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| author | Roger Frank <rfrank@pglaf.org> | 2025-10-14 20:08:59 -0700 |
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You may copy it, give it away or +re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included +with this eBook or online at www.gutenberg.org + + +Title: L'Illustration, No. 3657, 29 Mars 1913 + +Author: Various + +Release Date: October 29, 2011 [EBook #37874] + +Language: French + +Character set encoding: ISO-8859-1 + +*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3657, 29 *** + + + + +Produced by Jeroen Hellingman et Rénald Lévesque + + + + + + +L'Illustration, No. 3657, 29 Mars 1913 + +AVEC CE NUMÉRO +LES ANGES GARDIENS +Roman par MARCEL PRÉVOST +TROISIÈME PARTIE +et une gravure hors texte +LE PRINTEMPS, par ROSALBA CARRIERA +(Phot. Braun et Cie.) + + +LA REVUE COMIQUE, par Henriot. + + + + + + +Ce numéro comprend, dans ses VINGT-QUATRE PAGES, UNE GRAVURE EN +TAILLE-DOUCE remmargée avec feuille de garde. Il est accompagné de LA +PETITE ILLUSTRATION, Série-Roman n° 3, contenant la troisième partie du +roman de M. Marcel Prévost: Les Anges gardiens. + + + +[Illustration: L'ILLUSTRATION _Prix du Numéro: Un Franc._ SAMEDI 29 MARS +1913 _71e Année.--No. 3657._] + + + +[Illustration: LE SERMENT DU NOUVEAU ROI DES HELLÈNES Au Parlement +d'Athènes, entouré de la famille royale, du haut clergé et des +ministres, le vainqueur de Salonique et de Janina jure fidélité à la +Constitution.--_Voir l'article, page 284._] + + + +COURRIER DE PARIS + +LE PRINTEMPS + +Il y a, dans nos idées et dans nos sentiments, une périodicité +merveilleuse et fatale créée par les saisons. Chacune d'elles, à époque +fixe, ramène des pensées pareilles dont nous ne pouvons pas plus nous +défendre que l'arbre de ses bourgeons. Nous ne sommes pas maîtres de la +circulation de nos sèves. Dès la fin de mars, des feuilles sont en nous +qui veulent pointer et sortir. Et c'est pourquoi, tous les ans, nous +nous étonnons, avec une naïveté qui jamais ne s'épuise, d'éprouver la +même impression singulière en lisant un jour sur le calendrier ces deux +brusques syllabes: Printemps. Elles éclatent comme une coque. + +Et, aussitôt, nous voilà pensifs, inquiets, tristes et gais tour à tour. +Printemps... Le passé nous fait regarder en arrière. Printemps... +L'avenir, au fond de ses bois, sonne du cor. Printemps... Que va-t-il +arriver? Qu'est-ce qui se prépare en nous et hors de nous? Des bonheurs +sont cachés qui nous guettent dans les buissons plus serrés. Il y a +quelqu'un d'attendu. D'où vient ce vent frais et léger, cet air vif qui +prépare et semble apporter déjà l'hirondelle? Entre les pleurs des +souriantes giboulées, le ciel montre un bleu de myosotis, et le nuage +animé court avec une hâte aimable comme pour nous dire de là-haut: «Je +ne fais que traverser. Je ne reste pas.» Le soleil, jusque-là si retiré, +si pâle et si déteint, nous pose tout à coup des pointes de feu qui nous +brûlent, et son éclat aveuglant devient insoutenable dans le miroir des +flaques de soufre laissées à terre par la récente averse. Ah! Printemps! +Printemps! Que me veux-tu donc? Pourquoi reviens-tu, tout seul jeune et +seul toujours pareil, seul ne bougeant pas, quand l'homme, en dépit des +fausses joies, des illusions d'une minute et des ardeurs d'une seconde +que tu lui rends, change et vieillit davantage à chacun de tes insolents +retours et cesse de plus en plus d'être printanier? Pourquoi lui +remets-tu à l'esprit et au coeur des désirs oubliés dont il n'a plus +l'orgueil, et des espoirs décevants dont tu n'es pas capable toi-même, +avec toutes tes excitations, d'assurer la suite? Est-ce pour le narguer? +le faire souffrir? Quel est ton but et ton calcul? Consoles-tu? +Désoles-tu? Parle, allons? Explique-toi. Abats ton jeu. Dis ce que +signifient tes sautes d'humeur et de vent, tes câlineries et tes +rudesses, ton âpre bise et tes tièdes rayons, tes douches de chaleur et +de froid, tes précoces maturités et tes gelées soudaines, ton +arc-en-ciel mal essuyé et tes aigres tempêtes... ta grâce féminine et +ton affreux caractère? + +Car tu n'es pas du tout ce que le prétend et l'a indument établi la +molle légende; tu n'as rien de l'époque vaporeuse et suave que proclame +la poésie et qu'ont célébrée les chansons des Musettes. Tu t'écartes de +plus en plus de ta réputation romantique. Tu restes aigu, difficile. Et +je t'en loue, ô printemps! je t'en félicite! Combien tu me plais, saison +dangereuse, dans ta virginale et dure vérité! Tu as la rustique saveur +qui fouette et tonifie. Tes eaux semblent plus froides que celles de +l'hiver, tu maltraites la peau, tu poivres les yeux comme à l'automne, +tu pousses l'homme imprudent à se découvrir trop tôt pour te donner la +joie taquine de l'enrhumer, tu es perfide, vinaigrée, infernale de +malice et de ruse. On ne sait jamais avec toi de quel pied partir et sur +lequel danser. Tu ris, tu pleures, tu te fâches, tu boudes, tu vous +donnes un baiser... et une claque. Ton feuillage lui-même est d'un éclat +trop neuf qui manque d'habitude et qui paraît toujours prématuré. Tout +chez toi offre une acidité irritante et qui picote. Mais aussi quel ton! +quel montant! Quand on consent à te voir et à t'accepter telle que tu +es, dans ta résistante sauvagerie, tu procures d'inoubliables joies qui +ne s'attaquent pas à tous. + + * + * * + +Pour bien te goûter, printemps, et comme tu le mérites, il est +indispensable, d'abord, d'avoir fait ses classes, d'avoir parlé latin et +su trois mots de grec, et d'avoir feuilleté Ovide, Théocrite et Virgile, +et récité par coeur cinq petits vers d'Horace,... car devant plus d'un +rameau d'avril dressé comme le bras de la nymphe qui va être prise, et +au bout duquel jaillissent des glaives de verdure à la place des doigts, +il est impossible de ne pas se rappeler avec ravissement certains +passages des _Métamorphoses_. Le printemps est la saison mythologique de +l'année. + +Et pour te bien comprendre et te pénétrer encore, printemps, il sera +nécessaire d'avoir l'âme un peu Renaissance, d'avoir aimé l'Astrée, les +tapisseries bleues où il ne fait pas très chaud, les roseaux courbés par +Éole, la coiffe de la Dame gonflée par le vent de la tour, et la rosée +du matin sur les étriers, et les jardins plats et frisquets du temps des +Valois où s'inspirait Ronsard. + +Et ce n'est pas tout. Pour te garder, printemps, un souvenir fidèle et +qui jamais ne s'use, et qui, au contraire, se fasse plus tendre et plus +amoureux, il faut que très petit enfant, à l'âge où nous sont révélées +les divines beautés de la nature et des choses humaines, nous t'ayons +découvert non pas dans les villes, mais loin d'elles, à la campagne... +oui... que ce soit sous un arbre en train de déplier les papillotes de +ses feuilles, près d'une tige onglée de vert, les pieds dans l'herbe +humide et au chant d'un pinson, que nous ayons, pour la première fois, +salué ton arrivée et reçu ton bonjour guilleret. + +Si nous avons eu ce bonheur, jamais en nous tu ne passeras. Tu nous +auras marqués pour toujours; nous resterons baptisés de ton charme et +parfumés de ton jeune lilas. Chaque année la vie, un instant, +recommencera pour nous à partir de la minute où nous avons fait +connaissance. Dans l'âge mûr et jusque dans la vieillesse, tu nous +ramèneras à l'entrée du jardin, en nous rendant l'odorat délicieux que +nous avions alors sous l'étourdissement de la première rose. + + * + * * + +Mais, malgré tout, quel que soit le jour, le lieu, l'instant où nous +t'avons appris, tu nous fais plaisir quand tu reviens, et l'on +t'embrasse sur les joues de celles qui sont _toi_, ton image vivante, le +printemps fait femme. Il t'arrive de nous attrister, de nous remplir de +regrets, nous ne t'en voulons pas. Nous te pardonnons la peine que tu +nous causes parce que tu nous émeus, que jamais tu ne nous laisses +indifférents. Nous ne te prenons pas au mot, nous sommes trop sages pour +cela, nous savons bien que tu n'apportes rien de plus à chacun de nous, +que tu ne lui donnes que ce qu'il a, c'est-à-dire le peu, le rien qu'il +a pu garder,... et que le printemps du voisin n'est pas le mien,... +cependant nous te sommes reconnaissants de nous faire croire, sans que +nous soyons dupes, de nous aider à être en quelque sorte les +illusionnistes volontaires de nous-mêmes. Tu séduis en effet notre +clairvoyance sans la troubler et tu fais de nous des chimériques d'un +moment, conscients et désolés,--et tout de même joyeux! Tu nous grises, +tu nous ressuscites, Lazares d'une aurore qui n'ignorons pas qu'avant le +soir le linceul nous rhabillera. Ainsi, quoique tu n'opères en nous +aucun gracieux changement, que tu accentues comme exprès le triste +acquis et les stigmates des années, que tu ne sois pas capable de nous +ôter une ride ni de blondir un seul de nos cheveux blanchis, tu nous +rajeunis quand même... oui... par le regret, par l'inutile et déchirant +désir, par la douleur de l'irréparable, par le mirage des amours +passées, par les fantasmagories de l'évocation, par les sourires et par +les pleurs que tu nous arraches, par le désespoir de notre tendresse +devenue plus ardente et plus riche, par la beauté de souffrance que tu +développes, par tout cela, printemps, tu nous fais jeunes, jeunes, +jeunes comme jamais nous ne l'avons été, comme nous ne l'étions pas +quand nous avions l'âge de l'être, et que nous respirions nos vingt ans, +sans savoir. A présent nous savons, nous sommes renseignés, mais nous +n'avons plus les splendeurs de notre adorable ignorance. Du moins +meurtris, frappés, privés chaque jour davantage, nous nous faisons de +tous nos plus chers souvenirs--auxquels, parfois, viennent s'en ajouter +de précieux encore--nous nous faisons en nous-mêmes un printemps, un +printemps intérieur, un printemps secret qui ne se voit pas du dehors, +pareil à ces petits jardins des châteaux en ruines, cachés derrière des +remparts. Et quand revient chaque année le printemps de tous, +l'universel, il nous invite à descendre nous promener dans ces allées +intimes, dans ces bosquets du coeur où brille un soleil plus chaud que +le vrai, où les fleurs jamais ne se fanent, où le ciel est d'un bleu que +je ne peux dire... + +HENRI LAVEDAN. + +_(Reproduction et traduction réservées.)_ + + + +LE NOUVEAU MINISTÈRE + +C'est dans la soirée de mardi que le ministère Briand, mis en minorité +au Sénat sur la question de la représentation proportionnelle, dut +remettre sa démission au président de la République. Le surlendemain, +jeudi, après les consultations d'usage, M. Poincaré a confié à M. Louis +Barthou, garde des Sceaux et vice-président du cabinet démissionnaire, +le soin de former le nouveau ministère qui a été définitivement +constitué vendredi soir à 11 heures. La crise aura donc été rapidement +et facilement résolue. Huit des ministres ou sous-secrétaires d'État du +précédent cabinet sont d'ailleurs demeurés dans le ministère actuel, qui +comprend douze députés et quatre sénateurs. En prenant la présidence du +Conseil, M. Louis Barthou s'est réservé le portefeuille de l'Instruction +publique. Les ministres de la défense nationale, MM. Étienne (Guerre) et +Pierre Baudin (Marine), conservent leurs hautes responsabilités. M. +Stéphen Pichon revient au quai d'Orsay, où il fit précédemment, et avec +distinction, un long séjour. M. Klotz passe des Finances à l'Intérieur. + +Les autres membres du nouveau cabinet sont: MM. Antony Ratier (Justice), +Charles Dumont (Finances), Jean Morel (Colonies), Alfred Massé (Commerce +et Postes et Télégraphes), Joseph Thierry (Travaux publics), Clémentel +(Agriculture), Henri Chéron (Travail), Paul Morel (sous-secrétariat de +l'Intérieur), Paul Bourély (sous-secrétariat des Finances), Léon Bérard +(sous-secrétariat des Beaux-Arts). Pour M. Anatole de Monzie, enfin, est +créé un sous-secrétariat de la Marine marchande. Cette création enlève +une direction importante au ministère du Commerce, auquel, en +compensation, on a rendu les Postes et Télégraphes. D'où la suppression +du sous-secrétariat que M. Chaumet dirigeait depuis plusieurs années +avec une active compétence. + +[Illustration: M. Ch. Dumont. M. St. Pichon. M. Ratier. M. L. Barthou, +M. P. Baudin. M. Klotz. M. Clémentel. M. Étienne. M. J. Thierry. M. +Massé. M. J. Morel. M. H. Chéron. (Finances.) (Aff. étrangères.) +(Justice.) Président du Conseil (I. P.) (Marine.) (Intérieur.) +(Agriculture.) (Guerre.) (Travaux publics.) (Commerce.) (Colonies.) +(Travail.) Le nouveau ministère, présidé par M. Louis Barthou.] + +En se présentant, ainsi constitué, devant la Chambre, mardi dernier, le +nouveau conseil des ministres, par la voix de son président, a déclaré +avant tout faire sien le projet de loi, déposé par le précédent cabinet, +et qui porte à trois ans la durée du service militaire égal pour tous. +En ce qui concerne la réforme électorale, il s'est affirmé favorable à +une transaction. + +Immédiatement interpellé par MM. Franklin-Bouillon et Maurice Viollette +sur la composition du ministère et la politique qu'il entend suivre, le +président du Conseil a obtenu de la Chambre, par 222 voix contre 162, +avec 164 abstentions, un premier vote favorable. + + + +«LE SECRET» + +Toute la presse a salué de ses enthousiastes éloges la belle oeuvre que +M. Henry Bernstein vient de faire représenter au théâtre des +Bouffes-Parisiens et, depuis, le public a ratifié et confirmé cet +éclatant succès. On a constaté que l'auteur de _la Rafale_ et de +_l'Assaut_, après avoir passé du drame de situation au drame social, en +était arrivé, avec _le Secret_, au drame de caractère, et' qu'il lui +avait, d'emblée, donné une vie extraordinaire. Pourtant c'était +assurément au caractère et, du même coup, au sujet théâtralement les +plus dangereux que M. Bernstein s'était attaqué là. + +Aux époques de notre littérature où l'on intitulait des pièces _le +Menteur, l'Avare, l'Étourdi_, et où l'on faisait tourner leurs trois +actes ou leurs cinq actes autour d'un personnage, on aurait donné pour +titre à une telle oeuvre: _la Méchante_; mais ce titre eût été lui-même +aussi «ingrat» que le sujet et que le personnage qu'il désignait. + +Tandis que M. Henry Bernstein a préparé, noué et développé son intrigue +avec une telle habileté, présenté, fouillé, éclairé ses caractères avec +une si sûre intuition, une si franche maîtrise, qu'il se trouve avoir +accru son succès des difficultés mêmes de l'entreprise. + +[Illustration: M. Claude Garry (Constant Jeannelot). M. Victor Boucher +(Denis Le Guenn). LE SECRET.--Après la révélation.--_Dessin de J. +SIMONT._] + +[Illustration: Mme Simone (Claire Jeannelot). Mlle Madeleine Lély +(Henriette Hozleur). LE SECRET.--Après l'aveu de l'amie +perfide.--_Dessin de J. SIMONT._] + +Le caractère qui domine, en cette pièce, tous les autres et dont les +manifestations ont leur répercussion sur l'existence des êtres proches, +est donc celui d'une femme méchante, spontanément et foncièrement +méchante, envieuse, jalouse de tout bonheur dont elle n'est pas la +bénéficiaire ou la dispensatrice, mais non toutefois dénuée +d'aspirations nobles, capable de remords et même d'amour vrai. Cette +méchanceté est d'ailleurs subtilement dissimulée; c'est le «secret» de +cette âme... Auprès de cette jeune femme, Claire Jeannelot, aimée et +amoureuse de son mari, vit sa meilleure amie, une jeune veuve, Henriette +Hozleur, qui a aussi son «secret», mais qui est un secret de fait: +confiante en la parole de l'élégant Charlie Punta-Tulli, elle s'est +donnée à lui, au début de son veuvage, et la rupture est survenue. +Maintenant Henriette épouse le timide et délicat Denis Le Guenn et la +félicité des deux époux serait parfaite si Charlie Punta-Tulli ne +réapparaissait. Voilà le secret d'Henriette révélé: son union avec Le +Guenn va être rompue et ce sera un atroce déchirement. Or, ce n'est +point le hasard qui commit ces cruautés réitérées, et la découverte de +la faute d'Henriette fait par conséquence dévoiler la méchanceté innée +de Claire. Claire implore d'abord le pardon d'Henriette, puis se +confesse à son mari en sanglotant, et, par cet aveu et par ces pleurs +sincères, la monstrueuse créature nous devient presque pitoyable. Et le +triste Le Guenn est obligé de convenir que l'infortune de Jeannelot +égale si elle ne dépasse la sienne. Pour l'un comme pour l'autre +d'ailleurs le temps apaisera ces douleurs. + +Les interprètes des quatre principaux rôles, Mme Simone, Mlle Lély, MM. +Garry et Boucher, ont contribué à l'incroyable impression de vie +profonde, intense qui émane de cette pièce. On les a acclamés. + +[Illustration: LE NOUVEAU CYRANO.--M. Le Bargy dans son costume du +premier acte.--_Photo-Couleurs._] + +Svelte, cambrant sur deux jambes maigres un corps nerveux mais souple, +le regard franc et ardent, la moustache et la barbiche en bataille, le +visage enlaidi seulement par le nez «cyranesque», tel apparaît d'abord +le nouvel interprète de la comédie héroïque de M. Edmond Rostand sur la +scène de la Porte-Saint-Martin. + +M. Le Bargy étant le seul artiste qui ait pu, depuis la mort de +Coquelin, interpréter à Paris ce rôle éclatant et formidable, +personnifier le désormais immortel Cyrano il était inévitable qu'on le +confrontât avec la vision laissée par le «créateur» du rôle. Or, cette +dissemblance que le physique accuse, dès le premier regard, entre les +deux interprètes est celle même de l'esprit et de l'exécution des deux +interprétations. Moins de volume et d'abondance sonore chez M. Le Bargy +que chez M. Coquelin; mais, sans doute, chez M. Le Bargy, plus de +profondeur dans la tendresse et dans l'amour, de hauteur dans la +bravoure et dans la fierté. Ainsi connaît-on maintenant par lui, sous un +aspect nouveau, un peu différent et non moins juste, ce type admirable +de Français vaillant, généreux et spirituel qui se révéla il y a quinze +ans à peine sur cette même scène de la Porte-Saint-Martin et qui a déjà +pris sa place dans la galerie des héros dont s'honorent les littératures +de tous les pays et de toutes les époques. + + + +[Illustration: Vue générale d'Okrida.] + +AU COEUR DE L'ALBANIE + +NOTES DE VOYAGE D'UN JOURNALISTE AMÉRICAIN + +PUBLIÉES PAR ARRANGEMENT SPÉCIAL AVEC «THE CHICAGO DAILY NEWS» + +_Envoyé sur le théâtre de la guerre, du côté bulgare, par son journal_ +The Chicago Daily News, _M. Paul Scott Mowrer eut la bonne fortune, au +moment où se concluait l'armistice, de se voir confier, par le ministre +de l'Intérieur, au professeur Constantin Stephanof, de l'Université de +Sofia, chargé de lui servir d'interprète et aussi de veiller sur lui, +d'être son guide et son garant. Sous la conduite de ce cicérone, +charmant compagnon de route, le journaliste américain fut autorisé à +visiter les positions d'Andrinople et celles de Tchataldja. Puis, par +chemin de fer, il traversa toute la contrée, de Dimotika et de +Dedeagatch à Salonique, pour revenir ensuite à Monastir, d'où une +voiture le conduisit, à travers une région montagneuse alors ensevelie +sous la neige, à Chrida, au seuil de l'Albanie. De tout ce voyage, il a +donné à son journal de très vivants et très littéraires récits._ + +_Mais la partie la plus intéressante, peut-être, la plus neuve, du +moins, de toute cette pénible expédition, ce fut la traversée de +l'Albanie qui la couronna. Nous ne croyons pas qu'aucun autre +journaliste ait, depuis le commencement de la guerre, affronté cette +sauvage région, dont le sort, actuellement, prête à tant de rivalités. +Aussi avons-nous jugé intéressant de demander à M. Paul Scott Mowrer de +nous donner un compte rendu de son raid courageux. Voici la première +partie de son récit:_ + +SERBES CONTRE BULGARES + +[Illustration: La famille du Bulgare Manef, le principal citoyen +d'Okrida.] + +Un doute amer, qui peut, dans l'avenir, être pour les puissances +chargées du règlement de la question d'Orient, l'occasion de graves +inquiétudes, ronge le coeur des Slaves établis dans la région d'Okrida. +Seront-ils, désormais, Serbes ou Bulgares? Les territoires qu'ils +occupent sont devenus virtuellement le champ d'action de l'armée serbe, +et ont tous été occupés par elle. Les envahisseurs n'hésitent pas à +déclarer qu'ils sont bien résolus à demeurer là où ils sont. A leurs +yeux, en effet, la population entière de la région est serbe d'origine. +Pourtant, quand on se renseigne auprès des gens eux-mêmes du pays, à peu +d'exceptions près, ils se considèrent résolument comme des Bulgares, et +quoique leur loyauté envers le pacte d'alliance ait prévenu tout acte +d'hostilité ouverte, on sent entre les indigènes et les conquérants un +courant profond d'opposition qui laisse redouter que quelque malaise +persiste après la paix prochaine. + +[Illustration: Une rue d'Okrida.] + +--Nous avons beaucoup souffert, me répétaient à l'envi les gens de la +ville; mais, au milieu de nos souffrances, notre seul espoir était que +nous serions un jour réunis à la Bulgarie, notre patrie. Si la +conférence des puissances devait donner à la Serbie notre pays et nos +foyers, ce serait pour nous le dernier coup. Nous n'aurions plus qu'une +ressource: émigrer. + +--Ou encore, ajoutaient certains des plus exaltés, nous battre! + +Okrida, en effet, loin d'être Albanaise, comme le prétendent un certain +nombre de politiciens albanais qui vivent au dehors, était un centre +ancien de culture slave. Que cette culture fût plus particulièrement +serbe ou bulgare, c'est aux historiens d'en décider. Mais, dans le temps +présent, il n'est pas douteux, en dépit des efforts que fout les Serbes +pour dissimuler les faits, que l'immense majorité des habitants parlent +la variante bulgare de la langue slavonne et qu'ouvertement leur +fidélité, leur «allégeance», va au roi Ferdinand. + +Il est assez curieux de constater, en passant, que le jour où vraiment +nous avons été frappés de cet antagonisme de races fut le jour d'une +pittoresque fête religieuse, observée de concert par les deux branches +de la famille slave des Balkans. La principale