diff options
| -rw-r--r-- | .gitattributes | 3 | ||||
| -rw-r--r-- | 35876-0.txt | 1111 | ||||
| -rw-r--r-- | 35876-0.zip | bin | 0 -> 19922 bytes | |||
| -rw-r--r-- | 35876-8.txt | 1111 | ||||
| -rw-r--r-- | 35876-8.zip | bin | 0 -> 19695 bytes | |||
| -rw-r--r-- | LICENSE.txt | 11 | ||||
| -rw-r--r-- | README.md | 2 |
7 files changed, 2238 insertions, 0 deletions
diff --git a/.gitattributes b/.gitattributes new file mode 100644 index 0000000..6833f05 --- /dev/null +++ b/.gitattributes @@ -0,0 +1,3 @@ +* text=auto +*.txt text +*.md text diff --git a/35876-0.txt b/35876-0.txt new file mode 100644 index 0000000..97f9a8e --- /dev/null +++ b/35876-0.txt @@ -0,0 +1,1111 @@ +The Project Gutenberg EBook of L'esquisse mystérieuse, by +Emile Erckmann and Alexandre Chatrian + +This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with +almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or +re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included +with this eBook or online at www.gutenberg.org + + +Title: L'esquisse mystérieuse + +Author: Emile Erckmann + Alexandre Chatrian + +Release Date: November 23, 2012 [EBook #35876] + +Language: French + +Character set encoding: UTF-8 + +*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ESQUISSE MYSTÉRIEUSE *** + + + + +Produced by Michael John Wooff + + + + + + + + + + +L'esquisse mystérieuse + +par Erckmann-Chatrian + + + + +New York + +HENRY HOLT AND COMPANY + +1899 + + + + +Copyright 1899, + +BY + +HENRY HOLT & CO. + + + + + +I + +En face de la chapelle Saint-Sébalt, à Nuremberg, s’élève une petite +auberge, étroite et haute, le pignon dentelé, les vitres poudreuses, le +toit surmonté d’une Vierge en plâtre. C’est là que j’ai passé les plus +tristes jours de ma vie. J’étais allé à Nuremberg pour étudier les +vieux maîtres allemands; mais, faute d’espèces sonnantes, il me +fallut faire des portraits...et quels portraits! De grosses commères, +leur chat sur les genoux, des échevins en perruque, des bourgmestres +en tricorne, le tout enluminé d’ocre et de vermillon à plein godet. + +Des portraits je descendis aux croquis, et des croquis aux silhouettes. + +Rien de pitoyable comme d’avoir constamment sur le dos un maître +d’hôtel, les lèvres pincées, la voix criarde, l’air impudent, qui vient +vous dire chaque jour: «Ah, çà ! Me payerez-vous bientôt, monsieur? +savez-vous à combien se monte votre note? Non, cela ne vous inquiète +pas... Monsieur mange, boit et dort tranquillement... Aux petits +oiseaux le Seigneur donne la pâture. La note de Monsieur se monte +à deux cents florins et dix kreutzer... ce n’est pas la peine qu’on en +parle.» + +Ceux qui n’ont pas entendu chanter cette gamme ne peuvent s’en +faire une idée; l’amour de l’art, l’imagination, l’enthousiasme sacré +du beau se dessèchent au souffle d’un pareil drôle... Vous devenez +gauche, timide; toute votre énergie se perd, aussi bien que le +sentiment de votre dignité personnelle. + +Une nuit, n’ayant pas le sou, comme d’habitude, et menacé de la +prison par ce digne maître Rap, je résolus de lui faire banqueroute +en me coupant la gorge. Dans cette agréable pensée, assis sur mon +grabat en face de la fenêtre, je me livrais à mille réflexions +philosophiques, plus ou moins réjouissantes. Je n’osais ouvrir mon +rasoir, de peur que la force invincible de ma logique ne m’inspirât +le courage d’en finir. Après avoir bien argumenté de la sorte, je +soufflai ma chandelle, renvoyant la suite au lendemain. + +Cet abominable Rap m’avait complètement abruti. Je ne voyais +plus, en fait d’art, que des silhouettes, et mon seul désir était +d’avoir de l'argent, pour me débarrasser de son odieuse présence. +Mais cette nuit-là , il se fit une singulière révolution dans mon +esprit. Je m’éveillai vers une heure, je rallumai ma lampe, et, +m’enveloppant de ma souquenille grise, je jetai sur le papier une +rapide esquisse dans le genre hollandais...quelque chose +d’étrange, de bizarre, et qui n’avait aucun rapport avec mes +conceptions habituelles. + +Figurez-vous une cour sombre, encaissée entre de hautes murailles +décrépites... Ces murailles sont garnies de crocs, à sept ou huit +pieds du sol. On devine, au premier aspect, une boucherie. + +A gauche s’étend un treillage en lattes; vous apercevez à travers un +bÅ“uf écartelé, suspendu à la voûte par d’énormes poulies. De larges +mares de sang coulent sur les dalles et vont se réunir dans une rigole +pleine de débris informes. + +La lumière vient de haut, entre les cheminées, dont les girouettes se +découpent dans un angle du ciel grand comme la main, et les toits des +maisons voisines échafaudent vigoureusement leurs ombres d’étage +en étage. + +Au fond de ce réduit se trouve un hangar...sous le hangar un bûcher, +sur le bûcher des échelles, quelques bottes de paille, des paquets de +corde, une cage à poules et une vieille cabane à lapins hors de +service. + +Comment ces détails hétéroclites s’offraient-ils à mon imagination? ... +Je l’ignore; je n’avais nulle réminiscence analogue, et pourtant, chaque +coup de crayon était un fait d’observation fantastique à force d’être +vrai. Rien n’y manquait! + +Mais à droite un coin de l’esquisse restait blanc...je ne savais qu’y +mettre... Là quelque chose s’agitait, se mouvait... Tout à coup j’y vis +un pied, un pied renversé, détaché du sol. Malgré cette position +improbable, je suivis l’inspiration sans me rendre compte de ma +propre pensée. Ce pied aboutit à une jambe...sur la jambe, étendue +avec effort, flotta bientôt un pan de robe... Bref, une vieille femme, +hâve, défaite, échevelée, apparut successivement, renversée au bord +d’un puits, et luttant contre un poing qui lui serrait la gorge... + +C’était une scène de meurtre que je dessinais. Le crayon me tomba +de la main. + +Cette femme, dans l’attitude la plus hardie, les reins pliés sur la +margelle du puits, la face contractée par la terreur, les deux mains +crispées au bras du meurtrier, me faisait peur... Je n’osais la +regarder. Mais l’homme, lui, le personnage de ce bras, je ne le voyais + pas... Il me fut impossible de le terminer. + +«Je suis fatigué, me dis-je, le front baigné de sueur, il ne me reste +que cette figure à faire, je terminerai demain... Ce sera facile.» + +Et je me recouchai, tout effrayé de ma vision. Cinq minutes après je +dormais profondément. + +Le lendemain j’étais debout au petit jour. Je venais de m’habiller, et +je m’apprêtais à reprendre l’œuvre interrompue, quand deux petits +coups retentirent à la porte. + +«Entrez!» + +La porte s’ouvrit. Un homme déjà vieux, grand, maigre, vêtu de noir, +apparut sur le seuil. La physionomie de cet homme, ses yeux rapprochés, +son grand nez en bec d’aigle surmonté d’un front large, osseux, avait +quelque chose de sévère. Il me salua gravement. + +«M. Christian Vénius, le peintre?» dit-il. + +«C’est moi, monsieur.» + +Il s’inclina de nouveau, ajoutant: + +«Le baron Frédéric Van Spreckdal.» + +L’apparition, dans mon pauvre taudis, du riche amateur Van Spreckdal, +juge au tribunal criminel, m’impressionna vivement. Je ne pus m’empêcher +de jeter un coup d’œil dérobé sur mes vieux meubles vermoulus, sur mes +tapisseries humides et sur mon plancher poudreux. Je me sentais humilié +d’un tel délabrement... Mais Van Spreckdal ne parut pas faire attention +à ces détails, et s’asseyant devant ma petite table: + +«Maître Vénius, reprit-il, je viens...» + +Mais, au même instant, ses yeux s’arrêtèrent sur l’esquisse inachevée... +il ne termina point sa phrase. Je m’étais assis au bord du grabat, et +l’attention subite que ce personnage accordait à l’une de mes +productions, faisait battre mon cÅ“ur d’une appréhension indéfinissable. + +Au bout d’une minute, Van Spreckdal levant la tête: + +«Êtes-vous l’auteur de cette esquisse?» me dit-il le regard attentif. + +«Oui, monsieur.» + +«Quel en est le prix?» + +«Je ne vends pas mes esquisses... C’est le projet d’un tableau.» + +«Ah!» fit-il, en levant le papier du bout de ses longs doigts jaunes. + +Il sortit une lentille de son gilet, et se mit à étudier le dessin en +silence. + +Le soleil arrivait alors obliquement dans la mansarde. Van Spreckdal +ne murmurait pas un mot; son grand nez se recourbait en griffe, ses +larges sourcils se contractaient, et son menton, se relevant en galoche, +creusait mille petites rides dans ses longues joues maigres. Le silence +était si profond que j’entendais distinctement le bourdonnement +plaintif d’une mouche, prise dans une toile d’araignée. + +«Et les dimensions de ce tableau, maître Vénius?» fit-il enfin sans me +regarder. + +«Trois pieds sur quatre.» + +«Le prix?» + +«Cinquante ducats.» + +Van Spreckdal déposa le dessin sur la table, et tira de sa poche une +longue bourse de soie verte, allongée en forme de poire; il en fit +glisser les anneaux... + +«Cinquante ducats! dit-il, les voilà .» + +J’eus un éblouissement. + +Le baron s’était levé, il me salua, et j’entendis sa grande canne à +pomme d’ivoire résonner sur chaque marche jusqu’au bas de l’escalier. +Alors, revenu de ma stupeur, je me rappelai tout à coup que je ne +l’avais pas remercié, et je descendis les cinq étages comme la foudre; +mais, arrivé sur le seuil, j’eus beau regarder à droite et à gauche, +la rue était déserte. + +«Tiens! me dis-je, c’est drôle!... » + +Et je remontai l’escalier tout haletant. + + + +II + +La manière surprenante dont Van Spreckdal venait de m’apparaître +me jetait dans une profonde extase: «Hier, me disais-je en contemplant +la pile de ducats étincelant au soleil, hier je formais le dessein +coupable de me couper la gorge, pour quelques misérables florins, +et voilà qu’aujourd’hui la fortune me tombe des nues... Décidément, +j’ai bien fait de ne pas ouvrir mon rasoir, et si jamais la tentation +d’en finir me reprend, j’aurai soin de remettre la chose au lendemain.» + +Après ces réflexions judicieuses, je m’assis pour terminer l’esquisse; +quatre coups de crayon, et c’était une affaire faite. Mais ici +m’attendait une déception incompréhensible. Ces quatre coups de +crayon, il me fut impossible de les donner; j’avais perdu le fil de mon +inspiration, le personnage mystérieux ne se dégageait pas des limbes +de mon cerveau. J’avais beau l’évoquer, l’ébaucher, le reprendre; +il ne s’accordait pas plus avec l’ensemble qu’une figure de Raphaël +dans une tabagie de Téniers... J’en suais à grosses gouttes. + +Au plus beau moment, Rap ouvrit la porte sans frapper, suivant sa +louable attitude, ses yeux se fixèrent sur ma pile de ducats, et d’une +voix glapissante il s’écria: + +«Eh! eh! je vous y prends. Direz-vous encore, monsieur le peintre, +que l’argent vous manque...» + +Et ses doigts crochus s’avancèrent avec ce tremblement nerveux que +la vue de l’or produit toujours chez les avares. + +Je restai stupéfait quelques secondes. + +Le souvenir de toutes les avanies que m’avait infligées cet individu, +son regard cupide, son sourire impudent, tout m’exaspérait. D’un +seul bond je le saisis, et le repoussant des deux mains hors de la +chambre, je lui aplatis le nez avec la porte. + +Cela se fit avec le cric-crac et la rapidité d’une tabatière à +surprises. + +Mais dehors le vieil usurier poussa des cris d’aigle: + +«Mon argent! voleur! mon argent!» + +Les locataires sortaient de chez eux et demandaient: + +«Qu’y a-t-il donc? Qu’est-ce qui se passe?» + +Je rouvris brusquement la porte, et dépêchant, dans l’échine de +maître Rap, un coup de pied qui le fit rouler plus de vingt marches: + +«Voilà ce qui se passe!» m’écriai-je hors de moi. Puis je refermai +la porte à double tour, tandis que les éclats de rire des voisins +saluaient maître Rap au passage. + +J’étais content de moi, je me frottais les mains...Cette aventure +m’avait remis en verve, je repris l’ouvrage et j’allais terminer +l’esquisse lorsqu’un bruit inusité frappa mes oreilles. + +Des crosses de fusil se posaient sur le pavé de la rue... Je regardai +par ma fenêtre et je vis trois gendarmes, la carabine au pied, le +chapeau à claque de travers, en faction à la porte d’entrée. + +«Ce scélérat de Rap se serait-il cassé quelque chose?» me dis-je +avec effroi. + +Et