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+The Project Gutenberg EBook of L'esquisse mystérieuse, by
+Emile Erckmann and Alexandre Chatrian
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
+
+
+Title: L'esquisse mystérieuse
+
+Author: Emile Erckmann
+ Alexandre Chatrian
+
+Release Date: November 23, 2012 [EBook #35876]
+
+Language: French
+
+Character set encoding: UTF-8
+
+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ESQUISSE MYSTÉRIEUSE ***
+
+
+
+
+Produced by Michael John Wooff
+
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+
+
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+L'esquisse mystérieuse
+
+par Erckmann-Chatrian
+
+
+
+
+New York
+
+HENRY HOLT AND COMPANY
+
+1899
+
+
+
+
+Copyright 1899,
+
+BY
+
+HENRY HOLT & CO.
+
+
+
+
+
+I
+
+En face de la chapelle Saint-Sébalt, à Nuremberg, s’élève une petite
+auberge, étroite et haute, le pignon dentelé, les vitres poudreuses, le
+toit surmonté d’une Vierge en plâtre. C’est là que j’ai passé les plus
+tristes jours de ma vie. J’étais allé à Nuremberg pour étudier les
+vieux maîtres allemands; mais, faute d’espèces sonnantes, il me
+fallut faire des portraits...et quels portraits! De grosses commères,
+leur chat sur les genoux, des échevins en perruque, des bourgmestres
+en tricorne, le tout enluminé d’ocre et de vermillon à plein godet.
+
+Des portraits je descendis aux croquis, et des croquis aux silhouettes.
+
+Rien de pitoyable comme d’avoir constamment sur le dos un maître
+d’hôtel, les lèvres pincées, la voix criarde, l’air impudent, qui vient
+vous dire chaque jour: «Ah, çà! Me payerez-vous bientôt, monsieur?
+savez-vous à combien se monte votre note? Non, cela ne vous inquiète
+pas... Monsieur mange, boit et dort tranquillement... Aux petits
+oiseaux le Seigneur donne la pâture. La note de Monsieur se monte
+à deux cents florins et dix kreutzer... ce n’est pas la peine qu’on en
+parle.»
+
+Ceux qui n’ont pas entendu chanter cette gamme ne peuvent s’en
+faire une idée; l’amour de l’art, l’imagination, l’enthousiasme sacré
+du beau se dessèchent au souffle d’un pareil drôle... Vous devenez
+gauche, timide; toute votre énergie se perd, aussi bien que le
+sentiment de votre dignité personnelle.
+
+Une nuit, n’ayant pas le sou, comme d’habitude, et menacé de la
+prison par ce digne maître Rap, je résolus de lui faire banqueroute
+en me coupant la gorge. Dans cette agréable pensée, assis sur mon
+grabat en face de la fenêtre, je me livrais à mille réflexions
+philosophiques, plus ou moins réjouissantes. Je n’osais ouvrir mon
+rasoir, de peur que la force invincible de ma logique ne m’inspirât
+le courage d’en finir. Après avoir bien argumenté de la sorte, je
+soufflai ma chandelle, renvoyant la suite au lendemain.
+
+Cet abominable Rap m’avait complètement abruti. Je ne voyais
+plus, en fait d’art, que des silhouettes, et mon seul désir était
+d’avoir de l'argent, pour me débarrasser de son odieuse présence.
+Mais cette nuit-là, il se fit une singulière révolution dans mon
+esprit. Je m’éveillai vers une heure, je rallumai ma lampe, et,
+m’enveloppant de ma souquenille grise, je jetai sur le papier une
+rapide esquisse dans le genre hollandais...quelque chose
+d’étrange, de bizarre, et qui n’avait aucun rapport avec mes
+conceptions habituelles.
+
+Figurez-vous une cour sombre, encaissée entre de hautes murailles
+décrépites... Ces murailles sont garnies de crocs, à sept ou huit
+pieds du sol. On devine, au premier aspect, une boucherie.
+
+A gauche s’étend un treillage en lattes; vous apercevez à travers un
+bœuf écartelé, suspendu à la voûte par d’énormes poulies. De larges
+mares de sang coulent sur les dalles et vont se réunir dans une rigole
+pleine de débris informes.
+
+La lumière vient de haut, entre les cheminées, dont les girouettes se
+découpent dans un angle du ciel grand comme la main, et les toits des
+maisons voisines échafaudent vigoureusement leurs ombres d’étage
+en étage.
+
+Au fond de ce réduit se trouve un hangar...sous le hangar un bûcher,
+sur le bûcher des échelles, quelques bottes de paille, des paquets de
+corde, une cage à poules et une vieille cabane à lapins hors de
+service.
+
+Comment ces détails hétéroclites s’offraient-ils à mon imagination? ...
+Je l’ignore; je n’avais nulle réminiscence analogue, et pourtant, chaque
+coup de crayon était un fait d’observation fantastique à force d’être
+vrai. Rien n’y manquait!
+
+Mais à droite un coin de l’esquisse restait blanc...je ne savais qu’y
+mettre... Là quelque chose s’agitait, se mouvait... Tout à coup j’y vis
+un pied, un pied renversé, détaché du sol. Malgré cette position
+improbable, je suivis l’inspiration sans me rendre compte de ma
+propre pensée. Ce pied aboutit à une jambe...sur la jambe, étendue
+avec effort, flotta bientôt un pan de robe... Bref, une vieille femme,
+hâve, défaite, échevelée, apparut successivement, renversée au bord
+d’un puits, et luttant contre un poing qui lui serrait la gorge...
+
+C’était une scène de meurtre que je dessinais. Le crayon me tomba
+de la main.
+
+Cette femme, dans l’attitude la plus hardie, les reins pliés sur la
+margelle du puits, la face contractée par la terreur, les deux mains
+crispées au bras du meurtrier, me faisait peur... Je n’osais la
+regarder. Mais l’homme, lui, le personnage de ce bras, je ne le voyais
+ pas... Il me fut impossible de le terminer.
+
+«Je suis fatigué, me dis-je, le front baigné de sueur, il ne me reste
+que cette figure à faire, je terminerai demain... Ce sera facile.»
+
+Et je me recouchai, tout effrayé de ma vision. Cinq minutes après je
+dormais profondément.
+
+Le lendemain j’étais debout au petit jour. Je venais de m’habiller, et
+je m’apprêtais à reprendre l’œuvre interrompue, quand deux petits
+coups retentirent à la porte.
+
+«Entrez!»
+
+La porte s’ouvrit. Un homme déjà vieux, grand, maigre, vêtu de noir,
+apparut sur le seuil. La physionomie de cet homme, ses yeux rapprochés,
+son grand nez en bec d’aigle surmonté d’un front large, osseux, avait
+quelque chose de sévère. Il me salua gravement.
+
+«M. Christian Vénius, le peintre?» dit-il.
+
+«C’est moi, monsieur.»
+
+Il s’inclina de nouveau, ajoutant:
+
+«Le baron Frédéric Van Spreckdal.»
+
+L’apparition, dans mon pauvre taudis, du riche amateur Van Spreckdal,
+juge au tribunal criminel, m’impressionna vivement. Je ne pus m’empêcher
+de jeter un coup d’œil dérobé sur mes vieux meubles vermoulus, sur mes
+tapisseries humides et sur mon plancher poudreux. Je me sentais humilié
+d’un tel délabrement... Mais Van Spreckdal ne parut pas faire attention
+à ces détails, et s’asseyant devant ma petite table:
+
+«Maître Vénius, reprit-il, je viens...»
+
+Mais, au même instant, ses yeux s’arrêtèrent sur l’esquisse inachevée...
+il ne termina point sa phrase. Je m’étais assis au bord du grabat, et
+l’attention subite que ce personnage accordait à l’une de mes
+productions, faisait battre mon cœur d’une appréhension indéfinissable.
+
+Au bout d’une minute, Van Spreckdal levant la tête:
+
+«Êtes-vous l’auteur de cette esquisse?» me dit-il le regard attentif.
+
+«Oui, monsieur.»
+
+«Quel en est le prix?»
+
+«Je ne vends pas mes esquisses... C’est le projet d’un tableau.»
+
+«Ah!» fit-il, en levant le papier du bout de ses longs doigts jaunes.
+
+Il sortit une lentille de son gilet, et se mit à étudier le dessin en
+silence.
+
+Le soleil arrivait alors obliquement dans la mansarde. Van Spreckdal
+ne murmurait pas un mot; son grand nez se recourbait en griffe, ses
+larges sourcils se contractaient, et son menton, se relevant en galoche,
+creusait mille petites rides dans ses longues joues maigres. Le silence
+était si profond que j’entendais distinctement le bourdonnement
+plaintif d’une mouche, prise dans une toile d’araignée.
+
+«Et les dimensions de ce tableau, maître Vénius?» fit-il enfin sans me
+regarder.
+
+«Trois pieds sur quatre.»
+
+«Le prix?»
+
+«Cinquante ducats.»
+
+Van Spreckdal déposa le dessin sur la table, et tira de sa poche une
+longue bourse de soie verte, allongée en forme de poire; il en fit
+glisser les anneaux...
+
+«Cinquante ducats! dit-il, les voilà.»
+
+J’eus un éblouissement.
+
+Le baron s’était levé, il me salua, et j’entendis sa grande canne à
+pomme d’ivoire résonner sur chaque marche jusqu’au bas de l’escalier.
