidant habituellement en ce lieu, laquelle nous a +déclaré qu'étant obligée d'aller à Londres, pour assister au jugement +définitif des voleurs qui, la nuit du 10 au 11 janvier 1791, lui ont +volé ses bijoux dans son château de Louveciennes, elle nous en fait la +déclaration pour qu'elle ne puisse point être regardée comme émigrée +pendant son absence, ni traitée comme telle par aucune autorité +constituée, de laquelle déclaration elle nous a requis acte que nous lui +avons octroyé, vu la lettre de M. Lebrun, ministre des affaires +étrangères, en date du 2 du courant, qui est restée annexée à la +présente minute, et la susdite dame du Barry a signé avec nous, les +jours et an que dessus.</p> + +<p>»Bon pour copie conforme à l'original, le 8 septembre +<a name="page_291" id="page_291"></a>1792<a name="FNanchor_137_137" id="FNanchor_137_137"></a><a href="#Footnote_137_137" class="fnanchor">[137]</a>.»<i>Suivent les signatures.</i>»</p> + +<p>Après s'être mise en règle, madame du Barry partit pour Londres le 14 +octobre 1792. Pendant qu'elle était en Angleterre, de terribles +événements s'étaient passés en France. Le roi était tombé sous la hache +du bourreau. Partout s'étaient développées les passions +révolutionnaires. Jusque dans les petits villages, on voyait s'établir +des assemblées populaires, des clubs, et Louveciennes n'y avait point +échappé. Un intrigant nommé <i>Greive</i> était venu s'y établir depuis +quelque temps. Aussitôt son arrivée, il y forma un club. Son premier +acte fut une dénonciation contre madame du Barry, et, le 14 février +1793, le procureur général syndic du district de Versailles adressait +aux administrateurs du district la lettre suivante:</p> + +<p>«La femme du Barry, propriétaire à Louveciennes, a quitté la France au +moyen d'un passe-port, au commencement de 1792, pour poursuivre en +Angleterre les auteurs d'un vol considérable fait en sa maison.</p> + +<p>»Le doute inspiré sur cette poursuite par le laps de temps et par +l'ignorance de ses effets a fait naître nécessairement l'incertitude.</p> + +<p>»Dans cet état, l'administration a pensé qu'il convenait de prendre sur +les biens de cette femme des mesures conservatrices pour assurer à la +fois ses droits et ceux de la nation.</p> + +<p>»Elle me charge, en conséquence, de vous inviter à faire apposer les +scellés sur la maison de la femme<a name="page_292" id="page_292"></a> du Barry, à Louveciennes, d'y +commettre un gardien, et de lui adresser le procès-verbal qui sera +dressé à cette occasion.</p> + +<p>»Vous voudrez bien, citoyens, presser cette opération et m'en faire part +aussitôt qu'elle aura été faite<a name="FNanchor_138_138" id="FNanchor_138_138"></a><a href="#Footnote_138_138" class="fnanchor">[138]</a>.»</p> + +<p>Deux jours après, les membres du Directoire du district répondirent à la +lettre du procureur syndic par une résolution ainsi conçue:</p> + +<p>«Vu la lettre du procureur général syndic, le directoire du district a +commis le citoyen <i>Brunette</i>, l'un de ses membres, à l'effet de +procéder, en présence de deux officiers de la commune de Louveciennes, à +l'apposition des scellés sur tous les meubles, titres et effets de la +femme du Barry, et établir à la conservation desdits scellés un ou +plusieurs gardiens solvables, lesquels ne pourront être choisis parmi +les parents, domestiques ou agents de ladite du Barry, et auxquels il +sera attribué un salaire journalier de trente sols par jour<a name="FNanchor_139_139" id="FNanchor_139_139"></a><a href="#Footnote_139_139" class="fnanchor">[139]</a>.</p> + +<p>»Fait à Versailles, le 16 février 1793, an II de la République.»</p> + +<p><i>Greive</i> savait bien que madame du Barry n'avait point émigré; mais il +espérait que ce premier acte, qui paraissait la soupçonner d'émigration, +lui ferait peur, empêcherait son retour en France et le mettrait à même, +sous le prétexte du salut public, de toucher<a name="page_293" id="page_293"></a> aux trésors accumulés dans +le château, et dont il espérait tirer un peu parti pour lui-même.</p> + +<p>Mais madame du Barry comptait bien revenir à Louveciennes. Ayant appris +à Londres que les scellés avaient été mis sur ses biens, elle se hâta de +quitter l'Angleterre. Son procès ayant été jugé le 28 février, jour du +terme du tribunal, elle partit de Londres le 3 mars, arriva à Calais le +5, où elle fut retenue jusqu'au 18 pour attendre de nouveaux passe-ports +du pouvoir exécutif, et arriva à Louveciennes le 19<a name="FNanchor_140_140" id="FNanchor_140_140"></a><a href="#Footnote_140_140" class="fnanchor">[140]</a>.</p> + +<p>L'arrivée de madame du Barry déconcerta un peu <i>Greive</i>, mais ne +l'empêcha pas de suivre ses projets. La société populaire de +Louveciennes était composée d'une quarantaine de membres, au nombre +desquels se trouvaient plusieurs domestiques de madame du Barry, et +entre autres les nommés <i>Salanave</i> et <i>Zamor</i>. Le premier était un valet +de chambre que madame du Barry renvoya plusieurs jours après son retour, +à cause de quelques actes d'infidélité; l'autre était un nègre, élevé +par elle, dont elle était la marraine, auquel elle avait assuré des +rentes, et qu'à cause de son ingratitude elle chassa de sa maison. A +l'aide de ces deux hommes, <i>Greive</i> sut tout ce qui se passait dans +l'intérieur du château, les personnes qu'on y recevait, et recueillit +une foule de renseignements qui lui permirent de continuer ses +dénonciations.<a name="page_294" id="page_294"></a></p> + +<p>Le 2 juin 1793, la Convention avait rendu un décret portant: «Les +autorités constituées, dans toute l'étendue de la République, seront +tenues de faire saisir et mettre en état d'arrestation toutes les +personnes <i>notoirement suspectées d'aristocratie ou d'incivisme</i>; elles +rendront compte à la Convention nationale de l'activité qu'elles +apporteront à mettre à exécution le présent décret, et demeureront +responsables des désordres que pourrait occasionner leur négligence.»</p> + +<p><i>Greive</i> fait assembler la société populaire de Louveciennes, et le 26 +juin se présente devant les administrateurs du département de +Seine-et-Oise. Là il lit une adresse signée de trente-six citoyens de +Louveciennes, dans laquelle on demande la mise à exécution du décret de +la Convention et un exemplaire de ce décret pour la commune.</p> + +<p>Le lendemain 27, armé de ce décret, <i>Greive</i>, accompagné du maire de la +commune, se présente chez madame du Barry et procède à son arrestation.</p> + +<p>Les administrateurs du département ne paraissaient pas avoir un zèle +aussi exagéré du bien public que les clubistes de Louveciennes, et ils +se doutaient un peu du motif qui les faisait agir. Pour prévenir l'acte +de vengeance qu'ils redoutaient, ils envoyèrent le même jour à +Louveciennes un des membres du district de Versailles, en le chargeant +de faire exécuter la loi avec quelques modifications et restrictions. +Arrivé juste au moment où l'on se disposait<a name="page_295" id="page_295"></a> à faire enlever madame du +Barry, le membre du district fit suspendre son arrestation, et reprocha +vivement à la municipalité son extrême précipitation.</p> + +<p><i>Greive</i> et les membres de la société populaire, dont la plupart avaient +été employés dans la maison de madame du Barry, irrités de ce +contre-temps, rédigèrent une autre pétition qu'ils adressèrent cette +fois à la Convention. Dans cette pièce, remplie de déclamations et de +grands sentiments patriotiques, comme on en voyait dans tous les écrits +de cette époque, on accumula les accusations contre madame du Barry, et +on demanda l'approbation de la Convention nationale pour l'arrestation +de la citoyenne se disant comtesse <i>du Barry, de sa nièce, fille d'un +émigré, et de ceux de ses domestiques notoirement suspects +d'aristocratie et d'incivisme</i>, c'est-à-dire de ses domestiques restés +fidèles. «Dites, ajoutent les pétitionnaires, dites que nous avons +rempli votre vœu, en mettant à prompte exécution votre décret du 2 +juin; ordonnez l'impression de notre adresse, afin de donner le <i>branle</i> +aux autres communes du département; déclarez que nous avons bien mérité +de la patrie, etc.»</p> + +<p>La Convention ne pouvait qu'approuver de pareils sentiments, exprimés +dans un pareil style; aussi le président remercia la députation de +Louveciennes de son patriotisme, et l'invita aux honneurs de la séance.</p> + +<p>De retour à Louveciennes, et forts de l'approbation de la Convention, +les membres de la société populaire<a name="page_296" id="page_296"></a> arrêtèrent madame du Barry et les +diverses personnes indiquées dans leur pétition, et les conduisirent à +Versailles, pour les faire enfermer dans les prisons de cette ville. +<i>Goujon</i><a name="FNanchor_141_141" id="FNanchor_141_141"></a><a href="#Footnote_141_141" class="fnanchor">[141]</a> était alors procureur général syndic; il leur reprocha +leur acte comme illégal, leur représenta que les faits sur lesquels ils +basaient leur accusation étaient dénués de preuves, et ordonna de +reconduire les prisonniers à Louveciennes.</p> + +<p>Empêché dans l'exécution de ses desseins, <i>Greive</i> fit alors imprimer un +libelle dont voici le litre: «<i>l'Égalité controuvée, ou Histoire de la +protection</i>, contenant les pièces relatives à l'arrestation de madame du +Barry, ancienne maîtresse de Louis XV, pour servir d'exemple aux +patriotes trop ardents qui veulent sauver la République, et aux modérés +qui s'entendent à merveille pour la perdre.» Dans cet écrit, <i>Greive</i> +s'intitule défenseur officieux des braves sans-culottes de Louveciennes +et ami de Franklin et Marat, et n'épargne ni madame du Barry, ni le +comité de sûreté générale, qu'il accuse de faiblesse, ni le département.</p> + +<p>Pendant ce temps, madame du Barry cherchait, par tous les moyens, à +conjurer l'orage qui s'accumulait sur sa tête. Elle adressa à la +Convention<a name="page_297" id="page_297"></a> des notes explicatives de sa conduite, tandis que la plupart +des habitants de Louveciennes qui ne faisaient pas partie de la société +des sans-culottes présentaient de leur côté plusieurs pétitions en sa +faveur. Elle fit aussi des démarches auprès des administrateurs du +département pour être protégée contre ses ennemis.</p> + +<p>Le directoire du département voyait avec peine l'acharnement que l'on +mettait à perdre cette malheureuse femme, dont le principal crime était +ses richesses. Il envoya auprès d'elle un de ses membres, nommé +<i>Lavallery</i><a name="FNanchor_142_142" id="FNanchor_142_142"></a><a href="#Footnote_142_142" class="fnanchor">[142]</a>. Celui-ci lui conseilla d'abandonner Louveciennes et de +se retirer à Versailles, où il serait plus aisé de la protéger. Mais +tout ce que madame du Barry avait encore de richesse était enfoui à +Louveciennes, et elle craignait que, pendant son absence et sous le +moindre prétexte, on ne fouillât sa maison, et que l'on ne s'emparât de +ce qui y était caché, et elle ne voulut pas quitter ce séjour.</p> + +<p><i>Greive</i> cependant ne perdait pas un instant pour arriver à ses fins. Il +reçut du nègre Zamor une foule de renseignements qu'il mit habilement à +profit, et à force de dénonciations réitérées et d'actives démarches, il +obtint enfin du Comité de sûreté générale de<a name="page_298" id="page_298"></a> la Convention l'ordre +d'arrêter madame du Barry. Muni de cet ordre, il accourt à Louveciennes, +et le dimanche 22 septembre, il se fait accompagner au château par le +maire, le juge de paix et deux gendarmes, fait mettre les scellés sur +tous les meubles, ordonne à madame du Barry de le suivre, la fait placer +entre les deux gendarmes dans une mauvaise voiture de place qu'il avait +fait venir exprès, y monte après elle et l'emmène triomphant à Paris, où +il la dépose dans la prison de Sainte-Pélagie.</p> + +<p><i>Greive</i> avait remis au Comité de sûreté générale de la Convention les +papiers qu'il pensait devoir le plus compromettre madame du Barry. Un +ami de Marat, <i>Héron</i>, fut chargé de les examiner, et, sur son rapport, +le Comité rendit, le 29 brumaire de l'an II (19 novembre 1793), l'arrêté +suivant:</p> + +<p class="c">«CONVENTION NATIONALE.<br /> +<br /> +»<small>COMITÉ DE SÛRETÉ GÉNÉRALE ET DE SURVEILLANCE DE<br /> +LA CONVENTION NATIONALE</small>,<br /> +<br /> +»<i>du 29 brumaire, l'an II de la République</i><br /> +<i>française</i>,<br /> +<br /> +»<small>UNE ET INDIVISIBLE</small>.</p> + +<p>»Le Comité de sûreté générale, ayant pris connaissance des diverses +pièces trouvées chez la nommée du Barry, mise en état d'arrestation par +mesure de sûreté générale, comme personne suspecte, aux termes du décret +du 17 septembre dernier<a name="page_299" id="page_299"></a> (vieux style), considérant qu'il résulte de +l'ensemble desdites pièces que la femme du Barry est prévenue +d'émigration et d'avoir, pendant le séjour qu'elle a fait à Londres, +depuis le mois d'octobre 1792 jusqu'au mois de mars dernier (vieux +style), fourni aux émigrés réfugiés à Londres des secours pécuniaires, +et entretenu avec eux des correspondances suspectes; et que les nommés +Wandenyver père et fils, négociants, sont prévenus d'avoir fait passer +des fonds à la femme du Barry pendant qu'elle était en Angleterre; +arrête: que la femme du Barry, prévenue d'émigration, et que les nommés +Wandenyver père et fils, prévenus d'avoir fait passer à ladite dame du +Barry des fonds pendant son séjour a Londres, seront traduits au +tribunal révolutionnaire, pour y être poursuivis et jugés à la diligence +de l'accusateur public.</p> + +<p>»Les représentants du peuple, membres du Comité de sûreté générale de la +Convention nationale,</p> + +<p class="r">»V<small>OULAND</small>, D<small>AVID</small>, V<small>ADIER</small>, D<small>UBARRAN</small>, J<small>AGOT</small>,<br /> +P<small>ANIS</small>, L<small>AVICOMTERIE</small>.»</p> + +<p>Les Wandenyver ne se trouvaient ainsi compromis que parce qu'ils étaient +les banquiers de madame du Barry. Mais pour donner plus d'importance à +ce procès et compromettre davantage ces banquiers, qui faisaient alors +beaucoup d'affaires et étaient chargés des intérêts de plusieurs grandes +familles, le<a name="page_300" id="page_300"></a> Comité rendit, deux jours après, un nouvel arrêté ainsi +conçu:</p> + +<p class="c"> +«COMITÉ<br /> +<br /> +»<small>DE SÛRETÉ GÉNÉRALE ET DE SURVEILLANCE DE LA<br /> +CONVENTION NATIONALE,</small><br /><br /> + +»<i>du</i> 1<sup>er</sup> <i>frimaire, l'an II de la République</i>,<br /><br /> + +»<small>UNE ET INDIVISIBLE</small>.</p> + +<p>»En faisant droit à la dénonciation faite par le citoyen Héron au +Comité, d'après son mémoire imprimé, rédigé par le martyr de la liberté +(<i>Marat</i>), représentant du peuple, dans lequel on y reconnaissait +Wandenyver, ainsi qu'une multitude de complices, pour avoir été les +instruments d'un complot de banqueroute générale, qui aurait perpétué +l'esclavage des Français et sauvé la tête du tyran, entretenu les abus +de la féodalité, qui servaient au déshonneur de la nation française; +considérant que les faits pour lesquels Wandenyver a subi interrogatoire +à notre Comité ne sont qu'une suite de ceux désignés dans le +développement de la banqueroute, en ce qu'il y a coopéré, ainsi qu'au +massacre du peuple, dont il est conjointement accusé avec tous ceux +désignés dans le mémoire; le Comité arrête qu'ils seront traduits au +tribunal révolutionnaire pour y être jugés, et que les pièces françaises +et espagnoles seront jointes au présent arrêté pour servir au procès.<a name="page_301" id="page_301"></a></p> + +<p>»Les représentants du peuple, membres du Comité de sûreté générale et de +surveillance de la Convention nationale,</p> + +<p class="r"> +»M<small>OYSE</small> B<small>AYLE</small>, D<small>AVID</small>, A<small>MAR</small>, J<small>AGOT</small>,<br /> +L<small>OUIS</small> (du Bas-Rhin), <span class="smcap">A. Benoit</span>,<br /> +G<small>UFFROY</small>, L<small>AVICOMTERIE</small>.»</p> + +<p>Dès que l'arrêté qui traduisait madame du Barry et ses co-accusés devant +le tribunal révolutionnaire fut rendu, son procès ne dura pas longtemps. +Le 3 décembre (13 frimaire an II), Fouquier lit à là chambre du conseil +l'acte d'accusation, la chambre en donne acte et ordonne le +transfèrement des prévenus à la Conciergerie. Le 6, ils paraissent +devant le tribunal, et, le 7, ils sont condamnés à mort.</p> + +<p>L'acte d'accusation dressé par Fouquier-Tainville contre cette +malheureuse femme est un chef-d'œuvre du genre. Son titre de maîtresse +du roi et ses folles dépenses lui donnèrent beau jeu pour se laisser +aller à toute son indignation d'<i>honnête homme</i> et de <i>bon patriote</i>, et +il en usa largement, comme on peut le voir dans toute la partie qui +regarde madame du Barry, qu'on ne lira pas sans curiosité.</p> + +<p>Après avoir annoncé qu'il avait été procédé à l'examen des pièces du +procès et à l'interrogatoire des accusés, il ajoute:</p> + +<p>«Qu'examen fait desdites pièces par l'accusateur public, il en résulte +que les plaies profondes et mortelles qui avaient mis la France à deux +doigts<a name="page_302" id="page_302"></a> de sa perte avaient été faites à son corps politique bien des +années avant la glorieuse et impérissable révolution qui doit nous faire +réjouir des maux cuisants qui l'ont précédée, puisqu'elle nous a +délivrés pour jamais des monstres barbares et fanatiques qui nous +tenaient enchaînés sur l'héritage de nos pères; que, pour prendre une +idée juste de l'immoralité de l'accusée du Barry, il faut jeter un coup +d'œil rapide sur les dernières années, pendant le cours desquelles le +tyran français, Louis quinzième du nom, a scandalisé l'univers, en +donnant la surintendance de ses honteuses débauches à cette célèbre +courtisane; qu'en 1769, ce Sardanapale moderne se trouvant blasé sur +toutes les jouissances qu'il avait poussées à l'excès dans le Parc aux +Cerfs, sérail infâme où le déshonneur d'une infinité de familles +honnêtes fut consommé, s'abandonna lâchement aux vils complaisants qui +l'entouraient pour réveiller ses feux presque éteints; qu'un de ces +odieux complaisants ayant fait la connaissance d'un ci-devant comte du +Barry, noyé de dettes, et le plus crapuleux libertin, eut occasion de +voir chez lui la nommée <i>Vaubernier</i>, sa maîtresse, qui n'était passée +dans ses bras qu'après avoir fait un cours de prostitution; que le +ci-devant comte du Barry, à qui tous les moyens étaient bons pour +parvenir à apaiser ses créanciers, proposa à ce complaisant de lui céder +la <i>Vaubernier</i>, s'il parvenait à la faire admettre au nombre des<a name="page_303" id="page_303"></a> +sultanes du crime couronné; que cette créature éhontée lui fut en effet +présentée, et qu'en peu de temps elle parvint, par ses rares talents, à +prendre l'empire le plus absolu sur le faible et débile despote. Bientôt +des fleuves d'or roulèrent à ses pieds; les pierreries les plus +précieuses lui furent données avec profusion; les artistes les plus +célèbres furent occupés aux chefs-d'œuvre les plus dispendieux; elle +devint la cause universelle des ci-devant grands; les ministres, les +généraux et les ci-devant princes de l'Église furent nommés et culbutés +par cette nouvelle Aspasie; et tous venaient bassement faire fumer leur +encens à ses genoux; le faste le plus insolent, les dépravations et les +débordements de tout genre furent affichés par elle; le scandale était, +à son comble; elle puisait à pleines mains dans les coffres de la nation +pour enrichir sa famille et combler l'abîme de dettes du ci-devant comte +du Barry, qui avait poussé l'infamie et le déshonneur jusqu'à devenir +son époux. Son imbécile amant ne rougit pas lui-même d'insulter au +peuple, en se plaçant à côté d'elle dans les chars les plus brillants et +la promenant ainsi dans différents lieux; que, pour ne pas <i>effaroucher +sa pudeur</i>, l'accusateur public ne soulèvera pas le voile qui doit +couvrir à jamais les vices effroyables de la cour, jusqu'en l'année +1774, époque à laquelle celui à qui des esclaves avaient donné le nom de +Bien-Aimé disparut de dessus la<a name="page_304" id="page_304"></a> terre, emportant dans ses veines le +poison infect du libertinage, et couvert du mépris des Français; que la +du Barry fut reléguée à Rhetel-Mazarin, et de là à Meaux, dans la +ci-devant abbaye de Pont-aux-Dames; que dans cette retraite salutaire, +elle aurait dû faire les plus sérieuses réflexions sur le néant des +grandeurs et sur les désordres de sa conduite qui avaient entraîné la +ruine de son pays; mais qu'ayant été rendue à la liberté par le dernier +tyran des Français, il lui conserva non-seulement les dépouilles du +peuple, mais encore la combla de nouvelles prodigalités, et lui +abandonna le château de Louveciennes, où elle se forma une nouvelle +cour, à laquelle se présentèrent en foule les vils courtisans qui +avaient profité de sa faveur pour dilapider les finances avec elle; +qu'elle les tint enchaînés à son char jusqu'à l'époque mémorable où le +peuple français, fatigué de ses chaînes, se leva, brisa ces chaînes et +en frappa la tête du despote. Tous les soi-disant grands d'alors, se +voyant prêts à être écrasés par la vengeance nationale, s'enfuirent +épouvantés, abandonnèrent un sol qu'ils avaient souillé depuis trop +longtemps, furent implorer l'assistance des tyrans de l'Europe pour +venir égorger un peuple qui avait eu le courage de conquérir sa liberté; +mais ce peuple saura leur faire mordre la poussière, ainsi qu'à ceux qui +ont épousé leurs projets sanguinaires; que la du Barry ayant vu se +dissiper l'essaim de ses adorateurs,<a name="page_305" id="page_305"></a> et réduite à régner seulement sur +son nombreux domestique, ne retrancha non-seulement rien de son faste, +mais forma le dessein d'être utile tant aux émigrés qu'au petit nombre +de ses amis qui étaient restés en France, et qui trouvaient chez elle un +asile assuré, notamment <i>Laroche</i>, ci-devant grand vicaire d'Agen, +condamné à la peine de mort par jugement du tribunal; que pour procurer +d'une manière certaine des secours aux émigrés, elle se servit d'un +stratagème qui lui donna la facilité de faire quatre voyages à Londres; +qu'elle prétendit avoir éprouvé un vol considérable de diamants et +autres effets, dans la nuit du 10 au 11 janvier 1791, et que les voleurs +étaient passés en Angleterre, où il fallait qu'elle se rendit pour en +poursuivre la restitution; que ce vol n'était qu'un jeu concerté entre +elle et un nommé <i>Forth</i>, le plus rusé des espions que le cabinet +britannique ait envoyés en France pour soutenir le parti de la cour et +s'opposer aux progrès de notre révolution; que, pour suivre les auteurs +de ce prétendu vol, elle eut le talent de subtiliser différents +passe-ports, tant du ministère des affaires étrangères que de la +municipalité de Louveciennes et du département de Seine-et-Oise, dont +plusieurs membres la protégeaient ouvertement, et particulièrement le +nommé <i>Lavalery</i><a name="FNanchor_143_143" id="FNanchor_143_143"></a><a href="#Footnote_143_143" class="fnanchor">[143]</a>, qui depuis s'est donné la mort; qu'au<a name="page_306" id="page_306"></a> moyen de +ces passe-ports clandestins, elle se joua impunément de la loi contre +les émigrés, puisqu'elle était encore à Londres dans les premiers jours +du mois de mars dernier; que pendant les quatre séjours qu'elle fit dans +cette ville, elle vivait habituellement avec tous les émigrés qui s'y +étaient réfugiés, et auxquels elle a prêté des sommes d'argent +considérables, ainsi qu'il sera démontré par la suite; qu'elle avait +également formé les liaisons les plus étroites avec les lords les plus +puissants, tous conseillers intimes du tyran de l'Angleterre, et +particulièrement avec l'infâme Pitt, cet ennemi implacable du genre +humain, pour lequel elle avait un si haut degré d'estime, <i>qu'elle +rapporta dans la république française une médaille d'argent portant +l'effigie de ce monstre</i><a name="FNanchor_144_144" id="FNanchor_144_144"></a><a href="#Footnote_144_144" class="fnanchor">[144]</a>; qu'elle favorisait également de tout son +pouvoir les ennemis de l'intérieur, auxquels elle prodiguait les trésors +immenses qu'elle possédait; qu'elle fit compter une somme de <i>deux cent +mille livres</i> en constitution de rentes à Rohan-Chabot, qui possède des +terres considérables dans la Vendée, sur l'étendue desquelles s'est +formé le premier noyau des rebelles, selon la commune renommée<a name="FNanchor_145_145" id="FNanchor_145_145"></a><a href="#Footnote_145_145" class="fnanchor">[145]</a>; que +par l'entremise d'un nommé <i>d'Escourt</i>, ci-devant chevalier, elle prêta +une pareille somme de 200,000 livres à la Rochefoucault,<a name="page_307" id="page_307"></a> ancien évêque +de Rouen<a name="FNanchor_146_146" id="FNanchor_146_146"></a><a href="#Footnote_146_146" class="fnanchor">[146]</a>; que ce même d'Escourt, détenu à la Force, le nommé +Laboudie, son neveu, et le ci-devant vicomte de Jumilhac, émigré, ont +reçu d'elle des sommes considérables à la même époque; qu'elle +provoquait des rassemblements dans son pavillon de Louveciennes, dont +elle voulait faire un petit château fort, ce qui est suffisamment prouvé +par les <i>huit fusils</i> que son bon ami, le scélérat d'<i>Angremont</i>, +escroqua pour elle à la municipalité de Paris, sous le prétexte que +c'était la municipalité de Louveciennes qui demandait ces fusils, ce qui +a été reconnu faux; qu'elle comptait tellement sur la contre-révolution, +à laquelle elle travaillait si puissamment, qu'elle avait fait cacher +dans sa cave sa vaisselle plate et autre argenterie; qu'elle avait fait +enterrer dans son jardin ses diamants, son or, ses pierres précieuses, +avec les titres de noblesse, brevets, etc., de l'émigré <i>Graillet</i><a name="FNanchor_147_147" id="FNanchor_147_147"></a><a href="#Footnote_147_147" class="fnanchor">[147]</a>; +qu'elle avait également fait enterrer dans les bois les bronzes les plus +riches et les bustes de la royauté; et qu'elle avait dans un grenier un +magasin énorme de marchandises et d'étoffes du plus haut prix, dont elle +avait nié l'existence; qu'il a été trouvé chez elle une collection rare +d'écrits et de gravures contre-révolutionnaires; que lors de son séjour +à Londres, elle a publiquement porté le deuil du tyran; que cette femme, +enfin, qui a fait<a name="page_308" id="page_308"></a> tout le mal qui était en elle, et dont Forth, le +fameux espion anglais, s'était adroitement servi comme d'un instrument +utile aux desseins perfides des cours des Tuileries et de Londres, +entretenait des correspondances et des liaisons avec les ennemis les +plus cruels de la République, tels que Crussol, de Poix, Canonet, +Calonne, etc., et une foule d'autres, dont il serait trop long de donner +l'énumération; qu'elle était tellement protégée par le parti ministériel +de la Grande-Bretagne, que quand la guerre fut déclarée à cette +puissance, elle resta tranquillement à Londres, tandis que les Français +en étaient chassés ou horriblement persécutés, ce qui ne peut laisser +aucun doute sur le rôle odieux que jouait cette femme, que l'on doit +regarder comme un des plus grands fléaux de la France, et comme un +gouffre épouvantable dans lequel s'est engloutie une quantité effrayante +de millions, etc.»