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authorRoger Frank <rfrank@pglaf.org>2025-10-14 20:03:00 -0700
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+The Project Gutenberg EBook of Curiosités historiques sur Louis XIII,
+Louis XIV, Louis XV, Mme de Maintenon, , by J. A. Le Roi
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
+
+
+Title: Curiosités historiques sur Louis XIII, Louis XIV, Louis XV, Mme de Maintenon, Mme de Pompadour, Mme du Barry, etc.
+
+Author: J. A. Le Roi
+
+Release Date: January 27, 2011 [EBook #35089]
+
+Language: French
+
+Character set encoding: UTF-8
+
+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK CURIOSITÉS HISTORIQUES ***
+
+
+
+
+Produced by Chuck Greif and the Online Distributed
+Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This file was
+produced from images at the Bibliothèque nationale de
+France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr)
+
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+
+
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+
+CURIOSITÉS HISTORIQUES
+
+SUR
+
+LOUIS XIII, LOUIS XIV, LOUIS XV,
+
+MME DE MAINTENON,
+MME DE POMPADOUR, MME DU BARRY, ETC.,
+
+PAR J. A. LE ROI,
+
+CONSERVATEUR DE LA BIBLIOTHÈQUE DE VERSAILLES,
+CORRESPONDANT DU MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION
+PUBLIQUE POUR LES TRAVAUX HISTORIQUES;
+
+PRÉCÉDÉES D'UNE INTRODUCTION
+
+PAR M. THÉOPHILE LAVALLÉE.
+
+[colophon]
+
+PARIS
+
+HENRI PLON, IMPRIMEUR-ÉDITEUR
+
+RUE GARANCIÈRE, 8.
+
+1864
+
+_Tous droits réservés._
+
+
+
+
+CURIOSITÉS HISTORIQUES
+
+SUR
+
+LOUIS XIII, LOUIS XIV, LOUIS XV,
+
+M^{ME} DE MAINTENON,
+
+M^{ME} DE POMPADOUR, M^{ME} DU BARRY, ETC.
+
+L'auteur et l'éditeur déclarent réserver leurs droits de reproduction
+et de traduction à l'étranger.
+
+Ce volume a été déposé au ministère de l'intérieur (direction de
+la librairie), en mars 1864.
+
+PARIS.--TYPOGRAPHIE DE HENRI PLON
+
+IMPRIMEUR DE L'EMPEREUR
+
+RUE GARANCIÈRE, 8
+
+
+
+
+INTRODUCTION.
+
+
+Les _curiosités historiques_ que renferme ce volume se rapportent
+principalement au château de Versailles et aux règnes de Louis XIII, de
+Louis XIV et de Louis XV. Malgré les essais qui en ont été tentés, on
+peut dire que l'histoire du château de Versailles est encore à faire, et
+il serait heureux, par le temps de révolutions, de démolitions, de
+transformations où nous sommes, que cette histoire pût se faire
+promptement; car cette grande création de Louis XIV, ce théâtre de tant
+de splendeurs, de tant d'événements, «ce temple de la monarchie absolue
+qui devait, avant que le temps eût noirci ses marbres, en être le
+tombeau», a subi, surtout depuis l'établissement des _galeries
+historiques_, des remaniements si malheureux qu'il n'est plus
+reconnaissable qu'à l'extérieur, et que son histoire passera bientôt,
+avec ses grandeurs et ses magnificences, à l'état de fable ou de
+légende. Il n'est personne qui, en arpentant les dix ou douze kilomètres
+de tableaux qu'on a entassés dans ce palais, n'ait «désiré connaître
+l'histoire de chacune de ces chambres, surtout de ces petits
+appartements dans lesquels on vit l'amour, la jalousie, l'ambition, la
+haine, toutes les plus mauvaises passions du cœur humain s'agiter si
+longtemps pour donner le spectacle de ces élévations et de ces chutes de
+favoris et de maîtresses qui ont eu tant d'influence sur les destinées
+de la France[1]».
+
+En attendant que se fasse l'histoire du château de Versailles, un
+redresseur infatigable des faussetés et des falsifications historiques,
+M. Le Roi, conservateur de la bibliothèque de Versailles, a porté ses
+investigations sur quelques événements, sur quelques personnages, sur
+quelques localités de Versailles, et, en fouillant les pièces
+originales, les actes authentiques, les documents incontestables, il
+est parvenu à mettre en lumière des faits restés obscurs ou douteux, à
+réduire à néant ou à leur juste valeur des allégations mensongères,
+enfin à porter la vérité dans un petit coin de ce vaste champ historique
+si mal exploré, si mal connu, où l'erreur et la calomnie poussent si
+bien, poussent si vite, et par tous les climats!
+
+Voici les questions ou problèmes historiques que s'est posés M. Le Roi
+et qu'il a heureusement résolus:
+
+1º Où était le château de Versailles construit par Louis XIII, et dans
+quelle partie du château s'est passée la _journée des Dupes_?
+
+2º Quels événements particuliers ont marqué la naissance du duc de
+Bourgogne?
+
+3º Quels événements particuliers ont marqué la grande opération faite à
+Louis XIV en 1686?
+
+4º Louvois est-il mort de poison ou de mort naturelle?
+
+5º Quel a été le véritable inventeur de la machine de Marly? De Ville ou
+Rennequin Sualem?
+
+6º Où était, dans le château de Versailles, l'appartement de madame de
+Maintenon?
+
+7º Quelles sont les paroles adressées au Dauphin par Louis XIV à son lit
+de mort?
+
+8º A quelle somme s'élèvent les dépenses de madame de Pompadour pendant
+tout son _règne_?
+
+9º Qu'était-ce que le Parc aux cerfs?
+
+10º A quelle somme s'élèvent les dépenses faites par madame du Barry?
+Quel était son vrai nom?
+
+Nous allons dire en quelques mots comment M. Le Roi a résolu ces
+_curiosités historiques_.
+
+1º Le château de Versailles, bâti par Louis XIII, en 1624, est le
+pavillon central qui existe encore aujourd'hui. C'était un simple
+rendez-vous de chasse, flanqué de quatre petits pavillons, avec un
+balcon de fer tournant tout autour. Une fausse braie l'entourait et
+était précédée d'un fossé à fond de cuve, revêtu de pierres et terminé
+par une balustrade. La pièce principale était la salle ou salon du
+premier étage, dont Louis XIV fit plus tard sa chambre à coucher et où
+il mourut. Des fenêtres de cette salle d'où Louis XVI se montra au
+peuple dans la journée du 6 octobre, on se figure aisément l'aspect que
+présentait alors Versailles: la vue dominait sur un pays accidenté,
+presque entièrement boisé, coupé de quelques étangs, marqué seulement
+par un pauvre village d'une cinquantaine de feux, pays triste, monotone,
+un peu sauvage, qui inspirait la mélancolie, qui était parfaitement en
+rapport avec les goûts et l'humeur de Louis XIII.
+
+Quant aux lieux illustrés par la journée des Dupes, M. Le Roi nous
+montre que la chambre à coucher de Louis XIII était dans la pièce dite
+plus tard de l'Œil-de-bœuf, et qui fut aussi pendant longtemps la
+chambre à coucher de Louis XIV; que la pièce où coucha Richelieu,
+au-dessous de la chambre du roi, est aujourd'hui la salle des Portraits
+des rois de France; que l'escalier dérobé par lequel le duc de
+Saint-Simon le conduisit dans la chambre de Louis XIII existe encore
+dans un coin de cette salle; enfin que l'entretien qu'il eut avec ce
+prince et d'où l'on peut dire qu'ont dépendu les destinées de la France,
+se passa dans le cabinet voisin de la chambre à coucher du roi et qui
+fait partie du salon de l'Œil-de-bœuf.
+
+Louis XIV conserva religieusement le château construit par son père; il
+ne fit que l'agrandir successivement, à mesure que Versailles lui
+plaisait davantage. Il n'avait pas d'abord l'intention d'en faire
+l'immense palais qui existe aujourd'hui; il n'avait pas l'intention de
+faire de Versailles son séjour ordinaire. Les plans de construction
+furent plusieurs fois changés; de nombreuses démolitions furent
+nécessaires; de là le disparate si marqué entre la façade des jardins,
+si noble, si belle, si harmonieuse, et la façade de la ville, si
+compliquée, si travaillée, si irrégulière.
+
+2º Saint-Simon nous a donné un tableau précieux de l'aspect du château
+de Versailles, le jour de la naissance du duc de Bourgogne, de la joie
+du roi, des transports de la cour, de l'enthousiasme populaire. M. Le
+Roi, d'après des documents originaux, ajoute quelques traits à ce
+tableau, et qui l'achèvent. Il nous apprend que ce fut la première fois
+qu'on confia à un médecin le soin d'accoucher une reine ou une Dauphine,
+que jusqu'alors les sages-femmes avaient eu cet office, et qu'elles
+cessèrent de l'avoir. Il entre alors dans des détails très-curieux sur
+l'art des accouchements à cette époque, sur le choix des nourrices,
+etc. L'accoucheur fut Clément, dont le roi avait éprouvé l'habileté, car
+c'était lui qui avait assisté madame de Montespan dans ses nombreuses
+grossesses. Il devint, dès lors, l'accoucheur de la Dauphine, puis de la
+duchesse de Bourgogne, de la reine d'Espagne, etc. C'était un
+très-habile et excellent homme, que le roi traita comme il traitait tous
+les hommes de mérite, c'est-à-dire avec cette gracieuse dignité qui
+doublait le prix des récompenses. Outre qu'il l'enrichit, il lui donna
+des lettres de noblesse, avec une clause, dit M. Le Roi, qui honore au
+même degré l'homme de mérite auquel s'adressait cette distinction et le
+souverain qui l'accordait. Cette clause portait «qu'il ne pourrait
+abandonner la pratique de son art, ni refuser ses conseils, ni ses
+secours aux femmes qui les réclameraient».
+
+3º On sait qu'en 1686 Louis XIV fut affligé d'une hideuse maladie, la
+fistule, qu'on regardait alors comme à peu près incurable ou mortelle.
+Les mémoires du temps parlent peu de ce grave accident dans la vie du
+roi, cette maladie ayant été longtemps tenue secrète, et l'opération
+qui la termina ayant été faite avec le plus grand mystère, et divulguée
+seulement quand la guérison fut assurée. M. Le Roi a retrouvé sur ce
+sujet des détails importants, soit au point de vue médical, soit au
+point de vue historique, dans les mémoires du médecin Dionis.
+L'opérateur fut Félix de Tassy, chirurgien très-habile, qui le premier a
+fait connaître les moyens de guérir par l'incision cette triste maladie.
+C'est dans la chambre du roi, qui formait, comme nous l'avons dit, une
+partie du salon appelé plus tard l'Œil-de-bœuf, qu'eut lieu cette
+opération qui paraissait alors si périlleuse. Il n'y avait d'autres
+témoins que madame de Maintenon, le père de la Chaise, le ministre
+Louvois, les quatre médecins ou chirurgiens du roi, avec un garçon ou
+élève. La famille royale et la cour n'avaient pas le moindre soupçon de
+la grave résolution prise par Louis XIV; le Dauphin était à la chasse.
+Le roi montra le calme et la fermeté qui le distinguaient dans toutes
+ses actions: il ne poussa pas un cri, ne dit pas un mot. Une heure
+après, il tenait son lever comme à l'ordinaire, et les courtisans
+apprenaient avec effroi ce qui venait de se passer; quelques heures
+plus tard, il tenait conseil dans son lit, et le soir il y eut dans sa
+chambre la réception qu'on appelait _appartement_. On suit avec anxiété,
+dans le récit de M. Le Roi, les détails de cette opération chirurgicale
+qui marque dans les annales de la science, puisque la méthode inventée
+en cette circonstance par Félix est encore celle qu'on suit de nos
+jours, opération qui tint pendant quelques jours la France dans
+l'anxiété; car à la vie du roi tenaient le salut du royaume et le repos
+de l'Europe. On peut voir aussi, dans les Lettres de madame de Maintenon
+à madame de Brinon (_Lettres historiques et édifiantes_, t. I) quelles
+furent ses angoisses et ses craintes en cette circonstance; elles sont
+une réponse à cette calomnie, qu'elle n'aimait point Louis XIV, de même
+que sa présence au chevet du roi pendant la dégoûtante opération était
+le témoignage du lien sacré qui les unissait.
+
+4º On sait que la mort subite de Louvois à l'âge de cinquante ans excita
+le plus grand étonnement. Tout le monde le crut empoisonné. Saint-Simon
+le dit ouvertement en entrant dans des détails qui semblent plausibles.
+La princesse Palatine, dans l'aveuglement de ses haines, va plus loin:
+elle accuse de cette mort madame de Maintenon. Les historiens
+protestants ont seuls répété cette calomnie; mais les plus modérés, même
+les plus modernes, s'arrêtent au récit de Saint-Simon, et pour eux tous,
+Louvois est mort empoisonné, on ne sait par quel ennemi. Le récit de M.
+Le Roi fait justice de cette accusation au moyen d'un témoignage
+incontestable, celui de Dionis, médecin de Louvois, qui assista à sa
+mort, et fit, de concert avec trois autres médecins, l'ouverture de son
+corps. Il en résulte clairement que Louvois est mort d'une attaque
+d'apoplexie pulmonaire.
+
+5º Dans quelle partie du château de Versailles était l'appartement de
+madame de Maintenon, cet appartement où Louis XIV travaillait avec ses
+ministres, et où, pendant trente ans, se sont décidées les destinées de
+la France? A première vue il semble qu'une telle recherche soit facile,
+et qu'il ne puisse y avoir de doute à ce sujet. Il n'en est pas ainsi,
+grâce au Musée national qui a fait subir à l'intérieur du château de
+Versailles une transformation complète. L'intention de ce musée était
+excellente, l'exécution n'y a pas répondu. Entreprise par des hommes peu
+versés dans l'histoire du dix-septième siècle, elle a bouleversé
+malheureusement les parties les plus intéressantes du château, et c'est
+ainsi que l'appartement de madame de Maintenon, presque méconnaissable
+aujourd'hui, est occupé par trois salles des campagnes de 1793, 1794 et
+1795. L'aspect de ces pièces témoigne que madame de Maintenon était
+logée fort à l'étroit et fort incommodément. Je ne sais si la femme de
+chambre de quelque parvenu de nos jours se contenterait de cette chambre
+unique où Louis XIV venait travailler, où madame de Maintenon mangeait,
+couchait, s'habillait, recevait toute la cour, où tout le monde passait,
+disait-elle, comme dans une église. Au reste, les princesses, les
+princes, le roi lui-même n'étaient pas plus commodément logés. Tout
+avait été sacrifié au faste, à l'éclat, à la représentation dans ce
+magnifique château; Louis XIV était perpétuellement en scène et y tenait
+sans interruption son rôle de roi, mais au milieu de toutes ces
+peintures, ces dorures, ces marbres, ces splendeurs, on n'avait pas une
+seule des aisances de nos jours; on gelait dans ces immenses pièces,
+dans ces grandes galeries, dans ces chambres ouvertes de toutes parts,
+où d'ailleurs il fallait vivre continuellement en public. Aussi Louis
+XV, qui n'avait pas la santé de fer de son aïeul, abandonna ces vastes
+magnificences et se fit une existence plus commode et surtout plus
+secrète dans les petits appartements qu'on voit encore aujourd'hui.
+
+6º Quel est le véritable inventeur de la machine de Marly? On sait que,
+d'après toutes les histoires et biographies, cet inventeur serait un
+ouvrier liégeois, Rennequin Sualem. L'ouvrage de M. Le Roi nous
+démontre, d'après des documents authentiques et des témoignages
+irréfutables, que c'est une erreur. L'inventeur, l'architecte, le
+gouverneur de la machine qui passait au dix-septième siècle pour une
+merveille du monde, est un gentilhomme liégeois nommé le chevalier de
+Ville; Rennequin Sualem en aurait été seulement le constructeur, et plus
+exactement le charpentier. M. Le Roi donne à ce sujet une description
+de la machine qui montre quel était l'état de la science hydraulique à
+cette époque et qui témoigne que cette œuvre lourde, coûteuse,
+compliquée, n'en était pas moins digne d'admiration.
+
+7º On sait que le grand roi, sur le point de mourir, se fit apporter son
+arrière-petit-fils et lui adressa quelques paroles pleines de dignité.
+Ces paroles, recueillies par les assistants et qui furent mises au
+chevet du lit du jeune Louis XV, ont été reproduites par les historiens
+avec des variantes considérables. M. Le Roi a retrouvé une pièce très
+curieuse qui fait cesser toute incertitude à cet égard et nous donne
+définitivement le texte authentique.
+
+8º Ce morceau curieux est tout simplement l'analyse d'un manuscrit
+composé par quelque secrétaire de madame de Pompadour, d'après les notes
+mêmes de la marquise, et qui a pour titre: _État des dépenses faites
+pendant le règne de madame la marquise de Pompadour, à commencer le 9
+septembre 1745 jusqu'au 15 avril 1764_ (c'est le jour de sa mort).
+Disons tout de suite que le total général est d'environ trente-six
+millions et demi pendant dix-neuf ans; donc, de moins de deux millions
+par an. «Voilà, sur sa déclaration, dit M. Le Roi, le relevé de ce que
+madame de Pompadour a coûté à la France.» C'est beaucoup, sans doute,
+mais j'avoue que, d'après tout ce qu'on a écrit sur les prodigalités de
+Louis XV envers ses maîtresses, sur le faste, le luxe de la marquise de
+Pompadour, je m'attendais à un chiffre plus élevé, et je ne sais si pour
+les dépensiers de nos jours ce chiffre ne paraîtra pas mesquin.
+D'ailleurs, il faut remarquer que madame de Pompadour tenait une sorte
+de cour, qu'elle donnait des fêtes, qu'elle faisait des pensions. Aussi
+je lis sans étonnement cette réflexion qui termine le manuscrit: «Voici
+un fait que personne ne voudra croire, qui est qu'à sa mort l'on n'ait
+trouvé à cette femme que 37 louis d'or dans sa table à écrire, et se
+trouve devoir la somme de 1,700,000 livres.»
+
+Voici comment se décomposent les trente-six millions. On sait que la
+marquise était une femme de beaucoup d'esprit et de goût, aimant les
+bâtiments, les tableaux, les sculptures, cultivant elle-même les arts,
+et qui avait une cour d'écrivains et d'artistes. L'état des dépenses
+entre à ce sujet dans des détails intéressants pour l'histoire des arts
+et donne un total de plus de neuf millions. On sait aussi que madame de
+Pompadour aimait les chevaux, qu'elle fit acheter des étalons dans
+plusieurs pays, et qu'elle fonda dans sa terre de Pompadour le beau
+haras qui existe encore aujourd'hui. L'état de ses dépenses sur cet
+article s'élève à plus de trois millions. On trouve encore pour
+médailles, 400,000 livres; pour une collection de pierres gravées,
+400,000 livres; pour fêtes, voyages du roi, comédies, opéras, quatre
+millions. Le chapitre des aumônes est malheureusement plus modeste, il
+est ainsi marqué: _Donné aux pauvres pendant tout mon règne_, 150,000
+livres. Il est vrai qu'il y faut ajouter de nombreux secours et pensions
+donnés à des maisons religieuses.
+
+9º «Il n'est aucun fait historique, dit M. Le Roi, qui ait rendu plus
+odieux le nom de Louis XV; et qui, d'un autre côté, ait donné lieu à
+plus de divagations parmi les écrivains, que le mystérieux établissement
+du _Parc aux cerfs_.» On peut ajouter qu'il n'y en a pas qui ait excité
+plus de haine contre l'ancien régime, qui ait valu à la cour des
+Bourbons plus d'imprécations et de déclamations, qui ait eu plus
+d'influence sur la révolution. M. Le Roi, pièces en main, réduit cette
+monstruosité à sa juste valeur. Le nom seul de Parc aux cerfs est en
+grande partie la cause des exagérations débitées à ce sujet. A ce nom,
+on se figure une sorte de sérail à la façon orientale, un immense jardin
+avec bosquets mystérieux, pelouses fleuries, pavillons enchantés, et un
+essaim de biches plus ou moins timides, poursuivies par un lubrique
+monarque. Il n'est rien de tout cela: le _Parc aux cerfs_ était le nom
+d'un quartier de Versailles, du quartier aujourd'hui appelé Saint-Louis,
+qui avait été bâti sous Louis XIV, sur l'emplacement d'un parc à bêtes
+fauves, datant de Louis XIII, et qui en avait gardé le nom. Quant au
+sérail, voici à quoi il se réduit. Louis XV avait acheté secrètement,
+dans une impasse déserte de ce quartier, une petite maison bourgeoise où
+pouvaient à peine loger trois personnes, et dans laquelle son valet de
+chambre faisait élever quelques jeunes filles ordinairement vendues par
+leurs parents. «Il n'y en avait que deux en général, dit madame du
+Hausset, très-souvent une seule; quelquefois, le Parc aux cerfs était
+vacant cinq ou six mois de suite. Lorsqu'elles se mariaient on leur
+donnait des bijoux et une centaine de mille francs.» Il ne paraît pas
+que le nombre de ces victimes, immense d'après tous les historiens, ait
+dépassé une trentaine, le roi n'ayant gardé cette maison que de 1755 à
+1771. M. Le Roi appuie cette curieuse découverte historique de pièces
+irréfutables, mais cela n'empêchera pas les historiens de scandales de
+parler des centaines de millions, et même des milliards que coûta le
+Parc aux cerfs.
+
+10º Si la dissertation sur le Parc aux cerfs atténue, sans le rendre
+moins odieux, le libertinage de Louis XV, il n'en est pas de même du
+morceau suivant qui renferme une notice biographique sur madame du
+Barry, d'après des cartons et des liasses de documents appartenant aux
+archives de la préfecture de Seine-et-Oise, et à la bibliothèque de
+Versailles. On sait qu'un gentilhomme débauché et ruiné, Jean du Barry,
+ayant rencontré dans un mauvais lieu une fille d'une merveilleuse
+beauté, parvint à la faire connaître au roi qui en devint follement
+épris, que pour en faire une maîtresse en titre et lui donner un rang à
+la cour, il la fit épouser à son frère le comte du Barry. M. Le Roi nous
+donne _in extenso_ l'étrange contrat de mariage conclu à cet effet, où
+l'on stipule la séparation des deux époux, où la future prend le nom de
+Jeanne Gomard de Vaubernier, nom faux, comme nous le dirons tout à
+l'heure; enfin, où elle apporte en dot 30,000 livres «provenant de ses
+économies», et consistant, pourrait-on dire, en outils de son métier,
+c'est-à-dire en diamants, perles, dentelles, «un lit complet, trente
+robes et six douzaines de chemises».
+
+Après cette édifiante énumération, M. Le Roi nous donne l'état des
+richesses accumulées par madame du Barry lorsqu'elle fut devenue la
+maîtresse en titre du roi: 100,000 livres de rentes sur la ville de
+Paris, la terre de Louveciennes, 40,000 livres de rentes sur la ville de
+Nantes, etc. Madame du Barry n'avait reçu presque aucune éducation et
+avait les goûts de son ancienne vie, l'amour effréné de la toilette, des
+jolis meubles, des colifichets, des futilités. Son appartement n'était
+qu'un boudoir: M. Le Roi nous en donne la description, et les détails
+dans lesquels il entre sont à faire pâmer, à faire mourir d'envie les
+plus charmantes dépensières de nos jours. Qu'on en juge par ce qu'il dit
+des lieux les plus secrets de cet appartement:
+
+«Dans la garde-robe on voyait un meuble de toilette secrète à dossier,
+en marqueterie, fond blanc à mosaïques bleues et filets d'or, avec
+rosettes rouges, garni de velours bleu brodé d'or, et sabots dorés d'or
+moulu, la boîte à éponges et la cuvette d'argent, deux tablettes
+d'encoignure aussi en marqueterie, garnies de bronzes dorés d'or moulu,
+et une chaise de garde-robe en marqueterie pareille aux autres meubles,
+la lunette recouverte de maroquin, et les poignées et les sabots dorés
+d'or moulu.»
+
+Le rêve de madame du Barry dura à peine six ans. Le roi mourut. Madame
+du Barry, exilée d'abord dans un couvent, revint ensuite habiter son
+château de Louveciennes. Ses créanciers l'y poursuivirent. Légère,
+insouciante et prodigue malgré les libéralités du roi, elle avait
+1,200,000 livres de dettes. Louis XVI se fit donner l'état des dons
+faits à la maîtresse de son aïeul, et l'on trouva qu'elle avait reçu en
+six ans six millions et demi, sans compter les maisons, les 150,000
+livres de rente viagère, etc. Sur cette somme les bijoutiers avaient
+reçu 2,280,000 livres, les marchands de dentelles, soieries, etc.,
+738,000 livres; les tailleurs et brodeurs, 551,000 livres, etc. Madame
+du Barry n'avait fait de mal à personne pendant sa faveur; elle était
+d'une bonté extrême, d'une humeur charmante, et avait laissé à la cour
+des amis qui lui restèrent très-dévoués. Grâce à eux, elle parvint à
+payer ses dettes au moyen d'un échange de 60,000 livres de rente viagère
+contre 1,250,000 livres qui lui furent données par le trésor.
+
+Mais madame du Barry ne s'était pas corrigée de son goût de dépenses, et
+de sa négligence à compter; elle fit de nouvelles dettes, et à l'époque
+de la Révolution elle fut obligée de songer à vendre ses bijoux. Elle
+réunit les plus précieux dans une chambre où, pendant une nuit, des
+voleurs s'introduisirent et firent main basse sur le précieux dépôt.
+Madame du Barry fit publier la liste des objets volés. Cette liste est
+donnée par M. Le Roi: c'est une rivière continue, une cascade
+éblouissante de diamants, de perles, de bagues, de colliers, de
+girandoles, de bracelets, d'_esclavages_, d'étuis, de boîtes, à faire
+tourner la tête des dames qui la liront.
+
+Le vol des bijoux de madame du Barry fut la cause de sa mort. Ayant
+appris que les voleurs avaient été arrêtés à Londres et qu'on
+instruisait leur procès, elle voulut suivre cette affaire et alla en
+Angleterre avec un passe-port régulier. C'était au mois d'octobre 1792.
+Son absence s'étant prolongée, on la regarda comme émigrée et l'on mit
+le scellé sur ses biens. Dès qu'elle l'apprit, elle revint en France;
+mais au mois de juin 1793 elle fut arrêtée comme suspecte et traduite
+(novembre 1793) au tribunal révolutionnaire, comme ayant fourni aux
+émigrés réfugiés à Londres des secours pécuniaires, et entretenu avec
+eux des correspondances. L'occasion était belle à faire de la
+déclamation révolutionnaire; aussi Fouquier Tainville accumula les
+accusations les plus forcenées, les plus emphatiques «contre cette
+moderne Aspasie, cette sultane du crime couronné, contre cette
+surintendante des honteuses débauches du Sardanapale moderne, etc.» On
+sait que, condamnée à mort, elle fut conduite au supplice le 8 décembre
+1793.
+
+M. Le Roi fait suivre cette lugubre histoire de détails intéressants sur
+les biens confisqués de madame du Barry. Le total de l'appréciation des
+effets mobiliers s'élève à 1,246,000 livres, sans compter les objets
+d'art qui sont aujourd'hui répartis dans les musées de l'État. Le
+château de Louveciennes fut vendu six millions.
+
+Cette notice biographique si pleine de faits inconnus, de chiffres
+éloquents, se termine par un dernier détail qui n'est pas le moins
+inattendu: c'est que l'acte de naissance présenté par madame du Barry
+pour son mariage était faux; qu'elle n'était pas la fille légitime de
+Gomard de Vaubernier et de Jeanne Bécu, née en 1746, mais la fille
+naturelle d'une pauvre paysanne appelée Anne Bécu, et qu'elle était née
+en 1743. Elle avait donc vingt-six ans lorsqu'elle fut présentée à Louis
+XV et cinquante ans quand elle mourut.
+
+Telle est, à la place des lieux communs débités sur cette femme trop
+célèbre, la vérité qui ressort des documents authentiques consultés par
+M. Le Roi. Espérons que le savant bibliothécaire ne bornera pas à ces
+dix morceaux ses investigations intéressantes et que, au grand plaisir
+du public affriandé par ces révélations, il tirera bientôt de ses
+cartons de nouvelles _Curiosités historiques_.
+
+TH. LAVALLÉE.
+
+
+
+
+I
+
+LE CHATEAU DE VERSAILLES SOUS LOUIS XIII
+
+ET LA JOURNEE DES DUPES.
+
+1627-1630.
+
+
+A quelle époque faut-il faire remonter la construction du château que
+Louis XIII fit élever à Versailles? Comme les divers écrivains qui ont
+traité ce point historique ne sont point d'accord entre eux, et que nous
+nous proposons de fournir des documents nouveaux pouvant servir à
+éclaircir la question, nous allons entrer dans quelques détails à ce
+sujet.
+
+Les deux premiers auteurs qui s'occupèrent de l'époque de la fondation
+du château, furent l'architecte Blondel, dans son livre de
+l'_Architecture française_, t. IVe, 1756, et l'abbé Lebeuf, dans
+l'_Histoire du diocèse de Paris_, t. VII<sup>e</sup>, 1757.
+
+Voici d'abord ce que dit l'abbé Lebeuf. Après avoir fait l'énumération
+des divers seigneurs de Versailles, il ajoute:
+
+«Jean de Soisy prend, dans son contrat de mariage avec Antoinette
+Postel, du 22 janvier 1610, la qualité de seigneur de Soisy, sous
+Montmorency, et de Versailles au val de Galie. Ce fut lui qui vendit
+cette terre au roi Louis XIII, vers l'an 1627.»
+
+Voici maintenant comment s'exprime Blondel, sur le même sujet:
+
+«La terre et seigneurie de Versailles était possédée, en 1560, par
+plusieurs particuliers: _Philippe Colas_, écuyer, en possédait la plus
+grande partie; une autre appartenait à _Antoine Poart_, maître des
+comptes à Paris: ce dernier était aussi propriétaire de la seigneurie de
+la Grange Lessart; enfin une autre partie appartenait à _Roberte de
+Soisy_, femme de Jean de la Porte, et à _Marguerite de Soisy_, sa sœur,
+veuve de Jean Dizy, en qualité d'héritières d'Antoinette de Portet, leur
+mère.
+
+»_Martial de Loménie_, secrétaire du roi et de ses finances, devint, en
+1561, propriétaire de cette terre et de celle de la Grange Lessart, par
+les acquisitions qu'il en fit, et en a joui jusqu'à sa mort, arrivée en
+1572; il avait épousé Jacqueline Pinault, décédée avec lui.
+
+»Les tuteur et curateur de leurs enfans mineurs vendirent cette terre et
+seigneurie de Versailles, et celle de la Grange Lessart, par contrat du
+27 juin 1573, à M. Albert de Gondi, comte de Retz. Son fils,
+Jean-François de Gondi, archevêque de Paris, la vendit ensuite à Louis
+XIII, par contrat passé le 8 avril 1632.»
+
+Blondel donne ensuite un extrait du contrat de vente, puis il ajoute:
+
+«Quoiqu'il paraisse, par la date de ce contrat, que Louis XIII n'acheta
+la seigneurie de Versailles qu'en 1632, il est cependant certain que,
+dès l'année 1624, il avait commencé à y faire bâtir un rendez-vous de
+chasse, qu'il avait élevé sur le lieu le plus éminent, et où était situé
+ci-devant un moulin à vent.»
+
+Ainsi voilà deux graves auteurs, écrivant tous deux à la même époque,
+paraissant s'autoriser de documents authentiques, et qui tous deux
+donnent une date différente à un fait qu'il semble au premier abord si
+aisé de constater.
+
+Presque tous ceux qui, depuis cette époque, ont écrit sur l'origine du
+château de Versailles, puisant leurs renseignements dans l'abbé Lebeuf,
+ont donné l'année 1627 comme date de sa fondation[2]. Cette date est
+encore indiquée dans les descriptions modernes de Versailles, que l'on
+trouve dans toutes les mains des visiteurs du musée historique.
+
+Quelle est donc la véritable date de la construction du château de Louis
+XIII? Est-ce 1624, 1627 ou 1632?
+
+M. Eckard, dans ses recherches historiques sur Versailles, frappé de
+cette différence, et voulant tout concilier, accepte les trois dates et
+cherche à les expliquer.
+
+Ainsi, d'après lui, en 1624, Louis XIII, _ennuyé, et sa suite encore
+plus, d'y avoir souvent couché dans un méchant cabaret à rouliers, ou
+dans un moulin à vent_[3], fit d'abord construire à Versailles un
+pavillon pour servir de rendez-vous de chasse.
+
+Et il ajoute: «Ce pavillon, inconnu au duc de Saint-Simon, était oublié
+lorsqu'il écrivait un siècle après cette construction: une partie, celle
+donnant sur l'avenue de Saint-Cloud, a été démolie en 1827, et une
+maison bâtie sur l'emplacement; l'autre partie, sur la rue de la Pompe,
+subsiste toujours: le tout appartient à M. Amaury, et porte encore
+aujourd'hui le nom de _Pavillon royal_; il est situé presqu'à l'angle
+que forment l'avenue de Saint-Cloud et la rue de la Pompe, aboutissant
+sur celle du Plessis. Il était donc sur le chemin qui conduisait à la
+forêt de Saint-Léger-en-Yveline, à l'époque où la chaussée d'Auteuil et
+l'ancien pont de bois, à Sèvres, n'existant pas encore, la grande route
+de Paris à Brest passait par Saint-Cloud, d'où un chemin secondaire
+partait et se dirigeait sur Ville-d'Avray, Montreuil, le territoire de
+Versailles et les autres, jusqu'à cette forêt. Quoique engagé dans les
+maisons voisines, ce pavillon était naguère encore facile à reconnaître
+par la tourelle, ou lanterne, qui dominait et éclairait, un grand
+escalier, et qui, ensuite, forma la coupole de la synagogue qu'on y a
+vue pendant quelques années. Je me souviens très-bien qu'en 1780, un
+habile professeur d'écriture, Hachette, qui en occupait le premier
+étage, et dont la classe fort élevée et très-spacieuse donnait en partie
+sur la rue de la Pompe, nous dit plusieurs fois que cette pièce avait
+été la chambre à coucher de Louis XIII. Cette partie conservée du
+pavillon a seulement subi quelques changements dans sa distribution
+intérieure. De plus, _le Cicerone_ de 1804 contient, dans sa description
+des édifices de Versailles, ce passage remarquable:--_Le Pavillon
+royal_.--On assure qu'une portion, celle où se trouve son vaste
+escalier, est véritablement la première propriété de Louis XIII, qui en
+faisait son retour de chasse avant l'acquisition de la terre
+seigneuriale. Enfin M. Guignet, ancien architecte des bâtiments du roi à
+Versailles, à qui j'ai communiqué mes observations, et qui les a
+vérifiées, a adopté entièrement mon opinion.»
+
+M. Eckard ajoute qu'en 1627, Louis XIII, ayant jugé qu'aucun pays ne
+pouvait présenter en aussi peu d'espace, plus de variété pour les
+courses à cheval, dans lesquelles consiste le plaisir de la chasse à cor
+et à cris, acheta de Jean de Soisy un fief et des terrains à Versailles,
+et y fit élever _un petit château de cartes_[4] sur un monticule qui
+était occupé par un moulin à vent. Enfin, qu'en 1632, le roi fit
+l'acquisition de la terre et seigneurie de Versailles, de Jean-François
+de Gondi, archevêque de Paris, ainsi qu'il résulte du contrat cité par
+Blondel. Donc en résumé: 1624, construction du Pavillon royal;
+
+1627, acquisition d'un fief de Jean de Soisy.--Louis XIII construit un
+petit château sur l'emplacement du moulin, comme le point le plus
+éminent. 1632, vente par l'archevêque de Paris, du vieux château et de
+la seigneurie de Versailles.
+
+Ainsi, le travail de M. Eckard avait résolu la question et les trois
+différentes dates de la fondation du château se trouvaient expliquées.
+
+En 1839, l'auteur de l'essai historique intitulé: _Versailles_,
+_seigneurie_, _château et ville_, s'empressa d'adopter l'explication de
+M. Eckard, surtout en ce qui concerne le Pavillon royal[5]. Quant au
+château qui n'aurait été commencé qu'en 1627, l'auteur de _Versailles_,
+_seigneurie_, _château et ville_ se demande si c'est bien à ce château
+qu'il faut attribuer le mot de _chétif Versailles_, prononcé par
+Bassompierre, ainsi que l'ont fait beaucoup d'autres auteurs et M.
+Eckard lui-même? Si l'on adopte, en effet, l'opinion de l'abbé Lebeuf,
+qui donne cette année 1627 comme celle où Louis XIII fit commencer la
+construction du château sur les terrains vendus à cette époque par Jean
+de Soisy, il est impossible de ne pas supposer que Bassompierre se soit
+trompé en parlant d'un château n'existant pas encore; et cependant le
+récit de Bassompierre est positif. Voici ce que l'on trouve dans le
+journal de sa vie[6].
+
+Après avoir raconté, jour par jour, ce qui lui était arrivé pendant le
+mois de décembre 1626, il ajoute:
+
+«Les choses étoient en cet état, lorsque nous entrâmes en l'année 1627,
+au commencement de laquelle le roy fit tenir une assemblée de notables,
+en laquelle il me fit l'honneur de me choisir pour y estre un des
+présidents. Monsieur, frère du roy, fut le chef et le premier, et
+ensuite M. le cardinal de la Valette, le maréchal de la Force et moi.»
+
+Bassompierre indique ensuite la composition de cette assemblée; puis,
+après avoir parlé des divers objets mis en délibération, il raconte
+qu'il lui arriva peu d'occasions de parler: «Hormis une seule fois,
+dit-il, que nous estant proposé si le roy cesseroit ses bastimens
+jusques dans une meilleure saison, et que ses finances fussent en
+meilleur estat, M. d'Osembray fut d'advis que l'on le devoit conseiller
+au roy.»
+
+Il crut alors devoir prendre la parole, et prononça un discours qu'il
+donne en son entier. C'est dans ce spirituel discours, épigramme adroite
+contre la parcimonie de Louis XIII, parcimonie dont il se servit
+habilement pour faire changer d'avis tous ceux qui avaient déjà voté
+pour la proposition de M. d'Osembray, que se trouve ce fameux mot de
+_chétif château de Versailles_, cité depuis si diversement. Après avoir
+fait observer qu'il n'est pas nécessaire de conseiller à Louis XIII de
+ne point faire une chose qu'il ne fait pas, il ajoute: «Le feu roy nous
+eust pû demander cet advis, et nous eussions eu loisirs de le lui
+donner, car il a employé des sommes immenses à bastir. Nous avons bien
+pû connoistre en celui-cy la qualité de destructeur, mais non
+d'édificateur. Saint-Jean-d'Angely, Clérac, Les Tonnains, Monheur,
+Négrepelisse, Saint-Antonin, et tant d'autres places rasées, démolies ou
+bruslées, me rendent preuve de l'un et le lieu où nous sommes, auquel,
+depuis le décès du feu roy son père, il n'a pas ajouté une seule
+pierre[7]; et la suspension qu'il a faite depuis seize années au
+parachèvement de ses autres bastimens commencez, me font voir clairement
+que son inclination n'est point portée à bastir, et que les finances de
+la France ne seront point épuisées par ses somptueux édifices; si ce
+n'est qu'on lui veuille reprocher le _chétif chasteau de Versailles_, de
+la construction duquel un simple gentilhomme ne voudroit pas prendre
+vanité.» Dans cette assemblée des notables, furent traités les plus
+grands intérêts de l'État. Elle tient une place importante dans le règne
+de Louis XIII, et ne peut être mise en doute, pas plus que le discours
+si remarquable qu'y prononça Bassompierre, et qu'il ne pouvait avoir
+oublié lorsqu'il écrivit ses mémoires très-peu d'années après[8]. Aussi
+l'auteur de _Versailles_, _seigneurie_, _château et ville_, pense-t-il
+que ce discours, prononcé au commencement de 1627, n'a dû s'appliquer
+qu'au Pavillon royal, bâti dès 1624. Mais cependant, peu certain que le
+maréchal de Bassompierre ait parlé avec tant d'assurance d'une maison si
+peu importante, il ajoute: «Ou bien si l'on veut que Bassompierre ait
+appliqué son mot de _chétif_ au château bâti sur le tertre de Jean de
+Soisy, il faudra convenir que son discours aura été fait après coup,
+c'est-à-dire depuis 1631, époque où le maréchal fut enfermé à la
+Bastille, et où il commença pour se désennuyer, et fort souvent de
+mauvaise humeur, à écrire les mémoires qu'il a laissés; il aura donc
+donné l'épithète de chétif au nouveau château, par la raison que tout ce
+que devait faire le roi, alors sous l'influence de Richelieu, l'ennemi
+juré du maréchal, devait paraître, aux yeux de ce dernier, mauvais,
+tyrannique ou chétif, et le pauvre château aura été enveloppé dans une
+commune disgrâce avec les actes despotiques du cardinal.»
+
+Il paraît donc à peu près certain, d'après tout ce que nous venons de
+rapporter, que Louis XIII avait une habitation à Versailles dès l'année
+1624, et certainement avant 1627. Cette habitation, Blondel assure
+qu'_elle était élevée sur le lieu le plus éminent, et où était situé
+ci-devant un moulin à vent_, par conséquent à la place même où se trouve
+le château actuel, tandis que M. Eckard, et après lui l'auteur de
+_Versailles_, _seigneurie_, _château et ville_, pensent que c'était le
+Pavillon royal; c'est pour éclairer cette question que nous nous sommes
+livré à quelques recherches, qui nous ont procuré la connaissance de
+nouveaux documents propres à la résoudre.
+
+M. Eckard, lorsqu'il écrivit son livre sur Versailles, fit de nombreuses
+visites aux Archives du royaume et aux Archives de la couronne, pour
+avoir quelques renseignements sur les faits dont il s'agit; mais là
+comme à Versailles, il ne put trouver aucun acte, aucun titre qui se
+rapportât aux acquisitions de Louis XIII à Versailles; ce qui lui fit
+penser «que les contrats primordiaux, soit du vieux château et de la
+seigneurie de Versailles, soit du fief vendu par Jean de Soisy, ont été
+détruits, de même qu'une foule d'autres documents plus importants encore
+pour notre histoire l'ont été dans toute la France, parce qu'ils
+établissaient des droits féodaux et des redevances seigneuriales
+supprimés, sans indemnité, par différents décrets.»
+
+«En effet, une loi du 17 juillet 1793, a ordonné le brûlement de tous
+les titres énonciatifs de ces droits, et existants entre les mains des
+anciens seigneurs, ou qui, pour les domaines nationaux, avaient été
+déposés dans les secrétariats des districts. Or, cette loi, qui
+prononçait cinq années de fers contre ceux qui auraient caché ou
+soustrait et recelé des minutes, ou des expéditions des actes qui
+devaient être brûlés, fut rigoureusement exécutée à Versailles, d'où
+relevaient en outre trente-quatre seigneuries.»
+
+Il était donc nécessaire de suivre une autre direction dans les
+recherches nouvelles que l'on voulait faire sur ce sujet; et comme il
+s'agissait surtout de constater l'époque de la construction du Pavillon
+royal, regardé comme la première habitation de Louis XIII, ce fut
+particulièrement de ce côté que nous portâmes nos investigations.
+
+Nous nous adressâmes au propriétaire de ce pavillon, M. Peert, avoué à
+Versailles, et grâce à son extrême obligeance, nous avons trouvé, parmi
+les titres de propriété, deux pièces qui établissent d'une manière
+positive l'époque de la construction du _Pavillon royal_.
+
+La première de ces pièces est ainsi conçue:
+
+«Don de place à Versailles pour les héritiers de la veuve Hérault.
+
+»Aujourd'hui, 2 aoust mil sept cent un, le Roy étant à Versailles, les
+héritiers de la veuve Hérault lui ont fait représenter que Sa Majesté
+lui auroit accordé, il y a environ 25 ans, une place scize en ce lieu,
+sur laquelle elle a fait bastir une maison appelée le _Pavillon royal_;
+mais comme il ne luy en a pas été expédié de brevet pour en assurer la
+propriété à ses héritiers, ils l'ont très-humblement suppliée de vouloir
+sur ce leur pourvoir, à quoy ayant égard, Sa Majesté a, en tant que de
+besoin, accordé et fait don aux héritiers de ladite veuve Hérault de
+ladite place, contenant 24 toises 4 pieds de face sur la rue de la
+Pompe, 29 toises de face sur l'avenue de Saint-Cloud, 3 toises 2 pieds
+de face à la pointe aboutissant par le côté opposé à ladite pointe, au
+mur de l'hostel de Guise, et ayant 17 toises de profondeur, le long
+dudit mur, à la charge par eux de payer au domaine de Versailles le
+droit de cens sur le pied de 5 sols par arpens, au jour de Saint-Michel,
+et d'entretenir en bon état et cimétrie la maison qui y a été bastie, et
+pour assurance de sa volonté, Sa Majesté m'a commandé de leur en
+expédier le présent brevet, qu'elle a signé de sa main et fait
+contresigner par moy, conseiller secrétaire d'État et de ses
+commandements et finances, signé: Louis et plus bas Phelypeaux; et au
+dos est écrit: Paraffé _ne varietur_, au désir du partage passé devant
+les notaires soussignés, ce 20 mars 1720. Signé: Bergeret, Delaroche,
+Delaroche avec Besnier et Junot, notaires, en l'original des présentes,
+paraffé et demeuré annexé à la minute d'un partage passé devant les
+notaires soussignés, ce 20 mars 1720, dont la minute envers ledit Junot.
+Signé: Besnier et Junot, avec paraffes et scellé ledit jour.»
+
+La deuxième donne le plan du terrain, et au milieu est écrit:
+
+[Illustration:
+
+AVENUE DE SAINT-CLOUD, 29 TOISES.
+
+ +--------+
+ ______________| |______________
+ 3 toises, | /
+ Ville-Nueve. | /
+ | /
+ \ /
+ \ / 17 toises,
+ \ / madame de Guise.
+ \ /
+ \ /
+ \______________________/
+
+ 24 toises 4 piedes,
+ rue de la Pompe.
+
+]
+
+«Le Roy a accordé, il y a environ 25 ans, à la veuve Hérault une place
+scize à Versailles, ayant 24 toises 4 pieds de face sur la rue de la
+Pompe, 29 toises de face sur l'avenue de Saint-Cloud, 3 toises 2 pieds
+de face à la pointe où se joignent ladite rue de la Pompe avec ladite
+avenue, aboutissant par le côté opposé à ladite pointe, au mur de
+l'hostel de Guise, et ayant 17 toises de profondeur le long dudit mur,
+le tout ou environ, sur laquelle place elle a fait bastir une maison
+appelée le _Pavillon royal_, suivant les décorations réglées par Sa
+Majesté, dont n'ayant point eu ci-devant de brevet, Sa Majesté m'a
+commandé de donner le présent certificat aux héritiers de ladite veuve
+Hérault, pour obtenir sur iceluy tous brevets nécessaires.
+
+«Fait à Versailles, le 10 juillet 1701, signé: Hardouin Mansart.»
+
+ * * * * *
+
+Et plus bas: «Première inventoriée.»
+
+ * * * * *
+
+Deuxième, et au dos est écrit: «Paraffé _ne varietur_, au désir du
+partage passé devant les notaires soussignés, ce 20 mars 1720. Signé:
+Delaroche, Bergeret, Delaroche avec Besnier et Junot, notaires.
+
+»Est l'original des présentes demeuré annexé à la minute d'un partage,
+passé devant les notaires soussignés, dont Junot, l'un d'eux, a la
+minute, ce 20 mars 1720. Signé: Besnier et Junot, avec paraffes, et
+scellés ledit jour.»
+
+Il résulte de ces documents authentiques, que M. Eckard se trompe quand
+il affirme que le Pavillon royal a été bâti par Louis XIII; que ce
+pavillon, l'une des plus anciennes maisons de Versailles, ne remonte
+cependant qu'à l'année 1676, c'est-à-dire au règne de Louis XIV, et que
+ce qui a sans doute induit en erreur M. Eckard, et avant lui le
+_Cicerone de Versailles_, sur l'origine de ce bâtiment, c'est le nom de
+_Pavillon royal_, qu'on lui supposait venir du séjour qu'y aurait fait
+anciennement Louis XIII, tandis que les pièces citées prouvent que ce
+nom lui a été donné au moment de sa construction par la veuve Hérault,
+probablement pour le distinguer des hôtels des grands seigneurs qui
+l'environnaient de tous côtés.
+
+Il reste donc établi, par tout ce qui précède, que Louis XIII avait une
+habitation, à Versailles avant l'année 1627, date à laquelle l'abbé
+Lebeuf fait remonter la vente du fief de Jean de Soisy; que cette
+habitation, n'est point le _Pavillon royal_, ainsi que le croyait
+l'auteur des _Recherches sur Versailles_; et qu'alors il faut bien en
+revenir à l'opinion de Blondel, établissant comme certain que, dès
+l'année 1624, _Louis XIII avait commencé à y bâtir un rendez-vous de
+chasse, qu'il avait élevé sur le lieu le plus éminent, et où était situé
+ci-devant, un moulin à vent_.
+
+Quant à la date de 1632, Louis XIII ne devint véritablement seigneur de
+Versailles qu'à cette époque, en achetant de l'archevêque de Paris la
+terre et seigneurie de Versailles.
+
+Louis XIII aimait beaucoup Versailles; il y prolongeait ses séjours
+pendant la saison des chasses; aussi le _Rendez-vous_ devint une
+habitation qui alla en s'agrandissant jusqu'à la fin de son règne.
+
+Ce château, construit par _Lemercier_, architecte, du roi, était flanqué
+de quatre pavillons bâtis de pierres et de briques, avec un balcon de
+fer tournant tout autour, et dégageant les appartements du premier
+étage. Suivant l'usage de ce temps, quelques moyens de défense le
+mettaient à l'abri d'un coup de main.
+
+Une fausse braie ou basse enceinte l'entourait et était précédée d'un
+fossé à fond de cuve, revêtu de briques et de pierres de taille, terminé
+par une balustrade. Ce petit édifice était environné de bois, de plaines
+et d'étangs, dont la nature faisait seule les frais[9].
+
+Tel était encore le château de Louis XIII, lorsque, au mois de novembre
+1630, s'y passa le curieux événement qui porte dans l'histoire le nom de
+_journée des Dupes_.
+
+Ce fut le seul événement politique de quelque importance qui eut lieu
+dans le château de Versailles pendant le règne de Louis XIII; il est
+donc intéressant de s'y arrêter un moment, d'autant plus qu'il va servir
+à faire reconnaître quelques-unes des distributions du château à cette
+époque.
+
+Dans le mois de septembre 1630, Louis XIII venait de diriger sur
+l'Italie une armée considérable: «Toutes les troupes avaient passé par
+Lyon, et le roi les avait voulu voir l'une après l'autre. S'y trouvant
+beaucoup de soldats bien nouveaux et mal façonnés au métier, pour les
+mieux former, il montrait à quelques-uns comment il fallait porter et
+manier les armes, y prenant un singulier plaisir. Il ne s'occupait pas à
+ceci, néanmoins, sans beaucoup de travail, s'y adonnant pendant la
+chaleur du jour le plus souvent, et pendant les pluies et le mauvais
+temps. Le vingt-deuxième jour du mois de septembre, sur les deux à
+trois heures après midi, ayant été toute la matinée bien gai, il se
+sentit attaqué d'un frisson qui fut suivi d'une fièvre continue, avec
+des redoublements chaque nuit, qui donnèrent à ses gens de bien grandes
+appréhensions, sans qu'on lui fît connaître que la fièvre dont il était
+atteint fût si maligne[10].» La maladie du roi allait toujours en
+augmentant; les médecins en désespéraient, et avaient même dit qu'il ne
+passerait pas le 30 septembre. A chaque instant on croyait le voir
+expirer, lorsque _Sénéles_, médecin du commun de la reine, proposa de
+lui administrer un remède qui, disait-il, devait, en moins de quatre
+heures, ou sauver le roi ou le faire périr. «Les deux reines, dit
+Valdori[11], qui raconte ce fait, voyant l'une son fils, l'autre son
+époux sans espérance, et entièrement abandonné des médecins,
+consentirent à faire l'épreuve, laquelle réussit si heureusement que ce
+monarque, déjà à demi mort, revint dans peu en convalescence[12].»
+
+La reine Anne d'Autriche était depuis longtemps fort en froid avec Louis
+XIII; les soins qu'elle lui rendit dans le cours de sa maladie avaient
+amené entre eux une espèce de réconciliation. Anne en profita pour
+seconder sa belle-mère, Marie de Médicis, dans la guerre que celle-ci
+avait déclarée au cardinal de Richelieu. On ne laissa pas respirer le
+roi pendant sa pénible convalescence. Les deux reines profitèrent de sa
+faiblesse, l'étourdirent de violentes accusations contre Richelieu, qui,
+selon elles, n'avait entrepris cette guerre que pour se rendre
+nécessaire, et avait ainsi sacrifié la santé et la vie du roi à son
+ambition; Louis XIII ne trouva d'autre moyen de se débarrasser des
+obsessions de sa mère qu'en lui promettant de prendre un parti définitif
+après son retour à Paris.
+
+Le roi ne tarda pas à quitter Lyon. «Il en sortit sur un brancard, dit
+Ch. Bernard[13], pour aller prendre la rivière à _Rouane_, d'où il
+arriva en peu de temps à Briare et de là à Versailles, maison qu'il
+avait fait bâtir à quatre lieues de Paris et à deux lieues de
+Saint-Germain-en-Laye. «Elle était petite, pour n'y admettre que peu de
+gens et n'être point troublé dans le repos qu'il cherchait loin des
+importunités de la cour, et afin d'être plus libre dans l'exercice de
+ses chasses, lorsqu'il s'y voulait adonner.» Il fut là quelque temps et
+alla après à Saint-Germain, ne pouvant loger dans son Louvre à Paris,
+d'autant que l'on travaillait à la grande salle, dont jusqu'alors le
+plancher n'avait été construit que de poutres et de solives, qui
+offraient si peu de sûreté que lorsqu'on s'y réunissait l'on était
+obligé d'y mettre des étais, et que Sa Majesté avait ordonné de
+remplacer par des voûtes en pierre.»
+
+A peine arrivée à Paris, Marie de Médicis recommence ses instances
+auprès du roi, pour faire éloigner le cardinal. Louis oppose une vive
+résistance aux importunités de sa mère, et insiste sur le besoin qu'il a
+des services de Richelieu. Marie paraît d'abord se rendre; mais,
+toujours poussée par sa haine contre le premier ministre, elle se résout
+enfin à prendre un parti décisif. Cet événement est raconté comme il
+suit par l'auteur des _Anecdotes du ministère du cardinal de Richelieu_:
+
+«La reine-mère ayant résolu de mettre le feu le jour de saint Martin, 11
+novembre 1630, à la mine qu'elle avait creusée, pour faire sauter en
+l'air et détruire jusqu'aux fondements de la fortune du cardinal, et
+ayant pris ses mesures, pour mieux effectuer son dessein, de se trouver
+seule avec le roi son fils, afin de lui faire toucher au doigt et à
+l'œil, pour me servir de ses propres termes, toutes les fautes énormes
+que ce prélat avait commises pendant son ministère, les dommages et le
+préjudice que l'État en avait souffert, la mine joua et eut un succès
+bien différent de celui qu'elle et ceux qui l'avaient aidée à la
+fabriquer avaient espéré, car elle écrasa tous les architectes qui en
+avaient donné le plan, et ensevelit sous ses ruines tous ceux qui
+avaient contribué à sa construction.
+
+»Mais cette intrigue mérite bien que l'on fasse un détail un peu
+circonstancié d'une scène qui fait la plus curieuse époque du règne de
+Louis XIII, et qui à fait donner le nom de _journée des dupes_ au jour
+où elle se passa.
+
+»La reine-mère étant donc convenue avec le roi son fils qu'il la
+viendrait voir le jour de saint Martin, dans la matinée, à son palais du
+Luxembourg, à l'insu du cardinal, feignit d'avoir pris médecine ce
+jour-là, afin d'avoir un prétexte apparent de défendre l'entrée de sa
+chambre à qui que ce fût, pour pouvoir entretenir ce monarque en
+particulier plus à son aise. Ce prince faisait cependant cette visite
+secrètement, de concert avec son premier ministre, du moins à ce qu'en
+publia pour lors la renommée; mais, quoi qu'il en soit, cette princesse
+mit en ce moment tout en usage, et employa tout l'art du monde pour
+persuader à son fils qu'il était trompé et trahi par le cardinal. Elle
+lui fit là-dessus une longue énumération de toutes les fautes, de toutes
+les bévues et de tous les manquements de ce ministre. Elle fit ensuite
+tous ses efforts, pour tirer parole de lui qu'il le chasserait, qu'il ne
+l'admettrait jamais plus à ses conseils. Elle n'eut aucun scrupule
+d'exiger du roi, au milieu des acclamations publiques qu'il recevait
+pour son heureuse convalescence et l'heureux succès de ses armes en
+Italie, où ce prélat avait eu tant de part, une chose aussi honteuse
+pour sa réputation, qui était celle de sacrifier un si digne serviteur,
+et de le faire servir de victime au ressentiment de sa mère, et de faire
+voir à toute l'Europe, par la disgrâce de celui qui était l'âme de tous
+ses conseils, qu'il se repentait de ce qu'il avait fait pendant tout le
+temps qu'il avait été son premier ministre. Comme la reine était au plus
+fort de son discours, et qu'elle pressait vivement son fils de lui
+accorder ce qu'elle désirait de lui avec tant d'instances, le cardinal
+entra brusquement dans sa chambre; il en avait trouvé, à la vérité, la
+porte fermée, avec défenses très-expresses à l'huissier de l'ouvrir à
+personne et surtout à lui, s'il s'y présentait; mais comme il
+connaissait toutes les issues de ce palais, il s'en fut à la garde-robe
+de cette princesse, et se fit introduire par là dans la chambre, ayant
+gagné pour cet effet une de ses femmes nommée _Zuccole_, qui, étant dans
+la confidence de sa maîtresse, était restée seule de garde en cet
+endroit-là[14]. Voilà de quelle manière il parvint jusqu'au lieu où la
+mère et le fils s'entretenaient tête à tête sur son sujet et où il
+servait d'ample matière à leur conversation. Ce fut la faute de la
+reine, si elle fut ainsi interrompue; car ses plus fidèles domestiques
+lui avaient conseillé, pour obvier à toutes sortes d'inconvénients, de
+faire fermer cette porte de communication dans sa chambre, et d'en tenir
+elle-même les clefs sous sa main.»
+
+L'auteur des _Anecdotes_ raconte ensuite la scène qui eut lieu entre la
+reine Marie de Médicis et le cardinal, la soumission apparente de
+Richelieu, les cris et les emportements de la reine; puis il ajoute: «Le
+cardinal se tourna du côté du roi et le supplia de vouloir bien lui
+permettre de se retirer quelque part pour y passer le reste de ses jours
+en repos, n'étant pas juste que Sa Majesté se servît de lui et le
+continuât dans le ministère contre les volontés de la Reine. A ces
+paroles, ce monarque, témoignant avoir envie de déférer aux désirs de sa
+mère, lui accorda sa demande et lui ordonna de sortir. Il ne fut plus
+question que du choix d'un nouveau ministre; mais cette princesse, qui
+l'avait déjà désigné en elle-même, proposa à son fils le garde des
+sceaux, de Marillac, dont le roi approuva l'élection et consentit qu'il
+fût revêtu de la dignité de premier ministre. Après quoi la mère et le
+fils se séparèrent.
+
+»La reine, pleine de joie et de contentement, resta dans son palais du
+Luxembourg, s'applaudissant en elle-même d'avoir si bien réussi dans son
+dessein. Le bruit de la disgrâce du cardinal et de l'élévation de
+Marillac s'étant répandu dans un instant de tous côtés, les affections
+des courtisans changèrent d'objets dans le moment, la faveur ayant
+coutume d'attirer à soi les cœurs, de même que la lumière d'un nouvel
+astre attire les regards de tout le monde; aussi le cardinal se vit tout
+d'un coup délaissé de toute la cour, à l'exception de ses parents et
+d'un petit nombre d'amis qui étaient le plus avant dans sa confidence.
+
+»Le roi, au partir du Luxembourg, s'en alla tout droit à son château de
+Versailles, où la reine-mère ne le suivit point, contre le sentiment de
+tous ses serviteurs, et particulièrement du vicomte _Fabroni_, qui lui
+conseillait d'y accompagner son fils et de ne le point perdre de vue
+qu'elle n'eût mis la dernière main à la disgrâce du cardinal, et qu'elle
+ne l'eût fait chasser de Paris et de la cour. Énivrée de sa prospérité
+présente, elle en voulut goûter toutes les douceurs, et s'amusa à
+recevoir les compliments et les congratulations que tout Paris lui
+venait faire sur le recouvrement de son autorité perdue. Mais, tandis
+qu'elle avalait à longs traits le doux poison de la flatterie, qu'elle
+écoutait avec plaisir toutes les louanges qu'un chacun lui donnait sur
+l'admirable conduite qu'elle avait tenue dans cette affaire, et qu'elle
+disposait déjà des principaux emplois de l'État en faveur de ses
+confidents, le cardinal de Richelieu, conseillé et encouragé par le
+cardinal de la Valette, qui vivait dans une étroite amitié avec lui, de
+faire une dernière tentative auprès du roi pour essayer de se maintenir
+dans le poste qu'il occupait, en dépit de ses ennemis, et de ne leur pas
+céder une victoire si aisée, s'en fut trouver ce prince à Versailles.
+
+«Entre plusieurs raisons dont ce véritable ami se servit pour lui
+persuader ce voyage, il employa celle de ce commun proverbe des
+Français, que, _qui quitte la partie la perd_. Le cardinal et le garde
+des sceaux de Marillac arrivèrent en même temps à la cour: le premier
+sous prétexte de prendre congé de Sa Majesté, et le second à dessein de
+remplir sa place et de prendre possession de l'emploi de premier
+ministre; _les fourriers lui avaient déjà marqué dans le château le
+logement qui était attaché aux fonctions de cette charge_; mais les
+choses changèrent bientôt de face, et bien des gens furent pris pour
+dupes. On reconnut alors que les courtisans s'étaient lourdement abusés
+dans l'empressement qu'ils avaient témoigné à congratuler le nouveau
+ministre, et que le cœur et la conduite des princes sont impénétrables;
+car le cardinal de Richelieu ayant été bien servi auprès du roi par M.
+de Saint-Simon, qui était lors son favori, il arriva que, comme ce
+premier ministre prenait congé de lui en compagnie du cardinal _de la
+Valette_, Sa Majesté, au lieu de lui octroyer la permission qu'il lui
+demandait de se retirer, lui ordonna, au contraire, de demeurer et de
+continuer l'exercice de son emploi, lui disant de plus «de ne point
+s'inquiéter, qu'il trouverait bien le moyen d'apaiser sa mère, et de la
+faire consentir à ce qu'il faisait, en ôtant d'auprès d'elle les
+personnes qui lui donnaient de pernicieux conseils.»
+
+»Cette scène se passa publiquement dans la chambre du roi; mais le
+cardinal avait été secrètement introduit, un peu avant, _par un escalier
+dérobé dans le cabinet de ce monarque_, avec lequel il avait eu un assez
+long entretien qui avait produit tout l'effet qu'il en pouvait attendre;
+car ce prince, persuadé, par toutes les raisons qu'il lui avait
+alléguées pour sa justification, qu'il était fidèlement et uniquement
+attaché à sa personne et au bien de son royaume, lui avait redonné son
+affection et toute sa confiance. Il était, de plus, convenu avec lui de
+toutes les choses qui se passèrent ensuite dans sa chambre, afin que la
+victoire qu'il remportait sur ses ennemis en parût plus éclatante. Ce
+fut M. de Saint-Simon qui lui rendit un service si important, en
+ménageant cette secrète entrevue entre Sa Majesté, et en le conduisant
+lui-même, à l'insu de tout le monde, dans le cabinet du roi.»
+
+Charles Bernard, racontant le même fait dans son Histoire de Louis XIII,
+dit: «Le roi, qui recognoissait bien d'où le mal pouvoit venir, résolut
+de le terminer. Il savoit qui estoient les artisans de ces divisions, si
+bien que s'en allant en sa maison de Versailles, il commanda au cardinal
+et au garde des sceaux, chacun à Paris, de l'y suivre. Il n'avoit encore
+mené en ce lieu pas un conseil, ayant fait bastir cette petite maison
+pour se distraire entièrement des affaires....
+
+»Cependant, les deux personnages qui estoient les premiers du conseil du
+roy, pour obéir au commandement de Sa Majesté, le suivirent et eurent un
+divers événement de leur arrivée: le garde des sceaux ayant eu
+commandement d'aller _loger à Glatigny_, le roy lui ayant fait dire
+qu'il lui ferait le lendemain savoir sa volonté; au lieu que le cardinal
+fut logé dans le chasteau de Versailles, sous la chambre du roy, en
+celle où l'on avoit coutume de loger M. le comte de Soissons[15], et dès
+le soir il entra en conseil avec Sa Majesté.»
+
+Telle fut cette _journée_, dans laquelle les Marillac[16], les Guise, la
+princesse de Conti et les autres partisans de la reine-mère, qui se
+croyaient arrivés au sommet des grandeurs par la chute du cardinal, se
+virent, les uns destitués de leurs emplois; d'autres chassés de la cour,
+et plusieurs emprisonnés.
+
+«Le pauvre maréchal de Bassompierre lui-même, dit Valdori, tout fin et
+délié courtisan qu'il était, se trouva, par les engagements qu'il avait
+avec l'incomparable princesse de Conti, compris au nombre des
+malheureux. Il fut envoyé à la Bastille, d'où il ne sortit, qu'après la
+mort du cardinal.»
+
+Ce récit éclaire plusieurs détails intéressants du château de
+Versailles. Et d'abord, on voit que Louis XIII avait fait bâtir une
+petite maison _pour n'y admettre que peu de gens et n'être point troublé
+dans le repos qu'il y cherchait loin des importunités de la cour_; et,
+par conséquent, on conçoit très-bien que Bassompierre ait pu l'appeler
+le _chétif château de Versailles_. Ce fut plus tard, et quand il eut
+acheté le domaine de Versailles de Jean-François de Gondi, qu'il y
+ajouta de nouvelles constructions et en fit un palais de quelque
+importance.
+
+Ce qui vient d'être dit peut aussi servir à retrouver dans le château
+quelques anciennes distributions existant encore aujourd'hui.
+
+Quand Louis XIV fit faire ses grands travaux de Versailles, il voulut
+conserver religieusement le château de son père. Dans les premières
+années de son règne, il fit commencer les embellissements des jardins,
+et y donna les grandes fêtes de 1664 et 1668; la distribution des
+appartements du château de Louis XIII était restée la même, et les
+chefs-d'œuvre de peinture et de sculpture que Louis XIV commençait à y
+accumuler, étaient tout ce que l'on y voyait de nouveau.
+
+En 1671, Félibien, historiographe des bâtiments du roi, donna la
+première description du château de Versailles et des embellissements
+qu'y faisait exécuter Louis XIV. On voit dans cette description que la
+pièce du milieu, qui devint plus tard la chambre à coucher de Louis XIV,
+et dans laquelle mourut ce roi, formait alors un salon comme au temps de
+Louis XIII; que ce qui est devenu depuis le salon de l'Œil-de-Bœuf,
+était divisé en deux pièces, dont l'une, la plus près du salon central,
+formait la chambre à coucher du roi, et dont l'autre était un cabinet ou
+antichambre; que dans cette antichambre ouvrait un escalier dérobé
+communiquant avec les appartements du rez-de-chaussée. Ces pièces, de
+l'ancien château de Louis XIII, étaient donc restées comme au temps de
+ce roi.
+
+Voyons dans le récit précédent ce qui se rapporte aux appartements du
+château.
+
+«Cette scène, dit Valdori, se passa publiquement dans la chambre du roi;
+mais le cardinal avait été secrètement introduit, un peu auparavant; par
+un escalier dérobé, dans le cabinet de ce monarque.»
+
+Charles Bernard ajoute de son côté: «Que le cardinal fut logé dans le
+château de Versailles, sous la chambre du roi, en celle où l'on avoit
+coustume de loger M. le comte de Soissons, et que dès le soir il entra
+en conseil avec Sa Majesté.»
+
+Ainsi l'appartement _où l'on avait coutume de loger M. le comte de
+Soissons_, comme grand-maître de la maison du roi, était au-dessous de
+la chambre à coucher de Louis XIII; conséquemment à l'endroit occupé
+aujourd'hui par la salle des portraits des rois de France, et c'est là
+que Richelieu coucha la nuit de ce célèbre événement. L'_escalier
+dérobé_, par lequel Saint-Simon vint le chercher pour le conduire dans
+le _cabinet du roi_, existe encore dans un petit couloir placé à l'angle
+sud-ouest de cette salle, et aboutit au premier étage à l'angle
+correspondant du salon de l'Œil-de-Bœuf, et par conséquent à la partie
+du cabinet précédant la chambre à coucher du roi. Il est donc évident
+que dans l'état actuel du château de Versailles, et malgré toutes les
+transformations qu'il a subies depuis son origine, on peut suivre
+encore, dans ses détails les plus intéressants, la principale scène de
+cette grande comédie historique appelée _la journée des dupes_[17].
+
+
+
+
+II
+
+LA NAISSANCE DU DUC DE BOURGOGNE.
+
+1682.
+
+
+Anne-Marie-Victoire de Bavière, princesse d'une constitution délicate,
+épousa, au mois de janvier 1680, le dauphin, fils de Louis XIV. La
+première année de ce mariage ne fut qu'une longue série de fêtes pour la
+jeune dauphine. Mais quand, vers la fin de 1681, l'on eut la certitude
+de sa grossesse, de grandes précautions, commandées par la faiblesse de
+son organisation, lui furent imposées. Tout le monde s'intéressait à
+cette princesse et attendait avec anxiété l'époque de sa délivrance. La
+naissance d'un petit-fils était surtout le désir le plus ardent de Louis
+XIV, et il voyait approcher ce moment avec une joie mêlée de quelques
+inquiétudes.
+
+Une première pensée dut se présenter à lui dans une conjoncture aussi
+grave: à qui remettrait-on le soin d'accomplir cette opération
+importante? à un accoucheur ou à une sage-femme?
+
+Aujourd'hui le choix serait bientôt fait, ou plutôt il n'y en aurait
+pas. Mais il n'en était pas ainsi à cette époque. Les accoucheurs
+n'étaient pas répandus comme ils le sont actuellement, et la science
+obstétricale était presque entièrement confiée à des femmes. Non pas que
+depuis longtemps d'illustres chirurgiens n'eussent pratiqué des
+accouchements, mais en général c'était dans des cas exceptionnels et
+difficiles, et dans l'ordre ordinaire des choses, l'on voyait les
+accouchements confiés presque exclusivement à des sages-femmes. Déjà,
+cependant, les femmes avaient moins de répugnance à se remettre dans les
+mains des hommes, et quelques accoucheurs célèbres étaient parvenus à se
+faire une brillante réputation parmi les dames de la cour, de la
+magistrature et de la haute bourgeoisie. Mais le plus grand nombre des
+femmes grosses choisissaient des accoucheuses pour les délivrer, et les
+reines, Marie de Médicis, épouse de Henri IV; Anne d'Autriche, épouse de
+Louis XIII; et Marie-Thérèse, épouse de Louis XIV, avaient été
+accouchées par des femmes. Il semblait donc tout naturel que dans cette
+circonstance, le roi choisît une sage-femme pour accoucher la dauphine.
+Il n'en fut cependant pas ainsi, et un chirurgien fut chargé de cette
+importante opération. On a déjà dit que la dauphine était d'une
+constitution délicate, et que le roi redoutait beaucoup ce moment; il
+voulut donc la remettre entre les mains d'un homme habile et ayant toute
+sa confiance, et il désigna pour accoucheur _Clément_.
+
+_Clément_ (Julien) était alors l'accoucheur le plus célèbre de Paris. Né
+en 1638, à Arles, il vint fort jeune à Paris pour étudier l'art des
+accouchements. Gendre et élevé de _Lefebvre_, autre accoucheur en renom
+de la même époque, il acquit bientôt une grande réputation; et par son
+habileté et le talent qu'il montra dans quelques occasions dangereuses,
+il contribua beaucoup à la véritable révolution qui fit préférer les
+accoucheurs aux sages-femmes, révolution achevée surtout par le choix
+que Louis XIV fit de lui pour la dauphine.
+
+La réputation de Clément ne l'avait pas seule indiqué au choix de Louis
+XIV. Amené mystérieusement auprès de madame de Montespan quand elle mit
+au monde le duc du Maine, il avait continué de l'assister dans ses
+autres accouchements, et le roi avait pu ainsi apprécier ses
+talents[18].
+
+L'accoucheur choisi, il fallait s'occuper de prendre une nourrice.
+Celles-ci ne manquèrent point; et il en vint s'offrir de tous côtés. On
+était dans l'usage de les choisir vers le septième mois de la grossesse.
+
+Peut-être paraîtra-t-il curieux de connaître les conditions exigées
+alors pour être la nourrice d'un prince.--Elle devait être âgée de
+vingt-deux à trente ans,--avoir un lait de trois mois,--avoir déjà fait
+une nourriture étrangère,--être d'un tempérament sanguin,--avoir les
+cheveux noirs ou d'un châtain brun,--avoir une constitution forte et
+robuste,--être assez grasse,--avoir bon appétit,--et n'être délicate ni
+sur le boire, ni sur le manger,--être gaie et de bonne humeur,--avoir
+toujours le mot pour rire,--n'être sujette à aucune incommodité,--ne
+sentir mauvais ni de la bouche, ni des aisselles, ni des pieds,--n'avoir
+point de dents gâtées et les avoir toutes,--avoir la peau blanche et
+nette,--enfin avoir tous les signes d'une bonne santé.--Il fallait de
+plus qu'elle fût assez jolie,--gracieuse dans son parler,--bien faite
+dans sa taille,--ni trop grande, ni trop petite, ni bossue, ni boiteuse,
+et qu'elle n'eût aucun accent prononcé.--Mais ce qu'on exigeait surtout,
+c'était que la gorge fût bien faite et contînt suffisamment de
+lait.--Quant au lait, on n'avait pas alors les moyens que l'on possède
+actuellement pour juger de sa bonté, et l'on s'en rapportait à son
+aspect et à son goût.
+
+Quand une nourrice réunissait toutes ces qualités, on exigeait encore
+d'elle, et par-dessus tout, qu'elle fût de bonne vie et mœurs. C'était
+sans doute, et c'est encore aujourd'hui une très-bonne précaution de
+s'informer de la sagesse de la femme à laquelle on va confier son bien
+le plus cher. Mais comment le savoir positivement? Et d'ailleurs, ne se
+peut-il pas que quelque grave affection soit venue atteindre une
+nourrice, sans que pour cela elle ait en rien manqué à une conduite sage
+et réglée? Une histoire arrivée dans une circonstance analogue, et
+racontée par _Louise Bourgeois_, la célèbre accoucheuse de Marie de
+Médicis, montre combien l'on peut être encore trompé malgré toutes ces
+précautions: «La reine étant grosse de madame sa fille aînée, dit madame
+Bourgeois, alla à Fontainebleau pour y faire ses couches, et partit en
+octobre de Paris après la moitié du mois, où étant arrivée l'on avait
+quantité de nourrices qui importunaient tellement le roi et la reine, et
+tout le monde, que Leurs Majestés en remirent l'élection à
+Fontainebleau, où il ne manqua d'en venir de tous côtés. L'on attendit
+proche de l'accouchement de la reine à en faire l'élection. Il vint un
+homme, lequel avait envoyé sa femme pour être nourrice, laquelle avait
+une petite fille fort délicate et menue. La femme était bien honnête, et
+de gens de bien, en faveur de quoi il se trouva des plus signalés
+seigneurs de la cour qui en parlèrent d'affection aux médecins. Ce fut
+une affaire qui me donna bien de la peine. Elle logea chez une de mes
+amies, laquelle s'employa de bon cœur pour elle; elle me priait aussi
+d'y faire ce que je pourrais. Je voyais son enfant extrêmement menu,
+mais elle était appropriée à son avantage, de sorte que la hard parait
+le fagot. Quand on m'en parlait, je ne pouvais répondre gaiement, à
+cause que sa nourriture ne m'agréait guère. Je fus un jour, comme
+j'avais coutume, la voir, où j'entendis nommer cette nourrice du nom de
+son mari. Je me ressouvins que c'était le nom d'un jeune homme que mon
+mari[19] avait traité de la v..., lequel avait voulu sortir sans
+attendre qu'il eût été guéri.... Je fus bien empêchée et eusse voulu ne
+l'avoir jamais vue.... Elle fut retenue, et aussitôt on fit état de
+renvoyer toutes les autres; c'était l'heure du dîner. Je fis chercher M.
+du Laurens[20], lequel était allé dîner en compagnie. Comme je vis qu'il
+ne se trouvait pas, et qu'il n'eût pas été à propos de le dire quand les
+autres nourrices eussent été renvoyées, je priai mademoiselle Cervage,
+femme de chambre de la reine, de lui aller dire de ma part.... La reine
+le dit aussitôt au roi, lequel dit tout haut «que des nourrices venaient
+de loin pour le tromper», devant tout le monde. Il envoya chercher M. du
+Laurens et les autres médecins, lesquels me vinrent trouver pour savoir
+la vérité, et comment, si je vérifierais cela. Je leur dis le tout, et
+que pour preuve, il y avait un valet de chambre de M. _de Beaulieu-Rusé_
+qui, demeurant en notre logis, l'avait aidé à panser, qui en pourrait
+dire la vérité, et un autre qui était chirurgien à Auxerre, qui avait
+été en même temps chez nous. Comme cela fut vérifié, l'on fit une autre
+élection de nourrice.»
+
+La conséquence à tirer de cette histoire, c'est que, malgré tous les
+certificats, on peut encore être trompé; car, si le hasard n'avait pas
+fait connaître à l'accoucheuse de la reine l'état antérieur du mari de
+cette femme, elle aurait été parfaitement acceptée pour nourrice de la
+fille du roi. Ainsi donc, s'il est bon, en tout état de choses, de
+tâcher d'avoir les meilleurs renseignements sur la vie antérieure d'une
+nourrice, il faut cependant, sous ce rapport, s'en remettre un peu à la
+grâce de Dieu.
+
+Voici, du reste, comment on s'y prit pour la Dauphine: On choisit
+d'abord les quatre meilleures nourrices, c'est-à-dire celles qui
+remplissaient le mieux les conditions déjà indiquées, et l'on prit leurs
+noms et leurs demeures; puis, le premier médecin envoya un homme de
+confiance pour procéder aux informations. Cet homme s'adressa aux curés
+pour avoir un certificat constatant _qu'elles étaient de la religion
+catholique, qu'elles servaient bien Dieu, et qu'elles fréquentaient les
+sacrements_. Il obtint ensuite un certificat des chirurgiens de chacune
+d'elles, assurant qu'ils n'avaient connu dans leurs familles aucune
+personne atteinte de maladies contagieuses, ni écrouelles, ni épilepsie.
+Après avoir obtenu ces deux certificats, il assembla les voisins, qui
+attestèrent qu'elles étaient de bonne conduite, et qu'elles avaient
+toujours bien vécu avec leurs maris et leurs voisins. Une fois cette
+enquête terminée, on les mit chez la gouvernante des nourrices, où
+chacune d'elles avait une chambre et nourrissait son enfant en attendant
+l'accouchement de la Dauphine; et sitôt qu'elle fut accouchée, les
+médecins vinrent visiter ces nourrices, choisirent celle qu'ils
+considérèrent alors comme la meilleure, et les trois autres restèrent
+chez la gouvernante, pour n'en pas manquer en cas qu'on fût dans la
+nécessité d'en changer. La nourrice choisie fut ensuite gardée à vue par
+une femme qui ne la quittait point, pour qu'elle ne pût approcher de son
+mari, car on craignait qu'elle ne devînt grosse et ne donnât à l'enfant
+de mauvais lait.
+
+On était très-rigide sur cette séparation des maris, et _Dionis_[21]
+raconte à ce sujet ce qui arriva à l'une des premières nourrices de
+Louis XIV.--Cette nourrice était de Poissy. La cour habitait à cette
+époque le château neuf de Saint-Germain. Louis XIII, ravi d'avoir un
+fils, l'allait voir tous les jours et s'entretenait avec la nourrice.
+Celle-ci lui raconta plusieurs aventures amoureuses arrivées entre les
+dames de Poissy et les mousquetaires de quartier. Le roi en fit quelques
+réprimandes à leur commandant, en lui ordonnant de mieux veiller sur
+leur conduite. Un jour le mari de la nourrice, impatient de voir sa
+femme, rôdait autour du château. La nourrice l'ayant aperçu descendit un
+moment pour lui parler sur une des terrasses du jardin. Malheureusement
+pour elle, elle fut vue du mousquetaire en sentinelle sur cette
+terrasse. Ne voulant pas perdre une si belle occasion de se venger des
+discours tenus par elle au roi sur leurs aventures, il la dénonça, et
+elle fut immédiatement changée.
+
+L'accouchement tant désiré de la Dauphine eut lieu au mois d'août 1682.
+Le roi venait de fixer depuis quelques mois son séjour à Versailles, et
+cette ville présenta alors le plus curieux spectacle.
+
+Depuis près d'un mois, Clément était établi dans les appartements du
+château, lorsque le mardi 4, dans la soirée, la Dauphine ressentit les
+premières douleurs. Depuis ce moment jusqu'au jeudi 6, jour de la
+délivrance, l'accoucheur ne quitta plus la princesse. Aussitôt les
+premières douleurs, la Dauphine fit prévenir la reine et la pria de n'en
+rien dire, pour éviter dans ces premiers moments le trouble que cette
+nouvelle allait jeter parmi tout le monde. Le Dauphin vint aussi et ne
+quitta pas la chambre de la nuit. Cependant, comme elle souffrait de
+plus en plus, vers une heure du matin le bruit s'en répandit dans tout
+le château.
+
+Lorsque les reines accouchaient, on préparait près de leur chambre
+ordinaire une autre chambre où devait se terminer l'accouchement, et
+dans laquelle se tenaient toutes les personnes ayant le droit d'y
+assister. C'était dans cette dernière chambre qu'étaient le lit où elles
+restaient après l'accouchement et le lit de travail. Celui-ci était
+placé dans une espèce de petite tente pour la reine, le roi,
+l'accoucheuse et les aides. Cette tente était entourée d'une autre,
+beaucoup plus grande, pour les assistants. Ce cérémonial ne fut pas
+suivi pour la Dauphine, et l'accouchement se fit dans sa chambre à
+coucher.
+
+Bientôt toute la cour fut en mouvement. Les princes et les princesses du
+sang se rendirent aussitôt chez la Dauphine. Les cours, les places, le
+chemin de Versailles à Paris, furent éclairés presque comme en plein
+jour par la grande quantité de torches et de lumières de toute espèce
+des allants et des venants.
+
+Les antichambres de l'appartement de la Dauphine et la galerie qui y
+menait ne tardèrent pas à être encombrées par tous les habitants du
+château et de ses environs. Cet appartement était situé à l'extrémité de
+l'aile du sud, vis-à-vis la pièce d'eau des Suisses, dans le pavillon de
+la surintendante de la maison de la reine[22].
+
+Malgré tout ce mouvement, on n'avait pas encore jugé nécessaire
+d'éveiller le roi. Cependant, sur les cinq heures du matin, on vint lui
+apprendre l'état de la princesse. Il se leva aussitôt, et après
+l'assurance que rien ne pressait encore, il ordonna d'adresser des
+prières au ciel, et entendit immédiatement la messe. Vers six heures, il
+se rendit chez la Dauphine, afin de savoir par lui-même où tout en
+était.
+
+La cour grossissait à tout moment. Les moins diligents se rendaient de
+toutes parts aux environs de l'appartement de la jeune malade, d'où
+l'on ne pouvait approcher, tandis que le reste du château paraissait
+désert.
+
+Vers neuf heures, le roi, voyant diminuer les douleurs de sa
+belle-fille, sortit de chez cette princesse pour aller au conseil; et la
+plupart des princes et princesses, ayant veillé toute la nuit,
+profitèrent de ce moment pour prendre quelques heures de repos.
+
+La reine passa toute cette matinée en prière ou auprès de la princesse.
+Le roi y revint encore aussitôt que le conseil fut terminé. Il la trouva
+assez calme, y demeura quelque temps, voulut qu'elle mangeât pendant
+qu'il était là et sortit ensuite avec la reine, chez laquelle il vint
+dîner accompagné de tous les princes. Vers la fin du dîner, on lui
+annonça que la Dauphine reposait. Jugeant alors sa présence inutile, il
+laissa la reine dans son appartement, et alla, selon sa coutume,
+travailler dans son cabinet.
+
+L'un des premiers soins de ce prince avait été d'ordonner des prières
+dans toutes les églises de Paris et de Versailles, et de faire
+distribuer des aumônes considérables dans ces deux villes.
+
+Les douleurs de la Dauphine la reprirent avec force vers l'après-dinée;
+le roi revint immédiatement auprès d'elle.
+
+Pendant tout ce temps, la plupart des ambassadeurs, des envoyés et des
+résidents des princes étrangers se rendirent à Versailles, afin d'être
+prêts à faire partir des courriers à leurs cours aussitôt après
+l'accouchement.
+
+La reine n'avait point quitté l'appartement de la Dauphine depuis ses
+premières douleurs; les voyant se continuer avec énergie, elle fit
+apporter dans la chambre les reliques de sainte Marguerite, que l'on
+était dans l'usage d'exposer dans la chambre des reines quand elles
+accouchaient; puis on dressa le lit de travail. Ce lit, conservé dans le
+garde-meuble du roi, avait déjà servi aux reines _Anne d'Autriche_ et
+_Marie-Thérèse_[23].
+
+Les femmes de la Dauphine entrèrent alors, arrangèrent ses cheveux, et
+lui mirent sur la tête de grosses cornettes, comme c'était l'usage, pour
+qu'elle n'attrapât point de froid.
+
+Toute la nuit du 5 au 6 se passa encore dans des douleurs de plus en
+plus vives et prolongées, surtout vers le matin.
+
+Les soins et les prières de la reine redoublèrent. Tous les services
+qu'une femme est si heureuse de recevoir dans cet instant solennel
+furent rendus à la Dauphine avec empressement par la reine et les
+princesses du sang.
+
+Le roi lui-même cherchait à l'encourager et était rempli d'attentions
+pleines de bonté. A plusieurs reprises, aidé du Dauphin, il la soutint
+pendant qu'elle se promenait dans sa chambre, et comme les douleurs ne
+discontinuèrent plus, il y passa la nuit sans vouloir prendre un moment
+de repos.
+
+Pendant cette soirée du mercredi, la nuit du mercredi au jeudi et la
+matinée du jeudi jusqu'à l'heure de la délivrance, il n'est sorte de
+mots doux et affectueux qui n'aient été échangés entre Louis XIV et la
+Dauphine. Le jeudi, le roi ne se reposa pas un moment. Le matin, il
+entendit la messe; puis il tint conseil comme à l'ordinaire; car l'on
+sait que c'était un des devoirs qu'il s'était imposés, et que rien ne
+pouvait empêcher. Immédiatement après le conseil, il revint chez la
+Dauphine.
+
+La longueur du travail commençait à donner de l'inquiétude à tous les
+assistants, et les visages semblaient abattus et consternés. _Clément_
+seul, pendant tout ce temps, paraissait impassible. Il s'était assuré, à
+plusieurs reprises, de l'état de la princesse; il n'avait reconnu à
+l'accouchement aucun obstacle important, et il avait déjà prévenu le roi
+que si, par suite de la constitution assez grêle de la Dauphine,
+l'accouchement devait être long, il devait cependant se terminer sans
+accident. Le roi, on l'a déjà dit, avait une entière confiance dans
+l'accoucheur; il s'en rapporta complétement à son savoir, attendit avec
+patience l'instant qui allait combler ses vœux, et convint avec lui
+qu'afin de savoir le premier le sexe de l'enfant au moment de la
+naissance, il lui demanderait _ce que c'était_, et que Clément
+répondrait: Je ne sais pas, Sire,--si c'était une fille; et je ne sais
+point _encore_, Sire,--si c'était un fils.
+
+Les douleurs devenant de plus en plus vives et prolongées, Clément jugea
+nécessaire de faire pratiquer une saignée, et les médecins furent tous
+de cet avis.
+
+Aussitôt les apothicaires apportèrent du vinaigre, de l'eau de la reine
+de Hongrie et un verre rempli d'eau, dans le cas où la princesse aurait
+une faiblesse. Le chirurgien Dionis pratiqua la saignée. On était alors
+dans l'usage de fermer les volets et de se servir de bougies afin de
+mieux voir la veine. C'est ce qu'on fit pour la Dauphine. Le premier
+médecin du roi tint la bougie, et le premier apothicaire tint les
+_poilettes_[24].
+
+Après la saignée, les douleurs reprirent de l'intensité, et tout
+annonçait la prompte terminaison de l'accouchement. Pour soutenir les
+forces de la Dauphine, le roi voulut qu'on lui donnât de temps à autre
+de son _rossolis_[25].
+
+Clément, jugeant que l'instant de la délivrance approchait, en prévint
+le roi. La Dauphine fut placée sur le lit de travail, et le roi ordonna
+de faire entrer toutes les personnes qui devaient assister à cet acte
+solennel.
+
+Alors se trouvaient dans la chambre le roi, la reine, le Dauphin,
+Monsieur, Madame, Mademoiselle d'Orléans, et les princes et princesses
+du sang, qu'on avait mandés à cause du droit que leur donnait leur
+naissance d'être présents à l'accouchement. Il y avait en outre celles
+des dames dont les charges leur donnaient le privilège d'y assister, ou
+dont le service était nécessaire à la princesse; c'étaient: madame de
+Montespan, surintendante de la maison de la reine; la duchesse de Créqui
+et la comtesse de Béthune, dames d'honneur de la Dauphine; la maréchale
+de Rochefort et madame de Maintenon, dames d'atour; la duchesse d'Uzès;
+la duchesse d'Aumont, femme du premier gentilhomme de la chambre en
+année; la duchesse de Beauvilliers, femme du premier gentilhomme de la
+chambre; madame de Venelle, première sous-gouvernante; madame de
+Montchevreuil, gouvernante des filles d'honneur de la Dauphine; madame
+Pelard, première femme de chambre du nouveau-né; madame Moreau, première
+femme de chambre de la Dauphine; et les femmes de chambre de jour.
+
+Tout ce monde était sans mouvement et paraissait attendre avec anxiété
+le dernier moment. Bientôt les dernières et énergiques douleurs se
+succédèrent et se rapprochèrent, et la Dauphine accoucha à dix heures
+vingt minutes du matin.
+
+A peine l'enfant venait de passer, le roi, impatient, demanda à Clément:
+Qu'est-ce? Celui-ci, d'un air satisfait, lui répondit, ainsi qu'il en
+était convenu: Je ne sais point _encore_, Sire. Aussitôt le roi,
+radieux, s'écria: Nous avons un duc de Bourgogne[26].
+
+Tout ce qui se passa alors dans la chambre où ce prince venait de naître
+peut à peine se décrire.
+
+Le roi, dans le premier moment de sa joie, embrassa la reine et la
+Dauphine; puis on ouvrit deux portes à la fois, afin de faire connaître
+la grande nouvelle à ceux du dehors. Le roi annonça lui-même aux
+princesses et aux dames du premier rang la naissance d'un prince, et la
+dame d'honneur aux hommes réunis dans la pièce à côté. Il se produisit
+alors un mouvement incroyable. Les uns tâchaient de percer la foule pour
+aller publier ce qu'ils venaient d'apprendre, et les autres, sans bien
+savoir où ils allaient ni ce qu'ils faisaient, forcèrent la porte de la
+chambre de la Dauphine. Tout le monde paraissait dans l'ivresse de la
+joie. Il y eut un tel pêle-mêle dans ce premier moment, que les
+domestiques se trouvèrent dans l'antichambre au milieu des princes et
+des dames de la première qualité. Le roi défendit qu'on renvoyât
+personne et voulut que chacun pût exprimer librement sa joie.
+
+Il semblait que le nom du prince nouveau-né eût volé dans l'air jusque
+dans les endroits les plus reculés du château et aux deux extrémités de
+Versailles; partout des feux de joie s'allumèrent comme par
+enchantement, et les missionnaires, établis depuis peu par le roi dans
+le château, chantèrent un _Te Deum_ d'actions de grâces dans la
+chapelle.
+
+Quelques instants après sa naissance, le duc de Bourgogne fut ondoyé
+dans la chambre de la Dauphine par le cardinal de Bouillon, grand
+aumônier de France, revêtu de l'étole, en camail et en rochet. La
+cérémonie se fit en présence du curé de la paroisse de Versailles[27];
+et sitôt qu'elle fut faite, on alla bercer le prince dans le cabinet de
+la Dauphine, d'où on le rapporta un peu après pour le montrer à cette
+princesse. Puis la maréchale de la Mothe étant entrée dans une chaise à
+porteurs, on le mit sur ses genoux, et il fut ainsi porté jusque dans
+l'appartement qu'on lui avait préparé. A peine y fut-il entré, le
+marquis de Seignelay, secrétaire d'État et trésorier de l'ordre du
+Saint-Esprit, lui mit au cou, de la part du roi, la croix de cet ordre,
+que les fils de France portaient dès leur naissance.
+
+Enfin, après deux jours et deux nuits d'inquiétudes et de fatigues, il
+était temps de laisser reposer la Dauphine[28]; mais ici une nouvelle
+scène allait commencer pour le roi.
+
+En sortant de la chambre, il fallait traverser la foule de grands
+seigneurs et de personnages de toutes sortes encombrant les portes et
+les corridors. Aussitôt qu'il parut, chacun se précipita et, quel que
+fût son rang, chercha par ses acclamations et ses gestes à lui témoigner
+sa joie. Le roi paraissait dans ce moment si heureux, et il recevait ces
+manifestations d'un air si engageant, que, loin de s'éloigner, chacun
+cherchait à se rapprocher de lui. Il faut se figurer que depuis
+l'appartement où la Dauphine était accouchée jusque chez la reine où le
+roi allait souper, il y avait à traverser une antichambre, la salle des
+gardes de la Dauphine, une très-longue galerie, le palier de l'escalier
+des princes avec les retours, diverses salles, la salle des gardes de la
+reine, et que tous ces lieux étaient tellement remplis de monde, qu'on
+peut dire que Louis XIV fut porté à table, depuis la chambre de la
+Dauphine, jusqu'au lieu où il soupa[29].
+
+Quant au Dauphin, ce qu'il avait vu souffrir à la Dauphine, et les
+choses tendres qu'elle lui avait dites pendant cette longue attente,
+l'avaient jeté dans une sorte de stupéfaction. Aussi, quand il fallut
+passer de la tristesse à la joie, il eut peine à se soutenir. Il
+semblait sortir d'un long rêve, et sa première action fut d'embrasser
+non-seulement la Dauphine, mais toutes les dames qui se trouvaient dans
+la chambre.
+
+Le roi fit, dès le soir même, donner de fortes sommes d'argent pour
+délivrer des prisonniers.
+
+Louis XIV, dans ses libéralités, ne pouvait oublier celui qui, par son
+sang-froid et sa prudence, avait été la cause principale de l'heureuse
+réussite de cet événement. Il fit donner à l'accoucheur dix mille
+livres, et lorsque Clément alla le remercier, il le reçut gracieusement,
+lui dit qu'il était très-satisfait du service qu'il lui avait rendu,
+qu'en lui donnant cette somme, il ne croyait pas le payer, et que ce
+n'était que le commencement de ce qu'il voulait faire pour lui.
+
+En effet, Louis XIV ne cessa de le combler de bienfaits. Il n'avait de
+confiance qu'en lui. Outre la Dauphine, qu'il accoucha de tous ses
+enfants, Clément fut plus tard l'accoucheur de la duchesse de Bourgogne,
+et il alla trois fois à Madrid pour accoucher la reine d'Espagne. Enfin,
+en 1711, le roi lui donna des lettres de noblesse avec une clause qui
+honore au même degré l'homme de mérite auquel s'adressait cette
+distinction et le souverain qui la lui accordait; cette clause portait
+qu'il ne pourrait abandonner la pratique de son art, ni refuser ses
+conseils, ni ses secours aux femmes qui les réclameraient.
+
+La joie manifestée si vivement dans le château à la nouvelle de cet
+heureux événement ne fut pas moins vive au dehors et dans tout
+Versailles.
+
+Un garde du roi dormait sur une paillasse pendant l'accouchement de la
+Dauphine: réveillé en sursaut par le bruit extraordinaire que la joie
+venait de produire dans l'intérieur du palais, et comprenant, quoique
+encore à moitié endormi, qu'il venait de naître un prince, il prit sa
+paillasse sur son dos, et sans rien dire a personne, courut le plus vite
+possible jusqu'à la première cour[30], et mit le feu à cette paillasse.
+Il semblait que chacun n'attendît que ce signal, car on vit presque au
+même instant un nombre infini d'autres feux s'allumer comme par
+enchantement. Les uns allaient chercher du bois; d'autres prirent tout
+ce qu'ils trouvèrent, bancs, tables, meubles de toute nature, et
+jetèrent au feu tout ce qui pouvait l'alimenter. Il se forma des danses
+où se trouvèrent mêlés ensemble peuple, officiers et grands seigneurs. A
+peine ces manifestations de la joie publique eurent-elles commencé,
+qu'on vit couler des fontaines de vin de chaque côté de la première
+grille du château, ainsi que de l'intérieur des cours.
+
+Versailles était alors rempli d'un grand nombre d'ouvriers attirés par
+les travaux immenses que faisait exécuter le roi. On leur fit distribuer
+du vin en grande quantité à l'Étape[31] et dans les ateliers; les
+soldats des gardes française et suisse ne furent pas les derniers à
+manifester leur joie. Ils firent du feu de tout et brûlèrent même
+quantité de choses dont on ne leur aurait pas permis de disposer dans un
+autre moment. Le roi, apercevant tout ce désordre, voulut cependant
+qu'on les laissât faire, _pourvu_, ajouta-t-il, _qu'ils ne nous brûlent
+pas_.
+
+Devant chaque hôtel de ministre, l'on avait établi des feux et des
+distributions de vin.
+
+Ces réjouissances durèrent plusieurs jours avec les mêmes transports.
+C'était à qui varierait chaque fois les illuminations et les artifices.
+
+Tant que durèrent les fêtes, la pompe[32] fut magnifiquement illuminée,
+et tous les feux dont brillaient Versailles, se reflétant sur l'or
+couvrant le château[33], imprimèrent à la ville une physionomie toute
+magique.
+
+Pendant les deux ou trois premiers jours qui suivirent celui de la
+naissance du duc de Bourgogne, tout le chemin de Versailles fut couvert
+de peuple venant témoigner sa joie par ses acclamations. Après avoir vu
+le roi, on allait voir le nouveau-né, et la maréchale de la Mothe était
+fréquemment obligée de le montrer à tout ce peuple accouru pour
+contempler un instant son visage[34].
+
+A l'occasion de cette naissance, on chanta plusieurs _Te Deum_ en
+musique à Versailles. La plupart des maîtres en avaient composé, et le
+roi voulut bien les entendre dans sa chapelle.
+
+Louis XIV avait dispensé les différents corps de l'État des compliments
+d'usage; quant aux ambassadeurs et aux ministres des princes étrangers,
+il leur accorda l'audience qu'ils lui demandèrent à cette occasion. Elle
+eut lieu dans le grand appartement de Versailles, avec les cérémonies
+accoutumées. Tous les corps de la garde du roi étaient en haie. Les
+ambassadeurs entrèrent par le grand escalier[35].
+
+Le roi était assis sur son trône d'argent, il avait auprès de lui d'un
+côté le duc de Bouillon, grand chambellan, le duc de Créqui et le prince
+de Marsillac; de l'autre, le duc d'Aumont, le duc de Saint-Aignan et le
+marquis de Gesvres. Une foule de courtisans les environnait. Le duc de
+Luxembourg, capitaine des gardes de quartier, allait recevoir les
+ambassadeurs à la porte de la salle des gardes. Le roi écouta leur
+compliment avec gravité, et leur répondit avec une grande affabilité.
+Ils allèrent ensuite chez le Dauphin, le duc de Bourgogne et Monsieur.
+Madame la maréchale de la Mothe répondit pour le petit prince.
+
+Toutes ces audiences durèrent cinq heures, après lesquelles ces
+messieurs furent reconduits avec les mêmes cérémonies. Ils n'eurent
+audience de la reine et de Madame que l'après-dinée, parce qu'elles n'en
+donnaient jamais le matin.
+
+Tel est le récit de ce qui se passa dans Versailles à la naissance du
+duc de Bourgogne. La joie de cette ville se répandit partout avec
+rapidité, et l'on peut voir, dans la plupart des écrits du temps, les
+détails des réjouissances extraordinaires faites dans toute la France à
+cette occasion.
+
+
+
+
+III
+
+RÉCIT DE LA GRANDE OPÉRATION
+
+FAITE AU ROI LOUIS XIV.
+
+1686.
+
+
+Le 18 novembre 1686, Versailles apprit avec surprise et effroi que le
+roi Louis XIV venait de subir _la grande opération_; c'est ainsi que
+l'on nommait alors l'opération de la _fistule à l'anus_.
+
+Le 5 février 1686, le roi fut obligé de prendre le lit à la suite de
+vives douleurs dont il souffrait depuis plusieurs jours; l'on s'aperçut
+alors qu'il s'était formé un abcès à la marge de l'anus. _Félix de
+Tassy_, son premier chirurgien, l'un des hommes les plus instruits de
+cette époque, en proposa immédiatement l'ouverture; mais, ainsi que le
+remarque Dionis, _on ne trouve pas toujours dans les grands cette
+déférence nécessaire pour obtenir la guérison_: mille gens proposèrent
+des remèdes qu'ils disaient infaillibles, et l'on préféra à la lancette
+du chirurgien un emplâtre fait par une grande dame de la cour, _madame
+de la Daubière_. L'inventeur du remède assista elle-même à la pose de
+son emplâtre, qui, probablement, ne pouvait avoir d'effet que sous ses
+yeux. Tel infaillible que fût cet emplâtre, on l'ôta cinq jours après
+son application, n'ayant eu d'autre résultat que d'augmenter les
+souffrances du roi. Enfin, le 23, c'est-à-dire plus de vingt jours après
+l'apparition de la tumeur, on se décida à donner issue au pus; mais,
+malgré l'avis de Félix, qui voulait employer le bistouri, et pour
+ménager le royal malade, auquel on craignait de faire subir une
+opération sanglante, on eut recours, pour l'ouverture de l'abcès, à
+l'application de la _pierre à cautère_. «Ce matin, à dix heures, _dit
+Dangeau dans son journal_, on appliqua au roi la pierre à cautère sur la
+tumeur; on l'y laissa une heure et demie, et puis on ouvrit la peau avec
+le ciseau; mais on ne toucha point au vif.» C'est-à-dire qu'on se
+contenta de fendre l'escharre, et lorsque celle-ci tomba, il se forma,
+comme le dit Dionis, un petit trou par où la matière s'écoula, et qui
+continua à suppurer. Bientôt on constata la présence d'une fistule
+communiquant dans l'intérieur de l'intestin.
+
+En pareille occurrence, et pour débarrasser le roi de cette dégoûtante
+infirmité, il ne restait plus qu'à pratiquer l'opération. Mais il n'en
+est pas des rois comme des simples particuliers, et, avant de pouvoir
+leur faire entendre les paroles graves et réfléchies de la science, il
+faut préalablement que le médecin s'attende à voir défiler avant lui
+tout le cortége des empressés plus ou moins ignorants, flanqués chacun
+de leurs remèdes _infaillibles_, sans compter encore le charlatanisme,
+qui sait si bien exploiter la tête et la queue de la société. C'est ce
+qui arriva pour Louis XIV.
+
+Dès que l'on sut le roi atteint de la fistule, il y eut encore un bien
+plus grand nombre de remèdes proposés que quand il s'était agi d'une
+simple tumeur.
+
+Cependant _Louvois_, qui était alors le principal ministre et qui avait
+en quelque sorte la responsabilité de la vie du roi, ne voulut permettre
+l'usage d'aucun de ces remèdes avant qu'il eût été préalablement
+expérimenté.
+
+Parmi tous ces moyens, un fut surtout préconisé, et le roi paraissait
+assez décidé à l'essayer: c'était l'emploi des eaux de Baréges. Mais
+avant que Louis XIV partît pour ces eaux, comme le bruit en avait couru,
+on jugea convenable d'en constater les effets. On chercha quatre
+personnes ayant la même maladie que le roi, et on les envoya à Baréges à
+ses dépens, sous la conduite de _Gervais_, chirurgien de l'hôpital de la
+Charité. C'était l'un des hommes les plus instruits de Paris, et il
+s'était acquis surtout une très-grande réputation pour la guérison des
+tumeurs. Ces quatre malades furent soumis par lui à l'action des eaux
+sous toutes les formes, en bains, à l'intérieur, et surtout en
+injections répétées dans le trajet fistuleux. Ce traitement dura fort
+longtemps et ne fut suivi d'aucune espèce d'amélioration; en sorte
+qu'ils revinrent _tout aussi avancés dans leur guérison que quand ils
+étaient partis_[36].
+
+Une dame de la cour ayant raconté qu'allée aux eaux de Bourbon pour une
+maladie particulière, elle s'était trouvée guérie par leur usage d'une
+fistule qu'elle avait avant, on envoya à Bourbon l'un des chirurgiens du
+roi, avec quatre autres malades; ils furent soumis aux mêmes expériences
+que ceux de Baréges, et en revinrent comme eux sans changement dans leur
+état.
+
+Mais l'essai des remèdes ne devait point s'arrêter là. Un religieux
+jacobin vint trouver Louvois et lui apporta une eau avec laquelle il
+guérissait, disait-il, toutes sortes de fistules. Un autre annonçait
+posséder un onguent qui n'en manquait aucune. D'autres proposaient aussi
+des remèdes avec lesquels ils avaient obtenu des cures merveilleuses. Le
+ministre, un peu embarrassé de toutes ces propositions, ne voulut
+cependant en rejeter aucune avant que l'expérience eût démontré son
+inefficacité. Pour juger en quelque sorte, par lui-même de leur valeur,
+il fit meubler plusieurs chambres de son hôtel de la surintendance[37],
+pour recevoir tous les malades atteints de fistule qui voulaient se
+soumettre à ces différents essais, et il les fit traiter, en présence
+de Félix, par les auteurs de ces remèdes.
+
+Tous ces essais durèrent un temps fort long, sans aboutir à aucun
+résultat.
+
+Louvois et Félix rendaient compte à Louis XIV des tentatives inutiles
+faites chaque jour pour trouver un remède qui pût lui éviter
+l'opération, sur laquelle le premier chirurgien insistait de plus en
+plus. Mais avant de s'y décider, le roi voulut encore avoir l'avis de
+Bessières, chirurgien en renom de Paris. Bessières examina le mal, puis
+Louis XIV lui ayant demandé ce qu'il en pensait, il lui répondit
+librement _que tous les remèdes du monde n'y feraient rien sans
+l'opération_[38]. Le roi n'hésita plus, et l'opération fut décidée.
+
+Mais quelle méthode devait-on employer?
+
+Il y avait alors à Paris un nommé _Lemoyne_, qui s'était acquis une
+grande réputation pour la guérison des fistules. Voici ce qu'en dit
+Dionis: «Sa méthode consistait dans l'usage du caustique, c'est-à-dire
+qu'avec un onguent corrosif, dont il couvrait une petite tente qu'il
+fourrait dans l'ouverture de l'ulcère, il en consumait peu à peu la
+circonférence, ayant soin de grossir tous les jours la tente, de manière
+qu'à force d'agrandir la fistule, il en découvrait le fond. S'il y avait
+de la callosité, il la rongeait avec son onguent, qui lui servait aussi
+à ruiner les clapiers, et enfin, avec de la patience, il en guérissait
+beaucoup. Cet homme est mort vieux et riche, parce qu'il se faisait bien
+payer, en quoi il avait raison, car le public n'estime les choses
+qu'autant qu'elles coûtent. Ceux à qui le ciseau faisait horreur se
+mettaient entre ses mains, et comme le nombre des poltrons est fort
+grand, il ne manquait point de pratiques.» Ainsi Lemoyne avait remis en
+honneur la cautérisation.--La ligature était le mode d'opérer le plus
+généralement suivi. Puis restait l'incision que Félix proposait au roi.
+Mais avant de se déterminer à suivre l'avis de son premier chirurgien,
+Louis XIV voulut qu'il lui expliquât la préférence qu'il donnait à cette
+méthode sur les autres. Félix fut alors obligé de décrire au roi les
+trois procédés; puis il lui fit remarquer, nous raconte Dionis, que le
+caustique fait une douleur continuelle pendant cinq ou six semaines
+qu'on est obligé de s'en servir; que la ligature ne coupe les chairs
+qu'après un long espace de temps, et qu'il ne faut pas manquer de la
+serrer tous les jours, ce qui ne se fait pas sans douleur; que
+l'incision cause, à la vérité, une douleur plus vive, mais qu'elle est
+de si peu de durée qu'elle ne doit point alarmer une personne qui veut
+guérir sans crainte de retour; car outre qu'elle achève en une minute ce
+que les deux autres manières n'opèrent qu'en un mois, c'est que par
+celles-ci la guérison est douteuse et qu'elle est sûre par
+l'incision.--Ces raisons, appuyées par Daquin, Fagon et Bessières,
+déterminèrent le roi, qui se décida pour l'incision.
+
+C'était une grave résolution qu'avait prise Félix. L'opération par
+l'instrument tranchant paraissait alors si terrible, que chacun
+tremblait de la subir, d'où son nom de _grande opération_.
+
+Mais Félix n'était point un chirurgien ordinaire. Fils de François Félix
+de Tassy, homme d'un grand talent, et aussi premier chirurgien du même
+prince, il fut l'élève de son père, qui, le destinant à le remplacer
+auprès du monarque, ne négligea aucun des moyens qui pouvaient le rendre
+digne d'occuper un emploi aussi important. Exerçant sa profession dans
+les hôpitaux civils, puis dans ceux des armées, il fut, fort jeune
+encore, compté parmi les plus habiles chirurgiens de son temps; ses
+confrères le nommèrent chef du collége de Saint-Côme, qui devint ensuite
+l'académie de chirurgie; puis il succéda à son père dans la charge de
+premier chirurgien du roi, en 1676.
+
+Dès que Félix se fut assuré de la maladie du roi, il le rassura sur sa
+vie et promit de le délivrer de son horrible incommodité. Ce grand
+chirurgien n'avait jamais fait l'opération qu'il méditait, mais il avait
+lu tout ce que les auteurs anciens avaient écrit sur la maladie dont le
+roi était attaqué. Il se traça alors un plan d'opération, et tandis que
+le temps s'écoulait en essais de remèdes qui n'avaient aucun résultat,
+Félix occupait le sien d'une manière profitable à ses desseins. Pendant
+plusieurs mois tous les malades atteints de la maladie du roi qui se
+trouvaient dans les hôpitaux de Paris ou à la Charité de Versailles
+furent opérés par lui, et lorsque Louis XIV fut enfin décidé, il avait
+acquis l'expérience d'un chirurgien consommé dans cette partie de l'art
+opératoire.
+
+Pour faire l'incision de la fistule, Galien avait inventé un instrument
+d'une forme particulière, auquel il avait donné le nom de syringotome,
+du nom même de la fistule--(_syrinx_, flûte). C'était un bistouri en
+forme de croissant, à manche contourné, et dont la pointe était terminée
+par un stylet long, pointu et flexible. On introduisait la pointe dans
+l'ouverture extérieure de la fistule et on poussait le stylet jusque
+dans l'intestin; le doigt indicateur de la main gauche, placé dans le
+rectum, ramenait la pointe par l'anus, puis la lame du bistouri, poussée
+dans la fistule, achevait l'incision. Félix fit subir à l'instrument de
+Galien un notable changement. Il fit faire un simple bistouri courbe, à
+lame très-étroite, terminée, comme le syringotome, par un stylet, mais
+en argent recuit, et long de plusieurs pouces. Le tranchant de la lame
+était recouvert d'une chape d'argent faite exprès pour être introduite
+dans la fistule sans blesser les parties. Cet instrument ainsi disposé,
+on poussait le stylet dans la fistule et on le ramenait par le
+fondement; puis, le bistouri étant entré après le stylet, on retirait
+doucement la chape qui enveloppait le tranchant, et tenant d'une main
+le bout du stylet et de l'autre le manche du bistouri, en tirant à soi
+on tranchait tout d'un coup toute la fistule.
+
+Cet instrument, dont Félix se servit pour le roi, reçut depuis ce moment
+le nom de _bistouri à la royale_.
+
+Ce fut le 18 novembre 1686 qu'eut lieu l'opération.
+
+Qu'on nous pardonne les détails peut-être un peu minutieux dans lesquels
+nous allons entrer; mais, outre qu'il s'agit d'une opération qui, par
+son retentissement et son succès, changea toutes les idées reçues à
+cette époque, il s'agit encore d'un fait historique que l'on peut encore
+suivre _sur place_ dans ses plus petits incidents.
+
+Le roi était à Fontainebleau lorsque l'opération fut arrêtée. Afin de
+s'y préparer et en même temps pour ôter tout soupçon de ce qui allait se
+passer, deux médecines lui furent administrées dans ce séjour. Arrivé à
+Versailles le 15 novembre, rien ne décéla en lui la grave détermination
+qu'il avait prise. Le dimanche 17, veille de l'opération, il monta à
+cheval, alla visiter ses jardins, ses réservoirs et les nombreux travaux
+en cours d'exécution, et parut fort tranquille et fort gai pendant tout
+le cours de la promenade[39].
+
+La chambre à coucher de Louis XIV, dans laquelle il fut opéré, n'était
+point celle connue aujourd'hui sous ce nom: elle était située dans la
+pièce précédant celle-ci et portant actuellement le nom si célèbre de
+salon de l'Œil-de-Bœuf. Ce salon de l'Œil-de-Bœuf était alors coupé
+en deux; la pièce la plus rapprochée de la chambre à coucher actuelle
+était la chambre du roi, et l'autre pièce était un cabinet orné des
+tableaux du Bassan, portant pour cela le nom de cabinet des Bassans.
+
+Le lundi 18 novembre, de grand matin, tout se préparait dans le cabinet
+des Bassans pour la _grande opération_. Vers cinq heures, les
+apothicaires entrèrent chez le roi et lui administrèrent le lavement
+préparatoire. Un peu avant sept heures, Louvois alla prendre chez elle
+madame de Maintenon; ils entrèrent ensemble chez le roi, auprès duquel
+se trouvait déjà le père de la Chaise, son confesseur. Félix, d'Aquin,
+premier médecin du roi, Fagon, qui le devint quelques années après,
+Bessières, les quatre apothicaires du roi, et Laraye, _élève_ de Félix,
+mais que l'on appelait alors son _garçon_, étaient réunis dans le
+cabinet des Bassans pour préparer tout ce qui devait servir à
+l'opération.
+
+A sept heures, ils entrèrent dans la chambre du roi. Louis XIV ne parut
+nullement ému de leur présence; il fit approcher Félix, lui demanda
+l'usage de chacun des instruments et des diverses pièces de l'appareil,
+puis s'abandonna avec confiance à son talent.
+
+Le roi fut placé sur le bord de son lit, un traversin sous le ventre
+pour élever les fesses, tournées du côté de la fenêtre, les cuisses
+écartées et assujetties par deux des apothicaires.
+
+Voici comment procéda l'opérateur: Une petite incision, faite avec la
+pointe d'un instrument ordinaire, fut d'abord pratiquée à l'orifice
+externe de la fistule, afin de l'agrandir et de pouvoir plus facilement
+y introduire le bistouri à la royale. L'incision fut ensuite pratiquée
+avec cet instrument, à l'aide de la manœuvre déjà indiquée. Une fois le
+trajet fistuleux mis à découvert, il s'agissait de détruire les
+callosités qu'on supposait devoir empêcher la réussite de l'opération:
+huit coups de ciseaux enlevèrent toutes les callosités que Félix
+rencontra sous son doigt. Cette partie si douloureuse de l'opération fut
+supportée avec beaucoup de courage par Louis XIV: pas un cri, pas un mot
+ne lui échappa.
+
+L'opération terminée, on introduisit dans l'anus une grosse tente de
+charpie recouverte d'un liniment composé d'huile et de jaune d'œuf. On
+la fit entrer avec force, afin d'écarter les lèvres de la plaie; on
+garnit ensuite la plaie de plumasseaux, enduits du même liniment, et on
+appliqua les compresses et le bandage comme on le fait à présent.
+
+Rien ne saurait dire l'étonnement dans lequel fut toute la cour lorsque
+l'on apprit que le roi venait de subir une opération que chacun
+regardait comme si dangereuse. Le récit fait de cet événement par le
+_Mercure Galant_, journal officiel de la cour, fera mieux comprendre
+qu'on ne pourrait le dire l'effet produit par cette nouvelle
+inattendue.--«Quoique le roi, dit-il, fût dans une santé parfaite, à la
+réserve de l'incommodité qui lui était survenue il y a environ onze
+mois, et qu'il fût même en état de monter à cheval et de chasser, comme
+il faisait très-souvent, Sa Majesté, qui vit qu'elle courait risque de
+souffrir toute sa vie de cette sorte d'incommodité, à laquelle sont
+sujets tous ceux qui manquent du courage nécessaire pour s'en tirer,
+prit une résolution digne de sa fermeté; et, comme ce mal était grand
+plutôt par la douleur que l'opération lui devait faire souffrir que par
+la nature dont il était, il cacha ce qu'il avait résolu de faire, comme
+il fait de toutes les choses qu'il juge à propos de tenir secrètes. Il
+savait l'inquiétude que donnerait le mal qu'il devait endurer, et ne
+doutait point que la crainte de quelque accident et l'amour qu'on a pour
+lui ne fissent trouver des raisons pour l'en détourner. Mais ce prince
+voulait souffrir, afin d'être plus en état de travailler sans cesse pour
+le bien et pour le repos de ses sujets; et pour éviter les contestations
+qui se pourraient former là-dessus, il aima mieux se charger de toute la
+douleur que de jouir du soulagement d'être plaint, ce qui console
+beaucoup ceux qui souffrent. D'ailleurs, il savait que ce bruit, venant
+à se répandre, aurait jeté de la crainte et de l'abattement dans tous
+les cœurs, et qu'il rendrait incapables d'agir tous ceux qui étaient
+occupés pour les affaires de l'État, et il voulait endurer seul, sans
+que l'État en souffrît un seul moment. Ainsi ayant pris sa résolution,
+il travailla à la faire exécuter sans que l'on s'en aperçût. Comme
+jamais prince ne sut régner sur lui-même avec tant d'empire, il en vint
+à bout sans peine. Il se purgea deux fois à Fontainebleau, parce que
+venant ensuite à Versailles, ce changement de lieu devait ôter l'idée
+qu'on aurait pu prendre, s'il avait été possible qu'on eût soupçonné
+quelque chose de son dessein. Il monta à cheval le dimanche 17 de ce
+mois, soupa ce jour-là avec la famille royale, et s'informa de
+Monseigneur où était le rendez-vous de chasse le lendemain. On connut le
+jour suivant que ce prince, quoiqu'il dût alors sentir les premières
+atteintes de la peur que lui pouvait causer l'opération, avait demandé
+ce rendez-vous d'une âme tranquille, afin que s'il arrivait quelque
+accident, il pût en faire avertir Monseigneur. On a même remarqué qu'il
+se coucha ce soir-là plus tard qu'à l'ordinaire. Il marqua pour le lundi
+18, l'heure de son lever, où la plus grande partie de la cour se trouve
+ordinairement. Il avait pris la sienne plus matin pour l'opération. Ceux
+qui devaient y travailler, ou dont la présence était nécessaire,
+entrèrent par différents endroits, ce qui empêcha qu'on en eût aucun
+soupçon. Quoique je ne fasse point ici le détail du reste, je puis vous
+dire qu'il s'y passa mille choses dignes de l'inébranlable fermeté du
+roi. Il voulut voir tout ce qui devait le faire souffrir et ne fit que
+sourire au lieu d'en paraître étonné. Il fit ensuite ce qu'un prince
+aussi chrétien que lui doit faire en de pareilles occasions et souffrit
+patiemment, étant toujours dans l'état d'un homme libre et qui est
+assuré d'être maître de sa douleur. Aucun cri ne lui échappa, et loin de
+témoigner de la crainte, il demanda si on ne l'avait point épargné,
+parce qu'il avait recommandé sur toutes choses de ne le pas faire. Sitôt
+qu'on eut achevé l'opération, la porte fut ouverte à ce qu'on appelle la
+première entrée, c'est-à-dire aux personnes qui ont droit d'entrer les
+premières au lever. Les autres n'entrèrent pas, parce qu'il n'y eut
+point de lever.
+
+«Le bruit de cette opération s'étant répandu dans Versailles, comme on
+s'imagine toujours voir les maux que l'on craint, quand même ils ne
+seraient point à craindre, la douleur parut sur tous les visages, et
+l'on eût dit à voir le roi que ce monarque était le seul qui se portait
+bien. Ayant remarqué qu'on ne faisait aucun bruit, il ordonna que toutes
+choses se fissent à l'ordinaire, tint conseil dès le jour même, et
+permit dès le lendemain aux ministres étrangers de le saluer. Quoique de
+semblables maux aient accoutumé de causer un peu de fièvre, sans
+pourtant qu'il y ait sujet d'en appréhender aucune suite fâcheuse, il
+semble que le ciel, pour ne nous pas alarmer, n'ait pas voulu qu'il en
+eût le moindre ressentiment.»
+
+A ces détails, _Dangeau_ ajoute: «Dès que l'opération fut faite, le roi
+l'envoya dire à Monseigneur, qui était à la chasse, à madame la
+Dauphine, dès qu'elle fut éveillée, à Monsieur et à Madame, qui étaient
+à Paris, et à M. le prince et à M. le duc, qui étaient à Fontainebleau,
+auprès de madame la duchesse de Bourbon, leur défendant de venir. Dès
+l'après-dîner, le roi tint son conseil; il vit beaucoup de courtisans,
+et voulut qu'il y eût appartement et que l'on commençât le grand jeu de
+reversi qu'il avait ordonné à Fontainebleau. Madame de Montespan partit
+en diligence pour venir trouver le roi; mais ayant appris à Essone que
+le roi se portait très-bien, elle retourna auprès de madame de Bourbon.
+Monseigneur, apprenant la nouvelle, quitta la chasse et revint ici à
+toute bride et en pleurant.»
+
+Dans son journal, Dangeau nous a conservé jour par jour l'état du roi
+après son opération. L'on y voit que les premiers jours se passèrent
+fort bien. Les pansements se faisaient avec régularité, et le malade
+n'en éprouvait aucune douleur, tout enfin semblait annoncer une guérison
+solide et prompte; mais, soit que l'on se fût trop vite empressé de
+diminuer la grosseur de la mèche, soit pour tout autre motif, l'on
+s'aperçut le quinzième jour qu'une partie des bords s'étaient cicatrisés
+avant le fond, et que la fistule menaçait de reparaître de nouveau. Le 6
+décembre, l'on chercha à détruire, par quelques légers coups de ciseaux,
+cette cicatrisation trop rapide, mais sans obtenir le résultat désiré.
+Enfin, le lundi 7 décembre, c'est-à-dire vingt et un jours après la
+première opération, l'on fut obligé de détruire la nouvelle cicatrice, à
+l'aide de plusieurs incisions, et de mettre à nu le fond de la fistule.
+
+Le roi supporta cette seconde opération avec beaucoup de courage, mais
+il paraît qu'elle fut extrêmement douloureuse, car pendant plusieurs
+jours il renvoya son conseil, ce qui n'était pas arrivé la première
+fois. Quoi qu'il en soit, de ce moment la cicatrisation marcha avec
+régularité, et le samedi 11 janvier 1687, cinquante-quatre jours après
+l'opération et trente-trois après les dernières incisions, le roi fut
+assez bien guéri pour sortir à pied de ses appartements et se promener
+pendant fort longtemps dans l'Orangerie.
+
+Louis XIV venait d'être débarrassé d'une grave infirmité, grâce à
+l'habileté de son chirurgien. Mais si le service était grand, la
+récompense fut royale. Félix reçut cinquante mille écus et la terre des
+_Moulineaux_, estimée à la même somme; d'Aquin, le premier médecin, cent
+mille livres; Fagon, quatre-vingt mille livres; les quatre apothicaires,
+chacun douze mille livres, et Leraye, l'élève de Félix, quatre cents
+pistoles; le tout formant un total de cinq cent soixante-douze mille
+livres, qui, comparé à la valeur actuelle de l'argent, représente
+presque un million!!!
+
+La réussite de l'opération pratiquée à Louis XIV, en mettant le comble
+à la réputation de Félix, mit aussi à la mode son procédé; et il fut
+facile de constater immédiatement son efficacité, car depuis l'opération
+faite au roi, il semblait que tout le monde fût attaqué de la fistule.
+«C'est une maladie, dit Dionis, qui est devenue à la mode depuis celle
+du roi. Plusieurs de ceux qui la cachaient avec soin avant ce temps
+n'ont plus eu honte de la rendre publique; il y a eu même des courtisans
+qui ont choisi Versailles pour se soumettre à cette opération, parce que
+le roi s'informait de toutes les circonstances de cette maladie. Ceux
+qui avaient quelque petit suintement ou de simples hémorroïdes ne
+différaient pas à présenter leur derrière au chirurgien pour y faire des
+incisions; j'en ai vu plus de trente qui voulaient qu'on leur fît
+l'opération, et dont la folie était si grande, qu'ils paraissaient
+fâchés lorsqu'on les assurait qu'il n'y avait point nécessité de la
+faire.»
+
+Tel est le récit de cette grande opération de Louis XIV. Ainsi, grâce à
+l'heureuse tentative de Félix; la méthode de l'incision a été remise en
+honneur, et par suite des travaux de la chirurgie moderne, ce mode
+opératoire, le plus généralement suivi, est devenu d'une telle
+simplicité, qu'il n'est pas nécessaire d'être le premier chirurgien d'un
+roi pour le pratiquer avec succès.
+
+
+
+
+IV
+
+MORT DE LOUVOIS.
+
+1691.
+
+
+Louvois mourut à Versailles dans l'ancien hôtel de la surintendance des
+bâtiments du roi[40], le 16 juillet 1691.
+
+La mort de Louvois fut un événement si important et donna lieu à tant de
+commentaires, qu'il n'est pas sans intérêt d'en rechercher les
+véritables causes.
+
+Depuis un certain temps Louvois, jusqu'alors si puissant, baissait dans
+la faveur du roi, et tout le monde s'attendait à une disgrâce prochaine
+du ministre. C'est dans ces circonstances que le 15 juillet 1691, il a,
+chez madame de Maintenon, une vive altercation avec Louis XIV.
+
+Cette scène est ainsi racontée, dans une note écrite par le duc de
+Luynes, sur le manuscrit de Dangeau[41]: «Nous avons déjà vu ce qui
+s'était passé au siége de Mons, et le mauvais gré que le roi fit à M. de
+Louvois de trouver le prince d'Orange si près de lui. On prétendit aussi
+qu'il imputa à ce ministre la levée du siége de Coni. Ajoutez à cela le
+bombardement de Liége, auquel le roi s'était opposé parce que des
+ennemis de M. de Louvois, ou de bons citoyens, avaient fait entendre à
+Sa Majesté que son ministre entretenait la haine de ses voisins par les
+cruautés qu'il faisait exercer partout. Il avait insisté sur le
+bombardement, qui se fit le 4 juin. Le roi avait déclaré précisément
+qu'il n'en voulait rien faire, et enfin ce ministre fut obligé d'avouer
+qu'il n'était plus temps de s'en dédire, parce que les ordres étaient
+donnés. Cette explication se passait chez madame de Maintenon. Le roi,
+qui d'ailleurs était mal disposé par ce que nous venons de dire, et
+parce qu'en général toutes les choses violentes lui répugnaient, fut
+indigné de tant de précipitation et lui laissa voir son ressentiment. M.
+de Louvois, qui n'était pas accoutumé à être contredit, au lieu de
+chercher à se justifier, répondit au roi assez brusquement et jeta son
+portefeuille sur la table du roi. Le roi se leva et prit sa canne.
+Madame de Maintenon, craignant l'effet de la colère de Sa Majesté, se
+mit entre elle et son ministre; mais le roi la rassura en lui disant
+qu'il n'avait eu nulle intention.»
+
+M. de Louvois se retira et rentra chez lui tout ému. Cependant le
+lendemain 16, il alla comme à l'ordinaire chez le roi pour travailler
+avec lui; mais à peine eut-il commencé la lecture d'une dépêche, qu'il
+se sentit indisposé, se retira dans son appartement et mourut au bout de
+quelques instants, malgré les soins rapides qui lui furent donnés.
+
+Une mort aussi prompte et dans de pareilles circonstances, fit
+généralement croire à un empoisonnement. Dangeau et Saint-Simon en
+parlent dans ce sens: «Le 16 juillet, dit ce dernier, j'étais à
+Versailles... sortant le même jour du dîner du roi, je le rencontrai
+(Louvois) au fond d'une très-petite pièce qui est entre la grande salle
+des gardes et ce grand salon qui donne sur la petite cour des Princes.
+M. de Marsan lui parlait, et il allait travailler chez madame de
+Maintenon avec le roi, qui devait se promener après dans les jardins de
+Versailles à pied, où les gens de la cour avaient la liberté de le
+suivre. Sur les quatre heures après-midi du même jour, j'allai chez
+madame de Châteauneuf, où j'appris qu'il s'était trouvé un peu mal chez
+madame de Maintenon, que le roi l'avait forcé de s'en aller, qu'il était
+retourné à pied chez lui, où le mal avait subitement augmenté; qu'on
+s'était hâté de lui donner un lavement qu'il avait rendu aussitôt, et
+qu'il était mort en le rendant, et demandant son fils Barbésieux, qu'il
+n'eut pas le temps de voir, quoique celui-ci accourût de sa chambre.»
+
+«La soudaineté du mal et de la mort de Louvois fit tenir bien des
+discours, bien plus encore _quand on sut par l'ouverture de son corps
+qu'il avait été empoisonné_. Il était grand buveur d'eau, et en avait
+toujours un pot sur la cheminée de son cabinet, à même duquel il buvait.
+On sut qu'il en avait bu ainsi en sortant pour aller travailler avec le
+roi, et qu'entre sa sortie de dîner avec bien du monde, et son entrée
+dans son cabinet pour prendre les papiers qu'il voulait porter à son
+travail avec le roi, un frotteur du logis était entré dans ce cabinet,
+et y était resté quelques moments seul. Il fut arrêté et mis en prison.
+Mais à peine y eut-il demeuré quatre jours, et la procédure commencée,
+qu'il fut élargi par ordre du roi, ce qui avait déjà été fait, jeté au
+feu, et défense de faire aucune recherche. Il devint même dangereux de
+parler là-dessus, et la famille de Louvois étouffa tous ces bruits,
+d'une manière à ne laisser aucun doute que l'ordre très-précis n'en eût
+été donné.»
+
+Puis, comme si ce n'était pas encore assez de toutes ces insinuations
+pour prouver l'empoisonnement, Saint-Simon ajoute l'histoire suivante du
+médecin de Louvois, qui, dit-il, lui fut racontée par un gentilhomme
+attaché à la maison de ce ministre. «Il m'a conté, dit Saint-Simon,
+étant toujours à madame de Louvois depuis la mort de son mari, que
+_Séron_, médecin domestique de ce ministre, et qui l'était demeuré de
+madame de Barbésieux, logé dans la même chambre au château de
+Versailles, dans la surintendance que Barbésieux avait conservée
+quoiqu'il n'eût pas succédé aux bâtiments, s'était un jour barricadé
+dans cette chambre, seul, quatre ou cinq mois après la mort de Louvois;
+qu'aux cris qu'il y fit on était accouru à sa porte, qu'il ne voulut
+jamais ouvrir; que ces cris durèrent presque toute la journée, sans
+qu'il voulût ouïr parler d'aucun secours temporel ni spirituel, ni qu'on
+pût venir à bout d'entrer dans sa chambre; que sur sa fin on l'entendit
+s'écrier qu'il n'avait que ce qu'il méritait, que ce qu'il avait fait à
+son maître, qu'il était un misérable indigne de tout secours; et qu'il
+mourut de la sorte en désespéré au bout de huit ou dix heures, sans
+avoir jamais parlé de personne, ni prononcé aucun nom.--A cet événement
+les discours se réveillèrent à l'oreille; il n'était pas sûr d'en
+parler. Qui a fait le coup? C'est ce qui est demeuré dans les plus
+épaisses ténèbres.»
+
+Le récit de Saint-Simon et les détails circonstanciés dans lesquels il
+entre, semblent ne point devoir laisser de doutes sur la nature de la
+mort de Louvois. Aussi les historiens, tout en admettant avec une
+certaine circonspection les insinuations de Saint-Simon, n'ont-ils
+jamais repoussé complétement l'idée du poison. Une phrase de son récit,
+si elle était vraie, serait surtout la preuve certaine de
+l'empoisonnement; c'est celle-ci: _On sut par l'ouverture de son corps
+qu'il avait été empoisonné_. En effet, si les médecins ont constaté la
+présence du poison, il ne peut plus y avoir d'incertitude que sur la
+main qui a commis le crime et sur _la personne qui l'a commandé_. Eh
+bien, cette affirmation de Saint-Simon est tout à fait démentie par
+l'ouverture du corps de Louvois, et si les historiens n'ont pas été plus
+affirmatifs, c'est qu'ils n'ont pas eu connaissance de ce document,
+enfoui dans un livre de médecine, où ils étaient bien éloignés d'aller
+chercher une pièce si importante.
+
+Dionis était le chirurgien de Louvois. C'était un chirurgien fort
+instruit. Il publia plusieurs ouvrages encore recherchés aujourd'hui
+pour les observations curieuses qu'ils renferment. Dans l'un de ces
+ouvrages intitulé _Dissertation sur la mort subite_[42], voici comment
+il raconte la mort de Louvois: «Le 16 juillet 1691, M. le marquis de
+Louvois, après avoir dîné chez lui en bonne compagnie, alla au conseil.
+En lisant une lettre au roi, il fut obligé d'en cesser la lecture, parce
+qu'il _se sentait fort oppressé_; il voulut en reprendre la lecture,
+mais ne pouvant pas la continuer, il sortit du cabinet du roi, et,
+s'appuyant sur le bras d'un gentilhomme à lui, il prit le chemin de la
+surintendance où il était logé.
+
+»En passant par la galerie qui conduit de chez le roi à son appartement,
+il dit à un de ses gens de me venir chercher au plus tôt. J'arrivai dans
+sa chambre comme on le déshabillait; il me dit: Saignez-moi vite, car
+j'étouffe. Je lui demandai s'il sentait de la douleur plus dans un des
+côtés de la poitrine que dans l'autre; il me montra la région du cœur,
+me disant: Voilà où est mon mal. Je lui fis une grande saignée en
+présence de M. _Séron_, son médecin. Un moment après, il me dit:
+Saignez-moi encore, car je ne suis point soulagé. M. _d'Aquin_ et M.
+_Fagon_ arrivèrent qui examinèrent l'état fâcheux où il était, le voyant
+souffrir avec des angoisses épouvantables; il sentit un mouvement dans
+le ventre comme s'il voulait s'ouvrir; il demanda la chaise, et, peu de
+temps après s'y être mis, il dit: Je me sens évanouir. Il se jeta en
+arrière, appuyé sur les bras d'un côté de M. Séron, et de l'autre d'un
+de ses valets de chambre. Il eut des râlements qui durèrent quelques
+minutes, et il mourut.
+
+»On voulut que je lui appliquasse des ventouses avec scarifications, ce
+que je fis, on lui apporta et on lui envoya de l'eau apoplectique, des
+gouttes d'Angleterre, des eaux divines et générales; on lui fit avaler
+de tous ces remèdes qui furent inutiles, puisqu'il était mort, et en peu
+de temps, car il ne se passa pas une demi-heure depuis le moment qu'il
+fut attaqué de son mal jusqu'à sa mort.
+
+»Le lendemain, M. Séron vint chez moi me dire que la famille souhaitait
+que ce fût moi qui en fît l'ouverture. Je la fis en présence de MM.
+_d'Aquin_, _Fagon_, _Duchesne_ et _Séron_.
+
+»En faisant prendre le corps pour le porter dans l'antichambre, je vis
+son matelas tout baigné de sang; il y en avait plus d'une pinte qui
+avait distillé pendant vingt-quatre heures par les scarifications que je
+lui avais faites aux épaules; et ce qui est de particulier, c'est
+qu'étant sur la table, je voulus lui ôter la bande qui était encore à
+son bras de la saignée du jour précédent, et que je fus obligé de la
+remettre, parce que le sang en coulait, ce qui gâtait le drap sur lequel
+il était.
+
+»Le cerveau était dans son état naturel et très-bien disposé; _l'estomac
+était plein de tout ce qu'il avait mangé à son dîner_; il y avait
+plusieurs petites pierres dans la vésicule du fiel; _les poumons étaient
+gonflés et pleins de sang_; le cœur était gros, flétri, mollasse et
+semblable à du linge mouillé, n'ayant pas une goutte de sang dans ses
+ventricules.
+
+»On fit une relation de tout ce qu'on avait trouvé, qui fut portée au
+roi, après avoir été signée par les quatre médecins que je viens de
+nommer, et par quatre chirurgiens, qui étaient MM. _Félix_, _Gervais_,
+_Dutertre et moi_:
+
+«_Le jugement certain qu'on peut faire de la cause de cette mort, est
+l'interception de la circulation du sang; les poumons en étaient pleins,
+parce qu'il y était retenu, et il n'y en a point dans le cœur, parce
+qu'il n'y en pouvait point entrer; il fallait donc que ses mouvements
+cessassent, ne recevant point de sang pour les continuer: c'est ce qui
+s'est fait aussi, et ce qui a causé une mort si subite._»
+
+Telle est l'opinion des hommes de l'art; c'est à une _apoplexie
+pulmonaire_ qu'ils attribuent avec juste raison la cause de la mort, et
+l'on ne voit nulle part qu'ils aient parlé d'empoisonnement, ainsi que
+l'affirme Saint-Simon. D'ailleurs Louvois était menacé depuis longtemps
+de cette affection; il éprouvait fréquemment des oppressions. Les
+médecins cherchaient à les combattre, en lui donnant les eaux de forges,
+qu'il allait prendre tous les matins dans l'Orangerie, _où le suivaient
+ses commis pour ne pas discontinuer son travail ordinaire_[43].
+
+Il résulte de ces faits que Louvois a été frappé d'une attaque
+d'apoplexie pulmonaire, et qu'il faut reléguer au rang des fables tous
+les bruits d'empoisonnement répandus à sa mort, et recueillis avec
+avidité par le caustique Saint-Simon.
+
+L'appartement occupé par Louvois était au premier étage de l'hôtel de la
+surintendance; cet appartement a vue sur le parc du côté de la petite
+Orangerie. Cela explique le passage de Saint-Simon, dans lequel il parle
+de la promenade de Louis XIV le jour de la mort de son ministre.
+«Quoique je n'eusse guère que quinze ans, je voulus voir la contenance
+du roi à un événement de cette qualité. J'allai l'attendre, et le suivis
+toute sa promenade. Il me parut avec sa majesté accoutumée, mais avec
+je ne sais quoi de leste et de délivré, qui me surprit assez pour en
+parler après, d'autant plus que j'ignorais alors et longtemps depuis les
+choses que je viens d'écrire. Je remarquai encore qu'au lieu d'aller
+visiter ses fontaines et de diversifier sa promenade, comme il faisait
+toujours dans ces jardins, il ne fit qu'aller et venir _le long de la
+balustrade de l'Orangerie_, d'où il voyait en revenant vers le château
+le logement de la surintendance où Louvois venait de mourir, qui
+terminait l'ancienne aile[44] du château sur le flanc de l'Orangerie, et
+vers lequel il regarda sans cesse toutes les fois qu'il revenait vers le
+château.»
+
+Le corps de Louvois fut porté aux Invalides. Voici son acte de décès tel
+qu'il est inscrit sur les registres de la paroisse Notre-Dame de
+Versailles:
+
+«Le seizième jour de juillet mil six cent quatre-vingt-onze, est décédé
+au château, dans l'appartement de la surintendance, très-haut et
+puissant seigneur monseigneur Michel-François le Tellier, marquis de
+Louvois, ministre et secrétaire d'État, surintendant des bâtiments, des
+fortifications, des arts et manufactures de France, grand maître des
+postes, vicaire général de l'ordre de Saint-Lazare, commandeur et
+chancelier des ordres du roi, âgé de cinquante-deux ans, dont le corps
+ayant d'abord été apporté en cette église paroissiale, a été ensuite
+transporté à Paris, dans l'hôtel royal des Invalides, pour être inhumé
+dans l'église; ses entrailles laissées à Meudon, aux révérends pères
+capucins, et son cœur porté aux capucines de la rue Saint-Honoré, par
+moi soussigné, supérieur de la maison de la congrégation de la Mission
+de Versailles et curé de la même ville, en présence de MM. Henri Moreau
+et François Maricourt, qui ont signé: Moreau, de Maricourt, prêtres de
+la congrégation de la Mission. Et plus bas, signé: Hébert.»
+
+
+
+
+V
+
+L'APPARTEMENT DE MADAME DE MAINTENON.
+
+1686-1715.
+
+
+Saint-Simon, voulant faire connaître les particularités de la vie privée
+de Louis XIV et de madame de Maintenon, dit dans un endroit de ses
+_Mémoires_: «Je me trouve, je l'avoue, entre la crainte de quelques
+redites et celle de ne pas expliquer assez en détail des curiosités que
+nous regrettons dans toutes les histoires et dans presque tous les
+Mémoires des divers temps. On voudrait y voir les princes, avec leurs
+maîtresses et leurs ministres, dans leur vie journalière. Outre une
+curiosité si raisonnable, on en connaîtrait bien mieux les mœurs du
+temps et le génie des monarques, celui de leurs maîtresses et de leurs
+ministres, de leurs favoris, de ceux qui les ont le plus approchés, et
+les adresses qui ont été employées pour les gouverner ou pour arriver
+aux divers buts qu'on s'est proposés. Si ces choses doivent passer pour
+curieuses, et même pour instructives dans tous les règnes, à plus forte
+raison d'un règne aussi long et aussi rempli que l'a été celui de Louis
+XIV, et d'un personnage unique dans la monarchie depuis qu'elle est
+connue, qui a, trente-deux ans durant, revêtu ceux de confidente, de
+maîtresse, d'épouse, de ministre, et de toute-puissante, après avoir été
+si longuement néant, et, comme on dit, avoir si longtemps et si
+publiquement rôti le balai.» Ces réflexions de Saint-Simon peuvent
+également s'appliquer aux recherches des lieux habités par les mêmes
+personnages, et en particulier à Versailles, cette magnifique création
+de Louis XIV; on voudrait pouvoir connaître l'histoire de chacune des
+chambres de ce palais, surtout de ces petits appartements, dans lesquels
+on vit l'amour, la jalousie, l'ambition, la haine, toutes les plus
+mauvaises passions du cœur humain s'agiter si longtemps pour donner le
+spectacle de ces élévations et de ces chutes de favoris et de maîtresses
+qui ont eu tant d'influence sur les destinées de la France dans le
+dernier siècle. Malheureusement le château de Versailles a subi de
+nombreux changements depuis Louis XIV jusqu'à nos jours, et il est
+difficile de se reconnaître au milieu de toutes ces transformations.
+
+L'un des appartements que l'on désire généralement le plus connaître, et
+sur lequel il y a eu jusqu'à ce jour le plus d'obscurité, est celui de
+madame de Maintenon, de cette femme extraordinaire qui, de la position
+la plus humble, s'éleva jusqu'au titre d'épouse du roi, et gouverna
+pendant plus de trente ans et le monarque et le royaume.
+
+Nous avons étudié avec attention ce point de l'histoire du château de
+Versailles, comparé avec soin les divers documents qui peuvent
+l'éclairer, et nous croyons pouvoir établir d'une manière positive
+l'emplacement de cet appartement.
+
+L'opinion, aujourd'hui la plus répandue, est que cet appartement
+occupait quelques pièces situées derrière les petits appartements du
+roi, dans l'aile nord de la cour de marbre. C'est cette opinion que M.
+Vatout a adoptée dans son livre du _Palais de Versailles_; elle paraît
+avoir été suivie dans la réparation de cette partie du château,
+puisqu'on y signale plusieurs pièces comme ayant appartenu à
+l'appartement de madame de Maintenon, et que _Louis-Philippe_ y a fait
+placer le portrait de cette femme célèbre. Voici, du reste, ce que dit
+M. Vatout:
+
+SALLE DU DÉJEUNER.
+
+«Louis XVI avait l'habitude de déjeuner dans cette pièce avant de partir
+pour la chasse. Il y laissait entrer, pour les caresser, quatre chiens
+favoris qu'il aimait tant, que, dans la crainte de trop les fatiguer,
+les pages avaient ordre de les conduire en voiture à la chasse.
+
+»Louis-Philippe avait l'habitude de s'y reposer lorsqu'il allait visiter
+et suivre les travaux du Musée national de Versailles.
+
+»Cette pièce, éclairée sur la cour des Cerfs, faisait autrefois partie
+_du petit appartement de madame de Maintenon_. «Cet appartement, dit
+Saint-Simon, était au haut du grand escalier, de plain-pied avec
+l'appartement du roi[45].»
+
+Nous verrons plus tard où Saint-Simon plaçait cet appartement, et nous
+sommes encore étonné, après la description si claire qu'il en donne, que
+M. Vatout ait pu l'indiquer dans ce lieu.
+
+«La destruction de ce grand escalier, ajoute M. Vatout, et les nombreux
+changements opérés par Louis XV dans cette partie intérieure du palais,
+ne permettent plus aujourd'hui que d'indiquer l'emplacement du logement
+occupé par cette femme célèbre. _Ce qu'il y a de certain_, c'est que la
+pièce qu'on appelle aujourd'hui _Salle du déjeuner_ faisait partie du
+salon par lequel le roi passait, en sortant de la salle à manger, pour
+se rendre dans le cabinet de madame de Maintenon. La petite galerie
+_Mignard_, avec ses deux salons, pouvait offrir à cet appartement de
+brillants accessoires, lorsqu'on y faisait de la musique ou qu'on y
+jouait la comédie.»
+
+Cette description ne laisse aucun doute, et l'on voit que M. Vatout
+place l'appartement de madame de Maintenon au haut du grand escalier
+des ambassadeurs[46], entre les grands et les petits appartements du
+roi, tandis que sa place véritable, comme on va le voir, était dans la
+partie opposée, c'est-à-dire au haut de l'escalier de marbre, et du côté
+des appartements de la reine.
+
+Mais avant d'aller plus loin, et pour bien comprendre ce que nous allons
+dire, il est nécessaire de jeter un coup d'œil sur la distribution des
+appartements du château à l'époque de Louis XIV.
+
+En 1671, _André Félibien_, historiographe des bâtiments du roi, publia
+une description de Versailles et des embellissements que Louis XIV y
+faisait exécuter. Les agrandissements successifs opérés dans le palais,
+et les nouveaux arrangements nécessités par le séjour du roi,
+déterminèrent _Félibien des Avaux_, son fils et son successeur dans
+l'emploi d'historiographe des bâtiments, à faire paraître une nouvelle
+description de Versailles. C'est cette nouvelle description, publiée en
+l'année 1703, qui va nous servir. Nous en rapporterons tout ce qui peut
+faire connaître d'une manière exacte la disposition des appartements, en
+retranchant ce qui est inutile à la solution de la question qui nous
+occupe; c'est, du reste, une description très-curieuse du Versailles de
+Louis XIV, et qui vaudrait la peine d'être publiée de nouveau.
+
+Félibien décrit d'abord les appartements du rez-de-chaussée, occupés
+d'un côté par le Dauphin et de l'autre par le duc du Maine, et nous
+ferons remarquer qu'il indique comme habité par le _duc du Maine_
+l'appartement des bains, situé sous les grands appartements du roi, car
+la situation de ce logement pourra nous servir à expliquer ce qui a pu
+faire croire que l'appartement de madame de Maintenon devait être de ce
+côté du château.
+
+Félibien ajoute ensuite[47]: «Aux côtés de la petite cour pavée de
+marbre du milieu du château, et aux côtés de la grande cour par où l'on
+a été voir les grands appartements bas, il y a huit escaliers outre ceux
+des quatre petites cours voisines. La plupart des uns et des autres
+servent à dégager les grands appartements hauts, et à monter à quantité
+d'autres appartements que les principaux officiers de la maison du roi,
+obligés par leurs charges d'être proche de la personne de Sa Majesté,
+occupent, tant dans les logements qui sont aux côtés des grands
+appartements, que dans les attiques et proche des combles du vieux et du
+nouveau château. Les deux escaliers les plus considérables servent pour
+monter aux appartements du roi. Ils sont enrichis de marbre et situés
+aux côtés de la grande cour proche des passages, où l'appartement des
+bains (pour le grand escalier des ambassadeurs) et l'appartement de
+Monseigneur (pour l'escalier de marbre) ont leurs principales entrées.
+
+»Le moins grand de ces deux escaliers, appelé le petit escalier de
+marbre, est auprès de ce dernier appartement où l'on entre même
+d'ordinaire par une porte qui est proche de la rampe de cet escalier. Il
+n'y en a pas de plus fréquenté et qu'on connaisse davantage dans
+Versailles. Trois arcades donnent d'abord entrée par la grande cour dans
+un vestibule fait en forme d'une double galerie voûtée de pierre et pavé
+de carreaux de marbre blanc et de marbre noir. C'est de là qu'on va à
+l'escalier proche duquel une des portes de l'appartement de Monseigneur
+est ouverte vers le midi. Une autre porte, vers l'occident, donne entrée
+dans la petite cour qui est environnée, de ce côté, des bâtiments du
+vieux et du nouveau château, et partagée par un corridor orné de
+colonnes. Tout l'escalier est pavé de marbre....
+
+»Sur le grand palier du haut, vers le midi, est une porte qui, de ce
+grand palier par le bout le plus proche du haut de la dernière rampe,
+conduit à l'appartement de la reine, occupé par madame la duchesse de
+Bourgogne. Et dans la face vers le septentrion, à l'autre bout du même
+palier, il y a une simple porte qui donne entrée dans les appartements
+du roi. Deux autres portes proche les précédentes servent, à l'autre
+bout de l'escalier vers l'orient, à entrer dans la grande salle des
+gardes, la plus proche de l'appartement de la reine. C'est en traversant
+un petit passage, qui est au bout de cette salle, qu'on peut aller par
+une autre grande salle (salle de 1792) à un petit appartement de jour de
+monseigneur le duc de Bourgogne (salles des Gouaches), et par la même
+salle à un grand escalier de pierre (des Princes), par où l'on va aux
+appartements de Monsieur, de Madame, de monseigneur le duc de Chartres
+et de madame la duchesse de Chartres (galerie des Batailles) qui, comme
+nous avons déjà dit, sont de plain-pied avec ceux du roi....
+
+»Tâchons à présent, par une description la plus sommaire qu'il nous sera
+possible, de faire connaître l'état où les appartements du roi et les
+autres appartements hauts du vieux et du nouveau château sont
+aujourd'hui.
+
+»Le premier appartement du roi, où l'on entre, comme nous avons dit, par
+le petit escalier de marbre du côté du septentrion, a vue sur la petite
+cour pavée de marbre, qu'il environne de trois côtés. Un vestibule que
+l'on trouve d'abord proche du petit escalier _sert vers l'orient à
+donner passage à un appartement particulier qu'occupe madame la marquise
+de Maintenon dans une des ailes de la grande cour_; et vers l'occident à
+entrer par une salle des gardes dans une antichambre où l'on sert le roi
+quand il mange en public.»
+
+Ainsi, il n'y a pas ici de termes ambigus; c'est sur le vestibule placé
+près du palier du petit escalier de marbre et en face de l'entrée de
+l'appartement de Louis XIV, que se trouvait l'appartement de madame de
+Maintenon. Nous reviendrons bientôt sur cet appartement, et nous allons
+continuer la description de celui du roi, en suivant toujours Félibien,
+afin de montrer qu'il indique la destination de toutes les pièces de cet
+appartement, et que l'endroit qu'il vient de désigner est le seul où
+l'on puisse placer l'habitation de cette femme célèbre:
+
+«Cette antichambre, _celle où le roi mangeait en public_, a depuis peu,
+vers le midi, une porte par où l'on entre dans un petit appartement de
+nuit de monseigneur le duc de Bourgogne (depuis petit appartement de la
+reine), que l'on a construit de nouveau au-dessus du corridor qui
+traverse en bas le milieu de la petite cour la plus proche de
+l'appartement de Monseigneur. Mais pour aller par la grande antichambre
+du roi dans l'appartement de Sa Majesté, on entre, vers l'occident, dans
+la chambre _des Bassans_, ainsi appelée à cause qu'il y a plusieurs
+tableaux de ces anciens maîtres au-dessus des portes et dans les
+lambris. Cette chambre a trois portes, outre celle de la grande
+antichambre par où l'on est entré. Une porte au midi conduit à un
+escalier de dégagement par où monseigneur monte de son appartement à
+celui du roi (cet escalier en pierre existe encore aujourd'hui,
+quoiqu'il ne soit plus d'aucun usage); une autre porte à l'occident
+conduit dans la grande galerie haute du nouveau château, du côté des
+jardins; et la troisième porte, au septentrion, est celle par où il faut
+passer dans la suite du premier appartement du roi, et premièrement dans
+la chambre à coucher de Sa Majesté.»
+
+Après la description de la chambre du roi et de son ameublement, il
+ajoute: «Les portes du côté de la cheminée donnent entrée vers le
+septentrion dans un grand salon carré, situé au milieu de l'ancien
+château, sur le vestibule pavé et lambrissé de marbre qu'on a remarqué
+en bas.... Ensuite du salon on trouve une autre pièce appelée _chambre
+du Conseil_. Le premier des cabinets du roi est entièrement revêtu de
+glaces.... On le nomme _cabinet des Termes_, parce que vingt figures de
+jeunes enfants en forme de Termes, qui soutiennent des festons dorés,
+ornent une manière d'attique élevée au-dessus de la corniche, dans le
+même cabinet[48]. Il reçoit son jour vers le septentrion, par la petite
+cour de l'appartement des bains.»
+
+Cette description de l'appartement du roi est curieuse en ce qu'elle
+nous donne l'époque exacte de l'établissement de la chambre à coucher
+dans laquelle mourut Louis XIV. En effet, l'on a pu voir dans les
+détails donnés par Félibien que ce que l'on nomme le _salon de
+l'Œil-de-bœuf_ était coupé en deux parties, dont l'une était occupée
+par une antichambre nommée des _Bassans_, et l'autre par la chambre à
+coucher du roi, tandis que la chambre à coucher actuelle, qui occupe le
+centre du château, était un grand salon de réception, probablement
+l'ancien grand salon de Louis XIII.
+
+C'est en 1703 que Félibien des Avaux fit paraître sa _Description
+sommaire de Versailles_. Mais à la fin de ce même volume, dans un
+chapitre intitulé _Changements qui ont été faits à Versailles, en divers
+endroits du château, pendant l'impression de ce volume_, voici ce qu'il
+dit de l'appartement du roi: «On voit un nouveau salon qui ne surprend
+pas moins par sa richesse que par sa grandeur. Il contient tout l'espace
+d'une seconde antichambre et d'une chambre où l'on a vu jusqu'ici le lit
+du roi: ainsi ce nouveau salon a au moins soixante pieds de longueur sur
+environ vingt-six de largeur, et son exhaussement, qu'on a beaucoup
+augmenté, a donné moyen de faire une ouverture ovale de fenêtre dans le
+haut de l'extrémité vers le midi--que l'on nomme un œil-de-bœuf--pour
+donner plus de jour au salon. L'on ne peut trop considérer dans la
+chambre du roi, qui servait autrefois de salon, les changements qu'on y
+a faits et les ornements nouveaux dont on l'a embellie. Elle est toute
+boisée et presque entièrement dorée sur un fond blanc, ainsi que le
+grand salon, mais ornée avec encore plus de magnificence. La cheminée
+est placée à présent vers le septentrion; son chambranle de marbre
+occupe le bas d'une grande arcade remplie de glaces de miroir, et dont
+le cintre est porté par des pilastres ioniques, et chargé d'une
+cassolette fumante, accompagnée de festons de fleurs, et de deux Zéphyrs
+figurés par des enfants en bas-reliefs, qui ont des ailes de papillon au
+dos. Il y a une semblable arcade vis-à-vis, aussi toute remplie de
+glaces et accompagnée d'ornements. L'on a doré de nouveau les pilastres,
+et tous les ouvrages de sculpture qu'on a conservés. Une grande arcade
+surbaissée sert du côté de l'occident, vis-à-vis des fenêtres, à
+augmenter la profondeur de cette chambre pour y placer plus commodément
+le lit du roi.»
+
+Il est donc évident que le salon dit de l'Œil-de-bœuf et la chambre
+actuelle du roi Louis XIV ne datent que de l'année 1703, c'est-à-dire de
+l'époque écoulée entre l'impression de l'ouvrage de Félibien et les
+additions qu'il a placées à la fin, avant de la livrer au public.
+
+Dans les changements qu'on venait de faire subir à l'appartement du roi,
+Félibien signale l'agrandissement de la salle du Conseil aux dépens du
+cabinet des Termes, qui, quoique plus petit, n'en continua pas moins
+d'exister.
+
+Félibien ajoute: «Le second cabinet, dans lequel on entre par le grand
+cabinet du Conseil et par l'ancien cabinet des Termes, et qui a vue vers
+le septentrion sur la même cour, et vers le midi sur la petite cour
+pavée de marbre, est orné de tableaux de tous côtés.» (Sous Louis XV,
+cette chambre fut agrandie du côté du nord, l'on boucha les fenêtres de
+ce côté, et elle devint la chambre à coucher du roi.) «La pièce suivante
+sert de vestibule à un escalier par où le roi descend de son appartement
+pour sortir du château, et sert à passer dans un autre cabinet, qu'une
+arcade et deux autres ouvertures moins grandes qui l'accompagnent
+unissent à la dernière pièce de l'enfilade. Ici une porte située au
+septentrion donne entrée dans un salon ovale tout doré et orné de
+pilastres et de quatre niches où l'on a placé autant de groupes de
+bronze. Enfin, dans ce salon ovale, une porte donne entrée dans un
+cabinet qui l'accompagne vers l'occident, et une autre porte vers
+l'orient conduit à la petite galerie peinte par _Mignard_, dont nous
+avons rapporté une description assez étendue, ainsi que des deux salons
+qui sont à ses extrémités.» Ici s'arrête la description des petits
+appartements du roi. Félibien décrit ensuite le grand escalier des
+ambassadeurs, les grands appartements du roi, la grande galerie et les
+appartements de la reine, qui ne sont point changés.
+
+En suivant pas à pas, sur les plans de _Blondel_, la description de
+Félibien, on voit que toutes les pièces de l'appartement du roi, qui y
+sont parfaitement indiquées, avaient toutes une destination, et qu'il
+est impossible d'y trouver un endroit pouvant s'appliquer à
+l'appartement de madame de Maintenon. Il faut donc absolument chercher
+cet appartement dans une autre partie du château.
+
+Nous avons dit que Félibien en plaçait la porte dans le vestibule qui
+servait d'entrée à l'appartement du roi: «Un vestibule que l'on trouve
+d'abord proche du petit escalier sert, vers l'orient, à donner passage à
+un appartement particulier qu'occupe madame la marquise de Maintenon
+dans une des ailes de la grande cour.» Malheureusement Félibien, si
+exact dans le détail des divers appartements qu'il décrit, mais voulant
+seulement faire connaître au public ceux qu'on pouvait visiter et qui
+étaient curieux par leurs ornements, les tableaux, les sculptures, ou
+les choses rares qu'ils contenaient, n'a parlé que des appartements du
+roi, de la reine et des princes, et n'a rien ajouté de plus sur celui de
+madame de Maintenon. Cependant cette indication est déjà une preuve de
+sa situation en ce lieu, et de la nécessité de ne point le chercher
+ailleurs.
+
+Voyons, maintenant que nous savons le lieu occupé par cet appartement,
+si nous trouverons quelque part des détails assez circonstanciés pour
+qu'il ne reste aucun doute, et que nous puissions, en quelque sorte, le
+rétablir comme il était à cette époque.
+
+Il était impossible que Saint-Simon, ce caustique et spirituel
+chroniqueur, qui passait, pour ainsi dire, tous ses jours dans le
+château de Versailles à suivre ses habitants, pour deviner leurs
+pensées, leurs actions, connaître les événements nouveaux et surtout les
+intrigues que ce peuple de courtisans faisait éclore et avorter à chaque
+instant, ne donnât pas quelques renseignements sur le lieu qu'habitait
+le plus célèbre de tous ces personnages, sur celui qui était devenu le
+véritable chef de l'État, et que Saint-Simon avait d'autant plus de
+motifs de faire connaître dans ses moindres actions, qu'il y cherchait
+presque toujours des raisons de faire excuser la haine qu'il lui
+portait.
+
+Il donne en effet dans ses _Mémoires_ une description si exacte et si
+minutieuse de l'appartement de madame de Maintenon, que l'on est étonné
+d'avoir vu sa place si longtemps ignorée.
+
+Voici à quelle occasion. Au mois de décembre 1708, le duc de Bourgogne
+revenait de sa campagne de Flandre, qui n'avait pas été heureuse. Il
+était attendu à la cour avec grande impatience; et tous ses amis
+redoutaient la réception qu'allait lui faire Louis XIV. Saint-Simon,
+très-attaché au duc de Bourgogne, raconte ainsi cette réception, dans
+laquelle il entre, pour la mieux faire comprendre, dans les plus
+minutieux détails:
+
+«Madame la duchesse de Bourgogne, dit-il, était dans une grande
+agitation de la réception que recevrait monseigneur le duc de Bourgogne,
+et de pouvoir avoir le temps de l'entretenir et de l'instruire avant
+qu'il pût voir le roi en personne. Je lui fis dire de lui mander
+d'ajuster son voyage de façon qu'il arrivât à une ou deux heures après
+minuit, parce que de la sorte, arrivant tout droit chez elle et ne
+pouvant voir qu'elle, ils auraient tout le temps de la nuit à être
+ensemble seuls, les premiers instants du matin avec le duc de
+Beauvillier et peut-être avec madame de Maintenon, et l'avantage encore
+que le prince saluerait le roi et Monseigneur avant que personne fût
+entré chez eux, et que personne n'y serait témoin de sa réception, à
+très-peu de valets près et même écartés. L'avis ne fut pas donné, ou,
+s'il le fut, il ne fut pas suivi. Le jeune prince arriva le lundi 11
+décembre, un peu après sept heures du soir, comme Monseigneur venait
+d'entrer à la comédie[49], où madame la duchesse de Bourgogne n'était
+pas allée pour l'attendre. Je ne sais pourquoi il vint descendre dans la
+_cour des Princes_ au lieu de la grande. J'étais en ce moment-là chez la
+comtesse de Roucy dont les fenêtres donnaient dessus. Je sortis
+aussitôt, et arrivant au haut du grand degré du bout de la galerie[50],
+j'aperçus le prince qui le montait, entre les ducs de Beauvillier et de
+la Rocheguyon, qui s'étaient trouvés à la descente de sa chaise. Il
+avait bon visage, gai et riant, et parlait à droite et à gauche. Je lui
+fis ma révérence au bord des marches. Il me fit l'honneur de
+m'embrasser, mais de façon à me marquer qu'il était encore plus instruit
+qu'attentif à ce qu'il devait à la dignité, et il ne parla plus qu'à moi
+un assez long bout de chemin, pendant lequel il me glissa bas qu'il
+n'ignorait pas comment j'avais parlé, et comment j'en avais usé à son
+égard. Il fut rencontré par un groupe de courtisans, à la tête desquels
+était le duc de la Rochefoucauld. Entouré de ce groupe, il traversa la
+grande salle des gardes, au lieu d'entrer chez madame de Maintenon par
+son antichambre de jour et par les derrières, bien que son plus
+court[51], et alla, par le palier du grand degré[52], entrer par la
+grande porte de l'appartement de madame de Maintenon[53]. C'était le
+jour du travail ordinaire de Pontchartrain, qui, depuis quelque temps,
+avait changé avec Chamillart du mardi au lundi. Il était alors en tiers
+avec le roi et madame de Maintenon, et le soir même il me conta cette
+curieuse réception, qu'il remarqua bien et dont il fut seul témoin. Je
+dis en tiers, parce que madame la duchesse de Bourgogne allait et
+venait; mais pour le bien entendre, il faut un moment d'ennui de
+mécanique.
+
+»L'appartement de madame de Maintenon était de plain-pied et faisant
+face à la salle des gardes du roi[54]. L'antichambre était plutôt un
+passage long en travers, étroit, jusqu'à une autre antichambre toute
+pareille de forme, dans laquelle les seuls capitaines des gardes
+entraient[55], puis une grande chambre profonde[56]. Entre la porte, par
+où l'on y entrait de cette seconde antichambre, et la cheminée[57],
+était le fauteuil du roi adossé à la muraille, une table devant lui, et
+un ployant autour pour le ministre qui travaillait. De l'autre côté de
+la cheminée une niche de damas rouge et un fauteuil ou se tenait madame
+de Maintenon avec une petite table devant elle. Plus loin son lit dans
+un enfoncement[58]. Vis-à-vis les pieds du lit une porte et cinq
+marches[59]. Puis un fort grand cabinet qui donnait dans la première
+antichambre de l'appartement de monseigneur le duc de Bourgogne, que
+cette porte enfilait, et qui est aujourd'hui l'appartement du cardinal
+de Fleury[60]. Cette première antichambre ayant à droite cet
+appartement, et à gauche ce grand cabinet de madame de Maintenon,
+descendait, comme encore aujourd'hui, par cinq marches dans le salon de
+marbre contigu au palier du grand degré au bout des deux galeries, haute
+et basse, dites de madame la duchesse d'Orléans, ou des Princes[61].
+
+«Tous les soirs, madame la duchesse de Bourgogne jouait dans le grand
+cabinet de madame de Maintenon avec les dames à qui on avait donné
+l'entrée, qui ne laissait pas d'être assez étendue, et de là, entrait,
+tant et si souvent qu'elle voulait, dans la pièce joignante, qui était
+la chambre de madame de Maintenon, où elle était avec le roi, la
+cheminée entre deux. Monseigneur, après la comédie, montait dans ce
+grand cabinet[62] où le roi n'entrait point, et madame de Maintenon
+presque jamais.
+
+»Avant le souper du roi, les gens de madame de Maintenon lui apportaient
+son potage avec son couvert, et quelque autre chose encore. Elle
+mangeait, ses femmes et un valet de chambre la servaient, toujours le
+roi présent, et presque toujours travaillant avec un ministre. Le souper
+achevé, qui était court, on emportait la table; les femmes de madame de
+Maintenon demeuraient, qui tout de suite la déshabillaient en un moment,
+et la mettaient au lit. Lorsque le roi était averti qu'il était servi,
+il passait un moment dans une garde-robe[63], allait après dire un mot à
+madame de Maintenon, puis sonnait une sonnette qui répondait au grand
+cabinet. Alors Monseigneur, s'il y était, monseigneur et madame la
+duchesse de Bourgogne, M. le duc de Berry, et les dames qui étaient à
+elle, entraient à la file dans la chambre de madame de Maintenon, ne
+faisaient presque que la traverser, et précédaient le roi qui allait se
+mettre à table suivi de madame la duchesse de Bourgogne et de ses dames.
+Celles qui n'étaient point à elle, ou s'en allaient, ou, si elles
+étaient habillées pour aller au souper, car le privilège de ce cabinet
+était d'y faire sa cour à madame la duchesse de Bourgogne sans l'être,
+faisaient le tour par la grande salle des gardes sans entrer dans la
+chambre de madame de Maintenon. Nul homme, sans exception que ces trois
+princes, n'entrait dans le grand cabinet. Cela expliqué, venons à la
+réception et à tout son détail, auquel Pontchartrain fut très-attentif,
+et qu'il me rendit tête à tête très-exactement une demi-heure après
+qu'il fut revenu chez lui[64].
+
+»Sitôt que de chez madame de Maintenon on entendit la rumeur qui précède
+de quelques instants ces sortes d'arrivée, le roi s'embarrassa jusqu'à
+changer diverses fois de visage. Madame la duchesse de Bourgogne parut
+un peu tremblante, et voltigeait par la chambre pour cacher son trouble,
+sous prétexte d'incertitude par où le prince arriverait, du _grand
+cabinet_ ou de l'_antichambre_. Madame de Maintenon était rêveuse. Tout
+à coup les portes s'ouvrirent. Le jeune prince s'avança au roi, qui,
+maître de soi plus que qui que ce fût, perdit à l'instant tout embarras,
+fit un pas ou deux vers son petit-fils, l'embrassa avec assez de
+démonstration de tendresse, lui parla de son voyage; puis, lui montrant
+la princesse:--Ne lui dites-vous rien? ajouta-t-il d'un visage riant. Le
+prince se retourna un moment vers elle, et répondit respectueusement
+comme n'osant se détourner du roi, et sans avoir remué de place. Il
+salua ensuite madame de Maintenon, qui lui fit fort bien. Ces propos de
+voyage, de couchées, de chemins durèrent ainsi et tout debout un
+demi-quart d'heure; puis le roi lui dit qu'il n'était pas juste de lui
+retarder plus longtemps le plaisir qu'il aurait d'être avec madame la
+duchesse de Bourgogne, et le renvoya, ajoutant qu'ils auraient loisir de
+se revoir. Le prince fit sa révérence au roi, une autre à madame de
+Maintenon, passa devant le peu de dames du palais qui s'étaient
+enhardies de mettre la tête dans la chambre, _au bas de ces cinq
+marches_, entra dans le _grand cabinet_, où il embrassa madame la
+duchesse de Bourgogne, y salua les dames qui s'y trouvèrent,
+c'est-à-dire les baisa, demeura quelques moments, et passa dans son
+appartement, où il s'enferma avec madame la duchesse de Bourgogne.
+
+»Leur tête-à-tête dura deux heures et plus; tout à la fin madame d'O y
+fut en tiers; presque aussitôt après, la maréchale d'Estrées y entra, et
+peu de moments après madame la duchesse de Bourgogne sortit avec elles,
+et revint dans le grand cabinet de madame de Maintenon. Monseigneur y
+vint à l'ordinaire au sortir de la comédie[65]; madame la duchesse de
+Bourgogne, en peine de ce que monseigneur le duc de Bourgogne ne se
+pressait point d'y venir saluer Monseigneur, l'alla chercher, et revint
+disant qu'il se poudrait; mais remarquant que Monseigneur n'était pas
+satisfait de ce peu d'empressement, elle envoya le hâter. Cependant la
+maréchale d'Estrées, folle et étourdie, et en possession de dire tout ce
+qui lui passait par la tête, se mit à attaquer Monseigneur de ce qu'il
+attendait si tranquillement son fils au lieu d'aller lui-même
+l'embrasser. Ce propos hasardé ne réussit pas. Monseigneur répondit
+sèchement que ce n'était pas à lui à aller chercher le duc de Bourgogne,
+mais au duc de Bourgogne à le venir trouver. Il vint enfin. La réception
+fut assez bonne, mais elle n'égala pas celle du roi à beaucoup près.
+Presque aussitôt le roi sonna, et on passa pour le souper[66].»
+
+Nous avons transcrit tout entière cette scène de la réception du duc de
+Bourgogne par le roi Louis XIV, malgré sa longueur, parce qu'elle donne
+les renseignements les plus exacts sur cet appartement de madame de
+Maintenon, tant cherché, et aussi parce que nous avons pensé qu'elle
+paraîtrait d'autant plus piquante qu'on pourrait la suivre dans tous
+ses détails sur les lieux mêmes.
+
+Il nous semble que d'après ces diverses descriptions de Félibien et de
+Saint-Simon, et en les comparant aux plans que Blondel a donnés des
+appartements du château de Versailles à l'époque de Louis XIV, il ne
+doit rester aucun doute dans l'esprit des personnes même les plus
+prévenues sur l'emplacement qu'occupait l'appartement de madame de
+Maintenon.
+
+Maintenant, quelle raison a donc pu faire indiquer comme _appartement de
+madame de Maintenon_ des chambres qui n'en ont jamais fait partie, et
+qui en sont même si éloignées?
+
+La seule véritable, c'est qu'au moment où l'on cherchait à retrouver,
+pour chacune des pièces des petits appartements, le nom qu'elles avaient
+dû avoir sous Louis XIV, on n'avait aucune donnée sur le lieu qu'avait
+occupé l'appartement de madame de Maintenon; et que comme il existait un
+petit escalier allant des petits appartements à l'appartement du
+rez-de-chaussée (ancien appartement des Bains), et portant encore le nom
+d'_escalier de Maintenon_, on supposa que l'appartement de la secrète
+épouse de Louis XIV avait dû ouvrir sur cet escalier, qui lui servait
+sans doute d'entrée particulière. De là la place qu'on lui donne dans
+tous les ouvrages modernes, et en particulier dans celui de M. Vatout.
+
+Mais ce nom de Maintenon, conservé à l'escalier dont nous parlons, et
+qui a induit en erreur l'_historiographe moderne des bâtiments du roi_,
+ne peut-il pas s'expliquer tout autrement?
+
+Félibien nous dit, dans sa description du château, que l'appartement
+_des Bains_, placé sous les grands appartements du roi, était occupé par
+le duc du Maine; or, tout le monde sait que madame de Maintenon est
+restée gouvernante de ce jeune prince jusqu'au moment de son élévation,
+et qu'elle allait fréquemment chez le roi, surtout dans les premiers
+temps de sa faveur. Eh bien, ne peut-on pas considérer comme à peu près
+certain que cet escalier, qui se rendait directement des appartements
+qu'elle habitait avec le duc du Maine dans ceux de Louis XIV, devait
+être celui qu'elle prenait pour y aller; d'où, par suite, lui serait
+venu le nom qu'il a conservé jusqu'à nos jours?
+
+Quelle que soit la valeur de cette explication, à laquelle nous
+attachons très-peu d'importance, toujours est-il qu'il résulte des
+descriptions de _Félibien_ et de _Saint-Simon_, comparées aux plans de
+_Blondel_, que l'appartement occupé par madame de Maintenon dans le
+château de Versailles était situé du côté des appartements de la reine,
+occupés alors par la duchesse de Bourgogne, derrière la grande salle des
+gardes du corps, de plain-pied avec l'appartement de Louis XIV, et
+ouvrant en face de ce dernier dans le vestibule placé au haut de
+l'escalier de marbre ou de la reine; et que cet appartement,
+successivement occupé sous Louis XV par le comte de Clermont, et sous
+Louis XVI par le maréchal de Duras, forme aujourd'hui trois des salles
+consacrées aux campagnes de 1793, 1794 et 1795.
+
+Tout en admettant cette conclusion, quelques personnes pourraient
+peut-être penser que dans les derniers temps de la vie de Louis XIV, et
+particulièrement après la mort du duc et de la duchesse de Bourgogne,
+madame de Maintenon vint habiter une autre partie du château; mais en
+lisant attentivement Saint-Simon, surtout lorsqu'il parle de la dernière
+maladie du roi, on voit qu'elle resta toujours dans le même appartement.
+
+«Toute la cour, dit-il, se tenait tout le jour dans la galerie. Personne
+ne s'arrêtait dans l'antichambre la plus proche de la chambre
+(l'Œil-de-bœuf) que les valets familiers, et la pharmacie, qui y
+faisaient chauffer ce qui était nécessaire; on y passait seulement, et
+vite, et d'une porte à l'autre. Les entrées passaient dans les cabinets
+par la porte de glace qui y donnait de la galerie qui était toujours
+fermée, et qui ne s'ouvrait que lorsqu'on y grattait, et se refermait à
+l'instant. Les ministres et les secrétaires d'État y entraient aussi, et
+tous se tenaient dans le cabinet qui joignait la galerie (le cabinet des
+Termes). Les princes du sang, ni les princesses filles du roi
+n'entraient pas plus avant, à moins que le roi ne les demandât, ce qui
+n'arrivait guère. Le maréchal de Villeroy, le chancelier, les deux
+bâtards, M. le duc d'Orléans, le père Tellier, le curé de la paroisse,
+quand Maréchal, Fagon et les premiers valets de chambre n'étaient pas
+dans la chambre, se tenaient dans le cabinet du Conseil, qui est entre
+la chambre du roi et un autre cabinet (des Termes), où étaient les
+princes et princesses du sang, les entrées et les ministres.
+
+»Le duc de Tresmes, premier gentilhomme de la chambre en année, se
+tenait sur la porte, entre les deux cabinets, qui demeurait ouverte, et
+n'entrait dans la chambre du roi que pour les moments de son service
+absolument nécessaire. Dans tout le jour personne n'entrait dans la
+chambre du roi que par le cabinet du Conseil, excepté ces valets
+intérieurs ou de la pharmacie qui demeuraient dans la première
+antichambre, _madame de Maintenon_ et les dames familières, et pour le
+dîner et le souper, le service et les courtisans qu'on y laissait
+entrer.»
+
+Ainsi, c'était par les antichambres, c'est-à-dire du côté où se trouvait
+l'appartement déjà indiqué de madame de Maintenon, qu'elle entrait dans
+la chambre du roi; et l'on ne concevrait pas qu'elle eût pris cette
+route, dans le cas où son logement eût été transféré de l'autre côté du
+château. Mais Saint-Simon ajoute encore plus loin quelque chose de plus
+positif. Après avoir raconté comment le roi, à l'extrémité, venait de
+recevoir les soins d'un _manant provençal, fort grossier, qui lui
+apportait un remède qui guérissait la gangrène_, il dit: «Madame de
+Maintenon venait de sortir de chez le roi, ses coiffes baissées, menée
+par le maréchal de Villeroy _par devant chez elle sans y entrer,
+jusqu'au bas du grand degré_, où elle leva ses coiffes. Elle embrassa le
+maréchal d'un œil fort sec, en lui disant: Adieu, monsieur le maréchal,
+monta dans un carrosse du roi qui la servait toujours, dans lequel
+madame de Caylus l'attendait seule, et s'en alla à Saint-Cyr, suivie de
+son carrosse où étaient ses femmes[67].»
+
+Comme il n'y a pas de doute, d'après ce que nous avons déjà expliqué,
+sur l'escalier appelé par Saint-Simon le _grand degré_, que c'est
+l'escalier de marbre existant encore aujourd'hui, il est donc évident
+que madame de Maintenon passait ainsi devant l'appartement que nous
+avons décrit, qu'elle habitait encore en 1715, à la mort de Louis XIV.
+
+Les recherches auxquelles nous nous sommes livré pour retrouver
+l'emplacement de l'appartement de madame de Maintenon, nous ont mis à
+même de relever une erreur assez grave du livre de M. Vatout. C'est à
+l'occasion du confessionnal de Louis XIV.
+
+L'on a vu sur le plan de Blondel, et d'après la description de Félibien,
+que la pièce où se trouve aujourd'hui le confessionnal formait un salon
+ovale, dont un côté ouvrait sur un cabinet et l'autre sur le salon
+précédant la galerie de Mignard. M. Vatout, qui a vu aussi ce salon sur
+le plan de Blondel, pense qu'il faisait partie, ainsi que le cabinet et
+la salle du déjeuner, de l'appartement de madame de Maintenon, puisqu'il
+dit: «La petite galerie Mignard, avec ses deux salons, pouvait offrir à
+cet appartement de brillants accessoires, lorsqu'on y jouait la
+comédie.» Ce qui ne l'empêche pas, quelques pages plus loin, d'y mettre
+le confessionnal de Louis XIV: «C'est là, dit-il; que s'agenouillait le
+grand roi; c'est là qu'il humiliait sa fierté devant Celui au nom duquel
+s'abaissent toutes les grandeurs de la terre.» Comme s'il était
+présumable que le roi eût été placer le mystérieux endroit où devait se
+dévoiler ses plus secrètes pensées au milieu même de l'appartement de la
+favorite! Nous ne faisons cette remarque que pour montrer la
+contradiction dans laquelle est tombé M. Vatout, car il est évident que
+le confessionnal de Louis XIV n'a jamais été placé dans ce lieu. Sous ce
+roi, s'y trouvaient le salon ovale et un cabinet. Sous Louis XV, d'après
+les changements indiqués dans l'un des plans de Blondel, on fit à la
+place du salon ovale un petit salon carré, et l'on établit une
+_garde-robe_ dans le cabinet. Enfin, sous Louis XVI, de nouveaux
+changements eurent encore lieu, le salon fut diminué, et l'on en fit un
+cabinet dans lequel fut placé le confessionnal du roi. C'est donc Louis
+XVI, et non Louis XIV, qui a fait mettre son confessionnal dans cet
+endroit. Nous ne savons si, sous Louis XVI, le capitaine des gardes se
+tenait l'épée à la main, pendant la confession, derrière la glace sans
+tain que l'on remarque dans la niche près du confessionnal; mais s'il en
+était ainsi sous Louis XIV, comme le dit M. Vatout, ce n'est point dans
+cet endroit qu'avait lieu cette _étrange habitude_.
+
+
+
+
+VI
+
+L'ANCIENNE MACHINE DE MARLY
+
+OU
+
+DE VILLE ET RENNEQUIN.
+
+
+Il n'existe peut-être pas de machine qui ait eu une réputation aussi
+colossale que l'ancienne machine de Marly. Son aspect gigantesque, sa
+complication apparente, le bruit extraordinaire produit par son
+mécanisme que l'on entendait d'une distance considérable, cette masse de
+charpentes et de chaînes de fer se mouvant continuellement depuis le
+bord de la Seine jusqu'au haut de la montagne de Louveciennes, tout
+enfin dans cette immense machine était fait pour étonner les regards et
+frapper l'imagination de la foule. Il semble que l'auteur d'un si
+étonnant travail n'a pu rester inconnu, et cependant, même aujourd'hui,
+l'on discute encore pour savoir qui il est. Ce fait, qui paraît
+extraordinaire, s'explique naturellement par l'usage où l'on était, sous
+Louis XIV, de faire tout au nom du roi ou de ses ministres, et de
+placer ainsi dans l'ombre et au rang de simples employés des bâtiments
+les véritables auteurs de la plupart des merveilles exécutées sous le
+règne du grand roi. Que l'on demande en effet aux historiens à qui sont
+dus les immenses travaux faits pour amener les eaux de l'Eure à
+Versailles, ou pour réunir les eaux de pluie et de neige à plus de dix
+lieues à la ronde, et les verser dans ces réservoirs, si heureusement
+alimentés aujourd'hui par la nouvelle machine hydraulique de la Seine;
+qu'on les interroge pour savoir les noms des habiles artistes qui ont
+exécuté les plus jolis arrangements des jardins de Versailles, et ces
+magnifiques jets d'eau si habilement et si élégamment disposés, ils
+nommeront Louis XIV, Colbert et Louvois, et à la suite Mansart et Le
+Nôtre; mais de l'abbé Picard, de Lahire, de Vauban, de Perrault, de
+Francine, etc., pas un mot; et il faut, comme nous l'avons fait, aller
+fouiller dans les archives, dans les registres des bâtiments, pour
+retrouver les véritables auteurs de tous ces beaux travaux. C'est là ce
+qui est arrivé aussi pour la machine de Marly. En n'allant pas chercher
+aux véritables sources, on s'en est rapporté à des on dit plus ou moins
+désintéressés, et aidé du merveilleux populaire, qui aime toujours à
+rencontrer des moyens extraordinaires dans l'exécution de choses qui lui
+paraissent extraordinaires, l'on a ainsi déplacé les rôles, et attribué
+à un seul, et encore à celui qui y a pris la moindre part, l'honneur de
+son invention. Reprenons donc un peu l'historique de la machine de
+Marly, et suivons-le d'après les documents authentiques, dont les pièces
+vont être mises sous les yeux du lecteur.
+
+Louis XIV venait de désigner Versailles pour son séjour habituel.
+Colbert, l'exécuteur des volontés du maître, donnait les ordres les plus
+précis pour hâter les travaux nécessaires à leur accomplissement. Une
+chose cependant semblait s'opposer aux désirs du roi, et paraissait
+condamner Versailles à n'être jamais qu'un séjour passager: c'était le
+manque d'eau. Mais le roi avait parlé, et son ministre avait fait un
+appel à tous ceux que leurs connaissances spéciales pouvaient mettre à
+même de résoudre cette importante question. Déjà, des travaux importants
+avaient été exécutés[68], et non-seulement les eaux de sources, mais
+encore des eaux recueillies sur les hauteurs environnant Versailles,
+commençaient à satisfaire les désirs du roi et de son ministre. Sur ces
+entrefaites, Colbert apprend qu'un gentilhomme liégeois, ingénieur
+lui-même, vient de faire exécuter dans le domaine des comtes de Marchin,
+seigneurs de Modave[69] une machine qui élève l'eau à une très-grande
+hauteur, et qui, appliquée à Versailles, pourrait amener les eaux de la
+Seine jusque dans cette ville. Il se hâte de lui écrire au nom du roi,
+et l'engage à venir examiner si, à l'aide d'une semblable machine,
+Versailles peut être alimenté des eaux qui lui manquent. Ce gentilhomme
+liégeois était le chevalier de Ville, baron libre du Saint-Empire
+romain[70]. Vivant dans un pays où l'on construisait de nombreuses
+machines pour épuiser les eaux souterraines qui nuisent à l'exploitation
+des houillères et des mines de charbon de terre, il s'était familiarisé
+avec l'étude de ces machines. Désirant élever l'eau du Hoyoux sur les
+hauteurs du domaine de Modave, il avait fait construire un de ces
+appareils déjà employés depuis longtemps dans les mines de Hongrie,
+lorsqu'il s'agissait de transmettre l'eau à de grandes distances,
+par-dessus de hautes montagnes[71]. Mais il dut principalement la
+réussite de son entreprise à l'habileté du constructeur chargé de son
+exécution, Rennequin Sualem, qu'une grande intelligence et une longue
+pratique avaient initié à toutes les difficultés de la mécanique.
+
+De Ville se rend aussitôt à l'invitation de Colbert, et arrive à
+Versailles, accompagné de Rennequin Sualem, car il sent que pour
+l'exécution de pareille entreprise il ne peut se passer de l'habile
+ouvrier dont il connaît par expérience toute la capacité.
+
+La réussite d'une mécanique assez puissante pour amener l'eau de la
+Seine jusqu'à Versailles demandait une chute considérable, pouvant faire
+mouvoir les grandes et nombreuses roues destinées à lui donner
+l'impulsion. De Ville suit la Seine dans tous ses contours, la sonde
+lui-même dans tous ses points, et trouve enfin, entre Chatou et la
+chaussée de Bougival, une chute assez forte pour la réussite de son
+entreprise[72].
+
+La chute trouvée, il fallait faire franchir à l'eau de la Seine la
+distance qui la séparait non-seulement de la hauteur de la montagne de
+Louveciennes, mais encore du sommet d'une tour élevée sur cette hauteur,
+et qui, dominant tout le pays, pouvait permettre d'envoyer cette eau
+soit à Versailles, point principal pour lequel on demandait
+l'établissement de cet instrument hydraulique, soit à Marly, dont le roi
+venait d'arrêter la construction, soit même à Saint-Germain[73]. De
+Ville se mit aussitôt au travail, fit les projets de cet immense
+appareil, les présenta au roi qui les adopta, et commença aussitôt les
+travaux.
+
+Il fallait, pour la bonne exécution de ces travaux, qu'ils fussent
+confiés à des hommes déjà au fait de ces sortes d'ouvrages. De Ville et
+Rennequin retournèrent à Liége et en ramenèrent une colonie d'ouvriers,
+charpentiers, menuisiers, forgerons, etc., et de plus de Ville passa des
+marchés avec les entrepreneurs de ce pays, en sorte que, corps de
+pompes, mécanismes, cuirs, fers, etc., tout vint de Liége[74].
+
+Toute la partie de la Seine comprise entre le Port-Marly et Bezons était
+à cette époque presque entièrement divisée en deux bras par une suite de
+petites îles. Pour que la navigation ne fût pas interrompue et avoir en
+même temps une grande partie des eaux du fleuve employée au mouvement de
+la machine, il fallait réunir toutes ces îles, n'en faire qu'une seule
+digue, et agrandir le bras de la rive droite afin d'en former un canal
+navigable. Ce fut le premier travail exécuté par de Ville[75]. Cette
+digue et ce canal, qui ont plus de 10,000 mètres de longueur, furent
+commencés au mois de mai 1681 et achevés au mois d'octobre de la même
+année. Pendant ce temps se construisait la machine. Toutes les maisons,
+terres, vignes, etc., comprises entre l'endroit où se trouvait la chute
+et les hauteurs de Louveciennes, avaient été achetées par le roi. De
+Ville s'établit dans l'une des maisons de la chaussée, afin de mieux
+surveiller les travaux; il y fait construire un modèle de la machine, et
+Rennequin Sualem, le constructeur et l'inspecteur de cette immense
+machine, y habite auprès de lui[76].
+
+La science de l'hydraulique était alors peu avancée, surtout en France,
+et peu de personnes étaient en état de comprendre le mécanisme et les
+effets de ce grand travail. Des doutes s'étant manifestés sur sa
+réussite[77], et le roi ayant désiré qu'il fût fait un essai, de Ville
+fit construire, au moulin de Palfour, sous sa direction, et par deux
+Liégeois, Lambotte et Georges d'Espa, une machine analogue à celle que
+l'on construisait en grand à Marly, qui éleva l'eau jusque sur la
+terrasse de Saint-Germain[78].
+
+Après cette expérience décisive on ne fit plus d'objections, et l'on
+continua avec activité les travaux de la machine. Nous n'entreprendrons
+pas d'en faire ici la description complète[79], nous rappellerons
+seulement qu'au-dessous de la chute, dans la Seine, se trouvaient
+quatorze roues hydrauliques de 36 pieds de diamètre chacune, mises en
+mouvement par l'eau de cette chute[80]; ces roues mettaient en jeu huit
+pompes chargées d'entretenir toujours l'eau à une égale élévation dans
+un bassin élevé à peu près à la hauteur du bord des autres corps de
+pompes. Celles-ci, au nombre de soixante-quatre, refoulaient cette eau
+dans un puisard placé sur le penchant de la montagne. L'eau élevée à ce
+premier puisard y était reprise par soixante-dix-neuf pompes, et
+refoulée une seconde fois jusqu'à un second puisard supérieur au
+premier; là, quatre-vingt-deux pompes achevaient d'opérer l'ascension de
+l'eau jusqu'au sommet de la tour, dont la plate-forme supérieure est
+élevée de 154 mètres au-dessus des eaux moyennes de la Seine, et se
+trouve placée à 1,236 mètres de distance horizontale de la machine en
+rivière, ou du premier mobile. Comme, par suite de la difficulté que
+l'on éprouvait alors à bien joindre les tuyaux entre eux, beaucoup d'eau
+se perdait en montant à la tour, seize pompes étaient placées dans un
+réservoir situé derrière le puisard supérieur afin de ramener cette eau
+perdue dans ce même puisard. Pour augmenter la quantité d'eau élevée par
+la machine, on avait réuni dans un bassin, un peu au-dessous du premier
+puisard, les eaux assez abondantes de toutes les sources des environs,
+et huit pompes servaient à les élever dans le second puisard. On voit
+donc que le produit de la machine était le résultat du travail de deux
+cent cinquante-trois pompes, placées tant dans le lit du fleuve que dans
+les puisards établis sur le penchant de la montagne. Tout ce système de
+pompes était mis en mouvement par les roues hydrauliques tournant par
+l'impulsion de l'eau du fleuve, qui avaient deux fonctions: l'une de
+faire mouvoir les soixante-quatre pompes fournissant l'eau reprise
+successivement par les deux systèmes supérieurs; l'autre de mettre en
+jeu les longues suites de pièces de communication de mouvement au moyen
+desquelles les pompes des deux systèmes supérieurs pouvaient faire leur
+service. Cette transmission du mouvement s'opérait par l'intermède de
+plusieurs couples de chaînes de fer partant de la Seine, et aboutissant
+aux points où le mouvement devait être transmis; chaque couple avait ses
+deux chaînes dans un même plan vertical, attachées d'espace en espace
+aux extrémités des balanciers, dont les axes de rotation, placés à
+mi-distance entre les deux chaînes, étaient posés sur des cours de lices
+établis sur des chevalets. Des manivelles en fer, fixées aux extrémités
+des axes des roues hydrauliques, agissaient sur les chaînes, dans le
+sens de leur longueur, par l'intermède de pièces de traction et de
+rotation. En résultat, lorsque la chaîne supérieure d'une couple était
+tirée et se mouvait dans le sens de la descente de la montagne,
+l'inférieure se mouvait dans le sens de la montée, et réciproquement;
+ces allées et, venues oscillatoires, qui se répétaient plusieurs fois
+par minute, produisaient des oscillations correspondantes dans les
+pièces du mécanisme auxquelles les points supérieurs des chaînes étaient
+attachés, et par suite l'ascension et la descente des pistons des pompes
+de reprise des puisards. Ces indications sommaires, ajoute M. de Prony,
+à qui nous empruntons ces détails, suffisent pour motiver l'énorme
+quantité de fer et de bois dont la montagne se trouvait couverte sur une
+longueur d'environ 700 mètres.
+
+Actuellement que l'on voit arriver l'eau facilement d'un seul jet au
+haut de la tour, et avec un appareil d'une grande simplicité, on est
+étonné de la nécessité où l'on fut alors d'établir cette masse de
+pompes, de puisards, de leviers immenses, de rouages de toute espèce
+pour obtenir un résultat bien inférieur à celui d'aujourd'hui. On oublie
+les progrès faits par les arts industriels depuis ce temps. Alors le jeu
+des pistons dans les corps de pompes, et l'assemblage des tuyaux étaient
+tels que l'air s'y introduisait de toutes parts et opposait une énorme
+résistance à l'ascension de l'eau, et qu'une grande quantité de liquide
+était perdue sans aucun résultat pour le but qu'on voulait obtenir.
+Voilà pourquoi, l'eau ne pouvant s'élever d'un jet qu'au tiers de la
+route qu'elle avait à parcourir, on fut obligé de diviser la machine en
+trois systèmes de pompes, dont l'un, partant de la Seine, la portait à
+mi-côte, le deuxième la faisait arriver au réservoir supérieur, et le
+troisième enfin l'élevait jusque sur la tour; et comme les deux systèmes
+de pompes, qui reprenaient à mi-côte l'eau refoulée immédiatement de la
+Seine, ne pouvaient avoir de mouvement qu'en vertu de la force motrice
+transmise du point inférieur du système général et émanant des eaux
+mêmes du fleuve, on s'explique la complication apparente de cette
+machine, son aspect gigantesque et les mouvements bruyants de toutes ces
+masses, dont on ne pouvait pas, sans instruction et sans étude, saisir
+la correspondance avec le premier mobile.
+
+Les travaux de cette immense machine, commencés en 1681, étaient déjà
+assez avancés en 1684 pour qu'on en fit l'essai. Nous avons dit que de
+Ville, en élevant la tour, avait eu pour but de dominer tous les
+environs et de pouvoir ainsi, de ce point, diriger l'eau partout où le
+roi voudrait la distribuer. Pour faire son essai, il fit construire une
+espèce de tour en charpente[81], sur le sommet de laquelle on vit en
+effet l'eau arriver ainsi qu'il l'avait promis.
+
+Après cet essai qui levait tous les doutes sur la réussite de la
+machine, on remplaça la tour en bois par la tour en pierre et le bel
+aqueduc qui domine, d'une façon si pittoresque, tous les environs.
+Mansart en dessina les plans, en fit les devis, et fut chargé de la
+construction. On creusa en même temps les réservoirs de Marly et de
+Louveciennes, on fit les aqueducs pour conduire l'eau à Versailles, on
+éleva, dans cette ville, le _gros mur_ de Montreuil, qui reliait la
+butte de Picardie à la butte de Montbauron, on creusa aussi les
+réservoirs placés sur cette butte, et Louvois, qui venait de faire
+exécuter tous ces travaux, eut la satisfaction de voir arriver l'eau de
+la Seine dans ces derniers bassins, l'année suivante, 1685.
+
+En 1684, après l'essai de l'ascension de l'eau sur la tour, le roi
+chargea Vauban de visiter la machine et de faire faire les travaux
+qu'il jugerait nécessaires pour sa confection. Vauban, accompagné de de
+Ville, examina tout avec la plus minutieuse attention; il admira cet
+immense travail, et en comprit immédiatement tout le mécanisme et les
+effets[82]; il fit simplement quelques observations sur la construction
+de plusieurs parties des digues de la Seine, et crut nécessaire, pour
+préserver la machine de l'action destructive des glaces, de faire
+construire au-devant une estacade qui pût les diriger sur la grande
+digue[83].
+
+Telle est l'histoire, bien abrégée, de la construction de l'ancienne
+machine de Marly. Mais à qui doit-on cette machine, et quel en est
+l'inventeur? Il semble, d'après ce récit, que nul autre que de Ville ne
+doit en recueillir l'honneur, et cependant aujourd'hui l'opinion
+générale lui conteste cette invention pour l'attribuer à un homme dont
+nous avons à peine parlé, à Rennequin Sualem. Cherchons donc la cause de
+cette opinion, et voyons, en consultant les pièces authentiques, quels
+rôles ont pu jouer, dans l'établissement de cette célèbre machine, de
+Ville et Rennequin Sualem.
+
+Et d'abord examinons comment s'est établie l'opinion qui en attribue
+l'invention à Rennequin.
+
+Un Allemand, Frédéric Weidler, professeur à Wittemberg, écrivit, en
+1728, un ouvrage intitulé _Tractatus de machinis hydraulicis toto
+terrarum orbe maximis, Marliensi, Londinensi et aliis rarioribus_. En
+1714, il vint visiter la machine qu'il allait décrire. Dans cette
+visite, qui va lui servir plus tard pour donner le nom de son inventeur,
+il ne voit ni de Ville, son gouverneur, ni les contrôleurs, ni Vauban,
+ni Mansart, ni même les entrepreneurs qui avaient eu des rapports
+directs avec l'inventeur; il se contente de consulter les ouvriers qui
+ont travaillé dès le commencement avec Rennequin: _Ii autem, qui initiis
+fabricoe interfuerunt, affirmarunt mihi ad unum omnes, Rannequium illius
+verum auctorem et fabricatorem, et Villaneum commendatorem apud aulam et
+veluti ergo dioctem extitisse_.--Et quels étaient ces ouvriers qui lui
+assuraient ainsi que Rennequin était le véritable inventeur de la
+machine, c'était toute la colonie liégeoise, Paul Sualem, Toussaint,
+Siane, etc., tous parents ou amis de Rennequin. Cette assertion de
+Weidler, répétée, sans contrôle, par les écrivains spéciaux, est restée
+comme certaine pour ceux qui depuis ont parlé de la machine. Mais ce qui
+a surtout rendu cette opinion populaire, c'est l'épitaphe gravée sur sa
+tombe, qui, de l'église de Bougival, où elle était à peine connue avant
+la Révolution, a passé dans un cabaret de la chaussée, et y est restée
+pendant de longues années exposée aux regards de tous ceux qui venaient
+visiter la machine, en indiquant Rennequin comme son seul
+inventeur[84].
+
+Telles sont les deux seules autorités qui ont fait attribuer à Rennequin
+l'invention de la machine.
+
+Quelques écrivains modernes ont cherché à rétablir les faits et à rendre
+à de Ville la place qu'il aurait dû toujours occuper[85]; l'abbé Caron,
+entre autres[86], dans une notice lue à la Société des sciences morales,
+des lettres et des arts de Seine-et-Oise, semblait avoir justement
+attribué à chacun le rôle joué dans la construction de la machine, et
+nous croyions la question jugée, lorsque nous avons reçu de Liége une,
+petite brochure[87], dans laquelle non-seulement Rennequin Sualem est
+regardé comme l'inventeur de la machine, mais où de Ville est traité
+d'imposteur, et où nous voyons que le conseil communal de Liége, pour
+honorer l'inventeur de cette machine, vient d'appeler une des rues de la
+ville du nom de Rennequin. Il nous paraît donc nécessaire de faire
+connaître les nombreuses pièces qui constatent le rôle joué par de Ville
+dans l'établissement de la machine de Marly.
+
+Ce qui a beaucoup contribué à faire dépouiller de Ville de son titre
+d'inventeur de la machine, ce sont surtout sa position de fortune et ses
+titres. Comment supposer, en effet, qu'un chevalier, baron du
+Saint-Empire, possédant des terres, pût être en même temps un savant?
+Non, le baron de Ville n'a dû être que le négociateur de l'entreprise,
+l'entremetteur de la cour de Louis XIV avec le véritable auteur de la
+machine, simple ouvrier, _ferè analphabêtos, sed manuariâ arte
+excellens_[88]. On attribue aussi à Rennequin la construction de la
+machine hydraulique de la terre de Modave, qui a attiré les regards de
+Colbert, et comme c'est de cette construction qu'est venue la première
+idée de la machine de Marly, on en tire la preuve qu'on lui doit
+l'invention de cette dernière machine. Mais ce qu'on ne dit pas, c'est
+que cette machine hydraulique de Modave n'était qu'une imitation de
+celles dont on se servait déjà depuis longtemps dans les mines de
+Hongrie et de Suède; que, par conséquent, ce n'était point une invention
+de Rennequin, et que c'est à de Ville, ingénieur instruit et au courant
+de tout ce qui avait été fait en ce genre, que l'on en doit
+l'application dans le domaine des comtes de Marchin.
+
+Suivons maintenant de Ville à la machine de Marly. Avant de penser à
+établir un mécanisme capable de faire monter l'eau de la Seine à
+Versailles, il est nécessaire de trouver une chute assez puissante pour
+faire mouvoir ce mécanisme. Il faut pour cela un homme instruit et
+expert dans les travaux hydrauliques. Qui est chargé de ce travail? De
+Ville. Nous le voyons, en effet, rechercher et reconnaître les pentes de
+la Seine, indiquer et faire exécuter les travaux nécessaires pour
+établir les digues et agrandir le lit du fleuve laissé à la
+navigation[89].
+
+La chute trouvée, qui voyons-nous encore préparer et ordonner tous les
+travaux de construction de la machine, faire arriver les eaux des
+sources de Prunay, de Louveciennes et de Bougival, afin de les joindre à
+celles élevées de la Seine? C'est encore de Ville[90].
+
+Le roi désire qu'un essai de ce que peut une machine de ce genre pour
+élever l'eau soit tenté devant lui. N'est-ce pas encore de Ville, et ici
+sans le secours de Rennequin, qui fait construire la pompe du moulin de
+Palfour, et démontre ainsi au roi, par avance, la certitude du résultat
+de ses opérations[91]?
+
+N'est-ce pas lui aussi que nous voyons, en 1683, indiquer à l'arpenteur
+Caron, et dessiner sur le terrain les places que devront occuper les
+chevalets, puisards, réservoirs, etc., nouveaux, nécessités par
+l'augmentation du mécanisme de la machine[92]?
+
+En 1684, Vauban, chargé par le roi d'examiner la machine, la visite dans
+tous ses détails, et c'est de Ville qui lui en explique le mécanisme.
+
+On le voit encore non-seulement surveiller et diriger les travaux sur
+place, mais de plus faire des voyages à Liége pour s'entendre avec ceux
+qui fabriquent les pompes, et faire venir de ce pays et fers et
+mécaniques.
+
+Et si on le voit ainsi partout, c'est qu'il ne pouvait en être
+autrement. N'était-ce pas lui, en effet, qui avait présenté les projets
+d'après lesquels on exécutait cet immense appareil[93], et n'était-il
+pas responsable de la réussite de cette machine dont on attendait de si
+grands résultats? Aussi, lorsque le succès a couronné son entreprise,
+avec quelle magnificence le roi le récompense! En 1684, après
+l'expérience de l'arrivée de l'eau au sommet de la tour, le roi lui
+accorde 6,000 livres de gratification. En 1685, les 6,000 livres de
+gratification lui sont continuées, et le 28 juillet de la même année,
+quand l'eau de la Seine est enfin arrivée à Versailles, Louis XIV lui
+fait un don de 100,000 livres. Puis il lui fait bâtir près de la machine
+une magnifique habitation[94], le nomme gouverneur de cette machine, et
+aux 6,000 livres de gratification qu'il conserve sa vie durant, il en
+ajoute 6,000 de pension[95].
+
+Voilà, d'après les documents que nous donnons à la suite de ce récit,
+la part de de Ville dans l'établissement de la machine de Marly. Voyons
+maintenant celle de Rennequin.
+
+Rennequin Sualem était un ouvrier charpentier de Liége, d'une grande
+intelligence et d'une habileté peu commune. Il tenait le premier rang
+parmi les constructeurs des mécaniques dont on se servait dans les mines
+du territoire liégeois pour épuiser les eaux souterraines. On a vu qu'il
+construisit la machine dont de Ville se servit à Modave pour élever les
+eaux du Hoyoux. Aussi, lorsque celui-ci fut chargé par Colbert de venir
+étudier les moyens de donner de l'eau à la ville royale, se fit-il
+accompagner de l'habile exécuteur de ses idées.
+
+En étudiant les diverses pièces que nous faisons connaître, nous ne
+voyons apparaître Rennequin que lorsqu'il s'agit de la construction de
+la machine. Nous le trouvons établi auprès de de Ville, et à la tête de
+tous ces ouvriers liégeois habitués depuis longtemps à des travaux
+analogues, les commandant, les dirigeant dans l'exécution d'un mécanisme
+souvent modifié et amélioré par sa longue pratique et sa haute
+intelligence; mais nous ne le rencontrons ni lorsqu'il s'agit de la
+recherche de la chute d'eau nécessaire à l'établissement de la machine
+et de la construction des digues; ni lorsque, pour augmenter les eaux
+élevées par la machine, on vient y ajouter celles des diverses sources
+des environs; ni, enfin, dans la combinaison qui fait distribuer en
+trois parties distinctes la route que doit suivre l'eau pour son
+ascension au haut de la tour. Son rôle, enfin, paraît avoir été celui
+d'un mécanicien plein de sagacité, de connaissances et de talent dans
+son art, et sans lequel peut-être les idées de de Ville n'eussent pu
+être exécutées; et c'est probablement dans ce sens que ses compagnons,
+ayant pu apprécier à l'œuvre la facilité avec laquelle il saisissait
+les problèmes les plus difficiles de la mécanique, savait les réduire en
+pratique, et combien de fois les difficultés les plus grandes avaient
+été surmontées par lui dans la construction de la machine, l'en
+regardaient comme le véritable inventeur. Rennequin, enfin, était un
+habile charpentier-mécanicien, et probablement le premier de cette
+époque dans ce genre de travail. C'est ainsi qu'il fut toujours
+considéré pendant sa vie.
+
+En 1688, des pompes et une machine à cheval sont nécessaires pour le
+service de la maison des demoiselles de Saint-Cyr; c'est Rennequin et
+Lambotte qui sont chargés de son exécution[96]. Et lorsque la machine de
+Marly est enfin entièrement terminée, on le voit chargé de sa
+surveillance, y rester attaché, ainsi que les autres ouvriers de Liége,
+avec le titre d'ingénieur et de chef des charpentiers liégeois, et on
+lui accorde en outre un logement spécial et 1,800 livres
+d'appointements.
+
+Ainsi, il résulte de l'étude de nos documents que de Ville a été
+véritablement, comme le dit la légende du plan de la machine dessinée en
+1688; l'inventeur, et Rennequin Sualem le constructeur de cette célèbre
+machine, et qu'ils ont été tous deux récompensés suivant le rôle qu'ils
+avaient joué chacun dans son exécution.
+
+Si cependant quelques personnes, s'appuyant sur l'opinion de Weidler et
+sur l'inscription de la pierre tumulaire de Bougival, veulent conserver
+à Rennequin le titre d'inventeur, nous les prierons de se rappeler que
+Weidler n'a établi son dire, que sur les propos d'ouvriers parents ou
+amis de Rennequin, et plusieurs années après la mort de celui-ci; et
+que, quant à l'épitaphe placée par les mêmes parents dans l'église de
+Bougival après le décès de la veuve de Rennequin, et longtemps après la
+mort de celui-ci, on y aurait probablement répondu avant la mort de de
+Ville, arrivée en 1722, si elle n'eût pas été enfouie et ignorée dans un
+coin obscur dont l'a fait sortir la révolution, pour la livrer à la
+publicité dans un cabaret de la chaussée. D'ailleurs un acte beaucoup
+plus sérieux et authentique, son acte de décès dressé du vivant de sa
+veuve, porte son véritable titre: _constructeur_ et non inventeur de la
+machine[97].
+
+Que sont d'ailleurs ces deux faibles preuves auprès de celles indiquées
+dans les notes qui suivent en faveur de de Ville?
+
+Ce sont d'abord les registres des bâtiments qui donnent à de Ville le
+titre d'_ingénieur_, tandis qu'ils donnent à Rennequin celui de
+_charpentier liégeois_;--puis le plan de la machine, dessiné par Liévin
+Creuil en 1688, c'est-à-dire quand elle venait d'être terminée, et qui
+dit en toutes lettres: «Cette machine a été inventée et exécutée par M.
+le baron de Ville.» Et plus loin: «Elle a été construite par ordre du
+roi, sur les projets et par la direction de M. le baron de Ville.»--Les
+écrivains qui, sous Louis XIV et depuis lui, ont été puiser aux sources
+et ont parlé de la machine, Dangeau, l'abbé de Choisy, Claude Saugrain,
+Piganiol de la Force, ont tous attribué son invention à de Ville.
+_Cassan_, dans un poëme sur l'arrivée de la Seine au château de Marly,
+de 1699, ne lui fait-il pas dire en passant devant le pavillon que de
+Ville habitait:
+
+ Et reprend en ce lieu l'usage de la voix,
+ Pour se plaindre en passant _du chevalier de Ville_,
+
+ * * * * * * * *
+
+ Qui t'oblige, dit-elle, _avec ton art maudit_
+ _A venir malgré moi m'enlever de mon lit_?
+
+La _Gazette de France_ de 1682 indique les travaux de la machine comme
+faits par le _sieur de Ville, gentilhomme liégeois_. La
+Chesnaye-Desbois, dans son _Dictionnaire de la noblesse_, et le père
+Anselme, dans l'_Histoire généalogique de France_, disent, en parlant de
+sa fille qui avait épousé le baron de Montmorency: «Elle était fille
+d'_Arnold de Ville_, chevalier, etc., gouverneur et directeur de la
+machine de Marly, _dont il était l'inventeur_[98].»--Le duc de Luynes,
+dans ses Mémoires, cite aussi de Ville comme l'_auteur de la
+machine_.--Ceux qui étaient plus à même que tous autres de savoir la
+vérité sur ce sujet, les contrôleurs chargés plus tard de la direction,
+le considérèrent toujours comme l'inventeur, et M. Gondouin, dans un
+rapport écrit en 1792, dit positivement: «Lors de la construction de la
+machine, le sieur de Ville, mécanicien et _inventeur de la machine_, en
+fut nommé le gouverneur[99].»
+
+Enfin, lui-même, au moment suprême où le cœur de l'homme s'ouvre à la
+vérité, dans son testament retrouvé au château de Modave[100], ne
+vient-il pas consacrer de nouveau son titre d'inventeur en exprimant
+ainsi l'une de ses volontés: «J'ordonne que tous les ouvrages que j'ai
+composés concernant les constructions de la machine de Marly soient
+imprimés suivant mes dessins en grand.»
+
+Il résulte donc positivement de tout ceci que le baron de Ville a été
+bien véritablement l'inventeur, ou pour mieux dire l'_auteur du projet
+de construction de la machine de Marly_, et que Rennequin Sualem en a
+été l'habile et adroit constructeur.
+
+Que maintenant les habitants de la ville de Liége, qui veulent honorer
+le nom de celui de leurs compatriotes auteur de cette célèbre machine,
+soient heureux. Leur bonne fortune veut qu'au lieu d'un seul nom, ils en
+aient deux à offrir en exemple à leur industrieuse population: celui du
+noble employant les loisirs que lui donne la richesse à cultiver la
+science pour en faire une application grande et utile, et celui du
+modeste artisan dont le génie inculte saisit avec facilité les plus
+hautes conceptions de la science, et sait dans la pratique les résoudre
+avec bonheur.
+
+
+
+
+PIÈCES JUSTIFICATIVES.
+
+
+NOTE Nº 1.
+
+DÉPENSES DE CONSTRUCTION DE LA MACHINE DE MARLY,
+
+Extraites des registres des bâtiments du roi, déposés aux Archives de
+l'Empire.
+
+
+ANNÉE 1681.
+
+ ORDONNANCES.
+
+ Au sieur de Ville, gentilhomme liégeois, pour payement
+ des fers corroyés qu'il a fait venir de Liége, pour servir à
+ la machine du moulin de Palfour. 2,845l. 3s. »d.
+ Aux ouvriers. 977 19 »
+
+ ORDRES.
+
+ 26 mars.--Au même, pour _id._ 2,845 3 »
+ Aux ouvriers. 977 19 »
+
+ 22 juin.--A George d'Espa, taillandier
+ liégeois, pour une manivelle
+ qu'il a livrée pour la machine, _id._ 490 » »
+ Aux ouvriers. 455 10 »
+
+ A Lambotte, charpentier liégeois,
+ pour l'entretennement de la
+ machine. Pour trois
+ mois 360 » »
+ A Valland, pour clous 32 1 »
+ -----------------
+ Total. 5,160l. 13s. 2d.
+
+ MARLY 1681.
+
+ 28 octobre 1681.--A Raoul de Pierre,
+ dit Laporte, charpentier, sur la
+ machine de la rivière de Seine. 2,000l. »s. »d.
+
+ OUVRAGES DES ILES DE CROISSY.
+
+ ORDONNANCES DU 22 JUIN 1681.
+
+ 11 octobre.--A Renkin-Sualem, pour
+ son travail et soins à la construction
+ de la machine, pendant un
+ mois. 150 » »
+ A Paul Sualem, autre charpentier
+ liégeois, pour son travail
+ pendant. 150 » »
+
+ ORDRES DU 22 JUIN AU 11 JANVIER 1682.
+
+ Aubert, charpentier;--Lebœuf, Gonnot, Guyot,
+ Simon, Feuillastre, Boursault, Dupuis, Houet, Morin,
+ terrassiers.
+ Des charpentiers liégeois.
+ Laporte, charpentier.
+ Morel, _id._
+
+ A Rankin-Sualem, charpentier liégois, pour un mois
+ de son travail. 150l. »s. »d.
+ Despas, forgeron liégeois.
+ Sommes. 210,575 13 »
+
+
+ ANNÉE 1682.
+
+ _Pour les grandes pompes sur la rivière de Seine, pour
+ l'élévation et conduite des eaux à Versailles._
+
+ ORDRES
+
+ A Laporte, charpentier;--Clerget, Berlin, Ogier,
+ Leroy, Boileau, terrassiers;--Paul Sualem, charpentier
+ liégeois, Rankin-Sualem, _id._;--Toussaint Michel, menuisier
+ liégeois;--Lafontaine, maçon;--Morel, serrurier;--Pauli,
+ maître de forges liégeois;--Arnault, pour
+ loyer de la maison de la chaussée, occupée par les menuisiers
+ et par le modèle de la machine;--Menoiet,
+ marchand de fer et charbon de terre;--Caron, arpenteur;--Dupont,
+ terrassier;--Lemaire, fondeur;--Lahaye,
+ plombier, Despas, _id._;--Devienne, maçon;--Noiret,
+ marchand;--Duvivier, maçon;--Allan, pour
+ charbon;--Devolman, garde de la prévôté de l'hôtel;--de
+ Ville, ingénieur;--Montagne, serrurier;--Miche,
+ menuisier,--Robert, terrassier;--Berger, de Spa, pour
+ fers corroyés;--Lesieur, charpentier;--Frades, de
+ Vienne;--Cuvier, marchand de bois;--Piat, charpentier;--Corbey,
+ cordier;--Baffront, maçon;--Bourienne,
+ terrassier;--Duval, serrurier;--Godefroy,
+ chirurgien, pour pansements de blessés;--au sieur
+ Desvongoins, pour tuyaux;--Pays, pour peaux de vaches;--Langlois,
+ pour ficelles;--Rousseau, charron;--Lecerf,
+ plâtrier;--Aimond, marchand;--Jean Siane,
+ charpentier liégeois;--Hardel, paveur,--Goutier, maçon;--Martin,
+ maçon,--Remy, pour les conduites de
+ grès;--et aux divers ouvriers de la machine.
+
+
+ Sommes. 515,815l. 17s. 1d.
+
+ On trouve particulièrement dans ce chapitre:
+
+ A Paul Sualem, charpentier liégeois,
+ pour son travail d'un
+ mois. 150 » »
+ A _Renkin-Sualem_, _id._ _id._ 150 » »
+ A Siane, _id._ _id._ 150 » »
+ A Toussaint Michel, menuisier
+ liégeois, _id._ 67 10 »
+ 1er mars.--Au sieur Pauli, maître
+ de forges de Liége, sur les corps
+ de pompe de fer fondu qu'il fait
+ pour la machine.--A-compte. 1,000 » »
+
+ (Il y a ainsi plusieurs à-compte.)
+
+ 12 avril.--A Clerget, maçon, pour
+ payement de 4,920 l. pour ses
+ travaux. 420 » »
+ 5 juillet.--A Allen, pour son payement
+ de goudrons et poix noires,
+ qu'il a livrés. 761 10 »
+ 12 juillet.--_Au sieur de Ville_, ingénieur,
+ sur les fers et autres
+ ustensiles qu'il fait venir de
+ Liége, pour la machine. 900 » »
+
+ (Il y a ainsi plusieurs à-compte.)
+
+ 26 juillet.--A Robert, pour payement
+ de 1,426 l. 13 s. 9 d., pour
+ la maçonnerie de remplissage de
+ la digue qui joint une petite île
+ à l'île de Chatou. 276l. 13s. 9d.
+
+ 26 juillet.--A Devienne, pour
+ payement de 1,998 l. 15 s. pour
+ la fouille et transport de terre
+ du réservoir, près le premier repos
+ de la machine. 198 15 »
+
+ 9 août.--A Menoist, pour payement
+ de 2,649 l. 5 s. 2 d., pour
+ fourniture de gros fers et charbon
+ pour ladite machine. 269 5 2
+
+ 23 août.--A Martin Nicolle, pour
+ payement de deux grands bateaux
+ qu'il a livrés pour servir
+ aux ouvrages de la machine. 257 » »
+
+ 6 septembre.--A Berlin, pour
+ payement de 2,808 l. 10 s. pour
+ les moellons qu'il a fournis. 408 10 »
+
+ 6 septembre.--A Raffront, pour
+ payement de 1,354 l., pour moellons
+ qu'il a fournis à la machine. 104 » »
+
+ _Id._--A Allen, pour payement de
+ 1,859 l. 5 s., pour le charbon de
+ terre et autres fournitures qu'il
+ a faites. 959 15 »
+
+ _Id._--A Menoist, pour payement
+ de 1,879 l. 15 s. 10 d., pour
+ fourniture de gros fers. 879 15 10
+
+ 13 septembre.--A Berlin, pour
+ payement de 1,404 l. de moellons. 604l. »s. »d.
+
+ 11 octobre.--A Devienne, pour
+ payement de 11,455 l. 3 s. 7 d.,
+ pour ouvrages de remplissage et
+ pavé de la digue. 855 3 7
+
+ 18 octobre.--A Raffront, pour
+ payement de 1,976 l. de moellons. 761 » 5
+
+ _Id._--A Frades et Devienne, pour
+ payement de 8,249 l. 14 s. 4 d.,
+ pour moellons. 449 14 4
+
+ _Id._--A Noiret, pour payement de
+ 8,874 l. 2 s. 9 d., pour divers
+ ouvrages de fer. 874 2 9
+
+ _Id._--A Frades et Devienne, pour
+ complément de 11,455 l. 3 s.
+ 7 d., pour remplissage de la digue,
+ près l'île de Chatou. 300 » »
+
+ 1er novembre.--A Eux, pour payement
+ de 3,040 l. 11 s., pour
+ moellons. 640 11 »
+
+ 6 décembre.--A Eux, pour payement
+ de 5,197 l. 10 s., pour
+ 12,300--3/4 de moellons. 1,797 10 »
+
+ _Id._--A Charruel, couvreur, pour
+ payement de 422 l. 3 s., pour
+ la couverture de la nouvelle forge. 122 12 3
+
+ _Id._--A Mathelin, pour payement
+ de 153 l., pour transport de terre. 53 » »
+
+ 13 décembre.--A Frades et Devienne,
+ pour payement de 300 l.,
+ pour voitures de glaise. 100l. »s. »d.
+
+ 20 décembre.--A Eux, pour payement
+ de 2,499 l., pour moellons
+ fournis. 999 » »
+
+ 27 décembre.--A Lamontagne,
+ pour payement de 938 l. 14 s.,
+ pour plates-bandes. 438 14 »
+
+ Id.--A Menoist, pour payement de
+ 1,998 l. 5 s., pour fers. 398 5 »
+
+
+ En outre:
+
+ Octobre 1682.--A Boudet, sur les
+ tuyaux de fer de fonte, qu'il doit
+ livrer pour la machine de la rivière
+ de Seine. 17,300 » »
+
+ Au sieur Desvaugoins, sur les
+ tuyaux pour la nouvelle machine
+ de la rivière de Seine. 92,200 » »
+
+ Au sieur Lebreton, sur les
+ tuyaux pour la nouvelle machine
+ de la rivière de Seine. 2,000 » »
+
+ A Lahaye, _id._ 5,500 » »
+
+ A Coulon, _id._ 1,000 » »
+
+
+ ANNÉE 1683.
+
+ ORDRES DU 10 JANVIER 1683 AU 2 JANVIER 1684.
+
+ A Laporte, Aubert, charpentiers;--Raffront, maçon;--Frades,
+ maçon;--Devienne, maçon;--Noiret, serrurier;--Menoist,
+ serrurier;--Allan, marchand de
+ charbon;--Grey-Spa;--de Ville, ingénieur;--Hardel,
+ terrassier;--Bourienne, _id._;--Gondaut, charron;--Devaux,
+ voiturier;--Martin, terrassier;--Caron, arpenteur;--Lejongleur,
+ pour les eaux;--Arnault, pour
+ loyer;--veuve Raffront, _id._;--Duvivier, Decoste, maçons;--Benoist,
+ terrassier;--Montoque, _id._;--Marchand,
+ paveur;--Mathelin, terrassier;--Langlois,
+ cordier;--Berlin, paveur;--Delaunay, Richard, terrassiers;--Lahaye,
+ plombier;--Morel, serrurier;--Louchard,
+ cordier;--Rousseau, charron;--Langlois,
+ cordier;--Remy, fontainier;--Paul et Rankin-Sualem,
+ charpentiers;--Sianne, _id._;--Miché, menuisier;--Mathieu,
+ plombier;--Desyaugoins, fabricant de tuyaux,--Godefroy,
+ briquetier;--Masson, serrurier;--Laharpe,
+ plombier;--Esmery, _id._;--Boileau, marchand
+ de fer;--Pernolle, _id._;--Bourbonnais, pour un soufflet
+ de forges;--Nicolle, terrassier;--Levasseur, _id._;--Charruel,
+ couvreur;--Delbert, plombier;--Bachelart,
+ voilurier;--Duval, serrurier;--Simon, maçon;--Malin
+ et Vaillant, marchands de fer;--Crosnier, terrassier;--Lambotte,
+ mécanicien;--Viart, terrassier;--Noël,
+ serrurier;--veuve Lavier, menuisier;--Vivret, marchande
+ de toiles;--Namurois, serrurier;--Pays, corroyeur;--Baumont,
+ terrassier;--Racine, _id._;--Belier,
+ _id._;--Renault, serrurier;--Lapoterie, marchand
+ de fer;--Sauvage, _id._;--Gervais, serrurier;--Guessard,
+ id.;--Ansaume, maçon;--Desjardins, tailleur;--Chenet,
+ chirurgien;--Lucas, plombier;--Duremar,
+ serrurier.
+
+
+ Sommes. 858,228l. 15s. 6d.
+
+ On trouve particulièrement dans ce chapitre:
+
+ A Frades et Devienne, pour payement
+ de 2,025 l., pour le transport
+ des sables provenant de
+ l'atterrissement qui s'est fait
+ au-dessous de la machine dans la
+ rivière de Seine. 75l. »s. »d.
+
+ A Menoist, pour payement de 948 l.
+ 13 s., pour fers par lui fournis. 348 13 »
+
+ A Allen, pour payement de 1,308 l.
+ 4 s., pour fournitures de charbon
+ de terre. 808 8 »
+
+ A Hardel, pour payement de 895 l.
+ 8 s. 4 d., pour pavage qu'il a fait
+ au rétablissement du grand chemin. 95 8 4
+
+ A Haffront, pour payement de 5,109l.
+ 5 s. 10 d., pour maçonnerie au
+ deuxième puisard. 359 5 10
+
+ A Noiret, pour payement de 7,674 l.
+ 1 s. 6 d., pour fournitures de fers
+ de pieux. 474 1 6
+
+ A Marchand, pour payement de
+ 3,229 l. de pavés. 729 » »
+
+ A Frades et Devienne, pour payement
+ de 1,747 l. 17 s. 6 d., pour
+ moellons et libage. 947 17 6
+
+ A Montagne, pour payement de
+ 1,369 l. 4 s. 4 d., pour ouvrages
+ de fer. 469 4 4
+
+ A Frades et Devienne, pour payement
+ de 2,892 l. pour transports
+ de terre. 72l. »s. »d.
+
+ Aux soldats suisses, qui ont fait des
+ fascines et travaillé. 123 13 6
+
+ A Bourienne, pour payement de
+ 2,736 l. 14 d., pour fouilles au
+ deuxième puisard. 86 14 6
+
+ A Marchand, pour payement de
+ 3,229 l. 8 s., pour pavés. 500 » »
+
+ A Noiret, pour payement de 1,604 l.
+ 6 s. 6 d., pour fouilles. 304 6 6
+
+ A Charuel, pour payement de 439 l.
+ 7 s. 6 d., pour couverture. 39 7 6
+
+ A Boileau, pour payement de 6,911 l.
+ 16 s. 8 d., pour gros fer du
+ Nivernois. 411 16 8
+
+ A Nicole, pour payement de 1,578 l.
+ 3 s. 4 d., pour fouilles au canal. 78 3 4
+
+ A Mathelin, pour payement de
+ 10,453 l. 18 s. 10 d., pour
+ transport de terre. 453 18 10
+
+ A Frades et Devienne, pour payement
+ de 3,344 l. 5 s., pour moellons. 1,044 5 »
+
+ A Martin, pour payement de 4,642 l.
+ 7 s. 9 d., pour tranchées au bord
+ du nouveau canal. 342 7 9
+
+ A Richard, pour payement de 2,684 l.
+ 7 s. 9 d., pour cuivres. 184 7 9
+
+ A Frades et Devienne, pour payement
+ de 2,430 l. 45 s., pour moellons. 830l. 15s. »d.
+
+ A Duremar, pour payement de 7331l
+ 5 s. 6 d., pour appuis de fer. 133 5 6
+
+ A Berlin, pour payement de 500 l.,
+ pour démolition. 200 » »
+
+ A Frades et Devienne, pour payement
+ de 2,089 l. 10 s., pour moellons. 689 10 »
+
+ A Pays, corroyeur, pour payement
+ de 360 l., pour cuirs de vache. 210 » »
+
+ A Berlin, pour payement de 819 l.,
+ pour 1,900 1/2 de moellons. 419 » »
+
+ A Spa, pour payement de fers corroyés
+ fournis par lui, montant à
+ 27,742 l. 14 s. 11 d. 142 14 11
+
+ A Raffront, pour payement de 700 l.,
+ pour l'atterrissement qui s'est fait
+ par derrière les coursières de la
+ machine. 50 » »
+
+ A Lacoste, pour payement de 5,506 l.
+ 10 s., à quoi montent 1,217 toises
+ 1/2 de tuyaux de 8 pouces, relevés
+ et posés a la conduite du Chesnay,
+ 459 toises 1/2 _id._ de 8 pouces,
+ à celle depuis les Moulins de Louveciennes
+ jusqu'au regard du chemin
+ de Versailles, à 50 s. la toise,
+ et 328 toises 1/2 d'un pied, _id._ à
+ 14 l. la toise, et 600 l. de gratification
+ à cause de sa diligence. 656 10 »
+
+ A Renault, pour payement de 1,516 l.
+ 12 s. 9 d., pour serrurerie. 572l. 16s. 9d.
+
+ A Bourbonnais, pour payement de
+ 938 l. 17 s., pour serrurerie. 50 17 »
+
+ A Spa, pour payement de 3,140 l.
+ 11 s., pour serrurerie, pour
+ l'entretien des mouvements de
+ la machine. 1,140 11 »
+
+ A André Pernelle, pour, payement
+ de 1,053 l. 10 s., pour serrurerie. 153 10 »
+
+ A Desjardins, tailleur d'habits, pour
+ vingt et un juste-au-corps de toile,
+ pour les charpentiers de la machine. 31 10 »
+
+ A Thevenet, chirurgien, pour avoir
+ pansé les ouvriers blessés de la
+ machine, depuis le mois de juillet
+ jusqu'au mois d'octobre. 90 » »
+
+ Le sieur _de Ville_ fait venir beaucoup de fers et de
+ mécaniques de Liége.
+
+ Lejongleur fait les aqueducs pour conduire l'eau de
+ la machine de la rivière de Seine.
+
+
+ ANNÉE 1684.
+
+ RECETTE:
+
+ De M. Etienne Jehannot, sieur de Bartillat, garde du
+ trésor royal, la somme de 6,000 l. pour délivrer au sieur
+ _de Ville_, gentilhomme liégeois, par gratification, en considération
+ de ses soins pour la construction de la machine
+ de la rivière de Seine, pour la présente année.
+
+
+ _Parfaits payements._
+
+ 16 janvier 1684.--Au sieur Desvaugoins, 20,000 l. pour
+ avec 64,366 l. 16 s. 9 d. contenus en l'ordre de parfait
+ payement du 28 mars 1683, pour 2,529 toises
+ 1 pied 1/4 de tuyaux de fer de fonte de 8, 6 et 4 pouces
+ 1/2 de diamètre; 43,400 l. qui lui ont été ordonnancées
+ à-compte depuis le 21 février jusques et compris
+ le 3 octobre 1683, et 4,833 l. 3 s. 3 d. qui lui
+ sont retenus pour la garantie pendant une année, faire
+ le parfait payement de 132,600 l., à quoi montent
+ 5,099 toises 1 pied de conduites de fer de fonte qu'il a
+ fournies pour la machine de la rivière de Seine, en
+ 1682 et 1683. 20,000l. »s. »d.
+
+ 23 janvier 1684.--A Lacoste,
+ 1,254 l. 14 s., pour fournitures
+ de cuirs, vis et mastic, pour la
+ machine de la rivière de Seine,
+ et déposage et reposage de plusieurs
+ conduites de tuyaux en 1683. 1,254 14 »
+
+ 23 juillet 1684.--A Lejongleur,
+ 1,400 l. pour avec 5,600 l. qu'il
+ a reçues faisant le parfait payement
+ de 7,000 l. à quoi ont été
+ fixés les ouvrages du regard de
+ pierre de taille qu'il a faits proche
+ Marly, pour recevoir les eaux de
+ la machine. 1,400 » »
+
+
+ _Fonds libellés._
+
+ 14 décembre 1684.--Au sieur
+ _de Ville_, 6,000 l. par gratification
+ en considération de ses soins
+ pour la construction de la machine
+ de la rivière de Seine. 6,000l. »s. »d.
+
+
+ OUVRAGES DE LA MACHINE DE LA RIVIÈRE DE SEINE.
+
+ _Maçonnerie._
+
+ 1684.--DU 9 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE.
+
+ Donné à Martin Caumont et Anseaume,
+ Raffront, Decotte, Simon,
+ Bertin, Jean Couturier de
+ la Chaussée, Denis Gérard,
+ Drouilly, Mouffle, Frades, Saint-Allard,
+ de la Rue, Lejongleur,
+ Lecerf, Lefébure.
+
+
+ Somme. 141,832 18 »
+
+ Remarques.
+
+ De Cotte, entrepreneur, construit la tour.
+
+
+ _Charpenterie._
+
+ DU 9 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE.
+
+ A Laporte et Aubert, Langlois,
+ Paillard, Charles Fournet.
+
+ Somme. 117.005 5 »
+
+
+ _Couverture._
+
+ DU 26 MARS AU 19 NOVEMBRE.
+
+ A Dimanche-Charruel.
+
+ Somme. 4,070 12 6
+
+
+ _Menuiserie._
+
+ LE 23 JUILLET.
+
+ A Milot, menuisier, à-compte de
+ ce qu'il a fait au grand puisard
+ de la machine de la chaussée. 200l. »s. »d.
+
+
+ _Ouvrages de fer._
+
+ DU 9 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE.
+
+ A Namurois, Noiret, Morel, Noël,
+ Renault, Dezenstres, Bourbonnais,
+ Ladoireau, Gervais, Delbert,
+ Spa, Martin, Vaillant,
+ Thomas Delaunay, Claude Montagne,
+ Pernelle, Marlin, Massot,
+ Boileau, Fordin, Boutté, Duval,
+ Cucu, Pilon.
+
+ Somme. 150,096 13 11
+
+ _Ouvrages de cuivre._
+
+ DU 16 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE.
+
+ Au sieur Lerond, bourgmestre de
+ Liége, Delbert, Noiret.
+
+ Somme. 30,874 4 8
+
+ Remarques.
+
+ Le sieur Lerond, bourgmestre de
+ Liége, reçoit 3,000 l. à-compte
+ pour deux cents corps de pompes,
+ qu'il fait pour la machine de la
+ rivière de Seine.
+
+
+ _Pavé._
+
+ DU 26 MARS AU 24 DÉCEMBRE.
+
+ A Georges Marchand, Lecerf, Lefébure,
+ Petit-Jean.
+
+
+ Somme. 11,952l. 10s. »d.
+
+ _Plomberie._
+
+ DU 9 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE.
+
+ A Lucas, Laharpe.
+
+ Somme. 38,269 14 »
+
+
+ _Fouilles de terre._
+
+ DU 16 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE.
+
+ A Jean Crosnier de Luciennes, Debecq
+ et Beaumont, Martelin,
+ Jean-Baptiste Crosnier, Bachelart,
+ Racine, Deber, Lefébure,
+ Aubé, Rufron, Michel, Gautier,
+ Audiger, Bertin, Cherly, Léger.
+
+ Somme. 24,375 11 1
+
+
+ _Ouvrages extraordinaires._
+
+ DU 9 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE.
+
+ Somme. 22,090 9 9
+
+
+ _Ouvriers à journées._
+
+ DU 9 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE.
+
+ Somme. 19,153 5 7
+
+
+ ANNÉE 1685.
+
+ _Parfaits payements d'ouvrages de maçonnerie et terrasses._
+
+ 7 janvier.--A Guillaume Poullier,
+ 943 l. 5 s., pour payement de
+ 2,243 l. 5 s. pour maçonnerie
+ aux murs qui portent les tuyaux
+ où passent les eaux provenant de
+ la machine. 943l. 5s. »d.
+
+
+ _Gratifications._
+
+ 20 mai.--A _Rennequin-Sualem_,
+ charpentier liégeois, en considération
+ de ses voyages extraordinaires. 300 » »
+
+
+ _Machine de Marly._
+
+ DU 31 DÉCEMBRE 1684 AU 26 AOÛT 1685.
+
+ A de Cotte, entrepreneur, à-compte
+ de la maçonnerie qu'il fait à la
+ tour de la machine de la rivière
+ de Seine. 17,500 » »
+
+ _Clôture de la machine._
+
+ DU 17 JUIN AU 21 OCTOBRE 1685.
+
+ A Michel Crosnier, pour payement
+ de pierres, pour la construction
+ d'un puits derrière le réservoir,
+ à mi-côte. 870 10 »
+
+
+ _Maçonnerie et couverture._
+
+ DU 28 JANVIER AU 16 DÉCEMBBE 1685.
+
+ A Jean de la Rue, maçon, à-compte
+ des ouvrages du magasin et aux
+ murs de terrasse des rigoles,
+ près les grands chevalets, et des
+ couvertures de tuiles aux forges. 21,050l. »s. »d.
+
+ _Massifs de maçonnerie derrière les murailles du réservoir
+ à mi-côte._
+
+ A Duvivier, pour payement. 2,536 13 4
+
+
+ _Moellons pour la digue de l'île Bautier et la grande digue._
+
+ DU 21 JANVIER AU 9 DÉCEMBRE 1685.
+
+ A François Berlin, carrier; Jacques
+ Raffront, _id._;--Antoine Hémont,
+ _id._;--Gaspard Hémont,
+ _id._;--J. Frades,--J. Darneville.
+
+ Somme. 15,837 1 »
+
+
+ _Parfaits payements de la maçonnerie et moellons pour
+ la machine._
+
+ 21 janvier.--A Lerouge, carrier,
+ pour payement de moellons,
+ pour l'île de la Chaussée. 104 3 4
+
+ A Étienne Potier, _id._ 137 10 »
+
+ 28 janvier.--A Lecerf, pour payement
+ du quai sur l'île Gautier. 93 15 »
+
+ A Ballet, pour payement de
+ pierres dures de Nanterre,
+ pour la grande digue. 194 » »
+
+ A Binet, _id._ 58 » »
+
+ 25 février.--A Lerouge, pour
+ payement de moellons, pour l'île
+ Gautier. 101l. 5s. »d.
+
+ 11 mars.--A G. Raffront, pour
+ payement de chaux, pour le mur
+ proche la tour. 56 16 8
+
+ A Rousselet, pour payement
+ de moellons au quai de l'île
+ la Loge. 27 » »
+
+ 1er avril.--A Lejongleur, pour
+ payement de 4,745 l., pour
+ tuyaux de grès aux aqueducs des
+ eaux de Prunay, près la machine. 1,345 » »
+
+ 8 avril.--A Lecerf, pour payement
+ de moellons, à l'île Gautier. 408 10 »
+
+ A Roussel, _id._ 27 » »
+
+ 23 avril.--A Leau, terrassier,
+ pour aplanissement près la tour. 63 » »
+
+ 6 mai.--A Laroue et Crosnier,
+ pour payement de moellons. 134 » »
+
+ 27 mai.--A Duvivier, pour payement
+ de 16,386 l. 10 s., pour
+ ouvrages de maçonnerie. 1,986 10 »
+
+ 15 juillet.--A Laroue, pour payement
+ de chaux. 351 15 »
+
+ 29 juillet.--A Jean, pour payement
+ de moellons. 40 » »
+
+ 7 octobre.--A Périgord, pour
+ payement de moellons. 47 10 »
+
+ A Jean, _id._ 42 10 »
+
+ A Laroue, pour payement de
+ chaux. 245 l. »s. »d.
+
+ A Julien, _id._ 302 10 »
+
+ A Potier, pour payement de
+ moellons. 44 7 6
+
+ 18 novembre.--A Lebaille, pour
+ payement de pavé tiré dans les
+ rigoles du côté des Graissets. 25 » »
+
+ A Lecerf, Lefébure, Lejongleur,
+ Hémont, Roussel,
+ pour payement de maçonnerie. 2,084 5 »
+
+ _Terrasses._
+
+ DU 7 JANVIER AU 25 NOVEMBRE 1685.
+
+ A Gautier, pour les terres enlevées
+ le long du réservoir, à mi-côte. 677 9 2
+
+
+ _Rigoles et parterre sur la terrasse du pavillon._
+
+ 23 avril.--A Jean Léger, pour
+ payement de ses ouvrages. 749 15 »
+
+
+ _Terrasses._
+
+ DU 7 JANVIER AU 11 NOVEMBRE.
+
+ A Cherfils,--Audiger,--Levau,
+ --Gosset,--Horin,--Morille,
+ --Hémont, terrassiers.
