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You may copy it, give it away or +re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included +with this eBook or online at www.gutenberg.org + + +Title: L'Illustration, No. 3655, 15 Mars 1913 + +Author: Various + +Release Date: October 19, 2011 [EBook #37799] + +Language: French + +Character set encoding: ISO-8859-1 + +*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3655, 15 *** + + + + +Produced by Jeroen Hellingman et Rénald Lévesque + + + + + + +L'Illustration, No. 3655, 15 Mars 1913 + +AVEC CE NUMÉRO +La Petite Illustration +CONTENANT +LES ANGES GARDIENS +Roman par MARCEL PRÉVOST +DEUXIÈME PARTIE + + + +LA REVUE COMIQUE, par Henriot. + + +Ce numéro comprend VINGT-QUATRE PAGES.--Il est accompagné de LA PETITE +ILLUSTRATION, Série-Roman nº 2, contenant la deuxième partie du roman de +M. Marcel Prévost: LES ANGES GARDIENS. + +[Illustration: L'ILLUSTRATION _Prix du Numéro: Un Franc._ SAMEDI 15 MARS +1913 _71e Année.--Nº 3655._] + +[Illustration: DEVANT ANDRINOPLE: LE BLOCUS DES ASSIÉGEANTS PAR LA NEIGE +_Photographie du lieutenant G. Staïnof, du 30e régiment d'infanterie +bulgare.--Voir les autres photographies, pages 234 et 235._] + + + +_La semaine prochaine,_ LA PETITE ILLUSTRATION _publiera:_ + +_L'Homme qui assassina pièce en 4 actes de_ M. PIERRE FRONDAIE, _d'après +le roman de M. Claude Farrère._ + +_Le numéro suivant (29 mars) contiendra la troisième partie du roman de_ +M. MARCEL PRÉVOST: _Les Anges gardiens._ + +_Paraîtront ensuite, alternant avec les 4e et 5e parties des_ Anges +gardiens: _Les Flambeaux, de_ M. HENRY BATAILLE; _Servir et la Chienne +du roi, de_ M. HENRI LAVEDAN; _L'Embuscade_, de M. HENRY KISTEMAECKERS. + +_Puis viendront:_ + +_Les Éclaireuses, de_ M. MAURICE DONNAY; _Hélène Ardouin, de_ M. +ALFRED CAPUS; _L'Habit vert_, de MM. ROBERT DE FLERS ET G.-A. DE +CAILLAVET, _et le roman de_ M. PAUL BOURGET: _Le Démon de midi_. + + + +COURRIER DE PARIS + +LES MAISONS EN CONSTRUCTION + +De deux fenêtres éloignées l'une de l'autre, situées chacune à une +extrémité de mon appartement, celle-ci au nord, celle-là au midi, de la +fenêtre de ma chambre et de celle de mon cabinet, je vois construire +deux maisons. + +Je les regarde s'élever à la place même où l'an dernier se tenaient, si +droites encore, celles que j'ai vu jeter à bas, dont il ne reste plus +trace que dans mon souvenir, et peut-être dans celui des hommes qu'elles +ont abrités. Et ces deux maisons, je ne sais pourquoi, occupent ma vie. +Si ce n'est que toutes les deux elles sont «de rapport» et qu'elles +auront le même nombre d'étages, elles présentent déjà un caractère très +distinctif. L'une, sur laquelle donne ma chambre, est en béton armé ou +du moins jusqu'à présent, et rien ne permet de croire qu'il en sera +différemment dans la suite. L'autre, qui forme le principal paysage de +mon cabinet, est en pierre. + + * + * * + +Ces deux maisons, qui sont séparées par tout un pâté d'immeubles, et +qui, par conséquent, ne peuvent pas «se voir», et qui ne sont pas dans +les mains des mêmes entrepreneurs, ont cependant et gardent jusqu'ici +une hauteur pareille, montant chaque jour, en se suivant, comme si elles +le faisaient exprès, quoique la maison de pierre ait tendance à gagner +sur sa voisine. Chaque matin, dès que je me lève, il faut--c'est plus +fort que moi--que j'aille jeter mon premier coup d'oeil sur le chantier +qui m'attire au saut du lit, celui de la maison en béton. Je ne peux pas +dire que ce spectacle m'enchante et me procure un réveil câlin. Rien +n'est moins gracieux déjà que l'aspect des fondations béantes, des caves +entr'ouvertes et à ciel libre car une cave n'est belle et n'a sa +relative magnificence que voûtée, et basse, et bien noire, bien +salpêtrée, bien feutrée de poussière et de silence et ramonée de ces +courants d'air d'outre-tombe qui soufflent le frisson. Il faut qu'elle +ait son sol élastique et mou, ses caresses de vent frais, ses toiles +d'araignées, ses suies de bouteilles, ses rats furtifs, son odeur de +bougie, de liège et de chat. Alors elle est explicable et parle. Mais en +cours de travaux, n'ayant pas encore mérité ni obtenu son mystère, elle +offre une laideur sinistre. Les caves en béton que je regarde triturer +m'affectent d'une façon spéciale. Qu'elles sont peu engageantes! Je ne +puis penser que l'on y mettra du vin. Elles me paraissent propres plutôt +à receler de l'argent, des caisses pleines de «valeurs» ou de la +ferraille. On dirait des petits sous-sols de Crédit lyonnais. Oui, osons +-l'avouer, le béton, même armé, n'a pas de charme et de poésie. D'un +gris de boue, d'une glaise inféconde et dont ne consentira jamais à +sortir la moindre statue, il sent le faux, il donne l'impression d'être +la singerie du solide et de vouloir pasticher le durable. J'ai beau voir +la pâte épaisse, le maussade limon se durcir dans l'armature et le +treillage des tiges de fer, je ne me décide pas à m'imaginer que cette +crème saisie et coagulée soit de la pierre et la remplace. C'est un +composé, ce n'est rien. Mais le travail est curieux, et les ouvriers +m'intéressent. + +Dès sept heures ils commencent à arriver. Ils sont méthodiques, précis +et lents. Chacun sa besogne. Il y a ceux qui gâchent, ceux qui coupent +le fer, ceux qui le tordent et l'assemblent, ceux qui manient la truelle +avec cette souplesse et cette virtuosité de poignet dont nous demeurons +confondus, ceux qui piochent à toute volée, à bout de bras, comme s'il +s'agissait de défoncer un couvercle de coffre-fort, ceux qui, inclinés +en oblique, poussent là grosse brouette, ou qui, pliant sur leurs jambes +nerveuses et nues dans les culottes flottantes de vieux velours aux +inconcevables reflets, raclent et ramassent à larges pelletées les +gravats pour les lancer en paquets dans le tombereau, à la petite place +où ils veulent. Ils poursuivent tous leur tâche avec ordre et sans vaine +fièvre.--«Y a bien le temps!» Et quand est arrivé le moment capital du +repas, à la minute, à la seconde, ils quittent tout! C'est sacré. On +mange. Les uns vont chez le marchand de vins d'à côté. Les autres, les +plus nombreux et les plus sensés, restent dans le chantier pour déjeuner +«sur le tas». Il n'est pas rare de voir apparaître la ménagère qui +apportera à son homme sa portion, dans un panier noir à deux anses dont +l'une est raccommodée avec une ficelle, ou bien dans une serviette. +C'est généralement une pauvre et humble femme, vêtue triste, et nu-tête, +bien calme, bien résignée; la brave femme de l'ouvrier, aux mains +croisées sur un ventre bombé comme un sac de plâtre, et humble, +courageuse, docile, sereine. Elle en a tant vu, et tant enduré, qu'elle +est toujours contente, pourvu que ça n'aille qu'à moitié bien. Elle est +exemplaire et magnifique à contempler quand elle se montre aux environs +de onze heures parmi les tas de pierre et les remparts inachevés de la +maison neuve, de la maison en construction, humide, et qui glace à +quarante pas. Avec la patience du peuple, elle attend que son homme soit +libre et lui fasse signe pour approcher. Et quand il s'avance elle le +rejoint. Lui, s'assied sur des planches, le dos au mur sec de la maison +voisine, au bon endroit qu'il a choisi et qu'éclaire le soleil, quand il +y en a. Elle, reste debout, le couvant du regard, pendant qu'il +s'installe et organise ses commodités. Et tour à tour sont sortis par +elle du panier le morceau de pain gros comme un pavé, la viande froide, +le fromage épais, la haute bouteille de vin noir, pleine jusqu'à toucher +le bouchon. Ces choses précieuses sont étalées et posées par terre, en +cercle, devant le travailleur aux jambes écartées qui a déjà ouvert son +couteau fidèle, et renversé, pour y poser le veau, son large pouce. +Enfin, sous la moustache aux poils gris, pareille à la brosse en balai +du colleur d'affiches, la bouche s'ouvre, et l'homme mange, avec paix et +gravité. Alors seulement, la femme, quelquefois, si elle est bien en +confiance, ose s'asseoir près de lui et semble heureuse. Elle remportera +dans un instant la bouteille vide dans le panier plus léger. + +D'autres camarades, qui, sans doute, n'ont point de femmes ou qui, +d'humeur indépendante, n'aiment pas que le sexe s'occupe d'eux, se +rassemblent par petits groupes pour faire la collation. Malins comme des +soldats, ils improvisent des cuisines en plein vent, coupent du menu +bois, allument des feux entre les pierres, accroupis tout autour à la +zouave. Et cette copieuse séance dure une bonne demi-heure, si ce n'est +plus. Après quoi, le travail reprend. Et voilà de nouveau mes hommes +repartis entre les piliers de boue, d'où pointent les tiges de fer... + + * + * * + +Décidément, s'il me fallait choisir, pour y demeurer, entre les deux +maisons que l'on bâtit sous mes yeux, ce n'est pas dans celle du béton +que j'élirais domicile. Plutôt dans l'autre, dans celle en pierre, qui +me sourit. Sa couleur d'abord, appétissante, blanche, nacrée et jaune à +la fois, sa couleur de chair et de rose-thé ne chagrine pas, semble +faite pour réjouir la lumière. Et puis, cette maison-là est logique, +traditionnelle. Elle est élevée selon les vieilles règles. Comme +autrefois, comme toujours, depuis que la pierre est pierre, les blocs +sont apportés tout taillés, dégrossis et numérotés. On les passe dans +leurs quatre attelles et ils sont hissés un peu de travers, en tournant, +à l'aide de la mécanique imperturbable et sûre que manoeuvrent longtemps, +sans s'impatienter, les deux hommes au torse d'Ixion, comme s'ils +avaient à tirer de l'eau d'un puits très profond!... Seulement, au lieu +de faire monter un seau d'eau fraîche, il s'agit d'envoyer doucement et +d'aller poser, à la hauteur d'un troisième étage, un fétu de 400 kilos. +Quel plaisir on éprouve à voir tous les morceaux de ce jeu +d'architecture se placer et s'ajuster pour ainsi dire d'eux-mêmes, là où +il le faut, les uns au-dessus des autres! La maison a l'air de se bâtir +toute seule comme si les ouvriers n'étaient là que pour surveiller les +pierres, les matériaux, animés d'une vie intelligente. Et cette +impression est si vive qu'il m'arrive chaque matin de m'étonner que la +maison soit au même point que la veille au soir. Je ne serais pas le +moins du monde surpris qu'elle eût continué la nuit, qu'elle eût avancé +par ses propres moyens, même quand les hommes sont partis se coucher. + + * + * * + +Mes maisons me procurent d'autres pensées, d'une indéfinissable +mélancolie dans leur banalité. + +Elles me font songer que j'ai pu voir, que j'ai vu le sol, invisible à +présent et pour combien d'années, où elles ont pris racine, qu'elles +couvrent désormais ainsi qu'un monument funéraire. Elles me font songer +à ceux qui ont vécu sur cet étroit espace, qui sont aujourd'hui Dieu +sait où, dispersés ou morts, à ceux qui viendront demain au même endroit +croire qu'ils s'y fixent dans le repos, et qu'ils y sont à l'abri... Et +ce sont eux qui, très probablement, d'en face, verront à leur tour, à un +moment que je ne sais pas, démolir la maison où je suis, où je me crois +garanti de durer. Où serai-je, moi, ce jour-là?... Déménagé? Ou bien...? + +HENRI LAVEDAN. + +_(Reproduction et traduction réservées.)_ + + + +[Illustration: Les deux mille détenus de la prison de Saint-Quentin (en +Californie) assistant à une représentation de Mme Sarah Bernhardt. Les +condamnés à mort (une douzaine) ont été placés au premier rang devant la +scène.] + +SARAH BERNHARDT + +CHEZ LES PRISONNIERS CALIFORNIENS + +San-Francisco, 22 février 1913. + +Les Californiens sont enclins à l'indulgence. La beauté des sites de +leur pays, la douceur du climat, les jardins fleuris qui poétisent leurs +demeures, tout aide à développer chez eux «l'humaine tendresse», comme +disait Montaigne. Ils ont construit pour enfermer ceux qui désobéissent +aux lois une prison où règne le plus grand libéralisme. On cherche en +cet asile confortable à faire oublier aux condamnés leurs rancunes +contre la société et on les entraîne à marcher correctement dans le +droit chemin en attendant la libération ou le pardon. En un mot, ils +sont traités comme des hommes atteints d'une maladie mentale passagère +qu'il importe de guérir, plutôt que comme des individus à tout jamais +incorrigibles. La prison de Saint-Quentin n'est point une geôle, mais un +établissement de relèvement social. Mieux que toute autre institution, +elle montre cet optimisme magnifique des gens du Far-West qui ne doutent +jamais du progrès ou de la renaissance morale, même dans les cas en +apparence désespérés. + +Pour la fête de Washington, ce 22 février, les autorités californiennes +avaient demandé à Sarah Bernhardt, en tournée à San-Francisco juste à ce +moment-là, de vouloir bien jouer devant les pensionnaires de +Saint-Quentin. Toujours généreuse, notre grande tragédienne avait +accepté, et elle avait eu l'amabilité de m'inviter à cette excursion +pittoresque. J'avais accepté, comme on pense, avec empressement, car le +spectacle promettait d'être infiniment curieux. Sarah Bernhardt jouant +exclusivement pour deux mille détenus et une douzaine de condamnés à +mort, voilà une manifestation qui valait la peine d'être vue! + + * + * * + +Nous voilà donc partis en automobile, et, après avoir traversé la baie +sur le _ferry-boat_ de Sansalito, nous filons à toute vitesse vers le +nord dans la direction de Saint-Quentin, laissant derrière nous le +majestueux Tamalpaïs dans les ombres violettes. La prison est située à +vingt kilomètres environ de San-Francisco, sur un cap qu'entourent des +collines aux ondulations harmonieuses. Tout le long de la route se +succèdent de tendres paysages dans lesquels on distingue des villas aux +couleurs gaies, de sveltes bungalows, des auberges aux enseignes +alléchantes, où les Californiens se rendent en promenade les jours de +fête. + +[Illustration: Vue d'ensemble de la prison de Saint-Quentin.] + +Après de nombreux détours dans la vallée, nous apercevons la maison +d'arrêt. On dirait un vaste château fort gardé par une série de kiosques +surélevés, dans lesquels sont placés des gardiens prêts à fusiller les +fugitifs. Dès que l'on pénètre sur les terrains du pénitencier, cette +impression sévère s'adoucit, car le château fort est entouré de +paisibles jardins potagers, de tennis-courts, de parterres multicolores +et de vertes pelouses. Les premiers prisonniers que nous rencontrons, +rasés de frais, décemment habillés dans leur uniforme de laine blanche à +larges raies noires, ont un air de prospérité qui empêche qu'on ne +s'apitoie par trop sur leur sort. + +_La Marseillaise_ retentit. C'est la fanfare des «convicts» qui salue +l'arrivée de Sarah Bernhardt. La musique adoucit les moeurs, et les +détenus, pour oublier les rigueurs de la captivité, ont leur orchestre +comprenant une trentaine d'instrumentistes. Tous les arts, d'ailleurs, +sont représentés à Saint-Quentin... + +[Illustration: Un des prisonniers, Abraham Ruef, lisant une adresse de +remerciements à Mme Sarah Bernhardt.] + +Dans la cour intérieure, une scène a été improvisée. Le rideau a été +taillé dans une bâche. Devant le théâtre, un espace est réservé aux +membres de la fanfare. Deux mille prisonniers attendent fiévreusement +l'apparition de notre grande artiste. Il y a là des gens de toutes les +nationalités, des Chinois, des Japonais, des mulâtres, des nègres. Les +femmes (on en compte une quarantaine dans la prison) ont été aussi +admises. Les gardiens--munis de la canne et du revolver +réglementaires--encadrent les diverses sections qui ont été amenées dans +un ordre précis. On a placé les condamnés à mort au premier rang, et je +m'installe au milieu d'eux pour mieux juger de leurs impressions. Un +hydroaéroplane, qui nous a suivis depuis San-Francisco, voltige +au-dessus de nos têtes. Mais la foule des prisonniers ne prend pas +beaucoup d'intérêt à ses évolutions. Dans le recueillement, elle attend +la venue de Sarah sur le tréteau de fortune sur lequel il semble que la +Magie surgira tout à l'heure. On a distribué aux spectateurs une +analyse, rédigée en anglais, de la pièce choisie: _Une nuit de Noël sous +la Terreur_, de MM. Maurice Bernhardt et Henri Gain, que vont jouer, aux +côtés de la grande artiste, MM. Lou Tellegen, Deneubourg, Favières, +Terestri, Mlles Seylor et Boulanger. + +[Illustration: Après la représentation donnée par Mme Sarah Bernhardt à +la prison de Saint-Quentin (Californie): un délégué des prisonniers +baise la main de la grande artiste.] + + * + * * + +Quand soudain le rideau se lève, une formidable acclamation retentit. +Sarah, en Marion la vivandière, incarne si bien la générosité et la +vaillance françaises! Un groupe de détenus français (la «colonie» +française de Saint-Quentin!) crie à pleins poumons: «Vive la France! +Vive la France!» Un de mes voisins, un Belge qui a tué sa femme et +l'amant de sa femme, pleure à chaudes larmes, et, tout à coup, il se met +à rire nerveusement et il recommence à pleurer. L'autre est un Grec qui +assassina deux policemen, et il demeure hébété... + +Chaque scène se termine au milieu de frénétiques bravos et de +sifflements stridents (aux États-Unis, en effet, le sifflet, +contrairement à notre coutume, marque l'approbation suraiguë des +spectateurs). Les répliques finales des acteurs sont échangées dans un +enthousiasme extraordinaire. Le spectacle achevé, un prisonnier s'avance +sur la scène et remet à Sarah Bernhardt une mélodie qui lui est dédiée +par ses camarades, intitulée: _Par delà le sommet des collines_. Il +lui offre en même temps un bouquet de violettes et prononce, en +français, l'allocution suivante, qui vaut d'être reproduite textuellement: + +_A Madame Sarah Bernhardt, +à San Quentin, Californie._ + +Madame, + +Dans cette vie la plupart de nous sont, à l'extérieur aussi bien qu'à +l'intérieur des murs d'une prison, prisonniers, prisonniers au moins de +notre entourage. A de rares intervalles seulement nous est-il donné +d'être absolument libres. Pour ceux qui sont enfermés entre des murs +menaçants, derrière des grilles de fer formidables, ces intervalles +sont, actuellement et à jamais dans l'avenir , vraisemblablement bien +éloignés. Mais, aujourd'hui, pour une petite heure, ces murs de pierre +se sont évanouis. Pour une heure, grâce à votre merveilleuse +personnalité et votre art enchanteur, nous avons été, en âme et en +esprit, dans une liberté parfaite, captifs seulement de ce génie +remarquable et de cette ardeur incomparable qui, à juste titre, vous ont +gagné le nom de «divine». Pour une petite heure nous avons été libres, +et sans contrainte en communion universelle avec l'esprit d'une grandeur +humaine, qui, après tout, est la vraie base de nos croyances à +l'immortalité. Cette grandeur n'a pas été établie pour complètement et à +jamais disparaître. Ce moment de liberté n'est pas, non plus, une +illusion temporaire; le souvenir sera vivant, la mémoire le rappellera +souvent, et son inspiration servira à nous libérer des fardeaux et des +angoisses du jour. Soyez-en persuadée, Madame, cette représentation +particulière sera longtemps rappelée par tous ceux qui ont eu le +privilège d'y assister,--par l'humble aussi bien que par le plus élevé. +La femme, l'actrice, la pièce, toutes, ont fait vibrer les cordes de nos +cours. A la plupart de nous n'a jamais été accordée la distinction de +vous voir ni de goûter les délices de votre art incomparable. Eloignés, +nous vous avons regardée comme la radieuse étoile de l'art dramatique, +couronnée des lauriers d'un succès impérial, à la grâce et au génie de +laquelle les continents se sont volontiers rendus sujets. Les idéals que +nous avions conçus ont été en cette heure plus que confirmés. Nous vous +présentons nos remerciements reconnaissants pour les gloires et les +splendeurs de l'art dont votre gracieuse faveur nous a fait jouir, ainsi +que pour la bienveillance et la générosité qui vous ont induite à donner +un plaisir si vif aux infortunés proscrits et victimes des sorts +changeants de la vie. + +Nous apprécions aussi profondément votre choix de la pièce, non +seulement à cause de sa beauté intrinsèque et de l'art qu'elle renferme, +mais aussi parce qu'elle exalte, par ses élans puissants, une humanité, +et la solidarité des âmes, qui ne connaissent aucunes bornes, ni de +parti, de factions, ou de politique. De plus, nous vous remercions +particulièrement que vous ayez jugé à propos de nous présenter une oeuvre +du génie de votre fils. En ce choix, nous voyons non seulement votre +témoignage de l'amour et des pensées d'une mère, mais aussi en toute +probabilité la réflexion dans votre coeur que nous aussi avons des mères +qui nous chérissent, à qui notre amour se porte, et dans les coeurs +desquelles nous avons été une espérance et un orgueil. Nous souhaitons, +et pour vous et pour lui, beaucoup d'années de joie et contentement +mutuels. + +Nous prions aussi, Madame, par votre intermédiaire, d'exprimer à vos +artistes et à votre gérance, notre chaleureuse appréciation de leur +bonté et de leur talent. Et quand, dans l'avenir, vos pensées se +porteront vers ce pays du soleil couchant, pour nous aujourd'hui si +brillant par votre bonne volonté, nous espérons que ces quelques paroles +d'admiration sincère et de reconnaissance serviront à vous rappeler +cette heure, peut-être de toutes en votre vaste expérience, la plus +étrange et la plus frappante,--une heure dans un entourage sévère et +même repoussant, oublié par nous pour le moment grâce à votre +personnalité,--une heure dans laquelle vous avez rendu cette multitude +de malheureux, plus heureux, adouci les lignes de leurs vies et rendu +leurs cours plus légers, par votre présence dans notre milieu +aujourd'hui. + +De la part de + +TOUS LES PRISONNIERS. + +San Quentin, Californie, ce 22 février 1913. + +Ce discours est l'oeuvre d'Abraham Ruef, un fils d'Alsacien--qui parle +très couramment notre langue et qui ne manque pas de littérature, comme +on voit, malgré les nombreux anglicismes dont il use. Ruef est célèbre +sur toute la côte du Pacifique. Il fut un temps où le maire Schmidt +«socialisait» à sa manière les finances de San-Francisco avec l'aide de +Ruef, «boss» tout-puissant. Condamné pour concussion, ce dernier est +interné à Saint-Quentin pour une douzaine d'années encore, à moins qu'on +ne lui rende la liberté sur parole, système appliqué en faveur des +repentis. Ruef est le personnage le plus en vedette de la prison. Dans +la «salle» se trouvaient aussi les fameux frères MacNamara, qui firent +sauter à la dynamite l'hôtel du _Los Angeles Times_, voici deux ans, et +causèrent la mort de vingt-deux linotypistes. Ce fut l'un des épisodes +les plus cruels de cette guerre acharnée que se livrent aux États-Unis +syndicalistes et anti-syndicalistes. + +L'orateur qui avait lu le compliment de circonstance, après lui en avoir +remis le texte, soigneusement calligraphié par lui-même, demanda à Sarah +Bernhardt de lui baiser la main. Elle acquiesça gentiment, et une +indescriptible ovation la remercia de ce geste. Sur cet incident se +termina cette peu banale manifestation. + + * + * * + +Ayant regagné son auto, la grande tragédienne, heureuse d'avoir apporté +de la joie à ce monde bizarre de prisonniers, me confia que c'était là +une des aventures les plus étonnantes de sa vie de comédienne: + +--J'ai éprouvé une sensation inouïe, me dit-elle, en voyant fixés sur +moi avec un éclat étrange ces milliers d'yeux dont beaucoup ne verront +plus la lumière de la liberté et dont certains seront avant peu +obscurcis par la mort. Si vous saviez comme c'est bon d'avoir pu donner +un peu d'illusion à ces gens pendant quelques instants! Il faudra que je +note cela dans mes Mémoires... + +La relation que Sarah Bernhardt écrira elle-même de son voyage à +Saint-Quentin sera sans aucun doute l'un des chapitres les plus +émouvants de son autobiographie. Elle la complète à ses moments perdus, +et il faut souhaiter qu'elle la livre bientôt au public pour qu'on y +lise le récit de cette journée si originale du 22 février passée parmi +les prisonniers californiens de Saint-Quentin. + +FRANÇOIS DE TESSAN. + + + +[Illustration: Le cortège des étudiants, se rendant place de la +Concorde, passe rue de Rivoli devant, la statue de Jeanne d'Arc.] + +[Illustration: UNE MANIFESTATION PATRIOTIQUE DE LA JEUNESSE DES +ÉCOLES.--Le défilé devant la statue de Strasbourg.] + +Dans l'après-midi de dimanche dernier, la manifestation traditionnelle +de la jeunesse des écoles à la statue de Strasbourg a eu lieu au milieu +d'une affluence exceptionnelle et avec un calme, une piété silencieuse, +qui lui ont donné un aspect impressionnant. Les étudiants avaient on +effet résolu de conserver à cette manifestation, d'où devait être exclu +tout geste politique, un caractère exclusivement patriotique et +national. Lorsque, à deux heures, le cortège se forma sur la place de la +Sorbonne, les étudiants étaient au nombre de trois à quatre mille. L'un +d'eux, en tête, portait un grand drapeau tricolore cravaté de crêpe. +Puis venaient les délégués des diverses organisations, républicaine, +jeune-républicaine, plébiscitaire, nationaliste, et des universités de +province, notamment de Bordeaux. Huit étudiants suivaient, porteurs de +deux grandes couronnes endeuillées de crêpe et coupées par un large +ruban tricolore. Derrière, marchait la foule des élèves ou des aspirants +aux écoles militaires, le bonnet de police sur l'oreille, et des +étudiants des diverses facultés avec leurs bérets aux couleurs +distinctives. La longue colonne gagna, par la rue de Rivoli, en saluant +la statue de Jeanne d'Arc, la place de la Concorde. Les couronnes et le +drapeau furent déposés sur le socle de la statue de Strasbourg, devant +laquelle les jeunes gens défilèrent ensuite, pieusement recueillis. + + + +LE TRICENTENAIRE DES ROMANOF + +Il y a encore, en Russie, du loyalisme pour le trône, un loyalisme +ardent et mystique, un loyalisme populaire des faubourgs des villes et +des immensités rurales, qui a donné, ces derniers jours, à l'occasion du +tricentenaire des Romanof, à côté du loyalisme officiel, militaire, +aristocratique ou bourgeois, sa mesure éloquente et profonde. + +Les fêtes de ce Jubilé exceptionnel ont commencé le 6 mars, au milieu de +l'enthousiasme national et dans une sorte d'extase religieuse, car, seul +maintenant en Europe où le sultan ne compte plus guère, le monarque +russe, chef d'Église, à la fois empereur et pape, conserve un caractère +sacré. + +Le 6 mars donc, il y a eu exactement trois cents ans que le +Zemski-Sobor, ou assemblée nationale russe, offrit, après une longue +période d'anarchie, la couronne à Michel Feodorovitch Romanof, fondateur +de la dynastie qui s'est perpétuée sur le trône et dont certains +membres, illustres parmi les illustres, ont assuré la grandeur de +l'empire et la magnifique expansion de la puissance russe. + +En l'honneur de ces commémorations historiques, le tsar Nicolas a +d'abord publié un ukase d'amnistie, impatiemment attendu, car le +précédent décret de pardon datait de la naissance du prince héritier, +c'est-à-dire de 1904. Un grand nombre de délits, et particulièrement de +délits politiques commis depuis cette époque, se sont donc trouvés +effacés, et quelques nobles exilés pourront dès maintenant rentrer +impunément dans leur patrie. Les condamnés à mort ont vu commuer leur +peine en vingt ans de travaux forcés et les prisons de Saint-Pétersbourg +ont, d'un coup, libéré trois cents détenus. Dix millions ont été +accordés à la Finlande pour l'amélioration de ses établissements +d'assistance et 50 millions de roubles ont été donnés à la population +rurale sur le produit de la vente des terres de l'empereur. + +Toutes ces mesures, très heureuses, très opportunes, ont produit, sur +les masses si profondément attachées d'ailleurs à la dynastie, la plus +heureuse impression, et la communion entre le souverain et le peuple, au +cours de ces grandioses journées, n'en a été que plus étroite. + +Des _Te Deum_ et des services d'actions de grâces ont été célébrés, le 6 +mars, dans les cathédrales de Saint-Pétersbourg, de Moscou et de Kief +comme dans les plus humbles chapelles et dans toutes les églises de +Russie à la même heure, pendant le service divin, fut lu un manifeste +impérial faisant ressortir les efforts successifs des tsars et des plus +éminents parmi leurs sujets pour réaliser la prospérité actuelle, +économique, militaire et intellectuelle de l'empire russe. + +[Illustration: Le cortège quitte le Palais d'hiver pour se rendre à la +cathédrale de Kazan: le tsar et le tsarévitch sont en simple voiture +découverte; les impératrices suivent en carrosse de gala.] + +A Saint-Pétersbourg, le tsar et le grand-duc héritier, qu'on était ému +et joyeux de voir reparaître en public dans une voiture découverte, la +tsarine, l'impératrice douairière et toute la famille impériale se +rendirent à la cathédrale, en grand gala, pour assister au service +d'actions de grâces. Et ce fut sur le passage du cortège impérial, dans +les rues où stationnait une foule énorme, un véritable délire populaire. +La circulation des voitures était partout complètement interrompue. Les +monuments étaient richement décorés et les ponts tellement transformés +par leur parure qu'ils semblaient reconstruits. Aux fenêtres, aux +balcons, c'étaient des milliers d'oriflammes aux couleurs nationales et +impériales, avec partout les blasons des Romanof. Des maisons +disparaissaient entièrement sous les draperies. La perspective Newsky +était tout entière décorée dans le style empire. Le soir, +Saint-Pétersbourg s'illumina de millions de lampes électriques; des +scènes d'histoire s'évoquèrent sur des transparents lumineux et des +cortèges de patriotes parcoururent les avenues en chantant des hymnes +nationaux et en portant des portraits de l'empereur. + +Le lendemain, à 4 heures, il y eut au Palais d'hiver, autour duquel +continuait de se presser la foule, une grande réception impériale dans +la salle de Malachite. Là se trouvaient réunis tous les grands corps de +l'État, avec de hauts dignitaires religieux d'Orient unis au tsar par le +lien orthodoxe, le patriarche d'Antioche, le métropolite de Serbie. Là +encore, on put voir, avec leur suite asiatique, des princes vassaux de +la Russie, l'émir de Boukhara, le khan de Khiva, et aussi des délégués +mongols. + +La famille impériale au grand complet vint recevoir tous ces hommages, +le tsar et le tsarévitch portant l'uniforme des chasseurs de la garde +avec le grand cordon de Saint-André. Et le président de la Douma, M. +Rodsianko, lorsque ce fut son tour de haranguer le souverain, employa le +tutoiement des heures historiques. Son discours débutait ainsi: +«Puissant empereur, ta sollicitude pour le peuple est grande...» + +Le 10 mars, les délégations des paysans ont été reçues au palais et le +tsar leur fit un accueil émouvant, embrassant les chefs de ces +délégations qui furent retenues à dîner. + +Cependant que, dans tout l'empire, l'affluence joyeuse et enthousiaste +aux revues, aux illuminations, aux spectacles, témoignait 'que la fête +de la dynastie demeurait bien la fête nationale, et que c'est encore et +toujours la _Vie pour le Tsar_ qui se joue sur la grande scène +populaire. + +[Illustration: Sur le trajet, entre le Palais d'hiver et la Cathédrale +de Kazan.