</p> + +<p>Le 8 décembre 1793 (18 frimaire an II), madame du Barry fut conduite au +supplice.</p> + +<p>On sait qu'elle jeta les hauts cris depuis la Conciergerie jusqu'à la +place de la Révolution, où était dressée la guillotine. Elle avait une +telle frayeur de cette horrible mort, qu'arrivée sur l'échafaud elle +cria à la foule qui l'entourait: <i>A moi! A moi!</i> et s'adressant ensuite +au bourreau: <i>Encore un moment, monsieur, je vous en prie</i>, lui dit-elle +les larmes aux yeux. Un instant après, elle avait cessé de vivre<a name="FNanchor_148_148" id="FNanchor_148_148"></a><a href="#Footnote_148_148" class="fnanchor">[148]</a>.<a name="page_309" id="page_309"></a></p> + +<p>On a vu, le jour même de l'arrestation de madame du Barry, <i>Greive</i> +faire mettre les scellés sur une partie du mobilier du château de +Louveciennes. Le lendemain, il revint accompagné du juge de paix, son +ami, et ils procédèrent seuls à la continuation de la pose des scellés +et à l'examen des richesses de ce lieu. Jusqu'au 27, Greive fut +parfaitement le maître de faire tout ce que bon lui semblait dans cette +habitation, et l'on verra dans le résumé historique des opérations des +commissaires envoyés par le directoire du département de Seine-et-Oise +que des soupçons sérieux s'élevèrent dans leur esprit sur la probité qui +avait présidé à ce premier travail.</p> + +<p><i>Salanave</i>, l'ancien domestique de madame du Barry, faisait partie du +comité de salut public du district de Versailles. <i>Greive</i>, dont presque +tous les membres de ce comité étaient les amis, fit nommer <i>Salanave</i> et +un appelé <i>Soyer</i> commissaires chargés de prendre connaissance des +scellés apposés par le juge de paix de Marly. On pense bien que ces deux +commissaires, en se rendant à Louveciennes le 27, approuvèrent tout ce +qui avait été fait. Ils nommèrent ensuite pour la garde des scellés +<i>Fournier</i>, le père du juge de paix, et <i>Zamor</i>, ce nègre <i>si excellent +et si intelligent patriote</i><a name="FNanchor_149_149" id="FNanchor_149_149"></a><a href="#Footnote_149_149" class="fnanchor">[149]</a>. De plus, pour la sûreté des trésors +renfermés, on établit une garde composée de dix-huit patriotes faisant +partie de la société des sans-culottes de<a name="page_310" id="page_310"></a> Louveciennes. C'était une +fort bonne affaire pour ces patriotes, car on voit dans le résumé +historique dont on a déjà parlé que cette garde, depuis son installation +jusqu'au 13 frimaire, c'est-à-dire en soixante-dix jours, avait déjà +coûté 9,274 livres.</p> + +<p>On n'attendit pas la condamnation de madame du Barry pour fouiller dans +sa maison, et l'on procéda comme si l'on avait été sûr de sa mort. Des +commissaires spéciaux furent désignés pour faire l'inventaire et +l'estimation de tout ce qui s'y trouvait. Outre un précieux mobilier, de +nombreux objets d'art et des bijoux de prix, les commissaires ont +surtout été frappés de la quantité d'objets de toilette, tels que +dentelles, corsets de toutes couleurs, brodés en soie, or et argent; +étoffes de soie et de velours, simples ou brochées d'or et d'argent, +coupées ou en pièces, et en si grand nombre, qu'elles furent estimées à +environ 200,000 mille livres, mises à part et destinées à être vendues à +l'étranger<a name="FNanchor_150_150" id="FNanchor_150_150"></a><a href="#Footnote_150_150" class="fnanchor">[150]</a>.</p> + +<p>Cependant, malgré les recherches les plus minutieuses, un grand nombre +des cachettes faites par madame du Barry avaient échappé aux regards +scrutateurs des commissaires. Le jour même de sa mort, persuadée que +c'était moins à sa personne qu'à ses richesses qu'on en voulait, et +qu'en faisant connaître exactement les divers endroits où elles étaient +enfouies, elle pourrait sauver sa vie, elle se décida à<a name="page_311" id="page_311"></a> en faire la +déclaration; ce qui ne la sauva pas, mais fut la cause de la mort de +<i>Morin</i>, le seul de ses domestiques resté fidèle.</p> + +<p>Cette déclaration servit beaucoup aux commissaires dans leurs +recherches, comme on le verra dans le résumé historique. Dans le grand +nombre de bijoux indiqués, on en voit quelques-uns qui montrent son +intimité avec le duc de Brissac. Ainsi elle indique dans une des +cachettes «une boîte, montée en cage d'or, avec le portrait de l'épouse +de Brissac;—un portrait de la fille de ce dernier, monté en or;—un +autre de son frère;—une boîte d'écaille blonde montée en or, avec une +très-belle pierre blanche gravée, où est le portrait de Brissac et de la +déclarante;—un portrait en émail de la grand'mère de Brissac;—deux +tasses d'or avec leurs manches de corail, et quelques autres objets +appartenant à Brissac;—une paire d'éperons d'or, avec des chiffres +appartenant à feu Brissac».</p> + +<p>Deux jours après la mort de madame du Barry, Fouquier-Tainville écrivit +au directoire du département de Seine-et-Oise pour lui annoncer le +jugement et faire procéder au séquestre des biens de la condamnée, et le +4 nivôse suivant (24 décembre), le directoire prenait la délibération +suivante:</p> + +<p>«Vu par l'administration la lettre de l'accusateur public près le +tribunal révolutionnaire, du 20 frimaire, qui annonce que la femme du +Barry a été condamnée, par jugement de ce tribunal du 17 du<a name="page_312" id="page_312"></a> même mois, +à la peine de mort, et que tous ses biens étaient acquis et confisqués +au profit de la nation, il convenait de faire procéder au séquestre des +biens de cette condamnée qui sont situés dans l'étendue du département +de Seine-et-Oise.</p> + +<p>»Vu la lettre adressée le 19 du mois dernier par l'administration +provisoire des domaines nationaux aux administrateurs composant le +directoire du département de Seine-et-Oise, de laquelle il appert que le +glaive de la loi a fait tomber la tête d'une femme qui avait la plus +grande part à la dilapidation de la fortune publique et qui, à ce +premier crime que la nation avait à lui reprocher, a joint celui +d'émigrer et d'avoir des relations avec les ennemis de notre liberté, +qu'il importe que les mesures les plus promptes soient prises pour que +ce qu'elle avait conservé des scandaleuses prodigalités de +l'avant-dernier tyran rentre en entier sous la main de la nation; il +engage donc l'administration, si les scellés ne sont déjà mis dans sa +dernière demeure, à Louveciennes, à les y faire apposer sans délai et à +faire procéder le plus tôt possible à l'inventaire, afin de mettre la +régie en possession des immeubles et d'avoir un moyen de tirer du +mobilier le meilleur parti possible; qu'au surplus l'administration ne +saurait mettre trop de soins dans le choix des gardiens qui y sont ou +qui y seraient établis, ni les faire surveiller avec trop d'exactitude; +que les objets précieux que renferme cette habitation perdraient +beaucoup de leur<a name="page_313" id="page_313"></a> valeur si l'on n'apportait la plus grande attention à +empêcher qu'ils ne soient dégradés, et qu'il y en a que, vu leur peu de +volume, il serait facile de soustraire. Il invite l'administration à le +tenir au courant de ce qu'elle fera pour remplir le vœu de cette lettre +et pour que la République ne perde rien de ce qu'elle doit retrouver +dans cette importante confiscation;</p> + +<p>»L'administration, considérant que les scellés ont été apposés chez +ladite femme, à Louveciennes, et l'inventaire fait dès le mois de +février dernier, arrête qu'en attendant la vente des immeubles ayant +ci-devant appartenu à la femme du Barry, à laquelle il sera procédé le +plus tôt possible, il sera à la poursuite et diligence du directoire du +district de Versailles, également procédé à la vente de tous les effets +mobiliers provenant de cette femme;</p> + +<p>»Invite en outre le directoire du district de Versailles à exercer la +surveillance la plus active sur les gardiens qui sont déjà établis dans +la maison qu'occupait cette femme, ou qui leur seront substitués, pour +prévenir la dégradation des objets précieux qui s'y trouvent et la +spoliation de ceux que leur peu de volume rend faciles à soustraire, +<i>comme aussi à constater les effets qui ont pu être distraits du +mobilier de cette femme, pour en assurer le recouvrement</i>.</p> + +<p>»Arrête aussi que le directeur de la régie nationale sera tenu de +prendre, conjointement avec le directoire du district de Versailles, les +mesures convenables<a name="page_314" id="page_314"></a> pour opérer le séquestre des biens de cette femme, +et que, dès à présent, l'administration lui en sera confiée pour la +conservation des droits tant de ses créanciers que de la +République<a name="FNanchor_151_151" id="FNanchor_151_151"></a><a href="#Footnote_151_151" class="fnanchor">[151]</a>.»</p> + +<p>Par suite de cette délibération, le district de Versailles donna de +nouveaux pouvoirs à la commission qu'elle avait chargée dès le 29 +frimaire de procéder à l'inventaire et à la constatation des objets +mobiliers, d'art, etc., de toute nature du château de Louveciennes.</p> + +<p>Cette commission s'était déjà transportée à Louveciennes, et elle +procéda consciencieusement à ce travail long et difficile. On voit, dans +les nombreux procès-verbaux particuliers adressés par elle au district +de Versailles<a name="FNanchor_152_152" id="FNanchor_152_152"></a><a href="#Footnote_152_152" class="fnanchor">[152]</a>, combien elle eut de peine et souvent de luttes à +soutenir avec ceux jusqu'alors chargés de ce travail, pour y établir +l'ordre et la clarté et remplir le mandat qui lui avait été confié.</p> + +<p>Lorsqu'elle crut sa mission terminée, elle adressa au directoire du +district de Versailles les divers procès-verbaux des opérations dont +chacun de ses membres en particulier avait été chargé. Les +procès-verbaux étaient accompagnés d'un résumé historique du travail +général de la commission. Ce résumé raconte tout ce qui s'est passé à +Louveciennes depuis la<a name="page_315" id="page_315"></a> mort de madame du Barry jusqu'au moment de la +vente de ses effets; il est, par conséquent, le complément de ce récit.</p> + +<p class="c">RÉSUMÉ HISTORIQUE<br /><br /> +<small>DES OPÉRATIONS DES COMMISSAIRES DE LOUVECIENNES.</small></p> + +<p>«La du Barry, condamnée à mort par le tribunal révolutionnaire de Paris, +le 18 frimaire, a fait le même jour la déclaration des lieux où elle +avait caché différents objets précieux, et des personnes à qui elle les +avait confiés.</p> + +<p>»En conséquence, les commissaires, à leur arrivée à Louveciennes, le 21 +frimaire, se sont occupés d'abord des moyens de parvenir à la découverte +des objets déclarés.—Le moyen qui devait être le plus fructueux était +de faire traduire à Louveciennes Morin<a name="FNanchor_153_153" id="FNanchor_153_153"></a><a href="#Footnote_153_153" class="fnanchor">[153]</a>, valet de chambre de la du +Barry et son homme de confiance; aussi les commissaires ont écrit à +l'accusateur public, et lui ont même envoyé un exprès.</p> + +<p>»Avant que de procéder à aucune recherche, ils ont interrogé pendant +plusieurs jours ceux des domestiques de la du Barry qui n'avaient pas +été arrêtés avec cette femme. D'après les dépositions qu'ils ont reçues, +ils n'ont trouvé de coupables que le nommé Déliant, frotteur, et +particulièrement<a name="page_316" id="page_316"></a> la femme Déliant, dénommée dans la déclaration de la +du Barry, comme dépositaire de deux boîtes renfermant des bijoux, +diamants et autres effets précieux.</p> + +<p>»La fausseté qui avait dicté les réponses de la femme Déliant a engagé +la commission à la mettre en arrestation chez elle, avec son mari, et à +leur donner deux gardes choisis par la municipalité du lieu.</p> + +<p>»Le nommé Déliant, frotteur, a prouvé par ses déclarations moins de +mauvaise foi que sa femme. Cet homme, moribond depuis longtemps, a paru +avoir peu de connaissance des dépôts confiés à cette dernière, et depuis +huit jours il est mort à l'infirmerie de Versailles, où la commission +l'avait fait transporter.</p> + +<p>»La femme Déliant, lors de son premier interrogatoire, le 22 frimaire, +avait simplement déclaré que la du Barry, cinq ou six jours avant son +arrestation, lui avait mis dans son tablier plusieurs paquets enveloppés +de papier; que le même jour, d'après les ordres de sa maîtresse, elle +les avait cachés dans un fumier contre la melonnière; mais la suite +prouvera la fausseté de cette déclaration.</p> + +<p>»Le 24 frimaire, jour de l'arrivée de Morin, la femme Déliant, voulant +prévenir les perquisitions que les commissaires se disposaient à faire +chez elle, avait, le même jour, demandé à leur parler; mais les +commissaires étant, dans ce moment-là, occupés à<a name="page_317" id="page_317"></a> faire fouiller le +jardin de Morin, le citoyen Greive, commissaire du Comité de sûreté +générale de la Convention, s'est rendu chez ladite Déliant. Cette femme +lui a remis cent quatre-vingt-treize louis simples en or, à elle confiés +par la du Barry quelque temps avant son dernier voyage en Angleterre.</p> + +<p>»Le 16 frimaire, les commissaires ont interrogé ladite Déliant. Il +résulte de sa déclaration que la du Barry, à l'époque de son dernier +voyage en Angleterre, lui avait remis trois coffres renfermant beaucoup +d'objets précieux, pour les mettre soi-disant plus en sûreté et à l'abri +d'être volés; que le lendemain de l'arrestation de la du Barry, ladite +Déliant les avait déposés dans la maison de la veuve Aubert, sa mère, où +ils sont restés environ douze jours; que les perquisitions exercées dans +la maison de la du Barry et dépendances lui donnant à craindre qu'on ne +trouvât chez sa mère les coffres y déposés, elle avait, la veille de son +arrestation et de son incarcération aux Récollets<a name="FNanchor_154_154" id="FNanchor_154_154"></a><a href="#Footnote_154_154" class="fnanchor">[154]</a>, ouvert les trois +coffres, avait vidé les objets y contenus, les avait mis dans son +tablier et cachés le même soir dans un fumier contre la melonnière, à +l'exception de quatre rouleaux de louis simples, d'un gobelet d'or avec +son couvercle, d'une bourse pleine de jetons d'argent et de quelques +flacons; que sa mère avait jeté le lendemain dans la pièce d'eau du +Grand Jet de Marly ces derniers<a name="page_318" id="page_318"></a> objets, à l'exception cependant de +quatre rouleaux de louis, qu'elle avait gardés pour elle sans en donner +connaissance à son mari.</p> + +<p>»Les 24 et 26 frimaire, les commissaires ont interrogé Morin. Mais avant +de rendre compte des découvertes qu'ils ont faites sur ses indications, +il est nécessaire de suivre la conduite de la femme Déliant.</p> + +<p>»Le même jour de l'interrogatoire de cette dernière, il a été déposé +entre les mains des commissaires, par Agathe Gournay et la femme +Borgard, une montre enrichie de diamants, trouvée par elles, il y avait +six semaines, dans une pièce d'eau du jardin de Marly; et par Jacques +Richard, fontainier, deux flacons de cristal de roche, sans bouchons ni +sans garnitures, et trouvés dans la même pièce.</p> + +<p>»La femme Déliant avait été présente au dépôt de la montre dont est +question, et cet acte de probité, peu conforme à son caractère fourbe et +à sa conduite plus que suspecte, la faisant regarder elle-même comme +très-coupable à ses propres yeux, cette femme, sous prétexte de +satisfaire des besoins naturels, a surpris la surveillance de ses gardes +et s'est coupé la gorge avec un rasoir.</p> + +<p>»Les commissaires ont fait dresser par le juge de paix procès-verbal de +cet événement, qui n'a pas eu de suites funestes, au moyen des soins du +chirurgien appelé alors.</p> + +<p>»Dans le même moment, le mari de ladite Déliant,<a name="page_319" id="page_319"></a> alité depuis +longtemps, ayant déclaré que sa femme avait jeté quelque chose par la +fenêtre, l'on a trouvé dans une gouttière, au-dessous du charbonnier, +sous la fenêtre de la chambre desdits Déliant, quatre boîtes, dont une +d'or enrichie de diamants, une autre aussi d'or; lesdites renfermées +dans un sac à poudre, jetées comme il est dit par ladite femme Déliant, +quoique cette dernière n'ait jamais voulu en convenir.</p> + +<p>»Les commissaires ont séparé ladite Déliant de son mari, lui ont donné +deux gardes pendant deux jours, au bout desquels ils l'ont fait +transférer à l'infirmerie de Versailles, où elle est encore.</p> + +<p>»Les bijoux, diamants et autres effets précieux, cachés dans le fumier +par ladite femme Déliant, y ont été trouvés par le citoyen Greive deux +mois et demi après l'arrestation de la du Barry; mais comme <i>on n'a +jamais eu l'état désignatif et la connaissance positive des objets que +renfermaient les trois boîtes, il reste incertain si tous ont été +trouvés</i>.</p> + +<p>»<i>Sans vouloir rien préjuger sur la conduite que l'on a tenue</i>, le 11 +frimaire, <i>lors de cette découverte</i>, les commissaires ignorent s'il y a +eu un procès-verbal dressé au moment même, mais il ne leur a été remis +d'autre procès-verbal que celui de reconnaissance, fait le 13 frimaire, +par Houdon, juge de paix actuel de Louveciennes, <i>c'est-à-dire deux +jours et demi après la découverte</i>, le juge de paix n'ayant été appelé +qu'à cette époque.<a name="page_320" id="page_320"></a></p> + +<p>»Quant aux objets jetés dans les pièces d'eau du jardin de Marly par la +mère de la femme Déliant, on a trouvé seulement la montre déposée par +Agathe Gournay et la femme Borgard, les deux flacons remis par Richard, +deux autres flacons trouvés par les commissaires lors de leurs +perquisitions dans la pièce d'eau du Grand Jet de Marly, un flacon remis +au moment même par Joséphine Lochard. Il reste conséquemment à recouvrer +le gobelet et le couvercle en or, provenant d'un plateau de toilette, et +la bourse pleine de jetons d'argent.</p> + +<p>»Après être entrés dans les détails des déclarations toujours tardives, +toujours partielles de la femme Déliant, de la nature des dépôts +précieux qui lui ont été confiés par la du Barry, de l'usage +inconcevable qu'elle en a fait, des événements tragiques qui ont suivi +sa conduite, les commissaires rendent compte du résultat de Morin, valet +de chambre et agent secret de la du Barry.</p> + +<p>»Les perquisitions les plus amples avaient été faites dans le jardin de +ce prévenu, et toujours infructueusement. Cet homme allait être jugé, +exécuté, emportant avec lui la connaissance des différents dépôts, si +les commissaires n'eussent pas écrit à l'accusateur public, ne lui +eussent pas envoyé un exprès au moment où Morin allait subir la peine +due à ses crimes.</p> + +<p>»Les 24 et 26 frimaire, les commissaires ont interrogé ce prévenu: +d'après ses déclarations, et sur<a name="page_321" id="page_321"></a> ses indications, ils ont trouvé cachés +derrière des bois de charpente placés contre un mur du jardin de Morin +une douzaine de cuillers d'or à café; dans le grenier au-dessus de la +cuisine de sa maison, une croix d'argent, un calice et une patène +d'argent; une boîte à quadrille, la boîte, les fiches et contrats en +ivoire, incrustés en or; dans le jardin de Morin, et enterrés en divers +endroits sous des arbres hors de monter, et près la grille, deux boîtes +de sapin renfermant savoir:</p> + +<table border="0" cellpadding="2" cellspacing="0" summary=""> +<tr><td align="left">Argent blanc</td><td align="right">7,203</td><td align="right">liv.</td></tr> +<tr><td align="left">40 doubles louis</td><td align="right">1,920</td><td align="right"> </td></tr> +<tr><td align="left">Un louis en or</td><td align="right">24</td><td align="right"> </td></tr> +<tr><td align="left">2 guinées et une demi-guinée</td><td align="right">36</td><td align="right"> </td></tr> +<tr><td align="center">Total</td><td align="right" +style="border-top:black 1px solid;">9,183</td><td align="right" +style="border-top:black 1px solid;">liv.</td></tr> +</table> + +<p>»En outre, 99 jetons d'argent et un globe d'argent-vermeil.</p> + +<p>»D'après la déclaration de la du Barry, on aurait dû trouver douze sacs +de 1,200 livres environ, et différents objets précieux. Cependant +lesdites boîtes ne renfermaient que cinq sacs, les louis, les guinées en +or et le gobelet d'argent-vermeil.</p> + +<p>»Il est à croire que Morin en a détourné une partie; l'espérance qu'il +avait d'être acquitté l'a sans doute engagé à ne pas déclarer les dépôts +qu'il avait faits pour le compte de sa maîtresse et pour son propre +compte, et il serait nécessaire de faire fouiller son jardin en entier.<a name="page_322" id="page_322"></a></p> + +<p>»Les commissaires ont aussi trouvé dans la chambre de Morin, et sur ses +indications, une râpe à muscade en argent, dans un étui d'argent; un +paquet intitulé <i>Graines de panais</i>, contenant dix-sept aunes de galon +d'argent à livrée, et quelques autres objets.</p> + +<p>»Les perquisitions antérieures faites par le citoyen Greive avaient +procuré la découverte de 393 livres en argent blanc, d'un billet qui +prouvait que Morin était chargé de faire passer cette somme à l'abbé de +Fontenille, poste restante, à Coblentz. Cette somme existe encore dans +la chambre de Morin, et les commissaires du district chargés de faire +l'inventaire en rendront compte en tant que de besoin.</p> + +<p>»Les commissaires ont fait ce qui dépendait d'eux pour tirer de Morin +tous les aveux qui pouvaient aider leurs découvertes; mais cet homme n'a +déclaré que les dépôts trouvés antérieurement, et il est hors de doute +qu'il avait la connaissance de plusieurs autres, dans le cas où sa +conduite contre-révolutionnaire n'aurait pas été dévoilée et punie.</p> + +<p>»L'objet principal de la mission des commissaires était de faire des +recherches. Quoique le citoyen Greive eût découvert une grande partie +des objets déclarés et non déclarés par la du Barry, il restait encore +des recherches à faire, et les commissaires n'ont rien négligé pour les +rendre heureuses.