+
+ Sommes. 11,287 » 11
+
+
+ _Chevilles et coyaux pour les roues de la machine._
+
+ 16 juillet.--A P. Sauvage et Leclerc. 248 18 »
+
+ _Nettoyement, maçonnerie et moellons._
+
+ DU 15 JUILLET AU 16 DÉCEMBRE.
+
+ A Michel, de la Rue, Hémont 10,960 l. 14 s. 2 d.
+
+ _Charpenterie._
+
+ DU 31 DÉCEMBRE 1684 AU 16 DÉCEMBRE 1685.
+
+ A Raoul de Pierre, dit Laporte, et
+ Jacques Aubert, charpentiers,
+ pour les bois employés dans divers
+ endroits de la machine 8,860 » »
+
+ A Mallet, Roussel, charpentiers,
+ pour id. 8,314 11 10
+
+ _Couverture._
+
+ DU 14 JANVIER AU 2 DÉCEMBRE 1685.
+
+ A la veuve Dimanche Charruel 10,390 7 »
+
+ _Menuiserie._
+
+ DU 12 AOÛT AU 16 DÉCEMBRE.
+
+ A Dubois, Bourdon, Massa.
+
+ Somme 3,220 » »
+
+ _Serrurerie._
+
+ DU 31 DÉCEMBRE 1684 AU 21 OCTOBRE 1685.
+
+ A Fordrin,--Boutet,--Rouillé,--Landry,--Renault,
+ --Corvieux,--Noël,--Morel,--Montagne,--Cucu,
+ Maslin et Vaillant,--Menoist,--Dezeustres,
+ --Boileau,--Noiret,--Georges de Spa,--Longuet,--Darche,--Michel.
+
+ Somme 146,223 6 11
+
+ _Ouvrages de cuivre._
+
+ DU 15 JANVIER AU 2 DÉCEMBRE 1685.
+
+ A Nicolas de Nainville;--Jean Lefond,
+ bourgmestre de Liége;--Mathieu
+ Delbert,--Joseph
+ Royer;--François Namurois.
+ Somme 73,142l. 6s. 10d.
+
+ _Plomberie._
+
+ DU 14 JANVIER AU 2 DÉCEMBRE 1685.
+
+ A Jacques Lucas 32,191 11 7
+
+ _Ouvrages de goudron._
+
+ DU 31 DÉCEMBRE 1684 AU 16 DÉCEMBRE 1685.
+
+ A Michel Deschamps,--Vinant
+ Allen,--Nicolas de Gomas,--Philippe
+ Hormoire,--Calfatiers,--pour
+ payement des ouvrages
+ de goudron qu'ils font aux grands
+ chevalets de la machine de la
+ rivière de Seine 36,076 10 »
+
+ _Cuirs de vache._
+
+ DU 7 JANVIER AU 2 DÉCEMBRE 1685.
+
+ A Proust et Julien Pays, pour cuirs
+ de vache venus de Liége 2,675 » 6
+
+ _Loyers de maisons._
+
+ 7 janvier.--A Thomas Chevalier,
+ successeur d'Arnault, 125 l.,
+ pour le loyer de sa maison occupée
+ par l'ancien logement du
+ sieur de Ville: une forge, une
+ écurie, _le modèle et le logement
+ de Rennequin_ pendant le quartier
+ d'octobre 1684 125l. » s. » d.
+
+ A Gilles Raffront, 150 l., pour
+ le loyer de sa maison, occupée
+ par le magasin et
+ deux forges de la machine,
+ pendant les quartiers de juillet
+ et d'octobre 1684 150 » »
+
+ A Nicolas Malherbe, 22 1.
+ 10 s., pour le loyer de sa
+ maison, occupée par _Jean
+ Beltier_ piqueur à la machine,
+ pendant le quartier
+ d'octobre 1681 22 10 »
+
+ 8 avril.--A Chevalier, pour le
+ loyer de sa maison, pendant le
+ quartier de janvier 1685 125 » »
+
+ A la dame Duchannoy, 36 l.,
+ pour le loyer de son pressoir,
+ occupé par _les chevaux
+ du sieur de Ville_, à la machine,
+ pendant une année 36 » »
+
+ 26 avril.--A Raffront, 75 l, pour
+ le loyer de janvier 75 » »
+
+ 15 juillet.--A Chevalier, pour le
+ quartier d'avril 125 » »
+
+ A Raffront, _id._ 75 » »
+
+ A Malherbe, _id._ 22 10 »
+
+
+ 18 novembre.--A Chevalier, pour
+ le quartier de juillet 125l. » s. » d.
+
+
+ _Ouvrages extraordinaires de la machine de la rivière
+ de Seine._
+
+ DU 31 DÉCEMBRE 1684 AU 16 DÉCEMBRE 1685.
+
+ A Duchemin, charron;--J. Crosnier;--Pierre
+ Brady;--J. Leclerc;--P.
+ Potier;--E. Langlois;--Alexis
+ Mercier;--M. Lecerf;--Henri
+ Lenormand, batelier;--V.
+ Frades;--N. Maillot;--C.
+ Lefébure;--Sauvage;--Boucault;--Massa,
+ menuisier;--Cotillon;--Saintard;--Marchand;--C.
+ Caron, arpenteur;--Chambon;--Gaumont;
+ Ricy;--Paul Sualem,--Boursin;--Proust;--Fosset;--Grandhomme,
+ chirurgien;--Tournay;--Paillard;--Thévenet,
+ chirurgien,--Pinault;--Bara.
+
+ Somme 7,245 18 6
+
+ A remarquer:
+
+ Pierre Brady mène dans une voiture
+ un modèle de manivelle de
+ Paris à Maubeuge et de Maubeuge
+ à Chimay.
+
+
+ _Pavés et moellons dans les îles, proche la machine et
+ à la machine._
+
+ DU 25 MARS AU 9 DÉCEMBRE 1685.
+
+ A Sylvain Mercier,--Léonard Lamoureux,--Ant.
+ Gargot,--Fr.
+ Legrand,--G. Marchand,--Fr.
+ Vatel.
+
+ Somme 10,056 l. 14 s. 2 d.
+
+ _Ouvriers à journées._
+
+ DU 31 DÉCEMBRE 1684 AU 16 DÉCEMBRE 1685.
+
+ Aux ouvriers qui ont travaillé à la
+ construction et entretien de la
+ machine de la rivière de Seine. 29,235 9 3
+
+ _Clôture de la machine._
+
+ DU 11 MARS AU 16 DÉCEMBRE 1685.
+
+ A J. Fay, pour les ouvrages de
+ clôture 22,900 » »
+
+ _Réservoir de Louveciennes._
+
+ DU 11 MARS AU 16 DÉCEMBRE 1685.
+
+ A Jean Bailly et Louis Rocher, pour
+ ouvrages de maçonnerie 180,000 » »
+
+ _Vitrerie dans les puisards et aux magasins de la machine._
+
+ DU 20 MAI AU 16 DÉCEMBRE 1685.
+
+ A Cl. Cossette 300 » »
+
+ _Menuiserie à la cour de la machine._
+
+ 1er juillet.--A Michel Dubois 300 » »
+
+ _Grosse peinture._
+
+ 21 octobre.--A J.-B. Fauconnier,
+ pour ouvrages de peinture aux
+ portes et croisées des magasins
+ et puisards 160 l. » s. » d.
+
+ _Cordages pour les équipages des puisards._
+
+ 4 novembre.--A E. Langlois,
+ cordier 150 » »
+
+ _Bois de provision pour les magasins de la machine._
+
+ 18 novembre.--A Ragalus, marchand 300 » »
+
+ ANNÉE 1686.
+
+ Recettes:
+
+ 17 janvier.--Du sieur de Bartillat, garde du trésor
+ royal, 6,000 l., pour délivrer au sieur _de Ville_, gentilhomme
+ liégeois, pour gratification en considération
+ de ses soins pour la construction de la machine de la
+ rivière de Seine pendant l'année 1685.
+
+ 6,000 l. » s. » d.
+
+ 6 février.--Du sieur de Bartillat, 7,723 l. 7 s. 9 d.,
+ pour employer au remboursement des terres, vignes
+ et autres héritages appartenant à divers particuliers
+ occupés par l'aqueduc qui conduit les eaux des sources
+ de la Celle et de Bougival au premier puisard de la
+ machine de la rivière de Seine, en la largeur d'une
+ perche sur toute la longueur pour le fond.
+
+ 8 février.--Du sieur de Bartillat, 120,533 l. 6 s., pour
+ employer au remboursement du prix principal et non-jouissances
+ des terres, prés, bois et vignes appartenant
+ à divers particuliers, lesquels sont occupés par
+ la grande pièce d'eau que Sa Majesté a ordonné être
+ faite l'année dernière dans les hauteurs de Louveciennes;--par
+ les deux rigoles faites dans lesdites
+ hauteurs qui conduisaient les eaux dans les étangs des
+ Graissets;--par les quatre étangs des Graissets;--par
+ les bois plantés dans les plaines du Trou-d'Enfer
+ et dans les hauteurs de Rocquencourt;--par l'avenue
+ qui conduit de Versailles à Saint-Germain depuis Rocquencourt
+ jusqu'à l'étang de Béchevet;--et par l'espace
+ qui est entre ladite avenue et les murs du Grand-Parc;--par
+ les terres occupées par la grande pépinière
+ qui est au-dessus de Rocquencourt:--par les rigoles
+ qui conduisaient les eaux des hauteurs de Rocquencourt
+ dans les étangs des Graissets;--par l'aqueduc
+ qui conduit les eaux de la machine au réservoir du
+ Chesnay;--et par une partie de l'aqueduc nouvellement
+ fait pour conduire les eaux de la machine dans
+ le réservoir de la butte de Montbauron, jusqu'à l'endroit
+ du puits de l'angle qui est au-dessus du Chesnay;--et
+ encore pour l'indemnité du droit de dimes et les
+ non-jouissances qui étaient dues aux sieurs de Luciennes,
+ comme gros décimateurs dans la paroisse sur
+ cinq cents arpents de terre labourable et vignes qui
+ sont occupés par les travaux que Sa Majesté a fait faire
+ dans les hauteurs de Marly, de Luciennes, et dans
+ l'enceinte de la machine.
+
+ 12 juillet.--Du sieur de Bartillat, pour délivrer au sieur
+ _de Ville_, par gratification, en considération des soins
+ qu'il a pris pour la construction de la machine de la
+ rivière de Seine 100,000 l. » s. » d.
+
+ Dépenses.
+
+ _Fonds libellés._
+
+ 27 janvier 1686.--Au sieur _de
+ Ville_, gentilhomme liégeois, par
+ gratification, en considération de
+ ses soins pour la construction de
+ la machine de la rivière de Seine
+ pendant l'année dernière 6,000l. » s. » d.
+
+ 17 février.--A divers particuliers
+ pour le remboursement des terres,
+ vignes et autres héritages
+ à eux appartenant, occupés par
+ l'aqueduc qui conduit les eaux
+ des sources de la Celle et Bougival
+ au premier puisard de la
+ machine de la rivière de Seine 7,723 7 9
+
+ A divers particuliers, pour
+ remboursement du prix
+ principal et non-jouissances
+ des héritages occupés par
+ les quatre étangs des Graissets
+ et autres travaux faits
+ sur les hauteurs de Luciennes 120,533 6 »
+
+ 28 juillet.--Au sieur _de Ville_, par
+ gratification, en considération des
+ soins qu'il a pris pour la construction
+ de la machine de la rivière
+ de Seine 100,000 » »
+
+ 27 octobre.--A Noël, serrurier,
+ à-compte des tréteaux de fer pour
+ les conduites de tuyaux dans
+ l'aqueduc sous la tour de la machine 800l. » s. » d.
+
+ A Lahaye, plombier, à-compte
+ des tuyaux de 6 pouces posés
+ dans le deuxième puisard
+ de la machine au haut
+ de la montagne de Luciennes 2,400 » »
+
+ Au sieur Mezeret, greffier de
+ l'écritoire, à-compte du travail
+ aux toisés d'ouvrage de
+ la machine de Marly 400 » »
+
+ A Morel, serrurier, sur les fers
+ d'équipages aux pompes du
+ deuxième puisard de la machine 300 » »
+
+ 1er décembre.--A Menoist, marchand
+ de fer, à-compte des chevrons
+ de fer de la machine 800 » »
+
+ A Aubert, charpentier, à-compte
+ des pieux qu'il a
+ fait battre pour contre-garder
+ les îles, et à la chute
+ de la grande digue de la
+ machine 3,100 » »
+
+ A la veuve Lemaire, fondeur,
+ pour payement de deux robinets
+ pour la conduite des
+ eaux de la machine 237l. 16 s. » d.
+
+ A Bertin, pour moellons à la
+ machine 600 » »
+
+ A Mathieu, fondeur,à-compte
+ des tambours, tuyaux coudés
+ et passières de cuivre,
+ fournis pour les mouvements
+ de la machine 600 » »
+
+ Au sieur Desvaugoins, sur les
+ tuyaux de la machine 1,000 » »
+
+ _Payements d'ouvrages de maçonnerie et terrasses._
+
+ A Aubrat, entrepreneur, pour payement
+ d'un bout d'aqueduc qui
+ sert de communication du puits
+ de l'Angle aux grands aqueducs
+ venant des Graissets 390 » »
+
+ A lui,--pour payement de 1,597 l.
+ 10 s. à quoi montent le gravoillage
+ pour poser le ciment aux
+ aqueducs venant du regard au-dessus
+ des étants des Graissets 17 10 »
+
+ _Aqueduc pour la communication des deux proche le puits
+ de l'Angle._
+
+ Du 29 septembre au 22 décembre.--A
+ Lafosse, sur l'aqueduc pour
+ la décharge des eaux de la machine
+ de la Chaussée 950 » »
+
+ _Gages payés par ordonnance._
+
+ DU 6 JANVIER 1686 AU 18 JANVIER 1687.
+
+ A _Rennequin-Sualem_, charpentier
+ liégeois, employé à la machine. 1,800 l. » s. » d.
+
+ A Miché, menuisier liégeois, employé
+ à la machine. 720 » »
+
+ A Monget, qui a soin d'apporter la
+ hauteur des eaux de la machine. 900 » »
+
+ MACHINE DE MARLY.
+
+ _Maçonnerie._
+
+ DU 3 MARS AU 8 DÉCEMBRE 1686.
+
+ A J. Delarive,--à J. Fay,--à J.
+ Frades,--à Ant. Hémon,--Bailly-Lamoureux,--Pottier.
+
+ Somme. 21,902 17 6
+
+ _Terrasses._
+
+ A J. Chapeau,--Depautre,--Cherfils.
+
+ Somme. 7,327 10 »
+
+ _Charpenterie._
+
+ A Raoul de Pierre et J. Aubert,--Laporte,--Claude
+ Garde,--Nicolas Roussel.
+
+ Somme. 23,757 16 »
+
+ _Couverture._
+
+ A Étienne Yvon. 1,100 » »
+
+ _Menuiserie._
+
+ A Nicolas Dubois,--Elisabeth Breton,--Gilles
+ Massa.
+
+ Somme. 6,691 l. 2 s. 8 d.
+
+ _Ouvrages de fer._
+
+ A J. B. Boileau,--Cormieux,--J. Rouillé,--F.
+ Michel,--d'Arche,--Guerreau,--Noël.
+
+ Somme. 8,732 3 9
+
+ _Manivelles._
+
+ A J. Proust,--G. Longuet,--J. Longuet,--C.
+ Jean,--A. Fordrin
+ et Boulet,--F. Pasquier,--P.
+ Noiret,--Menoist,--Th.
+ Cucu,--Morel,--V. Morel,--Renault.
+
+ Somme. 132,024 6 »
+
+ _Ouvrages de cuivre._
+
+ A J. Royer,--Dezeustres.
+
+ Somme. 27,500 » »
+
+ _Plomberie._
+
+ A J. Lucas. 3,000 » »
+
+ _Ouvrages de goudron._
+
+ A M. Deschamps. 2,050 » »
+
+ _Braye._
+
+ A Clerx. 349 2 »
+
+ _Chandelle_.
+
+ A Haulmoire. 1,189 l. 1 s. 6 d.
+
+ _Corps de pompe d'Aulne_.
+
+ A Cimery. 112 7 6
+
+ _Cuirs de vaches_.
+
+ A J. Pays. 576 » »
+
+ _Loyers de maisons_.
+
+ A Th. Chevalier,--Malherbe,--Raffront. 169 10 »
+
+ _Pavé_.
+
+ A Georges,--Legrand. 4,360 1 »
+
+ _Ouvrages extraordinaires_.
+
+ A divers ouvriers. 4,886 8 8
+
+ Ouvriers à journées. 19,719 12 »
+
+ _Vitrerie_.
+
+ A Cl. Cosset. 79 16 6
+
+ _Grosses peintures_.
+
+ A J.-B. Fauconnier. 210 » »
+
+ _Potin_.
+
+ A Noiret. 7,922 » »
+
+ _Cordages_.
+
+ A E. Langlois. 292 10 »
+
+
+ ANNÉE 1687.
+
+ RECETTES.
+
+ De M. Gédéon Dumetz, garde du Trésor royal, 9,000 l.,
+ pour délivrer au sieur _de Ville_, savoir: 6,000 l. par gratification,
+ en considération des soins qu'il a pris de la
+ machine de la rivière de Seine pendant l'année dernière
+ 1686, et 3,000 l. de pension extraordinaire que Sa Majesté
+ lui a accordées pendant les derniers mois de la
+ même année.
+
+ DÉPENSES.
+
+ _Dépenses extraordinaires de Versailles._
+
+ DU 5 JANVIER AU 21 DÉCEMBRE 1687.
+
+ Au sieur _de Ville_, gentilhomme liégeois, pour achat et
+ frais de voiture de cinquante-un lauriers de Flandre,
+ pour Versailles. 1,274 l. 10 s. » d.
+
+ _Fonds libellés_.
+
+ DU 9 JANVIER 1687 AU 19 JANVIER 1688.
+
+ Au sieur _de Ville_, 6,000 l., en considération
+ des soins qu'il a pris
+ de la machine de la rivière de
+ Seine pendant l'année 1686, et
+ 3,000 l. de pension extraordinaire
+ pendant les six derniers mois de
+ la même année. 9,000l. » s. » d.
+
+ MACHINE DE MARLY.
+
+ Maçonnerie.
+
+ A Larue,--J. Fay,--J. Bailly,--Le
+ Boisselier. 121,960 » »
+
+ _Terrasses_.
+
+ A Bourienne,--de Pautre,--Cherfils,--J.
+ Frades,--Hémont.
+
+ Somme. 5,184 l. 16 s. 3 d.
+
+ _Charpenterie_.
+
+ A Raoul de Pierre (dit Laporte),--J.
+ Aubert. 21,997 14 »
+
+ _Couverture_.
+
+ A E. Yvon. 511 10 7
+
+ _Menuiserie_.
+
+ A M. Dubois,--Berton,--Nivet. 1,507 14 5
+
+ _Serrurerie_.
+
+ A J. Rouillé. 392 6 »
+
+ _Charbon_.
+
+ A P. Dailly. 154 10 »
+
+ _Fers d'équipages_.
+
+ A F. Noël,--Longuet. 1,833 9 »
+
+ _Clous et cuirs forts_.
+
+ A J. Proust. 2,836 19 »
+
+ _Manivelles_.
+
+ A Longuet,--Gordrin. 2,347 16 »
+
+ _Ouvrages de fer_.
+
+ A M. Deseustres,--Noiret,--Menoist. 3,450 » »
+
+ _Entretien de la serrurerie de la machine._
+
+ A Renault,--Morel. 14,784 l. 12 s. » d.
+
+ _Ouvrages de cuivre._
+
+ A J. Royer. 28,630 19 1
+
+ _Plomberie._
+
+ A J. Lucas. 6,600 » »
+
+ _Goudronages._
+
+ A M. Deschamps,--Levasseur,
+ calfatiers. 2,576 17 4
+
+ _Chandelles et pots à brûler._
+
+ A Haulmoir. 750 » »
+
+ _Vitrerie._
+
+ A Cossette. 119 1 »
+
+ _Pavé._
+
+ A Renoult. 500 » »
+
+ _Peinture._
+
+ A Fauconnier. 120 » »
+
+ _Diverses dépenses._
+
+ A divers fournisseurs. 1,454 2 1
+
+ Remis au sieur Lebegue, sur les
+ réparations de la machine. 12,021 » »
+
+ _Cordages._
+ A Langlois, cordier. 310 10 »
+
+ _Ouvriers à journées._
+
+ A divers ouvriers. 17,498 1 »
+
+ _Gages_.
+
+ Au sieur Cochu, employé au toisé
+ des terres à la machine. 3,600 l. » s. » d.
+
+ Au sieur _Rennequin-Sualem_, employé
+ à la machine. 1,800 » »
+
+ A Mauger, qui a soin d'apporter la
+ hauteur des eaux. 900 » »
+
+ Au sieur de la Maison-Blanche, employé
+ au magasin de la machine. 900 » »
+
+ _Gratifications_.
+
+ 9 janvier.--A Gilles Lambotte et
+ _Rennequin-Sualem_, qui ont travaillé
+ aux pompes et à la machine
+ à cheval de Saint-Cyr. 115 » »
+
+ 9 janvier.--Au sieur Proust, courrier
+ de la poste à Liége, en considération
+ des soins qu'il a pris
+ des envois faits pour la machine
+ de Seine. 150 » »
+
+ ANNÉE 1688.
+
+ Recettes.
+
+ De M. Étienne Jehannot, sieur de Bartillat, 12,000 l.
+ pour délivrer air sieur _de Ville_, savoir: 6,000 l. par
+ gratification en considération des soins qu'il a pris de
+ la machine de la rivière de Seine pendant l'année
+ 1687, et 6,000 l. de pension extraordinaire que Sa Majesté
+ lui a accordées pendant la même année.
+
+
+ _Fonds libellés_.
+
+ 25 janvier.--Au sieur _de Ville_, savoir: par gratification
+ en considération des soins qu'il a pris de la machine
+ de la rivière de Seine, et de pension extraordinaire que
+ Sa Majesté lui a accordée. 12,000 l. » s. » d.
+
+ A la veuve Nicolas de Bise, pour
+ payement de la dépense du
+ changement et transport du
+ moulin à vent situé vis-a-vis
+ des piles du grand aqueduc
+ de la machine, et rétablissement
+ d'icelui a un autre endroit
+ des environs de Marly. 3,074 10 »
+
+
+ Il résulte de ce relevé des dépenses
+ de la machine, qu'en
+ 1681 et 1682 elles s'élevèrent à 923,558 12 7
+ En 1683 970,828 1 11
+ En 1684 713,776 2 7
+ En 1685 678,183 5 6
+ En 1686 415,183 13 »
+ En 1687 248,957 7 9
+ En 1688 3,074 10 »
+ ____________________
+ Total 3,953,561l. 13s. 4d.
+
+
+NOTE Nº 2.
+
+Il existe dans le cabinet de M. Dufrayer, directeur actuel de la
+machine, à qui nous devons l'établissement du nouvel instrument
+hydraulique de la Seine, un plan magnifique de l'ancienne machine de
+Marly.
+
+Nous transcrivons ici le titre et la légende qui l'accompagnent. Ce
+titre est orné d'un très-bel encadrement et surmonté d'un portrait de
+Louis XIV, le voici:
+
+VEUE DE LA MACHINE DE MARLY
+
+qui élève l'eau de la rivière de Seine et de plusieurs sources, 535
+pieds par des mouvements continuez, 530 toises de longueur pendant 700
+toises de chemin.
+
+Cette machine sert à embellir les maisons royales de Versailles, de
+Trianon, de Marly, et peut servir à Saint-Germain en Laye.
+
+Elle a été construite par ordre du Roy, sur les projets et par la
+direction de M. le baron de Ville.
+
+
+ LÉGENDE.
+
+ 1º Rivière neuve faite pour la navigation.
+
+ 2º Ouvrages construits pour garantir les îles contre la rivière.
+
+ 3º Iles.
+
+ 4º Digues sèches pour entretenir les niveaux de la rivière et
+ préserver les îles.
+
+ 5º Grande digue qui barre l'ancien cours de la rivière.
+
+ 6º Coffre pour renvoyer la chute de la rivière dans son ancien
+ cours, et amortir l'impétuosité de la chute de la rivière du bas de
+ la digue.
+
+ 7º Digue sèche faite au travers des îles pour arrêter les grandes
+ inondations et barrer un ancien bras de la rivière.
+
+ 8º Épaulement contre les glaces, qui sert de soutien à la machine.
+
+ 9º Éperon contre les glaces.
+
+ 10º Canal devant la machine où passaient anciennement les bateaux.
+
+ 11º Canal au-dessous de la machine.
+
+ 12º Grilles contre les glaces.
+
+ 13º Pont des grilles.
+
+ 14º Pont des vannes.
+
+ 15º Toit qui couvre les équipages des vannes.
+
+ 16º Huit balanciers en bascule, qui élèvent l'eau de la rivière par
+ le moyen chacun de huit corps de pompes, de sept pouces de diamètre
+ et de cinq pieds de jeu.
+
+ 17º Conduites posées crainte du feu, lesquelles arrosent toute la
+ machine.
+
+ 18º Vingt gros balanciers, ou varlets, qui tiennent aux manivelles,
+ pour donner les mouvements aux chaînes.
+
+ 19º Quatorze roues de trente-sept pieds de diamètre.
+
+ 20º Treize rangées de balanciers, qui portent les mouvements des
+ roues dans les puisards supérieurs et alternatifs.
+
+ 21º Sept rangées de balanciers, qui portent les mouvements des
+ manivelles aux puisards d'amy-côte et aux puisards des sources.
+
+ 22º Estacade pour guider les glaces sur la grande digue.
+
+ 23º Maison du contrôleur et magasin.
+
+ 24º Chemin de Saint-Germain.
+
+ 25º La forge d'en bas, d'amy-côte, avec les supérieures, la
+ fonderie et le magasin.
+
+ 26º Les puisards d'amy-côte, et celui alternatif.
+
+ 27º Puisards des sources.
+
+ 28º Réservoir des sources.
+
+ 29º Réservoir d'amy-côte.
+
+ 30º Puisard supérieur, où il y a treize équipages qui font aller
+ quatre-vingt-deux corps de pompes sur la tour.
+
+ 31º Conduites qui portent l'eau sur la tour.
+
+ 32º Réservoir du baron de Ville.
+
+ 33º La tour où sont portées les eaux de la machine.
+
+ 34º Aqueduc qui conduit les eaux dans les réservoirs.
+
+ 35º Pavillon, basse-cour et jardin de M. le baron de Ville.
+
+ 36º Les trois portes de la machine.
+
+ 37º Réservoir de Luciennes.
+
+ 38º Réservoir du Trou-d'Enfer.
+
+ 39º Les trois réservoirs de Marly.
+
+ 40º Chemin de Versailles a Marly.
+
+ 41º Château de Marly.
+
+ 42º Chapelle de Marly.
+
+ 43º Les douze pavillons de Marly.
+
+ 44º L'église de Marly, dite Saint-Vigor.
+
+ 45º Le Chenil.
+
+ 46º Les jardins de Marly.
+
+ 47º Le grand parc de Marly.
+
+ 48º La maison et jardin de M. de Cavois.
+
+ 49º L'église et le village de Luciennes.
+
+Cette machine a été inventée et exécutée par M. le baron de Ville,
+dessinée par Liévin Creuil, en 1688, gravée en 1708, et finie en 1716,
+par Pierre Giffart, graveur du roy. Elle se vend a Paris, chez ledit
+Giffart, rue Saint-Jacques, à l'Image Sainte-Thérèse, avec privilège du
+roy.
+
+
+NOTE Nº 3.
+
+_Extrait du journal de Dangeau._
+
+Tome Ier.--Mardi, 13 juin 1684.
+
+Le roi et monseigneur allèrent a Marly, qu'on trouva fort avancé;
+ensuite on passa aux regards de M. de Ville, pour voir arriver les eaux.
+
+Tome Ier.--Vendredi, 10 août 1685.
+
+Le roi alla se promener à cheval à la machine de M. de Ville.
+
+_Extrait de la_ Gazette de France _de_ 1682, _page_ 358.
+
+De Versailles, le 26 juin 1682.
+
+Ces jours passez, le roy alla voir les travaux que le sieur de Ville,
+gentilhomme et échevin de Liége, fait faire sur la Seine afin d'élever
+l'eau de cette rivière quatre cent soixante-dix pieds de haut pour estre
+conduite ici, et la première épreuve en fut faite en présence de Sa
+Majesté avec beaucoup de succez.
+
+
+NOTE Nº 4.
+
+Vauban, chargé par le roi de visiter la machine de Marly, donne une
+instruction pour établir une estacade biaise devant la machine afin de
+diriger les glaces sur la grande digue, et pour refaire certaines
+parties des digues.
+
+Cette instruction est signée de lui, et datée du 27 février 1684. Il y
+parle de de Ville comme chef de la machine.
+
+Le devis, pour faire cette estacade, est signé par Pierre Delaporte,
+entrepreneur, et par le marquis de Louvois.
+
+Ces deux pièces font partie des archives de la machine de Marly.
+
+Nous devons la communication de ces pièces, et de toutes celles qui
+proviennent des archives de la machine, à l'obligeance de M. Dufrayer,
+directeur actuel, qui nous a permis de visiter un à un tous les cartons
+renfermés dans ces archives.
+
+
+NOTE Nº 5.
+
+Procès-verbal et état général des terrains situés dans les îles
+appartenant à divers particuliers et dont le roy a fait l'acquisition
+pour l'élargissement de la rivière neuve.
+
+L'an mil six cent quatre-vingt-un, onzième jour de mai et jours
+suivants, je, Claude Caron, arpenteur ordinaire du roy, et la maîtrise
+des eaux et forêts de Saint-Germain en Laye, demeurant a Paris, rue de
+Jouy, paroisse Saint-Paul, de présent a Louveciennes, commis par Sa
+Majesté pour faire ces mesurages et arpentages, plans figurés et cartes
+des bois et terres dans l'étendue des environs de Versailles, dont Sa
+Majesté acquiert la propriété, me suis transporté suivant l'ordre de
+messire Jean-Baptiste Colbert, chevalier, etc., conseiller du roy,
+ordinaire, etc., sur la terre de Croissy, dans les îles côtoyantes le
+bras de la rivière de Seine, en présence de M. Lambert, architecte et
+contrôleur des bâtiments de Sa Majesté, qui m'avait montré et désigné
+les piquets qu'il avait fait planter pour élargir iceluy, pour faire un
+canal navigable _à cause de la machine qui se devait construire dans la
+rivière pour élever l'eau au château de Versailles_, afin de connaître a
+la suite ce qui aurait été pris par la fouille qui en sera faite par
+ledit élargissement, en conséquence de quoi j'ai mesuré, arpenté et levé
+le plan, tant dudit bras de Seine que des îles, prés et terres
+adjacentes, dont j'ai fait une carte et figures pour servir en temps et
+lieu.
+
+Et le vingtième jour d'octobre et jours suivants, je me suis d'abord
+transporté aux susdits endroits (_le canal étant entièrement fini et
+navigable_), pour faire l'arpentage final de ce qui a été pris par ledit
+élargissement d'iceluy et ce qui est occupé par les terres et vidanges
+qui en proviennent et par le chemin fait pour le tirage des bateaux,
+tant sur la terre de la seigneurie de Croissy que dans les îles
+appartenant a plusieurs particuliers dont le roy acquiert la propriété
+afin de les en dédommager.
+
+Et le douzième jour de janvier 1682 et jours suivants, je me suis
+pareillement transporté, suivant l'ordre de mondit seigneur, _à la
+machine qui a été faite depuis ledit temps pour élever l'eau au château
+de Versailles_, où étant, j'avais trouvé _M. de Ville, ingénieur de
+ladite machine_, avec ledit sieur Lambert, qui m'avaient montré et
+désigné les endroits où devaient passer les mouvements d'icelle,
+puisards et conduites des eaux jusques aux étangs des Gressets, comme
+aussi les rigoles et conduites des eaux de Bougival, Louveciennes et
+Prunay, qui descendent au premier puisard pour être enlevé avec l'eau de
+ladite rivière, afin de faire aussi l'arpentage des terres et vignes qui
+pouvaient être occupées, et considérer ces choses en l'état qu'elles
+pouvaient être, afin d'en faire au juste l'estimation, pour parvenir au
+remboursement que Sa Majesté en doit aussi faire; et auparavant de
+procéder, j'avais fait publier aux prônes des paroisses, afin d'avertir
+les particuliers a qui appartiennent lesdits héritages de venir montrer
+les limites et séparations d'icelles terres, tenants et aboutissants, et
+au défaut de plusieurs qui ne seraient comparus, j'aurais eu recours aux
+anciens habitants des lieux qui m'auraient fait la démonstration
+d'iceux, en même temps j'ai fait marquer les séparations desdites terres
+et ensuite mesurer et arpenter suivant la désignation qui en a été
+faite.
+
+Et le quinzième jour de février 1683, je me suis d'abord transporté avec
+ledit _sieur de Ville dans les îles de la rivière de Seine et les terres
+adjacentes de la machine, pour marquer l'étendue qu'il désirait être
+prise pour Sa Majesté étant occupée et partagée par l'augmentation des
+chevalets, puisards, réservoirs, aqueducs, conduites de tuyaux,
+bâtiments et autres travaux faits et iceux_. Après avoir le tout
+considéré, _j'aurais fait planter des piquets aux endroits marqués par
+ledit sieur de Ville_, afin de faire l'arpentage et mesurage desdites
+terres, comme celles ci-devant, ce que j'aurais exécuté et aurais, après
+ledit mesurage, _fait faire des fossés pour marquer la séparation des
+terres dont Sa Majesté acquiert la propriété_ dans celles qui restent
+aux particuliers _suivant l'ordre dudit sieur de Ville_, dont six pieds
+au delà dudit fossé appartenant pareillement à Sadite Majesté, qui ont
+été laissés pour servir de chemin et passage; de toutes et chacune
+desdites terres et autres héritages ci-devant déclarés, j'ai fait plan,
+et figures, le tout coté et par chiffres comme au présent procès-verbal,
+dont la teneur et déclaration en suit.
+
+Suit le détail des différentes terres et leur contenance.
+
+Extrait des archives de la machine de Marly.
+
+
+NOTE Nº 6.
+
+Pentes des rivières de Seine depuis 100 toises au-dessus de la pointe de
+Bezons jusques à la machine, dont toutes les pentes et les longueurs
+sont prises a l'égard desdites 100 toises.
+
+ Toises. Pieds. Pouces. Lignes.
+
+ 100, pointe de Bezons » 2 »
+
+ 130, milieu de l'ancienne digue
+ de la pointe A » 5 6
+
+ _Id._ ancienne rivière,--A » 1 »
+
+ 200, milieu de la digue de Bezons.» 7 »
+
+ _Id._ ancienne rivière » 1 6
+
+ 300, nouvelle » 9 6
+
+ 400, _id._ » 11 6
+
+ 500, _id._ 1 » 4
+
+ 600, _id._ 1 1 2
+
+ 700, _id._ 1 2 »
+
+ 770, digue de la Morue 1 5 »
+
+ _Id._ ancienne rivière » 4 »
+
+ 800, nouvelle 1 5 8
+
+ 900, _id._ 1 6 6
+
+ 1,000, _id._ 1 8 »
+
+ 1,200, pointe de la petite île de
+ Carrière 1 9 4
+
+ 1,400, petite porte des jardins de
+ Carrière 1 10 8
+
+ 1,600, nouvelle 2 » »
+
+ 1,800, _id._ 2 1 2
+
+ 2,000, nouvelles perches pour le
+ poisson 2 2 4
+
+ 2,200, nouvelle. 2 3 »
+
+ 2,350, le dessus du pont de Chatou. 2 3 6
+
+ 2,400, milieu de la digue de Chatou. 2 4 3
+
+ _Id._ ancienne rivière. 1 10 6
+
+ 2,600, nouvelle. 2 7 6
+
+ 2,800, _id._ 3 1 »
+
+ 3,100, milieu de la digue de Croissy. 3 8 9
+
+ _Id._ ancienne rivière. 2 1 »
+
+ 3,200, nouvelle. 4 » 6
+
+ 3,400, _id._ 4 9 3
+
+ 3,600, _id._ 5 4 6
+
+ 3,800, _id._ 5 9 9
+
+ 3,900, digue de la Chaussée. 5 11 »
+
+ _Id._ ancienne rivière. 2 4 »
+
+ 4,000, nouvelle. 6 1 »
+
+ 4,250, nouvelle vis-à-vis la machine. 6 4 »
+
+ _Id._ ancienne au-dessus de la machine. 2 6 »
+
+ _Id._ ancienne sous la machine. 6 8 9
+
+ Pointe de Bezons. » 2 3
+
+ Ancienne digue de la pointe,
+ nouvelle rivière. » 8 6
+
+ Ancienne rivière. » » »
+
+ Digue de Bezons, nouv. riv. » 10 9
+
+ Ancienne rivière. » » 3
+
+ Digue de la Morue, nouv. r. 1 8 2
+
+ Ancienne rivière. » » 3
+
+ Digue de Chatou, nouv. riv. 1 11 4
+
+ Ancienne rivière. 1 8 4
+
+ Digue de Croissy, nouv. riv. 4 1 2
+
+ Ancienne rivière. 2 1 8
+
+ Digue de la Chaussée, n. r. 6 2 2
+
+ Ancienne rivière. 2 2 6
+
+ Nouvelle rivière vis-à-vis la
+ machine. 6 10 »
+
+ Ancienne rivière au-dessus
+ de la machine. 2 7 4
+
+ Ancienne rivière au-dessous
+ de la machine. 7 1 4
+
+Pentes des rivières de Seine, depuis 100 toises au-dessus de la pointe
+de Bezons, jusqu'à la machine, toutes lesdites pentes et les longueurs
+étant prises à l'égard desdites 100 toises.--La digue n'étant pas
+fermée.
+
+ Longueurs. Pieds. Pouces. Lignes.
+
+ 100, pointe de Bezons, anc. riv. » 2 »
+
+ _Id._ _id._ nouv. r. » 2 »
+
+ 130, ancienne digue de la pointe,
+ ancienne rivière. » 1 »
+
+ _Id._ ancienne digue de la pointe,
+ nouvelle rivière. » 5 »
+
+ 200, digue de Bezons, anc. riv. » 1 6
+
+ _Id._ _id._ nouv. r. » 7 »
+
+ 770, digue de la Morue, anc. riv. » 4 »
+
+ _Id._ _id._ nouv. r. 1 5 »
+
+ 2,400, digue de Chatou, anc. riv. 1 10 6
+
+ _Id._ _id._ nouv. r. 2 4 3
+
+ 3,100, digue de Croissy, anc. riv. 2 7 »
+
+ _Id._ _id._ nouv. r. 3 8 9
+
+ 3,900, digue de la Chaussée; a. r. 2 4 »
+
+ _Id._ _id._ n. r. 5 11 »
+
+ 4,250, Ancienne rivière au-dessus
+ de la machine. 2 6 »
+
+ Nouvelle rivière vis-à-vis la
+ machine. 6 4 »
+
+ Ancienne rivière au-dessous
+ de la machine. 6 8 9
+
+Les divers devis pour les digues sont de l'année 1681, et signés de
+Colbert.
+
+Extrait des archives de la machine de Marly.
+
+
+NOTE Nº 7.
+
+Les renseignements suivants ont été pris dans les archives de la machine
+de Marly:
+
+1º La tour en pierre et l'aqueduc de Louveciennes ont été construits en
+1684, sur les plans et sous la direction de Mansart. Les devis de ces
+constructions, signés de lui, sont aux archives de la machine.
+
+2º Dans un rapport de M. Lucas, contrôleur de la machine, adressé en
+janvier 1784 à M. le comte d'Angeviller, on trouve l'observation
+suivante sur la cause qui fit élever la tour:
+
+«Le point capital de l'établissement de la grande tour a été d'y monter
+l'eau de la rivière, afin de dominer tous les endroits où cette eau
+communique.»
+
+3º Dans une note sur les contrôleurs, qui paraît aussi avoir été écrite
+par M. Lucas, on lit:
+
+«M. Delespine père, contrôleur de la machine, l'a été environ
+quarante-quatre ans; il est entré au département de la machine en 1707,
+sous le règne de Louis XIV, et sous le gouvernement du chevalier Arnold
+de Ville, qui n'est mort qu'en 1722. Il était gouverneur (M. de Ville)
+depuis le commencement de la machine, et a été le seul qu'il y ait eu
+dans ce département.»
+
+Et plus loin:
+
+«Après M. Lambert, qui a été le premier contrôleur, c'est M. _Cochu_ qui
+l'a remplacé. Il était ingénieur des fortifications que l'on faisait
+dans ce temps a Maubeuge, et c'est le chevalier de Ville qui l'a tiré de
+cet endroit pour le faire venir à la machine.»
+
+4º En 1792, M. Gondouin, contrôleur, adresse à M. Laporte, intendant de
+la liste civile, un rapport dans lequel il fait l'historique suivant des
+officiers de la machine:
+
+«Lors de la construction de la machine, en 1680, le sieur de Ville,
+mécanicien et inventeur de la machine, en fut nommé le gouverneur, avec
+18 à 20,000 livres, et le logement du pavillon de Luciennes, occupé
+aujourd'hui par madame du Barry. Les sieurs Lambert, Petit et Cochu,
+successivement contrôleurs, jusqu'en 1683, eurent 4,000 livres
+d'appointements, et 1,000 livres de gratification. Le sieur Delespine
+père eut le même traitement jusqu'en 1742, où il fit recevoir son fils
+adjoint à sa place, et demanda que sur les 4,000 livres de traitement il
+en fût donné 1,000 livres a son fils. A la mort de M. Delespine père, le
+fils lui succéda jusqu'en 1749, et il n'eut plus pour appointements que
+3,000 livres et 1,000 livres de gratification. Le sieur Tarbé succéda au
+sieur Delespine fils en 1749, avec les mêmes appointements jusqu'en
+1754, où il obtint de commuer en pension sa gratification de 1,000
+livres. Le sieur Lucas succéda au sieur Tarbé en 1768, et n'eut plus que
+3,000 livres, sans aucune espèce de gratification, ce qui est mon
+traitement actuel.»
+
+5º Les personnes qui attribuent à Rennequin l'invention de la machine
+donnent comme une preuve les faveurs du gouvernement envers sa famille;
+et ils racontent qu'une demoiselle Lambotte, presque centenaire, et
+petite-nièce de Rennequin, était logée aux bâtiments de la machine, et
+jouissait d'une pension prise sur les fonds affectés à l'entretien de
+l'établissement. On va voir par la lettre ci-après quelles étaient ces
+faveurs du gouvernement.
+
+Lettre du sieur Lucas, contrôleur de la machine, à M. le comte
+d'Angeviller:
+
+«Monsieur le comte,
+
+»J'ai l'honneur de vous informer du décès de mademoiselle Marie-Benoist
+Lambotte, fille d'un ancien inspecteur de ce département, qui jouissait
+d'un petit logement dans les mansardes au-dessus de celui de
+l'inspecteur actuel, et d'une pension de 400 livres sur le trésor royal.
+
+»Je suis, etc.»
+
+C'était là une faveur que l'on accordait a toutes les femmes des
+employés de la machine morts en exercice.
+
+
+NOTE Nº 8.
+
+Renseignements sur de Ville et Rennequin, puisés dans divers ouvrages:
+
+1º Curiosités de Paris, de Versailles, Marly, Vincennes, Saint-Cloud et
+ses environs, par Claude Saugrain; Paris, 1716.
+
+Cette machine (de Marly) étonnante _a été inventée par le chevalier de
+Ville_, et n'a sûrement jamais eu de pareille dans le monde.
+
+2º Nouvelle description des châteaux et parcs de Versailles et de Marly,
+par Piganiol de la Force; Paris, 1764.
+
+La grosseur de ce volume, dit Piganiol, suffirait à peine pour en
+décrire la construction (de la machine), les mouvements et les effets.
+Peu de gens sont d'ailleurs capables de les comprendre, puisque _M. de
+Ville assure qu'il n'a presque trouvé que feu M. le maréchal de Vauban
+qui, en voyant ce merveilleux ouvrage, en ait connu la plupart des
+effets_.
+
+3º Dictionnaire géographique, historique et politique des Gaules et de
+la France, par l'abbé Expilly; Amsterdam, 1766.
+
+_Cette machine a été inventée par le chevalier de Ville_.
+
+4º État de la France.--Janvier 1708.
+
+La machine de Marly, qui fournit d'eau de la rivière de Seine les
+châteaux de Marly, de Versailles et de Trianon.
+
+_M. le baron de Ville_ a le gouvernement et la direction de cette
+machine, lequel a d'appointements et de pension 12,000 livres.
+
+Entretien de la ferrure des pistons et de la serrurerie des bâtiments,
+le sieur Lempérier.
+
+Entretien des ouvrages de cuivre, le sieur Lemoine.
+
+Entretien des couvertures des maisons dépendantes de la machine, le
+sieur Charuel.
+
+Entretien des cuirs forts pour les pompes, le sieur Nolant.
+
+Entretien de la maçonnerie, du moellon et cailloux des digues, le sieur
+Loison.
+
+Entretien des vitres, le sieur Cosset.
+
+Entretien du pavé des puisards, le sieur Regnout.
+
+Un contrôleur, M. Delespine.
+
+Un garde-magasin, le sieur Creté.
+
+Un charpentier liégeois, le _sieur Rennequin_.
+
+Les fêtes et dimanches, les Récollets viennent dire la messe à cette
+machine pour les ouvriers.
+
+
+NOTE Nº 9.
+
+L'ARRIVÉE DE LA SEINE AU CHATEAU DE MARLY.
+
+Poëme, par M. Cassan, _Mercure galant_, année 1699.
+
+L'auteur décrit d'abord le cours de la Seine avant son arrivée au
+château de Marly.--Au moment où le fleuve se resserre par suite des
+travaux d'endiguement, il décrit ainsi la machine:
+
+ Mais enfin son penchant lui faisant violence,
+ L'entraîne dans ce lieu, malgré sa résistance,
+ Et fait voir à la nymphe, au delà du tournant,
+ Le formidable objet d'un travail surprenant.
+ Comme on voit en hiver la forêt des Ardennes,
+ Quand la bise a fait choir le feuillage des chênes,
+ Et chassé les voleurs de tous les défilés,
+ Présenter ses vieux troncs qui paraissent brûlés;
+ Ainsi se voit de loin la machine effroyable,
+ Ouvrage de nos jours, qui paraît incroyable,
+ Avec tout l'attirail de son corps hérissé
+ De rouage et de ponts, l'un sur l'autre exhaussé,
+ Dont les bras, s'étendant vers le haut de la côte,
+ Meuvent les balanciers comme on voit une flotte,
+ Que la vague entretient dans le balancement,
+ Incliner tous ses mâts à chaque mouvement.
+ Quoi! dit-elle en voyant la machine étonnante,
+ Serai-je donc contrainte à poursuivre ma pente,
+ Et me faire rouer parmi tous les ressorts
+ Que je vois remuer par de si grands efforts!
+ Non, non, dit-elle alors, la nymphe de la Seine
+ Se mêlera plutôt avec l'eau qui l'entraîne,
+ Et, par son changement, saura bien éviter
+ Les outrages cruels qu'elle voit apprêter.
+ Ainsi dit, à l'instant elle se rend liquide;
+ Son corps va se mêler avec l'onde rapide,
+ Et, dans le fil de l'eau, tâche de s'allonger,
+ Croyant par ce moyen éviter le danger.
+ Mais en vain, car aux ponts cent pompes aspirantes
+ L'enlèvent de son lit à reprises fréquentes,
+ Et la livrent ensuite aux pistons refoulants,
+ Qui font pour l'enlever des efforts violents.
+ Alors par ces efforts elle sent qu'elle monte
+ Vers le haut du coteau dans des tuyaux de fonte,
+ Qui vont la revomir au prochain réservoir,
+ Où cent autres tuyaux viennent la recevoir.
+ Là, les pistons changeant leur manière ordinaire,
+ Pressent de bas en haut par un effet contraire.
+ Elle reçoit le jour pour la seconde fois,
+ Et reprend en ce lieu l'usage de la voix,
+ Pour se plaindre en passant _du chevalier de Ville_
+ Qu'elle voit sur sa gauche avec son air tranquille.
+ _Qui t'oblige_, dit-elle, _avec ton art maudit,
+ A venir malgré moi m'enlever de mon lit_?
+ A ces mots les pistons lui coupant la parole,
+ Le clapet la retient, s'ouvrant à tour de rôle,
+ Et la fait parvenir, après tant de détours,
+ Sur le haut du regard pour lui donner son cours.
+ De là sur l'aqueduc, sa pente naturelle
+ Lui fait prendre bientôt une route nouvelle.
+ Enfin elle descend par des tuyaux de fer
+ Dans un long réservoir appelé _Trou d'Enfer_.
+
+Après cette description, le poëte la fait arriver dans les jardins de
+Marly, où, brillant d'un nouvel éclat, elle concourt à l'ornement des
+jardins du grand roi.
+
+Ces vers sont reproduits dans _le Mercure de France_ d'avril 1739.
+
+
+NOTE Nº 10.
+
+En 1681, Charles II d'Angleterre, sachant combien Louis XIV désirait
+avoir de l'eau à Versailles, lui envoya sir Samuel Morland, célèbre
+mécanicien anglais. Ce sir Morland fut d'abord employé par Cromwell à
+des missions diplomatiques. Après le rétablissement de Charles II sur le
+trône, il fut tout à fait dans les bonnes grâces du roi, qui le créa
+baronnet, gentilhomme de la chambre privée, et le nomma maître des
+mécaniques du roi. Il venait d'inventer une machine qui élevait l'eau de
+la Tamise jusqu'à la plus haute corniche du château de Windsor, quand
+Charles II, croyant faire plaisir au roi de France, lui envoya cet
+ingénieur. En 1683, Morland fut reçu par Louis XIV, dans son château de
+Saint-Germain, où il lui expliqua ses inventions. Il chercha à démontrer
+au roi qu'à l'aide d'une mécanique beaucoup plus simple et bien moins
+dispendieuse que la machine de Marly, il obtiendrait un résultat bien
+plus satisfaisant, puisqu'il avait la prétention de faire arriver d'un
+seul jet l'eau de la Seine sur les hauteurs de Louveciennes. Il paraît
+que ses démonstrations ne convainquirent pas le roi, puisque l'on n'en
+continua pas moins les travaux de la machine. Il fit un essai de son
+invention au château du président de Maisons; cet essai n'eut point un
+résultat favorable; il en explique la raison dans un ouvrage qu'il
+publia en 1685, intitulé:
+
+Élévation des eaux pour toutes sortes de machines, réduites à la mesure,
+au poids, à la balance, par le moyen d'un nouveau piston et corps de
+pompe, et d'un nouveau mouvement cyclo-elliptique, en rejetant l'usage
+de toute sorte de manivelles ordinaires.--Paris, Michallet, 1685, in-4º.
+
+Après avoir décrit sa nouvelle invention, il parle ainsi des
+explications qu'il fit devant Louis XIV:
+
+«C'est par le moyen de cette nouvelle manière de piston, corps de pompe,
+et mouvement cyclo-elliptique, que l'on peut aisément, et en peu de
+temps, fabriquer une petite machine et la réduire à la mesure, au poids
+et à la balance, conformément aux démonstrations oculaires et
+convaincantes que j'ai eu l'honneur de montrer au roi, à Saint-Germain,
+en l'année 1683. Et cette machine, dont la construction ne montera pas à
+une grande somme, ni son entretien annuel à dix pistoles, peut pousser,
+par la force d'un cheval, tout le produit d'eau de la fontaine de la
+ville d'Avrée, jusqu'au haut du château de Versailles, d'ici à cent
+années, tout au long du grand chemin, dans un tuyau de plomb d'environ
+sept lignes de diamètre intérieur, et d'environ trois lignes et demie ou
+quatre d'épaisseur.»
+
+Et plus loin, en parlant de l'essai qu'il fit au château de Maisons, il
+dit:
+
+«Que si j'avais eu douze grandes roues pareilles, posées dans un
+bâtiment d'un moulin, semblable à celui de Maisons, la où la rivière de
+Seine aurait eu une pente de huit ou neuf pieds, j'aurais fait lever
+plus de deux mille pouces d'eau à la hauteur perpendiculaire de quatre
+cents pieds, par des machines qui auraient duré plus d'un siècle, sans
+avoir coûté cinq cents pistoles par année pour les entretenir.»
+
+On voit ici une critique indirecte de la machine de Marly, dont
+l'entretien annuel était fort coûteux.
+
+
+NOTE Nº 11.
+
+Nous devons a l'obligeance de M. Parent de Rosan communication d'un
+travail manuscrit de M. Stanislas Bormans, archiviste de Liége, sur
+cette question controversée de l'auteur de la machine, d'où il résulte
+les faits suivants relatifs à de Ville.
+
+De Ville, né le 15 mai 1653, était fils de Reynaud de Ville, bourgmestre
+de Ville. Il passa la plus grande partie de sa jeunesse chez les comtes
+de Marchin, seigneurs de Modave. C'est dans ce domaine qu'il fit
+exécuter, avec Rennequin, la machine dont la célébrité engagea Colbert à
+le faire venir à Versailles. Après la construction de la machine, il en
+fut nommé gouverneur, et, Louis XIV lui ayant fait construire une
+habitation, il resta en France. Mais il avait toujours les yeux tournés
+vers son pays, et, a la mort du dernier comte de Marchin, il acheta la
+terre des Modaves, dont il devint ainsi le seigneur, et y mourut le 22
+février 1722.
+
+M. Bormans a retrouvé dans l'église de Modave sa pierre tumulaire,
+portant l'inscription suivante:
+
+Ci gist noble et illustre seigneur, Arnould de Ville, baron libre du
+Saint-Empire romain, seigneur des Modaves, etc., né le 15 mai
+1653,--mort le 22 février 1722.
+
+Il a retrouvé aussi son testament, dans lequel est ainsi consignée l'une
+de ses volontés:
+
+J'ordonne que tous les ouvrages que j'ai composés, concernant les
+constructions de la machine de Marly, soient imprimés suivant mes
+_desseins_ (sic) en grand.
+
+Le dernier des comtes de Marchin, Ferdinand, vint en France à l'âge de
+dix-sept ans, après la mort de son père. Capitaine-lieutenant des
+gendarmes de Flandres, en 1673, on le voit s'élever de grade en grade
+jusqu'à celui de maréchal de France, qui lui fut conféré en 1703. Il est
+très-probable que, tenant déjà un rang distingué à la cour de France, il
+fit savoir à Colbert, qui recherchait partout les moyens de faire venir
+de l'eau à Versailles, l'établissement de la machine hydraulique
+exécutée dans son domaine de Modave, par de Ville et Rennequin. Il
+mourut sans postérité, à la suite d'une blessure qu'il reçut dans un
+combat près de Turin, le 7 septembre 1706. Ce fut à cette époque et par
+suite de l'extinction des comtes de Marchin, que le chevalier de Ville
+se rendit propriétaire du domaine des Modaves, et que probablement il
+reçut le titre de baron du Saint-Empire romain, attaché à quelques-unes
+des terres de ce domaine, achetées par le père du dernier comte de
+Marchin. Quoique devenu seigneur des Modaves, il n'en conserva pas moins
+le titre de gouverneur de la machine de Marly jusqu'à sa mort, arrivée
+le 22 février 1722.
+
+
+NOTE Nº 12.
+
+FAMILLE DE VILLE.
+
+Anne-Léon de Montmorency, premier du nom, chef des noms et armes de sa
+maison, baron de Fosseux, seigneur de Courtalain, Bois-Ruffin, le
+Plessis, d'Arroue, etc., né en 1705, appelé le baron de Montmorency,
+successivement capitaine-lieutenant de la compagnie des gendarmes
+d'Anjou en février 1735, brigadier de cavalerie le 20 février 1743,
+capitaine-lieutenant des gendarmes de la reine en décembre 1744;
+maréchal de camp le 1er mai 1745; menin de feu M. le Dauphin en 1746;
+lieutenant général des armées du roi le 10 mai 1748; nommé chevalier de
+ses ordres le 2 février 1749; reçu le 25 mai suivant, et chevalier
+d'honneur de Madame Adélaïde, en octobre 1750, fille de feu Louis XV, a
+été nommé, le 21 octobre 1771, commandant en chef du pays d'Aunis.--Il a
+épousé: _1º le 11 décembre 1730, Anne-Marie Barbe de Ville, morte en
+couche le 13 août 1731, fille et unique héritière de feu Arnold de
+Ville, chevalier, baron libre du Saint-Empire romain, etc., gouverneur
+et directeur de la machine de Marly, dont il était l'inventeur, et
+d'Anne-Barbe de Courcelles_; et 2º le 23 octobre 1752,
+Marie-Madeleine-Gabrielle de Charette de Montebert, d'une ancienne
+noblesse de Bretagne, veuve, en premières noces, de Louis de Serent,
+marquis de Kerfily, et en secondes, de Henri-François, baron d'Avaugour,
+comte de Vertus, etc.
+
+ Extrait du Dictionnaire de la noblesse, par de la Chesnaye-Desbois,
+ tom. X, p. 411.
+
+Ajoutez à l'article de Anne-Léon de Montmorency: Il épousa, le 11
+décembre 1730, Anne-Barbe de Ville, morte à Paris le 13 août 1731, dans
+sa dix-neuvième année, fille d'Armand, baron de Ville, et d'Anne-Barbe
+de Courcelles, dont il eut [*] N. de Montmorency, né au mois d'août
+1731.
+
+ Extrait de l'Histoire généalogique de France, par le P. Anselme,
+ tom. IX, p. 417.
+
+[*] Ce fils fut Anne-Léon de Montmorency, deuxième du nom, appelé le
+marquis de Fosseux, né le 11 août 1731; par son mariage en secondes
+noces avec Charlotte-Anne-Françoise de Montmorency-Luxembourg, le 21
+septembre 1767, il a pris le titre de duc de Montmorency, que lui
+apportait sa femme.
+
+ Dictionnaire de la noblesse de la Chesnaye-Desbois, tom. IX, p.
+ 411.
+
+
+MORTS DANS LE MOIS D'AOUT 1731.
+
+Le 13 de ce mois, dame Anne-Marie-Barbe de Ville, épouse de Anne-Léon de
+Montmorency, chef du nom et armes de la maison, premier baron chrétien
+en France, enseigne des gendarmes de Berry, seigneur de Courtalin,
+Bois-Ruffen, le Plessis-d'Arouë, le Poilay, le Vernay, les deux Modaves,
+de Biemrcé, de Banderesse, de Fermée, Termoyne, etc., mourut âgée de
+dix-huit ans sept mois.
+
+ _Mercure de France_, août 1731, p. 2044.
+
+On lit dans les mémoires du duc de Luynes, à la date du mardi 2 mai
+1739:
+
+«Madame de Châteaurenaud a un frère qu'on appelle le baron de
+Montmorency, qui est celui qui avait épousé mademoiselle de Ville (_M.
+de Ville était chargé de l'entretien de la machine de Marly et en était
+regardé comme l'auteur_). M. le baron de Montmorency est veuf depuis
+quelques années.»
+
+
+NOTE Nº 13.
+
+Acte de baptême de Rennequin, ou mieux Renier Sualem, extrait des
+registres d'état civil tenus par les anciens curés de Jemeppe, province
+de Liége:
+
+«29ª januarii 1645, baptisatus Renerus filius Renardi Sualem, et
+Catharinæ David, susc. Leonardo Alard et Anna Simon.»
+
+Acte de décès de Rennequin, extrait des registres de l'état civil de la
+commune de Bougival, département de Seine-et-Oise:
+
+«L'an de grâce mil sept cent huit, le lundy trentième de juillet, a esté
+inhumé dans l'église de Notre-Dame de Bougival le corps de deffunt René
+Soüalem, autrement dit Rennequin, premier ingénieur du roy à la machine
+et constructeur de la machine, mort d'hier à onze heures et demie du
+matin, âgé de soixante-quatre ans et demi, en présence de M. Levesque,
+curé, M. Lherminot, brodeur du roy, de M. Prévotel, vicaire de cette
+paroisse, qui ont signé: Lherminot, Levesque, Prévotel, Ricard.»
+
+ÉPITAPHE GRAVÉE SUR LA TOMBE DE RENNEQUIN.
+
+D. O. M.
+
+«Cy-gissent honorables personnes sieur Rennequin Sualem, seul inventeur
+de la machine de Marly, décédé le 29 juillet 1708, âgé de
+soixante-quatre ans, et dame Marie Nouelle, son épouse, décédée le 4 mai
+1714, âgée de quatre-vingt-quatre ans, laquelle, pour satisfaire à la
+dernière volonté dudit deffunct sieur Rennequin, son mari, a fondé à
+perpétuité en cette église de Bougival une messe basse tous les premiers
+lundys de chaque mois de l'année, un service complet le 29 juillet de
+chaque année, jour du déceds dudit deffunct, et vingt libéras pour être
+dits sur leurs _sepulturs_, scavoir les quatre grandes festes de
+l'année, les quatre _principalles_ festes de la sainte Vierge, et les
+douze autres tous les premiers dimanches de chaque mois de l'année, à
+l'issue des vespres; à quoi les sieurs curé et marguilliers de l'œuvre
+et fabrique de ladite paroisse se sont obligés faire dire et célébrer
+mesme fournir les pain, vin, luminaire et ornements nécessaires, et ce,
+moyennant certaine _sôme_ que ladite dame leur a payée, _ainssy_ qu'il
+est plus au long porté par le contract passé devant Dupuis et Gervais,
+notaires au Châtelet de Paris, le 2 août 1710.
+
+»Priez Dieu pour leurs âmes.»
+
+
+
+
+VII
+
+DÉTAILS INÉDITS
+
+SUR LA MORT DE LOUIS XIV.
+
+1715.
+
+
+Le lundi 26 août 1715, le roi Louis XIV venait de subir une opération
+douloureuse. Couché sur son lit de mort, il voulut dire un dernier adieu
+au jeune Dauphin, son successeur. A midi, madame de Ventadour,
+gouvernante du prince, l'amena dans la chambre du roi, qui, après
+l'avoir embrassé et fait placer sur son lit, lui adressa quelques
+conseils dans lesquels ce monarque, en faisant l'aveu solennel de ses
+fautes, montra plus peut-être la grandeur de son caractère que dans
+aucune autre circonstance de sa vie.
+
+Les paroles prononcées par Louis XIV dans cette occasion furent
+entendues d'un grand nombre de courtisans. La plupart les répétèrent
+plus ou moins fidèlement: de là les nombreuses versions qui en ont été
+données, où, tout en conservant les idées principales, les divers
+historiens du grand roi ont ajouté ou retranché suivant le besoin de
+leurs éloges ou de leurs critiques.
+
+La première donnée au public parut dans les premiers jours d'octobre
+1715, un mois environ après la mort de Louis XIV. Elle se trouve dans un
+écrit intitulé: _Journal historique de tout ce qui s'est passé depuis
+les premiers jours de la maladie de Louis XIV, jusqu'au jour de son
+service à Saint-Denis_, par le sieur Lefebvre. Voici comment l'auteur
+s'exprime: «Sa Majesté fit venir le Dauphin dans sa chambre, où il entra
+avec madame la duchesse de Ventadour, sa gouvernante, et après l'avoir
+embrassé, elle lui dit:--Mignon, vous allez estre un grand roy; mais
+tout vostre bonheur dépendra d'estre soumis à Dieu, et du soin que vous
+aurez de soulager vos peuples. Il faut pour cela que vous évitiez autant
+que vous le pourrez de faire la guerre. C'est la ruine des peuples. Ne
+suivez pas le mauvais exemple que je vous ay donné sur cela: j'ay
+entrepris la guerre trop légèrement, et l'ay soutenue par vanité; ne
+m'imitez pas! mais soyez un prince pacifique, et que vostre principale
+application soit de soulager vos sujets. Profitez de la bonne éducation
+que madame de Ventadour vous donne, obéissez-luy, et suivez les bons
+sentiments qu'elle vous inspire.»
+
+Cette version est-elle la bonne? Certainement elle renferme au fond ce
+qu'a dit Louis XIV; mais a-t-il dû s'exprimer dans ces termes? Sans
+doute il se repentait de ses guerres trop nombreuses et des maux
+qu'elles avaient attirés sur ses peuples, et il recommandait à son
+petit-fils de ne pas l'imiter en cela; mais on ne peut croire qu'il ait
+été jusqu'à se servir de ces expressions: «Ne suivez pas le mauvais
+exemple que je vous ay donné sur cela,» et qu'il ait encore ajouté,
+comme s'il ne se fût pas assez humilié: «J'ai souvent entrepris la
+guerre trop légèrement et l'ay soutenue par vanité.» Non, Louis XIV ne
+pouvait ni penser, ni dire que ce fût par vanité qu'il eût soutenu ses
+guerres! Il avait vu, dans ses dernières années, le royaume à deux
+doigts de sa perte par suite de la guerre, et il recommandait à son
+successeur de l'éviter autant que possible pour le bonheur de ses
+sujets, voilà tout.
+
+A peu près à la même époque, Saint-Simon, ce courtisan frondeur,
+rapportait aussi à sa manière les paroles de Louis XIV: «Mon enfant,
+vous allez être un grand roi; ne m'imitez pas dans le goût que j'ai eu
+pour les bâtiments ni dans celui que j'ai eu pour la guerre; tâchez, au
+contraire, d'avoir la paix avec vos voisins. Rendez à Dieu ce que vous
+lui devez; reconnaissez les obligations que vous lui avez; faites-le
+honorer par vos sujets. Suivez toujours les bons conseils; tâchez de
+soulager vos peuples, ce que je suis assez malheureux pour n'avoir pu
+faire. N'oubliez point la reconnaissance que vous devez à madame de
+Ventadour.»
+
+Si le fond des pensées est le même que dans la version précédente, la
+forme en est complétement changée. Puis Saint-Simon, déprédateur
+constant des constructions de Louis XIV, et en particulier de
+Versailles, n'étant pas fâché, pour excuser ses amères critiques, de
+supposer qu'à ses derniers moments ce prince pensait comme lui, ne
+craint pas de le faire s'accuser d'une faute de plus en mettant dans sa
+bouche cette phrase évidemment inventée par lui: «Ne m'imitez pas dans
+le goût que j'ai eu pour les bâtiments.» Il ajoute encore cette autre
+phrase que l'on ne trouve pas dans les paroles rapportées par Lefebvre,
+en parlant de Dieu: «Faites-le honorer par vos sujets.»
+
+En 1742, Bruzen de la Martinière, dans la continuation de l'_Histoire de
+Louis XIV_, commencée par Larrey, adopte la version de Saint-Simon, sauf
+la phrase: «Ne m'imitez pas dans le goût que j'ai eu pour les
+bâtiments,» qu'il supprime.
+
+Reboulet, dans son _Histoire de Louis XIV_, publiée en 1744, copie d'un
+bout à l'autre le _Journal historique_ de Lefebvre.
+
+Enfin, le père Daniel, en 1756, revient à la version de Saint-Simon,
+corrigée par la Martinière.
+
+Puis vient Voltaire! Voltaire historiographe de France, Voltaire
+écrivant le _Siècle de Louis XIV_, devait avoir une autre importance que
+ceux qui jusqu'alors avaient rapporté ces paroles. Il en sentait toute
+la gravité; il puisait aux sources les plus authentiques, et ce qu'il
+allait dire devait être la vérité. Aussi, voyez s'il est possible de
+douter de son récit! «Son successeur, dit-il, a toujours conservé
+écrites, au chevet de son lit, les paroles remarquables que ce monarque
+lui dit, en le tenant sur son lit entre ses bras: ces paroles ne sont
+point telles qu'elles sont rapportées dans toutes les histoires; les
+voici _fidèlement copiées_:--«Vous allez être bientôt roi d'un grand
+royaume. Ce que je vous recommande plus fortement est de n'oublier
+jamais les obligations que vous avez à Dieu. Souvenez-vous que vous lui
+devez tout ce que vous êtes. Tâchez de conserver la paix avec vos
+voisins. J'ai trop aimé la guerre; ne m'imitez pas en cela, _non plus
+que dans les trop grandes dépenses que j'ai faites_. Prenez conseil en
+toutes choses, et cherchez à connaître le meilleur pour le suivre
+toujours. Soulagez vos peuples le plus tôt que vous pourrez, et faites
+ce que j'ai eu le malheur de ne pouvoir faire moi-même, etc.»
+
+Voltaire avait raison, Louis XV a toujours conservé, écrites au chevet
+de son lit, les dernières paroles de Louis XIV; mais Voltaire ne disait
+plus vrai lorsqu'il ajoutait qu'il les donnait «_fidèlement copiées_;»
+car si rien n'est omis de ce qui y était écrit, tout est transposé,
+arrangé pour l'effet de la phrase, et n'a plus cet abandon qui donne
+tant de vérité à ces paroles que Louis XV pouvait lire tous les jours.
+Il y a mieux, si Voltaire, tout en arrangeant, n'a cependant rien
+retranché, il a au contraire ajouté. Ainsi, nous retrouvons encore ici
+la fameuse phrase de Saint-Simon sur les dépenses. C'est que Voltaire,
+comme Saint-Simon, critiquait les dépenses de Louis XIV[101], et que,
+comme lui, il tenait, par le repentir du prince, à montrer combien il
+avait raison.
+
+Jusqu'à ce jour, cependant, la version donnée par Voltaire était
+considérée comme la bonne, et presque tous ceux qui écrivirent sur Louis
+XIV depuis lui, ne firent que la copier.
+
+Le hasard nous fit trouver la minute d'après laquelle fut faite la copie
+placée dans la chambre à coucher du roi Louis XV; nous allons la
+transcrire, et l'on pourra juger ainsi quelles altérations on lui a fait
+subir.
+
+Lorsque Louis XIV fit venir le jeune Dauphin et prononça les paroles,
+que nous allons rapporter, l'un des secrétaires écrivait dans la chambre
+même tout ce que disait ce prince. Madame de Ventadour, gouvernante du
+Dauphin, frappée de la grandeur de cette scène, et persuadée que ces
+conseils du grand roi pouvaient avoir une heureuse influence sur la
+jeune imagination de son élève, voulut, en les plaçant constamment sous
+ses yeux, les graver dans sa mémoire. Elle envoya donc la minute qui lui
+fut remise par le secrétaire à Charles Gilbert, maître à écrire du
+Dauphin, et l'un des calligraphes les plus distingués de cette époque,
+avec ordre d'en faire immédiatement une copie sur vélin pour la placer
+au chevet du lit du jeune prince. Voici ces paroles telles qu'elles sont
+sur le manuscrit:
+
+«Mon cher enfant, vous allez estre le plus grand roy du monde. N'oubliez
+jamais les obligations que vous avez à Dieu. Ne m'imitez pas dans les
+guerres, taschez de maintenir tousjours la paix avec vos voisins, de
+soulager vostre peuple autant que vous pourrez, ce que j'ay eu le
+malheur de ne pouvoir faire par les nécessitez de l'Estat. Suivez
+tousjours les bons conseils, et songez bien que c'est à Dieu à qui vous
+devez tout ce que vous estes[102]. Je vous donne le père Letellier pour
+confesseur, suivez ses advis et ressouvenez-vous toujours des
+obligations que vous avez à madame de Ventadour[103].»
+
+Gilbert se mit aussitôt à la besogne. Une copie textuelle sur vélin,
+ornée de majuscules dorées, fut faite en quelques jours. Mais tandis
+qu'il s'empressait de se conformer aux désirs de la gouvernante, la
+mort, encore plus prompte, venait frapper le monarque. Louis XIV mort,
+tout changeait dans l'État. Le père Letellier, qui était resté auprès du
+roi jusqu'à son dernier moment, fut envoyé en exil par le régent. L'on
+ne pouvait donc laisser sous les yeux du jeune souverain la
+recommandation de son bisaïeul, de conserver ce jésuite pour son
+confesseur.
+
+Gilbert reçut alors l'ordre de faire une autre copie et de supprimer la
+phrase ayant rapport au confesseur, et c'est cette copie qui fut placée
+dans la chambre à coucher de Louis XV.
+
+La minute envoyée à Gilbert, la première copie sur vélin qu'il en avait
+faite, et deux autres aussi sur vélin avec la correction, furent
+précieusement conservées par lui et transmises à son petit-fils, P.-Ch.
+Gilbert, qui lui succéda dans sa charge de maître à écrire du Dauphin.
+Celui-ci la garda jusqu'à l'époque de sa mort, arrivée vers 1789, et
+c'est alors qu'elles passèrent entre les mains de son neveu, F.
+Dumesnil de Saint-Cyr, dernier maître à écrire du Dauphin (Louis XVII).
+C'est à la mort de M. de Saint-Cyr, survenue à Versailles en 1845, que
+l'une de ses héritières, mademoiselle Ducroset, nous montra ce curieux
+document historique au milieu des précieux manuscrits renfermés dans le
+cabinet de son oncle, et c'est entre les mains de cette demoiselle qu'il
+se trouve aujourd'hui.
+
+Les faits que nous venons de raconter ne laissent aucun doute sur
+l'authenticité de ce document, et fixent d'une manière positive la
+nature des paroles prononcées par Louis XIV mourant à l'héritier de sa
+couronne.
+
+
+
+
+VIII
+
+RELEVÉ DES DÉPENSES
+
+DE MADAME DE POMPADOUR
+
+DEPUIS LA PREMIÈRE ANNÉE DE SA FAVEUR JUSQU'A SA MORT.
+
+
+On sait que Jeanne-Antoinette Poisson, mariée fort jeune au sous-fermier
+général Lenormand d'Étiolles, ne tarda pas à devenir la maîtresse de
+Louis XV. La mère de madame d'Étiolles, ambitieuse et intrigante, avait
+toujours rêvé pour sa fille le rôle _honorable_ auquel elle venait de
+parvenir. Elle lui fit, en conséquence, donner une éducation brillante,
+et lui inspira surtout le goût des arts. Ce fut en 1745 qu'elle fut
+reconnue maîtresse en titre du roi et créée par lettres patentes
+marquise de Pompadour.
+
+C'est de cette année 1745 que date le manuscrit dont nous allons nous
+occuper. C'est un petit in-quarto sur papier gros et gris. Écrit en
+petit caractère et sans orthographe, il paraît être de la main de
+quelque employé de la maison de la marquise, et a été composé sur des
+notes dont un grand nombre ont été écrites par madame de Pompadour
+elle-même, ainsi qu'il est facile de le voir quand le copiste, ne se
+donnant pas la peine de changer ce qu'il a sous les yeux, parle à la
+première personne, comme dans cet article: _J'avais en vaisselle
+d'argent pour_, etc., et dans cet autre: _Gages de mes domestiques_,
+etc.--Il est recouvert d'une feuille de papier jaune sur laquelle est
+écrit: _Énorme dépense_. La première feuille porte ce titre: _État des
+dépenses faites pendant le règne de madame la marquise de Pompadour, à
+commencer le 9 septembre 1745 jusqu'au 15 d'avril 1764_.--C'est le jour
+où elle est morte.
+
+La première partie du manuscrit est consacrée aux dépenses des
+bâtiments. Madame de Pompadour aimait beaucoup les constructions.
+Non-seulement elle fit réparer à grands frais plusieurs propriétés
+qu'elle avait achetées, mais encore elle fit élever un assez grand
+nombre de maisons. Son jeune frère, Poisson, connu sous le nom de
+marquis de Marigny, qui fut directeur gérant des bâtiments du roi, la
+seconda dans ses vues. Il dirigea particulièrement la construction du
+charmant château de Bellevue, qui a depuis appartenu à Mesdames de
+France, et dont il ne reste plus de traces aujourd'hui.--Ce chapitre est
+intitulé: _État des sommes payées par ordre du roi par le sieur de
+Montmartel sur les travaux et bâtiments de Crécy, Bellevue et autres
+endroits, suivant les mandements visés par les sieurs de l'Assurance,
+d'Isle, et Maurenzel._
+
+_Crécy et Aunay._--Crécy était un fort joli château, faisant aujourd'hui
+partie du département d'Eure-et-Loir. Madame de Pompadour en fit
+l'acquisition, en 1748, pour la somme de 650,000 l. Elle acheta en même
+temps, 140,000 l., la terre d'Aunay, qui touche à Crécy. Les travaux
+qu'elle y fit faire, pendant les années 1748, 1749, 1750, 1751, 1752,
+1753, 1754, s'élevèrent à la somme de 3,288,403 l. 16 s. 6 d.
+
+_La Celle_ est une charmante propriété, à la porte de Versailles. Madame
+de Pompadour l'acheta 260,000 l., en 1749. Les sommes payées pour
+l'embellissement du château, pendant les années 1749 et 1751,
+s'élevèrent à 68,114 l. 15 s. 4 d.
+
+En 1749, Louis XV lui donna une portion du terrain du petit parc de
+Versailles, sur lequel elle fit construire une jolie habitation qu'elle
+appela son _Ermitage_. La construction de l'_Ermitage_ lui coûta 283,013
+l. 1 s. 5 d.
+
+Madame de Pompadour ne s'arrêtait pas dans son goût de construction
+qu'elle sut faire partager à Louis XV. Elle venait de créer un charmant
+bijou dans sa propriété de l'Ermitage, elle voulut construire un
+véritable château, avec son parc et ses jardins. Il existait sur la côte
+qui domine la Seine, entre Sèvres et Meudon, des terres qui
+appartenaient au roi; Louis XV les lui donna, et, grâce au goût de
+Marigny, l'on vit s'élever l'une des plus jolies habitations princières
+des environs de Paris. _Bellevue_, nom que méritait bien cette charmante
+maison, fut construite en 1750. Elle revint à 2,526,927 l. 10 s. 11 d.
+
+Outre ces propriétés, madame de Pompadour avait encore des habitations
+particulières dans les principales résidences royales. A Versailles, à
+Compiègne, à Fontainebleau et à Paris.
+
+A Versailles, le roi lui donna, en 1752, le terrain sur lequel se
+trouvait, sous Louis XIV, la Pompe ou Tour d'Eau, détruite en 1686. Elle
+y fit construire un hôtel qui lui revint à 210,844 l. 14 s. 10 d. C'est
+aujourd'hui l'_Hôtel des Réservoirs_ ou _restaurant Duboux_. On avait
+fait établir contre le mur du réservoir de l'Opéra un corridor qui
+permettait d'aller du château dans cet hôtel. Madame Duhausset en parle
+dans un endroit de ses Mémoires: «J'avais, dit-elle, un très-joli
+appartement à l'hôtel, où j'allais presque toujours à couvert, etc.»
+
+Dans son hôtel de Compiègne, elle dépensa, en 1751, 1752 et 1753, 30,242
+l. 7 s. 8 d.
+
+A Fontainebleau, elle fit construire, en 1753, à l'imitation de celui de
+Versailles, un ermitage qui lui revint à 216,382 l. 18 s. 8 d. Elle
+acheta à Paris l'hôtel d'Évreux, qu'elle paya 730,000 l., et y dépensa,
+en 1754, 95,169 l. 6 s.
+
+On trouve encore, au chapitre des dépenses des bâtiments, diverses
+sommes pour des institutions religieuses. Ainsi l'on voit, pour le
+couvent des ursulines de Poissy, dont sa tante du côté maternel madame
+Sainte-Perpétue était l'abbesse, une somme de 4,908 l. 15 s. 10 d., et
+pour les dames de l'Assomption de Paris, une autre somme de 32,069 l. 14
+s. Enfin l'on voit le marquisat de Pompadour y figurer pour 28,000 l.,
+dépensées en 1753.--Dans ce chapitre des bâtiments se trouvent les noms
+de tous les entrepreneurs et artistes qui ont été employés soit à
+construire, soit à embellir ces diverses maisons. Les artistes qui ont
+travaillé au château de Crécy et à Aunay sont: Rousseau, Verbeck et
+Pigalle, sculpteurs; à la Celle, Rousseau, sculpteur; à l'Ermitage, près
+Versailles, Rousseau et "Verbeck, sculpteurs, et Rysbrack, peintre de
+fleurs; à son hôtel de Versailles, Rousseau et Verbeck, sculpteurs, et
+Rysbrack, peintre; à Bellevue, Coustou, Rousseau, Maurisan, la veuve
+Chevalier, Verbeck, sculpteurs; Nelson, Gavau, Brunelly, Oudry,
+peintres; Janson, la veuve Cropel, dessinateurs; Martiniere, émailleur à
+l'hôtel d'Évreux, à Paris, Verbeck, sculpteur; à l'Ermitage de
+Fontainebleau, Verbeck.
+
+A la suite du chapitre des dépenses de bâtiments vient un journal
+commencé le 9 septembre 1745, et terminé en mars 1764, dans lequel est
+inscrit, mois par mois, ce que recevait madame de Pompadour pour ses
+dépenses ordinaires. L'on y voit que, pendant ces dix-neuf années, les
+recettes, pour ses dépenses ordinaires, ont été de 1,767,678 l. 8 s. 9
+d., et les dépenses de 977,207 l. 11 s. 6 d. Ce journal peut donner lieu
+à quelques curieuses observations. Madame de Pompadour touchait une
+pension qui lui était payée tous les mois, sans compter les sommes
+qu'elle recevait du roi comme cadeau, toujours pour sa dépense
+ordinaire. Cette pension était, la première année, de 2,400 l. par mois;
+en 1746, 1747, 1748 et 1749, les sommes données s'élèvent souvent
+jusqu'à 30,000 l. dans un mois; puis, dans les années suivantes, pendant
+lesquelles la passion du roi pour sa maîtresse s'était beaucoup
+affaiblie, l'on voit la pension se régulariser et se réduire presque
+constamment à 4,000 l. par mois. On remarque encore que, pendant les
+premières années, madame de Pompadour reçoit du roi des étrennes, qui
+disparaissent aussi dans les années suivantes: ainsi, en 1747, année du
+plus fort de la passion de Louis XV, elle reçoit 50,000 l. d'étrennes;
+en 1749, elle n'en reçoit plus que 24,000 l., et depuis 1750, on ne les
+voit plus figurer dans les comptes.
+
+Les sommes qu'elle recevait du roi étant moins fortes et ses dépenses
+habituelles étant toujours fort considérables, il fallait trouver
+d'autres ressources. C'est dans le jeu et dans la vente de ses bijoux
+que madame de Pompadour trouve le moyen d'équilibrer les recettes avec
+les dépenses. Ainsi on la voit gagner au jeu à Marly, le 15 mai 1752,
+9,120 l., et le 31 du même mois, 28,000 l.--En 1760, elle vend des
+_bracelets de perles_ 12,960 l.--En 1761, elle vend encore des bijoux
+pour 9,000 l.; en 1762, sa vente de bijoux et le gain du jeu lui
+rapportent 20,489 l.
+
+Ce journal est terminé par une récapitulation, dans laquelle les
+recettes et leur emploi sont comparés année par année, et qui montre,
+comme je l'ai indiqué en donnant le chiffre des recettes et des
+dépenses, que madame de Pompadour savait très-bien dépenser tous les ans
+ce qui lui était donné, et ne faisait aucune économie.
+
+A la suite de ce journal se trouve une sorte de dénombrement des
+richesses de madame de Pompadour et des dépenses autres que celles des
+bâtiments. C'est particulièrement à cette partie que s'applique la
+remarque faite plus haut, sur la manière dont l'auteur du manuscrit fait
+souvent parler madame de Pompadour elle-même. Tous les articles de cette
+partie sont curieux et méritent d'être cités:
+
+
+_État de mes effets en général._
+
+ Livres.
+
+ 1. J'avais en vaisselle d'argent, pour 537,600
+
+ 2. Plus, en vaisselle d'or ou en collifichets 150,000
+
+ 3. Elle a dépensé pour ses menus plaisirs
+ et en se satisfaisant 1,338,867
+
+ 4. Pour sa bouche, pendant les dix-neuf
+ années de son _règne_ 3,504,800
+
+ 5. Pour les voyages du roi, extraordinaires,
+ comédies, opéras, faits et donnés en
+ différentes maisons 4,005,900
+
+ 6. Gages pour mes domestiques, dix-neuf
+ années 1,168,886
+
+ 7. Pensions que j'ai toujours faites, _jusqu'à
+ ma mort_ (sic) 229,236
+
+ 8. Ma cassette, contenant quatre-vingt-dix-huit
+ boîtes d'or, évaluées l'une dans
+ l'autre à 3,000 livres 294,000
+
+ 9. Une autre cassette contenant tous mes
+ diamants 1,783,000
+
+ 10. Une superbe collection de pierres gravées
+ chez moi par le sieur le Guay,
+ donnée au roi, estimée 400,000
+
+Madame de Pompadour, qui dessinait fort bien, grava elle-même _une suite
+de soixante-trois estampes_, d'après ces pierres. Ces gravures ont été
+publiées et forment un petit in-folio, fort rare, dont il n'avait été
+tiré qu'un très-petit nombre d'exemplaires pour faire des présents: en
+1782, il en parut une autre édition in-quarto, qui est moins recherchée.
+Ce fut à l'occasion de son talent pour le dessin que Voltaire, l'ayant
+un jour surprise dessinant une tête, improvisa ce madrigal:
+
+ Pompadour, ton crayon divin
+ Devrait dessiner ton visage;
+ Jamais une plus belle main
+ N'aurait fait un plus bel ouvrage.
+
+ 11. En différents morceaux de vieux laque 111,945
+
+ 12. En porcelaine ancienne 150,000
+
+ 13. Achat de pierres fines pour compléter la
+ collection 60,000
+
+ 14. Linge pour draps et table, pour Crécy 600,452
+
+ 15. Plus, pour mes autres maisons 400,325
+
+ 16. Ma garde-robe, tout compris 350,235
+
+ 17. Ma batterie de cuisine pour toutes mes
+ maisons 66,172
+
+ 18. Ma bibliothèque, y compris nombre de
+ manuscrits[104] 12,500
+
+ 19. Donné aux dames qui m'ont toujours accompagnée,
+ pour présent, en variant les
+ effets 460,000
+
+ 20. Donné aux pauvres pendant tout mon règne 150,000
+
+ 21. En générosités aux concierges, en robes,
+ vestes, étoffes, ainsi qu'au cabinet du roi 100,000
+
+ 22. Pour les affaires de mon père, M. de Machault
+ les régla à la somme de 400,000
+
+Le père de madame de Pompadour, François Poisson, avait eu dans
+l'administration des vivres un emploi fructueux. Accusé de gestion
+infidèle, il fut forcé de se soustraire aux poursuites du gouvernement.
+On voit, par cet article, que dans sa fortune elle n'oublia point de
+faire payer les dettes de son père. Jusqu'ici tous les biographes
+avaient bien dit que l'affaire de François Poisson avait été oubliée,
+grâce au crédit de sa fille; mais ce qu'on ignorait, c'est que c'était
+en satisfaisant ses créanciers:
+
+ Livres.
+
+ 23. En tableaux et autres fantaisies 60,000
+
+ 24. La dépense de la bougie, pendant dix-neuf
+ ans 660,000
+
+ 25. La dépense des fallots et chandelles 150,000
+
+ 26. En belles juments, voitures, chaises à
+ porteurs, chevaux de selle, quoi qu'en
+ ait dit _le Gazetier d'Utrecht_, en tout 1,800,000
+
+Nous ne savons ce qu'a pu dire le _Gazetier d'Utrecht_ à l'occasion des
+chevaux de madame de Pompadour, car nous avons inutilement cherché ce
+qui pouvait avoir trait à cette question dans la collection de cette
+gazette que possède la bibliothèque de Versailles. Ce qu'il y a de
+certain, c'est que madame de Pompadour aimait beaucoup les chevaux;
+qu'elle fit acheter de fort beaux étalons dans plusieurs pays, et les
+réunit dans sa terre de Pompadour, où elle fonda le superbe haras qui
+existe aujourd'hui, et qu'en 1763 M. de Choiseul fit transformer en
+haras royal:
+
+ Livres.
+
+ 27. Fourrages, fourniture de mes chevaux
+ pendant dix-neuf années 1,300,000
+
+ (Cette somme montre que madame
+ de Pompadour devait avoir, en effet,
+ un assez grand nombre de chevaux.)
+
+ 28. Pour toute ma livrée, dans toutes mes
+ maisons 250,000
+
+ 29. Pour achat de Crécy 650,000
+
+ 30. Achat de la Celle 260,000
+
+ 31. Achat d'Aunay 140,000
+
+ 32. Achat de la baronnie de Tréon 80,000
+
+ (Tréon est auprès de la terre de Crécy.)
+
+ 33. Achat de Magenville 25,000
+
+ 34. Achat de Saint-Remy 24,000
+
+ 35. Achat d'Ovillé, à moitié chemin d'Orléans 11,000
+
+ 36. Achat de l'hôtel d'Évreux, à Paris 650,000
+
+ 37. Achat du terrain à côté dudit hôtel 80,000
+
+ 38. Dépensé à Champs, pendant l'espace de
+ trois ans 200,000
+
+ (Champs est un village du département
+ de Seine-et-Marne, dans lequel
+ se trouvait une fort jolie habitation.)
+
+ 39. Dépensé à Saint-Ouen pendant l'espace
+ de cinq ans, sans faire les réparations
+ constatées par la maison de Gesvres. 500,000
+
+Saint-Ouen ne paraît pas avoir appartenu à madame de Pompadour, mais
+elle en avait la jouissance; et, comme on le voit par cet article, elle
+y fit faire des embellissements qu'elle paya de ses propres fonds.
+
+Dans cette nomenclature des richesses de madame de Pompadour, l'auteur
+du manuscrit ne dit rien du château de Ménars, qui appartenait aussi à
+la marquise; on trouve seulement dans le journal de ses dépenses, en
+marge de l'année 1760: _Achat de Ménars_. Cette propriété paraît avoir
+été payée par elle sur ses revenus annuels et par petites sommes, car on
+trouve indiquées dans les années 1760, 1761, 1762, 1763, un assez grand
+nombre de sommes, sous le titre: _Gratification pour Ménars_.
+
+Enfin, cette partie se termine par un dernier article, intitulé:
+
+ 40. Médailles d'or et d'argent. 400,000 liv.
+
+Puis, à la suite, l'auteur ajoute quelques réflexions assez curieuses:
+
+«D'après toutes ces dépenses énormes, dit-il, voici un fait que personne
+ne voudra croire, qui est qu'à sa mort l'on n'ait trouvé à cette femme
+que 37 louis d'or dans sa table à écrire, qu'elle avait destinés pour
+les pauvres.»
+
+«Autre fait incroyable, ajoute-t-il, lâché par Collin[105], c'est que
+pendant sa maladie il fut obligé d'emprunter 70,000 l. pour faire face à
+la dépense. Ce fait détruit entièrement l'imposture, qui est qu'on a
+prétendu qu'elle avait dans toutes les banques de l'Europe, et elle se
+trouve devoir après sa mort la somme de 1,700,000 l.»
+
+Vient ensuite l'énumération de tous les gens attachés à madame de
+Pompadour, tant à Versailles que dans toutes ses maisons particulières,
+avec leurs appointements. On remarque parmi tous ces noms:
+
+ Livres.
+
+ Nesme, premier intendant. 8,000
+
+ Collin, chargé des domestiques, et lui servant
+ de secrétaire. 6,000
+
+ Le médecin Quesnay, entretenu de tout. 3,000
+
+ La Duhausset, femme de chambre. 150
+
+ La Couraget, id. 150
+
+ La Neveu, id. 150
+
+On sait que madame Duhausset a écrit des _Mémoires_ qui donnent des
+détails fort curieux sur la vie intime de madame de Pompadour. L'une des
+deux autres femmes de chambre était femme de condition, mais elle prit
+un nom emprunté, que madame Duhausset elle-même ne connut jamais bien.
+Celle-ci seule ne changea point de nom, quoique au service de la
+maîtresse du roi.
+
+L'on y voit aussi figurer deux nègres, à raison de 1,800 l.
+
+Puis une série de gens attachés à la cuisine, à la garde-robe; la livrée
+et les employés des différentes maisons, concierges, portiers,
+jardiniers, etc., et trois aumôniers: un à Versailles, un à
+Fontainebleau et un à Compiègne.
+
+Après l'énumération des gens attachés à son service, se trouve l'état
+des pensions que faisait madame de Pompadour. On voit avec plaisir dans
+ce chapitre qu'une partie des sommes considérables qu'elle touchait
+était employée en bonnes œuvres.
+
+La première pension sur cette liste et la plus curieuse est celle faite
+à madame Lebon pour lui avoir prédit à l'âge de neuf ans qu'elle serait
+un jour la maîtresse de Louis XV, 600 l. Cette prédiction, dont ne
+parlent pas les biographes, et dont, on le voit, madame de Pompadour
+s'est toujours souvenue, a dû avoir une grande influence sur sa
+destinée, et a été probablement l'une des causes qui poussa sa mère à
+chercher par tous les moyens à mettre Louis XV en rapport avec la jeune
+et jolie madame d'Étiolles. La reconnaissance que madame de Pompadour
+conserva pour madame Lebon fut sans doute la raison qui lui fit toujours
+avoir un faible pour les sorcières et les sorciers. Madame Duhausset
+raconte dans ses Mémoires une histoire qui le prouve bien:
+
+«Un an ou quinze mois avant la disgrâce de l'abbé de Bernis, dit-elle,
+Madame[106] étant à Fontainebleau, elle se mit devant un petit
+secrétaire pour écrire; il y avait au-dessus un portrait du roi. En
+fermant le secrétaire, après avoir écrit, le portrait tomba et frappa
+assez fortement sa tête. Les personnes qui en furent témoins
+s'alarmèrent, et on envoya chercher M. Quesnay. Il se fit expliquer la
+chose, et ordonna des calmants et une saignée. Comme elle venait d'être
+faite, entre madame de Brancas, qui vit du trouble, du mouvement, et
+Madame sur sa chaise longue. Elle demanda ce que c'était, et on le lui
+dit. Après avoir témoigné à Madame ses regrets et l'avoir rassurée, elle
+lui dit: «Je demande en grâce à Madame et au roi, qui venait d'entrer,
+d'envoyer aussitôt un courrier à M. l'abbé de Bernis, et que madame la
+marquise veuille bien lui écrire une lettre dans laquelle, sans autre
+détail, elle lui demandera de lui marquer ce que lui a dit sa sorcière,
+et qu'il ne craigne pas de l'inquiéter.» La chose fut faite, et ensuite
+madame de Brancas dit que _la Bontemps_ lui avait prédit dans du marc de
+café, où elle voyait tout, que la tête de sa meilleure amie était
+menacée, mais qu'il n'en arriverait rien de fâcheux. Le lendemain,
+l'abbé écrivit que madame Bontemps lui avait dit aussi: «Vous étiez
+presque noir en venant au monde,» et que cela était vrai, et qu'on a
+attribué cette couleur, qui avait duré quelque temps, à un tableau qui
+était devant le lit de sa mère, et qu'elle regardait souvent ce tableau,
+qui représentait Cléopâtre se tuant au moyen d'une piqûre d'aspic, que
+lui apportait un Maure dans des fleurs. Il dit encore qu'elle lui avait
+dit: «Vous avez bien de l'argent avec vous, mais il ne vous appartient
+pas;» qu'effectivement il avait deux cents louis pour remettre au duc de
+la Vallière. Enfin il marquait que, regardant dans la tasse, elle avait
+dit: «Je vois une de vos amies, la meilleure, une grande dame, menacée
+d'un accident.» Qu'il devait avouer, malgré sa philosophie, qu'il avait
+pâli; qu'elle s'en était aperçue, avait regardé de nouveau, et avait
+dit: «Sa tête sera un peu menacée, mais il n'y paraîtra pas une
+demi-heure après.» Il n'y avait pas moyen de douter du fait, et il parut
+fort étonnant au roi, qui fit prendre des informations sur la sorcière,
+mais que Madame empêcha d'être poursuivie par la police. Elle protégea
+aussi le fameux _comte de Saint-Germain_, qui prétendait avoir plus de
+deux mille ans, blanchissait les diamants, faisait grossir les perles,
+était enfin un véritable sorcier, et que, malgré tout ce charlatanisme,
+le roi voyait chez madame de Pompadour par amour pour elle.»
+
+La liste des pensions contient ensuite:
+
+ Livres.
+
+ A madame Sainte-Perpétue, sa tante du côté
+ maternel. 3,000
+
+ (Elle était supérieure des ursulines de
+ Poissy.)
+
+ A mademoiselle Clergé, ancienne femme de
+ chambre de sa mère. 600
+
+ Aux capucines de Paris. 720
+
+ (C'est dans l'église de ce couvent qu'elle
+ fut inhumée.)
+
+ Aux filles de l'Ave-Maria. 240
+
+ A madame Becker, religieuse de Saint-Joseph. 240
+
+ A la dame Plantier, nourrice de sa fille. 200
+
+ A la dame Pin, son ancienne fille de garde-robe. 50
+
+ A Dablon, son père nourricier. 300
+
+Madame de Pompadour eut une fille de M. d'Étiolles; elle se nommait
+Alexandrine. Il paraît que sa figure était charmante et pleine de feu.
+Sa mère rêvait pour elle les plus brillantes alliances, lorsqu'elle
+mourut à quatorze ans, de la petite vérole, dans le couvent de
+l'Assomption, où elle était élevée. On voit par ces pensions que madame
+de Pompadour n'oubliait pas ceux qui avaient approché sa fille, et cela
+explique aussi pourquoi elle protégea toujours ce couvent de
+l'Assomption, et y fit faire des embellissements dont nous avons vu le
+chiffre au chapitre des bâtiments.
+
+ Livres.
+
+ Au fils de sa première femme de chambre. 212
+
+ (Celle qui la servait sous un nom supposé.)
+
+ Au fils de Douy. 300
+
+ Au fils de madame Duhausset, seconde femme
+ de chambre. 400
+
+ Pour le petit Beaulieu, gentilhomme. 150
+
+ Pour le petit Capon, gentilhomme. 300
+
+ Pour la fille Manoyé. 380
+
+ Pour mademoiselle Guillier. 300
+
+ Pour mademoiselle de Pontavici. 250
+
+ Pour madame la baronne de Rhone, âgée de
+ quatre-vingt-dix ans. 3,000
+
+ Pour mesdemoiselles de Farges. 2,000
+
+ Pour la petite nymphe de Compiègne. 400
+
+ Pour le petit Jean-Simon. 300
+
+ (Elle faisait distribuer dans les greniers de
+ Versailles, par son homme de confiance, tous
+ les ans, 12 à 13 mille livres.) 12,000
+
+ Au petit Sans-Bras. 144
+
+ A un pauvre boiteux. 36
+
+ A madame Questier. 72
+
+ A madame de Gosmond, pour être religieuse. 1,800
+
+ A mademoiselle Dulaurent, pour être religieuse. 1,800
+
+ A mademoiselle Duhausset. 400
+
+ A mademoiselle de Longpré, sa parente. 600
+
+ A madame de la Croix. 300
+
+ A madame Trusson, pour remettre à quelqu'un
+ à Paris. 240
+
+Puis vient une longue liste des maisons religieuses auxquelles madame de
+Pompadour accordait des secours; ces maisons sont au nombre de cinquante
+et une.
+
+
+ Elle leur donnait tous les ans dans le carême. 600
+
+ A tous les curés de ses maisons. 1,452
+
+ Aux deux curés de Versailles, à chacun 10 louis. 480
+
+ Au curé de Fontainebleau. 120
+
+ Au curé de Choisy. 120
+
+ Aux sœurs grises de Choisy. 120
+
+ Aux sœurs grises de Fontainebleau. 120
+
+ A tous les curés de Compiègne. 600
+
+ A toutes les maisons religieuses de Compiègne. 1,200
+
+ A un pauvre abbé de Compiègne, aux carmélites. 48
+
+ A madame de Villars, pour ses pauvres, tous
+ les ans. 1,200
+
+ Aux frères de la forêt de Sénart. 46
+
+ A la bouquetière du château de Versailles, suivant
+ la cour. 120
+
+ La fondation d'une grand'messe aux carmélites
+ de Compiègne. 600
+
+ Le jour de l'an, à tous les officiers des petits
+ appartements du roi, et garçons du château,
+ à chacun une très-belle veste. 1,000
+
+ A tous les autres domestiques du roi, suisses
+ des appartements grands et petits, valets de
+ pied, frotteurs, cochers, postillons et palefreniers
+ du roi, et tous les métiers travaillant
+ au château. 1,200
+
+ A la naissance de Mgr le duc de Bourgogne, elle
+ donna 3,000 livres à distribuer aux pauvres
+ de Versailles. 3,000
+
+ Ainsi qu'aux autres naissances, trois autres fois. 9,000
+
+ Elle fit donner aux pauvres de la Trappe, en
+ deux fois. 15,000
+
+ Elle fit à Crécy, en deux fois, quarante-deux
+ mariages, à l'occasion de la naissance des
+ princes. Elle dota mari et femme à raison de
+ 300 livres et 200 livres pour les habits. 21,000
+
+Telle est la liste de ses dons.
+
+Le manuscrit est enfin terminé par une récapitulation des sommes
+dépensées par madame de Pompadour pendant les dix-neuf années de sa
+faveur.--Le total général est de 36,924,140 l. 8 s. 9 d.
+
+Voilà, sur sa déclaration, le relevé de ce que madame de Pompadour a
+coûté à la France.
+
+
+
+
+IX
+
+LE PARC AUX CERFS SOUS LOUIS XV.
+
+1755-1771.
+
+
+Il n'est aucun fait historique qui ait rendu plus odieux le nom de Louis
+XV, et qui, d'un autre côté, ait donné lieu à plus de divagation parmi
+les écrivains, que _le mystérieux établissement du Parc aux Cerfs_. Les
+historiens les mieux renseignés ne savent où il était placé. Les uns, se
+fondant sur son nom, en font une ancienne habitation de chasse de Louis
+XIII transformée en une sorte de petit palais entouré de jardins et de
+bois. D'autres le confondent avec l'Ermitage de madame de Pompadour;
+personne en un mot, jusqu'à ce jour, n'a pu dire d'une manière positive
+où il était placé. Depuis fort longtemps, nous cherchions à découvrir
+cette énigme historique, et tous nos efforts avaient été inutiles. Il y
+a peu de temps qu'en parcourant les Mémoires de madame Campan, nous
+fûmes frappé d'une anecdote sur Louis XV, à laquelle nous avions fait
+jusqu'alors peu d'attention. La voici:
+
+«Louis XV, dit madame Campan, avait, comme on le sait, adopté le système
+bizarre de séparer Louis de Bourbon du roi de France. Comme homme privé,
+il avait sa fortune personnelle, ses intérêts de finance à part.
+
+»Louis XV traitait comme particulier dans toutes les affaires ou les
+marchés qu'il faisait; il avait _acheté au Parc aux Cerfs, à Versailles,
+une jolie maison_ où il logeait une de ces maîtresses obscures que
+l'indulgence ou la politique de madame de Pompadour avait tolérées pour
+ne pas perdre ses droits de maîtresse en titre. Ayant réformé cet usage,
+le roi voulut vendre sa petite maison. Sévin, premier commis de la
+guerre, se présenta pour l'acheter; le notaire qui était chargé de cette
+commission en rendit compte au roi. Le contrat de vente fut passé entre
+Louis de Bourbon et Pierre Sévin, et le roi lui fit dire de lui apporter
+lui-même la somme en or. Le premier commis réunit 40,000 francs en
+louis, et, introduit par le notaire dans les cabinets intérieurs du roi,
+il lui remit la valeur de sa maison.»
+
+Ces renseignements donnés par madame Campan, quoique bien incomplets,
+puisqu'elle ne donne ni la rue, ni l'époque de la vente et de l'achat,
+ni le nom du notaire, étaient cependant une précieuse indication, s'ils
+se trouvaient exacts, car ils venaient confirmer l'établissement de la
+petite maison du roi dans le Parc aux Cerfs et donnaient, en outre, le
+nom de la personne à laquelle cette maison avait été vendue, lorsque,
+par suite d'autres habitudes, elle devint inutile à Louis XV.
+
+Nous résolûmes alors de faire de nouvelles recherches, et nous sommes
+parvenu, non sans peine, à découvrir cette mystérieuse habitation du
+Parc aux Cerfs. Mais, avant tout, rappelons ici ce qu'on entendait par
+ce nom de _Parc aux Cerfs_.
+
+Quand Louis XIII acheta la seigneurie de Versailles et y fit construire
+un petit château, c'était surtout pour être plus facilement au milieu
+des bois dont ce lieu était entouré et pour s'y livrer au plaisir de la
+chasse, qu'il aimait passionnément. Aussi l'un de ses premiers soins fut
+de faire élever près de son habitation les animaux pouvant servir à ses
+plaisirs. C'est pour cela qu'il choisit, dans les bois qui couvraient
+alors le sol de la ville, un emplacement dans lequel il pût réunir et
+faire élever des cerfs, des daims, et d'autres bêtes fauves. Il le fit
+entourer de murs, y fit construire quelques habitations de gardes, et ce
+lieu reçut le nom de _Parc aux Cerfs_.
+
+Le Parc aux Cerfs comprenait tout l'espace situé entre la rue de Satory,
+la rue des Rossignols et la rue Saint-Martin. Ce Parc aux Cerfs fut
+d'abord conservé par Louis XIV, et la ville se composa du vieux
+Versailles et de la ville neuve, ne formant qu'une seule paroisse, celle
+de Notre-Dame.
+
+Quelques années après son séjour à Versailles, vers 1694, Louis XIV,
+voyant les habitations s'élever avec rapidité dans la ville qu'il venait
+de créer, songea à son agrandissement. Le Parc aux Cerfs fut alors
+sacrifié. Louis XIV fit abattre les murs, arracher les arbres, détruire
+les maisons des gardes, niveler le sol, et l'on y traça des rues et des
+places. Des terrains furent donnés, surtout à des gens de la maison du
+roi, mais l'on n'y vit cependant s'élever sous son règne que quelques
+rares habitations. Louis XIV mort, Versailles resta pendant quelques
+années comme une ville abandonnée. Aucune construction ne s'y fit. Mais
+lorsque Louis XV y eut de nouveau fixé son séjour, et que la cour y fut
+revenue, on vit affluer de toutes parts de nouveaux habitants. Leur
+nombre, qui, à la mort de Louis XIV, était de vingt-quatre mille, fut
+presque doublé dans les quinze premières années du règne de son
+successeur. Les maisons se construisirent de tous côtés dans le quartier
+du _Parc aux Cerfs_, et les habitants de ce quartier furent si nombreux
+que l'on sentit la nécessité de diviser la ville en deux parties égales
+et de créer une nouvelle paroisse formant aujourd'hui le quartier ou la
+paroisse Saint-Louis.
+
+Revenons maintenant à la petite maison de Louis XV.
+
+Nous n'avions pour nous diriger dans nos recherches que le nom de
+_Sévin_. Mais dans quel endroit du _Parc aux Cerfs_ était placée cette
+maison achetée au roi par Sévin?
+
+Nous savions que les archives du bailliage de Versailles étaient
+déposées au palais de justice de cette ville, et que ces archives
+contenaient les rôles de la répartition des sommes dues chaque année par
+les propriétaires des maisons de Versailles pour les boues et lanternes,
+depuis l'année 1664 jusqu'en 1788. Le dépouillement assez fastidieux de
+tous les noms des propriétaires du quartier du Parc aux Cerfs nous fit
+enfin rencontrer, comme propriétaire d'une maison située rue
+Saint-Médéric, en 1772, le nom de _Sévin_. La place qu'elle occupait
+dans le rôle nous indiquait que ce devait être ou la maison nº 2, ou
+celle nº 4.--Mais était-ce bien celle ayant appartenu à Louis XV et
+indiquée par madame Campan? Rien ne nous le prouvait, car sur ces rôles
+nous trouvions immédiatement comme propriétaire avant _Sévin_ le nom de
+_Vallet_.
+
+En cherchant dans les titres actuels de propriété de la maison nº 4,
+nous avons trouvé qu'elle appartenait effectivement à Sévin, et qu'elle
+fut vendue par ses héritiers, après la Révolution, aux criées du
+tribunal civil. Ces titres, ne remontant point au delà, nous laissaient
+toujours dans l'obscurité sur les noms des propriétaires antérieurs à
+_Sévin_.
+
+ * * * * *
+
+Nous nous adressâmes alors aux possesseurs des maisons nos 2 et 4,
+qui nous permirent gracieusement de rechercher dans tous les papiers
+antérieurs ce que nous pourrions trouver chez les notaires touchant
+cette intéressante question. Voici maintenant le résultat de ces
+recherches:
+
+Quand Louis XIV eut décidé de faire un nouveau quartier dans l'ancien
+Parc aux Cerfs, les terrains furent donnés en propriété à divers
+particuliers et surtout aux personnes appartenant à la maison du roi.
+C'est ainsi que le roi fit don de l'emplacement occupé aujourd'hui par
+les nos 2 et 4 de la rue Saint-Médéric à Jacques _Desnoues_, maître
+d'hôtel et l'un de ses valets de chambre. Le 18 juin 1712, _Desnoues_
+vend à _J.-B. Pizet, écuyer de la Maison-Fort_, le jardin et la _maison_
+qu'il y avait fait construire. Le 27 septembre 1718, nouvelle vente de
+cette propriété faite par _J.-B. Pizet_ au profit de _Jean-Michel
+Crémer_, bourgeois de Versailles. A cette époque, le jardin n'était
+point enclos de murs. En 1734, _Crémer_ fait construire les murs, ferme
+les rues des Tournelles et Saint-Médéric et fait ainsi deux impasses.
+Ces impasses portent sur les rôles de répartition des boues et lanternes
+les noms de culs-de-sac Saint-Médéric et des Tournelles.
+
+_Crémer_ meurt en 1740. Par suite, la propriété est partagée en deux; la
+maison et la moitié du jardin échoient en partage à _Jean-Michel-Denis
+Crémer_, son fils, et l'autre moitié appartient à la _veuve Crémer_.
+Elle fait à son tour bâtir sur sa portion une maison à peu près
+semblable à l'autre formant aujourd'hui le nº 2 de la rue Saint-Médéric.
+
+Tel était l'état des lieux, lorsqu'en 1755 les agents secrets des
+honteuses passions de Louis XV cherchent au roi une petite maison, de
+façon à éviter la publicité dans ses rendez-vous de galanterie. Quelle
+maison pouvait mieux convenir que celle de _Crémer_? Placée dans un
+quartier retiré, au fond d'une impasse, n'ayant de voisins que la maison
+construite par la veuve Crémer, dont toutes les fenêtres regardaient sur
+la rue des Tournelles et n'avaient point de vue sur celle du fils, tout
+enfin la désignait à leur choix. Ils proposent son acquisition au roi,
+et l'argent est aussitôt donné. Il restait un dernier embarras: si le
+roi lui-même ou ses agents bien connus traitent directement de l'achat
+de cette maison, il n'y a plus de secret possible, et sa destination
+sera bientôt découverte. On charge alors un tiers inconnu de cet achat.
+Un huissier au Châtelet de Paris, nommé _Vallet_, traite directement
+avec Crémer, et la maison est achetée en son nom. De là l'obscurité qui
+a si longtemps régné sur l'emplacement de ce triste séjour. Qui aurait
+pu penser que sous ce nom de _Vallet_, de cet huissier, que les rôles
+des impôts de Versailles portent comme propriétaire de cette maison, se
+cachait le nom du roi de France[107]?
+
+Crémer croyait avoir vendu à Vallet; mais celui-ci, aussitôt
+l'acquisition terminée, se présente seul devant notaires et fait la
+déclaration suivante:
+
+«Aujourd'hui est comparu par-devant les conseillers du roi, notaires au
+Châtelet de Paris, soussignés, sieur François Vallet, huissier-priseur
+audit Châtelet de Paris, y demeurant, rue des Déchargeurs, paroisse
+Saint-Germain l'Auxerrois, lequel a déclaré ne rien avoir ni prétendre
+en l'acquisition qui vient d'être faite sous son nom, de
+Jean-Michel-Denis Crémer et sa femme, d'une maison située à Versailles,
+rue Saint-Médéric, paroisse Saint-Louis, avec ses dépendances, par
+contrat passé devant les notaires soussignés, dont Me Patu, l'un
+d'eux, à la minute, cejourd'hui; mais que cette acquisition _est pour et
+au profit du roi, le prix en ayant été payé des deniers de Sa Majesté à
+lui fournis à cet effet_; c'est pourquoi il fait cette déclaration,
+_consentant que Sa Majesté jouisse, fasse et dispose de ladite maison en
+toute propriété, sans que le payement, qui sera fait sous le nom du
+comparant, des droits de lots et ventes et centième denier, le décret
+volontaire, qui sera fait et adjugé, et la jouissance et perception des
+loyers, qui pourra être faite aussi sous son nom, puissent affaiblir la
+propriété acquise à Sa Majesté de ladite maison et dépendances_,
+déclarant que l'expédition dudit contrat d'acquisition et les titres
+énoncés en icelui ont été par lui remis entre les mains du chargé des
+ordres de Sa Majesté, ce qui a été accepté pour Sa Majesté par les
+notaires soussignés, etc.
+
+»Fait et passé à Paris, l'an 1755, le 25 novembre, et a signé:
+
+»VALLET.--PATU, BROCHANT.»
+
+Ainsi il n'y a plus de doute, c'est bien là la petite maison du Parc aux
+Cerfs, si longtemps ignorée. Voilà le lieu où, depuis l'année 1755
+jusqu'en 1771, furent successivement installées les jeunes filles que
+les infâmes fournisseurs des plaisirs du roi offraient aux sens blasés
+de Louis XV.
+
+L'ignorance où l'on était généralement sur cette maison, sa grandeur et
+son arrangement, le nom de Parc aux Cerfs toujours donné à cette
+habitation, tandis que c'était celui du quartier où elle était située,
+lui ont fait attribuer beaucoup plus d'importance qu'elle n'en avait
+réellement et sont la cause des exagérations dans lesquelles sont tombés
+à ce sujet plusieurs historiens.
+
+«La tradition et le témoignage de plusieurs personnes attachées à la
+cour, dit Lacretelle, ne confirment que trop les récits consignés dans
+une foule de libelles relativement au Parc aux Cerfs. On prétend que le
+roi y faisait élever des jeunes filles de neuf ou dix ans. _Le nombre de
+celles qui y furent conduites fut immense._ Elles étaient dotées,
+mariées à des hommes vils ou crédules.
+
+«Les dépenses du Parc aux Cerfs se payaient avec des acquits au
+comptant. Il est difficile de les évaluer; mais il ne peut y avoir
+aucune exagération à affirmer qu'elles coûtèrent _plus de cent millions
+à l'État_. Dans quelques libelles, on les porte jusqu'à un milliard.»
+
+Nous ne voulons diminuer en rien l'odieux de la conduite de Louis XV, et
+nous pensons aussi que l'entretien de ces jeunes filles, les rentes
+qu'on leur donnait lorsque le roi en était dégoûté, et celles que l'on
+faisait à leurs enfants lorsqu'elles en avaient, ont dû coûter des
+sommes assez considérables. Mais la connaissance exacte de la maison du
+Parc aux Cerfs ne permet pas d'admettre toutes ces exagérations.
+
+La maison était petite et à peu près comme celle du nº 2, puisque le
+jardin était derrière et sur le côté. Il était impossible que dans une
+si petite maison il séjournât plus d'une demoiselle à la fois, avec la
+dame chargée de la garder[108] et le domestique nécessaire pour les
+servir. Il faut bien admettre encore que les jeunes filles qui furent
+conduites dans ce lieu y demeurèrent au moins une année, puisque la
+plupart n'en sortaient que pour devenir mères! Eh bien, si le roi ne
+garda cette maison que depuis 1755 jusqu'en 1771, comme nous allons le
+voir, c'est-à-dire seize ans, on ne peut dire _que le nombre de celles
+qui y furent conduites fut immense_, et il faut nécessairement un peu
+rabattre _du milliard et même des centaines de millions_ que coûtèrent
+les dépenses du Parc aux Cerfs[109].
+
+Madame de Pompadour, voulant donner à Louis XV des maîtresses dont elle
+n'eût rien à redouter pour son pouvoir, protégea ce commerce du roi avec
+des jeunes filles, mais il cessa entièrement lorsque madame du Barry
+eut su concentrer sur elle seule toute la passion du vieux roi débauché.
+La petite maison du Parc aux Cerfs n'ayant plus alors aucun but
+d'utilité, Louis XV, qui l'avait achetée de ses deniers, la vendit afin
+de faire rentrer cet argent dans sa cassette particulière.
+
+Pour cette vente, Louis XV n'avait plus besoin de se cacher sous un faux
+nom comme pour l'achat, et, malgré l'assertion de madame Campan, ce
+n'est pas comme _Louis de Bourbon_, mais bien comme _roi de France_
+qu'il vendit l'ancienne habitation de ses innocentes victimes à J.-B.
+Sévin.
+
+Voici ce contrat de vente:
+
+«Vente par le roi, notre sire, à M. J.-B. Sévin, 27 mai 1771.
+
+»Par-devant les notaires au bailliage royal de Versailles, soussignés,
+fut présent très-haut, très-puissant et très-excellent prince Louis, par
+la grâce de Dieu roi de France et de Navarre; lequel a, par ces
+présentes, vendu et abandonné pour toujours et promet garantir de tous
+troubles à sieur Jean-Baptiste Sévin, huissier de la chambre de madame
+Victoire de France et commis principal de l'un des bureaux de la guerre,
+demeurant à Versailles, rue Saint-Médéric, paroisse Saint-Louis, à ce
+présent et acceptant acquéreur pour lui, ses hoirs et ayant cause, une
+maison sise à Versailles, susdite rue Saint-Médéric, paroisse
+Saint-Louis, consistant en bâtiments sur ladite rue, jardin derrière et
+à côté, ainsi que ladite maison se comporte sans réserve, appartenant à
+Sa Majesté au moyen de l'acquisition qu'elle en a fait faire _sous le
+nom de François Vallet_, huissier-priseur au Châtelet de Paris, de J.
+Crémer et Élisabeth Quartier, sa femme, par contrat passé devant Me
+Patu et son confrère, notaires à Paris, le 25 novembre 1755, insinué et
+ensaisiné, lequel Vallet a fait sa déclaration au profit de Sa Majesté
+par acte passé devant ledit Patu et son confrère le même jour, le brevet
+original en papier, laquelle est demeurée ci-joint, auxquels Crémer et
+sa femme ladite maison appartenait de la manière expliquée au contrat
+sus-daté, étant la dite maison en la censive de Sa Majesté et vers elle
+chargée à raison de vingt sols de cens par arpent par chacun an pour
+toutes choses, _de laquelle maison, dont Sa Majesté n'a jamais retiré
+aucun revenu, elle a toujours entendu jouir à titre particulier pour en
+disposer ainsi qu'elle jugerait à propos_.
+
+»Cette vente faite à la charge dudit cens seulement pour l'avenir, à
+compter de ce jour, et sans être tenu par ledit sieur Sévin au payement
+d'aucuns droits de lots et ventes, contrôles, insinuation et autres qui
+pourraient être prétendus à cause de la présente vente dont Sa Majesté
+dispense ledit sieur Sévin.
+
+»La présente vente aussi faite moyennant la somme de 16,000 livres;
+laquelle somme Sa Majesté reconnaît avoir présentement reçue par les
+mains d'Alain, l'un des notaires soussignés, qui, des deniers à lui
+remis par ledit sieur Sévin, la lui a payée réellement délivrée en louis
+d'or et monnoye ayant cours, à la vue desdits notaires, dont quittance
+transportant, dessaisissant, voulant procureur, le porteur donnant
+pouvoir.
+
+»Reconnaissant, ledit sieur Sévin, que Sa Majesté lui a fait remettre
+l'expédition en parchemin du contrat de vente susdaté, ensemble tous les
+titres et pièces que ledit Vallet a reconnu par icelui lui avoir été
+remis par lesdits Crémer et sa femme, dont déchargé.
+
+»Par ainsi promettant, obligeant, renonçant; fait et passé audit
+Versailles _à l'égard de Sa Majesté en son appartement au château_, et à
+l'égard dudit sieur Sévin ès étudè, l'an 1774, le 27 mai, avant midi. Sa
+Majesté a signé, ainsi que ledit sieur Sévin. Signé: LOUIS, SÉVIN, DUCRO
+et ALAIN.»
+
+Il résulte donc de ces diverses pièces que la fameuse maison désignée
+dans l'histoire de Louis XV sous le nom de _Parc aux Cerfs_ était placée
+au nº 4 de la rue Saint-Médéric.
+
+Aujourd'hui cette maison a entièrement changé d'aspect; transformée en
+un fort joli hôtel par les propriétaires qui l'ont successivement
+habitée depuis quelques années, elle ne rappelle plus rien de cette trop
+célèbre _petite maison_.
+
+
+
+
+X
+
+MADAME DU BARRY.
+
+1768-1793.
+
+
+Les archives de la préfecture de Seine-et-Oise contiennent deux cartons
+avec cette suscription: _Madame du Barry_. Ces cartons renferment en
+effet un grand nombre de papiers transportés dans les archives du
+district de Versailles, lors de sa condamnation à mort, en 1793. A cette
+époque, on apporta à Versailles tout ce qui fut trouvé de papiers au
+château de Louveciennes. Ils étaient fort nombreux, et furent pour la
+plupart rendus à la famille en 1825. On peut voir par l'inventaire
+dressé alors, qui se trouve plus loin, qu'un grand nombre d'entre eux
+étaient du plus haut intérêt. Tels qu'ils sont, ceux de la préfecture de
+Versailles sont encore fort curieux et méritent d'être connus.
+
+On a écrit plus d'une fois la vie de madame du Barry; mais dans tous ces
+écrits le vrai est fréquemment mêlé au faux, et ce sont pour la plupart
+de véritables romans.
+
+Les documents renfermés aux archives de Seine-et-Oise, et d'autres que
+nous avons puisés à des sources aussi sûres[110], s'ils ne nous
+éclairent pas sur tous les points de la vie de cette célèbre maîtresse
+de Louis XV, nous mettent au moins à même d'établir avec certitude
+plusieurs faits principaux.
+
+Vers 1767, un homme, comme on en voit souvent dans les grandes
+capitales, sans principes et sans mœurs, mais non pas sans esprit, le
+comte _Jean du Barry_, rencontra dans une de ces maisons qu'on
+appellerait aujourd'hui du _demi-monde_ une des plus jolies personnes
+qu'il eût encore vues de sa vie. Frappé de sa beauté et de ses grâces,
+il lui donna aussitôt le nom de l'_Ange_, et vit tout le parti qu'il en
+pourrait tirer dans l'intérêt de sa fortune et de son ambition. Dès ce
+moment il rêva et parvint à en faire la maîtresse du roi.
+
+Depuis l'année 1764, date de la mort de madame de Pompadour, Louis XV
+n'avait plus de maîtresse en titre, et il commençait à se lasser de ses
+amours obscures du Parc aux Cerfs. Le comte du Barry était ami de
+Lebel, ce valet de chambre du roi, dont le principal emploi est connu de
+tout le monde. Il est de certains hommes qui finissent toujours par se
+donner la main. Du Barry lui présenta mademoiselle l'Ange, et Lebel,
+frappé de sa beauté, n'hésita point à la mettre en rapport avec le
+roi.--Dès la première entrevue, Louis XV fut tellement subjugué par les
+charmes de mademoiselle l'Ange, qu'il ne voulut plus entendre parler
+d'une autre femme. Les rendez-vous se succédèrent rapidement, et le roi
+brûla du désir de la déclarer maîtresse en titre. Mais mademoiselle
+l'Ange n'avait point de nom, et pour paraître à la cour et y jouer un
+rôle aussi important, il fallait qu'elle fût revêtue d'un titre et
+qu'elle eût une position sociale un peu moins équivoque. Le comte Jean
+du Barry aimait bien plus mademoiselle l'Ange pour les avantages qu'elle
+pouvait lui rapporter que pour elle-même, et il n'aurait pas hésité à
+lui donner sa main et son nom; mais il était marié. Un autre, en
+épousant la maîtresse du roi, profiterait de tous les avantages rêvés
+pour lui-même, et que la reconnaissance de celle qu'il allait élever à
+une si haute position lui assurait! Il résolut alors de lui donner son
+propre nom, en lui faisant épouser son frère, et de conserver par cette
+alliance l'ascendant qu'il avait pris sur l'esprit de la nouvelle
+favorite.
+
+Le comte _Guillaume du Barry_, le mari futur de la maîtresse du roi,
+était un pauvre officier des troupes de la marine, vivant à Toulouse
+avec sa mère. Son frère lui écrivit aussitôt pour lui proposer ce
+mariage, et lui faire envisager la brillante fortune qui en résulterait
+pour lui et sa famille. Guillaume n'était pas plus scrupuleux que Jean,
+il accepta avec joie sa proposition et partit immédiatement pour Paris.
+Cependant, pour contracter ce mariage, il fallait le consentement de sa
+mère. Cette dame ne le refusa pas; mais, soit par respect pour son nom,
+soit pour toute autre raison, elle ne voulut pas sanctionner par sa
+présence un acte si peu honorable, et elle chargea une autre personne de
+la représenter dans tout ce qui allait être fait. Le comte Guillaume
+arriva donc à Paris, muni de la pièce que voici:
+
+«Par-devant le notaire royal de la ville de Toulouse et témoins bas
+nommés, fut présente dame _Catherine de Lacaze_, veuve de noble _Antoine
+du Barry_, chevalier de l'ordre militaire de Saint-Louis, habitant de
+cette ville;
+
+»Laquelle a fait et constitué pour son procureur général et spécial M.
+Jean Gruel, négociant, rue du Roule, à Paris, auquel elle donne pouvoir
+de, pour elle et en son nom, consentir que noble Guillaume du Barry, son
+fils, ancien officier d'infanterie, contracte mariage avec telle
+personne qu'il jugera à propos, pourvu toutefois qu'elle soit approuvée
+et agréée par ledit sieur procureur constitué, et que la bénédiction
+nuptiale lui soit départie suivant les constitutions canoniques, par le
+premier prêtre requis, sans cependant que ladite dame constituante
+entende rien donner à son fils dans son contrat de mariage; voulant en
+outre que les présentes vaillent nonobstant surannotation et jusqu'à
+révocation expresse, promettant, obligeant, renonçant.
+
+»Fait et passé audit Toulouse, dans notre étude, le quinzième jour du
+mois de juillet, avant midi, l'an 1768, en présence des sieurs
+Bernard-Joseph Fourmont et Bonaventure Calvet, praticiens, habitant
+cette ville, soussignés, avec ladite dame constituante et nous, notaire.
+
+ »_Signé_: DELACAZE DU BARRY, FOURMONT,
+ B. CALVET, et SANS, notaire, avec
+ paraphe[111].»
+
+A son arrivée à Paris, Guillaume du Barry descendit à l'hôtel de son
+frère, rue Neuve des Petits-Champs. Celui-ci ne perdit pas un seul
+instant, et huit jours après le consentement de leur mère, le 23
+juillet, il faisait signer à Guillaume le curieux contrat de mariage qui
+suit:
+
+«Par-devant les conseillers du roi, notaires au Châtelet de Paris,
+furent présents:
+
+»Haut et puissant seigneur messire Guillaume comte du Barry, chevalier,
+capitaine des troupes détachées de la marine, demeurant à Paris, rue
+Neuve des Petits-Champs, paroisse Saint-Roch, majeur, fils de défunt
+messire Antoine, comte du Barry, chevalier de l'ordre royal et militaire
+de Saint-Louis, et de dame Catherine Delacaze, son épouse, actuellement
+sa veuve, demeurant à Toulouse, contractant pour lui et en son nom;
+
+»Sieur André-Marie Gruel, négociant à Paris, y demeurant, rue du Roule,
+paroisse Saint-Germain l'Auxerrois, au nom et comme fondé de la
+procuration spéciale à l'effet du mariage dont va être parlé, de ladite
+dame du Barry mère, passé devant _Sans_, notaire royal à Toulouse, en
+présence de témoins, le 15 juillet présent mois, dont l'original, dûment
+contrôlé et légalisé, est, à la réquisition du sieur Gruel, demeuré
+annexé à la minute des présentes, préalablement de lui certifié
+véritable, signé et paraphé en présence des notaires soussignés.
+
+»Ledit sieur Gruel, audit nom, assistant et autorisant autant que de
+besoin ledit seigneur comte du Barry, d'une part;
+
+»Et sieur _Nicolas Rançon_, intéressé dans les affaires du roi, et dame
+_Anne Bécu_, son épouse, qu'il autorise à l'effet des présentes,
+demeurant à Paris, rue du Ponceau, paroisse Saint-Laurent, ladite dame
+auparavant _veuve du sieur Jean-Jacques Gomard de Vaubernier_, intéressé
+dans les affaires du roi, stipulant pour _mademoiselle Jeanne Gomard de
+Vaubernier_, fille _mineure_ de ladite dame Rançon et dudit feu sieur
+Gomard de Vaubernier, _son premier mari_, demeurant avec eux; à ce
+présente et de son consentement pour elle et en son nom;
+
+»Lesquels, dans la vue du mariage proposé et agréé entre ledit sieur
+comte du Barry et ladite demoiselle Gomard de Vaubernier, qui sera
+célébré incessamment en face d'Église, ont pris par ces présentes
+volontairement fait et rédigé les clauses et conditions civiles dudit
+mariage ainsi qu'il suit, en la présence et de l'_agrément_ de haut et
+puissant seigneur _messire Jean, comte du Barry-Cérès_, gouverneur de
+Lévignac, frère aîné dudit seigneur, futur époux, et de _Claire du
+Barry_, demoiselle majeure, sœur dudit seigneur futur époux.
+
+»ARTICLE PREMIER.--Il n'y aura point communauté de biens entre ledit
+seigneur et demoiselle future épouse, dérogeant à cet égard à la coutume
+de Paris et à toute autre qui l'admette entre conjoints; et, au
+contraire, ils seront et demeureront séparés de biens, et ladite
+demoiselle future épouse aura seule la jouissance et l'administration
+des biens, droits et actions, meubles et immeubles qui lui appartiennent
+et pourront lui appartenir dans la suite _à tel titre que ce soit_.
+
+»ART. 2.--La demoiselle future épouse se marie avec les biens et droits
+qui lui appartiennent et qui lui appartiendront par la suite, _dont elle
+aura l'administration_, comme il est ci-devant dit. Et son mobilier
+consiste en la somme de 30,000 livres, composé de bijoux, diamants,
+habits, linge, dentelles et meubles à son usage, le tout _provenant de
+ses gains et économies_, et dont, pour éviter la confusion avec le
+mobilier dudit sieur futur époux, il a été fait et dressé un état,
+transcrit sur les deux premières pages d'une feuille de papier à lettre,
+lequel est, à leur réquisition, demeuré annexé à la minute des
+présentes, après avoir été desdites parties contractantes certifié
+véritable, signé et paraphé en présence des notaires soussignés.
+
+»ART. 3.--Tous les meubles et effets qui se trouveront dans les maisons
+qu'occuperont les futurs époux, tant à Paris qu'à la campagne, autres
+que ceux désignés dans l'état ci-devant annexé, seront censés appartenir
+et appartiendront en effet audit seigneur futur époux, et si dans la
+suite ladite demoiselle future épouse fait quelque achat de meubles et
+effets, elle sera tenue de retirer quittances en forme et, par-devant
+notaire, du prix d'iceux.
+
+»ART. 4.--Tous les biens appartenant aux demoiselle et seigneur futurs
+époux, et ceux qui leur échoiront pendant le mariage, à tel titre que ce
+soit, tant en meubles qu'immeubles, seront réputés propres à chacun
+d'eux et aux leurs, de côtés et lignes respectivement.
+
+»ART. 5.--Ledit seigneur futur époux a doué et doue la demoiselle future
+épouse de 1,000 livres de rente de douaire préfix, dont le fonds, en
+denier 25, demeurera propre aux enfants à naître dudit mariage.
+
+»ART. 6.--Arrivant le décès de l'un des futurs époux, le survivant aura
+et prendra sur les biens du prédécédé, par forme de gain de survie, en
+meubles et effets prisés sans crue, la somme de 10,000 livres ou ladite
+somme en deniers comptants, au choix dudit survivant.
+
+»ART. 7.--Il est convenu que ladite demoiselle future épouse _demeurera
+chargée seule de la conduite et de toutes les dépenses du ménage_, tant
+pour la nourriture que pour les loyers ou appartements qu'ils
+occuperont, gages de domestiques, linge de table, ustensiles de ménage,
+entretien d'équipages, nourriture de chevaux et _toutes autres dépenses
+quelconques sans exception_, tant envers ledit seigneur futur époux
+qu'envers les enfants à naître dudit mariage, qu'elle sera tenue
+d'élever et faire éduquer à ses frais, à la charge par ledit seigneur
+futur époux, ainsi qu'il s'y oblige, de payer à ladite demoiselle future
+épouse la somme de 6,000 livres de pension, pour tenir lieu de sa moitié
+dans lesdites dépenses et entretien du ménage, par chaque année, de six
+mois en six mois, et toujours d'avance, en sorte que les six premiers
+mois seront exigibles le lendemain de la célébration du mariage.
+
+»C'est ainsi que le tout a été convenu et arrêté entre les parties,
+promettant, obligeant, renonçant.
+
+»Fait et passé à Paris, en la demeure dudit seigneur comte du Barry,
+futur époux susdésigné.
+
+»L'an 1768, le 23 juillet après midi, et ont signé: J. GOMARD DE
+VAUBERNIER, le CHEVALIER DU BARRY, GRUEL, le COMTE DU BARRY-CÉRÈS, A.
+BÉCU, C.-F. DU BARRY, RANÇON.
+
+»La minute des présentes demeurée à Me Garnier-Deschênes, l'un des
+notaires, etc.[112].»
+
+Par ce singulier contrat de mariage, madame du Barry était parfaitement
+libre de faire tout ce que bon lui semblait, et le comte n'entrait dans
+cet acte que pour lui donner un nom et lui permettre de recueillir
+complétement les avantages de la position que l'on venait de lui
+procurer.
+
+Il est dit dans le contrat que la future épouse possède une somme de
+30,000 livres en mobilier. Voici le détail assez curieux des divers
+objets qui composaient cette somme de 30,000 livres provenant des _gains
+et économies_ de mademoiselle l'Ange, d'après l'état annexé au contrat
+de mariage:
+
+«État des meubles, habits, linge, hardes et bijoux, dentelles et autres
+effets appartenant à mademoiselle Gomard de Vaubernier:
+
+ «1º Un collier de diamants fins, évalué
+ à. 8,000 liv.
+
+ »2º Une aigrette et une paire de boucles
+ d'oreilles en girandolle, le tout
+ estimé à. 8,000
+
+ »3º Un lit complet, les rideaux, ciel,
+ dossier et bonnes grâces de damas vert;
+ une tenture servant de tapisserie, de
+ pareil damas; huit chaises, quatre fauteuils
+ et deux rideaux de fenêtres aussi
+ en pareil damas vert, le tout évalué à. 3,000 liv.
+
+ »4º Trente robes et jupons de différentes
+ étoffes de soie or et argent, de
+ toutes saisons, évaluées à. 3,000
+
+ »5º Dentelles d'Angleterre, de Bruxelles,
+ de Valenciennes, d'Argentan et autres,
+ tant en garnitures de robes qu'en
+ manchettes, bonnets ou autrement. 6,000
+
+ »Six douzaines de chemises fines de
+ toile de Hollande, garnies de manchettes
+ de mousseline brodée; douze déshabillés
+ complets de différentes étoffes de
+ soie et autres; deux douzaines de corsets
+ et plusieurs autres linges et effets
+ à l'usage de ladite demoiselle de Vaubernier,
+ le tout évalué à. 2,000
+
+ Total. 30,000 l.[113].»
+
+Tels étaient les cadeaux de noces que le royal amant donnait à la
+nouvelle épouse. Ce qui domine surtout dans ces divers objets, ce sont
+les diamants, les robes, les dentelles, tous les ornements de toilette,
+et l'on verra plus tard que le même goût préside aux dépenses de madame
+du Barry pendant toute sa grandeur.
+
+Un mois après le contrat, a lieu la célébration du mariage. A cette
+cérémonie n'assistent ni la mère du marié, ni celle de la mariée, et
+l'on voit cette dernière représentée par un personnage sur lequel nous
+reviendrons dans la suite. L'acte de célébration est ainsi conçu:
+
+«Le 1er septembre 1768, après publication de trois bans sans
+empêchement, en cette paroisse Saint-Laurent et en celle de
+Saint-Eustache, les 24, 25 et 31 juillet dernier, vu la procuration
+donnée par la mère de l'époux à M. Jean Gruel, négociant à Paris, rue du
+Roule, auquel elle donne pouvoir de, pour elle et en son nom, consentir
+au présent mariage; vu pareillement la procuration des beau-père et mère
+de l'épouse, donnée à messire _Jean-Baptiste Gomard_, prêtre, aumônier
+du roi, auquel ils donnent pouvoir de les représenter lors de la
+célébration de ce mariage, les fiançailles célébrées aujourd'hui, ont
+été par nous mariés messire Guillaume, comte du Barry, ancien capitaine,
+et demoiselle Jeanne Gomard de Vaubernier, âgée de vingt-deux ans, fille
+de Jean-Jacques de Vaubernier, intéressé dans les affaires du roi, et
+d'Anne Bécu, dite Cantigny, etc.[114].»
+
+Madame du Barry mariée, le comte son mari retourna à Toulouse, et elle
+vint s'établir définitivement à Versailles. Le roi n'attendait que cela
+pour se livrer tranquillement à toute sa passion.
+
+Elle eut un appartement dans le château. Cet appartement était situé au
+deuxième étage précisément au-dessus de celui du roi[115]. Louis XV
+pouvait s'y rendre à toute heure et sans être vu, soit par un escalier
+aboutissant au balcon de la cour des Cerfs, soit par la bibliothèque
+située au-dessus du grand cabinet, dont une porte ouvrait sur un petit
+palier donnant entrée dans un des deux cabinets placés de chaque côté de
+l'alcôve de la chambre à coucher de madame du Barry.
+
+De ce moment, madame du Barry allait avoir des équipages et des gens: il
+fallait les loger en ville et avoir un hôtel, comme tous les grands
+seigneurs qui habitaient Versailles.
+
+Le 22 décembre 1768, on passe un bail en son nom avec la veuve _Duru_,
+pour un hôtel situé à Versailles, rue de l'Orangerie[116], et c'est là
+qu'elle établit sa maison.
+
+Madame du Barry était installée au château, mais le roi ne la voyait
+qu'en particulier. Elle ne pouvait monter dans les carrosses de la cour
+et elle ne paraissait point en public; pour cela, il aurait fallu que
+la favorite fût présentée et fît ainsi partie des dames de la cour. Le
+roi le désirait ardemment, et madame du Barry encore plus. Malgré les
+obstacles qui semblaient devoir s'y opposer, cette présentation se fit
+rapidement, et elle eut lieu le 22 avril 1769. Dès ce moment, madame du
+Barry fut reconnue comme maîtresse en titre, et entourée d'une foule de
+courtisans qui, jusqu'à sa chute, ne cessèrent de briguer ses faveurs.
+
+On a vu de quoi se composait la dot de mademoiselle l'Ange, mais cela ne
+pouvait plus suffire à la maîtresse du roi. Aussi, dès les premiers
+jours de 1769, le roi lui constistue 100,000 livres de rentes viagères
+sur la ville de Paris, et 10,000 livres de rente sur les États de
+Bourgogne. Madame de Pompadour avait eu près de Versailles une
+habitation princière[117], il en fallut une à madame du Barry.
+
+En 1690, Louis XIV avait acheté à M. de Valentinay la belle terre et le
+château de Louveciennes. Il en fit don à la princesse de Conty, sa
+fille. A la mort de la princesse, cette terre passa au comte de
+Toulouse, puis au duc de Penthièvre. Le 7 mai 1768, le prince de
+Lamballe y étant mort des suites de ses débauches, son père, le duc de
+Penthièvre, ne voulut plus habiter une terre qui lui rappelait de si
+tristes souvenirs, et il la vendit au roi. Louis XV la donna à madame
+du Barry, et par brevet du roi du 24 juillet 1769, elle obtint, sa vie
+durant, la _jouissance de la maison, jardins et dépendances de
+Louveciennes_[118]. On voit, dans le relevé des dépenses de madame de
+Pompadour, que dans les premières années de sa faveur, Louis XV lui
+faisait des cadeaux d'une valeur fort considérable; c'est ce qui eut
+lieu aussi pour madame du Barry. Le 1er janvier 1770, le roi entra de
+bonne heure chez sa maîtresse, et, en l'embrassant, lui remit un brevet
+signé le 23 décembre précédent, qui lui concédait, sa vie durant, _les
+Loges de Nantes_. Ce que l'on nommait _les Loges de Nantes_ était une
+réunion de _boutiques, baraques et appentis établis sur la contrescarpe,
+à Nantes_, et rapportant environ 40,000 livres de rente.
+
+Mais les libéralités du roi pour sa nouvelle maîtresse ne s'arrêtaient
+pas là, et il fournissait avec abondance l'argent nécessaire à ses
+nombreuses dépenses.
+
+Madame de Pompadour reçut une brillante éducation; artiste elle-même,
+elle aimait les arts et les artistes, et ses dépenses consistent plus
+dans la création de charmants séjours, embellis par les arts de la
+peinture et de la sculpture, en concerts délicieux, en représentations
+théâtrales, en tout ce qui est le résultat d'une éducation recherchée et
+de bon goût qu'en dépenses personnelles et de toilette. Madame du
+Barry, au contraire, n'ayant reçu aucune éducation, et arrivée à jouer
+un rôle si important par sa seule beauté, ne pensa qu'aux moyens de
+faire valoir ses charmes, et dirigea toutes ses dépenses vers la
+toilette, le luxe et la recherche de ses appartements intimes.
+
+On peut juger par la quantité de robes, d'étoffes de toutes sortes, de
+dentelles, de bijoux trouvés chez elle à sa mort, de son goût effréné
+pour la toilette. Ainsi, il y avait de dentelles, étoffes, robes,
+corsets et linge de corps, pour 160,029 livres 5 sols;--de bijoux,
+diamants, montres, etc., pour 400,000 livres[119];--et elle devait
+encore, entre autres objets de toilette, 40,896 livres 13 sols à
+mademoiselle _Bertin_, sa marchande de modes à Paris, et 2,275 livres 6
+sols à M. _Bataille_, son parfumeur à Versailles.
+
+Elle fit de son appartement de Versailles une suite de boudoirs
+délicieux.
+
+Les objets qui en faisaient l'ornement sont décrits dans les Mémoires
+conservés aux archives de la préfecture de Seine-et-Oise. La description
+de quelques-uns de ces objets fera juger de ce que devait être ce
+charmant logis[120].
+
+Dans le salon, on voyait sur la cheminée une magnifique pendule à
+colonnes, ornée de figures de porcelaine; au milieu, une superbe table
+ornée de porcelaines de France: le dessus, qui était le morceau
+principal, représentait un tableau en miniature d'après _Leprince_, les
+garnitures de bronze, parfaitement ciselées et dorées d'or mat.--Il y
+avait aussi un très-beau forte-piano anglais, qu'on avait fait organiser
+à Paris par le fameux _Clicot_, avec flûtes et galoubet, un mouvement
+pour le luth et deux autres pour les cymbales; la caisse, que l'on fut
+obligé d'y ajouter pour contenir les tuyaux et les soufflets, était
+plaquée en bois rose et à mosaïques blanches et bleues, et
+très-richement garnie de bronzes dorés d'or mat.--Sur un des côtés était
+une superbe commode d'ancien laque, de la première qualité, le panneau
+du milieu à magots très-richement habillés; les frises plaquées en
+ébène, les garnitures de bronze, ciselées et dorées d'or mat; le marbre
+blanc de statuaire.--Et de l'autre côté une autre belle commode, ornée
+de cinq morceaux de porcelaine de France, à fleurs et filets d'or,
+très-richement garnie de bronzes bien finis et dorés d'or mat; le dedans
+doublé en tapis vert et galonné d'or; le marbre blanc de statuaire.--Sur
+chacune de ces commodes se trouvaient: d'un côté un très-fort groupe de
+bronze et de couleur antique, composé de quatre figures représentant
+l'enlèvement d'Hélène par Pâris, le tout sur un pied de bronze doré d'or
+moulu;--et de l'autre côté un autre groupe de bronze, plus petit, et
+d'après _Sarrazin_, composé de cinq enfants qui jouent avec un bouc; le
+tout sur un pied de marqueterie de _Boule_, et orné de bronzes dorés
+d'or moulu;--enfin un fort lustre de cristal de roche, à six luminaires,
+et ayant coûté 16,000 livres, était appendu au milieu de la pièce. Comme
+l'on jouait souvent dans ce petit salon, madame du Barry avait fait
+faire une boîte de jeux, dont ces Mémoires nous ont conservé la
+description: cette boîte était en acajou, doublée en tabis bleu,
+galonnée en or; elle renfermait quatre boîtes à quadrilles en ivoire, le
+trèfle, le pique, le cœur et le carreau en or incrusté sur chacune
+desdites boîtes et entourés d'un cartouche avec nœuds de rubans, le
+tout en or et aussi incrusté;--les quatre-vingts fiches et les vingt
+contrats distingués par le trèfle; le pique, le cœur et le carreau,
+aussi en or et incrustés.
+
+Dans la chambre à coucher, il y avait une commode ornée de tableaux de
+porcelaine d'après _Watteau_ et _Wanloo_, très-richement garnie de
+bronzes très-bien finis et dorés d'or mat;--un secrétaire en armoire, de
+porcelaine de France, fond vert et à fleurs, richement garni de bronzes
+dorés d'or moulu.--On voyait sur les meubles deux cuvettes à mettre des
+fleurs, en porcelaine de France, fond petit vert, à marines en
+miniatures.--Une cuvette gros bleu caillouté d'or, avec des sujets de
+_Teniers_, en miniature, et deux autres, moins grandes et décorées de
+même.--Sur la cheminée, une pendule dorée d'or de Germain: elle
+représentait les trois Grâces supportant un vase dans lequel était un
+cadran tournant, et au-dessus un Amour indiquait l'heure avec sa
+flèche; le tout était élevé sur un piédestal très-bien ciselé et doré.
+
+Le cabinet ne le cédait point au reste: sur la cheminée était une
+pendule à vase et serpent, en bronze doré d'or moulu, le cadran
+tournant; le piédestal garni de trois morceaux de porcelaine de France,
+fond bleu, avec des enfants en miniature; le dard du serpent fait en
+marcassite. On y voyait aussi une très-jolie table à gradins, en
+porcelaine de France, fond vert et cartouches à fleurs, très-richement
+ornée de bronzes dorés d'or moulu, le dessus du tiroir couvert d'un
+velours vert et les pièces d'écritoire dorées. Sur des étagères on
+remarquait, parmi une quantité d'objets de toutes sortes: une cassette
+d'ancien laque, fond noir, ouvrage en or de reliefs et aventurine, avec
+paysages et magots;--cinq tasses et soucoupes d'ancien Saxe, à tableaux
+et à miniatures, avec la théière et la boîte à thé pareilles;--une cave,
+composée de quatre gros flacons, un gobelet et sa soucoupe, le tout de
+cristal de roche; six petits flacons de cristal de Bohême; deux cuillers
+et un entonnoir d'or; les dix flacons garnis d'or et le tout dans une
+boîte de bois des Indes garnie de velours rouge. Cette jolie cave avait
+été achetée à la vente de madame de Lauraguais.--Enfin on remarquait
+encore dans ce cabinet un baromètre et un thermomètre de Passemant,
+montés très-richement en bronzes dorés d'or moulu, et ornés de trois
+plaques de porcelaine de France, à enfants en miniature.
+
+Tout, jusqu'aux lieux les plus secrets de ce petit appartement, portait
+le goût du luxe de la comtesse. Ainsi, dans le petit couloir qui menait
+à la garde-robe, on voyait, au-dessous de la croisée, une commode à
+portes de 52 pouces de long, en bois rose et garnie de bronzes dorés
+d'or moulu, le marbre en brèche d'Alep; et _dans la garde-robe, un
+meuble de toilette secrète à dossier, en marqueterie, fond blanc, à
+mosaïques bleues et filets noirs, avec rosettes rouges, garni de velours
+bleu brodé d'or, et sabots dorés d'or moulu_; la boîte à éponges et la
+cuvette en argent; deux tablettes d'encoignure, aussi en marqueterie,
+garnies de bronzes dorés d'or moulu; et une _chaise de garde-robe en
+marqueterie pareille aux autres meubles, la lunette recouverte de
+maroquin, et les poignées et sabots dorés d'or moulu_.
+
+Aussitôt que madame du Barry eut la jouissance du château de
+Louveciennes, elle y fit faire de nombreux travaux. Mais quoiqu'elle y
+eût dépensé beaucoup d'argent, elle ne put transformer en boudoirs de
+_petite maison_ ces grands appartements bâtis pour une fille de Louis
+XIV. Elle y renonça, et tout en conservant le château principal, elle
+fit bâtir, un peu plus loin, un _pavillon_ beaucoup plus approprié à la
+destination galante qu'elle voulait lui donner.
+
+Ce pavillon, d'où l'on jouit d'une vue magnifique et qui, regardé des
+bords de la Seine, est d'un effet très-pittoresque et paraît suspendu
+dans les airs, fut bâti par l'architecte Ledoux, pendant les années 1771
+et 1772. On appela les plus habiles artistes pour travailler à son
+embellissement, et l'intérieur était un véritable modèle de goût et
+d'élégance.
+
+On se doute bien que les appartements particuliers de la comtesse, dans
+cette nouvelle habitation, ne le cédaient pas à ceux de Versailles, et
+en parcourant les cartons de la préfecture de Seine-et-Oise, on voit
+figurer, dans les diverses parties du pavillon de Louveciennes, des
+objets analogues à ceux déjà indiqués à Versailles.
+
+Louis XV, quand il venait à Louveciennes, n'avait pas d'autre
+appartement que celui de la comtesse, excepté pourtant la partie
+destinée à sa toilette. On sait qu'il était extrêmement soigneux de sa
+personne, et il est à présumer que dans ce lieu il devait avoir
+quelquefois besoin de réparer le désordre de sa tenue.
+
+Cette partie, complétement réservée au roi, se composait d'une
+antichambre, d'un cabinet et d'une garde-robe. L'antichambre, tapissée
+en damas bleu et blanc, n'offrait aucun meuble remarquable. Dans le
+cabinet de toilette, il y avait dans la cheminée un feu doré d'or moulu,
+à trophées militaires, garni de pelle, pincettes et tenailles
+analogues.--Sur la cheminée, une garniture de trois pièces de porcelaine
+de Saxe à petites fleurs en relief, sur un fond petit bleu, avec
+cartouches en miniatures sur fond d'or, et ornées de bronzes dorés d'or
+moulu.--Une paire de flambeaux, cannelés de bronze doré d'or moulu.--De
+chaque côté de la cheminée, une forte paire de bras à trois branches et
+colliers de perles, en bronze doré d'or moulu.--De l'autre côté, en face
+de la cheminée, une paire de girandoles à trois branches, d'un nouveau
+modèle de goût antique, dorées d'or moulu.--Au-dessous, une commode
+d'ancien laque du Japon, richement ornée de bronzes dorés, avec son
+marbre de cinq pieds en gruotte d'Italie.--Enfin, au milieu était un
+fauteuil à poudrer, garni de maroquin rouge, avec un coussin sur fond de
+canne, et devant une table d'ébénisterie à mosaïques, sur fond gris
+satiné, avec une tablette dans les jambes, et garnie en bronzes
+dorés.--Quant à la garde-robe, elle renfermait tous les meubles déjà
+indiqués dans celle de madame du Barry, excepté cependant qu'au lieu du
+raffinement de luxe observé dans ceux de la comtesse, ils étaient fort
+simples et tous en bois de noyer[121].
+
+Au milieu des grandeurs de la favorite, la famille du Barry ne
+s'oubliait pas. Déjà plusieurs fois le mari de la comtesse, _Guillaume_
+du Barry, était venu tourmenter sa femme de ses doléances et avait
+cherché à obtenir par elle des faveurs et de l'argent. Pour faire cesser
+ces importunités, madame du Barry lui constitua 5,000 livres de rente,
+et par sentence contradictoire du Châtelet de Paris du 1er avril
+1772, elle fut séparée d'habitation avec son mari[122]. Quant au comte
+_Jean_, il avait toujours conservé un certain ascendant sur madame du
+Barry. Il avait placé auprès d'elle sa propre sœur, mademoiselle
+_Claire du Barry_, petite bossue que la comtesse aimait fort peu, pour
+surveiller toutes ses actions et lui rappeler sans cesse que sa faveur
+était due à son frère, et qu'elle devait en être reconnaissante. On
+verra qu'il sut en tirer ainsi des sommes s'élevant à plus d'un million.
+Mais il ne voulait pas seulement de l'argent, il fallait encore qu'il
+profitât de la favorite pour satisfaire son ambition. Le comte Jean
+avait un fils, débauché comme le père; il voulut le marier à une fille
+de grande maison, et pouvoir, à l'aide de cette alliance, marcher de
+pair avec les premières familles de la cour. C'est ce qu'il parvint à
+réaliser grâce à la faveur et surtout à l'argent de madame du Barry.
+
+M. le prince de Soubise avait pour parente une jeune personne d'une
+grande beauté, mais peu riche, la fille du marquis de Tournon. Ce fut
+elle que l'on destina au fils du comte du Barry. A peine âgée de
+dix-sept ans, mademoiselle de Tournon était encore au couvent lorsque
+l'on décida de son sort. Par ce mariage, les du Barry s'alliaient
+presque au sang royal, puisque la mère du duc de Bourbon, fils du prince
+de Condé, était fille du prince de Soubise. Le roi, sous l'influence de
+madame du Barry, pressait fortement la conclusion de ce mariage; le
+prince de Soubise le désirait aussi, le prince de Condé seul s'y
+opposait. Mais enfin, vaincu par les instances du roi, il y donna son
+consentement. Le 18 juillet 1773, le roi et la famille royale signèrent
+le contrat de mariage du vicomte du Barry avec mademoiselle de Tournon;
+quelques jours après ils reçurent la bénédiction nuptiale, et le 1er
+août suivant, la nouvelle vicomtesse était présentée au roi et à la
+famille royale par madame du Barry elle-même.
+
+En faveur de ce mariage, le vicomte du Barry fut fait capitaine des
+Suisses de M. le comte d'Artois, et sa femme, qui reçut en dot 200,000
+livres de madame du Barry[123], fut nommée dame pour accompagner la
+comtesse d'Artois.
+
+Madame du Barry acheta fort peu de biens pendant sa grandeur. Elle fit
+l'acquisition d'une maison à Saint-Vrain, près Arpajon, et d'une petite
+ferme appelée la _Maison-Rouge_, à Villiers-sur-Orge, près de
+Lonjumeau[124].
+
+On a vu par le contrat de mariage de madame du Barry que sa mère se
+nommait madame _Rançon_. En effet, elle avait épousé, en 1749, un nommé
+_Rançon_, commis aux aides, titre qu'on changea, dans le contrat de la
+comtesse, en celui d'_intéressé dans les affaires du roi_. On conçoit
+qu'avec un si mince emploi pour toute fortune, M. et madame Rançon
+devaient mener une assez triste existence. Dans sa haute position,
+madame du Barry n'oublia pas sa mère. Elle allait souvent la voir, et
+elle la mit à même de vivre largement. Quoiqu'elle n'eût ni les manières
+ni le langage d'une femme de qualité, on ne pouvait cependant continuer
+de donner ce nom de Rançon à la mère d'une comtesse qui avait l'insigne
+honneur d'être la maîtresse du roi, et on l'appela madame de Montrable.
+C'est pour madame de _Montrable_ que madame du Barry acheta _la
+Maison-Rouge_, et cette dame l'habita fort longtemps.
+
+La maison de madame du Barry était devenue très-considérable, et ses
+équipages et ses gens ne pouvaient plus tenir dans l'hôtel de la rue de
+l'Orangerie, qu'elle avait loué la première année de son arrivée à
+Versailles[125]. Il y avait, sur l'avenue de Paris, une charmante
+habitation construite par _Binet_, valet de chambre du Dauphin et parent
+de madame de Pompadour. Madame du Barry l'acheta pour y faire construire
+un grand hôtel. _Ledoux_, son architecte, tout en conservant le joli
+pavillon de _Binet_, y fit ajouter des constructions considérables, afin
+d'y placer les chevaux, les voitures et les gens. C'était un véritable
+palais, et l'on alla même jusqu'à y élever une chapelle, à laquelle,
+pour la desservir, madame du Barry nomma un aumônier en titre[126].
+
+Madame du Barry était arrivée au comble de la faveur; le roi n'était pas
+encore dans un âge très-avancé (64 ans), tout lui faisait espérer une
+longue carrière dans le poste qu'elle occupait; et cependant, quelques
+jours encore, et toute cette grandeur allait disparaître. Louis XV, déjà
+triste et souffrant, venait, pour se distraire, de passer quelques jours
+à Trianon, lorsqu'il y fut atteint de la petite vérole. Ramené à
+Versailles, il y succomba le 10 mai 1774.
+
+Quelques jours avant la mort du roi, et lorsqu'on le vit dans un état
+tout à fait désespéré, on fit partir de Versailles madame du Barry. Elle
+se retira à Rueil, chez M. et madame d'Aiguillon, qui lui prodiguèrent
+les soins les plus affectueux.
+
+Le premier acte du nouveau monarque fut d'éloigner de la cour celle qui
+en avait été le scandale pendant les dernières années de la vie du feu
+roi. Le jour même de la mort de Louis XV, le duc de la Vrillière fut
+envoyé à Rueil et remit à madame du Barry une lettre de cachet lui
+intimant l'ordre de se rendre immédiatement au couvent de
+Pont-aux-Dames, près de Meaux.
+
+La chute de madame du Barry entraîna celle de toute la famille. Le comte
+Jean et son fils sortirent de France. Quant au comte Guillaume, resté à
+Toulouse, il y fut l'objet des huées et des railleries de la populace.
+
+Il y avait un an que madame du Barry était renfermée dans l'abbaye de
+Pont-aux-Dames. Sa santé s'altérait de cette vie si éloignée de ses
+habitudes. Ses amis faisaient des efforts pour l'en faire sortir, et
+elle parvint enfin à obtenir la permission d'aller habiter sa petite
+maison de Saint-Vrain. Elle y passa une partie de l'année 1775; mais,
+vers l'automne, des fièvres assez graves attribuées à l'humidité de ce
+lieu ayant attaqué une partie de ses gens et la menaçant elle-même, elle
+obtint enfin de M. de Maurepas, oncle de M. d'Aiguillon, alors
+tout-puissant, de revenir habiter le joli pavillon de Louveciennes.
+
+Pendant le temps de sa faveur, madame du Barry avait eu à sa disposition
+des sommes considérables; mais légère comme elle l'était, coquette et
+désirant contenter à l'instant ses moindres caprices sans regarder à la
+dépense, surprise surtout par la brusque mort de Louis XV, elle n'eut
+point le temps de satisfaire ses créanciers, et il fut établi que
+lorsqu'elle quitta la cour elle avait pour plus de 1,200,000 livres de
+dettes.
+
+Les créanciers de la comtesse ne savaient à qui s'adresser pendant son
+séjour à Pont-aux-Dames. L'intendant général de la maison du roi
+recevait de toutes parts des réclamations. On jugea alors nécessaire de
+se rendre compte de la fortune de madame du Barry et des sommes qu'elle
+avait reçues pendant le temps de sa faveur. Montvallier, intendant de
+la comtesse, fut chargé de dresser un état de toutes ces sommes. Voici
+cet état, copié sur les papiers déposés à la préfecture de
+Seine-et-Oise[127]:
+
+«État des sommes payées pour le compte de madame la comtesse du Barry,
+par M. Beaujon[128], pendant qu'elle était en faveur à la cour de
+France.
+
+«15 juillet 1774.»
+
+
+OBSERVATION.
+
+Montvallier prévient qu'il n'a pu rendre le travail plus complet,
+attendu qu'il n'a pas la suite des bordereaux de M. Beaujon, et qu'il y
+a même une lacune entre celui du 15 février 1772 et celui du 10
+septembre suivant, et qu'il lui a été fait une remise de pièces sans
+bordereaux par madame du Barry, pour cette lacune, montant ensemble à la
+somme de 93,200 livres, employée dans les articles qui suivent, savoir:
+
+ART. 1er.--_Aux marchands orfèvres, joailliers et bijoutiers_.
+
+ Orfèvres 313,328 l. 4 s.
+ Joailliers 1,808,635 9
+ Bijoutiers 158,000 »
+ ------------------
+ Total 2,279,963 l. 13 s.
+
+ART. 2.--_Aux marchands de soieries, dentelles, toiles, modes_, etc.
+
+ Soieries 369,810 l. 15 s. 3 d.
+ Toiles, dentelles 215,888 6 »
+ Modes 116,818 5 »
+ Merceries 35,443 14 »
+ ---------------------
+ Total 737,961 l. » s. 3 d.
+
+
+ ART. 3.--_A divers parfumeurs, fourreurs, chapeliers,
+ chaudronniers_, etc. 52,148 l. 9 s.
+
+
+ART. 4.--_Pour meubles, tableaux, vases et autres ornements._
+
+ Meubles 24,398 l. 18 s.
+ Tableaux, vases 91,519 19
+ ----------------
+ Total 115,918 l. 17 s.
+
+ART. 5.--_Aux tailleurs et brodeurs._
+
+ Tailleurs 60,322 l. 10 s.
+ Brodeurs 471,178 »
+ ----------------
+ Total 531,500 l. 10 s.
+
+
+ART. 6.--_Pour achat de voitures, chevaux et fourrages._
+
+ Voitures et entretien 67,470 l. 1 s.
+ Chevaux 57,347 »
+ Fourrages 6,810 »
+ ----------------
+ Total 131,627 l. 1 s.
+
+
+ART. 7.--_Aux peintres, sculpteurs_, etc.
+
+ Doreurs 78,026 l. » s. » d.
+ Sculpteurs 95,426 » »
+ Peintres 48,875 12 6
+ Fondeurs 98,000 » »
+ Marbriers 17,540 8 10
+ A divers ouvriers menuisiers,
+ serruriers 32,240 8 »
+ ----------------------
+ Total 370,108 l. 9 s. 4 d.
+
+
+ART. 8.--_Pour les anciens et nouveaux ouvrages de Louveciennes._
+
+ Anciens ouvrages 111,475 l. 6 s. 9 d.
+ Jardins 3,739 19 »
+ Nouveaux ouvrages 205,638 16 8
+ Jardins 3,000 » »
+ ----------------------
+ Total 323,854 l. 2 s. 5 d.
+
+
+ ART. 9.--Sommes payées, qu'on n'a pu appliquer aux
+ différents comptes, les motifs des payements n'étant
+ point connus 55,619 l. 2 s. » d.
+
+
+ ART. 10.--Pour dépenses extraordinaires,
+ dons, gratifications,
+ musique, aumônes 47,525 5 »
+
+
+ ART. 11.--Sommes payées, divisées
+ en deux parties, la première
+ considérée comme pour
+ le compte de madame du
+ Barry, et la deuxième pour ses
+ affaires; à madame du Barry
+ directement ou pour elle; aux
+ comte, vicomte et demoiselle
+ du Barry, et autres 1,081,052 l. 15 s. 2 d.
+
+ A ses gens d'affaires et autres,
+ y compris l'acquisition du
+ pavillon de l'avenue de Paris,
+ à Versailles 661,628 16 9
+
+ ART. 12.--A-compte sur la
+ construction du bâtiment audit
+ pavillon 18,000 » »
+
+ ART. 13.--Recouvrements à
+ faire 20,000 » »
+ ------------------------
+ Total général 6,375,559 l. 11 s. 11 d.
+
+ Certifié véritable et conforme aux bordereaux mentionnés
+ ci-dessus.
+
+ Louveciennes, le 14 juillet 1774.
+
+ _Signé_: MONTVALLIER.
+
+Pour payer toutes ses dettes, madame du Barry restait avec sa propriété
+de Louveciennes et 150,000 livres de rentes viagères. Elle parvint à
+faire des arrangements avec la plupart de ses créanciers; quant aux plus
+récalcitrants, elle les paya à l'aide de la vente de plusieurs de ses
+bijoux, et de la cession qu'elle fit de son hôtel de Versailles, en
+1775, à Monsieur, frère du roi, moyennant la somme de 224,000
+livres[129].
+
+Retirée à Louveciennes, madame du Barry y mena une vie fort tranquille.
+Belle et bonne, malgré sa position équivoque à la cour, elle s'y était
+fait un grand nombre d'amis. Les plus grands personnages et bon nombre
+de dames allaient à Louveciennes. On vit même le frère de
+Marie-Antoinette, l'empereur Joseph II, venir lui faire une visite, et
+lui offrir le bras en se promenant avec elle dans ses jardins. La
+comtesse avait su se créer une petite cour, et les anciens amis de Louis
+XV étaient toujours les bienvenus dans son château. Habituée depuis
+plusieurs années à satisfaire tous ses caprices sans savoir ce qu'ils
+pouvaient coûter, elle recevait ses hôtes en princesse, et, jolie femme,
+continuait toutes ces folles dépenses de toilette qu'une jolie femme,
+même sans être une madame du Barry, a souvent tant de peine à
+abandonner. On la trouvait de plus toujours prête à secourir ses amis;
+et l'on voit dans les papiers de la préfecture de Seine-et-Oise que le 9
+avril 1775, c'est-à-dire un an après la mort de Louis XV, elle prêta
+200,000 livres à M. le duc d'Aiguillon, qui ne les lui rendit que le 30
+août 1784.
+
+Madame du Barry dut donc économiser fort peu pour payer ses créanciers,
+et ses dettes, au lieu de diminuer, ne firent qu'aller en augmentant.
+Aussi, pour se liquider complétement, à force d'instances et de
+démarches de ses amis, elle obtint enfin du roi Louis XVI, en avril
+1784, l'échange de 60,000 livres de rente contre 1,250,000 livres qui
+lui furent délivrées par le trésor royal[130].
+
+Après comme pendant sa faveur, madame du Barry eut les mêmes soins de sa
+mère; et lorsqu'elle mourut, le 20 octobre 1788, _elle constitua au
+profit du sieur Rançon de Montrable, le mari de sa mère, une rente
+viagère de 2,000 livres pour, dit-elle, reconnaître les bons procédés de
+Rançon à l'égard de son épouse_[131]. Elle n'oublia pas non plus la
+famille de sa mère; elle constitua des rentes à ses oncles et tantes, et
+maria très-avantageusement plusieurs des ses cousines[132].
+
+Madame du Barry était excessivement bonne pour ses domestiques. Elle
+avait en eux une très-grande confiance, dont ils abusèrent plusieurs
+fois, surtout à l'époque de la Révolution. Soit que ces domestiques,
+paresseux et insouciants comme ils le sont dans la plupart des grandes
+maisons, n'exerçassent point une surveillance assez active, soit que
+quelques-uns d'entre-eux s'entendissent avec les fripons que tentaient
+les richesses accumulées dans ce lieu, toujours est-il que plusieurs
+vols considérables eurent lieu à Louveciennes, depuis que la comtesse y
+faisait son séjour habituel.
+
+Le 20 avril 1776, trois individus fort bien mis se présentent au château
+et demandent à parler à madame du Barry. L'un d'eux, décoré de la croix
+de Saint-Louis, est introduit dans son cabinet, où elle se trouvait
+seule en ce moment, pendant que les deux autres restent dans la chambre
+qui précède. Il va droit à elle un pistolet à la main, la menace de
+tirer si elle fait le moindre geste pour appeler, et lui ordonne de
+donner ce qu'elle a d'argent et de bijoux. Effrayée, elle s'empresse de
+remettre à cet homme un riche écrin qu'elle avait près d'elle. Le
+voleur, frappé de la beauté des diamants et content de sa proie, se
+retire avec ses compagnons sans qu'on ait jamais pu les retrouver.
+
+Un autre vol, beaucoup plus considérable, eut lieu dans la nuit du 10 au
+11 janvier 1791.
+
+On a vu que dans sa retraite de Louveciennes, madame du Barry avait
+conservé de nombreux amis. Parmi eux se trouvait M. le duc de Brissac.
+Brave, loyal et d'une superbe figure, le duc fit impression sur le cœur
+de la comtesse. Ils s'attachèrent bientôt l'un à l'autre, et leurs
+relations devinrent si intimes, que madame du Barry était aussi souvent
+à Paris, à l'hôtel de Brissac, que le duc était à Louveciennes[133].
+C'est pendant l'un de ces séjours à Paris que s'accomplit le vol dont on
+va parler.
+
+A l'aide des sacrifices qu'elle avait déjà faits, madame du Barry était
+parvenue à combler la plus grande partie de ses dettes. Mais à l'époque
+dont il s'agit (1791), elle en avait contracté de nouvelles.
+
+Sa négligence à se rendre compte de ses propres affaires, le goût des
+folles dépenses qui ne l'avait pas quittée, mais surtout le besoin de
+soulager les infortunes que la Révolution commençait à faire peser sur
+ses amis, avaient mis de nouveau le désordre dans ses finances. Déjà
+elle avait cherché, par l'entremise de son banquier, à faire vendre
+quelques-uns de ses diamants à l'étranger. Elle avait, à cet effet,
+réuni dans un seul endroit du château ses bijoux les plus précieux. Peu
+défiante, elle s'était fait aider dans ce travail par plusieurs de ses
+domestiques; aussi savait-on parfaitement dans la maison le lieu où
+étaient placées toutes ces richesses, et si les gens de la comtesse n'y
+furent pour rien, leurs indiscrétions mirent au moins sur la voie les
+malfaiteurs qui accomplirent ce vol audacieux.
+
+Dans la nuit du 10 au 11 janvier 1791, pendant que madame du Barry était
+à Paris chez le duc de Brissac, des voleurs s'introduisirent dans le
+château, allèrent droit au lieu où étaient les diamants et les bijoux de
+la comtesse, et enlevèrent tout ce qui s'y trouvait réuni; puis ils se
+retirèrent tranquillement, sans que personne dans la maison se fût
+aperçu de leur présence. Depuis quelque temps madame du Barry, pour
+ajouter à sa sûreté, avait demandé au commandant des Suisses de
+Courbevoie de lui donner un des soldats du régiment pour lui servir de
+concierge. Aussitôt que l'on eut connaissance du vol, la municipalité de
+Louveciennes fit arrêter le Suisse qui servait de gardien. Interrogé par
+ses officiers, il avoua que des hommes qu'il ne connaissait pas
+l'avaient enivré dans un cabaret; mais voilà tout ce que la police de
+l'époque put recueillir sur cet attentat.
+
+C'était une immense perte pour madame du Barry, car on venait de lui
+enlever ses bijoux les plus précieux. On peut juger de la valeur de ce
+vol et des richesses accumulées dans ce lieu par l'état des objets volés
+qu'elle fit afficher dans Paris et annoncer dans les journaux étrangers:
+
+«Trois bagues montées chacune d'un brillant blanc, le premier pesant 35
+grains, le deuxième 50 grains, et le troisième 28 grains;
+
+»Une bague montée d'un saphir, carré long, avec un Amour gravé dessus,
+et deux brillants sur le corps;
+
+»Un baguier en rosette verte, renfermant vingt à vingt-cinq bagues, dont
+une grosse émeraude;
+
+»Une pendeloque montée à jour, pesant environ 36 grains, d'une belle
+couleur, mais très-jardineuse, ayant beaucoup de dessous;
+
+»Une autre d'un onyx, représentant le portrait de Louis XIII, dont les
+cheveux et les moustaches sont en sardoine;
+
+»Une autre d'un César, de deux couleurs, entourée de brillants;
+
+»Une autre d'une émeraude, carré long, pesant environ 20 grains;
+
+»Une autre d'un brun-puce, pesant de 14 à 16 grains;
+
+»Une autre d'un Bacchus antique, gravée en relief sur une cornaline
+brûlée;
+
+»Une autre d'une sardoine jaune, gravée par _Barrier_, représentant
+Louis XIV, entourée sur le corps de roses de Hollande;
+
+»Une autre d'un gros saphir en cœur, montée à jour, entourée de
+diamants sur le corps et sur la moitié de l'anneau.--L'onyx de Louis
+XIII et l'émeraude carrée sont montés de même et garnis également de
+diamants, de roses et de brillants;
+
+»Plus, dans ce _baguier_, il y a un _Bonus Eventus_ antique, gravé sur
+un onyx;--un brillant blanc pesant 29 grains;--un autre pesant 25
+grains;--un autre, forme de pendeloque, pesant 28 grains;--un autre,
+rond, pesant 23 grains;--un autre, 25 grains;--un, 24 grains;--un,
+qualité inférieure, carré long, 23 grains;--trois pesant chacun 28
+grains;--un brillant en épingle, forme longue, pesant 30 grains;--un
+brillant, forme losange, 33 grains;
+
+»Deux bracelets, ensemble de 24 grains;
+
+»Une rose montée à jour, de deux cent vingt-huit brillants blancs, dont
+un gros au milieu, cristallin, pesant 24 grains;
+
+»Un collier de vingt-quatre beaux brillants, montés en chatons à jour,
+de 20 grains chaque;
+
+»Huit parties de rubans en bouillon, chacune de vingt-un brillants à
+jour, pesant depuis 4 grains jusqu'à 8;
+
+»Une paire de boucles de souliers de quatre-vingt-quatre brillants,
+pesant 77 karats 1/4;
+
+»Une croix de seize brillants, pesant 8 à 10 grains chaque;
+
+»Soixante-quatre chatons, pesant de 6 jusqu'à 10 grains;
+
+»Une belle paire de girandoles en gros brillants de la valeur de 12,000
+livres;
+
+»Une bourse à argent en soie bleue, avec ses coulants, ses glands et
+leurs franges, le tout en petits brillants montés à jour;
+
+»Un esclavage à double rang de perles, avec sa chute, le tout d'environ
+deux cents perles, pesant 4 à 5 grains chaque;--un gros brillant au haut
+de la chute, pesant 24 à 26 grains, et au bas un gland à franges et son
+nœud, le tout en brillants montés à jour;
+
+»Une paire de bracelets à six rangs de perles, pesant 4 à 5 grains; le
+fond du bracelet est une émeraude surmontée d'un chiffre en diamants, en
+deux L pour l'un, et d'un D et B pour l'autre, et deux cadenas de
+quatre brillants, pesant 8 à 10 grains;
+
+»Un rang de cent quatre perles enfilées, pesant 4 à 5 grains chacune;
+
+»Un portrait de Louis XV peint par _Massé_, entouré d'une bordure d'or,
+à feuilles de laurier; ledit portrait de 5 à 6 pouces de haut;
+
+»Un autre portrait de Louis XV, peint par le même, plus petit, dans un
+médaillon d'or;
+
+»Une montre d'or simple, de Romilly;
+
+»Un étui d'or à une dent émaillée en vert, avec un très-gros brillant au
+bout, pesant environ 12 grains, tenant sur le tout par une vis;
+
+»Une paire de boutons de manches, d'une émeraude, d'un saphir, d'un
+diamant jaune et d'un rubis, le tout entouré de brillants couleur de
+rose, pesant 36 à 40 grains, montés en bouton de cou;
+
+»Deux grandes bandes de cordons de montre, composées de seize chaînons à
+trois pierres, dont une grande émeraude, et deux brillants de 3 à 4
+grains de chaque côté, et trois autres petites bandes de deux chaînons
+chaque, pareils à ceux ci-dessus;
+
+»Une barrette d'un très-gros brillant, carré long, pesant environ 60
+grains, avec trois grosses émeraudes pesant 8 à 10 grains, avec deux
+brillants aux deux côtés, pesant un grain chaque, montés à jour;
+
+»Une bague d'un brillant d'environ 26 grains, montée à jour, avec des
+brillants sur le corps;
+
+»Deux girandoles d'or formant flambeaux, montées sur deux fûts de
+colonne d'or émaillées de lapis, surmontées de deux tourterelles
+d'argent, de carquois et de flèches, faites par _Durand_;
+
+»Un étui d'or émaillé en vert, au bout duquel est une petite montre
+faite par Romilly, entourée de cercles de diamants et ayant un chiffre
+par derrière[134].
+
+»Deux autres étuis d'or, l'un émaillé en rubans bleus, et l'autre en
+émaux de couleur et paysages;
+
+»Dix-sept diamants démontés, de toutes formes, pesant depuis 25 jusqu'à
+30 grains chacun, dont une pendeloque montée, pesant 36 grains;
+
+»Soixante-quatre chatons dans un seul fil, formant collier, pesant 8, 9
+et 10 grains chacun, en diamants montés à jour.
+
+»Deux boucles d'oreilles de coques de perles, avec deux diamants au
+bout;
+
+»Un portrait de Louis XVI, de _Petitot_;
+
+»Un autre portrait de feu Monsieur, tous les deux en émail, ainsi qu'un
+portrait de femme, également de _Petitot_;
+
+»Une écritoire de vieux laque superbe, enrichie d'or et formant
+nécessaire, tous les ustensiles en or;
+
+»Deux souvenirs, l'un en laque rouge et l'autre en laque fond d'or à
+figures, l'un monté d'or et l'autre monté en or émaillé;
+
+»Deux flambeaux d'argent de toilette, perlés et armoriés;
+
+»Une boîte de cristal de roche couverte d'une double boîte travaillée à
+jour;
+
+»Des pièces d'or et des médailles d'or de différents pays;
+
+»Quarante petits diamants pesant un karat chaque;
+
+»Deux lorgnettes, l'une émaillée en bleu, l'autre émaillée en rouge,
+avec le portrait du feu roi, toutes deux montées en or;
+
+»Un souvenir en émail bleu avec des peintures en grisailles,
+représentant d'un côté une offrande, et de l'autre côté une jardinière
+avec un petit chien à longues oreilles;
+
+»Un reliquaire, d'un pouce environ, d'un or très-pur, émaillé en noir et
+blanc, une petite croix montée dessus assez gothiquement, et une perle
+fine de la grosseur d'un pois au bas;
+
+»Et plusieurs autres bijoux d'un très-grand prix.»
+
+On peut penser à quelle somme considérable devait s'élever un pareil
+vol.
+
+Ses ennemis répétaient partout que ce vol n'existait pas, et que madame
+du Barry avait fait courir ce bruit pour arranger plus aisément ses
+affaires. D'autres prétendirent plus tard qu'elle avait porté elle-même
+ses bijoux en Angleterre, pour soulager les infortunes de la plupart des
+émigrés retirés à Londres; Cet autre bruit se répandit surtout lorsque
+l'on sut qu'ils venaient d'être retrouvés dans ce pays. Ce fut l'un des
+chefs d'accusation les plus violents que fit valoir contre cette
+malheureuse femme le farouche _Fouquier-Tainville_, et aujourd'hui
+encore il est répété par ses biographes; bien entendu cependant qu'ils
+ne le regardent plus comme un acte criminel, mais au contraire comme
+très-honorable.
+
+Quels que soient les motifs que l'on ait fait valoir pour douter du vol
+de madame du Barry, un acte authentique, solennel, fait peu de jours
+avant la mort, le testament de M. de Brissac, dont on parlera bientôt,
+le constate et ne laisse aucun doute sur sa réalité.
+
+Ce vol fût donc un extrême malheur pour madame du Barry, et elle fit
+toutes les démarches possibles pour pouvoir se mettre sur la trace des
+coupables. Dans le courant de février suivant, madame du Barry apprit
+que ses voleurs avaient été arrêtés à Londres. Il paraît que peu de
+jours après leur arrivée dans ce pays, un Anglais, qui leur servait
+d'interprète, se présenta chez un lapidaire et lui offrit à très-bon
+marché une riche collection de diamants. Le joaillier les lui acheta;
+mais, frappé de la beauté de ces pierres, de leur nombre, de leur bas
+prix et étonné surtout que tant de pierres précieuses se trouvassent
+ainsi dans les mains d'un inconnu, il prévint la police, qui arrêta
+l'interprète et ses compagnons, encore munis de tous les bijoux de la
+comtesse.
+
+Madame du Barry partit immédiatement pour Londres, où on lui représenta
+ses diamants. Elle les reconnut parfaitement. Mais comme la procédure
+devait durer un certain temps, les diamants furent déposés chez MM.
+_Hamerleys_ et _Morland_, banquiers à Londres, scellés de son cachet et
+de celui des banquiers, et madame du Barry revint à Louveciennes.
+
+Un mois après son retour, elle reçut une lettre de Londres, qui l'y
+appelait de nouveau pour la poursuite du procès de ses voleurs. Cette
+fois, madame du Barry, pensant rester plus longtemps que la première, se
+munit d'un passe-port signé du roi et de M. de Montmorin, valable pour
+_trois semaines_, et lui permettant d'emmener avec elle le chevalier
+d'_Escourt_, le joaillier _Rouen_, deux femmes de chambre, un valet de
+chambre et deux courriers, et elle partit après avoir reçu de ses
+banquiers à Paris, MM. _Wandenyver_, des lettres de crédit pour Londres.
+Elle y resta plus des trois semaines que lui accordait son passe-port,
+espérant toujours voir la fin du procès. Mais comme rien ne finissait
+encore, elle se décida à revenir en France, et arriva à Paris dans les
+premiers jours de juillet.
+
+Sa liaison avec le duc de Brissac n'avait point cessé, et paraissait au
+contraire se resserrer à mesure que les orages s'accumulaient sur la
+France et éloignaient tous ceux qu'un grand nom ou une grande fortune
+semblaient désigner d'avance aux fureurs populaires. M. de Brissac, en
+loyal et brave chevalier, ne voulut point abandonner le roi au milieu
+des dangers dont il était entouré. Nommé commandant de la garde
+constitutionnelle, il inspira à cette garde, composée des éléments les
+plus divers, un esprit d'unité et d'amour pour le roi, qui fut la cause
+de sa perte.
+
+Le 29 mai 1792, le député _Bazire_ vient dénoncer à la tribune de
+l'Assemblée législative la garde constitutionnelle du roi, comme animée
+d'un mauvais esprit, et particulièrement son chef, M. de Brissac. Après
+une discussion qui va toujours en s'envenimant, _Couthon_ demande le
+licenciement de cette garde et l'arrestation de Brissac, et l'assemblée
+adopte successivement deux décrets, conformes à la proposition de
+_Couthon_.
+
+M. de Brissac fut immédiatement arrêté, et envoyé à Orléans pour y être
+jugé par la haute cour de justice. Un de ses aides de camp, un jeune
+officier qui lui était fort attaché, M. de Maussabré, courut à
+Louveciennes pour annoncer ces terribles nouvelles à madame du Barry.
+
+Il était parvenu à entretenir quelques intelligences avec le duc depuis
+son arrestation, et c'est par lui qu'une correspondance put s'établir
+entre le duc et la comtesse. Après la fatale journée du 10 août, ce
+jeune officier chercha un refuge chez madame du Barry. Malheureusement
+pour lui, et malgré toutes les précautions prises pour le dérober à tous
+les regards, il y fut découvert par un détachement de fédérés. Emmené à
+Paris, il fut emprisonné à l'Abbaye, où il périt égorgé le mois de
+septembre suivant.
+
+Le duc de Brissac, renfermé dans les prisons d'Orléans, ne se faisait
+aucune illusion sur le sort qui l'attendait. Il se préparait à la mort
+qu'il allait bientôt recevoir d'une si horrible manière, et le 11 août
+1792, il écrivait ses dernières volontés, transmises plus tard à sa
+famille. Il n'oublie pas dans son testament celle qu'il aimait depuis
+longtemps. Après avoir institué pour sa légataire universelle sa fille,
+madame de Mortemart, il ajoute en s'adressant à elle:
+
+«Je lui recommande ardemment une personne qui _m'est bien chère_, et que
+les malheurs des temps peuvent mettre dans la plus grande détresse. Ma
+fille aura de moi un codicille qui lui indiquera ce que je lui ordonne à
+ce sujet.»
+
+Ce codicille est ainsi conçu:
+
+«Je donne et lègue à madame du Barry, de Louveciennes, outre et
+par-dessus ce que je lui dois, une rente viagère et annuelle de 24,000
+livres, quitte et exempte de toute retenue, ou bien l'usufruit et
+jouissance pendant sa vie de ma terre de la Rambaudière et de la
+Graffinière, en Poitou, et des meubles qui en dépendent; ou bien encore
+une somme de 300,000 livres une fois payée en argent, le tout à son
+choix, d'autant qu'après qu'elle aura opté pour l'un desdits trois legs,
+les deux autres seront pour non avenus. Je la prie d'accepter ce faible
+gage de mes sentiments et de ma reconnaissance, dont je lui suis
+d'autant plus redevable que _j'ai été la cause involontaire de la perte
+de ses diamants, et que si jamais elle parvient à les retirer
+d'Angleterre, ceux qui resteront égarés, ou les frais des divers voyages
+que leur recherche aura rendus nécessaires, ainsi que ceux de la prime à
+payer, s'élèveront au niveau de la valeur effective de ce legs_. Je prie
+ma fille de lui faire accepter. La connaissance que j'ai de son cœur
+m'assure de l'exactitude qu'elle mettra à l'acquitter, quelles que
+soient les charges dont ma succession se trouvera grevée par mon
+testament et mon codicille, ma volonté étant qu'aucun de mes autres legs
+ne soit délivré que celui-ci ne soit entièrement accompli.
+
+ »Ce 11 août 1792.
+
+ »_Signé_: LOUIS-HERCULE TIMOLÉON
+ DE COSSÉ-BRISSAC[135].»
+
+Après des paroles si formelles, il est impossible de douter de la
+réalité du vol.
+
+Madame du Barry était à Louveciennes lorsque le duc de Brissac fut
+massacré à Versailles. On dit que quelques-uns des forcenés qui prirent
+part à cette boucherie portèrent à Louveciennes la tête du duc, et
+vinrent la mettre sous ses yeux[136]. Ce terrible coup la plongea dans
+la plus profonde douleur.--Isolée dans son château, elle craignit pour
+elle-même, et commença à prendre des précautions pour sauver ses
+richesses. Aidée d'un valet de chambre dévoué, nommé Morin, qui paya de
+sa tête son attachement à sa maîtresse, elle cacha ce qu'elle avait de
+plus précieux dans différentes parties de la maison et des jardins.
+
+Elle entretenait toujours une correspondance avec Londres à l'occasion
+de ses diamants. On lui écrivit de cette ville qu'il fallait absolument
+suivre le procès, parce que c'était la seule manière de rentrer en
+possession de son bien. Elle s'occupa alors des moyens de passer
+tranquillement en Angleterre, et surtout de ne pas être considérée comme
+émigrée.
+
+Elle écrivit au président de la Convention nationale et au ministre des
+affaires étrangères _Lebrun_, pour leur expliquer le motif de son voyage
+et les assurer qu'elle ne comptait pas abandonner la France, et qu'elle
+prenait l'engagement formel de revenir à Louveciennes aussitôt la fin de
+son procès. Quelques jours après, elle reçut du ministre son passe-port,
+et une lettre lui disant qu'elle ne serait en rien tourmentée pour ce
+voyage, et qu'elle pouvait le faire en toute assurance. Mais pour plus
+de certitude et pour bien établir dans le pays même qu'elle ne voulait
+pas émigrer, et prévenir les malintentionnés dans le cas d'une absence
+prolongée, elle renouvela, devant la municipalité de Louveciennes, les
+déclarations déjà faites par elle au président de la Convention et au
+ministre. La municipalité inscrivit cette déclaration sur ses registres,
+et lui en remit une copie ainsi conçue:
+
+«Ce jourd'hui 7 octobre 1792, l'an Ier de la République française,
+s'est présentée devant nous, officiers municipaux de la commune de
+Louveciennes, district de Versailles, département de Seine-et-Oise, dame
+Vaubernier du Barry, résidant habituellement en ce lieu, laquelle nous a
+déclaré qu'étant obligée d'aller à Londres, pour assister au jugement
+définitif des voleurs qui, la nuit du 10 au 11 janvier 1791, lui ont
+volé ses bijoux dans son château de Louveciennes, elle nous en fait la
+déclaration pour qu'elle ne puisse point être regardée comme émigrée
+pendant son absence, ni traitée comme telle par aucune autorité
+constituée, de laquelle déclaration elle nous a requis acte que nous lui
+avons octroyé, vu la lettre de M. Lebrun, ministre des affaires
+étrangères, en date du 2 du courant, qui est restée annexée à la
+présente minute, et la susdite dame du Barry a signé avec nous, les
+jours et an que dessus.
+
+»Bon pour copie conforme à l'original, le 8 septembre
+1792[137].»_Suivent les signatures._»
+
+Après s'être mise en règle, madame du Barry partit pour Londres le 14
+octobre 1792. Pendant qu'elle était en Angleterre, de terribles
+événements s'étaient passés en France. Le roi était tombé sous la hache
+du bourreau. Partout s'étaient développées les passions
+révolutionnaires. Jusque dans les petits villages, on voyait s'établir
+des assemblées populaires, des clubs, et Louveciennes n'y avait point
+échappé. Un intrigant nommé _Greive_ était venu s'y établir depuis
+quelque temps. Aussitôt son arrivée, il y forma un club. Son premier
+acte fut une dénonciation contre madame du Barry, et, le 14 février
+1793, le procureur général syndic du district de Versailles adressait
+aux administrateurs du district la lettre suivante:
+
+«La femme du Barry, propriétaire à Louveciennes, a quitté la France au
+moyen d'un passe-port, au commencement de 1792, pour poursuivre en
+Angleterre les auteurs d'un vol considérable fait en sa maison.
+
+»Le doute inspiré sur cette poursuite par le laps de temps et par
+l'ignorance de ses effets a fait naître nécessairement l'incertitude.
+
+»Dans cet état, l'administration a pensé qu'il convenait de prendre sur
+les biens de cette femme des mesures conservatrices pour assurer à la
+fois ses droits et ceux de la nation.
+
+»Elle me charge, en conséquence, de vous inviter à faire apposer les
+scellés sur la maison de la femme du Barry, à Louveciennes, d'y
+commettre un gardien, et de lui adresser le procès-verbal qui sera
+dressé à cette occasion.
+
+»Vous voudrez bien, citoyens, presser cette opération et m'en faire part
+aussitôt qu'elle aura été faite[138].»
+
+Deux jours après, les membres du Directoire du district répondirent à la
+lettre du procureur syndic par une résolution ainsi conçue:
+
+«Vu la lettre du procureur général syndic, le directoire du district a
+commis le citoyen _Brunette_, l'un de ses membres, à l'effet de
+procéder, en présence de deux officiers de la commune de Louveciennes, à
+l'apposition des scellés sur tous les meubles, titres et effets de la
+femme du Barry, et établir à la conservation desdits scellés un ou
+plusieurs gardiens solvables, lesquels ne pourront être choisis parmi
+les parents, domestiques ou agents de ladite du Barry, et auxquels il
+sera attribué un salaire journalier de trente sols par jour[139].
+
+»Fait à Versailles, le 16 février 1793, an II de la République.»
+
+_Greive_ savait bien que madame du Barry n'avait point émigré; mais il
+espérait que ce premier acte, qui paraissait la soupçonner d'émigration,
+lui ferait peur, empêcherait son retour en France et le mettrait à même,
+sous le prétexte du salut public, de toucher aux trésors accumulés dans
+le château, et dont il espérait tirer un peu parti pour lui-même.
+
+Mais madame du Barry comptait bien revenir à Louveciennes. Ayant appris
+à Londres que les scellés avaient été mis sur ses biens, elle se hâta de
+quitter l'Angleterre. Son procès ayant été jugé le 28 février, jour du
+terme du tribunal, elle partit de Londres le 3 mars, arriva à Calais le
+5, où elle fut retenue jusqu'au 18 pour attendre de nouveaux passe-ports
+du pouvoir exécutif, et arriva à Louveciennes le 19[140].
+
+L'arrivée de madame du Barry déconcerta un peu _Greive_, mais ne
+l'empêcha pas de suivre ses projets. La société populaire de
+Louveciennes était composée d'une quarantaine de membres, au nombre
+desquels se trouvaient plusieurs domestiques de madame du Barry, et
+entre autres les nommés _Salanave_ et _Zamor_. Le premier était un valet
+de chambre que madame du Barry renvoya plusieurs jours après son retour,
+à cause de quelques actes d'infidélité; l'autre était un nègre, élevé
+par elle, dont elle était la marraine, auquel elle avait assuré des
+rentes, et qu'à cause de son ingratitude elle chassa de sa maison. A
+l'aide de ces deux hommes, _Greive_ sut tout ce qui se passait dans
+l'intérieur du château, les personnes qu'on y recevait, et recueillit
+une foule de renseignements qui lui permirent de continuer ses
+dénonciations.
+
+Le 2 juin 1793, la Convention avait rendu un décret portant: «Les
+autorités constituées, dans toute l'étendue de la République, seront
+tenues de faire saisir et mettre en état d'arrestation toutes les
+personnes _notoirement suspectées d'aristocratie ou d'incivisme_; elles
+rendront compte à la Convention nationale de l'activité qu'elles
+apporteront à mettre à exécution le présent décret, et demeureront
+responsables des désordres que pourrait occasionner leur négligence.»
+
+_Greive_ fait assembler la société populaire de Louveciennes, et le 26
+juin se présente devant les administrateurs du département de
+Seine-et-Oise. Là il lit une adresse signée de trente-six citoyens de
+Louveciennes, dans laquelle on demande la mise à exécution du décret de
+la Convention et un exemplaire de ce décret pour la commune.
+
+Le lendemain 27, armé de ce décret, _Greive_, accompagné du maire de la
+commune, se présente chez madame du Barry et procède à son arrestation.
+
+Les administrateurs du département ne paraissaient pas avoir un zèle
+aussi exagéré du bien public que les clubistes de Louveciennes, et ils
+se doutaient un peu du motif qui les faisait agir. Pour prévenir l'acte
+de vengeance qu'ils redoutaient, ils envoyèrent le même jour à
+Louveciennes un des membres du district de Versailles, en le chargeant
+de faire exécuter la loi avec quelques modifications et restrictions.
+Arrivé juste au moment où l'on se disposait à faire enlever madame du
+Barry, le membre du district fit suspendre son arrestation, et reprocha
+vivement à la municipalité son extrême précipitation.
+
+_Greive_ et les membres de la société populaire, dont la plupart avaient
+été employés dans la maison de madame du Barry, irrités de ce
+contre-temps, rédigèrent une autre pétition qu'ils adressèrent cette
+fois à la Convention. Dans cette pièce, remplie de déclamations et de
+grands sentiments patriotiques, comme on en voyait dans tous les écrits
+de cette époque, on accumula les accusations contre madame du Barry, et
+on demanda l'approbation de la Convention nationale pour l'arrestation
+de la citoyenne se disant comtesse _du Barry, de sa nièce, fille d'un
+émigré, et de ceux de ses domestiques notoirement suspects
+d'aristocratie et d'incivisme_, c'est-à-dire de ses domestiques restés
+fidèles. «Dites, ajoutent les pétitionnaires, dites que nous avons
+rempli votre vœu, en mettant à prompte exécution votre décret du 2
+juin; ordonnez l'impression de notre adresse, afin de donner le _branle_
+aux autres communes du département; déclarez que nous avons bien mérité
+de la patrie, etc.»
+
+La Convention ne pouvait qu'approuver de pareils sentiments, exprimés
+dans un pareil style; aussi le président remercia la députation de
+Louveciennes de son patriotisme, et l'invita aux honneurs de la séance.
+
+De retour à Louveciennes, et forts de l'approbation de la Convention,
+les membres de la société populaire arrêtèrent madame du Barry et les
+diverses personnes indiquées dans leur pétition, et les conduisirent à
+Versailles, pour les faire enfermer dans les prisons de cette ville.
+_Goujon_[141] était alors procureur général syndic; il leur reprocha
+leur acte comme illégal, leur représenta que les faits sur lesquels ils
+basaient leur accusation étaient dénués de preuves, et ordonna de
+reconduire les prisonniers à Louveciennes.
+
+Empêché dans l'exécution de ses desseins, _Greive_ fit alors imprimer un
+libelle dont voici le litre: «_l'Égalité controuvée, ou Histoire de la
+protection_, contenant les pièces relatives à l'arrestation de madame du
+Barry, ancienne maîtresse de Louis XV, pour servir d'exemple aux
+patriotes trop ardents qui veulent sauver la République, et aux modérés
+qui s'entendent à merveille pour la perdre.» Dans cet écrit, _Greive_
+s'intitule défenseur officieux des braves sans-culottes de Louveciennes
+et ami de Franklin et Marat, et n'épargne ni madame du Barry, ni le
+comité de sûreté générale, qu'il accuse de faiblesse, ni le département.
+
+Pendant ce temps, madame du Barry cherchait, par tous les moyens, à
+conjurer l'orage qui s'accumulait sur sa tête. Elle adressa à la
+Convention des notes explicatives de sa conduite, tandis que la plupart
+des habitants de Louveciennes qui ne faisaient pas partie de la société
+des sans-culottes présentaient de leur côté plusieurs pétitions en sa
+faveur. Elle fit aussi des démarches auprès des administrateurs du
+département pour être protégée contre ses ennemis.
+
+Le directoire du département voyait avec peine l'acharnement que l'on
+mettait à perdre cette malheureuse femme, dont le principal crime était
+ses richesses. Il envoya auprès d'elle un de ses membres, nommé
+_Lavallery_[142]. Celui-ci lui conseilla d'abandonner Louveciennes et de
+se retirer à Versailles, où il serait plus aisé de la protéger. Mais
+tout ce que madame du Barry avait encore de richesse était enfoui à
+Louveciennes, et elle craignait que, pendant son absence et sous le
+moindre prétexte, on ne fouillât sa maison, et que l'on ne s'emparât de
+ce qui y était caché, et elle ne voulut pas quitter ce séjour.
+
+_Greive_ cependant ne perdait pas un instant pour arriver à ses fins. Il
+reçut du nègre Zamor une foule de renseignements qu'il mit habilement à
+profit, et à force de dénonciations réitérées et d'actives démarches, il
+obtint enfin du Comité de sûreté générale de la Convention l'ordre
+d'arrêter madame du Barry. Muni de cet ordre, il accourt à Louveciennes,
+et le dimanche 22 septembre, il se fait accompagner au château par le
+maire, le juge de paix et deux gendarmes, fait mettre les scellés sur
+tous les meubles, ordonne à madame du Barry de le suivre, la fait placer
+entre les deux gendarmes dans une mauvaise voiture de place qu'il avait
+fait venir exprès, y monte après elle et l'emmène triomphant à Paris, où
+il la dépose dans la prison de Sainte-Pélagie.
+
+_Greive_ avait remis au Comité de sûreté générale de la Convention les
+papiers qu'il pensait devoir le plus compromettre madame du Barry. Un
+ami de Marat, _Héron_, fut chargé de les examiner, et, sur son rapport,
+le Comité rendit, le 29 brumaire de l'an II (19 novembre 1793), l'arrêté
+suivant:
+
+ «CONVENTION NATIONALE.
+
+ »COMITÉ DE SÛRETÉ GÉNÉRALE ET DE SURVEILLANCE DE
+ LA CONVENTION NATIONALE,
+
+ »_du 29 brumaire, l'an II de la République
+ française_,
+
+ »UNE ET INDIVISIBLE.
+
+»Le Comité de sûreté générale, ayant pris connaissance des diverses
+pièces trouvées chez la nommée du Barry, mise en état d'arrestation par
+mesure de sûreté générale, comme personne suspecte, aux termes du décret
+du 17 septembre dernier (vieux style), considérant qu'il résulte de
+l'ensemble desdites pièces que la femme du Barry est prévenue
+d'émigration et d'avoir, pendant le séjour qu'elle a fait à Londres,
+depuis le mois d'octobre 1792 jusqu'au mois de mars dernier (vieux
+style), fourni aux émigrés réfugiés à Londres des secours pécuniaires,
+et entretenu avec eux des correspondances suspectes; et que les nommés
+Wandenyver père et fils, négociants, sont prévenus d'avoir fait passer
+des fonds à la femme du Barry pendant qu'elle était en Angleterre;
+arrête: que la femme du Barry, prévenue d'émigration, et que les nommés
+Wandenyver père et fils, prévenus d'avoir fait passer à ladite dame du
+Barry des fonds pendant son séjour a Londres, seront traduits au
+tribunal révolutionnaire, pour y être poursuivis et jugés à la diligence
+de l'accusateur public.
+
+»Les représentants du peuple, membres du Comité de sûreté générale de la
+Convention nationale,
+
+ »VOULAND, DAVID, VADIER, DUBARRAN, JAGOT,
+ PANIS, LAVICOMTERIE.»
+
+Les Wandenyver ne se trouvaient ainsi compromis que parce qu'ils étaient
+les banquiers de madame du Barry. Mais pour donner plus d'importance à
+ce procès et compromettre davantage ces banquiers, qui faisaient alors
+beaucoup d'affaires et étaient chargés des intérêts de plusieurs grandes
+familles, le Comité rendit, deux jours après, un nouvel arrêté ainsi
+conçu:
+
+ «COMITÉ
+
+ »DE SÛRETÉ GÉNÉRALE ET DE SURVEILLANCE DE LA
+ CONVENTION NATIONALE,
+
+ »_du_ 1er _frimaire, l'an II de la République_,
+
+ »UNE ET INDIVISIBLE.
+
+»En faisant droit à la dénonciation faite par le citoyen Héron au
+Comité, d'après son mémoire imprimé, rédigé par le martyr de la liberté
+(_Marat_), représentant du peuple, dans lequel on y reconnaissait
+Wandenyver, ainsi qu'une multitude de complices, pour avoir été les
+instruments d'un complot de banqueroute générale, qui aurait perpétué
+l'esclavage des Français et sauvé la tête du tyran, entretenu les abus
+de la féodalité, qui servaient au déshonneur de la nation française;
+considérant que les faits pour lesquels Wandenyver a subi interrogatoire
+à notre Comité ne sont qu'une suite de ceux désignés dans le
+développement de la banqueroute, en ce qu'il y a coopéré, ainsi qu'au
+massacre du peuple, dont il est conjointement accusé avec tous ceux
+désignés dans le mémoire; le Comité arrête qu'ils seront traduits au
+tribunal révolutionnaire pour y être jugés, et que les pièces françaises
+et espagnoles seront jointes au présent arrêté pour servir au procès.
+
+»Les représentants du peuple, membres du Comité de sûreté générale et de
+surveillance de la Convention nationale,
+
+ »MOYSE BAYLE, DAVID, AMAR, JAGOT,
+ LOUIS (du Bas-Rhin), A. BENOIT,
+ GUFFROY, LAVICOMTERIE.»
+
+Dès que l'arrêté qui traduisait madame du Barry et ses co-accusés devant
+le tribunal révolutionnaire fut rendu, son procès ne dura pas longtemps.
+Le 3 décembre (13 frimaire an II), Fouquier lit à là chambre du conseil
+l'acte d'accusation, la chambre en donne acte et ordonne le
+transfèrement des prévenus à la Conciergerie. Le 6, ils paraissent
+devant le tribunal, et, le 7, ils sont condamnés à mort.
+
+L'acte d'accusation dressé par Fouquier-Tainville contre cette
+malheureuse femme est un chef-d'œuvre du genre. Son titre de maîtresse
+du roi et ses folles dépenses lui donnèrent beau jeu pour se laisser
+aller à toute son indignation d'_honnête homme_ et de _bon patriote_, et
+il en usa largement, comme on peut le voir dans toute la partie qui
+regarde madame du Barry, qu'on ne lira pas sans curiosité.
+
+Après avoir annoncé qu'il avait été procédé à l'examen des pièces du
+procès et à l'interrogatoire des accusés, il ajoute:
+
+«Qu'examen fait desdites pièces par l'accusateur public, il en résulte
+que les plaies profondes et mortelles qui avaient mis la France à deux
+doigts de sa perte avaient été faites à son corps politique bien des
+années avant la glorieuse et impérissable révolution qui doit nous faire
+réjouir des maux cuisants qui l'ont précédée, puisqu'elle nous a
+délivrés pour jamais des monstres barbares et fanatiques qui nous
+tenaient enchaînés sur l'héritage de nos pères; que, pour prendre une
+idée juste de l'immoralité de l'accusée du Barry, il faut jeter un coup
+d'œil rapide sur les dernières années, pendant le cours desquelles le
+tyran français, Louis quinzième du nom, a scandalisé l'univers, en
+donnant la surintendance de ses honteuses débauches à cette célèbre
+courtisane; qu'en 1769, ce Sardanapale moderne se trouvant blasé sur
+toutes les jouissances qu'il avait poussées à l'excès dans le Parc aux
+Cerfs, sérail infâme où le déshonneur d'une infinité de familles
+honnêtes fut consommé, s'abandonna lâchement aux vils complaisants qui
+l'entouraient pour réveiller ses feux presque éteints; qu'un de ces
+odieux complaisants ayant fait la connaissance d'un ci-devant comte du
+Barry, noyé de dettes, et le plus crapuleux libertin, eut occasion de
+voir chez lui la nommée _Vaubernier_, sa maîtresse, qui n'était passée
+dans ses bras qu'après avoir fait un cours de prostitution; que le
+ci-devant comte du Barry, à qui tous les moyens étaient bons pour
+parvenir à apaiser ses créanciers, proposa à ce complaisant de lui céder
+la _Vaubernier_, s'il parvenait à la faire admettre au nombre des
+sultanes du crime couronné; que cette créature éhontée lui fut en effet
+présentée, et qu'en peu de temps elle parvint, par ses rares talents, à
+prendre l'empire le plus absolu sur le faible et débile despote. Bientôt
+des fleuves d'or roulèrent à ses pieds; les pierreries les plus
+précieuses lui furent données avec profusion; les artistes les plus
+célèbres furent occupés aux chefs-d'œuvre les plus dispendieux; elle
+devint la cause universelle des ci-devant grands; les ministres, les
+généraux et les ci-devant princes de l'Église furent nommés et culbutés
+par cette nouvelle Aspasie; et tous venaient bassement faire fumer leur
+encens à ses genoux; le faste le plus insolent, les dépravations et les
+débordements de tout genre furent affichés par elle; le scandale était,
+à son comble; elle puisait à pleines mains dans les coffres de la nation
+pour enrichir sa famille et combler l'abîme de dettes du ci-devant comte
+du Barry, qui avait poussé l'infamie et le déshonneur jusqu'à devenir
+son époux. Son imbécile amant ne rougit pas lui-même d'insulter au
+peuple, en se plaçant à côté d'elle dans les chars les plus brillants et
+la promenant ainsi dans différents lieux; que, pour ne pas _effaroucher
+sa pudeur_, l'accusateur public ne soulèvera pas le voile qui doit
+couvrir à jamais les vices effroyables de la cour, jusqu'en l'année
+1774, époque à laquelle celui à qui des esclaves avaient donné le nom de
+Bien-Aimé disparut de dessus la terre, emportant dans ses veines le
+poison infect du libertinage, et couvert du mépris des Français; que la
+du Barry fut reléguée à Rhetel-Mazarin, et de là à Meaux, dans la
+ci-devant abbaye de Pont-aux-Dames; que dans cette retraite salutaire,
+elle aurait dû faire les plus sérieuses réflexions sur le néant des
+grandeurs et sur les désordres de sa conduite qui avaient entraîné la
+ruine de son pays; mais qu'ayant été rendue à la liberté par le dernier
+tyran des Français, il lui conserva non-seulement les dépouilles du
+peuple, mais encore la combla de nouvelles prodigalités, et lui
+abandonna le château de Louveciennes, où elle se forma une nouvelle
+cour, à laquelle se présentèrent en foule les vils courtisans qui
+avaient profité de sa faveur pour dilapider les finances avec elle;
+qu'elle les tint enchaînés à son char jusqu'à l'époque mémorable où le
+peuple français, fatigué de ses chaînes, se leva, brisa ces chaînes et
+en frappa la tête du despote. Tous les soi-disant grands d'alors, se
+voyant prêts à être écrasés par la vengeance nationale, s'enfuirent
+épouvantés, abandonnèrent un sol qu'ils avaient souillé depuis trop
+longtemps, furent implorer l'assistance des tyrans de l'Europe pour
+venir égorger un peuple qui avait eu le courage de conquérir sa liberté;
+mais ce peuple saura leur faire mordre la poussière, ainsi qu'à ceux qui
+ont épousé leurs projets sanguinaires; que la du Barry ayant vu se
+dissiper l'essaim de ses adorateurs, et réduite à régner seulement sur
+son nombreux domestique, ne retrancha non-seulement rien de son faste,
+mais forma le dessein d'être utile tant aux émigrés qu'au petit nombre
+de ses amis qui étaient restés en France, et qui trouvaient chez elle un
+asile assuré, notamment _Laroche_, ci-devant grand vicaire d'Agen,
+condamné à la peine de mort par jugement du tribunal; que pour procurer
+d'une manière certaine des secours aux émigrés, elle se servit d'un
+stratagème qui lui donna la facilité de faire quatre voyages à Londres;
+qu'elle prétendit avoir éprouvé un vol considérable de diamants et
+autres effets, dans la nuit du 10 au 11 janvier 1791, et que les voleurs
+étaient passés en Angleterre, où il fallait qu'elle se rendit pour en
+poursuivre la restitution; que ce vol n'était qu'un jeu concerté entre
+elle et un nommé _Forth_, le plus rusé des espions que le cabinet
+britannique ait envoyés en France pour soutenir le parti de la cour et
+s'opposer aux progrès de notre révolution; que, pour suivre les auteurs
+de ce prétendu vol, elle eut le talent de subtiliser différents
+passe-ports, tant du ministère des affaires étrangères que de la
+municipalité de Louveciennes et du département de Seine-et-Oise, dont
+plusieurs membres la protégeaient ouvertement, et particulièrement le
+nommé _Lavalery_[143], qui depuis s'est donné la mort; qu'au moyen de
+ces passe-ports clandestins, elle se joua impunément de la loi contre
+les émigrés, puisqu'elle était encore à Londres dans les premiers jours
+du mois de mars dernier; que pendant les quatre séjours qu'elle fit dans
+cette ville, elle vivait habituellement avec tous les émigrés qui s'y
+étaient réfugiés, et auxquels elle a prêté des sommes d'argent
+considérables, ainsi qu'il sera démontré par la suite; qu'elle avait
+également formé les liaisons les plus étroites avec les lords les plus
+puissants, tous conseillers intimes du tyran de l'Angleterre, et
+particulièrement avec l'infâme Pitt, cet ennemi implacable du genre
+humain, pour lequel elle avait un si haut degré d'estime, _qu'elle
+rapporta dans la république française une médaille d'argent portant
+l'effigie de ce monstre_[144]; qu'elle favorisait également de tout son
+pouvoir les ennemis de l'intérieur, auxquels elle prodiguait les trésors
+immenses qu'elle possédait; qu'elle fit compter une somme de _deux cent
+mille livres_ en constitution de rentes à Rohan-Chabot, qui possède des
+terres considérables dans la Vendée, sur l'étendue desquelles s'est
+formé le premier noyau des rebelles, selon la commune renommée[145]; que
+par l'entremise d'un nommé _d'Escourt_, ci-devant chevalier, elle prêta
+une pareille somme de 200,000 livres à la Rochefoucault, ancien évêque
+de Rouen[146]; que ce même d'Escourt, détenu à la Force, le nommé
+Laboudie, son neveu, et le ci-devant vicomte de Jumilhac, émigré, ont
+reçu d'elle des sommes considérables à la même époque; qu'elle
+provoquait des rassemblements dans son pavillon de Louveciennes, dont
+elle voulait faire un petit château fort, ce qui est suffisamment prouvé
+par les _huit fusils_ que son bon ami, le scélérat d'_Angremont_,
+escroqua pour elle à la municipalité de Paris, sous le prétexte que
+c'était la municipalité de Louveciennes qui demandait ces fusils, ce qui
+a été reconnu faux; qu'elle comptait tellement sur la contre-révolution,
+à laquelle elle travaillait si puissamment, qu'elle avait fait cacher
+dans sa cave sa vaisselle plate et autre argenterie; qu'elle avait fait
+enterrer dans son jardin ses diamants, son or, ses pierres précieuses,
+avec les titres de noblesse, brevets, etc., de l'émigré _Graillet_[147];
+qu'elle avait également fait enterrer dans les bois les bronzes les plus
+riches et les bustes de la royauté; et qu'elle avait dans un grenier un
+magasin énorme de marchandises et d'étoffes du plus haut prix, dont elle
+avait nié l'existence; qu'il a été trouvé chez elle une collection rare
+d'écrits et de gravures contre-révolutionnaires; que lors de son séjour
+à Londres, elle a publiquement porté le deuil du tyran; que cette femme,
+enfin, qui a fait tout le mal qui était en elle, et dont Forth, le
+fameux espion anglais, s'était adroitement servi comme d'un instrument
+utile aux desseins perfides des cours des Tuileries et de Londres,
+entretenait des correspondances et des liaisons avec les ennemis les
+plus cruels de la République, tels que Crussol, de Poix, Canonet,
+Calonne, etc., et une foule d'autres, dont il serait trop long de donner
+l'énumération; qu'elle était tellement protégée par le parti ministériel
+de la Grande-Bretagne, que quand la guerre fut déclarée à cette
+puissance, elle resta tranquillement à Londres, tandis que les Français
+en étaient chassés ou horriblement persécutés, ce qui ne peut laisser
+aucun doute sur le rôle odieux que jouait cette femme, que l'on doit
+regarder comme un des plus grands fléaux de la France, et comme un
+gouffre épouvantable dans lequel s'est engloutie une quantité effrayante
+de millions, etc.»
+
+Le 8 décembre 1793 (18 frimaire an II), madame du Barry fut conduite au
+supplice.
+
+On sait qu'elle jeta les hauts cris depuis la Conciergerie jusqu'à la
+place de la Révolution, où était dressée la guillotine. Elle avait une
+telle frayeur de cette horrible mort, qu'arrivée sur l'échafaud elle
+cria à la foule qui l'entourait: _A moi! A moi!_ et s'adressant ensuite
+au bourreau: _Encore un moment, monsieur, je vous en prie_, lui dit-elle
+les larmes aux yeux. Un instant après, elle avait cessé de vivre[148].
+
+On a vu, le jour même de l'arrestation de madame du Barry, _Greive_
+faire mettre les scellés sur une partie du mobilier du château de
+Louveciennes. Le lendemain, il revint accompagné du juge de paix, son
+ami, et ils procédèrent seuls à la continuation de la pose des scellés
+et à l'examen des richesses de ce lieu. Jusqu'au 27, Greive fut
+parfaitement le maître de faire tout ce que bon lui semblait dans cette
+habitation, et l'on verra dans le résumé historique des opérations des
+commissaires envoyés par le directoire du département de Seine-et-Oise
+que des soupçons sérieux s'élevèrent dans leur esprit sur la probité qui
+avait présidé à ce premier travail.
+
+_Salanave_, l'ancien domestique de madame du Barry, faisait partie du
+comité de salut public du district de Versailles. _Greive_, dont presque
+tous les membres de ce comité étaient les amis, fit nommer _Salanave_ et
+un appelé _Soyer_ commissaires chargés de prendre connaissance des
+scellés apposés par le juge de paix de Marly. On pense bien que ces deux
+commissaires, en se rendant à Louveciennes le 27, approuvèrent tout ce
+qui avait été fait. Ils nommèrent ensuite pour la garde des scellés
+_Fournier_, le père du juge de paix, et _Zamor_, ce nègre _si excellent
+et si intelligent patriote_[149]. De plus, pour la sûreté des trésors
+renfermés, on établit une garde composée de dix-huit patriotes faisant
+partie de la société des sans-culottes de Louveciennes. C'était une
+fort bonne affaire pour ces patriotes, car on voit dans le résumé
+historique dont on a déjà parlé que cette garde, depuis son installation
+jusqu'au 13 frimaire, c'est-à-dire en soixante-dix jours, avait déjà
+coûté 9,274 livres.
+
+On n'attendit pas la condamnation de madame du Barry pour fouiller dans
+sa maison, et l'on procéda comme si l'on avait été sûr de sa mort. Des
+commissaires spéciaux furent désignés pour faire l'inventaire et
+l'estimation de tout ce qui s'y trouvait. Outre un précieux mobilier, de
+nombreux objets d'art et des bijoux de prix, les commissaires ont
+surtout été frappés de la quantité d'objets de toilette, tels que
+dentelles, corsets de toutes couleurs, brodés en soie, or et argent;
+étoffes de soie et de velours, simples ou brochées d'or et d'argent,
+coupées ou en pièces, et en si grand nombre, qu'elles furent estimées à
+environ 200,000 mille livres, mises à part et destinées à être vendues à
+l'étranger[150].
+
+Cependant, malgré les recherches les plus minutieuses, un grand nombre
+des cachettes faites par madame du Barry avaient échappé aux regards
+scrutateurs des commissaires. Le jour même de sa mort, persuadée que
+c'était moins à sa personne qu'à ses richesses qu'on en voulait, et
+qu'en faisant connaître exactement les divers endroits où elles étaient
+enfouies, elle pourrait sauver sa vie, elle se décida à en faire la
+déclaration; ce qui ne la sauva pas, mais fut la cause de la mort de
+_Morin_, le seul de ses domestiques resté fidèle.
+
+Cette déclaration servit beaucoup aux commissaires dans leurs
+recherches, comme on le verra dans le résumé historique. Dans le grand
+nombre de bijoux indiqués, on en voit quelques-uns qui montrent son
+intimité avec le duc de Brissac. Ainsi elle indique dans une des
+cachettes «une boîte, montée en cage d'or, avec le portrait de l'épouse
+de Brissac;--un portrait de la fille de ce dernier, monté en or;--un
+autre de son frère;--une boîte d'écaille blonde montée en or, avec une
+très-belle pierre blanche gravée, où est le portrait de Brissac et de la
+déclarante;--un portrait en émail de la grand'mère de Brissac;--deux
+tasses d'or avec leurs manches de corail, et quelques autres objets
+appartenant à Brissac;--une paire d'éperons d'or, avec des chiffres
+appartenant à feu Brissac».
+
+Deux jours après la mort de madame du Barry, Fouquier-Tainville écrivit
+au directoire du département de Seine-et-Oise pour lui annoncer le
+jugement et faire procéder au séquestre des biens de la condamnée, et le
+4 nivôse suivant (24 décembre), le directoire prenait la délibération
+suivante:
+
+«Vu par l'administration la lettre de l'accusateur public près le
+tribunal révolutionnaire, du 20 frimaire, qui annonce que la femme du
+Barry a été condamnée, par jugement de ce tribunal du 17 du même mois,
+à la peine de mort, et que tous ses biens étaient acquis et confisqués
+au profit de la nation, il convenait de faire procéder au séquestre des
+biens de cette condamnée qui sont situés dans l'étendue du département
+de Seine-et-Oise.
+
+»Vu la lettre adressée le 19 du mois dernier par l'administration
+provisoire des domaines nationaux aux administrateurs composant le
+directoire du département de Seine-et-Oise, de laquelle il appert que le
+glaive de la loi a fait tomber la tête d'une femme qui avait la plus
+grande part à la dilapidation de la fortune publique et qui, à ce
+premier crime que la nation avait à lui reprocher, a joint celui
+d'émigrer et d'avoir des relations avec les ennemis de notre liberté,
+qu'il importe que les mesures les plus promptes soient prises pour que
+ce qu'elle avait conservé des scandaleuses prodigalités de
+l'avant-dernier tyran rentre en entier sous la main de la nation; il
+engage donc l'administration, si les scellés ne sont déjà mis dans sa
+dernière demeure, à Louveciennes, à les y faire apposer sans délai et à
+faire procéder le plus tôt possible à l'inventaire, afin de mettre la
+régie en possession des immeubles et d'avoir un moyen de tirer du
+mobilier le meilleur parti possible; qu'au surplus l'administration ne
+saurait mettre trop de soins dans le choix des gardiens qui y sont ou
+qui y seraient établis, ni les faire surveiller avec trop d'exactitude;
+que les objets précieux que renferme cette habitation perdraient
+beaucoup de leur valeur si l'on n'apportait la plus grande attention à
+empêcher qu'ils ne soient dégradés, et qu'il y en a que, vu leur peu de
+volume, il serait facile de soustraire. Il invite l'administration à le
+tenir au courant de ce qu'elle fera pour remplir le vœu de cette lettre
+et pour que la République ne perde rien de ce qu'elle doit retrouver
+dans cette importante confiscation;
+
+»L'administration, considérant que les scellés ont été apposés chez
+ladite femme, à Louveciennes, et l'inventaire fait dès le mois de
+février dernier, arrête qu'en attendant la vente des immeubles ayant
+ci-devant appartenu à la femme du Barry, à laquelle il sera procédé le
+plus tôt possible, il sera à la poursuite et diligence du directoire du
+district de Versailles, également procédé à la vente de tous les effets
+mobiliers provenant de cette femme;
+
+»Invite en outre le directoire du district de Versailles à exercer la
+surveillance la plus active sur les gardiens qui sont déjà établis dans
+la maison qu'occupait cette femme, ou qui leur seront substitués, pour
+prévenir la dégradation des objets précieux qui s'y trouvent et la
+spoliation de ceux que leur peu de volume rend faciles à soustraire,
+_comme aussi à constater les effets qui ont pu être distraits du
+mobilier de cette femme, pour en assurer le recouvrement_.
+
+»Arrête aussi que le directeur de la régie nationale sera tenu de
+prendre, conjointement avec le directoire du district de Versailles, les
+mesures convenables pour opérer le séquestre des biens de cette femme,
+et que, dès à présent, l'administration lui en sera confiée pour la
+conservation des droits tant de ses créanciers que de la
+République[151].»
+
+Par suite de cette délibération, le district de Versailles donna de
+nouveaux pouvoirs à la commission qu'elle avait chargée dès le 29
+frimaire de procéder à l'inventaire et à la constatation des objets
+mobiliers, d'art, etc., de toute nature du château de Louveciennes.
+
+Cette commission s'était déjà transportée à Louveciennes, et elle
+procéda consciencieusement à ce travail long et difficile. On voit, dans
+les nombreux procès-verbaux particuliers adressés par elle au district
+de Versailles[152], combien elle eut de peine et souvent de luttes à
+soutenir avec ceux jusqu'alors chargés de ce travail, pour y établir
+l'ordre et la clarté et remplir le mandat qui lui avait été confié.
+
+Lorsqu'elle crut sa mission terminée, elle adressa au directoire du
+district de Versailles les divers procès-verbaux des opérations dont
+chacun de ses membres en particulier avait été chargé. Les
+procès-verbaux étaient accompagnés d'un résumé historique du travail
+général de la commission. Ce résumé raconte tout ce qui s'est passé à
+Louveciennes depuis la mort de madame du Barry jusqu'au moment de la
+vente de ses effets; il est, par conséquent, le complément de ce récit.
+
+
+RÉSUMÉ HISTORIQUE
+
+DES OPÉRATIONS DES COMMISSAIRES DE LOUVECIENNES.
+
+«La du Barry, condamnée à mort par le tribunal révolutionnaire de Paris,
+le 18 frimaire, a fait le même jour la déclaration des lieux où elle
+avait caché différents objets précieux, et des personnes à qui elle les
+avait confiés.
+
+»En conséquence, les commissaires, à leur arrivée à Louveciennes, le 21
+frimaire, se sont occupés d'abord des moyens de parvenir à la découverte
+des objets déclarés.--Le moyen qui devait être le plus fructueux était
+de faire traduire à Louveciennes Morin[153], valet de chambre de la du
+Barry et son homme de confiance; aussi les commissaires ont écrit à
+l'accusateur public, et lui ont même envoyé un exprès.
+
+»Avant que de procéder à aucune recherche, ils ont interrogé pendant
+plusieurs jours ceux des domestiques de la du Barry qui n'avaient pas
+été arrêtés avec cette femme. D'après les dépositions qu'ils ont reçues,
+ils n'ont trouvé de coupables que le nommé Déliant, frotteur, et
+particulièrement la femme Déliant, dénommée dans la déclaration de la
+du Barry, comme dépositaire de deux boîtes renfermant des bijoux,
+diamants et autres effets précieux.
+
+»La fausseté qui avait dicté les réponses de la femme Déliant a engagé
+la commission à la mettre en arrestation chez elle, avec son mari, et à
+leur donner deux gardes choisis par la municipalité du lieu.
+
+»Le nommé Déliant, frotteur, a prouvé par ses déclarations moins de
+mauvaise foi que sa femme. Cet homme, moribond depuis longtemps, a paru
+avoir peu de connaissance des dépôts confiés à cette dernière, et depuis
+huit jours il est mort à l'infirmerie de Versailles, où la commission
+l'avait fait transporter.
+
+»La femme Déliant, lors de son premier interrogatoire, le 22 frimaire,
+avait simplement déclaré que la du Barry, cinq ou six jours avant son
+arrestation, lui avait mis dans son tablier plusieurs paquets enveloppés
+de papier; que le même jour, d'après les ordres de sa maîtresse, elle
+les avait cachés dans un fumier contre la melonnière; mais la suite
+prouvera la fausseté de cette déclaration.
+
+»Le 24 frimaire, jour de l'arrivée de Morin, la femme Déliant, voulant
+prévenir les perquisitions que les commissaires se disposaient à faire
+chez elle, avait, le même jour, demandé à leur parler; mais les
+commissaires étant, dans ce moment-là, occupés à faire fouiller le
+jardin de Morin, le citoyen Greive, commissaire du Comité de sûreté
+générale de la Convention, s'est rendu chez ladite Déliant. Cette femme
+lui a remis cent quatre-vingt-treize louis simples en or, à elle confiés
+par la du Barry quelque temps avant son dernier voyage en Angleterre.
+
+»Le 16 frimaire, les commissaires ont interrogé ladite Déliant. Il
+résulte de sa déclaration que la du Barry, à l'époque de son dernier
+voyage en Angleterre, lui avait remis trois coffres renfermant beaucoup
+d'objets précieux, pour les mettre soi-disant plus en sûreté et à l'abri
+d'être volés; que le lendemain de l'arrestation de la du Barry, ladite
+Déliant les avait déposés dans la maison de la veuve Aubert, sa mère, où
+ils sont restés environ douze jours; que les perquisitions exercées dans
+la maison de la du Barry et dépendances lui donnant à craindre qu'on ne
+trouvât chez sa mère les coffres y déposés, elle avait, la veille de son
+arrestation et de son incarcération aux Récollets[154], ouvert les trois
+coffres, avait vidé les objets y contenus, les avait mis dans son
+tablier et cachés le même soir dans un fumier contre la melonnière, à
+l'exception de quatre rouleaux de louis simples, d'un gobelet d'or avec
+son couvercle, d'une bourse pleine de jetons d'argent et de quelques
+flacons; que sa mère avait jeté le lendemain dans la pièce d'eau du
+Grand Jet de Marly ces derniers objets, à l'exception cependant de
+quatre rouleaux de louis, qu'elle avait gardés pour elle sans en donner
+connaissance à son mari.
+
+»Les 24 et 26 frimaire, les commissaires ont interrogé Morin. Mais avant
+de rendre compte des découvertes qu'ils ont faites sur ses indications,
+il est nécessaire de suivre la conduite de la femme Déliant.
+
+»Le même jour de l'interrogatoire de cette dernière, il a été déposé
+entre les mains des commissaires, par Agathe Gournay et la femme
+Borgard, une montre enrichie de diamants, trouvée par elles, il y avait
+six semaines, dans une pièce d'eau du jardin de Marly; et par Jacques
+Richard, fontainier, deux flacons de cristal de roche, sans bouchons ni
+sans garnitures, et trouvés dans la même pièce.
+
+»La femme Déliant avait été présente au dépôt de la montre dont est
+question, et cet acte de probité, peu conforme à son caractère fourbe et
+à sa conduite plus que suspecte, la faisant regarder elle-même comme
+très-coupable à ses propres yeux, cette femme, sous prétexte de
+satisfaire des besoins naturels, a surpris la surveillance de ses gardes
+et s'est coupé la gorge avec un rasoir.
+
+»Les commissaires ont fait dresser par le juge de paix procès-verbal de
+cet événement, qui n'a pas eu de suites funestes, au moyen des soins du
+chirurgien appelé alors.
+
+»Dans le même moment, le mari de ladite Déliant, alité depuis
+longtemps, ayant déclaré que sa femme avait jeté quelque chose par la
+fenêtre, l'on a trouvé dans une gouttière, au-dessous du charbonnier,
+sous la fenêtre de la chambre desdits Déliant, quatre boîtes, dont une
+d'or enrichie de diamants, une autre aussi d'or; lesdites renfermées
+dans un sac à poudre, jetées comme il est dit par ladite femme Déliant,
+quoique cette dernière n'ait jamais voulu en convenir.
+
+»Les commissaires ont séparé ladite Déliant de son mari, lui ont donné
+deux gardes pendant deux jours, au bout desquels ils l'ont fait
+transférer à l'infirmerie de Versailles, où elle est encore.
+
+»Les bijoux, diamants et autres effets précieux, cachés dans le fumier
+par ladite femme Déliant, y ont été trouvés par le citoyen Greive deux
+mois et demi après l'arrestation de la du Barry; mais comme _on n'a
+jamais eu l'état désignatif et la connaissance positive des objets que
+renfermaient les trois boîtes, il reste incertain si tous ont été
+trouvés_.
+
+»_Sans vouloir rien préjuger sur la conduite que l'on a tenue_, le 11
+frimaire, _lors de cette découverte_, les commissaires ignorent s'il y a
+eu un procès-verbal dressé au moment même, mais il ne leur a été remis
+d'autre procès-verbal que celui de reconnaissance, fait le 13 frimaire,
+par Houdon, juge de paix actuel de Louveciennes, _c'est-à-dire deux
+jours et demi après la découverte_, le juge de paix n'ayant été appelé
+qu'à cette époque.
+
+»Quant aux objets jetés dans les pièces d'eau du jardin de Marly par la
+mère de la femme Déliant, on a trouvé seulement la montre déposée par
+Agathe Gournay et la femme Borgard, les deux flacons remis par Richard,
+deux autres flacons trouvés par les commissaires lors de leurs
+perquisitions dans la pièce d'eau du Grand Jet de Marly, un flacon remis
+au moment même par Joséphine Lochard. Il reste conséquemment à recouvrer
+le gobelet et le couvercle en or, provenant d'un plateau de toilette, et
+la bourse pleine de jetons d'argent.
+
+»Après être entrés dans les détails des déclarations toujours tardives,
+toujours partielles de la femme Déliant, de la nature des dépôts
+précieux qui lui ont été confiés par la du Barry, de l'usage
+inconcevable qu'elle en a fait, des événements tragiques qui ont suivi
+sa conduite, les commissaires rendent compte du résultat de Morin, valet
+de chambre et agent secret de la du Barry.
+
+»Les perquisitions les plus amples avaient été faites dans le jardin de
+ce prévenu, et toujours infructueusement. Cet homme allait être jugé,
+exécuté, emportant avec lui la connaissance des différents dépôts, si
+les commissaires n'eussent pas écrit à l'accusateur public, ne lui
+eussent pas envoyé un exprès au moment où Morin allait subir la peine
+due à ses crimes.
+
+»Les 24 et 26 frimaire, les commissaires ont interrogé ce prévenu:
+d'après ses déclarations, et sur ses indications, ils ont trouvé cachés
+derrière des bois de charpente placés contre un mur du jardin de Morin
+une douzaine de cuillers d'or à café; dans le grenier au-dessus de la
+cuisine de sa maison, une croix d'argent, un calice et une patène
+d'argent; une boîte à quadrille, la boîte, les fiches et contrats en
+ivoire, incrustés en or; dans le jardin de Morin, et enterrés en divers
+endroits sous des arbres hors de monter, et près la grille, deux boîtes
+de sapin renfermant savoir:
+
+ Argent blanc 7,203 liv.
+ 40 doubles louis 1,920
+ Un louis en or 24
+ 2 guinées et une demi-guinée 36
+ ----------
+ Total 9,183 liv.
+
+»En outre, 99 jetons d'argent et un globe d'argent-vermeil.
+
+»D'après la déclaration de la du Barry, on aurait dû trouver douze sacs
+de 1,200 livres environ, et différents objets précieux. Cependant
+lesdites boîtes ne renfermaient que cinq sacs, les louis, les guinées en
+or et le gobelet d'argent-vermeil.
+
+»Il est à croire que Morin en a détourné une partie; l'espérance qu'il
+avait d'être acquitté l'a sans doute engagé à ne pas déclarer les dépôts
+qu'il avait faits pour le compte de sa maîtresse et pour son propre
+compte, et il serait nécessaire de faire fouiller son jardin en entier.
+
+»Les commissaires ont aussi trouvé dans la chambre de Morin, et sur ses
+indications, une râpe à muscade en argent, dans un étui d'argent; un
+paquet intitulé _Graines de panais_, contenant dix-sept aunes de galon
+d'argent à livrée, et quelques autres objets.
+
+»Les perquisitions antérieures faites par le citoyen Greive avaient
+procuré la découverte de 393 livres en argent blanc, d'un billet qui
+prouvait que Morin était chargé de faire passer cette somme à l'abbé de
+Fontenille, poste restante, à Coblentz. Cette somme existe encore dans
+la chambre de Morin, et les commissaires du district chargés de faire
+l'inventaire en rendront compte en tant que de besoin.
+
+»Les commissaires ont fait ce qui dépendait d'eux pour tirer de Morin
+tous les aveux qui pouvaient aider leurs découvertes; mais cet homme n'a
+déclaré que les dépôts trouvés antérieurement, et il est hors de doute
+qu'il avait la connaissance de plusieurs autres, dans le cas où sa
+conduite contre-révolutionnaire n'aurait pas été dévoilée et punie.
+
+»L'objet principal de la mission des commissaires était de faire des
+recherches. Quoique le citoyen Greive eût découvert une grande partie
+des objets déclarés et non déclarés par la du Barry, il restait encore
+des recherches à faire, et les commissaires n'ont rien négligé pour les
+rendre heureuses.
+
+»A cet effet, ils ont renouvelé dans plusieurs endroits les
+perquisitions les plus exactes. Ils ont fait fouiller deux fois dans le
+jardin de Morin, et deux jours de suite dans la cave commune de la
+maison de la du Barry; mais ces nouvelles fouilles n'ont produit aucune
+découverte, et quoique que l'on soit bien persuadé qu'il existe encore
+des dépôts cachés, il faudrait avoir, pour les trouver, des indices
+particuliers, les terrains environnant la maison de la du Barry étant
+trop spacieux pour qu'on puisse hasarder de nouvelles fouilles,
+dispendieuses d'ailleurs et d'un succès incertain.
+
+»D'après l'arrêté du comité de salut public et les instructions du
+ministre, les commissaires devaient remettre à la Trésorerie nationale
+les assignats, espèces monnayées, et aux domaines tout ce qui
+consisterait en bijoux, diamants et autres objets précieux.
+
+»Pour remplir une partie de leur mission, il ne suffisait pas de faire
+un simple inventaire de ces objets, il fallait en faire le récolement
+exact, pour opérer la décharge des commissaires et gardiens
+responsables.
+
+»A cet effet, les commissaires ont procédé au dépouillement de tous les
+procès-verbaux de l'ancien et du nouveau juge de paix, dressés sur la
+réquisition du citoyen Greive, commissaire du comité de sûreté générale
+de la Convention, en présence des officiers municipaux de Louveciennes.
+Ils ont fermé l'état désignatif de tous les objets y mentionnés par
+nature et espèce, en distinguant par ordre l'argenterie, les effets en
+or, etc.
+
+»Ce relevé, nécessaire pour assurer la justesse de toutes
+vérifications, a demandé un temps très-long, à raison de la lecture
+qu'il a fallu prendre de tous les procès-verbaux, et de ce que chaque
+objet se trouvait mentionné isolément dans un procès-verbal et dans un
+autre.
+
+»Les commissaires ont d'abord procédé à la reconnaissance d'une somme de
+37,986 livres en numéraire, trouvée chez la du Barry. Cette somme,
+jointe à celle de 13,815 liv. découverte par la commission, forme celle
+de 51,801 liv. remise par elle à la Trésorerie nationale.
+
+»Il avait été trouvé, en outre, dans la commode de la chambre à coucher
+de la du Barry, une somme de 3,443 liv. en assignats; mais cette somme a
+été mise par les citoyens Lacroix et Musset, représentants du peuple à
+Versailles, à la disposition du citoyen Greive, pour subvenir aux
+dépenses du moment, et il reste encore une somme de 29 liv. en
+assignats, et 7 liv. en argent monnayé.
+
+»Les commissaires observent qu'il a été déposé entre leurs mains, le 27
+nivôse, par le citoyen Fournier, ancien juge de paix, à l'appui d'un
+procès-verbal de découverte, chez la femme Couture, une somme de 1,200
+liv., savoir: 400 liv., dont 200 liv. démonétisées appartenant à Morin,
+et 800 livr. au nommé Pétry, coiffeur, détenu à Paris. Les commissaires
+du district chargés de faire l'inventaire rendront compte de ces sommes
+et des autres en tant que de besoin.
+
+»Les commissaires, en suivant l'ordre de leur relevé sur les
+procès-verbaux remis entre leurs mains, ont fait, en présence du citoyen
+Greive, du juge de paix et du maire de Louveciennes, le récolement et la
+reconnaissance de l'argenterie, des effets en or, cristaux, bijoux,
+diamants et autres objets précieux, mis sous les scellés dans la chambre
+à coucher de la du Barry, nº 4. Ils ont rédigé procès-verbal de chaque
+opération, et en ont donné copie au citoyen Greive et à la municipalité
+du lieu.
+
+»Cette vérification leur a demandé un temps très-long, attendu que
+beaucoup de ces objets n'avaient pas été désignés suivant leur nature et
+espèce, et suivant les termes techniques qui leur convenaient.
+_Peut-être que le plaisir d'avoir fait les découvertes, la précipitation
+avec laquelle on a procédé à leur inventaire, ont fait négliger les
+formalités de la rédaction et l'exactitude dans la prescription et
+reconnaissance des objets; mais en général les commissaires ont aperçu
+un défaut d'ordre, et ils ne peuvent mieux le prouver que par le grand
+nombre d'effets qu'ils ont reconnus n'avoir pas été inventoriés._ Le
+désordre ne porte pas seulement sur les objets découverts, mais sur tous
+ceux en évidence dans la maison. Ces objets sont épars et en confusion.
+
+»_Les commissaires ont trouvé, dans différents endroits de la maison,
+plusieurs étuis de chagrin et galuchat, qui renfermaient sans doute des
+effets précieux et qui, cependant, ne font pas partie de ceux
+inventoriés et reconnus._ Les commissaires ont vu, entre autres étuis,
+celui dans lequel devait se trouver une paire de boucles de souliers en
+or, garnies de perles, dont l'existence antérieure est prouvée par la
+déclaration même de la du Barry. _Tous ces étuis ont été trouvés vides._
+Les commissaires ignorent si les objets qu'ils contenaient existaient au
+moment de l'arrestation de cette femme, ou si elle n'en aurait pas
+disposé elle-même, d'une manière ou d'une autre.
+
+»Les commissaires ont remis successivement à l'administration des
+domaines l'argenterie, les bijoux, diamants, effets en or, et
+généralement tous les objets provenant soit de leurs découvertes
+personnelles, soit des découvertes faites avant eux par le citoyen
+Greive, commissaire de sûreté du comité général de la Convention. Ils
+invitent à en acquérir la preuve par l'examen de l'état ci-joint, dont
+les objets y mentionnés portent le numéro correspondant à celui des
+objets désignés dans les procès-verbaux et récépissés de remise aux
+domaines. Ils joignent aussi au présent résumé historique d'opérations
+l'état de comparaison des objets déclarés par la du Barry et trouvés,
+avec ceux qui restent à découvrir.
+
+»Jusque-là les commissaires avaient rempli l'objet intrinsèque de leur
+mission. Mais la nature même de leurs fonctions les a entraînés dans une
+quantité de détails dont ils devaient prendre connaissance, autant parce
+qu'ils se sont trouvés liés à leurs fonctions que parce que le besoin de
+se mettre à l'abri de tous reproches leur recommandait de faire tout ce
+qui intéressait le bien public.
+
+»Des mesures de sûreté générale, relatives à la conservation des dépôts
+précieux, existant dans la maison de la du Barry, avaient exigé la
+surveillance d'une garde assez nombreuse; mais l'enlèvement successif de
+ces dépôts demandait une économie dans cette dépense. En conséquence,
+les commissaires ont réduit, le 6 pluviôse, la garde à six hommes, au
+lieu de dix-huit. Cette garde, depuis le 2 vendémiaire, jour de son
+établissement par le citoyen Greive, jusqu'au 13 frimaire, avait été
+payée sur des fonds mis à la disposition du citoyen Greive, savoir:
+3,143 liv. par les citoyens Lacroix et Musset, représentants du peuple à
+Versailles, et 3,000 liv. par Voulant et Jajot; mais le citoyen Greive
+n'avait plus de fonds disponibles. Il est dû encore à la garde la somme
+de 3,151 liv., et les commissaires en ont envoyé l'état à
+l'administration du district de Versailles.
