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+Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3654, 8 Mars 1913, by Various
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
+
+
+Title: L'Illustration, No. 3654, 8 Mars 1913
+
+Author: Various
+
+Release Date: October 19, 2011 [EBook #37798]
+
+Language: French
+
+Character set encoding: ISO-8859-1
+
+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3654, 8 ***
+
+
+
+
+Produced by Jeroen Hellingman et Rénald Lévesque
+
+
+
+
+
+
+L'Illustration, No. 3654, 8 Mars 1913
+
+AVEC CE NUMÉRO
+La Petite Illustration
+CONTENANT
+ALSACE
+PIÈCE EN 3 ACTES
+par GASTON LEROUX et LUCIEN CAMILLE,
+
+
+LA REVUE COMIQUE, par Henriot.
+
+
+Ce numéro comprend vingt-quatre pages. Il est accompagné de LA PETITE
+ILLUSTRATION, Série-Théâtre nº 1, contenant le texte complet d'ALSACE,
+de MM. Gaston Leroux et Lucien Camille.
+
+
+
+[Illustration: L'ILLUSTRATION _Prix du Numéro: Un Franc._ SAMEDI 8 MARS
+1913 _71e Année.--Nº 3654_]
+
+[Illustration: COMMENT ON FAIT DES MARINS Trois futurs loups de mer
+élevés à l'établissement des Pupilles de la Marine, près de Brest _Phot.
+Freund.--Voir l'article, pages 200 et 201_]
+
+
+
+LA PETITE ILLUSTRATION
+
+SÉRIE-ROMAN.--_Le prochain numéro (15 mars) contiendra la deuxième
+partie (40 pages de texte et de gravures) de l'importante oeuvre
+nouvelle de_ M. MARCEL PRÉVOST:
+
+_Les Anges gardiens._
+
+_La troisième partie de ce roman paraîtra dans le numéro du 29 mars._
+
+SÉRIE-THÉÂTRE.--_Le 22 mars_, La Petite Illustration _contiendra_:
+
+_L'Homme qui assassina, pièce en quatre actes, par_ M. PIERRE FRONDAIE,
+_d'après le roman de M. Claude Farrère._
+
+
+
+COURRIER DE PARIS
+
+LA POINTE
+
+«Hier, nous sommes entrés à Oudjda. Nous avons défilé dans les rues; nos
+trompettes et nos clairons ont sonné que nous étions les maîtres... Et
+aujourd'hui c'est chose faite. Le drapeau a été hissé. Toutes les
+troupes étaient sous les armes. Un coup de canon. Au sommet du minaret
+de la mosquée qui domine la ville s'élèvent les couleurs françaises. On
+rend les honneurs. Le canon continue à tonner. Et successivement, toutes
+les batteries, toutes les fanfares envoient: «Au drapeau!» Dieu que
+c'est beau!»
+
+Qui dit cela comme s'il était dressé sur ses étriers? Un soldat de
+trente ans, un cavalier intrépide, éclatant de vie, Jacques Roze,
+lieutenant au 2e spahis. Du Maroc il écrit à son frère Etienne, le soir,
+sous sa tente, à la lueur d'une lanterne, un 30 mars. Et à l'automne de
+la même année, le 25 novembre, Etienne Roze, dans la maison familiale
+qu'il habite avec sa mère, en Touraine, reçoit une dépêche: «_Votre
+frère blessé grièvement hier dans combat contre Beni-Snassen. Peu
+d'espoir de le sauver..._» Ah! minutes de guet-apens! minutes cruelles
+et assassines, qui tout à coup sortez du fourreau de la vie, comme des
+poignards, et venez nous percer!... Il est midi. Que faire? Mme Roze est
+là, dans la pièce à côté. Il va falloir que son fils Etienne lui parle,
+la «prépare»,... car il n'y a pas de doute que la dépêche ne soit
+mensongère et n'apporte, sans oser l'affirmer encore, l'inacceptable
+nouvelle. Bouleversé par la douleur, secoué de sanglots, le malheureux
+défaille. Il voudrait fuir et se cacher. Il voudrait ne pas exister,
+n'être pas né... Et voilà qu'on l'appelle. Le déjeuner est prêt. Sa mère
+l'attend. Plus moyen de reculer. Il faut ouvrir cette porte qui va
+livrer passage à la pire souffrance... Il faut aller dans la salle à
+manger où jamais plus, jamais plus ne sera mis le troisième couvert...
+Il faut entrer, et tout de suite, avec cette face ravagée, tel qu'on
+est... Impossible de faire autrement. Un signe de croix. Il entre. Sa
+mère se retourne et l'aperçoit. Son regard agrandi l'enveloppe. Elle
+voit sa figure, ses pleurs, la dépêche, elle voit tout... ici et là-bas.
+Elle comprend, elle est criblée... Elle devient blanche aussitôt, de
+façon foudroyante, comme si elle se vidait elle-même du sang répandu de
+son fils, blanche du blanc d'hostie qu'ont les joues des mères en deuil,
+pâle déjà de la pâleur éternelle et sacrée qu'elle aura dans l'étoffe
+noire. Mais c'est une femme française, une Vendéenne! Elle était assise,
+elle se dresse, d'un bond, pour accueillir debout le choc. Et elle le
+reçoit, bien qu'anéantie de douleur, avec ce splendide courage qu'elle
+avait donné à son enfant guerrier, dont elle l'avait armé et qu'en ce
+moment il lui renvoie... Et ce jour-là on ne déjeune pas.
+
+Deux heures plus tard, on ouvrait--en le mettant en morceaux tellement
+les mains tremblaient--le deuxième télégramme pressenti et redouté:
+«_Votre frère tué en brave, hier, artère fémorale coupée par une
+balle._» Et puis, après, ce fut le tour des lettres, navrantes et gaies,
+de l'officier: «_Jamais je ne me suis si bien porté..._» Pauvres lettres
+des catastrophes, écrites «la veille», par un être chéri et parties à
+temps!... pourquoi faut-il toujours qu'elles arrivent,--quand il n'est
+plus temps? Comment la mort, à l'instant qu'elle touche ceux qui
+viennent de les cacheter, n'a-t-elle pas le moyen d'arrêter en route ces
+enveloppes lourdes encore de vie, et humides, et chaudes de lèvres
+désormais glacées? En détruisant la main qui les a mises à la poste, que
+ne les détruit-elle pas également, pour en faire aussi de la poussière
+et ne pas tolérer qu'on les distribue à ceux qui ne peuvent plus les
+lire qu'en gémissant de regret?
+
+ *
+ * *
+
+Etienne Roze partit pour le Maroc. Il allait chercher, à Oudjda, le
+corps de son frère. A Lalla-Marnia l'attendait le lieutenant Bouet--le
+camarade et l'intime ami du défunt--qui lui remettait «les souvenirs»,
+ce petit butin personnel qu'on ramasse avec respect pour les familles, à
+l'endroit piétiné où sont bien tombés les soldats: des vêtements troués
+et roidis de sang, une bourse, une montre brisée, arrêtée à l'heure
+prescrite où l'homme devait cesser, lui aussi, de marcher...
+
+Etienne Roze était conduit à la tombe de son frère, tombe toute fraîche
+et qui paraissait cependant déjà très ancienne, comme si celui qui était
+couché là s'en accommodait, avec cette bonne grâce et cette résignation
+martiales qui font qu'après la mort, ainsi que dans la vie, le bon
+officier n'est jamais difficile, et consent à tout, et fait partout son
+lit, même le dernier.
+
+Etienne Roze revoyait, à la smala de Chabah, la chambre de Jacques,
+chambre devenue grave et vide à présent, au milieu des jardins fleuris
+qui n'avaient jamais été si beaux!... Que ce soit en France, en Afrique,
+partout, en n'importe quel point du monde, les jardins, d'ailleurs, ne
+sont-ils pas toujours plus doux et plus enivrants et plus parfumés dès
+que l'on s'y promène en compagnie de la mort et les yeux tout trempés de
+sa rosée amère?
+
+Après cette vision, c'en fut une autre, atroce, mais nécessaire, celle
+de l'endroit où s'était abattu le lieutenant. Du point le plus élevé du
+camp on l'apercevait bien, au loin, du côté des montagnes bleues... Mais
+on ne pouvait s'y rendre. Un capitaine d'artillerie fit apporter à
+Etienne Roze la longue-vue de la batterie et ce fut là, par ce tube
+braqué comme un petit hotchkiss, qu'il inspecta, rapprochée à croire
+qu'il s'y trouvait, la place où, dans une plaine parsemée de
+broussailles, son frère Jacques avait rendu sa vie. Il était mort, comme
+il l'eût désiré, s'il avait eu le choix: en chargeant, en bondissant
+dans la mêlée, atteint de trois balles dont l'une lui tranchait l'artère
+fémorale. Il était tombé de cheval, s'était relevé, malgré ses trois
+blessures, et, ayant perdu son sabre dans la lutte, il avait marché,
+revolver au poing, vers un buisson d'où des Beni-Snassen embusqués
+tiraient encore sur lui. Il n'était pas atteint, mais l'hémorragie,
+effrayante, l'épuisait. Le maréchal des logis Léger, rassemblant sa
+monture en plein galop, lui avait crié: «Mon lieutenant, prenez mon
+cheval.» Son geste et sa voix refusaient: «Non, merci. Allez!» Et le
+coeur déjà tari, les artères béantes, il chancelait et perdait
+connaissance, tandis que l'ennemi, taillé avec acharnement par nos
+hommes, était mis en déroute.
+
+Après la charge, on soulève le lieutenant Roze. Il respire avec peine.
+Mais aussitôt remis en selle il penche sur l'encolure, et il rend l'âme,
+en saluant du buste, comme s'il n'attendait plus que cela: d'être à
+cheval, et sur son cheval, pour mourir. Alors, on le descend à, terre,
+et, couché sur un caisson, il défile devant les troupes, toutes
+piaffantes encore et mal apaisées. Et des larmes descendent sur des
+visages de spahis.
+
+ *
+ * *
+
+Maintenant, c'est le dernier voyage, le funèbre retour. Etienne Roze
+ramène vers la France la noble dépouille à laquelle on présente l'arme
+et on jette des fleurs. A Turenne, à Tlemcen, à Sidi-bel-Abbès, tout le
+long du trajet, il y a, dans les petites gares, des officiers qui
+attendent, silencieux, avec des couronnes.
+
+Et voilà qu'à une station lointaine le train qui vient de s'arrêter est
+croisé par un autre, qui s'arrête aussi. Un mouvement inaccoutumé tire
+l'attention d'Étienne Roze... Il met la tête à la portière... Un homme
+grand, maigre, busqué, à silhouette d'énergie, aux yeux de feu, vêtu
+tout de blanc et galonné d'or, avec le couvre-nuque de toile, s'avance
+vers lui comme s'il le cherchait: c'est Lyautey, c'est le général, le
+grand chef, qui se rend à Oudjda pour prendre le commandement des
+troupes. Il a appris, à la minute. On vient de lui dire,... il s'est
+élancé. Il veut donner sa sympathie profonde, sa tristesse, sa fierté,
+son admiration... Les mots coupants, militaires, les hommages brefs,
+sortent de sa bouche comme des commandements et des cris. On les entend
+claquer de loin dans l'air sec et sonore:--Ah! monsieur! Quel officier!
+Hors ligne! hors ligne! Un soldat superbe! Et mort en héros! Où est-il?
+
+--Là. Dans le fourgon.
+
+--Ouvrez le fourgon! ordonne Lyautey. Le fourgon est ouvert. Les portes
+noires du vieux wagon de marchandises, brûlé, fendu, gondolé par le
+soleil d'Afrique, glissent dans leurs rainures, s'écartent comme des
+rideaux, et sur le plancher jauni de sable, apparaît, tout modeste et
+nu, le cercueil de fortune où repose dans son beau dolman le guerrier au
+masque de cire, qui, à la lettre et _sans que ce soit une façon de
+parler_, a répandu son sang pour son pays, car, dans ses veines qui
+s'aplatissent, il n'en reste plus une goutte. Tout a coulé.
+
+Le général se recueille devant la bière, une bonne minute. Et puis,
+comme il faut aller vite, et qu'on est en campagne, il s'apprête à
+repartir!... Alors, Etienne Roze lui dit:
+
+--Mon général, je voudrais vous demander une chose qui serait pour ma
+mère et pour moi inappréciable, unique.
+
+--Dites, monsieur.
+
+--Les Beni-Snassen ont volé le sabre de Jacques...
+
+Le générai saute sur l'idée qui l'enflamme:
+
+--Et vous voulez l'avoir? Vous l'aurez, monsieur! Vous aurez ce sabre.
+Je vous en donne ma parole.
+
+Le train s'ébranlait. L'émouvante et providentielle entrevue touche à sa
+tin, ce croisement magnifique du chef qui, tout impérieux de vie,
+s'empresse à la bataille, et de l'officier inanimé qui en revient... Et
+chacun, bientôt, s'éloignait de son côté... pour aller où il avait à
+faire... Les deux convois, une seconde rapprochés, se quittaient, se
+séparaient, pour toujours.
+
+Mais, quelques semaines plus tard, à la suite d'une campagne, si
+vigoureusement menée et avec une telle habileté qu'elle ne nous coûtait
+pas une perte, les Beni-Snassen se soumirent. Aussitôt, Lyautey exigea,
+comme condition _sine qua non_ de l'aman, la restitution des objets pris
+au lieutenant Roze.
+
+Les Marocains, sans se faire prier, remirent le revolver, la selle et le
+burnous. Mais ils ne trouvaient pas le sabre. Ils ne l'avaient pas. Ils
+ne savaient où il pouvait être. Ils mentaient. Ils l'avaient caché pour
+le garder comme un trophée. Le général fut inflexible, il menaça... Et
+enfin ils l'apportèrent. Admirable débris! Ce n'était plus qu'un tronçon
+tordu, et une bonne moitié de la lame, la plus belle, celle de la
+pointe, manquait.
+
+Alors--et c'est ici que l'histoire atteint dans sa simplicité la
+grandeur épique d'un autre âge--Lyautey eut une pensée véritablement
+sublime. Ce sabre incomplet et mutilé, cette moitié de sabre glorieux,
+ne le satisfit pas. Il dit aux Marocains: «Où est la pointe?» Et, comme
+ils se regardaient effarés et tremblants de la ténacité du vainqueur, le
+général commanda:
+
+--Je veux la pointe. Allez!
+
+Un Arabe, se détachant, prononça:
+
+--Nous ne pouvons plus. Cette pointe n'est pas chez nous.
+
+--Où est-elle?
+
+-Dans un corps. Dans la poitrine d'un des nôtres (et il dit son nom),
+qui est enterré,... quelque part... près d'Oudjda.
+
+Le général répéta:
+
+--Je veux la pointe.
+
+Voyant donc qu'il fallait céder, les Arabes repartirent. Ils
+retrouvèrent le mort. Ils le déterrèrent. De leurs propres mains
+soumises et domptées ils allèrent, en ouvrant avec les ongles le cadavre
+et en y fouillant dans tous les coins, retirer de la poitrine
+décomposée, où elle était enfoncée et perdue, la lame, l'esquille
+d'acier qui s'y trouvait encore, et ils l'apportèrent au général, toute
+rouillée de sang noir, la lui présentant à genoux.
+
+Aujourd'hui, le sabre du lieutenant Roze, le sabre entier, auquel plus
+rien ne manque, le sabre en deux morceaux qui n'en font qu'un, le sabre
+heureux et reconquis, et moralement ressoudé, est en France, dans la
+maison familiale de Touraine. On l'a.
+
+Telle est cette histoire de pointe, de pointe française. Elle est
+arrivée en 1907, il y a cinq ans. Quoi? Cinq ans? Déjà? dites-vous. Le
+Maroc a déjà cinq ans? Oui. Que tout va donc vite! En une brochure de
+cent pages, guère plus épaisse qu'un livret, et intitulée: _Un
+officier_, Etienne Roze, avec une piété fraternelle, a relaté ces faits.
+Je viens de les lire. Ils m'ont entraîné à ce point que je n'ai pu
+m'empêcher de vous les jeter, tout d'une haleine. Connaissez-vous rien
+de plus beau? Moi pas. Aussi, désormais, toujours, en toute grande
+affaire, pathétique, aiguë et douloureuse, me reviendra comme une devise
+la phrase de Lyautey, la phrase de métal: «La pointe! Il me faut la
+pointe. Je veux la pointe.»
+
+HENRI LAVEDAN.
+
+_(Reproduction et traduction réservées.)_
+
+
+
+[Illustration: Le bivouac des «Éclaireurs français» dans les bois de
+Clamart.]
+
+POUR FAIRE DES SOLDATS
+
+UNE SORTIE DES ÉQUIPES PARISIENNES
+DE BOY-SCOUTS FRANÇAIS
+
+Une nombreuse assistance se trouvait réunie, dimanche matin, pour
+assister, dans les bois de Clamart, à divers exercices exécutés par les
+sections parisiennes des «Éclaireurs français». Il y avait là l'amiral
+Besson, par qui la revue devait être passée, le commandant Nogué,
+représentant le ministre de la Guerre, le lieutenant de vaisseau Benoît,
+promoteur de ce mouvement en France, M. Chéradame, président de la
+société, le capitaine Royet, directeur technique, le comte de LaVaulx,
+qui forme le projet intéressant d'initier une de ces jeunes équipes à
+l'aéronautique, le colonel Boucher, etc. Quelques correspondants de
+guerre avaient été également invités.
+
+Les fondateurs de, cette association se sont proposé le même but que le
+général Baden-Powell lorsqu'il créa les Boy-Scouts anglais. D'après les
+statuts de la Société des «Éclaireurs», ce but est de «développer, chez
+les jeunes gens, la vigueur et l'adresse physiques, l'initiative,
+l'esprit de ressource, le courage sous toutes ses formes, le
+patriotisme, le sentiment de la solidarité, de la responsabilité morale
+et de l'honneur». En somme, donner à tous, dès l'adolescence, l'art de
+se débrouiller devant les obstacles matériels et, dans la conduite
+générale de la vie, la dignité et le contrôle de soi-même qui sont les
+plus belles et les plus fortes qualités dont l'homme puisse s'ennoblir.
+
+Les adhérents sont pris parmi les jeunes garçons de dix à vingt ans. Ils
+doivent, pour être admis, faire le serment suivant: «Je promets, sur mon
+honneur, d'agir en toute circonstance comme un homme conscient de ses
+devoirs, loyal et généreux; d'aimer ma patrie et de la servir
+fidèlement, en paix comme en guerre; d'obéir au code de l'Éclaireur». La
+place nous manque, malheureusement, pour donner les douze articles de ce
+code qui tendent tous au but indiqué plus haut.
+
+[Illustration: Les éclaireurs creusent une tranchée-abri.]
+
+Le costume, copié sur celui des Boy-Scouts anglais, est, ainsi qu'on le
+voit par les photographies ci-jointes, celui des cow-boys popularisés
+par les récits d'aventures américaines. Outre qu'il est très coquet et
+sied admirablement aux adolescents, il est de nature à plaire à leur
+jeune imagination romanesque. Chaque section, ou plutôt chaque
+patrouille, se signale par la nuance du foulard qui entoure le col.
+
+ *
+ * *
+
+[Illustration: On soigne un blessé.]
+
+Chacune de ces patrouilles s'exerce séparément à peu près tous les
+dimanches, sous la direction de son instructeur. Cette dernière réunion,
+qui groupait toutes les équipes parisiennes, était, depuis un an que
+l'association existe, la première sortie générale de service en
+campagne. Nous avons pu y voir les exercices les plus variés et en
+admirer la parfaite exécution. Tandis que les uns installaient le
+télégraphe et le téléphone de campagne, d'autres creusaient des
+tranchées, construisaient un pont ou faisaient très habilement, très
+prestement, le service d'ambulance et de brancardiers. On nous montrait
+encore le maniement d'une voiture démontable construite par les
+«Éclaireurs» eux-mêmes. Enfin, de tous côtés, sur des installations de
+fortune, de jeunes marmitons, très convaincus, cuisinaient le prochain
+déjeuner.
+
+Le clou a été une manoeuvre exécutée par toutes les équipes réunies. A
+un signal, toutes les patrouilles ont disparu dans les bois, puis les
+«Éclaireurs» sont revenus en rampant, courant dans les espaces
+découverts, profitant des moindres accidents de terrain pour se cacher
+et avancer; finalement, tous se sont élancés à l'assaut de la hauteur où
+nous les attendions.
+
+[Illustration: COMMENT ON FAIT DES SOLDATS Les Éclaireurs parisiens
+manoeuvrant dans les bois de Clamart: la construction d'un pont.--_Phot.
+Gimpel._]
+
+L'amiral Besson a ensuite passé la revue et, le cercle ayant été formé,
+de vibrants discours prononcés par l'amiral, par le commandant Nogué et
+M. André Chéradame ont clos, pour les invités du moins, la petite fête.
+
+ *
+ * *
+
+Ce simple récit ne peut rendre l'excellente impression que nous avons
+rapportée de ce spectacle de grand air. Nous en sommes revenus avec
+cette conviction que la formule du «scoutisme» est la meilleure qui se
+puisse trouver pour l'éducation physique et morale de la jeunesse. Il
+suffira de citer le cas de la section de Saint-Denis, présente à la
+belle réunion de dimanche. Les enfants qui la composent sont des fils
+d'ouvriers des usines, milieu assez difficile, comme on sait, et hostile
+à toutes les parades militaristes. L'instructeur nous racontait que,
+pour obtenir l'approbation des parents, il avait surtout dressé sa
+petite troupe à la manoeuvre des ambulanciers et brancardiers qu'elle
+pratique du reste fort bien. Les résultats moraux ont été encore plus
+surprenants et les parents en ont été très impressionnés. Ils ont écrit
+à l'instructeur des lettres qui, en termes d'une simplicité émouvante,
+exprimaient leur satisfaction et leur surprise. Le leit-motiv de toutes
+ces missives était: «Notre petit gars a beaucoup changé, il n'est plus
+le même.» Et les braves gens disaient combien ils en étaient heureux.
+
+Toutes les équipes mériteraient d'ailleurs d'être citées: celle des
+constructeurs de pont, celle de Grenelle, au foulard rouge, nombreuse,
+disciplinée et d'une tenue parfaite; les télégraphistes et
+téléphonistes. Tous vraiment rivalisaient de savoir-faire et d'entrain.
+Après avoir constaté de tels résultats, on ne peut que souhaiter, pour
+préparer à notre pays les belles et solides générations dont il a plus
+que jamais besoin, le plus grand développement à cette oeuvre si
+intéressante du «scoutisme» français.
+
+JEAN RODES.
+
+
+
+[Illustration: L'escadrille aérienne de Biskra à l'étape de
+Tozeur.--_Phot. prise avant le départ pour Gabès, le 27 février, par M.
+Digoy._]
+
+UN BEAU RAID: BISKRA-GABÈS-TUNIS EN AÉROPLANE
+
+L'escadrille militaire de Biskra vient d'accomplir, dans des conditions
+de régularité remarquables, un raid aérien qui, en prouvant une fois de
+plus l'audace et l'habileté de nos officiers aviateurs, montre les
+services qu'ils peuvent rendre à nos corps de troupe africains.
+
+Quatre biplans, montés par les lieutenants Reimbert, Cheutin, Jolain, et
+par le maréchal des logis Hurard, s'envolaient de Biskra le 26 février
+et se dirigeaient vers le Sud-Est passant au-dessus de la région des
+Chotts. Arrêtés par le mauvais temps à Zeribet el Oued, ils arrivaient
+cependant le même jour à Tozeur. Le lendemain, ils atterrissaient à
+Gabès, devant le général Pistor, commandant la division d'occupation et
+ministre de la Guerre du gouvernement tunisien, et le général Fournier,
+en tournée d'inspection; après quelques heures de repos, ils repartaient
+dans la direction de Tunis et couchaient à Sfax.
+
+[Illustration: L'itinéraire suivi, de Biskra à Tunis, par l'escadrille
+aérienne.]
+
+[Illustration: A Gabès: les quatre aviateurs, leurs mécaniciens et
+quelques officiers de la garnison devant les avions disposés pour le
+départ.]
+
+Le temps, assez beau jusque-là, devint subitement très mauvais, et le
+troisième jour l'escadrille se trouva vite dispersée: le lieutenant
+Jolain était en panne à Enfidaville; le maréchal des logis Hurard
+s'arrêtait à Bou Picha; le lieutenant Cheutin endommageait son appareil
+en atterrissant à Sousse; le lieutenant Reimbert ne pouvait dépasser
+Grombalia, à 30 kilomètres de Tunis.
+
+Le lendemain, la tempête continuait, un peu moins violente, il est vrai,
+et les quatre aviateurs arrivaient l'un après l'autre à Tunis, Hurard
+ayant pris comme passager le lieutenant Cheutin, dont l'appareil n'avait
+pu être réparé.
+
+Le lieutenant Reimbert, chef de l'escadrille, compte se reposer quelques
+jours à Tunis, d'où il regagnera Constantine et Biskra, par la voie des
+airs, avec ses camarades, si le temps n'est pas trop défavorable.
+
+[Illustration: L'AVIATION EN AFRIQUE DU NORD.--En vol vers Sfax et
+Tunis: le départ de Gabès du lieutenant Reimbert.--_Phot. Genet,
+Gabès_.]
+
+
+
+LA FOULE PARISIENNE UN JOUR DE FÊTE
+
+_Photographie L. Gimpel._
+
+_C'est la foule parisienne, la foule sage et calme des «dimanches et
+fêtes», prise sur le vif, le jour de la Mi-Carême, à un moment
+psychologique, si l'on peut dire... Le traditionnel cortège de la reine
+des reines, qui s'est formé boulevard Voltaire, a gagné, par la place de
+la République et le boulevard Beaumarchais, la place de la Bastille, et
+a contourné la colonne de Juillet, sur laquelle veille, tout près du
+Génie, un photographe avisé. Les chars carnavalesques, aux figurations
+coutumières, ne donnent, du haut de son observatoire, que des images un
+peu décevantes. Mais voici que les derniers d'entre eux se sont engagés
+dans la rue Saint-Antoine, et le service d'ordre, qui barrait les voies
+tout autour de la vaste place,_ vient d'être levé: seul un cordon
+d'agents protège encore la fin du cortège. Tandis qu'une file de
+voitures, où se remarquent les longs toits plats des autobus, débouche
+lentement, au fond du boulevard Beaumarchais et à droite du boulevard
+Richard-Lenoir la foule reprend sa liberté et, de nouveau, circule à
+l'aise, ici pressée encore en groupes compacts, là moins dense. D'en
+bas, vue en perspective fuyante, elle offrirait l'aspect d'une
+multitude; du poste élevé ou le cliché a été pris, elle semble, grâce au
+raccourci des personnages, étrangement diminuée, mais, dans le détail,
+quelle variété de mouvements et d'attitudes y découvre l'oeil amusé!
+
+
+
+[Illustration: A l'établissement des Pupilles de la Marine:
+l'apprentissage de la menuiserie.]
+
+LES PUPILLES DE LA MARINE
+
+UNE PÉPINIÈRE DE MARINS D'ÉLITE
+
+Le développement même de notre flotte de guerre, l'entrée en service,
+d'année en année, de nouveaux navires monstres, exigeant des équipages
+comme des états-majors de plus en plus nombreux, pose d'une façon assez
+inquiétante la question des effectifs.
+
+[Illustration: L'heure de l'étude.--_Phot. Freund._]
+
+On redoute--et M. Pierre Baudin, ministre de la Marine, jetant un cri
+d'alarme, indiquait la semaine dernière, dans des interviews qui firent
+sensation, cette grave préoccupation--on redoute de manquer, dans un
+temps prochain, des marins nécessaires pour armer nos futurs
+dreadnoughts et superdreadnoughts. Le même jour où les quotidiens
+recueillaient les déclarations du ministre, le ministre de la Marine
+allemande, l'amiral de Tirpitz, faisait au Reichstag des déclarations
+qui montraient que, de l'autre côté de la frontière, on n'ignorait pas
+le mal dont nous sommes menacés. Il ajoutait, d'ailleurs, que la même
+crise sévissait également et dans la marine britannique et dans celle
+des États-Unis.
+
+Et pourtant, il faut rendre au département de la Marine cette justice,
+qu'il s'applique avec un soin jaloux à ne rien laisser perdre des
+ressources en hommes que peuvent lui fournir les populations de nos
+côtes. La sollicitude avec laquelle il recueille dans une institution
+spéciale, instruit, éduque ces marins nés que sont les orphelins des
+marins de la flotte, en fait ses enfants d'adoption, ses «pupilles», est
+une preuve de ses sages dispositions à cet égard.
+
+La fondation de l'établissement des Pupilles de la Marine remonte au 15
+novembre 1862. Elle est due au comte Prosper de Chasseloup-Laubat,
+ministre civil de la Marine, et ministre excellent, de qui le souvenir
+est encore évoqué avec respect.
+
+L'idée qui avait présidé à cette fondation semble être dérivée de celle
+qui avait inspiré, sous le premier Empire, l'organisation des Pupilles
+de la Garde. Tous les orphelins de quartiers-maîtres ou de marins de la
+flotte--à l'exclusion des enfants d'officiers, ou d'officiers
+mariniers--allaient être recueillis par l'État, qui se chargeait de les
+élever. Réunis dans un établissement unique, à Brest, ils devaient y
+recevoir une éducation et une instruction appropriées en vue de la
+carrière maritime, et dès l'enfance revêtir l'uniforme qui avait été
+celui de leurs pères, de leurs grands-pères, et auquel ils semblaient
+actuellement voués.
+
+Cette création fut accueillie partout avec la plus grande faveur. Dans
+les ports, à bord des bâtiments de guerre, parmi toutes ces rudes
+populations de vaillantes gens, exposés à toute heure à disparaître à
+l'improviste, laissant les leurs dans la détresse, les femmes, les
+petits à l'abandon, ce fut un enthousiasme général. En un clin d'oeil,
+les dons affluaient de toutes parts, de la France et des colonies. Dans
+la marine même, tous, officiers, marins, ouvriers des ports,
+souscrivaient avec élan en faveur des Pupilles une journée de leur
+solde.
+
+Installé d'abord assez sommairement dans un local inauguré quelques mois
+plus tard, le 26 février 1863, l'établissement devait ultérieurement
+être transféré dans les vastes bâtiments qu'il occupe encore
+actuellement, à Villeneuve, au bord de la Penfeld, à 4 kilomètres de
+Brest, qui sont ceux de l'ancienne fonderie de la marine, aménagés dans
+ce but, et que sont venues compléter peu à peu des constructions
+modernes, mieux appropriées encore à leur destination.
+
+Les fils de marins de l'État sont admis aux Pupilles dès l'âge de sept
+ans s'ils sont orphelins à la fois de père et de mère, à neuf ans
+seulement s'ils ont perdu ou leur père ou leur mère. L'établissement
+reçoit aussi les fils des ouvriers des arsenaux, mais au seul cas où ils
+sont orphelins de père et de mère.
+
+On commence d'abord par donner à ces enfants une instruction primaire et
+les préparer au certificat d'études. Ce premier parchemin scolaire
+obtenu, on leur apprend un métier manuel, celui de mécanicien, de
+forgeron, de chaudronnier, de menuisier. Ainsi, il leur sera, plus tard,
+loisible de bifurquer vers les professions des arsenaux, si le métier de
+mer ne leur convient pas. Les ateliers où ils reçoivent cet enseignement
+technique, égayés par leurs tenues de travail «en gris», leurs petits
+bérets à pompons rouges, leurs grands cols bleus, présentent un très
+pittoresque spectacle.
+
+Mais c'est surtout l'apprentissage de la vie de marin qui est
+l'essentiel, la base même de l'enseignement, et c'est en vue de l'école
+des mousses que sont préparés tous ces enfants.
+
+Ils sont initiés à la gymnastique, à la boxe, au bâton, à la natation,
+qui ne nuisent jamais à un bon matelot, quoi qu'on en ait pensé
+autrefois, le rendent plus agile et plus «débrouillard»; mais l'exercice
+physique auquel on les entraîne avec le plus de soin, le plus de
+rigueur, c'est le canotage. Il y a, près de l'établissement, un paisible
+étang que, même par gros temps, n'agitent point de fortes vagues et qui
+est admirablement propre aux premiers ébats nautiques de ces petits
+bonshommes aux bras encore si frêles. Les baleinières des Pupilles le
+sillonnent en tous sens, y évoluent à l'aise sous la conduite de
+timoniers expérimentés. Entre temps, des gabiers adroits leur enseignent
+tous ces travaux délicats et savants que les marins exécutent
+artistement avec des cordes.