voyez l’étrange bizarrerie de l’esprit humain: moi qui voulait la +veille me couper la gorge, je frémis jusqu’à la moelle des os, en +pensant qu’on pourrait bien me pendre, si Rap était mort. + +L’escalier s’emplissait de rumeurs confuses... C’était une marée +montante de pas sourds, de cliquetis d’armes, de paroles brèves. + +Tout à coup on essaya d’ouvrir ma porte. Elle était fermée! + +Alors ce fut une clameur générale. + +«Au nom de la loi....ouvrez!» + +Je me levai, tremblant, les jambes vacillantes... + +«Ouvrez!» reprit la même voix. + +Voyant que la fuite était impossible, je m’approchai de la porte en +chancelant, et je fis jouer la serrure. + +Deux poings s’abattirent aussitôt sur mon collet. Un petit homme +trapu qui sentait le vin, me dit: + +«Je vous arrête!» + +Il portait une redingote vert bouteille, boutonnée jusqu’au menton, +un chapeau en tuyau de poêle...il avait de gros favoris bruns... +des bagues à tous les doigts, et s’appelait Passauf... + +C’était le chef de la police. + +Cinq têtes de bouledogue, à petite casquette plate, le nez en canon +de pistolet, la mâchoire inférieure débordant en crocs, m’observaient +du dehors. + +«Que voulez-vous?» demandai-je à Passauf. + +«Descendez,» s’écria-t-il brusquement en faisant signe à l’un de +ses hommes de m’empoigner. + +Celui-ci m’entraîna plus mort que vif, pendant que les autres +bouleversaient ma chambre de fond en comble. + +Je descendis, soutenu sous les bras, comme un phtisique à sa +troisième période...les cheveux épars sur la figure, et trébuchant +à chaque pas. + +On me jeta dans un fiacre, entre deux vigoureux gaillards, qui me +laissèrent voir charitablement le bout de deux casse-tête, retenus +au poignet par un cordon de cuir...puis la voiture partit. + +J’entendais rouler derrière nous les pas de tous les gamins de la +ville. + +«Qu’ai-je donc fait?» demandai-je à l’un de mes gardiens. + +Il regarda l’autre avec un sourire bizarre, et dit: + +«Hans...il demande ce qu’il a fait!» + +Ce sourire me glaça le sang. + +Bientôt une ombre profonde enveloppa la voiture, les pas des chevaux +retentirent sous une voûte. Nous entrions à la Raspelhaus...des griffes +de Rap je tombais dans un cachot, d’où bien peu de pauvres diables +ont eu la chance de se tirer. + +De grandes cours obscures; des fenêtres alignées comme à l’hôpital +et garnies de hottes; pas une touffe de verdure, pas un feston de lierre, +pas même une girouette en perspective...voilà mon nouveau logement. +Il y avait de quoi s’arracher les cheveux à pleines poignées. + +Les agents de police, accompagnés du geôlier, m’introduisirent +provisoirement dans un violon. + +Le geôlier, autant que je m’en souviens, s’appelait Kasper Schlüssel; +avec son bonnet de laine grise, son bout de pipe entre les dents, et +son trousseau de clefs à la ceinture, il me produisit l’effet du dieu +Hibou des Caraïbes. Il en avait les grands yeux ronds dorés, qui voient +dans la nuit, le nez en virgule, et le cou perdu dans les épaules. + +Schlüssel m’enferma tranquillement, comme on serre des chaussettes +dans une armoire, en rêvant à autre chose. Quant à moi, les mains +croisées sur le dos, la tête inclinée, je restai plus de dix minutes à la +même place. Puis, je regardai ma prison. Elle venait d’être blanchie +à neuf, et ses murailles n’offraient encore aucun dessin, sauf dans un +coin un gibet grossièrement ébauché par mon prédécesseur. Le jour +venait d’un Å“il-de-bÅ“uf situé à neuf ou dix pieds de hauteur; +l’ameublement se composait d’une botte de paille et d’un baquet. + +Je m’assis sur la paille, les mains autour des genoux, dans un +abattement incroyable... + +Presqu’au même instant, j’entendis Schlüssel traverser le corridor; il +rouvrit le violon et me dit de le suivre. Il était toujours assisté des +deux casse-tête; aussi j’emboîtai le pas résolûment. + +Nous traversâmes de longues galeries, éclairées, de distance en +distance, par quelques fenêtres intérieures. J’aperçus derrière une +grille le fameux Jic-Jack, qui devait être exécuté le lendemain. Il +portait la camisole de force et chantait d’une voix rauque: + +«Je suis le roi de ces montagnes!» + +En me voyant, il cria: + +«Eh! camarade, je te garde une place à ma droite.» + +Les deux agents de police et le dieu Hibou se regardèrent en souriant, +tandis que la chair de poule s’étendait le long de mon dos. + + + +III + +Schlüssel me poussa dans une haute salle très sombre, garnie de bancs +en hémicycle. L’aspect de cette salle déserte, ses deux hautes fenêtres +grillées, son Christ de vieux chêne bruni, les bras étendus, la tête +douloureusement inclinée sur l’épaule, m’inspira je ne sais quelle +crainte religieuse d’accord avec ma situation actuelle, et mes lèvres +s’agitèrent, murmurant une prière. + +Depuis longtemps, je n’avais pas prié, mais le malheur nous ramène +toujours à des pensées de soumission...L’homme est si peu de chose! + +En face de moi, sur un siège élevé, se trouvaient assis deux personnages +tournant le dos à la lumière, ce qui laissait leurs figures dans l’ombre. +Cependant je reconnus Van Spreckdal à son profil aquilin, éclairé +par un reflet oblique de la vitre. L’autre personnage était gros; il +avait les joues pleines, rebondies, les mains courtes, et portait la robe +de juge, ainsi que Van Spreckdal. + +Au-dessous était assis le greffier Conrad; il écrivait sur une table +basse, se chatouillant le bout de l’oreille avec la barbe de sa plume. +A mon arrivée il s’arrêta pour me regarder d’un air curieux. + +On me fit asseoir, et Van Spreckdal, élevant la voix, me dit: + +«Christian Vénius, d’où tenez-vous ce dessin?» + +Il me montrait l’esquisse nocturne, alors en sa possession. On me la +fit passer...Après l’avoir examinée, je répondis: + +«J’en suis l’auteur.» + +Il y eut un assez long silence; le greffier Conrad écrivait ma réponse. +J’entendais sa plume courir sur le papier et je pensais: «Que signifie +la question qu’on vient de me faire? Cela n’a point de rapport +avec le coup de pied dans l’échine de Rap.» + +«Vous en êtes l’auteur, reprit Van Spreckdal. Quel en est le sujet?» + +«C’est un sujet de fantaisie.» + +«Vous n’avez point copié ces détails quelque part?» + +«Non, monsieur, je les ai tous imaginés.» + +«Accusé Christian, dit le juge d’un ton sévère, je vous invite à +réfléchir. Ne mentez pas!» + +Je rougis, et d’un ton exalté, je m’écriai: + +«J’ai dit la vérité.» + +«Écrivez, greffier,» fit van Spreckdal. + +La plume courut de nouveau. + +«Et cette femme, poursuivit le juge, cette femme qu’on assassine +au bord d’un puits...l’avez-vous aussi imaginée?» + +«Sans doute.» + +«Vous ne l’avez jamais vue?» + +«Jamais.» + +Van Spreckdal se leva comme indigné; puis, se rasseyant, il parut se +consulter à voix basse avec son confrère. + +Ces deux profils noirs, se découpant sur le fond lumineux de la +fenêtre, et les trois hommes, debout derrière moi...le silence de la +salle...tout me faisait frémir. + +«Que me veut-on? qu’ai-je donc fait?» murmurai-je. + +Tout à coup Van Spreckdal dit à mes gardiens: + +«Vous allez reconduire le prisonnier à la voiture; nous partons +pour la Metzgerstrasse.» + +Puis s’adressant à moi: + +«Christian Vénius, s’écria-t-il, vous êtes dans une voie déplorable... +Recueillez-vous et songez que si la justice des hommes est inflexible, + il vous reste la miséricorde de Dieu... Vous pouvez la mériter en +avouant votre crime!» + +Ces paroles m’abasourdirent comme un coup de marteau...Je me +rejetai en arrière les bras étendus, en m’écriant: + +«Ah! quel rêve affreux!» + +Et je m’évanouis. + +Lorsque je revins à moi, la voiture roulait lentement dans la rue; une +autre nous précédait. Les deux agents de sûreté étaient toujours là . +L’un d’eux, pendant la route, offrit une prise de tabac à son confrère; +machinalement j’étendis les doigts vers la tabatière, il la retira +vivement. + +Le rouge de la honte me monta au visage, et je détournai la tête pour +cacher mon émotion. + +«Si vous regardez dehors, dit l’homme à la tabatière, nous serons +forcés de vous mettre les menottes.» + +«Que le diable t’étrangle, infernal gredin!» pensai-je en moi-même. +Et comme la voiture venait de s’arrêter, l’un d’eux descendit, tandis +que l’autre me retenait par le collet; puis, voyant son camarade prêt +à me recevoir, il me poussa rudement dehors. + +Ces précautions infinies pour s’assurer de ma personne ne +m’annonçaient rien de bon; mais j’étais loin de prévoir toute la +gravité de l’accusation qui pesait sur ma tête, quand une circonstance +affreuse m’ouvrit enfin les yeux, et me jeta dans le désespoir. + +On venait de me pousser dans une allée basse, à pavés rompus, +inégaux; le long du mur coulait un suintement jaunâtre, exhalant une +odeur fétide. Je marchais au milieu des ténèbres, deux hommes +derrière moi. Plus loin apparaissait le clair-obscur d’une cour +intérieure. + +A mesure que j’avançais, la terreur me pénétrait de plus en plus. +Ce n’était point un sentiment naturel: c’était une anxiété poignante, +hors nature comme le cauchemar. Je reculais instinctivement +à chaque pas. + +«Allons donc! criait l’un des agents de police en m’appuyant la +main sur l’épaule; marchez!» + +Mais quelle ne fut pas mon épouvante, lorsque au bout du corridor, +je vis la cour que j’avais dessinée la nuit précédente, avec ses murs +garnis de crocs, ses amas de vieilles ferrailles, sa cage à poules et +sa cabane à lapins... Pas une lucarne grande ou petite, haute ou +basse, pas une vitre fêlée, pas un détail n’avait été omis! + +Je restai foudroyé par cette étrange révélation. + +Près du puits se trouvaient les deux juges, Van Spreckdal et Richter. +A leurs pieds gisait la vieille femme, couchée sur le dos...ses longs +cheveux gris épars...la face bleue...les yeux démesurément ouverts... +et la langue prise entre les dents. + +C’était un spectacle horrible! + +«Eh bien! me dit Van Spreckdal d’un accent solennel, qu’avez-vous +à dire?» + +Je ne répondis pas. + +«Reconnaissez-vous avoir jeté cette femme, Thérésa Becker, dans ce +puits, après l’avoir étranglée pour lui voler son argent?» + +«Non, m’écriai-je, non! Je ne connais pas cette femme, je ne l’ai +jamais vue. Que Dieu me soit en aide!» + +«Cela suffit,» répliqua-t-il d’une voix sèche. + +Et, sans ajouter un mot, il sortit rapidement avec son confrère. + +Les agents crurent alors devoir me mettre les menottes. On me +reconduisit à la Raspelhaus, dans un état de stupidité profonde. +Je ne savais plus que penser...ma conscience elle-même se troublait: +je me demandais si je n’avais pas assassiné la vieille femme! + +Aux yeux de mes gardiens, j’étais condamné. + +Je ne vous raconterai pas mes émotions de la nuit à la Raspelhaus, +lorsque, assis sur ma botte de paille, la lucarne en face de moi et le +gibet en perspective, j’entendis le watchmann crier dans le silence: +«Dormez, habitants de Nuremberg, le Seigneur veille! Une heure!... +deux heures!...trois heures sonnées!» + +Chacun peut se faire l’idée d’une nuit pareille. + +Le jour vint; d’abord pâle, indécis, il éclaira de ses vagues lueurs +l’œil-de-bÅ“uf ...les barreaux en croix, ...puis il s’étoila contre la +muraille du fond. Dehors la rue s’animait; il y avait marché ce +jour-là : c’était un vendredi. J’entendais les charretées de légumes, +et les bons campagnards chargés de leurs hottes. Quelques cages +à poule caquetaient en passant, et les marchandes de beurre causaient +entre elles. La halle en face s’ouvrait...on arrangeait les bancs. + +Enfin le grand jour se fit, et le vaste murmure de la foule qui grossit, +des ménagères qui s’assemblent, leur panier sous le bras, allant, +venant, discutant et marchandant, m’annonça qu’il était huit heures +du matin. + +Avec la lumière, la confiance reprit un peu le dessus dans mon cÅ“ur. +Quelques-unes de mes idées noires disparurent; j’éprouvai le désir +de voir ce qui se passait dehors. + +D’autres prisonniers, avant moi, s’étaient élevés jusqu’à l’œil-de-bÅ“uf; +ils avaient creusé des trous dans le mur pour monter plus facilement. +J’y grimpai à mon tour, et quand, assis dans la baie ovale, les reins +pliés, la tête