+Alors, revenu de ma stupeur, je me rappelai tout à coup que je ne
+l’avais pas remercié, et je descendis les cinq étages comme la foudre;
+mais, arrivé sur le seuil, j’eus beau regarder à droite et à gauche,
+la rue était déserte.
+
+«Tiens! me dis-je, c’est drôle!... »
+
+Et je remontai l’escalier tout haletant.
+
+
+
+II
+
+La manière surprenante dont Van Spreckdal venait de m’apparaître
+me jetait dans une profonde extase: «Hier, me disais-je en contemplant
+la pile de ducats étincelant au soleil, hier je formais le dessein
+coupable de me couper la gorge, pour quelques misérables florins,
+et voilà qu’aujourd’hui la fortune me tombe des nues... Décidément,
+j’ai bien fait de ne pas ouvrir mon rasoir, et si jamais la tentation
+d’en finir me reprend, j’aurai soin de remettre la chose au lendemain.»
+
+Après ces réflexions judicieuses, je m’assis pour terminer l’esquisse;
+quatre coups de crayon, et c’était une affaire faite. Mais ici
+m’attendait une déception incompréhensible. Ces quatre coups de
+crayon, il me fut impossible de les donner; j’avais perdu le fil de mon
+inspiration, le personnage mystérieux ne se dégageait pas des limbes
+de mon cerveau. J’avais beau l’évoquer, l’ébaucher, le reprendre;
+il ne s’accordait pas plus avec l’ensemble qu’une figure de Raphaël
+dans une tabagie de Téniers... J’en suais à grosses gouttes.
+
+Au plus beau moment, Rap ouvrit la porte sans frapper, suivant sa
+louable attitude, ses yeux se fixèrent sur ma pile de ducats, et d’une
+voix glapissante il s’écria:
+
+«Eh! eh! je vous y prends. Direz-vous encore, monsieur le peintre,
+que l’argent vous manque...»
+
+Et ses doigts crochus s’avancèrent avec ce tremblement nerveux que
+la vue de l’or produit toujours chez les avares.
+
+Je restai stupéfait quelques secondes.
+
+Le souvenir de toutes les avanies que m’avait infligées cet individu,
+son regard cupide, son sourire impudent, tout m’exaspérait. D’un
+seul bond je le saisis, et le repoussant des deux mains hors de la
+chambre, je lui aplatis le nez avec la porte.
+
+Cela se fit avec le cric-crac et la rapidité d’une tabatière à
+surprises.
+
+Mais dehors le vieil usurier poussa des cris d’aigle:
+
+«Mon argent! voleur! mon argent!»
+
+Les locataires sortaient de chez eux et demandaient:
+
+«Qu’y a-t-il donc? Qu’est-ce qui se passe?»
+
+Je rouvris brusquement la porte, et dépêchant, dans l’échine de
+maître Rap, un coup de pied qui le fit rouler plus de vingt marches:
+
+«Voilà ce qui se passe!» m’écriai-je hors de moi. Puis je refermai
+la porte à double tour, tandis que les éclats de rire des voisins
+saluaient maître Rap au passage.
+
+J’étais content de moi, je me frottais les mains...Cette aventure
+m’avait remis en verve, je repris l’ouvrage et j’allais terminer
+l’esquisse lorsqu’un bruit inusité frappa mes oreilles.
+
+Des crosses de fusil se posaient sur le pavé de la rue... Je regardai
+par ma fenêtre et je vis trois gendarmes, la carabine au pied, le
+chapeau à claque de travers, en faction à la porte d’entrée.
+
+«Ce scélérat de Rap se serait-il cassé quelque chose?» me dis-je
+avec effroi.
+
+Et voyez l’étrange bizarrerie de l’esprit humain: moi qui voulait la
+veille me couper la gorge, je frémis jusqu’à la moelle des os, en
+pensant qu’on pourrait bien me pendre, si Rap était mort.
+
+L’escalier s’emplissait de rumeurs confuses... C’était une marée
+montante de pas sourds, de cliquetis d’armes, de paroles brèves.
+
+Tout à coup on essaya d’ouvrir ma porte. Elle était fermée!
+
+Alors ce fut une clameur générale.
+
+«Au nom de la loi....ouvrez!»
+
+Je me levai, tremblant, les jambes vacillantes...
+
+«Ouvrez!» reprit la même voix.
+
+Voyant que la fuite était impossible, je m’approchai de la porte en
+chancelant, et je fis jouer la serrure.
+
+Deux poings s’abattirent aussitôt sur mon collet. Un petit homme
+trapu qui sentait le vin, me dit:
+
+«Je vous arrête!»
+
+Il portait une redingote vert bouteille, boutonnée jusqu’au menton,
+un chapeau en tuyau de poêle...il avait de gros favoris bruns...
+des bagues à tous les doigts, et s’appelait Passauf...
+
+C’était le chef de la police.
+
+Cinq têtes de bouledogue, à petite casquette plate, le nez en canon
+de pistolet, la mâchoire inférieure débordant en crocs, m’observaient
+du dehors.
+
+«Que voulez-vous?» demandai-je à Passauf.
+
+«Descendez,» s’écria-t-il brusquement en faisant signe à l’un de
+ses hommes de m’empoigner.
+
+Celui-ci m’entraîna plus mort que vif, pendant que les autres
+bouleversaient ma chambre de fond en comble.
+
+Je descendis, soutenu sous les bras, comme un phtisique à sa
+troisième période...les cheveux épars sur la figure, et trébuchant
+à chaque pas.
+
+On me jeta dans un fiacre, entre deux vigoureux gaillards, qui me
+laissèrent voir charitablement le bout de deux casse-tête, retenus
+au poignet par un cordon de cuir...puis la voiture partit.
+
+J’entendais rouler derrière nous les pas de tous les gamins de la
+ville.
+
+«Qu’ai-je donc fait?» demandai-je à l’un de mes gardiens.
+
+Il regarda l’autre avec un sourire bizarre, et dit:
+
+«Hans...il demande ce qu’il a fait!»
+
+Ce sourire me glaça le sang.
+
+Bientôt une ombre profonde enveloppa la voiture, les pas des chevaux
+retentirent sous une voûte. Nous entrions à la Raspelhaus...des griffes
+de Rap je tombais dans un cachot, d’où bien peu de pauvres diables
+ont eu la chance de se tirer.
+
+De grandes cours obscures; des fenêtres alignées comme à l’hôpital
+et garnies de hottes; pas une touffe de verdure, pas un feston de lierre,
+pas même une girouette en perspective...voilà mon nouveau logement.
+Il y avait de quoi s’arracher les cheveux à pleines poignées.
+
+Les agents de police, accompagnés du geôlier, m’introduisirent
+provisoirement dans un violon.
+
+Le geôlier, autant que je m’en souviens, s’appelait Kasper Schlüssel;
+avec son bonnet de laine grise, son bout de pipe entre les dents, et
+son trousseau de clefs à la ceinture, il me produisit l’effet du dieu
+Hibou des Caraïbes. Il en avait les grands yeux ronds dorés, qui voient
+dans la nuit, le nez en virgule, et le cou perdu dans les épaules.
+
+Schlüssel m’enferma tranquillement, comme on serre des chaussettes
+dans une armoire, en rêvant à autre chose. Quant à moi, les mains
+croisées sur le dos, la tête inclinée, je restai plus de dix minutes à la
+même place. Puis, je regardai ma prison. Elle venait d’être blanchie
+à neuf, et ses murailles n’offraient encore aucun dessin, sauf dans un
+coin un gibet grossièrement ébauché par mon prédécesseur. Le jour
+venait d’un œil-de-bœuf situé à neuf ou dix pieds de hauteur;
+l’ameublement se composait d’une botte de paille et d’un baquet.
+
+Je m’assis sur la paille, les mains autour des genoux, dans un
+abattement incroyable...
+
+Presqu’au même instant, j’entendis Schlüssel traverser le corridor; il
+rouvrit le violon et me dit de le suivre. Il était toujours assisté des
+deux casse-tête; aussi j’emboîtai le pas résolûment.
+
+Nous traversâmes de longues galeries, éclairées, de distance en
+distance, par quelques fenêtres intérieures. J’aperçus derrière une
+grille le fameux Jic-Jack, qui devait être exécuté le lendemain. Il
+portait la camisole de force et chantait d’une voix rauque:
+
+«Je suis le roi de ces montagnes!»
+
+En me voyant, il cria:
+
+«Eh! camarade, je te garde une place à ma droite.»
+
+Les deux agents de police et le dieu Hibou se regardèrent en souriant,
+tandis que la chair de poule s’étendait le long de mon dos.
+
+
+
+III
+
+Schlüssel me poussa dans une haute salle très sombre, garnie de bancs
+en hémicycle. L’aspect de cette salle déserte, ses deux hautes fenêtres
+grillées, son Christ de vieux chêne bruni, les bras étendus, la tête
+douloureusement inclinée sur l’épaule, m’inspira je ne sais quelle
+crainte religieuse d’accord avec ma situation actuelle, et mes lèvres
+s’agitèrent, murmurant une prière.
+
+Depuis longtemps, je n’avais pas prié, mais le malheur nous ramène
+toujours à des pensées de soumission...L’homme est si peu de chose!
+
+En face de moi, sur un siège élevé, se trouvaient assis deux personnages
+tournant le dos à la lumière, ce qui laissait leurs figures dans l’ombre.