--La foule est nombreuse derrière la haie de soldats, mais +toutes les fenêtres sont fermées par mesure de police.] + +[Illustration: Devant la cathédrale de Kazan pendant la célébration de +l'office divin en présence de la famille impériale.] + +LA CÉLÉBRATION DU TRICENTENAIRE DE LA DYNASTIE DES ROMANOF, A +SAINT-PÉTERSBOURG. + +_Photographie C. O. Bulla._ + +LE TRICENTENAIRE DE LA DYNASTIE DES ROMANOF Le tsar Nicolas II et le +tsarévitch Alexis quittent la cathédrale de Kazan après la cérémonie +religieuse du 6 mars (21 février du calendrier russe). _Phot. A. Otzoup, +photographe de la Cour.--Voir!'article aux pages précédentes._ + + + +[Illustration: Les contrastes de Pékin: l'antique chaise à porteurs et +la «reine bicyclette».] + +UN MOIS A PÉKIN + +VI.--LE PROGRÈS CONTRE LE PASSÉ + +20 juin. + +Je vous ai déjà dit que les chaises à porteurs avaient presque +complètement disparu de Pékin. J'en ai pourtant rencontré ces jours-ci +une, bien amusante, et très ancien régime. Portée par deux mules, elle +longeait paisiblement la muraille de la ville impériale par-dessus +laquelle un pavillon en ruines dressait, au milieu de la verdure, son +toit aux tuiles d'or mélangées d'herbes folles. Un serviteur à pied +menait par la bride la mule de tête tandis qu'un autre, à cheval, +fermait la marche. Le propriétaire, qui devait être quelque rural aisé +des environs, accroupi dans l'étroite caisse, fumait sa pipe, très +dignement. + +Rien d'européen dans ce coin désert, pas un poteau télégraphique en vue; +on aurait pu se croire dans le Pékin du temps de Kang Hi. + +Comme je m'extasiais, un cycliste en robe lilas, très jeune Chine, +coiffé d'un élégant canotier et chaussé de bottines jaunes, dépassa +soudain à toute pédale l'antique équipage. Ce fut pour moi, durant une +seconde, une saisissante vision résumant l'état actuel du vieil empire. +Et, vraiment, la bicyclette et son cycliste étaient en ce lieu quelque +chose de choquant et de déplacé; je ressentis une impression analogue à +celle que j'éprouve devant une belle chaumière ou un joli coin de +paysage de chez nous souillé par quelque révoltant panneau-réclame. + +[Illustration: Le mandarin d'aujourd'hui et son escorte à +l'occidentale.] + +Comme pendant à ce croquis en voici un qui vous donnera l'aspect d'un +autre Pékin, celui que les révolutionnaires sont en train de nous +fabriquer. + +C'est à l'arrivée du train de Tien Tsin, un jour de pluie, un mandarin +nouveau style qui vient de débarquer. Il est monté dans son coupé dont +les glaces sont remplacées par des persiennes aux lames rabattues. Sur +les dalles de marbre disloquées, la voiture file en cahotant avec fracas +vers la ville chinoise. Montés sur des bidets mongols assez laids, des +cavaliers l'escortent; ils sont armés de carabines à répétition et vêtus +de toile kaki avec, aux manches, des galons de grade en coton blanc; +comme coiffures des canotiers et des panamas. Ce sont les satellites +particuliers du moderne _Ta jen_ qui, lui, est en veston et chapeau de +paille. + +Dans ce tableau tout se tient: la vilaine gare, la rangée des boutiques +récemment déposées le long du mur de Tien Men, les poteaux pour +l'éclairage, le télégraphe et le téléphone, constituent un cadre bien +digne de ce cortège et du Progrès qu'il représente. + +... A l'occasion du jour de naissance du roi George, il y a eu, l'autre +jour, revue solennelle sur le glacis anglais, réception à la légation et +dîner de gala à l'Hôtel des Wagons-Lits. Le manager s'était assuré le +concours de la musique des «Somerset» qu'on a fait, à grands frais, +venir de Tien Tsin. Depuis huit jours, l'événement était annoncé par la +voie de la presse et par des prospectus invitant les amateurs à retenir +leurs tables le plus tôt possible. Tout Pékin-Légations répondit à cet +appel; la vaste salle à manger était débordante de dîneurs sur lesquels +la «band» déversait de copieux et assourdissants flots d'harmonie. Ce +fut, ensuite, une soirée dansante fort animée. Tout ce que le corps +international d'occupation compte d'officiers, jeunes ou mûrs, fervents +de la valse ou du tango, s'était mobilisé pour assurer le service +chorégraphique et les danseuses ne chômèrent point. La seule chose +regrettable, à mon gré, fut l'absence complète d'uniformes: rien que des +habits, des smokings blancs ou noirs et des «Eton», ce drôle de petit +veston de pâtissier, pas plus long que le gilet, si dangereux à porter +parce que facilement ridicule. Tout le corps diplomatique était présent, +nombreuses les élégantes, dont quelques-unes très jolies et très +entourées. On remarquait même deux couples _Jeunes Chinois_ très dans le +train: les maris en parfaits gentlemen et les dames en combinaison, si +j'ose dire, moitié chinoise, moitié je ne sais quoi, avec des coiffures +ni l'un ni l'autre et des lunettes d'or. L'une d'elles, m'a-t-on dit, +est suffragette, et s'est faite, à Pékin, l'apôtre des droits civiques +de la femme. Déjà! + +Enfin, cette soirée aurait été tout à fait charmante si elle n'avait eu +pour principal résultat de m'empêcher de dormir jusqu'à une heure fort +avancée de la nuit. + +LES BONS DOMESTIQUES + +De temps en temps, un des nombreux boys qui servent à table se fait +couper la natte; ils sont bien une cinquantaine dont la moitié est +encore fidèle à la vieille coiffure nationale; de la moitié moderniste, +les uns se sont fait raser complètement la tête et attendent que tout +repousse à la fois; les autres ont conservé une certaine longueur de +leur tresse dont ils se servent pour recouvrir la partie rasée de leur +crâne jusqu'à ce qu'elle soit, elle aussi, garnie de cheveux; ce qui +leur fait de drôles de figures. Ils n'ont pas encore la veste et le +tablier de nos garçons de café: ils attendent probablement que la +République soit mieux assise pour lui témoigner leur indéfectible +attachement en dépouillant la livrée du régime déchu. Ils portent la +longue robe de toile bleue, fendue sur le côté, bordée d'un mince galon +blanc au col et aux poignets, recouvrant le caleçon blanc serré aux +chevilles. Leurs pieds chaussés de pantoufles feutrées, légèrement +retroussées du bout, glissent, empressés et silencieux, sur les parquets +et les tapis, autour des tables et dans les couloirs. + +Les Chinois sont très observateurs, dit-on. Chez les boys d'hôtel, cette +faculté est précieuse, car les quelques mots européens qu'ils écorchent +en les disant, ou entendent de travers, ne seraient pas suffisants pour +se faire servir même approximativement. Ils s'intéressent à leurs +clients, et, pour peu qu'on soit livré pendant quelques jours aux bons +soins du même boy, il arrive à connaître vos habitudes et semble +éprouver une vraie satisfaction à prévenir vos désirs; c'est peut-être +tout simplement la gloriole d'avoir fait preuve d'intelligence. + +Dernièrement, je voulais obtenir du mien une carotte crue dont j'avais +besoin pour humecter un peu ma provision de tabac que la chaleur avait +rendu sec comme un coup de trique. J'essayai vainement de me faire +comprendre en français; en anglais, je ne fus pas plus heureux, le mot +se prononçant exactement de la même façon, sauf qu'il y a deux r en +anglais et pas d'e muet. Enfin, je me décidai à faire un dessin et, pour +plus de précision, je coloriai en rouge et en vert le légume et son +feuillage. Mon boy, ravi, partit en courant et me rapporta un radis. +J'avoue qu'à ce moment j'ai douté de mon talent. Il faut vous dire qu'à +l'École des Beaux-Arts on ne m'a jamais appris à dessiner une carotte. +Dieu sait, pourtant, la quantité de navets que nous devons à +l'enseignement officiel! Il faut vous dire aussi que les radis, à Pékin, +sont énormes et de forme très allongée; cette circonstance, jointe à +l'étrangeté de ma demande, excusait donc l'erreur du boy. Devant mon +geste de refus découragé, le Chinois s'en fut chercher, derrière la +porte, la carotte demandée dont il s'était muni, à tout hasard, pour le +cas où le radis n'aurait pas fait mon affaire. Alors j'ai repris +confiance en moi-même, et le boy, enchanté et fier de sa perspicacité, +est allé raconter à ses camarades qu'il avait un drôle de client, qui +mangeait des carottes crues entre ses repas. + +Car les Chinois sont très portés à l'exagération. + +Les domestiques indigènes font le désespoir des maîtresses de maison. +Les Européennes de toutes nations sont unanimes à déclarer qu'il est +aussi impossible de se soustraire à leurs malices, à leurs fantaisies, à +leurs gaspillages, que de les empêcher de voler. + +Le vol domestique est une institution officielle dont le fonctionnement +a été expliqué bien des fois par les auteurs qui ont écrit sur la Chine. +C'est, en grand et en très perfectionné, le sou du franc de nos +cuisinières, et cela prouve, une fois de plus, que les Chinois avaient +tout découvert avant nous. L'anse du panier dansait dans l'Empire du +Milieu bien avant que les paniers fussent inventés à Paris. + +[Illustration: LA VIE MONDAINE A PÉKIN,--Une soirée à l'Hôtel des +Wagons-Lits.] + +C'est comme le syndicalisme: les principes en sont appliqués ici dans +toute leur rigueur et avec la discipline la plus inflexible. Un boy qui +se considère comme injustement congédié entraîne avec lui tous ses +camarades, et la maison est mise à l'index. Impossible de trouver +d'autres serviteurs tant que l'injustice n'est pas réparée. Il est +arrivé qu'un malheureux ménage, nouveau venu, abandonné par ses +domestiques à la suite d'une histoire de ce genre et dans +l'impossibilité absolue d'en recruter d'autres, alla prendre ses repas +chez un ami compatissant. Le premier jour, tout alla bien: le mari +disait: «Il faut montrer de la fermeté, ne pas céder devant ces +exigences intolérables, le prestige européen est en cause, etc.» Le +second jour, le cuisinier en chef de l'ami hospitalier vint trouver son +maître et lui demanda si le ménage Un Tel viendrait encore déjeuner et +dîner. Le maître, quelque peu suffoqué, voulut bien, toutefois, car il +cuisinait fort bien, répondre affirmativement à son serviteur, non sans +lui demander de quoi il se mêlait et pourquoi il lui posait cette +question. Le chef lui déclara alors que M. et Mme Un Tel ayant été +boycottés par leur personnel, il était de son devoir à lui et à ses +collègues de quitter le service de Monsieur si les victimes de +l'interdiction syndicale parvenaient à se soustraire à ses effets en +prenant pension chez Monsieur. Une invitation, de temps en temps, passe +encore, mais tous les jours, jamais! Monsieur, qui était gourmand, +hésita entre le coeur et l'estomac: celui-ci l'emporta, comme toujours. +M. et Mme Un Tel, bien chapitrés, se rendirent à discrétion et reprirent +leur boy, dont ils n'eurent, du reste, pas à se plaindre plus que de +raison par la suite. + +Et voilà qui pourrait expliquer l'origine du mot _boycotter_. Encore une +invention chinoise! + +La jeune femme, un jour que la note avait été majorée plus que de +coutume, voulut encore protester et décida de faire elle-même ses +provisions. Vains efforts! Le tout fut cuit et préparé de si belle sorte +que rien n'était mangeable. Il fallut céder de nouveau. + +[Illustration: UNE DES SORTIES DE PÉKIN: NAN SI HEU, LA PORTE DU +SUD-OUEST. Dessin de L. Sabattier.] + +On me conte une autre anecdote, qui montre combien ces procédés sont +considérés comme une chose toute naturelle par les Chinois. Le +sous-directeur d'une banque ou d'une société quelconque fut appelé à +remplacer pour quelque temps son chef, qui partait en congé: le jour +même où il prit, par intérim, la direction de la maison, le prix des +poulets et du reste augmenta chez lui dans de notables proportions; +étonnement, questions auxquelles le chef cuisinier répondit simplement +que Monsieur était directeur, maintenant, et qu'il devait payer plus +cher, étant plus fortement appointé. Il fallut lui expliquer et lui +prouver que, si Monsieur remplissait les fonctions de directeur, ce +n'était que provisoirement et que ses appointements restaient les mêmes. +Ces raisons furent jugées bonnes et les denrées revinrent à leurs prix +ordinaires. + +Il est des forces contre lesquelles on ne lutte pas. + +Des anecdotes de toute sorte, on vous en raconte par centaines; il en +est qu'on entend plusieurs fois, avec des variantes, mais l'aventure est +régulièrement arrivée à la personne qui vous la narre. + + * + * * + +Un défaut commun à beaucoup de coloniaux et que je retrouve ici, chez +quelques jeunes débarqués--heureusement fort rares--a le don de +m'exaspérer: c'est celui qui consiste à traiter en êtres inférieurs les +habitants du pays où l'Européen est arrivé en intrus ou en conquérant, +avec des canons et des fusils, et à ne vouloir connaître que les coups +comme forme de discussion. Si ce raisonnement était juste, il faudrait +admettre la réciproque et ne pas crier quand l'être inférieur se +rebiffe, ou, alors, s'il est dans l'impossibilité de répondre, c'est de +la lâcheté. + +Rien ne m'est plus pénible que de voir un blanc, un Européen, un +Français, frapper, même légèrement, un pousse-pousse pour le faire aller +plus vite. + +Je répète que le cas est très rare et que ce sont les tout jeunes gens +irréfléchis qui se livrent à ces actes de brutalité qui ont, en outre, +l'inconvénient d'être impolitiques au plus haut point. De petites causes +peuvent produire un effet désastreux et la violence d'un isolé peut +avoir des conséquences incalculables pour la communauté. + +LA COLONIE FRANÇAISE A PÉKIN + +La légation de France, reconstruite, comme la plupart des autres, après +les événements de 1900, est, si on la compare à ses voisines qui lui +servent de repoussoir, d'une grande sobriété de lignes. Son auteur +n'avait pas encore inventé le style Fallières. Par un hasard +inconcevable, elle est la seule dont l'entrée soit agrémentée de tas de +cailloux, destinés à l'entretien de la rue. Et ces cailloux doivent être +là depuis longtemps, car, à mon arrivée, il y a un mois, une végétation +assez luxuriante les ornait déjà. + +C'est un coin bien parisien, et les jeunes attachés, en passant devant +cet encombrement provisoire, peuvent rêver du Boulevard qu'ils viennent +de quitter. + +[Illustration: M. P. de Margerie, ministre de France, Actuellement +directeur adjoint des affaires politiques au ministère des Affaires +étrangères.] + +Notre sympathique ministre, M. de Margerie, n'assistera pas à la mise en +oeuvre de ces matériaux, car, appelé à un poste important au ministère +des Affaires étrangères, il quitte Pékin dans quelques jours, au grand +regret de tous les Français, des Européens et aussi des Chinois, qui +avaient pu apprécier son caractère à la fois ferme et conciliant, sa +droiture et son exquise urbanité. + +En attendant l'arrivée de son successeur, la légation sera gérée par le +premier secrétaire, M. F. Georges-Picot, fils de l'illustre économiste, +membre de l'Institut. + +M. Georges-Picot, qui fut déjà chargé d'affaires lors du départ du +prédécesseur de M. de Margerie, est la distinction et l'aménité mêmes, +ce qui n'exclut pas, chez lui, la volonté et la force de caractère. +C'est une belle et fine figure de diplomate, et je le vois très bien +dessiné par Ingres, en habit à haut collet, culotte et bas de soie. + +[Illustration: M. Georges-Picot, premier secrétaire de la légation de +France.] + +Le personnel diplomatique français est complété par MM. Blanchet, +consul, premier interprète, sinologue érudit et pratiquant, travailleur +acharné, que ses occupations très absorbantes n'empêchent pas d'être +aimable et accueillant, Viennent ensuite les jeunes et sympathiques +attachés, MM. Valentin, Rhein et Dozon, qui font ici leurs _premières +armes_ dans la diplomatie. Et ce terme de premières armes pourrait bien, +avant peu, ne plus être pris au figuré si les affaires continuent à ne +pas s'arranger mieux. Mais les campagnes, c'est de l'avancement, et puis +ça compte toujours pour la retraite. + +M. de Margerie, qui est le beau-frère de Rostand, a pour secrétaire +particulier son neveu, M. Gérard Mante, jeune, fougueux, sportif et +charmant, le plus agréable compagnon d'excursion qui se puisse voir. + +L'élément militaire est représenté par le commandant Vaudeseal, le +médecin-major de première classe Hazard, le capitaine Collardet, breveté +d'état-major, attaché militaire, le capitaine Renaud, les lieutenants +Marquer, Delafond, Ménigoz, Klepper, Grovalet et l'aide-major Guy, qui +ont, presque tous, déjà vu le feu, soit ici, soit au Tonkin ou en +Afrique, et qui sont prêts à faire leur devoir, vaillamment et gaiement, +à la française, dès que l'occasion s'en représentera. + +Mmes de Margerie et Georges-Picot étant, depuis quelque temps, rentrées +à Paris, la partie féminine des habitants de la légation de France se +trouvait réduite, ces jours derniers, à la toute gracieuse Mme +Collardet, qui, à son tour, vient de quitter Pékin pour aller, avec ses +enfants, passer les mois de grosse chaleur à Chan Haï Kouan, au bord de +la mer, dans une pagode transformée en maison de campagne. + +Chan Haï Kouan, à douze heures de chemin de fer de Pékin, est le +Trouville du Tché Li; c'est là que la Grande Muraille vient aboutir à la +mer. Les résidants qui peuvent quitter la capitale pendant quelques +semaines y vont, à la chaude saison (41° à l'ombre aujourd'hui) se +reposer et respirer autre chose que de la poussière. Ceux que leurs +occupations retiennent à la ville y envoient leurs femmes et leurs +enfants; le vendredi ou le samedi ils prennent le train des maris et +reviennent, le lundi, à leurs bureaux. Quelques-uns, plus fortunés ou +jouissant de plus de loisirs, vont passer l'été au Japon. + +Au bord de la mer, comme à Tien Tsin ou à Pékin, les distractions +mondaines tiennent une large place dans l'existence de la population +européenne. + +[Illustration: L'entrée de la légation de France.] + +[Illustration: Pékin sportif: le tennis à l'«International Club».] + +Les visites, les thés, les dîners, les réceptions, le cheval, l'escrime, +le tennis, le bridge, les courses et les réunions sportives, sans +oublier la chasse et les excursions, sévissent, dans toute l'étendue de +l'extraordinaire garnison internationale, avec autant d'intensité et +d'entrain que dans nos villes d'eaux les plus fréquentées. Il ne manque +ici que le théâtre,--cela pour ceux dont le théâtre est la grande +distraction. + +Pour ma part, je ne me suis jamais tant _habillé_, et vous savez si +c'est mon genre! Mais je compte cette sujétion au nombre des +inconvénients du voyage, avec la poussière, la nourriture d'hôtel et le +change des monnaies. + +Je n'ai pu, faute de temps, me mettre en relations avec tous les +Français de Pékin, et je le regrette vivement, ceux que j'ai pu +connaître m'ayant fait bien augurer des autres et m'en ayant dit +beaucoup de bien. Je vous citerai pourtant les noms de MM. Cazenave, +ancien ministre plénipotentiaire, directeur de la Banque de +l'Indo-Chine, Piry, directeur, et Roux-Lacordaire, sous-directeur des +postes chinoises, Millorat, directeur du chemin de fer du Chan Si, +Delon, de la poste française, vieux Parisien, quoique méridional, de +Rotrou, inspecteur du Chemin de fer Pékin-Hankeou, Redelsperger, etc. + +Je m'en voudrais d'oublier dans cette rapide énumération deux jeunes +gens de passage ici, deux Français de la bonne espèce, comme on aime à +en rencontrer en pays étrangers où ils sont de vivants et sains +échantillons de notre race bien portante de corps et d'esprit. + +L'un, M. F. Bernot, agrégé de l'Université, est titulaire d'une bourse +de voyage qui lui permet de faire, en deux ans, le tour du monde à son +gré, à sa fantaisie, sans obligations, sans programme si ce n'est +celui-ci: «Regarde, compare, instruis-toi.» Voilà qui est autrement +compris que notre prix de Rome, si suranné. M. Bernot est arrivé à Pékin +quelque temps avant les troubles de février dernier. Il a assisté à +quelques nuits tragiques, à des journées mouvementées, ce qui ne l'a pas +empêché d'être, comme tant d'autres, séduit par ce pays, et il y est +encore. + +L'autre, M. L. Aurousseau, est lauréat de l'École des Langues orientales +et pensionnaire de l'École française d'Extrême-Orient à Hanoï. Il est +chargé de rechercher, en Chine, pour la bibliothèque de ce dernier +établissement, des ouvrages et des manuscrits, des éditions rares, des +textes anciens. C'est un digne émule de Pelliot: il en a la science, +l'ardeur et le courage: le succès viendra. + +LE CHAPITRE DES TOILETTES + +La très importante question des toilettes prend des proportions +insoupçonnées pour mesdames les résidantes. Elles sont obligées d'avoir +recours à toutes sortes de combinaisons pour recevoir de Paris leurs +robes et leurs chapeaux avant qu'ils soient démodés. La France, on ne +sait pourquoi, est le seul pays d'Europe qui n'expédie pas ses colis +postaux en Extrême-Orient par le Transsibérien. Ce service se fait par +mer. La durée du voyage étant de quarante jours environ, de Marseille à +Pékin, au lieu de treize que met le chemin de fer, vous pouvez vous +rendre compte de ce que doit souffrir, ici, une pauvre élégante +attendant un envoi de sa couturière ou de sa modiste. Considérez qu'une +lettre met, par la Sibérie, quinze jours pour aller du quartier des +Légations à la rue de la Paix; admettez que la commande soit claire et +ne donne lieu à aucune méprise; supposez qu'il n'y ait aucun retard et +que le travail soit fait en huit jours; il faut aussi que l'expédition +coïncide avec le départ d'un paquebot (ce qui peut faire une différence +de quelques jours); ajoutez les quarante jours de mer; cela donne, en +mettant les choses au mieux, deux bons mois pendant lesquels tout peut +avoir été bouleversé dans la mode. + +C'est là un douloureux problème que quelques maisons de commerce +essaient de résoudre en adressant le précieux colis à leur correspondant +de Berlin ou de Moscou qui se chargera de le réexpédier en Chine par ce +Transsibérien interdit aux postaux français. Mais c'est encore une perte +de temps considérable et, pour peu que la malechance s'en mêle, il peut +arriver que ce soit aussi long que par le bateau, et même plus. + +Pour une légère robe de soirée, le meilleur moyen est encore de se la +faire envoyer sous enveloppe affranchie comme lettre recommandée,--via +Sibérie. On a droit à un kilogramme. Au besoin on peut diviser l'objet +en deux parties qu'on rajustera facilement à la réception. Du reste, +aujourd'hui, il ne doit pas y avoir beaucoup de robes--de robes du soir, +surtout--qui pèsent un kilo. Pour les chapeaux, le moyen est absolument +impraticable, car, bien qu'il n'y ait pas de limites comme dimensions, +la poste refuserait un pli n'ayant pas, au moins vaguement, la forme et +l'aspect d'une lettre. + +Vous le voyez, tout n'est pas rose pour ces malheureuses femmes. +L'arrivée d'une voyageuse élégante est toujours, pour, elles, un +événement considérable et d'un passionnant intérêt. Les moindres détails +de la toilette nouvellement débarquée sont aussitôt, de leur part, +l'objet d'un examen minutieux et approfondi; rien ne leur échappe, en ce +fiévreux inventaire, des plus légers changements survenus dans la coupe +d'un revers, la hauteur d'une martingale, la façon de ne pas boutonner +un gant, de nouer et d'épingler la voilette, dans les mille petites +particularités, enfin, de l'équipement féminin sur quoi les moniteurs +illustrés de la Mode fugace ne donnent, pour ne pas se compromettre, que +de rares et vagues renseignements. + +A la suite de ces constatations on peut souvent, par des moyens de +fortune, faire subir à une toilette de rapides transformations qui +permettront de ne pas avoir l'air trop en retard sur la nouvelle venue. +Pensez donc que, si le sac à main, par exemple, venait à être supprimé, +ou les fleurs sur les chapeaux rétablies, on ne le saurait, ici, que +quinze jours plus tard, à moins qu'une amie véritable ne vous en +prévienne par un télégramme à cent sous le mot. + +Les plus sportives parmi les résidantes font, à cheval, des promenades +aux environs; mais il faut être vraiment passionné d'équitation, car je +ne connais rien d'abominable comme les routes de ce pays. Que ce soit à +l'intérieur de la ville ou dans la campagne, c'est la poussière--et +quelle poussière!