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+Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3655, 15 Mars 1913, by Various
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
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+
+Title: L'Illustration, No. 3655, 15 Mars 1913
+
+Author: Various
+
+Release Date: October 19, 2011 [EBook #37799]
+
+Language: French
+
+Character set encoding: ISO-8859-1
+
+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3655, 15 ***
+
+
+
+
+Produced by Jeroen Hellingman et Rénald Lévesque
+
+
+
+
+
+
+L'Illustration, No. 3655, 15 Mars 1913
+
+AVEC CE NUMÉRO
+La Petite Illustration
+CONTENANT
+LES ANGES GARDIENS
+Roman par MARCEL PRÉVOST
+DEUXIÈME PARTIE
+
+
+
+LA REVUE COMIQUE, par Henriot.
+
+
+Ce numéro comprend VINGT-QUATRE PAGES.--Il est accompagné de LA PETITE
+ILLUSTRATION, Série-Roman nº 2, contenant la deuxième partie du roman de
+M. Marcel Prévost: LES ANGES GARDIENS.
+
+[Illustration: L'ILLUSTRATION _Prix du Numéro: Un Franc._ SAMEDI 15 MARS
+1913 _71e Année.--Nº 3655._]
+
+[Illustration: DEVANT ANDRINOPLE: LE BLOCUS DES ASSIÉGEANTS PAR LA NEIGE
+_Photographie du lieutenant G. Staïnof, du 30e régiment d'infanterie
+bulgare.--Voir les autres photographies, pages 234 et 235._]
+
+
+
+_La semaine prochaine,_ LA PETITE ILLUSTRATION _publiera:_
+
+_L'Homme qui assassina pièce en 4 actes de_ M. PIERRE FRONDAIE, _d'après
+le roman de M. Claude Farrère._
+
+_Le numéro suivant (29 mars) contiendra la troisième partie du roman de_
+M. MARCEL PRÉVOST: _Les Anges gardiens._
+
+_Paraîtront ensuite, alternant avec les 4e et 5e parties des_ Anges
+gardiens: _Les Flambeaux, de_ M. HENRY BATAILLE; _Servir et la Chienne
+du roi, de_ M. HENRI LAVEDAN; _L'Embuscade_, de M. HENRY KISTEMAECKERS.
+
+_Puis viendront:_
+
+_Les Éclaireuses, de_ M. MAURICE DONNAY; _Hélène Ardouin, de_ M.
+ALFRED CAPUS; _L'Habit vert_, de MM. ROBERT DE FLERS ET G.-A. DE
+CAILLAVET, _et le roman de_ M. PAUL BOURGET: _Le Démon de midi_.
+
+
+
+COURRIER DE PARIS
+
+LES MAISONS EN CONSTRUCTION
+
+De deux fenêtres éloignées l'une de l'autre, situées chacune à une
+extrémité de mon appartement, celle-ci au nord, celle-là au midi, de la
+fenêtre de ma chambre et de celle de mon cabinet, je vois construire
+deux maisons.
+
+Je les regarde s'élever à la place même où l'an dernier se tenaient, si
+droites encore, celles que j'ai vu jeter à bas, dont il ne reste plus
+trace que dans mon souvenir, et peut-être dans celui des hommes qu'elles
+ont abrités. Et ces deux maisons, je ne sais pourquoi, occupent ma vie.
+Si ce n'est que toutes les deux elles sont «de rapport» et qu'elles
+auront le même nombre d'étages, elles présentent déjà un caractère très
+distinctif. L'une, sur laquelle donne ma chambre, est en béton armé ou
+du moins jusqu'à présent, et rien ne permet de croire qu'il en sera
+différemment dans la suite. L'autre, qui forme le principal paysage de
+mon cabinet, est en pierre.
+
+ *
+ * *
+
+Ces deux maisons, qui sont séparées par tout un pâté d'immeubles, et
+qui, par conséquent, ne peuvent pas «se voir», et qui ne sont pas dans
+les mains des mêmes entrepreneurs, ont cependant et gardent jusqu'ici
+une hauteur pareille, montant chaque jour, en se suivant, comme si elles
+le faisaient exprès, quoique la maison de pierre ait tendance à gagner
+sur sa voisine. Chaque matin, dès que je me lève, il faut--c'est plus
+fort que moi--que j'aille jeter mon premier coup d'oeil sur le chantier
+qui m'attire au saut du lit, celui de la maison en béton. Je ne peux pas
+dire que ce spectacle m'enchante et me procure un réveil câlin. Rien
+n'est moins gracieux déjà que l'aspect des fondations béantes, des caves
+entr'ouvertes et à ciel libre car une cave n'est belle et n'a sa
+relative magnificence que voûtée, et basse, et bien noire, bien
+salpêtrée, bien feutrée de poussière et de silence et ramonée de ces
+courants d'air d'outre-tombe qui soufflent le frisson. Il faut qu'elle
+ait son sol élastique et mou, ses caresses de vent frais, ses toiles
+d'araignées, ses suies de bouteilles, ses rats furtifs, son odeur de
+bougie, de liège et de chat. Alors elle est explicable et parle. Mais en
+cours de travaux, n'ayant pas encore mérité ni obtenu son mystère, elle
+offre une laideur sinistre. Les caves en béton que je regarde triturer
+m'affectent d'une façon spéciale. Qu'elles sont peu engageantes! Je ne
+puis penser que l'on y mettra du vin. Elles me paraissent propres plutôt
+à receler de l'argent, des caisses pleines de «valeurs» ou de la
+ferraille. On dirait des petits sous-sols de Crédit lyonnais. Oui, osons
+-l'avouer, le béton, même armé, n'a pas de charme et de poésie. D'un
+gris de boue, d'une glaise inféconde et dont ne consentira jamais à
+sortir la moindre statue, il sent le faux, il donne l'impression d'être
+la singerie du solide et de vouloir pasticher le durable. J'ai beau voir
+la pâte épaisse, le maussade limon se durcir dans l'armature et le
+treillage des tiges de fer, je ne me décide pas à m'imaginer que cette
+crème saisie et coagulée soit de la pierre et la remplace. C'est un
+composé, ce n'est rien. Mais le travail est curieux, et les ouvriers
+m'intéressent.
+
+Dès sept heures ils commencent à arriver. Ils sont méthodiques, précis
+et lents. Chacun sa besogne. Il y a ceux qui gâchent, ceux qui coupent
+le fer, ceux qui le tordent et l'assemblent, ceux qui manient la truelle
+avec cette souplesse et cette virtuosité de poignet dont nous demeurons
+confondus, ceux qui piochent à toute volée, à bout de bras, comme s'il
+s'agissait de défoncer un couvercle de coffre-fort, ceux qui, inclinés
+en oblique, poussent là grosse brouette, ou qui, pliant sur leurs jambes
+nerveuses et nues dans les culottes flottantes de vieux velours aux
+inconcevables reflets, raclent et ramassent à larges pelletées les
+gravats pour les lancer en paquets dans le tombereau, à la petite place
+où ils veulent. Ils poursuivent tous leur tâche avec ordre et sans vaine
+fièvre.--«Y a bien le temps!» Et quand est arrivé le moment capital du
+repas, à la minute, à la seconde, ils quittent tout! C'est sacré. On
+mange. Les uns vont chez le marchand de vins d'à côté. Les autres, les
+plus nombreux et les plus sensés, restent dans le chantier pour déjeuner
+«sur le tas». Il n'est pas rare de voir apparaître la ménagère qui
+apportera à son homme sa portion, dans un panier noir à deux anses dont
+l'une est raccommodée avec une ficelle, ou bien dans une serviette.
+C'est généralement une pauvre et humble femme, vêtue triste, et nu-tête,
+bien calme, bien résignée; la brave femme de l'ouvrier, aux mains
+croisées sur un ventre bombé comme un sac de plâtre, et humble,
+courageuse, docile, sereine. Elle en a tant vu, et tant enduré, qu'elle
+est toujours contente, pourvu que ça n'aille qu'à moitié bien. Elle est
+exemplaire et magnifique à contempler quand elle se montre aux environs
+de onze heures parmi les tas de pierre et les remparts inachevés de la
+maison neuve, de la maison en construction, humide, et qui glace à
+quarante pas. Avec la patience du peuple, elle attend que son homme soit
+libre et lui fasse signe pour approcher. Et quand il s'avance elle le
+rejoint. Lui, s'assied sur des planches, le dos au mur sec de la maison
+voisine, au bon endroit qu'il a choisi et qu'éclaire le soleil, quand il
+y en a. Elle, reste debout, le couvant du regard, pendant qu'il
+s'installe et organise ses commodités. Et tour à tour sont sortis par
+elle du panier le morceau de pain gros comme un pavé, la viande froide,
+le fromage épais, la haute bouteille de vin noir, pleine jusqu'à toucher
+le bouchon. Ces choses précieuses sont étalées et posées par terre, en
+cercle, devant le travailleur aux jambes écartées qui a déjà ouvert son
+couteau fidèle, et renversé, pour y poser le veau, son large pouce.
+Enfin, sous la moustache aux poils gris, pareille à la brosse en balai
+du colleur d'affiches, la bouche s'ouvre, et l'homme mange, avec paix et
+gravité. Alors seulement, la femme, quelquefois, si elle est bien en
+confiance, ose s'asseoir près de lui et semble heureuse. Elle remportera
+dans un instant la bouteille vide dans le panier plus léger.
+
+D'autres camarades, qui, sans doute, n'ont point de femmes ou qui,
+d'humeur indépendante, n'aiment pas que le sexe s'occupe d'eux, se
+rassemblent par petits groupes pour faire la collation. Malins comme des
+soldats, ils improvisent des cuisines en plein vent, coupent du menu
+bois, allument des feux entre les pierres, accroupis tout autour à la
+zouave. Et cette copieuse séance dure une bonne demi-heure, si ce n'est
+plus. Après quoi, le travail reprend. Et voilà de nouveau mes hommes
+repartis entre les piliers de boue, d'où pointent les tiges de fer...
+
+ *
+ * *
+
+Décidément, s'il me fallait choisir, pour y demeurer, entre les deux
+maisons que l'on bâtit sous mes yeux, ce n'est pas dans celle du béton
+que j'élirais domicile. Plutôt dans l'autre, dans celle en pierre, qui
+me sourit. Sa couleur d'abord, appétissante, blanche, nacrée et jaune à
+la fois, sa couleur de chair et de rose-thé ne chagrine pas, semble
+faite pour réjouir la lumière. Et puis, cette maison-là est logique,
+traditionnelle. Elle est élevée selon les vieilles règles. Comme
+autrefois, comme toujours, depuis que la pierre est pierre, les blocs
+sont apportés tout taillés, dégrossis et numérotés. On les passe dans
+leurs quatre attelles et ils sont hissés un peu de travers, en tournant,
+à l'aide de la mécanique imperturbable et sûre que manoeuvrent longtemps,
+sans s'impatienter, les deux hommes au torse d'Ixion, comme s'ils
+avaient à tirer de l'eau d'un puits très profond!... Seulement, au lieu
+de faire monter un seau d'eau fraîche, il s'agit d'envoyer doucement et
+d'aller poser, à la hauteur d'un troisième étage, un fétu de 400 kilos.
+Quel plaisir on éprouve à voir tous les morceaux de ce jeu
+d'architecture se placer et s'ajuster pour ainsi dire d'eux-mêmes, là où
+il le faut, les uns au-dessus des autres! La maison a l'air de se bâtir
+toute seule comme si les ouvriers n'étaient là que pour surveiller les
+pierres, les matériaux, animés d'une vie intelligente. Et cette
+impression est si vive qu'il m'arrive chaque matin de m'étonner que la
+maison soit au même point que la veille au soir. Je ne serais pas le
+moins du monde surpris qu'elle eût continué la nuit, qu'elle eût avancé
+par ses propres moyens, même quand les hommes sont partis se coucher.
+
+ *
+ * *
+
+Mes maisons me procurent d'autres pensées, d'une indéfinissable
+mélancolie dans leur banalité.
+
+Elles me font songer que j'ai pu voir, que j'ai vu le sol, invisible à
+présent et pour combien d'années, où elles ont pris racine, qu'elles
+couvrent désormais ainsi qu'un monument funéraire. Elles me font songer
+à ceux qui ont vécu sur cet étroit espace, qui sont aujourd'hui Dieu
+sait où, dispersés ou morts, à ceux qui viendront demain au même endroit
+croire qu'ils s'y fixent dans le repos, et qu'ils y sont à l'abri... Et
+ce sont eux qui, très probablement, d'en face, verront à leur tour, à un
+moment que je ne sais pas, démolir la maison où je suis, où je me crois
+garanti de durer. Où serai-je, moi, ce jour-là?... Déménagé? Ou bien...?
+
+HENRI LAVEDAN.
+
+_(Reproduction et traduction réservées.)_
+
+
+
+[Illustration: Les deux mille détenus de la prison de Saint-Quentin (en
+Californie) assistant à une représentation de Mme Sarah Bernhardt. Les
+condamnés à mort (une douzaine) ont été placés au premier rang devant la
+scène.]
+
+SARAH BERNHARDT
+
+CHEZ LES PRISONNIERS CALIFORNIENS
+
+San-Francisco, 22 février 1913.
+
+Les Californiens sont enclins à l'indulgence. La beauté des sites de
+leur pays, la douceur du climat, les jardins fleuris qui poétisent leurs
+demeures, tout aide à développer chez eux «l'humaine tendresse», comme
+disait Montaigne. Ils ont construit pour enfermer ceux qui désobéissent
+aux lois une prison où règne le plus grand libéralisme. On cherche en
+cet asile confortable à faire oublier aux condamnés leurs rancunes
+contre la société et on les entraîne à marcher correctement dans le
+droit chemin en attendant la libération ou le pardon. En un mot, ils
+sont traités comme des hommes atteints d'une maladie mentale passagère
+qu'il importe de guérir, plutôt que comme des individus à tout jamais
+incorrigibles. La prison de Saint-Quentin n'est point une geôle, mais un
+établissement de relèvement social. Mieux que toute autre institution,
+elle montre cet optimisme magnifique des gens du Far-West qui ne doutent
+jamais du progrès ou de la renaissance morale, même dans les cas en
+apparence désespérés.
+
+Pour la fête de Washington, ce 22 février, les autorités californiennes
+avaient demandé à Sarah Bernhardt, en tournée à San-Francisco juste à ce
+moment-là, de vouloir bien jouer devant les pensionnaires de
+Saint-Quentin. Toujours généreuse, notre grande tragédienne avait
+accepté, et elle avait eu l'amabilité de m'inviter à cette excursion
+pittoresque. J'avais accepté, comme on pense, avec empressement, car le
+spectacle promettait d'être infiniment curieux. Sarah Bernhardt jouant
+exclusivement pour deux mille détenus et une douzaine de condamnés à
+mort, voilà une manifestation qui valait la peine d'être vue!
+
+ *
+ * *
+
+Nous voilà donc partis en automobile, et, après avoir traversé la baie
+sur le _ferry-boat_ de Sansalito, nous filons à toute vitesse vers le
+nord dans la direction de Saint-Quentin, laissant derrière nous le
+majestueux Tamalpaïs dans les ombres violettes. La prison est située à
+vingt kilomètres environ de San-Francisco, sur un cap qu'entourent des
+collines aux ondulations harmonieuses. Tout le long de la route se
+succèdent de tendres paysages dans lesquels on distingue des villas aux
+couleurs gaies, de sveltes bungalows, des auberges aux enseignes
+alléchantes, où les Californiens se rendent en promenade les jours de
+fête.
+
+[Illustration: Vue d'ensemble de la prison de Saint-Quentin.]
+
+Après de nombreux détours dans la vallée, nous apercevons la maison
+d'arrêt. On dirait un vaste château fort gardé par une série de kiosques
+surélevés, dans lesquels sont placés des gardiens prêts à fusiller les
+fugitifs. Dès que l'on pénètre sur les terrains du pénitencier, cette
+impression sévère s'adoucit, car le château fort est entouré de
+paisibles jardins potagers, de tennis-courts, de parterres multicolores
+et de vertes pelouses. Les premiers prisonniers que nous rencontrons,
+rasés de frais, décemment habillés dans leur uniforme de laine blanche à
+larges raies noires, ont un air de prospérité qui empêche qu'on ne
+s'apitoie par trop sur leur sort.
+
+_La Marseillaise_ retentit. C'est la fanfare des «convicts» qui salue
+l'arrivée de Sarah Bernhardt. La musique adoucit les moeurs, et les
+détenus, pour oublier les rigueurs de la captivité, ont leur orchestre
+comprenant une trentaine d'instrumentistes. Tous les arts, d'ailleurs,
+sont représentés à Saint-Quentin...
+
+[Illustration: Un des prisonniers, Abraham Ruef, lisant une adresse de
+remerciements à Mme Sarah Bernhardt.]
+
+Dans la cour intérieure, une scène a été improvisée. Le rideau a été
+taillé dans une bâche. Devant le théâtre, un espace est réservé aux
+membres de la fanfare. Deux mille prisonniers attendent fiévreusement
+l'apparition de notre grande artiste. Il y a là des gens de toutes les
+nationalités, des Chinois, des Japonais, des mulâtres, des nègres. Les
+femmes (on en compte une quarantaine dans la prison) ont été aussi
+admises. Les gardiens--munis de la canne et du revolver
+réglementaires--encadrent les diverses sections qui ont été amenées dans
+un ordre précis. On a placé les condamnés à mort au premier rang, et je
+m'installe au milieu d'eux pour mieux juger de leurs impressions. Un
+hydroaéroplane, qui nous a suivis depuis San-Francisco, voltige
+au-dessus de nos têtes. Mais la foule des prisonniers ne prend pas
+beaucoup d'intérêt à ses évolutions. Dans le recueillement, elle attend
+la venue de Sarah sur le tréteau de fortune sur lequel il semble que la
+Magie surgira tout à l'heure. On a distribué aux spectateurs une
+analyse, rédigée en anglais, de la pièce choisie: _Une nuit de Noël sous
+la Terreur_, de MM. Maurice Bernhardt et Henri Gain, que vont jouer, aux
+côtés de la grande artiste, MM. Lou Tellegen, Deneubourg, Favières,
+Terestri, Mlles Seylor et Boulanger.
+
+[Illustration: Après la représentation donnée par Mme Sarah Bernhardt à
+la prison de Saint-Quentin (Californie): un délégué des prisonniers
+baise la main de la grande artiste.]
+
+ *
+ * *
+
+Quand soudain le rideau se lève, une formidable acclamation retentit.
+Sarah, en Marion la vivandière, incarne si bien la générosité et la
+vaillance françaises! Un groupe de détenus français (la «colonie»
+française de Saint-Quentin!) crie à pleins poumons: «Vive la France!
+Vive la France!» Un de mes voisins, un Belge qui a tué sa femme et
+l'amant de sa femme, pleure à chaudes larmes, et, tout à coup, il se met
+à rire nerveusement et il recommence à pleurer. L'autre est un Grec qui
+assassina deux policemen, et il demeure hébété...
+
+Chaque scène se termine au milieu de frénétiques bravos et de
+sifflements stridents (aux États-Unis, en effet, le sifflet,
+contrairement à notre coutume, marque l'approbation suraiguë des
+spectateurs). Les répliques finales des acteurs sont échangées dans un
+enthousiasme extraordinaire. Le spectacle achevé, un prisonnier s'avance
+sur la scène et remet à Sarah Bernhardt une mélodie qui lui est dédiée
+par ses camarades, intitulée: _Par delà le sommet des collines_. Il
+lui offre en même temps un bouquet de violettes et prononce, en
+français, l'allocution suivante, qui vaut d'être reproduite textuellement:
+
+_A Madame Sarah Bernhardt,
+à San Quentin, Californie._
+
+Madame,
+
+Dans cette vie la plupart de nous sont, à l'extérieur aussi bien qu'à
+l'intérieur des murs d'une prison, prisonniers, prisonniers au moins de
+notre entourage. A de rares intervalles seulement nous est-il donné
+d'être absolument libres. Pour ceux qui sont enfermés entre des murs
+menaçants, derrière des grilles de fer formidables, ces intervalles
+sont, actuellement et à jamais dans l'avenir , vraisemblablement bien
+éloignés. Mais, aujourd'hui, pour une petite heure, ces murs de pierre
+se sont évanouis. Pour une heure, grâce à votre merveilleuse
+personnalité et votre art enchanteur, nous avons été, en âme et en
+esprit, dans une liberté parfaite, captifs seulement de ce génie
+remarquable et de cette ardeur incomparable qui, à juste titre, vous ont
+gagné le nom de «divine». Pour une petite heure nous avons été libres,
+et sans contrainte en communion universelle avec l'esprit d'une grandeur
+humaine, qui, après tout, est la vraie base de nos croyances à
+l'immortalité. Cette grandeur n'a pas été établie pour complètement et à
+jamais disparaître. Ce moment de liberté n'est pas, non plus, une
+illusion temporaire; le souvenir sera vivant, la mémoire le rappellera
+souvent, et son inspiration servira à nous libérer des fardeaux et des
+angoisses du jour. Soyez-en persuadée, Madame, cette représentation
+particulière sera longtemps rappelée par tous ceux qui ont eu le
+privilège d'y assister,--par l'humble aussi bien que par le plus élevé.
+La femme, l'actrice, la pièce, toutes, ont fait vibrer les cordes de nos
+cours. A la plupart de nous n'a jamais été accordée la distinction de
+vous voir ni de goûter les délices de votre art incomparable. Eloignés,
+nous vous avons regardée comme la radieuse étoile de l'art dramatique,
+couronnée des lauriers d'un succès impérial, à la grâce et au génie de
+laquelle les continents se sont volontiers rendus sujets. Les idéals que
+nous avions conçus ont été en cette heure plus que confirmés. Nous vous
+présentons nos remerciements reconnaissants pour les gloires et les
+splendeurs de l'art dont votre gracieuse faveur nous a fait jouir, ainsi
+que pour la bienveillance et la générosité qui vous ont induite à donner
+un plaisir si vif aux infortunés proscrits et victimes des sorts
+changeants de la vie.
+
+Nous apprécions aussi profondément votre choix de la pièce, non
+seulement à cause de sa beauté intrinsèque et de l'art qu'elle renferme,
+mais aussi parce qu'elle exalte, par ses élans puissants, une humanité,
+et la solidarité des âmes, qui ne connaissent aucunes bornes, ni de
+parti, de factions, ou de politique. De plus, nous vous remercions
+particulièrement que vous ayez jugé à propos de nous présenter une oeuvre
+du génie de votre fils. En ce choix, nous voyons non seulement votre
+témoignage de l'amour et des pensées d'une mère, mais aussi en toute
+probabilité la réflexion dans votre coeur que nous aussi avons des mères
+qui nous chérissent, à qui notre amour se porte, et dans les coeurs
+desquelles nous avons été une espérance et un orgueil. Nous souhaitons,
+et pour vous et pour lui, beaucoup d'années de joie et contentement
+mutuels.
+
+Nous prions aussi, Madame, par votre intermédiaire, d'exprimer à vos
+artistes et à votre gérance, notre chaleureuse appréciation de leur
+bonté et de leur talent. Et quand, dans l'avenir, vos pensées se
+porteront vers ce pays du soleil couchant, pour nous aujourd'hui si
+brillant par votre bonne volonté, nous espérons que ces quelques paroles
+d'admiration sincère et de reconnaissance serviront à vous rappeler
+cette heure, peut-être de toutes en votre vaste expérience, la plus
+étrange et la plus frappante,--une heure dans un entourage sévère et
+même repoussant, oublié par nous pour le moment grâce à votre
+personnalité,--une heure dans laquelle vous avez rendu cette multitude
+de malheureux, plus heureux, adouci les lignes de leurs vies et rendu
+leurs cours plus légers, par votre présence dans notre milieu
+aujourd'hui.
+
+De la part de
+
+TOUS LES PRISONNIERS.
+
+San Quentin, Californie, ce 22 février 1913.
+
+Ce discours est l'oeuvre d'Abraham Ruef, un fils d'Alsacien--qui parle
+très couramment notre langue et qui ne manque pas de littérature, comme
+on voit, malgré les nombreux anglicismes dont il use. Ruef est célèbre
+sur toute la côte du Pacifique. Il fut un temps où le maire Schmidt
+«socialisait» à sa manière les finances de San-Francisco avec l'aide de
+Ruef, «boss» tout-puissant. Condamné pour concussion, ce dernier est
+interné à Saint-Quentin pour une douzaine d'années encore, à moins qu'on
+ne lui rende la liberté sur parole, système appliqué en faveur des
+repentis. Ruef est le personnage le plus en vedette de la prison. Dans
+la «salle» se trouvaient aussi les fameux frères MacNamara, qui firent
+sauter à la dynamite l'hôtel du _Los Angeles Times_, voici deux ans, et
+causèrent la mort de vingt-deux linotypistes. Ce fut l'un des épisodes
+les plus cruels de cette guerre acharnée que se livrent aux États-Unis
+syndicalistes et anti-syndicalistes.
+
+L'orateur qui avait lu le compliment de circonstance, après lui en avoir
+remis le texte, soigneusement calligraphié par lui-même, demanda à Sarah
+Bernhardt de lui baiser la main. Elle acquiesça gentiment, et une
+indescriptible ovation la remercia de ce geste. Sur cet incident se
+termina cette peu banale manifestation.
+
+ *
+ * *
+
+Ayant regagné son auto, la grande tragédienne, heureuse d'avoir apporté
+de la joie à ce monde bizarre de prisonniers, me confia que c'était là
+une des aventures les plus étonnantes de sa vie de comédienne:
+
+--J'ai éprouvé une sensation inouïe, me dit-elle, en voyant fixés sur
+moi avec un éclat étrange ces milliers d'yeux dont beaucoup ne verront
+plus la lumière de la liberté et dont certains seront avant peu
+obscurcis par la mort. Si vous saviez comme c'est bon d'avoir pu donner
+un peu d'illusion à ces gens pendant quelques instants! Il faudra que je
+note cela dans mes Mémoires...
+
+La relation que Sarah Bernhardt écrira elle-même de son voyage à
+Saint-Quentin sera sans aucun doute l'un des chapitres les plus
+émouvants de son autobiographie. Elle la complète à ses moments perdus,
+et il faut souhaiter qu'elle la livre bientôt au public pour qu'on y
+lise le récit de cette journée si originale du 22 février passée parmi
+les prisonniers californiens de Saint-Quentin.
+
+FRANÇOIS DE TESSAN.
+
+
+
+[Illustration: Le cortège des étudiants, se rendant place de la
+Concorde, passe rue de Rivoli devant, la statue de Jeanne d'Arc.]
+
+[Illustration: UNE MANIFESTATION PATRIOTIQUE DE LA JEUNESSE DES
+ÉCOLES.--Le défilé devant la statue de Strasbourg.]
+
+Dans l'après-midi de dimanche dernier, la manifestation traditionnelle
+de la jeunesse des écoles à la statue de Strasbourg a eu lieu au milieu
+d'une affluence exceptionnelle et avec un calme, une piété silencieuse,
+qui lui ont donné un aspect impressionnant. Les étudiants avaient on
+effet résolu de conserver à cette manifestation, d'où devait être exclu
+tout geste politique, un caractère exclusivement patriotique et
+national. Lorsque, à deux heures, le cortège se forma sur la place de la
+Sorbonne, les étudiants étaient au nombre de trois à quatre mille. L'un
+d'eux, en tête, portait un grand drapeau tricolore cravaté de crêpe.
+Puis venaient les délégués des diverses organisations, républicaine,
+jeune-républicaine, plébiscitaire, nationaliste, et des universités de
+province, notamment de Bordeaux. Huit étudiants suivaient, porteurs de
+deux grandes couronnes endeuillées de crêpe et coupées par un large
+ruban tricolore. Derrière, marchait la foule des élèves ou des aspirants
+aux écoles militaires, le bonnet de police sur l'oreille, et des
+étudiants des diverses facultés avec leurs bérets aux couleurs
+distinctives. La longue colonne gagna, par la rue de Rivoli, en saluant
+la statue de Jeanne d'Arc, la place de la Concorde. Les couronnes et le
+drapeau furent déposés sur le socle de la statue de Strasbourg, devant
+laquelle les jeunes gens défilèrent ensuite, pieusement recueillis.
+
+
+
+LE TRICENTENAIRE DES ROMANOF
+
+Il y a encore, en Russie, du loyalisme pour le trône, un loyalisme
+ardent et mystique, un loyalisme populaire des faubourgs des villes et
+des immensités rurales, qui a donné, ces derniers jours, à l'occasion du
+tricentenaire des Romanof, à côté du loyalisme officiel, militaire,
+aristocratique ou bourgeois, sa mesure éloquente et profonde.
+
+Les fêtes de ce Jubilé exceptionnel ont commencé le 6 mars, au milieu de
+l'enthousiasme national et dans une sorte d'extase religieuse, car, seul
+maintenant en Europe où le sultan ne compte plus guère, le monarque
+russe, chef d'Église, à la fois empereur et pape, conserve un caractère
+sacré.
+
+Le 6 mars donc, il y a eu exactement trois cents ans que le
+Zemski-Sobor, ou assemblée nationale russe, offrit, après une longue
+période d'anarchie, la couronne à Michel Feodorovitch Romanof, fondateur
+de la dynastie qui s'est perpétuée sur le trône et dont certains
+membres, illustres parmi les illustres, ont assuré la grandeur de
+l'empire et la magnifique expansion de la puissance russe.