courbée, je pus voir la foule, la vie, le mouvement...des +larmes abondantes coulèrent sur mes joues. Je ne songeais plus au +suicide...j’éprouvais un besoin de vivre, de respirer, vraiment +extraordinaire. + +«Ah! me disais-je, vivre, c’est être heureux!...Qu’on me fasse traîner +la brouette, qu’on m’attache un boulet à la jambe... Qu’importe! +pourvu que je vive!...» + +Or, pendant que je regardais ainsi, un homme, un boucher passa, +le dos incliné, portant un énorme quartier de bÅ“uf sur les épaules; il +avait les bras nus, les coudes en l’air, la tête penchée en dessous... +Sa chevelure flottante me cachait son visage, et pourtant, au premier +coup d’œil, je tressaillis... + +«C’est lui!» me dis-je. + +Tout mon sang reflua vers le cÅ“ur...Je descendis dans la prison, +frémissant jusqu’au bout des ongles, sentant mes joues s’agiter, la +pâleur s’étendre sur ma face, et balbutiant d’une voix étouffée: + +«C’est lui! Il est là ...là ...et moi je vais mourir pour expier son +crime... Oh Dieu!...que faire?...que faire?...» + +Une idée subite, une inspiration du ciel me traversa l’esprit...Je +portai la main à la poche de mon habit!...ma boîte à fusain s’y +trouvait. + +Alors, m’élançant vers la muraille, je me mis à tracer la scène du +meurtre avec une verve inouïe. Plus d’incertitudes et plus de +tâtonnements. Je connaissais l’homme... Je le voyais... Il posait +devant moi. + +A dix heures, le geôlier entra dans mon cachot. Son impassibilité de +hibou fit place à l’admiration. + +«Est-ce possible?» s’écria-t-il, debout sur le seuil. + +«Allez chercher mes juges,» lui dis-je en poursuivant mon travail +avec une exaltation croissante. + +Schlüssel reprit: + +«Ils vous attendent dans la salle d’instruction.» + +«Je veux faire des révélations,» m’écriai-je en mettant la dernière main +au personnage mystérieux. + +Il vivait; il était effrayant à voir. Sa figure, de face, en raccourci +sur le mur, se détachait sur le fond blanc avec une vigueur qui était +prodigieuse. + +Le geôlier sortit. + +Quelques minutes après, les deux juges parurent. Ils restèrent +stupéfaits. + +Moi, la main étendue et tremblant de tous les membres, je leur dis: + +«Voici l’assassin!» + +Van Spreckdal, après quelques instants de silence, me demanda: + +«Son nom?» + +«Je l’ignore...mais il est, en ce moment, sous la halle...il coupe de +la viande dans le troisième étal, à gauche, en entrant par la rue des +Trabans.» + +«Qu’en pensez-vous?» dit-il en se penchant vers son collègue. + +«Qu’on cherche cet homme,» répondit l’autre d’un ton grave. + +Plusieurs gardiens, restés dans le corridor, obéirent à cet ordre. +Les juges restèrent debout, regardant toujours l’esquisse. Moi, +je m’affaissai sur la paille, la tête entre les genoux, comme anéanti. + +Bientôt des pas retentirent au loin sous les voûtes. Ceux qui n’ont +pas attendu l’heure de la délivrance et compté les minutes, longues +alors comme des siècles...ceux qui n’ont pas ressenti les émotions +poignantes de l’attente, la terreur, l’espérance, le doute...ceux là ne +sauraient concevoir les frémissements intérieurs que j’éprouvai dans +ce moment. J’aurais distingué les pas du meurtrier, marchant au +milieu de ses gardes, entre mille autres. Ils s’approchaient... Les +juges eux-mêmes paraissaient émus... Moi, j’avais relevé la tête, +et le cÅ“ur serré comme dans une main de fer, j’attachais un regard +fixe sur la porte close. Elle s’ouvrit...L’homme entra... Ses joues +étaient gonflées de sang, ses larges mâchoires contractées faisaient +saillir leurs muscles jusque vers les oreilles, et ses petits yeux, +inquiets et fauves comme ceux du loup, scintillaient sous d’épais +sourcils d’un jaune roussâtre. + +Van Spreckdal lui montra silencieusement l’esquisse. + +Alors, cet homme sanguin, aux larges épaules, ayant regardé, pâlit... +puis, poussant un rugissement qui nous glaça tous de terreur, il +écarta ses bras énormes, et fit un bond en arrière pour renverser les +gardes. Il y eut une lutte effrayante dans le corridor; on n’entendait +que la respiration haletante du boucher, des imprécations sourdes, +des paroles brèves, et les pieds des gardes, soulevés de terre, +retombant sur les dalles. + +Cela dura bien une minute. + +Enfin, l’assassin rentra, la tête basse, l’œil sanglant, les mains +garrottées sur le dos. Il fixa de nouveau le tableau du meurtre... +parut réfléchir, et, d’une voix basse, comme se parlant à lui-même: + +«Qui donc a pu me voir, dit-il, à minuit?» + +J’étais sauvé!!!... + +..................... + +Bien des années se sont écoulées depuis cette terrible aventure. +Grâce à Dieu! je ne fais plus de silhouettes, ni même de portraits +de bourgmestre. A force de travail et de persévérance, j’ai conquis +ma place au soleil, et je gagne honorablement ma vie en faisant +des Å“uvres d’art, le seul but, suivant moi, auquel tout véritable +artiste doit s’efforcer d’atteindre. Mais le souvenir de l’esquisse +nocturne m’est toujours resté dans l’esprit. Parfois, au beau milieu +du travail, ma pensée s’y reporte. Alors, je dépose la palette et je +rêve durant des heures entières! Comment un crime accompli par un +homme que je ne connaissais pas...dans une maison que je n’avais +jamais vue...a-t-il pu se reproduire sous mon crayon, jusque dans +ses moindres détails? + +Est-ce un hasard? Non! Et d’ailleurs, le hasard, qu’est-ce, après +tout, sinon l’effet d’une cause qui nous échappe? + +Qui sait? La nature est beaucoup plus audacieuse dans ses réalités +que l’imagination de l’homme dans sa fantaisie! + + + + + + + + +End of the Project Gutenberg EBook of L'esquisse mystérieuse, by +Emile Erckmann and Alexandre Chatrian + +*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ESQUISSE MYSTÉRIEUSE *** + +***** This file should be named 35876-0.txt or 35876-0.zip ***** +This and all associated files of various formats will be found in: + http://www.gutenberg.org/3/5/8/7/35876/ + +Produced by Michael John Wooff + +Updated editions will replace the previous one--the old editions +will be renamed. + +Creating the works from public domain print editions means that no +one owns a United States copyright in these works, so the Foundation +(and you!) can copy and distribute it in the United States without +permission and without paying copyright royalties. Special rules, +set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to +copying and distributing Project Gutenberg-tm electronic works to +protect the PROJECT GUTENBERG-tm concept and trademark. Project +Gutenberg is a registered trademark, and may not be used if you +charge for the eBooks, unless you receive specific permission. If you +do not charge anything for copies of this eBook, complying with the +rules is very easy. You may use this eBook for nearly any purpose +such as creation of derivative works, reports, performances and +research. They may be modified and printed and given away--you may do +practically ANYTHING with public domain eBooks. Redistribution is +subject to the trademark license, especially commercial +redistribution. + + + +*** START: FULL LICENSE *** + +THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE +PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK + +To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free +distribution of electronic works, by using or distributing this work +(or any other work associated in any way with the phrase "Project +Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full Project +Gutenberg-tm License available with this file or online at + www.gutenberg.org/license. + + +Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg-tm +electronic works + +1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm +electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to +and accept all the terms of this license and intellectual property +(trademark/copyright) agreement. If you do not agree to abide by all +the terms of this agreement, you must cease using and return or destroy +all copies of Project Gutenberg-tm electronic works in your possession. +If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a Project +Gutenberg-tm electronic work and you do not agree to be bound by the +terms of this agreement, you may obtain a refund from the person or +entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph 1.E.8. + +1.B. "Project Gutenberg" is a registered trademark. It may only be +used on or associated in any way with an electronic work by people who +agree to be bound by the terms of this agreement. There are a few +things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works +even without complying with the full terms of this agreement. See +paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project +Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement +and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic +works. See paragraph 1.E below. + +1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation" +or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project +Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual works in the +collection are in the public domain in the United States. If an +individual work is in the public domain in the United States and you are +located in the United States, we do not claim a right to prevent you from +copying, distributing, performing, displaying or creating derivative +works based on the work as long as all references to Project Gutenberg +are removed. Of course, we hope that you will support the Project +Gutenberg-tm mission of promoting free access to electronic works by +freely sharing Project Gutenberg-tm works in compliance with the terms of +this agreement for keeping the Project Gutenberg-tm name associated with +the work. You can easily comply with the terms of this agreement by +keeping this work in the same format with its attached full Project +Gutenberg-tm License when you share it without charge with others. + +1.D. The copyright laws of the place where you are located also govern +what you can do with this work. Copyright laws in most countries are in +a constant state of change. If you are outside the United States, check +the laws of your country in addition to the terms of this agreement +before downloading, copying, displaying, performing, distributing or +creating derivative works based on this work or any other Project +Gutenberg-tm work. The Foundation makes no representations concerning +the copyright status of any work in any country outside the United +States. + +1.E. Unless you have removed all references to Project Gutenberg: + +1.E.1. The following sentence, with active links to, or other immediate +access to, the full Project Gutenberg-tm License must appear prominently +whenever any copy of a Project Gutenberg-tm work (any work on which the +phrase "Project Gutenberg" appears, or with which the phrase "Project +Gutenberg" is associated) is accessed, displayed, performed, viewed, +copied or distributed: + +This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with +almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or +re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included +with this eBook or online at www.gutenberg.org + +1.E.2. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is derived +from the public domain (does not contain a notice indicating that it is +posted with permission of the copyright holder), the work can be copied +and distributed to anyone in the United States without paying any fees +or charges. If you are redistributing or providing access to a work +with the phrase "Project Gutenberg" associated with or appearing on the +work, you must comply either with the requirements of paragraphs 1.E.1 +through 1.E.7 or obtain permission for the use of the work and the +Project Gutenberg-tm trademark as set forth in paragraphs 1.E.8 or +1.E.9. + +1.E.3. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is posted +with the permission of the copyright holder, your use and distribution +must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any additional +terms imposed by the copyright holder. Additional terms will be linked +to the Project Gutenberg-tm License for all works posted with the +permission of the copyright holder found at the beginning of this work. + +1.E.4. Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg-tm +License terms from this work, or any files containing a part of this +work or any other work associated with Project Gutenberg-tm. + +1.E.5. Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this +electronic work, or any part of this electronic work, without +prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with +active links or immediate access to the full terms of the Project +Gutenberg-tm License. + +1.E.6. You may convert to and distribute this work in any binary, +compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including any +word processing or hypertext form. However, if you provide access to or +distribute copies of a Project Gutenberg-tm work in a format other than +"Plain Vanilla ASCII" or other format used in the official version +posted on the official Project Gutenberg-tm web site (www.gutenberg.org), +you must, at no additional cost, fee or expense to the user, provide a +copy, a means of exporting a copy, or a means of obtaining a copy upon +request, of the work in its original "Plain Vanilla ASCII" or other +form. Any alternate format must include the full Project Gutenberg-tm +License as specified in paragraph 1.E.1. + +1.E.7. Do not charge a fee for access to, viewing, displaying, +performing, copying or distributing any Project Gutenberg-tm works +unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9. + +1.E.8. You may charge a reasonable fee for copies of or providing +access to or distributing Project Gutenberg-tm electronic works provided +that + +- You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from + the use of Project Gutenberg-tm works calculated using the method + you already use to calculate your applicable taxes. The fee is + owed to the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, but he + has agreed to donate royalties under this paragraph to the + Project Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments + must be paid within 60 days following each date on which you + prepare (or are legally required to prepare) your periodic tax + returns. Royalty payments should be clearly marked as such and + sent to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation at the + address specified in Section 4, "Information about donations to + the Project Gutenberg Literary Archive Foundation." + +- You provide a full refund of any money paid by a user who notifies + you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he + does not agree to the terms of the full Project Gutenberg-tm + License. You must require such a user to return or + destroy all copies of the works possessed in a physical medium + and discontinue all use of and all access to other copies of + Project Gutenberg-tm works. + +- You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of any + money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the + electronic work is discovered and reported to you within 90 days + of receipt of the work. + +- You comply with all other terms of this agreement for free + distribution of Project Gutenberg-tm works. + +1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project Gutenberg-tm +electronic work or group of works on different terms than are set +forth in this agreement, you must obtain permission in writing from +both the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and Michael +Hart, the owner of the Project Gutenberg-tm trademark. Contact the +Foundation as set forth in Section 3 below. + +1.F. + +1.F.1. Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable +effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread +public domain works in creating the Project Gutenberg-tm +collection. Despite these efforts, Project Gutenberg-tm electronic +works, and the medium on which they may be stored, may contain +"Defects," such as, but not limited to, incomplete, inaccurate or +corrupt data, transcription errors, a copyright or other intellectual +property infringement, a defective or damaged disk or other medium, a +computer virus, or computer codes that damage or cannot be read by +your equipment. + +1.F.2. LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the "Right +of Replacement or Refund" described in paragraph 1.F.3, the Project +Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project +Gutenberg-tm trademark, and any other party distributing a Project +Gutenberg-tm electronic work under this agreement, disclaim all +liability to you for damages, costs and expenses, including legal +fees. YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT +LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE +PROVIDED IN PARAGRAPH 1.F.3. YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE +TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE +LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR +INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH +DAMAGE. + +1.F.3. LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a +defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can +receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a +written explanation to the person you received the work from. If you +received the work on a physical medium, you must return the medium with +your written explanation. The person or entity that provided you with +the defective work may elect to provide a replacement copy in lieu of a +refund. If you received the work electronically, the person or entity +providing it to you may choose to give you a second opportunity to +receive the work electronically in lieu of a refund. If the second copy +is also defective, you may demand a refund in writing without further +opportunities to fix the problem. + +1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth +in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS', WITH NO OTHER +WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO +WARRANTIES OF MERCHANTABILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE. + +1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied +warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages. +If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the +law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be +interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by +the applicable state law. The invalidity or unenforceability of any +provision of this agreement shall not void the remaining provisions. + +1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the +trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone +providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in accordance +with this agreement, and any volunteers associated with the production, +promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works, +harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees, +that arise directly or indirectly from any of the following which you do +or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm +work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any +Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause. + + +Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm + +Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of +electronic works in formats readable by the widest variety of computers +including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists +because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from +people in all walks of life. + +Volunteers and financial support to provide volunteers with the +assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg-tm's +goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will +remain freely available for generations to come. In 2001, the Project +Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure +and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations. +To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation +and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 +and the Foundation information page at www.gutenberg.org + + +Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive +Foundation + +The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit +501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the +state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal +Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification +number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg +Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent +permitted by U.S. federal laws and your state's laws. + +The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S. +Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered +throughout numerous locations. Its business office is located at 809 +North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email +contact links and up to date contact information can be found at the +Foundation's web site and official page at www.gutenberg.org/contact + +For additional contact information: + Dr. Gregory B. Newby + Chief Executive and Director + gbnewby@pglaf.org + +Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg +Literary Archive Foundation + +Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide +spread public support and donations to carry out its mission of +increasing the number of public domain and licensed works that can be +freely distributed in machine readable form accessible by the widest +array of equipment including outdated equipment. Many small donations +($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt +status with the IRS. + +The Foundation is committed to complying with the laws regulating +charities and charitable donations in all 50 states of the United +States. Compliance requirements are not uniform and it takes a +considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up +with these requirements. We do not solicit donations in locations +where we have not received written confirmation of compliance. To +SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any +particular state visit www.gutenberg.org/donate + +While we cannot and do not solicit contributions from states where we +have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition +against accepting unsolicited donations from donors in such states who +approach us with offers to donate. + +International donations are gratefully accepted, but we cannot make +any statements concerning tax treatment of donations received from +outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff. + +Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation +methods and addresses. Donations are accepted in a number of other +ways including checks, online payments and credit card donations. +To donate, please visit: www.gutenberg.org/donate + + +Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic +works. + +Professor Michael S. Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm +concept of a library of electronic works that could be freely shared +with anyone. For forty years, he produced and distributed Project +Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support. + +Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed +editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S. +unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily +keep eBooks in compliance with any particular paper edition. + +Most people start at our Web site which has the main PG search facility: + + www.gutenberg.org + +This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, +including how to make donations to the Project Gutenberg Literary +Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to +subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. diff --git a/35876-0.zip b/35876-0.zip Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..847aadb --- /dev/null +++ b/35876-0.zip diff --git a/35876-8.txt b/35876-8.txt new file mode 100644 index 0000000..4f03edd --- /dev/null +++ b/35876-8.txt @@ -0,0 +1,1111 @@ +The Project Gutenberg EBook of L'esquisse mystérieuse, by +Emile Erckmann and Alexandre Chatrian + +This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with +almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or +re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included +with this eBook or online at www.gutenberg.org + + +Title: L'esquisse mystérieuse + +Author: Emile Erckmann + Alexandre Chatrian + +Release Date: November 23, 2012 [EBook #35876] + +Language: French + +Character set encoding: ISO-8859-1 + +*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ESQUISSE MYSTÉRIEUSE *** + + + + +Produced by Michael John Wooff + + + + + + + + + + +L'esquisse mystérieuse + +par Erckmann-Chatrian + + + + +New York + +HENRY HOLT AND COMPANY + +1899 + + + + +Copyright 1899, + +BY + +HENRY HOLT & CO. + + + + + +I + +En face de la chapelle Saint-Sébalt, à Nuremberg, s'élève une petite +auberge, étroite et haute, le pignon dentelé, les vitres poudreuses, le +toit surmonté d'une Vierge en plâtre. C'est là que j'ai passé les plus +tristes jours de ma vie. J'étais allé à Nuremberg pour étudier les +vieux maîtres allemands; mais, faute d'espèces sonnantes, il me +fallut faire des portraits...et quels portraits! De grosses commères, +leur chat sur les genoux, des échevins en perruque, des bourgmestres +en tricorne, le tout enluminé d'ocre et de vermillon à plein godet. + +Des portraits je descendis aux croquis, et des croquis aux silhouettes. + +Rien de pitoyable comme d'avoir constamment sur le dos un maître +d'hôtel, les lèvres pincées, la voix criarde, l'air impudent, qui vient +vous dire chaque jour: «Ah, çà! Me payerez-vous bientôt, monsieur? +savez-vous à combien se monte votre note? Non, cela ne vous inquiète +pas... Monsieur mange, boit et dort tranquillement... Aux petits +oiseaux le Seigneur donne la pâture. La note de Monsieur se monte +à deux cents florins et dix kreutzer... ce n'est pas la peine qu'on en +parle.» + +Ceux qui n'ont pas entendu chanter cette gamme ne peuvent s'en +faire une idée; l'amour de l'art, l'imagination, l'enthousiasme sacré +du beau se dessèchent au souffle d'un pareil drôle... Vous devenez +gauche, timide; toute votre énergie se perd, aussi bien que le +sentiment de votre dignité personnelle. + +Une nuit, n'ayant pas le sou, comme d'habitude, et menacé de la +prison par ce digne maître Rap, je résolus de lui faire banqueroute +en me coupant la gorge. Dans cette agréable pensée, assis sur mon +grabat en face de la fenêtre, je me livrais à mille réflexions +philosophiques, plus ou moins réjouissantes. Je n'osais ouvrir mon +rasoir, de peur que la force invincible de ma logique ne m'inspirât +le courage d'en finir. Après avoir bien argumenté de la sorte, je +soufflai ma chandelle, renvoyant la suite au lendemain. + +Cet abominable Rap m'avait complètement abruti. Je ne voyais +plus, en fait d'art, que des silhouettes, et mon seul désir était +d'avoir de l'argent, pour me débarrasser de son odieuse présence. +Mais cette nuit-là, il se fit une singulière révolution dans mon +esprit. Je m'éveillai vers une heure, je rallumai ma lampe, et, +m'enveloppant de ma souquenille grise, je jetai sur le papier une +rapide esquisse dans le genre hollandais...quelque chose +d'étrange, de bizarre, et qui n'avait aucun rapport avec mes +conceptions habituelles. + +Figurez-vous une cour sombre, encaissée entre de hautes murailles +décrépites... Ces murailles sont garnies de crocs, à sept ou huit +pieds du sol. On devine, au premier aspect, une boucherie. + +A gauche s'étend un treillage en lattes; vous apercevez à travers un +boeuf écartelé, suspendu à la voûte par d'énormes poulies. De larges +mares de sang coulent sur les dalles et vont se réunir dans une rigole +pleine de débris informes. + +La lumière vient de haut, entre les cheminées, dont les girouettes se +découpent dans un angle du ciel grand comme la main, et les toits des +maisons voisines échafaudent vigoureusement leurs ombres d'étage +en étage. + +Au fond de ce réduit se trouve un hangar...sous le hangar un bûcher, +sur le bûcher des échelles, quelques bottes de paille, des paquets de +corde, une cage à poules et une vieille cabane à lapins hors de +service. + +Comment ces détails hétéroclites s'offraient-ils à mon imagination? ... +Je l'ignore; je n'avais nulle réminiscence analogue, et pourtant, chaque +coup de crayon était un fait d'observation fantastique à force d'être +vrai. Rien n'y manquait! + +Mais à droite un coin de l'esquisse restait blanc...je ne savais qu'y +mettre... Là quelque chose s'agitait, se mouvait... Tout à coup j'y vis +un pied, un pied renversé, détaché du sol. Malgré cette position +improbable, je suivis l'inspiration sans me rendre compte de ma +propre pensée. Ce pied aboutit à une jambe...sur la jambe, étendue +avec effort, flotta bientôt un pan de robe... Bref, une vieille femme, +hâve, défaite, échevelée, apparut successivement, renversée au bord +d'un puits, et luttant contre un poing qui lui serrait la gorge... + +C'était une scène de meurtre que je dessinais. Le crayon me tomba +de la main. + +Cette femme, dans l'attitude la plus hardie, les reins pliés sur la +margelle du puits, la face contractée par la terreur, les deux mains +crispées au bras du meurtrier, me faisait peur... Je n'osais la +regarder. Mais l'homme, lui, le personnage de ce bras, je ne le voyais + pas... Il me fut impossible de le terminer. + +«Je suis fatigué, me dis-je, le front baigné de sueur, il ne me reste +que cette figure à faire, je terminerai demain... Ce sera facile.» + +Et je me recouchai, tout effrayé de ma vision. Cinq minutes après je +dormais profondément. + +Le lendemain j'étais debout au petit jour. Je venais de m'habiller, et +je m'apprêtais à reprendre l'oeuvre interrompue, quand deux petits +coups retentirent à la porte. + +«Entrez!» + +La porte s'ouvrit. Un homme déjà vieux, grand, maigre, vêtu de noir, +apparut sur le seuil. La physionomie de cet homme, ses yeux rapprochés, +son grand nez en bec d'aigle surmonté d'un front large, osseux, avait +quelque chose de sévère. Il me salua gravement. + +«M. Christian Vénius, le peintre?» dit-il. + +«C'est moi, monsieur.» + +Il s'inclina de nouveau, ajoutant: + +«Le baron Frédéric Van Spreckdal.» + +L'apparition, dans mon pauvre taudis, du riche amateur Van Spreckdal, +juge au tribunal criminel, m'impressionna vivement. Je ne pus m'empêcher +de jeter un coup d'oeil dérobé sur mes vieux meubles vermoulus, sur mes +tapisseries humides et sur mon plancher poudreux. Je me sentais humilié +d'un tel délabrement... Mais Van Spreckdal ne parut pas faire attention +à ces détails, et s'asseyant devant ma petite table: + +«Maître Vénius, reprit-il, je viens...» + +Mais, au même instant, ses yeux s'arrêtèrent sur l'esquisse inachevée... +il ne termina point sa phrase. Je m'étais assis au bord du grabat, et +l'attention subite que ce personnage accordait à l'une de mes +productions, faisait battre mon coeur d'une appréhension indéfinissable. + +Au bout d'une minute, Van Spreckdal levant la tête: + +«Êtes-vous l'auteur de cette esquisse?» me dit-il le regard attentif. + +«Oui, monsieur.» + +«Quel en est le prix?» + +«Je ne vends pas mes esquisses... C'est le projet d'un tableau.» + +«Ah!» fit-il, en levant le papier du bout de ses longs doigts jaunes. + +Il sortit une lentille de son gilet, et se mit à étudier le dessin en +silence. + +Le soleil arrivait alors obliquement dans la mansarde. Van Spreckdal +ne murmurait pas un mot; son grand nez se recourbait en griffe, ses +larges sourcils se contractaient, et son menton, se relevant en galoche, +creusait mille petites rides dans ses longues joues maigres. Le silence +était si profond que j'entendais distinctement le bourdonnement +plaintif d'une mouche, prise dans une toile d'araignée. + +«Et les dimensions de ce tableau, maître Vénius?» fit-il enfin sans me +regarder. + +«Trois pieds sur quatre.» + +«Le prix?» + +«Cinquante ducats.» + +Van Spreckdal déposa le dessin sur la table, et tira de sa poche une +longue bourse de soie verte, allongée en forme de poire; il en fit +glisser les anneaux... + +«Cinquante ducats! dit-il, les voilà.» + +J'eus un éblouissement. + +Le baron s'était levé, il me salua, et j'entendis sa grande canne à +pomme d'ivoire résonner sur chaque marche jusqu'au bas de l'escalier. +Alors, revenu de ma stupeur, je me rappelai tout à coup que je ne +l'avais pas remercié, et je descendis les cinq étages comme la foudre; +mais, arrivé sur le seuil, j'eus beau regarder à droite et à gauche, +la rue était déserte. + +«Tiens! me dis-je, c'est drôle!... » + +Et je remontai l'escalier tout haletant. + + + +II + +La manière surprenante dont Van Spreckdal venait de m'apparaître +me jetait dans une profonde extase: «Hier, me disais-je en contemplant +la pile de ducats étincelant au soleil, hier je formais le dessein +coupable de me couper la gorge, pour quelques misérables florins, +et voilà qu'aujourd'hui la fortune me tombe des nues... Décidément, +j'ai bien fait de ne pas ouvrir mon rasoir, et si jamais la tentation +d'en finir me reprend, j'aurai soin de remettre la chose au lendemain.» + +Après ces réflexions judicieuses, je m'assis pour terminer l'esquisse; +quatre coups de crayon, et c'était une affaire faite. Mais ici +m'attendait une déception incompréhensible. Ces quatre coups de +crayon, il me fut impossible de les donner; j'avais perdu le fil de mon +inspiration, le personnage mystérieux ne se dégageait pas des limbes +de mon cerveau. J'avais beau l'évoquer, l'ébaucher, le reprendre; +il ne s'accordait pas plus avec l'ensemble qu'une figure de Raphaël +dans une tabagie de Téniers... J'en suais à grosses gouttes. + +Au plus beau moment, Rap ouvrit la porte sans frapper, suivant sa +louable attitude, ses yeux se fixèrent sur ma pile de ducats, et d'une +voix glapissante il s'écria: + +«Eh! eh! je vous y prends. Direz-vous encore, monsieur le peintre, +que l'argent vous manque...» + +Et ses doigts crochus s'avancèrent avec ce tremblement nerveux que +la vue de l'or produit toujours chez les avares. + +Je restai stupéfait quelques secondes. + +Le souvenir de toutes les avanies que m'avait infligées cet individu, +son regard cupide, son sourire impudent, tout m'exaspérait. D'un +seul bond je le saisis, et le repoussant des deux mains hors de la +chambre, je lui aplatis le nez avec la porte. + +Cela se fit avec le cric-crac et la rapidité d'une tabatière à +surprises. + +Mais dehors le vieil usurier poussa des cris d'aigle: + +«Mon argent! voleur! mon argent!» + +Les locataires sortaient de chez eux et demandaient: + +«Qu'y a-t-il donc? Qu'est-ce qui se passe?» + +Je rouvris brusquement la porte, et dépêchant, dans l'échine de +maître Rap, un coup de pied qui le fit rouler plus de vingt marches: + +«Voilà ce qui se passe!» m'écriai-je hors de moi. Puis je refermai +la porte à double tour, tandis que les éclats de rire des voisins +saluaient maître Rap au passage. + +J'étais content de moi, je me frottais les mains...Cette aventure +m'avait remis en verve, je repris l'ouvrage et j'allais terminer +l'esquisse lorsqu'un bruit inusité frappa mes oreilles. + +Des crosses de fusil se posaient sur le pavé de la rue... Je regardai +par ma fenêtre et je vis trois gendarmes, la carabine au pied, le +chapeau à claque de travers, en faction à la porte d'entrée. + +«Ce scélérat de Rap se serait-il cassé quelque chose?» me dis-je +avec effroi. + +Et voyez l'étrange bizarrerie de l'esprit humain: moi qui voulait la +veille me couper la gorge, je frémis jusqu'à la moelle des os, en +pensant qu'on pourrait bien me pendre, si Rap était mort. + +L'escalier s'emplissait de rumeurs confuses... C'était une marée +montante de pas sourds, de cliquetis d'armes, de paroles brèves. + +Tout à coup on essaya d'ouvrir ma porte. Elle était fermée! + +Alors ce fut une clameur générale. + +«Au nom de la loi....ouvrez!» + +Je me levai, tremblant, les jambes vacillantes... + +«Ouvrez!» reprit la même voix. + +Voyant que la fuite était impossible, je m'approchai de la porte en +chancelant, et je fis jouer la serrure. + +Deux poings s'abattirent aussitôt sur mon collet. Un petit homme +trapu