+
+[Illustration: Au son du fifre et du tambour.]
+
+A quinze ans et demi, cette première partie de leur éducation est
+achevée. Elle a été conduite paternellement; pourtant avec une certaine
+rudesse, qui n'exclut pas la bienveillance, voire l'affection, mais qui
+est nécessaire à ceux qui vont désormais affronter le plus rigoureux de
+tous les métiers. L'école est administrée, en effet, par d'anciens
+officiers de marine qui connaissent les exigences de la vie de mer, et
+s'appliquent à développer chez leurs élèves toutes les vertus qui font
+d'un honnête homme un marin d'élite, l'intrépide sang-froid, l'esprit
+d'abnégation et de discipline, l'amour du navire, le culte du drapeau et
+de la fière devise inscrite au front de tous les bâtiments où ils vont
+servir un jour: Honneur et Patrie. Dix instituteurs y dispensent
+l'instruction primaire. Les instructeurs techniques sont, ou des
+officiers mariniers, ou des quartiers-maîtres retraités, ou d'anciens
+chefs ouvriers des arsenaux.
+
+Arrivés à ce point de leur carrière, plusieurs voies s'ouvrent, comme
+nous l'avons indiqué, devant ces enfants. Tandis que les uns, les plus
+nombreux, vont passer à l'école des mousses, d'autres, soit par goût,
+soit en raison de quelque tare, imperfection visuelle, insuffisance de
+développement, vont s'orienter vers l'école des apprentis ouvriers
+mécaniciens de Lorient et vers les emplois des arsenaux. Quelques-uns,
+enfin, qui ont donné des preuves d'exceptionnelle intelligence, de
+dispositions remarquables pour l'étude, seront dirigés vers le lycée de
+Brest où ils pourront se préparer au Borda; plus d'un ancien pupille
+porte aujourd'hui avec distinction le sabre d'officier de marine.
+
+Les buts excellents auxquels tend l'établissement des Pupilles de la
+Marine, les résultats pratiques parfaits qu'il n'a cessé de donner,
+justifient amplement la faveur qui l'accueillit à sa fondation.
+
+De 1863 jusqu'à cette année, il a élevé et instruit plus de 6.000
+orphelins, de l'immense majorité desquels il a fait de bons serviteurs
+de la patrie. C'est là que se recrutent, en grande partie, les officiers
+mariniers des spécialités dites militaires, canonniers, torpilleurs,
+timoniers, fusiliers, etc.
+
+Aussi, dans toute son existence déjà longue, les encouragements, les
+appuis les plus précieux, moraux et matériels, ne lui ont-ils pas
+manqué. Il a, notamment, à maintes reprises, bénéficié de dons et legs
+importants. Grâce à ces libéralités, on est arrivé à réaliser là, sans
+qu'il en coûte beaucoup à l'État, une école modèle, aux dortoirs
+largement aérés, aux salles d'études spacieuses, aux réfectoires nets
+comme des intérieurs hollandais, où 500 enfants reçoivent asile dans des
+conditions hygiéniques si bonnes que bien rarement on eut à déplorer
+quelques maladies graves.
+
+Au point de vue moral, l'établissement des Pupilles de la Marine est une
+pépinière florissante de braves serviteurs du pays, préparés
+merveilleusement à leur tâche, résolument respectueux du devoir, rompus
+dès l'enfance à toutes les rigoureuses disciplines,--de ces coeurs
+vaillants dont, plus que jamais, nous avons grand besoin.
+
+G. B.
+
+[Illustration: L'école de Canotage.--_Photographies Freund._]
+
+
+
+[Illustration: Le Discobole, tenant le disque à la main gauche, porte en
+avant le pied droit. _(Statue du Vatican.)_
+
+Il élève le disque et le reçoit dans la main droite en avançant le pied
+gauche. _(Vase grec, Musée Britannique.)_
+
+Il balance le disque d'avant en arrière, le poids du corps reposant sur
+le pied droit. _(Vases grecs, Musée Britannique et Musée du Louvre.)_]
+
+LE LANCER DU DISQUE
+
+DANS L'ANTIQUITÉ
+
+Depuis que, aux premiers Jeux Olympiques tenus à Athènes, en 1890, le
+lancer du disque a été remis en honneur, ce noble exercice, renouvelé
+des Grecs, est devenu l'un des sports favoris de notre temps. Dans sa
+méthode d'éducation physique, dont le succès a été si vif, M. le
+lieutenant de vaisseau Hébert le place au nombre des huit «exercices
+naturels indispensables». Et, dans ces grandes fêtes internationales de
+la force et de l'adresse que sont, tous les quatre ans, les Jeux
+Olympiques, on ne manque pas de voir, tels les héros chantés par Pindare
+ou ces guerriers que montre Stace en sa _Thébaïde_, de jeunes hommes
+venus de tous les pays d'Europe, et d'Amérique, lutter entre eux à jeter
+au loin le lourd palet.
+
+Est-ce à dire que le lancer du disque se pratique aujourd'hui tout de
+même que dans l'antiquité? Cette question, fort complexe, a été soulevée
+récemment par M. le chef de bataillon Debax, ancien instructeur à
+l'école de gymnastique de Joinville-le-Pont, en un article qu'a publié
+_L'Illustration_ du 11 janvier dernier. Selon lui, le Discobole agissait
+en tous points comme l'athlète moderne: d'abord tourné vers le but, il
+pivotait une fois sur lui-même et faisait face au côté opposé, puis
+revenait dans sa position initiale en abandonnant le disque, auquel ce
+mouvement de rotation du corps avait assuré l'élan nécessaire. Et le
+commandant Debax, appuyant sa thèse sur l'examen de la célèbre statue du
+palais, Massimi, copie d'une oeuvre du sculpteur Myron, exposait que, si
+le disque avait dû, contrairement à son interprétation, être lancé en
+avant de la statue, le Discobole «aurai! malgré lui le regard fixé dans
+cette direction, c'est-à-dire droit devant lui»,--ce qui précisément
+n'est point le cas.
+
+Il semble bien que cet argument ne soit pas rigoureusement probant. Car,
+s'il est vrai que le Discobole du palais Massimi a le regard franchement
+dirigé en arrière, le Discobole conservé au Musée Britannique de Londres
+relève la tête en avant autant que la position de son corps, ramassé sur
+lui-même, le lui permet. En sorte que le degré d'inclinaison, plus ou
+moins grand, de la tête paraît dépendre entièrement de l'attitude
+générale de l'athlète.
+
+Au reste, on ne saurait, pour l'intelligence de l'exercice antique, se
+fonder uniquement sur ces deux effigies, les plus admirables, sans
+doute, du Discobole. Il en existe un grand nombre d'autres
+représentations, dont il importe de tenir compte. Dans un article publié
+par la _Gazette archéologique_ (année 1.888, pages 291 et suivantes), M.
+Jean Six s'est attaché, à l'aide de peintures retrouvées sur des vases
+polychromes de la période archaïque, à reconstituer en détail la série
+de mouvements qui composaient, dans l'ancienne Grèce, le lancer du
+disque. Plus récemment, un savant anglais, M. E. Norman Gardiner,
+faisant porter son enquête sur l'ensemble des monuments--statues,
+bronzes, poteries et monnaies--où sont figurées les diverses attitudes
+du Discobole, a consacré à leur examen un important chapitre de son
+livre _Greek Athletic Sports and Festivals_ (Macmillan and Co., 1910).
+Et les conclusions de son étude, analogues, pour la plupart, à celles de
+M. Six, mais appuyées sur une documentation plus étendue, sont très
+nettes.
+
+Pour la clarté de l'explication, M. Norman Gardiner décompose l'exercice
+en trois temps principaux, qu'il décrit minutieusement. Tout d'abord
+l'athlète, tenant le disque à la main gauche, place le pied droit en
+avant,--ce double fait est attesté notamment par deux statues fameuses,
+celle du Louvre (salle des Cariatides) et celle du Vatican. La tête
+légèrement inclinée, il mesure du regard la distance à laquelle il va
+lancer le projectile. Puis, soit en restant sur place, soit en avançant
+la jambe gauche, il porte le disque à hauteur du front, tandis que la
+main droite s'élève jusqu'à lui, prête à le saisir.
+
+Au second temps, la main droite reçoit le disque à plat sur la paume,
+puis s'abaisse, le buste se penchant progressivement. Si le Discobole
+est resté sur place depuis le début, il n'a pas à changer de pied; s'il
+a avancé la jambe gauche au temps précédent, il la recule ou, au
+contraire, avance la droite: c'est sur celle-ci que, de toutes façons,
+doit reposer désormais le poids de son corps. Cependant il ramène le
+disque en arrière, par une conversion du poignet, et fléchit le buste,
+réalisant ainsi la position de la statue de Myron.
+
+Au troisième temps--celui qui demande le plus grand travail
+musculaire--l'athlète se redresse brusquement, se tend comme un arc,
+puis, d'un vigoureux effort, lance devant, lui le disque, le plus loin
+possible, et retombe sur le pied gauche.
+
+C'est, en résumé, suivant M. Norman Gardiner, un double balancement du
+disque, d'abord avec, la main gauche, ensuite avec la main droite, joint
+aux flexions conjuguées du corps, qui donne au projectile l'impulsion
+nécessaire: le rapprochement des diverses représentations du Discobole
+qui sont parvenues jusqu'à nous ne semble pas laisser de doute à ce
+sujet. En pivotant sur eux-mêmes, les athlètes modernes, dont la
+méthode, d'origine américaine, s'inspire manifestement d'un exercice
+analogue, le lancer du «hammer», s'écartent essentiellement du mode
+antique.
+
+Les concurrents des Jeux Olympiques d'Athènes, en 1896, à qui l'on doit
+la restauration du jeu, avaient essayé, pourtant, de s'en rapprocher.
+Mais, ayant pris comme unique exemple la statue de Myron, ils s'étaient
+contentés de copier, strictement, l'attitude dans laquelle y est figuré
+le Discobole: sous le prétexte que celui-ci tient la jambe droite en
+avant, ils s'astreignaient à conserver la position de cette jambe depuis
+le début jusqu'à la fin du mouvement. Et cette imitation laborieuse, qui
+reposait sur une fausse interprétation de la statue, véritable
+«instantané» plastique, enlevait à l'exercice sa grâce et sa liberté.
+Moins attachés au modèle ancien, les Américains imaginèrent alors de
+reconstituer, suivant des principes nouveaux, le lancer du disque. Nous
+avons, dans _L'Illustration_ du 22 mars 1902, décrit leur méthode, en
+l'opposant à celle des Français, des Danois et des Grecs, «L'Américain,
+écrivait notre collaborateur le docteur J. Héricourt, par une puissante
+action des jambes, tournoie sur lui-même avec rapidité, tandis que son
+bras, aux muscles lâches, fait l'office de la corde d'une fronde: tout à
+coup le disque s'échappe, fend l'air par sa tranche, et va tomber très
+loin.»
+
+Faut-il croire que les Grecs pratiquaient également les deux systèmes,
+celui qu'ont adopté presque tous les modernes, et celui qui ressort des
+témoignages mêmes du passé? M. le lieutenant de vaisseau Hébert
+inclinerait vers cette conciliante hypothèse. «Les manières de lancer le
+disque, nous écrit-il, devaient différer, logiquement, avec les
+aptitudes particulières des athlètes: la longueur de leurs jambes, de
+leurs bras, leur poids, leur taille...» Selon lui, il y avait plusieurs
+façons de procéder, l'une, courante, suivant laquelle le Discobole
+balançait simplement son disque d'avant en arrière, les autres, celles
+des virtuoses ou des champions, dont l'une comportait une rotation
+complète du corps.
+
+On doit tout au moins admettre comme certain que les anciens n'avaient
+pas besoin, pour lancer le disque, de pivoter sur eux-mêmes, et qu'ainsi
+la statue de Myron ne saurait s'expliquer, de toute nécessité, par ce
+mouvement, que d'ailleurs les nombreuses représentations antiques du
+Discobole ne paraissent point comporter. M. P.
+
+[Illustration: Ramassé sur lui-même, il élève le disque aussi haut que
+possible, en opérant une conversion du poignet, la tête dirigée soit en
+arrière, soit en avant. _(Statue de Myron, au palais Massimi, et statue
+du Musée Britannique.)_
+
+Au commencement du «lancer», il se redresse brusquement et se tend comme
+un arc _(Amphore panathénaïque, Musée de Naples.)_
+
+Puis il retombe sur le pied gauche en abandonnant le disque. _(Amphore
+panathénaïque, Musée de Leyde.)_
+
+LES ATTITUDES SUCCESSIVES DU DISCOBOLE, D'APRÈS DIVERSES REPRÉSENTATIONS
+ANTIQUES]
+
+
+
+[Illustration: L'effervescence populaire à Tokio: pendant la séance
+parlementaire du 5 février, la foule, contenue par la police, se porte
+vers les entrées latérales de la Chambre.]
+
+EST-CE LE DÉBUT D'UNE RÉVOLUTION AU JAPON?
+
+_Nous avons déjà, dans notre numéro du 15 février, parlé de la crise
+politique et de l'effervescence populaire qui, en imposant la retraite
+du cabinet Katsura, soutenu par l'empereur lui-même, semblent faire
+augurer pour le Japon des temps nouveaux. Le fait le plus saillant de
+cette crise aura été le refus du parti démocrate de renoncer à son
+attitude d'opposition malgré l'intervention de l'empereur auprès du chef
+de ce parti, le marquis Saïonji. On y voit une sérieuse atteinte portée
+au prestige du trône, qui, depuis le triomphe du précédent empereur sur
+les grands féodaux, au début de son règne, n'avait jamais rencontré une
+semblable résistance. Notre correspondant de Tokio, M. J.-G. Balet, qui
+assista à la séance parlementaire exceptionnelle du 5 février 1913, nous
+adresse, sur les faits qui précédèrent et provoquèrent la chute du comte
+Katsura, les intéressantes notes qui suivent:_
+
+Tokio, 7 février 1913.
+
+La séance du 5 février 1913 marquera, dans les fastes de l'histoire
+japonaise, une date mémorable, terrible peut-être.
+
+Un spectateur insuffisamment averti n'aurait vu ce jour-là qu'une lutte,
+passionnée sans doute, mais très anodine, entre le gouvernement et une
+grosse fraction de la Chambre. Sans doute il aurait été frappé de la
+pâleur extraordinaire du premier ministre, prince Katsura, aux prises
+avec les interpellations de la majorité; des paroles grossières, des
+insultes lancées d'un banc à l'autre ne l'auraient toutefois pas
+autrement surpris.
+
+Et pourtant il s'est passé là un fait extraordinaire, sans précédent
+dans l'histoire de ce peuple qui vit de l'adoration volontaire d'une
+idée: l'empereur infaillible et intangible. On a discuté la portée des
+_rescrits impériaux et des paroles impériales_. Avec un reste de
+formules savamment respectueuses, on a voulu savoir à qui incombait la
+responsabilité de ces ordres, celle de l'empereur ne pouvant être en
+jeu, ajoutait-on!
+
+Lorsque l'ex-maire de Tokio, le bouillant Ozaki Yukio, déjà mal noté
+autrefois pour son tempérament démocratique et forcé de quitter le
+portefeuille de l'Instruction publique pour un mot malheureux à la
+tribune, lorsque M. Ozaki lança, à pleine voix, à la face du banc des
+ministres ahuris cette phrase: «Et si, par malheur, il venait à se
+produire une erreur dans un rescrit impérial, qui en prendrait la
+responsabilité, si personne n'a apposé son sceau au bas de cette parole
+sacrée, comme l'exige la Constitution, et comme on a omis de le faire
+lorsque Katsura a repris le pouvoir, abusant ainsi de la majesté
+impériale et la compromettant pour ses desseins ambitieux?», je
+m'étonnai de ne pas voir le plafond s'écrouler sur l'homme qui avait
+ainsi parlé. D'ailleurs le tumulte commença aussitôt: «Insolent!
+Traître! Socialiste! Retirez ce mot! _Aucune erreur n'est possible dans
+le Chokugo!_»
+
+Mais, fort de son raisonnement, dans un pays constitutionnel, où tous
+les décrets impériaux doivent être paraphés par un ou par tous les
+ministres, suivant le cas, l'orateur ne retira aucun mot. D'autant moins
+qu'il attaquait non pas le pouvoir impérial, mais la camarilla qui en
+abuse avec une hypocrisie savante, pour son propre compte.
+
+Au dehors, la foule immense assiégeait les alentours du Parlement. Des
+vociférations, des cris de mort parvenaient vaguement à nos oreilles.
+
+Au dedans, une angoisse étreignait toutes les poitrines. Suspendu durant
+quinze jours, au mépris de la Constitution, le Parlement siégeait à
+nouveau pour la première fois. Durant ces deux semaines, le prince
+Katsura et ses deux sbires, le vicomte Oura, ministre de l'Intérieur, et
+le baron Goto, ministre des Postes et des Voies ferrées, avaient _per
+fas et nefas_ essayé de former un nouveau parti politique pour faire
+échec aux constitutionnalistes de Saïonji. L'argent répandu à profusion,
+les promesses et les menaces avaient disloqué le parti nationaliste,
+_Kokumintô_; un air de corruption flottait sur certains bancs de
+l'hémicycle. La majorité restait sans doute à l'opposition, mais on
+voulait voir et savoir jusqu'à quel point l'audace du premier ministre,
+condamné par la voix populaire de tout le pays, avait bien pu faire de
+traîtres.
+
+Qu'allait-il arriver? Dissolution de la Chambre? Nouvelle suspension?
+Démission du cabinet? La proposition d'un vote de non-confiance, signée
+par 250 membres sur 380 environ, fut développée, avec une éloquence rare
+et une violence à peine contenue, par M. Ozaki Yukio.
+
+Un «traître» du parti _Kokumintô_, un verbeux orateur, M. Shimada
+Saburô, allait lui répondre lorsque le président, M. Ooka, se leva et
+dit: «Une parole impériale est descendue (vers nous) _Chokugo ga
+kudarimashito_».
+
+D'un bond, tout le monde fut sur pied, la tête inclinée. Et, dans un
+silence religieux, on entendit: «_Moi_, en vertu de l'article 7 de la
+Constitution, je suspends à nouveau la Chambre pour cinq jours.» Sceau
+impérial, contresigné par tous les ministres d'État.
+
+C'est ici que, pour un spectateur attentif, éclata la vanité du
+soi-disant respect pour le _Chokugo_ que des braillards déclaraient
+infaillible tout à l'heure. En effet, tandis que la foule des députés,
+des journalistes et des spectateurs s'écoulait sans tumulte, les uns
+disaient: «_C'est idiot! Une suspension de cinq jours!_ Ça ne rime à
+rien! Si encore c'eût été la dissolution; mais il n'a pas «assez
+d'estomac!» D'autres ajoutaient: «Bah! dans les cinq jours, il espère
+bien faire capituler d'autres consciences!»
+
+C'était pourtant un ordre impérial; mais cette fois il était contresigné
+par des gens responsables, tandis que, lorsque Saïonji démissionna en
+décembre et que Katsura fut chargé de former le nouveau cabinet, Katsura
+avait obtenu pour lui-même de l'empereur un rescrit; il en obtint un
+second, avant d'avoir formé le ministère, pour forcer le ministre Saïto,
+de la Marine, à garder son portefeuille, alors qu'il voulait le quitter.
+
+La foule hurlait toujours. Les députés du peuple, _Mintô_, furent portés
+en triomphe. Les autres, houspillés, injuriés et même maltraités. Les
+ministres, qu'on attendait pour leur faire subir un sort analogue,
+n'osèrent pas affronter la colère du peuple. Ils s'évadèrent par des
+portes dérobées.
+
+Ainsi, la lutte est ouverte, beaucoup plus tôt qu'on ne l'aurait pensé,
+sur les cendres encore chaudes de l'empereur Meiji, entre les derniers
+représentants de l'oligarchie militaire et féodale des clans et les
+couches nouvelles démocratiques. L'empereur, c'est entendu, demeure
+au-dessus de ces batailles; mais, comme je le disais ici même, dans le
+numéro du 15 août: «Pour le peuple moderne, il est un _peu moins dieu_
+que l'ancien!» La séance du 5 février a encore ôté une pierre de son
+piédestal; l'hypocrisie traditionnelle tombe peu à peu, sous la poussée
+de nos idées et de nos institutions. Et cela, c'est une révolution.
+
+J.-C. BALET.
+
+_A la suite de ces événements, le cabinet Katsura dut remettre sa
+démission à l'empereur, qui chargea l'amiral Yamamoto de constituer un
+nouveau ministère. L'amiral Yamamoto, qui a pris le pouvoir en ces
+heures difficiles, est né en 1852. Il a pris part «la guerre de la
+Restauration du cédé des Impériaux, fut l'un des premiers gradués de
+l'école navale et compléta son éducation maritime en faisant le tour du
+monde sur un navire allemand. Il était contre-amiral en 1901, amiral en
+1906, ministre de la Marine en 1906. Pour réaliser une majorité viable,
+il a dû constituer un cabinet de coalition avec des personnalités du
+parti conservateur et des personnalités du parti démocrate._
+
+[Illustration: Les manifestants devant l'entrée du palais du Parlement
+japonais.]
+
+COUTUMES D'AUTREFOIS DANS LE JAPON D'AUJOURD'HUI.--La Danse des Poupées
+de paille. _Photographie Fuki Sakamoto._
+
+_Tandis que le Japon, conquis aux usages politiques d'Occident, s'essaye
+à des émeutes et renverse, sous la menace de la force, un gouvernement
+impopulaire, les coutumes d'autrefois, conservées par une immuable
+tradition, y fleurissent toujours, et leur permanence offre, avec les
+moeurs nouvelles, un sujet de savoureux contraste... C'est le vieux
+Japon, bizarre et précieux, et d'un charme si naïvement compliqué, qui
+survit en cette danse, dont notre photographie, prise à Yamada, évoque
+la grâce étrange. Jadis, elle avait lieu à minuit: sur ce point seul,
+l'usage ancien s'est modifié, et elle développe maintenant en plein jour
+ses lentes évolutions. Mais des lanternes de papier, portées au bout de
+perches, rappellent ingénument que c'étaient, à l'origine, des ébats
+nocturnes. Pour ce divertissement, les danseurs ont revêtu un singulier
+costume, qui les rend semblables à des poupées de paille: une gerbe,
+dont les brins pressés recouvrent leur visage, comme s'ils avaient
+longue barbe et longs cheveux, leur sert de chapeau, et leur robe est
+faite du chaume des toits rustiques. Rangés en cercle, ils happent, sans
+hâte sur de petits tambours suspendus à leur cou, accompagnant de leurs
+battements de douces chansons. Et, dans ce décor d'opéra-comique, ils
+composent un irréel ballet de figurines animées, aux gestes saccades
+d'automates._
+
+
+
+[Illustration: EN CONVOI.--M. Gustave Bimler et ses boeufs porteurs.]
+
+DEUX PIONNIERS FRANÇAIS
+
+UN ESSAI DE COLONISATION AU TCHAD
+
+La région du Tchad est riche en bétail et en grains de toute nature,
+écrivait le grand Africain Émile Gentil, au lendemain de la destruction
+de l'empire de Rabah, au moment où il commençait d'organiser, de
+coloniser les territoires qu'avec le commandant Lamy et une poignée
+d'autres braves il venait de donner à la France; le blé même y vient; de
+plus, sa population nombreuse produit des cuirs, des plumes d'autruche
+et consomme en grande quantité des marchandises européennes...» Et, plus
+loin, envisageant avec sa belle clairvoyance les conditions dans
+lesquelles nous pourrions nouer, avec ces peuples nouvellement conquis,
+des relations commerciales, et préconisant dans ce but la fondation
+d'entrepôts où se pourraient approvisionner les Tripolitains, aux mains
+desquels était alors tout le trafic du pays, il ajoutait: «La création
+de ces entrepôts, outre qu'elle serait très profitable aux commerçants
+qui voudraient l'entreprendre, leur permettrait de se livrer à un
+commerce local qui ne serait pas sans bénéfices. Je veux parler de la
+vente des troupeaux, qui seraient facilement transportés sur l'Oubanghi,
+où l'on manque de viande de boeuf.»
+
+Ces lignes, datées de 1902, allaient, huit ans plus tard, mettre une
+profonde empreinte dans l'esprit de deux jeunes hommes de France, M.
+Pozzo di Borgo, frère d'un prêtre de Bourg, au diocèse de Belley, et M.
+Gustave Bimler, fils d'un médecin-major retraité à Lons-le-Saunier, et
+les pousser, à la fin de 1910, vers les aventures coloniales, au coeur du
+continent noir, et, souhaitons-le, vers les destins fortunés que
+méritent si bien leur esprit d'initiative, leur juvénile ardeur à la
+tâche, leur confiance et leur crânerie toutes françaises.
+
+L'idée première de l'entreprise revient à M. Pozzo di Borgo. Il était
+allé sur place en étudier les possibilités de réalisation. De trois
+séjours successifs au centre africain il avait rapporté, avec la
+connaissance de la langue, des moeurs indigènes, la conviction qu'il y
+avait là-bas vraiment beaucoup à faire. Les admirables lettres et
+rapports du colonel Moll, s'il a pu les connaître, l'auront confirmé
+plus tard dans cette croyance. Mais, dès le retour, sa conviction était
+faite, et si forte, qu'il réussit à la faire partager à son jeune
+camarade, M. Gustave Bimler. Bientôt celui-ci était devenu son associé,
+son frère de lutte. M. Pozzo di Borgo s'était assuré, à la suite de son
+dernier voyage d'études, une concession dans le territoire du Tchad, à
+Melfi, entre le 15e et le 16e degré de longitude ouest et par 11° de
+latitude nord, au sud-est de Fort-Lamy; l'appui moral des autorités
+militaires était, d'autre part, assuré aux deux colons. Ils
+s'embarquèrent le 25 août 1910 à Bordeaux sur le paquebot _Afrique_.
+
+De quels espoirs battaient leurs coeurs! Tout est beau, tout leur
+sourit. La vie de bord, si monotone, si pénible à d'aucuns, ravit M.
+Bimler, pour qui elle est nouvelle. «Je suis très heureux, pas triste du
+tout», écrit-il à sa famille au soir du premier jour de ce voyage
+maritime.
+
+Ils arrivent au port, passent sur un nouveau bateau pour une navigation
+bien différente, celle du Congo. L'enchantement continue pour M. Bimler.
+«La traversée est très agréable, le pays très joli.» Cette charmante
+nature d'homme s'enthousiasme à tout bout de champ. Il a «déjà vu des
+singes et des crocodiles», et des «indigènes qui ressemblent à ceux que
+l'on voit dans le livre du capitaine Cornet», l'un des bréviaires, sans
+doute, où s'enflamma naguère son imagination. Même dévoré par les
+moustiques, il ne saurait se plaindre.
+
+A Bangui, pourtant, il éprouve un peu d'impatience; il faut s'arrêter là
+quelques jours pour y attendre les bagages. On en profite pour
+échafauder des projets à faire pâlir ceux de Perrette: un boeuf coûte,
+au Tchad, 25 francs; on le revend 150; la troupe en consomme trois par
+jour. «Vous pouvez à peu près calculer ce que nous pouvons gagner». Il
+est vrai qu'il faut compter avec quelques pertes: la fatigue et surtout
+la terrible mouche tsé-tsé déciment les troupeaux en marche. On le sait;
+on ne l'oublie pas. Mais il y a aussi le bon lait des vaches, dont on
+pourra faire commerce par surcroît...
+
+Le 9 novembre, enfin, on repart de Bangui. Le 15, on est à fort de
+Possel,--non sans peine. Le concessionnaire des transports, et c'est la
+première déconvenue, a refusé de prendre à bord de son bateau ces deux
+«pékins». Il a fallu recourir aux pirogues, ou plutôt à deux baleinières
+aimablement prêtées par le lieutenant-gouverneur, M. Adam. Quelle
+navigation mouvementée! Les deux derniers jours du voyage, nos colons
+préfèrent cheminer à pied plutôt que d'affronter plus longtemps le
+courant furieux, les dangereux troncs d'arbres à la dérive. A fort de
+Possel, l'accueil, toujours cordial, des fonctionnaires les réconforte.
+Après huit jours de halte, ils sont de nouveau sur la piste, avec leurs
+cent cinquante-deux charges de bagages,--et leurs espoirs au coeur,
+toujours.
+
+[Illustration: Les fondations des cases bénites par le «faki».]
+
+[Illustration: La fabrication des briques.] LES DÉBUTS D'UN
+ÉTABLISSEMENT A MELFI.
+
+Tout le long du voyage, ils sont attentifs aux productions du pays, aux
+profits surtout qu'on en peut tirer. Les lettres de M. Gustave Bimler
+accusent un esprit sans cesse en éveil, tendu vers le but à atteindre. A
+Krébedjé (fort Sibut), le caoutchouc arrive en masse. «Il vaut ici de 2
+francs à 3 fr. 50. Il vaut en France 18 francs. Nous essaierons quelque
+chose.»
+
+A fort Crampel, le 8 décembre, ils trouvent la nouvelle du désastre de
+Drijelé et de la mort du colonel Moll. L'inquiétant indice de la
+situation que présente le pays où ils vont travailler, des risques qu'on
+y peut courir! De moins vaillants pourraient frémir, hésiter encore.
+Eux, quand ils ont rendu aux héroïques soldats de la France l'hommage
+ému qui leur est dû, ils se remettent en route, pressés d'atteindre le
+terme du voyage et d'y fêter, avec leur heureuse arrivée, la familiale
+Noël: «Nous déballerons le phonographe pour nous égayer un peu. Nous
+penserons certainement beaucoup aux absents, alors que, de votre côté,
+vous réveillonnerez aussi, et peut-être qu'en même temps, à Lons et à
+Melfi, nous lèverons nos verres.»
+
+Ils arrivent le 23 décembre, à 9 heures du matin. Ils prennent avec
+exaltation possession du sol où désormais, pour de longs mois, va
+s'écouler leur vie. Ils y trouvent une réception affectueuse,
+fraternelle, de la part du lieutenant Derendinger et du sergent
+Stocklen, deux Alsaciens de la bonne souche.
+
+«Le pays, ici, est merveilleux, et réellement, malgré les descriptions
+de Pozzo, je ne croyais pas trouver un paysage aussi joli. Melfi est à
+300 mètres d'altitude, et les montagnes qui le surplombent ont bien
+encore 200 à 300 mètres. Des rochers admirables! Melfi est dans un vrai
+cirque, peuplé de villages importants, avec de grands troupeaux de
+boeufs, de moutons, de chèvres et de chevaux...»
+
+Le _faki_--le prêtre--et plusieurs chefs s'empressent de leur apporter,
+comme dons de bienvenue, des chèvres, des poulets, des pigeons, du
+miel... Enfin, c'est un enchantement.
+
+Et la nouvelle existence commence pour les deux colons, la saine vie de
+la brousse, qui développe et les muscles et le moral, trempe les âmes et
+endurcit les corps. M. Bimler déballe les caisses, range, menuise,
+«bricole»,--cependant que M. Pozzo di Borgo fait débroussailler le
+terrain et trace les fondations des cases. Quand est prêt l'emplacement
+des deux demeures, le faki vient, selon les rites, y égorger un mouton,
+en récitant les prières propitiatoires. Puis l'architecte reprend son
+rôle, cependant que son compagnon surveille la confection des briques
+d'argile, prépare des cintres pour les fenêtres. Il parle avec orgueil
+de ses occupations. C'est la joie pleine!
+
+Mais cela ne détourne pas un moment les deux amis de leurs
+préoccupations commerciales. Il y a dans la région beaucoup d'éléphants,
+note M. Bimler. Un chasseur est revenu, après huit jours d'absence,
+rapportant huit défenses d'ivoire, dont les grosses pèsent jusqu'à 30
+kilos--soit un produit net de près de 1.800 francs--en une semaine!