--ou la boue,--et quelle boue! Il est vrai que, hors de +l'enceinte, les chemins sont très peu fréquentés et qu'on laisse +derrière soi sa propre poussière; mais, rien que pour sortir de Pékin, +il faut faire 4 ou 5 kilomètres au milieu de la cohue, dans le suffocant +et malodorant nuage jaune soulevé par les charrettes, les pousse-pousse, +les piétons, les ânes, les chevaux, les mulets et les chameaux. + +Quand le vent s'en mêle, il n'y a qu'à rester chez soi. + +Aussi le tennis est-il le sport le plus apprécié. Il compte de très +nombreux fervents, parmi lesquels jusqu'à des Chinois et des Chinoises, +épris de modernisme. Dans les différents clubs de Pékin, les parties +quotidiennes sont très animées. Autour des joueurs on prend le thé et +l'on bavarde pendant qu'un orchestre chinois des plus européanisés fait +entendre, aux jours de réceptions, des danses américaines ou des airs de +café-concert allemand. + +DERNIÈRES HEURES DE PÉKIN + +22 juin. + +Le jour du départ est arrivé bien vite. Nous sommes allés, hier soir, +avant dîner, prendre l'air sur la muraille dont le faîte dallé, large +comme une avenue, émerge au-dessus de l'habituelle couche de poussière. +Après la lourde chaleur de la journée il faisait relativement frais dans +la faible brise du nord qui éloignait de nous les fumées de l'odieuse +gare collée au long du rempart mandchou. + +Du quartier commerçant de la ville chinoise, par delà Tien Men, monte, +atténuée, l'incessante clameur du peuple mystérieux. Les lampes +électriques s'allument. Une publicité lumineuse à éclipses, au coin de +la rue des Lanternes, jette, à intervalles réguliers, ses aveuglants +éclats dans la poussière du carrefour. De temps en temps, à nos pieds, +siffle une locomotive en manoeuvre. Dans le ciel, encore clair, du +couchant, au-dessus de la formidable silhouette de la porte impériale, +un vol d'aigrettes passe, semblant surgir des toitures d'or de la Ville +Interdite qu'on distingue confusément dans l'ombre croissante. A +l'intérieur de la muraille, les bâtiments et les jardins des Légations +et l'horrible bâtisse des Wagons-Lits ont presque disparu dans la nuit, +mais les alignements des fenêtres en sont brutalement indiqués par +l'éclairage intérieur, et de puissantes lampes à are découpent de dures +ombres aux murs et sur le sol, pendant que l'obscurité s'épaissit sur +les dalles dénivelées et sur les créneaux délabrés envahis par des +végétations de ruines. + +On ne peut pas venir à Pékin sans goûter aux fameux nids d'hirondelle, +ailerons de requin, pousses de bambou et autres mets célèbres. Nous +sommes donc allés, en compagnie de M. et Mme O'Neil et de M. Baudez, +dîner dans un des grands restaurants de la cité commerçante. Tout le +monde a entendu parler des innombrables et invraisemblables plats qui +composent un menu chinois. Je ne vous donnerai donc pas la longue liste +de ce qu'on nous a servi, dans le salon éclairé à l'électricité et d'une +saleté bien locale, où notre couvert se trouva mis. Sur une nappe plus +que douteuse étaient amoncelés, dans de petites soucoupes, les trente ou +quarante variétés de sucreries, salades et fruits qui sont les +hors-d'oeuvre. Devant chaque convive, à côté des bâtonnets d'ébène, une +provision de petits carrés de papier pour s'essuyer les doigts et la +bouche. + +Sous la direction d'un maître d'hôtel à la natte somptueuse et au +sourire engageant, les plats défilent, défilent, tous moins excitants +les uns que les autres. A part quelques fruits confits et des foies de +canards vraiment délicieux, je n'ai rien trouvé de mangeable dans toutes +ces extravagances. Je ne serais même pas éloigné de croire que les +malicieux Chinois se moquent de nous en nous les servant. Il n'est pas +possible qu'ils mangent toutes ces choses-là, et, pour moi, c'est une +cuisine qu'ils ont inventée à l'usage des voyageurs avides d'étrangetés +et désireux de pouvoir raconter, en rentrant chez eux, des choses +extraordinaires. + +Ce qu'il y a de certain, c'est que toutes ces nourritures affolantes +sont très mauvaises, du moins à mon goût, car le ménage O'Neil prétend +se régaler. + +Le retour en pousse-pousse, la nuit, par les étroites rues encombrées +d'une cohue glapissante, est une des choses les plus fantastiques qui se +puissent voir. Ah! dans l'ombre, les étranges faces aux yeux de mystère, +aux regards de chats! Une sorte d'angoisse finit par vous pénétrer et +vous étreindre au milieu de ce grouillement dans l'obscurité; ces +hurlements, ces vociférations forcenées, qu'on est porté à croire +hostiles, cette foule s'ouvrant de mauvaise grâce pour vous laisser +passer et se refermant sur vous avec, semble-t-il, des airs de menace, +vous donnent une sensation de cauchemar, et c'est avec un réel +soulagement que je me suis retrouvé dans le calme quartier des +Légations. + +Le thermomètre marque, aujourd'hui, 42° à l'ombre. Dans les bureaux de +la banque où je suis allé retirer mes fonds avant le départ, les +employés anglais, en bras de chemise, fument leurs pipes en attendant +l'heure du tennis. Les commis chinois, du bout délié de leurs doigts de +pianistes, manipulent les billes des abaques sur lesquels ils semblent +exécuter de vertigineuses symphonies financières. + +J'ai voulu emporter, à titre de curiosité, quelques-uns de ces _taëls +_dont on parle tant et qu'on ne voit jamais. Ce sont de petits lingots +d'argent d'un poids assez variable et d'une valeur approximative d'un à +deux dollars mexicains. Ils représentent la plus grande partie de +l'encaisse métallique des nombreuses banques, officielles ou privées, +dont le papier remplace cette encombrante monnaie. Le malheur est que ce +papier si commode n'a qu'un cours très limité et qu'il faut en changer à +chaque instant: celui de Changhaï ne vaut rien à Tien Tsin et Pékin +n'accepte ni l'un ni l'autre. On perd au change, naturellement, et on +reçoit, par-dessus le marché, un certain nombre de billets faux qu'un +touriste est absolument incapable de distinguer des vrais. Mais ceci +n'est pas une spécialité de la Chine. + +Les lingots, tout en n'offrant guère plus de garanties contre la fraude, +ont, au moins, le mérite du pittoresque. Chacun d'eux porte, imprimé +dans le creux produit par le refroidissement du métal, le caractère qui +signifie _bonheur_. Ce qui semblerait indiquer que, pour les Chinois, à +rencontre de notre proverbe, l'argent est une source de félicité. Ce +caractère est très employé en Chine, on l'écrit partout, on en fait des +bijoux et des ornements. Dans un dictionnaire de caractères sigillaires +je trouve cent six manières de le dessiner. Mais celui qui détient le +record de la diversité c'est _longévité_ avec deux cent quatre-vingt-dix +formes différentes. Et cela nous prouve que leur indéniable mépris de la +mort n'empêche pas les Célestes d'aimer la vie. + +A la Pagode du Mulet, où les fidèles viennent déposer leurs offrandes +aux pieds des nombreux bouddhas dispensateurs, l'autel le plus +fréquenté, le mieux épousseté et le plus encombré d'_ex votos_ est celui +du dieu présidant à la longue vie. + +Viennent ensuite ceux de qui dépendent la réussite dans les examens, +l'obtention des charges et honneurs, la richesse et le bonheur (qui ne +font qu'un), la postérité. Les vertus et les talents sont moins demandés +et une épaisse couche de poussière empêche de se rendre un compte exact +de la spécialité des autres influences divines. + + * + * * + +Sur le quai de la gare de nombreux compatriotes sont venus nous serrer +la main. Ce n'est pas sans une petite pointe d'émotion que nous les +quittons; tous se sont évertués à nous rendre agréable notre trop court +séjour à Pékin et ils y ont réussi. + +Je suis heureux de terminer ces lignes en adressant mes meilleurs +souvenirs aux Français de Pékin. + +L. SABATTIER. + +P. S.--J'apprends, d'une source autorisée, que, dans six mois, des +tramways à trolley circuleront dans la capitale de l'Empire du Milieu. + +[Illustration: _(Longévité.) (Bonheur.)_] + + + +[Illustration: LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DINE CHEZ SES CONFRÈRES DU +BARREAU Au fond, la table d'honneur.--Phot. A. Braunstain.] + +L'un des soirs de la dernière semaine, sans protocole, Me Raymond +Poincaré, président de la République française, s'en alla dîner chez ses +«confrères», les avocats du barreau de Paris. Mille convives s'étaient +réunis rue Saint-Martin, dans l'immense hall à deux étages du Palais des +Fêtes de Paris. M. Raymond Poincaré trouva là pour l'accueillir, autour +du bâtonnier de l'ordre, Me Fernand Labori, plusieurs membres du +gouvernement et tout ce que le barreau compte, à Paris et en province, +d'illustrations. Au nom du Conseil de l'ordre, Me Labori salua le chef +de l'État: + +--Monsieur le président de la. République cher et illustre confrère.... +commença-t-il. + +Et il évoqua ceux qui ayant appartenu au barreau furent élevés aux +suprêmes magistratures--un pape du treizième siècle, et un roi du +vingtième: Edouard VII--pour féliciter ensuite l'ordre d'avoir donné à +la France son président d'aujourd'hui. + +Lorsque, pour serrer les mains du bâtonnier, M. Poincaré se leva, ce fut +une ovation indescriptible de toute la salle qui s'était levée aussi +d'un même élan. Et le président de la République trouva les mots les +plus heureux et les plus éloquents pour faire l'éloge de ce cher barreau +parisien qu'il aimait tant, qui l'avait grandi et où il demandait qu'on +lui réservât la place qu'il comptait bien revenir prendre dans sept +ans... + + + +[Illustration: Soldats à la corvée de neige.] + +[Illustration: AU CAMP SERBE.--Dans la tourmente.--Un canon à demi +enseveli.--_Photographies S. Tchernof._] + +[Illustration: Les soldats bulgares se sont improvisés «sculpteurs +animaliers».--_Phot. du lieut. G. Staïnof._ LA TRÊVE DE LA NEIGE] +AUTOUR D'ANDRINOPLE. + +_Mieux que tout commentaire, ces photographies expliquent la longue +inaction des troupes réunies autour d'Andrinople: la neige leur +imposait, comme à l'armée turque de Tchataldja, une trêve naturelle, qui +arrêta l'effort des combattants et empêcha toute opération. Partagés +entre les corvées que nécessitaient les amoncellements de neige et les +rudes factions dans la tourmente, luttant sans cesse contre le froid qui +mord sous les capuchons et les couvertures, les soldats bulgares et +serbes mènent une dure vie, qu'ils s'ingénient pourtant à égayer, à +force d'entrain et de belle humeur. Déjà la neige a commencé à fondre, +et d'épais bourbiers lui succèdent._ + +[Illustration: Le camp du 9e régiment serbe après une tempête.--_Phot. +S. Tchemo._] + +[Illustration: L'enlèvement d'un blessé: au tond, deux trous creusés par +les obus ennemis.] + +[Illustration: CHEZ LES BULGARES.--Amusements. _Photographies du lieut. +G. Staïnof._] + +[Illustration: Le déblaiement d'une tranchée obstruée par deux mètres de +neige.] + +[Illustration: Soldats serbes en faction, par un froid terrible, à 300 +mètres des avant-postes turcs.--_Phot. S. Tchernof._ LA TRÊVE DE LA +NEIGE AUTOUR D'ANDRINOPLE] + + + +A WASHINGTON + +LE NOUVEAU PRÉSIDENT + +M. Woodrow Wilson, élu président de la République des États-Unis le 5 +novembre dernier, a pris, le mardi 4 mars, possession de ses nouvelles +fonctions. + +[Illustration: Devant le Capitole: M. Woodrow Wilson lisant son message. +Assis derrière lui, son prédécesseur, M. Taft.] + +Son prédécesseur, M. Taft, quitta joyeux, en plaisantant avec ses amis, +la résidence présidentielle, la Maison Blanche; M. Woodrow Wilson, a +remarqué le reporter du _New York Herald_, était grave et portait déjà +sur son «masque étroit» la trace des préoccupations que peut bien +engendrer la lourde tâche de gouverner 90 millions de citoyens. +Pourtant, le ciel était serein, et ce beau temps permit que le nouveau +président fût «inauguré», selon l'expression américaine, en plein air, +sur la terrasse du palais législatif. Le peuple put donc voir, avec +émotion, son premier magistrat prêter serment à la constitution entre +les mains du juge White, président de la Cour suprême, puis +entendre--ceux-là, du moins, des spectateurs qui avaient pu s'approcher +assez--la lecture du message présidentiel. Des bravos enthousiastes +accueillirent et la formule du serment et la péroraison du discours; et +on ne rit même pas, tant la solennité de l'acte était impressionnante, +quand un plaisant, qui eût sans doute voulu voir M. Roosevelt aux côtés +de M. Wilson et de M. Taft, lança d'une voix de stentor: «Où est +Teddy?». Mme Woodrow Wilson et ses trois jeunes filles assistaient de +l'intérieur du palais à la cérémonie. + + + +LES SUFFRAGETTES AMÉRICAINES + +Les suffragettes américaines n'avaient point voulu laisser échapper une +si belle occasion de manifester en faveur de leur idée fixe. Elles +avaient organisé un défilé monstre de plus de 9.000 personnes, qui se +déroula d'abord en bon ordre. Mais, par suite de mesures de police trop +rigoureuses, des rixes se produisirent bientôt. On avait eu recours à +l'intervention de troupes de cavalerie, appelées de Fort Myer, pour +dissoudre la procession des suffragettes. Celles-ci résistèrent. Il en +résulta quelques plaies et bosses. Et, éparpillées par petits groupes, +dames et demoiselles fanatiques du bulletin de vote se retrouvèrent dans +un meeting où, en des discours véhéments, la police, le Parlement, le +président lui-même, furent à leur tour copieusement houspillés. + +[Illustration: Le défilé d'une armée de 9.000 suffragettes dans les rues +de Washington.] + +[Illustration: L'arrivée aux portes de la ville.] + + + +[Illustration: La réception des notables au consulat d'Espagne.--_Phot. +Rectoret._] + +L'ENTRÉE DU GÉNÉRAL ALFAU À LA TÊTE DES TROUPES ESPAGNOLES A TÉTOUAN + +AU MAROC ESPAGNOL + +L'OCCUPATION DE TÉTOUAN + +_Notre correspondant de Madrid nous écrit:_ + +L'Espagne a pu enfin réaliser le rêve, conçu depuis la conquête +sanglante par O'Donnell, en 1860, de Tétouan, de réoccuper cette ville, +ancien refuge des Maures expulsés d'Andalousie et future capitale de sa +zone nord au Maroc. + +L'opération a été confiée au général Alfau, qui l'exécuta, à la fin du +mois dernier, avec des forces d'environ deux mille hommes. Après avoir +détaché en avant-garde deux compagnies de tirailleurs indigènes, qui +s'emparèrent de la kasbah, et le tabor de police montée, il fit son +entrée dans la ville, reçu en chemin par les autorités marocaines et +salué par le corps consulaire. + +Cette opération sans coup férir a été facilitée par la politique +d'attraction que les représentants de l'Espagne à Tétouan, et notamment +le consul, M. Lopez Ferrer, pratiquaient depuis longtemps à l'égard des +notables indigènes et de la nombreuse population Israélite (8.000 +habitants sur un total de 30.000). La colonie espagnole s'élève à +Tétouan à plus de 600 âmes (le 80% de l'élément européen), quoique le +commerce de l'Espagne y reste inférieur à celui de la France et de +l'Angleterre. Malgré tous ces facteurs de succès, le mérite de +l'occupation revient pour une bonne part au général Alfau, désigné comme +futur haut commissaire de la zone espagnole. + +Agé de cinquante-cinq ans, marié à une Française originaire d'Algérie, +pays qu'il connaît aussi bien que le Maroc, parlant couramment le +français et l'arabe, le général Alfau a toujours témoigné envers notre +pays des sympathies qui ne peuvent qu'améliorer les rapports et +faciliter la tâche commune des deux nations au Maroc. + +J. CAUSSE. + + + +A CONSTANTINOPLE + +_D'une nouvelle visite faite aux avant-postes turcs de Tchataldja, notre +collaborateur Georges Rémond a rapporté la, conviction que d'ici +plusieurs semaines, à supposer que le beau temps revienne et dure, il ne +pourrait y avoir, de ce côté, d'opérations sérieuses: c'est la trêve du +dégel et de la boue après celle de la neige. A son retour à +Constantinople, il devait être frappé, par le spectacle qu'offre cette +grande ville sans âme, indifférente, semble-t-il, à tous les maux. Il +nous adresse, à ce sujet, les lignes suivantes:_ + +CARNAVAL ET INCENDIES + +Quelle étrange ville! et que de singulier contrastes elle offre! Le +carnaval y bat son plein; il y a cinq bals par semaine; les masques et +les dominos passent pêle-mêle dans la grande rue de Péra avec les +blessés, avec les malades qu'on ramène des lignes de Tchataldja ou de +Gallipoli, des hommes aux pieds gelés, aux mains mortes, et personne n'y +fait attention. Il y a des incendies tous les jours; on entend le cri +sinistre le celui qui annonce le feu; on voit passer au galop les pompes +municipales, puis les bandes débraillées des «touloumbadjis» (pompiers +volontaires) en costumes d'acrobates de barrière portant une pompe +surmontée d'un ornement bizarre qui ressemble au Saint-Sacrement de nos +processions; et une grande aurore rouge se lève sur Galata ou sur +Stamboul. Cent maisons disparaissent un jour, cent cinquante le +lendemain. Comment en reste-t-il encore? L'autre soir Sainte-Sophie a +bien failli flamber; toutes les petites constructions de la place qui +l'avoisine ont été consumées. Et, à part quelques visages entrevus de +patriotes angoissés par l'incertitude de l'heure, pénétrés de tristesse, +et redoutant les nouvelles négociations de paix avec abandon +d'Andrinople dont on fait courir le bruit; à part l'expression des yeux +d'un blessé passant à cheval au milieu de l'indifférence publique et +qu'un camarade mène à l'hôpital, rien d'autre ou presque rien ne trahit +tout cet amoncellement de défaite, de fin de tragédie, de fin de peuple +qui pèse sur cette ville. En somme, personne ne voit cela. Et pour +montrer un pareil spectacle, il ne faudrait pas seulement le décrire, +mais inventer, en grand artiste, en historien véridique, et ayant une +âme en plus des yeux, des figures qui donnent un nom, un sens, un +sentiment à ce qu'il a d'impersonnel et d'anonyme. + + + +L'INCIDENT DE LA «SUZETTE-FRAISSINET» + +... Je viens de me rendre à bord de la _Suzette-Fraissinet_, le cargo +français bombardé le 1er mars par les Bulgares. Le commandant Gibert m'a +reçu et m'a dit qu'il se trouvait ce jour-là, par beau temps, à 4 h. 30 +de l'après-midi, à 24 milles de Gallipoli et passait à 3 milles de la +côte. Il venait de Dédéagatch où il avait, avec l'autorisation des +autorités bulgares, embarqué 128 réfugiés turcs dont beaucoup de femmes +et d'enfants. A ce moment il avançait précédé par un vapeur anglais, le +_Moeris_, et suivi par un italien, l'_Ausonia_, lorsque le premier, +l'anglais, fut canonné par des batteries bulgares de la côte qui +l'endommagèrent dans ses ouvres mortes. A son tour, la +_Suzette-Fraissinet_ fut touchée à bâbord par le milieu, puis atteinte à +l'avant par un boulet qui creva l'arrière de la cloison étanche séparant +les cales numéros 1 et 2, traversa les deux tôles de blindage--en tout +une épaisseur de 42 millimètres--et éparpilla plusieurs rangs de briques +empilées contre la cloison. C'était là précisément que se trouvaient les +réfugiés. Le commandant Gibert fit hisser au mât de misaine un pavillon +neuf, mais sans que les Bulgares cessassent le feu. Neuf autres +projectiles tombèrent autour du navire, heureusement sans l'atteindre; +l'_Ausonia_ ne subit aucun dommage. + +GEORGES RÉMOND + +[Illustration: A Constantinople: Sainte-Sophie menacée par un incendie +qui a détruit un quartier voisin.--_Phot. Ferid Ibrahim._] + + + +LES LIVRES & LES ÉCRIVAINS + +L'HISTOIRE PAR LES CORRESPONDANTS DE GUERRE + +La guerre des Balkans n'est point achevée que déjà son histoire, toute +pantelante, sort des presses, avec ses chapitres de feu et de sang, ses +pages d'orgueil, de folie et de deuil, et même ses conclusions du +philosophe qui, parfois, devancent un peu les réalités. Cette histoire +de la formidable crise qui marque une si grande date dans la vie des +peuples de l'Europe orientale, ce sont les correspondants de guerre qui +l'auront, les premiers, écrite avec les éléments, les documents de vie +et de mort qu'ils ont été chercher eux-mêmes si courageusement dans les +champs de la victoire et sur les routes de la débâcle. Rarement, et +parmi plus de difficultés, de périls et de misères matérielles, le grand +reportage aura mieux réalisé son effort d'information. Rarement, aussi, +ces correspondances--si nous ne considérons qu'une sélection, celles que +tout le monde a suivies passionnément parce que loyales et +vraies--auront été plus précises et plus minutieusement révélatrices. Il +ne faut d'ailleurs point s'en étonner, car si tels de ces représentants +des grands journaux étaient des spécialistes de la guerre, des officiers +instruits, entraînés et clairvoyants, comme notre admirable +correspondant de Thrace, M. Alain de Penennrun, qui aura donné la +première grande «relation d'état-major» de cette campagne (1), tels +autres, comme notre très distingué confrère du _Matin_, M. Stéphane +Lauzanne, qui fut à Constantinople l'éloquent et clairvoyant témoin de +l'agonie d'un empire (2), ont prodigué les plus riches, les plus souples +et les plus pittoresques qualités de l'observateur et de l'écrivain. + +M. René Puaux, qui, à son tour, publie son livre de la guerre +turco-bulgare: _De Sofia à Tchataldja_ (3), doit être, lui aussi, tenu +au premier rang de cette élite. Muni de la fameuse lettre blanche qui +lui permettait, avec quatre ou cinq autres privilégiés, dont le +correspondant de _L'Illustration_, d'être admis sur le terrain du feu, +M. René Puaux a adressé au Temps une suite tout à fait remarquable de +lettres, que nous avons tous lues et qui sont autant de documents +précieux par leur haute probité professionnelle et la richesse de leur +information. M. René Puaux devait être, j'imagine, un très réconfortant +compagnon de route. Il a de l'esprit, et du plus alertement français. Il +fit preuve, à tout instant, de bonne santé et de bonne humeur et, s'il +eut du courage gai aux heures les plus sinistres, il manifeste en tels +de ses récits la sensibilité d'un poète et l'éloquence recueillie d'un +témoin de l'histoire; par exemple, lorsqu'il nous donne cette vision du +vainqueur, bulgare progressant de Kirk-Kilissé à Tchataldja sur cette +route qui, pour les Turcs en déroute, fut celle de la terreur et de la +honte: «L'armée bulgare s'avance, rapide, silencieuse, disparate dans sa +tenue, mais une dans son coeur, comme marchaient les volontaires de 92. +C'est une armée farouche, impressionnante, où les barbes grises +voisinent avec l'adolescence, où les capuchons de bergers couvrent la +nuque de l'officier comme du soldat; c'est une armée qui traîne derrière +elle ses convois, ses troupeaux, comme les conquérants d'autrefois, +nomades éternels qui descendaient vers les mers chaudes avec leurs chars +aux roues pleines. On sent qu'elle marchera jusqu'aux portes de +l'Orient, cohorte fantastique que dirigent des cerveaux modernes...» + +(1) _La Guerre des Balkans_, Lib. Lavauzelle, 4 fr. +(2) _Au chevet de la Turquie_. Lib. Fayard, 3 fr. 50. +(3) _De Sofia à Tchataldja_, Lib. Perrin, 3 fr. 50. + +L'armée bulgare s'est avancée, en effet, jusqu'aux portes de l'Orient. +Elle n'en a point cependant franchi le seuil et, si l'on en excepte M. +Alain de Penennrun qui révéla avant tous autres les raisons de l'échec +bulgare devant Tchataldja, ce sont surtout les correspondants du côté +turc, et en particulier Georges Rémond, qui ont pu nous dire +l'importance et la difficulté de l'obstacle dressé devant +Constantinople. + +Justement, cette semaine encore, un journal des opérations du côté +ottoman (4) nous est présenté par le major allemand von Hochwæchter. Le +major von Hochwæchter ne fut pas, à vrai dire, un correspondant de +guerre. C'était un instructeur de l'armée ottomane à l'école de von der +Goltz, et ce qu'il est intéressant de trouver et de discuter dans son +livre c'est un plaidoyer pour l'oeuvre allemande dans la préparation de +l'armée turque à la guerre. Le major avait, au mois de septembre 1912, +quitté sa garnison de Damas pour revenir, en congé, dans son pays. Mais +dès ce moment la situation dans les Balkans se révélait menaçante. M. +von Hochwæchter était personnellement convaincu de l'imminence de la +lutte et il savait «qu'en haut lieu on brûlait de montrer la valeur de +l'armée réorganisée», car, «bien que la refonte des institutions +militaires ne fût pas encore complète, les officiers turcs étaient +persuadés de leur supériorité sur leurs adversaires». En Allemagne, les +compétences militaires estimaient que les chances seraient pour la +Turquie, «si elle pouvait se décider à terminer tranquillement sa +mobilisation et à rester sur la défensive jusqu'à la fin des opérations +préliminaires». Mais la guerre, prématurément, éclata, et le major +aussitôt regagna Constantinople, avec une lettre de recommandation du +maréchal von der Goltz, pour faire campagne dans l'armée ottomane. Il +fut attaché à l'état-major de Mahmoud Mouktar pacha et il put suivre, +quoique souvent à distance du champ de l'action, toutes les opérations +de l'état-major du 3e corps d'armée. Chaque soir, le major von +Hochwæchter s'astreignit à rédiger ses impressions de la journée, et ce +sont ces impressions qu'il vient de réunir en volume, des notes hâtives, +généralement un peu sèches, fugitives, pas toujours complétées ni +remises au point, mais intéressantes cependant par la lumière simple +qu'elles portent sur certains faits. Ainsi ces lignes qui expliquent, +sans les justifier, les massacres de non-combattants commis par les +Turcs en certains villages chrétiens: «27 octobre.--Tous les soldats et +officiers cantonnés dans un village ont été massacrés par les Grecs et +les Bulgares; on n'a plus trouvé que des membres épars, les effets et +les fusils. Le général a fait fusiller toute la population masculine, +puis a fait brûler le village après en avoir éloigne les femmes et les +enfants.» + +(4)Au feu avec les Turcs_, Lib. Berger-Levrault, 3 fr. + +Mais le chapitre le plus utile, le plus personnel, en tous cas, est +celui dans lequel sont exposées les causes de la rapide désorganisation +de l'armée turque, encombrée de redits ahuris, sans discipline et sans +officiers, cohue informe jetée à l'abattoir et d'après laquelle, conclut +l'auteur, on ne saurait juger de la valeur du soldat turc, le vrai, ni +du système allemand qui a présidé à son instruction militaire. + +Les livres du major von Hochwæchter et de M. René Puaux ont été écrits +ou du moins documentés sous les obus. L'étude purement technique de M. +le lieutenant-colonel breveté Boucabeille sur _la Guerre +turco-balkanique en 1912_ (5) a été rédigée dans le calme et la +réflexion du cabinet de travail. L'auteur a fait état des +correspondances de guerre, qu'il rapproche et critique, pour dégager la +vérité de certaines contradictions. L'ouvrage est clair, ordonné, +méthodique. C'est un bon livre de bibliothèque militaire. + +[Note 5: Avec 11 cartes en couleur et 10 croquis dans le texte. Lib. +Chapelot, 5 fr.] + +ALBÉRIC CAHUET. + +_Voir le compte rendu de_ Rouletabille chez le tsar, _de M. Gaston +Leroux; des_ Contes de Minnie, _de M. André Lichtenberger; du_ Journal +du comte Apponyi, _et des autres livres nouveaux, dans_ La Petite +Illustration _jointe à ce numéro_. + + + +UNE RÉCEPTION AU «COUARAIL» + +Le «Couarail», la vaillante académie de Nancy, continue à entretenir, +dans nos marches de l'Est, le culte des traditions lorraines, et le goût +des manifestations littéraires. Au mois de juillet 1911, elle fêtait, à +l'hôtel de ville, son président d'honneur, M. Maurice Barrés; et nous +avons rendu compte, en son temps, de cette séance solennelle, où furent +acclamés, aux côtés de l'illustre écrivain, les deux artistes alsaciens +Zislin et Hansi. + +Le mois dernier, elle faisait appel à M. Stéphane Lauzanne, qui venait +de vivre les premières heures de l'agonie ottomane, et lui demandait, +comme au témoin le plus autorisé, le plus éloquent, de venir dire aux +Nancéens ce qu'il avait vu «au chevet de la Turquie». Enfin, la semaine +passer, le «Couarail» recevait M. Marcel Prévost, de l'Académie +française, et Mme Marcel Prévost, en un élégant thé littéraire; des +poètes y récitèrent leurs ouvres, le directeur du Conservatoire de +Nancy, M. Guy Ropartz, accompagna au piano une charmante cantatrice, Mme +P. Mota, qui interpréta ses mélodies, et l'auteur des _Anges gardiens_ +remercia, en une improvisation spirituelle et délicate, le directeur du +Couarail, M. Georges Garnier, et son secrétaire perpétuel, M. Marcel +Knecht. M. Marcel Prévost était invité, le soir même, à faire une +conférence sur «la Femme moderne». Quel sujet, traité par le psychologue +averti des _Lettres à Françoise_, pouvait davantage piquer la curiosité? +Une très nombreuse assistance était venue pour l'entendre, et sa parole +aisée, séduisante, fut vivement goûtée et applaudie. + + + +LES THÉÂTRES + +Le théâtre de la Gaîté-Lyrique vient de monter avec beaucoup de soin +_Carmosine_, une comédie musicale pour le livret de laquelle MM. Henri +Cain et Louis Payen se sont inspirés de Boccace, et aussi de Musset. +C'est un joli conte sentimental et tendre. Il a offert au jeune et +distingué compositeur qu'est M. Henry Février la trame où broder ses +plus élégantes et agréables mélodies. Le public a fait un accueil +enthousiaste à cette oeuvre, présentée dans de très beaux décors, et +remarquablement interprétée par des artistes tels que M. Fugère, Mmes +Lambert-Willaume et Fiérens, MM. Georges Petit et Maguenat. + +Le théâtre du Grand-Guignol a composé, suivant la formule de ses succès, +un spectacle varié, où domine le réalisme tragique, et auquel une pièce +d'une délicate fantaisie, _les Ficelles_, de M. Giacosa, traduite par +Mlle Darsenne et mise en vers par M. Paul Géraldy, et une petite comédie +aimablement philosophique, _le Bonheur_, de M. Pierre Veber, ajoutent un +agrément de fine qualité. Après un acte gai de M. André Mycho, _le Joli +Garçon_, on applaudit deux drames émouvants, qui s'inspirent +d'événements actuels et récents, _le Croissant noir_, de M. Jean +Loiller, dont l'action se passe dans une tranchée bulgare, en face de +Tchataldja, et S.O.S. (c'est le signal de détresse des paquebots en +perdition), où MM. Charles Millier et Maurice Level évoquent puissamment +une grande catastrophe maritime de l'an passé. + +[Illustration: M. Marcel Prévost. Réception de M. Marcel Prévost au +Couarail (académie lorraine) de Nancy.