qui sentait le vin, me dit: + +«Je vous arrête!» + +Il portait une redingote vert bouteille, boutonnée jusqu'au menton, +un chapeau en tuyau de poêle...il avait de gros favoris bruns... +des bagues à tous les doigts, et s'appelait Passauf... + +C'était le chef de la police. + +Cinq têtes de bouledogue, à petite casquette plate, le nez en canon +de pistolet, la mâchoire inférieure débordant en crocs, m'observaient +du dehors. + +«Que voulez-vous?» demandai-je à Passauf. + +«Descendez,» s'écria-t-il brusquement en faisant signe à l'un de +ses hommes de m'empoigner. + +Celui-ci m'entraîna plus mort que vif, pendant que les autres +bouleversaient ma chambre de fond en comble. + +Je descendis, soutenu sous les bras, comme un phtisique à sa +troisième période...les cheveux épars sur la figure, et trébuchant +à chaque pas. + +On me jeta dans un fiacre, entre deux vigoureux gaillards, qui me +laissèrent voir charitablement le bout de deux casse-tête, retenus +au poignet par un cordon de cuir...puis la voiture partit. + +J'entendais rouler derrière nous les pas de tous les gamins de la +ville. + +«Qu'ai-je donc fait?» demandai-je à l'un de mes gardiens. + +Il regarda l'autre avec un sourire bizarre, et dit: + +«Hans...il demande ce qu'il a fait!» + +Ce sourire me glaça le sang. + +Bientôt une ombre profonde enveloppa la voiture, les pas des chevaux +retentirent sous une voûte. Nous entrions à la Raspelhaus...des griffes +de Rap je tombais dans un cachot, d'où bien peu de pauvres diables +ont eu la chance de se tirer. + +De grandes cours obscures; des fenêtres alignées comme à l'hôpital +et garnies de hottes; pas une touffe de verdure, pas un feston de lierre, +pas même une girouette en perspective...voilà mon nouveau logement. +Il y avait de quoi s'arracher les cheveux à pleines poignées. + +Les agents de police, accompagnés du geôlier, m'introduisirent +provisoirement dans un violon. + +Le geôlier, autant que je m'en souviens, s'appelait Kasper Schlüssel; +avec son bonnet de laine grise, son bout de pipe entre les dents, et +son trousseau de clefs à la ceinture, il me produisit l'effet du dieu +Hibou des Caraïbes. Il en avait les grands yeux ronds dorés, qui voient +dans la nuit, le nez en virgule, et le cou perdu dans les épaules. + +Schlüssel m'enferma tranquillement, comme on serre des chaussettes +dans une armoire, en rêvant à autre chose. Quant à moi, les mains +croisées sur le dos, la tête inclinée, je restai plus de dix minutes à la +même place. Puis, je regardai ma prison. Elle venait d'être blanchie +à neuf, et ses murailles n'offraient encore aucun dessin, sauf dans un +coin un gibet grossièrement ébauché par mon prédécesseur. Le jour +venait d'un oeil-de-boeuf situé à neuf ou dix pieds de hauteur; +l'ameublement se composait d'une botte de paille et d'un baquet. + +Je m'assis sur la paille, les mains autour des genoux, dans un +abattement incroyable... + +Presqu'au même instant, j'entendis Schlüssel traverser le corridor; il +rouvrit le violon et me dit de le suivre. Il était toujours assisté des +deux casse-tête; aussi j'emboîtai le pas résolûment. + +Nous traversâmes de longues galeries, éclairées, de distance en +distance, par quelques fenêtres intérieures. J'aperçus derrière une +grille le fameux Jic-Jack, qui devait être exécuté le lendemain. Il +portait la camisole de force et chantait d'une voix rauque: + +«Je suis le roi de ces montagnes!» + +En me voyant, il cria: + +«Eh! camarade, je te garde une place à ma droite.» + +Les deux agents de police et le dieu Hibou se regardèrent en souriant, +tandis que la chair de poule s'étendait le long de mon dos. + + + +III + +Schlüssel me poussa dans une haute salle très sombre, garnie de bancs +en hémicycle. L'aspect de cette salle déserte, ses deux hautes fenêtres +grillées, son Christ de vieux chêne bruni, les bras étendus, la tête +douloureusement inclinée sur l'épaule, m'inspira je ne sais quelle +crainte religieuse d'accord avec ma situation actuelle, et mes lèvres +s'agitèrent, murmurant une prière. + +Depuis longtemps, je n'avais pas prié, mais le malheur nous ramène +toujours à des pensées de soumission...L'homme est si peu de chose! + +En face de moi, sur un siège élevé, se trouvaient assis deux personnages +tournant le dos à la lumière, ce qui laissait leurs figures dans l'ombre. +Cependant je reconnus Van Spreckdal à son profil aquilin, éclairé +par un reflet oblique de la vitre. L'autre personnage était gros; il +avait les joues pleines, rebondies, les mains courtes, et portait la robe +de juge, ainsi que Van Spreckdal. + +Au-dessous était assis le greffier Conrad; il écrivait sur une table +basse, se chatouillant le bout de l'oreille avec la barbe de sa plume. +A mon arrivée il s'arrêta pour me regarder d'un air curieux. + +On me fit asseoir, et Van Spreckdal, élevant la voix, me dit: + +«Christian Vénius, d'où tenez-vous ce dessin?» + +Il me montrait l'esquisse nocturne, alors en sa possession. On me la +fit passer...Après l'avoir examinée, je répondis: + +«J'en suis l'auteur.» + +Il y eut un assez long silence; le greffier Conrad écrivait ma réponse. +J'entendais sa plume courir sur le papier et je pensais: «Que signifie +la question qu'on vient de me faire? Cela n'a point de rapport +avec le coup de pied dans l'échine de Rap.» + +«Vous en êtes l'auteur, reprit Van Spreckdal. Quel en est le sujet?» + +«C'est un sujet de fantaisie.» + +«Vous n'avez point copié ces détails quelque part?» + +«Non, monsieur, je les ai tous imaginés.» + +«Accusé Christian, dit le juge d'un ton sévère, je vous invite à +réfléchir. Ne mentez pas!» + +Je rougis, et d'un ton exalté, je m'écriai: + +«J'ai dit la vérité.» + +«Écrivez, greffier,» fit van Spreckdal. + +La plume courut de nouveau. + +«Et cette femme, poursuivit le juge, cette femme qu'on assassine +au bord d'un puits...l'avez-vous aussi imaginée?» + +«Sans doute.» + +«Vous ne l'avez jamais vue?» + +«Jamais.» + +Van Spreckdal se leva comme indigné; puis, se rasseyant, il parut se +consulter à voix basse avec son confrère. + +Ces deux profils noirs, se découpant sur le fond lumineux de la +fenêtre, et les trois hommes, debout derrière moi...le silence de la +salle...tout me faisait frémir. + +«Que me veut-on? qu'ai-je donc fait?» murmurai-je. + +Tout à coup Van Spreckdal dit à mes gardiens: + +«Vous allez reconduire le prisonnier à la voiture; nous partons +pour la Metzgerstrasse.» + +Puis s'adressant à moi: + +«Christian Vénius, s'écria-t-il, vous êtes dans une voie déplorable... +Recueillez-vous et songez que si la justice des hommes est inflexible, + il vous reste la miséricorde de Dieu... Vous pouvez la mériter en +avouant votre crime!» + +Ces paroles m'abasourdirent comme un coup de marteau...Je me +rejetai en arrière les bras étendus, en m'écriant: + +«Ah! quel rêve affreux!» + +Et je m'évanouis. + +Lorsque je revins à moi, la voiture roulait lentement dans la rue; une +autre nous précédait. Les deux agents de sûreté étaient toujours là. +L'un d'eux, pendant la route, offrit une prise de tabac à son confrère; +machinalement j'étendis les doigts vers la tabatière, il la retira +vivement. + +Le rouge de la honte me monta au visage, et je détournai la tête pour +cacher mon émotion. + +«Si vous regardez dehors, dit l'homme à la tabatière, nous serons +forcés de vous mettre les menottes.» + +«Que le diable t'étrangle, infernal gredin!» pensai-je en moi-même. +Et comme la voiture venait de s'arrêter, l'un d'eux descendit, tandis +que l'autre me retenait par le collet; puis, voyant son camarade prêt +à me recevoir, il me poussa rudement dehors. + +Ces précautions infinies pour s'assurer de ma personne ne +m'annonçaient rien de bon; mais j'étais loin de prévoir toute la +gravité de l'accusation qui pesait sur ma tête, quand une circonstance +affreuse m'ouvrit enfin les yeux, et me jeta dans le désespoir. + +On venait de me pousser dans une allée basse, à pavés rompus, +inégaux; le long du mur coulait un suintement jaunâtre, exhalant une +odeur fétide. Je marchais au milieu des ténèbres, deux hommes +derrière moi. Plus loin apparaissait le clair-obscur d'une cour +intérieure. + +A mesure que j'avançais, la terreur me pénétrait de plus en plus. +Ce n'était point un sentiment naturel: c'était une anxiété poignante, +hors nature comme le cauchemar. Je reculais instinctivement +à chaque pas. + +«Allons donc! criait l'un des agents de police en m'appuyant la +main sur l'épaule; marchez!» + +Mais quelle ne fut pas mon épouvante, lorsque au bout du corridor, +je vis la cour que j'avais dessinée la nuit précédente, avec ses murs +garnis de crocs, ses amas de vieilles ferrailles, sa cage à poules et +sa cabane à lapins... Pas une lucarne grande ou petite, haute ou +basse, pas une vitre fêlée, pas un détail n'avait été omis! + +Je restai foudroyé par cette étrange révélation. + +Près du puits se trouvaient les deux juges, Van Spreckdal et Richter. +A leurs pieds gisait la vieille femme, couchée sur le dos...ses longs +cheveux gris épars...la face bleue...les yeux démesurément ouverts... +et la langue prise entre les dents. + +C'était un spectacle horrible! + +«Eh bien! me dit Van Spreckdal d'un accent solennel, qu'avez-vous +à dire?» + +Je ne répondis pas. + +«Reconnaissez-vous avoir jeté cette femme, Thérésa Becker, dans ce +puits, après l'avoir étranglée pour lui voler son argent?» + +«Non, m'écriai-je, non! Je ne connais pas cette femme, je ne l'ai +jamais vue. Que Dieu me soit en aide!» + +«Cela suffit,» répliqua-t-il d'une voix sèche. + +Et, sans ajouter un mot, il sortit rapidement avec son confrère. + +Les agents crurent alors devoir me mettre les menottes. On me +reconduisit à la Raspelhaus, dans un état de stupidité profonde. +Je ne savais plus que penser...ma conscience elle-même se troublait: +je me demandais si je n'avais pas assassiné la vieille femme! + +Aux yeux de mes gardiens, j'étais condamné. + +Je ne vous raconterai pas mes émotions de la nuit à la Raspelhaus, +lorsque, assis sur ma botte de paille, la lucarne en face de moi et le +gibet en perspective, j'entendis le watchmann crier dans le silence: +«Dormez, habitants de Nuremberg, le Seigneur veille! Une heure!... +deux heures!...trois heures sonnées!» + +Chacun peut se faire l'idée d'une nuit pareille. + +Le jour vint; d'abord pâle, indécis, il éclaira de ses vagues lueurs +l'oeil-de-boeuf ...les barreaux en croix, ...puis il s'étoila contre la +muraille du fond. Dehors la rue s'animait; il y avait marché ce +jour-là: c'était un vendredi. J'entendais les charretées de légumes, +et les bons campagnards chargés de leurs hottes. Quelques cages +à poule caquetaient en passant, et les marchandes de beurre causaient +entre elles. La halle en face s'ouvrait...on arrangeait les bancs. + +Enfin le grand jour se fit, et le vaste murmure de la foule qui grossit, +des ménagères qui s'assemblent, leur panier sous le bras, allant, +venant, discutant et marchandant, m'annonça qu'il était huit heures +du matin. + +Avec la lumière, la confiance reprit un peu le dessus dans mon coeur. +Quelques-unes de mes idées noires disparurent; j'éprouvai le désir +de voir ce qui se passait dehors. + +D'autres prisonniers, avant moi, s'étaient élevés jusqu'à l'oeil-de-boeuf; +ils avaient creusé des trous dans le mur pour monter plus facilement. +J'y grimpai à mon tour, et quand, assis dans la baie ovale, les reins +pliés, la tête courbée, je pus voir la foule, la vie, le mouvement...des +larmes abondantes coulèrent sur mes joues. Je ne songeais plus au +suicide...j'éprouvais un besoin de vivre, de respirer, vraiment +extraordinaire. + +«Ah! me disais-je, vivre, c'est être heureux!...Qu'on me fasse traîner +la brouette, qu'on m'attache un boulet à la jambe... Qu'importe! +pourvu que je vive!...» + +Or, pendant que je regardais ainsi, un homme, un boucher passa, +le dos incliné, portant un énorme quartier de boeuf sur les épaules; il +avait les bras nus, les coudes en l'air, la tête penchée en dessous... +Sa chevelure flottante me cachait son visage, et pourtant, au premier +coup d'oeil, je tressaillis... + +«C'est lui!» me dis-je. + +Tout mon sang reflua