</p> + +<p>»A cet effet, ils ont renouvelé dans plusieurs endroits les +perquisitions les plus exactes. Ils ont fait fouiller deux fois dans le +jardin de Morin, et deux<a name="page_323" id="page_323"></a> jours de suite dans la cave commune de la +maison de la du Barry; mais ces nouvelles fouilles n'ont produit aucune +découverte, et quoique que l'on soit bien persuadé qu'il existe encore +des dépôts cachés, il faudrait avoir, pour les trouver, des indices +particuliers, les terrains environnant la maison de la du Barry étant +trop spacieux pour qu'on puisse hasarder de nouvelles fouilles, +dispendieuses d'ailleurs et d'un succès incertain.</p> + +<p>»D'après l'arrêté du comité de salut public et les instructions du +ministre, les commissaires devaient remettre à la Trésorerie nationale +les assignats, espèces monnayées, et aux domaines tout ce qui +consisterait en bijoux, diamants et autres objets précieux.</p> + +<p>»Pour remplir une partie de leur mission, il ne suffisait pas de faire +un simple inventaire de ces objets, il fallait en faire le récolement +exact, pour opérer la décharge des commissaires et gardiens +responsables.</p> + +<p>»A cet effet, les commissaires ont procédé au dépouillement de tous les +procès-verbaux de l'ancien et du nouveau juge de paix, dressés sur la +réquisition du citoyen Greive, commissaire du comité de sûreté générale +de la Convention, en présence des officiers municipaux de Louveciennes. +Ils ont fermé l'état désignatif de tous les objets y mentionnés par +nature et espèce, en distinguant par ordre l'argenterie, les effets en +or, etc.</p> + +<p>»Ce relevé, nécessaire pour assurer la justesse de<a name="page_324" id="page_324"></a> toutes +vérifications, a demandé un temps très-long, à raison de la lecture +qu'il a fallu prendre de tous les procès-verbaux, et de ce que chaque +objet se trouvait mentionné isolément dans un procès-verbal et dans un +autre.</p> + +<p>»Les commissaires ont d'abord procédé à la reconnaissance d'une somme de +37,986 livres en numéraire, trouvée chez la du Barry. Cette somme, +jointe à celle de 13,815 liv. découverte par la commission, forme celle +de 51,801 liv. remise par elle à la Trésorerie nationale.</p> + +<p>»Il avait été trouvé, en outre, dans la commode de la chambre à coucher +de la du Barry, une somme de 3,443 liv. en assignats; mais cette somme a +été mise par les citoyens Lacroix et Musset, représentants du peuple à +Versailles, à la disposition du citoyen Greive, pour subvenir aux +dépenses du moment, et il reste encore une somme de 29 liv. en +assignats, et 7 liv. en argent monnayé.</p> + +<p>»Les commissaires observent qu'il a été déposé entre leurs mains, le 27 +nivôse, par le citoyen Fournier, ancien juge de paix, à l'appui d'un +procès-verbal de découverte, chez la femme Couture, une somme de 1,200 +liv., savoir: 400 liv., dont 200 liv. démonétisées appartenant à Morin, +et 800 livr. au nommé Pétry, coiffeur, détenu à Paris. Les commissaires +du district chargés de faire l'inventaire rendront compte de ces sommes +et des autres en tant que de besoin.<a name="page_325" id="page_325"></a></p> + +<p>»Les commissaires, en suivant l'ordre de leur relevé sur les +procès-verbaux remis entre leurs mains, ont fait, en présence du citoyen +Greive, du juge de paix et du maire de Louveciennes, le récolement et la +reconnaissance de l'argenterie, des effets en or, cristaux, bijoux, +diamants et autres objets précieux, mis sous les scellés dans la chambre +à coucher de la du Barry, nº 4. Ils ont rédigé procès-verbal de chaque +opération, et en ont donné copie au citoyen Greive et à la municipalité +du lieu.</p> + +<p>»Cette vérification leur a demandé un temps très-long, attendu que +beaucoup de ces objets n'avaient pas été désignés suivant leur nature et +espèce, et suivant les termes techniques qui leur convenaient. +<i>Peut-être que le plaisir d'avoir fait les découvertes, la précipitation +avec laquelle on a procédé à leur inventaire, ont fait négliger les +formalités de la rédaction et l'exactitude dans la prescription et +reconnaissance des objets; mais en général les commissaires ont aperçu +un défaut d'ordre, et ils ne peuvent mieux le prouver que par le grand +nombre d'effets qu'ils ont reconnus n'avoir pas été inventoriés.</i> Le +désordre ne porte pas seulement sur les objets découverts, mais sur tous +ceux en évidence dans la maison. Ces objets sont épars et en confusion.</p> + +<p>»<i>Les commissaires ont trouvé, dans différents endroits de la maison, +plusieurs étuis de chagrin et galuchat, qui renfermaient sans doute des +effets précieux et qui, cependant, ne font pas partie de ceux +inventoriés et<a name="page_326" id="page_326"></a> reconnus.</i> Les commissaires ont vu, entre autres étuis, +celui dans lequel devait se trouver une paire de boucles de souliers en +or, garnies de perles, dont l'existence antérieure est prouvée par la +déclaration même de la du Barry. <i>Tous ces étuis ont été trouvés vides.</i> +Les commissaires ignorent si les objets qu'ils contenaient existaient au +moment de l'arrestation de cette femme, ou si elle n'en aurait pas +disposé elle-même, d'une manière ou d'une autre.</p> + +<p>»Les commissaires ont remis successivement à l'administration des +domaines l'argenterie, les bijoux, diamants, effets en or, et +généralement tous les objets provenant soit de leurs découvertes +personnelles, soit des découvertes faites avant eux par le citoyen +Greive, commissaire de sûreté du comité général de la Convention. Ils +invitent à en acquérir la preuve par l'examen de l'état ci-joint, dont +les objets y mentionnés portent le numéro correspondant à celui des +objets désignés dans les procès-verbaux et récépissés de remise aux +domaines. Ils joignent aussi au présent résumé historique d'opérations +l'état de comparaison des objets déclarés par la du Barry et trouvés, +avec ceux qui restent à découvrir.</p> + +<p>»Jusque-là les commissaires avaient rempli l'objet intrinsèque de leur +mission. Mais la nature même de leurs fonctions les a entraînés dans une +quantité de détails dont ils devaient prendre connaissance, autant parce +qu'ils se sont trouvés liés à leurs fonctions que parce que le besoin de +se mettre à l'abri de<a name="page_327" id="page_327"></a> tous reproches leur recommandait de faire tout ce +qui intéressait le bien public.</p> + +<p>»Des mesures de sûreté générale, relatives à la conservation des dépôts +précieux, existant dans la maison de la du Barry, avaient exigé la +surveillance d'une garde assez nombreuse; mais l'enlèvement successif de +ces dépôts demandait une économie dans cette dépense. En conséquence, +les commissaires ont réduit, le 6 pluviôse, la garde à six hommes, au +lieu de dix-huit. Cette garde, depuis le 2 vendémiaire, jour de son +établissement par le citoyen Greive, jusqu'au 13 frimaire, avait été +payée sur des fonds mis à la disposition du citoyen Greive, savoir: +3,143 liv. par les citoyens Lacroix et Musset, représentants du peuple à +Versailles, et 3,000 liv. par Voulant et Jajot; mais le citoyen Greive +n'avait plus de fonds disponibles. Il est dû encore à la garde la somme +de 3,151 liv., et les commissaires en ont envoyé l'état à +l'administration du district de Versailles.</p> + +<p>»Le besoin de rétablir l'ordre dans la maison de la du Barry devait +fixer, la sollicitude des commissaires. Ce soin paraissait cependant +devoir appartenir plus particulièrement au citoyen Greive, qui depuis +longtemps habitait la maison de la du Barry, connaissait les causes de +la dépense, et l'avait mise ou laissée sur le pied où les commissaires +l'ont trouvée.—<i>Mais le citoyen Greive, trop occupé sans doute de +l'exécution des grandes mesures de sûreté générale,<a name="page_328" id="page_328"></a> dont il annonçait +être chargé par sa qualité même, n'avait pas le temps d'entrer dans les +petits détails.</i> Les commissaires ont cru devoir prendre sur eux de +faire la réforme commandée par l'économie, en attendant d'ailleurs la +solution de plusieurs questions dont la nature les attachait encore à +leur place.</p> + +<p>»Jusque-là différentes circonstances, dont il sera parlé ci-après, +avaient occasionné une dépense assez considérable de bouche et de +chauffage; mais les circonstances n'étant plus les mêmes, les +commissaires ont jugé devoir rompre le cours de cette dépense. A cet +effet, ils ont arrêté les mémoires du boulanger, du boucher et des +autres fournisseurs de la maison. Ils ont envoyé à l'administration du +district de Versailles le bordereau de cette dépense, montant à la somme +de 2,749 fr.</p> + +<p>»Cette dépense, dont le citoyen Greive peut rendre compte mieux que +personne des causes qui l'ont déterminée, a été plus considérable +pendant le cours de sa mission. En général, cette dépense a été faite +par les différents commissaires qui se sont succédé, par le juge de +paix, son greffier, par les officiers municipaux, dans un temps où le +secret des opérations demandait leur permanence continuelle, par les +personnes que le citoyen Greive a employées à auner les étoffes, à peser +les matières d'or et d'argent, par les prévenus traduits devant la +commission, par les gendarmes, huissiers qui les ont accompagnés,<a name="page_329" id="page_329"></a> enfin +par toutes les personnes dont la présence a été reconnue nécessaire.</p> + +<p>»Les fonctions des commissaires ont acquis, par l'effet des +circonstances, une plus grande latitude. Ils ont appris, par exemple, +qu'il existait à Paris, dans la maison de Brissac, un coffre de fer +caché entre deux boiseries. A cet effet, ils sont allés plusieurs fois à +Paris pour se concerter avec le ministre sur les moyens à employer pour +sa découverte. Le ministre a écrit lui-même au comité de surveillance de +la Fontaine de Grenelle, pour l'inviter à nommer deux membres pour +seconder les commissaires dans leurs recherches. Le citoyen Villette +s'est présenté lui-même au comité de cette section, à celui de sûreté +générale; mais les formalités à remplir pour la levée des scellés chez +Brissac ont arrêté sans doute l'usage de toutes mesures, et le coffre de +fer reste encore à découvrir, ou, s'il a été découvert, la commission +l'ignore.</p> + +<p>»Les commissaires ont aussi, sur la réquisition des citoyens Lacroix et +Musset, représentants du peuple à Versailles, fait l'inventaire du vieux +linge existant dans la maison de la du Barry, et l'ont envoyé à +l'hôpital militaire de Saint-Cyr.</p> + +<p>»Ces différentes démarches et opérations ont occupé les commissaires en +attendant la réponse à plusieurs questions de la solution desquelles +dépendait la continuation ou la cessation de leurs fonctions.</p> + +<p>»Une de ces questions était de connaître la manière<a name="page_330" id="page_330"></a> dont on disposerait +des étoffes précieuses existant dans la maison de la du Barry. Une +grande partie de ces étoffes, dont la valeur peut s'élever à 200,000 +livres, ne pouvait être vendue qu'à l'étranger. Le ministre, sur les +observations des commissaires, avait écrit au comité de salut public: +depuis peu, ce comité a chargé l'administration des subsistances d'en +faire l'inventaire, et dans ce moment ce travail occupe les +commissaires.</p> + +<p>»Le rétablissement de l'ordre, des précautions de tout genre, le besoin +d'éviter même des dilapidations, le besoin de liquider la succession de +la du Barry pour payer les créanciers, toutes ces considérations ont +engagé les commissaires à demander qu'il soit procédé promptement à +l'inventaire du mobilier de la du Barry, et, depuis le 20 pluviôse, les +citoyens Delcros et Lequoy ont été nommés à cet effet par +l'administration du district de Versailles.</p> + +<p>»En conséquence, les pouvoirs du citoyen Villette, seul commissaire du +pouvoir exécutif à Louveciennes, doivent cesser lorsqu'il aura fini, +conjointement avec le commissaire des subsistances et ceux du district, +l'inventaire des étoffes dont il est spécialement chargé par le +ministre.</p> + +<p>»Voici la manière dont les membres composant la commission de +Louveciennes ont cru devoir rendre compte de leur mission, chacun pour +les opérations auxquelles ils ont été présents, nonobstant les pièces<a name="page_331" id="page_331"></a> +qu'ils joignent à l'appui de leur compte, certifiant le tout sincère et +véritable.</p> + +<p>»Signé à la minute: Huvé, Villette, Delcros, Houdon, Bicault et Lequoy, +secrétaire<a name="FNanchor_155_155" id="FNanchor_155_155"></a><a href="#Footnote_155_155" class="fnanchor">[155]</a>.»</p> + +<p>Outre la commission générale, deux autres devaient s'entendre avec elle, +l'une, pour faire passer immédiatement à Versailles tout ce qui pourrait +être employé par l'État, l'autre, pour envoyer aussi dans cette ville +les objets d'art, afin de les ajouter à ceux déjà très-nombreux +provenant des maisons du roi et des princes, que l'on réunissait dans le +palais.</p> + +<p>La première de ces commissions fit passer au district, en fer, cuivre, +linge, literie, harnais, sucre et eau-de-vie, pour la somme de 128,089 +fr. Le linge, la literie, le sucre et l'eau-de-vie furent envoyés à la +maison de Saint-Cyr, transformée en hôpital militaire. Le reste fut +déposé dans les magasins de l'État.</p> + +<p>La commission des arts fit choix des objets qui lui parurent dignes +d'être conservés. Comme la plupart de ces œuvres d'art sont aujourd'hui +dans les musées et dans les palais impériaux, il n'est pas sans intérêt +d'en faire connaître l'origine, en donnant la liste dressée alors par la +commission. Ces objets sont au nombre de cinquante-cinq.</p> + +<p>1º Deux tableaux de Vien;</p> + +<p>2º Une gaîne avec chapiteau et base de granit d'Italie;</p> + +<p>3º Une Vénus Callipyge (petite proportion);<a name="page_332" id="page_332"></a></p> + +<p>4º Un Apollon du Belvédère;</p> + +<p>5º Thésée enlevant Hermione;</p> + +<p>6º Une Vestale entretenant le feu sacré, suivie par deux enfants;</p> + +<p>7º Un groupe représentant Louis XV porté par quatre guerriers;</p> + +<p>8º Un petit buste de Louis XV;</p> + +<p>9º Un feu en bronze doré, cerf, sanglier et attributs de chasse;</p> + +<p>10º Un tableau représentant une marine, par Vernet, de huit pieds de +haut sur cinq de large.</p> + +<p>11º Un autre tableau de même dimension, représentant une ruine, par +Robert;</p> + +<p>12º Quatre dessus de porte, par Fragonard;</p> + +<p>13º Une Nymphe en marbre, fuyant, et un Amour la menaçant;</p> + +<p>14º Une Baigneuse, de Falconnet;</p> + +<p>15º Le buste de Louis XV, en marbre, par Pajou;</p> + +<p>16º Une pendule représentant l'Amour porté par les Grâces, en bronze +doré d'or moulu;</p> + +<p>17º Deux vases de porcelaine de Sèvres, fond azur;</p> + +<p>18º Deux vases de porcelaine, forme étrusque;</p> + +<p>19º Un baromètre et thermomètre avec cartouches et figures de +porcelaine;</p> + +<p>20º Deux vases en marbre blanc et porphyre;</p> + +<p>21º Deux feux dorés d'or moulu, les plus riches;</p> + +<p>22º Deux figures en marbre blanc, proportion de deux pieds;</p> + +<p>23º Deux candélabres à trois branches, représentant deux femmes +groupées;</p> + +<p>24º Deux autres, en forme de bouteille;<a name="page_333" id="page_333"></a></p> + +<p>25º Un feu doré, en forme de vase;</p> + +<p>26º Une table en porcelaine de Sèvres, les peintures d'après Vanloo;</p> + +<p>27º Un vase de porphyre;</p> + +<p>28º Un feu en forme de cassolettes et pommes de pin;</p> + +<p>29º Trois chandeliers à trois branches, en cassolettes;</p> + +<p>30º Le buste de la du Barry, par Pajou, sur sa gaîne;</p> + +<p>31º Partie d'un <i>forte-piano</i>;</p> + +<p>32º Deux grands vases de porphyre;</p> + +<p>33º Une harpe dans sa robe de taffetas noir;</p> + +<p>34º Un tableau représentant la Fuite de l'Amour;</p> + +<p>35º La Marchande d'Amours, par Vien;</p> + +<p>36º La Cruche cassée, par Greuze;</p> + +<p>37º Jupiter et Antiope;</p> + +<p>38º Une pastorale, par Boucher, de trente-six pouces de haut sur +vingt-huit de large;</p> + +<p>39º Un paysage, de Visnose;</p> + +<p>40º Une bordure ovale de trois pieds de haut, richement sculptée et +dorée;</p> + +<p>41º Une autre de deux pieds de haut;</p> + +<p>42º Une commode de vieux laque;</p> + +<p>43º Une autre plaquée, en porcelaine de Sèvres, à sujets et figures +très-jolis;</p> + +<p>44º Un tableau représentant la Visitation d'Élisabeth;</p> + +<p>45º Un autre représentant la Vierge et l'Enfant Jésus;</p> + +<p>46º Un autre, non fini, représentant la du Barry en Bacchante;</p> + +<p>47º Un pastel: un Enfant jouant du tambour de basque, d'après Drouet;</p> + +<p>48º Un Enfant jouant du triangle, d'après Drouet;</p> + +<p>49º Un tableau représentant un enfant tenant une<a name="page_334" id="page_334"></a> pomme, peint par +Drouet, de vingt pouces de haut sur dix-huit de large;</p> + +<p>50º Un tableau: une Femme en lévite blanche;</p> + +<p>51º Un autre: Louis XV en habit de revue;</p> + +<p>52º Un autre: Louis XV enfant;</p> + +<p>53º Une gravure enluminée représentant un paysage;</p> + +<p>54º Une estampe représentant la femme Lebrun;</p> + +<p>55º Un tableau peint sur toile, par Robert, représentant une esquisse de +la messe, de quatorze pouces de haut sur seize de large.</p> + +<p> +<br /> +</p> + +<p>Après les travaux particuliers des diverses commissions, la commission +générale fit un relevé de tous les procès-verbaux d'inventaires, +enlèvements, reconnaissances et ventes du mobilier ayant eu lieu +successivement sous sa direction; elle y ajouta les récépissés de dépôt +des différents objets extraits, de la maison de madame du Barry, et elle +envoya cet immense travail au district de Versailles pour le faire +passer au directoire du département de Seine-et-Oise. Ce travail, avec +toutes les pièces à l'appui, forme aujourd'hui la plus grande partie des +papiers renfermés aux archives de la préfecture de Seine-et-Oise, sous +le nom de <i>madame du Barry</i>.</p> + +<p> +<br /> +</p> + +<table border="0" cellpadding="0" cellspacing="0" summary=""> + +<tr><td><p class="hang">Le relevé général est terminé par le bordereau du<br /> +montant des seuls objets vendus et estimés, lequel s'élève<br /> +à</p></td> +<td align="right" valign="bottom"> 707,251 l.</td> +<td align="right" valign="bottom"> 15 s.</td></tr> + +<tr><td><p class="hang">Les bijoux, diamants, cristaux, etc.,<br /> +dont le prix n'est pas porté, sont<br /> +évalués au même inventaire</p></td> +<td align="right" valign="bottom"> 400,000</td> +<td align="right" valign="bottom">» <a name="page_335" id="page_335"></a></td></tr> + +<tr><td><p class="hang">Les matières d'or, 89 marcs, 6 onces,<br /> +peuvent être appréciées au moins</p></td><td align="right" valign="bottom"> 60,000</td><td align="right" valign="bottom">» </td></tr> + +<tr><td><p class="hang">Celles d'argent, 1,449 marcs, à 45<br /> +livres le marc</p></td><td align="right" valign="bottom"> 65,205</td><td align="right" valign="bottom">» </td></tr> + +<tr><td><p class="hang">Celles de vermeil, 84 marcs, à<br /> +50 livres</p></td><td align="right" valign="bottom"> 4,200</td><td align="right" valign="bottom">» </td></tr> + +<tr><td><p class="hang">Galons et franges d'or, 34 marcs </p></td><td align="right" valign="bottom"> 2,700</td><td align="right" valign="bottom">» </td></tr> + +<tr><td><p class="hang">Galons d'argent et brûlé, 121 marcs</p></td><td align="right" valign="bottom"> 3,600</td><td align="right" valign="bottom">» </td></tr> + +<tr><td><p class="hang">Cuivre, fer, plomb et étain</p></td><td align="right" valign="bottom"> 4,000</td><td align="right" valign="bottom">» </td></tr> + +<tr><td><p class="hang">Total général de l'appréciation des<br /> +effets mobiliers confisqués chez<br /> +madame du Barry</p></td><td align="right" valign="bottom"><a name="FNanchor_156_156" id="FNanchor_156_156"></a><a href="#Footnote_156_156" class="fnanchor">[156]</a> 1,246,956 l.</td><td align="right" valign="bottom"> 15 s.</td></tr> + +</table> + +<p>Quand madame du Barry fut arrêtée, elle avait encore un grand nombre de +dettes, et la municipalité de Louveciennes ne tarda pas à être accablée +de mémoires de tous les créanciers. Tous ces mémoires, visés par elle, +furent envoyés au district. Il résulte de leur relevé général qu'ils +s'élevaient à la somme de 956,124 liv. 13 s. 4 d.—La vérification de +ces mémoires fut renvoyée à une commission chargée de mettre la plus +grande sévérité dans l'examen de ces dettes. Le gouvernement d'alors dut +être satisfait de l'habileté des commissaires, car les mémoires ont été +si bien examinés et contrôlés, que presque aucun des créanciers n'a été +payé.</p> + +<p>Les parents de madame du Barry, auxquels on a vu qu'elle avait fait des +pensions viagères, réclamèrent<a name="page_336" id="page_336"></a> aussi la continuation de leurs pensions; +mais on les supprima toutes, à l'exception de celle de Rançon, le mari +de la mère de madame du Barry, qui vint se retirer à Versailles, et y +mourut le 25 octobre 1801.</p> + +<p>La propriété de Louveciennes avait été vendue le 20 thermidor an III (7 +août 1795)<a name="FNanchor_157_157" id="FNanchor_157_157"></a><a href="#Footnote_157_157" class="fnanchor">[157]</a>, et le comte Guillaume, qui s'était remarié<a name="FNanchor_158_158" id="FNanchor_158_158"></a><a href="#Footnote_158_158" class="fnanchor">[158]</a>, était +mort à Toulouse, le 2 août 1811, à l'âge de 79 ans. Tout avait disparu. +Il ne restait plus, comme souvenir du nom de <i>du Barry</i>, que la honte +jetée par lui sur les dernières années du règne de Louis XV. Mais à ce +souvenir, cependant, venait se mêler celui des souffrances supportées +par cette malheureuse femme dans les derniers temps de sa vie, et l'on +se prenait de pitié quand on considérait par quelle horrible mort elle +avait expié ses quelques années de bonheur!</p> + +<p>Ce nom devait recevoir encore une nouvelle humiliation, et il devait la +recevoir de ses propres parents, de ses héritiers.</p> + +<p>Dans l'acte de mariage de madame du Barry, elle y était dite fille du +sieur <i>Jean-Jacques Gomard de Vaubernier</i>, intéressé dans les affaires +du roi. Aussitôt le retour en France, en 1814, du roi Louis XVIII, les<a name="page_337" id="page_337"></a> +héritiers <i>Gomard</i> firent de nombreuses démarches auprès des ministres +pour être remis en possession des objets ayant appartenu à madame du +Barry, et existant dans les établissements publics. Ils se fondaient, +pour appuyer leur demande, sur l'acte de naissance<a name="FNanchor_159_159" id="FNanchor_159_159"></a><a href="#Footnote_159_159" class="fnanchor">[159]</a> de madame du +Barry, annexé à celui de célébration de son mariage à la paroisse de +Saint-Laurent, ainsi conçu:</p> + +<p>«Extrait des registres de baptême de la paroisse de Vaucouleurs, diocèse +de Touls, pour l'année mil sept cent quarante-<i>six</i>.</p> + +<p>»Jeanne, fille de <i>Jean-Jacques Gomard de Vaubernier</i> et <i>d'Anne Bécu</i>, +dite <i>Quantigny</i>, est née le dix-neuf août mil sept cent quarante-six, a +été baptisée le même jour, a eu pour parrain Joseph <i>de Mange</i> et pour +marraine Jeanne <i>de Birabin</i>, qui ont signé avec moi:</p> + +<p>»L. Gaon, vicaire de Vaucouleurs; Joseph de Mange et Jeanne de Birabin.</p> + +<p>»Je soussigné, prêtre-curé de la paroisse et ville de Vaucouleurs, +diocèse de Touls, certifie à qui il appartient, vu le présent extrait +conforme à l'original.</p> + +<p>»A Vaucouleurs, ce quatre juillet mil sept cent cinquante-neuf.</p> + +<p class="r">»L.-P. Dubois.</p> + +<p>»Nous, Claude-François Duparge, licencié ès loix, conseiller du roi, +commissaire enquesteur-examinateur en la ville et prévôté de +Vaucouleurs, faisant les fonctions de M. le président Prevost, absent, +certifions que les écriture et signature ci-dessus sont du sieur Dubois, +curé de Vaucouleurs, et que foy y est et doit y être ajoutée. En +témoignage de quoi nous avons signé les présentes et scellé de notre +cachet.—A Vaucouleurs, ce quatre juillet mil sept cent cinquante-neuf:</p> + +<p>»Signé, Duparge, avec paraphe. Approuvé l'écriture, Duparge<a name="FNanchor_160_160" id="FNanchor_160_160"></a><a href="#Footnote_160_160" class="fnanchor">[160]</a>.»</p> + +<p>Après beaucoup de démarches infructueuses, et après avoir présenté au +ministre des finances un acte de notoriété constatant que le sieur +<i>Philbert Gomard</i>, frère de <i>Gomard de Vaubernier</i>, père de madame du +Barry, étant le plus proche parent de la comtesse à l'heure de sa mort, +était son héritier, le même acte établissant leur filiation comme +héritiers directs du sieur <i>Philbert Gomard</i>, le ministre les autorisa à +faire retirer de la préfecture de Seine-et-Oise les papiers de madame du +Barry, déposés aux archives lors du séquestre mis sur ses biens en 1793. +Ces papiers devaient servir à les diriger dans les réclamations qu'ils +faisaient au gouvernement. L'inventaire des papiers ainsi donnés un peu +légèrement montre combien de documents intéressants ont été perdus pour +les recherches historiques.