+
+»Le besoin de rétablir l'ordre dans la maison de la du Barry devait
+fixer, la sollicitude des commissaires. Ce soin paraissait cependant
+devoir appartenir plus particulièrement au citoyen Greive, qui depuis
+longtemps habitait la maison de la du Barry, connaissait les causes de
+la dépense, et l'avait mise ou laissée sur le pied où les commissaires
+l'ont trouvée.--_Mais le citoyen Greive, trop occupé sans doute de
+l'exécution des grandes mesures de sûreté générale, dont il annonçait
+être chargé par sa qualité même, n'avait pas le temps d'entrer dans les
+petits détails._ Les commissaires ont cru devoir prendre sur eux de
+faire la réforme commandée par l'économie, en attendant d'ailleurs la
+solution de plusieurs questions dont la nature les attachait encore à
+leur place.
+
+»Jusque-là différentes circonstances, dont il sera parlé ci-après,
+avaient occasionné une dépense assez considérable de bouche et de
+chauffage; mais les circonstances n'étant plus les mêmes, les
+commissaires ont jugé devoir rompre le cours de cette dépense. A cet
+effet, ils ont arrêté les mémoires du boulanger, du boucher et des
+autres fournisseurs de la maison. Ils ont envoyé à l'administration du
+district de Versailles le bordereau de cette dépense, montant à la somme
+de 2,749 fr.
+
+»Cette dépense, dont le citoyen Greive peut rendre compte mieux que
+personne des causes qui l'ont déterminée, a été plus considérable
+pendant le cours de sa mission. En général, cette dépense a été faite
+par les différents commissaires qui se sont succédé, par le juge de
+paix, son greffier, par les officiers municipaux, dans un temps où le
+secret des opérations demandait leur permanence continuelle, par les
+personnes que le citoyen Greive a employées à auner les étoffes, à peser
+les matières d'or et d'argent, par les prévenus traduits devant la
+commission, par les gendarmes, huissiers qui les ont accompagnés, enfin
+par toutes les personnes dont la présence a été reconnue nécessaire.
+
+»Les fonctions des commissaires ont acquis, par l'effet des
+circonstances, une plus grande latitude. Ils ont appris, par exemple,
+qu'il existait à Paris, dans la maison de Brissac, un coffre de fer
+caché entre deux boiseries. A cet effet, ils sont allés plusieurs fois à
+Paris pour se concerter avec le ministre sur les moyens à employer pour
+sa découverte. Le ministre a écrit lui-même au comité de surveillance de
+la Fontaine de Grenelle, pour l'inviter à nommer deux membres pour
+seconder les commissaires dans leurs recherches. Le citoyen Villette
+s'est présenté lui-même au comité de cette section, à celui de sûreté
+générale; mais les formalités à remplir pour la levée des scellés chez
+Brissac ont arrêté sans doute l'usage de toutes mesures, et le coffre de
+fer reste encore à découvrir, ou, s'il a été découvert, la commission
+l'ignore.
+
+»Les commissaires ont aussi, sur la réquisition des citoyens Lacroix et
+Musset, représentants du peuple à Versailles, fait l'inventaire du vieux
+linge existant dans la maison de la du Barry, et l'ont envoyé à
+l'hôpital militaire de Saint-Cyr.
+
+»Ces différentes démarches et opérations ont occupé les commissaires en
+attendant la réponse à plusieurs questions de la solution desquelles
+dépendait la continuation ou la cessation de leurs fonctions.
+
+»Une de ces questions était de connaître la manière dont on disposerait
+des étoffes précieuses existant dans la maison de la du Barry. Une
+grande partie de ces étoffes, dont la valeur peut s'élever à 200,000
+livres, ne pouvait être vendue qu'à l'étranger. Le ministre, sur les
+observations des commissaires, avait écrit au comité de salut public:
+depuis peu, ce comité a chargé l'administration des subsistances d'en
+faire l'inventaire, et dans ce moment ce travail occupe les
+commissaires.
+
+»Le rétablissement de l'ordre, des précautions de tout genre, le besoin
+d'éviter même des dilapidations, le besoin de liquider la succession de
+la du Barry pour payer les créanciers, toutes ces considérations ont
+engagé les commissaires à demander qu'il soit procédé promptement à
+l'inventaire du mobilier de la du Barry, et, depuis le 20 pluviôse, les
+citoyens Delcros et Lequoy ont été nommés à cet effet par
+l'administration du district de Versailles.
+
+»En conséquence, les pouvoirs du citoyen Villette, seul commissaire du
+pouvoir exécutif à Louveciennes, doivent cesser lorsqu'il aura fini,
+conjointement avec le commissaire des subsistances et ceux du district,
+l'inventaire des étoffes dont il est spécialement chargé par le
+ministre.
+
+»Voici la manière dont les membres composant la commission de
+Louveciennes ont cru devoir rendre compte de leur mission, chacun pour
+les opérations auxquelles ils ont été présents, nonobstant les pièces
+qu'ils joignent à l'appui de leur compte, certifiant le tout sincère et
+véritable.
+
+»Signé à la minute: Huvé, Villette, Delcros, Houdon, Bicault et Lequoy,
+secrétaire[155].»
+
+Outre la commission générale, deux autres devaient s'entendre avec elle,
+l'une, pour faire passer immédiatement à Versailles tout ce qui pourrait
+être employé par l'État, l'autre, pour envoyer aussi dans cette ville
+les objets d'art, afin de les ajouter à ceux déjà très-nombreux
+provenant des maisons du roi et des princes, que l'on réunissait dans le
+palais.
+
+La première de ces commissions fit passer au district, en fer, cuivre,
+linge, literie, harnais, sucre et eau-de-vie, pour la somme de 128,089
+fr. Le linge, la literie, le sucre et l'eau-de-vie furent envoyés à la
+maison de Saint-Cyr, transformée en hôpital militaire. Le reste fut
+déposé dans les magasins de l'État.
+
+La commission des arts fit choix des objets qui lui parurent dignes
+d'être conservés. Comme la plupart de ces œuvres d'art sont aujourd'hui
+dans les musées et dans les palais impériaux, il n'est pas sans intérêt
+d'en faire connaître l'origine, en donnant la liste dressée alors par la
+commission. Ces objets sont au nombre de cinquante-cinq.
+
+1º Deux tableaux de Vien;
+
+2º Une gaîne avec chapiteau et base de granit d'Italie;
+
+3º Une Vénus Callipyge (petite proportion);
+
+4º Un Apollon du Belvédère;
+
+5º Thésée enlevant Hermione;
+
+6º Une Vestale entretenant le feu sacré, suivie par deux enfants;
+
+7º Un groupe représentant Louis XV porté par quatre guerriers;
+
+8º Un petit buste de Louis XV;
+
+9º Un feu en bronze doré, cerf, sanglier et attributs de chasse;
+
+10º Un tableau représentant une marine, par Vernet, de huit pieds de
+haut sur cinq de large.
+
+11º Un autre tableau de même dimension, représentant une ruine, par
+Robert;
+
+12º Quatre dessus de porte, par Fragonard;
+
+13º Une Nymphe en marbre, fuyant, et un Amour la menaçant;
+
+14º Une Baigneuse, de Falconnet;
+
+15º Le buste de Louis XV, en marbre, par Pajou;
+
+16º Une pendule représentant l'Amour porté par les Grâces, en bronze
+doré d'or moulu;
+
+17º Deux vases de porcelaine de Sèvres, fond azur;
+
+18º Deux vases de porcelaine, forme étrusque;
+
+19º Un baromètre et thermomètre avec cartouches et figures de
+porcelaine;
+
+20º Deux vases en marbre blanc et porphyre;
+
+21º Deux feux dorés d'or moulu, les plus riches;
+
+22º Deux figures en marbre blanc, proportion de deux pieds;
+
+23º Deux candélabres à trois branches, représentant deux femmes
+groupées;
+
+24º Deux autres, en forme de bouteille;
+
+25º Un feu doré, en forme de vase;
+
+26º Une table en porcelaine de Sèvres, les peintures d'après Vanloo;
+
+27º Un vase de porphyre;
+
+28º Un feu en forme de cassolettes et pommes de pin;
+
+29º Trois chandeliers à trois branches, en cassolettes;
+
+30º Le buste de la du Barry, par Pajou, sur sa gaîne;
+
+31º Partie d'un _forte-piano_;
+
+32º Deux grands vases de porphyre;
+
+33º Une harpe dans sa robe de taffetas noir;
+
+34º Un tableau représentant la Fuite de l'Amour;
+
+35º La Marchande d'Amours, par Vien;
+
+36º La Cruche cassée, par Greuze;
+
+37º Jupiter et Antiope;
+
+38º Une pastorale, par Boucher, de trente-six pouces de haut sur
+vingt-huit de large;
+
+39º Un paysage, de Visnose;
+
+40º Une bordure ovale de trois pieds de haut, richement sculptée et
+dorée;
+
+41º Une autre de deux pieds de haut;
+
+42º Une commode de vieux laque;
+
+43º Une autre plaquée, en porcelaine de Sèvres, à sujets et figures
+très-jolis;
+
+44º Un tableau représentant la Visitation d'Élisabeth;
+
+45º Un autre représentant la Vierge et l'Enfant Jésus;
+
+46º Un autre, non fini, représentant la du Barry en Bacchante;
+
+47º Un pastel: un Enfant jouant du tambour de basque, d'après Drouet;
+
+48º Un Enfant jouant du triangle, d'après Drouet;
+
+49º Un tableau représentant un enfant tenant une pomme, peint par
+Drouet, de vingt pouces de haut sur dix-huit de large;
+
+50º Un tableau: une Femme en lévite blanche;
+
+51º Un autre: Louis XV en habit de revue;
+
+52º Un autre: Louis XV enfant;
+
+53º Une gravure enluminée représentant un paysage;
+
+54º Une estampe représentant la femme Lebrun;
+
+55º Un tableau peint sur toile, par Robert, représentant une esquisse de
+la messe, de quatorze pouces de haut sur seize de large.
+
+Après les travaux particuliers des diverses commissions, la commission
+générale fit un relevé de tous les procès-verbaux d'inventaires,
+enlèvements, reconnaissances et ventes du mobilier ayant eu lieu
+successivement sous sa direction; elle y ajouta les récépissés de dépôt
+des différents objets extraits, de la maison de madame du Barry, et elle
+envoya cet immense travail au district de Versailles pour le faire
+passer au directoire du département de Seine-et-Oise. Ce travail, avec
+toutes les pièces à l'appui, forme aujourd'hui la plus grande partie des
+papiers renfermés aux archives de la préfecture de Seine-et-Oise, sous
+le nom de _madame du Barry_.
+
+ Le relevé général est terminé par le bordereau du
+ montant des seuls objets vendus et estimés, lequel s'élève
+ à 707,251 l. 15 s.
+
+ Les bijoux, diamants, cristaux, etc.,
+ dont le prix n'est pas porté, sont
+ évalués au même inventaire 400,000 »
+
+ Les matières d'or, 89 marcs, 6 onces,
+ peuvent être appréciées au moins 60,000 l. » s.
+
+ Celles d'argent, 1,449 marcs, à 45
+ livres le marc 65,205 »
+
+ Celles de vermeil, 84 marcs, à
+ 50 livres 4,200 »
+
+ Galons et franges d'or, 34 marcs 2,700 »
+
+ Galons d'argent et brûlé, 121 marcs 3,600 »
+
+ Cuivre, fer, plomb et étain 4,000 »
+ ------------------
+ Total général de l'appréciation des
+ effets mobiliers confisqués chez
+ madame du Barry 1,246,956 l. 15 s.[156]
+
+Quand madame du Barry fut arrêtée, elle avait encore un grand nombre de
+dettes, et la municipalité de Louveciennes ne tarda pas à être accablée
+de mémoires de tous les créanciers. Tous ces mémoires, visés par elle,
+furent envoyés au district. Il résulte de leur relevé général qu'ils
+s'élevaient à la somme de 956,124 liv. 13 s. 4 d.--La vérification de
+ces mémoires fut renvoyée à une commission chargée de mettre la plus
+grande sévérité dans l'examen de ces dettes. Le gouvernement d'alors dut
+être satisfait de l'habileté des commissaires, car les mémoires ont été
+si bien examinés et contrôlés, que presque aucun des créanciers n'a été
+payé.
+
+Les parents de madame du Barry, auxquels on a vu qu'elle avait fait des
+pensions viagères, réclamèrent aussi la continuation de leurs pensions;
+mais on les supprima toutes, à l'exception de celle de Rançon, le mari
+de la mère de madame du Barry, qui vint se retirer à Versailles, et y
+mourut le 25 octobre 1801.
+
+La propriété de Louveciennes avait été vendue le 20 thermidor an III (7
+août 1795)[157], et le comte Guillaume, qui s'était remarié[158], était
+mort à Toulouse, le 2 août 1811, à l'âge de 79 ans. Tout avait disparu.
+Il ne restait plus, comme souvenir du nom de _du Barry_, que la honte
+jetée par lui sur les dernières années du règne de Louis XV. Mais à ce
+souvenir, cependant, venait se mêler celui des souffrances supportées
+par cette malheureuse femme dans les derniers temps de sa vie, et l'on
+se prenait de pitié quand on considérait par quelle horrible mort elle
+avait expié ses quelques années de bonheur!
+
+Ce nom devait recevoir encore une nouvelle humiliation, et il devait la
+recevoir de ses propres parents, de ses héritiers.
+
+Dans l'acte de mariage de madame du Barry, elle y était dite fille du
+sieur _Jean-Jacques Gomard de Vaubernier_, intéressé dans les affaires
+du roi. Aussitôt le retour en France, en 1814, du roi Louis XVIII, les
+héritiers _Gomard_ firent de nombreuses démarches auprès des ministres
+pour être remis en possession des objets ayant appartenu à madame du
+Barry, et existant dans les établissements publics. Ils se fondaient,
+pour appuyer leur demande, sur l'acte de naissance[159] de madame du
+Barry, annexé à celui de célébration de son mariage à la paroisse de
+Saint-Laurent, ainsi conçu:
+
+«Extrait des registres de baptême de la paroisse de Vaucouleurs, diocèse
+de Touls, pour l'année mil sept cent quarante-_six_.
+
+»Jeanne, fille de _Jean-Jacques Gomard de Vaubernier_ et _d'Anne Bécu_,
+dite _Quantigny_, est née le dix-neuf août mil sept cent quarante-six, a
+été baptisée le même jour, a eu pour parrain Joseph _de Mange_ et pour
+marraine Jeanne _de Birabin_, qui ont signé avec moi:
+
+»L. Gaon, vicaire de Vaucouleurs; Joseph de Mange et Jeanne de Birabin.
+
+»Je soussigné, prêtre-curé de la paroisse et ville de Vaucouleurs,
+diocèse de Touls, certifie à qui il appartient, vu le présent extrait
+conforme à l'original.
+
+»A Vaucouleurs, ce quatre juillet mil sept cent cinquante-neuf.
+
+»L.-P. Dubois.
+
+»Nous, Claude-François Duparge, licencié ès loix, conseiller du roi,
+commissaire enquesteur-examinateur en la ville et prévôté de
+Vaucouleurs, faisant les fonctions de M. le président Prevost, absent,
+certifions que les écriture et signature ci-dessus sont du sieur Dubois,
+curé de Vaucouleurs, et que foy y est et doit y être ajoutée. En
+témoignage de quoi nous avons signé les présentes et scellé de notre
+cachet.--A Vaucouleurs, ce quatre juillet mil sept cent cinquante-neuf:
+
+»Signé, Duparge, avec paraphe. Approuvé l'écriture, Duparge[160].»
+
+Après beaucoup de démarches infructueuses, et après avoir présenté au
+ministre des finances un acte de notoriété constatant que le sieur
+_Philbert Gomard_, frère de _Gomard de Vaubernier_, père de madame du
+Barry, étant le plus proche parent de la comtesse à l'heure de sa mort,
+était son héritier, le même acte établissant leur filiation comme
+héritiers directs du sieur _Philbert Gomard_, le ministre les autorisa à
+faire retirer de la préfecture de Seine-et-Oise les papiers de madame du
+Barry, déposés aux archives lors du séquestre mis sur ses biens en 1793.
+Ces papiers devaient servir à les diriger dans les réclamations qu'ils
+faisaient au gouvernement. L'inventaire des papiers ainsi donnés un peu
+légèrement montre combien de documents intéressants ont été perdus pour
+les recherches historiques.
+
+Inventaire des titres et papiers provenant de madame la comtesse du
+Barry, condamnée révolutionnairement, et dont les biens ont été
+séquestrés; lesquels papiers, par suite du séquestre, ont été extraits
+du domicile de ladite dame, à Louveciennes, transférés à
+l'administration du ci-devant district de Versailles, et ensuite déposés
+aux archives de la préfecture de Seine-et-Oise:
+
+1re _liasse_.--Composée de pièces relatives aux anciens ouvrages
+faits au pavillon de Louveciennes, années 1760 et 1770, etc., mémoires
+de divers fournisseurs, et ouvriers, quittances, états de payements et
+diverses pièces de renseignements.
+
+2e _liasse_.--Anciens mémoires de fournisseurs et ouvriers quittancés
+de 1770 à 1774. Bail passé à madame du Barry par la veuve Duru et
+consorts, d'une maison située à Versailles, rue de l'Orangerie, le 22
+décembre 1768. Bordereau des sommes payées par Me Lepot-d'Auteuil,
+notaire.
+
+3e _liasse_.--Autres différents mémoires de marchands, ouvriers et
+fournisseurs, également quittancés. Dépenses de tout genre à l'hôtel et
+pavillon de l'avenue de Paris, à Versailles, en 1773. Comptes rendus par
+M. de Montvallier, intendant de madame la comtesse du Barry, ès années
+1773 et 1774.
+
+4e _liasse_.--Divers mémoires de marchands, orfèvres, bijoutiers,
+drapiers, modistes, fournisseurs, gagistes, peintres, ouvriers, etc., en
+1772 et années suivantes, également quittancés. Inventaires et états
+d'effets mobiliers, tels que tableaux, statues, pièces d'ornement, etc.,
+étant à Louveciennes, à différentes époques, notamment un inventaire
+général du mobilier de Louveciennes, fait en 1774.
+
+5e _liasse_.--Mémoires quittancés d'orfèvres, bijoutiers, marchands
+de meubles et d'étoffes. États de gages payés aux personnes de la maison
+de madame du Barry, et autres pièces diverses de dépenses, années 1771
+et suivantes.
+
+6e _liasse_.--Pièces relatives à la construction du nouveau pavillon
+de Louveciennes, en 1771 et 1772. Comptes et mémoires quittancés de
+divers entrepreneurs, marchands, ouvriers, etc.
+
+7e _liasse_.--Formée de mémoires et de quittances donnés par des
+ouvriers, marchands, fournisseurs, pensionnaires et autres personnes
+attachées à madame du Barry, en diverses années.
+
+8e _liasse_.--Mémoires acquittés de marchands, ouvriers,
+fournisseurs, notamment du sieur Aubert, joaillier, du sieur Cozette,
+entrepreneur de la manufacture royale des Gobelins. Quittances de sommes
+payées pour pensions et bienfaits accordés par madame du Barry. Ouvrages
+faits à un hôtel, à Versailles, avenue de Paris, et à une maison à
+Saint-Vrain.
+
+9e _liasse_.--Pièces relatives aux locations de baraques, boutiques
+et appentis établis sur la contrescarpe, à Nantes, concédés à madame du
+Barry, pour l'usufruit seulement, sa vie durant, par brevet du roi du
+23 décembre 1769. Compte du sieur Dardel, régisseur, et du sieur
+Couillaud de la Pironnière, receveur du produit desdites boutiques, etc.
+Pièces et plans y relatifs. Baux desdits biens, passés en 1771.
+
+10e _liasse_.--Papiers, mémoires, lettres, relatifs aux dépenses
+faites à la Maison-Rouge, sise commune de Villiers-sur-Orge. Inventaire
+d'effets mobiliers garnissant ladite maison. _Lettres et autres pièces
+de correspondance particulière de madame du Barry, en 1792 et 1793._
+Quittances, reçus de l'année 1793. Contrat du 24 octobre 1775, devant
+Me Deschesnes, notaire à Paris, concernant vente par madame la
+comtesse du Barry à _Monsieur_, frère du roi, d'un grand hôtel sis à
+Versailles, avenue de Paris, moyennant 224,000 liv[161].
+
+Tels sont les papiers remis aux héritiers Gomard. Où sont aujourd'hui
+ces titres, ces lettres de madame du Barry? Que sont-ils devenus? Ils
+ornent probablement la collection de quelque amateur d'autographes[162].
+
+Malgré toutes leurs demandes, ils n'avaient encore rien recueilli de la
+succession de madame du Barry, lorsque fut rendue, le 17 avril 1825, la
+loi d'indemnité des biens des émigrés.
+
+A l'époque de sa mort, madame du Barry ne possédait aucun immeuble, et
+par conséquent ses héritiers n'avaient rien à réclamer de l'indemnité.
+Mais l'on se rappela alors le testament de M. de Brissac, et l'on
+réclama de la famille de Mortemart, héritière du duc, et qui avait une
+part considérable dans la liquidation du milliard d'indemnité,
+l'exécution du legs fait au profit de madame du Barry.
+
+Jusque-là, les héritiers Gomard s'étaient seuls présentés. Mais
+lorsqu'il se fut agi du legs du duc de Brissac, les héritiers _Bécu_,
+c'est-à-dire ceux du côté maternel, vinrent, non-seulement pour entrer
+en partage, mais contestèrent même aux _Gomard_ leur titre d'héritiers
+de madame du Barry.
+
+On a vu qu'une fois riche, madame du Barry n'a jamais cessé de faire du
+bien à sa famille. Elle mit sa mère à l'abri du besoin et fit une
+pension viagère à Rançon, son beau-père, lorsqu'il fut devenu veuf. Les
+frères de sa mère reçurent aussi d'elle des pensions viagères, et elle
+dota leurs filles en leur faisant faire des mariages avantageux. Mais on
+ne voit nulle part qu'elle se soit jamais intéressée aux _Gomard_. D'où
+vient cette différence dans la manière d'agir de madame du Barry à
+l'égard de sa famille? Le procès qui s'est élevé entre les divers
+héritiers va nous en donner l'explication.
+
+Les _Gomard_ appuyaient leurs prétentions à l'héritage de madame du
+Barry sur l'acte de naissance déposé à la paroisse de Saint-Laurent,
+reconnaissant comme père de madame du Barry _Jean-Jacques Gomard de
+Vaubernier_. Les Bécu attaquèrent cet acte comme faux, et présentèrent
+un autre acte de naissance, levé par eux sur les registres de l'état
+civil de la ville de Vaucouleurs, le 25 septembre 1827, constatant que
+madame du Barry était _fille naturelle de Anne Bécu_, et que, par
+conséquent, les héritiers _Gomard_ n'avaient aucun droit dans cette
+succession.
+
+De là, procès entre les deux branches et jugement du tribunal civil de
+première instance de la Seine du 9 janvier 1829, confirmé par arrêt de
+la cour royale de Paris du 22 février 1830, qui donne gain de cause aux
+_Bécu_ et les reconnaît comme seuls héritiers de madame du Barry.
+
+La cause de ce faux acte de naissance s'explique aisément. Madame du
+Barry était la maîtresse du roi. Le mariage lui donnait un nom et allait
+lui permettre d'arriver aux plus grandes faveurs. Mais il fallait un peu
+flatter la vanité des du Barry, et d'ailleurs Louis XV n'aurait-il pas
+eu quelque répugnance à conserver pour maîtresse, quoique comtesse, la
+bâtarde d'une pauvre fille de campagne?
+
+Il est probable que celui qui joua le rôle le plus important dans la
+fabrication de cet acte fut cet _abbé Gomard_, aumônier du roi, qu'on a
+vu déjà figurer à la célébration du mariage de madame du Barry, comme
+fondé de pouvoir de sa mère et de son beau-père. Depuis longtemps cet
+abbé était lié avec Rançon et sa femme, et les pamphlets du temps disent
+qu'il connaissait très-bien le père de madame du Barry: il était, de
+plus, intime avec Lebel, le valet de chambre de Louis XV, et avec le
+comte Jean. On peut donc supposer que ce fut lui qui fit placer dans cet
+acte le nom de son propre frère Jean-Jacques Gomard de Vaubernier, mort
+depuis longtemps, comme père de _Jeanne Bécu_, et en fit ainsi une fille
+légitime[163].
+
+Il est curieux, au reste, d'examiner les transformations que l'on fit
+subir à l'acte primitif que voici:
+
+«Extrait des registres de l'état civil de la ville de Vaucouleurs,
+déposés aux archives du tribunal de première instance séant à
+Saint-Mihiel (Meuse).
+
+»Jeanne, fille naturelle d'Anne Béqus, dit Quantiny, est née le
+dix-neufième aoust de l'an mil sept cent quarante-trois, et a été
+baptisée le même jour. Elle a eu pour parain Joseph Demange, et pour
+maraine Jeanne Birabin, qui ont signé avec moy.
+
+»Les signatures sont ainsi apposées sur l'acte:
+
+»Janne Birabine. L. galon, vic. de Vau.
+
+»Joseph Demange.
+
+Pour copie collationnée sur la seconde minute déposée aux archives.
+
+»Saint-Mihiel, le 25 septembre 1827. Le commis-greffier,
+
+»François.[164]»
+
+D'abord, et c'était la partie essentielle, on donne un père à la fille
+naturelle; et, comme le nom de _Gomard_ tout court est encore bien
+bourgeois, on y ajoute celui de _Vaubernier_. Puis, comme le parrain et
+la marraine doivent être à la hauteur du père de l'enfant, on fait du
+simple Joseph Demange, monsieur Joseph _de Mange_ avec une particule, et
+de Jeanne Birabin, qui, suivant l'usage de la campagne, est appelée la
+Birabine, et signe comme on est dans l'habitude de l'appeler, on fait
+madame _de Birabin_. Enfin, comme il paraîtra plus agréable au roi de
+lui donner pour maîtresse une _demoiselle noble et mineure_ qu'une
+_fille naturelle et majeure_, on retranche trois ans de l'acte primitif,
+et on fait naître madame du Barry le 19 août 1746, au lieu du 19 août
+1743.
+
+Après l'arrêt de la cour royale de Paris, qui frappe de faux l'acte de
+naissance déposé à l'église de Saint-Laurent, et reconnaît les _Bécu_
+comme seuls héritiers de madame du Barry, ceux-ci continuèrent à
+attaquer la famille de Mortemart pour l'exécution du legs de M. de
+Brissac. Le procès dura jusqu'à la fin de 1833. Enfin les héritiers
+_Bécu_ s'entendirent avec la famille de Mortemart sur la somme à
+recevoir; mais elle leur profita peu et fut presque entièrement absorbée
+par les créanciers de madame du Barry et par les frais du procès[165].
+
+Outre les détails généraux qu'on a pu faire connaître grâce à L'analyse
+des diverses pièces indiquées dans ce récit, il en est de particuliers à
+la personne même de madame du Barry, qu'il est bon de rappeler en
+terminant:
+
+1º Madame du Barry était fille naturelle, et son véritable nom était
+_Jeanne Bécu_.
+
+2º A l'époque de son mariage on fit un faux acte de naissance, dans
+lequel on lui donna pour père légitime _Jean-Jacques Gomard de
+Vaubernier_.
+
+3º C'est donc à tort que, dans toutes les biographies, et dans les plus
+récents ouvrages sur l'histoire de France, on lui conserve le nom de
+_Jeanne Gomard de Vaubernier_, et il faut lui rendre son vrai nom de
+_Jeanne Bécu_.
+
+4º Par suite de l'examen de son véritable acte de naissance, on voit que
+madame du Barry avait 26 ans quand elle devint la maîtresse du roi Louis
+XV, et non vingt-trois ans, comme cela semblait résulter du faux acte.
+Elle est, par conséquent, morte sur l'échafaud à l'âge de cinquante ans.
+
+Quant aux sommes que madame du Barry a coûté à la France pour avoir eu
+l'honneur d'être la maîtresse du roi, on peut, d'après l'examen de ces
+mêmes pièces, en faire le relevé suivant:
+
+ 1º Mobilier donné par le roi à madame du Barry, lors de
+ son mariage 30,000 l. »
+
+ 2º Sommes payées pour madame
+ du Barry, par _Baujon_, banquier
+ de la cour, depuis 1769, première
+ année de sa faveur, jusqu'en
+ 1774, année de la mort
+ de Louis XV 6,375,559 l. 11 s. 11 d.
+
+ 3º Pour achat de son hôtel de
+ Versailles, par _Monsieur_, frère
+ du roi, le 24 octobre 1775 224,000 »
+
+ 4º Pour l'échange de 50,000 livres
+ de rente viagère contre
+ 1,250,000 livres, délivrées par
+ le trésor royal par arrêt du roi
+ en avril 1784 1,250,000 »
+
+ 5º Madame du Barry jouit de
+ 150,000 livres de rente viagère
+ sur la ville de Paris, les
+ États de Bourgogne et les loges
+ de Nantes, depuis l'année 1769
+ jusqu'en 1784, ce qui donne un
+ total de 2,400,000 »
+
+ 6º Depuis l'année 1784 jusqu'en
+ 1793, elle n'a plus que 100,000
+ livres de rente viagère, ce qui
+ donne un total de 900,000 »
+
+ 7º La jouissance du château de
+ Louveciennes et de ses nombreuses
+ dépendances; les diverses
+ dépenses faites à
+ l'ancien château et la construction
+ du pavillon, peuvent
+ s'évaluer à un revenu
+ de 50,000 livres de rente,
+ ce qui fait, depuis 1769
+ jusqu'en 1793 1,250,000 »
+
+ Le total général de toutes ces
+ sommes est de 12,429,559 l. 11 s. 11 d.!!!
+
+
+
+
+NOTES.
+
+
+Les trois lettres suivantes nous ont été communiquées par M. Vatel,
+avocat à Versailles. Elles nous ont paru assez intéressantes pour être
+publiées en notes.
+
+
+Nº I.--_Lettre de M. de Brissac à madame du Barry_.
+
+Brissac, ce samedi 5 septembre 1789.
+
+Les courriers ne sont pas assez fréquents, madame la comtesse, il est
+bien vrai; car cette lettre qui partira demain par le Mans, arrivera
+aussitôt que celle d'hier par la levée; mais c'est un plaisir que de
+s'entretenir avec vous qu'il ne faut pas laisser échapper. Oui, l'avenir
+comme le présent est désolant. A moins que la raison, le plus beau de
+l'apanage de l'homme, ne le cède à l'esprit, l'ambition, la vanité, quel
+est l'homme qui ne désire pas le bonheur et la liberté pour lui et les
+autres, a moins qu'il ne soit un forcené? et je vois qu'il y en a trop.
+Mais des personnes agissantes, assez franchement loyales pour concourir
+à l'arrangement avantageux de tous, à ce gros de la nation, dont la
+philosophie parle ainsi que le philosophe, qui par malheur ne connaît ni
+n'a les moyens de lui faire éprouver ce charme du vrai bonheur qu'il
+n'est pas permis a tout le monde de connaître, où sont-ils, ces hommes?
+Bien loin de nous. On ne les écoute pas, ou ils ne parlent pas, ou ils
+n'existent pas. Que de tristesse toutes ces idées procurent! L'amour
+sortant, ou fuyant l'esclavage, n'est pas mon emblème, madame la
+comtesse, quoique ce soit celui de mon âge; il n'en est point, il est
+vrai, si la beauté et la bonté d'accord partagent un sentiment senti par
+un cœur digne de celui qu'il a pu toucher. Mais, par parenthèse, j'ai
+ouï dire du mal de ce tableau, que l'on trouve froid, correct, mais peu
+piquant. Je l'ai un peu pensé comme le critique; mais les détails et le
+fini, ainsi que le coloris, en sont beaux et donneront toujours du
+charme à ce tableau. Pas une dame ne prendra pour elle ces insultes que
+leur fait l'amour, ou plutôt le peintre qui peut être froid, ou son âge
+et ses travaux. Je pense qu'il y a eu fort peu de portraits, surtout de
+madame Lebrun, qui a présenté celui de madame la duchesse d'Orléans.
+Elle est faite pour être généralement aimée et estimée, et peut paraître
+en public en quel temps que ce soit. Le Salon est-il beau? Je crois que
+les campagnards n'auront pas été le voir. D'ailleurs il ne vaut pas la
+peine depuis longtemps de se déplacer.--Je ne crois pas vous avoir dit
+que je mangeais de mauvais pain; je le fais venir du Pont-de-Cé, et il
+est bon, pas très-bien fait, mais mieux qu'ici, où on devrait le manger
+excellent a cause de la beauté et bonté du grain. Notre froment est un
+des plus beaux de la France, sans vouloir néanmoins attaquer et celui de
+Brie, et le bienfait aimable et charmant de vos amies du Pont. Elles
+vous aiment pour vous-même, parce qu'elles vous connaissent bien, et
+qu'alors il est difficile de vous refuser le tribut qu'arrache et
+beauté, _et bonté et douceur, et cette aimable et parfaite égalité
+d'humeur qui fait le charme d'une société habituelle_. Aussi
+auraient-elles voulu vous garder, aussi vous y voudraient-elles; _et moi
+je voudrais également y partager avec vous retraite et solitude, le tout
+bien tranquille_. C'est ainsi que le trouble fait penser l'homme
+raisonnable, qui a reconnu que le plus grand bien à faire est la chose
+la plus difficile, et plus tumultueuse que l'orage, qui ramène si
+souvent et si promptement un beau jour. Je ne vois pas que nous
+avancions en besogne. Hélas! pourvu qu'elle soit faite, terminée, je
+serai content. Je le serai beaucoup aussi, madame la comtesse, quand il
+me sera permis de vous offrir tous mes hommages, tout mon respect et
+tous les sentiments que je vous ai toujours offerts avec joie et
+plaisir.
+
+Vos lettres sont presque toujours sept jours à arriver. Il m'en parvient
+de Paris à deux jours de date; celles de Versailles éprouvent le même
+retard. Mille respectueux hommages a mademoiselle votre belle-sœur.
+
+
+Nº 2.--_Lettre de madame du Barry aux administrateurs du district de
+Versailles_.
+
+Citoyens administrateurs,
+
+La citoyenne de Vaubernier du Barry est très étonnée qu'après toutes les
+promesses qu'elle vous a fournies des raisons qui l'ont forcée d'aller
+en Angleterre, vous l'ayez traitée comme émigrée.--Avant son départ elle
+vous a communiqué la déclaration qu'elle avait faite à sa municipalité;
+vous l'avez enregistrée dans vos bureaux. Vous savez que c'est le
+quatrième voyage qu'elle est obligée de faire, toujours pour le même
+motif.
+
+Elle espère que vous voudrez bien faire lever les scellés qui ont été
+apposés chez elle, contre toute justice, puisque la loi n'a jamais
+défendu de sortir du royaume à ceux que des affaires particulières et
+pressantes appellent en pays étranger. Toute la France est instruite du
+vol qui lui a été fait la nuit du 10 au 11 janvier 1791; que ses voleurs
+ont été arrêtés à Londres; qu'elle y a eu une procédure suivie, dont le
+dernier jugement n'a été rendu que le 28 février dernier, ainsi que
+l'atteste le certificat ci-joint.
+
+Louveciennes, ce 27 mars 1793.
+
+
+Nº 3.--_Lettre de Lavallery, membre du district de Versailles, à madame
+du Barry_.
+
+Citoyenne,
+
+Je me ferai représenter le plus tôt possible votre demande, dont le
+succès ne me paraît pas devoir éprouver de grandes difficultés, vu la
+notoriété du motif de vos absences, si vous avez eu surtout le soin de
+joindre à votre mémoire les pièces justificatives, telles que vos
+passe-ports ou leurs copies certifiées, certificats de résidence, etc.
+_Soyez convaincue que s'il est des occasions où je désire donner du prix
+à mon travail, vous avez droit à les faire naître. Votre sexe vous donne
+le droit de désirer la tranquillité, et votre amabilité_.... Mille
+pardons, citoyenne, un républicain et un inconnu ne doit parler que la
+langue des affaires.
+
+Agréez l'assurance de mon respect et de tout l'intérêt que vous avez
+droit d'inspirer.
+
+LAVALLERY[166].
+
+Versailles, 17 mai (an II de la République).
+
+
+Nº 4.--_Récit de la mort de madame du Barry, extrait du journal_ LA
+NOUVELLE MINERVE, _intitulé_ SOUVENIRS DE LA RÉVOLUTION.
+
+... Arrivé au pont au Change, j'y trouvai une assez grande foule
+rassemblée. Je n'eus pas besoin de demander l'explication de ce
+rassemblement: elle ne se fit pas attendre. J'entendis au loin des cris
+déchirants, et aussitôt je vis sortir de la cour du palais de Justice
+cette fatale charrette que Barrère, dans un de ces accès de gaieté qui
+lui étaient si familiers, avait appelée _la bière des vivants_. Une
+femme était sur cette charrette, qui approcha lentement de l'endroit où
+je m'étais arrêté. Sa figure, son attitude, ses gestes exprimaient le
+désespoir arrivé au plus haut paroxysme. Alternativement d'un rouge
+foncé et d'une pâleur effrayante, se débattant au milieu de l'exécuteur
+et de ses deux aides, qui avaient peine à la maintenir sur son banc, et
+poussant de ces cris affreux que je disais tout à l'heure, elle
+invoquait tour à tour leur pitié et celle des assistants. C'était madame
+du Barry que l'on conduisait au supplice. Revenue de Londres cinq ou
+six jours auparavant pour retirer de son château de Louveciennes des
+bijoux de prix qu'elle y avait cachés en partant pour l'émigration, elle
+avait été dénoncée le soir même de son arrivée, par son nègre favori,
+Zamor, gardien du château en son absence, et traduite au tribunal
+révolutionnaire[167]. Agée alors de quarante-deux à quarante-trois ans
+seulement, sa figure, malgré la terreur profonde qui en altérait les
+traits, était encore remarquablement belle[168]. Entièrement vêtue de
+blanc, comme Marie-Antoinette qui l'avait quelques semaines auparavant
+précédée sur la même route, ses cheveux du plus beau noir formaient un
+contraste pareil à celui que présente le drap funéraire jeté sur un
+cercueil. Coupés sur la nuque, ainsi que cela se pratique en pareil cas,
+ceux de devant étaient ramenés à chaque instant sur le front par ses
+mouvements désordonnés, et lui cachaient une partie du visage. «Au nom
+du ciel, mes amis, s'écriait-elle au milieu des sanglots et des larmes,
+au nom du ciel, sauvez-moi, je n'ai jamais fait de mal à personne;
+sauvez-moi.»
+
+La frayeur délirante de cette malheureuse femme produisait une telle
+impression parmi le peuple, qu'aucun de ceux qui étaient venus là pour
+insulter à ses derniers moments ne se sentit le courage de lui adresser
+une parole d'injure. Autour d'elle tout semblait stupéfié, et l'on
+n'entendait d'autres cris que les siens; mais ces cris étaient si
+perçants qu'ils auraient, je n'en doute pas; dominé ceux de la
+multitude, si elle en eût proféré. J'ai dit tout à l'heure, je crois,
+que personne ne s'était senti le courage de l'injurier. Si fait. Un
+homme, un seul, vêtu avec une certaine recherche, éleva la voix au
+moment où la charrette passant vis-a-vis de moi, la patiente, toujours
+s'adressant au peuple, s'écriait: «La vie! la vie! qu'on me laisse la
+vie, et je donne tous mes biens à la nation.»--«Tu ne donnes à la nation
+que ce qui lui appartient, dit cet homme, puisque le tribunal vient de
+les confisquer, tes biens.» Un charbonnier, qui était placé devant lui,
+se retourne et lui donne un soufflet. J'en éprouvai un sentiment de
+plaisir.
+
+On sait que pendant toute la route elle continua à pousser les mêmes
+cris, et à s'agiter dans des convulsions frénétiques pour fuir la mort
+qui déjà l'avait saisie; aussi, on sait qu'arrivée à l'échafaud il
+fallut user de violence pour l'attacher à la fatale planche, et que ses
+derniers mots furent ceux-ci: «Grâce! grâce! monsieur le bourreau!
+Encore une minute, monsieur le bourreau! encore... et tout fut dit.»
+
+Jamais la terreur ne fut portée à une si haute expression, et madame du
+Barry est la seule femme qui ait offert un spectacle aussi déchirant.
+Toutes les autres femmes victimes de nos discordes civiles ont montré a
+ce moment suprême autant de calme que de courage, et plus d'une a
+raffermi le courage de ses compagnons d'infortune.
+
+
+Nº 5.--_Bibliothèque de madame du Barry_.
+
+La bibliothèque de la ville de Versailles renferme cent quarante-deux
+ouvrages ayant appartenu à madame du Barry, et formant trois cent
+quatre-vingts volumes. Presque tous ces volumes sont reliés en maroquin
+rouge, dorés sur tranches et portent sur le plat des deux côtés les
+armes de la comtesse avec la fameuse devise _Boutez en avant_, qui donna
+lieu dans le temps à tant de commentaires ironiques. La date de leur
+impression ne dépasse pas l'année 1774. Plusieurs sont reliés en
+maroquin vert et portent les mêmes ornements que les rouges. Ils
+paraissent provenir de cadeaux. Il est bien probable que ces livres
+faisaient partie de la bibliothèque des appartements de madame du Barry
+au château de Versailles, où ils sont sans doute restés jusqu'à la
+révolution. D'autres volumes, beaucoup moins bien reliés que les
+précédents et portant les armes de la comtesse sur le dos, font aussi
+partie de cette collection; mais la date de leur impression est
+postérieure à l'année 1774, et ils proviennent de son habitation de
+Louveciennes.
+
+Beaucoup de ces ouvrages sont des œuvres littéraires; mais en
+parcourant leurs titres et en y retrouvant la plupart des productions
+futiles et licencieuses d'une partie de la littérature du dix-huitième
+siècle, on pourra juger, sans en être surpris, du goût qui a présidé à
+la composition de cette bibliothèque.
+
+Presque tous les exemplaires venant de la bibliothèque de madame du
+Barry, outre leurs jolies reliures, sont surtout remarquables par la
+beauté de l'exécution typographique. On peut citer sous ce rapport les
+_Baisers_, de Dorat, charmant exemplaire orné de figures exécutées par
+Eisen, d'un fini extrême, mais d'une très-grande indécence. Au reste,
+plusieurs des ouvrages de cette collection, et particulièrement les
+romans de Crébillon fils, sont accompagnés de gravures fort
+licencieuses.
+
+Parmi les divers ouvrages dont nous donnons la liste, on en doit
+particulièrement signaler quatre comme se rapportant à la personne même
+de madame du Barry, par les dédicaces adulatrices qui lui sont
+adressées.
+
+Le premier porte pour titre: _le Royalisme, ou Mémoires de du Barry de
+Saint-Aunet et de Constance de Cézelli, sa femme. Anecdotes héroïques
+sous Henri IV_, par M. de Limairac.--La plupart des exemplaires de cet
+ouvrage ne portent aucun nom d'auteur. Dans celui-ci, le nom de l'auteur
+se trouve non seulement à la suite du titre, mais encore au bas de
+l'épître dédicatoire. Cet exemplaire a certainement été offert par
+l'auteur à la comtesse; le choix de l'exemplaire et sa magnifique
+reliure en maroquin rouge, toute couverte de dorures, en sont la preuve.
+Au-dessus de l'épître dédicatoire sont gravées les armes de madame du
+Barry, et de chaque côté deux levrettes enchaînées. Voici cette épître:
+
+
+
+_A madame la comtesse du Barry._
+
+Madame,
+
+Daignez accueillir avec bonté un hommage public de sentiment et de
+reconnaissance. Le zèle seul m'a dicté ce petit ouvrage; seul il ose
+vous l'offrir. Je sens qu'il est capable d'égarer dans une carrière qui
+demande des talents, mais j'espère, madame, que vos suffrages
+suppléeront à la médiocrité des miens. Les traits que je développe dans
+cet essai le rendent digne de paraître sous vos auspices. Ils sont tous
+puisés _dans votre maison_; ils retracent la fidélité la plus héroïque
+de deux sujets pour le roi. Trop heureux si vous voulez bien me
+pardonner une entreprise au-dessus de mes forces, en faveur du motif qui
+me l'a inspirée.
+
+Je suis avec un profond respect, madame, votre très-humble et
+très-obéissant serviteur.
+
+DE LIMAIRAC.
+
+
+Le second est un _Almanach de Flore_, pour 1774. C'est un recueil de
+quarante-huit fleurs gravées et coloriées. Au-dessous de chaque fleur se
+trouve une devise et derrière un horoscope. Ces devises et ces
+horoscopes sont divisés en séries de numéros, applicables à une
+demoiselle, à un garçon, à une femme mariée, à un homme marié, à une
+veuve et à un veuf. L'auteur était un capitaine d'infanterie nommé
+Douin, né à Versailles.
+
+La beauté des dorures de ce petit volume, relié en maroquin rouge, fait
+présumer que c'est encore un cadeau offert à madame du Barry. Après le
+titre sont placées deux gravures en rouge. L'une représente un tournesol
+regardant le soleil avec cette devise.
+
+ L'astre est constant,
+ La fleur fidèle;
+
+allégorie se rapportant aux amours du roi et de la comtesse. L'autre
+offre le portrait de madame du Barry. Au-dessous sont deux flèches
+croisées avec un cœur et les vers suivants:
+
+ _A la plus belle_.
+
+ Je dormais; le Maître des dieux
+ Me dit: «Je sais ce que tu veux;
+ Choisis ou déesse, ou mortelle,
+ Pour lui consacrer tes couplets.»
+ Quoi, lui dis-je, une bagatelle!
+ «Ne crains rien: je te le permets.»
+ Je choisirai donc la plus belle.
+
+Le troisième ouvrage est intitulé _Contes moraux et nouvelles idylles de
+D... et Salomon Gessner_.--Les contes sont de Diderot, et la traduction
+des idylles de Gessner est de Meister, qui fut secrétaire de Grimm.
+
+Le traducteur dont le nom ne parut pas sur cette édition ne voulut
+cependant pas le laisser ignorer de madame du Barry, et dans
+l'exemplaire qu'il lui adressa, il ajouta une épître dédicatoire signée
+de lui. Cette épître, écrite par un habile calligraphe, est ainsi
+conçue:
+
+ De la beauté, les talents et les arts
+ Chérissent tous l'aimable empire.
+ Que l'églogue au naïf sourire
+ Arrête un instant vos regards!
+ Comme vous, belle sans parure,
+ Elle doit tout aux mains de la nature.
+ Comme vous elle a quelquefois,
+ Sous l'air d'une simple bergère,
+ Charmé les héros et les rois,
+ Même les dieux. Apollon, pour lui plaire,
+ Vint oublier l'Olympe à l'ombre de ces bois.
+ Quel dieu pour vous ne l'oublierait de même,
+ Si de l'amour la puissance suprême
+ Vous permettait encore un choix?
+
+Je suis avec le plus profond respect, madame, votre très-humble et
+très-obéissant serviteur.
+
+MEISTER.
+
+Enfin le quatrième est un recueil contenant deux opéras comiques: _les
+Étrennes de l'Amour_ et _le Nouveau Marié_, dont les paroles sont de
+Cailhava. En envoyant cet exemplaire à madame du Barry, l'auteur écrivit
+sur la première page les vers suivants:
+
+ _A madame la comtesse du Barry._
+
+ Transporté par un songe au haut de l'Empyrée,
+ J'ai cru voir cette nuit la belle Cythérée,
+ L'aimable Hébé, le dieu qù'invoquent les amants.
+ La tendre Volupté, les Grâces, les Talents,
+ Qui d'un air satisfait parcouraient mon ouvrage.
+ Un sourire flatteur m'annonçait leur suffrage.
+ J'ai redouté leur fuite à l'instant du réveil;
+ Mais je les vois encor, ce n'est pas un mensonge:
+ Un seul de vos regards réalise mon songe,
+ Et j'étais moins heureux dans les bras du sommeil.
+
+Voici maintenant la liste générale des ouvrages ayant appartenu à madame
+du Barry, et possédés aujourd'hui par la bibliothèque de la ville de
+Versailles:
+
+_Grammaire générale et raisonnée_, par Cl. Lancelot et Ant. Arnaud, avec
+des notes par Duclos. Paris, Prault, 1754, 1 vol. in-12.
+
+_Abrégé du Dictionnaire universel français et latin, vulgairement appelé
+Dictionnaire de Trévoux_, par Berthelin. Paris, les libraires associés,
+1762, 3 vol. in-4º.
+
+_Les Œuvres de Clément Marot_, de Cahors, valet de chambre du roi,
+revues et augmentées de nouveau. La Haye, Moetgens, 1714, 2 vol. in-12.
+
+_Les Œuvres de François Villon_, avec les notes de Clément Marot et les
+poésies de Jean Marot et de Michel Marot. Paris, Constelier, 1723, 2
+vol. petit in-8º.
+
+_Les Métamorphoses d'Ovide_, traduites en français, avec des remarques
+et des observations historiques, par l'abbé Banier, nouvelle édition, 2
+tomes en 1 volume. Paris, Nyon, 1738, in-4º, avec figures, par Humblot.
+
+_Satires et autres Œuvres de Regnier_, accompagnées de remarques
+historiques de Cl. Brossette. Nouvelle édition considérablement
+augmentée, par Lenglet du Fresnoy. Londres, Tonson, 1733, grand in-4º,
+belle édition dont les pages sont entourées de cadres rouges.
+
+_L'Arcadie de Sannazar_, traduite de l'italien, par Pecquet. Paris,
+Nyon, 1737, 1 vol. in-12.
+
+_Recueil de traductions_ en vers français, contenant le poëme de
+Pétrone, deux épîtres d'Ovide et le _Pervigilium Veneris_, avec des
+remarques par le président Bouhier. Paris, compagnie des libraires,
+1738, 1 vol. in-12.
+
+_Les Poésies du roi de Navarre_, avec des notes et un glossaire
+français, précédées de l'histoire des révolutions de la langue française
+depuis Charlemagne jusqu'à saint Louis, d'un discours sur l'ancienneté
+des chansons françaises et de quelques autres pièces, par Levesque de la
+Revallière. Paris, Guérin, 1742, 2 vol. in-12.
+
+_Œuvres de madame et de mademoiselle Deshoulières_, nouvelle édition.
+Paris, les libraires associés, 1754, 2 vol. in-12.
+
+_La Colombiade, ou la Foi portée au nouveau monde_, poëme, par madame
+Dubocage. Paris, Desaint, 1756, 1 vol. in-8º orné de jolies vignettes.
+
+_L'Art d'aimer et le remède d'amour_, traduction d'Ovide, par l'abbé de
+Marolles. Amsterdam, 1757, 1 vol. in-12 avec des figures, par Vanloo et
+Eisen.
+
+_Œuvres de l'abbé de Chaulieu_, nouvelle édition, par de Saint-Marc.
+Paris, David, 1757, 2 vol. in-12.
+
+_Le Conte du Tonneau_, par le fameux docteur Swift, traduit de
+l'anglais. La Haye, H. Scheurleer, 1757, suivi du _Traité des
+dissensions entre les nobles et le peuple dans les républiques d'Athènes
+et de Rome_, etc. _L'Art de ramper en poésie et l'Art du mensonge
+politique_, par le même, 3 vol. in-12.
+
+_Å’uvres de M. le marquis de Ximenez, ancien mestre de camp de
+cavalerie_, nouvelle édition. Paris, 1772.--Ce volume contient encore:
+_Amalazonte_, tragédie du même auteur. Paris, Jarry, 1758, 1 vol. in-8º,
+relié en maroquin vert avec de nombreuses dorures; c'est probablement un
+cadeau.
+
+_L'Univers perdu et reconquis par l'Amour_, suivi d'_Iphis et Amarante,
+ou l'Amour vengé_, par de Carné. Amsterdam, 1758, 1 vol. in-8º.
+
+_Poésies de Haller_, traduites de l'allemand, par Tscharner, édition
+retouchée et augmentée. Berne, soc. typog., 1760, 2 vol. in-12.
+
+_Poésie du philosophe de Sans-Souci_, nouvelle édition. Sans-Souci,
+1760, 2.vol. in-12.
+
+_Le Trésor du Parnasse, ou le plus joli des recueils_, par Couret de
+Villeneuve et Berenger. Londres, 1762, 6 vol. in-12.
+
+_La Farce de maistre Pierre Pathelin, avec son Testament à quatre
+personnages_. Paris, Durand, 1762, 1 vol. petit in-8º.
+
+_Œuvres diverses de Desmahis_. Genève, 1763, 1 vol. in-12.
+
+_Le Hasard du coin du feu_, dialogue moral par Crébillon fils. La Haye,
+1763, 1 vol. in-12.
+
+_L'Iliade d'Homère_, traduite en vers, avec des remarques, par de
+Rochefort. Paris, Saillant, 1766, 2 vol. in-8º.
+
+_La Pharsale de Lucain_, traduite en français par Marmontel. Paris,
+Merlin, 1766, 2 vol. in-8º, avec des figures, par Gravelot.
+
+_Roman comique_, par Scarron, nouvelle édition. Amsterdam, comp. des
+libraires, 1766, 3 vol. in-12.
+
+_Traité de la prosodie française_, par l'abbé d'Olivet. Paris, Barbou,
+1767.--Dans le même volume se trouve: _Remarques sur Racine_, par l'abbé
+d'Olivet. Paris, Barbou, 1766, 1 vol. in-8º.
+
+_Œuvres complètes de M. le c. de B..._ (le cardinal de Bernis),
+dernière édition. Londres, 1767, deux tomes dans 1 volume in-12.
+
+_Å’uvres de S. Gessner_, traduites de l'allemand, par Huber. Zurich,
+Orel, 1768, 2 vol. in-12.
+
+_Essais de Montaigne_, avec les notes de Coste, nouvelle édition.
+Londres, Nourse, 1769, 10 vol. in-12.
+
+_Le Messie_, poëme en dix chants, traduit de l'allemand, de Klopstock,
+par d'Antelmy, Junker et autres. Paris, Vincent, 1769, 2 vol. in-12.
+
+_Narcisse dans l'île de Vénus_, poëme en quatre chants, par Malfilâtre.
+Paris, Lejay, 1769, 1 vol. in-8º orné d'un frontispice par Eisen, et de
+figures par Saint-Aubin.
+
+_La Peinture_, poëme en trois chants, par Lemierre. Paris, Jay, 1769, 1
+vol. in-4º.--Au frontispice est un portrait du grand Corneille. Les
+figures sont de Cochin.
+
+_Les Nuits d'Young_, suivies des œuvres diverses du même auteur,
+traduites de l'anglais par Letourneur, deuxième édition. Paris, Lejay,
+1769, 4 vol. in-8º avec figures par Eisen.
+
+_Les Grâces_, précédées d'une dissertation par l'abbé Massieu, et
+suivies d'un discours par le P. André; recueil publié par de Querlon.
+Paris, Prault, 1769, 1 vol. in-8º avec figures, de Boucher et de Moreau
+jeune.
+
+_Les Quatre parties du jour_, poëme traduit de l'allemand de Zacharie,
+par Millier. Paris, Musier, 1769, 1 vol. in-8º avec de charmantes
+figures par Eisen.
+
+_Les Éléments_, poëme par Delavergue. La Haye, Gosse, 1770, 1 vol.
+in-8º.
+
+_La Récréation des honnêtes gens, ou Opuscules en vers_, par M. de la
+M... Amsterdam et Paris, Fétil, 1770, 1 vol. in-8º, relié en maroquin
+vert.
+
+_Les Baisers_, précédés du _Mois de mai_, poëme par Dorat. La Haye et
+Paris, Lambert, 1770, 1 vol. in-8º.
+
+_Jérusalem délivrée_, poëme héroïque du Tasse, traduit en français par
+Mirabaud. Paris, Barrais, 1771, 2 vol. in-12.
+
+_Le Bonheur_, poëme en six chants avec des fragments de quelques
+épîtres, ouvrages posthumes d'Helvétius. Londres, 1772; précédé d'une
+_Vie d'Helvétius_, par Saint-Lambert, 1 vol. in-8º, relié en maroquin
+vert. Les armes de la comtesse sont sur le plat avec la devise _Boutez
+en avant_ au-dessus.
+
+_Contes moraux et Nouvelles idylles_ de D... (Diderot) et Salomon
+Gessner, traduites par Meister. Zurich, 1773, 1 vol. in-4º.
+
+_Almanach des trois règnes_, en huit parties: première partie, _Almanach
+de Flore_, 1774, gravé et orné de plus de cinquante planches en
+taille-douce, dessinées et coloriées d'après nature avec le plus grand
+soin, contenant quarante-huit devises et autant d'horoscopes pour tous
+les états et tous les âges. Les paroles sont de Douin, capitaine
+d'infanterie; les fleurs dessinées et gravées par Chevalier, lieutenant
+d'infanterie, le texte gravé par Drouet, ancien soldat d'infanterie.
+Versailles, Blaizot, 1774, 1 vol. in-24.
+
+_Les Comédies de M. Marivaux_, jouées sur le théâtre de l'hôtel de
+Bourgogne par les comédiens ordinaires du roi. Paris, Briasson, 1732, 2
+vol. in-12.
+
+_Recherches, sur les théâtres de France depuis l'année_ 1161 _jusqu'à
+présent_, par de Beauchamps. Paris, Prault, 1735, 3 vol. in-8º.
+
+_Réflexions historiques et critiques sur les différents théâtres de
+l'Europe, avec les pensées sur la déclamation_, par Louis Riccoboni.
+Paris, Guérin, 1738, 1 vol. in-8º.
+
+_Tragédies-opéras_ de l'abbé Metastasio, traduites en français par M.
+C.-P. Richelet. Vienne, 1751, 12 vol. in-12.
+
+_Œuvres de théâtre_ de MM. Brueys et Palaprat. Paris, Briasson, 1755, 5
+vol. in-12.
+
+_Choix de petites pièces du théâtre anglais_ par Dodsley et Gay,
+traduites des originaux par Patu. Paris, Prault, 1756, 2 vol. in-12.
+
+_Œuvres dramatiques_ de Néricault-Destouches, nouvelle édition. Paris,
+Prault, 1758, 10 vol. in-12.
+
+_Œuvres_ d'Alexis Piron, avec figures en taille douce d'après les
+dessins de Cochin. Paris, Duchesne, 1758, 3 vol. in-12.
+
+_Le Théâtre_ de Baron. Paris, les libraires associés, 1759, 3 vol.
+in-12.
+
+_Les Œuvres de théâtre_ de Dancourt, nouvelle édition. Paris, les
+libraires associés, 1760, 12 vol. in-12.
+
+_Le Prix de la beauté, ou les Couronnes_, pastorale en trois actes et un
+prologue, avec des divertissements sur des airs choisis et nouveaux, par
+Goudot. Paris, Delormel, 1760, vol. in-4º.
+
+_Œuvres_ de M. Nivelle de la Chaussée, nouvelle édition, publiée par
+Sablier. Paris, Prault, 1762, 2 vol. 12.
+
+Recueil contenant: 1º _les Étrennes de l'Amour_, comédie-ballet en un
+acte; 2º _le Nouveau Marié_, opéra-comique en un acte par Cailhava.
+Paris, Lejay et Duchesne, 1769-1770, 1 vol. in-8º.
+
+_Fables allemandes et contes français en vers_, avec un _Essai sur la
+Fable_, par du Coudray. Paris, Jarry, 1770, 1 vol. in-8º.
+
+_Les Chefs-d'œuvre_ de Pierre et de Thomas Corneille, nouvelle édition,
+avec _les Commentaires_ de Voltaire. Paris, libraires associés, 1771, 3
+vol. in-12.
+
+_Théâtre des Grecs_ par le P. Brumoy, nouvelle édition enrichie de
+très-belles gravures et augmentée de la traduction entière des pièces
+grecques dont il n'existe que des extraits dans toutes les éditions
+précédentes, et de comparaisons, d'observations et de remarques
+nouvelles, par MM. de Rochefort et Dutheil. Paris, Cussac, 1785, 13 vol.
+in-4º, reliés en maroquin rouge, avec armes sur le dos.
+
+_Les Aventures de Télémaque, fils d'Ulysse_, par François de Salignac de
+la Motte-Fénelon, nouvelle édition. Paris, Estienne, 1730, deux tomes en
+1 volume in-4º, édition médiocre, ornée de figures par Coypel, Souville,
+Cazes et Humblot.
+
+_Le Marquis de Chavigny_, par Boursault. Paris, Nyon, 1739, 1 vol.
+in-12.
+
+_Le Prince de Condé_, par Boursault. Paris, Nyon, 1739. Dans le même
+volume: _Ne pas croire ce qu'on voit_, histoire espagnole par Boursault.
+Paris, Lebreton, 1739, 1 vol. in-12.
+
+_Œuvres de Maître François Rabelais_, avec des remarques historiques et
+critiques de le Duchat, nouvelle édition ornée de figures, par Picart.
+Amsterdam, J. Bernard, 1741, 3 vol. in-4º.
+
+_Tanzaï et Néadarné_, histoire japonaise, par Crébillon fils, Pékin,
+1743, 2 vol. in-18, avec figures licencieuses.
+
+_Amours de Théagène et de Chariclée_, histoire éthiopique. Londres, 2
+vol. petit in-8º, avec figures, dont quelques-unes sont assez
+licencieuses.
+
+_Les Malheurs de l'Amour_, par la marquise de Tencin et Pont-de-Vesle.
+Amsterdam et Paris, Prault, 1746, deux parties en 1 vol. in-12.
+
+_Lettres de la marquise de M*** au comte de R***_, par Crébillon fils.
+La Haye, Scheurser, 1746, 1 vol. in-12.
+
+_Histoire amoureuse des Gaules_, par le comte de Bussi-Rabutin, 1754, 5
+vol. in-12.
+
+_Mémoires et Œuvres de madame Staal_. Londres, 1755, 4 vol. in-12.
+
+_Histoire d'Emilie Montayne_, par l'auteur de _Julie Mondeville
+(Mistriss Brooke)_, traduite de l'anglais, par Robinet, 4 tomes en 2
+vol. in-12.
+
+_Mémoires et Aventures d'un homme de qualité qui s'est retiré du monde_,
+par l'abbé Prévost. Amsterdam, Arkstée, 1759, 3 vol. in-12.
+
+_Mémoires du comte de Grammont_, par le comte A. Hamilton, 1760, 2 vol.
+in-12.
+
+_Les Amours d'Ismène et d'Isménius_, par M. de Beauchamps. La Haye,
+1743.--Dans le même volume se trouve: _Acajou et Zirphile_, conte, par
+Duclos, Minutie, 1761, 1 vol. in-12, avec figures.
+
+_Amélie_, roman de Fiedling, traduit de l'anglais, par madame Riccoboni.
+Paris, Brocas, 1762, 3 vol. in-12.
+
+_Lettres de milady Julliette Catesby à milady Henriette Campley, son
+amie_, par madame Riccoboni. Amsterdam, 1762, 1 vol. in-12.
+
+_Histoire de miss Jenny_, écrite et envoyée par elle à milady comtesse
+de Roscomond, par madame Riccoboni. Paris, Brocas, 1764, 2 vol. in-12.
+
+_La Nouvelle Héloïse, ou Lettres de deux amants habitants d'une petite
+ville au pied des Alpes_, recueillies et publiées par Jean-Jacques
+Rousseau, nouvelle édition. Neufchâtel et Paris, Duchesne, 1764, 4 vol.
+in-12 avec figures, par Gravelot.
+
+_Contes moraux_, par Marmontel. Paris, Merlin, 1765, 3 vol. in-12, avec
+le portrait de l'auteur, par Cochin, et ornés de figures par Gravelot.
+
+_Histoire de M. le marquis de Cressy_, par madame Riccoboni. Paris,
+Humblot, 1766, 1 vol. 12.
+
+_Contes de Guillaume Vadé_, 1768, 1 vol. in-8º.
+
+_Histoire d'Hippolyte, comte de Douglas_, par madame d'Aulnoy.
+Amsterdam, Lhonoré, 1769, deux tomes en 1 vol. in-12.
+
+_Télèphe_, en douze livres. Londres et Paris, Pissot, 1784, par
+Pechméja, 1 vol. in-8º relié en maroquin rouge, les armes sur le dos.
+
+_Voltariana, ou Éloges amphigouriques_ de F.-M. Arouet, sieur de
+Voltaire, discutés et décidés pour sa réception à l'Académie française,
+par Travenol et Mannory. Paris, 1748, 1 vol. in-8º.
+
+_Lettres de Rousseau, sur différents sujets de littérature._ Genève,
+Barillot, 1750, 5 vol. in-12.
+
+_Essai historique et philosophique sur le goût_, par Cartaud de la
+Vilale. Londres, 1751, 1 vol. in-12.
+
+_Considérations sur les ouvrages d'esprit_, par Chicaneau de Neuville.
+Amsterdam, 1758, 1 vol. in-12.
+
+_Le Chef-d'œuvre d'un inconnu_, poëme heureusement découvert et mis au
+jour, avec des remarques savantes et recherchées, par le docteur
+Chrysostome Matanasius, par Saint-Hyacinthe, aidé de S'gravesande,
+Sallengre, Prosper Marchand et autres. On trouve de plus une
+Dissertation sur Homère et sur Chapelain, par Van Effen; deux Lettres
+sur des Antiques; la préface de Cervantes, sur l'histoire de don
+Quichotte de la Manche; la déification d'Aristarchus Masso, et plusieurs
+autres choses non moins agréables qu'instructives, neuvième édition.
+Lausanne, Bousquet, 1758, 2 vol. in-12.
+
+_Pensées de Pascal sur la religion et sur quelques autres sujets._
+Paris, Desprez, 1761, 1 vol. in-12.
+
+_Recueil de Lettres_ de madame la marquise de Sévigné à madame la
+comtesse de Grignan, sa fille. Paris, Compagnie des libraires, 1763, 8
+vol. in-12.
+
+_Lettres secrètes de M. de Voltaire_, publiées par L.-B. Robinet.
+Genève, 1765, 1 vol. in-8º.
+
+_Pensées de milord Bolingbroke_, sur différents sujets d'histoire, de
+philosophie, de morale, etc., recueillies par Prault. Paris, Prault,
+1771, 1 vol. in-12.
+
+_Les Loisirs d'un ministre, ou Essais dans le goût de ceux de Montagne_,
+composés en 1736, par le marquis d'Argenson. Liége, Plomteux, 1787, 2
+vol. in-8º, reliés en veau vert avec armes sur le dos.
+
+_Œuvres du Philosophe de Sans-Souci_, au Donjon du Château, 1750, 3
+vol. in-8º.
+
+_Œuvres de Saint-Évremont_, avec la vie de l'auteur, par des Maileaux,
+1753, 11 vol. in-12.
+
+_Å’uvres de madame la marquise de Lambert._ Paris, Ganeau, 1761, 2 vol.
+in-12.
+
+_Œuvres diverses de J. J. Rousseau._ Neufchâtel, 1764, 8 vol. in-12. Le
+premier volume est orné d'un frontispice par Gravelot, et d'un portrait
+de J. J. Rousseau par Delatour.
+
+_Plaidoyer_ pour et contre J. J. Rousseau et le docteur D. Hume,
+l'historien anglais, avec des anecdotes intéressantes relatives au
+sujet; ouvrage moral et critique, pour servir de suite aux œuvres de
+ces deux grands hommes, par Bergerat. Paris, Dufour, 1768, 1 vol. in-12.
+
+_Les Œuvres de l'abbé de Saint-Réal_, nouvelle édition. Libraires
+associés, 8 vol. in-12.
+
+_Œuvres posthumes de Frédéric II_, roi de Prusse. Berlin, Woss et
+Decker, 1788, 15 vol. in-8º, reliés en maroquin fauve avec armes sur le
+dos.
+
+_Divers Éloges_, par Thomas. Paris, Regnard, 1763-1773, 1 vol. in-8º.
+
+_La Muse historique, ou Recueil de Lettres en vers_, contenant les
+nouvelles du temps, écrites à S. A. marquise de Longueville, par le
+sieur Loret. Paris, Ch. Chenault, de 1650 à 1664, 5 vol. in-fol.--Les
+lettres du 1er janvier 1665 au 28 mars de la même année sont
+manuscrites, et copiées par de la Rue, en 1771.
+
+_Anecdotes ecclésiastiques_, tirées de l'_Histoire du royaume de
+Naples_, de Giannone, par Jacques Vernet. Amsterdam, Catuffe, 1753, 1
+vol. petit in-8º.
+
+_Abrégé chronologique de l'Histoire des Juifs_, par Charbuy. Paris,
+Chaubert, 1 vol. in-8º.
+
+_Lettres sur l'Egypte_, par Savary. Paris, Onfroy, 1785, 3 vol. in-8º,
+avec armes sur le dos.
+
+_Histoire ancienne des peuples de l'Europe_, par le comte de Buat.
+Paris, Desaint, 1772, 12 vol. in-12, avec armes sur le dos.
+
+_Mémoires de la cour de France_, pour les années 1688 et 1689, par
+madame la comtesse de la Fayette. Amsterdam, Bernard, 1731, 1 vol.
+in-12.
+
+_Histoire de la vie et du règne de Louis XIV_, par Bruzen de la
+Martinière. La Haye, Venduren, 1740, 2 vol. in-4º.
+
+_Histoire de madame de Luz_, anecdote du règne de Henri IV, par Duclos.
+La Haye, de Hondt, 1744, deux parties en 1 vol. in-12. Histoire plus que
+galante.
+
+_Histoire politique du siècle_, par Maubert de Gouvest. Londres, 1754, 2
+vol. in-12.
+
+_Histoire du règne de Louis XIII_, par le P. Griffet. Paris, Libraires
+associés, 1758, 2 vol. in-4º.
+
+_Les Amours de Henri IV, roi de France_, avec ses lettres galantes à la
+duchesse de Beaufort et à la marquise de Verneuil. Amsterdam, 1765, deux
+parties en 1 vol. in-12.
+
+_Dictionnaire géographique et portatif de la France_, par le P.
+Dominique Magnan. Paris, Desaint, 1765, 4 vol. in-8º.
+
+_Les Soirées helvétiennes, alsaciennes et francomtoises_, par le marquis
+de Pezay. Amsterdam, Paris, Delalain, 1771, 1 vol. in-8º.
+
+_Usages et Mœurs des Français_, par Poullin de Lumina. Lyon, Berthaud,
+1769, 1 vol. in-12.
+
+_Le Royalisme, ou Mémoires de du Barry de Saint-Aunez et de Constance de
+Cézelli, sa femme_, anecdotes héroïques sous Henri IV, par de Limairac.
+Paris, Valade, 1770, 1 vol. in-8º.
+
+_Histoire de la vie privée des Français, depuis l'origine de la nation
+jusqu'à nos jours_, par Legrand d'Aussy. Paris, Pierres, 1782, 3 vol.
+in-8º, reliés en maroquin rouge, armes sur le dos.
+
+_Lettres du baron de Busbec_, ambassadeur de Ferdinand 1er, roi des
+Romains, auprès de Soliman II, empereur des Turcs, etc., traduites en
+français, avec des notes historiques et géographiques, par l'abbé Defoy.
+Paris, Bauche, 1748, 3 vol. in-12.
+
+_Histoire abrégée de la vie d'Éléonore-Marie, archiduchesse d'Autriche_,
+etc., par N. Frizon. Nancy, Cusson, 1725, 1 vol. in-8º.
+
+_Les Fastes du royaume de Pologne et de l'empire de Russie_, par
+Constant Dorville. Paris, Costard, 1769, 2 vol. in-8º.
+
+_Histoire de l'Afrique et de l'Espagne sous la domination des Arabes_,
+par Cardonne. Paris, Saillant, 1765, 3 vol. in-12.
+
+_Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce
+des Européens dans les deux Indes_, par Guillaume-Thomas Raynal.
+Neufchâtel, Libraires associés, 1783, 10 vol. in-8º, reliés en maroquin
+vert, armes sur le dos.
+
+_Monuments de la mythologie et de la poésie des Celtes, et
+particulièrement des anciens Scandinaves_, pour servir de supplément et
+de preuves à l'introduction à l'histoire du Danemark, par Mallet.
+Copenhague, Philibert, 1756, 1 vol. in-4º.
+
+_Histoire de l'Académie française_, par Pellisson et d'Olivet, troisième
+édition. Paris, Coignard, 1743, 2 vol. in-12.
+
+_Tablettes dramatiques_, contenant l'abrégé de l'histoire du théâtre
+français, l'établissement des théâtres à Paris, un dictionnaire des
+pièces et l'abrégé de l'histoire des auteurs et des acteurs, par le
+chevalier de Mouy. Paris, Jarry, 1752, 1 vol. petit in-8º.
+
+_Histoire et commerce des Antilles anglaises_, par Butel-Dumont, 1 vol.
+in-12.
+
+_Correspondance secrète, politique et littéraire, ou Mémoires pour
+servir à l'Histoire des cours, des sociétés et de la littérature en
+France, depuis la mort de Louis XV_, 1789, 1790, par Métra et autres, 14
+vol. in-12, reliés en veau vert, les armes sur le dos. On est d'autant
+plus étonné de trouver cet ouvvage parmi les livres de madame du Barry,
+qu'elle y est fort maltraitée.
+
+_Dictionnaire de littérature_, par l'abbé Sabatier de Castres. Paris,
+Vincent, 1770, 3 vol. in-8º.
+
+_Recueil d'anecdotes_, par madame de Laisse. Amsterdam, 1773, 1 vol.
+in-12.
+
+_Principes du droit politique_, par Burlamaqui. Amsterdam, Châtelain,
+1751, deux tomes en 1 vol. petit in-8º.
+
+_Le Droit public de France éclairci par les monuments de l'antiquité_,
+par Bousquet. Paris, Desaint et Saillant, 1756, 1 vol. in-4º.
+
+_De l'autorité du clergé et du pouvoir du magistrat politique sur
+l'exercice des fonctions du ministère ecclésiastique_, par Richer.
+Amsterdam, Arkstée, 1767, 2 vol. in-12.
+
+_Constitution de l'Angleterre, ou État du gouvernement anglais_, comparé
+avec la forme républicaine et avec les autres monarchies de l'Europe,
+par Delolme. Genève, Barde, 1787, 2 vol. in-8º, reliés en veau marbré
+vert, avec armes sur le dos.
+
+L'_Alcoran de Mahomet_, traduit de l'arabe par André du Ryer, sieur de
+la Garde Malézair, nouvelle édition, revue, corrigée et augmentée des
+observations historiques et critiques sur le mahométisme, ou traduction
+du discours préliminaire mis à la tête de la version anglaise de
+l'Alcoran, publiée par Georges Sale. Amsterdam, Arkstée, 1770, 2 vol.
+in-12.
+
+_Réflexions, sentences et maximes morales_, mises en nouvel ordre, avec
+des notes pratiques et historiques, par Amelot de la Houssaye, nouvelle
+édition, augmentée de maximes chrétiennes. Paris, Ganeau, 1754, 1 vol.
+in-12.
+
+_Émile, ou de l'Éducation_, par J. J. Rousseau. Amsterdam, Néaulme,
+1762, 4 vol. in-12.
+
+_Réflexions politiques sur les finances et le commerce_, par Dutot. La
+Haye, Vaillant, 1754, 2 vol. in-12.
+
+_Essai politique sur le commerce_, par Melon, nouvelle édition, 1761, 1
+vol. in-12.
+
+_Annales politiques_ de feu M. Charles-Irénée Castel, abbé de
+Saint-Pierre, nouvelle édition. Lyon, Duplais, 1767, 2 vol. in-12.
+
+_Essai philosophique_, concernant l'entendement humain, par Locke,
+traduit de l'anglais par Coste. Amsterdam, aux dépens de la Compagnie,
+1758, 4 vol. in-12.
+
+_De la recherche de la vérité_, par Mallebranche. Paris. 1762, 4 vol. in
+12.
+
+_Histoire du ciel_ considéré selon les idées des poëtes, des philosophes
+et de Moïse, par Noël Planche. Paris, Estienne, 1739, 2 vol. in-12.
+
+_Considérations sur la constitution de la marine militaire de France_,
+par de Secondat. Londres, 1756, 1 vol. in-12.
+
+_Rouge végétal à l'usage des dames_, avec une lettre à M***, sur les
+maladies des yeux causées par l'usage du rouge et du blanc, par le
+docteur Deshais-Gendron. Paris, 1760, 1 vol. in-12.
+
+ * * * * *
+
+
+Nº 6.--_Liste des dossiers, concernant madame du Barry, déposés à la
+bibliothèque publique de la ville de Versailles:_
+
+1º Dossier renfermant toutes les pièces regardant particulièrement
+madame _du Barry_.
+
+2º Procès entre les héritiers _du Barry_, dans lequel est établie la
+preuve que madame _du Barry_ est fille naturelle d'_Anne Bécu_.
+
+3º Autre dossier, dans lequel on trouve une foule de renseignements sur
+tout ce qui regarde madame _du Barry_.
+
+4º Dossier concernant le vol des diamants de madame _du Barry_, et les
+dépôts d'argent faits par elle en Angleterre.
+
+5º Dossier _Cossé-Brissac_.
+
+6º Dossier de _Rançon de Montrabe_, beau-père de madame _du Barry_.
+
+7º Dossier contenant les états des dettes, oppositions et significations
+existant au trésor public, sur la comtesse _du Barry_.
+
+8º Procès des héritiers de madame _du Barry_.--Mémoires imprimés.
+
+9º, 10º, 11º, 12º. Dossiers des divers procès intentés par les héritiers
+de madame _du Barry_, contre MM. _Rohan-Chabot_, _de Chabrillan_, _de
+Mondragon_.
+
+13º Dossier concernant le comte _Guillaume du Barry_, mari de la
+comtesse.--Son second mariage avec _Madeleine Lemoine_.--Sa mort.
+
+14º et 15º Papiers concernant les parents de madame _du Barry_.
+
+
+FIN.
+
+
+
+
+TABLE DES MATIÈRES.
+
+
+INTRODUCTION I
+
+ I.--Le château de Versailles sous Louis XIII et la
+ journée des Dupes (1627-1630) 1
+
+ II.--La naissance du duc de Bourgogne (1682) 30
+
+ III.--Récit de la grande opération faite au roi
+ Louis XIV (1686) 57
+
+ IV.--Mort de Louvois (1691) 74
+
+ V.--L'appartement de madame de Maintenon
+ (1686-1715) 85
+
+ VI.--L'ancienne machine de Marly ou de Ville et
+ Rennequin 115
+
+ Pièces justificatives 138
+
+ VII.--Détails inédits sur la mort de Louis XIV (1715) 200
+
+VIII.--Relevé des dépenses de madame de Pompadour 209
+
+ IX.--Le Parc aux cerfs sous Louis XV (1755-1771) 229
+
+ X.--Madame du Barry (1768-1793) 243
+
+ Notes 249
+
+
+NOTES:
+
+[1] _Curiosités historiques_, p. 86.
+
+[2] Les Almanachs de Versailles avant 1789.--Le Cicerone de Versailles
+(avril 1804, etc.)
+
+[3] Mémoires de Saint-Simon.
+
+[4] Mémoires de Saint-Simon.
+
+[5] Jusqu'en 1836, dit cet auteur, époque de la publication du livre de
+M. Eckard, on avait cru et répété que Jean de Soisy était le seigneur de
+Versailles. En 1833, lorsque nous écrivîmes pour la première fois cet
+ouvrage, nous avancions sous la forme du doute, que Jean de Soisy
+n'avait dû vendre que le _Pavillon royal_, puisque le château
+appartenait aux Gondi. Toutefois, les dates nous embarrassaient. Grâce à
+M. Eckard, la lumière a été jetée sur l'ordre des acquisitions, et nous
+n'y ajouterons que ce que nous croirons indispensable de faire
+connaître.
+
+[6] _Mémoires du maréchal de Bassompierre_, contenant l'histoire de sa
+vie et de ce qui s'est fait de plus remarquable à la cour de France
+pendant quelques années. Cologne, 1665, t. III, p. 53.
+
+[7] Le palais des Tuileries. L'assemblée se tenait dans la grande salle
+de ce palais.
+
+[8] En 1631, pendant qu'il était enfermé à la Bastille.
+
+[9] _Architecture française_, par Blondel, t. IV, p. 93.
+
+[10] _Histoire du roi Louis XIII_, par Ch. Bernard, 1646, I. XII, p.
+223.
+
+[11] Anecdotes du ministère du cardinal de Richelieu.
+
+[12] Ch. Bernard (_Histoire de Louis XIII_) dit que ce qui sauva le roi
+fut l'ouverture d'un abcès qu'il avait intérieurement, ce qui le mit
+aussitôt hors de fièvre.
+
+[13] _Histoire de Louis XIII_, liv. XIV, p. 226.
+
+[14] Voici ce que dit à ce sujet Bassompierre: «Le lundi 11, jour de la
+Saint-Martin, je vins de bonne heure chez le roi, qui me dit qu'il s'en
+retournoit à Versailles; je ne sçay point quel dessein j'en avois fait
+d'aller dîner chez M. le cardinal, que je n'avois pû voir chez luy
+depuis son arrivée, et m'en alloyt vers midi en son logis. On me dit
+qu'il n'y estoit pas, et qu'il partoit ce jour-là pour aller à Pontoise.
+Encore jusques-là je ne pensoy à rien, ni moins encore, quand étant
+entré au Luxembourg, M. le cardinal y arrivant, je le conduisis jusques
+à la porte de la reine, et qu'il me dit: Vous ne ferez plus de cas d'un
+défavorisé comme moy. Je m'imaginai qu'il vouloit parler du mauvais
+visage qu'il avoit reçu de Monsieur. Sur cela, je voulus attendre pour
+aller dîner avec lui; mais M. de Longueville me débaucha pour aller
+dîner chez M. de Créqui avec Monsieur, comme il m'en avoit prié.»
+(_Mémoires du maréchal de Bassompierre_, t. III, p. 273.)
+
+[15] Comme grand-maître de la maison du roi.
+
+[16] L'ordonnance royale par laquelle Louis XIII ôte les sceaux à
+Marillac pour les donner à Charles de Laubespin, sieur de Chasteau-Neuf,
+est datée de Versailles, au mois de novembre 1630, et l'on y voit que
+Chasteau-Neuf y prêta serment entre les mains du roi, le 14 du même
+mois.
+
+[17] Cette année 1630, Louis XIII retira au seigneur de Glatigny les
+droits d'aides de Versailles, qui avaient été aliénés en 1619, et les
+fit recevoir par le concierge de son château. (Rapport de M. Coste,
+1790.)
+
+Le concierge du château et le jardinier avaient chacun six cents livres
+de gages. (Manuscrits de Narbonne, premier commissaire de Versailles.)
+
+[18] Voir _Histoire amoureuse des Gaules_, par Bussi Rabutin.
+
+[19] Son mari était chirurgien à Paris.
+
+[20] Le premier médecin du roi.
+
+[21] Premier chirurgien de la Dauphine.
+
+[22] C'est ce qui a fait dire à plusieurs historiens, et entre autres à
+M. Vatout, dans son livre du _Palais de Versailles_, que la Dauphine
+était accouchée à la surintendance. La surintendance était complétement
+séparée du château, et l'on a évidemment confondu le pavillon de la
+surintendante avec ce bâtiment. Sous Louis XVI ce pavillon portait le
+nom de _Pavillon de Monsieur_.
+
+[23] Il était composé de deux matelas, sans lit de plumes, placés sur un
+lit de repos, large de trois pieds. Une planche était placée entre les
+deux matelas, afin que le siége ne fût pas dans un creux. On étendait
+dessus deux draps et une couverture. Un double traversin était placé
+sous les épaules et la tête. Enfin il était complété par deux chevilles
+d'un pied de long, placées l'une à droite et l'autre à gauche, que la
+princesse devait saisir pendant les douleurs, et par une barre au pied,
+pour servir d'appui à ses pieds pendant le travail.
+
+[24] Qu'on a traduit plus tard en _palettes_.
+
+[25] Ce rossolis était composé de graines aromatiques macérées dans
+l'alcool.
+
+[26] L'usage de la plupart des accoucheurs de cette époque, ainsi que
+l'enseigne _Mauriceau_ dans son _Traité des accouchements_, était de
+délivrer la femme aussitôt la sortie de l'enfant, et de ne couper le
+cordon que lorsque l'arrière-faix tout entier était dehors. Clément
+était d'un avis tout opposé. Il voulait que l'on commençât par la
+ligature du cordon. Il donnait pour raison qu'on ne peut trop tôt ôter
+l'enfant d'auprès de sa mère, et l'en débarrasser pour le mettre entre
+les mains de celles qui doivent l'accommoder. Il ajoutait que plus on
+différait à lier le cordon, plus la circulation de l'enfant avec le
+placenta se continuait, et plus par conséquent le placenta se détachait
+difficilement de l'utérus; et de plus, qu'en laissant crier l'enfant
+près de sa mère, on lui faisait de la peine, et que cet éveil à la
+tendresse maternelle pouvait être encore une cause de retard à la sortie
+du délivre.
+
+Il lia donc le cordon, le coupa, et remit l'enfant entre les mains des
+femmes qui devaient l'arranger. On l'enveloppa dans un linge et on le
+porta dans un cabinet voisin, et près du feu. On le lava avec une éponge
+trempée dans du vin légèrement chauffé, dans lequel on avait fait fondre
+une certaine quantité de beurre. Clément vint lui mettre le cordon dans
+un linge huilé, plaça la bande de corps, et l'on emmaillotta l'enfant.
+Il s'occupa ensuite de délivrer la princesse. L'arrière-faix, à sa
+sortie, fut placé sur un plat d'argent et présenté à l'examen des
+médecins pour s'assurer de son intégrité.
+
+[27] Les curés de paroisses royales avaient le droit non-seulement
+d'assister en étole aux baptêmes, mariages et autres sacrements qui
+s'administraient à la cour, mais encore de faire mention de leur
+présence dans les actes les constatant. Voici comment cet usage s'était
+introduit.
+
+Le cardinal de Richelieu connaissait le grand nombre de ses ennemis et
+la faiblesse de Louis XIII. Craignant qu'après sa mort sa famille ne fût
+inquiétée, il chercha pour elle un appui dans la puissante maison de
+Condé, et fit épouser à sa nièce, Claire-Clémence de Maillé-Brézé, Louis
+de Bourbon, duc d'Enghien, si connu sous le nom de grand Condé!
+
+Ce mariage se fit le 11 février 1645, dans la chapelle du Louvre, et le
+frère de Richelieu, le cardinal de Lyon, leur donna la bénédiction
+nuptiale. Le prince de Condé, père de Louis, et Louis lui-même, ayant
+montré de la répugnance pour cette alliance, le cardinal ne parvint à la
+conclure qu'à l'aide des grands avantages qu'il assura à sa nièce; et
+comme il craignait que plus tard on ne cherchât quelques prétextes pour
+la rompre, il voulut que le curé de Saint-Germain l'Auxerrois fût
+présent à la célébration avec son étole, et qu'il apportât ses registres
+afin d'y faire inscrire l'acte. Telle est l'origine de l'usage où
+étaient les curés des résidences royales d'assister en étole à tous les
+sacrements s'administrant à la cour. Cet usage s'est renouvelé de nos
+jours, car on a vu, il y a quelques années, le curé de l'église de
+Notre-Dame de Versailles, depuis évêque de Dijon, venir au château de
+Trianon et y assister en étole à la cérémonie du mariage de la princesse
+Marie, fille du roi Louis-Philippe, avec le prince de Wurtemberg.
+
+[28] Après que les femmes de la Dauphine eurent procédé à sa toilette,
+elle fut placée dans son lit, préalablement chauffé. Comme l'enfant
+était resté assez longtemps au passage, les parties externes de la
+génération étaient contusionnées et douloureuses; Clément y fit
+appliquer un cataplasme ainsi fait: On prit deux onces d'huile d'amandes
+douces et deux œufs dont on mit le blanc et le jaune, qu'on fit cuire
+dans un petit vase, comme des œufs brouillés; on les étendit ensuite
+sur de l'étoupe, et on les appliqua médiocrement chauds sur la partie.
+
+Comme le ventre était un peu sensible, Clément se servit, pour prévenir
+l'inflammation de cette partie, d'un singulier moyen, auquel il renonça
+cependant pour les autres accouchements de la Dauphine, quoiqu'ils aient
+été aussi laborieux*. Il fit appliquer la peau encore chaude d'un mouton
+noir nouvellement écorché. Pour cela on avait fait venir un boucher qui
+écorcha le mouton dans une pièce voisine. Le boucher, voulant ne pas
+laisser refroidir la peau, s'empressa d'entrer dans la chambre de la
+princesse, en ayant pris cette peau ployée dans son tablier, et laissa
+la porte ouverte; de sorte que le mouton écorché et tout sanglant le
+suivit et entra jusqu'auprès du lit, ce qui fit une peur effroyable à
+toutes les dames présentes à ce spectacle. Les seins furent ensuite
+recouverts de deux petits matelas de laine. Ces soins terminés, la
+Dauphine prit une potion qu'on était dans l'usage d'administrer pour
+éviter aux femmes les tranchées, consistant dans un mélange d'huile
+d'amandes douces, de sirop de capillaire et de jus d'orange.
+
+A la couche de la Dauphine, Clément se conforma encore à un usage
+observé chez les reines, mais qu'il supprima plus tard, c'était
+d'empêcher la femme de dormir aussitôt après l'accouchement. Dionis
+resta trois heures auprès du lit de la Dauphine, ainsi qu'il avait fait
+à la reine, pour causer avec elle et l'empêcher de se livrer au sommeil.
+
+Après que tout le monde se fut retiré de la chambre de la Dauphine, on
+ferma tous les volets des fenêtres, et une seule bougie éclaira sa
+chambre jour et nuit pendant les neuf premiers jours. Excepté
+l'accoucheur, les médecins et les femmes nécessaires au service,
+personne ne s'approcha non plus de la Dauphine pendant tout ce temps.
+Les trois premiers jours, sa nourriture se composa de bouillons, d'œufs
+frais et de gelée; et sa boisson de tisane d'orge, de chiendent et de
+réglisse chaude. Lorsque la fièvre de lait fut passée, on donna des
+potages et du poulet, et elle but un peu de vin trempé.
+
+Une précaution regardée comme très-importante était de ne laisser entrer
+dans la chambre de l'accouchée aucune personne ayant sur elle quelque
+odeur. Aussi un huissier était-il placé à la porte de l'appartement de
+la princesse, avec ordre de sentir toutes les dames, et de renvoyer
+celles ayant quelque parfum ou quelque fleur, non-seulement pendant les
+neuf premiers jours, mais même pendant les six semaines qui suivirent
+l'accouchement.
+
+* Dionis.
+
+[29] Dans son livre du _Palais de Versailles_, M. Vatout dit qu'après la
+naissance du duc de Bourgogne, Louis XIV s'étant montré en public, le
+peuple le porta depuis la surintendance, où la Dauphine était accouchée,
+jusqu'à ses appartements. On voit, par ce récit, que cette scène
+d'effusion entre Louis XIV et ses courtisans eut lieu dans l'intérieur
+du palais, et que _le peuple_ n'y prit aucune part. L'erreur de M.
+Vatout vient, on l'a déjà fait remarquer, de ce qu'il a confondu la
+surintendance avec le pavillon de la surintendante.
+
+[30] Il y avait alors la grande cour, appelée aussi première cour,
+fermée par la grille que l'on voit encore aujourd'hui; la deuxième cour,
+ou cour royale, séparée de la première par une grille aujourd'hui
+détruite, et la troisième cour, ou cour de marbre.
+
+[31] L'Étape était une espèce de halle aux vins, dans laquelle les
+marchands de vins en gros de la ville déposaient leurs pièces pour les
+vendre aux habitants. Elle était située derrière l'ancienne geôle.
+
+[32] La pompe, située rue des Réservoirs, sur l'emplacement du
+restaurant Duboux, était un instrument hydraulique servant à élever
+l'eau de l'étang de Clagny dans les réservoirs du château, pour de là
+les distribuer dans les bassins du parc. Plus tard, madame de Pompadour
+fit bâtir son hôtel sur le même emplacement.
+
+[33] Tous les ornements de plomb de la toiture du château et des ailes
+des ministres étaient dorés.
+
+[34] Sauf les grands seigneurs, les habitants de Versailles étaient
+alors composés de paysans, d'ouvriers, et de gens de bas étage, attirés
+par les travaux que faisait faire le roi, et par les privilèges qu'il
+accorda aux premiers propriétaires de la ville. Les marguilliers de la
+paroisse, se considérant comme les représentants des bourgeois de la
+ville, ne voulurent pas laisser passer une occasion si favorable de se
+distinguer, ce qui amena une scène assez plaisante.
+
+Ils allèrent trouver Bontemps, premier valet de chambre du roi et alors
+gouverneur de Versailles; ils lui représentèrent que, dans une
+circonstance aussi solennelle, ils ne pouvaient se dispenser de porter
+au roi les félicitations des habitants de Versailles, et le prièrent de
+les présenter à Louis XIV. Bontemps en parla au roi, qui voulut bien les
+recevoir et leur assigna une heure le lendemain.
+
+A l'heure indiquée, Bontemps, comme gouverneur de Versailles, avait cru
+devoir se mettre à la tête de la députation. Il les introduisit dans le
+salon où se trouvait le roi; mais, à peine y furent-ils entrés, que,
+sans donner à Bontemps le temps de prononcer la formule d'usage: «Sire,
+voici les bourgeois de Versailles que je présente à Votre Majesté», l'un
+des marguilliers, nommé Colette, épicier de profession, chargé de faire
+le compliment, enthousiasmé sans doute par la présence du roi, se mit à
+chanter à pleine gorge: _Domine salvum fac regem_, auquel les
+marguilliers, électrisés à leur tour par la voix de lutrin de leur
+orateur, répondirent: _Et exaudi nos in die, qua invocaverimus
+te_.--Louis XIV ne s'attendait pas à un pareil discours. Il ne put
+conserver sa gravité et se mit à rire, ainsi que tous les seigneurs qui
+l'entouraient. Mais Bontemps, peu flatté du rôle que venaient de lui
+faire jouer les marguilliers, leur fit de vifs reproches et les poussa
+hors du salon, d'où ils se retirèrent un peu confus de leur réception.
+
+[35] Louis XIV aimait le faste et la représentation. Lorsqu'il résolut
+de venir habiter Versailles, l'un de ses premiers soins fut d'ordonner
+la construction d'un escalier qui annonçât dignement la magnificence des
+appartements de ce palais. Levau et Dorbay furent chargés de sa
+construction, et Lebrun de sa décoration. Ce bel escalier passait alors
+pour un chef-d'œuvre. Il fut détruit sous Louis XV, lorsque l'on fit de
+nouvelles distributions. Il était situé tout à fait en face de
+l'escalier de marbre ou _de la Reine_, existant encore de l'autre côté
+de la cour royale. Il était vraiment digne, si l'on en croit sa
+description et les planches de Baudet, représentant les peintures du
+plafond, des grands artistes auxquels Louis XIV en avait confié
+l'exécution. Cet escalier portait aussi le nom _d'escalier des
+Ambassadeurs_, parce que c'était par là que les ambassadeurs entraient
+dans les appartements, du roi, lors des grandes réceptions.
+
+[36] Dionis.
+
+[37] Dans le bâtiment en face de la bibliothèque de la ville de
+Versailles.
+
+[38] Dionis.
+
+[39] Dangeau.
+
+[40] Cet hôtel, situé rue de la Bibliothèque, nº 6, fut construit en
+1670. C'est l'une des plus anciennes maisons de Versailles. Devenu trop
+petit pour la surintendance, on en construisit un plus vaste dans la
+même rue, nº 9, aujourd'hui le petit séminaire. L'ancien hôtel resta
+l'habitation des surintendants.
+
+[41] _Journal de Dangeau_, publié par MM. Soulié, Dussieux, de
+Chennevières et de Montaiglon.
+
+[42] Paris, 1710.
+
+[43] Dionis, ouvr. cité.
+
+[44] L'aile du midi, construite en 1679, s'appelait l'_ancienne aile_,
+et celle du nord, élevée en 1685, l'_aile neuve_.
+
+[45] Il est évident, par l'explication qu'il donne ailleurs du lieu où
+se trouvait l'appartement de madame de Maintenon, que Saint-Simon entend
+par _grand escalier_ l'escalier de marbre ou de la Reine, le seul par où
+l'on entrât directement dans les petits appartements du roi.
+
+[46] Détruit sous Louis XV.
+
+[47] Suivre pour toute cette description le plan de Blondel dans son
+livre de l'_Architecture française_, tome IV.
+
+[48] On le nommait aussi _cabinet des Perruques_, parce que c'était dans
+ce cabinet que l'on déposait les différentes perruques de Louis XIV.
+
+[49] La comédie était située au fond de la cour des Princes, dans le
+vestibule servant aujourd'hui de passage de cette cour dans les jardins.
+Elle n'a cessé d'exister que sous le premier Empire.
+
+[50] L'escalier des Princes.
+
+[51] En effet, on va voir tout à l'heure que l'antichambre de
+l'appartement de jour du duc de Bourgogne (salle des Gouaches), donnait
+sur la salle des Cent-Suisses (salle de 1792), et qu'on pouvait de cette
+antichambre passer dans l'appartement de madame de Maintenon.
+
+[52] Saint-Simon appelle tantôt grand degré, tantôt grand escalier,
+l'escalier de marbre; c'est ce qui a mis dans l'erreur M. Vatout, et lui
+a fait supposer que Saint-Simon voulait parler de l'escalier des
+ambassadeurs. Dans ce récit il n'y a aucun doute sur celui auquel il
+donne le nom de grand degré.
+
+[53] L'on voit que Saint-Simon place cette porte dans l'endroit déjà
+indiqué par Félibien.
+
+[54] Nous avons déjà vu, dans la description de Félibien, que cette
+salle des gardes, qu'il ne faut pas confondre avec la grande salle des
+gardes, que le duc de Bourgogne venait de traverser pour entrer chez
+madame de Maintenon, avait son entrée sur le vestibule, au haut de
+l'escalier et en face de l'appartement de madame de Maintenon.
+
+[55] Voir le plan de Blondel. Ces deux antichambres ont été détruites et
+ne forment aujourd'hui qu'une seule pièce, la salle de 1795.
+
+[56] Cette chambre forme la salle de 1794.
+
+[57] Pour pouvoir faire de cette chambre une salle de tableaux, on a
+détruit la cheminée, qui, d'après Blondel, se trouvait au fond, dans la
+face orientale.
+
+[58] Cet enfoncement est très-bien indiqué dans le plan de Blondel. La
+croisée qui s'y trouvait alors était condamnée. On l'a ouverte depuis
+pour donner plus de jour à cette salle.
+
+[59] Ces marches, indiquées dans le plan de Blondel, ont été supprimées
+depuis qu'on a baissé le sol du grand cabinet auquel elles servaient à
+monter. Aujourd'hui c'est un passage étroit qui sert à aller de la salle
+de 1794 dans celle de 1793.
+
+[60] Le grand cabinet (aujourd'hui salle de 1793) était en effet de
+plain-pied avec l'appartement de jour du duc de Bourgogne (salle des
+Gouaches), et l'on entrait dans l'antichambre de cet appartement, noté
+sur le plan de Blondel comme celui du cardinal de Fleury, par une porte
+(aujourd'hui cachée par un tableau) qui se trouvait en face de celle de
+la chambre de madame de Maintenon, et qui ouvrait sur le petit palier
+d'un escalier communiquant à la salle de comédie.
+
+[61] Cette antichambre, où se trouvent aujourd'hui les costumes des
+divers régiments, descend encore dans la salle dont parle Saint-Simon
+(salle de 1792), par plusieurs marches, le sol de l'ancien appartement
+de jour du duc de Bourgogne étant resté plus élevé.
+
+[62] Par l'escalier déjà indiqué.
+
+[63] Cette garde-robe existe encore, mais on y a construit un
+calorifère.
+
+[64] Dans un autre endroit de ses _Mémoires_, Saint-Simon dit:--Chez
+elle, avec le roi, ils étaient chacun dans leur fauteuil, une table
+devant chacun d'eux, aux deux coins de la cheminée, elle du côté du lit,
+le roi le dos à la muraille, du côté de la porte de l'antichambre, et
+deux tabourets devant sa table, un pour le ministre qui venait
+travailler, l'autre pour son sac. Les jours de travail, ils n'étaient
+seuls ensemble que fort peu de temps avant que le ministre entrât, et
+moins encore fort souvent après qu'il était sorti. Le roi passait à une
+_chaise percée_, revenait au lit de madame de Maintenon, où il se tenait
+debout fort peu, lui donnait le bonsoir, et s'en allait se mettre à
+table.
+
+[65] Par le petit escalier qui se trouve entre le grand cabinet de
+madame de Maintenon et l'antichambre de M. le duc de Bourgogne.
+
+[66] _Mémoires de Saint-Simon_, tome XII, page 132. Édition Delloye.
+
+[67] Voir _Histoire de la maison royale de Saint-Cyr_, par M. Théophile
+Lavallée, le même fait raconté d'une manière bien différente.
+
+[68] Voir le livre des _Eaux de Versailles_, par J. A. Le Roi.
+
+[69] De Ville, qui était fils d'un bourgmestre de Ville, passa la plus
+grande partie de sa jeunesse au château de Modave.
+
+[70] Voir note nº 11, _Pièces justificatives_.
+
+[71] De Prony, art. Rennequin, _Biographie universelle_.
+
+[72] Voir le tableau des pentes de la Seine fait à cette époque, note nº
+6.
+
+[73] Voir le plan de la machine, par P. Giffart, note nº 2.
+
+[74] Voir le détail des dépenses de la machine, registre des bâtiments
+du roi, note nº 1.
+
+[75] Voir le procès-verbal de l'arpenteur Caron, note nº 5.
+
+[76] Cette maison est occupée aujourd'hui par le directeur.
+
+[77] Voir la note nº 10, _Pièces justificatives_.
+
+[78] Voir détail des dépenses, note nº 1.
+
+[79] Voir l'_Architecture hydraulique_ de Bélidor, et les _Eaux de
+Versailles_, par J. A. Le Roi.
+
+[80] Nous nous servons ici de la description donnée par M. de Prony et
+par Bélidor.
+
+[81] Cette tour en charpente fut plus tard portée à l'Observatoire de
+Paris, et servit à placer les premiers télescopes. Voir l'_Histoire de
+l'Académie des sciences_, année 1690.
+
+[82] Voir Piganiol de la Force, _Description de la machine_, note nº 8.
+
+[83] _Instruction pour l'établissement d'une estacade_, par Vauban.
+Archives de la machine, note nº 4.
+
+[84] Elle est aujourd'hui chez le directeur de la machine.
+
+[85] Le _Siècle des beaux-arts_, par Ossude, et des _Eaux de
+Versailles_, par J. A. Le Roi.
+
+[86] _Mélanges littéraires et scientifiques_, par l'abbé Caron.
+
+[87] _Quelques mots sur le lieu de naissance et l'époque du décès de
+Renkin Sualem._
+
+[88] Weidler.
+
+[89] Voir le procès-verbal du sieur Caron, du 15 février 1683, note nº
+5.
+
+[90] Voir le procès-verbal du 12 janvier 1682, du même, note nº 5.
+
+[91] Registre des bâtiments du roi, année 1681, note nº 1.
+
+[92] Procès-verbal du 15 février 1683, note nº 5.
+
+[93] Voir le plan de la machine.--Arch. de la machine, note nº 2.
+
+[94] Cette maison est celle où madame du Barry fit bâtir son pavillon de
+Louveciennes.
+
+[95] Registre des dépenses des bâtiments du roi, note nº 1.
+
+[96] Dépenses des bâtiments du roi, note nº 1.
+
+[97] Voir l'acte de décès de Rennequin, note nº 13.
+
+[98] Voir note 12.
+
+[99] Voir note 7.
+
+[100] Note de M. Bormans. V. note 11.
+
+[101] «S'il avait employé à embellir Paris, à finir le Louvre, les
+sommes immenses que coûtèrent les aqueducs et les travaux de Maintenon
+pour conduire des eaux à Versailles, travaux interrompus et devenus
+inutiles; s'il avait dépensé à Paris la cinquième partie de ce qu'il en
+a coûté pour forcer la nature à Versailles, Paris serait, dans toute son
+étendue, aussi beau qu'il l'est du côté des Tuileries et du pont Royal,
+et serait devenu la plus magnifique ville de l'univers.» (Voltaire,
+_Siècle de Louis XIV_, t. II, p. 272.)
+
+[102] Songez bien que c'est à Dieu à qui vous devez tout ce que vous
+estes. Cette faute de français, qui peut paraître aujourd'hui assez
+extraordinaire dans la bouche de Louis XIV, nous semble, au contraire,
+établir la vérité de la version que nous donnons. C'était, à cette
+époque, une locution presque généralement en usage, et nous voyons
+Boileau lui-même y céder dans ce vers célèbre:
+
+ C'est à vous, mon esprit, à qui je veux parler.
+
+C'est là, à notre avis, une preuve presque certaine que ces paroles,
+telles qu'elles sont rapportées ici, ont été en quelque sorte
+sténographiées par celui qui était chargé de les recueillir.
+
+[103] Dangeau, qui ne quittait presque jamais Louis XIV, donne dans son
+journal une version à peu près semblable à celle-ci, dans laquelle on
+trouve aussi cette phrase: «_Je vous donne le père Letellier pour
+confesseur._»
+
+[104] Le catalogue de la bibliothèque de madame de Pompadour, recherché
+encore aujourd'hui des bibliographes, contient 3,535 articles de livres,
+235 de musique, 36 d'estampes. Il est terminé par une table des auteurs
+et orné de son portrait. La marquise n'avait pas en tout dix volumes
+latins, y compris un _Épinicion_, en l'honneur de milord Pot-au-feu, et
+l'Horace gravé en 1733, exemplaire auquel était jointe une explication
+française manuscrite des figures. Les grands auteurs grecs et latins
+n'existaient qu'en traductions dans cette bibliothèque; qui, à la
+réserve tout au plus de dix articles, se composait de livres français et
+italiens. Il paraît, au reste, qu'on avait distrait quelques articles,
+car on n'y a pas trouvé l'exemplaire de l'_Abrégé_ chronologique du
+président Hénault, donné par l'auteur à Voltaire, puis offert par
+celui-ci à madame de Pompadour. Il avait écrit sur la première page
+quelques vers, dont les premiers seulement ont été conservés:
+
+ Le voici ce livre vanté;
+ Les Grâces daignèrent l'écrire
+ Sous les yeux de la Vérité:
+ Et c'est aux Grâces de le lire.
+
+
+[105] Collin était le factotum de madame de Pompadour.
+
+[106] Madame Duhausset donne toujours à madame de Pompadour le nom de
+_Madame_.
+
+[107] Louis XV avait eu déjà, avant 1755, quelques rendez-vous galants,
+soit dans cette maison louée probablement avant d'en faire
+l'acquisition, soit dans quelque autre de ce quartier, car on lit dans
+le journal de l'avocat Barbier, à la date du mois de mars 1753, _que le
+bruit courait dans Paris qu'une jeune fille de seize ans avait été logée
+au Parc aux_* _Cerfs pour l'amusement du roi_; et dans une note des
+_Mémoires de madame Duhausset: Quelquefois on a changé de maison et de
+quartier, mais sans renoncer à l'ancienne maison._
+
+[108] Cela est confirmé par une note qu'on trouve dans les _Mémoires de
+madame Duhausset_:
+
+«Un commissaire de la marine, nommé Mercier, qui avait eu part à
+l'éducation de l'abbé de Bourbon, avait plus de connaissance qu'aucun
+autre sur cet établissement; et voici ce qu'il a dit à un de ses amis:
+«_La maison était de très-peu d'apparence_; il n'y avait en général
+qu'une seule jeune personne; la femme d'un commis du bureau de la guerre
+lui tenait compagnie, jouait avec elle, ou travaillait en tapisserie.
+Cette dame disait que c'était sa nièce; elle la menait, pendant les
+voyages du roi, à la campagne.» Et plus loin, madame Duhausset dit
+encore: «Il n'y en avait au reste que deux en général, et très-souvent
+une seule. Lorsqu'elles se mariaient, on leur donnait des bijoux et une
+centaine de mille francs. _Quelquefois le Parc aux Cerfs était vacant
+cinq et six mois de suite._»
+
+[109] Ou trouve ce qui suit dans un écrit récent intitulé _le Château de
+Luciennes_, de M. Léon Gozlan: «Le Parc aux Cerfs, qui est encore mal
+connu, était un endroit solitaire, silencieux, _lugubre comme un
+abattoir_. C'est là que le roi, sans suite et à l'entrée de la nuit,
+allait commettre ses plaisirs. Il en avait tellement pris l'habitude
+qu'il avait fini par se croire quitte envers Dieu et les hommes en
+dotant les jeunes filles flétries dans cet antre.--Le Parc aux Cerfs
+coûtait près de cent soixante-dix mille francs par mois, _ce qui fait
+pour trente années d'existence plus de cent cinquante millions_.» Où
+l'auteur a-t-il puisé ces renseignements?
+
+[110] La bibliothèque de la ville de Versailles possède aujourd'hui la
+plus grande partie des papiers concernant madame du Barry, formant
+quinze dossiers. Ces papiers donnent les renseignements les plus
+détaillés sur sa famille, sa fortune, sa liaison avec de grands
+personnages, les procès de ses héritiers, etc.
+
+[111] Bibliothèque de Versailles.
+
+[112] Bibliothèque de Versailles.
+
+[113] Bibliothèque de Versailles.
+
+[114] Bibliothèque de Versailles.
+
+[115] Sous Louis XVI, ce même appartement fut changé dans sa
+disposition, et devint le petit appartement particulier de la reine
+Marie-Antoinette.
+
+[116] Archives de la préfecture de Seine-et-Oise. Cette maison porte
+aujourd'hui le nº 7.
+
+[117] Le charmant château de Bellevue.
+
+[118] Bibliothèque de Versailles.
+
+[119] Archives de la préfecture de Seine-et-Oise.
+
+[120] Toutes ces descriptions de meubles sont copiées textuellement sur
+les mémoires des fournisseurs.
+
+[121] Archives de Seine-et-Oise.
+
+[122] Bibliothèque de Versailles.
+
+[123] Archives de Seine-et-Oise.
+
+[124] Archives de Seine-et-Oise.
+
+[125] Madame du Barry avait aussi loué pour ses gens l'hôtel de
+Luynes,--aujourd'hui rue de la Bibliothèque, nos 4 et 6.
+
+[126] C'est aujourd'hui une caserne de cavalerie.
+
+[127] C'est l'un des papiers remis aux héritiers en 1825.
+
+[128] Beaujon était le banquier de la cour.
+
+[129] Archives de la préfecture de Seine-et-Oise.
+
+[130] Archives de Seine-et-Oise.
+
+[131] Bibliothèque de Versailles.
+
+[132] _Idem_, et Archives de Seine-et-Oise.
+
+[133] Voir aux notes la lettre nº 1 de M. de Brissac à madame du Barry.
+
+[134] Ce joli petit bijou est en ce moment en la possession du
+bibliothécaire de Versailles.--Le chiffre en diamants est composé des
+deux lettres _J. B._
+
+[135] Bibliothèque de Versailles.
+
+[136] Ce fait est raconté dans le nº 259 du _Courrier français_ (1792).
+
+[137] Archives de la préfecture de Seine-et-Oise.
+
+[138] Archives de Seine-et-Oise.
+
+[139] Archives de Seine-et-Oise.
+
+[140] Voir aux notes la lettre nº 2 de madame du Barry aux
+administrateurs du district de Versailles.
+
+[141] Après la journée du 20 mai 1795, Goujon fut traduit devant une
+commission militaire, et après avoir entendu son arrêt de mort, il se
+poignarda en descendant les marches de sa prison.
+
+[142] Madame du Barry avait alors cinquante ans, mais elle était encore
+fort belle, et Lavallery parut s'intéresser à elle par un sentiment plus
+vif que la simple pitié.--Voir à ce sujet aux notes la lettre nº 3,
+écrite par Lavallery à madame du Barry, et le récit nº 4.
+
+[143] Celui qui lui conseilla de venir s'établir à Versailles.
+
+[144] C'était une simple médaille très-ordinaire.
+
+[145] Étant à Londres, madame du Barry plaça 200,000 francs qui furent
+hypothéqués sur les biens de M. Rohan-Chabot.
+
+[146] Ces 200,000 francs n'ont jamais été prêtés.
+
+[147] Graillet avait épousé une de ses cousines.
+
+[148] Voir aux notes, le récit nº 4.
+
+[149] Termes de leur rapport.
+
+[150] Archives de Seine-et-Oise.
+
+[151] Archives de Seine-et-Oise.
+
+[152] Archives de Seine-et-Oise.
+
+[153] Morin fut condamné à mort quelques jours après, _comme complice
+des crimes de la du Barry_.
+
+[154] Prison de Versailles où l'on renfermait les prisonniers
+politiques.
+
+[155] Archives de Seine-et-Oise.
+
+[156] Archives de Seine-et-Oise.
+
+[157] Elle fut adjugée 6,000,000 de francs en assignats, à
+Jean-Baptiste-Charles-Édouard Delapalme, demeurant aux Vaux-de-Cernay.
+(Bibliothèque de Versailles.)
+
+[158] Il avait épousé en deuxièmes noces Jeanne-Madeleine Lemoine.
+
+[159] Les registres de l'état civil étant à cette époque entre les mains
+du clergé, les actes de naissance et de baptême ne faisaient qu'un.
+
+[160] Bibliothèque de Versailles.
+
+[161] Archives de Seine-et-Oise.
+
+[162] Une partie de ces papiers se trouve actuellement à la bibliothèque
+de Versailles.
+
+[163] Cet abbé Gomard était un pauvre hère qui dut facilement se prêter
+pour de l'argent au rôle qu'on lui fit jouer dans cette affaire. On voit
+dans les papiers de madame du Barry, réunis à la bibliothèque de
+Versailles, qu'aussitôt installée à la cour, elle lui donna de l'argent,
+le fit habiller par son tailleur, et qu'on le nomma aumônier du roi.
+
+[164] Bibliothèque de Versailles.
+
+[165] Voir, pour ce procès, le tome XXXII de la _Collection de_ _Sirey_
+et la _Gazette des Tribunaux_ des 4 juillet, 5, 11 et 27 août 1833.
+
+[166] Ce même Lavallery se suicida quelques jours après la mort de
+madame du Barry.
+
+[167] On a vu que ce n'est pas tout à fait ainsi que les choses se sont
+passées, mais c'était la croyance de l'époque.
+
+[168] Nous avons montré qu'elle avait cinquante ans au moment de sa
+mort.
+
+
+
+
+
+
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+ Louis XIV, Louis XV, Mme de Maintenon, by J. A. Le Roi
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@@ -0,0 +1,11623 @@
+The Project Gutenberg EBook of Curiosités historiques sur Louis XIII,
+Louis XIV, Louis XV, Mme de Maintenon, Mme de Pompadour, Mme du Barry, etc., by J. A. Le Roi
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
+
+
+Title: Curiosités historiques sur Louis XIII, Louis XIV, Louis XV, Mme de Maintenon, Mme de Pompadour, Mme du Barry, etc.
+
+Author: J. A. Le Roi
+
+Release Date: January 27, 2011 [EBook #35089]
+
+Language: French
+
+Character set encoding: ISO-8859-1
+
+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK CURIOSITÉS HISTORIQUES ***
+
+
+
+
+Produced by Chuck Greif and the Online Distributed
+Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This file was
+produced from images at the Bibliothèque nationale de
+France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr)
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+CURIOSITÉS HISTORIQUES
+
+SUR
+
+LOUIS XIII, LOUIS XIV, LOUIS XV,
+
+MME DE MAINTENON,
+MME DE POMPADOUR, MME DU BARRY, ETC.,
+
+PAR J. A. LE ROI,
+
+CONSERVATEUR DE LA BIBLIOTHÈQUE DE VERSAILLES,
+CORRESPONDANT DU MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION
+PUBLIQUE POUR LES TRAVAUX HISTORIQUES;
+
+PRÉCÉDÉES D'UNE INTRODUCTION
+
+PAR M. THÉOPHILE LAVALLÉE.
+
+[colophon]
+
+PARIS
+
+HENRI PLON, IMPRIMEUR-ÉDITEUR
+
+RUE GARANCIÈRE, 8.
+
+1864
+
+_Tous droits réservés._
+
+
+
+
+CURIOSITÉS HISTORIQUES
+
+SUR
+
+LOUIS XIII, LOUIS XIV, LOUIS XV,
+
+M^{ME} DE MAINTENON,
+
+M^{ME} DE POMPADOUR, M^{ME} DU BARRY, ETC.
+
+L'auteur et l'éditeur déclarent réserver leurs droits de reproduction
+et de traduction à l'étranger.
+
+Ce volume a été déposé au ministère de l'intérieur (direction de
+la librairie), en mars 1864.
+
+PARIS.--TYPOGRAPHIE DE HENRI PLON
+
+IMPRIMEUR DE L'EMPEREUR
+
+RUE GARANCIÈRE, 8
+
+
+
+
+INTRODUCTION.
+
+
+Les _curiosités historiques_ que renferme ce volume se rapportent
+principalement au château de Versailles et aux règnes de Louis XIII, de
+Louis XIV et de Louis XV. Malgré les essais qui en ont été tentés, on
+peut dire que l'histoire du château de Versailles est encore à faire, et
+il serait heureux, par le temps de révolutions, de démolitions, de
+transformations où nous sommes, que cette histoire pût se faire
+promptement; car cette grande création de Louis XIV, ce théâtre de tant
+de splendeurs, de tant d'événements, «ce temple de la monarchie absolue
+qui devait, avant que le temps eût noirci ses marbres, en être le
+tombeau», a subi, surtout depuis l'établissement des _galeries
+historiques_, des remaniements si malheureux qu'il n'est plus
+reconnaissable qu'à l'extérieur, et que son histoire passera bientôt,
+avec ses grandeurs et ses magnificences, à l'état de fable ou de
+légende. Il n'est personne qui, en arpentant les dix ou douze kilomètres
+de tableaux qu'on a entassés dans ce palais, n'ait «désiré connaître
+l'histoire de chacune de ces chambres, surtout de ces petits
+appartements dans lesquels on vit l'amour, la jalousie, l'ambition, la
+haine, toutes les plus mauvaises passions du coeur humain s'agiter si
+longtemps pour donner le spectacle de ces élévations et de ces chutes de
+favoris et de maîtresses qui ont eu tant d'influence sur les destinées
+de la France[1]».
+
+En attendant que se fasse l'histoire du château de Versailles, un
+redresseur infatigable des faussetés et des falsifications historiques,
+M. Le Roi, conservateur de la bibliothèque de Versailles, a porté ses
+investigations sur quelques événements, sur quelques personnages, sur
+quelques localités de Versailles, et, en fouillant les pièces
+originales, les actes authentiques, les documents incontestables, il
+est parvenu à mettre en lumière des faits restés obscurs ou douteux, à
+réduire à néant ou à leur juste valeur des allégations mensongères,
+enfin à porter la vérité dans un petit coin de ce vaste champ historique
+si mal exploré, si mal connu, où l'erreur et la calomnie poussent si
+bien, poussent si vite, et par tous les climats!
+
+Voici les questions ou problèmes historiques que s'est posés M. Le Roi
+et qu'il a heureusement résolus:
+
+1º Où était le château de Versailles construit par Louis XIII, et dans
+quelle partie du château s'est passée la _journée des Dupes_?
+
+2º Quels événements particuliers ont marqué la naissance du duc de
+Bourgogne?
+
+3º Quels événements particuliers ont marqué la grande opération faite à
+Louis XIV en 1686?
+
+4º Louvois est-il mort de poison ou de mort naturelle?
+
+5º Quel a été le véritable inventeur de la machine de Marly? De Ville ou
+Rennequin Sualem?
+
+6º Où était, dans le château de Versailles, l'appartement de madame de
+Maintenon?
+
+7º Quelles sont les paroles adressées au Dauphin par Louis XIV à son lit
+de mort?
+
+8º A quelle somme s'élèvent les dépenses de madame de Pompadour pendant
+tout son _règne_?
+
+9º Qu'était-ce que le Parc aux cerfs?
+
+10º A quelle somme s'élèvent les dépenses faites par madame du Barry?
+Quel était son vrai nom?
+
+Nous allons dire en quelques mots comment M. Le Roi a résolu ces
+_curiosités historiques_.
+
+1º Le château de Versailles, bâti par Louis XIII, en 1624, est le
+pavillon central qui existe encore aujourd'hui. C'était un simple
+rendez-vous de chasse, flanqué de quatre petits pavillons, avec un
+balcon de fer tournant tout autour. Une fausse braie l'entourait et
+était précédée d'un fossé à fond de cuve, revêtu de pierres et terminé
+par une balustrade. La pièce principale était la salle ou salon du
+premier étage, dont Louis XIV fit plus tard sa chambre à coucher et où
+il mourut. Des fenêtres de cette salle d'où Louis XVI se montra au
+peuple dans la journée du 6 octobre, on se figure aisément l'aspect que
+présentait alors Versailles: la vue dominait sur un pays accidenté,
+presque entièrement boisé, coupé de quelques étangs, marqué seulement
+par un pauvre village d'une cinquantaine de feux, pays triste, monotone,
+un peu sauvage, qui inspirait la mélancolie, qui était parfaitement en
+rapport avec les goûts et l'humeur de Louis XIII.
+
+Quant aux lieux illustrés par la journée des Dupes, M. Le Roi nous
+montre que la chambre à coucher de Louis XIII était dans la pièce dite
+plus tard de l'OEil-de-boeuf, et qui fut aussi pendant longtemps la
+chambre à coucher de Louis XIV; que la pièce où coucha Richelieu,
+au-dessous de la chambre du roi, est aujourd'hui la salle des Portraits
+des rois de France; que l'escalier dérobé par lequel le duc de
+Saint-Simon le conduisit dans la chambre de Louis XIII existe encore
+dans un coin de cette salle; enfin que l'entretien qu'il eut avec ce
+prince et d'où l'on peut dire qu'ont dépendu les destinées de la France,
+se passa dans le cabinet voisin de la chambre à coucher du roi et qui
+fait partie du salon de l'OEil-de-boeuf.
+
+Louis XIV conserva religieusement le château construit par son père; il
+ne fit que l'agrandir successivement, à mesure que Versailles lui
+plaisait davantage. Il n'avait pas d'abord l'intention d'en faire
+l'immense palais qui existe aujourd'hui; il n'avait pas l'intention de
+faire de Versailles son séjour ordinaire. Les plans de construction
+furent plusieurs fois changés; de nombreuses démolitions furent
+nécessaires; de là le disparate si marqué entre la façade des jardins,
+si noble, si belle, si harmonieuse, et la façade de la ville, si
+compliquée, si travaillée, si irrégulière.
+
+2º Saint-Simon nous a donné un tableau précieux de l'aspect du château
+de Versailles, le jour de la naissance du duc de Bourgogne, de la joie
+du roi, des transports de la cour, de l'enthousiasme populaire. M. Le
+Roi, d'après des documents originaux, ajoute quelques traits à ce
+tableau, et qui l'achèvent. Il nous apprend que ce fut la première fois
+qu'on confia à un médecin le soin d'accoucher une reine ou une Dauphine,
+que jusqu'alors les sages-femmes avaient eu cet office, et qu'elles
+cessèrent de l'avoir. Il entre alors dans des détails très-curieux sur
+l'art des accouchements à cette époque, sur le choix des nourrices,
+etc. L'accoucheur fut Clément, dont le roi avait éprouvé l'habileté, car
+c'était lui qui avait assisté madame de Montespan dans ses nombreuses
+grossesses. Il devint, dès lors, l'accoucheur de la Dauphine, puis de la
+duchesse de Bourgogne, de la reine d'Espagne, etc. C'était un
+très-habile et excellent homme, que le roi traita comme il traitait tous
+les hommes de mérite, c'est-à-dire avec cette gracieuse dignité qui
+doublait le prix des récompenses. Outre qu'il l'enrichit, il lui donna
+des lettres de noblesse, avec une clause, dit M. Le Roi, qui honore au
+même degré l'homme de mérite auquel s'adressait cette distinction et le
+souverain qui l'accordait. Cette clause portait «qu'il ne pourrait
+abandonner la pratique de son art, ni refuser ses conseils, ni ses
+secours aux femmes qui les réclameraient».
+
+3º On sait qu'en 1686 Louis XIV fut affligé d'une hideuse maladie, la
+fistule, qu'on regardait alors comme à peu près incurable ou mortelle.
+Les mémoires du temps parlent peu de ce grave accident dans la vie du
+roi, cette maladie ayant été longtemps tenue secrète, et l'opération
+qui la termina ayant été faite avec le plus grand mystère, et divulguée
+seulement quand la guérison fut assurée. M. Le Roi a retrouvé sur ce
+sujet des détails importants, soit au point de vue médical, soit au
+point de vue historique, dans les mémoires du médecin Dionis.
+L'opérateur fut Félix de Tassy, chirurgien très-habile, qui le premier a
+fait connaître les moyens de guérir par l'incision cette triste maladie.
+C'est dans la chambre du roi, qui formait, comme nous l'avons dit, une
+partie du salon appelé plus tard l'OEil-de-boeuf, qu'eut lieu cette
+opération qui paraissait alors si périlleuse. Il n'y avait d'autres
+témoins que madame de Maintenon, le père de la Chaise, le ministre
+Louvois, les quatre médecins ou chirurgiens du roi, avec un garçon ou
+élève. La famille royale et la cour n'avaient pas le moindre soupçon de
+la grave résolution prise par Louis XIV; le Dauphin était à la chasse.
+Le roi montra le calme et la fermeté qui le distinguaient dans toutes
+ses actions: il ne poussa pas un cri, ne dit pas un mot. Une heure
+après, il tenait son lever comme à l'ordinaire, et les courtisans
+apprenaient avec effroi ce qui venait de se passer; quelques heures
+plus tard, il tenait conseil dans son lit, et le soir il y eut dans sa
+chambre la réception qu'on appelait _appartement_. On suit avec anxiété,
+dans le récit de M. Le Roi, les détails de cette opération chirurgicale
+qui marque dans les annales de la science, puisque la méthode inventée
+en cette circonstance par Félix est encore celle qu'on suit de nos
+jours, opération qui tint pendant quelques jours la France dans
+l'anxiété; car à la vie du roi tenaient le salut du royaume et le repos
+de l'Europe. On peut voir aussi, dans les Lettres de madame de Maintenon
+à madame de Brinon (_Lettres historiques et édifiantes_, t. I) quelles
+furent ses angoisses et ses craintes en cette circonstance; elles sont
+une réponse à cette calomnie, qu'elle n'aimait point Louis XIV, de même
+que sa présence au chevet du roi pendant la dégoûtante opération était
+le témoignage du lien sacré qui les unissait.
+
+4º On sait que la mort subite de Louvois à l'âge de cinquante ans excita
+le plus grand étonnement. Tout le monde le crut empoisonné. Saint-Simon
+le dit ouvertement en entrant dans des détails qui semblent plausibles.
+La princesse Palatine, dans l'aveuglement de ses haines, va plus loin:
+elle accuse de cette mort madame de Maintenon. Les historiens
+protestants ont seuls répété cette calomnie; mais les plus modérés, même
+les plus modernes, s'arrêtent au récit de Saint-Simon, et pour eux tous,
+Louvois est mort empoisonné, on ne sait par quel ennemi. Le récit de M.
+Le Roi fait justice de cette accusation au moyen d'un témoignage
+incontestable, celui de Dionis, médecin de Louvois, qui assista à sa
+mort, et fit, de concert avec trois autres médecins, l'ouverture de son
+corps. Il en résulte clairement que Louvois est mort d'une attaque
+d'apoplexie pulmonaire.
+
+5º Dans quelle partie du château de Versailles était l'appartement de
+madame de Maintenon, cet appartement où Louis XIV travaillait avec ses
+ministres, et où, pendant trente ans, se sont décidées les destinées de
+la France? A première vue il semble qu'une telle recherche soit facile,
+et qu'il ne puisse y avoir de doute à ce sujet. Il n'en est pas ainsi,
+grâce au Musée national qui a fait subir à l'intérieur du château de
+Versailles une transformation complète. L'intention de ce musée était
+excellente, l'exécution n'y a pas répondu. Entreprise par des hommes peu
+versés dans l'histoire du dix-septième siècle, elle a bouleversé
+malheureusement les parties les plus intéressantes du château, et c'est
+ainsi que l'appartement de madame de Maintenon, presque méconnaissable
+aujourd'hui, est occupé par trois salles des campagnes de 1793, 1794 et
+1795. L'aspect de ces pièces témoigne que madame de Maintenon était
+logée fort à l'étroit et fort incommodément. Je ne sais si la femme de
+chambre de quelque parvenu de nos jours se contenterait de cette chambre
+unique où Louis XIV venait travailler, où madame de Maintenon mangeait,
+couchait, s'habillait, recevait toute la cour, où tout le monde passait,
+disait-elle, comme dans une église. Au reste, les princesses, les
+princes, le roi lui-même n'étaient pas plus commodément logés. Tout
+avait été sacrifié au faste, à l'éclat, à la représentation dans ce
+magnifique château; Louis XIV était perpétuellement en scène et y tenait
+sans interruption son rôle de roi, mais au milieu de toutes ces
+peintures, ces dorures, ces marbres, ces splendeurs, on n'avait pas une
+seule des aisances de nos jours; on gelait dans ces immenses pièces,
+dans ces grandes galeries, dans ces chambres ouvertes de toutes parts,
+où d'ailleurs il fallait vivre continuellement en public. Aussi Louis
+XV, qui n'avait pas la santé de fer de son aïeul, abandonna ces vastes
+magnificences et se fit une existence plus commode et surtout plus
+secrète dans les petits appartements qu'on voit encore aujourd'hui.
+
+6º Quel est le véritable inventeur de la machine de Marly? On sait que,
+d'après toutes les histoires et biographies, cet inventeur serait un
+ouvrier liégeois, Rennequin Sualem. L'ouvrage de M. Le Roi nous
+démontre, d'après des documents authentiques et des témoignages
+irréfutables, que c'est une erreur. L'inventeur, l'architecte, le
+gouverneur de la machine qui passait au dix-septième siècle pour une
+merveille du monde, est un gentilhomme liégeois nommé le chevalier de
+Ville; Rennequin Sualem en aurait été seulement le constructeur, et plus
+exactement le charpentier. M. Le Roi donne à ce sujet une description
+de la machine qui montre quel était l'état de la science hydraulique à
+cette époque et qui témoigne que cette oeuvre lourde, coûteuse,
+compliquée, n'en était pas moins digne d'admiration.
+
+7º On sait que le grand roi, sur le point de mourir, se fit apporter son
+arrière-petit-fils et lui adressa quelques paroles pleines de dignité.
+Ces paroles, recueillies par les assistants et qui furent mises au
+chevet du lit du jeune Louis XV, ont été reproduites par les historiens
+avec des variantes considérables. M. Le Roi a retrouvé une pièce très
+curieuse qui fait cesser toute incertitude à cet égard et nous donne
+définitivement le texte authentique.
+
+8º Ce morceau curieux est tout simplement l'analyse d'un manuscrit
+composé par quelque secrétaire de madame de Pompadour, d'après les notes
+mêmes de la marquise, et qui a pour titre: _État des dépenses faites
+pendant le règne de madame la marquise de Pompadour, à commencer le 9
+septembre 1745 jusqu'au 15 avril 1764_ (c'est le jour de sa mort).
+Disons tout de suite que le total général est d'environ trente-six
+millions et demi pendant dix-neuf ans; donc, de moins de deux millions
+par an. «Voilà, sur sa déclaration, dit M. Le Roi, le relevé de ce que
+madame de Pompadour a coûté à la France.» C'est beaucoup, sans doute,
+mais j'avoue que, d'après tout ce qu'on a écrit sur les prodigalités de
+Louis XV envers ses maîtresses, sur le faste, le luxe de la marquise de
+Pompadour, je m'attendais à un chiffre plus élevé, et je ne sais si pour
+les dépensiers de nos jours ce chiffre ne paraîtra pas mesquin.
+D'ailleurs, il faut remarquer que madame de Pompadour tenait une sorte
+de cour, qu'elle donnait des fêtes, qu'elle faisait des pensions. Aussi
+je lis sans étonnement cette réflexion qui termine le manuscrit: «Voici
+un fait que personne ne voudra croire, qui est qu'à sa mort l'on n'ait
+trouvé à cette femme que 37 louis d'or dans sa table à écrire, et se
+trouve devoir la somme de 1,700,000 livres.»
+
+Voici comment se décomposent les trente-six millions. On sait que la
+marquise était une femme de beaucoup d'esprit et de goût, aimant les
+bâtiments, les tableaux, les sculptures, cultivant elle-même les arts,
+et qui avait une cour d'écrivains et d'artistes. L'état des dépenses
+entre à ce sujet dans des détails intéressants pour l'histoire des arts
+et donne un total de plus de neuf millions. On sait aussi que madame de
+Pompadour aimait les chevaux, qu'elle fit acheter des étalons dans
+plusieurs pays, et qu'elle fonda dans sa terre de Pompadour le beau
+haras qui existe encore aujourd'hui. L'état de ses dépenses sur cet
+article s'élève à plus de trois millions. On trouve encore pour
+médailles, 400,000 livres; pour une collection de pierres gravées,
+400,000 livres; pour fêtes, voyages du roi, comédies, opéras, quatre
+millions. Le chapitre des aumônes est malheureusement plus modeste, il
+est ainsi marqué: _Donné aux pauvres pendant tout mon règne_, 150,000
+livres. Il est vrai qu'il y faut ajouter de nombreux secours et pensions
+donnés à des maisons religieuses.
+
+9º «Il n'est aucun fait historique, dit M. Le Roi, qui ait rendu plus
+odieux le nom de Louis XV; et qui, d'un autre côté, ait donné lieu à
+plus de divagations parmi les écrivains, que le mystérieux établissement
+du _Parc aux cerfs_.» On peut ajouter qu'il n'y en a pas qui ait excité
+plus de haine contre l'ancien régime, qui ait valu à la cour des
+Bourbons plus d'imprécations et de déclamations, qui ait eu plus
+d'influence sur la révolution. M. Le Roi, pièces en main, réduit cette
+monstruosité à sa juste valeur. Le nom seul de Parc aux cerfs est en
+grande partie la cause des exagérations débitées à ce sujet. A ce nom,
+on se figure une sorte de sérail à la façon orientale, un immense jardin
+avec bosquets mystérieux, pelouses fleuries, pavillons enchantés, et un
+essaim de biches plus ou moins timides, poursuivies par un lubrique
+monarque. Il n'est rien de tout cela: le _Parc aux cerfs_ était le nom
+d'un quartier de Versailles, du quartier aujourd'hui appelé Saint-Louis,
+qui avait été bâti sous Louis XIV, sur l'emplacement d'un parc à bêtes
+fauves, datant de Louis XIII, et qui en avait gardé le nom. Quant au
+sérail, voici à quoi il se réduit. Louis XV avait acheté secrètement,
+dans une impasse déserte de ce quartier, une petite maison bourgeoise où
+pouvaient à peine loger trois personnes, et dans laquelle son valet de
+chambre faisait élever quelques jeunes filles ordinairement vendues par
+leurs parents. «Il n'y en avait que deux en général, dit madame du
+Hausset, très-souvent une seule; quelquefois, le Parc aux cerfs était
+vacant cinq ou six mois de suite. Lorsqu'elles se mariaient on leur
+donnait des bijoux et une centaine de mille francs.» Il ne paraît pas
+que le nombre de ces victimes, immense d'après tous les historiens, ait
+dépassé une trentaine, le roi n'ayant gardé cette maison que de 1755 à
+1771. M. Le Roi appuie cette curieuse découverte historique de pièces
+irréfutables, mais cela n'empêchera pas les historiens de scandales de
+parler des centaines de millions, et même des milliards que coûta le
+Parc aux cerfs.
+
+10º Si la dissertation sur le Parc aux cerfs atténue, sans le rendre
+moins odieux, le libertinage de Louis XV, il n'en est pas de même du
+morceau suivant qui renferme une notice biographique sur madame du
+Barry, d'après des cartons et des liasses de documents appartenant aux
+archives de la préfecture de Seine-et-Oise, et à la bibliothèque de
+Versailles. On sait qu'un gentilhomme débauché et ruiné, Jean du Barry,
+ayant rencontré dans un mauvais lieu une fille d'une merveilleuse
+beauté, parvint à la faire connaître au roi qui en devint follement
+épris, que pour en faire une maîtresse en titre et lui donner un rang à
+la cour, il la fit épouser à son frère le comte du Barry. M. Le Roi nous
+donne _in extenso_ l'étrange contrat de mariage conclu à cet effet, où
+l'on stipule la séparation des deux époux, où la future prend le nom de
+Jeanne Gomard de Vaubernier, nom faux, comme nous le dirons tout à
+l'heure; enfin, où elle apporte en dot 30,000 livres «provenant de ses
+économies», et consistant, pourrait-on dire, en outils de son métier,
+c'est-à-dire en diamants, perles, dentelles, «un lit complet, trente
+robes et six douzaines de chemises».
+
+Après cette édifiante énumération, M. Le Roi nous donne l'état des
+richesses accumulées par madame du Barry lorsqu'elle fut devenue la
+maîtresse en titre du roi: 100,000 livres de rentes sur la ville de
+Paris, la terre de Louveciennes, 40,000 livres de rentes sur la ville de
+Nantes, etc. Madame du Barry n'avait reçu presque aucune éducation et
+avait les goûts de son ancienne vie, l'amour effréné de la toilette, des
+jolis meubles, des colifichets, des futilités. Son appartement n'était
+qu'un boudoir: M. Le Roi nous en donne la description, et les détails
+dans lesquels il entre sont à faire pâmer, à faire mourir d'envie les
+plus charmantes dépensières de nos jours. Qu'on en juge par ce qu'il dit
+des lieux les plus secrets de cet appartement:
+
+«Dans la garde-robe on voyait un meuble de toilette secrète à dossier,
+en marqueterie, fond blanc à mosaïques bleues et filets d'or, avec
+rosettes rouges, garni de velours bleu brodé d'or, et sabots dorés d'or
+moulu, la boîte à éponges et la cuvette d'argent, deux tablettes
+d'encoignure aussi en marqueterie, garnies de bronzes dorés d'or moulu,
+et une chaise de garde-robe en marqueterie pareille aux autres meubles,
+la lunette recouverte de maroquin, et les poignées et les sabots dorés
+d'or moulu.»
+
+Le rêve de madame du Barry dura à peine six ans. Le roi mourut. Madame
+du Barry, exilée d'abord dans un couvent, revint ensuite habiter son
+château de Louveciennes. Ses créanciers l'y poursuivirent. Légère,
+insouciante et prodigue malgré les libéralités du roi, elle avait
+1,200,000 livres de dettes. Louis XVI se fit donner l'état des dons
+faits à la maîtresse de son aïeul, et l'on trouva qu'elle avait reçu en
+six ans six millions et demi, sans compter les maisons, les 150,000
+livres de rente viagère, etc. Sur cette somme les bijoutiers avaient
+reçu 2,280,000 livres, les marchands de dentelles, soieries, etc.,
+738,000 livres; les tailleurs et brodeurs, 551,000 livres, etc. Madame
+du Barry n'avait fait de mal à personne pendant sa faveur; elle était
+d'une bonté extrême, d'une humeur charmante, et avait laissé à la cour
+des amis qui lui restèrent très-dévoués. Grâce à eux, elle parvint à
+payer ses dettes au moyen d'un échange de 60,000 livres de rente viagère
+contre 1,250,000 livres qui lui furent données par le trésor.
+
+Mais madame du Barry ne s'était pas corrigée de son goût de dépenses, et
+de sa négligence à compter; elle fit de nouvelles dettes, et à l'époque
+de la Révolution elle fut obligée de songer à vendre ses bijoux. Elle
+réunit les plus précieux dans une chambre où, pendant une nuit, des
+voleurs s'introduisirent et firent main basse sur le précieux dépôt.
+Madame du Barry fit publier la liste des objets volés. Cette liste est
+donnée par M. Le Roi: c'est une rivière continue, une cascade
+éblouissante de diamants, de perles, de bagues, de colliers, de
+girandoles, de bracelets, d'_esclavages_, d'étuis, de boîtes, à faire
+tourner la tête des dames qui la liront.
+
+Le vol des bijoux de madame du Barry fut la cause de sa mort. Ayant
+appris que les voleurs avaient été arrêtés à Londres et qu'on
+instruisait leur procès, elle voulut suivre cette affaire et alla en
+Angleterre avec un passe-port régulier. C'était au mois d'octobre 1792.
+Son absence s'étant prolongée, on la regarda comme émigrée et l'on mit
+le scellé sur ses biens. Dès qu'elle l'apprit, elle revint en France;
+mais au mois de juin 1793 elle fut arrêtée comme suspecte et traduite
+(novembre 1793) au tribunal révolutionnaire, comme ayant fourni aux
+émigrés réfugiés à Londres des secours pécuniaires, et entretenu avec
+eux des correspondances. L'occasion était belle à faire de la
+déclamation révolutionnaire; aussi Fouquier Tainville accumula les
+accusations les plus forcenées, les plus emphatiques «contre cette
+moderne Aspasie, cette sultane du crime couronné, contre cette
+surintendante des honteuses débauches du Sardanapale moderne, etc.» On
+sait que, condamnée à mort, elle fut conduite au supplice le 8 décembre
+1793.
+
+M. Le Roi fait suivre cette lugubre histoire de détails intéressants sur
+les biens confisqués de madame du Barry. Le total de l'appréciation des
+effets mobiliers s'élève à 1,246,000 livres, sans compter les objets
+d'art qui sont aujourd'hui répartis dans les musées de l'État. Le
+château de Louveciennes fut vendu six millions.
+
+Cette notice biographique si pleine de faits inconnus, de chiffres
+éloquents, se termine par un dernier détail qui n'est pas le moins
+inattendu: c'est que l'acte de naissance présenté par madame du Barry
+pour son mariage était faux; qu'elle n'était pas la fille légitime de
+Gomard de Vaubernier et de Jeanne Bécu, née en 1746, mais la fille
+naturelle d'une pauvre paysanne appelée Anne Bécu, et qu'elle était née
+en 1743. Elle avait donc vingt-six ans lorsqu'elle fut présentée à Louis
+XV et cinquante ans quand elle mourut.
+
+Telle est, à la place des lieux communs débités sur cette femme trop
+célèbre, la vérité qui ressort des documents authentiques consultés par
+M. Le Roi. Espérons que le savant bibliothécaire ne bornera pas à ces
+dix morceaux ses investigations intéressantes et que, au grand plaisir
+du public affriandé par ces révélations, il tirera bientôt de ses
+cartons de nouvelles _Curiosités historiques_.
+
+TH. LAVALLÉE.
+
+
+
+
+I
+
+LE CHATEAU DE VERSAILLES SOUS LOUIS XIII
+
+ET LA JOURNEE DES DUPES.
+
+1627-1630.
+
+
+A quelle époque faut-il faire remonter la construction du château que
+Louis XIII fit élever à Versailles? Comme les divers écrivains qui ont
+traité ce point historique ne sont point d'accord entre eux, et que nous
+nous proposons de fournir des documents nouveaux pouvant servir à
+éclaircir la question, nous allons entrer dans quelques détails à ce
+sujet.
+
+Les deux premiers auteurs qui s'occupèrent de l'époque de la fondation
+du château, furent l'architecte Blondel, dans son livre de
+l'_Architecture française_, t. IVe, 1756, et l'abbé Lebeuf, dans
+l'_Histoire du diocèse de Paris_, t. VIIe, 1757.
+
+Voici d'abord ce que dit l'abbé Lebeuf. Après avoir fait l'énumération
+des divers seigneurs de Versailles, il ajoute:
+
+«Jean de Soisy prend, dans son contrat de mariage avec Antoinette
+Postel, du 22 janvier 1610, la qualité de seigneur de Soisy, sous
+Montmorency, et de Versailles au val de Galie. Ce fut lui qui vendit
+cette terre au roi Louis XIII, vers l'an 1627.»
+
+Voici maintenant comment s'exprime Blondel, sur le même sujet:
+
+«La terre et seigneurie de Versailles était possédée, en 1560, par
+plusieurs particuliers: _Philippe Colas_, écuyer, en possédait la plus
+grande partie; une autre appartenait à _Antoine Poart_, maître des
+comptes à Paris: ce dernier était aussi propriétaire de la seigneurie de
+la Grange Lessart; enfin une autre partie appartenait à _Roberte de
+Soisy_, femme de Jean de la Porte, et à _Marguerite de Soisy_, sa soeur,
+veuve de Jean Dizy, en qualité d'héritières d'Antoinette de Portet, leur
+mère.
+
+»_Martial de Loménie_, secrétaire du roi et de ses finances, devint, en
+1561, propriétaire de cette terre et de celle de la Grange Lessart, par
+les acquisitions qu'il en fit, et en a joui jusqu'à sa mort, arrivée en
+1572; il avait épousé Jacqueline Pinault, décédée avec lui.
+
+»Les tuteur et curateur de leurs enfans mineurs vendirent cette terre et
+seigneurie de Versailles, et celle de la Grange Lessart, par contrat du
+27 juin 1573, à M. Albert de Gondi, comte de Retz. Son fils,
+Jean-François de Gondi, archevêque de Paris, la vendit ensuite à Louis
+XIII, par contrat passé le 8 avril 1632.»
+
+Blondel donne ensuite un extrait du contrat de vente, puis il ajoute:
+
+«Quoiqu'il paraisse, par la date de ce contrat, que Louis XIII n'acheta
+la seigneurie de Versailles qu'en 1632, il est cependant certain que,
+dès l'année 1624, il avait commencé à y faire bâtir un rendez-vous de
+chasse, qu'il avait élevé sur le lieu le plus éminent, et où était situé
+ci-devant un moulin à vent.»
+
+Ainsi voilà deux graves auteurs, écrivant tous deux à la même époque,
+paraissant s'autoriser de documents authentiques, et qui tous deux
+donnent une date différente à un fait qu'il semble au premier abord si
+aisé de constater.
+
+Presque tous ceux qui, depuis cette époque, ont écrit sur l'origine du
+château de Versailles, puisant leurs renseignements dans l'abbé Lebeuf,
+ont donné l'année 1627 comme date de sa fondation[2]. Cette date est
+encore indiquée dans les descriptions modernes de Versailles, que l'on
+trouve dans toutes les mains des visiteurs du musée historique.
+
+Quelle est donc la véritable date de la construction du château de Louis
+XIII? Est-ce 1624, 1627 ou 1632?
+
+M. Eckard, dans ses recherches historiques sur Versailles, frappé de
+cette différence, et voulant tout concilier, accepte les trois dates et
+cherche à les expliquer.
+
+Ainsi, d'après lui, en 1624, Louis XIII, _ennuyé, et sa suite encore
+plus, d'y avoir souvent couché dans un méchant cabaret à rouliers, ou
+dans un moulin à vent_[3], fit d'abord construire à Versailles un
+pavillon pour servir de rendez-vous de chasse.
+
+Et il ajoute: «Ce pavillon, inconnu au duc de Saint-Simon, était oublié
+lorsqu'il écrivait un siècle après cette construction: une partie, celle
+donnant sur l'avenue de Saint-Cloud, a été démolie en 1827, et une
+maison bâtie sur l'emplacement; l'autre partie, sur la rue de la Pompe,
+subsiste toujours: le tout appartient à M. Amaury, et porte encore
+aujourd'hui le nom de _Pavillon royal_; il est situé presqu'à l'angle
+que forment l'avenue de Saint-Cloud et la rue de la Pompe, aboutissant
+sur celle du Plessis. Il était donc sur le chemin qui conduisait à la
+forêt de Saint-Léger-en-Yveline, à l'époque où la chaussée d'Auteuil et
+l'ancien pont de bois, à Sèvres, n'existant pas encore, la grande route
+de Paris à Brest passait par Saint-Cloud, d'où un chemin secondaire
+partait et se dirigeait sur Ville-d'Avray, Montreuil, le territoire de
+Versailles et les autres, jusqu'à cette forêt. Quoique engagé dans les
+maisons voisines, ce pavillon était naguère encore facile à reconnaître
+par la tourelle, ou lanterne, qui dominait et éclairait, un grand
+escalier, et qui, ensuite, forma la coupole de la synagogue qu'on y a
+vue pendant quelques années. Je me souviens très-bien qu'en 1780, un
+habile professeur d'écriture, Hachette, qui en occupait le premier
+étage, et dont la classe fort élevée et très-spacieuse donnait en partie
+sur la rue de la Pompe, nous dit plusieurs fois que cette pièce avait
+été la chambre à coucher de Louis XIII. Cette partie conservée du
+pavillon a seulement subi quelques changements dans sa distribution
+intérieure. De plus, _le Cicerone_ de 1804 contient, dans sa description
+des édifices de Versailles, ce passage remarquable:--_Le Pavillon
+royal_.--On assure qu'une portion, celle où se trouve son vaste
+escalier, est véritablement la première propriété de Louis XIII, qui en
+faisait son retour de chasse avant l'acquisition de la terre
+seigneuriale. Enfin M. Guignet, ancien architecte des bâtiments du roi à
+Versailles, à qui j'ai communiqué mes observations, et qui les a
+vérifiées, a adopté entièrement mon opinion.»
+
+M. Eckard ajoute qu'en 1627, Louis XIII, ayant jugé qu'aucun pays ne
+pouvait présenter en aussi peu d'espace, plus de variété pour les
+courses à cheval, dans lesquelles consiste le plaisir de la chasse à cor
+et à cris, acheta de Jean de Soisy un fief et des terrains à Versailles,
+et y fit élever _un petit château de cartes_[4] sur un monticule qui
+était occupé par un moulin à vent. Enfin, qu'en 1632, le roi fit
+l'acquisition de la terre et seigneurie de Versailles, de Jean-François
+de Gondi, archevêque de Paris, ainsi qu'il résulte du contrat cité par
+Blondel. Donc en résumé: 1624, construction du Pavillon royal;
+
+1627, acquisition d'un fief de Jean de Soisy.--Louis XIII construit un
+petit château sur l'emplacement du moulin, comme le point le plus
+éminent. 1632, vente par l'archevêque de Paris, du vieux château et de
+la seigneurie de Versailles.
+
+Ainsi, le travail de M. Eckard avait résolu la question et les trois
+différentes dates de la fondation du château se trouvaient expliquées.
+
+En 1839, l'auteur de l'essai historique intitulé: _Versailles_,
+_seigneurie_, _château et ville_, s'empressa d'adopter l'explication de
+M. Eckard, surtout en ce qui concerne le Pavillon royal[5]. Quant au
+château qui n'aurait été commencé qu'en 1627, l'auteur de _Versailles_,
+_seigneurie_, _château et ville_ se demande si c'est bien à ce château
+qu'il faut attribuer le mot de _chétif Versailles_, prononcé par
+Bassompierre, ainsi que l'ont fait beaucoup d'autres auteurs et M.
+Eckard lui-même? Si l'on adopte, en effet, l'opinion de l'abbé Lebeuf,
+qui donne cette année 1627 comme celle où Louis XIII fit commencer la
+construction du château sur les terrains vendus à cette époque par Jean
+de Soisy, il est impossible de ne pas supposer que Bassompierre se soit
+trompé en parlant d'un château n'existant pas encore; et cependant le
+récit de Bassompierre est positif. Voici ce que l'on trouve dans le
+journal de sa vie[6].
+
+Après avoir raconté, jour par jour, ce qui lui était arrivé pendant le
+mois de décembre 1626, il ajoute:
+
+«Les choses étoient en cet état, lorsque nous entrâmes en l'année 1627,
+au commencement de laquelle le roy fit tenir une assemblée de notables,
+en laquelle il me fit l'honneur de me choisir pour y estre un des
+présidents. Monsieur, frère du roy, fut le chef et le premier, et
+ensuite M. le cardinal de la Valette, le maréchal de la Force et moi.»
+
+Bassompierre indique ensuite la composition de cette assemblée; puis,
+après avoir parlé des divers objets mis en délibération, il raconte
+qu'il lui arriva peu d'occasions de parler: «Hormis une seule fois,
+dit-il, que nous estant proposé si le roy cesseroit ses bastimens
+jusques dans une meilleure saison, et que ses finances fussent en
+meilleur estat, M. d'Osembray fut d'advis que l'on le devoit conseiller
+au roy.»
+
+Il crut alors devoir prendre la parole, et prononça un discours qu'il
+donne en son entier. C'est dans ce spirituel discours, épigramme adroite
+contre la parcimonie de Louis XIII, parcimonie dont il se servit
+habilement pour faire changer d'avis tous ceux qui avaient déjà voté
+pour la proposition de M. d'Osembray, que se trouve ce fameux mot de
+_chétif château de Versailles_, cité depuis si diversement. Après avoir
+fait observer qu'il n'est pas nécessaire de conseiller à Louis XIII de
+ne point faire une chose qu'il ne fait pas, il ajoute: «Le feu roy nous
+eust pû demander cet advis, et nous eussions eu loisirs de le lui
+donner, car il a employé des sommes immenses à bastir. Nous avons bien
+pû connoistre en celui-cy la qualité de destructeur, mais non
+d'édificateur. Saint-Jean-d'Angely, Clérac, Les Tonnains, Monheur,
+Négrepelisse, Saint-Antonin, et tant d'autres places rasées, démolies ou
+bruslées, me rendent preuve de l'un et le lieu où nous sommes, auquel,
+depuis le décès du feu roy son père, il n'a pas ajouté une seule
+pierre[7]; et la suspension qu'il a faite depuis seize années au
+parachèvement de ses autres bastimens commencez, me font voir clairement
+que son inclination n'est point portée à bastir, et que les finances de
+la France ne seront point épuisées par ses somptueux édifices; si ce
+n'est qu'on lui veuille reprocher le _chétif chasteau de Versailles_, de
+la construction duquel un simple gentilhomme ne voudroit pas prendre
+vanité.» Dans cette assemblée des notables, furent traités les plus
+grands intérêts de l'État. Elle tient une place importante dans le règne
+de Louis XIII, et ne peut être mise en doute, pas plus que le discours
+si remarquable qu'y prononça Bassompierre, et qu'il ne pouvait avoir
+oublié lorsqu'il écrivit ses mémoires très-peu d'années après[8]. Aussi
+l'auteur de _Versailles_, _seigneurie_, _château et ville_, pense-t-il
+que ce discours, prononcé au commencement de 1627, n'a dû s'appliquer
+qu'au Pavillon royal, bâti dès 1624. Mais cependant, peu certain que le
+maréchal de Bassompierre ait parlé avec tant d'assurance d'une maison si
+peu importante, il ajoute: «Ou bien si l'on veut que Bassompierre ait
+appliqué son mot de _chétif_ au château bâti sur le tertre de Jean de
+Soisy, il faudra convenir que son discours aura été fait après coup,
+c'est-à-dire depuis 1631, époque où le maréchal fut enfermé à la
+Bastille, et où il commença pour se désennuyer, et fort souvent de
+mauvaise humeur, à écrire les mémoires qu'il a laissés; il aura donc
+donné l'épithète de chétif au nouveau château, par la raison que tout ce
+que devait faire le roi, alors sous l'influence de Richelieu, l'ennemi
+juré du maréchal, devait paraître, aux yeux de ce dernier, mauvais,
+tyrannique ou chétif, et le pauvre château aura été enveloppé dans une
+commune disgrâce avec les actes despotiques du cardinal.»
+
+Il paraît donc à peu près certain, d'après tout ce que nous venons de
+rapporter, que Louis XIII avait une habitation à Versailles dès l'année
+1624, et certainement avant 1627. Cette habitation, Blondel assure
+qu'_elle était élevée sur le lieu le plus éminent, et où était situé
+ci-devant un moulin à vent_, par conséquent à la place même où se trouve
+le château actuel, tandis que M. Eckard, et après lui l'auteur de
+_Versailles_, _seigneurie_, _château et ville_, pensent que c'était le
+Pavillon royal; c'est pour éclairer cette question que nous nous sommes
+livré à quelques recherches, qui nous ont procuré la connaissance de
+nouveaux documents propres à la résoudre.
+
+M. Eckard, lorsqu'il écrivit son livre sur Versailles, fit de nombreuses
+visites aux Archives du royaume et aux Archives de la couronne, pour
+avoir quelques renseignements sur les faits dont il s'agit; mais là
+comme à Versailles, il ne put trouver aucun acte, aucun titre qui se
+rapportât aux acquisitions de Louis XIII à Versailles; ce qui lui fit
+penser «que les contrats primordiaux, soit du vieux château et de la
+seigneurie de Versailles, soit du fief vendu par Jean de Soisy, ont été
+détruits, de même qu'une foule d'autres documents plus importants encore
+pour notre histoire l'ont été dans toute la France, parce qu'ils
+établissaient des droits féodaux et des redevances seigneuriales
+supprimés, sans indemnité, par différents décrets.»
+
+«En effet, une loi du 17 juillet 1793, a ordonné le brûlement de tous
+les titres énonciatifs de ces droits, et existants entre les mains des
+anciens seigneurs, ou qui, pour les domaines nationaux, avaient été
+déposés dans les secrétariats des districts. Or, cette loi, qui
+prononçait cinq années de fers contre ceux qui auraient caché ou
+soustrait et recelé des minutes, ou des expéditions des actes qui
+devaient être brûlés, fut rigoureusement exécutée à Versailles, d'où
+relevaient en outre trente-quatre seigneuries.»
+
+Il était donc nécessaire de suivre une autre direction dans les
+recherches nouvelles que l'on voulait faire sur ce sujet; et comme il
+s'agissait surtout de constater l'époque de la construction du Pavillon
+royal, regardé comme la première habitation de Louis XIII, ce fut
+particulièrement de ce côté que nous portâmes nos investigations.
+
+Nous nous adressâmes au propriétaire de ce pavillon, M. Peert, avoué à
+Versailles, et grâce à son extrême obligeance, nous avons trouvé, parmi
+les titres de propriété, deux pièces qui établissent d'une manière
+positive l'époque de la construction du _Pavillon royal_.
+
+La première de ces pièces est ainsi conçue:
+
+«Don de place à Versailles pour les héritiers de la veuve Hérault.
+
+»Aujourd'hui, 2 aoust mil sept cent un, le Roy étant à Versailles, les
+héritiers de la veuve Hérault lui ont fait représenter que Sa Majesté
+lui auroit accordé, il y a environ 25 ans, une place scize en ce lieu,
+sur laquelle elle a fait bastir une maison appelée le _Pavillon royal_;
+mais comme il ne luy en a pas été expédié de brevet pour en assurer la
+propriété à ses héritiers, ils l'ont très-humblement suppliée de vouloir
+sur ce leur pourvoir, à quoy ayant égard, Sa Majesté a, en tant que de
+besoin, accordé et fait don aux héritiers de ladite veuve Hérault de
+ladite place, contenant 24 toises 4 pieds de face sur la rue de la
+Pompe, 29 toises de face sur l'avenue de Saint-Cloud, 3 toises 2 pieds
+de face à la pointe aboutissant par le côté opposé à ladite pointe, au
+mur de l'hostel de Guise, et ayant 17 toises de profondeur, le long
+dudit mur, à la charge par eux de payer au domaine de Versailles le
+droit de cens sur le pied de 5 sols par arpens, au jour de Saint-Michel,
+et d'entretenir en bon état et cimétrie la maison qui y a été bastie, et
+pour assurance de sa volonté, Sa Majesté m'a commandé de leur en
+expédier le présent brevet, qu'elle a signé de sa main et fait
+contresigner par moy, conseiller secrétaire d'État et de ses
+commandements et finances, signé: Louis et plus bas Phelypeaux; et au
+dos est écrit: Paraffé _ne varietur_, au désir du partage passé devant
+les notaires soussignés, ce 20 mars 1720. Signé: Bergeret, Delaroche,
+Delaroche avec Besnier et Junot, notaires, en l'original des présentes,
+paraffé et demeuré annexé à la minute d'un partage passé devant les
+notaires soussignés, ce 20 mars 1720, dont la minute envers ledit Junot.
+Signé: Besnier et Junot, avec paraffes et scellé ledit jour.»
+
+La deuxième donne le plan du terrain, et au milieu est écrit:
+
+[Illustration:
+
+AVENUE DE SAINT-CLOUD, 29 TOISES.
+
+ +--------+
+ ______________| |______________
+ 3 toises, | /
+ Ville-Nueve. | /
+ | /
+ \ /
+ \ / 17 toises,
+ \ / madame de Guise.
+ \ /
+ \ /
+ \______________________/
+
+ 24 toises 4 piedes,
+ rue de la Pompe.
+
+]
+
+«Le Roy a accordé, il y a environ 25 ans, à la veuve Hérault une place
+scize à Versailles, ayant 24 toises 4 pieds de face sur la rue de la
+Pompe, 29 toises de face sur l'avenue de Saint-Cloud, 3 toises 2 pieds
+de face à la pointe où se joignent ladite rue de la Pompe avec ladite
+avenue, aboutissant par le côté opposé à ladite pointe, au mur de
+l'hostel de Guise, et ayant 17 toises de profondeur le long dudit mur,
+le tout ou environ, sur laquelle place elle a fait bastir une maison
+appelée le _Pavillon royal_, suivant les décorations réglées par Sa
+Majesté, dont n'ayant point eu ci-devant de brevet, Sa Majesté m'a
+commandé de donner le présent certificat aux héritiers de ladite veuve
+Hérault, pour obtenir sur iceluy tous brevets nécessaires.
+
+«Fait à Versailles, le 10 juillet 1701, signé: Hardouin Mansart.»
+
+ * * * * *
+
+Et plus bas: «Première inventoriée.»
+
+ * * * * *
+
+Deuxième, et au dos est écrit: «Paraffé _ne varietur_, au désir du
+partage passé devant les notaires soussignés, ce 20 mars 1720. Signé:
+Delaroche, Bergeret, Delaroche avec Besnier et Junot, notaires.
+
+»Est l'original des présentes demeuré annexé à la minute d'un partage,
+passé devant les notaires soussignés, dont Junot, l'un d'eux, a la
+minute, ce 20 mars 1720. Signé: Besnier et Junot, avec paraffes, et
+scellés ledit jour.»
+
+Il résulte de ces documents authentiques, que M. Eckard se trompe quand
+il affirme que le Pavillon royal a été bâti par Louis XIII; que ce
+pavillon, l'une des plus anciennes maisons de Versailles, ne remonte
+cependant qu'à l'année 1676, c'est-à-dire au règne de Louis XIV, et que
+ce qui a sans doute induit en erreur M. Eckard, et avant lui le
+_Cicerone de Versailles_, sur l'origine de ce bâtiment, c'est le nom de
+_Pavillon royal_, qu'on lui supposait venir du séjour qu'y aurait fait
+anciennement Louis XIII, tandis que les pièces citées prouvent que ce
+nom lui a été donné au moment de sa construction par la veuve Hérault,
+probablement pour le distinguer des hôtels des grands seigneurs qui
+l'environnaient de tous côtés.
+
+Il reste donc établi, par tout ce qui précède, que Louis XIII avait une
+habitation, à Versailles avant l'année 1627, date à laquelle l'abbé
+Lebeuf fait remonter la vente du fief de Jean de Soisy; que cette
+habitation, n'est point le _Pavillon royal_, ainsi que le croyait
+l'auteur des _Recherches sur Versailles_; et qu'alors il faut bien en
+revenir à l'opinion de Blondel, établissant comme certain que, dès
+l'année 1624, _Louis XIII avait commencé à y bâtir un rendez-vous de
+chasse, qu'il avait élevé sur le lieu le plus éminent, et où était situé
+ci-devant, un moulin à vent_.
+
+Quant à la date de 1632, Louis XIII ne devint véritablement seigneur de
+Versailles qu'à cette époque, en achetant de l'archevêque de Paris la
+terre et seigneurie de Versailles.
+
+Louis XIII aimait beaucoup Versailles; il y prolongeait ses séjours
+pendant la saison des chasses; aussi le _Rendez-vous_ devint une
+habitation qui alla en s'agrandissant jusqu'à la fin de son règne.
+
+Ce château, construit par _Lemercier_, architecte, du roi, était flanqué
+de quatre pavillons bâtis de pierres et de briques, avec un balcon de
+fer tournant tout autour, et dégageant les appartements du premier
+étage. Suivant l'usage de ce temps, quelques moyens de défense le
+mettaient à l'abri d'un coup de main.
+
+Une fausse braie ou basse enceinte l'entourait et était précédée d'un
+fossé à fond de cuve, revêtu de briques et de pierres de taille, terminé
+par une balustrade. Ce petit édifice était environné de bois, de plaines
+et d'étangs, dont la nature faisait seule les frais[9].
+
+Tel était encore le château de Louis XIII, lorsque, au mois de novembre
+1630, s'y passa le curieux événement qui porte dans l'histoire le nom de
+_journée des Dupes_.
+
+Ce fut le seul événement politique de quelque importance qui eut lieu
+dans le château de Versailles pendant le règne de Louis XIII; il est
+donc intéressant de s'y arrêter un moment, d'autant plus qu'il va servir
+à faire reconnaître quelques-unes des distributions du château à cette
+époque.
+
+Dans le mois de septembre 1630, Louis XIII venait de diriger sur
+l'Italie une armée considérable: «Toutes les troupes avaient passé par
+Lyon, et le roi les avait voulu voir l'une après l'autre. S'y trouvant
+beaucoup de soldats bien nouveaux et mal façonnés au métier, pour les
+mieux former, il montrait à quelques-uns comment il fallait porter et
+manier les armes, y prenant un singulier plaisir. Il ne s'occupait pas à
+ceci, néanmoins, sans beaucoup de travail, s'y adonnant pendant la
+chaleur du jour le plus souvent, et pendant les pluies et le mauvais
+temps. Le vingt-deuxième jour du mois de septembre, sur les deux à
+trois heures après midi, ayant été toute la matinée bien gai, il se
+sentit attaqué d'un frisson qui fut suivi d'une fièvre continue, avec
+des redoublements chaque nuit, qui donnèrent à ses gens de bien grandes
+appréhensions, sans qu'on lui fît connaître que la fièvre dont il était
+atteint fût si maligne[10].» La maladie du roi allait toujours en
+augmentant; les médecins en désespéraient, et avaient même dit qu'il ne
+passerait pas le 30 septembre. A chaque instant on croyait le voir
+expirer, lorsque _Sénéles_, médecin du commun de la reine, proposa de
+lui administrer un remède qui, disait-il, devait, en moins de quatre
+heures, ou sauver le roi ou le faire périr. «Les deux reines, dit
+Valdori[11], qui raconte ce fait, voyant l'une son fils, l'autre son
+époux sans espérance, et entièrement abandonné des médecins,
+consentirent à faire l'épreuve, laquelle réussit si heureusement que ce
+monarque, déjà à demi mort, revint dans peu en convalescence[12].»
+
+La reine Anne d'Autriche était depuis longtemps fort en froid avec Louis
+XIII; les soins qu'elle lui rendit dans le cours de sa maladie avaient
+amené entre eux une espèce de réconciliation. Anne en profita pour
+seconder sa belle-mère, Marie de Médicis, dans la guerre que celle-ci
+avait déclarée au cardinal de Richelieu. On ne laissa pas respirer le
+roi pendant sa pénible convalescence. Les deux reines profitèrent de sa
+faiblesse, l'étourdirent de violentes accusations contre Richelieu, qui,
+selon elles, n'avait entrepris cette guerre que pour se rendre
+nécessaire, et avait ainsi sacrifié la santé et la vie du roi à son
+ambition; Louis XIII ne trouva d'autre moyen de se débarrasser des
+obsessions de sa mère qu'en lui promettant de prendre un parti définitif
+après son retour à Paris.
+
+Le roi ne tarda pas à quitter Lyon. «Il en sortit sur un brancard, dit
+Ch. Bernard[13], pour aller prendre la rivière à _Rouane_, d'où il
+arriva en peu de temps à Briare et de là à Versailles, maison qu'il
+avait fait bâtir à quatre lieues de Paris et à deux lieues de
+Saint-Germain-en-Laye. «Elle était petite, pour n'y admettre que peu de
+gens et n'être point troublé dans le repos qu'il cherchait loin des
+importunités de la cour, et afin d'être plus libre dans l'exercice de
+ses chasses, lorsqu'il s'y voulait adonner.» Il fut là quelque temps et
+alla après à Saint-Germain, ne pouvant loger dans son Louvre à Paris,
+d'autant que l'on travaillait à la grande salle, dont jusqu'alors le
+plancher n'avait été construit que de poutres et de solives, qui
+offraient si peu de sûreté que lorsqu'on s'y réunissait l'on était
+obligé d'y mettre des étais, et que Sa Majesté avait ordonné de
+remplacer par des voûtes en pierre.»
+
+A peine arrivée à Paris, Marie de Médicis recommence ses instances
+auprès du roi, pour faire éloigner le cardinal. Louis oppose une vive
+résistance aux importunités de sa mère, et insiste sur le besoin qu'il a
+des services de Richelieu. Marie paraît d'abord se rendre; mais,
+toujours poussée par sa haine contre le premier ministre, elle se résout
+enfin à prendre un parti décisif. Cet événement est raconté comme il
+suit par l'auteur des _Anecdotes du ministère du cardinal de Richelieu_:
+
+«La reine-mère ayant résolu de mettre le feu le jour de saint Martin, 11
+novembre 1630, à la mine qu'elle avait creusée, pour faire sauter en
+l'air et détruire jusqu'aux fondements de la fortune du cardinal, et
+ayant pris ses mesures, pour mieux effectuer son dessein, de se trouver
+seule avec le roi son fils, afin de lui faire toucher au doigt et à
+l'oeil, pour me servir de ses propres termes, toutes les fautes énormes
+que ce prélat avait commises pendant son ministère, les dommages et le
+préjudice que l'État en avait souffert, la mine joua et eut un succès
+bien différent de celui qu'elle et ceux qui l'avaient aidée à la
+fabriquer avaient espéré, car elle écrasa tous les architectes qui en
+avaient donné le plan, et ensevelit sous ses ruines tous ceux qui
+avaient contribué à sa construction.
+
+»Mais cette intrigue mérite bien que l'on fasse un détail un peu
+circonstancié d'une scène qui fait la plus curieuse époque du règne de
+Louis XIII, et qui à fait donner le nom de _journée des dupes_ au jour
+où elle se passa.
+
+»La reine-mère étant donc convenue avec le roi son fils qu'il la
+viendrait voir le jour de saint Martin, dans la matinée, à son palais du
+Luxembourg, à l'insu du cardinal, feignit d'avoir pris médecine ce
+jour-là, afin d'avoir un prétexte apparent de défendre l'entrée de sa
+chambre à qui que ce fût, pour pouvoir entretenir ce monarque en
+particulier plus à son aise. Ce prince faisait cependant cette visite
+secrètement, de concert avec son premier ministre, du moins à ce qu'en
+publia pour lors la renommée; mais, quoi qu'il en soit, cette princesse
+mit en ce moment tout en usage, et employa tout l'art du monde pour
+persuader à son fils qu'il était trompé et trahi par le cardinal. Elle
+lui fit là-dessus une longue énumération de toutes les fautes, de toutes
+les bévues et de tous les manquements de ce ministre. Elle fit ensuite
+tous ses efforts, pour tirer parole de lui qu'il le chasserait, qu'il ne
+l'admettrait jamais plus à ses conseils. Elle n'eut aucun scrupule
+d'exiger du roi, au milieu des acclamations publiques qu'il recevait
+pour son heureuse convalescence et l'heureux succès de ses armes en
+Italie, où ce prélat avait eu tant de part, une chose aussi honteuse
+pour sa réputation, qui était celle de sacrifier un si digne serviteur,
+et de le faire servir de victime au ressentiment de sa mère, et de faire
+voir à toute l'Europe, par la disgrâce de celui qui était l'âme de tous
+ses conseils, qu'il se repentait de ce qu'il avait fait pendant tout le
+temps qu'il avait été son premier ministre. Comme la reine était au plus
+fort de son discours, et qu'elle pressait vivement son fils de lui
+accorder ce qu'elle désirait de lui avec tant d'instances, le cardinal
+entra brusquement dans sa chambre; il en avait trouvé, à la vérité, la
+porte fermée, avec défenses très-expresses à l'huissier de l'ouvrir à
+personne et surtout à lui, s'il s'y présentait; mais comme il
+connaissait toutes les issues de ce palais, il s'en fut à la garde-robe
+de cette princesse, et se fit introduire par là dans la chambre, ayant
+gagné pour cet effet une de ses femmes nommée _Zuccole_, qui, étant dans
+la confidence de sa maîtresse, était restée seule de garde en cet
+endroit-là[14]. Voilà de quelle manière il parvint jusqu'au lieu où la
+mère et le fils s'entretenaient tête à tête sur son sujet et où il
+servait d'ample matière à leur conversation. Ce fut la faute de la
+reine, si elle fut ainsi interrompue; car ses plus fidèles domestiques
+lui avaient conseillé, pour obvier à toutes sortes d'inconvénients, de
+faire fermer cette porte de communication dans sa chambre, et d'en tenir
+elle-même les clefs sous sa main.»
+
+L'auteur des _Anecdotes_ raconte ensuite la scène qui eut lieu entre la
+reine Marie de Médicis et le cardinal, la soumission apparente de
+Richelieu, les cris et les emportements de la reine; puis il ajoute: «Le
+cardinal se tourna du côté du roi et le supplia de vouloir bien lui
+permettre de se retirer quelque part pour y passer le reste de ses jours
+en repos, n'étant pas juste que Sa Majesté se servît de lui et le
+continuât dans le ministère contre les volontés de la Reine. A ces
+paroles, ce monarque, témoignant avoir envie de déférer aux désirs de sa
+mère, lui accorda sa demande et lui ordonna de sortir. Il ne fut plus
+question que du choix d'un nouveau ministre; mais cette princesse, qui
+l'avait déjà désigné en elle-même, proposa à son fils le garde des
+sceaux, de Marillac, dont le roi approuva l'élection et consentit qu'il
+fût revêtu de la dignité de premier ministre. Après quoi la mère et le
+fils se séparèrent.
+
+»La reine, pleine de joie et de contentement, resta dans son palais du
+Luxembourg, s'applaudissant en elle-même d'avoir si bien réussi dans son
+dessein. Le bruit de la disgrâce du cardinal et de l'élévation de
+Marillac s'étant répandu dans un instant de tous côtés, les affections
+des courtisans changèrent d'objets dans le moment, la faveur ayant
+coutume d'attirer à soi les coeurs, de même que la lumière d'un nouvel
+astre attire les regards de tout le monde; aussi le cardinal se vit tout
+d'un coup délaissé de toute la cour, à l'exception de ses parents et
+d'un petit nombre d'amis qui étaient le plus avant dans sa confidence.
+
+»Le roi, au partir du Luxembourg, s'en alla tout droit à son château de
+Versailles, où la reine-mère ne le suivit point, contre le sentiment de
+tous ses serviteurs, et particulièrement du vicomte _Fabroni_, qui lui
+conseillait d'y accompagner son fils et de ne le point perdre de vue
+qu'elle n'eût mis la dernière main à la disgrâce du cardinal, et qu'elle
+ne l'eût fait chasser de Paris et de la cour. Énivrée de sa prospérité
+présente, elle en voulut goûter toutes les douceurs, et s'amusa à
+recevoir les compliments et les congratulations que tout Paris lui
+venait faire sur le recouvrement de son autorité perdue. Mais, tandis
+qu'elle avalait à longs traits le doux poison de la flatterie, qu'elle
+écoutait avec plaisir toutes les louanges qu'un chacun lui donnait sur
+l'admirable conduite qu'elle avait tenue dans cette affaire, et qu'elle
+disposait déjà des principaux emplois de l'État en faveur de ses
+confidents, le cardinal de Richelieu, conseillé et encouragé par le
+cardinal de la Valette, qui vivait dans une étroite amitié avec lui, de
+faire une dernière tentative auprès du roi pour essayer de se maintenir
+dans le poste qu'il occupait, en dépit de ses ennemis, et de ne leur pas
+céder une victoire si aisée, s'en fut trouver ce prince à Versailles.
+
+«Entre plusieurs raisons dont ce véritable ami se servit pour lui
+persuader ce voyage, il employa celle de ce commun proverbe des
+Français, que, _qui quitte la partie la perd_. Le cardinal et le garde
+des sceaux de Marillac arrivèrent en même temps à la cour: le premier
+sous prétexte de prendre congé de Sa Majesté, et le second à dessein de
+remplir sa place et de prendre possession de l'emploi de premier
+ministre; _les fourriers lui avaient déjà marqué dans le château le
+logement qui était attaché aux fonctions de cette charge_; mais les
+choses changèrent bientôt de face, et bien des gens furent pris pour
+dupes. On reconnut alors que les courtisans s'étaient lourdement abusés
+dans l'empressement qu'ils avaient témoigné à congratuler le nouveau
+ministre, et que le coeur et la conduite des princes sont impénétrables;
+car le cardinal de Richelieu ayant été bien servi auprès du roi par M.
+de Saint-Simon, qui était lors son favori, il arriva que, comme ce
+premier ministre prenait congé de lui en compagnie du cardinal _de la
+Valette_, Sa Majesté, au lieu de lui octroyer la permission qu'il lui
+demandait de se retirer, lui ordonna, au contraire, de demeurer et de
+continuer l'exercice de son emploi, lui disant de plus «de ne point
+s'inquiéter, qu'il trouverait bien le moyen d'apaiser sa mère, et de la
+faire consentir à ce qu'il faisait, en ôtant d'auprès d'elle les
+personnes qui lui donnaient de pernicieux conseils.»
+
+»Cette scène se passa publiquement dans la chambre du roi; mais le
+cardinal avait été secrètement introduit, un peu avant, _par un escalier
+dérobé dans le cabinet de ce monarque_, avec lequel il avait eu un assez
+long entretien qui avait produit tout l'effet qu'il en pouvait attendre;
+car ce prince, persuadé, par toutes les raisons qu'il lui avait
+alléguées pour sa justification, qu'il était fidèlement et uniquement
+attaché à sa personne et au bien de son royaume, lui avait redonné son
+affection et toute sa confiance. Il était, de plus, convenu avec lui de
+toutes les choses qui se passèrent ensuite dans sa chambre, afin que la
+victoire qu'il remportait sur ses ennemis en parût plus éclatante. Ce
+fut M. de Saint-Simon qui lui rendit un service si important, en
+ménageant cette secrète entrevue entre Sa Majesté, et en le conduisant
+lui-même, à l'insu de tout le monde, dans le cabinet du roi.»
+
+Charles Bernard, racontant le même fait dans son Histoire de Louis XIII,
+dit: «Le roi, qui recognoissait bien d'où le mal pouvoit venir, résolut
+de le terminer. Il savoit qui estoient les artisans de ces divisions, si
+bien que s'en allant en sa maison de Versailles, il commanda au cardinal
+et au garde des sceaux, chacun à Paris, de l'y suivre. Il n'avoit encore
+mené en ce lieu pas un conseil, ayant fait bastir cette petite maison
+pour se distraire entièrement des affaires....
+
+»Cependant, les deux personnages qui estoient les premiers du conseil du
+roy, pour obéir au commandement de Sa Majesté, le suivirent et eurent un
+divers événement de leur arrivée: le garde des sceaux ayant eu
+commandement d'aller _loger à Glatigny_, le roy lui ayant fait dire
+qu'il lui ferait le lendemain savoir sa volonté; au lieu que le cardinal
+fut logé dans le chasteau de Versailles, sous la chambre du roy, en
+celle où l'on avoit coutume de loger M. le comte de Soissons[15], et dès
+le soir il entra en conseil avec Sa Majesté.»
+
+Telle fut cette _journée_, dans laquelle les Marillac[16], les Guise, la
+princesse de Conti et les autres partisans de la reine-mère, qui se
+croyaient arrivés au sommet des grandeurs par la chute du cardinal, se
+virent, les uns destitués de leurs emplois; d'autres chassés de la cour,
+et plusieurs emprisonnés.
+
+«Le pauvre maréchal de Bassompierre lui-même, dit Valdori, tout fin et
+délié courtisan qu'il était, se trouva, par les engagements qu'il avait
+avec l'incomparable princesse de Conti, compris au nombre des
+malheureux. Il fut envoyé à la Bastille, d'où il ne sortit, qu'après la
+mort du cardinal.»
+
+Ce récit éclaire plusieurs détails intéressants du château de
+Versailles. Et d'abord, on voit que Louis XIII avait fait bâtir une
+petite maison _pour n'y admettre que peu de gens et n'être point troublé
+dans le repos qu'il y cherchait loin des importunités de la cour_; et,
+par conséquent, on conçoit très-bien que Bassompierre ait pu l'appeler
+le _chétif château de Versailles_. Ce fut plus tard, et quand il eut
+acheté le domaine de Versailles de Jean-François de Gondi, qu'il y
+ajouta de nouvelles constructions et en fit un palais de quelque
+importance.
+
+Ce qui vient d'être dit peut aussi servir à retrouver dans le château
+quelques anciennes distributions existant encore aujourd'hui.
+
+Quand Louis XIV fit faire ses grands travaux de Versailles, il voulut
+conserver religieusement le château de son père. Dans les premières
+années de son règne, il fit commencer les embellissements des jardins,
+et y donna les grandes fêtes de 1664 et 1668; la distribution des
+appartements du château de Louis XIII était restée la même, et les
+chefs-d'oeuvre de peinture et de sculpture que Louis XIV commençait à y
+accumuler, étaient tout ce que l'on y voyait de nouveau.
+
+En 1671, Félibien, historiographe des bâtiments du roi, donna la
+première description du château de Versailles et des embellissements
+qu'y faisait exécuter Louis XIV. On voit dans cette description que la
+pièce du milieu, qui devint plus tard la chambre à coucher de Louis XIV,
+et dans laquelle mourut ce roi, formait alors un salon comme au temps de
+Louis XIII; que ce qui est devenu depuis le salon de l'OEil-de-Boeuf,
+était divisé en deux pièces, dont l'une, la plus près du salon central,
+formait la chambre à coucher du roi, et dont l'autre était un cabinet ou
+antichambre; que dans cette antichambre ouvrait un escalier dérobé
+communiquant avec les appartements du rez-de-chaussée. Ces pièces, de
+l'ancien château de Louis XIII, étaient donc restées comme au temps de
+ce roi.
+
+Voyons dans le récit précédent ce qui se rapporte aux appartements du
+château.
+
+«Cette scène, dit Valdori, se passa publiquement dans la chambre du roi;
+mais le cardinal avait été secrètement introduit, un peu auparavant; par
+un escalier dérobé, dans le cabinet de ce monarque.»
+
+Charles Bernard ajoute de son côté: «Que le cardinal fut logé dans le
+château de Versailles, sous la chambre du roi, en celle où l'on avoit
+coustume de loger M. le comte de Soissons, et que dès le soir il entra
+en conseil avec Sa Majesté.»
+
+Ainsi l'appartement _où l'on avait coutume de loger M. le comte de
+Soissons_, comme grand-maître de la maison du roi, était au-dessous de
+la chambre à coucher de Louis XIII; conséquemment à l'endroit occupé
+aujourd'hui par la salle des portraits des rois de France, et c'est là
+que Richelieu coucha la nuit de ce célèbre événement. L'_escalier
+dérobé_, par lequel Saint-Simon vint le chercher pour le conduire dans
+le _cabinet du roi_, existe encore dans un petit couloir placé à l'angle
+sud-ouest de cette salle, et aboutit au premier étage à l'angle
+correspondant du salon de l'OEil-de-Boeuf, et par conséquent à la partie
+du cabinet précédant la chambre à coucher du roi. Il est donc évident
+que dans l'état actuel du château de Versailles, et malgré toutes les
+transformations qu'il a subies depuis son origine, on peut suivre
+encore, dans ses détails les plus intéressants, la principale scène de
+cette grande comédie historique appelée _la journée des dupes_[17].
+
+
+
+
+II
+
+LA NAISSANCE DU DUC DE BOURGOGNE.
+
+1682.
+
+
+Anne-Marie-Victoire de Bavière, princesse d'une constitution délicate,
+épousa, au mois de janvier 1680, le dauphin, fils de Louis XIV. La
+première année de ce mariage ne fut qu'une longue série de fêtes pour la
+jeune dauphine. Mais quand, vers la fin de 1681, l'on eut la certitude
+de sa grossesse, de grandes précautions, commandées par la faiblesse de
+son organisation, lui furent imposées. Tout le monde s'intéressait à
+cette princesse et attendait avec anxiété l'époque de sa délivrance. La
+naissance d'un petit-fils était surtout le désir le plus ardent de Louis
+XIV, et il voyait approcher ce moment avec une joie mêlée de quelques
+inquiétudes.
+
+Une première pensée dut se présenter à lui dans une conjoncture aussi
+grave: à qui remettrait-on le soin d'accomplir cette opération
+importante? à un accoucheur ou à une sage-femme?
+
+Aujourd'hui le choix serait bientôt fait, ou plutôt il n'y en aurait
+pas. Mais il n'en était pas ainsi à cette époque. Les accoucheurs
+n'étaient pas répandus comme ils le sont actuellement, et la science
+obstétricale était presque entièrement confiée à des femmes. Non pas que
+depuis longtemps d'illustres chirurgiens n'eussent pratiqué des
+accouchements, mais en général c'était dans des cas exceptionnels et
+difficiles, et dans l'ordre ordinaire des choses, l'on voyait les
+accouchements confiés presque exclusivement à des sages-femmes. Déjà,
+cependant, les femmes avaient moins de répugnance à se remettre dans les
+mains des hommes, et quelques accoucheurs célèbres étaient parvenus à se
+faire une brillante réputation parmi les dames de la cour, de la
+magistrature et de la haute bourgeoisie. Mais le plus grand nombre des
+femmes grosses choisissaient des accoucheuses pour les délivrer, et les
+reines, Marie de Médicis, épouse de Henri IV; Anne d'Autriche, épouse de
+Louis XIII; et Marie-Thérèse, épouse de Louis XIV, avaient été
+accouchées par des femmes. Il semblait donc tout naturel que dans cette
+circonstance, le roi choisît une sage-femme pour accoucher la dauphine.
+Il n'en fut cependant pas ainsi, et un chirurgien fut chargé de cette
+importante opération. On a déjà dit que la dauphine était d'une
+constitution délicate, et que le roi redoutait beaucoup ce moment; il
+voulut donc la remettre entre les mains d'un homme habile et ayant toute
+sa confiance, et il désigna pour accoucheur _Clément_.
+
+_Clément_ (Julien) était alors l'accoucheur le plus célèbre de Paris. Né
+en 1638, à Arles, il vint fort jeune à Paris pour étudier l'art des
+accouchements. Gendre et élevé de _Lefebvre_, autre accoucheur en renom
+de la même époque, il acquit bientôt une grande réputation; et par son
+habileté et le talent qu'il montra dans quelques occasions dangereuses,
+il contribua beaucoup à la véritable révolution qui fit préférer les
+accoucheurs aux sages-femmes, révolution achevée surtout par le choix
+que Louis XIV fit de lui pour la dauphine.
+
+La réputation de Clément ne l'avait pas seule indiqué au choix de Louis
+XIV. Amené mystérieusement auprès de madame de Montespan quand elle mit
+au monde le duc du Maine, il avait continué de l'assister dans ses
+autres accouchements, et le roi avait pu ainsi apprécier ses
+talents[18].
+
+L'accoucheur choisi, il fallait s'occuper de prendre une nourrice.
+Celles-ci ne manquèrent point; et il en vint s'offrir de tous côtés. On
+était dans l'usage de les choisir vers le septième mois de la grossesse.
+
+Peut-être paraîtra-t-il curieux de connaître les conditions exigées
+alors pour être la nourrice d'un prince.--Elle devait être âgée de
+vingt-deux à trente ans,--avoir un lait de trois mois,--avoir déjà fait
+une nourriture étrangère,--être d'un tempérament sanguin,--avoir les
+cheveux noirs ou d'un châtain brun,--avoir une constitution forte et
+robuste,--être assez grasse,--avoir bon appétit,--et n'être délicate ni
+sur le boire, ni sur le manger,--être gaie et de bonne humeur,--avoir
+toujours le mot pour rire,--n'être sujette à aucune incommodité,--ne
+sentir mauvais ni de la bouche, ni des aisselles, ni des pieds,--n'avoir
+point de dents gâtées et les avoir toutes,--avoir la peau blanche et
+nette,--enfin avoir tous les signes d'une bonne santé.--Il fallait de
+plus qu'elle fût assez jolie,--gracieuse dans son parler,--bien faite
+dans sa taille,--ni trop grande, ni trop petite, ni bossue, ni boiteuse,
+et qu'elle n'eût aucun accent prononcé.--Mais ce qu'on exigeait surtout,
+c'était que la gorge fût bien faite et contînt suffisamment de
+lait.--Quant au lait, on n'avait pas alors les moyens que l'on possède
+actuellement pour juger de sa bonté, et l'on s'en rapportait à son
+aspect et à son goût.
+
+Quand une nourrice réunissait toutes ces qualités, on exigeait encore
+d'elle, et par-dessus tout, qu'elle fût de bonne vie et moeurs. C'était
+sans doute, et c'est encore aujourd'hui une très-bonne précaution de
+s'informer de la sagesse de la femme à laquelle on va confier son bien
+le plus cher. Mais comment le savoir positivement? Et d'ailleurs, ne se
+peut-il pas que quelque grave affection soit venue atteindre une
+nourrice, sans que pour cela elle ait en rien manqué à une conduite sage
+et réglée? Une histoire arrivée dans une circonstance analogue, et
+racontée par _Louise Bourgeois_, la célèbre accoucheuse de Marie de
+Médicis, montre combien l'on peut être encore trompé malgré toutes ces
+précautions: «La reine étant grosse de madame sa fille aînée, dit madame
+Bourgeois, alla à Fontainebleau pour y faire ses couches, et partit en
+octobre de Paris après la moitié du mois, où étant arrivée l'on avait
+quantité de nourrices qui importunaient tellement le roi et la reine, et
+tout le monde, que Leurs Majestés en remirent l'élection à
+Fontainebleau, où il ne manqua d'en venir de tous côtés. L'on attendit
+proche de l'accouchement de la reine à en faire l'élection. Il vint un
+homme, lequel avait envoyé sa femme pour être nourrice, laquelle avait
+une petite fille fort délicate et menue. La femme était bien honnête, et
+de gens de bien, en faveur de quoi il se trouva des plus signalés
+seigneurs de la cour qui en parlèrent d'affection aux médecins. Ce fut
+une affaire qui me donna bien de la peine. Elle logea chez une de mes
+amies, laquelle s'employa de bon coeur pour elle; elle me priait aussi
+d'y faire ce que je pourrais. Je voyais son enfant extrêmement menu,
+mais elle était appropriée à son avantage, de sorte que la hard parait
+le fagot. Quand on m'en parlait, je ne pouvais répondre gaiement, à
+cause que sa nourriture ne m'agréait guère. Je fus un jour, comme
+j'avais coutume, la voir, où j'entendis nommer cette nourrice du nom de
+son mari. Je me ressouvins que c'était le nom d'un jeune homme que mon
+mari[19] avait traité de la v..., lequel avait voulu sortir sans
+attendre qu'il eût été guéri.... Je fus bien empêchée et eusse voulu ne
+l'avoir jamais vue.... Elle fut retenue, et aussitôt on fit état de
+renvoyer toutes les autres; c'était l'heure du dîner. Je fis chercher M.
+du Laurens[20], lequel était allé dîner en compagnie. Comme je vis qu'il
+ne se trouvait pas, et qu'il n'eût pas été à propos de le dire quand les
+autres nourrices eussent été renvoyées, je priai mademoiselle Cervage,
+femme de chambre de la reine, de lui aller dire de ma part.... La reine
+le dit aussitôt au roi, lequel dit tout haut «que des nourrices venaient
+de loin pour le tromper», devant tout le monde. Il envoya chercher M. du
+Laurens et les autres médecins, lesquels me vinrent trouver pour savoir
+la vérité, et comment, si je vérifierais cela. Je leur dis le tout, et
+que pour preuve, il y avait un valet de chambre de M. _de Beaulieu-Rusé_
+qui, demeurant en notre logis, l'avait aidé à panser, qui en pourrait
+dire la vérité, et un autre qui était chirurgien à Auxerre, qui avait
+été en même temps chez nous. Comme cela fut vérifié, l'on fit une autre
+élection de nourrice.»
+
+La conséquence à tirer de cette histoire, c'est que, malgré tous les
+certificats, on peut encore être trompé; car, si le hasard n'avait pas
+fait connaître à l'accoucheuse de la reine l'état antérieur du mari de
+cette femme, elle aurait été parfaitement acceptée pour nourrice de la
+fille du roi. Ainsi donc, s'il est bon, en tout état de choses, de
+tâcher d'avoir les meilleurs renseignements sur la vie antérieure d'une
+nourrice, il faut cependant, sous ce rapport, s'en remettre un peu à la
+grâce de Dieu.
+
+Voici, du reste, comment on s'y prit pour la Dauphine: On choisit
+d'abord les quatre meilleures nourrices, c'est-à-dire celles qui
+remplissaient le mieux les conditions déjà indiquées, et l'on prit leurs
+noms et leurs demeures; puis, le premier médecin envoya un homme de
+confiance pour procéder aux informations. Cet homme s'adressa aux curés
+pour avoir un certificat constatant _qu'elles étaient de la religion
+catholique, qu'elles servaient bien Dieu, et qu'elles fréquentaient les
+sacrements_. Il obtint ensuite un certificat des chirurgiens de chacune
+d'elles, assurant qu'ils n'avaient connu dans leurs familles aucune
+personne atteinte de maladies contagieuses, ni écrouelles, ni épilepsie.
+Après avoir obtenu ces deux certificats, il assembla les voisins, qui
+attestèrent qu'elles étaient de bonne conduite, et qu'elles avaient
+toujours bien vécu avec leurs maris et leurs voisins. Une fois cette
+enquête terminée, on les mit chez la gouvernante des nourrices, où
+chacune d'elles avait une chambre et nourrissait son enfant en attendant
+l'accouchement de la Dauphine; et sitôt qu'elle fut accouchée, les
+médecins vinrent visiter ces nourrices, choisirent celle qu'ils
+considérèrent alors comme la meilleure, et les trois autres restèrent
+chez la gouvernante, pour n'en pas manquer en cas qu'on fût dans la
+nécessité d'en changer. La nourrice choisie fut ensuite gardée à vue par
+une femme qui ne la quittait point, pour qu'elle ne pût approcher de son
+mari, car on craignait qu'elle ne devînt grosse et ne donnât à l'enfant
+de mauvais lait.
+
+On était très-rigide sur cette séparation des maris, et _Dionis_[21]
+raconte à ce sujet ce qui arriva à l'une des premières nourrices de
+Louis XIV.--Cette nourrice était de Poissy. La cour habitait à cette
+époque le château neuf de Saint-Germain. Louis XIII, ravi d'avoir un
+fils, l'allait voir tous les jours et s'entretenait avec la nourrice.
+Celle-ci lui raconta plusieurs aventures amoureuses arrivées entre les
+dames de Poissy et les mousquetaires de quartier. Le roi en fit quelques
+réprimandes à leur commandant, en lui ordonnant de mieux veiller sur
+leur conduite. Un jour le mari de la nourrice, impatient de voir sa
+femme, rôdait autour du château. La nourrice l'ayant aperçu descendit un
+moment pour lui parler sur une des terrasses du jardin. Malheureusement
+pour elle, elle fut vue du mousquetaire en sentinelle sur cette
+terrasse. Ne voulant pas perdre une si belle occasion de se venger des
+discours tenus par elle au roi sur leurs aventures, il la dénonça, et
+elle fut immédiatement changée.
+
+L'accouchement tant désiré de la Dauphine eut lieu au mois d'août 1682.
+Le roi venait de fixer depuis quelques mois son séjour à Versailles, et
+cette ville présenta alors le plus curieux spectacle.
+
+Depuis près d'un mois, Clément était établi dans les appartements du
+château, lorsque le mardi 4, dans la soirée, la Dauphine ressentit les
+premières douleurs. Depuis ce moment jusqu'au jeudi 6, jour de la
+délivrance, l'accoucheur ne quitta plus la princesse. Aussitôt les
+premières douleurs, la Dauphine fit prévenir la reine et la pria de n'en
+rien dire, pour éviter dans ces premiers moments le trouble que cette
+nouvelle allait jeter parmi tout le monde. Le Dauphin vint aussi et ne
+quitta pas la chambre de la nuit. Cependant, comme elle souffrait de
+plus en plus, vers une heure du matin le bruit s'en répandit dans tout
+le château.
+
+Lorsque les reines accouchaient, on préparait près de leur chambre
+ordinaire une autre chambre où devait se terminer l'accouchement, et
+dans laquelle se tenaient toutes les personnes ayant le droit d'y
+assister. C'était dans cette dernière chambre qu'étaient le lit où elles
+restaient après l'accouchement et le lit de travail. Celui-ci était
+placé dans une espèce de petite tente pour la reine, le roi,
+l'accoucheuse et les aides. Cette tente était entourée d'une autre,
+beaucoup plus grande, pour les assistants. Ce cérémonial ne fut pas
+suivi pour la Dauphine, et l'accouchement se fit dans sa chambre à
+coucher.
+
+Bientôt toute la cour fut en mouvement. Les princes et les princesses du
+sang se rendirent aussitôt chez la Dauphine. Les cours, les places, le
+chemin de Versailles à Paris, furent éclairés presque comme en plein
+jour par la grande quantité de torches et de lumières de toute espèce
+des allants et des venants.
+
+Les antichambres de l'appartement de la Dauphine et la galerie qui y
+menait ne tardèrent pas à être encombrées par tous les habitants du
+château et de ses environs. Cet appartement était situé à l'extrémité de
+l'aile du sud, vis-à-vis la pièce d'eau des Suisses, dans le pavillon de
+la surintendante de la maison de la reine[22].
+
+Malgré tout ce mouvement, on n'avait pas encore jugé nécessaire
+d'éveiller le roi. Cependant, sur les cinq heures du matin, on vint lui
+apprendre l'état de la princesse. Il se leva aussitôt, et après
+l'assurance que rien ne pressait encore, il ordonna d'adresser des
+prières au ciel, et entendit immédiatement la messe. Vers six heures, il
+se rendit chez la Dauphine, afin de savoir par lui-même où tout en
+était.
+
+La cour grossissait à tout moment. Les moins diligents se rendaient de
+toutes parts aux environs de l'appartement de la jeune malade, d'où
+l'on ne pouvait approcher, tandis que le reste du château paraissait
+désert.
+
+Vers neuf heures, le roi, voyant diminuer les douleurs de sa
+belle-fille, sortit de chez cette princesse pour aller au conseil; et la
+plupart des princes et princesses, ayant veillé toute la nuit,
+profitèrent de ce moment pour prendre quelques heures de repos.
+
+La reine passa toute cette matinée en prière ou auprès de la princesse.
+Le roi y revint encore aussitôt que le conseil fut terminé. Il la trouva
+assez calme, y demeura quelque temps, voulut qu'elle mangeât pendant
+qu'il était là et sortit ensuite avec la reine, chez laquelle il vint
+dîner accompagné de tous les princes. Vers la fin du dîner, on lui
+annonça que la Dauphine reposait. Jugeant alors sa présence inutile, il
+laissa la reine dans son appartement, et alla, selon sa coutume,
+travailler dans son cabinet.
+
+L'un des premiers soins de ce prince avait été d'ordonner des prières
+dans toutes les églises de Paris et de Versailles, et de faire
+distribuer des aumônes considérables dans ces deux villes.
+
+Les douleurs de la Dauphine la reprirent avec force vers l'après-dinée;
+le roi revint immédiatement auprès d'elle.
+
+Pendant tout ce temps, la plupart des ambassadeurs, des envoyés et des
+résidents des princes étrangers se rendirent à Versailles, afin d'être
+prêts à faire partir des courriers à leurs cours aussitôt après
+l'accouchement.
+
+La reine n'avait point quitté l'appartement de la Dauphine depuis ses
+premières douleurs; les voyant se continuer avec énergie, elle fit
+apporter dans la chambre les reliques de sainte Marguerite, que l'on
+était dans l'usage d'exposer dans la chambre des reines quand elles
+accouchaient; puis on dressa le lit de travail. Ce lit, conservé dans le
+garde-meuble du roi, avait déjà servi aux reines _Anne d'Autriche_ et
+_Marie-Thérèse_[23].
+
+Les femmes de la Dauphine entrèrent alors, arrangèrent ses cheveux, et
+lui mirent sur la tête de grosses cornettes, comme c'était l'usage, pour
+qu'elle n'attrapât point de froid.
+
+Toute la nuit du 5 au 6 se passa encore dans des douleurs de plus en
+plus vives et prolongées, surtout vers le matin.
+
+Les soins et les prières de la reine redoublèrent. Tous les services
+qu'une femme est si heureuse de recevoir dans cet instant solennel
+furent rendus à la Dauphine avec empressement par la reine et les
+princesses du sang.
+
+Le roi lui-même cherchait à l'encourager et était rempli d'attentions
+pleines de bonté. A plusieurs reprises, aidé du Dauphin, il la soutint
+pendant qu'elle se promenait dans sa chambre, et comme les douleurs ne
+discontinuèrent plus, il y passa la nuit sans vouloir prendre un moment
+de repos.
+
+Pendant cette soirée du mercredi, la nuit du mercredi au jeudi et la
+matinée du jeudi jusqu'à l'heure de la délivrance, il n'est sorte de
+mots doux et affectueux qui n'aient été échangés entre Louis XIV et la
+Dauphine. Le jeudi, le roi ne se reposa pas un moment. Le matin, il
+entendit la messe; puis il tint conseil comme à l'ordinaire; car l'on
+sait que c'était un des devoirs qu'il s'était imposés, et que rien ne
+pouvait empêcher. Immédiatement après le conseil, il revint chez la
+Dauphine.
+
+La longueur du travail commençait à donner de l'inquiétude à tous les
+assistants, et les visages semblaient abattus et consternés. _Clément_
+seul, pendant tout ce temps, paraissait impassible. Il s'était assuré, à
+plusieurs reprises, de l'état de la princesse; il n'avait reconnu à
+l'accouchement aucun obstacle important, et il avait déjà prévenu le roi
+que si, par suite de la constitution assez grêle de la Dauphine,
+l'accouchement devait être long, il devait cependant se terminer sans
+accident. Le roi, on l'a déjà dit, avait une entière confiance dans
+l'accoucheur; il s'en rapporta complétement à son savoir, attendit avec
+patience l'instant qui allait combler ses voeux, et convint avec lui
+qu'afin de savoir le premier le sexe de l'enfant au moment de la
+naissance, il lui demanderait _ce que c'était_, et que Clément
+répondrait: Je ne sais pas, Sire,--si c'était une fille; et je ne sais
+point _encore_, Sire,--si c'était un fils.
+
+Les douleurs devenant de plus en plus vives et prolongées, Clément jugea
+nécessaire de faire pratiquer une saignée, et les médecins furent tous
+de cet avis.
+
+Aussitôt les apothicaires apportèrent du vinaigre, de l'eau de la reine
+de Hongrie et un verre rempli d'eau, dans le cas où la princesse aurait
+une faiblesse. Le chirurgien Dionis pratiqua la saignée. On était alors
+dans l'usage de fermer les volets et de se servir de bougies afin de
+mieux voir la veine. C'est ce qu'on fit pour la Dauphine. Le premier
+médecin du roi tint la bougie, et le premier apothicaire tint les
+_poilettes_[24].
+
+Après la saignée, les douleurs reprirent de l'intensité, et tout
+annonçait la prompte terminaison de l'accouchement. Pour soutenir les
+forces de la Dauphine, le roi voulut qu'on lui donnât de temps à autre
+de son _rossolis_[25].
+
+Clément, jugeant que l'instant de la délivrance approchait, en prévint
+le roi. La Dauphine fut placée sur le lit de travail, et le roi ordonna
+de faire entrer toutes les personnes qui devaient assister à cet acte
+solennel.
+
+Alors se trouvaient dans la chambre le roi, la reine, le Dauphin,
+Monsieur, Madame, Mademoiselle d'Orléans, et les princes et princesses
+du sang, qu'on avait mandés à cause du droit que leur donnait leur
+naissance d'être présents à l'accouchement. Il y avait en outre celles
+des dames dont les charges leur donnaient le privilège d'y assister, ou
+dont le service était nécessaire à la princesse; c'étaient: madame de
+Montespan, surintendante de la maison de la reine; la duchesse de Créqui
+et la comtesse de Béthune, dames d'honneur de la Dauphine; la maréchale
+de Rochefort et madame de Maintenon, dames d'atour; la duchesse d'Uzès;
+la duchesse d'Aumont, femme du premier gentilhomme de la chambre en
+année; la duchesse de Beauvilliers, femme du premier gentilhomme de la
+chambre; madame de Venelle, première sous-gouvernante; madame de
+Montchevreuil, gouvernante des filles d'honneur de la Dauphine; madame
+Pelard, première femme de chambre du nouveau-né; madame Moreau, première
+femme de chambre de la Dauphine; et les femmes de chambre de jour.
+
+Tout ce monde était sans mouvement et paraissait attendre avec anxiété
+le dernier moment. Bientôt les dernières et énergiques douleurs se
+succédèrent et se rapprochèrent, et la Dauphine accoucha à dix heures
+vingt minutes du matin.
+
+A peine l'enfant venait de passer, le roi, impatient, demanda à Clément:
+Qu'est-ce? Celui-ci, d'un air satisfait, lui répondit, ainsi qu'il en
+était convenu: Je ne sais point _encore_, Sire. Aussitôt le roi,
+radieux, s'écria: Nous avons un duc de Bourgogne[26].
+
+Tout ce qui se passa alors dans la chambre où ce prince venait de naître
+peut à peine se décrire.
+
+Le roi, dans le premier moment de sa joie, embrassa la reine et la
+Dauphine; puis on ouvrit deux portes à la fois, afin de faire connaître
+la grande nouvelle à ceux du dehors. Le roi annonça lui-même aux
+princesses et aux dames du premier rang la naissance d'un prince, et la
+dame d'honneur aux hommes réunis dans la pièce à côté. Il se produisit
+alors un mouvement incroyable. Les uns tâchaient de percer la foule pour
+aller publier ce qu'ils venaient d'apprendre, et les autres, sans bien
+savoir où ils allaient ni ce qu'ils faisaient, forcèrent la porte de la
+chambre de la Dauphine. Tout le monde paraissait dans l'ivresse de la
+joie. Il y eut un tel pêle-mêle dans ce premier moment, que les
+domestiques se trouvèrent dans l'antichambre au milieu des princes et
+des dames de la première qualité. Le roi défendit qu'on renvoyât
+personne et voulut que chacun pût exprimer librement sa joie.
+
+Il semblait que le nom du prince nouveau-né eût volé dans l'air jusque
+dans les endroits les plus reculés du château et aux deux extrémités de
+Versailles; partout des feux de joie s'allumèrent comme par
+enchantement, et les missionnaires, établis depuis peu par le roi dans
+le château, chantèrent un _Te Deum_ d'actions de grâces dans la
+chapelle.
+
+Quelques instants après sa naissance, le duc de Bourgogne fut ondoyé
+dans la chambre de la Dauphine par le cardinal de Bouillon, grand
+aumônier de France, revêtu de l'étole, en camail et en rochet. La
+cérémonie se fit en présence du curé de la paroisse de Versailles[27];
+et sitôt qu'elle fut faite, on alla bercer le prince dans le cabinet de
+la Dauphine, d'où on le rapporta un peu après pour le montrer à cette
+princesse. Puis la maréchale de la Mothe étant entrée dans une chaise à
+porteurs, on le mit sur ses genoux, et il fut ainsi porté jusque dans
+l'appartement qu'on lui avait préparé. A peine y fut-il entré, le
+marquis de Seignelay, secrétaire d'État et trésorier de l'ordre du
+Saint-Esprit, lui mit au cou, de la part du roi, la croix de cet ordre,
+que les fils de France portaient dès leur naissance.
+
+Enfin, après deux jours et deux nuits d'inquiétudes et de fatigues, il
+était temps de laisser reposer la Dauphine[28]; mais ici une nouvelle
+scène allait commencer pour le roi.
+
+En sortant de la chambre, il fallait traverser la foule de grands
+seigneurs et de personnages de toutes sortes encombrant les portes et
+les corridors. Aussitôt qu'il parut, chacun se précipita et, quel que
+fût son rang, chercha par ses acclamations et ses gestes à lui témoigner
+sa joie. Le roi paraissait dans ce moment si heureux, et il recevait ces
+manifestations d'un air si engageant, que, loin de s'éloigner, chacun
+cherchait à se rapprocher de lui. Il faut se figurer que depuis
+l'appartement où la Dauphine était accouchée jusque chez la reine où le
+roi allait souper, il y avait à traverser une antichambre, la salle des
+gardes de la Dauphine, une très-longue galerie, le palier de l'escalier
+des princes avec les retours, diverses salles, la salle des gardes de la
+reine, et que tous ces lieux étaient tellement remplis de monde, qu'on
+peut dire que Louis XIV fut porté à table, depuis la chambre de la
+Dauphine, jusqu'au lieu où il soupa[29].
+
+Quant au Dauphin, ce qu'il avait vu souffrir à la Dauphine, et les
+choses tendres qu'elle lui avait dites pendant cette longue attente,
+l'avaient jeté dans une sorte de stupéfaction. Aussi, quand il fallut
+passer de la tristesse à la joie, il eut peine à se soutenir. Il
+semblait sortir d'un long rêve, et sa première action fut d'embrasser
+non-seulement la Dauphine, mais toutes les dames qui se trouvaient dans
+la chambre.
+
+Le roi fit, dès le soir même, donner de fortes sommes d'argent pour
+délivrer des prisonniers.
+
+Louis XIV, dans ses libéralités, ne pouvait oublier celui qui, par son
+sang-froid et sa prudence, avait été la cause principale de l'heureuse
+réussite de cet événement. Il fit donner à l'accoucheur dix mille
+livres, et lorsque Clément alla le remercier, il le reçut gracieusement,
+lui dit qu'il était très-satisfait du service qu'il lui avait rendu,
+qu'en lui donnant cette somme, il ne croyait pas le payer, et que ce
+n'était que le commencement de ce qu'il voulait faire pour lui.
+
+En effet, Louis XIV ne cessa de le combler de bienfaits. Il n'avait de
+confiance qu'en lui. Outre la Dauphine, qu'il accoucha de tous ses
+enfants, Clément fut plus tard l'accoucheur de la duchesse de Bourgogne,
+et il alla trois fois à Madrid pour accoucher la reine d'Espagne. Enfin,
+en 1711, le roi lui donna des lettres de noblesse avec une clause qui
+honore au même degré l'homme de mérite auquel s'adressait cette
+distinction et le souverain qui la lui accordait; cette clause portait
+qu'il ne pourrait abandonner la pratique de son art, ni refuser ses
+conseils, ni ses secours aux femmes qui les réclameraient.
+
+La joie manifestée si vivement dans le château à la nouvelle de cet
+heureux événement ne fut pas moins vive au dehors et dans tout
+Versailles.
+
+Un garde du roi dormait sur une paillasse pendant l'accouchement de la
+Dauphine: réveillé en sursaut par le bruit extraordinaire que la joie
+venait de produire dans l'intérieur du palais, et comprenant, quoique
+encore à moitié endormi, qu'il venait de naître un prince, il prit sa
+paillasse sur son dos, et sans rien dire a personne, courut le plus vite
+possible jusqu'à la première cour[30], et mit le feu à cette paillasse.
+Il semblait que chacun n'attendît que ce signal, car on vit presque au
+même instant un nombre infini d'autres feux s'allumer comme par
+enchantement. Les uns allaient chercher du bois; d'autres prirent tout
+ce qu'ils trouvèrent, bancs, tables, meubles de toute nature, et
+jetèrent au feu tout ce qui pouvait l'alimenter. Il se forma des danses
+où se trouvèrent mêlés ensemble peuple, officiers et grands seigneurs. A
+peine ces manifestations de la joie publique eurent-elles commencé,
+qu'on vit couler des fontaines de vin de chaque côté de la première
+grille du château, ainsi que de l'intérieur des cours.
+
+Versailles était alors rempli d'un grand nombre d'ouvriers attirés par
+les travaux immenses que faisait exécuter le roi. On leur fit distribuer
+du vin en grande quantité à l'Étape[31] et dans les ateliers; les
+soldats des gardes française et suisse ne furent pas les derniers à
+manifester leur joie. Ils firent du feu de tout et brûlèrent même
+quantité de choses dont on ne leur aurait pas permis de disposer dans un
+autre moment. Le roi, apercevant tout ce désordre, voulut cependant
+qu'on les laissât faire, _pourvu_, ajouta-t-il, _qu'ils ne nous brûlent
+pas_.
+
+Devant chaque hôtel de ministre, l'on avait établi des feux et des
+distributions de vin.
+
+Ces réjouissances durèrent plusieurs jours avec les mêmes transports.
+C'était à qui varierait chaque fois les illuminations et les artifices.
+
+Tant que durèrent les fêtes, la pompe[32] fut magnifiquement illuminée,
+et tous les feux dont brillaient Versailles, se reflétant sur l'or
+couvrant le château[33], imprimèrent à la ville une physionomie toute
+magique.
+
+Pendant les deux ou trois premiers jours qui suivirent celui de la
+naissance du duc de Bourgogne, tout le chemin de Versailles fut couvert
+de peuple venant témoigner sa joie par ses acclamations. Après avoir vu
+le roi, on allait voir le nouveau-né, et la maréchale de la Mothe était
+fréquemment obligée de le montrer à tout ce peuple accouru pour
+contempler un instant son visage[34].
+
+A l'occasion de cette naissance, on chanta plusieurs _Te Deum_ en
+musique à Versailles. La plupart des maîtres en avaient composé, et le
+roi voulut bien les entendre dans sa chapelle.
+
+Louis XIV avait dispensé les différents corps de l'État des compliments
+d'usage; quant aux ambassadeurs et aux ministres des princes étrangers,
+il leur accorda l'audience qu'ils lui demandèrent à cette occasion. Elle
+eut lieu dans le grand appartement de Versailles, avec les cérémonies
+accoutumées. Tous les corps de la garde du roi étaient en haie. Les
+ambassadeurs entrèrent par le grand escalier[35].
+
+Le roi était assis sur son trône d'argent, il avait auprès de lui d'un
+côté le duc de Bouillon, grand chambellan, le duc de Créqui et le prince
+de Marsillac; de l'autre, le duc d'Aumont, le duc de Saint-Aignan et le
+marquis de Gesvres. Une foule de courtisans les environnait. Le duc de
+Luxembourg, capitaine des gardes de quartier, allait recevoir les
+ambassadeurs à la porte de la salle des gardes. Le roi écouta leur
+compliment avec gravité, et leur répondit avec une grande affabilité.
+Ils allèrent ensuite chez le Dauphin, le duc de Bourgogne et Monsieur.
+Madame la maréchale de la Mothe répondit pour le petit prince.
+
+Toutes ces audiences durèrent cinq heures, après lesquelles ces
+messieurs furent reconduits avec les mêmes cérémonies. Ils n'eurent
+audience de la reine et de Madame que l'après-dinée, parce qu'elles n'en
+donnaient jamais le matin.
+
+Tel est le récit de ce qui se passa dans Versailles à la naissance du
+duc de Bourgogne. La joie de cette ville se répandit partout avec
+rapidité, et l'on peut voir, dans la plupart des écrits du temps, les
+détails des réjouissances extraordinaires faites dans toute la France à
+cette occasion.
+
+
+
+
+III
+
+RÉCIT DE LA GRANDE OPÉRATION
+
+FAITE AU ROI LOUIS XIV.
+
+1686.
+
+
+Le 18 novembre 1686, Versailles apprit avec surprise et effroi que le
+roi Louis XIV venait de subir _la grande opération_; c'est ainsi que
+l'on nommait alors l'opération de la _fistule à l'anus_.
+
+Le 5 février 1686, le roi fut obligé de prendre le lit à la suite de
+vives douleurs dont il souffrait depuis plusieurs jours; l'on s'aperçut
+alors qu'il s'était formé un abcès à la marge de l'anus. _Félix de
+Tassy_, son premier chirurgien, l'un des hommes les plus instruits de
+cette époque, en proposa immédiatement l'ouverture; mais, ainsi que le
+remarque Dionis, _on ne trouve pas toujours dans les grands cette
+déférence nécessaire pour obtenir la guérison_: mille gens proposèrent
+des remèdes qu'ils disaient infaillibles, et l'on préféra à la lancette
+du chirurgien un emplâtre fait par une grande dame de la cour, _madame
+de la Daubière_. L'inventeur du remède assista elle-même à la pose de
+son emplâtre, qui, probablement, ne pouvait avoir d'effet que sous ses
+yeux. Tel infaillible que fût cet emplâtre, on l'ôta cinq jours après
+son application, n'ayant eu d'autre résultat que d'augmenter les
+souffrances du roi. Enfin, le 23, c'est-à-dire plus de vingt jours après
+l'apparition de la tumeur, on se décida à donner issue au pus; mais,
+malgré l'avis de Félix, qui voulait employer le bistouri, et pour
+ménager le royal malade, auquel on craignait de faire subir une
+opération sanglante, on eut recours, pour l'ouverture de l'abcès, à
+l'application de la _pierre à cautère_. «Ce matin, à dix heures, _dit
+Dangeau dans son journal_, on appliqua au roi la pierre à cautère sur la
+tumeur; on l'y laissa une heure et demie, et puis on ouvrit la peau avec
+le ciseau; mais on ne toucha point au vif.» C'est-à-dire qu'on se
+contenta de fendre l'escharre, et lorsque celle-ci tomba, il se forma,
+comme le dit Dionis, un petit trou par où la matière s'écoula, et qui
+continua à suppurer. Bientôt on constata la présence d'une fistule
+communiquant dans l'intérieur de l'intestin.
+
+En pareille occurrence, et pour débarrasser le roi de cette dégoûtante
+infirmité, il ne restait plus qu'à pratiquer l'opération. Mais il n'en
+est pas des rois comme des simples particuliers, et, avant de pouvoir
+leur faire entendre les paroles graves et réfléchies de la science, il
+faut préalablement que le médecin s'attende à voir défiler avant lui
+tout le cortége des empressés plus ou moins ignorants, flanqués chacun
+de leurs remèdes _infaillibles_, sans compter encore le charlatanisme,
+qui sait si bien exploiter la tête et la queue de la société. C'est ce
+qui arriva pour Louis XIV.
+
+Dès que l'on sut le roi atteint de la fistule, il y eut encore un bien
+plus grand nombre de remèdes proposés que quand il s'était agi d'une
+simple tumeur.
+
+Cependant _Louvois_, qui était alors le principal ministre et qui avait
+en quelque sorte la responsabilité de la vie du roi, ne voulut permettre
+l'usage d'aucun de ces remèdes avant qu'il eût été préalablement
+expérimenté.
+
+Parmi tous ces moyens, un fut surtout préconisé, et le roi paraissait
+assez décidé à l'essayer: c'était l'emploi des eaux de Baréges. Mais
+avant que Louis XIV partît pour ces eaux, comme le bruit en avait couru,
+on jugea convenable d'en constater les effets. On chercha quatre
+personnes ayant la même maladie que le roi, et on les envoya à Baréges à
+ses dépens, sous la conduite de _Gervais_, chirurgien de l'hôpital de la
+Charité. C'était l'un des hommes les plus instruits de Paris, et il
+s'était acquis surtout une très-grande réputation pour la guérison des
+tumeurs. Ces quatre malades furent soumis par lui à l'action des eaux
+sous toutes les formes, en bains, à l'intérieur, et surtout en
+injections répétées dans le trajet fistuleux. Ce traitement dura fort
+longtemps et ne fut suivi d'aucune espèce d'amélioration; en sorte
+qu'ils revinrent _tout aussi avancés dans leur guérison que quand ils
+étaient partis_[36].
+
+Une dame de la cour ayant raconté qu'allée aux eaux de Bourbon pour une
+maladie particulière, elle s'était trouvée guérie par leur usage d'une
+fistule qu'elle avait avant, on envoya à Bourbon l'un des chirurgiens du
+roi, avec quatre autres malades; ils furent soumis aux mêmes expériences
+que ceux de Baréges, et en revinrent comme eux sans changement dans leur
+état.
+
+Mais l'essai des remèdes ne devait point s'arrêter là. Un religieux
+jacobin vint trouver Louvois et lui apporta une eau avec laquelle il
+guérissait, disait-il, toutes sortes de fistules. Un autre annonçait
+posséder un onguent qui n'en manquait aucune. D'autres proposaient aussi
+des remèdes avec lesquels ils avaient obtenu des cures merveilleuses. Le
+ministre, un peu embarrassé de toutes ces propositions, ne voulut
+cependant en rejeter aucune avant que l'expérience eût démontré son
+inefficacité. Pour juger en quelque sorte, par lui-même de leur valeur,
+il fit meubler plusieurs chambres de son hôtel de la surintendance[37],
+pour recevoir tous les malades atteints de fistule qui voulaient se
+soumettre à ces différents essais, et il les fit traiter, en présence
+de Félix, par les auteurs de ces remèdes.
+
+Tous ces essais durèrent un temps fort long, sans aboutir à aucun
+résultat.
+
+Louvois et Félix rendaient compte à Louis XIV des tentatives inutiles
+faites chaque jour pour trouver un remède qui pût lui éviter
+l'opération, sur laquelle le premier chirurgien insistait de plus en
+plus. Mais avant de s'y décider, le roi voulut encore avoir l'avis de
+Bessières, chirurgien en renom de Paris. Bessières examina le mal, puis
+Louis XIV lui ayant demandé ce qu'il en pensait, il lui répondit
+librement _que tous les remèdes du monde n'y feraient rien sans
+l'opération_[38]. Le roi n'hésita plus, et l'opération fut décidée.
+
+Mais quelle méthode devait-on employer?
+
+Il y avait alors à Paris un nommé _Lemoyne_, qui s'était acquis une
+grande réputation pour la guérison des fistules. Voici ce qu'en dit
+Dionis: «Sa méthode consistait dans l'usage du caustique, c'est-à-dire
+qu'avec un onguent corrosif, dont il couvrait une petite tente qu'il
+fourrait dans l'ouverture de l'ulcère, il en consumait peu à peu la
+circonférence, ayant soin de grossir tous les jours la tente, de manière
+qu'à force d'agrandir la fistule, il en découvrait le fond. S'il y avait
+de la callosité, il la rongeait avec son onguent, qui lui servait aussi
+à ruiner les clapiers, et enfin, avec de la patience, il en guérissait
+beaucoup. Cet homme est mort vieux et riche, parce qu'il se faisait bien
+payer, en quoi il avait raison, car le public n'estime les choses
+qu'autant qu'elles coûtent. Ceux à qui le ciseau faisait horreur se
+mettaient entre ses mains, et comme le nombre des poltrons est fort
+grand, il ne manquait point de pratiques.» Ainsi Lemoyne avait remis en
+honneur la cautérisation.--La ligature était le mode d'opérer le plus
+généralement suivi. Puis restait l'incision que Félix proposait au roi.
+Mais avant de se déterminer à suivre l'avis de son premier chirurgien,
+Louis XIV voulut qu'il lui expliquât la préférence qu'il donnait à cette
+méthode sur les autres. Félix fut alors obligé de décrire au roi les
+trois procédés; puis il lui fit remarquer, nous raconte Dionis, que le
+caustique fait une douleur continuelle pendant cinq ou six semaines
+qu'on est obligé de s'en servir; que la ligature ne coupe les chairs
+qu'après un long espace de temps, et qu'il ne faut pas manquer de la
+serrer tous les jours, ce qui ne se fait pas sans douleur; que
+l'incision cause, à la vérité, une douleur plus vive, mais qu'elle est
+de si peu de durée qu'elle ne doit point alarmer une personne qui veut
+guérir sans crainte de retour; car outre qu'elle achève en une minute ce
+que les deux autres manières n'opèrent qu'en un mois, c'est que par
+celles-ci la guérison est douteuse et qu'elle est sûre par
+l'incision.--Ces raisons, appuyées par Daquin, Fagon et Bessières,
+déterminèrent le roi, qui se décida pour l'incision.
+
+C'était une grave résolution qu'avait prise Félix. L'opération par
+l'instrument tranchant paraissait alors si terrible, que chacun
+tremblait de la subir, d'où son nom de _grande opération_.
+
+Mais Félix n'était point un chirurgien ordinaire. Fils de François Félix
+de Tassy, homme d'un grand talent, et aussi premier chirurgien du même
+prince, il fut l'élève de son père, qui, le destinant à le remplacer
+auprès du monarque, ne négligea aucun des moyens qui pouvaient le rendre
+digne d'occuper un emploi aussi important. Exerçant sa profession dans
+les hôpitaux civils, puis dans ceux des armées, il fut, fort jeune
+encore, compté parmi les plus habiles chirurgiens de son temps; ses
+confrères le nommèrent chef du collége de Saint-Côme, qui devint ensuite
+l'académie de chirurgie; puis il succéda à son père dans la charge de
+premier chirurgien du roi, en 1676.
+
+Dès que Félix se fut assuré de la maladie du roi, il le rassura sur sa
+vie et promit de le délivrer de son horrible incommodité. Ce grand
+chirurgien n'avait jamais fait l'opération qu'il méditait, mais il avait
+lu tout ce que les auteurs anciens avaient écrit sur la maladie dont le
+roi était attaqué. Il se traça alors un plan d'opération, et tandis que
+le temps s'écoulait en essais de remèdes qui n'avaient aucun résultat,
+Félix occupait le sien d'une manière profitable à ses desseins. Pendant
+plusieurs mois tous les malades atteints de la maladie du roi qui se
+trouvaient dans les hôpitaux de Paris ou à la Charité de Versailles
+furent opérés par lui, et lorsque Louis XIV fut enfin décidé, il avait
+acquis l'expérience d'un chirurgien consommé dans cette partie de l'art
+opératoire.
+
+Pour faire l'incision de la fistule, Galien avait inventé un instrument
+d'une forme particulière, auquel il avait donné le nom de syringotome,
+du nom même de la fistule--(_syrinx_, flûte). C'était un bistouri en
+forme de croissant, à manche contourné, et dont la pointe était terminée
+par un stylet long, pointu et flexible. On introduisait la pointe dans
+l'ouverture extérieure de la fistule et on poussait le stylet jusque
+dans l'intestin; le doigt indicateur de la main gauche, placé dans le
+rectum, ramenait la pointe par l'anus, puis la lame du bistouri, poussée
+dans la fistule, achevait l'incision. Félix fit subir à l'instrument de
+Galien un notable changement. Il fit faire un simple bistouri courbe, à
+lame très-étroite, terminée, comme le syringotome, par un stylet, mais
+en argent recuit, et long de plusieurs pouces. Le tranchant de la lame
+était recouvert d'une chape d'argent faite exprès pour être introduite
+dans la fistule sans blesser les parties. Cet instrument ainsi disposé,
+on poussait le stylet dans la fistule et on le ramenait par le
+fondement; puis, le bistouri étant entré après le stylet, on retirait
+doucement la chape qui enveloppait le tranchant, et tenant d'une main
+le bout du stylet et de l'autre le manche du bistouri, en tirant à soi
+on tranchait tout d'un coup toute la fistule.
+
+Cet instrument, dont Félix se servit pour le roi, reçut depuis ce moment
+le nom de _bistouri à la royale_.
+
+Ce fut le 18 novembre 1686 qu'eut lieu l'opération.
+
+Qu'on nous pardonne les détails peut-être un peu minutieux dans lesquels
+nous allons entrer; mais, outre qu'il s'agit d'une opération qui, par
+son retentissement et son succès, changea toutes les idées reçues à
+cette époque, il s'agit encore d'un fait historique que l'on peut encore
+suivre _sur place_ dans ses plus petits incidents.
+
+Le roi était à Fontainebleau lorsque l'opération fut arrêtée. Afin de
+s'y préparer et en même temps pour ôter tout soupçon de ce qui allait se
+passer, deux médecines lui furent administrées dans ce séjour. Arrivé à
+Versailles le 15 novembre, rien ne décéla en lui la grave détermination
+qu'il avait prise. Le dimanche 17, veille de l'opération, il monta à
+cheval, alla visiter ses jardins, ses réservoirs et les nombreux travaux
+en cours d'exécution, et parut fort tranquille et fort gai pendant tout
+le cours de la promenade[39].
+
+La chambre à coucher de Louis XIV, dans laquelle il fut opéré, n'était
+point celle connue aujourd'hui sous ce nom: elle était située dans la
+pièce précédant celle-ci et portant actuellement le nom si célèbre de
+salon de l'OEil-de-Boeuf. Ce salon de l'OEil-de-Boeuf était alors coupé
+en deux; la pièce la plus rapprochée de la chambre à coucher actuelle
+était la chambre du roi, et l'autre pièce était un cabinet orné des
+tableaux du Bassan, portant pour cela le nom de cabinet des Bassans.
+
+Le lundi 18 novembre, de grand matin, tout se préparait dans le cabinet
+des Bassans pour la _grande opération_. Vers cinq heures, les
+apothicaires entrèrent chez le roi et lui administrèrent le lavement
+préparatoire. Un peu avant sept heures, Louvois alla prendre chez elle
+madame de Maintenon; ils entrèrent ensemble chez le roi, auprès duquel
+se trouvait déjà le père de la Chaise, son confesseur. Félix, d'Aquin,
+premier médecin du roi, Fagon, qui le devint quelques années après,
+Bessières, les quatre apothicaires du roi, et Laraye, _élève_ de Félix,
+mais que l'on appelait alors son _garçon_, étaient réunis dans le
+cabinet des Bassans pour préparer tout ce qui devait servir à
+l'opération.
+
+A sept heures, ils entrèrent dans la chambre du roi. Louis XIV ne parut
+nullement ému de leur présence; il fit approcher Félix, lui demanda
+l'usage de chacun des instruments et des diverses pièces de l'appareil,
+puis s'abandonna avec confiance à son talent.
+
+Le roi fut placé sur le bord de son lit, un traversin sous le ventre
+pour élever les fesses, tournées du côté de la fenêtre, les cuisses
+écartées et assujetties par deux des apothicaires.
+
+Voici comment procéda l'opérateur: Une petite incision, faite avec la
+pointe d'un instrument ordinaire, fut d'abord pratiquée à l'orifice
+externe de la fistule, afin de l'agrandir et de pouvoir plus facilement
+y introduire le bistouri à la royale. L'incision fut ensuite pratiquée
+avec cet instrument, à l'aide de la manoeuvre déjà indiquée. Une fois le
+trajet fistuleux mis à découvert, il s'agissait de détruire les
+callosités qu'on supposait devoir empêcher la réussite de l'opération:
+huit coups de ciseaux enlevèrent toutes les callosités que Félix
+rencontra sous son doigt. Cette partie si douloureuse de l'opération fut
+supportée avec beaucoup de courage par Louis XIV: pas un cri, pas un mot
+ne lui échappa.
+
+L'opération terminée, on introduisit dans l'anus une grosse tente de
+charpie recouverte d'un liniment composé d'huile et de jaune d'oeuf. On
+la fit entrer avec force, afin d'écarter les lèvres de la plaie; on
+garnit ensuite la plaie de plumasseaux, enduits du même liniment, et on
+appliqua les compresses et le bandage comme on le fait à présent.
+
+Rien ne saurait dire l'étonnement dans lequel fut toute la cour lorsque
+l'on apprit que le roi venait de subir une opération que chacun
+regardait comme si dangereuse. Le récit fait de cet événement par le
+_Mercure Galant_, journal officiel de la cour, fera mieux comprendre
+qu'on ne pourrait le dire l'effet produit par cette nouvelle
+inattendue.--«Quoique le roi, dit-il, fût dans une santé parfaite, à la
+réserve de l'incommodité qui lui était survenue il y a environ onze
+mois, et qu'il fût même en état de monter à cheval et de chasser, comme
+il faisait très-souvent, Sa Majesté, qui vit qu'elle courait risque de
+souffrir toute sa vie de cette sorte d'incommodité, à laquelle sont
+sujets tous ceux qui manquent du courage nécessaire pour s'en tirer,
+prit une résolution digne de sa fermeté; et, comme ce mal était grand
+plutôt par la douleur que l'opération lui devait faire souffrir que par
+la nature dont il était, il cacha ce qu'il avait résolu de faire, comme
+il fait de toutes les choses qu'il juge à propos de tenir secrètes. Il
+savait l'inquiétude que donnerait le mal qu'il devait endurer, et ne
+doutait point que la crainte de quelque accident et l'amour qu'on a pour
+lui ne fissent trouver des raisons pour l'en détourner. Mais ce prince
+voulait souffrir, afin d'être plus en état de travailler sans cesse pour
+le bien et pour le repos de ses sujets; et pour éviter les contestations
+qui se pourraient former là-dessus, il aima mieux se charger de toute la
+douleur que de jouir du soulagement d'être plaint, ce qui console
+beaucoup ceux qui souffrent. D'ailleurs, il savait que ce bruit, venant
+à se répandre, aurait jeté de la crainte et de l'abattement dans tous
+les coeurs, et qu'il rendrait incapables d'agir tous ceux qui étaient
+occupés pour les affaires de l'État, et il voulait endurer seul, sans
+que l'État en souffrît un seul moment. Ainsi ayant pris sa résolution,
+il travailla à la faire exécuter sans que l'on s'en aperçût. Comme
+jamais prince ne sut régner sur lui-même avec tant d'empire, il en vint
+à bout sans peine. Il se purgea deux fois à Fontainebleau, parce que
+venant ensuite à Versailles, ce changement de lieu devait ôter l'idée
+qu'on aurait pu prendre, s'il avait été possible qu'on eût soupçonné
+quelque chose de son dessein. Il monta à cheval le dimanche 17 de ce
+mois, soupa ce jour-là avec la famille royale, et s'informa de
+Monseigneur où était le rendez-vous de chasse le lendemain. On connut le
+jour suivant que ce prince, quoiqu'il dût alors sentir les premières
+atteintes de la peur que lui pouvait causer l'opération, avait demandé
+ce rendez-vous d'une âme tranquille, afin que s'il arrivait quelque
+accident, il pût en faire avertir Monseigneur. On a même remarqué qu'il
+se coucha ce soir-là plus tard qu'à l'ordinaire. Il marqua pour le lundi
+18, l'heure de son lever, où la plus grande partie de la cour se trouve
+ordinairement. Il avait pris la sienne plus matin pour l'opération. Ceux
+qui devaient y travailler, ou dont la présence était nécessaire,
+entrèrent par différents endroits, ce qui empêcha qu'on en eût aucun
+soupçon. Quoique je ne fasse point ici le détail du reste, je puis vous
+dire qu'il s'y passa mille choses dignes de l'inébranlable fermeté du
+roi. Il voulut voir tout ce qui devait le faire souffrir et ne fit que
+sourire au lieu d'en paraître étonné. Il fit ensuite ce qu'un prince
+aussi chrétien que lui doit faire en de pareilles occasions et souffrit
+patiemment, étant toujours dans l'état d'un homme libre et qui est
+assuré d'être maître de sa douleur. Aucun cri ne lui échappa, et loin de
+témoigner de la crainte, il demanda si on ne l'avait point épargné,
+parce qu'il avait recommandé sur toutes choses de ne le pas faire. Sitôt
+qu'on eut achevé l'opération, la porte fut ouverte à ce qu'on appelle la
+première entrée, c'est-à-dire aux personnes qui ont droit d'entrer les
+premières au lever. Les autres n'entrèrent pas, parce qu'il n'y eut
+point de lever.
+
+«Le bruit de cette opération s'étant répandu dans Versailles, comme on
+s'imagine toujours voir les maux que l'on craint, quand même ils ne
+seraient point à craindre, la douleur parut sur tous les visages, et
+l'on eût dit à voir le roi que ce monarque était le seul qui se portait
+bien. Ayant remarqué qu'on ne faisait aucun bruit, il ordonna que toutes
+choses se fissent à l'ordinaire, tint conseil dès le jour même, et
+permit dès le lendemain aux ministres étrangers de le saluer. Quoique de
+semblables maux aient accoutumé de causer un peu de fièvre, sans
+pourtant qu'il y ait sujet d'en appréhender aucune suite fâcheuse, il
+semble que le ciel, pour ne nous pas alarmer, n'ait pas voulu qu'il en
+eût le moindre ressentiment.»
+
+A ces détails, _Dangeau_ ajoute: «Dès que l'opération fut faite, le roi
+l'envoya dire à Monseigneur, qui était à la chasse, à madame la
+Dauphine, dès qu'elle fut éveillée, à Monsieur et à Madame, qui étaient
+à Paris, et à M. le prince et à M. le duc, qui étaient à Fontainebleau,
+auprès de madame la duchesse de Bourbon, leur défendant de venir. Dès
+l'après-dîner, le roi tint son conseil; il vit beaucoup de courtisans,
+et voulut qu'il y eût appartement et que l'on commençât le grand jeu de
+reversi qu'il avait ordonné à Fontainebleau. Madame de Montespan partit
+en diligence pour venir trouver le roi; mais ayant appris à Essone que
+le roi se portait très-bien, elle retourna auprès de madame de Bourbon.
+Monseigneur, apprenant la nouvelle, quitta la chasse et revint ici à
+toute bride et en pleurant.»
+
+Dans son journal, Dangeau nous a conservé jour par jour l'état du roi
+après son opération. L'on y voit que les premiers jours se passèrent
+fort bien. Les pansements se faisaient avec régularité, et le malade
+n'en éprouvait aucune douleur, tout enfin semblait annoncer une guérison
+solide et prompte; mais, soit que l'on se fût trop vite empressé de
+diminuer la grosseur de la mèche, soit pour tout autre motif, l'on
+s'aperçut le quinzième jour qu'une partie des bords s'étaient cicatrisés
+avant le fond, et que la fistule menaçait de reparaître de nouveau. Le 6
+décembre, l'on chercha à détruire, par quelques légers coups de ciseaux,
+cette cicatrisation trop rapide, mais sans obtenir le résultat désiré.
+Enfin, le lundi 7 décembre, c'est-à-dire vingt et un jours après la
+première opération, l'on fut obligé de détruire la nouvelle cicatrice, à
+l'aide de plusieurs incisions, et de mettre à nu le fond de la fistule.
+
+Le roi supporta cette seconde opération avec beaucoup de courage, mais
+il paraît qu'elle fut extrêmement douloureuse, car pendant plusieurs
+jours il renvoya son conseil, ce qui n'était pas arrivé la première
+fois. Quoi qu'il en soit, de ce moment la cicatrisation marcha avec
+régularité, et le samedi 11 janvier 1687, cinquante-quatre jours après
+l'opération et trente-trois après les dernières incisions, le roi fut
+assez bien guéri pour sortir à pied de ses appartements et se promener
+pendant fort longtemps dans l'Orangerie.
+
+Louis XIV venait d'être débarrassé d'une grave infirmité, grâce à
+l'habileté de son chirurgien. Mais si le service était grand, la
+récompense fut royale. Félix reçut cinquante mille écus et la terre des
+_Moulineaux_, estimée à la même somme; d'Aquin, le premier médecin, cent
+mille livres; Fagon, quatre-vingt mille livres; les quatre apothicaires,
+chacun douze mille livres, et Leraye, l'élève de Félix, quatre cents
+pistoles; le tout formant un total de cinq cent soixante-douze mille
+livres, qui, comparé à la valeur actuelle de l'argent, représente
+presque un million!!!
+
+La réussite de l'opération pratiquée à Louis XIV, en mettant le comble
+à la réputation de Félix, mit aussi à la mode son procédé; et il fut
+facile de constater immédiatement son efficacité, car depuis l'opération
+faite au roi, il semblait que tout le monde fût attaqué de la fistule.