cérémonie de cette +solennité avait lieu sur les rives du lac, où de rudes gars attendaient, +en chemise et culottes, pour plonger à la poursuite d'une petite croix +d'or que l'évêque devait tout à l'heure jeter dans les flots sombres et +cinglants. Afin de mieux suivre la scène, nous nous étions fait conduire +à la maison d'un pêcheur située tout au bord de l'eau. De la fenêtre, +nous voyions le plongeur victorieux barboter, frissonnant, vers la rive +et courir à travers la foule en présentant, à droite et à gauche, la +croix aux baisers. Et quand tout fut fini, que la femme du pêcheur nous +eut offert, sur un plateau, des confiseries et des liqueurs, notre hôte +lui-même, très nerveux, s'approcha silencieusement du divan où était +assis mon compagnon, le professeur Stephanof, de l'Université de Sofia, +et, à mi-voix, du ton grave d'un homme qui pose une question de vie ou +de mort, il demanda: + +--Et, dites-moi, comment cela va-t-il, à Sofia? Ils ne vont pas nous +trahir avec les Serbes? Nous ont-ils oubliés? + +Un peu plus tard, comme nous nous en revenions par d'étroites et +tortueuses ruelles, vers la maison du Bulgare Manef, le principal +citoyen de la ville, de qui nous étions les hôtes, nous fûmes rejoints +par un ancien _comitadji_, Tchoulef, dont les Serbes avaient fait le +chef de la police. Il faut dire ici que l'une des légères différences +qui distinguent la langue serbe de la bulgare est que les noms +patronymiques serbes se terminent en _itch_ tandis que leur désinence, +en bulgare, est en _ef_ ou _of_, ces deux terminaisons ayant d'ailleurs +le même sens: «fils de». Or, Tchoulef, après nous avoir entretenus de +l'inquiétude du pêcheur, nous dit: + +--Les Serbes refusent absolument de nous appeler par nos vrais noms. +Ainsi, ils appellent mon ami Manef «Manovitch», et je puis vous montrer +le papier qui me nomme chef de la police et où je suis appelé «Petre +Tchoulevitch». Ils sont enragés pour nous changer en Serbes coûte que +coûte. + +Chez Manef, on avait servi en notre honneur du thé, du café, et nous +demeurâmes là à fumer des cigarettes, jusqu'à l'heure où nous devions +aller présenter nos devoirs à l'évêque bulgare d'Okrida. Cet accueillant +dignitaire de l'Église nous attendait, siégeant en grande cérémonie dans +la salle de réception de sa maison, ses doigts jouant indolemment avec +les pierreries d'un long et magnifique chapelet d'améthystes. Après que +nous eûmes échangé les habituelles salutations, on apporta le café +traditionnel et les cigarettes; alors l'évêque observa sur un ton calme +et digne: + +--Les Serbes, ici, sont un peu enclins à marcher sur les pieds de nos +compatriotes. C'est ainsi qu'ils ont débaptisé toutes les rues; mais, au +lieu de leur redonner des noms des saints slavons d'autrefois, ou des +héros qui vécurent en ce pays aux temps jadis, ils ont préféré y honorer +les noms de Serbes assez mal réputés, chefs de bandes et _outlaws_. Je +crains qu'ils n'aient adopté une mauvaise politique. + +Plus tard, quand des serviteurs eurent fait circuler sur des plateaux +diverses douceurs, des sucreries et de savoureuses liqueurs distillées +dans les monastères, le prélat ajoutait: + +--Ils ont pris les pupitres des écoles bulgares et les ont expédiés en +Serbie. Et je puis vous montrer une bien curieuse lettre, si vous voulez +prendre la peine de la voir. + +[Illustration: Le comitadji Tchoulef, devenu chef de la police +d'Okrida.] + +L'évêque sonna. Son secrétaire, sur sa demande, lui apporta la lettre en +question. C'était un ordre du commandant serbe notifiant au prélat +d'avoir à mentionner dorénavant, dans les prières de l'Église, +exclusivement le nom du roi Pierre et celui du prince héritier de +Serbie. + +--Jusque-là, expliqua l'évêque, j'avais toujours nommé, dans mes +prières, les rois et les familles royales des différents pays alliés, et +je fus donc très surpris en recevant ce message. J'y répondis que je ne +pouvais faire ce dont j'étais requis, mais que j'aurais plaisir à nommer +d'abord le roi Pierre, puis les autres monarques alliés, en prononçant +le nom du roi Ferdinand le dernier. Moins de deux jours après, je +recevais une seconde lettre me demandant de renvoyer la première, celle +dans laquelle le commandant serbe m'adressait son extraordinaire +demande. A quoi je répondis que je serais heureux de fournir à cet +officier une copie du document qu'il me réclamait, mais qu'il était hors +de doute qu'une lettre, une fois remise à son destinataire, devenait la +propriété de celui-ci et cessait d'appartenir à son expéditeur, et que, +par conséquent, je me considérais comme obligé de conserver l'original. + +Ce même soir, comme nous faisions une petite promenade d'adieu par les +rues, nous rencontrâmes un lieutenant serbe avec lequel nous avions +antérieurement noué des relations d'amitié. Je le questionnai, en +passant, sur cette division de la population en deux camps. + +--Oh! dit-il, avec un bref rire, vous ne pouvez rien imaginer de plus +confus. Dans cette seule ville, il y a une demi-douzaine d'écoles +serbes, quatre ou cinq écoles bulgares, une couple d'écoles grecques et +enfin une école valaque ou roumaine. Cependant, chacune de ces +nationalités se prétend supérieure en nombre à toutes les autres +réunies! + +En dernier lieu, je résolus de me livrer à une petite enquête. Elle me +démontra que, quoi que le lieutenant pût penser, les écoles d'Okrida +étaient à ce moment ainsi réparties: huit bulgares, une grecque, une +valaque et une serbe, celle-ci n'ayant d'ailleurs que trois élèves. + +Il n'est pas douteux que l'excès de patriotisme stimule beaucoup +l'imagination (1). + +[Note 1: Je viens d'être avisé que le _comitadji_ Tchoulef est allé +récemment passer deux jours à Sofia. Il y a appris à M. Stephanof, mon +compagnon de voyage, que, le lendemain même de notre départ, son ami +Manef avait été arrêté et emprisonné par les Serbes, en punition de ce +qu'il nous avait donné l'hospitalité.] + +LE PAYS LE PLUS SAUVAGE DE L'EUROPE + +Partout, dans le district d'Okrida, les Serbes sont encore en conflit +avec les Albanais. Quelle que soit la nation qui doive, dans l'avenir, +posséder ce pays, elle y courra le même risque. + +Ces montagnards sauvages, amoureux fervents de la liberté, pour lesquels +la vie d'un homme est moins sacrée que celle d'un chien, pour qui les +idées de famille et de moralité sont si sacrées qu'on les a vus abattre +d'un coup de fusil un étranger coupable d'avoir simplement regardé l'une +de leurs femmes, qui sont aussi parfaitement hospitaliers que l'étaient +les Israélites aux jours de l'Ancien Testament, mais qui n'éprouvent +qu'un vague regret pour avoir tué un hôte sur la route après qu'il a +quitté leur toit, ces hommes de clans, en perpétuelle discorde, risquent +maintenant et risqueront longtemps d'être entraînés à une longue +guérilla contre leurs envahisseurs. + +Encore qu'ils cultivent volontiers un petit lopin de terre auprès de +leurs cabanes, dans leurs aires montagneuses, ils sont avant tout un +peuple pastoral, vivant tout le long de l'année dans les hauteurs, +solitaires et moroses, avec leurs troupeaux de moutons ou de chèvres. +Ils ne savent ni lire ni écrire. Ils ont peu d'histoire et aucune +culture. L'origine de leur race est plus ou moins mystérieuse. Ils sont +dans une aussi complète ignorance du monde extérieur que l'est une tribu +de sauvages africains. Ils savent, en revanche, porter le fusil. Et +maintenant, quand ils sortent de leurs inaccessibles retraites, c'est +presque toujours avec l'intention de surprendre quelque petit +détachement de soldats serbes qu'ils se sentent à même de fusiller dans +quelque défilé, avant que les victimes ainsi guettées aient seulement le +temps d'épauler leurs propres armes. + +[Illustration: L'Albanie centrale, que M. Paul Scott Mowrer a traversée +de Monastir à Durazzo, par Okrida et Elbassan.] + +Okrida n'est pas réellement en Albanie; elle est à l'une des extrémités +de la contrée. Si la ville est aux trois quarts bulgare et si les +paysans de l'Est sont, pour la plupart, bulgares ou serbes, les +montagnards de l'Ouest sont de pure race albanaise--si toutefois une +telle race existe--pâles de teint, hauts, élancés, têtes rondes, les +yeux plutôt bleus ou gris, taciturnes, et aussi solitaires que les +aigles dont ils partagent le royaume. La guerre semble être leur seule +distraction. Les Turcs les craignent et les respectent à ce point qu'ils +leur laissent faire en réalité tout ce qu'il leur plaît, même en deçà de +leurs propres frontières. Ils ne les contraignirent jamais à leur payer +des impôts. Leurs crimes de tous genres demeurèrent impunis. Ils n'ont +pas plus l'idée d'aucune forme de gouvernement que ne l'ont des loups. +La seule chose que les Ottomans aient jamais obtenue d'eux, c'était +qu'ils descendissent, cohortes sans peur, pour se jeter avec une sauvage +bravoure sur les canons et les baïonnettes de l'ennemi. Plus d'un +régiment turc n'a échappé au risque d'être décimé que parce que ses +soldats albanais, tout fiers d'une occasion si belle, avaient été placés +sur le front pour recevoir en pleine tête ou en pleine poitrine la grêle +des boulets serbes. + +Dans une bataille actuelle, en face d'une armée moderne, avançant, comme +font tous les soldats maintenant, en lignes brisées de tirailleurs, +s'abritant derrière chaque saillie du sol et derrière chaque pierre, de +sauvages hordes comme en forment les Albanais auraient peu de chances de +succès. On peut difficilement les contraindre à tirer couchés. Ils +préfèrent se battre en groupes composés d'hommes de la même localité, +chargeant et se précipitant de telle sorte qu'ils forment pour les +tireurs modernes une proie facile. On imaginera quelle est la brutale +férocité de leur attaque quand j'aurai mentionné qu'un jour un soldat +serbe fut trouvé sur le terrain où avait eu lieu une escarmouche, sa +baïonnette enfoncée dans le corps d'un Albanais, lequel, complètement +désarmé, avait néanmoins manoeuvré de façon à prendre le Serbe à la +gorge avec ses dents, et l'avait étranglé d'une fatale étreinte, comme +ferait d'un loup un dogue bien dressé. Mais leur vrai champ d'activité +est la montagne. Là, bondissant de roc en roc, aussi agilement que leurs +propres chèvres, connaissant chaque passe comme chaque sentier, ils sont +capables de tenir un ennemi en haleine pendant un temps indéfini, ainsi +qu'ils font maintenant pour les Serbes, tirant toujours du haut de +quelque escarpement d'où ils dominent leurs adversaires, moins rompus +qu'eux à ces exercices d'escalades. Les Serbes ont occupé avec un plein +succès toutes leurs villes et tous leurs hameaux. Mais ils ne peuvent +pas occuper chaque roc; et c'est pourtant ce que, pratiquement, ils +devraient faire avant que de pouvoir dire qu'ils sont absolument sûrs +que l'Albanie est, soumise. + +Ce pays, le plus sauvage de l'Europe, a longtemps été un gage entre les +mains de l'intrigue étrangère. Il fut un temps, il y a peu d'années, où +chaque hutte albanaise pouvait se vanter de posséder au moins trois +fusils modernes. Ces armes étaient distribuées par les agents des +diverses nations intéressées, chacune ayant en vue d'attirer à sa +propagande l'aide des montagnards. D'abord venait l'agent italien, +plaidant la cause de l'Italie, et laissant un fusil italien. Ensuite +apparaissait l'Autrichien, avec des armes autrichiennes. Les Serbes, à +leur tour, armèrent les Albanais dans l'espérance de les tourner contre +leurs suzerains, les Turcs, cependant que ces derniers les armaient dans +l'espoir qu'ils seraient contre les Serbes les meilleurs des +auxiliaires. + +C'est pourquoi le premier soin des envahisseurs serbes fut de désarmer +la population. Besogne féconde en surprises, car, à côté des armes les +plus perfectionnées, chaque famille avait conservé, de génération en +génération, les fusils à mèches, les fusils à pierres des jours passés, +précieux souvenirs de la valeur des ancêtres! Dans chaque ville de +l'Albanie où nous entrions, nous apercevions d'énormes amas rouillés, +gros comme quatre ou cinq bottes de foin, de ces antiques fusils et +pistolets, tous encore chargés, beaucoup d'entre eux avec la pierre +encore enchâssée dans le chien, prête à enflammer la pincée de poudre +décomposée placée dans le bassinet tout couvert de toiles d'araignées. + +LES SOUPÇONNEUX CONQUÉRANTS + +En raison de cette situation, et bien que la campagne proprement dite +soit virtuellement terminée ici, la discipline appliquée par les Serbes +dans toute la montagne est encore très sévère. Nous en eûmes la brusque +notion le matin qui suivit notre arrivée à Okrida. Notre premier devoir, +naturellement, fut d'aller voir le commandant de la ville et de lui +faire connaître notre présence. Comme nous errions à travers les +vieilles rues tortueuses, bordées de petites boutiques pleines de toutes +sortes de choses bonnes à manger, destinées à être travaillées, ou +portées, nous arrivâmes enfin à l'état-major serbe,--une grande maison à +deux étages antérieurement occupée par un bey albanais, lequel, à +l'arrivée des Serbes, était mort de subite et violente façon. Nous fûmes +introduits dans le grand hall qui toujours divise, de l'avant à +l'arrière, les maisons turques élégantes. Le sous-lieutenant serbe, qui +avait le commandement du convoi qu'à deux reprises nous fûmes obligés de +suivre au cours de notre voyage depuis Monastir, nous accompagnait. Il +voulait, disait-il, parler lui-même pour nous à l'aide-major. + +D'ordinaire, nous n'attendions pas bien longtemps avant d'être reçus par +les officiers du haut commandement, car ils étaient généralement aussi +heureux de nous voir, d'apprendre de nous ce que nous pouvions leur dire +touchant les affaires du dehors que nous pouvions l'être nous-mêmes de +les voir. Mais, ce jour-là, il en fut autrement. Pendant une demi-heure +nous fîmes antichambre. + +Nous commencions à trouver le temps long, quand l'aide-major que nous +attendions, l'air préoccupé, accablé, la mine sombre autant qu'une nuit +d'orage, se rua à travers le corridor qui conduisait au bureau du +commandant. Cependant que nous demeurions stupéfaits, nous demandant ce +que pouvait présager tant de violence, notre sous-lieutenant fit sa +réapparition, ses yeux bleus voilés, les lèvres très pâles, les +pommettes très rouges. Il se tenait à l'écart et semblait embarrassé de +nous connaître,--enfin, un tout autre homme que le brave et gentil +compagnon que nous avions connu jusque-là. Il nous fallut quelque +minutes pour obtenir de lui l'aveu de ce qu'il y avait dans l'air. Il +avait commis une faute impardonnable, semblait-il, en abandonnant un +moment le convoi dont il avait reçu le commandement. Quel droit avait-il +de s'attacher lui-même à nous? Savait-il seulement qui nous étions? Il y +avait cent chances contre une pour que nous fussions des espions +autrichiens, et, dans ce cas, il avait commis une bévue qui pouvait +compromettre l'avenir tout entier de la Serbie! + +Tout cela nous semblait assez bizarre, mais nous apparut plus sérieux en +ce qui concernait le jeune officier. Nos coeurs commençaient à se navrer +à la pensée que nous avions, bien malgré nous, mis dans l'embarras un si +aimable camarade. Un quart d'heure plus tard, pourtant, nous fûmes reçus +par le colonel Ristitch. + +En dix minutes, nous étions devenus les meilleurs amis, échangeant des +confidences, prenant du café, et admirant ensemble la belle collection +d'armes albanaises et turques que possédait le colonel et qu'il avait +arrangées en panoplies au-dessus de son lit de camp. Nous lui +expliquâmes le cas du sous-lieutenant et nous lui arrachâmes la promesse +que, pour cette fois, il serait complètement absous «puisque c'était +nous!» Néanmoins, il demeura de cet incident quelque chose entre nous et +le pauvre sous-lieutenant. J'ai rarement vu un homme aussi effaré. + +Nous dînâmes ce soir-là avec les officiers serbes, dans le hall de la +maison du bey albanais. Tchoulef, le chef de la police, nous avait +donné, en guise de garde du corps, pour la durée de notre séjour, un +très beau révolutionnaire bulgare, avec une moustache blanche et de +sévères yeux bleus. Cet homme, vêtu d'une sorte d'uniforme, portait sur +sa casquette le nombre 1, et il le portait fièrement, car il signifiait, +dans son opinion, qu'il était l'homme le plus utile de la troupe, comme +il en était le plus âgé. Une aveugle fidélité est la qualité maîtresse +du caractère de la plupart des paysans bulgares, et cet homme n'était +pas une exception à la règle. Il avait reçu comme instructions de bien +veiller sur nous. Pour demeurer fidèle à cette consigne, il insista donc +pour entrer avec nous dans la salle à manger, avec son fusil. Il s'assit +sur une estrade surélevée, dans un coin. Et pas un moment, au cours de +cette longue Soirée, il ne nous quitta des yeux. + +[Illustration: Le colonel Ristitch.] + +Les Serbes sont extrêmement sociaux. Ils aiment la bonne chère, la bonne +compagnie «t les bous vins. Il y a, dans la région des Balkans, beaucoup +de tziganes, et, tandis que les Bulgares refusent de les enrôler comme +soldats, les Serbes les acceptent volontiers, dans l'unique but, je +suppose, de leur faire jouer de la musique après dîner. Il n'y a pas un +de ces gars basanés qui ne soit maître sur quelque instrument. Ici, par +exemple, il y en avait deux qui jouaient du violon de façon à vous +échauffer le sang dans les veines, et qui chantaient de si sauvages +chansons slaves ou tziganes, en agitant leurs bras et se frappant l'un +l'autre la tête de leurs tambourins, qu'on en oubliait leurs uniformes +de soldats et que, rêvant, on s'imaginait transporté dans un camp de +nomades, en quelque lointain désert, au milieu de scènes farouches +d'amour passionné et de haine. + +Était-ce l'effet de la musique tzigane, je ne sais, mais, vers le milieu +de la soirée, le vieux policier nous protégeait, de son coin, avec une +si intense fixité, et empoignait d'une telle énergie son arme qu'un +brave lieutenant, qui est, en temps de paix, professeur dans une école +supérieure, à Belgrade, éprouva le besoin d'aller à lui et de lui +murmurer à l'oreille des mots qui, je l'imagine, avaient pour but de lui +faire poser une minute son déplorable fusil. Le vieux camarade, +machinalement, obéit. Mais, longtemps avant que nous eussions fini nos +toasts d'adieu, tandis que montait le choeur émouvant de _Oïslavana_, le +chant de ralliement de tous les Slaves, depuis l'Ob, bien loin en +Russie, jusqu'à la Moldau et au Danube, il était de nouveau sur ses +pieds, l'arme en mains, les yeux fixes. Positivement, je crois que si +quelqu'un avait osé nous toucher seulement d'un doigt un peu rude, le +vieil homme l'eût abattu sur l'heure. + +EN ROUTE A L'AVENTURE + +... La chevauchée à travers la rude montagne, d'Okrida à Elbassan, a +toujours été considérée comme extrêmement hasardeuse. En hiver, seuls +les plus hardis des montagnards s'y aventurent. Mais le matin où nous +étions pour nous mettre en route il nous semblait qu'il y avait dans +l'air quelque chose de plus grave encore que de coutume. Sans nous en +donner les raisons précises, le commandant serbe d'Okrida avait déjà +tenté de nous dissuader de ce voyage. Nous trouvant fermement résolus, +aimablement il offrit de nous donner une escorte de cinq cavaliers. Nous +attendîmes une heure la venue de ces hommes. Or, les jours d'hiver sont +courts. Le moment arriva où nous commençâmes à nous dire que, +réellement, nous aurions dû déjà être en route. Comme nous étions avec +un jeune agent de police bulgare, un ancien révolutionnaire lui aussi, +bien armé et bon fusil, nous n'avions nulle crainte. + +Nous étions déjà en selle quand Tchoulef, le chef de la police, arriva à +côté de mon compagnon et lui dit quelques mots à voix basse. Nous +comprîmes alors le peu d'entrain des cavaliers à obéir aux ordres qu'ils +avaient reçus. Peu de jours auparavant, d'après l'information que +donnait Tchoulef, dans la passe même que nous devions traverser, une +bande d'Albanais avait attendu, en embuscade, dix soldats serbes et un +officier en mission spéciale. Le nombre des cartouches retrouvées sur +place, plus tard, prouva que les Serbes s'étaient bravement défendus; +mais pas un n'échappa. Afin de venger ce crime, un régiment entier avait +été dépêché dans la montagne. Les Albanais, sans cesse renforcés après +cet exploit, s'étaient retirés au nord, vers Darma. Près de cette ville, +ils avaient préparé pour les Serbes une nouvelle embuscade, ayant +projeté de les laisser gagner le centre d'un ravin escarpé et prêts +alors à leur lancer, des hauteurs, des quartiers de roc et à les +canarder en même temps, leur infligeant d'effrayantes pertes. Rien +d'étonnant à ce que le commandant serbe, deux jours après un tel +événement, demeurât soucieux et préoccupé. + +Pendant quelques moments nous examinâmes entre nous la situation, après +quoi nous décidâmes que rien ne serait changé à notre plan. Nous +concluions, en effet, que notre situation vis-à-vis des Albanais était +d'autant meilleure que nous n'avions avec nous aucun Serbe, D'autre +part, l'homme que Tchoulef nous avait procuré pour conduire nos chevaux +de bât était lui-même Albanais, un garçon blond, à bec-de-lièvre, +propriétaire à Okrida; il serait homme à intervenir utilement en notre +faveur, le cas échéant, à moins que nous n'eussions la malchance d'être +pris comme cible d'un tir à longue portée. + +Pendant deux heures et demie nous trottâmes lestement le long du rivage +plat du lac d'Okrida, gagnant, à midi, la ville de Struga, dernier point +habité par des Bulgares. Là, notre résolution faiblit quelque peu. Sur +l'avis de notre policeman, nous nous rendîmes chez le commandant local +et lui demandâmes de nous donner une escorte pour accomplir le reste de +notre voyage. + +--Nous sommes en temps de guerre, nous répondit cet officier. Je ne puis +distraire aucun de mes hommes. Au surplus, je ne vous conseille pas +d'essayer de continuer votre route. + +--Pourquoi? demandâmes-nous, encore