+
+En l'honneur de ces commémorations historiques, le tsar Nicolas a
+d'abord publié un ukase d'amnistie, impatiemment attendu, car le
+précédent décret de pardon datait de la naissance du prince héritier,
+c'est-à-dire de 1904. Un grand nombre de délits, et particulièrement de
+délits politiques commis depuis cette époque, se sont donc trouvés
+effacés, et quelques nobles exilés pourront dès maintenant rentrer
+impunément dans leur patrie. Les condamnés à mort ont vu commuer leur
+peine en vingt ans de travaux forcés et les prisons de Saint-Pétersbourg
+ont, d'un coup, libéré trois cents détenus. Dix millions ont été
+accordés à la Finlande pour l'amélioration de ses établissements
+d'assistance et 50 millions de roubles ont été donnés à la population
+rurale sur le produit de la vente des terres de l'empereur.
+
+Toutes ces mesures, très heureuses, très opportunes, ont produit, sur
+les masses si profondément attachées d'ailleurs à la dynastie, la plus
+heureuse impression, et la communion entre le souverain et le peuple, au
+cours de ces grandioses journées, n'en a été que plus étroite.
+
+Des _Te Deum_ et des services d'actions de grâces ont été célébrés, le 6
+mars, dans les cathédrales de Saint-Pétersbourg, de Moscou et de Kief
+comme dans les plus humbles chapelles et dans toutes les églises de
+Russie à la même heure, pendant le service divin, fut lu un manifeste
+impérial faisant ressortir les efforts successifs des tsars et des plus
+éminents parmi leurs sujets pour réaliser la prospérité actuelle,
+économique, militaire et intellectuelle de l'empire russe.
+
+[Illustration: Le cortège quitte le Palais d'hiver pour se rendre à la
+cathédrale de Kazan: le tsar et le tsarévitch sont en simple voiture
+découverte; les impératrices suivent en carrosse de gala.]
+
+A Saint-Pétersbourg, le tsar et le grand-duc héritier, qu'on était ému
+et joyeux de voir reparaître en public dans une voiture découverte, la
+tsarine, l'impératrice douairière et toute la famille impériale se
+rendirent à la cathédrale, en grand gala, pour assister au service
+d'actions de grâces. Et ce fut sur le passage du cortège impérial, dans
+les rues où stationnait une foule énorme, un véritable délire populaire.
+La circulation des voitures était partout complètement interrompue. Les
+monuments étaient richement décorés et les ponts tellement transformés
+par leur parure qu'ils semblaient reconstruits. Aux fenêtres, aux
+balcons, c'étaient des milliers d'oriflammes aux couleurs nationales et
+impériales, avec partout les blasons des Romanof. Des maisons
+disparaissaient entièrement sous les draperies. La perspective Newsky
+était tout entière décorée dans le style empire. Le soir,
+Saint-Pétersbourg s'illumina de millions de lampes électriques; des
+scènes d'histoire s'évoquèrent sur des transparents lumineux et des
+cortèges de patriotes parcoururent les avenues en chantant des hymnes
+nationaux et en portant des portraits de l'empereur.
+
+Le lendemain, à 4 heures, il y eut au Palais d'hiver, autour duquel
+continuait de se presser la foule, une grande réception impériale dans
+la salle de Malachite. Là se trouvaient réunis tous les grands corps de
+l'État, avec de hauts dignitaires religieux d'Orient unis au tsar par le
+lien orthodoxe, le patriarche d'Antioche, le métropolite de Serbie. Là
+encore, on put voir, avec leur suite asiatique, des princes vassaux de
+la Russie, l'émir de Boukhara, le khan de Khiva, et aussi des délégués
+mongols.
+
+La famille impériale au grand complet vint recevoir tous ces hommages,
+le tsar et le tsarévitch portant l'uniforme des chasseurs de la garde
+avec le grand cordon de Saint-André. Et le président de la Douma, M.
+Rodsianko, lorsque ce fut son tour de haranguer le souverain, employa le
+tutoiement des heures historiques. Son discours débutait ainsi:
+«Puissant empereur, ta sollicitude pour le peuple est grande...»
+
+Le 10 mars, les délégations des paysans ont été reçues au palais et le
+tsar leur fit un accueil émouvant, embrassant les chefs de ces
+délégations qui furent retenues à dîner.
+
+Cependant que, dans tout l'empire, l'affluence joyeuse et enthousiaste
+aux revues, aux illuminations, aux spectacles, témoignait 'que la fête
+de la dynastie demeurait bien la fête nationale, et que c'est encore et
+toujours la _Vie pour le Tsar_ qui se joue sur la grande scène
+populaire.
+
+[Illustration: Sur le trajet, entre le Palais d'hiver et la Cathédrale
+de Kazan.--La foule est nombreuse derrière la haie de soldats, mais
+toutes les fenêtres sont fermées par mesure de police.]
+
+[Illustration: Devant la cathédrale de Kazan pendant la célébration de
+l'office divin en présence de la famille impériale.]
+
+LA CÉLÉBRATION DU TRICENTENAIRE DE LA DYNASTIE DES ROMANOF, A
+SAINT-PÉTERSBOURG.
+
+_Photographie C. O. Bulla._
+
+LE TRICENTENAIRE DE LA DYNASTIE DES ROMANOF Le tsar Nicolas II et le
+tsarévitch Alexis quittent la cathédrale de Kazan après la cérémonie
+religieuse du 6 mars (21 février du calendrier russe). _Phot. A. Otzoup,
+photographe de la Cour.--Voir!'article aux pages précédentes._
+
+
+
+[Illustration: Les contrastes de Pékin: l'antique chaise à porteurs et
+la «reine bicyclette».]
+
+UN MOIS A PÉKIN
+
+VI.--LE PROGRÈS CONTRE LE PASSÉ
+
+20 juin.
+
+Je vous ai déjà dit que les chaises à porteurs avaient presque
+complètement disparu de Pékin. J'en ai pourtant rencontré ces jours-ci
+une, bien amusante, et très ancien régime. Portée par deux mules, elle
+longeait paisiblement la muraille de la ville impériale par-dessus
+laquelle un pavillon en ruines dressait, au milieu de la verdure, son
+toit aux tuiles d'or mélangées d'herbes folles. Un serviteur à pied
+menait par la bride la mule de tête tandis qu'un autre, à cheval,
+fermait la marche. Le propriétaire, qui devait être quelque rural aisé
+des environs, accroupi dans l'étroite caisse, fumait sa pipe, très
+dignement.
+
+Rien d'européen dans ce coin désert, pas un poteau télégraphique en vue;
+on aurait pu se croire dans le Pékin du temps de Kang Hi.
+
+Comme je m'extasiais, un cycliste en robe lilas, très jeune Chine,
+coiffé d'un élégant canotier et chaussé de bottines jaunes, dépassa
+soudain à toute pédale l'antique équipage. Ce fut pour moi, durant une
+seconde, une saisissante vision résumant l'état actuel du vieil empire.
+Et, vraiment, la bicyclette et son cycliste étaient en ce lieu quelque
+chose de choquant et de déplacé; je ressentis une impression analogue à
+celle que j'éprouve devant une belle chaumière ou un joli coin de
+paysage de chez nous souillé par quelque révoltant panneau-réclame.
+
+[Illustration: Le mandarin d'aujourd'hui et son escorte à
+l'occidentale.]
+
+Comme pendant à ce croquis en voici un qui vous donnera l'aspect d'un
+autre Pékin, celui que les révolutionnaires sont en train de nous
+fabriquer.
+
+C'est à l'arrivée du train de Tien Tsin, un jour de pluie, un mandarin
+nouveau style qui vient de débarquer. Il est monté dans son coupé dont
+les glaces sont remplacées par des persiennes aux lames rabattues. Sur
+les dalles de marbre disloquées, la voiture file en cahotant avec fracas
+vers la ville chinoise. Montés sur des bidets mongols assez laids, des
+cavaliers l'escortent; ils sont armés de carabines à répétition et vêtus
+de toile kaki avec, aux manches, des galons de grade en coton blanc;
+comme coiffures des canotiers et des panamas. Ce sont les satellites
+particuliers du moderne _Ta jen_ qui, lui, est en veston et chapeau de
+paille.
+
+Dans ce tableau tout se tient: la vilaine gare, la rangée des boutiques
+récemment déposées le long du mur de Tien Men, les poteaux pour
+l'éclairage, le télégraphe et le téléphone, constituent un cadre bien
+digne de ce cortège et du Progrès qu'il représente.
+
+... A l'occasion du jour de naissance du roi George, il y a eu, l'autre
+jour, revue solennelle sur le glacis anglais, réception à la légation et
+dîner de gala à l'Hôtel des Wagons-Lits. Le manager s'était assuré le
+concours de la musique des «Somerset» qu'on a fait, à grands frais,
+venir de Tien Tsin. Depuis huit jours, l'événement était annoncé par la
+voie de la presse et par des prospectus invitant les amateurs à retenir
+leurs tables le plus tôt possible. Tout Pékin-Légations répondit à cet
+appel; la vaste salle à manger était débordante de dîneurs sur lesquels
+la «band» déversait de copieux et assourdissants flots d'harmonie. Ce
+fut, ensuite, une soirée dansante fort animée. Tout ce que le corps
+international d'occupation compte d'officiers, jeunes ou mûrs, fervents
+de la valse ou du tango, s'était mobilisé pour assurer le service
+chorégraphique et les danseuses ne chômèrent point. La seule chose
+regrettable, à mon gré, fut l'absence complète d'uniformes: rien que des
+habits, des smokings blancs ou noirs et des «Eton», ce drôle de petit
+veston de pâtissier, pas plus long que le gilet, si dangereux à porter
+parce que facilement ridicule. Tout le corps diplomatique était présent,
+nombreuses les élégantes, dont quelques-unes très jolies et très
+entourées. On remarquait même deux couples _Jeunes Chinois_ très dans le
+train: les maris en parfaits gentlemen et les dames en combinaison, si
+j'ose dire, moitié chinoise, moitié je ne sais quoi, avec des coiffures
+ni l'un ni l'autre et des lunettes d'or. L'une d'elles, m'a-t-on dit,
+est suffragette, et s'est faite, à Pékin, l'apôtre des droits civiques
+de la femme. Déjà!
+
+Enfin, cette soirée aurait été tout à fait charmante si elle n'avait eu
+pour principal résultat de m'empêcher de dormir jusqu'à une heure fort
+avancée de la nuit.
+
+LES BONS DOMESTIQUES
+
+De temps en temps, un des nombreux boys qui servent à table se fait
+couper la natte; ils sont bien une cinquantaine dont la moitié est
+encore fidèle à la vieille coiffure nationale; de la moitié moderniste,
+les uns se sont fait raser complètement la tête et attendent que tout
+repousse à la fois; les autres ont conservé une certaine longueur de
+leur tresse dont ils se servent pour recouvrir la partie rasée de leur
+crâne jusqu'à ce qu'elle soit, elle aussi, garnie de cheveux; ce qui
+leur fait de drôles de figures. Ils n'ont pas encore la veste et le
+tablier de nos garçons de café: ils attendent probablement que la
+République soit mieux assise pour lui témoigner leur indéfectible
+attachement en dépouillant la livrée du régime déchu. Ils portent la
+longue robe de toile bleue, fendue sur le côté, bordée d'un mince galon
+blanc au col et aux poignets, recouvrant le caleçon blanc serré aux
+chevilles. Leurs pieds chaussés de pantoufles feutrées, légèrement
+retroussées du bout, glissent, empressés et silencieux, sur les parquets
+et les tapis, autour des tables et dans les couloirs.
+
+Les Chinois sont très observateurs, dit-on. Chez les boys d'hôtel, cette
+faculté est précieuse, car les quelques mots européens qu'ils écorchent
+en les disant, ou entendent de travers, ne seraient pas suffisants pour
+se faire servir même approximativement. Ils s'intéressent à leurs
+clients, et, pour peu qu'on soit livré pendant quelques jours aux bons
+soins du même boy, il arrive à connaître vos habitudes et semble
+éprouver une vraie satisfaction à prévenir vos désirs; c'est peut-être
+tout simplement la gloriole d'avoir fait preuve d'intelligence.
+
+Dernièrement, je voulais obtenir du mien une carotte crue dont j'avais
+besoin pour humecter un peu ma provision de tabac que la chaleur avait
+rendu sec comme un coup de trique. J'essayai vainement de me faire
+comprendre en français; en anglais, je ne fus pas plus heureux, le mot
+se prononçant exactement de la même façon, sauf qu'il y a deux r en
+anglais et pas d'e muet. Enfin, je me décidai à faire un dessin et, pour
+plus de précision, je coloriai en rouge et en vert le légume et son
+feuillage. Mon boy, ravi, partit en courant et me rapporta un radis.
+J'avoue qu'à ce moment j'ai douté de mon talent. Il faut vous dire qu'à
+l'École des Beaux-Arts on ne m'a jamais appris à dessiner une carotte.
+Dieu sait, pourtant, la quantité de navets que nous devons à
+l'enseignement officiel! Il faut vous dire aussi que les radis, à Pékin,
+sont énormes et de forme très allongée; cette circonstance, jointe à
+l'étrangeté de ma demande, excusait donc l'erreur du boy. Devant mon
+geste de refus découragé, le Chinois s'en fut chercher, derrière la
+porte, la carotte demandée dont il s'était muni, à tout hasard, pour le
+cas où le radis n'aurait pas fait mon affaire. Alors j'ai repris
+confiance en moi-même, et le boy, enchanté et fier de sa perspicacité,
+est allé raconter à ses camarades qu'il avait un drôle de client, qui
+mangeait des carottes crues entre ses repas.
+
+Car les Chinois sont très portés à l'exagération.
+
+Les domestiques indigènes font le désespoir des maîtresses de maison.
+Les Européennes de toutes nations sont unanimes à déclarer qu'il est
+aussi impossible de se soustraire à leurs malices, à leurs fantaisies, à
+leurs gaspillages, que de les empêcher de voler.
+
+Le vol domestique est une institution officielle dont le fonctionnement
+a été expliqué bien des fois par les auteurs qui ont écrit sur la Chine.
+C'est, en grand et en très perfectionné, le sou du franc de nos
+cuisinières, et cela prouve, une fois de plus, que les Chinois avaient
+tout découvert avant nous. L'anse du panier dansait dans l'Empire du
+Milieu bien avant que les paniers fussent inventés à Paris.
+
+[Illustration: LA VIE MONDAINE A PÉKIN,--Une soirée à l'Hôtel des
+Wagons-Lits.]
+
+C'est comme le syndicalisme: les principes en sont appliqués ici dans
+toute leur rigueur et avec la discipline la plus inflexible. Un boy qui
+se considère comme injustement congédié entraîne avec lui tous ses
+camarades, et la maison est mise à l'index. Impossible de trouver
+d'autres serviteurs tant que l'injustice n'est pas réparée. Il est
+arrivé qu'un malheureux ménage, nouveau venu, abandonné par ses
+domestiques à la suite d'une histoire de ce genre et dans
+l'impossibilité absolue d'en recruter d'autres, alla prendre ses repas
+chez un ami compatissant. Le premier jour, tout alla bien: le mari
+disait: «Il faut montrer de la fermeté, ne pas céder devant ces
+exigences intolérables, le prestige européen est en cause, etc.» Le
+second jour, le cuisinier en chef de l'ami hospitalier vint trouver son
+maître et lui demanda si le ménage Un Tel viendrait encore déjeuner et
+dîner. Le maître, quelque peu suffoqué, voulut bien, toutefois, car il
+cuisinait fort bien, répondre affirmativement à son serviteur, non sans
+lui demander de quoi il se mêlait et pourquoi il lui posait cette
+question. Le chef lui déclara alors que M. et Mme Un Tel ayant été
+boycottés par leur personnel, il était de son devoir à lui et à ses
+collègues de quitter le service de Monsieur si les victimes de
+l'interdiction syndicale parvenaient à se soustraire à ses effets en
+prenant pension chez Monsieur. Une invitation, de temps en temps, passe
+encore, mais tous les jours, jamais! Monsieur, qui était gourmand,
+hésita entre le coeur et l'estomac: celui-ci l'emporta, comme toujours.
+M. et Mme Un Tel, bien chapitrés, se rendirent à discrétion et reprirent
+leur boy, dont ils n'eurent, du reste, pas à se plaindre plus que de
+raison par la suite.
+
+Et voilà qui pourrait expliquer l'origine du mot _boycotter_. Encore une
+invention chinoise!
+
+La jeune femme, un jour que la note avait été majorée plus que de
+coutume, voulut encore protester et décida de faire elle-même ses
+provisions. Vains efforts! Le tout fut cuit et préparé de si belle sorte
+que rien n'était mangeable. Il fallut céder de nouveau.
+
+[Illustration: UNE DES SORTIES DE PÉKIN: NAN SI HEU, LA PORTE DU
+SUD-OUEST. Dessin de L. Sabattier.]
+
+On me conte une autre anecdote, qui montre combien ces procédés sont
+considérés comme une chose toute naturelle par les Chinois. Le
+sous-directeur d'une banque ou d'une société quelconque fut appelé à
+remplacer pour quelque temps son chef, qui partait en congé: le jour
+même où il prit, par intérim, la direction de la maison, le prix des
+poulets et du reste augmenta chez lui dans de notables proportions;
+étonnement, questions auxquelles le chef cuisinier répondit simplement
+que Monsieur était directeur, maintenant, et qu'il devait payer plus
+cher, étant plus fortement appointé. Il fallut lui expliquer et lui
+prouver que, si Monsieur remplissait les fonctions de directeur, ce
+n'était que provisoirement et que ses appointements restaient les mêmes.
+Ces raisons furent jugées bonnes et les denrées revinrent à leurs prix
+ordinaires.
+
+Il est des forces contre lesquelles on ne lutte pas.
+
+Des anecdotes de toute sorte, on vous en raconte par centaines; il en
+est qu'on entend plusieurs fois, avec des variantes, mais l'aventure est
+régulièrement arrivée à la personne qui vous la narre.
+
+ *
+ * *
+
+Un défaut commun à beaucoup de coloniaux et que je retrouve ici, chez
+quelques jeunes débarqués--heureusement fort rares--a le don de
+m'exaspérer: c'est celui qui consiste à traiter en êtres inférieurs les
+habitants du pays où l'Européen est arrivé en intrus ou en conquérant,
+avec des canons et des fusils, et à ne vouloir connaître que les coups
+comme forme de discussion. Si ce raisonnement était juste, il faudrait
+admettre la réciproque et ne pas crier quand l'être inférieur se
+rebiffe, ou, alors, s'il est dans l'impossibilité de répondre, c'est de
+la lâcheté.
+
+Rien ne m'est plus pénible que de voir un blanc, un Européen, un
+Français, frapper, même légèrement, un pousse-pousse pour le faire aller
+plus vite.
+
+Je répète que le cas est très rare et que ce sont les tout jeunes gens
+irréfléchis qui se livrent à ces actes de brutalité qui ont, en outre,
+l'inconvénient d'être impolitiques au plus haut point. De petites causes
+peuvent produire un effet désastreux et la violence d'un isolé peut
+avoir des conséquences incalculables pour la communauté.
+
+LA COLONIE FRANÇAISE A PÉKIN
+
+La légation de France, reconstruite, comme la plupart des autres, après
+les événements de 1900, est, si on la compare à ses voisines qui lui
+servent de repoussoir, d'une grande sobriété de lignes. Son auteur
+n'avait pas encore inventé le style Fallières. Par un hasard
+inconcevable, elle est la seule dont l'entrée soit agrémentée de tas de
+cailloux, destinés à l'entretien de la rue. Et ces cailloux doivent être
+là depuis longtemps, car, à mon arrivée, il y a un mois, une végétation
+assez luxuriante les ornait déjà.
+
+C'est un coin bien parisien, et les jeunes attachés, en passant devant
+cet encombrement provisoire, peuvent rêver du Boulevard qu'ils viennent
+de quitter.
+
+[Illustration: M. P. de Margerie, ministre de France, Actuellement
+directeur adjoint des affaires politiques au ministère des Affaires
+étrangères.]
+
+Notre sympathique ministre, M. de Margerie, n'assistera pas à la mise en
+oeuvre de ces matériaux, car, appelé à un poste important au ministère
+des Affaires étrangères, il quitte Pékin dans quelques jours, au grand
+regret de tous les Français, des Européens et aussi des Chinois, qui
+avaient pu apprécier son caractère à la fois ferme et conciliant, sa
+droiture et son exquise urbanité.
+
+En attendant l'arrivée de son successeur, la légation sera gérée par le
+premier secrétaire, M. F. Georges-Picot, fils de l'illustre économiste,
+membre de l'Institut.
+
+M. Georges-Picot, qui fut déjà chargé d'affaires lors du départ du
+prédécesseur de M. de Margerie, est la distinction et l'aménité mêmes,
+ce qui n'exclut pas, chez lui, la volonté et la force de caractère.
+C'est une belle et fine figure de diplomate, et je le vois très bien
+dessiné par Ingres, en habit à haut collet, culotte et bas de soie.
+
+[Illustration: M. Georges-Picot, premier secrétaire de la légation de
+France.]
+
+Le personnel diplomatique français est complété par MM. Blanchet,
+consul, premier interprète, sinologue érudit et pratiquant, travailleur
+acharné, que ses occupations très absorbantes n'empêchent pas d'être
+aimable et accueillant, Viennent ensuite les jeunes et sympathiques
+attachés, MM. Valentin, Rhein et Dozon, qui font ici leurs _premières
+armes_ dans la diplomatie. Et ce terme de premières armes pourrait bien,
+avant peu, ne plus être pris au figuré si les affaires continuent à ne
+pas s'arranger mieux. Mais les campagnes, c'est de l'avancement, et puis
+ça compte toujours pour la retraite.
+
+M. de Margerie, qui est le beau-frère de Rostand, a pour secrétaire
+particulier son neveu, M. Gérard Mante, jeune, fougueux, sportif et
+charmant, le plus agréable compagnon d'excursion qui se puisse voir.
+
+L'élément militaire est représenté par le commandant Vaudeseal, le
+médecin-major de première classe Hazard, le capitaine Collardet, breveté
+d'état-major, attaché militaire, le capitaine Renaud, les lieutenants
+Marquer, Delafond, Ménigoz, Klepper, Grovalet et l'aide-major Guy, qui
+ont, presque tous, déjà vu le feu, soit ici, soit au Tonkin ou en
+Afrique, et qui sont prêts à faire leur devoir, vaillamment et gaiement,
+à la française, dès que l'occasion s'en représentera.
+
+Mmes de Margerie et Georges-Picot étant, depuis quelque temps, rentrées
+à Paris, la partie féminine des habitants de la légation de France se
+trouvait réduite, ces jours derniers, à la toute gracieuse Mme
+Collardet, qui, à son tour, vient de quitter Pékin pour aller, avec ses
+enfants, passer les mois de grosse chaleur à Chan Haï Kouan, au bord de
+la mer, dans une pagode transformée en maison de campagne.
+
+Chan Haï Kouan, à douze heures de chemin de fer de Pékin, est le
+Trouville du Tché Li; c'est là que la Grande Muraille vient aboutir à la
+mer. Les résidants qui peuvent quitter la capitale pendant quelques
+semaines y vont, à la chaude saison (41° à l'ombre aujourd'hui) se
+reposer et respirer autre chose que de la poussière. Ceux que leurs
+occupations retiennent à la ville y envoient leurs femmes et leurs
+enfants; le vendredi ou le samedi ils prennent le train des maris et
+reviennent, le lundi, à leurs bureaux. Quelques-uns, plus fortunés ou
+jouissant de plus de loisirs, vont passer l'été au Japon.
+
+Au bord de la mer, comme à Tien Tsin ou à Pékin, les distractions
+mondaines tiennent une large place dans l'existence de la population
+européenne.
+
+[Illustration: L'entrée de la légation de France.]
+
+[Illustration: Pékin sportif: le tennis à l'«International Club».]
+
+Les visites, les thés, les dîners, les réceptions, le cheval, l'escrime,
+le tennis, le bridge, les courses et les réunions sportives, sans
+oublier la chasse et les excursions, sévissent, dans toute l'étendue de
+l'extraordinaire garnison internationale, avec autant d'intensité et
+d'entrain que dans nos villes d'eaux les plus fréquentées. Il ne manque
+ici que le théâtre,--cela pour ceux dont le théâtre est la grande
+distraction.
+
+Pour ma part, je ne me suis jamais tant _habillé_, et vous savez si
+c'est mon genre! Mais je compte cette sujétion au nombre des
+inconvénients du voyage, avec la poussière, la nourriture d'hôtel et le
+change des monnaies.
+
+Je n'ai pu, faute de temps, me mettre en relations avec tous les
+Français de Pékin, et je le regrette vivement, ceux que j'ai pu
+connaître m'ayant fait bien augurer des autres et m'en ayant dit
+beaucoup de bien. Je vous citerai pourtant les noms de MM. Cazenave,
+ancien ministre plénipotentiaire, directeur de la Banque de
+l'Indo-Chine, Piry, directeur, et Roux-Lacordaire, sous-directeur des
+postes chinoises, Millorat, directeur du chemin de fer du Chan Si,
+Delon, de la poste française, vieux Parisien, quoique méridional, de
+Rotrou, inspecteur du Chemin de fer Pékin-Hankeou, Redelsperger, etc.
+
+Je m'en voudrais d'oublier dans cette rapide énumération deux jeunes
+gens de passage ici, deux Français de la bonne espèce, comme on aime à
+en rencontrer en pays étrangers où ils sont de vivants et sains
+échantillons de notre race bien portante de corps et d'esprit.
+
+L'un, M. F. Bernot, agrégé de l'Université, est titulaire d'une bourse
+de voyage qui lui permet de faire, en deux ans, le tour du monde à son
+gré, à sa fantaisie, sans obligations, sans programme si ce n'est
+celui-ci: «Regarde, compare, instruis-toi.» Voilà qui est autrement
+compris que notre prix de Rome, si suranné. M. Bernot est arrivé à Pékin
+quelque temps avant les troubles de février dernier. Il a assisté à
+quelques nuits tragiques, à des journées mouvementées, ce qui ne l'a pas
+empêché d'être, comme tant d'autres, séduit par ce pays, et il y est
+encore.
+
+L'autre, M. L. Aurousseau, est lauréat de l'École des Langues orientales
+et pensionnaire de l'École française d'Extrême-Orient à Hanoï. Il est
+chargé de rechercher, en Chine, pour la bibliothèque de ce dernier
+établissement, des ouvrages et des manuscrits, des éditions rares, des
+textes anciens. C'est un digne émule de Pelliot: il en a la science,
+l'ardeur et le courage: le succès viendra.
+
+LE CHAPITRE DES TOILETTES
+
+La très importante question des toilettes prend des proportions
+insoupçonnées pour mesdames les résidantes. Elles sont obligées d'avoir
+recours à toutes sortes de combinaisons pour recevoir de Paris leurs
+robes et leurs chapeaux avant qu'ils soient démodés. La France, on ne
+sait pourquoi, est le seul pays d'Europe qui n'expédie pas ses colis
+postaux en Extrême-Orient par le Transsibérien. Ce service se fait par
+mer. La durée du voyage étant de quarante jours environ, de Marseille à
+Pékin, au lieu de treize que met le chemin de fer, vous pouvez vous
+rendre compte de ce que doit souffrir, ici, une pauvre élégante
+attendant un envoi de sa couturière ou de sa modiste. Considérez qu'une
+lettre met, par la Sibérie, quinze jours pour aller du quartier des
+Légations à la rue de la Paix; admettez que la commande soit claire et
+ne donne lieu à aucune méprise; supposez qu'il n'y ait aucun retard et
+que le travail soit fait en huit jours; il faut aussi que l'expédition
+coïncide avec le départ d'un paquebot (ce qui peut faire une différence
+de quelques jours); ajoutez les quarante jours de mer; cela donne, en
+mettant les choses au mieux, deux bons mois pendant lesquels tout peut
+avoir été bouleversé dans la mode.
+
+C'est là un douloureux problème que quelques maisons de commerce
+essaient de résoudre en adressant le précieux colis à leur correspondant
+de Berlin ou de Moscou qui se chargera de le réexpédier en Chine par ce
+Transsibérien interdit aux postaux français. Mais c'est encore une perte
+de temps considérable et, pour peu que la malechance s'en mêle, il peut
+arriver que ce soit aussi long que par le bateau, et même plus.
+
+Pour une légère robe de soirée, le meilleur moyen est encore de se la
+faire envoyer sous enveloppe affranchie comme lettre recommandée,--via
+Sibérie. On a droit à un kilogramme. Au besoin on peut diviser l'objet
+en deux parties qu'on rajustera facilement à la réception. Du reste,
+aujourd'hui, il ne doit pas y avoir beaucoup de robes--de robes du soir,
+surtout--qui pèsent un kilo. Pour les chapeaux, le moyen est absolument
+impraticable, car, bien qu'il n'y ait pas de limites comme dimensions,
+la poste refuserait un pli n'ayant pas, au moins vaguement, la forme et
+l'aspect d'une lettre.
+
+Vous le voyez, tout n'est pas rose pour ces malheureuses femmes.
+L'arrivée d'une voyageuse élégante est toujours, pour, elles, un
+événement considérable et d'un passionnant intérêt. Les moindres détails
+de la toilette nouvellement débarquée sont aussitôt, de leur part,
+l'objet d'un examen minutieux et approfondi; rien ne leur échappe, en ce
+fiévreux inventaire, des plus légers changements survenus dans la coupe
+d'un revers, la hauteur d'une martingale, la façon de ne pas boutonner
+un gant, de nouer et d'épingler la voilette, dans les mille petites
+particularités, enfin, de l'équipement féminin sur quoi les moniteurs
+illustrés de la Mode fugace ne donnent, pour ne pas se compromettre, que
+de rares et vagues renseignements.