+Aussi va-t-on organiser bien vite, aussitôt que l'un des colons sera
+libre, une expédition contre la grosse bête. Par malheur, à cette
+chasse-là, comme à toutes les chasses, on risque de revenir bredouille.
+La première aventure cynégétique de M. Bimler ne fut pas heureuse: en
+tout un mois passé dans la brousse, il ne réussit qu'à blesser un
+éléphant femelle que suivait son petit nouveau-né, et qui parvint à lui
+échapper. C'était beaucoup de fatigues pour rien. N'importe! il
+demeurait, comme on dit, d'attaque: «J'ai décidément un tempérament de
+colonial,» constate-t-il avec satisfaction!
+
+Cependant que la construction des maisons s'achève, les deux amis
+songent déjà à constituer le premier troupeau qu'ils conduiront vers
+l'Oubanghi. Ils songent à l'aller chercher du côté d'Abêché. Non que
+cette région soit plus particulièrement riche en bétail; mais ils auront
+comme fournisseurs les Kodoïs, qu'ils croient bien placides, et ils
+savent pouvoir compter sur toute la bienveillance du commandant Hilaire,
+qui facilitera grandement leur tâche.
+
+Avec une caravane de 7 boeufs porteurs, de 11 hommes, sans compter les
+boys, n'ayant comme armes que 4 fusils et 2 revolvers, ils partent vers
+Yaa, où les attend la cordiale hospitalité du sultan Hassen, un vieil et
+fidèle ami de la France. Ils le quittent pour gagner Ati: deux jours de
+marche, de minuit à 10 heures du matin et de 3 heures à 7 heures du
+soir, à travers une région désertique, sans eau, sans villages.
+
+Ils auront encore onze journées d'étapes avant d'atteindre, le 8 juin
+1911, Abêché. La situation n'y est pas des plus rassurantes: trois jours
+plus tôt, le malheureux docteur Pouillot a été assassiné, non loin de
+là. Les rustiques Kodoïs, les fournisseurs sur lesquels on comptait pour
+s'approvisionner en bétail, s'agitaient, et le commandant Hilaire avec
+le capitaine Chauvelot ont dû leur infliger une leçon. Doudmourrah tient
+encore la campagne, au moment où l'on rend les honneurs funèbres aux
+dépouilles de Moll et de ses héroïques compagnons,--car c'est au cours
+de ce séjour à Abêché que MM. Gustave Bimler et Pozzo di Borgo
+assistèrent aux obsèques de l'inoubliable colonel et recueillirent les
+clichés qu'ils nous envoyèrent et que nous avons publiés dans le numéro
+du 13 janvier 1912.
+
+Toutefois, nos colons parviennent à constituer un troupeau suffisant, où
+figurent quelques vaches qui, à Melfi, où elles font prime, vaudront
+chacune plusieurs boeufs.
+
+Le retour s'opère dans des conditions assez peu favorables, et les deux
+voyageurs s'émerveillent, une fois chez eux, d'avoir perdu si peu de
+bêtes. Ils ont, d'ailleurs, pour rentrer, fait un peu d'exploration; ils
+ont pris un itinéraire plus court que celui qu'ils avaient suivi à
+l'aller et qu'aucun Européen encore n'avait parcouru, par Assafique et
+le massif de l'Abou Telfana.
+
+C'est un exploit qui les enchante par sa nouveauté et un peu par son
+pittoresque: ces 300 à 400 bêtes à cornes suivant, tour à tour, une
+piste dénudée, poudreuse, et entre des buissons hérissés, une voie à
+peine frayée, où leur passage soulève d'épais nuages de poussière;
+l'incertitude où l'on est toujours de trouver l'eau nécessaire à la
+subsistance de ce bétail; les haltes, le soir, comme dans un exode
+biblique, au bord de quelque puits où il faut travailler une
+demi-journée afin de puiser la quantité d'eau nécessaire à tant de
+soifs; l'inquiétude que l'on éprouve parfois avant de s'engager sur une
+route inconnue, où l'indispensable liquide peut manquer, voilà, n'est-il
+pas vrai, des sujets d'émotions bien variées.
+
+[Illustration: La case de M. Pozzo di Borgo.]
+
+[Illustration: La case de M. Bimler.]
+
+LES «LOGIS» D'UNE FERME FRANÇAISE DANS LE TERRITOIRE DU TCHAD
+
+Il y a, dans le récit de ce voyage, un moment dramatique: celui où, en
+pays ignoré, nos deux pionniers attendent la pluie bienfaisante. Deux
+jours ils demeurent arrêtés, anxieux. Enfin, vient l'ondée, diluvienne,
+qui, d'un coup, transforme en furieux torrents les «bahrs» croupissants,
+fait des vagues chemins autant de rivières débordées, de chaque cuvette
+un marécage. Alors, les bêtes s'enlisent, et il faut, pour les dégager,
+faire appel à la bonne volonté d'équipes peu sûres, recrutées dans les
+villages d'alentour. Un peu plus loin, romantique contraste, on traverse
+d'opulents paysages, de grasses vallées qui évoquent, à la mémoire des
+exilés, le souvenir des plus beaux sites de France et des retours de
+troupeaux vers la ferme familière, le soir, au couchant. Il s'agit,
+maintenant, après quelques jours de repos, d'écouler vers Krébedjé et,
+si possible, Bangui, ce bétail amené au prix de tant de soins, de tant
+de fatigues et de peines, et auquel le climat humide de Melfi serait
+très dommageable: les bêtes y sont enlevées en quelques heures,
+succombant à une maladie assez mystérieuse encore. M. Gustave Bimler va
+se charger d'accomplir ce nouveau voyage, laissant à son associé le soin
+d'achever l'aménagement et l'amélioration des cases et la construction
+d'annexés, puis, plus tard, le recrutement d'un nouveau troupeau. Il
+part à la tête de 22 personnes: 7 bergers, 9 bouviers, 4 palefreniers,
+un cuisinier et l'indispensable interprète.
+
+Que de préoccupations! Il faut nourrir cette domesticité--et le mil
+n'abonde pas partout; il faut tout prévoir, avec ces êtres insoucieux et
+indolents, le pâturage, l'aiguade et le campement--et aussi songer à se
+défendre d'une attaque toujours possible, à la halte. Il faut, enfin,
+avoir l'oeil à tout et ne rien abandonner au hasard.
+
+On couche sous la tente, pas toujours,--quelquefois à la belle étoile,
+le bétail parqué derrière de fortes _zéribas_, ou barrières de
+branchages épineux, ce qui ne dispense pas de monter la garde la nuit
+entière, pour se protéger contre les convoitises des rôdeurs.
+
+La traversée du Chari fournit au jeune chef de caravane un intermède
+imprévu. Le fleuve, à cet endroit, en cette saison--c'était au mois de
+décembre--avait bien 300 mètres de largeur. Les bêtes qui, nées dans un
+pays de sable, n'avaient jamais vu tant d'eau, refusaient de se mettre à
+la nage; il fallut les remorquer une à une, attachées derrière une
+pirogue, ce qui prit trois grands jours.
+
+M. Bimler, à ce voyage, ne poussa pas plus avant que Krébedjé (fort
+Sibut). Il fut décidé ultérieurement par les deux associés qu'ils
+fixeraient là leur premier dépôt, en attendant de pouvoir en installer
+un à Bangui. Et ils ont créé, en effet, un centre commercial important
+déjà, avec logements pour le chef de convoi et pour son personnel,
+écuries, hangars, qui sera aux populations d'un grand secours, et qui,
+dès le début, a été fort bien achalandé.
+
+Depuis, les deux entreprenants colons ont renouvelé bien des fois leur
+double opération, se relayant de l'un à l'autre de leurs centres
+d'opérations. Leurs dernières lettres débordent du même élan, respirent
+le même enthousiasme qui les animait aux débuts: «Si nous réussissons,
+écrivait dernièrement M. Pozzo di Borgo, à ouvrir entre le territoire du
+Tchad et Bangui une voie commerciale, nous n'aurons pas seulement
+réalisé une opération fructueuse pour nous, mais encore nous aurons
+grandement favorisé l'essor de la colonie.»
+
+Ainsi le succès ne faisait, pour ces deux hardis pionniers, aucun doute.
+Quoi qu'il arrive, ils auront eu le mérite d'être les premiers à tenter
+la colonisation, l'exploitation commerciale d'un territoire à peine
+conquis et pacifié. C'est un geste de bravoure, un exemple que nous nous
+devions de signaler, pour la crânerie, l'esprit d'entreprise dont il
+témoigne,--un geste très français.
+
+GUSTAVE BABIN.
+
+[Illustration: LE COMMERCE DU BÉTAIL AU TCHAD,--Une évocation africaine
+de la vie rurale de France: l'arrivée du troupeau à l'étape.]
+
+
+
+SCÈNES DE LA RÉVOLUTION
+
+MEXICAINE
+
+Tant de meurtres et de fusillades que nous relations la semaine passée
+et qui ont eu des suites--car l'un au moins des frères de l'ancien
+président, Emilio Madero, a subi, troisième de sa famille, le même sort
+que lui--ne semblent pas avoir mis un terme à la guerre civile allumée,
+à Mexico, par la révolte armée du 9 février passé. Les dernières
+nouvelles annonçaient que les troupes de Zapata avaient attaqué, dans le
+district même de Mexico, un train militaire, tandis que, d'autre part,
+l'anarchie qui règne dans les provinces s'est traduite par un échange de
+coups de feu à la frontière entre des soldats mexicains et des troupes
+des États-Unis. Du moins assure-t-on que, dans la capitale même, la vie
+normale a repris son cours, que les ateliers, les usines et les magasins
+sont rouverts.
+
+Les photographies que nous reproduisons ici, prises au cours de la
+lutte, ont à tout le moins un mérite d'exactitude, de précision qui
+manquait aux dépêches par lesquelles nous avons jusqu'ici été
+renseignés.
+
+La première fut prise le jour même du coup d'État, un quart d'heure
+après le premier combat. Elle représente le front nord du palais
+national, gardé par les troupes fédérales, l'arme au poing, jusque sur
+les terrasses. Le sol est jonché encore de cadavres d'hommes et de
+chevaux abattus au cours de la fusillade. On voit, sur la troisième, un
+groupe de morts, tombés également dans ce premier engagement.
+
+L'insurrection, alors, semble battue. Le président Francisco Madero,
+avec une crânerie de belle allure, est monté à cheval et parcourt les
+principales rues de la ville, bien escorté, sans doute, mais salué
+chaleureusement par la foule de ses partisans. La fortune ne devait pas
+continuer à lui sourire, et, quoiqu'on affirme officiellement qu'il a
+bien été tué dans les conditions que nous avons dites, tandis qu'on le
+conduisait, de nuit, de son palais à la prison, un doute continuera
+toujours de planer sur les circonstances de sa fin tragique.
+
+[Illustration: LA TRAGEDIE DE MEXICO En haut: le Palais national,
+défendu par les fédéraux, après le premier engagement avec les rebelles,
+le jour du coup d'État (9 févr.). Au centre: le président Madero
+parcourant à cheval les rues voisines du Palais, acclamé par ses
+partisans, quelques jours avant sa fin tragique. En bas: victimes de
+l'émeute, dans un jardin devant la cathédrale.]
+
+[Illustration: Le train du généralissime turc Izzet pacha, au camp
+d'Hademkeui.--_Phot. G. Rémond._]
+
+
+
+LA TRÊVE DE LA NEIGE
+
+Hademkeui, samedi 22 février.
+
+Je suis parti de Constantinople à 3 heures du matin, en compagnie du
+colonel Djemal bey, qui emmène également avec lui Paul Erio, du
+_Journal_. Chemin faisant, Djemal bey nous donne quelques explications
+sur la réorganisation de l'armée et, en particulier, de l'intendance. Au
+lendemain de Tchataldja, après qu'il eut été immobilisé, trois semaines
+durant, par 19 choléra, il s'occupa lui-même de ces services d'arrière
+qui, durant toute la première partie de la guerre, avaient si fort
+laissé à désirer et dont le mauvais fonctionnement avait été l'une des
+causes principales de la défaite. Aujourd'hui qu'il se trouve retenu au
+gouvernement de Constantinople, ce service a été remis aux mains
+d'Ismaïl Hakki pacha, excellent organisateur, qu'une blessure glorieuse,
+reçue au Yemen, blessure après laquelle il a dû être amputé d'une jambe,
+empêche de se rendre sur le champ de bataille.
+
+Chaque jour 1.000 hommes de troupes fraîches, recrues et volontaires,
+sont dirigés sur les lignes de Tchataldja. Auparavant, ils passent
+quinze jours à Constantinople pour y être équipés et recevoir un
+commencement indispensable d'instruction. Depuis près de trois semaines,
+ces convois d'hommes sont quotidiens, et peuvent continuer indéfiniment.
+Les convois chargés de vivres arrivent régulièrement; il y a même
+surabondance, car on a construit des fours à Hademkeui où l'armée fait
+elle-même son pain. Ces derniers jours, elle refusait les envois de
+Constantinople. La seule crainte qu'on puisse avoir, c'est que la ligne
+ferrée se trouve coupée pour quelques jours par le mauvais temps entre
+Hademkeui et Tchataldja.
+
+Les soldats mangent chaque jour une nourriture chaude, soupe le matin,
+rata le soir, haricots, riz et lentilles; deux fois par semaine ils ont
+de la viande fraîche, et deux fois de la viande conservée dans la
+graisse. Ils reçoivent également du bois et du charbon pour faire du
+feu. Ils se trouvent suffisamment à l'abri du mauvais temps dans des
+baraques de planches recouvertes de papier goudronné. Sur d'autres
+points, ils ont creusé de grandes fosses qu'ils ont recouvertes de
+toiles de tentes. Ceux qui sont aux avant-postes sont remplacés
+quotidiennement; ils vivent sous la tente; et quant aux soldats qui
+occupent les tranchées ou aux sentinelles, on les relève heure par heure
+durant les journées de mauvais temps.
+
+Le colonel Djemal bey est un grand ami de la France. Il m'explique les
+grands projets d'organisation de la Turquie d'Asie après la guerre, la
+création de cinq vastes gouvernorats qui seront des espèces de
+vice-royautés à peu près indépendantes, ayant leur liberté d'action, de
+fonctionnement. Comme conseillers, comme directeurs de travaux, on fera
+appel aux étrangers.
+
+[Illustration: Le colonel Djemal bey.--_.--Phot. Talb Kope._]
+
+--Je ne m'entourerai que de Français, me dit Djemal bey. Après la
+guerre, j'irai à Paris. J'espère qu'on voudra bien m'aider, me
+conseiller, m'indiquer des hommes capables, sérieux, travailleurs,
+intelligents, qui abondent dans votre nation. Je voudrais retourner
+ensuite à Bagdad et consacrer mes efforts à ce pays. Quelle admirable
+région! mais abandonnée à elle-même depuis si longtemps! La nature y est
+si riche, si féconde que, pour le moindre travail, on est aussitôt
+récompensé, payé au centuple.
+
+«LA PAIX TANT QUE L'ON VOUDRA, MAIS LA PAIX AVEC ANDRINOPLE»
+
+Djemal bey est un grand travailleur; depuis un mois que je le vois
+chaque jour, il n'a eu de repos vraiment ni jour ni nuit. Relevant d'une
+grave maladie, il était là à son bureau, pâle, les yeux cernés, énervé
+par ce labeur qui n'est pas le sien, exaspéré par l'impossibilité de se
+rendre sur le champ de bataille, et cependant inlassable, surveillant
+tout, soignant les détails, s'occupant des volontaires, des recrues, des
+hôpitaux, de la sécurité de la ville, recevant dix personnes à la fois
+et répondant en même temps aux demandes de ses aides de camp, signant
+des ordres, lisant des rapports. Depuis quinze jours, il n'a pas revu sa
+femme malade, n'ayant pas le temps de franchir l'eau pour se rendre à
+Kadikeui où il habite; de temps en temps il fait venir ses enfants pour
+les embrasser et les voir quelques minutes autour de lui. Sur ce visage,
+tous les traits sont marqués d'une volonté implacable, d'une ardeur
+passionnée. «Mon colonel, lui disait quelqu'un, à quoi bon gaspiller
+encore tant d'hommes et tant d'argent? Que vous importent quelques
+tombeaux et quelques mosquées d'Andrinople qui continueraient d'exister
+sous un statut spécial! Pourquoi ne pas reconnaître la défaite et ne pas
+réserver pour l'avenir tant de forces aujourd'hui gâchées en pure
+perte?» Et lui de répondre: «Écoutez bien ceci: Andrinople, c'est pour
+nous aujourd'hui un cri de ralliement,--le cri de ralliement de tous
+ceux qui ont à coeur l'honneur de la Turquie. Si les Bulgares la prennent
+et qu'ils prennent Constantinople, et qu'ils prennent Damas et Mossoul
+et Bagdad, et que je reste à Bassorah avec quinze Turcs, je réclamerai
+encore Andrinople. La paix tant que l'on voudra, mais la paix avec
+Andrinople!»
+
+... A peine quittions-nous Constantinople qu'il commença de pleuvoir. En
+arrivant à Hademkeui, la neige succède à la pluie. Nous devions nous
+rendre à Tchataldja en compagnie du généralissime Izzet pacha; ce sera
+peut-être pour demain.
+
+Les Turcs ont à peu près cessé d'avancer. Ils se sont bornés à fortifier
+leurs positions nouvellement conquises en face de celles des Bulgares
+qui occupent encore Karadjakeui, Belgrade, Kuchkaïa, Kabatchakeui (les
+Turcs sont sur ce point à quelques centaines de mètres d'eux), Kadikeui.
+Surgunkeui a été repris également après quelques escarmouches. On a fait
+une douzaine de prisonniers dont deux officiers.
+
+[Illustration: ---- Ligne des positions turques lors de l'armistice.
+-.-.-.-.-.-. Limite de l'avance turque à la fin de février. La zone
+grisée est celle qui a été réoccupée par les Turcs.]
+
+24 février.
+
+Depuis hier, tempête de neige avec vent furieux rendant tout mouvement
+impossible. Les soldats sont terrés. On n'aperçoit que la campagne nue,
+blanche, parcourue par l'ouragan. Il y en a maintenant pour trois
+semaines ou un mois avant qu'une grande bataille puisse être livrée. La
+situation est la même à Boulaïr. C'est la trêve de la neige.
+
+Les Turcs estiment avoir devant eux deux divisions bulgares restées en
+arrière-garde; trois autres seraient à Tchorlou. Il y aurait trois
+divisions devant Gallipoli, et quatre, dont deux serbes, devant
+Andrinople.
+
+GEORGES RÉMOND.
+
+
+
+[Illustration: Le prince héritier. Au milieu de la plaine, la hauteur
+dite Afgo. LA GUERRE D'ÉPIRE.--Vue panoramique de Janina et des hauteurs
+fortifiées qui défendent la ville du côté sud. Photographies
+Rhomaïdès-Zeitz.]
+
+[Illustration: Le prince héritier de Grèce et son état-major visitant
+les positions avancées devant Janina.]
+
+[Illustration: La ville et le lac de Janina, vus des positions de
+l'armée hellène.--La ville occupe la base de la presqu'île qui s'avance
+dans le lac.]
+
+[Illustration: Le fort de Bizaniet les défenses orientales de Janina
+(Agia Paraskévi, Koutsoulio, Afgo (oeuf) de Gastritza et Gastritza, vus
+d'une hauteur au S.-E. de Janina.) Croquis à la lorgnette de M. J.
+Leune, contrôlé et complété par lui à l'aide de renseignements fournis
+par des prisonniers turcs. _Les deux parties du croquis se raccordent,
+la bande inférieure continuant exactement à droite la bande
+supérieure.--Voir aussi les photographies des pages précédentes._]
+
+UN SUCCÈS GREC EN ÉPIRE: LA PRISE DE JANINA
+
+_Janina, qui résistait vaillamment aux Grecs--comme Scutari aux
+Monténégrins et aux Serbes, et Andrinople aux Bulgares--a fini par
+succomber. Notre collaborateur, M. Jean Leune, qui demeure toujours au
+milieu de l'état-major de l'armée hellénique, nous enverra avant peu le
+récit détaillé de cette belle victoire. Voici, en attendant, les
+dernières lettres de lui qui nous sont parvenues._
+
+_Le Diadoque vient d'être nommé généralissime des armées de Macédoine et
+d'Épire et a pris aussitôt le commandement des troupes opérant contre
+Janina,--ce qui semble indiquer la préparation d'un assaut décisif.
+Mais, avant de lui remettre le commandement, le général Sapoundsakis
+avait été amené, par la force des circonstances, à brusquer une attaque
+dans les conditions qu'on va lire:_
+
+Lundi 20 janvier.
+
+Avant-hier, un chauffeur d'automobile, Albanais parlant grec, qui
+s'était fait passer pour Grec, et, comme tel, avait pu s'enrôler dans
+l'armée, a franchi la ligne des avant-postes et est parti à toute
+vitesse vers Janina, emmenant avec lui le secrétaire du consul
+d'Autriche à Prévéza. Il allait porter à Eshad pacha le plan des
+positions de l'artillerie grecque, qu'il avait pu étudier à loisir à
+chaque fois qu'il portait des munitions aux canons... Ce grave incident
+a décidé le général Sapoundsakis à brusquer les choses pour ne pas
+laisser aux Turcs le temps d'étudier sérieusement les documents qui
+venaient de leur être livrés.
+
+Hier, donc, le général a donné l'ordre d'attaque générale pour
+aujourd'hui.
+
+Ce matin, à 8 heures, toute l'aile gauche a commencé de progresser sur
+les hauteurs de Manoliassa, tandis que l'artillerie, tout en appuyant ce
+mouvement en avant, bombardait Bizani de façon terrible. Dès les
+premiers coups de canon nous sommes montés sur les hauteurs qui dominent
+Révéni et d'où l'on aperçoit toute la plaine de Janina, la ville
+elle-même accroupie au bord du lac, tous les forts et même, au sud, le
+golfe d'Arta, la mer et l'île de Leucade.
+
+Sur la gauche nous voyions très distinctement la ligne grecque avancer
+par bonds sous les shrapnells turcs de Saint-Nicolas et de Bizani. De
+temps à autre, la chaîne de tout petits points noirs que formaient les
+hommes se brisait par endroits: des soldats venaient de tomber. Leurs
+camarades continuaient d'avancer...
+
+... A midi, subitement, une fusillade terrible, accompagnée de ce
+martèlement spécial des mitrailleuses et du grondement des canons de
+montagne, éclate sur l'aile droite. Bizani, aussitôt, lance de ce côté
+une averse de shrapnells. De notre observatoire, nous apercevons très
+bien, au-dessus du village de Kotortsi, une batterie de montagne grecque
+qui tire sans discontinuer sur les hauteurs séparant Kotortsi de Bizani,
+hauteurs sur lesquelles sont établis les Turcs. Ceux-ci, attaqués de
+front par les evzones, pris de flanc par l'artillerie, résistent tout
+d'abord comme ils peuvent. Ils brûlent en quelques minutes un nombre
+incommensurable de cartouches. Mais les evzones se rapprochent.
+L'artillerie tire indistinctement des shrapnells ou des obus percutants.
+Les uns et les autres font des ravages terribles dans les tranchées et
+dans les réserves ennemies.
+
+Alors, brusquement, nous voyons les Turcs se lever et s'enfuir,
+isolément ou par groupes. Les Grecs redoublent leurs feux, et les Turcs
+tombent, tombent les uns après les autres, et les uns sur les autres.
+Malheureusement pour eux, leur réserve d'infanterie s'était installée
+dans un grand enclos entouré d'un mur de 1m,50 de hauteur, avec une
+seule sortie vers Bizani. Les hommes affolés se ruent tous sur cette
+unique porte. C'est alors, parmi les fuyards, une boucherie horrible,
+indescriptible. Balles, obus, shrapnells ou mitrailleuses travaillent
+comme jamais encore. Et les cadavres s'amoncellent, que les survivants
+doivent enjamber et piétiner pour s'enfuir. C'est une atroce vision qui
+dure peu, car les evzones arrivent comme des fous. Et puis, fuyards et
+poursuivants disparaissent à nos yeux derrière un repli de terrain...
+
+Mais la nuit est proche. A 6 heures, l'artillerie cesse de tirer, la
+fusillade décroît d'intensité. La bataille est terminée pour
+aujourd'hui.
+
+A Révéni, c'est déjà un long et lugubre défilé de blessés, les uns sur
+des brancards, les autres sur des mulets, les autres à pied. Leur
+enthousiasme est si grand encore qu'ils trouvent leurs blessures
+insignifiantes.
+
+Les derniers arrivés nous disent qu'à la tombée de la nuit les evzones
+et le régiment crétois ont occupé la première ligne de hauteurs du petit
+Bizani: le succès est complet.
+
+24 janvier.
+
+Nous sommes allés voir le terrain sur lequel s'est déroulée la bataille
+de lundi.
+
+Là où nous voyions les Turcs tomber sous les balles et les obus, le
+spectacle est horrible. En un seul endroit, à peine grand comme la place
+Vendôme, nous avons compté cinq cents et quelques cadavres, à peine le
+quart de ce que les Turcs ont laissé des leurs sur la place, puisqu'on
+en a compté officiellement 2.200.
+
+Ici, dans une tranchée, un éclat d'obus a arraché la poitrine d'un
+soldat et l'a plaquée, sanguinolente, sur les pierres du mur-abri... Là,
+c'est un officier dont toute la partie supérieure du crâne a été
+enlevée, ouverte et la cervelle projetée en deux endroits à trois ou
+quatre mètres! Plus loin, un obus a coupé en deux un soldat à hauteur de
+la poitrine, lui a entièrement déshabillé le torse et l'a ensuite
+retourné sur la partie inférieure du corps. Ailleurs, ce sont quinze ou
+vingt hommes fauchés à leur place dans la tranchée, leurs armes à côté
+d'eux. Ici, un isolé; là, un monceau de quarante ou cinquante cadavres.
+Sur l'emplacement de la réserve, les tentes sont encore là, des gamelles
+sur les feux éteints... Le sol est criblé de balles de shrapnells,
+d'éclats qui y ont tracé de longs sillons.
+
+De temps à autre, un cadavre grec,--relativement peu. Certains d'entre
+eux, des evzones, serrent dans leurs mains des lettres à leur femme, à
+leur mère. Les pauvres gens ont dû les baiser pieusement avant de mourir
+et ils semblent prier celui qui les leur prendrait des mains de vouloir
+bien les faire parvenir quand même!...
+
+Un _pappas_ circule sur ce terrain d'horreur pour dire sur chaque mort
+grec les prières d'usage...
+
+31 janvier.
+
+S. A. R. le Diadoque a pris le commandement de l'armée. Le général
+Sapoundsakis est resté sous ses ordres comme commandant de l'aile droite
+(6e et 8e divisions). Le prince a adopté en partie les plans du général,
+mais y a apporté des modifications dont l'exécution demandera un certain
+temps.
+
+Voici deux jours que la neige tombe. Quelles souffrances endurent ces
+malheureux soldats! Les convois n'arrivent plus régulièrement, sans que
+ce soit la faute de personne. Les animaux meurent par dizaines. Les
+chemins, ou ce qu'on appelle ainsi, sont encombrés de cadavres de
+mulets. Des bataillons entiers restent quarante-huit heures sans pain.
+
+JEAN LEUNE.
+
+_La nouvelle de la reddition de Janina a été connue jeudi à Paris par
+une dépêche officielle reçue à la légation hellénique. Ce télégramme
+précisait que, jeudi matin, à une heure, le commandant en chef des
+forces turques à Janina avait fait informer le prince héritier de son
+désir de se rendre. Deux heures après, trois parlementaires se
+présentaient au camp grec et confirmaient la capitulation._
+
+
+
+[Illustration: L'AVIATION A LA GUERRE D'ORIENT
+
+L'hydro-aéroplane du lieutenant grec Montoussis, tombé à la mer, après
+avoir volé sur Gallipoli, est remorqué vers Lemnos à 20 noeuds à
+l'heure.
+
+_Phot. S. Vlasto._]
+
+Le lieutenant aviateur Montoussis, de l'armée hellène, de qui nous avons
+signalé naguère les prouesses devant Janina, s'était rendu à la reprise
+des hostilités, à Lemnos, avec un hydroaéroplane français, afin
+d'apporter son concours aux troupes engagées à Gallipoli. Le 6 février
+dernier, convoyé par le contre-torpilleur _Vélos_ qui, parti avant lui
+de Moudros, le port de l'île, devait l'attendre à la hauteur d'Imbros,
+pour l'assister en cas d'accident, le lieutenant Montoussis,
+qu'accompagnait, comme observateur, un de ses camarades, prenait son vol
+vers la terre. Le _Vélos_ vit le biplan passer au-dessus de sa route et
+disparaître derrière la côte turque. Pendant quarante minutes
+angoissantes, il demeura invisible. Puis il reparut, au loin, et à une
+grande hauteur,--plus de 1.300 mètres, on devait le savoir plus tard. Il
+se dirigeait droit vers Imbros et Lemnos, mais soudain on le vit
+descendre en vol plané, puis se poser doucement sur la mer, à quelque
+vingt mètres du rivage d'Imbros. Un canot fut mis à la mer. Il ramena
+l'appareil jusqu'au _Vélos_ qui le prit en remorque et l'entraîna,
+toujours flottant, jusqu'au port, à la vitesse de 20 noeuds. Alors, on
+apprit ce qui s'était passé: le tube qui porte l'essence du carburateur
+au mélangeur s'était rompu, par suite d'un défaut du métal, et le moteur
+s'était arrêté. Dix minutes plus tôt, le lieutenant Montoussis tombait
+sous le feu des batteries turques.
+
+
+
+LES LIVRES & LES ÉCRIVAINS
+
+M. LOUIS BARTHOU, HISTORIEN
+
+Nous connaissions M. Louis Barthou orateur et ministre, homme politique
+et homme d'État. Nous connaissions M. Louis Barthou juriste et légiste,
+traitant avec sûreté de la «distinction des biens» et de la loi
+syndicale. Nous connaissions M. Louis Barthou bibliophile fervent, en
+quête des manuscrits précieux et des introuvables éditions. Nous
+connaissions M. Louis Barthou écrivain aimable, jouant d'une plume
+souple et fixant des mots, des évocations et des couleurs sur un carnet
+de voyage. Mais nous ne connaissions pas encore M. Louis Barthou
+historien et M. Louis Barthou historien valait d'être connu.
+
+On a, vous le savez, formidablement écrit sur _Mirabeau_. Le gigantesque
+orateur de la Constituante a été le sujet d'une bibliographie immense.
+Pamphlets, correspondances, mémoires, monographies par centaines, études
+d'ensemble et anecdotes, toute la grande et toute la petite histoire. Et
+voici qu'un autre livre (1) s'attaque de nouveau au personnage, et que
+l'auteur de ce livre est le ministre de la Justice et le garde des
+Sceaux du gouvernement actuel.
+
+ [Note 1: _Mirabeau_, par Louis Barthou. Librairie Hachette, 7 fr.
+ 50.]
+
+C'est curieux; mais, instinctivement, dès qu'un homme politique signe
+une oeuvre d'histoire, on recherche les idées de parti que cet homme
+politique a voulu placer dans son oeuvre. Nous avons donc cherché de la
+politique dans le livre de M. Louis Barthou. Nous n'y avons trouvé que
+de l'histoire. Et c'est vraiment admirable à force d'être exceptionnel.
+
+L'oeuvre, d'ailleurs, est belle parce qu'elle fut entreprise avec une
+passion visible de vérité, avec une curiosité ardente de tous les
+inconnus du personnage; l'oeuvre est claire parce qu'elle est méthodique
+et ordonnée; elle est solide, elle est puissante, parce que la
+discussion de cette vie de tribun s'appuie sur l'expérience d'un homme
+de gouvernement.
+
+Mirabeau ne peut être séparé des siens. Nul plus que lui, parmi les
+colosses du passé, n'a dû ses qualités, ses défauts et ses vices aux
+races dont il était issu. M. Louis Barthou va donc nous raconter la
+famille avant de nous raconter l'homme qui la fit demeurer dans
+l'histoire. Le père de Mirabeau, le marquis, l'Ami des Lois, nous est
+seul familier, avec l'oncle, le bailli. Nous savons moins la vie du
+grand-père, Jean-Antoine Riqueti de Mirabeau, ce terrible colonel qui, à
+Cassano, en 1705, disputa à un de ses amis, pistolet en main, l'honneur
+de défendre un pont violemment attaqué par les troupes du prince Eugène.