+«C'est une maladie, dit Dionis, qui est devenue à la mode depuis celle
+du roi. Plusieurs de ceux qui la cachaient avec soin avant ce temps
+n'ont plus eu honte de la rendre publique; il y a eu même des courtisans
+qui ont choisi Versailles pour se soumettre à cette opération, parce que
+le roi s'informait de toutes les circonstances de cette maladie. Ceux
+qui avaient quelque petit suintement ou de simples hémorroïdes ne
+différaient pas à présenter leur derrière au chirurgien pour y faire des
+incisions; j'en ai vu plus de trente qui voulaient qu'on leur fît
+l'opération, et dont la folie était si grande, qu'ils paraissaient
+fâchés lorsqu'on les assurait qu'il n'y avait point nécessité de la
+faire.»
+
+Tel est le récit de cette grande opération de Louis XIV. Ainsi, grâce à
+l'heureuse tentative de Félix; la méthode de l'incision a été remise en
+honneur, et par suite des travaux de la chirurgie moderne, ce mode
+opératoire, le plus généralement suivi, est devenu d'une telle
+simplicité, qu'il n'est pas nécessaire d'être le premier chirurgien d'un
+roi pour le pratiquer avec succès.
+
+
+
+
+IV
+
+MORT DE LOUVOIS.
+
+1691.
+
+
+Louvois mourut à Versailles dans l'ancien hôtel de la surintendance des
+bâtiments du roi[40], le 16 juillet 1691.
+
+La mort de Louvois fut un événement si important et donna lieu à tant de
+commentaires, qu'il n'est pas sans intérêt d'en rechercher les
+véritables causes.
+
+Depuis un certain temps Louvois, jusqu'alors si puissant, baissait dans
+la faveur du roi, et tout le monde s'attendait à une disgrâce prochaine
+du ministre. C'est dans ces circonstances que le 15 juillet 1691, il a,
+chez madame de Maintenon, une vive altercation avec Louis XIV.
+
+Cette scène est ainsi racontée, dans une note écrite par le duc de
+Luynes, sur le manuscrit de Dangeau[41]: «Nous avons déjà vu ce qui
+s'était passé au siége de Mons, et le mauvais gré que le roi fit à M. de
+Louvois de trouver le prince d'Orange si près de lui. On prétendit aussi
+qu'il imputa à ce ministre la levée du siége de Coni. Ajoutez à cela le
+bombardement de Liége, auquel le roi s'était opposé parce que des
+ennemis de M. de Louvois, ou de bons citoyens, avaient fait entendre à
+Sa Majesté que son ministre entretenait la haine de ses voisins par les
+cruautés qu'il faisait exercer partout. Il avait insisté sur le
+bombardement, qui se fit le 4 juin. Le roi avait déclaré précisément
+qu'il n'en voulait rien faire, et enfin ce ministre fut obligé d'avouer
+qu'il n'était plus temps de s'en dédire, parce que les ordres étaient
+donnés. Cette explication se passait chez madame de Maintenon. Le roi,
+qui d'ailleurs était mal disposé par ce que nous venons de dire, et
+parce qu'en général toutes les choses violentes lui répugnaient, fut
+indigné de tant de précipitation et lui laissa voir son ressentiment. M.
+de Louvois, qui n'était pas accoutumé à être contredit, au lieu de
+chercher à se justifier, répondit au roi assez brusquement et jeta son
+portefeuille sur la table du roi. Le roi se leva et prit sa canne.
+Madame de Maintenon, craignant l'effet de la colère de Sa Majesté, se
+mit entre elle et son ministre; mais le roi la rassura en lui disant
+qu'il n'avait eu nulle intention.»
+
+M. de Louvois se retira et rentra chez lui tout ému. Cependant le
+lendemain 16, il alla comme à l'ordinaire chez le roi pour travailler
+avec lui; mais à peine eut-il commencé la lecture d'une dépêche, qu'il
+se sentit indisposé, se retira dans son appartement et mourut au bout de
+quelques instants, malgré les soins rapides qui lui furent donnés.
+
+Une mort aussi prompte et dans de pareilles circonstances, fit
+généralement croire à un empoisonnement. Dangeau et Saint-Simon en
+parlent dans ce sens: «Le 16 juillet, dit ce dernier, j'étais à
+Versailles... sortant le même jour du dîner du roi, je le rencontrai
+(Louvois) au fond d'une très-petite pièce qui est entre la grande salle
+des gardes et ce grand salon qui donne sur la petite cour des Princes.
+M. de Marsan lui parlait, et il allait travailler chez madame de
+Maintenon avec le roi, qui devait se promener après dans les jardins de
+Versailles à pied, où les gens de la cour avaient la liberté de le
+suivre. Sur les quatre heures après-midi du même jour, j'allai chez
+madame de Châteauneuf, où j'appris qu'il s'était trouvé un peu mal chez
+madame de Maintenon, que le roi l'avait forcé de s'en aller, qu'il était
+retourné à pied chez lui, où le mal avait subitement augmenté; qu'on
+s'était hâté de lui donner un lavement qu'il avait rendu aussitôt, et
+qu'il était mort en le rendant, et demandant son fils Barbésieux, qu'il
+n'eut pas le temps de voir, quoique celui-ci accourût de sa chambre.»
+
+«La soudaineté du mal et de la mort de Louvois fit tenir bien des
+discours, bien plus encore _quand on sut par l'ouverture de son corps
+qu'il avait été empoisonné_. Il était grand buveur d'eau, et en avait
+toujours un pot sur la cheminée de son cabinet, à même duquel il buvait.
+On sut qu'il en avait bu ainsi en sortant pour aller travailler avec le
+roi, et qu'entre sa sortie de dîner avec bien du monde, et son entrée
+dans son cabinet pour prendre les papiers qu'il voulait porter à son
+travail avec le roi, un frotteur du logis était entré dans ce cabinet,
+et y était resté quelques moments seul. Il fut arrêté et mis en prison.
+Mais à peine y eut-il demeuré quatre jours, et la procédure commencée,
+qu'il fut élargi par ordre du roi, ce qui avait déjà été fait, jeté au
+feu, et défense de faire aucune recherche. Il devint même dangereux de
+parler là-dessus, et la famille de Louvois étouffa tous ces bruits,
+d'une manière à ne laisser aucun doute que l'ordre très-précis n'en eût
+été donné.»
+
+Puis, comme si ce n'était pas encore assez de toutes ces insinuations
+pour prouver l'empoisonnement, Saint-Simon ajoute l'histoire suivante du
+médecin de Louvois, qui, dit-il, lui fut racontée par un gentilhomme
+attaché à la maison de ce ministre. «Il m'a conté, dit Saint-Simon,
+étant toujours à madame de Louvois depuis la mort de son mari, que
+_Séron_, médecin domestique de ce ministre, et qui l'était demeuré de
+madame de Barbésieux, logé dans la même chambre au château de
+Versailles, dans la surintendance que Barbésieux avait conservée
+quoiqu'il n'eût pas succédé aux bâtiments, s'était un jour barricadé
+dans cette chambre, seul, quatre ou cinq mois après la mort de Louvois;
+qu'aux cris qu'il y fit on était accouru à sa porte, qu'il ne voulut
+jamais ouvrir; que ces cris durèrent presque toute la journée, sans
+qu'il voulût ouïr parler d'aucun secours temporel ni spirituel, ni qu'on
+pût venir à bout d'entrer dans sa chambre; que sur sa fin on l'entendit
+s'écrier qu'il n'avait que ce qu'il méritait, que ce qu'il avait fait à
+son maître, qu'il était un misérable indigne de tout secours; et qu'il
+mourut de la sorte en désespéré au bout de huit ou dix heures, sans
+avoir jamais parlé de personne, ni prononcé aucun nom.--A cet événement
+les discours se réveillèrent à l'oreille; il n'était pas sûr d'en
+parler. Qui a fait le coup? C'est ce qui est demeuré dans les plus
+épaisses ténèbres.»
+
+Le récit de Saint-Simon et les détails circonstanciés dans lesquels il
+entre, semblent ne point devoir laisser de doutes sur la nature de la
+mort de Louvois. Aussi les historiens, tout en admettant avec une
+certaine circonspection les insinuations de Saint-Simon, n'ont-ils
+jamais repoussé complétement l'idée du poison. Une phrase de son récit,
+si elle était vraie, serait surtout la preuve certaine de
+l'empoisonnement; c'est celle-ci: _On sut par l'ouverture de son corps
+qu'il avait été empoisonné_. En effet, si les médecins ont constaté la
+présence du poison, il ne peut plus y avoir d'incertitude que sur la
+main qui a commis le crime et sur _la personne qui l'a commandé_. Eh
+bien, cette affirmation de Saint-Simon est tout à fait démentie par
+l'ouverture du corps de Louvois, et si les historiens n'ont pas été plus
+affirmatifs, c'est qu'ils n'ont pas eu connaissance de ce document,
+enfoui dans un livre de médecine, où ils étaient bien éloignés d'aller
+chercher une pièce si importante.
+
+Dionis était le chirurgien de Louvois. C'était un chirurgien fort
+instruit. Il publia plusieurs ouvrages encore recherchés aujourd'hui
+pour les observations curieuses qu'ils renferment. Dans l'un de ces
+ouvrages intitulé _Dissertation sur la mort subite_[42], voici comment
+il raconte la mort de Louvois: «Le 16 juillet 1691, M. le marquis de
+Louvois, après avoir dîné chez lui en bonne compagnie, alla au conseil.
+En lisant une lettre au roi, il fut obligé d'en cesser la lecture, parce
+qu'il _se sentait fort oppressé_; il voulut en reprendre la lecture,
+mais ne pouvant pas la continuer, il sortit du cabinet du roi, et,
+s'appuyant sur le bras d'un gentilhomme à lui, il prit le chemin de la
+surintendance où il était logé.
+
+»En passant par la galerie qui conduit de chez le roi à son appartement,
+il dit à un de ses gens de me venir chercher au plus tôt. J'arrivai dans
+sa chambre comme on le déshabillait; il me dit: Saignez-moi vite, car
+j'étouffe. Je lui demandai s'il sentait de la douleur plus dans un des
+côtés de la poitrine que dans l'autre; il me montra la région du coeur,
+me disant: Voilà où est mon mal. Je lui fis une grande saignée en
+présence de M. _Séron_, son médecin. Un moment après, il me dit:
+Saignez-moi encore, car je ne suis point soulagé. M. _d'Aquin_ et M.
+_Fagon_ arrivèrent qui examinèrent l'état fâcheux où il était, le voyant
+souffrir avec des angoisses épouvantables; il sentit un mouvement dans
+le ventre comme s'il voulait s'ouvrir; il demanda la chaise, et, peu de
+temps après s'y être mis, il dit: Je me sens évanouir. Il se jeta en
+arrière, appuyé sur les bras d'un côté de M. Séron, et de l'autre d'un
+de ses valets de chambre. Il eut des râlements qui durèrent quelques
+minutes, et il mourut.
+
+»On voulut que je lui appliquasse des ventouses avec scarifications, ce
+que je fis, on lui apporta et on lui envoya de l'eau apoplectique, des
+gouttes d'Angleterre, des eaux divines et générales; on lui fit avaler
+de tous ces remèdes qui furent inutiles, puisqu'il était mort, et en peu
+de temps, car il ne se passa pas une demi-heure depuis le moment qu'il
+fut attaqué de son mal jusqu'à sa mort.
+
+»Le lendemain, M. Séron vint chez moi me dire que la famille souhaitait
+que ce fût moi qui en fît l'ouverture. Je la fis en présence de MM.
+_d'Aquin_, _Fagon_, _Duchesne_ et _Séron_.
+
+»En faisant prendre le corps pour le porter dans l'antichambre, je vis
+son matelas tout baigné de sang; il y en avait plus d'une pinte qui
+avait distillé pendant vingt-quatre heures par les scarifications que je
+lui avais faites aux épaules; et ce qui est de particulier, c'est
+qu'étant sur la table, je voulus lui ôter la bande qui était encore à
+son bras de la saignée du jour précédent, et que je fus obligé de la
+remettre, parce que le sang en coulait, ce qui gâtait le drap sur lequel
+il était.
+
+»Le cerveau était dans son état naturel et très-bien disposé; _l'estomac
+était plein de tout ce qu'il avait mangé à son dîner_; il y avait
+plusieurs petites pierres dans la vésicule du fiel; _les poumons étaient
+gonflés et pleins de sang_; le coeur était gros, flétri, mollasse et
+semblable à du linge mouillé, n'ayant pas une goutte de sang dans ses
+ventricules.
+
+»On fit une relation de tout ce qu'on avait trouvé, qui fut portée au
+roi, après avoir été signée par les quatre médecins que je viens de
+nommer, et par quatre chirurgiens, qui étaient MM. _Félix_, _Gervais_,
+_Dutertre et moi_:
+
+«_Le jugement certain qu'on peut faire de la cause de cette mort, est
+l'interception de la circulation du sang; les poumons en étaient pleins,
+parce qu'il y était retenu, et il n'y en a point dans le coeur, parce
+qu'il n'y en pouvait point entrer; il fallait donc que ses mouvements
+cessassent, ne recevant point de sang pour les continuer: c'est ce qui
+s'est fait aussi, et ce qui a causé une mort si subite._»
+
+Telle est l'opinion des hommes de l'art; c'est à une _apoplexie
+pulmonaire_ qu'ils attribuent avec juste raison la cause de la mort, et
+l'on ne voit nulle part qu'ils aient parlé d'empoisonnement, ainsi que
+l'affirme Saint-Simon. D'ailleurs Louvois était menacé depuis longtemps
+de cette affection; il éprouvait fréquemment des oppressions. Les
+médecins cherchaient à les combattre, en lui donnant les eaux de forges,
+qu'il allait prendre tous les matins dans l'Orangerie, _où le suivaient
+ses commis pour ne pas discontinuer son travail ordinaire_[43].
+
+Il résulte de ces faits que Louvois a été frappé d'une attaque
+d'apoplexie pulmonaire, et qu'il faut reléguer au rang des fables tous
+les bruits d'empoisonnement répandus à sa mort, et recueillis avec
+avidité par le caustique Saint-Simon.
+
+L'appartement occupé par Louvois était au premier étage de l'hôtel de la
+surintendance; cet appartement a vue sur le parc du côté de la petite
+Orangerie. Cela explique le passage de Saint-Simon, dans lequel il parle
+de la promenade de Louis XIV le jour de la mort de son ministre.
+«Quoique je n'eusse guère que quinze ans, je voulus voir la contenance
+du roi à un événement de cette qualité. J'allai l'attendre, et le suivis
+toute sa promenade. Il me parut avec sa majesté accoutumée, mais avec
+je ne sais quoi de leste et de délivré, qui me surprit assez pour en
+parler après, d'autant plus que j'ignorais alors et longtemps depuis les
+choses que je viens d'écrire. Je remarquai encore qu'au lieu d'aller
+visiter ses fontaines et de diversifier sa promenade, comme il faisait
+toujours dans ces jardins, il ne fit qu'aller et venir _le long de la
+balustrade de l'Orangerie_, d'où il voyait en revenant vers le château
+le logement de la surintendance où Louvois venait de mourir, qui
+terminait l'ancienne aile[44] du château sur le flanc de l'Orangerie, et
+vers lequel il regarda sans cesse toutes les fois qu'il revenait vers le
+château.»
+
+Le corps de Louvois fut porté aux Invalides. Voici son acte de décès tel
+qu'il est inscrit sur les registres de la paroisse Notre-Dame de
+Versailles:
+
+«Le seizième jour de juillet mil six cent quatre-vingt-onze, est décédé
+au château, dans l'appartement de la surintendance, très-haut et
+puissant seigneur monseigneur Michel-François le Tellier, marquis de
+Louvois, ministre et secrétaire d'État, surintendant des bâtiments, des
+fortifications, des arts et manufactures de France, grand maître des
+postes, vicaire général de l'ordre de Saint-Lazare, commandeur et
+chancelier des ordres du roi, âgé de cinquante-deux ans, dont le corps
+ayant d'abord été apporté en cette église paroissiale, a été ensuite
+transporté à Paris, dans l'hôtel royal des Invalides, pour être inhumé
+dans l'église; ses entrailles laissées à Meudon, aux révérends pères
+capucins, et son coeur porté aux capucines de la rue Saint-Honoré, par
+moi soussigné, supérieur de la maison de la congrégation de la Mission
+de Versailles et curé de la même ville, en présence de MM. Henri Moreau
+et François Maricourt, qui ont signé: Moreau, de Maricourt, prêtres de
+la congrégation de la Mission. Et plus bas, signé: Hébert.»
+
+
+
+
+V
+
+L'APPARTEMENT DE MADAME DE MAINTENON.
+
+1686-1715.
+
+
+Saint-Simon, voulant faire connaître les particularités de la vie privée
+de Louis XIV et de madame de Maintenon, dit dans un endroit de ses
+_Mémoires_: «Je me trouve, je l'avoue, entre la crainte de quelques
+redites et celle de ne pas expliquer assez en détail des curiosités que
+nous regrettons dans toutes les histoires et dans presque tous les
+Mémoires des divers temps. On voudrait y voir les princes, avec leurs
+maîtresses et leurs ministres, dans leur vie journalière. Outre une
+curiosité si raisonnable, on en connaîtrait bien mieux les moeurs du
+temps et le génie des monarques, celui de leurs maîtresses et de leurs
+ministres, de leurs favoris, de ceux qui les ont le plus approchés, et
+les adresses qui ont été employées pour les gouverner ou pour arriver
+aux divers buts qu'on s'est proposés. Si ces choses doivent passer pour
+curieuses, et même pour instructives dans tous les règnes, à plus forte
+raison d'un règne aussi long et aussi rempli que l'a été celui de Louis
+XIV, et d'un personnage unique dans la monarchie depuis qu'elle est
+connue, qui a, trente-deux ans durant, revêtu ceux de confidente, de
+maîtresse, d'épouse, de ministre, et de toute-puissante, après avoir été
+si longuement néant, et, comme on dit, avoir si longtemps et si
+publiquement rôti le balai.» Ces réflexions de Saint-Simon peuvent
+également s'appliquer aux recherches des lieux habités par les mêmes
+personnages, et en particulier à Versailles, cette magnifique création
+de Louis XIV; on voudrait pouvoir connaître l'histoire de chacune des
+chambres de ce palais, surtout de ces petits appartements, dans lesquels
+on vit l'amour, la jalousie, l'ambition, la haine, toutes les plus
+mauvaises passions du coeur humain s'agiter si longtemps pour donner le
+spectacle de ces élévations et de ces chutes de favoris et de maîtresses
+qui ont eu tant d'influence sur les destinées de la France dans le
+dernier siècle. Malheureusement le château de Versailles a subi de
+nombreux changements depuis Louis XIV jusqu'à nos jours, et il est
+difficile de se reconnaître au milieu de toutes ces transformations.
+
+L'un des appartements que l'on désire généralement le plus connaître, et
+sur lequel il y a eu jusqu'à ce jour le plus d'obscurité, est celui de
+madame de Maintenon, de cette femme extraordinaire qui, de la position
+la plus humble, s'éleva jusqu'au titre d'épouse du roi, et gouverna
+pendant plus de trente ans et le monarque et le royaume.
+
+Nous avons étudié avec attention ce point de l'histoire du château de
+Versailles, comparé avec soin les divers documents qui peuvent
+l'éclairer, et nous croyons pouvoir établir d'une manière positive
+l'emplacement de cet appartement.
+
+L'opinion, aujourd'hui la plus répandue, est que cet appartement
+occupait quelques pièces situées derrière les petits appartements du
+roi, dans l'aile nord de la cour de marbre. C'est cette opinion que M.
+Vatout a adoptée dans son livre du _Palais de Versailles_; elle paraît
+avoir été suivie dans la réparation de cette partie du château,
+puisqu'on y signale plusieurs pièces comme ayant appartenu à
+l'appartement de madame de Maintenon, et que _Louis-Philippe_ y a fait
+placer le portrait de cette femme célèbre. Voici, du reste, ce que dit
+M. Vatout:
+
+SALLE DU DÉJEUNER.
+
+«Louis XVI avait l'habitude de déjeuner dans cette pièce avant de partir
+pour la chasse. Il y laissait entrer, pour les caresser, quatre chiens
+favoris qu'il aimait tant, que, dans la crainte de trop les fatiguer,
+les pages avaient ordre de les conduire en voiture à la chasse.
+
+»Louis-Philippe avait l'habitude de s'y reposer lorsqu'il allait visiter
+et suivre les travaux du Musée national de Versailles.
+
+»Cette pièce, éclairée sur la cour des Cerfs, faisait autrefois partie
+_du petit appartement de madame de Maintenon_. «Cet appartement, dit
+Saint-Simon, était au haut du grand escalier, de plain-pied avec
+l'appartement du roi[45].»
+
+Nous verrons plus tard où Saint-Simon plaçait cet appartement, et nous
+sommes encore étonné, après la description si claire qu'il en donne, que
+M. Vatout ait pu l'indiquer dans ce lieu.
+
+«La destruction de ce grand escalier, ajoute M. Vatout, et les nombreux
+changements opérés par Louis XV dans cette partie intérieure du palais,
+ne permettent plus aujourd'hui que d'indiquer l'emplacement du logement
+occupé par cette femme célèbre. _Ce qu'il y a de certain_, c'est que la
+pièce qu'on appelle aujourd'hui _Salle du déjeuner_ faisait partie du
+salon par lequel le roi passait, en sortant de la salle à manger, pour
+se rendre dans le cabinet de madame de Maintenon. La petite galerie
+_Mignard_, avec ses deux salons, pouvait offrir à cet appartement de
+brillants accessoires, lorsqu'on y faisait de la musique ou qu'on y
+jouait la comédie.»
+
+Cette description ne laisse aucun doute, et l'on voit que M. Vatout
+place l'appartement de madame de Maintenon au haut du grand escalier
+des ambassadeurs[46], entre les grands et les petits appartements du
+roi, tandis que sa place véritable, comme on va le voir, était dans la
+partie opposée, c'est-à-dire au haut de l'escalier de marbre, et du côté
+des appartements de la reine.
+
+Mais avant d'aller plus loin, et pour bien comprendre ce que nous allons
+dire, il est nécessaire de jeter un coup d'oeil sur la distribution des
+appartements du château à l'époque de Louis XIV.
+
+En 1671, _André Félibien_, historiographe des bâtiments du roi, publia
+une description de Versailles et des embellissements que Louis XIV y
+faisait exécuter. Les agrandissements successifs opérés dans le palais,
+et les nouveaux arrangements nécessités par le séjour du roi,
+déterminèrent _Félibien des Avaux_, son fils et son successeur dans
+l'emploi d'historiographe des bâtiments, à faire paraître une nouvelle
+description de Versailles. C'est cette nouvelle description, publiée en
+l'année 1703, qui va nous servir. Nous en rapporterons tout ce qui peut
+faire connaître d'une manière exacte la disposition des appartements, en
+retranchant ce qui est inutile à la solution de la question qui nous
+occupe; c'est, du reste, une description très-curieuse du Versailles de
+Louis XIV, et qui vaudrait la peine d'être publiée de nouveau.
+
+Félibien décrit d'abord les appartements du rez-de-chaussée, occupés
+d'un côté par le Dauphin et de l'autre par le duc du Maine, et nous
+ferons remarquer qu'il indique comme habité par le _duc du Maine_
+l'appartement des bains, situé sous les grands appartements du roi, car
+la situation de ce logement pourra nous servir à expliquer ce qui a pu
+faire croire que l'appartement de madame de Maintenon devait être de ce
+côté du château.
+
+Félibien ajoute ensuite[47]: «Aux côtés de la petite cour pavée de
+marbre du milieu du château, et aux côtés de la grande cour par où l'on
+a été voir les grands appartements bas, il y a huit escaliers outre ceux
+des quatre petites cours voisines. La plupart des uns et des autres
+servent à dégager les grands appartements hauts, et à monter à quantité
+d'autres appartements que les principaux officiers de la maison du roi,
+obligés par leurs charges d'être proche de la personne de Sa Majesté,
+occupent, tant dans les logements qui sont aux côtés des grands
+appartements, que dans les attiques et proche des combles du vieux et du
+nouveau château. Les deux escaliers les plus considérables servent pour
+monter aux appartements du roi. Ils sont enrichis de marbre et situés
+aux côtés de la grande cour proche des passages, où l'appartement des
+bains (pour le grand escalier des ambassadeurs) et l'appartement de
+Monseigneur (pour l'escalier de marbre) ont leurs principales entrées.
+
+»Le moins grand de ces deux escaliers, appelé le petit escalier de
+marbre, est auprès de ce dernier appartement où l'on entre même
+d'ordinaire par une porte qui est proche de la rampe de cet escalier. Il
+n'y en a pas de plus fréquenté et qu'on connaisse davantage dans
+Versailles. Trois arcades donnent d'abord entrée par la grande cour dans
+un vestibule fait en forme d'une double galerie voûtée de pierre et pavé
+de carreaux de marbre blanc et de marbre noir. C'est de là qu'on va à
+l'escalier proche duquel une des portes de l'appartement de Monseigneur
+est ouverte vers le midi. Une autre porte, vers l'occident, donne entrée
+dans la petite cour qui est environnée, de ce côté, des bâtiments du
+vieux et du nouveau château, et partagée par un corridor orné de
+colonnes. Tout l'escalier est pavé de marbre....
+
+»Sur le grand palier du haut, vers le midi, est une porte qui, de ce
+grand palier par le bout le plus proche du haut de la dernière rampe,
+conduit à l'appartement de la reine, occupé par madame la duchesse de
+Bourgogne. Et dans la face vers le septentrion, à l'autre bout du même
+palier, il y a une simple porte qui donne entrée dans les appartements
+du roi. Deux autres portes proche les précédentes servent, à l'autre
+bout de l'escalier vers l'orient, à entrer dans la grande salle des
+gardes, la plus proche de l'appartement de la reine. C'est en traversant
+un petit passage, qui est au bout de cette salle, qu'on peut aller par
+une autre grande salle (salle de 1792) à un petit appartement de jour de
+monseigneur le duc de Bourgogne (salles des Gouaches), et par la même
+salle à un grand escalier de pierre (des Princes), par où l'on va aux
+appartements de Monsieur, de Madame, de monseigneur le duc de Chartres
+et de madame la duchesse de Chartres (galerie des Batailles) qui, comme
+nous avons déjà dit, sont de plain-pied avec ceux du roi....
+
+»Tâchons à présent, par une description la plus sommaire qu'il nous sera
+possible, de faire connaître l'état où les appartements du roi et les
+autres appartements hauts du vieux et du nouveau château sont
+aujourd'hui.
+
+»Le premier appartement du roi, où l'on entre, comme nous avons dit, par
+le petit escalier de marbre du côté du septentrion, a vue sur la petite
+cour pavée de marbre, qu'il environne de trois côtés. Un vestibule que
+l'on trouve d'abord proche du petit escalier _sert vers l'orient à
+donner passage à un appartement particulier qu'occupe madame la marquise
+de Maintenon dans une des ailes de la grande cour_; et vers l'occident à
+entrer par une salle des gardes dans une antichambre où l'on sert le roi
+quand il mange en public.»
+
+Ainsi, il n'y a pas ici de termes ambigus; c'est sur le vestibule placé
+près du palier du petit escalier de marbre et en face de l'entrée de
+l'appartement de Louis XIV, que se trouvait l'appartement de madame de
+Maintenon. Nous reviendrons bientôt sur cet appartement, et nous allons
+continuer la description de celui du roi, en suivant toujours Félibien,
+afin de montrer qu'il indique la destination de toutes les pièces de cet
+appartement, et que l'endroit qu'il vient de désigner est le seul où
+l'on puisse placer l'habitation de cette femme célèbre:
+
+«Cette antichambre, _celle où le roi mangeait en public_, a depuis peu,
+vers le midi, une porte par où l'on entre dans un petit appartement de
+nuit de monseigneur le duc de Bourgogne (depuis petit appartement de la
+reine), que l'on a construit de nouveau au-dessus du corridor qui
+traverse en bas le milieu de la petite cour la plus proche de
+l'appartement de Monseigneur. Mais pour aller par la grande antichambre
+du roi dans l'appartement de Sa Majesté, on entre, vers l'occident, dans
+la chambre _des Bassans_, ainsi appelée à cause qu'il y a plusieurs
+tableaux de ces anciens maîtres au-dessus des portes et dans les
+lambris. Cette chambre a trois portes, outre celle de la grande
+antichambre par où l'on est entré. Une porte au midi conduit à un
+escalier de dégagement par où monseigneur monte de son appartement à
+celui du roi (cet escalier en pierre existe encore aujourd'hui,
+quoiqu'il ne soit plus d'aucun usage); une autre porte à l'occident
+conduit dans la grande galerie haute du nouveau château, du côté des
+jardins; et la troisième porte, au septentrion, est celle par où il faut
+passer dans la suite du premier appartement du roi, et premièrement dans
+la chambre à coucher de Sa Majesté.»
+
+Après la description de la chambre du roi et de son ameublement, il
+ajoute: «Les portes du côté de la cheminée donnent entrée vers le
+septentrion dans un grand salon carré, situé au milieu de l'ancien
+château, sur le vestibule pavé et lambrissé de marbre qu'on a remarqué
+en bas.... Ensuite du salon on trouve une autre pièce appelée _chambre
+du Conseil_. Le premier des cabinets du roi est entièrement revêtu de
+glaces.... On le nomme _cabinet des Termes_, parce que vingt figures de
+jeunes enfants en forme de Termes, qui soutiennent des festons dorés,
+ornent une manière d'attique élevée au-dessus de la corniche, dans le
+même cabinet[48]. Il reçoit son jour vers le septentrion, par la petite
+cour de l'appartement des bains.»
+
+Cette description de l'appartement du roi est curieuse en ce qu'elle
+nous donne l'époque exacte de l'établissement de la chambre à coucher
+dans laquelle mourut Louis XIV. En effet, l'on a pu voir dans les
+détails donnés par Félibien que ce que l'on nomme le _salon de
+l'OEil-de-boeuf_ était coupé en deux parties, dont l'une était occupée
+par une antichambre nommée des _Bassans_, et l'autre par la chambre à
+coucher du roi, tandis que la chambre à coucher actuelle, qui occupe le
+centre du château, était un grand salon de réception, probablement
+l'ancien grand salon de Louis XIII.
+
+C'est en 1703 que Félibien des Avaux fit paraître sa _Description
+sommaire de Versailles_. Mais à la fin de ce même volume, dans un
+chapitre intitulé _Changements qui ont été faits à Versailles, en divers
+endroits du château, pendant l'impression de ce volume_, voici ce qu'il
+dit de l'appartement du roi: «On voit un nouveau salon qui ne surprend
+pas moins par sa richesse que par sa grandeur. Il contient tout l'espace
+d'une seconde antichambre et d'une chambre où l'on a vu jusqu'ici le lit
+du roi: ainsi ce nouveau salon a au moins soixante pieds de longueur sur
+environ vingt-six de largeur, et son exhaussement, qu'on a beaucoup
+augmenté, a donné moyen de faire une ouverture ovale de fenêtre dans le
+haut de l'extrémité vers le midi--que l'on nomme un oeil-de-boeuf--pour
+donner plus de jour au salon. L'on ne peut trop considérer dans la
+chambre du roi, qui servait autrefois de salon, les changements qu'on y
+a faits et les ornements nouveaux dont on l'a embellie. Elle est toute
+boisée et presque entièrement dorée sur un fond blanc, ainsi que le
+grand salon, mais ornée avec encore plus de magnificence. La cheminée
+est placée à présent vers le septentrion; son chambranle de marbre
+occupe le bas d'une grande arcade remplie de glaces de miroir, et dont
+le cintre est porté par des pilastres ioniques, et chargé d'une
+cassolette fumante, accompagnée de festons de fleurs, et de deux Zéphyrs
+figurés par des enfants en bas-reliefs, qui ont des ailes de papillon au
+dos. Il y a une semblable arcade vis-à-vis, aussi toute remplie de
+glaces et accompagnée d'ornements. L'on a doré de nouveau les pilastres,
+et tous les ouvrages de sculpture qu'on a conservés. Une grande arcade
+surbaissée sert du côté de l'occident, vis-à-vis des fenêtres, à
+augmenter la profondeur de cette chambre pour y placer plus commodément
+le lit du roi.»
+
+Il est donc évident que le salon dit de l'OEil-de-boeuf et la chambre
+actuelle du roi Louis XIV ne datent que de l'année 1703, c'est-à-dire de
+l'époque écoulée entre l'impression de l'ouvrage de Félibien et les
+additions qu'il a placées à la fin, avant de la livrer au public.
+
+Dans les changements qu'on venait de faire subir à l'appartement du roi,
+Félibien signale l'agrandissement de la salle du Conseil aux dépens du
+cabinet des Termes, qui, quoique plus petit, n'en continua pas moins
+d'exister.
+
+Félibien ajoute: «Le second cabinet, dans lequel on entre par le grand
+cabinet du Conseil et par l'ancien cabinet des Termes, et qui a vue vers
+le septentrion sur la même cour, et vers le midi sur la petite cour
+pavée de marbre, est orné de tableaux de tous côtés.» (Sous Louis XV,
+cette chambre fut agrandie du côté du nord, l'on boucha les fenêtres de
+ce côté, et elle devint la chambre à coucher du roi.) «La pièce suivante
+sert de vestibule à un escalier par où le roi descend de son appartement
+pour sortir du château, et sert à passer dans un autre cabinet, qu'une
+arcade et deux autres ouvertures moins grandes qui l'accompagnent
+unissent à la dernière pièce de l'enfilade. Ici une porte située au
+septentrion donne entrée dans un salon ovale tout doré et orné de
+pilastres et de quatre niches où l'on a placé autant de groupes de
+bronze. Enfin, dans ce salon ovale, une porte donne entrée dans un
+cabinet qui l'accompagne vers l'occident, et une autre porte vers
+l'orient conduit à la petite galerie peinte par _Mignard_, dont nous
+avons rapporté une description assez étendue, ainsi que des deux salons
+qui sont à ses extrémités.» Ici s'arrête la description des petits
+appartements du roi. Félibien décrit ensuite le grand escalier des
+ambassadeurs, les grands appartements du roi, la grande galerie et les
+appartements de la reine, qui ne sont point changés.
+
+En suivant pas à pas, sur les plans de _Blondel_, la description de
+Félibien, on voit que toutes les pièces de l'appartement du roi, qui y
+sont parfaitement indiquées, avaient toutes une destination, et qu'il
+est impossible d'y trouver un endroit pouvant s'appliquer à
+l'appartement de madame de Maintenon. Il faut donc absolument chercher
+cet appartement dans une autre partie du château.
+
+Nous avons dit que Félibien en plaçait la porte dans le vestibule qui
+servait d'entrée à l'appartement du roi: «Un vestibule que l'on trouve
+d'abord proche du petit escalier sert, vers l'orient, à donner passage à
+un appartement particulier qu'occupe madame la marquise de Maintenon
+dans une des ailes de la grande cour.» Malheureusement Félibien, si
+exact dans le détail des divers appartements qu'il décrit, mais voulant
+seulement faire connaître au public ceux qu'on pouvait visiter et qui
+étaient curieux par leurs ornements, les tableaux, les sculptures, ou
+les choses rares qu'ils contenaient, n'a parlé que des appartements du
+roi, de la reine et des princes, et n'a rien ajouté de plus sur celui de
+madame de Maintenon. Cependant cette indication est déjà une preuve de
+sa situation en ce lieu, et de la nécessité de ne point le chercher
+ailleurs.
+
+Voyons, maintenant que nous savons le lieu occupé par cet appartement,
+si nous trouverons quelque part des détails assez circonstanciés pour
+qu'il ne reste aucun doute, et que nous puissions, en quelque sorte, le
+rétablir comme il était à cette époque.
+
+Il était impossible que Saint-Simon, ce caustique et spirituel
+chroniqueur, qui passait, pour ainsi dire, tous ses jours dans le
+château de Versailles à suivre ses habitants, pour deviner leurs
+pensées, leurs actions, connaître les événements nouveaux et surtout les
+intrigues que ce peuple de courtisans faisait éclore et avorter à chaque
+instant, ne donnât pas quelques renseignements sur le lieu qu'habitait
+le plus célèbre de tous ces personnages, sur celui qui était devenu le
+véritable chef de l'État, et que Saint-Simon avait d'autant plus de
+motifs de faire connaître dans ses moindres actions, qu'il y cherchait
+presque toujours des raisons de faire excuser la haine qu'il lui
+portait.
+
+Il donne en effet dans ses _Mémoires_ une description si exacte et si
+minutieuse de l'appartement de madame de Maintenon, que l'on est étonné
+d'avoir vu sa place si longtemps ignorée.
+
+Voici à quelle occasion. Au mois de décembre 1708, le duc de Bourgogne
+revenait de sa campagne de Flandre, qui n'avait pas été heureuse. Il
+était attendu à la cour avec grande impatience; et tous ses amis
+redoutaient la réception qu'allait lui faire Louis XIV. Saint-Simon,
+très-attaché au duc de Bourgogne, raconte ainsi cette réception, dans
+laquelle il entre, pour la mieux faire comprendre, dans les plus
+minutieux détails:
+
+«Madame la duchesse de Bourgogne, dit-il, était dans une grande
+agitation de la réception que recevrait monseigneur le duc de Bourgogne,
+et de pouvoir avoir le temps de l'entretenir et de l'instruire avant
+qu'il pût voir le roi en personne. Je lui fis dire de lui mander
+d'ajuster son voyage de façon qu'il arrivât à une ou deux heures après
+minuit, parce que de la sorte, arrivant tout droit chez elle et ne
+pouvant voir qu'elle, ils auraient tout le temps de la nuit à être
+ensemble seuls, les premiers instants du matin avec le duc de
+Beauvillier et peut-être avec madame de Maintenon, et l'avantage encore
+que le prince saluerait le roi et Monseigneur avant que personne fût
+entré chez eux, et que personne n'y serait témoin de sa réception, à
+très-peu de valets près et même écartés. L'avis ne fut pas donné, ou,
+s'il le fut, il ne fut pas suivi. Le jeune prince arriva le lundi 11
+décembre, un peu après sept heures du soir, comme Monseigneur venait
+d'entrer à la comédie[49], où madame la duchesse de Bourgogne n'était
+pas allée pour l'attendre. Je ne sais pourquoi il vint descendre dans la
+_cour des Princes_ au lieu de la grande. J'étais en ce moment-là chez la
+comtesse de Roucy dont les fenêtres donnaient dessus. Je sortis
+aussitôt, et arrivant au haut du grand degré du bout de la galerie[50],
+j'aperçus le prince qui le montait, entre les ducs de Beauvillier et de
+la Rocheguyon, qui s'étaient trouvés à la descente de sa chaise. Il
+avait bon visage, gai et riant, et parlait à droite et à gauche. Je lui
+fis ma révérence au bord des marches. Il me fit l'honneur de
+m'embrasser, mais de façon à me marquer qu'il était encore plus instruit
+qu'attentif à ce qu'il devait à la dignité, et il ne parla plus qu'à moi
+un assez long bout de chemin, pendant lequel il me glissa bas qu'il
+n'ignorait pas comment j'avais parlé, et comment j'en avais usé à son
+égard. Il fut rencontré par un groupe de courtisans, à la tête desquels
+était le duc de la Rochefoucauld. Entouré de ce groupe, il traversa la
+grande salle des gardes, au lieu d'entrer chez madame de Maintenon par
+son antichambre de jour et par les derrières, bien que son plus
+court[51], et alla, par le palier du grand degré[52], entrer par la
+grande porte de l'appartement de madame de Maintenon[53]. C'était le
+jour du travail ordinaire de Pontchartrain, qui, depuis quelque temps,
+avait changé avec Chamillart du mardi au lundi. Il était alors en tiers
+avec le roi et madame de Maintenon, et le soir même il me conta cette
+curieuse réception, qu'il remarqua bien et dont il fut seul témoin. Je
+dis en tiers, parce que madame la duchesse de Bourgogne allait et
+venait; mais pour le bien entendre, il faut un moment d'ennui de
+mécanique.
+
+»L'appartement de madame de Maintenon était de plain-pied et faisant
+face à la salle des gardes du roi[54]. L'antichambre était plutôt un
+passage long en travers, étroit, jusqu'à une autre antichambre toute
+pareille de forme, dans laquelle les seuls capitaines des gardes
+entraient[55], puis une grande chambre profonde[56]. Entre la porte, par
+où l'on y entrait de cette seconde antichambre, et la cheminée[57],
+était le fauteuil du roi adossé à la muraille, une table devant lui, et
+un ployant autour pour le ministre qui travaillait. De l'autre côté de
+la cheminée une niche de damas rouge et un fauteuil ou se tenait madame
+de Maintenon avec une petite table devant elle. Plus loin son lit dans
+un enfoncement[58]. Vis-à-vis les pieds du lit une porte et cinq
+marches[59]. Puis un fort grand cabinet qui donnait dans la première
+antichambre de l'appartement de monseigneur le duc de Bourgogne, que
+cette porte enfilait, et qui est aujourd'hui l'appartement du cardinal
+de Fleury[60]. Cette première antichambre ayant à droite cet
+appartement, et à gauche ce grand cabinet de madame de Maintenon,
+descendait, comme encore aujourd'hui, par cinq marches dans le salon de
+marbre contigu au palier du grand degré au bout des deux galeries, haute
+et basse, dites de madame la duchesse d'Orléans, ou des Princes[61].
+
+«Tous les soirs, madame la duchesse de Bourgogne jouait dans le grand
+cabinet de madame de Maintenon avec les dames à qui on avait donné
+l'entrée, qui ne laissait pas d'être assez étendue, et de là, entrait,
+tant et si souvent qu'elle voulait, dans la pièce joignante, qui était
+la chambre de madame de Maintenon, où elle était avec le roi, la
+cheminée entre deux. Monseigneur, après la comédie, montait dans ce
+grand cabinet[62] où le roi n'entrait point, et madame de Maintenon
+presque jamais.
+
+»Avant le souper du roi, les gens de madame de Maintenon lui apportaient
+son potage avec son couvert, et quelque autre chose encore. Elle
+mangeait, ses femmes et un valet de chambre la servaient, toujours le
+roi présent, et presque toujours travaillant avec un ministre. Le souper
+achevé, qui était court, on emportait la table; les femmes de madame de
+Maintenon demeuraient, qui tout de suite la déshabillaient en un moment,
+et la mettaient au lit. Lorsque le roi était averti qu'il était servi,
+il passait un moment dans une garde-robe[63], allait après dire un mot à
+madame de Maintenon, puis sonnait une sonnette qui répondait au grand
+cabinet. Alors Monseigneur, s'il y était, monseigneur et madame la
+duchesse de Bourgogne, M. le duc de Berry, et les dames qui étaient à
+elle, entraient à la file dans la chambre de madame de Maintenon, ne
+faisaient presque que la traverser, et précédaient le roi qui allait se
+mettre à table suivi de madame la duchesse de Bourgogne et de ses dames.
+Celles qui n'étaient point à elle, ou s'en allaient, ou, si elles
+étaient habillées pour aller au souper, car le privilège de ce cabinet
+était d'y faire sa cour à madame la duchesse de Bourgogne sans l'être,
+faisaient le tour par la grande salle des gardes sans entrer dans la
+chambre de madame de Maintenon. Nul homme, sans exception que ces trois
+princes, n'entrait dans le grand cabinet. Cela expliqué, venons à la
+réception et à tout son détail, auquel Pontchartrain fut très-attentif,
+et qu'il me rendit tête à tête très-exactement une demi-heure après
+qu'il fut revenu chez lui[64].
+
+»Sitôt que de chez madame de Maintenon on entendit la rumeur qui précède
+de quelques instants ces sortes d'arrivée, le roi s'embarrassa jusqu'à
+changer diverses fois de visage. Madame la duchesse de Bourgogne parut
+un peu tremblante, et voltigeait par la chambre pour cacher son trouble,
+sous prétexte d'incertitude par où le prince arriverait, du _grand
+cabinet_ ou de l'_antichambre_. Madame de Maintenon était rêveuse. Tout
+à coup les portes s'ouvrirent. Le jeune prince s'avança au roi, qui,
+maître de soi plus que qui que ce fût, perdit à l'instant tout embarras,
+fit un pas ou deux vers son petit-fils, l'embrassa avec assez de
+démonstration de tendresse, lui parla de son voyage; puis, lui montrant
+la princesse:--Ne lui dites-vous rien? ajouta-t-il d'un visage riant. Le
+prince se retourna un moment vers elle, et répondit respectueusement
+comme n'osant se détourner du roi, et sans avoir remué de place. Il
+salua ensuite madame de Maintenon, qui lui fit fort bien. Ces propos de
+voyage, de couchées, de chemins durèrent ainsi et tout debout un
+demi-quart d'heure; puis le roi lui dit qu'il n'était pas juste de lui
+retarder plus longtemps le plaisir qu'il aurait d'être avec madame la
+duchesse de Bourgogne, et le renvoya, ajoutant qu'ils auraient loisir de
+se revoir. Le prince fit sa révérence au roi, une autre à madame de
+Maintenon, passa devant le peu de dames du palais qui s'étaient
+enhardies de mettre la tête dans la chambre, _au bas de ces cinq
+marches_, entra dans le _grand cabinet_, où il embrassa madame la
+duchesse de Bourgogne, y salua les dames qui s'y trouvèrent,
+c'est-à-dire les baisa, demeura quelques moments, et passa dans son
+appartement, où il s'enferma avec madame la duchesse de Bourgogne.
+
+»Leur tête-à-tête dura deux heures et plus; tout à la fin madame d'O y
+fut en tiers; presque aussitôt après, la maréchale d'Estrées y entra, et
+peu de moments après madame la duchesse de Bourgogne sortit avec elles,
+et revint dans le grand cabinet de madame de Maintenon. Monseigneur y
+vint à l'ordinaire au sortir de la comédie[65]; madame la duchesse de
+Bourgogne, en peine de ce que monseigneur le duc de Bourgogne ne se
+pressait point d'y venir saluer Monseigneur, l'alla chercher, et revint
+disant qu'il se poudrait; mais remarquant que Monseigneur n'était pas
+satisfait de ce peu d'empressement, elle envoya le hâter. Cependant la
+maréchale d'Estrées, folle et étourdie, et en possession de dire tout ce
+qui lui passait par la tête, se mit à attaquer Monseigneur de ce qu'il
+attendait si tranquillement son fils au lieu d'aller lui-même
+l'embrasser. Ce propos hasardé ne réussit pas. Monseigneur répondit
+sèchement que ce n'était pas à lui à aller chercher le duc de Bourgogne,
+mais au duc de Bourgogne à le venir trouver. Il vint enfin. La réception
+fut assez bonne, mais elle n'égala pas celle du roi à beaucoup près.
+Presque aussitôt le roi sonna, et on passa pour le souper[66].»
+
+Nous avons transcrit tout entière cette scène de la réception du duc de
+Bourgogne par le roi Louis XIV, malgré sa longueur, parce qu'elle donne
+les renseignements les plus exacts sur cet appartement de madame de
+Maintenon, tant cherché, et aussi parce que nous avons pensé qu'elle
+paraîtrait d'autant plus piquante qu'on pourrait la suivre dans tous
+ses détails sur les lieux mêmes.
+
+Il nous semble que d'après ces diverses descriptions de Félibien et de
+Saint-Simon, et en les comparant aux plans que Blondel a donnés des
+appartements du château de Versailles à l'époque de Louis XIV, il ne
+doit rester aucun doute dans l'esprit des personnes même les plus
+prévenues sur l'emplacement qu'occupait l'appartement de madame de
+Maintenon.
+
+Maintenant, quelle raison a donc pu faire indiquer comme _appartement de
+madame de Maintenon_ des chambres qui n'en ont jamais fait partie, et
+qui en sont même si éloignées?
+
+La seule véritable, c'est qu'au moment où l'on cherchait à retrouver,
+pour chacune des pièces des petits appartements, le nom qu'elles avaient
+dû avoir sous Louis XIV, on n'avait aucune donnée sur le lieu qu'avait
+occupé l'appartement de madame de Maintenon; et que comme il existait un
+petit escalier allant des petits appartements à l'appartement du
+rez-de-chaussée (ancien appartement des Bains), et portant encore le nom
+d'_escalier de Maintenon_, on supposa que l'appartement de la secrète
+épouse de Louis XIV avait dû ouvrir sur cet escalier, qui lui servait
+sans doute d'entrée particulière. De là la place qu'on lui donne dans
+tous les ouvrages modernes, et en particulier dans celui de M. Vatout.
+
+Mais ce nom de Maintenon, conservé à l'escalier dont nous parlons, et
+qui a induit en erreur l'_historiographe moderne des bâtiments du roi_,
+ne peut-il pas s'expliquer tout autrement?
+
+Félibien nous dit, dans sa description du château, que l'appartement
+_des Bains_, placé sous les grands appartements du roi, était occupé par
+le duc du Maine; or, tout le monde sait que madame de Maintenon est
+restée gouvernante de ce jeune prince jusqu'au moment de son élévation,
+et qu'elle allait fréquemment chez le roi, surtout dans les premiers
+temps de sa faveur. Eh bien, ne peut-on pas considérer comme à peu près
+certain que cet escalier, qui se rendait directement des appartements
+qu'elle habitait avec le duc du Maine dans ceux de Louis XIV, devait
+être celui qu'elle prenait pour y aller; d'où, par suite, lui serait
+venu le nom qu'il a conservé jusqu'à nos jours?
+
+Quelle que soit la valeur de cette explication, à laquelle nous
+attachons très-peu d'importance, toujours est-il qu'il résulte des
+descriptions de _Félibien_ et de _Saint-Simon_, comparées aux plans de
+_Blondel_, que l'appartement occupé par madame de Maintenon dans le
+château de Versailles était situé du côté des appartements de la reine,
+occupés alors par la duchesse de Bourgogne, derrière la grande salle des
+gardes du corps, de plain-pied avec l'appartement de Louis XIV, et
+ouvrant en face de ce dernier dans le vestibule placé au haut de
+l'escalier de marbre ou de la reine; et que cet appartement,
+successivement occupé sous Louis XV par le comte de Clermont, et sous
+Louis XVI par le maréchal de Duras, forme aujourd'hui trois des salles
+consacrées aux campagnes de 1793, 1794 et 1795.
+
+Tout en admettant cette conclusion, quelques personnes pourraient
+peut-être penser que dans les derniers temps de la vie de Louis XIV, et
+particulièrement après la mort du duc et de la duchesse de Bourgogne,
+madame de Maintenon vint habiter une autre partie du château; mais en
+lisant attentivement Saint-Simon, surtout lorsqu'il parle de la dernière
+maladie du roi, on voit qu'elle resta toujours dans le même appartement.
+
+«Toute la cour, dit-il, se tenait tout le jour dans la galerie. Personne
+ne s'arrêtait dans l'antichambre la plus proche de la chambre
+(l'OEil-de-boeuf) que les valets familiers, et la pharmacie, qui y
+faisaient chauffer ce qui était nécessaire; on y passait seulement, et
+vite, et d'une porte à l'autre. Les entrées passaient dans les cabinets
+par la porte de glace qui y donnait de la galerie qui était toujours
+fermée, et qui ne s'ouvrait que lorsqu'on y grattait, et se refermait à
+l'instant. Les ministres et les secrétaires d'État y entraient aussi, et
+tous se tenaient dans le cabinet qui joignait la galerie (le cabinet des
+Termes). Les princes du sang, ni les princesses filles du roi
+n'entraient pas plus avant, à moins que le roi ne les demandât, ce qui
+n'arrivait guère. Le maréchal de Villeroy, le chancelier, les deux
+bâtards, M. le duc d'Orléans, le père Tellier, le curé de la paroisse,
+quand Maréchal, Fagon et les premiers valets de chambre n'étaient pas
+dans la chambre, se tenaient dans le cabinet du Conseil, qui est entre
+la chambre du roi et un autre cabinet (des Termes), où étaient les
+princes et princesses du sang, les entrées et les ministres.
+
+»Le duc de Tresmes, premier gentilhomme de la chambre en année, se
+tenait sur la porte, entre les deux cabinets, qui demeurait ouverte, et
+n'entrait dans la chambre du roi que pour les moments de son service
+absolument nécessaire. Dans tout le jour personne n'entrait dans la
+chambre du roi que par le cabinet du Conseil, excepté ces valets
+intérieurs ou de la pharmacie qui demeuraient dans la première
+antichambre, _madame de Maintenon_ et les dames familières, et pour le
+dîner et le souper, le service et les courtisans qu'on y laissait
+entrer.»
+
+Ainsi, c'était par les antichambres, c'est-à-dire du côté où se trouvait
+l'appartement déjà indiqué de madame de Maintenon, qu'elle entrait dans
+la chambre du roi; et l'on ne concevrait pas qu'elle eût pris cette
+route, dans le cas où son logement eût été transféré de l'autre côté du
+château. Mais Saint-Simon ajoute encore plus loin quelque chose de plus
+positif. Après avoir raconté comment le roi, à l'extrémité, venait de
+recevoir les soins d'un _manant provençal, fort grossier, qui lui
+apportait un remède qui guérissait la gangrène_, il dit: «Madame de
+Maintenon venait de sortir de chez le roi, ses coiffes baissées, menée
+par le maréchal de Villeroy _par devant chez elle sans y entrer,
+jusqu'au bas du grand degré_, où elle leva ses coiffes. Elle embrassa le
+maréchal d'un oeil fort sec, en lui disant: Adieu, monsieur le maréchal,
+monta dans un carrosse du roi qui la servait toujours, dans lequel
+madame de Caylus l'attendait seule, et s'en alla à Saint-Cyr, suivie de
+son carrosse où étaient ses femmes[67].»
+
+Comme il n'y a pas de doute, d'après ce que nous avons déjà expliqué,
+sur l'escalier appelé par Saint-Simon le _grand degré_, que c'est
+l'escalier de marbre existant encore aujourd'hui, il est donc évident
+que madame de Maintenon passait ainsi devant l'appartement que nous
+avons décrit, qu'elle habitait encore en 1715, à la mort de Louis XIV.
+
+Les recherches auxquelles nous nous sommes livré pour retrouver
+l'emplacement de l'appartement de madame de Maintenon, nous ont mis à
+même de relever une erreur assez grave du livre de M. Vatout. C'est à
+l'occasion du confessionnal de Louis XIV.
+
+L'on a vu sur le plan de Blondel, et d'après la description de Félibien,
+que la pièce où se trouve aujourd'hui le confessionnal formait un salon
+ovale, dont un côté ouvrait sur un cabinet et l'autre sur le salon
+précédant la galerie de Mignard. M. Vatout, qui a vu aussi ce salon sur
+le plan de Blondel, pense qu'il faisait partie, ainsi que le cabinet et
+la salle du déjeuner, de l'appartement de madame de Maintenon, puisqu'il
+dit: «La petite galerie Mignard, avec ses deux salons, pouvait offrir à
+cet appartement de brillants accessoires, lorsqu'on y jouait la
+comédie.» Ce qui ne l'empêche pas, quelques pages plus loin, d'y mettre
+le confessionnal de Louis XIV: «C'est là, dit-il; que s'agenouillait le
+grand roi; c'est là qu'il humiliait sa fierté devant Celui au nom duquel
+s'abaissent toutes les grandeurs de la terre.» Comme s'il était
+présumable que le roi eût été placer le mystérieux endroit où devait se
+dévoiler ses plus secrètes pensées au milieu même de l'appartement de la
+favorite! Nous ne faisons cette remarque que pour montrer la
+contradiction dans laquelle est tombé M. Vatout, car il est évident que
+le confessionnal de Louis XIV n'a jamais été placé dans ce lieu. Sous ce
+roi, s'y trouvaient le salon ovale et un cabinet. Sous Louis XV, d'après
+les changements indiqués dans l'un des plans de Blondel, on fit à la
+place du salon ovale un petit salon carré, et l'on établit une
+_garde-robe_ dans le cabinet. Enfin, sous Louis XVI, de nouveaux
+changements eurent encore lieu, le salon fut diminué, et l'on en fit un
+cabinet dans lequel fut placé le confessionnal du roi. C'est donc Louis
+XVI, et non Louis XIV, qui a fait mettre son confessionnal dans cet
+endroit. Nous ne savons si, sous Louis XVI, le capitaine des gardes se
+tenait l'épée à la main, pendant la confession, derrière la glace sans
+tain que l'on remarque dans la niche près du confessionnal; mais s'il en
+était ainsi sous Louis XIV, comme le dit M. Vatout, ce n'est point dans
+cet endroit qu'avait lieu cette _étrange habitude_.
+
+
+
+
+VI
+
+L'ANCIENNE MACHINE DE MARLY
+
+OU
+
+DE VILLE ET RENNEQUIN.
+
+
+Il n'existe peut-être pas de machine qui ait eu une réputation aussi
+colossale que l'ancienne machine de Marly. Son aspect gigantesque, sa
+complication apparente, le bruit extraordinaire produit par son
+mécanisme que l'on entendait d'une distance considérable, cette masse de
+charpentes et de chaînes de fer se mouvant continuellement depuis le
+bord de la Seine jusqu'au haut de la montagne de Louveciennes, tout
+enfin dans cette immense machine était fait pour étonner les regards et
+frapper l'imagination de la foule. Il semble que l'auteur d'un si
+étonnant travail n'a pu rester inconnu, et cependant, même aujourd'hui,
+l'on discute encore pour savoir qui il est. Ce fait, qui paraît
+extraordinaire, s'explique naturellement par l'usage où l'on était, sous
+Louis XIV, de faire tout au nom du roi ou de ses ministres, et de
+placer ainsi dans l'ombre et au rang de simples employés des bâtiments
+les véritables auteurs de la plupart des merveilles exécutées sous le
+règne du grand roi. Que l'on demande en effet aux historiens à qui sont
+dus les immenses travaux faits pour amener les eaux de l'Eure à
+Versailles, ou pour réunir les eaux de pluie et de neige à plus de dix
+lieues à la ronde, et les verser dans ces réservoirs, si heureusement
+alimentés aujourd'hui par la nouvelle machine hydraulique de la Seine;
+qu'on les interroge pour savoir les noms des habiles artistes qui ont
+exécuté les plus jolis arrangements des jardins de Versailles, et ces
+magnifiques jets d'eau si habilement et si élégamment disposés, ils
+nommeront Louis XIV, Colbert et Louvois, et à la suite Mansart et Le
+Nôtre; mais de l'abbé Picard, de Lahire, de Vauban, de Perrault, de
+Francine, etc., pas un mot; et il faut, comme nous l'avons fait, aller
+fouiller dans les archives, dans les registres des bâtiments, pour
+retrouver les véritables auteurs de tous ces beaux travaux. C'est là ce
+qui est arrivé aussi pour la machine de Marly. En n'allant pas chercher
+aux véritables sources, on s'en est rapporté à des on dit plus ou moins
+désintéressés, et aidé du merveilleux populaire, qui aime toujours à
+rencontrer des moyens extraordinaires dans l'exécution de choses qui lui
+paraissent extraordinaires, l'on a ainsi déplacé les rôles, et attribué
+à un seul, et encore à celui qui y a pris la moindre part, l'honneur de
+son invention. Reprenons donc un peu l'historique de la machine de
+Marly, et suivons-le d'après les documents authentiques, dont les pièces
+vont être mises sous les yeux du lecteur.
+
+Louis XIV venait de désigner Versailles pour son séjour habituel.
+Colbert, l'exécuteur des volontés du maître, donnait les ordres les plus
+précis pour hâter les travaux nécessaires à leur accomplissement. Une
+chose cependant semblait s'opposer aux désirs du roi, et paraissait
+condamner Versailles à n'être jamais qu'un séjour passager: c'était le
+manque d'eau. Mais le roi avait parlé, et son ministre avait fait un
+appel à tous ceux que leurs connaissances spéciales pouvaient mettre à
+même de résoudre cette importante question. Déjà, des travaux importants
+avaient été exécutés[68], et non-seulement les eaux de sources, mais
+encore des eaux recueillies sur les hauteurs environnant Versailles,
+commençaient à satisfaire les désirs du roi et de son ministre. Sur ces
+entrefaites, Colbert apprend qu'un gentilhomme liégeois, ingénieur
+lui-même, vient de faire exécuter dans le domaine des comtes de Marchin,
+seigneurs de Modave[69] une machine qui élève l'eau à une très-grande
+hauteur, et qui, appliquée à Versailles, pourrait amener les eaux de la
+Seine jusque dans cette ville. Il se hâte de lui écrire au nom du roi,
+et l'engage à venir examiner si, à l'aide d'une semblable machine,
+Versailles peut être alimenté des eaux qui lui manquent. Ce gentilhomme
+liégeois était le chevalier de Ville, baron libre du Saint-Empire
+romain[70]. Vivant dans un pays où l'on construisait de nombreuses
+machines pour épuiser les eaux souterraines qui nuisent à l'exploitation
+des houillères et des mines de charbon de terre, il s'était familiarisé
+avec l'étude de ces machines. Désirant élever l'eau du Hoyoux sur les
+hauteurs du domaine de Modave, il avait fait construire un de ces
+appareils déjà employés depuis longtemps dans les mines de Hongrie,
+lorsqu'il s'agissait de transmettre l'eau à de grandes distances,
+par-dessus de hautes montagnes[71]. Mais il dut principalement la
+réussite de son entreprise à l'habileté du constructeur chargé de son
+exécution, Rennequin Sualem, qu'une grande intelligence et une longue
+pratique avaient initié à toutes les difficultés de la mécanique.
+
+De Ville se rend aussitôt à l'invitation de Colbert, et arrive à
+Versailles, accompagné de Rennequin Sualem, car il sent que pour
+l'exécution de pareille entreprise il ne peut se passer de l'habile
+ouvrier dont il connaît par expérience toute la capacité.
+
+La réussite d'une mécanique assez puissante pour amener l'eau de la
+Seine jusqu'à Versailles demandait une chute considérable, pouvant faire
+mouvoir les grandes et nombreuses roues destinées à lui donner
+l'impulsion. De Ville suit la Seine dans tous ses contours, la sonde
+lui-même dans tous ses points, et trouve enfin, entre Chatou et la
+chaussée de Bougival, une chute assez forte pour la réussite de son
+entreprise[72].
+
+La chute trouvée, il fallait faire franchir à l'eau de la Seine la
+distance qui la séparait non-seulement de la hauteur de la montagne de
+Louveciennes, mais encore du sommet d'une tour élevée sur cette hauteur,
+et qui, dominant tout le pays, pouvait permettre d'envoyer cette eau
+soit à Versailles, point principal pour lequel on demandait
+l'établissement de cet instrument hydraulique, soit à Marly, dont le roi
+venait d'arrêter la construction, soit même à Saint-Germain[73]. De
+Ville se mit aussitôt au travail, fit les projets de cet immense
+appareil, les présenta au roi qui les adopta, et commença aussitôt les
+travaux.
+
+Il fallait, pour la bonne exécution de ces travaux, qu'ils fussent
+confiés à des hommes déjà au fait de ces sortes d'ouvrages. De Ville et
+Rennequin retournèrent à Liége et en ramenèrent une colonie d'ouvriers,
+charpentiers, menuisiers, forgerons, etc., et de plus de Ville passa des
+marchés avec les entrepreneurs de ce pays, en sorte que, corps de
+pompes, mécanismes, cuirs, fers, etc., tout vint de Liége[74].
+
+Toute la partie de la Seine comprise entre le Port-Marly et Bezons était
+à cette époque presque entièrement divisée en deux bras par une suite de
+petites îles. Pour que la navigation ne fût pas interrompue et avoir en
+même temps une grande partie des eaux du fleuve employée au mouvement de
+la machine, il fallait réunir toutes ces îles, n'en faire qu'une seule
+digue, et agrandir le bras de la rive droite afin d'en former un canal
+navigable. Ce fut le premier travail exécuté par de Ville[75]. Cette
+digue et ce canal, qui ont plus de 10,000 mètres de longueur, furent
+commencés au mois de mai 1681 et achevés au mois d'octobre de la même
+année. Pendant ce temps se construisait la machine. Toutes les maisons,
+terres, vignes, etc., comprises entre l'endroit où se trouvait la chute
+et les hauteurs de Louveciennes, avaient été achetées par le roi. De
+Ville s'établit dans l'une des maisons de la chaussée, afin de mieux
+surveiller les travaux; il y fait construire un modèle de la machine, et
+Rennequin Sualem, le constructeur et l'inspecteur de cette immense
+machine, y habite auprès de lui[76].
+
+La science de l'hydraulique était alors peu avancée, surtout en France,
+et peu de personnes étaient en état de comprendre le mécanisme et les
+effets de ce grand travail. Des doutes s'étant manifestés sur sa
+réussite[77], et le roi ayant désiré qu'il fût fait un essai, de Ville
+fit construire, au moulin de Palfour, sous sa direction, et par deux
+Liégeois, Lambotte et Georges d'Espa, une machine analogue à celle que
+l'on construisait en grand à Marly, qui éleva l'eau jusque sur la
+terrasse de Saint-Germain[78].
+
+Après cette expérience décisive on ne fit plus d'objections, et l'on
+continua avec activité les travaux de la machine. Nous n'entreprendrons
+pas d'en faire ici la description complète[79], nous rappellerons
+seulement qu'au-dessous de la chute, dans la Seine, se trouvaient
+quatorze roues hydrauliques de 36 pieds de diamètre chacune, mises en
+mouvement par l'eau de cette chute[80]; ces roues mettaient en jeu huit
+pompes chargées d'entretenir toujours l'eau à une égale élévation dans
+un bassin élevé à peu près à la hauteur du bord des autres corps de
+pompes. Celles-ci, au nombre de soixante-quatre, refoulaient cette eau
+dans un puisard placé sur le penchant de la montagne. L'eau élevée à ce
+premier puisard y était reprise par soixante-dix-neuf pompes, et
+refoulée une seconde fois jusqu'à un second puisard supérieur au
+premier; là, quatre-vingt-deux pompes achevaient d'opérer l'ascension de
+l'eau jusqu'au sommet de la tour, dont la plate-forme supérieure est
+élevée de 154 mètres au-dessus des eaux moyennes de la Seine, et se
+trouve placée à 1,236 mètres de distance horizontale de la machine en
+rivière, ou du premier mobile. Comme, par suite de la difficulté que
+l'on éprouvait alors à bien joindre les tuyaux entre eux, beaucoup d'eau
+se perdait en montant à la tour, seize pompes étaient placées dans un
+réservoir situé derrière le puisard supérieur afin de ramener cette eau
+perdue dans ce même puisard. Pour augmenter la quantité d'eau élevée par
+la machine, on avait réuni dans un bassin, un peu au-dessous du premier
+puisard, les eaux assez abondantes de toutes les sources des environs,
+et huit pompes servaient à les élever dans le second puisard. On voit
+donc que le produit de la machine était le résultat du travail de deux
+cent cinquante-trois pompes, placées tant dans le lit du fleuve que dans
+les puisards établis sur le penchant de la montagne. Tout ce système de
+pompes était mis en mouvement par les roues hydrauliques tournant par
+l'impulsion de l'eau du fleuve, qui avaient deux fonctions: l'une de
+faire mouvoir les soixante-quatre pompes fournissant l'eau reprise
+successivement par les deux systèmes supérieurs; l'autre de mettre en
+jeu les longues suites de pièces de communication de mouvement au moyen
+desquelles les pompes des deux systèmes supérieurs pouvaient faire leur
+service. Cette transmission du mouvement s'opérait par l'intermède de
+plusieurs couples de chaînes de fer partant de la Seine, et aboutissant
+aux points où le mouvement devait être transmis; chaque couple avait ses
+deux chaînes dans un même plan vertical, attachées d'espace en espace
+aux extrémités des balanciers, dont les axes de rotation, placés à
+mi-distance entre les deux chaînes, étaient posés sur des cours de lices
+établis sur des chevalets. Des manivelles en fer, fixées aux extrémités
+des axes des roues hydrauliques, agissaient sur les chaînes, dans le
+sens de leur longueur, par l'intermède de pièces de traction et de
+rotation. En résultat, lorsque la chaîne supérieure d'une couple était
+tirée et se mouvait dans le sens de la descente de la montagne,
+l'inférieure se mouvait dans le sens de la montée, et réciproquement;
+ces allées et, venues oscillatoires, qui se répétaient plusieurs fois
+par minute, produisaient des oscillations correspondantes dans les
+pièces du mécanisme auxquelles les points supérieurs des chaînes étaient
+attachés, et par suite l'ascension et la descente des pistons des pompes
+de reprise des puisards. Ces indications sommaires, ajoute M. de Prony,
+à qui nous empruntons ces détails, suffisent pour motiver l'énorme
+quantité de fer et de bois dont la montagne se trouvait couverte sur une
+longueur d'environ 700 mètres.
+
+Actuellement que l'on voit arriver l'eau facilement d'un seul jet au
+haut de la tour, et avec un appareil d'une grande simplicité, on est
+étonné de la nécessité où l'on fut alors d'établir cette masse de
+pompes, de puisards, de leviers immenses, de rouages de toute espèce
+pour obtenir un résultat bien inférieur à celui d'aujourd'hui. On oublie
+les progrès faits par les arts industriels depuis ce temps. Alors le jeu
+des pistons dans les corps de pompes, et l'assemblage des tuyaux étaient
+tels que l'air s'y introduisait de toutes parts et opposait une énorme
+résistance à l'ascension de l'eau, et qu'une grande quantité de liquide
+était perdue sans aucun résultat pour le but qu'on voulait obtenir.
+Voilà pourquoi, l'eau ne pouvant s'élever d'un jet qu'au tiers de la
+route qu'elle avait à parcourir, on fut obligé de diviser la machine en
+trois systèmes de pompes, dont l'un, partant de la Seine, la portait à
+mi-côte, le deuxième la faisait arriver au réservoir supérieur, et le
+troisième enfin l'élevait jusque sur la tour; et comme les deux systèmes
+de pompes, qui reprenaient à mi-côte l'eau refoulée immédiatement de la
+Seine, ne pouvaient avoir de mouvement qu'en vertu de la force motrice
+transmise du point inférieur du système général et émanant des eaux
+mêmes du fleuve, on s'explique la complication apparente de cette
+machine, son aspect gigantesque et les mouvements bruyants de toutes ces
+masses, dont on ne pouvait pas, sans instruction et sans étude, saisir
+la correspondance avec le premier mobile.
+
+Les travaux de cette immense machine, commencés en 1681, étaient déjà
+assez avancés en 1684 pour qu'on en fit l'essai. Nous avons dit que de
+Ville, en élevant la tour, avait eu pour but de dominer tous les
+environs et de pouvoir ainsi, de ce point, diriger l'eau partout où le
+roi voudrait la distribuer. Pour faire son essai, il fit construire une
+espèce de tour en charpente[81], sur le sommet de laquelle on vit en
+effet l'eau arriver ainsi qu'il l'avait promis.
+
+Après cet essai qui levait tous les doutes sur la réussite de la
+machine, on remplaça la tour en bois par la tour en pierre et le bel
+aqueduc qui domine, d'une façon si pittoresque, tous les environs.
+Mansart en dessina les plans, en fit les devis, et fut chargé de la
+construction. On creusa en même temps les réservoirs de Marly et de
+Louveciennes, on fit les aqueducs pour conduire l'eau à Versailles, on
+éleva, dans cette ville, le _gros mur_ de Montreuil, qui reliait la
+butte de Picardie à la butte de Montbauron, on creusa aussi les
+réservoirs placés sur cette butte, et Louvois, qui venait de faire
+exécuter tous ces travaux, eut la satisfaction de voir arriver l'eau de
+la Seine dans ces derniers bassins, l'année suivante, 1685.
+
+En 1684, après l'essai de l'ascension de l'eau sur la tour, le roi
+chargea Vauban de visiter la machine et de faire faire les travaux
+qu'il jugerait nécessaires pour sa confection. Vauban, accompagné de de
+Ville, examina tout avec la plus minutieuse attention; il admira cet
+immense travail, et en comprit immédiatement tout le mécanisme et les
+effets[82]; il fit simplement quelques observations sur la construction
+de plusieurs parties des digues de la Seine, et crut nécessaire, pour
+préserver la machine de l'action destructive des glaces, de faire
+construire au-devant une estacade qui pût les diriger sur la grande
+digue[83].
+
+Telle est l'histoire, bien abrégée, de la construction de l'ancienne
+machine de Marly. Mais à qui doit-on cette machine, et quel en est
+l'inventeur? Il semble, d'après ce récit, que nul autre que de Ville ne
+doit en recueillir l'honneur, et cependant aujourd'hui l'opinion
+générale lui conteste cette invention pour l'attribuer à un homme dont
+nous avons à peine parlé, à Rennequin Sualem. Cherchons donc la cause de
+cette opinion, et voyons, en consultant les pièces authentiques, quels
+rôles ont pu jouer, dans l'établissement de cette célèbre machine, de
+Ville et Rennequin Sualem.
+
+Et d'abord examinons comment s'est établie l'opinion qui en attribue
+l'invention à Rennequin.
+
+Un Allemand, Frédéric Weidler, professeur à Wittemberg, écrivit, en
+1728, un ouvrage intitulé _Tractatus de machinis hydraulicis toto
+terrarum orbe maximis, Marliensi, Londinensi et aliis rarioribus_. En
+1714, il vint visiter la machine qu'il allait décrire. Dans cette
+visite, qui va lui servir plus tard pour donner le nom de son inventeur,
+il ne voit ni de Ville, son gouverneur, ni les contrôleurs, ni Vauban,
+ni Mansart, ni même les entrepreneurs qui avaient eu des rapports
+directs avec l'inventeur; il se contente de consulter les ouvriers qui
+ont travaillé dès le commencement avec Rennequin: _Ii autem, qui initiis
+fabricoe interfuerunt, affirmarunt mihi ad unum omnes, Rannequium illius
+verum auctorem et fabricatorem, et Villaneum commendatorem apud aulam et
+veluti ergo dioctem extitisse_.--Et quels étaient ces ouvriers qui lui
+assuraient ainsi que Rennequin était le véritable inventeur de la
+machine, c'était toute la colonie liégeoise, Paul Sualem, Toussaint,
+Siane, etc., tous parents ou amis de Rennequin. Cette assertion de
+Weidler, répétée, sans contrôle, par les écrivains spéciaux, est restée
+comme certaine pour ceux qui depuis ont parlé de la machine. Mais ce qui
+a surtout rendu cette opinion populaire, c'est l'épitaphe gravée sur sa
+tombe, qui, de l'église de Bougival, où elle était à peine connue avant
+la Révolution, a passé dans un cabaret de la chaussée, et y est restée
+pendant de longues années exposée aux regards de tous ceux qui venaient
+visiter la machine, en indiquant Rennequin comme son seul
+inventeur[84].
+
+Telles sont les deux seules autorités qui ont fait attribuer à Rennequin
+l'invention de la machine.
+
+Quelques écrivains modernes ont cherché à rétablir les faits et à rendre
+à de Ville la place qu'il aurait dû toujours occuper[85]; l'abbé Caron,
+entre autres[86], dans une notice lue à la Société des sciences morales,
+des lettres et des arts de Seine-et-Oise, semblait avoir justement
+attribué à chacun le rôle joué dans la construction de la machine, et
+nous croyions la question jugée, lorsque nous avons reçu de Liége une,
+petite brochure[87], dans laquelle non-seulement Rennequin Sualem est
+regardé comme l'inventeur de la machine, mais où de Ville est traité
+d'imposteur, et où nous voyons que le conseil communal de Liége, pour
+honorer l'inventeur de cette machine, vient d'appeler une des rues de la
+ville du nom de Rennequin. Il nous paraît donc nécessaire de faire
+connaître les nombreuses pièces qui constatent le rôle joué par de Ville
+dans l'établissement de la machine de Marly.
+
+Ce qui a beaucoup contribué à faire dépouiller de Ville de son titre
+d'inventeur de la machine, ce sont surtout sa position de fortune et ses
+titres. Comment supposer, en effet, qu'un chevalier, baron du
+Saint-Empire, possédant des terres, pût être en même temps un savant?
+Non, le baron de Ville n'a dû être que le négociateur de l'entreprise,
+l'entremetteur de la cour de Louis XIV avec le véritable auteur de la
+machine, simple ouvrier, _ferè analphabêtos, sed manuariâ arte
+excellens_[88]. On attribue aussi à Rennequin la construction de la
+machine hydraulique de la terre de Modave, qui a attiré les regards de
+Colbert, et comme c'est de cette construction qu'est venue la première
+idée de la machine de Marly, on en tire la preuve qu'on lui doit
+l'invention de cette dernière machine. Mais ce qu'on ne dit pas, c'est
+que cette machine hydraulique de Modave n'était qu'une imitation de
+celles dont on se servait déjà depuis longtemps dans les mines de
+Hongrie et de Suède; que, par conséquent, ce n'était point une invention
+de Rennequin, et que c'est à de Ville, ingénieur instruit et au courant
+de tout ce qui avait été fait en ce genre, que l'on en doit
+l'application dans le domaine des comtes de Marchin.
+
+Suivons maintenant de Ville à la machine de Marly. Avant de penser à
+établir un mécanisme capable de faire monter l'eau de la Seine à
+Versailles, il est nécessaire de trouver une chute assez puissante pour
+faire mouvoir ce mécanisme. Il faut pour cela un homme instruit et
+expert dans les travaux hydrauliques. Qui est chargé de ce travail? De
+Ville. Nous le voyons, en effet, rechercher et reconnaître les pentes de
+la Seine, indiquer et faire exécuter les travaux nécessaires pour
+établir les digues et agrandir le lit du fleuve laissé à la
+navigation[89].
+
+La chute trouvée, qui voyons-nous encore préparer et ordonner tous les
+travaux de construction de la machine, faire arriver les eaux des
+sources de Prunay, de Louveciennes et de Bougival, afin de les joindre à
+celles élevées de la Seine? C'est encore de Ville[90].
+
+Le roi désire qu'un essai de ce que peut une machine de ce genre pour
+élever l'eau soit tenté devant lui. N'est-ce pas encore de Ville, et ici
+sans le secours de Rennequin, qui fait construire la pompe du moulin de
+Palfour, et démontre ainsi au roi, par avance, la certitude du résultat
+de ses opérations[91]?
+
+N'est-ce pas lui aussi que nous voyons, en 1683, indiquer à l'arpenteur
+Caron, et dessiner sur le terrain les places que devront occuper les
+chevalets, puisards, réservoirs, etc., nouveaux, nécessités par
+l'augmentation du mécanisme de la machine[92]?
+
+En 1684, Vauban, chargé par le roi d'examiner la machine, la visite dans
+tous ses détails, et c'est de Ville qui lui en explique le mécanisme.
+
+On le voit encore non-seulement surveiller et diriger les travaux sur
+place, mais de plus faire des voyages à Liége pour s'entendre avec ceux
+qui fabriquent les pompes, et faire venir de ce pays et fers et
+mécaniques.
+
+Et si on le voit ainsi partout, c'est qu'il ne pouvait en être
+autrement. N'était-ce pas lui, en effet, qui avait présenté les projets
+d'après lesquels on exécutait cet immense appareil[93], et n'était-il
+pas responsable de la réussite de cette machine dont on attendait de si
+grands résultats? Aussi, lorsque le succès a couronné son entreprise,
+avec quelle magnificence le roi le récompense! En 1684, après
+l'expérience de l'arrivée de l'eau au sommet de la tour, le roi lui
+accorde 6,000 livres de gratification. En 1685, les 6,000 livres de
+gratification lui sont continuées, et le 28 juillet de la même année,
+quand l'eau de la Seine est enfin arrivée à Versailles, Louis XIV lui
+fait un don de 100,000 livres. Puis il lui fait bâtir près de la machine
+une magnifique habitation[94], le nomme gouverneur de cette machine, et
+aux 6,000 livres de gratification qu'il conserve sa vie durant, il en
+ajoute 6,000 de pension[95].
+
+Voilà, d'après les documents que nous donnons à la suite de ce récit,
+la part de de Ville dans l'établissement de la machine de Marly. Voyons
+maintenant celle de Rennequin.
+
+Rennequin Sualem était un ouvrier charpentier de Liége, d'une grande
+intelligence et d'une habileté peu commune. Il tenait le premier rang
+parmi les constructeurs des mécaniques dont on se servait dans les mines
+du territoire liégeois pour épuiser les eaux souterraines. On a vu qu'il
+construisit la machine dont de Ville se servit à Modave pour élever les
+eaux du Hoyoux. Aussi, lorsque celui-ci fut chargé par Colbert de venir
+étudier les moyens de donner de l'eau à la ville royale, se fit-il
+accompagner de l'habile exécuteur de ses idées.
+
+En étudiant les diverses pièces que nous faisons connaître, nous ne
+voyons apparaître Rennequin que lorsqu'il s'agit de la construction de
+la machine. Nous le trouvons établi auprès de de Ville, et à la tête de
+tous ces ouvriers liégeois habitués depuis longtemps à des travaux
+analogues, les commandant, les dirigeant dans l'exécution d'un mécanisme
+souvent modifié et amélioré par sa longue pratique et sa haute
+intelligence; mais nous ne le rencontrons ni lorsqu'il s'agit de la
+recherche de la chute d'eau nécessaire à l'établissement de la machine
+et de la construction des digues; ni lorsque, pour augmenter les eaux
+élevées par la machine, on vient y ajouter celles des diverses sources
+des environs; ni, enfin, dans la combinaison qui fait distribuer en
+trois parties distinctes la route que doit suivre l'eau pour son
+ascension au haut de la tour. Son rôle, enfin, paraît avoir été celui
+d'un mécanicien plein de sagacité, de connaissances et de talent dans
+son art, et sans lequel peut-être les idées de de Ville n'eussent pu
+être exécutées; et c'est probablement dans ce sens que ses compagnons,
+ayant pu apprécier à l'oeuvre la facilité avec laquelle il saisissait
+les problèmes les plus difficiles de la mécanique, savait les réduire en
+pratique, et combien de fois les difficultés les plus grandes avaient
+été surmontées par lui dans la construction de la machine, l'en
+regardaient comme le véritable inventeur. Rennequin, enfin, était un
+habile charpentier-mécanicien, et probablement le premier de cette
+époque dans ce genre de travail. C'est ainsi qu'il fut toujours
+considéré pendant sa vie.
+
+En 1688, des pompes et une machine à cheval sont nécessaires pour le
+service de la maison des demoiselles de Saint-Cyr; c'est Rennequin et
+Lambotte qui sont chargés de son exécution[96]. Et lorsque la machine de
+Marly est enfin entièrement terminée, on le voit chargé de sa
+surveillance, y rester attaché, ainsi que les autres ouvriers de Liége,
+avec le titre d'ingénieur et de chef des charpentiers liégeois, et on
+lui accorde en outre un logement spécial et 1,800 livres
+d'appointements.
+
+Ainsi, il résulte de l'étude de nos documents que de Ville a été
+véritablement, comme le dit la légende du plan de la machine dessinée en
+1688; l'inventeur, et Rennequin Sualem le constructeur de cette célèbre
+machine, et qu'ils ont été tous deux récompensés suivant le rôle qu'ils
+avaient joué chacun dans son exécution.
+
+Si cependant quelques personnes, s'appuyant sur l'opinion de Weidler et
+sur l'inscription de la pierre tumulaire de Bougival, veulent conserver
+à Rennequin le titre d'inventeur, nous les prierons de se rappeler que
+Weidler n'a établi son dire, que sur les propos d'ouvriers parents ou
+amis de Rennequin, et plusieurs années après la mort de celui-ci; et
+que, quant à l'épitaphe placée par les mêmes parents dans l'église de
+Bougival après le décès de la veuve de Rennequin, et longtemps après la
+mort de celui-ci, on y aurait probablement répondu avant la mort de de
+Ville, arrivée en 1722, si elle n'eût pas été enfouie et ignorée dans un
+coin obscur dont l'a fait sortir la révolution, pour la livrer à la
+publicité dans un cabaret de la chaussée. D'ailleurs un acte beaucoup
+plus sérieux et authentique, son acte de décès dressé du vivant de sa
+veuve, porte son véritable titre: _constructeur_ et non inventeur de la
+machine[97].
+
+Que sont d'ailleurs ces deux faibles preuves auprès de celles indiquées
+dans les notes qui suivent en faveur de de Ville?
+
+Ce sont d'abord les registres des bâtiments qui donnent à de Ville le
+titre d'_ingénieur_, tandis qu'ils donnent à Rennequin celui de
+_charpentier liégeois_;--puis le plan de la machine, dessiné par Liévin
+Creuil en 1688, c'est-à-dire quand elle venait d'être terminée, et qui
+dit en toutes lettres: «Cette machine a été inventée et exécutée par M.
+le baron de Ville.» Et plus loin: «Elle a été construite par ordre du
+roi, sur les projets et par la direction de M. le baron de Ville.»--Les
+écrivains qui, sous Louis XIV et depuis lui, ont été puiser aux sources
+et ont parlé de la machine, Dangeau, l'abbé de Choisy, Claude Saugrain,
+Piganiol de la Force, ont tous attribué son invention à de Ville.
+_Cassan_, dans un poëme sur l'arrivée de la Seine au château de Marly,
+de 1699, ne lui fait-il pas dire en passant devant le pavillon que de
+Ville habitait:
+
+ Et reprend en ce lieu l'usage de la voix,
+ Pour se plaindre en passant _du chevalier de Ville_,
+
+ * * * * * * * *
+
+ Qui t'oblige, dit-elle, _avec ton art maudit_
+ _A venir malgré moi m'enlever de mon lit_?
+
+La _Gazette de France_ de 1682 indique les travaux de la machine comme
+faits par le _sieur de Ville, gentilhomme liégeois_. La
+Chesnaye-Desbois, dans son _Dictionnaire de la noblesse_, et le père
+Anselme, dans l'_Histoire généalogique de France_, disent, en parlant de
+sa fille qui avait épousé le baron de Montmorency: «Elle était fille
+d'_Arnold de Ville_, chevalier, etc., gouverneur et directeur de la
+machine de Marly, _dont il était l'inventeur_[98].»--Le duc de Luynes,
+dans ses Mémoires, cite aussi de Ville comme l'_auteur de la
+machine_.--Ceux qui étaient plus à même que tous autres de savoir la
+vérité sur ce sujet, les contrôleurs chargés plus tard de la direction,
+le considérèrent toujours comme l'inventeur, et M. Gondouin, dans un
+rapport écrit en 1792, dit positivement: «Lors de la construction de la
+machine, le sieur de Ville, mécanicien et _inventeur de la machine_, en
+fut nommé le gouverneur[99].»
+
+Enfin, lui-même, au moment suprême où le coeur de l'homme s'ouvre à la
+vérité, dans son testament retrouvé au château de Modave[100], ne
+vient-il pas consacrer de nouveau son titre d'inventeur en exprimant
+ainsi l'une de ses volontés: «J'ordonne que tous les ouvrages que j'ai
+composés concernant les constructions de la machine de Marly soient
+imprimés suivant mes dessins en grand.»
+
+Il résulte donc positivement de tout ceci que le baron de Ville a été
+bien véritablement l'inventeur, ou pour mieux dire l'_auteur du projet
+de construction de la machine de Marly_, et que Rennequin Sualem en a
+été l'habile et adroit constructeur.
+
+Que maintenant les habitants de la ville de Liége, qui veulent honorer
+le nom de celui de leurs compatriotes auteur de cette célèbre machine,
+soient heureux. Leur bonne fortune veut qu'au lieu d'un seul nom, ils en
+aient deux à offrir en exemple à leur industrieuse population: celui du
+noble employant les loisirs que lui donne la richesse à cultiver la
+science pour en faire une application grande et utile, et celui du
+modeste artisan dont le génie inculte saisit avec facilité les plus
+hautes conceptions de la science, et sait dans la pratique les résoudre
+avec bonheur.
+
+
+
+
+PIÈCES JUSTIFICATIVES.
+
+
+NOTE Nº 1.
+
+DÉPENSES DE CONSTRUCTION DE LA MACHINE DE MARLY,
+
+Extraites des registres des bâtiments du roi, déposés aux Archives de
+l'Empire.
+
+
+ANNÉE 1681.
+
+ ORDONNANCES.
+
+ Au sieur de Ville, gentilhomme liégeois, pour payement
+ des fers corroyés qu'il a fait venir de Liége, pour servir à
+ la machine du moulin de Palfour. 2,845l. 3s. »d.
+ Aux ouvriers. 977 19 »
+
+ ORDRES.
+
+ 26 mars.--Au même, pour _id._ 2,845 3 »
+ Aux ouvriers. 977 19 »
+
+ 22 juin.--A George d'Espa, taillandier
+ liégeois, pour une manivelle
+ qu'il a livrée pour la machine, _id._ 490 » »
+ Aux ouvriers. 455 10 »
+
+ A Lambotte, charpentier liégeois,
+ pour l'entretennement de la
+ machine. Pour trois
+ mois 360 » »
+ A Valland, pour clous 32 1 »
+ -----------------
+ Total. 5,160l. 13s. 2d.
+
+ MARLY 1681.
+
+ 28 octobre 1681.--A Raoul de Pierre,
+ dit Laporte, charpentier, sur la
+ machine de la rivière de Seine. 2,000l. »s. »d.
+
+ OUVRAGES DES ILES DE CROISSY.
+
+ ORDONNANCES DU 22 JUIN 1681.
+
+ 11 octobre.--A Renkin-Sualem, pour
+ son travail et soins à la construction
+ de la machine, pendant un
+ mois. 150 » »
+ A Paul Sualem, autre charpentier
+ liégeois, pour son travail
+ pendant. 150 » »
+
+ ORDRES DU 22 JUIN AU 11 JANVIER 1682.
+
+ Aubert, charpentier;--Leboeuf, Gonnot, Guyot,
+ Simon, Feuillastre, Boursault, Dupuis, Houet, Morin,
+ terrassiers.
+ Des charpentiers liégeois.
+ Laporte, charpentier.
+ Morel, _id._
+
+ A Rankin-Sualem, charpentier liégois, pour un mois
+ de son travail. 150l. »s. »d.
+ Despas, forgeron liégeois.
+ Sommes. 210,575 13 »
+
+
+ ANNÉE 1682.
+
+ _Pour les grandes pompes sur la rivière de Seine, pour
+ l'élévation et conduite des eaux à Versailles._
+
+ ORDRES
+
+ A Laporte, charpentier;--Clerget, Berlin, Ogier,
+ Leroy, Boileau, terrassiers;--Paul Sualem, charpentier
+ liégeois, Rankin-Sualem, _id._;--Toussaint Michel, menuisier
+ liégeois;--Lafontaine, maçon;--Morel, serrurier;--Pauli,
+ maître de forges liégeois;--Arnault, pour
+ loyer de la maison de la chaussée, occupée par les menuisiers
+ et par le modèle de la machine;--Menoiet,
+ marchand de fer et charbon de terre;--Caron, arpenteur;--Dupont,
+ terrassier;--Lemaire, fondeur;--Lahaye,
+ plombier, Despas, _id._;--Devienne, maçon;--Noiret,
+ marchand;--Duvivier, maçon;--Allan, pour
+ charbon;--Devolman, garde de la prévôté de l'hôtel;--de
+ Ville, ingénieur;--Montagne, serrurier;--Miche,
+ menuisier,--Robert, terrassier;--Berger, de Spa, pour
+ fers corroyés;--Lesieur, charpentier;--Frades, de
+ Vienne;--Cuvier, marchand de bois;--Piat, charpentier;--Corbey,
+ cordier;--Baffront, maçon;--Bourienne,
+ terrassier;--Duval, serrurier;--Godefroy,
+ chirurgien, pour pansements de blessés;--au sieur
+ Desvongoins, pour tuyaux;--Pays, pour peaux de vaches;--Langlois,
+ pour ficelles;--Rousseau, charron;--Lecerf,
+ plâtrier;--Aimond, marchand;--Jean Siane,
+ charpentier liégeois;--Hardel, paveur,--Goutier, maçon;--Martin,
+ maçon,--Remy, pour les conduites de
+ grès;--et aux divers ouvriers de la machine.
+
+
+ Sommes. 515,815l. 17s. 1d.
+
+ On trouve particulièrement dans ce chapitre:
+
+ A Paul Sualem, charpentier liégeois,
+ pour son travail d'un
+ mois. 150 » »
+ A _Renkin-Sualem_, _id._ _id._ 150 » »
+ A Siane, _id._ _id._ 150 » »
+ A Toussaint Michel, menuisier
+ liégeois, _id._ 67 10 »
+ 1er mars.--Au sieur Pauli, maître
+ de forges de Liége, sur les corps
+ de pompe de fer fondu qu'il fait
+ pour la machine.--A-compte. 1,000 » »
+
+ (Il y a ainsi plusieurs à-compte.)
+
+ 12 avril.--A Clerget, maçon, pour
+ payement de 4,920 l. pour ses
+ travaux. 420 » »
+ 5 juillet.--A Allen, pour son payement
+ de goudrons et poix noires,
+ qu'il a livrés. 761 10 »
+ 12 juillet.--_Au sieur de Ville_, ingénieur,
+ sur les fers et autres
+ ustensiles qu'il fait venir de
+ Liége, pour la machine. 900 » »
+
+ (Il y a ainsi plusieurs à-compte.)
+
+ 26 juillet.--A Robert, pour payement
+ de 1,426 l. 13 s. 9 d., pour
+ la maçonnerie de remplissage de
+ la digue qui joint une petite île
+ à l'île de Chatou. 276l. 13s. 9d.
+
+ 26 juillet.--A Devienne, pour
+ payement de 1,998 l. 15 s. pour
+ la fouille et transport de terre
+ du réservoir, près le premier repos
+ de la machine. 198 15 »
+
+ 9 août.--A Menoist, pour payement
+ de 2,649 l. 5 s. 2 d., pour
+ fourniture de gros fers et charbon
+ pour ladite machine. 269 5 2
+
+ 23 août.--A Martin Nicolle, pour
+ payement de deux grands bateaux
+ qu'il a livrés pour servir
+ aux ouvrages de la machine. 257 » »
+
+ 6 septembre.--A Berlin, pour
+ payement de 2,808 l. 10 s. pour
+ les moellons qu'il a fournis. 408 10 »
+
+ 6 septembre.--A Raffront, pour
+ payement de 1,354 l., pour moellons
+ qu'il a fournis à la machine. 104 » »
+
+ _Id._--A Allen, pour payement de
+ 1,859 l. 5 s., pour le charbon de
+ terre et autres fournitures qu'il
+ a faites. 959 15 »
+
+ _Id._--A Menoist, pour payement
+ de 1,879 l. 15 s. 10 d., pour
+ fourniture de gros fers. 879 15 10
+
+ 13 septembre.--A Berlin, pour
+ payement de 1,404 l. de moellons. 604l. »s. »d.
+
+ 11 octobre.--A Devienne, pour
+ payement de 11,455 l. 3 s. 7 d.,
+ pour ouvrages de remplissage et
+ pavé de la digue. 855 3 7
+
+ 18 octobre.--A Raffront, pour
+ payement de 1,976 l. de moellons. 761 » 5
+
+ _Id._--A Frades et Devienne, pour
+ payement de 8,249 l. 14 s. 4 d.,
+ pour moellons. 449 14 4
+
+ _Id._--A Noiret, pour payement de
+ 8,874 l. 2 s. 9 d., pour divers
+ ouvrages de fer. 874 2 9
+
+ _Id._--A Frades et Devienne, pour
+ complément de 11,455 l. 3 s.
+ 7 d., pour remplissage de la digue,
+ près l'île de Chatou. 300 » »
+
+ 1er novembre.--A Eux, pour payement
+ de 3,040 l. 11 s., pour
+ moellons. 640 11 »
+
+ 6 décembre.--A Eux, pour payement
+ de 5,197 l. 10 s., pour
+ 12,300--3/4 de moellons. 1,797 10 »
+
+ _Id._--A Charruel, couvreur, pour
+ payement de 422 l. 3 s., pour
+ la couverture de la nouvelle forge. 122 12 3
+
+ _Id._--A Mathelin, pour payement
+ de 153 l., pour transport de terre. 53 » »
+
+ 13 décembre.--A Frades et Devienne,
+ pour payement de 300 l.,
+ pour voitures de glaise. 100l. »s. »d.
+
+ 20 décembre.--A Eux, pour payement
+ de 2,499 l., pour moellons
+ fournis. 999 » »
+
+ 27 décembre.--A Lamontagne,
+ pour payement de 938 l. 14 s.,
+ pour plates-bandes. 438 14 »
+
+ Id.--A Menoist, pour payement de
+ 1,998 l. 5 s., pour fers. 398 5 »
+
+
+ En outre:
+
+ Octobre 1682.--A Boudet, sur les
+ tuyaux de fer de fonte, qu'il doit
+ livrer pour la machine de la rivière
+ de Seine. 17,300 » »
+
+ Au sieur Desvaugoins, sur les
+ tuyaux pour la nouvelle machine
+ de la rivière de Seine. 92,200 » »
+
+ Au sieur Lebreton, sur les
+ tuyaux pour la nouvelle machine
+ de la rivière de Seine. 2,000 » »
+
+ A Lahaye, _id._ 5,500 » »
+
+ A Coulon, _id._ 1,000 » »
+
+
+ ANNÉE 1683.
+
+ ORDRES DU 10 JANVIER 1683 AU 2 JANVIER 1684.
+
+ A Laporte, Aubert, charpentiers;--Raffront, maçon;--Frades,
+ maçon;--Devienne, maçon;--Noiret, serrurier;--Menoist,
+ serrurier;--Allan, marchand de
+ charbon;--Grey-Spa;--de Ville, ingénieur;--Hardel,
+ terrassier;--Bourienne, _id._;--Gondaut, charron;--Devaux,
+ voiturier;--Martin, terrassier;--Caron, arpenteur;--Lejongleur,
+ pour les eaux;--Arnault, pour
+ loyer;--veuve Raffront, _id._;--Duvivier, Decoste, maçons;--Benoist,
+ terrassier;--Montoque, _id._;--Marchand,
+ paveur;--Mathelin, terrassier;--Langlois,
+ cordier;--Berlin, paveur;--Delaunay, Richard, terrassiers;--Lahaye,
+ plombier;--Morel, serrurier;--Louchard,
+ cordier;--Rousseau, charron;--Langlois,
+ cordier;--Remy, fontainier;--Paul et Rankin-Sualem,
+ charpentiers;--Sianne, _id._;--Miché, menuisier;--Mathieu,
+ plombier;--Desyaugoins, fabricant de tuyaux,--Godefroy,
+ briquetier;--Masson, serrurier;--Laharpe,
+ plombier;--Esmery, _id._;--Boileau, marchand
+ de fer;--Pernolle, _id._;--Bourbonnais, pour un soufflet
+ de forges;--Nicolle, terrassier;--Levasseur, _id._;--Charruel,
+ couvreur;--Delbert, plombier;--Bachelart,
+ voilurier;--Duval, serrurier;--Simon, maçon;--Malin
+ et Vaillant, marchands de fer;--Crosnier, terrassier;--Lambotte,
+ mécanicien;--Viart, terrassier;--Noël,
+ serrurier;--veuve Lavier, menuisier;--Vivret, marchande
+ de toiles;--Namurois, serrurier;--Pays, corroyeur;--Baumont,
+ terrassier;--Racine, _id._;--Belier,
+ _id._;--Renault, serrurier;--Lapoterie, marchand
+ de fer;--Sauvage, _id._;--Gervais, serrurier;--Guessard,
+ id.;--Ansaume, maçon;--Desjardins, tailleur;--Chenet,
+ chirurgien;--Lucas, plombier;--Duremar,
+ serrurier.
+
+
+ Sommes. 858,228l. 15s. 6d.
+
+ On trouve particulièrement dans ce chapitre:
+
+ A Frades et Devienne, pour payement
+ de 2,025 l., pour le transport
+ des sables provenant de
+ l'atterrissement qui s'est fait
+ au-dessous de la machine dans la
+ rivière de Seine. 75l. »s. »d.
+
+ A Menoist, pour payement de 948 l.
+ 13 s., pour fers par lui fournis. 348 13 »
+
+ A Allen, pour payement de 1,308 l.
+ 4 s., pour fournitures de charbon
+ de terre. 808 8 »
+
+ A Hardel, pour payement de 895 l.
+ 8 s. 4 d., pour pavage qu'il a fait
+ au rétablissement du grand chemin. 95 8 4
+
+ A Haffront, pour payement de 5,109l.
+ 5 s. 10 d., pour maçonnerie au
+ deuxième puisard. 359 5 10
+
+ A Noiret, pour payement de 7,674 l.
+ 1 s. 6 d., pour fournitures de fers
+ de pieux. 474 1 6
+
+ A Marchand, pour payement de
+ 3,229 l. de pavés. 729 » »
+
+ A Frades et Devienne, pour payement
+ de 1,747 l. 17 s. 6 d., pour
+ moellons et libage. 947 17 6
+
+ A Montagne, pour payement de
+ 1,369 l. 4 s. 4 d., pour ouvrages
+ de fer. 469 4 4
+
+ A Frades et Devienne, pour payement
+ de 2,892 l. pour transports
+ de terre. 72l. »s. »d.
+
+ Aux soldats suisses, qui ont fait des
+ fascines et travaillé. 123 13 6
+
+ A Bourienne, pour payement de
+ 2,736 l. 14 d., pour fouilles au
+ deuxième puisard. 86 14 6
+
+ A Marchand, pour payement de
+ 3,229 l. 8 s., pour pavés. 500 » »
+
+ A Noiret, pour payement de 1,604 l.
+ 6 s. 6 d., pour fouilles. 304 6 6
+
+ A Charuel, pour payement de 439 l.
+ 7 s. 6 d., pour couverture. 39 7 6
+
+ A Boileau, pour payement de 6,911 l.
+ 16 s. 8 d., pour gros fer du
+ Nivernois. 411 16 8
+
+ A Nicole, pour payement de 1,578 l.
+ 3 s. 4 d., pour fouilles au canal. 78 3 4
+
+ A Mathelin, pour payement de
+ 10,453 l. 18 s. 10 d., pour
+ transport de terre. 453 18 10
+
+ A Frades et Devienne, pour payement
+ de 3,344 l. 5 s., pour moellons. 1,044 5 »
+
+ A Martin, pour payement de 4,642 l.
+ 7 s. 9 d., pour tranchées au bord
+ du nouveau canal. 342 7 9
+
+ A Richard, pour payement de 2,684 l.
+ 7 s. 9 d., pour cuivres. 184 7 9
+
+ A Frades et Devienne, pour payement
+ de 2,430 l. 45 s., pour moellons. 830l. 15s. »d.
+
+ A Duremar, pour payement de 7331l
+ 5 s. 6 d., pour appuis de fer. 133 5 6
+
+ A Berlin, pour payement de 500 l.,
+ pour démolition. 200 » »
+
+ A Frades et Devienne, pour payement
+ de 2,089 l. 10 s., pour moellons. 689 10 »
+
+ A Pays, corroyeur, pour payement
+ de 360 l., pour cuirs de vache. 210 » »
+
+ A Berlin, pour payement de 819 l.,
+ pour 1,900 1/2 de moellons. 419 » »
+
+ A Spa, pour payement de fers corroyés
+ fournis par lui, montant à
+ 27,742 l. 14 s. 11 d. 142 14 11
+
+ A Raffront, pour payement de 700 l.,
+ pour l'atterrissement qui s'est fait
+ par derrière les coursières de la
+ machine. 50 » »
+
+ A Lacoste, pour payement de 5,506 l.
+ 10 s., à quoi montent 1,217 toises
+ 1/2 de tuyaux de 8 pouces, relevés
+ et posés a la conduite du Chesnay,
+ 459 toises 1/2 _id._ de 8 pouces,
+ à celle depuis les Moulins de Louveciennes
+ jusqu'au regard du chemin
+ de Versailles, à 50 s. la toise,
+ et 328 toises 1/2 d'un pied, _id._ à
+ 14 l. la toise, et 600 l. de gratification
+ à cause de sa diligence. 656 10 »
+
+ A Renault, pour payement de 1,516 l.
+ 12 s. 9 d., pour serrurerie. 572l. 16s. 9d.
+
+ A Bourbonnais, pour payement de
+ 938 l. 17 s., pour serrurerie. 50 17 »
+
+ A Spa, pour payement de 3,140 l.
+ 11 s., pour serrurerie, pour
+ l'entretien des mouvements de
+ la machine. 1,140 11 »
+
+ A André Pernelle, pour, payement
+ de 1,053 l. 10 s., pour serrurerie. 153 10 »
+
+ A Desjardins, tailleur d'habits, pour
+ vingt et un juste-au-corps de toile,
+ pour les charpentiers de la machine. 31 10 »
+
+ A Thevenet, chirurgien, pour avoir
+ pansé les ouvriers blessés de la
+ machine, depuis le mois de juillet
+ jusqu'au mois d'octobre. 90 » »
+
+ Le sieur _de Ville_ fait venir beaucoup de fers et de
+ mécaniques de Liége.
+
+ Lejongleur fait les aqueducs pour conduire l'eau de
+ la machine de la rivière de Seine.
+
+
+ ANNÉE 1684.
+
+ RECETTE:
+
+ De M. Etienne Jehannot, sieur de Bartillat, garde du
+ trésor royal, la somme de 6,000 l. pour délivrer au sieur
+ _de Ville_, gentilhomme liégeois, par gratification, en considération
+ de ses soins pour la construction de la machine
+ de la rivière de Seine, pour la présente année.
+
+
+ _Parfaits payements._
+
+ 16 janvier 1684.--Au sieur Desvaugoins, 20,000 l. pour
+ avec 64,366 l. 16 s. 9 d. contenus en l'ordre de parfait
+ payement du 28 mars 1683, pour 2,529 toises
+ 1 pied 1/4 de tuyaux de fer de fonte de 8, 6 et 4 pouces
+ 1/2 de diamètre; 43,400 l. qui lui ont été ordonnancées
+ à-compte depuis le 21 février jusques et compris
+ le 3 octobre 1683, et 4,833 l. 3 s. 3 d. qui lui
+ sont retenus pour la garantie pendant une année, faire
+ le parfait payement de 132,600 l., à quoi montent
+ 5,099 toises 1 pied de conduites de fer de fonte qu'il a
+ fournies pour la machine de la rivière de Seine, en
+ 1682 et 1683. 20,000l. »s. »d.
+
+ 23 janvier 1684.--A Lacoste,
+ 1,254 l. 14 s., pour fournitures
+ de cuirs, vis et mastic, pour la
+ machine de la rivière de Seine,
+ et déposage et reposage de plusieurs
+ conduites de tuyaux en 1683. 1,254 14 »
+
+ 23 juillet 1684.--A Lejongleur,
+ 1,400 l. pour avec 5,600 l. qu'il
+ a reçues faisant le parfait payement
+ de 7,000 l. à quoi ont été
+ fixés les ouvrages du regard de
+ pierre de taille qu'il a faits proche
+ Marly, pour recevoir les eaux de
+ la machine. 1,400 » »
+
+
+ _Fonds libellés._
+
+ 14 décembre 1684.--Au sieur
+ _de Ville_, 6,000 l. par gratification
+ en considération de ses soins
+ pour la construction de la machine
+ de la rivière de Seine. 6,000l. »s. »d.
+
+
+ OUVRAGES DE LA MACHINE DE LA RIVIÈRE DE SEINE.
+
+ _Maçonnerie._
+
+ 1684.--DU 9 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE.
+
+ Donné à Martin Caumont et Anseaume,
+ Raffront, Decotte, Simon,
+ Bertin, Jean Couturier de
+ la Chaussée, Denis Gérard,
+ Drouilly, Mouffle, Frades, Saint-Allard,
+ de la Rue, Lejongleur,
+ Lecerf, Lefébure.
+
+
+ Somme. 141,832 18 »
+
+ Remarques.
+
+ De Cotte, entrepreneur, construit la tour.
+
+
+ _Charpenterie._
+
+ DU 9 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE.
+
+ A Laporte et Aubert, Langlois,
+ Paillard, Charles Fournet.
+
+ Somme. 117.005 5 »
+
+
+ _Couverture._
+
+ DU 26 MARS AU 19 NOVEMBRE.
+
+ A Dimanche-Charruel.
+
+ Somme. 4,070 12 6
+
+
+ _Menuiserie._
+
+ LE 23 JUILLET.
+
+ A Milot, menuisier, à-compte de
+ ce qu'il a fait au grand puisard
+ de la machine de la chaussée. 200l. »s. »d.
+
+
+ _Ouvrages de fer._
+
+ DU 9 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE.
+
+ A Namurois, Noiret, Morel, Noël,
+ Renault, Dezenstres, Bourbonnais,
+ Ladoireau, Gervais, Delbert,
+ Spa, Martin, Vaillant,
+ Thomas Delaunay, Claude Montagne,
+ Pernelle, Marlin, Massot,
+ Boileau, Fordin, Boutté, Duval,
+ Cucu, Pilon.
+
+ Somme. 150,096 13 11
+
+ _Ouvrages de cuivre._
+
+ DU 16 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE.
+
+ Au sieur Lerond, bourgmestre de
+ Liége, Delbert, Noiret.
+
+ Somme. 30,874 4 8
+
+ Remarques.
+
+ Le sieur Lerond, bourgmestre de
+ Liége, reçoit 3,000 l. à-compte
+ pour deux cents corps de pompes,
+ qu'il fait pour la machine de la
+ rivière de Seine.
+
+
+ _Pavé._
+
+ DU 26 MARS AU 24 DÉCEMBRE.
+
+ A Georges Marchand, Lecerf, Lefébure,
+ Petit-Jean.
+
+
+ Somme. 11,952l. 10s. »d.
+
+ _Plomberie._
+
+ DU 9 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE.
+
+ A Lucas, Laharpe.
+
+ Somme. 38,269 14 »
+
+
+ _Fouilles de terre._
+
+ DU 16 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE.
+
+ A Jean Crosnier de Luciennes, Debecq
+ et Beaumont, Martelin,
+ Jean-Baptiste Crosnier, Bachelart,
+ Racine, Deber, Lefébure,
+ Aubé, Rufron, Michel, Gautier,
+ Audiger, Bertin, Cherly, Léger.
+
+ Somme. 24,375 11 1
+
+
+ _Ouvrages extraordinaires._
+
+ DU 9 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE.
+
+ Somme. 22,090 9 9
+
+
+ _Ouvriers à journées._
+
+ DU 9 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE.
+
+ Somme. 19,153 5 7
+
+
+ ANNÉE 1685.
+
+ _Parfaits payements d'ouvrages de maçonnerie et terrasses._
+
+ 7 janvier.--A Guillaume Poullier,
+ 943 l. 5 s., pour payement de
+ 2,243 l. 5 s. pour maçonnerie
+ aux murs qui portent les tuyaux
+ où passent les eaux provenant de
+ la machine. 943l. 5s. »d.
+
+
+ _Gratifications._
+
+ 20 mai.--A _Rennequin-Sualem_,
+ charpentier liégeois, en considération
+ de ses voyages extraordinaires. 300 » »
+
+
+ _Machine de Marly._
+
+ DU 31 DÉCEMBRE 1684 AU 26 AOÛT 1685.
+
+ A de Cotte, entrepreneur, à-compte
+ de la maçonnerie qu'il fait à la
+ tour de la machine de la rivière
+ de Seine. 17,500 » »
+
+ _Clôture de la machine._
+
+ DU 17 JUIN AU 21 OCTOBRE 1685.
+
+ A Michel Crosnier, pour payement
+ de pierres, pour la construction
+ d'un puits derrière le réservoir,
+ à mi-côte. 870 10 »
+
+
+ _Maçonnerie et couverture._
+
+ DU 28 JANVIER AU 16 DÉCEMBBE 1685.
+
+ A Jean de la Rue, maçon, à-compte
+ des ouvrages du magasin et aux
+ murs de terrasse des rigoles,
+ près les grands chevalets, et des
+ couvertures de tuiles aux forges. 21,050l. »s. »d.
+
+ _Massifs de maçonnerie derrière les murailles du réservoir
+ à mi-côte._
+
+ A Duvivier, pour payement. 2,536 13 4
+
+
+ _Moellons pour la digue de l'île Bautier et la grande digue._
+
+ DU 21 JANVIER AU 9 DÉCEMBRE 1685.
+
+ A François Berlin, carrier; Jacques
+ Raffront, _id._;--Antoine Hémont,
+ _id._;--Gaspard Hémont,
+ _id._;--J. Frades,--J. Darneville.
+
+ Somme. 15,837 1 »
+
+
+ _Parfaits payements de la maçonnerie et moellons pour
+ la machine._
+
+ 21 janvier.--A Lerouge, carrier,
+ pour payement de moellons,
+ pour l'île de la Chaussée. 104 3 4
+
+ A Étienne Potier, _id._ 137 10 »
+
+ 28 janvier.--A Lecerf, pour payement
+ du quai sur l'île Gautier. 93 15 »
+
+ A Ballet, pour payement de
+ pierres dures de Nanterre,
+ pour la grande digue. 194 » »
+
+ A Binet, _id._ 58 » »
+
+ 25 février.--A Lerouge, pour
+ payement de moellons, pour l'île
+ Gautier. 101l. 5s. »d.
+
+ 11 mars.--A G. Raffront, pour
+ payement de chaux, pour le mur
+ proche la tour. 56 16 8
+
+ A Rousselet, pour payement
+ de moellons au quai de l'île
+ la Loge. 27 » »
+
+ 1er avril.--A Lejongleur, pour
+ payement de 4,745 l., pour
+ tuyaux de grès aux aqueducs des
+ eaux de Prunay, près la machine. 1,345 » »
+
+ 8 avril.--A Lecerf, pour payement
+ de moellons, à l'île Gautier. 408 10 »
+
+ A Roussel, _id._ 27 » »
+
+ 23 avril.--A Leau, terrassier,
+ pour aplanissement près la tour. 63 » »
+
+ 6 mai.--A Laroue et Crosnier,
+ pour payement de moellons. 134 » »
+
+ 27 mai.--A Duvivier, pour payement
+ de 16,386 l. 10 s., pour
+ ouvrages de maçonnerie. 1,986 10 »
+
+ 15 juillet.--A Laroue, pour payement
+ de chaux. 351 15 »
+
+ 29 juillet.--A Jean, pour payement
+ de moellons. 40 » »
+
+ 7 octobre.--A Périgord, pour
+ payement de moellons. 47 10 »
+
+ A Jean, _id._ 42 10 »
+
+ A Laroue, pour payement de
+ chaux. 245 l. »s. »d.
+
+ A Julien, _id._ 302 10 »
+
+ A Potier, pour payement de
+ moellons. 44 7 6
+
+ 18 novembre.--A Lebaille, pour
+ payement de pavé tiré dans les
+ rigoles du côté des Graissets. 25 » »
+
+ A Lecerf, Lefébure, Lejongleur,
+ Hémont, Roussel,
+ pour payement de maçonnerie. 2,084 5 »
+
+ _Terrasses._
+
+ DU 7 JANVIER AU 25 NOVEMBRE 1685.
+
+ A Gautier, pour les terres enlevées
+ le long du réservoir, à mi-côte. 677 9 2
+
+
+ _Rigoles et parterre sur la terrasse du pavillon._
+
+ 23 avril.--A Jean Léger, pour
+ payement de ses ouvrages. 749 15 »
+
+
+ _Terrasses._
+
+ DU 7 JANVIER AU 11 NOVEMBRE.
+
+ A Cherfils,--Audiger,--Levau,
+ --Gosset,--Horin,--Morille,
+ --Hémont, terrassiers.
+
+ Sommes. 11,287 » 11
+
+
+ _Chevilles et coyaux pour les roues de la machine._
+
+ 16 juillet.--A P. Sauvage et Leclerc. 248 18 »
+
+ _Nettoyement, maçonnerie et moellons._
+
+ DU 15 JUILLET AU 16 DÉCEMBRE.
+
+ A Michel, de la Rue, Hémont 10,960 l. 14 s. 2 d.
+
+ _Charpenterie._
+
+ DU 31 DÉCEMBRE 1684 AU 16 DÉCEMBRE 1685.
+
+ A Raoul de Pierre, dit Laporte, et
+ Jacques Aubert, charpentiers,
+ pour les bois employés dans divers
+ endroits de la machine 8,860 » »
+
+ A Mallet, Roussel, charpentiers,
+ pour id. 8,314 11 10
+
+ _Couverture._
+
+ DU 14 JANVIER AU 2 DÉCEMBRE 1685.
+
+ A la veuve Dimanche Charruel 10,390 7 »
+
+ _Menuiserie._
+
+ DU 12 AOÛT AU 16 DÉCEMBRE.
+
+ A Dubois, Bourdon, Massa.
+
+ Somme 3,220 » »
+
+ _Serrurerie._
+
+ DU 31 DÉCEMBRE 1684 AU 21 OCTOBRE 1685.
+
+ A Fordrin,--Boutet,--Rouillé,--Landry,--Renault,
+ --Corvieux,--Noël,--Morel,--Montagne,--Cucu,
+ Maslin et Vaillant,--Menoist,--Dezeustres,
+ --Boileau,--Noiret,--Georges de Spa,--Longuet,--Darche,--Michel.
+
+ Somme 146,223 6 11
+
+ _Ouvrages de cuivre._
+
+ DU 15 JANVIER AU 2 DÉCEMBRE 1685.
+
+ A Nicolas de Nainville;--Jean Lefond,
+ bourgmestre de Liége;--Mathieu
+ Delbert,--Joseph
+ Royer;--François Namurois.
+ Somme 73,142l. 6s. 10d.
+
+ _Plomberie._
+
+ DU 14 JANVIER AU 2 DÉCEMBRE 1685.
+
+ A Jacques Lucas 32,191 11 7
+
+ _Ouvrages de goudron._
+
+ DU 31 DÉCEMBRE 1684 AU 16 DÉCEMBRE 1685.
+
+ A Michel Deschamps,--Vinant
+ Allen,--Nicolas de Gomas,--Philippe
+ Hormoire,--Calfatiers,--pour
+ payement des ouvrages
+ de goudron qu'ils font aux grands
+ chevalets de la machine de la
+ rivière de Seine 36,076 10 »
+
+ _Cuirs de vache._
+
+ DU 7 JANVIER AU 2 DÉCEMBRE 1685.
+
+ A Proust et Julien Pays, pour cuirs
+ de vache venus de Liége 2,675 » 6
+
+ _Loyers de maisons._
+
+ 7 janvier.--A Thomas Chevalier,
+ successeur d'Arnault, 125 l.,
+ pour le loyer de sa maison occupée
+ par l'ancien logement du
+ sieur de Ville: une forge, une
+ écurie, _le modèle et le logement
+ de Rennequin_ pendant le quartier
+ d'octobre 1684 125l. » s. » d.
+
+ A Gilles Raffront, 150 l., pour
+ le loyer de sa maison, occupée
+ par le magasin et
+ deux forges de la machine,
+ pendant les quartiers de juillet
+ et d'octobre 1684 150 » »
+
+ A Nicolas Malherbe, 22 1.
+ 10 s., pour le loyer de sa
+ maison, occupée par _Jean
+ Beltier_ piqueur à la machine,
+ pendant le quartier
+ d'octobre 1681 22 10 »
+
+ 8 avril.--A Chevalier, pour le
+ loyer de sa maison, pendant le
+ quartier de janvier 1685 125 » »
+
+ A la dame Duchannoy, 36 l.,
+ pour le loyer de son pressoir,
+ occupé par _les chevaux
+ du sieur de Ville_, à la machine,
+ pendant une année 36 » »
+
+ 26 avril.--A Raffront, 75 l, pour
+ le loyer de janvier 75 » »
+
+ 15 juillet.--A Chevalier, pour le
+ quartier d'avril 125 » »
+
+ A Raffront, _id._ 75 » »
+
+ A Malherbe, _id._ 22 10 »
+
+
+ 18 novembre.--A Chevalier, pour
+ le quartier de juillet 125l. » s. » d.
+
+
+ _Ouvrages extraordinaires de la machine de la rivière
+ de Seine._
+
+ DU 31 DÉCEMBRE 1684 AU 16 DÉCEMBRE 1685.
+
+ A Duchemin, charron;--J. Crosnier;--Pierre
+ Brady;--J. Leclerc;--P.
+ Potier;--E. Langlois;--Alexis
+ Mercier;--M. Lecerf;--Henri
+ Lenormand, batelier;--V.
+ Frades;--N. Maillot;--C.
+ Lefébure;--Sauvage;--Boucault;--Massa,
+ menuisier;--Cotillon;--Saintard;--Marchand;--C.
+ Caron, arpenteur;--Chambon;--Gaumont;
+ Ricy;--Paul Sualem,--Boursin;--Proust;--Fosset;--Grandhomme,
+ chirurgien;--Tournay;--Paillard;--Thévenet,
+ chirurgien,--Pinault;--Bara.
+
+ Somme 7,245 18 6
+
+ A remarquer:
+
+ Pierre Brady mène dans une voiture
+ un modèle de manivelle de
+ Paris à Maubeuge et de Maubeuge
+ à Chimay.
+
+
+ _Pavés et moellons dans les îles, proche la machine et
+ à la machine._
+
+ DU 25 MARS AU 9 DÉCEMBRE 1685.
+
+ A Sylvain Mercier,--Léonard Lamoureux,--Ant.
+ Gargot,--Fr.
+ Legrand,--G. Marchand,--Fr.
+ Vatel.
+
+ Somme 10,056 l. 14 s. 2 d.
+
+ _Ouvriers à journées._
+
+ DU 31 DÉCEMBRE 1684 AU 16 DÉCEMBRE 1685.
+
+ Aux ouvriers qui ont travaillé à la
+ construction et entretien de la
+ machine de la rivière de Seine. 29,235 9 3
+
+ _Clôture de la machine._
+
+ DU 11 MARS AU 16 DÉCEMBRE 1685.
+
+ A J. Fay, pour les ouvrages de
+ clôture 22,900 » »
+
+ _Réservoir de Louveciennes._
+
+ DU 11 MARS AU 16 DÉCEMBRE 1685.
+
+ A Jean Bailly et Louis Rocher, pour
+ ouvrages de maçonnerie 180,000 » »
+
+ _Vitrerie dans les puisards et aux magasins de la machine._
+
+ DU 20 MAI AU 16 DÉCEMBRE 1685.
+
+ A Cl. Cossette 300 » »
+
+ _Menuiserie à la cour de la machine._
+
+ 1er juillet.--A Michel Dubois 300 » »
+
+ _Grosse peinture._
+
+ 21 octobre.--A J.-B. Fauconnier,
+ pour ouvrages de peinture aux
+ portes et croisées des magasins
+ et puisards 160 l. » s. » d.
+
+ _Cordages pour les équipages des puisards._
+
+ 4 novembre.--A E. Langlois,
+ cordier 150 » »
+
+ _Bois de provision pour les magasins de la machine._
+
+ 18 novembre.--A Ragalus, marchand 300 » »
+
+ ANNÉE 1686.
+
+ Recettes:
+
+ 17 janvier.--Du sieur de Bartillat, garde du trésor
+ royal, 6,000 l., pour délivrer au sieur _de Ville_, gentilhomme
+ liégeois, pour gratification en considération
+ de ses soins pour la construction de la machine de la
+ rivière de Seine pendant l'année 1685.
+
+ 6,000 l. » s. » d.
+
+ 6 février.--Du sieur de Bartillat, 7,723 l. 7 s. 9 d.,
+ pour employer au remboursement des terres, vignes
+ et autres héritages appartenant à divers particuliers
+ occupés par l'aqueduc qui conduit les eaux des sources
+ de la Celle et de Bougival au premier puisard de la
+ machine de la rivière de Seine, en la largeur d'une
+ perche sur toute la longueur pour le fond.
+
+ 8 février.--Du sieur de Bartillat, 120,533 l. 6 s., pour
+ employer au remboursement du prix principal et non-jouissances
+ des terres, prés, bois et vignes appartenant
+ à divers particuliers, lesquels sont occupés par
+ la grande pièce d'eau que Sa Majesté a ordonné être
+ faite l'année dernière dans les hauteurs de Louveciennes;--par
+ les deux rigoles faites dans lesdites
+ hauteurs qui conduisaient les eaux dans les étangs des
+ Graissets;--par les quatre étangs des Graissets;--par
+ les bois plantés dans les plaines du Trou-d'Enfer
+ et dans les hauteurs de Rocquencourt;--par l'avenue
+ qui conduit de Versailles à Saint-Germain depuis Rocquencourt
+ jusqu'à l'étang de Béchevet;--et par l'espace
+ qui est entre ladite avenue et les murs du Grand-Parc;--par
+ les terres occupées par la grande pépinière
+ qui est au-dessus de Rocquencourt:--par les rigoles
+ qui conduisaient les eaux des hauteurs de Rocquencourt
+ dans les étangs des Graissets;--par l'aqueduc
+ qui conduit les eaux de la machine au réservoir du
+ Chesnay;--et par une partie de l'aqueduc nouvellement
+ fait pour conduire les eaux de la machine dans
+ le réservoir de la butte de Montbauron, jusqu'à l'endroit
+ du puits de l'angle qui est au-dessus du Chesnay;--et
+ encore pour l'indemnité du droit de dimes et les
+ non-jouissances qui étaient dues aux sieurs de Luciennes,
+ comme gros décimateurs dans la paroisse sur
+ cinq cents arpents de terre labourable et vignes qui
+ sont occupés par les travaux que Sa Majesté a fait faire
+ dans les hauteurs de Marly, de Luciennes, et dans
+ l'enceinte de la machine.
+
+ 12 juillet.--Du sieur de Bartillat, pour délivrer au sieur
+ _de Ville_, par gratification, en considération des soins
+ qu'il a pris pour la construction de la machine de la
+ rivière de Seine 100,000 l. » s. » d.
+
+ Dépenses.
+
+ _Fonds libellés._
+
+ 27 janvier 1686.--Au sieur _de
+ Ville_, gentilhomme liégeois, par
+ gratification, en considération de
+ ses soins pour la construction de
+ la machine de la rivière de Seine
+ pendant l'année dernière 6,000l. » s. » d.
+
+ 17 février.--A divers particuliers
+ pour le remboursement des terres,
+ vignes et autres héritages
+ à eux appartenant, occupés par
+ l'aqueduc qui conduit les eaux
+ des sources de la Celle et Bougival
+ au premier puisard de la
+ machine de la rivière de Seine 7,723 7 9
+
+ A divers particuliers, pour
+ remboursement du prix
+ principal et non-jouissances
+ des héritages occupés par
+ les quatre étangs des Graissets
+ et autres travaux faits
+ sur les hauteurs de Luciennes 120,533 6 »
+
+ 28 juillet.--Au sieur _de Ville_, par
+ gratification, en considération des
+ soins qu'il a pris pour la construction
+ de la machine de la rivière
+ de Seine 100,000 » »
+
+ 27 octobre.--A Noël, serrurier,
+ à-compte des tréteaux de fer pour
+ les conduites de tuyaux dans
+ l'aqueduc sous la tour de la machine 800l. » s. » d.
+
+ A Lahaye, plombier, à-compte
+ des tuyaux de 6 pouces posés
+ dans le deuxième puisard
+ de la machine au haut
+ de la montagne de Luciennes 2,400 » »
+
+ Au sieur Mezeret, greffier de
+ l'écritoire, à-compte du travail
+ aux toisés d'ouvrage de
+ la machine de Marly 400 » »
+
+ A Morel, serrurier, sur les fers
+ d'équipages aux pompes du
+ deuxième puisard de la machine 300 » »
+
+ 1er décembre.--A Menoist, marchand
+ de fer, à-compte des chevrons
+ de fer de la machine 800 » »
+
+ A Aubert, charpentier, à-compte
+ des pieux qu'il a
+ fait battre pour contre-garder
+ les îles, et à la chute
+ de la grande digue de la
+ machine 3,100 » »
+
+ A la veuve Lemaire, fondeur,
+ pour payement de deux robinets
+ pour la conduite des
+ eaux de la machine 237l. 16 s. » d.
+
+ A Bertin, pour moellons à la
+ machine 600 » »
+
+ A Mathieu, fondeur,à-compte
+ des tambours, tuyaux coudés
+ et passières de cuivre,
+ fournis pour les mouvements
+ de la machine 600 » »
+
+ Au sieur Desvaugoins, sur les
+ tuyaux de la machine 1,000 » »
+
+ _Payements d'ouvrages de maçonnerie et terrasses._
+
+ A Aubrat, entrepreneur, pour payement
+ d'un bout d'aqueduc qui
+ sert de communication du puits
+ de l'Angle aux grands aqueducs
+ venant des Graissets 390 » »
+
+ A lui,--pour payement de 1,597 l.
+ 10 s. à quoi montent le gravoillage
+ pour poser le ciment aux
+ aqueducs venant du regard au-dessus
+ des étants des Graissets 17 10 »
+
+ _Aqueduc pour la communication des deux proche le puits
+ de l'Angle._
+
+ Du 29 septembre au 22 décembre.--A
+ Lafosse, sur l'aqueduc pour
+ la décharge des eaux de la machine
+ de la Chaussée 950 » »
+
+ _Gages payés par ordonnance._
+
+ DU 6 JANVIER 1686 AU 18 JANVIER 1687.
+
+ A _Rennequin-Sualem_, charpentier
+ liégeois, employé à la machine. 1,800 l. » s. » d.
+
+ A Miché, menuisier liégeois, employé
+ à la machine. 720 » »
+
+ A Monget, qui a soin d'apporter la
+ hauteur des eaux de la machine. 900 » »
+
+ MACHINE DE MARLY.
+
+ _Maçonnerie._
+
+ DU 3 MARS AU 8 DÉCEMBRE 1686.
+
+ A J. Delarive,--à J. Fay,--à J.
+ Frades,--à Ant. Hémon,--Bailly-Lamoureux,--Pottier.
+
+ Somme. 21,902 17 6
+
+ _Terrasses._
+
+ A J. Chapeau,--Depautre,--Cherfils.
+
+ Somme. 7,327 10 »
+
+ _Charpenterie._
+
+ A Raoul de Pierre et J. Aubert,--Laporte,--Claude
+ Garde,--Nicolas Roussel.
+
+ Somme. 23,757 16 »
+
+ _Couverture._
+
+ A Étienne Yvon. 1,100 » »
+
+ _Menuiserie._
+
+ A Nicolas Dubois,--Elisabeth Breton,--Gilles
+ Massa.
+
+ Somme. 6,691 l. 2 s. 8 d.
+
+ _Ouvrages de fer._
+
+ A J. B. Boileau,--Cormieux,--J. Rouillé,--F.
+ Michel,--d'Arche,--Guerreau,--Noël.
+
+ Somme. 8,732 3 9
+
+ _Manivelles._
+
+ A J. Proust,--G. Longuet,--J. Longuet,--C.
+ Jean,--A. Fordrin
+ et Boulet,--F. Pasquier,--P.
+ Noiret,--Menoist,--Th.
+ Cucu,--Morel,--V. Morel,--Renault.
+
+ Somme. 132,024 6 »
+
+ _Ouvrages de cuivre._
+
+ A J. Royer,--Dezeustres.
+
+ Somme. 27,500 » »
+
+ _Plomberie._
+
+ A J. Lucas. 3,000 » »
+
+ _Ouvrages de goudron._
+
+ A M. Deschamps. 2,050 » »
+
+ _Braye._
+
+ A Clerx. 349 2 »
+
+ _Chandelle_.
+
+ A Haulmoire. 1,189 l. 1 s. 6 d.
+
+ _Corps de pompe d'Aulne_.
+
+ A Cimery. 112 7 6
+
+ _Cuirs de vaches_.
+
+ A J. Pays. 576 » »
+
+ _Loyers de maisons_.
+
+ A Th. Chevalier,--Malherbe,--Raffront. 169 10 »
+
+ _Pavé_.
+
+ A Georges,--Legrand. 4,360 1 »
+
+ _Ouvrages extraordinaires_.
+
+ A divers ouvriers. 4,886 8 8
+
+ Ouvriers à journées. 19,719 12 »
+
+ _Vitrerie_.
+
+ A Cl. Cosset. 79 16 6
+
+ _Grosses peintures_.
+
+ A J.-B. Fauconnier. 210 » »
+
+ _Potin_.
+
+ A Noiret. 7,922 » »
+
+ _Cordages_.
+
+ A E. Langlois. 292 10 »
+
+
+ ANNÉE 1687.
+
+ RECETTES.
+
+ De M. Gédéon Dumetz, garde du Trésor royal, 9,000 l.,
+ pour délivrer au sieur _de Ville_, savoir: 6,000 l. par gratification,
+ en considération des soins qu'il a pris de la
+ machine de la rivière de Seine pendant l'année dernière
+ 1686, et 3,000 l. de pension extraordinaire que Sa Majesté
+ lui a accordées pendant les derniers mois de la
+ même année.
+
+ DÉPENSES.
+
+ _Dépenses extraordinaires de Versailles._
+
+ DU 5 JANVIER AU 21 DÉCEMBRE 1687.
+
+ Au sieur _de Ville_, gentilhomme liégeois, pour achat et
+ frais de voiture de cinquante-un lauriers de Flandre,
+ pour Versailles. 1,274 l. 10 s. » d.
+
+ _Fonds libellés_.
+
+ DU 9 JANVIER 1687 AU 19 JANVIER 1688.
+
+ Au sieur _de Ville_, 6,000 l., en considération
+ des soins qu'il a pris
+ de la machine de la rivière de
+ Seine pendant l'année 1686, et
+ 3,000 l. de pension extraordinaire
+ pendant les six derniers mois de
+ la même année. 9,000l. » s. » d.
+
+ MACHINE DE MARLY.
+
+ Maçonnerie.
+
+ A Larue,--J. Fay,--J. Bailly,--Le
+ Boisselier. 121,960 » »
+
+ _Terrasses_.
+
+ A Bourienne,--de Pautre,--Cherfils,--J.
+ Frades,--Hémont.
+
+ Somme. 5,184 l. 16 s. 3 d.
+
+ _Charpenterie_.
+
+ A Raoul de Pierre (dit Laporte),--J.
+ Aubert. 21,997 14 »
+
+ _Couverture_.
+
+ A E. Yvon. 511 10 7
+
+ _Menuiserie_.
+
+ A M. Dubois,--Berton,--Nivet. 1,507 14 5
+
+ _Serrurerie_.
+
+ A J. Rouillé. 392 6 »
+
+ _Charbon_.
+
+ A P. Dailly. 154 10 »
+
+ _Fers d'équipages_.
+
+ A F. Noël,--Longuet. 1,833 9 »
+
+ _Clous et cuirs forts_.
+
+ A J. Proust. 2,836 19 »
+
+ _Manivelles_.
+
+ A Longuet,--Gordrin. 2,347 16 »
+
+ _Ouvrages de fer_.
+
+ A M. Deseustres,--Noiret,--Menoist. 3,450 » »
+
+ _Entretien de la serrurerie de la machine._
+
+ A Renault,--Morel. 14,784 l. 12 s. » d.
+
+ _Ouvrages de cuivre._
+
+ A J. Royer. 28,630 19 1
+
+ _Plomberie._
+
+ A J. Lucas. 6,600 » »
+
+ _Goudronages._
+
+ A M. Deschamps,--Levasseur,
+ calfatiers. 2,576 17 4
+
+ _Chandelles et pots à brûler._
+
+ A Haulmoir. 750 » »
+
+ _Vitrerie._
+
+ A Cossette. 119 1 »
+
+ _Pavé._
+
+ A Renoult. 500 » »
+
+ _Peinture._
+
+ A Fauconnier. 120 » »
+
+ _Diverses dépenses._
+
+ A divers fournisseurs. 1,454 2 1
+
+ Remis au sieur Lebegue, sur les
+ réparations de la machine. 12,021 » »
+
+ _Cordages._
+ A Langlois, cordier. 310 10 »
+
+ _Ouvriers à journées._
+
+ A divers ouvriers. 17,498 1 »
+
+ _Gages_.
+
+ Au sieur Cochu, employé au toisé
+ des terres à la machine. 3,600 l. » s. » d.
+
+ Au sieur _Rennequin-Sualem_, employé
+ à la machine. 1,800 » »
+
+ A Mauger, qui a soin d'apporter la
+ hauteur des eaux. 900 » »
+
+ Au sieur de la Maison-Blanche, employé
+ au magasin de la machine. 900 » »
+
+ _Gratifications_.
+
+ 9 janvier.--A Gilles Lambotte et
+ _Rennequin-Sualem_, qui ont travaillé
+ aux pompes et à la machine
+ à cheval de Saint-Cyr. 115 » »
+
+ 9 janvier.--Au sieur Proust, courrier
+ de la poste à Liége, en considération
+ des soins qu'il a pris
+ des envois faits pour la machine
+ de Seine. 150 » »
+
+ ANNÉE 1688.
+
+ Recettes.
+
+ De M. Étienne Jehannot, sieur de Bartillat, 12,000 l.
+ pour délivrer air sieur _de Ville_, savoir: 6,000 l. par
+ gratification en considération des soins qu'il a pris de
+ la machine de la rivière de Seine pendant l'année
+ 1687, et 6,000 l. de pension extraordinaire que Sa Majesté
+ lui a accordées pendant la même année.
+
+
+ _Fonds libellés_.
+
+ 25 janvier.--Au sieur _de Ville_, savoir: par gratification
+ en considération des soins qu'il a pris de la machine
+ de la rivière de Seine, et de pension extraordinaire que
+ Sa Majesté lui a accordée. 12,000 l. » s. » d.
+
+ A la veuve Nicolas de Bise, pour
+ payement de la dépense du
+ changement et transport du
+ moulin à vent situé vis-a-vis
+ des piles du grand aqueduc
+ de la machine, et rétablissement
+ d'icelui a un autre endroit
+ des environs de Marly. 3,074 10 »
+
+
+ Il résulte de ce relevé des dépenses
+ de la machine, qu'en
+ 1681 et 1682 elles s'élevèrent à 923,558 12 7
+ En 1683 970,828 1 11
+ En 1684 713,776 2 7
+ En 1685 678,183 5 6
+ En 1686 415,183 13 »
+ En 1687 248,957 7 9
+ En 1688 3,074 10 »
+ ____________________
+ Total 3,953,561l. 13s. 4d.
+
+
+NOTE Nº 2.
+
+Il existe dans le cabinet de M. Dufrayer, directeur actuel de la
+machine, à qui nous devons l'établissement du nouvel instrument
+hydraulique de la Seine, un plan magnifique de l'ancienne machine de
+Marly.
+
+Nous transcrivons ici le titre et la légende qui l'accompagnent. Ce
+titre est orné d'un très-bel encadrement et surmonté d'un portrait de
+Louis XIV, le voici:
+
+VEUE DE LA MACHINE DE MARLY
+
+qui élève l'eau de la rivière de Seine et de plusieurs sources, 535
+pieds par des mouvements continuez, 530 toises de longueur pendant 700
+toises de chemin.
+
+Cette machine sert à embellir les maisons royales de Versailles, de
+Trianon, de Marly, et peut servir à Saint-Germain en Laye.
+
+Elle a été construite par ordre du Roy, sur les projets et par la
+direction de M. le baron de Ville.
+
+
+ LÉGENDE.
+
+ 1º Rivière neuve faite pour la navigation.
+
+ 2º Ouvrages construits pour garantir les îles contre la rivière.
+
+ 3º Iles.
+
+ 4º Digues sèches pour entretenir les niveaux de la rivière et
+ préserver les îles.
+
+ 5º Grande digue qui barre l'ancien cours de la rivière.
+
+ 6º Coffre pour renvoyer la chute de la rivière dans son ancien
+ cours, et amortir l'impétuosité de la chute de la rivière du bas de
+ la digue.
+
+ 7º Digue sèche faite au travers des îles pour arrêter les grandes
+ inondations et barrer un ancien bras de la rivière.
+
+ 8º Épaulement contre les glaces, qui sert de soutien à la machine.
+
+ 9º Éperon contre les glaces.
+
+ 10º Canal devant la machine où passaient anciennement les bateaux.
+
+ 11º Canal au-dessous de la machine.
+
+ 12º Grilles contre les glaces.
+
+ 13º Pont des grilles.
+
+ 14º Pont des vannes.
+
+ 15º Toit qui couvre les équipages des vannes.
+
+ 16º Huit balanciers en bascule, qui élèvent l'eau de la rivière par
+ le moyen chacun de huit corps de pompes, de sept pouces de diamètre
+ et de cinq pieds de jeu.
+
+ 17º Conduites posées crainte du feu, lesquelles arrosent toute la
+ machine.
+
+ 18º Vingt gros balanciers, ou varlets, qui tiennent aux manivelles,
+ pour donner les mouvements aux chaînes.
+
+ 19º Quatorze roues de trente-sept pieds de diamètre.
+
+ 20º Treize rangées de balanciers, qui portent les mouvements des
+ roues dans les puisards supérieurs et alternatifs.
+
+ 21º Sept rangées de balanciers, qui portent les mouvements des
+ manivelles aux puisards d'amy-côte et aux puisards des sources.
+
+ 22º Estacade pour guider les glaces sur la grande digue.
+
+ 23º Maison du contrôleur et magasin.
+
+ 24º Chemin de Saint-Germain.
+
+ 25º La forge d'en bas, d'amy-côte, avec les supérieures, la
+ fonderie et le magasin.
+
+ 26º Les puisards d'amy-côte, et celui alternatif.
+
+ 27º Puisards des sources.
+
+ 28º Réservoir des sources.
+
+ 29º Réservoir d'amy-côte.
+
+ 30º Puisard supérieur, où il y a treize équipages qui font aller
+ quatre-vingt-deux corps de pompes sur la tour.
+
+ 31º Conduites qui portent l'eau sur la tour.
+
+ 32º Réservoir du baron de Ville.
+
+ 33º La tour où sont portées les eaux de la machine.
+
+ 34º Aqueduc qui conduit les eaux dans les réservoirs.
+
+ 35º Pavillon, basse-cour et jardin de M. le baron de Ville.
+
+ 36º Les trois portes de la machine.
+
+ 37º Réservoir de Luciennes.
+
+ 38º Réservoir du Trou-d'Enfer.
+
+ 39º Les trois réservoirs de Marly.
+
+ 40º Chemin de Versailles a Marly.
+
+ 41º Château de Marly.
+
+ 42º Chapelle de Marly.
+
+ 43º Les douze pavillons de Marly.
+
+ 44º L'église de Marly, dite Saint-Vigor.
+
+ 45º Le Chenil.
+
+ 46º Les jardins de Marly.
+
+ 47º Le grand parc de Marly.
+
+ 48º La maison et jardin de M. de Cavois.
+
+ 49º L'église et le village de Luciennes.
+
+Cette machine a été inventée et exécutée par M. le baron de Ville,
+dessinée par Liévin Creuil, en 1688, gravée en 1708, et finie en 1716,
+par Pierre Giffart, graveur du roy. Elle se vend a Paris, chez ledit
+Giffart, rue Saint-Jacques, à l'Image Sainte-Thérèse, avec privilège du
+roy.
+
+
+NOTE Nº 3.
+
+_Extrait du journal de Dangeau._
+
+Tome Ier.--Mardi, 13 juin 1684.
+
+Le roi et monseigneur allèrent a Marly, qu'on trouva fort avancé;
+ensuite on passa aux regards de M. de Ville, pour voir arriver les eaux.
+
+Tome Ier.--Vendredi, 10 août 1685.
+
+Le roi alla se promener à cheval à la machine de M. de Ville.
+
+_Extrait de la_ Gazette de France _de_ 1682, _page_ 358.
+
+De Versailles, le 26 juin 1682.
+
+Ces jours passez, le roy alla voir les travaux que le sieur de Ville,
+gentilhomme et échevin de Liége, fait faire sur la Seine afin d'élever
+l'eau de cette rivière quatre cent soixante-dix pieds de haut pour estre
+conduite ici, et la première épreuve en fut faite en présence de Sa
+Majesté avec beaucoup de succez.
+
+
+NOTE Nº 4.
+
+Vauban, chargé par le roi de visiter la machine de Marly, donne une
+instruction pour établir une estacade biaise devant la machine afin de
+diriger les glaces sur la grande digue, et pour refaire certaines
+parties des digues.
+
+Cette instruction est signée de lui, et datée du 27 février 1684. Il y
+parle de de Ville comme chef de la machine.
+
+Le devis, pour faire cette estacade, est signé par Pierre Delaporte,
+entrepreneur, et par le marquis de Louvois.
+
+Ces deux pièces font partie des archives de la machine de Marly.
+
+Nous devons la communication de ces pièces, et de toutes celles qui
+proviennent des archives de la machine, à l'obligeance de M. Dufrayer,
+directeur actuel, qui nous a permis de visiter un à un tous les cartons
+renfermés dans ces archives.
+
+
+NOTE Nº 5.
+
+Procès-verbal et état général des terrains situés dans les îles
+appartenant à divers particuliers et dont le roy a fait l'acquisition
+pour l'élargissement de la rivière neuve.
+
+L'an mil six cent quatre-vingt-un, onzième jour de mai et jours
+suivants, je, Claude Caron, arpenteur ordinaire du roy, et la maîtrise
+des eaux et forêts de Saint-Germain en Laye, demeurant a Paris, rue de
+Jouy, paroisse Saint-Paul, de présent a Louveciennes, commis par Sa
+Majesté pour faire ces mesurages et arpentages, plans figurés et cartes
+des bois et terres dans l'étendue des environs de Versailles, dont Sa
+Majesté acquiert la propriété, me suis transporté suivant l'ordre de
+messire Jean-Baptiste Colbert, chevalier, etc., conseiller du roy,
+ordinaire, etc., sur la terre de Croissy, dans les îles côtoyantes le
+bras de la rivière de Seine, en présence de M. Lambert, architecte et
+contrôleur des bâtiments de Sa Majesté, qui m'avait montré et désigné
+les piquets qu'il avait fait planter pour élargir iceluy, pour faire un
+canal navigable _à cause de la machine qui se devait construire dans la
+rivière pour élever l'eau au château de Versailles_, afin de connaître a
+la suite ce qui aurait été pris par la fouille qui en sera faite par
+ledit élargissement, en conséquence de quoi j'ai mesuré, arpenté et levé
+le plan, tant dudit bras de Seine que des îles, prés et terres
+adjacentes, dont j'ai fait une carte et figures pour servir en temps et
+lieu.
+
+Et le vingtième jour d'octobre et jours suivants, je me suis d'abord
+transporté aux susdits endroits (_le canal étant entièrement fini et
+navigable_), pour faire l'arpentage final de ce qui a été pris par ledit
+élargissement d'iceluy et ce qui est occupé par les terres et vidanges
+qui en proviennent et par le chemin fait pour le tirage des bateaux,
+tant sur la terre de la seigneurie de Croissy que dans les îles
+appartenant a plusieurs particuliers dont le roy acquiert la propriété
+afin de les en dédommager.
+
+Et le douzième jour de janvier 1682 et jours suivants, je me suis
+pareillement transporté, suivant l'ordre de mondit seigneur, _à la
+machine qui a été faite depuis ledit temps pour élever l'eau au château
+de Versailles_, où étant, j'avais trouvé _M. de Ville, ingénieur de
+ladite machine_, avec ledit sieur Lambert, qui m'avaient montré et
+désigné les endroits où devaient passer les mouvements d'icelle,
+puisards et conduites des eaux jusques aux étangs des Gressets, comme
+aussi les rigoles et conduites des eaux de Bougival, Louveciennes et
+Prunay, qui descendent au premier puisard pour être enlevé avec l'eau de
+ladite rivière, afin de faire aussi l'arpentage des terres et vignes qui
+pouvaient être occupées, et considérer ces choses en l'état qu'elles
+pouvaient être, afin d'en faire au juste l'estimation, pour parvenir au
+remboursement que Sa Majesté en doit aussi faire; et auparavant de
+procéder, j'avais fait publier aux prônes des paroisses, afin d'avertir
+les particuliers a qui appartiennent lesdits héritages de venir montrer
+les limites et séparations d'icelles terres, tenants et aboutissants, et
+au défaut de plusieurs qui ne seraient comparus, j'aurais eu recours aux
+anciens habitants des lieux qui m'auraient fait la démonstration
+d'iceux, en même temps j'ai fait marquer les séparations desdites terres
+et ensuite mesurer et arpenter suivant la désignation qui en a été
+faite.
+
+Et le quinzième jour de février 1683, je me suis d'abord transporté avec
+ledit _sieur de Ville dans les îles de la rivière de Seine et les terres
+adjacentes de la machine, pour marquer l'étendue qu'il désirait être
+prise pour Sa Majesté étant occupée et partagée par l'augmentation des
+chevalets, puisards, réservoirs, aqueducs, conduites de tuyaux,
+bâtiments et autres travaux faits et iceux_. Après avoir le tout
+considéré, _j'aurais fait planter des piquets aux endroits marqués par
+ledit sieur de Ville_, afin de faire l'arpentage et mesurage desdites
+terres, comme celles ci-devant, ce que j'aurais exécuté et aurais, après
+ledit mesurage, _fait faire des fossés pour marquer la séparation des
+terres dont Sa Majesté acquiert la propriété_ dans celles qui restent
+aux particuliers _suivant l'ordre dudit sieur de Ville_, dont six pieds
+au delà dudit fossé appartenant pareillement à Sadite Majesté, qui ont
+été laissés pour servir de chemin et passage; de toutes et chacune
+desdites terres et autres héritages ci-devant déclarés, j'ai fait plan,
+et figures, le tout coté et par chiffres comme au présent procès-verbal,
+dont la teneur et déclaration en suit.
+
+Suit le détail des différentes terres et leur contenance.
+
+Extrait des archives de la machine de Marly.
+
+
+NOTE Nº 6.
+
+Pentes des rivières de Seine depuis 100 toises au-dessus de la pointe de
+Bezons jusques à la machine, dont toutes les pentes et les longueurs
+sont prises a l'égard desdites 100 toises.
+
+ Toises. Pieds. Pouces. Lignes.
+
+ 100, pointe de Bezons » 2 »
+
+ 130, milieu de l'ancienne digue
+ de la pointe A » 5 6
+
+ _Id._ ancienne rivière,--A » 1 »
+
+ 200, milieu de la digue de Bezons.» 7 »
+
+ _Id._ ancienne rivière » 1 6
+
+ 300, nouvelle » 9 6
+
+ 400, _id._ » 11 6
+
+ 500, _id._ 1 » 4
+
+ 600, _id._ 1 1 2
+
+ 700, _id._ 1 2 »
+
+ 770, digue de la Morue 1 5 »
+
+ _Id._ ancienne rivière » 4 »
+
+ 800, nouvelle 1 5 8
+
+ 900, _id._ 1 6 6
+
+ 1,000, _id._ 1 8 »
+
+ 1,200, pointe de la petite île de
+ Carrière 1 9 4
+
+ 1,400, petite porte des jardins de
+ Carrière 1 10 8
+
+ 1,600, nouvelle 2 » »
+
+ 1,800, _id._ 2 1 2
+
+ 2,000, nouvelles perches pour le
+ poisson 2 2 4
+
+ 2,200, nouvelle. 2 3 »
+
+ 2,350, le dessus du pont de Chatou. 2 3 6
+
+ 2,400, milieu de la digue de Chatou. 2 4 3
+
+ _Id._ ancienne rivière. 1 10 6
+
+ 2,600, nouvelle. 2 7 6
+
+ 2,800, _id._ 3 1 »
+
+ 3,100, milieu de la digue de Croissy. 3 8 9
+
+ _Id._ ancienne rivière. 2 1 »
+
+ 3,200, nouvelle. 4 » 6
+
+ 3,400, _id._ 4 9 3
+
+ 3,600, _id._ 5 4 6
+
+ 3,800, _id._ 5 9 9
+
+ 3,900, digue de la Chaussée. 5 11 »
+
+ _Id._ ancienne rivière. 2 4 »
+
+ 4,000, nouvelle. 6 1 »
+
+ 4,250, nouvelle vis-à-vis la machine. 6 4 »
+
+ _Id._ ancienne au-dessus de la machine. 2 6 »
+
+ _Id._ ancienne sous la machine. 6 8 9
+
+ Pointe de Bezons. » 2 3
+
+ Ancienne digue de la pointe,
+ nouvelle rivière. » 8 6
+
+ Ancienne rivière. » » »
+
+ Digue de Bezons, nouv. riv. » 10 9
+
+ Ancienne rivière. » » 3
+
+ Digue de la Morue, nouv. r. 1 8 2
+
+ Ancienne rivière. » » 3
+
+ Digue de Chatou, nouv. riv. 1 11 4
+
+ Ancienne rivière. 1 8 4
+
+ Digue de Croissy, nouv. riv. 4 1 2
+
+ Ancienne rivière. 2 1 8
+
+ Digue de la Chaussée, n. r. 6 2 2
+
+ Ancienne rivière. 2 2 6
+
+ Nouvelle rivière vis-à-vis la
+ machine. 6 10 »
+
+ Ancienne rivière au-dessus
+ de la machine. 2 7 4
+
+ Ancienne rivière au-dessous
+ de la machine. 7 1 4
+
+Pentes des rivières de Seine, depuis 100 toises au-dessus de la pointe
+de Bezons, jusqu'à la machine, toutes lesdites pentes et les longueurs
+étant prises à l'égard desdites 100 toises.--La digue n'étant pas
+fermée.
+
+ Longueurs. Pieds. Pouces. Lignes.
+
+ 100, pointe de Bezons, anc. riv. » 2 »
+
+ _Id._ _id._ nouv. r. » 2 »
+
+ 130, ancienne digue de la pointe,
+ ancienne rivière. » 1 »
+
+ _Id._ ancienne digue de la pointe,
+ nouvelle rivière. » 5 »
+
+ 200, digue de Bezons, anc. riv. » 1 6
+
+ _Id._ _id._ nouv. r. » 7 »
+
+ 770, digue de la Morue, anc. riv. » 4 »
+
+ _Id._ _id._ nouv. r. 1 5 »
+
+ 2,400, digue de Chatou, anc. riv. 1 10 6
+
+ _Id._ _id._ nouv. r. 2 4 3
+
+ 3,100, digue de Croissy, anc. riv. 2 7 »
+
+ _Id._ _id._ nouv. r. 3 8 9
+
+ 3,900, digue de la Chaussée; a. r. 2 4 »
+
+ _Id._ _id._ n. r. 5 11 »
+
+ 4,250, Ancienne rivière au-dessus
+ de la machine. 2 6 »
+
+ Nouvelle rivière vis-à-vis la
+ machine. 6 4 »
+
+ Ancienne rivière au-dessous
+ de la machine. 6 8 9
+
+Les divers devis pour les digues sont de l'année 1681, et signés de
+Colbert.
+
+Extrait des archives de la machine de Marly.
+
+
+NOTE Nº 7.
+
+Les renseignements suivants ont été pris dans les archives de la machine
+de Marly:
+
+1º La tour en pierre et l'aqueduc de Louveciennes ont été construits en
+1684, sur les plans et sous la direction de Mansart. Les devis de ces
+constructions, signés de lui, sont aux archives de la machine.
+
+2º Dans un rapport de M. Lucas, contrôleur de la machine, adressé en
+janvier 1784 à M. le comte d'Angeviller, on trouve l'observation
+suivante sur la cause qui fit élever la tour:
+
+«Le point capital de l'établissement de la grande tour a été d'y monter
+l'eau de la rivière, afin de dominer tous les endroits où cette eau
+communique.»
+
+3º Dans une note sur les contrôleurs, qui paraît aussi avoir été écrite
+par M. Lucas, on lit:
+
+«M. Delespine père, contrôleur de la machine, l'a été environ
+quarante-quatre ans; il est entré au département de la machine en 1707,
+sous le règne de Louis XIV, et sous le gouvernement du chevalier Arnold
+de Ville, qui n'est mort qu'en 1722. Il était gouverneur (M. de Ville)
+depuis le commencement de la machine, et a été le seul qu'il y ait eu
+dans ce département.»
+
+Et plus loin:
+
+«Après M. Lambert, qui a été le premier contrôleur, c'est M. _Cochu_ qui
+l'a remplacé. Il était ingénieur des fortifications que l'on faisait
+dans ce temps a Maubeuge, et c'est le chevalier de Ville qui l'a tiré de
+cet endroit pour le faire venir à la machine.»
+
+4º En 1792, M. Gondouin, contrôleur, adresse à M. Laporte, intendant de
+la liste civile, un rapport dans lequel il fait l'historique suivant des
+officiers de la machine:
+
+«Lors de la construction de la machine, en 1680, le sieur de Ville,
+mécanicien et inventeur de la machine, en fut nommé le gouverneur, avec
+18 à 20,000 livres, et le logement du pavillon de Luciennes, occupé
+aujourd'hui par madame du Barry. Les sieurs Lambert, Petit et Cochu,
+successivement contrôleurs, jusqu'en 1683, eurent 4,000 livres
+d'appointements, et 1,000 livres de gratification. Le sieur Delespine
+père eut le même traitement jusqu'en 1742, où il fit recevoir son fils
+adjoint à sa place, et demanda que sur les 4,000 livres de traitement il
+en fût donné 1,000 livres a son fils. A la mort de M. Delespine père, le
+fils lui succéda jusqu'en 1749, et il n'eut plus pour appointements que
+3,000 livres et 1,000 livres de gratification. Le sieur Tarbé succéda au
+sieur Delespine fils en 1749, avec les mêmes appointements jusqu'en
+1754, où il obtint de commuer en pension sa gratification de 1,000
+livres. Le sieur Lucas succéda au sieur Tarbé en 1768, et n'eut plus que
+3,000 livres, sans aucune espèce de gratification, ce qui est mon
+traitement actuel.»
+
+5º Les personnes qui attribuent à Rennequin l'invention de la machine
+donnent comme une preuve les faveurs du gouvernement envers sa famille;
+et ils racontent qu'une demoiselle Lambotte, presque centenaire, et
+petite-nièce de Rennequin, était logée aux bâtiments de la machine, et
+jouissait d'une pension prise sur les fonds affectés à l'entretien de
+l'établissement. On va voir par la lettre ci-après quelles étaient ces
+faveurs du gouvernement.
+
+Lettre du sieur Lucas, contrôleur de la machine, à M. le comte
+d'Angeviller:
+
+«Monsieur le comte,
+
+»J'ai l'honneur de vous informer du décès de mademoiselle Marie-Benoist
+Lambotte, fille d'un ancien inspecteur de ce département, qui jouissait
+d'un petit logement dans les mansardes au-dessus de celui de
+l'inspecteur actuel, et d'une pension de 400 livres sur le trésor royal.
+
+»Je suis, etc.»
+
+C'était là une faveur que l'on accordait a toutes les femmes des
+employés de la machine morts en exercice.
+
+
+NOTE Nº 8.
+
+Renseignements sur de Ville et Rennequin, puisés dans divers ouvrages:
+
+1º Curiosités de Paris, de Versailles, Marly, Vincennes, Saint-Cloud et
+ses environs, par Claude Saugrain; Paris, 1716.
+
+Cette machine (de Marly) étonnante _a été inventée par le chevalier de
+Ville_, et n'a sûrement jamais eu de pareille dans le monde.
+
+2º Nouvelle description des châteaux et parcs de Versailles et de Marly,
+par Piganiol de la Force; Paris, 1764.
+
+La grosseur de ce volume, dit Piganiol, suffirait à peine pour en
+décrire la construction (de la machine), les mouvements et les effets.
+Peu de gens sont d'ailleurs capables de les comprendre, puisque _M. de
+Ville assure qu'il n'a presque trouvé que feu M. le maréchal de Vauban
+qui, en voyant ce merveilleux ouvrage, en ait connu la plupart des
+effets_.
+
+3º Dictionnaire géographique, historique et politique des Gaules et de
+la France, par l'abbé Expilly; Amsterdam, 1766.
+
+_Cette machine a été inventée par le chevalier de Ville_.
+
+4º État de la France.--Janvier 1708.
+
+La machine de Marly, qui fournit d'eau de la rivière de Seine les
+châteaux de Marly, de Versailles et de Trianon.
+
+_M. le baron de Ville_ a le gouvernement et la direction de cette
+machine, lequel a d'appointements et de pension 12,000 livres.
+
+Entretien de la ferrure des pistons et de la serrurerie des bâtiments,
+le sieur Lempérier.
+
+Entretien des ouvrages de cuivre, le sieur Lemoine.
+
+Entretien des couvertures des maisons dépendantes de la machine, le
+sieur Charuel.
+
+Entretien des cuirs forts pour les pompes, le sieur Nolant.
+
+Entretien de la maçonnerie, du moellon et cailloux des digues, le sieur
+Loison.
+
+Entretien des vitres, le sieur Cosset.
+
+Entretien du pavé des puisards, le sieur Regnout.
+
+Un contrôleur, M. Delespine.
+
+Un garde-magasin, le sieur Creté.
+
+Un charpentier liégeois, le _sieur Rennequin_.
+
+Les fêtes et dimanches, les Récollets viennent dire la messe à cette
+machine pour les ouvriers.
+
+
+NOTE Nº 9.
+
+L'ARRIVÉE DE LA SEINE AU CHATEAU DE MARLY.
+
+Poëme, par M. Cassan, _Mercure galant_, année 1699.
+
+L'auteur décrit d'abord le cours de la Seine avant son arrivée au
+château de Marly.--Au moment où le fleuve se resserre par suite des
+travaux d'endiguement, il décrit ainsi la machine:
+
+ Mais enfin son penchant lui faisant violence,
+ L'entraîne dans ce lieu, malgré sa résistance,
+ Et fait voir à la nymphe, au delà du tournant,
+ Le formidable objet d'un travail surprenant.
+ Comme on voit en hiver la forêt des Ardennes,
+ Quand la bise a fait choir le feuillage des chênes,
+ Et chassé les voleurs de tous les défilés,
+ Présenter ses vieux troncs qui paraissent brûlés;
+ Ainsi se voit de loin la machine effroyable,
+ Ouvrage de nos jours, qui paraît incroyable,
+ Avec tout l'attirail de son corps hérissé
+ De rouage et de ponts, l'un sur l'autre exhaussé,
+ Dont les bras, s'étendant vers le haut de la côte,
+ Meuvent les balanciers comme on voit une flotte,
+ Que la vague entretient dans le balancement,
+ Incliner tous ses mâts à chaque mouvement.
+ Quoi! dit-elle en voyant la machine étonnante,
+ Serai-je donc contrainte à poursuivre ma pente,
+ Et me faire rouer parmi tous les ressorts
+ Que je vois remuer par de si grands efforts!
+ Non, non, dit-elle alors, la nymphe de la Seine
+ Se mêlera plutôt avec l'eau qui l'entraîne,
+ Et, par son changement, saura bien éviter
+ Les outrages cruels qu'elle voit apprêter.
+ Ainsi dit, à l'instant elle se rend liquide;
+ Son corps va se mêler avec l'onde rapide,
+ Et, dans le fil de l'eau, tâche de s'allonger,
+ Croyant par ce moyen éviter le danger.
+ Mais en vain, car aux ponts cent pompes aspirantes
+ L'enlèvent de son lit à reprises fréquentes,
+ Et la livrent ensuite aux pistons refoulants,
+ Qui font pour l'enlever des efforts violents.
+ Alors par ces efforts elle sent qu'elle monte
+ Vers le haut du coteau dans des tuyaux de fonte,
+ Qui vont la revomir au prochain réservoir,
+ Où cent autres tuyaux viennent la recevoir.
+ Là, les pistons changeant leur manière ordinaire,
+ Pressent de bas en haut par un effet contraire.
+ Elle reçoit le jour pour la seconde fois,
+ Et reprend en ce lieu l'usage de la voix,
+ Pour se plaindre en passant _du chevalier de Ville_
+ Qu'elle voit sur sa gauche avec son air tranquille.
+ _Qui t'oblige_, dit-elle, _avec ton art maudit,
+ A venir malgré moi m'enlever de mon lit_?
+ A ces mots les pistons lui coupant la parole,
+ Le clapet la retient, s'ouvrant à tour de rôle,
+ Et la fait parvenir, après tant de détours,
+ Sur le haut du regard pour lui donner son cours.
+ De là sur l'aqueduc, sa pente naturelle
+ Lui fait prendre bientôt une route nouvelle.
+ Enfin elle descend par des tuyaux de fer
+ Dans un long réservoir appelé _Trou d'Enfer_.
+
+Après cette description, le poëte la fait arriver dans les jardins de
+Marly, où, brillant d'un nouvel éclat, elle concourt à l'ornement des
+jardins du grand roi.
+
+Ces vers sont reproduits dans _le Mercure de France_ d'avril 1739.
+
+
+NOTE Nº 10.
+
+En 1681, Charles II d'Angleterre, sachant combien Louis XIV désirait
+avoir de l'eau à Versailles, lui envoya sir Samuel Morland, célèbre
+mécanicien anglais. Ce sir Morland fut d'abord employé par Cromwell à
+des missions diplomatiques. Après le rétablissement de Charles II sur le
+trône, il fut tout à fait dans les bonnes grâces du roi, qui le créa
+baronnet, gentilhomme de la chambre privée, et le nomma maître des
+mécaniques du roi. Il venait d'inventer une machine qui élevait l'eau de
+la Tamise jusqu'à la plus haute corniche du château de Windsor, quand
+Charles II, croyant faire plaisir au roi de France, lui envoya cet
+ingénieur. En 1683, Morland fut reçu par Louis XIV, dans son château de
+Saint-Germain, où il lui expliqua ses inventions. Il chercha à démontrer
+au roi qu'à l'aide d'une mécanique beaucoup plus simple et bien moins
+dispendieuse que la machine de Marly, il obtiendrait un résultat bien
+plus satisfaisant, puisqu'il avait la prétention de faire arriver d'un
+seul jet l'eau de la Seine sur les hauteurs de Louveciennes. Il paraît
+que ses démonstrations ne convainquirent pas le roi, puisque l'on n'en
+continua pas moins les travaux de la machine. Il fit un essai de son
+invention au château du président de Maisons; cet essai n'eut point un
+résultat favorable; il en explique la raison dans un ouvrage qu'il
+publia en 1685, intitulé:
+
+Élévation des eaux pour toutes sortes de machines, réduites à la mesure,
+au poids, à la balance, par le moyen d'un nouveau piston et corps de
+pompe, et d'un nouveau mouvement cyclo-elliptique, en rejetant l'usage
+de toute sorte de manivelles ordinaires.--Paris, Michallet, 1685, in-4º.
+
+Après avoir décrit sa nouvelle invention, il parle ainsi des
+explications qu'il fit devant Louis XIV:
+
+«C'est par le moyen de cette nouvelle manière de piston, corps de pompe,
+et mouvement cyclo-elliptique, que l'on peut aisément, et en peu de
+temps, fabriquer une petite machine et la réduire à la mesure, au poids
+et à la balance, conformément aux démonstrations oculaires et
+convaincantes que j'ai eu l'honneur de montrer au roi, à Saint-Germain,
+en l'année 1683. Et cette machine, dont la construction ne montera pas à
+une grande somme, ni son entretien annuel à dix pistoles, peut pousser,
+par la force d'un cheval, tout le produit d'eau de la fontaine de la
+ville d'Avrée, jusqu'au haut du château de Versailles, d'ici à cent
+années, tout au long du grand chemin, dans un tuyau de plomb d'environ
+sept lignes de diamètre intérieur, et d'environ trois lignes et demie ou
+quatre d'épaisseur.»
+
+Et plus loin, en parlant de l'essai qu'il fit au château de Maisons, il
+dit:
+
+«Que si j'avais eu douze grandes roues pareilles, posées dans un
+bâtiment d'un moulin, semblable à celui de Maisons, la où la rivière de
+Seine aurait eu une pente de huit ou neuf pieds, j'aurais fait lever
+plus de deux mille pouces d'eau à la hauteur perpendiculaire de quatre
+cents pieds, par des machines qui auraient duré plus d'un siècle, sans
+avoir coûté cinq cents pistoles par année pour les entretenir.»
+
+On voit ici une critique indirecte de la machine de Marly, dont
+l'entretien annuel était fort coûteux.
+
+
+NOTE Nº 11.
+
+Nous devons a l'obligeance de M. Parent de Rosan communication d'un
+travail manuscrit de M. Stanislas Bormans, archiviste de Liége, sur
+cette question controversée de l'auteur de la machine, d'où il résulte
+les faits suivants relatifs à de Ville.
+
+De Ville, né le 15 mai 1653, était fils de Reynaud de Ville, bourgmestre
+de Ville. Il passa la plus grande partie de sa jeunesse chez les comtes
+de Marchin, seigneurs de Modave. C'est dans ce domaine qu'il fit
+exécuter, avec Rennequin, la machine dont la célébrité engagea Colbert à
+le faire venir à Versailles. Après la construction de la machine, il en
+fut nommé gouverneur, et, Louis XIV lui ayant fait construire une
+habitation, il resta en France. Mais il avait toujours les yeux tournés
+vers son pays, et, a la mort du dernier comte de Marchin, il acheta la
+terre des Modaves, dont il devint ainsi le seigneur, et y mourut le 22
+février 1722.
+
+M. Bormans a retrouvé dans l'église de Modave sa pierre tumulaire,
+portant l'inscription suivante:
+
+Ci gist noble et illustre seigneur, Arnould de Ville, baron libre du
+Saint-Empire romain, seigneur des Modaves, etc., né le 15 mai
+1653,--mort le 22 février 1722.
+
+Il a retrouvé aussi son testament, dans lequel est ainsi consignée l'une
+de ses volontés:
+
+J'ordonne que tous les ouvrages que j'ai composés, concernant les
+constructions de la machine de Marly, soient imprimés suivant mes
+_desseins_ (sic) en grand.
+
+Le dernier des comtes de Marchin, Ferdinand, vint en France à l'âge de
+dix-sept ans, après la mort de son père. Capitaine-lieutenant des
+gendarmes de Flandres, en 1673, on le voit s'élever de grade en grade
+jusqu'à celui de maréchal de France, qui lui fut conféré en 1703. Il est
+très-probable que, tenant déjà un rang distingué à la cour de France, il
+fit savoir à Colbert, qui recherchait partout les moyens de faire venir
+de l'eau à Versailles, l'établissement de la machine hydraulique
+exécutée dans son domaine de Modave, par de Ville et Rennequin. Il
+mourut sans postérité, à la suite d'une blessure qu'il reçut dans un
+combat près de Turin, le 7 septembre 1706. Ce fut à cette époque et par
+suite de l'extinction des comtes de Marchin, que le chevalier de Ville
+se rendit propriétaire du domaine des Modaves, et que probablement il
+reçut le titre de baron du Saint-Empire romain, attaché à quelques-unes
+des terres de ce domaine, achetées par le père du dernier comte de
+Marchin. Quoique devenu seigneur des Modaves, il n'en conserva pas moins
+le titre de gouverneur de la machine de Marly jusqu'à sa mort, arrivée
+le 22 février 1722.
+
+
+NOTE Nº 12.
+
+FAMILLE DE VILLE.
+
+Anne-Léon de Montmorency, premier du nom, chef des noms et armes de sa
+maison, baron de Fosseux, seigneur de Courtalain, Bois-Ruffin, le
+Plessis, d'Arroue, etc., né en 1705, appelé le baron de Montmorency,
+successivement capitaine-lieutenant de la compagnie des gendarmes
+d'Anjou en février 1735, brigadier de cavalerie le 20 février 1743,
+capitaine-lieutenant des gendarmes de la reine en décembre 1744;
+maréchal de camp le 1er mai 1745; menin de feu M. le Dauphin en 1746;
+lieutenant général des armées du roi le 10 mai 1748; nommé chevalier de
+ses ordres le 2 février 1749; reçu le 25 mai suivant, et chevalier
+d'honneur de Madame Adélaïde, en octobre 1750, fille de feu Louis XV, a
+été nommé, le 21 octobre 1771, commandant en chef du pays d'Aunis.--Il a
+épousé: _1º le 11 décembre 1730, Anne-Marie Barbe de Ville, morte en
+couche le 13 août 1731, fille et unique héritière de feu Arnold de
+Ville, chevalier, baron libre du Saint-Empire romain, etc., gouverneur
+et directeur de la machine de Marly, dont il était l'inventeur, et
+d'Anne-Barbe de Courcelles_; et 2º le 23 octobre 1752,
+Marie-Madeleine-Gabrielle de Charette de Montebert, d'une ancienne
+noblesse de Bretagne, veuve, en premières noces, de Louis de Serent,
+marquis de Kerfily, et en secondes, de Henri-François, baron d'Avaugour,
+comte de Vertus, etc.
+
+ Extrait du Dictionnaire de la noblesse, par de la Chesnaye-Desbois,
+ tom. X, p. 411.
+
+Ajoutez à l'article de Anne-Léon de Montmorency: Il épousa, le 11
+décembre 1730, Anne-Barbe de Ville, morte à Paris le 13 août 1731, dans
+sa dix-neuvième année, fille d'Armand, baron de Ville, et d'Anne-Barbe
+de Courcelles, dont il eut [*] N. de Montmorency, né au mois d'août
+1731.
+
+ Extrait de l'Histoire généalogique de France, par le P. Anselme,
+ tom. IX, p. 417.
+
+[*] Ce fils fut Anne-Léon de Montmorency, deuxième du nom, appelé le
+marquis de Fosseux, né le 11 août 1731; par son mariage en secondes
+noces avec Charlotte-Anne-Françoise de Montmorency-Luxembourg, le 21
+septembre 1767, il a pris le titre de duc de Montmorency, que lui
+apportait sa femme.
+
+ Dictionnaire de la noblesse de la Chesnaye-Desbois, tom. IX, p.
+ 411.
+
+
+MORTS DANS LE MOIS D'AOUT 1731.
+
+Le 13 de ce mois, dame Anne-Marie-Barbe de Ville, épouse de Anne-Léon de
+Montmorency, chef du nom et armes de la maison, premier baron chrétien
+en France, enseigne des gendarmes de Berry, seigneur de Courtalin,
+Bois-Ruffen, le Plessis-d'Arouë, le Poilay, le Vernay, les deux Modaves,
+de Biemrcé, de Banderesse, de Fermée, Termoyne, etc., mourut âgée de
+dix-huit ans sept mois.
+
+ _Mercure de France_, août 1731, p. 2044.
+
+On lit dans les mémoires du duc de Luynes, à la date du mardi 2 mai
+1739:
+
+«Madame de Châteaurenaud a un frère qu'on appelle le baron de
+Montmorency, qui est celui qui avait épousé mademoiselle de Ville (_M.
+de Ville était chargé de l'entretien de la machine de Marly et en était
+regardé comme l'auteur_). M. le baron de Montmorency est veuf depuis
+quelques années.»
+
+
+NOTE Nº 13.
+
+Acte de baptême de Rennequin, ou mieux Renier Sualem, extrait des
+registres d'état civil tenus par les anciens curés de Jemeppe, province
+de Liége:
+
+«29ª januarii 1645, baptisatus Renerus filius Renardi Sualem, et
+Catharinæ David, susc. Leonardo Alard et Anna Simon.»
+
+Acte de décès de Rennequin, extrait des registres de l'état civil de la
+commune de Bougival, département de Seine-et-Oise:
+
+«L'an de grâce mil sept cent huit, le lundy trentième de juillet, a esté
+inhumé dans l'église de Notre-Dame de Bougival le corps de deffunt René
+Soüalem, autrement dit Rennequin, premier ingénieur du roy à la machine
+et constructeur de la machine, mort d'hier à onze heures et demie du
+matin, âgé de soixante-quatre ans et demi, en présence de M. Levesque,
+curé, M. Lherminot, brodeur du roy, de M. Prévotel, vicaire de cette
+paroisse, qui ont signé: Lherminot, Levesque, Prévotel, Ricard.»
+
+ÉPITAPHE GRAVÉE SUR LA TOMBE DE RENNEQUIN.
+
+D. O. M.
+
+«Cy-gissent honorables personnes sieur Rennequin Sualem, seul inventeur
+de la machine de Marly, décédé le 29 juillet 1708, âgé de
+soixante-quatre ans, et dame Marie Nouelle, son épouse, décédée le 4 mai
+1714, âgée de quatre-vingt-quatre ans, laquelle, pour satisfaire à la
+dernière volonté dudit deffunct sieur Rennequin, son mari, a fondé à
+perpétuité en cette église de Bougival une messe basse tous les premiers
+lundys de chaque mois de l'année, un service complet le 29 juillet de
+chaque année, jour du déceds dudit deffunct, et vingt libéras pour être
+dits sur leurs _sepulturs_, scavoir les quatre grandes festes de
+l'année, les quatre _principalles_ festes de la sainte Vierge, et les
+douze autres tous les premiers dimanches de chaque mois de l'année, à
+l'issue des vespres; à quoi les sieurs curé et marguilliers de l'oeuvre
+et fabrique de ladite paroisse se sont obligés faire dire et célébrer
+mesme fournir les pain, vin, luminaire et ornements nécessaires, et ce,
+moyennant certaine _sôme_ que ladite dame leur a payée, _ainssy_ qu'il
+est plus au long porté par le contract passé devant Dupuis et Gervais,
+notaires au Châtelet de Paris, le 2 août 1710.
+
+»Priez Dieu pour leurs âmes.»
+
+
+
+
+VII
+
+DÉTAILS INÉDITS
+
+SUR LA MORT DE LOUIS XIV.
+
+1715.
+
+
+Le lundi 26 août 1715, le roi Louis XIV venait de subir une opération
+douloureuse. Couché sur son lit de mort, il voulut dire un dernier adieu
+au jeune Dauphin, son successeur. A midi, madame de Ventadour,
+gouvernante du prince, l'amena dans la chambre du roi, qui, après
+l'avoir embrassé et fait placer sur son lit, lui adressa quelques
+conseils dans lesquels ce monarque, en faisant l'aveu solennel de ses
+fautes, montra plus peut-être la grandeur de son caractère que dans
+aucune autre circonstance de sa vie.
+
+Les paroles prononcées par Louis XIV dans cette occasion furent
+entendues d'un grand nombre de courtisans. La plupart les répétèrent
+plus ou moins fidèlement: de là les nombreuses versions qui en ont été
+données, où, tout en conservant les idées principales, les divers
+historiens du grand roi ont ajouté ou retranché suivant le besoin de
+leurs éloges ou de leurs critiques.
+
+La première donnée au public parut dans les premiers jours d'octobre
+1715, un mois environ après la mort de Louis XIV. Elle se trouve dans un
+écrit intitulé: _Journal historique de tout ce qui s'est passé depuis
+les premiers jours de la maladie de Louis XIV, jusqu'au jour de son
+service à Saint-Denis_, par le sieur Lefebvre. Voici comment l'auteur
+s'exprime: «Sa Majesté fit venir le Dauphin dans sa chambre, où il entra
+avec madame la duchesse de Ventadour, sa gouvernante, et après l'avoir
+embrassé, elle lui dit:--Mignon, vous allez estre un grand roy; mais
+tout vostre bonheur dépendra d'estre soumis à Dieu, et du soin que vous
+aurez de soulager vos peuples. Il faut pour cela que vous évitiez autant
+que vous le pourrez de faire la guerre. C'est la ruine des peuples. Ne
+suivez pas le mauvais exemple que je vous ay donné sur cela: j'ay
+entrepris la guerre trop légèrement, et l'ay soutenue par vanité; ne
+m'imitez pas! mais soyez un prince pacifique, et que vostre principale
+application soit de soulager vos sujets. Profitez de la bonne éducation
+que madame de Ventadour vous donne, obéissez-luy, et suivez les bons
+sentiments qu'elle vous inspire.»
+
+Cette version est-elle la bonne? Certainement elle renferme au fond ce
+qu'a dit Louis XIV; mais a-t-il dû s'exprimer dans ces termes? Sans
+doute il se repentait de ses guerres trop nombreuses et des maux
+qu'elles avaient attirés sur ses peuples, et il recommandait à son
+petit-fils de ne pas l'imiter en cela; mais on ne peut croire qu'il ait
+été jusqu'à se servir de ces expressions: «Ne suivez pas le mauvais
+exemple que je vous ay donné sur cela,» et qu'il ait encore ajouté,
+comme s'il ne se fût pas assez humilié: «J'ai souvent entrepris la
+guerre trop légèrement et l'ay soutenue par vanité.» Non, Louis XIV ne
+pouvait ni penser, ni dire que ce fût par vanité qu'il eût soutenu ses
+guerres! Il avait vu, dans ses dernières années, le royaume à deux
+doigts de sa perte par suite de la guerre, et il recommandait à son
+successeur de l'éviter autant que possible pour le bonheur de ses
+sujets, voilà tout.
+
+A peu près à la même époque, Saint-Simon, ce courtisan frondeur,
+rapportait aussi à sa manière les paroles de Louis XIV: «Mon enfant,
+vous allez être un grand roi; ne m'imitez pas dans le goût que j'ai eu
+pour les bâtiments ni dans celui que j'ai eu pour la guerre; tâchez, au
+contraire, d'avoir la paix avec vos voisins. Rendez à Dieu ce que vous
+lui devez; reconnaissez les obligations que vous lui avez; faites-le
+honorer par vos sujets. Suivez toujours les bons conseils; tâchez de
+soulager vos peuples, ce que je suis assez malheureux pour n'avoir pu
+faire. N'oubliez point la reconnaissance que vous devez à madame de
+Ventadour.»
+
+Si le fond des pensées est le même que dans la version précédente, la
+forme en est complétement changée. Puis Saint-Simon, déprédateur
+constant des constructions de Louis XIV, et en particulier de
+Versailles, n'étant pas fâché, pour excuser ses amères critiques, de
+supposer qu'à ses derniers moments ce prince pensait comme lui, ne
+craint pas de le faire s'accuser d'une faute de plus en mettant dans sa
+bouche cette phrase évidemment inventée par lui: «Ne m'imitez pas dans
+le goût que j'ai eu pour les bâtiments.» Il ajoute encore cette autre
+phrase que l'on ne trouve pas dans les paroles rapportées par Lefebvre,
+en parlant de Dieu: «Faites-le honorer par vos sujets.»
+
+En 1742, Bruzen de la Martinière, dans la continuation de l'_Histoire de
+Louis XIV_, commencée par Larrey, adopte la version de Saint-Simon, sauf
+la phrase: «Ne m'imitez pas dans le goût que j'ai eu pour les
+bâtiments,» qu'il supprime.
+
+Reboulet, dans son _Histoire de Louis XIV_, publiée en 1744, copie d'un
+bout à l'autre le _Journal historique_ de Lefebvre.
+
+Enfin, le père Daniel, en 1756, revient à la version de Saint-Simon,
+corrigée par la Martinière.
+
+Puis vient Voltaire! Voltaire historiographe de France, Voltaire
+écrivant le _Siècle de Louis XIV_, devait avoir une autre importance que
+ceux qui jusqu'alors avaient rapporté ces paroles. Il en sentait toute
+la gravité; il puisait aux sources les plus authentiques, et ce qu'il
+allait dire devait être la vérité. Aussi, voyez s'il est possible de
+douter de son récit! «Son successeur, dit-il, a toujours conservé
+écrites, au chevet de son lit, les paroles remarquables que ce monarque
+lui dit, en le tenant sur son lit entre ses bras: ces paroles ne sont
+point telles qu'elles sont rapportées dans toutes les histoires; les
+voici _fidèlement copiées_:--«Vous allez être bientôt roi d'un grand
+royaume. Ce que je vous recommande plus fortement est de n'oublier
+jamais les obligations que vous avez à Dieu. Souvenez-vous que vous lui
+devez tout ce que vous êtes. Tâchez de conserver la paix avec vos
+voisins. J'ai trop aimé la guerre; ne m'imitez pas en cela, _non plus
+que dans les trop grandes dépenses que j'ai faites_. Prenez conseil en
+toutes choses, et cherchez à connaître le meilleur pour le suivre
+toujours. Soulagez vos peuples le plus tôt que vous pourrez, et faites
+ce que j'ai eu le malheur de ne pouvoir faire moi-même, etc.»
+
+Voltaire avait raison, Louis XV a toujours conservé, écrites au chevet
+de son lit, les dernières paroles de Louis XIV; mais Voltaire ne disait
+plus vrai lorsqu'il ajoutait qu'il les donnait «_fidèlement copiées_;»
+car si rien n'est omis de ce qui y était écrit, tout est transposé,
+arrangé pour l'effet de la phrase, et n'a plus cet abandon qui donne
+tant de vérité à ces paroles que Louis XV pouvait lire tous les jours.
+Il y a mieux, si Voltaire, tout en arrangeant, n'a cependant rien
+retranché, il a au contraire ajouté. Ainsi, nous retrouvons encore ici
+la fameuse phrase de Saint-Simon sur les dépenses. C'est que Voltaire,
+comme Saint-Simon, critiquait les dépenses de Louis XIV[101], et que,
+comme lui, il tenait, par le repentir du prince, à montrer combien il
+avait raison.
+
+Jusqu'à ce jour, cependant, la version donnée par Voltaire était
+considérée comme la bonne, et presque tous ceux qui écrivirent sur Louis
+XIV depuis lui, ne firent que la copier.
+
+Le hasard nous fit trouver la minute d'après laquelle fut faite la copie
+placée dans la chambre à coucher du roi Louis XV; nous allons la
+transcrire, et l'on pourra juger ainsi quelles altérations on lui a fait
+subir.
+
+Lorsque Louis XIV fit venir le jeune Dauphin et prononça les paroles,
+que nous allons rapporter, l'un des secrétaires écrivait dans la chambre
+même tout ce que disait ce prince. Madame de Ventadour, gouvernante du
+Dauphin, frappée de la grandeur de cette scène, et persuadée que ces
+conseils du grand roi pouvaient avoir une heureuse influence sur la
+jeune imagination de son élève, voulut, en les plaçant constamment sous
+ses yeux, les graver dans sa mémoire. Elle envoya donc la minute qui lui
+fut remise par le secrétaire à Charles Gilbert, maître à écrire du
+Dauphin, et l'un des calligraphes les plus distingués de cette époque,
+avec ordre d'en faire immédiatement une copie sur vélin pour la placer
+au chevet du lit du jeune prince. Voici ces paroles telles qu'elles sont
+sur le manuscrit:
+
+«Mon cher enfant, vous allez estre le plus grand roy du monde. N'oubliez
+jamais les obligations que vous avez à Dieu. Ne m'imitez pas dans les
+guerres, taschez de maintenir tousjours la paix avec vos voisins, de
+soulager vostre peuple autant que vous pourrez, ce que j'ay eu le
+malheur de ne pouvoir faire par les nécessitez de l'Estat. Suivez
+tousjours les bons conseils, et songez bien que c'est à Dieu à qui vous
+devez tout ce que vous estes[102]. Je vous donne le père Letellier pour
+confesseur, suivez ses advis et ressouvenez-vous toujours des
+obligations que vous avez à madame de Ventadour[103].»
+
+Gilbert se mit aussitôt à la besogne. Une copie textuelle sur vélin,
+ornée de majuscules dorées, fut faite en quelques jours. Mais tandis
+qu'il s'empressait de se conformer aux désirs de la gouvernante, la
+mort, encore plus prompte, venait frapper le monarque. Louis XIV mort,
+tout changeait dans l'État. Le père Letellier, qui était resté auprès du
+roi jusqu'à son dernier moment, fut envoyé en exil par le régent. L'on
+ne pouvait donc laisser sous les yeux du jeune souverain la
+recommandation de son bisaïeul, de conserver ce jésuite pour son
+confesseur.
+
+Gilbert reçut alors l'ordre de faire une autre copie et de supprimer la
+phrase ayant rapport au confesseur, et c'est cette copie qui fut placée
+dans la chambre à coucher de Louis XV.
+
+La minute envoyée à Gilbert, la première copie sur vélin qu'il en avait
+faite, et deux autres aussi sur vélin avec la correction, furent
+précieusement conservées par lui et transmises à son petit-fils, P.-Ch.
+Gilbert, qui lui succéda dans sa charge de maître à écrire du Dauphin.
+Celui-ci la garda jusqu'à l'époque de sa mort, arrivée vers 1789, et
+c'est alors qu'elles passèrent entre les mains de son neveu, F.
+Dumesnil de Saint-Cyr, dernier maître à écrire du Dauphin (Louis XVII).
+C'est à la mort de M. de Saint-Cyr, survenue à Versailles en 1845, que
+l'une de ses héritières, mademoiselle Ducroset, nous montra ce curieux
+document historique au milieu des précieux manuscrits renfermés dans le
+cabinet de son oncle, et c'est entre les mains de cette demoiselle qu'il
+se trouve aujourd'hui.
+
+Les faits que nous venons de raconter ne laissent aucun doute sur
+l'authenticité de ce document, et fixent d'une manière positive la
+nature des paroles prononcées par Louis XIV mourant à l'héritier de sa
+couronne.
+
+
+
+
+VIII
+
+RELEVÉ DES DÉPENSES
+
+DE MADAME DE POMPADOUR
+
+DEPUIS LA PREMIÈRE ANNÉE DE SA FAVEUR JUSQU'A SA MORT.
+
+
+On sait que Jeanne-Antoinette Poisson, mariée fort jeune au sous-fermier
+général Lenormand d'Étiolles, ne tarda pas à devenir la maîtresse de
+Louis XV. La mère de madame d'Étiolles, ambitieuse et intrigante, avait
+toujours rêvé pour sa fille le rôle _honorable_ auquel elle venait de
+parvenir. Elle lui fit, en conséquence, donner une éducation brillante,
+et lui inspira surtout le goût des arts. Ce fut en 1745 qu'elle fut
+reconnue maîtresse en titre du roi et créée par lettres patentes
+marquise de Pompadour.
+
+C'est de cette année 1745 que date le manuscrit dont nous allons nous
+occuper. C'est un petit in-quarto sur papier gros et gris. Écrit en
+petit caractère et sans orthographe, il paraît être de la main de
+quelque employé de la maison de la marquise, et a été composé sur des
+notes dont un grand nombre ont été écrites par madame de Pompadour
+elle-même, ainsi qu'il est facile de le voir quand le copiste, ne se
+donnant pas la peine de changer ce qu'il a sous les yeux, parle à la
+première personne, comme dans cet article: _J'avais en vaisselle
+d'argent pour_, etc., et dans cet autre: _Gages de mes domestiques_,
+etc.--Il est recouvert d'une feuille de papier jaune sur laquelle est
+écrit: _Énorme dépense_. La première feuille porte ce titre: _État des
+dépenses faites pendant le règne de madame la marquise de Pompadour, à
+commencer le 9 septembre 1745 jusqu'au 15 d'avril 1764_.--C'est le jour
+où elle est morte.
+
+La première partie du manuscrit est consacrée aux dépenses des
+bâtiments. Madame de Pompadour aimait beaucoup les constructions.
+Non-seulement elle fit réparer à grands frais plusieurs propriétés
+qu'elle avait achetées, mais encore elle fit élever un assez grand
+nombre de maisons. Son jeune frère, Poisson, connu sous le nom de
+marquis de Marigny, qui fut directeur gérant des bâtiments du roi, la
+seconda dans ses vues. Il dirigea particulièrement la construction du
+charmant château de Bellevue, qui a depuis appartenu à Mesdames de
+France, et dont il ne reste plus de traces aujourd'hui.--Ce chapitre est
+intitulé: _État des sommes payées par ordre du roi par le sieur de
+Montmartel sur les travaux et bâtiments de Crécy, Bellevue et autres
+endroits, suivant les mandements visés par les sieurs de l'Assurance,
+d'Isle, et Maurenzel._
+
+_Crécy et Aunay._--Crécy était un fort joli château, faisant aujourd'hui
+partie du département d'Eure-et-Loir. Madame de Pompadour en fit
+l'acquisition, en 1748, pour la somme de 650,000 l. Elle acheta en même
+temps, 140,000 l., la terre d'Aunay, qui touche à Crécy. Les travaux
+qu'elle y fit faire, pendant les années 1748, 1749, 1750, 1751, 1752,
+1753, 1754, s'élevèrent à la somme de 3,288,403 l. 16 s. 6 d.
+
+_La Celle_ est une charmante propriété, à la porte de Versailles. Madame
+de Pompadour l'acheta 260,000 l., en 1749. Les sommes payées pour
+l'embellissement du château, pendant les années 1749 et 1751,
+s'élevèrent à 68,114 l. 15 s. 4 d.
+
+En 1749, Louis XV lui donna une portion du terrain du petit parc de
+Versailles, sur lequel elle fit construire une jolie habitation qu'elle
+appela son _Ermitage_. La construction de l'_Ermitage_ lui coûta 283,013
+l. 1 s. 5 d.
+
+Madame de Pompadour ne s'arrêtait pas dans son goût de construction
+qu'elle sut faire partager à Louis XV. Elle venait de créer un charmant
+bijou dans sa propriété de l'Ermitage, elle voulut construire un
+véritable château, avec son parc et ses jardins. Il existait sur la côte
+qui domine la Seine, entre Sèvres et Meudon, des terres qui
+appartenaient au roi; Louis XV les lui donna, et, grâce au goût de
+Marigny, l'on vit s'élever l'une des plus jolies habitations princières
+des environs de Paris. _Bellevue_, nom que méritait bien cette charmante
+maison, fut construite en 1750. Elle revint à 2,526,927 l. 10 s. 11 d.
+
+Outre ces propriétés, madame de Pompadour avait encore des habitations
+particulières dans les principales résidences royales. A Versailles, à
+Compiègne, à Fontainebleau et à Paris.
+
+A Versailles, le roi lui donna, en 1752, le terrain sur lequel se
+trouvait, sous Louis XIV, la Pompe ou Tour d'Eau, détruite en 1686. Elle
+y fit construire un hôtel qui lui revint à 210,844 l. 14 s. 10 d. C'est
+aujourd'hui l'_Hôtel des Réservoirs_ ou _restaurant Duboux_. On avait
+fait établir contre le mur du réservoir de l'Opéra un corridor qui
+permettait d'aller du château dans cet hôtel. Madame Duhausset en parle
+dans un endroit de ses Mémoires: «J'avais, dit-elle, un très-joli
+appartement à l'hôtel, où j'allais presque toujours à couvert, etc.»
+
+Dans son hôtel de Compiègne, elle dépensa, en 1751, 1752 et 1753, 30,242
+l. 7 s. 8 d.
+
+A Fontainebleau, elle fit construire, en 1753, à l'imitation de celui de
+Versailles, un ermitage qui lui revint à 216,382 l. 18 s. 8 d. Elle
+acheta à Paris l'hôtel d'Évreux, qu'elle paya 730,000 l., et y dépensa,
+en 1754, 95,169 l. 6 s.
+
+On trouve encore, au chapitre des dépenses des bâtiments, diverses
+sommes pour des institutions religieuses. Ainsi l'on voit, pour le
+couvent des ursulines de Poissy, dont sa tante du côté maternel madame
+Sainte-Perpétue était l'abbesse, une somme de 4,908 l. 15 s. 10 d., et
+pour les dames de l'Assomption de Paris, une autre somme de 32,069 l. 14
+s. Enfin l'on voit le marquisat de Pompadour y figurer pour 28,000 l.,
+dépensées en 1753.--Dans ce chapitre des bâtiments se trouvent les noms
+de tous les entrepreneurs et artistes qui ont été employés soit à
+construire, soit à embellir ces diverses maisons. Les artistes qui ont
+travaillé au château de Crécy et à Aunay sont: Rousseau, Verbeck et
+Pigalle, sculpteurs; à la Celle, Rousseau, sculpteur; à l'Ermitage, près
+Versailles, Rousseau et "Verbeck, sculpteurs, et Rysbrack, peintre de
+fleurs; à son hôtel de Versailles, Rousseau et Verbeck, sculpteurs, et
+Rysbrack, peintre; à Bellevue, Coustou, Rousseau, Maurisan, la veuve
+Chevalier, Verbeck, sculpteurs; Nelson, Gavau, Brunelly, Oudry,
+peintres; Janson, la veuve Cropel, dessinateurs; Martiniere, émailleur à
+l'hôtel d'Évreux, à Paris, Verbeck, sculpteur; à l'Ermitage de
+Fontainebleau, Verbeck.
+
+A la suite du chapitre des dépenses de bâtiments vient un journal
+commencé le 9 septembre 1745, et terminé en mars 1764, dans lequel est
+inscrit, mois par mois, ce que recevait madame de Pompadour pour ses
+dépenses ordinaires. L'on y voit que, pendant ces dix-neuf années, les
+recettes, pour ses dépenses ordinaires, ont été de 1,767,678 l. 8 s. 9
+d., et les dépenses de 977,207 l. 11 s. 6 d. Ce journal peut donner lieu
+à quelques curieuses observations. Madame de Pompadour touchait une
+pension qui lui était payée tous les mois, sans compter les sommes
+qu'elle recevait du roi comme cadeau, toujours pour sa dépense
+ordinaire. Cette pension était, la première année, de 2,400 l. par mois;
+en 1746, 1747, 1748 et 1749, les sommes données s'élèvent souvent
+jusqu'à 30,000 l. dans un mois; puis, dans les années suivantes, pendant
+lesquelles la passion du roi pour sa maîtresse s'était beaucoup
+affaiblie, l'on voit la pension se régulariser et se réduire presque
+constamment à 4,000 l. par mois. On remarque encore que, pendant les
+premières années, madame de Pompadour reçoit du roi des étrennes, qui
+disparaissent aussi dans les années suivantes: ainsi, en 1747, année du
+plus fort de la passion de Louis XV, elle reçoit 50,000 l. d'étrennes;
+en 1749, elle n'en reçoit plus que 24,000 l., et depuis 1750, on ne les
+voit plus figurer dans les comptes.
+
+Les sommes qu'elle recevait du roi étant moins fortes et ses dépenses
+habituelles étant toujours fort considérables, il fallait trouver
+d'autres ressources. C'est dans le jeu et dans la vente de ses bijoux
+que madame de Pompadour trouve le moyen d'équilibrer les recettes avec
+les dépenses. Ainsi on la voit gagner au jeu à Marly, le 15 mai 1752,
+9,120 l., et le 31 du même mois, 28,000 l.--En 1760, elle vend des
+_bracelets de perles_ 12,960 l.--En 1761, elle vend encore des bijoux
+pour 9,000 l.; en 1762, sa vente de bijoux et le gain du jeu lui
+rapportent 20,489 l.
+
+Ce journal est terminé par une récapitulation, dans laquelle les
+recettes et leur emploi sont comparés année par année, et qui montre,
+comme je l'ai indiqué en donnant le chiffre des recettes et des
+dépenses, que madame de Pompadour savait très-bien dépenser tous les ans
+ce qui lui était donné, et ne faisait aucune économie.
+
+A la suite de ce journal se trouve une sorte de dénombrement des
+richesses de madame de Pompadour et des dépenses autres que celles des
+bâtiments. C'est particulièrement à cette partie que s'applique la
+remarque faite plus haut, sur la manière dont l'auteur du manuscrit fait
+souvent parler madame de Pompadour elle-même. Tous les articles de cette
+partie sont curieux et méritent d'être cités:
+
+
+_État de mes effets en général._
+
+ Livres.
+
+ 1. J'avais en vaisselle d'argent, pour 537,600
+
+ 2. Plus, en vaisselle d'or ou en collifichets 150,000
+
+ 3. Elle a dépensé pour ses menus plaisirs
+ et en se satisfaisant 1,338,867
+
+ 4. Pour sa bouche, pendant les dix-neuf
+ années de son _règne_ 3,504,800
+
+ 5. Pour les voyages du roi, extraordinaires,
+ comédies, opéras, faits et donnés en
+ différentes maisons 4,005,900
+
+ 6. Gages pour mes domestiques, dix-neuf
+ années 1,168,886
+
+ 7. Pensions que j'ai toujours faites, _jusqu'à
+ ma mort_ (sic) 229,236
+
+ 8. Ma cassette, contenant quatre-vingt-dix-huit
+ boîtes d'or, évaluées l'une dans
+ l'autre à 3,000 livres 294,000
+
+ 9. Une autre cassette contenant tous mes
+ diamants 1,783,000
+
+ 10. Une superbe collection de pierres gravées
+ chez moi par le sieur le Guay,
+ donnée au roi, estimée 400,000
+
+Madame de Pompadour, qui dessinait fort bien, grava elle-même _une suite
+de soixante-trois estampes_, d'après ces pierres. Ces gravures ont été
+publiées et forment un petit in-folio, fort rare, dont il n'avait été
+tiré qu'un très-petit nombre d'exemplaires pour faire des présents: en
+1782, il en parut une autre édition in-quarto, qui est moins recherchée.
+Ce fut à l'occasion de son talent pour le dessin que Voltaire, l'ayant
+un jour surprise dessinant une tête, improvisa ce madrigal:
+
+ Pompadour, ton crayon divin
+ Devrait dessiner ton visage;
+ Jamais une plus belle main
+ N'aurait fait un plus bel ouvrage.
+
+ 11. En différents morceaux de vieux laque 111,945
+
+ 12. En porcelaine ancienne 150,000
+
+ 13. Achat de pierres fines pour compléter la
+ collection 60,000
+
+ 14. Linge pour draps et table, pour Crécy 600,452
+
+ 15. Plus, pour mes autres maisons 400,325
+
+ 16. Ma garde-robe, tout compris 350,235
+
+ 17. Ma batterie de cuisine pour toutes mes
+ maisons 66,172
+
+ 18. Ma bibliothèque, y compris nombre de
+ manuscrits[104] 12,500
+
+ 19. Donné aux dames qui m'ont toujours accompagnée,
+ pour présent, en variant les
+ effets 460,000
+
+ 20. Donné aux pauvres pendant tout mon règne 150,000
+
+ 21. En générosités aux concierges, en robes,
+ vestes, étoffes, ainsi qu'au cabinet du roi 100,000
+
+ 22. Pour les affaires de mon père, M. de Machault
+ les régla à la somme de 400,000
+
+Le père de madame de Pompadour, François Poisson, avait eu dans
+l'administration des vivres un emploi fructueux. Accusé de gestion
+infidèle, il fut forcé de se soustraire aux poursuites du gouvernement.
+On voit, par cet article, que dans sa fortune elle n'oublia point de
+faire payer les dettes de son père. Jusqu'ici tous les biographes
+avaient bien dit que l'affaire de François Poisson avait été oubliée,
+grâce au crédit de sa fille; mais ce qu'on ignorait, c'est que c'était
+en satisfaisant ses créanciers:
+
+ Livres.
+
+ 23. En tableaux et autres fantaisies 60,000
+
+ 24. La dépense de la bougie, pendant dix-neuf
+ ans 660,000
+
+ 25. La dépense des fallots et chandelles 150,000
+
+ 26. En belles juments, voitures, chaises à
+ porteurs, chevaux de selle, quoi qu'en
+ ait dit _le Gazetier d'Utrecht_, en tout 1,800,000
+
+Nous ne savons ce qu'a pu dire le _Gazetier d'Utrecht_ à l'occasion des
+chevaux de madame de Pompadour, car nous avons inutilement cherché ce
+qui pouvait avoir trait à cette question dans la collection de cette
+gazette que possède la bibliothèque de Versailles. Ce qu'il y a de
+certain, c'est que madame de Pompadour aimait beaucoup les chevaux;
+qu'elle fit acheter de fort beaux étalons dans plusieurs pays, et les
+réunit dans sa terre de Pompadour, où elle fonda le superbe haras qui
+existe aujourd'hui, et qu'en 1763 M. de Choiseul fit transformer en
+haras royal:
+
+ Livres.
+
+ 27. Fourrages, fourniture de mes chevaux
+ pendant dix-neuf années 1,300,000
+
+ (Cette somme montre que madame
+ de Pompadour devait avoir, en effet,
+ un assez grand nombre de chevaux.)
+
+ 28. Pour toute ma livrée, dans toutes mes
+ maisons 250,000
+
+ 29. Pour achat de Crécy 650,000
+
+ 30. Achat de la Celle 260,000
+
+ 31. Achat d'Aunay 140,000
+
+ 32. Achat de la baronnie de Tréon 80,000
+
+ (Tréon est auprès de la terre de Crécy.)
+
+ 33. Achat de Magenville 25,000
+
+ 34. Achat de Saint-Remy 24,000
+
+ 35. Achat d'Ovillé, à moitié chemin d'Orléans 11,000
+
+ 36. Achat de l'hôtel d'Évreux, à Paris 650,000
+
+ 37. Achat du terrain à côté dudit hôtel 80,000
+
+ 38. Dépensé à Champs, pendant l'espace de
+ trois ans 200,000
+
+ (Champs est un village du département
+ de Seine-et-Marne, dans lequel
+ se trouvait une fort jolie habitation.)
+
+ 39. Dépensé à Saint-Ouen pendant l'espace
+ de cinq ans, sans faire les réparations
+ constatées par la maison de Gesvres. 500,000
+
+Saint-Ouen ne paraît pas avoir appartenu à madame de Pompadour, mais
+elle en avait la jouissance; et, comme on le voit par cet article, elle
+y fit faire des embellissements qu'elle paya de ses propres fonds.
+
+Dans cette nomenclature des richesses de madame de Pompadour, l'auteur
+du manuscrit ne dit rien du château de Ménars, qui appartenait aussi à
+la marquise; on trouve seulement dans le journal de ses dépenses, en
+marge de l'année 1760: _Achat de Ménars_. Cette propriété paraît avoir
+été payée par elle sur ses revenus annuels et par petites sommes, car on
+trouve indiquées dans les années 1760, 1761, 1762, 1763, un assez grand
+nombre de sommes, sous le titre: _Gratification pour Ménars_.
+
+Enfin, cette partie se termine par un dernier article, intitulé:
+
+ 40. Médailles d'or et d'argent. 400,000 liv.
+
+Puis, à la suite, l'auteur ajoute quelques réflexions assez curieuses:
+
+«D'après toutes ces dépenses énormes, dit-il, voici un fait que personne
+ne voudra croire, qui est qu'à sa mort l'on n'ait trouvé à cette femme
+que 37 louis d'or dans sa table à écrire, qu'elle avait destinés pour
+les pauvres.»
+
+«Autre fait incroyable, ajoute-t-il, lâché par Collin[105], c'est que
+pendant sa maladie il fut obligé d'emprunter 70,000 l. pour faire face à
+la dépense. Ce fait détruit entièrement l'imposture, qui est qu'on a
+prétendu qu'elle avait dans toutes les banques de l'Europe, et elle se
+trouve devoir après sa mort la somme de 1,700,000 l.»
+
+Vient ensuite l'énumération de tous les gens attachés à madame de
+Pompadour, tant à Versailles que dans toutes ses maisons particulières,
+avec leurs appointements. On remarque parmi tous ces noms:
+
+ Livres.
+
+ Nesme, premier intendant. 8,000
+
+ Collin, chargé des domestiques, et lui servant
+ de secrétaire. 6,000
+
+ Le médecin Quesnay, entretenu de tout. 3,000
+
+ La Duhausset, femme de chambre. 150
+
+ La Couraget, id. 150
+
+ La Neveu, id. 150
+
+On sait que madame Duhausset a écrit des _Mémoires_ qui donnent des
+détails fort curieux sur la vie intime de madame de Pompadour. L'une des
+deux autres femmes de chambre était femme de condition, mais elle prit
+un nom emprunté, que madame Duhausset elle-même ne connut jamais bien.
+Celle-ci seule ne changea point de nom, quoique au service de la
+maîtresse du roi.
+
+L'on y voit aussi figurer deux nègres, à raison de 1,800 l.
+
+Puis une série de gens attachés à la cuisine, à la garde-robe; la livrée
+et les employés des différentes maisons, concierges, portiers,
+jardiniers, etc., et trois aumôniers: un à Versailles, un à
+Fontainebleau et un à Compiègne.
+
+Après l'énumération des gens attachés à son service, se trouve l'état
+des pensions que faisait madame de Pompadour. On voit avec plaisir dans
+ce chapitre qu'une partie des sommes considérables qu'elle touchait
+était employée en bonnes oeuvres.
+
+La première pension sur cette liste et la plus curieuse est celle faite
+à madame Lebon pour lui avoir prédit à l'âge de neuf ans qu'elle serait
+un jour la maîtresse de Louis XV, 600 l. Cette prédiction, dont ne
+parlent pas les biographes, et dont, on le voit, madame de Pompadour
+s'est toujours souvenue, a dû avoir une grande influence sur sa
+destinée, et a été probablement l'une des causes qui poussa sa mère à
+chercher par tous les moyens à mettre Louis XV en rapport avec la jeune
+et jolie madame d'Étiolles. La reconnaissance que madame de Pompadour
+conserva pour madame Lebon fut sans doute la raison qui lui fit toujours
+avoir un faible pour les sorcières et les sorciers. Madame Duhausset
+raconte dans ses Mémoires une histoire qui le prouve bien:
+
+«Un an ou quinze mois avant la disgrâce de l'abbé de Bernis, dit-elle,
+Madame[106] étant à Fontainebleau, elle se mit devant un petit
+secrétaire pour écrire; il y avait au-dessus un portrait du roi. En
+fermant le secrétaire, après avoir écrit, le portrait tomba et frappa
+assez fortement sa tête. Les personnes qui en furent témoins
+s'alarmèrent, et on envoya chercher M. Quesnay. Il se fit expliquer la
+chose, et ordonna des calmants et une saignée. Comme elle venait d'être
+faite, entre madame de Brancas, qui vit du trouble, du mouvement, et
+Madame sur sa chaise longue. Elle demanda ce que c'était, et on le lui
+dit. Après avoir témoigné à Madame ses regrets et l'avoir rassurée, elle
+lui dit: «Je demande en grâce à Madame et au roi, qui venait d'entrer,
+d'envoyer aussitôt un courrier à M. l'abbé de Bernis, et que madame la
+marquise veuille bien lui écrire une lettre dans laquelle, sans autre
+détail, elle lui demandera de lui marquer ce que lui a dit sa sorcière,
+et qu'il ne craigne pas de l'inquiéter.» La chose fut faite, et ensuite
+madame de Brancas dit que _la Bontemps_ lui avait prédit dans du marc de
+café, où elle voyait tout, que la tête de sa meilleure amie était
+menacée, mais qu'il n'en arriverait rien de fâcheux. Le lendemain,
+l'abbé écrivit que madame Bontemps lui avait dit aussi: «Vous étiez
+presque noir en venant au monde,» et que cela était vrai, et qu'on a
+attribué cette couleur, qui avait duré quelque temps, à un tableau qui
+était devant le lit de sa mère, et qu'elle regardait souvent ce tableau,
+qui représentait Cléopâtre se tuant au moyen d'une piqûre d'aspic, que
+lui apportait un Maure dans des fleurs. Il dit encore qu'elle lui avait
+dit: «Vous avez bien de l'argent avec vous, mais il ne vous appartient
+pas;» qu'effectivement il avait deux cents louis pour remettre au duc de
+la Vallière. Enfin il marquait que, regardant dans la tasse, elle avait
+dit: «Je vois une de vos amies, la meilleure, une grande dame, menacée
+d'un accident.» Qu'il devait avouer, malgré sa philosophie, qu'il avait
+pâli; qu'elle s'en était aperçue, avait regardé de nouveau, et avait
+dit: «Sa tête sera un peu menacée, mais il n'y paraîtra pas une
+demi-heure après.» Il n'y avait pas moyen de douter du fait, et il parut
+fort étonnant au roi, qui fit prendre des informations sur la sorcière,
+mais que Madame empêcha d'être poursuivie par la police. Elle protégea
+aussi le fameux _comte de Saint-Germain_, qui prétendait avoir plus de
+deux mille ans, blanchissait les diamants, faisait grossir les perles,
+était enfin un véritable sorcier, et que, malgré tout ce charlatanisme,
+le roi voyait chez madame de Pompadour par amour pour elle.»
+
+La liste des pensions contient ensuite:
+
+ Livres.
+
+ A madame Sainte-Perpétue, sa tante du côté
+ maternel. 3,000
+
+ (Elle était supérieure des ursulines de
+ Poissy.)
+
+ A mademoiselle Clergé, ancienne femme de
+ chambre de sa mère. 600
+
+ Aux capucines de Paris. 720
+
+ (C'est dans l'église de ce couvent qu'elle
+ fut inhumée.)
+
+ Aux filles de l'Ave-Maria. 240
+
+ A madame Becker, religieuse de Saint-Joseph. 240
+
+ A la dame Plantier, nourrice de sa fille. 200
+
+ A la dame Pin, son ancienne fille de garde-robe. 50
+
+ A Dablon, son père nourricier. 300
+
+Madame de Pompadour eut une fille de M. d'Étiolles; elle se nommait
+Alexandrine. Il paraît que sa figure était charmante et pleine de feu.
+Sa mère rêvait pour elle les plus brillantes alliances, lorsqu'elle
+mourut à quatorze ans, de la petite vérole, dans le couvent de
+l'Assomption, où elle était élevée. On voit par ces pensions que madame
+de Pompadour n'oubliait pas ceux qui avaient approché sa fille, et cela
+explique aussi pourquoi elle protégea toujours ce couvent de
+l'Assomption, et y fit faire des embellissements dont nous avons vu le
+chiffre au chapitre des bâtiments.
+
+ Livres.
+
+ Au fils de sa première femme de chambre. 212
+
+ (Celle qui la servait sous un nom supposé.)
+
+ Au fils de Douy. 300
+
+ Au fils de madame Duhausset, seconde femme
+ de chambre. 400
+
+ Pour le petit Beaulieu, gentilhomme. 150
+
+ Pour le petit Capon, gentilhomme. 300
+
+ Pour la fille Manoyé. 380
+
+ Pour mademoiselle Guillier. 300
+
+ Pour mademoiselle de Pontavici. 250
+
+ Pour madame la baronne de Rhone, âgée de
+ quatre-vingt-dix ans. 3,000
+
+ Pour mesdemoiselles de Farges. 2,000
+
+ Pour la petite nymphe de Compiègne. 400
+
+ Pour le petit Jean-Simon. 300
+
+ (Elle faisait distribuer dans les greniers de
+ Versailles, par son homme de confiance, tous
+ les ans, 12 à 13 mille livres.) 12,000
+
+ Au petit Sans-Bras. 144
+
+ A un pauvre boiteux. 36
+
+ A madame Questier. 72
+
+ A madame de Gosmond, pour être religieuse. 1,800
+
+ A mademoiselle Dulaurent, pour être religieuse. 1,800
+
+ A mademoiselle Duhausset. 400
+
+ A mademoiselle de Longpré, sa parente. 600
+
+ A madame de la Croix. 300
+
+ A madame Trusson, pour remettre à quelqu'un
+ à Paris. 240
+
+Puis vient une longue liste des maisons religieuses auxquelles madame de
+Pompadour accordait des secours; ces maisons sont au nombre de cinquante
+et une.
+
+
+ Elle leur donnait tous les ans dans le carême. 600
+
+ A tous les curés de ses maisons. 1,452
+
+ Aux deux curés de Versailles, à chacun 10 louis. 480
+
+ Au curé de Fontainebleau. 120
+
+ Au curé de Choisy. 120
+
+ Aux soeurs grises de Choisy. 120
+
+ Aux soeurs grises de Fontainebleau. 120
+
+ A tous les curés de Compiègne. 600
+
+ A toutes les maisons religieuses de Compiègne. 1,200
+
+ A un pauvre abbé de Compiègne, aux carmélites. 48
+
+ A madame de Villars, pour ses pauvres, tous
+ les ans. 1,200
+
+ Aux frères de la forêt de Sénart. 46
+
+ A la bouquetière du château de Versailles, suivant
+ la cour. 120
+
+ La fondation d'une grand'messe aux carmélites
+ de Compiègne. 600
+
+ Le jour de l'an, à tous les officiers des petits
+ appartements du roi, et garçons du château,
+ à chacun une très-belle veste. 1,000
+
+ A tous les autres domestiques du roi, suisses
+ des appartements grands et petits, valets de
+ pied, frotteurs, cochers, postillons et palefreniers
+ du roi, et tous les métiers travaillant
+ au château. 1,200
+
+ A la naissance de Mgr le duc de Bourgogne, elle
+ donna 3,000 livres à distribuer aux pauvres
+ de Versailles. 3,000
+
+ Ainsi qu'aux autres naissances, trois autres fois. 9,000
+
+ Elle fit donner aux pauvres de la Trappe, en
+ deux fois. 15,000
+
+ Elle fit à Crécy, en deux fois, quarante-deux
+ mariages, à l'occasion de la naissance des
+ princes. Elle dota mari et femme à raison de
+ 300 livres et 200 livres pour les habits. 21,000
+
+Telle est la liste de ses dons.
+
+Le manuscrit est enfin terminé par une récapitulation des sommes
+dépensées par madame de Pompadour pendant les dix-neuf années de sa
+faveur.--Le total général est de 36,924,140 l. 8 s. 9 d.
+
+Voilà, sur sa déclaration, le relevé de ce que madame de Pompadour a
+coûté à la France.
+
+
+
+
+IX
+
+LE PARC AUX CERFS SOUS LOUIS XV.
+
+1755-1771.
+
+
+Il n'est aucun fait historique qui ait rendu plus odieux le nom de Louis
+XV, et qui, d'un autre côté, ait donné lieu à plus de divagation parmi
+les écrivains, que _le mystérieux établissement du Parc aux Cerfs_. Les
+historiens les mieux renseignés ne savent où il était placé. Les uns, se
+fondant sur son nom, en font une ancienne habitation de chasse de Louis
+XIII transformée en une sorte de petit palais entouré de jardins et de
+bois. D'autres le confondent avec l'Ermitage de madame de Pompadour;
+personne en un mot, jusqu'à ce jour, n'a pu dire d'une manière positive
+où il était placé. Depuis fort longtemps, nous cherchions à découvrir
+cette énigme historique, et tous nos efforts avaient été inutiles. Il y
+a peu de temps qu'en parcourant les Mémoires de madame Campan, nous
+fûmes frappé d'une anecdote sur Louis XV, à laquelle nous avions fait
+jusqu'alors peu d'attention. La voici:
+
+«Louis XV, dit madame Campan, avait, comme on le sait, adopté le système
+bizarre de séparer Louis de Bourbon du roi de France. Comme homme privé,
+il avait sa fortune personnelle, ses intérêts de finance à part.
+
+»Louis XV traitait comme particulier dans toutes les affaires ou les
+marchés qu'il faisait; il avait _acheté au Parc aux Cerfs, à Versailles,
+une jolie maison_ où il logeait une de ces maîtresses obscures que
+l'indulgence ou la politique de madame de Pompadour avait tolérées pour
+ne pas perdre ses droits de maîtresse en titre. Ayant réformé cet usage,
+le roi voulut vendre sa petite maison. Sévin, premier commis de la
+guerre, se présenta pour l'acheter; le notaire qui était chargé de cette
+commission en rendit compte au roi. Le contrat de vente fut passé entre
+Louis de Bourbon et Pierre Sévin, et le roi lui fit dire de lui apporter
+lui-même la somme en or. Le premier commis réunit 40,000 francs en
+louis, et, introduit par le notaire dans les cabinets intérieurs du roi,
+il lui remit la valeur de sa maison.»
+
+Ces renseignements donnés par madame Campan, quoique bien incomplets,
+puisqu'elle ne donne ni la rue, ni l'époque de la vente et de l'achat,
+ni le nom du notaire, étaient cependant une précieuse indication, s'ils
+se trouvaient exacts, car ils venaient confirmer l'établissement de la
+petite maison du roi dans le Parc aux Cerfs et donnaient, en outre, le
+nom de la personne à laquelle cette maison avait été vendue, lorsque,
+par suite d'autres habitudes, elle devint inutile à Louis XV.
+
+Nous résolûmes alors de faire de nouvelles recherches, et nous sommes
+parvenu, non sans peine, à découvrir cette mystérieuse habitation du
+Parc aux Cerfs. Mais, avant tout, rappelons ici ce qu'on entendait par
+ce nom de _Parc aux Cerfs_.
+
+Quand Louis XIII acheta la seigneurie de Versailles et y fit construire
+un petit château, c'était surtout pour être plus facilement au milieu
+des bois dont ce lieu était entouré et pour s'y livrer au plaisir de la
+chasse, qu'il aimait passionnément. Aussi l'un de ses premiers soins fut
+de faire élever près de son habitation les animaux pouvant servir à ses
+plaisirs. C'est pour cela qu'il choisit, dans les bois qui couvraient
+alors le sol de la ville, un emplacement dans lequel il pût réunir et
+faire élever des cerfs, des daims, et d'autres bêtes fauves. Il le fit
+entourer de murs, y fit construire quelques habitations de gardes, et ce
+lieu reçut le nom de _Parc aux Cerfs_.
+
+Le Parc aux Cerfs comprenait tout l'espace situé entre la rue de Satory,
+la rue des Rossignols et la rue Saint-Martin. Ce Parc aux Cerfs fut
+d'abord conservé par Louis XIV, et la ville se composa du vieux
+Versailles et de la ville neuve, ne formant qu'une seule paroisse, celle
+de Notre-Dame.
+
+Quelques années après son séjour à Versailles, vers 1694, Louis XIV,
+voyant les habitations s'élever avec rapidité dans la ville qu'il venait
+de créer, songea à son agrandissement. Le Parc aux Cerfs fut alors
+sacrifié. Louis XIV fit abattre les murs, arracher les arbres, détruire
+les maisons des gardes, niveler le sol, et l'on y traça des rues et des
+places. Des terrains furent donnés, surtout à des gens de la maison du
+roi, mais l'on n'y vit cependant s'élever sous son règne que quelques
+rares habitations. Louis XIV mort, Versailles resta pendant quelques
+années comme une ville abandonnée. Aucune construction ne s'y fit. Mais
+lorsque Louis XV y eut de nouveau fixé son séjour, et que la cour y fut
+revenue, on vit affluer de toutes parts de nouveaux habitants. Leur
+nombre, qui, à la mort de Louis XIV, était de vingt-quatre mille, fut
+presque doublé dans les quinze premières années du règne de son
+successeur. Les maisons se construisirent de tous côtés dans le quartier
+du _Parc aux Cerfs_, et les habitants de ce quartier furent si nombreux
+que l'on sentit la nécessité de diviser la ville en deux parties égales
+et de créer une nouvelle paroisse formant aujourd'hui le quartier ou la
+paroisse Saint-Louis.
+
+Revenons maintenant à la petite maison de Louis XV.
+
+Nous n'avions pour nous diriger dans nos recherches que le nom de
+_Sévin_. Mais dans quel endroit du _Parc aux Cerfs_ était placée cette
+maison achetée au roi par Sévin?
+
+Nous savions que les archives du bailliage de Versailles étaient
+déposées au palais de justice de cette ville, et que ces archives
+contenaient les rôles de la répartition des sommes dues chaque année par
+les propriétaires des maisons de Versailles pour les boues et lanternes,
+depuis l'année 1664 jusqu'en 1788. Le dépouillement assez fastidieux de
+tous les noms des propriétaires du quartier du Parc aux Cerfs nous fit
+enfin rencontrer, comme propriétaire d'une maison située rue
+Saint-Médéric, en 1772, le nom de _Sévin_. La place qu'elle occupait
+dans le rôle nous indiquait que ce devait être ou la maison nº 2, ou
+celle nº 4.--Mais était-ce bien celle ayant appartenu à Louis XV et
+indiquée par madame Campan? Rien ne nous le prouvait, car sur ces rôles
+nous trouvions immédiatement comme propriétaire avant _Sévin_ le nom de
+_Vallet_.
+
+En cherchant dans les titres actuels de propriété de la maison nº 4,
+nous avons trouvé qu'elle appartenait effectivement à Sévin, et qu'elle
+fut vendue par ses héritiers, après la Révolution, aux criées du
+tribunal civil. Ces titres, ne remontant point au delà, nous laissaient
+toujours dans l'obscurité sur les noms des propriétaires antérieurs à
+_Sévin_.
+
+ * * * * *
+
+Nous nous adressâmes alors aux possesseurs des maisons nos 2 et 4,
+qui nous permirent gracieusement de rechercher dans tous les papiers
+antérieurs ce que nous pourrions trouver chez les notaires touchant
+cette intéressante question. Voici maintenant le résultat de ces
+recherches:
+
+Quand Louis XIV eut décidé de faire un nouveau quartier dans l'ancien
+Parc aux Cerfs, les terrains furent donnés en propriété à divers
+particuliers et surtout aux personnes appartenant à la maison du roi.
+C'est ainsi que le roi fit don de l'emplacement occupé aujourd'hui par
+les nos 2 et 4 de la rue Saint-Médéric à Jacques _Desnoues_, maître
+d'hôtel et l'un de ses valets de chambre. Le 18 juin 1712, _Desnoues_
+vend à _J.-B. Pizet, écuyer de la Maison-Fort_, le jardin et la _maison_
+qu'il y avait fait construire. Le 27 septembre 1718, nouvelle vente de
+cette propriété faite par _J.-B. Pizet_ au profit de _Jean-Michel
+Crémer_, bourgeois de Versailles. A cette époque, le jardin n'était
+point enclos de murs. En 1734, _Crémer_ fait construire les murs, ferme
+les rues des Tournelles et Saint-Médéric et fait ainsi deux impasses.
+Ces impasses portent sur les rôles de répartition des boues et lanternes
+les noms de culs-de-sac Saint-Médéric et des Tournelles.
+
+_Crémer_ meurt en 1740. Par suite, la propriété est partagée en deux; la
+maison et la moitié du jardin échoient en partage à _Jean-Michel-Denis
+Crémer_, son fils, et l'autre moitié appartient à la _veuve Crémer_.
+Elle fait à son tour bâtir sur sa portion une maison à peu près
+semblable à l'autre formant aujourd'hui le nº 2 de la rue Saint-Médéric.
+
+Tel était l'état des lieux, lorsqu'en 1755 les agents secrets des
+honteuses passions de Louis XV cherchent au roi une petite maison, de
+façon à éviter la publicité dans ses rendez-vous de galanterie. Quelle
+maison pouvait mieux convenir que celle de _Crémer_? Placée dans un
+quartier retiré, au fond d'une impasse, n'ayant de voisins que la maison
+construite par la veuve Crémer, dont toutes les fenêtres regardaient sur
+la rue des Tournelles et n'avaient point de vue sur celle du fils, tout
+enfin la désignait à leur choix. Ils proposent son acquisition au roi,
+et l'argent est aussitôt donné. Il restait un dernier embarras: si le
+roi lui-même ou ses agents bien connus traitent directement de l'achat
+de cette maison, il n'y a plus de secret possible, et sa destination
+sera bientôt découverte. On charge alors un tiers inconnu de cet achat.
+Un huissier au Châtelet de Paris, nommé _Vallet_, traite directement
+avec Crémer, et la maison est achetée en son nom. De là l'obscurité qui
+a si longtemps régné sur l'emplacement de ce triste séjour. Qui aurait
+pu penser que sous ce nom de _Vallet_, de cet huissier, que les rôles
+des impôts de Versailles portent comme propriétaire de cette maison, se
+cachait le nom du roi de France[107]?
+
+Crémer croyait avoir vendu à Vallet; mais celui-ci, aussitôt
+l'acquisition terminée, se présente seul devant notaires et fait la
+déclaration suivante:
+
+«Aujourd'hui est comparu par-devant les conseillers du roi, notaires au
+Châtelet de Paris, soussignés, sieur François Vallet, huissier-priseur
+audit Châtelet de Paris, y demeurant, rue des Déchargeurs, paroisse
+Saint-Germain l'Auxerrois, lequel a déclaré ne rien avoir ni prétendre
+en l'acquisition qui vient d'être faite sous son nom, de
+Jean-Michel-Denis Crémer et sa femme, d'une maison située à Versailles,
+rue Saint-Médéric, paroisse Saint-Louis, avec ses dépendances, par
+contrat passé devant les notaires soussignés, dont Me Patu, l'un
+d'eux, à la minute, cejourd'hui; mais que cette acquisition _est pour et
+au profit du roi, le prix en ayant été payé des deniers de Sa Majesté à
+lui fournis à cet effet_; c'est pourquoi il fait cette déclaration,
+_consentant que Sa Majesté jouisse, fasse et dispose de ladite maison en
+toute propriété, sans que le payement, qui sera fait sous le nom du
+comparant, des droits de lots et ventes et centième denier, le décret
+volontaire, qui sera fait et adjugé, et la jouissance et perception des
+loyers, qui pourra être faite aussi sous son nom, puissent affaiblir la
+propriété acquise à Sa Majesté de ladite maison et dépendances_,
+déclarant que l'expédition dudit contrat d'acquisition et les titres
+énoncés en icelui ont été par lui remis entre les mains du chargé des
+ordres de Sa Majesté, ce qui a été accepté pour Sa Majesté par les
+notaires soussignés, etc.
+
+»Fait et passé à Paris, l'an 1755, le 25 novembre, et a signé:
+
+»VALLET.--PATU, BROCHANT.»
+
+Ainsi il n'y a plus de doute, c'est bien là la petite maison du Parc aux
+Cerfs, si longtemps ignorée. Voilà le lieu où, depuis l'année 1755
+jusqu'en 1771, furent successivement installées les jeunes filles que
+les infâmes fournisseurs des plaisirs du roi offraient aux sens blasés
+de Louis XV.
+
+L'ignorance où l'on était généralement sur cette maison, sa grandeur et
+son arrangement, le nom de Parc aux Cerfs toujours donné à cette
+habitation, tandis que c'était celui du quartier où elle était située,
+lui ont fait attribuer beaucoup plus d'importance qu'elle n'en avait
+réellement et sont la cause des exagérations dans lesquelles sont tombés
+à ce sujet plusieurs historiens.
+
+«La tradition et le témoignage de plusieurs personnes attachées à la
+cour, dit Lacretelle, ne confirment que trop les récits consignés dans
+une foule de libelles relativement au Parc aux Cerfs. On prétend que le
+roi y faisait élever des jeunes filles de neuf ou dix ans. _Le nombre de
+celles qui y furent conduites fut immense._ Elles étaient dotées,
+mariées à des hommes vils ou crédules.
+
+«Les dépenses du Parc aux Cerfs se payaient avec des acquits au
+comptant. Il est difficile de les évaluer; mais il ne peut y avoir
+aucune exagération à affirmer qu'elles coûtèrent _plus de cent millions
+à l'État_. Dans quelques libelles, on les porte jusqu'à un milliard.»
+
+Nous ne voulons diminuer en rien l'odieux de la conduite de Louis XV, et
+nous pensons aussi que l'entretien de ces jeunes filles, les rentes
+qu'on leur donnait lorsque le roi en était dégoûté, et celles que l'on
+faisait à leurs enfants lorsqu'elles en avaient, ont dû coûter des
+sommes assez considérables. Mais la connaissance exacte de la maison du
+Parc aux Cerfs ne permet pas d'admettre toutes ces exagérations.
+
+La maison était petite et à peu près comme celle du nº 2, puisque le
+jardin était derrière et sur le côté. Il était impossible que dans une
+si petite maison il séjournât plus d'une demoiselle à la fois, avec la
+dame chargée de la garder[108] et le domestique nécessaire pour les
+servir. Il faut bien admettre encore que les jeunes filles qui furent
+conduites dans ce lieu y demeurèrent au moins une année, puisque la
+plupart n'en sortaient que pour devenir mères! Eh bien, si le roi ne
+garda cette maison que depuis 1755 jusqu'en 1771, comme nous allons le
+voir, c'est-à-dire seize ans, on ne peut dire _que le nombre de celles
+qui y furent conduites fut immense_, et il faut nécessairement un peu
+rabattre _du milliard et même des centaines de millions_ que coûtèrent
+les dépenses du Parc aux Cerfs[109].
+
+Madame de Pompadour, voulant donner à Louis XV des maîtresses dont elle
+n'eût rien à redouter pour son pouvoir, protégea ce commerce du roi avec
+des jeunes filles, mais il cessa entièrement lorsque madame du Barry
+eut su concentrer sur elle seule toute la passion du vieux roi débauché.
+La petite maison du Parc aux Cerfs n'ayant plus alors aucun but
+d'utilité, Louis XV, qui l'avait achetée de ses deniers, la vendit afin
+de faire rentrer cet argent dans sa cassette particulière.
+
+Pour cette vente, Louis XV n'avait plus besoin de se cacher sous un faux
+nom comme pour l'achat, et, malgré l'assertion de madame Campan, ce
+n'est pas comme _Louis de Bourbon_, mais bien comme _roi de France_
+qu'il vendit l'ancienne habitation de ses innocentes victimes à J.-B.
+Sévin.
+
+Voici ce contrat de vente:
+
+«Vente par le roi, notre sire, à M. J.-B. Sévin, 27 mai 1771.
+
+»Par-devant les notaires au bailliage royal de Versailles, soussignés,
+fut présent très-haut, très-puissant et très-excellent prince Louis, par
+la grâce de Dieu roi de France et de Navarre; lequel a, par ces
+présentes, vendu et abandonné pour toujours et promet garantir de tous
+troubles à sieur Jean-Baptiste Sévin, huissier de la chambre de madame
+Victoire de France et commis principal de l'un des bureaux de la guerre,
+demeurant à Versailles, rue Saint-Médéric, paroisse Saint-Louis, à ce
+présent et acceptant acquéreur pour lui, ses hoirs et ayant cause, une
+maison sise à Versailles, susdite rue Saint-Médéric, paroisse
+Saint-Louis, consistant en bâtiments sur ladite rue, jardin derrière et
+à côté, ainsi que ladite maison se comporte sans réserve, appartenant à
+Sa Majesté au moyen de l'acquisition qu'elle en a fait faire _sous le
+nom de François Vallet_, huissier-priseur au Châtelet de Paris, de J.
+Crémer et Élisabeth Quartier, sa femme, par contrat passé devant Me
+Patu et son confrère, notaires à Paris, le 25 novembre 1755, insinué et
+ensaisiné, lequel Vallet a fait sa déclaration au profit de Sa Majesté
+par acte passé devant ledit Patu et son confrère le même jour, le brevet
+original en papier, laquelle est demeurée ci-joint, auxquels Crémer et
+sa femme ladite maison appartenait de la manière expliquée au contrat
+sus-daté, étant la dite maison en la censive de Sa Majesté et vers elle
+chargée à raison de vingt sols de cens par arpent par chacun an pour
+toutes choses, _de laquelle maison, dont Sa Majesté n'a jamais retiré
+aucun revenu, elle a toujours entendu jouir à titre particulier pour en
+disposer ainsi qu'elle jugerait à propos_.
+
+»Cette vente faite à la charge dudit cens seulement pour l'avenir, à
+compter de ce jour, et sans être tenu par ledit sieur Sévin au payement
+d'aucuns droits de lots et ventes, contrôles, insinuation et autres qui
+pourraient être prétendus à cause de la présente vente dont Sa Majesté
+dispense ledit sieur Sévin.
+
+»La présente vente aussi faite moyennant la somme de 16,000 livres;
+laquelle somme Sa Majesté reconnaît avoir présentement reçue par les
+mains d'Alain, l'un des notaires soussignés, qui, des deniers à lui
+remis par ledit sieur Sévin, la lui a payée réellement délivrée en louis
+d'or et monnoye ayant cours, à la vue desdits notaires, dont quittance
+transportant, dessaisissant, voulant procureur, le porteur donnant
+pouvoir.
+
+»Reconnaissant, ledit sieur Sévin, que Sa Majesté lui a fait remettre
+l'expédition en parchemin du contrat de vente susdaté, ensemble tous les
+titres et pièces que ledit Vallet a reconnu par icelui lui avoir été
+remis par lesdits Crémer et sa femme, dont déchargé.
+
+»Par ainsi promettant, obligeant, renonçant; fait et passé audit
+Versailles _à l'égard de Sa Majesté en son appartement au château_, et à
+l'égard dudit sieur Sévin ès étudè, l'an 1774, le 27 mai, avant midi. Sa
+Majesté a signé, ainsi que ledit sieur Sévin. Signé: LOUIS, SÉVIN, DUCRO
+et ALAIN.»
+
+Il résulte donc de ces diverses pièces que la fameuse maison désignée
+dans l'histoire de Louis XV sous le nom de _Parc aux Cerfs_ était placée
+au nº 4 de la rue Saint-Médéric.
+
+Aujourd'hui cette maison a entièrement changé d'aspect; transformée en
+un fort joli hôtel par les propriétaires qui l'ont successivement
+habitée depuis quelques années, elle ne rappelle plus rien de cette trop
+célèbre _petite maison_.
+
+
+
+
+X
+
+MADAME DU BARRY.
+
+1768-1793.
+
+
+Les archives de la préfecture de Seine-et-Oise contiennent deux cartons
+avec cette suscription: _Madame du Barry_. Ces cartons renferment en
+effet un grand nombre de papiers transportés dans les archives du
+district de Versailles, lors de sa condamnation à mort, en 1793. A cette
+époque, on apporta à Versailles tout ce qui fut trouvé de papiers au
+château de Louveciennes. Ils étaient fort nombreux, et furent pour la
+plupart rendus à la famille en 1825. On peut voir par l'inventaire
+dressé alors, qui se trouve plus loin, qu'un grand nombre d'entre eux
+étaient du plus haut intérêt. Tels qu'ils sont, ceux de la préfecture de
+Versailles sont encore fort curieux et méritent d'être connus.
+
+On a écrit plus d'une fois la vie de madame du Barry; mais dans tous ces
+écrits le vrai est fréquemment mêlé au faux, et ce sont pour la plupart
+de véritables romans.
+
+Les documents renfermés aux archives de Seine-et-Oise, et d'autres que
+nous avons puisés à des sources aussi sûres[110], s'ils ne nous
+éclairent pas sur tous les points de la vie de cette célèbre maîtresse
+de Louis XV, nous mettent au moins à même d'établir avec certitude
+plusieurs faits principaux.
+
+Vers 1767, un homme, comme on en voit souvent dans les grandes
+capitales, sans principes et sans moeurs, mais non pas sans esprit, le
+comte _Jean du Barry_, rencontra dans une de ces maisons qu'on
+appellerait aujourd'hui du _demi-monde_ une des plus jolies personnes
+qu'il eût encore vues de sa vie. Frappé de sa beauté et de ses grâces,
+il lui donna aussitôt le nom de l'_Ange_, et vit tout le parti qu'il en
+pourrait tirer dans l'intérêt de sa fortune et de son ambition. Dès ce
+moment il rêva et parvint à en faire la maîtresse du roi.
+
+Depuis l'année 1764, date de la mort de madame de Pompadour, Louis XV
+n'avait plus de maîtresse en titre, et il commençait à se lasser de ses
+amours obscures du Parc aux Cerfs. Le comte du Barry était ami de
+Lebel, ce valet de chambre du roi, dont le principal emploi est connu de
+tout le monde. Il est de certains hommes qui finissent toujours par se
+donner la main. Du Barry lui présenta mademoiselle l'Ange, et Lebel,
+frappé de sa beauté, n'hésita point à la mettre en rapport avec le
+roi.--Dès la première entrevue, Louis XV fut tellement subjugué par les
+charmes de mademoiselle l'Ange, qu'il ne voulut plus entendre parler
+d'une autre femme. Les rendez-vous se succédèrent rapidement, et le roi
+brûla du désir de la déclarer maîtresse en titre. Mais mademoiselle
+l'Ange n'avait point de nom, et pour paraître à la cour et y jouer un
+rôle aussi important, il fallait qu'elle fût revêtue d'un titre et
+qu'elle eût une position sociale un peu moins équivoque. Le comte Jean
+du Barry aimait bien plus mademoiselle l'Ange pour les avantages qu'elle
+pouvait lui rapporter que pour elle-même, et il n'aurait pas hésité à
+lui donner sa main et son nom; mais il était marié. Un autre, en
+épousant la maîtresse du roi, profiterait de tous les avantages rêvés
+pour lui-même, et que la reconnaissance de celle qu'il allait élever à
+une si haute position lui assurait! Il résolut alors de lui donner son
+propre nom, en lui faisant épouser son frère, et de conserver par cette
+alliance l'ascendant qu'il avait pris sur l'esprit de la nouvelle
+favorite.
+
+Le comte _Guillaume du Barry_, le mari futur de la maîtresse du roi,
+était un pauvre officier des troupes de la marine, vivant à Toulouse
+avec sa mère. Son frère lui écrivit aussitôt pour lui proposer ce
+mariage, et lui faire envisager la brillante fortune qui en résulterait
+pour lui et sa famille. Guillaume n'était pas plus scrupuleux que Jean,
+il accepta avec joie sa proposition et partit immédiatement pour Paris.
+Cependant, pour contracter ce mariage, il fallait le consentement de sa
+mère. Cette dame ne le refusa pas; mais, soit par respect pour son nom,
+soit pour toute autre raison, elle ne voulut pas sanctionner par sa
+présence un acte si peu honorable, et elle chargea une autre personne de
+la représenter dans tout ce qui allait être fait. Le comte Guillaume
+arriva donc à Paris, muni de la pièce que voici:
+
+«Par-devant le notaire royal de la ville de Toulouse et témoins bas
+nommés, fut présente dame _Catherine de Lacaze_, veuve de noble _Antoine
+du Barry_, chevalier de l'ordre militaire de Saint-Louis, habitant de
+cette ville;
+
+»Laquelle a fait et constitué pour son procureur général et spécial M.