<a name="page_339" id="page_339"></a></p> + +<p>Inventaire des titres et papiers provenant de madame la comtesse du +Barry, condamnée révolutionnairement, et dont les biens ont été +séquestrés; lesquels papiers, par suite du séquestre, ont été extraits +du domicile de ladite dame, à Louveciennes, transférés à +l'administration du ci-devant district de Versailles, et ensuite déposés +aux archives de la préfecture de Seine-et-Oise:</p> + +<p>1<sup>re</sup> <i>liasse</i>.—Composée de pièces relatives aux anciens ouvrages +faits au pavillon de Louveciennes, années 1760 et 1770, etc., mémoires +de divers fournisseurs, et ouvriers, quittances, états de payements et +diverses pièces de renseignements.</p> + +<p>2<sup>e</sup> <i>liasse</i>.—Anciens mémoires de fournisseurs et ouvriers quittancés +de 1770 à 1774. Bail passé à madame du Barry par la veuve Duru et +consorts, d'une maison située à Versailles, rue de l'Orangerie, le 22 +décembre 1768. Bordereau des sommes payées par M<sup>e</sup> Lepot-d'Auteuil, +notaire.</p> + +<p>3<sup>e</sup> <i>liasse</i>.—Autres différents mémoires de marchands, ouvriers et +fournisseurs, également quittancés. Dépenses de tout genre à l'hôtel et +pavillon de l'avenue de Paris, à Versailles, en 1773. Comptes rendus par +M. de Montvallier, intendant de madame la comtesse du Barry, ès années +1773 et 1774.</p> + +<p>4<sup>e</sup> <i>liasse</i>.—Divers mémoires de marchands, orfèvres, bijoutiers, +drapiers, modistes, fournisseurs, gagistes, peintres, ouvriers, etc., en +1772 et années suivantes, également quittancés. Inventaires et états<a name="page_340" id="page_340"></a> +d'effets mobiliers, tels que tableaux, statues, pièces d'ornement, etc., +étant à Louveciennes, à différentes époques, notamment un inventaire +général du mobilier de Louveciennes, fait en 1774.</p> + +<p>5<sup>e</sup> <i>liasse</i>.—Mémoires quittancés d'orfèvres, bijoutiers, marchands +de meubles et d'étoffes. États de gages payés aux personnes de la maison +de madame du Barry, et autres pièces diverses de dépenses, années 1771 +et suivantes.</p> + +<p>6<sup>e</sup> <i>liasse</i>.—Pièces relatives à la construction du nouveau pavillon +de Louveciennes, en 1771 et 1772. Comptes et mémoires quittancés de +divers entrepreneurs, marchands, ouvriers, etc.</p> + +<p>7<sup>e</sup> <i>liasse</i>.—Formée de mémoires et de quittances donnés par des +ouvriers, marchands, fournisseurs, pensionnaires et autres personnes +attachées à madame du Barry, en diverses années.</p> + +<p>8<sup>e</sup> <i>liasse</i>.—Mémoires acquittés de marchands, ouvriers, +fournisseurs, notamment du sieur Aubert, joaillier, du sieur Cozette, +entrepreneur de la manufacture royale des Gobelins. Quittances de sommes +payées pour pensions et bienfaits accordés par madame du Barry. Ouvrages +faits à un hôtel, à Versailles, avenue de Paris, et à une maison à +Saint-Vrain.</p> + +<p>9<sup>e</sup> <i>liasse</i>.—Pièces relatives aux locations de baraques, boutiques +et appentis établis sur la contrescarpe, à Nantes, concédés à madame du +Barry, pour l'usufruit seulement, sa vie durant, par brevet du<a name="page_341" id="page_341"></a> roi du +23 décembre 1769. Compte du sieur Dardel, régisseur, et du sieur +Couillaud de la Pironnière, receveur du produit desdites boutiques, etc. +Pièces et plans y relatifs. Baux desdits biens, passés en 1771.</p> + +<p>10<sup>e</sup> <i>liasse</i>.—Papiers, mémoires, lettres, relatifs aux dépenses +faites à la Maison-Rouge, sise commune de Villiers-sur-Orge. Inventaire +d'effets mobiliers garnissant ladite maison. <i>Lettres et autres pièces +de correspondance particulière de madame du Barry, en 1792 et 1793.</i> +Quittances, reçus de l'année 1793. Contrat du 24 octobre 1775, devant +M<sup>e</sup> Deschesnes, notaire à Paris, concernant vente par madame la +comtesse du Barry à <i>Monsieur</i>, frère du roi, d'un grand hôtel sis à +Versailles, avenue de Paris, moyennant 224,000 liv<a name="FNanchor_161_161" id="FNanchor_161_161"></a><a href="#Footnote_161_161" class="fnanchor">[161]</a>.</p> + +<p>Tels sont les papiers remis aux héritiers Gomard. Où sont aujourd'hui +ces titres, ces lettres de madame du Barry? Que sont-ils devenus? Ils +ornent probablement la collection de quelque amateur d'autographes<a name="FNanchor_162_162" id="FNanchor_162_162"></a><a href="#Footnote_162_162" class="fnanchor">[162]</a>.</p> + +<p>Malgré toutes leurs demandes, ils n'avaient encore rien recueilli de la +succession de madame du Barry, lorsque fut rendue, le 17 avril 1825, la +loi d'indemnité des biens des émigrés.</p> + +<p>A l'époque de sa mort, madame du Barry ne possédait<a name="page_342" id="page_342"></a> aucun immeuble, et +par conséquent ses héritiers n'avaient rien à réclamer de l'indemnité. +Mais l'on se rappela alors le testament de M. de Brissac, et l'on +réclama de la famille de Mortemart, héritière du duc, et qui avait une +part considérable dans la liquidation du milliard d'indemnité, +l'exécution du legs fait au profit de madame du Barry.</p> + +<p>Jusque-là, les héritiers Gomard s'étaient seuls présentés. Mais +lorsqu'il se fut agi du legs du duc de Brissac, les héritiers <i>Bécu</i>, +c'est-à-dire ceux du côté maternel, vinrent, non-seulement pour entrer +en partage, mais contestèrent même aux <i>Gomard</i> leur titre d'héritiers +de madame du Barry.</p> + +<p>On a vu qu'une fois riche, madame du Barry n'a jamais cessé de faire du +bien à sa famille. Elle mit sa mère à l'abri du besoin et fit une +pension viagère à Rançon, son beau-père, lorsqu'il fut devenu veuf. Les +frères de sa mère reçurent aussi d'elle des pensions viagères, et elle +dota leurs filles en leur faisant faire des mariages avantageux. Mais on +ne voit nulle part qu'elle se soit jamais intéressée aux <i>Gomard</i>. D'où +vient cette différence dans la manière d'agir de madame du Barry à +l'égard de sa famille? Le procès qui s'est élevé entre les divers +héritiers va nous en donner l'explication.</p> + +<p>Les <i>Gomard</i> appuyaient leurs prétentions à l'héritage de madame du +Barry sur l'acte de naissance déposé à la paroisse de Saint-Laurent, +reconnaissant comme père de madame du Barry <i>Jean-Jacques Gomard<a name="page_343" id="page_343"></a> de +Vaubernier</i>. Les Bécu attaquèrent cet acte comme faux, et présentèrent +un autre acte de naissance, levé par eux sur les registres de l'état +civil de la ville de Vaucouleurs, le 25 septembre 1827, constatant que +madame du Barry était <i>fille naturelle de Anne Bécu</i>, et que, par +conséquent, les héritiers <i>Gomard</i> n'avaient aucun droit dans cette +succession.</p> + +<p>De là, procès entre les deux branches et jugement du tribunal civil de +première instance de la Seine du 9 janvier 1829, confirmé par arrêt de +la cour royale de Paris du 22 février 1830, qui donne gain de cause aux +<i>Bécu</i> et les reconnaît comme seuls héritiers de madame du Barry.</p> + +<p>La cause de ce faux acte de naissance s'explique aisément. Madame du +Barry était la maîtresse du roi. Le mariage lui donnait un nom et allait +lui permettre d'arriver aux plus grandes faveurs. Mais il fallait un peu +flatter la vanité des du Barry, et d'ailleurs Louis XV n'aurait-il pas +eu quelque répugnance à conserver pour maîtresse, quoique comtesse, la +bâtarde d'une pauvre fille de campagne?</p> + +<p>Il est probable que celui qui joua le rôle le plus important dans la +fabrication de cet acte fut cet <i>abbé Gomard</i>, aumônier du roi, qu'on a +vu déjà figurer à la célébration du mariage de madame du Barry, comme +fondé de pouvoir de sa mère et de son beau-père. Depuis longtemps cet +abbé était lié avec Rançon et sa femme, et les pamphlets du temps disent +qu'il connaissait très-bien le père de madame du Barry: il<a name="page_344" id="page_344"></a> était, de +plus, intime avec Lebel, le valet de chambre de Louis XV, et avec le +comte Jean. On peut donc supposer que ce fut lui qui fit placer dans cet +acte le nom de son propre frère Jean-Jacques Gomard de Vaubernier, mort +depuis longtemps, comme père de <i>Jeanne Bécu</i>, et en fit ainsi une fille +légitime<a name="FNanchor_163_163" id="FNanchor_163_163"></a><a href="#Footnote_163_163" class="fnanchor">[163]</a>.</p> + +<p>Il est curieux, au reste, d'examiner les transformations que l'on fit +subir à l'acte primitif que voici:</p> + +<p>«Extrait des registres de l'état civil de la ville de Vaucouleurs, +déposés aux archives du tribunal de première instance séant à +Saint-Mihiel (Meuse).</p> + +<p>»Jeanne, fille naturelle d'Anne Béqus, dit Quantiny, est née le +dix-neufième aoust de l'an mil sept cent quarante-trois, et a été +baptisée le même jour. Elle a eu pour parain Joseph Demange, et pour +maraine Jeanne Birabin, qui ont signé avec moy.</p> + +<p>»Les signatures sont ainsi apposées sur l'acte:</p> + +<p class="r">»Janne Birabine. L. galon, vic. de Vau.<br /> +»Joseph Demange. </p> + +<p>Pour copie collationnée sur la seconde minute déposée aux archives.</p> + +<p>»Saint-Mihiel, le 25 septembre 1827. Le commis-greffier,</p> + +<p class="r"> +»François.<a name="FNanchor_164_164" id="FNanchor_164_164"></a><a href="#Footnote_164_164" class="fnanchor">[164]</a>»<br /> +</p> + +<p>D'abord, et c'était la partie essentielle, on donne un père à la fille +naturelle; et, comme le nom de <i>Gomard</i> tout court est encore bien +bourgeois, on y ajoute celui de <i>Vaubernier</i>. Puis, comme le parrain et +la marraine doivent être à la hauteur du père de l'enfant, on fait du +simple Joseph Demange, monsieur Joseph <i>de Mange</i> avec une particule, et +de Jeanne Birabin, qui, suivant l'usage de la campagne, est appelée la +Birabine, et signe comme on est dans l'habitude de l'appeler, on fait +madame <i>de Birabin</i>. Enfin, comme il paraîtra plus agréable au roi de +lui donner pour maîtresse une <i>demoiselle noble et mineure</i> qu'une +<i>fille naturelle et majeure</i>, on retranche trois ans de l'acte primitif, +et on fait naître madame du Barry le 19 août 1746, au lieu du 19 août +1743.</p> + +<p>Après l'arrêt de la cour royale de Paris, qui frappe de faux l'acte de +naissance déposé à l'église de Saint-Laurent, et reconnaît les <i>Bécu</i> +comme seuls héritiers de madame du Barry, ceux-ci continuèrent à +attaquer la famille de Mortemart pour l'exécution du legs de M. de +Brissac. Le procès dura jusqu'à la fin de 1833. Enfin les héritiers +<i>Bécu</i> s'entendirent avec la famille de Mortemart sur la somme à +recevoir; mais elle leur profita peu et fut presque entièrement absorbée +par les créanciers de madame du Barry et par les frais du procès<a name="FNanchor_165_165" id="FNanchor_165_165"></a><a href="#Footnote_165_165" class="fnanchor">[165]</a>.<a name="page_346" id="page_346"></a></p> + +<p>Outre les détails généraux qu'on a pu faire connaître grâce à L'analyse +des diverses pièces indiquées dans ce récit, il en est de particuliers à +la personne même de madame du Barry, qu'il est bon de rappeler en +terminant:</p> + +<p>1º Madame du Barry était fille naturelle, et son véritable nom était +<i>Jeanne Bécu</i>.</p> + +<p>2º A l'époque de son mariage on fit un faux acte de naissance, dans +lequel on lui donna pour père légitime <i>Jean-Jacques Gomard de +Vaubernier</i>.</p> + +<p>3º C'est donc à tort que, dans toutes les biographies, et dans les plus +récents ouvrages sur l'histoire de France, on lui conserve le nom de +<i>Jeanne Gomard de Vaubernier</i>, et il faut lui rendre son vrai nom de +<i>Jeanne Bécu</i>.</p> + +<p>4º Par suite de l'examen de son véritable acte de naissance, on voit que +madame du Barry avait 26 ans quand elle devint la maîtresse du roi Louis +XV, et non vingt-trois ans, comme cela semblait résulter du faux acte. +Elle est, par conséquent, morte sur l'échafaud à l'âge de cinquante ans.</p> + +<p>Quant aux sommes que madame du Barry a coûté à la France pour avoir eu +l'honneur d'être la maîtresse du roi, on peut, d'après l'examen de ces +mêmes pièces, en faire le relevé suivant:<a name="page_347" id="page_347"></a></p> + +<table border="0" cellpadding="4" cellspacing="0" summary=""> + +<tr><td valign="top">1º</td><td>Mobilier donné par le roi à madame du Barry, lors de +<br />son mariage </td><td align="right" valign="bottom">30,000 l.</td><td align="center" valign="bottom">»</td></tr> + +<tr><td valign="top">2º</td><td>Sommes payées pour madame +<br />du Barry, par <i>Baujon</i>, banquier +<br />de la cour, depuis 1769, première +<br />année de sa faveur, jusqu'en +<br />1774, année de la mort +<br />de Louis XV</td><td align="right" valign="bottom">6,375,559 l.</td><td align="center" valign="bottom">11 s. 11 d.</td></tr> + +<tr><td valign="top">3º</td><td>Pour achat de son hôtel de +<br />Versailles, par <i>Monsieur</i>, frère +<br />du roi, le 24 octobre 1775</td><td align="right" valign="bottom">224,000</td><td align="center" valign="bottom">»</td></tr> + +<tr><td valign="top">4º</td><td>Pour l'échange de 50,000 livres +<br />de rente viagère contre +<br />1,250,000 livres, délivrées par +<br />le trésor royal par arrêt du roi +<br />en avril 1784</td><td align="right" valign="bottom">1,250,000</td><td align="center" valign="bottom">»</td></tr> + +<tr><td valign="top">5º</td><td>Madame du Barry jouit de +<br />150,000 livres de rente viagère +<br />sur la ville de Paris, les +<br />États de Bourgogne et les loges +<br />de Nantes, depuis l'année 1769 +<br />jusqu'en 1784, ce qui donne un +<br />total de</td><td align="right" valign="bottom">2,400,000</td><td align="center" valign="bottom">»</td></tr> + +<tr><td valign="top">6º</td><td>Depuis l'année 1784 jusqu'en +<br />1793, elle n'a plus que 100,000 +<br />livres de rente viagère, ce qui +<br />donne un total de</td><td align="right" valign="bottom">900,000</td><td align="center" valign="bottom">»</td></tr> + +<tr><td valign="top">7º</td><td>La jouissance du château de +<br />Louveciennes et de ses nombreuses +<br />dépendances; les diverses +<br />dépenses faites à +<br />l'ancien château et la construction +<br />du pavillon, peuvent +<br />s'évaluer à un revenu +<br />de 50,000 livres de rente, +<br />ce qui fait, depuis 1769 +<br />jusqu'en 1793</td><td align="right" valign="bottom">1,250,000</td><td align="center" valign="bottom">»</td></tr> + +<tr><td colspan="2">Le total général de toutes ces +<br />sommes est de</td><td align="right" valign="bottom">12,429,559 l.</td><td align="center" valign="bottom">11 s. 11 d.!!!</td></tr> +</table> + +<h3><a name="NOTES" id="NOTES"></a>NOTES.</h3> + +<p>Les trois lettres suivantes nous ont été communiquées par M. Vatel, +avocat à Versailles. Elles nous ont paru assez intéressantes pour être +publiées en notes.</p> + +<p class="c">Nº I.—<i>Lettre de M. de Brissac à madame du Barry</i>.</p> + +<p class="r"> +Brissac, ce samedi 5 septembre 1789.<br /> +</p> + +<p>Les courriers ne sont pas assez fréquents, madame la comtesse, il est +bien vrai; car cette lettre qui partira demain par le Mans, arrivera +aussitôt que celle d'hier par la levée; mais c'est un plaisir que de +s'entretenir avec vous qu'il ne faut pas laisser échapper. Oui, l'avenir +comme le présent est désolant. A moins que la raison, le plus beau de +l'apanage de l'homme, ne le cède à l'esprit, l'ambition, la vanité, quel +est l'homme qui ne désire pas le bonheur et la liberté pour lui et les +autres, a moins qu'il ne soit un forcené? et je vois qu'il y en a trop. +Mais des personnes agissantes, assez franchement loyales pour concourir +à l'arrangement avantageux de tous, à ce gros de la nation, dont la +philosophie parle ainsi que le philosophe, qui par malheur ne connaît ni +n'a les moyens de<a name="page_350" id="page_350"></a> lui faire éprouver ce charme du vrai bonheur qu'il +n'est pas permis a tout le monde de connaître, où sont-ils, ces hommes? +Bien loin de nous. On ne les écoute pas, ou ils ne parlent pas, ou ils +n'existent pas. Que de tristesse toutes ces idées procurent! L'amour +sortant, ou fuyant l'esclavage, n'est pas mon emblème, madame la +comtesse, quoique ce soit celui de mon âge; il n'en est point, il est +vrai, si la beauté et la bonté d'accord partagent un sentiment senti par +un cœur digne de celui qu'il a pu toucher. Mais, par parenthèse, j'ai +ouï dire du mal de ce tableau, que l'on trouve froid, correct, mais peu +piquant. Je l'ai un peu pensé comme le critique; mais les détails et le +fini, ainsi que le coloris, en sont beaux et donneront toujours du +charme à ce tableau. Pas une dame ne prendra pour elle ces insultes que +leur fait l'amour, ou plutôt le peintre qui peut être froid, ou son âge +et ses travaux. Je pense qu'il y a eu fort peu de portraits, surtout de +madame Lebrun, qui a présenté celui de madame la duchesse d'Orléans. +Elle est faite pour être généralement aimée et estimée, et peut paraître +en public en quel temps que ce soit. Le Salon est-il beau? Je crois que +les campagnards n'auront pas été le voir. D'ailleurs il ne vaut pas la +peine depuis longtemps de se déplacer.—Je ne crois pas vous avoir dit +que je mangeais de mauvais pain; je le fais venir du Pont-de-Cé, et il +est bon, pas très-bien fait, mais mieux qu'ici, où on devrait le manger +excellent a cause de la beauté et bonté du grain. Notre froment est un +des plus beaux de la France, sans vouloir néanmoins attaquer et celui de +Brie, et le bienfait aimable et charmant de vos amies du Pont. Elles +vous aiment pour vous-même, parce qu'elles vous connaissent<a name="page_351" id="page_351"></a> bien, et +qu'alors il est difficile de vous refuser le tribut qu'arrache et +beauté, <i>et bonté et douceur, et cette aimable et parfaite égalité +d'humeur qui fait le charme d'une société habituelle</i>. Aussi +auraient-elles voulu vous garder, aussi vous y voudraient-elles; <i>et moi +je voudrais également y partager avec vous retraite et solitude, le tout +bien tranquille</i>. C'est ainsi que le trouble fait penser l'homme +raisonnable, qui a reconnu que le plus grand bien à faire est la chose +la plus difficile, et plus tumultueuse que l'orage, qui ramène si +souvent et si promptement un beau jour. Je ne vois pas que nous +avancions en besogne. Hélas! pourvu qu'elle soit faite, terminée, je +serai content. Je le serai beaucoup aussi, madame la comtesse, quand il +me sera permis de vous offrir tous mes hommages, tout mon respect et +tous les sentiments que je vous ai toujours offerts avec joie et +plaisir.</p> + +<p>Vos lettres sont presque toujours sept jours à arriver. Il m'en parvient +de Paris à deux jours de date; celles de Versailles éprouvent le même +retard. Mille respectueux hommages a mademoiselle votre belle-sœur.</p> + +<p class="c">Nº 2.—<i>Lettre de madame du Barry aux administrateurs du district de +Versailles</i>.</p> + +<p> +<span style="margin-left: 2em;">Citoyens administrateurs,</span><br /> +</p> + +<p>La citoyenne de Vaubernier du Barry est très étonnée qu'après toutes les +promesses qu'elle vous a fournies des raisons qui l'ont forcée d'aller +en Angleterre, vous l'ayez traitée comme émigrée.—Avant son départ elle +vous a<a name="page_352" id="page_352"></a> communiqué la déclaration qu'elle avait faite à sa municipalité; +vous l'avez enregistrée dans vos bureaux. Vous savez que c'est le +quatrième voyage qu'elle est obligée de faire, toujours pour le même +motif.</p> + +<p>Elle espère que vous voudrez bien faire lever les scellés qui ont été +apposés chez elle, contre toute justice, puisque la loi n'a jamais +défendu de sortir du royaume à ceux que des affaires particulières et +pressantes appellent en pays étranger. Toute la France est instruite du +vol qui lui a été fait la nuit du 10 au 11 janvier 1791; que ses voleurs +ont été arrêtés à Londres; qu'elle y a eu une procédure suivie, dont le +dernier jugement n'a été rendu que le 28 février dernier, ainsi que +l'atteste le certificat ci-joint.</p> + +<p> +<small>Louveciennes, ce 27 mars 1793.</small></p> + +<p class="c">Nº 3.—<i>Lettre de Lavallery, membre du district de Versailles, à madame +du Barry</i>.</p> + +<p> +<span style="margin-left: 2em;">Citoyenne,</span><br /> +</p> + +<p>Je me ferai représenter le plus tôt possible votre demande, dont le +succès ne me paraît pas devoir éprouver de grandes difficultés, vu la +notoriété du motif de vos absences, si vous avez eu surtout le soin de +joindre à votre mémoire les pièces justificatives, telles que vos +passe-ports ou leurs copies certifiées, certificats de résidence, etc. +<i>Soyez convaincue que s'il est des occasions où je désire donner du prix +à mon travail, vous avez droit à les faire naître. Votre sexe vous donne +le droit de désirer la tranquillité,<a name="page_353" id="page_353"></a> et votre amabilité</i>.... Mille +pardons, citoyenne, un républicain et un inconnu ne doit parler que la +langue des affaires.</p> + +<p>Agréez l'assurance de mon respect et de tout l'intérêt que vous avez +droit d'inspirer.</p> + +<p class="r"> +L<small>AVALLERY</small><a name="FNanchor_166_166" id="FNanchor_166_166"></a><a href="#Footnote_166_166" class="fnanchor">[166]</a>.</p> + +<p class="c"><small>Versailles, 17 mai (an II de la République).</small></p> + +<p class="hang">Nº 4.—<i>Récit de la mort de madame du Barry, extrait du journal</i> <span class="smcap">la +Nouvelle Minerve</span>, <i>intitulé</i> <span class="smcap">Souvenirs de la Révolution</span>.</p> + +<p>... Arrivé au pont au Change, j'y trouvai une assez grande foule +rassemblée. Je n'eus pas besoin de demander l'explication de ce +rassemblement: elle ne se fit pas attendre. J'entendis au loin des cris +déchirants, et aussitôt je vis sortir de la cour du palais de Justice +cette fatale charrette que Barrère, dans un de ces accès de gaieté qui +lui étaient si familiers, avait appelée <i>la bière des vivants</i>. Une +femme était sur cette charrette, qui approcha lentement de l'endroit où +je m'étais arrêté. Sa figure, son attitude, ses gestes exprimaient le +désespoir arrivé au plus haut paroxysme. Alternativement d'un rouge +foncé et d'une pâleur effrayante, se débattant au milieu de l'exécuteur +et de ses deux aides, qui avaient peine à la maintenir sur son banc, et +poussant de ces cris affreux que je disais tout à l'heure, elle +invoquait tour à tour leur pitié et celle des assistants. C'était madame +du Barry que<a name="page_354" id="page_354"></a> l'on conduisait au supplice. Revenue de Londres cinq ou +six jours auparavant pour retirer de son château de Louveciennes des +bijoux de prix qu'elle y avait cachés en partant pour l'émigration, elle +avait été dénoncée le soir même de son arrivée, par son nègre favori, +Zamor, gardien du château en son absence, et traduite au tribunal +révolutionnaire<a name="FNanchor_167_167" id="FNanchor_167_167"></a><a href="#Footnote_167_167" class="fnanchor">[167]</a>. Agée alors de quarante-deux à quarante-trois ans +seulement, sa figure, malgré la terreur profonde qui en altérait les +traits, était encore remarquablement belle<a name="FNanchor_168_168" id="FNanchor_168_168"></a><a href="#Footnote_168_168" class="fnanchor">[168]</a>. Entièrement vêtue de +blanc, comme Marie-Antoinette qui l'avait quelques semaines auparavant +précédée sur la même route, ses cheveux du plus beau noir formaient un +contraste pareil à celui que présente le drap funéraire jeté sur un +cercueil. Coupés sur la nuque, ainsi que cela se pratique en pareil cas, +ceux de devant étaient ramenés à chaque instant sur le front par ses +mouvements désordonnés, et lui cachaient une partie du visage. «Au nom +du ciel, mes amis, s'écriait-elle au milieu des sanglots et des larmes, +au nom du ciel, sauvez-moi, je n'ai jamais fait de mal à personne; +sauvez-moi.»</p> + +<p>La frayeur délirante de cette malheureuse femme produisait une telle +impression parmi le peuple, qu'aucun de ceux qui étaient venus là pour +insulter à ses derniers moments ne se sentit le courage de lui adresser +une parole d'injure. Autour d'elle tout semblait stupéfié, et l'on +n'entendait d'autres cris que les siens; mais ces cris<a name="page_355" id="page_355"></a> étaient si +perçants qu'ils auraient, je n'en doute pas; dominé ceux de la +multitude, si elle en eût proféré. J'ai dit tout à l'heure, je crois, +que personne ne s'était senti le courage de l'injurier. Si fait. Un +homme, un seul, vêtu avec une certaine recherche, éleva la voix au +moment où la charrette passant vis-a-vis de moi, la patiente, toujours +s'adressant au peuple, s'écriait: «La vie! la vie! qu'on me laisse la +vie, et je donne tous mes biens à la nation.»