+Une balle lui ayant cassé le bras droit, Jean-Antoine prit une hache de
+la main gauche; mais un coup de fusil lui coupa les nerfs du cou et la
+jugulaire. Il tomba à peu près mort, servit de marchepied à l'ennemi, et
+survécut néanmoins. Il resta, il est vrai, privé de l'usage du bras
+droit «pour lequel il s'était fait une parure d'une grande écharpe
+noire, et, à la suite d'une opération dont la hardiesse étonna, il dut
+porter un collier d'argent pour soutenir sa tête». Ce qui ne l'empêcha
+pas de convoler peu après en justes noces avec une belle jeune fille
+d'excellente famille, dont il eut sept enfants. L'invalide au collier
+d'argent était encore un rude homme. Il mourut à soixante et onze ans.
+Tel est l'aïeul. Quant au père, le marquis, l'Ami des Lois, il serait la
+physionomie la plus curieuse qu'aurait produite la famille des Riqueti
+si le marquis lui-même n'avait pas eu un fils dont les vices, le génie
+et la gloire dépassent et effacent presque tout ce que «cette race
+effrénée» avait produit avant lui.
+
+[Illustration: Quatre dessins du nouvel album de Sem.]
+
+M. Louis Barthou nous donne un excellent et pittoresque chapitre sur le
+fameux procès de Pontarlier. Mirabeau plaide contre sa femme qui veut se
+libérer de ce mari bruyamment et insolemment infidèle, au surplus fils
+rebelle, «couvert de dettes, deux fois condamné, plus célèbre par son
+inconduite que par ses services et par ses prisons que par ses talents.»
+Ce gentilhomme débraillé, sans ressources et sans crédit, est, croit-on,
+un plaideur minable. Mais non, il va se révéler dans cette lutte et
+jeter, pour la première fois dans la partie ses dons incomparables, et
+secrets jusqu'alors pour tous et pour lui-même. Car, jusqu'à ce jour, il
+a écrit, il n'a pas parlé. Mais il se pressent. Il s'émeut lui-même à la
+péroraison 'un de ses mémoires. Il faut à l'éloquence qu'il porte en soi
+et qui est toute l'éloquence, l'épreuve du public, la contradiction,
+l'action, la bataille, l'atmosphère. «L'occasion s'offre à lui. Il la
+saisit et, plaideur vaincu, il se relève et se révèle orateur
+incomparable.»
+
+M. Louis Barthou a bien fait de très longuement insister sur ces procès
+de Pontarlier et d'Aix, qui marquent la date du destin dans la vie de
+Mirabeau. Dès lors, seulement, le génie se dégage du monstre. Et c'est
+le génie, à son éclosion, puis dans toute sa formidable gloire que nous
+allons suivre en des chapitres nourris de faits et d'idées sur le voyage
+de Mirabeau en Allemagne, sur les «Approches de la Révolution», sur les
+Elections en Provence, sur les États généraux enfin dans tout leur
+grandiose tumulte, avant d'en arriver au pacte avec la Cour...
+
+Mirabeau, vénal, fut-il réellement un traître à la Révolution? Non, dira
+l'historien. Car «la politique que Mirabeau conseillait à la Cour dans
+ses consultations secrètes, il l'avait vingt fois exposée publiquement».
+Il avait fait leur part dans ses projets à la liberté, à l'autorité, à
+la royauté et à la Révolution. Il représentait la Révolution voulue,
+réfléchie et définitive «mais sans être envieuse du temps et désirant de
+la mesure, des gradations et une hiérarchie». Il fut un réaliste en ce
+temps de déductions philosophiques et de doctrines travaillées. Et si,
+dix-huit mois avant sa mort, si en novembre 1789, alors que l'on n'avait
+pas encore commencé de détruire, si ce génie pratique et puissant avait
+été appelé à diriger l'État, il eût, en conciliant la royauté et la
+révolution--conclut M. Louis Barthou--épargné à la France la Terreur, le
+césarisme et l'invasion.
+
+_Voir les comptes rendus des autres livres nouveaux dans_ La Petite
+Illustration _de cette semaine._
+
+
+
+SEM A LA MER BLEUE
+
+Chaque année, les mêmes saisons, ramènent avec une douce tyrannie, chère
+à ceux qui la subissent, les mêmes plaisirs, imposent des goûts
+semblables, et de pareils divertissements. Cet été--et nous verrons sans
+surprise, aux beaux jours, renaître cet engouement périodique--la côte
+normande et ses deux plages rivales ont possédé l'heureux privilège de
+retenir et de fixer un instant la mode. Elles ont dû le céder, quelques
+mois après, à la Côte d'Azur, qui, dès les premiers frimas, et à peine
+le temps avait-il revêtu son manteau «de vent, de froidure et de pluie»,
+a repris ses droits à l'élégance et au luxe. Sem avait fait, l'année
+dernière, avec une verve aiguisée, la chronique dessinée de la grande
+semaine de Trouville-Deauville, en silhouettant d'un crayon preste les
+Parisiens notoires, les grands étrangers, les artistes, les gens de
+lettres, de courses et de finance, qui ont coutume de s'y réunir; il
+s'est, comme il convenait, transporté, cet hiver, sur le littoral
+méditerranéen, propice aux mondanités françaises et cosmopolites. Et il
+nous offre aujourd'hui les croquis pris par lui au cours de cette
+«campagne», en un album (60 fr.) dont la couverture porte, en lettres
+d'or chevauchant sur fond d'azur, ce titre alliciant: _Sem à la mer
+bleue_.
+
+Entendez bien que ce que Sem a vu sur ses plaisants rivages, ce ne sont
+point des «marines». La «mer bleue» n'apparaît pas au ce recueil qui se
+recommande d'elle: aussi bien ne semble-t-elle avoir qu'une part minime
+dans les préoccupations de ceux qu'attirent les douceurs de la Riviera.
+On les rencontre de préférence sur les promenades et dans les jardins où
+il est de bon ton de se montrer, dans les restaurants et les bars à la
+mode, et autour des tables de jeux. C'est en ces lieux aimables que Sem,
+observateur spirituel, mordant, mais dont la fantaisie, si elle
+égratigne parfois, n'entend pas blesser, les a saisis au passage, dans
+leurs attitudes familières. Toute la comédie est là, avec ses premiers
+rôles, ses vedettes, ses personnages de second plan et ses comparses.
+Plusieurs silhouettes, déjà aperçues dans le précédent album,
+aujourd'hui épuisé, se retrouvent ici; et on les revoit avec agrément.
+Mais un très grand nombre de figures nouvelles y apparaissent, enlevées
+d'un trait alerte et gai: nous en reproduisons ici quelques-unes, celles
+de deux célèbres compositeurs italiens, Mascagni et Puccini, et de deux
+maîtres du chant, Chaliapine et Caruso.
+
+Ces dessins, Sem les a jetés, sur ses pages d'album, en un désordre
+voulu, qui, n'en doutons point, est un effet de l'art. Les gestes, les
+grimaces, les rires et les effarements, les costumes--tout cela renforcé
+de vives couleurs--s'y mêlent, s'y opposent, dansent devant les yeux une
+ronde endiablée. Et, quand on a tourné tous ces feuillets où ont surgi
+tant de différents visages, l'impression reste dans l'esprit d'avoir
+vécu, avec le plus avisé des compagnons, une de ces heures légères,
+fortunées, dont le temps est prodigue à la Riviera.
+
+
+
+A PROPOS D'UNE GRÈVE
+
+L'ORGANISATION MÉTHODIQUE DU TRAVAIL
+
+Une récente grève--d'ailleurs à peu près terminée--qui vient d'éclater
+dans une de nos plus grandes usines d'automobiles, a posé, sous une
+forme nouvelle en France, la question chaque jour plus passionnante des
+conflits du capital et du travail. Cette forme nouvelle, c'est la mise
+en vigueur du système Taylor.
+
+Qu'est-ce donc, au juste, que le système Taylor? Théoriquement, et tel
+qu'il est exposé par l'auteur dans son ouvrage _Principes d'organisation
+scientifique des usines_, c'est l'application, au travail manuel, de
+méthodes scientifiques rigoureuses: elle conduit à adapter
+rationnellement l'ouvrier à la nature du travail qu'il accomplit.
+
+Un exemple fera comprendre en quoi consiste cette méthode. Supposons un
+maçon auquel son patron a donné la tâche d'édifier un mur en briques.
+L'intérêt des deux parties en présence sera évidemment, pour l'ouvrier,
+de se fatiguer le moins en gagnant le plus possible; pour le patron,
+d'obtenir le plus grand rendement au meilleur compte. Avec les méthodes
+empiriques usitées jusqu'ici, le maçon fera sa besogne d'après les
+routines et les tours de main de ses ancêtres. Mais M. Taylor est venu
+qui a dit à cet artisan: «Placez votre auge à votre droite, à tant de
+centimètres de votre mur. De cette façon, votre main n'aura que le
+minimum de chemin à parcourir pour prendre le mortier, et comme, d'autre
+part, j'aurai préparé votre tas de briques pour que vous n'ayez pas à
+vous baisser pour en prendre, vous gagnerez quelques secondes dans
+l'accomplissement de votre travail.
+
+» Bien mieux. J'ai remarqué que vos camarades se croyaient obligés, en
+raison de la consistance du mortier, de frapper à coups de manche de
+pelle sur la brique, pour la faire adhérer; je vais vous composer un
+mortier plus liquide, qui vous permettra de n'appuyer qu'avec la main:
+nous gagnerons ainsi le temps qu'il vous fallait pour saisir votre outil
+et vous en servir.»
+
+Bref, à force de gagner, de-ci de-là, quelques secondes sur les gestes
+de son homme, M. Taylor arrive à obtenir, en un même laps de temps, un
+travail double et parfois triple qu'auparavant; et cela avec la simple
+assistance d'un chronométreur, chargé de «minuter» les moindres gestes
+de ceux qui travaillent.
+
+Voilà donc en quoi consiste le système Taylor. Mais ce n'est point,
+quoiqu'on ait semblé le dire, exactement celui qui a été appliqué aux
+usines Renault. Il ne fallait point songer, en effet, à obliger des
+ouvriers français à se plier à une précision de gestes qui eussent
+répugné à leur caractère indépendant. Le système qui fut employé à
+Billancourt devint alors le suivant.
+
+Admettons qu'il soit question de fabriquer un moyeu de roue. Le bureau
+des plans dessine la pièce. Le service du chronométrage s'empare des
+dessins, étudie la forme des outils qui seront nécessaires pour exécuter
+le mieux et le plus rapidement possible l'objet. Un ingénieur porte le
+morceau de métal sur la machine-outil, regarde sa montre. Le travail
+fini, il voit ce qu'il a mis de temps à usiner le moyeu. Au besoin, il
+recommence plusieurs fois, toujours avec l'idée de faire mieux et plus
+vite.
+
+Cette étude achevée, le bureau établit le prix de revient de la pièce,
+fixe un chiffre, qu'il majore de 20% pour tenir compte des différences
+possibles résultant de l'habileté professionnelle de celui qui
+reproduira ultérieurement le modèle établi. Le contremaître compétent
+est alors appelé, à charge par lui d'exécuter strictement, et au prix
+fixé, l'objet désigné. Et, en dernier ressort, l'ouvrier recevra la
+mission de réaliser le moyeu dont les plans et le prix de revient auront
+été ainsi préalablement déterminés.
+
+On voit qu'il n'y a là rien qui ressemble au système américain.
+L'ouvrier n'est pas bridé dans son effort: tout ce que lui est demandé,
+c'est d'effectuer un travail donné dans un délai donné. De cette
+manière, telle pièce qui revenait jadis à 3 francs, par exemple, arrive
+à ne plus coûter aujourd'hui que 50 centimes. Et, par contre, l'ouvrier
+dont l'effort est plus soutenu, reçoit un salaire plus élevé, qui peut
+atteindre 40% de son taux primitif.
+
+Que doit-on penser de cette méthode nouvelle? Il est bien difficile de
+le dire exactement. Il semblerait que la grève qui a éclaté
+dernièrement, et dont le ohronométre était la cause, soit un argument
+décisif contre ce procédé; mais, d'autre part, ses partisans font valoir
+qu'en Amérique les ouvriers qui l'ont accepté dans un très grand nombre
+d'usines sont plus heureux que les nôtres, travaillant moins longtemps,
+gagnant davantage et ayant plus de loisirs.
+
+P. H.
+
+
+
+DOCUMENTS et INFORMATIONS
+
+LUTTES D'INFLUENCE EN ORIENT.
+
+La guerre turco-balkanique a mis en présence, avec les forces opposées,
+deux influences extérieures aux belligérants: d'un côté l'influence
+allemande, prépondérante en Turquie, de l'autre l'influence française
+qui a joué, chez les alliés, un grand rôle.
+
+Los hostilités terminées, ces luttes de «rayonnement» vont s'accentuer
+encore entre nos voisins et nous,--plus exactement entre nous et la
+triplice, car l'Italie ni l'Autriche ne sauraient s'en désintéresser.
+
+Or, l'une des oeuvres françaises qui ont accompli, en Orient; notamment,
+la meilleure besogne, l'Alliance française, se plaint que les ressources
+dont elle dispose ne lui permettent pas d'accomplir, là-bas, tout ce
+qu'elle voudrait.
+
+A son récent banquet--auquel assistait, bien qu'il n'eût pas encore, à
+ce moment, pris possession de ses hautes fonctions, M. Poincaré--M.
+Jonnart, ministre des Affaires étrangères, faisait appel au zèle, au
+dévouement de l'Alliance pour l'aider «à travailler à la sauvegarde des
+intérêts et des droits de la France». Certes, le bon vouloir, l'ardeur
+même de l'Alliance française ne sauraient être mis en doute; mais, comme
+le tait remarquer son président M. P. Foncin, «elle ne peut agir que si
+elle est en mesure de compter sur les sympathies actives du public
+français». Or, ses ressources ne se développent pas proportionnellement
+à ses efforts, pour mener à bien la tâche qu'elle assume.
+
+Sans doute, elle vient de fonder avec succès à Brinn (Autriche), où les
+rivalités d'influence sont ardentes, où la population est très variée,
+un comité nouveau qui, dès le premier jour, a obtenu un gros succès.
+Mais, dans l'Orient proprement dit, son oeuvre traverse une crise
+redoutable. «Plus que jamais, écrit de Constantinople un de ses membres,
+notre Comité a besoin d'être soutenu. Les Allemands redoublent d'efforts
+en Asie Mineure, en Arménie... Et, précisément, cette année, nos
+ressources sont des plus restreintes... Nous allons être forcés de
+réduire toutes nos subventions, et même d'en supprimer quelques-unes.»
+D'autre part, le P. Katchadourian, directeur des écoles arméniennes de
+Mamouret el Aziz, s'inquiète des progrès des orphelinats allemands,
+qu'une quête fructueuse en Allemagne, en Angleterre, en Amérique, vient
+de mettre en possession de ressources énormes.
+
+Il serait souhaitable que l'opinion française entendît ces
+plaintes,--cet appel, et tendît à ces pionniers de notre influence «une
+main secourable», selon le mot du P. Katchadourian.
+
+_Une serviette historique._
+
+Nous reproduisions récemment (numéro du 21 décembre 1912) un tableau
+satirique du dix-septième siècle auquel les conférences de Londres
+donnaient un intérêt actuel: il représentait l'_Homme malade_--entendez
+le Turc,--soigné par des médecins de toutes nations réunis à son chevet.
+Au moment où la guerre se poursuit en Thrace, le document que nous
+publions ci-dessous rappelle à propos que la lutte de la Croix contre le
+Croissant n'offre point aux historiens un thème nouveau.
+
+La serviette brodée dont notre photographie montre fidèlement les
+dessins fut donnée, avec un service de table complet, au prince Eugène,
+après sa victoire sur le? Turcs à Belgrade, en 1717. En ce temps-là,
+c'était l'empereur d'Autriche qui guerroyait avec le sultan; et Belgrade
+était le prix de la lutte, comme aujourd'hui Andrinople. Les épisodes de
+la campagne, qui se termina par la paix de Passarovitz (1718), sont
+naïvement évoqués sur cette curieuse serviette: en dessous des armes du
+prince Eugène de Savoie, soutenues par deux lions, l'aigle autrichien
+dévore le croissant--_aquila dévorat lunam_, dit la légende;--au milieu
+figure le prince Eugène lui-même, à cheval, entre deux Turcs implorant
+la clémence du vainqueur; en bas c'est, autour de Belgrade assiégée, un
+combat entre cavaliers, où l'épée chrétienne l'emporte sur le cimeterre.
+
+[Illustration: _La lutte séculaire de la Croix contre le Croissant_.--La
+prise de Belgrade par les troupes autrichiennes du prince Eugène, en
+1717, figurée sur une serviette de table.]
+
+Mme Vanderbroucque Grardel, à qui nous devons la communication de ce
+document, nous a dit tenir la précieuse serviette de son père, fils d'un
+industriel, Alexandre Grardel, maire de Bapaume et aide de camp du
+général Oudinot en 1813, qui avait épousé une petite-fille d'Augustine
+de Tende; celle-ci l'avait reçue de son père, Jean-Baptiste-Louis de
+Tende, écuyer et avocat au conseil d'Artois, proche parent de la famille
+de Savoie-Carignan.
+
+_L'alcoolisme et la criminalité aux États-Unis._
+
+Si l'on contestait encore l'influence de l'alcoolisme sur la
+criminalité, les statistiques établies en Amérique, dans des
+circonstances particulièrement concluantes, ne laisseraient guère de
+doute à cet égard.
+
+Dans l'État de Dakota, les arrestations policières se sont réparties de
+la manière suivante:
+
+Pendant les neuf mois précédant la prohibition de l'alcool:
+
+ Dans Dans
+ 5 petites villes. 7 grandes villes.
+
+ Ivresse. 319 1.492
+ Coups. 223 535
+ Autres causes. 192 1.545
+
+ Total 734 3.572
+
+ Pendant les neuf mois suivant la prohibition:
+
+ Dans Dans
+ 6 petites villes. 7 grandes villes.
+
+ Ivresse. 66 302
+ Coups. 60 435
+ Autres causes 108 1.699
+
+ Total 234 2.436
+
+Voici un relevé aussi éloquent concernant l'État de Birmington où la
+prohibition est entrée en vigueur en 1908:
+
+ 1907 1908
+
+ Ivresse. 1.434 396
+ Outrages aux murs. 912 602
+ Coups. 738 463
+ Meurtres. 65 29
+ Vol. 618 537
+ Vagabondage. 398 267
+
+Enfin, dans l'État de New-Hampshire, après plusieurs années de
+prohibition, le nombre des internés dans les maisons de correction était
+tombé à 470. On est revenu au régime de la licence; au bout d'un an, ce
+nombre remontait à 830, et il atteignait 2.180 quatre ans plus tard.
+
+
+
+LA CULTURE FRANÇAISE ET LA TRIPLE ENTENTE.
+
+A mesure que se resserrent davantage les sympathies de la Triple
+Entente, le goût de la culture française, des arts et des lettres de
+notre pays, devient plus vif encore en Angleterre et en Russie, non
+seulement dans les classes riches et dans le public des universités,
+mais dans les classes moyennes et les établissements d'instruction
+secondaire. C'est ainsi que nous parviennent des deux pays les échos de
+deux manifestations récentes et symptomatiques: l'une fut organisée, à
+la fin du mois dernier, par la Société des Langues modernes, à Belfast,
+où Molière, Victor Hugo, Gounod, Chaminade, Saint-Saëns, eurent les
+honneurs d'une séance musicale et récréative, à laquelle assistaient de
+nombreux étudiants anglais et qui se termina aux accents de _la
+Marseillaise_, reprise en choeur par l'auditoire. L'autre manifestation
+eut lieu à Kieff, au gymnase Naoumenko, dont les jeunes élèves
+jouèrent... _le Cid_. La tentative était intéressante, car enfin jouer
+une tragédie de Corneille en son texte français, dire en toute leur
+beauté, sans accent et sans altération, les vers de notre grand
+classique, est chose peu aisée pour des collégiens russes. La petite
+troupe cependant, composée d'élèves de seize à dix-huit ans dirigés par
+leur professeur de français, M. Maillard, triompha de ces difficultés et
+donna une interprétation tout à fait honorable du chef-d'oeuvre devant
+les autorités scolaires de l'arrondissement empressées à venir applaudir
+les résultats heureux de l'expérience. Quand donc, dans nos lycées
+français, sera-t-on en mesure de faire représenter en son texte une
+scène d'un drame russe ou bien un acte de Shakespeare?
+
+
+
+L'INVENTEUR DES ÉTINCELLES MUSICALES POUR LA TÉLÉGRAPHIE SANS FIL.
+
+Depuis quelques années, tous les grands postes de télégraphie sans fil
+emploient le système d'émission par étincelles musicales. Nous avons
+jadis exposé le mécanisme de cette méthode fort supérieure aux méthodes
+antérieures: en produisant, au moyen d'appareils spéciaux, des
+étincelles très rapprochées, on obtient une note musicale régulière,
+qu'on peut faire varier à volonté et qui permet de réaliser la syntonie
+acoustique. La note est, en effet, perçue téléphoniquement par le poste
+récepteur qui la distingue aisément des notes émises par d'autres postes
+ou des vibrations engendrées par les décharges électriques de
+l'atmosphère.
+
+Nombre d'ingénieurs ou de constructeurs, la plupart étrangers, ont
+revendiqué l'invention du procédé.
+
+Or, il paraît établi aujourd'hui, sans conteste possible, que l'honneur
+de cette invention revient à un ingénieur français qui s'est acquis,
+dans le domaine de l'industrie électrique, une autorité mondiale.
+
+Dans la séance du 3 février 1913, l'Académie des sciences a, en effet,
+ouvert un pli cacheté déposé sur son bureau le 16 août 1898, par M. A.
+Blondel. Sous le titre _Perfectionnements à la télégraphie sans fil_,
+l'auteur décrivait le moyen de réaliser la syntonie acoustique, en
+produisant des étincelles musicales au moyen d'alternateurs à fréquence
+élevée. Un peu plus tard, dans un document de 1900, publié en 1905,
+l'éminent ingénieur décrivait complètement le montage d'un poste
+émetteur musical. Mais l'emploi des étincelles rares était alors
+général; la routine administrative accueillit les propositions
+«révolutionnaires» de M. Blondel avec son scepticisme ordinaire.
+
+C'est seulement quelques années plus tard que des Français d'initiative,
+comme le commandant Ferrie et M. Béthenod, contribuèrent à la
+réalisation pratique du système imaginé d'abord par M. Blondel, et
+auquel ils ont apporté de sérieux perfectionnements.
+
+
+
+LA LONGUEUR DES RACINES DES PLANTES.
+
+Dans une conférence sur la conservation de l'humidité dans le sol, un
+spécialiste américain, M. R. D. Watt, a donné quelques chiffres
+intéressants sur le développement du système radiculaire des plantes.
+
+Ce développement peut être très considérable, comme on s'en rend compte
+par l'examen direct qui consiste à extraire une plante, avec précaution,
+d'un sol meuble de préférence, et à en couper toutes les racines pour
+les mesurer exactement. Ainsi, un chercheur anglais, ayant mesuré la
+longueur totale des racines d'un pied d'avoine, a obtenu le chiffre de
+136 mètres. Ce chiffre ne comprend pas les poils absorbants qui
+augmentent de douze fois la surface de la racine qui les porte. Un
+chercheur américain a fait de même pour quatre pieds de maïs. Or, pour
+l'ensemble, il a trouvé 1.600 mètre de racines, soit 400 mètres en
+moyenne pour chaque pied. On voit par là combien la plante est bien
+organisée pour absorber l'humidité du sol.
+
+
+
+MOLIÈRE A BOBINO
+
+C'est un rapprochement plaisant et imprévu que celui de ces deux noms
+«Molière à Bobino», inscrits, depuis une semaine, au-dessous de l'image
+de notre grand comique sur le programme d'un petit théâtre du quartier
+Montparnasse... Déjà les Parisiens avaient pu entendre à l'Odéon des
+artistes de café-concert dans la comédie classique. Et voici
+qu'aujourd'hui Molière, par une heureuse fortune, trouve, en un
+music-hall populaire, coutumier d'autres spectacles, des acteurs
+excellents, tout à la fois fantaisistes et respectueux d'une oeuvre
+immortelle,--et un public, un bon public, qui s'amuse, et rit, et tout
+de suite, dès les premières répliques, se sent à l'aise! L'aventure est
+charmante et de bon exemple.
+
+[Illustration: Toinette: Mlle Lolita.]
+
+[Illustration: M. Fleurant et M. Purgon: MM. Avenière et Albret.]
+
+[Illustration: Le public du quartier Montparnasse.]
+
+Tandis que, après, une copieuse partie de café-concert, on représente
+_le Malade imaginaire_, la physionomie de la salle apparaît telle qu'à
+l'habitude: de braves gens, des ouvriers, venus en famille, avec leurs
+femmes et leurs enfants, garnissent l'orchestre, l'amphithéâtre. Et
+c'est plaisir que de voir leurs faces réjouies, aux endroits où Molière
+a prodigué sa verve comique. Les interprètes ont leur grande part des
+applaudissements. Tous, ils appartiennent à la troupe ordinaire de
+Bobino, que dirige avec succès M. Montpreux, particulièrement bien avisé
+en la circonstance, et ils jouent gaîment, sans charge excessive, des
+rôles nouveaux pour eux: ainsi M. Émile Rhein, «chanteur typique», se
+montre en Argan; M. Albret, «excentrique fantaisiste», en Purgon; M.
+Sarvey, «ténorino bouffe», en docteur Diafoirus; M. Marius Reybas et M.
+Maintgert, «chanteurs de genre», en Cléante et en Béralde; Mlle Berthe
+Delny, «diseuse à voix», en Beline, et Mlle Rosaberth, «diseuse de
+genre», en Angélique.
+
+[Illustration: Argan: M. Émile Rhein.]
+
+[Illustration: Louison: Mlle Renée Pré.]
+
+[Illustration: Le docteur Diafoirus et son fils: MM. Sarvey et Charlay.]
+
+«LE MALADE IMAGINAIRE» AU CAFÉ-CONCERT.--Les interprètes de Molière à
+Bobino.
+
+
+
+PREMIÈRE NUIT A L'ELYSÉE, par Henriot.
+
+
+
+
+
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+
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+End of Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3654, 8 Mars 1913, by Various
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+Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement
+and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic
+works. See paragraph 1.E below.
+
+1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation"
+or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project
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+Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3654, 8 Mars 1913, by Various
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+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
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+Title: L'Illustration, No. 3654, 8 Mars 1913
+
+Author: Various
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+Release Date: October 19, 2011 [EBook #37798]
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+Language: French
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+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3654, 8 ***
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+Produced by Jeroen Hellingman et Rénald Lévesque
+
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+
+
+
+<br><br>
+
+<div class="cont">
+
+
+
+
+
+
+<p>L'Illustration, No. 3654, 8 Mars 1913</p>
+
+
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/000small.png"><br><a href="images/000large.png">(Agrandissement)</a></p>
+
+<p class="sml">Ce numéro comprend vingt-quatre pages. Il est accompagné de LA PETITE<br>
+ILLUSTRATION, Série-Théâtre nº 1, contenant le texte complet d'<span class="sc">Alsace</span>,<br>
+de MM. Gaston Leroux et Lucien Camille.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/001.png"></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/001a.png"><br><b>COMMENT ON FAIT DES MARINS<br> Trois futurs loups de mer
+élevés à l'établissement des Pupilles de la Marine, près de Brest.</b><br><i>Phot.
+Freund.--Voir l'article, pages 200 et 201</i></p>
+
+<div class="somm">
+<h3>LA PETITE ILLUSTRATION</h3>
+
+<p><span class="sc">Série-Roman</span>.--<i>Le prochain numéro (15 mars) contiendra la deuxième
+partie (40 pages de texte et de gravures) de l'importante oeuvre
+nouvelle de</i> <span class="sc">M. Marcel Prévost</span>:</p>
+
+<p><i><b>Les Anges gardiens.</b></i></p>
+
+<p><i>La troisième partie de ce roman paraîtra dans le numéro du 29 mars.</i></p>
+
+<p><span class="sc">Série-Théâtre</span>.--<i>Le 22 mars</i>, La Petite Illustration <i>contiendra</i>:</p>
+
+<p><i><b>L'Homme qui assassina,</b> pièce en quatre actes, par</i> <span class="sc">M. Pierre Frondaie,</span>
+<i>d'après le roman de M. Claude Farrère.</i></p>
+</div>
+
+<br>
+<h3>COURRIER DE PARIS</h3>
+
+<h4>LA POINTE</h4>
+
+<p>«Hier, nous sommes entrés à Oudjda. Nous avons défilé dans les rues; nos
+trompettes et nos clairons ont sonné que nous étions les maîtres... Et
+aujourd'hui c'est chose faite. Le drapeau a été hissé. Toutes les
+troupes étaient sous les armes. Un coup de canon. Au sommet du minaret
+de la mosquée qui domine la ville s'élèvent les couleurs françaises. On
+rend les honneurs. Le canon continue à tonner. Et successivement, toutes
+les batteries, toutes les fanfares envoient: «Au drapeau!» Dieu que
+c'est beau!»</p>
+
+<p>Qui dit cela comme s'il était dressé sur ses étriers? Un soldat de
+trente ans, un cavalier intrépide, éclatant de vie, Jacques Roze,
+lieutenant au 2e spahis. Du Maroc il écrit à son frère Etienne, le soir,
+sous sa tente, à la lueur d'une lanterne, un 30 mars. Et à l'automne de
+la même année, le 25 novembre, Etienne Roze, dans la maison familiale
+qu'il habite avec sa mère, en Touraine, reçoit une dépêche: «<i>Votre
+frère blessé grièvement hier dans combat contre Beni-Snassen. Peu
+d'espoir de le sauver...</i>» Ah! minutes de guet-apens! minutes cruelles
+et assassines, qui tout à coup sortez du fourreau de la vie, comme des
+poignards, et venez nous percer!... Il est midi. Que faire? Mme Roze est
+là, dans la pièce à côté. Il va falloir que son fils Etienne lui parle,
+la «prépare»,... car il n'y a pas de doute que la dépêche ne soit
+mensongère et n'apporte, sans oser l'affirmer encore, l'inacceptable
+nouvelle. Bouleversé par la douleur, secoué de sanglots, le malheureux
+défaille. Il voudrait fuir et se cacher. Il voudrait ne pas exister,
+n'être pas né... Et voilà qu'on l'appelle. Le déjeuner est prêt. Sa mère
+l'attend. Plus moyen de reculer. Il faut ouvrir cette porte qui va
+livrer passage à la pire souffrance... Il faut aller dans la salle à
+manger où jamais plus, jamais plus ne sera mis le troisième couvert...
+Il faut entrer, et tout de suite, avec cette face ravagée, tel qu'on
+est... Impossible de faire autrement. Un signe de croix. Il entre. Sa
+mère se retourne et l'aperçoit. Son regard agrandi l'enveloppe. Elle
+voit sa figure, ses pleurs, la dépêche, elle voit tout... ici et là-bas.