+
+A la suite de ces constatations on peut souvent, par des moyens de
+fortune, faire subir à une toilette de rapides transformations qui
+permettront de ne pas avoir l'air trop en retard sur la nouvelle venue.
+Pensez donc que, si le sac à main, par exemple, venait à être supprimé,
+ou les fleurs sur les chapeaux rétablies, on ne le saurait, ici, que
+quinze jours plus tard, à moins qu'une amie véritable ne vous en
+prévienne par un télégramme à cent sous le mot.
+
+Les plus sportives parmi les résidantes font, à cheval, des promenades
+aux environs; mais il faut être vraiment passionné d'équitation, car je
+ne connais rien d'abominable comme les routes de ce pays. Que ce soit à
+l'intérieur de la ville ou dans la campagne, c'est la poussière--et
+quelle poussière!--ou la boue,--et quelle boue! Il est vrai que, hors de
+l'enceinte, les chemins sont très peu fréquentés et qu'on laisse
+derrière soi sa propre poussière; mais, rien que pour sortir de Pékin,
+il faut faire 4 ou 5 kilomètres au milieu de la cohue, dans le suffocant
+et malodorant nuage jaune soulevé par les charrettes, les pousse-pousse,
+les piétons, les ânes, les chevaux, les mulets et les chameaux.
+
+Quand le vent s'en mêle, il n'y a qu'à rester chez soi.
+
+Aussi le tennis est-il le sport le plus apprécié. Il compte de très
+nombreux fervents, parmi lesquels jusqu'à des Chinois et des Chinoises,
+épris de modernisme. Dans les différents clubs de Pékin, les parties
+quotidiennes sont très animées. Autour des joueurs on prend le thé et
+l'on bavarde pendant qu'un orchestre chinois des plus européanisés fait
+entendre, aux jours de réceptions, des danses américaines ou des airs de
+café-concert allemand.
+
+DERNIÈRES HEURES DE PÉKIN
+
+22 juin.
+
+Le jour du départ est arrivé bien vite. Nous sommes allés, hier soir,
+avant dîner, prendre l'air sur la muraille dont le faîte dallé, large
+comme une avenue, émerge au-dessus de l'habituelle couche de poussière.
+Après la lourde chaleur de la journée il faisait relativement frais dans
+la faible brise du nord qui éloignait de nous les fumées de l'odieuse
+gare collée au long du rempart mandchou.
+
+Du quartier commerçant de la ville chinoise, par delà Tien Men, monte,
+atténuée, l'incessante clameur du peuple mystérieux. Les lampes
+électriques s'allument. Une publicité lumineuse à éclipses, au coin de
+la rue des Lanternes, jette, à intervalles réguliers, ses aveuglants
+éclats dans la poussière du carrefour. De temps en temps, à nos pieds,
+siffle une locomotive en manoeuvre. Dans le ciel, encore clair, du
+couchant, au-dessus de la formidable silhouette de la porte impériale,
+un vol d'aigrettes passe, semblant surgir des toitures d'or de la Ville
+Interdite qu'on distingue confusément dans l'ombre croissante. A
+l'intérieur de la muraille, les bâtiments et les jardins des Légations
+et l'horrible bâtisse des Wagons-Lits ont presque disparu dans la nuit,
+mais les alignements des fenêtres en sont brutalement indiqués par
+l'éclairage intérieur, et de puissantes lampes à are découpent de dures
+ombres aux murs et sur le sol, pendant que l'obscurité s'épaissit sur
+les dalles dénivelées et sur les créneaux délabrés envahis par des
+végétations de ruines.
+
+On ne peut pas venir à Pékin sans goûter aux fameux nids d'hirondelle,
+ailerons de requin, pousses de bambou et autres mets célèbres. Nous
+sommes donc allés, en compagnie de M. et Mme O'Neil et de M. Baudez,
+dîner dans un des grands restaurants de la cité commerçante. Tout le
+monde a entendu parler des innombrables et invraisemblables plats qui
+composent un menu chinois. Je ne vous donnerai donc pas la longue liste
+de ce qu'on nous a servi, dans le salon éclairé à l'électricité et d'une
+saleté bien locale, où notre couvert se trouva mis. Sur une nappe plus
+que douteuse étaient amoncelés, dans de petites soucoupes, les trente ou
+quarante variétés de sucreries, salades et fruits qui sont les
+hors-d'oeuvre. Devant chaque convive, à côté des bâtonnets d'ébène, une
+provision de petits carrés de papier pour s'essuyer les doigts et la
+bouche.
+
+Sous la direction d'un maître d'hôtel à la natte somptueuse et au
+sourire engageant, les plats défilent, défilent, tous moins excitants
+les uns que les autres. A part quelques fruits confits et des foies de
+canards vraiment délicieux, je n'ai rien trouvé de mangeable dans toutes
+ces extravagances. Je ne serais même pas éloigné de croire que les
+malicieux Chinois se moquent de nous en nous les servant. Il n'est pas
+possible qu'ils mangent toutes ces choses-là, et, pour moi, c'est une
+cuisine qu'ils ont inventée à l'usage des voyageurs avides d'étrangetés
+et désireux de pouvoir raconter, en rentrant chez eux, des choses
+extraordinaires.
+
+Ce qu'il y a de certain, c'est que toutes ces nourritures affolantes
+sont très mauvaises, du moins à mon goût, car le ménage O'Neil prétend
+se régaler.
+
+Le retour en pousse-pousse, la nuit, par les étroites rues encombrées
+d'une cohue glapissante, est une des choses les plus fantastiques qui se
+puissent voir. Ah! dans l'ombre, les étranges faces aux yeux de mystère,
+aux regards de chats! Une sorte d'angoisse finit par vous pénétrer et
+vous étreindre au milieu de ce grouillement dans l'obscurité; ces
+hurlements, ces vociférations forcenées, qu'on est porté à croire
+hostiles, cette foule s'ouvrant de mauvaise grâce pour vous laisser
+passer et se refermant sur vous avec, semble-t-il, des airs de menace,
+vous donnent une sensation de cauchemar, et c'est avec un réel
+soulagement que je me suis retrouvé dans le calme quartier des
+Légations.
+
+Le thermomètre marque, aujourd'hui, 42° à l'ombre. Dans les bureaux de
+la banque où je suis allé retirer mes fonds avant le départ, les
+employés anglais, en bras de chemise, fument leurs pipes en attendant
+l'heure du tennis. Les commis chinois, du bout délié de leurs doigts de
+pianistes, manipulent les billes des abaques sur lesquels ils semblent
+exécuter de vertigineuses symphonies financières.
+
+J'ai voulu emporter, à titre de curiosité, quelques-uns de ces _taëls
+_dont on parle tant et qu'on ne voit jamais. Ce sont de petits lingots
+d'argent d'un poids assez variable et d'une valeur approximative d'un à
+deux dollars mexicains. Ils représentent la plus grande partie de
+l'encaisse métallique des nombreuses banques, officielles ou privées,
+dont le papier remplace cette encombrante monnaie. Le malheur est que ce
+papier si commode n'a qu'un cours très limité et qu'il faut en changer à
+chaque instant: celui de Changhaï ne vaut rien à Tien Tsin et Pékin
+n'accepte ni l'un ni l'autre. On perd au change, naturellement, et on
+reçoit, par-dessus le marché, un certain nombre de billets faux qu'un
+touriste est absolument incapable de distinguer des vrais. Mais ceci
+n'est pas une spécialité de la Chine.
+
+Les lingots, tout en n'offrant guère plus de garanties contre la fraude,
+ont, au moins, le mérite du pittoresque. Chacun d'eux porte, imprimé
+dans le creux produit par le refroidissement du métal, le caractère qui
+signifie _bonheur_. Ce qui semblerait indiquer que, pour les Chinois, à
+rencontre de notre proverbe, l'argent est une source de félicité. Ce
+caractère est très employé en Chine, on l'écrit partout, on en fait des
+bijoux et des ornements. Dans un dictionnaire de caractères sigillaires
+je trouve cent six manières de le dessiner. Mais celui qui détient le
+record de la diversité c'est _longévité_ avec deux cent quatre-vingt-dix
+formes différentes. Et cela nous prouve que leur indéniable mépris de la
+mort n'empêche pas les Célestes d'aimer la vie.
+
+A la Pagode du Mulet, où les fidèles viennent déposer leurs offrandes
+aux pieds des nombreux bouddhas dispensateurs, l'autel le plus
+fréquenté, le mieux épousseté et le plus encombré d'_ex votos_ est celui
+du dieu présidant à la longue vie.
+
+Viennent ensuite ceux de qui dépendent la réussite dans les examens,
+l'obtention des charges et honneurs, la richesse et le bonheur (qui ne
+font qu'un), la postérité. Les vertus et les talents sont moins demandés
+et une épaisse couche de poussière empêche de se rendre un compte exact
+de la spécialité des autres influences divines.
+
+ *
+ * *
+
+Sur le quai de la gare de nombreux compatriotes sont venus nous serrer
+la main. Ce n'est pas sans une petite pointe d'émotion que nous les
+quittons; tous se sont évertués à nous rendre agréable notre trop court
+séjour à Pékin et ils y ont réussi.
+
+Je suis heureux de terminer ces lignes en adressant mes meilleurs
+souvenirs aux Français de Pékin.
+
+L. SABATTIER.
+
+P. S.--J'apprends, d'une source autorisée, que, dans six mois, des
+tramways à trolley circuleront dans la capitale de l'Empire du Milieu.
+
+[Illustration: _(Longévité.) (Bonheur.)_]
+
+
+
+[Illustration: LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DINE CHEZ SES CONFRÈRES DU
+BARREAU Au fond, la table d'honneur.--Phot. A. Braunstain.]
+
+L'un des soirs de la dernière semaine, sans protocole, Me Raymond
+Poincaré, président de la République française, s'en alla dîner chez ses
+«confrères», les avocats du barreau de Paris. Mille convives s'étaient
+réunis rue Saint-Martin, dans l'immense hall à deux étages du Palais des
+Fêtes de Paris. M. Raymond Poincaré trouva là pour l'accueillir, autour
+du bâtonnier de l'ordre, Me Fernand Labori, plusieurs membres du
+gouvernement et tout ce que le barreau compte, à Paris et en province,
+d'illustrations. Au nom du Conseil de l'ordre, Me Labori salua le chef
+de l'État:
+
+--Monsieur le président de la. République cher et illustre confrère....
+commença-t-il.
+
+Et il évoqua ceux qui ayant appartenu au barreau furent élevés aux
+suprêmes magistratures--un pape du treizième siècle, et un roi du
+vingtième: Edouard VII--pour féliciter ensuite l'ordre d'avoir donné à
+la France son président d'aujourd'hui.
+
+Lorsque, pour serrer les mains du bâtonnier, M. Poincaré se leva, ce fut
+une ovation indescriptible de toute la salle qui s'était levée aussi
+d'un même élan. Et le président de la République trouva les mots les
+plus heureux et les plus éloquents pour faire l'éloge de ce cher barreau
+parisien qu'il aimait tant, qui l'avait grandi et où il demandait qu'on
+lui réservât la place qu'il comptait bien revenir prendre dans sept
+ans...
+
+
+
+[Illustration: Soldats à la corvée de neige.]
+
+[Illustration: AU CAMP SERBE.--Dans la tourmente.--Un canon à demi
+enseveli.--_Photographies S. Tchernof._]
+
+[Illustration: Les soldats bulgares se sont improvisés «sculpteurs
+animaliers».--_Phot. du lieut. G. Staïnof._ LA TRÊVE DE LA NEIGE]
+AUTOUR D'ANDRINOPLE.
+
+_Mieux que tout commentaire, ces photographies expliquent la longue
+inaction des troupes réunies autour d'Andrinople: la neige leur
+imposait, comme à l'armée turque de Tchataldja, une trêve naturelle, qui
+arrêta l'effort des combattants et empêcha toute opération. Partagés
+entre les corvées que nécessitaient les amoncellements de neige et les
+rudes factions dans la tourmente, luttant sans cesse contre le froid qui
+mord sous les capuchons et les couvertures, les soldats bulgares et
+serbes mènent une dure vie, qu'ils s'ingénient pourtant à égayer, à
+force d'entrain et de belle humeur. Déjà la neige a commencé à fondre,
+et d'épais bourbiers lui succèdent._
+
+[Illustration: Le camp du 9e régiment serbe après une tempête.--_Phot.
+S. Tchemo._]
+
+[Illustration: L'enlèvement d'un blessé: au tond, deux trous creusés par
+les obus ennemis.]
+
+[Illustration: CHEZ LES BULGARES.--Amusements. _Photographies du lieut.
+G. Staïnof._]
+
+[Illustration: Le déblaiement d'une tranchée obstruée par deux mètres de
+neige.]
+
+[Illustration: Soldats serbes en faction, par un froid terrible, à 300
+mètres des avant-postes turcs.--_Phot. S. Tchernof._ LA TRÊVE DE LA
+NEIGE AUTOUR D'ANDRINOPLE]
+
+
+
+A WASHINGTON
+
+LE NOUVEAU PRÉSIDENT
+
+M. Woodrow Wilson, élu président de la République des États-Unis le 5
+novembre dernier, a pris, le mardi 4 mars, possession de ses nouvelles
+fonctions.
+
+[Illustration: Devant le Capitole: M. Woodrow Wilson lisant son message.
+Assis derrière lui, son prédécesseur, M. Taft.]
+
+Son prédécesseur, M. Taft, quitta joyeux, en plaisantant avec ses amis,
+la résidence présidentielle, la Maison Blanche; M. Woodrow Wilson, a
+remarqué le reporter du _New York Herald_, était grave et portait déjà
+sur son «masque étroit» la trace des préoccupations que peut bien
+engendrer la lourde tâche de gouverner 90 millions de citoyens.
+Pourtant, le ciel était serein, et ce beau temps permit que le nouveau
+président fût «inauguré», selon l'expression américaine, en plein air,
+sur la terrasse du palais législatif. Le peuple put donc voir, avec
+émotion, son premier magistrat prêter serment à la constitution entre
+les mains du juge White, président de la Cour suprême, puis
+entendre--ceux-là, du moins, des spectateurs qui avaient pu s'approcher
+assez--la lecture du message présidentiel. Des bravos enthousiastes
+accueillirent et la formule du serment et la péroraison du discours; et
+on ne rit même pas, tant la solennité de l'acte était impressionnante,
+quand un plaisant, qui eût sans doute voulu voir M. Roosevelt aux côtés
+de M. Wilson et de M. Taft, lança d'une voix de stentor: «Où est
+Teddy?». Mme Woodrow Wilson et ses trois jeunes filles assistaient de
+l'intérieur du palais à la cérémonie.
+
+
+
+LES SUFFRAGETTES AMÉRICAINES
+
+Les suffragettes américaines n'avaient point voulu laisser échapper une
+si belle occasion de manifester en faveur de leur idée fixe. Elles
+avaient organisé un défilé monstre de plus de 9.000 personnes, qui se
+déroula d'abord en bon ordre. Mais, par suite de mesures de police trop
+rigoureuses, des rixes se produisirent bientôt. On avait eu recours à
+l'intervention de troupes de cavalerie, appelées de Fort Myer, pour
+dissoudre la procession des suffragettes. Celles-ci résistèrent. Il en
+résulta quelques plaies et bosses. Et, éparpillées par petits groupes,
+dames et demoiselles fanatiques du bulletin de vote se retrouvèrent dans
+un meeting où, en des discours véhéments, la police, le Parlement, le
+président lui-même, furent à leur tour copieusement houspillés.
+
+[Illustration: Le défilé d'une armée de 9.000 suffragettes dans les rues
+de Washington.]
+
+[Illustration: L'arrivée aux portes de la ville.]
+
+
+
+[Illustration: La réception des notables au consulat d'Espagne.--_Phot.
+Rectoret._]
+
+L'ENTRÉE DU GÉNÉRAL ALFAU À LA TÊTE DES TROUPES ESPAGNOLES A TÉTOUAN
+
+AU MAROC ESPAGNOL
+
+L'OCCUPATION DE TÉTOUAN
+
+_Notre correspondant de Madrid nous écrit:_
+
+L'Espagne a pu enfin réaliser le rêve, conçu depuis la conquête
+sanglante par O'Donnell, en 1860, de Tétouan, de réoccuper cette ville,
+ancien refuge des Maures expulsés d'Andalousie et future capitale de sa
+zone nord au Maroc.
+
+L'opération a été confiée au général Alfau, qui l'exécuta, à la fin du
+mois dernier, avec des forces d'environ deux mille hommes. Après avoir
+détaché en avant-garde deux compagnies de tirailleurs indigènes, qui
+s'emparèrent de la kasbah, et le tabor de police montée, il fit son
+entrée dans la ville, reçu en chemin par les autorités marocaines et
+salué par le corps consulaire.
+
+Cette opération sans coup férir a été facilitée par la politique
+d'attraction que les représentants de l'Espagne à Tétouan, et notamment
+le consul, M. Lopez Ferrer, pratiquaient depuis longtemps à l'égard des
+notables indigènes et de la nombreuse population Israélite (8.000
+habitants sur un total de 30.000). La colonie espagnole s'élève à
+Tétouan à plus de 600 âmes (le 80% de l'élément européen), quoique le
+commerce de l'Espagne y reste inférieur à celui de la France et de
+l'Angleterre. Malgré tous ces facteurs de succès, le mérite de
+l'occupation revient pour une bonne part au général Alfau, désigné comme
+futur haut commissaire de la zone espagnole.
+
+Agé de cinquante-cinq ans, marié à une Française originaire d'Algérie,
+pays qu'il connaît aussi bien que le Maroc, parlant couramment le
+français et l'arabe, le général Alfau a toujours témoigné envers notre
+pays des sympathies qui ne peuvent qu'améliorer les rapports et
+faciliter la tâche commune des deux nations au Maroc.
+
+J. CAUSSE.
+
+
+
+A CONSTANTINOPLE
+
+_D'une nouvelle visite faite aux avant-postes turcs de Tchataldja, notre
+collaborateur Georges Rémond a rapporté la, conviction que d'ici
+plusieurs semaines, à supposer que le beau temps revienne et dure, il ne
+pourrait y avoir, de ce côté, d'opérations sérieuses: c'est la trêve du
+dégel et de la boue après celle de la neige. A son retour à
+Constantinople, il devait être frappé, par le spectacle qu'offre cette
+grande ville sans âme, indifférente, semble-t-il, à tous les maux. Il
+nous adresse, à ce sujet, les lignes suivantes:_
+
+CARNAVAL ET INCENDIES
+
+Quelle étrange ville! et que de singulier contrastes elle offre! Le
+carnaval y bat son plein; il y a cinq bals par semaine; les masques et
+les dominos passent pêle-mêle dans la grande rue de Péra avec les
+blessés, avec les malades qu'on ramène des lignes de Tchataldja ou de
+Gallipoli, des hommes aux pieds gelés, aux mains mortes, et personne n'y
+fait attention. Il y a des incendies tous les jours; on entend le cri
+sinistre le celui qui annonce le feu; on voit passer au galop les pompes
+municipales, puis les bandes débraillées des «touloumbadjis» (pompiers
+volontaires) en costumes d'acrobates de barrière portant une pompe
+surmontée d'un ornement bizarre qui ressemble au Saint-Sacrement de nos
+processions; et une grande aurore rouge se lève sur Galata ou sur
+Stamboul. Cent maisons disparaissent un jour, cent cinquante le
+lendemain. Comment en reste-t-il encore? L'autre soir Sainte-Sophie a
+bien failli flamber; toutes les petites constructions de la place qui
+l'avoisine ont été consumées. Et, à part quelques visages entrevus de
+patriotes angoissés par l'incertitude de l'heure, pénétrés de tristesse,
+et redoutant les nouvelles négociations de paix avec abandon
+d'Andrinople dont on fait courir le bruit; à part l'expression des yeux
+d'un blessé passant à cheval au milieu de l'indifférence publique et
+qu'un camarade mène à l'hôpital, rien d'autre ou presque rien ne trahit
+tout cet amoncellement de défaite, de fin de tragédie, de fin de peuple
+qui pèse sur cette ville. En somme, personne ne voit cela. Et pour
+montrer un pareil spectacle, il ne faudrait pas seulement le décrire,
+mais inventer, en grand artiste, en historien véridique, et ayant une
+âme en plus des yeux, des figures qui donnent un nom, un sens, un
+sentiment à ce qu'il a d'impersonnel et d'anonyme.
+
+
+
+L'INCIDENT DE LA «SUZETTE-FRAISSINET»
+
+... Je viens de me rendre à bord de la _Suzette-Fraissinet_, le cargo
+français bombardé le 1er mars par les Bulgares. Le commandant Gibert m'a
+reçu et m'a dit qu'il se trouvait ce jour-là, par beau temps, à 4 h. 30
+de l'après-midi, à 24 milles de Gallipoli et passait à 3 milles de la
+côte. Il venait de Dédéagatch où il avait, avec l'autorisation des
+autorités bulgares, embarqué 128 réfugiés turcs dont beaucoup de femmes
+et d'enfants. A ce moment il avançait précédé par un vapeur anglais, le
+_Moeris_, et suivi par un italien, l'_Ausonia_, lorsque le premier,
+l'anglais, fut canonné par des batteries bulgares de la côte qui
+l'endommagèrent dans ses ouvres mortes. A son tour, la
+_Suzette-Fraissinet_ fut touchée à bâbord par le milieu, puis atteinte à
+l'avant par un boulet qui creva l'arrière de la cloison étanche séparant
+les cales numéros 1 et 2, traversa les deux tôles de blindage--en tout
+une épaisseur de 42 millimètres--et éparpilla plusieurs rangs de briques
+empilées contre la cloison. C'était là précisément que se trouvaient les
+réfugiés. Le commandant Gibert fit hisser au mât de misaine un pavillon
+neuf, mais sans que les Bulgares cessassent le feu. Neuf autres
+projectiles tombèrent autour du navire, heureusement sans l'atteindre;
+l'_Ausonia_ ne subit aucun dommage.
+
+GEORGES RÉMOND
+
+[Illustration: A Constantinople: Sainte-Sophie menacée par un incendie
+qui a détruit un quartier voisin.--_Phot. Ferid Ibrahim._]
+
+
+
+LES LIVRES & LES ÉCRIVAINS
+
+L'HISTOIRE PAR LES CORRESPONDANTS DE GUERRE
+
+La guerre des Balkans n'est point achevée que déjà son histoire, toute
+pantelante, sort des presses, avec ses chapitres de feu et de sang, ses
+pages d'orgueil, de folie et de deuil, et même ses conclusions du
+philosophe qui, parfois, devancent un peu les réalités. Cette histoire
+de la formidable crise qui marque une si grande date dans la vie des
+peuples de l'Europe orientale, ce sont les correspondants de guerre qui
+l'auront, les premiers, écrite avec les éléments, les documents de vie
+et de mort qu'ils ont été chercher eux-mêmes si courageusement dans les
+champs de la victoire et sur les routes de la débâcle. Rarement, et
+parmi plus de difficultés, de périls et de misères matérielles, le grand
+reportage aura mieux réalisé son effort d'information. Rarement, aussi,
+ces correspondances--si nous ne considérons qu'une sélection, celles que
+tout le monde a suivies passionnément parce que loyales et
+vraies--auront été plus précises et plus minutieusement révélatrices. Il
+ne faut d'ailleurs point s'en étonner, car si tels de ces représentants
+des grands journaux étaient des spécialistes de la guerre, des officiers
+instruits, entraînés et clairvoyants, comme notre admirable
+correspondant de Thrace, M. Alain de Penennrun, qui aura donné la
+première grande «relation d'état-major» de cette campagne (1), tels
+autres, comme notre très distingué confrère du _Matin_, M. Stéphane
+Lauzanne, qui fut à Constantinople l'éloquent et clairvoyant témoin de
+l'agonie d'un empire (2), ont prodigué les plus riches, les plus souples
+et les plus pittoresques qualités de l'observateur et de l'écrivain.
+
+M. René Puaux, qui, à son tour, publie son livre de la guerre
+turco-bulgare: _De Sofia à Tchataldja_ (3), doit être, lui aussi, tenu
+au premier rang de cette élite. Muni de la fameuse lettre blanche qui
+lui permettait, avec quatre ou cinq autres privilégiés, dont le
+correspondant de _L'Illustration_, d'être admis sur le terrain du feu,
+M. René Puaux a adressé au Temps une suite tout à fait remarquable de
+lettres, que nous avons tous lues et qui sont autant de documents
+précieux par leur haute probité professionnelle et la richesse de leur
+information. M. René Puaux devait être, j'imagine, un très réconfortant
+compagnon de route. Il a de l'esprit, et du plus alertement français. Il
+fit preuve, à tout instant, de bonne santé et de bonne humeur et, s'il
+eut du courage gai aux heures les plus sinistres, il manifeste en tels
+de ses récits la sensibilité d'un poète et l'éloquence recueillie d'un
+témoin de l'histoire; par exemple, lorsqu'il nous donne cette vision du
+vainqueur, bulgare progressant de Kirk-Kilissé à Tchataldja sur cette
+route qui, pour les Turcs en déroute, fut celle de la terreur et de la
+honte: «L'armée bulgare s'avance, rapide, silencieuse, disparate dans sa
+tenue, mais une dans son coeur, comme marchaient les volontaires de 92.
+C'est une armée farouche, impressionnante, où les barbes grises
+voisinent avec l'adolescence, où les capuchons de bergers couvrent la
+nuque de l'officier comme du soldat; c'est une armée qui traîne derrière
+elle ses convois, ses troupeaux, comme les conquérants d'autrefois,
+nomades éternels qui descendaient vers les mers chaudes avec leurs chars
+aux roues pleines. On sent qu'elle marchera jusqu'aux portes de
+l'Orient, cohorte fantastique que dirigent des cerveaux modernes...»
+
+(1) _La Guerre des Balkans_, Lib. Lavauzelle, 4 fr.
+(2) _Au chevet de la Turquie_. Lib. Fayard, 3 fr. 50.
+(3) _De Sofia à Tchataldja_, Lib. Perrin, 3 fr. 50.
+
+L'armée bulgare s'est avancée, en effet, jusqu'aux portes de l'Orient.
+Elle n'en a point cependant franchi le seuil et, si l'on en excepte M.
+Alain de Penennrun qui révéla avant tous autres les raisons de l'échec
+bulgare devant Tchataldja, ce sont surtout les correspondants du côté
+turc, et en particulier Georges Rémond, qui ont pu nous dire
+l'importance et la difficulté de l'obstacle dressé devant
+Constantinople.
+
+Justement, cette semaine encore, un journal des opérations du côté
+ottoman (4) nous est présenté par le major allemand von Hochwæchter. Le
+major von Hochwæchter ne fut pas, à vrai dire, un correspondant de
+guerre. C'était un instructeur de l'armée ottomane à l'école de von der
+Goltz, et ce qu'il est intéressant de trouver et de discuter dans son
+livre c'est un plaidoyer pour l'oeuvre allemande dans la préparation de
+l'armée turque à la guerre. Le major avait, au mois de septembre 1912,
+quitté sa garnison de Damas pour revenir, en congé, dans son pays. Mais
+dès ce moment la situation dans les Balkans se révélait menaçante. M.
+von Hochwæchter était personnellement convaincu de l'imminence de la
+lutte et il savait «qu'en haut lieu on brûlait de montrer la valeur de
+l'armée réorganisée», car, «bien que la refonte des institutions
+militaires ne fût pas encore complète, les officiers turcs étaient
+persuadés de leur supériorité sur leurs adversaires». En Allemagne, les
+compétences militaires estimaient que les chances seraient pour la
+Turquie, «si elle pouvait se décider à terminer tranquillement sa
+mobilisation et à rester sur la défensive jusqu'à la fin des opérations
+préliminaires». Mais la guerre, prématurément, éclata, et le major
+aussitôt regagna Constantinople, avec une lettre de recommandation du
+maréchal von der Goltz, pour faire campagne dans l'armée ottomane. Il
+fut attaché à l'état-major de Mahmoud Mouktar pacha et il put suivre,
+quoique souvent à distance du champ de l'action, toutes les opérations
+de l'état-major du 3e corps d'armée. Chaque soir, le major von
+Hochwæchter s'astreignit à rédiger ses impressions de la journée, et ce
+sont ces impressions qu'il vient de réunir en volume, des notes hâtives,
+généralement un peu sèches, fugitives, pas toujours complétées ni
+remises au point, mais intéressantes cependant par la lumière simple
+qu'elles portent sur certains faits. Ainsi ces lignes qui expliquent,
+sans les justifier, les massacres de non-combattants commis par les
+Turcs en certains villages chrétiens: «27 octobre.--Tous les soldats et
+officiers cantonnés dans un village ont été massacrés par les Grecs et
+les Bulgares; on n'a plus trouvé que des membres épars, les effets et
+les fusils. Le général a fait fusiller toute la population masculine,
+puis a fait brûler le village après en avoir éloigne les femmes et les
+enfants.»
+
+(4)Au feu avec les Turcs_, Lib. Berger-Levrault, 3 fr.
+
+Mais le chapitre le plus utile, le plus personnel, en tous cas, est
+celui dans lequel sont exposées les causes de la rapide désorganisation
+de l'armée turque, encombrée de redits ahuris, sans discipline et sans
+officiers, cohue informe jetée à l'abattoir et d'après laquelle, conclut
+l'auteur, on ne saurait juger de la valeur du soldat turc, le vrai, ni
+du système allemand qui a présidé à son instruction militaire.
+
+Les livres du major von Hochwæchter et de M. René Puaux ont été écrits
+ou du moins documentés sous les obus. L'étude purement technique de M.