+Jean Gruel, négociant, rue du Roule, à Paris, auquel elle donne pouvoir
+de, pour elle et en son nom, consentir que noble Guillaume du Barry, son
+fils, ancien officier d'infanterie, contracte mariage avec telle
+personne qu'il jugera à propos, pourvu toutefois qu'elle soit approuvée
+et agréée par ledit sieur procureur constitué, et que la bénédiction
+nuptiale lui soit départie suivant les constitutions canoniques, par le
+premier prêtre requis, sans cependant que ladite dame constituante
+entende rien donner à son fils dans son contrat de mariage; voulant en
+outre que les présentes vaillent nonobstant surannotation et jusqu'à
+révocation expresse, promettant, obligeant, renonçant.
+
+»Fait et passé audit Toulouse, dans notre étude, le quinzième jour du
+mois de juillet, avant midi, l'an 1768, en présence des sieurs
+Bernard-Joseph Fourmont et Bonaventure Calvet, praticiens, habitant
+cette ville, soussignés, avec ladite dame constituante et nous, notaire.
+
+ »_Signé_: DELACAZE DU BARRY, FOURMONT,
+ B. CALVET, et SANS, notaire, avec
+ paraphe[111].»
+
+A son arrivée à Paris, Guillaume du Barry descendit à l'hôtel de son
+frère, rue Neuve des Petits-Champs. Celui-ci ne perdit pas un seul
+instant, et huit jours après le consentement de leur mère, le 23
+juillet, il faisait signer à Guillaume le curieux contrat de mariage qui
+suit:
+
+«Par-devant les conseillers du roi, notaires au Châtelet de Paris,
+furent présents:
+
+»Haut et puissant seigneur messire Guillaume comte du Barry, chevalier,
+capitaine des troupes détachées de la marine, demeurant à Paris, rue
+Neuve des Petits-Champs, paroisse Saint-Roch, majeur, fils de défunt
+messire Antoine, comte du Barry, chevalier de l'ordre royal et militaire
+de Saint-Louis, et de dame Catherine Delacaze, son épouse, actuellement
+sa veuve, demeurant à Toulouse, contractant pour lui et en son nom;
+
+»Sieur André-Marie Gruel, négociant à Paris, y demeurant, rue du Roule,
+paroisse Saint-Germain l'Auxerrois, au nom et comme fondé de la
+procuration spéciale à l'effet du mariage dont va être parlé, de ladite
+dame du Barry mère, passé devant _Sans_, notaire royal à Toulouse, en
+présence de témoins, le 15 juillet présent mois, dont l'original, dûment
+contrôlé et légalisé, est, à la réquisition du sieur Gruel, demeuré
+annexé à la minute des présentes, préalablement de lui certifié
+véritable, signé et paraphé en présence des notaires soussignés.
+
+»Ledit sieur Gruel, audit nom, assistant et autorisant autant que de
+besoin ledit seigneur comte du Barry, d'une part;
+
+»Et sieur _Nicolas Rançon_, intéressé dans les affaires du roi, et dame
+_Anne Bécu_, son épouse, qu'il autorise à l'effet des présentes,
+demeurant à Paris, rue du Ponceau, paroisse Saint-Laurent, ladite dame
+auparavant _veuve du sieur Jean-Jacques Gomard de Vaubernier_, intéressé
+dans les affaires du roi, stipulant pour _mademoiselle Jeanne Gomard de
+Vaubernier_, fille _mineure_ de ladite dame Rançon et dudit feu sieur
+Gomard de Vaubernier, _son premier mari_, demeurant avec eux; à ce
+présente et de son consentement pour elle et en son nom;
+
+»Lesquels, dans la vue du mariage proposé et agréé entre ledit sieur
+comte du Barry et ladite demoiselle Gomard de Vaubernier, qui sera
+célébré incessamment en face d'Église, ont pris par ces présentes
+volontairement fait et rédigé les clauses et conditions civiles dudit
+mariage ainsi qu'il suit, en la présence et de l'_agrément_ de haut et
+puissant seigneur _messire Jean, comte du Barry-Cérès_, gouverneur de
+Lévignac, frère aîné dudit seigneur, futur époux, et de _Claire du
+Barry_, demoiselle majeure, soeur dudit seigneur futur époux.
+
+»ARTICLE PREMIER.--Il n'y aura point communauté de biens entre ledit
+seigneur et demoiselle future épouse, dérogeant à cet égard à la coutume
+de Paris et à toute autre qui l'admette entre conjoints; et, au
+contraire, ils seront et demeureront séparés de biens, et ladite
+demoiselle future épouse aura seule la jouissance et l'administration
+des biens, droits et actions, meubles et immeubles qui lui appartiennent
+et pourront lui appartenir dans la suite _à tel titre que ce soit_.
+
+»ART. 2.--La demoiselle future épouse se marie avec les biens et droits
+qui lui appartiennent et qui lui appartiendront par la suite, _dont elle
+aura l'administration_, comme il est ci-devant dit. Et son mobilier
+consiste en la somme de 30,000 livres, composé de bijoux, diamants,
+habits, linge, dentelles et meubles à son usage, le tout _provenant de
+ses gains et économies_, et dont, pour éviter la confusion avec le
+mobilier dudit sieur futur époux, il a été fait et dressé un état,
+transcrit sur les deux premières pages d'une feuille de papier à lettre,
+lequel est, à leur réquisition, demeuré annexé à la minute des
+présentes, après avoir été desdites parties contractantes certifié
+véritable, signé et paraphé en présence des notaires soussignés.
+
+»ART. 3.--Tous les meubles et effets qui se trouveront dans les maisons
+qu'occuperont les futurs époux, tant à Paris qu'à la campagne, autres
+que ceux désignés dans l'état ci-devant annexé, seront censés appartenir
+et appartiendront en effet audit seigneur futur époux, et si dans la
+suite ladite demoiselle future épouse fait quelque achat de meubles et
+effets, elle sera tenue de retirer quittances en forme et, par-devant
+notaire, du prix d'iceux.
+
+»ART. 4.--Tous les biens appartenant aux demoiselle et seigneur futurs
+époux, et ceux qui leur échoiront pendant le mariage, à tel titre que ce
+soit, tant en meubles qu'immeubles, seront réputés propres à chacun
+d'eux et aux leurs, de côtés et lignes respectivement.
+
+»ART. 5.--Ledit seigneur futur époux a doué et doue la demoiselle future
+épouse de 1,000 livres de rente de douaire préfix, dont le fonds, en
+denier 25, demeurera propre aux enfants à naître dudit mariage.
+
+»ART. 6.--Arrivant le décès de l'un des futurs époux, le survivant aura
+et prendra sur les biens du prédécédé, par forme de gain de survie, en
+meubles et effets prisés sans crue, la somme de 10,000 livres ou ladite
+somme en deniers comptants, au choix dudit survivant.
+
+»ART. 7.--Il est convenu que ladite demoiselle future épouse _demeurera
+chargée seule de la conduite et de toutes les dépenses du ménage_, tant
+pour la nourriture que pour les loyers ou appartements qu'ils
+occuperont, gages de domestiques, linge de table, ustensiles de ménage,
+entretien d'équipages, nourriture de chevaux et _toutes autres dépenses
+quelconques sans exception_, tant envers ledit seigneur futur époux
+qu'envers les enfants à naître dudit mariage, qu'elle sera tenue
+d'élever et faire éduquer à ses frais, à la charge par ledit seigneur
+futur époux, ainsi qu'il s'y oblige, de payer à ladite demoiselle future
+épouse la somme de 6,000 livres de pension, pour tenir lieu de sa moitié
+dans lesdites dépenses et entretien du ménage, par chaque année, de six
+mois en six mois, et toujours d'avance, en sorte que les six premiers
+mois seront exigibles le lendemain de la célébration du mariage.
+
+»C'est ainsi que le tout a été convenu et arrêté entre les parties,
+promettant, obligeant, renonçant.
+
+»Fait et passé à Paris, en la demeure dudit seigneur comte du Barry,
+futur époux susdésigné.
+
+»L'an 1768, le 23 juillet après midi, et ont signé: J. GOMARD DE
+VAUBERNIER, le CHEVALIER DU BARRY, GRUEL, le COMTE DU BARRY-CÉRÈS, A.
+BÉCU, C.-F. DU BARRY, RANÇON.
+
+»La minute des présentes demeurée à Me Garnier-Deschênes, l'un des
+notaires, etc.[112].»
+
+Par ce singulier contrat de mariage, madame du Barry était parfaitement
+libre de faire tout ce que bon lui semblait, et le comte n'entrait dans
+cet acte que pour lui donner un nom et lui permettre de recueillir
+complétement les avantages de la position que l'on venait de lui
+procurer.
+
+Il est dit dans le contrat que la future épouse possède une somme de
+30,000 livres en mobilier. Voici le détail assez curieux des divers
+objets qui composaient cette somme de 30,000 livres provenant des _gains
+et économies_ de mademoiselle l'Ange, d'après l'état annexé au contrat
+de mariage:
+
+«État des meubles, habits, linge, hardes et bijoux, dentelles et autres
+effets appartenant à mademoiselle Gomard de Vaubernier:
+
+ «1º Un collier de diamants fins, évalué
+ à. 8,000 liv.
+
+ »2º Une aigrette et une paire de boucles
+ d'oreilles en girandolle, le tout
+ estimé à. 8,000
+
+ »3º Un lit complet, les rideaux, ciel,
+ dossier et bonnes grâces de damas vert;
+ une tenture servant de tapisserie, de
+ pareil damas; huit chaises, quatre fauteuils
+ et deux rideaux de fenêtres aussi
+ en pareil damas vert, le tout évalué à. 3,000 liv.
+
+ »4º Trente robes et jupons de différentes
+ étoffes de soie or et argent, de
+ toutes saisons, évaluées à. 3,000
+
+ »5º Dentelles d'Angleterre, de Bruxelles,
+ de Valenciennes, d'Argentan et autres,
+ tant en garnitures de robes qu'en
+ manchettes, bonnets ou autrement. 6,000
+
+ »Six douzaines de chemises fines de
+ toile de Hollande, garnies de manchettes
+ de mousseline brodée; douze déshabillés
+ complets de différentes étoffes de
+ soie et autres; deux douzaines de corsets
+ et plusieurs autres linges et effets
+ à l'usage de ladite demoiselle de Vaubernier,
+ le tout évalué à. 2,000
+
+ Total. 30,000 l.[113].»
+
+Tels étaient les cadeaux de noces que le royal amant donnait à la
+nouvelle épouse. Ce qui domine surtout dans ces divers objets, ce sont
+les diamants, les robes, les dentelles, tous les ornements de toilette,
+et l'on verra plus tard que le même goût préside aux dépenses de madame
+du Barry pendant toute sa grandeur.
+
+Un mois après le contrat, a lieu la célébration du mariage. A cette
+cérémonie n'assistent ni la mère du marié, ni celle de la mariée, et
+l'on voit cette dernière représentée par un personnage sur lequel nous
+reviendrons dans la suite. L'acte de célébration est ainsi conçu:
+
+«Le 1er septembre 1768, après publication de trois bans sans
+empêchement, en cette paroisse Saint-Laurent et en celle de
+Saint-Eustache, les 24, 25 et 31 juillet dernier, vu la procuration
+donnée par la mère de l'époux à M. Jean Gruel, négociant à Paris, rue du
+Roule, auquel elle donne pouvoir de, pour elle et en son nom, consentir
+au présent mariage; vu pareillement la procuration des beau-père et mère
+de l'épouse, donnée à messire _Jean-Baptiste Gomard_, prêtre, aumônier
+du roi, auquel ils donnent pouvoir de les représenter lors de la
+célébration de ce mariage, les fiançailles célébrées aujourd'hui, ont
+été par nous mariés messire Guillaume, comte du Barry, ancien capitaine,
+et demoiselle Jeanne Gomard de Vaubernier, âgée de vingt-deux ans, fille
+de Jean-Jacques de Vaubernier, intéressé dans les affaires du roi, et
+d'Anne Bécu, dite Cantigny, etc.[114].»
+
+Madame du Barry mariée, le comte son mari retourna à Toulouse, et elle
+vint s'établir définitivement à Versailles. Le roi n'attendait que cela
+pour se livrer tranquillement à toute sa passion.
+
+Elle eut un appartement dans le château. Cet appartement était situé au
+deuxième étage précisément au-dessus de celui du roi[115]. Louis XV
+pouvait s'y rendre à toute heure et sans être vu, soit par un escalier
+aboutissant au balcon de la cour des Cerfs, soit par la bibliothèque
+située au-dessus du grand cabinet, dont une porte ouvrait sur un petit
+palier donnant entrée dans un des deux cabinets placés de chaque côté de
+l'alcôve de la chambre à coucher de madame du Barry.
+
+De ce moment, madame du Barry allait avoir des équipages et des gens: il
+fallait les loger en ville et avoir un hôtel, comme tous les grands
+seigneurs qui habitaient Versailles.
+
+Le 22 décembre 1768, on passe un bail en son nom avec la veuve _Duru_,
+pour un hôtel situé à Versailles, rue de l'Orangerie[116], et c'est là
+qu'elle établit sa maison.
+
+Madame du Barry était installée au château, mais le roi ne la voyait
+qu'en particulier. Elle ne pouvait monter dans les carrosses de la cour
+et elle ne paraissait point en public; pour cela, il aurait fallu que
+la favorite fût présentée et fît ainsi partie des dames de la cour. Le
+roi le désirait ardemment, et madame du Barry encore plus. Malgré les
+obstacles qui semblaient devoir s'y opposer, cette présentation se fit
+rapidement, et elle eut lieu le 22 avril 1769. Dès ce moment, madame du
+Barry fut reconnue comme maîtresse en titre, et entourée d'une foule de
+courtisans qui, jusqu'à sa chute, ne cessèrent de briguer ses faveurs.
+
+On a vu de quoi se composait la dot de mademoiselle l'Ange, mais cela ne
+pouvait plus suffire à la maîtresse du roi. Aussi, dès les premiers
+jours de 1769, le roi lui constistue 100,000 livres de rentes viagères
+sur la ville de Paris, et 10,000 livres de rente sur les États de
+Bourgogne. Madame de Pompadour avait eu près de Versailles une
+habitation princière[117], il en fallut une à madame du Barry.
+
+En 1690, Louis XIV avait acheté à M. de Valentinay la belle terre et le
+château de Louveciennes. Il en fit don à la princesse de Conty, sa
+fille. A la mort de la princesse, cette terre passa au comte de
+Toulouse, puis au duc de Penthièvre. Le 7 mai 1768, le prince de
+Lamballe y étant mort des suites de ses débauches, son père, le duc de
+Penthièvre, ne voulut plus habiter une terre qui lui rappelait de si
+tristes souvenirs, et il la vendit au roi. Louis XV la donna à madame
+du Barry, et par brevet du roi du 24 juillet 1769, elle obtint, sa vie
+durant, la _jouissance de la maison, jardins et dépendances de
+Louveciennes_[118]. On voit, dans le relevé des dépenses de madame de
+Pompadour, que dans les premières années de sa faveur, Louis XV lui
+faisait des cadeaux d'une valeur fort considérable; c'est ce qui eut
+lieu aussi pour madame du Barry. Le 1er janvier 1770, le roi entra de
+bonne heure chez sa maîtresse, et, en l'embrassant, lui remit un brevet
+signé le 23 décembre précédent, qui lui concédait, sa vie durant, _les
+Loges de Nantes_. Ce que l'on nommait _les Loges de Nantes_ était une
+réunion de _boutiques, baraques et appentis établis sur la contrescarpe,
+à Nantes_, et rapportant environ 40,000 livres de rente.
+
+Mais les libéralités du roi pour sa nouvelle maîtresse ne s'arrêtaient
+pas là, et il fournissait avec abondance l'argent nécessaire à ses
+nombreuses dépenses.
+
+Madame de Pompadour reçut une brillante éducation; artiste elle-même,
+elle aimait les arts et les artistes, et ses dépenses consistent plus
+dans la création de charmants séjours, embellis par les arts de la
+peinture et de la sculpture, en concerts délicieux, en représentations
+théâtrales, en tout ce qui est le résultat d'une éducation recherchée et
+de bon goût qu'en dépenses personnelles et de toilette. Madame du
+Barry, au contraire, n'ayant reçu aucune éducation, et arrivée à jouer
+un rôle si important par sa seule beauté, ne pensa qu'aux moyens de
+faire valoir ses charmes, et dirigea toutes ses dépenses vers la
+toilette, le luxe et la recherche de ses appartements intimes.
+
+On peut juger par la quantité de robes, d'étoffes de toutes sortes, de
+dentelles, de bijoux trouvés chez elle à sa mort, de son goût effréné
+pour la toilette. Ainsi, il y avait de dentelles, étoffes, robes,
+corsets et linge de corps, pour 160,029 livres 5 sols;--de bijoux,
+diamants, montres, etc., pour 400,000 livres[119];--et elle devait
+encore, entre autres objets de toilette, 40,896 livres 13 sols à
+mademoiselle _Bertin_, sa marchande de modes à Paris, et 2,275 livres 6
+sols à M. _Bataille_, son parfumeur à Versailles.
+
+Elle fit de son appartement de Versailles une suite de boudoirs
+délicieux.
+
+Les objets qui en faisaient l'ornement sont décrits dans les Mémoires
+conservés aux archives de la préfecture de Seine-et-Oise. La description
+de quelques-uns de ces objets fera juger de ce que devait être ce
+charmant logis[120].
+
+Dans le salon, on voyait sur la cheminée une magnifique pendule à
+colonnes, ornée de figures de porcelaine; au milieu, une superbe table
+ornée de porcelaines de France: le dessus, qui était le morceau
+principal, représentait un tableau en miniature d'après _Leprince_, les
+garnitures de bronze, parfaitement ciselées et dorées d'or mat.--Il y
+avait aussi un très-beau forte-piano anglais, qu'on avait fait organiser
+à Paris par le fameux _Clicot_, avec flûtes et galoubet, un mouvement
+pour le luth et deux autres pour les cymbales; la caisse, que l'on fut
+obligé d'y ajouter pour contenir les tuyaux et les soufflets, était
+plaquée en bois rose et à mosaïques blanches et bleues, et
+très-richement garnie de bronzes dorés d'or mat.--Sur un des côtés était
+une superbe commode d'ancien laque, de la première qualité, le panneau
+du milieu à magots très-richement habillés; les frises plaquées en
+ébène, les garnitures de bronze, ciselées et dorées d'or mat; le marbre
+blanc de statuaire.--Et de l'autre côté une autre belle commode, ornée
+de cinq morceaux de porcelaine de France, à fleurs et filets d'or,
+très-richement garnie de bronzes bien finis et dorés d'or mat; le dedans
+doublé en tapis vert et galonné d'or; le marbre blanc de statuaire.--Sur
+chacune de ces commodes se trouvaient: d'un côté un très-fort groupe de
+bronze et de couleur antique, composé de quatre figures représentant
+l'enlèvement d'Hélène par Pâris, le tout sur un pied de bronze doré d'or
+moulu;--et de l'autre côté un autre groupe de bronze, plus petit, et
+d'après _Sarrazin_, composé de cinq enfants qui jouent avec un bouc; le
+tout sur un pied de marqueterie de _Boule_, et orné de bronzes dorés
+d'or moulu;--enfin un fort lustre de cristal de roche, à six luminaires,
+et ayant coûté 16,000 livres, était appendu au milieu de la pièce. Comme
+l'on jouait souvent dans ce petit salon, madame du Barry avait fait
+faire une boîte de jeux, dont ces Mémoires nous ont conservé la
+description: cette boîte était en acajou, doublée en tabis bleu,
+galonnée en or; elle renfermait quatre boîtes à quadrilles en ivoire, le
+trèfle, le pique, le coeur et le carreau en or incrusté sur chacune
+desdites boîtes et entourés d'un cartouche avec noeuds de rubans, le
+tout en or et aussi incrusté;--les quatre-vingts fiches et les vingt
+contrats distingués par le trèfle; le pique, le coeur et le carreau,
+aussi en or et incrustés.
+
+Dans la chambre à coucher, il y avait une commode ornée de tableaux de
+porcelaine d'après _Watteau_ et _Wanloo_, très-richement garnie de
+bronzes très-bien finis et dorés d'or mat;--un secrétaire en armoire, de
+porcelaine de France, fond vert et à fleurs, richement garni de bronzes
+dorés d'or moulu.--On voyait sur les meubles deux cuvettes à mettre des
+fleurs, en porcelaine de France, fond petit vert, à marines en
+miniatures.--Une cuvette gros bleu caillouté d'or, avec des sujets de
+_Teniers_, en miniature, et deux autres, moins grandes et décorées de
+même.--Sur la cheminée, une pendule dorée d'or de Germain: elle
+représentait les trois Grâces supportant un vase dans lequel était un
+cadran tournant, et au-dessus un Amour indiquait l'heure avec sa
+flèche; le tout était élevé sur un piédestal très-bien ciselé et doré.
+
+Le cabinet ne le cédait point au reste: sur la cheminée était une
+pendule à vase et serpent, en bronze doré d'or moulu, le cadran
+tournant; le piédestal garni de trois morceaux de porcelaine de France,
+fond bleu, avec des enfants en miniature; le dard du serpent fait en
+marcassite. On y voyait aussi une très-jolie table à gradins, en
+porcelaine de France, fond vert et cartouches à fleurs, très-richement
+ornée de bronzes dorés d'or moulu, le dessus du tiroir couvert d'un
+velours vert et les pièces d'écritoire dorées. Sur des étagères on
+remarquait, parmi une quantité d'objets de toutes sortes: une cassette
+d'ancien laque, fond noir, ouvrage en or de reliefs et aventurine, avec
+paysages et magots;--cinq tasses et soucoupes d'ancien Saxe, à tableaux
+et à miniatures, avec la théière et la boîte à thé pareilles;--une cave,
+composée de quatre gros flacons, un gobelet et sa soucoupe, le tout de
+cristal de roche; six petits flacons de cristal de Bohême; deux cuillers
+et un entonnoir d'or; les dix flacons garnis d'or et le tout dans une
+boîte de bois des Indes garnie de velours rouge. Cette jolie cave avait
+été achetée à la vente de madame de Lauraguais.--Enfin on remarquait
+encore dans ce cabinet un baromètre et un thermomètre de Passemant,
+montés très-richement en bronzes dorés d'or moulu, et ornés de trois
+plaques de porcelaine de France, à enfants en miniature.
+
+Tout, jusqu'aux lieux les plus secrets de ce petit appartement, portait
+le goût du luxe de la comtesse. Ainsi, dans le petit couloir qui menait
+à la garde-robe, on voyait, au-dessous de la croisée, une commode à
+portes de 52 pouces de long, en bois rose et garnie de bronzes dorés
+d'or moulu, le marbre en brèche d'Alep; et _dans la garde-robe, un
+meuble de toilette secrète à dossier, en marqueterie, fond blanc, à
+mosaïques bleues et filets noirs, avec rosettes rouges, garni de velours
+bleu brodé d'or, et sabots dorés d'or moulu_; la boîte à éponges et la
+cuvette en argent; deux tablettes d'encoignure, aussi en marqueterie,
+garnies de bronzes dorés d'or moulu; et une _chaise de garde-robe en
+marqueterie pareille aux autres meubles, la lunette recouverte de
+maroquin, et les poignées et sabots dorés d'or moulu_.
+
+Aussitôt que madame du Barry eut la jouissance du château de
+Louveciennes, elle y fit faire de nombreux travaux. Mais quoiqu'elle y
+eût dépensé beaucoup d'argent, elle ne put transformer en boudoirs de
+_petite maison_ ces grands appartements bâtis pour une fille de Louis
+XIV. Elle y renonça, et tout en conservant le château principal, elle
+fit bâtir, un peu plus loin, un _pavillon_ beaucoup plus approprié à la
+destination galante qu'elle voulait lui donner.
+
+Ce pavillon, d'où l'on jouit d'une vue magnifique et qui, regardé des
+bords de la Seine, est d'un effet très-pittoresque et paraît suspendu
+dans les airs, fut bâti par l'architecte Ledoux, pendant les années 1771
+et 1772. On appela les plus habiles artistes pour travailler à son
+embellissement, et l'intérieur était un véritable modèle de goût et
+d'élégance.
+
+On se doute bien que les appartements particuliers de la comtesse, dans
+cette nouvelle habitation, ne le cédaient pas à ceux de Versailles, et
+en parcourant les cartons de la préfecture de Seine-et-Oise, on voit
+figurer, dans les diverses parties du pavillon de Louveciennes, des
+objets analogues à ceux déjà indiqués à Versailles.
+
+Louis XV, quand il venait à Louveciennes, n'avait pas d'autre
+appartement que celui de la comtesse, excepté pourtant la partie
+destinée à sa toilette. On sait qu'il était extrêmement soigneux de sa
+personne, et il est à présumer que dans ce lieu il devait avoir
+quelquefois besoin de réparer le désordre de sa tenue.
+
+Cette partie, complétement réservée au roi, se composait d'une
+antichambre, d'un cabinet et d'une garde-robe. L'antichambre, tapissée
+en damas bleu et blanc, n'offrait aucun meuble remarquable. Dans le
+cabinet de toilette, il y avait dans la cheminée un feu doré d'or moulu,
+à trophées militaires, garni de pelle, pincettes et tenailles
+analogues.--Sur la cheminée, une garniture de trois pièces de porcelaine
+de Saxe à petites fleurs en relief, sur un fond petit bleu, avec
+cartouches en miniatures sur fond d'or, et ornées de bronzes dorés d'or
+moulu.--Une paire de flambeaux, cannelés de bronze doré d'or moulu.--De
+chaque côté de la cheminée, une forte paire de bras à trois branches et
+colliers de perles, en bronze doré d'or moulu.--De l'autre côté, en face
+de la cheminée, une paire de girandoles à trois branches, d'un nouveau
+modèle de goût antique, dorées d'or moulu.--Au-dessous, une commode
+d'ancien laque du Japon, richement ornée de bronzes dorés, avec son
+marbre de cinq pieds en gruotte d'Italie.--Enfin, au milieu était un
+fauteuil à poudrer, garni de maroquin rouge, avec un coussin sur fond de
+canne, et devant une table d'ébénisterie à mosaïques, sur fond gris
+satiné, avec une tablette dans les jambes, et garnie en bronzes
+dorés.--Quant à la garde-robe, elle renfermait tous les meubles déjà
+indiqués dans celle de madame du Barry, excepté cependant qu'au lieu du
+raffinement de luxe observé dans ceux de la comtesse, ils étaient fort
+simples et tous en bois de noyer[121].
+
+Au milieu des grandeurs de la favorite, la famille du Barry ne
+s'oubliait pas. Déjà plusieurs fois le mari de la comtesse, _Guillaume_
+du Barry, était venu tourmenter sa femme de ses doléances et avait
+cherché à obtenir par elle des faveurs et de l'argent. Pour faire cesser
+ces importunités, madame du Barry lui constitua 5,000 livres de rente,
+et par sentence contradictoire du Châtelet de Paris du 1er avril
+1772, elle fut séparée d'habitation avec son mari[122]. Quant au comte
+_Jean_, il avait toujours conservé un certain ascendant sur madame du
+Barry. Il avait placé auprès d'elle sa propre soeur, mademoiselle
+_Claire du Barry_, petite bossue que la comtesse aimait fort peu, pour
+surveiller toutes ses actions et lui rappeler sans cesse que sa faveur
+était due à son frère, et qu'elle devait en être reconnaissante. On
+verra qu'il sut en tirer ainsi des sommes s'élevant à plus d'un million.
+Mais il ne voulait pas seulement de l'argent, il fallait encore qu'il
+profitât de la favorite pour satisfaire son ambition. Le comte Jean
+avait un fils, débauché comme le père; il voulut le marier à une fille
+de grande maison, et pouvoir, à l'aide de cette alliance, marcher de
+pair avec les premières familles de la cour. C'est ce qu'il parvint à
+réaliser grâce à la faveur et surtout à l'argent de madame du Barry.
+
+M. le prince de Soubise avait pour parente une jeune personne d'une
+grande beauté, mais peu riche, la fille du marquis de Tournon. Ce fut
+elle que l'on destina au fils du comte du Barry. A peine âgée de
+dix-sept ans, mademoiselle de Tournon était encore au couvent lorsque
+l'on décida de son sort. Par ce mariage, les du Barry s'alliaient
+presque au sang royal, puisque la mère du duc de Bourbon, fils du prince
+de Condé, était fille du prince de Soubise. Le roi, sous l'influence de
+madame du Barry, pressait fortement la conclusion de ce mariage; le
+prince de Soubise le désirait aussi, le prince de Condé seul s'y
+opposait. Mais enfin, vaincu par les instances du roi, il y donna son
+consentement. Le 18 juillet 1773, le roi et la famille royale signèrent
+le contrat de mariage du vicomte du Barry avec mademoiselle de Tournon;
+quelques jours après ils reçurent la bénédiction nuptiale, et le 1er
+août suivant, la nouvelle vicomtesse était présentée au roi et à la
+famille royale par madame du Barry elle-même.
+
+En faveur de ce mariage, le vicomte du Barry fut fait capitaine des
+Suisses de M. le comte d'Artois, et sa femme, qui reçut en dot 200,000
+livres de madame du Barry[123], fut nommée dame pour accompagner la
+comtesse d'Artois.
+
+Madame du Barry acheta fort peu de biens pendant sa grandeur. Elle fit
+l'acquisition d'une maison à Saint-Vrain, près Arpajon, et d'une petite
+ferme appelée la _Maison-Rouge_, à Villiers-sur-Orge, près de
+Lonjumeau[124].
+
+On a vu par le contrat de mariage de madame du Barry que sa mère se
+nommait madame _Rançon_. En effet, elle avait épousé, en 1749, un nommé
+_Rançon_, commis aux aides, titre qu'on changea, dans le contrat de la
+comtesse, en celui d'_intéressé dans les affaires du roi_. On conçoit
+qu'avec un si mince emploi pour toute fortune, M. et madame Rançon
+devaient mener une assez triste existence. Dans sa haute position,
+madame du Barry n'oublia pas sa mère. Elle allait souvent la voir, et
+elle la mit à même de vivre largement. Quoiqu'elle n'eût ni les manières
+ni le langage d'une femme de qualité, on ne pouvait cependant continuer
+de donner ce nom de Rançon à la mère d'une comtesse qui avait l'insigne
+honneur d'être la maîtresse du roi, et on l'appela madame de Montrable.
+C'est pour madame de _Montrable_ que madame du Barry acheta _la
+Maison-Rouge_, et cette dame l'habita fort longtemps.
+
+La maison de madame du Barry était devenue très-considérable, et ses
+équipages et ses gens ne pouvaient plus tenir dans l'hôtel de la rue de
+l'Orangerie, qu'elle avait loué la première année de son arrivée à
+Versailles[125]. Il y avait, sur l'avenue de Paris, une charmante
+habitation construite par _Binet_, valet de chambre du Dauphin et parent
+de madame de Pompadour. Madame du Barry l'acheta pour y faire construire
+un grand hôtel. _Ledoux_, son architecte, tout en conservant le joli
+pavillon de _Binet_, y fit ajouter des constructions considérables, afin
+d'y placer les chevaux, les voitures et les gens. C'était un véritable
+palais, et l'on alla même jusqu'à y élever une chapelle, à laquelle,
+pour la desservir, madame du Barry nomma un aumônier en titre[126].
+
+Madame du Barry était arrivée au comble de la faveur; le roi n'était pas
+encore dans un âge très-avancé (64 ans), tout lui faisait espérer une
+longue carrière dans le poste qu'elle occupait; et cependant, quelques
+jours encore, et toute cette grandeur allait disparaître. Louis XV, déjà
+triste et souffrant, venait, pour se distraire, de passer quelques jours
+à Trianon, lorsqu'il y fut atteint de la petite vérole. Ramené à
+Versailles, il y succomba le 10 mai 1774.
+
+Quelques jours avant la mort du roi, et lorsqu'on le vit dans un état
+tout à fait désespéré, on fit partir de Versailles madame du Barry. Elle
+se retira à Rueil, chez M. et madame d'Aiguillon, qui lui prodiguèrent
+les soins les plus affectueux.
+
+Le premier acte du nouveau monarque fut d'éloigner de la cour celle qui
+en avait été le scandale pendant les dernières années de la vie du feu
+roi. Le jour même de la mort de Louis XV, le duc de la Vrillière fut
+envoyé à Rueil et remit à madame du Barry une lettre de cachet lui
+intimant l'ordre de se rendre immédiatement au couvent de
+Pont-aux-Dames, près de Meaux.
+
+La chute de madame du Barry entraîna celle de toute la famille. Le comte
+Jean et son fils sortirent de France. Quant au comte Guillaume, resté à
+Toulouse, il y fut l'objet des huées et des railleries de la populace.
+
+Il y avait un an que madame du Barry était renfermée dans l'abbaye de
+Pont-aux-Dames. Sa santé s'altérait de cette vie si éloignée de ses
+habitudes. Ses amis faisaient des efforts pour l'en faire sortir, et
+elle parvint enfin à obtenir la permission d'aller habiter sa petite
+maison de Saint-Vrain. Elle y passa une partie de l'année 1775; mais,
+vers l'automne, des fièvres assez graves attribuées à l'humidité de ce
+lieu ayant attaqué une partie de ses gens et la menaçant elle-même, elle
+obtint enfin de M. de Maurepas, oncle de M. d'Aiguillon, alors
+tout-puissant, de revenir habiter le joli pavillon de Louveciennes.
+
+Pendant le temps de sa faveur, madame du Barry avait eu à sa disposition
+des sommes considérables; mais légère comme elle l'était, coquette et
+désirant contenter à l'instant ses moindres caprices sans regarder à la
+dépense, surprise surtout par la brusque mort de Louis XV, elle n'eut
+point le temps de satisfaire ses créanciers, et il fut établi que
+lorsqu'elle quitta la cour elle avait pour plus de 1,200,000 livres de
+dettes.
+
+Les créanciers de la comtesse ne savaient à qui s'adresser pendant son
+séjour à Pont-aux-Dames. L'intendant général de la maison du roi
+recevait de toutes parts des réclamations. On jugea alors nécessaire de
+se rendre compte de la fortune de madame du Barry et des sommes qu'elle
+avait reçues pendant le temps de sa faveur. Montvallier, intendant de
+la comtesse, fut chargé de dresser un état de toutes ces sommes. Voici
+cet état, copié sur les papiers déposés à la préfecture de
+Seine-et-Oise[127]:
+
+«État des sommes payées pour le compte de madame la comtesse du Barry,
+par M. Beaujon[128], pendant qu'elle était en faveur à la cour de
+France.
+
+«15 juillet 1774.»
+
+
+OBSERVATION.
+
+Montvallier prévient qu'il n'a pu rendre le travail plus complet,
+attendu qu'il n'a pas la suite des bordereaux de M. Beaujon, et qu'il y
+a même une lacune entre celui du 15 février 1772 et celui du 10
+septembre suivant, et qu'il lui a été fait une remise de pièces sans
+bordereaux par madame du Barry, pour cette lacune, montant ensemble à la
+somme de 93,200 livres, employée dans les articles qui suivent, savoir:
+
+ART. 1er.--_Aux marchands orfèvres, joailliers et bijoutiers_.
+
+ Orfèvres 313,328 l. 4 s.
+ Joailliers 1,808,635 9
+ Bijoutiers 158,000 »
+ ------------------
+ Total 2,279,963 l. 13 s.
+
+ART. 2.--_Aux marchands de soieries, dentelles, toiles, modes_, etc.
+
+ Soieries 369,810 l. 15 s. 3 d.
+ Toiles, dentelles 215,888 6 »
+ Modes 116,818 5 »
+ Merceries 35,443 14 »
+ ---------------------
+ Total 737,961 l. » s. 3 d.
+
+
+ ART. 3.--_A divers parfumeurs, fourreurs, chapeliers,
+ chaudronniers_, etc. 52,148 l. 9 s.
+
+
+ART. 4.--_Pour meubles, tableaux, vases et autres ornements._
+
+ Meubles 24,398 l. 18 s.
+ Tableaux, vases 91,519 19
+ ----------------
+ Total 115,918 l. 17 s.
+
+ART. 5.--_Aux tailleurs et brodeurs._
+
+ Tailleurs 60,322 l. 10 s.
+ Brodeurs 471,178 »
+ ----------------
+ Total 531,500 l. 10 s.
+
+
+ART. 6.--_Pour achat de voitures, chevaux et fourrages._
+
+ Voitures et entretien 67,470 l. 1 s.
+ Chevaux 57,347 »
+ Fourrages 6,810 »
+ ----------------
+ Total 131,627 l. 1 s.
+
+
+ART. 7.--_Aux peintres, sculpteurs_, etc.
+
+ Doreurs 78,026 l. » s. » d.
+ Sculpteurs 95,426 » »
+ Peintres 48,875 12 6
+ Fondeurs 98,000 » »
+ Marbriers 17,540 8 10
+ A divers ouvriers menuisiers,
+ serruriers 32,240 8 »
+ ----------------------
+ Total 370,108 l. 9 s. 4 d.
+
+
+ART. 8.--_Pour les anciens et nouveaux ouvrages de Louveciennes._
+
+ Anciens ouvrages 111,475 l. 6 s. 9 d.
+ Jardins 3,739 19 »
+ Nouveaux ouvrages 205,638 16 8
+ Jardins 3,000 » »
+ ----------------------
+ Total 323,854 l. 2 s. 5 d.
+
+
+ ART. 9.--Sommes payées, qu'on n'a pu appliquer aux
+ différents comptes, les motifs des payements n'étant
+ point connus 55,619 l. 2 s. » d.
+
+
+ ART. 10.--Pour dépenses extraordinaires,
+ dons, gratifications,
+ musique, aumônes 47,525 5 »
+
+
+ ART. 11.--Sommes payées, divisées
+ en deux parties, la première
+ considérée comme pour
+ le compte de madame du
+ Barry, et la deuxième pour ses
+ affaires; à madame du Barry
+ directement ou pour elle; aux
+ comte, vicomte et demoiselle
+ du Barry, et autres 1,081,052 l. 15 s. 2 d.
+
+ A ses gens d'affaires et autres,
+ y compris l'acquisition du
+ pavillon de l'avenue de Paris,
+ à Versailles 661,628 16 9
+
+ ART. 12.--A-compte sur la
+ construction du bâtiment audit
+ pavillon 18,000 » »
+
+ ART. 13.--Recouvrements à
+ faire 20,000 » »
+ ------------------------
+ Total général 6,375,559 l. 11 s. 11 d.
+
+ Certifié véritable et conforme aux bordereaux mentionnés
+ ci-dessus.
+
+ Louveciennes, le 14 juillet 1774.
+
+ _Signé_: MONTVALLIER.
+
+Pour payer toutes ses dettes, madame du Barry restait avec sa propriété
+de Louveciennes et 150,000 livres de rentes viagères. Elle parvint à
+faire des arrangements avec la plupart de ses créanciers; quant aux plus
+récalcitrants, elle les paya à l'aide de la vente de plusieurs de ses
+bijoux, et de la cession qu'elle fit de son hôtel de Versailles, en
+1775, à Monsieur, frère du roi, moyennant la somme de 224,000
+livres[129].
+
+Retirée à Louveciennes, madame du Barry y mena une vie fort tranquille.
+Belle et bonne, malgré sa position équivoque à la cour, elle s'y était
+fait un grand nombre d'amis. Les plus grands personnages et bon nombre
+de dames allaient à Louveciennes. On vit même le frère de
+Marie-Antoinette, l'empereur Joseph II, venir lui faire une visite, et
+lui offrir le bras en se promenant avec elle dans ses jardins. La
+comtesse avait su se créer une petite cour, et les anciens amis de Louis
+XV étaient toujours les bienvenus dans son château. Habituée depuis
+plusieurs années à satisfaire tous ses caprices sans savoir ce qu'ils
+pouvaient coûter, elle recevait ses hôtes en princesse, et, jolie femme,
+continuait toutes ces folles dépenses de toilette qu'une jolie femme,
+même sans être une madame du Barry, a souvent tant de peine à
+abandonner. On la trouvait de plus toujours prête à secourir ses amis;
+et l'on voit dans les papiers de la préfecture de Seine-et-Oise que le 9
+avril 1775, c'est-à-dire un an après la mort de Louis XV, elle prêta
+200,000 livres à M. le duc d'Aiguillon, qui ne les lui rendit que le 30
+août 1784.
+
+Madame du Barry dut donc économiser fort peu pour payer ses créanciers,
+et ses dettes, au lieu de diminuer, ne firent qu'aller en augmentant.
+Aussi, pour se liquider complétement, à force d'instances et de
+démarches de ses amis, elle obtint enfin du roi Louis XVI, en avril
+1784, l'échange de 60,000 livres de rente contre 1,250,000 livres qui
+lui furent délivrées par le trésor royal[130].
+
+Après comme pendant sa faveur, madame du Barry eut les mêmes soins de sa
+mère; et lorsqu'elle mourut, le 20 octobre 1788, _elle constitua au
+profit du sieur Rançon de Montrable, le mari de sa mère, une rente
+viagère de 2,000 livres pour, dit-elle, reconnaître les bons procédés de
+Rançon à l'égard de son épouse_[131]. Elle n'oublia pas non plus la
+famille de sa mère; elle constitua des rentes à ses oncles et tantes, et
+maria très-avantageusement plusieurs des ses cousines[132].
+
+Madame du Barry était excessivement bonne pour ses domestiques. Elle
+avait en eux une très-grande confiance, dont ils abusèrent plusieurs
+fois, surtout à l'époque de la Révolution. Soit que ces domestiques,
+paresseux et insouciants comme ils le sont dans la plupart des grandes
+maisons, n'exerçassent point une surveillance assez active, soit que
+quelques-uns d'entre-eux s'entendissent avec les fripons que tentaient
+les richesses accumulées dans ce lieu, toujours est-il que plusieurs
+vols considérables eurent lieu à Louveciennes, depuis que la comtesse y
+faisait son séjour habituel.
+
+Le 20 avril 1776, trois individus fort bien mis se présentent au château
+et demandent à parler à madame du Barry. L'un d'eux, décoré de la croix
+de Saint-Louis, est introduit dans son cabinet, où elle se trouvait
+seule en ce moment, pendant que les deux autres restent dans la chambre
+qui précède. Il va droit à elle un pistolet à la main, la menace de
+tirer si elle fait le moindre geste pour appeler, et lui ordonne de
+donner ce qu'elle a d'argent et de bijoux. Effrayée, elle s'empresse de
+remettre à cet homme un riche écrin qu'elle avait près d'elle. Le
+voleur, frappé de la beauté des diamants et content de sa proie, se
+retire avec ses compagnons sans qu'on ait jamais pu les retrouver.
+
+Un autre vol, beaucoup plus considérable, eut lieu dans la nuit du 10 au
+11 janvier 1791.
+
+On a vu que dans sa retraite de Louveciennes, madame du Barry avait
+conservé de nombreux amis. Parmi eux se trouvait M. le duc de Brissac.
+Brave, loyal et d'une superbe figure, le duc fit impression sur le coeur
+de la comtesse. Ils s'attachèrent bientôt l'un à l'autre, et leurs
+relations devinrent si intimes, que madame du Barry était aussi souvent
+à Paris, à l'hôtel de Brissac, que le duc était à Louveciennes[133].
+C'est pendant l'un de ces séjours à Paris que s'accomplit le vol dont on
+va parler.
+
+A l'aide des sacrifices qu'elle avait déjà faits, madame du Barry était
+parvenue à combler la plus grande partie de ses dettes. Mais à l'époque
+dont il s'agit (1791), elle en avait contracté de nouvelles.
+
+Sa négligence à se rendre compte de ses propres affaires, le goût des
+folles dépenses qui ne l'avait pas quittée, mais surtout le besoin de
+soulager les infortunes que la Révolution commençait à faire peser sur
+ses amis, avaient mis de nouveau le désordre dans ses finances. Déjà
+elle avait cherché, par l'entremise de son banquier, à faire vendre
+quelques-uns de ses diamants à l'étranger. Elle avait, à cet effet,
+réuni dans un seul endroit du château ses bijoux les plus précieux. Peu
+défiante, elle s'était fait aider dans ce travail par plusieurs de ses
+domestiques; aussi savait-on parfaitement dans la maison le lieu où
+étaient placées toutes ces richesses, et si les gens de la comtesse n'y
+furent pour rien, leurs indiscrétions mirent au moins sur la voie les
+malfaiteurs qui accomplirent ce vol audacieux.
+
+Dans la nuit du 10 au 11 janvier 1791, pendant que madame du Barry était
+à Paris chez le duc de Brissac, des voleurs s'introduisirent dans le
+château, allèrent droit au lieu où étaient les diamants et les bijoux de
+la comtesse, et enlevèrent tout ce qui s'y trouvait réuni; puis ils se
+retirèrent tranquillement, sans que personne dans la maison se fût
+aperçu de leur présence. Depuis quelque temps madame du Barry, pour
+ajouter à sa sûreté, avait demandé au commandant des Suisses de
+Courbevoie de lui donner un des soldats du régiment pour lui servir de
+concierge. Aussitôt que l'on eut connaissance du vol, la municipalité de
+Louveciennes fit arrêter le Suisse qui servait de gardien. Interrogé par
+ses officiers, il avoua que des hommes qu'il ne connaissait pas
+l'avaient enivré dans un cabaret; mais voilà tout ce que la police de
+l'époque put recueillir sur cet attentat.
+
+C'était une immense perte pour madame du Barry, car on venait de lui
+enlever ses bijoux les plus précieux. On peut juger de la valeur de ce
+vol et des richesses accumulées dans ce lieu par l'état des objets volés
+qu'elle fit afficher dans Paris et annoncer dans les journaux étrangers:
+
+«Trois bagues montées chacune d'un brillant blanc, le premier pesant 35
+grains, le deuxième 50 grains, et le troisième 28 grains;
+
+»Une bague montée d'un saphir, carré long, avec un Amour gravé dessus,
+et deux brillants sur le corps;
+
+»Un baguier en rosette verte, renfermant vingt à vingt-cinq bagues, dont
+une grosse émeraude;
+
+»Une pendeloque montée à jour, pesant environ 36 grains, d'une belle
+couleur, mais très-jardineuse, ayant beaucoup de dessous;
+
+»Une autre d'un onyx, représentant le portrait de Louis XIII, dont les
+cheveux et les moustaches sont en sardoine;
+
+»Une autre d'un César, de deux couleurs, entourée de brillants;
+
+»Une autre d'une émeraude, carré long, pesant environ 20 grains;
+
+»Une autre d'un brun-puce, pesant de 14 à 16 grains;
+
+»Une autre d'un Bacchus antique, gravée en relief sur une cornaline
+brûlée;
+
+»Une autre d'une sardoine jaune, gravée par _Barrier_, représentant
+Louis XIV, entourée sur le corps de roses de Hollande;
+
+»Une autre d'un gros saphir en coeur, montée à jour, entourée de
+diamants sur le corps et sur la moitié de l'anneau.--L'onyx de Louis
+XIII et l'émeraude carrée sont montés de même et garnis également de
+diamants, de roses et de brillants;
+
+»Plus, dans ce _baguier_, il y a un _Bonus Eventus_ antique, gravé sur
+un onyx;--un brillant blanc pesant 29 grains;--un autre pesant 25
+grains;--un autre, forme de pendeloque, pesant 28 grains;--un autre,
+rond, pesant 23 grains;--un autre, 25 grains;--un, 24 grains;--un,
+qualité inférieure, carré long, 23 grains;--trois pesant chacun 28
+grains;--un brillant en épingle, forme longue, pesant 30 grains;--un
+brillant, forme losange, 33 grains;
+
+»Deux bracelets, ensemble de 24 grains;
+
+»Une rose montée à jour, de deux cent vingt-huit brillants blancs, dont
+un gros au milieu, cristallin, pesant 24 grains;
+
+»Un collier de vingt-quatre beaux brillants, montés en chatons à jour,
+de 20 grains chaque;
+
+»Huit parties de rubans en bouillon, chacune de vingt-un brillants à
+jour, pesant depuis 4 grains jusqu'à 8;
+
+»Une paire de boucles de souliers de quatre-vingt-quatre brillants,
+pesant 77 karats 1/4;
+
+»Une croix de seize brillants, pesant 8 à 10 grains chaque;
+
+»Soixante-quatre chatons, pesant de 6 jusqu'à 10 grains;
+
+»Une belle paire de girandoles en gros brillants de la valeur de 12,000
+livres;
+
+»Une bourse à argent en soie bleue, avec ses coulants, ses glands et
+leurs franges, le tout en petits brillants montés à jour;
+
+»Un esclavage à double rang de perles, avec sa chute, le tout d'environ
+deux cents perles, pesant 4 à 5 grains chaque;--un gros brillant au haut
+de la chute, pesant 24 à 26 grains, et au bas un gland à franges et son
+noeud, le tout en brillants montés à jour;
+
+»Une paire de bracelets à six rangs de perles, pesant 4 à 5 grains; le
+fond du bracelet est une émeraude surmontée d'un chiffre en diamants, en
+deux L pour l'un, et d'un D et B pour l'autre, et deux cadenas de
+quatre brillants, pesant 8 à 10 grains;
+
+»Un rang de cent quatre perles enfilées, pesant 4 à 5 grains chacune;
+
+»Un portrait de Louis XV peint par _Massé_, entouré d'une bordure d'or,
+à feuilles de laurier; ledit portrait de 5 à 6 pouces de haut;
+
+»Un autre portrait de Louis XV, peint par le même, plus petit, dans un
+médaillon d'or;
+
+»Une montre d'or simple, de Romilly;
+
+»Un étui d'or à une dent émaillée en vert, avec un très-gros brillant au
+bout, pesant environ 12 grains, tenant sur le tout par une vis;
+
+»Une paire de boutons de manches, d'une émeraude, d'un saphir, d'un
+diamant jaune et d'un rubis, le tout entouré de brillants couleur de
+rose, pesant 36 à 40 grains, montés en bouton de cou;
+
+»Deux grandes bandes de cordons de montre, composées de seize chaînons à
+trois pierres, dont une grande émeraude, et deux brillants de 3 à 4
+grains de chaque côté, et trois autres petites bandes de deux chaînons
+chaque, pareils à ceux ci-dessus;
+
+»Une barrette d'un très-gros brillant, carré long, pesant environ 60
+grains, avec trois grosses émeraudes pesant 8 à 10 grains, avec deux
+brillants aux deux côtés, pesant un grain chaque, montés à jour;
+
+»Une bague d'un brillant d'environ 26 grains, montée à jour, avec des
+brillants sur le corps;
+
+»Deux girandoles d'or formant flambeaux, montées sur deux fûts de
+colonne d'or émaillées de lapis, surmontées de deux tourterelles
+d'argent, de carquois et de flèches, faites par _Durand_;
+
+»Un étui d'or émaillé en vert, au bout duquel est une petite montre
+faite par Romilly, entourée de cercles de diamants et ayant un chiffre
+par derrière[134].
+
+»Deux autres étuis d'or, l'un émaillé en rubans bleus, et l'autre en
+émaux de couleur et paysages;
+
+»Dix-sept diamants démontés, de toutes formes, pesant depuis 25 jusqu'à
+30 grains chacun, dont une pendeloque montée, pesant 36 grains;
+
+»Soixante-quatre chatons dans un seul fil, formant collier, pesant 8, 9
+et 10 grains chacun, en diamants montés à jour.
+
+»Deux boucles d'oreilles de coques de perles, avec deux diamants au
+bout;
+
+»Un portrait de Louis XVI, de _Petitot_;
+
+»Un autre portrait de feu Monsieur, tous les deux en émail, ainsi qu'un
+portrait de femme, également de _Petitot_;
+
+»Une écritoire de vieux laque superbe, enrichie d'or et formant
+nécessaire, tous les ustensiles en or;
+
+»Deux souvenirs, l'un en laque rouge et l'autre en laque fond d'or à
+figures, l'un monté d'or et l'autre monté en or émaillé;
+
+»Deux flambeaux d'argent de toilette, perlés et armoriés;
+
+»Une boîte de cristal de roche couverte d'une double boîte travaillée à
+jour;
+
+»Des pièces d'or et des médailles d'or de différents pays;
+
+»Quarante petits diamants pesant un karat chaque;
+
+»Deux lorgnettes, l'une émaillée en bleu, l'autre émaillée en rouge,
+avec le portrait du feu roi, toutes deux montées en or;
+
+»Un souvenir en émail bleu avec des peintures en grisailles,
+représentant d'un côté une offrande, et de l'autre côté une jardinière
+avec un petit chien à longues oreilles;
+
+»Un reliquaire, d'un pouce environ, d'un or très-pur, émaillé en noir et
+blanc, une petite croix montée dessus assez gothiquement, et une perle
+fine de la grosseur d'un pois au bas;
+
+»Et plusieurs autres bijoux d'un très-grand prix.»
+
+On peut penser à quelle somme considérable devait s'élever un pareil
+vol.
+
+Ses ennemis répétaient partout que ce vol n'existait pas, et que madame
+du Barry avait fait courir ce bruit pour arranger plus aisément ses
+affaires. D'autres prétendirent plus tard qu'elle avait porté elle-même
+ses bijoux en Angleterre, pour soulager les infortunes de la plupart des
+émigrés retirés à Londres; Cet autre bruit se répandit surtout lorsque
+l'on sut qu'ils venaient d'être retrouvés dans ce pays. Ce fut l'un des
+chefs d'accusation les plus violents que fit valoir contre cette
+malheureuse femme le farouche _Fouquier-Tainville_, et aujourd'hui
+encore il est répété par ses biographes; bien entendu cependant qu'ils
+ne le regardent plus comme un acte criminel, mais au contraire comme
+très-honorable.
+
+Quels que soient les motifs que l'on ait fait valoir pour douter du vol
+de madame du Barry, un acte authentique, solennel, fait peu de jours
+avant la mort, le testament de M. de Brissac, dont on parlera bientôt,
+le constate et ne laisse aucun doute sur sa réalité.
+
+Ce vol fût donc un extrême malheur pour madame du Barry, et elle fit
+toutes les démarches possibles pour pouvoir se mettre sur la trace des
+coupables. Dans le courant de février suivant, madame du Barry apprit
+que ses voleurs avaient été arrêtés à Londres. Il paraît que peu de
+jours après leur arrivée dans ce pays, un Anglais, qui leur servait
+d'interprète, se présenta chez un lapidaire et lui offrit à très-bon
+marché une riche collection de diamants. Le joaillier les lui acheta;
+mais, frappé de la beauté de ces pierres, de leur nombre, de leur bas
+prix et étonné surtout que tant de pierres précieuses se trouvassent
+ainsi dans les mains d'un inconnu, il prévint la police, qui arrêta
+l'interprète et ses compagnons, encore munis de tous les bijoux de la
+comtesse.
+
+Madame du Barry partit immédiatement pour Londres, où on lui représenta
+ses diamants. Elle les reconnut parfaitement. Mais comme la procédure
+devait durer un certain temps, les diamants furent déposés chez MM.
+_Hamerleys_ et _Morland_, banquiers à Londres, scellés de son cachet et
+de celui des banquiers, et madame du Barry revint à Louveciennes.
+
+Un mois après son retour, elle reçut une lettre de Londres, qui l'y
+appelait de nouveau pour la poursuite du procès de ses voleurs. Cette
+fois, madame du Barry, pensant rester plus longtemps que la première, se
+munit d'un passe-port signé du roi et de M. de Montmorin, valable pour
+_trois semaines_, et lui permettant d'emmener avec elle le chevalier
+d'_Escourt_, le joaillier _Rouen_, deux femmes de chambre, un valet de
+chambre et deux courriers, et elle partit après avoir reçu de ses
+banquiers à Paris, MM. _Wandenyver_, des lettres de crédit pour Londres.
+Elle y resta plus des trois semaines que lui accordait son passe-port,
+espérant toujours voir la fin du procès. Mais comme rien ne finissait
+encore, elle se décida à revenir en France, et arriva à Paris dans les
+premiers jours de juillet.
+
+Sa liaison avec le duc de Brissac n'avait point cessé, et paraissait au
+contraire se resserrer à mesure que les orages s'accumulaient sur la
+France et éloignaient tous ceux qu'un grand nom ou une grande fortune
+semblaient désigner d'avance aux fureurs populaires. M. de Brissac, en
+loyal et brave chevalier, ne voulut point abandonner le roi au milieu
+des dangers dont il était entouré. Nommé commandant de la garde
+constitutionnelle, il inspira à cette garde, composée des éléments les
+plus divers, un esprit d'unité et d'amour pour le roi, qui fut la cause
+de sa perte.
+
+Le 29 mai 1792, le député _Bazire_ vient dénoncer à la tribune de
+l'Assemblée législative la garde constitutionnelle du roi, comme animée
+d'un mauvais esprit, et particulièrement son chef, M. de Brissac. Après
+une discussion qui va toujours en s'envenimant, _Couthon_ demande le
+licenciement de cette garde et l'arrestation de Brissac, et l'assemblée
+adopte successivement deux décrets, conformes à la proposition de
+_Couthon_.
+
+M. de Brissac fut immédiatement arrêté, et envoyé à Orléans pour y être
+jugé par la haute cour de justice. Un de ses aides de camp, un jeune
+officier qui lui était fort attaché, M. de Maussabré, courut à
+Louveciennes pour annoncer ces terribles nouvelles à madame du Barry.
+
+Il était parvenu à entretenir quelques intelligences avec le duc depuis
+son arrestation, et c'est par lui qu'une correspondance put s'établir
+entre le duc et la comtesse. Après la fatale journée du 10 août, ce
+jeune officier chercha un refuge chez madame du Barry. Malheureusement
+pour lui, et malgré toutes les précautions prises pour le dérober à tous
+les regards, il y fut découvert par un détachement de fédérés. Emmené à
+Paris, il fut emprisonné à l'Abbaye, où il périt égorgé le mois de
+septembre suivant.
+
+Le duc de Brissac, renfermé dans les prisons d'Orléans, ne se faisait
+aucune illusion sur le sort qui l'attendait. Il se préparait à la mort
+qu'il allait bientôt recevoir d'une si horrible manière, et le 11 août
+1792, il écrivait ses dernières volontés, transmises plus tard à sa
+famille. Il n'oublie pas dans son testament celle qu'il aimait depuis
+longtemps. Après avoir institué pour sa légataire universelle sa fille,
+madame de Mortemart, il ajoute en s'adressant à elle:
+
+«Je lui recommande ardemment une personne qui _m'est bien chère_, et que
+les malheurs des temps peuvent mettre dans la plus grande détresse. Ma
+fille aura de moi un codicille qui lui indiquera ce que je lui ordonne à
+ce sujet.»
+
+Ce codicille est ainsi conçu:
+
+«Je donne et lègue à madame du Barry, de Louveciennes, outre et
+par-dessus ce que je lui dois, une rente viagère et annuelle de 24,000
+livres, quitte et exempte de toute retenue, ou bien l'usufruit et
+jouissance pendant sa vie de ma terre de la Rambaudière et de la
+Graffinière, en Poitou, et des meubles qui en dépendent; ou bien encore
+une somme de 300,000 livres une fois payée en argent, le tout à son
+choix, d'autant qu'après qu'elle aura opté pour l'un desdits trois legs,
+les deux autres seront pour non avenus. Je la prie d'accepter ce faible
+gage de mes sentiments et de ma reconnaissance, dont je lui suis
+d'autant plus redevable que _j'ai été la cause involontaire de la perte
+de ses diamants, et que si jamais elle parvient à les retirer
+d'Angleterre, ceux qui resteront égarés, ou les frais des divers voyages
+que leur recherche aura rendus nécessaires, ainsi que ceux de la prime à
+payer, s'élèveront au niveau de la valeur effective de ce legs_. Je prie
+ma fille de lui faire accepter. La connaissance que j'ai de son coeur
+m'assure de l'exactitude qu'elle mettra à l'acquitter, quelles que
+soient les charges dont ma succession se trouvera grevée par mon
+testament et mon codicille, ma volonté étant qu'aucun de mes autres legs
+ne soit délivré que celui-ci ne soit entièrement accompli.
+
+ »Ce 11 août 1792.
+
+ »_Signé_: LOUIS-HERCULE TIMOLÉON
+ DE COSSÉ-BRISSAC[135].»
+
+Après des paroles si formelles, il est impossible de douter de la
+réalité du vol.
+
+Madame du Barry était à Louveciennes lorsque le duc de Brissac fut
+massacré à Versailles. On dit que quelques-uns des forcenés qui prirent
+part à cette boucherie portèrent à Louveciennes la tête du duc, et
+vinrent la mettre sous ses yeux[136]. Ce terrible coup la plongea dans
+la plus profonde douleur.--Isolée dans son château, elle craignit pour
+elle-même, et commença à prendre des précautions pour sauver ses
+richesses. Aidée d'un valet de chambre dévoué, nommé Morin, qui paya de
+sa tête son attachement à sa maîtresse, elle cacha ce qu'elle avait de
+plus précieux dans différentes parties de la maison et des jardins.
+
+Elle entretenait toujours une correspondance avec Londres à l'occasion
+de ses diamants. On lui écrivit de cette ville qu'il fallait absolument
+suivre le procès, parce que c'était la seule manière de rentrer en
+possession de son bien. Elle s'occupa alors des moyens de passer
+tranquillement en Angleterre, et surtout de ne pas être considérée comme
+émigrée.
+
+Elle écrivit au président de la Convention nationale et au ministre des
+affaires étrangères _Lebrun_, pour leur expliquer le motif de son voyage
+et les assurer qu'elle ne comptait pas abandonner la France, et qu'elle
+prenait l'engagement formel de revenir à Louveciennes aussitôt la fin de
+son procès. Quelques jours après, elle reçut du ministre son passe-port,
+et une lettre lui disant qu'elle ne serait en rien tourmentée pour ce
+voyage, et qu'elle pouvait le faire en toute assurance. Mais pour plus
+de certitude et pour bien établir dans le pays même qu'elle ne voulait
+pas émigrer, et prévenir les malintentionnés dans le cas d'une absence
+prolongée, elle renouvela, devant la municipalité de Louveciennes, les
+déclarations déjà faites par elle au président de la Convention et au
+ministre. La municipalité inscrivit cette déclaration sur ses registres,
+et lui en remit une copie ainsi conçue:
+
+«Ce jourd'hui 7 octobre 1792, l'an Ier de la République française,
+s'est présentée devant nous, officiers municipaux de la commune de
+Louveciennes, district de Versailles, département de Seine-et-Oise, dame
+Vaubernier du Barry, résidant habituellement en ce lieu, laquelle nous a
+déclaré qu'étant obligée d'aller à Londres, pour assister au jugement
+définitif des voleurs qui, la nuit du 10 au 11 janvier 1791, lui ont
+volé ses bijoux dans son château de Louveciennes, elle nous en fait la
+déclaration pour qu'elle ne puisse point être regardée comme émigrée
+pendant son absence, ni traitée comme telle par aucune autorité
+constituée, de laquelle déclaration elle nous a requis acte que nous lui
+avons octroyé, vu la lettre de M. Lebrun, ministre des affaires
+étrangères, en date du 2 du courant, qui est restée annexée à la
+présente minute, et la susdite dame du Barry a signé avec nous, les
+jours et an que dessus.
+
+»Bon pour copie conforme à l'original, le 8 septembre
+1792[137].»_Suivent les signatures._»
+
+Après s'être mise en règle, madame du Barry partit pour Londres le 14
+octobre 1792. Pendant qu'elle était en Angleterre, de terribles
+événements s'étaient passés en France. Le roi était tombé sous la hache
+du bourreau. Partout s'étaient développées les passions
+révolutionnaires. Jusque dans les petits villages, on voyait s'établir
+des assemblées populaires, des clubs, et Louveciennes n'y avait point
+échappé. Un intrigant nommé _Greive_ était venu s'y établir depuis
+quelque temps. Aussitôt son arrivée, il y forma un club. Son premier
+acte fut une dénonciation contre madame du Barry, et, le 14 février
+1793, le procureur général syndic du district de Versailles adressait
+aux administrateurs du district la lettre suivante:
+
+«La femme du Barry, propriétaire à Louveciennes, a quitté la France au
+moyen d'un passe-port, au commencement de 1792, pour poursuivre en
+Angleterre les auteurs d'un vol considérable fait en sa maison.
+
+»Le doute inspiré sur cette poursuite par le laps de temps et par
+l'ignorance de ses effets a fait naître nécessairement l'incertitude.
+
+»Dans cet état, l'administration a pensé qu'il convenait de prendre sur
+les biens de cette femme des mesures conservatrices pour assurer à la
+fois ses droits et ceux de la nation.
+
+»Elle me charge, en conséquence, de vous inviter à faire apposer les
+scellés sur la maison de la femme du Barry, à Louveciennes, d'y
+commettre un gardien, et de lui adresser le procès-verbal qui sera
+dressé à cette occasion.
+
+»Vous voudrez bien, citoyens, presser cette opération et m'en faire part
+aussitôt qu'elle aura été faite[138].»
+
+Deux jours après, les membres du Directoire du district répondirent à la
+lettre du procureur syndic par une résolution ainsi conçue:
+
+«Vu la lettre du procureur général syndic, le directoire du district a
+commis le citoyen _Brunette_, l'un de ses membres, à l'effet de
+procéder, en présence de deux officiers de la commune de Louveciennes, à
+l'apposition des scellés sur tous les meubles, titres et effets de la
+femme du Barry, et établir à la conservation desdits scellés un ou
+plusieurs gardiens solvables, lesquels ne pourront être choisis parmi
+les parents, domestiques ou agents de ladite du Barry, et auxquels il
+sera attribué un salaire journalier de trente sols par jour[139].
+
+»Fait à Versailles, le 16 février 1793, an II de la République.»
+
+_Greive_ savait bien que madame du Barry n'avait point émigré; mais il
+espérait que ce premier acte, qui paraissait la soupçonner d'émigration,
+lui ferait peur, empêcherait son retour en France et le mettrait à même,
+sous le prétexte du salut public, de toucher aux trésors accumulés dans
+le château, et dont il espérait tirer un peu parti pour lui-même.
+
+Mais madame du Barry comptait bien revenir à Louveciennes. Ayant appris
+à Londres que les scellés avaient été mis sur ses biens, elle se hâta de
+quitter l'Angleterre. Son procès ayant été jugé le 28 février, jour du
+terme du tribunal, elle partit de Londres le 3 mars, arriva à Calais le
+5, où elle fut retenue jusqu'au 18 pour attendre de nouveaux passe-ports
+du pouvoir exécutif, et arriva à Louveciennes le 19[140].
+
+L'arrivée de madame du Barry déconcerta un peu _Greive_, mais ne
+l'empêcha pas de suivre ses projets. La société populaire de
+Louveciennes était composée d'une quarantaine de membres, au nombre
+desquels se trouvaient plusieurs domestiques de madame du Barry, et
+entre autres les nommés _Salanave_ et _Zamor_. Le premier était un valet
+de chambre que madame du Barry renvoya plusieurs jours après son retour,
+à cause de quelques actes d'infidélité; l'autre était un nègre, élevé
+par elle, dont elle était la marraine, auquel elle avait assuré des
+rentes, et qu'à cause de son ingratitude elle chassa de sa maison. A
+l'aide de ces deux hommes, _Greive_ sut tout ce qui se passait dans
+l'intérieur du château, les personnes qu'on y recevait, et recueillit
+une foule de renseignements qui lui permirent de continuer ses
+dénonciations.
+
+Le 2 juin 1793, la Convention avait rendu un décret portant: «Les
+autorités constituées, dans toute l'étendue de la République, seront
+tenues de faire saisir et mettre en état d'arrestation toutes les
+personnes _notoirement suspectées d'aristocratie ou d'incivisme_; elles
+rendront compte à la Convention nationale de l'activité qu'elles
+apporteront à mettre à exécution le présent décret, et demeureront
+responsables des désordres que pourrait occasionner leur négligence.»
+
+_Greive_ fait assembler la société populaire de Louveciennes, et le 26
+juin se présente devant les administrateurs du département de
+Seine-et-Oise. Là il lit une adresse signée de trente-six citoyens de
+Louveciennes, dans laquelle on demande la mise à exécution du décret de
+la Convention et un exemplaire de ce décret pour la commune.
+
+Le lendemain 27, armé de ce décret, _Greive_, accompagné du maire de la
+commune, se présente chez madame du Barry et procède à son arrestation.
+
+Les administrateurs du département ne paraissaient pas avoir un zèle
+aussi exagéré du bien public que les clubistes de Louveciennes, et ils
+se doutaient un peu du motif qui les faisait agir. Pour prévenir l'acte
+de vengeance qu'ils redoutaient, ils envoyèrent le même jour à
+Louveciennes un des membres du district de Versailles, en le chargeant
+de faire exécuter la loi avec quelques modifications et restrictions.
+Arrivé juste au moment où l'on se disposait à faire enlever madame du
+Barry, le membre du district fit suspendre son arrestation, et reprocha
+vivement à la municipalité son extrême précipitation.
+
+_Greive_ et les membres de la société populaire, dont la plupart avaient
+été employés dans la maison de madame du Barry, irrités de ce
+contre-temps, rédigèrent une autre pétition qu'ils adressèrent cette
+fois à la Convention. Dans cette pièce, remplie de déclamations et de
+grands sentiments patriotiques, comme on en voyait dans tous les écrits
+de cette époque, on accumula les accusations contre madame du Barry, et
+on demanda l'approbation de la Convention nationale pour l'arrestation
+de la citoyenne se disant comtesse _du Barry, de sa nièce, fille d'un
+émigré, et de ceux de ses domestiques notoirement suspects
+d'aristocratie et d'incivisme_, c'est-à-dire de ses domestiques restés
+fidèles. «Dites, ajoutent les pétitionnaires, dites que nous avons
+rempli votre voeu, en mettant à prompte exécution votre décret du 2
+juin; ordonnez l'impression de notre adresse, afin de donner le _branle_
+aux autres communes du département; déclarez que nous avons bien mérité
+de la patrie, etc.»
+
+La Convention ne pouvait qu'approuver de pareils sentiments, exprimés
+dans un pareil style; aussi le président remercia la députation de
+Louveciennes de son patriotisme, et l'invita aux honneurs de la séance.
+
+De retour à Louveciennes, et forts de l'approbation de la Convention,
+les membres de la société populaire arrêtèrent madame du Barry et les
+diverses personnes indiquées dans leur pétition, et les conduisirent à
+Versailles, pour les faire enfermer dans les prisons de cette ville.
+_Goujon_[141] était alors procureur général syndic; il leur reprocha
+leur acte comme illégal, leur représenta que les faits sur lesquels ils
+basaient leur accusation étaient dénués de preuves, et ordonna de
+reconduire les prisonniers à Louveciennes.
+
+Empêché dans l'exécution de ses desseins, _Greive_ fit alors imprimer un
+libelle dont voici le litre: «_l'Égalité controuvée, ou Histoire de la
+protection_, contenant les pièces relatives à l'arrestation de madame du
+Barry, ancienne maîtresse de Louis XV, pour servir d'exemple aux
+patriotes trop ardents qui veulent sauver la République, et aux modérés
+qui s'entendent à merveille pour la perdre.» Dans cet écrit, _Greive_
+s'intitule défenseur officieux des braves sans-culottes de Louveciennes
+et ami de Franklin et Marat, et n'épargne ni madame du Barry, ni le
+comité de sûreté générale, qu'il accuse de faiblesse, ni le département.
+
+Pendant ce temps, madame du Barry cherchait, par tous les moyens, à
+conjurer l'orage qui s'accumulait sur sa tête. Elle adressa à la
+Convention des notes explicatives de sa conduite, tandis que la plupart
+des habitants de Louveciennes qui ne faisaient pas partie de la société
+des sans-culottes présentaient de leur côté plusieurs pétitions en sa
+faveur. Elle fit aussi des démarches auprès des administrateurs du
+département pour être protégée contre ses ennemis.
+
+Le directoire du département voyait avec peine l'acharnement que l'on
+mettait à perdre cette malheureuse femme, dont le principal crime était
+ses richesses. Il envoya auprès d'elle un de ses membres, nommé
+_Lavallery_[142]. Celui-ci lui conseilla d'abandonner Louveciennes et de
+se retirer à Versailles, où il serait plus aisé de la protéger. Mais
+tout ce que madame du Barry avait encore de richesse était enfoui à
+Louveciennes, et elle craignait que, pendant son absence et sous le
+moindre prétexte, on ne fouillât sa maison, et que l'on ne s'emparât de
+ce qui y était caché, et elle ne voulut pas quitter ce séjour.
+
+_Greive_ cependant ne perdait pas un instant pour arriver à ses fins. Il
+reçut du nègre Zamor une foule de renseignements qu'il mit habilement à
+profit, et à force de dénonciations réitérées et d'actives démarches, il
+obtint enfin du Comité de sûreté générale de la Convention l'ordre
+d'arrêter madame du Barry. Muni de cet ordre, il accourt à Louveciennes,
+et le dimanche 22 septembre, il se fait accompagner au château par le
+maire, le juge de paix et deux gendarmes, fait mettre les scellés sur
+tous les meubles, ordonne à madame du Barry de le suivre, la fait placer
+entre les deux gendarmes dans une mauvaise voiture de place qu'il avait
+fait venir exprès, y monte après elle et l'emmène triomphant à Paris, où
+il la dépose dans la prison de Sainte-Pélagie.
+
+_Greive_ avait remis au Comité de sûreté générale de la Convention les
+papiers qu'il pensait devoir le plus compromettre madame du Barry. Un
+ami de Marat, _Héron_, fut chargé de les examiner, et, sur son rapport,
+le Comité rendit, le 29 brumaire de l'an II (19 novembre 1793), l'arrêté
+suivant:
+
+ «CONVENTION NATIONALE.
+
+ »COMITÉ DE SÛRETÉ GÉNÉRALE ET DE SURVEILLANCE DE
+ LA CONVENTION NATIONALE,
+
+ »_du 29 brumaire, l'an II de la République
+ française_,
+
+ »UNE ET INDIVISIBLE.
+
+»Le Comité de sûreté générale, ayant pris connaissance des diverses
+pièces trouvées chez la nommée du Barry, mise en état d'arrestation par
+mesure de sûreté générale, comme personne suspecte, aux termes du décret
+du 17 septembre dernier (vieux style), considérant qu'il résulte de
+l'ensemble desdites pièces que la femme du Barry est prévenue
+d'émigration et d'avoir, pendant le séjour qu'elle a fait à Londres,
+depuis le mois d'octobre 1792 jusqu'au mois de mars dernier (vieux
+style), fourni aux émigrés réfugiés à Londres des secours pécuniaires,
+et entretenu avec eux des correspondances suspectes; et que les nommés
+Wandenyver père et fils, négociants, sont prévenus d'avoir fait passer
+des fonds à la femme du Barry pendant qu'elle était en Angleterre;
+arrête: que la femme du Barry, prévenue d'émigration, et que les nommés
+Wandenyver père et fils, prévenus d'avoir fait passer à ladite dame du
+Barry des fonds pendant son séjour a Londres, seront traduits au
+tribunal révolutionnaire, pour y être poursuivis et jugés à la diligence
+de l'accusateur public.
+
+»Les représentants du peuple, membres du Comité de sûreté générale de la
+Convention nationale,
+
+ »VOULAND, DAVID, VADIER, DUBARRAN, JAGOT,
+ PANIS, LAVICOMTERIE.»
+
+Les Wandenyver ne se trouvaient ainsi compromis que parce qu'ils étaient
+les banquiers de madame du Barry. Mais pour donner plus d'importance à
+ce procès et compromettre davantage ces banquiers, qui faisaient alors
+beaucoup d'affaires et étaient chargés des intérêts de plusieurs grandes
+familles, le Comité rendit, deux jours après, un nouvel arrêté ainsi
+conçu:
+
+ «COMITÉ
+
+ »DE SÛRETÉ GÉNÉRALE ET DE SURVEILLANCE DE LA
+ CONVENTION NATIONALE,
+
+ »_du_ 1er _frimaire, l'an II de la République_,
+
+ »UNE ET INDIVISIBLE.
+
+»En faisant droit à la dénonciation faite par le citoyen Héron au
+Comité, d'après son mémoire imprimé, rédigé par le martyr de la liberté
+(_Marat_), représentant du peuple, dans lequel on y reconnaissait
+Wandenyver, ainsi qu'une multitude de complices, pour avoir été les
+instruments d'un complot de banqueroute générale, qui aurait perpétué
+l'esclavage des Français et sauvé la tête du tyran, entretenu les abus
+de la féodalité, qui servaient au déshonneur de la nation française;
+considérant que les faits pour lesquels Wandenyver a subi interrogatoire
+à notre Comité ne sont qu'une suite de ceux désignés dans le
+développement de la banqueroute, en ce qu'il y a coopéré, ainsi qu'au
+massacre du peuple, dont il est conjointement accusé avec tous ceux
+désignés dans le mémoire; le Comité arrête qu'ils seront traduits au
+tribunal révolutionnaire pour y être jugés, et que les pièces françaises
+et espagnoles seront jointes au présent arrêté pour servir au procès.
+
+»Les représentants du peuple, membres du Comité de sûreté générale et de
+surveillance de la Convention nationale,
+
+ »MOYSE BAYLE, DAVID, AMAR, JAGOT,
+ LOUIS (du Bas-Rhin), A. BENOIT,
+ GUFFROY, LAVICOMTERIE.»
+
+Dès que l'arrêté qui traduisait madame du Barry et ses co-accusés devant
+le tribunal révolutionnaire fut rendu, son procès ne dura pas longtemps.
+Le 3 décembre (13 frimaire an II), Fouquier lit à là chambre du conseil
+l'acte d'accusation, la chambre en donne acte et ordonne le
+transfèrement des prévenus à la Conciergerie. Le 6, ils paraissent
+devant le tribunal, et, le 7, ils sont condamnés à mort.
+
+L'acte d'accusation dressé par Fouquier-Tainville contre cette
+malheureuse femme est un chef-d'oeuvre du genre. Son titre de maîtresse
+du roi et ses folles dépenses lui donnèrent beau jeu pour se laisser
+aller à toute son indignation d'_honnête homme_ et de _bon patriote_, et
+il en usa largement, comme on peut le voir dans toute la partie qui
+regarde madame du Barry, qu'on ne lira pas sans curiosité.
+
+Après avoir annoncé qu'il avait été procédé à l'examen des pièces du
+procès et à l'interrogatoire des accusés, il ajoute:
+
+«Qu'examen fait desdites pièces par l'accusateur public, il en résulte
+que les plaies profondes et mortelles qui avaient mis la France à deux
+doigts de sa perte avaient été faites à son corps politique bien des
+années avant la glorieuse et impérissable révolution qui doit nous faire
+réjouir des maux cuisants qui l'ont précédée, puisqu'elle nous a
+délivrés pour jamais des monstres barbares et fanatiques qui nous
+tenaient enchaînés sur l'héritage de nos pères; que, pour prendre une
+idée juste de l'immoralité de l'accusée du Barry, il faut jeter un coup
+d'oeil rapide sur les dernières années, pendant le cours desquelles le
+tyran français, Louis quinzième du nom, a scandalisé l'univers, en
+donnant la surintendance de ses honteuses débauches à cette célèbre
+courtisane; qu'en 1769, ce Sardanapale moderne se trouvant blasé sur
+toutes les jouissances qu'il avait poussées à l'excès dans le Parc aux
+Cerfs, sérail infâme où le déshonneur d'une infinité de familles
+honnêtes fut consommé, s'abandonna lâchement aux vils complaisants qui
+l'entouraient pour réveiller ses feux presque éteints; qu'un de ces
+odieux complaisants ayant fait la connaissance d'un ci-devant comte du
+Barry, noyé de dettes, et le plus crapuleux libertin, eut occasion de
+voir chez lui la nommée _Vaubernier_, sa maîtresse, qui n'était passée
+dans ses bras qu'après avoir fait un cours de prostitution; que le
+ci-devant comte du Barry, à qui tous les moyens étaient bons pour
+parvenir à apaiser ses créanciers, proposa à ce complaisant de lui céder
+la _Vaubernier_, s'il parvenait à la faire admettre au nombre des
+sultanes du crime couronné; que cette créature éhontée lui fut en effet
+présentée, et qu'en peu de temps elle parvint, par ses rares talents, à
+prendre l'empire le plus absolu sur le faible et débile despote. Bientôt
+des fleuves d'or roulèrent à ses pieds; les pierreries les plus
+précieuses lui furent données avec profusion; les artistes les plus
+célèbres furent occupés aux chefs-d'oeuvre les plus dispendieux; elle
+devint la cause universelle des ci-devant grands; les ministres, les
+généraux et les ci-devant princes de l'Église furent nommés et culbutés
+par cette nouvelle Aspasie; et tous venaient bassement faire fumer leur
+encens à ses genoux; le faste le plus insolent, les dépravations et les
+débordements de tout genre furent affichés par elle; le scandale était,
+à son comble; elle puisait à pleines mains dans les coffres de la nation
+pour enrichir sa famille et combler l'abîme de dettes du ci-devant comte
+du Barry, qui avait poussé l'infamie et le déshonneur jusqu'à devenir
+son époux. Son imbécile amant ne rougit pas lui-même d'insulter au
+peuple, en se plaçant à côté d'elle dans les chars les plus brillants et
+la promenant ainsi dans différents lieux; que, pour ne pas _effaroucher
+sa pudeur_, l'accusateur public ne soulèvera pas le voile qui doit
+couvrir à jamais les vices effroyables de la cour, jusqu'en l'année
+1774, époque à laquelle celui à qui des esclaves avaient donné le nom de
+Bien-Aimé disparut de dessus la terre, emportant dans ses veines le
+poison infect du libertinage, et couvert du mépris des Français; que la
+du Barry fut reléguée à Rhetel-Mazarin, et de là à Meaux, dans la
+ci-devant abbaye de Pont-aux-Dames; que dans cette retraite salutaire,
+elle aurait dû faire les plus sérieuses réflexions sur le néant des
+grandeurs et sur les désordres de sa conduite qui avaient entraîné la
+ruine de son pays; mais qu'ayant été rendue à la liberté par le dernier
+tyran des Français, il lui conserva non-seulement les dépouilles du
+peuple, mais encore la combla de nouvelles prodigalités, et lui
+abandonna le château de Louveciennes, où elle se forma une nouvelle
+cour, à laquelle se présentèrent en foule les vils courtisans qui
+avaient profité de sa faveur pour dilapider les finances avec elle;
+qu'elle les tint enchaînés à son char jusqu'à l'époque mémorable où le
+peuple français, fatigué de ses chaînes, se leva, brisa ces chaînes et
+en frappa la tête du despote. Tous les soi-disant grands d'alors, se
+voyant prêts à être écrasés par la vengeance nationale, s'enfuirent
+épouvantés, abandonnèrent un sol qu'ils avaient souillé depuis trop
+longtemps, furent implorer l'assistance des tyrans de l'Europe pour
+venir égorger un peuple qui avait eu le courage de conquérir sa liberté;
+mais ce peuple saura leur faire mordre la poussière, ainsi qu'à ceux qui
+ont épousé leurs projets sanguinaires; que la du Barry ayant vu se
+dissiper l'essaim de ses adorateurs, et réduite à régner seulement sur
+son nombreux domestique, ne retrancha non-seulement rien de son faste,
+mais forma le dessein d'être utile tant aux émigrés qu'au petit nombre
+de ses amis qui étaient restés en France, et qui trouvaient chez elle un
+asile assuré, notamment _Laroche_, ci-devant grand vicaire d'Agen,
+condamné à la peine de mort par jugement du tribunal; que pour procurer
+d'une manière certaine des secours aux émigrés, elle se servit d'un
+stratagème qui lui donna la facilité de faire quatre voyages à Londres;
+qu'elle prétendit avoir éprouvé un vol considérable de diamants et
+autres effets, dans la nuit du 10 au 11 janvier 1791, et que les voleurs
+étaient passés en Angleterre, où il fallait qu'elle se rendit pour en
+poursuivre la restitution; que ce vol n'était qu'un jeu concerté entre
+elle et un nommé _Forth_, le plus rusé des espions que le cabinet
+britannique ait envoyés en France pour soutenir le parti de la cour et
+s'opposer aux progrès de notre révolution; que, pour suivre les auteurs
+de ce prétendu vol, elle eut le talent de subtiliser différents
+passe-ports, tant du ministère des affaires étrangères que de la
+municipalité de Louveciennes et du département de Seine-et-Oise, dont
+plusieurs membres la protégeaient ouvertement, et particulièrement le
+nommé _Lavalery_[143], qui depuis s'est donné la mort; qu'au moyen de
+ces passe-ports clandestins, elle se joua impunément de la loi contre
+les émigrés, puisqu'elle était encore à Londres dans les premiers jours
+du mois de mars dernier; que pendant les quatre séjours qu'elle fit dans
+cette ville, elle vivait habituellement avec tous les émigrés qui s'y
+étaient réfugiés, et auxquels elle a prêté des sommes d'argent
+considérables, ainsi qu'il sera démontré par la suite; qu'elle avait
+également formé les liaisons les plus étroites avec les lords les plus
+puissants, tous conseillers intimes du tyran de l'Angleterre, et
+particulièrement avec l'infâme Pitt, cet ennemi implacable du genre
+humain, pour lequel elle avait un si haut degré d'estime, _qu'elle
+rapporta dans la république française une médaille d'argent portant
+l'effigie de ce monstre_[144]; qu'elle favorisait également de tout son
+pouvoir les ennemis de l'intérieur, auxquels elle prodiguait les trésors
+immenses qu'elle possédait; qu'elle fit compter une somme de _deux cent
+mille livres_ en constitution de rentes à Rohan-Chabot, qui possède des
+terres considérables dans la Vendée, sur l'étendue desquelles s'est
+formé le premier noyau des rebelles, selon la commune renommée[145]; que
+par l'entremise d'un nommé _d'Escourt_, ci-devant chevalier, elle prêta
+une pareille somme de 200,000 livres à la Rochefoucault, ancien évêque
+de Rouen[146]; que ce même d'Escourt, détenu à la Force, le nommé
+Laboudie, son neveu, et le ci-devant vicomte de Jumilhac, émigré, ont
+reçu d'elle des sommes considérables à la même époque; qu'elle
+provoquait des rassemblements dans son pavillon de Louveciennes, dont
+elle voulait faire un petit château fort, ce qui est suffisamment prouvé
+par les _huit fusils_ que son bon ami, le scélérat d'_Angremont_,
+escroqua pour elle à la municipalité de Paris, sous le prétexte que
+c'était la municipalité de Louveciennes qui demandait ces fusils, ce qui
+a été reconnu faux; qu'elle comptait tellement sur la contre-révolution,
+à laquelle elle travaillait si puissamment, qu'elle avait fait cacher
+dans sa cave sa vaisselle plate et autre argenterie; qu'elle avait fait
+enterrer dans son jardin ses diamants, son or, ses pierres précieuses,
+avec les titres de noblesse, brevets, etc., de l'émigré _Graillet_[147];
+qu'elle avait également fait enterrer dans les bois les bronzes les plus
+riches et les bustes de la royauté; et qu'elle avait dans un grenier un
+magasin énorme de marchandises et d'étoffes du plus haut prix, dont elle
+avait nié l'existence; qu'il a été trouvé chez elle une collection rare
+d'écrits et de gravures contre-révolutionnaires; que lors de son séjour
+à Londres, elle a publiquement porté le deuil du tyran; que cette femme,
+enfin, qui a fait tout le mal qui était en elle, et dont Forth, le
+fameux espion anglais, s'était adroitement servi comme d'un instrument
+utile aux desseins perfides des cours des Tuileries et de Londres,
+entretenait des correspondances et des liaisons avec les ennemis les
+plus cruels de la République, tels que Crussol, de Poix, Canonet,
+Calonne, etc., et une foule d'autres, dont il serait trop long de donner
+l'énumération; qu'elle était tellement protégée par le parti ministériel
+de la Grande-Bretagne, que quand la guerre fut déclarée à cette
+puissance, elle resta tranquillement à Londres, tandis que les Français
+en étaient chassés ou horriblement persécutés, ce qui ne peut laisser
+aucun doute sur le rôle odieux que jouait cette femme, que l'on doit
+regarder comme un des plus grands fléaux de la France, et comme un
+gouffre épouvantable dans lequel s'est engloutie une quantité effrayante
+de millions, etc.»
+
+Le 8 décembre 1793 (18 frimaire an II), madame du Barry fut conduite au
+supplice.
+
+On sait qu'elle jeta les hauts cris depuis la Conciergerie jusqu'à la
+place de la Révolution, où était dressée la guillotine. Elle avait une
+telle frayeur de cette horrible mort, qu'arrivée sur l'échafaud elle
+cria à la foule qui l'entourait: _A moi! A moi!_ et s'adressant ensuite
+au bourreau: _Encore un moment, monsieur, je vous en prie_, lui dit-elle
+les larmes aux yeux. Un instant après, elle avait cessé de vivre[148].
+
+On a vu, le jour même de l'arrestation de madame du Barry, _Greive_
+faire mettre les scellés sur une partie du mobilier du château de
+Louveciennes. Le lendemain, il revint accompagné du juge de paix, son
+ami, et ils procédèrent seuls à la continuation de la pose des scellés
+et à l'examen des richesses de ce lieu. Jusqu'au 27, Greive fut
+parfaitement le maître de faire tout ce que bon lui semblait dans cette
+habitation, et l'on verra dans le résumé historique des opérations des
+commissaires envoyés par le directoire du département de Seine-et-Oise
+que des soupçons sérieux s'élevèrent dans leur esprit sur la probité qui
+avait présidé à ce premier travail.
+
+_Salanave_, l'ancien domestique de madame du Barry, faisait partie du
+comité de salut public du district de Versailles. _Greive_, dont presque
+tous les membres de ce comité étaient les amis, fit nommer _Salanave_ et
+un appelé _Soyer_ commissaires chargés de prendre connaissance des
+scellés apposés par le juge de paix de Marly. On pense bien que ces deux
+commissaires, en se rendant à Louveciennes le 27, approuvèrent tout ce
+qui avait été fait. Ils nommèrent ensuite pour la garde des scellés
+_Fournier_, le père du juge de paix, et _Zamor_, ce nègre _si excellent
+et si intelligent patriote_[149]. De plus, pour la sûreté des trésors
+renfermés, on établit une garde composée de dix-huit patriotes faisant
+partie de la société des sans-culottes de Louveciennes. C'était une
+fort bonne affaire pour ces patriotes, car on voit dans le résumé
+historique dont on a déjà parlé que cette garde, depuis son installation
+jusqu'au 13 frimaire, c'est-à-dire en soixante-dix jours, avait déjà
+coûté 9,274 livres.
+
+On n'attendit pas la condamnation de madame du Barry pour fouiller dans
+sa maison, et l'on procéda comme si l'on avait été sûr de sa mort. Des
+commissaires spéciaux furent désignés pour faire l'inventaire et
+l'estimation de tout ce qui s'y trouvait. Outre un précieux mobilier, de
+nombreux objets d'art et des bijoux de prix, les commissaires ont
+surtout été frappés de la quantité d'objets de toilette, tels que
+dentelles, corsets de toutes couleurs, brodés en soie, or et argent;
+étoffes de soie et de velours, simples ou brochées d'or et d'argent,
+coupées ou en pièces, et en si grand nombre, qu'elles furent estimées à
+environ 200,000 mille livres, mises à part et destinées à être vendues à
+l'étranger[150].
+
+Cependant, malgré les recherches les plus minutieuses, un grand nombre
+des cachettes faites par madame du Barry avaient échappé aux regards
+scrutateurs des commissaires. Le jour même de sa mort, persuadée que
+c'était moins à sa personne qu'à ses richesses qu'on en voulait, et
+qu'en faisant connaître exactement les divers endroits où elles étaient
+enfouies, elle pourrait sauver sa vie, elle se décida à en faire la
+déclaration; ce qui ne la sauva pas, mais fut la cause de la mort de
+_Morin_, le seul de ses domestiques resté fidèle.
+
+Cette déclaration servit beaucoup aux commissaires dans leurs
+recherches, comme on le verra dans le résumé historique. Dans le grand
+nombre de bijoux indiqués, on en voit quelques-uns qui montrent son
+intimité avec le duc de Brissac. Ainsi elle indique dans une des
+cachettes «une boîte, montée en cage d'or, avec le portrait de l'épouse
+de Brissac;--un portrait de la fille de ce dernier, monté en or;--un
+autre de son frère;--une boîte d'écaille blonde montée en or, avec une
+très-belle pierre blanche gravée, où est le portrait de Brissac et de la
+déclarante;--un portrait en émail de la grand'mère de Brissac;--deux
+tasses d'or avec leurs manches de corail, et quelques autres objets
+appartenant à Brissac;--une paire d'éperons d'or, avec des chiffres
+appartenant à feu Brissac».
+
+Deux jours après la mort de madame du Barry, Fouquier-Tainville écrivit
+au directoire du département de Seine-et-Oise pour lui annoncer le
+jugement et faire procéder au séquestre des biens de la condamnée, et le
+4 nivôse suivant (24 décembre), le directoire prenait la délibération
+suivante:
+
+«Vu par l'administration la lettre de l'accusateur public près le
+tribunal révolutionnaire, du 20 frimaire, qui annonce que la femme du
+Barry a été condamnée, par jugement de ce tribunal du 17 du même mois,
+à la peine de mort, et que tous ses biens étaient acquis et confisqués
+au profit de la nation, il convenait de faire procéder au séquestre des
+biens de cette condamnée qui sont situés dans l'étendue du département
+de Seine-et-Oise.
+
+»Vu la lettre adressée le 19 du mois dernier par l'administration
+provisoire des domaines nationaux aux administrateurs composant le
+directoire du département de Seine-et-Oise, de laquelle il appert que le
+glaive de la loi a fait tomber la tête d'une femme qui avait la plus
+grande part à la dilapidation de la fortune publique et qui, à ce
+premier crime que la nation avait à lui reprocher, a joint celui
+d'émigrer et d'avoir des relations avec les ennemis de notre liberté,
+qu'il importe que les mesures les plus promptes soient prises pour que
+ce qu'elle avait conservé des scandaleuses prodigalités de
+l'avant-dernier tyran rentre en entier sous la main de la nation; il
+engage donc l'administration, si les scellés ne sont déjà mis dans sa
+dernière demeure, à Louveciennes, à les y faire apposer sans délai et à
+faire procéder le plus tôt possible à l'inventaire, afin de mettre la
+régie en possession des immeubles et d'avoir un moyen de tirer du
+mobilier le meilleur parti possible; qu'au surplus l'administration ne
+saurait mettre trop de soins dans le choix des gardiens qui y sont ou
+qui y seraient établis, ni les faire surveiller avec trop d'exactitude;
+que les objets précieux que renferme cette habitation perdraient
+beaucoup de leur valeur si l'on n'apportait la plus grande attention à
+empêcher qu'ils ne soient dégradés, et qu'il y en a que, vu leur peu de
+volume, il serait facile de soustraire. Il invite l'administration à le
+tenir au courant de ce qu'elle fera pour remplir le voeu de cette lettre
+et pour que la République ne perde rien de ce qu'elle doit retrouver
+dans cette importante confiscation;
+
+»L'administration, considérant que les scellés ont été apposés chez
+ladite femme, à Louveciennes, et l'inventaire fait dès le mois de
+février dernier, arrête qu'en attendant la vente des immeubles ayant
+ci-devant appartenu à la femme du Barry, à laquelle il sera procédé le
+plus tôt possible, il sera à la poursuite et diligence du directoire du
+district de Versailles, également procédé à la vente de tous les effets
+mobiliers provenant de cette femme;
+
+»Invite en outre le directoire du district de Versailles à exercer la
+surveillance la plus active sur les gardiens qui sont déjà établis dans
+la maison qu'occupait cette femme, ou qui leur seront substitués, pour
+prévenir la dégradation des objets précieux qui s'y trouvent et la
+spoliation de ceux que leur peu de volume rend faciles à soustraire,
+_comme aussi à constater les effets qui ont pu être distraits du
+mobilier de cette femme, pour en assurer le recouvrement_.
+
+»Arrête aussi que le directeur de la régie nationale sera tenu de
+prendre, conjointement avec le directoire du district de Versailles, les
+mesures convenables pour opérer le séquestre des biens de cette femme,
+et que, dès à présent, l'administration lui en sera confiée pour la
+conservation des droits tant de ses créanciers que de la
+République[151].»
+
+Par suite de cette délibération, le district de Versailles donna de
+nouveaux pouvoirs à la commission qu'elle avait chargée dès le 29
+frimaire de procéder à l'inventaire et à la constatation des objets
+mobiliers, d'art, etc., de toute nature du château de Louveciennes.
+
+Cette commission s'était déjà transportée à Louveciennes, et elle
+procéda consciencieusement à ce travail long et difficile. On voit, dans
+les nombreux procès-verbaux particuliers adressés par elle au district
+de Versailles[152], combien elle eut de peine et souvent de luttes à
+soutenir avec ceux jusqu'alors chargés de ce travail, pour y établir
+l'ordre et la clarté et remplir le mandat qui lui avait été confié.
+
+Lorsqu'elle crut sa mission terminée, elle adressa au directoire du
+district de Versailles les divers procès-verbaux des opérations dont
+chacun de ses membres en particulier avait été chargé. Les
+procès-verbaux étaient accompagnés d'un résumé historique du travail
+général de la commission. Ce résumé raconte tout ce qui s'est passé à
+Louveciennes depuis la mort de madame du Barry jusqu'au moment de la
+vente de ses effets; il est, par conséquent, le complément de ce récit.
+
+
+RÉSUMÉ HISTORIQUE
+
+DES OPÉRATIONS DES COMMISSAIRES DE LOUVECIENNES.
+
+«La du Barry, condamnée à mort par le tribunal révolutionnaire de Paris,
+le 18 frimaire, a fait le même jour la déclaration des lieux où elle
+avait caché différents objets précieux, et des personnes à qui elle les
+avait confiés.
+
+»En conséquence, les commissaires, à leur arrivée à Louveciennes, le 21
+frimaire, se sont occupés d'abord des moyens de parvenir à la découverte
+des objets déclarés.--Le moyen qui devait être le plus fructueux était
+de faire traduire à Louveciennes Morin[153], valet de chambre de la du
+Barry et son homme de confiance; aussi les commissaires ont écrit à
+l'accusateur public, et lui ont même envoyé un exprès.
+
+»Avant que de procéder à aucune recherche, ils ont interrogé pendant
+plusieurs jours ceux des domestiques de la du Barry qui n'avaient pas
+été arrêtés avec cette femme. D'après les dépositions qu'ils ont reçues,
+ils n'ont trouvé de coupables que le nommé Déliant, frotteur, et
+particulièrement la femme Déliant, dénommée dans la déclaration de la
+du Barry, comme dépositaire de deux boîtes renfermant des bijoux,
+diamants et autres effets précieux.
+
+»La fausseté qui avait dicté les réponses de la femme Déliant a engagé
+la commission à la mettre en arrestation chez elle, avec son mari, et à
+leur donner deux gardes choisis par la municipalité du lieu.
+
+»Le nommé Déliant, frotteur, a prouvé par ses déclarations moins de
+mauvaise foi que sa femme. Cet homme, moribond depuis longtemps, a paru
+avoir peu de connaissance des dépôts confiés à cette dernière, et depuis
+huit jours il est mort à l'infirmerie de Versailles, où la commission
+l'avait fait transporter.
+
+»La femme Déliant, lors de son premier interrogatoire, le 22 frimaire,
+avait simplement déclaré que la du Barry, cinq ou six jours avant son
+arrestation, lui avait mis dans son tablier plusieurs paquets enveloppés
+de papier; que le même jour, d'après les ordres de sa maîtresse, elle
+les avait cachés dans un fumier contre la melonnière; mais la suite
+prouvera la fausseté de cette déclaration.
+
+»Le 24 frimaire, jour de l'arrivée de Morin, la femme Déliant, voulant
+prévenir les perquisitions que les commissaires se disposaient à faire
+chez elle, avait, le même jour, demandé à leur parler; mais les
+commissaires étant, dans ce moment-là, occupés à faire fouiller le
+jardin de Morin, le citoyen Greive, commissaire du Comité de sûreté
+générale de la Convention, s'est rendu chez ladite Déliant. Cette femme
+lui a remis cent quatre-vingt-treize louis simples en or, à elle confiés
+par la du Barry quelque temps avant son dernier voyage en Angleterre.
+
+»Le 16 frimaire, les commissaires ont interrogé ladite Déliant. Il
+résulte de sa déclaration que la du Barry, à l'époque de son dernier
+voyage en Angleterre, lui avait remis trois coffres renfermant beaucoup
+d'objets précieux, pour les mettre soi-disant plus en sûreté et à l'abri
+d'être volés; que le lendemain de l'arrestation de la du Barry, ladite
+Déliant les avait déposés dans la maison de la veuve Aubert, sa mère, où
+ils sont restés environ douze jours; que les perquisitions exercées dans
+la maison de la du Barry et dépendances lui donnant à craindre qu'on ne
+trouvât chez sa mère les coffres y déposés, elle avait, la veille de son
+arrestation et de son incarcération aux Récollets[154], ouvert les trois
+coffres, avait vidé les objets y contenus, les avait mis dans son
+tablier et cachés le même soir dans un fumier contre la melonnière, à
+l'exception de quatre rouleaux de louis simples, d'un gobelet d'or avec
+son couvercle, d'une bourse pleine de jetons d'argent et de quelques
+flacons; que sa mère avait jeté le lendemain dans la pièce d'eau du
+Grand Jet de Marly ces derniers objets, à l'exception cependant de
+quatre rouleaux de louis, qu'elle avait gardés pour elle sans en donner
+connaissance à son mari.
+
+»Les 24 et 26 frimaire, les commissaires ont interrogé Morin. Mais avant
+de rendre compte des découvertes qu'ils ont faites sur ses indications,
+il est nécessaire de suivre la conduite de la femme Déliant.
+
+»Le même jour de l'interrogatoire de cette dernière, il a été déposé
+entre les mains des commissaires, par Agathe Gournay et la femme
+Borgard, une montre enrichie de diamants, trouvée par elles, il y avait
+six semaines, dans une pièce d'eau du jardin de Marly; et par Jacques
+Richard, fontainier, deux flacons de cristal de roche, sans bouchons ni
+sans garnitures, et trouvés dans la même pièce.
+
+»La femme Déliant avait été présente au dépôt de la montre dont est
+question, et cet acte de probité, peu conforme à son caractère fourbe et
+à sa conduite plus que suspecte, la faisant regarder elle-même comme
+très-coupable à ses propres yeux, cette femme, sous prétexte de
+satisfaire des besoins naturels, a surpris la surveillance de ses gardes
+et s'est coupé la gorge avec un rasoir.
+
+»Les commissaires ont fait dresser par le juge de paix procès-verbal de
+cet événement, qui n'a pas eu de suites funestes, au moyen des soins du
+chirurgien appelé alors.
+
+»Dans le même moment, le mari de ladite Déliant, alité depuis
+longtemps, ayant déclaré que sa femme avait jeté quelque chose par la
+fenêtre, l'on a trouvé dans une gouttière, au-dessous du charbonnier,
+sous la fenêtre de la chambre desdits Déliant, quatre boîtes, dont une
+d'or enrichie de diamants, une autre aussi d'or; lesdites renfermées
+dans un sac à poudre, jetées comme il est dit par ladite femme Déliant,
+quoique cette dernière n'ait jamais voulu en convenir.
+
+»Les commissaires ont séparé ladite Déliant de son mari, lui ont donné
+deux gardes pendant deux jours, au bout desquels ils l'ont fait
+transférer à l'infirmerie de Versailles, où elle est encore.
+
+»Les bijoux, diamants et autres effets précieux, cachés dans le fumier
+par ladite femme Déliant, y ont été trouvés par le citoyen Greive deux
+mois et demi après l'arrestation de la du Barry; mais comme _on n'a
+jamais eu l'état désignatif et la connaissance positive des objets que
+renfermaient les trois boîtes, il reste incertain si tous ont été
+trouvés_.
+
+»_Sans vouloir rien préjuger sur la conduite que l'on a tenue_, le 11
+frimaire, _lors de cette découverte_, les commissaires ignorent s'il y a
+eu un procès-verbal dressé au moment même, mais il ne leur a été remis
+d'autre procès-verbal que celui de reconnaissance, fait le 13 frimaire,
+par Houdon, juge de paix actuel de Louveciennes, _c'est-à-dire deux
+jours et demi après la découverte_, le juge de paix n'ayant été appelé
+qu'à cette époque.
+
+»Quant aux objets jetés dans les pièces d'eau du jardin de Marly par la
+mère de la femme Déliant, on a trouvé seulement la montre déposée par
+Agathe Gournay et la femme Borgard, les deux flacons remis par Richard,
+deux autres flacons trouvés par les commissaires lors de leurs
+perquisitions dans la pièce d'eau du Grand Jet de Marly, un flacon remis
+au moment même par Joséphine Lochard. Il reste conséquemment à recouvrer
+le gobelet et le couvercle en or, provenant d'un plateau de toilette, et
+la bourse pleine de jetons d'argent.
+
+»Après être entrés dans les détails des déclarations toujours tardives,
+toujours partielles de la femme Déliant, de la nature des dépôts
+précieux qui lui ont été confiés par la du Barry, de l'usage
+inconcevable qu'elle en a fait, des événements tragiques qui ont suivi
+sa conduite, les commissaires rendent compte du résultat de Morin, valet
+de chambre et agent secret de la du Barry.
+
+»Les perquisitions les plus amples avaient été faites dans le jardin de
+ce prévenu, et toujours infructueusement. Cet homme allait être jugé,
+exécuté, emportant avec lui la connaissance des différents dépôts, si
+les commissaires n'eussent pas écrit à l'accusateur public, ne lui
+eussent pas envoyé un exprès au moment où Morin allait subir la peine
+due à ses crimes.
+
+»Les 24 et 26 frimaire, les commissaires ont interrogé ce prévenu:
+d'après ses déclarations, et sur ses indications, ils ont trouvé cachés
+derrière des bois de charpente placés contre un mur du jardin de Morin
+une douzaine de cuillers d'or à café; dans le grenier au-dessus de la
+cuisine de sa maison, une croix d'argent, un calice et une patène
+d'argent; une boîte à quadrille, la boîte, les fiches et contrats en
+ivoire, incrustés en or; dans le jardin de Morin, et enterrés en divers
+endroits sous des arbres hors de monter, et près la grille, deux boîtes
+de sapin renfermant savoir:
+
+ Argent blanc 7,203 liv.
+ 40 doubles louis 1,920
+ Un louis en or 24
+ 2 guinées et une demi-guinée 36
+ ----------
+ Total 9,183 liv.
+
+»En outre, 99 jetons d'argent et un globe d'argent-vermeil.
+
+»D'après la déclaration de la du Barry, on aurait dû trouver douze sacs
+de 1,200 livres environ, et différents objets précieux. Cependant
+lesdites boîtes ne renfermaient que cinq sacs, les louis, les guinées en
+or et le gobelet d'argent-vermeil.
+
+»Il est à croire que Morin en a détourné une partie; l'espérance qu'il
+avait d'être acquitté l'a sans doute engagé à ne pas déclarer les dépôts
+qu'il avait faits pour le compte de sa maîtresse et pour son propre
+compte, et il serait nécessaire de faire fouiller son jardin en entier.
+
+»Les commissaires ont aussi trouvé dans la chambre de Morin, et sur ses
+indications, une râpe à muscade en argent, dans un étui d'argent; un
+paquet intitulé _Graines de panais_, contenant dix-sept aunes de galon
+d'argent à livrée, et quelques autres objets.
+
+»Les perquisitions antérieures faites par le citoyen Greive avaient
+procuré la découverte de 393 livres en argent blanc, d'un billet qui
+prouvait que Morin était chargé de faire passer cette somme à l'abbé de
+Fontenille, poste restante, à Coblentz. Cette somme existe encore dans
+la chambre de Morin, et les commissaires du district chargés de faire
+l'inventaire en rendront compte en tant que de besoin.
+
+»Les commissaires ont fait ce qui dépendait d'eux pour tirer de Morin
+tous les aveux qui pouvaient aider leurs découvertes; mais cet homme n'a
+déclaré que les dépôts trouvés antérieurement, et il est hors de doute
+qu'il avait la connaissance de plusieurs autres, dans le cas où sa
+conduite contre-révolutionnaire n'aurait pas été dévoilée et punie.
+
+»L'objet principal de la mission des commissaires était de faire des
+recherches. Quoique le citoyen Greive eût découvert une grande partie
+des objets déclarés et non déclarés par la du Barry, il restait encore
+des recherches à faire, et les commissaires n'ont rien négligé pour les
+rendre heureuses.
+
+»A cet effet, ils ont renouvelé dans plusieurs endroits les
+perquisitions les plus exactes. Ils ont fait fouiller deux fois dans le
+jardin de Morin, et deux jours de suite dans la cave commune de la
+maison de la du Barry; mais ces nouvelles fouilles n'ont produit aucune
+découverte, et quoique que l'on soit bien persuadé qu'il existe encore
+des dépôts cachés, il faudrait avoir, pour les trouver, des indices
+particuliers, les terrains environnant la maison de la du Barry étant
+trop spacieux pour qu'on puisse hasarder de nouvelles fouilles,
+dispendieuses d'ailleurs et d'un succès incertain.
+
+»D'après l'arrêté du comité de salut public et les instructions du
+ministre, les commissaires devaient remettre à la Trésorerie nationale
+les assignats, espèces monnayées, et aux domaines tout ce qui
+consisterait en bijoux, diamants et autres objets précieux.
+
+»Pour remplir une partie de leur mission, il ne suffisait pas de faire
+un simple inventaire de ces objets, il fallait en faire le récolement
+exact, pour opérer la décharge des commissaires et gardiens
+responsables.
+
+»A cet effet, les commissaires ont procédé au dépouillement de tous les
+procès-verbaux de l'ancien et du nouveau juge de paix, dressés sur la
+réquisition du citoyen Greive, commissaire du comité de sûreté générale
+de la Convention, en présence des officiers municipaux de Louveciennes.
+Ils ont fermé l'état désignatif de tous les objets y mentionnés par
+nature et espèce, en distinguant par ordre l'argenterie, les effets en
+or, etc.
+
+»Ce relevé, nécessaire pour assurer la justesse de toutes
+vérifications, a demandé un temps très-long, à raison de la lecture
+qu'il a fallu prendre de tous les procès-verbaux, et de ce que chaque
+objet se trouvait mentionné isolément dans un procès-verbal et dans un
+autre.
+
+»Les commissaires ont d'abord procédé à la reconnaissance d'une somme de
+37,986 livres en numéraire, trouvée chez la du Barry. Cette somme,
+jointe à celle de 13,815 liv. découverte par la commission, forme celle
+de 51,801 liv. remise par elle à la Trésorerie nationale.
+
+»Il avait été trouvé, en outre, dans la commode de la chambre à coucher
+de la du Barry, une somme de 3,443 liv. en assignats; mais cette somme a
+été mise par les citoyens Lacroix et Musset, représentants du peuple à
+Versailles, à la disposition du citoyen Greive, pour subvenir aux
+dépenses du moment, et il reste encore une somme de 29 liv. en
+assignats, et 7 liv. en argent monnayé.
+
+»Les commissaires observent qu'il a été déposé entre leurs mains, le 27
+nivôse, par le citoyen Fournier, ancien juge de paix, à l'appui d'un
+procès-verbal de découverte, chez la femme Couture, une somme de 1,200
+liv., savoir: 400 liv., dont 200 liv. démonétisées appartenant à Morin,
+et 800 livr. au nommé Pétry, coiffeur, détenu à Paris. Les commissaires
+du district chargés de faire l'inventaire rendront compte de ces sommes
+et des autres en tant que de besoin.
+
+»Les commissaires, en suivant l'ordre de leur relevé sur les
+procès-verbaux remis entre leurs mains, ont fait, en présence du citoyen
+Greive, du juge de paix et du maire de Louveciennes, le récolement et la
+reconnaissance de l'argenterie, des effets en or, cristaux, bijoux,
+diamants et autres objets précieux, mis sous les scellés dans la chambre
+à coucher de la du Barry, nº 4. Ils ont rédigé procès-verbal de chaque
+opération, et en ont donné copie au citoyen Greive et à la municipalité
+du lieu.
+
+»Cette vérification leur a demandé un temps très-long, attendu que
+beaucoup de ces objets n'avaient pas été désignés suivant leur nature et
+espèce, et suivant les termes techniques qui leur convenaient.
+_Peut-être que le plaisir d'avoir fait les découvertes, la précipitation
+avec laquelle on a procédé à leur inventaire, ont fait négliger les
+formalités de la rédaction et l'exactitude dans la prescription et
+reconnaissance des objets; mais en général les commissaires ont aperçu
+un défaut d'ordre, et ils ne peuvent mieux le prouver que par le grand
+nombre d'effets qu'ils ont reconnus n'avoir pas été inventoriés._ Le
+désordre ne porte pas seulement sur les objets découverts, mais sur tous
+ceux en évidence dans la maison. Ces objets sont épars et en confusion.
+
+»_Les commissaires ont trouvé, dans différents endroits de la maison,
+plusieurs étuis de chagrin et galuchat, qui renfermaient sans doute des
+effets précieux et qui, cependant, ne font pas partie de ceux
+inventoriés et reconnus._ Les commissaires ont vu, entre autres étuis,
+celui dans lequel devait se trouver une paire de boucles de souliers en
+or, garnies de perles, dont l'existence antérieure est prouvée par la
+déclaration même de la du Barry. _Tous ces étuis ont été trouvés vides._
+Les commissaires ignorent si les objets qu'ils contenaient existaient au
+moment de l'arrestation de cette femme, ou si elle n'en aurait pas
+disposé elle-même, d'une manière ou d'une autre.
+
+»Les commissaires ont remis successivement à l'administration des
+domaines l'argenterie, les bijoux, diamants, effets en or, et
+généralement tous les objets provenant soit de leurs découvertes
+personnelles, soit des découvertes faites avant eux par le citoyen
+Greive, commissaire de sûreté du comité général de la Convention. Ils
+invitent à en acquérir la preuve par l'examen de l'état ci-joint, dont
+les objets y mentionnés portent le numéro correspondant à celui des
+objets désignés dans les procès-verbaux et récépissés de remise aux
+domaines. Ils joignent aussi au présent résumé historique d'opérations
+l'état de comparaison des objets déclarés par la du Barry et trouvés,
+avec ceux qui restent à découvrir.
+
+»Jusque-là les commissaires avaient rempli l'objet intrinsèque de leur
+mission. Mais la nature même de leurs fonctions les a entraînés dans une
+quantité de détails dont ils devaient prendre connaissance, autant parce
+qu'ils se sont trouvés liés à leurs fonctions que parce que le besoin de
+se mettre à l'abri de tous reproches leur recommandait de faire tout ce
+qui intéressait le bien public.
+
+»Des mesures de sûreté générale, relatives à la conservation des dépôts
+précieux, existant dans la maison de la du Barry, avaient exigé la
+surveillance d'une garde assez nombreuse; mais l'enlèvement successif de
+ces dépôts demandait une économie dans cette dépense. En conséquence,
+les commissaires ont réduit, le 6 pluviôse, la garde à six hommes, au
+lieu de dix-huit. Cette garde, depuis le 2 vendémiaire, jour de son
+établissement par le citoyen Greive, jusqu'au 13 frimaire, avait été
+payée sur des fonds mis à la disposition du citoyen Greive, savoir:
+3,143 liv. par les citoyens Lacroix et Musset, représentants du peuple à
+Versailles, et 3,000 liv. par Voulant et Jajot; mais le citoyen Greive
+n'avait plus de fonds disponibles. Il est dû encore à la garde la somme
+de 3,151 liv., et les commissaires en ont envoyé l'état à
+l'administration du district de Versailles.
+
+»Le besoin de rétablir l'ordre dans la maison de la du Barry devait
+fixer, la sollicitude des commissaires. Ce soin paraissait cependant
+devoir appartenir plus particulièrement au citoyen Greive, qui depuis
+longtemps habitait la maison de la du Barry, connaissait les causes de
+la dépense, et l'avait mise ou laissée sur le pied où les commissaires
+l'ont trouvée.--_Mais le citoyen Greive, trop occupé sans doute de
+l'exécution des grandes mesures de sûreté générale, dont il annonçait
+être chargé par sa qualité même, n'avait pas le temps d'entrer dans les
+petits détails._ Les commissaires ont cru devoir prendre sur eux de
+faire la réforme commandée par l'économie, en attendant d'ailleurs la
+solution de plusieurs questions dont la nature les attachait encore à
+leur place.
+
+»Jusque-là différentes circonstances, dont il sera parlé ci-après,
+avaient occasionné une dépense assez considérable de bouche et de
+chauffage; mais les circonstances n'étant plus les mêmes, les
+commissaires ont jugé devoir rompre le cours de cette dépense. A cet
+effet, ils ont arrêté les mémoires du boulanger, du boucher et des
+autres fournisseurs de la maison. Ils ont envoyé à l'administration du
+district de Versailles le bordereau de cette dépense, montant à la somme
+de 2,749 fr.
+
+»Cette dépense, dont le citoyen Greive peut rendre compte mieux que
+personne des causes qui l'ont déterminée, a été plus considérable
+pendant le cours de sa mission. En général, cette dépense a été faite
+par les différents commissaires qui se sont succédé, par le juge de
+paix, son greffier, par les officiers municipaux, dans un temps où le
+secret des opérations demandait leur permanence continuelle, par les
+personnes que le citoyen Greive a employées à auner les étoffes, à peser
+les matières d'or et d'argent, par les prévenus traduits devant la
+commission, par les gendarmes, huissiers qui les ont accompagnés, enfin
+par toutes les personnes dont la présence a été reconnue nécessaire.
+
+»Les fonctions des commissaires ont acquis, par l'effet des
+circonstances, une plus grande latitude. Ils ont appris, par exemple,
+qu'il existait à Paris, dans la maison de Brissac, un coffre de fer
+caché entre deux boiseries. A cet effet, ils sont allés plusieurs fois à
+Paris pour se concerter avec le ministre sur les moyens à employer pour
+sa découverte. Le ministre a écrit lui-même au comité de surveillance de
+la Fontaine de Grenelle, pour l'inviter à nommer deux membres pour
+seconder les commissaires dans leurs recherches. Le citoyen Villette
+s'est présenté lui-même au comité de cette section, à celui de sûreté
+générale; mais les formalités à remplir pour la levée des scellés chez
+Brissac ont arrêté sans doute l'usage de toutes mesures, et le coffre de
+fer reste encore à découvrir, ou, s'il a été découvert, la commission
+l'ignore.
+
+»Les commissaires ont aussi, sur la réquisition des citoyens Lacroix et
+Musset, représentants du peuple à Versailles, fait l'inventaire du vieux
+linge existant dans la maison de la du Barry, et l'ont envoyé à
+l'hôpital militaire de Saint-Cyr.
+
+»Ces différentes démarches et opérations ont occupé les commissaires en
+attendant la réponse à plusieurs questions de la solution desquelles
+dépendait la continuation ou la cessation de leurs fonctions.
+
+»Une de ces questions était de connaître la manière dont on disposerait
+des étoffes précieuses existant dans la maison de la du Barry. Une
+grande partie de ces étoffes, dont la valeur peut s'élever à 200,000
+livres, ne pouvait être vendue qu'à l'étranger. Le ministre, sur les
+observations des commissaires, avait écrit au comité de salut public:
+depuis peu, ce comité a chargé l'administration des subsistances d'en
+faire l'inventaire, et dans ce moment ce travail occupe les
+commissaires.
+
+»Le rétablissement de l'ordre, des précautions de tout genre, le besoin
+d'éviter même des dilapidations, le besoin de liquider la succession de
+la du Barry pour payer les créanciers, toutes ces considérations ont
+engagé les commissaires à demander qu'il soit procédé promptement à
+l'inventaire du mobilier de la du Barry, et, depuis le 20 pluviôse, les
+citoyens Delcros et Lequoy ont été nommés à cet effet par
+l'administration du district de Versailles.
+
+»En conséquence, les pouvoirs du citoyen Villette, seul commissaire du
+pouvoir exécutif à Louveciennes, doivent cesser lorsqu'il aura fini,
+conjointement avec le commissaire des subsistances et ceux du district,
+l'inventaire des étoffes dont il est spécialement chargé par le
+ministre.
+
+»Voici la manière dont les membres composant la commission de
+Louveciennes ont cru devoir rendre compte de leur mission, chacun pour
+les opérations auxquelles ils ont été présents, nonobstant les pièces
+qu'ils joignent à l'appui de leur compte, certifiant le tout sincère et
+véritable.
+
+»Signé à la minute: Huvé, Villette, Delcros, Houdon, Bicault et Lequoy,
+secrétaire[155].»
+
+Outre la commission générale, deux autres devaient s'entendre avec elle,
+l'une, pour faire passer immédiatement à Versailles tout ce qui pourrait
+être employé par l'État, l'autre, pour envoyer aussi dans cette ville
+les objets d'art, afin de les ajouter à ceux déjà très-nombreux
+provenant des maisons du roi et des princes, que l'on réunissait dans le
+palais.
+
+La première de ces commissions fit passer au district, en fer, cuivre,
+linge, literie, harnais, sucre et eau-de-vie, pour la somme de 128,089
+fr. Le linge, la literie, le sucre et l'eau-de-vie furent envoyés à la
+maison de Saint-Cyr, transformée en hôpital militaire. Le reste fut
+déposé dans les magasins de l'État.
+
+La commission des arts fit choix des objets qui lui parurent dignes
+d'être conservés. Comme la plupart de ces oeuvres d'art sont aujourd'hui
+dans les musées et dans les palais impériaux, il n'est pas sans intérêt
+d'en faire connaître l'origine, en donnant la liste dressée alors par la
+commission. Ces objets sont au nombre de cinquante-cinq.
+
+1º Deux tableaux de Vien;
+
+2º Une gaîne avec chapiteau et base de granit d'Italie;
+
+3º Une Vénus Callipyge (petite proportion);
+
+4º Un Apollon du Belvédère;
+
+5º Thésée enlevant Hermione;
+
+6º Une Vestale entretenant le feu sacré, suivie par deux enfants;
+
+7º Un groupe représentant Louis XV porté par quatre guerriers;
+
+8º Un petit buste de Louis XV;
+
+9º Un feu en bronze doré, cerf, sanglier et attributs de chasse;
+
+10º Un tableau représentant une marine, par Vernet, de huit pieds de
+haut sur cinq de large.
+
+11º Un autre tableau de même dimension, représentant une ruine, par
+Robert;
+
+12º Quatre dessus de porte, par Fragonard;
+
+13º Une Nymphe en marbre, fuyant, et un Amour la menaçant;
+
+14º Une Baigneuse, de Falconnet;
+
+15º Le buste de Louis XV, en marbre, par Pajou;
+
+16º Une pendule représentant l'Amour porté par les Grâces, en bronze
+doré d'or moulu;
+
+17º Deux vases de porcelaine de Sèvres, fond azur;
+
+18º Deux vases de porcelaine, forme étrusque;
+
+19º Un baromètre et thermomètre avec cartouches et figures de
+porcelaine;
+
+20º Deux vases en marbre blanc et porphyre;
+
+21º Deux feux dorés d'or moulu, les plus riches;
+
+22º Deux figures en marbre blanc, proportion de deux pieds;
+
+23º Deux candélabres à trois branches, représentant deux femmes
+groupées;
+
+24º Deux autres, en forme de bouteille;
+
+25º Un feu doré, en forme de vase;
+
+26º Une table en porcelaine de Sèvres, les peintures d'après Vanloo;
+
+27º Un vase de porphyre;
+
+28º Un feu en forme de cassolettes et pommes de pin;
+
+29º Trois chandeliers à trois branches, en cassolettes;
+
+30º Le buste de la du Barry, par Pajou, sur sa gaîne;
+
+31º Partie d'un _forte-piano_;
+
+32º Deux grands vases de porphyre;
+
+33º Une harpe dans sa robe de taffetas noir;
+
+34º Un tableau représentant la Fuite de l'Amour;
+
+35º La Marchande d'Amours, par Vien;
+
+36º La Cruche cassée, par Greuze;
+
+37º Jupiter et Antiope;
+
+38º Une pastorale, par Boucher, de trente-six pouces de haut sur
+vingt-huit de large;
+
+39º Un paysage, de Visnose;
+
+40º Une bordure ovale de trois pieds de haut, richement sculptée et
+dorée;
+
+41º Une autre de deux pieds de haut;
+
+42º Une commode de vieux laque;
+
+43º Une autre plaquée, en porcelaine de Sèvres, à sujets et figures
+très-jolis;
+
+44º Un tableau représentant la Visitation d'Élisabeth;
+
+45º Un autre représentant la Vierge et l'Enfant Jésus;
+
+46º Un autre, non fini, représentant la du Barry en Bacchante;
+
+47º Un pastel: un Enfant jouant du tambour de basque, d'après Drouet;
+
+48º Un Enfant jouant du triangle, d'après Drouet;
+
+49º Un tableau représentant un enfant tenant une pomme, peint par
+Drouet, de vingt pouces de haut sur dix-huit de large;
+
+50º Un tableau: une Femme en lévite blanche;
+
+51º Un autre: Louis XV en habit de revue;
+
+52º Un autre: Louis XV enfant;
+
+53º Une gravure enluminée représentant un paysage;
+
+54º Une estampe représentant la femme Lebrun;
+
+55º Un tableau peint sur toile, par Robert, représentant une esquisse de
+la messe, de quatorze pouces de haut sur seize de large.
+
+Après les travaux particuliers des diverses commissions, la commission
+générale fit un relevé de tous les procès-verbaux d'inventaires,
+enlèvements, reconnaissances et ventes du mobilier ayant eu lieu
+successivement sous sa direction; elle y ajouta les récépissés de dépôt
+des différents objets extraits, de la maison de madame du Barry, et elle
+envoya cet immense travail au district de Versailles pour le faire
+passer au directoire du département de Seine-et-Oise. Ce travail, avec
+toutes les pièces à l'appui, forme aujourd'hui la plus grande partie des
+papiers renfermés aux archives de la préfecture de Seine-et-Oise, sous
+le nom de _madame du Barry_.
+
+ Le relevé général est terminé par le bordereau du
+ montant des seuls objets vendus et estimés, lequel s'élève
+ à 707,251 l. 15 s.
+
+ Les bijoux, diamants, cristaux, etc.,
+ dont le prix n'est pas porté, sont
+ évalués au même inventaire 400,000 »
+
+ Les matières d'or, 89 marcs, 6 onces,
+ peuvent être appréciées au moins 60,000 l. » s.
+
+ Celles d'argent, 1,449 marcs, à 45
+ livres le marc 65,205 »
+
+ Celles de vermeil, 84 marcs, à
+ 50 livres 4,200 »
+
+ Galons et franges d'or, 34 marcs 2,700 »
+
+ Galons d'argent et brûlé, 121 marcs 3,600 »
+
+ Cuivre, fer, plomb et étain 4,000 »
+ ------------------
+ Total général de l'appréciation des
+ effets mobiliers confisqués chez
+ madame du Barry 1,246,956 l. 15 s.[156]
+
+Quand madame du Barry fut arrêtée, elle avait encore un grand nombre de
+dettes, et la municipalité de Louveciennes ne tarda pas à être accablée
+de mémoires de tous les créanciers. Tous ces mémoires, visés par elle,
+furent envoyés au district. Il résulte de leur relevé général qu'ils
+s'élevaient à la somme de 956,124 liv. 13 s. 4 d.--La vérification de
+ces mémoires fut renvoyée à une commission chargée de mettre la plus
+grande sévérité dans l'examen de ces dettes. Le gouvernement d'alors dut
+être satisfait de l'habileté des commissaires, car les mémoires ont été
+si bien examinés et contrôlés, que presque aucun des créanciers n'a été
+payé.
+
+Les parents de madame du Barry, auxquels on a vu qu'elle avait fait des
+pensions viagères, réclamèrent aussi la continuation de leurs pensions;
+mais on les supprima toutes, à l'exception de celle de Rançon, le mari
+de la mère de madame du Barry, qui vint se retirer à Versailles, et y
+mourut le 25 octobre 1801.
+
+La propriété de Louveciennes avait été vendue le 20 thermidor an III (7
+août 1795)[157], et le comte Guillaume, qui s'était remarié[158], était
+mort à Toulouse, le 2 août 1811, à l'âge de 79 ans. Tout avait disparu.
+Il ne restait plus, comme souvenir du nom de _du Barry_, que la honte
+jetée par lui sur les dernières années du règne de Louis XV. Mais à ce
+souvenir, cependant, venait se mêler celui des souffrances supportées
+par cette malheureuse femme dans les derniers temps de sa vie, et l'on
+se prenait de pitié quand on considérait par quelle horrible mort elle
+avait expié ses quelques années de bonheur!
+
+Ce nom devait recevoir encore une nouvelle humiliation, et il devait la
+recevoir de ses propres parents, de ses héritiers.
+
+Dans l'acte de mariage de madame du Barry, elle y était dite fille du
+sieur _Jean-Jacques Gomard de Vaubernier_, intéressé dans les affaires
+du roi. Aussitôt le retour en France, en 1814, du roi Louis XVIII, les
+héritiers _Gomard_ firent de nombreuses démarches auprès des ministres
+pour être remis en possession des objets ayant appartenu à madame du
+Barry, et existant dans les établissements publics. Ils se fondaient,
+pour appuyer leur demande, sur l'acte de naissance[159] de madame du
+Barry, annexé à celui de célébration de son mariage à la paroisse de
+Saint-Laurent, ainsi conçu:
+
+«Extrait des registres de baptême de la paroisse de Vaucouleurs, diocèse
+de Touls, pour l'année mil sept cent quarante-_six_.
+
+»Jeanne, fille de _Jean-Jacques Gomard de Vaubernier_ et _d'Anne Bécu_,
+dite _Quantigny_, est née le dix-neuf août mil sept cent quarante-six, a
+été baptisée le même jour, a eu pour parrain Joseph _de Mange_ et pour
+marraine Jeanne _de Birabin_, qui ont signé avec moi:
+
+»L. Gaon, vicaire de Vaucouleurs; Joseph de Mange et Jeanne de Birabin.
+
+»Je soussigné, prêtre-curé de la paroisse et ville de Vaucouleurs,
+diocèse de Touls, certifie à qui il appartient, vu le présent extrait
+conforme à l'original.
+
+»A Vaucouleurs, ce quatre juillet mil sept cent cinquante-neuf.
+
+»L.-P. Dubois.
+
+»Nous, Claude-François Duparge, licencié ès loix, conseiller du roi,
+commissaire enquesteur-examinateur en la ville et prévôté de
+Vaucouleurs, faisant les fonctions de M. le président Prevost, absent,
+certifions que les écriture et signature ci-dessus sont du sieur Dubois,
+curé de Vaucouleurs, et que foy y est et doit y être ajoutée. En
+témoignage de quoi nous avons signé les présentes et scellé de notre
+cachet.--A Vaucouleurs, ce quatre juillet mil sept cent cinquante-neuf:
+
+»Signé, Duparge, avec paraphe. Approuvé l'écriture, Duparge[160].»
+
+Après beaucoup de démarches infructueuses, et après avoir présenté au
+ministre des finances un acte de notoriété constatant que le sieur
+_Philbert Gomard_, frère de _Gomard de Vaubernier_, père de madame du
+Barry, étant le plus proche parent de la comtesse à l'heure de sa mort,
+était son héritier, le même acte établissant leur filiation comme
+héritiers directs du sieur _Philbert Gomard_, le ministre les autorisa à
+faire retirer de la préfecture de Seine-et-Oise les papiers de madame du
+Barry, déposés aux archives lors du séquestre mis sur ses biens en 1793.
+Ces papiers devaient servir à les diriger dans les réclamations qu'ils
+faisaient au gouvernement. L'inventaire des papiers ainsi donnés un peu
+légèrement montre combien de documents intéressants ont été perdus pour
+les recherches historiques.
+
+Inventaire des titres et papiers provenant de madame la comtesse du
+Barry, condamnée révolutionnairement, et dont les biens ont été
+séquestrés; lesquels papiers, par suite du séquestre, ont été extraits
+du domicile de ladite dame, à Louveciennes, transférés à
+l'administration du ci-devant district de Versailles, et ensuite déposés
+aux archives de la préfecture de Seine-et-Oise:
+
+1re _liasse_.--Composée de pièces relatives aux anciens ouvrages
+faits au pavillon de Louveciennes, années 1760 et 1770, etc., mémoires
+de divers fournisseurs, et ouvriers, quittances, états de payements et
+diverses pièces de renseignements.
+
+2e _liasse_.--Anciens mémoires de fournisseurs et ouvriers quittancés
+de 1770 à 1774. Bail passé à madame du Barry par la veuve Duru et
+consorts, d'une maison située à Versailles, rue de l'Orangerie, le 22
+décembre 1768. Bordereau des sommes payées par Me Lepot-d'Auteuil,
+notaire.
+
+3e _liasse_.--Autres différents mémoires de marchands, ouvriers et
+fournisseurs, également quittancés. Dépenses de tout genre à l'hôtel et
+pavillon de l'avenue de Paris, à Versailles, en 1773. Comptes rendus par
+M. de Montvallier, intendant de madame la comtesse du Barry, ès années
+1773 et 1774.
+
+4e _liasse_.--Divers mémoires de marchands, orfèvres, bijoutiers,
+drapiers, modistes, fournisseurs, gagistes, peintres, ouvriers, etc., en
+1772 et années suivantes, également quittancés. Inventaires et états
+d'effets mobiliers, tels que tableaux, statues, pièces d'ornement, etc.,
+étant à Louveciennes, à différentes époques, notamment un inventaire
+général du mobilier de Louveciennes, fait en 1774.
+
+5e _liasse_.--Mémoires quittancés d'orfèvres, bijoutiers, marchands
+de meubles et d'étoffes. États de gages payés aux personnes de la maison
+de madame du Barry, et autres pièces diverses de dépenses, années 1771
+et suivantes.
+
+6e _liasse_.--Pièces relatives à la construction du nouveau pavillon
+de Louveciennes, en 1771 et 1772. Comptes et mémoires quittancés de
+divers entrepreneurs, marchands, ouvriers, etc.
+
+7e _liasse_.--Formée de mémoires et de quittances donnés par des
+ouvriers, marchands, fournisseurs, pensionnaires et autres personnes
+attachées à madame du Barry, en diverses années.
+
+8e _liasse_.--Mémoires acquittés de marchands, ouvriers,
+fournisseurs, notamment du sieur Aubert, joaillier, du sieur Cozette,
+entrepreneur de la manufacture royale des Gobelins. Quittances de sommes
+payées pour pensions et bienfaits accordés par madame du Barry. Ouvrages
+faits à un hôtel, à Versailles, avenue de Paris, et à une maison à
+Saint-Vrain.
+
+9e _liasse_.--Pièces relatives aux locations de baraques, boutiques
+et appentis établis sur la contrescarpe, à Nantes, concédés à madame du
+Barry, pour l'usufruit seulement, sa vie durant, par brevet du roi du
+23 décembre 1769. Compte du sieur Dardel, régisseur, et du sieur
+Couillaud de la Pironnière, receveur du produit desdites boutiques, etc.
+Pièces et plans y relatifs. Baux desdits biens, passés en 1771.
+
+10e _liasse_.--Papiers, mémoires, lettres, relatifs aux dépenses
+faites à la Maison-Rouge, sise commune de Villiers-sur-Orge. Inventaire
+d'effets mobiliers garnissant ladite maison. _Lettres et autres pièces
+de correspondance particulière de madame du Barry, en 1792 et 1793._
+Quittances, reçus de l'année 1793. Contrat du 24 octobre 1775, devant
+Me Deschesnes, notaire à Paris, concernant vente par madame la
+comtesse du Barry à _Monsieur_, frère du roi, d'un grand hôtel sis à
+Versailles, avenue de Paris, moyennant 224,000 liv[161].
+
+Tels sont les papiers remis aux héritiers Gomard. Où sont aujourd'hui
+ces titres, ces lettres de madame du Barry? Que sont-ils devenus? Ils
+ornent probablement la collection de quelque amateur d'autographes[162].
+
+Malgré toutes leurs demandes, ils n'avaient encore rien recueilli de la
+succession de madame du Barry, lorsque fut rendue, le 17 avril 1825, la
+loi d'indemnité des biens des émigrés.
+
+A l'époque de sa mort, madame du Barry ne possédait aucun immeuble, et
+par conséquent ses héritiers n'avaient rien à réclamer de l'indemnité.
+Mais l'on se rappela alors le testament de M. de Brissac, et l'on
+réclama de la famille de Mortemart, héritière du duc, et qui avait une
+part considérable dans la liquidation du milliard d'indemnité,
+l'exécution du legs fait au profit de madame du Barry.
+
+Jusque-là, les héritiers Gomard s'étaient seuls présentés. Mais
+lorsqu'il se fut agi du legs du duc de Brissac, les héritiers _Bécu_,
+c'est-à-dire ceux du côté maternel, vinrent, non-seulement pour entrer
+en partage, mais contestèrent même aux _Gomard_ leur titre d'héritiers
+de madame du Barry.
+
+On a vu qu'une fois riche, madame du Barry n'a jamais cessé de faire du
+bien à sa famille. Elle mit sa mère à l'abri du besoin et fit une
+pension viagère à Rançon, son beau-père, lorsqu'il fut devenu veuf. Les
+frères de sa mère reçurent aussi d'elle des pensions viagères, et elle
+dota leurs filles en leur faisant faire des mariages avantageux. Mais on
+ne voit nulle part qu'elle se soit jamais intéressée aux _Gomard_. D'où
+vient cette différence dans la manière d'agir de madame du Barry à
+l'égard de sa famille? Le procès qui s'est élevé entre les divers
+héritiers va nous en donner l'explication.
+
+Les _Gomard_ appuyaient leurs prétentions à l'héritage de madame du
+Barry sur l'acte de naissance déposé à la paroisse de Saint-Laurent,
+reconnaissant comme père de madame du Barry _Jean-Jacques Gomard de
+Vaubernier_. Les Bécu attaquèrent cet acte comme faux, et présentèrent
+un autre acte de naissance, levé par eux sur les registres de l'état
+civil de la ville de Vaucouleurs, le 25 septembre 1827, constatant que
+madame du Barry était _fille naturelle de Anne Bécu_, et que, par
+conséquent, les héritiers _Gomard_ n'avaient aucun droit dans cette
+succession.
+
+De là, procès entre les deux branches et jugement du tribunal civil de
+première instance de la Seine du 9 janvier 1829, confirmé par arrêt de
+la cour royale de Paris du 22 février 1830, qui donne gain de cause aux
+_Bécu_ et les reconnaît comme seuls héritiers de madame du Barry.
+
+La cause de ce faux acte de naissance s'explique aisément. Madame du
+Barry était la maîtresse du roi. Le mariage lui donnait un nom et allait
+lui permettre d'arriver aux plus grandes faveurs. Mais il fallait un peu
+flatter la vanité des du Barry, et d'ailleurs Louis XV n'aurait-il pas
+eu quelque répugnance à conserver pour maîtresse, quoique comtesse, la
+bâtarde d'une pauvre fille de campagne?
+
+Il est probable que celui qui joua le rôle le plus important dans la
+fabrication de cet acte fut cet _abbé Gomard_, aumônier du roi, qu'on a
+vu déjà figurer à la célébration du mariage de madame du Barry, comme
+fondé de pouvoir de sa mère et de son beau-père. Depuis longtemps cet
+abbé était lié avec Rançon et sa femme, et les pamphlets du temps disent
+qu'il connaissait très-bien le père de madame du Barry: il était, de
+plus, intime avec Lebel, le valet de chambre de Louis XV, et avec le
+comte Jean. On peut donc supposer que ce fut lui qui fit placer dans cet
+acte le nom de son propre frère Jean-Jacques Gomard de Vaubernier, mort
+depuis longtemps, comme père de _Jeanne Bécu_, et en fit ainsi une fille
+légitime[163].
+
+Il est curieux, au reste, d'examiner les transformations que l'on fit
+subir à l'acte primitif que voici:
+
+«Extrait des registres de l'état civil de la ville de Vaucouleurs,
+déposés aux archives du tribunal de première instance séant à
+Saint-Mihiel (Meuse).
+
+»Jeanne, fille naturelle d'Anne Béqus, dit Quantiny, est née le
+dix-neufième aoust de l'an mil sept cent quarante-trois, et a été
+baptisée le même jour. Elle a eu pour parain Joseph Demange, et pour
+maraine Jeanne Birabin, qui ont signé avec moy.
+
+»Les signatures sont ainsi apposées sur l'acte:
+
+»Janne Birabine. L. galon, vic. de Vau.
+
+»Joseph Demange.
+
+Pour copie collationnée sur la seconde minute déposée aux archives.
+
+»Saint-Mihiel, le 25 septembre 1827. Le commis-greffier,
+
+»François.[164]»
+
+D'abord, et c'était la partie essentielle, on donne un père à la fille
+naturelle; et, comme le nom de _Gomard_ tout court est encore bien
+bourgeois, on y ajoute celui de _Vaubernier_. Puis, comme le parrain et
+la marraine doivent être à la hauteur du père de l'enfant, on fait du
+simple Joseph Demange, monsieur Joseph _de Mange_ avec une particule, et
+de Jeanne Birabin, qui, suivant l'usage de la campagne, est appelée la
+Birabine, et signe comme on est dans l'habitude de l'appeler, on fait
+madame _de Birabin_. Enfin, comme il paraîtra plus agréable au roi de
+lui donner pour maîtresse une _demoiselle noble et mineure_ qu'une
+_fille naturelle et majeure_, on retranche trois ans de l'acte primitif,
+et on fait naître madame du Barry le 19 août 1746, au lieu du 19 août
+1743.
+
+Après l'arrêt de la cour royale de Paris, qui frappe de faux l'acte de
+naissance déposé à l'église de Saint-Laurent, et reconnaît les _Bécu_
+comme seuls héritiers de madame du Barry, ceux-ci continuèrent à
+attaquer la famille de Mortemart pour l'exécution du legs de M. de
+Brissac. Le procès dura jusqu'à la fin de 1833. Enfin les héritiers
+_Bécu_ s'entendirent avec la famille de Mortemart sur la somme à
+recevoir; mais elle leur profita peu et fut presque entièrement absorbée
+par les créanciers de madame du Barry et par les frais du procès[165].
+
+Outre les détails généraux qu'on a pu faire connaître grâce à L'analyse
+des diverses pièces indiquées dans ce récit, il en est de particuliers à
+la personne même de madame du Barry, qu'il est bon de rappeler en
+terminant:
+
+1º Madame du Barry était fille naturelle, et son véritable nom était
+_Jeanne Bécu_.
+
+2º A l'époque de son mariage on fit un faux acte de naissance, dans
+lequel on lui donna pour père légitime _Jean-Jacques Gomard de
+Vaubernier_.
+
+3º C'est donc à tort que, dans toutes les biographies, et dans les plus
+récents ouvrages sur l'histoire de France, on lui conserve le nom de
+_Jeanne Gomard de Vaubernier_, et il faut lui rendre son vrai nom de
+_Jeanne Bécu_.
+
+4º Par suite de l'examen de son véritable acte de naissance, on voit que
+madame du Barry avait 26 ans quand elle devint la maîtresse du roi Louis
+XV, et non vingt-trois ans, comme cela semblait résulter du faux acte.
+Elle est, par conséquent, morte sur l'échafaud à l'âge de cinquante ans.
+
+Quant aux sommes que madame du Barry a coûté à la France pour avoir eu
+l'honneur d'être la maîtresse du roi, on peut, d'après l'examen de ces
+mêmes pièces, en faire le relevé suivant:
+
+ 1º Mobilier donné par le roi à madame du Barry, lors de
+ son mariage 30,000 l. »
+
+ 2º Sommes payées pour madame
+ du Barry, par _Baujon_, banquier
+ de la cour, depuis 1769, première
+ année de sa faveur, jusqu'en
+ 1774, année de la mort
+ de Louis XV 6,375,559 l. 11 s. 11 d.
+
+ 3º Pour achat de son hôtel de
+ Versailles, par _Monsieur_, frère
+ du roi, le 24 octobre 1775 224,000 »
+
+ 4º Pour l'échange de 50,000 livres
+ de rente viagère contre
+ 1,250,000 livres, délivrées par
+ le trésor royal par arrêt du roi
+ en avril 1784 1,250,000 »
+
+ 5º Madame du Barry jouit de
+ 150,000 livres de rente viagère
+ sur la ville de Paris, les
+ États de Bourgogne et les loges
+ de Nantes, depuis l'année 1769
+ jusqu'en 1784, ce qui donne un
+ total de 2,400,000 »
+
+ 6º Depuis l'année 1784 jusqu'en
+ 1793, elle n'a plus que 100,000
+ livres de rente viagère, ce qui
+ donne un total de 900,000 »
+
+ 7º La jouissance du château de
+ Louveciennes et de ses nombreuses
+ dépendances; les diverses
+ dépenses faites à
+ l'ancien château et la construction
+ du pavillon, peuvent
+ s'évaluer à un revenu
+ de 50,000 livres de rente,
+ ce qui fait, depuis 1769
+ jusqu'en 1793 1,250,000 »
+
+ Le total général de toutes ces
+ sommes est de 12,429,559 l. 11 s. 11 d.!!!
+
+
+
+
+NOTES.
+
+
+Les trois lettres suivantes nous ont été communiquées par M. Vatel,
+avocat à Versailles. Elles nous ont paru assez intéressantes pour être
+publiées en notes.
+
+
+Nº I.--_Lettre de M. de Brissac à madame du Barry_.
+
+Brissac, ce samedi 5 septembre 1789.
+
+Les courriers ne sont pas assez fréquents, madame la comtesse, il est
+bien vrai; car cette lettre qui partira demain par le Mans, arrivera
+aussitôt que celle d'hier par la levée; mais c'est un plaisir que de
+s'entretenir avec vous qu'il ne faut pas laisser échapper. Oui, l'avenir
+comme le présent est désolant. A moins que la raison, le plus beau de
+l'apanage de l'homme, ne le cède à l'esprit, l'ambition, la vanité, quel
+est l'homme qui ne désire pas le bonheur et la liberté pour lui et les
+autres, a moins qu'il ne soit un forcené? et je vois qu'il y en a trop.
+Mais des personnes agissantes, assez franchement loyales pour concourir
+à l'arrangement avantageux de tous, à ce gros de la nation, dont la
+philosophie parle ainsi que le philosophe, qui par malheur ne connaît ni
+n'a les moyens de lui faire éprouver ce charme du vrai bonheur qu'il
+n'est pas permis a tout le monde de connaître, où sont-ils, ces hommes?
+Bien loin de nous. On ne les écoute pas, ou ils ne parlent pas, ou ils
+n'existent pas. Que de tristesse toutes ces idées procurent! L'amour
+sortant, ou fuyant l'esclavage, n'est pas mon emblème, madame la
+comtesse, quoique ce soit celui de mon âge; il n'en est point, il est
+vrai, si la beauté et la bonté d'accord partagent un sentiment senti par
+un coeur digne de celui qu'il a pu toucher. Mais, par parenthèse, j'ai
+ouï dire du mal de ce tableau, que l'on trouve froid, correct, mais peu
+piquant. Je l'ai un peu pensé comme le critique; mais les détails et le
+fini, ainsi que le coloris, en sont beaux et donneront toujours du
+charme à ce tableau. Pas une dame ne prendra pour elle ces insultes que
+leur fait l'amour, ou plutôt le peintre qui peut être froid, ou son âge
+et ses travaux. Je pense qu'il y a eu fort peu de portraits, surtout de
+madame Lebrun, qui a présenté celui de madame la duchesse d'Orléans.
+Elle est faite pour être généralement aimée et estimée, et peut paraître
+en public en quel temps que ce soit. Le Salon est-il beau? Je crois que
+les campagnards n'auront pas été le voir. D'ailleurs il ne vaut pas la
+peine depuis longtemps de se déplacer.--Je ne crois pas vous avoir dit
+que je mangeais de mauvais pain; je le fais venir du Pont-de-Cé, et il
+est bon, pas très-bien fait, mais mieux qu'ici, où on devrait le manger
+excellent a cause de la beauté et bonté du grain. Notre froment est un
+des plus beaux de la France, sans vouloir néanmoins attaquer et celui de
+Brie, et le bienfait aimable et charmant de vos amies du Pont. Elles
+vous aiment pour vous-même, parce qu'elles vous connaissent bien, et
+qu'alors il est difficile de vous refuser le tribut qu'arrache et
+beauté, _et bonté et douceur, et cette aimable et parfaite égalité
+d'humeur qui fait le charme d'une société habituelle_. Aussi
+auraient-elles voulu vous garder, aussi vous y voudraient-elles; _et moi
+je voudrais également y partager avec vous retraite et solitude, le tout
+bien tranquille_. C'est ainsi que le trouble fait penser l'homme
+raisonnable, qui a reconnu que le plus grand bien à faire est la chose
+la plus difficile, et plus tumultueuse que l'orage, qui ramène si
+souvent et si promptement un beau jour. Je ne vois pas que nous
+avancions en besogne. Hélas! pourvu qu'elle soit faite, terminée, je
+serai content. Je le serai beaucoup aussi, madame la comtesse, quand il
+me sera permis de vous offrir tous mes hommages, tout mon respect et
+tous les sentiments que je vous ai toujours offerts avec joie et
+plaisir.
+
+Vos lettres sont presque toujours sept jours à arriver. Il m'en parvient
+de Paris à deux jours de date; celles de Versailles éprouvent le même
+retard. Mille respectueux hommages a mademoiselle votre belle-soeur.
+
+
+Nº 2.--_Lettre de madame du Barry aux administrateurs du district de
+Versailles_.
+
+Citoyens administrateurs,
+
+La citoyenne de Vaubernier du Barry est très étonnée qu'après toutes les
+promesses qu'elle vous a fournies des raisons qui l'ont forcée d'aller
+en Angleterre, vous l'ayez traitée comme émigrée.--Avant son départ elle
+vous a communiqué la déclaration qu'elle avait faite à sa municipalité;
+vous l'avez enregistrée dans vos bureaux. Vous savez que c'est le
+quatrième voyage qu'elle est obligée de faire, toujours pour le même
+motif.
+
+Elle espère que vous voudrez bien faire lever les scellés qui ont été
+apposés chez elle, contre toute justice, puisque la loi n'a jamais
+défendu de sortir du royaume à ceux que des affaires particulières et
+pressantes appellent en pays étranger. Toute la France est instruite du
+vol qui lui a été fait la nuit du 10 au 11 janvier 1791; que ses voleurs
+ont été arrêtés à Londres; qu'elle y a eu une procédure suivie, dont le
+dernier jugement n'a été rendu que le 28 février dernier, ainsi que
+l'atteste le certificat ci-joint.
+
+Louveciennes, ce 27 mars 1793.
+
+
+Nº 3.--_Lettre de Lavallery, membre du district de Versailles, à madame
+du Barry_.
+
+Citoyenne,
+
+Je me ferai représenter le plus tôt possible votre demande, dont le
+succès ne me paraît pas devoir éprouver de grandes difficultés, vu la
+notoriété du motif de vos absences, si vous avez eu surtout le soin de
+joindre à votre mémoire les pièces justificatives, telles que vos
+passe-ports ou leurs copies certifiées, certificats de résidence, etc.
+_Soyez convaincue que s'il est des occasions où je désire donner du prix
+à mon travail, vous avez droit à les faire naître. Votre sexe vous donne
+le droit de désirer la tranquillité, et votre amabilité_.... Mille
+pardons, citoyenne, un républicain et un inconnu ne doit parler que la
+langue des affaires.
+
+Agréez l'assurance de mon respect et de tout l'intérêt que vous avez
+droit d'inspirer.
+
+LAVALLERY[166].
+
+Versailles, 17 mai (an II de la République).
+
+
+Nº 4.--_Récit de la mort de madame du Barry, extrait du journal_ LA
+NOUVELLE MINERVE, _intitulé_ SOUVENIRS DE LA RÉVOLUTION.
+
+... Arrivé au pont au Change, j'y trouvai une assez grande foule
+rassemblée. Je n'eus pas besoin de demander l'explication de ce
+rassemblement: elle ne se fit pas attendre. J'entendis au loin des cris
+déchirants, et aussitôt je vis sortir de la cour du palais de Justice
+cette fatale charrette que Barrère, dans un de ces accès de gaieté qui
+lui étaient si familiers, avait appelée _la bière des vivants_. Une
+femme était sur cette charrette, qui approcha lentement de l'endroit où
+je m'étais arrêté. Sa figure, son attitude, ses gestes exprimaient le
+désespoir arrivé au plus haut paroxysme. Alternativement d'un rouge
+foncé et d'une pâleur effrayante, se débattant au milieu de l'exécuteur
+et de ses deux aides, qui avaient peine à la maintenir sur son banc, et
+poussant de ces cris affreux que je disais tout à l'heure, elle
+invoquait tour à tour leur pitié et celle des assistants. C'était madame
+du Barry que l'on conduisait au supplice. Revenue de Londres cinq ou
+six jours auparavant pour retirer de son château de Louveciennes des
+bijoux de prix qu'elle y avait cachés en partant pour l'émigration, elle
+avait été dénoncée le soir même de son arrivée, par son nègre favori,
+Zamor, gardien du château en son absence, et traduite au tribunal
+révolutionnaire[167]. Agée alors de quarante-deux à quarante-trois ans
+seulement, sa figure, malgré la terreur profonde qui en altérait les
+traits, était encore remarquablement belle[168]. Entièrement vêtue de
+blanc, comme Marie-Antoinette qui l'avait quelques semaines auparavant
+précédée sur la même route, ses cheveux du plus beau noir formaient un
+contraste pareil à celui que présente le drap funéraire jeté sur un
+cercueil. Coupés sur la nuque, ainsi que cela se pratique en pareil cas,
+ceux de devant étaient ramenés à chaque instant sur le front par ses
+mouvements désordonnés, et lui cachaient une partie du visage. «Au nom
+du ciel, mes amis, s'écriait-elle au milieu des sanglots et des larmes,
+au nom du ciel, sauvez-moi, je n'ai jamais fait de mal à personne;
+sauvez-moi.»
+
+La frayeur délirante de cette malheureuse femme produisait une telle
+impression parmi le peuple, qu'aucun de ceux qui étaient venus là pour
+insulter à ses derniers moments ne se sentit le courage de lui adresser
+une parole d'injure. Autour d'elle tout semblait stupéfié, et l'on
+n'entendait d'autres cris que les siens; mais ces cris étaient si
+perçants qu'ils auraient, je n'en doute pas; dominé ceux de la
+multitude, si elle en eût proféré. J'ai dit tout à l'heure, je crois,
+que personne ne s'était senti le courage de l'injurier. Si fait. Un
+homme, un seul, vêtu avec une certaine recherche, éleva la voix au
+moment où la charrette passant vis-a-vis de moi, la patiente, toujours
+s'adressant au peuple, s'écriait: «La vie! la vie! qu'on me laisse la
+vie, et je donne tous mes biens à la nation.»--«Tu ne donnes à la nation
+que ce qui lui appartient, dit cet homme, puisque le tribunal vient de
+les confisquer, tes biens.» Un charbonnier, qui était placé devant lui,
+se retourne et lui donne un soufflet. J'en éprouvai un sentiment de
+plaisir.
+
+On sait que pendant toute la route elle continua à pousser les mêmes
+cris, et à s'agiter dans des convulsions frénétiques pour fuir la mort
+qui déjà l'avait saisie; aussi, on sait qu'arrivée à l'échafaud il
+fallut user de violence pour l'attacher à la fatale planche, et que ses
+derniers mots furent ceux-ci: «Grâce! grâce! monsieur le bourreau!
+Encore une minute, monsieur le bourreau! encore... et tout fut dit.»
+
+Jamais la terreur ne fut portée à une si haute expression, et madame du
+Barry est la seule femme qui ait offert un spectacle aussi déchirant.
+Toutes les autres femmes victimes de nos discordes civiles ont montré a
+ce moment suprême autant de calme que de courage, et plus d'une a
+raffermi le courage de ses compagnons d'infortune.
+
+
+Nº 5.--_Bibliothèque de madame du Barry_.
+
+La bibliothèque de la ville de Versailles renferme cent quarante-deux
+ouvrages ayant appartenu à madame du Barry, et formant trois cent
+quatre-vingts volumes. Presque tous ces volumes sont reliés en maroquin
+rouge, dorés sur tranches et portent sur le plat des deux côtés les
+armes de la comtesse avec la fameuse devise _Boutez en avant_, qui donna
+lieu dans le temps à tant de commentaires ironiques. La date de leur
+impression ne dépasse pas l'année 1774. Plusieurs sont reliés en
+maroquin vert et portent les mêmes ornements que les rouges. Ils
+paraissent provenir de cadeaux. Il est bien probable que ces livres
+faisaient partie de la bibliothèque des appartements de madame du Barry
+au château de Versailles, où ils sont sans doute restés jusqu'à la
+révolution. D'autres volumes, beaucoup moins bien reliés que les
+précédents et portant les armes de la comtesse sur le dos, font aussi
+partie de cette collection; mais la date de leur impression est
+postérieure à l'année 1774, et ils proviennent de son habitation de
+Louveciennes.
+
+Beaucoup de ces ouvrages sont des oeuvres littéraires; mais en
+parcourant leurs titres et en y retrouvant la plupart des productions
+futiles et licencieuses d'une partie de la littérature du dix-huitième
+siècle, on pourra juger, sans en être surpris, du goût qui a présidé à
+la composition de cette bibliothèque.
+
+Presque tous les exemplaires venant de la bibliothèque de madame du
+Barry, outre leurs jolies reliures, sont surtout remarquables par la
+beauté de l'exécution typographique. On peut citer sous ce rapport les
+_Baisers_, de Dorat, charmant exemplaire orné de figures exécutées par
+Eisen, d'un fini extrême, mais d'une très-grande indécence. Au reste,
+plusieurs des ouvrages de cette collection, et particulièrement les
+romans de Crébillon fils, sont accompagnés de gravures fort
+licencieuses.
+
+Parmi les divers ouvrages dont nous donnons la liste, on en doit
+particulièrement signaler quatre comme se rapportant à la personne même
+de madame du Barry, par les dédicaces adulatrices qui lui sont
+adressées.
+
+Le premier porte pour titre: _le Royalisme, ou Mémoires de du Barry de
+Saint-Aunet et de Constance de Cézelli, sa femme. Anecdotes héroïques
+sous Henri IV_, par M. de Limairac.--La plupart des exemplaires de cet
+ouvrage ne portent aucun nom d'auteur. Dans celui-ci, le nom de l'auteur
+se trouve non seulement à la suite du titre, mais encore au bas de
+l'épître dédicatoire. Cet exemplaire a certainement été offert par
+l'auteur à la comtesse; le choix de l'exemplaire et sa magnifique
+reliure en maroquin rouge, toute couverte de dorures, en sont la preuve.
+Au-dessus de l'épître dédicatoire sont gravées les armes de madame du
+Barry, et de chaque côté deux levrettes enchaînées. Voici cette épître:
+
+
+
+_A madame la comtesse du Barry._
+
+Madame,
+
+Daignez accueillir avec bonté un hommage public de sentiment et de
+reconnaissance. Le zèle seul m'a dicté ce petit ouvrage; seul il ose
+vous l'offrir. Je sens qu'il est capable d'égarer dans une carrière qui
+demande des talents, mais j'espère, madame, que vos suffrages
+suppléeront à la médiocrité des miens. Les traits que je développe dans
+cet essai le rendent digne de paraître sous vos auspices. Ils sont tous
+puisés _dans votre maison_; ils retracent la fidélité la plus héroïque
+de deux sujets pour le roi. Trop heureux si vous voulez bien me
+pardonner une entreprise au-dessus de mes forces, en faveur du motif qui
+me l'a inspirée.
+
+Je suis avec un profond respect, madame, votre très-humble et
+très-obéissant serviteur.
+
+DE LIMAIRAC.
+
+
+Le second est un _Almanach de Flore_, pour 1774. C'est un recueil de
+quarante-huit fleurs gravées et coloriées. Au-dessous de chaque fleur se
+trouve une devise et derrière un horoscope. Ces devises et ces
+horoscopes sont divisés en séries de numéros, applicables à une
+demoiselle, à un garçon, à une femme mariée, à un homme marié, à une
+veuve et à un veuf. L'auteur était un capitaine d'infanterie nommé
+Douin, né à Versailles.
+
+La beauté des dorures de ce petit volume, relié en maroquin rouge, fait
+présumer que c'est encore un cadeau offert à madame du Barry. Après le
+titre sont placées deux gravures en rouge. L'une représente un tournesol
+regardant le soleil avec cette devise.
+
+ L'astre est constant,
+ La fleur fidèle;
+
+allégorie se rapportant aux amours du roi et de la comtesse. L'autre
+offre le portrait de madame du Barry. Au-dessous sont deux flèches
+croisées avec un coeur et les vers suivants:
+
+ _A la plus belle_.
+
+ Je dormais; le Maître des dieux
+ Me dit: «Je sais ce que tu veux;
+ Choisis ou déesse, ou mortelle,
+ Pour lui consacrer tes couplets.»
+ Quoi, lui dis-je, une bagatelle!
+ «Ne crains rien: je te le permets.»
+ Je choisirai donc la plus belle.
+
+Le troisième ouvrage est intitulé _Contes moraux et nouvelles idylles de
+D... et Salomon Gessner_.--Les contes sont de Diderot, et la traduction
+des idylles de Gessner est de Meister, qui fut secrétaire de Grimm.
+
+Le traducteur dont le nom ne parut pas sur cette édition ne voulut
+cependant pas le laisser ignorer de madame du Barry, et dans
+l'exemplaire qu'il lui adressa, il ajouta une épître dédicatoire signée
+de lui. Cette épître, écrite par un habile calligraphe, est ainsi
+conçue:
+
+ De la beauté, les talents et les arts
+ Chérissent tous l'aimable empire.
+ Que l'églogue au naïf sourire
+ Arrête un instant vos regards!
+ Comme vous, belle sans parure,
+ Elle doit tout aux mains de la nature.
+ Comme vous elle a quelquefois,
+ Sous l'air d'une simple bergère,
+ Charmé les héros et les rois,
+ Même les dieux. Apollon, pour lui plaire,
+ Vint oublier l'Olympe à l'ombre de ces bois.
+ Quel dieu pour vous ne l'oublierait de même,
+ Si de l'amour la puissance suprême
+ Vous permettait encore un choix?
+
+Je suis avec le plus profond respect, madame, votre très-humble et
+très-obéissant serviteur.
+
+MEISTER.
+
+Enfin le quatrième est un recueil contenant deux opéras comiques: _les
+Étrennes de l'Amour_ et _le Nouveau Marié_, dont les paroles sont de
+Cailhava. En envoyant cet exemplaire à madame du Barry, l'auteur écrivit
+sur la première page les vers suivants:
+
+ _A madame la comtesse du Barry._
+
+ Transporté par un songe au haut de l'Empyrée,
+ J'ai cru voir cette nuit la belle Cythérée,
+ L'aimable Hébé, le dieu qù'invoquent les amants.
+ La tendre Volupté, les Grâces, les Talents,
+ Qui d'un air satisfait parcouraient mon ouvrage.
+ Un sourire flatteur m'annonçait leur suffrage.
+ J'ai redouté leur fuite à l'instant du réveil;
+ Mais je les vois encor, ce n'est pas un mensonge:
+ Un seul de vos regards réalise mon songe,
+ Et j'étais moins heureux dans les bras du sommeil.
+
+Voici maintenant la liste générale des ouvrages ayant appartenu à madame
+du Barry, et possédés aujourd'hui par la bibliothèque de la ville de
+Versailles:
+
+_Grammaire générale et raisonnée_, par Cl. Lancelot et Ant. Arnaud, avec
+des notes par Duclos. Paris, Prault, 1754, 1 vol. in-12.
+
+_Abrégé du Dictionnaire universel français et latin, vulgairement appelé
+Dictionnaire de Trévoux_, par Berthelin. Paris, les libraires associés,
+1762, 3 vol. in-4º.
+
+_Les OEuvres de Clément Marot_, de Cahors, valet de chambre du roi,
+revues et augmentées de nouveau. La Haye, Moetgens, 1714, 2 vol. in-12.
+
+_Les OEuvres de François Villon_, avec les notes de Clément Marot et les
+poésies de Jean Marot et de Michel Marot. Paris, Constelier, 1723, 2
+vol. petit in-8º.
+
+_Les Métamorphoses d'Ovide_, traduites en français, avec des remarques
+et des observations historiques, par l'abbé Banier, nouvelle édition, 2
+tomes en 1 volume. Paris, Nyon, 1738, in-4º, avec figures, par Humblot.
+
+_Satires et autres OEuvres de Regnier_, accompagnées de remarques
+historiques de Cl. Brossette. Nouvelle édition considérablement
+augmentée, par Lenglet du Fresnoy. Londres, Tonson, 1733, grand in-4º,
+belle édition dont les pages sont entourées de cadres rouges.
+
+_L'Arcadie de Sannazar_, traduite de l'italien, par Pecquet. Paris,
+Nyon, 1737, 1 vol. in-12.
+
+_Recueil de traductions_ en vers français, contenant le poëme de
+Pétrone, deux épîtres d'Ovide et le _Pervigilium Veneris_, avec des
+remarques par le président Bouhier. Paris, compagnie des libraires,
+1738, 1 vol. in-12.
+
+_Les Poésies du roi de Navarre_, avec des notes et un glossaire
+français, précédées de l'histoire des révolutions de la langue française
+depuis Charlemagne jusqu'à saint Louis, d'un discours sur l'ancienneté
+des chansons françaises et de quelques autres pièces, par Levesque de la
+Revallière. Paris, Guérin, 1742, 2 vol. in-12.
+
+_OEuvres de madame et de mademoiselle Deshoulières_, nouvelle édition.
+Paris, les libraires associés, 1754, 2 vol. in-12.
+
+_La Colombiade, ou la Foi portée au nouveau monde_, poëme, par madame
+Dubocage. Paris, Desaint, 1756, 1 vol. in-8º orné de jolies vignettes.
+
+_L'Art d'aimer et le remède d'amour_, traduction d'Ovide, par l'abbé de
+Marolles. Amsterdam, 1757, 1 vol. in-12 avec des figures, par Vanloo et
+Eisen.
+
+_OEuvres de l'abbé de Chaulieu_, nouvelle édition, par de Saint-Marc.
+Paris, David, 1757, 2 vol. in-12.
+
+_Le Conte du Tonneau_, par le fameux docteur Swift, traduit de
+l'anglais. La Haye, H. Scheurleer, 1757, suivi du _Traité des
+dissensions entre les nobles et le peuple dans les républiques d'Athènes
+et de Rome_, etc. _L'Art de ramper en poésie et l'Art du mensonge
+politique_, par le même, 3 vol. in-12.
+
+_OEuvres de M. le marquis de Ximenez, ancien mestre de camp de
+cavalerie_, nouvelle édition. Paris, 1772.--Ce volume contient encore:
+_Amalazonte_, tragédie du même auteur. Paris, Jarry, 1758, 1 vol. in-8º,
+relié en maroquin vert avec de nombreuses dorures; c'est probablement un
+cadeau.
+
+_L'Univers perdu et reconquis par l'Amour_, suivi d'_Iphis et Amarante,
+ou l'Amour vengé_, par de Carné. Amsterdam, 1758, 1 vol. in-8º.
+
+_Poésies de Haller_, traduites de l'allemand, par Tscharner, édition
+retouchée et augmentée. Berne, soc. typog., 1760, 2 vol. in-12.
+
+_Poésie du philosophe de Sans-Souci_, nouvelle édition. Sans-Souci,
+1760, 2.vol. in-12.
+
+_Le Trésor du Parnasse, ou le plus joli des recueils_, par Couret de
+Villeneuve et Berenger. Londres, 1762, 6 vol. in-12.
+
+_La Farce de maistre Pierre Pathelin, avec son Testament à quatre
+personnages_. Paris, Durand, 1762, 1 vol. petit in-8º.
+
+_OEuvres diverses de Desmahis_. Genève, 1763, 1 vol. in-12.
+
+_Le Hasard du coin du feu_, dialogue moral par Crébillon fils. La Haye,
+1763, 1 vol. in-12.
+
+_L'Iliade d'Homère_, traduite en vers, avec des remarques, par de
+Rochefort. Paris, Saillant, 1766, 2 vol. in-8º.
+
+_La Pharsale de Lucain_, traduite en français par Marmontel. Paris,
+Merlin, 1766, 2 vol. in-8º, avec des figures, par Gravelot.
+
+_Roman comique_, par Scarron, nouvelle édition. Amsterdam, comp. des
+libraires, 1766, 3 vol. in-12.
+
+_Traité de la prosodie française_, par l'abbé d'Olivet. Paris, Barbou,
+1767.--Dans le même volume se trouve: _Remarques sur Racine_, par l'abbé
+d'Olivet. Paris, Barbou, 1766, 1 vol. in-8º.
+
+_OEuvres complètes de M. le c. de B..._ (le cardinal de Bernis),
+dernière édition. Londres, 1767, deux tomes dans 1 volume in-12.
+
+_OEuvres de S. Gessner_, traduites de l'allemand, par Huber. Zurich,
+Orel, 1768, 2 vol. in-12.
+
+_Essais de Montaigne_, avec les notes de Coste, nouvelle édition.
+Londres, Nourse, 1769, 10 vol. in-12.
+
+_Le Messie_, poëme en dix chants, traduit de l'allemand, de Klopstock,
+par d'Antelmy, Junker et autres. Paris, Vincent, 1769, 2 vol. in-12.
+
+_Narcisse dans l'île de Vénus_, poëme en quatre chants, par Malfilâtre.
+Paris, Lejay, 1769, 1 vol. in-8º orné d'un frontispice par Eisen, et de
+figures par Saint-Aubin.
+
+_La Peinture_, poëme en trois chants, par Lemierre. Paris, Jay, 1769, 1
+vol. in-4º.--Au frontispice est un portrait du grand Corneille. Les
+figures sont de Cochin.
+
+_Les Nuits d'Young_, suivies des oeuvres diverses du même auteur,
+traduites de l'anglais par Letourneur, deuxième édition. Paris, Lejay,
+1769, 4 vol. in-8º avec figures par Eisen.
+
+_Les Grâces_, précédées d'une dissertation par l'abbé Massieu, et
+suivies d'un discours par le P. André; recueil publié par de Querlon.
+Paris, Prault, 1769, 1 vol. in-8º avec figures, de Boucher et de Moreau
+jeune.
+
+_Les Quatre parties du jour_, poëme traduit de l'allemand de Zacharie,
+par Millier. Paris, Musier, 1769, 1 vol. in-8º avec de charmantes
+figures par Eisen.
+
+_Les Éléments_, poëme par Delavergue. La Haye, Gosse, 1770, 1 vol.
+in-8º.
+
+_La Récréation des honnêtes gens, ou Opuscules en vers_, par M. de la
+M... Amsterdam et Paris, Fétil, 1770, 1 vol. in-8º, relié en maroquin
+vert.
+
+_Les Baisers_, précédés du _Mois de mai_, poëme par Dorat. La Haye et
+Paris, Lambert, 1770, 1 vol. in-8º.
+
+_Jérusalem délivrée_, poëme héroïque du Tasse, traduit en français par
+Mirabaud. Paris, Barrais, 1771, 2 vol. in-12.
+
+_Le Bonheur_, poëme en six chants avec des fragments de quelques
+épîtres, ouvrages posthumes d'Helvétius. Londres, 1772; précédé d'une
+_Vie d'Helvétius_, par Saint-Lambert, 1 vol. in-8º, relié en maroquin
+vert. Les armes de la comtesse sont sur le plat avec la devise _Boutez
+en avant_ au-dessus.
+
+_Contes moraux et Nouvelles idylles_ de D... (Diderot) et Salomon
+Gessner, traduites par Meister. Zurich, 1773, 1 vol. in-4º.
+
+_Almanach des trois règnes_, en huit parties: première partie, _Almanach
+de Flore_, 1774, gravé et orné de plus de cinquante planches en
+taille-douce, dessinées et coloriées d'après nature avec le plus grand
+soin, contenant quarante-huit devises et autant d'horoscopes pour tous
+les états et tous les âges. Les paroles sont de Douin, capitaine
+d'infanterie; les fleurs dessinées et gravées par Chevalier, lieutenant
+d'infanterie, le texte gravé par Drouet, ancien soldat d'infanterie.
+Versailles, Blaizot, 1774, 1 vol. in-24.
+
+_Les Comédies de M. Marivaux_, jouées sur le théâtre de l'hôtel de
+Bourgogne par les comédiens ordinaires du roi. Paris, Briasson, 1732, 2
+vol. in-12.
+
+_Recherches, sur les théâtres de France depuis l'année_ 1161 _jusqu'à
+présent_, par de Beauchamps. Paris, Prault, 1735, 3 vol. in-8º.
+
+_Réflexions historiques et critiques sur les différents théâtres de
+l'Europe, avec les pensées sur la déclamation_, par Louis Riccoboni.
+Paris, Guérin, 1738, 1 vol. in-8º.
+
+_Tragédies-opéras_ de l'abbé Metastasio, traduites en français par M.
+C.-P. Richelet. Vienne, 1751, 12 vol. in-12.
+
+_OEuvres de théâtre_ de MM. Brueys et Palaprat. Paris, Briasson, 1755, 5
+vol. in-12.
+
+_Choix de petites pièces du théâtre anglais_ par Dodsley et Gay,
+traduites des originaux par Patu. Paris, Prault, 1756, 2 vol. in-12.
+
+_OEuvres dramatiques_ de Néricault-Destouches, nouvelle édition. Paris,
+Prault, 1758, 10 vol. in-12.
+
+_OEuvres_ d'Alexis Piron, avec figures en taille douce d'après les
+dessins de Cochin. Paris, Duchesne, 1758, 3 vol. in-12.
+
+_Le Théâtre_ de Baron. Paris, les libraires associés, 1759, 3 vol.
+in-12.
+
+_Les OEuvres de théâtre_ de Dancourt, nouvelle édition. Paris, les
+libraires associés, 1760, 12 vol. in-12.
+
+_Le Prix de la beauté, ou les Couronnes_, pastorale en trois actes et un
+prologue, avec des divertissements sur des airs choisis et nouveaux, par
+Goudot. Paris, Delormel, 1760, vol. in-4º.
+
+_OEuvres_ de M. Nivelle de la Chaussée, nouvelle édition, publiée par
+Sablier. Paris, Prault, 1762, 2 vol. 12.
+
+Recueil contenant: 1º _les Étrennes de l'Amour_, comédie-ballet en un
+acte; 2º _le Nouveau Marié_, opéra-comique en un acte par Cailhava.
+Paris, Lejay et Duchesne, 1769-1770, 1 vol. in-8º.
+
+_Fables allemandes et contes français en vers_, avec un _Essai sur la
+Fable_, par du Coudray. Paris, Jarry, 1770, 1 vol. in-8º.
+
+_Les Chefs-d'oeuvre_ de Pierre et de Thomas Corneille, nouvelle édition,
+avec _les Commentaires_ de Voltaire. Paris, libraires associés, 1771, 3
+vol. in-12.
+
+_Théâtre des Grecs_ par le P. Brumoy, nouvelle édition enrichie de
+très-belles gravures et augmentée de la traduction entière des pièces
+grecques dont il n'existe que des extraits dans toutes les éditions
+précédentes, et de comparaisons, d'observations et de remarques
+nouvelles, par MM. de Rochefort et Dutheil. Paris, Cussac, 1785, 13 vol.
+in-4º, reliés en maroquin rouge, avec armes sur le dos.
+
+_Les Aventures de Télémaque, fils d'Ulysse_, par François de Salignac de
+la Motte-Fénelon, nouvelle édition. Paris, Estienne, 1730, deux tomes en
+1 volume in-4º, édition médiocre, ornée de figures par Coypel, Souville,
+Cazes et Humblot.
+
+_Le Marquis de Chavigny_, par Boursault. Paris, Nyon, 1739, 1 vol.
+in-12.
+
+_Le Prince de Condé_, par Boursault. Paris, Nyon, 1739. Dans le même
+volume: _Ne pas croire ce qu'on voit_, histoire espagnole par Boursault.
+Paris, Lebreton, 1739, 1 vol. in-12.
+
+_OEuvres de Maître François Rabelais_, avec des remarques historiques et
+critiques de le Duchat, nouvelle édition ornée de figures, par Picart.
+Amsterdam, J. Bernard, 1741, 3 vol. in-4º.
+
+_Tanzaï et Néadarné_, histoire japonaise, par Crébillon fils, Pékin,
+1743, 2 vol. in-18, avec figures licencieuses.
+
+_Amours de Théagène et de Chariclée_, histoire éthiopique. Londres, 2
+vol. petit in-8º, avec figures, dont quelques-unes sont assez
+licencieuses.
+
+_Les Malheurs de l'Amour_, par la marquise de Tencin et Pont-de-Vesle.
+Amsterdam et Paris, Prault, 1746, deux parties en 1 vol. in-12.
+
+_Lettres de la marquise de M*** au comte de R***_, par Crébillon fils.
+La Haye, Scheurser, 1746, 1 vol. in-12.
+
+_Histoire amoureuse des Gaules_, par le comte de Bussi-Rabutin, 1754, 5
+vol. in-12.
+
+_Mémoires et OEuvres de madame Staal_. Londres, 1755, 4 vol. in-12.
+
+_Histoire d'Emilie Montayne_, par l'auteur de _Julie Mondeville
+(Mistriss Brooke)_, traduite de l'anglais, par Robinet, 4 tomes en 2
+vol. in-12.
+
+_Mémoires et Aventures d'un homme de qualité qui s'est retiré du monde_,
+par l'abbé Prévost. Amsterdam, Arkstée, 1759, 3 vol. in-12.
+
+_Mémoires du comte de Grammont_, par le comte A. Hamilton, 1760, 2 vol.
+in-12.
+
+_Les Amours d'Ismène et d'Isménius_, par M. de Beauchamps. La Haye,
+1743.--Dans le même volume se trouve: _Acajou et Zirphile_, conte, par
+Duclos, Minutie, 1761, 1 vol. in-12, avec figures.
+
+_Amélie_, roman de Fiedling, traduit de l'anglais, par madame Riccoboni.
+Paris, Brocas, 1762, 3 vol. in-12.
+
+_Lettres de milady Julliette Catesby à milady Henriette Campley, son
+amie_, par madame Riccoboni. Amsterdam, 1762, 1 vol. in-12.
+
+_Histoire de miss Jenny_, écrite et envoyée par elle à milady comtesse
+de Roscomond, par madame Riccoboni. Paris, Brocas, 1764, 2 vol. in-12.
+
+_La Nouvelle Héloïse, ou Lettres de deux amants habitants d'une petite
+ville au pied des Alpes_, recueillies et publiées par Jean-Jacques
+Rousseau, nouvelle édition. Neufchâtel et Paris, Duchesne, 1764, 4 vol.
+in-12 avec figures, par Gravelot.
+
+_Contes moraux_, par Marmontel. Paris, Merlin, 1765, 3 vol. in-12, avec
+le portrait de l'auteur, par Cochin, et ornés de figures par Gravelot.
+
+_Histoire de M. le marquis de Cressy_, par madame Riccoboni. Paris,
+Humblot, 1766, 1 vol. 12.
+
+_Contes de Guillaume Vadé_, 1768, 1 vol. in-8º.
+
+_Histoire d'Hippolyte, comte de Douglas_, par madame d'Aulnoy.
+Amsterdam, Lhonoré, 1769, deux tomes en 1 vol. in-12.
+
+_Télèphe_, en douze livres. Londres et Paris, Pissot, 1784, par
+Pechméja, 1 vol. in-8º relié en maroquin rouge, les armes sur le dos.
+
+_Voltariana, ou Éloges amphigouriques_ de F.-M. Arouet, sieur de
+Voltaire, discutés et décidés pour sa réception à l'Académie française,
+par Travenol et Mannory. Paris, 1748, 1 vol. in-8º.
+
+_Lettres de Rousseau, sur différents sujets de littérature._ Genève,
+Barillot, 1750, 5 vol. in-12.
+
+_Essai historique et philosophique sur le goût_, par Cartaud de la
+Vilale. Londres, 1751, 1 vol. in-12.
+
+_Considérations sur les ouvrages d'esprit_, par Chicaneau de Neuville.
+Amsterdam, 1758, 1 vol. in-12.
+
+_Le Chef-d'oeuvre d'un inconnu_, poëme heureusement découvert et mis au
+jour, avec des remarques savantes et recherchées, par le docteur
+Chrysostome Matanasius, par Saint-Hyacinthe, aidé de S'gravesande,
+Sallengre, Prosper Marchand et autres. On trouve de plus une
+Dissertation sur Homère et sur Chapelain, par Van Effen; deux Lettres
+sur des Antiques; la préface de Cervantes, sur l'histoire de don
+Quichotte de la Manche; la déification d'Aristarchus Masso, et plusieurs
+autres choses non moins agréables qu'instructives, neuvième édition.
+Lausanne, Bousquet, 1758, 2 vol. in-12.
+
+_Pensées de Pascal sur la religion et sur quelques autres sujets._
+Paris, Desprez, 1761, 1 vol. in-12.
+
+_Recueil de Lettres_ de madame la marquise de Sévigné à madame la
+comtesse de Grignan, sa fille. Paris, Compagnie des libraires, 1763, 8
+vol. in-12.
+
+_Lettres secrètes de M. de Voltaire_, publiées par L.-B. Robinet.
+Genève, 1765, 1 vol. in-8º.
+
+_Pensées de milord Bolingbroke_, sur différents sujets d'histoire, de
+philosophie, de morale, etc., recueillies par Prault. Paris, Prault,
+1771, 1 vol. in-12.
+
+_Les Loisirs d'un ministre, ou Essais dans le goût de ceux de Montagne_,
+composés en 1736, par le marquis d'Argenson. Liége, Plomteux, 1787, 2
+vol. in-8º, reliés en veau vert avec armes sur le dos.
+
+_OEuvres du Philosophe de Sans-Souci_, au Donjon du Château, 1750, 3
+vol. in-8º.
+
+_OEuvres de Saint-Évremont_, avec la vie de l'auteur, par des Maileaux,
+1753, 11 vol. in-12.
+
+_OEuvres de madame la marquise de Lambert._ Paris, Ganeau, 1761, 2 vol.
+in-12.
+
+_OEuvres diverses de J. J. Rousseau._ Neufchâtel, 1764, 8 vol. in-12. Le
+premier volume est orné d'un frontispice par Gravelot, et d'un portrait
+de J. J. Rousseau par Delatour.
+
+_Plaidoyer_ pour et contre J. J. Rousseau et le docteur D. Hume,
+l'historien anglais, avec des anecdotes intéressantes relatives au
+sujet; ouvrage moral et critique, pour servir de suite aux oeuvres de
+ces deux grands hommes, par Bergerat. Paris, Dufour, 1768, 1 vol. in-12.
+
+_Les OEuvres de l'abbé de Saint-Réal_, nouvelle édition. Libraires
+associés, 8 vol. in-12.
+
+_OEuvres posthumes de Frédéric II_, roi de Prusse. Berlin, Woss et
+Decker, 1788, 15 vol. in-8º, reliés en maroquin fauve avec armes sur le
+dos.
+
+_Divers Éloges_, par Thomas. Paris, Regnard, 1763-1773, 1 vol. in-8º.
+
+_La Muse historique, ou Recueil de Lettres en vers_, contenant les
+nouvelles du temps, écrites à S. A. marquise de Longueville, par le
+sieur Loret. Paris, Ch. Chenault, de 1650 à 1664, 5 vol. in-fol.--Les
+lettres du 1er janvier 1665 au 28 mars de la même année sont
+manuscrites, et copiées par de la Rue, en 1771.
+
+_Anecdotes ecclésiastiques_, tirées de l'_Histoire du royaume de
+Naples_, de Giannone, par Jacques Vernet. Amsterdam, Catuffe, 1753, 1
+vol. petit in-8º.
+
+_Abrégé chronologique de l'Histoire des Juifs_, par Charbuy. Paris,
+Chaubert, 1 vol. in-8º.
+
+_Lettres sur l'Egypte_, par Savary. Paris, Onfroy, 1785, 3 vol. in-8º,
+avec armes sur le dos.
+
+_Histoire ancienne des peuples de l'Europe_, par le comte de Buat.
+Paris, Desaint, 1772, 12 vol. in-12, avec armes sur le dos.
+
+_Mémoires de la cour de France_, pour les années 1688 et 1689, par
+madame la comtesse de la Fayette. Amsterdam, Bernard, 1731, 1 vol.
+in-12.
+
+_Histoire de la vie et du règne de Louis XIV_, par Bruzen de la
+Martinière. La Haye, Venduren, 1740, 2 vol. in-4º.
+
+_Histoire de madame de Luz_, anecdote du règne de Henri IV, par Duclos.
+La Haye, de Hondt, 1744, deux parties en 1 vol. in-12. Histoire plus que
+galante.
+
+_Histoire politique du siècle_, par Maubert de Gouvest. Londres, 1754, 2
+vol. in-12.
+
+_Histoire du règne de Louis XIII_, par le P. Griffet. Paris, Libraires
+associés, 1758, 2 vol. in-4º.
+
+_Les Amours de Henri IV, roi de France_, avec ses lettres galantes à la
+duchesse de Beaufort et à la marquise de Verneuil. Amsterdam, 1765, deux
+parties en 1 vol. in-12.
+
+_Dictionnaire géographique et portatif de la France_, par le P.
+Dominique Magnan. Paris, Desaint, 1765, 4 vol. in-8º.
+
+_Les Soirées helvétiennes, alsaciennes et francomtoises_, par le marquis
+de Pezay. Amsterdam, Paris, Delalain, 1771, 1 vol. in-8º.
+
+_Usages et Moeurs des Français_, par Poullin de Lumina. Lyon, Berthaud,
+1769, 1 vol. in-12.
+
+_Le Royalisme, ou Mémoires de du Barry de Saint-Aunez et de Constance de
+Cézelli, sa femme_, anecdotes héroïques sous Henri IV, par de Limairac.
+Paris, Valade, 1770, 1 vol. in-8º.
+
+_Histoire de la vie privée des Français, depuis l'origine de la nation
+jusqu'à nos jours_, par Legrand d'Aussy. Paris, Pierres, 1782, 3 vol.
+in-8º, reliés en maroquin rouge, armes sur le dos.
+
+_Lettres du baron de Busbec_, ambassadeur de Ferdinand 1er, roi des
+Romains, auprès de Soliman II, empereur des Turcs, etc., traduites en
+français, avec des notes historiques et géographiques, par l'abbé Defoy.
+Paris, Bauche, 1748, 3 vol. in-12.
+
+_Histoire abrégée de la vie d'Éléonore-Marie, archiduchesse d'Autriche_,
+etc., par N. Frizon. Nancy, Cusson, 1725, 1 vol. in-8º.
+
+_Les Fastes du royaume de Pologne et de l'empire de Russie_, par
+Constant Dorville. Paris, Costard, 1769, 2 vol. in-8º.
+
+_Histoire de l'Afrique et de l'Espagne sous la domination des Arabes_,
+par Cardonne. Paris, Saillant, 1765, 3 vol. in-12.
+
+_Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce
+des Européens dans les deux Indes_, par Guillaume-Thomas Raynal.
+Neufchâtel, Libraires associés, 1783, 10 vol. in-8º, reliés en maroquin
+vert, armes sur le dos.
+
+_Monuments de la mythologie et de la poésie des Celtes, et
+particulièrement des anciens Scandinaves_, pour servir de supplément et
+de preuves à l'introduction à l'histoire du Danemark, par Mallet.
+Copenhague, Philibert, 1756, 1 vol. in-4º.
+
+_Histoire de l'Académie française_, par Pellisson et d'Olivet, troisième
+édition. Paris, Coignard, 1743, 2 vol. in-12.
+
+_Tablettes dramatiques_, contenant l'abrégé de l'histoire du théâtre
+français, l'établissement des théâtres à Paris, un dictionnaire des
+pièces et l'abrégé de l'histoire des auteurs et des acteurs, par le
+chevalier de Mouy. Paris, Jarry, 1752, 1 vol. petit in-8º.
+
+_Histoire et commerce des Antilles anglaises_, par Butel-Dumont, 1 vol.
+in-12.
+
+_Correspondance secrète, politique et littéraire, ou Mémoires pour
+servir à l'Histoire des cours, des sociétés et de la littérature en
+France, depuis la mort de Louis XV_, 1789, 1790, par Métra et autres, 14
+vol. in-12, reliés en veau vert, les armes sur le dos. On est d'autant
+plus étonné de trouver cet ouvvage parmi les livres de madame du Barry,
+qu'elle y est fort maltraitée.
+
+_Dictionnaire de littérature_, par l'abbé Sabatier de Castres. Paris,
+Vincent, 1770, 3 vol. in-8º.
+
+_Recueil d'anecdotes_, par madame de Laisse. Amsterdam, 1773, 1 vol.
+in-12.
+
+_Principes du droit politique_, par Burlamaqui. Amsterdam, Châtelain,
+1751, deux tomes en 1 vol. petit in-8º.
+
+_Le Droit public de France éclairci par les monuments de l'antiquité_,
+par Bousquet. Paris, Desaint et Saillant, 1756, 1 vol. in-4º.
+
+_De l'autorité du clergé et du pouvoir du magistrat politique sur
+l'exercice des fonctions du ministère ecclésiastique_, par Richer.
+Amsterdam, Arkstée, 1767, 2 vol. in-12.
+
+_Constitution de l'Angleterre, ou État du gouvernement anglais_, comparé
+avec la forme républicaine et avec les autres monarchies de l'Europe,
+par Delolme. Genève, Barde, 1787, 2 vol. in-8º, reliés en veau marbré
+vert, avec armes sur le dos.
+
+L'_Alcoran de Mahomet_, traduit de l'arabe par André du Ryer, sieur de
+la Garde Malézair, nouvelle édition, revue, corrigée et augmentée des
+observations historiques et critiques sur le mahométisme, ou traduction
+du discours préliminaire mis à la tête de la version anglaise de
+l'Alcoran, publiée par Georges Sale. Amsterdam, Arkstée, 1770, 2 vol.
+in-12.
+
+_Réflexions, sentences et maximes morales_, mises en nouvel ordre, avec
+des notes pratiques et historiques, par Amelot de la Houssaye, nouvelle
+édition, augmentée de maximes chrétiennes. Paris, Ganeau, 1754, 1 vol.
+in-12.
+
+_Émile, ou de l'Éducation_, par J. J. Rousseau. Amsterdam, Néaulme,
+1762, 4 vol. in-12.
+
+_Réflexions politiques sur les finances et le commerce_, par Dutot. La
+Haye, Vaillant, 1754, 2 vol. in-12.
+
+_Essai politique sur le commerce_, par Melon, nouvelle édition, 1761, 1
+vol. in-12.
+
+_Annales politiques_ de feu M. Charles-Irénée Castel, abbé de
+Saint-Pierre, nouvelle édition. Lyon, Duplais, 1767, 2 vol. in-12.
+
+_Essai philosophique_, concernant l'entendement humain, par Locke,
+traduit de l'anglais par Coste. Amsterdam, aux dépens de la Compagnie,
+1758, 4 vol. in-12.
+
+_De la recherche de la vérité_, par Mallebranche. Paris. 1762, 4 vol. in
+12.
+
+_Histoire du ciel_ considéré selon les idées des poëtes, des philosophes
+et de Moïse, par Noël Planche. Paris, Estienne, 1739, 2 vol. in-12.
+
+_Considérations sur la constitution de la marine militaire de France_,
+par de Secondat. Londres, 1756, 1 vol. in-12.
+
+_Rouge végétal à l'usage des dames_, avec une lettre à M***, sur les
+maladies des yeux causées par l'usage du rouge et du blanc, par le
+docteur Deshais-Gendron. Paris, 1760, 1 vol. in-12.
+
+ * * * * *
+
+
+Nº 6.--_Liste des dossiers, concernant madame du Barry, déposés à la
+bibliothèque publique de la ville de Versailles:_
+
+1º Dossier renfermant toutes les pièces regardant particulièrement
+madame _du Barry_.
+
+2º Procès entre les héritiers _du Barry_, dans lequel est établie la
+preuve que madame _du Barry_ est fille naturelle d'_Anne Bécu_.
+
+3º Autre dossier, dans lequel on trouve une foule de renseignements sur
+tout ce qui regarde madame _du Barry_.
+
+4º Dossier concernant le vol des diamants de madame _du Barry_, et les
+dépôts d'argent faits par elle en Angleterre.
+
+5º Dossier _Cossé-Brissac_.
+
+6º Dossier de _Rançon de Montrabe_, beau-père de madame _du Barry_.
+
+7º Dossier contenant les états des dettes, oppositions et significations
+existant au trésor public, sur la comtesse _du Barry_.
+
+8º Procès des héritiers de madame _du Barry_.--Mémoires imprimés.
+
+9º, 10º, 11º, 12º. Dossiers des divers procès intentés par les héritiers
+de madame _du Barry_, contre MM. _Rohan-Chabot_, _de Chabrillan_, _de
+Mondragon_.
+
+13º Dossier concernant le comte _Guillaume du Barry_, mari de la
+comtesse.--Son second mariage avec _Madeleine Lemoine_.--Sa mort.
+
+14º et 15º Papiers concernant les parents de madame _du Barry_.
+
+
+FIN.
+
+
+
+
+TABLE DES MATIÈRES.
+
+
+INTRODUCTION I
+
+ I.--Le château de Versailles sous Louis XIII et la
+ journée des Dupes (1627-1630) 1
+
+ II.--La naissance du duc de Bourgogne (1682) 30
+
+ III.--Récit de la grande opération faite au roi
+ Louis XIV (1686) 57
+
+ IV.--Mort de Louvois (1691) 74
+
+ V.--L'appartement de madame de Maintenon
+ (1686-1715) 85
+
+ VI.--L'ancienne machine de Marly ou de Ville et
+ Rennequin 115
+
+ Pièces justificatives 138
+
+ VII.--Détails inédits sur la mort de Louis XIV (1715) 200
+
+VIII.--Relevé des dépenses de madame de Pompadour 209
+
+ IX.--Le Parc aux cerfs sous Louis XV (1755-1771) 229
+
+ X.--Madame du Barry (1768-1793) 243
+
+ Notes 249
+
+
+NOTES:
+
+[1] _Curiosités historiques_, p. 86.
+
+[2] Les Almanachs de Versailles avant 1789.--Le Cicerone de Versailles
+(avril 1804, etc.)
+
+[3] Mémoires de Saint-Simon.
+
+[4] Mémoires de Saint-Simon.
+
+[5] Jusqu'en 1836, dit cet auteur, époque de la publication du livre de
+M. Eckard, on avait cru et répété que Jean de Soisy était le seigneur de
+Versailles. En 1833, lorsque nous écrivîmes pour la première fois cet
+ouvrage, nous avancions sous la forme du doute, que Jean de Soisy
+n'avait dû vendre que le _Pavillon royal_, puisque le château
+appartenait aux Gondi. Toutefois, les dates nous embarrassaient. Grâce à
+M. Eckard, la lumière a été jetée sur l'ordre des acquisitions, et nous
+n'y ajouterons que ce que nous croirons indispensable de faire
+connaître.
+
+[6] _Mémoires du maréchal de Bassompierre_, contenant l'histoire de sa
+vie et de ce qui s'est fait de plus remarquable à la cour de France
+pendant quelques années. Cologne, 1665, t. III, p. 53.
+
+[7] Le palais des Tuileries. L'assemblée se tenait dans la grande salle
+de ce palais.
+
+[8] En 1631, pendant qu'il était enfermé à la Bastille.
+
+[9] _Architecture française_, par Blondel, t. IV, p. 93.
+
+[10] _Histoire du roi Louis XIII_, par Ch. Bernard, 1646, I. XII, p.
+223.
+
+[11] Anecdotes du ministère du cardinal de Richelieu.
+
+[12] Ch. Bernard (_Histoire de Louis XIII_) dit que ce qui sauva le roi
+fut l'ouverture d'un abcès qu'il avait intérieurement, ce qui le mit
+aussitôt hors de fièvre.
+
+[13] _Histoire de Louis XIII_, liv. XIV, p. 226.
+
+[14] Voici ce que dit à ce sujet Bassompierre: «Le lundi 11, jour de la
+Saint-Martin, je vins de bonne heure chez le roi, qui me dit qu'il s'en
+retournoit à Versailles; je ne sçay point quel dessein j'en avois fait
+d'aller dîner chez M. le cardinal, que je n'avois pû voir chez luy
+depuis son arrivée, et m'en alloyt vers midi en son logis. On me dit
+qu'il n'y estoit pas, et qu'il partoit ce jour-là pour aller à Pontoise.
+Encore jusques-là je ne pensoy à rien, ni moins encore, quand étant
+entré au Luxembourg, M. le cardinal y arrivant, je le conduisis jusques
+à la porte de la reine, et qu'il me dit: Vous ne ferez plus de cas d'un
+défavorisé comme moy. Je m'imaginai qu'il vouloit parler du mauvais
+visage qu'il avoit reçu de Monsieur. Sur cela, je voulus attendre pour
+aller dîner avec lui; mais M. de Longueville me débaucha pour aller
+dîner chez M. de Créqui avec Monsieur, comme il m'en avoit prié.»
+(_Mémoires du maréchal de Bassompierre_, t. III, p. 273.)
+
+[15] Comme grand-maître de la maison du roi.
+
+[16] L'ordonnance royale par laquelle Louis XIII ôte les sceaux à
+Marillac pour les donner à Charles de Laubespin, sieur de Chasteau-Neuf,
+est datée de Versailles, au mois de novembre 1630, et l'on y voit que
+Chasteau-Neuf y prêta serment entre les mains du roi, le 14 du même
+mois.
+
+[17] Cette année 1630, Louis XIII retira au seigneur de Glatigny les
+droits d'aides de Versailles, qui avaient été aliénés en 1619, et les
+fit recevoir par le concierge de son château. (Rapport de M. Coste,
+1790.)
+
+Le concierge du château et le jardinier avaient chacun six cents livres
+de gages. (Manuscrits de Narbonne, premier commissaire de Versailles.)
+
+[18] Voir _Histoire amoureuse des Gaules_, par Bussi Rabutin.
+
+[19] Son mari était chirurgien à Paris.
+
+[20] Le premier médecin du roi.
+
+[21] Premier chirurgien de la Dauphine.
+
+[22] C'est ce qui a fait dire à plusieurs historiens, et entre autres à
+M. Vatout, dans son livre du _Palais de Versailles_, que la Dauphine
+était accouchée à la surintendance. La surintendance était complétement
+séparée du château, et l'on a évidemment confondu le pavillon de la
+surintendante avec ce bâtiment. Sous Louis XVI ce pavillon portait le
+nom de _Pavillon de Monsieur_.
+
+[23] Il était composé de deux matelas, sans lit de plumes, placés sur un
+lit de repos, large de trois pieds. Une planche était placée entre les
+deux matelas, afin que le siége ne fût pas dans un creux. On étendait
+dessus deux draps et une couverture. Un double traversin était placé
+sous les épaules et la tête. Enfin il était complété par deux chevilles
+d'un pied de long, placées l'une à droite et l'autre à gauche, que la
+princesse devait saisir pendant les douleurs, et par une barre au pied,
+pour servir d'appui à ses pieds pendant le travail.
+
+[24] Qu'on a traduit plus tard en _palettes_.
+
+[25] Ce rossolis était composé de graines aromatiques macérées dans
+l'alcool.
+
+[26] L'usage de la plupart des accoucheurs de cette époque, ainsi que
+l'enseigne _Mauriceau_ dans son _Traité des accouchements_, était de
+délivrer la femme aussitôt la sortie de l'enfant, et de ne couper le
+cordon que lorsque l'arrière-faix tout entier était dehors. Clément
+était d'un avis tout opposé. Il voulait que l'on commençât par la
+ligature du cordon. Il donnait pour raison qu'on ne peut trop tôt ôter
+l'enfant d'auprès de sa mère, et l'en débarrasser pour le mettre entre
+les mains de celles qui doivent l'accommoder. Il ajoutait que plus on
+différait à lier le cordon, plus la circulation de l'enfant avec le
+placenta se continuait, et plus par conséquent le placenta se détachait
+difficilement de l'utérus; et de plus, qu'en laissant crier l'enfant
+près de sa mère, on lui faisait de la peine, et que cet éveil à la
+tendresse maternelle pouvait être encore une cause de retard à la sortie
+du délivre.
+
+Il lia donc le cordon, le coupa, et remit l'enfant entre les mains des
+femmes qui devaient l'arranger. On l'enveloppa dans un linge et on le
+porta dans un cabinet voisin, et près du feu. On le lava avec une éponge
+trempée dans du vin légèrement chauffé, dans lequel on avait fait fondre
+une certaine quantité de beurre. Clément vint lui mettre le cordon dans
+un linge huilé, plaça la bande de corps, et l'on emmaillotta l'enfant.
+Il s'occupa ensuite de délivrer la princesse. L'arrière-faix, à sa
+sortie, fut placé sur un plat d'argent et présenté à l'examen des
+médecins pour s'assurer de son intégrité.
+
+[27] Les curés de paroisses royales avaient le droit non-seulement
+d'assister en étole aux baptêmes, mariages et autres sacrements qui
+s'administraient à la cour, mais encore de faire mention de leur
+présence dans les actes les constatant. Voici comment cet usage s'était
+introduit.
+
+Le cardinal de Richelieu connaissait le grand nombre de ses ennemis et
+la faiblesse de Louis XIII. Craignant qu'après sa mort sa famille ne fût
+inquiétée, il chercha pour elle un appui dans la puissante maison de
+Condé, et fit épouser à sa nièce, Claire-Clémence de Maillé-Brézé, Louis
+de Bourbon, duc d'Enghien, si connu sous le nom de grand Condé!
+
+Ce mariage se fit le 11 février 1645, dans la chapelle du Louvre, et le
+frère de Richelieu, le cardinal de Lyon, leur donna la bénédiction
+nuptiale. Le prince de Condé, père de Louis, et Louis lui-même, ayant
+montré de la répugnance pour cette alliance, le cardinal ne parvint à la
+conclure qu'à l'aide des grands avantages qu'il assura à sa nièce; et
+comme il craignait que plus tard on ne cherchât quelques prétextes pour
+la rompre, il voulut que le curé de Saint-Germain l'Auxerrois fût
+présent à la célébration avec son étole, et qu'il apportât ses registres
+afin d'y faire inscrire l'acte. Telle est l'origine de l'usage où
+étaient les curés des résidences royales d'assister en étole à tous les
+sacrements s'administrant à la cour. Cet usage s'est renouvelé de nos
+jours, car on a vu, il y a quelques années, le curé de l'église de
+Notre-Dame de Versailles, depuis évêque de Dijon, venir au château de
+Trianon et y assister en étole à la cérémonie du mariage de la princesse
+Marie, fille du roi Louis-Philippe, avec le prince de Wurtemberg.
+
+[28] Après que les femmes de la Dauphine eurent procédé à sa toilette,
+elle fut placée dans son lit, préalablement chauffé. Comme l'enfant
+était resté assez longtemps au passage, les parties externes de la
+génération étaient contusionnées et douloureuses; Clément y fit
+appliquer un cataplasme ainsi fait: On prit deux onces d'huile d'amandes
+douces et deux oeufs dont on mit le blanc et le jaune, qu'on fit cuire
+dans un petit vase, comme des oeufs brouillés; on les étendit ensuite
+sur de l'étoupe, et on les appliqua médiocrement chauds sur la partie.
+
+Comme le ventre était un peu sensible, Clément se servit, pour prévenir
+l'inflammation de cette partie, d'un singulier moyen, auquel il renonça
+cependant pour les autres accouchements de la Dauphine, quoiqu'ils aient
+été aussi laborieux*. Il fit appliquer la peau encore chaude d'un mouton
+noir nouvellement écorché. Pour cela on avait fait venir un boucher qui
+écorcha le mouton dans une pièce voisine. Le boucher, voulant ne pas
+laisser refroidir la peau, s'empressa d'entrer dans la chambre de la
+princesse, en ayant pris cette peau ployée dans son tablier, et laissa
+la porte ouverte; de sorte que le mouton écorché et tout sanglant le
+suivit et entra jusqu'auprès du lit, ce qui fit une peur effroyable à
+toutes les dames présentes à ce spectacle. Les seins furent ensuite
+recouverts de deux petits matelas de laine. Ces soins terminés, la
+Dauphine prit une potion qu'on était dans l'usage d'administrer pour
+éviter aux femmes les tranchées, consistant dans un mélange d'huile
+d'amandes douces, de sirop de capillaire et de jus d'orange.
+
+A la couche de la Dauphine, Clément se conforma encore à un usage
+observé chez les reines, mais qu'il supprima plus tard, c'était
+d'empêcher la femme de dormir aussitôt après l'accouchement. Dionis
+resta trois heures auprès du lit de la Dauphine, ainsi qu'il avait fait
+à la reine, pour causer avec elle et l'empêcher de se livrer au sommeil.
+
+Après que tout le monde se fut retiré de la chambre de la Dauphine, on
+ferma tous les volets des fenêtres, et une seule bougie éclaira sa
+chambre jour et nuit pendant les neuf premiers jours. Excepté
+l'accoucheur, les médecins et les femmes nécessaires au service,
+personne ne s'approcha non plus de la Dauphine pendant tout ce temps.
+Les trois premiers jours, sa nourriture se composa de bouillons, d'oeufs
+frais et de gelée; et sa boisson de tisane d'orge, de chiendent et de
+réglisse chaude. Lorsque la fièvre de lait fut passée, on donna des
+potages et du poulet, et elle but un peu de vin trempé.
+
+Une précaution regardée comme très-importante était de ne laisser entrer
+dans la chambre de l'accouchée aucune personne ayant sur elle quelque
+odeur. Aussi un huissier était-il placé à la porte de l'appartement de
+la princesse, avec ordre de sentir toutes les dames, et de renvoyer
+celles ayant quelque parfum ou quelque fleur, non-seulement pendant les
+neuf premiers jours, mais même pendant les six semaines qui suivirent
+l'accouchement.
+
+* Dionis.
+
+[29] Dans son livre du _Palais de Versailles_, M. Vatout dit qu'après la
+naissance du duc de Bourgogne, Louis XIV s'étant montré en public, le
+peuple le porta depuis la surintendance, où la Dauphine était accouchée,
+jusqu'à ses appartements. On voit, par ce récit, que cette scène
+d'effusion entre Louis XIV et ses courtisans eut lieu dans l'intérieur
+du palais, et que _le peuple_ n'y prit aucune part. L'erreur de M.
+Vatout vient, on l'a déjà fait remarquer, de ce qu'il a confondu la
+surintendance avec le pavillon de la surintendante.
+
+[30] Il y avait alors la grande cour, appelée aussi première cour,
+fermée par la grille que l'on voit encore aujourd'hui; la deuxième cour,
+ou cour royale, séparée de la première par une grille aujourd'hui
+détruite, et la troisième cour, ou cour de marbre.
+
+[31] L'Étape était une espèce de halle aux vins, dans laquelle les
+marchands de vins en gros de la ville déposaient leurs pièces pour les
+vendre aux habitants. Elle était située derrière l'ancienne geôle.
+
+[32] La pompe, située rue des Réservoirs, sur l'emplacement du
+restaurant Duboux, était un instrument hydraulique servant à élever
+l'eau de l'étang de Clagny dans les réservoirs du château, pour de là
+les distribuer dans les bassins du parc. Plus tard, madame de Pompadour
+fit bâtir son hôtel sur le même emplacement.
+
+[33] Tous les ornements de plomb de la toiture du château et des ailes
+des ministres étaient dorés.
+
+[34] Sauf les grands seigneurs, les habitants de Versailles étaient
+alors composés de paysans, d'ouvriers, et de gens de bas étage, attirés
+par les travaux que faisait faire le roi, et par les privilèges qu'il
+accorda aux premiers propriétaires de la ville. Les marguilliers de la
+paroisse, se considérant comme les représentants des bourgeois de la
+ville, ne voulurent pas laisser passer une occasion si favorable de se
+distinguer, ce qui amena une scène assez plaisante.
+
+Ils allèrent trouver Bontemps, premier valet de chambre du roi et alors
+gouverneur de Versailles; ils lui représentèrent que, dans une
+circonstance aussi solennelle, ils ne pouvaient se dispenser de porter
+au roi les félicitations des habitants de Versailles, et le prièrent de
+les présenter à Louis XIV. Bontemps en parla au roi, qui voulut bien les
+recevoir et leur assigna une heure le lendemain.
+
+A l'heure indiquée, Bontemps, comme gouverneur de Versailles, avait cru
+devoir se mettre à la tête de la députation. Il les introduisit dans le
+salon où se trouvait le roi; mais, à peine y furent-ils entrés, que,
+sans donner à Bontemps le temps de prononcer la formule d'usage: «Sire,
+voici les bourgeois de Versailles que je présente à Votre Majesté», l'un
+des marguilliers, nommé Colette, épicier de profession, chargé de faire
+le compliment, enthousiasmé sans doute par la présence du roi, se mit à
+chanter à pleine gorge: _Domine salvum fac regem_, auquel les
+marguilliers, électrisés à leur tour par la voix de lutrin de leur
+orateur, répondirent: _Et exaudi nos in die, qua invocaverimus
+te_.--Louis XIV ne s'attendait pas à un pareil discours. Il ne put
+conserver sa gravité et se mit à rire, ainsi que tous les seigneurs qui
+l'entouraient. Mais Bontemps, peu flatté du rôle que venaient de lui
+faire jouer les marguilliers, leur fit de vifs reproches et les poussa
+hors du salon, d'où ils se retirèrent un peu confus de leur réception.
+
+[35] Louis XIV aimait le faste et la représentation. Lorsqu'il résolut
+de venir habiter Versailles, l'un de ses premiers soins fut d'ordonner
+la construction d'un escalier qui annonçât dignement la magnificence des
+appartements de ce palais. Levau et Dorbay furent chargés de sa
+construction, et Lebrun de sa décoration. Ce bel escalier passait alors
+pour un chef-d'oeuvre. Il fut détruit sous Louis XV, lorsque l'on fit de
+nouvelles distributions. Il était situé tout à fait en face de
+l'escalier de marbre ou _de la Reine_, existant encore de l'autre côté
+de la cour royale. Il était vraiment digne, si l'on en croit sa
+description et les planches de Baudet, représentant les peintures du
+plafond, des grands artistes auxquels Louis XIV en avait confié
+l'exécution. Cet escalier portait aussi le nom _d'escalier des
+Ambassadeurs_, parce que c'était par là que les ambassadeurs entraient
+dans les appartements, du roi, lors des grandes réceptions.
+
+[36] Dionis.
+
+[37] Dans le bâtiment en face de la bibliothèque de la ville de
+Versailles.
+
+[38] Dionis.
+
+[39] Dangeau.
+
+[40] Cet hôtel, situé rue de la Bibliothèque, nº 6, fut construit en
+1670. C'est l'une des plus anciennes maisons de Versailles. Devenu trop
+petit pour la surintendance, on en construisit un plus vaste dans la
+même rue, nº 9, aujourd'hui le petit séminaire. L'ancien hôtel resta
+l'habitation des surintendants.
+
+[41] _Journal de Dangeau_, publié par MM. Soulié, Dussieux, de
+Chennevières et de Montaiglon.
+
+[42] Paris, 1710.
+
+[43] Dionis, ouvr. cité.
+
+[44] L'aile du midi, construite en 1679, s'appelait l'_ancienne aile_,
+et celle du nord, élevée en 1685, l'_aile neuve_.
+
+[45] Il est évident, par l'explication qu'il donne ailleurs du lieu où
+se trouvait l'appartement de madame de Maintenon, que Saint-Simon entend
+par _grand escalier_ l'escalier de marbre ou de la Reine, le seul par où
+l'on entrât directement dans les petits appartements du roi.
+
+[46] Détruit sous Louis XV.
+
+[47] Suivre pour toute cette description le plan de Blondel dans son
+livre de l'_Architecture française_, tome IV.
+
+[48] On le nommait aussi _cabinet des Perruques_, parce que c'était dans
+ce cabinet que l'on déposait les différentes perruques de Louis XIV.
+
+[49] La comédie était située au fond de la cour des Princes, dans le
+vestibule servant aujourd'hui de passage de cette cour dans les jardins.
+Elle n'a cessé d'exister que sous le premier Empire.
+
+[50] L'escalier des Princes.
+
+[51] En effet, on va voir tout à l'heure que l'antichambre de
+l'appartement de jour du duc de Bourgogne (salle des Gouaches), donnait
+sur la salle des Cent-Suisses (salle de 1792), et qu'on pouvait de cette
+antichambre passer dans l'appartement de madame de Maintenon.
+
+[52] Saint-Simon appelle tantôt grand degré, tantôt grand escalier,
+l'escalier de marbre; c'est ce qui a mis dans l'erreur M. Vatout, et lui
+a fait supposer que Saint-Simon voulait parler de l'escalier des
+ambassadeurs. Dans ce récit il n'y a aucun doute sur celui auquel il
+donne le nom de grand degré.
+
+[53] L'on voit que Saint-Simon place cette porte dans l'endroit déjà
+indiqué par Félibien.
+
+[54] Nous avons déjà vu, dans la description de Félibien, que cette
+salle des gardes, qu'il ne faut pas confondre avec la grande salle des
+gardes, que le duc de Bourgogne venait de traverser pour entrer chez
+madame de Maintenon, avait son entrée sur le vestibule, au haut de
+l'escalier et en face de l'appartement de madame de Maintenon.
+
+[55] Voir le plan de Blondel. Ces deux antichambres ont été détruites et
+ne forment aujourd'hui qu'une seule pièce, la salle de 1795.
+
+[56] Cette chambre forme la salle de 1794.
+
+[57] Pour pouvoir faire de cette chambre une salle de tableaux, on a
+détruit la cheminée, qui, d'après Blondel, se trouvait au fond, dans la
+face orientale.
+
+[58] Cet enfoncement est très-bien indiqué dans le plan de Blondel. La
+croisée qui s'y trouvait alors était condamnée. On l'a ouverte depuis
+pour donner plus de jour à cette salle.
+
+[59] Ces marches, indiquées dans le plan de Blondel, ont été supprimées
+depuis qu'on a baissé le sol du grand cabinet auquel elles servaient à
+monter. Aujourd'hui c'est un passage étroit qui sert à aller de la salle
+de 1794 dans celle de 1793.
+
+[60] Le grand cabinet (aujourd'hui salle de 1793) était en effet de
+plain-pied avec l'appartement de jour du duc de Bourgogne (salle des
+Gouaches), et l'on entrait dans l'antichambre de cet appartement, noté
+sur le plan de Blondel comme celui du cardinal de Fleury, par une porte
+(aujourd'hui cachée par un tableau) qui se trouvait en face de celle de
+la chambre de madame de Maintenon, et qui ouvrait sur le petit palier
+d'un escalier communiquant à la salle de comédie.
+
+[61] Cette antichambre, où se trouvent aujourd'hui les costumes des
+divers régiments, descend encore dans la salle dont parle Saint-Simon
+(salle de 1792), par plusieurs marches, le sol de l'ancien appartement
+de jour du duc de Bourgogne étant resté plus élevé.
+
+[62] Par l'escalier déjà indiqué.
+
+[63] Cette garde-robe existe encore, mais on y a construit un
+calorifère.
+
+[64] Dans un autre endroit de ses _Mémoires_, Saint-Simon dit:--Chez
+elle, avec le roi, ils étaient chacun dans leur fauteuil, une table
+devant chacun d'eux, aux deux coins de la cheminée, elle du côté du lit,
+le roi le dos à la muraille, du côté de la porte de l'antichambre, et
+deux tabourets devant sa table, un pour le ministre qui venait
+travailler, l'autre pour son sac. Les jours de travail, ils n'étaient
+seuls ensemble que fort peu de temps avant que le ministre entrât, et
+moins encore fort souvent après qu'il était sorti. Le roi passait à une
+_chaise percée_, revenait au lit de madame de Maintenon, où il se tenait
+debout fort peu, lui donnait le bonsoir, et s'en allait se mettre à
+table.
+
+[65] Par le petit escalier qui se trouve entre le grand cabinet de
+madame de Maintenon et l'antichambre de M. le duc de Bourgogne.
+
+[66] _Mémoires de Saint-Simon_, tome XII, page 132. Édition Delloye.
+
+[67] Voir _Histoire de la maison royale de Saint-Cyr_, par M. Théophile
+Lavallée, le même fait raconté d'une manière bien différente.
+
+[68] Voir le livre des _Eaux de Versailles_, par J. A. Le Roi.
+
+[69] De Ville, qui était fils d'un bourgmestre de Ville, passa la plus
+grande partie de sa jeunesse au château de Modave.
+
+[70] Voir note nº 11, _Pièces justificatives_.
+
+[71] De Prony, art. Rennequin, _Biographie universelle_.
+
+[72] Voir le tableau des pentes de la Seine fait à cette époque, note nº
+6.
+
+[73] Voir le plan de la machine, par P. Giffart, note nº 2.
+
+[74] Voir le détail des dépenses de la machine, registre des bâtiments
+du roi, note nº 1.
+
+[75] Voir le procès-verbal de l'arpenteur Caron, note nº 5.
+
+[76] Cette maison est occupée aujourd'hui par le directeur.
+
+[77] Voir la note nº 10, _Pièces justificatives_.
+
+[78] Voir détail des dépenses, note nº 1.
+
+[79] Voir l'_Architecture hydraulique_ de Bélidor, et les _Eaux de
+Versailles_, par J. A. Le Roi.
+
+[80] Nous nous servons ici de la description donnée par M. de Prony et
+par Bélidor.
+
+[81] Cette tour en charpente fut plus tard portée à l'Observatoire de
+Paris, et servit à placer les premiers télescopes. Voir l'_Histoire de
+l'Académie des sciences_, année 1690.
+
+[82] Voir Piganiol de la Force, _Description de la machine_, note nº 8.
+
+[83] _Instruction pour l'établissement d'une estacade_, par Vauban.
+Archives de la machine, note nº 4.
+
+[84] Elle est aujourd'hui chez le directeur de la machine.
+
+[85] Le _Siècle des beaux-arts_, par Ossude, et des _Eaux de
+Versailles_, par J. A. Le Roi.
+
+[86] _Mélanges littéraires et scientifiques_, par l'abbé Caron.
+
+[87] _Quelques mots sur le lieu de naissance et l'époque du décès de
+Renkin Sualem._
+
+[88] Weidler.
+
+[89] Voir le procès-verbal du sieur Caron, du 15 février 1683, note nº
+5.
+
+[90] Voir le procès-verbal du 12 janvier 1682, du même, note nº 5.
+
+[91] Registre des bâtiments du roi, année 1681, note nº 1.
+
+[92] Procès-verbal du 15 février 1683, note nº 5.
+
+[93] Voir le plan de la machine.--Arch. de la machine, note nº 2.
+
+[94] Cette maison est celle où madame du Barry fit bâtir son pavillon de
+Louveciennes.
+
+[95] Registre des dépenses des bâtiments du roi, note nº 1.
+
+[96] Dépenses des bâtiments du roi, note nº 1.
+
+[97] Voir l'acte de décès de Rennequin, note nº 13.
+
+[98] Voir note 12.
+
+[99] Voir note 7.
+
+[100] Note de M. Bormans. V. note 11.
+
+[101] «S'il avait employé à embellir Paris, à finir le Louvre, les
+sommes immenses que coûtèrent les aqueducs et les travaux de Maintenon
+pour conduire des eaux à Versailles, travaux interrompus et devenus
+inutiles; s'il avait dépensé à Paris la cinquième partie de ce qu'il en
+a coûté pour forcer la nature à Versailles, Paris serait, dans toute son
+étendue, aussi beau qu'il l'est du côté des Tuileries et du pont Royal,
+et serait devenu la plus magnifique ville de l'univers.» (Voltaire,
+_Siècle de Louis XIV_, t. II, p. 272.)
+
+[102] Songez bien que c'est à Dieu à qui vous devez tout ce que vous
+estes. Cette faute de français, qui peut paraître aujourd'hui assez
+extraordinaire dans la bouche de Louis XIV, nous semble, au contraire,
+établir la vérité de la version que nous donnons. C'était, à cette
+époque, une locution presque généralement en usage, et nous voyons
+Boileau lui-même y céder dans ce vers célèbre:
+
+ C'est à vous, mon esprit, à qui je veux parler.
+
+C'est là, à notre avis, une preuve presque certaine que ces paroles,
+telles qu'elles sont rapportées ici, ont été en quelque sorte
+sténographiées par celui qui était chargé de les recueillir.
+
+[103] Dangeau, qui ne quittait presque jamais Louis XIV, donne dans son
+journal une version à peu près semblable à celle-ci, dans laquelle on
+trouve aussi cette phrase: «_Je vous donne le père Letellier pour
+confesseur._»
+
+[104] Le catalogue de la bibliothèque de madame de Pompadour, recherché
+encore aujourd'hui des bibliographes, contient 3,535 articles de livres,
+235 de musique, 36 d'estampes. Il est terminé par une table des auteurs
+et orné de son portrait. La marquise n'avait pas en tout dix volumes
+latins, y compris un _Épinicion_, en l'honneur de milord Pot-au-feu, et
+l'Horace gravé en 1733, exemplaire auquel était jointe une explication
+française manuscrite des figures. Les grands auteurs grecs et latins
+n'existaient qu'en traductions dans cette bibliothèque; qui, à la
+réserve tout au plus de dix articles, se composait de livres français et
+italiens. Il paraît, au reste, qu'on avait distrait quelques articles,
+car on n'y a pas trouvé l'exemplaire de l'_Abrégé_ chronologique du
+président Hénault, donné par l'auteur à Voltaire, puis offert par
+celui-ci à madame de Pompadour. Il avait écrit sur la première page
+quelques vers, dont les premiers seulement ont été conservés:
+
+ Le voici ce livre vanté;
+ Les Grâces daignèrent l'écrire
+ Sous les yeux de la Vérité:
+ Et c'est aux Grâces de le lire.
+
+
+[105] Collin était le factotum de madame de Pompadour.
+
+[106] Madame Duhausset donne toujours à madame de Pompadour le nom de
+_Madame_.
+
+[107] Louis XV avait eu déjà, avant 1755, quelques rendez-vous galants,
+soit dans cette maison louée probablement avant d'en faire
+l'acquisition, soit dans quelque autre de ce quartier, car on lit dans
+le journal de l'avocat Barbier, à la date du mois de mars 1753, _que le
+bruit courait dans Paris qu'une jeune fille de seize ans avait été logée
+au Parc aux_* _Cerfs pour l'amusement du roi_; et dans une note des
+_Mémoires de madame Duhausset: Quelquefois on a changé de maison et de
+quartier, mais sans renoncer à l'ancienne maison._
+
+[108] Cela est confirmé par une note qu'on trouve dans les _Mémoires de
+madame Duhausset_:
+
+«Un commissaire de la marine, nommé Mercier, qui avait eu part à
+l'éducation de l'abbé de Bourbon, avait plus de connaissance qu'aucun
+autre sur cet établissement; et voici ce qu'il a dit à un de ses amis:
+«_La maison était de très-peu d'apparence_; il n'y avait en général
+qu'une seule jeune personne; la femme d'un commis du bureau de la guerre
+lui tenait compagnie, jouait avec elle, ou travaillait en tapisserie.
+Cette dame disait que c'était sa nièce; elle la menait, pendant les
+voyages du roi, à la campagne.» Et plus loin, madame Duhausset dit
+encore: «Il n'y en avait au reste que deux en général, et très-souvent
+une seule. Lorsqu'elles se mariaient, on leur donnait des bijoux et une
+centaine de mille francs. _Quelquefois le Parc aux Cerfs était vacant
+cinq et six mois de suite._»
+
+[109] Ou trouve ce qui suit dans un écrit récent intitulé _le Château de
+Luciennes_, de M. Léon Gozlan: «Le Parc aux Cerfs, qui est encore mal
+connu, était un endroit solitaire, silencieux, _lugubre comme un
+abattoir_. C'est là que le roi, sans suite et à l'entrée de la nuit,
+allait commettre ses plaisirs. Il en avait tellement pris l'habitude
+qu'il avait fini par se croire quitte envers Dieu et les hommes en
+dotant les jeunes filles flétries dans cet antre.--Le Parc aux Cerfs
+coûtait près de cent soixante-dix mille francs par mois, _ce qui fait
+pour trente années d'existence plus de cent cinquante millions_.» Où
+l'auteur a-t-il puisé ces renseignements?
+
+[110] La bibliothèque de la ville de Versailles possède aujourd'hui la
+plus grande partie des papiers concernant madame du Barry, formant
+quinze dossiers. Ces papiers donnent les renseignements les plus
+détaillés sur sa famille, sa fortune, sa liaison avec de grands
+personnages, les procès de ses héritiers, etc.
+
+[111] Bibliothèque de Versailles.
+
+[112] Bibliothèque de Versailles.
+
+[113] Bibliothèque de Versailles.
+
+[114] Bibliothèque de Versailles.
+
+[115] Sous Louis XVI, ce même appartement fut changé dans sa
+disposition, et devint le petit appartement particulier de la reine
+Marie-Antoinette.
+
+[116] Archives de la préfecture de Seine-et-Oise. Cette maison porte
+aujourd'hui le nº 7.
+
+[117] Le charmant château de Bellevue.
+
+[118] Bibliothèque de Versailles.
+
+[119] Archives de la préfecture de Seine-et-Oise.
+
+[120] Toutes ces descriptions de meubles sont copiées textuellement sur
+les mémoires des fournisseurs.
+
+[121] Archives de Seine-et-Oise.
+
+[122] Bibliothèque de Versailles.
+
+[123] Archives de Seine-et-Oise.
+
+[124] Archives de Seine-et-Oise.
+
+[125] Madame du Barry avait aussi loué pour ses gens l'hôtel de
+Luynes,--aujourd'hui rue de la Bibliothèque, nos 4 et 6.
+
+[126] C'est aujourd'hui une caserne de cavalerie.
+
+[127] C'est l'un des papiers remis aux héritiers en 1825.
+
+[128] Beaujon était le banquier de la cour.
+
+[129] Archives de la préfecture de Seine-et-Oise.
+
+[130] Archives de Seine-et-Oise.
+
+[131] Bibliothèque de Versailles.
+
+[132] _Idem_, et Archives de Seine-et-Oise.
+
+[133] Voir aux notes la lettre nº 1 de M. de Brissac à madame du Barry.
+
+[134] Ce joli petit bijou est en ce moment en la possession du
+bibliothécaire de Versailles.--Le chiffre en diamants est composé des
+deux lettres _J. B._
+
+[135] Bibliothèque de Versailles.
+
+[136] Ce fait est raconté dans le nº 259 du _Courrier français_ (1792).
+
+[137] Archives de la préfecture de Seine-et-Oise.
+
+[138] Archives de Seine-et-Oise.
+
+[139] Archives de Seine-et-Oise.
+
+[140] Voir aux notes la lettre nº 2 de madame du Barry aux
+administrateurs du district de Versailles.
+
+[141] Après la journée du 20 mai 1795, Goujon fut traduit devant une
+commission militaire, et après avoir entendu son arrêt de mort, il se
+poignarda en descendant les marches de sa prison.
+
+[142] Madame du Barry avait alors cinquante ans, mais elle était encore
+fort belle, et Lavallery parut s'intéresser à elle par un sentiment plus
+vif que la simple pitié.--Voir à ce sujet aux notes la lettre nº 3,
+écrite par Lavallery à madame du Barry, et le récit nº 4.
+
+[143] Celui qui lui conseilla de venir s'établir à Versailles.
+
+[144] C'était une simple médaille très-ordinaire.
+
+[145] Étant à Londres, madame du Barry plaça 200,000 francs qui furent
+hypothéqués sur les biens de M. Rohan-Chabot.
+
+[146] Ces 200,000 francs n'ont jamais été prêtés.
+
+[147] Graillet avait épousé une de ses cousines.
+
+[148] Voir aux notes, le récit nº 4.
+
+[149] Termes de leur rapport.
+
+[150] Archives de Seine-et-Oise.
+
+[151] Archives de Seine-et-Oise.
+
+[152] Archives de Seine-et-Oise.
+
+[153] Morin fut condamné à mort quelques jours après, _comme complice
+des crimes de la du Barry_.
+
+[154] Prison de Versailles où l'on renfermait les prisonniers
+politiques.
+
+[155] Archives de Seine-et-Oise.
+
+[156] Archives de Seine-et-Oise.
+
+[157] Elle fut adjugée 6,000,000 de francs en assignats, à
+Jean-Baptiste-Charles-Édouard Delapalme, demeurant aux Vaux-de-Cernay.
+(Bibliothèque de Versailles.)
+
+[158] Il avait épousé en deuxièmes noces Jeanne-Madeleine Lemoine.
+
+[159] Les registres de l'état civil étant à cette époque entre les mains
+du clergé, les actes de naissance et de baptême ne faisaient qu'un.
+
+[160] Bibliothèque de Versailles.
+
+[161] Archives de Seine-et-Oise.
+
+[162] Une partie de ces papiers se trouve actuellement à la bibliothèque
+de Versailles.
+
+[163] Cet abbé Gomard était un pauvre hère qui dut facilement se prêter
+pour de l'argent au rôle qu'on lui fit jouer dans cette affaire. On voit
+dans les papiers de madame du Barry, réunis à la bibliothèque de
+Versailles, qu'aussitôt installée à la cour, elle lui donna de l'argent,
+le fit habiller par son tailleur, et qu'on le nomma aumônier du roi.
+
+[164] Bibliothèque de Versailles.
+
+[165] Voir, pour ce procès, le tome XXXII de la _Collection de_ _Sirey_
+et la _Gazette des Tribunaux_ des 4 juillet, 5, 11 et 27 août 1833.
+
+[166] Ce même Lavallery se suicida quelques jours après la mort de
+madame du Barry.
+
+[167] On a vu que ce n'est pas tout à fait ainsi que les choses se sont
+passées, mais c'était la croyance de l'époque.
+
+[168] Nous avons montré qu'elle avait cinquante ans au moment de sa
+mort.
+
+
+
+
+
+
+End of the Project Gutenberg EBook of Curiosités historiques sur Louis XIII,
+Louis XIV, Louis XV, Mme de Maintenon, Mme de Pompadour, Mme du Barry, etc., by J. A. Le Roi
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK CURIOSITÉS HISTORIQUES ***
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+*** START: FULL LICENSE ***
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+work or any other work associated with Project Gutenberg-tm.
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+1.E.5. Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this
+electronic work, or any part of this electronic work, without
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+Gutenberg-tm License.
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+compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including any
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+
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+that
+
+- You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from
+ the use of Project Gutenberg-tm works calculated using the method
+ you already use to calculate your applicable taxes. The fee is
+ owed to the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, but he
+ has agreed to donate royalties under this paragraph to the
+ Project Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments
+ must be paid within 60 days following each date on which you
+ prepare (or are legally required to prepare) your periodic tax
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+ sent to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation at the
+ address specified in Section 4, "Information about donations to
+ the Project Gutenberg Literary Archive Foundation."
+
+- You provide a full refund of any money paid by a user who notifies
+ you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he
+ does not agree to the terms of the full Project Gutenberg-tm
+ License. You must require such a user to return or
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+ money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the
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+ distribution of Project Gutenberg-tm works.
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+Foundation as set forth in Section 3 below.
+
+1.F.
+
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+LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR
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+opportunities to fix the problem.
+
+1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth
+in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS' WITH NO OTHER
+WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO
+WARRANTIES OF MERCHANTIBILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.
+
+1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied
+warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages.
+If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the
+law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be
+interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by
+the applicable state law. The invalidity or unenforceability of any
+provision of this agreement shall not void the remaining provisions.
+
+1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the
+trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
+providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in accordance
+with this agreement, and any volunteers associated with the production,
+promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works,
+harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees,
+that arise directly or indirectly from any of the following which you do
+or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
+work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
+Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.
+
+
+Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
+
+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
+electronic works in formats readable by the widest variety of computers
+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
+because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
+people in all walks of life.
+
+Volunteers and financial support to provide volunteers with the
+assistance they need, are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
+goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation web page at http://www.pglaf.org.
+
+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
+http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
+permitted by U.S. federal laws and your state's laws.
+
+The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
+Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
+throughout numerous locations. Its business office is located at
+809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
+business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact
+information can be found at the Foundation's web site and official
+page at http://pglaf.org
+
+For additional contact information:
+ Dr. Gregory B. Newby
+ Chief Executive and Director
+ gbnewby@pglaf.org
+
+
+Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation
+
+Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
+spread public support and donations to carry out its mission of
+increasing the number of public domain and licensed works that can be
+freely distributed in machine readable form accessible by the widest
+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
+($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
+status with the IRS.
+
+The Foundation is committed to complying with the laws regulating
+charities and charitable donations in all 50 states of the United
+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
+considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
+with these requirements. We do not solicit donations in locations
+where we have not received written confirmation of compliance. To
+SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
+particular state visit http://pglaf.org
+
+While we cannot and do not solicit contributions from states where we
+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
+against accepting unsolicited donations from donors in such states who
+approach us with offers to donate.
+
+International donations are gratefully accepted, but we cannot make
+any statements concerning tax treatment of donations received from
+outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
+
+Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
+methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
+ways including checks, online payments and credit card donations.
+To donate, please visit: http://pglaf.org/donate
+
+
+Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
+works.
+
+Professor Michael S. Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm
+concept of a library of electronic works that could be freely shared
+with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project
+Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
+
+
+Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
+editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
+unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
+keep eBooks in compliance with any particular paper edition.
+
+
+Most people start at our Web site which has the main PG search facility:
+
+ http://www.gutenberg.org
+
+This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
+including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
+subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
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+Title: Curiosités historiques sur Louis XIII, Louis XIV, Louis XV, Mme de Maintenon, Mme de Pompadour, Mme du Barry, etc.
+
+Author: J. A. Le Roi
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+Release Date: January 27, 2011 [EBook #35089]
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+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK CURIOSITÉS HISTORIQUES ***
+
+
+
+
+Produced by Chuck Greif and the Online Distributed
+Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This file was
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+France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr)
+
+
+
+
+
+
+</pre>
+
+<hr class="full" />
+
+<h1>CURIOSITÉS HISTORIQUES<br />
+<br />
+<span style="font-size:50%;">SUR</span><br />
+<br />
+<span style="font-size:120%;">LOUIS XIII, LOUIS XIV, LOUIS XV,</span><br /><br />
+<span style="font-size:60%;">M<sup>ME</sup> DE MAINTENON,<br /><br />
+M<sup>ME</sup> DE POMPADOUR, M<sup>ME</sup> DU BARRY, <span class="smcap">ETC.</span>,</span></h1>
+
+<p class="cb">P&nbsp;A&nbsp;R &nbsp; J. &nbsp; A. &nbsp; L&nbsp;E &nbsp; R&nbsp;O&nbsp;I,</p>
+
+<p class="c"><small>CONSERVATEUR DE LA BIBLIOTHÈQUE DE VERSAILLES,
+CORRESPONDANT DU MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE POUR LES TRAVAUX HISTORIQUES;</small></p>
+
+<p class="c"><small>PRÉCÉDÉES D'UNE INTRODUCTION</small></p>
+
+<p class="c">PAR M. THÉOPHILE LAVALLÉE.</p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 200px;">
+<img src="images/colophon.png" width="200" height="187" alt="colophon" title="colophon" />
+</div>
+
+<p class="c">PARIS<br />
+HENRI PLON, IMPRIMEUR-ÉDITEUR<br />
+<small>RUE GARANCIÈRE, 8.</small><br />
+&mdash;<br />
+1864<br />
+<i>Tous droits réservés.</i></p>
+
+<p>
+<br /><br />
+<br /><br />
+</p>
+
+<p class="c">CURIOSITÉS HISTORIQUES<br />
+<br />
+SUR<br />
+<br />
+<b>LOUIS XIII, LOUIS XIV, LOUIS XV,</b><br />
+<br />
+M<sup>ME</sup> DE MAINTENON,<br />
+<br />
+M<sup>ME</sup> DE POMPADOUR, M<sup>ME</sup> DU BARRY, <span class="smcap">ETC.</span><br />
+</p>
+
+<p>
+<br /><br />
+<br /><br />
+</p>
+
+<table border="0" cellpadding="0" cellspacing="0" summary="">
+<tr><td>
+<p class="hang">L'auteur et l'éditeur déclarent réserver leurs droits de reproduction<br />
+et de traduction à l'étranger.</p>
+
+<p class="hang">Ce volume a été déposé au ministère de l'intérieur (direction de<br />
+la librairie), en mars 1864.</p>
+</td></tr>
+</table>
+
+<p class="c"><small>PARIS.&mdash;TYPOGRAPHIE DE HENRI PLON<br />
+IMPRIMEUR DE L'EMPEREUR<br />
+RUE GARANCIÈRE, 8</small></p>
+
+<p>
+<br />
+</p>
+
+<p class="c"><a href="#TABLE_DES_MATIERES"><b>TABLE DES MATIÈRES.</b></a></p>
+
+<p><a name="page_i" id="page_i"></a></p>
+
+<h3><a name="INTRODUCTION" id="INTRODUCTION"></a>INTRODUCTION.</h3>
+
+<p>Les <i>curiosités historiques</i> que renferme ce volume se rapportent
+principalement au château de Versailles et aux règnes de Louis XIII, de
+Louis XIV et de Louis XV. Malgré les essais qui en ont été tentés, on
+peut dire que l'histoire du château de Versailles est encore à faire, et
+il serait heureux, par le temps de révolutions, de démolitions, de
+transformations où nous sommes, que cette histoire pût se faire
+promptement; car cette grande création de Louis XIV, ce théâtre de tant
+de splendeurs, de tant d'événements, «ce temple de la monarchie absolue
+qui devait, avant que le temps eût noirci ses marbres, en être le
+tombeau», a subi, surtout depuis l'établissement des <i>galeries
+historiques</i>, des remaniements si malheureux qu'il n'est plus
+<a name="page_ii" id="page_ii"></a>reconnaissable qu'à l'extérieur, et que son histoire passera bientôt,
+avec ses grandeurs et ses magnificences, à l'état de fable ou de
+légende. Il n'est personne qui, en arpentant les dix ou douze kilomètres
+de tableaux qu'on a entassés dans ce palais, n'ait «désiré connaître
+l'histoire de chacune de ces chambres, surtout de ces petits
+appartements dans lesquels on vit l'amour, la jalousie, l'ambition, la
+haine, toutes les plus mauvaises passions du c&oelig;ur humain s'agiter si
+longtemps pour donner le spectacle de ces élévations et de ces chutes de
+favoris et de maîtresses qui ont eu tant d'influence sur les destinées
+de la France<a name="FNanchor_1_1" id="FNanchor_1_1"></a><a href="#Footnote_1_1" class="fnanchor">[1]</a>».</p>
+
+<p>En attendant que se fasse l'histoire du château de Versailles, un
+redresseur infatigable des faussetés et des falsifications historiques,
+M. Le Roi, conservateur de la bibliothèque de Versailles, a porté ses
+investigations sur quelques événements, sur quelques personnages, sur
+quelques localités de Versailles, et, en fouillant les pièces
+originales, les actes authentiques, les documents <a name="page_iii" id="page_iii"></a>incontestables, il
+est parvenu à mettre en lumière des faits restés obscurs ou douteux, à
+réduire à néant ou à leur juste valeur des allégations mensongères,
+enfin à porter la vérité dans un petit coin de ce vaste champ historique
+si mal exploré, si mal connu, où l'erreur et la calomnie poussent si
+bien, poussent si vite, et par tous les climats!</p>
+
+<p>Voici les questions ou problèmes historiques que s'est posés M. Le Roi
+et qu'il a heureusement résolus:</p>
+
+<p>1º Où était le château de Versailles construit par Louis XIII, et dans
+quelle partie du château s'est passée la <i>journée des Dupes</i>?</p>
+
+<p>2º Quels événements particuliers ont marqué la naissance du duc de
+Bourgogne?</p>
+
+<p>3º Quels événements particuliers ont marqué la grande opération faite à
+Louis XIV en 1686?</p>
+
+<p>4º Louvois est-il mort de poison ou de mort naturelle?</p>
+
+<p>5º Quel a été le véritable inventeur de la machine de Marly? De Ville ou
+Rennequin Sualem?</p>
+
+<p>6º Où était, dans le château de Versailles, l'appartement de madame de
+Maintenon?<a name="page_iv" id="page_iv"></a></p>
+
+<p>7º Quelles sont les paroles adressées au Dauphin par Louis XIV à son lit
+de mort?</p>
+
+<p>8º A quelle somme s'élèvent les dépenses de madame de Pompadour pendant
+tout son <i>règne</i>?</p>
+
+<p>9º Qu'était-ce que le Parc aux cerfs?</p>
+
+<p>10º A quelle somme s'élèvent les dépenses faites par madame du Barry?