--_Phot. Dutey_] + +M. Emile Bergerat, virtuose du vers de la lignée de Banville et de +Mendès, a fait représenter avec succès, à l'Odéon, _la Nuit florentine_, +comédie tirée de «la Mandragore» de Machiavel. Le sujet en est d'une +grivoiserie qui prête d'ailleurs aux développements comiques. Telle que +M. Bergerat nous la présente, la pièce est agréable et bien ordonnée; +les vers sont brillants, à effets, le cliquetis des rimes est incessant. + +_Le Garde du corps_, que la Comédie-Royale nous a fait connaître, est +encore une pièce importée de l'étranger, et sur un sujet à peu près +aussi risqué que la précédente. Elle a du reste paru plaire au public +parisien. Elle a été fort adroitement adaptée du texte d'un jeune auteur +hongrois, M. Molnar, par MM. Pierre Veber et Maurice Rémon, et +agréablement jouée par Mlle Jeanne Provost. + +Tandis que _la Demoiselle de magasin_ poursuit au Gymnase une fort jolie +carrière, ses deux auteurs, MM. Frantz Ponson et Fernand Wicheler voient +reprendre, et avec un succès nouveau, au théâtre Déjazet, _le Mariage de +Mlle Beulemans_, qui décida, il y a trois ans, à la Renaissance, de leur +fortune dramatique. + +Quelques tentatives de décentralisation musicale ont eu lieu avec succès +ces temps derniers dans plusieurs grandes villes de province; signalons +tout d'abord à l'Opéra de Monte-Carlo une très belle oeuvre: _Pénélope_, +poème de M. René Fauchois et musique de M. Gabriel Fauré; puis, au même +théâtre, _Venise_, scénario et musique de M. Raoul Gunsbourg; au +Grand-Théâtre de Lyon, _le Vieux Roi_, de MM. Rémy de Gourmont pour le +livret et Mariotte pour la musique; au Grand-Théâtre de Nîmes, _Dans la +tourmente_, livret de M. Serge Basset, musique de M. Henri Confesse; à +l'Opéra de Montpellier, _Gaspard de Besse_, livret de M. Paul Barlatier +et musique de M. de Lapeyrouse; à l'Opéra de Marseille, _Annette_, de +MM. Jean Marsèle pour le texte et A. Durand-Boch pour la musique; au +Théâtre des Arts de Rouen, _Graziella_, de M. Jules Mazellier, récent +grand prix de Rome, sur un sujet tiré de Lamartine par MM. Henri Gain et +Raoul Gastambide. + + + +ALFRED PICARD + +M. Alfred Picard qui vient de mourir, après une maladie de quelques +jours, âgé de soixante-neuf ans, gardera une des premières places parmi +les grands esprits qui honorèrent la France à l'aurore du vingtième +siècle. Chose curieuse, cet ingénieur, qui connaissait à fond tous les +secrets de son art, n'a attaché son nom à aucun de ces ouvrages +audacieux qui assurent à leur auteur une célébrité bruyante, parfois +excessive; dans les diverses fonctions qu'il occupa, son rôle fut +surtout administratif, et c'est dans ce rôle, où il est si difficile de +donner et surtout de faire apprécier la mesure de sa valeur, qu'il +apparut comme un homme d'un mérite supérieur, apportant dans toutes ses +conceptions une science et une largeur de vues que secondait une +puissance de travail prodigieuse. + +Alfred Picard était né à Strasbourg en 1844. Sorti de l'École des ponts +et chaussées peu de temps avant la guerre de 1870, il fut attaché aux +travaux de défense de Metz; mais il profita de la première occasion pour +sortir de la forteresse et s'enrôla dans l'armée de la Loire. La paix +signée, il entre au service du contrôle des chemins de fer et des +canaux; en 1880 il assume toute la responsabilité effective du ministère +des Travaux publics, prenant sous sa direction la navigation, les ponts +et chaussées, les mines et les chemins de fer. Peu de temps après il +devient président de section au Conseil d'État. + +Nommé rapporteur général de l'Exposition de 1889, il rédige seul, en +quelques mois, un ouvrage considérable où il traite les questions les +plus variées, les plus disparates, avec une sûreté, une clarté, une +élégance de forme inusitées. On le nomme grand officier de la Légion +d'honneur, puis on le choisit comme commissaire général de l'Exposition +de 1900. + +[Illustration: M. Alfred Picard--_Phot. Pirou, bd Saint-Germain._] + +Ici encore Alfred Picard fut à hauteur de sa tâche, et c'est à. tort +qu'on lui a imputé la responsabilité des désastres financiers +particuliers qui marquèrent cette foire universelle. Il ne fit +qu'assurer, avec sa probité intransigeante, l'exécution de contrats +commerciaux approuvés par le ministre après avoir été préparés par des +fonctionnaires spécialement chargés de la partie fiscale de +l'Exposition. + +En 1904, M. Picard allait en Amérique pour régler, au milieu d'assez +grandes difficultés, les conditions de la participation française à +l'Exposition de Saint-Louis. A peine de retour, il dirigeait tous les +travaux de la commission chargée d'organiser le nouveau réseau d'Etat, à +la suite du rachat de l'Ouest. + +Tout en se donnant corps et âme à ses fonctions officielles, Alfred +Picard trouvait encore le temps d'écrire des volumes qui eussent suffi à +consacrer sa réputation. Ce travailleur extraordinaire ne savait pas se +reposer, il ne prenait jamais de vacances. Quand il résolut de présenter +_le Bilan d'un siècle_, il demanda la collaboration de plusieurs +spécialistes éminents. Les manuscrits n'arrivant pas assez vite à son +gré, il décida d'écrire lui-même tout l'ouvrage, et il avertit ses amis +qu'il n'accepterait plus à déjeuner ou à dîner en ville avant que +l'ouvrage fût fini. En effet, pendant trois ans, raconte notre confrère +Emile Berr, il prit tous ses repas, seul en face de sa soeur. Quand les +six volumes in-8° furent achevés, l'auteur avoua que, pour apprendre les +choses dont il avait dû parler et qu'il ignorait, il avait été obligé de +lire environ 400 volumes. L'ouvrage paru, il se mit à recommencer le +_Traité des chemins de fer_, qu'il avait publié en 1887. + +En 1908, cédant aux instances de M. Clemenceau, chargé de former un +cabinet. M. Picard acceptait le ministère de la Marine. Il n'y testa que +quelques mois, et il reprit bientôt ses travaux ordinaires. + +Inspecteur général des ponts et chaussées, ancien ministre, grand'croix +de la Légion d'honneur, vice-président du Conseil d'État, membre de +l'Académie des sciences, Alfred Picard avait atteint tous les sommets. +Sa modestie égalait sa science; une grande bonté tempérait la sévérité +qu'inspirait un amour supérieur de la justice; l'apparente mélancolie, +dont s'égayèrent les caricaturistes, cachait une grande finesse d'esprit +et une rare sensibilité d'âme. + +Voici ce que ce scientifique doublé d'un juriste écrivait dans _le Bilan +d'un siècle_: + +«Parfois, en songeant à l'extrême brièveté de la vie, le penseur se +prend à éprouver quelque regret. Ce n'est certes pas la perte plus ou +moins prochaine des satisfactions de l'existence qui l'attriste ainsi: +les joies sont, même pour les plus heureux, compensées par trop d'ennuis +et de chagrins. Non, ce dont souffre le philosophe, c'est de +l'impuissance dans laquelle il se trouve d'explorer largement le domaine +encore si restreint des connaissances humaines, d'en étendre les limites +par de vastes conquêtes, d'apporter une ample contribution à l'édifice +de la science et du progrès... Mais cette tristesse s'efface, pour celui +qui, ayant mesuré la marche de la civilisation dans le passé, la +pressent s'améliorant dans l'avenir: en élargissant ainsi son horizon, +en faisant abstraction de l'individualisme pour ne voir que la +solidarité et ses effets, l'esprit le plus pessimiste se rouvre à +l'espérance. La perception d'une marche incessante en avant, d'un essor +continu de l'humanité, chasse le découragement et provoque un puissant +réconfort. Elle console la vieillesse, ranime la vaillance de l'âge mûr, +inculque à la jeunesse la foi et l'émulation.» + +Et l'ingénieur ajoutait: «La littérature, ne figure pas et ne peut pas +figurer dans le programme des expositions. Cependant elle joue un tel +rôle dans la vie des peuples et. éclaire d'un jour si vif le mouvement +des esprits, qu'il est impossible de ne pas lui réserver une place à +côté des sciences et des arts dans cette revue du dix-neuvième siècle.» + +F. H. + + + +DOCUMENTS et INFORMATIONS + +LES POULES PONDEUSES ET L'HÉRÉDITÉ. + +M. Pearl, agronome anglais fort réputé, a cherché à discerner +l'influence de l'hérédité dans la fécondité des poules. + +D'après ces études, qui ont porté sur plusieurs milliers de poules dont +l'ensemble représentait treize générations, l'abondance des oeufs pondus +par une poule n'apparaît pas comme un pronostic certain des qualités de +ses filles. Dans quelques-unes des familles observées, les femelles +bonnes pondeuses transmettaient toujours leur fécondité à leur +descendance, mais la chose reste inexpliquée. + +Par contre, les expériences de M. Pearl sembleraient confirmer les faits +suivants, déjà plus ou moins connus: + +1° Les filles peuvent hériter du père une fécondité élevée, +indépendamment de celle de la mère; + +2° Un coq peut donner des filles d'une fécondité élevée avec des poules +de fécondités diverses; + +3° Les filles d'une bonne poule sont bonnes ou mauvaises, selon le coq +auquel elles s'allient; + +4º La proportion de mauvaises pondeuses dans une descendance de mères +diverses est la même si toutes les poules ont été accouplées avec le +même coq. + +UTILISATION DES ONDES HERTZIENNES POUR ÉTUDIER L'INTÉRIEUR DE LA TERRE. + +De récentes expériences sembleraient indiquer la possibilité de recourir +aux ondes hertziennes pour connaître certains détails de la constitution +géologique du sol. + +Ces ondes traversent les roches sèches, tandis qu'elles sont arrêtées +par les terrains humides et par les couches de métal ou de minerai. +C'est ce qui, sous beaucoup de climats, les empêche généralement de se +transmettre par l'intérieur de la terre, les couches supérieures +renfermant toujours plus ou moins d'humidité. Mais ces ondes se +réfléchissant sur les couches imperméables, comme les rayons lumineux se +réfléchissent sur certaines surfaces, on peut, avec des procédés de +mesure spéciaux, déterminer la situation des couches qui les arrêtent. + +Un ingénieur allemand, M. Levy, a pu ainsi faire pénétrer les ondes +hertziennes à une profondeur de 1.300 mètres, et déterminer par leur +réflexion la position de la couche humide voisine. + +Il y a lieu de remarquer, toutefois, que, les sols humides se comportant +vis-à-vis des ondes hertziennes anime les couches de minerai, les +indications fournies par cette curieuse méthode ont besoin d'être +contrôlées par un autre procédé. + +LES «ÉCLAIREURS DE FRANCE». + +La sortie générale des équipes parisiennes des «Eclaireurs de France», +dont nous avons rendu compte dans notre dernier numéro, a provoqué, dans +le grand public, un mouvement de vive sympathie--auquel les +préoccupations militaires du moment ne sont point étrangères--en faveur +de cette excellente association. Beaucoup de nos lecteurs nous +sollicitent de donner, à ce sujet, des renseignements précis; c'est un +devoir que de les porter à la connaissance de tous ceux qui veulent +préparer à notre pays de bons et d'intelligents soldats. + +La société des Eclaireurs de France, dont le siège est à Paris, 146, rue +Montmartre, groupe, sous l'autorité d'un comité directeur et de comités +locaux, des jeunes gens de toutes les classes, âgés de onze ans au +moins, auxquels on ne demande qu'une cotisation annuelle de 1 franc. +Toute nouvelle recrue--munie de l'autorisation écrite de ses +parents--doit, pour servir comme novice, apprendre les douze articles du +«code de l'Éclaireur», qui consacre la pratique de ces belles vertus: la +discipline, la loyauté, la générosité, le respect de soi-même, +l'honneur, et prêter le serment dont nous avons déjà reproduit les +termes. Après une période d'un mois, le novice passe un examen et +devient Éclaireur de 2e classe; un autre examen peut, plus tard, +l'élever au rang d'Éclaireur de IIe classe. Enfin des brevets et des +signes distinctifs spéciaux, correspondant aux aptitudes de tireur, +d'ambulancier, de cycliste, de cavalier, d'interprète, de mécanicien, +voire d'aide-aviateur, sont décernés à ceux des éclaireurs qui font +preuve de capacités particulières. + +Tous ces jeunes gens sont groupés en «patrouilles», qui comptent de +quatre à huit éclaireurs, commandées par un «moniteur»; plusieurs +patrouilles se réunissent en «partis», dirigés par un «guide»; et trois +ou six partis composent une «troupe», sous les ordres d'un capitaine. + +Telle est, en son principe, cette organisation, destinée à former, comme +le dit excellemment un article du règlement intérieur, «des hommes +d'élite, provenant de toutes les catégories sociales, qui, par la force +et la noblesse de leur caractère, autant que par leur jugement, leur +décision et leur sens pratique, seront les guides, les vigies de la +France, les vrais pionniers de sa civilisation et de son action +commerciale, industrielle, maritime, militaire et coloniale». Les +enseignements très variés qu'on leur donne, au cours de cette éducation +morale et sportive, ont été présentés par un officier, le capitaine +Royet, en un petit manuel précis et bien ordonné, _le Livre de +l'Éclaireur_ (Librairie illustrée, 75, rue Dareau, et au siège de la +société, 2 fr. 50). Le «scoutisme» y apparaît parfaitement adapté au +tempérament français, et conforme au génie de notre race. On ne pourrait +souhaiter, pour nos jeunes gens, meilleure école de solidarité, +d'énergie et de patriotisme. + +[Illustration: Le mouillage de mines à bord d'un des nouveaux navires +spéciaux de la marine militaire française: _Cerbère_ et _Pluton_.] + +Ces navires, qui ont extérieurement l'aspect paisible d'un chalutier, +cachent dans leurs flancs une infernale cargaison: 120 mines flottantes +placées sur des voies, avec garages et aiguilles sont poussées à bras +d'homme jusqu'à l'arrière, où par un sabord, elles sont jetées à la mer, +à intervalles réguliers, sur la ligne de défense préalablement +déterminée,--Ces navires peuvent être obligés de relever les mines +qu'ils ont mouillées ou celles de l'ennemi; à cet effet, ils sont munis +des tourets et des treuils nécessaires à cette opération.--Tous les +logements d'officiers sont à l'avant. + +Au cours de la guerre russo-japonaise, la mine sous-marine, qu'on +appelle aussi torpille de blocus, a joué un rôle des plus importants. +C'est un de ces engins semé par un torpilleur japonais qui amena la +destruction complète et instantanée, à quelques milles de Port-Arthur, +du grand cuirassé russe _Pétropawlosk_. A son bord se trouvait l'amiral +Makharof, espoir de la marine russe, qui périt dans cette catastrophe. +Un autre navire russe, l'_Ienisseï_, un cuirassé et deux croiseurs +cuirassés japonais, _Fuji, Yoshino et Nishio_, sombrèrent également, +crevés par l'explosion d'une mine sous-marine. + +Les leçons de toute nature qu'a fournies cette guerre ont été +soigneusement mises à profit par toutes les nations, mais on s'est +préoccupé, plus spécialement peut-être, de préparer l'emploi intensif +dans lès guerres navales futures, de ces engins. En fait, la torpille de +blocus se compose actuellement de: + +1° Un récipient contenant à la fois la charge d'explosif destinée à +crever la coque du navire qui le heurtera, et le système d'inflammation +de cette charge. Celui-ci, variable suivant les modèles adoptés, +consiste le plus souvent en une lourde boule métallique placée dans une +coupelle. Lorsque le navire vient heurter la torpille, le choc fait +tomber la boule, celle-ci déclanche un percuteur qui détermine +l'explosion de la charge. + +2° Un système d'ancrage assez compliqué qui maintient la torpille entre +deux eaux, à une profondeur exactement déterminée, tout en la fixant au +fond de façon définitive par l'intermédiaire d'un cordage. On conçoit +que ces engins mouillés en ligne, à des intervalles assez rapprochés, à +l'entrée des rades, ou en travers des passes qui y conduisent, en +interdiront l'accès aux forces navales qui essaieraient d'y pénétrer, à +moins que ces forces ne soient précédées de navires de petites +dimensions et munis d'un matériel qui leur permettra de déblayer le +chemin en draguant les mines et en les faisant exploser. + +Pour effectuer ces opérations de mouillage, et aussi de dragage, des +mines sous-marines, on a été conduit dans toutes les marines à +construire des bâtiments spécialement étudiés, et outillés. + +La marine française ne possédait jusqu'à présent pour ce genre de +service, que des contre-torpilleurs et deux petits croiseurs installés à +faux frais et ne convenant par conséquent qu'à moitié au métier qu'on +leur demandait. En réalité, nous manquions de ce matériel reconnu +nécessaire. Cette lacune va être comblée. Le _Cerbère_, actuellement en +achèvement à Cherbourg, et le _Pluton_, construit aux Chantiers Normand +du Havre et mis à l'eau le 10 mars, sont deux navires de 600 tonnes dont +les plans sont dus à l'ingénieur en chef des constructions navales +Ferrand. On leur a donné des formes de chalutiers afin de tromper par +leur apparence la surveillance de l'ennemi. Ils marcheront 20 noeuds et +porteront chacun un approvisionnement de 120 torpilles, placées sur des +rails longitudinaux, comme le montre notre dessin. + +Si ce type de mouilleurs de mines donne satisfaction, il sera reproduit +au nombre d'exemplaires nécessaire pour assurer dans nos escadres du +Nord et du Midi ce service si important. + + + +[Illustration: L'aviateur Perreyon au moment de son départ pour le +record de l'altitude.] + +UN AVIATEUR A 6.000 MÈTRES + +Le record de l'altitude, porté à 5.600 mètres par Garros, au mois de +décembre dernier, vient d'être battu par l'aviateur Edmond Perreyon qui, +parti de l'aérodrome de Buc, s'est élevé, en moins d'une heure, à 6.000 +mètres. + +Assez peu connu du grand public, l'auteur de cette prouesse est +considéré, dans les milieux sportifs, comme un de nos plus brillants +pilotes aériens. Chef pilote de l'école Blériot, chargé d'essayer les +appareils et d'en diriger la mise au point, il montre, presque chaque +jour, autant d'audace et de maîtrise que les plus réputés parmi les +aviateurs. + + + +UN ATTELAGE DE POLICEMEN + +L'ouverture solennelle du Parlement britannique a été marquée par un +incident que la presse londonienne commente avec un humour qui trouvera +son écho à Berlin. + +Le corps diplomatique se rendait à Westminster en carrosses de gala, +quand une batterie du Royal Horse Artillery, postée dans le parc de +Saint-James, tira le premier coup de la salve réglementaire. + +Les attelages des divers ambassadeurs dressèrent bien l'oreille, mais ne +bronchèrent pas. Il n'en fut pas ainsi des chevaux de l'ambassadeur +d'Allemagne. Affolés par le fracas de la détonation, ils se sabrèrent, +et, malgré tous les efforts du cocher et des valets, rompirent leurs +harnais et brisèrent les brancards. + +On put les maîtriser à temps, au moment où ils devenaient un danger pour +la foule massée sur les trottoirs, et des policemen furent requis de +traîner le carrosse jusqu'à la Chambre des lords. + +Esclaves de la discipline, ils consentirent volontiers à traîner +l'ambassadeur; mais les valets en pompeux uniforme durent suivre à pied. + +[Illustration: Le carrosse de l'ambassadeur d'Allemagne à Londres traîné +par des policemen.] + + + +LA MÉNAGERIE DE LA DANSE, par Henriot. + + + + + + + +End of Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3655, 15 Mars 1913, by Various + +*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3655, 15 *** + +***** This file should be named 37799-8.txt or 37799-8.zip ***** +This and all associated files of various formats will be found in: + http://www.gutenberg.org/3/7/7/9/37799/ + +Produced by Jeroen Hellingman et Rénald Lévesque + +Updated editions will replace the previous one--the old editions +will be renamed. + +Creating the works from public domain print editions means that no +one owns a United States copyright in these works, so the Foundation +(and you!) can copy and distribute it in the United States without +permission and without paying copyright royalties. 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Email contact links and up to date contact +information can be found at the Foundation's web site and official +page at http://pglaf.org + +For additional contact information: + Dr. Gregory B. Newby + Chief Executive and Director + gbnewby@pglaf.org + + +Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg +Literary Archive Foundation + +Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide +spread public support and donations to carry out its mission of +increasing the number of public domain and licensed works that can be +freely distributed in machine readable form accessible by the widest +array of equipment including outdated equipment. Many small donations +($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt +status with the IRS. + +The Foundation is committed to complying with the laws regulating +charities and charitable donations in all 50 states of the United +States. 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Thus, we do not necessarily +keep eBooks in compliance with any particular paper edition. + + +Most people start at our Web site which has the main PG search facility: + + http://www.gutenberg.org + +This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, +including how to make donations to the Project Gutenberg Literary +Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to +subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. diff --git a/37799-8.zip b/37799-8.zip Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..ae0a5bf --- /dev/null +++ b/37799-8.zip diff --git a/37799-h.zip b/37799-h.zip Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..5beb8a1 --- /dev/null +++ b/37799-h.zip diff --git a/37799-h/37799-h.htm b/37799-h/37799-h.htm new file mode 100644 index 0000000..f0af726 --- /dev/null +++ b/37799-h/37799-h.htm @@ -0,0 +1,2461 @@ +<!DOCTYPE html PUBLIC "-//W3C//DTD HTML 4.01 Transitional//EN"> +<html> +<head> + <meta http-equiv="content-type" content="text/html; charset=ISO-8859-1"> + <title>The Project Gutenberg eBook of L'Illustration, No. 3655, 15 Mars 1913 by Various</title> + +<link rel="coverpage" href="images/cover.jpg"> + +<style type="text/css"> + + +body {margin-left: 10%; margin-right: 10%} + +h1,h2,h3,h4,h5,h6 {text-align: center;} +p {text-align: justify} +blockquote {text-align: justify} + +hr {width: 50%; text-align: center} +hr.full {width: 100%} +hr.short {width: 10%; text-align: center} + +.note {font-size: 0.8em; margin-left: 10%; margin-right: 10%} +.footnote {font-size: 0.8em; margin-left: 10%; margin-right: 10%} +.side {padding-left: 10px; font-weight: bold; font-size: 75%; + float: right; margin-left: 10px; border-left: thin dashed; width: 80px; text-indent: 0px; font-style: italic; text-align: left} + +.sc {font-variant: small-caps} +.lef {float: left} +.mid {text-align: center} +.rig {float: right} +.sml {font-size: 10pt} +.overl {font-size: 10pt; text-decoration: overline; text-align: center} +.cont {width: 650px} +.somm {float: left; width: 300px; font-size: 10pt; padding: 1em} +.suppl {color: #5A5047; background-color: #EEE2CA } + + +span.pagenum {font-size: 70%; left: 91%; right: 1%; position: absolute} +span.linenum {font-size: 70%; right: 91%; left: 1%; position: absolute} + +.poem {margin-bottom: 1em; margin-left: 10%; margin-right: 10%; + text-align: left} +.poem .stanza {margin: 1em 0em} +.poem .stanza.i {margin: 1em 0em; font-style: italic;} +.poem p {padding-left: 3em; margin: 0px; text-indent: -3em} +.poem p.i2 {margin-left: 1em} +.poem p.i4 {margin-left: 2em} +.poem p.i6 {margin-left: 3em} +.poem p.i8 {margin-left: 4em} +.poem p.i10 {margin-left: 5em} +.poem p.i12 {margin-left: 6em} +.poem p.i14 {margin-left: 7em} +.poem p.i16 {margin-left: 8em} +.poem p.i18 {margin-left: 9em} +.poem p.i20 {margin-left: 10em} +.poem p.i30 {margin-left: 15em} + + + +</style> +</head> +<body> + + +<pre> + +Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3655, 15 Mars 1913, by Various + +This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with +almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or +re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included +with this eBook or online at www.gutenberg.org + + +Title: L'Illustration, No. 3655, 15 Mars 1913 + +Author: Various + +Release Date: October 19, 2011 [EBook #37799] + +Language: French + +Character set encoding: ISO-8859-1 + +*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3655, 15 *** + + + + +Produced by Jeroen Hellingman et Rénald Lévesque + + + + + +</pre> + + + + +<br><br> + +<div class="cont"> + + + + + + +<p>L'Illustration, No. 3655, 15 Mars 1913</p> + + + +<p class="mid"><img alt="" src="images/000small.png"><br><a href="images/000large.png">(Agrandissement)</a></p> + +<p>Ce numéro comprend <span class="sc">vingt-quatre pages</span>.--Il est accompagné de LA PETITE +ILLUSTRATION, Série-Roman nº 2, contenant la deuxième partie du roman de +M. Marcel Prévost: <span class="sc">Les Anges gardiens</span>.</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/001.png"></p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/001a.png"><br><b>DEVANT ANDRINOPLE: LE BLOCUS DES ASSIÉGEANTS PAR LA NEIGE</b><br> +<i>Photographie du lieutenant G. Staïnof, du 30e régiment d'infanterie +bulgare.--Voir les autres photographies, pages 234 et 235.</i></p> + +<div class="somm"> + +<p><i>La semaine prochaine,</i> LA PETITE ILLUSTRATION <i>publiera:</i></p> + +<p><i><b>L'Homme qui assassina</b> pièce en 4 actes de</i> <span class="sc">M. Pierre Frondaie</span>, <i>d'après +le roman de M. Claude Farrère.</i></p> + +<p><i>Le numéro suivant (29 mars) contiendra la troisième partie du roman de</i> +<span class="sc">M. Marcel Prévost:</span> <i><b>Les Anges gardiens.</b></i></p> + +<p><i>Paraîtront ensuite, alternant avec les 4e et 5e parties des</i> Anges +gardiens: <i><b>Les Flambeaux</b>, de</i> <span class="sc">M. Henry Bataille</span>; <i><b>Servir</b> et <b>la Chienne +du roi</b>, de</i> <span class="sc">M. Henri Lavedan</span>; <i><b>L'Embuscade</b></i>, de <span class="sc">M. Henry Kistemaeckers</span>.</p> + +<p><i>Puis viendront:</i></p> + +<p><i><b>Les Éclaireuses</b>, de</i> <span class="sc"> M. Maurice Donnay</span>; <i>Hélène Ardouin, de</i> <span class="sc">M. +Alfred Capus</span>; <i><b>L'Habit vert</b></i>, de <span class="sc">MM. Robert de Flers et G.-A. de +Caillavet</span>, <i>et le roman de</i> <span class="sc">M. Paul Bourget</span>: <i><b>Le Démon de midi</b></i>.</p> +</div> +<br> + +<h3>COURRIER DE PARIS</h3> + +<h4>LES MAISONS EN CONSTRUCTION</h4> + +<p>De deux fenêtres éloignées l'une de l'autre, situées chacune à une +extrémité de mon appartement, celle-ci au nord, celle-là au midi, de la +fenêtre de ma chambre et de celle de mon cabinet, je vois construire +deux maisons.</p> + +<p>Je les regarde s'élever à la place même où l'an dernier se tenaient, si +droites encore, celles que j'ai vu jeter à bas, dont il ne reste plus +trace que dans mon souvenir, et peut-être dans celui des hommes qu'elles +ont abrités. Et ces deux maisons, je ne sais pourquoi, occupent ma vie. +Si ce n'est que toutes les deux elles sont «de rapport» et qu'elles +auront le même nombre d'étages, elles présentent déjà un caractère très +distinctif. L'une, sur laquelle donne ma chambre, est en béton armé ou +du moins jusqu'à présent, et rien ne permet de croire qu'il en sera +différemment dans la suite. L'autre, qui forme le principal paysage de +mon cabinet, est en pierre.