+le lieutenant-colonel breveté Boucabeille sur _la Guerre
+turco-balkanique en 1912_ (5) a été rédigée dans le calme et la
+réflexion du cabinet de travail. L'auteur a fait état des
+correspondances de guerre, qu'il rapproche et critique, pour dégager la
+vérité de certaines contradictions. L'ouvrage est clair, ordonné,
+méthodique. C'est un bon livre de bibliothèque militaire.
+
+[Note 5: Avec 11 cartes en couleur et 10 croquis dans le texte. Lib.
+Chapelot, 5 fr.]
+
+ALBÉRIC CAHUET.
+
+_Voir le compte rendu de_ Rouletabille chez le tsar, _de M. Gaston
+Leroux; des_ Contes de Minnie, _de M. André Lichtenberger; du_ Journal
+du comte Apponyi, _et des autres livres nouveaux, dans_ La Petite
+Illustration _jointe à ce numéro_.
+
+
+
+UNE RÉCEPTION AU «COUARAIL»
+
+Le «Couarail», la vaillante académie de Nancy, continue à entretenir,
+dans nos marches de l'Est, le culte des traditions lorraines, et le goût
+des manifestations littéraires. Au mois de juillet 1911, elle fêtait, à
+l'hôtel de ville, son président d'honneur, M. Maurice Barrés; et nous
+avons rendu compte, en son temps, de cette séance solennelle, où furent
+acclamés, aux côtés de l'illustre écrivain, les deux artistes alsaciens
+Zislin et Hansi.
+
+Le mois dernier, elle faisait appel à M. Stéphane Lauzanne, qui venait
+de vivre les premières heures de l'agonie ottomane, et lui demandait,
+comme au témoin le plus autorisé, le plus éloquent, de venir dire aux
+Nancéens ce qu'il avait vu «au chevet de la Turquie». Enfin, la semaine
+passer, le «Couarail» recevait M. Marcel Prévost, de l'Académie
+française, et Mme Marcel Prévost, en un élégant thé littéraire; des
+poètes y récitèrent leurs ouvres, le directeur du Conservatoire de
+Nancy, M. Guy Ropartz, accompagna au piano une charmante cantatrice, Mme
+P. Mota, qui interpréta ses mélodies, et l'auteur des _Anges gardiens_
+remercia, en une improvisation spirituelle et délicate, le directeur du
+Couarail, M. Georges Garnier, et son secrétaire perpétuel, M. Marcel
+Knecht. M. Marcel Prévost était invité, le soir même, à faire une
+conférence sur «la Femme moderne». Quel sujet, traité par le psychologue
+averti des _Lettres à Françoise_, pouvait davantage piquer la curiosité?
+Une très nombreuse assistance était venue pour l'entendre, et sa parole
+aisée, séduisante, fut vivement goûtée et applaudie.
+
+
+
+LES THÉÂTRES
+
+Le théâtre de la Gaîté-Lyrique vient de monter avec beaucoup de soin
+_Carmosine_, une comédie musicale pour le livret de laquelle MM. Henri
+Cain et Louis Payen se sont inspirés de Boccace, et aussi de Musset.
+C'est un joli conte sentimental et tendre. Il a offert au jeune et
+distingué compositeur qu'est M. Henry Février la trame où broder ses
+plus élégantes et agréables mélodies. Le public a fait un accueil
+enthousiaste à cette oeuvre, présentée dans de très beaux décors, et
+remarquablement interprétée par des artistes tels que M. Fugère, Mmes
+Lambert-Willaume et Fiérens, MM. Georges Petit et Maguenat.
+
+Le théâtre du Grand-Guignol a composé, suivant la formule de ses succès,
+un spectacle varié, où domine le réalisme tragique, et auquel une pièce
+d'une délicate fantaisie, _les Ficelles_, de M. Giacosa, traduite par
+Mlle Darsenne et mise en vers par M. Paul Géraldy, et une petite comédie
+aimablement philosophique, _le Bonheur_, de M. Pierre Veber, ajoutent un
+agrément de fine qualité. Après un acte gai de M. André Mycho, _le Joli
+Garçon_, on applaudit deux drames émouvants, qui s'inspirent
+d'événements actuels et récents, _le Croissant noir_, de M. Jean
+Loiller, dont l'action se passe dans une tranchée bulgare, en face de
+Tchataldja, et S.O.S. (c'est le signal de détresse des paquebots en
+perdition), où MM. Charles Millier et Maurice Level évoquent puissamment
+une grande catastrophe maritime de l'an passé.
+
+[Illustration: M. Marcel Prévost. Réception de M. Marcel Prévost au
+Couarail (académie lorraine) de Nancy.--_Phot. Dutey_]
+
+M. Emile Bergerat, virtuose du vers de la lignée de Banville et de
+Mendès, a fait représenter avec succès, à l'Odéon, _la Nuit florentine_,
+comédie tirée de «la Mandragore» de Machiavel. Le sujet en est d'une
+grivoiserie qui prête d'ailleurs aux développements comiques. Telle que
+M. Bergerat nous la présente, la pièce est agréable et bien ordonnée;
+les vers sont brillants, à effets, le cliquetis des rimes est incessant.
+
+_Le Garde du corps_, que la Comédie-Royale nous a fait connaître, est
+encore une pièce importée de l'étranger, et sur un sujet à peu près
+aussi risqué que la précédente. Elle a du reste paru plaire au public
+parisien. Elle a été fort adroitement adaptée du texte d'un jeune auteur
+hongrois, M. Molnar, par MM. Pierre Veber et Maurice Rémon, et
+agréablement jouée par Mlle Jeanne Provost.
+
+Tandis que _la Demoiselle de magasin_ poursuit au Gymnase une fort jolie
+carrière, ses deux auteurs, MM. Frantz Ponson et Fernand Wicheler voient
+reprendre, et avec un succès nouveau, au théâtre Déjazet, _le Mariage de
+Mlle Beulemans_, qui décida, il y a trois ans, à la Renaissance, de leur
+fortune dramatique.
+
+Quelques tentatives de décentralisation musicale ont eu lieu avec succès
+ces temps derniers dans plusieurs grandes villes de province; signalons
+tout d'abord à l'Opéra de Monte-Carlo une très belle oeuvre: _Pénélope_,
+poème de M. René Fauchois et musique de M. Gabriel Fauré; puis, au même
+théâtre, _Venise_, scénario et musique de M. Raoul Gunsbourg; au
+Grand-Théâtre de Lyon, _le Vieux Roi_, de MM. Rémy de Gourmont pour le
+livret et Mariotte pour la musique; au Grand-Théâtre de Nîmes, _Dans la
+tourmente_, livret de M. Serge Basset, musique de M. Henri Confesse; à
+l'Opéra de Montpellier, _Gaspard de Besse_, livret de M. Paul Barlatier
+et musique de M. de Lapeyrouse; à l'Opéra de Marseille, _Annette_, de
+MM. Jean Marsèle pour le texte et A. Durand-Boch pour la musique; au
+Théâtre des Arts de Rouen, _Graziella_, de M. Jules Mazellier, récent
+grand prix de Rome, sur un sujet tiré de Lamartine par MM. Henri Gain et
+Raoul Gastambide.
+
+
+
+ALFRED PICARD
+
+M. Alfred Picard qui vient de mourir, après une maladie de quelques
+jours, âgé de soixante-neuf ans, gardera une des premières places parmi
+les grands esprits qui honorèrent la France à l'aurore du vingtième
+siècle. Chose curieuse, cet ingénieur, qui connaissait à fond tous les
+secrets de son art, n'a attaché son nom à aucun de ces ouvrages
+audacieux qui assurent à leur auteur une célébrité bruyante, parfois
+excessive; dans les diverses fonctions qu'il occupa, son rôle fut
+surtout administratif, et c'est dans ce rôle, où il est si difficile de
+donner et surtout de faire apprécier la mesure de sa valeur, qu'il
+apparut comme un homme d'un mérite supérieur, apportant dans toutes ses
+conceptions une science et une largeur de vues que secondait une
+puissance de travail prodigieuse.
+
+Alfred Picard était né à Strasbourg en 1844. Sorti de l'École des ponts
+et chaussées peu de temps avant la guerre de 1870, il fut attaché aux
+travaux de défense de Metz; mais il profita de la première occasion pour
+sortir de la forteresse et s'enrôla dans l'armée de la Loire. La paix
+signée, il entre au service du contrôle des chemins de fer et des
+canaux; en 1880 il assume toute la responsabilité effective du ministère
+des Travaux publics, prenant sous sa direction la navigation, les ponts
+et chaussées, les mines et les chemins de fer. Peu de temps après il
+devient président de section au Conseil d'État.
+
+Nommé rapporteur général de l'Exposition de 1889, il rédige seul, en
+quelques mois, un ouvrage considérable où il traite les questions les
+plus variées, les plus disparates, avec une sûreté, une clarté, une
+élégance de forme inusitées. On le nomme grand officier de la Légion
+d'honneur, puis on le choisit comme commissaire général de l'Exposition
+de 1900.
+
+[Illustration: M. Alfred Picard--_Phot. Pirou, bd Saint-Germain._]
+
+Ici encore Alfred Picard fut à hauteur de sa tâche, et c'est à. tort
+qu'on lui a imputé la responsabilité des désastres financiers
+particuliers qui marquèrent cette foire universelle. Il ne fit
+qu'assurer, avec sa probité intransigeante, l'exécution de contrats
+commerciaux approuvés par le ministre après avoir été préparés par des
+fonctionnaires spécialement chargés de la partie fiscale de
+l'Exposition.
+
+En 1904, M. Picard allait en Amérique pour régler, au milieu d'assez
+grandes difficultés, les conditions de la participation française à
+l'Exposition de Saint-Louis. A peine de retour, il dirigeait tous les
+travaux de la commission chargée d'organiser le nouveau réseau d'Etat, à
+la suite du rachat de l'Ouest.
+
+Tout en se donnant corps et âme à ses fonctions officielles, Alfred
+Picard trouvait encore le temps d'écrire des volumes qui eussent suffi à
+consacrer sa réputation. Ce travailleur extraordinaire ne savait pas se
+reposer, il ne prenait jamais de vacances. Quand il résolut de présenter
+_le Bilan d'un siècle_, il demanda la collaboration de plusieurs
+spécialistes éminents. Les manuscrits n'arrivant pas assez vite à son
+gré, il décida d'écrire lui-même tout l'ouvrage, et il avertit ses amis
+qu'il n'accepterait plus à déjeuner ou à dîner en ville avant que
+l'ouvrage fût fini. En effet, pendant trois ans, raconte notre confrère
+Emile Berr, il prit tous ses repas, seul en face de sa soeur. Quand les
+six volumes in-8° furent achevés, l'auteur avoua que, pour apprendre les
+choses dont il avait dû parler et qu'il ignorait, il avait été obligé de
+lire environ 400 volumes. L'ouvrage paru, il se mit à recommencer le
+_Traité des chemins de fer_, qu'il avait publié en 1887.
+
+En 1908, cédant aux instances de M. Clemenceau, chargé de former un
+cabinet. M. Picard acceptait le ministère de la Marine. Il n'y testa que
+quelques mois, et il reprit bientôt ses travaux ordinaires.
+
+Inspecteur général des ponts et chaussées, ancien ministre, grand'croix
+de la Légion d'honneur, vice-président du Conseil d'État, membre de
+l'Académie des sciences, Alfred Picard avait atteint tous les sommets.
+Sa modestie égalait sa science; une grande bonté tempérait la sévérité
+qu'inspirait un amour supérieur de la justice; l'apparente mélancolie,
+dont s'égayèrent les caricaturistes, cachait une grande finesse d'esprit
+et une rare sensibilité d'âme.
+
+Voici ce que ce scientifique doublé d'un juriste écrivait dans _le Bilan
+d'un siècle_:
+
+«Parfois, en songeant à l'extrême brièveté de la vie, le penseur se
+prend à éprouver quelque regret. Ce n'est certes pas la perte plus ou
+moins prochaine des satisfactions de l'existence qui l'attriste ainsi:
+les joies sont, même pour les plus heureux, compensées par trop d'ennuis
+et de chagrins. Non, ce dont souffre le philosophe, c'est de
+l'impuissance dans laquelle il se trouve d'explorer largement le domaine
+encore si restreint des connaissances humaines, d'en étendre les limites
+par de vastes conquêtes, d'apporter une ample contribution à l'édifice
+de la science et du progrès... Mais cette tristesse s'efface, pour celui
+qui, ayant mesuré la marche de la civilisation dans le passé, la
+pressent s'améliorant dans l'avenir: en élargissant ainsi son horizon,
+en faisant abstraction de l'individualisme pour ne voir que la
+solidarité et ses effets, l'esprit le plus pessimiste se rouvre à
+l'espérance. La perception d'une marche incessante en avant, d'un essor
+continu de l'humanité, chasse le découragement et provoque un puissant
+réconfort. Elle console la vieillesse, ranime la vaillance de l'âge mûr,
+inculque à la jeunesse la foi et l'émulation.»
+
+Et l'ingénieur ajoutait: «La littérature, ne figure pas et ne peut pas
+figurer dans le programme des expositions. Cependant elle joue un tel
+rôle dans la vie des peuples et. éclaire d'un jour si vif le mouvement
+des esprits, qu'il est impossible de ne pas lui réserver une place à
+côté des sciences et des arts dans cette revue du dix-neuvième siècle.»
+
+F. H.
+
+
+
+DOCUMENTS et INFORMATIONS
+
+LES POULES PONDEUSES ET L'HÉRÉDITÉ.
+
+M. Pearl, agronome anglais fort réputé, a cherché à discerner
+l'influence de l'hérédité dans la fécondité des poules.
+
+D'après ces études, qui ont porté sur plusieurs milliers de poules dont
+l'ensemble représentait treize générations, l'abondance des oeufs pondus
+par une poule n'apparaît pas comme un pronostic certain des qualités de
+ses filles. Dans quelques-unes des familles observées, les femelles
+bonnes pondeuses transmettaient toujours leur fécondité à leur
+descendance, mais la chose reste inexpliquée.
+
+Par contre, les expériences de M. Pearl sembleraient confirmer les faits
+suivants, déjà plus ou moins connus:
+
+1° Les filles peuvent hériter du père une fécondité élevée,
+indépendamment de celle de la mère;
+
+2° Un coq peut donner des filles d'une fécondité élevée avec des poules
+de fécondités diverses;
+
+3° Les filles d'une bonne poule sont bonnes ou mauvaises, selon le coq
+auquel elles s'allient;
+
+4º La proportion de mauvaises pondeuses dans une descendance de mères
+diverses est la même si toutes les poules ont été accouplées avec le
+même coq.
+
+UTILISATION DES ONDES HERTZIENNES POUR ÉTUDIER L'INTÉRIEUR DE LA TERRE.
+
+De récentes expériences sembleraient indiquer la possibilité de recourir
+aux ondes hertziennes pour connaître certains détails de la constitution
+géologique du sol.
+
+Ces ondes traversent les roches sèches, tandis qu'elles sont arrêtées
+par les terrains humides et par les couches de métal ou de minerai.
+C'est ce qui, sous beaucoup de climats, les empêche généralement de se
+transmettre par l'intérieur de la terre, les couches supérieures
+renfermant toujours plus ou moins d'humidité. Mais ces ondes se
+réfléchissant sur les couches imperméables, comme les rayons lumineux se
+réfléchissent sur certaines surfaces, on peut, avec des procédés de
+mesure spéciaux, déterminer la situation des couches qui les arrêtent.
+
+Un ingénieur allemand, M. Levy, a pu ainsi faire pénétrer les ondes
+hertziennes à une profondeur de 1.300 mètres, et déterminer par leur
+réflexion la position de la couche humide voisine.
+
+Il y a lieu de remarquer, toutefois, que, les sols humides se comportant
+vis-à-vis des ondes hertziennes anime les couches de minerai, les
+indications fournies par cette curieuse méthode ont besoin d'être
+contrôlées par un autre procédé.
+
+LES «ÉCLAIREURS DE FRANCE».
+
+La sortie générale des équipes parisiennes des «Eclaireurs de France»,
+dont nous avons rendu compte dans notre dernier numéro, a provoqué, dans
+le grand public, un mouvement de vive sympathie--auquel les
+préoccupations militaires du moment ne sont point étrangères--en faveur
+de cette excellente association. Beaucoup de nos lecteurs nous
+sollicitent de donner, à ce sujet, des renseignements précis; c'est un
+devoir que de les porter à la connaissance de tous ceux qui veulent
+préparer à notre pays de bons et d'intelligents soldats.
+
+La société des Eclaireurs de France, dont le siège est à Paris, 146, rue
+Montmartre, groupe, sous l'autorité d'un comité directeur et de comités
+locaux, des jeunes gens de toutes les classes, âgés de onze ans au
+moins, auxquels on ne demande qu'une cotisation annuelle de 1 franc.
+Toute nouvelle recrue--munie de l'autorisation écrite de ses
+parents--doit, pour servir comme novice, apprendre les douze articles du
+«code de l'Éclaireur», qui consacre la pratique de ces belles vertus: la
+discipline, la loyauté, la générosité, le respect de soi-même,
+l'honneur, et prêter le serment dont nous avons déjà reproduit les
+termes. Après une période d'un mois, le novice passe un examen et
+devient Éclaireur de 2e classe; un autre examen peut, plus tard,
+l'élever au rang d'Éclaireur de IIe classe. Enfin des brevets et des
+signes distinctifs spéciaux, correspondant aux aptitudes de tireur,
+d'ambulancier, de cycliste, de cavalier, d'interprète, de mécanicien,
+voire d'aide-aviateur, sont décernés à ceux des éclaireurs qui font
+preuve de capacités particulières.
+
+Tous ces jeunes gens sont groupés en «patrouilles», qui comptent de
+quatre à huit éclaireurs, commandées par un «moniteur»; plusieurs
+patrouilles se réunissent en «partis», dirigés par un «guide»; et trois
+ou six partis composent une «troupe», sous les ordres d'un capitaine.
+
+Telle est, en son principe, cette organisation, destinée à former, comme
+le dit excellemment un article du règlement intérieur, «des hommes
+d'élite, provenant de toutes les catégories sociales, qui, par la force
+et la noblesse de leur caractère, autant que par leur jugement, leur
+décision et leur sens pratique, seront les guides, les vigies de la
+France, les vrais pionniers de sa civilisation et de son action
+commerciale, industrielle, maritime, militaire et coloniale». Les
+enseignements très variés qu'on leur donne, au cours de cette éducation
+morale et sportive, ont été présentés par un officier, le capitaine
+Royet, en un petit manuel précis et bien ordonné, _le Livre de
+l'Éclaireur_ (Librairie illustrée, 75, rue Dareau, et au siège de la
+société, 2 fr. 50). Le «scoutisme» y apparaît parfaitement adapté au
+tempérament français, et conforme au génie de notre race. On ne pourrait
+souhaiter, pour nos jeunes gens, meilleure école de solidarité,
+d'énergie et de patriotisme.
+
+[Illustration: Le mouillage de mines à bord d'un des nouveaux navires
+spéciaux de la marine militaire française: _Cerbère_ et _Pluton_.]
+
+Ces navires, qui ont extérieurement l'aspect paisible d'un chalutier,
+cachent dans leurs flancs une infernale cargaison: 120 mines flottantes
+placées sur des voies, avec garages et aiguilles sont poussées à bras
+d'homme jusqu'à l'arrière, où par un sabord, elles sont jetées à la mer,
+à intervalles réguliers, sur la ligne de défense préalablement
+déterminée,--Ces navires peuvent être obligés de relever les mines
+qu'ils ont mouillées ou celles de l'ennemi; à cet effet, ils sont munis
+des tourets et des treuils nécessaires à cette opération.--Tous les
+logements d'officiers sont à l'avant.
+
+Au cours de la guerre russo-japonaise, la mine sous-marine, qu'on
+appelle aussi torpille de blocus, a joué un rôle des plus importants.
+C'est un de ces engins semé par un torpilleur japonais qui amena la
+destruction complète et instantanée, à quelques milles de Port-Arthur,
+du grand cuirassé russe _Pétropawlosk_. A son bord se trouvait l'amiral
+Makharof, espoir de la marine russe, qui périt dans cette catastrophe.
+Un autre navire russe, l'_Ienisseï_, un cuirassé et deux croiseurs
+cuirassés japonais, _Fuji, Yoshino et Nishio_, sombrèrent également,
+crevés par l'explosion d'une mine sous-marine.
+
+Les leçons de toute nature qu'a fournies cette guerre ont été
+soigneusement mises à profit par toutes les nations, mais on s'est
+préoccupé, plus spécialement peut-être, de préparer l'emploi intensif
+dans lès guerres navales futures, de ces engins. En fait, la torpille de
+blocus se compose actuellement de:
+
+1° Un récipient contenant à la fois la charge d'explosif destinée à
+crever la coque du navire qui le heurtera, et le système d'inflammation
+de cette charge. Celui-ci, variable suivant les modèles adoptés,
+consiste le plus souvent en une lourde boule métallique placée dans une
+coupelle. Lorsque le navire vient heurter la torpille, le choc fait
+tomber la boule, celle-ci déclanche un percuteur qui détermine
+l'explosion de la charge.
+
+2° Un système d'ancrage assez compliqué qui maintient la torpille entre
+deux eaux, à une profondeur exactement déterminée, tout en la fixant au
+fond de façon définitive par l'intermédiaire d'un cordage. On conçoit
+que ces engins mouillés en ligne, à des intervalles assez rapprochés, à
+l'entrée des rades, ou en travers des passes qui y conduisent, en
+interdiront l'accès aux forces navales qui essaieraient d'y pénétrer, à
+moins que ces forces ne soient précédées de navires de petites
+dimensions et munis d'un matériel qui leur permettra de déblayer le
+chemin en draguant les mines et en les faisant exploser.
+
+Pour effectuer ces opérations de mouillage, et aussi de dragage, des
+mines sous-marines, on a été conduit dans toutes les marines à
+construire des bâtiments spécialement étudiés, et outillés.
+
+La marine française ne possédait jusqu'à présent pour ce genre de
+service, que des contre-torpilleurs et deux petits croiseurs installés à
+faux frais et ne convenant par conséquent qu'à moitié au métier qu'on
+leur demandait. En réalité, nous manquions de ce matériel reconnu
+nécessaire. Cette lacune va être comblée. Le _Cerbère_, actuellement en
+achèvement à Cherbourg, et le _Pluton_, construit aux Chantiers Normand
+du Havre et mis à l'eau le 10 mars, sont deux navires de 600 tonnes dont
+les plans sont dus à l'ingénieur en chef des constructions navales
+Ferrand. On leur a donné des formes de chalutiers afin de tromper par
+leur apparence la surveillance de l'ennemi. Ils marcheront 20 noeuds et
+porteront chacun un approvisionnement de 120 torpilles, placées sur des
+rails longitudinaux, comme le montre notre dessin.
+
+Si ce type de mouilleurs de mines donne satisfaction, il sera reproduit
+au nombre d'exemplaires nécessaire pour assurer dans nos escadres du
+Nord et du Midi ce service si important.
+
+
+
+[Illustration: L'aviateur Perreyon au moment de son départ pour le
+record de l'altitude.]
+
+UN AVIATEUR A 6.000 MÈTRES
+
+Le record de l'altitude, porté à 5.600 mètres par Garros, au mois de
+décembre dernier, vient d'être battu par l'aviateur Edmond Perreyon qui,
+parti de l'aérodrome de Buc, s'est élevé, en moins d'une heure, à 6.000
+mètres.
+
+Assez peu connu du grand public, l'auteur de cette prouesse est
+considéré, dans les milieux sportifs, comme un de nos plus brillants
+pilotes aériens. Chef pilote de l'école Blériot, chargé d'essayer les
+appareils et d'en diriger la mise au point, il montre, presque chaque
+jour, autant d'audace et de maîtrise que les plus réputés parmi les
+aviateurs.
+
+
+
+UN ATTELAGE DE POLICEMEN
+
+L'ouverture solennelle du Parlement britannique a été marquée par un
+incident que la presse londonienne commente avec un humour qui trouvera
+son écho à Berlin.
+
+Le corps diplomatique se rendait à Westminster en carrosses de gala,
+quand une batterie du Royal Horse Artillery, postée dans le parc de
+Saint-James, tira le premier coup de la salve réglementaire.
+
+Les attelages des divers ambassadeurs dressèrent bien l'oreille, mais ne
+bronchèrent pas. Il n'en fut pas ainsi des chevaux de l'ambassadeur
+d'Allemagne. Affolés par le fracas de la détonation, ils se sabrèrent,
+et, malgré tous les efforts du cocher et des valets, rompirent leurs
+harnais et brisèrent les brancards.
+
+On put les maîtriser à temps, au moment où ils devenaient un danger pour
+la foule massée sur les trottoirs, et des policemen furent requis de
+traîner le carrosse jusqu'à la Chambre des lords.
+
+Esclaves de la discipline, ils consentirent volontiers à traîner
+l'ambassadeur; mais les valets en pompeux uniforme durent suivre à pied.
+
+[Illustration: Le carrosse de l'ambassadeur d'Allemagne à Londres traîné
+par des policemen.]
+
+
+
+LA MÉNAGERIE DE LA DANSE, par Henriot.
+
+
+
+
+
+
+
+End of Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3655, 15 Mars 1913, by Various
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3655, 15 ***
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+Produced by Jeroen Hellingman et Rénald Lévesque
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+such as creation of derivative works, reports, performances and
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+works. See paragraph 1.E below.
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+collection are in the public domain in the United States. If an
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+in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS' WITH NO OTHER
+WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO
+WARRANTIES OF MERCHANTIBILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.
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+interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by
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+with this agreement, and any volunteers associated with the production,
+promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works,
+harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees,
+that arise directly or indirectly from any of the following which you do
+or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
+work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
+Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.
+
+
+Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
+
+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
+electronic works in formats readable by the widest variety of computers
+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
+because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
+people in all walks of life.
+
+Volunteers and financial support to provide volunteers with the
+assistance they need, are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
+goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation web page at http://www.pglaf.org.
+
+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
+http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
+permitted by U.S. federal laws and your state's laws.
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+The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
+Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
+throughout numerous locations. Its business office is located at
+809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
+business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact
+information can be found at the Foundation's web site and official
+page at http://pglaf.org
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+ Dr. Gregory B. Newby
+ Chief Executive and Director
+ gbnewby@pglaf.org
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+Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation
+
+Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
+spread public support and donations to carry out its mission of
+increasing the number of public domain and licensed works that can be
+freely distributed in machine readable form accessible by the widest
+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
+($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
+status with the IRS.
+
+The Foundation is committed to complying with the laws regulating
+charities and charitable donations in all 50 states of the United
+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
+considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
+with these requirements. We do not solicit donations in locations
+where we have not received written confirmation of compliance. To
+SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
+particular state visit http://pglaf.org
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+While we cannot and do not solicit contributions from states where we
+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
+against accepting unsolicited donations from donors in such states who
+approach us with offers to donate.
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+any statements concerning tax treatment of donations received from
+outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
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+Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
+methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
+ways including checks, online payments and credit card donations.
+To donate, please visit: http://pglaf.org/donate
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+
+Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
+works.
+
+Professor Michael S. Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm
+concept of a library of electronic works that could be freely shared
+with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project
+Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
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+
+Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
+editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
+unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
+keep eBooks in compliance with any particular paper edition.
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+Most people start at our Web site which has the main PG search facility:
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+ http://www.gutenberg.org
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+This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
+including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
+subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
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+Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3655, 15 Mars 1913, by Various
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+Title: L'Illustration, No. 3655, 15 Mars 1913
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+Author: Various
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+Release Date: October 19, 2011 [EBook #37799]
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+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3655, 15 ***
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+Produced by Jeroen Hellingman et Rénald Lévesque
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+<p class="mid"><img alt="" src="images/000small.png"><br><a href="images/000large.png">(Agrandissement)</a></p>
+
+<p>Ce numéro comprend <span class="sc">vingt-quatre pages</span>.--Il est accompagné de LA PETITE
+ILLUSTRATION, Série-Roman nº 2, contenant la deuxième partie du roman de
+M. Marcel Prévost: <span class="sc">Les Anges gardiens</span>.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/001.png"></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/001a.png"><br><b>DEVANT ANDRINOPLE: LE BLOCUS DES ASSIÉGEANTS PAR LA NEIGE</b><br>
+<i>Photographie du lieutenant G. Staïnof, du 30e régiment d'infanterie
+bulgare.--Voir les autres photographies, pages 234 et 235.</i></p>
+
+<div class="somm">
+
+<p><i>La semaine prochaine,</i> LA PETITE ILLUSTRATION <i>publiera:</i></p>
+
+<p><i><b>L'Homme qui assassina</b> pièce en 4 actes de</i> <span class="sc">M. Pierre Frondaie</span>, <i>d'après
+le roman de M. Claude Farrère.</i></p>
+
+<p><i>Le numéro suivant (29 mars) contiendra la troisième partie du roman de</i>
+<span class="sc">M. Marcel Prévost:</span> <i><b>Les Anges gardiens.</b></i></p>
+
+<p><i>Paraîtront ensuite, alternant avec les 4e et 5e parties des</i> Anges
+gardiens: <i><b>Les Flambeaux</b>, de</i> <span class="sc">M. Henry Bataille</span>; <i><b>Servir</b> et <b>la Chienne
+du roi</b>, de</i> <span class="sc">M. Henri Lavedan</span>; <i><b>L'Embuscade</b></i>, de <span class="sc">M. Henry Kistemaeckers</span>.</p>
+
+<p><i>Puis viendront:</i></p>
+
+<p><i><b>Les Éclaireuses</b>, de</i> <span class="sc"> M. Maurice Donnay</span>; <i>Hélène Ardouin, de</i> <span class="sc">M.