+Quel était son vrai nom?</p>
+
+<p>Nous allons dire en quelques mots comment M. Le Roi a résolu ces
+<i>curiosités historiques</i>.</p>
+
+<p>1º Le château de Versailles, bâti par Louis XIII, en 1624, est le
+pavillon central qui existe encore aujourd'hui. C'était un simple
+rendez-vous de chasse, flanqué de quatre petits pavillons, avec un
+balcon de fer tournant tout autour. Une fausse braie l'entourait et
+était précédée d'un fossé à fond de cuve, revêtu de pierres et terminé
+par une balustrade. La pièce principale était la salle ou salon du
+premier étage, dont Louis XIV fit plus tard sa chambre à coucher et où
+il mourut. Des fenêtres de cette salle d'où Louis XVI se montra au
+peuple dans la journée du 6 octobre, on se figure aisément l'aspect que
+présentait alors Versailles: la vue dominait sur un pays accidenté,
+<a name="page_v" id="page_v"></a>presque entièrement boisé, coupé de quelques étangs, marqué seulement
+par un pauvre village d'une cinquantaine de feux, pays triste, monotone,
+un peu sauvage, qui inspirait la mélancolie, qui était parfaitement en
+rapport avec les goûts et l'humeur de Louis XIII.</p>
+
+<p>Quant aux lieux illustrés par la journée des Dupes, M. Le Roi nous
+montre que la chambre à coucher de Louis XIII était dans la pièce dite
+plus tard de l'&OElig;il-de-b&oelig;uf, et qui fut aussi pendant longtemps la
+chambre à coucher de Louis XIV; que la pièce où coucha Richelieu,
+au-dessous de la chambre du roi, est aujourd'hui la salle des Portraits
+des rois de France; que l'escalier dérobé par lequel le duc de
+Saint-Simon le conduisit dans la chambre de Louis XIII existe encore
+dans un coin de cette salle; enfin que l'entretien qu'il eut avec ce
+prince et d'où l'on peut dire qu'ont dépendu les destinées de la France,
+se passa dans le cabinet voisin de la chambre à coucher du roi et qui
+fait partie du salon de l'&OElig;il-de-b&oelig;uf.</p>
+
+<p>Louis XIV conserva religieusement le château construit par son père; il
+ne fit que l'agrandir successivement, <a name="page_vi" id="page_vi"></a>à mesure que Versailles lui
+plaisait davantage. Il n'avait pas d'abord l'intention d'en faire
+l'immense palais qui existe aujourd'hui; il n'avait pas l'intention de
+faire de Versailles son séjour ordinaire. Les plans de construction
+furent plusieurs fois changés; de nombreuses démolitions furent
+nécessaires; de là le disparate si marqué entre la façade des jardins,
+si noble, si belle, si harmonieuse, et la façade de la ville, si
+compliquée, si travaillée, si irrégulière.</p>
+
+<p>2º Saint-Simon nous a donné un tableau précieux de l'aspect du château
+de Versailles, le jour de la naissance du duc de Bourgogne, de la joie
+du roi, des transports de la cour, de l'enthousiasme populaire. M. Le
+Roi, d'après des documents originaux, ajoute quelques traits à ce
+tableau, et qui l'achèvent. Il nous apprend que ce fut la première fois
+qu'on confia à un médecin le soin d'accoucher une reine ou une Dauphine,
+que jusqu'alors les sages-femmes avaient eu cet office, et qu'elles
+cessèrent de l'avoir. Il entre alors dans des détails très-curieux sur
+l'art des accouchements à cette <a name="page_vii" id="page_vii"></a>époque, sur le choix des nourrices,
+etc. L'accoucheur fut Clément, dont le roi avait éprouvé l'habileté, car
+c'était lui qui avait assisté madame de Montespan dans ses nombreuses
+grossesses. Il devint, dès lors, l'accoucheur de la Dauphine, puis de la
+duchesse de Bourgogne, de la reine d'Espagne, etc. C'était un
+très-habile et excellent homme, que le roi traita comme il traitait tous
+les hommes de mérite, c'est-à-dire avec cette gracieuse dignité qui
+doublait le prix des récompenses. Outre qu'il l'enrichit, il lui donna
+des lettres de noblesse, avec une clause, dit M. Le Roi, qui honore au
+même degré l'homme de mérite auquel s'adressait cette distinction et le
+souverain qui l'accordait. Cette clause portait «qu'il ne pourrait
+abandonner la pratique de son art, ni refuser ses conseils, ni ses
+secours aux femmes qui les réclameraient».</p>
+
+<p>3º On sait qu'en 1686 Louis XIV fut affligé d'une hideuse maladie, la
+fistule, qu'on regardait alors comme à peu près incurable ou mortelle.
+Les mémoires du temps parlent peu de ce grave accident dans la vie du
+roi, cette maladie ayant été longtemps tenue secrète, et l'opération
+<a name="page_viii" id="page_viii"></a>qui la termina ayant été faite avec le plus grand mystère, et divulguée
+seulement quand la guérison fut assurée. M. Le Roi a retrouvé sur ce
+sujet des détails importants, soit au point de vue médical, soit au
+point de vue historique, dans les mémoires du médecin Dionis.
+L'opérateur fut Félix de Tassy, chirurgien très-habile, qui le premier a
+fait connaître les moyens de guérir par l'incision cette triste maladie.
+C'est dans la chambre du roi, qui formait, comme nous l'avons dit, une
+partie du salon appelé plus tard l'&OElig;il-de-b&oelig;uf, qu'eut lieu cette
+opération qui paraissait alors si périlleuse. Il n'y avait d'autres
+témoins que madame de Maintenon, le père de la Chaise, le ministre
+Louvois, les quatre médecins ou chirurgiens du roi, avec un garçon ou
+élève. La famille royale et la cour n'avaient pas le moindre soupçon de
+la grave résolution prise par Louis XIV; le Dauphin était à la chasse.
+Le roi montra le calme et la fermeté qui le distinguaient dans toutes
+ses actions: il ne poussa pas un cri, ne dit pas un mot. Une heure
+après, il tenait son lever comme à l'ordinaire, et les courtisans
+apprenaient avec effroi ce qui venait <a name="page_ix" id="page_ix"></a>de se passer; quelques heures
+plus tard, il tenait conseil dans son lit, et le soir il y eut dans sa
+chambre la réception qu'on appelait <i>appartement</i>. On suit avec anxiété,
+dans le récit de M. Le Roi, les détails de cette opération chirurgicale
+qui marque dans les annales de la science, puisque la méthode inventée
+en cette circonstance par Félix est encore celle qu'on suit de nos
+jours, opération qui tint pendant quelques jours la France dans
+l'anxiété; car à la vie du roi tenaient le salut du royaume et le repos
+de l'Europe. On peut voir aussi, dans les Lettres de madame de Maintenon
+à madame de Brinon (<i>Lettres historiques et édifiantes</i>, t. I) quelles
+furent ses angoisses et ses craintes en cette circonstance; elles sont
+une réponse à cette calomnie, qu'elle n'aimait point Louis XIV, de même
+que sa présence au chevet du roi pendant la dégoûtante opération était
+le témoignage du lien sacré qui les unissait.</p>
+
+<p>4º On sait que la mort subite de Louvois à l'âge de cinquante ans excita
+le plus grand étonnement. Tout le monde le crut empoisonné. Saint-Simon
+le dit ouvertement en entrant dans <a name="page_x" id="page_x"></a>des détails qui semblent plausibles.
+La princesse Palatine, dans l'aveuglement de ses haines, va plus loin:
+elle accuse de cette mort madame de Maintenon. Les historiens
+protestants ont seuls répété cette calomnie; mais les plus modérés, même
+les plus modernes, s'arrêtent au récit de Saint-Simon, et pour eux tous,
+Louvois est mort empoisonné, on ne sait par quel ennemi. Le récit de M.
+Le Roi fait justice de cette accusation au moyen d'un témoignage
+incontestable, celui de Dionis, médecin de Louvois, qui assista à sa
+mort, et fit, de concert avec trois autres médecins, l'ouverture de son
+corps. Il en résulte clairement que Louvois est mort d'une attaque
+d'apoplexie pulmonaire.</p>
+
+<p>5º Dans quelle partie du château de Versailles était l'appartement de
+madame de Maintenon, cet appartement où Louis XIV travaillait avec ses
+ministres, et où, pendant trente ans, se sont décidées les destinées de
+la France? A première vue il semble qu'une telle recherche soit facile,
+et qu'il ne puisse y avoir de doute à ce sujet. Il n'en est pas ainsi,
+grâce au Musée national qui a fait subir à l'intérieur du château de
+Versailles <a name="page_xi" id="page_xi"></a>une transformation complète. L'intention de ce musée était
+excellente, l'exécution n'y a pas répondu. Entreprise par des hommes peu
+versés dans l'histoire du dix-septième siècle, elle a bouleversé
+malheureusement les parties les plus intéressantes du château, et c'est
+ainsi que l'appartement de madame de Maintenon, presque méconnaissable
+aujourd'hui, est occupé par trois salles des campagnes de 1793, 1794 et
+1795. L'aspect de ces pièces témoigne que madame de Maintenon était
+logée fort à l'étroit et fort incommodément. Je ne sais si la femme de
+chambre de quelque parvenu de nos jours se contenterait de cette chambre
+unique où Louis XIV venait travailler, où madame de Maintenon mangeait,
+couchait, s'habillait, recevait toute la cour, où tout le monde passait,
+disait-elle, comme dans une église. Au reste, les princesses, les
+princes, le roi lui-même n'étaient pas plus commodément logés. Tout
+avait été sacrifié au faste, à l'éclat, à la représentation dans ce
+magnifique château; Louis XIV était perpétuellement en scène et y tenait
+sans interruption son rôle de roi, mais au <a name="page_xii" id="page_xii"></a>milieu de toutes ces
+peintures, ces dorures, ces marbres, ces splendeurs, on n'avait pas une
+seule des aisances de nos jours; on gelait dans ces immenses pièces,
+dans ces grandes galeries, dans ces chambres ouvertes de toutes parts,
+où d'ailleurs il fallait vivre continuellement en public. Aussi Louis
+XV, qui n'avait pas la santé de fer de son aïeul, abandonna ces vastes
+magnificences et se fit une existence plus commode et surtout plus
+secrète dans les petits appartements qu'on voit encore aujourd'hui.</p>
+
+<p>6º Quel est le véritable inventeur de la machine de Marly? On sait que,
+d'après toutes les histoires et biographies, cet inventeur serait un
+ouvrier liégeois, Rennequin Sualem. L'ouvrage de M. Le Roi nous
+démontre, d'après des documents authentiques et des témoignages
+irréfutables, que c'est une erreur. L'inventeur, l'architecte, le
+gouverneur de la machine qui passait au dix-septième siècle pour une
+merveille du monde, est un gentilhomme liégeois nommé le chevalier de
+Ville; Rennequin Sualem en aurait été seulement le constructeur, et plus
+exactement le charpentier. M. Le Roi donne à ce sujet une <a name="page_xiii" id="page_xiii"></a>description
+de la machine qui montre quel était l'état de la science hydraulique à
+cette époque et qui témoigne que cette &oelig;uvre lourde, coûteuse,
+compliquée, n'en était pas moins digne d'admiration.</p>
+
+<p>7º On sait que le grand roi, sur le point de mourir, se fit apporter son
+arrière-petit-fils et lui adressa quelques paroles pleines de dignité.
+Ces paroles, recueillies par les assistants et qui furent mises au
+chevet du lit du jeune Louis XV, ont été reproduites par les historiens
+avec des variantes considérables. M. Le Roi a retrouvé une pièce très
+curieuse qui fait cesser toute incertitude à cet égard et nous donne
+définitivement le texte authentique.</p>
+
+<p>8º Ce morceau curieux est tout simplement l'analyse d'un manuscrit
+composé par quelque secrétaire de madame de Pompadour, d'après les notes
+mêmes de la marquise, et qui a pour titre: <i>État des dépenses faites
+pendant le règne de madame la marquise de Pompadour, à commencer le 9
+septembre 1745 jusqu'au 15 avril 1764</i> (c'est le jour de sa mort).
+Disons tout de suite que le total général est d'environ trente-six
+millions et <a name="page_xiv" id="page_xiv"></a>demi pendant dix-neuf ans; donc, de moins de deux millions
+par an. «Voilà, sur sa déclaration, dit M. Le Roi, le relevé de ce que
+madame de Pompadour a coûté à la France.» C'est beaucoup, sans doute,
+mais j'avoue que, d'après tout ce qu'on a écrit sur les prodigalités de
+Louis XV envers ses maîtresses, sur le faste, le luxe de la marquise de
+Pompadour, je m'attendais à un chiffre plus élevé, et je ne sais si pour
+les dépensiers de nos jours ce chiffre ne paraîtra pas mesquin.
+D'ailleurs, il faut remarquer que madame de Pompadour tenait une sorte
+de cour, qu'elle donnait des fêtes, qu'elle faisait des pensions. Aussi
+je lis sans étonnement cette réflexion qui termine le manuscrit: «Voici
+un fait que personne ne voudra croire, qui est qu'à sa mort l'on n'ait
+trouvé à cette femme que 37 louis d'or dans sa table à écrire, et se
+trouve devoir la somme de 1,700,000 livres.»</p>
+
+<p>Voici comment se décomposent les trente-six millions. On sait que la
+marquise était une femme de beaucoup d'esprit et de goût, aimant les
+bâtiments, les tableaux, les sculptures, cultivant elle-même les arts,
+et qui avait une cour <a name="page_xv" id="page_xv"></a>d'écrivains et d'artistes. L'état des dépenses
+entre à ce sujet dans des détails intéressants pour l'histoire des arts
+et donne un total de plus de neuf millions. On sait aussi que madame de
+Pompadour aimait les chevaux, qu'elle fit acheter des étalons dans
+plusieurs pays, et qu'elle fonda dans sa terre de Pompadour le beau
+haras qui existe encore aujourd'hui. L'état de ses dépenses sur cet
+article s'élève à plus de trois millions. On trouve encore pour
+médailles, 400,000 livres; pour une collection de pierres gravées,
+400,000 livres; pour fêtes, voyages du roi, comédies, opéras, quatre
+millions. Le chapitre des aumônes est malheureusement plus modeste, il
+est ainsi marqué: <i>Donné aux pauvres pendant tout mon règne</i>, 150,000
+livres. Il est vrai qu'il y faut ajouter de nombreux secours et pensions
+donnés à des maisons religieuses.</p>
+
+<p>9º «Il n'est aucun fait historique, dit M. Le Roi, qui ait rendu plus
+odieux le nom de Louis XV; et qui, d'un autre côté, ait donné lieu à
+plus de divagations parmi les écrivains, que le mystérieux établissement
+du <i>Parc aux cerfs</i>.» On peut ajouter qu'il <a name="page_xvii" id="page_xvii"></a>n'y en a pas qui ait excité
+plus de <a name="page_xvi" id="page_xvi"></a>haine contre l'ancien régime, qui ait valu à la cour des
+Bourbons plus d'imprécations et de déclamations, qui ait eu plus
+d'influence sur la révolution. M. Le Roi, pièces en main, réduit cette
+monstruosité à sa juste valeur. Le nom seul de Parc aux cerfs est en
+grande partie la cause des exagérations débitées à ce sujet. A ce nom,
+on se figure une sorte de sérail à la façon orientale, un immense jardin
+avec bosquets mystérieux, pelouses fleuries, pavillons enchantés, et un
+essaim de biches plus ou moins timides, poursuivies par un lubrique
+monarque. Il n'est rien de tout cela: le <i>Parc aux cerfs</i> était le nom
+d'un quartier de Versailles, du quartier aujourd'hui appelé Saint-Louis,
+qui avait été bâti sous Louis XIV, sur l'emplacement d'un parc à bêtes
+fauves, datant de Louis XIII, et qui en avait gardé le nom. Quant au
+sérail, voici à quoi il se réduit. Louis XV avait acheté secrètement,
+dans une impasse déserte de ce quartier, une petite maison bourgeoise où
+pouvaient à peine loger trois personnes, et dans laquelle son valet de
+chambre faisait élever quelques jeunes filles ordinairement vendues par
+leurs parents. «Il n'y en avait que deux en général, dit madame du
+Hausset, très-souvent une seule; quelquefois, le Parc aux cerfs était
+vacant cinq ou six mois de suite. Lorsqu'elles se mariaient on leur
+donnait des bijoux et une centaine de mille francs.» Il ne paraît pas
+que le nombre de ces victimes, immense d'après tous les historiens, ait
+dépassé une trentaine, le roi n'ayant gardé cette maison que de 1755 à
+1771. M. Le Roi appuie cette curieuse découverte historique de pièces
+irréfutables, mais cela n'empêchera pas les historiens de scandales de
+parler des centaines de millions, et même des milliards que coûta le
+Parc aux cerfs.</p>
+
+<p>10º Si la dissertation sur le Parc aux cerfs atténue, sans le rendre
+moins odieux, le libertinage de Louis XV, il n'en est pas de même du
+morceau suivant qui renferme une notice biographique sur madame du
+Barry, d'après des cartons et des liasses de documents appartenant aux
+archives de la préfecture de Seine-et-Oise, et à la bibliothèque de
+Versailles. On sait qu'un gentilhomme débauché et ruiné, Jean du Barry,
+ayant rencontré dans un mauvais lieu une fille <a name="page_xviii" id="page_xviii"></a>d'une merveilleuse
+beauté, parvint à la faire connaître au roi qui en devint follement
+épris, que pour en faire une maîtresse en titre et lui donner un rang à
+la cour, il la fit épouser à son frère le comte du Barry. M. Le Roi nous
+donne <i>in extenso</i> l'étrange contrat de mariage conclu à cet effet, où
+l'on stipule la séparation des deux époux, où la future prend le nom de
+Jeanne Gomard de Vaubernier, nom faux, comme nous le dirons tout à
+l'heure; enfin, où elle apporte en dot 30,000 livres «provenant de ses
+économies», et consistant, pourrait-on dire, en outils de son métier,
+c'est-à-dire en diamants, perles, dentelles, «un lit complet, trente
+robes et six douzaines de chemises».</p>
+
+<p>Après cette édifiante énumération, M. Le Roi nous donne l'état des
+richesses accumulées par madame du Barry lorsqu'elle fut devenue la
+maîtresse en titre du roi: 100,000 livres de rentes sur la ville de
+Paris, la terre de Louveciennes, 40,000 livres de rentes sur la ville de
+Nantes, etc. Madame du Barry n'avait reçu presque aucune éducation et
+avait les goûts de son ancienne vie, l'amour effréné de la toilette, des
+jolis meubles, <a name="page_xix" id="page_xix"></a>des colifichets, des futilités. Son appartement n'était
+qu'un boudoir: M. Le Roi nous en donne la description, et les détails
+dans lesquels il entre sont à faire pâmer, à faire mourir d'envie les
+plus charmantes dépensières de nos jours. Qu'on en juge par ce qu'il dit
+des lieux les plus secrets de cet appartement:</p>
+
+<p>«Dans la garde-robe on voyait un meuble de toilette secrète à dossier,
+en marqueterie, fond blanc à mosaïques bleues et filets d'or, avec
+rosettes rouges, garni de velours bleu brodé d'or, et sabots dorés d'or
+moulu, la boîte à éponges et la cuvette d'argent, deux tablettes
+d'encoignure aussi en marqueterie, garnies de bronzes dorés d'or moulu,
+et une chaise de garde-robe en marqueterie pareille aux autres meubles,
+la lunette recouverte de maroquin, et les poignées et les sabots dorés
+d'or moulu.»</p>
+
+<p>Le rêve de madame du Barry dura à peine six ans. Le roi mourut. Madame
+du Barry, exilée d'abord dans un couvent, revint ensuite habiter son
+château de Louveciennes. Ses créanciers l'y poursuivirent. Légère,
+insouciante et prodigue malgré les libéralités du roi, elle avait
+<a name="page_xx" id="page_xx"></a>1,200,000 livres de dettes. Louis XVI se fit donner l'état des dons
+faits à la maîtresse de son aïeul, et l'on trouva qu'elle avait reçu en
+six ans six millions et demi, sans compter les maisons, les 150,000
+livres de rente viagère, etc. Sur cette somme les bijoutiers avaient
+reçu 2,280,000 livres, les marchands de dentelles, soieries, etc.,
+738,000 livres; les tailleurs et brodeurs, 551,000 livres, etc. Madame
+du Barry n'avait fait de mal à personne pendant sa faveur; elle était
+d'une bonté extrême, d'une humeur charmante, et avait laissé à la cour
+des amis qui lui restèrent très-dévoués. Grâce à eux, elle parvint à
+payer ses dettes au moyen d'un échange de 60,000 livres de rente viagère
+contre 1,250,000 livres qui lui furent données par le trésor.</p>
+
+<p>Mais madame du Barry ne s'était pas corrigée de son goût de dépenses, et
+de sa négligence à compter; elle fit de nouvelles dettes, et à l'époque
+de la Révolution elle fut obligée de songer à vendre ses bijoux. Elle
+réunit les plus précieux dans une chambre où, pendant une nuit, des
+voleurs s'introduisirent et firent main basse sur <a name="page_xxi" id="page_xxi"></a>le précieux dépôt.
+Madame du Barry fit publier la liste des objets volés. Cette liste est
+donnée par M. Le Roi: c'est une rivière continue, une cascade
+éblouissante de diamants, de perles, de bagues, de colliers, de
+girandoles, de bracelets, d'<i>esclavages</i>, d'étuis, de boîtes, à faire
+tourner la tête des dames qui la liront.</p>
+
+<p>Le vol des bijoux de madame du Barry fut la cause de sa mort. Ayant
+appris que les voleurs avaient été arrêtés à Londres et qu'on
+instruisait leur procès, elle voulut suivre cette affaire et alla en
+Angleterre avec un passe-port régulier. C'était au mois d'octobre 1792.
+Son absence s'étant prolongée, on la regarda comme émigrée et l'on mit
+le scellé sur ses biens. Dès qu'elle l'apprit, elle revint en France;
+mais au mois de juin 1793 elle fut arrêtée comme suspecte et traduite
+(novembre 1793) au tribunal révolutionnaire, comme ayant fourni aux
+émigrés réfugiés à Londres des secours pécuniaires, et entretenu avec
+eux des correspondances. L'occasion était belle à faire de la
+déclamation révolutionnaire; aussi Fouquier Tainville accumula les
+accusations les plus forcenées, les plus emphatiques <a name="page_xxii" id="page_xxii"></a>«contre cette
+moderne Aspasie, cette sultane du crime couronné, contre cette
+surintendante des honteuses débauches du Sardanapale moderne, etc.» On
+sait que, condamnée à mort, elle fut conduite au supplice le 8 décembre
+1793.</p>
+
+<p>M. Le Roi fait suivre cette lugubre histoire de détails intéressants sur
+les biens confisqués de madame du Barry. Le total de l'appréciation des
+effets mobiliers s'élève à 1,246,000 livres, sans compter les objets
+d'art qui sont aujourd'hui répartis dans les musées de l'État. Le
+château de Louveciennes fut vendu six millions.</p>
+
+<p>Cette notice biographique si pleine de faits inconnus, de chiffres
+éloquents, se termine par un dernier détail qui n'est pas le moins
+inattendu: c'est que l'acte de naissance présenté par madame du Barry
+pour son mariage était faux; qu'elle n'était pas la fille légitime de
+Gomard de Vaubernier et de Jeanne Bécu, née en 1746, mais la fille
+naturelle d'une pauvre paysanne appelée Anne Bécu, et qu'elle était née
+en 1743. Elle avait donc vingt-six ans lorsqu'elle fut présentée à Louis
+XV et cinquante ans quand elle mourut.<a name="page_xxiii" id="page_xxiii"></a></p>
+
+<p>Telle est, à la place des lieux communs débités sur cette femme trop
+célèbre, la vérité qui ressort des documents authentiques consultés par
+M. Le Roi. Espérons que le savant bibliothécaire ne bornera pas à ces
+dix morceaux ses investigations intéressantes et que, au grand plaisir
+du public affriandé par ces révélations, il tirera bientôt de ses
+cartons de nouvelles <i>Curiosités historiques</i>.</p>
+
+<p class="r">T<small>H</small>. L<small>AVALLÉE</small>.
+</p>
+
+<p><a name="page_001" id="page_001"></a></p>
+
+<h3><a name="I" id="I"></a>I<br /><br />
+LE CHATEAU DE VERSAILLES SOUS LOUIS XIII<br /><br />
+ET LA JOURNEE DES DUPES.<br /><br />
+1627-1630.</h3>
+
+<p class="c">&mdash;&mdash;&mdash;&mdash;</p>
+
+<p>A quelle époque faut-il faire remonter la construction du château que
+Louis XIII fit élever à Versailles? Comme les divers écrivains qui ont
+traité ce point historique ne sont point d'accord entre eux, et que nous
+nous proposons de fournir des documents nouveaux pouvant servir à
+éclaircir la question, nous allons entrer dans quelques détails à ce
+sujet.</p>
+
+<p>Les deux premiers auteurs qui s'occupèrent de l'époque de la fondation
+du château, furent l'architecte Blondel, dans son livre de
+l'<i>Architecture française</i>, t. IV<sup>e</sup>, 1756, et l'abbé Lebeuf, dans
+l'<i>Histoire du diocèse de Paris</i>, t. VII<sup>e</sup>, 1757.</p>
+
+<p>Voici d'abord ce que dit l'abbé Lebeuf. Après avoir fait l'énumération
+des divers seigneurs de Versailles, il ajoute:</p>
+
+<p>«Jean de Soisy prend, dans son contrat de mariage<a name="page_002" id="page_002"></a> avec Antoinette
+Postel, du 22 janvier 1610, la qualité de seigneur de Soisy, sous
+Montmorency, et de Versailles au val de Galie. Ce fut lui qui vendit
+cette terre au roi Louis XIII, vers l'an 1627.»</p>
+
+<p>Voici maintenant comment s'exprime Blondel, sur le même sujet:</p>
+
+<p>«La terre et seigneurie de Versailles était possédée, en 1560, par
+plusieurs particuliers: <i>Philippe Colas</i>, écuyer, en possédait la plus
+grande partie; une autre appartenait à <i>Antoine Poart</i>, maître des
+comptes à Paris: ce dernier était aussi propriétaire de la seigneurie de
+la Grange Lessart; enfin une autre partie appartenait à <i>Roberte de
+Soisy</i>, femme de Jean de la Porte, et à <i>Marguerite de Soisy</i>, sa s&oelig;ur,
+veuve de Jean Dizy, en qualité d'héritières d'Antoinette de Portet, leur
+mère.</p>
+
+<p>»<i>Martial de Loménie</i>, secrétaire du roi et de ses finances, devint, en
+1561, propriétaire de cette terre et de celle de la Grange Lessart, par
+les acquisitions qu'il en fit, et en a joui jusqu'à sa mort, arrivée en
+1572; il avait épousé Jacqueline Pinault, décédée avec lui.</p>
+
+<p>»Les tuteur et curateur de leurs enfans mineurs vendirent cette terre et
+seigneurie de Versailles, et celle de la Grange Lessart, par contrat du
+27 juin 1573, à M. Albert de Gondi, comte de Retz. Son fils,
+Jean-François de Gondi, archevêque de Paris, la vendit ensuite à Louis
+XIII, par contrat passé le 8 avril 1632.»<a name="page_003" id="page_003"></a></p>
+
+<p>Blondel donne ensuite un extrait du contrat de vente, puis il ajoute:</p>
+
+<p>«Quoiqu'il paraisse, par la date de ce contrat, que Louis XIII n'acheta
+la seigneurie de Versailles qu'en 1632, il est cependant certain que,
+dès l'année 1624, il avait commencé à y faire bâtir un rendez-vous de
+chasse, qu'il avait élevé sur le lieu le plus éminent, et où était situé
+ci-devant un moulin à vent.»</p>
+
+<p>Ainsi voilà deux graves auteurs, écrivant tous deux à la même époque,
+paraissant s'autoriser de documents authentiques, et qui tous deux
+donnent une date différente à un fait qu'il semble au premier abord si
+aisé de constater.</p>
+
+<p>Presque tous ceux qui, depuis cette époque, ont écrit sur l'origine du
+château de Versailles, puisant leurs renseignements dans l'abbé Lebeuf,
+ont donné l'année 1627 comme date de sa fondation<a name="FNanchor_2_2" id="FNanchor_2_2"></a><a href="#Footnote_2_2" class="fnanchor">[2]</a>. Cette date est
+encore indiquée dans les descriptions modernes de Versailles, que l'on
+trouve dans toutes les mains des visiteurs du musée historique.</p>
+
+<p>Quelle est donc la véritable date de la construction du château de Louis
+XIII? Est-ce 1624, 1627 ou 1632?</p>
+
+<p>M. Eckard, dans ses recherches historiques sur Versailles, frappé de
+cette différence, et voulant tout<a name="page_004" id="page_004"></a> concilier, accepte les trois dates et
+cherche à les expliquer.</p>
+
+<p>Ainsi, d'après lui, en 1624, Louis XIII, <i>ennuyé, et sa suite encore
+plus, d'y avoir souvent couché dans un méchant cabaret à rouliers, ou
+dans un moulin à vent</i><a name="FNanchor_3_3" id="FNanchor_3_3"></a><a href="#Footnote_3_3" class="fnanchor">[3]</a>, fit d'abord construire à Versailles un
+pavillon pour servir de rendez-vous de chasse.</p>
+
+<p>Et il ajoute: «Ce pavillon, inconnu au duc de Saint-Simon, était oublié
+lorsqu'il écrivait un siècle après cette construction: une partie, celle
+donnant sur l'avenue de Saint-Cloud, a été démolie en 1827, et une
+maison bâtie sur l'emplacement; l'autre partie, sur la rue de la Pompe,
+subsiste toujours: le tout appartient à M. Amaury, et porte encore
+aujourd'hui le nom de <i>Pavillon royal</i>; il est situé presqu'à l'angle
+que forment l'avenue de Saint-Cloud et la rue de la Pompe, aboutissant
+sur celle du Plessis. Il était donc sur le chemin qui conduisait à la
+forêt de Saint-Léger-en-Yveline, à l'époque où la chaussée d'Auteuil et
+l'ancien pont de bois, à Sèvres, n'existant pas encore, la grande route
+de Paris à Brest passait par Saint-Cloud, d'où un chemin secondaire
+partait et se dirigeait sur Ville-d'Avray, Montreuil, le territoire de
+Versailles et les autres, jusqu'à cette forêt. Quoique engagé dans les
+maisons voisines, ce pavillon était naguère encore facile à reconnaître
+par la tourelle, ou lanterne, qui dominait et éclairait, un<a name="page_005" id="page_005"></a> grand
+escalier, et qui, ensuite, forma la coupole de la synagogue qu'on y a
+vue pendant quelques années. Je me souviens très-bien qu'en 1780, un
+habile professeur d'écriture, Hachette, qui en occupait le premier
+étage, et dont la classe fort élevée et très-spacieuse donnait en partie
+sur la rue de la Pompe, nous dit plusieurs fois que cette pièce avait
+été la chambre à coucher de Louis XIII. Cette partie conservée du
+pavillon a seulement subi quelques changements dans sa distribution
+intérieure. De plus, <i>le Cicerone</i> de 1804 contient, dans sa description
+des édifices de Versailles, ce passage remarquable:&mdash;<i>Le Pavillon
+royal</i>.&mdash;On assure qu'une portion, celle où se trouve son vaste
+escalier, est véritablement la première propriété de Louis XIII, qui en
+faisait son retour de chasse avant l'acquisition de la terre
+seigneuriale. Enfin M. Guignet, ancien architecte des bâtiments du roi à
+Versailles, à qui j'ai communiqué mes observations, et qui les a
+vérifiées, a adopté entièrement mon opinion.»</p>
+
+<p>M. Eckard ajoute qu'en 1627, Louis XIII, ayant jugé qu'aucun pays ne
+pouvait présenter en aussi peu d'espace, plus de variété pour les
+courses à cheval, dans lesquelles consiste le plaisir de la chasse à cor
+et à cris, acheta de Jean de Soisy un fief et des terrains à Versailles,
+et y fit élever <i>un petit château de cartes</i><a name="FNanchor_4_4" id="FNanchor_4_4"></a><a href="#Footnote_4_4" class="fnanchor">[4]</a> sur un monticule qui
+était occupé par un<a name="page_006" id="page_006"></a> moulin à vent. Enfin, qu'en 1632, le roi fit
+l'acquisition de la terre et seigneurie de Versailles, de Jean-François
+de Gondi, archevêque de Paris, ainsi qu'il résulte du contrat cité par
+Blondel. Donc en résumé: 1624, construction du Pavillon royal;</p>
+
+<p>1627, acquisition d'un fief de Jean de Soisy.&mdash;Louis XIII construit un
+petit château sur l'emplacement du moulin, comme le point le plus
+éminent. 1632, vente par l'archevêque de Paris, du vieux château et de
+la seigneurie de Versailles.</p>
+
+<p>Ainsi, le travail de M. Eckard avait résolu la question et les trois
+différentes dates de la fondation du château se trouvaient expliquées.</p>
+
+<p>En 1839, l'auteur de l'essai historique intitulé: <i>Versailles</i>,
+<i>seigneurie</i>, <i>château et ville</i>, s'empressa d'adopter l'explication de
+M. Eckard, surtout en ce qui concerne le Pavillon royal<a name="FNanchor_5_5" id="FNanchor_5_5"></a><a href="#Footnote_5_5" class="fnanchor">[5]</a>. Quant au
+château qui n'aurait été commencé qu'en 1627, l'auteur de <i>Versailles</i>,
+<i>seigneurie</i>, <i>château et ville</i> se demande si c'est bien à ce château
+qu'il faut attribuer le mot de<a name="page_007" id="page_007"></a> <i>chétif Versailles</i>, prononcé par
+Bassompierre, ainsi que l'ont fait beaucoup d'autres auteurs et M.
+Eckard lui-même? Si l'on adopte, en effet, l'opinion de l'abbé Lebeuf,
+qui donne cette année 1627 comme celle où Louis XIII fit commencer la
+construction du château sur les terrains vendus à cette époque par Jean
+de Soisy, il est impossible de ne pas supposer que Bassompierre se soit
+trompé en parlant d'un château n'existant pas encore; et cependant le
+récit de Bassompierre est positif. Voici ce que l'on trouve dans le
+journal de sa vie<a name="FNanchor_6_6" id="FNanchor_6_6"></a><a href="#Footnote_6_6" class="fnanchor">[6]</a>.</p>
+
+<p>Après avoir raconté, jour par jour, ce qui lui était arrivé pendant le
+mois de décembre 1626, il ajoute:</p>
+
+<p>«Les choses étoient en cet état, lorsque nous entrâmes en l'année 1627,
+au commencement de laquelle le roy fit tenir une assemblée de notables,
+en laquelle il me fit l'honneur de me choisir pour y estre un des
+présidents. Monsieur, frère du roy, fut le chef et le premier, et
+ensuite M. le cardinal de la Valette, le maréchal de la Force et moi.»</p>
+
+<p>Bassompierre indique ensuite la composition de cette assemblée; puis,
+après avoir parlé des divers objets mis en délibération, il raconte
+qu'il lui arriva peu d'occasions de parler: «Hormis une seule fois,
+dit-il, que nous estant proposé si le roy cesseroit<a name="page_008" id="page_008"></a> ses bastimens
+jusques dans une meilleure saison, et que ses finances fussent en
+meilleur estat, M. d'Osembray fut d'advis que l'on le devoit conseiller
+au roy.»</p>
+
+<p>Il crut alors devoir prendre la parole, et prononça un discours qu'il
+donne en son entier. C'est dans ce spirituel discours, épigramme adroite
+contre la parcimonie de Louis XIII, parcimonie dont il se servit
+habilement pour faire changer d'avis tous ceux qui avaient déjà voté
+pour la proposition de M. d'Osembray, que se trouve ce fameux mot de
+<i>chétif château de Versailles</i>, cité depuis si diversement. Après avoir
+fait observer qu'il n'est pas nécessaire de conseiller à Louis XIII de
+ne point faire une chose qu'il ne fait pas, il ajoute: «Le feu roy nous
+eust pû demander cet advis, et nous eussions eu loisirs de le lui
+donner, car il a employé des sommes immenses à bastir. Nous avons bien
+pû connoistre en celui-cy la qualité de destructeur, mais non
+d'édificateur. Saint-Jean-d'Angely, Clérac, Les Tonnains, Monheur,
+Négrepelisse, Saint-Antonin, et tant d'autres places rasées, démolies ou
+bruslées, me rendent preuve de l'un et le lieu où nous sommes, auquel,
+depuis le décès du feu roy son père, il n'a pas ajouté une seule
+pierre<a name="FNanchor_7_7" id="FNanchor_7_7"></a><a href="#Footnote_7_7" class="fnanchor">[7]</a>; et la suspension qu'il a faite depuis seize années au
+parachèvement de ses autres bastimens commencez, me font voir clairement
+que son inclination n'est point portée à bastir, et que les finances de
+la France<a name="page_009" id="page_009"></a> ne seront point épuisées par ses somptueux édifices; si ce
+n'est qu'on lui veuille reprocher le <i>chétif chasteau de Versailles</i>, de
+la construction duquel un simple gentilhomme ne voudroit pas prendre
+vanité.» Dans cette assemblée des notables, furent traités les plus
+grands intérêts de l'État. Elle tient une place importante dans le règne
+de Louis XIII, et ne peut être mise en doute, pas plus que le discours
+si remarquable qu'y prononça Bassompierre, et qu'il ne pouvait avoir
+oublié lorsqu'il écrivit ses mémoires très-peu d'années après<a name="FNanchor_8_8" id="FNanchor_8_8"></a><a href="#Footnote_8_8" class="fnanchor">[8]</a>. Aussi
+l'auteur de <i>Versailles</i>, <i>seigneurie</i>, <i>château et ville</i>, pense-t-il
+que ce discours, prononcé au commencement de 1627, n'a dû s'appliquer
+qu'au Pavillon royal, bâti dès 1624. Mais cependant, peu certain que le
+maréchal de Bassompierre ait parlé avec tant d'assurance d'une maison si
+peu importante, il ajoute: «Ou bien si l'on veut que Bassompierre ait
+appliqué son mot de <i>chétif</i> au château bâti sur le tertre de Jean de
+Soisy, il faudra convenir que son discours aura été fait après coup,
+c'est-à-dire depuis 1631, époque où le maréchal fut enfermé à la
+Bastille, et où il commença pour se désennuyer, et fort souvent de
+mauvaise humeur, à écrire les mémoires qu'il a laissés; il aura donc
+donné l'épithète de chétif au nouveau château, par la raison que tout ce
+que devait faire le roi, alors sous l'influence de Richelieu, l'ennemi
+juré du maréchal,<a name="page_010" id="page_010"></a> devait paraître, aux yeux de ce dernier, mauvais,
+tyrannique ou chétif, et le pauvre château aura été enveloppé dans une
+commune disgrâce avec les actes despotiques du cardinal.»</p>
+
+<p>Il paraît donc à peu près certain, d'après tout ce que nous venons de
+rapporter, que Louis XIII avait une habitation à Versailles dès l'année
+1624, et certainement avant 1627. Cette habitation, Blondel assure
+qu'<i>elle était élevée sur le lieu le plus éminent, et où était situé
+ci-devant un moulin à vent</i>, par conséquent à la place même où se trouve
+le château actuel, tandis que M. Eckard, et après lui l'auteur de
+<i>Versailles</i>, <i>seigneurie</i>, <i>château et ville</i>, pensent que c'était le
+Pavillon royal; c'est pour éclairer cette question que nous nous sommes
+livré à quelques recherches, qui nous ont procuré la connaissance de
+nouveaux documents propres à la résoudre.</p>
+
+<p>M. Eckard, lorsqu'il écrivit son livre sur Versailles, fit de nombreuses
+visites aux Archives du royaume et aux Archives de la couronne, pour
+avoir quelques renseignements sur les faits dont il s'agit; mais là
+comme à Versailles, il ne put trouver aucun acte, aucun titre qui se
+rapportât aux acquisitions de Louis XIII à Versailles; ce qui lui fit
+penser «que les contrats primordiaux, soit du vieux château et de la
+seigneurie de Versailles, soit du fief vendu par Jean de Soisy, ont été
+détruits, de même qu'une foule d'autres documents plus importants encore
+pour notre histoire l'ont été dans toute la France,<a name="page_011" id="page_011"></a> parce qu'ils
+établissaient des droits féodaux et des redevances seigneuriales
+supprimés, sans indemnité, par différents décrets.»</p>
+
+<p>«En effet, une loi du 17 juillet 1793, a ordonné le brûlement de tous
+les titres énonciatifs de ces droits, et existants entre les mains des
+anciens seigneurs, ou qui, pour les domaines nationaux, avaient été
+déposés dans les secrétariats des districts. Or, cette loi, qui
+prononçait cinq années de fers contre ceux qui auraient caché ou
+soustrait et recelé des minutes, ou des expéditions des actes qui
+devaient être brûlés, fut rigoureusement exécutée à Versailles, d'où
+relevaient en outre trente-quatre seigneuries.»</p>
+
+<p>Il était donc nécessaire de suivre une autre direction dans les
+recherches nouvelles que l'on voulait faire sur ce sujet; et comme il
+s'agissait surtout de constater l'époque de la construction du Pavillon
+royal, regardé comme la première habitation de Louis XIII, ce fut
+particulièrement de ce côté que nous portâmes nos investigations.</p>
+
+<p>Nous nous adressâmes au propriétaire de ce pavillon, M. Peert, avoué à
+Versailles, et grâce à son extrême obligeance, nous avons trouvé, parmi
+les titres de propriété, deux pièces qui établissent d'une manière
+positive l'époque de la construction du <i>Pavillon royal</i>.</p>
+
+<p>La première de ces pièces est ainsi conçue:</p>
+
+<p>«Don de place à Versailles pour les héritiers de la veuve Hérault.<a name="page_012" id="page_012"></a></p>
+
+<p>»Aujourd'hui, 2 aoust mil sept cent un, le Roy étant à Versailles, les
+héritiers de la veuve Hérault lui ont fait représenter que Sa Majesté
+lui auroit accordé, il y a environ 25 ans, une place scize en ce lieu,
+sur laquelle elle a fait bastir une maison appelée le <i>Pavillon royal</i>;
+mais comme il ne luy en a pas été expédié de brevet pour en assurer la
+propriété à ses héritiers, ils l'ont très-humblement suppliée de vouloir
+sur ce leur pourvoir, à quoy ayant égard, Sa Majesté a, en tant que de
+besoin, accordé et fait don aux héritiers de ladite veuve Hérault de
+ladite place, contenant 24 toises 4 pieds de face sur la rue de la
+Pompe, 29 toises de face sur l'avenue de Saint-Cloud, 3 toises 2 pieds
+de face à la pointe aboutissant par le côté opposé à ladite pointe, au
+mur de l'hostel de Guise, et ayant 17 toises de profondeur, le long
+dudit mur, à la charge par eux de payer au domaine de Versailles le
+droit de cens sur le pied de 5 sols par arpens, au jour de Saint-Michel,
+et d'entretenir en bon état et cimétrie la maison qui y a été bastie, et
+pour assurance de sa volonté, Sa Majesté m'a commandé de leur en
+expédier le présent brevet, qu'elle a signé de sa main et fait
+contresigner par moy, conseiller secrétaire d'État et de ses
+commandements et finances, signé: Louis et plus bas Phelypeaux; et au
+dos est écrit: Paraffé <i>ne varietur</i>, au désir du partage passé devant
+les notaires soussignés, ce 20 mars 1720. Signé: Bergeret, Delaroche,
+Delaroche avec Besnier et Junot,<a name="page_013" id="page_013"></a> notaires, en l'original des présentes,
+paraffé et demeuré annexé à la minute d'un partage passé devant les
+notaires soussignés, ce 20 mars 1720, dont la minute envers ledit Junot.
+Signé: Besnier et Junot, avec paraffes et scellé ledit jour.»</p>
+
+<p>La deuxième donne le plan du terrain, et au milieu est écrit:</p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 550px;">
+<a href="images/illpg_013.png">
+<img src="images/illpg_013-petite.png" width="550" height="287"
+alt="plan du terrain" title="plan du terrain" /></a>
+</div>
+
+<p>«Le Roy a accordé, il y a environ 25 ans, à la veuve Hérault une place
+scize à Versailles, ayant 24 toises 4 pieds de face sur la rue de la
+Pompe, 29 toises de face sur l'avenue de Saint-Cloud, 3 toises 2 pieds
+de face à la pointe où se joignent ladite rue de la Pompe avec ladite
+avenue, aboutissant par le côté opposé à ladite pointe, au mur de
+l'hostel de Guise, et ayant 17 toises de profondeur le long dudit mur,
+le tout ou environ, sur laquelle place elle a fait bastir une maison
+appelée le <i>Pavillon royal</i>, suivant les décorations réglées par Sa
+Majesté, dont n'ayant point eu ci-devant de brevet, Sa Majesté m'a<a name="page_014" id="page_014"></a>
+commandé de donner le présent certificat aux héritiers de ladite veuve
+Hérault, pour obtenir sur iceluy tous brevets nécessaires.</p>
+
+<p>«Fait à Versailles, le 10 juillet 1701, signé: Hardouin Mansart.»</p>
+
+<p>
+<br />
+</p>
+
+<p>Et plus bas: «Première inventoriée.»</p>
+
+<p>
+<br />
+</p>
+
+<p>Deuxième, et au dos est écrit: «Paraffé <i>ne varietur</i>, au désir du
+partage passé devant les notaires soussignés, ce 20 mars 1720. Signé:
+Delaroche, Bergeret, Delaroche avec Besnier et Junot, notaires.</p>
+
+<p>»Est l'original des présentes demeuré annexé à la minute d'un partage,
+passé devant les notaires soussignés, dont Junot, l'un d'eux, a la
+minute, ce 20 mars 1720. Signé: Besnier et Junot, avec paraffes, et
+scellés ledit jour.»</p>
+
+<p>Il résulte de ces documents authentiques, que M. Eckard se trompe quand
+il affirme que le Pavillon royal a été bâti par Louis XIII; que ce
+pavillon, l'une des plus anciennes maisons de Versailles, ne remonte
+cependant qu'à l'année 1676, c'est-à-dire au règne de Louis XIV, et que
+ce qui a sans doute induit en erreur M. Eckard, et avant lui le
+<i>Cicerone de Versailles</i>, sur l'origine de ce bâtiment, c'est le nom de
+<i>Pavillon royal</i>, qu'on lui supposait venir du séjour qu'y aurait fait
+anciennement Louis XIII, tandis que les pièces citées prouvent que ce
+nom lui a été donné au moment de sa construction par la veuve Hérault,
+probablement pour le distinguer des<a name="page_015" id="page_015"></a> hôtels des grands seigneurs qui
+l'environnaient de tous côtés.</p>
+
+<p>Il reste donc établi, par tout ce qui précède, que Louis XIII avait une
+habitation, à Versailles avant l'année 1627, date à laquelle l'abbé
+Lebeuf fait remonter la vente du fief de Jean de Soisy; que cette
+habitation, n'est point le <i>Pavillon royal</i>, ainsi que le croyait
+l'auteur des <i>Recherches sur Versailles</i>; et qu'alors il faut bien en
+revenir à l'opinion de Blondel, établissant comme certain que, dès
+l'année 1624, <i>Louis XIII avait commencé à y bâtir un rendez-vous de
+chasse, qu'il avait élevé sur le lieu le plus éminent, et où était situé
+ci-devant, un moulin à vent</i>.</p>
+
+<p>Quant à la date de 1632, Louis XIII ne devint véritablement seigneur de
+Versailles qu'à cette époque, en achetant de l'archevêque de Paris la
+terre et seigneurie de Versailles.</p>
+
+<p>Louis XIII aimait beaucoup Versailles; il y prolongeait ses séjours
+pendant la saison des chasses; aussi le <i>Rendez-vous</i> devint une
+habitation qui alla en s'agrandissant jusqu'à la fin de son règne.</p>
+
+<p>Ce château, construit par <i>Lemercier</i>, architecte, du roi, était flanqué
+de quatre pavillons bâtis de pierres et de briques, avec un balcon de
+fer tournant tout autour, et dégageant les appartements du premier
+étage. Suivant l'usage de ce temps, quelques moyens de défense le
+mettaient à l'abri d'un coup de main.<a name="page_016" id="page_016"></a></p>
+
+<p>Une fausse braie ou basse enceinte l'entourait et était précédée d'un
+fossé à fond de cuve, revêtu de briques et de pierres de taille, terminé
+par une balustrade. Ce petit édifice était environné de bois, de plaines
+et d'étangs, dont la nature faisait seule les frais<a name="FNanchor_9_9" id="FNanchor_9_9"></a><a href="#Footnote_9_9" class="fnanchor">[9]</a>.</p>
+
+<p>Tel était encore le château de Louis XIII, lorsque, au mois de novembre
+1630, s'y passa le curieux événement qui porte dans l'histoire le nom de
+<i>journée des Dupes</i>.</p>
+
+<p>Ce fut le seul événement politique de quelque importance qui eut lieu
+dans le château de Versailles pendant le règne de Louis XIII; il est
+donc intéressant de s'y arrêter un moment, d'autant plus qu'il va servir
+à faire reconnaître quelques-unes des distributions du château à cette
+époque.</p>
+
+<p>Dans le mois de septembre 1630, Louis XIII venait de diriger sur
+l'Italie une armée considérable: «Toutes les troupes avaient passé par
+Lyon, et le roi les avait voulu voir l'une après l'autre. S'y trouvant
+beaucoup de soldats bien nouveaux et mal façonnés au métier, pour les
+mieux former, il montrait à quelques-uns comment il fallait porter et
+manier les armes, y prenant un singulier plaisir. Il ne s'occupait pas à
+ceci, néanmoins, sans beaucoup de travail, s'y adonnant pendant la
+chaleur du jour le plus souvent, et pendant les pluies et le mauvais
+temps. Le vingt-deuxième <a name="page_017" id="page_017"></a>jour du mois de septembre, sur les deux à
+trois heures après midi, ayant été toute la matinée bien gai, il se
+sentit attaqué d'un frisson qui fut suivi d'une fièvre continue, avec
+des redoublements chaque nuit, qui donnèrent à ses gens de bien grandes
+appréhensions, sans qu'on lui fît connaître que la fièvre dont il était
+atteint fût si maligne<a name="FNanchor_10_10" id="FNanchor_10_10"></a><a href="#Footnote_10_10" class="fnanchor">[10]</a>.» La maladie du roi allait toujours en
+augmentant; les médecins en désespéraient, et avaient même dit qu'il ne
+passerait pas le 30 septembre. A chaque instant on croyait le voir
+expirer, lorsque <i>Sénéles</i>, médecin du commun de la reine, proposa de
+lui administrer un remède qui, disait-il, devait, en moins de quatre
+heures, ou sauver le roi ou le faire périr. «Les deux reines, dit
+Valdori<a name="FNanchor_11_11" id="FNanchor_11_11"></a><a href="#Footnote_11_11" class="fnanchor">[11]</a>, qui raconte ce fait, voyant l'une son fils, l'autre son
+époux sans espérance, et entièrement abandonné des médecins,
+consentirent à faire l'épreuve, laquelle réussit si heureusement que ce
+monarque, déjà à demi mort, revint dans peu en convalescence<a name="FNanchor_12_12" id="FNanchor_12_12"></a><a href="#Footnote_12_12" class="fnanchor">[12]</a>.»</p>
+
+<p>La reine Anne d'Autriche était depuis longtemps fort en froid avec Louis
+XIII; les soins qu'elle lui rendit dans le cours de sa maladie avaient
+amené<a name="page_018" id="page_018"></a> entre eux une espèce de réconciliation. Anne en profita pour
+seconder sa belle-mère, Marie de Médicis, dans la guerre que celle-ci
+avait déclarée au cardinal de Richelieu. On ne laissa pas respirer le
+roi pendant sa pénible convalescence. Les deux reines profitèrent de sa
+faiblesse, l'étourdirent de violentes accusations contre Richelieu, qui,
+selon elles, n'avait entrepris cette guerre que pour se rendre
+nécessaire, et avait ainsi sacrifié la santé et la vie du roi à son
+ambition; Louis XIII ne trouva d'autre moyen de se débarrasser des
+obsessions de sa mère qu'en lui promettant de prendre un parti définitif
+après son retour à Paris.</p>
+
+<p>Le roi ne tarda pas à quitter Lyon. «Il en sortit sur un brancard, dit
+Ch. Bernard<a name="FNanchor_13_13" id="FNanchor_13_13"></a><a href="#Footnote_13_13" class="fnanchor">[13]</a>, pour aller prendre la rivière à <i>Rouane</i>, d'où il
+arriva en peu de temps à Briare et de là à Versailles, maison qu'il
+avait fait bâtir à quatre lieues de Paris et à deux lieues de
+Saint-Germain-en-Laye. «Elle était petite, pour n'y admettre que peu de
+gens et n'être point troublé dans le repos qu'il cherchait loin des
+importunités de la cour, et afin d'être plus libre dans l'exercice de
+ses chasses, lorsqu'il s'y voulait adonner.» Il fut là quelque temps et
+alla après à Saint-Germain, ne pouvant loger dans son Louvre à Paris,
+d'autant que l'on travaillait à la grande salle, dont jusqu'alors le
+plancher n'avait été construit que de poutres et de solives, qui
+offraient si peu de<a name="page_019" id="page_019"></a> sûreté que lorsqu'on s'y réunissait l'on était
+obligé d'y mettre des étais, et que Sa Majesté avait ordonné de
+remplacer par des voûtes en pierre.»</p>
+
+<p>A peine arrivée à Paris, Marie de Médicis recommence ses instances
+auprès du roi, pour faire éloigner le cardinal. Louis oppose une vive
+résistance aux importunités de sa mère, et insiste sur le besoin qu'il a
+des services de Richelieu. Marie paraît d'abord se rendre; mais,
+toujours poussée par sa haine contre le premier ministre, elle se résout
+enfin à prendre un parti décisif. Cet événement est raconté comme il
+suit par l'auteur des <i>Anecdotes du ministère du cardinal de Richelieu</i>:</p>
+
+<p>«La reine-mère ayant résolu de mettre le feu le jour de saint Martin, 11
+novembre 1630, à la mine qu'elle avait creusée, pour faire sauter en
+l'air et détruire jusqu'aux fondements de la fortune du cardinal, et
+ayant pris ses mesures, pour mieux effectuer son dessein, de se trouver
+seule avec le roi son fils, afin de lui faire toucher au doigt et à
+l'&oelig;il, pour me servir de ses propres termes, toutes les fautes énormes
+que ce prélat avait commises pendant son ministère, les dommages et le
+préjudice que l'État en avait souffert, la mine joua et eut un succès
+bien différent de celui qu'elle et ceux qui l'avaient aidée à la
+fabriquer avaient espéré, car elle écrasa tous les architectes qui en
+avaient donné le plan, et ensevelit sous ses ruines tous ceux qui
+avaient contribué à sa construction.<a name="page_020" id="page_020"></a></p>
+
+<p>»Mais cette intrigue mérite bien que l'on fasse un détail un peu
+circonstancié d'une scène qui fait la plus curieuse époque du règne de
+Louis XIII, et qui à fait donner le nom de <i>journée des dupes</i> au jour
+où elle se passa.</p>
+
+<p>»La reine-mère étant donc convenue avec le roi son fils qu'il la
+viendrait voir le jour de saint Martin, dans la matinée, à son palais du
+Luxembourg, à l'insu du cardinal, feignit d'avoir pris médecine ce
+jour-là, afin d'avoir un prétexte apparent de défendre l'entrée de sa
+chambre à qui que ce fût, pour pouvoir entretenir ce monarque en
+particulier plus à son aise. Ce prince faisait cependant cette visite
+secrètement, de concert avec son premier ministre, du moins à ce qu'en
+publia pour lors la renommée; mais, quoi qu'il en soit, cette princesse
+mit en ce moment tout en usage, et employa tout l'art du monde pour
+persuader à son fils qu'il était trompé et trahi par le cardinal. Elle
+lui fit là-dessus une longue énumération de toutes les fautes, de toutes
+les bévues et de tous les manquements de ce ministre. Elle fit ensuite
+tous ses efforts, pour tirer parole de lui qu'il le chasserait, qu'il ne
+l'admettrait jamais plus à ses conseils. Elle n'eut aucun scrupule
+d'exiger du roi, au milieu des acclamations publiques qu'il recevait
+pour son heureuse convalescence et l'heureux succès de ses armes en
+Italie, où ce prélat avait eu tant de part, une chose aussi honteuse
+pour sa réputation, qui était celle de sacrifier un si digne<a name="page_021" id="page_021"></a> serviteur,
+et de le faire servir de victime au ressentiment de sa mère, et de faire
+voir à toute l'Europe, par la disgrâce de celui qui était l'âme de tous
+ses conseils, qu'il se repentait de ce qu'il avait fait pendant tout le
+temps qu'il avait été son premier ministre. Comme la reine était au plus
+fort de son discours, et qu'elle pressait vivement son fils de lui
+accorder ce qu'elle désirait de lui avec tant d'instances, le cardinal
+entra brusquement dans sa chambre; il en avait trouvé, à la vérité, la
+porte fermée, avec défenses très-expresses à l'huissier de l'ouvrir à
+personne et surtout à lui, s'il s'y présentait; mais comme il
+connaissait toutes les issues de ce palais, il s'en fut à la garde-robe
+de cette princesse, et se fit introduire par là dans la chambre, ayant
+gagné pour cet effet une de ses femmes nommée <i>Zuccole</i>, qui, étant dans
+la confidence de sa maîtresse, était restée seule de garde en cet
+endroit-là<a name="FNanchor_14_14" id="FNanchor_14_14"></a><a href="#Footnote_14_14" class="fnanchor">[14]</a>. Voilà de quelle manière il parvint jusqu'au lieu<a name="page_022" id="page_022"></a> où la
+mère et le fils s'entretenaient tête à tête sur son sujet et où il
+servait d'ample matière à leur conversation. Ce fut la faute de la
+reine, si elle fut ainsi interrompue; car ses plus fidèles domestiques
+lui avaient conseillé, pour obvier à toutes sortes d'inconvénients, de
+faire fermer cette porte de communication dans sa chambre, et d'en tenir
+elle-même les clefs sous sa main.»</p>
+
+<p>L'auteur des <i>Anecdotes</i> raconte ensuite la scène qui eut lieu entre la
+reine Marie de Médicis et le cardinal, la soumission apparente de
+Richelieu, les cris et les emportements de la reine; puis il ajoute: «Le
+cardinal se tourna du côté du roi et le supplia de vouloir bien lui
+permettre de se retirer quelque part pour y passer le reste de ses jours
+en repos, n'étant pas juste que Sa Majesté se servît de lui et le
+continuât dans le ministère contre les volontés de la Reine. A ces
+paroles, ce monarque, témoignant avoir envie de déférer aux désirs de sa
+mère, lui accorda sa demande et lui ordonna de sortir. Il ne fut plus
+question que du choix d'un nouveau ministre; mais cette princesse, qui
+l'avait déjà désigné en elle-même, proposa à son fils le garde des
+sceaux, de Marillac, dont le roi approuva l'élection et consentit qu'il
+fût<a name="page_023" id="page_023"></a> revêtu de la dignité de premier ministre. Après quoi la mère et le
+fils se séparèrent.</p>
+
+<p>»La reine, pleine de joie et de contentement, resta dans son palais du
+Luxembourg, s'applaudissant en elle-même d'avoir si bien réussi dans son
+dessein. Le bruit de la disgrâce du cardinal et de l'élévation de
+Marillac s'étant répandu dans un instant de tous côtés, les affections
+des courtisans changèrent d'objets dans le moment, la faveur ayant
+coutume d'attirer à soi les c&oelig;urs, de même que la lumière d'un nouvel
+astre attire les regards de tout le monde; aussi le cardinal se vit tout
+d'un coup délaissé de toute la cour, à l'exception de ses parents et
+d'un petit nombre d'amis qui étaient le plus avant dans sa confidence.</p>
+
+<p>»Le roi, au partir du Luxembourg, s'en alla tout droit à son château de
+Versailles, où la reine-mère ne le suivit point, contre le sentiment de
+tous ses serviteurs, et particulièrement du vicomte <i>Fabroni</i>, qui lui
+conseillait d'y accompagner son fils et de ne le point perdre de vue
+qu'elle n'eût mis la dernière main à la disgrâce du cardinal, et qu'elle
+ne l'eût fait chasser de Paris et de la cour. Énivrée de sa prospérité
+présente, elle en voulut goûter toutes les douceurs, et s'amusa à
+recevoir les compliments et les congratulations que tout Paris lui
+venait faire sur le recouvrement de son autorité perdue. Mais, tandis
+qu'elle avalait à longs traits le doux poison de la flatterie, qu'elle
+écoutait avec plaisir toutes les louanges<a name="page_024" id="page_024"></a> qu'un chacun lui donnait sur
+l'admirable conduite qu'elle avait tenue dans cette affaire, et qu'elle
+disposait déjà des principaux emplois de l'État en faveur de ses
+confidents, le cardinal de Richelieu, conseillé et encouragé par le
+cardinal de la Valette, qui vivait dans une étroite amitié avec lui, de
+faire une dernière tentative auprès du roi pour essayer de se maintenir
+dans le poste qu'il occupait, en dépit de ses ennemis, et de ne leur pas
+céder une victoire si aisée, s'en fut trouver ce prince à Versailles.</p>
+
+<p>«Entre plusieurs raisons dont ce véritable ami se servit pour lui
+persuader ce voyage, il employa celle de ce commun proverbe des
+Français, que, <i>qui quitte la partie la perd</i>. Le cardinal et le garde
+des sceaux de Marillac arrivèrent en même temps à la cour: le premier
+sous prétexte de prendre congé de Sa Majesté, et le second à dessein de
+remplir sa place et de prendre possession de l'emploi de premier
+ministre; <i>les fourriers lui avaient déjà marqué dans le château le
+logement qui était attaché aux fonctions de cette charge</i>; mais les
+choses changèrent bientôt de face, et bien des gens furent pris pour
+dupes. On reconnut alors que les courtisans s'étaient lourdement abusés
+dans l'empressement qu'ils avaient témoigné à congratuler le nouveau
+ministre, et que le c&oelig;ur et la conduite des princes sont impénétrables;
+car le cardinal de Richelieu ayant été bien servi auprès du roi par M.
+de Saint-Simon, qui était lors son favori, il arriva que, comme ce
+premier ministre prenait congé<a name="page_025" id="page_025"></a> de lui en compagnie du cardinal <i>de la
+Valette</i>, Sa Majesté, au lieu de lui octroyer la permission qu'il lui
+demandait de se retirer, lui ordonna, au contraire, de demeurer et de
+continuer l'exercice de son emploi, lui disant de plus «de ne point
+s'inquiéter, qu'il trouverait bien le moyen d'apaiser sa mère, et de la
+faire consentir à ce qu'il faisait, en ôtant d'auprès d'elle les
+personnes qui lui donnaient de pernicieux conseils.»</p>
+
+<p>»Cette scène se passa publiquement dans la chambre du roi; mais le
+cardinal avait été secrètement introduit, un peu avant, <i>par un escalier
+dérobé dans le cabinet de ce monarque</i>, avec lequel il avait eu un assez
+long entretien qui avait produit tout l'effet qu'il en pouvait attendre;
+car ce prince, persuadé, par toutes les raisons qu'il lui avait
+alléguées pour sa justification, qu'il était fidèlement et uniquement
+attaché à sa personne et au bien de son royaume, lui avait redonné son
+affection et toute sa confiance. Il était, de plus, convenu avec lui de
+toutes les choses qui se passèrent ensuite dans sa chambre, afin que la
+victoire qu'il remportait sur ses ennemis en parût plus éclatante. Ce
+fut M. de Saint-Simon qui lui rendit un service si important, en
+ménageant cette secrète entrevue entre Sa Majesté, et en le conduisant
+lui-même, à l'insu de tout le monde, dans le cabinet du roi.»</p>
+
+<p>Charles Bernard, racontant le même fait dans son Histoire de Louis XIII,
+dit: «Le roi, qui recognoissait<a name="page_026" id="page_026"></a> bien d'où le mal pouvoit venir, résolut
+de le terminer. Il savoit qui estoient les artisans de ces divisions, si
+bien que s'en allant en sa maison de Versailles, il commanda au cardinal
+et au garde des sceaux, chacun à Paris, de l'y suivre. Il n'avoit encore
+mené en ce lieu pas un conseil, ayant fait bastir cette petite maison
+pour se distraire entièrement des affaires....</p>
+
+<p>»Cependant, les deux personnages qui estoient les premiers du conseil du
+roy, pour obéir au commandement de Sa Majesté, le suivirent et eurent un
+divers événement de leur arrivée: le garde des sceaux ayant eu
+commandement d'aller <i>loger à Glatigny</i>, le roy lui ayant fait dire
+qu'il lui ferait le lendemain savoir sa volonté; au lieu que le cardinal
+fut logé dans le chasteau de Versailles, sous la chambre du roy, en
+celle où l'on avoit coutume de loger M. le comte de Soissons<a name="FNanchor_15_15" id="FNanchor_15_15"></a><a href="#Footnote_15_15" class="fnanchor">[15]</a>, et dès
+le soir il entra en conseil avec Sa Majesté.»</p>
+
+<p>Telle fut cette <i>journée</i>, dans laquelle les Marillac<a name="FNanchor_16_16" id="FNanchor_16_16"></a><a href="#Footnote_16_16" class="fnanchor">[16]</a>, les Guise, la
+princesse de Conti et les autres partisans de la reine-mère, qui se
+croyaient arrivés au sommet des grandeurs par la chute du cardinal, se<a name="page_027" id="page_027"></a>
+virent, les uns destitués de leurs emplois; d'autres chassés de la cour,
+et plusieurs emprisonnés.</p>
+
+<p>«Le pauvre maréchal de Bassompierre lui-même, dit Valdori, tout fin et
+délié courtisan qu'il était, se trouva, par les engagements qu'il avait
+avec l'incomparable princesse de Conti, compris au nombre des
+malheureux. Il fut envoyé à la Bastille, d'où il ne sortit, qu'après la
+mort du cardinal.»</p>
+
+<p>Ce récit éclaire plusieurs détails intéressants du château de
+Versailles. Et d'abord, on voit que Louis XIII avait fait bâtir une
+petite maison <i>pour n'y admettre que peu de gens et n'être point troublé
+dans le repos qu'il y cherchait loin des importunités de la cour</i>; et,
+par conséquent, on conçoit très-bien que Bassompierre ait pu l'appeler
+le <i>chétif château de Versailles</i>. Ce fut plus tard, et quand il eut
+acheté le domaine de Versailles de Jean-François de Gondi, qu'il y
+ajouta de nouvelles constructions et en fit un palais de quelque
+importance.</p>
+
+<p>Ce qui vient d'être dit peut aussi servir à retrouver dans le château
+quelques anciennes distributions existant encore aujourd'hui.</p>
+
+<p>Quand Louis XIV fit faire ses grands travaux de Versailles, il voulut
+conserver religieusement le château de son père. Dans les premières
+années de son règne, il fit commencer les embellissements des jardins,
+et y donna les grandes fêtes de 1664 et 1668; la distribution des
+appartements du château de Louis XIII était restée la même, et les
+chefs-d'&oelig;uvre<a name="page_028" id="page_028"></a> de peinture et de sculpture que Louis XIV commençait à y
+accumuler, étaient tout ce que l'on y voyait de nouveau.</p>
+
+<p>En 1671, Félibien, historiographe des bâtiments du roi, donna la
+première description du château de Versailles et des embellissements
+qu'y faisait exécuter Louis XIV. On voit dans cette description que la
+pièce du milieu, qui devint plus tard la chambre à coucher de Louis XIV,
+et dans laquelle mourut ce roi, formait alors un salon comme au temps de
+Louis XIII; que ce qui est devenu depuis le salon de l'&OElig;il-de-B&oelig;uf,
+était divisé en deux pièces, dont l'une, la plus près du salon central,
+formait la chambre à coucher du roi, et dont l'autre était un cabinet ou
+antichambre; que dans cette antichambre ouvrait un escalier dérobé
+communiquant avec les appartements du rez-de-chaussée. Ces pièces, de
+l'ancien château de Louis XIII, étaient donc restées comme au temps de
+ce roi.</p>
+
+<p>Voyons dans le récit précédent ce qui se rapporte aux appartements du
+château.</p>
+
+<p>«Cette scène, dit Valdori, se passa publiquement dans la chambre du roi;
+mais le cardinal avait été secrètement introduit, un peu auparavant; par
+un escalier dérobé, dans le cabinet de ce monarque.»</p>
+
+<p>Charles Bernard ajoute de son côté: «Que le cardinal fut logé dans le
+château de Versailles, sous la chambre du roi, en celle où l'on avoit
+coustume de<a name="page_029" id="page_029"></a> loger M. le comte de Soissons, et que dès le soir il entra
+en conseil avec Sa Majesté.»</p>
+
+<p>Ainsi l'appartement <i>où l'on avait coutume de loger M. le comte de
+Soissons</i>, comme grand-maître de la maison du roi, était au-dessous de
+la chambre à coucher de Louis XIII; conséquemment à l'endroit occupé
+aujourd'hui par la salle des portraits des rois de France, et c'est là
+que Richelieu coucha la nuit de ce célèbre événement. L'<i>escalier
+dérobé</i>, par lequel Saint-Simon vint le chercher pour le conduire dans
+le <i>cabinet du roi</i>, existe encore dans un petit couloir placé à l'angle
+sud-ouest de cette salle, et aboutit au premier étage à l'angle
+correspondant du salon de l'&OElig;il-de-B&oelig;uf, et par conséquent à la partie
+du cabinet précédant la chambre à coucher du roi. Il est donc évident
+que dans l'état actuel du château de Versailles, et malgré toutes les
+transformations qu'il a subies depuis son origine, on peut suivre
+encore, dans ses détails les plus intéressants, la principale scène de
+cette grande comédie historique appelée <i>la journée des dupes</i><a name="FNanchor_17_17" id="FNanchor_17_17"></a><a href="#Footnote_17_17" class="fnanchor">[17]</a>.<a name="page_030" id="page_030"></a></p>
+
+<h3><a name="II" id="II"></a>II<br /><br />
+LA NAISSANCE DU DUC DE BOURGOGNE.<br />
+<br />
+1682.</h3>
+
+<p class="c">&mdash;&mdash;&mdash;&mdash;</p>
+
+<p>Anne-Marie-Victoire de Bavière, princesse d'une constitution délicate,
+épousa, au mois de janvier 1680, le dauphin, fils de Louis XIV. La
+première année de ce mariage ne fut qu'une longue série de fêtes pour la
+jeune dauphine. Mais quand, vers la fin de 1681, l'on eut la certitude
+de sa grossesse, de grandes précautions, commandées par la faiblesse de
+son organisation, lui furent imposées. Tout le monde s'intéressait à
+cette princesse et attendait avec anxiété l'époque de sa délivrance. La
+naissance d'un petit-fils était surtout le désir le plus ardent de Louis
+XIV, et il voyait approcher ce moment avec une joie mêlée de quelques
+inquiétudes.</p>
+
+<p>Une première pensée dut se présenter à lui dans une conjoncture aussi
+grave: à qui remettrait-on le soin d'accomplir cette opération
+importante? à un accoucheur ou à une sage-femme?</p>
+
+<p>Aujourd'hui le choix serait bientôt fait, ou plutôt<a name="page_031" id="page_031"></a> il n'y en aurait
+pas. Mais il n'en était pas ainsi à cette époque. Les accoucheurs
+n'étaient pas répandus comme ils le sont actuellement, et la science
+obstétricale était presque entièrement confiée à des femmes. Non pas que
+depuis longtemps d'illustres chirurgiens n'eussent pratiqué des
+accouchements, mais en général c'était dans des cas exceptionnels et
+difficiles, et dans l'ordre ordinaire des choses, l'on voyait les
+accouchements confiés presque exclusivement à des sages-femmes. Déjà,
+cependant, les femmes avaient moins de répugnance à se remettre dans les
+mains des hommes, et quelques accoucheurs célèbres étaient parvenus à se
+faire une brillante réputation parmi les dames de la cour, de la
+magistrature et de la haute bourgeoisie. Mais le plus grand nombre des
+femmes grosses choisissaient des accoucheuses pour les délivrer, et les
+reines, Marie de Médicis, épouse de Henri IV; Anne d'Autriche, épouse de
+Louis XIII; et Marie-Thérèse, épouse de Louis XIV, avaient été
+accouchées par des femmes. Il semblait donc tout naturel que dans cette
+circonstance, le roi choisît une sage-femme pour accoucher la dauphine.
+Il n'en fut cependant pas ainsi, et un chirurgien fut chargé de cette
+importante opération. On a déjà dit que la dauphine était d'une
+constitution délicate, et que le roi redoutait beaucoup ce moment; il
+voulut donc la remettre entre les mains d'un homme habile et ayant toute
+sa confiance, et il désigna pour accoucheur <i>Clément</i>.<a name="page_032" id="page_032"></a></p>
+
+<p><i>Clément</i> (Julien) était alors l'accoucheur le plus célèbre de Paris. Né
+en 1638, à Arles, il vint fort jeune à Paris pour étudier l'art des
+accouchements. Gendre et élevé de <i>Lefebvre</i>, autre accoucheur en renom
+de la même époque, il acquit bientôt une grande réputation; et par son
+habileté et le talent qu'il montra dans quelques occasions dangereuses,
+il contribua beaucoup à la véritable révolution qui fit préférer les
+accoucheurs aux sages-femmes, révolution achevée surtout par le choix
+que Louis XIV fit de lui pour la dauphine.</p>
+
+<p>La réputation de Clément ne l'avait pas seule indiqué au choix de Louis
+XIV. Amené mystérieusement auprès de madame de Montespan quand elle mit
+au monde le duc du Maine, il avait continué de l'assister dans ses
+autres accouchements, et le roi avait pu ainsi apprécier ses
+talents<a name="FNanchor_18_18" id="FNanchor_18_18"></a><a href="#Footnote_18_18" class="fnanchor">[18]</a>.</p>
+
+<p>L'accoucheur choisi, il fallait s'occuper de prendre une nourrice.
+Celles-ci ne manquèrent point; et il en vint s'offrir de tous côtés. On
+était dans l'usage de les choisir vers le septième mois de la grossesse.</p>
+
+<p>Peut-être paraîtra-t-il curieux de connaître les conditions exigées
+alors pour être la nourrice d'un prince.&mdash;Elle devait être âgée de
+vingt-deux à trente ans,&mdash;avoir un lait de trois mois,&mdash;avoir déjà fait
+une nourriture étrangère,&mdash;être d'un tempérament sanguin,&mdash;avoir les
+cheveux noirs ou<a name="page_033" id="page_033"></a> d'un châtain brun,&mdash;avoir une constitution forte et
+robuste,&mdash;être assez grasse,&mdash;avoir bon appétit,&mdash;et n'être délicate ni
+sur le boire, ni sur le manger,&mdash;être gaie et de bonne humeur,&mdash;avoir
+toujours le mot pour rire,&mdash;n'être sujette à aucune incommodité,&mdash;ne
+sentir mauvais ni de la bouche, ni des aisselles, ni des pieds,&mdash;n'avoir
+point de dents gâtées et les avoir toutes,&mdash;avoir la peau blanche et
+nette,&mdash;enfin avoir tous les signes d'une bonne santé.&mdash;Il fallait de
+plus qu'elle fût assez jolie,&mdash;gracieuse dans son parler,&mdash;bien faite
+dans sa taille,&mdash;ni trop grande, ni trop petite, ni bossue, ni boiteuse,
+et qu'elle n'eût aucun accent prononcé.&mdash;Mais ce qu'on exigeait surtout,
+c'était que la gorge fût bien faite et contînt suffisamment de
+lait.&mdash;Quant au lait, on n'avait pas alors les moyens que l'on possède
+actuellement pour juger de sa bonté, et l'on s'en rapportait à son
+aspect et à son goût.</p>
+
+<p>Quand une nourrice réunissait toutes ces qualités, on exigeait encore
+d'elle, et par-dessus tout, qu'elle fût de bonne vie et m&oelig;urs. C'était
+sans doute, et c'est encore aujourd'hui une très-bonne précaution de
+s'informer de la sagesse de la femme à laquelle on va confier son bien
+le plus cher. Mais comment le savoir positivement? Et d'ailleurs, ne se
+peut-il pas que quelque grave affection soit venue atteindre une
+nourrice, sans que pour cela elle ait en rien manqué à une conduite sage
+et réglée? Une histoire arrivée<a name="page_034" id="page_034"></a> dans une circonstance analogue, et
+racontée par <i>Louise Bourgeois</i>, la célèbre accoucheuse de Marie de
+Médicis, montre combien l'on peut être encore trompé malgré toutes ces
+précautions: «La reine étant grosse de madame sa fille aînée, dit madame
+Bourgeois, alla à Fontainebleau pour y faire ses couches, et partit en
+octobre de Paris après la moitié du mois, où étant arrivée l'on avait
+quantité de nourrices qui importunaient tellement le roi et la reine, et
+tout le monde, que Leurs Majestés en remirent l'élection à
+Fontainebleau, où il ne manqua d'en venir de tous côtés. L'on attendit
+proche de l'accouchement de la reine à en faire l'élection. Il vint un
+homme, lequel avait envoyé sa femme pour être nourrice, laquelle avait
+une petite fille fort délicate et menue. La femme était bien honnête, et
+de gens de bien, en faveur de quoi il se trouva des plus signalés
+seigneurs de la cour qui en parlèrent d'affection aux médecins. Ce fut
+une affaire qui me donna bien de la peine. Elle logea chez une de mes
+amies, laquelle s'employa de bon c&oelig;ur pour elle; elle me priait aussi
+d'y faire ce que je pourrais. Je voyais son enfant extrêmement menu,
+mais elle était appropriée à son avantage, de sorte que la hard parait
+le fagot. Quand on m'en parlait, je ne pouvais répondre gaiement, à
+cause que sa nourriture ne m'agréait guère. Je fus un jour, comme
+j'avais coutume, la voir, où j'entendis nommer cette nourrice du nom de
+son mari. Je me ressouvins que c'était le nom<a name="page_035" id="page_035"></a> d'un jeune homme que mon
+mari<a name="FNanchor_19_19" id="FNanchor_19_19"></a><a href="#Footnote_19_19" class="fnanchor">[19]</a> avait traité de la v..., lequel avait voulu sortir sans
+attendre qu'il eût été guéri.... Je fus bien empêchée et eusse voulu ne
+l'avoir jamais vue.... Elle fut retenue, et aussitôt on fit état de
+renvoyer toutes les autres; c'était l'heure du dîner. Je fis chercher M.
+du Laurens<a name="FNanchor_20_20" id="FNanchor_20_20"></a><a href="#Footnote_20_20" class="fnanchor">[20]</a>, lequel était allé dîner en compagnie. Comme je vis qu'il
+ne se trouvait pas, et qu'il n'eût pas été à propos de le dire quand les
+autres nourrices eussent été renvoyées, je priai mademoiselle Cervage,
+femme de chambre de la reine, de lui aller dire de ma part.... La reine
+le dit aussitôt au roi, lequel dit tout haut «que des nourrices venaient
+de loin pour le tromper», devant tout le monde. Il envoya chercher M. du
+Laurens et les autres médecins, lesquels me vinrent trouver pour savoir
+la vérité, et comment, si je vérifierais cela. Je leur dis le tout, et
+que pour preuve, il y avait un valet de chambre de M. <i>de Beaulieu-Rusé</i>
+qui, demeurant en notre logis, l'avait aidé à panser, qui en pourrait
+dire la vérité, et un autre qui était chirurgien à Auxerre, qui avait
+été en même temps chez nous. Comme cela fut vérifié, l'on fit une autre
+élection de nourrice.»</p>
+
+<p>La conséquence à tirer de cette histoire, c'est que, malgré tous les
+certificats, on peut encore être trompé; car, si le hasard n'avait pas
+fait connaître à l'accoucheuse de la reine l'état antérieur du mari de<a name="page_036" id="page_036"></a>
+cette femme, elle aurait été parfaitement acceptée pour nourrice de la
+fille du roi. Ainsi donc, s'il est bon, en tout état de choses, de
+tâcher d'avoir les meilleurs renseignements sur la vie antérieure d'une
+nourrice, il faut cependant, sous ce rapport, s'en remettre un peu à la
+grâce de Dieu.</p>
+
+<p>Voici, du reste, comment on s'y prit pour la Dauphine: On choisit
+d'abord les quatre meilleures nourrices, c'est-à-dire celles qui
+remplissaient le mieux les conditions déjà indiquées, et l'on prit leurs
+noms et leurs demeures; puis, le premier médecin envoya un homme de
+confiance pour procéder aux informations. Cet homme s'adressa aux curés
+pour avoir un certificat constatant <i>qu'elles étaient de la religion
+catholique, qu'elles servaient bien Dieu, et qu'elles fréquentaient les
+sacrements</i>. Il obtint ensuite un certificat des chirurgiens de chacune
+d'elles, assurant qu'ils n'avaient connu dans leurs familles aucune
+personne atteinte de maladies contagieuses, ni écrouelles, ni épilepsie.
+Après avoir obtenu ces deux certificats, il assembla les voisins, qui
+attestèrent qu'elles étaient de bonne conduite, et qu'elles avaient
+toujours bien vécu avec leurs maris et leurs voisins. Une fois cette
+enquête terminée, on les mit chez la gouvernante des nourrices, où
+chacune d'elles avait une chambre et nourrissait son enfant en attendant
+l'accouchement de la Dauphine; et sitôt qu'elle fut accouchée, les
+médecins vinrent visiter ces nourrices, choisirent celle qu'ils
+considérèrent alors comme<a name="page_037" id="page_037"></a> la meilleure, et les trois autres restèrent
+chez la gouvernante, pour n'en pas manquer en cas qu'on fût dans la
+nécessité d'en changer. La nourrice choisie fut ensuite gardée à vue par
+une femme qui ne la quittait point, pour qu'elle ne pût approcher de son
+mari, car on craignait qu'elle ne devînt grosse et ne donnât à l'enfant
+de mauvais lait.</p>
+
+<p>On était très-rigide sur cette séparation des maris, et <i>Dionis</i><a name="FNanchor_21_21" id="FNanchor_21_21"></a><a href="#Footnote_21_21" class="fnanchor">[21]</a>
+raconte à ce sujet ce qui arriva à l'une des premières nourrices de
+Louis XIV.&mdash;Cette nourrice était de Poissy. La cour habitait à cette
+époque le château neuf de Saint-Germain. Louis XIII, ravi d'avoir un
+fils, l'allait voir tous les jours et s'entretenait avec la nourrice.
+Celle-ci lui raconta plusieurs aventures amoureuses arrivées entre les
+dames de Poissy et les mousquetaires de quartier. Le roi en fit quelques
+réprimandes à leur commandant, en lui ordonnant de mieux veiller sur
+leur conduite. Un jour le mari de la nourrice, impatient de voir sa
+femme, rôdait autour du château. La nourrice l'ayant aperçu descendit un
+moment pour lui parler sur une des terrasses du jardin. Malheureusement
+pour elle, elle fut vue du mousquetaire en sentinelle sur cette
+terrasse. Ne voulant pas perdre une si belle occasion de se venger des
+discours tenus par elle au roi sur leurs aventures, il la dénonça, et
+elle fut immédiatement changée.<a name="page_038" id="page_038"></a></p>
+
+<p>L'accouchement tant désiré de la Dauphine eut lieu au mois d'août 1682.
+Le roi venait de fixer depuis quelques mois son séjour à Versailles, et
+cette ville présenta alors le plus curieux spectacle.</p>
+
+<p>Depuis près d'un mois, Clément était établi dans les appartements du
+château, lorsque le mardi 4, dans la soirée, la Dauphine ressentit les
+premières douleurs. Depuis ce moment jusqu'au jeudi 6, jour de la
+délivrance, l'accoucheur ne quitta plus la princesse. Aussitôt les
+premières douleurs, la Dauphine fit prévenir la reine et la pria de n'en
+rien dire, pour éviter dans ces premiers moments le trouble que cette
+nouvelle allait jeter parmi tout le monde. Le Dauphin vint aussi et ne
+quitta pas la chambre de la nuit. Cependant, comme elle souffrait de
+plus en plus, vers une heure du matin le bruit s'en répandit dans tout
+le château.</p>
+
+<p>Lorsque les reines accouchaient, on préparait près de leur chambre
+ordinaire une autre chambre où devait se terminer l'accouchement, et
+dans laquelle se tenaient toutes les personnes ayant le droit d'y
+assister. C'était dans cette dernière chambre qu'étaient le lit où elles
+restaient après l'accouchement et le lit de travail. Celui-ci était
+placé dans une espèce de petite tente pour la reine, le roi,
+l'accoucheuse et les aides. Cette tente était entourée d'une autre,
+beaucoup plus grande, pour les assistants. Ce cérémonial ne fut pas
+suivi pour la Dauphine, et l'accouchement se fit dans sa chambre à
+coucher.<a name="page_039" id="page_039"></a></p>
+
+<p>Bientôt toute la cour fut en mouvement. Les princes et les princesses du
+sang se rendirent aussitôt chez la Dauphine. Les cours, les places, le
+chemin de Versailles à Paris, furent éclairés presque comme en plein
+jour par la grande quantité de torches et de lumières de toute espèce
+des allants et des venants.</p>
+
+<p>Les antichambres de l'appartement de la Dauphine et la galerie qui y
+menait ne tardèrent pas à être encombrées par tous les habitants du
+château et de ses environs. Cet appartement était situé à l'extrémité de
+l'aile du sud, vis-à-vis la pièce d'eau des Suisses, dans le pavillon de
+la surintendante de la maison de la reine<a name="FNanchor_22_22" id="FNanchor_22_22"></a><a href="#Footnote_22_22" class="fnanchor">[22]</a>.</p>
+
+<p>Malgré tout ce mouvement, on n'avait pas encore jugé nécessaire
+d'éveiller le roi. Cependant, sur les cinq heures du matin, on vint lui
+apprendre l'état de la princesse. Il se leva aussitôt, et après
+l'assurance que rien ne pressait encore, il ordonna d'adresser des
+prières au ciel, et entendit immédiatement la messe. Vers six heures, il
+se rendit chez la Dauphine, afin de savoir par lui-même où tout en
+était.</p>
+
+<p>La cour grossissait à tout moment. Les moins diligents se rendaient de
+toutes parts aux environs<a name="page_040" id="page_040"></a> de l'appartement de la jeune malade, d'où
+l'on ne pouvait approcher, tandis que le reste du château paraissait
+désert.</p>
+
+<p>Vers neuf heures, le roi, voyant diminuer les douleurs de sa
+belle-fille, sortit de chez cette princesse pour aller au conseil; et la
+plupart des princes et princesses, ayant veillé toute la nuit,
+profitèrent de ce moment pour prendre quelques heures de repos.</p>
+
+<p>La reine passa toute cette matinée en prière ou auprès de la princesse.
+Le roi y revint encore aussitôt que le conseil fut terminé. Il la trouva
+assez calme, y demeura quelque temps, voulut qu'elle mangeât pendant
+qu'il était là et sortit ensuite avec la reine, chez laquelle il vint
+dîner accompagné de tous les princes. Vers la fin du dîner, on lui
+annonça que la Dauphine reposait. Jugeant alors sa présence inutile, il
+laissa la reine dans son appartement, et alla, selon sa coutume,
+travailler dans son cabinet.</p>
+
+<p>L'un des premiers soins de ce prince avait été d'ordonner des prières
+dans toutes les églises de Paris et de Versailles, et de faire
+distribuer des aumônes considérables dans ces deux villes.</p>
+
+<p>Les douleurs de la Dauphine la reprirent avec force vers l'après-dinée;
+le roi revint immédiatement auprès d'elle.</p>
+
+<p>Pendant tout ce temps, la plupart des ambassadeurs, des envoyés et des
+résidents des princes étrangers se rendirent à Versailles, afin d'être
+prêts<a name="page_041" id="page_041"></a> à faire partir des courriers à leurs cours aussitôt après
+l'accouchement.</p>
+
+<p>La reine n'avait point quitté l'appartement de la Dauphine depuis ses
+premières douleurs; les voyant se continuer avec énergie, elle fit
+apporter dans la chambre les reliques de sainte Marguerite, que l'on
+était dans l'usage d'exposer dans la chambre des reines quand elles
+accouchaient; puis on dressa le lit de travail. Ce lit, conservé dans le
+garde-meuble du roi, avait déjà servi aux reines <i>Anne d'Autriche</i> et
+<i>Marie-Thérèse</i><a name="FNanchor_23_23" id="FNanchor_23_23"></a><a href="#Footnote_23_23" class="fnanchor">[23]</a>.</p>
+
+<p>Les femmes de la Dauphine entrèrent alors, arrangèrent ses cheveux, et
+lui mirent sur la tête de grosses cornettes, comme c'était l'usage, pour
+qu'elle n'attrapât point de froid.</p>
+
+<p>Toute la nuit du 5 au 6 se passa encore dans des douleurs de plus en
+plus vives et prolongées, surtout vers le matin.</p>
+
+<p>Les soins et les prières de la reine redoublèrent. Tous les services
+qu'une femme est si heureuse de<a name="page_042" id="page_042"></a> recevoir dans cet instant solennel
+furent rendus à la Dauphine avec empressement par la reine et les
+princesses du sang.</p>
+
+<p>Le roi lui-même cherchait à l'encourager et était rempli d'attentions
+pleines de bonté. A plusieurs reprises, aidé du Dauphin, il la soutint
+pendant qu'elle se promenait dans sa chambre, et comme les douleurs ne
+discontinuèrent plus, il y passa la nuit sans vouloir prendre un moment
+de repos.</p>
+
+<p>Pendant cette soirée du mercredi, la nuit du mercredi au jeudi et la
+matinée du jeudi jusqu'à l'heure de la délivrance, il n'est sorte de
+mots doux et affectueux qui n'aient été échangés entre Louis XIV et la
+Dauphine. Le jeudi, le roi ne se reposa pas un moment. Le matin, il
+entendit la messe; puis il tint conseil comme à l'ordinaire; car l'on
+sait que c'était un des devoirs qu'il s'était imposés, et que rien ne
+pouvait empêcher. Immédiatement après le conseil, il revint chez la
+Dauphine.</p>
+
+<p>La longueur du travail commençait à donner de l'inquiétude à tous les
+assistants, et les visages semblaient abattus et consternés. <i>Clément</i>
+seul, pendant tout ce temps, paraissait impassible. Il s'était assuré, à
+plusieurs reprises, de l'état de la princesse; il n'avait reconnu à
+l'accouchement aucun obstacle important, et il avait déjà prévenu le roi
+que si, par suite de la constitution assez grêle de la Dauphine,
+l'accouchement devait être long, il devait cependant se terminer sans
+accident. Le roi, on l'a déjà dit,<a name="page_043" id="page_043"></a> avait une entière confiance dans
+l'accoucheur; il s'en rapporta complétement à son savoir, attendit avec
+patience l'instant qui allait combler ses v&oelig;ux, et convint avec lui
+qu'afin de savoir le premier le sexe de l'enfant au moment de la
+naissance, il lui demanderait <i>ce que c'était</i>, et que Clément
+répondrait: Je ne sais pas, Sire,&mdash;si c'était une fille; et je ne sais
+point <i>encore</i>, Sire,&mdash;si c'était un fils.</p>
+
+<p>Les douleurs devenant de plus en plus vives et prolongées, Clément jugea
+nécessaire de faire pratiquer une saignée, et les médecins furent tous
+de cet avis.</p>
+
+<p>Aussitôt les apothicaires apportèrent du vinaigre, de l'eau de la reine
+de Hongrie et un verre rempli d'eau, dans le cas où la princesse aurait
+une faiblesse. Le chirurgien Dionis pratiqua la saignée. On était alors
+dans l'usage de fermer les volets et de se servir de bougies afin de
+mieux voir la veine. C'est ce qu'on fit pour la Dauphine. Le premier
+médecin du roi tint la bougie, et le premier apothicaire tint les
+<i>poilettes</i><a name="FNanchor_24_24" id="FNanchor_24_24"></a><a href="#Footnote_24_24" class="fnanchor">[24]</a>.</p>
+
+<p>Après la saignée, les douleurs reprirent de l'intensité, et tout
+annonçait la prompte terminaison de l'accouchement. Pour soutenir les
+forces de la Dauphine, le roi voulut qu'on lui donnât de temps à autre
+de son <i>rossolis</i><a name="FNanchor_25_25" id="FNanchor_25_25"></a><a href="#Footnote_25_25" class="fnanchor">[25]</a>.</p>
+
+<p>Clément, jugeant que l'instant de la délivrance<a name="page_044" id="page_044"></a> approchait, en prévint
+le roi. La Dauphine fut placée sur le lit de travail, et le roi ordonna
+de faire entrer toutes les personnes qui devaient assister à cet acte
+solennel.</p>
+
+<p>Alors se trouvaient dans la chambre le roi, la reine, le Dauphin,
+Monsieur, Madame, Mademoiselle d'Orléans, et les princes et princesses
+du sang, qu'on avait mandés à cause du droit que leur donnait leur
+naissance d'être présents à l'accouchement. Il y avait en outre celles
+des dames dont les charges leur donnaient le privilège d'y assister, ou
+dont le service était nécessaire à la princesse; c'étaient: madame de
+Montespan, surintendante de la maison de la reine; la duchesse de Créqui
+et la comtesse de Béthune, dames d'honneur de la Dauphine; la maréchale
+de Rochefort et madame de Maintenon, dames d'atour; la duchesse d'Uzès;
+la duchesse d'Aumont, femme du premier gentilhomme de la chambre en
+année; la duchesse de Beauvilliers, femme du premier gentilhomme de la
+chambre; madame de Venelle, première sous-gouvernante; madame de
+Montchevreuil, gouvernante des filles d'honneur de la Dauphine; madame
+Pelard, première femme de chambre du nouveau-né; madame Moreau, première
+femme de chambre de la Dauphine; et les femmes de chambre de jour.</p>
+
+<p>Tout ce monde était sans mouvement et paraissait attendre avec anxiété
+le dernier moment. Bientôt les dernières et énergiques douleurs se
+succédèrent et se<a name="page_045" id="page_045"></a> rapprochèrent, et la Dauphine accoucha à dix heures
+vingt minutes du matin.</p>
+
+<p>A peine l'enfant venait de passer, le roi, impatient, demanda à Clément:
+Qu'est-ce? Celui-ci, d'un air satisfait, lui répondit, ainsi qu'il en
+était convenu: Je ne sais point <i>encore</i>, Sire. Aussitôt le roi,
+radieux, s'écria: Nous avons un duc de Bourgogne<a name="FNanchor_26_26" id="FNanchor_26_26"></a><a href="#Footnote_26_26" class="fnanchor">[26]</a>.<a name="page_046" id="page_046"></a></p>
+
+<p>Tout ce qui se passa alors dans la chambre où ce prince venait de naître
+peut à peine se décrire.</p>
+
+<p>Le roi, dans le premier moment de sa joie, embrassa la reine et la
+Dauphine; puis on ouvrit deux portes à la fois, afin de faire connaître
+la grande nouvelle à ceux du dehors. Le roi annonça lui-même aux
+princesses et aux dames du premier rang la naissance d'un prince, et la
+dame d'honneur aux hommes réunis dans la pièce à côté. Il se produisit
+alors un mouvement incroyable. Les uns tâchaient de percer la foule pour
+aller publier ce qu'ils venaient d'apprendre, et les autres, sans bien
+savoir où ils allaient ni ce qu'ils faisaient, forcèrent la porte de la
+chambre de la Dauphine. Tout le monde paraissait dans l'ivresse de la
+joie. Il y eut un tel pêle-mêle dans ce premier moment, que les
+domestiques se trouvèrent dans l'antichambre au milieu des princes et
+des dames de la première qualité. Le roi défendit qu'on renvoyât
+personne et voulut que chacun pût exprimer librement sa joie.</p>
+
+<p>Il semblait que le nom du prince nouveau-né eût volé dans l'air jusque
+dans les endroits les plus reculés du château et aux deux extrémités de
+Versailles; partout des feux de joie s'allumèrent comme par
+enchantement, et les missionnaires, établis depuis peu par le roi dans
+le château, chantèrent un <i>Te Deum</i> d'actions de grâces dans la
+chapelle.</p>
+
+<p>Quelques instants après sa naissance, le duc de Bourgogne fut ondoyé
+dans la chambre de la Dauphine<a name="page_047" id="page_047"></a> par le cardinal de Bouillon, grand
+aumônier de France, revêtu de l'étole, en camail et en rochet. La
+cérémonie se fit en présence du curé de la paroisse de Versailles<a name="FNanchor_27_27" id="FNanchor_27_27"></a><a href="#Footnote_27_27" class="fnanchor">[27]</a>;
+et sitôt qu'elle fut faite, on alla bercer le prince dans le cabinet de
+la Dauphine, d'où<a name="page_048" id="page_048"></a> on le rapporta un peu après pour le montrer à cette
+princesse. Puis la maréchale de la Mothe étant entrée dans une chaise à
+porteurs, on le mit sur ses genoux, et il fut ainsi porté jusque dans
+l'appartement qu'on lui avait préparé. A peine y fut-il entré, le
+marquis de Seignelay, secrétaire d'État et trésorier de l'ordre du
+Saint-Esprit, lui mit au cou, de la part du roi, la croix de cet ordre,
+que les fils de France portaient dès leur naissance.</p>
+
+<p>Enfin, après deux jours et deux nuits d'inquiétudes et de fatigues, il
+était temps de laisser reposer la Dauphine<a name="FNanchor_28_28" id="FNanchor_28_28"></a><a href="#Footnote_28_28" class="fnanchor">[28]</a>; mais ici une nouvelle
+scène allait commencer pour le roi.<a name="page_049" id="page_049"></a></p>
+
+<p>En sortant de la chambre, il fallait traverser la foule de grands
+seigneurs et de personnages de toutes sortes encombrant les portes et
+les corridors. Aussitôt qu'il parut, chacun se précipita et, quel que
+fût son rang, chercha par ses acclamations et ses gestes à lui témoigner
+sa joie. Le roi paraissait dans ce moment si heureux, et il recevait ces
+manifestations d'un air si engageant, que, loin de s'éloigner, chacun
+cherchait à se rapprocher de lui. Il faut se figurer que depuis
+l'appartement où la Dauphine était accouchée jusque chez la reine où le
+roi allait souper,<a name="page_050" id="page_050"></a> il y avait à traverser une antichambre, la salle des
+gardes de la Dauphine, une très-longue galerie, le palier de l'escalier
+des princes avec les retours, diverses salles, la salle des gardes de la
+reine, et que tous ces lieux étaient tellement remplis de monde, qu'on
+peut dire que Louis XIV fut porté à table, depuis la chambre de la
+Dauphine, jusqu'au lieu où il soupa<a name="FNanchor_29_29" id="FNanchor_29_29"></a><a href="#Footnote_29_29" class="fnanchor">[29]</a>.</p>
+
+<p>Quant au Dauphin, ce qu'il avait vu souffrir à la Dauphine, et les
+choses tendres qu'elle lui avait dites pendant cette longue attente,
+l'avaient jeté<a name="page_051" id="page_051"></a> dans une sorte de stupéfaction. Aussi, quand il fallut
+passer de la tristesse à la joie, il eut peine à se soutenir. Il
+semblait sortir d'un long rêve, et sa première action fut d'embrasser
+non-seulement la Dauphine, mais toutes les dames qui se trouvaient dans
+la chambre.</p>
+
+<p>Le roi fit, dès le soir même, donner de fortes sommes d'argent pour
+délivrer des prisonniers.</p>
+
+<p>Louis XIV, dans ses libéralités, ne pouvait oublier celui qui, par son
+sang-froid et sa prudence, avait été la cause principale de l'heureuse
+réussite de cet événement. Il fit donner à l'accoucheur dix mille
+livres, et lorsque Clément alla le remercier, il le reçut gracieusement,
+lui dit qu'il était très-satisfait du service qu'il lui avait rendu,
+qu'en lui donnant cette somme, il ne croyait pas le payer, et que ce
+n'était que le commencement de ce qu'il voulait faire pour lui.</p>
+
+<p>En effet, Louis XIV ne cessa de le combler de bienfaits. Il n'avait de
+confiance qu'en lui. Outre la Dauphine, qu'il accoucha de tous ses
+enfants, Clément fut plus tard l'accoucheur de la duchesse de Bourgogne,
+et il alla trois fois à Madrid pour accoucher la reine d'Espagne. Enfin,
+en 1711, le roi lui donna des lettres de noblesse avec une clause qui
+honore au même degré l'homme de mérite auquel s'adressait cette
+distinction et le souverain qui la lui accordait; cette clause portait
+qu'il ne pourrait abandonner la pratique de son art, ni refuser ses
+conseils,<a name="page_052" id="page_052"></a> ni ses secours aux femmes qui les réclameraient.</p>
+
+<p>La joie manifestée si vivement dans le château à la nouvelle de cet
+heureux événement ne fut pas moins vive au dehors et dans tout
+Versailles.</p>
+
+<p>Un garde du roi dormait sur une paillasse pendant l'accouchement de la
+Dauphine: réveillé en sursaut par le bruit extraordinaire que la joie
+venait de produire dans l'intérieur du palais, et comprenant, quoique
+encore à moitié endormi, qu'il venait de naître un prince, il prit sa
+paillasse sur son dos, et sans rien dire a personne, courut le plus vite
+possible jusqu'à la première cour<a name="FNanchor_30_30" id="FNanchor_30_30"></a><a href="#Footnote_30_30" class="fnanchor">[30]</a>, et mit le feu à cette paillasse.
+Il semblait que chacun n'attendît que ce signal, car on vit presque au
+même instant un nombre infini d'autres feux s'allumer comme par
+enchantement. Les uns allaient chercher du bois; d'autres prirent tout
+ce qu'ils trouvèrent, bancs, tables, meubles de toute nature, et
+jetèrent au feu tout ce qui pouvait l'alimenter. Il se forma des danses
+où se trouvèrent mêlés ensemble peuple, officiers et grands seigneurs. A
+peine ces manifestations de la joie publique eurent-elles commencé,
+qu'on vit couler des fontaines de vin de chaque côté de la première
+grille du château, ainsi que de l'intérieur des cours.<a name="page_053" id="page_053"></a></p>
+
+<p>Versailles était alors rempli d'un grand nombre d'ouvriers attirés par
+les travaux immenses que faisait exécuter le roi. On leur fit distribuer
+du vin en grande quantité à l'Étape<a name="FNanchor_31_31" id="FNanchor_31_31"></a><a href="#Footnote_31_31" class="fnanchor">[31]</a> et dans les ateliers; les
+soldats des gardes française et suisse ne furent pas les derniers à
+manifester leur joie. Ils firent du feu de tout et brûlèrent même
+quantité de choses dont on ne leur aurait pas permis de disposer dans un
+autre moment. Le roi, apercevant tout ce désordre, voulut cependant
+qu'on les laissât faire, <i>pourvu</i>, ajouta-t-il, <i>qu'ils ne nous brûlent
+pas</i>.</p>
+
+<p>Devant chaque hôtel de ministre, l'on avait établi des feux et des
+distributions de vin.</p>
+
+<p>Ces réjouissances durèrent plusieurs jours avec les mêmes transports.
+C'était à qui varierait chaque fois les illuminations et les artifices.</p>
+
+<p>Tant que durèrent les fêtes, la pompe<a name="FNanchor_32_32" id="FNanchor_32_32"></a><a href="#Footnote_32_32" class="fnanchor">[32]</a> fut magnifiquement illuminée,
+et tous les feux dont brillaient Versailles, se reflétant sur l'or
+couvrant le château<a name="FNanchor_33_33" id="FNanchor_33_33"></a><a href="#Footnote_33_33" class="fnanchor">[33]</a>,<a name="page_054" id="page_054"></a> imprimèrent à la ville une physionomie toute
+magique.</p>
+
+<p>Pendant les deux ou trois premiers jours qui suivirent celui de la
+naissance du duc de Bourgogne, tout le chemin de Versailles fut couvert
+de peuple venant témoigner sa joie par ses acclamations. Après avoir vu
+le roi, on allait voir le nouveau-né, et la maréchale de la Mothe était
+fréquemment obligée de le montrer à tout ce peuple accouru pour
+contempler un instant son visage<a name="FNanchor_34_34" id="FNanchor_34_34"></a><a href="#Footnote_34_34" class="fnanchor">[34]</a>.<a name="page_055" id="page_055"></a></p>
+
+<p>A l'occasion de cette naissance, on chanta plusieurs <i>Te Deum</i> en
+musique à Versailles. La plupart des maîtres en avaient composé, et le
+roi voulut bien les entendre dans sa chapelle.</p>
+
+<p>Louis XIV avait dispensé les différents corps de l'État des compliments
+d'usage; quant aux ambassadeurs et aux ministres des princes étrangers,
+il leur accorda l'audience qu'ils lui demandèrent à cette occasion. Elle
+eut lieu dans le grand appartement de Versailles, avec les cérémonies
+accoutumées. Tous les corps de la garde du roi étaient en haie. Les
+ambassadeurs entrèrent par le grand escalier<a name="FNanchor_35_35" id="FNanchor_35_35"></a><a href="#Footnote_35_35" class="fnanchor">[35]</a>.<a name="page_056" id="page_056"></a></p>
+
+<p>Le roi était assis sur son trône d'argent, il avait auprès de lui d'un
+côté le duc de Bouillon, grand chambellan, le duc de Créqui et le prince
+de Marsillac; de l'autre, le duc d'Aumont, le duc de Saint-Aignan et le
+marquis de Gesvres. Une foule de courtisans les environnait. Le duc de
+Luxembourg, capitaine des gardes de quartier, allait recevoir les
+ambassadeurs à la porte de la salle des gardes. Le roi écouta leur
+compliment avec gravité, et leur répondit avec une grande affabilité.
+Ils allèrent ensuite chez le Dauphin, le duc de Bourgogne et Monsieur.
+Madame la maréchale de la Mothe répondit pour le petit prince.</p>
+
+<p>Toutes ces audiences durèrent cinq heures, après lesquelles ces
+messieurs furent reconduits avec les mêmes cérémonies. Ils n'eurent
+audience de la reine et de Madame que l'après-dinée, parce qu'elles n'en
+donnaient jamais le matin.</p>
+
+<p>Tel est le récit de ce qui se passa dans Versailles à la naissance du
+duc de Bourgogne. La joie de cette ville se répandit partout avec
+rapidité, et l'on peut voir, dans la plupart des écrits du temps, les
+détails des réjouissances extraordinaires faites dans toute la France à
+cette occasion.<a name="page_057" id="page_057"></a></p>
+
+<h3><a name="III" id="III"></a>III<br /><br />
+RÉCIT DE LA GRANDE OPÉRATION<br /><br />
+FAITE AU ROI LOUIS XIV.<br /><br />
+1686.</h3>
+
+<p class="c">&mdash;&mdash;&mdash;&mdash;</p>
+
+<p>Le 18 novembre 1686, Versailles apprit avec surprise et effroi que le
+roi Louis XIV venait de subir <i>la grande opération</i>; c'est ainsi que
+l'on nommait alors l'opération de la <i>fistule à l'anus</i>.</p>
+
+<p>Le 5 février 1686, le roi fut obligé de prendre le lit à la suite de
+vives douleurs dont il souffrait depuis plusieurs jours; l'on s'aperçut
+alors qu'il s'était formé un abcès à la marge de l'anus. <i>Félix de
+Tassy</i>, son premier chirurgien, l'un des hommes les plus instruits de
+cette époque, en proposa immédiatement l'ouverture; mais, ainsi que le
+remarque Dionis, <i>on ne trouve pas toujours dans les grands cette
+déférence nécessaire pour obtenir la guérison</i>: mille gens proposèrent
+des remèdes qu'ils disaient infaillibles, et l'on préféra à la lancette
+du chirurgien un emplâtre fait par une grande dame de la cour, <i>madame
+de la<a name="page_058" id="page_058"></a> Daubière</i>. L'inventeur du remède assista elle-même à la pose de
+son emplâtre, qui, probablement, ne pouvait avoir d'effet que sous ses
+yeux. Tel infaillible que fût cet emplâtre, on l'ôta cinq jours après
+son application, n'ayant eu d'autre résultat que d'augmenter les
+souffrances du roi. Enfin, le 23, c'est-à-dire plus de vingt jours après
+l'apparition de la tumeur, on se décida à donner issue au pus; mais,
+malgré l'avis de Félix, qui voulait employer le bistouri, et pour
+ménager le royal malade, auquel on craignait de faire subir une
+opération sanglante, on eut recours, pour l'ouverture de l'abcès, à
+l'application de la <i>pierre à cautère</i>. «Ce matin, à dix heures, <i>dit
+Dangeau dans son journal</i>, on appliqua au roi la pierre à cautère sur la
+tumeur; on l'y laissa une heure et demie, et puis on ouvrit la peau avec
+le ciseau; mais on ne toucha point au vif.» C'est-à-dire qu'on se
+contenta de fendre l'escharre, et lorsque celle-ci tomba, il se forma,
+comme le dit Dionis, un petit trou par où la matière s'écoula, et qui
+continua à suppurer. Bientôt on constata la présence d'une fistule
+communiquant dans l'intérieur de l'intestin.</p>
+
+<p>En pareille occurrence, et pour débarrasser le roi de cette dégoûtante
+infirmité, il ne restait plus qu'à pratiquer l'opération. Mais il n'en
+est pas des rois comme des simples particuliers, et, avant de pouvoir
+leur faire entendre les paroles graves et réfléchies de la science, il
+faut préalablement que le médecin<a name="page_059" id="page_059"></a> s'attende à voir défiler avant lui
+tout le cortége des empressés plus ou moins ignorants, flanqués chacun
+de leurs remèdes <i>infaillibles</i>, sans compter encore le charlatanisme,
+qui sait si bien exploiter la tête et la queue de la société. C'est ce
+qui arriva pour Louis XIV.</p>
+
+<p>Dès que l'on sut le roi atteint de la fistule, il y eut encore un bien
+plus grand nombre de remèdes proposés que quand il s'était agi d'une
+simple tumeur.</p>
+
+<p>Cependant <i>Louvois</i>, qui était alors le principal ministre et qui avait
+en quelque sorte la responsabilité de la vie du roi, ne voulut permettre
+l'usage d'aucun de ces remèdes avant qu'il eût été préalablement
+expérimenté.</p>
+
+<p>Parmi tous ces moyens, un fut surtout préconisé, et le roi paraissait
+assez décidé à l'essayer: c'était l'emploi des eaux de Baréges. Mais
+avant que Louis XIV partît pour ces eaux, comme le bruit en avait couru,
+on jugea convenable d'en constater les effets. On chercha quatre
+personnes ayant la même maladie que le roi, et on les envoya à Baréges à
+ses dépens, sous la conduite de <i>Gervais</i>, chirurgien de l'hôpital de la
+Charité. C'était l'un des hommes les plus instruits de Paris, et il
+s'était acquis surtout une très-grande réputation pour la guérison des
+tumeurs. Ces quatre malades furent soumis par lui à l'action des eaux
+sous toutes les formes, en bains, à l'intérieur, et surtout en
+injections répétées dans le trajet<a name="page_060" id="page_060"></a> fistuleux. Ce traitement dura fort
+longtemps et ne fut suivi d'aucune espèce d'amélioration; en sorte
+qu'ils revinrent <i>tout aussi avancés dans leur guérison que quand ils
+étaient partis</i><a name="FNanchor_36_36" id="FNanchor_36_36"></a><a href="#Footnote_36_36" class="fnanchor">[36]</a>.</p>
+
+<p>Une dame de la cour ayant raconté qu'allée aux eaux de Bourbon pour une
+maladie particulière, elle s'était trouvée guérie par leur usage d'une
+fistule qu'elle avait avant, on envoya à Bourbon l'un des chirurgiens du
+roi, avec quatre autres malades; ils furent soumis aux mêmes expériences
+que ceux de Baréges, et en revinrent comme eux sans changement dans leur
+état.</p>
+
+<p>Mais l'essai des remèdes ne devait point s'arrêter là. Un religieux
+jacobin vint trouver Louvois et lui apporta une eau avec laquelle il
+guérissait, disait-il, toutes sortes de fistules. Un autre annonçait
+posséder un onguent qui n'en manquait aucune. D'autres proposaient aussi
+des remèdes avec lesquels ils avaient obtenu des cures merveilleuses. Le
+ministre, un peu embarrassé de toutes ces propositions, ne voulut
+cependant en rejeter aucune avant que l'expérience eût démontré son
+inefficacité. Pour juger en quelque sorte, par lui-même de leur valeur,
+il fit meubler plusieurs chambres de son hôtel de la surintendance<a name="FNanchor_37_37" id="FNanchor_37_37"></a><a href="#Footnote_37_37" class="fnanchor">[37]</a>,
+pour recevoir tous les malades atteints de fistule qui voulaient se
+soumettre à ces différents<a name="page_061" id="page_061"></a> essais, et il les fit traiter, en présence
+de Félix, par les auteurs de ces remèdes.</p>
+
+<p>Tous ces essais durèrent un temps fort long, sans aboutir à aucun
+résultat.</p>
+
+<p>Louvois et Félix rendaient compte à Louis XIV des tentatives inutiles
+faites chaque jour pour trouver un remède qui pût lui éviter
+l'opération, sur laquelle le premier chirurgien insistait de plus en
+plus. Mais avant de s'y décider, le roi voulut encore avoir l'avis de
+Bessières, chirurgien en renom de Paris. Bessières examina le mal, puis
+Louis XIV lui ayant demandé ce qu'il en pensait, il lui répondit
+librement <i>que tous les remèdes du monde n'y feraient rien sans
+l'opération</i><a name="FNanchor_38_38" id="FNanchor_38_38"></a><a href="#Footnote_38_38" class="fnanchor">[38]</a>. Le roi n'hésita plus, et l'opération fut décidée.</p>
+
+<p>Mais quelle méthode devait-on employer?</p>
+
+<p>Il y avait alors à Paris un nommé <i>Lemoyne</i>, qui s'était acquis une
+grande réputation pour la guérison des fistules. Voici ce qu'en dit
+Dionis: «Sa méthode consistait dans l'usage du caustique, c'est-à-dire
+qu'avec un onguent corrosif, dont il couvrait une petite tente qu'il
+fourrait dans l'ouverture de l'ulcère, il en consumait peu à peu la
+circonférence, ayant soin de grossir tous les jours la tente, de manière
+qu'à force d'agrandir la fistule, il en découvrait le fond. S'il y avait
+de la callosité, il la rongeait avec son onguent, qui lui servait aussi
+à ruiner les clapiers,<a name="page_062" id="page_062"></a> et enfin, avec de la patience, il en guérissait
+beaucoup. Cet homme est mort vieux et riche, parce qu'il se faisait bien
+payer, en quoi il avait raison, car le public n'estime les choses
+qu'autant qu'elles coûtent. Ceux à qui le ciseau faisait horreur se
+mettaient entre ses mains, et comme le nombre des poltrons est fort
+grand, il ne manquait point de pratiques.» Ainsi Lemoyne avait remis en
+honneur la cautérisation.&mdash;La ligature était le mode d'opérer le plus
+généralement suivi. Puis restait l'incision que Félix proposait au roi.
+Mais avant de se déterminer à suivre l'avis de son premier chirurgien,
+Louis XIV voulut qu'il lui expliquât la préférence qu'il donnait à cette
+méthode sur les autres. Félix fut alors obligé de décrire au roi les
+trois procédés; puis il lui fit remarquer, nous raconte Dionis, que le
+caustique fait une douleur continuelle pendant cinq ou six semaines
+qu'on est obligé de s'en servir; que la ligature ne coupe les chairs
+qu'après un long espace de temps, et qu'il ne faut pas manquer de la
+serrer tous les jours, ce qui ne se fait pas sans douleur; que
+l'incision cause, à la vérité, une douleur plus vive, mais qu'elle est
+de si peu de durée qu'elle ne doit point alarmer une personne qui veut
+guérir sans crainte de retour; car outre qu'elle achève en une minute ce
+que les deux autres manières n'opèrent qu'en un mois, c'est que par
+celles-ci la guérison est douteuse et qu'elle est sûre par
+l'incision.&mdash;Ces raisons, appuyées par Daquin, Fagon et Bessières,<a name="page_063" id="page_063"></a>
+déterminèrent le roi, qui se décida pour l'incision.</p>
+
+<p>C'était une grave résolution qu'avait prise Félix. L'opération par
+l'instrument tranchant paraissait alors si terrible, que chacun
+tremblait de la subir, d'où son nom de <i>grande opération</i>.</p>
+
+<p>Mais Félix n'était point un chirurgien ordinaire. Fils de François Félix
+de Tassy, homme d'un grand talent, et aussi premier chirurgien du même
+prince, il fut l'élève de son père, qui, le destinant à le remplacer
+auprès du monarque, ne négligea aucun des moyens qui pouvaient le rendre
+digne d'occuper un emploi aussi important. Exerçant sa profession dans
+les hôpitaux civils, puis dans ceux des armées, il fut, fort jeune
+encore, compté parmi les plus habiles chirurgiens de son temps; ses
+confrères le nommèrent chef du collége de Saint-Côme, qui devint ensuite
+l'académie de chirurgie; puis il succéda à son père dans la charge de
+premier chirurgien du roi, en 1676.</p>
+
+<p>Dès que Félix se fut assuré de la maladie du roi, il le rassura sur sa
+vie et promit de le délivrer de son horrible incommodité. Ce grand
+chirurgien n'avait jamais fait l'opération qu'il méditait, mais il avait
+lu tout ce que les auteurs anciens avaient écrit sur la maladie dont le
+roi était attaqué. Il se traça alors un plan d'opération, et tandis que
+le temps s'écoulait en essais de remèdes qui n'avaient aucun résultat,
+Félix occupait le sien d'une manière profitable à ses desseins. Pendant
+plusieurs mois tous<a name="page_064" id="page_064"></a> les malades atteints de la maladie du roi qui se
+trouvaient dans les hôpitaux de Paris ou à la Charité de Versailles
+furent opérés par lui, et lorsque Louis XIV fut enfin décidé, il avait
+acquis l'expérience d'un chirurgien consommé dans cette partie de l'art
+opératoire.</p>
+
+<p>Pour faire l'incision de la fistule, Galien avait inventé un instrument
+d'une forme particulière, auquel il avait donné le nom de syringotome,
+du nom même de la fistule&mdash;(<i>syrinx</i>, flûte). C'était un bistouri en
+forme de croissant, à manche contourné, et dont la pointe était terminée
+par un stylet long, pointu et flexible. On introduisait la pointe dans
+l'ouverture extérieure de la fistule et on poussait le stylet jusque
+dans l'intestin; le doigt indicateur de la main gauche, placé dans le
+rectum, ramenait la pointe par l'anus, puis la lame du bistouri, poussée
+dans la fistule, achevait l'incision. Félix fit subir à l'instrument de
+Galien un notable changement. Il fit faire un simple bistouri courbe, à
+lame très-étroite, terminée, comme le syringotome, par un stylet, mais
+en argent recuit, et long de plusieurs pouces. Le tranchant de la lame
+était recouvert d'une chape d'argent faite exprès pour être introduite
+dans la fistule sans blesser les parties. Cet instrument ainsi disposé,
+on poussait le stylet dans la fistule et on le ramenait par le
+fondement; puis, le bistouri étant entré après le stylet, on retirait
+doucement la chape qui enveloppait le tranchant, et tenant d'une main<a name="page_065" id="page_065"></a>
+le bout du stylet et de l'autre le manche du bistouri, en tirant à soi
+on tranchait tout d'un coup toute la fistule.</p>
+
+<p>Cet instrument, dont Félix se servit pour le roi, reçut depuis ce moment
+le nom de <i>bistouri à la royale</i>.</p>
+
+<p>Ce fut le 18 novembre 1686 qu'eut lieu l'opération.</p>
+
+<p>Qu'on nous pardonne les détails peut-être un peu minutieux dans lesquels
+nous allons entrer; mais, outre qu'il s'agit d'une opération qui, par
+son retentissement et son succès, changea toutes les idées reçues à
+cette époque, il s'agit encore d'un fait historique que l'on peut encore
+suivre <i>sur place</i> dans ses plus petits incidents.</p>
+
+<p>Le roi était à Fontainebleau lorsque l'opération fut arrêtée. Afin de
+s'y préparer et en même temps pour ôter tout soupçon de ce qui allait se
+passer, deux médecines lui furent administrées dans ce séjour. Arrivé à
+Versailles le 15 novembre, rien ne décéla en lui la grave détermination
+qu'il avait prise. Le dimanche 17, veille de l'opération, il monta à
+cheval, alla visiter ses jardins, ses réservoirs et les nombreux travaux
+en cours d'exécution, et parut fort tranquille et fort gai pendant tout
+le cours de la promenade<a name="FNanchor_39_39" id="FNanchor_39_39"></a><a href="#Footnote_39_39" class="fnanchor">[39]</a>.</p>
+
+<p>La chambre à coucher de Louis XIV, dans laquelle<a name="page_066" id="page_066"></a> il fut opéré, n'était
+point celle connue aujourd'hui sous ce nom: elle était située dans la
+pièce précédant celle-ci et portant actuellement le nom si célèbre de
+salon de l'&OElig;il-de-B&oelig;uf. Ce salon de l'&OElig;il-de-B&oelig;uf était alors coupé
+en deux; la pièce la plus rapprochée de la chambre à coucher actuelle
+était la chambre du roi, et l'autre pièce était un cabinet orné des
+tableaux du Bassan, portant pour cela le nom de cabinet des Bassans.</p>
+
+<p>Le lundi 18 novembre, de grand matin, tout se préparait dans le cabinet
+des Bassans pour la <i>grande opération</i>. Vers cinq heures, les
+apothicaires entrèrent chez le roi et lui administrèrent le lavement
+préparatoire. Un peu avant sept heures, Louvois alla prendre chez elle
+madame de Maintenon; ils entrèrent ensemble chez le roi, auprès duquel
+se trouvait déjà le père de la Chaise, son confesseur. Félix, d'Aquin,
+premier médecin du roi, Fagon, qui le devint quelques années après,
+Bessières, les quatre apothicaires du roi, et Laraye, <i>élève</i> de Félix,
+mais que l'on appelait alors son <i>garçon</i>, étaient réunis dans le
+cabinet des Bassans pour préparer tout ce qui devait servir à
+l'opération.</p>
+
+<p>A sept heures, ils entrèrent dans la chambre du roi. Louis XIV ne parut
+nullement ému de leur présence; il fit approcher Félix, lui demanda
+l'usage de chacun des instruments et des diverses pièces de l'appareil,
+puis s'abandonna avec confiance à son talent.</p>
+
+<p>Le roi fut placé sur le bord de son lit, un traversin<a name="page_067" id="page_067"></a> sous le ventre
+pour élever les fesses, tournées du côté de la fenêtre, les cuisses
+écartées et assujetties par deux des apothicaires.</p>
+
+<p>Voici comment procéda l'opérateur: Une petite incision, faite avec la
+pointe d'un instrument ordinaire, fut d'abord pratiquée à l'orifice
+externe de la fistule, afin de l'agrandir et de pouvoir plus facilement
+y introduire le bistouri à la royale. L'incision fut ensuite pratiquée
+avec cet instrument, à l'aide de la man&oelig;uvre déjà indiquée. Une fois le
+trajet fistuleux mis à découvert, il s'agissait de détruire les
+callosités qu'on supposait devoir empêcher la réussite de l'opération:
+huit coups de ciseaux enlevèrent toutes les callosités que Félix
+rencontra sous son doigt. Cette partie si douloureuse de l'opération fut
+supportée avec beaucoup de courage par Louis XIV: pas un cri, pas un mot
+ne lui échappa.</p>
+
+<p>L'opération terminée, on introduisit dans l'anus une grosse tente de
+charpie recouverte d'un liniment composé d'huile et de jaune d'&oelig;uf. On
+la fit entrer avec force, afin d'écarter les lèvres de la plaie; on
+garnit ensuite la plaie de plumasseaux, enduits du même liniment, et on
+appliqua les compresses et le bandage comme on le fait à présent.</p>
+
+<p>Rien ne saurait dire l'étonnement dans lequel fut toute la cour lorsque
+l'on apprit que le roi venait de subir une opération que chacun
+regardait comme si dangereuse. Le récit fait de cet événement par le<a name="page_068" id="page_068"></a>
+<i>Mercure Galant</i>, journal officiel de la cour, fera mieux comprendre
+qu'on ne pourrait le dire l'effet produit par cette nouvelle
+inattendue.&mdash;«Quoique le roi, dit-il, fût dans une santé parfaite, à la
+réserve de l'incommodité qui lui était survenue il y a environ onze
+mois, et qu'il fût même en état de monter à cheval et de chasser, comme
+il faisait très-souvent, Sa Majesté, qui vit qu'elle courait risque de
+souffrir toute sa vie de cette sorte d'incommodité, à laquelle sont
+sujets tous ceux qui manquent du courage nécessaire pour s'en tirer,
+prit une résolution digne de sa fermeté; et, comme ce mal était grand
+plutôt par la douleur que l'opération lui devait faire souffrir que par
+la nature dont il était, il cacha ce qu'il avait résolu de faire, comme
+il fait de toutes les choses qu'il juge à propos de tenir secrètes. Il
+savait l'inquiétude que donnerait le mal qu'il devait endurer, et ne
+doutait point que la crainte de quelque accident et l'amour qu'on a pour
+lui ne fissent trouver des raisons pour l'en détourner. Mais ce prince
+voulait souffrir, afin d'être plus en état de travailler sans cesse pour
+le bien et pour le repos de ses sujets; et pour éviter les contestations
+qui se pourraient former là-dessus, il aima mieux se charger de toute la
+douleur que de jouir du soulagement d'être plaint, ce qui console
+beaucoup ceux qui souffrent. D'ailleurs, il savait que ce bruit, venant
+à se répandre, aurait jeté de la crainte et de l'abattement dans tous
+les c&oelig;urs, et qu'il rendrait incapables d'agir tous ceux<a name="page_069" id="page_069"></a> qui étaient
+occupés pour les affaires de l'État, et il voulait endurer seul, sans
+que l'État en souffrît un seul moment. Ainsi ayant pris sa résolution,
+il travailla à la faire exécuter sans que l'on s'en aperçût. Comme
+jamais prince ne sut régner sur lui-même avec tant d'empire, il en vint
+à bout sans peine. Il se purgea deux fois à Fontainebleau, parce que
+venant ensuite à Versailles, ce changement de lieu devait ôter l'idée
+qu'on aurait pu prendre, s'il avait été possible qu'on eût soupçonné
+quelque chose de son dessein. Il monta à cheval le dimanche 17 de ce
+mois, soupa ce jour-là avec la famille royale, et s'informa de
+Monseigneur où était le rendez-vous de chasse le lendemain. On connut le
+jour suivant que ce prince, quoiqu'il dût alors sentir les premières
+atteintes de la peur que lui pouvait causer l'opération, avait demandé
+ce rendez-vous d'une âme tranquille, afin que s'il arrivait quelque
+accident, il pût en faire avertir Monseigneur. On a même remarqué qu'il
+se coucha ce soir-là plus tard qu'à l'ordinaire. Il marqua pour le lundi
+18, l'heure de son lever, où la plus grande partie de la cour se trouve
+ordinairement. Il avait pris la sienne plus matin pour l'opération. Ceux
+qui devaient y travailler, ou dont la présence était nécessaire,
+entrèrent par différents endroits, ce qui empêcha qu'on en eût aucun
+soupçon. Quoique je ne fasse point ici le détail du reste, je puis vous
+dire qu'il s'y passa mille choses dignes de l'inébranlable fermeté du
+roi. Il voulut<a name="page_070" id="page_070"></a> voir tout ce qui devait le faire souffrir et ne fit que
+sourire au lieu d'en paraître étonné. Il fit ensuite ce qu'un prince
+aussi chrétien que lui doit faire en de pareilles occasions et souffrit
+patiemment, étant toujours dans l'état d'un homme libre et qui est
+assuré d'être maître de sa douleur. Aucun cri ne lui échappa, et loin de
+témoigner de la crainte, il demanda si on ne l'avait point épargné,
+parce qu'il avait recommandé sur toutes choses de ne le pas faire. Sitôt
+qu'on eut achevé l'opération, la porte fut ouverte à ce qu'on appelle la
+première entrée, c'est-à-dire aux personnes qui ont droit d'entrer les
+premières au lever. Les autres n'entrèrent pas, parce qu'il n'y eut
+point de lever.</p>
+
+<p>«Le bruit de cette opération s'étant répandu dans Versailles, comme on
+s'imagine toujours voir les maux que l'on craint, quand même ils ne
+seraient point à craindre, la douleur parut sur tous les visages, et
+l'on eût dit à voir le roi que ce monarque était le seul qui se portait
+bien. Ayant remarqué qu'on ne faisait aucun bruit, il ordonna que toutes
+choses se fissent à l'ordinaire, tint conseil dès le jour même, et
+permit dès le lendemain aux ministres étrangers de le saluer. Quoique de
+semblables maux aient accoutumé de causer un peu de fièvre, sans
+pourtant qu'il y ait sujet d'en appréhender aucune suite fâcheuse, il
+semble que le ciel, pour ne nous pas alarmer, n'ait pas voulu qu'il en
+eût le moindre ressentiment.»<a name="page_071" id="page_071"></a></p>
+
+<p>A ces détails, <i>Dangeau</i> ajoute: «Dès que l'opération fut faite, le roi
+l'envoya dire à Monseigneur, qui était à la chasse, à madame la
+Dauphine, dès qu'elle fut éveillée, à Monsieur et à Madame, qui étaient
+à Paris, et à M. le prince et à M. le duc, qui étaient à Fontainebleau,
+auprès de madame la duchesse de Bourbon, leur défendant de venir. Dès
+l'après-dîner, le roi tint son conseil; il vit beaucoup de courtisans,
+et voulut qu'il y eût appartement et que l'on commençât le grand jeu de
+reversi qu'il avait ordonné à Fontainebleau. Madame de Montespan partit
+en diligence pour venir trouver le roi; mais ayant appris à Essone que
+le roi se portait très-bien, elle retourna auprès de madame de Bourbon.
+Monseigneur, apprenant la nouvelle, quitta la chasse et revint ici à
+toute bride et en pleurant.»</p>
+
+<p>Dans son journal, Dangeau nous a conservé jour par jour l'état du roi
+après son opération. L'on y voit que les premiers jours se passèrent
+fort bien. Les pansements se faisaient avec régularité, et le malade
+n'en éprouvait aucune douleur, tout enfin semblait annoncer une guérison
+solide et prompte; mais, soit que l'on se fût trop vite empressé de
+diminuer la grosseur de la mèche, soit pour tout autre motif, l'on
+s'aperçut le quinzième jour qu'une partie des bords s'étaient cicatrisés
+avant le fond, et que la fistule menaçait de reparaître de nouveau. Le 6
+décembre, l'on chercha à détruire, par quelques légers coups de ciseaux,
+cette cicatrisation trop rapide,<a name="page_072" id="page_072"></a> mais sans obtenir le résultat désiré.
+Enfin, le lundi 7 décembre, c'est-à-dire vingt et un jours après la
+première opération, l'on fut obligé de détruire la nouvelle cicatrice, à
+l'aide de plusieurs incisions, et de mettre à nu le fond de la fistule.</p>
+
+<p>Le roi supporta cette seconde opération avec beaucoup de courage, mais
+il paraît qu'elle fut extrêmement douloureuse, car pendant plusieurs
+jours il renvoya son conseil, ce qui n'était pas arrivé la première
+fois. Quoi qu'il en soit, de ce moment la cicatrisation marcha avec
+régularité, et le samedi 11 janvier 1687, cinquante-quatre jours après
+l'opération et trente-trois après les dernières incisions, le roi fut
+assez bien guéri pour sortir à pied de ses appartements et se promener
+pendant fort longtemps dans l'Orangerie.</p>
+
+<p>Louis XIV venait d'être débarrassé d'une grave infirmité, grâce à
+l'habileté de son chirurgien. Mais si le service était grand, la
+récompense fut royale. Félix reçut cinquante mille écus et la terre des
+<i>Moulineaux</i>, estimée à la même somme; d'Aquin, le premier médecin, cent
+mille livres; Fagon, quatre-vingt mille livres; les quatre apothicaires,
+chacun douze mille livres, et Leraye, l'élève de Félix, quatre cents
+pistoles; le tout formant un total de cinq cent soixante-douze mille
+livres, qui, comparé à la valeur actuelle de l'argent, représente
+presque un million!!!</p>
+
+<p>La réussite de l'opération pratiquée à Louis XIV,<a name="page_073" id="page_073"></a> en mettant le comble
+à la réputation de Félix, mit aussi à la mode son procédé; et il fut
+facile de constater immédiatement son efficacité, car depuis l'opération
+faite au roi, il semblait que tout le monde fût attaqué de la fistule.
+«C'est une maladie, dit Dionis, qui est devenue à la mode depuis celle
+du roi. Plusieurs de ceux qui la cachaient avec soin avant ce temps
+n'ont plus eu honte de la rendre publique; il y a eu même des courtisans
+qui ont choisi Versailles pour se soumettre à cette opération, parce que
+le roi s'informait de toutes les circonstances de cette maladie. Ceux
+qui avaient quelque petit suintement ou de simples hémorroïdes ne
+différaient pas à présenter leur derrière au chirurgien pour y faire des
+incisions; j'en ai vu plus de trente qui voulaient qu'on leur fît
+l'opération, et dont la folie était si grande, qu'ils paraissaient
+fâchés lorsqu'on les assurait qu'il n'y avait point nécessité de la
+faire.»</p>
+
+<p>Tel est le récit de cette grande opération de Louis XIV. Ainsi, grâce à
+l'heureuse tentative de Félix; la méthode de l'incision a été remise en
+honneur, et par suite des travaux de la chirurgie moderne, ce mode
+opératoire, le plus généralement suivi, est devenu d'une telle
+simplicité, qu'il n'est pas nécessaire d'être le premier chirurgien d'un
+roi pour le pratiquer avec succès.<a name="page_074" id="page_074"></a></p>
+
+<h3><a name="IV" id="IV"></a>IV<br /><br />
+MORT DE LOUVOIS.<br /><br />
+1691.</h3>
+
+<p class="c">&mdash;&mdash;&mdash;&mdash;</p>
+
+<p>Louvois mourut à Versailles dans l'ancien hôtel de la surintendance des
+bâtiments du roi<a name="FNanchor_40_40" id="FNanchor_40_40"></a><a href="#Footnote_40_40" class="fnanchor">[40]</a>, le 16 juillet 1691.</p>
+
+<p>La mort de Louvois fut un événement si important et donna lieu à tant de
+commentaires, qu'il n'est pas sans intérêt d'en rechercher les
+véritables causes.</p>
+
+<p>Depuis un certain temps Louvois, jusqu'alors si puissant, baissait dans
+la faveur du roi, et tout le monde s'attendait à une disgrâce prochaine
+du ministre. C'est dans ces circonstances que le 15 juillet 1691, il a,
+chez madame de Maintenon, une vive altercation avec Louis XIV.<a name="page_075" id="page_075"></a></p>
+
+<p>Cette scène est ainsi racontée, dans une note écrite par le duc de
+Luynes, sur le manuscrit de Dangeau<a name="FNanchor_41_41" id="FNanchor_41_41"></a><a href="#Footnote_41_41" class="fnanchor">[41]</a>: «Nous avons déjà vu ce qui
+s'était passé au siége de Mons, et le mauvais gré que le roi fit à M. de
+Louvois de trouver le prince d'Orange si près de lui. On prétendit aussi
+qu'il imputa à ce ministre la levée du siége de Coni. Ajoutez à cela le
+bombardement de Liége, auquel le roi s'était opposé parce que des
+ennemis de M. de Louvois, ou de bons citoyens, avaient fait entendre à
+Sa Majesté que son ministre entretenait la haine de ses voisins par les
+cruautés qu'il faisait exercer partout. Il avait insisté sur le
+bombardement, qui se fit le 4 juin. Le roi avait déclaré précisément
+qu'il n'en voulait rien faire, et enfin ce ministre fut obligé d'avouer
+qu'il n'était plus temps de s'en dédire, parce que les ordres étaient
+donnés. Cette explication se passait chez madame de Maintenon. Le roi,
+qui d'ailleurs était mal disposé par ce que nous venons de dire, et
+parce qu'en général toutes les choses violentes lui répugnaient, fut
+indigné de tant de précipitation et lui laissa voir son ressentiment. M.
+de Louvois, qui n'était pas accoutumé à être contredit, au lieu de
+chercher à se justifier, répondit au roi assez brusquement et jeta son
+portefeuille sur la table du roi. Le roi se leva et prit sa canne.
+Madame de Maintenon, craignant l'effet de la colère de Sa Majesté, se
+mit entre elle et son<a name="page_076" id="page_076"></a> ministre; mais le roi la rassura en lui disant
+qu'il n'avait eu nulle intention.»</p>
+
+<p>M. de Louvois se retira et rentra chez lui tout ému. Cependant le
+lendemain 16, il alla comme à l'ordinaire chez le roi pour travailler
+avec lui; mais à peine eut-il commencé la lecture d'une dépêche, qu'il
+se sentit indisposé, se retira dans son appartement et mourut au bout de
+quelques instants, malgré les soins rapides qui lui furent donnés.</p>
+
+<p>Une mort aussi prompte et dans de pareilles circonstances, fit
+généralement croire à un empoisonnement. Dangeau et Saint-Simon en
+parlent dans ce sens: «Le 16 juillet, dit ce dernier, j'étais à
+Versailles... sortant le même jour du dîner du roi, je le rencontrai
+(Louvois) au fond d'une très-petite pièce qui est entre la grande salle
+des gardes et ce grand salon qui donne sur la petite cour des Princes.
+M. de Marsan lui parlait, et il allait travailler chez madame de
+Maintenon avec le roi, qui devait se promener après dans les jardins de
+Versailles à pied, où les gens de la cour avaient la liberté de le
+suivre. Sur les quatre heures après-midi du même jour, j'allai chez
+madame de Châteauneuf, où j'appris qu'il s'était trouvé un peu mal chez
+madame de Maintenon, que le roi l'avait forcé de s'en aller, qu'il était
+retourné à pied chez lui, où le mal avait subitement augmenté; qu'on
+s'était hâté de lui donner un lavement qu'il avait rendu aussitôt, et
+qu'il était mort en le rendant, et demandant son fils Barbésieux, qu'il<a name="page_077" id="page_077"></a>
+n'eut pas le temps de voir, quoique celui-ci accourût de sa chambre.»</p>
+
+<p>«La soudaineté du mal et de la mort de Louvois fit tenir bien des
+discours, bien plus encore <i>quand on sut par l'ouverture de son corps
+qu'il avait été empoisonné</i>. Il était grand buveur d'eau, et en avait
+toujours un pot sur la cheminée de son cabinet, à même duquel il buvait.
+On sut qu'il en avait bu ainsi en sortant pour aller travailler avec le
+roi, et qu'entre sa sortie de dîner avec bien du monde, et son entrée
+dans son cabinet pour prendre les papiers qu'il voulait porter à son
+travail avec le roi, un frotteur du logis était entré dans ce cabinet,
+et y était resté quelques moments seul. Il fut arrêté et mis en prison.
+Mais à peine y eut-il demeuré quatre jours, et la procédure commencée,
+qu'il fut élargi par ordre du roi, ce qui avait déjà été fait, jeté au
+feu, et défense de faire aucune recherche. Il devint même dangereux de
+parler là-dessus, et la famille de Louvois étouffa tous ces bruits,
+d'une manière à ne laisser aucun doute que l'ordre très-précis n'en eût
+été donné.»</p>
+
+<p>Puis, comme si ce n'était pas encore assez de toutes ces insinuations
+pour prouver l'empoisonnement, Saint-Simon ajoute l'histoire suivante du
+médecin de Louvois, qui, dit-il, lui fut racontée par un gentilhomme
+attaché à la maison de ce ministre. «Il m'a conté, dit Saint-Simon,
+étant toujours à madame de Louvois depuis la mort de son mari, que
+<i>Séron</i>, médecin domestique de ce ministre, et qui<a name="page_078" id="page_078"></a> l'était demeuré de
+madame de Barbésieux, logé dans la même chambre au château de
+Versailles, dans la surintendance que Barbésieux avait conservée
+quoiqu'il n'eût pas succédé aux bâtiments, s'était un jour barricadé
+dans cette chambre, seul, quatre ou cinq mois après la mort de Louvois;
+qu'aux cris qu'il y fit on était accouru à sa porte, qu'il ne voulut
+jamais ouvrir; que ces cris durèrent presque toute la journée, sans
+qu'il voulût ouïr parler d'aucun secours temporel ni spirituel, ni qu'on
+pût venir à bout d'entrer dans sa chambre; que sur sa fin on l'entendit
+s'écrier qu'il n'avait que ce qu'il méritait, que ce qu'il avait fait à
+son maître, qu'il était un misérable indigne de tout secours; et qu'il
+mourut de la sorte en désespéré au bout de huit ou dix heures, sans
+avoir jamais parlé de personne, ni prononcé aucun nom.&mdash;A cet événement
+les discours se réveillèrent à l'oreille; il n'était pas sûr d'en
+parler. Qui a fait le coup? C'est ce qui est demeuré dans les plus
+épaisses ténèbres.»</p>
+
+<p>Le récit de Saint-Simon et les détails circonstanciés dans lesquels il
+entre, semblent ne point devoir laisser de doutes sur la nature de la
+mort de Louvois. Aussi les historiens, tout en admettant avec une
+certaine circonspection les insinuations de Saint-Simon, n'ont-ils
+jamais repoussé complétement l'idée du poison. Une phrase de son récit,
+si elle était vraie, serait surtout la preuve certaine de
+l'empoisonnement; c'est celle-ci: <i>On sut par l'ouverture de son<a name="page_079" id="page_079"></a> corps
+qu'il avait été empoisonné</i>. En effet, si les médecins ont constaté la
+présence du poison, il ne peut plus y avoir d'incertitude que sur la
+main qui a commis le crime et sur <i>la personne qui l'a commandé</i>. Eh
+bien, cette affirmation de Saint-Simon est tout à fait démentie par
+l'ouverture du corps de Louvois, et si les historiens n'ont pas été plus
+affirmatifs, c'est qu'ils n'ont pas eu connaissance de ce document,
+enfoui dans un livre de médecine, où ils étaient bien éloignés d'aller
+chercher une pièce si importante.</p>
+
+<p>Dionis était le chirurgien de Louvois. C'était un chirurgien fort
+instruit. Il publia plusieurs ouvrages encore recherchés aujourd'hui
+pour les observations curieuses qu'ils renferment. Dans l'un de ces
+ouvrages intitulé <i>Dissertation sur la mort subite</i><a name="FNanchor_42_42" id="FNanchor_42_42"></a><a href="#Footnote_42_42" class="fnanchor">[42]</a>, voici comment
+il raconte la mort de Louvois: «Le 16 juillet 1691, M. le marquis de
+Louvois, après avoir dîné chez lui en bonne compagnie, alla au conseil.
+En lisant une lettre au roi, il fut obligé d'en cesser la lecture, parce
+qu'il <i>se sentait fort oppressé</i>; il voulut en reprendre la lecture,
+mais ne pouvant pas la continuer, il sortit du cabinet du roi, et,
+s'appuyant sur le bras d'un gentilhomme à lui, il prit le chemin de la
+surintendance où il était logé.</p>
+
+<p>»En passant par la galerie qui conduit de chez le roi à son appartement,
+il dit à un de ses gens de me venir chercher au plus tôt. J'arrivai dans
+sa chambre<a name="page_080" id="page_080"></a> comme on le déshabillait; il me dit: Saignez-moi vite, car
+j'étouffe. Je lui demandai s'il sentait de la douleur plus dans un des
+côtés de la poitrine que dans l'autre; il me montra la région du c&oelig;ur,
+me disant: Voilà où est mon mal. Je lui fis une grande saignée en
+présence de M. <i>Séron</i>, son médecin. Un moment après, il me dit:
+Saignez-moi encore, car je ne suis point soulagé. M. <i>d'Aquin</i> et M.
+<i>Fagon</i> arrivèrent qui examinèrent l'état fâcheux où il était, le voyant
+souffrir avec des angoisses épouvantables; il sentit un mouvement dans
+le ventre comme s'il voulait s'ouvrir; il demanda la chaise, et, peu de
+temps après s'y être mis, il dit: Je me sens évanouir. Il se jeta en
+arrière, appuyé sur les bras d'un côté de M. Séron, et de l'autre d'un
+de ses valets de chambre. Il eut des râlements qui durèrent quelques
+minutes, et il mourut.</p>
+
+<p>»On voulut que je lui appliquasse des ventouses avec scarifications, ce
+que je fis, on lui apporta et on lui envoya de l'eau apoplectique, des
+gouttes d'Angleterre, des eaux divines et générales; on lui fit avaler
+de tous ces remèdes qui furent inutiles, puisqu'il était mort, et en peu
+de temps, car il ne se passa pas une demi-heure depuis le moment qu'il
+fut attaqué de son mal jusqu'à sa mort.</p>
+
+<p>»Le lendemain, M. Séron vint chez moi me dire que la famille souhaitait
+que ce fût moi qui en fît l'ouverture. Je la fis en présence de MM.
+<i>d'Aquin</i>, <i>Fagon</i>, <i>Duchesne</i> et <i>Séron</i>.<a name="page_081" id="page_081"></a></p>
+
+<p>»En faisant prendre le corps pour le porter dans l'antichambre, je vis
+son matelas tout baigné de sang; il y en avait plus d'une pinte qui
+avait distillé pendant vingt-quatre heures par les scarifications que je
+lui avais faites aux épaules; et ce qui est de particulier, c'est
+qu'étant sur la table, je voulus lui ôter la bande qui était encore à
+son bras de la saignée du jour précédent, et que je fus obligé de la
+remettre, parce que le sang en coulait, ce qui gâtait le drap sur lequel
+il était.</p>
+
+<p>»Le cerveau était dans son état naturel et très-bien disposé; <i>l'estomac
+était plein de tout ce qu'il avait mangé à son dîner</i>; il y avait
+plusieurs petites pierres dans la vésicule du fiel; <i>les poumons étaient
+gonflés et pleins de sang</i>; le c&oelig;ur était gros, flétri, mollasse et
+semblable à du linge mouillé, n'ayant pas une goutte de sang dans ses
+ventricules.</p>
+
+<p>»On fit une relation de tout ce qu'on avait trouvé, qui fut portée au
+roi, après avoir été signée par les quatre médecins que je viens de
+nommer, et par quatre chirurgiens, qui étaient MM. <i>Félix</i>, <i>Gervais</i>,
+<i>Dutertre et moi</i>:</p>
+
+<p>
+<br />
+</p>
+
+<p>«<i>Le jugement certain qu'on peut faire de la cause de cette mort, est
+l'interception de la circulation du sang; les poumons en étaient pleins,
+parce qu'il y était retenu, et il n'y en a point dans le c&oelig;ur, parce
+qu'il n'y en pouvait point entrer; il fallait donc que ses mouvements
+cessassent, ne recevant point de sang pour<a name="page_082" id="page_082"></a> les continuer: c'est ce qui
+s'est fait aussi, et ce qui a causé une mort si subite.</i>»</p>
+
+<p>Telle est l'opinion des hommes de l'art; c'est à une <i>apoplexie
+pulmonaire</i> qu'ils attribuent avec juste raison la cause de la mort, et
+l'on ne voit nulle part qu'ils aient parlé d'empoisonnement, ainsi que
+l'affirme Saint-Simon. D'ailleurs Louvois était menacé depuis longtemps
+de cette affection; il éprouvait fréquemment des oppressions. Les
+médecins cherchaient à les combattre, en lui donnant les eaux de forges,
+qu'il allait prendre tous les matins dans l'Orangerie, <i>où le suivaient
+ses commis pour ne pas discontinuer son travail ordinaire</i><a name="FNanchor_43_43" id="FNanchor_43_43"></a><a href="#Footnote_43_43" class="fnanchor">[43]</a>.</p>
+
+<p>Il résulte de ces faits que Louvois a été frappé d'une attaque
+d'apoplexie pulmonaire, et qu'il faut reléguer au rang des fables tous
+les bruits d'empoisonnement répandus à sa mort, et recueillis avec
+avidité par le caustique Saint-Simon.</p>
+
+<p>L'appartement occupé par Louvois était au premier étage de l'hôtel de la
+surintendance; cet appartement a vue sur le parc du côté de la petite
+Orangerie. Cela explique le passage de Saint-Simon, dans lequel il parle
+de la promenade de Louis XIV le jour de la mort de son ministre.
+«Quoique je n'eusse guère que quinze ans, je voulus voir la contenance
+du roi à un événement de cette qualité. J'allai l'attendre, et le suivis
+toute sa promenade. Il me parut avec sa majesté<a name="page_083" id="page_083"></a> accoutumée, mais avec
+je ne sais quoi de leste et de délivré, qui me surprit assez pour en
+parler après, d'autant plus que j'ignorais alors et longtemps depuis les
+choses que je viens d'écrire. Je remarquai encore qu'au lieu d'aller
+visiter ses fontaines et de diversifier sa promenade, comme il faisait
+toujours dans ces jardins, il ne fit qu'aller et venir <i>le long de la
+balustrade de l'Orangerie</i>, d'où il voyait en revenant vers le château
+le logement de la surintendance où Louvois venait de mourir, qui
+terminait l'ancienne aile<a name="FNanchor_44_44" id="FNanchor_44_44"></a><a href="#Footnote_44_44" class="fnanchor">[44]</a> du château sur le flanc de l'Orangerie, et
+vers lequel il regarda sans cesse toutes les fois qu'il revenait vers le
+château.»</p>
+
+<p>Le corps de Louvois fut porté aux Invalides. Voici son acte de décès tel
+qu'il est inscrit sur les registres de la paroisse Notre-Dame de
+Versailles:</p>
+
+<p>«Le seizième jour de juillet mil six cent quatre-vingt-onze, est décédé
+au château, dans l'appartement de la surintendance, très-haut et
+puissant seigneur monseigneur Michel-François le Tellier, marquis de
+Louvois, ministre et secrétaire d'État, surintendant des bâtiments, des
+fortifications, des arts et manufactures de France, grand maître des
+postes, vicaire général de l'ordre de Saint-Lazare, commandeur et
+chancelier des ordres du roi, âgé de cinquante-deux ans, dont le corps
+ayant d'abord été apporté en cette église paroissiale, a été ensuite<a name="page_084" id="page_084"></a>
+transporté à Paris, dans l'hôtel royal des Invalides, pour être inhumé
+dans l'église; ses entrailles laissées à Meudon, aux révérends pères
+capucins, et son c&oelig;ur porté aux capucines de la rue Saint-Honoré, par
+moi soussigné, supérieur de la maison de la congrégation de la Mission
+de Versailles et curé de la même ville, en présence de MM. Henri Moreau
+et François Maricourt, qui ont signé: Moreau, de Maricourt, prêtres de
+la congrégation de la Mission. Et plus bas, signé: Hébert.»<a name="page_085" id="page_085"></a></p>
+
+<h3><a name="V" id="V"></a>V<br /><br />
+L'APPARTEMENT DE MADAME DE MAINTENON.<br /><br />
+1686-1715.</h3>
+
+<p class="c">&mdash;&mdash;&mdash;&mdash;</p>
+
+<p>Saint-Simon, voulant faire connaître les particularités de la vie privée
+de Louis XIV et de madame de Maintenon, dit dans un endroit de ses
+<i>Mémoires</i>: «Je me trouve, je l'avoue, entre la crainte de quelques
+redites et celle de ne pas expliquer assez en détail des curiosités que
+nous regrettons dans toutes les histoires et dans presque tous les
+Mémoires des divers temps. On voudrait y voir les princes, avec leurs
+maîtresses et leurs ministres, dans leur vie journalière. Outre une
+curiosité si raisonnable, on en connaîtrait bien mieux les m&oelig;urs du
+temps et le génie des monarques, celui de leurs maîtresses et de leurs
+ministres, de leurs favoris, de ceux qui les ont le plus approchés, et
+les adresses qui ont été employées pour les gouverner ou pour arriver
+aux divers buts qu'on s'est proposés. Si ces choses doivent passer pour
+curieuses, et même pour instructives<a name="page_086" id="page_086"></a> dans tous les règnes, à plus forte
+raison d'un règne aussi long et aussi rempli que l'a été celui de Louis
+XIV, et d'un personnage unique dans la monarchie depuis qu'elle est
+connue, qui a, trente-deux ans durant, revêtu ceux de confidente, de
+maîtresse, d'épouse, de ministre, et de toute-puissante, après avoir été
+si longuement néant, et, comme on dit, avoir si longtemps et si
+publiquement rôti le balai.» Ces réflexions de Saint-Simon peuvent
+également s'appliquer aux recherches des lieux habités par les mêmes
+personnages, et en particulier à Versailles, cette magnifique création
+de Louis XIV; on voudrait pouvoir connaître l'histoire de chacune des
+chambres de ce palais, surtout de ces petits appartements, dans lesquels
+on vit l'amour, la jalousie, l'ambition, la haine, toutes les plus
+mauvaises passions du c&oelig;ur humain s'agiter si longtemps pour donner le
+spectacle de ces élévations et de ces chutes de favoris et de maîtresses
+qui ont eu tant d'influence sur les destinées de la France dans le
+dernier siècle. Malheureusement le château de Versailles a subi de
+nombreux changements depuis Louis XIV jusqu'à nos jours, et il est
+difficile de se reconnaître au milieu de toutes ces transformations.</p>
+
+<p>L'un des appartements que l'on désire généralement le plus connaître, et
+sur lequel il y a eu jusqu'à ce jour le plus d'obscurité, est celui de
+madame de Maintenon, de cette femme extraordinaire qui, de la position
+la plus humble, s'éleva jusqu'au titre<a name="page_087" id="page_087"></a> d'épouse du roi, et gouverna
+pendant plus de trente ans et le monarque et le royaume.</p>
+
+<p>Nous avons étudié avec attention ce point de l'histoire du château de
+Versailles, comparé avec soin les divers documents qui peuvent
+l'éclairer, et nous croyons pouvoir établir d'une manière positive
+l'emplacement de cet appartement.</p>
+
+<p>L'opinion, aujourd'hui la plus répandue, est que cet appartement
+occupait quelques pièces situées derrière les petits appartements du
+roi, dans l'aile nord de la cour de marbre. C'est cette opinion que M.
+Vatout a adoptée dans son livre du <i>Palais de Versailles</i>; elle paraît
+avoir été suivie dans la réparation de cette partie du château,
+puisqu'on y signale plusieurs pièces comme ayant appartenu à
+l'appartement de madame de Maintenon, et que <i>Louis-Philippe</i> y a fait
+placer le portrait de cette femme célèbre. Voici, du reste, ce que dit
+M. Vatout:</p>
+
+<p class="c">SALLE DU DÉJEUNER.</p>
+
+<p>«Louis XVI avait l'habitude de déjeuner dans cette pièce avant de partir
+pour la chasse. Il y laissait entrer, pour les caresser, quatre chiens
+favoris qu'il aimait tant, que, dans la crainte de trop les fatiguer,
+les pages avaient ordre de les conduire en voiture à la chasse.</p>
+
+<p>»Louis-Philippe avait l'habitude de s'y reposer lorsqu'il allait visiter
+et suivre les travaux du Musée national de Versailles.<a name="page_088" id="page_088"></a></p>
+
+<p>»Cette pièce, éclairée sur la cour des Cerfs, faisait autrefois partie
+<i>du petit appartement de madame de Maintenon</i>. «Cet appartement, dit
+Saint-Simon, était au haut du grand escalier, de plain-pied avec
+l'appartement du roi<a name="FNanchor_45_45" id="FNanchor_45_45"></a><a href="#Footnote_45_45" class="fnanchor">[45]</a>.»</p>
+
+<p>Nous verrons plus tard où Saint-Simon plaçait cet appartement, et nous
+sommes encore étonné, après la description si claire qu'il en donne, que
+M. Vatout ait pu l'indiquer dans ce lieu.</p>
+
+<p>«La destruction de ce grand escalier, ajoute M. Vatout, et les nombreux
+changements opérés par Louis XV dans cette partie intérieure du palais,
+ne permettent plus aujourd'hui que d'indiquer l'emplacement du logement
+occupé par cette femme célèbre. <i>Ce qu'il y a de certain</i>, c'est que la
+pièce qu'on appelle aujourd'hui <i>Salle du déjeuner</i> faisait partie du
+salon par lequel le roi passait, en sortant de la salle à manger, pour
+se rendre dans le cabinet de madame de Maintenon. La petite galerie
+<i>Mignard</i>, avec ses deux salons, pouvait offrir à cet appartement de
+brillants accessoires, lorsqu'on y faisait de la musique ou qu'on y
+jouait la comédie.»</p>
+
+<p>Cette description ne laisse aucun doute, et l'on voit que M. Vatout
+place l'appartement de madame<a name="page_089" id="page_089"></a> de Maintenon au haut du grand escalier
+des ambassadeurs<a name="FNanchor_46_46" id="FNanchor_46_46"></a><a href="#Footnote_46_46" class="fnanchor">[46]</a>, entre les grands et les petits appartements du
+roi, tandis que sa place véritable, comme on va le voir, était dans la
+partie opposée, c'est-à-dire au haut de l'escalier de marbre, et du côté
+des appartements de la reine.</p>
+
+<p>Mais avant d'aller plus loin, et pour bien comprendre ce que nous allons
+dire, il est nécessaire de jeter un coup d'&oelig;il sur la distribution des
+appartements du château à l'époque de Louis XIV.</p>
+
+<p>En 1671, <i>André Félibien</i>, historiographe des bâtiments du roi, publia
+une description de Versailles et des embellissements que Louis XIV y
+faisait exécuter. Les agrandissements successifs opérés dans le palais,
+et les nouveaux arrangements nécessités par le séjour du roi,
+déterminèrent <i>Félibien des Avaux</i>, son fils et son successeur dans
+l'emploi d'historiographe des bâtiments, à faire paraître une nouvelle
+description de Versailles. C'est cette nouvelle description, publiée en
+l'année 1703, qui va nous servir. Nous en rapporterons tout ce qui peut
+faire connaître d'une manière exacte la disposition des appartements, en
+retranchant ce qui est inutile à la solution de la question qui nous
+occupe; c'est, du reste, une description très-curieuse du Versailles de
+Louis XIV, et qui vaudrait la peine d'être publiée de nouveau.</p>
+
+<p>Félibien décrit d'abord les appartements du rez-de-chaussée, occupés
+d'un côté par le Dauphin et de<a name="page_090" id="page_090"></a> l'autre par le duc du Maine, et nous
+ferons remarquer qu'il indique comme habité par le <i>duc du Maine</i>
+l'appartement des bains, situé sous les grands appartements du roi, car
+la situation de ce logement pourra nous servir à expliquer ce qui a pu
+faire croire que l'appartement de madame de Maintenon devait être de ce
+côté du château.</p>
+
+<p>Félibien ajoute ensuite<a name="FNanchor_47_47" id="FNanchor_47_47"></a><a href="#Footnote_47_47" class="fnanchor">[47]</a>: «Aux côtés de la petite cour pavée de
+marbre du milieu du château, et aux côtés de la grande cour par où l'on
+a été voir les grands appartements bas, il y a huit escaliers outre ceux
+des quatre petites cours voisines. La plupart des uns et des autres
+servent à dégager les grands appartements hauts, et à monter à quantité
+d'autres appartements que les principaux officiers de la maison du roi,
+obligés par leurs charges d'être proche de la personne de Sa Majesté,
+occupent, tant dans les logements qui sont aux côtés des grands
+appartements, que dans les attiques et proche des combles du vieux et du
+nouveau château. Les deux escaliers les plus considérables servent pour
+monter aux appartements du roi. Ils sont enrichis de marbre et situés
+aux côtés de la grande cour proche des passages, où l'appartement des
+bains (pour le grand escalier des ambassadeurs) et l'appartement de
+Monseigneur (pour l'escalier de marbre) ont leurs principales entrées.</p>
+
+<p>»Le moins grand de ces deux escaliers, appelé le<a name="page_091" id="page_091"></a> petit escalier de
+marbre, est auprès de ce dernier appartement où l'on entre même
+d'ordinaire par une porte qui est proche de la rampe de cet escalier. Il
+n'y en a pas de plus fréquenté et qu'on connaisse davantage dans
+Versailles. Trois arcades donnent d'abord entrée par la grande cour dans
+un vestibule fait en forme d'une double galerie voûtée de pierre et pavé
+de carreaux de marbre blanc et de marbre noir. C'est de là qu'on va à
+l'escalier proche duquel une des portes de l'appartement de Monseigneur
+est ouverte vers le midi. Une autre porte, vers l'occident, donne entrée
+dans la petite cour qui est environnée, de ce côté, des bâtiments du
+vieux et du nouveau château, et partagée par un corridor orné de
+colonnes. Tout l'escalier est pavé de marbre....</p>
+
+<p>»Sur le grand palier du haut, vers le midi, est une porte qui, de ce
+grand palier par le bout le plus proche du haut de la dernière rampe,
+conduit à l'appartement de la reine, occupé par madame la duchesse de
+Bourgogne. Et dans la face vers le septentrion, à l'autre bout du même
+palier, il y a une simple porte qui donne entrée dans les appartements
+du roi. Deux autres portes proche les précédentes servent, à l'autre
+bout de l'escalier vers l'orient, à entrer dans la grande salle des
+gardes, la plus proche de l'appartement de la reine. C'est en traversant
+un petit passage, qui est au bout de cette salle, qu'on peut aller par
+une autre grande salle (salle de 1792) à un petit appartement de jour de
+monseigneur le<a name="page_092" id="page_092"></a> duc de Bourgogne (salles des Gouaches), et par la même
+salle à un grand escalier de pierre (des Princes), par où l'on va aux
+appartements de Monsieur, de Madame, de monseigneur le duc de Chartres
+et de madame la duchesse de Chartres (galerie des Batailles) qui, comme
+nous avons déjà dit, sont de plain-pied avec ceux du roi....</p>
+
+<p>»Tâchons à présent, par une description la plus sommaire qu'il nous sera
+possible, de faire connaître l'état où les appartements du roi et les
+autres appartements hauts du vieux et du nouveau château sont
+aujourd'hui.</p>
+
+<p>»Le premier appartement du roi, où l'on entre, comme nous avons dit, par
+le petit escalier de marbre du côté du septentrion, a vue sur la petite
+cour pavée de marbre, qu'il environne de trois côtés. Un vestibule que
+l'on trouve d'abord proche du petit escalier <i>sert vers l'orient à
+donner passage à un appartement particulier qu'occupe madame la marquise
+de Maintenon dans une des ailes de la grande cour</i>; et vers l'occident à
+entrer par une salle des gardes dans une antichambre où l'on sert le roi
+quand il mange en public.»</p>
+
+<p>Ainsi, il n'y a pas ici de termes ambigus; c'est sur le vestibule placé
+près du palier du petit escalier de marbre et en face de l'entrée de
+l'appartement de Louis XIV, que se trouvait l'appartement de madame de
+Maintenon. Nous reviendrons bientôt sur cet appartement, et nous allons
+continuer la description de celui du roi, en suivant toujours Félibien,<a name="page_093" id="page_093"></a>
+afin de montrer qu'il indique la destination de toutes les pièces de cet
+appartement, et que l'endroit qu'il vient de désigner est le seul où
+l'on puisse placer l'habitation de cette femme célèbre:</p>
+
+<p>«Cette antichambre, <i>celle où le roi mangeait en public</i>, a depuis peu,
+vers le midi, une porte par où l'on entre dans un petit appartement de
+nuit de monseigneur le duc de Bourgogne (depuis petit appartement de la
+reine), que l'on a construit de nouveau au-dessus du corridor qui
+traverse en bas le milieu de la petite cour la plus proche de
+l'appartement de Monseigneur. Mais pour aller par la grande antichambre
+du roi dans l'appartement de Sa Majesté, on entre, vers l'occident, dans
+la chambre <i>des Bassans</i>, ainsi appelée à cause qu'il y a plusieurs
+tableaux de ces anciens maîtres au-dessus des portes et dans les
+lambris. Cette chambre a trois portes, outre celle de la grande
+antichambre par où l'on est entré. Une porte au midi conduit à un
+escalier de dégagement par où monseigneur monte de son appartement à
+celui du roi (cet escalier en pierre existe encore aujourd'hui,
+quoiqu'il ne soit plus d'aucun usage); une autre porte à l'occident
+conduit dans la grande galerie haute du nouveau château, du côté des
+jardins; et la troisième porte, au septentrion, est celle par où il faut
+passer dans la suite du premier appartement du roi, et premièrement dans
+la chambre à coucher de Sa Majesté.»</p>
+
+<p>Après la description de la chambre du roi et de<a name="page_094" id="page_094"></a> son ameublement, il
+ajoute: «Les portes du côté de la cheminée donnent entrée vers le
+septentrion dans un grand salon carré, situé au milieu de l'ancien
+château, sur le vestibule pavé et lambrissé de marbre qu'on a remarqué
+en bas.... Ensuite du salon on trouve une autre pièce appelée <i>chambre
+du Conseil</i>. Le premier des cabinets du roi est entièrement revêtu de
+glaces.... On le nomme <i>cabinet des Termes</i>, parce que vingt figures de
+jeunes enfants en forme de Termes, qui soutiennent des festons dorés,
+ornent une manière d'attique élevée au-dessus de la corniche, dans le
+même cabinet<a name="FNanchor_48_48" id="FNanchor_48_48"></a><a href="#Footnote_48_48" class="fnanchor">[48]</a>. Il reçoit son jour vers le septentrion, par la petite
+cour de l'appartement des bains.»</p>
+
+<p>Cette description de l'appartement du roi est curieuse en ce qu'elle
+nous donne l'époque exacte de l'établissement de la chambre à coucher
+dans laquelle mourut Louis XIV. En effet, l'on a pu voir dans les
+détails donnés par Félibien que ce que l'on nomme le <i>salon de
+l'&OElig;il-de-b&oelig;uf</i> était coupé en deux parties, dont l'une était occupée
+par une antichambre nommée des <i>Bassans</i>, et l'autre par la chambre à
+coucher du roi, tandis que la chambre à coucher actuelle, qui occupe le
+centre du château, était un grand salon de réception, probablement
+l'ancien grand salon de Louis XIII.<a name="page_095" id="page_095"></a></p>
+
+<p>C'est en 1703 que Félibien des Avaux fit paraître sa <i>Description
+sommaire de Versailles</i>. Mais à la fin de ce même volume, dans un
+chapitre intitulé <i>Changements qui ont été faits à Versailles, en divers
+endroits du château, pendant l'impression de ce volume</i>, voici ce qu'il
+dit de l'appartement du roi: «On voit un nouveau salon qui ne surprend
+pas moins par sa richesse que par sa grandeur. Il contient tout l'espace
+d'une seconde antichambre et d'une chambre où l'on a vu jusqu'ici le lit
+du roi: ainsi ce nouveau salon a au moins soixante pieds de longueur sur
+environ vingt-six de largeur, et son exhaussement, qu'on a beaucoup
+augmenté, a donné moyen de faire une ouverture ovale de fenêtre dans le
+haut de l'extrémité vers le midi&mdash;que l'on nomme un &oelig;il-de-b&oelig;uf&mdash;pour
+donner plus de jour au salon. L'on ne peut trop considérer dans la
+chambre du roi, qui servait autrefois de salon, les changements qu'on y
+a faits et les ornements nouveaux dont on l'a embellie. Elle est toute
+boisée et presque entièrement dorée sur un fond blanc, ainsi que le
+grand salon, mais ornée avec encore plus de magnificence. La cheminée
+est placée à présent vers le septentrion; son chambranle de marbre
+occupe le bas d'une grande arcade remplie de glaces de miroir, et dont
+le cintre est porté par des pilastres ioniques, et chargé d'une
+cassolette fumante, accompagnée de festons de fleurs, et de deux Zéphyrs
+figurés par des enfants en bas-reliefs, qui ont des ailes de papillon au
+dos. Il y a<a name="page_096" id="page_096"></a> une semblable arcade vis-à-vis, aussi toute remplie de
+glaces et accompagnée d'ornements. L'on a doré de nouveau les pilastres,
+et tous les ouvrages de sculpture qu'on a conservés. Une grande arcade
+surbaissée sert du côté de l'occident, vis-à-vis des fenêtres, à
+augmenter la profondeur de cette chambre pour y placer plus commodément
+le lit du roi.»</p>
+
+<p>Il est donc évident que le salon dit de l'&OElig;il-de-b&oelig;uf et la chambre
+actuelle du roi Louis XIV ne datent que de l'année 1703, c'est-à-dire de
+l'époque écoulée entre l'impression de l'ouvrage de Félibien et les
+additions qu'il a placées à la fin, avant de la livrer au public.</p>
+
+<p>Dans les changements qu'on venait de faire subir à l'appartement du roi,
+Félibien signale l'agrandissement de la salle du Conseil aux dépens du
+cabinet des Termes, qui, quoique plus petit, n'en continua pas moins
+d'exister.</p>
+
+<p>Félibien ajoute: «Le second cabinet, dans lequel on entre par le grand
+cabinet du Conseil et par l'ancien cabinet des Termes, et qui a vue vers
+le septentrion sur la même cour, et vers le midi sur la petite cour
+pavée de marbre, est orné de tableaux de tous côtés.» (Sous Louis XV,
+cette chambre fut agrandie du côté du nord, l'on boucha les fenêtres de
+ce côté, et elle devint la chambre à coucher du roi.) «La pièce suivante
+sert de vestibule à un escalier par où le roi descend de son appartement
+pour sortir du château, et sert à passer dans un<a name="page_097" id="page_097"></a> autre cabinet, qu'une
+arcade et deux autres ouvertures moins grandes qui l'accompagnent
+unissent à la dernière pièce de l'enfilade. Ici une porte située au
+septentrion donne entrée dans un salon ovale tout doré et orné de
+pilastres et de quatre niches où l'on a placé autant de groupes de
+bronze. Enfin, dans ce salon ovale, une porte donne entrée dans un
+cabinet qui l'accompagne vers l'occident, et une autre porte vers
+l'orient conduit à la petite galerie peinte par <i>Mignard</i>, dont nous
+avons rapporté une description assez étendue, ainsi que des deux salons
+qui sont à ses extrémités.» Ici s'arrête la description des petits
+appartements du roi. Félibien décrit ensuite le grand escalier des
+ambassadeurs, les grands appartements du roi, la grande galerie et les
+appartements de la reine, qui ne sont point changés.</p>
+
+<p>En suivant pas à pas, sur les plans de <i>Blondel</i>, la description de
+Félibien, on voit que toutes les pièces de l'appartement du roi, qui y
+sont parfaitement indiquées, avaient toutes une destination, et qu'il
+est impossible d'y trouver un endroit pouvant s'appliquer à
+l'appartement de madame de Maintenon. Il faut donc absolument chercher
+cet appartement dans une autre partie du château.</p>
+
+<p>Nous avons dit que Félibien en plaçait la porte dans le vestibule qui
+servait d'entrée à l'appartement du roi: «Un vestibule que l'on trouve
+d'abord proche du petit escalier sert, vers l'orient, à donner passage à
+un appartement particulier qu'occupe<a name="page_098" id="page_098"></a> madame la marquise de Maintenon
+dans une des ailes de la grande cour.» Malheureusement Félibien, si
+exact dans le détail des divers appartements qu'il décrit, mais voulant
+seulement faire connaître au public ceux qu'on pouvait visiter et qui
+étaient curieux par leurs ornements, les tableaux, les sculptures, ou
+les choses rares qu'ils contenaient, n'a parlé que des appartements du
+roi, de la reine et des princes, et n'a rien ajouté de plus sur celui de
+madame de Maintenon. Cependant cette indication est déjà une preuve de
+sa situation en ce lieu, et de la nécessité de ne point le chercher
+ailleurs.</p>
+
+<p>Voyons, maintenant que nous savons le lieu occupé par cet appartement,
+si nous trouverons quelque part des détails assez circonstanciés pour
+qu'il ne reste aucun doute, et que nous puissions, en quelque sorte, le
+rétablir comme il était à cette époque.</p>
+
+<p>Il était impossible que Saint-Simon, ce caustique et spirituel
+chroniqueur, qui passait, pour ainsi dire, tous ses jours dans le
+château de Versailles à suivre ses habitants, pour deviner leurs
+pensées, leurs actions, connaître les événements nouveaux et surtout les
+intrigues que ce peuple de courtisans faisait éclore et avorter à chaque
+instant, ne donnât pas quelques renseignements sur le lieu qu'habitait
+le plus célèbre de tous ces personnages, sur celui qui était devenu le
+véritable chef de l'État, et que Saint-Simon avait d'autant plus de
+motifs de faire connaître dans ses moindres actions, qu'il y cherchait
+presque toujours<a name="page_099" id="page_099"></a> des raisons de faire excuser la haine qu'il lui
+portait.</p>
+
+<p>Il donne en effet dans ses <i>Mémoires</i> une description si exacte et si
+minutieuse de l'appartement de madame de Maintenon, que l'on est étonné
+d'avoir vu sa place si longtemps ignorée.</p>
+
+<p>Voici à quelle occasion. Au mois de décembre 1708, le duc de Bourgogne
+revenait de sa campagne de Flandre, qui n'avait pas été heureuse. Il
+était attendu à la cour avec grande impatience; et tous ses amis
+redoutaient la réception qu'allait lui faire Louis XIV. Saint-Simon,
+très-attaché au duc de Bourgogne, raconte ainsi cette réception, dans
+laquelle il entre, pour la mieux faire comprendre, dans les plus
+minutieux détails:</p>
+
+<p>«Madame la duchesse de Bourgogne, dit-il, était dans une grande
+agitation de la réception que recevrait monseigneur le duc de Bourgogne,
+et de pouvoir avoir le temps de l'entretenir et de l'instruire avant
+qu'il pût voir le roi en personne. Je lui fis dire de lui mander
+d'ajuster son voyage de façon qu'il arrivât à une ou deux heures après
+minuit, parce que de la sorte, arrivant tout droit chez elle et ne
+pouvant voir qu'elle, ils auraient tout le temps de la nuit à être
+ensemble seuls, les premiers instants du matin avec le duc de
+Beauvillier et peut-être avec madame de Maintenon, et l'avantage encore
+que le prince saluerait le roi et Monseigneur avant que personne fût
+entré chez eux, et que personne n'y serait témoin de sa réception, à
+très-peu de valets<a name="page_100" id="page_100"></a> près et même écartés. L'avis ne fut pas donné, ou,
+s'il le fut, il ne fut pas suivi. Le jeune prince arriva le lundi 11
+décembre, un peu après sept heures du soir, comme Monseigneur venait
+d'entrer à la comédie<a name="FNanchor_49_49" id="FNanchor_49_49"></a><a href="#Footnote_49_49" class="fnanchor">[49]</a>, où madame la duchesse de Bourgogne n'était
+pas allée pour l'attendre. Je ne sais pourquoi il vint descendre dans la
+<i>cour des Princes</i> au lieu de la grande. J'étais en ce moment-là chez la
+comtesse de Roucy dont les fenêtres donnaient dessus. Je sortis
+aussitôt, et arrivant au haut du grand degré du bout de la galerie<a name="FNanchor_50_50" id="FNanchor_50_50"></a><a href="#Footnote_50_50" class="fnanchor">[50]</a>,
+j'aperçus le prince qui le montait, entre les ducs de Beauvillier et de
+la Rocheguyon, qui s'étaient trouvés à la descente de sa chaise. Il
+avait bon visage, gai et riant, et parlait à droite et à gauche. Je lui
+fis ma révérence au bord des marches. Il me fit l'honneur de
+m'embrasser, mais de façon à me marquer qu'il était encore plus instruit
+qu'attentif à ce qu'il devait à la dignité, et il ne parla plus qu'à moi
+un assez long bout de chemin, pendant lequel il me glissa bas qu'il
+n'ignorait pas comment j'avais parlé, et comment j'en avais usé à son
+égard. Il fut rencontré par un groupe de courtisans, à la tête desquels
+était le duc de la Rochefoucauld. Entouré de ce groupe, il traversa la
+grande<a name="page_101" id="page_101"></a> salle des gardes, au lieu d'entrer chez madame de Maintenon par
+son antichambre de jour et par les derrières, bien que son plus
+court<a name="FNanchor_51_51" id="FNanchor_51_51"></a><a href="#Footnote_51_51" class="fnanchor">[51]</a>, et alla, par le palier du grand degré<a name="FNanchor_52_52" id="FNanchor_52_52"></a><a href="#Footnote_52_52" class="fnanchor">[52]</a>, entrer par la
+grande porte de l'appartement de madame de Maintenon<a name="FNanchor_53_53" id="FNanchor_53_53"></a><a href="#Footnote_53_53" class="fnanchor">[53]</a>. C'était le
+jour du travail ordinaire de Pontchartrain, qui, depuis quelque temps,
+avait changé avec Chamillart du mardi au lundi. Il était alors en tiers
+avec le roi et madame de Maintenon, et le soir même il me conta cette
+curieuse réception, qu'il remarqua bien et dont il fut seul témoin. Je
+dis en tiers, parce que madame la duchesse de Bourgogne allait et
+venait; mais pour le bien entendre, il faut un moment d'ennui de
+mécanique.</p>
+
+<p>»L'appartement de madame de Maintenon était de plain-pied et faisant
+face à la salle des gardes du roi<a name="FNanchor_54_54" id="FNanchor_54_54"></a><a href="#Footnote_54_54" class="fnanchor">[54]</a>. L'antichambre était plutôt un
+passage long en<a name="page_102" id="page_102"></a> travers, étroit, jusqu'à une autre antichambre toute
+pareille de forme, dans laquelle les seuls capitaines des gardes
+entraient<a name="FNanchor_55_55" id="FNanchor_55_55"></a><a href="#Footnote_55_55" class="fnanchor">[55]</a>, puis une grande chambre profonde<a name="FNanchor_56_56" id="FNanchor_56_56"></a><a href="#Footnote_56_56" class="fnanchor">[56]</a>. Entre la porte, par
+où l'on y entrait de cette seconde antichambre, et la cheminée<a name="FNanchor_57_57" id="FNanchor_57_57"></a><a href="#Footnote_57_57" class="fnanchor">[57]</a>,
+était le fauteuil du roi adossé à la muraille, une table devant lui, et
+un ployant autour pour le ministre qui travaillait. De l'autre côté de
+la cheminée une niche de damas rouge et un fauteuil ou se tenait madame
+de Maintenon avec une petite table devant elle. Plus loin son lit dans
+un enfoncement<a name="FNanchor_58_58" id="FNanchor_58_58"></a><a href="#Footnote_58_58" class="fnanchor">[58]</a>. Vis-à-vis les pieds du lit une porte et cinq
+marches<a name="FNanchor_59_59" id="FNanchor_59_59"></a><a href="#Footnote_59_59" class="fnanchor">[59]</a>. Puis un fort grand cabinet qui donnait dans la première
+antichambre de l'appartement de monseigneur le duc<a name="page_103" id="page_103"></a> de Bourgogne, que
+cette porte enfilait, et qui est aujourd'hui l'appartement du cardinal
+de Fleury<a name="FNanchor_60_60" id="FNanchor_60_60"></a><a href="#Footnote_60_60" class="fnanchor">[60]</a>. Cette première antichambre ayant à droite cet
+appartement, et à gauche ce grand cabinet de madame de Maintenon,
+descendait, comme encore aujourd'hui, par cinq marches dans le salon de
+marbre contigu au palier du grand degré au bout des deux galeries, haute
+et basse, dites de madame la duchesse d'Orléans, ou des Princes<a name="FNanchor_61_61" id="FNanchor_61_61"></a><a href="#Footnote_61_61" class="fnanchor">[61]</a>.</p>
+
+<p>«Tous les soirs, madame la duchesse de Bourgogne jouait dans le grand
+cabinet de madame de Maintenon avec les dames à qui on avait donné
+l'entrée, qui ne laissait pas d'être assez étendue, et de là, entrait,
+tant et si souvent qu'elle voulait, dans la pièce joignante, qui était
+la chambre de madame de Maintenon, où elle était avec le roi, la
+cheminée entre deux. Monseigneur, après la comédie, montait<a name="page_104" id="page_104"></a> dans ce
+grand cabinet<a name="FNanchor_62_62" id="FNanchor_62_62"></a><a href="#Footnote_62_62" class="fnanchor">[62]</a> où le roi n'entrait point, et madame de Maintenon
+presque jamais.</p>
+
+<p>»Avant le souper du roi, les gens de madame de Maintenon lui apportaient
+son potage avec son couvert, et quelque autre chose encore. Elle
+mangeait, ses femmes et un valet de chambre la servaient, toujours le
+roi présent, et presque toujours travaillant avec un ministre. Le souper
+achevé, qui était court, on emportait la table; les femmes de madame de
+Maintenon demeuraient, qui tout de suite la déshabillaient en un moment,
+et la mettaient au lit. Lorsque le roi était averti qu'il était servi,
+il passait un moment dans une garde-robe<a name="FNanchor_63_63" id="FNanchor_63_63"></a><a href="#Footnote_63_63" class="fnanchor">[63]</a>, allait après dire un mot à
+madame de Maintenon, puis sonnait une sonnette qui répondait au grand
+cabinet. Alors Monseigneur, s'il y était, monseigneur et madame la
+duchesse de Bourgogne, M. le duc de Berry, et les dames qui étaient à
+elle, entraient à la file dans la chambre de madame de Maintenon, ne
+faisaient presque que la traverser, et précédaient le roi qui allait se
+mettre à table suivi de madame la duchesse de Bourgogne et de ses dames.
+Celles qui n'étaient point à elle, ou s'en allaient, ou, si elles
+étaient habillées pour aller au souper, car le privilège de ce cabinet
+était d'y faire sa cour à madame la duchesse de Bourgogne sans l'être,
+faisaient le tour par la grande salle des<a name="page_105" id="page_105"></a> gardes sans entrer dans la
+chambre de madame de Maintenon. Nul homme, sans exception que ces trois
+princes, n'entrait dans le grand cabinet. Cela expliqué, venons à la
+réception et à tout son détail, auquel Pontchartrain fut très-attentif,
+et qu'il me rendit tête à tête très-exactement une demi-heure après
+qu'il fut revenu chez lui<a name="FNanchor_64_64" id="FNanchor_64_64"></a><a href="#Footnote_64_64" class="fnanchor">[64]</a>.</p>
+
+<p>»Sitôt que de chez madame de Maintenon on entendit la rumeur qui précède
+de quelques instants ces sortes d'arrivée, le roi s'embarrassa jusqu'à
+changer diverses fois de visage. Madame la duchesse de Bourgogne parut
+un peu tremblante, et voltigeait par la chambre pour cacher son trouble,
+sous prétexte d'incertitude par où le prince arriverait, du <i>grand
+cabinet</i> ou de l'<i>antichambre</i>. Madame de Maintenon était rêveuse. Tout
+à coup les portes s'ouvrirent. Le jeune prince s'avança au roi, qui,
+maître de soi plus que qui que ce fût, perdit à l'instant tout embarras,
+fit<a name="page_106" id="page_106"></a> un pas ou deux vers son petit-fils, l'embrassa avec assez de
+démonstration de tendresse, lui parla de son voyage; puis, lui montrant
+la princesse:&mdash;Ne lui dites-vous rien? ajouta-t-il d'un visage riant. Le
+prince se retourna un moment vers elle, et répondit respectueusement
+comme n'osant se détourner du roi, et sans avoir remué de place. Il
+salua ensuite madame de Maintenon, qui lui fit fort bien. Ces propos de
+voyage, de couchées, de chemins durèrent ainsi et tout debout un
+demi-quart d'heure; puis le roi lui dit qu'il n'était pas juste de lui
+retarder plus longtemps le plaisir qu'il aurait d'être avec madame la
+duchesse de Bourgogne, et le renvoya, ajoutant qu'ils auraient loisir de
+se revoir. Le prince fit sa révérence au roi, une autre à madame de
+Maintenon, passa devant le peu de dames du palais qui s'étaient
+enhardies de mettre la tête dans la chambre, <i>au bas de ces cinq
+marches</i>, entra dans le <i>grand cabinet</i>, où il embrassa madame la
+duchesse de Bourgogne, y salua les dames qui s'y trouvèrent,
+c'est-à-dire les baisa, demeura quelques moments, et passa dans son
+appartement, où il s'enferma avec madame la duchesse de Bourgogne.</p>
+
+<p>»Leur tête-à-tête dura deux heures et plus; tout à la fin madame d'O y
+fut en tiers; presque aussitôt après, la maréchale d'Estrées y entra, et
+peu de moments après madame la duchesse de Bourgogne sortit avec elles,
+et revint dans le grand cabinet de madame de Maintenon. Monseigneur y
+vint à l'ordinaire<a name="page_107" id="page_107"></a> au sortir de la comédie<a name="FNanchor_65_65" id="FNanchor_65_65"></a><a href="#Footnote_65_65" class="fnanchor">[65]</a>; madame la duchesse de
+Bourgogne, en peine de ce que monseigneur le duc de Bourgogne ne se
+pressait point d'y venir saluer Monseigneur, l'alla chercher, et revint
+disant qu'il se poudrait; mais remarquant que Monseigneur n'était pas
+satisfait de ce peu d'empressement, elle envoya le hâter. Cependant la
+maréchale d'Estrées, folle et étourdie, et en possession de dire tout ce
+qui lui passait par la tête, se mit à attaquer Monseigneur de ce qu'il
+attendait si tranquillement son fils au lieu d'aller lui-même
+l'embrasser. Ce propos hasardé ne réussit pas. Monseigneur répondit
+sèchement que ce n'était pas à lui à aller chercher le duc de Bourgogne,
+mais au duc de Bourgogne à le venir trouver. Il vint enfin. La réception
+fut assez bonne, mais elle n'égala pas celle du roi à beaucoup près.
+Presque aussitôt le roi sonna, et on passa pour le souper<a name="FNanchor_66_66" id="FNanchor_66_66"></a><a href="#Footnote_66_66" class="fnanchor">[66]</a>.»</p>
+
+<p>Nous avons transcrit tout entière cette scène de la réception du duc de
+Bourgogne par le roi Louis XIV, malgré sa longueur, parce qu'elle donne
+les renseignements les plus exacts sur cet appartement de madame de
+Maintenon, tant cherché, et aussi parce que nous avons pensé qu'elle
+paraîtrait d'autant plus piquante<a name="page_108" id="page_108"></a> qu'on pourrait la suivre dans tous
+ses détails sur les lieux mêmes.</p>
+
+<p>Il nous semble que d'après ces diverses descriptions de Félibien et de
+Saint-Simon, et en les comparant aux plans que Blondel a donnés des
+appartements du château de Versailles à l'époque de Louis XIV, il ne
+doit rester aucun doute dans l'esprit des personnes même les plus
+prévenues sur l'emplacement qu'occupait l'appartement de madame de
+Maintenon.</p>
+
+<p>Maintenant, quelle raison a donc pu faire indiquer comme <i>appartement de
+madame de Maintenon</i> des chambres qui n'en ont jamais fait partie, et
+qui en sont même si éloignées?</p>
+
+<p>La seule véritable, c'est qu'au moment où l'on cherchait à retrouver,
+pour chacune des pièces des petits appartements, le nom qu'elles avaient
+dû avoir sous Louis XIV, on n'avait aucune donnée sur le lieu qu'avait
+occupé l'appartement de madame de Maintenon; et que comme il existait un
+petit escalier allant des petits appartements à l'appartement du
+rez-de-chaussée (ancien appartement des Bains), et portant encore le nom
+d'<i>escalier de Maintenon</i>, on supposa que l'appartement de la secrète
+épouse de Louis XIV avait dû ouvrir sur cet escalier, qui lui servait
+sans doute d'entrée particulière. De là la place qu'on lui donne dans
+tous les ouvrages modernes, et en particulier dans celui de M. Vatout.</p>
+
+<p>Mais ce nom de Maintenon, conservé à l'escalier<a name="page_109" id="page_109"></a> dont nous parlons, et
+qui a induit en erreur l'<i>historiographe moderne des bâtiments du roi</i>,
+ne peut-il pas s'expliquer tout autrement?</p>
+
+<p>Félibien nous dit, dans sa description du château, que l'appartement
+<i>des Bains</i>, placé sous les grands appartements du roi, était occupé par
+le duc du Maine; or, tout le monde sait que madame de Maintenon est
+restée gouvernante de ce jeune prince jusqu'au moment de son élévation,
+et qu'elle allait fréquemment chez le roi, surtout dans les premiers
+temps de sa faveur. Eh bien, ne peut-on pas considérer comme à peu près
+certain que cet escalier, qui se rendait directement des appartements
+qu'elle habitait avec le duc du Maine dans ceux de Louis XIV, devait
+être celui qu'elle prenait pour y aller; d'où, par suite, lui serait
+venu le nom qu'il a conservé jusqu'à nos jours?</p>
+
+<p>Quelle que soit la valeur de cette explication, à laquelle nous
+attachons très-peu d'importance, toujours est-il qu'il résulte des
+descriptions de <i>Félibien</i> et de <i>Saint-Simon</i>, comparées aux plans de
+<i>Blondel</i>, que l'appartement occupé par madame de Maintenon dans le
+château de Versailles était situé du côté des appartements de la reine,
+occupés alors par la duchesse de Bourgogne, derrière la grande salle des
+gardes du corps, de plain-pied avec l'appartement de Louis XIV, et
+ouvrant en face de ce dernier dans le vestibule placé au haut de
+l'escalier de marbre ou de la reine; et que cet appartement,
+successivement<a name="page_110" id="page_110"></a> occupé sous Louis XV par le comte de Clermont, et sous
+Louis XVI par le maréchal de Duras, forme aujourd'hui trois des salles
+consacrées aux campagnes de 1793, 1794 et 1795.</p>
+
+<p>Tout en admettant cette conclusion, quelques personnes pourraient
+peut-être penser que dans les derniers temps de la vie de Louis XIV, et
+particulièrement après la mort du duc et de la duchesse de Bourgogne,
+madame de Maintenon vint habiter une autre partie du château; mais en
+lisant attentivement Saint-Simon, surtout lorsqu'il parle de la dernière
+maladie du roi, on voit qu'elle resta toujours dans le même appartement.</p>
+
+<p>«Toute la cour, dit-il, se tenait tout le jour dans la galerie. Personne
+ne s'arrêtait dans l'antichambre la plus proche de la chambre
+(l'&OElig;il-de-b&oelig;uf) que les valets familiers, et la pharmacie, qui y
+faisaient chauffer ce qui était nécessaire; on y passait seulement, et
+vite, et d'une porte à l'autre. Les entrées passaient dans les cabinets
+par la porte de glace qui y donnait de la galerie qui était toujours
+fermée, et qui ne s'ouvrait que lorsqu'on y grattait, et se refermait à
+l'instant. Les ministres et les secrétaires d'État y entraient aussi, et
+tous se tenaient dans le cabinet qui joignait la galerie (le cabinet des
+Termes). Les princes du sang, ni les princesses filles du roi
+n'entraient pas plus avant, à moins que le roi ne les demandât, ce qui
+n'arrivait guère. Le maréchal de Villeroy, le chancelier, les deux
+bâtards, M. le<a name="page_111" id="page_111"></a> duc d'Orléans, le père Tellier, le curé de la paroisse,
+quand Maréchal, Fagon et les premiers valets de chambre n'étaient pas
+dans la chambre, se tenaient dans le cabinet du Conseil, qui est entre
+la chambre du roi et un autre cabinet (des Termes), où étaient les
+princes et princesses du sang, les entrées et les ministres.</p>
+
+<p>»Le duc de Tresmes, premier gentilhomme de la chambre en année, se
+tenait sur la porte, entre les deux cabinets, qui demeurait ouverte, et
+n'entrait dans la chambre du roi que pour les moments de son service
+absolument nécessaire. Dans tout le jour personne n'entrait dans la
+chambre du roi que par le cabinet du Conseil, excepté ces valets
+intérieurs ou de la pharmacie qui demeuraient dans la première
+antichambre, <i>madame de Maintenon</i> et les dames familières, et pour le
+dîner et le souper, le service et les courtisans qu'on y laissait
+entrer.»</p>
+
+<p>Ainsi, c'était par les antichambres, c'est-à-dire du côté où se trouvait
+l'appartement déjà indiqué de madame de Maintenon, qu'elle entrait dans
+la chambre du roi; et l'on ne concevrait pas qu'elle eût pris cette
+route, dans le cas où son logement eût été transféré de l'autre côté du
+château. Mais Saint-Simon ajoute encore plus loin quelque chose de plus
+positif. Après avoir raconté comment le roi, à l'extrémité, venait de
+recevoir les soins d'un <i>manant provençal, fort grossier, qui lui
+apportait un remède qui guérissait la gangrène</i>, il dit: «Madame de
+Maintenon venait<a name="page_112" id="page_112"></a> de sortir de chez le roi, ses coiffes baissées, menée
+par le maréchal de Villeroy <i>par devant chez elle sans y entrer,
+jusqu'au bas du grand degré</i>, où elle leva ses coiffes. Elle embrassa le
+maréchal d'un &oelig;il fort sec, en lui disant: Adieu, monsieur le maréchal,
+monta dans un carrosse du roi qui la servait toujours, dans lequel
+madame de Caylus l'attendait seule, et s'en alla à Saint-Cyr, suivie de
+son carrosse où étaient ses femmes<a name="FNanchor_67_67" id="FNanchor_67_67"></a><a href="#Footnote_67_67" class="fnanchor">[67]</a>.»</p>
+
+<p>Comme il n'y a pas de doute, d'après ce que nous avons déjà expliqué,
+sur l'escalier appelé par Saint-Simon le <i>grand degré</i>, que c'est
+l'escalier de marbre existant encore aujourd'hui, il est donc évident
+que madame de Maintenon passait ainsi devant l'appartement que nous
+avons décrit, qu'elle habitait encore en 1715, à la mort de Louis XIV.</p>
+
+<p>Les recherches auxquelles nous nous sommes livré pour retrouver
+l'emplacement de l'appartement de madame de Maintenon, nous ont mis à
+même de relever une erreur assez grave du livre de M. Vatout. C'est à
+l'occasion du confessionnal de Louis XIV.</p>
+
+<p>L'on a vu sur le plan de Blondel, et d'après la description de Félibien,
+que la pièce où se trouve aujourd'hui le confessionnal formait un salon
+ovale, dont un côté ouvrait sur un cabinet et l'autre sur le<a name="page_113" id="page_113"></a> salon
+précédant la galerie de Mignard. M. Vatout, qui a vu aussi ce salon sur
+le plan de Blondel, pense qu'il faisait partie, ainsi que le cabinet et
+la salle du déjeuner, de l'appartement de madame de Maintenon, puisqu'il
+dit: «La petite galerie Mignard, avec ses deux salons, pouvait offrir à
+cet appartement de brillants accessoires, lorsqu'on y jouait la
+comédie.» Ce qui ne l'empêche pas, quelques pages plus loin, d'y mettre
+le confessionnal de Louis XIV: «C'est là, dit-il; que s'agenouillait le
+grand roi; c'est là qu'il humiliait sa fierté devant Celui au nom duquel
+s'abaissent toutes les grandeurs de la terre.» Comme s'il était
+présumable que le roi eût été placer le mystérieux endroit où devait se
+dévoiler ses plus secrètes pensées au milieu même de l'appartement de la
+favorite! Nous ne faisons cette remarque que pour montrer la
+contradiction dans laquelle est tombé M. Vatout, car il est évident que
+le confessionnal de Louis XIV n'a jamais été placé dans ce lieu. Sous ce
+roi, s'y trouvaient le salon ovale et un cabinet. Sous Louis XV, d'après
+les changements indiqués dans l'un des plans de Blondel, on fit à la
+place du salon ovale un petit salon carré, et l'on établit une
+<i>garde-robe</i> dans le cabinet. Enfin, sous Louis XVI, de nouveaux
+changements eurent encore lieu, le salon fut diminué, et l'on en fit un
+cabinet dans lequel fut placé le confessionnal du roi. C'est donc Louis
+XVI, et non Louis XIV, qui a fait mettre son confessionnal dans cet
+endroit. Nous ne savons si, sous Louis XVI,<a name="page_114" id="page_114"></a> le capitaine des gardes se
+tenait l'épée à la main, pendant la confession, derrière la glace sans
+tain que l'on remarque dans la niche près du confessionnal; mais s'il en
+était ainsi sous Louis XIV, comme le dit M. Vatout, ce n'est point dans
+cet endroit qu'avait lieu cette <i>étrange habitude</i>.<a name="page_115" id="page_115"></a></p>
+
+<h3><a name="VI" id="VI"></a>VI<br /><br />
+L'ANCIENNE MACHINE DE MARLY<br /><br />
+<small>OU</small><br /><br />
+DE VILLE ET RENNEQUIN.</h3>
+
+<p class="c">&mdash;&mdash;&mdash;&mdash;</p>
+
+<p>Il n'existe peut-être pas de machine qui ait eu une réputation aussi
+colossale que l'ancienne machine de Marly. Son aspect gigantesque, sa
+complication apparente, le bruit extraordinaire produit par son
+mécanisme que l'on entendait d'une distance considérable, cette masse de
+charpentes et de chaînes de fer se mouvant continuellement depuis le
+bord de la Seine jusqu'au haut de la montagne de Louveciennes, tout
+enfin dans cette immense machine était fait pour étonner les regards et
+frapper l'imagination de la foule. Il semble que l'auteur d'un si
+étonnant travail n'a pu rester inconnu, et cependant, même aujourd'hui,
+l'on discute encore pour savoir qui il est. Ce fait, qui paraît
+extraordinaire, s'explique naturellement par l'usage où l'on était, sous
+Louis XIV, de faire tout au nom du roi ou de ses<a name="page_116" id="page_116"></a> ministres, et de
+placer ainsi dans l'ombre et au rang de simples employés des bâtiments
+les véritables auteurs de la plupart des merveilles exécutées sous le
+règne du grand roi. Que l'on demande en effet aux historiens à qui sont
+dus les immenses travaux faits pour amener les eaux de l'Eure à
+Versailles, ou pour réunir les eaux de pluie et de neige à plus de dix
+lieues à la ronde, et les verser dans ces réservoirs, si heureusement
+alimentés aujourd'hui par la nouvelle machine hydraulique de la Seine;
+qu'on les interroge pour savoir les noms des habiles artistes qui ont
+exécuté les plus jolis arrangements des jardins de Versailles, et ces
+magnifiques jets d'eau si habilement et si élégamment disposés, ils
+nommeront Louis XIV, Colbert et Louvois, et à la suite Mansart et Le
+Nôtre; mais de l'abbé Picard, de Lahire, de Vauban, de Perrault, de
+Francine, etc., pas un mot; et il faut, comme nous l'avons fait, aller
+fouiller dans les archives, dans les registres des bâtiments, pour
+retrouver les véritables auteurs de tous ces beaux travaux. C'est là ce
+qui est arrivé aussi pour la machine de Marly. En n'allant pas chercher
+aux véritables sources, on s'en est rapporté à des on dit plus ou moins
+désintéressés, et aidé du merveilleux populaire, qui aime toujours à
+rencontrer des moyens extraordinaires dans l'exécution de choses qui lui
+paraissent extraordinaires, l'on a ainsi déplacé les rôles, et attribué
+à un seul, et encore à celui qui y a pris la moindre part, l'honneur de
+son<a name="page_117" id="page_117"></a> invention. Reprenons donc un peu l'historique de la machine de
+Marly, et suivons-le d'après les documents authentiques, dont les pièces
+vont être mises sous les yeux du lecteur.</p>
+
+<p>Louis XIV venait de désigner Versailles pour son séjour habituel.
+Colbert, l'exécuteur des volontés du maître, donnait les ordres les plus
+précis pour hâter les travaux nécessaires à leur accomplissement. Une
+chose cependant semblait s'opposer aux désirs du roi, et paraissait
+condamner Versailles à n'être jamais qu'un séjour passager: c'était le
+manque d'eau. Mais le roi avait parlé, et son ministre avait fait un
+appel à tous ceux que leurs connaissances spéciales pouvaient mettre à
+même de résoudre cette importante question. Déjà, des travaux importants
+avaient été exécutés<a name="FNanchor_68_68" id="FNanchor_68_68"></a><a href="#Footnote_68_68" class="fnanchor">[68]</a>, et non-seulement les eaux de sources, mais
+encore des eaux recueillies sur les hauteurs environnant Versailles,
+commençaient à satisfaire les désirs du roi et de son ministre. Sur ces
+entrefaites, Colbert apprend qu'un gentilhomme liégeois, ingénieur
+lui-même, vient de faire exécuter dans le domaine des comtes de Marchin,
+seigneurs de Modave<a name="FNanchor_69_69" id="FNanchor_69_69"></a><a href="#Footnote_69_69" class="fnanchor">[69]</a> une machine qui élève l'eau à une très-grande
+hauteur, et qui, appliquée à Versailles, pourrait amener les eaux de la
+Seine jusque dans cette ville. Il se hâte de lui écrire au nom du roi,
+et l'engage à venir<a name="page_118" id="page_118"></a> examiner si, à l'aide d'une semblable machine,
+Versailles peut être alimenté des eaux qui lui manquent. Ce gentilhomme
+liégeois était le chevalier de Ville, baron libre du Saint-Empire
+romain<a name="FNanchor_70_70" id="FNanchor_70_70"></a><a href="#Footnote_70_70" class="fnanchor">[70]</a>. Vivant dans un pays où l'on construisait de nombreuses
+machines pour épuiser les eaux souterraines qui nuisent à l'exploitation
+des houillères et des mines de charbon de terre, il s'était familiarisé
+avec l'étude de ces machines. Désirant élever l'eau du Hoyoux sur les
+hauteurs du domaine de Modave, il avait fait construire un de ces
+appareils déjà employés depuis longtemps dans les mines de Hongrie,
+lorsqu'il s'agissait de transmettre l'eau à de grandes distances,
+par-dessus de hautes montagnes<a name="FNanchor_71_71" id="FNanchor_71_71"></a><a href="#Footnote_71_71" class="fnanchor">[71]</a>. Mais il dut principalement la
+réussite de son entreprise à l'habileté du constructeur chargé de son
+exécution, Rennequin Sualem, qu'une grande intelligence et une longue
+pratique avaient initié à toutes les difficultés de la mécanique.</p>
+
+<p>De Ville se rend aussitôt à l'invitation de Colbert, et arrive à
+Versailles, accompagné de Rennequin Sualem, car il sent que pour
+l'exécution de pareille entreprise il ne peut se passer de l'habile
+ouvrier dont il connaît par expérience toute la capacité.</p>
+
+<p>La réussite d'une mécanique assez puissante pour amener l'eau de la
+Seine jusqu'à Versailles demandait une chute considérable, pouvant faire
+mouvoir les grandes et nombreuses roues destinées à lui donner<a name="page_119" id="page_119"></a>
+l'impulsion. De Ville suit la Seine dans tous ses contours, la sonde
+lui-même dans tous ses points, et trouve enfin, entre Chatou et la
+chaussée de Bougival, une chute assez forte pour la réussite de son
+entreprise<a name="FNanchor_72_72" id="FNanchor_72_72"></a><a href="#Footnote_72_72" class="fnanchor">[72]</a>.</p>
+
+<p>La chute trouvée, il fallait faire franchir à l'eau de la Seine la
+distance qui la séparait non-seulement de la hauteur de la montagne de
+Louveciennes, mais encore du sommet d'une tour élevée sur cette hauteur,
+et qui, dominant tout le pays, pouvait permettre d'envoyer cette eau
+soit à Versailles, point principal pour lequel on demandait
+l'établissement de cet instrument hydraulique, soit à Marly, dont le roi
+venait d'arrêter la construction, soit même à Saint-Germain<a name="FNanchor_73_73" id="FNanchor_73_73"></a><a href="#Footnote_73_73" class="fnanchor">[73]</a>. De
+Ville se mit aussitôt au travail, fit les projets de cet immense
+appareil, les présenta au roi qui les adopta, et commença aussitôt les
+travaux.</p>
+
+<p>Il fallait, pour la bonne exécution de ces travaux, qu'ils fussent
+confiés à des hommes déjà au fait de ces sortes d'ouvrages. De Ville et
+Rennequin retournèrent à Liége et en ramenèrent une colonie d'ouvriers,
+charpentiers, menuisiers, forgerons, etc., et de plus de Ville passa des
+marchés avec les entrepreneurs de ce pays, en sorte que, corps de
+pompes,<a name="page_120" id="page_120"></a> mécanismes, cuirs, fers, etc., tout vint de Liége<a name="FNanchor_74_74" id="FNanchor_74_74"></a><a href="#Footnote_74_74" class="fnanchor">[74]</a>.</p>
+
+<p>Toute la partie de la Seine comprise entre le Port-Marly et Bezons était
+à cette époque presque entièrement divisée en deux bras par une suite de
+petites îles. Pour que la navigation ne fût pas interrompue et avoir en
+même temps une grande partie des eaux du fleuve employée au mouvement de
+la machine, il fallait réunir toutes ces îles, n'en faire qu'une seule
+digue, et agrandir le bras de la rive droite afin d'en former un canal
+navigable. Ce fut le premier travail exécuté par de Ville<a name="FNanchor_75_75" id="FNanchor_75_75"></a><a href="#Footnote_75_75" class="fnanchor">[75]</a>. Cette
+digue et ce canal, qui ont plus de 10,000 mètres de longueur, furent
+commencés au mois de mai 1681 et achevés au mois d'octobre de la même
+année. Pendant ce temps se construisait la machine. Toutes les maisons,
+terres, vignes, etc., comprises entre l'endroit où se trouvait la chute
+et les hauteurs de Louveciennes, avaient été achetées par le roi. De
+Ville s'établit dans l'une des maisons de la chaussée, afin de mieux
+surveiller les travaux; il y fait construire un modèle de la machine, et
+Rennequin Sualem, le constructeur et l'inspecteur de cette immense
+machine, y habite auprès de lui<a name="FNanchor_76_76" id="FNanchor_76_76"></a><a href="#Footnote_76_76" class="fnanchor">[76]</a>.</p>
+
+<p>La science de l'hydraulique était alors peu avancée, surtout en France,
+et peu de personnes étaient<a name="page_121" id="page_121"></a> en état de comprendre le mécanisme et les
+effets de ce grand travail. Des doutes s'étant manifestés sur sa
+réussite<a name="FNanchor_77_77" id="FNanchor_77_77"></a><a href="#Footnote_77_77" class="fnanchor">[77]</a>, et le roi ayant désiré qu'il fût fait un essai, de Ville
+fit construire, au moulin de Palfour, sous sa direction, et par deux
+Liégeois, Lambotte et Georges d'Espa, une machine analogue à celle que
+l'on construisait en grand à Marly, qui éleva l'eau jusque sur la
+terrasse de Saint-Germain<a name="FNanchor_78_78" id="FNanchor_78_78"></a><a href="#Footnote_78_78" class="fnanchor">[78]</a>.</p>
+
+<p>Après cette expérience décisive on ne fit plus d'objections, et l'on
+continua avec activité les travaux de la machine. Nous n'entreprendrons
+pas d'en faire ici la description complète<a name="FNanchor_79_79" id="FNanchor_79_79"></a><a href="#Footnote_79_79" class="fnanchor">[79]</a>, nous rappellerons
+seulement qu'au-dessous de la chute, dans la Seine, se trouvaient
+quatorze roues hydrauliques de 36 pieds de diamètre chacune, mises en
+mouvement par l'eau de cette chute<a name="FNanchor_80_80" id="FNanchor_80_80"></a><a href="#Footnote_80_80" class="fnanchor">[80]</a>; ces roues mettaient en jeu huit
+pompes chargées d'entretenir toujours l'eau à une égale élévation dans
+un bassin élevé à peu près à la hauteur du bord des autres corps de
+pompes. Celles-ci, au nombre de soixante-quatre, refoulaient cette eau
+dans un puisard placé sur le penchant de la montagne. L'eau élevée à ce
+premier puisard y était reprise par soixante-dix-neuf pompes, et
+refoulée<a name="page_122" id="page_122"></a> une seconde fois jusqu'à un second puisard supérieur au
+premier; là, quatre-vingt-deux pompes achevaient d'opérer l'ascension de
+l'eau jusqu'au sommet de la tour, dont la plate-forme supérieure est
+élevée de 154 mètres au-dessus des eaux moyennes de la Seine, et se
+trouve placée à 1,236 mètres de distance horizontale de la machine en
+rivière, ou du premier mobile. Comme, par suite de la difficulté que
+l'on éprouvait alors à bien joindre les tuyaux entre eux, beaucoup d'eau
+se perdait en montant à la tour, seize pompes étaient placées dans un
+réservoir situé derrière le puisard supérieur afin de ramener cette eau
+perdue dans ce même puisard. Pour augmenter la quantité d'eau élevée par
+la machine, on avait réuni dans un bassin, un peu au-dessous du premier
+puisard, les eaux assez abondantes de toutes les sources des environs,
+et huit pompes servaient à les élever dans le second puisard. On voit
+donc que le produit de la machine était le résultat du travail de deux
+cent cinquante-trois pompes, placées tant dans le lit du fleuve que dans
+les puisards établis sur le penchant de la montagne. Tout ce système de
+pompes était mis en mouvement par les roues hydrauliques tournant par
+l'impulsion de l'eau du fleuve, qui avaient deux fonctions: l'une de
+faire mouvoir les soixante-quatre pompes fournissant l'eau reprise
+successivement par les deux systèmes supérieurs; l'autre de mettre en
+jeu les longues suites de pièces de communication de mouvement au moyen
+desquelles les pompes des<a name="page_123" id="page_123"></a> deux systèmes supérieurs pouvaient faire leur
+service. Cette transmission du mouvement s'opérait par l'intermède de
+plusieurs couples de chaînes de fer partant de la Seine, et aboutissant
+aux points où le mouvement devait être transmis; chaque couple avait ses
+deux chaînes dans un même plan vertical, attachées d'espace en espace
+aux extrémités des balanciers, dont les axes de rotation, placés à
+mi-distance entre les deux chaînes, étaient posés sur des cours de lices
+établis sur des chevalets. Des manivelles en fer, fixées aux extrémités
+des axes des roues hydrauliques, agissaient sur les chaînes, dans le
+sens de leur longueur, par l'intermède de pièces de traction et de
+rotation. En résultat, lorsque la chaîne supérieure d'une couple était
+tirée et se mouvait dans le sens de la descente de la montagne,
+l'inférieure se mouvait dans le sens de la montée, et réciproquement;
+ces allées et, venues oscillatoires, qui se répétaient plusieurs fois
+par minute, produisaient des oscillations correspondantes dans les
+pièces du mécanisme auxquelles les points supérieurs des chaînes étaient
+attachés, et par suite l'ascension et la descente des pistons des pompes
+de reprise des puisards. Ces indications sommaires, ajoute M. de Prony,
+à qui nous empruntons ces détails, suffisent pour motiver l'énorme
+quantité de fer et de bois dont la montagne se trouvait couverte sur une
+longueur d'environ 700 mètres.</p>
+
+<p>Actuellement que l'on voit arriver l'eau facilement<a name="page_124" id="page_124"></a> d'un seul jet au
+haut de la tour, et avec un appareil d'une grande simplicité, on est
+étonné de la nécessité où l'on fut alors d'établir cette masse de
+pompes, de puisards, de leviers immenses, de rouages de toute espèce
+pour obtenir un résultat bien inférieur à celui d'aujourd'hui. On oublie
+les progrès faits par les arts industriels depuis ce temps. Alors le jeu
+des pistons dans les corps de pompes, et l'assemblage des tuyaux étaient
+tels que l'air s'y introduisait de toutes parts et opposait une énorme
+résistance à l'ascension de l'eau, et qu'une grande quantité de liquide
+était perdue sans aucun résultat pour le but qu'on voulait obtenir.
+Voilà pourquoi, l'eau ne pouvant s'élever d'un jet qu'au tiers de la
+route qu'elle avait à parcourir, on fut obligé de diviser la machine en
+trois systèmes de pompes, dont l'un, partant de la Seine, la portait à
+mi-côte, le deuxième la faisait arriver au réservoir supérieur, et le
+troisième enfin l'élevait jusque sur la tour; et comme les deux systèmes
+de pompes, qui reprenaient à mi-côte l'eau refoulée immédiatement de la
+Seine, ne pouvaient avoir de mouvement qu'en vertu de la force motrice
+transmise du point inférieur du système général et émanant des eaux
+mêmes du fleuve, on s'explique la complication apparente de cette
+machine, son aspect gigantesque et les mouvements bruyants de toutes ces
+masses, dont on ne pouvait pas, sans instruction et sans étude, saisir
+la correspondance avec le premier mobile.<a name="page_125" id="page_125"></a></p>
+
+<p>Les travaux de cette immense machine, commencés en 1681, étaient déjà
+assez avancés en 1684 pour qu'on en fit l'essai. Nous avons dit que de
+Ville, en élevant la tour, avait eu pour but de dominer tous les
+environs et de pouvoir ainsi, de ce point, diriger l'eau partout où le
+roi voudrait la distribuer. Pour faire son essai, il fit construire une
+espèce de tour en charpente<a name="FNanchor_81_81" id="FNanchor_81_81"></a><a href="#Footnote_81_81" class="fnanchor">[81]</a>, sur le sommet de laquelle on vit en
+effet l'eau arriver ainsi qu'il l'avait promis.</p>
+
+<p>Après cet essai qui levait tous les doutes sur la réussite de la
+machine, on remplaça la tour en bois par la tour en pierre et le bel
+aqueduc qui domine, d'une façon si pittoresque, tous les environs.
+Mansart en dessina les plans, en fit les devis, et fut chargé de la
+construction. On creusa en même temps les réservoirs de Marly et de
+Louveciennes, on fit les aqueducs pour conduire l'eau à Versailles, on
+éleva, dans cette ville, le <i>gros mur</i> de Montreuil, qui reliait la
+butte de Picardie à la butte de Montbauron, on creusa aussi les
+réservoirs placés sur cette butte, et Louvois, qui venait de faire
+exécuter tous ces travaux, eut la satisfaction de voir arriver l'eau de
+la Seine dans ces derniers bassins, l'année suivante, 1685.</p>
+
+<p>En 1684, après l'essai de l'ascension de l'eau sur la tour, le roi
+chargea Vauban de visiter la machine<a name="page_126" id="page_126"></a> et de faire faire les travaux
+qu'il jugerait nécessaires pour sa confection. Vauban, accompagné de de
+Ville, examina tout avec la plus minutieuse attention; il admira cet
+immense travail, et en comprit immédiatement tout le mécanisme et les
+effets<a name="FNanchor_82_82" id="FNanchor_82_82"></a><a href="#Footnote_82_82" class="fnanchor">[82]</a>; il fit simplement quelques observations sur la construction
+de plusieurs parties des digues de la Seine, et crut nécessaire, pour
+préserver la machine de l'action destructive des glaces, de faire
+construire au-devant une estacade qui pût les diriger sur la grande
+digue<a name="FNanchor_83_83" id="FNanchor_83_83"></a><a href="#Footnote_83_83" class="fnanchor">[83]</a>.</p>
+
+<p>Telle est l'histoire, bien abrégée, de la construction de l'ancienne
+machine de Marly. Mais à qui doit-on cette machine, et quel en est
+l'inventeur? Il semble, d'après ce récit, que nul autre que de Ville ne
+doit en recueillir l'honneur, et cependant aujourd'hui l'opinion
+générale lui conteste cette invention pour l'attribuer à un homme dont
+nous avons à peine parlé, à Rennequin Sualem. Cherchons donc la cause de
+cette opinion, et voyons, en consultant les pièces authentiques, quels
+rôles ont pu jouer, dans l'établissement de cette célèbre machine, de
+Ville et Rennequin Sualem.</p>
+
+<p>Et d'abord examinons comment s'est établie l'opinion qui en attribue
+l'invention à Rennequin.<a name="page_127" id="page_127"></a></p>
+
+<p>Un Allemand, Frédéric Weidler, professeur à Wittemberg, écrivit, en
+1728, un ouvrage intitulé <i>Tractatus de machinis hydraulicis toto
+terrarum orbe maximis, Marliensi, Londinensi et aliis rarioribus</i>. En
+1714, il vint visiter la machine qu'il allait décrire. Dans cette
+visite, qui va lui servir plus tard pour donner le nom de son inventeur,
+il ne voit ni de Ville, son gouverneur, ni les contrôleurs, ni Vauban,
+ni Mansart, ni même les entrepreneurs qui avaient eu des rapports
+directs avec l'inventeur; il se contente de consulter les ouvriers qui
+ont travaillé dès le commencement avec Rennequin: <i>Ii autem, qui initiis
+fabricoe interfuerunt, affirmarunt mihi ad unum omnes, Rannequium illius
+verum auctorem et fabricatorem, et Villaneum commendatorem apud aulam et
+veluti ergo dioctem extitisse</i>.&mdash;Et quels étaient ces ouvriers qui lui
+assuraient ainsi que Rennequin était le véritable inventeur de la
+machine, c'était toute la colonie liégeoise, Paul Sualem, Toussaint,
+Siane, etc., tous parents ou amis de Rennequin. Cette assertion de
+Weidler, répétée, sans contrôle, par les écrivains spéciaux, est restée
+comme certaine pour ceux qui depuis ont parlé de la machine. Mais ce qui
+a surtout rendu cette opinion populaire, c'est l'épitaphe gravée sur sa
+tombe, qui, de l'église de Bougival, où elle était à peine connue avant
+la Révolution, a passé dans un cabaret de la chaussée, et y est restée
+pendant de longues années exposée aux regards de tous ceux qui venaient
+visiter la machine, en<a name="page_128" id="page_128"></a> indiquant Rennequin comme son seul
+inventeur<a name="FNanchor_84_84" id="FNanchor_84_84"></a><a href="#Footnote_84_84" class="fnanchor">[84]</a>.</p>
+
+<p>Telles sont les deux seules autorités qui ont fait attribuer à Rennequin
+l'invention de la machine.</p>
+
+<p>Quelques écrivains modernes ont cherché à rétablir les faits et à rendre
+à de Ville la place qu'il aurait dû toujours occuper<a name="FNanchor_85_85" id="FNanchor_85_85"></a><a href="#Footnote_85_85" class="fnanchor">[85]</a>; l'abbé Caron,
+entre autres<a name="FNanchor_86_86" id="FNanchor_86_86"></a><a href="#Footnote_86_86" class="fnanchor">[86]</a>, dans une notice lue à la Société des sciences morales,
+des lettres et des arts de Seine-et-Oise, semblait avoir justement
+attribué à chacun le rôle joué dans la construction de la machine, et
+nous croyions la question jugée, lorsque nous avons reçu de Liége une,
+petite brochure<a name="FNanchor_87_87" id="FNanchor_87_87"></a><a href="#Footnote_87_87" class="fnanchor">[87]</a>, dans laquelle non-seulement Rennequin Sualem est
+regardé comme l'inventeur de la machine, mais où de Ville est traité
+d'imposteur, et où nous voyons que le conseil communal de Liége, pour
+honorer l'inventeur de cette machine, vient d'appeler une des rues de la
+ville du nom de Rennequin. Il nous paraît donc nécessaire de faire
+connaître les nombreuses pièces qui constatent le rôle joué par de Ville
+dans l'établissement de la machine de Marly.</p>
+
+<p>Ce qui a beaucoup contribué à faire dépouiller de Ville de son titre
+d'inventeur de la machine, ce sont surtout sa position de fortune et ses
+titres. Comment<a name="page_129" id="page_129"></a> supposer, en effet, qu'un chevalier, baron du
+Saint-Empire, possédant des terres, pût être en même temps un savant?
+Non, le baron de Ville n'a dû être que le négociateur de l'entreprise,
+l'entremetteur de la cour de Louis XIV avec le véritable auteur de la
+machine, simple ouvrier, <i>ferè analphabêtos, sed manuariâ arte
+excellens</i><a name="FNanchor_88_88" id="FNanchor_88_88"></a><a href="#Footnote_88_88" class="fnanchor">[88]</a>. On attribue aussi à Rennequin la construction de la
+machine hydraulique de la terre de Modave, qui a attiré les regards de
+Colbert, et comme c'est de cette construction qu'est venue la première
+idée de la machine de Marly, on en tire la preuve qu'on lui doit
+l'invention de cette dernière machine. Mais ce qu'on ne dit pas, c'est
+que cette machine hydraulique de Modave n'était qu'une imitation de
+celles dont on se servait déjà depuis longtemps dans les mines de
+Hongrie et de Suède; que, par conséquent, ce n'était point une invention
+de Rennequin, et que c'est à de Ville, ingénieur instruit et au courant
+de tout ce qui avait été fait en ce genre, que l'on en doit
+l'application dans le domaine des comtes de Marchin.</p>
+
+<p>Suivons maintenant de Ville à la machine de Marly. Avant de penser à
+établir un mécanisme capable de faire monter l'eau de la Seine à
+Versailles, il est nécessaire de trouver une chute assez puissante pour
+faire mouvoir ce mécanisme. Il faut pour cela un homme instruit et
+expert dans les travaux hydrauliques.<a name="page_130" id="page_130"></a> Qui est chargé de ce travail? De
+Ville. Nous le voyons, en effet, rechercher et reconnaître les pentes de
+la Seine, indiquer et faire exécuter les travaux nécessaires pour
+établir les digues et agrandir le lit du fleuve laissé à la
+navigation<a name="FNanchor_89_89" id="FNanchor_89_89"></a><a href="#Footnote_89_89" class="fnanchor">[89]</a>.</p>
+
+<p>La chute trouvée, qui voyons-nous encore préparer et ordonner tous les
+travaux de construction de la machine, faire arriver les eaux des
+sources de Prunay, de Louveciennes et de Bougival, afin de les joindre à
+celles élevées de la Seine? C'est encore de Ville<a name="FNanchor_90_90" id="FNanchor_90_90"></a><a href="#Footnote_90_90" class="fnanchor">[90]</a>.</p>
+
+<p>Le roi désire qu'un essai de ce que peut une machine de ce genre pour
+élever l'eau soit tenté devant lui. N'est-ce pas encore de Ville, et ici
+sans le secours de Rennequin, qui fait construire la pompe du moulin de
+Palfour, et démontre ainsi au roi, par avance, la certitude du résultat
+de ses opérations<a name="FNanchor_91_91" id="FNanchor_91_91"></a><a href="#Footnote_91_91" class="fnanchor">[91]</a>?</p>
+
+<p>N'est-ce pas lui aussi que nous voyons, en 1683, indiquer à l'arpenteur
+Caron, et dessiner sur le terrain les places que devront occuper les
+chevalets, puisards, réservoirs, etc., nouveaux, nécessités par
+l'augmentation du mécanisme de la machine<a name="FNanchor_92_92" id="FNanchor_92_92"></a><a href="#Footnote_92_92" class="fnanchor">[92]</a>?</p>
+
+<p>En 1684, Vauban, chargé par le roi d'examiner la machine, la visite dans
+tous ses détails, et c'est de Ville qui lui en explique le mécanisme.<a name="page_131" id="page_131"></a></p>
+
+<p>On le voit encore non-seulement surveiller et diriger les travaux sur
+place, mais de plus faire des voyages à Liége pour s'entendre avec ceux
+qui fabriquent les pompes, et faire venir de ce pays et fers et
+mécaniques.</p>
+
+<p>Et si on le voit ainsi partout, c'est qu'il ne pouvait en être
+autrement. N'était-ce pas lui, en effet, qui avait présenté les projets
+d'après lesquels on exécutait cet immense appareil<a name="FNanchor_93_93" id="FNanchor_93_93"></a><a href="#Footnote_93_93" class="fnanchor">[93]</a>, et n'était-il
+pas responsable de la réussite de cette machine dont on attendait de si
+grands résultats? Aussi, lorsque le succès a couronné son entreprise,
+avec quelle magnificence le roi le récompense! En 1684, après
+l'expérience de l'arrivée de l'eau au sommet de la tour, le roi lui
+accorde 6,000 livres de gratification. En 1685, les 6,000 livres de
+gratification lui sont continuées, et le 28 juillet de la même année,
+quand l'eau de la Seine est enfin arrivée à Versailles, Louis XIV lui
+fait un don de 100,000 livres. Puis il lui fait bâtir près de la machine
+une magnifique habitation<a name="FNanchor_94_94" id="FNanchor_94_94"></a><a href="#Footnote_94_94" class="fnanchor">[94]</a>, le nomme gouverneur de cette machine, et
+aux 6,000 livres de gratification qu'il conserve sa vie durant, il en
+ajoute 6,000 de pension<a name="FNanchor_95_95" id="FNanchor_95_95"></a><a href="#Footnote_95_95" class="fnanchor">[95]</a>.</p>
+
+<p>Voilà, d'après les documents que nous donnons à<a name="page_132" id="page_132"></a> la suite de ce récit,
+la part de de Ville dans l'établissement de la machine de Marly. Voyons
+maintenant celle de Rennequin.</p>
+
+<p>Rennequin Sualem était un ouvrier charpentier de Liége, d'une grande
+intelligence et d'une habileté peu commune. Il tenait le premier rang
+parmi les constructeurs des mécaniques dont on se servait dans les mines
+du territoire liégeois pour épuiser les eaux souterraines. On a vu qu'il
+construisit la machine dont de Ville se servit à Modave pour élever les
+eaux du Hoyoux. Aussi, lorsque celui-ci fut chargé par Colbert de venir
+étudier les moyens de donner de l'eau à la ville royale, se fit-il
+accompagner de l'habile exécuteur de ses idées.</p>
+
+<p>En étudiant les diverses pièces que nous faisons connaître, nous ne
+voyons apparaître Rennequin que lorsqu'il s'agit de la construction de
+la machine. Nous le trouvons établi auprès de de Ville, et à la tête de
+tous ces ouvriers liégeois habitués depuis longtemps à des travaux
+analogues, les commandant, les dirigeant dans l'exécution d'un mécanisme
+souvent modifié et amélioré par sa longue pratique et sa haute
+intelligence; mais nous ne le rencontrons ni lorsqu'il s'agit de la
+recherche de la chute d'eau nécessaire à l'établissement de la machine
+et de la construction des digues; ni lorsque, pour augmenter les eaux
+élevées par la machine, on vient y ajouter celles des diverses sources
+des environs; ni, enfin, dans la combinaison qui fait distribuer en
+trois parties<a name="page_133" id="page_133"></a> distinctes la route que doit suivre l'eau pour son
+ascension au haut de la tour. Son rôle, enfin, paraît avoir été celui
+d'un mécanicien plein de sagacité, de connaissances et de talent dans
+son art, et sans lequel peut-être les idées de de Ville n'eussent pu
+être exécutées; et c'est probablement dans ce sens que ses compagnons,
+ayant pu apprécier à l'&oelig;uvre la facilité avec laquelle il saisissait
+les problèmes les plus difficiles de la mécanique, savait les réduire en
+pratique, et combien de fois les difficultés les plus grandes avaient
+été surmontées par lui dans la construction de la machine, l'en
+regardaient comme le véritable inventeur. Rennequin, enfin, était un
+habile charpentier-mécanicien, et probablement le premier de cette
+époque dans ce genre de travail. C'est ainsi qu'il fut toujours
+considéré pendant sa vie.</p>
+
+<p>En 1688, des pompes et une machine à cheval sont nécessaires pour le
+service de la maison des demoiselles de Saint-Cyr; c'est Rennequin et
+Lambotte qui sont chargés de son exécution<a name="FNanchor_96_96" id="FNanchor_96_96"></a><a href="#Footnote_96_96" class="fnanchor">[96]</a>. Et lorsque la machine de
+Marly est enfin entièrement terminée, on le voit chargé de sa
+surveillance, y rester attaché, ainsi que les autres ouvriers de Liége,
+avec le titre d'ingénieur et de chef des charpentiers liégeois, et on
+lui accorde en outre un logement spécial et 1,800 livres
+d'appointements.</p>
+
+<p>Ainsi, il résulte de l'étude de nos documents que<a name="page_134" id="page_134"></a> de Ville a été
+véritablement, comme le dit la légende du plan de la machine dessinée en
+1688; l'inventeur, et Rennequin Sualem le constructeur de cette célèbre
+machine, et qu'ils ont été tous deux récompensés suivant le rôle qu'ils
+avaient joué chacun dans son exécution.</p>
+
+<p>Si cependant quelques personnes, s'appuyant sur l'opinion de Weidler et
+sur l'inscription de la pierre tumulaire de Bougival, veulent conserver
+à Rennequin le titre d'inventeur, nous les prierons de se rappeler que
+Weidler n'a établi son dire, que sur les propos d'ouvriers parents ou
+amis de Rennequin, et plusieurs années après la mort de celui-ci; et
+que, quant à l'épitaphe placée par les mêmes parents dans l'église de
+Bougival après le décès de la veuve de Rennequin, et longtemps après la
+mort de celui-ci, on y aurait probablement répondu avant la mort de de
+Ville, arrivée en 1722, si elle n'eût pas été enfouie et ignorée dans un
+coin obscur dont l'a fait sortir la révolution, pour la livrer à la
+publicité dans un cabaret de la chaussée. D'ailleurs un acte beaucoup
+plus sérieux et authentique, son acte de décès dressé du vivant de sa
+veuve, porte son véritable titre: <i>constructeur</i> et non inventeur de la
+machine<a name="FNanchor_97_97" id="FNanchor_97_97"></a><a href="#Footnote_97_97" class="fnanchor">[97]</a>.</p>
+
+<p>Que sont d'ailleurs ces deux faibles preuves auprès de celles indiquées
+dans les notes qui suivent en faveur de de Ville?<a name="page_135" id="page_135"></a></p>
+
+<p>Ce sont d'abord les registres des bâtiments qui donnent à de Ville le
+titre d'<i>ingénieur</i>, tandis qu'ils donnent à Rennequin celui de
+<i>charpentier liégeois</i>;&mdash;puis le plan de la machine, dessiné par Liévin
+Creuil en 1688, c'est-à-dire quand elle venait d'être terminée, et qui
+dit en toutes lettres: «Cette machine a été inventée et exécutée par M.
+le baron de Ville.» Et plus loin: «Elle a été construite par ordre du
+roi, sur les projets et par la direction de M. le baron de Ville.»&mdash;Les
+écrivains qui, sous Louis XIV et depuis lui, ont été puiser aux sources
+et ont parlé de la machine, Dangeau, l'abbé de Choisy, Claude Saugrain,
+Piganiol de la Force, ont tous attribué son invention à de Ville.