que nous connussions bien d'avance +de quoi il retournait. + +L'officier haussa les épaules: + +--En raison de la nature de votre permis, continua-t-il, je ne puis pas +vous interdire de passer. Mais je vous conseille, du moins, d'attendre +jusqu'à demain pour continuer. Il faut huit heures de cheval pour aller +à Kyouksi, le plus prochain village, et vous avez devant vous au plus +cinq heures de jour. + +Cette attitude du commandant sembla alarmer notre gardien. Il nous +informa, hésitant, qu'il allait être contraint de nous quitter là. + +--Très bien, lui dîmes-nous. Nous trouverons quelqu'un d'autre. + +Des patriotes bulgares ayant appris qui était mon compagnon de voyage, +une députation s'empressait maintenant de venir à nous pour nous inviter +à demeurer ici un peu plus longtemps; ils désiraient, disaient-ils, +avoir l'honneur de nous offrir une légère collation. Quoique nous +sentissions vivement la nécessité de nous dépêcher, nous nous laissâmes +conduire par un étroit escalier jusqu'à une chambre basse où une robuste +grand'mère bulgare nous souhaita la bienvenue avec les plus extatiques +exclamations de ravissement. Nous lui expliquâmes avec précaution que +nous avions seulement le temps d'accepter une bouchée de pain et de +boire une tasse de lait. Mais elle ne voulut jamais se résigner à +laisser échapper une si belle occasion. Rien n'y fit, et nous dûmes +attendre qu'elle eût fait cuire à notre intention quelques oeufs et fait +frire quelques truites fraîchement pêchées dans le lac. + +[Illustration: Montagnards albanais sur la route d'Elbassan.] + +Cependant, nous priions une couple de citoyens importants de nous +chercher quelqu'un qui voulût bien prendre la place de notre gardien +défaillant. Nous offrions de payer. Mais nous eussions aussi bien pu +proposer des sous que de l'or, c'était en vain: pas une âme, dans la +ville, ne se souciait de risquer le voyage. Heureusement, le professeur +Stephanof avait fait ses études en Amérique. Il comprenait l'utilité du +«bluff» en certains cas. Se tournant vers notre homme, il lui dit alors +avec autorité: + +--J'en suis désolé, mais je suis obligé de vous ordonner de nous +accompagner au moins jusqu'à Kyouksi. + +C'était un expédient désespéré; mais il réussit. Bien que nous +n'eussions sur lui aucune autorité, l'homme fut impressionné. + +--Je ne connais pas très bien la route, alléguait-il pourtant. + +--Nous n'avons besoin de vous que pour l'amour de votre fusil, lui +répondîmes-nous brièvement. + +Sur quoi il courba la tête devant notre volonté. + +Faisant à nos hôtes un adieu tardif, nous quittâmes la vieille +grand'mère qui, tout en larmes, répétait: «Dieu vous bénisse! Dieu vous +bénisse!» + +Tandis que nous étions ainsi hébergés à Struga, l'Albanais à +bec-de-lièvre qui aurait pu nous guider en toute sécurité dans la suite +de notre voyage, trompant la surveillance de l'homme qu'en prévision de +cette désertion nous avions chargé de le guetter, s'était enfui hors de +la ville avec nos chevaux de charge et nos provisions. Nous ne devions +plus le revoir qu'à Elbassan. + +PERDUS DANS LA NUIT + +De notre étrange équipée dans les montagnes, durant les vingt-quatre +heures qui suivirent, sans nourriture, sans sommeil, arrosés de pluie et +de boue, perdus aussi complètement que le furent jamais hommes au monde, +je ne saurais dire que peu de chose, encore que je ne sache pas qu'il +puisse y avoir une chevauchée pareille, autre part que dans cette région +désolée de rocs et de ravins. Nous grimpâmes lentement, d'abord, dans la +neige, pour tomber dans une vallée étroite et nue. La nuit vint. Au +clair de lune, nous traversâmes au petit galop la vallée, puis +recommençâmes à escalader une autre ligne de montagnes, en suivant le +cours d'un torrent qu'il nous fallait passer et repasser à chaque +instant sur d'étroits ponts de bois, jetés à de vertigineuses hauteurs. +Nous sentions nos chevaux trembler sous nous, tandis que, dans les +profondeurs sombres, les flots bouillonnaient avec des grondements de +mauvais augure. + +A 9 heures, la route, soudainement sembla s'améliorer. Elle devenait +plus large et mieux construite. Mais elle était coupée par des centaines +de ravins ayant de vingt à cent mètres de profondeur et qu'aucun pont ne +franchissait. Nous pensâmes d'abord que cette route avait été ainsi +saccagée par les Albanais dans le but de prévenir une invasion. Nous +apprîmes, plus tard, qu'en réalité, le gouvernement ottoman avait +commencé, il y a une quinzaine d'années, les travaux de cette +extraordinaire voie, mais que, fidèles à la méthode orientale, les +ouvriers n'avaient achevé que les parties qui ne présentaient aucune +difficulté, laissant de côté tous les obstacles que la nature leur avait +opposés. + +Il était nuit, maintenant. La lune s'était cachée derrière les nuages et +nous y voyions à, peine. A notre gauche s'enfonçait un précipice abrupt. +A notre droite se dressait la montagne, pareille à un mur. Toutes les +dix minutes, en moyenne, nous voyions la route s'effondrant soudain sous +nos pas, les chevaux près de tomber au fond d'un puits noir; alors, en +tâtonnant, nous cherchions le moyen de passer de l'autre côté du ravin, +là où, confusément, nous pouvions entrevoir que reprenait la voie. + +Quelquefois, nous perdions complètement notre chemin et devions, pour le +retrouver, faire de longs détours, passant à gué le cours d'eau, +mouillés, même à cheval, jusqu'au milieu du corps et perdant un temps +précieux. + +A 2 heures et demie du matin environ, inquiets et épuisés, nous perdions +complètement notre route, et, nous trouvant dans une petite clairière, +nous décidâmes d'attendre là le lever du jour. Un arbre se dressait au +milieu de la clairière. Dans ses branches, selon la coutume albanaise, +un montagnard avait abrité sa petite moisson de foin. Nous nous +étendîmes sur la terre humide, au-dessous du précaire abri que formait +cette meule aérienne. + +A l'aube, nous retrouvâmes la route et continuâmes notre voyage. La +pluie se déversait maintenant en cataractes. Malgré nos imperméables, +nous étions trempés jusqu'à la peau. Nous pouvions voir, au fond du +ravin, le torrent se ruer, tout rouge, chargé de fange. Les chevaux +parfois s'enfonçaient jusqu'aux genoux dans la vase. Ainsi nous +bataillions quand, vers 8 heures du matin environ, la route tout à coup +se rétrécit, se rétrécit, s'évanouit. + +Comme nous ne pouvions escalader les rocs, à notre droite, non plus que +traverser le torrent, à notre gauche, il nous apparut que nous n'avions +plus qu'une ressource: tourner bride vers Okrida. Et nos coeurs +défaillirent à la perspective de recommencer tant de longs détours, de +refranchir, au prix des mêmes difficultés, tous ces ravins, ces +précipices. Nous nous résignâmes, pourtant, puisque l'Albanie, nous +disions-nous, était ainsi faite. Nous avions du moins acquis quelques +notions touchant ce pays peu connu. + +Vers midi, nous rencontrâmes un pâtre, lequel nous apprit que, le soir, +dans l'obscurité, nous avions dépassé Kyouksi. La petite ville était, +nous dit-il, située très haut dans les montagnes, de l'autre côté de la +vallée. Il ne voulait pas croire que nous avions voyagé toute la nuit +sur la route du gouvernement turc, prétendant avec insistance qu'elle +était absolument impraticable et que c'était une merveille que nous +fussions arrivés jusqu'à son propre pâturage. + +Peu après la pluie cessa. Pour la première fois nous pouvions jeter un +regard autour de nous. De grands pics sombres, drapés de nuages roses, +se dressaient altiers de tous côtés. Sur leurs pointes extrêmes, +là-haut, nettement distinctes à travers les flottantes brumes, +s'éparpillaient de minuscules cabanes, de petites pièces de terre, +cultivée. On n'aurait jamais pu supposer que des hommes pouvaient vivre +en des lieux aussi élevés et aussi inaccessibles. Pourtant, c'étaient là +les séjours préférés des Albanais; c'était là qu'ils coulaient une vie +de réclusion et de solitude qui nous apparaissait comme inconcevable. + +Nous atteignîmes à 2 heures de l'après-midi ce Kyouksi si haut perché. +Nous fûmes reçus avec une grande amabilité par le lieutenant serbe qui y +commandait. Il nous prit avec lui dans sa rude demeure et alluma dans +l'étroite cheminée de bois un feu ronflant; il nous laissa nous +déshabiller afin de faire sécher nos vêtements et nous offrit, après +manger, un coin pour dormir; en un mot, il s'acquit des droits à notre +éternelle gratitude. + +PAUL SCOTT MOWRER. + +--_A suivre_.-- + + + +LA LEÇON DE TANGO + +«Tanguez-vous?» C'est la question qui s'est posée dans les bals, cet +hiver, d'abord un feu timidement, avec un sourire qui excusait d'avance +la réponse négative, puis d'un ton plus assuré et n'admettant pas de +défaite, comme si l'on s'informait de la chose la plus naturelle du +monde... Il a donc fallu apprendre le tango, et chacun s'est précipité +avec entrain aux cours des professeurs à la mode, afin d'y recevoir les +bons principes. Bien avisées, des maîtresses de maison ont organisé chez +elles de petites réunions, où jeunes gens et jeunes filles s'initient +aux secrets chorégraphiques qu'ils brûlent de connaître. Et ce sont, le +soir, pour le cercle d'amis qui forment l'intimité de céans, de +charmantes leçons, données par une dame experte en l'art d'enseigner les +pas difficiles dont se compose la danse nouvelle, le «corte», le +«paseo», la «média luna». Groupés autour d'elle, ses élèves l'écoutent, +la suivent des yeux, tandis que d'autres, au son de l'infatigable piano, +s'essaient à appliquer les règles qu'ils viennent d'apprendre... Le +tango qui s'introduit ainsi dans les salons parisiens n'a rien du tango +espagnol, dont le nom évoque les «ferias» désordonnées. Argentin +d'origine, à peine modifié pour avoir traversé les mers, il se présente +comme une marche à deux, aux mouvements lents et souples, très rythmés +par la musique. Remplacera-t-il, dans la faveur mondaine, le double et +le triple «boston», comme ceux-ci taraient emporté sur la valse? Pour le +moment, il fait fureur, et on ne le trouve pas plus osé que ses +devanciers. Mais où sont les danses d'antan?... + + + +COMMENT LES GRECS ONT PRIS JANINA + +_Notre excellent correspondant M, Jean Leune qui, en compagnie de la +courageuse Mme Jean Leune, a suivi avec tant de passion et de +persévérance la campagne des Hellènes en Epire, vient d'avoir la joie la +plus chère, sans doute, qu'il eût rêvée: après avoir assisté aux +suprêmes assauts donnés à Janina, il a, des premiers, pénétré dans la +ville reconquise; il y a été témoin de l'enthousiasme populaire; il a +assisté tour à tour à l'entrée du Diadoque, au_ Te Deum _d'actions de +grâces et a, enfin, obtenu du duc de Sparte, aujourd'hui roi des +Hellènes, une entrevue où le prince s'est montré particulièrement +aimable. La vaillance de M. et de Mme Jean Leune, l'abnégation toute +militaire, le courage qu'ils ont montrés depuis tant de semaines leur +méritaient cette suprême récompense._ + +_Voici les notes dans lesquelles M. Jean Leune nous narre les événements +dont il fut témoin:_ + +LES DERNIÈRES JOURNÉES DU DUEL + +Losetzi, 5 mars. + +Hier matin, à 6 heures 1/2, le canon a commencé de tirer comme il +n'avait pas tiré depuis longtemps. Enfin, l'attaque était déclenchée. + +Toute la journée, nous avons assisté, de Kotortsi, à un duel +d'artillerie entre Canetta et Bizani, qui, inondé d'une pluie de fer, +répondait faiblement. + +Après une courte interruption, le soir, le feu recommençait à 9 heures +1/2. Toute la nuit nous l'avons entendu. Grosses pièces de siège et +pièces de campagne tiraient avec rage. Les Turcs, toujours, répondaient +à peine. + +Vers le matin, la canonnade de nouveau cessa pour reprendre peu de temps +après, à 7 heures. En même temps, sur notre gauche, c'est-à-dire du côté +de Bizani, éclatait une très vive fusillade accompagnée d'intenses +crépitements de mitrailleuses. + +Voulant à tout prix voir quelque chose, nous sommes partis à 8 heures +1/2 de Kotortsi avec l'idée de gagner un sommet quelconque de la +montagne Aétorachi. Après une rude escalade, nous arrivions sur +l'avant-dernier sommet dominant Bizani et, en rampant, nous gagnions un +petit mur-abri. + +Pendant une demi-heure environ, nous observons de là les allées et +venues des obus. Puis nous redescendons vers Kotortsi. Nous y +rencontrons le général Sapoundsakis, entouré de tout son état-major, se +dirigeant vers Losetzi, et qui nous engage à le suivre; puis, un peu +plus loin, le commandant Spanidis, lequel, en passant près de nous, nous +annonce que ce matin de très bonne heure l'aile gauche a attaqué très +violemment l'ennemi et pris le village de Manoliassa. De ce côté, les +Turcs reculent. + +A l'extrême droite, les troupes venant de Metsovo ont combattu hier +toute la journée avec succès contre les Turcs qu'elles ont, là aussi, +forcés à la retraite; elles sont maintenant tout près de Drisko. Par +ailleurs, nous apprenons que l'artillerie grecque a fait hier et cette +nuit énormément de mal à l'ennemi, et que, d'autre part, la 3e division, +venant de Konitza, au nord-ouest, est aujourd'hui à très petite distance +de Janina. + +A 10 heures 1/2, nous quittons Kotortsi pour gagner Losetzi. Arrivés là, +nous confions vite notre mince bagage au docteur Stéphanidis, dont nous +devons être les hôtes, puis nous hâtons de repartir vers le monastère de +Tsouka qu'on nous a indiqué comme un belvédère superbe pour suivre la +bataille. De fait, du parc qui environne le monastère, on embrasse et +les crêtes de Bizani et celles de Manoliassa, les forts de +Saint-Nicolas, Dourouti et Sadovitza, la ville et le lac de Janina, et +le fort de Gastritza avec la plaine qui le sépare des montagnes sur +lesquelles nous sommes. On a une vision d'ensemble très nette de la +structure du terrain, et l'on constate alors à quel point la nature +avait supérieurement fortifié Janina. Les travaux de von der Goltz n'ont +fait que compléter son oeuvre et véritablement l'armée turque avait la +partie belle à résister. + +Quand je pense qu'en décembre, alors que l'armée d'Epire comptait +seulement quatre bataillons d'evzones, un régiment d'infanterie et la 2e +division qui tenait les hauteurs de Manoliassa, alors qu'il n'y avait en +tout et pour tout contre Bizani que quatre pièces de 105 et quatre +pièces de 75 en batterie à Canetta, quand je pense, dis-je, que dans ces +conditions le colonel Joanno a osé se lancer contre Bizani avec 4 +bataillons d'evzones! + +Pareille tentative, étant donné les conditions dans lesquelles cette +attaque avait été improvisée et les effrayantes difficultés du terrain, +prouve que l'armée grecque est encore très jeune. Elle fait penser à ces +petits enfants qui courent sur les toits sans tomber, parce qu'ils +ignorent le danger. D'ailleurs, la connaissance du péril ne saurait +calmer l'héroïque courage de ces hommes. Conscients, désormais, des +risques courus, ils conservent leur superbe mépris de la mort. Il faut +souhaiter seulement que les chefs, gardant la faculté précieuse +d'utiliser tant de vaillance, sachent éviter dans l'avenir d'en abuser. +Et je ne doute pas que le commandement arrive bien vite à ce sage état +d'esprit sous la ferme direction de S. A. R. le Diadoque, secondé dans +sa tâche par notre mission militaire française. + +Sur notre gauche, au nord du village de Losetzi, se dressent toute une +série de hauteurs entre lesquelles sont et les gros canons et les pièces +de campagne. Les uns et les autres tirent cet après-midi avec +acharnement. Il est très difficile de voir où tombent les obus. + +Sur notre droite, c'est-à-dire au nord-est de Tsouka, sur la montagne +dont ce village est séparé par un ravin à pic de 500 à 600 mètres, une +fusillade très nourrie crépite encore, vers le village de Condovrachi. +Vraisemblablement, ce sont les troupes de Metsovo qui s'en emparent pour +opérer leur jonction avec la 6e division, ce soir même, conformément aux +ordres du Diadoque. + +A 6 heures, nous quittons Tsouka pour rentrer à Losetzi. Là on nous +apprend que tout a marché aujourd'hui aussi bien que possible. Tous les +officiers sont persuadés que l'attaque de demain, qui coïncidera avec +l'arrivée aux portes mêmes de Janina de la 3° division, amènera la +chute de la ville. + +«CHRIST EST RESSUSCITÉ! JANINA EST GRECQUE!» + +6 mars. + +La canonnade s'est fait entendre presque toute la nuit à intervalles +irréguliers, cessant vers les 3 heures. A 5 heures, les canons grecs +recommencent de tirer avec acharnement. On entend au loin une fusillade +nourrie. Ce doit être l'attaque générale. + +A 5 heures 1/2, tout cesse. Nous gagnons dans la nuit le monastère de +Tsouka, notre observatoire. Le silence est complet, impressionnant. Pas +un coup de canon. Pas même un coup de fusil. Que se passe-t-il donc? Les +hommes, tout à l'heure, criaient: «Zito «et les premiers zitos étaient +venus d'Aétorachi, du côté qui touche Bizani. Maintenant, le cri de joie +monte de toute la ligne. 11 s'est certainement passé quelque chose de +grave et d'important. Et, quittant le monastère de Tsouka, nous courons +aux nouvelles vers Losetzi. + +Comme nous descendons, une fusillade éclate sur Aétorachi et gagne +Kotortsi, Lasina, etc. Vraiment, nous ne savons plus que penser. Tout ce +qui se passe en ce moment nous semble extraordinaire... + +Nous arrivons au téléphone... «_Christos anesthi!_ nous crient les +soldais... (Christ est ressuscité!) Janina est grecque à l'heure qu'il +est! La nouvelle est officielle. Cette nuit ont commencé les pourparlers +pour la reddition. Seulement Essad pacha voulait que ses troupes +restassent libres. Le Diadoque n'a pas accepté et il a ordonné un +semblant d'attaque générale à 5 heures ce matin. A 5 heures 1/2, Essad +acceptait toutes ses conditions. Maintenant, nos troupes vont occuper +Bizani. Ensuite, les bataillons d'evzones du colonel Joanno entreront +dans Janina...» + +Nous n'en demandons pas plus. D'ailleurs, il nous serait impossible en +ce moment de prononcer une parole... Nous serrons la main à ces braves +gens et nous gagnons bien vite Losetzi. Mous avons hâte de partir, de +gagner s'il se peut Janina. L'intérêt est là, maintenant. Mais il nous +faut d'abord, sur le conseil d'officiers, aller vers Bizani, où se +trouvent les généraux. + +Nous montons, nous montons, et, tout d'un coup, d'une crête que nous +venons d'atteindre, Bizani nous apparaît comme jamais encore nous ne +l'avions vu. Quelle chose formidable! Une suite de hauteurs et de +ravins. Partout des canons, des tranchées, des zones de fils de fer... + +[Illustration: Carte de la région de Janina.] + +A notre gauche, sur le petit Bizani, des troupes grecques avancent, puis +se massent sur un mamelon. C'est l'occupation tant rêvée! Pauvres gens, +l'ont-ils assez mérité, ce triomphe d'aujourd'hui! Sur le grand Bizani, +très haut et très loin, un tout petit drapeau blanc... + +Nous descendons, nous remontons, jetant au passage un coup d'oeil aux +défenses que nous côtoyons ou traversons. Il en est de très primitives +qu'on sent avoir été improvisées en hâte. Par contre, un peu plus loin, +voici des tranchées très bien faites, avec abris souterrains pour les +hommes, passages souterrains, etc. Les fusils des hommes sont à leur +place, car les soldats turcs ont été ce matin rassemblés, sans armes, +vers le village de Serviana. + +Soudain, sur le mamelon où nous sommes avec des evzones, conduits par +leurs officiers, ils arrivent de toutes parts. Ils se répandent dans les +tranchées, s'équipent, prennent leurs armes, puis se groupent. Ensuite, +ils défilent devant les evzones, et, devant le commandant du bataillon, +chaque soldat en passant dépose ses armes. C'est infiniment triste à +voir... + +DANS JANINA LIBÉRÉE + +Janina, 6 mars, soir. + +... Enfin, voici Janina, accroupie au bord de son lac bleu, en face de +l'énorme chaîne de montagnes qui lui cache tout horizon vers le nord. + +[Illustration: Croquis schématique, par M. Jean Leune, de la manoeuvre +qui a amené la chute de Janina.] + +En avant de la ville, des troupes campent. D'autres sortent et s'en vont +pour camper plus loin. Ce sont les evzones qui sont arrivés hier soir à +800 mètres des portes de Janina dans laquelle ils sont entrés ce matin. +Cela leur suffit, pour éviter de passer sous le feu des forts de +_Bizani_, le Diadoque avait arrêté le plan suivant: tourner cette +position avec son aile gauche, enlever les hauteurs de _Tsouka_, +s'emparer des forts _Saint-Nicolas, Dourouti_ et _Sadovitza_, enfin +marcher sur _Janina_. En conséquence, il partagea son armée en deux +sections (aile droite et aile gauche), dont la composition respective +est indiqués sur le croquis ci-dessus. + +La _2e division_ avec un régiment de cavalerie devait occuper le centre +de la ligne et manoeuvrer isolément. La masse d'artillerie (4 pièces de +105, 4 pièces de 150 et plusieurs batteries de 75) était en arrière de +_Canetta_. + +Les ordres pour les journées des 4 et 5 mars furent les suivants: + +_Aile droite_: Des hauteurs d'_Aétorachi_ qu'elle occupe, elle +exécutera, le 4 mars, un combat démonstratif d'artillerie et +d'infanterie sur la position de _Bizani_. + +Le 5 mars, l'infanterie fera une reconnaissance offensive pendant que +l'artillerie, par un tir continu coopérera à l'attaque, générale. + +_2e Division_ (centre): Le 4 mars, descendre des hauteurs de _Canetta_ +et occuper les débouchés dans la plaine. Le 5 mars, avancer à cheval sur +la route de _Preveza à Janina_. + +_Aile gauche_: L'aile gauche est divisée en trois colonnes: + +_1re colonne_, composés de la 4e division, en position sur les hauteurs +à l'ouest de _Canetta_, exécutera le 4 mars un combat démonstratif. Le 5 +mars, elle s'emparera des collines de la plaine à l'ouest de la route de +Janina et réglera sa marche sur les autres colonnes de l'aile gauche. + +_2e colonne_, composée de 2 bataillons d'evzones, 1 bataillon du 17e +d'infanterie, des 3e et 15e régiments d'infanterie, se concentrera le 4 +mars à la sortie du défilé de _Manoliassa_. Le 5, au point du jour, +attaquer _St-Nicolas_. + +_3e colonne_, de la force de 9 bataillons et 2 batteries de montagne, se +concentrera le 4 mars derrière la montagne _Olitsika_. Dans la nuit du 4 +au 5 mars, marcher sur la montagne _Tsouka_. Le 5 mars, au point du +jour, attaquer et s'emparer des positions de _Tsouka_. Envoyer un +détachement tourner le fort _Saint-Nicolas_ par le nord et coopérer à +l'attaque de ce fort avec la deuxième colonne venant du sud. Le reste de +la colonne marchera sur les forts _Dourouti_ et _Sadovitza_. + +Les 2e et 3e colonnes, maîtresses des forts et des hauteurs, se +réuniront dans la plaine pour marcher de concert sur _Janina_. + +Ils s'en vont très contents, disant eux-mêmes très simplement qu'il faut +céder la place à d'autres ayant aussi mérité de voir la ville conquise. + +Nous entrons dans la ville... Dans les rues, l'enthousiasme est +délirant, indescriptible. Les malheureux habitants, à force d'acclamer +leurs libérateurs, n'ont plus de voix! De vieilles femmes aux fenêtres +pleurent et battent des mains. Des femmes, du pas de leur porte, se +précipitent vers nous et embrassent ma femme à l'étouffer, lui baisent +les mains, les vêtements: «Oh! soyez bénis, vous qui nous apportez la +liberté!» + +Au consulat de France, le consul, M. Dussap et sa femme, l'écrivain bien +connu sous le pseudonyme de Guy Chantepleure, nous reçoivent à bras +ouverts, car nous sommes les premiers Français qu'ils voient depuis cinq +mois. + +Dans Janina, ville grecque aux mains des Turcs et revendiquée par les +Albanais, M. Dussap, en toute impartialité et en toute justice, a été +amené à prendre la défense des Grecs, affreusement malmenés par leurs +maîtres et tyrans. Et les Janiniotes, en ce jour de joie, n'oublient pas +ce qu'a fait pour eux le consul de France en ces jours de deuil et +d'angoisse que furent ces cinq derniers mois. Le nom de M. Dussap est +sur toutes les lèvres, associé tout naturellement à celui de la France. + +[A FIN D'UNE LONGUE RÉSISTANCE.