+Alfred Capus</span>; <i><b>L'Habit vert</b></i>, de <span class="sc">MM. Robert de Flers et G.-A. de
+Caillavet</span>, <i>et le roman de</i> <span class="sc">M. Paul Bourget</span>: <i><b>Le Démon de midi</b></i>.</p>
+</div>
+<br>
+
+<h3>COURRIER DE PARIS</h3>
+
+<h4>LES MAISONS EN CONSTRUCTION</h4>
+
+<p>De deux fenêtres éloignées l'une de l'autre, situées chacune à une
+extrémité de mon appartement, celle-ci au nord, celle-là au midi, de la
+fenêtre de ma chambre et de celle de mon cabinet, je vois construire
+deux maisons.</p>
+
+<p>Je les regarde s'élever à la place même où l'an dernier se tenaient, si
+droites encore, celles que j'ai vu jeter à bas, dont il ne reste plus
+trace que dans mon souvenir, et peut-être dans celui des hommes qu'elles
+ont abrités. Et ces deux maisons, je ne sais pourquoi, occupent ma vie.
+Si ce n'est que toutes les deux elles sont «de rapport» et qu'elles
+auront le même nombre d'étages, elles présentent déjà un caractère très
+distinctif. L'une, sur laquelle donne ma chambre, est en béton armé ou
+du moins jusqu'à présent, et rien ne permet de croire qu'il en sera
+différemment dans la suite. L'autre, qui forme le principal paysage de
+mon cabinet, est en pierre.</p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+<p>Ces deux maisons, qui sont séparées par tout un pâté d'immeubles, et
+qui, par conséquent, ne peuvent pas «se voir», et qui ne sont pas dans
+les mains des mêmes entrepreneurs, ont cependant et gardent jusqu'ici
+une hauteur pareille, montant chaque jour, en se suivant, comme si elles
+le faisaient exprès, quoique la maison de pierre ait tendance à gagner
+sur sa voisine. Chaque matin, dès que je me lève, il faut--c'est plus
+fort que moi--que j'aille jeter mon premier coup d'oeil sur le chantier
+qui m'attire au saut du lit, celui de la maison en béton. Je ne peux pas
+dire que ce spectacle m'enchante et me procure un réveil câlin. Rien
+n'est moins gracieux déjà que l'aspect des fondations béantes, des caves
+entr'ouvertes et à ciel libre car une cave n'est belle et n'a sa
+relative magnificence que voûtée, et basse, et bien noire, bien
+salpêtrée, bien feutrée de poussière et de silence et ramonée de ces
+courants d'air d'outre-tombe qui soufflent le frisson. Il faut qu'elle
+ait son sol élastique et mou, ses caresses de vent frais, ses toiles
+d'araignées, ses suies de bouteilles, ses rats furtifs, son odeur de
+bougie, de liège et de chat. Alors elle est explicable et parle. Mais en
+cours de travaux, n'ayant pas encore mérité ni obtenu son mystère, elle
+offre une laideur sinistre. Les caves en béton que je regarde triturer
+m'affectent d'une façon spéciale. Qu'elles sont peu engageantes! Je ne
+puis penser que l'on y mettra du vin. Elles me paraissent propres plutôt
+à receler de l'argent, des caisses pleines de «valeurs» ou de la
+ferraille. On dirait des petits sous-sols de Crédit lyonnais. Oui, osons
+-l'avouer, le béton, même armé, n'a pas de charme et de poésie. D'un
+gris de boue, d'une glaise inféconde et dont ne consentira jamais à
+sortir la moindre statue, il sent le faux, il donne l'impression d'être
+la singerie du solide et de vouloir pasticher le durable. J'ai beau voir
+la pâte épaisse, le maussade limon se durcir dans l'armature et le
+treillage des tiges de fer, je ne me décide pas à m'imaginer que cette
+crème saisie et coagulée soit de la pierre et la remplace. C'est un
+composé, ce n'est rien. Mais le travail est curieux, et les ouvriers
+m'intéressent.</p>
+
+<p>Dès sept heures ils commencent à arriver. Ils sont méthodiques, précis
+et lents. Chacun sa besogne. Il y a ceux qui gâchent, ceux qui coupent
+le fer, ceux qui le tordent et l'assemblent, ceux qui manient la truelle
+avec cette souplesse et cette virtuosité de poignet dont nous demeurons
+confondus, ceux qui piochent à toute volée, à bout de bras, comme s'il
+s'agissait de défoncer un couvercle de coffre-fort, ceux qui, inclinés
+en oblique, poussent là grosse brouette, ou qui, pliant sur leurs jambes
+nerveuses et nues dans les culottes flottantes de vieux velours aux
+inconcevables reflets, raclent et ramassent à larges pelletées les
+gravats pour les lancer en paquets dans le tombereau, à la petite place
+où ils veulent. Ils poursuivent tous leur tâche avec ordre et sans vaine
+fièvre.--«Y a bien le temps!» Et quand est arrivé le moment capital du
+repas, à la minute, à la seconde, ils quittent tout! C'est sacré. On
+mange. Les uns vont chez le marchand de vins d'à côté. Les autres, les
+plus nombreux et les plus sensés, restent dans le chantier pour déjeuner
+«sur le tas». Il n'est pas rare de voir apparaître la ménagère qui
+apportera à son homme sa portion, dans un panier noir à deux anses dont
+l'une est raccommodée avec une ficelle, ou bien dans une serviette.
+C'est généralement une pauvre et humble femme, vêtue triste, et nu-tête,
+bien calme, bien résignée; la brave femme de l'ouvrier, aux mains
+croisées sur un ventre bombé comme un sac de plâtre, et humble,
+courageuse, docile, sereine. Elle en a tant vu, et tant enduré, qu'elle
+est toujours contente, pourvu que ça n'aille qu'à moitié bien. Elle est
+exemplaire et magnifique à contempler quand elle se montre aux environs
+de onze heures parmi les tas de pierre et les remparts inachevés de la
+maison neuve, de la maison en construction, humide, et qui glace à
+quarante pas. Avec la patience du peuple, elle attend que son homme soit
+libre et lui fasse signe pour approcher. Et quand il s'avance elle le
+rejoint. Lui, s'assied sur des planches, le dos au mur sec de la maison
+voisine, au bon endroit qu'il a choisi et qu'éclaire le soleil, quand il
+y en a. Elle, reste debout, le couvant du regard, pendant qu'il
+s'installe et organise ses commodités. Et tour à tour sont sortis par
+elle du panier le morceau de pain gros comme un pavé, la viande froide,
+le fromage épais, la haute bouteille de vin noir, pleine jusqu'à toucher
+le bouchon. Ces choses précieuses sont étalées et posées par terre, en
+cercle, devant le travailleur aux jambes écartées qui a déjà ouvert son
+couteau fidèle, et renversé, pour y poser le veau, son large pouce.
+Enfin, sous la moustache aux poils gris, pareille à la brosse en balai
+du colleur d'affiches, la bouche s'ouvre, et l'homme mange, avec paix et
+gravité. Alors seulement, la femme, quelquefois, si elle est bien en
+confiance, ose s'asseoir près de lui et semble heureuse. Elle remportera
+dans un instant la bouteille vide dans le panier plus léger.</p>
+
+<p>D'autres camarades, qui, sans doute, n'ont point de femmes ou qui,
+d'humeur indépendante, n'aiment pas que le sexe s'occupe d'eux, se
+rassemblent par petits groupes pour faire la collation. Malins comme des
+soldats, ils improvisent des cuisines en plein vent, coupent du menu
+bois, allument des feux entre les pierres, accroupis tout autour à la
+zouave. Et cette copieuse séance dure une bonne demi-heure, si ce n'est
+plus. Après quoi, le travail reprend. Et voilà de nouveau mes hommes
+repartis entre les piliers de boue, d'où pointent les tiges de fer...</p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+<p>Décidément, s'il me fallait choisir, pour y demeurer, entre les deux
+maisons que l'on bâtit sous mes yeux, ce n'est pas dans celle du béton
+que j'élirais domicile. Plutôt dans l'autre, dans celle en pierre, qui
+me sourit. Sa couleur d'abord, appétissante, blanche, nacrée et jaune à
+la fois, sa couleur de chair et de rose-thé ne chagrine pas, semble
+faite pour réjouir la lumière. Et puis, cette maison-là est logique,
+traditionnelle. Elle est élevée selon les vieilles règles. Comme
+autrefois, comme toujours, depuis que la pierre est pierre, les blocs
+sont apportés tout taillés, dégrossis et numérotés. On les passe dans
+leurs quatre attelles et ils sont hissés un peu de travers, en tournant,
+à l'aide de la mécanique imperturbable et sûre que manoeuvrent longtemps,
+sans s'impatienter, les deux hommes au torse d'Ixion, comme s'ils
+avaient à tirer de l'eau d'un puits très profond!... Seulement, au lieu
+de faire monter un seau d'eau fraîche, il s'agit d'envoyer doucement et
+d'aller poser, à la hauteur d'un troisième étage, un fétu de 400 kilos.
+Quel plaisir on éprouve à voir tous les morceaux de ce jeu
+d'architecture se placer et s'ajuster pour ainsi dire d'eux-mêmes, là où
+il le faut, les uns au-dessus des autres! La maison a l'air de se bâtir
+toute seule comme si les ouvriers n'étaient là que pour surveiller les
+pierres, les matériaux, animés d'une vie intelligente. Et cette
+impression est si vive qu'il m'arrive chaque matin de m'étonner que la
+maison soit au même point que la veille au soir. Je ne serais pas le
+moins du monde surpris qu'elle eût continué la nuit, qu'elle eût avancé
+par ses propres moyens, même quand les hommes sont partis se coucher.</p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+<p>Mes maisons me procurent d'autres pensées, d'une indéfinissable
+mélancolie dans leur banalité.</p>
+
+<p>Elles me font songer que j'ai pu voir, que j'ai vu le sol, invisible à
+présent et pour combien d'années, où elles ont pris racine, qu'elles
+couvrent désormais ainsi qu'un monument funéraire. Elles me font songer
+à ceux qui ont vécu sur cet étroit espace, qui sont aujourd'hui Dieu
+sait où, dispersés ou morts, à ceux qui viendront demain au même endroit
+croire qu'ils s'y fixent dans le repos, et qu'ils y sont à l'abri... Et
+ce sont eux qui, très probablement, d'en face, verront à leur tour, à un
+moment que je ne sais pas, démolir la maison où je suis, où je me crois
+garanti de durer. Où serai-je, moi, ce jour-là?... Déménagé? Ou bien...?<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">Henri Lavedan.</span></span></p>
+
+<p><i>(Reproduction et traduction réservées.)</i></p><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/002a.png"><br><b>Les deux mille détenus de la prison de Saint-Quentin (en
+Californie) assistant à une représentation de Mme Sarah Bernhardt. Les
+condamnés à mort (une douzaine)<br> ont été placés au premier rang devant la
+scène.</b></p>
+
+<h3>SARAH BERNHARDT</h3>
+
+<h4>CHEZ LES PRISONNIERS CALIFORNIENS</h4>
+
+<p class="rig">San-Francisco, 22 février 1913.</p><br><br>
+
+<p>Les Californiens sont enclins à l'indulgence. La beauté des sites de
+leur pays, la douceur du climat, les jardins fleuris qui poétisent leurs
+demeures, tout aide à développer chez eux «l'humaine tendresse», comme
+disait Montaigne. Ils ont construit pour enfermer ceux qui désobéissent
+aux lois une prison où règne le plus grand libéralisme. On cherche en
+cet asile confortable à faire oublier aux condamnés leurs rancunes
+contre la société et on les entraîne à marcher correctement dans le
+droit chemin en attendant la libération ou le pardon. En un mot, ils
+sont traités comme des hommes atteints d'une maladie mentale passagère
+qu'il importe de guérir, plutôt que comme des individus à tout jamais
+incorrigibles. La prison de Saint-Quentin n'est point une geôle, mais un
+établissement de relèvement social. Mieux que toute autre institution,
+elle montre cet optimisme magnifique des gens du Far-West qui ne doutent
+jamais du progrès ou de la renaissance morale, même dans les cas en
+apparence désespérés.</p>
+
+<p>Pour la fête de Washington, ce 22 février, les autorités californiennes
+avaient demandé à Sarah Bernhardt, en tournée à San-Francisco juste à ce
+moment-là, de vouloir bien jouer devant les pensionnaires de
+Saint-Quentin. Toujours généreuse, notre grande tragédienne avait
+accepté, et elle avait eu l'amabilité de m'inviter à cette excursion
+pittoresque. J'avais accepté, comme on pense, avec empressement, car le
+spectacle promettait d'être infiniment curieux. Sarah Bernhardt jouant
+exclusivement pour deux mille détenus et une douzaine de condamnés à
+mort, voilà une manifestation qui valait la peine d'être vue!</p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+<p>Nous voilà donc partis en automobile, et, après avoir traversé la baie
+sur le <i>ferry-boat</i> de Sansalito, nous filons à toute vitesse vers le
+nord dans la direction de Saint-Quentin, laissant derrière nous le
+majestueux Tamalpaïs dans les ombres violettes. La prison est située à
+vingt kilomètres environ de San-Francisco, sur un cap qu'entourent des
+collines aux ondulations harmonieuses. Tout le long de la route se
+succèdent de tendres paysages dans lesquels on distingue des villas aux
+couleurs gaies, de sveltes bungalows, des auberges aux enseignes
+alléchantes, où les Californiens se rendent en promenade les jours de
+fête.</p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/002b.png"><br>
+<b>&nbsp;&nbsp;Vue d'ensemble de la prison<br>
+ &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;de Saint-Quentin.</b></p>
+
+<p>Après de nombreux détours dans la vallée, nous apercevons la maison
+d'arrêt. On dirait un vaste château fort gardé par une série de kiosques
+surélevés, dans lesquels sont placés des gardiens prêts à fusiller les
+fugitifs. Dès que l'on pénètre sur les terrains du pénitencier, cette
+impression sévère s'adoucit, car le château fort est entouré de
+paisibles jardins potagers, de tennis-courts, de parterres multicolores
+et de vertes pelouses. Les premiers prisonniers que nous rencontrons,
+rasés de frais, décemment habillés dans leur uniforme de laine blanche à
+larges raies noires, ont un air de prospérité qui empêche qu'on ne
+s'apitoie par trop sur leur sort.</p>
+
+<p><i>La Marseillaise</i> retentit. C'est la fanfare des «convicts» qui salue
+l'arrivée de Sarah Bernhardt. La musique adoucit les moeurs, et les
+détenus, pour oublier les rigueurs de la captivité, ont leur orchestre
+comprenant une trentaine d'instrumentistes. Tous les arts, d'ailleurs,
+sont représentés à Saint-Quentin...</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/002c.png"><br><b>Un des prisonniers, Abraham Ruef, lisant une adresse de<br>
+remerciements à Mme Sarah Bernhardt.</b></p>
+
+<p>Dans la cour intérieure, une scène a été improvisée. Le rideau a été
+taillé dans une bâche. Devant le théâtre, un espace est réservé aux
+membres de la fanfare. Deux mille prisonniers attendent fiévreusement
+l'apparition de notre grande artiste. Il y a là des gens de toutes les
+nationalités, des Chinois, des Japonais, des mulâtres, des nègres. Les
+femmes (on en compte une quarantaine dans la prison) ont été aussi
+admises. Les gardiens--munis de la canne et du revolver
+réglementaires--encadrent les diverses sections qui ont été amenées dans
+un ordre précis. On a placé les condamnés à mort au premier rang, et je
+m'installe au milieu d'eux pour mieux juger de leurs impressions. Un
+hydroaéroplane, qui nous a suivis depuis San-Francisco, voltige
+au-dessus de nos têtes. Mais la foule des prisonniers ne prend pas
+beaucoup d'intérêt à ses évolutions. Dans le recueillement, elle attend
+la venue de Sarah sur le tréteau de fortune sur lequel il semble que la
+Magie surgira tout à l'heure. On a distribué aux spectateurs une
+analyse, rédigée en anglais, de la pièce choisie: <i>Une nuit de Noël sous
+la Terreur</i>, de MM. Maurice Bernhardt et Henri Gain, que vont jouer, aux
+côtés de la grande artiste, MM. Lou Tellegen, Deneubourg, Favières,
+Terestri, Mlles Seylor et Boulanger.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/003.png"><br><b>
+Après la représentation donnée par Mme Sarah Bernhardt à<br>
+la prison de Saint-Quentin (Californie): un délégué des prisonniers<br>
+baise la main de la grande artiste.</b></p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+<p>Quand soudain le rideau se lève, une formidable acclamation retentit.
+Sarah, en Marion la vivandière, incarne si bien la générosité et la
+vaillance françaises! Un groupe de détenus français (la «colonie»
+française de Saint-Quentin!) crie à pleins poumons: «Vive la France!
+Vive la France!» Un de mes voisins, un Belge qui a tué sa femme et
+l'amant de sa femme, pleure à chaudes larmes, et, tout à coup, il se met
+à rire nerveusement et il recommence à pleurer. L'autre est un Grec qui
+assassina deux policemen, et il demeure hébété...</p>
+
+<p>Chaque scène se termine au milieu de frénétiques bravos et de
+sifflements stridents (aux États-Unis, en effet, le sifflet,
+contrairement à notre coutume, marque l'approbation suraiguë des
+spectateurs). Les répliques finales des acteurs sont échangées dans un
+enthousiasme extraordinaire. Le spectacle achevé, un prisonnier s'avance
+sur la scène et remet à Sarah Bernhardt une mélodie qui lui est dédiée
+par ses camarades, intitulée: <i>Par delà le sommet des collines</i>. Il
+lui offre en même temps un bouquet de violettes et prononce, en
+français, l'allocution suivante, qui vaut d'être reproduite textuellement:</p>
+
+<p><i>A Madame Sarah Bernhardt,</i><br>
+
+<i>à San Quentin, Californie.</i></p>
+
+<p>Madame,</p>
+
+<p>Dans cette vie la plupart de nous sont, à l'extérieur aussi bien qu'à
+l'intérieur des murs d'une prison, prisonniers, prisonniers au moins de
+notre entourage. A de rares intervalles seulement nous est-il donné
+d'être absolument libres. Pour ceux qui sont enfermés entre des murs
+menaçants, derrière des grilles de fer formidables, ces intervalles
+sont, actuellement et à jamais dans l'avenir , vraisemblablement bien
+éloignés. Mais, aujourd'hui, pour une petite heure, ces murs de pierre
+se sont évanouis. Pour une heure, grâce à votre merveilleuse
+personnalité et votre art enchanteur, nous avons été,</p>
+
+<p>en âme et en esprit, dans une liberté parfaite, captifs seulement de ce
+génie remarquable et de cette ardeur incomparable qui, à juste titre,
+vous ont gagné le nom de «divine». Pour une petite heure nous avons été
+libres, et sans contrainte en communion universelle avec l'esprit d'une
+grandeur humaine, qui, après tout, est la vraie base de nos croyances à
+l'immortalité. Cette grandeur n'a pas été établie pour complètement et à
+jamais disparaître. Ce moment de liberté n'est pas, non plus, une
+illusion temporaire; le souvenir sera vivant, la mémoire le rappellera
+souvent, et son inspiration servira à nous libérer des fardeaux et des
+angoisses du jour. Soyez-en persuadée, Madame, cette représentation
+particulière sera longtemps rappelée par tous ceux qui ont eu le
+privilège d'y assister,--par l'humble aussi bien que par le plus élevé.
+La femme, l'actrice, la pièce, toutes, ont fait vibrer les cordes de nos
+cours. A la plupart de nous n'a jamais été accordée la distinction de
+vous voir ni de goûter les délices de votre art incomparable. Eloignés,
+nous vous avons regardée comme la radieuse étoile de l'art dramatique,
+couronnée des lauriers d'un succès impérial, à la grâce et au génie de
+laquelle les continents se sont volontiers rendus sujets. Les idéals que
+nous avions conçus ont été en cette heure plus que confirmés. Nous vous
+présentons nos remerciements reconnaissants pour les gloires et les
+splendeurs de l'art dont votre gracieuse faveur nous a fait jouir, ainsi
+que pour la bienveillance et la générosité qui vous ont induite à donner
+un plaisir si vif aux infortunés proscrits et victimes des sorts
+changeants de la vie.</p>
+
+<p>Nous apprécions aussi profondément votre choix de la pièce, non
+seulement à cause de sa beauté intrinsèque et de l'art qu'elle renferme,
+mais aussi parce qu'elle exalte, par ses élans puissants, une humanité,
+et la solidarité des âmes, qui ne connaissent aucunes bornes, ni de
+parti, de factions, ou de politique. De plus, nous vous remercions
+particulièrement que vous ayez jugé à propos de nous présenter une oeuvre
+du génie de votre fils. En ce choix, nous voyons non seulement votre
+témoignage de l'amour et des pensées d'une mère, mais aussi en toute
+probabilité la réflexion dans votre coeur que nous aussi avons des mères
+qui nous chérissent, à qui notre amour se porte, et dans les coeurs
+desquelles nous avons été une espérance et un orgueil. Nous souhaitons,
+et pour vous et pour lui, beaucoup d'années de joie et contentement
+mutuels.</p>
+
+<p>Nous prions aussi, Madame, par votre intermédiaire, d'exprimer à vos
+artistes et à votre gérance, notre chaleureuse appréciation de leur
+bonté et de leur talent. Et quand, dans l'avenir, vos pensées se
+porteront vers ce pays du soleil couchant, pour nous aujourd'hui si
+brillant par votre bonne volonté, nous espérons que ces quelques paroles
+d'admiration sincère et de reconnaissance serviront à vous rappeler
+cette heure, peut-être de toutes en votre vaste expérience, la plus
+étrange et la plus frappante,--une heure dans un entourage sévère et
+même repoussant, oublié par nous pour le moment grâce à votre
+personnalité,--une heure dans laquelle vous avez rendu cette multitude
+de malheureux, plus heureux, adouci les lignes de leurs vies et rendu
+leurs cours plus légers, par votre présence dans notre milieu
+aujourd'hui.</p>
+
+<p>De la part de</p>
+
+<p>TOUS LES PRISONNIERS.</p>
+
+<p>San Quentin, Californie, ce 22 février 1913.</p>
+
+<p>Ce discours est l'oeuvre d'Abraham Ruef, un fils d'Alsacien--qui parle
+très couramment notre langue et qui ne manque pas de littérature, comme
+on voit, malgré les nombreux anglicismes dont il use. Ruef est célèbre
+sur toute la côte du Pacifique. Il fut un temps où le maire Schmidt
+«socialisait» à sa manière les finances de San-Francisco avec l'aide de
+Ruef, «boss» tout-puissant. Condamné pour concussion, ce dernier est
+interné à Saint-Quentin pour une douzaine d'années encore, à moins qu'on
+ne lui rende la liberté sur parole, système appliqué en faveur des
+repentis. Ruef est le personnage le plus en vedette de la prison. Dans
+la «salle» se trouvaient aussi les fameux frères MacNamara, qui firent
+sauter à la dynamite l'hôtel du <i>Los Angeles Times</i>, voici deux ans, et
+causèrent la mort de vingt-deux linotypistes. Ce fut l'un des épisodes
+les plus cruels de cette guerre acharnée que se livrent aux États-Unis
+syndicalistes et anti-syndicalistes.</p>
+
+<p>L'orateur qui avait lu le compliment de circonstance, après lui en avoir
+remis le texte, soigneusement calligraphié par lui-même, demanda à Sarah
+Bernhardt de lui baiser la main. Elle acquiesça gentiment, et une
+indescriptible ovation la remercia de ce geste. Sur cet incident se
+termina cette peu banale manifestation.</p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+<p>Ayant regagné son auto, la grande tragédienne, heureuse d'avoir apporté
+de la joie à ce monde bizarre de prisonniers, me confia que c'était là
+une des aventures les plus étonnantes de sa vie de comédienne:</p>
+
+<p>--J'ai éprouvé une sensation inouïe, me dit-elle, en voyant fixés sur
+moi avec un éclat étrange ces milliers d'yeux dont beaucoup ne verront
+plus la lumière de la liberté et dont certains seront avant peu
+obscurcis par la mort. Si vous saviez comme c'est bon d'avoir pu donner
+un peu d'illusion à ces gens pendant quelques instants! Il faudra que je
+note cela dans mes Mémoires...</p>
+
+<p>La relation que Sarah Bernhardt écrira elle-même de son voyage à
+Saint-Quentin sera sans aucun doute l'un des chapitres les plus
+émouvants de son autobiographie. Elle la complète à ses moments perdus,
+et il faut souhaiter qu'elle la livre bientôt au public pour qu'on y
+lise le récit de cette journée si originale du 22 février passée parmi
+les prisonniers californiens de Saint-Quentin.<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">François de Tessan.</span></span></p><br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/004a.png"><br><b>Le cortège des étudiants, se rendant place de la
+Concorde, passe rue de Rivoli devant, la statue de Jeanne d'Arc.</b></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/004b.png"><br><b>UNE MANIFESTATION PATRIOTIQUE DE LA JEUNESSE DES
+ÉCOLES.<br>--Le défilé devant la statue de Strasbourg.</b></p>
+
+<p>Dans l'après-midi de dimanche dernier, la manifestation traditionnelle
+de la jeunesse des écoles à la statue de Strasbourg a eu lieu au milieu
+d'une affluence exceptionnelle et avec un calme, une piété silencieuse,
+qui lui ont donné un aspect impressionnant. Les étudiants avaient on
+effet résolu de conserver à cette manifestation, d'où devait être exclu
+tout geste politique, un caractère exclusivement patriotique et
+national. Lorsque, à deux heures, le cortège se forma sur la place de la
+Sorbonne, les étudiants étaient au nombre de trois à quatre mille. L'un
+d'eux, en tête, portait un grand drapeau tricolore cravaté de crêpe.
+Puis venaient les délégués des diverses organisations, républicaine,
+jeune-républicaine, plébiscitaire, nationaliste, et des universités de
+province, notamment de Bordeaux. Huit étudiants suivaient, porteurs de
+deux grandes couronnes endeuillées de crêpe et coupées par un large
+ruban tricolore. Derrière, marchait la foule des élèves ou des aspirants
+aux écoles militaires, le bonnet de police sur l'oreille, et des
+étudiants des diverses facultés avec leurs bérets aux couleurs
+distinctives. La longue colonne gagna, par la rue de Rivoli, en saluant
+la statue de Jeanne d'Arc, la place de la Concorde. Les couronnes et le
+drapeau furent déposés sur le socle de la statue de Strasbourg, devant
+laquelle les jeunes gens défilèrent ensuite, pieusement recueillis.</p>
+<br><br>
+
+<h3>LE TRICENTENAIRE DES ROMANOF</h3>
+
+<p>Il y a encore, en Russie, du loyalisme pour le trône, un loyalisme
+ardent et mystique, un loyalisme populaire des faubourgs des villes et
+des immensités rurales, qui a donné, ces derniers jours, à l'occasion du
+tricentenaire des Romanof, à côté du loyalisme officiel, militaire,
+aristocratique ou bourgeois, sa mesure éloquente et profonde.</p>
+
+<p>Les fêtes de ce Jubilé exceptionnel ont commencé le 6 mars, au milieu de
+l'enthousiasme national et dans une sorte d'extase religieuse, car, seul
+maintenant en Europe où le sultan ne compte plus guère, le monarque
+russe, chef d'Église, à la fois empereur et pape, conserve un caractère
+sacré.</p>
+
+<p>Le 6 mars donc, il y a eu exactement trois cents ans que le
+Zemski-Sobor, ou assemblée nationale russe, offrit, après une longue
+période d'anarchie, la couronne à Michel Feodorovitch Romanof, fondateur
+de la dynastie qui s'est perpétuée sur le trône et dont certains
+membres, illustres parmi les illustres, ont assuré la grandeur de
+l'empire et la magnifique expansion de la puissance russe.</p>
+
+<p>En l'honneur de ces commémorations historiques, le tsar Nicolas a
+d'abord publié un ukase d'amnistie, impatiemment attendu, car le
+précédent décret de pardon datait de la naissance du prince héritier,
+c'est-à-dire de 1904. Un grand nombre de délits, et particulièrement de
+délits politiques commis depuis cette époque, se sont donc trouvés
+effacés, et quelques nobles exilés pourront dès maintenant rentrer
+impunément dans leur patrie. Les condamnés à mort ont vu commuer leur
+peine en vingt ans de travaux forcés et les prisons de Saint-Pétersbourg
+ont, d'un coup, libéré trois cents détenus. Dix millions ont été
+accordés à la Finlande pour l'amélioration de ses établissements
+d'assistance et 50 millions de roubles ont été donnés à la population
+rurale sur le produit de la vente des terres de l'empereur.</p>
+
+<p>Toutes ces mesures, très heureuses, très opportunes, ont produit, sur
+les masses si profondément attachées d'ailleurs à la dynastie, la plus
+heureuse impression, et la communion entre le souverain et le peuple, au
+cours de ces grandioses journées, n'en a été que plus étroite.</p>
+
+<p>Des <i>Te Deum</i> et des services d'actions de grâces ont été célébrés, le 6
+mars, dans les cathédrales de Saint-Pétersbourg, de Moscou et de Kief
+comme dans les plus humbles chapelles et dans toutes les églises de
+Russie à la même heure, pendant le service divin, fut lu un manifeste
+impérial faisant ressortir les efforts successifs des tsars et des plus
+éminents parmi leurs sujets pour réaliser la prospérité actuelle,
+économique, militaire et intellectuelle de l'empire russe.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/005a.png"><br><b>Le cortège quitte le Palais d'hiver pour se rendre à la<br>
+cathédrale de Kazan: le tsar et le tsarévitch sont en simple voiture<br>
+découverte; les impératrices suivent en carrosse de gala.</b></p>
+
+<p>A Saint-Pétersbourg, le tsar et le grand-duc héritier, qu'on était ému
+et joyeux de voir reparaître en public dans une voiture découverte, la
+tsarine, l'impératrice douairière et toute la famille impériale se
+rendirent à la cathédrale, en grand gala, pour assister au service
+d'actions de grâces. Et ce fut sur le passage du cortège impérial, dans
+les rues où stationnait une foule énorme, un véritable délire populaire.