+Cependant je reconnus Van Spreckdal à son profil aquilin, éclairé
+par un reflet oblique de la vitre. L’autre personnage était gros; il
+avait les joues pleines, rebondies, les mains courtes, et portait la robe
+de juge, ainsi que Van Spreckdal.
+
+Au-dessous était assis le greffier Conrad; il écrivait sur une table
+basse, se chatouillant le bout de l’oreille avec la barbe de sa plume.
+A mon arrivée il s’arrêta pour me regarder d’un air curieux.
+
+On me fit asseoir, et Van Spreckdal, élevant la voix, me dit:
+
+«Christian Vénius, d’où tenez-vous ce dessin?»
+
+Il me montrait l’esquisse nocturne, alors en sa possession. On me la
+fit passer...Après l’avoir examinée, je répondis:
+
+«J’en suis l’auteur.»
+
+Il y eut un assez long silence; le greffier Conrad écrivait ma réponse.
+J’entendais sa plume courir sur le papier et je pensais: «Que signifie
+la question qu’on vient de me faire? Cela n’a point de rapport
+avec le coup de pied dans l’échine de Rap.»
+
+«Vous en êtes l’auteur, reprit Van Spreckdal. Quel en est le sujet?»
+
+«C’est un sujet de fantaisie.»
+
+«Vous n’avez point copié ces détails quelque part?»
+
+«Non, monsieur, je les ai tous imaginés.»
+
+«Accusé Christian, dit le juge d’un ton sévère, je vous invite à
+réfléchir. Ne mentez pas!»
+
+Je rougis, et d’un ton exalté, je m’écriai:
+
+«J’ai dit la vérité.»
+
+«Écrivez, greffier,» fit van Spreckdal.
+
+La plume courut de nouveau.
+
+«Et cette femme, poursuivit le juge, cette femme qu’on assassine
+au bord d’un puits...l’avez-vous aussi imaginée?»
+
+«Sans doute.»
+
+«Vous ne l’avez jamais vue?»
+
+«Jamais.»
+
+Van Spreckdal se leva comme indigné; puis, se rasseyant, il parut se
+consulter à voix basse avec son confrère.
+
+Ces deux profils noirs, se découpant sur le fond lumineux de la
+fenêtre, et les trois hommes, debout derrière moi...le silence de la
+salle...tout me faisait frémir.
+
+«Que me veut-on? qu’ai-je donc fait?» murmurai-je.
+
+Tout à coup Van Spreckdal dit à mes gardiens:
+
+«Vous allez reconduire le prisonnier à la voiture; nous partons
+pour la Metzgerstrasse.»
+
+Puis s’adressant à moi:
+
+«Christian Vénius, s’écria-t-il, vous êtes dans une voie déplorable...
+Recueillez-vous et songez que si la justice des hommes est inflexible,
+ il vous reste la miséricorde de Dieu... Vous pouvez la mériter en
+avouant votre crime!»
+
+Ces paroles m’abasourdirent comme un coup de marteau...Je me
+rejetai en arrière les bras étendus, en m’écriant:
+
+«Ah! quel rêve affreux!»
+
+Et je m’évanouis.
+
+Lorsque je revins à moi, la voiture roulait lentement dans la rue; une
+autre nous précédait. Les deux agents de sûreté étaient toujours là.
+L’un d’eux, pendant la route, offrit une prise de tabac à son confrère;
+machinalement j’étendis les doigts vers la tabatière, il la retira
+vivement.
+
+Le rouge de la honte me monta au visage, et je détournai la tête pour
+cacher mon émotion.
+
+«Si vous regardez dehors, dit l’homme à la tabatière, nous serons
+forcés de vous mettre les menottes.»
+
+«Que le diable t’étrangle, infernal gredin!» pensai-je en moi-même.
+Et comme la voiture venait de s’arrêter, l’un d’eux descendit, tandis
+que l’autre me retenait par le collet; puis, voyant son camarade prêt
+à me recevoir, il me poussa rudement dehors.
+
+Ces précautions infinies pour s’assurer de ma personne ne
+m’annonçaient rien de bon; mais j’étais loin de prévoir toute la
+gravité de l’accusation qui pesait sur ma tête, quand une circonstance
+affreuse m’ouvrit enfin les yeux, et me jeta dans le désespoir.
+
+On venait de me pousser dans une allée basse, à pavés rompus,
+inégaux; le long du mur coulait un suintement jaunâtre, exhalant une
+odeur fétide. Je marchais au milieu des ténèbres, deux hommes
+derrière moi. Plus loin apparaissait le clair-obscur d’une cour
+intérieure.
+
+A mesure que j’avançais, la terreur me pénétrait de plus en plus.
+Ce n’était point un sentiment naturel: c’était une anxiété poignante,
+hors nature comme le cauchemar. Je reculais instinctivement
+à chaque pas.
+
+«Allons donc! criait l’un des agents de police en m’appuyant la
+main sur l’épaule; marchez!»
+
+Mais quelle ne fut pas mon épouvante, lorsque au bout du corridor,
+je vis la cour que j’avais dessinée la nuit précédente, avec ses murs
+garnis de crocs, ses amas de vieilles ferrailles, sa cage à poules et
+sa cabane à lapins... Pas une lucarne grande ou petite, haute ou
+basse, pas une vitre fêlée, pas un détail n’avait été omis!
+
+Je restai foudroyé par cette étrange révélation.
+
+Près du puits se trouvaient les deux juges, Van Spreckdal et Richter.
+A leurs pieds gisait la vieille femme, couchée sur le dos...ses longs
+cheveux gris épars...la face bleue...les yeux démesurément ouverts...
+et la langue prise entre les dents.
+
+C’était un spectacle horrible!
+
+«Eh bien! me dit Van Spreckdal d’un accent solennel, qu’avez-vous
+à dire?»
+
+Je ne répondis pas.
+
+«Reconnaissez-vous avoir jeté cette femme, Thérésa Becker, dans ce
+puits, après l’avoir étranglée pour lui voler son argent?»
+
+«Non, m’écriai-je, non! Je ne connais pas cette femme, je ne l’ai
+jamais vue. Que Dieu me soit en aide!»
+
+«Cela suffit,» répliqua-t-il d’une voix sèche.
+
+Et, sans ajouter un mot, il sortit rapidement avec son confrère.
+
+Les agents crurent alors devoir me mettre les menottes. On me
+reconduisit à la Raspelhaus, dans un état de stupidité profonde.
+Je ne savais plus que penser...ma conscience elle-même se troublait:
+je me demandais si je n’avais pas assassiné la vieille femme!
+
+Aux yeux de mes gardiens, j’étais condamné.
+
+Je ne vous raconterai pas mes émotions de la nuit à la Raspelhaus,
+lorsque, assis sur ma botte de paille, la lucarne en face de moi et le
+gibet en perspective, j’entendis le watchmann crier dans le silence:
+«Dormez, habitants de Nuremberg, le Seigneur veille! Une heure!...
+deux heures!...trois heures sonnées!»
+
+Chacun peut se faire l’idée d’une nuit pareille.
+
+Le jour vint; d’abord pâle, indécis, il éclaira de ses vagues lueurs
+l’œil-de-bœuf ...les barreaux en croix, ...puis il s’étoila contre la
+muraille du fond. Dehors la rue s’animait; il y avait marché ce
+jour-là: c’était un vendredi. J’entendais les charretées de légumes,
+et les bons campagnards chargés de leurs hottes. Quelques cages
+à poule caquetaient en passant, et les marchandes de beurre causaient
+entre elles. La halle en face s’ouvrait...on arrangeait les bancs.
+
+Enfin le grand jour se fit, et le vaste murmure de la foule qui grossit,
+des ménagères qui s’assemblent, leur panier sous le bras, allant,
+venant, discutant et marchandant, m’annonça qu’il était huit heures
+du matin.
+
+Avec la lumière, la confiance reprit un peu le dessus dans mon cœur.
+Quelques-unes de mes idées noires disparurent; j’éprouvai le désir
+de voir ce qui se passait dehors.
+
+D’autres prisonniers, avant moi, s’étaient élevés jusqu’à l’œil-de-bœuf;
+ils avaient creusé des trous dans le mur pour monter plus facilement.
+J’y grimpai à mon tour, et quand, assis dans la baie ovale, les reins
+pliés, la tête courbée, je pus voir la foule, la vie, le mouvement...des
+larmes abondantes coulèrent sur mes joues. Je ne songeais plus au
+suicide...j’éprouvais un besoin de vivre, de respirer, vraiment
+extraordinaire.
+
+«Ah! me disais-je, vivre, c’est être heureux!...Qu’on me fasse traîner
+la brouette, qu’on m’attache un boulet à la jambe... Qu’importe!
+pourvu que je vive!...»
+
+Or, pendant que je regardais ainsi, un homme, un boucher passa,
+le dos incliné, portant un énorme quartier de bœuf sur les épaules; il
+avait les bras nus, les coudes en l’air, la tête penchée en dessous...
+Sa chevelure flottante me cachait son visage, et pourtant, au premier
+coup d’œil, je tressaillis...
+
+«C’est lui!» me dis-je.
+
+Tout mon sang reflua vers le cœur...Je descendis dans la prison,
+frémissant jusqu’au bout des ongles, sentant mes joues s’agiter, la
+pâleur s’étendre sur ma face, et balbutiant d’une voix étouffée:
+
+«C’est lui! Il est là...là...et moi je vais mourir pour expier son
+crime... Oh Dieu!...que faire?...que faire?...»