</p> + +<p class="mid">*<br>* *</p> + +<p>Ces deux maisons, qui sont séparées par tout un pâté d'immeubles, et +qui, par conséquent, ne peuvent pas «se voir», et qui ne sont pas dans +les mains des mêmes entrepreneurs, ont cependant et gardent jusqu'ici +une hauteur pareille, montant chaque jour, en se suivant, comme si elles +le faisaient exprès, quoique la maison de pierre ait tendance à gagner +sur sa voisine. Chaque matin, dès que je me lève, il faut--c'est plus +fort que moi--que j'aille jeter mon premier coup d'oeil sur le chantier +qui m'attire au saut du lit, celui de la maison en béton. Je ne peux pas +dire que ce spectacle m'enchante et me procure un réveil câlin. Rien +n'est moins gracieux déjà que l'aspect des fondations béantes, des caves +entr'ouvertes et à ciel libre car une cave n'est belle et n'a sa +relative magnificence que voûtée, et basse, et bien noire, bien +salpêtrée, bien feutrée de poussière et de silence et ramonée de ces +courants d'air d'outre-tombe qui soufflent le frisson. Il faut qu'elle +ait son sol élastique et mou, ses caresses de vent frais, ses toiles +d'araignées, ses suies de bouteilles, ses rats furtifs, son odeur de +bougie, de liège et de chat. Alors elle est explicable et parle. Mais en +cours de travaux, n'ayant pas encore mérité ni obtenu son mystère, elle +offre une laideur sinistre. Les caves en béton que je regarde triturer +m'affectent d'une façon spéciale. Qu'elles sont peu engageantes! Je ne +puis penser que l'on y mettra du vin. Elles me paraissent propres plutôt +à receler de l'argent, des caisses pleines de «valeurs» ou de la +ferraille. On dirait des petits sous-sols de Crédit lyonnais. Oui, osons +-l'avouer, le béton, même armé, n'a pas de charme et de poésie. D'un +gris de boue, d'une glaise inféconde et dont ne consentira jamais à +sortir la moindre statue, il sent le faux, il donne l'impression d'être +la singerie du solide et de vouloir pasticher le durable. J'ai beau voir +la pâte épaisse, le maussade limon se durcir dans l'armature et le +treillage des tiges de fer, je ne me décide pas à m'imaginer que cette +crème saisie et coagulée soit de la pierre et la remplace. C'est un +composé, ce n'est rien. Mais le travail est curieux, et les ouvriers +m'intéressent.</p> + +<p>Dès sept heures ils commencent à arriver. Ils sont méthodiques, précis +et lents. Chacun sa besogne. Il y a ceux qui gâchent, ceux qui coupent +le fer, ceux qui le tordent et l'assemblent, ceux qui manient la truelle +avec cette souplesse et cette virtuosité de poignet dont nous demeurons +confondus, ceux qui piochent à toute volée, à bout de bras, comme s'il +s'agissait de défoncer un couvercle de coffre-fort, ceux qui, inclinés +en oblique, poussent là grosse brouette, ou qui, pliant sur leurs jambes +nerveuses et nues dans les culottes flottantes de vieux velours aux +inconcevables reflets, raclent et ramassent à larges pelletées les +gravats pour les lancer en paquets dans le tombereau, à la petite place +où ils veulent. Ils poursuivent tous leur tâche avec ordre et sans vaine +fièvre.--«Y a bien le temps!» Et quand est arrivé le moment capital du +repas, à la minute, à la seconde, ils quittent tout! C'est sacré. On +mange. Les uns vont chez le marchand de vins d'à côté. Les autres, les +plus nombreux et les plus sensés, restent dans le chantier pour déjeuner +«sur le tas». Il n'est pas rare de voir apparaître la ménagère qui +apportera à son homme sa portion, dans un panier noir à deux anses dont +l'une est raccommodée avec une ficelle, ou bien dans une serviette. +C'est généralement une pauvre et humble femme, vêtue triste, et nu-tête, +bien calme, bien résignée; la brave femme de l'ouvrier, aux mains +croisées sur un ventre bombé comme un sac de plâtre, et humble, +courageuse, docile, sereine. Elle en a tant vu, et tant enduré, qu'elle +est toujours contente, pourvu que ça n'aille qu'à moitié bien. Elle est +exemplaire et magnifique à contempler quand elle se montre aux environs +de onze heures parmi les tas de pierre et les remparts inachevés de la +maison neuve, de la maison en construction, humide, et qui glace à +quarante pas. Avec la patience du peuple, elle attend que son homme soit +libre et lui fasse signe pour approcher. Et quand il s'avance elle le +rejoint. Lui, s'assied sur des planches, le dos au mur sec de la maison +voisine, au bon endroit qu'il a choisi et qu'éclaire le soleil, quand il +y en a. Elle, reste debout, le couvant du regard, pendant qu'il +s'installe et organise ses commodités. Et tour à tour sont sortis par +elle du panier le morceau de pain gros comme un pavé, la viande froide, +le fromage épais, la haute bouteille de vin noir, pleine jusqu'à toucher +le bouchon. Ces choses précieuses sont étalées et posées par terre, en +cercle, devant le travailleur aux jambes écartées qui a déjà ouvert son +couteau fidèle, et renversé, pour y poser le veau, son large pouce. +Enfin, sous la moustache aux poils gris, pareille à la brosse en balai +du colleur d'affiches, la bouche s'ouvre, et l'homme mange, avec paix et +gravité. Alors seulement, la femme, quelquefois, si elle est bien en +confiance, ose s'asseoir près de lui et semble heureuse. Elle remportera +dans un instant la bouteille vide dans le panier plus léger.</p> + +<p>D'autres camarades, qui, sans doute, n'ont point de femmes ou qui, +d'humeur indépendante, n'aiment pas que le sexe s'occupe d'eux, se +rassemblent par petits groupes pour faire la collation. Malins comme des +soldats, ils improvisent des cuisines en plein vent, coupent du menu +bois, allument des feux entre les pierres, accroupis tout autour à la +zouave. Et cette copieuse séance dure une bonne demi-heure, si ce n'est +plus. Après quoi, le travail reprend. Et voilà de nouveau mes hommes +repartis entre les piliers de boue, d'où pointent les tiges de fer...</p> + +<p class="mid">*<br>* *</p> + +<p>Décidément, s'il me fallait choisir, pour y demeurer, entre les deux +maisons que l'on bâtit sous mes yeux, ce n'est pas dans celle du béton +que j'élirais domicile. Plutôt dans l'autre, dans celle en pierre, qui +me sourit. Sa couleur d'abord, appétissante, blanche, nacrée et jaune à +la fois, sa couleur de chair et de rose-thé ne chagrine pas, semble +faite pour réjouir la lumière. Et puis, cette maison-là est logique, +traditionnelle. Elle est élevée selon les vieilles règles. Comme +autrefois, comme toujours, depuis que la pierre est pierre, les blocs +sont apportés tout taillés, dégrossis et numérotés. On les passe dans +leurs quatre attelles et ils sont hissés un peu de travers, en tournant, +à l'aide de la mécanique imperturbable et sûre que manoeuvrent longtemps, +sans s'impatienter, les deux hommes au torse d'Ixion, comme s'ils +avaient à tirer de l'eau d'un puits très profond!... Seulement, au lieu +de faire monter un seau d'eau fraîche, il s'agit d'envoyer doucement et +d'aller poser, à la hauteur d'un troisième étage, un fétu de 400 kilos. +Quel plaisir on éprouve à voir tous les morceaux de ce jeu +d'architecture se placer et s'ajuster pour ainsi dire d'eux-mêmes, là où +il le faut, les uns au-dessus des autres! La maison a l'air de se bâtir +toute seule comme si les ouvriers n'étaient là que pour surveiller les +pierres, les matériaux, animés d'une vie intelligente. Et cette +impression est si vive qu'il m'arrive chaque matin de m'étonner que la +maison soit au même point que la veille au soir. Je ne serais pas le +moins du monde surpris qu'elle eût continué la nuit, qu'elle eût avancé +par ses propres moyens, même quand les hommes sont partis se coucher.</p> + +<p class="mid">*<br>* *</p> + +<p>Mes maisons me procurent d'autres pensées, d'une indéfinissable +mélancolie dans leur banalité.</p> + +<p>Elles me font songer que j'ai pu voir, que j'ai vu le sol, invisible à +présent et pour combien d'années, où elles ont pris racine, qu'elles +couvrent désormais ainsi qu'un monument funéraire. Elles me font songer +à ceux qui ont vécu sur cet étroit espace, qui sont aujourd'hui Dieu +sait où, dispersés ou morts, à ceux qui viendront demain au même endroit +croire qu'ils s'y fixent dans le repos, et qu'ils y sont à l'abri... Et +ce sont eux qui, très probablement, d'en face, verront à leur tour, à un +moment que je ne sais pas, démolir la maison où je suis, où je me crois +garanti de durer. Où serai-je, moi, ce jour-là?... Déménagé? Ou bien...?<br> + +<span class="rig"><span class="sc">Henri Lavedan.</span></span></p> + +<p><i>(Reproduction et traduction réservées.)</i></p><br> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/002a.png"><br><b>Les deux mille détenus de la prison de Saint-Quentin (en +Californie) assistant à une représentation de Mme Sarah Bernhardt. Les +condamnés à mort (une douzaine)<br> ont été placés au premier rang devant la +scène.</b></p> + +<h3>SARAH BERNHARDT</h3> + +<h4>CHEZ LES PRISONNIERS CALIFORNIENS</h4> + +<p class="rig">San-Francisco, 22 février 1913.</p><br><br> + +<p>Les Californiens sont enclins à l'indulgence. La beauté des sites de +leur pays, la douceur du climat, les jardins fleuris qui poétisent leurs +demeures, tout aide à développer chez eux «l'humaine tendresse», comme +disait Montaigne. Ils ont construit pour enfermer ceux qui désobéissent +aux lois une prison où règne le plus grand libéralisme. On cherche en +cet asile confortable à faire oublier aux condamnés leurs rancunes +contre la société et on les entraîne à marcher correctement dans le +droit chemin en attendant la libération ou le pardon. En un mot, ils +sont traités comme des hommes atteints d'une maladie mentale passagère +qu'il importe de guérir, plutôt que comme des individus à tout jamais +incorrigibles. La prison de Saint-Quentin n'est point une geôle, mais un +établissement de relèvement social. Mieux que toute autre institution, +elle montre cet optimisme magnifique des gens du Far-West qui ne doutent +jamais du progrès ou de la renaissance morale, même dans les cas en +apparence désespérés.</p> + +<p>Pour la fête de Washington, ce 22 février, les autorités californiennes +avaient demandé à Sarah Bernhardt, en tournée à San-Francisco juste à ce +moment-là, de vouloir bien jouer devant les pensionnaires de +Saint-Quentin. Toujours généreuse, notre grande tragédienne avait +accepté, et elle avait eu l'amabilité de m'inviter à cette excursion +pittoresque. J'avais accepté, comme on pense, avec empressement, car le +spectacle promettait d'être infiniment curieux. Sarah Bernhardt jouant +exclusivement pour deux mille détenus et une douzaine de condamnés à +mort, voilà une manifestation qui valait la peine d'être vue!</p> + +<p class="mid">*<br>* *</p> + +<p>Nous voilà donc partis en automobile, et, après avoir traversé la baie +sur le <i>ferry-boat</i> de Sansalito, nous filons à toute vitesse vers le +nord dans la direction de Saint-Quentin, laissant derrière nous le +majestueux Tamalpaïs dans les ombres violettes. La prison est située à +vingt kilomètres environ de San-Francisco, sur un cap qu'entourent des +collines aux ondulations harmonieuses. Tout le long de la route se +succèdent de tendres paysages dans lesquels on distingue des villas aux +couleurs gaies, de sveltes bungalows, des auberges aux enseignes +alléchantes, où les Californiens se rendent en promenade les jours de +fête.</p> + +<p class="lef"><img alt="" src="images/002b.png"><br> +<b> Vue d'ensemble de la prison<br> + de Saint-Quentin.</b></p> + +<p>Après de nombreux détours dans la vallée, nous apercevons la maison +d'arrêt. On dirait un vaste château fort gardé par une série de kiosques +surélevés, dans lesquels sont placés des gardiens prêts à fusiller les +fugitifs. Dès que l'on pénètre sur les terrains du pénitencier, cette +impression sévère s'adoucit, car le château fort est entouré de +paisibles jardins potagers, de tennis-courts, de parterres multicolores +et de vertes pelouses. Les premiers prisonniers que nous rencontrons, +rasés de frais, décemment habillés dans leur uniforme de laine blanche à +larges raies noires, ont un air de prospérité qui empêche qu'on ne +s'apitoie par trop sur leur sort.</p> + +<p><i>La Marseillaise</i> retentit. C'est la fanfare des «convicts» qui salue +l'arrivée de Sarah Bernhardt. La musique adoucit les moeurs, et les +détenus, pour oublier les rigueurs de la captivité, ont leur orchestre +comprenant une trentaine d'instrumentistes. Tous les arts, d'ailleurs, +sont représentés à Saint-Quentin...</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/002c.png"><br><b>Un des prisonniers, Abraham Ruef, lisant une adresse de<br> +remerciements à Mme Sarah Bernhardt.</b></p> + +<p>Dans la cour intérieure, une scène a été improvisée. Le rideau a été +taillé dans une bâche. Devant le théâtre, un espace est réservé aux +membres de la fanfare. Deux mille prisonniers attendent fiévreusement +l'apparition de notre grande artiste. Il y a là des gens de toutes les +nationalités, des Chinois, des Japonais, des mulâtres, des nègres. Les +femmes (on en compte une quarantaine dans la prison) ont été aussi +admises. Les gardiens--munis de la canne et du revolver +réglementaires--encadrent les diverses sections qui ont été amenées dans +un ordre précis. On a placé les condamnés à mort au premier rang, et je +m'installe au milieu d'eux pour mieux juger de leurs impressions. Un +hydroaéroplane, qui nous a suivis depuis San-Francisco, voltige +au-dessus de nos têtes. Mais la foule des prisonniers ne prend pas +beaucoup d'intérêt à ses évolutions. Dans le recueillement, elle attend +la venue de Sarah sur le tréteau de fortune sur lequel il semble que la +Magie surgira tout à l'heure. On a distribué aux spectateurs une +analyse, rédigée en anglais, de la pièce choisie: <i>Une nuit de Noël sous +la Terreur</i>, de MM. Maurice Bernhardt et Henri Gain, que vont jouer, aux +côtés de la grande artiste, MM. Lou Tellegen, Deneubourg, Favières, +Terestri, Mlles Seylor et Boulanger.</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/003.png"><br><b> +Après la représentation donnée par Mme Sarah Bernhardt à<br> +la prison de Saint-Quentin (Californie): un délégué des prisonniers<br> +baise la main de la grande artiste.</b></p> + +<p class="mid">*<br>* *</p> + +<p>Quand soudain le rideau se lève, une formidable acclamation retentit. +Sarah, en Marion la vivandière, incarne si bien la générosité et la +vaillance françaises! Un groupe de détenus français (la «colonie» +française de Saint-Quentin!) crie à pleins poumons: «Vive la France! +Vive la France!» Un de mes voisins, un Belge qui a tué sa femme et +l'amant de sa femme, pleure à chaudes larmes, et, tout à coup, il se met +à rire nerveusement et il recommence à pleurer. L'autre est un Grec qui +assassina deux policemen, et il demeure hébété...</p> + +<p>Chaque scène se termine au milieu de frénétiques bravos et de +sifflements stridents (aux États-Unis, en effet, le sifflet, +contrairement à notre coutume, marque l'approbation suraiguë des +spectateurs). Les répliques finales des acteurs sont échangées dans un +enthousiasme extraordinaire. Le spectacle achevé, un prisonnier s'avance +sur la scène et remet à Sarah Bernhardt une mélodie qui lui est dédiée +par ses camarades, intitulée: <i>Par delà le sommet des collines</i>. Il +lui offre en même temps un bouquet de violettes et prononce, en +français, l'allocution suivante, qui vaut d'être reproduite textuellement:</p> + +<p><i>A Madame Sarah Bernhardt,</i><br> + +<i>à San Quentin, Californie.</i></p> + +<p>Madame,</p> + +<p>Dans cette vie la plupart de nous sont, à l'extérieur aussi bien qu'à +l'intérieur des murs d'une prison, prisonniers, prisonniers au moins de +notre entourage. A de rares intervalles seulement nous est-il donné +d'être absolument libres. Pour ceux qui sont enfermés entre des murs +menaçants, derrière des grilles de fer formidables, ces intervalles +sont, actuellement et à jamais dans l'avenir , vraisemblablement bien +éloignés. Mais, aujourd'hui, pour une petite heure, ces murs de pierre +se sont évanouis. Pour une heure, grâce à votre merveilleuse +personnalité et votre art enchanteur, nous avons été,</p> + +<p>en âme et en esprit, dans une liberté parfaite, captifs seulement de ce +génie remarquable et de cette ardeur incomparable qui, à juste titre, +vous ont gagné le nom de «divine». Pour une petite heure nous avons été +libres, et sans contrainte en communion universelle avec l'esprit d'une +grandeur humaine, qui, après tout, est la vraie base de nos croyances à +l'immortalité. Cette grandeur n'a pas été établie pour complètement et à +jamais disparaître. Ce moment de liberté n'est pas, non plus, une +illusion temporaire; le souvenir sera vivant, la mémoire le rappellera +souvent, et son inspiration servira à nous libérer des fardeaux et des +angoisses du jour. Soyez-en persuadée, Madame, cette représentation +particulière sera longtemps rappelée par tous ceux qui ont eu le +privilège d'y assister,--par l'humble aussi bien que par le plus élevé. +La femme, l'actrice, la pièce, toutes, ont fait vibrer les cordes de nos +cours. A la plupart de nous n'a jamais été accordée la distinction de +vous voir ni de goûter les délices de votre art incomparable. Eloignés, +nous vous avons regardée comme la radieuse étoile de l'art dramatique, +couronnée des lauriers d'un succès impérial, à la grâce et au génie de +laquelle les continents se sont volontiers rendus sujets. Les idéals que +nous avions conçus ont été en cette heure plus que confirmés. Nous vous +présentons nos remerciements reconnaissants pour les gloires et les +splendeurs de l'art dont votre gracieuse faveur nous a fait jouir, ainsi +que pour la bienveillance et la générosité qui vous ont induite à donner +un plaisir si vif aux infortunés proscrits et victimes des sorts +changeants de la vie.</p> + +<p>Nous apprécions aussi profondément votre choix de la pièce, non +seulement à cause de sa beauté intrinsèque et de l'art qu'elle renferme, +mais aussi parce qu'elle exalte, par ses élans puissants, une humanité, +et la solidarité des âmes, qui ne connaissent aucunes bornes, ni de +parti, de factions, ou de politique. De plus, nous vous remercions +particulièrement que vous ayez jugé à propos de nous présenter une oeuvre +du génie de votre fils. En ce choix, nous voyons non seulement votre +témoignage de l'amour et des pensées d'une mère, mais aussi en toute +probabilité la réflexion dans votre coeur que nous aussi avons des mères +qui nous chérissent, à qui notre amour se porte, et dans les coeurs +desquelles nous avons été une espérance et un orgueil. Nous souhaitons, +et pour vous et pour lui, beaucoup d'années de joie et contentement +mutuels.</p> + +<p>Nous prions aussi, Madame, par votre intermédiaire, d'exprimer à vos +artistes et à votre gérance, notre chaleureuse appréciation de leur +bonté et de leur talent. Et quand, dans l'avenir, vos pensées se +porteront vers ce pays du soleil couchant, pour nous aujourd'hui si +brillant par votre bonne volonté, nous espérons que ces quelques paroles +d'admiration sincère et de reconnaissance serviront à vous rappeler +cette heure, peut-être de toutes en votre vaste expérience, la plus +étrange et la plus frappante,--une heure dans un entourage sévère et +même repoussant, oublié par nous pour le moment grâce à votre +personnalité,--une heure dans laquelle vous avez rendu cette multitude +de malheureux, plus heureux, adouci les lignes de leurs vies et rendu +leurs cours plus légers, par votre présence dans notre milieu +aujourd'hui.</p> + +<p>De la part de</p> + +<p>TOUS LES PRISONNIERS.</p> + +<p>San Quentin, Californie, ce 22 février 1913.</p> + +<p>Ce discours est l'oeuvre d'Abraham Ruef, un fils d'Alsacien--qui parle +très couramment notre langue et qui ne manque pas de littérature, comme +on voit, malgré les nombreux anglicismes dont il use. Ruef est célèbre +sur toute la côte du Pacifique. Il fut un temps où le maire Schmidt +«socialisait» à sa manière les finances de San-Francisco avec l'aide de +Ruef, «boss» tout-puissant. Condamné pour concussion, ce dernier est +interné à Saint-Quentin pour une douzaine d'années encore, à moins qu'on +ne lui rende la liberté sur parole, système appliqué en faveur des +repentis. Ruef est le personnage le plus en vedette de la prison. Dans +la «salle» se trouvaient aussi les fameux frères MacNamara, qui firent +sauter à la dynamite l'hôtel du <i>Los Angeles Times</i>, voici deux ans, et +causèrent la mort de vingt-deux linotypistes. Ce fut l'un des épisodes +les plus cruels de cette guerre acharnée que se livrent aux États-Unis +syndicalistes et anti-syndicalistes.</p> + +<p>L'orateur qui avait lu le compliment de circonstance, après lui en avoir +remis le texte, soigneusement calligraphié par lui-même, demanda à Sarah +Bernhardt de lui baiser la main. Elle acquiesça gentiment, et une +indescriptible ovation la remercia de ce geste. Sur cet incident se +termina cette peu banale manifestation.</p> + +<p class="mid">*<br>* *</p> + +<p>Ayant regagné son auto, la grande tragédienne, heureuse d'avoir apporté +de la joie à ce monde bizarre de prisonniers, me confia que c'était là +une des aventures les plus étonnantes de sa vie de comédienne:</p> + +<p>--J'ai éprouvé une sensation inouïe, me dit-elle, en voyant fixés sur +moi avec un éclat étrange ces milliers d'yeux dont beaucoup ne verront +plus la lumière de la liberté et dont certains seront avant peu +obscurcis par la mort. Si vous saviez comme c'est bon d'avoir pu donner +un peu d'illusion à ces gens pendant quelques instants! Il faudra que je +note cela dans mes Mémoires...</p> + +<p>La relation que Sarah Bernhardt écrira elle-même de son voyage à +Saint-Quentin sera sans aucun doute l'un des chapitres les plus +émouvants de son autobiographie. Elle la complète à ses moments perdus, +et il faut souhaiter qu'elle la livre bientôt au public pour qu'on y +lise le récit de cette journée si originale du 22 février passée parmi +les prisonniers californiens de Saint-Quentin.<br> + +<span class="rig"><span class="sc">François de Tessan.</span></span></p><br><br> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/004a.png"><br><b>Le cortège des étudiants, se rendant place de la +Concorde, passe rue de Rivoli devant, la statue de Jeanne d'Arc.</b></p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/004b.png"><br><b>UNE MANIFESTATION PATRIOTIQUE DE LA JEUNESSE DES +ÉCOLES.<br>--Le défilé devant la statue de Strasbourg.</b></p> + +<p>Dans l'après-midi de dimanche dernier, la manifestation traditionnelle +de la jeunesse des écoles à la statue de Strasbourg a eu lieu au milieu +d'une affluence exceptionnelle et avec un calme, une piété silencieuse, +qui lui ont donné un aspect impressionnant. Les étudiants avaient on +effet résolu de conserver à cette manifestation, d'où devait être exclu +tout geste politique, un caractère exclusivement patriotique et +national. Lorsque, à deux heures, le cortège se forma sur la place de la +Sorbonne, les étudiants étaient au nombre de trois à quatre mille. L'un +d'eux, en tête, portait un grand drapeau tricolore cravaté de crêpe. +Puis venaient les délégués des diverses organisations, républicaine, +jeune-républicaine, plébiscitaire, nationaliste, et des universités de +province, notamment de Bordeaux. Huit étudiants suivaient, porteurs de +deux grandes couronnes endeuillées de crêpe et coupées par un large +ruban tricolore. Derrière, marchait la foule des élèves ou des aspirants +aux écoles militaires, le bonnet de police sur l'oreille, et des +étudiants des diverses facultés avec leurs bérets aux couleurs +distinctives. La longue colonne gagna, par la rue de Rivoli, en saluant +la statue de Jeanne d'Arc, la place de la Concorde. Les couronnes et le +drapeau furent déposés sur le socle de la statue de Strasbourg, devant +laquelle les jeunes gens défilèrent ensuite, pieusement recueillis.</p> +<br><br> + +<h3>LE TRICENTENAIRE DES ROMANOF</h3> + +<p>Il y a encore, en Russie, du loyalisme pour le trône, un loyalisme +ardent et mystique, un loyalisme populaire des faubourgs des villes et +des immensités rurales, qui a donné, ces derniers jours, à l'occasion du +tricentenaire des Romanof, à côté du loyalisme officiel, militaire, +aristocratique ou bourgeois, sa mesure éloquente et profonde.</p> + +<p>Les fêtes de ce Jubilé exceptionnel ont commencé le 6 mars, au milieu de +l'enthousiasme national et dans une sorte d'extase religieuse, car, seul +maintenant en Europe où le sultan ne compte plus guère, le monarque +russe, chef d'Église, à la fois empereur et pape, conserve un caractère +sacré.</p> + +<p>Le 6 mars donc, il y a eu exactement trois cents ans que le +Zemski-Sobor, ou assemblée nationale russe, offrit, après une longue +période d'anarchie, la couronne à Michel Feodorovitch Romanof, fondateur +de la dynastie qui s'est perpétuée sur le trône et dont certains +membres, illustres parmi les illustres, ont assuré la grandeur de +l'empire et la magnifique expansion de la puissance russe.</p> + +<p>En l'honneur de ces commémorations historiques, le tsar Nicolas a +d'abord publié un ukase d'amnistie, impatiemment attendu, car le +précédent décret de pardon datait de la naissance du prince héritier, +c'est-à-dire de 1904. Un grand nombre de délits, et particulièrement de +délits politiques commis depuis cette époque, se sont donc trouvés +effacés, et quelques nobles exilés pourront dès maintenant rentrer +impunément dans leur patrie. Les condamnés à mort ont vu commuer leur +peine en vingt ans de travaux forcés et les prisons de Saint-Pétersbourg +ont, d'un coup, libéré trois cents détenus. Dix millions ont été +accordés à la Finlande pour l'amélioration de ses établissements +d'assistance et 50 millions de roubles ont été donnés à la population +rurale sur le produit de la vente des terres de l'empereur.</p> + +<p>Toutes ces mesures, très heureuses, très opportunes, ont produit, sur +les masses si profondément attachées d'ailleurs à la dynastie, la plus +heureuse impression, et la communion entre le souverain et le peuple, au +cours de ces grandioses journées, n'en a été que plus étroite.</p> + +<p>Des <i>Te Deum</i> et des services d'actions de grâces ont été célébrés, le 6 +mars, dans les cathédrales de Saint-Pétersbourg, de Moscou et de Kief +comme dans les plus humbles chapelles et dans toutes les églises de +Russie à la même heure, pendant le service divin, fut lu un manifeste +impérial faisant ressortir les efforts successifs des tsars et des plus +éminents parmi leurs sujets pour réaliser la prospérité actuelle, +économique, militaire et intellectuelle de l'empire russe.</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/005a.png"><br><b>Le cortège quitte le Palais d'hiver pour se rendre à la<br> +cathédrale de Kazan: le tsar et le tsarévitch sont en simple voiture<br> +découverte; les impératrices suivent en carrosse de gala.</b></p> + +<p>A Saint-Pétersbourg, le tsar et le grand-duc héritier, qu'on était ému +et joyeux de voir reparaître en public dans une voiture découverte, la +tsarine, l'impératrice douairière et toute la famille impériale se +rendirent à la cathédrale, en grand gala, pour assister au service +d'actions de grâces. Et ce fut sur le passage du cortège impérial, dans +les rues où stationnait une foule énorme, un véritable délire populaire. +La circulation des voitures était partout complètement interrompue. Les +monuments étaient richement décorés et les ponts tellement transformés +par leur parure qu'ils semblaient reconstruits. Aux fenêtres, aux +balcons, c'étaient des milliers d'oriflammes aux couleurs nationales et +impériales, avec partout les blasons des Romanof. Des maisons +disparaissaient entièrement sous les draperies. La perspective Newsky +était tout entière décorée dans le style empire. Le soir, +Saint-Pétersbourg s'illumina de millions de lampes électriques; des +scènes d'histoire s'évoquèrent sur des transparents lumineux et des +cortèges de patriotes parcoururent les avenues en chantant des hymnes +nationaux et en portant des portraits de l'empereur.