+La circulation des voitures était partout complètement interrompue. Les
+monuments étaient richement décorés et les ponts tellement transformés
+par leur parure qu'ils semblaient reconstruits. Aux fenêtres, aux
+balcons, c'étaient des milliers d'oriflammes aux couleurs nationales et
+impériales, avec partout les blasons des Romanof. Des maisons
+disparaissaient entièrement sous les draperies. La perspective Newsky
+était tout entière décorée dans le style empire. Le soir,
+Saint-Pétersbourg s'illumina de millions de lampes électriques; des
+scènes d'histoire s'évoquèrent sur des transparents lumineux et des
+cortèges de patriotes parcoururent les avenues en chantant des hymnes
+nationaux et en portant des portraits de l'empereur.</p>
+
+<p>Le lendemain, à 4 heures, il y eut au Palais d'hiver, autour duquel
+continuait de se presser la foule, une grande réception impériale dans
+la salle de Malachite. Là se trouvaient réunis tous les grands corps de
+l'État, avec de hauts dignitaires religieux d'Orient unis au tsar par le
+lien orthodoxe, le patriarche d'Antioche, le métropolite de Serbie. Là
+encore, on put voir, avec leur suite asiatique, des princes vassaux de
+la Russie, l'émir de Boukhara, le khan de Khiva, et aussi des délégués
+mongols.</p>
+
+<p>La famille impériale au grand complet vint recevoir tous ces hommages,
+le tsar et le tsarévitch portant l'uniforme des chasseurs de la garde
+avec le grand cordon de Saint-André. Et le président de la Douma, M.
+Rodsianko, lorsque ce fut son tour de haranguer le souverain, employa le
+tutoiement des heures historiques. Son discours débutait ainsi:
+«Puissant empereur, ta sollicitude pour le peuple est grande...»</p>
+
+<p>Le 10 mars, les délégations des paysans ont été reçues au palais et le
+tsar leur fit un accueil émouvant, embrassant les chefs de ces
+délégations qui furent retenues à dîner.</p>
+
+<p>Cependant que, dans tout l'empire, l'affluence joyeuse et enthousiaste
+aux revues, aux illuminations, aux spectacles, témoignait 'que la fête
+de la dynastie demeurait bien la fête nationale, et que c'est encore et
+toujours la <i>Vie pour le Tsar</i> qui se joue sur la grande scène
+populaire.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/005b.png"><br><b>Sur le trajet, entre le Palais d'hiver et la Cathédrale<br>
+de Kazan.--La foule est nombreuse derrière la haie de soldats, mais<br>
+toutes les fenêtres sont fermées par mesure de police.</b></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/005c.png"><br><b>Devant la cathédrale de Kazan pendant la célébration de<br>
+l'office divin en présence de la famille impériale.</b></p>
+
+<h4>LA CÉLÉBRATION DU TRICENTENAIRE DE LA DYNASTIE DES ROMANOF, A
+SAINT-PÉTERSBOURG</h4>
+
+<p class="mid"><i>Photographie C. O. Bulla.</i></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/006.png"><br><b>LE TRICENTENAIRE DE LA DYNASTIE DES ROMANOF<br> Le tsar Nicolas II et le
+tsarévitch Alexis quittent la cathédrale de Kazan après la cérémonie
+religieuse du 6 mars (21 février du calendrier russe).</b> <i>Phot. A. Otzoup,
+photographe de la Cour.--Voir!'article aux pages précédentes.</i></p>
+
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/007.png"><br><b>Les contrastes de Pékin: l'antique chaise à porteurs et
+la «reine bicyclette».</b></p>
+
+<h2>UN MOIS A PÉKIN</h2>
+
+<h3>VI.--LE PROGRÈS CONTRE LE PASSÉ</h3>
+
+<p class="rig">20 juin.</p><br><br>
+
+<p>Je vous ai déjà dit que les chaises à porteurs avaient presque
+complètement disparu de Pékin. J'en ai pourtant rencontré ces jours-ci
+une, bien amusante, et très ancien régime. Portée par deux mules, elle
+longeait paisiblement la muraille de la ville impériale par-dessus
+laquelle un pavillon en ruines dressait, au milieu de la verdure, son
+toit aux tuiles d'or mélangées d'herbes folles. Un serviteur à pied
+menait par la bride la mule de tête tandis qu'un autre, à cheval,
+fermait la marche. Le propriétaire, qui devait être quelque rural aisé
+des environs, accroupi dans l'étroite caisse, fumait sa pipe, très
+dignement.</p>
+
+<p>Rien d'européen dans ce coin désert, pas un poteau télégraphique en vue;
+on aurait pu se croire dans le Pékin du temps de Kang Hi.</p>
+
+<p>Comme je m'extasiais, un cycliste en robe lilas, très jeune Chine,
+coiffé d'un élégant canotier et chaussé de bottines jaunes, dépassa
+soudain à toute pédale l'antique équipage. Ce fut pour moi, durant une
+seconde, une saisissante vision résumant l'état actuel du vieil empire.
+Et, vraiment, la bicyclette et son cycliste étaient en ce lieu quelque
+chose de choquant et de déplacé; je ressentis une impression analogue à
+celle que j'éprouve devant une belle chaumière ou un joli coin de
+paysage de chez nous souillé par quelque révoltant panneau-réclame.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/008.png"><br><b>Le mandarin d'aujourd'hui et son escorte à
+l'occidentale.</b></p>
+
+<p>Comme pendant à ce croquis en voici un qui vous donnera l'aspect d'un
+autre Pékin, celui que les révolutionnaires sont en train de nous
+fabriquer.</p>
+
+<p>C'est à l'arrivée du train de Tien Tsin, un jour de pluie, un mandarin
+nouveau style qui vient de débarquer. Il est monté dans son coupé dont
+les glaces sont remplacées par des persiennes aux lames rabattues. Sur
+les dalles de marbre disloquées, la voiture file en cahotant avec fracas
+vers la ville chinoise. Montés sur des bidets mongols assez laids, des
+cavaliers l'escortent; ils sont armés de carabines à répétition et vêtus
+de toile kaki avec, aux manches, des galons de grade en coton blanc;
+comme coiffures des canotiers et des panamas. Ce sont les satellites
+particuliers du moderne <i>Ta jen</i> qui, lui, est en veston et chapeau de
+paille.</p>
+
+<p>Dans ce tableau tout se tient: la vilaine gare, la rangée des boutiques
+récemment déposées le long du mur de Tien Men, les poteaux pour
+l'éclairage, le télégraphe et le téléphone, constituent un cadre bien
+digne de ce cortège et du Progrès qu'il représente.</p>
+
+<p>... A l'occasion du jour de naissance du roi George, il y a eu, l'autre
+jour, revue solennelle sur le glacis anglais, réception à la légation et
+dîner de gala à l'Hôtel des Wagons-Lits. Le manager s'était assuré le
+concours de la musique des «Somerset» qu'on a fait, à grands frais,
+venir de Tien Tsin. Depuis huit jours, l'événement était annoncé par la
+voie de la presse et par des prospectus invitant les amateurs à retenir
+leurs tables le plus tôt possible. Tout Pékin-Légations répondit à cet
+appel; la vaste salle à manger était débordante de dîneurs sur lesquels
+la «band» déversait de copieux et assourdissants flots d'harmonie. Ce
+fut, ensuite, une soirée dansante fort animée. Tout ce que le corps
+international d'occupation compte d'officiers, jeunes ou mûrs, fervents
+de la valse ou du tango, s'était mobilisé pour assurer le service
+chorégraphique et les danseuses ne chômèrent point. La seule chose
+regrettable, à mon gré, fut l'absence complète d'uniformes: rien que des
+habits, des smokings blancs ou noirs et des «Eton», ce drôle de petit
+veston de pâtissier, pas plus long que le gilet, si dangereux à porter
+parce que facilement ridicule. Tout le corps diplomatique était présent,
+nombreuses les élégantes, dont quelques-unes très jolies et très
+entourées. On remarquait même deux couples <i>Jeunes Chinois</i> très dans le
+train: les maris en parfaits gentlemen et les dames en combinaison, si
+j'ose dire, moitié chinoise, moitié je ne sais quoi, avec des coiffures
+ni l'un ni l'autre et des lunettes d'or. L'une d'elles, m'a-t-on dit,
+est suffragette, et s'est faite, à Pékin, l'apôtre des droits civiques
+de la femme. Déjà!</p>
+
+<p>Enfin, cette soirée aurait été tout à fait charmante si elle n'avait eu
+pour principal résultat de m'empêcher de dormir jusqu'à une heure fort
+avancée de la nuit.</p>
+
+<h4>LES BONS DOMESTIQUES</h4>
+
+<p>De temps en temps, un des nombreux boys qui servent à table se fait
+couper la natte; ils sont bien une cinquantaine dont la moitié est
+encore fidèle à la vieille coiffure nationale; de la moitié moderniste,
+les uns se sont fait raser complètement la tête et attendent que tout
+repousse à la fois; les autres ont conservé une certaine longueur de
+leur tresse dont ils se servent pour recouvrir la partie rasée de leur
+crâne jusqu'à ce qu'elle soit, elle aussi, garnie de cheveux; ce qui
+leur fait de drôles de figures. Ils n'ont pas encore la veste et le
+tablier de nos garçons de café: ils attendent probablement que la
+République soit mieux assise pour lui témoigner leur indéfectible
+attachement en dépouillant la livrée du régime déchu. Ils portent la
+longue robe de toile bleue, fendue sur le côté, bordée d'un mince galon
+blanc au col et aux poignets, recouvrant le caleçon blanc serré aux
+chevilles. Leurs pieds chaussés de pantoufles feutrées, légèrement
+retroussées du bout, glissent, empressés et silencieux, sur les parquets
+et les tapis, autour des tables et dans les couloirs.</p>
+
+<p>Les Chinois sont très observateurs, dit-on. Chez les boys d'hôtel, cette
+faculté est précieuse, car les quelques mots européens qu'ils écorchent
+en les disant, ou entendent de travers, ne seraient pas suffisants pour
+se faire servir même approximativement. Ils s'intéressent à leurs
+clients, et, pour peu qu'on soit livré pendant quelques jours aux bons
+soins du même boy, il arrive à connaître vos habitudes et semble
+éprouver une vraie satisfaction à prévenir vos désirs; c'est peut-être
+tout simplement la gloriole d'avoir fait preuve d'intelligence.</p>
+
+<p>Dernièrement, je voulais obtenir du mien une carotte crue dont j'avais
+besoin pour humecter un peu ma provision de tabac que la chaleur avait
+rendu sec comme un coup de trique. J'essayai vainement de me faire
+comprendre en français; en anglais, je ne fus pas plus heureux, le mot
+se prononçant exactement de la même façon, sauf qu'il y a deux r en
+anglais et pas d'e muet. Enfin, je me décidai à faire un dessin et, pour
+plus de précision, je coloriai en rouge et en vert le légume et son
+feuillage. Mon boy, ravi, partit en courant et me rapporta un radis.
+J'avoue qu'à ce moment j'ai douté de mon talent. Il faut vous dire qu'à
+l'École des Beaux-Arts on ne m'a jamais appris à dessiner une carotte.
+Dieu sait, pourtant, la quantité de navets que nous devons à
+l'enseignement officiel! Il faut vous dire aussi que les radis, à Pékin,
+sont énormes et de forme très allongée; cette circonstance, jointe à
+l'étrangeté de ma demande, excusait donc l'erreur du boy. Devant mon
+geste de refus découragé, le Chinois s'en fut chercher, derrière la
+porte, la carotte demandée dont il s'était muni, à tout hasard, pour le
+cas où le radis n'aurait pas fait mon affaire. Alors j'ai repris
+confiance en moi-même, et le boy, enchanté et fier de sa perspicacité,
+est allé raconter à ses camarades qu'il avait un drôle de client, qui
+mangeait des carottes crues entre ses repas.</p>
+
+<p>Car les Chinois sont très portés à l'exagération.</p>
+
+<p>Les domestiques indigènes font le désespoir des maîtresses de maison.
+Les Européennes de toutes nations sont unanimes à déclarer qu'il est
+aussi impossible de se soustraire à leurs malices, à leurs fantaisies, à
+leurs gaspillages, que de les empêcher de voler.</p>
+
+<p>Le vol domestique est une institution officielle dont le fonctionnement
+a été expliqué bien des fois par les auteurs qui ont écrit sur la Chine.
+C'est, en grand et en très perfectionné, le sou du franc de nos
+cuisinières, et cela prouve, une fois de plus, que les Chinois avaient
+tout découvert avant nous. L'anse du panier dansait dans l'Empire du
+Milieu bien avant que les paniers fussent inventés à Paris.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/009.png"><br><b>LA VIE MONDAINE A PÉKIN,--Une soirée à l'Hôtel des
+Wagons-Lits.</b></p>
+
+<p>C'est comme le syndicalisme: les principes en sont appliqués ici dans
+toute leur rigueur et avec la discipline la plus inflexible. Un boy qui
+se considère comme injustement congédié entraîne avec lui tous ses
+camarades, et la maison est mise à l'index. Impossible de trouver
+d'autres serviteurs tant que l'injustice n'est pas réparée. Il est
+arrivé qu'un malheureux ménage, nouveau venu, abandonné par ses
+domestiques à la suite d'une histoire de ce genre et dans
+l'impossibilité absolue d'en recruter d'autres, alla prendre ses repas
+chez un ami compatissant. Le premier jour, tout alla bien: le mari
+disait: «Il faut montrer de la fermeté, ne pas céder devant ces
+exigences intolérables, le prestige européen est en cause, etc.» Le
+second jour, le cuisinier en chef de l'ami hospitalier vint trouver son
+maître et lui demanda si le ménage Un Tel viendrait encore déjeuner et
+dîner. Le maître, quelque peu suffoqué, voulut bien, toutefois, car il
+cuisinait fort bien, répondre affirmativement à son serviteur, non sans
+lui demander de quoi il se mêlait et pourquoi il lui posait cette
+question. Le chef lui déclara alors que M. et Mme Un Tel ayant été
+boycottés par leur personnel, il était de son devoir à lui et à ses
+collègues de quitter le service de Monsieur si les victimes de
+l'interdiction syndicale parvenaient à se soustraire à ses effets en
+prenant pension chez Monsieur. Une invitation, de temps en temps, passe
+encore, mais tous les jours, jamais! Monsieur, qui était gourmand,
+hésita entre le coeur et l'estomac: celui-ci l'emporta, comme toujours.
+M. et Mme Un Tel, bien chapitrés, se rendirent à discrétion et reprirent
+leur boy, dont ils n'eurent. du reste, pas à se plaindre plus que de
+raison par la suite.</p>
+
+<p>Et voilà qui pourrait expliquer l'origine du mot <i>boycotter</i>. Encore une
+invention chinoise!</p>
+
+<p>La jeune femme, un jour que la note avait été majorée plus que de
+coutume, voulut encore protester et décida de faire elle-même ses
+provisions. Vains efforts! Le tout fut cuit et préparé de si belle sorte
+que rien n'était mangeable. Il fallut céder de nouveau.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/010.png"><br><b>UNE DES SORTIES DE PÉKIN: NAN SI HEU, LA PORTE DU
+SUD-OUEST.</b><br> Dessin de L. Sabattier.</p>
+
+<p>On me conte une autre anecdote, qui montre combien ces procédés sont
+considérés comme une chose toute naturelle par les Chinois. Le
+sous-directeur d'une banque ou d'une société quelconque fut appelé à
+remplacer pour quelque temps son chef, qui partait en congé: le jour
+même où il prit, par intérim, la direction de la maison, le prix des
+poulets et du reste augmenta chez lui dans de notables proportions;
+étonnement, questions auxquelles le chef cuisinier répondit simplement
+que Monsieur était directeur, maintenant, et qu'il devait payer plus
+cher, étant plus fortement appointé. Il fallut lui expliquer et lui
+prouver que, si Monsieur remplissait les fonctions de directeur, ce
+n'était que provisoirement et que ses appointements restaient les mêmes.
+Ces raisons furent jugées bonnes et les denrées revinrent à leurs prix
+ordinaires.</p>
+
+<p>Il est des forces contre lesquelles on ne lutte pas.</p>
+
+<p>Des anecdotes de toute sorte, on vous en raconte par centaines; il en
+est qu'on entend plusieurs fois, avec des variantes, mais l'aventure est
+régulièrement arrivée à la personne qui vous la narre.</p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+<p>Un défaut commun à beaucoup de coloniaux et que je retrouve ici, chez
+quelques jeunes débarqués--heureusement fort rares--a le don de
+m'exaspérer: c'est celui qui consiste à traiter en êtres inférieurs les
+habitants du pays où l'Européen est arrivé en intrus ou en conquérant,
+avec des canons et des fusils, et à ne vouloir connaître que les coups
+comme forme de discussion. Si ce raisonnement était juste, il faudrait
+admettre la réciproque et ne pas crier quand l'être inférieur se
+rebiffe, ou, alors, s'il est dans l'impossibilité de répondre, c'est de
+la lâcheté.</p>
+
+<p>Rien ne m'est plus pénible que de voir un blanc, un Européen, un
+Français, frapper, même légèrement, un pousse-pousse pour le faire aller
+plus vite.</p>
+
+<p>Je répète que le cas est très rare et que ce sont les tout jeunes gens
+irréfléchis qui se livrent à ces actes de brutalité qui ont, en outre,
+l'inconvénient d'être impolitiques au plus haut point. De petites causes
+peuvent produire un effet désastreux et la violence d'un isolé peut
+avoir des conséquences incalculables pour la communauté.</p>
+
+<h4>LA COLONIE FRANÇAISE A PÉKIN</h4>
+
+<p>La légation de France, reconstruite, comme la plupart des autres, après
+les événements de 1900, est, si on la compare à ses voisines qui lui
+servent de repoussoir, d'une grande sobriété de lignes. Son auteur
+n'avait pas encore inventé le style Fallières. Par un hasard
+inconcevable, elle est la seule dont l'entrée soit agrémentée de tas de
+cailloux, destinés à l'entretien de la rue. Et ces cailloux doivent être
+là depuis longtemps, car, à mon arrivée, il y a un mois, une végétation
+assez luxuriante les ornait déjà.</p>
+
+<p>C'est un coin bien parisien, et les jeunes attachés, en passant devant
+cet encombrement provisoire, peuvent rêver du Boulevard qu'ils viennent
+de quitter.</p>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="0"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="illustration">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<p class="mid"><img alt="" src="images/011a.png"><br><b>M. P. de Margerie, ministre de France, Actuellement
+directeur adjoint des affaires politiques au ministère des Affaires
+étrangères.</b></p>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;">
+<p class="mid"><img alt="" src="images/011b.png"><br><b>M. Georges-Picot, premier secrétaire de la légation de
+France.</b></p>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p>Notre sympathique ministre, M. de Margerie, n'assistera pas à la mise en
+oeuvre de ces matériaux, car, appelé à un poste important au ministère
+des Affaires étrangères, il quitte Pékin dans quelques jours, au grand
+regret de tous les Français, des Européens et aussi des Chinois, qui
+avaient pu apprécier son caractère à la fois ferme et conciliant, sa
+droiture et son exquise urbanité.</p>
+
+<p>En attendant l'arrivée de son successeur, la légation sera gérée par le
+premier secrétaire, M. F. Georges-Picot, fils de l'illustre économiste,
+membre de l'Institut.</p>
+
+<p>M. Georges-Picot, qui fut déjà chargé d'affaires lors du départ du
+prédécesseur de M. de Margerie, est la distinction et l'aménité mêmes,
+ce qui n'exclut pas, chez lui, la volonté et la force de caractère.
+C'est une belle et fine figure de diplomate, et je le vois très bien
+dessiné par Ingres, en habit à haut collet, culotte et bas de soie.</p>
+
+<p>Le personnel diplomatique français est complété par MM. Blanchet,
+consul, premier interprète, sinologue érudit et pratiquant, travailleur
+acharné, que ses occupations très absorbantes n'empêchent pas d'être
+aimable et accueillant, Viennent ensuite les jeunes et sympathiques
+attachés, MM. Valentin, Rhein et Dozon, qui font ici leurs <i>premières
+armes</i> dans la diplomatie. Et ce terme de premières armes pourrait bien,
+avant peu, ne plus être pris au figuré si les affaires continuent à ne
+pas s'arranger mieux. Mais les campagnes, c'est de l'avancement, et puis
+ça compte toujours pour la retraite.</p>
+
+<p>M. de Margerie, qui est le beau-frère de Rostand, a pour secrétaire
+particulier son neveu, M. Gérard Mante, jeune, fougueux, sportif et
+charmant, le plus agréable compagnon d'excursion qui se puisse voir.</p>
+
+<p>L'élément militaire est représenté par le commandant Vaudeseal, le
+médecin-major de première classe Hazard, le capitaine Collardet, breveté
+d'état-major, attaché militaire, le capitaine Renaud, les lieutenants
+Marquer, Delafond, Ménigoz, Klepper, Grovalet et l'aide-major Guy, qui
+ont, presque tous, déjà vu le feu, soit ici, soit au Tonkin ou en
+Afrique, et qui sont prêts à faire leur devoir, vaillamment et gaiement,
+à la française, dès que l'occasion s'en représentera.</p>
+
+<p>Mmes de Margerie et Georges-Picot étant, depuis quelque temps, rentrées
+à Paris, la partie féminine des habitants de la légation de France se
+trouvait réduite, ces jours derniers, à la toute gracieuse Mme
+Collardet, qui, à son tour, vient de quitter Pékin pour aller, avec ses
+enfants, passer les mois de grosse chaleur à Chan Haï Kouan, au bord de
+la mer, dans une pagode transformée en maison de campagne.</p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/011c.png"><br><b>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;L'entrée de la légation de France.</b></p>
+
+<p>Chan Haï Kouan, à douze heures de chemin de fer de Pékin, est le
+Trouville du Tché Li; c'est là que la Grande Muraille vient aboutir à la
+mer. Les résidants qui peuvent quitter la capitale pendant quelques
+semaines y vont, à la chaude saison (41° à l'ombre aujourd'hui) se
+reposer et respirer autre chose que de la poussière. Ceux que leurs
+occupations retiennent à la ville y envoient leurs femmes et leurs
+enfants; le vendredi ou le samedi ils prennent le train des maris et
+reviennent, le lundi, à leurs bureaux. Quelques-uns, plus fortunés ou
+jouissant de plus de loisirs, vont passer l'été au Japon.</p>
+
+<p>Au bord de la mer, comme à Tien Tsin ou à Pékin, les distractions
+mondaines tiennent une large place dans l'existence de la population
+européenne.</p>
+
+
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/012.png"><br><b>Pékin sportif: le tennis à l'«International Club».</b></p>
+
+<p>Les visites, les thés, les dîners, les réceptions, le cheval, l'escrime,
+le tennis, le bridge, les courses et les réunions sportives, sans
+oublier la chasse et les excursions, sévissent, dans toute l'étendue de
+l'extraordinaire garnison internationale, avec autant d'intensité et
+d'entrain que dans nos villes d'eaux les plus fréquentées. Il ne manque
+ici que le théâtre,--cela pour ceux dont le théâtre est la grande
+distraction.</p>
+
+<p>Pour ma part, je ne me suis jamais tant <i>habillé</i>, et vous savez si
+c'est mon genre! Mais je compte cette sujétion au nombre des
+inconvénients du voyage, avec la poussière, la nourriture d'hôtel et le
+change des monnaies.</p>
+
+<p>Je n'ai pu, faute de temps, me mettre en relations avec tous les
+Français de Pékin, et je le regrette vivement, ceux que j'ai pu
+connaître m'ayant fait bien augurer des autres et m'en ayant dit
+beaucoup de bien. Je vous citerai pourtant les noms de MM. Cazenave,
+ancien ministre plénipotentiaire, directeur de la Banque de
+l'Indo-Chine, Piry, directeur, et Roux-Lacordaire, sous-directeur des
+postes chinoises, Millorat, directeur du chemin de fer du Chan Si,
+Delon, de la poste française, vieux Parisien, quoique méridional, de
+Rotrou, inspecteur du Chemin de fer Pékin-Hankeou, Redelsperger, etc.</p>
+
+<p>Je m'en voudrais d'oublier dans cette rapide énumération deux jeunes
+gens de passage ici, deux Français de la bonne espèce, comme on aime à
+en rencontrer en pays étrangers où ils sont de vivants et sains
+échantillons de notre race bien portante de corps et d'esprit.</p>
+
+<p>L'un, M. F. Bernot, agrégé de l'Université, est titulaire d'une bourse
+de voyage qui lui permet de faire, en deux ans, le tour du monde à son
+gré, à sa fantaisie, sans obligations, sans programme si ce n'est
+celui-ci: «Regarde, compare, instruis-toi.» Voilà qui est autrement
+compris que notre prix de Rome, si suranné. M. Bernot est arrivé à Pékin
+quelque temps avant les troubles de février dernier. Il a assisté à
+quelques nuits tragiques, à des journées mouvementées, ce qui ne l'a pas
+empêché d'être, comme tant d'autres, séduit par ce pays, et il y est
+encore.</p>
+
+<p>L'autre, M. L. Aurousseau, est lauréat de l'École des Langues orientales
+et pensionnaire de l'École française d'Extrême-Orient à Hanoï. Il est
+chargé de rechercher, en Chine, pour la bibliothèque de ce dernier
+établissement, des ouvrages et des manuscrits, des éditions rares, des
+textes anciens. C'est un digne émule de Pelliot: il en a la science,
+l'ardeur et le courage: le succès viendra.</p>
+
+<h4>LE CHAPITRE DES TOILETTES</h4>
+
+<p>La très importante question des toilettes prend des proportions
+insoupçonnées pour mesdames les résidantes. Elles sont obligées d'avoir
+recours à toutes sortes de combinaisons pour recevoir de Paris leurs
+robes et leurs chapeaux avant qu'ils soient démodés. La France, on ne
+sait pourquoi, est le seul pays d'Europe qui n'expédie pas ses colis
+postaux en Extrême-Orient par le Transsibérien. Ce service se fait par
+mer. La durée du voyage étant de quarante jours environ, de Marseille à
+Pékin, au lieu de treize que met le chemin de fer, vous pouvez vous
+rendre compte de ce que doit souffrir, ici, une pauvre élégante
+attendant un envoi de sa couturière ou de sa modiste. Considérez qu'une
+lettre met, par la Sibérie, quinze jours pour aller du quartier des
+Légations à la rue de la Paix; admettez que la commande soit claire et
+ne donne lieu à aucune méprise; supposez qu'il n'y ait aucun retard et
+que le travail soit fait en huit jours; il faut aussi que l'expédition
+coïncide avec le départ d'un paquebot (ce qui peut faire une différence
+de quelques jours); ajoutez les quarante jours de mer; cela donne, en
+mettant les choses au mieux, deux bons mois pendant lesquels tout peut
+avoir été bouleversé dans la mode.</p>
+
+<p>C'est là un douloureux problème que quelques maisons de commerce
+essaient de résoudre en adressant le précieux colis à leur correspondant
+de Berlin ou de Moscou qui se chargera de le réexpédier en Chine par ce
+Transsibérien interdit aux postaux français. Mais c'est encore une perte
+de temps considérable et, pour peu que la malechance s'en mêle, il peut
+arriver que ce soit aussi long que par le bateau, et même plus.</p>
+
+<p>Pour une légère robe de soirée, le meilleur moyen est encore de se la
+faire envoyer sous enveloppe affranchie comme lettre recommandée,--via
+Sibérie. On a droit à un kilogramme. Au besoin on peut diviser l'objet
+en deux parties qu'on rajustera facilement à la réception. Du reste,
+aujourd'hui, il ne doit pas y avoir beaucoup de robes--de robes du soir,
+surtout--qui pèsent un kilo. Pour les chapeaux, le moyen est absolument
+impraticable, car, bien qu'il n'y ait pas de limites comme dimensions,
+la poste refuserait un pli n'ayant pas, au moins vaguement, la forme et
+l'aspect d'une lettre.</p>
+
+<p>Vous le voyez, tout n'est pas rose pour ces malheureuses femmes.
+L'arrivée d'une voyageuse élégante est toujours, pour, elles, un
+événement considérable et d'un passionnant intérêt. Les moindres détails
+de la toilette nouvellement débarquée sont aussitôt, de leur part,
+l'objet d'un examen minutieux et approfondi; rien ne leur échappe, en ce
+fiévreux inventaire, des plus légers changements survenus dans la coupe
+d'un revers, la hauteur d'une martingale, la façon de ne pas boutonner
+un gant, de nouer et d'épingler la voilette, dans les mille petites
+particularités, enfin, de l'équipement féminin sur quoi les moniteurs
+illustrés de la Mode fugace ne donnent, pour ne pas se compromettre, que
+de rares et vagues renseignements.</p>
+
+<p>A la suite de ces constatations on peut souvent, par des moyens de
+fortune, faire subir à une toilette de rapides transformations qui
+permettront de ne pas avoir l'air trop en retard sur la nouvelle venue.