+Elle comprend, elle est criblée... Elle devient blanche aussitôt, de
+façon foudroyante, comme si elle se vidait elle-même du sang répandu de
+son fils, blanche du blanc d'hostie qu'ont les joues des mères en deuil,
+pâle déjà de la pâleur éternelle et sacrée qu'elle aura dans l'étoffe
+noire. Mais c'est une femme française, une Vendéenne! Elle était assise,
+elle se dresse, d'un bond, pour accueillir debout le choc. Et elle le
+reçoit, bien qu'anéantie de douleur, avec ce splendide courage qu'elle
+avait donné à son enfant guerrier, dont elle l'avait armé et qu'en ce
+moment il lui renvoie... Et ce jour-là on ne déjeune pas.</p>
+
+<p>Deux heures plus tard, on ouvrait--en le mettant en morceaux tellement
+les mains tremblaient--le deuxième télégramme pressenti et redouté:
+«<i>Votre frère tué en brave, hier, artère fémorale coupée par une
+balle.</i>» Et puis, après, ce fut le tour des lettres, navrantes et gaies,
+de l'officier: «<i>Jamais je ne me suis si bien porté...</i>» Pauvres lettres
+des catastrophes, écrites «la veille», par un être chéri et parties à
+temps!... pourquoi faut-il toujours qu'elles arrivent,--quand il n'est
+plus temps? Comment la mort, à l'instant qu'elle touche ceux qui
+viennent de les cacheter, n'a-t-elle pas le moyen d'arrêter en route ces
+enveloppes lourdes encore de vie, et humides, et chaudes de lèvres
+désormais glacées? En détruisant la main qui les a mises à la poste, que
+ne les détruit-elle pas également, pour en faire aussi de la poussière
+et ne pas tolérer qu'on les distribue à ceux qui ne peuvent plus les
+lire qu'en gémissant de regret?</p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+<p>Etienne Roze partit pour le Maroc. Il allait chercher, à Oudjda, le
+corps de son frère. A Lalla-Marnia l'attendait le lieutenant Bouet--le
+camarade et l'intime ami du défunt--qui lui remettait «les souvenirs»,
+ce petit butin personnel qu'on ramasse avec respect pour les familles, à
+l'endroit piétiné où sont bien tombés les soldats: des vêtements troués
+et roidis de sang, une bourse, une montre brisée, arrêtée à l'heure
+prescrite où l'homme devait cesser, lui aussi, de marcher...</p>
+
+<p>Etienne Roze était conduit à la tombe de son frère, tombe toute fraîche
+et qui paraissait cependant déjà très ancienne, comme si celui qui était
+couché là s'en accommodait, avec cette bonne grâce et cette résignation
+martiales qui font qu'après la mort, ainsi que dans la vie, le bon
+officier n'est jamais difficile, et consent à tout, et fait partout son
+lit, même le dernier.</p>
+
+<p>Etienne Roze revoyait, à la smala de Chabah, la chambre de Jacques,
+chambre devenue grave et vide à présent, au milieu des jardins fleuris
+qui n'avaient jamais été si beaux!... Que ce soit en France, en Afrique,
+partout, en n'importe quel point du monde, les jardins, d'ailleurs, ne
+sont-ils pas toujours plus doux et plus enivrants et plus parfumés dès
+que l'on s'y promène en compagnie de la mort et les yeux tout trempés de
+sa rosée amère?</p>
+
+<p>Après cette vision, c'en fut une autre, atroce, mais nécessaire, celle
+de l'endroit où s'était abattu le lieutenant. Du point le plus élevé du
+camp on l'apercevait bien, au loin, du côté des montagnes bleues... Mais
+on ne pouvait s'y rendre. Un capitaine d'artillerie fit apporter à
+Etienne Roze la longue-vue de la batterie et ce fut là, par ce tube
+braqué comme un petit hotchkiss, qu'il inspecta, rapprochée à croire
+qu'il s'y trouvait, la place où, dans une plaine parsemée de
+broussailles, son frère Jacques avait rendu sa vie. Il était mort, comme
+il l'eût désiré, s'il avait eu le choix: en chargeant, en bondissant
+dans la mêlée, atteint de trois balles dont l'une lui tranchait l'artère
+fémorale. Il était tombé de cheval, s'était relevé, malgré ses trois
+blessures, et, ayant perdu son sabre dans la lutte, il avait marché,
+revolver au poing, vers un buisson d'où des Beni-Snassen embusqués
+tiraient encore sur lui. Il n'était pas atteint, mais l'hémorragie,
+effrayante, l'épuisait. Le maréchal des logis Léger, rassemblant sa
+monture en plein galop, lui avait crié: «Mon lieutenant, prenez mon
+cheval.» Son geste et sa voix refusaient: «Non, merci. Allez!» Et le
+coeur déjà tari, les artères béantes, il chancelait et perdait
+connaissance, tandis que l'ennemi, taillé avec acharnement par nos
+hommes, était mis en déroute.</p>
+
+<p>Après la charge, on soulève le lieutenant Roze. Il respire avec peine.
+Mais aussitôt remis en selle il penche sur l'encolure, et il rend l'âme,
+en saluant du buste, comme s'il n'attendait plus que cela: d'être à
+cheval, et sur son cheval, pour mourir. Alors, on le descend à, terre,
+et, couché sur un caisson, il défile devant les troupes, toutes
+piaffantes encore et mal apaisées. Et des larmes descendent sur des
+visages de spahis.</p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+<p>Maintenant, c'est le dernier voyage, le funèbre retour. Etienne Roze
+ramène vers la France la noble dépouille à laquelle on présente l'arme
+et on jette des fleurs. A Turenne, à Tlemcen, à Sidi-bel-Abbès, tout le
+long du trajet, il y a, dans les petites gares, des officiers qui
+attendent, silencieux, avec des couronnes.</p>
+
+<p>Et voilà qu'à une station lointaine le train qui vient de s'arrêter est
+croisé par un autre, qui s'arrête aussi. Un mouvement inaccoutumé tire
+l'attention d'Étienne Roze... Il met la tête à la portière... Un homme
+grand, maigre, busqué, à silhouette d'énergie, aux yeux de feu, vêtu
+tout de blanc et galonné d'or, avec le couvre-nuque de toile, s'avance
+vers lui comme s'il le cherchait: c'est Lyautey, c'est le général, le
+grand chef, qui se rend à Oudjda pour prendre le commandement des
+troupes. Il a appris, à la minute. On vient de lui dire,... il s'est
+élancé. Il veut donner sa sympathie profonde, sa tristesse, sa fierté,
+son admiration... Les mots coupants, militaires, les hommages brefs,
+sortent de sa bouche comme des commandements et des cris. On les entend
+claquer de loin dans l'air sec et sonore:--Ah! monsieur! Quel officier!
+Hors ligne! hors ligne! Un soldat superbe! Et mort en héros! Où est-il?</p>
+
+<p>--Là. Dans le fourgon.</p>
+
+<p>--Ouvrez le fourgon! ordonne Lyautey. Le fourgon est ouvert. Les portes
+noires du vieux wagon de marchandises, brûlé, fendu, gondolé par le
+soleil d'Afrique, glissent dans leurs rainures, s'écartent comme des
+rideaux, et sur le plancher jauni de sable, apparaît, tout modeste et
+nu, le cercueil de fortune où repose dans son beau dolman le guerrier au
+masque de cire, qui, à la lettre et <i>sans que ce soit une façon de
+parler</i>, a répandu son sang pour son pays, car, dans ses veines qui
+s'aplatissent, il n'en reste plus une goutte. Tout a coulé.</p>
+
+<p>Le général se recueille devant la bière, une bonne minute. Et puis,
+comme il faut aller vite, et qu'on est en campagne, il s'apprête à
+repartir!... Alors, Etienne Roze lui dit:</p>
+
+<p>--Mon général, je voudrais vous demander une chose qui serait pour ma
+mère et pour moi inappréciable, unique.</p>
+
+<p>--Dites, monsieur.</p>
+
+<p>--Les Beni-Snassen ont volé le sabre de Jacques...</p>
+
+<p>Le générai saute sur l'idée qui l'enflamme:</p>
+
+<p>--Et vous voulez l'avoir? Vous l'aurez, monsieur! Vous aurez ce sabre.
+Je vous en donne ma parole.</p>
+
+<p>Le train s'ébranlait. L'émouvante et providentielle entrevue touche à sa
+tin, ce croisement magnifique du chef qui, tout impérieux de vie,
+s'empresse à la bataille, et de l'officier inanimé qui en revient... Et
+chacun, bientôt, s'éloignait de son côté... pour aller où il avait à
+faire... Les deux convois, une seconde rapprochés, se quittaient, se
+séparaient, pour toujours.</p>
+
+<p>Mais, quelques semaines plus tard, à la suite d'une campagne, si
+vigoureusement menée et avec une telle habileté qu'elle ne nous coûtait
+pas une perte, les Beni-Snassen se soumirent. Aussitôt, Lyautey exigea,
+comme condition <i>sine qua non</i> de l'aman, la restitution des objets pris
+au lieutenant Roze.</p>
+
+<p>Les Marocains, sans se faire prier, remirent le revolver, la selle et le
+burnous. Mais ils ne trouvaient pas le sabre. Ils ne l'avaient pas. Ils
+ne savaient où il pouvait être. Ils mentaient. Ils l'avaient caché pour
+le garder comme un trophée. Le général fut inflexible, il menaça... Et
+enfin ils l'apportèrent. Admirable débris! Ce n'était plus qu'un tronçon
+tordu, et une bonne moitié de la lame, la plus belle, celle de la
+pointe, manquait.</p>
+
+<p>Alors--et c'est ici que l'histoire atteint dans sa simplicité la
+grandeur épique d'un autre âge--Lyautey eut une pensée véritablement
+sublime. Ce sabre incomplet et mutilé, cette moitié de sabre glorieux,
+ne le satisfit pas. Il dit aux Marocains: «Où est la pointe?» Et, comme
+ils se regardaient effarés et tremblants de la ténacité du vainqueur, le
+général commanda:</p>
+
+<p>--Je veux la pointe. Allez!</p>
+
+<p>Un Arabe, se détachant, prononça:</p>
+
+<p>--Nous ne pouvons plus. Cette pointe n'est pas chez nous.</p>
+
+<p>--Où est-elle?</p>
+
+<p>-Dans un corps. Dans la poitrine d'un des nôtres (et il dit son nom),
+qui est enterré,... quelque part... près d'Oudjda.</p>
+
+<p>Le général répéta:</p>
+
+<p>--Je veux la pointe.</p>
+
+<p>Voyant donc qu'il fallait céder, les Arabes repartirent. Ils
+retrouvèrent le mort. Ils le déterrèrent. De leurs propres mains
+soumises et domptées ils allèrent, en ouvrant avec les ongles le cadavre
+et en y fouillant dans tous les coins, retirer de la poitrine
+décomposée, où elle était enfoncée et perdue, la lame, l'esquille
+d'acier qui s'y trouvait encore, et ils l'apportèrent au général, toute
+rouillée de sang noir, la lui présentant à genoux.</p>
+
+<p>Aujourd'hui, le sabre du lieutenant Roze, le sabre entier, auquel plus
+rien ne manque, le sabre en deux morceaux qui n'en font qu'un, le sabre
+heureux et reconquis, et moralement ressoudé, est en France, dans la
+maison familiale de Touraine. On l'a.</p>
+
+<p>Telle est cette histoire de pointe, de pointe française. Elle est
+arrivée en 1907, il y a cinq ans. Quoi? Cinq ans? Déjà? dites-vous. Le
+Maroc a déjà cinq ans? Oui. Que tout va donc vite! En une brochure de
+cent pages, guère plus épaisse qu'un livret, et intitulée: <i>Un
+officier</i>, Etienne Roze, avec une piété fraternelle, a relaté ces faits.
+Je viens de les lire. Ils m'ont entraîné à ce point que je n'ai pu
+m'empêcher de vous les jeter, tout d'une haleine. Connaissez-vous rien
+de plus beau? Moi pas. Aussi, désormais, toujours, en toute grande
+affaire, pathétique, aiguë et douloureuse, me reviendra comme une devise
+la phrase de Lyautey, la phrase de métal: «La pointe! Il me faut la
+pointe. Je veux la pointe.»<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">Henri Lavedan.</span></span></p>
+
+<p><i>(Reproduction et traduction réservées.)</i></p><br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/002a.png"><br><b>Le bivouac des «Éclaireurs français» dans les bois de
+Clamart.</b></p>
+
+<h3>POUR FAIRE DES SOLDATS</h3>
+
+<h4>UNE SORTIE DES ÉQUIPES PARISIENNES<br>
+
+DE BOY-SCOUTS FRANÇAIS</h4>
+
+<p>Une nombreuse assistance se trouvait réunie, dimanche matin, pour
+assister, dans les bois de Clamart, à divers exercices exécutés par les
+sections parisiennes des «Éclaireurs français». Il y avait là l'amiral
+Besson, par qui la revue devait être passée, le commandant Nogué,
+représentant le ministre de la Guerre, le lieutenant de vaisseau Benoît,
+promoteur de ce mouvement en France, M. Chéradame, président de la
+société, le capitaine Royet, directeur technique, le comte de LaVaulx,
+qui forme le projet intéressant d'initier une de ces jeunes équipes à
+l'aéronautique, le colonel Boucher, etc. Quelques correspondants de
+guerre avaient été également invités.</p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/002b.png"><br><b>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Les éclaireurs creusent<br>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;une tranchée-abri.</b></p>
+
+<p>Les fondateurs de, cette association se sont proposé le même but que le
+général Baden-Powell lorsqu'il créa les Boy-Scouts anglais. D'après les
+statuts de la Société des «Éclaireurs», ce but est de «développer, chez
+les jeunes gens, la vigueur et l'adresse physiques, l'initiative,
+l'esprit de ressource, le courage sous toutes ses formes, le
+patriotisme, le sentiment de la solidarité, de la responsabilité morale
+et de l'honneur». En somme, donner à tous, dès l'adolescence, l'art de
+se débrouiller devant les obstacles matériels et, dans la conduite
+générale de la vie, la dignité et le contrôle de soi-même qui sont les
+plus belles et les plus fortes qualités dont l'homme puisse s'ennoblir.</p>
+
+<p>Les adhérents sont pris parmi les jeunes garçons de dix à vingt ans. Ils
+doivent, pour être admis, faire le serment suivant: «Je promets, sur mon
+honneur, d'agir en toute circonstance comme un homme conscient de ses
+devoirs, loyal et généreux; d'aimer ma patrie et de la servir
+fidèlement, en paix comme en guerre; d'obéir au code de l'Éclaireur». La
+place nous manque, malheureusement, pour donner les douze articles de ce
+code qui tendent tous au but indiqué plus haut.</p>
+
+<p class="rig"><img alt="" src="images/002c.png"><br><b>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;On soigne un blessé.</b></p>
+
+<p>Le costume, copié sur celui des Boy-Scouts anglais, est, ainsi qu'on le
+voit par les photographies ci-jointes, celui des cow-boys popularisés
+par les récits d'aventures américaines. Outre qu'il est très coquet et
+sied admirablement aux adolescents, il est de nature à plaire à leur
+jeune imagination romanesque. Chaque section, ou plutôt chaque
+patrouille, se signale par la nuance du foulard qui entoure le col.</p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+<p>Chacune de ces patrouilles s'exerce séparément à peu près tous les
+dimanches, sous la direction de son instructeur. Cette dernière réunion,
+qui groupait toutes les équipes parisiennes, était, depuis un an que
+l'association existe, la première sortie générale de service en
+campagne. Nous avons pu y voir les exercices les plus variés et en
+admirer la parfaite exécution. Tandis que les uns installaient le
+télégraphe et le téléphone de campagne, d'autres creusaient des
+tranchées, construisaient un pont ou faisaient très habilement, très
+prestement, le service d'ambulance et de brancardiers. On nous montrait
+encore le maniement d'une voiture démontable construite par les
+«Éclaireurs» eux-mêmes. Enfin, de tous côtés, sur des installations de
+fortune, de jeunes marmitons, très convaincus, cuisinaient le prochain
+déjeuner.</p>
+
+<p>Le clou a été une manoeuvre exécutée par toutes les équipes réunies. A
+un signal, toutes les patrouilles ont disparu dans les bois, puis les
+«Éclaireurs» sont revenus en rampant, courant dans les espaces
+découverts, profitant des moindres accidents de terrain pour se cacher
+et avancer; finalement, tous se sont élancés à l'assaut de la hauteur où
+nous les attendions.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/003.png"><br><b>COMMENT ON FAIT DES SOLDATS<br>Les Éclaireurs parisiens
+manoeuvrant dans les bois de Clamart:<br>la construction d'un pont.</b>--<i>Phot.
+Gimpel.</i></p>
+
+<p>L'amiral Besson a ensuite passé la revue et, le cercle ayant été formé,
+de vibrants discours prononcés par l'amiral, par le commandant Nogué et
+M. André Chéradame ont clos, pour les invités du moins, la petite fête.</p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+<p>Ce simple récit ne peut rendre l'excellente impression que nous avons
+rapportée de ce spectacle de grand air. Nous en sommes revenus avec
+cette conviction que la formule du «scoutisme» est la meilleure qui se
+puisse trouver pour l'éducation physique et morale de la jeunesse. Il
+suffira de citer le cas de la section de Saint-Denis, présente à la
+belle réunion de dimanche. Les enfants qui la composent sont des fils
+d'ouvriers des usines, milieu assez difficile, comme on sait, et hostile
+à toutes les parades militaristes. L'instructeur nous racontait que,
+pour obtenir l'approbation des parents, il avait surtout dressé sa
+petite troupe à la manoeuvre des ambulanciers et brancardiers qu'elle
+pratique du reste fort bien. Les résultats moraux ont été encore plus
+surprenants et les parents en ont été très impressionnés. Ils ont écrit
+à l'instructeur des lettres qui, en termes d'une simplicité émouvante,
+exprimaient leur satisfaction et leur surprise. Le leit-motiv de toutes
+ces missives était: «Notre petit gars a beaucoup changé, il n'est plus
+le même.» Et les braves gens disaient combien ils en étaient heureux.</p>
+
+<p>Toutes les équipes mériteraient d'ailleurs d'être citées: celle des
+constructeurs de pont, celle de Grenelle, au foulard rouge, nombreuse,
+disciplinée et d'une tenue parfaite; les télégraphistes et
+téléphonistes. Tous vraiment rivalisaient de savoir-faire et d'entrain.
+Après avoir constaté de tels résultats, on ne peut que souhaiter, pour
+préparer à notre pays les belles et solides générations dont il a plus
+que jamais besoin, le plus grand développement à cette oeuvre si
+intéressante du «scoutisme» français.<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">Jean Rodes.</span></span></p><br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/004a.png"><br><b>L'escadrille aérienne de Biskra à l'étape de
+Tozeur.</b><br>--<i>Phot. prise avant le départ pour Gabès, le 27 février, par M.
+Digoy.</i></p>
+
+<h3>UN BEAU RAID: BISKRA-GABÈS-TUNIS EN AÉROPLANE</h3>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/004b.png"><br><b>
+L'itinéraire suivi, de Biskra à Tunis, par l'escadrille aérienne.</b></p>
+
+<p>L'escadrille militaire de Biskra vient d'accomplir, dans des conditions
+de régularité remarquables, un raid aérien qui, en prouvant une fois de
+plus l'audace et l'habileté de nos officiers aviateurs, montre les
+services qu'ils peuvent rendre à nos corps de troupe africains.</p>
+
+<p>Quatre biplans, montés par les lieutenants Reimbert, Cheutin, Jolain, et
+par le maréchal des logis Hurard, s'envolaient de Biskra le 26 février
+et se dirigeaient vers le Sud-Est passant au-dessus de la région des
+Chotts. Arrêtés par le mauvais temps à Zeribet el Oued, ils arrivaient
+cependant le même jour à Tozeur. Le lendemain, ils atterrissaient à
+Gabès, devant le général Pistor, commandant la division d'occupation et
+ministre de la Guerre du gouvernement tunisien, et le général Fournier,
+en tournée d'inspection; après quelques heures de repos, ils repartaient
+dans la direction de Tunis et couchaient à Sfax.</p>
+
+
+
+<p class="rig"><img alt="" src="images/004c.png"><br><b>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;A Gabès: les quatre aviateurs, leurs mécaniciens et<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;quelques officiers de la garnison devant les avions<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;disposés pour le départ.</b></p>
+
+<p>Le temps, assez beau jusque-là, devint subitement très mauvais, et le
+troisième jour l'escadrille se trouva vite dispersée: le lieutenant
+Jolain était en panne à Enfidaville; le maréchal des logis Hurard
+s'arrêtait à Bou Picha; le lieutenant Cheutin endommageait son appareil
+en atterrissant à Sousse; le lieutenant Reimbert ne pouvait dépasser
+Grombalia, à 30 kilomètres de Tunis.</p>
+
+<p>Le lendemain, la tempête continuait, un peu moins violente, il est vrai,
+et les quatre aviateurs arrivaient l'un après l'autre à Tunis, Hurard
+ayant pris comme passager le lieutenant Cheutin, dont l'appareil n'avait
+pu être réparé.</p>
+
+<p>Le lieutenant Reimbert, chef de l'escadrille, compte se reposer quelques
+jours à Tunis, d'où il regagnera Constantine et Biskra, par la voie des
+airs, avec ses camarades, si le temps n'est pas trop défavorable.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/004d.png"><br><b>
+L'AVIATION EN AFRIQUE DU NORD.--En vol vers Sfax et Tunis:<br>
+le départ de Gabès du lieutenant Reimbert.</b>--<i>Phot. Genet,
+Gabès</i>.</p>
+
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/005.png"><br>
+
+<b>LA FOULE PARISIENNE UN JOUR DE FÊTE</b><br>
+
+<i>Photographie L. Gimpel.</i></p>
+
+<p><i>C'est la foule parisienne, la foule sage et calme des «dimanches et
+fêtes», prise sur le vif, le jour de la Mi-Carême, à un moment
+psychologique, si l'on peut dire... Le traditionnel cortège de la reine
+des reines, qui s'est formé boulevard Voltaire, a gagné, par la place de
+la République et le boulevard Beaumarchais, la place de la Bastille, et
+a contourné la colonne de Juillet, sur laquelle veille, tout près du
+Génie, un photographe avisé. Les chars carnavalesques, aux figurations
+coutumières, ne donnent, du haut de son observatoire, que des images un
+peu décevantes. Mais voici que les derniers d'entre eux se sont engagés
+dans la rue Saint-Antoine, et le service d'ordre, qui barrait les voies
+tout autour de la vaste place,</i> vient d'être levé: seul un cordon
+d'agents protège encore la fin du cortège. Tandis qu'une file de
+voitures, où se remarquent les longs toits plats des autobus, débouche
+lentement, au fond du boulevard Beaumarchais et à droite du boulevard
+Richard-Lenoir la foule reprend sa liberté et, de nouveau, circule à
+l'aise, ici pressée encore en groupes compacts, là moins dense. D'en
+bas, vue en perspective fuyante, elle offrirait l'aspect d'une
+multitude; du poste élevé ou le cliché a été pris, elle semble, grâce au
+raccourci des personnages, étrangement diminuée, mais, dans le détail,
+quelle variété de mouvements et d'attitudes y découvre l'oeil amusé!</p>
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/006a.png"><br><b>A l'établissement des Pupilles de la Marine:
+l'apprentissage de la menuiserie.</b></p>
+
+<h3>LES PUPILLES DE LA MARINE</h3>
+
+<h4>UNE PÉPINIÈRE DE MARINS D'ÉLITE</h4>
+
+<p>Le développement même de notre flotte de guerre, l'entrée en service,
+d'année en année, de nouveaux navires monstres, exigeant des équipages
+comme des états-majors de plus en plus nombreux, pose d'une façon assez
+inquiétante la question des effectifs.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/006b.png"><br><b>L'heure de l'étude.</b>--<i>Phot. Freund.</i></p>
+
+<p>On redoute--et M. Pierre Baudin, ministre de la Marine, jetant un cri
+d'alarme, indiquait la semaine dernière, dans des interviews qui firent
+sensation, cette grave préoccupation--on redoute de manquer, dans un
+temps prochain, des marins nécessaires pour armer nos futurs
+dreadnoughts et superdreadnoughts. Le même jour où les quotidiens
+recueillaient les déclarations du ministre, le ministre de la Marine
+allemande, l'amiral de Tirpitz, faisait au Reichstag des déclarations
+qui montraient que, de l'autre côté de la frontière, on n'ignorait pas
+le mal dont nous sommes menacés. Il ajoutait, d'ailleurs, que la même
+crise sévissait également et dans la marine britannique et dans celle
+des États-Unis.</p>
+
+<p>Et pourtant, il faut rendre au département de la Marine cette justice,
+qu'il s'applique avec un soin jaloux à ne rien laisser perdre des
+ressources en hommes que peuvent lui fournir les populations de nos
+côtes. La sollicitude avec laquelle il recueille dans une institution
+spéciale, instruit, éduque ces marins nés que sont les orphelins des
+marins de la flotte, en fait ses enfants d'adoption, ses «pupilles», est
+une preuve de ses sages dispositions à cet égard.</p>
+
+<p>La fondation de l'établissement des Pupilles de la Marine remonte au 15
+novembre 1862. Elle est due au comte Prosper de Chasseloup-Laubat,
+ministre civil de la Marine, et ministre excellent, de qui le souvenir
+est encore évoqué avec respect.</p>
+
+<p>L'idée qui avait présidé à cette fondation semble être dérivée de celle
+qui avait inspiré, sous le premier Empire, l'organisation des Pupilles
+de la Garde. Tous les orphelins de quartiers-maîtres ou de marins de la
+flotte--à l'exclusion des enfants d'officiers, ou d'officiers
+mariniers--allaient être recueillis par l'État, qui se chargeait de les
+élever. Réunis dans un établissement unique, à Brest, ils devaient y
+recevoir une éducation et une instruction appropriées en vue de la
+carrière maritime, et dès l'enfance revêtir l'uniforme qui avait été
+celui de leurs pères, de leurs grands-pères, et auquel ils semblaient
+actuellement voués.</p>
+
+<p>Cette création fut accueillie partout avec la plus grande faveur. Dans
+les ports, à bord des bâtiments de guerre, parmi toutes ces rudes
+populations de vaillantes gens, exposés à toute heure à disparaître à
+l'improviste, laissant les leurs dans la détresse, les femmes, les
+petits à l'abandon, ce fut un enthousiasme général. En un clin d'oeil,
+les dons affluaient de toutes parts, de la France et des colonies. Dans
+la marine même, tous, officiers, marins, ouvriers des ports,
+souscrivaient avec élan en faveur des Pupilles une journée de leur
+solde.</p>
+
+<p>Installé d'abord assez sommairement dans un local inauguré quelques mois
+plus tard, le 26 février 1863, l'établissement devait ultérieurement
+être transféré dans les vastes bâtiments qu'il occupe encore
+actuellement, à Villeneuve, au bord de la Penfeld, à 4 kilomètres de
+Brest, qui sont ceux de l'ancienne fonderie de la marine, aménagés dans
+ce but, et que sont venues compléter peu à peu des constructions
+modernes, mieux appropriées encore à leur destination.</p>
+
+<p>Les fils de marins de l'État sont admis aux Pupilles dès l'âge de sept
+ans s'ils sont orphelins à la fois de père et de mère, à neuf ans
+seulement s'ils ont perdu ou leur père ou leur mère. L'établissement
+reçoit aussi les fils des ouvriers des arsenaux, mais au seul cas où ils
+sont orphelins de père et de mère.</p>
+
+<p>On commence d'abord par donner à ces enfants une instruction primaire et
+les préparer au certificat d'études. Ce premier parchemin scolaire
+obtenu, on leur apprend un métier manuel, celui de mécanicien, de
+forgeron, de chaudronnier, de menuisier. Ainsi, il leur sera, plus tard,
+loisible de bifurquer vers les professions des arsenaux, si le métier de
+mer ne leur convient pas. Les ateliers où ils reçoivent cet enseignement
+technique, égayés par leurs tenues de travail «en gris», leurs petits
+bérets à pompons rouges, leurs grands cols bleus, présentent un très
+pittoresque spectacle.</p>
+
+<p>Mais c'est surtout l'apprentissage de la vie de marin qui est
+l'essentiel, la base même de l'enseignement, et c'est en vue de l'école
+des mousses que sont préparés tous ces enfants.</p>
+
+<p>Ils sont initiés à la gymnastique, à la boxe, au bâton, à la natation,
+qui ne nuisent jamais à un bon matelot, quoi qu'on en ait pensé
+autrefois, le rendent plus agile et plus «débrouillard»; mais l'exercice
+physique auquel on les entraîne avec le plus de soin, le plus de
+rigueur, c'est le canotage. Il y a, près de l'établissement, un paisible
+étang que, même par gros temps, n'agitent point de fortes vagues et qui
+est admirablement propre aux premiers ébats nautiques de ces petits
+bonshommes aux bras encore si frêles. Les baleinières des Pupilles le
+sillonnent en tous sens, y évoluent à l'aise sous la conduite de
+timoniers expérimentés. Entre temps, des gabiers adroits leur enseignent
+tous ces travaux délicats et savants que les marins exécutent
+artistement avec des cordes.</p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/007a.png"><br><b>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Au son du fifre et du tambour.</b></p>
+
+<p>A quinze ans et demi, cette première partie de leur éducation est
+achevée. Elle a été conduite paternellement; pourtant avec une certaine
+rudesse, qui n'exclut pas la bienveillance, voire l'affection, mais qui
+est nécessaire à ceux qui vont désormais affronter le plus rigoureux de
+tous les métiers. L'école est administrée, en effet, par d'anciens
+officiers de marine qui connaissent les exigences de la vie de mer, et
+s'appliquent à développer chez leurs élèves toutes les vertus qui font
+d'un honnête homme un marin d'élite, l'intrépide sang-froid, l'esprit
+d'abnégation et de discipline, l'amour du navire, le culte du drapeau et
+de la fière devise inscrite au front de tous les bâtiments où ils vont
+servir un jour: Honneur et Patrie. Dix instituteurs y dispensent
+l'instruction primaire. Les instructeurs techniques sont, ou des
+officiers mariniers, ou des quartiers-maîtres retraités, ou d'anciens
+chefs ouvriers des arsenaux.</p>
+
+<p>Arrivés à ce point de leur carrière, plusieurs voies s'ouvrent, comme
+nous l'avons indiqué, devant ces enfants. Tandis que les uns, les plus
+nombreux, vont passer à l'école des mousses, d'autres, soit par goût,
+soit en raison de quelque tare, imperfection visuelle, insuffisance de
+développement, vont s'orienter vers l'école des apprentis ouvriers
+mécaniciens de Lorient et vers les emplois des arsenaux. Quelques-uns,
+enfin, qui ont donné des preuves d'exceptionnelle intelligence, de
+dispositions remarquables pour l'étude, seront dirigés vers le lycée de
+Brest où ils pourront se préparer au Borda; plus d'un ancien pupille
+porte aujourd'hui avec distinction le sabre d'officier de marine.</p>
+
+<p>Les buts excellents auxquels tend l'établissement des Pupilles de la
+Marine, les résultats pratiques parfaits qu'il n'a cessé de donner,
+justifient amplement la faveur qui l'accueillit à sa fondation.</p>
+
+<p>De 1863 jusqu'à cette année, il a élevé et instruit plus de 6.000
+orphelins, de l'immense majorité desquels il a fait de bons serviteurs
+de la patrie. C'est là que se recrutent, en grande partie, les officiers
+mariniers des spécialités dites militaires, canonniers, torpilleurs,
+timoniers, fusiliers, etc.</p>
+
+<p>Aussi, dans toute son existence déjà longue, les encouragements, les
+appuis les plus précieux, moraux et matériels, ne lui ont-ils pas
+manqué. Il a, notamment, à maintes reprises, bénéficié de dons et legs
+importants. Grâce à ces libéralités, on est arrivé à réaliser là, sans
+qu'il en coûte beaucoup à l'État, une école modèle, aux dortoirs
+largement aérés, aux salles d'études spacieuses, aux réfectoires nets
+comme des intérieurs hollandais, où 500 enfants reçoivent asile dans des
+conditions hygiéniques si bonnes que bien rarement on eut à déplorer
+quelques maladies graves.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/007b.png"><br><b>L'école de Canotage.</b>--<i>Photographies Freund.</i></p>
+
+<p>Au point de vue moral, l'établissement des Pupilles de la Marine est une
+pépinière florissante de braves serviteurs du pays, préparés
+merveilleusement à leur tâche, résolument respectueux du devoir, rompus
+dès l'enfance à toutes les rigoureuses disciplines,--de ces coeurs
+vaillants dont, plus que jamais, nous avons grand besoin.<br>
+
+<span class="rig">G. B.</span></p><br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/008a.png"></p>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="0"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="illustration">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 25%; text-align: center;">
+<b>Le Discobole, tenant le disque à la main gauche, porte en
+avant le pied droit. <i>(Statue du Vatican.)</i></b>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 25%; text-align: center;">
+<b>Il élève le disque et le reçoit dans la main droite en avançant le pied
+gauche. <i>(Vase grec, Musée Britannique.)</i></b>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<b>Il balance le disque d'avant en arrière, le poids du corps reposant sur
+le pied droit.<br><i>(Vases grecs, Musée Britannique et Musée du Louvre.)</i>]</b>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<h3>LE LANCER DU DISQUE</h3>
+
+<h4>DANS L'ANTIQUITÉ</h4>
+
+<p>Depuis que, aux premiers Jeux Olympiques tenus à Athènes, en 1890, le
+lancer du disque a été remis en honneur, ce noble exercice, renouvelé
+des Grecs, est devenu l'un des sports favoris de notre temps. Dans sa
+méthode d'éducation physique, dont le succès a été si vif, M. le
+lieutenant de vaisseau Hébert le place au nombre des huit «exercices
+naturels indispensables». Et, dans ces grandes fêtes internationales de
+la force et de l'adresse que sont, tous les quatre ans, les Jeux
+Olympiques, on ne manque pas de voir, tels les héros chantés par Pindare
+ou ces guerriers que montre Stace en sa <i>Thébaïde</i>, de jeunes hommes
+venus de tous les pays d'Europe, et d'Amérique, lutter entre eux à jeter
+au loin le lourd palet.</p>
+
+<p>Est-ce à dire que le lancer du disque se pratique aujourd'hui tout de
+même que dans l'antiquité? Cette question, fort complexe, a été soulevée
+récemment par M. le chef de bataillon Debax, ancien instructeur à
+l'école de gymnastique de Joinville-le-Pont, en un article qu'a publié
+<i>L'Illustration</i> du 11 janvier dernier. Selon lui, le Discobole agissait
+en tous points comme l'athlète moderne: d'abord tourné vers le but, il
+pivotait une fois sur lui-même et faisait face au côté opposé, puis
+revenait dans sa position initiale en abandonnant le disque, auquel ce
+mouvement de rotation du corps avait assuré l'élan nécessaire. Et le
+commandant Debax, appuyant sa thèse sur l'examen de la célèbre statue du
+palais, Massimi, copie d'une oeuvre du sculpteur Myron, exposait que, si
+le disque avait dû, contrairement à son interprétation, être lancé en
+avant de la statue, le Discobole «aurai! malgré lui le regard fixé dans
+cette direction, c'est-à-dire droit devant lui»,--ce qui précisément
+n'est point le cas.</p>
+
+<p>Il semble bien que cet argument ne soit pas rigoureusement probant. Car,
+s'il est vrai que le Discobole du palais Massimi a le regard franchement
+dirigé en arrière, le Discobole conservé au Musée Britannique de Londres
+relève la tête en avant autant que la position de son corps, ramassé sur
+lui-même, le lui permet. En sorte que le degré d'inclinaison, plus ou
+moins grand, de la tête paraît dépendre entièrement de l'attitude
+générale de l'athlète.</p>
+
+<p>Au reste, on ne saurait, pour l'intelligence de l'exercice antique, se
+fonder uniquement sur ces deux effigies, les plus admirables, sans
+doute, du Discobole. Il en existe un grand nombre d'autres
+représentations, dont il importe de tenir compte. Dans un article publié
+par la <i>Gazette archéologique</i> (année 1.888, pages 291 et suivantes), M.