--Les soldats turcs, qui avaient été +rassemblés à Serviana au moment de la signature du protocole de +reddition remontent à leurs tranchées sous la conduite de leurs +officiers; ils s'équipent et reprennent leurs armes, puis vont défiler +devant les troupes grecques et déposer en tas leurs fusils. _Phot. Jean +Laine_] + +Il suffit maintenant à Janina de se dire Français pour être +immédiatement l'objet de mille délicates attentions de la part des +habitants qui ne savent quoi faire pour vous être agréables et vous +rendre service. Comme il suffit de se dire Italien ou Autrichien pour +être immédiatement mis en quarantaine. + +Voilà l'inappréciable service qu'un consul intelligent a su rendre ici: +faire aimer la France et disposer tout naturellement le pays à accepter +avec joie notre influence tant au point de vue moral qu'au point de vue +matériel. + +A l'état-major, j'allais avoir connaissance du plan d'opérations dont la +réussite avait jeté, après une lutte si héroïque de part et d'autre, la +place de Janina aux mains du Diadoque et de son armée (2). La manoeuvre +fut aussi sagement préparée que, plus tard, elle fut énergiquement +conduite. + +[(2) Les explications qu'on trouvera au-dessous du croquis de la page +précédente résument clairement, d'après les ordres mêmes de +l'état-major, toute l'opération et permettent de suivre sur la carte la +marche des divers corps en vue du résultat décisif.] + +Il y avait à la base de la tactique une de ces ruses de guerre vieilles +comme le monde et qui pourtant ont le plus souvent de grandes chances de +réussite: le Diadoque fit croire à son armée--certain que l'armée turque +ne le pourrait ignorer longtemps--que l'attaque se ferait par la droite, +entre Bizani et Gastritza. En même temps, il rassemblait, dès lundi +dernier, à Emin Aga, toutes les réserves de ses divisions. Il +constituait ainsi, en deux jours, au centre, une solide masse de +manoeuvre, forte de vingt-trois bataillons et de six batteries de +montagne. Cette masse pouvait être portée rapidement soit à gauche, soit +à droite, suivant que les Turcs tomberaient ou non dans le piège, ils y +tombèrent puisqu'ils dégarnirent en partie leur droite pour renforcer +leur gauche, vers Kotzelio. Mais, par ailleurs, craignant toujours une +attaque vers Manoliassa, ils renforçaient sur ce point leurs troupes. + +Le Diadoque divisa alors ses vingt-trois bataillons, dont la 4e +division, en trois colonnes sous le commandement général du général +Moskopoulos. Deux colonnes fortes de quatorze bataillons et de quatre +batteries de montagne partaient à l'est d'Olitsika, l'une dans la vallée +de Manoliassa, l'autre (4e division) sur les crêtes mêmes de Manoliassa. + +La troisième colonne (neuf bataillons et deux batteries) partit le mardi +soir, passa derrière Olitsika, fit toute la nuit une marche forcée sur +un sentier gelé où les hommes glissaient et tombaient à tout instant. A +7 heures du matin, cette colonne arrivait sans être aperçue à 150 mètres +des tranchées de Tsouka. Elle tombait à l'improviste sur les Turcs qui, +surpris, faisaient un semblant de résistance puis s'enfuyaient. + +La chute de Tsouka amena la chute d'une position dite de «la côte 750», +puis du fort Saint-Nicolas, et ensuite du fort de Dourouti. Sur ces +différentes positions, dix pièces de canon étaient prises. + +Le fort de Bizani essaya bien, dans la journée, d'empêcher la marche en +avant des troupes grecques en bombardant Manoliassa, Saint-Nicolas et +Dourouti; ce fut en vain. + +Les troupes turques battaient en retraite vers Bapsista. Alors, +l'artillerie de montagne vint se mettre en batterie de ce côté. Elle +tira sur les Turcs avec des obus explosifs qui allaient transformer la +retraite en une fuite éperdue. + +A 4 heures du soir, la colonne du centre, composée d'evzones, qui était +passée par la vallée de Manoliassa, arrivait à 800 mètres des portes de +la ville, après avoir coupé tous les fils télégraphiques entre Bizani et +Janina. Dès ce moment, la ville était perdue pour les Turcs. + +Ce fut alors qu'Essad pacha fit venir les consuls et les pria d'adresser +en son nom au Diadoque des propositions pour la reddition de la ville, +ce qui fut fait. Un peu plus tard, dans la nuit, vers 2 heures du matin, +le vicaire du métropolite et plusieurs officiers turcs se rendaient en +automobile auprès du Diadoque pour arrêter définitivement les clauses de +la reddition, ce qui fut très simple, puisque Essad pacha livrait la +ville, les forts, leur matériel, et se constituait prisonnier, lui et +son armée, sans aucune condition. + +Mais presque toute l'armée grecque ignorait cette reddition, et c'est +pourquoi l'extrême droite fit le matin, à 5 heures, cette attaque que +tout le monde, de ce côté, avait cru être l'attaque décisive. Les Turcs, +ignorant également qu'Essad pacha avait rendu la ville, ripostèrent. +Mais, tout de suite, des deux côtés, les ordres de cesser le feu +arrivèrent, ce qui fit que le combat ne dura qu'une demi-heure. + +UNE AUDIENCE DU DIADOQUE + +Janina, 9 mars. + +Comme nous flânions, hier, par les rues, le Diadoque vint à passer, à +pied, avec son aide de camp, le commandant Calinski. Il s'arrêta devant +nous et dit au commandant: «Présentez-moi, je vous prie, ce couple +extraordinaire qui enfreint toujours mes ordres!» + +Le commandant s'exécuta très gentiment. Alors, le prince nous dit: + +--C'est comme cela que vous avez suivi mon armée en Macédoine, et que +vous avez encore trouvé moyen de la suivre ici? Vous avez une fière +volonté, vous savez. + +--En effet, Altesse, répondit ma femme, car vos interdictions +perpétuelles m'ont valu de faire des 30 kilomètres par jour et de subir +maints désagréments. + +--Je vous admire, madame... Que voulez-vous de moi, maintenant? Alors +nous avons sollicité du prince une entrevue particulière qu'il nous +accorda pour ce matin. + +L'accueil du Diadoque fut d'une simplicité, d'une cordialité charmantes. +Après nous avoir félicités de tout ce que nous avions fait, il nous +parla de son armée, de «ses enfants», comme il appelle ses soldats. 11 +nous dit combien il les aimait. Et puis, il nous exprima aussi les +espoirs qu'il mettait en une armée qui venait de se révéler si belle et +si vaillante... + +Les espoirs que fonde le prince royal sur son armée, mais ils sont ceux +de tout l'hellénisme. Et c'est avec le plus grand sérieux que l'on doit +désormais écouter les Grecs exposer leurs rêves de demain. L'on n'a plus +le droit aujourd'hui de rire de leur «grande idée»,--la marche à +Constantinople, le retour à la capitale des ancêtres, à la ville +magnifique de Constantin, lorsqu'on a vu ces troupes supporter, sans +faiblesse, ce que nous les avons vues endurer pendant cette campagne, +sur la montagne, dans la neige, sous la pluie et le vent, et lorsque, +après toutes ces souffrances, on les voit prendre une forteresse comme +Janina, où elles défilent ensuite avec l'aspect de troupes qui +n'auraient pas fait plus de quinze jours de campagne par de beaux jours +de printemps! + +Le soldat grec vient de prouver d'une manière éclatante que son +étonnante sobriété ne nuit en rien à sa résistance. Après cinq mois de +campagne, ces troupes, comprenant au début bien des éléments à peine +dégrossis, sont aujourd'hui entraînées, instruites et aguerries. + +Elles ne sont, par ailleurs, nullement fatiguées, et telles quelles, +physiquement et moralement, elles seraient toutes prêtes pour une +nouvelle campagne. + +Tous les officiers turcs que nous avons vus s'accordent à reconnaître +l'extraordinaire valeur combative, qu'ils ne soupçonnaient nullement, de +l'armée hellène. Ils admirent sans réserve le plan du Diadoque, dont +l'exécution a amené la chute de la ville. + +«La Grèce, disent-ils tous, a trouvé en son futur roi un véritable +général, comme elle a trouvé en Venizelos un des plus grands hommes +d'État de l'époque moderne. Ah! si nous avions un Venizelos, nous +aussi!» + +Puis, comme nous parlions de la guerre balkanique en général, ils nous +ont dit: + +«Notre adversaire le plus redoutable dans cette guerre n'a pas été, quoi +qu'on en ait dit, la Bulgarie: ce fut la Grèce, dont l'armée nous a pris +Salonique et vient de nous prendre Janina, dont la flotte nous a pris +les îles de l'Egée et nous a surtout empêchés de transporter vers +Tchataldja les 250.000 hommes que nous avons en Asie Mineure, et que le +manque de routes et de chemins de fer immobilise autour de Smyrne ou en +Syrie. Ah! la flotte grecque! quel rôle elle aura joué dans cette +guerre! Mais, sans elle, il y a longtemps que nous serions à Sofia!...» + +JEAN LEUNE. + +[Illustration: Sur Bizani: canon Krupp de 9 cent., démoli par un obus +grec et projeté dans le ravin, en arrière de la batterie.--_Phot. J. +Leune._] + + + +[Illustration: Au départ de Tozeur: deux des quatre aéroplanes de +l'escadrille n'ont pas encore quitté le sol.] + +[Illustration: La ville de Tozeur, telle qu'elle apparaît à une hauteur +de 300 mètres.] + +[Illustration: Gabès et son oasis, vus à 1.200 mètres d'altitude (au +fond, la ligne du rivage et la mer).] + +[Illustration: Au départ de Gabès: la ville et le champ de manoeuvres +d'où partent les aéroplanes.] + +EN AÉROPLANE AU-DESSUS DE LA TUNISIE: LE RAID DE L'ESCADRILLE DE BISKRA + +Nous avons signalé, dans notre numéro du 8 mars dernier, le beau raid +accompli par les aviateurs militaires du centre de Biskra, en publiant +des photographies prises aux étapes de Tozeur et de Gabès. Voici +aujourd'hui quelques curieuses images des mêmes endroits, vus du haut +d'un des aéroplanes de l'escadrille, l'appareil Farman du lieutenant +Reimbert, qu'accompagnait le caporal Dewoitine, auteur de ces clichés: +les villes, avec leurs oasis qui les entourent de verdure sombre, et +l'immense étendue du désert, y apparaissent sous des aspects que +l'objectif n'avait point encore enregistrés jusqu'à présent. + + + +[Illustration: Salle à manger, par Jallot. (Peinture décorative de +Waldraff; chemin de table de Clément Mère; céramiques de Massoul et +Luce.)] + +LE MOBILIER MODERNE AU PAVILLON DE MARSAN + +A plusieurs reprises déjà, depuis quelques années, les Parisiens ont été +conviés à juger, dans les Salons de peinture et dans les expositions +spéciales, les oeuvres des artistes du mobilier qui travaillent, en des +sens différents, à donner un style décoratif nouveau à notre temps. Au +dernier Salon d'Automne, leur effort s'était affirmé considérable et +divers. En ce moment même, il se manifeste, avec peut-être moins +d'ampleur, mais plus de mesure, au pavillon de Marsan, par l'exposition +de quelques ouvrages, que leur présence au Louvre recommande, si l'on +peut dire officiellement, à l'examen. L'occasion était favorable de +montrer comment se développe cette renaissance décorative française que +proclament les gens avertis et qui, depuis quelques saisons, paraît +donner des produits de qualité. Pour permettre de les apprécier, la +photographie en couleurs était nécessaire: elle rend ce qui, dans les +ameublements soumis à notre goût, est essentiel, les tons variés des +étoffes et des bois. + +La couleur frappe, en effet, dès l'abord, au premier regard jeté sur ces +petites pièces disposées en des compartiments séparés, comme en des +décors de théâtre. Elles semblent avant tout composées pour le +divertissement des yeux. + +Le boudoir de dame, bleu, vert et jaune, d'aspect futile et léger, que +nous reproduisons ici, est caractéristique de cette manière: les teintes +y sont franches, hardies, vivement opposées. Ailleurs, l'artiste a +réalisé des combinaisons moins violentes, comme en cette salle à manger +où se marient les chaudes nuances d'un rouge automnal, relevé pourtant +par l'éclat d'un coussin émeraude, et en cette chambre à coucher jaune +clair, ardoise et vert sombre, à laquelle semble avoir contribué +l'arc-en-ciel de la palette. Si les tapis et les tentures se parent de +couleurs choisies, la matière même des meubles concourt à l'impression +d'ensemble: l'art décoratif moderne utilise tous les bois, naturels ou +vernis, précieux ou frustes, depuis le chêne, le noyer, l'acajou et le +palissandre jusqu'au citronnier, au camphrier, au cuba, à l'espénille et +au laurier-rose. + +Par les échantillons réunis au Pavillon de Marsan, il serait malaisé de +déterminer les tendances générales du style actuel. Plusieurs influences +s'y manifestent: le goût du confortable anglais, la recherche +ornementale qu'a introduite chez nous la mode persane, se font sentir, à +des degrés divers, dans le mobilier nouveau. Tel qu'il est, ce style +s'imposera-t-il? On ne peut encore en décider. La tentative vaut du +moins d'être signalée, et nous la suivrons avec intérêt, de créer un art +décoratif de notre temps, en dehors des traditionnelles imitations de +l'époque de Henri II, de Louis XVI, ou du premier Empire. + +[Illustration: Boudoir de dame, par Abel Landry.] + +[Illustration: Chambre à coucher, par Rapin.] + +_Photo-Couleurs._ + + + +[AVANT LE SUPRÊME ASSAUT.-Comment les soldats bulgares, de leurs +tranchées avancées, distinguaient à l'horizon Andrinople, l'Odrin tant +convoitée, ses mosquées et ses minarets, dans la dernière période du +siège.--_Phot. C. Woitz._] + +LA CHUTE D'ANDRINOPLE + +Après Salonique, après Janina, voici qu'Andrinople vient de succomber à +son tour. La ville héroïque aura résisté près de cinq mois, depuis son +complet investissement, au début de la seconde quinzaine de novembre. + +C'est la résistance d'Andrinople qui avait été la cause principale de +l'avortement des négociations de Londres. On se rappelle qu'au moment de +l'armistice, les Bulgares n'avaient pu entamer qu'au sud-ouest et à +l'ouest les défenses turques, en s'emparant de Kartal-Tépé et d'une +partie de Papas-Tépé. + +Après la révolution militaire de Constantinople et le retour au pouvoir +des Jeunes-Turcs qui avaient décidé de faire un nouvel effort désespéré +pour conserver à l'empire la ville héroïque, le bombardement reprenait +plus terrible; 45.000 Serbes, avec leur matériel de siège, s'étaient +joints aux Bulgares. + +Il était naturel que les Bulgares fussent résolus à obtenir de vive +force ce gage de haute importance avant d'engager de nouveaux +pourparlers de paix. + +La carte que nous publions ci-contre, d'après les documents précis de M. +Alain de Penennrun, indique de façon schématique la ligne des défenses +de la place, et permet de suivre les phases de l'assaut final. + +Dans l'après-midi de lundi 24 mars, l'artillerie serbe et bulgare avait +ouvert sur la ville un feu d'une extrême violence. Après quoi, la nuit +venue, les assiégeants s'étaient mis en marche, les Bulgares au nord-est +et à l'est, sous le commandement du général Ivanof, les Serbes conduits +par le général Stepanovitch, par le sud et l'ouest. + +Dans la nuit du 24 au 25 mars, vers une heure, se produisit un premier +assaut simultané qui mit les assiégeants en possession de plusieurs +positions importantes. Ils s'emparaient, en moins de trois heures, des +positions avancées de l'est, capturaient 12 pièces d'artillerie, avec +leur matériel, 4 mitrailleuses, et 300 hommes environ, ce qui +rapprochait leurs avant-postes à un kilomètre de la ligne des forts. +Même progrès simultané dans le secteur ouest et dans celui du sud, où +les Turcs perdaient 20 canons, 8 mitrailleuses et 800 prisonniers. Au +nord, Aïvas-Baba et un autre fort étaient également pris. + +Le 25 au soir, la situation était la suivante: à l'est, les Bulgares +s'étaient avancés jusqu'à 200 à 300 pas de la ceinture des forts, +faisant un millier de prisonniers nouveaux, avec 10 mitrailleuses, 21 +canons dont 7 à tir rapide. Toute la nuit, une lutte acharnée se +poursuivait pour la possession des derniers ouvrages de Papas-Tépé. Au +nord-ouest, Ekmektchikeui était pris. A l'aube, les Bulgares occupaient, +en outre, tout le front est Kestanlik, Kuru-Chesmé, Topyotu, Kavkas, +etc., tandis qu'au sud les Serbes chassaient devant eux les avant-postes +turcs, faisant de nombreux prisonniers et s'emparant de canons et de +mitrailleuses. Le général en chef bulgare pouvait télégraphier que la +chute de la ville n'était plus qu'une question d'heures. + +De fait, au commencement du jour, à la suite de l'occupation des forts +de l'est, le 23e régiment de Chipka et un régiment de cavalerie bulgare +entraient, par la chaussée de Lozengrad, dans Andrinople en flammes: le +feu, en effet, avait été mis à tous les dépôts, à l'arsenal, aux +casernes, et l'incendie gagnait la ville entière. + +Pendant cinq heures encore, Choukri pacha essaya de résister. Enfin, à 2 +heures de l'après-midi, le défenseur d'Andrinople consentait à rendre +son épée au commandant des troupes serbo-bulgares. + +La joie est grande à Sofia et à Belgrade. + +Les Bulgares et les Serbes sont unanimes à attribuer le succès aux +obusiers français récemment expédiés à Andrinople par la Serbie. +L'artillerie du Creusot aurait décidé du sort de la place. Les grosses +pièces de siège incendièrent des quartiers entiers de la ville et firent +dans les forts d'énormes brèches par lesquelles l'infanterie chargea à +la baïonnette. + +[Illustration: Andrinople et ses forts, tombés le 25 mars aux mains des +troupes assiégeantes bulgares et serbes.] + + + +[Illustration: La façade et les deux pignons du bâtiment principal du +Collège d'athlètes de Reims.] + +[Illustration: Plan du rez-de-chaussée.] + +[Illustration: Plan du 1er étage.] + +LE COLLÈGE D'ATHLÈTES DE REIMS + +Au lendemain des Jeux Olympiques qui se disputèrent à Stockholm en +juillet dernier, à la suite des défaites nombreuses que subirent nos +athlètes français dans la plupart des concours, une campagne de presse +assez active fut menée afin que l'on préparât la revanche de Stockholm +pour la prochaine Olympiade de Berlin en 1916. + +De ce mouvement est né le projet de créer des «collèges d'athlètes». +L'appellation était heureuse; l'idée venait à son heure; un comité fut +constitué, et, en octobre dernier, publia un retentissant manifeste. + +Celui-ci signalait les ravages de l'alcoolisme et de la tuberculose qui +atteignent la force française dans ses sources vives. Le meilleur moyen +de combattre ces fléaux, c'était de généraliser le goût et la pratique +des exercices physiques, d'appeler aux joies du sport toute la jeunesse +de la ville ou de la campagne, de préparer des instructeurs, de former +des éducateurs pour la culture physique. + +En même temps, le Collège d'athlètes devait perfectionner les champions +déjà révélés, parfaire leur condition, les préparer en temps opportun à +aller dans trois ans, sur les bords de la Sprée, essayer si possible de +faire triompher les couleurs françaises. + +Au bas du manifeste se lisaient ces noms: Auguste Rodin, Jean Richepin, +le docteur Weiss, Gabriel Bonvalot, le marquis de Polignac, le docteur +Boucard, Maurice Colrat. + +En réalité, la personnalité qui avait décidé du mouvement, celle dont le +geste de générosité permettait la réalisation du projet, c'était le +marquis de Polignac. Celui-ci prévoyait, en effet, que la besogne du +comité d'organisation serait lente, que l'idée de bâtir aux portes de +Paris un grand collège central, et des établissements de moindre +importance dans les départements, prendrait, à se, réaliser, des mois et +peut-être des années. + +Mais il n'était pas impossible de construire immédiatement un de ces +établissements, qui servirait de modèle. Déjà le marquis de Polignac +avait créé à Reims le plus beau parc de sports qu'il soit donné de voir +en France. Il décida que, dans des terrains voisins, serait édifié le +premier des collèges d'athlètes, destiné à un enseignement national de +la culture physique. + +C'est le lieutenant de vaisseau Georges Hébert, dont on connaît la +méthode, dite naturelle, adoptée dans la marine, qui sera placé à la +tête de cet établissement, lequel doit théoriquement ouvrir ses portes +le 1er mai prochain, mais, en réalité, ne pourra accueillir tous ses +élèves qu'à partir du 1er juillet. + +[Illustration: Le Collège athlétique de Reims.