+Pensez donc que, si le sac à main, par exemple, venait à être supprimé,
+ou les fleurs sur les chapeaux rétablies, on ne le saurait, ici, que
+quinze jours plus tard, à moins qu'une amie véritable ne vous en
+prévienne par un télégramme à cent sous le mot.</p>
+
+<p>Les plus sportives parmi les résidantes font, à cheval, des promenades
+aux environs; mais il faut être vraiment passionné d'équitation, car je
+ne connais rien d'abominable comme les routes de ce pays. Que ce soit à
+l'intérieur de la ville ou dans la campagne, c'est la poussière--et
+quelle poussière!--ou la boue,--et quelle boue! Il est vrai que, hors de
+l'enceinte, les chemins sont très peu fréquentés et qu'on laisse
+derrière soi sa propre poussière; mais, rien que pour sortir de Pékin,
+il faut faire 4 ou 5 kilomètres au milieu de la cohue, dans le suffocant
+et malodorant nuage jaune soulevé par les charrettes, les pousse-pousse,
+les piétons, les ânes, les chevaux, les mulets et les chameaux.</p>
+
+<p>Quand le vent s'en mêle, il n'y a qu'à rester chez soi.</p>
+
+<p>Aussi le tennis est-il le sport le plus apprécié. Il compte de très
+nombreux fervents, parmi lesquels jusqu'à des Chinois et des Chinoises,
+épris de modernisme. Dans les différents clubs de Pékin, les parties
+quotidiennes sont très animées. Autour des joueurs on prend le thé et
+l'on bavarde pendant qu'un orchestre chinois des plus européanisés fait
+entendre, aux jours de réceptions, des danses américaines ou des airs de
+café-concert allemand.</p>
+
+<h4>DERNIÈRES HEURES DE PÉKIN</h4>
+
+<p class="rig">22 juin.</p><br><br>
+
+<p>Le jour du départ est arrivé bien vite. Nous sommes allés, hier soir,
+avant dîner, prendre l'air sur la muraille dont le faîte dallé, large
+comme une avenue, émerge au-dessus de l'habituelle couche de poussière.
+Après la lourde chaleur de la journée il faisait relativement frais dans
+la faible brise du nord qui éloignait de nous les fumées de l'odieuse
+gare collée au long du rempart mandchou.</p>
+
+<p>Du quartier commerçant de la ville chinoise, par delà Tien Men, monte,
+atténuée, l'incessante clameur du peuple mystérieux. Les lampes
+électriques s'allument. Une publicité lumineuse à éclipses, au coin de
+la rue des Lanternes, jette, à intervalles réguliers, ses aveuglants
+éclats dans la poussière du carrefour. De temps en temps, à nos pieds,
+siffle une locomotive en manoeuvre. Dans le ciel, encore clair, du
+couchant, au-dessus de la formidable silhouette de la porte impériale,
+un vol d'aigrettes passe, semblant surgir des toitures d'or de la Ville
+Interdite qu'on distingue confusément dans l'ombre croissante. A
+l'intérieur de la muraille, les bâtiments et les jardins des Légations
+et l'horrible bâtisse des Wagons-Lits ont presque disparu dans la nuit,
+mais les alignements des fenêtres en sont brutalement indiqués par
+l'éclairage intérieur, et de puissantes lampes à are découpent de dures
+ombres aux murs et sur le sol, pendant que l'obscurité s'épaissit sur
+les dalles dénivelées et sur les créneaux délabrés envahis par des
+végétations de ruines.</p>
+
+<p>On ne peut pas venir à Pékin sans goûter aux fameux nids d'hirondelle,
+ailerons de requin, pousses de bambou et autres mets célèbres. Nous
+sommes donc allés, en compagnie de M. et Mme O'Neil et de M. Baudez,
+dîner dans un des grands restaurants de la cité commerçante. Tout le
+monde a entendu parler des innombrables et invraisemblables plats qui
+composent un menu chinois. Je ne vous donnerai donc pas la longue liste
+de ce qu'on nous a servi, dans le salon éclairé à l'électricité et d'une
+saleté bien locale, où notre couvert se trouva mis. Sur une nappe plus
+que douteuse étaient amoncelés, dans de petites soucoupes, les trente ou
+quarante variétés de sucreries, salades et fruits qui sont les
+hors-d'oeuvre. Devant chaque convive, à côté des bâtonnets d'ébène, une
+provision de petits carrés de papier pour s'essuyer les doigts et la
+bouche.</p>
+
+<p>Sous la direction d'un maître d'hôtel à la natte somptueuse et au
+sourire engageant, les plats défilent, défilent, tous moins excitants
+les uns que les autres. A part quelques fruits confits et des foies de
+canards vraiment délicieux, je n'ai rien trouvé de mangeable dans toutes
+ces extravagances. Je ne serais même pas éloigné de croire que les
+malicieux Chinois se moquent de nous en nous les servant. Il n'est pas
+possible qu'ils mangent toutes ces choses-là, et, pour moi, c'est une
+cuisine qu'ils ont inventée à l'usage des voyageurs avides d'étrangetés
+et désireux de pouvoir raconter, en rentrant chez eux, des choses
+extraordinaires.</p>
+
+<p>Ce qu'il y a de certain, c'est que toutes ces nourritures affolantes
+sont très mauvaises, du moins à mon goût, car le ménage O'Neil prétend
+se régaler.</p>
+
+<p>Le retour en pousse-pousse, la nuit, par les étroites rues encombrées
+d'une cohue glapissante, est une des choses les plus fantastiques qui se
+puissent voir. Ah! dans l'ombre, les étranges faces aux yeux de mystère,
+aux regards de chats! Une sorte d'angoisse finit par vous pénétrer et
+vous étreindre au milieu de ce grouillement dans l'obscurité; ces
+hurlements, ces vociférations forcenées, qu'on est porté à croire
+hostiles, cette foule s'ouvrant de mauvaise grâce pour vous laisser
+passer et se refermant sur vous avec, semble-t-il, des airs de menace,
+vous donnent une sensation de cauchemar, et c'est avec un réel
+soulagement que je me suis retrouvé dans le calme quartier des
+Légations.</p>
+
+<p>Le thermomètre marque, aujourd'hui, 42° à l'ombre. Dans les bureaux de</p>
+
+<p>la banque où je suis allé retirer mes fonds avant le départ, les
+employés anglais, en bras de chemise, fument leurs pipes en attendant
+l'heure du tennis. Les commis chinois, du bout délié de leurs doigts de
+pianistes, manipulent les billes des abaques sur lesquels ils semblent
+exécuter de vertigineuses symphonies financières.</p>
+
+<p>J'ai voulu emporter, à titre de curiosité, quelques-uns de ces <i>taëls
+</i>dont on parle tant et qu'on ne voit jamais. Ce sont de petits lingots
+d'argent d'un poids assez variable et d'une valeur approximative d'un à
+deux dollars mexicains. Ils représentent la plus grande partie de
+l'encaisse métallique des nombreuses banques, officielles ou privées,
+dont le papier remplace cette encombrante monnaie. Le malheur est que ce
+papier si commode n'a qu'un cours très limité et qu'il faut en changer à
+chaque instant: celui de Changhaï ne vaut rien à Tien Tsin et Pékin
+n'accepte ni l'un ni l'autre. On perd au change, naturellement, et on
+reçoit, par-dessus le marché, un certain nombre de billets faux qu'un
+touriste est absolument incapable de distinguer des vrais. Mais ceci
+n'est pas une spécialité de la Chine.</p>
+
+<p>Les lingots, tout en n'offrant guère plus de garanties contre la fraude,
+ont, au moins, le mérite du pittoresque. Chacun d'eux porte, imprimé
+dans le creux produit par le refroidissement du métal, le caractère qui
+signifie <i>bonheur</i>. Ce qui semblerait indiquer que, pour les Chinois, à
+rencontre de notre proverbe, l'argent est une source de félicité. Ce
+caractère est très employé en Chine, on l'écrit partout, on en fait des
+bijoux et des ornements. Dans un dictionnaire de caractères sigillaires
+je trouve cent six manières de le dessiner. Mais celui qui détient le
+record de la diversité c'est <i>longévité</i> avec deux cent quatre-vingt-dix
+formes différentes. Et cela nous prouve que leur indéniable mépris de la
+mort n'empêche pas les Célestes d'aimer la vie.</p>
+
+<p>A la Pagode du Mulet, où les fidèles viennent déposer leurs offrandes
+aux pieds des nombreux bouddhas dispensateurs, l'autel le plus
+fréquenté, le mieux épousseté et le plus encombré d'<i>ex votos</i> est celui
+du dieu présidant à la longue vie.</p>
+
+<p>Viennent ensuite ceux de qui dépendent la réussite dans les examens,
+l'obtention des charges et honneurs, la richesse et le bonheur (qui ne
+font qu'un), la postérité. Les vertus et les talents sont moins demandés
+et une épaisse couche de poussière empêche de se rendre un compte exact
+de la spécialité des autres influences divines.</p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+<p>Sur le quai de la gare de nombreux compatriotes sont venus nous serrer
+la main. Ce n'est pas sans une petite pointe d'émotion que nous les
+quittons; tous se sont évertués à nous rendre agréable notre trop court
+séjour à Pékin et ils y ont réussi.</p>
+
+<p>Je suis heureux de terminer ces lignes en adressant mes meilleurs
+souvenirs aux Français de Pékin.<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">L. Sabattier.</span></span></p><br>
+
+<p>P. S.--J'apprends, d'une source autorisée, que, dans six mois, des
+tramways à trolley circuleront dans la capitale de l'Empire du Milieu.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/013.png"><br><i>(Longévité.)&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;(Bonheur.)</i></p>
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/014.png"><br><b>LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DINE CHEZ SES CONFRÈRES DU
+BARREAU<br>Au fond, la table d'honneur.</b>--Phot. A. Braunstain.</p>
+
+<p>L'un des soirs de la dernière semaine, sans protocole, Me Raymond
+Poincaré, président de la République française, s'en alla dîner chez ses
+«confrères», les avocats du barreau de Paris. Mille convives s'étaient
+réunis rue Saint-Martin, dans l'immense hall à deux étages du Palais des
+Fêtes de Paris. M. Raymond Poincaré trouva là pour l'accueillir, autour
+du bâtonnier de l'ordre, Me Fernand Labori, plusieurs membres du
+gouvernement et tout ce que le barreau compte, à Paris et en province,
+d'illustrations. Au nom du Conseil de l'ordre, Me Labori salua le chef
+de l'État:</p>
+
+<p>--Monsieur le président de la. République cher et illustre confrère....
+commença-t-il.</p>
+
+<p>Et il évoqua ceux qui ayant appartenu au barreau furent élevés aux
+suprêmes magistratures--un pape du treizième siècle, et un roi du
+vingtième: Edouard VII--pour féliciter ensuite l'ordre d'avoir donné à
+la France son président d'aujourd'hui.</p>
+
+<p>Lorsque, pour serrer les mains du bâtonnier, M. Poincaré se leva, ce fut
+une ovation indescriptible de toute la salle qui s'était levée aussi
+d'un même élan. Et le président de la République trouva les mots les
+plus heureux et les plus éloquents pour faire l'éloge de ce cher barreau
+parisien qu'il aimait tant, qui l'avait grandi et où il demandait qu'on
+lui réservât la place qu'il comptait bien revenir prendre dans sept
+ans...</p>
+
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/015a.png"><br><b>Soldats à la corvée de neige.</b></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/015b.png"><br><b>AU CAMP SERBE.--Dans la tourmente.--Un canon à demi
+enseveli.</b>--<i>Photographies S. Tchernof.</i></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/015c.png"><br><b>Les soldats bulgares se sont improvisés «sculpteurs
+animaliers».</b>--<i>Phot. du lieut. G. Staïnof.</i><br> <b>LA TRÊVE DE LA NEIGE
+AUTOUR D'ANDRINOPLE</b></p>
+
+<p><i>Mieux que tout commentaire, ces photographies expliquent la longue
+inaction des troupes réunies autour d'Andrinople: la neige leur
+imposait, comme à l'armée turque de Tchataldja, une trêve naturelle, qui
+arrêta l'effort des combattants et empêcha toute opération. Partagés
+entre les corvées que nécessitaient les amoncellements de neige et les
+rudes factions dans la tourmente, luttant sans cesse contre le froid qui
+mord sous les capuchons et les couvertures, les soldats bulgares et
+serbes mènent une dure vie, qu'ils s'ingénient pourtant à égayer, à
+force d'entrain et de belle humeur. Déjà la neige a commencé à fondre,
+et d'épais bourbiers lui succèdent.</i></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/016a.png"><br><b>Le camp du 9e régiment serbe après une tempête.</b>--<i>Phot.
+S. Tchemo.</i></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/016b.png"><br>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="12" border="0"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="illustration">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 33%; text-align: center;">
+<b>L'enlèvement d'un blessé: au fond, deux trous creusés par
+les obus ennemis.</b>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 34%; text-align: center;">
+<b>CHEZ LES BULGARES.--Amusements.</b> <i>Photographies du lieut.
+G. Staïnof.</i>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 33%; text-align: center;">
+<b>Le déblaiement d'une tranchée obstruée par deux mètres de
+neige.</b>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/016c.png"><br><b>Soldats serbes en faction, par un froid terrible, à 300
+mètres des avant-postes turcs.</b><br>--<i>Phot. S. Tchernof.</i><br><b>LA TRÊVE DE LA
+NEIGE AUTOUR D'ANDRINOPLE</b></p>
+
+<br><br>
+
+<h3>A WASHINGTON</h3>
+
+<h4>LE NOUVEAU PRÉSIDENT</h4>
+
+<p>M. Woodrow Wilson, élu président de la République des États-Unis le 5
+novembre dernier, a pris, le mardi 4 mars, possession de ses nouvelles
+fonctions.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/017a.png"><br><b>Devant le Capitole: M. Woodrow Wilson lisant son message.<br>
+Assis derrière lui, son prédécesseur, M. Taft.</b></p>
+
+<p>Son prédécesseur, M. Taft, quitta joyeux, en plaisantant avec ses amis,
+la résidence présidentielle, la Maison Blanche; M. Woodrow Wilson, a
+remarqué le reporter du <i>New York Herald</i>, était grave et portait déjà
+sur son «masque étroit» la trace des préoccupations que peut bien
+engendrer la lourde tâche de gouverner 90 millions de citoyens.
+Pourtant, le ciel était serein, et ce beau temps permit que le nouveau
+président fût «inauguré», selon l'expression américaine, en plein air,
+sur la terrasse du palais législatif. Le peuple put donc voir, avec
+émotion, son premier magistrat prêter serment à la constitution entre
+les mains du juge White, président de la Cour suprême, puis
+entendre--ceux-là, du moins, des spectateurs qui avaient pu s'approcher
+assez--la lecture du message présidentiel. Des bravos enthousiastes
+accueillirent et la formule du serment et la péroraison du discours; et
+on ne rit même pas, tant la solennité de l'acte était impressionnante,
+quand un plaisant, qui eût sans doute voulu voir M. Roosevelt aux côtés
+de M. Wilson et de M. Taft, lança d'une voix de stentor: «Où est
+Teddy?». Mme Woodrow Wilson et ses trois jeunes filles assistaient de
+l'intérieur du palais à la cérémonie.</p>
+
+<h3>LES SUFFRAGETTES AMÉRICAINES</h3>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/017b.png"><br><b>Le défilé d'une armée de 9.000 suffragettes dans les rues
+de Washington.</b></p>
+
+<p>Les suffragettes américaines n'avaient point voulu laisser échapper une
+si belle occasion de manifester en faveur de leur idée fixe. Elles
+avaient organisé un défilé monstre de plus de 9.000 personnes, qui se
+déroula d'abord en bon ordre. Mais, par suite de mesures de police trop
+rigoureuses, des rixes se produisirent bientôt. On avait eu recours à
+l'intervention de troupes de cavalerie, appelées de Fort Myer, pour
+dissoudre la procession des suffragettes. Celles-ci résistèrent. Il en
+résulta quelques plaies et bosses. Et, éparpillées par petits groupes,
+dames et demoiselles fanatiques du bulletin de vote se retrouvèrent dans
+un meeting où, en des discours véhéments, la police, le Parlement, le
+président lui-même, furent à leur tour copieusement houspillés.</p>
+
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/018a.png"></p>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="12" border="0"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="illustration">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 33%; text-align: center;">
+<b>L'arrivée aux portes de la ville.</b>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 67%; text-align: center;">
+<b>La réception des notables au consulat d'Espagne.</b><br>--<i>Phot.
+Rectoret.</i>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p class="mid"><span class="sc">L'entrée du général Alfau à la tête des troupes espagnoles a Tétouan</span></p>
+
+<h3>AU MAROC ESPAGNOL</h3>
+
+<h4><span class="sc">l'occupation de tétouan</span></h4>
+
+<p><i>Notre correspondant de Madrid nous écrit:</i></p>
+
+<p>L'Espagne a pu enfin réaliser le rêve, conçu depuis la conquête
+sanglante par O'Donnell, en 1860, de Tétouan, de réoccuper cette ville,
+ancien refuge des Maures expulsés d'Andalousie et future capitale de sa
+zone nord au Maroc.</p>
+
+<p>L'opération a été confiée au général Alfau, qui l'exécuta, à la fin du
+mois dernier, avec des forces d'environ deux mille hommes. Après avoir
+détaché en avant-garde deux compagnies de tirailleurs indigènes, qui
+s'emparèrent de la kasbah, et le tabor de police montée, il fit son
+entrée dans la ville, reçu en chemin par les autorités marocaines et
+salué par le corps consulaire.</p>
+
+<p>Cette opération sans coup férir a été facilitée par la politique
+d'attraction que les représentants de l'Espagne à Tétouan, et notamment
+le consul, M. Lopez Ferrer, pratiquaient depuis longtemps à l'égard des
+notables indigènes et de la nombreuse population Israélite (8.000
+habitants sur un total de 30.000). La colonie espagnole s'élève à
+Tétouan à plus de 600 âmes (le 80% de l'élément européen), quoique le
+commerce de l'Espagne y reste inférieur à celui de la France et de
+l'Angleterre. Malgré tous ces facteurs de succès, le mérite de
+l'occupation revient pour une bonne part au général Alfau, désigné comme
+futur haut commissaire de la zone espagnole.</p>
+
+<p>Agé de cinquante-cinq ans, marié à une Française originaire d'Algérie,
+pays qu'il connaît aussi bien que le Maroc, parlant couramment le
+français et l'arabe, le général Alfau a toujours témoigné envers notre
+pays des sympathies qui ne peuvent qu'améliorer les rapports et
+faciliter la tâche commune des deux nations au Maroc.<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">J. Causse.</span></span></p><br><br>
+
+<h3>A CONSTANTINOPLE</h3>
+
+<p><i>D'une nouvelle visite faite aux avant-postes turcs de Tchataldja, notre
+collaborateur Georges Rémond a rapporté la, conviction que d'ici
+plusieurs semaines, à supposer que le beau temps revienne et dure, il ne
+pourrait y avoir, de ce côté, d'opérations sérieuses: c'est la trêve du
+dégel et de la boue après celle de la neige. A son retour à
+Constantinople, il devait être frappé, par le spectacle qu'offre cette
+grande ville sans âme, indifférente, semble-t-il, à tous les maux. Il
+nous adresse, à ce sujet, les lignes suivantes:</i></p>
+
+<p class="mid"><span class="sc">carnaval et incendies</span></p>
+
+<p>Quelle étrange ville! et que de singulier contrastes elle offre! Le
+carnaval y bat son plein; il y a cinq bals par semaine; les masques et
+les dominos passent pêle-mêle dans la grande rue de Péra avec les
+blessés, avec les malades qu'on ramène des lignes de Tchataldja ou de
+Gallipoli, des hommes aux pieds gelés, aux mains mortes, et personne n'y
+fait attention. Il y a des incendies tous les jours; on entend le cri
+sinistre le celui qui annonce le feu; on voit passer au galop les pompes
+municipales, puis les bandes débraillées des «touloumbadjis» (pompiers
+volontaires) en costumes d'acrobates de barrière portant une pompe
+surmontée d'un ornement bizarre qui ressemble au Saint-Sacrement de nos
+processions; et une grande aurore rouge se lève sur Galata ou sur
+Stamboul. Cent maisons disparaissent un jour, cent cinquante le
+lendemain. Comment en reste-t-il encore? L'autre soir Sainte-Sophie a
+bien failli flamber; toutes les petites constructions de la place qui
+l'avoisine ont été consumées. Et, à part quelques visages entrevus de
+patriotes angoissés par l'incertitude de l'heure, pénétrés de tristesse,
+et redoutant les nouvelles négociations de paix avec abandon
+d'Andrinople dont on fait courir le bruit; à part l'expression des yeux
+d'un blessé passant à cheval au milieu de l'indifférence publique et
+qu'un camarade mène à l'hôpital, rien d'autre ou presque rien ne trahit
+tout cet amoncellement de défaite, de fin de tragédie, de fin de peuple
+qui pèse sur cette ville. En somme, personne ne voit cela. Et pour
+montrer un pareil spectacle, il ne faudrait pas seulement le décrire,
+mais inventer, en grand artiste, en historien véridique, et ayant une
+âme en plus des yeux, des figures qui donnent un nom, un sens, un
+sentiment à ce qu'il a d'impersonnel et d'anonyme.</p>
+
+<p class="mid"><span class="sc">l'incident de la «suzette-fraissinet»</span></p>
+
+<p>... Je viens de me rendre à bord de la <i>Suzette-Fraissinet</i>, le cargo
+français bombardé le 1er mars par les Bulgares. Le commandant Gibert m'a
+reçu et m'a dit qu'il se trouvait ce jour-là, par beau temps, à 4 h. 30
+de l'après-midi, à 24 milles de Gallipoli et passait à 3 milles de la
+côte. Il venait de Dédéagatch où il avait, avec l'autorisation des
+autorités bulgares, embarqué 128 réfugiés turcs dont beaucoup de femmes
+et d'enfants. A ce moment il avançait précédé par un vapeur anglais, le
+<i>Moeris</i>, et suivi par un italien, l'<i>Ausonia</i>, lorsque le premier,
+l'anglais, fut canonné par des batteries bulgares de la côte qui
+l'endommagèrent dans ses ouvres mortes. A son tour, la
+<i>Suzette-Fraissinet</i> fut touchée à bâbord par le milieu, puis atteinte à
+l'avant par un boulet qui creva l'arrière de la cloison étanche séparant
+les cales numéros 1 et 2, traversa les deux tôles de blindage--en tout
+une épaisseur de 42 millimètres--et éparpilla plusieurs rangs de briques
+empilées contre la cloison. C'était là précisément que se trouvaient les
+réfugiés. Le commandant Gibert fit hisser au mât de misaine un pavillon
+neuf, mais sans que les Bulgares cessassent le feu. Neuf autres
+projectiles tombèrent autour du navire, heureusement sans l'atteindre;
+l'<i>Ausonia</i> ne subit aucun dommage.<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">Georges Rémond</span></span></p><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/018b.png"><br><b>A Constantinople: Sainte-Sophie menacée par un incendie<br>
+qui a détruit un quartier voisin.</b>--<i>Phot. Ferid Ibrahim.</i></p>
+
+<br><br>
+
+<h3><span class="sc">les livres &amp; les écrivains</span></h3>
+
+<h4><span class="sc">L'Histoire par les correspondants de guerre</span></h4>
+
+<p>La guerre des Balkans n'est point achevée que déjà son histoire, toute
+pantelante, sort des presses, avec ses chapitres de feu et de sang, ses
+pages d'orgueil, de folie et de deuil, et même ses conclusions du
+philosophe qui, parfois, devancent un peu les réalités. Cette histoire
+de la formidable crise qui marque une si grande date dans la vie des
+peuples de l'Europe orientale, ce sont les correspondants de guerre qui
+l'auront, les premiers, écrite avec les éléments, les documents de vie
+et de mort qu'ils ont été chercher eux-mêmes si courageusement dans les
+champs de la victoire et sur les routes de la débâcle. Rarement, et
+parmi plus de difficultés, de périls et de misères matérielles, le grand
+reportage aura mieux réalisé son effort d'information. Rarement, aussi,
+ces correspondances--si nous ne considérons qu'une sélection, celles que
+tout le monde a suivies passionnément parce que loyales et
+vraies--auront été plus précises et plus minutieusement révélatrices. Il
+ne faut d'ailleurs point s'en étonner, car si tels de ces représentants
+des grands journaux étaient des spécialistes de la guerre, des officiers
+instruits, entraînés et clairvoyants, comme notre admirable
+correspondant de Thrace, M. Alain de Penennrun, qui aura donné la
+première grande «relation d'état-major» de cette campagne (1), tels
+autres, comme notre très distingué confrère du <i>Matin</i>, M. Stéphane
+Lauzanne, qui fut à Constantinople l'éloquent et clairvoyant témoin de
+l'agonie d'un empire (2), ont prodigué les plus riches, les plus souples
+et les plus pittoresques qualités de l'observateur et de l'écrivain.</p>
+
+<p>M. René Puaux, qui, à son tour, publie son livre de la guerre
+turco-bulgare: <i>De Sofia à Tchataldja</i> (3), doit être, lui aussi, tenu
+au premier rang de cette élite. Muni de la fameuse lettre blanche qui
+lui permettait, avec quatre ou cinq autres privilégiés, dont le
+correspondant de <i>L'Illustration</i>, d'être admis sur le terrain du feu,
+M. René Puaux a adressé au Temps une suite tout à fait remarquable de
+lettres, que nous avons tous lues et qui sont autant de documents
+précieux par leur haute probité professionnelle et la richesse de leur
+information. M. René Puaux devait être, j'imagine, un très réconfortant
+compagnon de route. Il a de l'esprit, et du plus alertement français. Il
+fit preuve, à tout instant, de bonne santé et de bonne humeur et, s'il
+eut du courage gai aux heures les plus sinistres, il manifeste en tels
+de ses récits la sensibilité d'un poète et l'éloquence recueillie d'un
+témoin de l'histoire; par exemple, lorsqu'il nous donne cette vision du
+vainqueur, bulgare progressant de Kirk-Kilissé à Tchataldja sur cette
+route qui, pour les Turcs en déroute, fut celle de la terreur et de la
+honte: «L'armée bulgare s'avance, rapide, silencieuse, disparate dans sa
+tenue, mais une dans son coeur, comme marchaient les volontaires de 92.
+C'est une armée farouche, impressionnante, où les barbes grises
+voisinent avec l'adolescence, où les capuchons de bergers couvrent la
+nuque de l'officier comme du soldat; c'est une armée qui traîne derrière
+elle ses convois, ses troupeaux, comme les conquérants d'autrefois,
+nomades éternels qui descendaient vers les mers chaudes avec leurs chars
+aux roues pleines. On sent qu'elle marchera jusqu'aux portes de
+l'Orient, cohorte fantastique que dirigent des cerveaux modernes...»</p>
+
+<blockquote>(1) <i>La Guerre des Balkans</i>, Lib. Lavauzelle, 4 fr.<br>
+
+(2) <i>Au chevet de la Turquie</i>. Lib. Fayard, 3 fr. 50.<br>
+
+(3) <i>De Sofia à Tchataldja</i>, Lib. Perrin, 3 fr. 50.</blockquote>
+
+<p>L'armée bulgare s'est avancée, en effet, jusqu'aux portes de l'Orient.
+Elle n'en a point cependant franchi le seuil et, si l'on en excepte M.
+Alain de Penennrun qui révéla avant tous autres les raisons de l'échec
+bulgare devant Tchataldja, ce sont surtout les correspondants du côté
+turc,</p>
+
+<p>et en particulier Georges Rémond, qui ont pu nous dire l'importance et
+la difficulté de l'obstacle dressé devant Constantinople.</p>
+
+<p>Justement, cette semaine encore, un journal des opérations du côté
+ottoman (4) nous est présenté par le major allemand von Hochwæchter. Le
+major von Hochwæchter ne fut pas, à vrai dire, un correspondant de
+guerre. C'était un instructeur de l'armée ottomane à l'école de von der
+Goltz, et ce qu'il est intéressant de trouver et de discuter dans son
+livre c'est un plaidoyer pour l'oeuvre allemande dans la préparation de
+l'armée turque à la guerre. Le major avait, au mois de septembre 1912,
+quitté sa garnison de Damas pour revenir, en congé, dans son pays. Mais
+dès ce moment la situation dans les Balkans se révélait menaçante. M.
+von Hochwæchter était personnellement convaincu de l'imminence de la
+lutte et il savait «qu'en haut lieu on brûlait de montrer la valeur de
+l'armée réorganisée», car, «bien que la refonte des institutions
+militaires ne fût pas encore complète, les officiers turcs étaient
+persuadés de leur supériorité sur leurs adversaires». En Allemagne, les
+compétences militaires estimaient que les chances seraient pour la
+Turquie, «si elle pouvait se décider à terminer tranquillement sa
+mobilisation et à rester sur la défensive jusqu'à la fin des opérations
+préliminaires». Mais la guerre, prématurément, éclata, et le major
+aussitôt regagna Constantinople, avec une lettre de recommandation du
+maréchal von der Goltz, pour faire campagne dans l'armée ottomane. Il
+fut attaché à l'état-major de Mahmoud Mouktar pacha et il put suivre,
+quoique souvent à distance du champ de l'action, toutes les opérations
+de l'état-major du 3e corps d'armée. Chaque soir, le major von
+Hochwæchter s'astreignit à rédiger ses impressions de la journée, et ce
+sont ces impressions qu'il vient de réunir en volume, des notes hâtives,
+généralement un peu sèches, fugitives, pas toujours complétées ni
+remises au point, mais intéressantes cependant par la lumière simple
+qu'elles portent sur certains faits. Ainsi ces lignes qui expliquent,
+sans les justifier, les massacres de non-combattants commis par les
+Turcs en certains villages chrétiens: «27 octobre.--Tous les soldats et
+officiers cantonnés dans un village ont été massacrés par les Grecs et
+les Bulgares; on n'a plus trouvé que des membres épars, les effets et
+les fusils. Le général a fait fusiller toute la population masculine,
+puis a fait brûler le village après en avoir éloigne les femmes et les
+enfants.»</p>
+
+<blockquote>(4) <i>Au feu avec les Turcs</i>, Lib. Berger-Levrault, 3 fr.</blockquote>
+
+<p>Mais le chapitre le plus utile, le plus personnel, en tous cas, est
+celui dans lequel sont exposées les causes de la rapide désorganisation
+de l'armée turque, encombrée de redits ahuris, sans discipline et sans
+officiers, cohue informe jetée à l'abattoir et d'après laquelle, conclut
+l'auteur, on ne saurait juger de la valeur du soldat turc, le vrai, ni
+du système allemand qui a présidé à son instruction militaire.</p>
+
+<p>Les livres du major von Hochwæchter et de M. René Puaux ont été écrits
+ou du moins documentés sous les obus. L'étude purement technique de M.