+
+Une idée subite, une inspiration du ciel me traversa l’esprit...Je
+portai la main à la poche de mon habit!...ma boîte à fusain s’y
+trouvait.
+
+Alors, m’élançant vers la muraille, je me mis à tracer la scène du
+meurtre avec une verve inouïe. Plus d’incertitudes et plus de
+tâtonnements. Je connaissais l’homme... Je le voyais... Il posait
+devant moi.
+
+A dix heures, le geôlier entra dans mon cachot. Son impassibilité de
+hibou fit place à l’admiration.
+
+«Est-ce possible?» s’écria-t-il, debout sur le seuil.
+
+«Allez chercher mes juges,» lui dis-je en poursuivant mon travail
+avec une exaltation croissante.
+
+Schlüssel reprit:
+
+«Ils vous attendent dans la salle d’instruction.»
+
+«Je veux faire des révélations,» m’écriai-je en mettant la dernière main
+au personnage mystérieux.
+
+Il vivait; il était effrayant à voir. Sa figure, de face, en raccourci
+sur le mur, se détachait sur le fond blanc avec une vigueur qui était
+prodigieuse.
+
+Le geôlier sortit.
+
+Quelques minutes après, les deux juges parurent. Ils restèrent
+stupéfaits.
+
+Moi, la main étendue et tremblant de tous les membres, je leur dis:
+
+«Voici l’assassin!»
+
+Van Spreckdal, après quelques instants de silence, me demanda:
+
+«Son nom?»
+
+«Je l’ignore...mais il est, en ce moment, sous la halle...il coupe de
+la viande dans le troisième étal, à gauche, en entrant par la rue des
+Trabans.»
+
+«Qu’en pensez-vous?» dit-il en se penchant vers son collègue.
+
+«Qu’on cherche cet homme,» répondit l’autre d’un ton grave.
+
+Plusieurs gardiens, restés dans le corridor, obéirent à cet ordre.
+Les juges restèrent debout, regardant toujours l’esquisse. Moi,
+je m’affaissai sur la paille, la tête entre les genoux, comme anéanti.
+
+Bientôt des pas retentirent au loin sous les voûtes. Ceux qui n’ont
+pas attendu l’heure de la délivrance et compté les minutes, longues
+alors comme des siècles...ceux qui n’ont pas ressenti les émotions
+poignantes de l’attente, la terreur, l’espérance, le doute...ceux là ne
+sauraient concevoir les frémissements intérieurs que j’éprouvai dans
+ce moment. J’aurais distingué les pas du meurtrier, marchant au
+milieu de ses gardes, entre mille autres. Ils s’approchaient... Les
+juges eux-mêmes paraissaient émus... Moi, j’avais relevé la tête,
+et le cœur serré comme dans une main de fer, j’attachais un regard
+fixe sur la porte close. Elle s’ouvrit...L’homme entra... Ses joues
+étaient gonflées de sang, ses larges mâchoires contractées faisaient
+saillir leurs muscles jusque vers les oreilles, et ses petits yeux,
+inquiets et fauves comme ceux du loup, scintillaient sous d’épais
+sourcils d’un jaune roussâtre.
+
+Van Spreckdal lui montra silencieusement l’esquisse.
+
+Alors, cet homme sanguin, aux larges épaules, ayant regardé, pâlit...
+puis, poussant un rugissement qui nous glaça tous de terreur, il
+écarta ses bras énormes, et fit un bond en arrière pour renverser les
+gardes. Il y eut une lutte effrayante dans le corridor; on n’entendait
+que la respiration haletante du boucher, des imprécations sourdes,
+des paroles brèves, et les pieds des gardes, soulevés de terre,
+retombant sur les dalles.
+
+Cela dura bien une minute.
+
+Enfin, l’assassin rentra, la tête basse, l’œil sanglant, les mains
+garrottées sur le dos. Il fixa de nouveau le tableau du meurtre...
+parut réfléchir, et, d’une voix basse, comme se parlant à lui-même:
+
+«Qui donc a pu me voir, dit-il, à minuit?»
+
+J’étais sauvé!!!...
+
+.....................
+
+Bien des années se sont écoulées depuis cette terrible aventure.
+Grâce à Dieu! je ne fais plus de silhouettes, ni même de portraits
+de bourgmestre. A force de travail et de persévérance, j’ai conquis
+ma place au soleil, et je gagne honorablement ma vie en faisant
+des œuvres d’art, le seul but, suivant moi, auquel tout véritable
+artiste doit s’efforcer d’atteindre. Mais le souvenir de l’esquisse
+nocturne m’est toujours resté dans l’esprit. Parfois, au beau milieu
+du travail, ma pensée s’y reporte. Alors, je dépose la palette et je
+rêve durant des heures entières! Comment un crime accompli par un
+homme que je ne connaissais pas...dans une maison que je n’avais
+jamais vue...a-t-il pu se reproduire sous mon crayon, jusque dans
+ses moindres détails?
+
+Est-ce un hasard? Non! Et d’ailleurs, le hasard, qu’est-ce, après
+tout, sinon l’effet d’une cause qui nous échappe?
+
+Qui sait? La nature est beaucoup plus audacieuse dans ses réalités
+que l’imagination de l’homme dans sa fantaisie!
+
+
+
+
+
+
+
+
+End of the Project Gutenberg EBook of L'esquisse mystérieuse, by
+Emile Erckmann and Alexandre Chatrian
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ESQUISSE MYSTÉRIEUSE ***
+
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+This and all associated files of various formats will be found in:
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+Produced by Michael John Wooff
+
+Updated editions will replace the previous one--the old editions
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+Creating the works from public domain print editions means that no
+one owns a United States copyright in these works, so the Foundation
+(and you!) can copy and distribute it in the United States without
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+set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to
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+protect the PROJECT GUTENBERG-tm concept and trademark. Project
+Gutenberg is a registered trademark, and may not be used if you
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+such as creation of derivative works, reports, performances and
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+subject to the trademark license, especially commercial
+redistribution.
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+paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project
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+and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic
+works. See paragraph 1.E below.
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+ has agreed to donate royalties under this paragraph to the
+ Project Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments
+ must be paid within 60 days following each date on which you
+ prepare (or are legally required to prepare) your periodic tax
+ returns. Royalty payments should be clearly marked as such and
+ sent to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation at the
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+ destroy all copies of the works possessed in a physical medium
+ and discontinue all use of and all access to other copies of
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+ money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the
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+ of receipt of the work.
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+of Replacement or Refund" described in paragraph 1.F.3, the Project
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+LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR
+INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH
+DAMAGE.
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+your written explanation. The person or entity that provided you with
+the defective work may elect to provide a replacement copy in lieu of a
+refund. If you received the work electronically, the person or entity
+providing it to you may choose to give you a second opportunity to
+receive the work electronically in lieu of a refund. If the second copy
+is also defective, you may demand a refund in writing without further
+opportunities to fix the problem.
+
+1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth
+in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS', WITH NO OTHER
+WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO
+WARRANTIES OF MERCHANTABILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.
+
+1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied
+warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages.
+If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the
+law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be
+interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by
+the applicable state law. The invalidity or unenforceability of any
+provision of this agreement shall not void the remaining provisions.
+
+1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the
+trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
+providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in accordance
+with this agreement, and any volunteers associated with the production,
+promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works,
+harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees,
+that arise directly or indirectly from any of the following which you do
+or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
+work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
+Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.
+
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+Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
+
+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
+electronic works in formats readable by the widest variety of computers
+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
+because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
+people in all walks of life.
+
+Volunteers and financial support to provide volunteers with the
+assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
+goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation information page at www.gutenberg.org
+
+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
+permitted by U.S. federal laws and your state's laws.
+
+The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
+Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
+throughout numerous locations. Its business office is located at 809
+North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email
+contact links and up to date contact information can be found at the
+Foundation's web site and official page at www.gutenberg.org/contact
+
+For additional contact information:
+ Dr. Gregory B. Newby
+ Chief Executive and Director
+ gbnewby@pglaf.org
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+Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation
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+Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
+spread public support and donations to carry out its mission of
+increasing the number of public domain and licensed works that can be
+freely distributed in machine readable form accessible by the widest
+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
+($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
+status with the IRS.
+
+The Foundation is committed to complying with the laws regulating
+charities and charitable donations in all 50 states of the United
+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
+considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
+with these requirements. We do not solicit donations in locations
+where we have not received written confirmation of compliance. To
+SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
+particular state visit www.gutenberg.org/donate
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+While we cannot and do not solicit contributions from states where we
+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
+against accepting unsolicited donations from donors in such states who
+approach us with offers to donate.
+
+International donations are gratefully accepted, but we cannot make
+any statements concerning tax treatment of donations received from
+outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
+
+Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
+methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
+ways including checks, online payments and credit card donations.
+To donate, please visit: www.gutenberg.org/donate
+
+
+Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
+works.
+
+Professor Michael S. Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm
+concept of a library of electronic works that could be freely shared
+with anyone. For forty years, he produced and distributed Project
+Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
+
+Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
+editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
+unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
+keep eBooks in compliance with any particular paper edition.