--Ensemble des bâtiments +et du stade. _D'après les plans de l'architecte E. Redont._] + +On trouvera, ci-contre, le plan des installations du terrain réservé au +Collège d'athlètes. Leur ensemble constitue ce que le lieutenant Hébert +considère comme le stade parfait pour la pratique de tous les efforts +athlétiques propres à développer normalement l'individu. + +On aura ainsi à Reims: + +1° Un centre d'études pour toutes les questions concernant l'éducation +physique; + +2° Un centre de formation d'éducateurs, de professeurs, d'instructeurs, +d'entraîneurs; + +3° Un centre d'athlétisme pour la préparation future d'athlètes et de +champions en vue des grandes compétitions internationales auxquelles la +France doit prendre part. + +Au lendemain du Congrès international de l'Éducation physique, l'oeuvre +vient à point pour contribuer à la renaissance physique de notre pays. + +PAUL ROUSSEAU. + + + +LES THÉÂTRES + +Pour inaugurer sa direction de la Renaissance, Mme Cora Laparcerie a +représenté, de M. Jacques Richepin, _le Minaret_, une agréable et fort +galante fantaisie en vers, à propos de laquelle deux artistes, M. Paul +Poiret et M. Ronsin, ont donné libre cours à leur imagination et ont +réalisé, le premier des toilettes, et le second des décors inspirés de +l'Orient, mais d'une originalité de formes et de couleurs aussi hardie +que séduisante. Rien de plus audacieux comme lignes et comme tonalités +que les trois tableaux de cette comédie, rien de plus risqué en même +temps que de plus seyant dans le décolleté que ces costumes féminins, +sinon le texte même de M. Jacques Richepin aux lestes images et aux +rimes légères. Une musique adroite de M. Tiarko Richepin en souligne les +effets, déjà fort bien mis en valeur par une interprétation en tête de +laquelle on applaudit Mme Cora Laparcerie, MM. Galipaux, Jean Worms, +Harry Baur, Claudius, Mlles Marcelle Yrven, Mireille Corbé, etc. + +L'Opéra-Comique a monté, avec le soin et le goût qu'il assure à tous ses +spectacles, une pièce lyrique: _le Carillonneur_, tirée par M. Jean +Richepin du roman de Georges Rodenbach, _Bruges-la-Morte_, et mise en +musique par M. Xavier Leroux. C'est, dans le cadre poétique fourni par +la vieille ville flamande, un drame psychologique violemment extériorisé +par M. Jean Richepin et dont le haut talent musical de M. Xavier Leroux +a mis en valeur tout ce qu'il pouvait contenir de profonde émotion. +L'interprétation en est excellente avec Mmes Marguerite Carré et Brohly, +MM. Beyle, Boulogen, Vieuille, Vigneau. + + + +DOCUMENTS et INFORMATIONS + +TUBERCULOSE ET ALCOOLISME À LA CÔTE D'IVOIRE. + +Dernièrement nous signalions, d'après les observations du docteur +Remlinger, les progrès inquiétants de l'alcoolisme au Maroc. + +Mais le Maroc n'est pas le seul point de l'Afrique où cette importation +du plus dangereux et du plus recherché des produits de notre vieille +civilisation exerce déjà des ravages. + +Chez les noirs de la Guinée française, qui, il y a quelques années +encore, se montraient naturellement réfractaires à la tuberculose, cette +maladie devient de plus en plus fréquente. A Bassam, le docteur Sorel a +trouvé 21 tuberculeux sur 100 noirs, alors qu'à 350 kilomètres de la +côte, à Bouaké, lorsque le rail n'y arrivait pas encore, c'est à peine +si l'on trouvait 2 tuberculeux sur 100 indigènes. + +L'explication de ce phénomène est simple: en 1901, les importations +d'alcool à la Côte d'Ivoire étaient de 1.406.433 litres en 1911, elles +étaient de 2.263.582 litres; et le temps n'est pas loin où, pour +récompenser l'indigène, on lui donnait des gratifications en alcool de +traite. + +L'oeuvre d'abrutissement est encore précipitée par la qualité des +alcools mis en circulation. Ce sont surtout des genièvres de Hollande, +des rhums d'Angleterre et d'Allemagne, des mixtures innommables où l'on +trouve en notable quantité du furfurol et de l'aldéhyde. + +Il arrive à la Côte d'Ivoire, sous pavillon allemand, des bateaux +appelés _Gin-Boats_, dont le nom seul précise suffisamment la qualité du +chargement. + +Aussi les navigateurs côtiers constatent-ils que la superbe race de la +côte de Krou, où l'on recrutait jadis les noirs pour les équipages, +n'est plus que l'ombre de ce qu'elle était il y a trente ans, et que +l'on ne trouve plus d'hommes. + +Et, cependant, on parle beaucoup, chez nous, de lutte contre la +tuberculose. Cette lutte, sans doute, n'est pas un produit d'exportation +capable de rivaliser avec l'alcool de traite. + + + +LA POPULATION DE PANAMA. + +On sait que la République de Panama a concédé aux États-Unis une bande +de terrain d'environ 16 kilomètres de largeur, située de part et d'autre +du canal, et nommée _Canal Zone_. + +D'après le dernier recensement, la population de cette zone comprend +62.000 personnes, contre 50.000 en 1908. A ce chiffre, il y a lieu +d'ajouter 9.000 employés aux travaux du canal, qui habitent les villes +de Colon et de Panama. + +Dans la zone on compte: 19.000 blancs, 31.000 noirs, 10.000 métis, 500 +jaunes, 300 Hindous, etc. + +Au point de vue de la nationalité, la population se répartit ainsi: +Grande-Bretagne, 30.000; États-Unis, 11.000; Panama, 7.000; Espagne, +4.000; France, 3.000; Colombie, 1.500; Grèce, 1.200; Italie, 800; Chine, +500, etc. + +Enfin, la population zonière comprend 17.000 femmes. + + + +DU SACRÉ AU PROFANE. + +Les siècles se rejoignent, et voici que le treizième et le vingtième +voisinent aujourd'hui, sous le soleil indifférent et immuable, en un +rapprochement qui a quelque chose de bizarre et d'inattendu. + +C'est l'élargissement de la rue des Prêtres-Saint-Germain-l'Auxerrois +qui, en dégageant une des façades latérales de la basilique et en +démasquant du même coup la haute coupole et une notable portion des +grands magasins de la Samaritaine, nous vaut ce tête-à-tête du sacré et +du profane, qui revêt sans doute aux yeux de l'artiste et du poète un +caractère d'irrespect à peine atténué par le nom biblique qui s'étale au +fronton de la maison de commerce. + +Rien de plus naturel cependant que le contraste de ces deux +architectures, que personne ne songera à comparer entre elles, et qui +toutes deux sont admirablement appropriées au but poursuivi, et atteint. +Tandis que les purs artistes du moyen âge s'assignaient la pieuse +mission de ne laisser pénétrer qu'un pâle demi-jour, une lueur douce de +crépuscule, dans le sanctuaire parfumé d'encens où l'âme se recueille, +l'architecte du vingtième siècle, M. Frantz Jourdain, avait la tâche, +lui, de faire se déverser à flots la lumière, par de larges baies +vitrées, dans le vaste hall où tout un monde s'agite autour des +nouveautés de saison. Tout est donc pour le mieux. Et même sur la +gravure qui ne saurait reproduire les couleurs, les nuances, la patine +vénérable des pierres dont fut bâtie la vieille basilique, les +polychromies violentes dont s'adorne la coupole du grand magasin, le +contraste entre le monument sacré et le palais profane, n'apparaît que +d'une façon relative. Mais, s'il est permis de philosopher quelque peu à +ce sujet, on ne saurait nier qu'il y ait dans cette juxtaposition de +l'église et de la maison de commerce un signe des temps. Jadis la +basilique, souveraine des monuments, élevait vers le ciel sa masse +géante, tandis qu'à ses pieds, dans son ombre auguste, poussait +humblement, telle une fleur du pavé, la petite échoppe du marchand. +Aujourd'hui la petite échoppe s'est enflée, enflée, à faire craindre +pour elle le sort lamentable de la grenouille de la fable. C'est un +temple véritable, temple de la lumière, du mouvement et du bruit, qui se +dresse à côté de la maison du recueillement et de la prière. Ne nous en +plaignons pas et ne croyons qu'à moitié à la prédiction pessimiste de +Victor Hugo: «Ceci tuera cela!» Les deux temples gardent leurs fidèles, +qui d'ailleurs sont souvent les mêmes. + + + +ENCORE UN ZEPPELIN DÉTRUIT. + +L'état-major allemand vient encore de perdre un Zeppelin. Ce dirigeable, +le quinzième de la série, avait été terminé au mois de janvier dernier. +Long de 140 mètres, cubant 20.000 mètres, il avait donné aux essais une +vitesse de 102 kilomètres à l'heure. D'autre part, il portait un poste +de télégraphie sans fil et une plate-forme pour le tir des +mitrailleuses. C'était donc un des aéronats les plus rapides et les plus +perfectionnés de la flotte germanique. + +[Illustration: Saint-Germain l'Auxerrois et la Samaritaine.] + +Surpris par une tempête, le pilote du Zeppelin essaya d'atterrir sur le +champ de manoeuvres de Carlsruhe; mais la violence du vent était telle +que l'énorme masse métallique vint s'écraser sur le sol. Les officiers +et les hommes à bord purent sauter à terre sans éprouver grand dommage, +et leur salut paraît d'autant plus étonnant que le dirigeable fut +littéralement réduit en miettes. A diverses reprises déjà nous avons +publié des photographies montrant sous des aspects plus ou moins +pittoresques la carcasse brisée d'un Zeppelin; aucune ne donne une +impression d'anéantissement aussi complète que celle que nous +reproduisons aujourd'hui. + +LA DENSITÉ DES HABITANTS DANS LES APPARTEMENTS PARISIENS. + +A la suite de chaque recensement, le service général de la statistique +essaie de nous donner une idée du nombre de personnes habitant une pièce +d'un appartement dans les divers quartiers de Paris. A cet effet, il +nous présente des moyennes sans doute fort consciencieusement établies. + +Le tableau suivant, qui vient d'être publié, nous indique le nombre +moyen de personnes logées dans un ensemble de dix pièces, en 1906 et en +1911, années des deux derniers recensements: + + 1903 1911 + + 1er arrond. Louvre......... 9,3 9,1 + 2e Bourse.......... 10 9,8 + 3e Temple......... 10,2 9,8 + 4e Hôtel-de-Ville. 10,6 10,3 + 5e Panthéon....... 9,8 9,4 + 6e Luxembourg .... 8,5 8,1 + 7e Palais-Bourbon. 8,3 7,8 + 8e Elysée......... 6,6 6,3 + 9e Opéra.......... 7,6 7,5 + 10e Saint-Laurent.. 9,4 9,2 + 11e Popincourt..... 11,5 10,8 + 12e Reuilly........ 10,7 10,4 + 13e Gobelins....... 12,3 11,6 + 14e Observatoire... 10 9,9 + 15e Vaugirard...... 10,6 10,2 + 16e Passy.......... 7,1 6,8 + 17e Batignolles.... 8,5 8,4 + 18e Montmartre..... 11,2 10,6 + 19e Buttes-Chaumont. 12,7 12,2 + 20e Ménilmontant... 12,5 11,8 + +On voit que, grâce aux progrès de l'hygiène, sinon au rapetissement qui +a permis d'augmenter le nombre des pièces dans les appartements +modernes, les Parisiens sont, _en moyenne_, un peu moins tassés dans +leurs maisons qu'il y a cinq ans. Il importe de remarquer, toutefois, +que, sauf dans deux ou trois arrondissements, la statistique nous +indique au moins une pièce par personne. Cette moyenne, en de nombreux +quartiers parisiens, est assez différente de la réalité. + +_Les constructions navales en 1912._ + +D'après le Lloyd's Register, les chantiers anglais ont lancé en 1912 un +total de 712 navires de commerce déplaçant ensemble 1.738.000 tonnes, +dont 17.000 tonnes pour 69 voiliers. Près du quart de ces bateaux ont +été construits pour des marines étrangères. Parmi les bâtiments à +vapeur, 16 déplacent plus de 10.000 tonnes et 46 plus de 6.000 tonnes; +un seul déplace 18.600 tonnes. + +Dans les autres pays, y compris les colonies anglaises, on a mis à l'eau +1.007 bateaux représentant un déplacement de 1.163.000 tonnes. Sur ce +chiffre, 375.000 tonnes ont été lancées en Allemagne, 284.000 aux +États-Unis, 110.000 en France, 99.000 en Hollande. + +Les constructions navales commerciales dans le monde entier ont donc +atteint près de 3 millions de tonnes, soit une augmentation de 250.000 +tonnes par rapport à l'année précédente. + +Quant aux navires de guerre lancés en 1912, ils représentent environ +550.000 tonnes. + +UN BALLON-SONDE À 37.700 MÈTRES. + +M. Gamba, directeur de l'observatoire de Pavie, vient de faire connaître +les observations recueillies par un ballon-sonde lancé par lui il y a +quelques semaines et qui est monté à la hauteur prodigieuse de 37.700 +mètres. + +Ce ballon, en caoutchouc de premier choix, mesurait 19 centimètres de +diamètre. Il avait été gonflé à l'hydrogène et on l'avait muni d'un +léger parachute de soie pour freiner la descente. + +Les principales températures enregistrées furent: + +A 12.385 mètres d'altitude,-55°,5. +A 19.730 mètres d'altitude,-56°,9 (minimum). +A 37.700 mètres d'altitude,-51°,6. + +Comme le fait a déjà été constaté, la température la plus basse ne +correspond pas à l'altitude maxima; à 10 ou 12 kilomètres du sol, on +rencontre une couche de plusieurs kilomètres où la température est +uniforme et au delà de laquelle les variations sont très faibles. + +A 37.700 mètres, la pression barométrique n'était plus que de 3 +millimètres. + +L'ascension a duré 1 heure 18 minutes. Après éclatement du ballon, la +nacelle redescendit doucement et s'arrêta à 40 kilomètres du point où +avait eu lieu le lancement. + +LA FRAPPE DES MONNAIES EN 1912. + +Pendant l'année 1912, la Monnaie a frappé 110.014.705 pièces +représentant une valeur de 296.144.555 francs. + +La fabrication des monnaies françaises, représentant une valeur de +248.196.670 fr., a comporté les catégories ci-dessous: + + 20.045 pièces de 100 francs. + 10.331.805 20 + 1.755.507 10 + 1.000.000 2 + 10.001.000 1 + 16.000.000 50 centimes. + 9.500.000 10 + 20.000.000 5 + 1.500.000 2 + 2.000.000 1 + +Mais la Monnaie a travaillé en outre pour l'Indo-Chine, la Tunisie, le +Maroc, la Grèce et le Venezuela. + +D'autre part, il a été procédé à la refonte et à la réfection de +17.555.070 francs en pièces de 10 francs et 481.410 francs en pièces +d'or diverses. + +La refonte et l'affinage des écus aurifères antérieurs à 1830, et des +écus à l'effigie de Louis-Philippe, et l'abaissement du titre de 900 à +835 millièmes, ont procuré un bénéfice de 1.224.038 francs. + + + +LE BEAU RAID DE DEUX GÉNÉRAUX. + +Combien de fois--toutes les fois à peu près que la question du +«rajeunissement des cadres» revenait sur le tapis--avons-nous eu l'écho +des appréhensions que pouvaient bien faire concevoir l'état physique de +certains des chefs de l'armée, leur insuffisante validité, leur manque +éventuel de résistance, en cas de campagne! Le raid tout à fait +admirable que viennent d'accomplir deux de nos «Marocains», les plus +allants et les plus haut cotés, les généraux Dalbiez et Gouraud, +répondent--au moins pour ce qui les concerne--à ces inquiétudes. + +Le général Lyautey convoquait récemment ses deux excellents +collaborateurs à Rabat. Ils devaient s'y rendre d'urgence, de Meknès où, +ils étaient, en suivant la ligne d'étapes du nord, celle que jalonnent +les postes de Dar bel Hamri, Sidi-Aya, Kenitra, soit 155 kilomètres à +parcourir en deux jours. + +Avec une des auto-mitrailleuses dont dispose l'état-major, la chose +était facile. Mais le mauvais état des pistes, détrempées par la pluie, +interdisait même de songer à ce moyen de transport rapide. Que faire? + +Les deux officiers généraux ne balancèrent pas: ils gagneraient à cheval +Sidi-Aya, où aboutit actuellement la voie ferrée qu'on pousse +progressivement et sûrement vers Meknès. + +En selle à 7 heures du matin, le général Dalbiez et le général Gouraud +arrivaient à 14 heures à Dar bel Hamri. Le temps d'y souffler un peu et +de changer de montures, et ils repartaient une heure après. A 18 heures, +ils étaient à Sidi-Aya. + +Ils avaient parcouru en treize heure 93 kilomètres. Qu'en disent les +«jeunes»? + +[Illustration: Un Zeppelin de 140 mètres de long aplati sur le sol par +une rafale, au champ de manoeuvres de Carlsruhe.] + + + +LE NOUVEAU RÈGNE EN GRÈCE + +_(Voir la gravure de première page.)_ + +Aussitôt qu'il eut rendu ses devoirs à la dépouille mortelle de son +père, à Salonique, le nouveau roi Constantin, abandonnant un moment +l'armée qu'il vient de conduire si brillamment à la victoire, rentrait à +Athènes, où il arriva le 20 mars en compagnie de la reine Sophie. Le +couple royal fut accueilli dans sa capitale avec la plus chaleureuse +sympathie. + +Le lendemain, vendredi, le souverain prêtait devant le Parlement, le +serment solennel de fidélité à la. Constitution. + +Sur l'estrade, élevée au fond de l'hémicycle où siège d'habitude le +président de l'assemblée, en arrière et au-dessus de la tribune, le roi +Constantin prit place, ayant à sa gauche la reine Sophie en grand deuil, +à sa droite le métropolite d'Athènes. Il était entouré des princes ses +enfants et ses frères, de tous les ministres, du haut clergé. + +La cérémonie fut brève et d'une grande simplicité. Le métropolite--c'est +à ce moment que fut prise la photographie que nous reproduisons ici--lut +la formule du serment. Puis le roi, la main tendue sur l'évangéliaire, +jura. Mais le respectueux enthousiasme que témoigna au roi et à la reine +le Parlement entier donna à cette solennité un caractère +particulièrement émouvant. + +[Illustration: L'assassin du roi Georges 1er, entre eux gendarmes +crétois. _Photographie prise le 19 mars, lendemain de l'attentat._] + +[Illustration: Une assemblée populaire, réunie sur une promenade à +Genève, délibérant et votant sur une grande question d'intérêt +national--_Phot. E. Wenger._] + +En contraste, un correspondant de Salonique nous envoie la photographie +de l'assassin du roi Georges prise au lendemain de l'attentat. Ce +Skinas, avec son oeil mauvais et fiévreux, et l'expression de haine et +de douleur qui tourmente son visage, est bien le type du dégénéré que +nous avaient annoncé les dépêches. + + + +LES FÊTES RUSSES + +Les échos des splendides fêtes du tricentenaire des Romanof ne sont pas +encore éteints en Russie où l'union de la nation et de la dynastie +régnante ne parut jamais plus étroite. Nous avons, dans un précédent +numéro, donné les aspects de la rue, à Saint-Pétersbourg, lorsque le +cortège impérial se rendit à la cathédrale pour y assister au service +d'actions de grâces. Le document que nous publions aujourd'hui fixe un +autre aspect de ces cérémonies commémoratives. Notre gravure représente, +en effet, l'impératrice douairière recevant, en grand costume d'apparat, +le 8 mars, dans la salle de concert du Palais d'hiver, les dames de la +haute société de Saint-Pétersbourg à l'heure même où, dans une autre +salle du palais, le tsar accueillait les délégations provinciales. + +Le lendemain, le souverain inaugurait la Maison du peuple «Empereur +Nicolas II», fondée par lui pour commémorer le tricentenaire de sa +dynastie. + +Les fêtes du tricentenaire se sont terminées à Saint-Pétersbourg par un +banquet qui a réuni au Palais d'hiver, en présence de l'empereur, des +deux impératrices et des grands-ducs, l'émir de Boukhara, le métropolite +catholique, le khan de Khiva, les délégués mongols, le haut clergé +orthodoxe, le patriarche d'Antioche, l'archevêque arménien, les +ministres et tous les hauts dignitaires de l'État avec les représentants +de la noblesse et des zemstvos et de nombreuses députations, ce qui ne +représentait pas moins d'un millier d'invités. + + + +UN MOUVEMENT NATIONAL EN SUISSE + +Un curieux mouvement, qui s'inspire des idées de liberté nationale si +chères au coeur des Suisses, vient de se produire à Genève, à Berne, à +Lausanne, et dans toutes les grandes villes de la Confédération, contre +le projet de convention du Gothard actuellement soumis aux Chambres +fédérales. + +Ce projet, que le Conseil fédéral a signé avec l'Allemagne et l'Italie, +étend à l'ensemble des chemins de fer helvétiques le régime de faveur +qui avait été accordé à ces deux nations, par les traités de 1869 et de +1878, pour la seule ligne du Gothard; dorénavant, elles bénéficieraient +de tarifs commerciaux privilégiés sur la totalité des réseaux, sans que +la réciprocité soit consentie à la Suisse sur les chemins de fer +allemands et italiens. Dans cette nouvelle convention, nos voisins, en +très grande majorité, voient une atteinte à leur indépendance +économique, à leurs règles de neutralité. Et, à quelque parti qu'ils +appartiennent, ils ont protesté contre elle en de nombreuses assemblées +populaires, que l'on ne peut manquer de suivre, en France, avec un +particulier intérêt. + +A Genève, dimanche dernier, une grande manifestation, qui se déroula +dans un calme impressionnant, réunissait sous les marronniers séculaires +de la Treille, la plus ancienne promenade de la cité de Calvin, des +milliers de citoyens, comme au temps où le peuple délibérait, dans les +occasions solennelles, sur les affaires publiques. En tête de la +proclamation qui les avaient convoqués, on lisait cette phrase extraite +du message adressé en 1511 par le Conseil de Genève au duc de Savoie: +«Nous aimons mieux vivre dans une pauvreté couronnée de toutes parts de +liberté que de devenir plus riches et vivre dans la servitude.» Et le +rappel de cette fière parole accentuait encore le caractère traditionnel +de la réunion. + +La foule entendit deux orateurs, l'un appartenant au parti conservateur, +M. Gustave Ador, l'autre au parti radical, M. Besson. Puis, à mains +levées, elle vota contre l'adoption du projet de convention, et ne se +sépara qu'après avoir chanté, gravement, le «Cantique suisse». + +[Illustration: L'impératrice. LES FÊTES DU TRICENTENAIRE DES +ROMANOF.--Réception, au Palais d'hiver, des dames de l'aristocratie +russe, par l'impératrice douairière.