</p> + +<p>Le lendemain, à 4 heures, il y eut au Palais d'hiver, autour duquel +continuait de se presser la foule, une grande réception impériale dans +la salle de Malachite. Là se trouvaient réunis tous les grands corps de +l'État, avec de hauts dignitaires religieux d'Orient unis au tsar par le +lien orthodoxe, le patriarche d'Antioche, le métropolite de Serbie. Là +encore, on put voir, avec leur suite asiatique, des princes vassaux de +la Russie, l'émir de Boukhara, le khan de Khiva, et aussi des délégués +mongols.</p> + +<p>La famille impériale au grand complet vint recevoir tous ces hommages, +le tsar et le tsarévitch portant l'uniforme des chasseurs de la garde +avec le grand cordon de Saint-André. Et le président de la Douma, M. +Rodsianko, lorsque ce fut son tour de haranguer le souverain, employa le +tutoiement des heures historiques. Son discours débutait ainsi: +«Puissant empereur, ta sollicitude pour le peuple est grande...»</p> + +<p>Le 10 mars, les délégations des paysans ont été reçues au palais et le +tsar leur fit un accueil émouvant, embrassant les chefs de ces +délégations qui furent retenues à dîner.</p> + +<p>Cependant que, dans tout l'empire, l'affluence joyeuse et enthousiaste +aux revues, aux illuminations, aux spectacles, témoignait 'que la fête +de la dynastie demeurait bien la fête nationale, et que c'est encore et +toujours la <i>Vie pour le Tsar</i> qui se joue sur la grande scène +populaire.</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/005b.png"><br><b>Sur le trajet, entre le Palais d'hiver et la Cathédrale<br> +de Kazan.--La foule est nombreuse derrière la haie de soldats, mais<br> +toutes les fenêtres sont fermées par mesure de police.</b></p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/005c.png"><br><b>Devant la cathédrale de Kazan pendant la célébration de<br> +l'office divin en présence de la famille impériale.</b></p> + +<h4>LA CÉLÉBRATION DU TRICENTENAIRE DE LA DYNASTIE DES ROMANOF, A +SAINT-PÉTERSBOURG</h4> + +<p class="mid"><i>Photographie C. O. Bulla.</i></p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/006.png"><br><b>LE TRICENTENAIRE DE LA DYNASTIE DES ROMANOF<br> Le tsar Nicolas II et le +tsarévitch Alexis quittent la cathédrale de Kazan après la cérémonie +religieuse du 6 mars (21 février du calendrier russe).</b> <i>Phot. A. Otzoup, +photographe de la Cour.--Voir!'article aux pages précédentes.</i></p> + +<br><br> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/007.png"><br><b>Les contrastes de Pékin: l'antique chaise à porteurs et +la «reine bicyclette».</b></p> + +<h2>UN MOIS A PÉKIN</h2> + +<h3>VI.--LE PROGRÈS CONTRE LE PASSÉ</h3> + +<p class="rig">20 juin.</p><br><br> + +<p>Je vous ai déjà dit que les chaises à porteurs avaient presque +complètement disparu de Pékin. J'en ai pourtant rencontré ces jours-ci +une, bien amusante, et très ancien régime. Portée par deux mules, elle +longeait paisiblement la muraille de la ville impériale par-dessus +laquelle un pavillon en ruines dressait, au milieu de la verdure, son +toit aux tuiles d'or mélangées d'herbes folles. Un serviteur à pied +menait par la bride la mule de tête tandis qu'un autre, à cheval, +fermait la marche. Le propriétaire, qui devait être quelque rural aisé +des environs, accroupi dans l'étroite caisse, fumait sa pipe, très +dignement.</p> + +<p>Rien d'européen dans ce coin désert, pas un poteau télégraphique en vue; +on aurait pu se croire dans le Pékin du temps de Kang Hi.</p> + +<p>Comme je m'extasiais, un cycliste en robe lilas, très jeune Chine, +coiffé d'un élégant canotier et chaussé de bottines jaunes, dépassa +soudain à toute pédale l'antique équipage. Ce fut pour moi, durant une +seconde, une saisissante vision résumant l'état actuel du vieil empire. +Et, vraiment, la bicyclette et son cycliste étaient en ce lieu quelque +chose de choquant et de déplacé; je ressentis une impression analogue à +celle que j'éprouve devant une belle chaumière ou un joli coin de +paysage de chez nous souillé par quelque révoltant panneau-réclame.</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/008.png"><br><b>Le mandarin d'aujourd'hui et son escorte à +l'occidentale.</b></p> + +<p>Comme pendant à ce croquis en voici un qui vous donnera l'aspect d'un +autre Pékin, celui que les révolutionnaires sont en train de nous +fabriquer.</p> + +<p>C'est à l'arrivée du train de Tien Tsin, un jour de pluie, un mandarin +nouveau style qui vient de débarquer. Il est monté dans son coupé dont +les glaces sont remplacées par des persiennes aux lames rabattues. Sur +les dalles de marbre disloquées, la voiture file en cahotant avec fracas +vers la ville chinoise. Montés sur des bidets mongols assez laids, des +cavaliers l'escortent; ils sont armés de carabines à répétition et vêtus +de toile kaki avec, aux manches, des galons de grade en coton blanc; +comme coiffures des canotiers et des panamas. Ce sont les satellites +particuliers du moderne <i>Ta jen</i> qui, lui, est en veston et chapeau de +paille.</p> + +<p>Dans ce tableau tout se tient: la vilaine gare, la rangée des boutiques +récemment déposées le long du mur de Tien Men, les poteaux pour +l'éclairage, le télégraphe et le téléphone, constituent un cadre bien +digne de ce cortège et du Progrès qu'il représente.</p> + +<p>... A l'occasion du jour de naissance du roi George, il y a eu, l'autre +jour, revue solennelle sur le glacis anglais, réception à la légation et +dîner de gala à l'Hôtel des Wagons-Lits. Le manager s'était assuré le +concours de la musique des «Somerset» qu'on a fait, à grands frais, +venir de Tien Tsin. Depuis huit jours, l'événement était annoncé par la +voie de la presse et par des prospectus invitant les amateurs à retenir +leurs tables le plus tôt possible. Tout Pékin-Légations répondit à cet +appel; la vaste salle à manger était débordante de dîneurs sur lesquels +la «band» déversait de copieux et assourdissants flots d'harmonie. Ce +fut, ensuite, une soirée dansante fort animée. Tout ce que le corps +international d'occupation compte d'officiers, jeunes ou mûrs, fervents +de la valse ou du tango, s'était mobilisé pour assurer le service +chorégraphique et les danseuses ne chômèrent point. La seule chose +regrettable, à mon gré, fut l'absence complète d'uniformes: rien que des +habits, des smokings blancs ou noirs et des «Eton», ce drôle de petit +veston de pâtissier, pas plus long que le gilet, si dangereux à porter +parce que facilement ridicule. Tout le corps diplomatique était présent, +nombreuses les élégantes, dont quelques-unes très jolies et très +entourées. On remarquait même deux couples <i>Jeunes Chinois</i> très dans le +train: les maris en parfaits gentlemen et les dames en combinaison, si +j'ose dire, moitié chinoise, moitié je ne sais quoi, avec des coiffures +ni l'un ni l'autre et des lunettes d'or. L'une d'elles, m'a-t-on dit, +est suffragette, et s'est faite, à Pékin, l'apôtre des droits civiques +de la femme. Déjà!</p> + +<p>Enfin, cette soirée aurait été tout à fait charmante si elle n'avait eu +pour principal résultat de m'empêcher de dormir jusqu'à une heure fort +avancée de la nuit.</p> + +<h4>LES BONS DOMESTIQUES</h4> + +<p>De temps en temps, un des nombreux boys qui servent à table se fait +couper la natte; ils sont bien une cinquantaine dont la moitié est +encore fidèle à la vieille coiffure nationale; de la moitié moderniste, +les uns se sont fait raser complètement la tête et attendent que tout +repousse à la fois; les autres ont conservé une certaine longueur de +leur tresse dont ils se servent pour recouvrir la partie rasée de leur +crâne jusqu'à ce qu'elle soit, elle aussi, garnie de cheveux; ce qui +leur fait de drôles de figures. Ils n'ont pas encore la veste et le +tablier de nos garçons de café: ils attendent probablement que la +République soit mieux assise pour lui témoigner leur indéfectible +attachement en dépouillant la livrée du régime déchu. Ils portent la +longue robe de toile bleue, fendue sur le côté, bordée d'un mince galon +blanc au col et aux poignets, recouvrant le caleçon blanc serré aux +chevilles. Leurs pieds chaussés de pantoufles feutrées, légèrement +retroussées du bout, glissent, empressés et silencieux, sur les parquets +et les tapis, autour des tables et dans les couloirs.</p> + +<p>Les Chinois sont très observateurs, dit-on. Chez les boys d'hôtel, cette +faculté est précieuse, car les quelques mots européens qu'ils écorchent +en les disant, ou entendent de travers, ne seraient pas suffisants pour +se faire servir même approximativement. Ils s'intéressent à leurs +clients, et, pour peu qu'on soit livré pendant quelques jours aux bons +soins du même boy, il arrive à connaître vos habitudes et semble +éprouver une vraie satisfaction à prévenir vos désirs; c'est peut-être +tout simplement la gloriole d'avoir fait preuve d'intelligence.</p> + +<p>Dernièrement, je voulais obtenir du mien une carotte crue dont j'avais +besoin pour humecter un peu ma provision de tabac que la chaleur avait +rendu sec comme un coup de trique. J'essayai vainement de me faire +comprendre en français; en anglais, je ne fus pas plus heureux, le mot +se prononçant exactement de la même façon, sauf qu'il y a deux r en +anglais et pas d'e muet. Enfin, je me décidai à faire un dessin et, pour +plus de précision, je coloriai en rouge et en vert le légume et son +feuillage. Mon boy, ravi, partit en courant et me rapporta un radis. +J'avoue qu'à ce moment j'ai douté de mon talent. Il faut vous dire qu'à +l'École des Beaux-Arts on ne m'a jamais appris à dessiner une carotte. +Dieu sait, pourtant, la quantité de navets que nous devons à +l'enseignement officiel! Il faut vous dire aussi que les radis, à Pékin, +sont énormes et de forme très allongée; cette circonstance, jointe à +l'étrangeté de ma demande, excusait donc l'erreur du boy. Devant mon +geste de refus découragé, le Chinois s'en fut chercher, derrière la +porte, la carotte demandée dont il s'était muni, à tout hasard, pour le +cas où le radis n'aurait pas fait mon affaire. Alors j'ai repris +confiance en moi-même, et le boy, enchanté et fier de sa perspicacité, +est allé raconter à ses camarades qu'il avait un drôle de client, qui +mangeait des carottes crues entre ses repas.</p> + +<p>Car les Chinois sont très portés à l'exagération.</p> + +<p>Les domestiques indigènes font le désespoir des maîtresses de maison. +Les Européennes de toutes nations sont unanimes à déclarer qu'il est +aussi impossible de se soustraire à leurs malices, à leurs fantaisies, à +leurs gaspillages, que de les empêcher de voler.</p> + +<p>Le vol domestique est une institution officielle dont le fonctionnement +a été expliqué bien des fois par les auteurs qui ont écrit sur la Chine. +C'est, en grand et en très perfectionné, le sou du franc de nos +cuisinières, et cela prouve, une fois de plus, que les Chinois avaient +tout découvert avant nous. L'anse du panier dansait dans l'Empire du +Milieu bien avant que les paniers fussent inventés à Paris.</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/009.png"><br><b>LA VIE MONDAINE A PÉKIN,--Une soirée à l'Hôtel des +Wagons-Lits.</b></p> + +<p>C'est comme le syndicalisme: les principes en sont appliqués ici dans +toute leur rigueur et avec la discipline la plus inflexible. Un boy qui +se considère comme injustement congédié entraîne avec lui tous ses +camarades, et la maison est mise à l'index. Impossible de trouver +d'autres serviteurs tant que l'injustice n'est pas réparée. Il est +arrivé qu'un malheureux ménage, nouveau venu, abandonné par ses +domestiques à la suite d'une histoire de ce genre et dans +l'impossibilité absolue d'en recruter d'autres, alla prendre ses repas +chez un ami compatissant. Le premier jour, tout alla bien: le mari +disait: «Il faut montrer de la fermeté, ne pas céder devant ces +exigences intolérables, le prestige européen est en cause, etc.» Le +second jour, le cuisinier en chef de l'ami hospitalier vint trouver son +maître et lui demanda si le ménage Un Tel viendrait encore déjeuner et +dîner. Le maître, quelque peu suffoqué, voulut bien, toutefois, car il +cuisinait fort bien, répondre affirmativement à son serviteur, non sans +lui demander de quoi il se mêlait et pourquoi il lui posait cette +question. Le chef lui déclara alors que M. et Mme Un Tel ayant été +boycottés par leur personnel, il était de son devoir à lui et à ses +collègues de quitter le service de Monsieur si les victimes de +l'interdiction syndicale parvenaient à se soustraire à ses effets en +prenant pension chez Monsieur. Une invitation, de temps en temps, passe +encore, mais tous les jours, jamais! Monsieur, qui était gourmand, +hésita entre le coeur et l'estomac: celui-ci l'emporta, comme toujours. +M. et Mme Un Tel, bien chapitrés, se rendirent à discrétion et reprirent +leur boy, dont ils n'eurent. du reste, pas à se plaindre plus que de +raison par la suite.</p> + +<p>Et voilà qui pourrait expliquer l'origine du mot <i>boycotter</i>. Encore une +invention chinoise!</p> + +<p>La jeune femme, un jour que la note avait été majorée plus que de +coutume, voulut encore protester et décida de faire elle-même ses +provisions. Vains efforts! Le tout fut cuit et préparé de si belle sorte +que rien n'était mangeable. Il fallut céder de nouveau.</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/010.png"><br><b>UNE DES SORTIES DE PÉKIN: NAN SI HEU, LA PORTE DU +SUD-OUEST.</b><br> Dessin de L. Sabattier.</p> + +<p>On me conte une autre anecdote, qui montre combien ces procédés sont +considérés comme une chose toute naturelle par les Chinois. Le +sous-directeur d'une banque ou d'une société quelconque fut appelé à +remplacer pour quelque temps son chef, qui partait en congé: le jour +même où il prit, par intérim, la direction de la maison, le prix des +poulets et du reste augmenta chez lui dans de notables proportions; +étonnement, questions auxquelles le chef cuisinier répondit simplement +que Monsieur était directeur, maintenant, et qu'il devait payer plus +cher, étant plus fortement appointé. Il fallut lui expliquer et lui +prouver que, si Monsieur remplissait les fonctions de directeur, ce +n'était que provisoirement et que ses appointements restaient les mêmes. +Ces raisons furent jugées bonnes et les denrées revinrent à leurs prix +ordinaires.</p> + +<p>Il est des forces contre lesquelles on ne lutte pas.</p> + +<p>Des anecdotes de toute sorte, on vous en raconte par centaines; il en +est qu'on entend plusieurs fois, avec des variantes, mais l'aventure est +régulièrement arrivée à la personne qui vous la narre.</p> + +<p class="mid">*<br>* *</p> + +<p>Un défaut commun à beaucoup de coloniaux et que je retrouve ici, chez +quelques jeunes débarqués--heureusement fort rares--a le don de +m'exaspérer: c'est celui qui consiste à traiter en êtres inférieurs les +habitants du pays où l'Européen est arrivé en intrus ou en conquérant, +avec des canons et des fusils, et à ne vouloir connaître que les coups +comme forme de discussion. Si ce raisonnement était juste, il faudrait +admettre la réciproque et ne pas crier quand l'être inférieur se +rebiffe, ou, alors, s'il est dans l'impossibilité de répondre, c'est de +la lâcheté.</p> + +<p>Rien ne m'est plus pénible que de voir un blanc, un Européen, un +Français, frapper, même légèrement, un pousse-pousse pour le faire aller +plus vite.</p> + +<p>Je répète que le cas est très rare et que ce sont les tout jeunes gens +irréfléchis qui se livrent à ces actes de brutalité qui ont, en outre, +l'inconvénient d'être impolitiques au plus haut point. De petites causes +peuvent produire un effet désastreux et la violence d'un isolé peut +avoir des conséquences incalculables pour la communauté.</p> + +<h4>LA COLONIE FRANÇAISE A PÉKIN</h4> + +<p>La légation de France, reconstruite, comme la plupart des autres, après +les événements de 1900, est, si on la compare à ses voisines qui lui +servent de repoussoir, d'une grande sobriété de lignes. Son auteur +n'avait pas encore inventé le style Fallières. Par un hasard +inconcevable, elle est la seule dont l'entrée soit agrémentée de tas de +cailloux, destinés à l'entretien de la rue. Et ces cailloux doivent être +là depuis longtemps, car, à mon arrivée, il y a un mois, une végétation +assez luxuriante les ornait déjà.</p> + +<p>C'est un coin bien parisien, et les jeunes attachés, en passant devant +cet encombrement provisoire, peuvent rêver du Boulevard qu'ils viennent +de quitter.</p> + +<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="0" + style="width: 100%; text-align: left;" summary="illustration"> + <tbody> + <tr> + <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;"> +<p class="mid"><img alt="" src="images/011a.png"><br><b>M. P. de Margerie, ministre de France, Actuellement +directeur adjoint des affaires politiques au ministère des Affaires +étrangères.</b></p> + </td> + <td style="vertical-align: top; width: 50%; text-align: center;"> +<p class="mid"><img alt="" src="images/011b.png"><br><b>M. Georges-Picot, premier secrétaire de la légation de +France.</b></p> + </td> + </tr> + </tbody> +</table> + +<p>Notre sympathique ministre, M. de Margerie, n'assistera pas à la mise en +oeuvre de ces matériaux, car, appelé à un poste important au ministère +des Affaires étrangères, il quitte Pékin dans quelques jours, au grand +regret de tous les Français, des Européens et aussi des Chinois, qui +avaient pu apprécier son caractère à la fois ferme et conciliant, sa +droiture et son exquise urbanité.</p> + +<p>En attendant l'arrivée de son successeur, la légation sera gérée par le +premier secrétaire, M. F. Georges-Picot, fils de l'illustre économiste, +membre de l'Institut.</p> + +<p>M. Georges-Picot, qui fut déjà chargé d'affaires lors du départ du +prédécesseur de M. de Margerie, est la distinction et l'aménité mêmes, +ce qui n'exclut pas, chez lui, la volonté et la force de caractère. +C'est une belle et fine figure de diplomate, et je le vois très bien +dessiné par Ingres, en habit à haut collet, culotte et bas de soie.</p> + +<p>Le personnel diplomatique français est complété par MM. Blanchet, +consul, premier interprète, sinologue érudit et pratiquant, travailleur +acharné, que ses occupations très absorbantes n'empêchent pas d'être +aimable et accueillant, Viennent ensuite les jeunes et sympathiques +attachés, MM. Valentin, Rhein et Dozon, qui font ici leurs <i>premières +armes</i> dans la diplomatie. Et ce terme de premières armes pourrait bien, +avant peu, ne plus être pris au figuré si les affaires continuent à ne +pas s'arranger mieux. Mais les campagnes, c'est de l'avancement, et puis +ça compte toujours pour la retraite.</p> + +<p>M. de Margerie, qui est le beau-frère de Rostand, a pour secrétaire +particulier son neveu, M. Gérard Mante, jeune, fougueux, sportif et +charmant, le plus agréable compagnon d'excursion qui se puisse voir.</p> + +<p>L'élément militaire est représenté par le commandant Vaudeseal, le +médecin-major de première classe Hazard, le capitaine Collardet, breveté +d'état-major, attaché militaire, le capitaine Renaud, les lieutenants +Marquer, Delafond, Ménigoz, Klepper, Grovalet et l'aide-major Guy, qui +ont, presque tous, déjà vu le feu, soit ici, soit au Tonkin ou en +Afrique, et qui sont prêts à faire leur devoir, vaillamment et gaiement, +à la française, dès que l'occasion s'en représentera.</p> + +<p>Mmes de Margerie et Georges-Picot étant, depuis quelque temps, rentrées +à Paris, la partie féminine des habitants de la légation de France se +trouvait réduite, ces jours derniers, à la toute gracieuse Mme +Collardet, qui, à son tour, vient de quitter Pékin pour aller, avec ses +enfants, passer les mois de grosse chaleur à Chan Haï Kouan, au bord de +la mer, dans une pagode transformée en maison de campagne.</p> + +<p class="lef"><img alt="" src="images/011c.png"><br><b> + L'entrée de la légation de France.</b></p> + +<p>Chan Haï Kouan, à douze heures de chemin de fer de Pékin, est le +Trouville du Tché Li; c'est là que la Grande Muraille vient aboutir à la +mer. Les résidants qui peuvent quitter la capitale pendant quelques +semaines y vont, à la chaude saison (41° à l'ombre aujourd'hui) se +reposer et respirer autre chose que de la poussière. Ceux que leurs +occupations retiennent à la ville y envoient leurs femmes et leurs +enfants; le vendredi ou le samedi ils prennent le train des maris et +reviennent, le lundi, à leurs bureaux. Quelques-uns, plus fortunés ou +jouissant de plus de loisirs, vont passer l'été au Japon.</p> + +<p>Au bord de la mer, comme à Tien Tsin ou à Pékin, les distractions +mondaines tiennent une large place dans l'existence de la population +européenne.</p> + + + +<p class="mid"><img alt="" src="images/012.png"><br><b>Pékin sportif: le tennis à l'«International Club».</b></p> + +<p>Les visites, les thés, les dîners, les réceptions, le cheval, l'escrime, +le tennis, le bridge, les courses et les réunions sportives, sans +oublier la chasse et les excursions, sévissent, dans toute l'étendue de +l'extraordinaire garnison internationale, avec autant d'intensité et +d'entrain que dans nos villes d'eaux les plus fréquentées. Il ne manque +ici que le théâtre,--cela pour ceux dont le théâtre est la grande +distraction.</p> + +<p>Pour ma part, je ne me suis jamais tant <i>habillé</i>, et vous savez si +c'est mon genre! Mais je compte cette sujétion au nombre des +inconvénients du voyage, avec la poussière, la nourriture d'hôtel et le +change des monnaies.</p> + +<p>Je n'ai pu, faute de temps, me mettre en relations avec tous les +Français de Pékin, et je le regrette vivement, ceux que j'ai pu +connaître m'ayant fait bien augurer des autres et m'en ayant dit +beaucoup de bien. Je vous citerai pourtant les noms de MM. Cazenave, +ancien ministre plénipotentiaire, directeur de la Banque de +l'Indo-Chine, Piry, directeur, et Roux-Lacordaire, sous-directeur des +postes chinoises, Millorat, directeur du chemin de fer du Chan Si, +Delon, de la poste française, vieux Parisien, quoique méridional, de +Rotrou, inspecteur du Chemin de fer Pékin-Hankeou, Redelsperger, etc.</p> + +<p>Je m'en voudrais d'oublier dans cette rapide énumération deux jeunes +gens de passage ici, deux Français de la bonne espèce, comme on aime à +en rencontrer en pays étrangers où ils sont de vivants et sains +échantillons de notre race bien portante de corps et d'esprit.</p> + +<p>L'un, M. F. Bernot, agrégé de l'Université, est titulaire d'une bourse +de voyage qui lui permet de faire, en deux ans, le tour du monde à son +gré, à sa fantaisie, sans obligations, sans programme si ce n'est +celui-ci: «Regarde, compare, instruis-toi.» Voilà qui est autrement +compris que notre prix de Rome, si suranné. M. Bernot est arrivé à Pékin +quelque temps avant les troubles de février dernier. Il a assisté à +quelques nuits tragiques, à des journées mouvementées, ce qui ne l'a pas +empêché d'être, comme tant d'autres, séduit par ce pays, et il y est +encore.</p> + +<p>L'autre, M. L. Aurousseau, est lauréat de l'École des Langues orientales +et pensionnaire de l'École française d'Extrême-Orient à Hanoï. Il est +chargé de rechercher, en Chine, pour la bibliothèque de ce dernier +établissement, des ouvrages et des manuscrits, des éditions rares, des +textes anciens. C'est un digne émule de Pelliot: il en a la science, +l'ardeur et le courage: le succès viendra.</p> + +<h4>LE CHAPITRE DES TOILETTES</h4> + +<p>La très importante question des toilettes prend des proportions +insoupçonnées pour mesdames les résidantes. Elles sont obligées d'avoir +recours à toutes sortes de combinaisons pour recevoir de Paris leurs +robes et leurs chapeaux avant qu'ils soient démodés. La France, on ne +sait pourquoi, est le seul pays d'Europe qui n'expédie pas ses colis +postaux en Extrême-Orient par le Transsibérien. Ce service se fait par +mer. La durée du voyage étant de quarante jours environ, de Marseille à +Pékin, au lieu de treize que met le chemin de fer, vous pouvez vous +rendre compte de ce que doit souffrir, ici, une pauvre élégante +attendant un envoi de sa couturière ou de sa modiste. Considérez qu'une +lettre met, par la Sibérie, quinze jours pour aller du quartier des +Légations à la rue de la Paix; admettez que la commande soit claire et +ne donne lieu à aucune méprise; supposez qu'il n'y ait aucun retard et +que le travail soit fait en huit jours; il faut aussi que l'expédition +coïncide avec le départ d'un paquebot (ce qui peut faire une différence +de quelques jours); ajoutez les quarante jours de mer; cela donne, en +mettant les choses au mieux, deux bons mois pendant lesquels tout peut +avoir été bouleversé dans la mode.</p> + +<p>C'est là un douloureux problème que quelques maisons de commerce +essaient de résoudre en adressant le précieux colis à leur correspondant +de Berlin ou de Moscou qui se chargera de le réexpédier en Chine par ce +Transsibérien interdit aux postaux français. Mais c'est encore une perte +de temps considérable et, pour peu que la malechance s'en mêle, il peut +arriver que ce soit aussi long que par le bateau, et même plus.</p> + +<p>Pour une légère robe de soirée, le meilleur moyen est encore de se la +faire envoyer sous enveloppe affranchie comme lettre recommandée,--via +Sibérie. On a droit à un kilogramme. Au besoin on peut diviser l'objet +en deux parties qu'on rajustera facilement à la réception. Du reste, +aujourd'hui, il ne doit pas y avoir beaucoup de robes--de robes du soir, +surtout--qui pèsent un kilo. Pour les chapeaux, le moyen est absolument +impraticable, car, bien qu'il n'y ait pas de limites comme dimensions, +la poste refuserait un pli n'ayant pas, au moins vaguement, la forme et +l'aspect d'une lettre.</p> + +<p>Vous le voyez, tout n'est pas rose pour ces malheureuses femmes. +L'arrivée d'une voyageuse élégante est toujours, pour, elles, un +événement considérable et d'un passionnant intérêt. Les moindres détails +de la toilette nouvellement débarquée sont aussitôt, de leur part, +l'objet d'un examen minutieux et approfondi; rien ne leur échappe, en ce +fiévreux inventaire, des plus légers changements survenus dans la coupe +d'un revers, la hauteur d'une martingale, la façon de ne pas boutonner +un gant, de nouer et d'épingler la voilette, dans les mille petites +particularités, enfin, de l'équipement féminin sur quoi les moniteurs +illustrés de la Mode fugace ne donnent, pour ne pas se compromettre, que +de rares et vagues renseignements.</p> + +<p>A la suite de ces constatations on peut souvent, par des moyens de +fortune, faire subir à une toilette de rapides transformations qui +permettront de ne pas avoir l'air trop en retard sur la nouvelle venue. +Pensez donc que, si le sac à main, par exemple, venait à être supprimé, +ou les fleurs sur les chapeaux rétablies, on ne le saurait, ici, que +quinze jours plus tard, à moins qu'une amie véritable ne vous en +prévienne par un télégramme à cent sous le mot.</p> + +<p>Les plus sportives parmi les résidantes font, à cheval, des promenades +aux environs; mais il faut être vraiment passionné d'équitation, car je +ne connais rien d'abominable comme les routes de ce pays. Que ce soit à +l'intérieur de la ville ou dans la campagne, c'est la poussière--et +quelle poussière!--ou la boue,--et quelle boue! Il est vrai que, hors de +l'enceinte, les chemins sont très peu fréquentés et qu'on laisse +derrière soi sa propre poussière; mais, rien que pour sortir de Pékin, +il faut faire 4 ou 5 kilomètres au milieu de la cohue, dans le suffocant +et malodorant nuage jaune soulevé par les charrettes, les pousse-pousse, +les piétons, les ânes, les chevaux, les mulets et les chameaux.</p> + +<p>Quand le vent s'en mêle, il n'y a qu'à rester chez soi.</p> + +<p>Aussi le tennis est-il le sport le plus apprécié. Il compte de très +nombreux fervents, parmi lesquels jusqu'à des Chinois et des Chinoises, +épris de modernisme. Dans les différents clubs de Pékin, les parties +quotidiennes sont très animées. Autour des joueurs on prend le thé et +l'on bavarde pendant qu'un orchestre chinois des plus européanisés fait +entendre, aux jours de réceptions, des danses américaines ou des airs de +café-concert allemand.</p> + +<h4>DERNIÈRES HEURES DE PÉKIN</h4> + +<p class="rig">22 juin.