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+Most people start at our Web site which has the main PG search facility:
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+ www.gutenberg.org
+
+This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
+including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
+subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
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@@ -0,0 +1,1111 @@
+The Project Gutenberg EBook of L'esquisse mystérieuse, by
+Emile Erckmann and Alexandre Chatrian
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
+
+
+Title: L'esquisse mystérieuse
+
+Author: Emile Erckmann
+ Alexandre Chatrian
+
+Release Date: November 23, 2012 [EBook #35876]
+
+Language: French
+
+Character set encoding: ISO-8859-1
+
+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ESQUISSE MYSTÉRIEUSE ***
+
+
+
+
+Produced by Michael John Wooff
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+L'esquisse mystérieuse
+
+par Erckmann-Chatrian
+
+
+
+
+New York
+
+HENRY HOLT AND COMPANY
+
+1899
+
+
+
+
+Copyright 1899,
+
+BY
+
+HENRY HOLT & CO.
+
+
+
+
+
+I
+
+En face de la chapelle Saint-Sébalt, à Nuremberg, s'élève une petite
+auberge, étroite et haute, le pignon dentelé, les vitres poudreuses, le
+toit surmonté d'une Vierge en plâtre. C'est là que j'ai passé les plus
+tristes jours de ma vie. J'étais allé à Nuremberg pour étudier les
+vieux maîtres allemands; mais, faute d'espèces sonnantes, il me
+fallut faire des portraits...et quels portraits! De grosses commères,
+leur chat sur les genoux, des échevins en perruque, des bourgmestres
+en tricorne, le tout enluminé d'ocre et de vermillon à plein godet.
+
+Des portraits je descendis aux croquis, et des croquis aux silhouettes.
+
+Rien de pitoyable comme d'avoir constamment sur le dos un maître
+d'hôtel, les lèvres pincées, la voix criarde, l'air impudent, qui vient
+vous dire chaque jour: «Ah, çà! Me payerez-vous bientôt, monsieur?
+savez-vous à combien se monte votre note? Non, cela ne vous inquiète
+pas... Monsieur mange, boit et dort tranquillement... Aux petits
+oiseaux le Seigneur donne la pâture. La note de Monsieur se monte
+à deux cents florins et dix kreutzer... ce n'est pas la peine qu'on en
+parle.»
+
+Ceux qui n'ont pas entendu chanter cette gamme ne peuvent s'en
+faire une idée; l'amour de l'art, l'imagination, l'enthousiasme sacré
+du beau se dessèchent au souffle d'un pareil drôle... Vous devenez
+gauche, timide; toute votre énergie se perd, aussi bien que le
+sentiment de votre dignité personnelle.
+
+Une nuit, n'ayant pas le sou, comme d'habitude, et menacé de la
+prison par ce digne maître Rap, je résolus de lui faire banqueroute
+en me coupant la gorge. Dans cette agréable pensée, assis sur mon
+grabat en face de la fenêtre, je me livrais à mille réflexions
+philosophiques, plus ou moins réjouissantes. Je n'osais ouvrir mon
+rasoir, de peur que la force invincible de ma logique ne m'inspirât
+le courage d'en finir. Après avoir bien argumenté de la sorte, je
+soufflai ma chandelle, renvoyant la suite au lendemain.
+
+Cet abominable Rap m'avait complètement abruti. Je ne voyais
+plus, en fait d'art, que des silhouettes, et mon seul désir était
+d'avoir de l'argent, pour me débarrasser de son odieuse présence.
+Mais cette nuit-là, il se fit une singulière révolution dans mon
+esprit. Je m'éveillai vers une heure, je rallumai ma lampe, et,
+m'enveloppant de ma souquenille grise, je jetai sur le papier une
+rapide esquisse dans le genre hollandais...quelque chose
+d'étrange, de bizarre, et qui n'avait aucun rapport avec mes
+conceptions habituelles.
+
+Figurez-vous une cour sombre, encaissée entre de hautes murailles
+décrépites... Ces murailles sont garnies de crocs, à sept ou huit
+pieds du sol. On devine, au premier aspect, une boucherie.
+
+A gauche s'étend un treillage en lattes; vous apercevez à travers un
+boeuf écartelé, suspendu à la voûte par d'énormes poulies. De larges
+mares de sang coulent sur les dalles et vont se réunir dans une rigole
+pleine de débris informes.
+
+La lumière vient de haut, entre les cheminées, dont les girouettes se
+découpent dans un angle du ciel grand comme la main, et les toits des
+maisons voisines échafaudent vigoureusement leurs ombres d'étage
+en étage.
+
+Au fond de ce réduit se trouve un hangar...sous le hangar un bûcher,
+sur le bûcher des échelles, quelques bottes de paille, des paquets de
+corde, une cage à poules et une vieille cabane à lapins hors de
+service.
+
+Comment ces détails hétéroclites s'offraient-ils à mon imagination? ...
+Je l'ignore; je n'avais nulle réminiscence analogue, et pourtant, chaque
+coup de crayon était un fait d'observation fantastique à force d'être
+vrai. Rien n'y manquait!
+
+Mais à droite un coin de l'esquisse restait blanc...je ne savais qu'y
+mettre... Là quelque chose s'agitait, se mouvait... Tout à coup j'y vis
+un pied, un pied renversé, détaché du sol. Malgré cette position
+improbable, je suivis l'inspiration sans me rendre compte de ma
+propre pensée. Ce pied aboutit à une jambe...sur la jambe, étendue
+avec effort, flotta bientôt un pan de robe... Bref, une vieille femme,
+hâve, défaite, échevelée, apparut successivement, renversée au bord
+d'un puits, et luttant contre un poing qui lui serrait la gorge...
+
+C'était une scène de meurtre que je dessinais. Le crayon me tomba
+de la main.
+
+Cette femme, dans l'attitude la plus hardie, les reins pliés sur la
+margelle du puits, la face contractée par la terreur, les deux mains
+crispées au bras du meurtrier, me faisait peur... Je n'osais la
+regarder. Mais l'homme, lui, le personnage de ce bras, je ne le voyais
+ pas... Il me fut impossible de le terminer.
+
+«Je suis fatigué, me dis-je, le front baigné de sueur, il ne me reste
+que cette figure à faire, je terminerai demain... Ce sera facile.»
+
+Et je me recouchai, tout effrayé de ma vision. Cinq minutes après je
+dormais profondément.
+
+Le lendemain j'étais debout au petit jour. Je venais de m'habiller, et
+je m'apprêtais à reprendre l'oeuvre interrompue, quand deux petits
+coups retentirent à la porte.
+
+«Entrez!»
+
+La porte s'ouvrit. Un homme déjà vieux, grand, maigre, vêtu de noir,
+apparut sur le seuil. La physionomie de cet homme, ses yeux rapprochés,
+son grand nez en bec d'aigle surmonté d'un front large, osseux, avait
+quelque chose de sévère. Il me salua gravement.
+
+«M. Christian Vénius, le peintre?» dit-il.
+
+«C'est moi, monsieur.»
+
+Il s'inclina de nouveau, ajoutant:
+
+«Le baron Frédéric Van Spreckdal.»
+
+L'apparition, dans mon pauvre taudis, du riche amateur Van Spreckdal,
+juge au tribunal criminel, m'impressionna vivement. Je ne pus m'empêcher
+de jeter un coup d'oeil dérobé sur mes vieux meubles vermoulus, sur mes
+tapisseries humides et sur mon plancher poudreux. Je me sentais humilié
+d'un tel délabrement... Mais Van Spreckdal ne parut pas faire attention
+à ces détails, et s'asseyant devant ma petite table:
+
+«Maître Vénius, reprit-il, je viens...»
+
+Mais, au même instant, ses yeux s'arrêtèrent sur l'esquisse inachevée...
+il ne termina point sa phrase. Je m'étais assis au bord du grabat, et
+l'attention subite que ce personnage accordait à l'une de mes
+productions, faisait battre mon coeur d'une appréhension indéfinissable.
+
+Au bout d'une minute, Van Spreckdal levant la tête:
+
+«Êtes-vous l'auteur de cette esquisse?» me dit-il le regard attentif.
+
+«Oui, monsieur.»
+
+«Quel en est le prix?»
+
+«Je ne vends pas mes esquisses... C'est le projet d'un tableau.»
+
+«Ah!» fit-il, en levant le papier du bout de ses longs doigts jaunes.
+
+Il sortit une lentille de son gilet, et se mit à étudier le dessin en
+silence.
+
+Le soleil arrivait alors obliquement dans la mansarde. Van Spreckdal
+ne murmurait pas un mot; son grand nez se recourbait en griffe, ses
+larges sourcils se contractaient, et son menton, se relevant en galoche,
+creusait mille petites rides dans ses longues joues maigres. Le silence
+était si profond que j'entendais distinctement le bourdonnement
+plaintif d'une mouche, prise dans une toile d'araignée.
+
+«Et les dimensions de ce tableau, maître Vénius?» fit-il enfin sans me
+regarder.
+
+«Trois pieds sur quatre.»
+
+«Le prix?»
+
+«Cinquante ducats.»
+
+Van Spreckdal déposa le dessin sur la table, et tira de sa poche une
+longue bourse de soie verte, allongée en forme de poire; il en fit
+glisser les anneaux...
+
+«Cinquante ducats! dit-il, les voilà.»
+
+J'eus un éblouissement.
+
+Le baron s'était levé, il me salua, et j'entendis sa grande canne à
+pomme d'ivoire résonner sur chaque marche jusqu'au bas de l'escalier.