—«Tu ne donnes à la nation +que ce qui lui appartient, dit cet homme, puisque le tribunal vient de +les confisquer, tes biens.» Un charbonnier, qui était placé devant lui, +se retourne et lui donne un soufflet. J'en éprouvai un sentiment de +plaisir.</p> + +<p>On sait que pendant toute la route elle continua à pousser les mêmes +cris, et à s'agiter dans des convulsions frénétiques pour fuir la mort +qui déjà l'avait saisie; aussi, on sait qu'arrivée à l'échafaud il +fallut user de violence pour l'attacher à la fatale planche, et que ses +derniers mots furent ceux-ci: «Grâce! grâce! monsieur le bourreau! +Encore une minute, monsieur le bourreau! encore... et tout fut dit.»</p> + +<p>Jamais la terreur ne fut portée à une si haute expression, et madame du +Barry est la seule femme qui ait offert un spectacle aussi déchirant. +Toutes les autres femmes victimes de nos discordes civiles ont montré a +ce moment suprême autant de calme que de courage, et plus d'une a +raffermi le courage de ses compagnons d'infortune.<a name="page_356" id="page_356"></a></p> + +<p class="c">Nº 5.—<i>Bibliothèque de madame du Barry</i>.</p> + +<p>La bibliothèque de la ville de Versailles renferme cent quarante-deux +ouvrages ayant appartenu à madame du Barry, et formant trois cent +quatre-vingts volumes. Presque tous ces volumes sont reliés en maroquin +rouge, dorés sur tranches et portent sur le plat des deux côtés les +armes de la comtesse avec la fameuse devise <i>Boutez en avant</i>, qui donna +lieu dans le temps à tant de commentaires ironiques. La date de leur +impression ne dépasse pas l'année 1774. Plusieurs sont reliés en +maroquin vert et portent les mêmes ornements que les rouges. Ils +paraissent provenir de cadeaux. Il est bien probable que ces livres +faisaient partie de la bibliothèque des appartements de madame du Barry +au château de Versailles, où ils sont sans doute restés jusqu'à la +révolution. D'autres volumes, beaucoup moins bien reliés que les +précédents et portant les armes de la comtesse sur le dos, font aussi +partie de cette collection; mais la date de leur impression est +postérieure à l'année 1774, et ils proviennent de son habitation de +Louveciennes.</p> + +<p>Beaucoup de ces ouvrages sont des œuvres littéraires; mais en +parcourant leurs titres et en y retrouvant la plupart des productions +futiles et licencieuses d'une partie de la littérature du dix-huitième +siècle, on pourra juger, sans en être surpris, du goût qui a présidé à +la composition de cette bibliothèque.</p> + +<p>Presque tous les exemplaires venant de la bibliothèque de madame du +Barry, outre leurs jolies reliures, sont surtout remarquables par la +beauté de l'exécution typographique.<a name="page_357" id="page_357"></a> On peut citer sous ce rapport les +<i>Baisers</i>, de Dorat, charmant exemplaire orné de figures exécutées par +Eisen, d'un fini extrême, mais d'une très-grande indécence. Au reste, +plusieurs des ouvrages de cette collection, et particulièrement les +romans de Crébillon fils, sont accompagnés de gravures fort +licencieuses.</p> + +<p>Parmi les divers ouvrages dont nous donnons la liste, on en doit +particulièrement signaler quatre comme se rapportant à la personne même +de madame du Barry, par les dédicaces adulatrices qui lui sont +adressées.</p> + +<p>Le premier porte pour titre: <i>le Royalisme, ou Mémoires de du Barry de +Saint-Aunet et de Constance de Cézelli, sa femme. Anecdotes héroïques +sous Henri IV</i>, par M. de Limairac.—La plupart des exemplaires de cet +ouvrage ne portent aucun nom d'auteur. Dans celui-ci, le nom de l'auteur +se trouve non seulement à la suite du titre, mais encore au bas de +l'épître dédicatoire. Cet exemplaire a certainement été offert par +l'auteur à la comtesse; le choix de l'exemplaire et sa magnifique +reliure en maroquin rouge, toute couverte de dorures, en sont la preuve. +Au-dessus de l'épître dédicatoire sont gravées les armes de madame du +Barry, et de chaque côté deux levrettes enchaînées. Voici cette épître:</p> + +<p class="c"><i>A madame la comtesse du Barry.</i></p> + +<p> +<span style="margin-left: 2em;">Madame,</span><br /> +</p> + +<p>Daignez accueillir avec bonté un hommage public de sentiment et de +reconnaissance. Le zèle seul m'a dicté ce petit ouvrage; seul il ose +vous l'offrir. Je sens qu'il est capable d'égarer dans une carrière qui +demande des talents,<a name="page_358" id="page_358"></a> mais j'espère, madame, que vos suffrages +suppléeront à la médiocrité des miens. Les traits que je développe dans +cet essai le rendent digne de paraître sous vos auspices. Ils sont tous +puisés <i>dans votre maison</i>; ils retracent la fidélité la plus héroïque +de deux sujets pour le roi. Trop heureux si vous voulez bien me +pardonner une entreprise au-dessus de mes forces, en faveur du motif qui +me l'a inspirée.</p> + +<p>Je suis avec un profond respect, madame, votre très-humble et +très-obéissant serviteur.</p> + +<p class="r"> +<span class="smcap">de Limairac</span>.<br /> +</p> + +<p>Le second est un <i>Almanach de Flore</i>, pour 1774. C'est un recueil de +quarante-huit fleurs gravées et coloriées. Au-dessous de chaque fleur se +trouve une devise et derrière un horoscope. Ces devises et ces +horoscopes sont divisés en séries de numéros, applicables à une +demoiselle, à un garçon, à une femme mariée, à un homme marié, à une +veuve et à un veuf. L'auteur était un capitaine d'infanterie nommé +Douin, né à Versailles.</p> + +<p>La beauté des dorures de ce petit volume, relié en maroquin rouge, fait +présumer que c'est encore un cadeau offert à madame du Barry. Après le +titre sont placées deux gravures en rouge. L'une représente un tournesol +regardant le soleil avec cette devise.</p> + +<table border="0" cellpadding="0" cellspacing="0" summary=""> +<tr><td align="left">L'astre est constant,</td></tr> +<tr><td align="left">La fleur fidèle;</td></tr> +</table> + +<p class="nind">allégorie se rapportant aux amours du roi et de la comtesse. L'autre +offre le portrait de madame du Barry. Au-dessous sont deux flèches +croisées avec un cœur et les vers suivants:<a name="page_359" id="page_359"></a></p> + +<table border="0" cellpadding="0" cellspacing="0" summary=""> +<tr><td align="center"><i>A la plus belle</i>.</td></tr> +<tr><td align="left"> </td></tr> +<tr><td align="left">Je dormais; le Maître des dieux</td></tr> +<tr><td align="left">Me dit: «Je sais ce que tu veux;</td></tr> +<tr><td align="left">Choisis ou déesse, ou mortelle,</td></tr> +<tr><td align="left">Pour lui consacrer tes couplets.»</td></tr> +<tr><td align="left">Quoi, lui dis-je, une bagatelle!</td></tr> +<tr><td align="left">«Ne crains rien: je te le permets.»</td></tr> +<tr><td align="left">Je choisirai donc la plus belle.</td></tr> +</table> + +<p>Le troisième ouvrage est intitulé <i>Contes moraux et nouvelles idylles de +D... et Salomon Gessner</i>.—Les contes sont de Diderot, et la traduction +des idylles de Gessner est de Meister, qui fut secrétaire de Grimm.</p> + +<p>Le traducteur dont le nom ne parut pas sur cette édition ne voulut +cependant pas le laisser ignorer de madame du Barry, et dans +l'exemplaire qu'il lui adressa, il ajouta une épître dédicatoire signée +de lui. Cette épître, écrite par un habile calligraphe, est ainsi +conçue:</p> + +<table border="0" cellpadding="0" cellspacing="0" summary=""> +<tr><td align="left"><span style="margin-left: 2em;">De la beauté, les talents et les arts</span></td></tr> +<tr><td align="left"><span style="margin-left: 3em;">Chérissent tous l'aimable empire.</span></td></tr> +<tr><td align="left"><span style="margin-left: 3em;">Que l'églogue au naïf sourire</span></td></tr> +<tr><td align="left"><span style="margin-left: 3em;">Arrête un instant vos regards!</span></td></tr> +<tr><td align="left"><span style="margin-left: 3em;">Comme vous, belle sans parure,</span></td></tr> +<tr><td align="left"><span style="margin-left: 3em;">Elle doit tout aux mains de la nature.</span></td></tr> +<tr><td align="left"><span style="margin-left: 2em;">Comme vous elle a quelquefois,</span></td></tr> +<tr><td align="left"><span style="margin-left: 3em;">Sous l'air d'une simple bergère,</span></td></tr> +<tr><td align="left"><span style="margin-left: 3em;">Charmé les héros et les rois,</span></td></tr> +<tr><td align="left"><span style="margin-left: 2em;">Même les dieux. Apollon, pour lui plaire,</span></td></tr> +<tr><td align="left"><span style="margin-left: 0em;">Vint oublier l'Olympe à l'ombre de ces bois.</span></td></tr> +<tr><td align="left"><span style="margin-left: 2em;">Quel dieu pour vous ne l'oublierait de même,</span></td></tr> +<tr><td align="left"><span style="margin-left: 2em;">Si de l'amour la puissance suprême</span></td></tr> +<tr><td align="left"><span style="margin-left: 3em;">Vous permettait encore un choix?</span></td></tr> +</table> + +<p>Je suis avec le plus profond respect, madame, votre très-humble et +très-obéissant serviteur.</p> + +<p class="r"> +M<small>EISTER</small>.<br /> +</p> + +<p>Enfin le quatrième est un recueil contenant deux opéras comiques: <i>les +Étrennes de l'Amour</i> et <i>le Nouveau Marié</i>, dont les paroles sont de +Cailhava. En envoyant cet exemplaire à madame du Barry, l'auteur écrivit +sur la première page les vers suivants:</p> + +<table border="0" cellpadding="0" cellspacing="0" summary=""> +<tr><td align="center"><i>A madame la comtesse du Barry.</i></td></tr> +<tr><td align="left"> </td></tr> +<tr><td align="left">Transporté par un songe au haut de l'Empyrée,</td></tr> +<tr><td align="left">J'ai cru voir cette nuit la belle Cythérée,</td></tr> +<tr><td align="left">L'aimable Hébé, le dieu qù'invoquent les amants.</td></tr> +<tr><td align="left">La tendre Volupté, les Grâces, les Talents,</td></tr> +<tr><td align="left">Qui d'un air satisfait parcouraient mon ouvrage.</td></tr> +<tr><td align="left">Un sourire flatteur m'annonçait leur suffrage.</td></tr> +<tr><td align="left">J'ai redouté leur fuite à l'instant du réveil;</td></tr> +<tr><td align="left">Mais je les vois encor, ce n'est pas un mensonge:</td></tr> +<tr><td align="left">Un seul de vos regards réalise mon songe,</td></tr> +<tr><td align="left">Et j'étais moins heureux dans les bras du sommeil.</td></tr> +</table> + +<p>Voici maintenant la liste générale des ouvrages ayant appartenu à madame +du Barry, et possédés aujourd'hui par la bibliothèque de la ville de +Versailles:</p> + +<p><i>Grammaire générale et raisonnée</i>, par Cl. Lancelot et Ant. Arnaud, avec +des notes par Duclos. Paris, Prault, 1754, 1 vol. in-12.</p> + +<p><i>Abrégé du Dictionnaire universel français et latin, vulgairement appelé +Dictionnaire de Trévoux</i>, par Berthelin. Paris, les libraires associés, +1762, 3 vol. in-4º.</p> + +<p><i>Les Œuvres de Clément Marot</i>, de Cahors, valet de chambre du roi, +revues et augmentées de nouveau. La Haye, Moetgens, 1714, 2 vol. in-12.</p> + +<p><i>Les Œuvres de François Villon</i>, avec les notes de Clément Marot et les +poésies de Jean Marot et de Michel Marot. Paris, Constelier, 1723, 2 +vol. petit in-8º.<a name="page_361" id="page_361"></a></p> + +<p><i>Les Métamorphoses d'Ovide</i>, traduites en français, avec des remarques +et des observations historiques, par l'abbé Banier, nouvelle édition, 2 +tomes en 1 volume. Paris, Nyon, 1738, in-4º, avec figures, par Humblot.</p> + +<p><i>Satires et autres Œuvres de Regnier</i>, accompagnées de remarques +historiques de Cl. Brossette. Nouvelle édition considérablement +augmentée, par Lenglet du Fresnoy. Londres, Tonson, 1733, grand in-4º, +belle édition dont les pages sont entourées de cadres rouges.</p> + +<p><i>L'Arcadie de Sannazar</i>, traduite de l'italien, par Pecquet. Paris, +Nyon, 1737, 1 vol. in-12.</p> + +<p><i>Recueil de traductions</i> en vers français, contenant le poëme de +Pétrone, deux épîtres d'Ovide et le <i>Pervigilium Veneris</i>, avec des +remarques par le président Bouhier. Paris, compagnie des libraires, +1738, 1 vol. in-12.</p> + +<p><i>Les Poésies du roi de Navarre</i>, avec des notes et un glossaire +français, précédées de l'histoire des révolutions de la langue française +depuis Charlemagne jusqu'à saint Louis, d'un discours sur l'ancienneté +des chansons françaises et de quelques autres pièces, par Levesque de la +Revallière. Paris, Guérin, 1742, 2 vol. in-12.</p> + +<p><i>Œuvres de madame et de mademoiselle Deshoulières</i>, nouvelle édition. +Paris, les libraires associés, 1754, 2 vol. in-12.</p> + +<p><i>La Colombiade, ou la Foi portée au nouveau monde</i>, poëme, par madame +Dubocage. Paris, Desaint, 1756, 1 vol. in-8º orné de jolies vignettes.</p> + +<p><i>L'Art d'aimer et le remède d'amour</i>, traduction d'Ovide, par l'abbé de +Marolles. Amsterdam, 1757, 1 vol. in-12 avec des figures, par Vanloo et +Eisen.<a name="page_362" id="page_362"></a></p> + +<p><i>Œuvres de l'abbé de Chaulieu</i>, nouvelle édition, par de Saint-Marc. +Paris, David, 1757, 2 vol. in-12.</p> + +<p><i>Le Conte du Tonneau</i>, par le fameux docteur Swift, traduit de +l'anglais. La Haye, H. Scheurleer, 1757, suivi du <i>Traité des +dissensions entre les nobles et le peuple dans les républiques d'Athènes +et de Rome</i>, etc. <i>L'Art de ramper en poésie et l'Art du mensonge +politique</i>, par le même, 3 vol. in-12.</p> + +<p><i>Œuvres de M. le marquis de Ximenez, ancien mestre de camp de +cavalerie</i>, nouvelle édition. Paris, 1772.—Ce volume contient encore: +<i>Amalazonte</i>, tragédie du même auteur. Paris, Jarry, 1758, 1 vol. in-8º, +relié en maroquin vert avec de nombreuses dorures; c'est probablement un +cadeau.</p> + +<p><i>L'Univers perdu et reconquis par l'Amour</i>, suivi d'<i>Iphis et Amarante, +ou l'Amour vengé</i>, par de Carné. Amsterdam, 1758, 1 vol. in-8º.</p> + +<p><i>Poésies de Haller</i>, traduites de l'allemand, par Tscharner, édition +retouchée et augmentée. Berne, soc. typog., 1760, 2 vol. in-12.</p> + +<p><i>Poésie du philosophe de Sans-Souci</i>, nouvelle édition. Sans-Souci, +1760, 2.vol. in-12.</p> + +<p><i>Le Trésor du Parnasse, ou le plus joli des recueils</i>, par Couret de +Villeneuve et Berenger. Londres, 1762, 6 vol. in-12.</p> + +<p><i>La Farce de maistre Pierre Pathelin, avec son Testament à quatre +personnages</i>. Paris, Durand, 1762, 1 vol. petit in-8º.</p> + +<p><i>Œuvres diverses de Desmahis</i>. Genève, 1763, 1 vol. in-12.</p> + +<p><i>Le Hasard du coin du feu</i>, dialogue moral par Crébillon fils. La Haye, +1763, 1 vol. in-12.<a name="page_363" id="page_363"></a></p> + +<p><i>L'Iliade d'Homère</i>, traduite en vers, avec des remarques, par de +Rochefort. Paris, Saillant, 1766, 2 vol. in-8º.</p> + +<p><i>La Pharsale de Lucain</i>, traduite en français par Marmontel. Paris, +Merlin, 1766, 2 vol. in-8º, avec des figures, par Gravelot.</p> + +<p><i>Roman comique</i>, par Scarron, nouvelle édition. Amsterdam, comp. des +libraires, 1766, 3 vol. in-12.</p> + +<p><i>Traité de la prosodie française</i>, par l'abbé d'Olivet. Paris, Barbou, +1767.—Dans le même volume se trouve: <i>Remarques sur Racine</i>, par l'abbé +d'Olivet. Paris, Barbou, 1766, 1 vol. in-8º.</p> + +<p><i>Œuvres complètes de M. le c. de B...</i> (le cardinal de Bernis), +dernière édition. Londres, 1767, deux tomes dans 1 volume in-12.</p> + +<p><i>Œuvres de S. Gessner</i>, traduites de l'allemand, par Huber. Zurich, +Orel, 1768, 2 vol. in-12.</p> + +<p><i>Essais de Montaigne</i>, avec les notes de Coste, nouvelle édition. +Londres, Nourse, 1769, 10 vol. in-12.</p> + +<p><i>Le Messie</i>, poëme en dix chants, traduit de l'allemand, de Klopstock, +par d'Antelmy, Junker et autres. Paris, Vincent, 1769, 2 vol. in-12.</p> + +<p><i>Narcisse dans l'île de Vénus</i>, poëme en quatre chants, par Malfilâtre. +Paris, Lejay, 1769, 1 vol. in-8º orné d'un frontispice par Eisen, et de +figures par Saint-Aubin.</p> + +<p><i>La Peinture</i>, poëme en trois chants, par Lemierre. Paris, Jay, 1769, 1 +vol. in-4º.—Au frontispice est un portrait du grand Corneille. Les +figures sont de Cochin.</p> + +<p><i>Les Nuits d'Young</i>, suivies des œuvres diverses du même auteur, +traduites de l'anglais par Letourneur, deuxième édition. Paris, Lejay, +1769, 4 vol. in-8º avec figures par Eisen.<a name="page_364" id="page_364"></a></p> + +<p><i>Les Grâces</i>, précédées d'une dissertation par l'abbé Massieu, et +suivies d'un discours par le P. André; recueil publié par de Querlon. +Paris, Prault, 1769, 1 vol. in-8º avec figures, de Boucher et de Moreau +jeune.</p> + +<p><i>Les Quatre parties du jour</i>, poëme traduit de l'allemand de Zacharie, +par Millier. Paris, Musier, 1769, 1 vol. in-8º avec de charmantes +figures par Eisen.</p> + +<p><i>Les Éléments</i>, poëme par Delavergue. La Haye, Gosse, 1770, 1 vol. +in-8º.</p> + +<p><i>La Récréation des honnêtes gens, ou Opuscules en vers</i>, par M. de la +M... Amsterdam et Paris, Fétil, 1770, 1 vol. in-8º, relié en maroquin +vert.</p> + +<p><i>Les Baisers</i>, précédés du <i>Mois de mai</i>, poëme par Dorat. La Haye et +Paris, Lambert, 1770, 1 vol. in-8º.</p> + +<p><i>Jérusalem délivrée</i>, poëme héroïque du Tasse, traduit en français par +Mirabaud. Paris, Barrais, 1771, 2 vol. in-12.</p> + +<p><i>Le Bonheur</i>, poëme en six chants avec des fragments de quelques +épîtres, ouvrages posthumes d'Helvétius. Londres, 1772; précédé d'une +<i>Vie d'Helvétius</i>, par Saint-Lambert, 1 vol. in-8º, relié en maroquin +vert. Les armes de la comtesse sont sur le plat avec la devise <i>Boutez +en avant</i> au-dessus.</p> + +<p><i>Contes moraux et Nouvelles idylles</i> de D... (Diderot) et Salomon +Gessner, traduites par Meister. Zurich, 1773, 1 vol. in-4º.</p> + +<p><i>Almanach des trois règnes</i>, en huit parties: première partie, <i>Almanach +de Flore</i>, 1774, gravé et orné de plus de cinquante planches en +taille-douce, dessinées et coloriées d'après nature avec le plus grand +soin, contenant quarante-huit devises et autant d'horoscopes pour tous<a name="page_365" id="page_365"></a> +les états et tous les âges. Les paroles sont de Douin, capitaine +d'infanterie; les fleurs dessinées et gravées par Chevalier, lieutenant +d'infanterie, le texte gravé par Drouet, ancien soldat d'infanterie. +Versailles, Blaizot, 1774, 1 vol. in-24.</p> + +<p><i>Les Comédies de M. Marivaux</i>, jouées sur le théâtre de l'hôtel de +Bourgogne par les comédiens ordinaires du roi. Paris, Briasson, 1732, 2 +vol. in-12.</p> + +<p><i>Recherches, sur les théâtres de France depuis l'année</i> 1161 <i>jusqu'à +présent</i>, par de Beauchamps. Paris, Prault, 1735, 3 vol. in-8º.</p> + +<p><i>Réflexions historiques et critiques sur les différents théâtres de +l'Europe, avec les pensées sur la déclamation</i>, par Louis Riccoboni. +Paris, Guérin, 1738, 1 vol. in-8º.</p> + +<p><i>Tragédies-opéras</i> de l'abbé Metastasio, traduites en français par M. +C.-P. Richelet. Vienne, 1751, 12 vol. in-12.</p> + +<p><i>Œuvres de théâtre</i> de MM. Brueys et Palaprat. Paris, Briasson, 1755, 5 +vol. in-12.</p> + +<p><i>Choix de petites pièces du théâtre anglais</i> par Dodsley et Gay, +traduites des originaux par Patu. Paris, Prault, 1756, 2 vol. in-12.</p> + +<p><i>Œuvres dramatiques</i> de Néricault-Destouches, nouvelle édition. Paris, +Prault, 1758, 10 vol. in-12.</p> + +<p><i>Œuvres</i> d'Alexis Piron, avec figures en taille douce d'après les +dessins de Cochin. Paris, Duchesne, 1758, 3 vol. in-12.</p> + +<p><i>Le Théâtre</i> de Baron. Paris, les libraires associés, 1759, 3 vol. +in-12.</p> + +<p><i>Les Œuvres de théâtre</i> de Dancourt, nouvelle édition. Paris, les +libraires associés, 1760, 12 vol. in-12.<a name="page_366" id="page_366"></a></p> + +<p><i>Le Prix de la beauté, ou les Couronnes</i>, pastorale en trois actes et un +prologue, avec des divertissements sur des airs choisis et nouveaux, par +Goudot. Paris, Delormel, 1760, vol. in-4º.</p> + +<p><i>Œuvres</i> de M. Nivelle de la Chaussée, nouvelle édition, publiée par +Sablier. Paris, Prault, 1762, 2 vol. 12.</p> + +<p>Recueil contenant: 1º <i>les Étrennes de l'Amour</i>, comédie-ballet en un +acte; 2º <i>le Nouveau Marié</i>, opéra-comique en un acte par Cailhava. +Paris, Lejay et Duchesne, 1769-1770, 1 vol. in-8º.</p> + +<p><i>Fables allemandes et contes français en vers</i>, avec un <i>Essai sur la +Fable</i>, par du Coudray. Paris, Jarry, 1770, 1 vol. in-8º.</p> + +<p><i>Les Chefs-d'œuvre</i> de Pierre et de Thomas Corneille, nouvelle édition, +avec <i>les Commentaires</i> de Voltaire. Paris, libraires associés, 1771, 3 +vol. in-12.</p> + +<p><i>Théâtre des Grecs</i> par le P. Brumoy, nouvelle édition enrichie de +très-belles gravures et augmentée de la traduction entière des pièces +grecques dont il n'existe que des extraits dans toutes les éditions +précédentes, et de comparaisons, d'observations et de remarques +nouvelles, par MM. de Rochefort et Dutheil. Paris, Cussac, 1785, 13 vol. +in-4º, reliés en maroquin rouge, avec armes sur le dos.</p> + +<p><i>Les Aventures de Télémaque, fils d'Ulysse</i>, par François de Salignac de +la Motte-Fénelon, nouvelle édition. Paris, Estienne, 1730, deux tomes en +1 volume in-4º, édition médiocre, ornée de figures par Coypel, Souville, +Cazes et Humblot.</p> + +<p><i>Le Marquis de Chavigny</i>, par Boursault. Paris, Nyon, 1739, 1 vol. +in-12.<a name="page_367" id="page_367"></a></p> + +<p><i>Le Prince de Condé</i>, par Boursault. Paris, Nyon, 1739. Dans le même +volume: <i>Ne pas croire ce qu'on voit</i>, histoire espagnole par Boursault. +Paris, Lebreton, 1739, 1 vol. in-12.</p> + +<p><i>Œuvres de Maître François Rabelais</i>, avec des remarques historiques et +critiques de le Duchat, nouvelle édition ornée de figures, par Picart. +Amsterdam, J. Bernard, 1741, 3 vol. in-4º.</p> + +<p><i>Tanzaï et Néadarné</i>, histoire japonaise, par Crébillon fils, Pékin, +1743, 2 vol. in-18, avec figures licencieuses.</p> + +<p><i>Amours de Théagène et de Chariclée</i>, histoire éthiopique. Londres, 2 +vol. petit in-8º, avec figures, dont quelques-unes sont assez +licencieuses.</p> + +<p><i>Les Malheurs de l'Amour</i>, par la marquise de Tencin et Pont-de-Vesle. +Amsterdam et Paris, Prault, 1746, deux parties en 1 vol. in-12.</p> + +<p><i>Lettres de la marquise de M*** au comte de R***</i>, par Crébillon fils. +La Haye, Scheurser, 1746, 1 vol. in-12.</p> + +<p><i>Histoire amoureuse des Gaules</i>, par le comte de Bussi-Rabutin, 1754, 5 +vol. in-12.</p> + +<p><i>Mémoires et Œuvres de madame Staal</i>. Londres, 1755, 4 vol. in-12.</p> + +<p><i>Histoire d'Emilie Montayne</i>, par l'auteur de <i>Julie Mondeville +(Mistriss Brooke)</i>, traduite de l'anglais, par Robinet, 4 tomes en 2 +vol. in-12.</p> + +<p><i>Mémoires et Aventures d'un homme de qualité qui s'est retiré du monde</i>, +par l'abbé Prévost. Amsterdam, Arkstée, 1759, 3 vol. in-12.</p> + +<p><i>Mémoires du comte de Grammont</i>, par le comte A. Hamilton, 1760, 2 vol. +in-12.<a name="page_368" id="page_368"></a></p> + +<p><i>Les Amours d'Ismène et d'Isménius</i>, par M. de Beauchamps. La Haye, +1743.—Dans le même volume se trouve: <i>Acajou et Zirphile</i>, conte, par +Duclos, Minutie, 1761, 1 vol. in-12, avec figures.</p> + +<p><i>Amélie</i>, roman de Fiedling, traduit de l'anglais, par madame Riccoboni. +Paris, Brocas, 1762, 3 vol. in-12.</p> + +<p><i>Lettres de milady Julliette Catesby à milady Henriette Campley, son +amie</i>, par madame Riccoboni. Amsterdam, 1762, 1 vol. in-12.</p> + +<p><i>Histoire de miss Jenny</i>, écrite et envoyée par elle à milady comtesse +de Roscomond, par madame Riccoboni. Paris, Brocas, 1764, 2 vol. in-12.</p> + +<p><i>La Nouvelle Héloïse, ou Lettres de deux amants habitants d'une petite +ville au pied des Alpes</i>, recueillies et publiées par Jean-Jacques +Rousseau, nouvelle édition. Neufchâtel et Paris, Duchesne, 1764, 4 vol. +in-12 avec figures, par Gravelot.</p> + +<p><i>Contes moraux</i>, par Marmontel. Paris, Merlin, 1765, 3 vol. in-12, avec +le portrait de l'auteur, par Cochin, et ornés de figures par Gravelot.</p> + +<p><i>Histoire de M. le marquis de Cressy</i>, par madame Riccoboni. Paris, +Humblot, 1766, 1 vol. 12.</p> + +<p><i>Contes de Guillaume Vadé</i>, 1768, 1 vol. in-8º.</p> + +<p><i>Histoire d'Hippolyte, comte de Douglas</i>, par madame d'Aulnoy. +Amsterdam, Lhonoré, 1769, deux tomes en 1 vol. in-12.</p> + +<p><i>Télèphe</i>, en douze livres. Londres et Paris, Pissot, 1784, par +Pechméja, 1 vol. in-8º relié en maroquin rouge, les armes sur le dos.</p> + +<p><i>Voltariana, ou Éloges amphigouriques</i> de F.-M. Arouet, sieur de +Voltaire, discutés et décidés pour sa réception<a name="page_369" id="page_369"></a> à l'Académie française, +par Travenol et Mannory. Paris, 1748, 1 vol. in-8º.</p> + +<p><i>Lettres de Rousseau, sur différents sujets de littérature.</i> Genève, +Barillot, 1750, 5 vol. in-12.