--_Phot. C. E. de Hahn._] + +Ce numéro est complété par une gravure en taille-douce remmargée: LE +PRINTEMPS, avec texte sur feuille de garde. + + + +[Illustration: MIGNONNE, VOICI L'AVRIL, par Henriot.] + + +SUPPLÉMENTS + +ROSALBA CARRIERA + +LE PRINTEMPS + +(PASTEL DU MUSÉE DE DIJON) + +La faveur qui aujourd'hui s'attache à toutes les productions de l'art +élégant du dix-huitième siècle a remis à la mode, avec La Tour et +Perronneau, à un plan seulement en arrière, leur heureuse émule comme +pastelliste, la Vénitienne Rosalba Carriera. + +Et voilà des renommées qui reviennent, comme on dit, de loin. Car quelle +éclipse n'ont-elles pas subie! + +Rosalba Carriera eut peut-être moins que les grands maîtres auxquels on +peut la comparer, sinon l'égaler, à souffrir des dédains d'une certaine +époque. On lui tint toujours équitablement compte de ce que, n'étant +qu'une «faible femme», elle ne se fût jamais évertuée vers la puissance +et la virilité, de la bonne grâce avec laquelle elle se résigna +simplement à la grâce. + +Alfred Sensier qui, voilà tantôt un demi-siècle, à l'époque du pire +discrédit pour l'art des Watteau et des Fragonard, a publié, autour de +son _Diario_, du journal cursif de l'année qu'elle passa à Paris, +d'avril 1720 à mars 1721, un travail qui demeure la source première de +tout ce qu'on pourra écrire sur elle, a recherché les causes de cette +faveur relative dont elle continua de jouir, même en ces temps cruels à +ceux qu'on appelait les «petits maîtres». + +«Son talent, disait-il, n'a ni les proportions, ni la naïveté puissante, +ni le sens psychologique perdu à son époque des grands portraitistes des +seizième et dix-septième siècles. Sa forme est affaiblie, et représente +comme un diminutif des artistes qui l'ont précédée, mais elle a une +personnalité bien distincte; ses peintures ont un charme tout féminin +auquel on se laisse aller.» + +Se «laisser aller», c'était, en ces jours d'austérité, de passion pour +le style, tout ce qu'on pouvait faire en faveur de cette charmeuse,--car +Alfred Sensier est sévère, d'autre part, pour «Frago», pour Lebrun, +Largillière, Rigaud eux-mêmes: l'art était mort depuis Raphaël. Et à ce +moment-là, on pouvait acquérir un pastel de Rosalba Carriera pour des +prix variant de 47 à 820 francs (le portrait de la _Comtesse Labbia_ fut +payé 440 francs à la vente Piot, en 1864 et, en 1831, à la vente La +Mésaugère, on avait vu pis: six portraits, avec leurs cadres en cuivre, +pour 50 francs!) + +_Le Printemps_, du musée de Dijon, que nous reproduisons ici, est +vraiment un morceau très représentatif du talent de la charmante +portraitiste: un visage aimable, sincère, candide même, sans sourire +équivoque, sans sous-entendus aux coins des yeux; une gorge fraîche, +jeune, un bras rond et doux qui ne pose point pour la ligne; une +allégorie accessible à tous; un brin de lilas, une rose dans un pli de +draperie... que souhaiter de plus? + +Avec ces faciles moyens de séduire, la Rosalba fut tout un an l'idole de +Paris, où l'avait attirée le mécène Pierre Crozat, celui qu'on appelait +Crozat le Pauvre,--pauvreté relative, et qui ne l'empêcha pas de former +un cabinet d'art admirable dont les seuls dessins, la plupart +aujourd'hui au Louvre, «firent», à sa vente, pour parler comme à l'hôtel +Drouot, 400.000 livres! Voyageant en Italie, en 1715, il avait rencontré +cette femme séduisante et cette adroite artiste, et l'avait conviée à +venir en France, lui offrant chez lui, en son hôtel de la rue Richelieu, +une hospitalité princière: elle allait accepter cinq ans plus tard. + +La renommée de la Rosalba alors était déjà consacrée en Europe. + +Fille de braves gens pas très fortunés, mais dignes, Rosa-Alba Carriera +avait connu des débuts difficiles. Née en 1675, à Venise--où elle devait +finir ses jours chargés de gloire en 1757, à quatre-vingt-deux ans--elle +s'initia aux premiers principes de l'art en dessinant, pour seconder sa +mère, improvisée dentellière afin de subvenir aux besoins du ménage, des +points de Venise, alors dans toute leur vogue. Puis, la mode passa de +ces prestigieuses dentelles, aujourd'hui ornement des corbeilles +princières, quand ce ne sont pas pièces de collections ou de musée. Mais +le tabac fit fureur: la jeune fille se mit à peindre des miniatures pour +tabatières. + +Enfin, un Anglais, Cole--ou Colle--lui révéla, vers 1704, le métier du +pastel, perdu, presque oublié. D'un coup, pour ainsi dire, elle saisit +admirablement toutes les ressources de cet art alerte et délicat. Et la +voilà devenue pastelliste!... + +Sans doute, quand elle vint à Paris, sa place y avait été dévotieusement +préparée par Pierre Crozat, «le plus grand amateur d'art de l'Europe, le +plus riche et le plus passionné». Du jour au lendemain, elle y fut +l'idole de la ville et du théâtre. + +Ses premiers modèles y sont Mlle d'Argenon, ou d'Argeneu, une amie de +Crozat, que Watteau a portraiturée aussi; John Law, le fils du fameux +auteur du «Système», alors dans tout son fugitif éclat; le prince de +Conti; des princesses de la famille royale, Mlles de Charolais, de +Clermont, de La Roche-sur-Yon; enfin, le roi, le petit roi Louis XV +lui-même (cette oeuvre est probablement celle qui figure aujourd'hui au +musée de Dresde);--et puis la duchesse de La Vrillière; la duchesse de +Richemond; la duchesse de Brissac; la duchesse de Lorge, Mme de +Parabère, l'amie du Régent; Mme de Prie; et, en passant, suprême hommage +rendu à son talent, Antoine Watteau lui-même demande à poser devant +elle... Elle était déjà membre de l'Académie de Saint-Luc, à Rome, de +l'Académie Clémentine de Bologne; l'Académie royale des beaux-arts se +crut honorée en lui expédiant son diplôme «gratis». + +Tant d'heur et tant de gloire ne la grisèrent point. Dans son journal, +simple mémorandum plutôt, elle note d'un trait les commandes les plus +illustres, pêle-mêle avec les menus incidents de la vie, les visites, +les courses, ainsi qu'on dirait aujourd'hui. Rien ne semble l'éblouir, +rien ne l'attache et ne la retient dans cette ville où elle est adorée, +adulée, et, Crozat parti pour la Hollande, elle achève en hâte les +commandes qu'elle a encore, distribue quelques souvenirs; puis, quittant +le somptueux hôtel dont le magnifique financier lui a laissé pourtant la +jouissance, elle repart vers Venise. + +Le succès l'y attend, fidèle. + +Une clientèle d'admirateurs illustres guettait son retour: le cardinal +Albani, Auguste III, amateur d'art couronné, multiplient les commandes. +L'impératrice Elisabeth-Christine la demande à Vienne, empressée de +devenir son élève. + +Et sa vie eût fini en apothéose si, en 1749, une infirmité cruelle, +menaçante de longue date déjà, ne se fût abattue sur elle: cette +amoureuse éperdue de la couleur, de la lumière, devint aveugle. Ainsi +l'étoile Rosalba s'éteignit soudainement au ciel vénitien où rayonnaient +dans un radieux crépuscule d'art Guardi, Canaletto, Tiépolo. + +[Illustration: «Le Printemps». Planche illustrée en couleur] + +[Note du transcripteur: L'autre supplément mentionné en titre ne nous a + pas été fournis] + + + + + +End of Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3657, 29 Mars 1913, by Various + +*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3657, 29 *** + +***** This file should be named 37874-8.txt or 37874-8.zip ***** +This and all associated files of various formats will be found in: + http://www.gutenberg.org/3/7/8/7/37874/ + +Produced by Jeroen Hellingman et Rénald Lévesque + +Updated editions will replace the previous one--the old editions +will be renamed. + +Creating the works from public domain print editions means that no +one owns a United States copyright in these works, so the Foundation +(and you!) can copy and distribute it in the United States without +permission and without paying copyright royalties. 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Email contact links and up to date contact +information can be found at the Foundation's web site and official +page at http://pglaf.org + +For additional contact information: + Dr. Gregory B. Newby + Chief Executive and Director + gbnewby@pglaf.org + + +Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg +Literary Archive Foundation + +Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide +spread public support and donations to carry out its mission of +increasing the number of public domain and licensed works that can be +freely distributed in machine readable form accessible by the widest +array of equipment including outdated equipment. Many small donations +($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt +status with the IRS. + +The Foundation is committed to complying with the laws regulating +charities and charitable donations in all 50 states of the United +States. 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Thus, we do not necessarily +keep eBooks in compliance with any particular paper edition. + + +Most people start at our Web site which has the main PG search facility: + + http://www.gutenberg.org + +This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, +including how to make donations to the Project Gutenberg Literary +Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to +subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. diff --git a/37874-8.zip b/37874-8.zip Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..f48cb1f --- /dev/null +++ b/37874-8.zip diff --git a/37874-h.zip b/37874-h.zip Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..6ef7008 --- /dev/null +++ b/37874-h.zip diff --git a/37874-h/37874-h.htm b/37874-h/37874-h.htm new file mode 100644 index 0000000..9af1d16 --- /dev/null +++ b/37874-h/37874-h.htm @@ -0,0 +1,2699 @@ +<!DOCTYPE html PUBLIC "-//W3C//DTD HTML 4.01 Transitional//EN"> +<html> +<head> + <meta http-equiv="content-type" content="text/html; charset=ISO-8859-1"> + <title>The Project Gutenberg eBook of L'Illustration, No. 3657, 29 Mars 1913 by Various</title> + +<link rel="coverpage" href="images/cover.jpg"> + +<style type="text/css"> + + +body {margin-left: 10%; margin-right: 10%} + +h1,h2,h3,h4,h5,h6 {text-align: center;} +p {text-align: justify} +blockquote {text-align: justify} + +hr {width: 50%; text-align: center} +hr.full {width: 100%} +hr.short {width: 10%; text-align: center} + +.note {font-size: 0.8em; margin-left: 10%; margin-right: 10%} +.footnote {font-size: 0.8em; margin-left: 10%; margin-right: 10%} +.side {padding-left: 10px; font-weight: bold; font-size: 75%; + float: right; margin-left: 10px; border-left: thin dashed; width: 80px; text-indent: 0px; font-style: italic; text-align: left} + +.sc {font-variant: small-caps} +.lef {float: left} +.mid {text-align: center} +.rig {float: right} +.sml {font-size: 10pt} +.overl {font-size: 10pt; text-decoration: overline; text-align: center} +.cont {width: 650px} +.somm {float: left; width: 300px; font-size: 10pt; padding: 1em} +.suppl {color: #5A5047; background-color: #EEE2CA } + + +span.pagenum {font-size: 70%; left: 91%; right: 1%; position: absolute} +span.linenum {font-size: 70%; right: 91%; left: 1%; position: absolute} + +.poem {margin-bottom: 1em; margin-left: 10%; margin-right: 10%; + text-align: left} +.poem .stanza {margin: 1em 0em} +.poem .stanza.i {margin: 1em 0em; font-style: italic;} +.poem p {padding-left: 3em; margin: 0px; text-indent: -3em} +.poem p.i2 {margin-left: 1em} +.poem p.i4 {margin-left: 2em} +.poem p.i6 {margin-left: 3em} +.poem p.i8 {margin-left: 4em} +.poem p.i10 {margin-left: 5em} +.poem p.i12 {margin-left: 6em} +.poem p.i14 {margin-left: 7em} +.poem p.i16 {margin-left: 8em} +.poem p.i18 {margin-left: 9em} +.poem p.i20 {margin-left: 10em} +.poem p.i30 {margin-left: 15em} + + + +</style> +</head> +<body> + + +<pre> + +Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3657, 29 Mars 1913, by Various + +This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with +almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or +re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included +with this eBook or online at www.gutenberg.org + + +Title: L'Illustration, No. 3657, 29 Mars 1913 + +Author: Various + +Release Date: October 29, 2011 [EBook #37874] + +Language: French + +Character set encoding: ISO-8859-1 + +*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3657, 29 *** + + + + +Produced by Jeroen Hellingman et Rénald Lévesque + + + + + +</pre> + + + + +<br><br> + +<div class="cont"> + +<p>L'Illustration, No. 3657, 29 Mars 1913</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/000small.png"><br><a href="images/000large.png">(Agrandissement)</a></p> + +<div class="sml"> +<p>Ce numéro comprend, dans ses <span class="sc">vingt-quatre pages, une gravure en +taille-douce</span> remmargée avec feuille de garde. Il est accompagné de LA +PETITE ILLUSTRATION, Série-Roman n° 3, contenant la troisième partie du +roman de M. Marcel Prévost: <b>Les Anges gardiens.</b></p> +</div> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/001.png"></p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/001a.png"><br><b>LE SERMENT DU NOUVEAU ROI DES HELLÈNES Au Parlement +d'Athènes, entouré de la famille royale, du haut clergé et des +ministres, le vainqueur de Salonique et de Janina jure fidélité à la +Constitution.</b>--<i>Voir l'article, page 284.</i></p> +<br><br> + +<h3>COURRIER DE PARIS</h3> + +<h4>LE PRINTEMPS</h4> + +<p>Il y a, dans nos idées et dans nos sentiments, une périodicité +merveilleuse et fatale créée par les saisons. Chacune d'elles, à époque +fixe, ramène des pensées pareilles dont nous ne pouvons pas plus nous +défendre que l'arbre de ses bourgeons. Nous ne sommes pas maîtres de la +circulation de nos sèves. Dès la fin de mars, des feuilles sont en nous +qui veulent pointer et sortir. Et c'est pourquoi, tous les ans, nous +nous étonnons, avec une naïveté qui jamais ne s'épuise, d'éprouver la +même impression singulière en lisant un jour sur le calendrier ces deux +brusques syllabes: Printemps. Elles éclatent comme une coque.</p> + +<p>Et, aussitôt, nous voilà pensifs, inquiets, tristes et gais tour à tour. +Printemps... Le passé nous fait regarder en arrière. Printemps... +L'avenir, au fond de ses bois, sonne du cor. Printemps... Que va-t-il +arriver? Qu'est-ce qui se prépare en nous et hors de nous? Des bonheurs +sont cachés qui nous guettent dans les buissons plus serrés. Il y a +quelqu'un d'attendu. D'où vient ce vent frais et léger, cet air vif qui +prépare et semble apporter déjà l'hirondelle? Entre les pleurs des +souriantes giboulées, le ciel montre un bleu de myosotis, et le nuage +animé court avec une hâte aimable comme pour nous dire de là-haut: «Je +ne fais que traverser. Je ne reste pas.» Le soleil, jusque-là si retiré, +si pâle et si déteint, nous pose tout à coup des pointes de feu qui nous +brûlent, et son éclat aveuglant devient insoutenable dans le miroir des +flaques de soufre laissées à terre par la récente averse. Ah! Printemps! +Printemps! Que me veux-tu donc? Pourquoi reviens-tu, tout seul jeune et +seul toujours pareil, seul ne bougeant pas, quand l'homme, en dépit des +fausses joies, des illusions d'une minute et des ardeurs d'une seconde +que tu lui rends, change et vieillit davantage à chacun de tes insolents +retours et cesse de plus en plus d'être printanier? Pourquoi lui +remets-tu à l'esprit et au coeur des désirs oubliés dont il n'a plus +l'orgueil, et des espoirs décevants dont tu n'es pas capable toi-même, +avec toutes tes excitations, d'assurer la suite? Est-ce pour le narguer? +le faire souffrir? Quel est ton but et ton calcul? Consoles-tu? +Désoles-tu? Parle, allons? Explique-toi. Abats ton jeu. Dis ce que +signifient tes sautes d'humeur et de vent, tes câlineries et tes +rudesses, ton âpre bise et tes tièdes rayons, tes douches de chaleur et +de froid, tes précoces maturités et tes gelées soudaines, ton +arc-en-ciel mal essuyé et tes aigres tempêtes... ta grâce féminine et +ton affreux caractère?</p> + +<p>Car tu n'es pas du tout ce que le prétend et l'a indument établi la +molle légende; tu n'as rien de l'époque vaporeuse et suave que proclame +la poésie et qu'ont célébrée les chansons des Musettes. Tu t'écartes de +plus en plus de ta réputation romantique. Tu restes aigu, difficile. Et +je t'en loue, ô printemps! je t'en félicite! Combien tu me plais, saison +dangereuse, dans ta virginale et dure vérité! Tu as la rustique saveur +qui fouette et tonifie. Tes eaux semblent plus froides que celles de +l'hiver, tu maltraites la peau, tu poivres les yeux comme à l'automne, +tu pousses l'homme imprudent à se découvrir trop tôt pour te donner la +joie taquine de l'enrhumer, tu es perfide, vinaigrée, infernale de +malice et de ruse. On ne sait jamais avec toi de quel pied partir et sur +lequel danser. Tu ris, tu pleures, tu te fâches, tu boudes, tu vous +donnes un baiser... et une claque. Ton feuillage lui-même est d'un éclat +trop neuf qui manque d'habitude et qui paraît toujours prématuré. Tout +chez toi offre une acidité irritante et qui picote. Mais aussi quel ton! +quel montant! Quand on consent à te voir et à t'accepter telle que tu +es, dans ta résistante sauvagerie, tu procures d'inoubliables joies qui +ne s'attaquent pas à tous.</p> + +<p class="mid">*<br>* *</p> + +<p>Pour bien te goûter, printemps, et comme tu le mérites, il est +indispensable, d'abord, d'avoir fait ses classes, d'avoir parlé latin et +su trois mots de grec, et d'avoir feuilleté Ovide, Théocrite et Virgile, +et récité par coeur cinq petits vers d'Horace,... car devant plus d'un +rameau d'avril dressé comme le bras de la nymphe qui va être prise, et +au bout duquel jaillissent des glaives de verdure à la place des doigts, +il est impossible de ne pas se rappeler avec ravissement certains +passages des <i>Métamorphoses</i>. Le printemps est la saison mythologique de +l'année.</p> + +<p>Et pour te bien comprendre et te pénétrer encore, printemps, il sera +nécessaire d'avoir l'âme un peu Renaissance, d'avoir aimé l'Astrée, les +tapisseries bleues où il ne fait pas très chaud, les roseaux courbés par +Éole, la coiffe de la Dame gonflée par le vent de la tour, et la rosée +du matin sur les étriers, et les jardins plats et frisquets du temps des +Valois où s'inspirait Ronsard.</p> + +<p>Et ce n'est pas tout. Pour te garder, printemps, un souvenir fidèle et +qui jamais ne s'use, et qui, au contraire, se fasse plus tendre et plus +amoureux, il faut que très petit enfant, à l'âge où nous sont révélées +les divines beautés de la nature et des choses humaines, nous t'ayons +découvert non pas dans les villes, mais loin d'elles, à la campagne... +oui... que ce soit sous un arbre en train de déplier les papillotes de +ses feuilles, près d'une tige onglée de vert, les pieds dans l'herbe +humide et au chant d'un pinson, que nous ayons, pour la première fois, +salué ton arrivée et reçu ton bonjour guilleret.</p> + +<p>Si nous avons eu ce bonheur, jamais en nous tu ne passeras. Tu nous +auras marqués pour toujours; nous resterons baptisés de ton charme et +parfumés de ton jeune lilas. Chaque année la vie, un instant, +recommencera pour nous à partir de la minute où nous avons fait +connaissance. Dans l'âge mûr et jusque dans la vieillesse, tu nous +ramèneras à l'entrée du jardin, en nous rendant l'odorat délicieux que +nous avions alors sous l'étourdissement de la première rose.</p> + +<p class="mid">*<br>* *</p> + +<p>Mais, malgré tout, quel que soit le jour, le lieu, l'instant où nous +t'avons appris, tu nous fais plaisir quand tu reviens, et l'on +t'embrasse sur les joues de celles qui sont <i>toi</i>, ton image vivante, le +printemps fait femme. Il t'arrive de nous attrister, de nous remplir de +regrets, nous ne t'en voulons pas. Nous te pardonnons la peine que tu +nous causes parce que tu nous émeus, que jamais tu ne nous laisses +indifférents. Nous ne te prenons pas au mot, nous sommes trop sages pour +cela, nous savons bien que tu n'apportes rien de plus à chacun de nous, +que tu ne lui donnes que ce qu'il a, c'est-à-dire le peu, le rien qu'il +a pu garder,... et que le printemps du voisin n'est pas le mien,... +cependant nous te sommes reconnaissants de nous faire croire, sans que +nous soyons dupes, de nous aider à être en quelque sorte les +illusionnistes volontaires de nous-mêmes. Tu séduis en effet notre +clairvoyance sans la troubler et tu fais de nous des chimériques d'un +moment, conscients et désolés,--et tout de même joyeux! Tu nous grises, +tu nous ressuscites, Lazares d'une aurore qui n'ignorons pas qu'avant le +soir le linceul nous rhabillera. Ainsi, quoique tu n'opères en nous +aucun gracieux changement, que tu accentues comme exprès le triste +acquis et les stigmates des années, que tu ne sois pas capable de nous +ôter une ride ni de blondir un seul de nos cheveux blanchis, tu nous +rajeunis quand même... oui... par le regret, par l'inutile et déchirant +désir, par la douleur de l'irréparable, par le mirage des amours +passées, par les fantasmagories de l'évocation, par les sourires et par +les pleurs que tu nous arraches, par le désespoir de notre tendresse +devenue plus ardente et plus riche, par la beauté de souffrance que tu +développes, par tout cela, printemps, tu nous fais jeunes, jeunes, +jeunes comme jamais nous ne l'avons été, comme nous ne l'étions pas +quand nous avions l'âge de l'être, et que nous respirions nos vingt ans, +sans savoir. A présent nous savons, nous sommes renseignés, mais nous +n'avons plus les splendeurs de notre adorable ignorance. Du moins +meurtris, frappés, privés chaque jour davantage, nous nous faisons de +tous nos plus chers souvenirs--auxquels, parfois, viennent s'en ajouter +de précieux encore --nous nous faisons en nous-mêmes un printemps, un +printemps intérieur, un printemps secret qui ne se voit pas du dehors, +pareil à ces petits jardins des châteaux en ruines, cachés derrière des +remparts. Et quand revient chaque année le printemps de tous, +l'universel, il nous invite à descendre nous promener dans ces allées +intimes, dans ces bosquets du coeur où brille un soleil plus chaud que +le vrai, où les fleurs jamais ne se fanent, où le ciel est d'un bleu que +je ne peux dire...<br> + +<span class="rig"><span class="sc">Henri Lavedan.</span></span></p> + +<p><i>(Reproduction et traduction réservées.)