</p><br><br> + +<p>Le jour du départ est arrivé bien vite. Nous sommes allés, hier soir, +avant dîner, prendre l'air sur la muraille dont le faîte dallé, large +comme une avenue, émerge au-dessus de l'habituelle couche de poussière. +Après la lourde chaleur de la journée il faisait relativement frais dans +la faible brise du nord qui éloignait de nous les fumées de l'odieuse +gare collée au long du rempart mandchou.</p> + +<p>Du quartier commerçant de la ville chinoise, par delà Tien Men, monte, +atténuée, l'incessante clameur du peuple mystérieux. Les lampes +électriques s'allument. Une publicité lumineuse à éclipses, au coin de +la rue des Lanternes, jette, à intervalles réguliers, ses aveuglants +éclats dans la poussière du carrefour. De temps en temps, à nos pieds, +siffle une locomotive en manoeuvre. Dans le ciel, encore clair, du +couchant, au-dessus de la formidable silhouette de la porte impériale, +un vol d'aigrettes passe, semblant surgir des toitures d'or de la Ville +Interdite qu'on distingue confusément dans l'ombre croissante. A +l'intérieur de la muraille, les bâtiments et les jardins des Légations +et l'horrible bâtisse des Wagons-Lits ont presque disparu dans la nuit, +mais les alignements des fenêtres en sont brutalement indiqués par +l'éclairage intérieur, et de puissantes lampes à are découpent de dures +ombres aux murs et sur le sol, pendant que l'obscurité s'épaissit sur +les dalles dénivelées et sur les créneaux délabrés envahis par des +végétations de ruines.</p> + +<p>On ne peut pas venir à Pékin sans goûter aux fameux nids d'hirondelle, +ailerons de requin, pousses de bambou et autres mets célèbres. Nous +sommes donc allés, en compagnie de M. et Mme O'Neil et de M. Baudez, +dîner dans un des grands restaurants de la cité commerçante. Tout le +monde a entendu parler des innombrables et invraisemblables plats qui +composent un menu chinois. Je ne vous donnerai donc pas la longue liste +de ce qu'on nous a servi, dans le salon éclairé à l'électricité et d'une +saleté bien locale, où notre couvert se trouva mis. Sur une nappe plus +que douteuse étaient amoncelés, dans de petites soucoupes, les trente ou +quarante variétés de sucreries, salades et fruits qui sont les +hors-d'oeuvre. Devant chaque convive, à côté des bâtonnets d'ébène, une +provision de petits carrés de papier pour s'essuyer les doigts et la +bouche.</p> + +<p>Sous la direction d'un maître d'hôtel à la natte somptueuse et au +sourire engageant, les plats défilent, défilent, tous moins excitants +les uns que les autres. A part quelques fruits confits et des foies de +canards vraiment délicieux, je n'ai rien trouvé de mangeable dans toutes +ces extravagances. Je ne serais même pas éloigné de croire que les +malicieux Chinois se moquent de nous en nous les servant. Il n'est pas +possible qu'ils mangent toutes ces choses-là, et, pour moi, c'est une +cuisine qu'ils ont inventée à l'usage des voyageurs avides d'étrangetés +et désireux de pouvoir raconter, en rentrant chez eux, des choses +extraordinaires.</p> + +<p>Ce qu'il y a de certain, c'est que toutes ces nourritures affolantes +sont très mauvaises, du moins à mon goût, car le ménage O'Neil prétend +se régaler.</p> + +<p>Le retour en pousse-pousse, la nuit, par les étroites rues encombrées +d'une cohue glapissante, est une des choses les plus fantastiques qui se +puissent voir. Ah! dans l'ombre, les étranges faces aux yeux de mystère, +aux regards de chats! Une sorte d'angoisse finit par vous pénétrer et +vous étreindre au milieu de ce grouillement dans l'obscurité; ces +hurlements, ces vociférations forcenées, qu'on est porté à croire +hostiles, cette foule s'ouvrant de mauvaise grâce pour vous laisser +passer et se refermant sur vous avec, semble-t-il, des airs de menace, +vous donnent une sensation de cauchemar, et c'est avec un réel +soulagement que je me suis retrouvé dans le calme quartier des +Légations.</p> + +<p>Le thermomètre marque, aujourd'hui, 42° à l'ombre. Dans les bureaux de</p> + +<p>la banque où je suis allé retirer mes fonds avant le départ, les +employés anglais, en bras de chemise, fument leurs pipes en attendant +l'heure du tennis. Les commis chinois, du bout délié de leurs doigts de +pianistes, manipulent les billes des abaques sur lesquels ils semblent +exécuter de vertigineuses symphonies financières.</p> + +<p>J'ai voulu emporter, à titre de curiosité, quelques-uns de ces <i>taëls +</i>dont on parle tant et qu'on ne voit jamais. Ce sont de petits lingots +d'argent d'un poids assez variable et d'une valeur approximative d'un à +deux dollars mexicains. Ils représentent la plus grande partie de +l'encaisse métallique des nombreuses banques, officielles ou privées, +dont le papier remplace cette encombrante monnaie. Le malheur est que ce +papier si commode n'a qu'un cours très limité et qu'il faut en changer à +chaque instant: celui de Changhaï ne vaut rien à Tien Tsin et Pékin +n'accepte ni l'un ni l'autre. On perd au change, naturellement, et on +reçoit, par-dessus le marché, un certain nombre de billets faux qu'un +touriste est absolument incapable de distinguer des vrais. Mais ceci +n'est pas une spécialité de la Chine.</p> + +<p>Les lingots, tout en n'offrant guère plus de garanties contre la fraude, +ont, au moins, le mérite du pittoresque. Chacun d'eux porte, imprimé +dans le creux produit par le refroidissement du métal, le caractère qui +signifie <i>bonheur</i>. Ce qui semblerait indiquer que, pour les Chinois, à +rencontre de notre proverbe, l'argent est une source de félicité. Ce +caractère est très employé en Chine, on l'écrit partout, on en fait des +bijoux et des ornements. Dans un dictionnaire de caractères sigillaires +je trouve cent six manières de le dessiner. Mais celui qui détient le +record de la diversité c'est <i>longévité</i> avec deux cent quatre-vingt-dix +formes différentes. Et cela nous prouve que leur indéniable mépris de la +mort n'empêche pas les Célestes d'aimer la vie.</p> + +<p>A la Pagode du Mulet, où les fidèles viennent déposer leurs offrandes +aux pieds des nombreux bouddhas dispensateurs, l'autel le plus +fréquenté, le mieux épousseté et le plus encombré d'<i>ex votos</i> est celui +du dieu présidant à la longue vie.</p> + +<p>Viennent ensuite ceux de qui dépendent la réussite dans les examens, +l'obtention des charges et honneurs, la richesse et le bonheur (qui ne +font qu'un), la postérité. Les vertus et les talents sont moins demandés +et une épaisse couche de poussière empêche de se rendre un compte exact +de la spécialité des autres influences divines.</p> + +<p class="mid">*<br>* *</p> + +<p>Sur le quai de la gare de nombreux compatriotes sont venus nous serrer +la main. Ce n'est pas sans une petite pointe d'émotion que nous les +quittons; tous se sont évertués à nous rendre agréable notre trop court +séjour à Pékin et ils y ont réussi.</p> + +<p>Je suis heureux de terminer ces lignes en adressant mes meilleurs +souvenirs aux Français de Pékin.<br> + +<span class="rig"><span class="sc">L. Sabattier.</span></span></p><br> + +<p>P. S.--J'apprends, d'une source autorisée, que, dans six mois, des +tramways à trolley circuleront dans la capitale de l'Empire du Milieu.</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/013.png"><br><i>(Longévité.) (Bonheur.)</i></p> +<br><br> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/014.png"><br><b>LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DINE CHEZ SES CONFRÈRES DU +BARREAU<br>Au fond, la table d'honneur.</b>--Phot. A. Braunstain.</p> + +<p>L'un des soirs de la dernière semaine, sans protocole, Me Raymond +Poincaré, président de la République française, s'en alla dîner chez ses +«confrères», les avocats du barreau de Paris. Mille convives s'étaient +réunis rue Saint-Martin, dans l'immense hall à deux étages du Palais des +Fêtes de Paris. M. Raymond Poincaré trouva là pour l'accueillir, autour +du bâtonnier de l'ordre, Me Fernand Labori, plusieurs membres du +gouvernement et tout ce que le barreau compte, à Paris et en province, +d'illustrations. Au nom du Conseil de l'ordre, Me Labori salua le chef +de l'État:</p> + +<p>--Monsieur le président de la. République cher et illustre confrère.... +commença-t-il.</p> + +<p>Et il évoqua ceux qui ayant appartenu au barreau furent élevés aux +suprêmes magistratures--un pape du treizième siècle, et un roi du +vingtième: Edouard VII--pour féliciter ensuite l'ordre d'avoir donné à +la France son président d'aujourd'hui.</p> + +<p>Lorsque, pour serrer les mains du bâtonnier, M. Poincaré se leva, ce fut +une ovation indescriptible de toute la salle qui s'était levée aussi +d'un même élan. Et le président de la République trouva les mots les +plus heureux et les plus éloquents pour faire l'éloge de ce cher barreau +parisien qu'il aimait tant, qui l'avait grandi et où il demandait qu'on +lui réservât la place qu'il comptait bien revenir prendre dans sept +ans...</p> + +<br><br> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/015a.png"><br><b>Soldats à la corvée de neige.</b></p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/015b.png"><br><b>AU CAMP SERBE.--Dans la tourmente.--Un canon à demi +enseveli.</b>--<i>Photographies S. Tchernof.</i></p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/015c.png"><br><b>Les soldats bulgares se sont improvisés «sculpteurs +animaliers».</b>--<i>Phot. du lieut. G. Staïnof.</i><br> <b>LA TRÊVE DE LA NEIGE +AUTOUR D'ANDRINOPLE</b></p> + +<p><i>Mieux que tout commentaire, ces photographies expliquent la longue +inaction des troupes réunies autour d'Andrinople: la neige leur +imposait, comme à l'armée turque de Tchataldja, une trêve naturelle, qui +arrêta l'effort des combattants et empêcha toute opération. Partagés +entre les corvées que nécessitaient les amoncellements de neige et les +rudes factions dans la tourmente, luttant sans cesse contre le froid qui +mord sous les capuchons et les couvertures, les soldats bulgares et +serbes mènent une dure vie, qu'ils s'ingénient pourtant à égayer, à +force d'entrain et de belle humeur. Déjà la neige a commencé à fondre, +et d'épais bourbiers lui succèdent.</i></p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/016a.png"><br><b>Le camp du 9e régiment serbe après une tempête.</b>--<i>Phot. +S. Tchemo.</i></p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/016b.png"><br> + +<table cellpadding="2" cellspacing="12" border="0" + style="width: 100%; text-align: left;" summary="illustration"> + <tbody> + <tr> + <td style="vertical-align: top; width: 33%; text-align: center;"> +<b>L'enlèvement d'un blessé: au fond, deux trous creusés par +les obus ennemis.</b> + </td> + <td style="vertical-align: top; width: 34%; text-align: center;"> +<b>CHEZ LES BULGARES.--Amusements.</b> <i>Photographies du lieut. +G. Staïnof.</i> + </td> + <td style="vertical-align: top; width: 33%; text-align: center;"> +<b>Le déblaiement d'une tranchée obstruée par deux mètres de +neige.</b> + </td> + </tr> + </tbody> +</table> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/016c.png"><br><b>Soldats serbes en faction, par un froid terrible, à 300 +mètres des avant-postes turcs.</b><br>--<i>Phot. S. Tchernof.</i><br><b>LA TRÊVE DE LA +NEIGE AUTOUR D'ANDRINOPLE</b></p> + +<br><br> + +<h3>A WASHINGTON</h3> + +<h4>LE NOUVEAU PRÉSIDENT</h4> + +<p>M. Woodrow Wilson, élu président de la République des États-Unis le 5 +novembre dernier, a pris, le mardi 4 mars, possession de ses nouvelles +fonctions.</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/017a.png"><br><b>Devant le Capitole: M. Woodrow Wilson lisant son message.<br> +Assis derrière lui, son prédécesseur, M. Taft.</b></p> + +<p>Son prédécesseur, M. Taft, quitta joyeux, en plaisantant avec ses amis, +la résidence présidentielle, la Maison Blanche; M. Woodrow Wilson, a +remarqué le reporter du <i>New York Herald</i>, était grave et portait déjà +sur son «masque étroit» la trace des préoccupations que peut bien +engendrer la lourde tâche de gouverner 90 millions de citoyens. +Pourtant, le ciel était serein, et ce beau temps permit que le nouveau +président fût «inauguré», selon l'expression américaine, en plein air, +sur la terrasse du palais législatif. Le peuple put donc voir, avec +émotion, son premier magistrat prêter serment à la constitution entre +les mains du juge White, président de la Cour suprême, puis +entendre--ceux-là, du moins, des spectateurs qui avaient pu s'approcher +assez--la lecture du message présidentiel. Des bravos enthousiastes +accueillirent et la formule du serment et la péroraison du discours; et +on ne rit même pas, tant la solennité de l'acte était impressionnante, +quand un plaisant, qui eût sans doute voulu voir M. Roosevelt aux côtés +de M. Wilson et de M. Taft, lança d'une voix de stentor: «Où est +Teddy?». Mme Woodrow Wilson et ses trois jeunes filles assistaient de +l'intérieur du palais à la cérémonie.</p> + +<h3>LES SUFFRAGETTES AMÉRICAINES</h3> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/017b.png"><br><b>Le défilé d'une armée de 9.000 suffragettes dans les rues +de Washington.</b></p> + +<p>Les suffragettes américaines n'avaient point voulu laisser échapper une +si belle occasion de manifester en faveur de leur idée fixe. Elles +avaient organisé un défilé monstre de plus de 9.000 personnes, qui se +déroula d'abord en bon ordre. Mais, par suite de mesures de police trop +rigoureuses, des rixes se produisirent bientôt. On avait eu recours à +l'intervention de troupes de cavalerie, appelées de Fort Myer, pour +dissoudre la procession des suffragettes. Celles-ci résistèrent. Il en +résulta quelques plaies et bosses. Et, éparpillées par petits groupes, +dames et demoiselles fanatiques du bulletin de vote se retrouvèrent dans +un meeting où, en des discours véhéments, la police, le Parlement, le +président lui-même, furent à leur tour copieusement houspillés.</p> + +<br><br> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/018a.png"></p> + +<table cellpadding="2" cellspacing="12" border="0" + style="width: 100%; text-align: left;" summary="illustration"> + <tbody> + <tr> + <td style="vertical-align: top; width: 33%; text-align: center;"> +<b>L'arrivée aux portes de la ville.</b> + </td> + <td style="vertical-align: top; width: 67%; text-align: center;"> +<b>La réception des notables au consulat d'Espagne.</b><br>--<i>Phot. +Rectoret.</i> + </td> + </tr> + </tbody> +</table> + +<p class="mid"><span class="sc">L'entrée du général Alfau à la tête des troupes espagnoles a Tétouan</span></p> + +<h3>AU MAROC ESPAGNOL</h3> + +<h4><span class="sc">l'occupation de tétouan</span></h4> + +<p><i>Notre correspondant de Madrid nous écrit:</i></p> + +<p>L'Espagne a pu enfin réaliser le rêve, conçu depuis la conquête +sanglante par O'Donnell, en 1860, de Tétouan, de réoccuper cette ville, +ancien refuge des Maures expulsés d'Andalousie et future capitale de sa +zone nord au Maroc.</p> + +<p>L'opération a été confiée au général Alfau, qui l'exécuta, à la fin du +mois dernier, avec des forces d'environ deux mille hommes. Après avoir +détaché en avant-garde deux compagnies de tirailleurs indigènes, qui +s'emparèrent de la kasbah, et le tabor de police montée, il fit son +entrée dans la ville, reçu en chemin par les autorités marocaines et +salué par le corps consulaire.</p> + +<p>Cette opération sans coup férir a été facilitée par la politique +d'attraction que les représentants de l'Espagne à Tétouan, et notamment +le consul, M. Lopez Ferrer, pratiquaient depuis longtemps à l'égard des +notables indigènes et de la nombreuse population Israélite (8.000 +habitants sur un total de 30.000). La colonie espagnole s'élève à +Tétouan à plus de 600 âmes (le 80% de l'élément européen), quoique le +commerce de l'Espagne y reste inférieur à celui de la France et de +l'Angleterre. Malgré tous ces facteurs de succès, le mérite de +l'occupation revient pour une bonne part au général Alfau, désigné comme +futur haut commissaire de la zone espagnole.</p> + +<p>Agé de cinquante-cinq ans, marié à une Française originaire d'Algérie, +pays qu'il connaît aussi bien que le Maroc, parlant couramment le +français et l'arabe, le général Alfau a toujours témoigné envers notre +pays des sympathies qui ne peuvent qu'améliorer les rapports et +faciliter la tâche commune des deux nations au Maroc.<br> + +<span class="rig"><span class="sc">J. Causse.</span></span></p><br><br> + +<h3>A CONSTANTINOPLE</h3> + +<p><i>D'une nouvelle visite faite aux avant-postes turcs de Tchataldja, notre +collaborateur Georges Rémond a rapporté la, conviction que d'ici +plusieurs semaines, à supposer que le beau temps revienne et dure, il ne +pourrait y avoir, de ce côté, d'opérations sérieuses: c'est la trêve du +dégel et de la boue après celle de la neige. A son retour à +Constantinople, il devait être frappé, par le spectacle qu'offre cette +grande ville sans âme, indifférente, semble-t-il, à tous les maux. Il +nous adresse, à ce sujet, les lignes suivantes:</i></p> + +<p class="mid"><span class="sc">carnaval et incendies</span></p> + +<p>Quelle étrange ville! et que de singulier contrastes elle offre! Le +carnaval y bat son plein; il y a cinq bals par semaine; les masques et +les dominos passent pêle-mêle dans la grande rue de Péra avec les +blessés, avec les malades qu'on ramène des lignes de Tchataldja ou de +Gallipoli, des hommes aux pieds gelés, aux mains mortes, et personne n'y +fait attention. Il y a des incendies tous les jours; on entend le cri +sinistre le celui qui annonce le feu; on voit passer au galop les pompes +municipales, puis les bandes débraillées des «touloumbadjis» (pompiers +volontaires) en costumes d'acrobates de barrière portant une pompe +surmontée d'un ornement bizarre qui ressemble au Saint-Sacrement de nos +processions; et une grande aurore rouge se lève sur Galata ou sur +Stamboul. Cent maisons disparaissent un jour, cent cinquante le +lendemain. Comment en reste-t-il encore? L'autre soir Sainte-Sophie a +bien failli flamber; toutes les petites constructions de la place qui +l'avoisine ont été consumées. Et, à part quelques visages entrevus de +patriotes angoissés par l'incertitude de l'heure, pénétrés de tristesse, +et redoutant les nouvelles négociations de paix avec abandon +d'Andrinople dont on fait courir le bruit; à part l'expression des yeux +d'un blessé passant à cheval au milieu de l'indifférence publique et +qu'un camarade mène à l'hôpital, rien d'autre ou presque rien ne trahit +tout cet amoncellement de défaite, de fin de tragédie, de fin de peuple +qui pèse sur cette ville. En somme, personne ne voit cela. Et pour +montrer un pareil spectacle, il ne faudrait pas seulement le décrire, +mais inventer, en grand artiste, en historien véridique, et ayant une +âme en plus des yeux, des figures qui donnent un nom, un sens, un +sentiment à ce qu'il a d'impersonnel et d'anonyme.</p> + +<p class="mid"><span class="sc">l'incident de la «suzette-fraissinet»</span></p> + +<p>... Je viens de me rendre à bord de la <i>Suzette-Fraissinet</i>, le cargo +français bombardé le 1er mars par les Bulgares. Le commandant Gibert m'a +reçu et m'a dit qu'il se trouvait ce jour-là, par beau temps, à 4 h. 30 +de l'après-midi, à 24 milles de Gallipoli et passait à 3 milles de la +côte. Il venait de Dédéagatch où il avait, avec l'autorisation des +autorités bulgares, embarqué 128 réfugiés turcs dont beaucoup de femmes +et d'enfants. A ce moment il avançait précédé par un vapeur anglais, le +<i>Moeris</i>, et suivi par un italien, l'<i>Ausonia</i>, lorsque le premier, +l'anglais, fut canonné par des batteries bulgares de la côte qui +l'endommagèrent dans ses ouvres mortes. A son tour, la +<i>Suzette-Fraissinet</i> fut touchée à bâbord par le milieu, puis atteinte à +l'avant par un boulet qui creva l'arrière de la cloison étanche séparant +les cales numéros 1 et 2, traversa les deux tôles de blindage--en tout +une épaisseur de 42 millimètres--et éparpilla plusieurs rangs de briques +empilées contre la cloison. C'était là précisément que se trouvaient les +réfugiés. Le commandant Gibert fit hisser au mât de misaine un pavillon +neuf, mais sans que les Bulgares cessassent le feu. Neuf autres +projectiles tombèrent autour du navire, heureusement sans l'atteindre; +l'<i>Ausonia</i> ne subit aucun dommage.<br> + +<span class="rig"><span class="sc">Georges Rémond</span></span></p><br> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/018b.png"><br><b>A Constantinople: Sainte-Sophie menacée par un incendie<br> +qui a détruit un quartier voisin.</b>--<i>Phot. Ferid Ibrahim.</i></p> + +<br><br> + +<h3><span class="sc">les livres & les écrivains</span></h3> + +<h4><span class="sc">L'Histoire par les correspondants de guerre</span></h4> + +<p>La guerre des Balkans n'est point achevée que déjà son histoire, toute +pantelante, sort des presses, avec ses chapitres de feu et de sang, ses +pages d'orgueil, de folie et de deuil, et même ses conclusions du +philosophe qui, parfois, devancent un peu les réalités. Cette histoire +de la formidable crise qui marque une si grande date dans la vie des +peuples de l'Europe orientale, ce sont les correspondants de guerre qui +l'auront, les premiers, écrite avec les éléments, les documents de vie +et de mort qu'ils ont été chercher eux-mêmes si courageusement dans les +champs de la victoire et sur les routes de la débâcle. Rarement, et +parmi plus de difficultés, de périls et de misères matérielles, le grand +reportage aura mieux réalisé son effort d'information. Rarement, aussi, +ces correspondances--si nous ne considérons qu'une sélection, celles que +tout le monde a suivies passionnément parce que loyales et +vraies--auront été plus précises et plus minutieusement révélatrices. Il +ne faut d'ailleurs point s'en étonner, car si tels de ces représentants +des grands journaux étaient des spécialistes de la guerre, des officiers +instruits, entraînés et clairvoyants, comme notre admirable +correspondant de Thrace, M. Alain de Penennrun, qui aura donné la +première grande «relation d'état-major» de cette campagne (1), tels +autres, comme notre très distingué confrère du <i>Matin</i>, M. Stéphane +Lauzanne, qui fut à Constantinople l'éloquent et clairvoyant témoin de +l'agonie d'un empire (2), ont prodigué les plus riches, les plus souples +et les plus pittoresques qualités de l'observateur et de l'écrivain.</p> + +<p>M. René Puaux, qui, à son tour, publie son livre de la guerre +turco-bulgare: <i>De Sofia à Tchataldja</i> (3), doit être, lui aussi, tenu +au premier rang de cette élite. Muni de la fameuse lettre blanche qui +lui permettait, avec quatre ou cinq autres privilégiés, dont le +correspondant de <i>L'Illustration</i>, d'être admis sur le terrain du feu, +M. René Puaux a adressé au Temps une suite tout à fait remarquable de +lettres, que nous avons tous lues et qui sont autant de documents +précieux par leur haute probité professionnelle et la richesse de leur +information. M. René Puaux devait être, j'imagine, un très réconfortant +compagnon de route. Il a de l'esprit, et du plus alertement français. Il +fit preuve, à tout instant, de bonne santé et de bonne humeur et, s'il +eut du courage gai aux heures les plus sinistres, il manifeste en tels +de ses récits la sensibilité d'un poète et l'éloquence recueillie d'un +témoin de l'histoire; par exemple, lorsqu'il nous donne cette vision du +vainqueur, bulgare progressant de Kirk-Kilissé à Tchataldja sur cette +route qui, pour les Turcs en déroute, fut celle de la terreur et de la +honte: «L'armée bulgare s'avance, rapide, silencieuse, disparate dans sa +tenue, mais une dans son coeur, comme marchaient les volontaires de 92. +C'est une armée farouche, impressionnante, où les barbes grises +voisinent avec l'adolescence, où les capuchons de bergers couvrent la +nuque de l'officier comme du soldat; c'est une armée qui traîne derrière +elle ses convois, ses troupeaux, comme les conquérants d'autrefois, +nomades éternels qui descendaient vers les mers chaudes avec leurs chars +aux roues pleines. On sent qu'elle marchera jusqu'aux portes de +l'Orient, cohorte fantastique que dirigent des cerveaux modernes...»</p> + +<blockquote>(1) <i>La Guerre des Balkans</i>, Lib. Lavauzelle, 4 fr.<br> + +(2) <i>Au chevet de la Turquie</i>. Lib. Fayard, 3 fr. 50.<br> + +(3) <i>De Sofia à Tchataldja</i>, Lib. Perrin, 3 fr. 50.</blockquote> + +<p>L'armée bulgare s'est avancée, en effet, jusqu'aux portes de l'Orient. +Elle n'en a point cependant franchi le seuil et, si l'on en excepte M. +Alain de Penennrun qui révéla avant tous autres les raisons de l'échec +bulgare devant Tchataldja, ce sont surtout les correspondants du côté +turc,</p> + +<p>et en particulier Georges Rémond, qui ont pu nous dire l'importance et +la difficulté de l'obstacle dressé devant Constantinople.</p> + +<p>Justement, cette semaine encore, un journal des opérations du côté +ottoman (4) nous est présenté par le major allemand von Hochwæchter. Le +major von Hochwæchter ne fut pas, à vrai dire, un correspondant de +guerre. C'était un instructeur de l'armée ottomane à l'école de von der +Goltz, et ce qu'il est intéressant de trouver et de discuter dans son +livre c'est un plaidoyer pour l'oeuvre allemande dans la préparation de +l'armée turque à la guerre. Le major avait, au mois de septembre 1912, +quitté sa garnison de Damas pour revenir, en congé, dans son pays. Mais +dès ce moment la situation dans les Balkans se révélait menaçante. M. +von Hochwæchter était personnellement convaincu de l'imminence de la +lutte et il savait «qu'en haut lieu on brûlait de montrer la valeur de +l'armée réorganisée», car, «bien que la refonte des institutions +militaires ne fût pas encore complète, les officiers turcs étaient +persuadés de leur supériorité sur leurs adversaires». En Allemagne, les +compétences militaires estimaient que les chances seraient pour la +Turquie, «si elle pouvait se décider à terminer tranquillement sa +mobilisation et à rester sur la défensive jusqu'à la fin des opérations +préliminaires». Mais la guerre, prématurément, éclata, et le major +aussitôt regagna Constantinople, avec une lettre de recommandation du +maréchal von der Goltz, pour faire campagne dans l'armée ottomane. Il +fut attaché à l'état-major de Mahmoud Mouktar pacha et il put suivre, +quoique souvent à distance du champ de l'action, toutes les opérations +de l'état-major du 3e corps d'armée. Chaque soir, le major von +Hochwæchter s'astreignit à rédiger ses impressions de la journée, et ce +sont ces impressions qu'il vient de réunir en volume, des notes hâtives, +généralement un peu sèches, fugitives, pas toujours complétées ni +remises au point, mais intéressantes cependant par la lumière simple +qu'elles portent sur certains faits. Ainsi ces lignes qui expliquent, +sans les justifier, les massacres de non-combattants commis par les +Turcs en certains villages chrétiens: «27 octobre.--Tous les soldats et +officiers cantonnés dans un village ont été massacrés par les Grecs et +les Bulgares; on n'a plus trouvé que des membres épars, les effets et +les fusils. Le général a fait fusiller toute la population masculine, +puis a fait brûler le village après en avoir éloigne les femmes et les +enfants.»</p> + +<blockquote>(4) <i>Au feu avec les Turcs</i>, Lib. Berger-Levrault, 3 fr.</blockquote> + +<p>Mais le chapitre le plus utile, le plus personnel, en tous cas, est +celui dans lequel sont exposées les causes de la rapide désorganisation +de l'armée turque, encombrée de redits ahuris, sans discipline et sans +officiers, cohue informe jetée à l'abattoir et d'après laquelle, conclut +l'auteur, on ne saurait juger de la valeur du soldat turc, le vrai, ni +du système allemand qui a présidé à son instruction militaire.</p> + +<p>Les livres du major von Hochwæchter et de M. René Puaux ont été écrits +ou du moins documentés sous les obus. L'étude purement technique de M. +le lieutenant-colonel breveté Boucabeille sur <i>la Guerre +turco-balkanique en 1912</i> (5) a été rédigée dans le calme et la +réflexion du cabinet de travail. L'auteur a fait état des +correspondances de guerre, qu'il rapproche et critique, pour dégager la +vérité de certaines contradictions. L'ouvrage est clair, ordonné, +méthodique. C'est un bon livre de bibliothèque militaire.</p> + +<blockquote>(5) Avec 11 cartes en couleur et 10 croquis dans le texte. Lib. +Chapelot, 5 fr.</blockquote> + +<p class="rig"><span class="sc">Albéric Cahuet.