+Jean Six s'est attaché, à l'aide de peintures retrouvées sur des vases
+polychromes de la période archaïque, à reconstituer en détail la série
+de mouvements qui composaient, dans l'ancienne Grèce, le lancer du
+disque. Plus récemment, un savant anglais, M. E. Norman Gardiner,
+faisant porter son enquête sur l'ensemble des monuments--statues,
+bronzes, poteries et monnaies--où sont figurées les diverses attitudes
+du Discobole, a consacré à leur examen un important chapitre de son
+livre <i>Greek Athletic Sports and Festivals</i> (Macmillan and Co., 1910).
+Et les conclusions de son étude, analogues, pour la plupart, à celles de
+M. Six, mais appuyées sur une documentation plus étendue, sont très
+nettes.</p>
+
+<p>Pour la clarté de l'explication, M. Norman Gardiner décompose l'exercice
+en trois temps principaux, qu'il décrit minutieusement. Tout d'abord
+l'athlète, tenant le disque à la main gauche, place le pied droit en
+avant,--ce double fait est attesté notamment par deux statues fameuses,
+celle du Louvre (salle des Cariatides) et celle du Vatican. La tête
+légèrement inclinée, il mesure du regard la distance à laquelle il va
+lancer le projectile. Puis, soit en restant sur place, soit en avançant
+la jambe gauche, il porte le disque à hauteur du front, tandis que la
+main droite s'élève jusqu'à lui, prête à le saisir.</p>
+
+<p>Au second temps, la main droite reçoit le disque à plat sur la paume,
+puis s'abaisse, le buste se penchant progressivement. Si le Discobole
+est resté sur place depuis le début, il n'a pas à changer de pied; s'il
+a avancé la jambe gauche au temps précédent, il la recule ou, au
+contraire, avance la droite: c'est sur celle-ci que, de toutes façons,
+doit reposer désormais le poids de son corps. Cependant il ramène le
+disque en arrière, par une conversion du poignet, et fléchit le buste,
+réalisant ainsi la position de la statue de Myron.</p>
+
+<p>Au troisième temps--celui qui demande le plus grand travail
+musculaire--l'athlète se redresse brusquement, se tend comme un arc,
+puis, d'un vigoureux effort, lance devant, lui le disque, le plus loin
+possible, et retombe sur le pied gauche.</p>
+
+<p>C'est, en résumé, suivant M. Norman Gardiner, un double balancement du
+disque, d'abord avec, la main gauche, ensuite avec la main droite, joint
+aux flexions conjuguées du corps, qui donne au projectile l'impulsion
+nécessaire: le rapprochement des diverses représentations du Discobole
+qui sont parvenues jusqu'à nous ne semble pas laisser de doute à ce
+sujet. En pivotant sur eux-mêmes, les athlètes modernes, dont la
+méthode, d'origine américaine, s'inspire manifestement d'un exercice
+analogue, le lancer du «hammer», s'écartent essentiellement du mode
+antique.</p>
+
+<p>Les concurrents des Jeux Olympiques d'Athènes, en 1896, à qui l'on doit
+la restauration du jeu, avaient essayé, pourtant, de s'en rapprocher.
+Mais, ayant pris comme unique exemple la statue de Myron, ils s'étaient
+contentés de copier, strictement, l'attitude dans laquelle y est figuré
+le Discobole: sous le prétexte que celui-ci tient la jambe droite en
+avant, ils s'astreignaient à conserver la position de cette jambe depuis
+le début jusqu'à la fin du mouvement. Et cette imitation laborieuse, qui
+reposait sur une fausse interprétation de la statue, véritable
+«instantané» plastique, enlevait à l'exercice sa grâce et sa liberté.
+Moins attachés au modèle ancien, les Américains imaginèrent alors de
+reconstituer, suivant des principes nouveaux, le lancer du disque. Nous
+avons, dans <i>L'Illustration</i> du 22 mars 1902, décrit leur méthode, en
+l'opposant à celle des Français, des Danois et des Grecs, «L'Américain,
+écrivait notre collaborateur le docteur J. Héricourt, par une puissante
+action des jambes, tournoie sur lui-même avec rapidité, tandis que son
+bras, aux muscles lâches, fait l'office de la corde d'une fronde: tout à
+coup le disque s'échappe, fend l'air par sa tranche, et va tomber très
+loin.»</p>
+
+<p>Faut-il croire que les Grecs pratiquaient également les deux systèmes,
+celui qu'ont adopté presque tous les modernes, et celui qui ressort des
+témoignages mêmes du passé? M. le lieutenant de vaisseau Hébert
+inclinerait vers cette conciliante hypothèse. «Les manières de lancer le
+disque, nous écrit-il, devaient différer, logiquement, avec les
+aptitudes particulières des athlètes: la longueur de leurs jambes, de
+leurs bras, leur poids, leur taille...» Selon lui, il y avait plusieurs
+façons de procéder, l'une, courante, suivant laquelle le Discobole
+balançait simplement son disque d'avant en arrière, les autres, celles
+des virtuoses ou des champions, dont l'une comportait une rotation
+complète du corps.</p>
+
+<p>On doit tout au moins admettre comme certain que les anciens n'avaient
+pas besoin, pour lancer le disque, de pivoter sur eux-mêmes, et qu'ainsi
+la statue de Myron ne saurait s'expliquer, de toute nécessité, par ce
+mouvement, que d'ailleurs les nombreuses représentations antiques du
+Discobole ne paraissent point comporter. M. P.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/008b.png"></p>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="0"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="illustration">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<b>Ramassé sur lui-même, il élève le disque aussi haut que
+possible, en opérant une conversion du poignet, la tête dirigée soit en
+arrière, soit en avant. <i>(Statue de Myron, au palais Massimi, et statue
+du Musée Britannique.)</i></b>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 25%; text-align: center;">
+<b>Au commencement du «lancer», il se redresse brusquement et se tend comme
+un arc <i>(Amphore panathénaïque, Musée de Naples.)</i></b>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 25%; text-align: center;">
+<b>Puis il retombe sur le pied gauche en abandonnant le disque. <i>(Amphore
+panathénaïque, Musée de Leyde.)</i></b>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<h3>LES ATTITUDES SUCCESSIVES DU DISCOBOLE, D'APRÈS DIVERSES REPRÉSENTATIONS
+ANTIQUES</h3>
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/009a.png"><br><b>L'effervescence populaire à Tokio: pendant la séance
+parlementaire du 5 février, la foule, contenue par la police, se porte
+vers les entrées latérales de la Chambre.</b></p>
+
+<h3>EST-CE LE DÉBUT D'UNE RÉVOLUTION AU JAPON?</h3>
+
+<p><i>Nous avons déjà, dans notre numéro du 15 février, parlé de la crise
+politique et de l'effervescence populaire qui, en imposant la retraite
+du cabinet Katsura, soutenu par l'empereur lui-même, semblent faire
+augurer pour le Japon des temps nouveaux. Le fait le plus saillant de
+cette crise aura été le refus du parti démocrate de renoncer à son
+attitude d'opposition malgré l'intervention de l'empereur auprès du chef
+de ce parti, le marquis Saïonji. On y voit une sérieuse atteinte portée
+au prestige du trône, qui, depuis le triomphe du précédent empereur sur
+les grands féodaux, au début de son règne, n'avait jamais rencontré une
+semblable résistance. Notre correspondant de Tokio, M. J.-G. Balet, qui
+assista à la séance parlementaire exceptionnelle du 5 février 1913, nous
+adresse, sur les faits qui précédèrent et provoquèrent la chute du comte
+Katsura, les intéressantes notes qui suivent:</i></p>
+
+<p class="rig">Tokio, 7 février 1913.</p><br><br>
+
+<p>La séance du 5 février 1913 marquera, dans les fastes de l'histoire
+japonaise, une date mémorable, terrible peut-être.</p>
+
+<p>Un spectateur insuffisamment averti n'aurait vu ce jour-là qu'une lutte,
+passionnée sans doute, mais très anodine, entre le gouvernement et une
+grosse fraction de la Chambre. Sans doute il aurait été frappé de la
+pâleur extraordinaire du premier ministre, prince Katsura, aux prises
+avec les interpellations de la majorité; des paroles grossières, des
+insultes lancées d'un banc à l'autre ne l'auraient toutefois pas
+autrement surpris.</p>
+
+<p>Et pourtant il s'est passé là un fait extraordinaire, sans précédent
+dans l'histoire de ce peuple qui vit de l'adoration volontaire d'une
+idée: l'empereur infaillible et intangible. On a discuté la portée des
+<i>rescrits impériaux et des paroles impériales</i>. Avec un reste de
+formules savamment respectueuses, on a voulu savoir à qui incombait la
+responsabilité de ces ordres, celle de l'empereur ne pouvant être en
+jeu, ajoutait-on!</p>
+
+<p>Lorsque l'ex-maire de Tokio, le bouillant Ozaki Yukio, déjà mal noté
+autrefois pour son tempérament démocratique et forcé de quitter le
+portefeuille de l'Instruction publique pour un mot malheureux à la
+tribune, lorsque M. Ozaki lança, à pleine voix, à la face du banc des
+ministres ahuris cette phrase: «Et si, par malheur, il venait à se
+produire une erreur dans un rescrit impérial, qui en prendrait la
+responsabilité, si personne n'a apposé son sceau au bas de cette parole
+sacrée, comme l'exige la Constitution, et comme on a omis de le faire
+lorsque Katsura a repris le pouvoir, abusant ainsi de la majesté
+impériale et la compromettant pour ses desseins ambitieux?», je
+m'étonnai de ne pas voir le plafond s'écrouler sur l'homme qui avait
+ainsi parlé. D'ailleurs le tumulte commença aussitôt: «Insolent!
+Traître! Socialiste! Retirez ce mot! <i>Aucune erreur n'est possible dans
+le Chokugo!</i>»</p>
+
+<p>Mais, fort de son raisonnement, dans un pays constitutionnel, où tous
+les décrets impériaux doivent être paraphés par un ou par tous les
+ministres, suivant le cas, l'orateur ne retira aucun mot. D'autant moins
+qu'il attaquait non pas le pouvoir impérial, mais la camarilla qui en
+abuse avec une hypocrisie savante, pour son propre compte.</p>
+
+<p>Au dehors, la foule immense assiégeait les alentours du Parlement. Des
+vociférations, des cris de mort parvenaient vaguement à nos oreilles.</p>
+
+<p>Au dedans, une angoisse étreignait toutes les poitrines. Suspendu durant
+quinze jours, au mépris de la Constitution, le Parlement siégeait à
+nouveau pour la première fois. Durant ces deux semaines, le prince
+Katsura et ses deux sbires, le vicomte Oura, ministre de l'Intérieur, et
+le baron Goto, ministre des Postes et des Voies ferrées, avaient <i>per
+fas et nefas</i> essayé de former un nouveau parti politique pour faire
+échec aux constitutionnalistes de Saïonji. L'argent répandu à profusion,
+les promesses et les menaces avaient disloqué le parti nationaliste,
+<i>Kokumintô</i>; un air de corruption flottait sur certains bancs de
+l'hémicycle. La majorité restait sans doute à l'opposition, mais on
+voulait voir et savoir jusqu'à quel point l'audace du premier ministre,
+condamné par la voix populaire de tout le pays, avait bien pu faire de
+traîtres.</p>
+
+<p>Qu'allait-il arriver? Dissolution de la Chambre? Nouvelle suspension?
+Démission du cabinet? La proposition d'un vote de non-confiance, signée
+par 250 membres sur 380 environ, fut développée, avec une éloquence rare
+et une violence à peine contenue, par M. Ozaki Yukio.</p>
+
+<p>Un «traître» du parti <i>Kokumintô</i>, un verbeux orateur, M. Shimada
+Saburô, allait lui répondre lorsque le président, M. Ooka, se leva et
+dit: «Une parole impériale est descendue (vers nous) <i>Chokugo ga
+kudarimashito</i>».</p>
+
+<p>D'un bond, tout le monde fut sur pied, la tête inclinée. Et, dans un
+silence religieux, on entendit: «<i>Moi</i>, en vertu de l'article 7 de la
+Constitution, je suspends à nouveau la Chambre pour cinq jours.» Sceau
+impérial, contresigné par tous les ministres d'État.</p>
+
+<p>C'est ici que, pour un spectateur attentif, éclata la vanité du
+soi-disant respect pour le <i>Chokugo</i> que des braillards déclaraient
+infaillible tout à l'heure. En effet, tandis que la foule des députés,
+des journalistes et des spectateurs s'écoulait sans tumulte, les uns
+disaient: «<i>C'est idiot! Une suspension de cinq jours!</i> Ça ne rime à
+rien! Si encore c'eût été la dissolution; mais il n'a pas «assez
+d'estomac!» D'autres ajoutaient: «Bah! dans les cinq jours, il espère
+bien faire capituler d'autres consciences!»</p>
+
+<p>C'était pourtant un ordre impérial; mais cette fois il était contresigné
+par des gens responsables, tandis que, lorsque Saïonji démissionna en
+décembre et que Katsura fut chargé de former le nouveau cabinet, Katsura
+avait obtenu pour lui-même de l'empereur un rescrit; il en obtint un
+second, avant d'avoir formé le ministère, pour forcer le ministre Saïto,
+de la Marine, à garder son portefeuille, alors qu'il voulait le quitter.</p>
+
+<p>La foule hurlait toujours. Les députés du peuple, <i>Mintô</i>, furent portés
+en triomphe. Les autres, houspillés, injuriés et même maltraités. Les
+ministres, qu'on attendait pour leur faire subir un sort analogue,
+n'osèrent pas affronter la colère du peuple. Ils s'évadèrent par des
+portes dérobées.</p>
+
+<p>Ainsi, la lutte est ouverte, beaucoup plus tôt qu'on ne l'aurait pensé,
+sur les cendres encore chaudes de l'empereur Meiji, entre les derniers
+représentants de l'oligarchie militaire et féodale des clans et les
+couches nouvelles démocratiques. L'empereur, c'est entendu, demeure
+au-dessus de ces batailles; mais, comme je le disais ici même, dans le
+numéro du 15 août: «Pour le peuple moderne, il est un <i>peu moins dieu</i>
+que l'ancien!» La séance du 5 février a encore ôté une pierre de son
+piédestal; l'hypocrisie traditionnelle tombe peu à peu, sous la poussée
+de nos idées et de nos institutions. Et cela, c'est une révolution.<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">J.-C. Balet.</span></span></p><br>
+
+<p><i>A la suite de ces événements, le cabinet Katsura dut remettre sa
+démission à l'empereur, qui chargea l'amiral Yamamoto de constituer un
+nouveau ministère. L'amiral Yamamoto, qui a pris le pouvoir en ces
+heures difficiles, est né en 1852. Il a pris part «la guerre de la
+Restauration du cédé des Impériaux, fut l'un des premiers gradués de
+l'école navale et compléta son éducation maritime en faisant le tour du
+monde sur un navire allemand. Il était contre-amiral en 1901, amiral en
+1906, ministre de la Marine en 1906. Pour réaliser une majorité viable,
+il a dû constituer un cabinet de coalition avec des personnalités du
+parti conservateur et des personnalités du parti démocrate.</i></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/009b.png"><br><b>Les manifestants devant l'entrée du palais du Parlement
+japonais.</b></p>
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/010.png"><br><b>COUTUMES D'AUTREFOIS DANS LE JAPON D'AUJOURD'HUI.<br>--La Danse des Poupées
+de paille.</b> <i>Photographie Fuki Sakamoto.</i></p>
+
+<p><i>Tandis que le Japon, conquis aux usages politiques d'Occident, s'essaye
+à des émeutes et renverse, sous la menace de la force, un gouvernement
+impopulaire, les coutumes d'autrefois, conservées par une immuable
+tradition, y fleurissent toujours, et leur permanence offre, avec les
+moeurs nouvelles, un sujet de savoureux contraste... C'est le vieux
+Japon, bizarre et précieux, et d'un charme si naïvement compliqué, qui
+survit en cette danse, dont notre photographie, prise à Yamada, évoque
+la grâce étrange. Jadis, elle avait lieu à minuit: sur ce point seul,
+l'usage ancien s'est modifié, et elle développe maintenant en plein jour
+ses lentes évolutions. Mais des lanternes de papier, portées au bout de
+perches, rappellent ingénument que c'étaient, à l'origine, des ébats
+nocturnes. Pour ce divertissement, les danseurs ont revêtu un singulier
+costume, qui les rend semblables à des poupées de paille: une gerbe,
+dont les brins pressés recouvrent leur visage, comme s'ils avaient
+longue barbe et longs cheveux, leur sert de chapeau, et leur robe est
+faite du chaume des toits rustiques. Rangés en cercle, ils happent, sans
+hâte sur de petits tambours suspendus à leur cou, accompagnant de leurs
+battements de douces chansons. Et, dans ce décor d'opéra-comique, ils
+composent un irréel ballet de figurines animées, aux gestes saccades
+d'automates.</i></p>
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/011a.png"><br><b>EN CONVOI.--M. Gustave Bimler et ses boeufs porteurs.</b></p>
+
+<h3>DEUX PIONNIERS FRANÇAIS</h3>
+
+<h4>UN ESSAI DE COLONISATION AU TCHAD</h4>
+
+<p>La région du Tchad est riche en bétail et en grains de toute nature,
+écrivait le grand Africain Émile Gentil, au lendemain de la destruction
+de l'empire de Rabah, au moment où il commençait d'organiser, de
+coloniser les territoires qu'avec le commandant Lamy et une poignée
+d'autres braves il venait de donner à la France; le blé même y vient; de
+plus, sa population nombreuse produit des cuirs, des plumes d'autruche
+et consomme en grande quantité des marchandises européennes...» Et, plus
+loin, envisageant avec sa belle clairvoyance les conditions dans
+lesquelles nous pourrions nouer, avec ces peuples nouvellement conquis,
+des relations commerciales, et préconisant dans ce but la fondation
+d'entrepôts où se pourraient approvisionner les Tripolitains, aux mains
+desquels était alors tout le trafic du pays, il ajoutait: «La création
+de ces entrepôts, outre qu'elle serait très profitable aux commerçants
+qui voudraient l'entreprendre, leur permettrait de se livrer à un
+commerce local qui ne serait pas sans bénéfices. Je veux parler de la
+vente des troupeaux, qui seraient facilement transportés sur l'Oubanghi,
+où l'on manque de viande de boeuf.»</p>
+
+<p>Ces lignes, datées de 1902, allaient, huit ans plus tard, mettre une
+profonde empreinte dans l'esprit de deux jeunes hommes de France, M.
+Pozzo di Borgo, frère d'un prêtre de Bourg, au diocèse de Belley, et M.
+Gustave Bimler, fils d'un médecin-major retraité à Lons-le-Saunier, et
+les pousser, à la fin de 1910, vers les aventures coloniales, au coeur du
+continent noir, et, souhaitons-le, vers les destins fortunés que
+méritent si bien leur esprit d'initiative, leur juvénile ardeur à la
+tâche, leur confiance et leur crânerie toutes françaises.</p>
+
+<p>L'idée première de l'entreprise revient à M. Pozzo di Borgo. Il était
+allé sur place en étudier les possibilités de réalisation. De trois
+séjours successifs au centre africain il avait rapporté, avec la
+connaissance de la langue, des moeurs indigènes, la conviction qu'il y
+avait là-bas vraiment beaucoup à faire. Les admirables lettres et
+rapports du colonel Moll, s'il a pu les connaître, l'auront confirmé
+plus tard dans cette croyance. Mais, dès le retour, sa conviction était
+faite, et si forte, qu'il réussit à la faire partager à son jeune
+camarade, M. Gustave Bimler. Bientôt celui-ci était devenu son associé,
+son frère de lutte. M. Pozzo di Borgo s'était assuré, à la suite de son
+dernier voyage d'études, une concession dans le territoire du Tchad, à
+Melfi, entre le 15e et le 16e degré de longitude ouest et par 11° de
+latitude nord, au sud-est de Fort-Lamy; l'appui moral des autorités
+militaires était, d'autre part, assuré aux deux colons. Ils
+s'embarquèrent le 25 août 1910 à Bordeaux sur le paquebot <i>Afrique</i>.</p>
+
+<p>De quels espoirs battaient leurs coeurs! Tout est beau, tout leur
+sourit. La vie de bord, si monotone, si pénible à d'aucuns, ravit M.
+Bimler, pour qui elle est nouvelle. «Je suis très heureux, pas triste du
+tout», écrit-il à sa famille au soir du premier jour de ce voyage
+maritime.</p>
+
+<p>Ils arrivent au port, passent sur un nouveau bateau pour une navigation
+bien différente, celle du Congo. L'enchantement continue pour M. Bimler.
+«La traversée est très agréable, le pays très joli.» Cette charmante
+nature d'homme s'enthousiasme à tout bout de champ. Il a «déjà vu des
+singes et des crocodiles», et des «indigènes qui ressemblent à ceux que
+l'on voit dans le livre du capitaine Cornet», l'un des bréviaires, sans
+doute, où s'enflamma naguère son imagination. Même dévoré par les
+moustiques, il ne saurait se plaindre.</p>
+
+<p>A Bangui, pourtant, il éprouve un peu d'impatience; il faut s'arrêter là
+quelques jours pour y attendre les bagages. On en profite pour
+échafauder des projets à faire pâlir ceux de Perrette: un boeuf coûte,
+au Tchad, 25 francs; on le revend 150; la troupe en consomme trois par
+jour. «Vous pouvez à peu près calculer ce que nous pouvons gagner». Il
+est vrai qu'il faut compter avec quelques pertes: la fatigue et surtout
+la terrible mouche tsé-tsé déciment les troupeaux en marche. On le sait;
+on ne l'oublie pas. Mais il y a aussi le bon lait des vaches, dont on
+pourra faire commerce par surcroît...</p>
+
+<p>Le 9 novembre, enfin, on repart de Bangui. Le 15, on est à fort de
+Possel,--non sans peine. Le concessionnaire des transports, et c'est la
+première déconvenue, a refusé de prendre à bord de son bateau ces deux
+«pékins». Il a fallu recourir aux pirogues, ou plutôt à deux baleinières
+aimablement prêtées par le lieutenant-gouverneur, M. Adam. Quelle
+navigation mouvementée! Les deux derniers jours du voyage, nos colons
+préfèrent cheminer à pied plutôt que d'affronter plus longtemps le
+courant furieux, les dangereux troncs d'arbres à la dérive. A fort de
+Possel, l'accueil, toujours cordial, des fonctionnaires les réconforte.
+Après huit jours de halte, ils sont de nouveau sur la piste, avec leurs
+cent cinquante-deux charges de bagages,--et leurs espoirs au coeur,
+toujours.</p>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="12" border="0"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="illustration">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<p class="mid"><img alt="" src="images/011b.png"><br><b>Les fondations des cases bénites par le «faki».</b></p>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<br><p class="mid"><img alt="" src="images/011c.png"><br><b>La fabrication des briques.<br>LES DÉBUTS D'UN
+ÉTABLISSEMENT<br> A MELFI.</b></p>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+
+
+
+
+<p>Tout le long du voyage, ils sont attentifs aux productions du pays, aux
+profits surtout qu'on en peut tirer. Les lettres de M. Gustave Bimler
+accusent un esprit sans cesse en éveil, tendu vers le but à atteindre. A
+Krébedjé (fort Sibut), le caoutchouc arrive en masse. «Il vaut ici de 2
+francs à 3 fr. 50. Il vaut en France 18 francs. Nous essaierons quelque
+chose.»</p>
+
+<p>A fort Crampel, le 8 décembre, ils trouvent la nouvelle du désastre de
+Drijelé et de la mort du colonel Moll. L'inquiétant indice de la
+situation que présente le pays où ils vont travailler, des risques qu'on
+y peut courir! De moins vaillants pourraient frémir, hésiter encore.
+Eux, quand ils ont rendu aux héroïques soldats de la France l'hommage
+ému qui leur est dû, ils se remettent en route, pressés d'atteindre le
+terme du voyage et d'y fêter, avec leur heureuse arrivée, la familiale
+Noël: «Nous déballerons le phonographe pour nous égayer un peu. Nous
+penserons certainement beaucoup aux absents, alors que, de votre côté,
+vous réveillonnerez aussi, et peut-être qu'en même temps, à Lons et à
+Melfi, nous lèverons nos verres.»</p>
+
+<p>Ils arrivent le 23 décembre, à 9 heures du matin. Ils prennent avec
+exaltation possession du sol où désormais, pour de longs mois, va
+s'écouler leur vie. Ils y trouvent une réception affectueuse,
+fraternelle, de la part du lieutenant Derendinger et du sergent
+Stocklen, deux Alsaciens de la bonne souche.</p>
+
+<p>«Le pays, ici, est merveilleux, et réellement, malgré les descriptions
+de Pozzo, je ne croyais pas trouver un paysage aussi joli. Melfi est à
+300 mètres d'altitude, et les montagnes qui le surplombent ont bien
+encore 200 à 300 mètres. Des rochers admirables! Melfi est dans un vrai
+cirque, peuplé de villages importants, avec de grands troupeaux de
+boeufs, de moutons, de chèvres et de chevaux...»</p>
+
+<p>Le <i>faki</i>--le prêtre--et plusieurs chefs s'empressent de leur apporter,
+comme dons de bienvenue, des chèvres, des poulets, des pigeons, du
+miel... Enfin, c'est un enchantement.</p>
+
+<p>Et la nouvelle existence commence pour les deux colons, la saine vie de
+la brousse, qui développe et les muscles et le moral, trempe les âmes et
+endurcit les corps. M. Bimler déballe les caisses, range, menuise,
+«bricole»,--cependant que M. Pozzo di Borgo fait débroussailler le
+terrain et trace les fondations des cases. Quand est prêt l'emplacement
+des deux demeures, le faki vient, selon les rites, y égorger un mouton,
+en récitant les prières propitiatoires. Puis l'architecte reprend son
+rôle, cependant que son compagnon surveille la confection des briques
+d'argile, prépare des cintres pour les fenêtres. Il parle avec orgueil
+de ses occupations. C'est la joie pleine!</p>
+
+<p>Mais cela ne détourne pas un moment les deux amis de leurs
+préoccupations commerciales. Il y a dans la région beaucoup d'éléphants,
+note M. Bimler. Un chasseur est revenu, après huit jours d'absence,
+rapportant huit défenses d'ivoire, dont les grosses pèsent jusqu'à 30
+kilos--soit un produit net de près de 1.800 francs--en une semaine!
+Aussi va-t-on organiser bien vite, aussitôt que l'un des colons sera
+libre, une expédition contre la grosse bête. Par malheur, à cette
+chasse-là, comme à toutes les chasses, on risque de revenir bredouille.