</i></p><br><br> + +<h3>LE NOUVEAU MINISTÈRE</h3> + +<p>C'est dans la soirée de mardi que le ministère Briand, mis en minorité +au Sénat sur la question de la représentation proportionnelle, dut +remettre sa démission au président de la République. Le surlendemain, +jeudi, après les consultations d'usage, M. Poincaré a confié à M. Louis +Barthou, garde des Sceaux et vice-président du cabinet démissionnaire, +le soin de former le nouveau ministère qui a été définitivement +constitué vendredi soir à 11 heures. La crise aura donc été rapidement +et facilement résolue. Huit des ministres ou sous-secrétaires d'État du +précédent cabinet sont d'ailleurs demeurés dans le ministère actuel, qui +comprend douze députés et quatre sénateurs. En prenant la présidence du +Conseil, M. Louis Barthou s'est réservé le portefeuille de l'Instruction +publique. Les ministres de la défense nationale, MM. Étienne (Guerre) et +Pierre Baudin (Marine), conservent leurs hautes responsabilités. M. +Stéphen Pichon revient au quai d'Orsay, où il fit précédemment, et avec +distinction, un long séjour. M. Klotz passe des Finances à l'Intérieur.</p> + +<p>Les autres membres du nouveau cabinet sont: MM. Antony Ratier (Justice), +Charles Dumont (Finances), Jean Morel (Colonies), Alfred Massé (Commerce +et Postes et Télégraphes), Joseph Thierry (Travaux publics), Clémentel +(Agriculture), Henri Chéron (Travail), Paul Morel (sous-secrétariat de +l'Intérieur), Paul Bourély (sous-secrétariat des Finances), Léon Bérard +(sous-secrétariat des Beaux-Arts). Pour M. Anatole de Monzie, enfin, est +créé un sous-secrétariat de la Marine marchande. Cette création enlève +une direction importante au ministère du Commerce, auquel, en +compensation, on a rendu les Postes et Télégraphes. D'où la suppression +du sous-secrétariat que M. Chaumet dirigeait depuis plusieurs années +avec une active compétence.</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/002a.png"><br>De gauche à droite: M. Ch. Dumont. (Finances.) M. St. Pichon.(Aff. étrangères.) M. Ratier. (Justice.) M. L. Barthou. (Président du Conseil [I. P.]) +M. P. Baudin. (Marine.) M. Klotz. (Intérieur.) M. Clémentel. (Agriculture.) M. Étienne. (Guerre.) M. J. Thierry. (Travaux publics.) M. +Massé. (Commerce.) M. J. Morel. (Colonies.) M. H. Chéron. (Travail.) +<br><b>Le nouveau ministère, présidé par M. Louis Barthou.</b></p> + +<p>En se présentant, ainsi constitué, devant la Chambre, mardi dernier, le +nouveau conseil des ministres, par la voix de son président, a déclaré +avant tout faire sien le projet de loi, déposé par le précédent cabinet, +et qui porte à trois ans la durée du service militaire égal pour tous. +En ce qui concerne la réforme électorale, il s'est affirmé favorable à +une transaction.</p> + +<p>Immédiatement interpellé par MM. Franklin-Bouillon et Maurice Viollette +sur la composition du ministère et la politique qu'il entend suivre, le +président du Conseil a obtenu de la Chambre, par 222 voix contre 162, +avec 164 abstentions, un premier vote favorable.</p> + +<br><br> + +<h3>«LE SECRET»</h3> + +<p>Toute la presse a salué de ses enthousiastes éloges la belle oeuvre que +M. Henry Bernstein vient de faire représenter au théâtre des +Bouffes-Parisiens et, depuis, le public a ratifié et confirmé cet +éclatant succès. On a constaté que l'auteur de <i>la Rafale</i> et de +<i>l'Assaut</i>, après avoir passé du drame de situation au drame social, en +était arrivé, avec <i>le Secret</i>, au drame de caractère, et' qu'il lui +avait, d'emblée, donné une vie extraordinaire. Pourtant c'était +assurément au caractère et, du même coup, au sujet théâtralement les +plus dangereux que M. Bernstein s'était attaqué là.</p> + +<p>Aux époques de notre littérature où l'on intitulait des pièces <i>le +Menteur, l'Avare, l'Étourdi</i>, et où l'on faisait tourner leurs trois +actes ou leurs cinq actes autour d'un personnage, on aurait donné pour +titre à une telle oeuvre: <i>la Méchante</i>; mais ce titre eût été lui-même +aussi «ingrat» que le sujet et que le personnage qu'il désignait.</p> + +<p>Tandis que M. Henry Bernstein a préparé, noué et développé son intrigue +avec une telle habileté, présenté, fouillé, éclairé ses caractères avec +une si sûre intuition, une si franche maîtrise, qu'il se trouve avoir +accru son succès des difficultés mêmes de l'entreprise.</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/002b.png"><br> +<span class="sml">M. Claude Garry (Constant Jeannelot). M. Victor Boucher (Denis Le Guenn).</span><br> +<b>LE SECRET.--Après la révélation.</b>--<i>Dessin de <span class="sc">J. +Simont.</span></i></p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/003.png"><br> +<span class="sml">Mme Simone (Claire Jeannelot). Mlle Madeleine Lély (Henriette Hozleur).</span><br> +<b>LE SECRET.--Après l'aveu de l'amie +perfide.</b>--<i>Dessin de <span class="sc">J. Simont.</span></i></p> + +<p>Le caractère qui domine, en cette pièce, tous les autres et dont les +manifestations ont leur répercussion sur l'existence des êtres proches, +est donc celui d'une femme méchante, spontanément et foncièrement +méchante, envieuse, jalouse de tout bonheur dont elle n'est pas la +bénéficiaire ou la dispensatrice, mais non toutefois dénuée +d'aspirations nobles, capable de remords et même d'amour vrai. Cette +méchanceté est d'ailleurs subtilement dissimulée; c'est le «secret» de +cette âme... Auprès de cette jeune femme, Claire Jeannelot, aimée et +amoureuse de son mari, vit sa meilleure amie, une jeune veuve, Henriette +Hozleur, qui a aussi son «secret», mais qui est un secret de fait: +confiante en la parole de l'élégant Charlie Punta-Tulli, elle s'est +donnée à lui, au début de son veuvage, et la rupture est survenue. +Maintenant Henriette épouse le timide et délicat Denis Le Guenn et la +félicité des deux époux serait parfaite si Charlie Punta-Tulli ne +réapparaissait. Voilà le secret d'Henriette révélé: son union avec Le +Guenn va être rompue et ce sera un atroce déchirement. Or, ce n'est +point le hasard qui commit ces cruautés réitérées, et la découverte de +la faute d'Henriette fait par conséquence dévoiler la méchanceté innée +<span class="lef"><img alt="" src="images/004.png"><br><b> +LE NOUVEAU CYRANO.--M. Le Bargy<br> dans son +costume du premier acte.</b><br> --<i>Photo-Couleurs.</i></span> +de Claire. Claire implore d'abord le pardon d'Henriette, puis se +confesse à son mari en sanglotant, et, par cet aveu et par ces pleurs +sincères, la monstrueuse créature nous devient presque pitoyable. Et le +triste Le Guenn est obligé de convenir que l'infortune de Jeannelot +égale si elle ne dépasse la sienne. Pour l'un comme pour l'autre +d'ailleurs le temps apaisera ces douleurs.</p> + +<p>Les interprètes des quatre principaux rôles, Mme Simone, Mlle Lély, MM. +Garry et Boucher, ont contribué à l'incroyable impression de vie +profonde, intense qui émane de cette pièce. On les a acclamés.</p> + +<p>Svelte, cambrant sur deux jambes maigres un corps nerveux mais souple, +le regard franc et ardent, la moustache et la barbiche en bataille, le +visage enlaidi seulement par le nez «cyranesque», tel apparaît d'abord +le nouvel interprète de la comédie héroïque de M. Edmond Rostand sur la +scène de la Porte-Saint-Martin.</p> + +<p>M. Le Bargy étant le seul artiste qui ait pu, depuis la mort de +Coquelin, interpréter à Paris ce rôle éclatant et formidable, +personnifier le désormais immortel Cyrano il était inévitable qu'on le +confrontât avec la vision laissée par le «créateur» du rôle. Or, cette +dissemblance que le physique accuse, dès le premier regard, entre les +deux interprètes est celle même de l'esprit et de l'exécution des deux +interprétations. Moins de volume et d'abondance sonore chez M. Le Bargy +que chez M. Coquelin; mais, sans doute, chez M. Le Bargy, plus de +profondeur dans la tendresse et dans l'amour, de hauteur dans la +bravoure et dans la fierté. Ainsi connaît-on maintenant par lui, sous un +aspect nouveau, un peu différent et non moins juste, ce type admirable +de Français vaillant, généreux et spirituel qui se révéla il y a quinze +ans à peine sur cette même scène de la Porte-Saint-Martin et qui a déjà +pris sa place dans la galerie des héros dont s'honorent les littératures +de tous les pays et de toutes les époques.</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/005a.png"><br><b>Vue générale d'Okrida.</b></p> + +<h3>AU COEUR DE L'ALBANIE</h3> + +<h4>NOTES DE VOYAGE D'UN JOURNALISTE AMÉRICAIN</h4> + +<p class="mid">PUBLIÉES PAR ARRANGEMENT SPÉCIAL AVEC «THE CHICAGO DAILY NEWS»</p> + +<p><i>Envoyé sur le théâtre de la guerre, du côté bulgare, par son journal</i> +The Chicago Daily News, <i>M. Paul Scott Mowrer eut la bonne fortune, au +moment où se concluait l'armistice, de se voir confier, par le ministre +de l'Intérieur, au professeur Constantin Stephanof, de l'Université de +Sofia, chargé de lui servir d'interprète et aussi de veiller sur lui, +d'être son guide et son garant. Sous la conduite de ce cicérone, +charmant compagnon de route, le journaliste américain fut autorisé à +visiter les positions d'Andrinople et celles de Tchataldja. Puis, par +chemin de fer, il traversa toute la contrée, de Dimotika et de +Dedeagatch à Salonique, pour revenir ensuite à Monastir, d'où une +voiture le conduisit, à travers une région montagneuse alors ensevelie +sous la neige, à Chrida, au seuil de l'Albanie. De tout ce voyage, il a +donné à son journal de très vivants et très littéraires récits.</i></p> + +<p><i>Mais la partie la plus intéressante, peut-être, la plus neuve, du +moins, de toute cette pénible expédition, ce fut la traversée de +l'Albanie qui la couronna. Nous ne croyons pas qu'aucun autre +journaliste ait, depuis le commencement de la guerre, affronté cette +sauvage région, dont le sort, actuellement, prête à tant de rivalités. +Aussi avons-nous jugé intéressant de demander à M. Paul Scott Mowrer de +nous donner un compte rendu de son raid courageux. Voici la première +partie de son récit:</i></p> + +<h4>SERBES CONTRE BULGARES</h4> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/005b.png"><br><b>La famille du Bulgare Manef, le principal citoyen +d'Okrida.</b></p> + +<p>Un doute amer, qui peut, dans l'avenir, être pour les puissances +chargées du règlement de la question d'Orient, l'occasion de graves +inquiétudes, ronge le coeur des Slaves établis dans la région d'Okrida. +Seront-ils, désormais, Serbes ou Bulgares? Les territoires qu'ils +occupent sont devenus virtuellement le champ d'action de l'armée serbe, +et ont tous été occupés par elle. Les envahisseurs n'hésitent pas à +déclarer qu'ils sont bien résolus à demeurer là où ils sont. A leurs +yeux, en effet, la population entière de la région est serbe d'origine. +Pourtant, quand on se renseigne auprès des gens eux-mêmes du pays, à peu +d'exceptions près, ils se considèrent résolument comme des Bulgares, et +quoique leur loyauté envers le pacte d'alliance ait prévenu tout acte +d'hostilité ouverte, on sent entre les indigènes et les conquérants un +courant profond d'opposition qui laisse redouter que quelque malaise +persiste après la paix prochaine.</p> + +<p class="lef"><img alt="" src="images/005c.png"><br><b> + Une rue d'Okrida.</b></p> + +<p>--Nous avons beaucoup souffert, me répétaient à l'envi les gens de la +ville; mais, au milieu de nos souffrances, notre seul espoir était que +nous serions un jour réunis à la Bulgarie, notre patrie. Si la +conférence des puissances devait donner à la Serbie notre pays et nos +foyers, ce serait pour nous le dernier coup. Nous n'aurions plus qu'une +ressource: émigrer.</p> + +<p>--Ou encore, ajoutaient certains des plus exaltés, nous battre!</p> + +<p>Okrida, en effet, loin d'être Albanaise, comme le prétendent un certain +nombre de politiciens albanais qui vivent au dehors, était un centre +ancien de culture slave. Que cette culture fût plus particulièrement +serbe ou bulgare, c'est aux historiens d'en décider. Mais, dans le temps +présent, il n'est pas douteux, en dépit des efforts que fout les Serbes +pour dissimuler les faits, que l'immense majorité des habitants parlent +la variante bulgare de la langue slavonne et qu'ouvertement leur +fidélité, leur «allégeance», va au roi Ferdinand.</p> + +<p>Il est assez curieux de constater, en passant, que le jour où vraiment +nous avons été frappés de cet antagonisme de races fut le jour d'une +pittoresque fête religieuse, observée de concert par les deux branches +de la famille slave des Balkans. La principale cérémonie de cette +solennité avait lieu sur les rives du lac, où de rudes gars attendaient, +en chemise et culottes, pour plonger à la poursuite d'une petite croix +d'or que l'évêque devait tout à l'heure jeter dans les flots sombres et +cinglants. Afin de mieux suivre la scène, nous nous étions fait conduire +à la maison d'un pêcheur située tout au bord de l'eau. De la fenêtre, +nous voyions le plongeur victorieux barboter, frissonnant, vers la rive +et courir à travers la foule en présentant, à droite et à gauche, la +croix aux baisers. Et quand tout fut fini, que la femme du pêcheur nous +eut offert, sur un plateau, des confiseries et des liqueurs, notre hôte +lui-même, très nerveux, s'approcha silencieusement du divan où était +assis mon compagnon, le professeur Stephanof, de l'Université de Sofia, +et, à mi-voix, du ton grave d'un homme qui pose une question de vie ou +de mort, il demanda:</p> + +<p>--Et, dites-moi, comment cela va-t-il, à Sofia? Ils ne vont pas nous +trahir avec les Serbes? Nous ont-ils oubliés?</p> + +<p>Un peu plus tard, comme nous nous en revenions par d'étroites et +tortueuses ruelles, vers la maison du Bulgare Manef, le principal +citoyen de la ville, de qui nous étions les hôtes, nous fûmes rejoints +par un ancien <i>comitadji</i>, Tchoulef, dont les Serbes avaient fait le +chef de la police. Il faut dire ici que l'une des légères différences +qui distinguent la langue serbe de la bulgare est que les noms +patronymiques serbes se terminent en <i>itch</i> tandis que leur désinence, +en bulgare, est en <i>ef</i> ou <i>of</i>, ces deux terminaisons ayant d'ailleurs +le même sens: «fils de». Or, Tchoulef, après nous avoir entretenus de +l'inquiétude du pêcheur, nous dit:</p> + +<p>--Les Serbes refusent absolument de nous appeler par nos vrais noms. +Ainsi, ils appellent mon ami Manef «Manovitch», et je puis vous montrer +le papier qui me nomme chef de la police et où je suis appelé «Petre +Tchoulevitch». Ils sont enragés pour nous changer en Serbes coûte que +coûte.</p> + +<p>Chez Manef, on avait servi en notre honneur du thé, du café, et nous +demeurâmes là à fumer des cigarettes, jusqu'à l'heure où nous devions +aller présenter nos devoirs à l'évêque bulgare d'Okrida. Cet accueillant +dignitaire de l'Église nous attendait, siégeant en grande cérémonie dans +la salle de réception de sa maison, ses doigts jouant indolemment avec +les pierreries d'un long et magnifique chapelet d'améthystes. Après que +nous eûmes échangé les habituelles salutations, on apporta le café +traditionnel et les cigarettes; alors l'évêque observa sur un ton calme +et digne:</p> + +<p>--Les Serbes, ici, sont un peu enclins à marcher sur les pieds de nos +compatriotes. C'est ainsi qu'ils ont débaptisé toutes les rues; mais, au +lieu de leur redonner des noms des saints slavons d'autrefois, ou des +héros qui vécurent en ce pays aux temps jadis, ils ont préféré y honorer +les noms de Serbes assez mal réputés, chefs de bandes et <i>outlaws</i>. Je +crains qu'ils n'aient adopté une mauvaise politique.</p> + +<p>Plus tard, quand des serviteurs eurent fait circuler sur des plateaux +diverses douceurs, des sucreries et de savoureuses liqueurs distillées +dans les monastères, le prélat ajoutait:</p> + +<p>--Ils ont pris les pupitres des écoles bulgares et les ont expédiés en +Serbie. Et je puis vous montrer une bien curieuse lettre, si vous voulez +prendre la peine de la voir.</p> + +<p class="rig"><img alt="" src="images/006a.png"><br><b> + Le comitadji Tchoulef, devenu<br> + chef de la police d'Okrida.</b></p> + +<p>L'évêque sonna. Son secrétaire, sur sa demande, lui apporta la lettre en +question. C'était un ordre du commandant serbe notifiant au prélat +d'avoir à mentionner dorénavant, dans les prières de l'Église, +exclusivement le nom du roi Pierre et celui du prince héritier de +Serbie.</p> + +<p>--Jusque-là, expliqua l'évêque, j'avais toujours nommé, dans mes +prières, les rois et les familles royales des différents pays alliés, et +je fus donc très surpris en recevant ce message. J'y répondis que je ne +pouvais faire ce dont j'étais requis, mais que j'aurais plaisir à nommer +d'abord le roi Pierre, puis les autres monarques alliés, en prononçant +le nom du roi Ferdinand le dernier. Moins de deux jours après, je +recevais une seconde lettre me demandant de renvoyer la première, celle +dans laquelle le commandant serbe m'adressait son extraordinaire +demande. A quoi je répondis que je serais heureux de fournir à cet +officier une copie du document qu'il me réclamait, mais qu'il était hors +de doute qu'une lettre, une fois remise à son destinataire, devenait la +propriété de celui-ci et cessait d'appartenir à son expéditeur, et que, +par conséquent, je me considérais comme obligé de conserver l'original.</p> + +<p>Ce même soir, comme nous faisions une petite promenade d'adieu par les +rues, nous rencontrâmes un lieutenant serbe avec lequel nous avions +antérieurement noué des relations d'amitié. Je le questionnai, en +passant, sur cette division de la population en deux camps.</p> + +<p>--Oh! dit-il, avec un bref rire, vous ne pouvez rien imaginer de plus +confus. Dans cette seule ville, il y a une demi-douzaine d'écoles +serbes, quatre ou cinq écoles bulgares, une couple d'écoles grecques et +enfin une école valaque ou roumaine. Cependant, chacune de ces +nationalités se prétend supérieure en nombre à toutes les autres +réunies!</p> + +<p>En dernier lieu, je résolus de me livrer à une petite enquête. Elle me +démontra que, quoi que le lieutenant pût penser, les écoles d'Okrida +étaient à ce moment ainsi réparties: huit bulgares, une grecque, une +valaque et une serbe, celle-ci n'ayant d'ailleurs que trois élèves.</p> + +<p>Il n'est pas douteux que l'excès de patriotisme stimule beaucoup +l'imagination (1).</p> + +<blockquote><span class="sml"><b>Note 1:</b> Je viens d'être avisé que le <i>comitadji</i> Tchoulef est allé +récemment passer deux jours à Sofia. Il y a appris à M. Stephanof, mon +compagnon de voyage, que, le lendemain même de notre départ, son ami +Manef avait été arrêté et emprisonné par les Serbes, en punition de ce +qu'il nous avait donné l'hospitalité.</span></blockquote> + +<h4>LE PAYS LE PLUS SAUVAGE DE L'EUROPE</h4> + +<p>Partout, dans le district d'Okrida, les Serbes sont encore en conflit +avec les Albanais. Quelle que soit la nation qui doive, dans l'avenir, +posséder ce pays, elle y courra le même risque.</p> + +<p>Ces montagnards sauvages, amoureux fervents de la liberté, pour lesquels +la vie d'un homme est moins sacrée que celle d'un chien, pour qui les +idées de famille et de moralité sont si sacrées qu'on les a vus abattre +d'un coup de fusil un étranger coupable d'avoir simplement regardé l'une +de leurs femmes, qui sont aussi parfaitement hospitaliers que l'étaient +les Israélites aux jours de l'Ancien Testament, mais qui n'éprouvent +qu'un vague regret pour avoir tué un hôte sur la route après qu'il a +quitté leur toit, ces hommes de clans, en perpétuelle discorde, risquent +maintenant et risqueront longtemps d'être entraînés à une longue +guérilla contre leurs envahisseurs.</p> + +<p>Encore qu'ils cultivent volontiers un petit lopin de terre auprès de +leurs cabanes, dans leurs aires montagneuses, ils sont avant tout un +peuple pastoral, vivant tout le long de l'année dans les hauteurs, +solitaires et moroses, avec leurs troupeaux de moutons ou de chèvres. +Ils ne savent ni lire ni écrire. Ils ont peu d'histoire et aucune +culture. L'origine de leur race est plus ou moins mystérieuse. Ils sont +dans une aussi complète ignorance du monde extérieur que l'est une tribu +de sauvages africains. Ils savent, en revanche, porter le fusil. Et +maintenant, quand ils sortent de leurs inaccessibles retraites, c'est +presque toujours avec l'intention de surprendre quelque petit +détachement de soldats serbes qu'ils se sentent à même de fusiller dans +quelque défilé, avant que les victimes ainsi guettées aient seulement le +temps d'épauler leurs propres armes.</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/006bsmall.png"><br><a href="images/006blarge.png">(Agrandissement)</a><br><b>L'Albanie centrale, que M. Paul Scott Mowrer a traversée<br> +de Monastir à Durazzo, par Okrida et Elbassan.</b></p> + +<p>Okrida n'est pas réellement en Albanie; elle est à l'une des extrémités +de la contrée. Si la ville est aux trois quarts bulgare et si les +paysans de l'Est sont, pour la plupart, bulgares ou serbes, les +montagnards de l'Ouest sont de pure race albanaise--si toutefois une +telle race existe--pâles de teint, hauts, élancés, têtes rondes, les +yeux plutôt bleus ou gris, taciturnes, et aussi solitaires que les +aigles dont ils partagent le royaume. La guerre semble être leur seule +distraction. Les Turcs les craignent et les respectent à ce point qu'ils +leur laissent faire en réalité tout ce qu'il leur plaît, même en deçà de +leurs propres frontières. Ils ne les contraignirent jamais à leur payer +des impôts. Leurs crimes de tous genres demeurèrent impunis. Ils n'ont +pas plus l'idée d'aucune forme de gouvernement que ne l'ont des loups. +La seule chose que les Ottomans aient jamais obtenue d'eux, c'était +qu'ils descendissent, cohortes sans peur, pour se jeter avec une sauvage +bravoure sur les canons et les baïonnettes de l'ennemi. Plus d'un +régiment turc n'a échappé au risque d'être décimé que parce que ses +soldats albanais, tout fiers d'une occasion si belle, avaient été placés +sur le front pour recevoir en pleine tête ou en pleine poitrine la grêle +des boulets serbes.