</span></p><br><br> + +<p><i>Voir le compte rendu de</i> Rouletabille chez le tsar, <i>de M. Gaston +Leroux; des</i> Contes de Minnie, <i>de M. André Lichtenberger; du</i> Journal +du comte Apponyi, <i>et des autres livres nouveaux, dans</i> La Petite +Illustration <i>jointe à ce numéro</i>.</p> + +<h3>UNE RÉCEPTION AU «COUARAIL»</h3> + +<p>Le «Couarail», la vaillante académie de Nancy, continue à entretenir, +dans nos marches de l'Est, le culte des traditions lorraines, et le goût +des manifestations littéraires. Au mois de juillet 1911, elle fêtait, à +l'hôtel de ville, son président d'honneur, M. Maurice Barrés; et nous +avons rendu compte, en son temps, de cette séance solennelle, où furent +acclamés, aux côtés de l'illustre écrivain, les deux artistes alsaciens +Zislin et Hansi.</p> + +<p>Le mois dernier, elle faisait appel à M. Stéphane Lauzanne, qui venait +de vivre les premières heures de l'agonie ottomane, et lui demandait, +comme au témoin le plus autorisé, le plus éloquent, de venir dire aux +Nancéens ce qu'il avait vu «au chevet de la Turquie». Enfin, la semaine +passer, le «Couarail» recevait M. Marcel Prévost, de l'Académie +française, et Mme Marcel Prévost, en un élégant thé littéraire; des +poètes y récitèrent leurs ouvres, le directeur du Conservatoire de +Nancy, M. Guy Ropartz, accompagna au piano une charmante cantatrice, Mme +P. Mota, qui interpréta ses mélodies, et l'auteur des <i>Anges gardiens</i> +remercia, en une improvisation spirituelle et délicate, le directeur du +Couarail, M. Georges Garnier, et son secrétaire perpétuel, M. Marcel +Knecht. M. Marcel Prévost était invité, le soir même, à faire une +conférence sur «la Femme moderne». Quel sujet, traité par le psychologue +averti des <i>Lettres à Françoise</i>, pouvait davantage piquer la curiosité? +Une très nombreuse assistance était venue pour l'entendre, et sa parole +aisée, séduisante, fut vivement goûtée et applaudie.</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/019.png"><br> M. Marcel Prévost.<br> +<b>Réception de M. Marcel Prévost au<br> +Couarail (académie lorraine) de Nancy.</b>--<i>Phot. Dutey</i>]</p> + +<br><br> + +<h3>LES THÉÂTRES</h3> + +<p>Le théâtre de la Gaîté-Lyrique vient de monter avec beaucoup de soin +<i>Carmosine</i>, une comédie musicale pour le livret de laquelle MM. Henri +Cain et Louis Payen se sont inspirés de Boccace, et aussi de Musset. +C'est un joli conte sentimental et tendre. Il a offert au jeune et +distingué compositeur qu'est M. Henry Février la trame où broder ses +plus élégantes et agréables mélodies. Le public a fait un accueil +enthousiaste à cette oeuvre, présentée dans de très beaux décors, et +remarquablement interprétée par des artistes tels que M. Fugère, Mmes +Lambert-Willaume et Fiérens, MM. Georges Petit et Maguenat.</p> + +<p>Le théâtre du Grand-Guignol a composé, suivant la formule de ses succès, +un spectacle varié, où domine le réalisme tragique, et auquel une pièce +d'une délicate fantaisie, <i>les Ficelles</i>, de M. Giacosa, traduite par +Mlle Darsenne et mise en vers par M. Paul Géraldy, et une petite comédie +aimablement philosophique, <i>le Bonheur</i>, de M. Pierre Veber, ajoutent un +agrément de fine qualité. Après un acte gai de M. André Mycho, <i>le Joli +Garçon</i>, on applaudit deux drames émouvants, qui s'inspirent +d'événements actuels et récents, <i>le Croissant noir</i>, de M. Jean +Loiller, dont l'action se passe dans une tranchée bulgare, en face de +Tchataldja, et S.O.S. (c'est le signal de détresse des paquebots en +perdition), où MM. Charles Millier et Maurice Level évoquent puissamment +une grande catastrophe maritime de l'an passé.</p> + +<p>M. Emile Bergerat, virtuose du vers de la lignée de Banville et de +Mendès, a fait représenter avec succès, à l'Odéon, <i>la Nuit florentine</i>, +comédie tirée de «la Mandragore» de Machiavel. Le sujet en est d'une +grivoiserie qui prête d'ailleurs aux développements comiques. Telle que +M. Bergerat nous la présente, la pièce est agréable et bien ordonnée; +les vers sont brillants, à effets, le cliquetis des rimes est incessant.</p> + +<p><i>Le Garde du corps</i>, que la Comédie-Royale nous a fait connaître, est +encore une pièce importée de l'étranger, et sur un sujet à peu près +aussi risqué que la précédente. Elle a du reste paru plaire au public +parisien. Elle a été fort adroitement adaptée du texte d'un jeune auteur +hongrois, M. Molnar, par MM. Pierre Veber et Maurice Rémon, et +agréablement jouée par Mlle Jeanne Provost.</p> + +<p>Tandis que <i>la Demoiselle de magasin</i> poursuit au Gymnase une fort jolie +carrière, ses deux auteurs, MM. Frantz Ponson et Fernand Wicheler voient +reprendre, et avec un succès nouveau, au théâtre Déjazet, <i>le Mariage de +Mlle Beulemans</i>, qui décida, il y a trois ans, à la Renaissance, de leur +fortune dramatique.</p> + +<p>Quelques tentatives de décentralisation musicale ont eu lieu avec succès +ces temps derniers dans plusieurs grandes villes de province; signalons +tout d'abord à l'Opéra de Monte-Carlo une très belle oeuvre: <i>Pénélope</i>, +poème de M. René Fauchois et musique de M. Gabriel Fauré; puis, au même +théâtre, <i>Venise</i>, scénario et musique de M. Raoul Gunsbourg; au +Grand-Théâtre de Lyon, <i>le Vieux Roi</i>, de MM. Rémy de Gourmont pour le +livret et Mariotte pour la musique; au Grand-Théâtre de Nîmes, <i>Dans la +tourmente</i>, livret de M. Serge Basset, musique de M. Henri Confesse; à +l'Opéra de Montpellier, <i>Gaspard de Besse</i>, livret de M. Paul Barlatier +et musique de M. de Lapeyrouse; à l'Opéra de Marseille, <i>Annette</i>, de +MM. Jean Marsèle pour le texte et A. Durand-Boch pour la musique; au +Théâtre des Arts de Rouen, <i>Graziella</i>, de M. Jules Mazellier, récent +grand prix de Rome, sur un sujet tiré de Lamartine par MM. Henri Gain et +Raoul Gastambide.</p> + +<h3>ALFRED PICARD</h3> + +<p>M. Alfred Picard qui vient de mourir, après une maladie de quelques +jours, âgé de soixante-neuf ans, gardera une des premières places parmi +les grands esprits qui honorèrent la France à l'aurore du vingtième +siècle. Chose curieuse, cet ingénieur, qui connaissait à fond tous les +secrets de son art, n'a attaché son nom à aucun de ces ouvrages +audacieux qui assurent à leur auteur une célébrité bruyante, parfois +excessive; dans les diverses fonctions qu'il occupa, son rôle fut +surtout administratif, et c'est dans ce rôle, où il est si difficile de +donner et surtout de faire apprécier la mesure de sa valeur, qu'il +apparut comme un homme d'un mérite supérieur, apportant dans toutes ses +conceptions une science et une largeur de vues que secondait une +puissance de travail prodigieuse.</p> + +<p>Alfred Picard était né à Strasbourg en 1844. Sorti de l'École des ponts +et chaussées peu de temps avant la guerre de 1870, il fut attaché aux +travaux de défense de Metz; mais il profita de la première occasion pour +sortir de la forteresse et s'enrôla dans l'armée de la Loire. La paix +signée, il entre au service du contrôle des chemins de fer et des +canaux; en 1880 il assume toute la responsabilité effective du ministère +des Travaux publics, prenant sous sa direction la navigation, les ponts +et chaussées, les mines et les chemins de fer. Peu de temps après il +devient président de section au Conseil d'État.</p> + +<p>Nommé rapporteur général de l'Exposition de 1889, il rédige seul, en +quelques mois, un ouvrage considérable où il traite les questions les +plus variées, les plus disparates, avec une sûreté, une clarté, une +élégance de forme inusitées. On le nomme grand officier de la Légion +d'honneur, puis on le choisit comme commissaire général de l'Exposition +de 1900.</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/020.png"><br><b>M. Alfred Picard</b>--<i>Phot. Pirou, bd Saint-Germain.</i></p> + +<p>Ici encore Alfred Picard fut à hauteur de sa tâche, et c'est à. tort +qu'on lui a imputé la responsabilité des désastres financiers +particuliers qui marquèrent cette foire universelle. Il ne fit +qu'assurer, avec sa probité intransigeante, l'exécution de contrats +commerciaux approuvés par le ministre après avoir été préparés par des +fonctionnaires spécialement chargés de la partie fiscale de +l'Exposition.</p> + +<p>En 1904, M. Picard allait en Amérique pour régler, au milieu d'assez +grandes difficultés, les conditions de la participation française à +l'Exposition de Saint-Louis. A peine de retour, il dirigeait tous les +travaux de la commission chargée d'organiser le nouveau réseau d'Etat, à +la suite du rachat de l'Ouest.</p> + +<p>Tout en se donnant corps et âme à ses fonctions officielles, Alfred +Picard trouvait encore le temps d'écrire des volumes qui eussent suffi à +consacrer sa réputation. Ce travailleur extraordinaire ne savait pas se +reposer, il ne prenait jamais de vacances. Quand il résolut de présenter +<i>le Bilan d'un siècle</i>, il demanda la collaboration de plusieurs +spécialistes éminents. Les manuscrits n'arrivant pas assez vite à son +gré, il décida d'écrire lui-même tout l'ouvrage, et il avertit ses amis +qu'il n'accepterait plus à déjeuner ou à dîner en ville avant que +l'ouvrage fût fini. En effet, pendant trois ans, raconte notre confrère +Emile Berr, il prit tous ses repas, seul en face de sa soeur. Quand les +six volumes in-8° furent achevés, l'auteur avoua que, pour apprendre les +choses dont il avait dû parler et qu'il ignorait, il avait été obligé de +lire environ 400 volumes. L'ouvrage paru, il se mit à recommencer le +<i>Traité des chemins de fer</i>, qu'il avait publié en 1887.</p> + +<p>En 1908, cédant aux instances de M. Clemenceau, chargé de former un +cabinet. M. Picard acceptait le ministère de la Marine. Il n'y testa que +quelques mois, et il reprit bientôt ses travaux ordinaires.</p> + +<p>Inspecteur général des ponts et chaussées, ancien ministre, grand'croix +de la Légion d'honneur, vice-président du Conseil d'État, membre de +l'Académie des sciences, Alfred Picard avait atteint tous les sommets. +Sa modestie égalait sa science; une grande bonté tempérait la sévérité +qu'inspirait un amour supérieur de la justice; l'apparente mélancolie, +dont s'égayèrent les caricaturistes, cachait une grande finesse d'esprit +et une rare sensibilité d'âme.</p> + +<p>Voici ce que ce scientifique doublé d'un juriste écrivait dans <i>le Bilan +d'un siècle</i>:</p> + +<p>«Parfois, en songeant à l'extrême brièveté de la vie, le penseur se +prend à éprouver quelque regret. Ce n'est certes pas la perte plus ou +moins prochaine des satisfactions de l'existence qui l'attriste ainsi: +les joies sont, même pour les plus heureux, compensées par trop d'ennuis +et de chagrins. Non, ce dont souffre le philosophe, c'est de +l'impuissance dans laquelle il se trouve d'explorer largement le domaine +encore si restreint des connaissances humaines, d'en étendre les limites +par de vastes conquêtes, d'apporter une ample contribution à l'édifice +de la science et du progrès... Mais cette tristesse s'efface, pour celui +qui, ayant mesuré la marche de la civilisation dans le passé, la +pressent s'améliorant dans l'avenir: en élargissant ainsi son horizon, +en faisant abstraction de l'individualisme pour ne voir que la +solidarité et ses effets, l'esprit le plus pessimiste se rouvre à +l'espérance. La perception d'une marche incessante en avant, d'un essor +continu de l'humanité, chasse le découragement et provoque un puissant +réconfort. Elle console la vieillesse, ranime la vaillance de l'âge mûr, +inculque à la jeunesse la foi et l'émulation.»</p> + +<p>Et l'ingénieur ajoutait: «La littérature, ne figure pas et ne peut pas +figurer dans le programme des expositions. Cependant elle joue un tel +rôle dans la vie des peuples et. éclaire d'un jour si vif le mouvement +des esprits, qu'il est impossible de ne pas lui réserver une place à +côté des sciences et des arts dans cette revue du dix-neuvième siècle.»<br> +<span class="rig">F. H.</span></p><br><br> + +<h3>DOCUMENTS et INFORMATIONS</h3> + +<p class="rig"><span class="sc">Les poules pondeuses et l'hérédité.</span></p><br><br> + +<p>M. Pearl, agronome anglais fort réputé, a cherché à discerner +l'influence de l'hérédité dans la fécondité des poules.</p> + +<p>D'après ces études, qui ont porté sur plusieurs milliers de poules dont +l'ensemble représentait treize générations, l'abondance des oeufs pondus +par une poule n'apparaît pas comme un pronostic certain des qualités de +ses filles. Dans quelques-unes des familles observées, les femelles +bonnes pondeuses transmettaient toujours leur fécondité à leur +descendance, mais la chose reste inexpliquée.</p> + +<p>Par contre, les expériences de M. Pearl sembleraient confirmer les faits +suivants, déjà plus ou moins connus:</p> + +<p>1° Les filles peuvent hériter du père une fécondité élevée, +indépendamment de celle de la mère;</p> + +<p>2° Un coq peut donner des filles d'une fécondité élevée avec des poules +de fécondités diverses;</p> + +<p>3° Les filles d'une bonne poule sont bonnes ou mauvaises, selon le coq +auquel elles s'allient;</p> + +<p>4º La proportion de mauvaises pondeuses dans une descendance de mères +diverses est la même si toutes les poules ont été accouplées avec le +même coq.</p> + +<p class="rig"><span class="sc">Utilisation des ondes hertziennes pour étudier l'intérieur de la terre.</span></p><br><br> + +<p>De récentes expériences sembleraient indiquer la possibilité de recourir +aux ondes hertziennes pour connaître certains détails de la constitution +géologique du sol.</p> + +<p>Ces ondes traversent les roches sèches, tandis qu'elles sont arrêtées +par les terrains humides et par les couches de métal ou de minerai. +C'est ce qui, sous beaucoup de climats, les empêche généralement de se +transmettre par l'intérieur de la terre, les couches supérieures +renfermant toujours plus ou moins d'humidité. Mais ces ondes se +réfléchissant sur les couches imperméables, comme les rayons lumineux se +réfléchissent sur certaines surfaces, on peut, avec des procédés de +mesure spéciaux, déterminer la situation des couches qui les arrêtent.</p> + +<p>Un ingénieur allemand, M. Levy, a pu ainsi faire pénétrer les ondes +hertziennes à une profondeur de 1.300 mètres, et déterminer par leur +réflexion la position de la couche humide voisine.</p> + +<p>Il y a lieu de remarquer, toutefois, que, les sols humides se comportant +vis-à-vis des ondes hertziennes anime les couches de minerai, les +indications fournies par cette curieuse méthode ont besoin d'être +contrôlées par un autre procédé.</p> + +<p class="rig"><span class="sc">Les «Éclaireurs de France».</span></p><br><br> + +<p>La sortie générale des équipes parisiennes des «Eclaireurs de France», +dont nous avons rendu compte dans notre dernier numéro, a provoqué, dans +le grand public, un mouvement de vive sympathie--auquel les +préoccupations militaires du moment ne sont point étrangères--en faveur +de cette excellente association. Beaucoup de nos lecteurs nous +sollicitent de donner, à ce sujet, des renseignements précis; c'est un +devoir que de les porter à la connaissance de tous ceux qui veulent +préparer à notre pays de bons et d'intelligents soldats.</p> + +<p>La société des Eclaireurs de France, dont le siège est à Paris, 146, rue +Montmartre, groupe, sous l'autorité d'un comité directeur et de comités +locaux, des jeunes gens de toutes les classes, âgés de onze ans au +moins, auxquels on ne demande qu'une cotisation annuelle de 1 franc. +Toute nouvelle recrue--munie de l'autorisation écrite de ses +parents--doit, pour servir comme novice, apprendre les douze articles du +«code de l'Éclaireur», qui consacre la pratique de ces belles vertus: la +discipline, la loyauté, la générosité, le respect. de soi-même, +l'honneur, et prêter le serment dont nous avons déjà reproduit les +termes. Après une période d'un mois, le novice passe un examen et +devient Éclaireur de 2e classe; un autre examen peut, plus tard, +l'élever au rang d'Éclaireur de IIe classe. Enfin des brevets et des +signes distinctifs spéciaux, correspondant aux aptitudes de tireur, +d'ambulancier, de cycliste, de cavalier, d'interprète, de mécanicien, +voire d'aide-aviateur, sont décernés à ceux des éclaireurs qui font +preuve de capacités particulières.</p> + +<p>Tous ces jeunes gens sont groupés en «patrouilles», qui comptent de +quatre à huit éclaireurs, commandées par un «moniteur»; plusieurs +patrouilles se réunissent en «partis», dirigés par un «guide»; et trois +ou six partis composent une «troupe», sous les ordres d'un capitaine.</p> + +<p>Telle est, en son principe, cette organisation, destinée à former, comme +le dit excellemment un article du règlement intérieur, «des hommes +d'élite, provenant de toutes les catégories sociales, qui, par la force +et la noblesse de leur caractère, autant que par leur jugement, leur +décision et leur sens pratique, seront les guides, les vigies de la +France, les vrais pionniers de sa civilisation et de son action +commerciale, industrielle, maritime, militaire et coloniale». Les +enseignements très variés qu'on leur donne, au cours de cette éducation +morale et sportive, ont été présentés par un officier, le capitaine +Royet, en un petit manuel précis et bien ordonné, <i>le Livre de +l'Éclaireur</i> (Librairie illustrée, 75, rue Dareau, et au siège de la +société, 2 fr. 50). Le «scoutisme» y apparaît parfaitement adapté au +tempérament français, et conforme au génie de notre race. On ne pourrait +souhaiter, pour nos jeunes gens, meilleure école de solidarité, +d'énergie et de patriotisme.</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/021a.png"><br><b>Le mouillage de mines à bord d'un des nouveaux navires +spéciaux de la marine militaire française: <i>Cerbère</i> et <i>Pluton</i></b></p> + +<p>Ces navires, qui ont extérieurement 1 aspect paisible ri un chalutier, +cachent dans leurs flancs une infernale cargaison: 120 mines flottantes +placées sur des voies, avec garages et aiguilles sont poussées à bras +d'homme jusqu'à l'arrière, où par un sabord, elles sont jetées à la mer, +à intervalles réguliers, sur la ligne de défense préalablement +déterminée,--Ces navires peuvent être obligés de relever les mines +qu'ils ont mouillées ou celles de l'ennemi; à cet effet, ils sont munis +des tourets et des treuils nécessaires à cette opération.--Tous les +logements d'officiers sont à l'avant.</p> + +<p>Au cours de la guerre russo-japonaise, la mine sous-marine, qu'on +appelle aussi torpille de blocus, a joué un rôle des plus importants. +C'est un de ces engins semé par un torpilleur japonais qui amena la +destruction complète et instantanée, à quelques milles de Port-Arthur, +du grand cuirassé russe <i>Pétropawlosk</i>. A son bord se trouvait l'amiral +Makharof, espoir de la marine russe, qui périt dans cette catastrophe. +Un autre navire russe, l'<i>Ienisseï</i>, un cuirassé et deux croiseurs +cuirassés japonais, <i>Fuji, Yoshino et Nishio</i>, sombrèrent également, +crevés par l'explosion d'une mine sous-marine.</p> + +<p>Les leçons de toute nature qu'a fournies cette guerre ont été +soigneusement mises à profit par toutes les nations, mais on s'est +préoccupé, plus spécialement peut-être, de préparer l'emploi intensif +dans lès guerres navales futures, de ces engins. En fait, la torpille de +blocus se compose actuellement de:</p> + +<p>1° Un récipient contenant à la fois la charge d'explosif destinée à +crever la coque du navire qui le heurtera, et le système d'inflammation +de cette charge. Celui-ci, variable suivant les modèles adoptés, +consiste le plus souvent en une lourde boule métallique placée dans une +coupelle. Lorsque le navire vient heurter la torpille, le choc fait +tomber la boule, celle-ci déclanche un percuteur qui détermine +l'explosion de la charge.</p> + +<p>2° Un système d'ancrage assez compliqué qui maintient la torpille entre +deux eaux, à une profondeur exactement déterminée, tout en la fixant au +fond de façon définitive par l'intermédiaire d'un cordage. On conçoit +que ces engins mouillés en ligne, à des intervalles assez rapprochés, à +l'entrée des rades, ou en travers des passes qui y conduisent, en +interdiront l'accès aux forces navales qui essaieraient d'y pénétrer, à +moins que ces forces ne soient précédées de navires de petites +dimensions et munis d'un matériel qui leur permettra de déblayer le +chemin en draguant les mines et en les faisant exploser.</p> + +<p>Pour effectuer ces opérations de mouillage, et aussi de dragage, des +mines sous-marines, on a été conduit dans toutes les marines à +construire des bâtiments spécialement étudiés, et outillés.</p> + +<p>La marine française ne possédait jusqu'à présent pour ce genre de +service, que des contre-torpilleurs et deux petits croiseurs installés à +faux frais et ne convenant par conséquent qu'à moitié au métier qu'on +leur demandait. En réalité, nous manquions de ce matériel reconnu +nécessaire. Cette lacune va être comblée. Le <i>Cerbère</i>, actuellement en +achèvement à Cherbourg, et le <i>Pluton</i>, construit aux Chantiers Normand +du Havre et mis à l'eau le 10 mars, sont deux navires de 600 tonnes dont +les plans sont dus à l'ingénieur en chef des constructions navales +Ferrand. On leur a donné des formes de chalutiers afin de tromper par +leur apparence la surveillance de l'ennemi. Ils marcheront 20 noeuds et +porteront chacun un approvisionnement de 120 torpilles, placées sur des +rails longitudinaux, comme le montre notre dessin.</p> + +<p>Si ce type de mouilleurs de mines donne satisfaction, il sera reproduit +au nombre d'exemplaires nécessaire pour assurer dans nos escadres du +Nord et du Midi ce service si important.</p> +<br><br> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/021b.png"><br><b>L'aviateur Perreyon au moment de son départ pour le +record de l'altitude.</b></p> + +<h3>UN AVIATEUR A 6.000 MÈTRES</h3> + +<p>Le record de l'altitude, porté à 5.600 mètres par Garros, au mois de +décembre dernier, vient d'être battu par l'aviateur Edmond Perreyon qui, +parti de l'aérodrome de Buc, s'est élevé, en moins d'une heure, à 6.000 +mètres.</p> + +<p>Assez peu connu du grand public, l'auteur de cette prouesse est +considéré, dans les milieux sportifs, comme un de nos plus brillants +pilotes aériens. Chef pilote de l'école Blériot, chargé d'essayer les +appareils et d'en diriger la mise au point, il montre, presque chaque +jour, autant d'audace et de maîtrise que les plus réputés parmi les +aviateurs.</p> +<br><br> + +<h3>UN ATTELAGE DE POLICEMEN</h3> + +<p>L'ouverture solennelle du Parlement britannique a été marquée par un +incident que la presse londonienne commente avec un humour qui trouvera +son écho à Berlin,</p> + +<p>Le corps diplomatique se rendait à Westminster en carrosses de gala, +quand une batterie du Royal Horse Artillery, postée dans le parc de +Saint-James, tira le premier coup de la salve réglementaire.</p> + +<p>Les attelages des divers ambassadeurs dressèrent bien l'oreille, mais ne +bronchèrent pas. Il n'en fut pas ainsi des chevaux de l'ambassadeur +d'Allemagne. Affolés par le fracas de la détonation, ils se sabrèrent, +et, malgré tous les efforts du cocher et des valets, rompirent leurs +harnais et brisèrent les brancards.</p> + +<p>On put les maîtriser à temps, au moment où ils devenaient un danger pour +la foule massée sur les trottoirs, et des policemen furent requis de +traîner le carrosse jusqu'à la Chambre des lords.</p> + +<p>Esclaves de la discipline, ils consentirent volontiers à traîner +l'ambassadeur; mais les valets en pompeux uniforme durent suivre à pied.</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/021c.png"><br><b>Le carrosse de l'ambassadeur d'Allemagne à Londres traîné +par des policemen.</b></p> + +<br><br> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/022small.png"><br><a href="images/022large.png">(Agrandissement)</a></p> + +<br><br> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/supp1.png"><br> +Note du transcripteur: Les suppléments mentionnés<br>en titre ne nous ont pas été fournis. + + + +<br><br> +</div> + + + + + + + + + +<pre> + + + + + +End of Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3655, 15 Mars 1913, by Various + +*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3655, 15 *** + +***** This file should be named 37799-h.htm or 37799-h.zip ***** +This and all associated files of various formats will be found in: + http://www.gutenberg.org/3/7/7/9/37799/ + +Produced by Jeroen Hellingman et Rénald Lévesque + +Updated editions will replace the previous one--the old editions +will be renamed. + +Creating the works from public domain print editions means that no +one owns a United States copyright in these works, so the Foundation +(and you!) can copy and distribute it in the United States without +permission and without paying copyright royalties. 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It exists +because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from +people in all walks of life. + +Volunteers and financial support to provide volunteers with the +assistance they need, are critical to reaching Project Gutenberg-tm's +goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will +remain freely available for generations to come. In 2001, the Project +Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure +and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations. +To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation +and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 +and the Foundation web page at http://www.pglaf.org. + + +Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive +Foundation + +The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit +501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the +state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal +Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification +number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at +http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg +Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent +permitted by U.S. federal laws and your state's laws. + +The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S. +Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered +throughout numerous locations. Its business office is located at +809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email +business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact +information can be found at the Foundation's web site and official +page at http://pglaf.org + +For additional contact information: + Dr. Gregory B. Newby + Chief Executive and Director + gbnewby@pglaf.org + + +Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg +Literary Archive Foundation + +Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide +spread public support and donations to carry out its mission of +increasing the number of public domain and licensed works that can be +freely distributed in machine readable form accessible by the widest +array of equipment including outdated equipment. Many small donations +($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt +status with the IRS. + +The Foundation is committed to complying with the laws regulating +charities and charitable donations in all 50 states of the United +States. 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Thus, we do not necessarily +keep eBooks in compliance with any particular paper edition. + + +Most people start at our Web site which has the main PG search facility: + + http://www.gutenberg.org + +This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, +including how to make donations to the Project Gutenberg Literary +Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to +subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. + + +</pre> + +</body> +</html> + diff --git a/37799-h/images/000large.png b/37799-h/images/000large.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..8d381e7 --- /dev/null +++ b/37799-h/images/000large.png diff --git a/37799-h/images/000small.png b/37799-h/images/000small.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..aa55909 --- /dev/null +++ b/37799-h/images/000small.png diff --git a/37799-h/images/001.png b/37799-h/images/001.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..266e815 --- /dev/null +++ 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