+Alors, revenu de ma stupeur, je me rappelai tout à coup que je ne
+l'avais pas remercié, et je descendis les cinq étages comme la foudre;
+mais, arrivé sur le seuil, j'eus beau regarder à droite et à gauche,
+la rue était déserte.
+
+«Tiens! me dis-je, c'est drôle!... »
+
+Et je remontai l'escalier tout haletant.
+
+
+
+II
+
+La manière surprenante dont Van Spreckdal venait de m'apparaître
+me jetait dans une profonde extase: «Hier, me disais-je en contemplant
+la pile de ducats étincelant au soleil, hier je formais le dessein
+coupable de me couper la gorge, pour quelques misérables florins,
+et voilà qu'aujourd'hui la fortune me tombe des nues... Décidément,
+j'ai bien fait de ne pas ouvrir mon rasoir, et si jamais la tentation
+d'en finir me reprend, j'aurai soin de remettre la chose au lendemain.»
+
+Après ces réflexions judicieuses, je m'assis pour terminer l'esquisse;
+quatre coups de crayon, et c'était une affaire faite. Mais ici
+m'attendait une déception incompréhensible. Ces quatre coups de
+crayon, il me fut impossible de les donner; j'avais perdu le fil de mon
+inspiration, le personnage mystérieux ne se dégageait pas des limbes
+de mon cerveau. J'avais beau l'évoquer, l'ébaucher, le reprendre;
+il ne s'accordait pas plus avec l'ensemble qu'une figure de Raphaël
+dans une tabagie de Téniers... J'en suais à grosses gouttes.
+
+Au plus beau moment, Rap ouvrit la porte sans frapper, suivant sa
+louable attitude, ses yeux se fixèrent sur ma pile de ducats, et d'une
+voix glapissante il s'écria:
+
+«Eh! eh! je vous y prends. Direz-vous encore, monsieur le peintre,
+que l'argent vous manque...»
+
+Et ses doigts crochus s'avancèrent avec ce tremblement nerveux que
+la vue de l'or produit toujours chez les avares.
+
+Je restai stupéfait quelques secondes.
+
+Le souvenir de toutes les avanies que m'avait infligées cet individu,
+son regard cupide, son sourire impudent, tout m'exaspérait. D'un
+seul bond je le saisis, et le repoussant des deux mains hors de la
+chambre, je lui aplatis le nez avec la porte.
+
+Cela se fit avec le cric-crac et la rapidité d'une tabatière à
+surprises.
+
+Mais dehors le vieil usurier poussa des cris d'aigle:
+
+«Mon argent! voleur! mon argent!»
+
+Les locataires sortaient de chez eux et demandaient:
+
+«Qu'y a-t-il donc? Qu'est-ce qui se passe?»
+
+Je rouvris brusquement la porte, et dépêchant, dans l'échine de
+maître Rap, un coup de pied qui le fit rouler plus de vingt marches:
+
+«Voilà ce qui se passe!» m'écriai-je hors de moi. Puis je refermai
+la porte à double tour, tandis que les éclats de rire des voisins
+saluaient maître Rap au passage.
+
+J'étais content de moi, je me frottais les mains...Cette aventure
+m'avait remis en verve, je repris l'ouvrage et j'allais terminer
+l'esquisse lorsqu'un bruit inusité frappa mes oreilles.
+
+Des crosses de fusil se posaient sur le pavé de la rue... Je regardai
+par ma fenêtre et je vis trois gendarmes, la carabine au pied, le
+chapeau à claque de travers, en faction à la porte d'entrée.
+
+«Ce scélérat de Rap se serait-il cassé quelque chose?» me dis-je
+avec effroi.
+
+Et voyez l'étrange bizarrerie de l'esprit humain: moi qui voulait la
+veille me couper la gorge, je frémis jusqu'à la moelle des os, en
+pensant qu'on pourrait bien me pendre, si Rap était mort.
+
+L'escalier s'emplissait de rumeurs confuses... C'était une marée
+montante de pas sourds, de cliquetis d'armes, de paroles brèves.
+
+Tout à coup on essaya d'ouvrir ma porte. Elle était fermée!
+
+Alors ce fut une clameur générale.
+
+«Au nom de la loi....ouvrez!»
+
+Je me levai, tremblant, les jambes vacillantes...
+
+«Ouvrez!» reprit la même voix.
+
+Voyant que la fuite était impossible, je m'approchai de la porte en
+chancelant, et je fis jouer la serrure.
+
+Deux poings s'abattirent aussitôt sur mon collet. Un petit homme
+trapu qui sentait le vin, me dit:
+
+«Je vous arrête!»
+
+Il portait une redingote vert bouteille, boutonnée jusqu'au menton,
+un chapeau en tuyau de poêle...il avait de gros favoris bruns...
+des bagues à tous les doigts, et s'appelait Passauf...
+
+C'était le chef de la police.
+
+Cinq têtes de bouledogue, à petite casquette plate, le nez en canon
+de pistolet, la mâchoire inférieure débordant en crocs, m'observaient
+du dehors.
+
+«Que voulez-vous?» demandai-je à Passauf.
+
+«Descendez,» s'écria-t-il brusquement en faisant signe à l'un de
+ses hommes de m'empoigner.
+
+Celui-ci m'entraîna plus mort que vif, pendant que les autres
+bouleversaient ma chambre de fond en comble.
+
+Je descendis, soutenu sous les bras, comme un phtisique à sa
+troisième période...les cheveux épars sur la figure, et trébuchant
+à chaque pas.
+
+On me jeta dans un fiacre, entre deux vigoureux gaillards, qui me
+laissèrent voir charitablement le bout de deux casse-tête, retenus
+au poignet par un cordon de cuir...puis la voiture partit.
+
+J'entendais rouler derrière nous les pas de tous les gamins de la
+ville.
+
+«Qu'ai-je donc fait?» demandai-je à l'un de mes gardiens.
+
+Il regarda l'autre avec un sourire bizarre, et dit:
+
+«Hans...il demande ce qu'il a fait!»
+
+Ce sourire me glaça le sang.
+
+Bientôt une ombre profonde enveloppa la voiture, les pas des chevaux
+retentirent sous une voûte. Nous entrions à la Raspelhaus...des griffes
+de Rap je tombais dans un cachot, d'où bien peu de pauvres diables
+ont eu la chance de se tirer.
+
+De grandes cours obscures; des fenêtres alignées comme à l'hôpital
+et garnies de hottes; pas une touffe de verdure, pas un feston de lierre,
+pas même une girouette en perspective...voilà mon nouveau logement.
+Il y avait de quoi s'arracher les cheveux à pleines poignées.
+
+Les agents de police, accompagnés du geôlier, m'introduisirent
+provisoirement dans un violon.
+
+Le geôlier, autant que je m'en souviens, s'appelait Kasper Schlüssel;
+avec son bonnet de laine grise, son bout de pipe entre les dents, et
+son trousseau de clefs à la ceinture, il me produisit l'effet du dieu
+Hibou des Caraïbes. Il en avait les grands yeux ronds dorés, qui voient
+dans la nuit, le nez en virgule, et le cou perdu dans les épaules.
+
+Schlüssel m'enferma tranquillement, comme on serre des chaussettes
+dans une armoire, en rêvant à autre chose. Quant à moi, les mains
+croisées sur le dos, la tête inclinée, je restai plus de dix minutes à la
+même place. Puis, je regardai ma prison. Elle venait d'être blanchie
+à neuf, et ses murailles n'offraient encore aucun dessin, sauf dans un
+coin un gibet grossièrement ébauché par mon prédécesseur. Le jour
+venait d'un oeil-de-boeuf situé à neuf ou dix pieds de hauteur;
+l'ameublement se composait d'une botte de paille et d'un baquet.
+
+Je m'assis sur la paille, les mains autour des genoux, dans un
+abattement incroyable...
+
+Presqu'au même instant, j'entendis Schlüssel traverser le corridor; il
+rouvrit le violon et me dit de le suivre. Il était toujours assisté des
+deux casse-tête; aussi j'emboîtai le pas résolûment.
+
+Nous traversâmes de longues galeries, éclairées, de distance en
+distance, par quelques fenêtres intérieures. J'aperçus derrière une
+grille le fameux Jic-Jack, qui devait être exécuté le lendemain. Il
+portait la camisole de force et chantait d'une voix rauque:
+
+«Je suis le roi de ces montagnes!»
+
+En me voyant, il cria:
+
+«Eh! camarade, je te garde une place à ma droite.»
+
+Les deux agents de police et le dieu Hibou se regardèrent en souriant,
+tandis que la chair de poule s'étendait le long de mon dos.
+
+
+
+III
+
+Schlüssel me poussa dans une haute salle très sombre, garnie de bancs
+en hémicycle. L'aspect de cette salle déserte, ses deux hautes fenêtres
+grillées, son Christ de vieux chêne bruni, les bras étendus, la tête
+douloureusement inclinée sur l'épaule, m'inspira je ne sais quelle
+crainte religieuse d'accord avec ma situation actuelle, et mes lèvres
+s'agitèrent, murmurant une prière.
+
+Depuis longtemps, je n'avais pas prié, mais le malheur nous ramène
+toujours à des pensées de soumission...L'homme est si peu de chose!
+
+En face de moi, sur un siège élevé, se trouvaient assis deux personnages
+tournant le dos à la lumière, ce qui laissait leurs figures dans l'ombre.