</p> + +<p><i>Essai historique et philosophique sur le goût</i>, par Cartaud de la +Vilale. Londres, 1751, 1 vol. in-12.</p> + +<p><i>Considérations sur les ouvrages d'esprit</i>, par Chicaneau de Neuville. +Amsterdam, 1758, 1 vol. in-12.</p> + +<p><i>Le Chef-d'œuvre d'un inconnu</i>, poëme heureusement découvert et mis au +jour, avec des remarques savantes et recherchées, par le docteur +Chrysostome Matanasius, par Saint-Hyacinthe, aidé de S'gravesande, +Sallengre, Prosper Marchand et autres. On trouve de plus une +Dissertation sur Homère et sur Chapelain, par Van Effen; deux Lettres +sur des Antiques; la préface de Cervantes, sur l'histoire de don +Quichotte de la Manche; la déification d'Aristarchus Masso, et plusieurs +autres choses non moins agréables qu'instructives, neuvième édition. +Lausanne, Bousquet, 1758, 2 vol. in-12.</p> + +<p><i>Pensées de Pascal sur la religion et sur quelques autres sujets.</i> +Paris, Desprez, 1761, 1 vol. in-12.</p> + +<p><i>Recueil de Lettres</i> de madame la marquise de Sévigné à madame la +comtesse de Grignan, sa fille. Paris, Compagnie des libraires, 1763, 8 +vol. in-12.</p> + +<p><i>Lettres secrètes de M. de Voltaire</i>, publiées par L.-B. Robinet. +Genève, 1765, 1 vol. in-8º.</p> + +<p><i>Pensées de milord Bolingbroke</i>, sur différents sujets d'histoire, de +philosophie, de morale, etc., recueillies par Prault. Paris, Prault, +1771, 1 vol. in-12.</p> + +<p><i>Les Loisirs d'un ministre, ou Essais dans le goût de ceux de Montagne</i>, +composés en 1736, par le marquis d'Argenson.<a name="page_370" id="page_370"></a> Liége, Plomteux, 1787, 2 +vol. in-8º, reliés en veau vert avec armes sur le dos.</p> + +<p><i>Œuvres du Philosophe de Sans-Souci</i>, au Donjon du Château, 1750, 3 +vol. in-8º.</p> + +<p><i>Œuvres de Saint-Évremont</i>, avec la vie de l'auteur, par des Maileaux, +1753, 11 vol. in-12.</p> + +<p><i>Œuvres de madame la marquise de Lambert.</i> Paris, Ganeau, 1761, 2 vol. +in-12.</p> + +<p><i>Œuvres diverses de J. J. Rousseau.</i> Neufchâtel, 1764, 8 vol. in-12. Le +premier volume est orné d'un frontispice par Gravelot, et d'un portrait +de J. J. Rousseau par Delatour.</p> + +<p><i>Plaidoyer</i> pour et contre J. J. Rousseau et le docteur D. Hume, +l'historien anglais, avec des anecdotes intéressantes relatives au +sujet; ouvrage moral et critique, pour servir de suite aux œuvres de +ces deux grands hommes, par Bergerat. Paris, Dufour, 1768, 1 vol. in-12.</p> + +<p><i>Les Œuvres de l'abbé de Saint-Réal</i>, nouvelle édition. Libraires +associés, 8 vol. in-12.</p> + +<p><i>Œuvres posthumes de Frédéric II</i>, roi de Prusse. Berlin, Woss et +Decker, 1788, 15 vol. in-8º, reliés en maroquin fauve avec armes sur le +dos.</p> + +<p><i>Divers Éloges</i>, par Thomas. Paris, Regnard, 1763-1773, 1 vol. in-8º.</p> + +<p><i>La Muse historique, ou Recueil de Lettres en vers</i>, contenant les +nouvelles du temps, écrites à S. A. marquise de Longueville, par le +sieur Loret. Paris, Ch. Chenault, de 1650 à 1664, 5 vol. in-fol.—Les +lettres du 1<sup>er</sup> janvier 1665 au 28 mars de la même année sont +manuscrites, et copiées par de la Rue, en 1771.<a name="page_371" id="page_371"></a></p> + +<p><i>Anecdotes ecclésiastiques</i>, tirées de l'<i>Histoire du royaume de +Naples</i>, de Giannone, par Jacques Vernet. Amsterdam, Catuffe, 1753, 1 +vol. petit in-8º.</p> + +<p><i>Abrégé chronologique de l'Histoire des Juifs</i>, par Charbuy. Paris, +Chaubert, 1 vol. in-8º.</p> + +<p><i>Lettres sur l'Egypte</i>, par Savary. Paris, Onfroy, 1785, 3 vol. in-8º, +avec armes sur le dos.</p> + +<p><i>Histoire ancienne des peuples de l'Europe</i>, par le comte de Buat. +Paris, Desaint, 1772, 12 vol. in-12, avec armes sur le dos.</p> + +<p><i>Mémoires de la cour de France</i>, pour les années 1688 et 1689, par +madame la comtesse de la Fayette. Amsterdam, Bernard, 1731, 1 vol. +in-12.</p> + +<p><i>Histoire de la vie et du règne de Louis XIV</i>, par Bruzen de la +Martinière. La Haye, Venduren, 1740, 2 vol. in-4º.</p> + +<p><i>Histoire de madame de Luz</i>, anecdote du règne de Henri IV, par Duclos. +La Haye, de Hondt, 1744, deux parties en 1 vol. in-12. Histoire plus que +galante.</p> + +<p><i>Histoire politique du siècle</i>, par Maubert de Gouvest. Londres, 1754, 2 +vol. in-12.</p> + +<p><i>Histoire du règne de Louis XIII</i>, par le P. Griffet. Paris, Libraires +associés, 1758, 2 vol. in-4º.</p> + +<p><i>Les Amours de Henri IV, roi de France</i>, avec ses lettres galantes à la +duchesse de Beaufort et à la marquise de Verneuil. Amsterdam, 1765, deux +parties en 1 vol. in-12.</p> + +<p><i>Dictionnaire géographique et portatif de la France</i>, par le P. +Dominique Magnan. Paris, Desaint, 1765, 4 vol. in-8º.</p> + +<p><i>Les Soirées helvétiennes, alsaciennes et francomtoises</i>, par le marquis +de Pezay. Amsterdam, Paris, Delalain, 1771, 1 vol. in-8º.<a name="page_372" id="page_372"></a></p> + +<p><i>Usages et Mœurs des Français</i>, par Poullin de Lumina. Lyon, Berthaud, +1769, 1 vol. in-12.</p> + +<p><i>Le Royalisme, ou Mémoires de du Barry de Saint-Aunez et de Constance de +Cézelli, sa femme</i>, anecdotes héroïques sous Henri IV, par de Limairac. +Paris, Valade, 1770, 1 vol. in-8º.</p> + +<p><i>Histoire de la vie privée des Français, depuis l'origine de la nation +jusqu'à nos jours</i>, par Legrand d'Aussy. Paris, Pierres, 1782, 3 vol. +in-8º, reliés en maroquin rouge, armes sur le dos.</p> + +<p><i>Lettres du baron de Busbec</i>, ambassadeur de Ferdinand 1<sup>er</sup>, roi des +Romains, auprès de Soliman II, empereur des Turcs, etc., traduites en +français, avec des notes historiques et géographiques, par l'abbé Defoy. +Paris, Bauche, 1748, 3 vol. in-12.</p> + +<p><i>Histoire abrégée de la vie d'Éléonore-Marie, archiduchesse d'Autriche</i>, +etc., par N. Frizon. Nancy, Cusson, 1725, 1 vol. in-8º.</p> + +<p><i>Les Fastes du royaume de Pologne et de l'empire de Russie</i>, par +Constant Dorville. Paris, Costard, 1769, 2 vol. in-8º.</p> + +<p><i>Histoire de l'Afrique et de l'Espagne sous la domination des Arabes</i>, +par Cardonne. Paris, Saillant, 1765, 3 vol. in-12.</p> + +<p><i>Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce +des Européens dans les deux Indes</i>, par Guillaume-Thomas Raynal. +Neufchâtel, Libraires associés, 1783, 10 vol. in-8º, reliés en maroquin +vert, armes sur le dos.</p> + +<p><i>Monuments de la mythologie et de la poésie des Celtes, et +particulièrement des anciens Scandinaves</i>, pour servir de supplément et +de preuves à l'introduction à l'histoire du Danemark, par Mallet. +Copenhague, Philibert, 1756, 1 vol. in-4º.<a name="page_373" id="page_373"></a></p> + +<p><i>Histoire de l'Académie française</i>, par Pellisson et d'Olivet, troisième +édition. Paris, Coignard, 1743, 2 vol. in-12.</p> + +<p><i>Tablettes dramatiques</i>, contenant l'abrégé de l'histoire du théâtre +français, l'établissement des théâtres à Paris, un dictionnaire des +pièces et l'abrégé de l'histoire des auteurs et des acteurs, par le +chevalier de Mouy. Paris, Jarry, 1752, 1 vol. petit in-8º.</p> + +<p><i>Histoire et commerce des Antilles anglaises</i>, par Butel-Dumont, 1 vol. +in-12.</p> + +<p><i>Correspondance secrète, politique et littéraire, ou Mémoires pour +servir à l'Histoire des cours, des sociétés et de la littérature en +France, depuis la mort de Louis XV</i>, 1789, 1790, par Métra et autres, 14 +vol. in-12, reliés en veau vert, les armes sur le dos. On est d'autant +plus étonné de trouver cet ouvvage parmi les livres de madame du Barry, +qu'elle y est fort maltraitée.</p> + +<p><i>Dictionnaire de littérature</i>, par l'abbé Sabatier de Castres. Paris, +Vincent, 1770, 3 vol. in-8º.</p> + +<p><i>Recueil d'anecdotes</i>, par madame de Laisse. Amsterdam, 1773, 1 vol. +in-12.</p> + +<p><i>Principes du droit politique</i>, par Burlamaqui. Amsterdam, Châtelain, +1751, deux tomes en 1 vol. petit in-8º.</p> + +<p><i>Le Droit public de France éclairci par les monuments de l'antiquité</i>, +par Bousquet. Paris, Desaint et Saillant, 1756, 1 vol. in-4º.</p> + +<p><i>De l'autorité du clergé et du pouvoir du magistrat politique sur +l'exercice des fonctions du ministère ecclésiastique</i>, par Richer. +Amsterdam, Arkstée, 1767, 2 vol. in-12.</p> + +<p><i>Constitution de l'Angleterre, ou État du gouvernement anglais</i>, comparé +avec la forme républicaine et avec les autres monarchies de l'Europe, +par Delolme. Genève,<a name="page_374" id="page_374"></a> Barde, 1787, 2 vol. in-8º, reliés en veau marbré +vert, avec armes sur le dos.</p> + +<p>L'<i>Alcoran de Mahomet</i>, traduit de l'arabe par André du Ryer, sieur de +la Garde Malézair, nouvelle édition, revue, corrigée et augmentée des +observations historiques et critiques sur le mahométisme, ou traduction +du discours préliminaire mis à la tête de la version anglaise de +l'Alcoran, publiée par Georges Sale. Amsterdam, Arkstée, 1770, 2 vol. +in-12.</p> + +<p><i>Réflexions, sentences et maximes morales</i>, mises en nouvel ordre, avec +des notes pratiques et historiques, par Amelot de la Houssaye, nouvelle +édition, augmentée de maximes chrétiennes. Paris, Ganeau, 1754, 1 vol. +in-12.</p> + +<p><i>Émile, ou de l'Éducation</i>, par J. J. Rousseau. Amsterdam, Néaulme, +1762, 4 vol. in-12.</p> + +<p><i>Réflexions politiques sur les finances et le commerce</i>, par Dutot. La +Haye, Vaillant, 1754, 2 vol. in-12.</p> + +<p><i>Essai politique sur le commerce</i>, par Melon, nouvelle édition, 1761, 1 +vol. in-12.</p> + +<p><i>Annales politiques</i> de feu M. Charles-Irénée Castel, abbé de +Saint-Pierre, nouvelle édition. Lyon, Duplais, 1767, 2 vol. in-12.</p> + +<p><i>Essai philosophique</i>, concernant l'entendement humain, par Locke, +traduit de l'anglais par Coste. Amsterdam, aux dépens de la Compagnie, +1758, 4 vol. in-12.</p> + +<p><i>De la recherche de la vérité</i>, par Mallebranche. Paris. 1762, 4 vol. in +12.</p> + +<p><i>Histoire du ciel</i> considéré selon les idées des poëtes, des philosophes +et de Moïse, par Noël Planche. Paris, Estienne, 1739, 2 vol. in-12.<a name="page_375" id="page_375"></a></p> + +<p><i>Considérations sur la constitution de la marine militaire de France</i>, +par de Secondat. Londres, 1756, 1 vol. in-12.</p> + +<p><i>Rouge végétal à l'usage des dames</i>, avec une lettre à M***, sur les +maladies des yeux causées par l'usage du rouge et du blanc, par le +docteur Deshais-Gendron. Paris, 1760, 1 vol. in-12.</p> + +<p class="c">————</p> + +<p class="hang">Nº 6.—<i>Liste des dossiers, concernant madame du Barry, déposés à la +bibliothèque publique de la ville de Versailles:</i></p> + +<p>1º Dossier renfermant toutes les pièces regardant particulièrement +madame <i>du Barry</i>.</p> + +<p>2º Procès entre les héritiers <i>du Barry</i>, dans lequel est établie la +preuve que madame <i>du Barry</i> est fille naturelle d'<i>Anne Bécu</i>.</p> + +<p>3º Autre dossier, dans lequel on trouve une foule de renseignements sur +tout ce qui regarde madame <i>du Barry</i>.</p> + +<p>4º Dossier concernant le vol des diamants de madame <i>du Barry</i>, et les +dépôts d'argent faits par elle en Angleterre.</p> + +<p>5º Dossier <i>Cossé-Brissac</i>.</p> + +<p>6º Dossier de <i>Rançon de Montrabe</i>, beau-père de madame <i>du Barry</i>.</p> + +<p>7º Dossier contenant les états des dettes, oppositions et significations +existant au trésor public, sur la comtesse <i>du Barry</i>.</p> + +<p>8º Procès des héritiers de madame <i>du Barry</i>.—Mémoires imprimés.<a name="page_376" id="page_376"></a></p> + +<p>9º, 10º, 11º, 12º. Dossiers des divers procès intentés par les héritiers +de madame <i>du Barry</i>, contre MM. <i>Rohan-Chabot</i>, <i>de Chabrillan</i>, <i>de +Mondragon</i>.</p> + +<p>13º Dossier concernant le comte <i>Guillaume du Barry</i>, mari de la +comtesse.—Son second mariage avec <i>Madeleine Lemoine</i>.—Sa mort.</p> + +<p>14º et 15º Papiers concernant les parents de madame <i>du Barry</i>.</p> + +<p class="c">FIN.</p> + +<p><a name="page_377" id="page_377"></a></p> + +<h3><a name="TABLE_DES_MATIERES" id="TABLE_DES_MATIERES"></a>TABLE DES MATIÈRES.</h3> + +<table border="0" cellpadding="0" cellspacing="0" summary=""> + +<tr><td colspan="2"> </td><td>I<small>NTRODUCTION</small></td><td align="right"><a href="#page_i">I</a></td></tr> + +<tr><td align="right"><a href="#I">I</a></td><td>—</td><td>Le château de Versailles sous Louis XIII et la +journée des Dupes (1627-1630)</td><td align="right"><a href="#page_001">1</a></td></tr> + +<tr><td align="right"><a href="#II">II</a></td><td>—</td><td>La naissance du duc de Bourgogne (1682)</td><td align="right"><a href="#page_030">30</a></td></tr> + +<tr><td align="right"><a href="#III">III</a></td><td>—</td><td>Récit de la grande opération faite au roi +Louis XIV (1686)</td><td align="right"><a href="#page_057">57</a></td></tr> + +<tr><td align="right"><a href="#IV">IV</a></td><td>—</td><td>Mort de Louvois (1691)</td><td align="right"><a href="#page_074">74</a></td></tr> + +<tr><td align="right"><a href="#V">V</a></td><td>—</td><td>L'appartement de madame de Maintenon +(1686-1715)</td><td align="right"><a href="#page_085">85</a></td></tr> + +<tr><td align="right"><a href="#VI">VI</a></td><td>—</td><td>L'ancienne machine de Marly ou de Ville et +Rennequin</td><td align="right"><a href="#page_115">115</a></td></tr> + +<tr><td colspan="2"> </td><td>Pièces justificatives</td><td align="right"><a href="#page_138">138</a></td></tr> + +<tr><td align="right"><a href="#VII">VII</a></td><td>—</td><td>Détails inédits sur la mort de Louis XIV (1715)</td><td align="right"><a href="#page_200">200</a></td></tr> + +<tr><td align="right"><a href="#VIII">VIII</a></td><td>—</td><td>Relevé des dépenses de madame de Pompadour</td><td align="right"><a href="#page_209">209</a></td></tr> + +<tr><td align="right"><a href="#IX">IX</a></td><td>—</td><td>Le Parc aux cerfs sous Louis XV (1755-1771)</td><td align="right"><a href="#page_229">229</a></td></tr> + +<tr><td align="right"><a href="#X">X</a></td><td>—</td><td>Madame du Barry (1768-1793)</td><td align="right"><a href="#page_243">243</a></td></tr> + +<tr><td colspan="2"> </td><td>Notes</td><td align="right"><a href="#page_249">249</a></td></tr> +</table> + +<div class="footnotes"><h3>NOTES:</h3> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_1_1" id="Footnote_1_1"></a><a href="#FNanchor_1_1"><span class="label">[1]</span></a> <i>Curiosités historiques</i>, p. 86.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_2_2" id="Footnote_2_2"></a><a href="#FNanchor_2_2"><span class="label">[2]</span></a> Les Almanachs de Versailles avant 1789.—Le Cicerone de +Versailles (avril 1804, etc.)</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_3_3" id="Footnote_3_3"></a><a href="#FNanchor_3_3"><span class="label">[3]</span></a> Mémoires de Saint-Simon.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_4_4" id="Footnote_4_4"></a><a href="#FNanchor_4_4"><span class="label">[4]</span></a> Mémoires de Saint-Simon.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_5_5" id="Footnote_5_5"></a><a href="#FNanchor_5_5"><span class="label">[5]</span></a> Jusqu'en 1836, dit cet auteur, époque de la publication du +livre de M. Eckard, on avait cru et répété que Jean de Soisy était le +seigneur de Versailles. En 1833, lorsque nous écrivîmes pour la première +fois cet ouvrage, nous avancions sous la forme du doute, que Jean de +Soisy n'avait dû vendre que le <i>Pavillon royal</i>, puisque le château +appartenait aux Gondi. Toutefois, les dates nous embarrassaient. Grâce à +M. Eckard, la lumière a été jetée sur l'ordre des acquisitions, et nous +n'y ajouterons que ce que nous croirons indispensable de faire +connaître.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_6_6" id="Footnote_6_6"></a><a href="#FNanchor_6_6"><span class="label">[6]</span></a> <i>Mémoires du maréchal de Bassompierre</i>, contenant +l'histoire de sa vie et de ce qui s'est fait de plus remarquable à la +cour de France pendant quelques années. Cologne, 1665, t. III, p. 53.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_7_7" id="Footnote_7_7"></a><a href="#FNanchor_7_7"><span class="label">[7]</span></a> Le palais des Tuileries. L'assemblée se tenait dans la +grande salle de ce palais.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_8_8" id="Footnote_8_8"></a><a href="#FNanchor_8_8"><span class="label">[8]</span></a> En 1631, pendant qu'il était enfermé à la Bastille.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_9_9" id="Footnote_9_9"></a><a href="#FNanchor_9_9"><span class="label">[9]</span></a> <i>Architecture française</i>, par Blondel, t. IV, p. 93.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_10_10" id="Footnote_10_10"></a><a href="#FNanchor_10_10"><span class="label">[10]</span></a> <i>Histoire du roi Louis XIII</i>, par Ch. Bernard, 1646, I. +XII, p. 223.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_11_11" id="Footnote_11_11"></a><a href="#FNanchor_11_11"><span class="label">[11]</span></a> Anecdotes du ministère du cardinal de Richelieu.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_12_12" id="Footnote_12_12"></a><a href="#FNanchor_12_12"><span class="label">[12]</span></a> Ch. Bernard (<i>Histoire de Louis XIII</i>) dit que ce qui +sauva le roi fut l'ouverture d'un abcès qu'il avait intérieurement, ce +qui le mit aussitôt hors de fièvre.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_13_13" id="Footnote_13_13"></a><a href="#FNanchor_13_13"><span class="label">[13]</span></a> <i>Histoire de Louis XIII</i>, liv. XIV, p. 226.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_14_14" id="Footnote_14_14"></a><a href="#FNanchor_14_14"><span class="label">[14]</span></a> Voici ce que dit à ce sujet Bassompierre: «Le lundi 11, +jour de la Saint-Martin, je vins de bonne heure chez le roi, qui me dit +qu'il s'en retournoit à Versailles; je ne sçay point quel dessein j'en +avois fait d'aller dîner chez M. le cardinal, que je n'avois pû voir +chez luy depuis son arrivée, et m'en alloyt vers midi en son logis. On +me dit qu'il n'y estoit pas, et qu'il partoit ce jour-là pour aller à +Pontoise. Encore jusques-là je ne pensoy à rien, ni moins encore, quand +étant entré au Luxembourg, M. le cardinal y arrivant, je le conduisis +jusques à la porte de la reine, et qu'il me dit: Vous ne ferez plus de +cas d'un défavorisé comme moy. Je m'imaginai qu'il vouloit parler du +mauvais visage qu'il avoit reçu de Monsieur. Sur cela, je voulus +attendre pour aller dîner avec lui; mais M. de Longueville me débaucha +pour aller dîner chez M. de Créqui avec Monsieur, comme il m'en avoit +prié.» (<i>Mémoires du maréchal de Bassompierre</i>, t. III, p. 273.)</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_15_15" id="Footnote_15_15"></a><a href="#FNanchor_15_15"><span class="label">[15]</span></a> Comme grand-maître de la maison du roi.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_16_16" id="Footnote_16_16"></a><a href="#FNanchor_16_16"><span class="label">[16]</span></a> L'ordonnance royale par laquelle Louis XIII ôte les sceaux +à Marillac pour les donner à Charles de Laubespin, sieur de +Chasteau-Neuf, est datée de Versailles, au mois de novembre 1630, et +l'on y voit que Chasteau-Neuf y prêta serment entre les mains du roi, le +14 du même mois.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_17_17" id="Footnote_17_17"></a><a href="#FNanchor_17_17"><span class="label">[17]</span></a> Cette année 1630, Louis XIII retira au seigneur de +Glatigny les droits d'aides de Versailles, qui avaient été aliénés en +1619, et les fit recevoir par le concierge de son château. (Rapport de +M. Coste, 1790.) +</p><p> +Le concierge du château et le jardinier avaient chacun six cents livres +de gages. (Manuscrits de Narbonne, premier commissaire de Versailles.)</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_18_18" id="Footnote_18_18"></a><a href="#FNanchor_18_18"><span class="label">[18]</span></a> Voir <i>Histoire amoureuse des Gaules</i>, par Bussi Rabutin.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_19_19" id="Footnote_19_19"></a><a href="#FNanchor_19_19"><span class="label">[19]</span></a> Son mari était chirurgien à Paris.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_20_20" id="Footnote_20_20"></a><a href="#FNanchor_20_20"><span class="label">[20]</span></a> Le premier médecin du roi.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_21_21" id="Footnote_21_21"></a><a href="#FNanchor_21_21"><span class="label">[21]</span></a> Premier chirurgien de la Dauphine.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_22_22" id="Footnote_22_22"></a><a href="#FNanchor_22_22"><span class="label">[22]</span></a> C'est ce qui a fait dire à plusieurs historiens, et entre +autres à M. Vatout, dans son livre du <i>Palais de Versailles</i>, que la +Dauphine était accouchée à la surintendance. La surintendance était +complétement séparée du château, et l'on a évidemment confondu le +pavillon de la surintendante avec ce bâtiment. Sous Louis XVI ce +pavillon portait le nom de <i>Pavillon de Monsieur</i>.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_23_23" id="Footnote_23_23"></a><a href="#FNanchor_23_23"><span class="label">[23]</span></a> Il était composé de deux matelas, sans lit de plumes, +placés sur un lit de repos, large de trois pieds. Une planche était +placée entre les deux matelas, afin que le siége ne fût pas dans un +creux. On étendait dessus deux draps et une couverture. Un double +traversin était placé sous les épaules et la tête. Enfin il était +complété par deux chevilles d'un pied de long, placées l'une à droite et +l'autre à gauche, que la princesse devait saisir pendant les douleurs, +et par une barre au pied, pour servir d'appui à ses pieds pendant le +travail.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_24_24" id="Footnote_24_24"></a><a href="#FNanchor_24_24"><span class="label">[24]</span></a> Qu'on a traduit plus tard en <i>palettes</i>.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_25_25" id="Footnote_25_25"></a><a href="#FNanchor_25_25"><span class="label">[25]</span></a> Ce rossolis était composé de graines aromatiques macérées +dans l'alcool.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_26_26" id="Footnote_26_26"></a><a href="#FNanchor_26_26"><span class="label">[26]</span></a> L'usage de la plupart des accoucheurs de cette époque, +ainsi que l'enseigne <i>Mauriceau</i> dans son <i>Traité des accouchements</i>, +était de délivrer la femme aussitôt la sortie de l'enfant, et de ne +couper le cordon que lorsque l'arrière-faix tout entier était dehors. +Clément était d'un avis tout opposé. Il voulait que l'on commençât par +la ligature du cordon. Il donnait pour raison qu'on ne peut trop tôt +ôter l'enfant d'auprès de sa mère, et l'en débarrasser pour le mettre +entre les mains de celles qui doivent l'accommoder. Il ajoutait que plus +on différait à lier le cordon, plus la circulation de l'enfant avec le +placenta se continuait, et plus par conséquent le placenta se détachait +difficilement de l'utérus; et de plus, qu'en laissant crier l'enfant +près de sa mère, on lui faisait de la peine, et que cet éveil à la +tendresse maternelle pouvait être encore une cause de retard à la sortie +du délivre. +</p><p> +Il lia donc le cordon, le coupa, et remit l'enfant entre les mains des +femmes qui devaient l'arranger. On l'enveloppa dans un linge et on le +porta dans un cabinet voisin, et près du feu. On le lava avec une éponge +trempée dans du vin légèrement chauffé, dans lequel on avait fait fondre +une certaine quantité de beurre. Clément vint lui mettre le cordon dans +un linge huilé, plaça la bande de corps, et l'on emmaillotta l'enfant. +Il s'occupa ensuite de délivrer la princesse. L'arrière-faix, à sa +sortie, fut placé sur un plat d'argent et présenté à l'examen des +médecins pour s'assurer de son intégrité.