vers le coeur...Je descendis dans la prison, +frémissant jusqu'au bout des ongles, sentant mes joues s'agiter, la +pâleur s'étendre sur ma face, et balbutiant d'une voix étouffée: + +«C'est lui! Il est là...là...et moi je vais mourir pour expier son +crime... Oh Dieu!...que faire?...que faire?...» + +Une idée subite, une inspiration du ciel me traversa l'esprit...Je +portai la main à la poche de mon habit!...ma boîte à fusain s'y +trouvait. + +Alors, m'élançant vers la muraille, je me mis à tracer la scène du +meurtre avec une verve inouïe. Plus d'incertitudes et plus de +tâtonnements. Je connaissais l'homme... Je le voyais... Il posait +devant moi. + +A dix heures, le geôlier entra dans mon cachot. Son impassibilité de +hibou fit place à l'admiration. + +«Est-ce possible?» s'écria-t-il, debout sur le seuil. + +«Allez chercher mes juges,» lui dis-je en poursuivant mon travail +avec une exaltation croissante. + +Schlüssel reprit: + +«Ils vous attendent dans la salle d'instruction.» + +«Je veux faire des révélations,» m'écriai-je en mettant la dernière main +au personnage mystérieux. + +Il vivait; il était effrayant à voir. Sa figure, de face, en raccourci +sur le mur, se détachait sur le fond blanc avec une vigueur qui était +prodigieuse. + +Le geôlier sortit. + +Quelques minutes après, les deux juges parurent. Ils restèrent +stupéfaits. + +Moi, la main étendue et tremblant de tous les membres, je leur dis: + +«Voici l'assassin!» + +Van Spreckdal, après quelques instants de silence, me demanda: + +«Son nom?» + +«Je l'ignore...mais il est, en ce moment, sous la halle...il coupe de +la viande dans le troisième étal, à gauche, en entrant par la rue des +Trabans.» + +«Qu'en pensez-vous?» dit-il en se penchant vers son collègue. + +«Qu'on cherche cet homme,» répondit l'autre d'un ton grave. + +Plusieurs gardiens, restés dans le corridor, obéirent à cet ordre. +Les juges restèrent debout, regardant toujours l'esquisse. Moi, +je m'affaissai sur la paille, la tête entre les genoux, comme anéanti. + +Bientôt des pas retentirent au loin sous les voûtes. Ceux qui n'ont +pas attendu l'heure de la délivrance et compté les minutes, longues +alors comme des siècles...ceux qui n'ont pas ressenti les émotions +poignantes de l'attente, la terreur, l'espérance, le doute...ceux là ne +sauraient concevoir les frémissements intérieurs que j'éprouvai dans +ce moment. J'aurais distingué les pas du meurtrier, marchant au +milieu de ses gardes, entre mille autres. Ils s'approchaient... Les +juges eux-mêmes paraissaient émus... Moi, j'avais relevé la tête, +et le coeur serré comme dans une main de fer, j'attachais un regard +fixe sur la porte close. Elle s'ouvrit...L'homme entra... Ses joues +étaient gonflées de sang, ses larges mâchoires contractées faisaient +saillir leurs muscles jusque vers les oreilles, et ses petits yeux, +inquiets et fauves comme ceux du loup, scintillaient sous d'épais +sourcils d'un jaune roussâtre. + +Van Spreckdal lui montra silencieusement l'esquisse. + +Alors, cet homme sanguin, aux larges épaules, ayant regardé, pâlit... +puis, poussant un rugissement qui nous glaça tous de terreur, il +écarta ses bras énormes, et fit un bond en arrière pour renverser les +gardes. Il y eut une lutte effrayante dans le corridor; on n'entendait +que la respiration haletante du boucher, des imprécations sourdes, +des paroles brèves, et les pieds des gardes, soulevés de terre, +retombant sur les dalles. + +Cela dura bien une minute. + +Enfin, l'assassin rentra, la tête basse, l'oeil sanglant, les mains +garrottées sur le dos. Il fixa de nouveau le tableau du meurtre... +parut réfléchir, et, d'une voix basse, comme se parlant à lui-même: + +«Qui donc a pu me voir, dit-il, à minuit?» + +J'étais sauvé!!!... + +..................... + +Bien des années se sont écoulées depuis cette terrible aventure. +Grâce à Dieu! je ne fais plus de silhouettes, ni même de portraits +de bourgmestre. A force de travail et de persévérance, j'ai conquis +ma place au soleil, et je gagne honorablement ma vie en faisant +des oeuvres d'art, le seul but, suivant moi, auquel tout véritable +artiste doit s'efforcer d'atteindre. Mais le souvenir de l'esquisse +nocturne m'est toujours resté dans l'esprit. Parfois, au beau milieu +du travail, ma pensée s'y reporte. Alors, je dépose la palette et je +rêve durant des heures entières! Comment un crime accompli par un +homme que je ne connaissais pas...dans une maison que je n'avais +jamais vue...a-t-il pu se reproduire sous mon crayon, jusque dans +ses moindres détails? + +Est-ce un hasard? Non! Et d'ailleurs, le hasard, qu'est-ce, après +tout, sinon l'effet d'une cause qui nous échappe? + +Qui sait? La nature est beaucoup plus audacieuse dans ses réalités +que l'imagination de l'homme dans sa fantaisie! + + + + + + + + +End of the Project Gutenberg EBook of L'esquisse mystérieuse, by +Emile Erckmann and Alexandre Chatrian + +*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ESQUISSE MYSTÉRIEUSE *** + +***** This file should be named 35876-8.txt or 35876-8.zip ***** +This and all associated files of various formats will be found in: + http://www.gutenberg.org/3/5/8/7/35876/ + +Produced by Michael John Wooff + +Updated editions will replace the previous one--the old editions +will be renamed. + +Creating the works from public domain print editions means that no +one owns a United States copyright in these works, so the Foundation +(and you!) can copy and distribute it in the United States without +permission and without paying copyright royalties. Special rules, +set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to +copying and distributing Project Gutenberg-tm electronic works to +protect the PROJECT GUTENBERG-tm concept and trademark. Project +Gutenberg is a registered trademark, and may not be used if you +charge for the eBooks, unless you receive specific permission. If you +do not charge anything for copies of this eBook, complying with the +rules is very easy. You may use this eBook for nearly any purpose +such as creation of derivative works, reports, performances and +research. They may be modified and printed and given away--you may do +practically ANYTHING with public domain eBooks. Redistribution is +subject to the trademark license, especially commercial +redistribution. + + + +*** START: FULL LICENSE *** + +THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE +PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK + +To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free +distribution of electronic works, by using or distributing this work +(or any other work associated in any way with the phrase "Project +Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full Project +Gutenberg-tm License available with this file or online at + www.gutenberg.org/license. + + +Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg-tm +electronic works + +1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm +electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to +and accept all the terms of this license and intellectual property +(trademark/copyright) agreement. If you do not agree to abide by all +the terms of this agreement, you must cease using and return or destroy +all copies of Project Gutenberg-tm electronic works in your possession. +If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a Project +Gutenberg-tm electronic work and you do not agree to be bound by the +terms of this agreement, you may obtain a refund from the person or +entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph 1.E.8. + +1.B. "Project Gutenberg" is a registered trademark. It may only be +used on or associated in any way with an electronic work by people who +agree to be bound by the terms of this agreement. There are a few +things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works +even without complying with the full terms of this agreement. See +paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project +Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement +and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic +works. See paragraph 1.E below. + +1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation" +or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project +Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual works in the +collection are in the public domain in the United States. If an +individual work is in the public domain in the United States and you are +located in the United States, we do not claim a right to prevent you from +copying, distributing, performing, displaying or creating derivative +works based on the work as long as all references to Project Gutenberg +are removed. Of course, we hope that you will support the Project +Gutenberg-tm mission of promoting free access to electronic works by +freely sharing Project Gutenberg-tm works in compliance with the terms of +this agreement for keeping the Project Gutenberg-tm name associated with +the work. You can easily comply with the terms of this agreement by +keeping this work in the same format with its attached full Project +Gutenberg-tm License when you share it without charge with others. + +1.D. The copyright laws of the place where you are located also govern +what you can do with this work. Copyright laws in most countries are in +a constant state of change. If you are outside the United States, check +the laws of your country in addition to the terms of this agreement +before downloading, copying, displaying, performing, distributing or +creating derivative works based on this work or any other Project +Gutenberg-tm work. The Foundation makes no representations concerning +the copyright status of any work in any country outside the United +States. + +1.E. Unless you have removed all references to Project Gutenberg: + +1.E.1. The following sentence, with active links to, or other immediate +access to, the full Project Gutenberg-tm License must appear prominently +whenever any copy of a Project Gutenberg-tm work (any work on which the +phrase "Project Gutenberg" appears, or with which the phrase "Project +Gutenberg" is associated) is accessed, displayed, performed, viewed, +copied or distributed: + +This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with +almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or +re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included +with this eBook or online at www.gutenberg.org + +1.E.2. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is derived +from the public domain (does not contain a notice indicating that it is +posted with permission of the copyright holder), the work can be copied +and distributed to anyone in the United States without paying any fees +or charges. If you are redistributing or providing access to a work +with the phrase "Project Gutenberg" associated with or appearing on the +work, you must comply either with the requirements of paragraphs 1.E.1 +through 1.E.7 or obtain permission for the use of the work and the +Project Gutenberg-tm trademark as set forth in paragraphs 1.E.8 or +1.E.9. + +1.E.3. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is posted +with the permission of the copyright holder, your use and distribution +must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any additional +terms imposed by the copyright holder. Additional terms will be linked +to the Project Gutenberg-tm License for all works posted with the +permission of the copyright holder found at the beginning of this work. + +1.E.4. Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg-tm +License terms from this work, or any files containing a part of this +work or any other work associated with Project Gutenberg-tm. + +1.E.5. Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this +electronic work, or any part of this electronic work, without +prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with +active links or immediate access to the full terms of the Project +Gutenberg-tm License. + +1.E.6. You may convert to and distribute this work in any binary, +compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including any +word processing or hypertext form. However, if you provide access to or +distribute copies of a Project Gutenberg-tm work in a format other than +"Plain Vanilla ASCII" or other format used in the official version +posted on the official Project Gutenberg-tm web site (www.gutenberg.org), +you must, at no additional cost, fee or expense to the user, provide a +copy, a means of exporting a copy, or a means of obtaining a copy upon +request, of the work in its original "Plain Vanilla ASCII" or other +form. Any alternate format must include the full Project Gutenberg-tm +License as specified in paragraph 1.E.1. + +1.E.7. Do not charge a fee for access to, viewing, displaying, +performing, copying or distributing any Project Gutenberg-tm works +unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9. + +1.E.8. You may charge a reasonable fee for copies of or providing +access to or distributing Project Gutenberg-tm electronic works provided +that + +- You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from + the use of Project Gutenberg-tm works calculated using the method + you already use to calculate your applicable taxes. The fee is + owed to the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, but he + has agreed to donate royalties under this paragraph to the + Project Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments + must be paid within 60 days following each date on which you + prepare (or are legally required to prepare) your periodic tax + returns. Royalty payments should be clearly marked as such and + sent to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation at the + address specified in Section 4, "Information about donations to + the Project Gutenberg Literary Archive Foundation." + +- You provide a full refund of any money paid by a user who notifies + you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he + does not agree to the terms of the full Project Gutenberg-tm + License. You must require such a user to return or + destroy all copies of the works possessed in a physical medium + and discontinue all use of and all access to other copies of + Project Gutenberg-tm works. + +- You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of any + money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the + electronic work is discovered and reported to you within 90 days + of receipt of the work. + +- You comply with all other terms of this agreement for free + distribution of Project Gutenberg-tm works. + +1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project Gutenberg-tm +electronic work or group of works on different terms than are set +forth in this agreement, you must obtain permission in writing from +both the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and Michael +Hart, the owner of the Project Gutenberg-tm trademark. Contact the +Foundation as set forth in Section 3 below. + +1.F. + +1.F.1. Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable +effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread +public domain works in creating the Project Gutenberg-tm +collection. Despite these efforts, Project Gutenberg-tm electronic +works, and the medium on which they may be stored, may contain +"Defects," such as, but not limited to, incomplete, inaccurate or +corrupt data, transcription errors, a copyright or other intellectual +property infringement, a defective or damaged disk or other medium, a +computer virus, or computer codes that damage or cannot be read by +your equipment. + +1.F.2. LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the "Right +of Replacement or Refund" described in paragraph 1.F.3, the Project +Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project +Gutenberg-tm trademark, and any other party distributing a Project +Gutenberg-tm electronic work under this agreement, disclaim all +liability to you for damages, costs and expenses, including legal +fees. YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT +LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE +PROVIDED IN PARAGRAPH 1.F.3. YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE +TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE +LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR +INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH +DAMAGE. + +1.F.3. LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a +defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can +receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a +written explanation to the person you received the work from. If you +received the work on a physical medium, you must return the medium with +your written explanation. The person or entity that provided you with +the defective work may elect to provide a replacement copy in lieu of a +refund. If you received the work electronically, the person or entity +providing it to you may choose to give you a second opportunity to +receive the work electronically in lieu of a refund. If the second copy +is also defective, you may demand a refund in writing without further +opportunities to fix the problem. + +1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth +in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS', WITH NO OTHER +WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO +WARRANTIES OF MERCHANTABILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE. + +1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied +warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages. +If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the +law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be +interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by +the applicable state law. The invalidity or unenforceability of any +provision of this agreement shall not void the remaining provisions. + +1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the +trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone +providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in accordance +with this agreement, and any volunteers associated with the production, +promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works, +harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees, +that arise directly or indirectly from any of the following which you do +or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm +work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any +Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause. + + +Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm + +Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of +electronic works in formats readable by the widest variety of computers +including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists +because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from +people in all walks of life. + +Volunteers and financial support to provide volunteers with the +assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg-tm's +goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will +remain freely available for generations to come. In 2001, the Project +Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure +and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations. +To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation +and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 +and the Foundation information page at www.gutenberg.org + + +Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive +Foundation + +The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit +501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the +state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal +Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification +number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg +Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent +permitted by U.S. federal laws and your state's laws. + +The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S. +Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered +throughout numerous locations. Its business office is located at 809 +North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email +contact links and up to date contact information can be found at the +Foundation's web site and official page at www.gutenberg.org/contact + +For additional contact information: + Dr. Gregory B. Newby + Chief Executive and Director + gbnewby@pglaf.org + +Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg +Literary Archive Foundation + +Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide +spread public support and donations to carry out its mission of +increasing the number of public domain and licensed works that can be +freely distributed in machine readable form accessible by the widest +array of equipment including outdated equipment. Many small donations +($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt +status with the IRS. + +The Foundation is committed to complying with the laws regulating +charities and charitable donations in all 50 states of the United +States. Compliance requirements are not uniform and it takes a +considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up +with these requirements. We do not solicit donations in locations +where we have not received written confirmation of compliance. To +SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any +particular state visit www.gutenberg.org/donate + +While we cannot and do not solicit contributions from states where we +have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition +against accepting unsolicited donations from donors in such states who +approach us with offers to donate. + +International donations are gratefully accepted, but we cannot make +any statements concerning tax treatment of donations received from +outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff. + +Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation +methods and addresses. Donations are accepted in a number of other +ways including checks, online payments and credit card donations. +To donate, please visit: www.gutenberg.org/donate + + +Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic +works. + +Professor Michael S. Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm +concept of a library of electronic works that could be freely shared +with anyone. For forty years, he produced and distributed Project +Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support. + +Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed +editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S. +unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily +keep eBooks in compliance with any particular paper edition. + +Most people start at our Web site which has the main PG search facility: + + www.gutenberg.org + +This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, +including how to make donations to the Project Gutenberg Literary +Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to +subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. diff --git a/35876-8.zip b/35876-8.zip Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..0baddaf --- /dev/null +++ b/35876-8.zip diff --git a/LICENSE.txt b/LICENSE.txt new file mode 100644 index 0000000..6312041 --- /dev/null +++ b/LICENSE.txt @@ -0,0 +1,11 @@ +This eBook, including all associated images, markup, improvements, +metadata, and any other content or labor, has been confirmed to be +in the PUBLIC DOMAIN IN THE UNITED STATES. + +Procedures for determining public domain status are described in +the "Copyright How-To" at https://www.gutenberg.org. + +No investigation has been made concerning possible copyrights in +jurisdictions other than the United States. Anyone seeking to utilize +this eBook outside of the United States should confirm copyright +status under the laws that apply to them. diff --git a/README.md b/README.md new file mode 100644 index 0000000..0642f2e --- /dev/null +++ b/README.md @@ -0,0 +1,2 @@ +Project Gutenberg (https://www.gutenberg.org) public repository for +eBook #35876 (https://www.gutenberg.org/ebooks/35876) |