+La première aventure cynégétique de M. Bimler ne fut pas heureuse: en
+tout un mois passé dans la brousse, il ne réussit qu'à blesser un
+éléphant femelle que suivait son petit nouveau-né, et qui parvint à lui
+échapper. C'était beaucoup de fatigues pour rien. N'importe! il
+demeurait, comme on dit, d'attaque: «J'ai décidément un tempérament de
+colonial,» constate-t-il avec satisfaction!</p>
+
+<p>Cependant que la construction des maisons s'achève, les deux amis
+songent déjà à constituer le premier troupeau qu'ils conduiront vers
+l'Oubanghi. Ils songent à l'aller chercher du côté d'Abêché. Non que
+cette région soit plus particulièrement riche en bétail; mais ils auront
+comme fournisseurs les Kodoïs, qu'ils croient bien placides, et ils
+savent pouvoir compter sur toute la bienveillance du commandant Hilaire,
+qui facilitera grandement leur tâche.</p>
+
+<p>Avec une caravane de 7 boeufs porteurs, de 11 hommes, sans compter les
+boys, n'ayant comme armes que 4 fusils et 2 revolvers, ils partent vers
+Yaa, où les attend la cordiale hospitalité du sultan Hassen, un vieil et
+fidèle ami de la France. Ils le quittent pour gagner Ati: deux jours de
+marche, de minuit à 10 heures du matin et de 3 heures à 7 heures du
+soir, à travers une région désertique, sans eau, sans villages.</p>
+
+<p>Ils auront encore onze journées d'étapes avant d'atteindre, le 8 juin
+1911, Abêché. La situation n'y est pas des plus rassurantes: trois jours
+plus tôt, le malheureux docteur Pouillot a été assassiné, non loin de
+là. Les rustiques Kodoïs, les fournisseurs sur lesquels on comptait pour
+s'approvisionner en bétail, s'agitaient, et le commandant Hilaire avec
+le capitaine Chauvelot ont dû leur infliger une leçon. Doudmourrah tient
+encore la campagne, au moment où l'on rend les honneurs funèbres aux
+dépouilles de Moll et de ses héroïques compagnons,--car c'est au cours
+de ce séjour à Abêché que MM. Gustave Bimler et Pozzo di Borgo
+assistèrent aux obsèques de l'inoubliable colonel et recueillirent les
+clichés qu'ils nous envoyèrent et que nous avons publiés dans le numéro
+du 13 janvier 1912.</p>
+
+<p>Toutefois, nos colons parviennent à constituer un troupeau suffisant, où
+figurent quelques vaches qui, à Melfi, où elles font prime, vaudront
+chacune plusieurs boeufs.</p>
+
+<p>Le retour s'opère dans des conditions assez peu favorables, et les deux
+voyageurs s'émerveillent, une fois chez eux, d'avoir perdu si peu de
+bêtes. Ils ont, d'ailleurs, pour rentrer, fait un peu d'exploration; ils
+ont pris un itinéraire plus court que celui qu'ils avaient suivi à
+l'aller et qu'aucun Européen encore n'avait parcouru, par Assafique et
+le massif de l'Abou Telfana.</p>
+
+<p>C'est un exploit qui les enchante par sa nouveauté et un peu par son
+pittoresque: ces 300 à 400 bêtes à cornes suivant, tour à tour, une
+piste dénudée, poudreuse, et entre des buissons hérissés, une voie à
+peine frayée, où leur passage soulève d'épais nuages de poussière;
+l'incertitude où l'on est toujours de trouver l'eau nécessaire à la
+subsistance de ce bétail; les haltes, le soir, comme dans un exode
+biblique, au bord de quelque puits où il faut travailler une
+demi-journée afin de puiser la quantité d'eau nécessaire à tant de
+soifs; l'inquiétude que l'on éprouve parfois avant de s'engager sur une
+route inconnue, où l'indispensable liquide peut manquer, voilà, n'est-il
+pas vrai, des sujets d'émotions bien variées.</p>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="0"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="illustration">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<p class="mid"><img alt="" src="images/012a.png"><br><b>La case de M. Pozzo di Borgo.</b></p>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<p class="mid"><img alt="" src="images/012b.png"><br><b>La case de M. Bimler.</b></p>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+
+
+
+
+<h4>LES «LOGIS» D'UNE FERME FRANÇAISE DANS LE TERRITOIRE DU TCHAD</h4>
+
+<p>Il y a, dans le récit de ce voyage, un moment dramatique: celui où, en
+pays ignoré, nos deux pionniers attendent la pluie bienfaisante. Deux
+jours ils demeurent arrêtés, anxieux. Enfin, vient l'ondée, diluvienne,
+qui, d'un coup, transforme en furieux torrents les «bahrs» croupissants,
+fait des vagues chemins autant de rivières débordées, de chaque cuvette
+un marécage. Alors, les bêtes s'enlisent, et il faut, pour les dégager,
+faire appel à la bonne volonté d'équipes peu sûres, recrutées dans les
+villages d'alentour. Un peu plus loin, romantique contraste, on traverse
+d'opulents paysages, de grasses vallées qui évoquent, à la mémoire des
+exilés, le souvenir des plus beaux sites de France et des retours de
+troupeaux vers la ferme familière, le soir, au couchant. Il s'agit,
+maintenant, après quelques jours de repos, d'écouler vers Krébedjé et,
+si possible, Bangui, ce bétail amené au prix de tant de soins, de tant
+de fatigues et de peines, et auquel le climat humide de Melfi serait
+très dommageable: les bêtes y sont enlevées en quelques heures,
+succombant à une maladie assez mystérieuse encore. M. Gustave Bimler va
+se charger d'accomplir ce nouveau voyage, laissant à son associé le soin
+d'achever l'aménagement et l'amélioration des cases et la construction
+d'annexés, puis, plus tard, le recrutement d'un nouveau troupeau. Il
+part à la tête de 22 personnes: 7 bergers, 9 bouviers, 4 palefreniers,
+un cuisinier et l'indispensable interprète.</p>
+
+<p>Que de préoccupations! Il faut nourrir cette domesticité--et le mil
+n'abonde pas partout; il faut tout prévoir, avec ces êtres insoucieux et
+indolents, le pâturage, l'aiguade et le campement--et aussi songer à se
+défendre d'une attaque toujours possible, à la halte. Il faut, enfin,
+avoir l'oeil à tout et ne rien abandonner au hasard.</p>
+
+<p>On couche sous la tente, pas toujours,--quelquefois à la belle étoile,
+le bétail parqué derrière de fortes <i>zéribas</i>, ou barrières de
+branchages épineux, ce qui ne dispense pas de monter la garde la nuit
+entière, pour se protéger contre les convoitises des rôdeurs.</p>
+
+<p>La traversée du Chari fournit au jeune chef de caravane un intermède
+imprévu. Le fleuve, à cet endroit, en cette saison--c'était au mois de
+décembre--avait bien 300 mètres de largeur. Les bêtes qui, nées dans un
+pays de sable, n'avaient jamais vu tant d'eau, refusaient de se mettre à
+la nage; il fallut les remorquer une à une, attachées derrière une
+pirogue, ce qui prit trois grands jours.</p>
+
+<p>M. Bimler, à ce voyage, ne poussa pas plus avant que Krébedjé (fort
+Sibut). Il fut décidé ultérieurement par les deux associés qu'ils
+fixeraient là leur premier dépôt, en attendant de pouvoir en installer
+un à Bangui. Et ils ont créé, en effet, un centre commercial important
+déjà, avec logements pour le chef de convoi et pour son personnel,
+écuries, hangars, qui sera aux populations d'un grand secours, et qui,
+dès le début, a été fort bien achalandé.</p>
+
+<p>Depuis, les deux entreprenants colons ont renouvelé bien des fois leur
+double opération, se relayant de l'un à l'autre de leurs centres
+d'opérations. Leurs dernières lettres débordent du même élan, respirent
+le même enthousiasme qui les animait aux débuts: «Si nous réussissons,
+écrivait dernièrement M. Pozzo di Borgo, à ouvrir entre le territoire du
+Tchad et Bangui une voie commerciale, nous n'aurons pas seulement
+réalisé une opération fructueuse pour nous, mais encore nous aurons
+grandement favorisé l'essor de la colonie.»</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/012c.png"><br><b>LE COMMERCE DU BÉTAIL AU TCHAD,--Une évocation africaine<br>
+de la vie rurale de France: l'arrivée du troupeau à l'étape.</b></p>
+
+<p>Ainsi le succès ne faisait, pour ces deux hardis pionniers, aucun doute.
+Quoi qu'il arrive, ils auront eu le mérite d'être les premiers à tenter
+la colonisation, l'exploitation commerciale d'un territoire à peine
+conquis et pacifié. C'est un geste de bravoure, un exemple que nous nous
+devions de signaler, pour la crânerie, l'esprit d'entreprise dont il
+témoigne,--un geste très français.<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">Gustave Babin.</span></span></p><br><br>
+
+
+
+<h3>SCÈNES DE LA RÉVOLUTION<br>
+
+MEXICAINE</h3>
+
+<p>Tant de meurtres et de fusillades que nous relations la semaine passée
+et qui ont eu des suites--car l'un au moins des frères de l'ancien
+président, Emilio Madero, a subi, troisième de sa famille, le même sort
+que lui--ne semblent pas avoir mis un terme à la guerre civile allumée,
+à Mexico, par la révolte armée du 9 février passé. Les dernières
+nouvelles annonçaient que les troupes de Zapata avaient attaqué, dans le
+district même de Mexico, un train militaire, tandis que, d'autre part,
+l'anarchie qui règne dans les provinces s'est traduite par un échange de
+coups de feu à la frontière entre des soldats mexicains et des troupes
+des États-Unis. Du moins assure-t-on que, dans la capitale même, la vie
+normale a repris son cours, que les ateliers, les usines et les magasins
+sont rouverts.</p>
+
+<p>Les photographies que nous reproduisons ici, prises au cours de la
+lutte, ont à tout le moins un mérite d'exactitude, de précision qui
+manquait aux dépêches par lesquelles nous avons jusqu'ici été
+renseignés.</p>
+
+<p>La première fut prise le jour même du coup d'État, un quart d'heure
+après le premier combat. Elle représente le front nord du palais
+national, gardé par les troupes fédérales, l'arme au poing, jusque sur
+les terrasses. Le sol est jonché encore de cadavres d'hommes et de
+chevaux abattus au cours de la fusillade. On voit, sur la troisième, un
+groupe de morts, tombés également dans ce premier engagement.</p>
+
+<p>L'insurrection, alors, semble battue. Le président Francisco Madero,
+avec une crânerie de belle allure, est monté à cheval et parcourt les
+principales rues de la ville, bien escorté, sans doute, mais salué
+chaleureusement par la foule de ses partisans. La fortune ne devait pas
+continuer à lui sourire, et, quoiqu'on affirme officiellement qu'il a
+bien été tué dans les conditions que nous avons dites, tandis qu'on le
+conduisait, de nuit, de son palais à la prison, un doute continuera
+toujours de planer sur les circonstances de sa fin tragique.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/013a.png"></p>
+<p class="mid"><img alt="" src="images/013b.png"></p>
+<p class="mid"><img alt="" src="images/013c.png"><br>
+
+<b>LA TRAGEDIE DE MEXICO En haut: le Palais national,
+défendu par les fédéraux, après le premier engagement avec les rebelles,
+le jour du coup d'État (9 févr.). Au centre: le président Madero
+parcourant à cheval les rues voisines du Palais, acclamé par ses
+partisans, quelques jours avant sa fin tragique. En bas: victimes de
+l'émeute, dans un jardin devant la cathédrale.</b></p>
+
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/014a.png"><br><b>
+Le train du généralissime turc Izzet pacha,<br> au camp
+d'Hademkeui.</b>--<i>Phot. G. Rémond.</i></p>
+
+<h3>LA TRÊVE DE LA NEIGE</h3>
+
+<p class="rig">Hademkeui, samedi 22 février.</p><br><br>
+
+<p>Je suis parti de Constantinople à 3 heures du matin, en compagnie du
+colonel Djemal bey, qui emmène également avec lui Paul Erio, du
+<i>Journal</i>. Chemin faisant, Djemal bey nous donne quelques explications
+sur la réorganisation de l'armée et, en particulier, de l'intendance. Au
+lendemain de Tchataldja, après qu'il eut été immobilisé, trois semaines
+durant, par 19 choléra, il s'occupa lui-même de ces services d'arrière
+qui, durant toute la première partie de la guerre, avaient si fort
+laissé à désirer et dont le mauvais fonctionnement avait été l'une des
+causes principales de la défaite. Aujourd'hui qu'il se trouve retenu au
+gouvernement de Constantinople, ce service a été remis aux mains
+d'Ismaïl Hakki pacha, excellent organisateur, qu'une blessure glorieuse,
+reçue au Yemen, blessure après laquelle il a dû être amputé d'une jambe,
+empêche de se rendre sur le champ de bataille.</p>
+
+<p>Chaque jour 1.000 hommes de troupes fraîches, recrues et volontaires,
+sont dirigés sur les lignes de Tchataldja. Auparavant, ils passent
+quinze jours à Constantinople pour y être équipés et recevoir un
+commencement indispensable d'instruction. Depuis près de trois semaines,
+ces convois d'hommes sont quotidiens, et peuvent continuer indéfiniment.
+Les convois chargés de vivres arrivent régulièrement; il y a même
+surabondance, car on a construit des fours à Hademkeui où l'armée fait
+elle-même son pain. Ces derniers jours, elle refusait les envois de
+Constantinople. La seule crainte qu'on puisse avoir, c'est que la ligne
+ferrée se trouve coupée pour quelques jours par le mauvais temps entre
+Hademkeui et Tchataldja.</p>
+
+<p>Les soldats mangent chaque jour une nourriture chaude, soupe le matin,
+rata le soir, haricots, riz et lentilles; deux fois par semaine ils ont
+de la viande fraîche, et deux fois de la viande conservée dans la
+graisse. Ils reçoivent également du bois et du charbon pour faire du
+feu. Ils se trouvent suffisamment à l'abri du mauvais temps dans des
+baraques de planches recouvertes de papier goudronné. Sur d'autres
+points, ils ont creusé de grandes fosses qu'ils ont recouvertes de
+toiles de tentes. Ceux qui sont aux avant-postes sont remplacés
+quotidiennement; ils vivent sous la tente; et quant aux soldats qui
+occupent les tranchées ou aux sentinelles, on les relève heure par heure
+durant les journées de mauvais temps.</p>
+
+<p>Le colonel Djemal bey est un grand ami de la France. Il m'explique les
+grands projets d'organisation de la Turquie d'Asie après la guerre, la
+création de cinq vastes gouvernorats qui seront des espèces de
+vice-royautés à peu près indépendantes, ayant leur liberté d'action, de
+fonctionnement. Comme conseillers, comme directeurs de travaux, on fera
+appel aux étrangers.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/014b.png"><br><b>Le colonel Djemal bey.--<i>.--Phot. Talb Kope</i></b></p>
+
+<p>--Je ne m'entourerai que de Français, me dit Djemal bey. Après la
+guerre, j'irai à Paris. J'espère qu'on voudra bien m'aider, me
+conseiller, m'indiquer des hommes capables, sérieux, travailleurs,
+intelligents, qui abondent dans votre nation. Je voudrais retourner
+ensuite à Bagdad et consacrer mes efforts à ce pays. Quelle admirable
+région! mais abandonnée à elle-même depuis si longtemps! La nature y est
+si riche, si féconde que, pour le moindre travail, on est aussitôt
+récompensé, payé au centuple.</p>
+
+<h4>«LA PAIX TANT QUE L'ON VOUDRA, MAIS LA PAIX AVEC ANDRINOPLE»</h4>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="0"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="illustration">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<p class="mid"><img alt="" src="images/014c.png"><br><b>---- Ligne des positions turques lors de l'armistice.<br>
+.-.-. Limite de l'avance turque à la fin de février.<br> La zone
+grisée est celle qui a été réoccupée par les Turcs.</b></p>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<p>Djemal bey est un grand travailleur; depuis un mois que je le vois
+chaque jour, il n'a eu de repos vraiment ni jour ni nuit. Relevant d'une
+grave maladie, il était là à son bureau, pâle, les yeux cernés, énervé
+par ce labeur qui n'est pas le sien, exaspéré par l'impossibilité de se
+rendre sur le champ de bataille, et cependant inlassable, surveillant
+tout, soignant les détails, s'occupant des volontaires, des recrues, des
+hôpitaux, de la sécurité de la ville, recevant dix personnes à la fois
+et répondant en même temps aux demandes de ses aides de camp, signant
+des ordres, lisant des rapports. Depuis quinze jours, il n'a pas revu sa
+femme malade, n'ayant pas le temps de franchir l'eau pour se rendre à
+Kadikeui où il habite; de temps en temps il fait venir ses enfants pour
+les embrasser et les voir quelques minutes autour de lui. Sur ce visage,
+tous les traits sont marqués d'une volonté implacable, d'une ardeur
+passionnée. «Mon colonel, lui disait quelqu'un, à quoi bon gaspiller
+encore tant d'hommes et tant d'argent? Que vous importent quelques
+tombeaux et quelques mosquées d'Andrinople qui continueraient d'exister
+sous un statut spécial! Pourquoi ne pas reconnaître la défaite et ne pas
+réserver pour l'avenir tant de forces aujourd'hui gâchées en pure
+perte?» Et lui de répondre: «Écoutez bien ceci: Andrinople, c'est pour
+nous aujourd'hui un cri de ralliement,--le cri de ralliement de tous
+ceux qui ont à coeur l'honneur de la Turquie.<p>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p>Si les Bulgares la prennent
+et qu'ils prennent Constantinople, et qu'ils prennent Damas et Mossoul
+et Bagdad, et que je reste à Bassorah avec quinze Turcs, je réclamerai
+encore Andrinople. La paix tant que l'on voudra, mais la paix avec
+Andrinople!»</p>
+
+<p>... A peine quittions-nous Constantinople qu'il commença de pleuvoir. En
+arrivant à Hademkeui, la neige succède à la pluie. Nous devions nous
+rendre à Tchataldja en compagnie du généralissime Izzet pacha; ce sera
+peut-être pour demain.</p>
+
+<p>Les Turcs ont à peu près cessé d'avancer. Ils se sont bornés à fortifier
+leurs positions nouvellement conquises en face de celles des Bulgares
+qui occupent encore Karadjakeui, Belgrade, Kuchkaïa, Kabatchakeui (les
+Turcs sont sur ce point à quelques centaines de mètres d'eux), Kadikeui.
+Surgunkeui a été repris également après quelques escarmouches. On a fait
+une douzaine de prisonniers dont deux officiers.</p>
+
+
+
+<p class="rig">24 février.</p><br><br>
+
+<p>Depuis hier, tempête de neige avec vent furieux rendant tout mouvement
+impossible. Les soldats sont terrés. On n'aperçoit que la campagne nue,
+blanche, parcourue par l'ouragan. Il y en a maintenant pour trois
+semaines ou un mois avant qu'une grande bataille puisse être livrée. La
+situation est la même à Boulaïr. C'est la trêve de la neige.</p>
+
+<p>Les Turcs estiment avoir devant eux deux divisions bulgares restées en
+arrière-garde; trois autres seraient à Tchorlou. Il y aurait trois
+divisions devant Gallipoli, et quatre, dont deux serbes, devant
+Andrinople.<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">Georges Rémond.</span></span></p><br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/015a.png"><br>Le prince héritier.
+Au milieu de la plaine, la hauteur
+dite Afgo. <br><b>LA GUERRE D'ÉPIRE.--Vue panoramique de Janina et des hauteurs
+fortifiées qui défendent la ville du côté sud.</b> Photographies
+Rhomaïdès-Zeitz.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/015b.png"><br><b>Le prince héritier de Grèce et son état-major visitant
+les positions avancées devant Janina.</b></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/015c.png"><br><b>La ville et le lac de Janina, vus des positions de
+l'armée hellène.--La ville occupe la base de la presqu'île qui s'avance
+dans le lac.</b></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/016.png"><br><b>Le fort de Bizaniet les défenses orientales de Janina
+(Agia Paraskévi, Koutsoulio, Afgo (oeuf) de Gastritza et Gastritza, vus
+d'une hauteur au S.-E. de Janina.)<br> Croquis à la lorgnette de M. J.
+Leune, contrôlé et complété par lui à l'aide de renseignements fournis
+par des prisonniers turcs. Les deux parties du croquis se raccordent,
+la bande inférieure continuant exactement à droite la bande
+supérieure.</b>--<i>Voir aussi les photographies des pages précédentes.</i></p>
+
+<h3>UN SUCCÈS GREC EN ÉPIRE: LA PRISE DE JANINA</h3>
+
+<p><i>Janina, qui résistait vaillamment aux Grecs--comme Scutari aux
+Monténégrins et aux Serbes, et Andrinople aux Bulgares--a fini par
+succomber. Notre collaborateur, M. Jean Leune, qui demeure toujours au
+milieu de l'état-major de l'armée hellénique, nous enverra avant peu le
+récit détaillé de cette belle victoire. Voici, en attendant, les
+dernières lettres de lui qui nous sont parvenues.</i></p>
+
+<p><i>Le Diadoque vient d'être nommé généralissime des armées de Macédoine et
+d'Épire et a pris aussitôt le commandement des troupes opérant contre
+Janina, --ce qui semble indiquer la préparation d'un assaut décisif.
+Mais, avant de lui remettre le commandement, le général Sapoundsakis
+avait été amené, par la force des circonstances, à brusquer une attaque
+dans les conditions qu'on va lire:</i></p>
+
+<p class="rig">Lundi 20 janvier.</p><br><br>
+
+<p>Avant-hier, un chauffeur d'automobile, Albanais parlant grec, qui
+s'était fait passer pour Grec, et, comme tel, avait pu s'enrôler dans
+l'armée, a franchi la ligne des avant-postes et est parti à toute
+vitesse vers Janina, emmenant avec lui le secrétaire du consul
+d'Autriche à Prévéza. Il allait porter à Eshad pacha le plan des
+positions de l'artillerie grecque, qu'il avait pu étudier à loisir à
+chaque fois qu'il portait des munitions aux canons... Ce grave incident
+a décidé le général Sapoundsakis à brusquer les choses pour ne pas
+laisser aux Turcs le temps d'étudier sérieusement les documents qui
+venaient de leur être livrés.</p>
+
+<p>Hier, donc, le général a donné l'ordre d'attaque générale pour
+aujourd'hui.</p>
+
+<p>Ce matin, à 8 heures, toute l'aile gauche a commencé de progresser sur
+les hauteurs de Manoliassa, tandis que l'artillerie, tout en appuyant ce
+mouvement en avant, bombardait Bizani de façon terrible. Dès les
+premiers coups de canon nous sommes montés sur les hauteurs qui dominent
+Révéni et d'où l'on aperçoit toute la plaine de Janina, la ville
+elle-même accroupie au bord du lac, tous les forts et même, au sud, le
+golfe d'Arta, la mer et l'île de Leucade.</p>
+
+<p>Sur la gauche nous voyions très distinctement la ligne grecque avancer
+par bonds sous les shrapnells turcs de Saint-Nicolas et de Bizani. De
+temps à autre, la chaîne de tout petits points noirs que formaient les
+hommes se brisait par endroits: des soldats venaient de tomber. Leurs
+camarades continuaient d'avancer...</p>
+
+<p>... A midi, subitement, une fusillade terrible, accompagnée de ce
+martèlement spécial des mitrailleuses et du grondement des canons de
+montagne, éclate sur l'aile droite. Bizani, aussitôt, lance de ce côté
+une averse de shrapnells. De notre observatoire, nous apercevons très
+bien, au-dessus du village de Kotortsi, une batterie de montagne grecque
+qui tire sans discontinuer sur les hauteurs séparant Kotortsi de Bizani,
+hauteurs sur lesquelles sont établis les Turcs. Ceux-ci, attaqués de
+front par les evzones, pris de flanc par l'artillerie, résistent tout
+d'abord comme ils peuvent. Ils brûlent en quelques minutes un nombre
+incommensurable de cartouches. Mais les evzones se rapprochent.
+L'artillerie tire indistinctement des shrapnells ou des obus percutants.
+Les uns et les autres font des ravages terribles dans les tranchées et
+dans les réserves ennemies.</p>
+
+<p>Alors, brusquement, nous voyons les Turcs se lever et s'enfuir,
+isolément ou par groupes. Les Grecs redoublent leurs feux, et les Turcs
+tombent, tombent les uns après les autres, et les uns sur les autres.
+Malheureusement pour eux, leur réserve d'infanterie s'était installée
+dans un grand enclos entouré d'un mur de 1m,50 de hauteur, avec une
+seule sortie vers Bizani. Les hommes affolés se ruent tous sur cette
+unique porte. C'est alors, parmi les fuyards, une boucherie horrible,
+indescriptible. Balles, obus, shrapnells ou mitrailleuses travaillent
+comme jamais encore. Et les cadavres s'amoncellent, que les survivants
+doivent enjamber et piétiner pour s'enfuir. C'est une atroce vision qui
+dure peu, car les evzones arrivent comme des fous. Et puis, fuyards et
+poursuivants disparaissent à nos yeux derrière un repli de terrain...</p>
+
+<p>Mais la nuit est proche. A 6 heures, l'artillerie cesse de tirer, la
+fusillade décroît d'intensité. La bataille est terminée pour
+aujourd'hui.</p>
+
+<p>A Révéni, c'est déjà un long et lugubre défilé de blessés, les uns sur
+des brancards, les autres sur des mulets, les autres à pied. Leur
+enthousiasme est si grand encore qu'ils trouvent leurs blessures
+insignifiantes.</p>
+
+<p>Les derniers arrivés nous disent qu'à la tombée de la nuit les evzones
+et le régiment crétois ont occupé la première ligne de hauteurs du petit
+Bizani: le succès est complet.</p>
+
+<p class="rig">24 janvier.</p><br><br>
+
+<p>Nous sommes allés voir le terrain sur lequel s'est déroulée la bataille
+de lundi.</p>
+
+<p>Là où nous voyions les Turcs tomber sous les balles et les obus, le
+spectacle est horrible. En un seul endroit, à peine grand comme la place
+Vendôme, nous avons compté cinq cents et quelques cadavres, à peine le
+quart de ce que les Turcs ont laissé des leurs sur la place, puisqu'on
+en a compté officiellement 2.200.</p>
+
+<p>Ici, dans une tranchée, un éclat d'obus a arraché la poitrine d'un
+soldat et l'a plaquée, sanguinolente, sur les pierres du mur-abri... Là,
+c'est un officier dont toute la partie supérieure du crâne a été
+enlevée, ouverte et la cervelle projetée en deux endroits à trois ou
+quatre mètres! Plus loin, un obus a coupé en deux un soldat à hauteur de
+la poitrine, lui a entièrement déshabillé le torse et l'a ensuite
+retourné sur la partie inférieure du corps. Ailleurs, ce sont quinze ou
+vingt hommes fauchés à leur place dans la tranchée, leurs armes à côté
+d'eux. Ici, un isolé; là, un monceau de quarante ou cinquante cadavres.
+Sur l'emplacement de la réserve, les tentes sont encore là, des gamelles
+sur les feux éteints... Le sol est criblé de balles de shrapnells,
+d'éclats qui y ont tracé de longs sillons.</p>
+
+<p>De temps à autre, un cadavre grec,--relativement peu. Certains d'entre
+eux, des evzones, serrent dans leurs mains des lettres à leur femme, à
+leur mère. Les pauvres gens ont dû les baiser pieusement avant de mourir
+et ils semblent prier celui qui les leur prendrait des mains de vouloir
+bien les faire parvenir quand même!...</p>
+
+<p>Un <i>pappas</i> circule sur ce terrain d'horreur pour dire sur chaque mort
+grec les prières d'usage...</p>
+
+<p class="rig">31 janvier.</p><br><br>
+
+<p>S. A. R. le Diadoque a pris le commandement de l'armée. Le général
+Sapoundsakis est resté sous ses ordres comme commandant de l'aile droite
+(6e et 8e divisions). Le prince a adopté en partie les plans du général,
+mais y a apporté des modifications dont l'exécution demandera un certain
+temps.</p>
+
+<p>Voici deux jours que la neige tombe. Quelles souffrances endurent ces
+malheureux soldats! Les convois n'arrivent plus régulièrement, sans que
+ce soit la faute de personne. Les animaux meurent par dizaines. Les
+chemins, ou ce qu'on appelle ainsi, sont encombrés de cadavres de
+mulets. Des bataillons entiers restent quarante-huit heures sans pain.<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">Jean Leune.</span></span></p><br><br>
+
+<p><i>La nouvelle de la reddition de Janina a été connue jeudi à Paris par
+une dépêche officielle reçue à la légation hellénique. Ce télégramme
+précisait que, jeudi matin, à une heure, le commandant en chef des
+forces turques à Janina avait fait informer le prince héritier de son
+désir de se rendre. Deux heures après, trois parlementaires se
+présentaient au camp grec et confirmaient la capitulation.</i></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/017.png"><br><b>L'AVIATION A LA GUERRE D'ORIENT<br>
+
+L'hydro-aéroplane du lieutenant grec Montoussis, tombé à la mer, après
+avoir volé sur Gallipoli, est remorqué vers Lemnos à 20 noeuds à
+l'heure.</b><br>
+
+<i>Phot. S. Vlasto.</i></p>
+
+<p>Le lieutenant aviateur Montoussis, de l'armée hellène, de qui nous avons
+signalé naguère les prouesses devant Janina, s'était rendu à la reprise
+des hostilités, à Lemnos, avec un hydroaéroplane français, afin
+d'apporter son concours aux troupes engagées à Gallipoli. Le 6 février
+dernier, convoyé par le contre-torpilleur <i>Vélos</i> qui, parti avant lui
+de Moudros, le port de l'île, devait l'attendre à la hauteur d'Imbros,
+pour l'assister en cas d'accident, le lieutenant Montoussis,
+qu'accompagnait, comme observateur, un de ses camarades, prenait son vol
+vers la terre. Le <i>Vélos</i> vit le biplan passer au-dessus de sa route et
+disparaître derrière la côte turque. Pendant quarante minutes
+angoissantes, il demeura invisible. Puis il reparut, au loin, et à une
+grande hauteur,--plus de 1.300 mètres, on devait le savoir plus tard. Il
+se dirigeait droit vers Imbros et Lemnos, mais soudain on le vit
+descendre en vol plané, puis se poser doucement sur la mer, à quelque
+vingt mètres du rivage d'Imbros. Un canot fut mis à la mer. Il ramena
+l'appareil jusqu'au <i>Vélos</i> qui le prit en remorque et l'entraîna,
+toujours flottant, jusqu'au port, à la vitesse de 20 noeuds. Alors, on
+apprit ce qui s'était passé: le tube qui porte l'essence du carburateur
+au mélangeur s'était rompu, par suite d'un défaut du métal, et le moteur
+s'était arrêté. Dix minutes plus tôt, le lieutenant Montoussis tombait
+sous le feu des batteries turques.</p>
+
+<br><br>
+
+<h3>LES LIVRES &amp; LES ÉCRIVAINS</h3>
+
+<p class="mid">M. <span class="sc">Louis Barthou, historien</span></p>
+
+<p>Nous connaissions M. Louis Barthou orateur et ministre, homme politique
+et homme d'État. Nous connaissions M. Louis Barthou juriste et légiste,
+traitant avec sûreté de la «distinction des biens» et de la loi
+syndicale. Nous connaissions M. Louis Barthou bibliophile fervent, en
+quête des manuscrits précieux et des introuvables éditions. Nous
+connaissions M. Louis Barthou écrivain aimable, jouant d'une plume
+souple et fixant des mots, des évocations et des couleurs sur un carnet
+de voyage. Mais nous ne connaissions pas encore M. Louis Barthou
+historien et M. Louis Barthou historien valait d'être connu.</p>
+
+<p>On a, vous le savez, formidablement écrit sur <i>Mirabeau</i>. Le gigantesque
+orateur de la Constituante a été le sujet d'une bibliographie immense.
+Pamphlets, correspondances, mémoires, monographies par centaines, études
+d'ensemble et anecdotes, toute la grande et toute la petite histoire. Et
+voici qu'un autre livre (1) s'attaque de nouveau au personnage, et que
+l'auteur de ce livre est le ministre de la Justice et le garde des
+Sceaux du gouvernement actuel.</p>
+
+<blockquote>Note 1: <i>Mirabeau</i>, par Louis Barthou. Librairie Hachette, 7 fr. 50.</blockquote>
+
+<p>C'est curieux; mais, instinctivement, dès qu'un homme politique signe
+une oeuvre d'histoire, on recherche les idées de parti que cet homme
+politique a voulu placer dans son oeuvre. Nous avons donc cherché de la
+politique dans le livre de M. Louis Barthou. Nous n'y avons trouvé que
+de l'histoire. Et c'est vraiment admirable à force d'être exceptionnel.</p>
+
+<p>L'oeuvre, d'ailleurs, est belle parce qu'elle fut entreprise avec une
+passion visible de vérité, avec une curiosité ardente de tous les
+inconnus du personnage; l'oeuvre est claire parce qu'elle est méthodique
+et ordonnée; elle est solide, elle est puissante, parce que la
+discussion de cette vie de tribun s'appuie sur l'expérience d'un homme
+de gouvernement.</p>
+
+<p>Mirabeau ne peut être séparé des siens. Nul plus que lui, parmi les
+colosses du passé, n'a dû ses qualités, ses défauts et ses vices aux
+races dont il était issu. M. Louis Barthou va donc nous raconter la
+famille avant de nous raconter l'homme qui la fit demeurer dans
+l'histoire. Le père de Mirabeau, le marquis, l'Ami des Lois, nous est
+seul familier, avec l'oncle, le bailli. Nous savons moins la vie du
+grand-père, Jean-Antoine Riqueti de Mirabeau, ce terrible colonel qui, à
+Cassano, en 1705, disputa à un de ses amis, pistolet en main, l'honneur
+de défendre un pont violemment attaqué par les troupes du prince Eugène.
+Une balle lui ayant cassé le bras droit, Jean-Antoine prit une hache de
+la main gauche; mais un coup de fusil lui coupa les nerfs du cou et la
+jugulaire. Il tomba à peu près mort, servit de marchepied à l'ennemi, et
+survécut néanmoins. Il resta, il est vrai, privé de l'usage du bras
+droit «pour lequel il s'était fait une parure d'une grande écharpe
+noire, et, à la suite d'une opération dont la hardiesse étonna, il dut
+porter un collier d'argent pour soutenir sa tête». Ce qui ne l'empêcha
+pas de convoler peu après en justes noces avec une belle jeune fille
+d'excellente famille, dont il eut sept enfants. L'invalide au collier
+d'argent était encore un rude homme. Il mourut à soixante et onze ans.