+<i>Cassan</i>, dans un poëme sur l'arrivée de la Seine au château de Marly,
+de 1699, ne lui fait-il pas dire en passant devant le pavillon que de
+Ville habitait:</p>
+
+<table border="0" cellpadding="0" cellspacing="0" summary="">
+<tr><td align="left">Et reprend en ce lieu l'usage de la voix,</td></tr>
+<tr><td align="left">Pour se plaindre en passant <i>du chevalier de Ville</i>,</td></tr>
+<tr><td align="center">. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</td></tr>
+<tr><td align="left">Qui t'oblige, dit-elle, <i>avec ton art maudit</i></td></tr>
+<tr><td align="left"><i>A venir malgré moi m'enlever de mon lit</i>?</td></tr>
+</table>
+
+<p>La <i>Gazette de France</i> de 1682 indique les travaux de la machine comme
+faits par le <i>sieur de Ville, gentilhomme liégeois</i>. La
+Chesnaye-Desbois, dans son <i>Dictionnaire de la noblesse</i>, et le père
+Anselme, dans l'<i>Histoire généalogique de France</i>, disent, en parlant de
+sa fille qui avait épousé le baron de Montmorency: «Elle était fille
+d'<i>Arnold de Ville</i>, chevalier, etc.,<a name="page_136" id="page_136"></a> gouverneur et directeur de la
+machine de Marly, <i>dont il était l'inventeur</i><a name="FNanchor_98_98" id="FNanchor_98_98"></a><a href="#Footnote_98_98" class="fnanchor">[98]</a>.»&mdash;Le duc de Luynes,
+dans ses Mémoires, cite aussi de Ville comme l'<i>auteur de la
+machine</i>.&mdash;Ceux qui étaient plus à même que tous autres de savoir la
+vérité sur ce sujet, les contrôleurs chargés plus tard de la direction,
+le considérèrent toujours comme l'inventeur, et M. Gondouin, dans un
+rapport écrit en 1792, dit positivement: «Lors de la construction de la
+machine, le sieur de Ville, mécanicien et <i>inventeur de la machine</i>, en
+fut nommé le gouverneur<a name="FNanchor_99_99" id="FNanchor_99_99"></a><a href="#Footnote_99_99" class="fnanchor">[99]</a>.»</p>
+
+<p>Enfin, lui-même, au moment suprême où le c&oelig;ur de l'homme s'ouvre à la
+vérité, dans son testament retrouvé au château de Modave<a name="FNanchor_100_100" id="FNanchor_100_100"></a><a href="#Footnote_100_100" class="fnanchor">[100]</a>, ne
+vient-il pas consacrer de nouveau son titre d'inventeur en exprimant
+ainsi l'une de ses volontés: «J'ordonne que tous les ouvrages que j'ai
+composés concernant les constructions de la machine de Marly soient
+imprimés suivant mes dessins en grand.»</p>
+
+<p>Il résulte donc positivement de tout ceci que le baron de Ville a été
+bien véritablement l'inventeur, ou pour mieux dire l'<i>auteur du projet
+de construction de la machine de Marly</i>, et que Rennequin Sualem en a
+été l'habile et adroit constructeur.</p>
+
+<p>Que maintenant les habitants de la ville de Liége, qui veulent honorer
+le nom de celui de leurs compatriotes<a name="page_137" id="page_137"></a> auteur de cette célèbre machine,
+soient heureux. Leur bonne fortune veut qu'au lieu d'un seul nom, ils en
+aient deux à offrir en exemple à leur industrieuse population: celui du
+noble employant les loisirs que lui donne la richesse à cultiver la
+science pour en faire une application grande et utile, et celui du
+modeste artisan dont le génie inculte saisit avec facilité les plus
+hautes conceptions de la science, et sait dans la pratique les résoudre
+avec bonheur.<a name="page_138" id="page_138"></a></p>
+
+<h3><a name="PIECES_JUSTIFICATIVES" id="PIECES_JUSTIFICATIVES"></a>PIÈCES JUSTIFICATIVES.</h3>
+
+<p class="c">NOTE Nº 1.</p>
+
+<p class="c">DÉPENSES DE CONSTRUCTION DE LA MACHINE DE MARLY,</p>
+
+<p class="c">Extraites des registres des bâtiments du roi, déposés aux Archives de
+l'Empire.</p>
+
+<p class="c">&mdash;&mdash;&mdash;&mdash;</p>
+
+<p class="c">A<small>NNÉE</small> 1681.</p>
+
+<p class="c">ORDONNANCES.</p>
+
+<table border="0" cellpadding="4" cellspacing="0" summary="">
+<tr valign="bottom"><td><p>Au sieur de Ville, gentilhomme liégeois, pour payement<br />
+des fers corroyés qu'il a fait venir de Liége, pour servir à<br />
+la machine du moulin de Palfour.</p></td><td align="right">2,845l.</td><td align="right">3s.</td><td align="right">»d.</td></tr>
+<tr valign="bottom"><td align="left"><p>Aux ouvriers.</p></td><td align="right">977</td><td align="right">19&nbsp;</td><td align="right">»&nbsp; &nbsp;</td></tr>
+</table>
+
+<p class="c">ORDRES.</p>
+
+<table border="0" cellpadding="4" cellspacing="0" summary="">
+<tr><td><p class="hang">26 mars.&mdash;Au même, pour <i>id.</i> </p> </td><td align="right">2,845</td><td align="right">3</td><td align="right">»</td></tr>
+<tr><td><p class="hang">Aux ouvriers. </p> </td><td align="right"> 977</td><td align="right">19</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">22 juin.&mdash;A George d'Espa, taillandier<br />
+ liégeois, pour une manivelle<br />
+ qu'il a livrée pour la machine, <i>id.</i> </p> </td><td align="right">490 </td><td align="right">» </td><td align="right">»</td></tr>
+<tr><td><p class="hang">Aux ouvriers. </p> </td><td align="right"> 455 </td><td align="right"> 10 </td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Lambotte, charpentier liégeois,<br />
+ pour l'entretennement de la<br />
+ machine. Pour trois<br />
+ mois </p> </td><td align="right"> 360 </td><td align="right">» </td><td align="right">»</td></tr>
+<tr><td><p class="hang">A Valland, pour clous</p> </td><td align="right"> 32 </td><td align="right"> 1 </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td align="right">Total. </td><td align="right"
+style="border-top:1px solid black;"> 5,160l.</td><td align="right"
+style="border-top:1px solid black;"> 13s. </td><td align="right"
+style="border-top:1px solid black;">2d.</td></tr>
+</table>
+
+<p class="c">Marly 1681.</p>
+
+<table border="0" cellpadding="4" cellspacing="0" summary="">
+
+<tr valign="bottom"><td><p class="hang">28 octobre 1681.&mdash;A Raoul de Pierre,<br />
+ dit Laporte, charpentier, sur la<br />
+ machine de la rivière de Seine. </p> </td><td align="right"> 2,000l. </td><td align="right"> »s.</td><td align="right"> »d.</td></tr>
+</table>
+
+<p class="c">OUVRAGES DES ILES DE CROISSY.</p>
+
+<p class="c">ORDONNANCES DU 22 JUIN 1681.</p>
+
+<table border="0" cellpadding="4" cellspacing="0" summary="">
+
+<tr valign="bottom"><td><p class="hang">11 octobre.&mdash;A Renkin-Sualem, pour<br />
+son travail et soins à la construction<br />
+de la machine, pendant un<br />
+mois. </p> </td><td align="right"> 150 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+<tr valign="bottom"><td><p>A Paul Sualem, autre charpentier<br />
+liégeois, pour son travail<br />
+pendant. </p> </td><td align="right">150 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+</table>
+
+<p class="c">ORDRES DU 22 JUIN AU 11 JANVIER 1682.</p>
+
+<table border="0" cellpadding="0" cellspacing="0" summary="">
+<tr><td><p>Aubert, charpentier;&mdash;Leb&oelig;uf, Gonnot, Guyot,<br />
+ Simon, Feuillastre, Boursault, Dupuis, Houet, Morin,<br />
+ terrassiers.</p></td></tr>
+
+<tr><td><p class="nind">Des charpentiers liégeois.<br />
+Laporte, charpentier.<br />
+Morel, <i>id.</i></p></td></tr>
+</table>
+
+<table border="0" cellpadding="4" cellspacing="0" summary="">
+<tr><td><p>A Rankin-Sualem, charpentier liégois, pour un mois<br />
+de son travail.</p> </td><td align="right">150l. </td><td align="right"> »s. </td><td align="right">»d.</td></tr>
+<tr><td><p>Despas, forgeron liégeois.<br />
+ Sommes.</p> </td><td align="right">210,575 </td><td align="right">13 </td><td align="right"> »</td></tr>
+</table>
+
+<p class="c">Année 1682.</p>
+
+<p class="c"> <i>Pour les grandes pompes sur la rivière de Seine, pour
+ l'élévation et conduite des eaux à Versailles.</i></p>
+
+<p class="c">ORDRES</p>
+
+<p>A Laporte, charpentier;&mdash;Clerget, Berlin, Ogier,
+ Leroy, Boileau, terrassiers;&mdash;Paul Sualem, charpentier
+ liégeois, Rankin-Sualem, <i>id.</i>;&mdash;Toussaint Michel, menuisier
+ liégeois;&mdash;Lafontaine, maçon;&mdash;Morel, serrurier;&mdash;Pauli,
+ maître de forges liégeois;&mdash;Arnault, pour
+ loyer de la maison de la chaussée, occupée par les menuisiers
+ et par le modèle de la machine;&mdash;Menoiet,
+ marchand de fer et charbon de terre;&mdash;Caron, arpenteur;&mdash;Dupont,
+ terrassier;&mdash;Lemaire, fondeur;&mdash;Lahaye,
+ plombier, Despas, <i>id.</i>;&mdash;Devienne, maçon;&mdash;Noiret,
+ marchand;&mdash;Duvivier, maçon;&mdash;Allan, pour
+ charbon;&mdash;Devolman, garde de la prévôté de l'hôtel;&mdash;de
+ Ville, ingénieur;&mdash;Montagne, serrurier;&mdash;Miche,
+ menuisier,&mdash;Robert, terrassier;&mdash;Berger, de Spa, pour
+ fers corroyés;&mdash;Lesieur, charpentier;&mdash;Frades, de
+ Vienne;&mdash;Cuvier, marchand de bois;&mdash;Piat, charpentier;&mdash;Corbey,
+ cordier;&mdash;Baffront, maçon;&mdash;Bourienne,
+ terrassier;&mdash;Duval, serrurier;&mdash;Godefroy,
+ chirurgien, pour pansements de blessés;&mdash;au sieur
+ Desvongoins, pour tuyaux;&mdash;Pays, pour peaux de vaches;&mdash;Langlois,
+ pour ficelles;&mdash;Rousseau, charron;&mdash;Lecerf,
+ plâtrier;&mdash;Aimond, marchand;&mdash;Jean Siane,
+ charpentier liégeois;&mdash;Hardel, paveur,&mdash;Goutier, maçon;&mdash;Martin,
+ maçon,&mdash;Remy, pour les conduites de
+ grès;&mdash;et aux divers ouvriers de la machine.</p>
+
+<p class="r">Sommes. 515,815l. 17s. 1d.</p>
+
+<table border="0" cellpadding="4" cellspacing="0" summary="">
+ <tr><td>On trouve particulièrement dans ce chapitre:</td></tr>
+
+<tr><td><p>A Paul Sualem, charpentier liégeois,<br />
+ pour son travail d'un<br />
+ mois.</p></td> <td align="right"> 150 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+<tr><td><p>A <i>Renkin-Sualem</i>, <i>id.</i> <i>id.</i> </p></td><td align="right"> 150 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+<tr><td><p>A Siane, <i>id.</i> <i>id.</i> </p></td><td align="right"> 150</td><td align="right"> »</td><td align="right"> »</td></tr>
+<tr><td><p>A Toussaint Michel, menuisier<br />
+ liégeois, <i>id.</i> </p></td><td align="right"> 67 </td><td align="right">10 </td><td align="right"> »</td></tr>
+<tr><td><p class="hang">1<sup>er</sup> mars.&mdash;Au sieur Pauli, maître<br />
+ de forges de Liége, sur les corps<br />
+ de pompe de fer fondu qu'il fait<br />
+ pour la machine.&mdash;A-compte.</p></td><td align="right"> 1,000 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">(Il y a ainsi plusieurs à-compte.)</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">12 avril.&mdash;A Clerget, maçon, pour<br />
+ payement de 4,920 l. pour ses<br />
+ travaux.</p></td><td align="right"> 420 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+<tr><td><p class="hang">5 juillet.&mdash;A Allen, pour son payement<br />
+ de goudrons et poix noires,<br />
+ qu'il a livrés.</p></td><td align="right"> 761 </td><td align="right"> 10 </td><td align="right"> »</td></tr>
+<tr><td><p class="hang">12 juillet.&mdash;<i>Au sieur de Ville</i>, ingénieur,<br />
+ sur les fers et autres<br />
+ ustensiles qu'il fait venir de<br />
+ Liége, pour la machine.</p></td><td align="right"> 900 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">(Il y a ainsi plusieurs à-compte.)</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">26 juillet.&mdash;A Robert, pour payement<br />
+ de 1,426 l. 13 s. 9 d., pour<br />
+ la maçonnerie de remplissage de<br />
+ la digue qui joint une petite île<br />
+ à l'île de Chatou.</p></td><td align="right"> 276l.</td><td align="right"> 13s.</td><td align="right"> 9d.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">26 juillet.&mdash;A Devienne, pour<br />
+ payement de 1,998 l. 15 s. pour<br />
+ la fouille et transport de terre<br />
+ du réservoir, près le premier repos<br />
+ de la machine.</p></td><td align="right"> 198 </td><td align="right"> 15 </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">9 août.&mdash;A Menoist, pour payement<br />
+ de 2,649 l. 5 s. 2 d., pour<br />
+ fourniture de gros fers et charbon<br />
+ pour ladite machine.</p></td><td align="right"> 269 </td><td align="right"> 5 </td><td align="right"> 2</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">23 août.&mdash;A Martin Nicolle, pour<br />
+ payement de deux grands bateaux<br />
+ qu'il a livrés pour servir<br />
+ aux ouvrages de la machine.</p></td><td align="right"> 257 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">6 septembre.&mdash;A Berlin, pour<br />
+ payement de 2,808 l. 10 s. pour<br />
+ les moellons qu'il a fournis.</p></td><td align="right"> 408 </td><td align="right"> 10</td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">6 septembre.&mdash;A Raffront, pour<br />
+ payement de 1,354 l., pour moellons<br />
+ qu'il a fournis à la machine.</p></td><td align="right"> 104 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang"><i>Id.</i>&mdash;A Allen, pour payement de<br />
+ 1,859 l. 5 s., pour le charbon de<br />
+ terre et autres fournitures qu'il<br />
+ a faites. </p></td><td align="right"> 959 </td><td align="right"> 15 </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang"><i>Id.</i>&mdash;A Menoist, pour payement<br />
+ de 1,879 l. 15 s. 10 d., pour<br />
+ fourniture de gros fers. </p></td><td align="right"> 879 </td><td align="right"> 15 </td><td align="right"> 10</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">13 septembre.&mdash;A Berlin, pour<br />
+ payement de 1,404 l. de moellons.</p></td><td align="right"> 604l. </td><td align="right"> »s.</td><td align="right"> »d.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">11 octobre.&mdash;A Devienne, pour<br />
+ payement de 11,455 l. 3 s. 7 d.,<br />
+ pour ouvrages de remplissage et<br />
+ pavé de la digue. </p></td><td align="right"> 855 </td><td align="right"> 3 </td><td align="right"> 7</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">18 octobre.&mdash;A Raffront, pour<br />
+ payement de 1,976 l. de moellons.</p></td><td align="right"> 761 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> 5</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang"><i>Id.</i>&mdash;A Frades et Devienne, pour<br />
+ payement de 8,249 l. 14 s. 4 d.,<br />
+ pour moellons. </p></td><td align="right"> 449 </td><td align="right"> 14 </td><td align="right"> 4</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang"><i>Id.</i>&mdash;A Noiret, pour payement de<br />
+ 8,874 l. 2 s. 9 d., pour divers<br />
+ ouvrages de fer. </p></td><td align="right"> 874 </td><td align="right"> 2 </td><td align="right"> 9</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang"><i>Id.</i>&mdash;A Frades et Devienne, pour<br />
+ complément de 11,455 l. 3 s.<br />
+ 7 d., pour remplissage de la digue,<br />
+ près l'île de Chatou.</p></td><td align="right"> 300 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">1<sup>er</sup> novembre.&mdash;A Eux, pour payement<br />
+ de 3,040 l. 11 s., pour<br />
+ moellons.</p></td><td align="right"> 640 </td><td align="right"> 11 </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">6 décembre.&mdash;A Eux, pour payement<br />
+ de 5,197 l. 10 s., pour<br />
+ 12,300&mdash;3/4 de moellons.</p></td><td align="right"> 1,797</td><td align="right"> 10 </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang"><i>Id.</i>&mdash;A Charruel, couvreur, pour<br />
+ payement de 422 l. 3 s., pour<br />
+ la couverture de la nouvelle forge. </p></td><td align="right"> 122 </td><td align="right"> 12 </td><td align="right"> 3</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang"><i>Id.</i>&mdash;A Mathelin, pour payement<br />
+ de 153 l., pour transport de terre. </p></td><td align="right"> 53 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">13 décembre.&mdash;A Frades et Devienne,<br />
+ pour payement de 300 l.,<br />
+ pour voitures de glaise. </p></td><td align="right"> 100l.</td><td align="right"> »s.</td><td align="right"> »d.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">20 décembre.&mdash;A Eux, pour payement<br />
+ de 2,499 l., pour moellons<br />
+ fournis.</p></td><td align="right"> 999 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">27 décembre.&mdash;A Lamontagne,<br />
+ pour payement de 938 l. 14 s.,<br />
+ pour plates-bandes.</p></td><td align="right"> 438 </td><td align="right"> 14 </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">Id.&mdash;A Menoist, pour payement de<br />
+ 1,998 l. 5 s., pour fers.</p></td><td align="right"> 398 </td><td align="right"> 5 </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td>En outre:</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">Octobre 1682.&mdash;A Boudet, sur les<br />
+ tuyaux de fer de fonte, qu'il doit<br />
+ livrer pour la machine de la rivière<br />
+ de Seine.</p></td><td align="right"> 17,300 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p>Au sieur Desvaugoins, sur les<br />
+ tuyaux pour la nouvelle machine<br />
+ de la rivière de Seine.</p></td><td align="right"> 92,200 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p>Au sieur Lebreton, sur les<br />
+ tuyaux pour la nouvelle machine<br />
+ de la rivière de Seine.</p></td><td align="right"> 2,000 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p>A Lahaye, <i>id.</i></p></td><td align="right"> 5,500 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p>A Coulon, <i>id.</i> </p></td><td align="right"> 1,000 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+</table>
+
+<p class="c">Année 1683.</p>
+
+<p class="c">ORDRES DU 10 JANVIER 1683 AU 2 JANVIER 1684.</p>
+
+<p>A Laporte, Aubert, charpentiers;&mdash;Raffront, maçon;&mdash;Frades,
+ maçon;&mdash;Devienne, maçon;&mdash;Noiret, serrurier;&mdash;Menoist,
+ serrurier;&mdash;Allan, marchand de
+ charbon;&mdash;Grey-Spa;&mdash;de Ville, ingénieur;&mdash;Hardel,
+ terrassier;&mdash;Bourienne, <i>id.</i>;&mdash;Gondaut, charron;&mdash;Devaux,
+ voiturier;&mdash;Martin, terrassier;&mdash;Caron, arpenteur;&mdash;Lejongleur,
+ pour les eaux;&mdash;Arnault, pour
+ loyer;&mdash;veuve Raffront, <i>id.</i>;&mdash;Duvivier, Decoste, maçons;&mdash;Benoist,
+ terrassier;&mdash;Montoque, <i>id.</i>;&mdash;Marchand,
+ paveur;&mdash;Mathelin, terrassier;&mdash;Langlois,
+ cordier;&mdash;Berlin, paveur;&mdash;Delaunay, Richard, terrassiers;&mdash;Lahaye,
+ plombier;&mdash;Morel, serrurier;&mdash;Louchard,
+ cordier;&mdash;Rousseau, charron;&mdash;Langlois,
+ cordier;&mdash;Remy, fontainier;&mdash;Paul et Rankin-Sualem,
+ charpentiers;&mdash;Sianne, <i>id.</i>;&mdash;Miché, menuisier;&mdash;Mathieu,
+ plombier;&mdash;Desyaugoins, fabricant de tuyaux,&mdash;Godefroy,
+ briquetier;&mdash;Masson, serrurier;&mdash;Laharpe,
+ plombier;&mdash;Esmery, <i>id.</i>;&mdash;Boileau, marchand
+ de fer;&mdash;Pernolle, <i>id.</i>;&mdash;Bourbonnais, pour un soufflet
+ de forges;&mdash;Nicolle, terrassier;&mdash;Levasseur, <i>id.</i>;&mdash;Charruel,
+ couvreur;&mdash;Delbert, plombier;&mdash;Bachelart,
+ voilurier;&mdash;Duval, serrurier;&mdash;Simon, maçon;&mdash;Malin
+ et Vaillant, marchands de fer;&mdash;Crosnier, terrassier;&mdash;Lambotte,
+ mécanicien;&mdash;Viart, terrassier;&mdash;Noël,
+ serrurier;&mdash;veuve Lavier, menuisier;&mdash;Vivret, marchande
+ de toiles;&mdash;Namurois, serrurier;&mdash;Pays, corroyeur;&mdash;Baumont,
+ terrassier;&mdash;Racine, <i>id.</i>;&mdash;Belier,
+ <i>id.</i>;&mdash;Renault, serrurier;&mdash;Lapoterie, marchand
+ de fer;&mdash;Sauvage, <i>id.</i>;&mdash;Gervais, serrurier;&mdash;Guessard,
+ id.;&mdash;Ansaume, maçon;&mdash;Desjardins, tailleur;&mdash;Chenet,
+ chirurgien;&mdash;Lucas, plombier;&mdash;Duremar,
+ serrurier.</p>
+<p class="r">Sommes. 858,228l. 15s. 6d.</p>
+
+<table border="0" cellpadding="4" cellspacing="0" summary="">
+<tr><td><p class="hang">A Frades et Devienne, pour payement<br />
+ de 2,025 l., pour le transport<br />
+ des sables provenant de<br />
+ l'atterrissement qui s'est fait<br />
+ au-dessous de la machine dans la<br />
+ rivière de Seine.</p></td><td align="right">75l. </td><td align="right"> »s. </td><td align="right">»d.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Menoist, pour payement de 948 l.<br />
+ 13 s., pour fers par lui fournis.</p></td><td align="right">348 </td><td align="right"> 13 </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Allen, pour payement de 1,308 l.<br />
+ 4 s., pour fournitures de charbon<br />
+ de terre.</p></td><td align="right">808 </td><td align="right"> 8 </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Hardel, pour payement de 895 l.<br />
+ 8 s. 4 d., pour pavage qu'il a fait<br />
+ au rétablissement du grand chemin.</p></td><td align="right">95 </td><td align="right"> 8 </td><td align="right"> 4</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Haffront, pour payement de 5,109l.<br />
+ 5 s. 10 d., pour maçonnerie au<br />
+ deuxième puisard.</p></td><td align="right">359 </td><td align="right"> 5 </td><td align="right"> 10</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Noiret, pour payement de 7,674 l.<br />
+ 1 s. 6 d., pour fournitures de fers<br />
+ de pieux.</p></td><td align="right">474 </td><td align="right"> 1 </td><td align="right"> 6</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Marchand, pour payement de<br />
+ 3,229 l. de pavés.</p></td><td align="right">729</td><td align="right"> »</td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Frades et Devienne, pour payement<br />
+ de 1,747 l. 17 s. 6 d., pour<br />
+ moellons et libage.</p></td><td align="right">947 </td><td align="right"> 17 </td><td align="right"> 6</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Montagne, pour payement de<br />
+ 1,369 l. 4 s. 4 d., pour ouvrages<br />
+ de fer.</p></td><td align="right">469 </td><td align="right"> 4 </td><td align="right"> 4</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Frades et Devienne, pour payement<br />
+ de 2,892 l. pour transports<br />
+ de terre.</p></td><td align="right">72l. </td><td align="right"> »s.</td><td align="right"> »d.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">Aux soldats suisses, qui ont fait des<br />
+ fascines et travaillé.</p></td><td align="right">123 </td><td align="right"> 13 </td><td align="right"> 6</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Bourienne, pour payement de<br />
+ 2,736 l. 14 d., pour fouilles au<br />
+ deuxième puisard.</p></td><td align="right">86 </td><td align="right"> 14 </td><td align="right"> 6</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Marchand, pour payement de<br />
+ 3,229 l. 8 s., pour pavés.</p></td><td align="right">500 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Noiret, pour payement de 1,604 l.<br />
+ 6 s. 6 d., pour fouilles.</p></td><td align="right">304 </td><td align="right"> 6 </td><td align="right"> 6</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Charuel, pour payement de 439 l.<br />
+ 7 s. 6 d., pour couverture.</p></td><td align="right">39 </td><td align="right"> 7 </td><td align="right"> 6</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Boileau, pour payement de 6,911 l.<br />
+ 16 s. 8 d., pour gros fer du<br />
+ Nivernois.</p></td><td align="right">411 </td><td align="right"> 16 </td><td align="right"> 8</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Nicole, pour payement de 1,578 l.<br />
+ 3 s. 4 d., pour fouilles au canal.</p></td><td align="right">78 </td><td align="right"> 3 </td><td align="right"> 4</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Mathelin, pour payement de<br />
+ 10,453 l. 18 s. 10 d., pour<br />
+ transport de terre.</p></td><td align="right">453 </td><td align="right"> 18 </td><td align="right"> 10</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Frades et Devienne, pour payement<br />
+ de 3,344 l. 5 s., pour moellons.</p></td><td align="right">1,044 </td><td align="right"> 5 </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Martin, pour payement de 4,642 l.<br />
+ 7 s. 9 d., pour tranchées au bord<br />
+ du nouveau canal.</p></td><td align="right">342 </td><td align="right"> 7 </td><td align="right"> 9</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Richard, pour payement de 2,684 l.<br />
+ 7 s. 9 d., pour cuivres.</p></td><td align="right">184 </td><td align="right"> 7 </td><td align="right"> 9</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Frades et Devienne, pour payement<br />
+ de 2,430 l. 45 s., pour moellons.</p></td><td align="right">830l. </td><td align="right">15s. </td><td align="right">»d.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Duremar, pour payement de 7331l<br />
+ 5 s. 6 d., pour appuis de fer.</p></td><td align="right">133 </td><td align="right"> 5 </td><td align="right"> 6</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Berlin, pour payement de 500 l.,<br />
+ pour démolition.</p></td><td align="right">200 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Frades et Devienne, pour payement<br />
+ de 2,089 l. 10 s., pour moellons.</p></td><td align="right">689 </td><td align="right"> 10 </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Pays, corroyeur, pour payement<br />
+ de 360 l., pour cuirs de vache.</p></td><td align="right">210 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Berlin, pour payement de 819 l.,<br />
+ pour 1,900 1/2 de moellons.</p></td><td align="right">419 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Spa, pour payement de fers corroyés<br />
+ fournis par lui, montant à<br />
+ 27,742 l. 14 s. 11 d.</p></td><td align="right">142 </td><td align="right"> 14 </td><td align="right">11</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Raffront, pour payement de 700 l.,<br />
+ pour l'atterrissement qui s'est fait<br />
+ par derrière les coursières de la<br />
+ machine.</p></td><td align="right">50 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Lacoste, pour payement de 5,506 l.<br />
+ 10 s., à quoi montent 1,217 toises<br />
+ 1/2 de tuyaux de 8 pouces, relevés<br />
+ et posés a la conduite du Chesnay,<br />
+ 459 toises 1/2 <i>id.</i> de 8 pouces,<br />
+ à celle depuis les Moulins de Louveciennes<br />
+ jusqu'au regard du chemin<br />
+ de Versailles, à 50 s. la toise,<br />
+ et 328 toises 1/2 d'un pied, <i>id.</i> à<br />
+ 14 l. la toise, et 600 l. de gratification<br />
+ à cause de sa diligence.</p></td><td align="right">656 </td><td align="right"> 10 </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Renault, pour payement de 1,516 l.
+ 12 s. 9 d., pour serrurerie.</p></td><td align="right">572l.</td><td align="right"> 16s.</td><td align="right"> 9d.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Bourbonnais, pour payement de<br />
+ 938 l. 17 s., pour serrurerie.</p></td><td align="right">50 </td><td align="right"> 17 </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Spa, pour payement de 3,140 l.
+ 11 s., pour serrurerie, pour<br />
+ l'entretien des mouvements de<br />
+ la machine.</p></td><td align="right">1,140 </td><td align="right"> 11 </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A André Pernelle, pour, payement<br />
+ de 1,053 l. 10 s., pour serrurerie.</p></td><td align="right">153 </td><td align="right"> 10 </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Desjardins, tailleur d'habits, pour<br />
+ vingt et un juste-au-corps de toile,<br />
+ pour les charpentiers de la machine.</p></td><td align="right">31 </td><td align="right"> 10 </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Thevenet, chirurgien, pour avoir<br />
+ pansé les ouvriers blessés de la<br />
+ machine, depuis le mois de juillet<br />
+ jusqu'au mois d'octobre.</p></td><td align="right">90 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p>Le sieur <i>de Ville</i> fait venir beaucoup de fers et de<br />
+ mécaniques de Liége.</p></td></tr>
+
+<tr><td><p>Lejongleur fait les aqueducs pour conduire l'eau de<br />
+ la machine de la rivière de Seine.</p></td></tr>
+</table>
+
+<p class="c">Année 1684.</p>
+
+<p>Recette:</p>
+
+<p>De M. Etienne Jehannot, sieur de Bartillat, garde du
+ trésor royal, la somme de 6,000 l. pour délivrer au sieur
+ <i>de Ville</i>, gentilhomme liégeois, par gratification, en considération
+ de ses soins pour la construction de la machine
+ de la rivière de Seine, pour la présente année.</p>
+
+<p class="c"><i>Parfaits payements.</i></p>
+
+<table border="0" cellpadding="2" cellspacing="0" summary="">
+
+<tr valign="bottom"><td><p class="hang">16 janvier 1684.&mdash;Au sieur Desvaugoins, 20,000 l. pour<br />
+ avec 64,366 l. 16 s. 9 d. contenus en l'ordre de parfait<br />
+ payement du 28 mars 1683, pour 2,529 toises<br />
+ 1 pied 1/4 de tuyaux de fer de fonte de 8, 6 et 4 pouces<br />
+ 1/2 de diamètre; 43,400 l. qui lui ont été ordonnancées<br />
+ à-compte depuis le 21 février jusques et compris<br />
+ le 3 octobre 1683, et 4,833 l. 3 s. 3 d. qui lui<br />
+ sont retenus pour la garantie pendant une année, faire<br />
+ le parfait payement de 132,600 l., à quoi montent<br />
+ 5,099 toises 1 pied de conduites de fer de fonte qu'il a<br />
+ fournies pour la machine de la rivière de Seine, en<br />
+ 1682 et 1683. </p></td><td align="right"> 20,000l.</td><td align="right"> »s. </td><td align="right"> »d.</td></tr>
+
+<tr valign="bottom"><td><p class="hang">23 janvier 1684.&mdash;A Lacoste,
+ 1,254 l. 14 s., pour fournitures<br />
+ de cuirs, vis et mastic, pour la<br />
+ machine de la rivière de Seine,
+ et déposage et reposage de plusieurs<br />
+ conduites de tuyaux en 1683. </p></td><td align="right"> 1,254 </td><td align="right"> 14 </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr valign="bottom"><td><p class="hang">23 juillet 1684.&mdash;A Lejongleur,
+ 1,400 l. pour avec 5,600 l. qu'il<br />
+ a reçues faisant le parfait payement<br />
+ de 7,000 l. à quoi ont été<br />
+ fixés les ouvrages du regard de<br />
+ pierre de taille qu'il a faits proche<br />
+ Marly, pour recevoir les eaux de<br />
+ la machine.</p></td><td align="right"> 1,400 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td align="right"><p class="hang"><i>Fonds libellés.</i></p></td></tr>
+
+<tr valign="bottom"><td><p class="hang">14 décembre 1684.&mdash;Au sieur<br />
+ <i>de Ville</i>, 6,000 l. par gratification<br />
+ en considération de ses soins<br />
+ pour la construction de la machine<br />
+ de la rivière de Seine.</p></td><td align="right"> 6,000l. </td><td align="right"> »s.</td><td align="right"> »d.</td></tr>
+</table>
+
+<p class="c">OUVRAGES DE LA MACHINE DE LA RIVIÈRE DE SEINE.</p>
+
+<table border="0" cellpadding="4" cellspacing="0" summary="">
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Maçonnerie.</i></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">1684.&mdash;DU 9 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">Donné à Martin Caumont et Anseaume,<br />
+Raffront, Decotte, Simon,<br />
+Bertin, Jean Couturier de<br />
+la Chaussée, Denis Gérard,<br />
+Drouilly, Mouffle, Frades, Saint-Allard,<br />
+de la Rue, Lejongleur,<br />
+Lecerf, Lefébure.</p></td></tr>
+
+<tr><td align="right">Somme.</td> <td align="right">141,832 </td> <td align="right">18</td> <td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td><p>Remarques.</p></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">De Cotte, entrepreneur, construit la tour.</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Charpenterie.</i></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">DU 9 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Laporte et Aubert, Langlois,<br />
+Paillard, Charles Fournet.</p></td></tr>
+
+<tr><td align="right"> Somme.</td> <td align="right">117.005</td> <td align="right">5</td> <td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Couverture.</i></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">DU 26 MARS AU 19 NOVEMBRE.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Dimanche-Charruel.</p></td></tr>
+
+<tr><td align="right"> Somme.</td> <td align="right"> 4,070</td> <td align="right"> 12 </td> <td align="right">6</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Menuiserie.</i></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">LE 23 JUILLET.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Milot, menuisier, à-compte de<br />
+ce qu'il a fait au grand puisard<br />
+de la machine de la chaussée.</p></td> <td align="right">200l. </td> <td align="right"> » </td> <td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Ouvrages de fer.</i></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">DU 9 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Namurois, Noiret, Morel, Noël,
+Renault, Dezenstres, Bourbonnais,<br />
+Ladoireau, Gervais, Delbert,<br />
+Spa, Martin, Vaillant,<br />
+Thomas Delaunay, Claude Montagne,<br />
+Pernelle, Marlin, Massot,<br />
+Boileau, Fordin, Boutté, Duval,<br />
+Cucu, Pilon.</p></td></tr>
+
+<tr><td align="right"> Somme.</td> <td align="right"> 150,096 </td> <td align="right">13</td> <td align="right">11</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Ouvrages de cuivre.</i></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"> DU 16 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">Au sieur Lerond, bourgmestre de<br />
+Liége, Delbert, Noiret.</p></td></tr>
+
+<tr><td align="right"> Somme.</td> <td align="right">30,874</td> <td align="right">4 </td> <td align="right">8</td></tr>
+
+<tr><td>Remarques.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">Le sieur Lerond, bourgmestre de<br />
+Liége, reçoit 3,000 l. à-compte<br />
+pour deux cents corps de pompes,<br />
+qu'il fait pour la machine de la<br />
+rivière de Seine.</p></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Pavé.</i></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">DU 26 MARS AU 24 DÉCEMBRE.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang"> A Georges Marchand, Lecerf, Lefébure,<br />
+Petit-Jean.</p></td></tr>
+
+<tr><td align="right">Somme.</td><td align="right">11,952l. </td> <td align="right">10s. </td> <td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Plomberie.</i></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">DU 9 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Lucas, Laharpe.</p></td></tr>
+
+<tr><td align="right">Somme.</td><td align="right">38,269 </td><td align="right">14 </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Fouilles de terre.</i></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">DU 16 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Jean Crosnier de Luciennes, Debecq<br />
+et Beaumont, Martelin,<br />
+Jean-Baptiste Crosnier, Bachelart,<br />
+Racine, Deber, Lefébure,<br />
+Aubé, Rufron, Michel, Gautier,<br />
+Audiger, Bertin, Cherly, Léger.
+</p></td></tr>
+
+<tr><td align="right">Somme.</td><td align="right">24,375 </td><td align="right">11 </td><td align="right">1</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Ouvrages extraordinaires.</i></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">DU 9 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE.</td></tr>
+
+<tr><td align="right">Somme.</td><td align="right">22,090</td><td align="right">9</td><td align="right"> 9</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Ouvriers à journées.</i></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">DU 9 JANVIER AU 24 DÉCEMBRE.</td></tr>
+
+<tr><td align="right">Somme.</td><td align="right">19,153</td><td align="right">5</td><td align="right"> 7</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">Année 1685.</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Parfaits payements d'ouvrages de maçonnerie et terrasses.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">7 janvier.&mdash;A Guillaume Poullier,<br />
+943 l. 5 s., pour payement de<br />
+2,243 l. 5 s. pour maçonnerie<br />
+aux murs qui portent les tuyaux<br />
+où passent les eaux provenant de<br />
+la machine.</p></td><td align="right">943l. </td><td align="right"> 5s. </td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Gratifications.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">20 mai.&mdash;A <i>Rennequin-Sualem</i>,<br />
+charpentier liégeois, en considération<br />
+de ses voyages extraordinaires.</p></td><td align="right">300</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Machine de Marly.</i></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">DU 31 DÉCEMBRE 1684 AU 26 AOÛT 1685.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A de Cotte, entrepreneur, à-compte<br />
+de la maçonnerie qu'il fait à la<br />
+tour de la machine de la rivière<br />
+de Seine.</p></td><td align="right">17,500</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Clôture de la machine.</i></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">DU 17 JUIN AU 21 OCTOBRE 1685.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Michel Crosnier, pour payement<br />
+de pierres, pour la construction<br />
+d'un puits derrière le réservoir,<br />
+à mi-côte.</p></td><td align="right">870 </td><td align="right">10 </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Maçonnerie et couverture.</i></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">DU 28 JANVIER AU 16 DÉCEMBBE 1685.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Jean de la Rue, maçon, à-compte<br />
+des ouvrages du magasin et aux<br />
+murs de terrasse des rigoles,<br />
+près les grands chevalets, et des<br />
+couvertures de tuiles aux forges.</p></td><td align="right">21,050l. </td><td align="right"> »</td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>
+Massifs de maçonnerie derrière les
+murailles du réservoir à
+mi-côte.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Duvivier, pour payement.</p></td><td align="right">2,536</td><td align="right"> 13 </td><td align="right">4</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Moellons pour la digue de l'île Bautier et la grande digue.</i></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">DU 21 JANVIER AU 9 DÉCEMBRE 1685.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A François Berlin, carrier; Jacques<br />
+Raffront, <i>id.</i>;&mdash;Antoine Hémont,<br />
+<i>id.</i>;&mdash;Gaspard Hémont,<br />
+<i>id.</i>;&mdash;J. Frades,&mdash;J. Darneville.</p></td></tr>
+
+<tr><td align="right">Somme.</td><td align="right">15,837</td><td align="right">1</td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Parfaits payements de la maçonnerie et
+moellons pour la machine.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">21 janvier.&mdash;A Lerouge, carrier,<br />
+pour payement de moellons,<br />
+pour l'île de la Chaussée.</p></td><td align="right">104 </td><td align="right">3</td><td align="right"> 4</td></tr>
+
+<tr><td><p>A Étienne Potier, <i>id.</i></p></td><td align="right">137</td><td align="right"> 10</td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">28 janvier.&mdash;A Lecerf, pour payement
+du quai sur l'île Gautier.</p></td><td align="right">93</td><td align="right"> 15 </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p>A Ballet, pour payement de<br />
+pierres dures de Nanterre,<br />
+pour la grande digue.</p></td><td align="right">194 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p>A Binet, <i>id.</i></p></td><td align="right"> 58</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">25 février.&mdash;A Lerouge, pour<br />
+payement de moellons, pour l'île<br />
+Gautier.</p></td><td align="right">101l. </td><td align="right"> 5s. </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">11 mars.&mdash;A G. Raffront, pour<br />
+payement de chaux, pour le mur<br />
+proche la tour.</p></td><td align="right">56</td><td align="right"> 16</td><td align="right">8</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Rousselet, pour payement<br />
+de moellons au quai de l'île<br />
+la Loge.</p></td><td align="right">27</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">1<sup>er</sup> avril.&mdash;A Lejongleur, pour<br />
+payement de 4,745 l., pour<br />
+tuyaux de grès aux aqueducs des<br />
+eaux de Prunay, près la machine.</p></td><td align="right">1,345</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">8 avril.&mdash;A Lecerf, pour payement<br />
+de moellons, à l'île Gautier.</p></td><td align="right">408 </td><td align="right">10</td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p>A Roussel, <i>id.</i></p></td><td align="right">27</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">23 avril.&mdash;A Leau, terrassier,<br />
+pour aplanissement près la tour.</p></td><td align="right">63 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">6 mai.&mdash;A Laroue et Crosnier,<br />
+pour payement de moellons.</p></td><td align="right">134</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">27 mai.&mdash;A Duvivier, pour payement<br />
+de 16,386 l. 10 s., pour<br />
+ouvrages de maçonnerie.</p></td><td align="right">1,986</td><td align="right"> 10 </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">15 juillet.&mdash;A Laroue, pour payement<br />
+de chaux.</p></td><td align="right">351</td><td align="right"> 15</td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">29 juillet.&mdash;A Jean, pour payement<br />
+de moellons.</p></td><td align="right">40</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">7 octobre.&mdash;A Périgord, pour<br />
+payement de moellons.</p></td><td align="right">47</td><td align="right">10 </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p>A Jean, <i>id.</i></p></td><td align="right">42 </td><td align="right">10 </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p>A Laroue, pour payement de<br />
+chaux.</p></td><td align="right">245 l. </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p>A Julien, <i>id.</i></p></td><td align="right">302</td><td align="right">10 </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p>A Potier, pour payement de<br />
+moellons.</p></td><td align="right">44</td><td align="right">7</td><td align="right">6</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang"> 18 novembre.&mdash;A Lebaille, pour<br />
+payement de pavé tiré dans les<br />
+rigoles du côté des Graissets.</p></td><td align="right">25</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Lecerf, Lefébure, Lejongleur,<br />
+Hémont, Roussel,<br />
+pour payement de maçonnerie.</p></td><td align="right">2,084</td><td align="right">5 </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Terrasses.</i></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">DU 7 JANVIER AU 25 NOVEMBRE 1685.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Gautier, pour les terres enlevées<br />
+le long du réservoir, à mi-côte.</p></td><td align="right">677</td><td align="right">9</td><td align="right">2</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Rigoles et parterre sur la terrasse du pavillon.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">23 avril.&mdash;A Jean Léger, pour<br />
+payement de ses ouvrages.</p></td><td align="right">749</td><td align="right">15</td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Terrasses.</i></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">DU 7 JANVIER AU 11 NOVEMBRE.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Cherfils,&mdash;Audiger,&mdash;Levau,<br />
+&mdash;Gosset,&mdash;Horin,&mdash;Morille,<br />
+&mdash;Hémont, terrassiers.</p></td></tr>
+
+<tr><td align="right">Somme.</td><td align="right">11,287 </td><td align="right"> » </td><td align="right">11</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Chevilles et coyaux pour les roues de la machine.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">16 juillet.&mdash;A P. Sauvage et Leclerc.</p></td><td align="right">248</td><td align="right">18</td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Nettoyement, maçonnerie et moellons.</i></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">DU 15 JUILLET AU 16 DÉCEMBRE.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Michel, de la Rue, Hémont</p></td><td align="right">10,960 l.</td><td align="right"> 14 s.</td><td align="right"> 2 d.</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Charpenterie.</i></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">DU 31 DÉCEMBRE 1684 AU 16 DÉCEMBRE 1685.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Raoul de Pierre, dit Laporte, et<br />
+Jacques Aubert, charpentiers,<br />
+pour les bois employés dans divers<br />
+endroits de la machine </p></td><td align="right">8,860 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Mallet, Roussel, charpentiers,
+pour id.</p></td><td align="right">8,314</td><td align="right">11 </td><td align="right"> 10</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Couverture.</i></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">DU 14 JANVIER AU 2 DÉCEMBRE 1685.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A la veuve Dimanche Charruel</p></td><td align="right">10,390 </td><td align="right">7 </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Menuiserie.</i></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">DU 12 AOÛT AU 16 DÉCEMBRE.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Dubois, Bourdon, Massa.</p></td></tr>
+
+<tr><td align="right">Somme.</td><td align="right">3,220</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Serrurerie.</i></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">DU 31 DÉCEMBRE 1684 AU 21 OCTOBRE 1685.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Fordrin,&mdash;Boutet,&mdash;Rouillé,<br />
+&mdash;Landry,&mdash;Renault,&mdash;Corvieux,<br />
+&mdash;Noël,&mdash;Morel,&mdash;Montagne,&mdash;Cucu,<br />
+Maslin et Vaillant,&mdash;Menoist,&mdash;Dezeustres,<br />
+&mdash;Boileau,&mdash;Noiret,&mdash;Georges de Spa,<br />
+&mdash;Longuet,&mdash;Darche,&mdash;Michel.</p></td></tr>
+
+<tr><td align="right">Somme.</td><td align="right">146,223</td><td align="right">6</td><td align="right"> 11</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Ouvrages de cuivre.</i></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">DU 15 JANVIER AU 2 DÉCEMBRE 1685.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Nicolas de Nainville;&mdash;Jean Lefond,<br />
+bourgmestre de Liége;&mdash;Mathieu<br />
+Delbert,&mdash;Joseph<br />
+Royer;&mdash;François Namurois.</p></td></tr>
+
+<tr><td align="right">Somme.</td><td align="right">73,142l. </td><td align="right"> 6s.</td><td align="right"> 10d.</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Plomberie.</i></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">DU 14 JANVIER AU 2 DÉCEMBRE 1685.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Jacques Lucas</p></td><td align="right">32,191</td><td align="right"> 11</td><td align="right">7</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Ouvrages de goudron.</i></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">DU 31 DÉCEMBRE 1684 AU 16 DÉCEMBRE 1685.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Michel Deschamps,&mdash;Vinant<br />
+Allen,&mdash;Nicolas de Gomas,&mdash;Philippe<br />
+Hormoire,&mdash;Calfatiers,&mdash;pour<br />
+payement des ouvrages<br />
+de goudron qu'ils font aux grands<br />
+chevalets de la machine de la<br />
+rivière de Seine</p></td><td align="right">36,076 </td><td align="right">10</td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Cuirs de vache.</i></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">DU 7 JANVIER AU 2 DÉCEMBRE 1685.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Proust et Julien Pays, pour cuirs<br />
+de vache venus de Liége</p></td><td align="right">2,675 </td><td align="right"> » </td><td align="right">6</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Loyers de maisons.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">7 janvier.&mdash;A Thomas Chevalier,<br />
+successeur d'Arnault, 125 l.,<br />
+pour le loyer de sa maison occupée<br />
+par l'ancien logement du<br />
+sieur de Ville: une forge, une<br />
+écurie, <i>le modèle et le logement</i><br />
+<i>de Rennequin</i> pendant le quartier<br />
+d'octobre 1684</p></td><td align="right">125l. </td><td align="right"> » s.</td><td align="right"> » d.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Gilles Raffront, 150 l., pour<br />
+le loyer de sa maison, occupée<br />
+par le magasin et<br />
+deux forges de la machine,<br />
+pendant les quartiers de juillet<br />
+et d'octobre 1684 </p></td><td align="right">150</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Nicolas Malherbe, 22 1.<br />
+10 s., pour le loyer de sa<br />
+maison, occupée par <i>Jean</i>
+<i>Beltier</i> piqueur à la machine,<br />
+pendant le quartier<br />
+d'octobre 1681 </p></td><td align="right">22 </td><td align="right"> 10</td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang"> 8 avril.&mdash;A Chevalier, pour le<br />
+loyer de sa maison, pendant le<br />
+quartier de janvier 1685 </p></td><td align="right">125</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A la dame Duchannoy, 36 l.,<br />
+pour le loyer de son pressoir,<br />
+occupé par <i>les chevaux</i><br />
+<i>du sieur de Ville</i>, à la machine,<br />
+pendant une année </p></td><td align="right">36 </td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">26 avril.&mdash;A Raffront, 75 l, pour<br />
+le loyer de janvier</p></td><td align="right">75</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">15 juillet.&mdash;A Chevalier, pour le<br />
+quartier d'avril</p></td><td align="right">125</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p>A Raffront, <i>id.</i></p></td><td align="right">75</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p>A Malherbe, <i>id.</i></p></td><td align="right">22 </td><td align="right"> 10</td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">18 novembre.&mdash;A Chevalier, pour<br />
+le quartier de juillet</p></td><td align="right">125l.</td><td align="right"> » s. </td><td align="right">» d.</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Ouvrages extraordinaires de la machine de la
+rivière de Seine.</i></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">DU 31 DÉCEMBRE 1684 AU 16 DÉCEMBRE 1685.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Duchemin, charron;&mdash;J. Crosnier;&mdash;Pierre<br />
+Brady;&mdash;J. Leclerc;&mdash;P.<br />
+Potier;&mdash;E. Langlois;&mdash;Alexis<br />
+Mercier;&mdash;M. Lecerf;&mdash;Henri<br />
+Lenormand, batelier;&mdash;V.<br />
+Frades;&mdash;N. Maillot;&mdash;C.<br />
+Lefébure;&mdash;Sauvage;&mdash;Boucault;&mdash;Massa,<br />
+menuisier;&mdash;Cotillon;&mdash;Saintard;&mdash;Marchand;&mdash;C.<br />
+Caron, arpenteur;&mdash;Chambon;&mdash;Gaumont;<br />
+Ricy;&mdash;Paul Sualem,&mdash;Boursin;&mdash;Proust;<br />
+&mdash;Fosset;&mdash;Grandhomme,<br />
+chirurgien;&mdash;Tournay;&mdash;Paillard;&mdash;Thévenet,<br />
+chirurgien,&mdash;Pinault;&mdash;Bara.</p></td></tr>
+
+<tr><td align="right">Somme.</td><td align="right">7,245</td><td align="right"> 18</td><td align="right"> 6</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A remarquer:</p></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">Pierre Brady mène dans une voiture<br />
+un modèle de manivelle de<br />
+Paris à Maubeuge et de Maubeuge<br />
+à Chimay.</p></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Pavés<br />
+et moellons dans le îles,<br />
+proche la machine et<br />
+à la machine.</i></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">DU 25 MARS AU 9 DÉCEMBRE 1685.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang"> A Sylvain Mercier,&mdash;Léonard Lamoureux,&mdash;Ant.<br />
+Gargot,&mdash;Fr.<br />
+Legrand,&mdash;G. Marchand,&mdash;Fr.<br />
+Vatel.</p></td></tr>
+
+<tr><td align="right">Somme.</td><td align="right">10,056 l. </td><td align="right">14 s. </td><td align="right">2 d.</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Ouvriers à journées.</i></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">DU 31 DÉCEMBRE 1684 AU 16 DÉCEMBRE 1685.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">Aux ouvriers qui ont travaillé à la<br />
+construction et entretien de la<br />
+machine de la rivière de Seine. </p></td><td align="right">29,235 </td><td align="right">9 </td><td align="right">3</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Clôture de la machine.</i></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">DU 11 MARS AU 16 DÉCEMBRE 1685.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A J. Fay, pour les ouvrages de<br />
+clôture </p></td><td align="right">22,900</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Réservoir de Louveciennes.</i></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">DU 11 MARS AU 16 DÉCEMBRE 1685.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Jean Bailly et Louis Rocher, pour<br />
+ouvrages de maçonnerie</p></td><td align="right">180,000</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Vitrerie dans les puisards et aux magasins de la machine.</i></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">DU 20 MAI AU 16 DÉCEMBRE 1685.</td></tr>
+
+<tr><td><p>A Cl. Cossette</p></td><td align="right">300</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Menuiserie à la cour de la machine.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">1<sup>er</sup> juillet.&mdash;A Michel Dubois</p></td><td align="right">300</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Grosse peinture.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">21 octobre.&mdash;A J.-B. Fauconnier,<br />
+pour ouvrages de peinture aux<br />
+portes et croisées des magasins<br />
+et puisards</p></td><td align="right">160 l.</td><td align="right"> » s. </td><td align="right"> » d.</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Cordages pour les équipages des puisards.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">4 novembre.&mdash;A E. Langlois,<br />
+cordier</p></td><td align="right">150</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Bois de provision pour les magasins de la machine.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">18 novembre.&mdash;A Ragalus, marchand</p></td><td align="right">300</td><td align="right"> » </td><td align="right"> »</td></tr>
+</table>
+
+<table border="0" cellpadding="4" cellspacing="0" summary="">
+
+<tr><td colspan="4" align="center">Année 1686.</td></tr>
+
+<tr><td><p>Recettes:</p></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">17 janvier.&mdash;Du sieur de Bartillat, garde du trésor<br />
+royal, 6,000 l., pour délivrer au sieur <i>de Ville</i>, gentilhomme<br />
+liégeois, pour gratification en considération<br />
+de ses soins pour la construction de la machine de la<br />
+rivière de Seine pendant l'année 1685.</p></td><td align="right">6,000l.</td><td align="right"> »</td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">6 février.&mdash;Du sieur de Bartillat, 7,723l. 7 s. 9 d.,<br />
+pour employer au remboursement des terres, vignes<br />
+et autres héritages appartenant à divers particuliers<br />
+occupés par l'aqueduc qui conduit les eaux des sources<br />
+de la Celle et de Bougival au premier puisard de la<br />
+machine de la rivière de Seine, en la largeur d'une<br />
+perche sur toute la longueur pour le fond.</p></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">8 février.&mdash;Du sieur de Bartillat, 120,533 l. 6 s., pour<br />
+employer au remboursement du prix principal et non-jouissances<br />
+des terres, prés, bois et vignes appartenant<br />
+à divers particuliers, lesquels sont occupés par<br />
+la grande pièce d'eau que Sa Majesté a ordonné être<br />
+faite l'année dernière dans les hauteurs de Louveciennes;&mdash;par<br />
+les deux rigoles faites dans lesdites<br />
+hauteurs qui conduisaient les eaux dans les étangs des<br />
+Graissets;&mdash;par les quatre étangs des Graissets;&mdash;par<br />
+les bois plantés dans les plaines du Trou-d'Enfer<br />
+et dans les hauteurs de Rocquencourt;&mdash;par l'avenue<br />
+qui conduit de Versailles à Saint-Germain depuis Rocquencourt<br />
+jusqu'à l'étang de Béchevet;&mdash;et par l'espace<br />
+qui est entre ladite avenue et les murs du Grand-Parc;&mdash;par<br />
+les terres occupées par la grande pépinière<br />
+qui est au-dessus de Rocquencourt:&mdash;par les rigoles<br />
+qui conduisaient les eaux des hauteurs de Rocquencourt<br />
+dans les étangs des Graissets;&mdash;par l'aqueduc<br />
+qui conduit les eaux de la machine au réservoir du<br />
+Chesnay;&mdash;et par une partie de l'aqueduc nouvellement<br />
+fait pour conduire les eaux de la machine dans<br />
+le réservoir de la butte de Montbauron, jusqu'à l'endroit<br />
+du puits de l'angle qui est au-dessus du Chesnay;&mdash;et<br />
+encore pour l'indemnité du droit de dimes et les<br />
+non-jouissances qui étaient dues aux sieurs de Luciennes,<br />
+comme gros décimateurs dans la paroisse sur<br />
+cinq cents arpents de terre labourable et vignes qui<br />
+sont occupés par les travaux que Sa Majesté a fait faire<br />
+dans les hauteurs de Marly, de Luciennes, et dans<br />
+l'enceinte de la machine.</p></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">12 juillet.&mdash;Du sieur de Bartillat, pour délivrer au sieur<br />
+<i>de Ville</i>, par gratification, en considération des soins<br />
+qu'il a pris pour la construction de la machine de la<br />
+rivière de Seine</p></td><td align="right">100,000 l. </td><td align="right">»</td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p>Dépenses.</p></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Fonds libellés.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">27 janvier 1686.&mdash;Au sieur <i>de</i><br />
+<i>Ville</i>, gentilhomme liégeois, par<br />
+gratification, en considération de<br />
+ses soins pour la construction de<br />
+la machine de la rivière de Seine<br />
+pendant l'année dernière</p></td><td align="right">6,000l. </td><td align="right">» </td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">17 février.&mdash;A divers particuliers<br />
+pour le remboursement des terres,<br />
+vignes et autres héritages<br />
+à eux appartenant, occupés par<br />
+l'aqueduc qui conduit les eaux<br />
+des sources de la Celle et Bougival<br />
+au premier puisard de la<br />
+machine de la rivière de Seine</p></td><td align="right">7,723</td><td align="right"> 7</td><td align="right">9</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A divers particuliers, pour<br />
+remboursement du prix<br />
+principal et non-jouissances<br />
+des héritages occupés par<br />
+les quatre étangs des Graissets<br />
+et autres travaux faits<br />
+sur les hauteurs de Luciennes</p></td><td align="right">120,533 </td><td align="right">6</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">28 juillet.&mdash;Au sieur <i>de Ville</i>, par<br />
+gratification, en considération des<br />
+soins qu'il a pris pour la construction<br />
+de la machine de la rivière<br />
+de Seine</p></td><td align="right">100,000</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">27 octobre.&mdash;A Noël, serrurier,<br />
+à-compte des tréteaux de fer pour<br />
+les conduites de tuyaux dans<br />
+l'aqueduc sous la tour de la machine</p></td><td align="right">800l.</td><td align="right"> » </td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Lahaye, plombier, à-compte<br />
+des tuyaux de 6 pouces posés<br />
+dans le deuxième puisard<br />
+de la machine au haut<br />
+de la montagne de Luciennes </p></td><td align="right">2,400</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">Au sieur Mezeret, greffier de<br />
+l'écritoire, à-compte du travail<br />
+aux toisés d'ouvrage de<br />
+la machine de Marly</p></td><td align="right">400</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Morel, serrurier, sur les fers<br />
+d'équipages aux pompes du<br />
+deuxième puisard de la machine</p></td><td align="right">300</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">1<sup>er</sup> décembre.&mdash;A Menoist, marchand<br />
+de fer, à-compte des chevrons<br />
+de fer de la machine</p></td><td align="right">800</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Aubert, charpentier, à-compte<br />
+des pieux qu'il a<br />
+fait battre pour contre-garder<br />
+les îles, et à la chute<br />
+de la grande digue de la<br />
+machine</p></td><td align="right">3,100</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A la veuve Lemaire, fondeur,<br />
+pour payement de deux robinets<br />
+pour la conduite des<br />
+eaux de la machine</p></td><td align="right">237l. </td><td align="right">16 s. </td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Bertin, pour moellons à la<br />
+machine </p></td><td align="right">600</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Mathieu, fondeur,à-compte<br />
+des tambours, tuyaux coudés<br />
+et passières de cuivre,<br />
+fournis pour les mouvements<br />
+de la machine </p></td><td align="right">600</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">Au sieur Desvaugoins, sur les<br />
+tuyaux de la machine </p></td><td align="right">1,000</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Payements d'ouvrages de maçonnerie et terrasses.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Aubrat, entrepreneur, pour payement<br />
+d'un bout d'aqueduc qui<br />
+sert de communication du puits<br />
+de l'Angle aux grands aqueducs<br />
+venant des Graissets</p></td><td align="right">390</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A lui,&mdash;pour payement de 1,597 l.<br />
+10 s. à quoi montent le gravoillage<br />
+pour poser le ciment aux<br />
+aqueducs venant du regard au-dessus<br />
+des étants des Graissets</p></td><td align="right">17 10</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Aqueduc pour la communication des deux proche le puits de l'Angle.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">Du 29 septembre au 22 décembre.&mdash;A<br />
+Lafosse, sur l'aqueduc pour<br />
+la décharge des eaux de la machine<br />
+de la Chaussée</p></td><td align="right">950</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Gages payés par ordonnance.</i></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">DU 6 JANVIER 1686 AU 18 JANVIER 1687.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A <i>Rennequin-Sualem</i>, charpentier<br />
+liégeois, employé à la machine.</p></td><td align="right">1,800 l. </td><td align="right">»</td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Miché, menuisier liégeois, employé<br />
+à la machine.</p></td><td align="right">720</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr>
+
+ <tr><td><p class="hang"> A Monget, qui a soin d'apporter la<br />
+hauteur des eaux de la machine.</p></td><td align="right">900</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">MACHINE DE MARLY.</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Maçonnerie.</i></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">DU 3 MARS AU 8 DÉCEMBRE 1686.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang"> A J. Delarive,&mdash;à J.<br />
+Fay,&mdash;à J.
+Frades,&mdash;à Ant. Hémon,<br />
+&mdash;Bailly-Lamoureux,&mdash;Pottier.</p></td></tr>
+
+<tr><td align="right">Somme.</td><td align="right">21,902</td><td align="right"> 17</td><td align="right">6</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Terrasses.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang"> A J. Chapeau,&mdash;Depautre,&mdash;Cherfils.</p></td></tr>
+
+<tr><td align="right">Somme.</td><td align="right">7,32710</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Charpenterie.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Raoul de Pierre et J. Aubert,&mdash;Laporte,&mdash;Claude<br />
+Garde,&mdash;Nicolas Roussel.</p></td></tr>
+
+<tr><td align="right">Somme.</td><td align="right">23,75716</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Couverture.</i></td></tr>
+<tr><td><p class="hang">A Étienne Yvon.</p></td><td align="right">1,100</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Menuiserie.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Nicolas Dubois,&mdash;Elisabeth Breton,&mdash;Gilles<br />
+Massa.</p></td></tr>
+
+<tr><td align="right">Somme.</td><td align="right">6,691 l.</td><td align="right"> 2 s. </td><td align="right">8 d.</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Ouvrages de fer.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A J. B. Boileau,&mdash;Cormieux,&mdash;J. Rouillé,&mdash;F.<br />
+Michel,&mdash;d'Arche,&mdash;Guerreau,&mdash;Noël.</p></td></tr>
+
+<tr><td align="right">Somme.</td><td align="right">8,732 </td><td align="right">3</td><td align="right"> 9</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Manivelles.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A J. Proust,&mdash;G. Longuet,&mdash;J. Longuet,&mdash;C.<br />
+Jean,&mdash;A. Fordrin<br />
+et Boulet,&mdash;F. Pasquier,&mdash;P.<br />
+Noiret,&mdash;Menoist,&mdash;Th.<br />
+Cucu,&mdash;Morel,&mdash;V. Morel,&mdash;Renault.</p></td></tr>
+
+<tr><td align="right">Somme.</td><td align="right">132,024</td><td align="right">6</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Ouvrages de cuivre.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A J. Royer,&mdash;Dezeustres.</p></td></tr>
+
+<tr><td align="right">Somme.</td><td align="right">27,500</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Plomberie.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang"> A J. Lucas.</p></td><td align="right">3,000</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Ouvrages de goudron.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A M. Deschamps.</p></td><td align="right">2,050</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Braye.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Clerx. </p></td><td align="right">349</td><td align="right">2</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Chandelle.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Haulmoire.</p></td><td align="right">1,189 l. </td><td align="right">1 s.</td><td align="right"> 6 d.</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Corps de pompe d'Aulne.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Cimery.</p></td><td align="right">112</td><td align="right"> 7</td><td align="right">6</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Cuirs de vaches.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A J. Pays.</p></td><td align="right">576</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Loyers de maisons.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Th. Chevalier,&mdash;Malherbe,&mdash;Raffront.</p></td><td align="right">169</td><td align="right"> 10</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Pavé.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Georges,&mdash;Legrand.</p></td><td align="right">4,360</td><td align="right"> 1</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Ouvrages extraordinaires.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A divers ouvriers.</p></td><td align="right">4,886</td><td align="right"> 8</td><td align="right">8</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">Ouvriers à journées.</p></td><td align="right">19,71912</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Vitrerie.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Cl. Cosset.</p></td><td align="right">79 </td><td align="right">16 </td><td align="right">6</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Grosses peintures.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A J.-B. Fauconnier.</p></td><td align="right">210</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Potin.</i></td></tr>
+
+ <tr><td><p class="hang"> A Noiret.</p></td><td align="right">7,922</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Cordages.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A E. Langlois.</p></td><td align="right">292 10</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">Année 1687.</td></tr>
+
+<tr><td><p>RECETTES.</p></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">De M. Gédéon Dumetz, garde du Trésor royal, 9,000 l.,<br />
+pour délivrer au sieur <i>de Ville</i>, savoir: 6,000 l. par gratification,<br />
+en considération des soins qu'il a pris de la<br />
+machine de la rivière de Seine pendant l'année dernière<br />
+1686, et 3,000 l. de pension extraordinaire que Sa Majesté<br />
+lui a accordées pendant les derniers mois de la<br />
+même année.</p></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">DÉPENSES.</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Dépenses extraordinaires de Versailles.</i></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">DU 5 JANVIER AU 21 DÉCEMBRE 1687.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">Au sieur <i>de Ville</i>, gentilhomme liégeois, pour achat et<br />
+frais de voiture de cinquante-un lauriers de Flandre,<br />
+pour Versailles.</p></td><td align="right">1,274l.</td><td align="right"> 10 s.</td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Fonds libellés.</i></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">DU 9 JANVIER 1687 AU 19 JANVIER 1688.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">Au sieur <i>de Ville</i>, 6,000 l., en considération<br />
+des soins qu'il a pris<br />
+de la machine de la rivière de<br />
+Seine pendant l'année 1686, et<br />
+3,000 l. de pension extraordinaire<br />
+pendant les six derniers mois de<br />
+la même année.</p></td><td align="right">9,000l.</td><td align="right">»</td><td align="right">s. »</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">MACHINE DE MARLY.</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center">Maçonnerie.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Larue,&mdash;J. Fay,&mdash;J. Bailly,&mdash;Le<br />
+Boisselier.</p></td><td align="right">121,960</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Terrasses.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Bourienne,&mdash;de Pautre,&mdash;Cherfils,&mdash;J.<br />
+Frades,&mdash;Hémont.</p></td></tr>
+
+<tr><td align="right">Somme.</td><td align="right">5,184l. </td><td align="right">16 s.</td><td align="right"> 3 d.</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Charpenterie.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Raoul de Pierre (dit Laporte),&mdash;J.<br />
+Aubert. </p></td><td align="right">21,997</td><td align="right"> 14</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Couverture.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A E. Yvon.</p></td><td align="right">511</td><td align="right"> 10</td><td align="right"> 7</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Menuiserie.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A M. Dubois,&mdash;Berton,&mdash;Nivet.</p></td><td align="right">1,507</td><td align="right">14</td><td align="right">5</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Serrurerie.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A J. Rouillé.</p></td><td align="right">392</td><td align="right">6</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Charbon.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A P. Dailly.</p></td><td align="right">154</td><td align="right">10</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Fers d'équipages.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A F. Noël,&mdash;Longuet.</p></td><td align="right">1,833 </td><td align="right">9</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Clous et cuirs forts.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A J. Proust.</p></td><td align="right">2,836</td><td align="right"> 19</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Manivelles.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Longuet,&mdash;Gordrin.</p></td><td align="right">2,347</td><td align="right">16</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Ouvrages de fer.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A M. Deseustres,&mdash;Noiret,&mdash;Menoist.</p></td><td align="right">3,450</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Entretien de la serrurerie de la machine.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Renault,&mdash;Morel.</p></td><td align="right">14,784l.</td><td align="right"> 12 s.</td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Ouvrages de cuivre.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A J. Royer.</p></td><td align="right">28,630</td><td align="right">19</td><td align="right">1</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Plomberie.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A J. Lucas.</p></td><td align="right">6,600</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Goudronages.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A M. Deschamps,&mdash;Levasseur,<br />
+calfatiers.</p></td><td align="right">2,576</td><td align="right"> 17</td><td align="right"> 4</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Chandelles et pots à brûler.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Haulmoir.</p></td><td align="right">750</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Vitrerie.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Cossette.</p></td><td align="right">1191</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Pavé.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Renoult.</p></td><td align="right">500</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Peinture.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Fauconnier.</p></td><td align="right">120</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Diverses dépenses.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A divers fournisseurs.</p></td><td align="right">1,454</td><td align="right">2</td><td align="right">1</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">Remis au sieur Lebegue, sur les
+réparations de la machine.</p></td><td align="right">12,021</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Cordages.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A Langlois, cordier.</p></td><td align="right">310</td><td align="right"> 10</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Ouvriers à journées.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">A divers ouvriers.</p></td><td align="right">17,4981</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Gages.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">Au sieur Cochu, employé au toisé<br />
+des terres à la machine. </p></td><td align="right">3,600 l.</td><td align="right"> »</td><td align="right"> »</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">Au sieur <i>Rennequin-Sualem</i>, employé<br />
+à la machine.</p></td><td align="right">1,800</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr>
+
+ <tr><td><p class="hang"> A Mauger, qui a soin d'apporter la<br />
+hauteur des eaux.</p></td><td align="right">900</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">Au sieur de la Maison-Blanche, employé<br />
+au magasin de la machine.</p></td><td align="right">900</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Gratifications.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">9 janvier.&mdash;A Gilles Lambotte et<br />
+<i>Rennequin-Sualem</i>, qui ont travaillé<br />
+aux pompes et à la machine<br />
+à cheval de Saint-Cyr.</p></td><td align="right">115</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">9 janvier.&mdash;Au sieur Proust, courrier<br />
+de la poste à Liége, en considération<br />
+des soins qu'il a pris<br />
+des envois faits pour la machine<br />
+de Seine.</p></td><td align="right">150</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td align="center" colspan="4">Année 1688.</td></tr>
+
+<tr><td><p>Recettes.</p></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">De M. Étienne Jehannot, sieur de Bartillat, 12,000 l.<br />
+pour délivrer air sieur <i>de Ville</i>, savoir: 6,000 l. par<br />
+gratification en considération des soins qu'il a pris de<br />
+la machine de la rivière de Seine pendant l'année<br />
+1687, et 6,000 l. de pension extraordinaire que Sa Majesté<br />
+lui a accordées pendant la même année.</p></td></tr>
+
+<tr><td colspan="4" align="center"><i>Fonds libellés.</i></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">25 janvier.&mdash;Au sieur <i>de Ville</i>, savoir: par gratification<br />
+en considération des soins qu'il a pris de la machine<br />
+de la rivière de Seine, et de pension extraordinaire que<br />
+Sa Majesté lui a accordée. </p></td><td align="right">12,000l.</td><td align="right"> »</td><td align="right"> »</td></tr>
+
+ <tr><td><p class="hang"> A la veuve Nicolas de Bise, pour<br />
+payement de la dépense du<br />
+changement et transport du<br />
+moulin à vent situé vis-a-vis<br />
+des piles du grand aqueduc<br />
+de la machine, et rétablissement<br />
+d'icelui a un autre endroit<br />
+des environs de Marly. </p></td><td align="right">3,074</td><td align="right"> 10</td><td align="right">»</td></tr>
+
+</table>
+
+<table border="0" cellpadding="2" cellspacing="0" summary="">
+<tr valign="bottom"><td align="left">Il résulte de ce relevé des dépenses<br />
+de la machine, qu'en<br />
+1681 et 1682 elles s'élevèrent à</td><td align="right">923,558</td><td align="right">12 &nbsp;</td><td align="right">7 &nbsp;</td></tr>
+<tr><td align="left">&nbsp; En 1683</td><td align="right">970,828</td><td align="right">1 &nbsp;</td><td align="right">11 &nbsp;</td></tr>
+<tr><td align="left">&nbsp; En 1684</td><td align="right">713,776</td><td align="right">2 &nbsp;</td><td align="right">7 &nbsp;</td></tr>
+<tr><td align="left">&nbsp; En 1685</td><td align="right">678,183</td><td align="right">5 &nbsp;</td><td align="right">6 &nbsp;</td></tr>
+<tr><td align="left">&nbsp; En 1686</td><td align="right">415,183</td><td align="right">13 &nbsp;</td><td align="right">» &nbsp;</td></tr>
+<tr><td align="left">&nbsp; En 1687</td><td align="right">248,957</td><td align="right">7 &nbsp;</td><td align="right">9 &nbsp;</td></tr>
+<tr><td align="left">&nbsp; En 1688</td><td align="right">3,074</td><td align="right">10 &nbsp;</td><td align="right">» &nbsp;</td></tr>
+<tr><td align="right">Total &nbsp; &nbsp; </td><td align="right"
+style="border-top:1px solid black;">3,953,561l.</td><td align="right"
+style="border-top:1px solid black;">13s.</td><td align="right"
+style="border-top:1px solid black;">4d.</td></tr>
+</table>
+
+<p class="c">NOTE Nº 2.</p>
+
+<p>Il existe dans le cabinet de M. Dufrayer, directeur actuel de la
+machine, à qui nous devons l'établissement du nouvel instrument
+hydraulique de la Seine, un plan magnifique de l'ancienne machine de
+Marly.<a name="page_176" id="page_176"></a></p>
+
+<p>Nous transcrivons ici le titre et la légende qui l'accompagnent. Ce
+titre est orné d'un très-bel encadrement et surmonté d'un portrait de
+Louis XIV, le voici:</p>
+
+<p class="c"><small>VEUE DE LA MACHINE DE MARLY</small></p>
+
+<p class="nind">qui élève l'eau de la rivière de Seine et de plusieurs sources, 535
+pieds par des mouvements continuez, 530 toises de longueur pendant 700
+toises de chemin.</p>
+
+<p>Cette machine sert à embellir les maisons royales de Versailles, de
+Trianon, de Marly, et peut servir à Saint-Germain en Laye.</p>
+
+<p>Elle a été construite par ordre du Roy, sur les projets et par la
+direction de M. le baron de Ville.</p>
+
+<p class="c">LÉGENDE.</p>
+<table border="0" cellpadding="0" cellspacing="4" summary="">
+<tr valign="top"><td align="left">1º</td><td align="left">Rivière neuve faite pour la navigation.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">2º</td><td align="left">Ouvrages construits pour garantir les îles contre la rivière.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">3º</td><td align="left">Iles.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">4º</td><td align="left">Digues sèches pour entretenir les niveaux de la rivière et préserver les îles.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">5º</td><td align="left">Grande digue qui barre l'ancien cours de la rivière.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">6º</td><td align="left">Coffre pour renvoyer la chute de la rivière dans son ancien cours, et amortir l'impétuosité de la chute de la rivière du bas de la digue.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">7º</td><td align="left">Digue sèche faite au travers des îles pour arrêter les grandes inondations et barrer un ancien bras de la rivière.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">8º</td><td align="left">Épaulement contre les glaces, qui sert de soutien à la machine.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">9º</td><td align="left">Éperon contre les glaces.<a name="page_177" id="page_177"></a></td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">10º</td><td align="left">Canal devant la machine où passaient anciennement les bateaux.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">11º</td><td align="left">Canal au-dessous de la machine.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">12º</td><td align="left">Grilles contre les glaces.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">13º</td><td align="left">Pont des grilles.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">14º</td><td align="left">Pont des vannes.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">15º</td><td align="left">Toit qui couvre les équipages des vannes.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">16º</td><td align="left">Huit balanciers en bascule, qui élèvent l'eau de la rivière par le moyen chacun de huit corps de pompes, de sept pouces de diamètre et de cinq pieds de jeu.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">17º</td><td align="left">Conduites posées crainte du feu, lesquelles arrosent toute la machine.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">18º</td><td align="left">Vingt gros balanciers, ou varlets, qui tiennent aux manivelles, pour donner les mouvements aux chaînes.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">19º</td><td align="left">Quatorze roues de trente-sept pieds de diamètre.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">20º</td><td align="left">Treize rangées de balanciers, qui portent les mouvements des roues dans les puisards supérieurs et alternatifs.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">21º</td><td align="left">Sept rangées de balanciers, qui portent les mouvements des manivelles aux puisards d'amy-côte et aux puisards des sources.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">22º</td><td align="left">Estacade pour guider les glaces sur la grande digue.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">23º</td><td align="left">Maison du contrôleur et magasin.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">24º</td><td align="left">Chemin de Saint-Germain.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">25º</td><td align="left">La forge d'en bas, d'amy-côte, avec les supérieures, la fonderie et le magasin.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">26º</td><td align="left">Les puisards d'amy-côte, et celui alternatif.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">27º</td><td align="left">Puisards des sources.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">28º</td><td align="left">Réservoir des sources.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">29º</td><td align="left">Réservoir d'amy-côte.<a name="page_178" id="page_178"></a></td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">30º</td><td align="left">Puisard supérieur, où il y a treize équipages qui font aller quatre-vingt-deux corps de pompes sur la tour.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">31º</td><td align="left">Conduites qui portent l'eau sur la tour.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">32º</td><td align="left">Réservoir du baron de Ville.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">33º</td><td align="left">La tour où sont portées les eaux de la machine.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">34º</td><td align="left">Aqueduc qui conduit les eaux dans les réservoirs.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">35º</td><td align="left">Pavillon, basse-cour et jardin de M. le baron de Ville.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">36º</td><td align="left">Les trois portes de la machine.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">37º</td><td align="left">Réservoir de Luciennes.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">38º</td><td align="left">Réservoir du Trou-d'Enfer.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">39º</td><td align="left">Les trois réservoirs de Marly.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">40º</td><td align="left">Chemin de Versailles a Marly.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">41º</td><td align="left">Château de Marly.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">42º</td><td align="left">Chapelle de Marly.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">43º</td><td align="left">Les douze pavillons de Marly.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">44º</td><td align="left">L'église de Marly, dite Saint-Vigor.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">45º</td><td align="left">Le Chenil.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">46º</td><td align="left">Les jardins de Marly.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">47º</td><td align="left">Le grand parc de Marly.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">48º</td><td align="left">La maison et jardin de M. de Cavois.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="left">49º</td><td align="left">L'église et le village de Luciennes.</td></tr>
+</table>
+
+<p>Cette machine a été inventée et exécutée par M. le baron de Ville,
+dessinée par Liévin Creuil, en 1688, gravée en 1708, et finie en 1716,
+par Pierre Giffart, graveur du roy. Elle se vend a Paris, chez ledit
+Giffart, rue Saint-Jacques, à l'Image Sainte-Thérèse, avec privilège du
+roy.</p>
+
+<p><a name="page_179" id="page_179"></a></p>
+
+<p class="c">NOTE Nº 3.</p>
+
+<p class="c"><i>Extrait du journal de Dangeau.</i></p>
+
+<p class="r">
+Tome I<sup>er</sup>.&mdash;Mardi, 13 juin 1684.<br />
+</p>
+
+<p>Le roi et monseigneur allèrent a Marly, qu'on trouva fort avancé;
+ensuite on passa aux regards de M. de Ville, pour voir arriver les eaux.</p>
+
+<p class="r">
+Tome I<sup>er</sup>.&mdash;Vendredi, 10 août 1685.<br />
+</p>
+
+<p>Le roi alla se promener à cheval à la machine de M. de Ville.</p>
+
+<p class="c"><i>Extrait de la</i> Gazette de France <i>de</i> 1682, <i>page</i> 358.</p>
+
+<p class="r">
+De Versailles, le 26 juin 1682.<br />
+</p>
+
+<p>Ces jours passez, le roy alla voir les travaux que le sieur de Ville,
+gentilhomme et échevin de Liége, fait faire sur la Seine afin d'élever
+l'eau de cette rivière quatre cent soixante-dix pieds de haut pour estre
+conduite ici, et la première épreuve en fut faite en présence de Sa
+Majesté avec beaucoup de succez.</p>
+
+<p class="c">NOTE Nº 4.</p>
+
+<p>Vauban, chargé par le roi de visiter la machine de Marly, donne une
+instruction pour établir une estacade biaise devant la machine afin de
+diriger les glaces sur la grande digue, et pour refaire certaines
+parties des digues.</p>
+
+<p>Cette instruction est signée de lui, et datée du 27 février 1684. Il y
+parle de de Ville comme chef de la machine.</p>
+
+<p>Le devis, pour faire cette estacade, est signé par Pierre<a name="page_180" id="page_180"></a> Delaporte,
+entrepreneur, et par le marquis de Louvois.</p>
+
+<p>Ces deux pièces font partie des archives de la machine de Marly.</p>
+
+<p>Nous devons la communication de ces pièces, et de toutes celles qui
+proviennent des archives de la machine, à l'obligeance de M. Dufrayer,
+directeur actuel, qui nous a permis de visiter un à un tous les cartons
+renfermés dans ces archives.</p>
+
+<p class="c">NOTE Nº 5.</p>
+
+<p>Procès-verbal et état général des terrains situés dans les îles
+appartenant à divers particuliers et dont le roy a fait l'acquisition
+pour l'élargissement de la rivière neuve.</p>
+
+<p>L'an mil six cent quatre-vingt-un, onzième jour de mai et jours
+suivants, je, Claude Caron, arpenteur ordinaire du roy, et la maîtrise
+des eaux et forêts de Saint-Germain en Laye, demeurant a Paris, rue de
+Jouy, paroisse Saint-Paul, de présent a Louveciennes, commis par Sa
+Majesté pour faire ces mesurages et arpentages, plans figurés et cartes
+des bois et terres dans l'étendue des environs de Versailles, dont Sa
+Majesté acquiert la propriété, me suis transporté suivant l'ordre de
+messire Jean-Baptiste Colbert, chevalier, etc., conseiller du roy,
+ordinaire, etc., sur la terre de Croissy, dans les îles côtoyantes le
+bras de la rivière de Seine, en présence de M. Lambert, architecte et
+contrôleur des bâtiments de Sa Majesté, qui m'avait montré et désigné
+les piquets qu'il avait fait planter pour élargir iceluy, pour faire un
+canal navigable <i>à cause de la machine qui se devait construire dans la
+rivière pour élever l'eau au château de Versailles</i>, afin de connaître a
+la suite ce qui aurait été pris par la<a name="page_181" id="page_181"></a> fouille qui en sera faite par
+ledit élargissement, en conséquence de quoi j'ai mesuré, arpenté et levé
+le plan, tant dudit bras de Seine que des îles, prés et terres
+adjacentes, dont j'ai fait une carte et figures pour servir en temps et
+lieu.</p>
+
+<p>Et le vingtième jour d'octobre et jours suivants, je me suis d'abord
+transporté aux susdits endroits (<i>le canal étant entièrement fini et
+navigable</i>), pour faire l'arpentage final de ce qui a été pris par ledit
+élargissement d'iceluy et ce qui est occupé par les terres et vidanges
+qui en proviennent et par le chemin fait pour le tirage des bateaux,
+tant sur la terre de la seigneurie de Croissy que dans les îles
+appartenant a plusieurs particuliers dont le roy acquiert la propriété
+afin de les en dédommager.</p>
+
+<p>Et le douzième jour de janvier 1682 et jours suivants, je me suis
+pareillement transporté, suivant l'ordre de mondit seigneur, <i>à la
+machine qui a été faite depuis ledit temps pour élever l'eau au château
+de Versailles</i>, où étant, j'avais trouvé <i>M. de Ville, ingénieur de
+ladite machine</i>, avec ledit sieur Lambert, qui m'avaient montré et
+désigné les endroits où devaient passer les mouvements d'icelle,
+puisards et conduites des eaux jusques aux étangs des Gressets, comme
+aussi les rigoles et conduites des eaux de Bougival, Louveciennes et
+Prunay, qui descendent au premier puisard pour être enlevé avec l'eau de
+ladite rivière, afin de faire aussi l'arpentage des terres et vignes qui
+pouvaient être occupées, et considérer ces choses en l'état qu'elles
+pouvaient être, afin d'en faire au juste l'estimation, pour parvenir au
+remboursement que Sa Majesté en doit aussi faire; et auparavant de
+procéder, j'avais fait publier aux prônes des paroisses, afin d'avertir<a name="page_182" id="page_182"></a>
+les particuliers a qui appartiennent lesdits héritages de venir montrer
+les limites et séparations d'icelles terres, tenants et aboutissants, et
+au défaut de plusieurs qui ne seraient comparus, j'aurais eu recours aux
+anciens habitants des lieux qui m'auraient fait la démonstration
+d'iceux, en même temps j'ai fait marquer les séparations desdites terres
+et ensuite mesurer et arpenter suivant la désignation qui en a été
+faite.</p>
+
+<p>Et le quinzième jour de février 1683, je me suis d'abord transporté avec
+ledit <i>sieur de Ville dans les îles de la rivière de Seine et les terres
+adjacentes de la machine, pour marquer l'étendue qu'il désirait être
+prise pour Sa Majesté étant occupée et partagée par l'augmentation des
+chevalets, puisards, réservoirs, aqueducs, conduites de tuyaux,
+bâtiments et autres travaux faits et iceux</i>. Après avoir le tout
+considéré, <i>j'aurais fait planter des piquets aux endroits marqués par
+ledit sieur de Ville</i>, afin de faire l'arpentage et mesurage desdites
+terres, comme celles ci-devant, ce que j'aurais exécuté et aurais, après
+ledit mesurage, <i>fait faire des fossés pour marquer la séparation des
+terres dont Sa Majesté acquiert la propriété</i> dans celles qui restent
+aux particuliers <i>suivant l'ordre dudit sieur de Ville</i>, dont six pieds
+au delà dudit fossé appartenant pareillement à Sadite Majesté, qui ont
+été laissés pour servir de chemin et passage; de toutes et chacune
+desdites terres et autres héritages ci-devant déclarés, j'ai fait plan,
+et figures, le tout coté et par chiffres comme au présent procès-verbal,
+dont la teneur et déclaration en suit.</p>
+
+<p>Suit le détail des différentes terres et leur contenance.</p>
+
+<p>
+Extrait des archives de la machine de Marly.<br />
+</p>
+
+<p><a name="page_183" id="page_183"></a></p>
+
+<p class="c">NOTE Nº 6.</p>
+
+<p>Pentes des rivières de Seine depuis 100 toises au-dessus de la pointe de
+Bezons jusques à la machine, dont toutes les pentes et les longueurs
+sont prises a l'égard desdites 100 toises.</p>
+<table border="0" cellpadding="4" cellspacing="0" summary="">
+
+<tr><td align="left" colspan="2">Toises.</td><td align="right"> Pieds. </td><td align="right"> Pouces. </td><td align="right">Lignes.</td></tr>
+
+<tr><td align="right">100,</td><td> pointe de Bezons</td><td align="right">»</td><td align="right">2</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td align="right">130,</td><td> milieu de l'ancienne digue de la pointe A</td><td align="right">»</td><td align="right">5</td><td align="right">6</td></tr>
+
+<tr><td align="right"><i>Id.</i></td><td>ancienne rivière,&mdash;A</td><td align="right">»</td><td align="right">1</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td align="right">200,</td><td> milieu de la digue de Bezons.» </td><td align="right"> 7</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td align="right"><i>Id.</i></td><td>ancienne rivière</td><td align="right">»</td><td align="right">1</td><td align="right">6</td></tr>
+
+<tr><td align="right">300,</td><td> nouvelle</td><td align="right">»</td><td align="right">9</td><td align="right">6</td></tr>
+
+<tr><td align="right">400,</td><td> <i>id.</i></td><td align="right">»</td><td align="right">11</td><td align="right">6</td></tr>
+
+<tr><td align="right">500,</td><td> <i>id.</i></td><td align="right">1</td><td align="right">»</td><td align="right">4</td></tr>
+
+<tr><td align="right">600,</td><td> <i>id.</i></td><td align="right">1</td><td align="right">1</td><td align="right">2</td></tr>
+
+<tr><td align="right">700,</td><td> <i>id.</i></td><td align="right">1</td><td align="right">2</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td align="right">770,</td><td> digue de la Morue</td><td align="right">1</td><td align="right">5</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td align="right"><i>Id.</i></td><td>ancienne rivière</td><td align="right">»</td><td align="right">4</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td align="right">800,</td><td> nouvelle</td><td align="right">1</td><td align="right">5</td><td align="right">8</td></tr>
+
+<tr><td align="right">900,</td><td> <i>id.</i></td><td align="right">1</td><td align="right">6</td><td align="right">6</td></tr>
+
+<tr><td align="right">1,000,</td><td> <i>id.</i></td><td align="right">1</td><td align="right">8</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td align="right">1,200,</td><td> pointe de la petite île de Carrière</td><td align="right">1</td><td align="right">9</td><td align="right">4</td></tr>
+
+<tr><td align="right">1,400,</td><td> petite porte des jardins de Carrière</td><td align="right">1</td><td align="right">10</td><td align="right">8</td></tr>
+
+<tr><td align="right">1,600,</td><td> nouvelle</td><td align="right">2</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td align="right">1,800,</td><td> <i>id.</i></td><td align="right">2</td><td align="right">1</td><td align="right">2</td></tr>
+
+<tr><td align="right">2,000,</td><td> nouvelles perches pour le poisson</td><td align="right">2</td><td align="right">2</td><td align="right">4</td></tr>
+
+<tr><td align="right">2,200,</td><td> nouvelle.</td><td align="right">2</td><td align="right">3</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td align="right">2,350,</td><td> le dessus du pont de Chatou.</td><td align="right">2</td><td align="right">3</td><td align="right">6</td></tr>
+
+<tr><td align="right">2,400,</td><td> milieu de la digue de Chatou.</td><td align="right">2</td><td align="right">4</td><td align="right">3</td></tr>
+
+<tr><td align="right"><i>Id.</i></td><td>ancienne rivière.</td><td align="right">1</td><td align="right">10</td><td align="right">6</td></tr>
+
+<tr><td align="right">2,600,</td><td> nouvelle.</td><td align="right">2</td><td align="right">7</td><td align="right">6</td></tr>
+
+<tr><td align="right">2,800,</td><td> <i>id.</i></td><td align="right">3</td><td align="right">1</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td align="right">3,100,</td><td> milieu de la digue de Croissy.</td><td align="right">3</td><td align="right">8</td><td align="right">9</td></tr>
+
+<tr><td align="right"><i>Id.</i></td><td>ancienne rivière.</td><td align="right">2</td><td align="right">1</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td align="right">3,200,</td><td> nouvelle.</td><td align="right">4</td><td align="right">»</td><td align="right">6</td></tr>
+
+<tr><td align="right">3,400,</td><td> <i>id.</i></td><td align="right">4</td><td align="right">9</td><td align="right">3</td></tr>
+
+<tr><td align="right">3,600,</td><td> <i>id.</i></td><td align="right">5</td><td align="right">4</td><td align="right">6</td></tr>
+
+<tr><td align="right">3,800,</td><td> <i>id.</i></td><td align="right">5</td><td align="right">9</td><td align="right">9</td></tr>
+
+<tr><td align="right">3,900,</td><td> digue de la Chaussée.</td><td align="right">5</td><td align="right">11</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td align="right"><i>Id.</i></td><td>ancienne rivière.</td><td align="right">2</td><td align="right">4</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td align="right">4,000,</td><td> nouvelle.</td><td align="right">6</td><td align="right">1</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td align="right">4,250,</td><td> nouvelle vis-à-vis la machine.</td><td align="right">6</td><td align="right">4</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td align="right"><i>Id.</i></td><td>ancienne au-dessus de la machine.</td><td align="right">2</td><td align="right">6</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td align="right"><i>Id.</i></td><td>ancienne sous la machine.</td><td align="right">6</td><td align="right">8</td><td align="right">9</td></tr>
+
+<tr><td>&nbsp;</td><td>Pointe de Bezons.</td><td align="right">»</td><td align="right">2</td><td align="right">3</td></tr>
+
+<tr><td>&nbsp;</td><td>Ancienne digue de la pointe, nouvelle rivière.</td><td align="right">»</td><td align="right">8</td><td align="right">6</td></tr>
+
+<tr><td>&nbsp;</td><td>Ancienne rivière.</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td>&nbsp;</td><td>Digue de Bezons, nouv. riv.</td><td align="right">»</td><td align="right">10</td><td align="right">9</td></tr>
+
+<tr><td>&nbsp;</td><td>Ancienne rivière.</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td><td align="right">3</td></tr>
+
+<tr><td>&nbsp;</td><td>Digue de la Morue, nouv. r.</td><td align="right">1</td><td align="right">8</td><td align="right">2</td></tr>
+
+<tr><td>&nbsp;</td><td>Ancienne rivière.</td><td align="right">»</td><td align="right">»</td><td align="right">3</td></tr>
+
+<tr><td>&nbsp;</td><td>Digue de Chatou, nouv. riv.</td><td align="right">1</td><td align="right">11</td><td align="right">4</td></tr>
+
+<tr><td>&nbsp;</td><td>Ancienne rivière.</td><td align="right">1</td><td align="right">8</td><td align="right">4</td></tr>
+
+<tr><td>&nbsp;</td><td>Digue de Croissy, nouv. riv.</td><td align="right">4</td><td align="right">1</td><td align="right">2</td></tr>
+
+<tr><td>&nbsp;</td><td>Ancienne rivière.</td><td align="right">2</td><td align="right">1</td><td align="right">8</td></tr>
+
+<tr><td>&nbsp;</td><td>Digue de la Chaussée, n. r.</td><td align="right">6</td><td align="right">2</td><td align="right">2</td></tr>
+
+<tr><td>&nbsp;</td><td>Ancienne rivière.</td><td align="right">2</td><td align="right">2</td><td align="right">6</td></tr>
+
+<tr><td>&nbsp;</td><td>Nouvelle rivière vis-à-vis la machine.</td><td align="right">6</td><td align="right">10</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td>&nbsp;</td><td>Ancienne rivière au-dessus de la machine.</td><td align="right">2</td><td align="right">7</td><td align="right">4</td></tr>
+
+<tr><td>&nbsp;</td><td>Ancienne rivière au-dessous de la machine.</td><td align="right">7</td><td align="right">1</td><td align="right">4</td></tr>
+</table>
+
+<p>Pentes des rivières de Seine, depuis 100 toises au-dessus de la pointe
+de Bezons, jusqu'à la machine, toutes lesdites pentes et les longueurs
+étant prises à l'égard desdites 100 toises.&mdash;La digue n'étant pas
+fermée.</p>
+
+<table border="0" cellpadding="4" cellspacing="0" summary="">
+
+<tr><td colspan="2">Longueurs. </td><td align="right"> Pieds. </td><td align="right">Pouces.</td><td align="right"> Lignes.</td></tr>
+
+<tr><td align="right">100,</td><td> pointe de Bezons, anc. riv.</td><td align="right">»</td><td align="right"> 2</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td align="right"><i>Id.</i></td><td> <i>id.</i> nouv. r. </td><td align="right">»</td><td align="right">2</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td align="right">130,</td><td> ancienne digue de la pointe, ancienne rivière.</td><td align="right">»</td><td align="right">1</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td align="right"><i>Id.</i> </td><td>ancienne digue de la pointe, nouvelle rivière.</td><td align="right">»</td><td align="right">5</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td align="right">200,</td><td> digue de Bezons, anc. riv.</td><td align="right">»</td><td align="right">1</td><td align="right">6</td></tr>
+
+<tr><td align="right"><i>Id.</i> </td><td><i>id.</i> nouv. r.</td><td align="right">»</td><td align="right">7</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td align="right">770,</td><td> digue de la Morue, anc. riv.</td><td align="right">»</td><td align="right">4</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td align="right"><i>Id.</i></td><td> <i>id.</i> nouv. r.</td><td align="right">1</td><td align="right">5</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td align="right">2,400,</td><td> digue de Chatou, anc. riv.</td><td align="right">1</td><td align="right">10</td><td align="right">6</td></tr>
+
+<tr><td align="right"><i>Id.</i></td><td> <i>id.</i> nouv. r.</td><td align="right">2</td><td align="right">4</td><td align="right">3</td></tr>
+
+<tr><td align="right">3,100,</td><td> digue de Croissy, anc. riv.</td><td align="right">2</td><td align="right">7</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td align="right"><i>Id.</i></td><td> <i>id.</i> nouv. r.</td><td align="right">3</td><td align="right">8</td><td align="right">9</td></tr>
+
+<tr><td align="right">3,900,</td><td> digue de la Chaussée; a. r.</td><td align="right">2</td><td align="right">4</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td align="right"><i>Id.</i></td><td> <i>id.</i> n. r.</td><td align="right">5</td><td align="right">11</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td align="right">4,250, </td><td>Ancienne rivière au-dessus de la machine.</td><td align="right">2</td><td align="right">6</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td align="right">&nbsp;</td><td> Nouvelle rivière vis-à-vis la machine.</td><td align="right">6</td><td align="right">4</td><td align="right">»</td></tr>
+
+<tr><td align="right">&nbsp;</td><td> Ancienne rivière au-dessous de la machine.</td><td align="right">6</td><td align="right">8</td><td align="right">9</td></tr>
+
+</table>
+
+<p>Les divers devis pour les digues sont de l'année 1681, et signés de
+Colbert.</p>
+
+<p class="r">Extrait des archives de la machine de Marly.</p>
+
+<p class="c">NOTE Nº 7.</p>
+
+<p>Les renseignements suivants ont été pris dans les archives de la machine
+de Marly:</p>
+
+<p>1º La tour en pierre et l'aqueduc de Louveciennes ont été construits en
+1684, sur les plans et sous la direction de Mansart. Les devis de ces
+constructions, signés de lui, sont aux archives de la machine.</p>
+
+<p>2º Dans un rapport de M. Lucas, contrôleur de la machine, adressé en
+janvier 1784 à M. le comte d'Angeviller, on trouve l'observation
+suivante sur la cause qui fit élever la tour:</p>
+
+<p>«Le point capital de l'établissement de la grande tour a été d'y monter
+l'eau de la rivière, afin de dominer tous les endroits où cette eau
+communique.»</p>
+
+<p>3º Dans une note sur les contrôleurs, qui paraît aussi avoir été écrite
+par M. Lucas, on lit:</p>
+
+<p>«M. Delespine père, contrôleur de la machine, l'a été environ
+quarante-quatre ans; il est entré au département de la machine en 1707,
+sous le règne de Louis XIV, et<a name="page_187" id="page_187"></a> sous le gouvernement du chevalier Arnold
+de Ville, qui n'est mort qu'en 1722. Il était gouverneur (M. de Ville)
+depuis le commencement de la machine, et a été le seul qu'il y ait eu
+dans ce département.»</p>
+
+<p>Et plus loin:</p>
+
+<p>«Après M. Lambert, qui a été le premier contrôleur, c'est M. <i>Cochu</i> qui
+l'a remplacé. Il était ingénieur des fortifications que l'on faisait
+dans ce temps a Maubeuge, et c'est le chevalier de Ville qui l'a tiré de
+cet endroit pour le faire venir à la machine.»</p>
+
+<p>4º En 1792, M. Gondouin, contrôleur, adresse à M. Laporte, intendant de
+la liste civile, un rapport dans lequel il fait l'historique suivant des
+officiers de la machine:</p>
+
+<p>«Lors de la construction de la machine, en 1680, le sieur de Ville,
+mécanicien et inventeur de la machine, en fut nommé le gouverneur, avec
+18 à 20,000 livres, et le logement du pavillon de Luciennes, occupé
+aujourd'hui par madame du Barry. Les sieurs Lambert, Petit et Cochu,
+successivement contrôleurs, jusqu'en 1683, eurent 4,000 livres
+d'appointements, et 1,000 livres de gratification. Le sieur Delespine
+père eut le même traitement jusqu'en 1742, où il fit recevoir son fils
+adjoint à sa place, et demanda que sur les 4,000 livres de traitement il
+en fût donné 1,000 livres a son fils. A la mort de M. Delespine père, le
+fils lui succéda jusqu'en 1749, et il n'eut plus pour appointements que
+3,000 livres et 1,000 livres de gratification. Le sieur Tarbé succéda au
+sieur Delespine fils en 1749, avec les mêmes appointements jusqu'en
+1754, où il obtint de commuer en pension sa<a name="page_188" id="page_188"></a> gratification de 1,000
+livres. Le sieur Lucas succéda au sieur Tarbé en 1768, et n'eut plus que
+3,000 livres, sans aucune espèce de gratification, ce qui est mon
+traitement actuel.»</p>
+
+<p>5º Les personnes qui attribuent à Rennequin l'invention de la machine
+donnent comme une preuve les faveurs du gouvernement envers sa famille;
+et ils racontent qu'une demoiselle Lambotte, presque centenaire, et
+petite-nièce de Rennequin, était logée aux bâtiments de la machine, et
+jouissait d'une pension prise sur les fonds affectés à l'entretien de
+l'établissement. On va voir par la lettre ci-après quelles étaient ces
+faveurs du gouvernement.</p>
+
+<p>Lettre du sieur Lucas, contrôleur de la machine, à M. le comte
+d'Angeviller:</p>
+
+<p>
+<span style="margin-left: 2em;">«Monsieur le comte,</span><br />
+</p>
+
+<p>»J'ai l'honneur de vous informer du décès de mademoiselle Marie-Benoist
+Lambotte, fille d'un ancien inspecteur de ce département, qui jouissait
+d'un petit logement dans les mansardes au-dessus de celui de
+l'inspecteur actuel, et d'une pension de 400 livres sur le trésor royal.</p>
+
+<p>»Je suis, etc.»</p>
+
+<p>C'était là une faveur que l'on accordait a toutes les femmes des
+employés de la machine morts en exercice.</p>
+
+<p class="c">NOTE Nº 8.</p>
+
+<p>Renseignements sur de Ville et Rennequin, puisés dans divers ouvrages:</p>
+
+<p>1º Curiosités de Paris, de Versailles, Marly, Vincennes,<a name="page_189" id="page_189"></a> Saint-Cloud et
+ses environs, par Claude Saugrain; Paris, 1716.</p>
+
+<p>Cette machine (de Marly) étonnante <i>a été inventée par le chevalier de
+Ville</i>, et n'a sûrement jamais eu de pareille dans le monde.</p>
+
+<p>2º Nouvelle description des châteaux et parcs de Versailles et de Marly,
+par Piganiol de la Force; Paris, 1764.</p>
+
+<p>La grosseur de ce volume, dit Piganiol, suffirait à peine pour en
+décrire la construction (de la machine), les mouvements et les effets.
+Peu de gens sont d'ailleurs capables de les comprendre, puisque <i>M. de
+Ville assure qu'il n'a presque trouvé que feu M. le maréchal de Vauban
+qui, en voyant ce merveilleux ouvrage, en ait connu la plupart des
+effets</i>.</p>
+
+<p>3º Dictionnaire géographique, historique et politique des Gaules et de
+la France, par l'abbé Expilly; Amsterdam, 1766.</p>
+
+<p><i>Cette machine a été inventée par le chevalier de Ville</i>.</p>
+
+<p>4º État de la France.&mdash;Janvier 1708.</p>
+
+<p>La machine de Marly, qui fournit d'eau de la rivière de Seine les
+châteaux de Marly, de Versailles et de Trianon.</p>
+
+<p><i>M. le baron de Ville</i> a le gouvernement et la direction de cette
+machine, lequel a d'appointements et de pension 12,000 livres.</p>
+
+<p>Entretien de la ferrure des pistons et de la serrurerie des bâtiments,
+le sieur Lempérier.</p>
+
+<p>Entretien des ouvrages de cuivre, le sieur Lemoine.</p>
+
+<p>Entretien des couvertures des maisons dépendantes de la machine, le
+sieur Charuel.<a name="page_190" id="page_190"></a></p>
+
+<p>Entretien des cuirs forts pour les pompes, le sieur Nolant.</p>
+
+<p>Entretien de la maçonnerie, du moellon et cailloux des digues, le sieur
+Loison.</p>
+
+<p>Entretien des vitres, le sieur Cosset.</p>
+
+<p>Entretien du pavé des puisards, le sieur Regnout.</p>
+
+<p>Un contrôleur, M. Delespine.</p>
+
+<p>Un garde-magasin, le sieur Creté.</p>
+
+<p>Un charpentier liégeois, le <i>sieur Rennequin</i>.</p>
+
+<p>Les fêtes et dimanches, les Récollets viennent dire la messe à cette
+machine pour les ouvriers.</p>
+
+<p class="c">NOTE Nº 9.</p>
+
+<p class="c">L'ARRIVÉE DE LA SEINE AU CHATEAU DE MARLY.</p>
+
+<p class="c">Poëme, par M. Cassan, <i>Mercure galant</i>, année 1699.</p>
+
+<p>L'auteur décrit d'abord le cours de la Seine avant son arrivée au
+château de Marly.&mdash;Au moment où le fleuve se resserre par suite des
+travaux d'endiguement, il décrit ainsi la machine:</p>
+
+<table border="0" cellpadding="0" cellspacing="0" summary="">
+<tr><td align="left">Mais enfin son penchant lui faisant violence,</td></tr>
+<tr><td align="left">L'entraîne dans ce lieu, malgré sa résistance,</td></tr>
+<tr><td align="left">Et fait voir à la nymphe, au delà du tournant,</td></tr>
+<tr><td align="left">Le formidable objet d'un travail surprenant.</td></tr>
+<tr><td align="left">Comme on voit en hiver la forêt des Ardennes,</td></tr>
+<tr><td align="left">Quand la bise a fait choir le feuillage des chênes,</td></tr>
+<tr><td align="left">Et chassé les voleurs de tous les défilés,</td></tr>
+<tr><td align="left">Présenter ses vieux troncs qui paraissent brûlés;</td></tr>
+<tr><td align="left">Ainsi se voit de loin la machine effroyable,</td></tr>
+<tr><td align="left">Ouvrage de nos jours, qui paraît incroyable,</td></tr>
+<tr><td align="left">Avec tout l'attirail de son corps hérissé</td></tr>
+<tr><td align="left">De rouage et de ponts, l'un sur l'autre exhaussé,</td></tr>
+<tr><td align="left">Dont les bras, s'étendant vers le haut de la côte,</td></tr>
+<tr><td align="left">Meuvent les balanciers comme on voit une flotte,</td></tr>
+<tr><td align="left">Que la vague entretient dans le balancement,</td></tr>
+<tr><td align="left">Incliner tous ses mâts à chaque mouvement.</td></tr>
+<tr><td align="left">Quoi! dit-elle en voyant la machine étonnante,</td></tr>
+<tr><td align="left">Serai-je donc contrainte à poursuivre ma pente,</td></tr>
+<tr><td align="left">Et me faire rouer parmi tous les ressorts</td></tr>
+<tr><td align="left">Que je vois remuer par de si grands efforts!</td></tr>
+<tr><td align="left">Non, non, dit-elle alors, la nymphe de la Seine</td></tr>
+<tr><td align="left">Se mêlera plutôt avec l'eau qui l'entraîne,</td></tr>
+<tr><td align="left">Et, par son changement, saura bien éviter</td></tr>
+<tr><td align="left">Les outrages cruels qu'elle voit apprêter.</td></tr>
+<tr><td align="left">Ainsi dit, à l'instant elle se rend liquide;</td></tr>
+<tr><td align="left">Son corps va se mêler avec l'onde rapide,</td></tr>
+<tr><td align="left">Et, dans le fil de l'eau, tâche de s'allonger,</td></tr>
+<tr><td align="left">Croyant par ce moyen éviter le danger.</td></tr>
+<tr><td align="left">Mais en vain, car aux ponts cent pompes aspirantes</td></tr>
+<tr><td align="left">L'enlèvent de son lit à reprises fréquentes,</td></tr>
+<tr><td align="left">Et la livrent ensuite aux pistons refoulants,</td></tr>
+<tr><td align="left">Qui font pour l'enlever des efforts violents.</td></tr>
+<tr><td align="left">Alors par ces efforts elle sent qu'elle monte</td></tr>
+<tr><td align="left">Vers le haut du coteau dans des tuyaux de fonte,</td></tr>
+<tr><td align="left">Qui vont la revomir au prochain réservoir,</td></tr>
+<tr><td align="left">Où cent autres tuyaux viennent la recevoir.</td></tr>
+<tr><td align="left">Là, les pistons changeant leur manière ordinaire,</td></tr>
+<tr><td align="left">Pressent de bas en haut par un effet contraire.</td></tr>
+<tr><td align="left">Elle reçoit le jour pour la seconde fois,</td></tr>
+<tr><td align="left">Et reprend en ce lieu l'usage de la voix,</td></tr>
+<tr><td align="left">Pour se plaindre en passant <i>du chevalier de Ville</i></td></tr>
+<tr><td align="left">Qu'elle voit sur sa gauche avec son air tranquille.</td></tr>
+<tr><td align="left"><i>Qui t'oblige</i>, dit-elle, <i>avec ton art maudit,</i></td></tr>
+<tr><td align="left"><i>A venir malgré moi m'enlever de mon lit</i>?</td></tr>
+<tr><td align="left">A ces mots les pistons lui coupant la parole,</td></tr>
+<tr><td align="left">Le clapet la retient, s'ouvrant à tour de rôle,</td></tr>
+<tr><td align="left">Et la fait parvenir, après tant de détours,</td></tr>
+<tr><td align="left">Sur le haut du regard pour lui donner son cours.</td></tr>
+<tr><td align="left">De là sur l'aqueduc, sa pente naturelle</td></tr>
+<tr><td align="left">Lui fait prendre bientôt une route nouvelle.</td></tr>
+<tr><td align="left">Enfin elle descend par des tuyaux de fer</td></tr>
+<tr><td align="left">Dans un long réservoir appelé <i>Trou d'Enfer</i>.</td></tr>
+</table>
+
+<p>Après cette description, le poëte la fait arriver dans<a name="page_192" id="page_192"></a> les jardins de
+Marly, où, brillant d'un nouvel éclat, elle concourt à l'ornement des
+jardins du grand roi.</p>
+
+<p>Ces vers sont reproduits dans <i>le Mercure de France</i> d'avril 1739.</p>
+
+<p class="c">NOTE Nº 10.</p>
+
+<p>En 1681, Charles II d'Angleterre, sachant combien Louis XIV désirait
+avoir de l'eau à Versailles, lui envoya sir Samuel Morland, célèbre
+mécanicien anglais. Ce sir Morland fut d'abord employé par Cromwell à
+des missions diplomatiques. Après le rétablissement de Charles II sur le
+trône, il fut tout à fait dans les bonnes grâces du roi, qui le créa
+baronnet, gentilhomme de la chambre privée, et le nomma maître des
+mécaniques du roi. Il venait d'inventer une machine qui élevait l'eau de
+la Tamise jusqu'à la plus haute corniche du château de Windsor, quand
+Charles II, croyant faire plaisir au roi de France, lui envoya cet
+ingénieur. En 1683, Morland fut reçu par Louis XIV, dans son château de
+Saint-Germain, où il lui expliqua ses inventions. Il chercha à démontrer
+au roi qu'à l'aide d'une mécanique beaucoup plus simple et bien moins
+dispendieuse que la machine de Marly, il obtiendrait un résultat bien
+plus satisfaisant, puisqu'il avait la prétention de faire arriver d'un
+seul jet l'eau de la Seine sur les hauteurs de Louveciennes. Il paraît
+que ses démonstrations ne convainquirent pas le roi, puisque l'on n'en
+continua pas moins les travaux de la machine. Il fit un essai de son
+invention au château du président de Maisons; cet essai n'eut point un
+résultat favorable;<a name="page_193" id="page_193"></a> il en explique la raison dans un ouvrage qu'il
+publia en 1685, intitulé:</p>
+
+<p>Élévation des eaux pour toutes sortes de machines, réduites à la mesure,
+au poids, à la balance, par le moyen d'un nouveau piston et corps de
+pompe, et d'un nouveau mouvement cyclo-elliptique, en rejetant l'usage
+de toute sorte de manivelles ordinaires.&mdash;Paris, Michallet, 1685, in-4º.</p>
+
+<p>Après avoir décrit sa nouvelle invention, il parle ainsi des
+explications qu'il fit devant Louis XIV:</p>
+
+<p>«C'est par le moyen de cette nouvelle manière de piston, corps de pompe,
+et mouvement cyclo-elliptique, que l'on peut aisément, et en peu de
+temps, fabriquer une petite machine et la réduire à la mesure, au poids
+et à la balance, conformément aux démonstrations oculaires et
+convaincantes que j'ai eu l'honneur de montrer au roi, à Saint-Germain,
+en l'année 1683. Et cette machine, dont la construction ne montera pas à
+une grande somme, ni son entretien annuel à dix pistoles, peut pousser,
+par la force d'un cheval, tout le produit d'eau de la fontaine de la
+ville d'Avrée, jusqu'au haut du château de Versailles, d'ici à cent
+années, tout au long du grand chemin, dans un tuyau de plomb d'environ
+sept lignes de diamètre intérieur, et d'environ trois lignes et demie ou
+quatre d'épaisseur.»</p>
+
+<p>Et plus loin, en parlant de l'essai qu'il fit au château de Maisons, il
+dit:</p>
+
+<p>«Que si j'avais eu douze grandes roues pareilles, posées dans un
+bâtiment d'un moulin, semblable à celui de Maisons, la où la rivière de
+Seine aurait eu une pente de<a name="page_194" id="page_194"></a> huit ou neuf pieds, j'aurais fait lever
+plus de deux mille pouces d'eau à la hauteur perpendiculaire de quatre
+cents pieds, par des machines qui auraient duré plus d'un siècle, sans
+avoir coûté cinq cents pistoles par année pour les entretenir.»</p>
+
+<p>On voit ici une critique indirecte de la machine de Marly, dont
+l'entretien annuel était fort coûteux.</p>
+
+<p class="c">NOTE Nº 11.</p>
+
+<p>Nous devons a l'obligeance de M. Parent de Rosan communication d'un
+travail manuscrit de M. Stanislas Bormans, archiviste de Liége, sur
+cette question controversée de l'auteur de la machine, d'où il résulte
+les faits suivants relatifs à de Ville.</p>
+
+<p>De Ville, né le 15 mai 1653, était fils de Reynaud de Ville, bourgmestre
+de Ville. Il passa la plus grande partie de sa jeunesse chez les comtes
+de Marchin, seigneurs de Modave. C'est dans ce domaine qu'il fit
+exécuter, avec Rennequin, la machine dont la célébrité engagea Colbert à
+le faire venir à Versailles. Après la construction de la machine, il en
+fut nommé gouverneur, et, Louis XIV lui ayant fait construire une
+habitation, il resta en France. Mais il avait toujours les yeux tournés
+vers son pays, et, a la mort du dernier comte de Marchin, il acheta la
+terre des Modaves, dont il devint ainsi le seigneur, et y mourut le 22
+février 1722.</p>
+
+<p>M. Bormans a retrouvé dans l'église de Modave sa pierre tumulaire,
+portant l'inscription suivante:</p>
+
+<p>Ci gist noble et illustre seigneur, Arnould de Ville,<a name="page_195" id="page_195"></a> baron libre du
+Saint-Empire romain, seigneur des Modaves, etc., né le 15 mai
+1653,&mdash;mort le 22 février 1722.</p>
+
+<p>Il a retrouvé aussi son testament, dans lequel est ainsi consignée l'une
+de ses volontés:</p>
+
+<p>J'ordonne que tous les ouvrages que j'ai composés, concernant les
+constructions de la machine de Marly, soient imprimés suivant mes
+<i>desseins</i> (sic) en grand.</p>
+
+<p>Le dernier des comtes de Marchin, Ferdinand, vint en France à l'âge de
+dix-sept ans, après la mort de son père. Capitaine-lieutenant des
+gendarmes de Flandres, en 1673, on le voit s'élever de grade en grade
+jusqu'à celui de maréchal de France, qui lui fut conféré en 1703. Il est
+très-probable que, tenant déjà un rang distingué à la cour de France, il
+fit savoir à Colbert, qui recherchait partout les moyens de faire venir
+de l'eau à Versailles, l'établissement de la machine hydraulique
+exécutée dans son domaine de Modave, par de Ville et Rennequin. Il
+mourut sans postérité, à la suite d'une blessure qu'il reçut dans un
+combat près de Turin, le 7 septembre 1706. Ce fut à cette époque et par
+suite de l'extinction des comtes de Marchin, que le chevalier de Ville
+se rendit propriétaire du domaine des Modaves, et que probablement il
+reçut le titre de baron du Saint-Empire romain, attaché à quelques-unes
+des terres de ce domaine, achetées par le père du dernier comte de
+Marchin. Quoique devenu seigneur des Modaves, il n'en conserva pas moins
+le titre de gouverneur de la machine de Marly jusqu'à sa mort, arrivée
+le 22 février 1722.<a name="page_196" id="page_196"></a></p>
+
+<p class="c">NOTE Nº 12.</p>
+
+<p class="c">FAMILLE DE VILLE.</p>
+
+<p>Anne-Léon de Montmorency, premier du nom, chef des noms et armes de sa
+maison, baron de Fosseux, seigneur de Courtalain, Bois-Ruffin, le
+Plessis, d'Arroue, etc., né en 1705, appelé le baron de Montmorency,
+successivement capitaine-lieutenant de la compagnie des gendarmes
+d'Anjou en février 1735, brigadier de cavalerie le 20 février 1743,
+capitaine-lieutenant des gendarmes de la reine en décembre 1744;
+maréchal de camp le 1<sup>er</sup> mai 1745; menin de feu M. le Dauphin en 1746;
+lieutenant général des armées du roi le 10 mai 1748; nommé chevalier de
+ses ordres le 2 février 1749; reçu le 25 mai suivant, et chevalier
+d'honneur de Madame Adélaïde, en octobre 1750, fille de feu Louis XV, a
+été nommé, le 21 octobre 1771, commandant en chef du pays d'Aunis.&mdash;Il a
+épousé: <i>1º le 11 décembre 1730, Anne-Marie Barbe de Ville, morte en
+couche le 13 août 1731, fille et unique héritière de feu Arnold de
+Ville, chevalier, baron libre du Saint-Empire romain, etc., gouverneur
+et directeur de la machine de Marly, dont il était l'inventeur, et
+d'Anne-Barbe de Courcelles</i>; et 2º le 23 octobre 1752,
+Marie-Madeleine-Gabrielle de Charette de Montebert, d'une ancienne
+noblesse de Bretagne, veuve, en premières noces, de Louis de Serent,
+marquis de Kerfily, et en secondes, de Henri-François, baron d'Avaugour,
+comte de Vertus, etc.</p>
+
+<p class="c">
+Extrait du Dictionnaire de la noblesse, par de la Chesnaye-Desbois, tom. X, p. 411.<br />
+</p>
+
+<p>Ajoutez à l'article de Anne-Léon de Montmorency: Il épousa, le 11
+décembre 1730, Anne-Barbe de Ville, morte à Paris le 13 août 1731, dans
+sa dix-neuvième année, fille d'Armand, baron de Ville, et d'Anne-Barbe
+de Courcelles, dont il eut [*] N. de Montmorency, né au mois d'août
+1731.</p>
+
+<p class="c">Extrait de l'Histoire généalogique de France, par le P. Anselme,
+tom. IX, p. 417.</p>
+
+<p>[*] Ce fils fut Anne-Léon de Montmorency, deuxième du nom, appelé le
+marquis de Fosseux, né le 11 août 1731; par son mariage en secondes
+noces avec Charlotte-Anne-Françoise de Montmorency-Luxembourg, le 21
+septembre 1767, il a pris le titre de duc de Montmorency, que lui
+apportait sa femme.</p>
+
+<p class="c">Dictionnaire de la noblesse de la Chesnaye-Desbois, tom. IX, p.
+411.</p>
+
+<p class="c">MORTS DANS LE MOIS D'AOUT 1731.</p>
+
+<p>Le 13 de ce mois, dame Anne-Marie-Barbe de Ville, épouse de Anne-Léon de
+Montmorency, chef du nom et armes de la maison, premier baron chrétien
+en France, enseigne des gendarmes de Berry, seigneur de Courtalin,
+Bois-Ruffen, le Plessis-d'Arouë, le Poilay, le Vernay, les deux Modaves,
+de Biemrcé, de Banderesse, de Fermée, Termoyne, etc., mourut âgée de
+dix-huit ans sept mois.</p>
+
+<p class="r"><i>Mercure de France</i>, août 1731, p. 2044.</p>
+
+<p>On lit dans les mémoires du duc de Luynes, à la date du mardi 2 mai
+1739:</p>
+
+<p>«Madame de Châteaurenaud a un frère qu'on appelle le baron de
+Montmorency, qui est celui qui avait épousé mademoiselle de Ville (<i>M.
+de Ville était chargé de l'entretien<a name="page_198" id="page_198"></a> de la machine de Marly et en était
+regardé comme l'auteur</i>). M. le baron de Montmorency est veuf depuis
+quelques années.»</p>
+
+<p class="c">NOTE Nº 13.</p>
+
+<p>Acte de baptême de Rennequin, ou mieux Renier Sualem, extrait des
+registres d'état civil tenus par les anciens curés de Jemeppe, province
+de Liége:</p>
+
+<p>«29ª januarii 1645, baptisatus Renerus filius Renardi Sualem, et
+Catharinæ David, susc. Leonardo Alard et Anna Simon.»</p>
+
+<p>Acte de décès de Rennequin, extrait des registres de l'état civil de la
+commune de Bougival, département de Seine-et-Oise:</p>
+
+<p>«L'an de grâce mil sept cent huit, le lundy trentième de juillet, a esté
+inhumé dans l'église de Notre-Dame de Bougival le corps de deffunt René
+Soüalem, autrement dit Rennequin, premier ingénieur du roy à la machine
+et constructeur de la machine, mort d'hier à onze heures et demie du
+matin, âgé de soixante-quatre ans et demi, en présence de M. Levesque,
+curé, M. Lherminot, brodeur du roy, de M. Prévotel, vicaire de cette
+paroisse, qui ont signé: Lherminot, Levesque, Prévotel, Ricard.»</p>
+
+<p class="c">
+ÉPITAPHE GRAVÉE SUR LA TOMBE DE RENNEQUIN.<br />
+D. O. M.<br />
+</p>
+
+<p>«Cy-gissent honorables personnes sieur Rennequin Sualem, seul inventeur
+de la machine de Marly, décédé le 29 juillet 1708, âgé de
+soixante-quatre ans, et dame Marie Nouelle, son épouse, décédée le 4 mai
+1714, âgée<a name="page_199" id="page_199"></a> de quatre-vingt-quatre ans, laquelle, pour satisfaire à la
+dernière volonté dudit deffunct sieur Rennequin, son mari, a fondé à
+perpétuité en cette église de Bougival une messe basse tous les premiers
+lundys de chaque mois de l'année, un service complet le 29 juillet de
+chaque année, jour du déceds dudit deffunct, et vingt libéras pour être
+dits sur leurs <i>sepulturs</i>, scavoir les quatre grandes festes de
+l'année, les quatre <i>principalles</i> festes de la sainte Vierge, et les
+douze autres tous les premiers dimanches de chaque mois de l'année, à
+l'issue des vespres; à quoi les sieurs curé et marguilliers de l'&oelig;uvre
+et fabrique de ladite paroisse se sont obligés faire dire et célébrer
+mesme fournir les pain, vin, luminaire et ornements nécessaires, et ce,
+moyennant certaine <i>sôme</i> que ladite dame leur a payée, <i>ainssy</i> qu'il
+est plus au long porté par le contract passé devant Dupuis et Gervais,
+notaires au Châtelet de Paris, le 2 août 1710.</p>
+
+<p class="c">
+»Priez Dieu pour leurs âmes.»<br />
+</p>
+
+<p><a name="page_200" id="page_200"></a></p>
+
+<h3><a name="VII" id="VII"></a>VII<br /><br />
+<br />DÉTAILS INÉDITS<br /><br />
+SUR LA MORT DE LOUIS XIV.
+<br /><br />
+1715.</h3>
+
+<p class="c">&mdash;&mdash;&mdash;&mdash;</p>
+
+<p>Le lundi 26 août 1715, le roi Louis XIV venait de subir une opération
+douloureuse. Couché sur son lit de mort, il voulut dire un dernier adieu
+au jeune Dauphin, son successeur. A midi, madame de Ventadour,
+gouvernante du prince, l'amena dans la chambre du roi, qui, après
+l'avoir embrassé et fait placer sur son lit, lui adressa quelques
+conseils dans lesquels ce monarque, en faisant l'aveu solennel de ses
+fautes, montra plus peut-être la grandeur de son caractère que dans
+aucune autre circonstance de sa vie.</p>
+
+<p>Les paroles prononcées par Louis XIV dans cette occasion furent
+entendues d'un grand nombre de courtisans. La plupart les répétèrent
+plus ou moins fidèlement: de là les nombreuses versions qui en ont<a name="page_201" id="page_201"></a> été
+données, où, tout en conservant les idées principales, les divers
+historiens du grand roi ont ajouté ou retranché suivant le besoin de
+leurs éloges ou de leurs critiques.</p>
+
+<p>La première donnée au public parut dans les premiers jours d'octobre
+1715, un mois environ après la mort de Louis XIV. Elle se trouve dans un
+écrit intitulé: <i>Journal historique de tout ce qui s'est passé depuis
+les premiers jours de la maladie de Louis XIV, jusqu'au jour de son
+service à Saint-Denis</i>, par le sieur Lefebvre. Voici comment l'auteur
+s'exprime: «Sa Majesté fit venir le Dauphin dans sa chambre, où il entra
+avec madame la duchesse de Ventadour, sa gouvernante, et après l'avoir
+embrassé, elle lui dit:&mdash;Mignon, vous allez estre un grand roy; mais
+tout vostre bonheur dépendra d'estre soumis à Dieu, et du soin que vous
+aurez de soulager vos peuples. Il faut pour cela que vous évitiez autant
+que vous le pourrez de faire la guerre. C'est la ruine des peuples. Ne
+suivez pas le mauvais exemple que je vous ay donné sur cela: j'ay
+entrepris la guerre trop légèrement, et l'ay soutenue par vanité; ne
+m'imitez pas! mais soyez un prince pacifique, et que vostre principale
+application soit de soulager vos sujets. Profitez de la bonne éducation
+que madame de Ventadour vous donne, obéissez-luy, et suivez les bons
+sentiments qu'elle vous inspire.»</p>
+
+<p>Cette version est-elle la bonne? Certainement elle renferme au fond ce
+qu'a dit Louis XIV; mais a-t-il<a name="page_202" id="page_202"></a> dû s'exprimer dans ces termes? Sans
+doute il se repentait de ses guerres trop nombreuses et des maux
+qu'elles avaient attirés sur ses peuples, et il recommandait à son
+petit-fils de ne pas l'imiter en cela; mais on ne peut croire qu'il ait
+été jusqu'à se servir de ces expressions: «Ne suivez pas le mauvais
+exemple que je vous ay donné sur cela,» et qu'il ait encore ajouté,
+comme s'il ne se fût pas assez humilié: «J'ai souvent entrepris la
+guerre trop légèrement et l'ay soutenue par vanité.» Non, Louis XIV ne
+pouvait ni penser, ni dire que ce fût par vanité qu'il eût soutenu ses
+guerres! Il avait vu, dans ses dernières années, le royaume à deux
+doigts de sa perte par suite de la guerre, et il recommandait à son
+successeur de l'éviter autant que possible pour le bonheur de ses
+sujets, voilà tout.</p>
+
+<p>A peu près à la même époque, Saint-Simon, ce courtisan frondeur,
+rapportait aussi à sa manière les paroles de Louis XIV: «Mon enfant,
+vous allez être un grand roi; ne m'imitez pas dans le goût que j'ai eu
+pour les bâtiments ni dans celui que j'ai eu pour la guerre; tâchez, au
+contraire, d'avoir la paix avec vos voisins. Rendez à Dieu ce que vous
+lui devez; reconnaissez les obligations que vous lui avez; faites-le
+honorer par vos sujets. Suivez toujours les bons conseils; tâchez de
+soulager vos peuples, ce que je suis assez malheureux pour n'avoir pu
+faire. N'oubliez point la reconnaissance que vous devez à madame de
+Ventadour.»<a name="page_203" id="page_203"></a></p>
+
+<p>Si le fond des pensées est le même que dans la version précédente, la
+forme en est complétement changée. Puis Saint-Simon, déprédateur
+constant des constructions de Louis XIV, et en particulier de
+Versailles, n'étant pas fâché, pour excuser ses amères critiques, de
+supposer qu'à ses derniers moments ce prince pensait comme lui, ne
+craint pas de le faire s'accuser d'une faute de plus en mettant dans sa
+bouche cette phrase évidemment inventée par lui: «Ne m'imitez pas dans
+le goût que j'ai eu pour les bâtiments.» Il ajoute encore cette autre
+phrase que l'on ne trouve pas dans les paroles rapportées par Lefebvre,
+en parlant de Dieu: «Faites-le honorer par vos sujets.»</p>
+
+<p>En 1742, Bruzen de la Martinière, dans la continuation de l'<i>Histoire de
+Louis XIV</i>, commencée par Larrey, adopte la version de Saint-Simon, sauf
+la phrase: «Ne m'imitez pas dans le goût que j'ai eu pour les
+bâtiments,» qu'il supprime.</p>
+
+<p>Reboulet, dans son <i>Histoire de Louis XIV</i>, publiée en 1744, copie d'un
+bout à l'autre le <i>Journal historique</i> de Lefebvre.</p>
+
+<p>Enfin, le père Daniel, en 1756, revient à la version de Saint-Simon,
+corrigée par la Martinière.</p>
+
+<p>Puis vient Voltaire! Voltaire historiographe de France, Voltaire
+écrivant le <i>Siècle de Louis XIV</i>, devait avoir une autre importance que
+ceux qui jusqu'alors avaient rapporté ces paroles. Il en sentait toute
+la gravité; il puisait aux sources les plus authentiques,<a name="page_204" id="page_204"></a> et ce qu'il
+allait dire devait être la vérité. Aussi, voyez s'il est possible de
+douter de son récit! «Son successeur, dit-il, a toujours conservé
+écrites, au chevet de son lit, les paroles remarquables que ce monarque
+lui dit, en le tenant sur son lit entre ses bras: ces paroles ne sont
+point telles qu'elles sont rapportées dans toutes les histoires; les
+voici <i>fidèlement copiées</i>:&mdash;«Vous allez être bientôt roi d'un grand
+royaume. Ce que je vous recommande plus fortement est de n'oublier
+jamais les obligations que vous avez à Dieu. Souvenez-vous que vous lui
+devez tout ce que vous êtes. Tâchez de conserver la paix avec vos
+voisins. J'ai trop aimé la guerre; ne m'imitez pas en cela, <i>non plus
+que dans les trop grandes dépenses que j'ai faites</i>. Prenez conseil en
+toutes choses, et cherchez à connaître le meilleur pour le suivre
+toujours. Soulagez vos peuples le plus tôt que vous pourrez, et faites
+ce que j'ai eu le malheur de ne pouvoir faire moi-même, etc.»</p>
+
+<p>Voltaire avait raison, Louis XV a toujours conservé, écrites au chevet
+de son lit, les dernières paroles de Louis XIV; mais Voltaire ne disait
+plus vrai lorsqu'il ajoutait qu'il les donnait «<i>fidèlement copiées</i>;»
+car si rien n'est omis de ce qui y était écrit, tout est transposé,
+arrangé pour l'effet de la phrase, et n'a plus cet abandon qui donne
+tant de vérité à ces paroles que Louis XV pouvait lire tous les jours.
+Il y a mieux, si Voltaire, tout en arrangeant, n'a cependant rien
+retranché, il a au contraire<a name="page_205" id="page_205"></a> ajouté. Ainsi, nous retrouvons encore ici
+la fameuse phrase de Saint-Simon sur les dépenses. C'est que Voltaire,
+comme Saint-Simon, critiquait les dépenses de Louis XIV<a name="FNanchor_101_101" id="FNanchor_101_101"></a><a href="#Footnote_101_101" class="fnanchor">[101]</a>, et que,
+comme lui, il tenait, par le repentir du prince, à montrer combien il
+avait raison.</p>
+
+<p>Jusqu'à ce jour, cependant, la version donnée par Voltaire était
+considérée comme la bonne, et presque tous ceux qui écrivirent sur Louis
+XIV depuis lui, ne firent que la copier.</p>
+
+<p>Le hasard nous fit trouver la minute d'après laquelle fut faite la copie
+placée dans la chambre à coucher du roi Louis XV; nous allons la
+transcrire, et l'on pourra juger ainsi quelles altérations on lui a fait
+subir.</p>
+
+<p>Lorsque Louis XIV fit venir le jeune Dauphin et prononça les paroles,
+que nous allons rapporter, l'un des secrétaires écrivait dans la chambre
+même tout ce que disait ce prince. Madame de Ventadour, gouvernante du
+Dauphin, frappée de la grandeur de cette scène, et persuadée que ces
+conseils du grand roi pouvaient avoir une heureuse influence sur la<a name="page_206" id="page_206"></a>
+jeune imagination de son élève, voulut, en les plaçant constamment sous
+ses yeux, les graver dans sa mémoire. Elle envoya donc la minute qui lui
+fut remise par le secrétaire à Charles Gilbert, maître à écrire du
+Dauphin, et l'un des calligraphes les plus distingués de cette époque,
+avec ordre d'en faire immédiatement une copie sur vélin pour la placer
+au chevet du lit du jeune prince. Voici ces paroles telles qu'elles sont
+sur le manuscrit:</p>
+
+<p>«Mon cher enfant, vous allez estre le plus grand roy du monde. N'oubliez
+jamais les obligations que vous avez à Dieu. Ne m'imitez pas dans les
+guerres, taschez de maintenir tousjours la paix avec vos voisins, de
+soulager vostre peuple autant que vous pourrez, ce que j'ay eu le
+malheur de ne pouvoir faire par les nécessitez de l'Estat. Suivez
+tousjours les bons conseils, et songez bien que c'est à Dieu à qui vous
+devez tout ce que vous estes<a name="FNanchor_102_102" id="FNanchor_102_102"></a><a href="#Footnote_102_102" class="fnanchor">[102]</a>. Je vous donne<a name="page_207" id="page_207"></a> le père Letellier pour
+confesseur, suivez ses advis et ressouvenez-vous toujours des
+obligations que vous avez à madame de Ventadour<a name="FNanchor_103_103" id="FNanchor_103_103"></a><a href="#Footnote_103_103" class="fnanchor">[103]</a>.»</p>
+
+<p>Gilbert se mit aussitôt à la besogne. Une copie textuelle sur vélin,
+ornée de majuscules dorées, fut faite en quelques jours. Mais tandis
+qu'il s'empressait de se conformer aux désirs de la gouvernante, la
+mort, encore plus prompte, venait frapper le monarque. Louis XIV mort,
+tout changeait dans l'État. Le père Letellier, qui était resté auprès du
+roi jusqu'à son dernier moment, fut envoyé en exil par le régent. L'on
+ne pouvait donc laisser sous les yeux du jeune souverain la
+recommandation de son bisaïeul, de conserver ce jésuite pour son
+confesseur.</p>
+
+<p>Gilbert reçut alors l'ordre de faire une autre copie et de supprimer la
+phrase ayant rapport au confesseur, et c'est cette copie qui fut placée
+dans la chambre à coucher de Louis XV.</p>
+
+<p>La minute envoyée à Gilbert, la première copie sur vélin qu'il en avait
+faite, et deux autres aussi sur vélin avec la correction, furent
+précieusement conservées par lui et transmises à son petit-fils, P.-Ch.
+Gilbert, qui lui succéda dans sa charge de maître à écrire du Dauphin.
+Celui-ci la garda jusqu'à l'époque de sa mort, arrivée vers 1789, et
+c'est<a name="page_208" id="page_208"></a> alors qu'elles passèrent entre les mains de son neveu, F.
+Dumesnil de Saint-Cyr, dernier maître à écrire du Dauphin (Louis XVII).
+C'est à la mort de M. de Saint-Cyr, survenue à Versailles en 1845, que
+l'une de ses héritières, mademoiselle Ducroset, nous montra ce curieux
+document historique au milieu des précieux manuscrits renfermés dans le
+cabinet de son oncle, et c'est entre les mains de cette demoiselle qu'il
+se trouve aujourd'hui.</p>
+
+<p>Les faits que nous venons de raconter ne laissent aucun doute sur
+l'authenticité de ce document, et fixent d'une manière positive la
+nature des paroles prononcées par Louis XIV mourant à l'héritier de sa
+couronne.<a name="page_209" id="page_209"></a></p>
+
+<h3><a name="VIII" id="VIII"></a>VIII<br /><br />
+RELEVÉ DES DÉPENSES<br /><br />
+DE MADAME DE POMPADOUR<br /><br /><br />
+<small><small>DEPUIS LA PREMIÈRE ANNÉE DE SA FAVEUR<br />
+JUSQU'A SA MORT.</small></small></h3>
+
+<p class="c">&mdash;&mdash;&mdash;&mdash;</p>
+
+<p>On sait que Jeanne-Antoinette Poisson, mariée fort jeune au sous-fermier
+général Lenormand d'Étiolles, ne tarda pas à devenir la maîtresse de
+Louis XV. La mère de madame d'Étiolles, ambitieuse et intrigante, avait
+toujours rêvé pour sa fille le rôle <i>honorable</i> auquel elle venait de
+parvenir. Elle lui fit, en conséquence, donner une éducation brillante,
+et lui inspira surtout le goût des arts. Ce fut en 1745 qu'elle fut
+reconnue maîtresse en titre du roi et créée par lettres patentes
+marquise de Pompadour.</p>
+
+<p>C'est de cette année 1745 que date le manuscrit dont nous allons nous
+occuper. C'est un petit in-quarto sur papier gros et gris. Écrit en
+petit caractère et<a name="page_210" id="page_210"></a> sans orthographe, il paraît être de la main de
+quelque employé de la maison de la marquise, et a été composé sur des
+notes dont un grand nombre ont été écrites par madame de Pompadour
+elle-même, ainsi qu'il est facile de le voir quand le copiste, ne se
+donnant pas la peine de changer ce qu'il a sous les yeux, parle à la
+première personne, comme dans cet article: <i>J'avais en vaisselle
+d'argent pour</i>, etc., et dans cet autre: <i>Gages de mes domestiques</i>,
+etc.&mdash;Il est recouvert d'une feuille de papier jaune sur laquelle est
+écrit: <i>Énorme dépense</i>. La première feuille porte ce titre: <i>État des
+dépenses faites pendant le règne de madame la marquise de Pompadour, à
+commencer le 9 septembre 1745 jusqu'au 15 d'avril 1764</i>.&mdash;C'est le jour
+où elle est morte.</p>
+
+<p>La première partie du manuscrit est consacrée aux dépenses des
+bâtiments. Madame de Pompadour aimait beaucoup les constructions.
+Non-seulement elle fit réparer à grands frais plusieurs propriétés
+qu'elle avait achetées, mais encore elle fit élever un assez grand
+nombre de maisons. Son jeune frère, Poisson, connu sous le nom de
+marquis de Marigny, qui fut directeur gérant des bâtiments du roi, la
+seconda dans ses vues. Il dirigea particulièrement la construction du
+charmant château de Bellevue, qui a depuis appartenu à Mesdames de
+France, et dont il ne reste plus de traces aujourd'hui.&mdash;Ce chapitre est
+intitulé: <i>État des sommes payées par ordre du roi par le sieur de
+Montmartel sur les travaux et bâtiments<a name="page_211" id="page_211"></a> de Crécy, Bellevue et autres
+endroits, suivant les mandements visés par les sieurs de l'Assurance,
+d'Isle, et Maurenzel.</i></p>
+
+<p><i>Crécy et Aunay.</i>&mdash;Crécy était un fort joli château, faisant aujourd'hui
+partie du département d'Eure-et-Loir. Madame de Pompadour en fit
+l'acquisition, en 1748, pour la somme de 650,000 l. Elle acheta en même
+temps, 140,000 l., la terre d'Aunay, qui touche à Crécy. Les travaux
+qu'elle y fit faire, pendant les années 1748, 1749, 1750, 1751, 1752,
+1753, 1754, s'élevèrent à la somme de 3,288,403 l. 16 s. 6 d.</p>
+
+<p><i>La Celle</i> est une charmante propriété, à la porte de Versailles. Madame
+de Pompadour l'acheta 260,000 l., en 1749. Les sommes payées pour
+l'embellissement du château, pendant les années 1749 et 1751,
+s'élevèrent à 68,114 l. 15 s. 4 d.</p>
+
+<p>En 1749, Louis XV lui donna une portion du terrain du petit parc de
+Versailles, sur lequel elle fit construire une jolie habitation qu'elle
+appela son <i>Ermitage</i>. La construction de l'<i>Ermitage</i> lui coûta 283,013
+l. 1 s. 5 d.</p>
+
+<p>Madame de Pompadour ne s'arrêtait pas dans son goût de construction
+qu'elle sut faire partager à Louis XV. Elle venait de créer un charmant
+bijou dans sa propriété de l'Ermitage, elle voulut construire un
+véritable château, avec son parc et ses jardins. Il existait sur la côte
+qui domine la Seine, entre Sèvres et Meudon, des terres qui
+appartenaient<a name="page_212" id="page_212"></a> au roi; Louis XV les lui donna, et, grâce au goût de
+Marigny, l'on vit s'élever l'une des plus jolies habitations princières
+des environs de Paris. <i>Bellevue</i>, nom que méritait bien cette charmante
+maison, fut construite en 1750. Elle revint à 2,526,927 l. 10 s. 11 d.</p>
+
+<p>Outre ces propriétés, madame de Pompadour avait encore des habitations
+particulières dans les principales résidences royales. A Versailles, à
+Compiègne, à Fontainebleau et à Paris.</p>
+
+<p>A Versailles, le roi lui donna, en 1752, le terrain sur lequel se
+trouvait, sous Louis XIV, la Pompe ou Tour d'Eau, détruite en 1686. Elle
+y fit construire un hôtel qui lui revint à 210,844 l. 14 s. 10 d. C'est
+aujourd'hui l'<i>Hôtel des Réservoirs</i> ou <i>restaurant Duboux</i>. On avait
+fait établir contre le mur du réservoir de l'Opéra un corridor qui
+permettait d'aller du château dans cet hôtel. Madame Duhausset en parle
+dans un endroit de ses Mémoires: «J'avais, dit-elle, un très-joli
+appartement à l'hôtel, où j'allais presque toujours à couvert, etc.»</p>
+
+<p>Dans son hôtel de Compiègne, elle dépensa, en 1751, 1752 et 1753, 30,242
+l. 7 s. 8 d.</p>
+
+<p>A Fontainebleau, elle fit construire, en 1753, à l'imitation de celui de
+Versailles, un ermitage qui lui revint à 216,382 l. 18 s. 8 d. Elle
+acheta à Paris l'hôtel d'Évreux, qu'elle paya 730,000 l., et y dépensa,
+en 1754, 95,169 l. 6 s.</p>
+
+<p>On trouve encore, au chapitre des dépenses des<a name="page_213" id="page_213"></a> bâtiments, diverses
+sommes pour des institutions religieuses. Ainsi l'on voit, pour le
+couvent des ursulines de Poissy, dont sa tante du côté maternel madame
+Sainte-Perpétue était l'abbesse, une somme de 4,908 l. 15 s. 10 d., et
+pour les dames de l'Assomption de Paris, une autre somme de 32,069 l. 14
+s. Enfin l'on voit le marquisat de Pompadour y figurer pour 28,000 l.,
+dépensées en 1753.&mdash;Dans ce chapitre des bâtiments se trouvent les noms
+de tous les entrepreneurs et artistes qui ont été employés soit à
+construire, soit à embellir ces diverses maisons. Les artistes qui ont
+travaillé au château de Crécy et à Aunay sont: Rousseau, Verbeck et
+Pigalle, sculpteurs; à la Celle, Rousseau, sculpteur; à l'Ermitage, près
+Versailles, Rousseau et "Verbeck, sculpteurs, et Rysbrack, peintre de
+fleurs; à son hôtel de Versailles, Rousseau et Verbeck, sculpteurs, et
+Rysbrack, peintre; à Bellevue, Coustou, Rousseau, Maurisan, la veuve
+Chevalier, Verbeck, sculpteurs; Nelson, Gavau, Brunelly, Oudry,
+peintres; Janson, la veuve Cropel, dessinateurs; Martiniere, émailleur à
+l'hôtel d'Évreux, à Paris, Verbeck, sculpteur; à l'Ermitage de
+Fontainebleau, Verbeck.</p>
+
+<p>A la suite du chapitre des dépenses de bâtiments vient un journal
+commencé le 9 septembre 1745, et terminé en mars 1764, dans lequel est
+inscrit, mois par mois, ce que recevait madame de Pompadour pour ses
+dépenses ordinaires. L'on y voit que, pendant ces dix-neuf années, les
+recettes, pour ses<a name="page_214" id="page_214"></a> dépenses ordinaires, ont été de 1,767,678 l. 8 s. 9
+d., et les dépenses de 977,207 l. 11 s. 6 d. Ce journal peut donner lieu
+à quelques curieuses observations. Madame de Pompadour touchait une
+pension qui lui était payée tous les mois, sans compter les sommes
+qu'elle recevait du roi comme cadeau, toujours pour sa dépense
+ordinaire. Cette pension était, la première année, de 2,400 l. par mois;
+en 1746, 1747, 1748 et 1749, les sommes données s'élèvent souvent
+jusqu'à 30,000 l. dans un mois; puis, dans les années suivantes, pendant
+lesquelles la passion du roi pour sa maîtresse s'était beaucoup
+affaiblie, l'on voit la pension se régulariser et se réduire presque
+constamment à 4,000 l. par mois. On remarque encore que, pendant les
+premières années, madame de Pompadour reçoit du roi des étrennes, qui
+disparaissent aussi dans les années suivantes: ainsi, en 1747, année du
+plus fort de la passion de Louis XV, elle reçoit 50,000 l. d'étrennes;
+en 1749, elle n'en reçoit plus que 24,000 l., et depuis 1750, on ne les
+voit plus figurer dans les comptes.</p>
+
+<p>Les sommes qu'elle recevait du roi étant moins fortes et ses dépenses
+habituelles étant toujours fort considérables, il fallait trouver
+d'autres ressources. C'est dans le jeu et dans la vente de ses bijoux
+que madame de Pompadour trouve le moyen d'équilibrer les recettes avec
+les dépenses. Ainsi on la voit gagner au jeu à Marly, le 15 mai 1752,
+9,120 l., et le 31 du même mois, 28,000 l.&mdash;En 1760, elle<a name="page_215" id="page_215"></a> vend des
+<i>bracelets de perles</i> 12,960 l.&mdash;En 1761, elle vend encore des bijoux
+pour 9,000 l.; en 1762, sa vente de bijoux et le gain du jeu lui
+rapportent 20,489 l.</p>
+
+<p>Ce journal est terminé par une récapitulation, dans laquelle les
+recettes et leur emploi sont comparés année par année, et qui montre,
+comme je l'ai indiqué en donnant le chiffre des recettes et des
+dépenses, que madame de Pompadour savait très-bien dépenser tous les ans
+ce qui lui était donné, et ne faisait aucune économie.</p>
+
+<p>A la suite de ce journal se trouve une sorte de dénombrement des
+richesses de madame de Pompadour et des dépenses autres que celles des
+bâtiments. C'est particulièrement à cette partie que s'applique la
+remarque faite plus haut, sur la manière dont l'auteur du manuscrit fait
+souvent parler madame de Pompadour elle-même. Tous les articles de cette
+partie sont curieux et méritent d'être cités:</p>
+
+<p class="c"><i>État de mes effets en général.</i></p>
+
+<table border="0" cellpadding="4" cellspacing="0" summary="">
+<tr><td valign="top" align="right" colspan="3">Livres.</td></tr>
+<tr><td valign="top" align="right">1.</td><td align="left">J'avais en vaisselle d'argent, pour</td><td align="right" valign="bottom">537,600</td></tr>
+<tr><td valign="top" align="right">2.</td><td align="left">Plus, en vaisselle d'or ou en collifichets</td><td align="right" valign="bottom">150,000</td></tr>
+<tr><td valign="top" align="right">3.</td><td align="left">Elle a dépensé pour ses menus plaisirs et en se satisfaisant</td><td align="right" valign="bottom">1,338,867</td></tr>
+<tr><td valign="top" align="right">4.</td><td align="left">Pour sa bouche, pendant les dix-neuf années de son <i>règne</i></td><td align="right" valign="bottom">3,504,800</td></tr>
+<tr><td valign="top" align="right">5.</td><td align="left">Pour les voyages du roi, extraordinaires, comédies, opéras, faits et donnés en différentes maisons</td><td align="right" valign="bottom">4,005,900</td></tr>
+<tr><td valign="top" align="right">6.</td><td align="left">Gages pour mes domestiques, dix-neuf années</td><td align="right" valign="bottom">1,168,886</td></tr>
+<tr><td valign="top" align="right">7.</td><td align="left">Pensions que j'ai toujours faites, <i>jusqu'à ma mort</i> (sic)</td><td align="right" valign="bottom">229,236</td></tr>
+<tr><td valign="top" align="right">8.</td><td align="left">Ma cassette, contenant quatre-vingt-dix-huit boîtes d'or, évaluées l'une dans l'autre à 3,000 livres</td><td align="right" valign="bottom">294,000</td></tr>
+<tr><td valign="top" align="right">9.</td><td align="left">Une autre cassette contenant tous mes diamants</td><td align="right" valign="bottom">1,783,000</td></tr>
+<tr><td valign="top" align="right">10.</td><td align="left">Une superbe collection de pierres gravées chez moi par le sieur le Guay, donnée au roi, estimée</td><td align="right" valign="bottom">400,000</td></tr>
+</table>
+
+<p>Madame de Pompadour, qui dessinait fort bien, grava elle-même <i>une suite
+de soixante-trois estampes</i>, d'après ces pierres. Ces gravures ont été
+publiées et forment un petit in-folio, fort rare, dont il n'avait été
+tiré qu'un très-petit nombre d'exemplaires pour faire des présents: en
+1782, il en parut une autre édition in-quarto, qui est moins recherchée.
+Ce fut à l'occasion de son talent pour le dessin que Voltaire, l'ayant
+un jour surprise dessinant une tête, improvisa ce madrigal:</p>
+
+<table border="0" cellpadding="0" cellspacing="0" summary="">
+<tr><td align="left">Pompadour, ton crayon divin</td></tr>
+<tr><td align="left">Devrait dessiner ton visage;</td></tr>
+<tr><td align="left">Jamais une plus belle main</td></tr>
+<tr><td align="left">N'aurait fait un plus bel ouvrage.</td></tr>
+</table>
+
+<table border="0" cellpadding="4" cellspacing="0" summary="">
+<tr valign="top"><td align="right" colspan="3">Livres.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="right">11.</td><td align="left">En différents morceaux de vieux laque</td><td align="right">111,945</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="right">12.</td><td align="left">En porcelaine ancienne</td><td align="right">150,000</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="right">13.</td><td align="left">Achat de pierres fines pour compléter la collection</td><td align="right">60,000</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="right">14.</td><td align="left">Linge pour draps et table, pour Crécy</td><td align="right">600,452</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="right">15.</td><td align="left">Plus, pour mes autres maisons</td><td align="right">400,325</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="right">16.</td><td align="left">Ma garde-robe, tout compris</td><td align="right">350,235</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="right">17.</td><td align="left">Ma batterie de cuisine pour toutes mes maisons</td><td align="right">66,172</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="right">18.</td><td align="left">Ma bibliothèque, y compris nombre de manuscrits<a name="FNanchor_104_104" id="FNanchor_104_104"></a><a href="#Footnote_104_104" class="fnanchor">[104]</a></td><td align="right">12,500</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="right">19.</td><td align="left">Donné aux dames qui m'ont toujours accompagnée, pour présent, en variant les effets</td><td align="right">460,000</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="right">20.</td><td align="left">Donné aux pauvres pendant tout mon règne</td><td align="right">150,000</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="right">21.</td><td align="left">En générosités aux concierges, en robes, vestes, étoffes, ainsi qu'au cabinet du roi</td><td align="right">100,000</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="right">22.</td><td align="left">Pour les affaires de mon père, M. de Machault les régla à la somme de</td><td align="right">400,000</td></tr>
+</table>
+
+<p>Le père de madame de Pompadour, François Poisson, avait eu dans
+l'administration des vivres un emploi fructueux. Accusé de gestion
+infidèle, il fut forcé de se soustraire aux poursuites du gouvernement.
+On voit, par cet article, que dans sa fortune elle n'oublia point de
+faire payer les dettes de son père. Jusqu'ici tous les biographes
+avaient bien dit que l'affaire de François Poisson avait été oubliée,
+grâce au crédit de sa fille; mais ce qu'on ignorait, c'est que c'était
+en satisfaisant ses créanciers:</p>
+
+<table border="0" cellpadding="4" cellspacing="0" summary="">
+<tr valign="top"><td align="right" colspan="3">Livres.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="right">23.</td><td align="left">En tableaux et autres fantaisies</td><td align="right">60,000</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="right">24.</td><td align="left">La dépense de la bougie, pendant dix-neuf ans</td><td align="right">660,000</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="right">25.</td><td align="left">La dépense des fallots et chandelles</td><td align="right">150,000</td></tr>
+<tr><td align="right" valign="top">26.</td><td align="left">En belles juments, voitures,
+chaises à porteurs,<br />
+chevaux de selle, quoi qu'en ait dit <i>le Gazetier d'Utrecht</i>, en tout</td><td align="right" valign="bottom">1,800,000</td></tr>
+</table>
+
+<p>Nous ne savons ce qu'a pu dire le <i>Gazetier d'Utrecht</i> à l'occasion des
+chevaux de madame de Pompadour, car nous avons inutilement cherché ce
+qui pouvait<a name="page_219" id="page_219"></a> avoir trait à cette question dans la collection de cette
+gazette que possède la bibliothèque de Versailles. Ce qu'il y a de
+certain, c'est que madame de Pompadour aimait beaucoup les chevaux;
+qu'elle fit acheter de fort beaux étalons dans plusieurs pays, et les
+réunit dans sa terre de Pompadour, où elle fonda le superbe haras qui
+existe aujourd'hui, et qu'en 1763 M. de Choiseul fit transformer en
+haras royal:</p>
+
+<table border="0" cellpadding="4" cellspacing="0" summary="">
+<tr valign="top"><td align="right" colspan="3">Livres.</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="right">27.</td><td> Fourrages, fourniture de mes chevaux pendant dix-neuf années</td><td align="right"> 1,300,000</td></tr>
+
+<tr valign="top"><td colspan="3" align="center">(Cette somme montre que madame<br />
+ de Pompadour devait avoir, en effet,<br />
+ un assez grand nombre de chevaux.)</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="right">28.</td><td> Pour toute ma livrée, dans toutes mes maisons </td><td align="right"> 250,000</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="right">29.</td><td> Pour achat de Crécy </td><td align="right"> 650,000</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="right">30.</td><td> Achat de la Celle </td><td align="right"> 260,000</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="right">31.</td><td> Achat d'Aunay </td><td align="right"> 140,000</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="right">32.</td><td> Achat de la baronnie de Tréon </td><td align="right"> 80,000</td></tr>
+
+<tr valign="top"><td colspan="3" align="center">(Tréon est auprès de la terre de Crécy.)</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="right">33.</td><td> Achat de Magenville </td><td align="right"> 25,000</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="right">34.</td><td> Achat de Saint-Remy </td><td align="right"> 24,000</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="right">35.</td><td> Achat d'Ovillé, à moitié chemin d'Orléans </td><td align="right"> 11,000</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="right">36.</td><td> Achat de l'hôtel d'Évreux, à Paris</td><td align="right">650,000</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="right">37.</td><td> Achat du terrain à côté dudit hôtel</td><td align="right">80,000</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="right">38.</td><td> Dépensé à Champs, pendant l'espace de trois ans</td><td align="right">200,000</td></tr>
+
+ <tr valign="top"><td colspan="3" align="center">(Champs est un village du département<br />
+ de Seine-et-Marne, dans lequel<br />
+ se trouvait une fort jolie habitation.)</td></tr>
+<tr valign="top"><td align="right">39.</td><td> Dépensé à Saint-Ouen pendant l'espace<br />
+ de cinq ans, sans faire les réparations<br />
+ constatées par la maison de Gesvres.</td><td align="right" valign="bottom">500,000</td></tr>
+</table>
+
+<p>Saint-Ouen ne paraît pas avoir appartenu à madame de Pompadour, mais
+elle en avait la jouissance; et, comme on le voit par cet article, elle
+y fit faire des embellissements qu'elle paya de ses propres fonds.</p>
+
+<p>Dans cette nomenclature des richesses de madame de Pompadour, l'auteur
+du manuscrit ne dit rien du château de Ménars, qui appartenait aussi à
+la marquise; on trouve seulement dans le journal de ses dépenses, en
+marge de l'année 1760: <i>Achat de Ménars</i>. Cette propriété paraît avoir
+été payée par elle sur ses revenus annuels et par petites sommes, car on
+trouve indiquées dans les années 1760, 1761, 1762, 1763, un assez grand
+nombre de sommes, sous le titre: <i>Gratification pour Ménars</i>.</p>
+
+<p>Enfin, cette partie se termine par un dernier article, intitulé:</p>
+
+<table border="0" cellpadding="4" cellspacing="0" summary="">
+<tr><td align="right">40.</td><td align="left">Médailles d'or et d'argent.</td><td align="right">400,000 liv.</td></tr>
+</table>
+
+<p>Puis, à la suite, l'auteur ajoute quelques réflexions assez curieuses:</p>
+
+<p>«D'après toutes ces dépenses énormes, dit-il, voici un fait que personne
+ne voudra croire, qui est qu'à sa mort l'on n'ait trouvé à cette femme
+que<a name="page_221" id="page_221"></a> 37 louis d'or dans sa table à écrire, qu'elle avait destinés pour
+les pauvres.»</p>
+
+<p>«Autre fait incroyable, ajoute-t-il, lâché par Collin<a name="FNanchor_105_105" id="FNanchor_105_105"></a><a href="#Footnote_105_105" class="fnanchor">[105]</a>, c'est que
+pendant sa maladie il fut obligé d'emprunter 70,000 l. pour faire face à
+la dépense. Ce fait détruit entièrement l'imposture, qui est qu'on a
+prétendu qu'elle avait dans toutes les banques de l'Europe, et elle se
+trouve devoir après sa mort la somme de 1,700,000 l.»</p>
+
+<p>Vient ensuite l'énumération de tous les gens attachés à madame de
+Pompadour, tant à Versailles que dans toutes ses maisons particulières,
+avec leurs appointements. On remarque parmi tous ces noms:</p>
+
+<table border="0" cellpadding="4" cellspacing="0" summary="">
+<tr><td align="left">&nbsp;</td><td align="right">Livres.</td></tr>
+<tr><td align="left">Nesme, premier intendant.</td><td align="right">8,000</td></tr>
+<tr><td align="left">Collin, chargé des domestiques, et lui servant de secrétaire.</td><td align="right">6,000</td></tr>
+<tr><td align="left">Le médecin Quesnay, entretenu de tout.</td><td align="right">3,000</td></tr>
+<tr><td align="left">La Duhausset, femme de chambre.</td><td align="right">150</td></tr>
+<tr><td align="left">La Couraget, &nbsp; &nbsp; &nbsp; id.</td><td align="right">150</td></tr>
+<tr><td align="left">La Neveu, &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; id.</td><td align="right">150</td></tr>
+</table>
+
+<p>On sait que madame Duhausset a écrit des <i>Mémoires</i> qui donnent des
+détails fort curieux sur la vie intime de madame de Pompadour. L'une des
+deux autres femmes de chambre était femme de condition, mais elle prit
+un nom emprunté, que madame Duhausset<a name="page_222" id="page_222"></a> elle-même ne connut jamais bien.
+Celle-ci seule ne changea point de nom, quoique au service de la
+maîtresse du roi.</p>
+
+<p>L'on y voit aussi figurer deux nègres, à raison de 1,800 l.</p>
+
+<p>Puis une série de gens attachés à la cuisine, à la garde-robe; la livrée
+et les employés des différentes maisons, concierges, portiers,
+jardiniers, etc., et trois aumôniers: un à Versailles, un à
+Fontainebleau et un à Compiègne.</p>
+
+<p>Après l'énumération des gens attachés à son service, se trouve l'état
+des pensions que faisait madame de Pompadour. On voit avec plaisir dans
+ce chapitre qu'une partie des sommes considérables qu'elle touchait
+était employée en bonnes &oelig;uvres.</p>
+
+<p>La première pension sur cette liste et la plus curieuse est celle faite
+à madame Lebon pour lui avoir prédit à l'âge de neuf ans qu'elle serait
+un jour la maîtresse de Louis XV, 600 l. Cette prédiction, dont ne
+parlent pas les biographes, et dont, on le voit, madame de Pompadour
+s'est toujours souvenue, a dû avoir une grande influence sur sa
+destinée, et a été probablement l'une des causes qui poussa sa mère à
+chercher par tous les moyens à mettre Louis XV en rapport avec la jeune
+et jolie madame d'Étiolles. La reconnaissance que madame de Pompadour
+conserva pour madame Lebon fut sans doute la raison qui lui fit toujours
+avoir un faible pour les sorcières et les sorciers. Madame Duhausset<a name="page_223" id="page_223"></a>
+raconte dans ses Mémoires une histoire qui le prouve bien:</p>
+
+<p>«Un an ou quinze mois avant la disgrâce de l'abbé de Bernis, dit-elle,
+Madame<a name="FNanchor_106_106" id="FNanchor_106_106"></a><a href="#Footnote_106_106" class="fnanchor">[106]</a> étant à Fontainebleau, elle se mit devant un petit
+secrétaire pour écrire; il y avait au-dessus un portrait du roi. En
+fermant le secrétaire, après avoir écrit, le portrait tomba et frappa
+assez fortement sa tête. Les personnes qui en furent témoins
+s'alarmèrent, et on envoya chercher M. Quesnay. Il se fit expliquer la
+chose, et ordonna des calmants et une saignée. Comme elle venait d'être
+faite, entre madame de Brancas, qui vit du trouble, du mouvement, et
+Madame sur sa chaise longue. Elle demanda ce que c'était, et on le lui
+dit. Après avoir témoigné à Madame ses regrets et l'avoir rassurée, elle
+lui dit: «Je demande en grâce à Madame et au roi, qui venait d'entrer,
+d'envoyer aussitôt un courrier à M. l'abbé de Bernis, et que madame la
+marquise veuille bien lui écrire une lettre dans laquelle, sans autre
+détail, elle lui demandera de lui marquer ce que lui a dit sa sorcière,
+et qu'il ne craigne pas de l'inquiéter.» La chose fut faite, et ensuite
+madame de Brancas dit que <i>la Bontemps</i> lui avait prédit dans du marc de
+café, où elle voyait tout, que la tête de sa meilleure amie était
+menacée, mais qu'il n'en arriverait rien de fâcheux. Le lendemain,
+l'abbé écrivit que madame Bontemps lui avait<a name="page_224" id="page_224"></a> dit aussi: «Vous étiez
+presque noir en venant au monde,» et que cela était vrai, et qu'on a
+attribué cette couleur, qui avait duré quelque temps, à un tableau qui
+était devant le lit de sa mère, et qu'elle regardait souvent ce tableau,
+qui représentait Cléopâtre se tuant au moyen d'une piqûre d'aspic, que
+lui apportait un Maure dans des fleurs. Il dit encore qu'elle lui avait
+dit: «Vous avez bien de l'argent avec vous, mais il ne vous appartient
+pas;» qu'effectivement il avait deux cents louis pour remettre au duc de
+la Vallière. Enfin il marquait que, regardant dans la tasse, elle avait
+dit: «Je vois une de vos amies, la meilleure, une grande dame, menacée
+d'un accident.» Qu'il devait avouer, malgré sa philosophie, qu'il avait
+pâli; qu'elle s'en était aperçue, avait regardé de nouveau, et avait
+dit: «Sa tête sera un peu menacée, mais il n'y paraîtra pas une
+demi-heure après.» Il n'y avait pas moyen de douter du fait, et il parut
+fort étonnant au roi, qui fit prendre des informations sur la sorcière,
+mais que Madame empêcha d'être poursuivie par la police. Elle protégea
+aussi le fameux <i>comte de Saint-Germain</i>, qui prétendait avoir plus de
+deux mille ans, blanchissait les diamants, faisait grossir les perles,
+était enfin un véritable sorcier, et que, malgré tout ce charlatanisme,
+le roi voyait chez madame de Pompadour par amour pour elle.»</p>
+
+<p>La liste des pensions contient ensuite:<a name="page_225" id="page_225"></a></p>
+
+<table border="0" cellpadding="4" cellspacing="0" summary="">
+<tr><td>&nbsp;</td><td align="right">Livres.</td></tr>
+<tr><td align="left">A madame Sainte-Perpétue, sa tante du côté maternel.</td><td align="right">3,000</td></tr>
+<tr><td colspan="2" align="center">(Elle était supérieure des ursulines de<br />
+Poissy.)</td></tr>
+<tr><td align="left">A mademoiselle Clergé, ancienne femme de chambre de sa mère.</td><td align="right">600</td></tr>
+<tr><td align="left">Aux capucines de Paris.</td><td align="right">720</td></tr>
+<tr><td colspan="2" align="center">(C'est dans l'église de ce couvent qu'elle<br />
+fut inhumée.)</td></tr>
+<tr><td align="left">Aux filles de l'Ave-Maria.</td><td align="right">240</td></tr>
+<tr><td align="left">A madame Becker, religieuse de Saint-Joseph.</td><td align="right">240</td></tr>
+<tr><td align="left">A la dame Plantier, nourrice de sa fille.</td><td align="right">200</td></tr>
+<tr><td align="left">A la dame Pin, son ancienne fille de garde-robe.</td><td align="right">50</td></tr>
+<tr><td align="left">A Dablon, son père nourricier.</td><td align="right">300</td></tr>
+
+</table>
+
+<p>Madame de Pompadour eut une fille de M. d'Étiolles; elle se nommait
+Alexandrine. Il paraît que sa figure était charmante et pleine de feu.
+Sa mère rêvait pour elle les plus brillantes alliances, lorsqu'elle
+mourut à quatorze ans, de la petite vérole, dans le couvent de
+l'Assomption, où elle était élevée. On voit par ces pensions que madame
+de Pompadour n'oubliait pas ceux qui avaient approché sa fille, et cela
+explique aussi pourquoi elle protégea toujours ce couvent de
+l'Assomption, et y fit faire des embellissements dont nous avons vu le
+chiffre au chapitre des bâtiments.</p>
+
+<table border="0" cellpadding="0" cellspacing="0" summary="">
+<tr><td align="right" colspan="2">Livres.</td></tr>
+<tr><td align="left">Au fils de sa première femme de chambre.</td><td align="right">212</td></tr>
+<tr><td colspan="2" align="center">(Celle qui la servait sous un nom supposé.)</td></tr>
+<tr><td align="left">Au fils de Douy.</td><td align="right">300</td></tr>
+<tr><td align="left">Au fils de madame Duhausset, seconde femme de chambre.</td><td align="right">400</td></tr>
+<tr><td align="left">Pour le petit Beaulieu, gentilhomme.</td><td align="right">150</td></tr>
+<tr><td align="left">Pour le petit Capon, gentilhomme.</td><td align="right">300</td></tr>
+<tr><td align="left">Pour la fille Manoyé.</td><td align="right">380</td></tr>
+<tr><td align="left">Pour mademoiselle Guillier.</td><td align="right">300</td></tr>
+<tr><td align="left">Pour mademoiselle de Pontavici.</td><td align="right">250</td></tr>
+<tr><td align="left">Pour madame la baronne de Rhone, âgée de
+quatre-vingt-dix ans.</td><td align="right">3,000</td></tr>
+<tr><td align="left">Pour mesdemoiselles de Farges.</td><td align="right">2,000</td></tr>
+<tr><td align="left">Pour la petite nymphe de Compiègne.</td><td align="right">400</td></tr>
+<tr><td align="left">Pour le petit Jean-Simon.</td><td align="right">300</td></tr>
+
+<tr><td align="center">(Elle faisait distribuer dans les greniers de<br />
+ Versailles, par son homme de confiance, tous<br />
+ les ans, 12 à 13 mille livres.)</td><td align="right" valign="bottom">12,000</td></tr>
+
+<tr><td align="left">Au petit Sans-Bras.</td><td align="right">144</td></tr>
+<tr><td align="left">A un pauvre boiteux.</td><td align="right">36</td></tr>
+<tr><td align="left">A madame Questier.</td><td align="right">72</td></tr>
+<tr><td align="left">A madame de Gosmond, pour être religieuse.</td><td align="right">1,800</td></tr>
+<tr><td align="left">A mademoiselle Dulaurent, pour être religieuse.</td><td align="right">1,800</td></tr>
+<tr><td align="left">A mademoiselle Duhausset.</td><td align="right">400</td></tr>
+<tr><td align="left">A mademoiselle de Longpré, sa parente.</td><td align="right">600</td></tr>
+<tr><td align="left">A madame de la Croix.</td><td align="right">300</td></tr>
+<tr><td align="left">A madame Trusson, pour remettre à quelqu'un à Paris.</td><td align="right">240</td></tr>
+</table>
+
+<p>Puis vient une longue liste des maisons religieuses auxquelles madame de
+Pompadour accordait des secours; ces maisons sont au nombre de cinquante
+et une.<a name="page_227" id="page_227"></a></p>
+
+<table border="0" cellpadding="4" cellspacing="0" summary="">
+<tr><td>Elle leur donnait tous les ans dans le carême.</td><td align="right" valign="bottom">600</td></tr>
+
+<tr><td>A tous les curés de ses maisons.</td><td align="right" valign="bottom">1,452</td></tr>
+
+<tr><td>Aux deux curés de Versailles, à chacun 10 louis.</td><td align="right" valign="bottom">480</td></tr>
+
+<tr><td>Au curé de Fontainebleau.</td><td align="right" valign="bottom">120</td></tr>
+
+<tr><td>Au curé de Choisy.</td><td align="right" valign="bottom">120</td></tr>
+
+<tr><td>Aux s&oelig;urs grises de Choisy.</td><td align="right" valign="bottom">120</td></tr>
+
+<tr><td>Aux s&oelig;urs grises de Fontainebleau.</td><td align="right" valign="bottom">120</td></tr>
+
+<tr><td>A tous les curés de Compiègne.</td><td align="right" valign="bottom">600</td></tr>
+
+<tr><td>A toutes les maisons religieuses de Compiègne.</td><td align="right" valign="bottom">1,200</td></tr>
+
+<tr><td>A un pauvre abbé de Compiègne, aux carmélites.</td><td align="right" valign="bottom">48</td></tr>
+
+<tr><td>A madame de Villars, pour ses pauvres, tous
+les ans.</td><td align="right" valign="bottom">1,200</td></tr>
+
+<tr><td>Aux frères de la forêt de Sénart.</td><td align="right" valign="bottom">46</td></tr>
+
+<tr><td>A la bouquetière du château de Versailles, suivant la cour.</td><td align="right" valign="bottom">120</td></tr>
+
+<tr><td>La fondation d'une grand'messe aux carmélites<br />
+de Compiègne.</td><td align="right" valign="bottom">600</td></tr>
+
+<tr><td>Le jour de l'an, à tous les officiers des petits<br />
+appartements du roi, et garçons du château,<br />
+à chacun une très-belle veste.</td><td align="right" valign="bottom">1,000</td></tr>
+
+<tr><td>A tous les autres domestiques du roi, suisses<br />
+des appartements grands et petits, valets de<br />
+pied, frotteurs, cochers, postillons et palefreniers<br />
+du roi, et tous les métiers travaillant<br />
+au château.</td><td align="right" valign="bottom">1,200</td></tr>
+
+<tr><td>A la naissance de Mgr le duc de Bourgogne, elle<br />
+donna 3,000 livres à distribuer aux pauvres<br />
+de Versailles.</td><td align="right" valign="bottom">3,000</td></tr>
+
+<tr><td>Ainsi qu'aux autres naissances, trois autres fois.</td><td align="right" valign="bottom">9,000</td></tr>
+
+<tr><td>Elle fit donner aux pauvres de la Trappe, en<br />
+deux fois.</td><td align="right" valign="bottom">15,000</td></tr>
+
+<tr><td>Elle fit à Crécy, en deux fois, quarante-deux<br />
+mariages, à l'occasion de la naissance des<br />
+princes. Elle dota mari et femme à raison de<br />
+300 livres et 200 livres pour les habits.</td><td align="right" valign="bottom">21,000</td></tr>
+</table>
+
+<p>Telle est la liste de ses dons.</p>
+
+<p>Le manuscrit est enfin terminé par une récapitulation des sommes
+dépensées par madame de Pompadour pendant les dix-neuf années de sa
+faveur.&mdash;Le total général est de 36,924,140 l. 8 s. 9 d.</p>
+
+<p>Voilà, sur sa déclaration, le relevé de ce que madame de Pompadour a
+coûté à la France.<a name="page_229" id="page_229"></a></p>
+
+<h3><a name="IX" id="IX"></a>IX<br /><br />
+LE PARC AUX CERFS SOUS LOUIS XV.<br /><br />
+1755-1771.</h3>
+
+<p class="c">&mdash;&mdash;&mdash;&mdash;</p>
+
+<p>Il n'est aucun fait historique qui ait rendu plus odieux le nom de Louis
+XV, et qui, d'un autre côté, ait donné lieu à plus de divagation parmi
+les écrivains, que <i>le mystérieux établissement du Parc aux Cerfs</i>. Les
+historiens les mieux renseignés ne savent où il était placé. Les uns, se
+fondant sur son nom, en font une ancienne habitation de chasse de Louis
+XIII transformée en une sorte de petit palais entouré de jardins et de
+bois. D'autres le confondent avec l'Ermitage de madame de Pompadour;
+personne en un mot, jusqu'à ce jour, n'a pu dire d'une manière positive
+où il était placé. Depuis fort longtemps, nous cherchions à découvrir
+cette énigme historique, et tous nos efforts avaient été inutiles. Il y
+a peu de temps qu'en parcourant les Mémoires de madame Campan, nous
+fûmes frappé d'une anecdote<a name="page_230" id="page_230"></a> sur Louis XV, à laquelle nous avions fait
+jusqu'alors peu d'attention. La voici:</p>
+
+<p>«Louis XV, dit madame Campan, avait, comme on le sait, adopté le système
+bizarre de séparer Louis de Bourbon du roi de France. Comme homme privé,
+il avait sa fortune personnelle, ses intérêts de finance à part.</p>
+
+<p>»Louis XV traitait comme particulier dans toutes les affaires ou les
+marchés qu'il faisait; il avait <i>acheté au Parc aux Cerfs, à Versailles,
+une jolie maison</i> où il logeait une de ces maîtresses obscures que
+l'indulgence ou la politique de madame de Pompadour avait tolérées pour
+ne pas perdre ses droits de maîtresse en titre. Ayant réformé cet usage,
+le roi voulut vendre sa petite maison. Sévin, premier commis de la
+guerre, se présenta pour l'acheter; le notaire qui était chargé de cette
+commission en rendit compte au roi. Le contrat de vente fut passé entre
+Louis de Bourbon et Pierre Sévin, et le roi lui fit dire de lui apporter
+lui-même la somme en or. Le premier commis réunit 40,000 francs en
+louis, et, introduit par le notaire dans les cabinets intérieurs du roi,
+il lui remit la valeur de sa maison.»</p>
+
+<p>Ces renseignements donnés par madame Campan, quoique bien incomplets,
+puisqu'elle ne donne ni la rue, ni l'époque de la vente et de l'achat,
+ni le nom du notaire, étaient cependant une précieuse indication, s'ils
+se trouvaient exacts, car ils venaient confirmer l'établissement de la
+petite maison du roi dans<a name="page_231" id="page_231"></a> le Parc aux Cerfs et donnaient, en outre, le
+nom de la personne à laquelle cette maison avait été vendue, lorsque,
+par suite d'autres habitudes, elle devint inutile à Louis XV.</p>
+
+<p>Nous résolûmes alors de faire de nouvelles recherches, et nous sommes
+parvenu, non sans peine, à découvrir cette mystérieuse habitation du
+Parc aux Cerfs. Mais, avant tout, rappelons ici ce qu'on entendait par
+ce nom de <i>Parc aux Cerfs</i>.</p>
+
+<p>Quand Louis XIII acheta la seigneurie de Versailles et y fit construire
+un petit château, c'était surtout pour être plus facilement au milieu
+des bois dont ce lieu était entouré et pour s'y livrer au plaisir de la
+chasse, qu'il aimait passionnément. Aussi l'un de ses premiers soins fut
+de faire élever près de son habitation les animaux pouvant servir à ses
+plaisirs. C'est pour cela qu'il choisit, dans les bois qui couvraient
+alors le sol de la ville, un emplacement dans lequel il pût réunir et
+faire élever des cerfs, des daims, et d'autres bêtes fauves. Il le fit
+entourer de murs, y fit construire quelques habitations de gardes, et ce
+lieu reçut le nom de <i>Parc aux Cerfs</i>.</p>
+
+<p>Le Parc aux Cerfs comprenait tout l'espace situé entre la rue de Satory,
+la rue des Rossignols et la rue Saint-Martin. Ce Parc aux Cerfs fut
+d'abord conservé par Louis XIV, et la ville se composa du vieux
+Versailles et de la ville neuve, ne formant qu'une seule paroisse, celle
+de Notre-Dame.</p>
+
+<p>Quelques années après son séjour à Versailles,<a name="page_232" id="page_232"></a> vers 1694, Louis XIV,
+voyant les habitations s'élever avec rapidité dans la ville qu'il venait
+de créer, songea à son agrandissement. Le Parc aux Cerfs fut alors
+sacrifié. Louis XIV fit abattre les murs, arracher les arbres, détruire
+les maisons des gardes, niveler le sol, et l'on y traça des rues et des
+places. Des terrains furent donnés, surtout à des gens de la maison du
+roi, mais l'on n'y vit cependant s'élever sous son règne que quelques
+rares habitations. Louis XIV mort, Versailles resta pendant quelques
+années comme une ville abandonnée. Aucune construction ne s'y fit. Mais
+lorsque Louis XV y eut de nouveau fixé son séjour, et que la cour y fut
+revenue, on vit affluer de toutes parts de nouveaux habitants. Leur
+nombre, qui, à la mort de Louis XIV, était de vingt-quatre mille, fut
+presque doublé dans les quinze premières années du règne de son
+successeur. Les maisons se construisirent de tous côtés dans le quartier
+du <i>Parc aux Cerfs</i>, et les habitants de ce quartier furent si nombreux
+que l'on sentit la nécessité de diviser la ville en deux parties égales
+et de créer une nouvelle paroisse formant aujourd'hui le quartier ou la
+paroisse Saint-Louis.</p>
+
+<p>Revenons maintenant à la petite maison de Louis XV.</p>
+
+<p>Nous n'avions pour nous diriger dans nos recherches que le nom de
+<i>Sévin</i>. Mais dans quel endroit du <i>Parc aux Cerfs</i> était placée cette
+maison achetée au roi par Sévin?<a name="page_233" id="page_233"></a></p>
+
+<p>Nous savions que les archives du bailliage de Versailles étaient
+déposées au palais de justice de cette ville, et que ces archives
+contenaient les rôles de la répartition des sommes dues chaque année par
+les propriétaires des maisons de Versailles pour les boues et lanternes,
+depuis l'année 1664 jusqu'en 1788. Le dépouillement assez fastidieux de
+tous les noms des propriétaires du quartier du Parc aux Cerfs nous fit
+enfin rencontrer, comme propriétaire d'une maison située rue
+Saint-Médéric, en 1772, le nom de <i>Sévin</i>. La place qu'elle occupait
+dans le rôle nous indiquait que ce devait être ou la maison nº 2, ou
+celle nº 4.&mdash;Mais était-ce bien celle ayant appartenu à Louis XV et
+indiquée par madame Campan? Rien ne nous le prouvait, car sur ces rôles
+nous trouvions immédiatement comme propriétaire avant <i>Sévin</i> le nom de
+<i>Vallet</i>.</p>
+
+<p>En cherchant dans les titres actuels de propriété de la maison nº 4,
+nous avons trouvé qu'elle appartenait effectivement à Sévin, et qu'elle
+fut vendue par ses héritiers, après la Révolution, aux criées du
+tribunal civil. Ces titres, ne remontant point au delà, nous laissaient
+toujours dans l'obscurité sur les noms des propriétaires antérieurs à
+<i>Sévin</i>.</p>
+
+<hr style="width: 45%;" />
+
+<p>Nous nous adressâmes alors aux possesseurs des maisons n<sup>os</sup> 2 et 4,
+qui nous permirent gracieusement de rechercher dans tous les papiers
+antérieurs ce que nous pourrions trouver chez les notaires touchant<a name="page_234" id="page_234"></a>
+cette intéressante question. Voici maintenant le résultat de ces
+recherches:</p>
+
+<p>Quand Louis XIV eut décidé de faire un nouveau quartier dans l'ancien
+Parc aux Cerfs, les terrains furent donnés en propriété à divers
+particuliers et surtout aux personnes appartenant à la maison du roi.
+C'est ainsi que le roi fit don de l'emplacement occupé aujourd'hui par
+les n<sup>os</sup> 2 et 4 de la rue Saint-Médéric à Jacques <i>Desnoues</i>, maître
+d'hôtel et l'un de ses valets de chambre. Le 18 juin 1712, <i>Desnoues</i>
+vend à <i>J.-B. Pizet, écuyer de la Maison-Fort</i>, le jardin et la <i>maison</i>
+qu'il y avait fait construire. Le 27 septembre 1718, nouvelle vente de
+cette propriété faite par <i>J.-B. Pizet</i> au profit de <i>Jean-Michel
+Crémer</i>, bourgeois de Versailles. A cette époque, le jardin n'était
+point enclos de murs. En 1734, <i>Crémer</i> fait construire les murs, ferme
+les rues des Tournelles et Saint-Médéric et fait ainsi deux impasses.
+Ces impasses portent sur les rôles de répartition des boues et lanternes
+les noms de culs-de-sac Saint-Médéric et des Tournelles.</p>
+
+<p><i>Crémer</i> meurt en 1740. Par suite, la propriété est partagée en deux; la
+maison et la moitié du jardin échoient en partage à <i>Jean-Michel-Denis
+Crémer</i>, son fils, et l'autre moitié appartient à la <i>veuve Crémer</i>.
+Elle fait à son tour bâtir sur sa portion une maison à peu près
+semblable à l'autre formant aujourd'hui le nº 2 de la rue Saint-Médéric.</p>
+
+<p>Tel était l'état des lieux, lorsqu'en 1755 les agents<a name="page_235" id="page_235"></a> secrets des
+honteuses passions de Louis XV cherchent au roi une petite maison, de
+façon à éviter la publicité dans ses rendez-vous de galanterie. Quelle
+maison pouvait mieux convenir que celle de <i>Crémer</i>? Placée dans un
+quartier retiré, au fond d'une impasse, n'ayant de voisins que la maison
+construite par la veuve Crémer, dont toutes les fenêtres regardaient sur
+la rue des Tournelles et n'avaient point de vue sur celle du fils, tout
+enfin la désignait à leur choix. Ils proposent son acquisition au roi,
+et l'argent est aussitôt donné. Il restait un dernier embarras: si le
+roi lui-même ou ses agents bien connus traitent directement de l'achat
+de cette maison, il n'y a plus de secret possible, et sa destination
+sera bientôt découverte. On charge alors un tiers inconnu de cet achat.
+Un huissier au Châtelet de Paris, nommé <i>Vallet</i>, traite directement
+avec Crémer, et la maison est achetée en son nom. De là l'obscurité qui
+a si longtemps régné sur l'emplacement de ce triste séjour. Qui aurait
+pu penser que sous ce nom de <i>Vallet</i>, de cet huissier, que les rôles
+des impôts de Versailles portent comme propriétaire de cette maison, se
+cachait le nom du roi de France<a name="FNanchor_107_107" id="FNanchor_107_107"></a><a href="#Footnote_107_107" class="fnanchor">[107]</a>?<a name="page_236" id="page_236"></a></p>
+
+<p>Crémer croyait avoir vendu à Vallet; mais celui-ci, aussitôt
+l'acquisition terminée, se présente seul devant notaires et fait la
+déclaration suivante:</p>
+
+<p>«Aujourd'hui est comparu par-devant les conseillers du roi, notaires au
+Châtelet de Paris, soussignés, sieur François Vallet, huissier-priseur
+audit Châtelet de Paris, y demeurant, rue des Déchargeurs, paroisse
+Saint-Germain l'Auxerrois, lequel a déclaré ne rien avoir ni prétendre
+en l'acquisition qui vient d'être faite sous son nom, de
+Jean-Michel-Denis Crémer et sa femme, d'une maison située à Versailles,
+rue Saint-Médéric, paroisse Saint-Louis, avec ses dépendances, par
+contrat passé devant les notaires soussignés, dont M<sup>e</sup> Patu, l'un
+d'eux, à la minute, cejourd'hui; mais que cette acquisition <i>est pour et
+au profit du roi, le prix en ayant été payé des deniers de Sa Majesté à
+lui fournis à cet effet</i>; c'est pourquoi il fait cette déclaration,
+<i>consentant que Sa Majesté jouisse, fasse et dispose de ladite maison en
+toute propriété, sans que le payement, qui sera fait sous le nom du
+comparant, des droits de lots et ventes et centième denier, le décret
+volontaire, qui sera fait et adjugé, et la jouissance et perception des
+loyers, qui pourra être faite aussi sous son nom, puissent affaiblir la
+propriété acquise à Sa Majesté de ladite maison et dépendances</i>,
+déclarant que l'expédition dudit contrat d'acquisition et les titres
+énoncés<a name="page_237" id="page_237"></a> en icelui ont été par lui remis entre les mains du chargé des
+ordres de Sa Majesté, ce qui a été accepté pour Sa Majesté par les
+notaires soussignés, etc.</p>
+
+<p>»Fait et passé à Paris, l'an 1755, le 25 novembre, et a signé:</p>
+
+<p class="r">
+»V<small>ALLET</small>.&mdash;P<small>ATU</small>, B<small>ROCHANT</small>.»<br />
+</p>
+
+<p>Ainsi il n'y a plus de doute, c'est bien là la petite maison du Parc aux
+Cerfs, si longtemps ignorée. Voilà le lieu où, depuis l'année 1755
+jusqu'en 1771, furent successivement installées les jeunes filles que
+les infâmes fournisseurs des plaisirs du roi offraient aux sens blasés
+de Louis XV.</p>
+
+<p>L'ignorance où l'on était généralement sur cette maison, sa grandeur et
+son arrangement, le nom de Parc aux Cerfs toujours donné à cette
+habitation, tandis que c'était celui du quartier où elle était située,
+lui ont fait attribuer beaucoup plus d'importance qu'elle n'en avait
+réellement et sont la cause des exagérations dans lesquelles sont tombés
+à ce sujet plusieurs historiens.</p>
+
+<p>«La tradition et le témoignage de plusieurs personnes attachées à la
+cour, dit Lacretelle, ne confirment que trop les récits consignés dans
+une foule de libelles relativement au Parc aux Cerfs. On prétend que le
+roi y faisait élever des jeunes filles de neuf ou dix ans. <i>Le nombre de
+celles qui y furent conduites fut immense.</i> Elles étaient dotées,
+mariées à des hommes vils ou crédules.<a name="page_238" id="page_238"></a></p>
+
+<p>«Les dépenses du Parc aux Cerfs se payaient avec des acquits au
+comptant. Il est difficile de les évaluer; mais il ne peut y avoir
+aucune exagération à affirmer qu'elles coûtèrent <i>plus de cent millions
+à l'État</i>. Dans quelques libelles, on les porte jusqu'à un milliard.»</p>
+
+<p>Nous ne voulons diminuer en rien l'odieux de la conduite de Louis XV, et
+nous pensons aussi que l'entretien de ces jeunes filles, les rentes
+qu'on leur donnait lorsque le roi en était dégoûté, et celles que l'on
+faisait à leurs enfants lorsqu'elles en avaient, ont dû coûter des
+sommes assez considérables. Mais la connaissance exacte de la maison du
+Parc aux Cerfs ne permet pas d'admettre toutes ces exagérations.</p>
+
+<p>La maison était petite et à peu près comme celle du nº 2, puisque le
+jardin était derrière et sur le côté. Il était impossible que dans une
+si petite maison il séjournât plus d'une demoiselle à la fois, avec la
+dame chargée de la garder<a name="FNanchor_108_108" id="FNanchor_108_108"></a><a href="#Footnote_108_108" class="fnanchor">[108]</a> et le domestique<a name="page_239" id="page_239"></a> nécessaire pour les
+servir. Il faut bien admettre encore que les jeunes filles qui furent
+conduites dans ce lieu y demeurèrent au moins une année, puisque la
+plupart n'en sortaient que pour devenir mères! Eh bien, si le roi ne
+garda cette maison que depuis 1755 jusqu'en 1771, comme nous allons le
+voir, c'est-à-dire seize ans, on ne peut dire <i>que le nombre de celles
+qui y furent conduites fut immense</i>, et il faut nécessairement un peu
+rabattre <i>du milliard et même des centaines de millions</i> que coûtèrent
+les dépenses du Parc aux Cerfs<a name="FNanchor_109_109" id="FNanchor_109_109"></a><a href="#Footnote_109_109" class="fnanchor">[109]</a>.</p>
+
+<p>Madame de Pompadour, voulant donner à Louis XV des maîtresses dont elle
+n'eût rien à redouter pour son pouvoir, protégea ce commerce du roi avec
+des jeunes filles, mais il cessa entièrement lorsque madame<a name="page_240" id="page_240"></a> du Barry
+eut su concentrer sur elle seule toute la passion du vieux roi débauché.
+La petite maison du Parc aux Cerfs n'ayant plus alors aucun but
+d'utilité, Louis XV, qui l'avait achetée de ses deniers, la vendit afin
+de faire rentrer cet argent dans sa cassette particulière.</p>
+
+<p>Pour cette vente, Louis XV n'avait plus besoin de se cacher sous un faux
+nom comme pour l'achat, et, malgré l'assertion de madame Campan, ce
+n'est pas comme <i>Louis de Bourbon</i>, mais bien comme <i>roi de France</i>
+qu'il vendit l'ancienne habitation de ses innocentes victimes à J.-B.
+Sévin.</p>
+
+<p>Voici ce contrat de vente:</p>
+
+<p>«Vente par le roi, notre sire, à M. J.-B. Sévin, 27 mai 1771.</p>
+
+<p>»Par-devant les notaires au bailliage royal de Versailles, soussignés,
+fut présent très-haut, très-puissant et très-excellent prince Louis, par
+la grâce de Dieu roi de France et de Navarre; lequel a, par ces
+présentes, vendu et abandonné pour toujours et promet garantir de tous
+troubles à sieur Jean-Baptiste Sévin, huissier de la chambre de madame
+Victoire de France et commis principal de l'un des bureaux de la guerre,
+demeurant à Versailles, rue Saint-Médéric, paroisse Saint-Louis, à ce
+présent et acceptant acquéreur pour lui, ses hoirs et ayant cause, une
+maison sise à Versailles, susdite rue Saint-Médéric, paroisse
+Saint-Louis, consistant en bâtiments sur ladite rue, jardin derrière et
+à côté,<a name="page_241" id="page_241"></a> ainsi que ladite maison se comporte sans réserve, appartenant à
+Sa Majesté au moyen de l'acquisition qu'elle en a fait faire <i>sous le
+nom de François Vallet</i>, huissier-priseur au Châtelet de Paris, de J.
+Crémer et Élisabeth Quartier, sa femme, par contrat passé devant M<sup>e</sup>
+Patu et son confrère, notaires à Paris, le 25 novembre 1755, insinué et
+ensaisiné, lequel Vallet a fait sa déclaration au profit de Sa Majesté
+par acte passé devant ledit Patu et son confrère le même jour, le brevet
+original en papier, laquelle est demeurée ci-joint, auxquels Crémer et
+sa femme ladite maison appartenait de la manière expliquée au contrat
+sus-daté, étant la dite maison en la censive de Sa Majesté et vers elle
+chargée à raison de vingt sols de cens par arpent par chacun an pour
+toutes choses, <i>de laquelle maison, dont Sa Majesté n'a jamais retiré
+aucun revenu, elle a toujours entendu jouir à titre particulier pour en
+disposer ainsi qu'elle jugerait à propos</i>.</p>
+
+<p>»Cette vente faite à la charge dudit cens seulement pour l'avenir, à
+compter de ce jour, et sans être tenu par ledit sieur Sévin au payement
+d'aucuns droits de lots et ventes, contrôles, insinuation et autres qui
+pourraient être prétendus à cause de la présente vente dont Sa Majesté
+dispense ledit sieur Sévin.</p>
+
+<p>»La présente vente aussi faite moyennant la somme de 16,000 livres;
+laquelle somme Sa Majesté reconnaît avoir présentement reçue par les
+mains<a name="page_242" id="page_242"></a> d'Alain, l'un des notaires soussignés, qui, des deniers à lui
+remis par ledit sieur Sévin, la lui a payée réellement délivrée en louis
+d'or et monnoye ayant cours, à la vue desdits notaires, dont quittance
+transportant, dessaisissant, voulant procureur, le porteur donnant
+pouvoir.</p>
+
+<p>»Reconnaissant, ledit sieur Sévin, que Sa Majesté lui a fait remettre
+l'expédition en parchemin du contrat de vente susdaté, ensemble tous les
+titres et pièces que ledit Vallet a reconnu par icelui lui avoir été
+remis par lesdits Crémer et sa femme, dont déchargé.</p>
+
+<p>»Par ainsi promettant, obligeant, renonçant; fait et passé audit
+Versailles <i>à l'égard de Sa Majesté en son appartement au château</i>, et à
+l'égard dudit sieur Sévin ès étudè, l'an 1774, le 27 mai, avant midi. Sa
+Majesté a signé, ainsi que ledit sieur Sévin. Signé: <span class="smcap">Louis, Sévin, Ducro</span>
+et A<small>LAIN</small>.»</p>
+
+<p>Il résulte donc de ces diverses pièces que la fameuse maison désignée
+dans l'histoire de Louis XV sous le nom de <i>Parc aux Cerfs</i> était placée
+au nº 4 de la rue Saint-Médéric.</p>
+
+<p>Aujourd'hui cette maison a entièrement changé d'aspect; transformée en
+un fort joli hôtel par les propriétaires qui l'ont successivement
+habitée depuis quelques années, elle ne rappelle plus rien de cette trop
+célèbre <i>petite maison</i>.</p>
+
+<p><a name="page_243" id="page_243"></a></p>
+
+<h3><a name="X" id="X"></a>X<br /><br />
+MADAME DU BARRY.<br /><br />
+1768-1793.</h3>
+
+<p class="c">&mdash;&mdash;&mdash;&mdash;</p>
+
+<p>Les archives de la préfecture de Seine-et-Oise contiennent deux cartons
+avec cette suscription: <i>Madame du Barry</i>. Ces cartons renferment en
+effet un grand nombre de papiers transportés dans les archives du
+district de Versailles, lors de sa condamnation à mort, en 1793. A cette
+époque, on apporta à Versailles tout ce qui fut trouvé de papiers au
+château de Louveciennes. Ils étaient fort nombreux, et furent pour la
+plupart rendus à la famille en 1825. On peut voir par l'inventaire
+dressé alors, qui se trouve plus loin, qu'un grand nombre d'entre eux
+étaient du plus haut intérêt. Tels qu'ils sont, ceux de la préfecture de
+Versailles sont encore fort curieux et méritent d'être connus.</p>
+
+<p>On a écrit plus d'une fois la vie de madame du Barry; mais dans tous ces
+écrits le vrai est fréquemment<a name="page_244" id="page_244"></a> mêlé au faux, et ce sont pour la plupart
+de véritables romans.</p>
+
+<p>Les documents renfermés aux archives de Seine-et-Oise, et d'autres que
+nous avons puisés à des sources aussi sûres<a name="FNanchor_110_110" id="FNanchor_110_110"></a><a href="#Footnote_110_110" class="fnanchor">[110]</a>, s'ils ne nous
+éclairent pas sur tous les points de la vie de cette célèbre maîtresse
+de Louis XV, nous mettent au moins à même d'établir avec certitude
+plusieurs faits principaux.</p>
+
+<p>Vers 1767, un homme, comme on en voit souvent dans les grandes
+capitales, sans principes et sans m&oelig;urs, mais non pas sans esprit, le
+comte <i>Jean du Barry</i>, rencontra dans une de ces maisons qu'on
+appellerait aujourd'hui du <i>demi-monde</i> une des plus jolies personnes
+qu'il eût encore vues de sa vie. Frappé de sa beauté et de ses grâces,
+il lui donna aussitôt le nom de l'<i>Ange</i>, et vit tout le parti qu'il en
+pourrait tirer dans l'intérêt de sa fortune et de son ambition. Dès ce
+moment il rêva et parvint à en faire la maîtresse du roi.</p>
+
+<p>Depuis l'année 1764, date de la mort de madame de Pompadour, Louis XV
+n'avait plus de maîtresse en titre, et il commençait à se lasser de ses
+amours obscures du Parc aux Cerfs. Le comte du Barry était<a name="page_245" id="page_245"></a> ami de
+Lebel, ce valet de chambre du roi, dont le principal emploi est connu de
+tout le monde. Il est de certains hommes qui finissent toujours par se
+donner la main. Du Barry lui présenta mademoiselle l'Ange, et Lebel,
+frappé de sa beauté, n'hésita point à la mettre en rapport avec le
+roi.&mdash;Dès la première entrevue, Louis XV fut tellement subjugué par les
+charmes de mademoiselle l'Ange, qu'il ne voulut plus entendre parler
+d'une autre femme. Les rendez-vous se succédèrent rapidement, et le roi
+brûla du désir de la déclarer maîtresse en titre. Mais mademoiselle
+l'Ange n'avait point de nom, et pour paraître à la cour et y jouer un
+rôle aussi important, il fallait qu'elle fût revêtue d'un titre et
+qu'elle eût une position sociale un peu moins équivoque. Le comte Jean
+du Barry aimait bien plus mademoiselle l'Ange pour les avantages qu'elle
+pouvait lui rapporter que pour elle-même, et il n'aurait pas hésité à
+lui donner sa main et son nom; mais il était marié. Un autre, en
+épousant la maîtresse du roi, profiterait de tous les avantages rêvés
+pour lui-même, et que la reconnaissance de celle qu'il allait élever à
+une si haute position lui assurait! Il résolut alors de lui donner son
+propre nom, en lui faisant épouser son frère, et de conserver par cette
+alliance l'ascendant qu'il avait pris sur l'esprit de la nouvelle
+favorite.</p>
+
+<p>Le comte <i>Guillaume du Barry</i>, le mari futur de la maîtresse du roi,
+était un pauvre officier des<a name="page_246" id="page_246"></a> troupes de la marine, vivant à Toulouse
+avec sa mère. Son frère lui écrivit aussitôt pour lui proposer ce
+mariage, et lui faire envisager la brillante fortune qui en résulterait
+pour lui et sa famille. Guillaume n'était pas plus scrupuleux que Jean,
+il accepta avec joie sa proposition et partit immédiatement pour Paris.
+Cependant, pour contracter ce mariage, il fallait le consentement de sa
+mère. Cette dame ne le refusa pas; mais, soit par respect pour son nom,
+soit pour toute autre raison, elle ne voulut pas sanctionner par sa
+présence un acte si peu honorable, et elle chargea une autre personne de
+la représenter dans tout ce qui allait être fait. Le comte Guillaume
+arriva donc à Paris, muni de la pièce que voici:</p>
+
+<p>«Par-devant le notaire royal de la ville de Toulouse et témoins bas
+nommés, fut présente dame <i>Catherine de Lacaze</i>, veuve de noble <i>Antoine
+du Barry</i>, chevalier de l'ordre militaire de Saint-Louis, habitant de
+cette ville;</p>
+
+<p>»Laquelle a fait et constitué pour son procureur général et spécial M.
+Jean Gruel, négociant, rue du Roule, à Paris, auquel elle donne pouvoir
+de, pour elle et en son nom, consentir que noble Guillaume du Barry, son
+fils, ancien officier d'infanterie, contracte mariage avec telle
+personne qu'il jugera à propos, pourvu toutefois qu'elle soit approuvée
+et agréée par ledit sieur procureur constitué, et que la bénédiction
+nuptiale lui soit départie suivant les constitutions canoniques, par le
+premier<a name="page_247" id="page_247"></a> prêtre requis, sans cependant que ladite dame constituante
+entende rien donner à son fils dans son contrat de mariage; voulant en
+outre que les présentes vaillent nonobstant surannotation et jusqu'à
+révocation expresse, promettant, obligeant, renonçant.</p>
+
+<p>»Fait et passé audit Toulouse, dans notre étude, le quinzième jour du
+mois de juillet, avant midi, l'an 1768, en présence des sieurs
+Bernard-Joseph Fourmont et Bonaventure Calvet, praticiens, habitant
+cette ville, soussignés, avec ladite dame constituante et nous, notaire.</p>
+
+<p class="r">
+»<i>Signé</i>: D<small>ELACAZE</small> <small>DU</small> B<small>ARRY</small>, F<small>OURMONT</small>,<br />
+B. C<small>ALVET</small>, et S<small>ANS</small>, notaire, avec
+paraphe<a name="FNanchor_111_111" id="FNanchor_111_111"></a><a href="#Footnote_111_111" class="fnanchor">[111]</a>.»<br />
+</p>
+
+<p>A son arrivée à Paris, Guillaume du Barry descendit à l'hôtel de son
+frère, rue Neuve des Petits-Champs. Celui-ci ne perdit pas un seul
+instant, et huit jours après le consentement de leur mère, le 23
+juillet, il faisait signer à Guillaume le curieux contrat de mariage qui
+suit:</p>
+
+<p>«Par-devant les conseillers du roi, notaires au Châtelet de Paris,
+furent présents:</p>
+
+<p>»Haut et puissant seigneur messire Guillaume comte du Barry, chevalier,
+capitaine des troupes détachées de la marine, demeurant à Paris, rue
+Neuve des Petits-Champs, paroisse Saint-Roch,<a name="page_248" id="page_248"></a> majeur, fils de défunt
+messire Antoine, comte du Barry, chevalier de l'ordre royal et militaire
+de Saint-Louis, et de dame Catherine Delacaze, son épouse, actuellement
+sa veuve, demeurant à Toulouse, contractant pour lui et en son nom;</p>
+
+<p>»Sieur André-Marie Gruel, négociant à Paris, y demeurant, rue du Roule,
+paroisse Saint-Germain l'Auxerrois, au nom et comme fondé de la
+procuration spéciale à l'effet du mariage dont va être parlé, de ladite
+dame du Barry mère, passé devant <i>Sans</i>, notaire royal à Toulouse, en
+présence de témoins, le 15 juillet présent mois, dont l'original, dûment
+contrôlé et légalisé, est, à la réquisition du sieur Gruel, demeuré
+annexé à la minute des présentes, préalablement de lui certifié
+véritable, signé et paraphé en présence des notaires soussignés.</p>
+
+<p>»Ledit sieur Gruel, audit nom, assistant et autorisant autant que de
+besoin ledit seigneur comte du Barry, d'une part;</p>
+
+<p>»Et sieur <i>Nicolas Rançon</i>, intéressé dans les affaires du roi, et dame
+<i>Anne Bécu</i>, son épouse, qu'il autorise à l'effet des présentes,
+demeurant à Paris, rue du Ponceau, paroisse Saint-Laurent, ladite dame
+auparavant <i>veuve du sieur Jean-Jacques Gomard de Vaubernier</i>, intéressé
+dans les affaires du roi, stipulant pour <i>mademoiselle Jeanne Gomard de
+Vaubernier</i>, fille <i>mineure</i> de ladite dame Rançon et dudit feu sieur
+Gomard de Vaubernier, <i>son premier mari</i>, demeurant avec eux; à ce
+présente<a name="page_249" id="page_249"></a> et de son consentement pour elle et en son nom;</p>
+
+<p>»Lesquels, dans la vue du mariage proposé et agréé entre ledit sieur
+comte du Barry et ladite demoiselle Gomard de Vaubernier, qui sera
+célébré incessamment en face d'Église, ont pris par ces présentes
+volontairement fait et rédigé les clauses et conditions civiles dudit
+mariage ainsi qu'il suit, en la présence et de l'<i>agrément</i> de haut et
+puissant seigneur <i>messire Jean, comte du Barry-Cérès</i>, gouverneur de
+Lévignac, frère aîné dudit seigneur, futur époux, et de <i>Claire du
+Barry</i>, demoiselle majeure, s&oelig;ur dudit seigneur futur époux.</p>
+
+<p>»<span class="smcap">Article premier.</span>&mdash;Il n'y aura point communauté de biens entre ledit
+seigneur et demoiselle future épouse, dérogeant à cet égard à la coutume
+de Paris et à toute autre qui l'admette entre conjoints; et, au
+contraire, ils seront et demeureront séparés de biens, et ladite
+demoiselle future épouse aura seule la jouissance et l'administration
+des biens, droits et actions, meubles et immeubles qui lui appartiennent
+et pourront lui appartenir dans la suite <i>à tel titre que ce soit</i>.</p>
+
+<p>»<span class="smcap">Art. 2.</span>&mdash;La demoiselle future épouse se marie avec les biens et droits
+qui lui appartiennent et qui lui appartiendront par la suite, <i>dont elle
+aura l'administration</i>, comme il est ci-devant dit. Et son mobilier
+consiste en la somme de 30,000 livres, composé de bijoux, diamants,
+habits, linge, dentelles et meubles à son usage, le tout <i>provenant de<a name="page_250" id="page_250"></a>
+ses gains et économies</i>, et dont, pour éviter la confusion avec le
+mobilier dudit sieur futur époux, il a été fait et dressé un état,
+transcrit sur les deux premières pages d'une feuille de papier à lettre,
+lequel est, à leur réquisition, demeuré annexé à la minute des
+présentes, après avoir été desdites parties contractantes certifié
+véritable, signé et paraphé en présence des notaires soussignés.</p>
+
+<p>»<span class="smcap">Art. 3.</span>&mdash;Tous les meubles et effets qui se trouveront dans les maisons
+qu'occuperont les futurs époux, tant à Paris qu'à la campagne, autres
+que ceux désignés dans l'état ci-devant annexé, seront censés appartenir
+et appartiendront en effet audit seigneur futur époux, et si dans la
+suite ladite demoiselle future épouse fait quelque achat de meubles et
+effets, elle sera tenue de retirer quittances en forme et, par-devant
+notaire, du prix d'iceux.</p>
+
+<p>»<span class="smcap">Art. 4.</span>&mdash;Tous les biens appartenant aux demoiselle et seigneur futurs
+époux, et ceux qui leur échoiront pendant le mariage, à tel titre que ce
+soit, tant en meubles qu'immeubles, seront réputés propres à chacun
+d'eux et aux leurs, de côtés et lignes respectivement.</p>
+
+<p>»<span class="smcap">Art. 5.</span>&mdash;Ledit seigneur futur époux a doué et doue la demoiselle future
+épouse de 1,000 livres de rente de douaire préfix, dont le fonds, en
+denier 25, demeurera propre aux enfants à naître dudit mariage.<a name="page_251" id="page_251"></a></p>
+
+<p>»<span class="smcap">Art. 6.</span>&mdash;Arrivant le décès de l'un des futurs époux, le survivant aura
+et prendra sur les biens du prédécédé, par forme de gain de survie, en
+meubles et effets prisés sans crue, la somme de 10,000 livres ou ladite
+somme en deniers comptants, au choix dudit survivant.</p>
+
+<p>»<span class="smcap">Art. 7.</span>&mdash;Il est convenu que ladite demoiselle future épouse <i>demeurera
+chargée seule de la conduite et de toutes les dépenses du ménage</i>, tant
+pour la nourriture que pour les loyers ou appartements qu'ils
+occuperont, gages de domestiques, linge de table, ustensiles de ménage,
+entretien d'équipages, nourriture de chevaux et <i>toutes autres dépenses
+quelconques sans exception</i>, tant envers ledit seigneur futur époux
+qu'envers les enfants à naître dudit mariage, qu'elle sera tenue
+d'élever et faire éduquer à ses frais, à la charge par ledit seigneur
+futur époux, ainsi qu'il s'y oblige, de payer à ladite demoiselle future
+épouse la somme de 6,000 livres de pension, pour tenir lieu de sa moitié
+dans lesdites dépenses et entretien du ménage, par chaque année, de six
+mois en six mois, et toujours d'avance, en sorte que les six premiers
+mois seront exigibles le lendemain de la célébration du mariage.</p>
+
+<p>»C'est ainsi que le tout a été convenu et arrêté entre les parties,
+promettant, obligeant, renonçant.</p>
+
+<p>»Fait et passé à Paris, en la demeure dudit seigneur comte du Barry,
+futur époux susdésigné.<a name="page_252" id="page_252"></a></p>
+
+<p>»L'an 1768, le 23 juillet après midi, et ont signé: <span class="smcap">J. Gomard de
+Vaubernier</span>, le <span class="smcap">Chevalier du Barry</span>, G<small>RUEL</small>, le <span class="smcap">Comte du Barry-Cérès</span>, <span class="smcap">A.
+Bécu</span>, <span class="smcap">C.-F. du Barry</span>, R<small>ANÇON</small>.</p>
+
+<p>»La minute des présentes demeurée à M<sup>e</sup> Garnier-Deschênes, l'un des
+notaires, etc.<a name="FNanchor_112_112" id="FNanchor_112_112"></a><a href="#Footnote_112_112" class="fnanchor">[112]</a>.»</p>
+
+<p>Par ce singulier contrat de mariage, madame du Barry était parfaitement
+libre de faire tout ce que bon lui semblait, et le comte n'entrait dans
+cet acte que pour lui donner un nom et lui permettre de recueillir
+complétement les avantages de la position que l'on venait de lui
+procurer.</p>
+
+<p>Il est dit dans le contrat que la future épouse possède une somme de
+30,000 livres en mobilier. Voici le détail assez curieux des divers
+objets qui composaient cette somme de 30,000 livres provenant des <i>gains
+et économies</i> de mademoiselle l'Ange, d'après l'état annexé au contrat
+de mariage:</p>
+
+<p>«État des meubles, habits, linge, hardes et bijoux, dentelles et autres
+effets appartenant à mademoiselle Gomard de Vaubernier:</p>
+
+<table border="0" cellpadding="0" cellspacing="0" summary="">
+
+<tr><td><p>«1º Un collier de diamants fins, évalué à.</p></td><td align="right" valign="bottom"><p>8,000</p></td><td> &nbsp; liv.</td></tr>
+
+<tr><td><p>»2º Une aigrette et une paire de boucles
+d'oreilles en girandolle, le tout
+estimé à.</p></td><td align="right" valign="bottom"><p>8,000</p></td><td>&nbsp;</td></tr>
+
+<tr><td><p>»3º Un lit complet, les rideaux, ciel,
+dossier et bonnes grâces de damas vert;
+une tenture servant de tapisserie, de
+pareil damas; huit chaises, quatre fauteuils
+et deux rideaux de fenêtres aussi
+en pareil damas vert, le tout évalué à.</p></td><td align="right" valign="bottom"><p>3,000</p></td><td>&nbsp;</td></tr>
+
+<tr><td><p>»4º Trente robes et jupons de différentes
+étoffes de soie or et argent, de
+toutes saisons, évaluées à.</p></td><td align="right" valign="bottom"><p>3,000</p></td><td>&nbsp;</td></tr>
+
+<tr><td><p>»5º Dentelles d'Angleterre, de Bruxelles,
+de Valenciennes, d'Argentan et autres,
+tant en garnitures de robes qu'en
+manchettes, bonnets ou autrement.</p></td><td align="right" valign="bottom"><p>6,000</p></td><td>&nbsp;</td></tr>
+
+<tr><td><p>»Six douzaines de chemises fines de
+toile de Hollande, garnies de manchettes
+de mousseline brodée; douze déshabillés
+complets de différentes étoffes de
+soie et autres; deux douzaines de corsets
+et plusieurs autres linges et effets
+à l'usage de ladite demoiselle de Vaubernier,
+le tout évalué à.</p></td><td align="right" valign="bottom"><p>2,000</p></td><td>&nbsp;</td></tr>
+
+<tr><td align="center">Total.</td><td align="right" valign="bottom"
+style="border-top:1px solid black;">30,000</td><td
+style="border-top:1px solid black;">l.<a name="FNanchor_113_113" id="FNanchor_113_113"></a><a href="#Footnote_113_113" class="fnanchor">[113]</a>.»</td></tr>
+
+</table>
+
+<p>Tels étaient les cadeaux de noces que le royal amant donnait à la
+nouvelle épouse. Ce qui domine surtout dans ces divers objets, ce sont
+les diamants, les robes, les dentelles, tous les ornements de toilette,
+et l'on verra plus tard que le même goût préside<a name="page_254" id="page_254"></a> aux dépenses de madame
+du Barry pendant toute sa grandeur.</p>
+
+<p>Un mois après le contrat, a lieu la célébration du mariage. A cette
+cérémonie n'assistent ni la mère du marié, ni celle de la mariée, et
+l'on voit cette dernière représentée par un personnage sur lequel nous
+reviendrons dans la suite. L'acte de célébration est ainsi conçu:</p>
+
+<p>«Le 1<sup>er</sup> septembre 1768, après publication de trois bans sans
+empêchement, en cette paroisse Saint-Laurent et en celle de
+Saint-Eustache, les 24, 25 et 31 juillet dernier, vu la procuration
+donnée par la mère de l'époux à M. Jean Gruel, négociant à Paris, rue du
+Roule, auquel elle donne pouvoir de, pour elle et en son nom, consentir
+au présent mariage; vu pareillement la procuration des beau-père et mère
+de l'épouse, donnée à messire <i>Jean-Baptiste Gomard</i>, prêtre, aumônier
+du roi, auquel ils donnent pouvoir de les représenter lors de la
+célébration de ce mariage, les fiançailles célébrées aujourd'hui, ont
+été par nous mariés messire Guillaume, comte du Barry, ancien capitaine,
+et demoiselle Jeanne Gomard de Vaubernier, âgée de vingt-deux ans, fille
+de Jean-Jacques de Vaubernier, intéressé dans les affaires du roi, et
+d'Anne Bécu, dite Cantigny, etc.<a name="FNanchor_114_114" id="FNanchor_114_114"></a><a href="#Footnote_114_114" class="fnanchor">[114]</a>.»</p>
+
+<p>Madame du Barry mariée, le comte son mari<a name="page_255" id="page_255"></a> retourna à Toulouse, et elle
+vint s'établir définitivement à Versailles. Le roi n'attendait que cela
+pour se livrer tranquillement à toute sa passion.</p>
+
+<p>Elle eut un appartement dans le château. Cet appartement était situé au
+deuxième étage précisément au-dessus de celui du roi<a name="FNanchor_115_115" id="FNanchor_115_115"></a><a href="#Footnote_115_115" class="fnanchor">[115]</a>. Louis XV
+pouvait s'y rendre à toute heure et sans être vu, soit par un escalier
+aboutissant au balcon de la cour des Cerfs, soit par la bibliothèque
+située au-dessus du grand cabinet, dont une porte ouvrait sur un petit
+palier donnant entrée dans un des deux cabinets placés de chaque côté de
+l'alcôve de la chambre à coucher de madame du Barry.</p>
+
+<p>De ce moment, madame du Barry allait avoir des équipages et des gens: il
+fallait les loger en ville et avoir un hôtel, comme tous les grands
+seigneurs qui habitaient Versailles.</p>
+
+<p>Le 22 décembre 1768, on passe un bail en son nom avec la veuve <i>Duru</i>,
+pour un hôtel situé à Versailles, rue de l'Orangerie<a name="FNanchor_116_116" id="FNanchor_116_116"></a><a href="#Footnote_116_116" class="fnanchor">[116]</a>, et c'est là
+qu'elle établit sa maison.</p>
+
+<p>Madame du Barry était installée au château, mais le roi ne la voyait
+qu'en particulier. Elle ne pouvait monter dans les carrosses de la cour
+et elle ne paraissait<a name="page_256" id="page_256"></a> point en public; pour cela, il aurait fallu que
+la favorite fût présentée et fît ainsi partie des dames de la cour. Le
+roi le désirait ardemment, et madame du Barry encore plus. Malgré les
+obstacles qui semblaient devoir s'y opposer, cette présentation se fit
+rapidement, et elle eut lieu le 22 avril 1769. Dès ce moment, madame du
+Barry fut reconnue comme maîtresse en titre, et entourée d'une foule de
+courtisans qui, jusqu'à sa chute, ne cessèrent de briguer ses faveurs.</p>
+
+<p>On a vu de quoi se composait la dot de mademoiselle l'Ange, mais cela ne
+pouvait plus suffire à la maîtresse du roi. Aussi, dès les premiers
+jours de 1769, le roi lui constistue 100,000 livres de rentes viagères
+sur la ville de Paris, et 10,000 livres de rente sur les États de
+Bourgogne. Madame de Pompadour avait eu près de Versailles une
+habitation princière<a name="FNanchor_117_117" id="FNanchor_117_117"></a><a href="#Footnote_117_117" class="fnanchor">[117]</a>, il en fallut une à madame du Barry.</p>
+
+<p>En 1690, Louis XIV avait acheté à M. de Valentinay la belle terre et le
+château de Louveciennes. Il en fit don à la princesse de Conty, sa
+fille. A la mort de la princesse, cette terre passa au comte de
+Toulouse, puis au duc de Penthièvre. Le 7 mai 1768, le prince de
+Lamballe y étant mort des suites de ses débauches, son père, le duc de
+Penthièvre, ne voulut plus habiter une terre qui lui rappelait de si
+tristes souvenirs, et il la vendit au roi. Louis XV la donna<a name="page_257" id="page_257"></a> à madame
+du Barry, et par brevet du roi du 24 juillet 1769, elle obtint, sa vie
+durant, la <i>jouissance de la maison, jardins et dépendances de
+Louveciennes</i><a name="FNanchor_118_118" id="FNanchor_118_118"></a><a href="#Footnote_118_118" class="fnanchor">[118]</a>. On voit, dans le relevé des dépenses de madame de
+Pompadour, que dans les premières années de sa faveur, Louis XV lui
+faisait des cadeaux d'une valeur fort considérable; c'est ce qui eut
+lieu aussi pour madame du Barry. Le 1<sup>er</sup> janvier 1770, le roi entra de
+bonne heure chez sa maîtresse, et, en l'embrassant, lui remit un brevet
+signé le 23 décembre précédent, qui lui concédait, sa vie durant, <i>les
+Loges de Nantes</i>. Ce que l'on nommait <i>les Loges de Nantes</i> était une
+réunion de <i>boutiques, baraques et appentis établis sur la contrescarpe,
+à Nantes</i>, et rapportant environ 40,000 livres de rente.</p>
+
+<p>Mais les libéralités du roi pour sa nouvelle maîtresse ne s'arrêtaient
+pas là, et il fournissait avec abondance l'argent nécessaire à ses
+nombreuses dépenses.</p>
+
+<p>Madame de Pompadour reçut une brillante éducation; artiste elle-même,
+elle aimait les arts et les artistes, et ses dépenses consistent plus
+dans la création de charmants séjours, embellis par les arts de la
+peinture et de la sculpture, en concerts délicieux, en représentations
+théâtrales, en tout ce qui est le résultat d'une éducation recherchée et
+de bon goût qu'en dépenses personnelles et de toilette. Madame<a name="page_258" id="page_258"></a> du
+Barry, au contraire, n'ayant reçu aucune éducation, et arrivée à jouer
+un rôle si important par sa seule beauté, ne pensa qu'aux moyens de
+faire valoir ses charmes, et dirigea toutes ses dépenses vers la
+toilette, le luxe et la recherche de ses appartements intimes.</p>
+
+<p>On peut juger par la quantité de robes, d'étoffes de toutes sortes, de
+dentelles, de bijoux trouvés chez elle à sa mort, de son goût effréné
+pour la toilette. Ainsi, il y avait de dentelles, étoffes, robes,
+corsets et linge de corps, pour 160,029 livres 5 sols;&mdash;de bijoux,
+diamants, montres, etc., pour 400,000 livres<a name="FNanchor_119_119" id="FNanchor_119_119"></a><a href="#Footnote_119_119" class="fnanchor">[119]</a>;&mdash;et elle devait
+encore, entre autres objets de toilette, 40,896 livres 13 sols à
+mademoiselle <i>Bertin</i>, sa marchande de modes à Paris, et 2,275 livres 6
+sols à M. <i>Bataille</i>, son parfumeur à Versailles.</p>
+
+<p>Elle fit de son appartement de Versailles une suite de boudoirs
+délicieux.</p>
+
+<p>Les objets qui en faisaient l'ornement sont décrits dans les Mémoires
+conservés aux archives de la préfecture de Seine-et-Oise. La description
+de quelques-uns de ces objets fera juger de ce que devait être ce
+charmant logis<a name="FNanchor_120_120" id="FNanchor_120_120"></a><a href="#Footnote_120_120" class="fnanchor">[120]</a>.</p>
+
+<p>Dans le salon, on voyait sur la cheminée une magnifique pendule à
+colonnes, ornée de figures de porcelaine; au milieu, une superbe table
+ornée de porcelaines<a name="page_259" id="page_259"></a> de France: le dessus, qui était le morceau
+principal, représentait un tableau en miniature d'après <i>Leprince</i>, les
+garnitures de bronze, parfaitement ciselées et dorées d'or mat.&mdash;Il y
+avait aussi un très-beau forte-piano anglais, qu'on avait fait organiser
+à Paris par le fameux <i>Clicot</i>, avec flûtes et galoubet, un mouvement
+pour le luth et deux autres pour les cymbales; la caisse, que l'on fut
+obligé d'y ajouter pour contenir les tuyaux et les soufflets, était
+plaquée en bois rose et à mosaïques blanches et bleues, et
+très-richement garnie de bronzes dorés d'or mat.&mdash;Sur un des côtés était
+une superbe commode d'ancien laque, de la première qualité, le panneau
+du milieu à magots très-richement habillés; les frises plaquées en
+ébène, les garnitures de bronze, ciselées et dorées d'or mat; le marbre
+blanc de statuaire.&mdash;Et de l'autre côté une autre belle commode, ornée
+de cinq morceaux de porcelaine de France, à fleurs et filets d'or,
+très-richement garnie de bronzes bien finis et dorés d'or mat; le dedans
+doublé en tapis vert et galonné d'or; le marbre blanc de statuaire.&mdash;Sur
+chacune de ces commodes se trouvaient: d'un côté un très-fort groupe de
+bronze et de couleur antique, composé de quatre figures représentant
+l'enlèvement d'Hélène par Pâris, le tout sur un pied de bronze doré d'or
+moulu;&mdash;et de l'autre côté un autre groupe de bronze, plus petit, et
+d'après <i>Sarrazin</i>, composé de cinq enfants qui jouent avec un bouc; le
+tout sur un pied de marqueterie<a name="page_260" id="page_260"></a> de <i>Boule</i>, et orné de bronzes dorés
+d'or moulu;&mdash;enfin un fort lustre de cristal de roche, à six luminaires,
+et ayant coûté 16,000 livres, était appendu au milieu de la pièce. Comme
+l'on jouait souvent dans ce petit salon, madame du Barry avait fait
+faire une boîte de jeux, dont ces Mémoires nous ont conservé la
+description: cette boîte était en acajou, doublée en tabis bleu,
+galonnée en or; elle renfermait quatre boîtes à quadrilles en ivoire, le
+trèfle, le pique, le c&oelig;ur et le carreau en or incrusté sur chacune
+desdites boîtes et entourés d'un cartouche avec n&oelig;uds de rubans, le
+tout en or et aussi incrusté;&mdash;les quatre-vingts fiches et les vingt
+contrats distingués par le trèfle; le pique, le c&oelig;ur et le carreau,
+aussi en or et incrustés.</p>
+
+<p>Dans la chambre à coucher, il y avait une commode ornée de tableaux de
+porcelaine d'après <i>Watteau</i> et <i>Wanloo</i>, très-richement garnie de
+bronzes très-bien finis et dorés d'or mat;&mdash;un secrétaire en armoire, de
+porcelaine de France, fond vert et à fleurs, richement garni de bronzes
+dorés d'or moulu.&mdash;On voyait sur les meubles deux cuvettes à mettre des
+fleurs, en porcelaine de France, fond petit vert, à marines en
+miniatures.&mdash;Une cuvette gros bleu caillouté d'or, avec des sujets de
+<i>Teniers</i>, en miniature, et deux autres, moins grandes et décorées de
+même.&mdash;Sur la cheminée, une pendule dorée d'or de Germain: elle
+représentait les trois Grâces supportant un vase dans lequel était un
+cadran tournant,<a name="page_261" id="page_261"></a> et au-dessus un Amour indiquait l'heure avec sa
+flèche; le tout était élevé sur un piédestal très-bien ciselé et doré.</p>
+
+<p>Le cabinet ne le cédait point au reste: sur la cheminée était une
+pendule à vase et serpent, en bronze doré d'or moulu, le cadran
+tournant; le piédestal garni de trois morceaux de porcelaine de France,
+fond bleu, avec des enfants en miniature; le dard du serpent fait en
+marcassite. On y voyait aussi une très-jolie table à gradins, en
+porcelaine de France, fond vert et cartouches à fleurs, très-richement
+ornée de bronzes dorés d'or moulu, le dessus du tiroir couvert d'un
+velours vert et les pièces d'écritoire dorées. Sur des étagères on
+remarquait, parmi une quantité d'objets de toutes sortes: une cassette
+d'ancien laque, fond noir, ouvrage en or de reliefs et aventurine, avec
+paysages et magots;&mdash;cinq tasses et soucoupes d'ancien Saxe, à tableaux
+et à miniatures, avec la théière et la boîte à thé pareilles;&mdash;une cave,
+composée de quatre gros flacons, un gobelet et sa soucoupe, le tout de
+cristal de roche; six petits flacons de cristal de Bohême; deux cuillers
+et un entonnoir d'or; les dix flacons garnis d'or et le tout dans une
+boîte de bois des Indes garnie de velours rouge. Cette jolie cave avait
+été achetée à la vente de madame de Lauraguais.&mdash;Enfin on remarquait
+encore dans ce cabinet un baromètre et un thermomètre de Passemant,
+montés très-richement en bronzes dorés d'or moulu, et ornés de trois
+plaques<a name="page_262" id="page_262"></a> de porcelaine de France, à enfants en miniature.</p>
+
+<p>Tout, jusqu'aux lieux les plus secrets de ce petit appartement, portait
+le goût du luxe de la comtesse. Ainsi, dans le petit couloir qui menait
+à la garde-robe, on voyait, au-dessous de la croisée, une commode à
+portes de 52 pouces de long, en bois rose et garnie de bronzes dorés
+d'or moulu, le marbre en brèche d'Alep; et <i>dans la garde-robe, un
+meuble de toilette secrète à dossier, en marqueterie, fond blanc, à
+mosaïques bleues et filets noirs, avec rosettes rouges, garni de velours
+bleu brodé d'or, et sabots dorés d'or moulu</i>; la boîte à éponges et la
+cuvette en argent; deux tablettes d'encoignure, aussi en marqueterie,
+garnies de bronzes dorés d'or moulu; et une <i>chaise de garde-robe en
+marqueterie pareille aux autres meubles, la lunette recouverte de
+maroquin, et les poignées et sabots dorés d'or moulu</i>.</p>
+
+<p>Aussitôt que madame du Barry eut la jouissance du château de
+Louveciennes, elle y fit faire de nombreux travaux. Mais quoiqu'elle y
+eût dépensé beaucoup d'argent, elle ne put transformer en boudoirs de
+<i>petite maison</i> ces grands appartements bâtis pour une fille de Louis
+XIV. Elle y renonça, et tout en conservant le château principal, elle
+fit bâtir, un peu plus loin, un <i>pavillon</i> beaucoup plus approprié à la
+destination galante qu'elle voulait lui donner.</p>
+
+<p>Ce pavillon, d'où l'on jouit d'une vue magnifique et qui, regardé des
+bords de la Seine, est d'un effet<a name="page_263" id="page_263"></a> très-pittoresque et paraît suspendu
+dans les airs, fut bâti par l'architecte Ledoux, pendant les années 1771
+et 1772. On appela les plus habiles artistes pour travailler à son
+embellissement, et l'intérieur était un véritable modèle de goût et
+d'élégance.</p>
+
+<p>On se doute bien que les appartements particuliers de la comtesse, dans
+cette nouvelle habitation, ne le cédaient pas à ceux de Versailles, et
+en parcourant les cartons de la préfecture de Seine-et-Oise, on voit
+figurer, dans les diverses parties du pavillon de Louveciennes, des
+objets analogues à ceux déjà indiqués à Versailles.</p>
+
+<p>Louis XV, quand il venait à Louveciennes, n'avait pas d'autre
+appartement que celui de la comtesse, excepté pourtant la partie
+destinée à sa toilette. On sait qu'il était extrêmement soigneux de sa
+personne, et il est à présumer que dans ce lieu il devait avoir
+quelquefois besoin de réparer le désordre de sa tenue.</p>
+
+<p>Cette partie, complétement réservée au roi, se composait d'une
+antichambre, d'un cabinet et d'une garde-robe. L'antichambre, tapissée
+en damas bleu et blanc, n'offrait aucun meuble remarquable. Dans le
+cabinet de toilette, il y avait dans la cheminée un feu doré d'or moulu,
+à trophées militaires, garni de pelle, pincettes et tenailles
+analogues.&mdash;Sur la cheminée, une garniture de trois pièces de porcelaine
+de Saxe à petites fleurs en relief, sur un fond petit bleu, avec
+cartouches en miniatures sur fond<a name="page_264" id="page_264"></a> d'or, et ornées de bronzes dorés d'or
+moulu.&mdash;Une paire de flambeaux, cannelés de bronze doré d'or moulu.&mdash;De
+chaque côté de la cheminée, une forte paire de bras à trois branches et
+colliers de perles, en bronze doré d'or moulu.&mdash;De l'autre côté, en face
+de la cheminée, une paire de girandoles à trois branches, d'un nouveau
+modèle de goût antique, dorées d'or moulu.&mdash;Au-dessous, une commode
+d'ancien laque du Japon, richement ornée de bronzes dorés, avec son
+marbre de cinq pieds en gruotte d'Italie.&mdash;Enfin, au milieu était un
+fauteuil à poudrer, garni de maroquin rouge, avec un coussin sur fond de
+canne, et devant une table d'ébénisterie à mosaïques, sur fond gris
+satiné, avec une tablette dans les jambes, et garnie en bronzes
+dorés.&mdash;Quant à la garde-robe, elle renfermait tous les meubles déjà
+indiqués dans celle de madame du Barry, excepté cependant qu'au lieu du
+raffinement de luxe observé dans ceux de la comtesse, ils étaient fort
+simples et tous en bois de noyer<a name="FNanchor_121_121" id="FNanchor_121_121"></a><a href="#Footnote_121_121" class="fnanchor">[121]</a>.</p>
+
+<p>Au milieu des grandeurs de la favorite, la famille du Barry ne
+s'oubliait pas. Déjà plusieurs fois le mari de la comtesse, <i>Guillaume</i>
+du Barry, était venu tourmenter sa femme de ses doléances et avait
+cherché à obtenir par elle des faveurs et de l'argent. Pour faire cesser
+ces importunités, madame du Barry lui constitua 5,000 livres de rente,
+et par sentence contradictoire<a name="page_265" id="page_265"></a> du Châtelet de Paris du 1<sup>er</sup> avril
+1772, elle fut séparée d'habitation avec son mari<a name="FNanchor_122_122" id="FNanchor_122_122"></a><a href="#Footnote_122_122" class="fnanchor">[122]</a>. Quant au comte
+<i>Jean</i>, il avait toujours conservé un certain ascendant sur madame du
+Barry. Il avait placé auprès d'elle sa propre s&oelig;ur, mademoiselle
+<i>Claire du Barry</i>, petite bossue que la comtesse aimait fort peu, pour
+surveiller toutes ses actions et lui rappeler sans cesse que sa faveur
+était due à son frère, et qu'elle devait en être reconnaissante. On
+verra qu'il sut en tirer ainsi des sommes s'élevant à plus d'un million.
+Mais il ne voulait pas seulement de l'argent, il fallait encore qu'il
+profitât de la favorite pour satisfaire son ambition. Le comte Jean
+avait un fils, débauché comme le père; il voulut le marier à une fille
+de grande maison, et pouvoir, à l'aide de cette alliance, marcher de
+pair avec les premières familles de la cour. C'est ce qu'il parvint à
+réaliser grâce à la faveur et surtout à l'argent de madame du Barry.</p>
+
+<p>M. le prince de Soubise avait pour parente une jeune personne d'une
+grande beauté, mais peu riche, la fille du marquis de Tournon. Ce fut
+elle que l'on destina au fils du comte du Barry. A peine âgée de
+dix-sept ans, mademoiselle de Tournon était encore au couvent lorsque
+l'on décida de son sort. Par ce mariage, les du Barry s'alliaient
+presque au sang royal, puisque la mère du duc de Bourbon, fils du prince
+de Condé, était fille du prince de Soubise. Le<a name="page_266" id="page_266"></a> roi, sous l'influence de
+madame du Barry, pressait fortement la conclusion de ce mariage; le
+prince de Soubise le désirait aussi, le prince de Condé seul s'y
+opposait. Mais enfin, vaincu par les instances du roi, il y donna son
+consentement. Le 18 juillet 1773, le roi et la famille royale signèrent
+le contrat de mariage du vicomte du Barry avec mademoiselle de Tournon;
+quelques jours après ils reçurent la bénédiction nuptiale, et le 1<sup>er</sup>
+août suivant, la nouvelle vicomtesse était présentée au roi et à la
+famille royale par madame du Barry elle-même.</p>
+
+<p>En faveur de ce mariage, le vicomte du Barry fut fait capitaine des
+Suisses de M. le comte d'Artois, et sa femme, qui reçut en dot 200,000
+livres de madame du Barry<a name="FNanchor_123_123" id="FNanchor_123_123"></a><a href="#Footnote_123_123" class="fnanchor">[123]</a>, fut nommée dame pour accompagner la
+comtesse d'Artois.</p>
+
+<p>Madame du Barry acheta fort peu de biens pendant sa grandeur. Elle fit
+l'acquisition d'une maison à Saint-Vrain, près Arpajon, et d'une petite
+ferme appelée la <i>Maison-Rouge</i>, à Villiers-sur-Orge, près de
+Lonjumeau<a name="FNanchor_124_124" id="FNanchor_124_124"></a><a href="#Footnote_124_124" class="fnanchor">[124]</a>.</p>
+
+<p>On a vu par le contrat de mariage de madame du Barry que sa mère se
+nommait madame <i>Rançon</i>. En effet, elle avait épousé, en 1749, un nommé
+<i>Rançon</i>, commis aux aides, titre qu'on changea, dans le contrat de la
+comtesse, en celui d'<i>intéressé dans les affaires du roi</i>. On conçoit
+qu'avec un si mince<a name="page_267" id="page_267"></a> emploi pour toute fortune, M. et madame Rançon
+devaient mener une assez triste existence. Dans sa haute position,
+madame du Barry n'oublia pas sa mère. Elle allait souvent la voir, et
+elle la mit à même de vivre largement. Quoiqu'elle n'eût ni les manières
+ni le langage d'une femme de qualité, on ne pouvait cependant continuer
+de donner ce nom de Rançon à la mère d'une comtesse qui avait l'insigne
+honneur d'être la maîtresse du roi, et on l'appela madame de Montrable.
+C'est pour madame de <i>Montrable</i> que madame du Barry acheta <i>la
+Maison-Rouge</i>, et cette dame l'habita fort longtemps.</p>
+
+<p>La maison de madame du Barry était devenue très-considérable, et ses
+équipages et ses gens ne pouvaient plus tenir dans l'hôtel de la rue de
+l'Orangerie, qu'elle avait loué la première année de son arrivée à
+Versailles<a name="FNanchor_125_125" id="FNanchor_125_125"></a><a href="#Footnote_125_125" class="fnanchor">[125]</a>. Il y avait, sur l'avenue de Paris, une charmante
+habitation construite par <i>Binet</i>, valet de chambre du Dauphin et parent
+de madame de Pompadour. Madame du Barry l'acheta pour y faire construire
+un grand hôtel. <i>Ledoux</i>, son architecte, tout en conservant le joli
+pavillon de <i>Binet</i>, y fit ajouter des constructions considérables, afin
+d'y placer les chevaux, les voitures et les gens. C'était un véritable
+palais, et l'on alla même jusqu'à y élever<a name="page_268" id="page_268"></a> une chapelle, à laquelle,
+pour la desservir, madame du Barry nomma un aumônier en titre<a name="FNanchor_126_126" id="FNanchor_126_126"></a><a href="#Footnote_126_126" class="fnanchor">[126]</a>.</p>
+
+<p>Madame du Barry était arrivée au comble de la faveur; le roi n'était pas
+encore dans un âge très-avancé (64 ans), tout lui faisait espérer une
+longue carrière dans le poste qu'elle occupait; et cependant, quelques
+jours encore, et toute cette grandeur allait disparaître. Louis XV, déjà
+triste et souffrant, venait, pour se distraire, de passer quelques jours
+à Trianon, lorsqu'il y fut atteint de la petite vérole. Ramené à
+Versailles, il y succomba le 10 mai 1774.</p>
+
+<p>Quelques jours avant la mort du roi, et lorsqu'on le vit dans un état
+tout à fait désespéré, on fit partir de Versailles madame du Barry. Elle
+se retira à Rueil, chez M. et madame d'Aiguillon, qui lui prodiguèrent
+les soins les plus affectueux.</p>
+
+<p>Le premier acte du nouveau monarque fut d'éloigner de la cour celle qui
+en avait été le scandale pendant les dernières années de la vie du feu
+roi. Le jour même de la mort de Louis XV, le duc de la Vrillière fut
+envoyé à Rueil et remit à madame du Barry une lettre de cachet lui
+intimant l'ordre de se rendre immédiatement au couvent de
+Pont-aux-Dames, près de Meaux.</p>
+
+<p>La chute de madame du Barry entraîna celle de toute la famille. Le comte
+Jean et son fils sortirent de France. Quant au comte Guillaume, resté à
+Toulouse,<a name="page_269" id="page_269"></a> il y fut l'objet des huées et des railleries de la populace.</p>
+
+<p>Il y avait un an que madame du Barry était renfermée dans l'abbaye de
+Pont-aux-Dames. Sa santé s'altérait de cette vie si éloignée de ses
+habitudes. Ses amis faisaient des efforts pour l'en faire sortir, et
+elle parvint enfin à obtenir la permission d'aller habiter sa petite
+maison de Saint-Vrain. Elle y passa une partie de l'année 1775; mais,
+vers l'automne, des fièvres assez graves attribuées à l'humidité de ce
+lieu ayant attaqué une partie de ses gens et la menaçant elle-même, elle
+obtint enfin de M. de Maurepas, oncle de M. d'Aiguillon, alors
+tout-puissant, de revenir habiter le joli pavillon de Louveciennes.</p>
+
+<p>Pendant le temps de sa faveur, madame du Barry avait eu à sa disposition
+des sommes considérables; mais légère comme elle l'était, coquette et
+désirant contenter à l'instant ses moindres caprices sans regarder à la
+dépense, surprise surtout par la brusque mort de Louis XV, elle n'eut
+point le temps de satisfaire ses créanciers, et il fut établi que
+lorsqu'elle quitta la cour elle avait pour plus de 1,200,000 livres de
+dettes.</p>
+
+<p>Les créanciers de la comtesse ne savaient à qui s'adresser pendant son
+séjour à Pont-aux-Dames. L'intendant général de la maison du roi
+recevait de toutes parts des réclamations. On jugea alors nécessaire de
+se rendre compte de la fortune de madame du Barry et des sommes qu'elle
+avait reçues pendant<a name="page_270" id="page_270"></a> le temps de sa faveur. Montvallier, intendant de
+la comtesse, fut chargé de dresser un état de toutes ces sommes. Voici
+cet état, copié sur les papiers déposés à la préfecture de
+Seine-et-Oise<a name="FNanchor_127_127" id="FNanchor_127_127"></a><a href="#Footnote_127_127" class="fnanchor">[127]</a>:</p>
+
+<p>«État des sommes payées pour le compte de madame la comtesse du Barry,
+par M. Beaujon<a name="FNanchor_128_128" id="FNanchor_128_128"></a><a href="#Footnote_128_128" class="fnanchor">[128]</a>, pendant qu'elle était en faveur à la cour de
+France.</p>
+
+<p>
+<span style="margin-left: 2em;">«15 juillet 1774.»</span><br />
+</p>
+
+<p class="c">OBSERVATION.</p>
+
+<p>Montvallier prévient qu'il n'a pu rendre le travail plus complet,
+attendu qu'il n'a pas la suite des bordereaux de M. Beaujon, et qu'il y
+a même une lacune entre celui du 15 février 1772 et celui du 10
+septembre suivant, et qu'il lui a été fait une remise de pièces sans
+bordereaux par madame du Barry, pour cette lacune, montant ensemble à la
+somme de 93,200 livres, employée dans les articles qui suivent, savoir:</p>
+
+<table border="0" cellpadding="2" cellspacing="0" summary="">
+
+<tr><td
+colspan="5"
+align="center">A<small>RT</small>. 1<sup>er.</sup>&mdash;<i>Aux marchands orfèvres, joailliers et bijoutiers</i>.</td></tr>
+
+<tr><td align="left">Orfèvres</td><td align="right">313,328</td><td align="right">l.</td><td align="right">4</td><td align="right">s.</td></tr>
+<tr><td align="left">Joailliers</td><td align="right">1,808,635</td><td align="right">&nbsp;</td><td align="right">9</td><td align="right">&nbsp;</td></tr>
+<tr><td align="left">Bijoutiers</td><td align="right">158,000</td><td align="right">&nbsp;</td><td align="right">»</td><td align="right">&nbsp;</td></tr>
+<tr><td align="center">Total</td><td align="right"
+style="border-top:1px solid black;">2,279,963</td><td align="right"
+style="border-top:1px solid black;">l.</td><td align="right"
+style="border-top:1px solid black;">13</td><td align="right"
+style="border-top:1px solid black;">s.</td></tr>
+
+<tr><td><br />
+&nbsp;</td></tr>
+
+<tr><td
+colspan="5"
+align="center">A<small>RT</small>. 2.&mdash;<i>Aux marchands de soieries, dentelles, toiles, modes</i>, etc.</td></tr>
+
+<tr><td align="left">Soieries</td><td align="right">369,810</td><td align="right">l.</td><td align="right">15</td><td align="right">s.</td><td align="right">3</td><td align="right">d.</td></tr>
+<tr><td align="left">Toiles, dentelles</td><td align="right">215,888</td><td align="right">6</td><td align="right">&nbsp;</td><td align="right">»</td><td align="right">&nbsp;</td></tr>
+<tr><td align="left">Modes</td><td align="right">116,818</td><td align="right">5</td><td align="right">&nbsp;</td><td align="right">»</td><td align="right">&nbsp;</td></tr>
+<tr><td align="left">Merceries</td><td align="right">35,443</td><td align="right">14</td><td align="right">&nbsp;</td><td align="right">»</td><td align="right">&nbsp;</td></tr>
+<tr><td align="center">Total</td><td align="right"
+style="border-top:1px solid black;">737,961</td><td align="right"
+style="border-top:1px solid black;">l.</td><td align="right"
+style="border-top:1px solid black;">»</td><td align="right"
+style="border-top:1px solid black;">s.</td><td align="right"
+style="border-top:1px solid black;">3</td><td align="right"
+style="border-top:1px solid black;">d.</td></tr>
+
+<tr><td><br />
+&nbsp;</td></tr>
+
+<tr><td>A<small>RT</small>. 3.&mdash;<i>A divers parfumeurs, fourreurs, chapeliers,</i><br />
+ <i>chaudronniers</i>, etc.</td><td align="right">52,148 l. 9 s.</td></tr>
+
+<tr><td><br />
+&nbsp;</td></tr>
+
+<tr><td>A<small>RT</small>. 4.&mdash;<i>Pour meubles, tableaux, vases et autres ornements.</i></td></tr>
+
+<tr><td align="left">Meubles</td><td align="right">24,398</td><td align="right">l.</td><td align="right">18</td><td align="right">s.</td></tr>
+<tr><td align="left">Tableaux, vases</td><td align="right">91,519</td><td align="right">&nbsp;</td><td align="right">19</td><td align="right">&nbsp;</td></tr>
+<tr><td align="left">Total</td><td align="right"
+style="border-top:1px solid black;">115,918</td><td align="right"
+style="border-top:1px solid black;">l.</td><td align="right"
+style="border-top:1px solid black;">17</td><td align="right"
+style="border-top:1px solid black;">s.</td></tr>
+
+<tr><td><br />
+&nbsp;</td></tr>
+
+<tr><td>A<small>RT</small>. 5.&mdash;<i>Aux tailleurs et brodeurs.</i></td></tr>
+
+<tr><td align="left">Tailleurs</td><td align="right">60,322</td><td align="right">l.</td><td align="right"> 10</td><td align="right">s.</td></tr>
+<tr><td align="left">Brodeurs</td><td align="right">471,178</td><td align="right">&nbsp;</td><td align="right">»</td><td align="right">&nbsp;</td></tr>
+<tr><td align="center">Total</td><td align="right"
+style="border-top:1px solid black;">531,500</td><td align="right"
+style="border-top:1px solid black;">l.</td><td align="right"
+style="border-top:1px solid black;"> 10</td><td align="right"
+style="border-top:1px solid black;">s.</td></tr>
+
+<tr><td><br />
+&nbsp;</td></tr>
+
+<tr><td align="center" colspan="5">A<small>RT</small>. 6.&mdash;<i>Pour achat de voitures, chevaux et fourrages.</i></td></tr>
+
+<tr><td align="left">Voitures et entretien</td><td align="right">67,470</td><td align="right">l.</td><td align="right">1</td><td align="right">s.</td></tr>
+<tr><td align="left">Chevaux</td><td align="right">57,347</td><td align="right">&nbsp;</td><td align="right">»</td><td align="right">&nbsp;</td></tr>
+<tr><td align="left">Fourrages</td><td align="right">6,810</td><td align="right">&nbsp;</td><td align="right">»</td><td align="right">&nbsp;</td></tr>
+<tr><td align="left">Total</td><td align="right"
+style="border-top:1px solid black;">131,627</td><td align="right"
+style="border-top:1px solid black;">l.</td><td align="right"
+style="border-top:1px solid black;">1</td><td align="right"
+style="border-top:1px solid black;">s.</td></tr>
+
+<tr><td><br />
+&nbsp;</td></tr>
+
+<tr><td align="center" colspan="5">A<small>RT</small>. 7.&mdash;<i>Aux peintres, sculpteurs</i>, etc.</td></tr>
+
+<tr><td align="left">Doreurs</td><td align="right">78,026</td><td align="right">&nbsp;</td><td align="right"> l.</td><td align="right">»</td><td align="right">s.</td><td align="right">»</td><td align="right">d.</td></tr>
+<tr><td align="left">Sculpteurs</td><td align="right">95,426</td><td align="right">&nbsp;</td><td align="right">»</td><td align="right">&nbsp;</td><td align="right">»</td><td align="right">&nbsp;</td></tr>
+<tr><td align="left">Peintres</td><td align="right">48,875</td><td align="right">&nbsp;</td><td align="right">12</td><td align="right">&nbsp;</td><td align="right">6</td><td align="right">&nbsp;</td></tr>
+<tr><td align="left">Fondeurs</td><td align="right">98,000</td><td align="right">&nbsp;</td><td align="right">»</td><td align="right">&nbsp;</td><td align="right">»</td><td align="right">&nbsp;</td></tr>
+<tr><td align="left">Marbriers</td><td align="right">17,540</td><td align="right">&nbsp;</td><td align="right">8</td><td align="right">&nbsp;</td><td align="right">10</td><td align="right">&nbsp;</td></tr>
+<tr><td align="left">A divers ouvriers menuisiers, serruriers</td><td align="right">32,240</td><td align="right">&nbsp;</td><td align="right">8</td><td align="right">&nbsp;</td><td align="right">»</td><td align="right">&nbsp;</td></tr>
+<tr><td align="left">Total</td><td align="right"
+style="border-top:1px solid black;">370,108</td><td
+style="border-top:1px solid black;">l.</td><td align="right"
+style="border-top:1px solid black;">9</td><td
+style="border-top:1px solid black;"> s.</td><td align="right"
+style="border-top:1px solid black;">4</td><td
+style="border-top:1px solid black;"> d.</td></tr>
+
+<tr><td><br />
+&nbsp;</td></tr>
+
+<tr><td align="center" colspan="5">A<small>RT</small>. 8.&mdash;<i>Pour les anciens et nouveaux ouvrages de Louveciennes.</i></td></tr>
+
+<tr><td align="left">Anciens ouvrages</td><td align="right">111,475</td><td align="right">l.</td><td align="right">6</td><td align="right">s.</td><td align="right">9</td><td align="right">d.</td></tr>
+<tr><td align="left">Jardins</td><td align="right">3,739</td><td align="right">&nbsp;</td><td align="right">19</td><td align="right">&nbsp;</td><td align="right">»</td></tr>
+<tr><td align="left">Nouveaux ouvrages</td><td align="right">205,638</td><td align="right">&nbsp;</td><td align="right">16</td><td align="right">&nbsp;</td><td align="right">8</td></tr>
+<tr><td align="left">Jardins</td><td align="right">3,000</td><td align="right">&nbsp;</td><td align="right">»</td><td align="right">&nbsp;</td><td align="right">»</td></tr>
+<tr><td align="left">Total</td><td align="right"
+style="border-top:1px solid black;">323,854</td><td align="right"
+style="border-top:1px solid black;">l.</td><td align="right"
+style="border-top:1px solid black;">2</td><td align="right"
+style="border-top:1px solid black;">s.</td><td align="right"
+style="border-top:1px solid black;">5</td><td align="right"
+style="border-top:1px solid black;">d.</td></tr>
+
+<tr><td><br />
+&nbsp;</td></tr>
+
+<tr><td>A<small>RT</small> 9.&mdash;Sommes payées, qu'on<br />
+n'a pu appliquer aux<br />
+différents comptes, les motifs<br />
+des payements n'étant point connus</td><td align="right"
+valign="bottom">
+55,619 l.</td><td align="right"
+valign="bottom"> 2</td><td align="right"
+valign="bottom"> s.</td> <td align="right"
+valign="bottom">»</td> <td align="right"
+valign="bottom">d.</td></tr>
+
+<tr><td><br />
+&nbsp;</td></tr>
+
+<tr><td>A<small>RT</small> 10.&mdash;Pour dépenses extraordinaires,<br />
+dons, gratifications,<br />
+musique, aumônes</td><td align="right"
+valign="bottom">47,525</td><td align="right"
+valign="bottom">5</td><td align="right"
+valign="bottom">&nbsp;</td>
+<td align="right"
+valign="bottom"> »</td></tr>
+
+<tr><td><br />
+&nbsp;</td></tr>
+
+<tr><td>A<small>RT</small> 11.&mdash;Sommes payées, divisées<br />
+en deux parties, la première<br />
+considérée comme pour<br />
+le compte de madame du<br />
+Barry, et la deuxième pour ses<br />
+affaires; à madame du Barry<br />
+directement ou pour elle; aux<br />
+comte, vicomte et demoiselle<br />
+du Barry, et autres
+</td><td align="right"
+valign="bottom">
+1,081,052 l.</td><td align="right"
+valign="bottom"> 15</td><td align="right"
+valign="bottom"> s.</td> <td align="right"
+valign="bottom">2</td> <td align="right"
+valign="bottom">d.</td></tr>
+
+<tr><td>A ses gens d'affaires et autres,<br />
+y compris l'acquisition du<br />
+pavillon de l'avenue de Paris,<br />
+à Versailles</td>
+<td align="right" valign="bottom">661,628</td>
+<td align="right" valign="bottom">16</td>
+<td>&nbsp;</td>
+<td align="right" valign="bottom">9</td></tr>
+
+<tr><td><br />
+&nbsp;</td></tr>
+
+<tr><td>A<small>RT</small> 12.&mdash;A-compte sur la<br />
+construction du bâtiment audit<br />
+pavillon</td><td align="right"
+valign="bottom">
+18,000</td>
+<td align="right"
+valign="bottom"> »
+</td>
+<td align="right"
+valign="bottom">&nbsp;</td><td align="right"
+valign="bottom"> »</td></tr>
+
+<tr><td><br />
+&nbsp;</td></tr>
+
+<tr><td>A<small>RT</small> 13.&mdash;Recouvrements à<br />
+faire</td><td align="right"
+valign="bottom">20,000</td>
+<td align="right"
+valign="bottom"> »
+</td>
+<td align="right"
+valign="bottom">&nbsp;</td><td align="right"
+valign="bottom"> »</td></tr>
+
+<tr><td align="center">Total général</td>
+<td align="right"
+valign="bottom"
+style="border-top:1px solid black;">6,375,559 l.</td>
+<td align="right"
+valign="bottom"
+style="border-top:1px solid black;">11</td>
+<td align="right"
+valign="bottom"
+style="border-top:1px solid black;">s.</td>
+<td align="right"
+valign="bottom"
+style="border-top:1px solid black;">11</td>
+<td align="right"
+valign="bottom"
+style="border-top:1px solid black;">d.</td></tr>
+
+</table>
+
+<p>Certifié véritable et conforme aux bordereaux mentionnés<br />
+ci-dessus.</p>
+
+<p>Louveciennes, le 14 juillet 1774.</p>
+
+<p class="r"><i>Signé</i>: M<small>ONTVALLIER</small>.</p>
+
+<p>Pour payer toutes ses dettes, madame du Barry restait avec sa propriété
+de Louveciennes et 150,000 livres de rentes viagères. Elle parvint à
+faire des arrangements avec la plupart de ses créanciers; quant aux plus
+récalcitrants, elle les paya à l'aide de la vente de plusieurs de ses
+bijoux, et de la cession qu'elle fit de son hôtel de Versailles, en<a name="page_274" id="page_274"></a>
+1775, à Monsieur, frère du roi, moyennant la somme de 224,000
+livres<a name="FNanchor_129_129" id="FNanchor_129_129"></a><a href="#Footnote_129_129" class="fnanchor">[129]</a>.</p>
+
+<p>Retirée à Louveciennes, madame du Barry y mena une vie fort tranquille.