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_27_27" id="Footnote_27_27"></a><a href="#FNanchor_27_27"><span class="label">[27]</span></a> Les curés de paroisses royales avaient le droit +non-seulement d'assister en étole aux baptêmes, mariages et autres +sacrements qui s'administraient à la cour, mais encore de faire mention +de leur présence dans les actes les constatant. Voici comment cet usage +s'était introduit. +</p><p> +Le cardinal de Richelieu connaissait le grand nombre de ses ennemis et +la faiblesse de Louis XIII. Craignant qu'après sa mort sa famille ne fût +inquiétée, il chercha pour elle un appui dans la puissante maison de +Condé, et fit épouser à sa nièce, Claire-Clémence de Maillé-Brézé, Louis +de Bourbon, duc d'Enghien, si connu sous le nom de grand Condé! +</p><p> +Ce mariage se fit le 11 février 1645, dans la chapelle du Louvre, et le +frère de Richelieu, le cardinal de Lyon, leur donna la bénédiction +nuptiale. Le prince de Condé, père de Louis, et Louis lui-même, ayant +montré de la répugnance pour cette alliance, le cardinal ne parvint à la +conclure qu'à l'aide des grands avantages qu'il assura à sa nièce; et +comme il craignait que plus tard on ne cherchât quelques prétextes pour +la rompre, il voulut que le curé de Saint-Germain l'Auxerrois fût +présent à la célébration avec son étole, et qu'il apportât ses registres +afin d'y faire inscrire l'acte. Telle est l'origine de l'usage où +étaient les curés des résidences royales d'assister en étole à tous les +sacrements s'administrant à la cour. Cet usage s'est renouvelé de nos +jours, car on a vu, il y a quelques années, le curé de l'église de +Notre-Dame de Versailles, depuis évêque de Dijon, venir au château de +Trianon et y assister en étole à la cérémonie du mariage de la princesse +Marie, fille du roi Louis-Philippe, avec le prince de Wurtemberg.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_28_28" id="Footnote_28_28"></a><a href="#FNanchor_28_28"><span class="label">[28]</span></a> Après que les femmes de la Dauphine eurent procédé à sa +toilette, elle fut placée dans son lit, préalablement chauffé. Comme +l'enfant était resté assez longtemps au passage, les parties externes de +la génération étaient contusionnées et douloureuses; Clément y fit +appliquer un cataplasme ainsi fait: On prit deux onces d'huile d'amandes +douces et deux œufs dont on mit le blanc et le jaune, qu'on fit cuire +dans un petit vase, comme des œufs brouillés; on les étendit ensuite +sur de l'étoupe, et on les appliqua médiocrement chauds sur la partie. +</p><p> +Comme le ventre était un peu sensible, Clément se servit, pour prévenir +l'inflammation de cette partie, d'un singulier moyen, auquel il renonça +cependant pour les autres accouchements de la Dauphine, quoiqu'ils aient +été aussi laborieux*. Il fit appliquer la peau encore chaude d'un mouton +noir nouvellement écorché. Pour cela on avait fait venir un boucher qui +écorcha le mouton dans une pièce voisine. Le boucher, voulant ne pas +laisser refroidir la peau, s'empressa d'entrer dans la chambre de la +princesse, en ayant pris cette peau ployée dans son tablier, et laissa +la porte ouverte; de sorte que le mouton écorché et tout sanglant le +suivit et entra jusqu'auprès du lit, ce qui fit une peur effroyable à +toutes les dames présentes à ce spectacle. Les seins furent ensuite +recouverts de deux petits matelas de laine. Ces soins terminés, la +Dauphine prit une potion qu'on était dans l'usage d'administrer pour +éviter aux femmes les tranchées, consistant dans un mélange d'huile +d'amandes douces, de sirop de capillaire et de jus d'orange. +</p><p> +A la couche de la Dauphine, Clément se conforma encore à un usage +observé chez les reines, mais qu'il supprima plus tard, c'était +d'empêcher la femme de dormir aussitôt après l'accouchement. Dionis +resta trois heures auprès du lit de la Dauphine, ainsi qu'il avait fait +à la reine, pour causer avec elle et l'empêcher de se livrer au sommeil. +</p><p> +Après que tout le monde se fut retiré de la chambre de la Dauphine, on +ferma tous les volets des fenêtres, et une seule bougie éclaira sa +chambre jour et nuit pendant les neuf premiers jours. Excepté +l'accoucheur, les médecins et les femmes nécessaires au service, +personne ne s'approcha non plus de la Dauphine pendant tout ce temps. +Les trois premiers jours, sa nourriture se composa de bouillons, d'œufs +frais et de gelée; et sa boisson de tisane d'orge, de chiendent et de +réglisse chaude. Lorsque la fièvre de lait fut passée, on donna des +potages et du poulet, et elle but un peu de vin trempé. +</p><p> +Une précaution regardée comme très-importante était de ne laisser entrer +dans la chambre de l'accouchée aucune personne ayant sur elle quelque +odeur. Aussi un huissier était-il placé à la porte de l'appartement de +la princesse, avec ordre de sentir toutes les dames, et de renvoyer +celles ayant quelque parfum ou quelque fleur, non-seulement pendant les +neuf premiers jours, mais même pendant les six semaines qui suivirent +l'accouchement. +</p><p> +* Dionis.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_29_29" id="Footnote_29_29"></a><a href="#FNanchor_29_29"><span class="label">[29]</span></a> Dans son livre du <i>Palais de Versailles</i>, M. Vatout dit +qu'après la naissance du duc de Bourgogne, Louis XIV s'étant montré en +public, le peuple le porta depuis la surintendance, où la Dauphine était +accouchée, jusqu'à ses appartements. On voit, par ce récit, que cette +scène d'effusion entre Louis XIV et ses courtisans eut lieu dans +l'intérieur du palais, et que <i>le peuple</i> n'y prit aucune part. L'erreur +de M. Vatout vient, on l'a déjà fait remarquer, de ce qu'il a confondu +la surintendance avec le pavillon de la surintendante.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_30_30" id="Footnote_30_30"></a><a href="#FNanchor_30_30"><span class="label">[30]</span></a> Il y avait alors la grande cour, appelée aussi première +cour, fermée par la grille que l'on voit encore aujourd'hui; la deuxième +cour, ou cour royale, séparée de la première par une grille aujourd'hui +détruite, et la troisième cour, ou cour de marbre.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_31_31" id="Footnote_31_31"></a><a href="#FNanchor_31_31"><span class="label">[31]</span></a> L'Étape était une espèce de halle aux vins, dans laquelle +les marchands de vins en gros de la ville déposaient leurs pièces pour +les vendre aux habitants. Elle était située derrière l'ancienne geôle.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_32_32" id="Footnote_32_32"></a><a href="#FNanchor_32_32"><span class="label">[32]</span></a> La pompe, située rue des Réservoirs, sur l'emplacement du +restaurant Duboux, était un instrument hydraulique servant à élever +l'eau de l'étang de Clagny dans les réservoirs du château, pour de là +les distribuer dans les bassins du parc. Plus tard, madame de Pompadour +fit bâtir son hôtel sur le même emplacement.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_33_33" id="Footnote_33_33"></a><a href="#FNanchor_33_33"><span class="label">[33]</span></a> Tous les ornements de plomb de la toiture du château et +des ailes des ministres étaient dorés.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_34_34" id="Footnote_34_34"></a><a href="#FNanchor_34_34"><span class="label">[34]</span></a> Sauf les grands seigneurs, les habitants de Versailles +étaient alors composés de paysans, d'ouvriers, et de gens de bas étage, +attirés par les travaux que faisait faire le roi, et par les privilèges +qu'il accorda aux premiers propriétaires de la ville. Les marguilliers +de la paroisse, se considérant comme les représentants des bourgeois de +la ville, ne voulurent pas laisser passer une occasion si favorable de +se distinguer, ce qui amena une scène assez plaisante. +</p><p> +Ils allèrent trouver Bontemps, premier valet de chambre du roi et alors +gouverneur de Versailles; ils lui représentèrent que, dans une +circonstance aussi solennelle, ils ne pouvaient se dispenser de porter +au roi les félicitations des habitants de Versailles, et le prièrent de +les présenter à Louis XIV. Bontemps en parla au roi, qui voulut bien les +recevoir et leur assigna une heure le lendemain. +</p><p> +A l'heure indiquée, Bontemps, comme gouverneur de Versailles, avait cru +devoir se mettre à la tête de la députation. Il les introduisit dans le +salon où se trouvait le roi; mais, à peine y furent-ils entrés, que, +sans donner à Bontemps le temps de prononcer la formule d'usage: «Sire, +voici les bourgeois de Versailles que je présente à Votre Majesté», l'un +des marguilliers, nommé Colette, épicier de profession, chargé de faire +le compliment, enthousiasmé sans doute par la présence du roi, se mit à +chanter à pleine gorge: <i>Domine salvum fac regem</i>, auquel les +marguilliers, électrisés à leur tour par la voix de lutrin de leur +orateur, répondirent: <i>Et exaudi nos in die, qua invocaverimus +te</i>.—Louis XIV ne s'attendait pas à un pareil discours. Il ne put +conserver sa gravité et se mit à rire, ainsi que tous les seigneurs qui +l'entouraient. Mais Bontemps, peu flatté du rôle que venaient de lui +faire jouer les marguilliers, leur fit de vifs reproches et les poussa +hors du salon, d'où ils se retirèrent un peu confus de leur réception.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_35_35" id="Footnote_35_35"></a><a href="#FNanchor_35_35"><span class="label">[35]</span></a> Louis XIV aimait le faste et la représentation. Lorsqu'il +résolut de venir habiter Versailles, l'un de ses premiers soins fut +d'ordonner la construction d'un escalier qui annonçât dignement la +magnificence des appartements de ce palais. Levau et Dorbay furent +chargés de sa construction, et Lebrun de sa décoration. Ce bel escalier +passait alors pour un chef-d'œuvre. Il fut détruit sous Louis XV, +lorsque l'on fit de nouvelles distributions. Il était situé tout à fait +en face de l'escalier de marbre ou <i>de la Reine</i>, existant encore de +l'autre côté de la cour royale. Il était vraiment digne, si l'on en +croit sa description et les planches de Baudet, représentant les +peintures du plafond, des grands artistes auxquels Louis XIV en avait +confié l'exécution. Cet escalier portait aussi le nom <i>d'escalier des +Ambassadeurs</i>, parce que c'était par là que les ambassadeurs entraient +dans les appartements, du roi, lors des grandes réceptions.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_36_36" id="Footnote_36_36"></a><a href="#FNanchor_36_36"><span class="label">[36]</span></a> Dionis.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_37_37" id="Footnote_37_37"></a><a href="#FNanchor_37_37"><span class="label">[37]</span></a> Dans le bâtiment en face de la bibliothèque de la ville de +Versailles.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_38_38" id="Footnote_38_38"></a><a href="#FNanchor_38_38"><span class="label">[38]</span></a> Dionis.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_39_39" id="Footnote_39_39"></a><a href="#FNanchor_39_39"><span class="label">[39]</span></a> Dangeau.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_40_40" id="Footnote_40_40"></a><a href="#FNanchor_40_40"><span class="label">[40]</span></a> Cet hôtel, situé rue de la Bibliothèque, nº 6, fut +construit en 1670. C'est l'une des plus anciennes maisons de Versailles. +Devenu trop petit pour la surintendance, on en construisit un plus vaste +dans la même rue, nº 9, aujourd'hui le petit séminaire. L'ancien hôtel +resta l'habitation des surintendants.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_41_41" id="Footnote_41_41"></a><a href="#FNanchor_41_41"><span class="label">[41]</span></a> <i>Journal de Dangeau</i>, publié par MM. Soulié, Dussieux, de +Chennevières et de Montaiglon.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_42_42" id="Footnote_42_42"></a><a href="#FNanchor_42_42"><span class="label">[42]</span></a> Paris, 1710.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_43_43" id="Footnote_43_43"></a><a href="#FNanchor_43_43"><span class="label">[43]</span></a> Dionis, ouvr. cité.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_44_44" id="Footnote_44_44"></a><a href="#FNanchor_44_44"><span class="label">[44]</span></a> L'aile du midi, construite en 1679, s'appelait l'<i>ancienne +aile</i>, et celle du nord, élevée en 1685, l'<i>aile neuve</i>.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_45_45" id="Footnote_45_45"></a><a href="#FNanchor_45_45"><span class="label">[45]</span></a> Il est évident, par l'explication qu'il donne ailleurs du +lieu où se trouvait l'appartement de madame de Maintenon, que +Saint-Simon entend par <i>grand escalier</i> l'escalier de marbre ou de la +Reine, le seul par où l'on entrât directement dans les petits +appartements du roi.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_46_46" id="Footnote_46_46"></a><a href="#FNanchor_46_46"><span class="label">[46]</span></a> Détruit sous Louis XV.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_47_47" id="Footnote_47_47"></a><a href="#FNanchor_47_47"><span class="label">[47]</span></a> Suivre pour toute cette description le plan de Blondel +dans son livre de l'<i>Architecture française</i>, tome IV.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_48_48" id="Footnote_48_48"></a><a href="#FNanchor_48_48"><span class="label">[48]</span></a> On le nommait aussi <i>cabinet des Perruques</i>, parce que +c'était dans ce cabinet que l'on déposait les différentes perruques de +Louis XIV.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_49_49" id="Footnote_49_49"></a><a href="#FNanchor_49_49"><span class="label">[49]</span></a> La comédie était située au fond de la cour des Princes, +dans le vestibule servant aujourd'hui de passage de cette cour dans les +jardins. Elle n'a cessé d'exister que sous le premier Empire.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_50_50" id="Footnote_50_50"></a><a href="#FNanchor_50_50"><span class="label">[50]</span></a> L'escalier des Princes.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_51_51" id="Footnote_51_51"></a><a href="#FNanchor_51_51"><span class="label">[51]</span></a> En effet, on va voir tout à l'heure que l'antichambre de +l'appartement de jour du duc de Bourgogne (salle des Gouaches), donnait +sur la salle des Cent-Suisses (salle de 1792), et qu'on pouvait de cette +antichambre passer dans l'appartement de madame de Maintenon.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_52_52" id="Footnote_52_52"></a><a href="#FNanchor_52_52"><span class="label">[52]</span></a> Saint-Simon appelle tantôt grand degré, tantôt grand +escalier, l'escalier de marbre; c'est ce qui a mis dans l'erreur M. +Vatout, et lui a fait supposer que Saint-Simon voulait parler de +l'escalier des ambassadeurs. Dans ce récit il n'y a aucun doute sur +celui auquel il donne le nom de grand degré.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_53_53" id="Footnote_53_53"></a><a href="#FNanchor_53_53"><span class="label">[53]</span></a> L'on voit que Saint-Simon place cette porte dans l'endroit +déjà indiqué par Félibien.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_54_54" id="Footnote_54_54"></a><a href="#FNanchor_54_54"><span class="label">[54]</span></a> Nous avons déjà vu, dans la description de Félibien, que +cette salle des gardes, qu'il ne faut pas confondre avec la grande salle +des gardes, que le duc de Bourgogne venait de traverser pour entrer chez +madame de Maintenon, avait son entrée sur le vestibule, au haut de +l'escalier et en face de l'appartement de madame de Maintenon.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_55_55" id="Footnote_55_55"></a><a href="#FNanchor_55_55"><span class="label">[55]</span></a> Voir le plan de Blondel. Ces deux antichambres ont été +détruites et ne forment aujourd'hui qu'une seule pièce, la salle de +1795.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_56_56" id="Footnote_56_56"></a><a href="#FNanchor_56_56"><span class="label">[56]</span></a> Cette chambre forme la salle de 1794.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_57_57" id="Footnote_57_57"></a><a href="#FNanchor_57_57"><span class="label">[57]</span></a> Pour pouvoir faire de cette chambre une salle de tableaux, +on a détruit la cheminée, qui, d'après Blondel, se trouvait au fond, +dans la face orientale.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_58_58" id="Footnote_58_58"></a><a href="#FNanchor_58_58"><span class="label">[58]</span></a> Cet enfoncement est très-bien indiqué dans le plan de +Blondel. La croisée qui s'y trouvait alors était condamnée. On l'a +ouverte depuis pour donner plus de jour à cette salle.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_59_59" id="Footnote_59_59"></a><a href="#FNanchor_59_59"><span class="label">[59]</span></a> Ces marches, indiquées dans le plan de Blondel, ont été +supprimées depuis qu'on a baissé le sol du grand cabinet auquel elles +servaient à monter. Aujourd'hui c'est un passage étroit qui sert à aller +de la salle de 1794 dans celle de 1793.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_60_60" id="Footnote_60_60"></a><a href="#FNanchor_60_60"><span class="label">[60]</span></a> Le grand cabinet (aujourd'hui salle de 1793) était en +effet de plain-pied avec l'appartement de jour du duc de Bourgogne +(salle des Gouaches), et l'on entrait dans l'antichambre de cet +appartement, noté sur le plan de Blondel comme celui du cardinal de +Fleury, par une porte (aujourd'hui cachée par un tableau) qui se +trouvait en face de celle de la chambre de madame de Maintenon, et qui +ouvrait sur le petit palier d'un escalier communiquant à la salle de +comédie.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_61_61" id="Footnote_61_61"></a><a href="#FNanchor_61_61"><span class="label">[61]</span></a> Cette antichambre, où se trouvent aujourd'hui les costumes +des divers régiments, descend encore dans la salle dont parle +Saint-Simon (salle de 1792), par plusieurs marches, le sol de l'ancien +appartement de jour du duc de Bourgogne étant resté plus élevé.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_62_62" id="Footnote_62_62"></a><a href="#FNanchor_62_62"><span class="label">[62]</span></a> Par l'escalier déjà indiqué.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_63_63" id="Footnote_63_63"></a><a href="#FNanchor_63_63"><span class="label">[63]</span></a> Cette garde-robe existe encore, mais on y a construit un +calorifère.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_64_64" id="Footnote_64_64"></a><a href="#FNanchor_64_64"><span class="label">[64]</span></a> Dans un autre endroit de ses <i>Mémoires</i>, Saint-Simon +dit:—Chez elle, avec le roi, ils étaient chacun dans leur fauteuil, une +table devant chacun d'eux, aux deux coins de la cheminée, elle du côté +du lit, le roi le dos à la muraille, du côté de la porte de +l'antichambre, et deux tabourets devant sa table, un pour le ministre +qui venait travailler, l'autre pour son sac. Les jours de travail, ils +n'étaient seuls ensemble que fort peu de temps avant que le ministre +entrât, et moins encore fort souvent après qu'il était sorti. Le roi +passait à une <i>chaise percée</i>, revenait au lit de madame de Maintenon, +où il se tenait debout fort peu, lui donnait le bonsoir, et s'en allait +se mettre à table.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_65_65" id="Footnote_65_65"></a><a href="#FNanchor_65_65"><span class="label">[65]</span></a> Par le petit escalier qui se trouve entre le grand cabinet +de madame de Maintenon et l'antichambre de M. le duc de Bourgogne.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_66_66" id="Footnote_66_66"></a><a href="#FNanchor_66_66"><span class="label">[66]</span></a> <i>Mémoires de Saint-Simon</i>, tome XII, page 132. Édition +Delloye.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_67_67" id="Footnote_67_67"></a><a href="#FNanchor_67_67"><span class="label">[67]</span></a> Voir <i>Histoire de la maison royale de Saint-Cyr</i>, par M. +Théophile Lavallée, le même fait raconté d'une manière bien différente.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_68_68" id="Footnote_68_68"></a><a href="#FNanchor_68_68"><span class="label">[68]</span></a> Voir le livre des <i>Eaux de Versailles</i>, par J. A. Le Roi.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_69_69" id="Footnote_69_69"></a><a href="#FNanchor_69_69"><span class="label">[69]</span></a> De Ville, qui était fils d'un bourgmestre de Ville, passa +la plus grande partie de sa jeunesse au château de Modave.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_70_70" id="Footnote_70_70"></a><a href="#FNanchor_70_70"><span class="label">[70]</span></a> Voir note nº 11, <i>Pièces justificatives</i>.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_71_71" id="Footnote_71_71"></a><a href="#FNanchor_71_71"><span class="label">[71]</span></a> De Prony, art. Rennequin, <i>Biographie universelle</i>.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_72_72" id="Footnote_72_72"></a><a href="#FNanchor_72_72"><span class="label">[72]</span></a> Voir le tableau des pentes de la Seine fait à cette +époque, note nº 6.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_73_73" id="Footnote_73_73"></a><a href="#FNanchor_73_73"><span class="label">[73]</span></a> Voir le plan de la machine, par P. Giffart, note nº 2.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_74_74" id="Footnote_74_74"></a><a href="#FNanchor_74_74"><span class="label">[74]</span></a> Voir le détail des dépenses de la machine, registre des +bâtiments du roi, note nº 1.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_75_75" id="Footnote_75_75"></a><a href="#FNanchor_75_75"><span class="label">[75]</span></a> Voir le procès-verbal de l'arpenteur Caron, note nº 5.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_76_76" id="Footnote_76_76"></a><a href="#FNanchor_76_76"><span class="label">[76]</span></a> Cette maison est occupée aujourd'hui par le directeur.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_77_77" id="Footnote_77_77"></a><a href="#FNanchor_77_77"><span class="label">[77]</span></a> Voir la note nº 10, <i>Pièces justificatives</i>.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_78_78" id="Footnote_78_78"></a><a href="#FNanchor_78_78"><span class="label">[78]</span></a> Voir détail des dépenses, note nº 1.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_79_79" id="Footnote_79_79"></a><a href="#FNanchor_79_79"><span class="label">[79]</span></a> Voir l'<i>Architecture hydraulique</i> de Bélidor, et les <i>Eaux +de Versailles</i>, par J. A. Le Roi.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_80_80" id="Footnote_80_80"></a><a href="#FNanchor_80_80"><span class="label">[80]</span></a> Nous nous servons ici de la description donnée par M. de +Prony et par Bélidor.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_81_81" id="Footnote_81_81"></a><a href="#FNanchor_81_81"><span class="label">[81]</span></a> Cette tour en charpente fut plus tard portée à +l'Observatoire de Paris, et servit à placer les premiers télescopes. +Voir l'<i>Histoire de l'Académie des sciences</i>, année 1690.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_82_82" id="Footnote_82_82"></a><a href="#FNanchor_82_82"><span class="label">[82]</span></a> Voir Piganiol de la Force, <i>Description de la machine</i>, +note nº 8.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_83_83" id="Footnote_83_83"></a><a href="#FNanchor_83_83"><span class="label">[83]</span></a> <i>Instruction pour l'établissement d'une estacade</i>, par +Vauban. Archives de la machine, note nº 4.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_84_84" id="Footnote_84_84"></a><a href="#FNanchor_84_84"><span class="label">[84]</span></a> Elle est aujourd'hui chez le directeur de la machine.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_85_85" id="Footnote_85_85"></a><a href="#FNanchor_85_85"><span class="label">[85]</span></a> Le <i>Siècle des beaux-arts</i>, par Ossude, et des <i>Eaux de +Versailles</i>, par J. A. Le Roi.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_86_86" id="Footnote_86_86"></a><a href="#FNanchor_86_86"><span class="label">[86]</span></a> <i>Mélanges littéraires et scientifiques</i>, par l'abbé +Caron.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_87_87" id="Footnote_87_87"></a><a href="#FNanchor_87_87"><span class="label">[87]</span></a> <i>Quelques mots sur le lieu de naissance et l'époque du +décès de Renkin Sualem.</i></p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_88_88" id="Footnote_88_88"></a><a href="#FNanchor_88_88"><span class="label">[88]</span></a> Weidler.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_89_89" id="Footnote_89_89"></a><a href="#FNanchor_89_89"><span class="label">[89]</span></a> Voir le procès-verbal du sieur Caron, du 15 février 1683, +note nº 5.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_90_90" id="Footnote_90_90"></a><a href="#FNanchor_90_90"><span class="label">[90]</span></a> Voir le procès-verbal du 12 janvier 1682, du même, note nº +5.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_91_91" id="Footnote_91_91"></a><a href="#FNanchor_91_91"><span class="label">[91]</span></a> Registre des bâtiments du roi, année 1681, note nº 1.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_92_92" id="Footnote_92_92"></a><a href="#FNanchor_92_92"><span class="label">[92]</span></a> Procès-verbal du 15 février 1683, note nº 5.