+Tel est l'aïeul. Quant au père, le marquis, l'Ami des Lois, il serait la
+physionomie la plus curieuse qu'aurait produite la famille des Riqueti
+si le marquis lui-même n'avait pas eu un fils dont les vices, le génie
+et la gloire dépassent et effacent presque tout ce que «cette race
+effrénée» avait produit avant lui.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/018.png"><br><b>Quatre dessins du nouvel album de Sem.</b></p>
+
+<p>M. Louis Barthou nous donne un excellent et pittoresque chapitre sur le
+fameux procès de Pontarlier. Mirabeau plaide contre sa femme qui veut se
+libérer de ce mari bruyamment et insolemment infidèle, au surplus fils
+rebelle, «couvert de dettes, deux fois condamné, plus célèbre par son
+inconduite que par ses services et par ses prisons que par ses talents.»
+Ce gentilhomme débraillé, sans ressources et sans crédit, est, croit-on,
+un plaideur minable. Mais non, il va se révéler dans cette lutte et
+jeter, pour la première fois dans la partie ses dons incomparables, et
+secrets jusqu'alors pour tous et pour lui-même. Car, jusqu'à ce jour, il
+a écrit, il n'a pas parlé. Mais il se pressent. Il s'émeut lui-même à la
+péroraison 'un de ses mémoires. Il faut à l'éloquence qu'il porte en soi
+et qui est toute l'éloquence, l'épreuve du public, la contradiction,
+l'action, la bataille, l'atmosphère. «L'occasion s'offre à lui. Il la
+saisit et, plaideur vaincu, il se relève et se révèle orateur
+incomparable.»</p>
+
+<p>M. Louis Barthou a bien fait de très longuement insister sur ces procès
+de Pontarlier et d'Aix, qui marquent la date du destin dans la vie de
+Mirabeau. Dès lors, seulement, le génie se dégage du monstre. Et c'est
+le génie, à son éclosion, puis dans toute sa formidable gloire que nous
+allons suivre en des chapitres nourris de faits et d'idées sur le voyage
+de Mirabeau en Allemagne, sur les «Approches de la Révolution», sur les
+Elections en Provence, sur les États généraux enfin dans tout leur
+grandiose tumulte, avant d'en arriver au pacte avec la Cour...</p>
+
+<p>Mirabeau, vénal, fut-il réellement un traître à la Révolution? Non, dira
+l'historien. Car «la politique que Mirabeau conseillait à la Cour dans
+ses consultations secrètes, il l'avait vingt fois exposée publiquement».
+Il avait fait leur part dans ses projets à la liberté, à l'autorité, à
+la royauté et à la Révolution. Il représentait la Révolution voulue,
+réfléchie et définitive «mais sans être envieuse du temps et désirant de
+la mesure, des gradations et une hiérarchie». Il fut un réaliste en ce
+temps de déductions philosophiques et de doctrines travaillées. Et si,
+dix-huit mois avant sa mort, si en novembre 1789, alors que l'on n'avait
+pas encore commencé de détruire, si ce génie pratique et puissant avait
+été appelé à diriger l'État, il eût, en conciliant la royauté et la
+révolution--conclut M. Louis Barthou--épargné à la France la Terreur, le
+césarisme et l'invasion.</p>
+
+<p><i>Voir les comptes rendus des autres livres nouveaux dans</i> La Petite
+Illustration <i>de cette semaine.</i></p>
+
+<h3>SEM A LA MER BLEUE</h3>
+
+<p>Chaque année, les mêmes saisons, ramènent avec une douce tyrannie, chère
+à ceux qui la subissent, les mêmes plaisirs, imposent des goûts
+semblables, et de pareils divertissements. Cet été--et nous verrons sans
+surprise, aux beaux jours, renaître cet engouement périodique--la côte
+normande et ses deux plages rivales ont possédé l'heureux privilège de
+retenir et de fixer un instant la mode. Elles ont dû le céder, quelques
+mois après, à la Côte d'Azur, qui, dès les premiers frimas, et à peine
+le temps avait-il revêtu son manteau «de vent, de froidure et de pluie»,
+a repris ses droits à l'élégance et au luxe. Sem avait fait, l'année
+dernière, avec une verve aiguisée, la chronique dessinée de la grande
+semaine de Trouville-Deauville, en silhouettant d'un crayon preste les
+Parisiens notoires, les grands étrangers, les artistes, les gens de
+lettres, de courses et de finance, qui ont coutume de s'y réunir; il
+s'est, comme il convenait, transporté, cet hiver, sur le littoral
+méditerranéen, propice aux mondanités françaises et cosmopolites. Et il
+nous offre aujourd'hui les croquis pris par lui au cours de cette
+«campagne», en un album (60 fr.) dont la couverture porte, en lettres
+d'or chevauchant sur fond d'azur, ce titre alliciant: <i>Sem à la mer
+bleue</i>.</p>
+
+<p>Entendez bien que ce que Sem a vu sur ses plaisants rivages, ce ne sont
+point des «marines». La «mer bleue» n'apparaît pas au ce recueil qui se
+recommande d'elle: aussi bien ne semble-t-elle avoir qu'une part minime
+dans les préoccupations de ceux qu'attirent les douceurs de la Riviera.
+On les rencontre de préférence sur les promenades et dans les jardins où
+il est de bon ton de se montrer, dans les restaurants et les bars à la
+mode, et autour des tables de jeux. C'est en ces lieux aimables que Sem,
+observateur spirituel, mordant, mais dont la fantaisie, si elle
+égratigne parfois, n'entend pas blesser, les a saisis au passage, dans
+leurs attitudes familières. Toute la comédie est là, avec ses premiers
+rôles, ses vedettes, ses personnages de second plan et ses comparses.
+Plusieurs silhouettes, déjà aperçues dans le précédent album,
+aujourd'hui épuisé, se retrouvent ici; et on les revoit avec agrément.
+Mais un très grand nombre de figures nouvelles y apparaissent, enlevées
+d'un trait alerte et gai: nous en reproduisons ici quelques-unes, celles
+de deux célèbres compositeurs italiens, Mascagni et Puccini, et de deux
+maîtres du chant, Chaliapine et Caruso.</p>
+
+<p>Ces dessins, Sem les a jetés, sur ses pages d'album, en un désordre
+voulu, qui, n'en doutons point, est un effet de l'art. Les gestes, les
+grimaces, les rires et les effarements, les costumes--tout cela renforcé
+de vives couleurs--s'y mêlent, s'y opposent, dansent devant les yeux une
+ronde endiablée. Et, quand on a tourné tous ces feuillets où ont surgi
+tant de différents visages, l'impression reste dans l'esprit d'avoir
+vécu, avec le plus avisé des compagnons, une de ces heures légères,
+fortunées, dont le temps est prodigue à la Riviera.</p>
+<br><br>
+
+<h3>A PROPOS D'UNE GRÈVE</h3>
+
+<p><span class="sc">l'organisation méthodique du travail</span></p>
+
+<p>Une récente grève--d'ailleurs à peu près terminée--qui vient d'éclater
+dans une de nos plus grandes usines d'automobiles, a posé, sous une
+forme nouvelle en France, la question chaque jour plus passionnante des
+conflits du capital et du travail. Cette forme nouvelle, c'est la mise
+en vigueur du système Taylor.</p>
+
+<p>Qu'est-ce donc, au juste, que le système Taylor? Théoriquement, et tel
+qu'il est exposé par l'auteur dans son ouvrage <i>Principes d'organisation
+scientifique des usines</i>, c'est l'application, au travail manuel, de
+méthodes scientifiques rigoureuses: elle conduit à adapter
+rationnellement l'ouvrier à la nature du travail qu'il accomplit.</p>
+
+<p>Un exemple fera comprendre en quoi consiste cette méthode. Supposons un
+maçon auquel son patron a donné la tâche d'édifier un mur en briques.
+L'intérêt des deux parties en présence sera évidemment, pour l'ouvrier,
+de se fatiguer le moins en gagnant le plus possible; pour le patron,
+d'obtenir le plus grand rendement au meilleur compte. Avec les méthodes
+empiriques usitées jusqu'ici, le maçon fera sa besogne d'après les
+routines et les tours de main de ses ancêtres. Mais M. Taylor est venu
+qui a dit à cet artisan: «Placez votre auge à votre droite, à tant de
+centimètres de votre mur. De cette façon, votre main n'aura que le
+minimum de chemin à parcourir pour prendre le mortier, et comme, d'autre
+part, j'aurai préparé votre tas de briques pour que vous n'ayez pas à
+vous baisser pour en prendre, vous gagnerez quelques secondes dans
+l'accomplissement de votre travail.</p>
+
+<p>» Bien mieux. J'ai remarqué que vos camarades se croyaient obligés, en
+raison de la consistance du mortier, de frapper à coups de manche de
+pelle sur la brique, pour la faire adhérer; je vais vous composer un
+mortier plus liquide, qui vous permettra de n'appuyer qu'avec la main:
+nous gagnerons ainsi le temps qu'il vous fallait pour saisir votre outil
+et vous en servir.»</p>
+
+<p>Bref, à force de gagner, de-ci de-là, quelques secondes sur les gestes
+de son homme, M. Taylor arrive à obtenir, en un même laps de temps, un
+travail double et parfois triple qu'auparavant; et cela avec la simple
+assistance d'un chronométreur, chargé de «minuter» les moindres gestes
+de ceux qui travaillent.</p>
+
+<p>Voilà donc en quoi consiste le système Taylor. Mais ce n'est point,
+quoiqu'on ait semblé le dire, exactement celui qui a été appliqué aux
+usines Renault. Il ne fallait point songer, en effet, à obliger des
+ouvriers français à se plier à une précision de gestes qui eussent
+répugné à leur caractère indépendant. Le système qui fut employé à
+Billancourt devint alors le suivant.</p>
+
+<p>Admettons qu'il soit question de fabriquer un moyeu de roue. Le bureau
+des plans dessine la pièce. Le service du chronométrage s'empare des
+dessins, étudie la forme des outils qui seront nécessaires pour exécuter
+le mieux et le plus rapidement possible l'objet. Un ingénieur porte le
+morceau de métal sur la machine-outil, regarde sa montre. Le travail
+fini, il voit ce qu'il a mis de temps à usiner le moyeu. Au besoin, il
+recommence plusieurs fois, toujours avec l'idée de faire mieux et plus
+vite.</p>
+
+<p>Cette étude achevée, le bureau établit le prix de revient de la pièce,
+fixe un chiffre, qu'il majore de 20% pour tenir compte des différences
+possibles résultant de l'habileté professionnelle de celui qui
+reproduira ultérieurement le modèle établi. Le contremaître compétent
+est alors appelé, à charge par lui d'exécuter strictement, et au prix
+fixé, l'objet désigné. Et, en dernier ressort, l'ouvrier recevra la
+mission de réaliser le moyeu dont les plans et le prix de revient auront
+été ainsi préalablement déterminés.</p>
+
+<p>On voit qu'il n'y a là rien qui ressemble au système américain.
+L'ouvrier n'est pas bridé dans son effort: tout ce que lui est demandé,
+c'est d'effectuer un travail donné dans un délai donné. De cette
+manière, telle pièce qui revenait jadis à 3 francs, par exemple, arrive
+à ne plus coûter aujourd'hui que 50 centimes. Et, par contre, l'ouvrier
+dont l'effort est plus soutenu, reçoit un salaire plus élevé, qui peut
+atteindre 40% de son taux primitif.</p>
+
+<p>Que doit-on penser de cette méthode nouvelle? Il est bien difficile de
+le dire exactement. Il semblerait que la grève qui a éclaté
+dernièrement, et dont le ohronométre était la cause, soit un argument
+décisif contre ce procédé; mais, d'autre part, ses partisans font valoir
+qu'en Amérique les ouvriers qui l'ont accepté dans un très grand nombre
+d'usines sont plus heureux que les nôtres, travaillant moins longtemps,
+gagnant davantage et ayant plus de loisirs.<br>
+
+<span class="rig">P. H.</span></p><br>
+
+<h3>DOCUMENTS et INFORMATIONS</h3>
+
+<p class="rig"><span class="sc">Luttes d'influence en Orient.</span></p><br><br>
+
+<p>La guerre turco-balkanique a mis en présence, avec les forces opposées,
+deux influences extérieures aux belligérants: d'un côté l'influence
+allemande, prépondérante en Turquie, de l'autre l'influence française
+qui a joué, chez les alliés, un grand rôle.</p>
+
+<p>Los hostilités terminées, ces luttes de «rayonnement» vont s'accentuer
+encore entre nos voisins et nous,--plus exactement entre nous et la
+triplice, car l'Italie ni l'Autriche ne sauraient s'en désintéresser.</p>
+
+<p>Or, l'une des oeuvres françaises qui ont accompli, en Orient; notamment,
+la meilleure besogne, l'Alliance française, se plaint que les ressources
+dont elle dispose ne lui permettent pas d'accomplir, là-bas, tout ce
+qu'elle voudrait.</p>
+
+<p>A son récent banquet--auquel assistait, bien qu'il n'eût pas encore, à
+ce moment, pris possession de ses hautes fonctions, M. Poincaré--M.
+Jonnart, ministre des Affaires étrangères, faisait appel au zèle, au
+dévouement de l'Alliance pour l'aider «à travailler à la sauvegarde des
+intérêts et des droits de la France». Certes, le bon vouloir, l'ardeur
+même de l'Alliance française ne sauraient être mis en doute; mais, comme
+le tait remarquer son président M. P. Foncin, «elle ne peut agir que si
+elle est en mesure de compter sur les sympathies actives du public
+français». Or, ses ressources ne se développent pas proportionnellement
+à ses efforts, pour mener à bien la tâche qu'elle assume.</p>
+
+<p>Sans doute, elle vient de fonder avec succès à Brinn (Autriche), où les
+rivalités d'influence sont ardentes, où la population est très variée,
+un comité nouveau qui, dès le premier jour, a obtenu un gros succès.
+Mais, dans l'Orient proprement dit, son oeuvre traverse une crise
+redoutable. «Plus que jamais, écrit de Constantinople un de ses membres,
+notre Comité a besoin d'être soutenu. Les Allemands redoublent d'efforts
+en Asie Mineure, en Arménie... Et, précisément, cette année, nos
+ressources sont des plus restreintes... Nous allons être forcés de
+réduire toutes nos subventions, et même d'en supprimer quelques-unes.»
+D'autre part, le P. Katchadourian, directeur des écoles arméniennes de
+Mamouret el Aziz, s'inquiète des progrès des orphelinats allemands,
+qu'une quête fructueuse en Allemagne, en Angleterre, en Amérique, vient
+de mettre en possession de ressources énormes.</p>
+
+<p>Il serait souhaitable que l'opinion française entendît ces
+plaintes,--cet appel, et tendît à ces pionniers de notre influence «une
+main secourable», selon le mot du P. Katchadourian.</p>
+
+<p class="rig"><span class="sc">Une serviette historique.</span></p><br><br>
+
+<p>Nous reproduisions récemment (numéro du 21 décembre 1912) un tableau
+satirique du dix-septième siècle auquel les conférences de Londres
+donnaient un intérêt actuel: il représentait l'<i>Homme malade</i>--entendez
+le Turc,--soigné par des médecins de toutes nations réunis à son chevet.
+Au moment où la guerre se poursuit en Thrace, le document que nous
+publions ci-dessous rappelle à propos que la lutte de la Croix contre le
+Croissant n'offre point aux historiens un thème nouveau.</p>
+
+<p>La serviette brodée dont notre photographie montre fidèlement les
+dessins fut donnée, avec un service de table complet, au prince Eugène,
+après sa victoire sur le? Turcs à Belgrade, en 1717. En ce temps-là,
+c'était l'empereur d'Autriche qui guerroyait avec le sultan; et Belgrade
+était le prix de la lutte, comme aujourd'hui Andrinople. Les épisodes de
+la campagne, qui se termina par la paix de Passarovitz (1718), sont
+naïvement évoqués sur cette curieuse serviette: en dessous des armes du
+prince Eugène de Savoie, soutenues par deux lions, l'aigle autrichien
+dévore le croissant--<i>aquila dévorat lunam</i>, dit la légende;--au milieu
+figure le prince Eugène lui-même, à cheval, entre deux Turcs implorant
+la clémence du vainqueur; en bas c'est, autour de Belgrade assiégée, un
+combat entre cavaliers, où l'épée chrétienne l'emporte sur le cimeterre.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/019.png"><br><span class="sc">La lutte séculaire de la Croix contre le Croissant</span>.<br>--<b>La
+prise de Belgrade par les troupes autrichiennes du prince Eugène,<br> en
+1717, figurée sur une serviette de table.</b></p>
+
+<p>Mme Vanderbroucque Grardel, à qui nous devons la communication de ce
+document, nous a dit tenir la précieuse serviette de son père, fils d'un
+industriel, Alexandre Grardel, maire de Bapaume et aide de camp du
+général Oudinot en 1813, qui avait épousé une petite-fille d'Augustine
+de Tende; celle-ci l'avait reçue de son père, Jean-Baptiste-Louis de
+Tende, écuyer et avocat au conseil d'Artois, proche parent de la famille
+de Savoie-Carignan.</p>
+
+<p class="rig"><span class="sc">L'alcoolisme et la criminalité aux États-Unis.</span></p><br><br>
+
+<p>Si l'on contestait encore l'influence de l'alcoolisme sur la
+criminalité, les statistiques établies en Amérique, dans des
+circonstances particulièrement concluantes, ne laisseraient guère de
+doute à cet égard.</p>
+
+<p>Dans l'État de Dakota, les arrestations policières se sont réparties de
+la manière suivante:</p>
+
+<p>Pendant les neuf mois précédant la prohibition de l'alcool:</p>
+
+<pre>
+ Dans Dans
+ 5 petites villes. 7 grandes villes.
+
+ Ivresse. 319 1.492
+ Coups. 223 535
+ Autres causes. 192 1.545
+
+ Total 734 3.572
+
+ Pendant les neuf mois suivant la prohibition:
+
+ Dans Dans
+ 6 petites villes. 7 grandes villes.
+
+ Ivresse. 66 302
+ Coups. 60 435
+ Autres causes 108 1.699
+
+ Total 234 2.436
+
+ Voici un relevé aussi éloquent concernant
+ l'État de Birmington où la prohibition
+ est entrée en vigueur en 1908:
+
+ 1907 1908
+
+ Ivresse. 1.434 396
+ Outrages aux moeurs. 912 602
+ Coups. 738 463
+ Meurtres. 65 29
+ Vol. 618 537
+ Vagabondage. 398 267
+</pre>
+
+<p>Enfin, dans l'État de New-Hampshire, après plusieurs années de
+prohibition, le nombre des internés dans les maisons de correction était
+tombé à 470. On est revenu au régime de la licence; au bout d'un an, ce
+nombre remontait à 830, et il atteignait 2.180 quatre ans plus tard.</p>
+
+<p class="rig"><span class="sc">La culture française et la Triple Entente.</span></p><br><br>
+
+<p>A mesure que se resserrent davantage les sympathies de la Triple
+Entente, le goût de la culture française, des arts et des lettres de
+notre pays, devient plus vif encore en Angleterre et en Russie, non
+seulement dans les classes riches et dans le public des universités,
+mais dans les classes moyennes et les établissements d'instruction
+secondaire. C'est ainsi que nous parviennent des deux pays les échos de
+deux manifestations récentes et symptomatiques: l'une fut organisée, à
+la fin du mois dernier, par la Société des Langues modernes, à Belfast,
+où Molière, Victor Hugo, Gounod, Chaminade, Saint-Saëns, eurent les
+honneurs d'une séance musicale et récréative, à laquelle assistaient de
+nombreux étudiants anglais et qui se termina aux accents de <i>la
+Marseillaise</i>, reprise en choeur par l'auditoire. L'autre manifestation
+eut lieu à Kieff, au gymnase Naoumenko, dont les jeunes élèves
+jouèrent... <i>le Cid</i>. La tentative était intéressante, car enfin jouer
+une tragédie de Corneille en son texte français, dire en toute leur
+beauté, sans accent et sans altération, les vers de notre grand
+classique, est chose peu aisée pour des collégiens russes. La petite
+troupe cependant, composée d'élèves de seize à dix-huit ans dirigés par
+leur professeur de français, M. Maillard, triompha de ces difficultés et
+donna une interprétation tout à fait honorable du chef-d'oeuvre devant
+les autorités scolaires de l'arrondissement empressées à venir applaudir
+les résultats heureux de l'expérience. Quand donc, dans nos lycées
+français, sera-t-on en mesure de faire représenter en son texte une
+scène d'un drame russe ou bien un acte de Shakespeare?</p>
+
+<p class="rig"><span class="sc">L'inventeur des étincelles musicales pour la télégraphie sans fil.</span></p><br><br>
+
+<p>Depuis quelques années, tous les grands postes de télégraphie sans fil
+emploient le système d'émission par étincelles musicales. Nous avons
+jadis exposé le mécanisme de cette méthode fort supérieure aux méthodes
+antérieures: en produisant, au moyen d'appareils spéciaux, des
+étincelles très rapprochées, on obtient une note musicale régulière,
+qu'on peut faire varier à volonté et qui permet de réaliser la syntonie
+acoustique. La note est, en effet, perçue téléphoniquement par le poste
+récepteur qui la distingue aisément des notes émises par d'autres postes
+ou des vibrations engendrées par les décharges électriques de
+l'atmosphère.</p>
+
+<p>Nombre d'ingénieurs ou de constructeurs, la plupart étrangers, ont
+revendiqué l'invention du procédé.</p>
+
+<p>Or, il paraît établi aujourd'hui, sans conteste possible, que l'honneur
+de cette invention revient à un ingénieur français qui s'est acquis,
+dans le domaine de l'industrie électrique, une autorité mondiale.</p>
+
+<p>Dans la séance du 3 février 1913, l'Académie des sciences a, en effet,
+ouvert un pli cacheté déposé sur son bureau le 16 août 1898, par M. A.
+Blondel. Sous le titre <i>Perfectionnements à la télégraphie sans fil</i>,
+l'auteur décrivait le moyen de réaliser la syntonie acoustique, en
+produisant des étincelles musicales au moyen d'alternateurs à fréquence
+élevée. Un peu plus tard, dans un document de 1900, publié en 1905,
+l'éminent ingénieur décrivait complètement le montage d'un poste
+émetteur musical. Mais l'emploi des étincelles rares était alors
+général; la routine administrative accueillit les propositions
+«révolutionnaires» de M. Blondel avec son scepticisme ordinaire.</p>
+
+<p>C'est seulement quelques années plus tard que des Français d'initiative,
+comme le commandant Ferrie et M. Béthenod, contribuèrent à la
+réalisation pratique du système imaginé d'abord par M. Blondel, et
+auquel ils ont apporté de sérieux perfectionnements.</p>
+
+<p class="rig"><span class="sc">La longueur des racines des plantes.</span></p><br><br>
+
+<p>Dans une conférence sur la conservation de l'humidité dans le sol, un
+spécialiste américain, M. R. D. Watt, a donné quelques chiffres
+intéressants sur le développement du système radiculaire des plantes.</p>
+
+<p>Ce développement peut être très considérable, comme on s'en rend compte
+par l'examen direct qui consiste à extraire une plante, avec précaution,
+d'un sol meuble de préférence, et à en couper toutes les racines pour
+les mesurer exactement. Ainsi, un chercheur anglais, ayant mesuré la
+longueur totale des racines d'un pied d'avoine, a obtenu le chiffre de
+136 mètres. Ce chiffre ne comprend pas les poils absorbants qui
+augmentent de douze fois la surface de la racine qui les porte. Un
+chercheur américain a fait de même pour quatre pieds de maïs. Or, pour
+l'ensemble, il a trouvé 1.600 mètre de racines, soit 400 mètres en
+moyenne pour chaque pied. On voit par là combien la plante est bien
+organisée pour absorber l'humidité du sol.</p>
+<br><br>
+
+<h3>MOLIÈRE A BOBINO</h3>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/020a.png"></p>
+<p class="lef"><img alt="" src="images/020b.png"><br><b>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Le public du quartier Montparnasse.</b></p>
+
+<p>C'est un rapprochement plaisant et imprévu que celui de ces deux noms
+«Molière à Bobino», inscrits, depuis une semaine, au-dessous de l'image
+de notre grand comique sur le programme d'un petit théâtre du quartier
+Montparnasse... Déjà les Parisiens avaient pu entendre à l'Odéon des
+artistes de café-concert dans la comédie classique. Et voici
+qu'aujourd'hui Molière, par une heureuse fortune, trouve, en un
+music-hall populaire, coutumier d'autres spectacles, des acteurs
+excellents, tout à la fois fantaisistes et respectueux d'une oeuvre
+immortelle,--et un public, un bon public, qui s'amuse, et rit, et tout
+de suite, dès les premières répliques, se sent à l'aise! L'aventure est
+charmante et de bon exemple.</p>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="12" border="0"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="illustration">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<p class="mid"><img alt="" src="images/020c.png"><br><b>Toinette: Mlle Lolita.</b></p>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<p class="mid"><img alt="" src="images/020d.png"><br><b>Louison: Mlle Renée Pré.</b></p>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p>Tandis que, après, une copieuse partie de café-concert, on représente
+<i>le Malade imaginaire</i>, la physionomie de la salle apparaît telle qu'à
+l'habitude: de braves gens, des ouvriers, venus en famille, avec leurs
+femmes et leurs enfants, garnissent l'orchestre, l'amphithéâtre. Et
+c'est plaisir que de voir leurs faces réjouies, aux endroits où Molière
+a prodigué sa verve comique. Les interprètes ont leur grande part des
+applaudissements. Tous, ils appartiennent à la troupe ordinaire de
+Bobino, que dirige avec succès M. Montpreux, particulièrement bien avisé
+en la circonstance, et ils jouent gaîment, sans charge excessive, des
+rôles nouveaux pour eux: ainsi M. Émile Rhein, «chanteur typique», se
+montre en Argan; M. Albret, «excentrique fantaisiste», en Purgon; M.
+Sarvey, «ténorino bouffe», en docteur Diafoirus; M. Marius Reybas et M.
+Maintgert, «chanteurs de genre», en Cléante et en Béralde; Mlle Berthe
+Delny, «diseuse à voix», en Beline, et Mlle Rosaberth, «diseuse de
+genre», en Angélique.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/020e.png"></p>
+
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="12" border="0"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="illustration">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 33%; text-align: center;">
+<b>M. Fleurant et M. Purgon: MM. Avenière et Albret.</b>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 33%; text-align: center;">
+<b>Argan: M. Émile Rhein.</b>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 34%; text-align: center;">
+<b>Le docteur Diafoirus et son fils: MM. Sarvey et Charlay.</b>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p class="mid"><b>«LE MALADE IMAGINAIRE» AU CAFÉ-CONCERT. --Les interprètes de Molière à
+Bobino.</b></p>
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/021small.png"><br><a href="images/021large.png">(Agrandissement)</a></p>
+
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/supp0.png"><br>
+Note du transcripteur: Les suppléments mentionnés en titre<br>ne nous ont pas été fournis.
+
+
+
+<br><br>
+</div>
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+<pre>
+
+
+
+
+
+End of Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3654, 8 Mars 1913, by Various
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3654, 8 ***
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+Produced by Jeroen Hellingman et Rénald Lévesque
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+one owns a United States copyright in these works, so the Foundation
+(and you!) can copy and distribute it in the United States without
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+set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to
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+Gutenberg is a registered trademark, and may not be used if you
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+do not charge anything for copies of this eBook, complying with the
+rules is very easy. You may use this eBook for nearly any purpose
+such as creation of derivative works, reports, performances and
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+practically ANYTHING with public domain eBooks. Redistribution is
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+things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works
+even without complying with the full terms of this agreement. See
+paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project
+Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement
+and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic
+works. See paragraph 1.E below.
+
+1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation"
+or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project
+Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual works in the
+collection are in the public domain in the United States. If an
+individual work is in the public domain in the United States and you are
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+through 1.E.7 or obtain permission for the use of the work and the
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+ the use of Project Gutenberg-tm works calculated using the method
+ you already use to calculate your applicable taxes. The fee is
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+ has agreed to donate royalties under this paragraph to the
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+ must be paid within 60 days following each date on which you
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+ returns. Royalty payments should be clearly marked as such and
+ sent to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation at the
+ address specified in Section 4, "Information about donations to
+ the Project Gutenberg Literary Archive Foundation."
+
+- You provide a full refund of any money paid by a user who notifies
+ you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he
+ does not agree to the terms of the full Project Gutenberg-tm
+ License. You must require such a user to return or
+ destroy all copies of the works possessed in a physical medium
+ and discontinue all use of and all access to other copies of
+ Project Gutenberg-tm works.
+
+- You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of any
+ money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the
+ electronic work is discovered and reported to you within 90 days
+ of receipt of the work.
+
+- You comply with all other terms of this agreement for free
+ distribution of Project Gutenberg-tm works.
+
+1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project Gutenberg-tm
+electronic work or group of works on different terms than are set
+forth in this agreement, you must obtain permission in writing from
+both the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and Michael
+Hart, the owner of the Project Gutenberg-tm trademark. Contact the
+Foundation as set forth in Section 3 below.
+
+1.F.
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+works, and the medium on which they may be stored, may contain
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+of Replacement or Refund" described in paragraph 1.F.3, the Project
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+liability to you for damages, costs and expenses, including legal
+fees. YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT
+LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE
+PROVIDED IN PARAGRAPH 1.F.3. YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE
+TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE
+LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR
+INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH
+DAMAGE.
+
+1.F.3. LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a
+defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can
+receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a
+written explanation to the person you received the work from. If you
+received the work on a physical medium, you must return the medium with
+your written explanation. The person or entity that provided you with
+the defective work may elect to provide a replacement copy in lieu of a
+refund. If you received the work electronically, the person or entity
+providing it to you may choose to give you a second opportunity to
+receive the work electronically in lieu of a refund. If the second copy
+is also defective, you may demand a refund in writing without further
+opportunities to fix the problem.
+
+1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth
+in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS' WITH NO OTHER
+WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO
+WARRANTIES OF MERCHANTIBILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.
+
+1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied
+warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages.
+If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the
+law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be
+interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by
+the applicable state law. The invalidity or unenforceability of any
+provision of this agreement shall not void the remaining provisions.
+
+1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the
+trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
+providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in accordance
+with this agreement, and any volunteers associated with the production,
+promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works,
+harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees,
+that arise directly or indirectly from any of the following which you do
+or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
+work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
+Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.
+
+
+Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
+
+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
+electronic works in formats readable by the widest variety of computers
+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
+because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
+people in all walks of life.
+
+Volunteers and financial support to provide volunteers with the
+assistance they need, are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
+goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation web page at http://www.pglaf.org.
+
+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
+http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
+permitted by U.S. federal laws and your state's laws.
+
+The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
+Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
+throughout numerous locations. Its business office is located at
+809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
+business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact
+information can be found at the Foundation's web site and official
+page at http://pglaf.org
+
+For additional contact information:
+ Dr. Gregory B. Newby
+ Chief Executive and Director
+ gbnewby@pglaf.org
+
+
+Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation
+
+Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
+spread public support and donations to carry out its mission of
+increasing the number of public domain and licensed works that can be
+freely distributed in machine readable form accessible by the widest
+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
+($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
+status with the IRS.
+
+The Foundation is committed to complying with the laws regulating
+charities and charitable donations in all 50 states of the United
+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
+considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
+with these requirements. We do not solicit donations in locations
+where we have not received written confirmation of compliance. To
+SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
+particular state visit http://pglaf.org
+
+While we cannot and do not solicit contributions from states where we
+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
+against accepting unsolicited donations from donors in such states who
+approach us with offers to donate.
+
+International donations are gratefully accepted, but we cannot make
+any statements concerning tax treatment of donations received from
+outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
+
+Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
+methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
+ways including checks, online payments and credit card donations.
+To donate, please visit: http://pglaf.org/donate
+
+
+Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
+works.
+
+Professor Michael S. Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm
+concept of a library of electronic works that could be freely shared
+with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project
+Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
+
+
+Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
+editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
+unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
+keep eBooks in compliance with any particular paper edition.
+
+
+Most people start at our Web site which has the main PG search facility:
+
+ http://www.gutenberg.org
+
+This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
+including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
+subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
+
+
+</pre>
+
+</body>
+</html>
+
+
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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