+Belle et bonne, malgré sa position équivoque à la cour, elle s'y était
+fait un grand nombre d'amis. Les plus grands personnages et bon nombre
+de dames allaient à Louveciennes. On vit même le frère de
+Marie-Antoinette, l'empereur Joseph II, venir lui faire une visite, et
+lui offrir le bras en se promenant avec elle dans ses jardins. La
+comtesse avait su se créer une petite cour, et les anciens amis de Louis
+XV étaient toujours les bienvenus dans son château. Habituée depuis
+plusieurs années à satisfaire tous ses caprices sans savoir ce qu'ils
+pouvaient coûter, elle recevait ses hôtes en princesse, et, jolie femme,
+continuait toutes ces folles dépenses de toilette qu'une jolie femme,
+même sans être une madame du Barry, a souvent tant de peine à
+abandonner. On la trouvait de plus toujours prête à secourir ses amis;
+et l'on voit dans les papiers de la préfecture de Seine-et-Oise que le 9
+avril 1775, c'est-à-dire un an après la mort de Louis XV, elle prêta
+200,000 livres à M. le duc d'Aiguillon, qui ne les lui rendit que le 30
+août 1784.</p>
+
+<p>Madame du Barry dut donc économiser fort peu pour payer ses créanciers,
+et ses dettes, au lieu de diminuer, ne firent qu'aller en augmentant.
+Aussi,<a name="page_275" id="page_275"></a> pour se liquider complétement, à force d'instances et de
+démarches de ses amis, elle obtint enfin du roi Louis XVI, en avril
+1784, l'échange de 60,000 livres de rente contre 1,250,000 livres qui
+lui furent délivrées par le trésor royal<a name="FNanchor_130_130" id="FNanchor_130_130"></a><a href="#Footnote_130_130" class="fnanchor">[130]</a>.</p>
+
+<p>Après comme pendant sa faveur, madame du Barry eut les mêmes soins de sa
+mère; et lorsqu'elle mourut, le 20 octobre 1788, <i>elle constitua au
+profit du sieur Rançon de Montrable, le mari de sa mère, une rente
+viagère de 2,000 livres pour, dit-elle, reconnaître les bons procédés de
+Rançon à l'égard de son épouse</i><a name="FNanchor_131_131" id="FNanchor_131_131"></a><a href="#Footnote_131_131" class="fnanchor">[131]</a>. Elle n'oublia pas non plus la
+famille de sa mère; elle constitua des rentes à ses oncles et tantes, et
+maria très-avantageusement plusieurs des ses cousines<a name="FNanchor_132_132" id="FNanchor_132_132"></a><a href="#Footnote_132_132" class="fnanchor">[132]</a>.</p>
+
+<p>Madame du Barry était excessivement bonne pour ses domestiques. Elle
+avait en eux une très-grande confiance, dont ils abusèrent plusieurs
+fois, surtout à l'époque de la Révolution. Soit que ces domestiques,
+paresseux et insouciants comme ils le sont dans la plupart des grandes
+maisons, n'exerçassent point une surveillance assez active, soit que
+quelques-uns d'entre-eux s'entendissent avec les fripons que tentaient
+les richesses accumulées dans ce lieu, toujours est-il que plusieurs
+vols considérables eurent<a name="page_276" id="page_276"></a> lieu à Louveciennes, depuis que la comtesse y
+faisait son séjour habituel.</p>
+
+<p>Le 20 avril 1776, trois individus fort bien mis se présentent au château
+et demandent à parler à madame du Barry. L'un d'eux, décoré de la croix
+de Saint-Louis, est introduit dans son cabinet, où elle se trouvait
+seule en ce moment, pendant que les deux autres restent dans la chambre
+qui précède. Il va droit à elle un pistolet à la main, la menace de
+tirer si elle fait le moindre geste pour appeler, et lui ordonne de
+donner ce qu'elle a d'argent et de bijoux. Effrayée, elle s'empresse de
+remettre à cet homme un riche écrin qu'elle avait près d'elle. Le
+voleur, frappé de la beauté des diamants et content de sa proie, se
+retire avec ses compagnons sans qu'on ait jamais pu les retrouver.</p>
+
+<p>Un autre vol, beaucoup plus considérable, eut lieu dans la nuit du 10 au
+11 janvier 1791.</p>
+
+<p>On a vu que dans sa retraite de Louveciennes, madame du Barry avait
+conservé de nombreux amis. Parmi eux se trouvait M. le duc de Brissac.
+Brave, loyal et d'une superbe figure, le duc fit impression sur le c&oelig;ur
+de la comtesse. Ils s'attachèrent bientôt l'un à l'autre, et leurs
+relations devinrent si intimes, que madame du Barry était aussi souvent
+à Paris, à l'hôtel de Brissac, que le duc était à Louveciennes<a name="FNanchor_133_133" id="FNanchor_133_133"></a><a href="#Footnote_133_133" class="fnanchor">[133]</a>.<a name="page_277" id="page_277"></a>
+C'est pendant l'un de ces séjours à Paris que s'accomplit le vol dont on
+va parler.</p>
+
+<p>A l'aide des sacrifices qu'elle avait déjà faits, madame du Barry était
+parvenue à combler la plus grande partie de ses dettes. Mais à l'époque
+dont il s'agit (1791), elle en avait contracté de nouvelles.</p>
+
+<p>Sa négligence à se rendre compte de ses propres affaires, le goût des
+folles dépenses qui ne l'avait pas quittée, mais surtout le besoin de
+soulager les infortunes que la Révolution commençait à faire peser sur
+ses amis, avaient mis de nouveau le désordre dans ses finances. Déjà
+elle avait cherché, par l'entremise de son banquier, à faire vendre
+quelques-uns de ses diamants à l'étranger. Elle avait, à cet effet,
+réuni dans un seul endroit du château ses bijoux les plus précieux. Peu
+défiante, elle s'était fait aider dans ce travail par plusieurs de ses
+domestiques; aussi savait-on parfaitement dans la maison le lieu où
+étaient placées toutes ces richesses, et si les gens de la comtesse n'y
+furent pour rien, leurs indiscrétions mirent au moins sur la voie les
+malfaiteurs qui accomplirent ce vol audacieux.</p>
+
+<p>Dans la nuit du 10 au 11 janvier 1791, pendant que madame du Barry était
+à Paris chez le duc de Brissac, des voleurs s'introduisirent dans le
+château, allèrent droit au lieu où étaient les diamants et les bijoux de
+la comtesse, et enlevèrent tout ce qui s'y trouvait réuni; puis ils se
+retirèrent tranquillement, sans que personne dans la maison se fût
+aperçu de<a name="page_278" id="page_278"></a> leur présence. Depuis quelque temps madame du Barry, pour
+ajouter à sa sûreté, avait demandé au commandant des Suisses de
+Courbevoie de lui donner un des soldats du régiment pour lui servir de
+concierge. Aussitôt que l'on eut connaissance du vol, la municipalité de
+Louveciennes fit arrêter le Suisse qui servait de gardien. Interrogé par
+ses officiers, il avoua que des hommes qu'il ne connaissait pas
+l'avaient enivré dans un cabaret; mais voilà tout ce que la police de
+l'époque put recueillir sur cet attentat.</p>
+
+<p>C'était une immense perte pour madame du Barry, car on venait de lui
+enlever ses bijoux les plus précieux. On peut juger de la valeur de ce
+vol et des richesses accumulées dans ce lieu par l'état des objets volés
+qu'elle fit afficher dans Paris et annoncer dans les journaux étrangers:</p>
+
+<p>«Trois bagues montées chacune d'un brillant blanc, le premier pesant 35
+grains, le deuxième 50 grains, et le troisième 28 grains;</p>
+
+<p>»Une bague montée d'un saphir, carré long, avec un Amour gravé dessus,
+et deux brillants sur le corps;</p>
+
+<p>»Un baguier en rosette verte, renfermant vingt à vingt-cinq bagues, dont
+une grosse émeraude;</p>
+
+<p>»Une pendeloque montée à jour, pesant environ 36 grains, d'une belle
+couleur, mais très-jardineuse, ayant beaucoup de dessous;</p>
+
+<p>»Une autre d'un onyx, représentant le portrait<a name="page_279" id="page_279"></a> de Louis XIII, dont les
+cheveux et les moustaches sont en sardoine;</p>
+
+<p>»Une autre d'un César, de deux couleurs, entourée de brillants;</p>
+
+<p>»Une autre d'une émeraude, carré long, pesant environ 20 grains;</p>
+
+<p>»Une autre d'un brun-puce, pesant de 14 à 16 grains;</p>
+
+<p>»Une autre d'un Bacchus antique, gravée en relief sur une cornaline
+brûlée;</p>
+
+<p>»Une autre d'une sardoine jaune, gravée par <i>Barrier</i>, représentant
+Louis XIV, entourée sur le corps de roses de Hollande;</p>
+
+<p>»Une autre d'un gros saphir en c&oelig;ur, montée à jour, entourée de
+diamants sur le corps et sur la moitié de l'anneau.&mdash;L'onyx de Louis
+XIII et l'émeraude carrée sont montés de même et garnis également de
+diamants, de roses et de brillants;</p>
+
+<p>»Plus, dans ce <i>baguier</i>, il y a un <i>Bonus Eventus</i> antique, gravé sur
+un onyx;&mdash;un brillant blanc pesant 29 grains;&mdash;un autre pesant 25
+grains;&mdash;un autre, forme de pendeloque, pesant 28 grains;&mdash;un autre,
+rond, pesant 23 grains;&mdash;un autre, 25 grains;&mdash;un, 24 grains;&mdash;un,
+qualité inférieure, carré long, 23 grains;&mdash;trois pesant chacun 28
+grains;&mdash;un brillant en épingle, forme longue, pesant 30 grains;&mdash;un
+brillant, forme losange, 33 grains;</p>
+
+<p>»Deux bracelets, ensemble de 24 grains;<a name="page_280" id="page_280"></a></p>
+
+<p>»Une rose montée à jour, de deux cent vingt-huit brillants blancs, dont
+un gros au milieu, cristallin, pesant 24 grains;</p>
+
+<p>»Un collier de vingt-quatre beaux brillants, montés en chatons à jour,
+de 20 grains chaque;</p>
+
+<p>»Huit parties de rubans en bouillon, chacune de vingt-un brillants à
+jour, pesant depuis 4 grains jusqu'à 8;</p>
+
+<p>»Une paire de boucles de souliers de quatre-vingt-quatre brillants,
+pesant 77 karats 1/4;</p>
+
+<p>»Une croix de seize brillants, pesant 8 à 10 grains chaque;</p>
+
+<p>»Soixante-quatre chatons, pesant de 6 jusqu'à 10 grains;</p>
+
+<p>»Une belle paire de girandoles en gros brillants de la valeur de 12,000
+livres;</p>
+
+<p>»Une bourse à argent en soie bleue, avec ses coulants, ses glands et
+leurs franges, le tout en petits brillants montés à jour;</p>
+
+<p>»Un esclavage à double rang de perles, avec sa chute, le tout d'environ
+deux cents perles, pesant 4 à 5 grains chaque;&mdash;un gros brillant au haut
+de la chute, pesant 24 à 26 grains, et au bas un gland à franges et son
+n&oelig;ud, le tout en brillants montés à jour;</p>
+
+<p>»Une paire de bracelets à six rangs de perles, pesant 4 à 5 grains; le
+fond du bracelet est une émeraude surmontée d'un chiffre en diamants, en
+deux L pour l'un, et d'un D et B pour l'autre, et<a name="page_281" id="page_281"></a> deux cadenas de
+quatre brillants, pesant 8 à 10 grains;</p>
+
+<p>»Un rang de cent quatre perles enfilées, pesant 4 à 5 grains chacune;</p>
+
+<p>»Un portrait de Louis XV peint par <i>Massé</i>, entouré d'une bordure d'or,
+à feuilles de laurier; ledit portrait de 5 à 6 pouces de haut;</p>
+
+<p>»Un autre portrait de Louis XV, peint par le même, plus petit, dans un
+médaillon d'or;</p>
+
+<p>»Une montre d'or simple, de Romilly;</p>
+
+<p>»Un étui d'or à une dent émaillée en vert, avec un très-gros brillant au
+bout, pesant environ 12 grains, tenant sur le tout par une vis;</p>
+
+<p>»Une paire de boutons de manches, d'une émeraude, d'un saphir, d'un
+diamant jaune et d'un rubis, le tout entouré de brillants couleur de
+rose, pesant 36 à 40 grains, montés en bouton de cou;</p>
+
+<p>»Deux grandes bandes de cordons de montre, composées de seize chaînons à
+trois pierres, dont une grande émeraude, et deux brillants de 3 à 4
+grains de chaque côté, et trois autres petites bandes de deux chaînons
+chaque, pareils à ceux ci-dessus;</p>
+
+<p>»Une barrette d'un très-gros brillant, carré long, pesant environ 60
+grains, avec trois grosses émeraudes pesant 8 à 10 grains, avec deux
+brillants aux deux côtés, pesant un grain chaque, montés à jour;</p>
+
+<p>»Une bague d'un brillant d'environ 26 grains, montée à jour, avec des
+brillants sur le corps;<a name="page_282" id="page_282"></a></p>
+
+<p>»Deux girandoles d'or formant flambeaux, montées sur deux fûts de
+colonne d'or émaillées de lapis, surmontées de deux tourterelles
+d'argent, de carquois et de flèches, faites par <i>Durand</i>;</p>
+
+<p>»Un étui d'or émaillé en vert, au bout duquel est une petite montre
+faite par Romilly, entourée de cercles de diamants et ayant un chiffre
+par derrière<a name="FNanchor_134_134" id="FNanchor_134_134"></a><a href="#Footnote_134_134" class="fnanchor">[134]</a>.</p>
+
+<p>»Deux autres étuis d'or, l'un émaillé en rubans bleus, et l'autre en
+émaux de couleur et paysages;</p>
+
+<p>»Dix-sept diamants démontés, de toutes formes, pesant depuis 25 jusqu'à
+30 grains chacun, dont une pendeloque montée, pesant 36 grains;</p>
+
+<p>»Soixante-quatre chatons dans un seul fil, formant collier, pesant 8, 9
+et 10 grains chacun, en diamants montés à jour.</p>
+
+<p>»Deux boucles d'oreilles de coques de perles, avec deux diamants au
+bout;</p>
+
+<p>»Un portrait de Louis XVI, de <i>Petitot</i>;</p>
+
+<p>»Un autre portrait de feu Monsieur, tous les deux en émail, ainsi qu'un
+portrait de femme, également de <i>Petitot</i>;</p>
+
+<p>»Une écritoire de vieux laque superbe, enrichie d'or et formant
+nécessaire, tous les ustensiles en or;</p>
+
+<p>»Deux souvenirs, l'un en laque rouge et l'autre<a name="page_283" id="page_283"></a> en laque fond d'or à
+figures, l'un monté d'or et l'autre monté en or émaillé;</p>
+
+<p>»Deux flambeaux d'argent de toilette, perlés et armoriés;</p>
+
+<p>»Une boîte de cristal de roche couverte d'une double boîte travaillée à
+jour;</p>
+
+<p>»Des pièces d'or et des médailles d'or de différents pays;</p>
+
+<p>»Quarante petits diamants pesant un karat chaque;</p>
+
+<p>»Deux lorgnettes, l'une émaillée en bleu, l'autre émaillée en rouge,
+avec le portrait du feu roi, toutes deux montées en or;</p>
+
+<p>»Un souvenir en émail bleu avec des peintures en grisailles,
+représentant d'un côté une offrande, et de l'autre côté une jardinière
+avec un petit chien à longues oreilles;</p>
+
+<p>»Un reliquaire, d'un pouce environ, d'un or très-pur, émaillé en noir et
+blanc, une petite croix montée dessus assez gothiquement, et une perle
+fine de la grosseur d'un pois au bas;</p>
+
+<p>»Et plusieurs autres bijoux d'un très-grand prix.»</p>
+
+<p>On peut penser à quelle somme considérable devait s'élever un pareil
+vol.</p>
+
+<p>Ses ennemis répétaient partout que ce vol n'existait pas, et que madame
+du Barry avait fait courir ce bruit pour arranger plus aisément ses
+affaires. D'autres prétendirent plus tard qu'elle avait porté elle-même
+ses bijoux en Angleterre, pour soulager les infortunes de la plupart des
+émigrés retirés à Londres; Cet<a name="page_284" id="page_284"></a> autre bruit se répandit surtout lorsque
+l'on sut qu'ils venaient d'être retrouvés dans ce pays. Ce fut l'un des
+chefs d'accusation les plus violents que fit valoir contre cette
+malheureuse femme le farouche <i>Fouquier-Tainville</i>, et aujourd'hui
+encore il est répété par ses biographes; bien entendu cependant qu'ils
+ne le regardent plus comme un acte criminel, mais au contraire comme
+très-honorable.</p>
+
+<p>Quels que soient les motifs que l'on ait fait valoir pour douter du vol
+de madame du Barry, un acte authentique, solennel, fait peu de jours
+avant la mort, le testament de M. de Brissac, dont on parlera bientôt,
+le constate et ne laisse aucun doute sur sa réalité.</p>
+
+<p>Ce vol fût donc un extrême malheur pour madame du Barry, et elle fit
+toutes les démarches possibles pour pouvoir se mettre sur la trace des
+coupables. Dans le courant de février suivant, madame du Barry apprit
+que ses voleurs avaient été arrêtés à Londres. Il paraît que peu de
+jours après leur arrivée dans ce pays, un Anglais, qui leur servait
+d'interprète, se présenta chez un lapidaire et lui offrit à très-bon
+marché une riche collection de diamants. Le joaillier les lui acheta;
+mais, frappé de la beauté de ces pierres, de leur nombre, de leur bas
+prix et étonné surtout que tant de pierres précieuses se trouvassent
+ainsi dans les mains d'un inconnu, il prévint la police, qui arrêta
+l'interprète et ses compagnons, encore munis de tous les bijoux de la
+comtesse.<a name="page_285" id="page_285"></a></p>
+
+<p>Madame du Barry partit immédiatement pour Londres, où on lui représenta
+ses diamants. Elle les reconnut parfaitement. Mais comme la procédure
+devait durer un certain temps, les diamants furent déposés chez MM.
+<i>Hamerleys</i> et <i>Morland</i>, banquiers à Londres, scellés de son cachet et
+de celui des banquiers, et madame du Barry revint à Louveciennes.</p>
+
+<p>Un mois après son retour, elle reçut une lettre de Londres, qui l'y
+appelait de nouveau pour la poursuite du procès de ses voleurs. Cette
+fois, madame du Barry, pensant rester plus longtemps que la première, se
+munit d'un passe-port signé du roi et de M. de Montmorin, valable pour
+<i>trois semaines</i>, et lui permettant d'emmener avec elle le chevalier
+d'<i>Escourt</i>, le joaillier <i>Rouen</i>, deux femmes de chambre, un valet de
+chambre et deux courriers, et elle partit après avoir reçu de ses
+banquiers à Paris, MM. <i>Wandenyver</i>, des lettres de crédit pour Londres.
+Elle y resta plus des trois semaines que lui accordait son passe-port,
+espérant toujours voir la fin du procès. Mais comme rien ne finissait
+encore, elle se décida à revenir en France, et arriva à Paris dans les
+premiers jours de juillet.</p>
+
+<p>Sa liaison avec le duc de Brissac n'avait point cessé, et paraissait au
+contraire se resserrer à mesure que les orages s'accumulaient sur la
+France et éloignaient tous ceux qu'un grand nom ou une grande fortune
+semblaient désigner d'avance aux fureurs populaires. M. de Brissac, en
+loyal et brave chevalier,<a name="page_286" id="page_286"></a> ne voulut point abandonner le roi au milieu
+des dangers dont il était entouré. Nommé commandant de la garde
+constitutionnelle, il inspira à cette garde, composée des éléments les
+plus divers, un esprit d'unité et d'amour pour le roi, qui fut la cause
+de sa perte.</p>
+
+<p>Le 29 mai 1792, le député <i>Bazire</i> vient dénoncer à la tribune de
+l'Assemblée législative la garde constitutionnelle du roi, comme animée
+d'un mauvais esprit, et particulièrement son chef, M. de Brissac. Après
+une discussion qui va toujours en s'envenimant, <i>Couthon</i> demande le
+licenciement de cette garde et l'arrestation de Brissac, et l'assemblée
+adopte successivement deux décrets, conformes à la proposition de
+<i>Couthon</i>.</p>
+
+<p>M. de Brissac fut immédiatement arrêté, et envoyé à Orléans pour y être
+jugé par la haute cour de justice. Un de ses aides de camp, un jeune
+officier qui lui était fort attaché, M. de Maussabré, courut à
+Louveciennes pour annoncer ces terribles nouvelles à madame du Barry.</p>
+
+<p>Il était parvenu à entretenir quelques intelligences avec le duc depuis
+son arrestation, et c'est par lui qu'une correspondance put s'établir
+entre le duc et la comtesse. Après la fatale journée du 10 août, ce
+jeune officier chercha un refuge chez madame du Barry. Malheureusement
+pour lui, et malgré toutes les précautions prises pour le dérober à tous
+les regards, il y fut découvert par un détachement<a name="page_287" id="page_287"></a> de fédérés. Emmené à
+Paris, il fut emprisonné à l'Abbaye, où il périt égorgé le mois de
+septembre suivant.</p>
+
+<p>Le duc de Brissac, renfermé dans les prisons d'Orléans, ne se faisait
+aucune illusion sur le sort qui l'attendait. Il se préparait à la mort
+qu'il allait bientôt recevoir d'une si horrible manière, et le 11 août
+1792, il écrivait ses dernières volontés, transmises plus tard à sa
+famille. Il n'oublie pas dans son testament celle qu'il aimait depuis
+longtemps. Après avoir institué pour sa légataire universelle sa fille,
+madame de Mortemart, il ajoute en s'adressant à elle:</p>
+
+<p>«Je lui recommande ardemment une personne qui <i>m'est bien chère</i>, et que
+les malheurs des temps peuvent mettre dans la plus grande détresse. Ma
+fille aura de moi un codicille qui lui indiquera ce que je lui ordonne à
+ce sujet.»</p>
+
+<p>Ce codicille est ainsi conçu:</p>
+
+<p>«Je donne et lègue à madame du Barry, de Louveciennes, outre et
+par-dessus ce que je lui dois, une rente viagère et annuelle de 24,000
+livres, quitte et exempte de toute retenue, ou bien l'usufruit et
+jouissance pendant sa vie de ma terre de la Rambaudière et de la
+Graffinière, en Poitou, et des meubles qui en dépendent; ou bien encore
+une somme de 300,000 livres une fois payée en argent, le tout à son
+choix, d'autant qu'après qu'elle aura opté pour l'un desdits trois legs,
+les deux autres<a name="page_288" id="page_288"></a> seront pour non avenus. Je la prie d'accepter ce faible
+gage de mes sentiments et de ma reconnaissance, dont je lui suis
+d'autant plus redevable que <i>j'ai été la cause involontaire de la perte
+de ses diamants, et que si jamais elle parvient à les retirer
+d'Angleterre, ceux qui resteront égarés, ou les frais des divers voyages
+que leur recherche aura rendus nécessaires, ainsi que ceux de la prime à
+payer, s'élèveront au niveau de la valeur effective de ce legs</i>. Je prie
+ma fille de lui faire accepter. La connaissance que j'ai de son c&oelig;ur
+m'assure de l'exactitude qu'elle mettra à l'acquitter, quelles que
+soient les charges dont ma succession se trouvera grevée par mon
+testament et mon codicille, ma volonté étant qu'aucun de mes autres legs
+ne soit délivré que celui-ci ne soit entièrement accompli.</p>
+
+<p><span style="margin-left: 2em;">»Ce 11 août 1792.</span></p>
+
+<p class="r">»<i>Signé</i>: <span class="smcap">Louis-Hercule Timoléon</span><br />
+<span class="smcap">de Cossé-Brissac</span><a name="FNanchor_135_135" id="FNanchor_135_135"></a><a href="#Footnote_135_135" class="fnanchor">[135]</a>.»</p>
+
+<p>Après des paroles si formelles, il est impossible de douter de la
+réalité du vol.</p>
+
+<p>Madame du Barry était à Louveciennes lorsque le duc de Brissac fut
+massacré à Versailles. On dit que quelques-uns des forcenés qui prirent
+part à cette boucherie portèrent à Louveciennes la tête du duc,<a name="page_289" id="page_289"></a> et
+vinrent la mettre sous ses yeux<a name="FNanchor_136_136" id="FNanchor_136_136"></a><a href="#Footnote_136_136" class="fnanchor">[136]</a>. Ce terrible coup la plongea dans
+la plus profonde douleur.&mdash;Isolée dans son château, elle craignit pour
+elle-même, et commença à prendre des précautions pour sauver ses
+richesses. Aidée d'un valet de chambre dévoué, nommé Morin, qui paya de
+sa tête son attachement à sa maîtresse, elle cacha ce qu'elle avait de
+plus précieux dans différentes parties de la maison et des jardins.</p>
+
+<p>Elle entretenait toujours une correspondance avec Londres à l'occasion
+de ses diamants. On lui écrivit de cette ville qu'il fallait absolument
+suivre le procès, parce que c'était la seule manière de rentrer en
+possession de son bien. Elle s'occupa alors des moyens de passer
+tranquillement en Angleterre, et surtout de ne pas être considérée comme
+émigrée.</p>
+
+<p>Elle écrivit au président de la Convention nationale et au ministre des
+affaires étrangères <i>Lebrun</i>, pour leur expliquer le motif de son voyage
+et les assurer qu'elle ne comptait pas abandonner la France, et qu'elle
+prenait l'engagement formel de revenir à Louveciennes aussitôt la fin de
+son procès. Quelques jours après, elle reçut du ministre son passe-port,
+et une lettre lui disant qu'elle ne serait en rien tourmentée pour ce
+voyage, et qu'elle pouvait le faire en toute assurance. Mais pour plus
+de certitude et pour bien établir dans le pays même qu'elle ne<a name="page_290" id="page_290"></a> voulait
+pas émigrer, et prévenir les malintentionnés dans le cas d'une absence
+prolongée, elle renouvela, devant la municipalité de Louveciennes, les
+déclarations déjà faites par elle au président de la Convention et au
+ministre. La municipalité inscrivit cette déclaration sur ses registres,
+et lui en remit une copie ainsi conçue:</p>
+
+<p>«Ce jourd'hui 7 octobre 1792, l'an I<sup>er</sup> de la République française,
+s'est présentée devant nous, officiers municipaux de la commune de
+Louveciennes, district de Versailles, département de Seine-et-Oise, dame
+Vaubernier du Barry, résidant habituellement en ce lieu, laquelle nous a
+déclaré qu'étant obligée d'aller à Londres, pour assister au jugement
+définitif des voleurs qui, la nuit du 10 au 11 janvier 1791, lui ont
+volé ses bijoux dans son château de Louveciennes, elle nous en fait la
+déclaration pour qu'elle ne puisse point être regardée comme émigrée
+pendant son absence, ni traitée comme telle par aucune autorité
+constituée, de laquelle déclaration elle nous a requis acte que nous lui
+avons octroyé, vu la lettre de M. Lebrun, ministre des affaires
+étrangères, en date du 2 du courant, qui est restée annexée à la
+présente minute, et la susdite dame du Barry a signé avec nous, les
+jours et an que dessus.</p>
+
+<p>»Bon pour copie conforme à l'original, le 8 septembre
+<a name="page_291" id="page_291"></a>1792<a name="FNanchor_137_137" id="FNanchor_137_137"></a><a href="#Footnote_137_137" class="fnanchor">[137]</a>.»<i>Suivent les signatures.</i>»</p>
+
+<p>Après s'être mise en règle, madame du Barry partit pour Londres le 14
+octobre 1792. Pendant qu'elle était en Angleterre, de terribles
+événements s'étaient passés en France. Le roi était tombé sous la hache
+du bourreau. Partout s'étaient développées les passions
+révolutionnaires. Jusque dans les petits villages, on voyait s'établir
+des assemblées populaires, des clubs, et Louveciennes n'y avait point
+échappé. Un intrigant nommé <i>Greive</i> était venu s'y établir depuis
+quelque temps. Aussitôt son arrivée, il y forma un club. Son premier
+acte fut une dénonciation contre madame du Barry, et, le 14 février
+1793, le procureur général syndic du district de Versailles adressait
+aux administrateurs du district la lettre suivante:</p>
+
+<p>«La femme du Barry, propriétaire à Louveciennes, a quitté la France au
+moyen d'un passe-port, au commencement de 1792, pour poursuivre en
+Angleterre les auteurs d'un vol considérable fait en sa maison.</p>
+
+<p>»Le doute inspiré sur cette poursuite par le laps de temps et par
+l'ignorance de ses effets a fait naître nécessairement l'incertitude.</p>
+
+<p>»Dans cet état, l'administration a pensé qu'il convenait de prendre sur
+les biens de cette femme des mesures conservatrices pour assurer à la
+fois ses droits et ceux de la nation.</p>
+
+<p>»Elle me charge, en conséquence, de vous inviter à faire apposer les
+scellés sur la maison de la femme<a name="page_292" id="page_292"></a> du Barry, à Louveciennes, d'y
+commettre un gardien, et de lui adresser le procès-verbal qui sera
+dressé à cette occasion.</p>
+
+<p>»Vous voudrez bien, citoyens, presser cette opération et m'en faire part
+aussitôt qu'elle aura été faite<a name="FNanchor_138_138" id="FNanchor_138_138"></a><a href="#Footnote_138_138" class="fnanchor">[138]</a>.»</p>
+
+<p>Deux jours après, les membres du Directoire du district répondirent à la
+lettre du procureur syndic par une résolution ainsi conçue:</p>
+
+<p>«Vu la lettre du procureur général syndic, le directoire du district a
+commis le citoyen <i>Brunette</i>, l'un de ses membres, à l'effet de
+procéder, en présence de deux officiers de la commune de Louveciennes, à
+l'apposition des scellés sur tous les meubles, titres et effets de la
+femme du Barry, et établir à la conservation desdits scellés un ou
+plusieurs gardiens solvables, lesquels ne pourront être choisis parmi
+les parents, domestiques ou agents de ladite du Barry, et auxquels il
+sera attribué un salaire journalier de trente sols par jour<a name="FNanchor_139_139" id="FNanchor_139_139"></a><a href="#Footnote_139_139" class="fnanchor">[139]</a>.</p>
+
+<p>»Fait à Versailles, le 16 février 1793, an II de la République.»</p>
+
+<p><i>Greive</i> savait bien que madame du Barry n'avait point émigré; mais il
+espérait que ce premier acte, qui paraissait la soupçonner d'émigration,
+lui ferait peur, empêcherait son retour en France et le mettrait à même,
+sous le prétexte du salut public, de toucher<a name="page_293" id="page_293"></a> aux trésors accumulés dans
+le château, et dont il espérait tirer un peu parti pour lui-même.</p>
+
+<p>Mais madame du Barry comptait bien revenir à Louveciennes. Ayant appris
+à Londres que les scellés avaient été mis sur ses biens, elle se hâta de
+quitter l'Angleterre. Son procès ayant été jugé le 28 février, jour du
+terme du tribunal, elle partit de Londres le 3 mars, arriva à Calais le
+5, où elle fut retenue jusqu'au 18 pour attendre de nouveaux passe-ports
+du pouvoir exécutif, et arriva à Louveciennes le 19<a name="FNanchor_140_140" id="FNanchor_140_140"></a><a href="#Footnote_140_140" class="fnanchor">[140]</a>.</p>
+
+<p>L'arrivée de madame du Barry déconcerta un peu <i>Greive</i>, mais ne
+l'empêcha pas de suivre ses projets. La société populaire de
+Louveciennes était composée d'une quarantaine de membres, au nombre
+desquels se trouvaient plusieurs domestiques de madame du Barry, et
+entre autres les nommés <i>Salanave</i> et <i>Zamor</i>. Le premier était un valet
+de chambre que madame du Barry renvoya plusieurs jours après son retour,
+à cause de quelques actes d'infidélité; l'autre était un nègre, élevé
+par elle, dont elle était la marraine, auquel elle avait assuré des
+rentes, et qu'à cause de son ingratitude elle chassa de sa maison. A
+l'aide de ces deux hommes, <i>Greive</i> sut tout ce qui se passait dans
+l'intérieur du château, les personnes qu'on y recevait, et recueillit
+une foule de renseignements qui lui permirent de continuer ses
+dénonciations.<a name="page_294" id="page_294"></a></p>
+
+<p>Le 2 juin 1793, la Convention avait rendu un décret portant: «Les
+autorités constituées, dans toute l'étendue de la République, seront
+tenues de faire saisir et mettre en état d'arrestation toutes les
+personnes <i>notoirement suspectées d'aristocratie ou d'incivisme</i>; elles
+rendront compte à la Convention nationale de l'activité qu'elles
+apporteront à mettre à exécution le présent décret, et demeureront
+responsables des désordres que pourrait occasionner leur négligence.»</p>
+
+<p><i>Greive</i> fait assembler la société populaire de Louveciennes, et le 26
+juin se présente devant les administrateurs du département de
+Seine-et-Oise. Là il lit une adresse signée de trente-six citoyens de
+Louveciennes, dans laquelle on demande la mise à exécution du décret de
+la Convention et un exemplaire de ce décret pour la commune.</p>
+
+<p>Le lendemain 27, armé de ce décret, <i>Greive</i>, accompagné du maire de la
+commune, se présente chez madame du Barry et procède à son arrestation.</p>
+
+<p>Les administrateurs du département ne paraissaient pas avoir un zèle
+aussi exagéré du bien public que les clubistes de Louveciennes, et ils
+se doutaient un peu du motif qui les faisait agir. Pour prévenir l'acte
+de vengeance qu'ils redoutaient, ils envoyèrent le même jour à
+Louveciennes un des membres du district de Versailles, en le chargeant
+de faire exécuter la loi avec quelques modifications et restrictions.
+Arrivé juste au moment où l'on se disposait<a name="page_295" id="page_295"></a> à faire enlever madame du
+Barry, le membre du district fit suspendre son arrestation, et reprocha
+vivement à la municipalité son extrême précipitation.</p>
+
+<p><i>Greive</i> et les membres de la société populaire, dont la plupart avaient
+été employés dans la maison de madame du Barry, irrités de ce
+contre-temps, rédigèrent une autre pétition qu'ils adressèrent cette
+fois à la Convention. Dans cette pièce, remplie de déclamations et de
+grands sentiments patriotiques, comme on en voyait dans tous les écrits
+de cette époque, on accumula les accusations contre madame du Barry, et
+on demanda l'approbation de la Convention nationale pour l'arrestation
+de la citoyenne se disant comtesse <i>du Barry, de sa nièce, fille d'un
+émigré, et de ceux de ses domestiques notoirement suspects
+d'aristocratie et d'incivisme</i>, c'est-à-dire de ses domestiques restés
+fidèles. «Dites, ajoutent les pétitionnaires, dites que nous avons
+rempli votre v&oelig;u, en mettant à prompte exécution votre décret du 2
+juin; ordonnez l'impression de notre adresse, afin de donner le <i>branle</i>
+aux autres communes du département; déclarez que nous avons bien mérité
+de la patrie, etc.»</p>
+
+<p>La Convention ne pouvait qu'approuver de pareils sentiments, exprimés
+dans un pareil style; aussi le président remercia la députation de
+Louveciennes de son patriotisme, et l'invita aux honneurs de la séance.</p>
+
+<p>De retour à Louveciennes, et forts de l'approbation de la Convention,
+les membres de la société populaire<a name="page_296" id="page_296"></a> arrêtèrent madame du Barry et les
+diverses personnes indiquées dans leur pétition, et les conduisirent à
+Versailles, pour les faire enfermer dans les prisons de cette ville.
+<i>Goujon</i><a name="FNanchor_141_141" id="FNanchor_141_141"></a><a href="#Footnote_141_141" class="fnanchor">[141]</a> était alors procureur général syndic; il leur reprocha
+leur acte comme illégal, leur représenta que les faits sur lesquels ils
+basaient leur accusation étaient dénués de preuves, et ordonna de
+reconduire les prisonniers à Louveciennes.</p>
+
+<p>Empêché dans l'exécution de ses desseins, <i>Greive</i> fit alors imprimer un
+libelle dont voici le litre: «<i>l'Égalité controuvée, ou Histoire de la
+protection</i>, contenant les pièces relatives à l'arrestation de madame du
+Barry, ancienne maîtresse de Louis XV, pour servir d'exemple aux
+patriotes trop ardents qui veulent sauver la République, et aux modérés
+qui s'entendent à merveille pour la perdre.» Dans cet écrit, <i>Greive</i>
+s'intitule défenseur officieux des braves sans-culottes de Louveciennes
+et ami de Franklin et Marat, et n'épargne ni madame du Barry, ni le
+comité de sûreté générale, qu'il accuse de faiblesse, ni le département.</p>
+
+<p>Pendant ce temps, madame du Barry cherchait, par tous les moyens, à
+conjurer l'orage qui s'accumulait sur sa tête. Elle adressa à la
+Convention<a name="page_297" id="page_297"></a> des notes explicatives de sa conduite, tandis que la plupart
+des habitants de Louveciennes qui ne faisaient pas partie de la société
+des sans-culottes présentaient de leur côté plusieurs pétitions en sa
+faveur. Elle fit aussi des démarches auprès des administrateurs du
+département pour être protégée contre ses ennemis.</p>
+
+<p>Le directoire du département voyait avec peine l'acharnement que l'on
+mettait à perdre cette malheureuse femme, dont le principal crime était
+ses richesses. Il envoya auprès d'elle un de ses membres, nommé
+<i>Lavallery</i><a name="FNanchor_142_142" id="FNanchor_142_142"></a><a href="#Footnote_142_142" class="fnanchor">[142]</a>. Celui-ci lui conseilla d'abandonner Louveciennes et de
+se retirer à Versailles, où il serait plus aisé de la protéger. Mais
+tout ce que madame du Barry avait encore de richesse était enfoui à
+Louveciennes, et elle craignait que, pendant son absence et sous le
+moindre prétexte, on ne fouillât sa maison, et que l'on ne s'emparât de
+ce qui y était caché, et elle ne voulut pas quitter ce séjour.</p>
+
+<p><i>Greive</i> cependant ne perdait pas un instant pour arriver à ses fins. Il
+reçut du nègre Zamor une foule de renseignements qu'il mit habilement à
+profit, et à force de dénonciations réitérées et d'actives démarches, il
+obtint enfin du Comité de sûreté générale de<a name="page_298" id="page_298"></a> la Convention l'ordre
+d'arrêter madame du Barry. Muni de cet ordre, il accourt à Louveciennes,
+et le dimanche 22 septembre, il se fait accompagner au château par le
+maire, le juge de paix et deux gendarmes, fait mettre les scellés sur
+tous les meubles, ordonne à madame du Barry de le suivre, la fait placer
+entre les deux gendarmes dans une mauvaise voiture de place qu'il avait
+fait venir exprès, y monte après elle et l'emmène triomphant à Paris, où
+il la dépose dans la prison de Sainte-Pélagie.</p>
+
+<p><i>Greive</i> avait remis au Comité de sûreté générale de la Convention les
+papiers qu'il pensait devoir le plus compromettre madame du Barry. Un
+ami de Marat, <i>Héron</i>, fut chargé de les examiner, et, sur son rapport,
+le Comité rendit, le 29 brumaire de l'an II (19 novembre 1793), l'arrêté
+suivant:</p>
+
+<p class="c">«CONVENTION NATIONALE.<br />
+<br />
+»<small>COMITÉ DE SÛRETÉ GÉNÉRALE ET DE SURVEILLANCE DE<br />
+LA CONVENTION NATIONALE</small>,<br />
+<br />
+»<i>du 29 brumaire, l'an II de la République</i><br />
+<i>française</i>,<br />
+<br />
+»<small>UNE ET INDIVISIBLE</small>.</p>
+
+<p>»Le Comité de sûreté générale, ayant pris connaissance des diverses
+pièces trouvées chez la nommée du Barry, mise en état d'arrestation par
+mesure de sûreté générale, comme personne suspecte, aux termes du décret
+du 17 septembre dernier<a name="page_299" id="page_299"></a> (vieux style), considérant qu'il résulte de
+l'ensemble desdites pièces que la femme du Barry est prévenue
+d'émigration et d'avoir, pendant le séjour qu'elle a fait à Londres,
+depuis le mois d'octobre 1792 jusqu'au mois de mars dernier (vieux
+style), fourni aux émigrés réfugiés à Londres des secours pécuniaires,
+et entretenu avec eux des correspondances suspectes; et que les nommés
+Wandenyver père et fils, négociants, sont prévenus d'avoir fait passer
+des fonds à la femme du Barry pendant qu'elle était en Angleterre;
+arrête: que la femme du Barry, prévenue d'émigration, et que les nommés
+Wandenyver père et fils, prévenus d'avoir fait passer à ladite dame du
+Barry des fonds pendant son séjour a Londres, seront traduits au
+tribunal révolutionnaire, pour y être poursuivis et jugés à la diligence
+de l'accusateur public.</p>
+
+<p>»Les représentants du peuple, membres du Comité de sûreté générale de la
+Convention nationale,</p>
+
+<p class="r">»V<small>OULAND</small>, D<small>AVID</small>, V<small>ADIER</small>, D<small>UBARRAN</small>, J<small>AGOT</small>,<br />
+P<small>ANIS</small>, L<small>AVICOMTERIE</small>.»</p>
+
+<p>Les Wandenyver ne se trouvaient ainsi compromis que parce qu'ils étaient
+les banquiers de madame du Barry. Mais pour donner plus d'importance à
+ce procès et compromettre davantage ces banquiers, qui faisaient alors
+beaucoup d'affaires et étaient chargés des intérêts de plusieurs grandes
+familles, le<a name="page_300" id="page_300"></a> Comité rendit, deux jours après, un nouvel arrêté ainsi
+conçu:</p>
+
+<p class="c">
+«COMITÉ<br />
+<br />
+»<small>DE SÛRETÉ GÉNÉRALE ET DE SURVEILLANCE DE LA<br />
+CONVENTION NATIONALE,</small><br /><br />
+
+»<i>du</i> 1<sup>er</sup> <i>frimaire, l'an II de la République</i>,<br /><br />
+
+»<small>UNE&nbsp; ET INDIVISIBLE</small>.</p>
+
+<p>»En faisant droit à la dénonciation faite par le citoyen Héron au
+Comité, d'après son mémoire imprimé, rédigé par le martyr de la liberté
+(<i>Marat</i>), représentant du peuple, dans lequel on y reconnaissait
+Wandenyver, ainsi qu'une multitude de complices, pour avoir été les
+instruments d'un complot de banqueroute générale, qui aurait perpétué
+l'esclavage des Français et sauvé la tête du tyran, entretenu les abus
+de la féodalité, qui servaient au déshonneur de la nation française;
+considérant que les faits pour lesquels Wandenyver a subi interrogatoire
+à notre Comité ne sont qu'une suite de ceux désignés dans le
+développement de la banqueroute, en ce qu'il y a coopéré, ainsi qu'au
+massacre du peuple, dont il est conjointement accusé avec tous ceux
+désignés dans le mémoire; le Comité arrête qu'ils seront traduits au
+tribunal révolutionnaire pour y être jugés, et que les pièces françaises
+et espagnoles seront jointes au présent arrêté pour servir au procès.<a name="page_301" id="page_301"></a></p>
+
+<p>»Les représentants du peuple, membres du Comité de sûreté générale et de
+surveillance de la Convention nationale,</p>
+
+<p class="r">
+»M<small>OYSE</small> B<small>AYLE</small>, D<small>AVID</small>, A<small>MAR</small>, J<small>AGOT</small>,<br />
+L<small>OUIS</small> (du Bas-Rhin), <span class="smcap">A. Benoit</span>,<br />
+G<small>UFFROY</small>, L<small>AVICOMTERIE</small>.»</p>
+
+<p>Dès que l'arrêté qui traduisait madame du Barry et ses co-accusés devant
+le tribunal révolutionnaire fut rendu, son procès ne dura pas longtemps.
+Le 3 décembre (13 frimaire an II), Fouquier lit à là chambre du conseil
+l'acte d'accusation, la chambre en donne acte et ordonne le
+transfèrement des prévenus à la Conciergerie. Le 6, ils paraissent
+devant le tribunal, et, le 7, ils sont condamnés à mort.</p>
+
+<p>L'acte d'accusation dressé par Fouquier-Tainville contre cette
+malheureuse femme est un chef-d'&oelig;uvre du genre. Son titre de maîtresse
+du roi et ses folles dépenses lui donnèrent beau jeu pour se laisser
+aller à toute son indignation d'<i>honnête homme</i> et de <i>bon patriote</i>, et
+il en usa largement, comme on peut le voir dans toute la partie qui
+regarde madame du Barry, qu'on ne lira pas sans curiosité.</p>
+
+<p>Après avoir annoncé qu'il avait été procédé à l'examen des pièces du
+procès et à l'interrogatoire des accusés, il ajoute:</p>
+
+<p>«Qu'examen fait desdites pièces par l'accusateur public, il en résulte
+que les plaies profondes et mortelles qui avaient mis la France à deux
+doigts<a name="page_302" id="page_302"></a> de sa perte avaient été faites à son corps politique bien des
+années avant la glorieuse et impérissable révolution qui doit nous faire
+réjouir des maux cuisants qui l'ont précédée, puisqu'elle nous a
+délivrés pour jamais des monstres barbares et fanatiques qui nous
+tenaient enchaînés sur l'héritage de nos pères; que, pour prendre une
+idée juste de l'immoralité de l'accusée du Barry, il faut jeter un coup
+d'&oelig;il rapide sur les dernières années, pendant le cours desquelles le
+tyran français, Louis quinzième du nom, a scandalisé l'univers, en
+donnant la surintendance de ses honteuses débauches à cette célèbre
+courtisane; qu'en 1769, ce Sardanapale moderne se trouvant blasé sur
+toutes les jouissances qu'il avait poussées à l'excès dans le Parc aux
+Cerfs, sérail infâme où le déshonneur d'une infinité de familles
+honnêtes fut consommé, s'abandonna lâchement aux vils complaisants qui
+l'entouraient pour réveiller ses feux presque éteints; qu'un de ces
+odieux complaisants ayant fait la connaissance d'un ci-devant comte du
+Barry, noyé de dettes, et le plus crapuleux libertin, eut occasion de
+voir chez lui la nommée <i>Vaubernier</i>, sa maîtresse, qui n'était passée
+dans ses bras qu'après avoir fait un cours de prostitution; que le
+ci-devant comte du Barry, à qui tous les moyens étaient bons pour
+parvenir à apaiser ses créanciers, proposa à ce complaisant de lui céder
+la <i>Vaubernier</i>, s'il parvenait à la faire admettre au nombre des<a name="page_303" id="page_303"></a>
+sultanes du crime couronné; que cette créature éhontée lui fut en effet
+présentée, et qu'en peu de temps elle parvint, par ses rares talents, à
+prendre l'empire le plus absolu sur le faible et débile despote. Bientôt
+des fleuves d'or roulèrent à ses pieds; les pierreries les plus
+précieuses lui furent données avec profusion; les artistes les plus
+célèbres furent occupés aux chefs-d'&oelig;uvre les plus dispendieux; elle
+devint la cause universelle des ci-devant grands; les ministres, les
+généraux et les ci-devant princes de l'Église furent nommés et culbutés
+par cette nouvelle Aspasie; et tous venaient bassement faire fumer leur
+encens à ses genoux; le faste le plus insolent, les dépravations et les
+débordements de tout genre furent affichés par elle; le scandale était,
+à son comble; elle puisait à pleines mains dans les coffres de la nation
+pour enrichir sa famille et combler l'abîme de dettes du ci-devant comte
+du Barry, qui avait poussé l'infamie et le déshonneur jusqu'à devenir
+son époux. Son imbécile amant ne rougit pas lui-même d'insulter au
+peuple, en se plaçant à côté d'elle dans les chars les plus brillants et
+la promenant ainsi dans différents lieux; que, pour ne pas <i>effaroucher
+sa pudeur</i>, l'accusateur public ne soulèvera pas le voile qui doit
+couvrir à jamais les vices effroyables de la cour, jusqu'en l'année
+1774, époque à laquelle celui à qui des esclaves avaient donné le nom de
+Bien-Aimé disparut de dessus la<a name="page_304" id="page_304"></a> terre, emportant dans ses veines le
+poison infect du libertinage, et couvert du mépris des Français; que la
+du Barry fut reléguée à Rhetel-Mazarin, et de là à Meaux, dans la
+ci-devant abbaye de Pont-aux-Dames; que dans cette retraite salutaire,
+elle aurait dû faire les plus sérieuses réflexions sur le néant des
+grandeurs et sur les désordres de sa conduite qui avaient entraîné la
+ruine de son pays; mais qu'ayant été rendue à la liberté par le dernier
+tyran des Français, il lui conserva non-seulement les dépouilles du
+peuple, mais encore la combla de nouvelles prodigalités, et lui
+abandonna le château de Louveciennes, où elle se forma une nouvelle
+cour, à laquelle se présentèrent en foule les vils courtisans qui
+avaient profité de sa faveur pour dilapider les finances avec elle;
+qu'elle les tint enchaînés à son char jusqu'à l'époque mémorable où le
+peuple français, fatigué de ses chaînes, se leva, brisa ces chaînes et
+en frappa la tête du despote. Tous les soi-disant grands d'alors, se
+voyant prêts à être écrasés par la vengeance nationale, s'enfuirent
+épouvantés, abandonnèrent un sol qu'ils avaient souillé depuis trop
+longtemps, furent implorer l'assistance des tyrans de l'Europe pour
+venir égorger un peuple qui avait eu le courage de conquérir sa liberté;
+mais ce peuple saura leur faire mordre la poussière, ainsi qu'à ceux qui
+ont épousé leurs projets sanguinaires; que la du Barry ayant vu se
+dissiper l'essaim de ses adorateurs,<a name="page_305" id="page_305"></a> et réduite à régner seulement sur
+son nombreux domestique, ne retrancha non-seulement rien de son faste,
+mais forma le dessein d'être utile tant aux émigrés qu'au petit nombre
+de ses amis qui étaient restés en France, et qui trouvaient chez elle un
+asile assuré, notamment <i>Laroche</i>, ci-devant grand vicaire d'Agen,
+condamné à la peine de mort par jugement du tribunal; que pour procurer
+d'une manière certaine des secours aux émigrés, elle se servit d'un
+stratagème qui lui donna la facilité de faire quatre voyages à Londres;
+qu'elle prétendit avoir éprouvé un vol considérable de diamants et
+autres effets, dans la nuit du 10 au 11 janvier 1791, et que les voleurs
+étaient passés en Angleterre, où il fallait qu'elle se rendit pour en
+poursuivre la restitution; que ce vol n'était qu'un jeu concerté entre
+elle et un nommé <i>Forth</i>, le plus rusé des espions que le cabinet
+britannique ait envoyés en France pour soutenir le parti de la cour et
+s'opposer aux progrès de notre révolution; que, pour suivre les auteurs
+de ce prétendu vol, elle eut le talent de subtiliser différents
+passe-ports, tant du ministère des affaires étrangères que de la
+municipalité de Louveciennes et du département de Seine-et-Oise, dont
+plusieurs membres la protégeaient ouvertement, et particulièrement le
+nommé <i>Lavalery</i><a name="FNanchor_143_143" id="FNanchor_143_143"></a><a href="#Footnote_143_143" class="fnanchor">[143]</a>, qui depuis s'est donné la mort; qu'au<a name="page_306" id="page_306"></a> moyen de
+ces passe-ports clandestins, elle se joua impunément de la loi contre
+les émigrés, puisqu'elle était encore à Londres dans les premiers jours
+du mois de mars dernier; que pendant les quatre séjours qu'elle fit dans
+cette ville, elle vivait habituellement avec tous les émigrés qui s'y
+étaient réfugiés, et auxquels elle a prêté des sommes d'argent
+considérables, ainsi qu'il sera démontré par la suite; qu'elle avait
+également formé les liaisons les plus étroites avec les lords les plus
+puissants, tous conseillers intimes du tyran de l'Angleterre, et
+particulièrement avec l'infâme Pitt, cet ennemi implacable du genre
+humain, pour lequel elle avait un si haut degré d'estime, <i>qu'elle
+rapporta dans la république française une médaille d'argent portant
+l'effigie de ce monstre</i><a name="FNanchor_144_144" id="FNanchor_144_144"></a><a href="#Footnote_144_144" class="fnanchor">[144]</a>; qu'elle favorisait également de tout son
+pouvoir les ennemis de l'intérieur, auxquels elle prodiguait les trésors
+immenses qu'elle possédait; qu'elle fit compter une somme de <i>deux cent
+mille livres</i> en constitution de rentes à Rohan-Chabot, qui possède des
+terres considérables dans la Vendée, sur l'étendue desquelles s'est
+formé le premier noyau des rebelles, selon la commune renommée<a name="FNanchor_145_145" id="FNanchor_145_145"></a><a href="#Footnote_145_145" class="fnanchor">[145]</a>; que
+par l'entremise d'un nommé <i>d'Escourt</i>, ci-devant chevalier, elle prêta
+une pareille somme de 200,000 livres à la Rochefoucault,<a name="page_307" id="page_307"></a> ancien évêque
+de Rouen<a name="FNanchor_146_146" id="FNanchor_146_146"></a><a href="#Footnote_146_146" class="fnanchor">[146]</a>; que ce même d'Escourt, détenu à la Force, le nommé
+Laboudie, son neveu, et le ci-devant vicomte de Jumilhac, émigré, ont
+reçu d'elle des sommes considérables à la même époque; qu'elle
+provoquait des rassemblements dans son pavillon de Louveciennes, dont
+elle voulait faire un petit château fort, ce qui est suffisamment prouvé
+par les <i>huit fusils</i> que son bon ami, le scélérat d'<i>Angremont</i>,
+escroqua pour elle à la municipalité de Paris, sous le prétexte que
+c'était la municipalité de Louveciennes qui demandait ces fusils, ce qui
+a été reconnu faux; qu'elle comptait tellement sur la contre-révolution,
+à laquelle elle travaillait si puissamment, qu'elle avait fait cacher
+dans sa cave sa vaisselle plate et autre argenterie; qu'elle avait fait
+enterrer dans son jardin ses diamants, son or, ses pierres précieuses,
+avec les titres de noblesse, brevets, etc., de l'émigré <i>Graillet</i><a name="FNanchor_147_147" id="FNanchor_147_147"></a><a href="#Footnote_147_147" class="fnanchor">[147]</a>;
+qu'elle avait également fait enterrer dans les bois les bronzes les plus
+riches et les bustes de la royauté; et qu'elle avait dans un grenier un
+magasin énorme de marchandises et d'étoffes du plus haut prix, dont elle
+avait nié l'existence; qu'il a été trouvé chez elle une collection rare
+d'écrits et de gravures contre-révolutionnaires; que lors de son séjour
+à Londres, elle a publiquement porté le deuil du tyran; que cette femme,
+enfin, qui a fait<a name="page_308" id="page_308"></a> tout le mal qui était en elle, et dont Forth, le
+fameux espion anglais, s'était adroitement servi comme d'un instrument
+utile aux desseins perfides des cours des Tuileries et de Londres,
+entretenait des correspondances et des liaisons avec les ennemis les
+plus cruels de la République, tels que Crussol, de Poix, Canonet,
+Calonne, etc., et une foule d'autres, dont il serait trop long de donner
+l'énumération; qu'elle était tellement protégée par le parti ministériel
+de la Grande-Bretagne, que quand la guerre fut déclarée à cette
+puissance, elle resta tranquillement à Londres, tandis que les Français
+en étaient chassés ou horriblement persécutés, ce qui ne peut laisser
+aucun doute sur le rôle odieux que jouait cette femme, que l'on doit
+regarder comme un des plus grands fléaux de la France, et comme un
+gouffre épouvantable dans lequel s'est engloutie une quantité effrayante
+de millions, etc.»</p>
+
+<p>Le 8 décembre 1793 (18 frimaire an II), madame du Barry fut conduite au
+supplice.</p>
+
+<p>On sait qu'elle jeta les hauts cris depuis la Conciergerie jusqu'à la
+place de la Révolution, où était dressée la guillotine. Elle avait une
+telle frayeur de cette horrible mort, qu'arrivée sur l'échafaud elle
+cria à la foule qui l'entourait: <i>A moi! A moi!</i> et s'adressant ensuite
+au bourreau: <i>Encore un moment, monsieur, je vous en prie</i>, lui dit-elle
+les larmes aux yeux. Un instant après, elle avait cessé de vivre<a name="FNanchor_148_148" id="FNanchor_148_148"></a><a href="#Footnote_148_148" class="fnanchor">[148]</a>.<a name="page_309" id="page_309"></a></p>
+
+<p>On a vu, le jour même de l'arrestation de madame du Barry, <i>Greive</i>
+faire mettre les scellés sur une partie du mobilier du château de
+Louveciennes. Le lendemain, il revint accompagné du juge de paix, son
+ami, et ils procédèrent seuls à la continuation de la pose des scellés
+et à l'examen des richesses de ce lieu. Jusqu'au 27, Greive fut
+parfaitement le maître de faire tout ce que bon lui semblait dans cette
+habitation, et l'on verra dans le résumé historique des opérations des
+commissaires envoyés par le directoire du département de Seine-et-Oise
+que des soupçons sérieux s'élevèrent dans leur esprit sur la probité qui
+avait présidé à ce premier travail.</p>
+
+<p><i>Salanave</i>, l'ancien domestique de madame du Barry, faisait partie du
+comité de salut public du district de Versailles. <i>Greive</i>, dont presque
+tous les membres de ce comité étaient les amis, fit nommer <i>Salanave</i> et
+un appelé <i>Soyer</i> commissaires chargés de prendre connaissance des
+scellés apposés par le juge de paix de Marly. On pense bien que ces deux
+commissaires, en se rendant à Louveciennes le 27, approuvèrent tout ce
+qui avait été fait. Ils nommèrent ensuite pour la garde des scellés
+<i>Fournier</i>, le père du juge de paix, et <i>Zamor</i>, ce nègre <i>si excellent
+et si intelligent patriote</i><a name="FNanchor_149_149" id="FNanchor_149_149"></a><a href="#Footnote_149_149" class="fnanchor">[149]</a>. De plus, pour la sûreté des trésors
+renfermés, on établit une garde composée de dix-huit patriotes faisant
+partie de la société des sans-culottes de<a name="page_310" id="page_310"></a> Louveciennes. C'était une
+fort bonne affaire pour ces patriotes, car on voit dans le résumé
+historique dont on a déjà parlé que cette garde, depuis son installation
+jusqu'au 13 frimaire, c'est-à-dire en soixante-dix jours, avait déjà
+coûté 9,274 livres.</p>
+
+<p>On n'attendit pas la condamnation de madame du Barry pour fouiller dans
+sa maison, et l'on procéda comme si l'on avait été sûr de sa mort. Des
+commissaires spéciaux furent désignés pour faire l'inventaire et
+l'estimation de tout ce qui s'y trouvait. Outre un précieux mobilier, de
+nombreux objets d'art et des bijoux de prix, les commissaires ont
+surtout été frappés de la quantité d'objets de toilette, tels que
+dentelles, corsets de toutes couleurs, brodés en soie, or et argent;
+étoffes de soie et de velours, simples ou brochées d'or et d'argent,
+coupées ou en pièces, et en si grand nombre, qu'elles furent estimées à
+environ 200,000 mille livres, mises à part et destinées à être vendues à
+l'étranger<a name="FNanchor_150_150" id="FNanchor_150_150"></a><a href="#Footnote_150_150" class="fnanchor">[150]</a>.</p>
+
+<p>Cependant, malgré les recherches les plus minutieuses, un grand nombre
+des cachettes faites par madame du Barry avaient échappé aux regards
+scrutateurs des commissaires. Le jour même de sa mort, persuadée que
+c'était moins à sa personne qu'à ses richesses qu'on en voulait, et
+qu'en faisant connaître exactement les divers endroits où elles étaient
+enfouies, elle pourrait sauver sa vie, elle se décida à<a name="page_311" id="page_311"></a> en faire la
+déclaration; ce qui ne la sauva pas, mais fut la cause de la mort de
+<i>Morin</i>, le seul de ses domestiques resté fidèle.</p>
+
+<p>Cette déclaration servit beaucoup aux commissaires dans leurs
+recherches, comme on le verra dans le résumé historique. Dans le grand
+nombre de bijoux indiqués, on en voit quelques-uns qui montrent son
+intimité avec le duc de Brissac. Ainsi elle indique dans une des
+cachettes «une boîte, montée en cage d'or, avec le portrait de l'épouse
+de Brissac;&mdash;un portrait de la fille de ce dernier, monté en or;&mdash;un
+autre de son frère;&mdash;une boîte d'écaille blonde montée en or, avec une
+très-belle pierre blanche gravée, où est le portrait de Brissac et de la
+déclarante;&mdash;un portrait en émail de la grand'mère de Brissac;&mdash;deux
+tasses d'or avec leurs manches de corail, et quelques autres objets
+appartenant à Brissac;&mdash;une paire d'éperons d'or, avec des chiffres
+appartenant à feu Brissac».</p>
+
+<p>Deux jours après la mort de madame du Barry, Fouquier-Tainville écrivit
+au directoire du département de Seine-et-Oise pour lui annoncer le
+jugement et faire procéder au séquestre des biens de la condamnée, et le
+4 nivôse suivant (24 décembre), le directoire prenait la délibération
+suivante:</p>
+
+<p>«Vu par l'administration la lettre de l'accusateur public près le
+tribunal révolutionnaire, du 20 frimaire, qui annonce que la femme du
+Barry a été condamnée, par jugement de ce tribunal du 17 du<a name="page_312" id="page_312"></a> même mois,
+à la peine de mort, et que tous ses biens étaient acquis et confisqués
+au profit de la nation, il convenait de faire procéder au séquestre des
+biens de cette condamnée qui sont situés dans l'étendue du département
+de Seine-et-Oise.</p>
+
+<p>»Vu la lettre adressée le 19 du mois dernier par l'administration
+provisoire des domaines nationaux aux administrateurs composant le
+directoire du département de Seine-et-Oise, de laquelle il appert que le
+glaive de la loi a fait tomber la tête d'une femme qui avait la plus
+grande part à la dilapidation de la fortune publique et qui, à ce
+premier crime que la nation avait à lui reprocher, a joint celui
+d'émigrer et d'avoir des relations avec les ennemis de notre liberté,
+qu'il importe que les mesures les plus promptes soient prises pour que
+ce qu'elle avait conservé des scandaleuses prodigalités de
+l'avant-dernier tyran rentre en entier sous la main de la nation; il
+engage donc l'administration, si les scellés ne sont déjà mis dans sa
+dernière demeure, à Louveciennes, à les y faire apposer sans délai et à
+faire procéder le plus tôt possible à l'inventaire, afin de mettre la
+régie en possession des immeubles et d'avoir un moyen de tirer du
+mobilier le meilleur parti possible; qu'au surplus l'administration ne
+saurait mettre trop de soins dans le choix des gardiens qui y sont ou
+qui y seraient établis, ni les faire surveiller avec trop d'exactitude;
+que les objets précieux que renferme cette habitation perdraient
+beaucoup de leur<a name="page_313" id="page_313"></a> valeur si l'on n'apportait la plus grande attention à
+empêcher qu'ils ne soient dégradés, et qu'il y en a que, vu leur peu de
+volume, il serait facile de soustraire. Il invite l'administration à le
+tenir au courant de ce qu'elle fera pour remplir le v&oelig;u de cette lettre
+et pour que la République ne perde rien de ce qu'elle doit retrouver
+dans cette importante confiscation;</p>
+
+<p>»L'administration, considérant que les scellés ont été apposés chez
+ladite femme, à Louveciennes, et l'inventaire fait dès le mois de
+février dernier, arrête qu'en attendant la vente des immeubles ayant
+ci-devant appartenu à la femme du Barry, à laquelle il sera procédé le
+plus tôt possible, il sera à la poursuite et diligence du directoire du
+district de Versailles, également procédé à la vente de tous les effets
+mobiliers provenant de cette femme;</p>
+
+<p>»Invite en outre le directoire du district de Versailles à exercer la
+surveillance la plus active sur les gardiens qui sont déjà établis dans
+la maison qu'occupait cette femme, ou qui leur seront substitués, pour
+prévenir la dégradation des objets précieux qui s'y trouvent et la
+spoliation de ceux que leur peu de volume rend faciles à soustraire,
+<i>comme aussi à constater les effets qui ont pu être distraits du
+mobilier de cette femme, pour en assurer le recouvrement</i>.</p>
+
+<p>»Arrête aussi que le directeur de la régie nationale sera tenu de
+prendre, conjointement avec le directoire du district de Versailles, les
+mesures convenables<a name="page_314" id="page_314"></a> pour opérer le séquestre des biens de cette femme,
+et que, dès à présent, l'administration lui en sera confiée pour la
+conservation des droits tant de ses créanciers que de la
+République<a name="FNanchor_151_151" id="FNanchor_151_151"></a><a href="#Footnote_151_151" class="fnanchor">[151]</a>.»</p>
+
+<p>Par suite de cette délibération, le district de Versailles donna de
+nouveaux pouvoirs à la commission qu'elle avait chargée dès le 29
+frimaire de procéder à l'inventaire et à la constatation des objets
+mobiliers, d'art, etc., de toute nature du château de Louveciennes.</p>
+
+<p>Cette commission s'était déjà transportée à Louveciennes, et elle
+procéda consciencieusement à ce travail long et difficile. On voit, dans
+les nombreux procès-verbaux particuliers adressés par elle au district
+de Versailles<a name="FNanchor_152_152" id="FNanchor_152_152"></a><a href="#Footnote_152_152" class="fnanchor">[152]</a>, combien elle eut de peine et souvent de luttes à
+soutenir avec ceux jusqu'alors chargés de ce travail, pour y établir
+l'ordre et la clarté et remplir le mandat qui lui avait été confié.</p>
+
+<p>Lorsqu'elle crut sa mission terminée, elle adressa au directoire du
+district de Versailles les divers procès-verbaux des opérations dont
+chacun de ses membres en particulier avait été chargé. Les
+procès-verbaux étaient accompagnés d'un résumé historique du travail
+général de la commission. Ce résumé raconte tout ce qui s'est passé à
+Louveciennes depuis la<a name="page_315" id="page_315"></a> mort de madame du Barry jusqu'au moment de la
+vente de ses effets; il est, par conséquent, le complément de ce récit.</p>
+
+<p class="c">RÉSUMÉ HISTORIQUE<br /><br />
+<small>DES OPÉRATIONS DES COMMISSAIRES DE LOUVECIENNES.</small></p>
+
+<p>«La du Barry, condamnée à mort par le tribunal révolutionnaire de Paris,
+le 18 frimaire, a fait le même jour la déclaration des lieux où elle
+avait caché différents objets précieux, et des personnes à qui elle les
+avait confiés.</p>
+
+<p>»En conséquence, les commissaires, à leur arrivée à Louveciennes, le 21
+frimaire, se sont occupés d'abord des moyens de parvenir à la découverte
+des objets déclarés.&mdash;Le moyen qui devait être le plus fructueux était
+de faire traduire à Louveciennes Morin<a name="FNanchor_153_153" id="FNanchor_153_153"></a><a href="#Footnote_153_153" class="fnanchor">[153]</a>, valet de chambre de la du
+Barry et son homme de confiance; aussi les commissaires ont écrit à
+l'accusateur public, et lui ont même envoyé un exprès.</p>
+
+<p>»Avant que de procéder à aucune recherche, ils ont interrogé pendant
+plusieurs jours ceux des domestiques de la du Barry qui n'avaient pas
+été arrêtés avec cette femme. D'après les dépositions qu'ils ont reçues,
+ils n'ont trouvé de coupables que le nommé Déliant, frotteur, et
+particulièrement<a name="page_316" id="page_316"></a> la femme Déliant, dénommée dans la déclaration de la
+du Barry, comme dépositaire de deux boîtes renfermant des bijoux,
+diamants et autres effets précieux.</p>
+
+<p>»La fausseté qui avait dicté les réponses de la femme Déliant a engagé
+la commission à la mettre en arrestation chez elle, avec son mari, et à
+leur donner deux gardes choisis par la municipalité du lieu.</p>
+
+<p>»Le nommé Déliant, frotteur, a prouvé par ses déclarations moins de
+mauvaise foi que sa femme. Cet homme, moribond depuis longtemps, a paru
+avoir peu de connaissance des dépôts confiés à cette dernière, et depuis
+huit jours il est mort à l'infirmerie de Versailles, où la commission
+l'avait fait transporter.</p>
+
+<p>»La femme Déliant, lors de son premier interrogatoire, le 22 frimaire,
+avait simplement déclaré que la du Barry, cinq ou six jours avant son
+arrestation, lui avait mis dans son tablier plusieurs paquets enveloppés
+de papier; que le même jour, d'après les ordres de sa maîtresse, elle
+les avait cachés dans un fumier contre la melonnière; mais la suite
+prouvera la fausseté de cette déclaration.</p>
+
+<p>»Le 24 frimaire, jour de l'arrivée de Morin, la femme Déliant, voulant
+prévenir les perquisitions que les commissaires se disposaient à faire
+chez elle, avait, le même jour, demandé à leur parler; mais les
+commissaires étant, dans ce moment-là, occupés à<a name="page_317" id="page_317"></a> faire fouiller le
+jardin de Morin, le citoyen Greive, commissaire du Comité de sûreté
+générale de la Convention, s'est rendu chez ladite Déliant. Cette femme
+lui a remis cent quatre-vingt-treize louis simples en or, à elle confiés
+par la du Barry quelque temps avant son dernier voyage en Angleterre.</p>
+
+<p>»Le 16 frimaire, les commissaires ont interrogé ladite Déliant. Il
+résulte de sa déclaration que la du Barry, à l'époque de son dernier
+voyage en Angleterre, lui avait remis trois coffres renfermant beaucoup
+d'objets précieux, pour les mettre soi-disant plus en sûreté et à l'abri
+d'être volés; que le lendemain de l'arrestation de la du Barry, ladite
+Déliant les avait déposés dans la maison de la veuve Aubert, sa mère, où
+ils sont restés environ douze jours; que les perquisitions exercées dans
+la maison de la du Barry et dépendances lui donnant à craindre qu'on ne
+trouvât chez sa mère les coffres y déposés, elle avait, la veille de son
+arrestation et de son incarcération aux Récollets<a name="FNanchor_154_154" id="FNanchor_154_154"></a><a href="#Footnote_154_154" class="fnanchor">[154]</a>, ouvert les trois
+coffres, avait vidé les objets y contenus, les avait mis dans son
+tablier et cachés le même soir dans un fumier contre la melonnière, à
+l'exception de quatre rouleaux de louis simples, d'un gobelet d'or avec
+son couvercle, d'une bourse pleine de jetons d'argent et de quelques
+flacons; que sa mère avait jeté le lendemain dans la pièce d'eau du
+Grand Jet de Marly ces derniers<a name="page_318" id="page_318"></a> objets, à l'exception cependant de
+quatre rouleaux de louis, qu'elle avait gardés pour elle sans en donner
+connaissance à son mari.</p>
+
+<p>»Les 24 et 26 frimaire, les commissaires ont interrogé Morin. Mais avant
+de rendre compte des découvertes qu'ils ont faites sur ses indications,
+il est nécessaire de suivre la conduite de la femme Déliant.</p>
+
+<p>»Le même jour de l'interrogatoire de cette dernière, il a été déposé
+entre les mains des commissaires, par Agathe Gournay et la femme
+Borgard, une montre enrichie de diamants, trouvée par elles, il y avait
+six semaines, dans une pièce d'eau du jardin de Marly; et par Jacques
+Richard, fontainier, deux flacons de cristal de roche, sans bouchons ni
+sans garnitures, et trouvés dans la même pièce.</p>
+
+<p>»La femme Déliant avait été présente au dépôt de la montre dont est
+question, et cet acte de probité, peu conforme à son caractère fourbe et
+à sa conduite plus que suspecte, la faisant regarder elle-même comme
+très-coupable à ses propres yeux, cette femme, sous prétexte de
+satisfaire des besoins naturels, a surpris la surveillance de ses gardes
+et s'est coupé la gorge avec un rasoir.</p>
+
+<p>»Les commissaires ont fait dresser par le juge de paix procès-verbal de
+cet événement, qui n'a pas eu de suites funestes, au moyen des soins du
+chirurgien appelé alors.</p>
+
+<p>»Dans le même moment, le mari de ladite Déliant,<a name="page_319" id="page_319"></a> alité depuis
+longtemps, ayant déclaré que sa femme avait jeté quelque chose par la
+fenêtre, l'on a trouvé dans une gouttière, au-dessous du charbonnier,
+sous la fenêtre de la chambre desdits Déliant, quatre boîtes, dont une
+d'or enrichie de diamants, une autre aussi d'or; lesdites renfermées
+dans un sac à poudre, jetées comme il est dit par ladite femme Déliant,
+quoique cette dernière n'ait jamais voulu en convenir.</p>
+
+<p>»Les commissaires ont séparé ladite Déliant de son mari, lui ont donné
+deux gardes pendant deux jours, au bout desquels ils l'ont fait
+transférer à l'infirmerie de Versailles, où elle est encore.</p>
+
+<p>»Les bijoux, diamants et autres effets précieux, cachés dans le fumier
+par ladite femme Déliant, y ont été trouvés par le citoyen Greive deux
+mois et demi après l'arrestation de la du Barry; mais comme <i>on n'a
+jamais eu l'état désignatif et la connaissance positive des objets que
+renfermaient les trois boîtes, il reste incertain si tous ont été
+trouvés</i>.</p>
+
+<p>»<i>Sans vouloir rien préjuger sur la conduite que l'on a tenue</i>, le 11
+frimaire, <i>lors de cette découverte</i>, les commissaires ignorent s'il y a
+eu un procès-verbal dressé au moment même, mais il ne leur a été remis
+d'autre procès-verbal que celui de reconnaissance, fait le 13 frimaire,
+par Houdon, juge de paix actuel de Louveciennes, <i>c'est-à-dire deux
+jours et demi après la découverte</i>, le juge de paix n'ayant été appelé
+qu'à cette époque.<a name="page_320" id="page_320"></a></p>
+
+<p>»Quant aux objets jetés dans les pièces d'eau du jardin de Marly par la
+mère de la femme Déliant, on a trouvé seulement la montre déposée par
+Agathe Gournay et la femme Borgard, les deux flacons remis par Richard,
+deux autres flacons trouvés par les commissaires lors de leurs
+perquisitions dans la pièce d'eau du Grand Jet de Marly, un flacon remis
+au moment même par Joséphine Lochard. Il reste conséquemment à recouvrer
+le gobelet et le couvercle en or, provenant d'un plateau de toilette, et
+la bourse pleine de jetons d'argent.</p>
+
+<p>»Après être entrés dans les détails des déclarations toujours tardives,
+toujours partielles de la femme Déliant, de la nature des dépôts
+précieux qui lui ont été confiés par la du Barry, de l'usage
+inconcevable qu'elle en a fait, des événements tragiques qui ont suivi
+sa conduite, les commissaires rendent compte du résultat de Morin, valet
+de chambre et agent secret de la du Barry.</p>
+
+<p>»Les perquisitions les plus amples avaient été faites dans le jardin de
+ce prévenu, et toujours infructueusement. Cet homme allait être jugé,
+exécuté, emportant avec lui la connaissance des différents dépôts, si
+les commissaires n'eussent pas écrit à l'accusateur public, ne lui
+eussent pas envoyé un exprès au moment où Morin allait subir la peine
+due à ses crimes.</p>
+
+<p>»Les 24 et 26 frimaire, les commissaires ont interrogé ce prévenu:
+d'après ses déclarations, et sur<a name="page_321" id="page_321"></a> ses indications, ils ont trouvé cachés
+derrière des bois de charpente placés contre un mur du jardin de Morin
+une douzaine de cuillers d'or à café; dans le grenier au-dessus de la
+cuisine de sa maison, une croix d'argent, un calice et une patène
+d'argent; une boîte à quadrille, la boîte, les fiches et contrats en
+ivoire, incrustés en or; dans le jardin de Morin, et enterrés en divers
+endroits sous des arbres hors de monter, et près la grille, deux boîtes
+de sapin renfermant savoir:</p>
+
+<table border="0" cellpadding="2" cellspacing="0" summary="">
+<tr><td align="left">Argent blanc</td><td align="right">7,203</td><td align="right">liv.</td></tr>
+<tr><td align="left">40 doubles louis</td><td align="right">1,920</td><td align="right">&nbsp;</td></tr>
+<tr><td align="left">Un louis en or</td><td align="right">24</td><td align="right">&nbsp;</td></tr>
+<tr><td align="left">2 guinées et une demi-guinée</td><td align="right">36</td><td align="right">&nbsp;</td></tr>
+<tr><td align="center">Total</td><td align="right"
+style="border-top:black 1px solid;">9,183</td><td align="right"
+style="border-top:black 1px solid;">liv.</td></tr>
+</table>
+
+<p>»En outre, 99 jetons d'argent et un globe d'argent-vermeil.</p>
+
+<p>»D'après la déclaration de la du Barry, on aurait dû trouver douze sacs
+de 1,200 livres environ, et différents objets précieux. Cependant
+lesdites boîtes ne renfermaient que cinq sacs, les louis, les guinées en
+or et le gobelet d'argent-vermeil.</p>
+
+<p>»Il est à croire que Morin en a détourné une partie; l'espérance qu'il
+avait d'être acquitté l'a sans doute engagé à ne pas déclarer les dépôts
+qu'il avait faits pour le compte de sa maîtresse et pour son propre
+compte, et il serait nécessaire de faire fouiller son jardin en entier.<a name="page_322" id="page_322"></a></p>
+
+<p>»Les commissaires ont aussi trouvé dans la chambre de Morin, et sur ses
+indications, une râpe à muscade en argent, dans un étui d'argent; un
+paquet intitulé <i>Graines de panais</i>, contenant dix-sept aunes de galon
+d'argent à livrée, et quelques autres objets.</p>
+
+<p>»Les perquisitions antérieures faites par le citoyen Greive avaient
+procuré la découverte de 393 livres en argent blanc, d'un billet qui
+prouvait que Morin était chargé de faire passer cette somme à l'abbé de
+Fontenille, poste restante, à Coblentz. Cette somme existe encore dans
+la chambre de Morin, et les commissaires du district chargés de faire
+l'inventaire en rendront compte en tant que de besoin.</p>
+
+<p>»Les commissaires ont fait ce qui dépendait d'eux pour tirer de Morin
+tous les aveux qui pouvaient aider leurs découvertes; mais cet homme n'a
+déclaré que les dépôts trouvés antérieurement, et il est hors de doute
+qu'il avait la connaissance de plusieurs autres, dans le cas où sa
+conduite contre-révolutionnaire n'aurait pas été dévoilée et punie.</p>
+
+<p>»L'objet principal de la mission des commissaires était de faire des
+recherches. Quoique le citoyen Greive eût découvert une grande partie
+des objets déclarés et non déclarés par la du Barry, il restait encore
+des recherches à faire, et les commissaires n'ont rien négligé pour les
+rendre heureuses.</p>
+
+<p>»A cet effet, ils ont renouvelé dans plusieurs endroits les
+perquisitions les plus exactes. Ils ont fait fouiller deux fois dans le
+jardin de Morin, et deux<a name="page_323" id="page_323"></a> jours de suite dans la cave commune de la
+maison de la du Barry; mais ces nouvelles fouilles n'ont produit aucune
+découverte, et quoique que l'on soit bien persuadé qu'il existe encore
+des dépôts cachés, il faudrait avoir, pour les trouver, des indices
+particuliers, les terrains environnant la maison de la du Barry étant
+trop spacieux pour qu'on puisse hasarder de nouvelles fouilles,
+dispendieuses d'ailleurs et d'un succès incertain.</p>
+
+<p>»D'après l'arrêté du comité de salut public et les instructions du
+ministre, les commissaires devaient remettre à la Trésorerie nationale
+les assignats, espèces monnayées, et aux domaines tout ce qui
+consisterait en bijoux, diamants et autres objets précieux.</p>
+
+<p>»Pour remplir une partie de leur mission, il ne suffisait pas de faire
+un simple inventaire de ces objets, il fallait en faire le récolement
+exact, pour opérer la décharge des commissaires et gardiens
+responsables.</p>
+
+<p>»A cet effet, les commissaires ont procédé au dépouillement de tous les
+procès-verbaux de l'ancien et du nouveau juge de paix, dressés sur la
+réquisition du citoyen Greive, commissaire du comité de sûreté générale
+de la Convention, en présence des officiers municipaux de Louveciennes.
+Ils ont fermé l'état désignatif de tous les objets y mentionnés par
+nature et espèce, en distinguant par ordre l'argenterie, les effets en
+or, etc.</p>
+
+<p>»Ce relevé, nécessaire pour assurer la justesse de<a name="page_324" id="page_324"></a> toutes
+vérifications, a demandé un temps très-long, à raison de la lecture
+qu'il a fallu prendre de tous les procès-verbaux, et de ce que chaque
+objet se trouvait mentionné isolément dans un procès-verbal et dans un
+autre.</p>
+
+<p>»Les commissaires ont d'abord procédé à la reconnaissance d'une somme de
+37,986 livres en numéraire, trouvée chez la du Barry. Cette somme,
+jointe à celle de 13,815 liv. découverte par la commission, forme celle
+de 51,801 liv. remise par elle à la Trésorerie nationale.</p>
+
+<p>»Il avait été trouvé, en outre, dans la commode de la chambre à coucher
+de la du Barry, une somme de 3,443 liv. en assignats; mais cette somme a
+été mise par les citoyens Lacroix et Musset, représentants du peuple à
+Versailles, à la disposition du citoyen Greive, pour subvenir aux
+dépenses du moment, et il reste encore une somme de 29 liv. en
+assignats, et 7 liv. en argent monnayé.</p>
+
+<p>»Les commissaires observent qu'il a été déposé entre leurs mains, le 27
+nivôse, par le citoyen Fournier, ancien juge de paix, à l'appui d'un
+procès-verbal de découverte, chez la femme Couture, une somme de 1,200
+liv., savoir: 400 liv., dont 200 liv. démonétisées appartenant à Morin,
+et 800 livr. au nommé Pétry, coiffeur, détenu à Paris. Les commissaires
+du district chargés de faire l'inventaire rendront compte de ces sommes
+et des autres en tant que de besoin.<a name="page_325" id="page_325"></a></p>
+
+<p>»Les commissaires, en suivant l'ordre de leur relevé sur les
+procès-verbaux remis entre leurs mains, ont fait, en présence du citoyen
+Greive, du juge de paix et du maire de Louveciennes, le récolement et la
+reconnaissance de l'argenterie, des effets en or, cristaux, bijoux,
+diamants et autres objets précieux, mis sous les scellés dans la chambre
+à coucher de la du Barry, nº 4. Ils ont rédigé procès-verbal de chaque
+opération, et en ont donné copie au citoyen Greive et à la municipalité
+du lieu.</p>
+
+<p>»Cette vérification leur a demandé un temps très-long, attendu que
+beaucoup de ces objets n'avaient pas été désignés suivant leur nature et
+espèce, et suivant les termes techniques qui leur convenaient.
+<i>Peut-être que le plaisir d'avoir fait les découvertes, la précipitation
+avec laquelle on a procédé à leur inventaire, ont fait négliger les
+formalités de la rédaction et l'exactitude dans la prescription et
+reconnaissance des objets; mais en général les commissaires ont aperçu
+un défaut d'ordre, et ils ne peuvent mieux le prouver que par le grand
+nombre d'effets qu'ils ont reconnus n'avoir pas été inventoriés.</i> Le
+désordre ne porte pas seulement sur les objets découverts, mais sur tous
+ceux en évidence dans la maison. Ces objets sont épars et en confusion.</p>
+
+<p>»<i>Les commissaires ont trouvé, dans différents endroits de la maison,
+plusieurs étuis de chagrin et galuchat, qui renfermaient sans doute des
+effets précieux et qui, cependant, ne font pas partie de ceux
+inventoriés et<a name="page_326" id="page_326"></a> reconnus.</i> Les commissaires ont vu, entre autres étuis,
+celui dans lequel devait se trouver une paire de boucles de souliers en
+or, garnies de perles, dont l'existence antérieure est prouvée par la
+déclaration même de la du Barry. <i>Tous ces étuis ont été trouvés vides.</i>
+Les commissaires ignorent si les objets qu'ils contenaient existaient au
+moment de l'arrestation de cette femme, ou si elle n'en aurait pas
+disposé elle-même, d'une manière ou d'une autre.</p>
+
+<p>»Les commissaires ont remis successivement à l'administration des
+domaines l'argenterie, les bijoux, diamants, effets en or, et
+généralement tous les objets provenant soit de leurs découvertes
+personnelles, soit des découvertes faites avant eux par le citoyen
+Greive, commissaire de sûreté du comité général de la Convention. Ils
+invitent à en acquérir la preuve par l'examen de l'état ci-joint, dont
+les objets y mentionnés portent le numéro correspondant à celui des
+objets désignés dans les procès-verbaux et récépissés de remise aux
+domaines. Ils joignent aussi au présent résumé historique d'opérations
+l'état de comparaison des objets déclarés par la du Barry et trouvés,
+avec ceux qui restent à découvrir.</p>
+
+<p>»Jusque-là les commissaires avaient rempli l'objet intrinsèque de leur
+mission. Mais la nature même de leurs fonctions les a entraînés dans une
+quantité de détails dont ils devaient prendre connaissance, autant parce
+qu'ils se sont trouvés liés à leurs fonctions que parce que le besoin de
+se mettre à l'abri de<a name="page_327" id="page_327"></a> tous reproches leur recommandait de faire tout ce
+qui intéressait le bien public.</p>
+
+<p>»Des mesures de sûreté générale, relatives à la conservation des dépôts
+précieux, existant dans la maison de la du Barry, avaient exigé la
+surveillance d'une garde assez nombreuse; mais l'enlèvement successif de
+ces dépôts demandait une économie dans cette dépense. En conséquence,
+les commissaires ont réduit, le 6 pluviôse, la garde à six hommes, au
+lieu de dix-huit. Cette garde, depuis le 2 vendémiaire, jour de son
+établissement par le citoyen Greive, jusqu'au 13 frimaire, avait été
+payée sur des fonds mis à la disposition du citoyen Greive, savoir:
+3,143 liv. par les citoyens Lacroix et Musset, représentants du peuple à
+Versailles, et 3,000 liv. par Voulant et Jajot; mais le citoyen Greive
+n'avait plus de fonds disponibles. Il est dû encore à la garde la somme
+de 3,151 liv., et les commissaires en ont envoyé l'état à
+l'administration du district de Versailles.</p>
+
+<p>»Le besoin de rétablir l'ordre dans la maison de la du Barry devait
+fixer, la sollicitude des commissaires. Ce soin paraissait cependant
+devoir appartenir plus particulièrement au citoyen Greive, qui depuis
+longtemps habitait la maison de la du Barry, connaissait les causes de
+la dépense, et l'avait mise ou laissée sur le pied où les commissaires
+l'ont trouvée.&mdash;<i>Mais le citoyen Greive, trop occupé sans doute de
+l'exécution des grandes mesures de sûreté générale,<a name="page_328" id="page_328"></a> dont il annonçait
+être chargé par sa qualité même, n'avait pas le temps d'entrer dans les
+petits détails.</i> Les commissaires ont cru devoir prendre sur eux de
+faire la réforme commandée par l'économie, en attendant d'ailleurs la
+solution de plusieurs questions dont la nature les attachait encore à
+leur place.</p>
+
+<p>»Jusque-là différentes circonstances, dont il sera parlé ci-après,
+avaient occasionné une dépense assez considérable de bouche et de
+chauffage; mais les circonstances n'étant plus les mêmes, les
+commissaires ont jugé devoir rompre le cours de cette dépense. A cet
+effet, ils ont arrêté les mémoires du boulanger, du boucher et des
+autres fournisseurs de la maison. Ils ont envoyé à l'administration du
+district de Versailles le bordereau de cette dépense, montant à la somme
+de 2,749 fr.</p>
+
+<p>»Cette dépense, dont le citoyen Greive peut rendre compte mieux que
+personne des causes qui l'ont déterminée, a été plus considérable
+pendant le cours de sa mission. En général, cette dépense a été faite
+par les différents commissaires qui se sont succédé, par le juge de
+paix, son greffier, par les officiers municipaux, dans un temps où le
+secret des opérations demandait leur permanence continuelle, par les
+personnes que le citoyen Greive a employées à auner les étoffes, à peser
+les matières d'or et d'argent, par les prévenus traduits devant la
+commission, par les gendarmes, huissiers qui les ont accompagnés,<a name="page_329" id="page_329"></a> enfin
+par toutes les personnes dont la présence a été reconnue nécessaire.</p>
+
+<p>»Les fonctions des commissaires ont acquis, par l'effet des
+circonstances, une plus grande latitude. Ils ont appris, par exemple,
+qu'il existait à Paris, dans la maison de Brissac, un coffre de fer
+caché entre deux boiseries. A cet effet, ils sont allés plusieurs fois à
+Paris pour se concerter avec le ministre sur les moyens à employer pour
+sa découverte. Le ministre a écrit lui-même au comité de surveillance de
+la Fontaine de Grenelle, pour l'inviter à nommer deux membres pour
+seconder les commissaires dans leurs recherches. Le citoyen Villette
+s'est présenté lui-même au comité de cette section, à celui de sûreté
+générale; mais les formalités à remplir pour la levée des scellés chez
+Brissac ont arrêté sans doute l'usage de toutes mesures, et le coffre de
+fer reste encore à découvrir, ou, s'il a été découvert, la commission
+l'ignore.</p>
+
+<p>»Les commissaires ont aussi, sur la réquisition des citoyens Lacroix et
+Musset, représentants du peuple à Versailles, fait l'inventaire du vieux
+linge existant dans la maison de la du Barry, et l'ont envoyé à
+l'hôpital militaire de Saint-Cyr.</p>
+
+<p>»Ces différentes démarches et opérations ont occupé les commissaires en
+attendant la réponse à plusieurs questions de la solution desquelles
+dépendait la continuation ou la cessation de leurs fonctions.</p>
+
+<p>»Une de ces questions était de connaître la manière<a name="page_330" id="page_330"></a> dont on disposerait
+des étoffes précieuses existant dans la maison de la du Barry. Une
+grande partie de ces étoffes, dont la valeur peut s'élever à 200,000
+livres, ne pouvait être vendue qu'à l'étranger. Le ministre, sur les
+observations des commissaires, avait écrit au comité de salut public:
+depuis peu, ce comité a chargé l'administration des subsistances d'en
+faire l'inventaire, et dans ce moment ce travail occupe les
+commissaires.</p>
+
+<p>»Le rétablissement de l'ordre, des précautions de tout genre, le besoin
+d'éviter même des dilapidations, le besoin de liquider la succession de
+la du Barry pour payer les créanciers, toutes ces considérations ont
+engagé les commissaires à demander qu'il soit procédé promptement à
+l'inventaire du mobilier de la du Barry, et, depuis le 20 pluviôse, les
+citoyens Delcros et Lequoy ont été nommés à cet effet par
+l'administration du district de Versailles.</p>
+
+<p>»En conséquence, les pouvoirs du citoyen Villette, seul commissaire du
+pouvoir exécutif à Louveciennes, doivent cesser lorsqu'il aura fini,
+conjointement avec le commissaire des subsistances et ceux du district,
+l'inventaire des étoffes dont il est spécialement chargé par le
+ministre.</p>
+
+<p>»Voici la manière dont les membres composant la commission de
+Louveciennes ont cru devoir rendre compte de leur mission, chacun pour
+les opérations auxquelles ils ont été présents, nonobstant les pièces<a name="page_331" id="page_331"></a>
+qu'ils joignent à l'appui de leur compte, certifiant le tout sincère et
+véritable.</p>
+
+<p>»Signé à la minute: Huvé, Villette, Delcros, Houdon, Bicault et Lequoy,
+secrétaire<a name="FNanchor_155_155" id="FNanchor_155_155"></a><a href="#Footnote_155_155" class="fnanchor">[155]</a>.»</p>
+
+<p>Outre la commission générale, deux autres devaient s'entendre avec elle,
+l'une, pour faire passer immédiatement à Versailles tout ce qui pourrait
+être employé par l'État, l'autre, pour envoyer aussi dans cette ville
+les objets d'art, afin de les ajouter à ceux déjà très-nombreux
+provenant des maisons du roi et des princes, que l'on réunissait dans le
+palais.</p>
+
+<p>La première de ces commissions fit passer au district, en fer, cuivre,
+linge, literie, harnais, sucre et eau-de-vie, pour la somme de 128,089
+fr. Le linge, la literie, le sucre et l'eau-de-vie furent envoyés à la
+maison de Saint-Cyr, transformée en hôpital militaire. Le reste fut
+déposé dans les magasins de l'État.</p>
+
+<p>La commission des arts fit choix des objets qui lui parurent dignes
+d'être conservés. Comme la plupart de ces &oelig;uvres d'art sont aujourd'hui
+dans les musées et dans les palais impériaux, il n'est pas sans intérêt
+d'en faire connaître l'origine, en donnant la liste dressée alors par la
+commission. Ces objets sont au nombre de cinquante-cinq.</p>
+
+<p>1º Deux tableaux de Vien;</p>
+
+<p>2º Une gaîne avec chapiteau et base de granit d'Italie;</p>
+
+<p>3º Une Vénus Callipyge (petite proportion);<a name="page_332" id="page_332"></a></p>
+
+<p>4º Un Apollon du Belvédère;</p>
+
+<p>5º Thésée enlevant Hermione;</p>
+
+<p>6º Une Vestale entretenant le feu sacré, suivie par deux enfants;</p>
+
+<p>7º Un groupe représentant Louis XV porté par quatre guerriers;</p>
+
+<p>8º Un petit buste de Louis XV;</p>
+
+<p>9º Un feu en bronze doré, cerf, sanglier et attributs de chasse;</p>
+
+<p>10º Un tableau représentant une marine, par Vernet, de huit pieds de
+haut sur cinq de large.</p>
+
+<p>11º Un autre tableau de même dimension, représentant une ruine, par
+Robert;</p>
+
+<p>12º Quatre dessus de porte, par Fragonard;</p>
+
+<p>13º Une Nymphe en marbre, fuyant, et un Amour la menaçant;</p>
+
+<p>14º Une Baigneuse, de Falconnet;</p>
+
+<p>15º Le buste de Louis XV, en marbre, par Pajou;</p>
+
+<p>16º Une pendule représentant l'Amour porté par les Grâces, en bronze
+doré d'or moulu;</p>
+
+<p>17º Deux vases de porcelaine de Sèvres, fond azur;</p>
+
+<p>18º Deux vases de porcelaine, forme étrusque;</p>
+
+<p>19º Un baromètre et thermomètre avec cartouches et figures de
+porcelaine;</p>
+
+<p>20º Deux vases en marbre blanc et porphyre;</p>
+
+<p>21º Deux feux dorés d'or moulu, les plus riches;</p>
+
+<p>22º Deux figures en marbre blanc, proportion de deux pieds;</p>
+
+<p>23º Deux candélabres à trois branches, représentant deux femmes
+groupées;</p>
+
+<p>24º Deux autres, en forme de bouteille;<a name="page_333" id="page_333"></a></p>
+
+<p>25º Un feu doré, en forme de vase;</p>
+
+<p>26º Une table en porcelaine de Sèvres, les peintures d'après Vanloo;</p>
+
+<p>27º Un vase de porphyre;</p>
+
+<p>28º Un feu en forme de cassolettes et pommes de pin;</p>
+
+<p>29º Trois chandeliers à trois branches, en cassolettes;</p>
+
+<p>30º Le buste de la du Barry, par Pajou, sur sa gaîne;</p>
+
+<p>31º Partie d'un <i>forte-piano</i>;</p>
+
+<p>32º Deux grands vases de porphyre;</p>
+
+<p>33º Une harpe dans sa robe de taffetas noir;</p>
+
+<p>34º Un tableau représentant la Fuite de l'Amour;</p>
+
+<p>35º La Marchande d'Amours, par Vien;</p>
+
+<p>36º La Cruche cassée, par Greuze;</p>
+
+<p>37º Jupiter et Antiope;</p>
+
+<p>38º Une pastorale, par Boucher, de trente-six pouces de haut sur
+vingt-huit de large;</p>
+
+<p>39º Un paysage, de Visnose;</p>
+
+<p>40º Une bordure ovale de trois pieds de haut, richement sculptée et
+dorée;</p>
+
+<p>41º Une autre de deux pieds de haut;</p>
+
+<p>42º Une commode de vieux laque;</p>
+
+<p>43º Une autre plaquée, en porcelaine de Sèvres, à sujets et figures
+très-jolis;</p>
+
+<p>44º Un tableau représentant la Visitation d'Élisabeth;</p>
+
+<p>45º Un autre représentant la Vierge et l'Enfant Jésus;</p>
+
+<p>46º Un autre, non fini, représentant la du Barry en Bacchante;</p>
+
+<p>47º Un pastel: un Enfant jouant du tambour de basque, d'après Drouet;</p>
+
+<p>48º Un Enfant jouant du triangle, d'après Drouet;</p>
+
+<p>49º Un tableau représentant un enfant tenant une<a name="page_334" id="page_334"></a> pomme, peint par
+Drouet, de vingt pouces de haut sur dix-huit de large;</p>
+
+<p>50º Un tableau: une Femme en lévite blanche;</p>
+
+<p>51º Un autre: Louis XV en habit de revue;</p>
+
+<p>52º Un autre: Louis XV enfant;</p>
+
+<p>53º Une gravure enluminée représentant un paysage;</p>
+
+<p>54º Une estampe représentant la femme Lebrun;</p>
+
+<p>55º Un tableau peint sur toile, par Robert, représentant une esquisse de
+la messe, de quatorze pouces de haut sur seize de large.</p>
+
+<p>
+<br />
+</p>
+
+<p>Après les travaux particuliers des diverses commissions, la commission
+générale fit un relevé de tous les procès-verbaux d'inventaires,
+enlèvements, reconnaissances et ventes du mobilier ayant eu lieu
+successivement sous sa direction; elle y ajouta les récépissés de dépôt
+des différents objets extraits, de la maison de madame du Barry, et elle
+envoya cet immense travail au district de Versailles pour le faire
+passer au directoire du département de Seine-et-Oise. Ce travail, avec
+toutes les pièces à l'appui, forme aujourd'hui la plus grande partie des
+papiers renfermés aux archives de la préfecture de Seine-et-Oise, sous
+le nom de <i>madame du Barry</i>.</p>
+
+<p>
+<br />
+</p>
+
+<table border="0" cellpadding="0" cellspacing="0" summary="">
+
+<tr><td><p class="hang">Le relevé général est terminé par le bordereau du<br />
+montant des seuls objets vendus et estimés, lequel s'élève<br />
+à</p></td>
+<td align="right" valign="bottom"> 707,251 l.</td>
+<td align="right" valign="bottom"> &nbsp; &nbsp;15 s.</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">Les bijoux, diamants, cristaux, etc.,<br />
+dont le prix n'est pas porté, sont<br />
+évalués au même inventaire</p></td>
+<td align="right" valign="bottom"> 400,000</td>
+<td align="right" valign="bottom">» &nbsp; &nbsp;<a name="page_335" id="page_335"></a></td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">Les matières d'or, 89 marcs, 6 onces,<br />
+peuvent être appréciées au moins</p></td><td align="right" valign="bottom"> 60,000</td><td align="right" valign="bottom">» &nbsp; &nbsp;</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">Celles d'argent, 1,449 marcs, à 45<br />
+livres le marc</p></td><td align="right" valign="bottom"> 65,205</td><td align="right" valign="bottom">» &nbsp; &nbsp;</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">Celles de vermeil, 84 marcs, à<br />
+50 livres</p></td><td align="right" valign="bottom"> 4,200</td><td align="right" valign="bottom">» &nbsp; &nbsp;</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">Galons et franges d'or, 34 marcs </p></td><td align="right" valign="bottom"> 2,700</td><td align="right" valign="bottom">» &nbsp; &nbsp;</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">Galons d'argent et brûlé, 121 marcs</p></td><td align="right" valign="bottom"> 3,600</td><td align="right" valign="bottom">» &nbsp; &nbsp;</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">Cuivre, fer, plomb et étain</p></td><td align="right" valign="bottom"> 4,000</td><td align="right" valign="bottom">» &nbsp; &nbsp;</td></tr>
+
+<tr><td><p class="hang">Total général de l'appréciation des<br />
+effets mobiliers confisqués chez<br />
+madame du Barry</p></td><td align="right" valign="bottom"><a name="FNanchor_156_156" id="FNanchor_156_156"></a><a href="#Footnote_156_156" class="fnanchor">[156]</a> 1,246,956 l.</td><td align="right" valign="bottom"> &nbsp; &nbsp;15 s.</td></tr>
+
+</table>
+
+<p>Quand madame du Barry fut arrêtée, elle avait encore un grand nombre de
+dettes, et la municipalité de Louveciennes ne tarda pas à être accablée
+de mémoires de tous les créanciers. Tous ces mémoires, visés par elle,
+furent envoyés au district. Il résulte de leur relevé général qu'ils
+s'élevaient à la somme de 956,124 liv. 13 s. 4 d.&mdash;La vérification de
+ces mémoires fut renvoyée à une commission chargée de mettre la plus
+grande sévérité dans l'examen de ces dettes. Le gouvernement d'alors dut
+être satisfait de l'habileté des commissaires, car les mémoires ont été
+si bien examinés et contrôlés, que presque aucun des créanciers n'a été
+payé.</p>
+
+<p>Les parents de madame du Barry, auxquels on a vu qu'elle avait fait des
+pensions viagères, réclamèrent<a name="page_336" id="page_336"></a> aussi la continuation de leurs pensions;
+mais on les supprima toutes, à l'exception de celle de Rançon, le mari
+de la mère de madame du Barry, qui vint se retirer à Versailles, et y
+mourut le 25 octobre 1801.</p>
+
+<p>La propriété de Louveciennes avait été vendue le 20 thermidor an III (7
+août 1795)<a name="FNanchor_157_157" id="FNanchor_157_157"></a><a href="#Footnote_157_157" class="fnanchor">[157]</a>, et le comte Guillaume, qui s'était remarié<a name="FNanchor_158_158" id="FNanchor_158_158"></a><a href="#Footnote_158_158" class="fnanchor">[158]</a>, était
+mort à Toulouse, le 2 août 1811, à l'âge de 79 ans. Tout avait disparu.
+Il ne restait plus, comme souvenir du nom de <i>du Barry</i>, que la honte
+jetée par lui sur les dernières années du règne de Louis XV. Mais à ce
+souvenir, cependant, venait se mêler celui des souffrances supportées
+par cette malheureuse femme dans les derniers temps de sa vie, et l'on
+se prenait de pitié quand on considérait par quelle horrible mort elle
+avait expié ses quelques années de bonheur!</p>
+
+<p>Ce nom devait recevoir encore une nouvelle humiliation, et il devait la
+recevoir de ses propres parents, de ses héritiers.</p>
+
+<p>Dans l'acte de mariage de madame du Barry, elle y était dite fille du
+sieur <i>Jean-Jacques Gomard de Vaubernier</i>, intéressé dans les affaires
+du roi. Aussitôt le retour en France, en 1814, du roi Louis XVIII, les<a name="page_337" id="page_337"></a>
+héritiers <i>Gomard</i> firent de nombreuses démarches auprès des ministres
+pour être remis en possession des objets ayant appartenu à madame du
+Barry, et existant dans les établissements publics. Ils se fondaient,
+pour appuyer leur demande, sur l'acte de naissance<a name="FNanchor_159_159" id="FNanchor_159_159"></a><a href="#Footnote_159_159" class="fnanchor">[159]</a> de madame du
+Barry, annexé à celui de célébration de son mariage à la paroisse de
+Saint-Laurent, ainsi conçu:</p>
+
+<p>«Extrait des registres de baptême de la paroisse de Vaucouleurs, diocèse
+de Touls, pour l'année mil sept cent quarante-<i>six</i>.</p>
+
+<p>»Jeanne, fille de <i>Jean-Jacques Gomard de Vaubernier</i> et <i>d'Anne Bécu</i>,
+dite <i>Quantigny</i>, est née le dix-neuf août mil sept cent quarante-six, a
+été baptisée le même jour, a eu pour parrain Joseph <i>de Mange</i> et pour
+marraine Jeanne <i>de Birabin</i>, qui ont signé avec moi:</p>
+
+<p>»L. Gaon, vicaire de Vaucouleurs; Joseph de Mange et Jeanne de Birabin.</p>
+
+<p>»Je soussigné, prêtre-curé de la paroisse et ville de Vaucouleurs,
+diocèse de Touls, certifie à qui il appartient, vu le présent extrait
+conforme à l'original.</p>
+
+<p>»A Vaucouleurs, ce quatre juillet mil sept cent cinquante-neuf.</p>
+
+<p class="r">»L.-P. Dubois.</p>
+
+<p>»Nous, Claude-François Duparge, licencié ès loix, conseiller du roi,
+commissaire enquesteur-examinateur en la ville et prévôté de
+Vaucouleurs, faisant les fonctions de M. le président Prevost, absent,
+certifions que les écriture et signature ci-dessus sont du sieur Dubois,
+curé de Vaucouleurs, et que foy y est et doit y être ajoutée. En
+témoignage de quoi nous avons signé les présentes et scellé de notre
+cachet.&mdash;A Vaucouleurs, ce quatre juillet mil sept cent cinquante-neuf:</p>
+
+<p>»Signé, Duparge, avec paraphe. Approuvé l'écriture, Duparge<a name="FNanchor_160_160" id="FNanchor_160_160"></a><a href="#Footnote_160_160" class="fnanchor">[160]</a>.»</p>
+
+<p>Après beaucoup de démarches infructueuses, et après avoir présenté au
+ministre des finances un acte de notoriété constatant que le sieur
+<i>Philbert Gomard</i>, frère de <i>Gomard de Vaubernier</i>, père de madame du
+Barry, étant le plus proche parent de la comtesse à l'heure de sa mort,
+était son héritier, le même acte établissant leur filiation comme
+héritiers directs du sieur <i>Philbert Gomard</i>, le ministre les autorisa à
+faire retirer de la préfecture de Seine-et-Oise les papiers de madame du
+Barry, déposés aux archives lors du séquestre mis sur ses biens en 1793.
+Ces papiers devaient servir à les diriger dans les réclamations qu'ils
+faisaient au gouvernement. L'inventaire des papiers ainsi donnés un peu
+légèrement montre combien de documents intéressants ont été perdus pour
+les recherches historiques.<a name="page_339" id="page_339"></a></p>
+
+<p>Inventaire des titres et papiers provenant de madame la comtesse du
+Barry, condamnée révolutionnairement, et dont les biens ont été
+séquestrés; lesquels papiers, par suite du séquestre, ont été extraits
+du domicile de ladite dame, à Louveciennes, transférés à
+l'administration du ci-devant district de Versailles, et ensuite déposés
+aux archives de la préfecture de Seine-et-Oise:</p>
+
+<p>1<sup>re</sup> <i>liasse</i>.&mdash;Composée de pièces relatives aux anciens ouvrages
+faits au pavillon de Louveciennes, années 1760 et 1770, etc., mémoires
+de divers fournisseurs, et ouvriers, quittances, états de payements et
+diverses pièces de renseignements.</p>
+
+<p>2<sup>e</sup> <i>liasse</i>.&mdash;Anciens mémoires de fournisseurs et ouvriers quittancés
+de 1770 à 1774. Bail passé à madame du Barry par la veuve Duru et
+consorts, d'une maison située à Versailles, rue de l'Orangerie, le 22
+décembre 1768. Bordereau des sommes payées par M<sup>e</sup> Lepot-d'Auteuil,
+notaire.</p>
+
+<p>3<sup>e</sup> <i>liasse</i>.&mdash;Autres différents mémoires de marchands, ouvriers et
+fournisseurs, également quittancés. Dépenses de tout genre à l'hôtel et
+pavillon de l'avenue de Paris, à Versailles, en 1773. Comptes rendus par
+M. de Montvallier, intendant de madame la comtesse du Barry, ès années
+1773 et 1774.</p>
+
+<p>4<sup>e</sup> <i>liasse</i>.&mdash;Divers mémoires de marchands, orfèvres, bijoutiers,
+drapiers, modistes, fournisseurs, gagistes, peintres, ouvriers, etc., en
+1772 et années suivantes, également quittancés. Inventaires et états<a name="page_340" id="page_340"></a>
+d'effets mobiliers, tels que tableaux, statues, pièces d'ornement, etc.,
+étant à Louveciennes, à différentes époques, notamment un inventaire
+général du mobilier de Louveciennes, fait en 1774.</p>
+
+<p>5<sup>e</sup> <i>liasse</i>.&mdash;Mémoires quittancés d'orfèvres, bijoutiers, marchands
+de meubles et d'étoffes. États de gages payés aux personnes de la maison
+de madame du Barry, et autres pièces diverses de dépenses, années 1771
+et suivantes.</p>
+
+<p>6<sup>e</sup> <i>liasse</i>.&mdash;Pièces relatives à la construction du nouveau pavillon
+de Louveciennes, en 1771 et 1772. Comptes et mémoires quittancés de
+divers entrepreneurs, marchands, ouvriers, etc.</p>
+
+<p>7<sup>e</sup> <i>liasse</i>.&mdash;Formée de mémoires et de quittances donnés par des
+ouvriers, marchands, fournisseurs, pensionnaires et autres personnes
+attachées à madame du Barry, en diverses années.</p>
+
+<p>8<sup>e</sup> <i>liasse</i>.&mdash;Mémoires acquittés de marchands, ouvriers,
+fournisseurs, notamment du sieur Aubert, joaillier, du sieur Cozette,
+entrepreneur de la manufacture royale des Gobelins. Quittances de sommes
+payées pour pensions et bienfaits accordés par madame du Barry. Ouvrages
+faits à un hôtel, à Versailles, avenue de Paris, et à une maison à
+Saint-Vrain.</p>
+
+<p>9<sup>e</sup> <i>liasse</i>.&mdash;Pièces relatives aux locations de baraques, boutiques
+et appentis établis sur la contrescarpe, à Nantes, concédés à madame du
+Barry, pour l'usufruit seulement, sa vie durant, par brevet du<a name="page_341" id="page_341"></a> roi du
+23 décembre 1769. Compte du sieur Dardel, régisseur, et du sieur
+Couillaud de la Pironnière, receveur du produit desdites boutiques, etc.
+Pièces et plans y relatifs. Baux desdits biens, passés en 1771.</p>
+
+<p>10<sup>e</sup> <i>liasse</i>.&mdash;Papiers, mémoires, lettres, relatifs aux dépenses
+faites à la Maison-Rouge, sise commune de Villiers-sur-Orge. Inventaire
+d'effets mobiliers garnissant ladite maison. <i>Lettres et autres pièces
+de correspondance particulière de madame du Barry, en 1792 et 1793.</i>
+Quittances, reçus de l'année 1793. Contrat du 24 octobre 1775, devant
+M<sup>e</sup> Deschesnes, notaire à Paris, concernant vente par madame la
+comtesse du Barry à <i>Monsieur</i>, frère du roi, d'un grand hôtel sis à
+Versailles, avenue de Paris, moyennant 224,000 liv<a name="FNanchor_161_161" id="FNanchor_161_161"></a><a href="#Footnote_161_161" class="fnanchor">[161]</a>.</p>
+
+<p>Tels sont les papiers remis aux héritiers Gomard. Où sont aujourd'hui
+ces titres, ces lettres de madame du Barry? Que sont-ils devenus? Ils
+ornent probablement la collection de quelque amateur d'autographes<a name="FNanchor_162_162" id="FNanchor_162_162"></a><a href="#Footnote_162_162" class="fnanchor">[162]</a>.</p>
+
+<p>Malgré toutes leurs demandes, ils n'avaient encore rien recueilli de la
+succession de madame du Barry, lorsque fut rendue, le 17 avril 1825, la
+loi d'indemnité des biens des émigrés.</p>
+
+<p>A l'époque de sa mort, madame du Barry ne possédait<a name="page_342" id="page_342"></a> aucun immeuble, et
+par conséquent ses héritiers n'avaient rien à réclamer de l'indemnité.
+Mais l'on se rappela alors le testament de M. de Brissac, et l'on
+réclama de la famille de Mortemart, héritière du duc, et qui avait une
+part considérable dans la liquidation du milliard d'indemnité,
+l'exécution du legs fait au profit de madame du Barry.</p>
+
+<p>Jusque-là, les héritiers Gomard s'étaient seuls présentés. Mais
+lorsqu'il se fut agi du legs du duc de Brissac, les héritiers <i>Bécu</i>,
+c'est-à-dire ceux du côté maternel, vinrent, non-seulement pour entrer
+en partage, mais contestèrent même aux <i>Gomard</i> leur titre d'héritiers
+de madame du Barry.</p>
+
+<p>On a vu qu'une fois riche, madame du Barry n'a jamais cessé de faire du
+bien à sa famille. Elle mit sa mère à l'abri du besoin et fit une
+pension viagère à Rançon, son beau-père, lorsqu'il fut devenu veuf. Les
+frères de sa mère reçurent aussi d'elle des pensions viagères, et elle
+dota leurs filles en leur faisant faire des mariages avantageux. Mais on
+ne voit nulle part qu'elle se soit jamais intéressée aux <i>Gomard</i>. D'où
+vient cette différence dans la manière d'agir de madame du Barry à
+l'égard de sa famille? Le procès qui s'est élevé entre les divers
+héritiers va nous en donner l'explication.</p>
+
+<p>Les <i>Gomard</i> appuyaient leurs prétentions à l'héritage de madame du
+Barry sur l'acte de naissance déposé à la paroisse de Saint-Laurent,
+reconnaissant comme père de madame du Barry <i>Jean-Jacques Gomard<a name="page_343" id="page_343"></a> de
+Vaubernier</i>. Les Bécu attaquèrent cet acte comme faux, et présentèrent
+un autre acte de naissance, levé par eux sur les registres de l'état
+civil de la ville de Vaucouleurs, le 25 septembre 1827, constatant que
+madame du Barry était <i>fille naturelle de Anne Bécu</i>, et que, par
+conséquent, les héritiers <i>Gomard</i> n'avaient aucun droit dans cette
+succession.</p>
+
+<p>De là, procès entre les deux branches et jugement du tribunal civil de
+première instance de la Seine du 9 janvier 1829, confirmé par arrêt de
+la cour royale de Paris du 22 février 1830, qui donne gain de cause aux
+<i>Bécu</i> et les reconnaît comme seuls héritiers de madame du Barry.</p>
+
+<p>La cause de ce faux acte de naissance s'explique aisément. Madame du
+Barry était la maîtresse du roi. Le mariage lui donnait un nom et allait
+lui permettre d'arriver aux plus grandes faveurs. Mais il fallait un peu
+flatter la vanité des du Barry, et d'ailleurs Louis XV n'aurait-il pas
+eu quelque répugnance à conserver pour maîtresse, quoique comtesse, la
+bâtarde d'une pauvre fille de campagne?</p>
+
+<p>Il est probable que celui qui joua le rôle le plus important dans la
+fabrication de cet acte fut cet <i>abbé Gomard</i>, aumônier du roi, qu'on a
+vu déjà figurer à la célébration du mariage de madame du Barry, comme
+fondé de pouvoir de sa mère et de son beau-père. Depuis longtemps cet
+abbé était lié avec Rançon et sa femme, et les pamphlets du temps disent
+qu'il connaissait très-bien le père de madame du Barry: il<a name="page_344" id="page_344"></a> était, de
+plus, intime avec Lebel, le valet de chambre de Louis XV, et avec le
+comte Jean. On peut donc supposer que ce fut lui qui fit placer dans cet
+acte le nom de son propre frère Jean-Jacques Gomard de Vaubernier, mort
+depuis longtemps, comme père de <i>Jeanne Bécu</i>, et en fit ainsi une fille
+légitime<a name="FNanchor_163_163" id="FNanchor_163_163"></a><a href="#Footnote_163_163" class="fnanchor">[163]</a>.</p>
+
+<p>Il est curieux, au reste, d'examiner les transformations que l'on fit
+subir à l'acte primitif que voici:</p>
+
+<p>«Extrait des registres de l'état civil de la ville de Vaucouleurs,
+déposés aux archives du tribunal de première instance séant à
+Saint-Mihiel (Meuse).</p>
+
+<p>»Jeanne, fille naturelle d'Anne Béqus, dit Quantiny, est née le
+dix-neufième aoust de l'an mil sept cent quarante-trois, et a été
+baptisée le même jour. Elle a eu pour parain Joseph Demange, et pour
+maraine Jeanne Birabin, qui ont signé avec moy.</p>
+
+<p>»Les signatures sont ainsi apposées sur l'acte:</p>
+
+<p class="r">»Janne Birabine. &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp;L. galon, vic. de Vau.<br />
+»Joseph Demange. &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; </p>
+
+<p>Pour copie collationnée sur la seconde minute déposée aux archives.</p>
+
+<p>»Saint-Mihiel, le 25 septembre 1827. Le commis-greffier,</p>
+
+<p class="r">
+»François.<a name="FNanchor_164_164" id="FNanchor_164_164"></a><a href="#Footnote_164_164" class="fnanchor">[164]</a>»<br />
+</p>
+
+<p>D'abord, et c'était la partie essentielle, on donne un père à la fille
+naturelle; et, comme le nom de <i>Gomard</i> tout court est encore bien
+bourgeois, on y ajoute celui de <i>Vaubernier</i>. Puis, comme le parrain et
+la marraine doivent être à la hauteur du père de l'enfant, on fait du
+simple Joseph Demange, monsieur Joseph <i>de Mange</i> avec une particule, et
+de Jeanne Birabin, qui, suivant l'usage de la campagne, est appelée la
+Birabine, et signe comme on est dans l'habitude de l'appeler, on fait
+madame <i>de Birabin</i>. Enfin, comme il paraîtra plus agréable au roi de
+lui donner pour maîtresse une <i>demoiselle noble et mineure</i> qu'une
+<i>fille naturelle et majeure</i>, on retranche trois ans de l'acte primitif,
+et on fait naître madame du Barry le 19 août 1746, au lieu du 19 août
+1743.</p>
+
+<p>Après l'arrêt de la cour royale de Paris, qui frappe de faux l'acte de
+naissance déposé à l'église de Saint-Laurent, et reconnaît les <i>Bécu</i>
+comme seuls héritiers de madame du Barry, ceux-ci continuèrent à
+attaquer la famille de Mortemart pour l'exécution du legs de M. de
+Brissac. Le procès dura jusqu'à la fin de 1833. Enfin les héritiers
+<i>Bécu</i> s'entendirent avec la famille de Mortemart sur la somme à
+recevoir; mais elle leur profita peu et fut presque entièrement absorbée
+par les créanciers de madame du Barry et par les frais du procès<a name="FNanchor_165_165" id="FNanchor_165_165"></a><a href="#Footnote_165_165" class="fnanchor">[165]</a>.<a name="page_346" id="page_346"></a></p>
+
+<p>Outre les détails généraux qu'on a pu faire connaître grâce à L'analyse
+des diverses pièces indiquées dans ce récit, il en est de particuliers à
+la personne même de madame du Barry, qu'il est bon de rappeler en
+terminant:</p>
+
+<p>1º Madame du Barry était fille naturelle, et son véritable nom était
+<i>Jeanne Bécu</i>.</p>
+
+<p>2º A l'époque de son mariage on fit un faux acte de naissance, dans
+lequel on lui donna pour père légitime <i>Jean-Jacques Gomard de
+Vaubernier</i>.</p>
+
+<p>3º C'est donc à tort que, dans toutes les biographies, et dans les plus
+récents ouvrages sur l'histoire de France, on lui conserve le nom de
+<i>Jeanne Gomard de Vaubernier</i>, et il faut lui rendre son vrai nom de
+<i>Jeanne Bécu</i>.</p>
+
+<p>4º Par suite de l'examen de son véritable acte de naissance, on voit que
+madame du Barry avait 26 ans quand elle devint la maîtresse du roi Louis
+XV, et non vingt-trois ans, comme cela semblait résulter du faux acte.
+Elle est, par conséquent, morte sur l'échafaud à l'âge de cinquante ans.</p>
+
+<p>Quant aux sommes que madame du Barry a coûté à la France pour avoir eu
+l'honneur d'être la maîtresse du roi, on peut, d'après l'examen de ces
+mêmes pièces, en faire le relevé suivant:<a name="page_347" id="page_347"></a></p>
+
+<table border="0" cellpadding="4" cellspacing="0" summary="">
+
+<tr><td valign="top">1º</td><td>Mobilier donné par le roi à madame du Barry, lors de
+<br />son mariage </td><td align="right" valign="bottom">30,000 l.</td><td align="center" valign="bottom">»</td></tr>
+
+<tr><td valign="top">2º</td><td>Sommes payées pour madame
+<br />du Barry, par <i>Baujon</i>, banquier
+<br />de la cour, depuis 1769, première
+<br />année de sa faveur, jusqu'en
+<br />1774, année de la mort
+<br />de Louis XV</td><td align="right" valign="bottom">6,375,559 l.</td><td align="center" valign="bottom">11 s. 11 d.</td></tr>
+
+<tr><td valign="top">3º</td><td>Pour achat de son hôtel de
+<br />Versailles, par <i>Monsieur</i>, frère
+<br />du roi, le 24 octobre 1775</td><td align="right" valign="bottom">224,000</td><td align="center" valign="bottom">»</td></tr>
+
+<tr><td valign="top">4º</td><td>Pour l'échange de 50,000 livres
+<br />de rente viagère contre
+<br />1,250,000 livres, délivrées par
+<br />le trésor royal par arrêt du roi
+<br />en avril 1784</td><td align="right" valign="bottom">1,250,000</td><td align="center" valign="bottom">»</td></tr>
+
+<tr><td valign="top">5º</td><td>Madame du Barry jouit de
+<br />150,000 livres de rente viagère
+<br />sur la ville de Paris, les
+<br />États de Bourgogne et les loges
+<br />de Nantes, depuis l'année 1769
+<br />jusqu'en 1784, ce qui donne un
+<br />total de</td><td align="right" valign="bottom">2,400,000</td><td align="center" valign="bottom">»</td></tr>
+
+<tr><td valign="top">6º</td><td>Depuis l'année 1784 jusqu'en
+<br />1793, elle n'a plus que 100,000
+<br />livres de rente viagère, ce qui
+<br />donne un total de</td><td align="right" valign="bottom">900,000</td><td align="center" valign="bottom">»</td></tr>
+
+<tr><td valign="top">7º</td><td>La jouissance du château de
+<br />Louveciennes et de ses nombreuses
+<br />dépendances; les diverses
+<br />dépenses faites à
+<br />l'ancien château et la construction
+<br />du pavillon, peuvent
+<br />s'évaluer à un revenu
+<br />de 50,000 livres de rente,
+<br />ce qui fait, depuis 1769
+<br />jusqu'en 1793</td><td align="right" valign="bottom">1,250,000</td><td align="center" valign="bottom">»</td></tr>
+
+<tr><td colspan="2">Le total général de toutes ces
+<br />sommes est de</td><td align="right" valign="bottom">12,429,559 l.</td><td align="center" valign="bottom">11 s. 11 d.!!!</td></tr>
+</table>
+
+<h3><a name="NOTES" id="NOTES"></a>NOTES.</h3>
+
+<p>Les trois lettres suivantes nous ont été communiquées par M. Vatel,
+avocat à Versailles. Elles nous ont paru assez intéressantes pour être
+publiées en notes.</p>
+
+<p class="c">Nº I.&mdash;<i>Lettre de M. de Brissac à madame du Barry</i>.</p>
+
+<p class="r">
+Brissac, ce samedi 5 septembre 1789.<br />
+</p>
+
+<p>Les courriers ne sont pas assez fréquents, madame la comtesse, il est
+bien vrai; car cette lettre qui partira demain par le Mans, arrivera
+aussitôt que celle d'hier par la levée; mais c'est un plaisir que de
+s'entretenir avec vous qu'il ne faut pas laisser échapper. Oui, l'avenir
+comme le présent est désolant. A moins que la raison, le plus beau de
+l'apanage de l'homme, ne le cède à l'esprit, l'ambition, la vanité, quel
+est l'homme qui ne désire pas le bonheur et la liberté pour lui et les
+autres, a moins qu'il ne soit un forcené? et je vois qu'il y en a trop.
+Mais des personnes agissantes, assez franchement loyales pour concourir
+à l'arrangement avantageux de tous, à ce gros de la nation, dont la
+philosophie parle ainsi que le philosophe, qui par malheur ne connaît ni
+n'a les moyens de<a name="page_350" id="page_350"></a> lui faire éprouver ce charme du vrai bonheur qu'il
+n'est pas permis a tout le monde de connaître, où sont-ils, ces hommes?
+Bien loin de nous. On ne les écoute pas, ou ils ne parlent pas, ou ils
+n'existent pas. Que de tristesse toutes ces idées procurent! L'amour
+sortant, ou fuyant l'esclavage, n'est pas mon emblème, madame la
+comtesse, quoique ce soit celui de mon âge; il n'en est point, il est
+vrai, si la beauté et la bonté d'accord partagent un sentiment senti par
+un c&oelig;ur digne de celui qu'il a pu toucher. Mais, par parenthèse, j'ai
+ouï dire du mal de ce tableau, que l'on trouve froid, correct, mais peu
+piquant. Je l'ai un peu pensé comme le critique; mais les détails et le
+fini, ainsi que le coloris, en sont beaux et donneront toujours du
+charme à ce tableau. Pas une dame ne prendra pour elle ces insultes que
+leur fait l'amour, ou plutôt le peintre qui peut être froid, ou son âge
+et ses travaux. Je pense qu'il y a eu fort peu de portraits, surtout de
+madame Lebrun, qui a présenté celui de madame la duchesse d'Orléans.
+Elle est faite pour être généralement aimée et estimée, et peut paraître
+en public en quel temps que ce soit. Le Salon est-il beau? Je crois que
+les campagnards n'auront pas été le voir. D'ailleurs il ne vaut pas la
+peine depuis longtemps de se déplacer.&mdash;Je ne crois pas vous avoir dit
+que je mangeais de mauvais pain; je le fais venir du Pont-de-Cé, et il
+est bon, pas très-bien fait, mais mieux qu'ici, où on devrait le manger
+excellent a cause de la beauté et bonté du grain. Notre froment est un
+des plus beaux de la France, sans vouloir néanmoins attaquer et celui de
+Brie, et le bienfait aimable et charmant de vos amies du Pont. Elles
+vous aiment pour vous-même, parce qu'elles vous connaissent<a name="page_351" id="page_351"></a> bien, et
+qu'alors il est difficile de vous refuser le tribut qu'arrache et
+beauté, <i>et bonté et douceur, et cette aimable et parfaite égalité
+d'humeur qui fait le charme d'une société habituelle</i>. Aussi
+auraient-elles voulu vous garder, aussi vous y voudraient-elles; <i>et moi
+je voudrais également y partager avec vous retraite et solitude, le tout
+bien tranquille</i>. C'est ainsi que le trouble fait penser l'homme
+raisonnable, qui a reconnu que le plus grand bien à faire est la chose
+la plus difficile, et plus tumultueuse que l'orage, qui ramène si
+souvent et si promptement un beau jour. Je ne vois pas que nous
+avancions en besogne. Hélas! pourvu qu'elle soit faite, terminée, je
+serai content. Je le serai beaucoup aussi, madame la comtesse, quand il
+me sera permis de vous offrir tous mes hommages, tout mon respect et
+tous les sentiments que je vous ai toujours offerts avec joie et
+plaisir.</p>
+
+<p>Vos lettres sont presque toujours sept jours à arriver. Il m'en parvient
+de Paris à deux jours de date; celles de Versailles éprouvent le même
+retard. Mille respectueux hommages a mademoiselle votre belle-s&oelig;ur.</p>
+
+<p class="c">Nº 2.&mdash;<i>Lettre de madame du Barry aux administrateurs du district de
+Versailles</i>.</p>
+
+<p>
+<span style="margin-left: 2em;">Citoyens administrateurs,</span><br />
+</p>
+
+<p>La citoyenne de Vaubernier du Barry est très étonnée qu'après toutes les
+promesses qu'elle vous a fournies des raisons qui l'ont forcée d'aller
+en Angleterre, vous l'ayez traitée comme émigrée.&mdash;Avant son départ elle
+vous a<a name="page_352" id="page_352"></a> communiqué la déclaration qu'elle avait faite à sa municipalité;
+vous l'avez enregistrée dans vos bureaux. Vous savez que c'est le
+quatrième voyage qu'elle est obligée de faire, toujours pour le même
+motif.</p>
+
+<p>Elle espère que vous voudrez bien faire lever les scellés qui ont été
+apposés chez elle, contre toute justice, puisque la loi n'a jamais
+défendu de sortir du royaume à ceux que des affaires particulières et
+pressantes appellent en pays étranger. Toute la France est instruite du
+vol qui lui a été fait la nuit du 10 au 11 janvier 1791; que ses voleurs
+ont été arrêtés à Londres; qu'elle y a eu une procédure suivie, dont le
+dernier jugement n'a été rendu que le 28 février dernier, ainsi que
+l'atteste le certificat ci-joint.</p>
+
+<p>
+<small>Louveciennes, ce 27 mars 1793.</small></p>
+
+<p class="c">Nº 3.&mdash;<i>Lettre de Lavallery, membre du district de Versailles, à madame
+du Barry</i>.</p>
+
+<p>
+<span style="margin-left: 2em;">Citoyenne,</span><br />
+</p>
+
+<p>Je me ferai représenter le plus tôt possible votre demande, dont le
+succès ne me paraît pas devoir éprouver de grandes difficultés, vu la
+notoriété du motif de vos absences, si vous avez eu surtout le soin de
+joindre à votre mémoire les pièces justificatives, telles que vos
+passe-ports ou leurs copies certifiées, certificats de résidence, etc.
+<i>Soyez convaincue que s'il est des occasions où je désire donner du prix
+à mon travail, vous avez droit à les faire naître. Votre sexe vous donne
+le droit de désirer la tranquillité,<a name="page_353" id="page_353"></a> et votre amabilité</i>.... Mille
+pardons, citoyenne, un républicain et un inconnu ne doit parler que la
+langue des affaires.</p>
+
+<p>Agréez l'assurance de mon respect et de tout l'intérêt que vous avez
+droit d'inspirer.</p>
+
+<p class="r">
+L<small>AVALLERY</small><a name="FNanchor_166_166" id="FNanchor_166_166"></a><a href="#Footnote_166_166" class="fnanchor">[166]</a>.</p>
+
+<p class="c"><small>Versailles, 17 mai (an II de la République).</small></p>
+
+<p class="hang">Nº 4.&mdash;<i>Récit de la mort de madame du Barry, extrait du journal</i> <span class="smcap">la
+Nouvelle Minerve</span>, <i>intitulé</i> <span class="smcap">Souvenirs de la Révolution</span>.</p>
+
+<p>... Arrivé au pont au Change, j'y trouvai une assez grande foule
+rassemblée. Je n'eus pas besoin de demander l'explication de ce
+rassemblement: elle ne se fit pas attendre. J'entendis au loin des cris
+déchirants, et aussitôt je vis sortir de la cour du palais de Justice
+cette fatale charrette que Barrère, dans un de ces accès de gaieté qui
+lui étaient si familiers, avait appelée <i>la bière des vivants</i>. Une
+femme était sur cette charrette, qui approcha lentement de l'endroit où
+je m'étais arrêté. Sa figure, son attitude, ses gestes exprimaient le
+désespoir arrivé au plus haut paroxysme. Alternativement d'un rouge
+foncé et d'une pâleur effrayante, se débattant au milieu de l'exécuteur
+et de ses deux aides, qui avaient peine à la maintenir sur son banc, et
+poussant de ces cris affreux que je disais tout à l'heure, elle
+invoquait tour à tour leur pitié et celle des assistants. C'était madame
+du Barry que<a name="page_354" id="page_354"></a> l'on conduisait au supplice. Revenue de Londres cinq ou
+six jours auparavant pour retirer de son château de Louveciennes des
+bijoux de prix qu'elle y avait cachés en partant pour l'émigration, elle
+avait été dénoncée le soir même de son arrivée, par son nègre favori,
+Zamor, gardien du château en son absence, et traduite au tribunal
+révolutionnaire<a name="FNanchor_167_167" id="FNanchor_167_167"></a><a href="#Footnote_167_167" class="fnanchor">[167]</a>. Agée alors de quarante-deux à quarante-trois ans
+seulement, sa figure, malgré la terreur profonde qui en altérait les
+traits, était encore remarquablement belle<a name="FNanchor_168_168" id="FNanchor_168_168"></a><a href="#Footnote_168_168" class="fnanchor">[168]</a>. Entièrement vêtue de
+blanc, comme Marie-Antoinette qui l'avait quelques semaines auparavant
+précédée sur la même route, ses cheveux du plus beau noir formaient un
+contraste pareil à celui que présente le drap funéraire jeté sur un
+cercueil. Coupés sur la nuque, ainsi que cela se pratique en pareil cas,
+ceux de devant étaient ramenés à chaque instant sur le front par ses
+mouvements désordonnés, et lui cachaient une partie du visage. «Au nom
+du ciel, mes amis, s'écriait-elle au milieu des sanglots et des larmes,
+au nom du ciel, sauvez-moi, je n'ai jamais fait de mal à personne;
+sauvez-moi.»</p>
+
+<p>La frayeur délirante de cette malheureuse femme produisait une telle
+impression parmi le peuple, qu'aucun de ceux qui étaient venus là pour
+insulter à ses derniers moments ne se sentit le courage de lui adresser
+une parole d'injure. Autour d'elle tout semblait stupéfié, et l'on
+n'entendait d'autres cris que les siens; mais ces cris<a name="page_355" id="page_355"></a> étaient si
+perçants qu'ils auraient, je n'en doute pas; dominé ceux de la
+multitude, si elle en eût proféré. J'ai dit tout à l'heure, je crois,
+que personne ne s'était senti le courage de l'injurier. Si fait. Un
+homme, un seul, vêtu avec une certaine recherche, éleva la voix au
+moment où la charrette passant vis-a-vis de moi, la patiente, toujours
+s'adressant au peuple, s'écriait: «La vie! la vie! qu'on me laisse la
+vie, et je donne tous mes biens à la nation.»&mdash;«Tu ne donnes à la nation
+que ce qui lui appartient, dit cet homme, puisque le tribunal vient de
+les confisquer, tes biens.» Un charbonnier, qui était placé devant lui,
+se retourne et lui donne un soufflet. J'en éprouvai un sentiment de
+plaisir.</p>
+
+<p>On sait que pendant toute la route elle continua à pousser les mêmes
+cris, et à s'agiter dans des convulsions frénétiques pour fuir la mort
+qui déjà l'avait saisie; aussi, on sait qu'arrivée à l'échafaud il
+fallut user de violence pour l'attacher à la fatale planche, et que ses
+derniers mots furent ceux-ci: «Grâce! grâce! monsieur le bourreau!
+Encore une minute, monsieur le bourreau! encore... et tout fut dit.»</p>
+
+<p>Jamais la terreur ne fut portée à une si haute expression, et madame du
+Barry est la seule femme qui ait offert un spectacle aussi déchirant.
+Toutes les autres femmes victimes de nos discordes civiles ont montré a
+ce moment suprême autant de calme que de courage, et plus d'une a
+raffermi le courage de ses compagnons d'infortune.<a name="page_356" id="page_356"></a></p>
+
+<p class="c">Nº 5.&mdash;<i>Bibliothèque de madame du Barry</i>.</p>
+
+<p>La bibliothèque de la ville de Versailles renferme cent quarante-deux
+ouvrages ayant appartenu à madame du Barry, et formant trois cent
+quatre-vingts volumes. Presque tous ces volumes sont reliés en maroquin
+rouge, dorés sur tranches et portent sur le plat des deux côtés les
+armes de la comtesse avec la fameuse devise <i>Boutez en avant</i>, qui donna
+lieu dans le temps à tant de commentaires ironiques. La date de leur
+impression ne dépasse pas l'année 1774. Plusieurs sont reliés en
+maroquin vert et portent les mêmes ornements que les rouges. Ils
+paraissent provenir de cadeaux. Il est bien probable que ces livres
+faisaient partie de la bibliothèque des appartements de madame du Barry
+au château de Versailles, où ils sont sans doute restés jusqu'à la
+révolution. D'autres volumes, beaucoup moins bien reliés que les
+précédents et portant les armes de la comtesse sur le dos, font aussi
+partie de cette collection; mais la date de leur impression est
+postérieure à l'année 1774, et ils proviennent de son habitation de
+Louveciennes.</p>
+
+<p>Beaucoup de ces ouvrages sont des &oelig;uvres littéraires; mais en
+parcourant leurs titres et en y retrouvant la plupart des productions
+futiles et licencieuses d'une partie de la littérature du dix-huitième
+siècle, on pourra juger, sans en être surpris, du goût qui a présidé à
+la composition de cette bibliothèque.</p>
+
+<p>Presque tous les exemplaires venant de la bibliothèque de madame du
+Barry, outre leurs jolies reliures, sont surtout remarquables par la
+beauté de l'exécution typographique.<a name="page_357" id="page_357"></a> On peut citer sous ce rapport les
+<i>Baisers</i>, de Dorat, charmant exemplaire orné de figures exécutées par
+Eisen, d'un fini extrême, mais d'une très-grande indécence. Au reste,
+plusieurs des ouvrages de cette collection, et particulièrement les
+romans de Crébillon fils, sont accompagnés de gravures fort
+licencieuses.</p>
+
+<p>Parmi les divers ouvrages dont nous donnons la liste, on en doit
+particulièrement signaler quatre comme se rapportant à la personne même
+de madame du Barry, par les dédicaces adulatrices qui lui sont
+adressées.</p>
+
+<p>Le premier porte pour titre: <i>le Royalisme, ou Mémoires de du Barry de
+Saint-Aunet et de Constance de Cézelli, sa femme. Anecdotes héroïques
+sous Henri IV</i>, par M. de Limairac.&mdash;La plupart des exemplaires de cet
+ouvrage ne portent aucun nom d'auteur. Dans celui-ci, le nom de l'auteur
+se trouve non seulement à la suite du titre, mais encore au bas de
+l'épître dédicatoire. Cet exemplaire a certainement été offert par
+l'auteur à la comtesse; le choix de l'exemplaire et sa magnifique
+reliure en maroquin rouge, toute couverte de dorures, en sont la preuve.
+Au-dessus de l'épître dédicatoire sont gravées les armes de madame du
+Barry, et de chaque côté deux levrettes enchaînées. Voici cette épître:</p>
+
+<p class="c"><i>A madame la comtesse du Barry.</i></p>
+
+<p>
+<span style="margin-left: 2em;">Madame,</span><br />
+</p>
+
+<p>Daignez accueillir avec bonté un hommage public de sentiment et de
+reconnaissance. Le zèle seul m'a dicté ce petit ouvrage; seul il ose
+vous l'offrir. Je sens qu'il est capable d'égarer dans une carrière qui
+demande des talents,<a name="page_358" id="page_358"></a> mais j'espère, madame, que vos suffrages
+suppléeront à la médiocrité des miens. Les traits que je développe dans
+cet essai le rendent digne de paraître sous vos auspices. Ils sont tous
+puisés <i>dans votre maison</i>; ils retracent la fidélité la plus héroïque
+de deux sujets pour le roi. Trop heureux si vous voulez bien me
+pardonner une entreprise au-dessus de mes forces, en faveur du motif qui
+me l'a inspirée.</p>
+
+<p>Je suis avec un profond respect, madame, votre très-humble et
+très-obéissant serviteur.</p>
+
+<p class="r">
+<span class="smcap">de Limairac</span>.<br />
+</p>
+
+<p>Le second est un <i>Almanach de Flore</i>, pour 1774. C'est un recueil de
+quarante-huit fleurs gravées et coloriées. Au-dessous de chaque fleur se
+trouve une devise et derrière un horoscope. Ces devises et ces
+horoscopes sont divisés en séries de numéros, applicables à une
+demoiselle, à un garçon, à une femme mariée, à un homme marié, à une
+veuve et à un veuf. L'auteur était un capitaine d'infanterie nommé
+Douin, né à Versailles.</p>
+
+<p>La beauté des dorures de ce petit volume, relié en maroquin rouge, fait
+présumer que c'est encore un cadeau offert à madame du Barry. Après le
+titre sont placées deux gravures en rouge. L'une représente un tournesol
+regardant le soleil avec cette devise.</p>
+
+<table border="0" cellpadding="0" cellspacing="0" summary="">
+<tr><td align="left">L'astre est constant,</td></tr>
+<tr><td align="left">La fleur fidèle;</td></tr>
+</table>
+
+<p class="nind">allégorie se rapportant aux amours du roi et de la comtesse. L'autre
+offre le portrait de madame du Barry. Au-dessous sont deux flèches
+croisées avec un c&oelig;ur et les vers suivants:<a name="page_359" id="page_359"></a></p>
+
+<table border="0" cellpadding="0" cellspacing="0" summary="">
+<tr><td align="center"><i>A la plus belle</i>.</td></tr>
+<tr><td align="left">&nbsp;</td></tr>
+<tr><td align="left">Je dormais; le Maître des dieux</td></tr>
+<tr><td align="left">Me dit: «Je sais ce que tu veux;</td></tr>
+<tr><td align="left">Choisis ou déesse, ou mortelle,</td></tr>
+<tr><td align="left">Pour lui consacrer tes couplets.»</td></tr>
+<tr><td align="left">Quoi, lui dis-je, une bagatelle!</td></tr>
+<tr><td align="left">«Ne crains rien: je te le permets.»</td></tr>
+<tr><td align="left">Je choisirai donc la plus belle.</td></tr>
+</table>
+
+<p>Le troisième ouvrage est intitulé <i>Contes moraux et nouvelles idylles de
+D... et Salomon Gessner</i>.&mdash;Les contes sont de Diderot, et la traduction
+des idylles de Gessner est de Meister, qui fut secrétaire de Grimm.</p>
+
+<p>Le traducteur dont le nom ne parut pas sur cette édition ne voulut
+cependant pas le laisser ignorer de madame du Barry, et dans
+l'exemplaire qu'il lui adressa, il ajouta une épître dédicatoire signée
+de lui. Cette épître, écrite par un habile calligraphe, est ainsi
+conçue:</p>
+
+<table border="0" cellpadding="0" cellspacing="0" summary="">
+<tr><td align="left"><span style="margin-left: 2em;">De la beauté, les talents et les arts</span></td></tr>
+<tr><td align="left"><span style="margin-left: 3em;">Chérissent tous l'aimable empire.</span></td></tr>
+<tr><td align="left"><span style="margin-left: 3em;">Que l'églogue au naïf sourire</span></td></tr>
+<tr><td align="left"><span style="margin-left: 3em;">Arrête un instant vos regards!</span></td></tr>
+<tr><td align="left"><span style="margin-left: 3em;">Comme vous, belle sans parure,</span></td></tr>
+<tr><td align="left"><span style="margin-left: 3em;">Elle doit tout aux mains de la nature.</span></td></tr>
+<tr><td align="left"><span style="margin-left: 2em;">Comme vous elle a quelquefois,</span></td></tr>
+<tr><td align="left"><span style="margin-left: 3em;">Sous l'air d'une simple bergère,</span></td></tr>
+<tr><td align="left"><span style="margin-left: 3em;">Charmé les héros et les rois,</span></td></tr>
+<tr><td align="left"><span style="margin-left: 2em;">Même les dieux. Apollon, pour lui plaire,</span></td></tr>
+<tr><td align="left"><span style="margin-left: 0em;">Vint oublier l'Olympe à l'ombre de ces bois.</span></td></tr>
+<tr><td align="left"><span style="margin-left: 2em;">Quel dieu pour vous ne l'oublierait de même,</span></td></tr>
+<tr><td align="left"><span style="margin-left: 2em;">Si de l'amour la puissance suprême</span></td></tr>
+<tr><td align="left"><span style="margin-left: 3em;">Vous permettait encore un choix?</span></td></tr>
+</table>
+
+<p>Je suis avec le plus profond respect, madame, votre très-humble et
+très-obéissant serviteur.</p>
+
+<p class="r">
+M<small>EISTER</small>.<br />
+</p>
+
+<p>Enfin le quatrième est un recueil contenant deux opéras comiques: <i>les
+Étrennes de l'Amour</i> et <i>le Nouveau Marié</i>, dont les paroles sont de
+Cailhava. En envoyant cet exemplaire à madame du Barry, l'auteur écrivit
+sur la première page les vers suivants:</p>
+
+<table border="0" cellpadding="0" cellspacing="0" summary="">
+<tr><td align="center"><i>A madame la comtesse du Barry.</i></td></tr>
+<tr><td align="left">&nbsp;</td></tr>
+<tr><td align="left">Transporté par un songe au haut de l'Empyrée,</td></tr>
+<tr><td align="left">J'ai cru voir cette nuit la belle Cythérée,</td></tr>
+<tr><td align="left">L'aimable Hébé, le dieu qù'invoquent les amants.</td></tr>
+<tr><td align="left">La tendre Volupté, les Grâces, les Talents,</td></tr>
+<tr><td align="left">Qui d'un air satisfait parcouraient mon ouvrage.</td></tr>
+<tr><td align="left">Un sourire flatteur m'annonçait leur suffrage.</td></tr>
+<tr><td align="left">J'ai redouté leur fuite à l'instant du réveil;</td></tr>
+<tr><td align="left">Mais je les vois encor, ce n'est pas un mensonge:</td></tr>
+<tr><td align="left">Un seul de vos regards réalise mon songe,</td></tr>
+<tr><td align="left">Et j'étais moins heureux dans les bras du sommeil.</td></tr>
+</table>
+
+<p>Voici maintenant la liste générale des ouvrages ayant appartenu à madame
+du Barry, et possédés aujourd'hui par la bibliothèque de la ville de
+Versailles:</p>
+
+<p><i>Grammaire générale et raisonnée</i>, par Cl. Lancelot et Ant. Arnaud, avec
+des notes par Duclos. Paris, Prault, 1754, 1 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Abrégé du Dictionnaire universel français et latin, vulgairement appelé
+Dictionnaire de Trévoux</i>, par Berthelin. Paris, les libraires associés,
+1762, 3 vol. in-4º.</p>
+
+<p><i>Les &OElig;uvres de Clément Marot</i>, de Cahors, valet de chambre du roi,
+revues et augmentées de nouveau. La Haye, Moetgens, 1714, 2 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Les &OElig;uvres de François Villon</i>, avec les notes de Clément Marot et les
+poésies de Jean Marot et de Michel Marot. Paris, Constelier, 1723, 2
+vol. petit in-8º.<a name="page_361" id="page_361"></a></p>
+
+<p><i>Les Métamorphoses d'Ovide</i>, traduites en français, avec des remarques
+et des observations historiques, par l'abbé Banier, nouvelle édition, 2
+tomes en 1 volume. Paris, Nyon, 1738, in-4º, avec figures, par Humblot.</p>
+
+<p><i>Satires et autres &OElig;uvres de Regnier</i>, accompagnées de remarques
+historiques de Cl. Brossette. Nouvelle édition considérablement
+augmentée, par Lenglet du Fresnoy. Londres, Tonson, 1733, grand in-4º,
+belle édition dont les pages sont entourées de cadres rouges.</p>
+
+<p><i>L'Arcadie de Sannazar</i>, traduite de l'italien, par Pecquet. Paris,
+Nyon, 1737, 1 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Recueil de traductions</i> en vers français, contenant le poëme de
+Pétrone, deux épîtres d'Ovide et le <i>Pervigilium Veneris</i>, avec des
+remarques par le président Bouhier. Paris, compagnie des libraires,
+1738, 1 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Les Poésies du roi de Navarre</i>, avec des notes et un glossaire
+français, précédées de l'histoire des révolutions de la langue française
+depuis Charlemagne jusqu'à saint Louis, d'un discours sur l'ancienneté
+des chansons françaises et de quelques autres pièces, par Levesque de la
+Revallière. Paris, Guérin, 1742, 2 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>&OElig;uvres de madame et de mademoiselle Deshoulières</i>, nouvelle édition.
+Paris, les libraires associés, 1754, 2 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>La Colombiade, ou la Foi portée au nouveau monde</i>, poëme, par madame
+Dubocage. Paris, Desaint, 1756, 1 vol. in-8º orné de jolies vignettes.</p>
+
+<p><i>L'Art d'aimer et le remède d'amour</i>, traduction d'Ovide, par l'abbé de
+Marolles. Amsterdam, 1757, 1 vol. in-12 avec des figures, par Vanloo et
+Eisen.<a name="page_362" id="page_362"></a></p>
+
+<p><i>&OElig;uvres de l'abbé de Chaulieu</i>, nouvelle édition, par de Saint-Marc.
+Paris, David, 1757, 2 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Le Conte du Tonneau</i>, par le fameux docteur Swift, traduit de
+l'anglais. La Haye, H. Scheurleer, 1757, suivi du <i>Traité des
+dissensions entre les nobles et le peuple dans les républiques d'Athènes
+et de Rome</i>, etc. <i>L'Art de ramper en poésie et l'Art du mensonge
+politique</i>, par le même, 3 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>&OElig;uvres de M. le marquis de Ximenez, ancien mestre de camp de
+cavalerie</i>, nouvelle édition. Paris, 1772.&mdash;Ce volume contient encore:
+<i>Amalazonte</i>, tragédie du même auteur. Paris, Jarry, 1758, 1 vol. in-8º,
+relié en maroquin vert avec de nombreuses dorures; c'est probablement un
+cadeau.</p>
+
+<p><i>L'Univers perdu et reconquis par l'Amour</i>, suivi d'<i>Iphis et Amarante,
+ou l'Amour vengé</i>, par de Carné. Amsterdam, 1758, 1 vol. in-8º.</p>
+
+<p><i>Poésies de Haller</i>, traduites de l'allemand, par Tscharner, édition
+retouchée et augmentée. Berne, soc. typog., 1760, 2 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Poésie du philosophe de Sans-Souci</i>, nouvelle édition. Sans-Souci,
+1760, 2.vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Le Trésor du Parnasse, ou le plus joli des recueils</i>, par Couret de
+Villeneuve et Berenger. Londres, 1762, 6 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>La Farce de maistre Pierre Pathelin, avec son Testament à quatre
+personnages</i>. Paris, Durand, 1762, 1 vol. petit in-8º.</p>
+
+<p><i>&OElig;uvres diverses de Desmahis</i>. Genève, 1763, 1 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Le Hasard du coin du feu</i>, dialogue moral par Crébillon fils. La Haye,
+1763, 1 vol. in-12.<a name="page_363" id="page_363"></a></p>
+
+<p><i>L'Iliade d'Homère</i>, traduite en vers, avec des remarques, par de
+Rochefort. Paris, Saillant, 1766, 2 vol. in-8º.</p>
+
+<p><i>La Pharsale de Lucain</i>, traduite en français par Marmontel. Paris,
+Merlin, 1766, 2 vol. in-8º, avec des figures, par Gravelot.</p>
+
+<p><i>Roman comique</i>, par Scarron, nouvelle édition. Amsterdam, comp. des
+libraires, 1766, 3 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Traité de la prosodie française</i>, par l'abbé d'Olivet. Paris, Barbou,
+1767.&mdash;Dans le même volume se trouve: <i>Remarques sur Racine</i>, par l'abbé
+d'Olivet. Paris, Barbou, 1766, 1 vol. in-8º.</p>
+
+<p><i>&OElig;uvres complètes de M. le c. de B...</i> (le cardinal de Bernis),
+dernière édition. Londres, 1767, deux tomes dans 1 volume in-12.</p>
+
+<p><i>&OElig;uvres de S. Gessner</i>, traduites de l'allemand, par Huber. Zurich,
+Orel, 1768, 2 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Essais de Montaigne</i>, avec les notes de Coste, nouvelle édition.
+Londres, Nourse, 1769, 10 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Le Messie</i>, poëme en dix chants, traduit de l'allemand, de Klopstock,
+par d'Antelmy, Junker et autres. Paris, Vincent, 1769, 2 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Narcisse dans l'île de Vénus</i>, poëme en quatre chants, par Malfilâtre.
+Paris, Lejay, 1769, 1 vol. in-8º orné d'un frontispice par Eisen, et de
+figures par Saint-Aubin.</p>
+
+<p><i>La Peinture</i>, poëme en trois chants, par Lemierre. Paris, Jay, 1769, 1
+vol. in-4º.&mdash;Au frontispice est un portrait du grand Corneille. Les
+figures sont de Cochin.</p>
+
+<p><i>Les Nuits d'Young</i>, suivies des &oelig;uvres diverses du même auteur,
+traduites de l'anglais par Letourneur, deuxième édition. Paris, Lejay,
+1769, 4 vol. in-8º avec figures par Eisen.<a name="page_364" id="page_364"></a></p>
+
+<p><i>Les Grâces</i>, précédées d'une dissertation par l'abbé Massieu, et
+suivies d'un discours par le P. André; recueil publié par de Querlon.
+Paris, Prault, 1769, 1 vol. in-8º avec figures, de Boucher et de Moreau
+jeune.</p>
+
+<p><i>Les Quatre parties du jour</i>, poëme traduit de l'allemand de Zacharie,
+par Millier. Paris, Musier, 1769, 1 vol. in-8º avec de charmantes
+figures par Eisen.</p>
+
+<p><i>Les Éléments</i>, poëme par Delavergue. La Haye, Gosse, 1770, 1 vol.
+in-8º.</p>
+
+<p><i>La Récréation des honnêtes gens, ou Opuscules en vers</i>, par M. de la
+M... Amsterdam et Paris, Fétil, 1770, 1 vol. in-8º, relié en maroquin
+vert.</p>
+
+<p><i>Les Baisers</i>, précédés du <i>Mois de mai</i>, poëme par Dorat. La Haye et
+Paris, Lambert, 1770, 1 vol. in-8º.</p>
+
+<p><i>Jérusalem délivrée</i>, poëme héroïque du Tasse, traduit en français par
+Mirabaud. Paris, Barrais, 1771, 2 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Le Bonheur</i>, poëme en six chants avec des fragments de quelques
+épîtres, ouvrages posthumes d'Helvétius. Londres, 1772; précédé d'une
+<i>Vie d'Helvétius</i>, par Saint-Lambert, 1 vol. in-8º, relié en maroquin
+vert. Les armes de la comtesse sont sur le plat avec la devise <i>Boutez
+en avant</i> au-dessus.</p>
+
+<p><i>Contes moraux et Nouvelles idylles</i> de D... (Diderot) et Salomon
+Gessner, traduites par Meister. Zurich, 1773, 1 vol. in-4º.</p>
+
+<p><i>Almanach des trois règnes</i>, en huit parties: première partie, <i>Almanach
+de Flore</i>, 1774, gravé et orné de plus de cinquante planches en
+taille-douce, dessinées et coloriées d'après nature avec le plus grand
+soin, contenant quarante-huit devises et autant d'horoscopes pour tous<a name="page_365" id="page_365"></a>
+les états et tous les âges. Les paroles sont de Douin, capitaine
+d'infanterie; les fleurs dessinées et gravées par Chevalier, lieutenant
+d'infanterie, le texte gravé par Drouet, ancien soldat d'infanterie.
+Versailles, Blaizot, 1774, 1 vol. in-24.</p>
+
+<p><i>Les Comédies de M. Marivaux</i>, jouées sur le théâtre de l'hôtel de
+Bourgogne par les comédiens ordinaires du roi. Paris, Briasson, 1732, 2
+vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Recherches, sur les théâtres de France depuis l'année</i> 1161 <i>jusqu'à
+présent</i>, par de Beauchamps. Paris, Prault, 1735, 3 vol. in-8º.</p>
+
+<p><i>Réflexions historiques et critiques sur les différents théâtres de
+l'Europe, avec les pensées sur la déclamation</i>, par Louis Riccoboni.
+Paris, Guérin, 1738, 1 vol. in-8º.</p>
+
+<p><i>Tragédies-opéras</i> de l'abbé Metastasio, traduites en français par M.
+C.-P. Richelet. Vienne, 1751, 12 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>&OElig;uvres de théâtre</i> de MM. Brueys et Palaprat. Paris, Briasson, 1755, 5
+vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Choix de petites pièces du théâtre anglais</i> par Dodsley et Gay,
+traduites des originaux par Patu. Paris, Prault, 1756, 2 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>&OElig;uvres dramatiques</i> de Néricault-Destouches, nouvelle édition. Paris,
+Prault, 1758, 10 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>&OElig;uvres</i> d'Alexis Piron, avec figures en taille douce d'après les
+dessins de Cochin. Paris, Duchesne, 1758, 3 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Le Théâtre</i> de Baron. Paris, les libraires associés, 1759, 3 vol.
+in-12.</p>
+
+<p><i>Les &OElig;uvres de théâtre</i> de Dancourt, nouvelle édition. Paris, les
+libraires associés, 1760, 12 vol. in-12.<a name="page_366" id="page_366"></a></p>
+
+<p><i>Le Prix de la beauté, ou les Couronnes</i>, pastorale en trois actes et un
+prologue, avec des divertissements sur des airs choisis et nouveaux, par
+Goudot. Paris, Delormel, 1760, vol. in-4º.</p>
+
+<p><i>&OElig;uvres</i> de M. Nivelle de la Chaussée, nouvelle édition, publiée par
+Sablier. Paris, Prault, 1762, 2 vol. 12.</p>
+
+<p>Recueil contenant: 1º <i>les Étrennes de l'Amour</i>, comédie-ballet en un
+acte; 2º <i>le Nouveau Marié</i>, opéra-comique en un acte par Cailhava.
+Paris, Lejay et Duchesne, 1769-1770, 1 vol. in-8º.</p>
+
+<p><i>Fables allemandes et contes français en vers</i>, avec un <i>Essai sur la
+Fable</i>, par du Coudray. Paris, Jarry, 1770, 1 vol. in-8º.</p>
+
+<p><i>Les Chefs-d'&oelig;uvre</i> de Pierre et de Thomas Corneille, nouvelle édition,
+avec <i>les Commentaires</i> de Voltaire. Paris, libraires associés, 1771, 3
+vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Théâtre des Grecs</i> par le P. Brumoy, nouvelle édition enrichie de
+très-belles gravures et augmentée de la traduction entière des pièces
+grecques dont il n'existe que des extraits dans toutes les éditions
+précédentes, et de comparaisons, d'observations et de remarques
+nouvelles, par MM. de Rochefort et Dutheil. Paris, Cussac, 1785, 13 vol.
+in-4º, reliés en maroquin rouge, avec armes sur le dos.</p>
+
+<p><i>Les Aventures de Télémaque, fils d'Ulysse</i>, par François de Salignac de
+la Motte-Fénelon, nouvelle édition. Paris, Estienne, 1730, deux tomes en
+1 volume in-4º, édition médiocre, ornée de figures par Coypel, Souville,
+Cazes et Humblot.</p>
+
+<p><i>Le Marquis de Chavigny</i>, par Boursault. Paris, Nyon, 1739, 1 vol.
+in-12.<a name="page_367" id="page_367"></a></p>
+
+<p><i>Le Prince de Condé</i>, par Boursault. Paris, Nyon, 1739. Dans le même
+volume: <i>Ne pas croire ce qu'on voit</i>, histoire espagnole par Boursault.
+Paris, Lebreton, 1739, 1 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>&OElig;uvres de Maître François Rabelais</i>, avec des remarques historiques et
+critiques de le Duchat, nouvelle édition ornée de figures, par Picart.
+Amsterdam, J. Bernard, 1741, 3 vol. in-4º.</p>
+
+<p><i>Tanzaï et Néadarné</i>, histoire japonaise, par Crébillon fils, Pékin,
+1743, 2 vol. in-18, avec figures licencieuses.</p>
+
+<p><i>Amours de Théagène et de Chariclée</i>, histoire éthiopique. Londres, 2
+vol. petit in-8º, avec figures, dont quelques-unes sont assez
+licencieuses.</p>
+
+<p><i>Les Malheurs de l'Amour</i>, par la marquise de Tencin et Pont-de-Vesle.
+Amsterdam et Paris, Prault, 1746, deux parties en 1 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Lettres de la marquise de M*** au comte de R***</i>, par Crébillon fils.
+La Haye, Scheurser, 1746, 1 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Histoire amoureuse des Gaules</i>, par le comte de Bussi-Rabutin, 1754, 5
+vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Mémoires et &OElig;uvres de madame Staal</i>. Londres, 1755, 4 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Histoire d'Emilie Montayne</i>, par l'auteur de <i>Julie Mondeville
+(Mistriss Brooke)</i>, traduite de l'anglais, par Robinet, 4 tomes en 2
+vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Mémoires et Aventures d'un homme de qualité qui s'est retiré du monde</i>,
+par l'abbé Prévost. Amsterdam, Arkstée, 1759, 3 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Mémoires du comte de Grammont</i>, par le comte A. Hamilton, 1760, 2 vol.
+in-12.<a name="page_368" id="page_368"></a></p>
+
+<p><i>Les Amours d'Ismène et d'Isménius</i>, par M. de Beauchamps. La Haye,
+1743.&mdash;Dans le même volume se trouve: <i>Acajou et Zirphile</i>, conte, par
+Duclos, Minutie, 1761, 1 vol. in-12, avec figures.</p>
+
+<p><i>Amélie</i>, roman de Fiedling, traduit de l'anglais, par madame Riccoboni.
+Paris, Brocas, 1762, 3 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Lettres de milady Julliette Catesby à milady Henriette Campley, son
+amie</i>, par madame Riccoboni. Amsterdam, 1762, 1 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Histoire de miss Jenny</i>, écrite et envoyée par elle à milady comtesse
+de Roscomond, par madame Riccoboni. Paris, Brocas, 1764, 2 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>La Nouvelle Héloïse, ou Lettres de deux amants habitants d'une petite
+ville au pied des Alpes</i>, recueillies et publiées par Jean-Jacques
+Rousseau, nouvelle édition. Neufchâtel et Paris, Duchesne, 1764, 4 vol.
+in-12 avec figures, par Gravelot.</p>
+
+<p><i>Contes moraux</i>, par Marmontel. Paris, Merlin, 1765, 3 vol. in-12, avec
+le portrait de l'auteur, par Cochin, et ornés de figures par Gravelot.</p>
+
+<p><i>Histoire de M. le marquis de Cressy</i>, par madame Riccoboni. Paris,
+Humblot, 1766, 1 vol. 12.</p>
+
+<p><i>Contes de Guillaume Vadé</i>, 1768, 1 vol. in-8º.</p>
+
+<p><i>Histoire d'Hippolyte, comte de Douglas</i>, par madame d'Aulnoy.
+Amsterdam, Lhonoré, 1769, deux tomes en 1 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Télèphe</i>, en douze livres. Londres et Paris, Pissot, 1784, par
+Pechméja, 1 vol. in-8º relié en maroquin rouge, les armes sur le dos.</p>
+
+<p><i>Voltariana, ou Éloges amphigouriques</i> de F.-M. Arouet, sieur de
+Voltaire, discutés et décidés pour sa réception<a name="page_369" id="page_369"></a> à l'Académie française,
+par Travenol et Mannory. Paris, 1748, 1 vol. in-8º.</p>
+
+<p><i>Lettres de Rousseau, sur différents sujets de littérature.</i> Genève,
+Barillot, 1750, 5 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Essai historique et philosophique sur le goût</i>, par Cartaud de la
+Vilale. Londres, 1751, 1 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Considérations sur les ouvrages d'esprit</i>, par Chicaneau de Neuville.
+Amsterdam, 1758, 1 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Le Chef-d'&oelig;uvre d'un inconnu</i>, poëme heureusement découvert et mis au
+jour, avec des remarques savantes et recherchées, par le docteur
+Chrysostome Matanasius, par Saint-Hyacinthe, aidé de S'gravesande,
+Sallengre, Prosper Marchand et autres. On trouve de plus une
+Dissertation sur Homère et sur Chapelain, par Van Effen; deux Lettres
+sur des Antiques; la préface de Cervantes, sur l'histoire de don
+Quichotte de la Manche; la déification d'Aristarchus Masso, et plusieurs
+autres choses non moins agréables qu'instructives, neuvième édition.
+Lausanne, Bousquet, 1758, 2 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Pensées de Pascal sur la religion et sur quelques autres sujets.</i>
+Paris, Desprez, 1761, 1 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Recueil de Lettres</i> de madame la marquise de Sévigné à madame la
+comtesse de Grignan, sa fille. Paris, Compagnie des libraires, 1763, 8
+vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Lettres secrètes de M. de Voltaire</i>, publiées par L.-B. Robinet.
+Genève, 1765, 1 vol. in-8º.</p>
+
+<p><i>Pensées de milord Bolingbroke</i>, sur différents sujets d'histoire, de
+philosophie, de morale, etc., recueillies par Prault. Paris, Prault,
+1771, 1 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Les Loisirs d'un ministre, ou Essais dans le goût de ceux de Montagne</i>,
+composés en 1736, par le marquis d'Argenson.<a name="page_370" id="page_370"></a> Liége, Plomteux, 1787, 2
+vol. in-8º, reliés en veau vert avec armes sur le dos.</p>
+
+<p><i>&OElig;uvres du Philosophe de Sans-Souci</i>, au Donjon du Château, 1750, 3
+vol. in-8º.</p>
+
+<p><i>&OElig;uvres de Saint-Évremont</i>, avec la vie de l'auteur, par des Maileaux,
+1753, 11 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>&OElig;uvres de madame la marquise de Lambert.</i> Paris, Ganeau, 1761, 2 vol.
+in-12.</p>
+
+<p><i>&OElig;uvres diverses de J. J. Rousseau.</i> Neufchâtel, 1764, 8 vol. in-12. Le
+premier volume est orné d'un frontispice par Gravelot, et d'un portrait
+de J. J. Rousseau par Delatour.</p>
+
+<p><i>Plaidoyer</i> pour et contre J. J. Rousseau et le docteur D. Hume,
+l'historien anglais, avec des anecdotes intéressantes relatives au
+sujet; ouvrage moral et critique, pour servir de suite aux &oelig;uvres de
+ces deux grands hommes, par Bergerat. Paris, Dufour, 1768, 1 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Les &OElig;uvres de l'abbé de Saint-Réal</i>, nouvelle édition. Libraires
+associés, 8 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>&OElig;uvres posthumes de Frédéric II</i>, roi de Prusse. Berlin, Woss et
+Decker, 1788, 15 vol. in-8º, reliés en maroquin fauve avec armes sur le
+dos.</p>
+
+<p><i>Divers Éloges</i>, par Thomas. Paris, Regnard, 1763-1773, 1 vol. in-8º.</p>
+
+<p><i>La Muse historique, ou Recueil de Lettres en vers</i>, contenant les
+nouvelles du temps, écrites à S. A. marquise de Longueville, par le
+sieur Loret. Paris, Ch. Chenault, de 1650 à 1664, 5 vol. in-fol.&mdash;Les
+lettres du 1<sup>er</sup> janvier 1665 au 28 mars de la même année sont
+manuscrites, et copiées par de la Rue, en 1771.<a name="page_371" id="page_371"></a></p>
+
+<p><i>Anecdotes ecclésiastiques</i>, tirées de l'<i>Histoire du royaume de
+Naples</i>, de Giannone, par Jacques Vernet. Amsterdam, Catuffe, 1753, 1
+vol. petit in-8º.</p>
+
+<p><i>Abrégé chronologique de l'Histoire des Juifs</i>, par Charbuy. Paris,
+Chaubert, 1 vol. in-8º.</p>
+
+<p><i>Lettres sur l'Egypte</i>, par Savary. Paris, Onfroy, 1785, 3 vol. in-8º,
+avec armes sur le dos.</p>
+
+<p><i>Histoire ancienne des peuples de l'Europe</i>, par le comte de Buat.
+Paris, Desaint, 1772, 12 vol. in-12, avec armes sur le dos.</p>
+
+<p><i>Mémoires de la cour de France</i>, pour les années 1688 et 1689, par
+madame la comtesse de la Fayette. Amsterdam, Bernard, 1731, 1 vol.
+in-12.</p>
+
+<p><i>Histoire de la vie et du règne de Louis XIV</i>, par Bruzen de la
+Martinière. La Haye, Venduren, 1740, 2 vol. in-4º.</p>
+
+<p><i>Histoire de madame de Luz</i>, anecdote du règne de Henri IV, par Duclos.
+La Haye, de Hondt, 1744, deux parties en 1 vol. in-12. Histoire plus que
+galante.</p>
+
+<p><i>Histoire politique du siècle</i>, par Maubert de Gouvest. Londres, 1754, 2
+vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Histoire du règne de Louis XIII</i>, par le P. Griffet. Paris, Libraires
+associés, 1758, 2 vol. in-4º.</p>
+
+<p><i>Les Amours de Henri IV, roi de France</i>, avec ses lettres galantes à la
+duchesse de Beaufort et à la marquise de Verneuil. Amsterdam, 1765, deux
+parties en 1 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Dictionnaire géographique et portatif de la France</i>, par le P.
+Dominique Magnan. Paris, Desaint, 1765, 4 vol. in-8º.</p>
+
+<p><i>Les Soirées helvétiennes, alsaciennes et francomtoises</i>, par le marquis
+de Pezay. Amsterdam, Paris, Delalain, 1771, 1 vol. in-8º.<a name="page_372" id="page_372"></a></p>
+
+<p><i>Usages et M&oelig;urs des Français</i>, par Poullin de Lumina. Lyon, Berthaud,
+1769, 1 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Le Royalisme, ou Mémoires de du Barry de Saint-Aunez et de Constance de
+Cézelli, sa femme</i>, anecdotes héroïques sous Henri IV, par de Limairac.
+Paris, Valade, 1770, 1 vol. in-8º.</p>
+
+<p><i>Histoire de la vie privée des Français, depuis l'origine de la nation
+jusqu'à nos jours</i>, par Legrand d'Aussy. Paris, Pierres, 1782, 3 vol.
+in-8º, reliés en maroquin rouge, armes sur le dos.</p>
+
+<p><i>Lettres du baron de Busbec</i>, ambassadeur de Ferdinand 1<sup>er</sup>, roi des
+Romains, auprès de Soliman II, empereur des Turcs, etc., traduites en
+français, avec des notes historiques et géographiques, par l'abbé Defoy.
+Paris, Bauche, 1748, 3 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Histoire abrégée de la vie d'Éléonore-Marie, archiduchesse d'Autriche</i>,
+etc., par N. Frizon. Nancy, Cusson, 1725, 1 vol. in-8º.</p>
+
+<p><i>Les Fastes du royaume de Pologne et de l'empire de Russie</i>, par
+Constant Dorville. Paris, Costard, 1769, 2 vol. in-8º.</p>
+
+<p><i>Histoire de l'Afrique et de l'Espagne sous la domination des Arabes</i>,
+par Cardonne. Paris, Saillant, 1765, 3 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce
+des Européens dans les deux Indes</i>, par Guillaume-Thomas Raynal.
+Neufchâtel, Libraires associés, 1783, 10 vol. in-8º, reliés en maroquin
+vert, armes sur le dos.</p>
+
+<p><i>Monuments de la mythologie et de la poésie des Celtes, et
+particulièrement des anciens Scandinaves</i>, pour servir de supplément et
+de preuves à l'introduction à l'histoire du Danemark, par Mallet.
+Copenhague, Philibert, 1756, 1 vol. in-4º.<a name="page_373" id="page_373"></a></p>
+
+<p><i>Histoire de l'Académie française</i>, par Pellisson et d'Olivet, troisième
+édition. Paris, Coignard, 1743, 2 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Tablettes dramatiques</i>, contenant l'abrégé de l'histoire du théâtre
+français, l'établissement des théâtres à Paris, un dictionnaire des
+pièces et l'abrégé de l'histoire des auteurs et des acteurs, par le
+chevalier de Mouy. Paris, Jarry, 1752, 1 vol. petit in-8º.</p>
+
+<p><i>Histoire et commerce des Antilles anglaises</i>, par Butel-Dumont, 1 vol.
+in-12.</p>
+
+<p><i>Correspondance secrète, politique et littéraire, ou Mémoires pour
+servir à l'Histoire des cours, des sociétés et de la littérature en
+France, depuis la mort de Louis XV</i>, 1789, 1790, par Métra et autres, 14
+vol. in-12, reliés en veau vert, les armes sur le dos. On est d'autant
+plus étonné de trouver cet ouvvage parmi les livres de madame du Barry,
+qu'elle y est fort maltraitée.</p>
+
+<p><i>Dictionnaire de littérature</i>, par l'abbé Sabatier de Castres. Paris,
+Vincent, 1770, 3 vol. in-8º.</p>
+
+<p><i>Recueil d'anecdotes</i>, par madame de Laisse. Amsterdam, 1773, 1 vol.
+in-12.</p>
+
+<p><i>Principes du droit politique</i>, par Burlamaqui. Amsterdam, Châtelain,
+1751, deux tomes en 1 vol. petit in-8º.</p>
+
+<p><i>Le Droit public de France éclairci par les monuments de l'antiquité</i>,
+par Bousquet. Paris, Desaint et Saillant, 1756, 1 vol. in-4º.</p>
+
+<p><i>De l'autorité du clergé et du pouvoir du magistrat politique sur
+l'exercice des fonctions du ministère ecclésiastique</i>, par Richer.
+Amsterdam, Arkstée, 1767, 2 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Constitution de l'Angleterre, ou État du gouvernement anglais</i>, comparé
+avec la forme républicaine et avec les autres monarchies de l'Europe,
+par Delolme. Genève,<a name="page_374" id="page_374"></a> Barde, 1787, 2 vol. in-8º, reliés en veau marbré
+vert, avec armes sur le dos.</p>
+
+<p>L'<i>Alcoran de Mahomet</i>, traduit de l'arabe par André du Ryer, sieur de
+la Garde Malézair, nouvelle édition, revue, corrigée et augmentée des
+observations historiques et critiques sur le mahométisme, ou traduction
+du discours préliminaire mis à la tête de la version anglaise de
+l'Alcoran, publiée par Georges Sale. Amsterdam, Arkstée, 1770, 2 vol.
+in-12.</p>
+
+<p><i>Réflexions, sentences et maximes morales</i>, mises en nouvel ordre, avec
+des notes pratiques et historiques, par Amelot de la Houssaye, nouvelle
+édition, augmentée de maximes chrétiennes. Paris, Ganeau, 1754, 1 vol.
+in-12.</p>
+
+<p><i>Émile, ou de l'Éducation</i>, par J. J. Rousseau. Amsterdam, Néaulme,
+1762, 4 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Réflexions politiques sur les finances et le commerce</i>, par Dutot. La
+Haye, Vaillant, 1754, 2 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Essai politique sur le commerce</i>, par Melon, nouvelle édition, 1761, 1
+vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Annales politiques</i> de feu M. Charles-Irénée Castel, abbé de
+Saint-Pierre, nouvelle édition. Lyon, Duplais, 1767, 2 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Essai philosophique</i>, concernant l'entendement humain, par Locke,
+traduit de l'anglais par Coste. Amsterdam, aux dépens de la Compagnie,
+1758, 4 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>De la recherche de la vérité</i>, par Mallebranche. Paris. 1762, 4 vol. in
+12.</p>
+
+<p><i>Histoire du ciel</i> considéré selon les idées des poëtes, des philosophes
+et de Moïse, par Noël Planche. Paris, Estienne, 1739, 2 vol. in-12.<a name="page_375" id="page_375"></a></p>
+
+<p><i>Considérations sur la constitution de la marine militaire de France</i>,
+par de Secondat. Londres, 1756, 1 vol. in-12.</p>
+
+<p><i>Rouge végétal à l'usage des dames</i>, avec une lettre à M***, sur les
+maladies des yeux causées par l'usage du rouge et du blanc, par le
+docteur Deshais-Gendron. Paris, 1760, 1 vol. in-12.</p>
+
+<p class="c">&mdash;&mdash;&mdash;&mdash;</p>
+
+<p class="hang">Nº 6.&mdash;<i>Liste des dossiers, concernant madame du Barry, déposés à la
+bibliothèque publique de la ville de Versailles:</i></p>
+
+<p>1º Dossier renfermant toutes les pièces regardant particulièrement
+madame <i>du Barry</i>.</p>
+
+<p>2º Procès entre les héritiers <i>du Barry</i>, dans lequel est établie la
+preuve que madame <i>du Barry</i> est fille naturelle d'<i>Anne Bécu</i>.</p>
+
+<p>3º Autre dossier, dans lequel on trouve une foule de renseignements sur
+tout ce qui regarde madame <i>du Barry</i>.</p>
+
+<p>4º Dossier concernant le vol des diamants de madame <i>du Barry</i>, et les
+dépôts d'argent faits par elle en Angleterre.</p>
+
+<p>5º Dossier <i>Cossé-Brissac</i>.</p>
+
+<p>6º Dossier de <i>Rançon de Montrabe</i>, beau-père de madame <i>du Barry</i>.</p>
+
+<p>7º Dossier contenant les états des dettes, oppositions et significations
+existant au trésor public, sur la comtesse <i>du Barry</i>.</p>
+
+<p>8º Procès des héritiers de madame <i>du Barry</i>.&mdash;Mémoires imprimés.<a name="page_376" id="page_376"></a></p>
+
+<p>9º, 10º, 11º, 12º. Dossiers des divers procès intentés par les héritiers
+de madame <i>du Barry</i>, contre MM. <i>Rohan-Chabot</i>, <i>de Chabrillan</i>, <i>de
+Mondragon</i>.</p>
+
+<p>13º Dossier concernant le comte <i>Guillaume du Barry</i>, mari de la
+comtesse.&mdash;Son second mariage avec <i>Madeleine Lemoine</i>.&mdash;Sa mort.</p>
+
+<p>14º et 15º Papiers concernant les parents de madame <i>du Barry</i>.</p>
+
+<p class="c">FIN.</p>
+
+<p><a name="page_377" id="page_377"></a></p>
+
+<h3><a name="TABLE_DES_MATIERES" id="TABLE_DES_MATIERES"></a>TABLE DES MATIÈRES.</h3>
+
+<table border="0" cellpadding="0" cellspacing="0" summary="">
+
+<tr><td colspan="2">&nbsp;</td><td>I<small>NTRODUCTION</small></td><td align="right"><a href="#page_i">I</a></td></tr>
+
+<tr><td align="right"><a href="#I">I</a></td><td>&mdash;</td><td>Le château de Versailles sous Louis XIII et la
+journée des Dupes (1627-1630)</td><td align="right"><a href="#page_001">1</a></td></tr>
+
+<tr><td align="right"><a href="#II">II</a></td><td>&mdash;</td><td>La naissance du duc de Bourgogne (1682)</td><td align="right"><a href="#page_030">30</a></td></tr>
+
+<tr><td align="right"><a href="#III">III</a></td><td>&mdash;</td><td>Récit de la grande opération faite au roi
+Louis XIV (1686)</td><td align="right"><a href="#page_057">57</a></td></tr>
+
+<tr><td align="right"><a href="#IV">IV</a></td><td>&mdash;</td><td>Mort de Louvois (1691)</td><td align="right"><a href="#page_074">74</a></td></tr>
+
+<tr><td align="right"><a href="#V">V</a></td><td>&mdash;</td><td>L'appartement de madame de Maintenon
+(1686-1715)</td><td align="right"><a href="#page_085">85</a></td></tr>
+
+<tr><td align="right"><a href="#VI">VI</a></td><td>&mdash;</td><td>L'ancienne machine de Marly ou de Ville et
+Rennequin</td><td align="right"><a href="#page_115">115</a></td></tr>
+
+<tr><td colspan="2">&nbsp;</td><td>Pièces justificatives</td><td align="right"><a href="#page_138">138</a></td></tr>
+
+<tr><td align="right"><a href="#VII">VII</a></td><td>&mdash;</td><td>Détails inédits sur la mort de Louis XIV (1715)</td><td align="right"><a href="#page_200">200</a></td></tr>
+
+<tr><td align="right"><a href="#VIII">VIII</a></td><td>&mdash;</td><td>Relevé des dépenses de madame de Pompadour</td><td align="right"><a href="#page_209">209</a></td></tr>
+
+<tr><td align="right"><a href="#IX">IX</a></td><td>&mdash;</td><td>Le Parc aux cerfs sous Louis XV (1755-1771)</td><td align="right"><a href="#page_229">229</a></td></tr>
+
+<tr><td align="right"><a href="#X">X</a></td><td>&mdash;</td><td>Madame du Barry (1768-1793)</td><td align="right"><a href="#page_243">243</a></td></tr>
+
+<tr><td colspan="2">&nbsp;</td><td>Notes</td><td align="right"><a href="#page_249">249</a></td></tr>
+</table>
+
+<div class="footnotes"><h3>NOTES:</h3>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_1_1" id="Footnote_1_1"></a><a href="#FNanchor_1_1"><span class="label">[1]</span></a> <i>Curiosités historiques</i>, p. 86.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_2_2" id="Footnote_2_2"></a><a href="#FNanchor_2_2"><span class="label">[2]</span></a> Les Almanachs de Versailles avant 1789.&mdash;Le Cicerone de
+Versailles (avril 1804, etc.)</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_3_3" id="Footnote_3_3"></a><a href="#FNanchor_3_3"><span class="label">[3]</span></a> Mémoires de Saint-Simon.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_4_4" id="Footnote_4_4"></a><a href="#FNanchor_4_4"><span class="label">[4]</span></a> Mémoires de Saint-Simon.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_5_5" id="Footnote_5_5"></a><a href="#FNanchor_5_5"><span class="label">[5]</span></a> Jusqu'en 1836, dit cet auteur, époque de la publication du
+livre de M. Eckard, on avait cru et répété que Jean de Soisy était le
+seigneur de Versailles. En 1833, lorsque nous écrivîmes pour la première
+fois cet ouvrage, nous avancions sous la forme du doute, que Jean de
+Soisy n'avait dû vendre que le <i>Pavillon royal</i>, puisque le château
+appartenait aux Gondi. Toutefois, les dates nous embarrassaient. Grâce à
+M. Eckard, la lumière a été jetée sur l'ordre des acquisitions, et nous
+n'y ajouterons que ce que nous croirons indispensable de faire
+connaître.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_6_6" id="Footnote_6_6"></a><a href="#FNanchor_6_6"><span class="label">[6]</span></a> <i>Mémoires du maréchal de Bassompierre</i>, contenant
+l'histoire de sa vie et de ce qui s'est fait de plus remarquable à la
+cour de France pendant quelques années. Cologne, 1665, t. III, p. 53.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_7_7" id="Footnote_7_7"></a><a href="#FNanchor_7_7"><span class="label">[7]</span></a> Le palais des Tuileries. L'assemblée se tenait dans la
+grande salle de ce palais.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_8_8" id="Footnote_8_8"></a><a href="#FNanchor_8_8"><span class="label">[8]</span></a> En 1631, pendant qu'il était enfermé à la Bastille.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_9_9" id="Footnote_9_9"></a><a href="#FNanchor_9_9"><span class="label">[9]</span></a> <i>Architecture française</i>, par Blondel, t. IV, p. 93.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_10_10" id="Footnote_10_10"></a><a href="#FNanchor_10_10"><span class="label">[10]</span></a> <i>Histoire du roi Louis XIII</i>, par Ch. Bernard, 1646, I.
+XII, p. 223.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_11_11" id="Footnote_11_11"></a><a href="#FNanchor_11_11"><span class="label">[11]</span></a> Anecdotes du ministère du cardinal de Richelieu.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_12_12" id="Footnote_12_12"></a><a href="#FNanchor_12_12"><span class="label">[12]</span></a> Ch. Bernard (<i>Histoire de Louis XIII</i>) dit que ce qui
+sauva le roi fut l'ouverture d'un abcès qu'il avait intérieurement, ce
+qui le mit aussitôt hors de fièvre.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_13_13" id="Footnote_13_13"></a><a href="#FNanchor_13_13"><span class="label">[13]</span></a> <i>Histoire de Louis XIII</i>, liv. XIV, p. 226.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_14_14" id="Footnote_14_14"></a><a href="#FNanchor_14_14"><span class="label">[14]</span></a> Voici ce que dit à ce sujet Bassompierre: «Le lundi 11,
+jour de la Saint-Martin, je vins de bonne heure chez le roi, qui me dit
+qu'il s'en retournoit à Versailles; je ne sçay point quel dessein j'en
+avois fait d'aller dîner chez M. le cardinal, que je n'avois pû voir
+chez luy depuis son arrivée, et m'en alloyt vers midi en son logis. On
+me dit qu'il n'y estoit pas, et qu'il partoit ce jour-là pour aller à
+Pontoise. Encore jusques-là je ne pensoy à rien, ni moins encore, quand
+étant entré au Luxembourg, M. le cardinal y arrivant, je le conduisis
+jusques à la porte de la reine, et qu'il me dit: Vous ne ferez plus de
+cas d'un défavorisé comme moy. Je m'imaginai qu'il vouloit parler du
+mauvais visage qu'il avoit reçu de Monsieur. Sur cela, je voulus
+attendre pour aller dîner avec lui; mais M. de Longueville me débaucha
+pour aller dîner chez M. de Créqui avec Monsieur, comme il m'en avoit
+prié.» (<i>Mémoires du maréchal de Bassompierre</i>, t. III, p. 273.)</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_15_15" id="Footnote_15_15"></a><a href="#FNanchor_15_15"><span class="label">[15]</span></a> Comme grand-maître de la maison du roi.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_16_16" id="Footnote_16_16"></a><a href="#FNanchor_16_16"><span class="label">[16]</span></a> L'ordonnance royale par laquelle Louis XIII ôte les sceaux
+à Marillac pour les donner à Charles de Laubespin, sieur de
+Chasteau-Neuf, est datée de Versailles, au mois de novembre 1630, et
+l'on y voit que Chasteau-Neuf y prêta serment entre les mains du roi, le
+14 du même mois.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_17_17" id="Footnote_17_17"></a><a href="#FNanchor_17_17"><span class="label">[17]</span></a> Cette année 1630, Louis XIII retira au seigneur de
+Glatigny les droits d'aides de Versailles, qui avaient été aliénés en
+1619, et les fit recevoir par le concierge de son château. (Rapport de
+M. Coste, 1790.)
+</p><p>
+Le concierge du château et le jardinier avaient chacun six cents livres
+de gages. (Manuscrits de Narbonne, premier commissaire de Versailles.)</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_18_18" id="Footnote_18_18"></a><a href="#FNanchor_18_18"><span class="label">[18]</span></a> Voir <i>Histoire amoureuse des Gaules</i>, par Bussi Rabutin.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_19_19" id="Footnote_19_19"></a><a href="#FNanchor_19_19"><span class="label">[19]</span></a> Son mari était chirurgien à Paris.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_20_20" id="Footnote_20_20"></a><a href="#FNanchor_20_20"><span class="label">[20]</span></a> Le premier médecin du roi.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_21_21" id="Footnote_21_21"></a><a href="#FNanchor_21_21"><span class="label">[21]</span></a> Premier chirurgien de la Dauphine.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_22_22" id="Footnote_22_22"></a><a href="#FNanchor_22_22"><span class="label">[22]</span></a> C'est ce qui a fait dire à plusieurs historiens, et entre
+autres à M. Vatout, dans son livre du <i>Palais de Versailles</i>, que la
+Dauphine était accouchée à la surintendance. La surintendance était
+complétement séparée du château, et l'on a évidemment confondu le
+pavillon de la surintendante avec ce bâtiment. Sous Louis XVI ce
+pavillon portait le nom de <i>Pavillon de Monsieur</i>.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_23_23" id="Footnote_23_23"></a><a href="#FNanchor_23_23"><span class="label">[23]</span></a> Il était composé de deux matelas, sans lit de plumes,
+placés sur un lit de repos, large de trois pieds. Une planche était
+placée entre les deux matelas, afin que le siége ne fût pas dans un
+creux. On étendait dessus deux draps et une couverture. Un double
+traversin était placé sous les épaules et la tête. Enfin il était
+complété par deux chevilles d'un pied de long, placées l'une à droite et
+l'autre à gauche, que la princesse devait saisir pendant les douleurs,
+et par une barre au pied, pour servir d'appui à ses pieds pendant le
+travail.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_24_24" id="Footnote_24_24"></a><a href="#FNanchor_24_24"><span class="label">[24]</span></a> Qu'on a traduit plus tard en <i>palettes</i>.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_25_25" id="Footnote_25_25"></a><a href="#FNanchor_25_25"><span class="label">[25]</span></a> Ce rossolis était composé de graines aromatiques macérées
+dans l'alcool.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_26_26" id="Footnote_26_26"></a><a href="#FNanchor_26_26"><span class="label">[26]</span></a> L'usage de la plupart des accoucheurs de cette époque,
+ainsi que l'enseigne <i>Mauriceau</i> dans son <i>Traité des accouchements</i>,
+était de délivrer la femme aussitôt la sortie de l'enfant, et de ne
+couper le cordon que lorsque l'arrière-faix tout entier était dehors.
+Clément était d'un avis tout opposé. Il voulait que l'on commençât par
+la ligature du cordon. Il donnait pour raison qu'on ne peut trop tôt
+ôter l'enfant d'auprès de sa mère, et l'en débarrasser pour le mettre
+entre les mains de celles qui doivent l'accommoder. Il ajoutait que plus
+on différait à lier le cordon, plus la circulation de l'enfant avec le
+placenta se continuait, et plus par conséquent le placenta se détachait
+difficilement de l'utérus; et de plus, qu'en laissant crier l'enfant
+près de sa mère, on lui faisait de la peine, et que cet éveil à la
+tendresse maternelle pouvait être encore une cause de retard à la sortie
+du délivre.
+</p><p>
+Il lia donc le cordon, le coupa, et remit l'enfant entre les mains des
+femmes qui devaient l'arranger. On l'enveloppa dans un linge et on le
+porta dans un cabinet voisin, et près du feu. On le lava avec une éponge
+trempée dans du vin légèrement chauffé, dans lequel on avait fait fondre
+une certaine quantité de beurre. Clément vint lui mettre le cordon dans
+un linge huilé, plaça la bande de corps, et l'on emmaillotta l'enfant.
+Il s'occupa ensuite de délivrer la princesse. L'arrière-faix, à sa
+sortie, fut placé sur un plat d'argent et présenté à l'examen des
+médecins pour s'assurer de son intégrité.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_27_27" id="Footnote_27_27"></a><a href="#FNanchor_27_27"><span class="label">[27]</span></a> Les curés de paroisses royales avaient le droit
+non-seulement d'assister en étole aux baptêmes, mariages et autres
+sacrements qui s'administraient à la cour, mais encore de faire mention
+de leur présence dans les actes les constatant. Voici comment cet usage
+s'était introduit.
+</p><p>
+Le cardinal de Richelieu connaissait le grand nombre de ses ennemis et
+la faiblesse de Louis XIII. Craignant qu'après sa mort sa famille ne fût
+inquiétée, il chercha pour elle un appui dans la puissante maison de
+Condé, et fit épouser à sa nièce, Claire-Clémence de Maillé-Brézé, Louis
+de Bourbon, duc d'Enghien, si connu sous le nom de grand Condé!
+</p><p>
+Ce mariage se fit le 11 février 1645, dans la chapelle du Louvre, et le
+frère de Richelieu, le cardinal de Lyon, leur donna la bénédiction
+nuptiale. Le prince de Condé, père de Louis, et Louis lui-même, ayant
+montré de la répugnance pour cette alliance, le cardinal ne parvint à la
+conclure qu'à l'aide des grands avantages qu'il assura à sa nièce; et
+comme il craignait que plus tard on ne cherchât quelques prétextes pour
+la rompre, il voulut que le curé de Saint-Germain l'Auxerrois fût
+présent à la célébration avec son étole, et qu'il apportât ses registres
+afin d'y faire inscrire l'acte. Telle est l'origine de l'usage où
+étaient les curés des résidences royales d'assister en étole à tous les
+sacrements s'administrant à la cour. Cet usage s'est renouvelé de nos
+jours, car on a vu, il y a quelques années, le curé de l'église de
+Notre-Dame de Versailles, depuis évêque de Dijon, venir au château de
+Trianon et y assister en étole à la cérémonie du mariage de la princesse
+Marie, fille du roi Louis-Philippe, avec le prince de Wurtemberg.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_28_28" id="Footnote_28_28"></a><a href="#FNanchor_28_28"><span class="label">[28]</span></a> Après que les femmes de la Dauphine eurent procédé à sa
+toilette, elle fut placée dans son lit, préalablement chauffé. Comme
+l'enfant était resté assez longtemps au passage, les parties externes de
+la génération étaient contusionnées et douloureuses; Clément y fit
+appliquer un cataplasme ainsi fait: On prit deux onces d'huile d'amandes
+douces et deux &oelig;ufs dont on mit le blanc et le jaune, qu'on fit cuire
+dans un petit vase, comme des &oelig;ufs brouillés; on les étendit ensuite
+sur de l'étoupe, et on les appliqua médiocrement chauds sur la partie.
+</p><p>
+Comme le ventre était un peu sensible, Clément se servit, pour prévenir
+l'inflammation de cette partie, d'un singulier moyen, auquel il renonça
+cependant pour les autres accouchements de la Dauphine, quoiqu'ils aient
+été aussi laborieux*. Il fit appliquer la peau encore chaude d'un mouton
+noir nouvellement écorché. Pour cela on avait fait venir un boucher qui
+écorcha le mouton dans une pièce voisine. Le boucher, voulant ne pas
+laisser refroidir la peau, s'empressa d'entrer dans la chambre de la
+princesse, en ayant pris cette peau ployée dans son tablier, et laissa
+la porte ouverte; de sorte que le mouton écorché et tout sanglant le
+suivit et entra jusqu'auprès du lit, ce qui fit une peur effroyable à
+toutes les dames présentes à ce spectacle. Les seins furent ensuite
+recouverts de deux petits matelas de laine. Ces soins terminés, la
+Dauphine prit une potion qu'on était dans l'usage d'administrer pour
+éviter aux femmes les tranchées, consistant dans un mélange d'huile
+d'amandes douces, de sirop de capillaire et de jus d'orange.
+</p><p>
+A la couche de la Dauphine, Clément se conforma encore à un usage
+observé chez les reines, mais qu'il supprima plus tard, c'était
+d'empêcher la femme de dormir aussitôt après l'accouchement. Dionis
+resta trois heures auprès du lit de la Dauphine, ainsi qu'il avait fait
+à la reine, pour causer avec elle et l'empêcher de se livrer au sommeil.
+</p><p>
+Après que tout le monde se fut retiré de la chambre de la Dauphine, on
+ferma tous les volets des fenêtres, et une seule bougie éclaira sa
+chambre jour et nuit pendant les neuf premiers jours. Excepté
+l'accoucheur, les médecins et les femmes nécessaires au service,
+personne ne s'approcha non plus de la Dauphine pendant tout ce temps.
+Les trois premiers jours, sa nourriture se composa de bouillons, d'&oelig;ufs
+frais et de gelée; et sa boisson de tisane d'orge, de chiendent et de
+réglisse chaude. Lorsque la fièvre de lait fut passée, on donna des
+potages et du poulet, et elle but un peu de vin trempé.
+</p><p>
+Une précaution regardée comme très-importante était de ne laisser entrer
+dans la chambre de l'accouchée aucune personne ayant sur elle quelque
+odeur. Aussi un huissier était-il placé à la porte de l'appartement de
+la princesse, avec ordre de sentir toutes les dames, et de renvoyer
+celles ayant quelque parfum ou quelque fleur, non-seulement pendant les
+neuf premiers jours, mais même pendant les six semaines qui suivirent
+l'accouchement.
+</p><p>
+* Dionis.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_29_29" id="Footnote_29_29"></a><a href="#FNanchor_29_29"><span class="label">[29]</span></a> Dans son livre du <i>Palais de Versailles</i>, M. Vatout dit
+qu'après la naissance du duc de Bourgogne, Louis XIV s'étant montré en
+public, le peuple le porta depuis la surintendance, où la Dauphine était
+accouchée, jusqu'à ses appartements. On voit, par ce récit, que cette
+scène d'effusion entre Louis XIV et ses courtisans eut lieu dans
+l'intérieur du palais, et que <i>le peuple</i> n'y prit aucune part. L'erreur
+de M. Vatout vient, on l'a déjà fait remarquer, de ce qu'il a confondu
+la surintendance avec le pavillon de la surintendante.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_30_30" id="Footnote_30_30"></a><a href="#FNanchor_30_30"><span class="label">[30]</span></a> Il y avait alors la grande cour, appelée aussi première
+cour, fermée par la grille que l'on voit encore aujourd'hui; la deuxième
+cour, ou cour royale, séparée de la première par une grille aujourd'hui
+détruite, et la troisième cour, ou cour de marbre.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_31_31" id="Footnote_31_31"></a><a href="#FNanchor_31_31"><span class="label">[31]</span></a> L'Étape était une espèce de halle aux vins, dans laquelle
+les marchands de vins en gros de la ville déposaient leurs pièces pour
+les vendre aux habitants. Elle était située derrière l'ancienne geôle.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_32_32" id="Footnote_32_32"></a><a href="#FNanchor_32_32"><span class="label">[32]</span></a> La pompe, située rue des Réservoirs, sur l'emplacement du
+restaurant Duboux, était un instrument hydraulique servant à élever
+l'eau de l'étang de Clagny dans les réservoirs du château, pour de là
+les distribuer dans les bassins du parc. Plus tard, madame de Pompadour
+fit bâtir son hôtel sur le même emplacement.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_33_33" id="Footnote_33_33"></a><a href="#FNanchor_33_33"><span class="label">[33]</span></a> Tous les ornements de plomb de la toiture du château et
+des ailes des ministres étaient dorés.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_34_34" id="Footnote_34_34"></a><a href="#FNanchor_34_34"><span class="label">[34]</span></a> Sauf les grands seigneurs, les habitants de Versailles
+étaient alors composés de paysans, d'ouvriers, et de gens de bas étage,
+attirés par les travaux que faisait faire le roi, et par les privilèges
+qu'il accorda aux premiers propriétaires de la ville. Les marguilliers
+de la paroisse, se considérant comme les représentants des bourgeois de
+la ville, ne voulurent pas laisser passer une occasion si favorable de
+se distinguer, ce qui amena une scène assez plaisante.
+</p><p>
+Ils allèrent trouver Bontemps, premier valet de chambre du roi et alors
+gouverneur de Versailles; ils lui représentèrent que, dans une
+circonstance aussi solennelle, ils ne pouvaient se dispenser de porter
+au roi les félicitations des habitants de Versailles, et le prièrent de
+les présenter à Louis XIV. Bontemps en parla au roi, qui voulut bien les
+recevoir et leur assigna une heure le lendemain.
+</p><p>
+A l'heure indiquée, Bontemps, comme gouverneur de Versailles, avait cru
+devoir se mettre à la tête de la députation. Il les introduisit dans le
+salon où se trouvait le roi; mais, à peine y furent-ils entrés, que,
+sans donner à Bontemps le temps de prononcer la formule d'usage: «Sire,
+voici les bourgeois de Versailles que je présente à Votre Majesté», l'un
+des marguilliers, nommé Colette, épicier de profession, chargé de faire
+le compliment, enthousiasmé sans doute par la présence du roi, se mit à
+chanter à pleine gorge: <i>Domine salvum fac regem</i>, auquel les
+marguilliers, électrisés à leur tour par la voix de lutrin de leur
+orateur, répondirent: <i>Et exaudi nos in die, qua invocaverimus
+te</i>.&mdash;Louis XIV ne s'attendait pas à un pareil discours. Il ne put
+conserver sa gravité et se mit à rire, ainsi que tous les seigneurs qui
+l'entouraient. Mais Bontemps, peu flatté du rôle que venaient de lui
+faire jouer les marguilliers, leur fit de vifs reproches et les poussa
+hors du salon, d'où ils se retirèrent un peu confus de leur réception.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_35_35" id="Footnote_35_35"></a><a href="#FNanchor_35_35"><span class="label">[35]</span></a> Louis XIV aimait le faste et la représentation. Lorsqu'il
+résolut de venir habiter Versailles, l'un de ses premiers soins fut
+d'ordonner la construction d'un escalier qui annonçât dignement la
+magnificence des appartements de ce palais. Levau et Dorbay furent
+chargés de sa construction, et Lebrun de sa décoration. Ce bel escalier
+passait alors pour un chef-d'&oelig;uvre. Il fut détruit sous Louis XV,
+lorsque l'on fit de nouvelles distributions. Il était situé tout à fait
+en face de l'escalier de marbre ou <i>de la Reine</i>, existant encore de
+l'autre côté de la cour royale. Il était vraiment digne, si l'on en
+croit sa description et les planches de Baudet, représentant les
+peintures du plafond, des grands artistes auxquels Louis XIV en avait
+confié l'exécution. Cet escalier portait aussi le nom <i>d'escalier des
+Ambassadeurs</i>, parce que c'était par là que les ambassadeurs entraient
+dans les appartements, du roi, lors des grandes réceptions.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_36_36" id="Footnote_36_36"></a><a href="#FNanchor_36_36"><span class="label">[36]</span></a> Dionis.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_37_37" id="Footnote_37_37"></a><a href="#FNanchor_37_37"><span class="label">[37]</span></a> Dans le bâtiment en face de la bibliothèque de la ville de
+Versailles.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_38_38" id="Footnote_38_38"></a><a href="#FNanchor_38_38"><span class="label">[38]</span></a> Dionis.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_39_39" id="Footnote_39_39"></a><a href="#FNanchor_39_39"><span class="label">[39]</span></a> Dangeau.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_40_40" id="Footnote_40_40"></a><a href="#FNanchor_40_40"><span class="label">[40]</span></a> Cet hôtel, situé rue de la Bibliothèque, nº 6, fut
+construit en 1670. C'est l'une des plus anciennes maisons de Versailles.
+Devenu trop petit pour la surintendance, on en construisit un plus vaste
+dans la même rue, nº 9, aujourd'hui le petit séminaire. L'ancien hôtel
+resta l'habitation des surintendants.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_41_41" id="Footnote_41_41"></a><a href="#FNanchor_41_41"><span class="label">[41]</span></a> <i>Journal de Dangeau</i>, publié par MM. Soulié, Dussieux, de
+Chennevières et de Montaiglon.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_42_42" id="Footnote_42_42"></a><a href="#FNanchor_42_42"><span class="label">[42]</span></a> Paris, 1710.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_43_43" id="Footnote_43_43"></a><a href="#FNanchor_43_43"><span class="label">[43]</span></a> Dionis, ouvr. cité.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_44_44" id="Footnote_44_44"></a><a href="#FNanchor_44_44"><span class="label">[44]</span></a> L'aile du midi, construite en 1679, s'appelait l'<i>ancienne
+aile</i>, et celle du nord, élevée en 1685, l'<i>aile neuve</i>.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_45_45" id="Footnote_45_45"></a><a href="#FNanchor_45_45"><span class="label">[45]</span></a> Il est évident, par l'explication qu'il donne ailleurs du
+lieu où se trouvait l'appartement de madame de Maintenon, que
+Saint-Simon entend par <i>grand escalier</i> l'escalier de marbre ou de la
+Reine, le seul par où l'on entrât directement dans les petits
+appartements du roi.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_46_46" id="Footnote_46_46"></a><a href="#FNanchor_46_46"><span class="label">[46]</span></a> Détruit sous Louis XV.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_47_47" id="Footnote_47_47"></a><a href="#FNanchor_47_47"><span class="label">[47]</span></a> Suivre pour toute cette description le plan de Blondel
+dans son livre de l'<i>Architecture française</i>, tome IV.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_48_48" id="Footnote_48_48"></a><a href="#FNanchor_48_48"><span class="label">[48]</span></a> On le nommait aussi <i>cabinet des Perruques</i>, parce que
+c'était dans ce cabinet que l'on déposait les différentes perruques de
+Louis XIV.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_49_49" id="Footnote_49_49"></a><a href="#FNanchor_49_49"><span class="label">[49]</span></a> La comédie était située au fond de la cour des Princes,
+dans le vestibule servant aujourd'hui de passage de cette cour dans les
+jardins. Elle n'a cessé d'exister que sous le premier Empire.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_50_50" id="Footnote_50_50"></a><a href="#FNanchor_50_50"><span class="label">[50]</span></a> L'escalier des Princes.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_51_51" id="Footnote_51_51"></a><a href="#FNanchor_51_51"><span class="label">[51]</span></a> En effet, on va voir tout à l'heure que l'antichambre de
+l'appartement de jour du duc de Bourgogne (salle des Gouaches), donnait
+sur la salle des Cent-Suisses (salle de 1792), et qu'on pouvait de cette
+antichambre passer dans l'appartement de madame de Maintenon.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_52_52" id="Footnote_52_52"></a><a href="#FNanchor_52_52"><span class="label">[52]</span></a> Saint-Simon appelle tantôt grand degré, tantôt grand
+escalier, l'escalier de marbre; c'est ce qui a mis dans l'erreur M.
+Vatout, et lui a fait supposer que Saint-Simon voulait parler de
+l'escalier des ambassadeurs. Dans ce récit il n'y a aucun doute sur
+celui auquel il donne le nom de grand degré.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_53_53" id="Footnote_53_53"></a><a href="#FNanchor_53_53"><span class="label">[53]</span></a> L'on voit que Saint-Simon place cette porte dans l'endroit
+déjà indiqué par Félibien.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_54_54" id="Footnote_54_54"></a><a href="#FNanchor_54_54"><span class="label">[54]</span></a> Nous avons déjà vu, dans la description de Félibien, que
+cette salle des gardes, qu'il ne faut pas confondre avec la grande salle
+des gardes, que le duc de Bourgogne venait de traverser pour entrer chez
+madame de Maintenon, avait son entrée sur le vestibule, au haut de
+l'escalier et en face de l'appartement de madame de Maintenon.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_55_55" id="Footnote_55_55"></a><a href="#FNanchor_55_55"><span class="label">[55]</span></a> Voir le plan de Blondel. Ces deux antichambres ont été
+détruites et ne forment aujourd'hui qu'une seule pièce, la salle de
+1795.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_56_56" id="Footnote_56_56"></a><a href="#FNanchor_56_56"><span class="label">[56]</span></a> Cette chambre forme la salle de 1794.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_57_57" id="Footnote_57_57"></a><a href="#FNanchor_57_57"><span class="label">[57]</span></a> Pour pouvoir faire de cette chambre une salle de tableaux,
+on a détruit la cheminée, qui, d'après Blondel, se trouvait au fond,
+dans la face orientale.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_58_58" id="Footnote_58_58"></a><a href="#FNanchor_58_58"><span class="label">[58]</span></a> Cet enfoncement est très-bien indiqué dans le plan de
+Blondel. La croisée qui s'y trouvait alors était condamnée. On l'a
+ouverte depuis pour donner plus de jour à cette salle.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_59_59" id="Footnote_59_59"></a><a href="#FNanchor_59_59"><span class="label">[59]</span></a> Ces marches, indiquées dans le plan de Blondel, ont été
+supprimées depuis qu'on a baissé le sol du grand cabinet auquel elles
+servaient à monter. Aujourd'hui c'est un passage étroit qui sert à aller
+de la salle de 1794 dans celle de 1793.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_60_60" id="Footnote_60_60"></a><a href="#FNanchor_60_60"><span class="label">[60]</span></a> Le grand cabinet (aujourd'hui salle de 1793) était en
+effet de plain-pied avec l'appartement de jour du duc de Bourgogne
+(salle des Gouaches), et l'on entrait dans l'antichambre de cet
+appartement, noté sur le plan de Blondel comme celui du cardinal de
+Fleury, par une porte (aujourd'hui cachée par un tableau) qui se
+trouvait en face de celle de la chambre de madame de Maintenon, et qui
+ouvrait sur le petit palier d'un escalier communiquant à la salle de
+comédie.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_61_61" id="Footnote_61_61"></a><a href="#FNanchor_61_61"><span class="label">[61]</span></a> Cette antichambre, où se trouvent aujourd'hui les costumes
+des divers régiments, descend encore dans la salle dont parle
+Saint-Simon (salle de 1792), par plusieurs marches, le sol de l'ancien
+appartement de jour du duc de Bourgogne étant resté plus élevé.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_62_62" id="Footnote_62_62"></a><a href="#FNanchor_62_62"><span class="label">[62]</span></a> Par l'escalier déjà indiqué.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_63_63" id="Footnote_63_63"></a><a href="#FNanchor_63_63"><span class="label">[63]</span></a> Cette garde-robe existe encore, mais on y a construit un
+calorifère.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_64_64" id="Footnote_64_64"></a><a href="#FNanchor_64_64"><span class="label">[64]</span></a> Dans un autre endroit de ses <i>Mémoires</i>, Saint-Simon
+dit:&mdash;Chez elle, avec le roi, ils étaient chacun dans leur fauteuil, une
+table devant chacun d'eux, aux deux coins de la cheminée, elle du côté
+du lit, le roi le dos à la muraille, du côté de la porte de
+l'antichambre, et deux tabourets devant sa table, un pour le ministre
+qui venait travailler, l'autre pour son sac. Les jours de travail, ils
+n'étaient seuls ensemble que fort peu de temps avant que le ministre
+entrât, et moins encore fort souvent après qu'il était sorti. Le roi
+passait à une <i>chaise percée</i>, revenait au lit de madame de Maintenon,
+où il se tenait debout fort peu, lui donnait le bonsoir, et s'en allait
+se mettre à table.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_65_65" id="Footnote_65_65"></a><a href="#FNanchor_65_65"><span class="label">[65]</span></a> Par le petit escalier qui se trouve entre le grand cabinet
+de madame de Maintenon et l'antichambre de M. le duc de Bourgogne.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_66_66" id="Footnote_66_66"></a><a href="#FNanchor_66_66"><span class="label">[66]</span></a> <i>Mémoires de Saint-Simon</i>, tome XII, page 132. Édition
+Delloye.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_67_67" id="Footnote_67_67"></a><a href="#FNanchor_67_67"><span class="label">[67]</span></a> Voir <i>Histoire de la maison royale de Saint-Cyr</i>, par M.
+Théophile Lavallée, le même fait raconté d'une manière bien différente.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_68_68" id="Footnote_68_68"></a><a href="#FNanchor_68_68"><span class="label">[68]</span></a> Voir le livre des <i>Eaux de Versailles</i>, par J. A. Le Roi.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_69_69" id="Footnote_69_69"></a><a href="#FNanchor_69_69"><span class="label">[69]</span></a> De Ville, qui était fils d'un bourgmestre de Ville, passa
+la plus grande partie de sa jeunesse au château de Modave.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_70_70" id="Footnote_70_70"></a><a href="#FNanchor_70_70"><span class="label">[70]</span></a> Voir note nº 11, <i>Pièces justificatives</i>.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_71_71" id="Footnote_71_71"></a><a href="#FNanchor_71_71"><span class="label">[71]</span></a> De Prony, art. Rennequin, <i>Biographie universelle</i>.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_72_72" id="Footnote_72_72"></a><a href="#FNanchor_72_72"><span class="label">[72]</span></a> Voir le tableau des pentes de la Seine fait à cette
+époque, note nº 6.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_73_73" id="Footnote_73_73"></a><a href="#FNanchor_73_73"><span class="label">[73]</span></a> Voir le plan de la machine, par P. Giffart, note nº 2.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_74_74" id="Footnote_74_74"></a><a href="#FNanchor_74_74"><span class="label">[74]</span></a> Voir le détail des dépenses de la machine, registre des
+bâtiments du roi, note nº 1.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_75_75" id="Footnote_75_75"></a><a href="#FNanchor_75_75"><span class="label">[75]</span></a> Voir le procès-verbal de l'arpenteur Caron, note nº 5.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_76_76" id="Footnote_76_76"></a><a href="#FNanchor_76_76"><span class="label">[76]</span></a> Cette maison est occupée aujourd'hui par le directeur.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_77_77" id="Footnote_77_77"></a><a href="#FNanchor_77_77"><span class="label">[77]</span></a> Voir la note nº 10, <i>Pièces justificatives</i>.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_78_78" id="Footnote_78_78"></a><a href="#FNanchor_78_78"><span class="label">[78]</span></a> Voir détail des dépenses, note nº 1.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_79_79" id="Footnote_79_79"></a><a href="#FNanchor_79_79"><span class="label">[79]</span></a> Voir l'<i>Architecture hydraulique</i> de Bélidor, et les <i>Eaux
+de Versailles</i>, par J. A. Le Roi.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_80_80" id="Footnote_80_80"></a><a href="#FNanchor_80_80"><span class="label">[80]</span></a> Nous nous servons ici de la description donnée par M. de
+Prony et par Bélidor.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_81_81" id="Footnote_81_81"></a><a href="#FNanchor_81_81"><span class="label">[81]</span></a> Cette tour en charpente fut plus tard portée à
+l'Observatoire de Paris, et servit à placer les premiers télescopes.
+Voir l'<i>Histoire de l'Académie des sciences</i>, année 1690.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_82_82" id="Footnote_82_82"></a><a href="#FNanchor_82_82"><span class="label">[82]</span></a> Voir Piganiol de la Force, <i>Description de la machine</i>,
+note nº 8.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_83_83" id="Footnote_83_83"></a><a href="#FNanchor_83_83"><span class="label">[83]</span></a> <i>Instruction pour l'établissement d'une estacade</i>, par
+Vauban. Archives de la machine, note nº 4.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_84_84" id="Footnote_84_84"></a><a href="#FNanchor_84_84"><span class="label">[84]</span></a> Elle est aujourd'hui chez le directeur de la machine.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_85_85" id="Footnote_85_85"></a><a href="#FNanchor_85_85"><span class="label">[85]</span></a> Le <i>Siècle des beaux-arts</i>, par Ossude, et des <i>Eaux de
+Versailles</i>, par J. A. Le Roi.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_86_86" id="Footnote_86_86"></a><a href="#FNanchor_86_86"><span class="label">[86]</span></a> <i>Mélanges littéraires et scientifiques</i>, par l'abbé
+Caron.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_87_87" id="Footnote_87_87"></a><a href="#FNanchor_87_87"><span class="label">[87]</span></a> <i>Quelques mots sur le lieu de naissance et l'époque du
+décès de Renkin Sualem.</i></p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_88_88" id="Footnote_88_88"></a><a href="#FNanchor_88_88"><span class="label">[88]</span></a> Weidler.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_89_89" id="Footnote_89_89"></a><a href="#FNanchor_89_89"><span class="label">[89]</span></a> Voir le procès-verbal du sieur Caron, du 15 février 1683,
+note nº 5.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_90_90" id="Footnote_90_90"></a><a href="#FNanchor_90_90"><span class="label">[90]</span></a> Voir le procès-verbal du 12 janvier 1682, du même, note nº
+5.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_91_91" id="Footnote_91_91"></a><a href="#FNanchor_91_91"><span class="label">[91]</span></a> Registre des bâtiments du roi, année 1681, note nº 1.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_92_92" id="Footnote_92_92"></a><a href="#FNanchor_92_92"><span class="label">[92]</span></a> Procès-verbal du 15 février 1683, note nº 5.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_93_93" id="Footnote_93_93"></a><a href="#FNanchor_93_93"><span class="label">[93]</span></a> Voir le plan de la machine.&mdash;Arch. de la machine, note nº
+2.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_94_94" id="Footnote_94_94"></a><a href="#FNanchor_94_94"><span class="label">[94]</span></a> Cette maison est celle où madame du Barry fit bâtir son
+pavillon de Louveciennes.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_95_95" id="Footnote_95_95"></a><a href="#FNanchor_95_95"><span class="label">[95]</span></a> Registre des dépenses des bâtiments du roi, note nº 1.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_96_96" id="Footnote_96_96"></a><a href="#FNanchor_96_96"><span class="label">[96]</span></a> Dépenses des bâtiments du roi, note nº 1.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_97_97" id="Footnote_97_97"></a><a href="#FNanchor_97_97"><span class="label">[97]</span></a> Voir l'acte de décès de Rennequin, note nº 13.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_98_98" id="Footnote_98_98"></a><a href="#FNanchor_98_98"><span class="label">[98]</span></a> Voir note 12.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_99_99" id="Footnote_99_99"></a><a href="#FNanchor_99_99"><span class="label">[99]</span></a> Voir note 7.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_100_100" id="Footnote_100_100"></a><a href="#FNanchor_100_100"><span class="label">[100]</span></a> Note de M. Bormans. V. note 11.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_101_101" id="Footnote_101_101"></a><a href="#FNanchor_101_101"><span class="label">[101]</span></a> «S'il avait employé à embellir Paris, à finir le Louvre,
+les sommes immenses que coûtèrent les aqueducs et les travaux de
+Maintenon pour conduire des eaux à Versailles, travaux interrompus et
+devenus inutiles; s'il avait dépensé à Paris la cinquième partie de ce
+qu'il en a coûté pour forcer la nature à Versailles, Paris serait, dans
+toute son étendue, aussi beau qu'il l'est du côté des Tuileries et du
+pont Royal, et serait devenu la plus magnifique ville de l'univers.»
+(Voltaire, <i>Siècle de Louis XIV</i>, t. II, p. 272.)</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_102_102" id="Footnote_102_102"></a><a href="#FNanchor_102_102"><span class="label">[102]</span></a> Songez bien que c'est à Dieu à qui vous devez tout ce que
+vous estes. Cette faute de français, qui peut paraître aujourd'hui assez
+extraordinaire dans la bouche de Louis XIV, nous semble, au contraire,
+établir la vérité de la version que nous donnons. C'était, à cette
+époque, une locution presque généralement en usage, et nous voyons
+Boileau lui-même y céder dans ce vers célèbre:
+</p>
+
+<p class="c">C'est à vous, mon esprit, à qui je veux parler.</p>
+
+<p>C'est là, à notre avis, une preuve presque certaine que ces paroles,
+telles qu'elles sont rapportées ici, ont été en quelque sorte
+sténographiées par celui qui était chargé de les recueillir.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_103_103" id="Footnote_103_103"></a><a href="#FNanchor_103_103"><span class="label">[103]</span></a> Dangeau, qui ne quittait presque jamais Louis XIV, donne
+dans son journal une version à peu près semblable à celle-ci, dans
+laquelle on trouve aussi cette phrase: «<i>Je vous donne le père Letellier
+pour confesseur.</i>»</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_104_104" id="Footnote_104_104"></a><a href="#FNanchor_104_104"><span class="label">[104]</span></a> Le catalogue de la bibliothèque de madame de Pompadour,
+recherché encore aujourd'hui des bibliographes, contient 3,535 articles
+de livres, 235 de musique, 36 d'estampes. Il est terminé par une table
+des auteurs et orné de son portrait. La marquise n'avait pas en tout dix
+volumes latins, y compris un <i>Épinicion</i>, en l'honneur de milord
+Pot-au-feu, et l'Horace gravé en 1733, exemplaire auquel était jointe
+une explication française manuscrite des figures. Les grands auteurs
+grecs et latins n'existaient qu'en traductions dans cette bibliothèque;
+qui, à la réserve tout au plus de dix articles, se composait de livres
+français et italiens. Il paraît, au reste, qu'on avait distrait quelques
+articles, car on n'y a pas trouvé l'exemplaire de l'<i>Abrégé</i>
+chronologique du président Hénault, donné par l'auteur à Voltaire, puis
+offert par celui-ci à madame de Pompadour. Il avait écrit sur la
+première page quelques vers, dont les premiers seulement ont été
+conservés:
+</p>
+<p><br />
+<span style="margin-left: 2em;">Le voici ce livre vanté;</span><br />
+<span style="margin-left: 2em;">Les Grâces daignèrent l'écrire</span><br />
+<span style="margin-left: 2em;">Sous les yeux de la Vérité:</span><br />
+<span style="margin-left: 2em;">Et c'est aux Grâces de le lire.</span><br />
+</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_105_105" id="Footnote_105_105"></a><a href="#FNanchor_105_105"><span class="label">[105]</span></a> Collin était le factotum de madame de Pompadour.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_106_106" id="Footnote_106_106"></a><a href="#FNanchor_106_106"><span class="label">[106]</span></a> Madame Duhausset donne toujours à madame de Pompadour le
+nom de <i>Madame</i>.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_107_107" id="Footnote_107_107"></a><a href="#FNanchor_107_107"><span class="label">[107]</span></a> Louis XV avait eu déjà, avant 1755, quelques rendez-vous
+galants, soit dans cette maison louée probablement avant d'en faire
+l'acquisition, soit dans quelque autre de ce quartier, car on lit dans
+le journal de l'avocat Barbier, à la date du mois de mars 1753, <i>que le
+bruit courait dans Paris qu'une jeune fille de seize ans avait été logée
+au Parc aux</i>* <i>Cerfs pour l'amusement du roi</i>; et dans une note des
+<i>Mémoires de madame Duhausset: Quelquefois on a changé de maison et de
+quartier, mais sans renoncer à l'ancienne maison.</i></p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_108_108" id="Footnote_108_108"></a><a href="#FNanchor_108_108"><span class="label">[108]</span></a> Cela est confirmé par une note qu'on trouve dans les
+<i>Mémoires de madame Duhausset</i>:
+</p><p>
+«Un commissaire de la marine, nommé Mercier, qui avait eu part à
+l'éducation de l'abbé de Bourbon, avait plus de connaissance qu'aucun
+autre sur cet établissement; et voici ce qu'il a dit à un de ses amis:
+«<i>La maison était de très-peu d'apparence</i>; il n'y avait en général
+qu'une seule jeune personne; la femme d'un commis du bureau de la guerre
+lui tenait compagnie, jouait avec elle, ou travaillait en tapisserie.
+Cette dame disait que c'était sa nièce; elle la menait, pendant les
+voyages du roi, à la campagne.» Et plus loin, madame Duhausset dit
+encore: «Il n'y en avait au reste que deux en général, et très-souvent
+une seule. Lorsqu'elles se mariaient, on leur donnait des bijoux et une
+centaine de mille francs. <i>Quelquefois le Parc aux Cerfs était vacant
+cinq et six mois de suite.</i>»</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_109_109" id="Footnote_109_109"></a><a href="#FNanchor_109_109"><span class="label">[109]</span></a> Ou trouve ce qui suit dans un écrit récent intitulé <i>le
+Château de Luciennes</i>, de M. Léon Gozlan: «Le Parc aux Cerfs, qui est
+encore mal connu, était un endroit solitaire, silencieux, <i>lugubre comme
+un abattoir</i>. C'est là que le roi, sans suite et à l'entrée de la nuit,
+allait commettre ses plaisirs. Il en avait tellement pris l'habitude
+qu'il avait fini par se croire quitte envers Dieu et les hommes en
+dotant les jeunes filles flétries dans cet antre.&mdash;Le Parc aux Cerfs
+coûtait près de cent soixante-dix mille francs par mois, <i>ce qui fait
+pour trente années d'existence plus de cent cinquante millions</i>.» Où
+l'auteur a-t-il puisé ces renseignements?</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_110_110" id="Footnote_110_110"></a><a href="#FNanchor_110_110"><span class="label">[110]</span></a> La bibliothèque de la ville de Versailles possède
+aujourd'hui la plus grande partie des papiers concernant madame du
+Barry, formant quinze dossiers. Ces papiers donnent les renseignements
+les plus détaillés sur sa famille, sa fortune, sa liaison avec de grands
+personnages, les procès de ses héritiers, etc.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_111_111" id="Footnote_111_111"></a><a href="#FNanchor_111_111"><span class="label">[111]</span></a> Bibliothèque de Versailles.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_112_112" id="Footnote_112_112"></a><a href="#FNanchor_112_112"><span class="label">[112]</span></a> Bibliothèque de Versailles.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_113_113" id="Footnote_113_113"></a><a href="#FNanchor_113_113"><span class="label">[113]</span></a> Bibliothèque de Versailles.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_114_114" id="Footnote_114_114"></a><a href="#FNanchor_114_114"><span class="label">[114]</span></a> Bibliothèque de Versailles.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_115_115" id="Footnote_115_115"></a><a href="#FNanchor_115_115"><span class="label">[115]</span></a> Sous Louis XVI, ce même appartement fut changé dans sa
+disposition, et devint le petit appartement particulier de la reine
+Marie-Antoinette.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_116_116" id="Footnote_116_116"></a><a href="#FNanchor_116_116"><span class="label">[116]</span></a> Archives de la préfecture de Seine-et-Oise. Cette maison
+porte aujourd'hui le nº 7.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_117_117" id="Footnote_117_117"></a><a href="#FNanchor_117_117"><span class="label">[117]</span></a> Le charmant château de Bellevue.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_118_118" id="Footnote_118_118"></a><a href="#FNanchor_118_118"><span class="label">[118]</span></a> Bibliothèque de Versailles.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_119_119" id="Footnote_119_119"></a><a href="#FNanchor_119_119"><span class="label">[119]</span></a> Archives de la préfecture de Seine-et-Oise.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_120_120" id="Footnote_120_120"></a><a href="#FNanchor_120_120"><span class="label">[120]</span></a> Toutes ces descriptions de meubles sont copiées
+textuellement sur les mémoires des fournisseurs.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_121_121" id="Footnote_121_121"></a><a href="#FNanchor_121_121"><span class="label">[121]</span></a> Archives de Seine-et-Oise.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_122_122" id="Footnote_122_122"></a><a href="#FNanchor_122_122"><span class="label">[122]</span></a> Bibliothèque de Versailles.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_123_123" id="Footnote_123_123"></a><a href="#FNanchor_123_123"><span class="label">[123]</span></a> Archives de Seine-et-Oise.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_124_124" id="Footnote_124_124"></a><a href="#FNanchor_124_124"><span class="label">[124]</span></a> Archives de Seine-et-Oise.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_125_125" id="Footnote_125_125"></a><a href="#FNanchor_125_125"><span class="label">[125]</span></a> Madame du Barry avait aussi loué pour ses gens l'hôtel de
+Luynes,&mdash;aujourd'hui rue de la Bibliothèque, n<sup>os</sup> 4 et 6.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_126_126" id="Footnote_126_126"></a><a href="#FNanchor_126_126"><span class="label">[126]</span></a> C'est aujourd'hui une caserne de cavalerie.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_127_127" id="Footnote_127_127"></a><a href="#FNanchor_127_127"><span class="label">[127]</span></a> C'est l'un des papiers remis aux héritiers en 1825.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_128_128" id="Footnote_128_128"></a><a href="#FNanchor_128_128"><span class="label">[128]</span></a> Beaujon était le banquier de la cour.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_129_129" id="Footnote_129_129"></a><a href="#FNanchor_129_129"><span class="label">[129]</span></a> Archives de la préfecture de Seine-et-Oise.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_130_130" id="Footnote_130_130"></a><a href="#FNanchor_130_130"><span class="label">[130]</span></a> Archives de Seine-et-Oise.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_131_131" id="Footnote_131_131"></a><a href="#FNanchor_131_131"><span class="label">[131]</span></a> Bibliothèque de Versailles.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_132_132" id="Footnote_132_132"></a><a href="#FNanchor_132_132"><span class="label">[132]</span></a> <i>Idem</i>, et Archives de Seine-et-Oise.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_133_133" id="Footnote_133_133"></a><a href="#FNanchor_133_133"><span class="label">[133]</span></a> Voir aux notes la lettre nº 1 de M. de Brissac à madame
+du Barry.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_134_134" id="Footnote_134_134"></a><a href="#FNanchor_134_134"><span class="label">[134]</span></a> Ce joli petit bijou est en ce moment en la possession du
+bibliothécaire de Versailles.&mdash;Le chiffre en diamants est composé des
+deux lettres <i>J. B.</i></p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_135_135" id="Footnote_135_135"></a><a href="#FNanchor_135_135"><span class="label">[135]</span></a> Bibliothèque de Versailles.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_136_136" id="Footnote_136_136"></a><a href="#FNanchor_136_136"><span class="label">[136]</span></a> Ce fait est raconté dans le nº 259 du <i>Courrier français</i>
+(1792).</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_137_137" id="Footnote_137_137"></a><a href="#FNanchor_137_137"><span class="label">[137]</span></a> Archives de la préfecture de Seine-et-Oise.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_138_138" id="Footnote_138_138"></a><a href="#FNanchor_138_138"><span class="label">[138]</span></a> Archives de Seine-et-Oise.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_139_139" id="Footnote_139_139"></a><a href="#FNanchor_139_139"><span class="label">[139]</span></a> Archives de Seine-et-Oise.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_140_140" id="Footnote_140_140"></a><a href="#FNanchor_140_140"><span class="label">[140]</span></a> Voir aux notes la lettre nº 2 de madame du Barry aux
+administrateurs du district de Versailles.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_141_141" id="Footnote_141_141"></a><a href="#FNanchor_141_141"><span class="label">[141]</span></a> Après la journée du 20 mai 1795, Goujon fut traduit
+devant une commission militaire, et après avoir entendu son arrêt de
+mort, il se poignarda en descendant les marches de sa prison.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_142_142" id="Footnote_142_142"></a><a href="#FNanchor_142_142"><span class="label">[142]</span></a> Madame du Barry avait alors cinquante ans, mais elle
+était encore fort belle, et Lavallery parut s'intéresser à elle par un
+sentiment plus vif que la simple pitié.&mdash;Voir à ce sujet aux notes la
+lettre nº 3, écrite par Lavallery à madame du Barry, et le récit nº 4.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_143_143" id="Footnote_143_143"></a><a href="#FNanchor_143_143"><span class="label">[143]</span></a> Celui qui lui conseilla de venir s'établir à Versailles.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_144_144" id="Footnote_144_144"></a><a href="#FNanchor_144_144"><span class="label">[144]</span></a> C'était une simple médaille très-ordinaire.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_145_145" id="Footnote_145_145"></a><a href="#FNanchor_145_145"><span class="label">[145]</span></a> Étant à Londres, madame du Barry plaça 200,000 francs qui
+furent hypothéqués sur les biens de M. Rohan-Chabot.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_146_146" id="Footnote_146_146"></a><a href="#FNanchor_146_146"><span class="label">[146]</span></a> Ces 200,000 francs n'ont jamais été prêtés.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_147_147" id="Footnote_147_147"></a><a href="#FNanchor_147_147"><span class="label">[147]</span></a> Graillet avait épousé une de ses cousines.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_148_148" id="Footnote_148_148"></a><a href="#FNanchor_148_148"><span class="label">[148]</span></a> Voir aux notes, le récit nº 4.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_149_149" id="Footnote_149_149"></a><a href="#FNanchor_149_149"><span class="label">[149]</span></a> Termes de leur rapport.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_150_150" id="Footnote_150_150"></a><a href="#FNanchor_150_150"><span class="label">[150]</span></a> Archives de Seine-et-Oise.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_151_151" id="Footnote_151_151"></a><a href="#FNanchor_151_151"><span class="label">[151]</span></a> Archives de Seine-et-Oise.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_152_152" id="Footnote_152_152"></a><a href="#FNanchor_152_152"><span class="label">[152]</span></a> Archives de Seine-et-Oise.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_153_153" id="Footnote_153_153"></a><a href="#FNanchor_153_153"><span class="label">[153]</span></a> Morin fut condamné à mort quelques jours après, <i>comme
+complice des crimes de la du Barry</i>.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_154_154" id="Footnote_154_154"></a><a href="#FNanchor_154_154"><span class="label">[154]</span></a> Prison de Versailles où l'on renfermait les prisonniers
+politiques.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_155_155" id="Footnote_155_155"></a><a href="#FNanchor_155_155"><span class="label">[155]</span></a> Archives de Seine-et-Oise.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_156_156" id="Footnote_156_156"></a><a href="#FNanchor_156_156"><span class="label">[156]</span></a> Archives de Seine-et-Oise.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_157_157" id="Footnote_157_157"></a><a href="#FNanchor_157_157"><span class="label">[157]</span></a> Elle fut adjugée 6,000,000 de francs en assignats, à
+Jean-Baptiste-Charles-Édouard Delapalme, demeurant aux Vaux-de-Cernay.
+(Bibliothèque de Versailles.)</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_158_158" id="Footnote_158_158"></a><a href="#FNanchor_158_158"><span class="label">[158]</span></a> Il avait épousé en deuxièmes noces Jeanne-Madeleine
+Lemoine.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_159_159" id="Footnote_159_159"></a><a href="#FNanchor_159_159"><span class="label">[159]</span></a> Les registres de l'état civil étant à cette époque entre
+les mains du clergé, les actes de naissance et de baptême ne faisaient
+qu'un.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_160_160" id="Footnote_160_160"></a><a href="#FNanchor_160_160"><span class="label">[160]</span></a> Bibliothèque de Versailles.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_161_161" id="Footnote_161_161"></a><a href="#FNanchor_161_161"><span class="label">[161]</span></a> Archives de Seine-et-Oise.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_162_162" id="Footnote_162_162"></a><a href="#FNanchor_162_162"><span class="label">[162]</span></a> Une partie de ces papiers se trouve actuellement à la
+bibliothèque de Versailles.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_163_163" id="Footnote_163_163"></a><a href="#FNanchor_163_163"><span class="label">[163]</span></a> Cet abbé Gomard était un pauvre hère qui dut facilement
+se prêter pour de l'argent au rôle qu'on lui fit jouer dans cette
+affaire. On voit dans les papiers de madame du Barry, réunis à la
+bibliothèque de Versailles, qu'aussitôt installée à la cour, elle lui
+donna de l'argent, le fit habiller par son tailleur, et qu'on le nomma
+aumônier du roi.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_164_164" id="Footnote_164_164"></a><a href="#FNanchor_164_164"><span class="label">[164]</span></a> Bibliothèque de Versailles.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_165_165" id="Footnote_165_165"></a><a href="#FNanchor_165_165"><span class="label">[165]</span></a> Voir, pour ce procès, le tome XXXII de la <i>Collection de</i>
+<i>Sirey</i> et la <i>Gazette des Tribunaux</i> des 4 juillet, 5, 11 et 27 août
+1833.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_166_166" id="Footnote_166_166"></a><a href="#FNanchor_166_166"><span class="label">[166]</span></a> Ce même Lavallery se suicida quelques jours après la mort
+de madame du Barry.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_167_167" id="Footnote_167_167"></a><a href="#FNanchor_167_167"><span class="label">[167]</span></a> On a vu que ce n'est pas tout à fait ainsi que les choses
+se sont passées, mais c'était la croyance de l'époque.</p></div>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_168_168" id="Footnote_168_168"></a><a href="#FNanchor_168_168"><span class="label">[168]</span></a> Nous avons montré qu'elle avait cinquante ans au moment
+de sa mort.</p></div>
+
+</div>
+<hr class="full" />
+
+
+
+
+
+
+
+
+<pre>
+
+
+
+
+
+End of the Project Gutenberg EBook of Curiosités historiques sur Louis XIII,
+Louis XIV, Louis XV, Mme de Maintenon, Mme de Pompadour, Mme du Barry, etc., by J. A. Le Roi
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK CURIOSITÉS HISTORIQUES ***
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+works. See paragraph 1.E below.
+
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+or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project
+Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual works in the
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+ of receipt of the work.
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+
+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
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+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
+because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
+people in all walks of life.
+
+Volunteers and financial support to provide volunteers with the
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+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
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+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation web page at http://www.pglaf.org.
+
+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
+http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
+permitted by U.S. federal laws and your state's laws.
+
+The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
+Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
+throughout numerous locations. Its business office is located at
+809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
+business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact
+information can be found at the Foundation's web site and official
+page at http://pglaf.org
+
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+ Dr. Gregory B. Newby
+ Chief Executive and Director
+ gbnewby@pglaf.org
+
+
+Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation
+
+Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
+spread public support and donations to carry out its mission of
+increasing the number of public domain and licensed works that can be
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+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
+($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
+status with the IRS.
+
+The Foundation is committed to complying with the laws regulating
+charities and charitable donations in all 50 states of the United
+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
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+SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
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+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
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+any statements concerning tax treatment of donations received from
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+
+Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
+methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
+ways including checks, online payments and credit card donations.
+To donate, please visit: http://pglaf.org/donate
+
+
+Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
+works.
+
+Professor Michael S. Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm
+concept of a library of electronic works that could be freely shared
+with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project
+Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
+
+
+Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
+editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
+unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
+keep eBooks in compliance with any particular paper edition.
+
+
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+
+ http://www.gutenberg.org
+
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+including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
+subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
+
+
+</pre>
+
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Binary files differ
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+This eBook, including all associated images, markup, improvements,
+metadata, and any other content or labor, has been confirmed to be
+in the PUBLIC DOMAIN IN THE UNITED STATES.
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+Project Gutenberg (https://www.gutenberg.org) public repository for
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