+Cependant je reconnus Van Spreckdal à son profil aquilin, éclairé
+par un reflet oblique de la vitre. L'autre personnage était gros; il
+avait les joues pleines, rebondies, les mains courtes, et portait la robe
+de juge, ainsi que Van Spreckdal.
+
+Au-dessous était assis le greffier Conrad; il écrivait sur une table
+basse, se chatouillant le bout de l'oreille avec la barbe de sa plume.
+A mon arrivée il s'arrêta pour me regarder d'un air curieux.
+
+On me fit asseoir, et Van Spreckdal, élevant la voix, me dit:
+
+«Christian Vénius, d'où tenez-vous ce dessin?»
+
+Il me montrait l'esquisse nocturne, alors en sa possession. On me la
+fit passer...Après l'avoir examinée, je répondis:
+
+«J'en suis l'auteur.»
+
+Il y eut un assez long silence; le greffier Conrad écrivait ma réponse.
+J'entendais sa plume courir sur le papier et je pensais: «Que signifie
+la question qu'on vient de me faire? Cela n'a point de rapport
+avec le coup de pied dans l'échine de Rap.»
+
+«Vous en êtes l'auteur, reprit Van Spreckdal. Quel en est le sujet?»
+
+«C'est un sujet de fantaisie.»
+
+«Vous n'avez point copié ces détails quelque part?»
+
+«Non, monsieur, je les ai tous imaginés.»
+
+«Accusé Christian, dit le juge d'un ton sévère, je vous invite à
+réfléchir. Ne mentez pas!»
+
+Je rougis, et d'un ton exalté, je m'écriai:
+
+«J'ai dit la vérité.»
+
+«Écrivez, greffier,» fit van Spreckdal.
+
+La plume courut de nouveau.
+
+«Et cette femme, poursuivit le juge, cette femme qu'on assassine
+au bord d'un puits...l'avez-vous aussi imaginée?»
+
+«Sans doute.»
+
+«Vous ne l'avez jamais vue?»
+
+«Jamais.»
+
+Van Spreckdal se leva comme indigné; puis, se rasseyant, il parut se
+consulter à voix basse avec son confrère.
+
+Ces deux profils noirs, se découpant sur le fond lumineux de la
+fenêtre, et les trois hommes, debout derrière moi...le silence de la
+salle...tout me faisait frémir.
+
+«Que me veut-on? qu'ai-je donc fait?» murmurai-je.
+
+Tout à coup Van Spreckdal dit à mes gardiens:
+
+«Vous allez reconduire le prisonnier à la voiture; nous partons
+pour la Metzgerstrasse.»
+
+Puis s'adressant à moi:
+
+«Christian Vénius, s'écria-t-il, vous êtes dans une voie déplorable...
+Recueillez-vous et songez que si la justice des hommes est inflexible,
+ il vous reste la miséricorde de Dieu... Vous pouvez la mériter en
+avouant votre crime!»
+
+Ces paroles m'abasourdirent comme un coup de marteau...Je me
+rejetai en arrière les bras étendus, en m'écriant:
+
+«Ah! quel rêve affreux!»
+
+Et je m'évanouis.
+
+Lorsque je revins à moi, la voiture roulait lentement dans la rue; une
+autre nous précédait. Les deux agents de sûreté étaient toujours là.
+L'un d'eux, pendant la route, offrit une prise de tabac à son confrère;
+machinalement j'étendis les doigts vers la tabatière, il la retira
+vivement.
+
+Le rouge de la honte me monta au visage, et je détournai la tête pour
+cacher mon émotion.
+
+«Si vous regardez dehors, dit l'homme à la tabatière, nous serons
+forcés de vous mettre les menottes.»
+
+«Que le diable t'étrangle, infernal gredin!» pensai-je en moi-même.
+Et comme la voiture venait de s'arrêter, l'un d'eux descendit, tandis
+que l'autre me retenait par le collet; puis, voyant son camarade prêt
+à me recevoir, il me poussa rudement dehors.
+
+Ces précautions infinies pour s'assurer de ma personne ne
+m'annonçaient rien de bon; mais j'étais loin de prévoir toute la
+gravité de l'accusation qui pesait sur ma tête, quand une circonstance
+affreuse m'ouvrit enfin les yeux, et me jeta dans le désespoir.
+
+On venait de me pousser dans une allée basse, à pavés rompus,
+inégaux; le long du mur coulait un suintement jaunâtre, exhalant une
+odeur fétide. Je marchais au milieu des ténèbres, deux hommes
+derrière moi. Plus loin apparaissait le clair-obscur d'une cour
+intérieure.
+
+A mesure que j'avançais, la terreur me pénétrait de plus en plus.
+Ce n'était point un sentiment naturel: c'était une anxiété poignante,
+hors nature comme le cauchemar. Je reculais instinctivement
+à chaque pas.
+
+«Allons donc! criait l'un des agents de police en m'appuyant la
+main sur l'épaule; marchez!»
+
+Mais quelle ne fut pas mon épouvante, lorsque au bout du corridor,
+je vis la cour que j'avais dessinée la nuit précédente, avec ses murs
+garnis de crocs, ses amas de vieilles ferrailles, sa cage à poules et
+sa cabane à lapins... Pas une lucarne grande ou petite, haute ou
+basse, pas une vitre fêlée, pas un détail n'avait été omis!
+
+Je restai foudroyé par cette étrange révélation.
+
+Près du puits se trouvaient les deux juges, Van Spreckdal et Richter.
+A leurs pieds gisait la vieille femme, couchée sur le dos...ses longs
+cheveux gris épars...la face bleue...les yeux démesurément ouverts...
+et la langue prise entre les dents.
+
+C'était un spectacle horrible!
+
+«Eh bien! me dit Van Spreckdal d'un accent solennel, qu'avez-vous
+à dire?»
+
+Je ne répondis pas.
+
+«Reconnaissez-vous avoir jeté cette femme, Thérésa Becker, dans ce
+puits, après l'avoir étranglée pour lui voler son argent?»
+
+«Non, m'écriai-je, non! Je ne connais pas cette femme, je ne l'ai
+jamais vue. Que Dieu me soit en aide!»
+
+«Cela suffit,» répliqua-t-il d'une voix sèche.
+
+Et, sans ajouter un mot, il sortit rapidement avec son confrère.
+
+Les agents crurent alors devoir me mettre les menottes. On me
+reconduisit à la Raspelhaus, dans un état de stupidité profonde.
+Je ne savais plus que penser...ma conscience elle-même se troublait:
+je me demandais si je n'avais pas assassiné la vieille femme!
+
+Aux yeux de mes gardiens, j'étais condamné.
+
+Je ne vous raconterai pas mes émotions de la nuit à la Raspelhaus,
+lorsque, assis sur ma botte de paille, la lucarne en face de moi et le
+gibet en perspective, j'entendis le watchmann crier dans le silence:
+«Dormez, habitants de Nuremberg, le Seigneur veille! Une heure!...
+deux heures!...trois heures sonnées!»
+
+Chacun peut se faire l'idée d'une nuit pareille.
+
+Le jour vint; d'abord pâle, indécis, il éclaira de ses vagues lueurs
+l'oeil-de-boeuf ...les barreaux en croix, ...puis il s'étoila contre la
+muraille du fond. Dehors la rue s'animait; il y avait marché ce
+jour-là: c'était un vendredi. J'entendais les charretées de légumes,
+et les bons campagnards chargés de leurs hottes. Quelques cages
+à poule caquetaient en passant, et les marchandes de beurre causaient
+entre elles. La halle en face s'ouvrait...on arrangeait les bancs.
+
+Enfin le grand jour se fit, et le vaste murmure de la foule qui grossit,
+des ménagères qui s'assemblent, leur panier sous le bras, allant,
+venant, discutant et marchandant, m'annonça qu'il était huit heures
+du matin.
+
+Avec la lumière, la confiance reprit un peu le dessus dans mon coeur.
+Quelques-unes de mes idées noires disparurent; j'éprouvai le désir
+de voir ce qui se passait dehors.
+
+D'autres prisonniers, avant moi, s'étaient élevés jusqu'à l'oeil-de-boeuf;
+ils avaient creusé des trous dans le mur pour monter plus facilement.
+J'y grimpai à mon tour, et quand, assis dans la baie ovale, les reins
+pliés, la tête courbée, je pus voir la foule, la vie, le mouvement...des
+larmes abondantes coulèrent sur mes joues. Je ne songeais plus au
+suicide...j'éprouvais un besoin de vivre, de respirer, vraiment
+extraordinaire.
+
+«Ah! me disais-je, vivre, c'est être heureux!...Qu'on me fasse traîner
+la brouette, qu'on m'attache un boulet à la jambe... Qu'importe!
+pourvu que je vive!...»
+
+Or, pendant que je regardais ainsi, un homme, un boucher passa,
+le dos incliné, portant un énorme quartier de boeuf sur les épaules; il
+avait les bras nus, les coudes en l'air, la tête penchée en dessous...
+Sa chevelure flottante me cachait son visage, et pourtant, au premier
+coup d'oeil, je tressaillis...
+
+«C'est lui!» me dis-je.