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_93_93" id="Footnote_93_93"></a><a href="#FNanchor_93_93"><span class="label">[93]</span></a> Voir le plan de la machine.—Arch. de la machine, note nº +2.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_94_94" id="Footnote_94_94"></a><a href="#FNanchor_94_94"><span class="label">[94]</span></a> Cette maison est celle où madame du Barry fit bâtir son +pavillon de Louveciennes.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_95_95" id="Footnote_95_95"></a><a href="#FNanchor_95_95"><span class="label">[95]</span></a> Registre des dépenses des bâtiments du roi, note nº 1.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_96_96" id="Footnote_96_96"></a><a href="#FNanchor_96_96"><span class="label">[96]</span></a> Dépenses des bâtiments du roi, note nº 1.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_97_97" id="Footnote_97_97"></a><a href="#FNanchor_97_97"><span class="label">[97]</span></a> Voir l'acte de décès de Rennequin, note nº 13.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_98_98" id="Footnote_98_98"></a><a href="#FNanchor_98_98"><span class="label">[98]</span></a> Voir note 12.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_99_99" id="Footnote_99_99"></a><a href="#FNanchor_99_99"><span class="label">[99]</span></a> Voir note 7.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_100_100" id="Footnote_100_100"></a><a href="#FNanchor_100_100"><span class="label">[100]</span></a> Note de M. Bormans. V. note 11.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_101_101" id="Footnote_101_101"></a><a href="#FNanchor_101_101"><span class="label">[101]</span></a> «S'il avait employé à embellir Paris, à finir le Louvre, +les sommes immenses que coûtèrent les aqueducs et les travaux de +Maintenon pour conduire des eaux à Versailles, travaux interrompus et +devenus inutiles; s'il avait dépensé à Paris la cinquième partie de ce +qu'il en a coûté pour forcer la nature à Versailles, Paris serait, dans +toute son étendue, aussi beau qu'il l'est du côté des Tuileries et du +pont Royal, et serait devenu la plus magnifique ville de l'univers.» +(Voltaire, <i>Siècle de Louis XIV</i>, t. II, p. 272.)</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_102_102" id="Footnote_102_102"></a><a href="#FNanchor_102_102"><span class="label">[102]</span></a> Songez bien que c'est à Dieu à qui vous devez tout ce que +vous estes. Cette faute de français, qui peut paraître aujourd'hui assez +extraordinaire dans la bouche de Louis XIV, nous semble, au contraire, +établir la vérité de la version que nous donnons. C'était, à cette +époque, une locution presque généralement en usage, et nous voyons +Boileau lui-même y céder dans ce vers célèbre: +</p> + +<p class="c">C'est à vous, mon esprit, à qui je veux parler.</p> + +<p>C'est là, à notre avis, une preuve presque certaine que ces paroles, +telles qu'elles sont rapportées ici, ont été en quelque sorte +sténographiées par celui qui était chargé de les recueillir.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_103_103" id="Footnote_103_103"></a><a href="#FNanchor_103_103"><span class="label">[103]</span></a> Dangeau, qui ne quittait presque jamais Louis XIV, donne +dans son journal une version à peu près semblable à celle-ci, dans +laquelle on trouve aussi cette phrase: «<i>Je vous donne le père Letellier +pour confesseur.</i>»</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_104_104" id="Footnote_104_104"></a><a href="#FNanchor_104_104"><span class="label">[104]</span></a> Le catalogue de la bibliothèque de madame de Pompadour, +recherché encore aujourd'hui des bibliographes, contient 3,535 articles +de livres, 235 de musique, 36 d'estampes. Il est terminé par une table +des auteurs et orné de son portrait. La marquise n'avait pas en tout dix +volumes latins, y compris un <i>Épinicion</i>, en l'honneur de milord +Pot-au-feu, et l'Horace gravé en 1733, exemplaire auquel était jointe +une explication française manuscrite des figures. Les grands auteurs +grecs et latins n'existaient qu'en traductions dans cette bibliothèque; +qui, à la réserve tout au plus de dix articles, se composait de livres +français et italiens. Il paraît, au reste, qu'on avait distrait quelques +articles, car on n'y a pas trouvé l'exemplaire de l'<i>Abrégé</i> +chronologique du président Hénault, donné par l'auteur à Voltaire, puis +offert par celui-ci à madame de Pompadour. Il avait écrit sur la +première page quelques vers, dont les premiers seulement ont été +conservés: +</p> +<p><br /> +<span style="margin-left: 2em;">Le voici ce livre vanté;</span><br /> +<span style="margin-left: 2em;">Les Grâces daignèrent l'écrire</span><br /> +<span style="margin-left: 2em;">Sous les yeux de la Vérité:</span><br /> +<span style="margin-left: 2em;">Et c'est aux Grâces de le lire.</span><br /> +</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_105_105" id="Footnote_105_105"></a><a href="#FNanchor_105_105"><span class="label">[105]</span></a> Collin était le factotum de madame de Pompadour.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_106_106" id="Footnote_106_106"></a><a href="#FNanchor_106_106"><span class="label">[106]</span></a> Madame Duhausset donne toujours à madame de Pompadour le +nom de <i>Madame</i>.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_107_107" id="Footnote_107_107"></a><a href="#FNanchor_107_107"><span class="label">[107]</span></a> Louis XV avait eu déjà, avant 1755, quelques rendez-vous +galants, soit dans cette maison louée probablement avant d'en faire +l'acquisition, soit dans quelque autre de ce quartier, car on lit dans +le journal de l'avocat Barbier, à la date du mois de mars 1753, <i>que le +bruit courait dans Paris qu'une jeune fille de seize ans avait été logée +au Parc aux</i>* <i>Cerfs pour l'amusement du roi</i>; et dans une note des +<i>Mémoires de madame Duhausset: Quelquefois on a changé de maison et de +quartier, mais sans renoncer à l'ancienne maison.</i></p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_108_108" id="Footnote_108_108"></a><a href="#FNanchor_108_108"><span class="label">[108]</span></a> Cela est confirmé par une note qu'on trouve dans les +<i>Mémoires de madame Duhausset</i>: +</p><p> +«Un commissaire de la marine, nommé Mercier, qui avait eu part à +l'éducation de l'abbé de Bourbon, avait plus de connaissance qu'aucun +autre sur cet établissement; et voici ce qu'il a dit à un de ses amis: +«<i>La maison était de très-peu d'apparence</i>; il n'y avait en général +qu'une seule jeune personne; la femme d'un commis du bureau de la guerre +lui tenait compagnie, jouait avec elle, ou travaillait en tapisserie. +Cette dame disait que c'était sa nièce; elle la menait, pendant les +voyages du roi, à la campagne.» Et plus loin, madame Duhausset dit +encore: «Il n'y en avait au reste que deux en général, et très-souvent +une seule. Lorsqu'elles se mariaient, on leur donnait des bijoux et une +centaine de mille francs. <i>Quelquefois le Parc aux Cerfs était vacant +cinq et six mois de suite.</i>»</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_109_109" id="Footnote_109_109"></a><a href="#FNanchor_109_109"><span class="label">[109]</span></a> Ou trouve ce qui suit dans un écrit récent intitulé <i>le +Château de Luciennes</i>, de M. Léon Gozlan: «Le Parc aux Cerfs, qui est +encore mal connu, était un endroit solitaire, silencieux, <i>lugubre comme +un abattoir</i>. C'est là que le roi, sans suite et à l'entrée de la nuit, +allait commettre ses plaisirs. Il en avait tellement pris l'habitude +qu'il avait fini par se croire quitte envers Dieu et les hommes en +dotant les jeunes filles flétries dans cet antre.—Le Parc aux Cerfs +coûtait près de cent soixante-dix mille francs par mois, <i>ce qui fait +pour trente années d'existence plus de cent cinquante millions</i>.» Où +l'auteur a-t-il puisé ces renseignements?</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_110_110" id="Footnote_110_110"></a><a href="#FNanchor_110_110"><span class="label">[110]</span></a> La bibliothèque de la ville de Versailles possède +aujourd'hui la plus grande partie des papiers concernant madame du +Barry, formant quinze dossiers. Ces papiers donnent les renseignements +les plus détaillés sur sa famille, sa fortune, sa liaison avec de grands +personnages, les procès de ses héritiers, etc.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_111_111" id="Footnote_111_111"></a><a href="#FNanchor_111_111"><span class="label">[111]</span></a> Bibliothèque de Versailles.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_112_112" id="Footnote_112_112"></a><a href="#FNanchor_112_112"><span class="label">[112]</span></a> Bibliothèque de Versailles.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_113_113" id="Footnote_113_113"></a><a href="#FNanchor_113_113"><span class="label">[113]</span></a> Bibliothèque de Versailles.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_114_114" id="Footnote_114_114"></a><a href="#FNanchor_114_114"><span class="label">[114]</span></a> Bibliothèque de Versailles.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_115_115" id="Footnote_115_115"></a><a href="#FNanchor_115_115"><span class="label">[115]</span></a> Sous Louis XVI, ce même appartement fut changé dans sa +disposition, et devint le petit appartement particulier de la reine +Marie-Antoinette.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_116_116" id="Footnote_116_116"></a><a href="#FNanchor_116_116"><span class="label">[116]</span></a> Archives de la préfecture de Seine-et-Oise. Cette maison +porte aujourd'hui le nº 7.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_117_117" id="Footnote_117_117"></a><a href="#FNanchor_117_117"><span class="label">[117]</span></a> Le charmant château de Bellevue.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_118_118" id="Footnote_118_118"></a><a href="#FNanchor_118_118"><span class="label">[118]</span></a> Bibliothèque de Versailles.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_119_119" id="Footnote_119_119"></a><a href="#FNanchor_119_119"><span class="label">[119]</span></a> Archives de la préfecture de Seine-et-Oise.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_120_120" id="Footnote_120_120"></a><a href="#FNanchor_120_120"><span class="label">[120]</span></a> Toutes ces descriptions de meubles sont copiées +textuellement sur les mémoires des fournisseurs.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_121_121" id="Footnote_121_121"></a><a href="#FNanchor_121_121"><span class="label">[121]</span></a> Archives de Seine-et-Oise.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_122_122" id="Footnote_122_122"></a><a href="#FNanchor_122_122"><span class="label">[122]</span></a> Bibliothèque de Versailles.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_123_123" id="Footnote_123_123"></a><a href="#FNanchor_123_123"><span class="label">[123]</span></a> Archives de Seine-et-Oise.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_124_124" id="Footnote_124_124"></a><a href="#FNanchor_124_124"><span class="label">[124]</span></a> Archives de Seine-et-Oise.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_125_125" id="Footnote_125_125"></a><a href="#FNanchor_125_125"><span class="label">[125]</span></a> Madame du Barry avait aussi loué pour ses gens l'hôtel de +Luynes,—aujourd'hui rue de la Bibliothèque, n<sup>os</sup> 4 et 6.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_126_126" id="Footnote_126_126"></a><a href="#FNanchor_126_126"><span class="label">[126]</span></a> C'est aujourd'hui une caserne de cavalerie.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_127_127" id="Footnote_127_127"></a><a href="#FNanchor_127_127"><span class="label">[127]</span></a> C'est l'un des papiers remis aux héritiers en 1825.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_128_128" id="Footnote_128_128"></a><a href="#FNanchor_128_128"><span class="label">[128]</span></a> Beaujon était le banquier de la cour.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_129_129" id="Footnote_129_129"></a><a href="#FNanchor_129_129"><span class="label">[129]</span></a> Archives de la préfecture de Seine-et-Oise.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_130_130" id="Footnote_130_130"></a><a href="#FNanchor_130_130"><span class="label">[130]</span></a> Archives de Seine-et-Oise.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_131_131" id="Footnote_131_131"></a><a href="#FNanchor_131_131"><span class="label">[131]</span></a> Bibliothèque de Versailles.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_132_132" id="Footnote_132_132"></a><a href="#FNanchor_132_132"><span class="label">[132]</span></a> <i>Idem</i>, et Archives de Seine-et-Oise.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_133_133" id="Footnote_133_133"></a><a href="#FNanchor_133_133"><span class="label">[133]</span></a> Voir aux notes la lettre nº 1 de M. de Brissac à madame +du Barry.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_134_134" id="Footnote_134_134"></a><a href="#FNanchor_134_134"><span class="label">[134]</span></a> Ce joli petit bijou est en ce moment en la possession du +bibliothécaire de Versailles.—Le chiffre en diamants est composé des +deux lettres <i>J. B.</i></p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_135_135" id="Footnote_135_135"></a><a href="#FNanchor_135_135"><span class="label">[135]</span></a> Bibliothèque de Versailles.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_136_136" id="Footnote_136_136"></a><a href="#FNanchor_136_136"><span class="label">[136]</span></a> Ce fait est raconté dans le nº 259 du <i>Courrier français</i> +(1792).</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_137_137" id="Footnote_137_137"></a><a href="#FNanchor_137_137"><span class="label">[137]</span></a> Archives de la préfecture de Seine-et-Oise.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_138_138" id="Footnote_138_138"></a><a href="#FNanchor_138_138"><span class="label">[138]</span></a> Archives de Seine-et-Oise.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_139_139" id="Footnote_139_139"></a><a href="#FNanchor_139_139"><span class="label">[139]</span></a> Archives de Seine-et-Oise.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_140_140" id="Footnote_140_140"></a><a href="#FNanchor_140_140"><span class="label">[140]</span></a> Voir aux notes la lettre nº 2 de madame du Barry aux +administrateurs du district de Versailles.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_141_141" id="Footnote_141_141"></a><a href="#FNanchor_141_141"><span class="label">[141]</span></a> Après la journée du 20 mai 1795, Goujon fut traduit +devant une commission militaire, et après avoir entendu son arrêt de +mort, il se poignarda en descendant les marches de sa prison.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_142_142" id="Footnote_142_142"></a><a href="#FNanchor_142_142"><span class="label">[142]</span></a> Madame du Barry avait alors cinquante ans, mais elle +était encore fort belle, et Lavallery parut s'intéresser à elle par un +sentiment plus vif que la simple pitié.—Voir à ce sujet aux notes la +lettre nº 3, écrite par Lavallery à madame du Barry, et le récit nº 4.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_143_143" id="Footnote_143_143"></a><a href="#FNanchor_143_143"><span class="label">[143]</span></a> Celui qui lui conseilla de venir s'établir à Versailles.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_144_144" id="Footnote_144_144"></a><a href="#FNanchor_144_144"><span class="label">[144]</span></a> C'était une simple médaille très-ordinaire.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_145_145" id="Footnote_145_145"></a><a href="#FNanchor_145_145"><span class="label">[145]</span></a> Étant à Londres, madame du Barry plaça 200,000 francs qui +furent hypothéqués sur les biens de M. Rohan-Chabot.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_146_146" id="Footnote_146_146"></a><a href="#FNanchor_146_146"><span class="label">[146]</span></a> Ces 200,000 francs n'ont jamais été prêtés.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_147_147" id="Footnote_147_147"></a><a href="#FNanchor_147_147"><span class="label">[147]</span></a> Graillet avait épousé une de ses cousines.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_148_148" id="Footnote_148_148"></a><a href="#FNanchor_148_148"><span class="label">[148]</span></a> Voir aux notes, le récit nº 4.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_149_149" id="Footnote_149_149"></a><a href="#FNanchor_149_149"><span class="label">[149]</span></a> Termes de leur rapport.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_150_150" id="Footnote_150_150"></a><a href="#FNanchor_150_150"><span class="label">[150]</span></a> Archives de Seine-et-Oise.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_151_151" id="Footnote_151_151"></a><a href="#FNanchor_151_151"><span class="label">[151]</span></a> Archives de Seine-et-Oise.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_152_152" id="Footnote_152_152"></a><a href="#FNanchor_152_152"><span class="label">[152]</span></a> Archives de Seine-et-Oise.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_153_153" id="Footnote_153_153"></a><a href="#FNanchor_153_153"><span class="label">[153]</span></a> Morin fut condamné à mort quelques jours après, <i>comme +complice des crimes de la du Barry</i>.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_154_154" id="Footnote_154_154"></a><a href="#FNanchor_154_154"><span class="label">[154]</span></a> Prison de Versailles où l'on renfermait les prisonniers +politiques.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_155_155" id="Footnote_155_155"></a><a href="#FNanchor_155_155"><span class="label">[155]</span></a> Archives de Seine-et-Oise.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_156_156" id="Footnote_156_156"></a><a href="#FNanchor_156_156"><span class="label">[156]</span></a> Archives de Seine-et-Oise.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_157_157" id="Footnote_157_157"></a><a href="#FNanchor_157_157"><span class="label">[157]</span></a> Elle fut adjugée 6,000,000 de francs en assignats, à +Jean-Baptiste-Charles-Édouard Delapalme, demeurant aux Vaux-de-Cernay. +(Bibliothèque de Versailles.)</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_158_158" id="Footnote_158_158"></a><a href="#FNanchor_158_158"><span class="label">[158]</span></a> Il avait épousé en deuxièmes noces Jeanne-Madeleine +Lemoine.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_159_159" id="Footnote_159_159"></a><a href="#FNanchor_159_159"><span class="label">[159]</span></a> Les registres de l'état civil étant à cette époque entre +les mains du clergé, les actes de naissance et de baptême ne faisaient +qu'un.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_160_160" id="Footnote_160_160"></a><a href="#FNanchor_160_160"><span class="label">[160]</span></a> Bibliothèque de Versailles.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_161_161" id="Footnote_161_161"></a><a href="#FNanchor_161_161"><span class="label">[161]</span></a> Archives de Seine-et-Oise.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_162_162" id="Footnote_162_162"></a><a href="#FNanchor_162_162"><span class="label">[162]</span></a> Une partie de ces papiers se trouve actuellement à la +bibliothèque de Versailles.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_163_163" id="Footnote_163_163"></a><a href="#FNanchor_163_163"><span class="label">[163]</span></a> Cet abbé Gomard était un pauvre hère qui dut facilement +se prêter pour de l'argent au rôle qu'on lui fit jouer dans cette +affaire. On voit dans les papiers de madame du Barry, réunis à la +bibliothèque de Versailles, qu'aussitôt installée à la cour, elle lui +donna de l'argent, le fit habiller par son tailleur, et qu'on le nomma +aumônier du roi.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_164_164" id="Footnote_164_164"></a><a href="#FNanchor_164_164"><span class="label">[164]</span></a> Bibliothèque de Versailles.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_165_165" id="Footnote_165_165"></a><a href="#FNanchor_165_165"><span class="label">[165]</span></a> Voir, pour ce procès, le tome XXXII de la <i>Collection de</i> +<i>Sirey</i> et la <i>Gazette des Tribunaux</i> des 4 juillet, 5, 11 et 27 août +1833.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_166_166" id="Footnote_166_166"></a><a href="#FNanchor_166_166"><span class="label">[166]</span></a> Ce même Lavallery se suicida quelques jours après la mort +de madame du Barry.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_167_167" id="Footnote_167_167"></a><a href="#FNanchor_167_167"><span class="label">[167]</span></a> On a vu que ce n'est pas tout à fait ainsi que les choses +se sont passées, mais c'était la croyance de l'époque.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_168_168" id="Footnote_168_168"></a><a href="#FNanchor_168_168"><span class="label">[168]</span></a> Nous avons montré qu'elle avait cinquante ans au moment +de sa mort.</p></div> + +</div> +<hr class="full" /> + + + + + + + + +<pre> + + + + + +End of the Project Gutenberg EBook of Curiosités historiques sur Louis XIII, +Louis XIV, Louis XV, Mme de Maintenon, Mme de Pompadour, Mme du Barry, etc., by J. A. Le Roi + +*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK CURIOSITÉS HISTORIQUES *** + +***** This file should be named 35089-h.htm or 35089-h.zip ***** +This and all associated files of various formats will be found in: + http://www.gutenberg.org/3/5/0/8/35089/ + +Produced by Chuck Greif and the Online Distributed +Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This file was +produced from images at the Bibliothèque nationale de +France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr) + + +Updated editions will replace the previous one--the old editions +will be renamed. + +Creating the works from public domain print editions means that no +one owns a United States copyright in these works, so the Foundation +(and you!) can copy and distribute it in the United States without +permission and without paying copyright royalties. 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It exists +because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from +people in all walks of life. + +Volunteers and financial support to provide volunteers with the +assistance they need, are critical to reaching Project Gutenberg-tm's +goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will +remain freely available for generations to come. In 2001, the Project +Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure +and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations. +To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation +and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 +and the Foundation web page at http://www.pglaf.org. + + +Section 3. 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Thus, we do not necessarily +keep eBooks in compliance with any particular paper edition. + + +Most people start at our Web site which has the main PG search facility: + + http://www.gutenberg.org + +This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, +including how to make donations to the Project Gutenberg Literary +Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to +subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. + + +</pre> + +</body> +</html> diff --git a/35089-h/images/colophon.png b/35089-h/images/colophon.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..6ace78e --- /dev/null +++ b/35089-h/images/colophon.png diff --git a/35089-h/images/illpg_013-petite.png b/35089-h/images/illpg_013-petite.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..e72f3ab --- /dev/null +++ b/35089-h/images/illpg_013-petite.png diff --git a/35089-h/images/illpg_013.png b/35089-h/images/illpg_013.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..472a441 --- /dev/null +++ b/35089-h/images/illpg_013.png diff --git a/LICENSE.txt b/LICENSE.txt new file mode 100644 index 0000000..6312041 --- /dev/null +++ b/LICENSE.txt @@ -0,0 +1,11 @@ +This eBook, including all associated images, markup, improvements, +metadata, and any other content or labor, has been confirmed to be +in the PUBLIC DOMAIN IN THE UNITED STATES. + +Procedures for determining public domain status are described in +the "Copyright How-To" at https://www.gutenberg.org. + +No investigation has been made concerning possible copyrights in +jurisdictions other than the United States. 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