+le lieutenant-colonel breveté Boucabeille sur <i>la Guerre
+turco-balkanique en 1912</i> (5) a été rédigée dans le calme et la
+réflexion du cabinet de travail. L'auteur a fait état des
+correspondances de guerre, qu'il rapproche et critique, pour dégager la
+vérité de certaines contradictions. L'ouvrage est clair, ordonné,
+méthodique. C'est un bon livre de bibliothèque militaire.</p>
+
+<blockquote>(5) Avec 11 cartes en couleur et 10 croquis dans le texte. Lib.
+Chapelot, 5 fr.</blockquote>
+
+<p class="rig"><span class="sc">Albéric Cahuet.</span></p><br><br>
+
+<p><i>Voir le compte rendu de</i> Rouletabille chez le tsar, <i>de M. Gaston
+Leroux; des</i> Contes de Minnie, <i>de M. André Lichtenberger; du</i> Journal
+du comte Apponyi, <i>et des autres livres nouveaux, dans</i> La Petite
+Illustration <i>jointe à ce numéro</i>.</p>
+
+<h3>UNE RÉCEPTION AU «COUARAIL»</h3>
+
+<p>Le «Couarail», la vaillante académie de Nancy, continue à entretenir,
+dans nos marches de l'Est, le culte des traditions lorraines, et le goût
+des manifestations littéraires. Au mois de juillet 1911, elle fêtait, à
+l'hôtel de ville, son président d'honneur, M. Maurice Barrés; et nous
+avons rendu compte, en son temps, de cette séance solennelle, où furent
+acclamés, aux côtés de l'illustre écrivain, les deux artistes alsaciens
+Zislin et Hansi.</p>
+
+<p>Le mois dernier, elle faisait appel à M. Stéphane Lauzanne, qui venait
+de vivre les premières heures de l'agonie ottomane, et lui demandait,
+comme au témoin le plus autorisé, le plus éloquent, de venir dire aux
+Nancéens ce qu'il avait vu «au chevet de la Turquie». Enfin, la semaine
+passer, le «Couarail» recevait M. Marcel Prévost, de l'Académie
+française, et Mme Marcel Prévost, en un élégant thé littéraire; des
+poètes y récitèrent leurs ouvres, le directeur du Conservatoire de
+Nancy, M. Guy Ropartz, accompagna au piano une charmante cantatrice, Mme
+P. Mota, qui interpréta ses mélodies, et l'auteur des <i>Anges gardiens</i>
+remercia, en une improvisation spirituelle et délicate, le directeur du
+Couarail, M. Georges Garnier, et son secrétaire perpétuel, M. Marcel
+Knecht. M. Marcel Prévost était invité, le soir même, à faire une
+conférence sur «la Femme moderne». Quel sujet, traité par le psychologue
+averti des <i>Lettres à Françoise</i>, pouvait davantage piquer la curiosité?
+Une très nombreuse assistance était venue pour l'entendre, et sa parole
+aisée, séduisante, fut vivement goûtée et applaudie.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/019.png"><br>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;M. Marcel Prévost.<br>
+<b>Réception de M. Marcel Prévost au<br>
+Couarail (académie lorraine) de Nancy.</b>--<i>Phot. Dutey</i>]</p>
+
+<br><br>
+
+<h3>LES THÉÂTRES</h3>
+
+<p>Le théâtre de la Gaîté-Lyrique vient de monter avec beaucoup de soin
+<i>Carmosine</i>, une comédie musicale pour le livret de laquelle MM. Henri
+Cain et Louis Payen se sont inspirés de Boccace, et aussi de Musset.
+C'est un joli conte sentimental et tendre. Il a offert au jeune et
+distingué compositeur qu'est M. Henry Février la trame où broder ses
+plus élégantes et agréables mélodies. Le public a fait un accueil
+enthousiaste à cette oeuvre, présentée dans de très beaux décors, et
+remarquablement interprétée par des artistes tels que M. Fugère, Mmes
+Lambert-Willaume et Fiérens, MM. Georges Petit et Maguenat.</p>
+
+<p>Le théâtre du Grand-Guignol a composé, suivant la formule de ses succès,
+un spectacle varié, où domine le réalisme tragique, et auquel une pièce
+d'une délicate fantaisie, <i>les Ficelles</i>, de M. Giacosa, traduite par
+Mlle Darsenne et mise en vers par M. Paul Géraldy, et une petite comédie
+aimablement philosophique, <i>le Bonheur</i>, de M. Pierre Veber, ajoutent un
+agrément de fine qualité. Après un acte gai de M. André Mycho, <i>le Joli
+Garçon</i>, on applaudit deux drames émouvants, qui s'inspirent
+d'événements actuels et récents, <i>le Croissant noir</i>, de M. Jean
+Loiller, dont l'action se passe dans une tranchée bulgare, en face de
+Tchataldja, et S.O.S. (c'est le signal de détresse des paquebots en
+perdition), où MM. Charles Millier et Maurice Level évoquent puissamment
+une grande catastrophe maritime de l'an passé.</p>
+
+<p>M. Emile Bergerat, virtuose du vers de la lignée de Banville et de
+Mendès, a fait représenter avec succès, à l'Odéon, <i>la Nuit florentine</i>,
+comédie tirée de «la Mandragore» de Machiavel. Le sujet en est d'une
+grivoiserie qui prête d'ailleurs aux développements comiques. Telle que
+M. Bergerat nous la présente, la pièce est agréable et bien ordonnée;
+les vers sont brillants, à effets, le cliquetis des rimes est incessant.</p>
+
+<p><i>Le Garde du corps</i>, que la Comédie-Royale nous a fait connaître, est
+encore une pièce importée de l'étranger, et sur un sujet à peu près
+aussi risqué que la précédente. Elle a du reste paru plaire au public
+parisien. Elle a été fort adroitement adaptée du texte d'un jeune auteur
+hongrois, M. Molnar, par MM. Pierre Veber et Maurice Rémon, et
+agréablement jouée par Mlle Jeanne Provost.</p>
+
+<p>Tandis que <i>la Demoiselle de magasin</i> poursuit au Gymnase une fort jolie
+carrière, ses deux auteurs, MM. Frantz Ponson et Fernand Wicheler voient
+reprendre, et avec un succès nouveau, au théâtre Déjazet, <i>le Mariage de
+Mlle Beulemans</i>, qui décida, il y a trois ans, à la Renaissance, de leur
+fortune dramatique.</p>
+
+<p>Quelques tentatives de décentralisation musicale ont eu lieu avec succès
+ces temps derniers dans plusieurs grandes villes de province; signalons
+tout d'abord à l'Opéra de Monte-Carlo une très belle oeuvre: <i>Pénélope</i>,
+poème de M. René Fauchois et musique de M. Gabriel Fauré; puis, au même
+théâtre, <i>Venise</i>, scénario et musique de M. Raoul Gunsbourg; au
+Grand-Théâtre de Lyon, <i>le Vieux Roi</i>, de MM. Rémy de Gourmont pour le
+livret et Mariotte pour la musique; au Grand-Théâtre de Nîmes, <i>Dans la
+tourmente</i>, livret de M. Serge Basset, musique de M. Henri Confesse; à
+l'Opéra de Montpellier, <i>Gaspard de Besse</i>, livret de M. Paul Barlatier
+et musique de M. de Lapeyrouse; à l'Opéra de Marseille, <i>Annette</i>, de
+MM. Jean Marsèle pour le texte et A. Durand-Boch pour la musique; au
+Théâtre des Arts de Rouen, <i>Graziella</i>, de M. Jules Mazellier, récent
+grand prix de Rome, sur un sujet tiré de Lamartine par MM. Henri Gain et
+Raoul Gastambide.</p>
+
+<h3>ALFRED PICARD</h3>
+
+<p>M. Alfred Picard qui vient de mourir, après une maladie de quelques
+jours, âgé de soixante-neuf ans, gardera une des premières places parmi
+les grands esprits qui honorèrent la France à l'aurore du vingtième
+siècle. Chose curieuse, cet ingénieur, qui connaissait à fond tous les
+secrets de son art, n'a attaché son nom à aucun de ces ouvrages
+audacieux qui assurent à leur auteur une célébrité bruyante, parfois
+excessive; dans les diverses fonctions qu'il occupa, son rôle fut
+surtout administratif, et c'est dans ce rôle, où il est si difficile de
+donner et surtout de faire apprécier la mesure de sa valeur, qu'il
+apparut comme un homme d'un mérite supérieur, apportant dans toutes ses
+conceptions une science et une largeur de vues que secondait une
+puissance de travail prodigieuse.</p>
+
+<p>Alfred Picard était né à Strasbourg en 1844. Sorti de l'École des ponts
+et chaussées peu de temps avant la guerre de 1870, il fut attaché aux
+travaux de défense de Metz; mais il profita de la première occasion pour
+sortir de la forteresse et s'enrôla dans l'armée de la Loire. La paix
+signée, il entre au service du contrôle des chemins de fer et des
+canaux; en 1880 il assume toute la responsabilité effective du ministère
+des Travaux publics, prenant sous sa direction la navigation, les ponts
+et chaussées, les mines et les chemins de fer. Peu de temps après il
+devient président de section au Conseil d'État.</p>
+
+<p>Nommé rapporteur général de l'Exposition de 1889, il rédige seul, en
+quelques mois, un ouvrage considérable où il traite les questions les
+plus variées, les plus disparates, avec une sûreté, une clarté, une
+élégance de forme inusitées. On le nomme grand officier de la Légion
+d'honneur, puis on le choisit comme commissaire général de l'Exposition
+de 1900.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/020.png"><br><b>M. Alfred Picard</b>--<i>Phot. Pirou, bd Saint-Germain.</i></p>
+
+<p>Ici encore Alfred Picard fut à hauteur de sa tâche, et c'est à. tort
+qu'on lui a imputé la responsabilité des désastres financiers
+particuliers qui marquèrent cette foire universelle. Il ne fit
+qu'assurer, avec sa probité intransigeante, l'exécution de contrats
+commerciaux approuvés par le ministre après avoir été préparés par des
+fonctionnaires spécialement chargés de la partie fiscale de
+l'Exposition.</p>
+
+<p>En 1904, M. Picard allait en Amérique pour régler, au milieu d'assez
+grandes difficultés, les conditions de la participation française à
+l'Exposition de Saint-Louis. A peine de retour, il dirigeait tous les
+travaux de la commission chargée d'organiser le nouveau réseau d'Etat, à
+la suite du rachat de l'Ouest.</p>
+
+<p>Tout en se donnant corps et âme à ses fonctions officielles, Alfred
+Picard trouvait encore le temps d'écrire des volumes qui eussent suffi à
+consacrer sa réputation. Ce travailleur extraordinaire ne savait pas se
+reposer, il ne prenait jamais de vacances. Quand il résolut de présenter
+<i>le Bilan d'un siècle</i>, il demanda la collaboration de plusieurs
+spécialistes éminents. Les manuscrits n'arrivant pas assez vite à son
+gré, il décida d'écrire lui-même tout l'ouvrage, et il avertit ses amis
+qu'il n'accepterait plus à déjeuner ou à dîner en ville avant que
+l'ouvrage fût fini. En effet, pendant trois ans, raconte notre confrère
+Emile Berr, il prit tous ses repas, seul en face de sa soeur. Quand les
+six volumes in-8° furent achevés, l'auteur avoua que, pour apprendre les
+choses dont il avait dû parler et qu'il ignorait, il avait été obligé de
+lire environ 400 volumes. L'ouvrage paru, il se mit à recommencer le
+<i>Traité des chemins de fer</i>, qu'il avait publié en 1887.</p>
+
+<p>En 1908, cédant aux instances de M. Clemenceau, chargé de former un
+cabinet. M. Picard acceptait le ministère de la Marine. Il n'y testa que
+quelques mois, et il reprit bientôt ses travaux ordinaires.</p>
+
+<p>Inspecteur général des ponts et chaussées, ancien ministre, grand'croix
+de la Légion d'honneur, vice-président du Conseil d'État, membre de
+l'Académie des sciences, Alfred Picard avait atteint tous les sommets.
+Sa modestie égalait sa science; une grande bonté tempérait la sévérité
+qu'inspirait un amour supérieur de la justice; l'apparente mélancolie,
+dont s'égayèrent les caricaturistes, cachait une grande finesse d'esprit
+et une rare sensibilité d'âme.</p>
+
+<p>Voici ce que ce scientifique doublé d'un juriste écrivait dans <i>le Bilan
+d'un siècle</i>:</p>
+
+<p>«Parfois, en songeant à l'extrême brièveté de la vie, le penseur se
+prend à éprouver quelque regret. Ce n'est certes pas la perte plus ou
+moins prochaine des satisfactions de l'existence qui l'attriste ainsi:
+les joies sont, même pour les plus heureux, compensées par trop d'ennuis
+et de chagrins. Non, ce dont souffre le philosophe, c'est de
+l'impuissance dans laquelle il se trouve d'explorer largement le domaine
+encore si restreint des connaissances humaines, d'en étendre les limites
+par de vastes conquêtes, d'apporter une ample contribution à l'édifice
+de la science et du progrès... Mais cette tristesse s'efface, pour celui
+qui, ayant mesuré la marche de la civilisation dans le passé, la
+pressent s'améliorant dans l'avenir: en élargissant ainsi son horizon,
+en faisant abstraction de l'individualisme pour ne voir que la
+solidarité et ses effets, l'esprit le plus pessimiste se rouvre à
+l'espérance. La perception d'une marche incessante en avant, d'un essor
+continu de l'humanité, chasse le découragement et provoque un puissant
+réconfort. Elle console la vieillesse, ranime la vaillance de l'âge mûr,
+inculque à la jeunesse la foi et l'émulation.»</p>
+
+<p>Et l'ingénieur ajoutait: «La littérature, ne figure pas et ne peut pas
+figurer dans le programme des expositions. Cependant elle joue un tel
+rôle dans la vie des peuples et. éclaire d'un jour si vif le mouvement
+des esprits, qu'il est impossible de ne pas lui réserver une place à
+côté des sciences et des arts dans cette revue du dix-neuvième siècle.»<br>
+<span class="rig">F. H.</span></p><br><br>
+
+<h3>DOCUMENTS et INFORMATIONS</h3>
+
+<p class="rig"><span class="sc">Les poules pondeuses et l'hérédité.</span></p><br><br>
+
+<p>M. Pearl, agronome anglais fort réputé, a cherché à discerner
+l'influence de l'hérédité dans la fécondité des poules.</p>
+
+<p>D'après ces études, qui ont porté sur plusieurs milliers de poules dont
+l'ensemble représentait treize générations, l'abondance des oeufs pondus
+par une poule n'apparaît pas comme un pronostic certain des qualités de
+ses filles. Dans quelques-unes des familles observées, les femelles
+bonnes pondeuses transmettaient toujours leur fécondité à leur
+descendance, mais la chose reste inexpliquée.</p>
+
+<p>Par contre, les expériences de M. Pearl sembleraient confirmer les faits
+suivants, déjà plus ou moins connus:</p>
+
+<p>1° Les filles peuvent hériter du père une fécondité élevée,
+indépendamment de celle de la mère;</p>
+
+<p>2° Un coq peut donner des filles d'une fécondité élevée avec des poules
+de fécondités diverses;</p>
+
+<p>3° Les filles d'une bonne poule sont bonnes ou mauvaises, selon le coq
+auquel elles s'allient;</p>
+
+<p>4º La proportion de mauvaises pondeuses dans une descendance de mères
+diverses est la même si toutes les poules ont été accouplées avec le
+même coq.</p>
+
+<p class="rig"><span class="sc">Utilisation des ondes hertziennes pour étudier l'intérieur de la terre.</span></p><br><br>
+
+<p>De récentes expériences sembleraient indiquer la possibilité de recourir
+aux ondes hertziennes pour connaître certains détails de la constitution
+géologique du sol.</p>
+
+<p>Ces ondes traversent les roches sèches, tandis qu'elles sont arrêtées
+par les terrains humides et par les couches de métal ou de minerai.
+C'est ce qui, sous beaucoup de climats, les empêche généralement de se
+transmettre par l'intérieur de la terre, les couches supérieures
+renfermant toujours plus ou moins d'humidité. Mais ces ondes se
+réfléchissant sur les couches imperméables, comme les rayons lumineux se
+réfléchissent sur certaines surfaces, on peut, avec des procédés de
+mesure spéciaux, déterminer la situation des couches qui les arrêtent.</p>
+
+<p>Un ingénieur allemand, M. Levy, a pu ainsi faire pénétrer les ondes
+hertziennes à une profondeur de 1.300 mètres, et déterminer par leur
+réflexion la position de la couche humide voisine.</p>
+
+<p>Il y a lieu de remarquer, toutefois, que, les sols humides se comportant
+vis-à-vis des ondes hertziennes anime les couches de minerai, les
+indications fournies par cette curieuse méthode ont besoin d'être
+contrôlées par un autre procédé.</p>
+
+<p class="rig"><span class="sc">Les «Éclaireurs de France».</span></p><br><br>
+
+<p>La sortie générale des équipes parisiennes des «Eclaireurs de France»,
+dont nous avons rendu compte dans notre dernier numéro, a provoqué, dans
+le grand public, un mouvement de vive sympathie--auquel les
+préoccupations militaires du moment ne sont point étrangères--en faveur
+de cette excellente association. Beaucoup de nos lecteurs nous
+sollicitent de donner, à ce sujet, des renseignements précis; c'est un
+devoir que de les porter à la connaissance de tous ceux qui veulent
+préparer à notre pays de bons et d'intelligents soldats.</p>
+
+<p>La société des Eclaireurs de France, dont le siège est à Paris, 146, rue
+Montmartre, groupe, sous l'autorité d'un comité directeur et de comités
+locaux, des jeunes gens de toutes les classes, âgés de onze ans au
+moins, auxquels on ne demande qu'une cotisation annuelle de 1 franc.
+Toute nouvelle recrue--munie de l'autorisation écrite de ses
+parents--doit, pour servir comme novice, apprendre les douze articles du
+«code de l'Éclaireur», qui consacre la pratique de ces belles vertus: la
+discipline, la loyauté, la générosité, le respect. de soi-même,
+l'honneur, et prêter le serment dont nous avons déjà reproduit les
+termes. Après une période d'un mois, le novice passe un examen et
+devient Éclaireur de 2e classe; un autre examen peut, plus tard,
+l'élever au rang d'Éclaireur de IIe classe. Enfin des brevets et des
+signes distinctifs spéciaux, correspondant aux aptitudes de tireur,
+d'ambulancier, de cycliste, de cavalier, d'interprète, de mécanicien,
+voire d'aide-aviateur, sont décernés à ceux des éclaireurs qui font
+preuve de capacités particulières.</p>
+
+<p>Tous ces jeunes gens sont groupés en «patrouilles», qui comptent de
+quatre à huit éclaireurs, commandées par un «moniteur»; plusieurs
+patrouilles se réunissent en «partis», dirigés par un «guide»; et trois
+ou six partis composent une «troupe», sous les ordres d'un capitaine.</p>
+
+<p>Telle est, en son principe, cette organisation, destinée à former, comme
+le dit excellemment un article du règlement intérieur, «des hommes
+d'élite, provenant de toutes les catégories sociales, qui, par la force
+et la noblesse de leur caractère, autant que par leur jugement, leur
+décision et leur sens pratique, seront les guides, les vigies de la
+France, les vrais pionniers de sa civilisation et de son action
+commerciale, industrielle, maritime, militaire et coloniale». Les
+enseignements très variés qu'on leur donne, au cours de cette éducation
+morale et sportive, ont été présentés par un officier, le capitaine
+Royet, en un petit manuel précis et bien ordonné, <i>le Livre de
+l'Éclaireur</i> (Librairie illustrée, 75, rue Dareau, et au siège de la
+société, 2 fr. 50). Le «scoutisme» y apparaît parfaitement adapté au
+tempérament français, et conforme au génie de notre race. On ne pourrait
+souhaiter, pour nos jeunes gens, meilleure école de solidarité,
+d'énergie et de patriotisme.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/021a.png"><br><b>Le mouillage de mines à bord d'un des nouveaux navires
+spéciaux de la marine militaire française: <i>Cerbère</i> et <i>Pluton</i></b></p>
+
+<p>Ces navires, qui ont extérieurement 1 aspect paisible ri un chalutier,
+cachent dans leurs flancs une infernale cargaison: 120 mines flottantes
+placées sur des voies, avec garages et aiguilles sont poussées à bras
+d'homme jusqu'à l'arrière, où par un sabord, elles sont jetées à la mer,
+à intervalles réguliers, sur la ligne de défense préalablement
+déterminée,--Ces navires peuvent être obligés de relever les mines
+qu'ils ont mouillées ou celles de l'ennemi; à cet effet, ils sont munis
+des tourets et des treuils nécessaires à cette opération.--Tous les
+logements d'officiers sont à l'avant.</p>
+
+<p>Au cours de la guerre russo-japonaise, la mine sous-marine, qu'on
+appelle aussi torpille de blocus, a joué un rôle des plus importants.
+C'est un de ces engins semé par un torpilleur japonais qui amena la
+destruction complète et instantanée, à quelques milles de Port-Arthur,
+du grand cuirassé russe <i>Pétropawlosk</i>. A son bord se trouvait l'amiral
+Makharof, espoir de la marine russe, qui périt dans cette catastrophe.
+Un autre navire russe, l'<i>Ienisseï</i>, un cuirassé et deux croiseurs
+cuirassés japonais, <i>Fuji, Yoshino et Nishio</i>, sombrèrent également,
+crevés par l'explosion d'une mine sous-marine.</p>
+
+<p>Les leçons de toute nature qu'a fournies cette guerre ont été
+soigneusement mises à profit par toutes les nations, mais on s'est
+préoccupé, plus spécialement peut-être, de préparer l'emploi intensif
+dans lès guerres navales futures, de ces engins. En fait, la torpille de
+blocus se compose actuellement de:</p>
+
+<p>1° Un récipient contenant à la fois la charge d'explosif destinée à
+crever la coque du navire qui le heurtera, et le système d'inflammation
+de cette charge. Celui-ci, variable suivant les modèles adoptés,
+consiste le plus souvent en une lourde boule métallique placée dans une
+coupelle. Lorsque le navire vient heurter la torpille, le choc fait
+tomber la boule, celle-ci déclanche un percuteur qui détermine
+l'explosion de la charge.</p>
+
+<p>2° Un système d'ancrage assez compliqué qui maintient la torpille entre
+deux eaux, à une profondeur exactement déterminée, tout en la fixant au
+fond de façon définitive par l'intermédiaire d'un cordage. On conçoit
+que ces engins mouillés en ligne, à des intervalles assez rapprochés, à
+l'entrée des rades, ou en travers des passes qui y conduisent, en
+interdiront l'accès aux forces navales qui essaieraient d'y pénétrer, à
+moins que ces forces ne soient précédées de navires de petites
+dimensions et munis d'un matériel qui leur permettra de déblayer le
+chemin en draguant les mines et en les faisant exploser.</p>
+
+<p>Pour effectuer ces opérations de mouillage, et aussi de dragage, des
+mines sous-marines, on a été conduit dans toutes les marines à
+construire des bâtiments spécialement étudiés, et outillés.</p>
+
+<p>La marine française ne possédait jusqu'à présent pour ce genre de
+service, que des contre-torpilleurs et deux petits croiseurs installés à
+faux frais et ne convenant par conséquent qu'à moitié au métier qu'on
+leur demandait. En réalité, nous manquions de ce matériel reconnu
+nécessaire. Cette lacune va être comblée. Le <i>Cerbère</i>, actuellement en
+achèvement à Cherbourg, et le <i>Pluton</i>, construit aux Chantiers Normand
+du Havre et mis à l'eau le 10 mars, sont deux navires de 600 tonnes dont
+les plans sont dus à l'ingénieur en chef des constructions navales
+Ferrand. On leur a donné des formes de chalutiers afin de tromper par
+leur apparence la surveillance de l'ennemi. Ils marcheront 20 noeuds et
+porteront chacun un approvisionnement de 120 torpilles, placées sur des
+rails longitudinaux, comme le montre notre dessin.</p>
+
+<p>Si ce type de mouilleurs de mines donne satisfaction, il sera reproduit
+au nombre d'exemplaires nécessaire pour assurer dans nos escadres du
+Nord et du Midi ce service si important.</p>
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/021b.png"><br><b>L'aviateur Perreyon au moment de son départ pour le
+record de l'altitude.</b></p>
+
+<h3>UN AVIATEUR A 6.000 MÈTRES</h3>
+
+<p>Le record de l'altitude, porté à 5.600 mètres par Garros, au mois de
+décembre dernier, vient d'être battu par l'aviateur Edmond Perreyon qui,
+parti de l'aérodrome de Buc, s'est élevé, en moins d'une heure, à 6.000
+mètres.</p>
+
+<p>Assez peu connu du grand public, l'auteur de cette prouesse est
+considéré, dans les milieux sportifs, comme un de nos plus brillants
+pilotes aériens. Chef pilote de l'école Blériot, chargé d'essayer les
+appareils et d'en diriger la mise au point, il montre, presque chaque
+jour, autant d'audace et de maîtrise que les plus réputés parmi les
+aviateurs.</p>
+<br><br>
+
+<h3>UN ATTELAGE DE POLICEMEN</h3>
+
+<p>L'ouverture solennelle du Parlement britannique a été marquée par un
+incident que la presse londonienne commente avec un humour qui trouvera
+son écho à Berlin,</p>
+
+<p>Le corps diplomatique se rendait à Westminster en carrosses de gala,
+quand une batterie du Royal Horse Artillery, postée dans le parc de
+Saint-James, tira le premier coup de la salve réglementaire.</p>
+
+<p>Les attelages des divers ambassadeurs dressèrent bien l'oreille, mais ne
+bronchèrent pas. Il n'en fut pas ainsi des chevaux de l'ambassadeur
+d'Allemagne. Affolés par le fracas de la détonation, ils se sabrèrent,
+et, malgré tous les efforts du cocher et des valets, rompirent leurs
+harnais et brisèrent les brancards.</p>
+
+<p>On put les maîtriser à temps, au moment où ils devenaient un danger pour
+la foule massée sur les trottoirs, et des policemen furent requis de
+traîner le carrosse jusqu'à la Chambre des lords.</p>
+
+<p>Esclaves de la discipline, ils consentirent volontiers à traîner
+l'ambassadeur; mais les valets en pompeux uniforme durent suivre à pied.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/021c.png"><br><b>Le carrosse de l'ambassadeur d'Allemagne à Londres traîné
+par des policemen.</b></p>
+
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/022small.png"><br><a href="images/022large.png">(Agrandissement)</a></p>
+
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/supp1.png"><br>
+Note du transcripteur: Les suppléments mentionnés<br>en titre ne nous ont pas été fournis.
+
+
+
+<br><br>
+</div>
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+<pre>
+
+
+
+
+
+End of Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3655, 15 Mars 1913, by Various
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+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3655, 15 ***
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+is also defective, you may demand a refund in writing without further
+opportunities to fix the problem.
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+
+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
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+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
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+
+Volunteers and financial support to provide volunteers with the
+assistance they need, are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
+goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation web page at http://www.pglaf.org.
+
+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
+http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
+permitted by U.S. federal laws and your state's laws.
+
+The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
+Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
+throughout numerous locations. Its business office is located at
+809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
+business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact
+information can be found at the Foundation's web site and official
+page at http://pglaf.org
+
+For additional contact information:
+ Dr. Gregory B. Newby
+ Chief Executive and Director
+ gbnewby@pglaf.org
+
+
+Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation
+
+Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
+spread public support and donations to carry out its mission of
+increasing the number of public domain and licensed works that can be
+freely distributed in machine readable form accessible by the widest
+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
+($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
+status with the IRS.
+
+The Foundation is committed to complying with the laws regulating
+charities and charitable donations in all 50 states of the United
+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
+considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
+with these requirements. We do not solicit donations in locations
+where we have not received written confirmation of compliance. To
+SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
+particular state visit http://pglaf.org
+
+While we cannot and do not solicit contributions from states where we
+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
+against accepting unsolicited donations from donors in such states who
+approach us with offers to donate.
+
+International donations are gratefully accepted, but we cannot make
+any statements concerning tax treatment of donations received from
+outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
+
+Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
+methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
+ways including checks, online payments and credit card donations.
+To donate, please visit: http://pglaf.org/donate
+
+
+Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
+works.
+
+Professor Michael S. Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm
+concept of a library of electronic works that could be freely shared
+with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project
+Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
+
+
+Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
+editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
+unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
+keep eBooks in compliance with any particular paper edition.
+
+
+Most people start at our Web site which has the main PG search facility:
+
+ http://www.gutenberg.org
+
+This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
+including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
+subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
+
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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Binary files differ
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