+
+Tout mon sang reflua vers le coeur...Je descendis dans la prison,
+frémissant jusqu'au bout des ongles, sentant mes joues s'agiter, la
+pâleur s'étendre sur ma face, et balbutiant d'une voix étouffée:
+
+«C'est lui! Il est là...là...et moi je vais mourir pour expier son
+crime... Oh Dieu!...que faire?...que faire?...»
+
+Une idée subite, une inspiration du ciel me traversa l'esprit...Je
+portai la main à la poche de mon habit!...ma boîte à fusain s'y
+trouvait.
+
+Alors, m'élançant vers la muraille, je me mis à tracer la scène du
+meurtre avec une verve inouïe. Plus d'incertitudes et plus de
+tâtonnements. Je connaissais l'homme... Je le voyais... Il posait
+devant moi.
+
+A dix heures, le geôlier entra dans mon cachot. Son impassibilité de
+hibou fit place à l'admiration.
+
+«Est-ce possible?» s'écria-t-il, debout sur le seuil.
+
+«Allez chercher mes juges,» lui dis-je en poursuivant mon travail
+avec une exaltation croissante.
+
+Schlüssel reprit:
+
+«Ils vous attendent dans la salle d'instruction.»
+
+«Je veux faire des révélations,» m'écriai-je en mettant la dernière main
+au personnage mystérieux.
+
+Il vivait; il était effrayant à voir. Sa figure, de face, en raccourci
+sur le mur, se détachait sur le fond blanc avec une vigueur qui était
+prodigieuse.
+
+Le geôlier sortit.
+
+Quelques minutes après, les deux juges parurent. Ils restèrent
+stupéfaits.
+
+Moi, la main étendue et tremblant de tous les membres, je leur dis:
+
+«Voici l'assassin!»
+
+Van Spreckdal, après quelques instants de silence, me demanda:
+
+«Son nom?»
+
+«Je l'ignore...mais il est, en ce moment, sous la halle...il coupe de
+la viande dans le troisième étal, à gauche, en entrant par la rue des
+Trabans.»
+
+«Qu'en pensez-vous?» dit-il en se penchant vers son collègue.
+
+«Qu'on cherche cet homme,» répondit l'autre d'un ton grave.
+
+Plusieurs gardiens, restés dans le corridor, obéirent à cet ordre.
+Les juges restèrent debout, regardant toujours l'esquisse. Moi,
+je m'affaissai sur la paille, la tête entre les genoux, comme anéanti.
+
+Bientôt des pas retentirent au loin sous les voûtes. Ceux qui n'ont
+pas attendu l'heure de la délivrance et compté les minutes, longues
+alors comme des siècles...ceux qui n'ont pas ressenti les émotions
+poignantes de l'attente, la terreur, l'espérance, le doute...ceux là ne
+sauraient concevoir les frémissements intérieurs que j'éprouvai dans
+ce moment. J'aurais distingué les pas du meurtrier, marchant au
+milieu de ses gardes, entre mille autres. Ils s'approchaient... Les
+juges eux-mêmes paraissaient émus... Moi, j'avais relevé la tête,
+et le coeur serré comme dans une main de fer, j'attachais un regard
+fixe sur la porte close. Elle s'ouvrit...L'homme entra... Ses joues
+étaient gonflées de sang, ses larges mâchoires contractées faisaient
+saillir leurs muscles jusque vers les oreilles, et ses petits yeux,
+inquiets et fauves comme ceux du loup, scintillaient sous d'épais
+sourcils d'un jaune roussâtre.
+
+Van Spreckdal lui montra silencieusement l'esquisse.
+
+Alors, cet homme sanguin, aux larges épaules, ayant regardé, pâlit...
+puis, poussant un rugissement qui nous glaça tous de terreur, il
+écarta ses bras énormes, et fit un bond en arrière pour renverser les
+gardes. Il y eut une lutte effrayante dans le corridor; on n'entendait
+que la respiration haletante du boucher, des imprécations sourdes,
+des paroles brèves, et les pieds des gardes, soulevés de terre,
+retombant sur les dalles.
+
+Cela dura bien une minute.
+
+Enfin, l'assassin rentra, la tête basse, l'oeil sanglant, les mains
+garrottées sur le dos. Il fixa de nouveau le tableau du meurtre...
+parut réfléchir, et, d'une voix basse, comme se parlant à lui-même:
+
+«Qui donc a pu me voir, dit-il, à minuit?»
+
+J'étais sauvé!!!...
+
+.....................
+
+Bien des années se sont écoulées depuis cette terrible aventure.
+Grâce à Dieu! je ne fais plus de silhouettes, ni même de portraits
+de bourgmestre. A force de travail et de persévérance, j'ai conquis
+ma place au soleil, et je gagne honorablement ma vie en faisant
+des oeuvres d'art, le seul but, suivant moi, auquel tout véritable
+artiste doit s'efforcer d'atteindre. Mais le souvenir de l'esquisse
+nocturne m'est toujours resté dans l'esprit. Parfois, au beau milieu
+du travail, ma pensée s'y reporte. Alors, je dépose la palette et je
+rêve durant des heures entières! Comment un crime accompli par un
+homme que je ne connaissais pas...dans une maison que je n'avais
+jamais vue...a-t-il pu se reproduire sous mon crayon, jusque dans
+ses moindres détails?
+
+Est-ce un hasard? Non! Et d'ailleurs, le hasard, qu'est-ce, après
+tout, sinon l'effet d'une cause qui nous échappe?
+
+Qui sait? La nature est beaucoup plus audacieuse dans ses réalités
+que l'imagination de l'homme dans sa fantaisie!
+
+
+
+
+
+
+
+
+End of the Project Gutenberg EBook of L'esquisse mystérieuse, by
+Emile Erckmann and Alexandre Chatrian
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ESQUISSE MYSTÉRIEUSE ***
+
+***** This file should be named 35876-8.txt or 35876-8.zip *****
+This and all associated files of various formats will be found in:
+ http://www.gutenberg.org/3/5/8/7/35876/
+
+Produced by Michael John Wooff
+
+Updated editions will replace the previous one--the old editions
+will be renamed.
+
+Creating the works from public domain print editions means that no
+one owns a United States copyright in these works, so the Foundation
+(and you!) can copy and distribute it in the United States without
+permission and without paying copyright royalties. Special rules,
+set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to
+copying and distributing Project Gutenberg-tm electronic works to
+protect the PROJECT GUTENBERG-tm concept and trademark. Project
+Gutenberg is a registered trademark, and may not be used if you
+charge for the eBooks, unless you receive specific permission. If you
+do not charge anything for copies of this eBook, complying with the
+rules is very easy. You may use this eBook for nearly any purpose
+such as creation of derivative works, reports, performances and
+research. They may be modified and printed and given away--you may do
+practically ANYTHING with public domain eBooks. Redistribution is
+subject to the trademark license, especially commercial
+redistribution.
+
+
+
+*** START: FULL LICENSE ***
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+THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE
+PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK
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+To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free
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+Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full Project
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+things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works
+even without complying with the full terms of this agreement. See
+paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project
+Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement
+and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic
+works. See paragraph 1.E below.
+
+1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation"
+or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project
+Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual works in the
+collection are in the public domain in the United States. If an
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+are removed. Of course, we hope that you will support the Project
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+ money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the
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+Hart, the owner of the Project Gutenberg-tm trademark. Contact the
+Foundation as set forth in Section 3 below.
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+1.F.
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+receive the work electronically in lieu of a refund. If the second copy
+is also defective, you may demand a refund in writing without further
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+
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+in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS', WITH NO OTHER
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+WARRANTIES OF MERCHANTABILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.
+
+1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied
+warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages.
+If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the
+law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be
+interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by
+the applicable state law. The invalidity or unenforceability of any
+provision of this agreement shall not void the remaining provisions.
+
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+that arise directly or indirectly from any of the following which you do
+or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
+work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
+Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.
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+
+Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
+
+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
+electronic works in formats readable by the widest variety of computers
+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
+because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
+people in all walks of life.
+
+Volunteers and financial support to provide volunteers with the
+assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
+goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation information page at www.gutenberg.org
+
+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
+permitted by U.S. federal laws and your state's laws.
+
+The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
+Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
+throughout numerous locations. Its business office is located at 809
+North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email
+contact links and up to date contact information can be found at the
+Foundation's web site and official page at www.gutenberg.org/contact
+
+For additional contact information:
+ Dr. Gregory B. Newby
+ Chief Executive and Director
+ gbnewby@pglaf.org
+
+Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation
+
+Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
+spread public support and donations to carry out its mission of
+increasing the number of public domain and licensed works that can be
+freely distributed in machine readable form accessible by the widest
+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
+($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
+status with the IRS.
+
+The Foundation is committed to complying with the laws regulating
+charities and charitable donations in all 50 states of the United
+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
+considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
+with these requirements. We do not solicit donations in locations
+where we have not received written confirmation of compliance. To
+SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
+particular state visit www.gutenberg.org/donate
+
+While we cannot and do not solicit contributions from states where we
+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
+against accepting unsolicited donations from donors in such states who
+approach us with offers to donate.
+
+International donations are gratefully accepted, but we cannot make
+any statements concerning tax treatment of donations received from
+outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
+
+Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
+methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
+ways including checks, online payments and credit card donations.
+To donate, please visit: www.gutenberg.org/donate
+
+
+Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
+works.
+
+Professor Michael S. Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm
+concept of a library of electronic works that could be freely shared
+with anyone. For forty years, he produced and distributed Project
+Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
+
+Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
+editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
+unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
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