</p> + +<p>Dans une bataille actuelle, en face d'une armée moderne, avançant, comme +font tous les soldats maintenant, en lignes brisées de tirailleurs, +s'abritant derrière chaque saillie du sol et derrière chaque pierre, de +sauvages hordes comme en forment les Albanais auraient peu de chances de +succès. On peut difficilement les contraindre à tirer couchés. Ils +préfèrent se battre en groupes composés d'hommes de la même localité, +chargeant et se précipitant de telle sorte qu'ils forment pour les +tireurs modernes une proie facile. On imaginera quelle est la brutale +férocité de leur attaque quand j'aurai mentionné qu'un jour un soldat +serbe fut trouvé sur le terrain où avait eu lieu une escarmouche, sa +baïonnette enfoncée dans le corps d'un Albanais, lequel, complètement +désarmé, avait néanmoins manoeuvré de façon à prendre le Serbe à la +gorge avec ses dents, et l'avait étranglé d'une fatale étreinte, comme +ferait d'un loup un dogue bien dressé. Mais leur vrai champ d'activité +est la montagne. Là, bondissant de roc en roc, aussi agilement que leurs +propres chèvres, connaissant chaque passe comme chaque sentier, ils sont +capables de tenir un ennemi en haleine pendant un temps indéfini, ainsi +qu'ils font maintenant pour les Serbes, tirant toujours du haut de +quelque escarpement d'où ils dominent leurs adversaires, moins rompus +qu'eux à ces exercices d'escalades. Les Serbes ont occupé avec un plein +succès toutes leurs villes et tous leurs hameaux. Mais ils ne peuvent +pas occuper chaque roc; et c'est pourtant ce que, pratiquement, ils +devraient faire avant que de pouvoir dire qu'ils sont absolument sûrs +que l'Albanie est, soumise.</p> + +<p>Ce pays, le plus sauvage de l'Europe, a longtemps été un gage entre les +mains de l'intrigue étrangère. Il fut un temps, il y a peu d'années, où +chaque hutte albanaise pouvait se vanter de posséder au moins trois +fusils modernes. Ces armes étaient distribuées par les agents des +diverses nations intéressées, chacune ayant en vue d'attirer à sa +propagande l'aide des montagnards. D'abord venait l'agent italien, +plaidant la cause de l'Italie, et laissant un fusil italien. Ensuite +apparaissait l'Autrichien, avec des armes autrichiennes. Les Serbes, à +leur tour, armèrent les Albanais dans l'espérance de les tourner contre +leurs suzerains, les Turcs, cependant que ces derniers les armaient dans +l'espoir qu'ils seraient contre les Serbes les meilleurs des +auxiliaires.</p> + +<p>C'est pourquoi le premier soin des envahisseurs serbes fut de désarmer +la population. Besogne féconde en surprises, car, à côté des armes les +plus perfectionnées, chaque famille avait conservé, de génération en +génération, les fusils à mèches, les fusils à pierres des jours passés, +précieux souvenirs de la valeur des ancêtres! Dans chaque ville de +l'Albanie où nous entrions, nous apercevions d'énormes amas rouillés, +gros comme quatre ou cinq bottes de foin, de ces antiques fusils et +pistolets, tous encore chargés, beaucoup d'entre eux avec la pierre +encore enchâssée dans le chien, prête à enflammer la pincée de poudre +décomposée placée dans le bassinet tout couvert de toiles d'araignées.</p> + +<h3>LES SOUPÇONNEUX CONQUÉRANTS</h3> + +<p>En raison de cette situation, et bien que la campagne proprement dite +soit virtuellement terminée ici, la discipline appliquée par les Serbes +dans toute la montagne est encore très sévère. Nous en eûmes la brusque +notion le matin qui suivit notre arrivée à Okrida. Notre premier devoir, +naturellement, fut d'aller voir le commandant de la ville et de lui +faire connaître notre présence. Comme nous errions à travers les +vieilles rues tortueuses, bordées de petites boutiques pleines de toutes +sortes de choses bonnes à manger, destinées à être travaillées, ou +portées, nous arrivâmes enfin à l'état-major serbe,--une grande maison à +deux étages antérieurement occupée par un bey albanais, lequel, à +l'arrivée des Serbes, était mort de subite et violente façon. Nous fûmes +introduits dans le grand hall qui toujours divise, de l'avant à +l'arrière, les maisons turques élégantes. Le sous-lieutenant serbe, qui +avait le commandement du convoi qu'à deux reprises nous fûmes obligés de +suivre au cours de notre voyage depuis Monastir, nous accompagnait. Il +voulait, disait-il, parler lui-même pour nous à l'aide-major.</p> + +<p>D'ordinaire, nous n'attendions pas bien longtemps avant d'être reçus par +les officiers du haut commandement, car ils étaient généralement aussi +heureux de nous voir, d'apprendre de nous ce que nous pouvions leur dire +touchant les affaires du dehors que nous pouvions l'être nous-mêmes de +les voir. Mais, ce jour-là, il en fut autrement. Pendant une demi-heure +nous fîmes antichambre.</p> + +<p>Nous commencions à trouver le temps long, quand l'aide-major que nous +attendions, l'air préoccupé, accablé, la mine sombre autant qu'une nuit +d'orage, se rua à travers le corridor qui conduisait au bureau du +commandant. Cependant que nous demeurions stupéfaits, nous demandant ce +que pouvait présager tant de violence, notre sous-lieutenant fit sa +réapparition, ses yeux bleus voilés, les lèvres très pâles, les +pommettes très rouges. Il se tenait à l'écart et semblait embarrassé de +nous connaître,--enfin, un tout autre homme que le brave et gentil +compagnon que nous avions connu jusque-là. Il nous fallut quelque +minutes pour obtenir de lui l'aveu de ce qu'il y avait dans l'air. Il +avait commis une faute impardonnable, semblait-il, en abandonnant un +moment le convoi dont il avait reçu le commandement. Quel droit avait-il +de s'attacher lui-même à nous? Savait-il seulement qui nous étions? Il y +avait cent chances contre une pour que nous fussions des espions +autrichiens, et, dans ce cas, il avait commis une bévue qui pouvait +compromettre l'avenir tout entier de la Serbie!</p> + +<p>Tout cela nous semblait assez bizarre, mais nous apparut plus sérieux en +ce qui concernait le jeune officier. Nos coeurs commençaient à se navrer +à la pensée que nous avions, bien malgré nous, mis dans l'embarras un si +aimable camarade. Un quart d'heure plus tard, pourtant, nous fûmes reçus +par le colonel Ristitch.</p> + +<p>En dix minutes, nous étions devenus les meilleurs amis, échangeant des +confidences, prenant du café, et admirant ensemble la belle collection +d'armes albanaises et turques que possédait le colonel et qu'il avait +arrangées en panoplies au-dessus de son lit de camp. Nous lui +expliquâmes le cas du sous-lieutenant et nous lui arrachâmes la promesse +que, pour cette fois, il serait complètement absous «puisque c'était +nous!» Néanmoins, il demeura de cet incident quelque chose entre nous et +le pauvre sous-lieutenant. J'ai rarement vu un homme aussi effaré.</p> + +<p>Nous dînâmes ce soir-là avec les officiers serbes, dans le hall de la +maison du bey albanais. Tchoulef, le chef de la police, nous avait +donné, en guise de garde du corps, pour la durée de notre séjour, un +très beau révolutionnaire bulgare, avec une moustache blanche et de +sévères yeux bleus. Cet homme, vêtu d'une sorte d'uniforme, portait sur +sa casquette le nombre 1, et il le portait fièrement, car il signifiait, +dans son opinion, qu'il était l'homme le plus utile de la troupe, comme +il en était le plus âgé. Une aveugle fidélité est la qualité maîtresse +du caractère de la plupart des paysans bulgares, et cet homme n'était +pas une exception à la règle. Il avait reçu comme instructions de bien +veiller sur nous. Pour demeurer fidèle à cette consigne, il insista donc +pour entrer avec nous dans la salle à manger, avec son fusil. Il s'assit +sur une estrade surélevée, dans un coin. Et pas un moment, au cours de +cette longue Soirée, il ne nous quitta des yeux.</p> + +<p class="lef"><img alt="" src="images/007.png"><br> +<b> Le colonel Ristitch.</b></p> + +<p>Les Serbes sont extrêmement sociaux. Ils aiment la bonne chère, la bonne +compagnie «t les bous vins. Il y a, dans la région des Balkans, beaucoup +de tziganes, et, tandis que les Bulgares refusent de les enrôler comme +soldats, les Serbes les acceptent volontiers, dans l'unique but, je +suppose, de leur faire jouer de la musique après dîner. Il n'y a pas un +de ces gars basanés qui ne soit maître sur quelque instrument. Ici, par +exemple, il y en avait deux qui jouaient du violon de façon à vous +échauffer le sang dans les veines, et qui chantaient de si sauvages +chansons slaves ou tziganes, en agitant leurs bras et se frappant l'un +l'autre la tête de leurs tambourins, qu'on en oubliait leurs uniformes +de soldats et que, rêvant, on s'imaginait transporté dans un camp de +nomades, en quelque lointain désert, au milieu de scènes farouches +d'amour passionné et de haine.</p> + +<p>Était-ce l'effet de la musique tzigane, je ne sais, mais, vers le milieu +de la soirée, le vieux policier nous protégeait, de son coin, avec une +si intense fixité, et empoignait d'une telle énergie son arme qu'un +brave lieutenant, qui est, en temps de paix, professeur dans une école +supérieure, à Belgrade, éprouva le besoin d'aller à lui et de lui +murmurer à l'oreille des mots qui, je l'imagine, avaient pour but de lui +faire poser une minute son déplorable fusil. Le vieux camarade, +machinalement, obéit. Mais, longtemps avant que nous eussions fini nos +toasts d'adieu, tandis que montait le choeur émouvant de <i>Oïslavana</i>, le +chant de ralliement de tous les Slaves, depuis l'Ob, bien loin en +Russie, jusqu'à la Moldau et au Danube, il était de nouveau sur ses +pieds, l'arme en mains, les yeux fixes. Positivement, je crois que si +quelqu'un avait osé nous toucher seulement d'un doigt un peu rude, le +vieil homme l'eût abattu sur l'heure.</p> + +<h4>EN ROUTE A L'AVENTURE</h4> + +<p>... La chevauchée à travers la rude montagne, d'Okrida à Elbassan, a +toujours été considérée comme extrêmement hasardeuse. En hiver, seuls +les plus hardis des montagnards s'y aventurent. Mais le matin où nous +étions pour nous mettre en route il nous semblait qu'il y avait dans +l'air quelque chose de plus grave encore que de coutume. Sans nous en +donner les raisons précises, le commandant serbe d'Okrida avait déjà +tenté de nous dissuader de ce voyage. Nous trouvant fermement résolus, +aimablement il offrit de nous donner une escorte de cinq cavaliers. Nous +attendîmes une heure la venue de ces hommes. Or, les jours d'hiver sont +courts. Le moment arriva où nous commençâmes à nous dire que, +réellement, nous aurions dû déjà être en route. Comme nous étions avec +un jeune agent de police bulgare, un ancien révolutionnaire lui aussi, +bien armé et bon fusil, nous n'avions nulle crainte.</p> + +<p>Nous étions déjà en selle quand Tchoulef, le chef de la police, arriva à +côté de mon compagnon et lui dit quelques mots à voix basse. Nous +comprîmes alors le peu d'entrain des cavaliers à obéir aux ordres qu'ils +avaient reçus. Peu de jours auparavant, d'après l'information que +donnait Tchoulef, dans la passe même que nous devions traverser, une +bande d'Albanais avait attendu, en embuscade, dix soldats serbes et un +officier en mission spéciale. Le nombre des cartouches retrouvées sur +place, plus tard, prouva que les Serbes s'étaient bravement défendus; +mais pas un n'échappa. Afin de venger ce crime, un régiment entier avait +été dépêché dans la montagne. Les Albanais, sans cesse renforcés après +cet exploit, s'étaient retirés au nord, vers Darma. Près de cette ville, +ils avaient préparé pour les Serbes une nouvelle embuscade, ayant +projeté de les laisser gagner le centre d'un ravin escarpé et prêts +alors à leur lancer, des hauteurs, des quartiers de roc et à les +canarder en même temps, leur infligeant d'effrayantes pertes. Rien +d'étonnant à ce que le commandant serbe, deux jours après un tel +événement, demeurât soucieux et préoccupé.</p> + +<p>Pendant quelques moments nous examinâmes entre nous la situation, après +quoi nous décidâmes que rien ne serait changé à notre plan. Nous +concluions, en effet, que notre situation vis-à-vis des Albanais était +d'autant meilleure que nous n'avions avec nous aucun Serbe, D'autre +part, l'homme que Tchoulef nous avait procuré pour conduire nos chevaux +de bât était lui-même Albanais, un garçon blond, à bec-de-lièvre, +propriétaire à Okrida; il serait homme à intervenir utilement en notre +faveur, le cas échéant, à moins que nous n'eussions la malchance d'être +pris comme cible d'un tir à longue portée.</p> + +<p>Pendant deux heures et demie nous trottâmes lestement le long du rivage +plat du lac d'Okrida, gagnant, à midi, la ville de Struga, dernier point +habité par des Bulgares. Là, notre résolution faiblit quelque peu. Sur +l'avis de notre policeman, nous nous rendîmes chez le commandant local +et lui demandâmes de nous donner une escorte pour accomplir le reste de +notre voyage.</p> + +<p>--Nous sommes en temps de guerre, nous répondit cet officier. Je ne puis +distraire aucun de mes hommes. Au surplus, je ne vous conseille pas +d'essayer de continuer votre route.</p> + +<p>--Pourquoi? demandâmes-nous, encore que nous connussions bien d'avance +de quoi il retournait.</p> + +<p>L'officier haussa les épaules:</p> + +<p>--En raison de la nature de votre permis, continua-t-il, je ne puis pas +vous interdire de passer. Mais je vous conseille, du moins, d'attendre +jusqu'à demain pour continuer. Il faut huit heures de cheval pour aller +à Kyouksi, le plus prochain village, et vous avez devant vous au plus +cinq heures de jour.</p> + +<p>Cette attitude du commandant sembla alarmer notre gardien. Il nous +informa, hésitant, qu'il allait être contraint de nous quitter là.</p> + +<p>--Très bien, lui dîmes-nous. Nous trouverons quelqu'un d'autre.</p> + +<p>Des patriotes bulgares ayant appris qui était mon compagnon de voyage, +une députation s'empressait maintenant de venir à nous pour nous inviter +à demeurer ici un peu plus longtemps; ils désiraient, disaient-ils, +avoir l'honneur de nous offrir une légère collation. Quoique nous +sentissions vivement la nécessité de nous dépêcher, nous nous laissâmes +conduire par un étroit escalier jusqu'à une chambre basse où une robuste +grand'mère bulgare nous souhaita la bienvenue avec les plus extatiques +exclamations de ravissement. Nous lui expliquâmes avec précaution que +nous avions seulement le temps d'accepter une bouchée de pain et de +boire une tasse de lait. Mais elle ne voulut jamais se résigner à +laisser échapper une si belle occasion. Rien n'y fit, et nous dûmes +attendre qu'elle eût fait cuire à notre intention quelques oeufs et fait +frire quelques truites fraîchement pêchées dans le lac.</p> + +<p class="rig"><img alt="" src="images/008.png"><br><b> Montagnards albanais sur la route d'Elbassan.</b></p> + +<p>Cependant, nous priions une couple de citoyens importants de nous +chercher quelqu'un qui voulût bien prendre la place de notre gardien +défaillant. Nous offrions de payer. Mais nous eussions aussi bien pu +proposer des sous que de l'or, c'était en vain: pas une âme, dans la +ville, ne se souciait de risquer le voyage. Heureusement, le professeur +Stephanof avait fait ses études en Amérique. Il comprenait l'utilité du +«bluff» en certains cas. Se tournant vers notre homme, il lui dit alors +avec autorité:</p> + +<p>--J'en suis désolé, mais je suis obligé de vous ordonner de nous +accompagner au moins jusqu'à Kyouksi.</p> + +<p>C'était un expédient désespéré; mais il réussit. Bien que nous +n'eussions sur lui aucune autorité, l'homme fut impressionné.</p> + +<p>--Je ne connais pas très bien la route, alléguait-il pourtant.</p> + +<p>--Nous n'avons besoin de vous que pour l'amour de votre fusil, lui +répondîmes-nous brièvement.</p> + +<p>Sur quoi il courba la tête devant notre volonté.</p> + +<p>Faisant à nos hôtes un adieu tardif, nous quittâmes la vieille +grand'mère qui, tout en larmes, répétait: «Dieu vous bénisse! Dieu vous +bénisse!»</p> + +<p>Tandis que nous étions ainsi hébergés à Struga, l'Albanais à +bec-de-lièvre qui aurait pu nous guider en toute sécurité dans la suite +de notre voyage, trompant la surveillance de l'homme qu'en prévision de +cette désertion nous avions chargé de le guetter, s'était enfui hors de +la ville avec nos chevaux de charge et nos provisions. Nous ne devions +plus le revoir qu'à Elbassan.</p> + +<h4>PERDUS DANS LA NUIT</h4> + +<p>De notre étrange équipée dans les montagnes, durant les vingt-quatre +heures qui suivirent, sans nourriture, sans sommeil, arrosés de pluie et +de boue, perdus aussi complètement que le furent jamais hommes au monde, +je ne saurais dire que peu de chose, encore que je ne sache pas qu'il +puisse y avoir une chevauchée pareille, autre part que dans cette région +désolée de rocs et de ravins. Nous grimpâmes lentement, d'abord, dans la +neige, pour tomber dans une vallée étroite et nue. La nuit vint. Au +clair de lune, nous traversâmes au petit galop la vallée, puis +recommençâmes à escalader une autre ligne de montagnes, en suivant le +cours d'un torrent qu'il nous fallait passer et repasser à chaque +instant sur d'étroits ponts de bois, jetés à de vertigineuses hauteurs. +Nous sentions nos chevaux trembler sous nous, tandis que, dans les +profondeurs sombres, les flots bouillonnaient avec des grondements de +mauvais augure.</p> + +<p>A 9 heures, la route, soudainement sembla s'améliorer. Elle devenait +plus large et mieux construite. Mais elle était coupée par des centaines +de ravins ayant de vingt à cent mètres de profondeur et qu'aucun pont ne +franchissait. Nous pensâmes d'abord que cette route avait été ainsi +saccagée par les Albanais dans le but de prévenir une invasion. Nous +apprîmes, plus tard, qu'en réalité, le gouvernement ottoman avait +commencé, il y a une quinzaine d'années, les travaux de cette +extraordinaire voie, mais que, fidèles à la méthode orientale, les +ouvriers n'avaient achevé que les parties qui ne présentaient aucune +difficulté, laissant de côté tous les obstacles que la nature leur avait +opposés.</p> + +<p>Il était nuit, maintenant. La lune s'était cachée derrière les nuages et +nous y voyions à, peine. A notre gauche s'enfonçait un précipice abrupt. +A notre droite se dressait la montagne, pareille à un mur. Toutes les +dix minutes, en moyenne, nous voyions la route s'effondrant soudain sous +nos pas, les chevaux près de tomber au fond d'un puits noir; alors, en +tâtonnant, nous cherchions le moyen de passer de l'autre côté du ravin, +là où, confusément, nous pouvions entrevoir que reprenait la voie.</p> + +<p>Quelquefois, nous perdions complètement notre chemin et devions, pour le +retrouver, faire de longs détours, passant à gué le cours d'eau, +mouillés, même à cheval, jusqu'au milieu du corps et perdant un temps +précieux.</p> + +<p>A 2 heures et demie du matin environ, inquiets et épuisés, nous perdions +complètement notre route, et, nous trouvant dans une petite clairière, +nous décidâmes d'attendre là le lever du jour. Un arbre se dressait au +milieu de la clairière. Dans ses branches, selon la coutume albanaise, +un montagnard avait abrité sa petite moisson de foin. Nous nous +étendîmes sur la terre humide, au-dessous du précaire abri que formait +cette meule aérienne.</p> + +<p>A l'aube, nous retrouvâmes la route et continuâmes notre voyage. La +pluie se déversait maintenant en cataractes. Malgré nos imperméables, +nous étions trempés jusqu'à la peau. Nous pouvions voir, au fond du +ravin, le torrent se ruer, tout rouge, chargé de fange. Les chevaux +parfois s'enfonçaient jusqu'aux genoux dans la vase. Ainsi nous +bataillions quand, vers 8 heures du matin environ, la route tout à coup +se rétrécit, se rétrécit, s'évanouit.</p> + +<p>Comme nous ne pouvions escalader les rocs, à notre droite, non plus que +traverser le torrent, à notre gauche, il nous apparut que nous n'avions +plus qu'une ressource: tourner bride vers Okrida. Et nos coeurs +défaillirent à la perspective de recommencer tant de longs détours, de +refranchir, au prix des mêmes difficultés, tous ces ravins, ces +précipices. Nous nous résignâmes, pourtant, puisque l'Albanie, nous +disions-nous, était ainsi faite. Nous avions du moins acquis quelques +notions touchant ce pays peu connu.</p> + +<p>Vers midi, nous rencontrâmes un pâtre, lequel nous apprit que, le soir, +dans l'obscurité, nous avions dépassé Kyouksi. La petite ville était, +nous dit-il, située très haut dans les montagnes, de l'autre côté de la +vallée. Il ne voulait pas croire que nous avions voyagé toute la nuit +sur la route du gouvernement turc, prétendant avec insistance qu'elle +était absolument impraticable et que c'était une merveille que nous +fussions arrivés jusqu'à son propre pâturage.</p> + +<p>Peu après la pluie cessa. Pour la première fois nous pouvions jeter un +regard autour de nous. De grands pics sombres, drapés de nuages roses, +se dressaient altiers de tous côtés. Sur leurs pointes extrêmes, +là-haut, nettement distinctes à travers les flottantes brumes, +s'éparpillaient de minuscules cabanes, de petites pièces de terre, +cultivée. On n'aurait jamais pu supposer que des hommes pouvaient vivre +en des lieux aussi élevés et aussi inaccessibles. Pourtant, c'étaient là +les séjours préférés des Albanais; c'était là qu'ils coulaient une vie +de réclusion et de solitude qui nous apparaissait comme inconcevable.</p> + +<p>Nous atteignîmes à 2 heures de l'après-midi ce Kyouksi si haut perché. +Nous fûmes reçus avec une grande amabilité par le lieutenant serbe qui y +commandait. Il nous prit avec lui dans sa rude demeure et alluma dans +l'étroite cheminée de bois un feu ronflant; il nous laissa nous +déshabiller afin de faire sécher nos vêtements et nous offrit, après +manger, un coin pour dormir; en un mot, il s'acquit des droits à notre +éternelle gratitude.<br> + +<span class="rig"><span class="sc">Paul Scott Mowrer.</span></span></p> + +<p>--<i>A suivre</i>.--</p><br><br> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/009.png"><br><b>LA LEÇON DE TANGO</b></p> + +<p>«Tanguez-vous?» C'est la question qui s'est posée dans les bals, cet +hiver, d'abord un feu timidement, avec un sourire qui excusait d'avance +la réponse négative, puis d'un ton plus assuré et n'admettant pas de +défaite, comme si l'on s'informait de la chose la plus naturelle du +monde... Il a donc fallu apprendre le tango, et chacun s'est précipité +avec entrain aux cours des professeurs à la mode, afin d'y recevoir les +bons principes. Bien avisées, des maîtresses de maison ont organisé chez +elles de petites réunions, où jeunes gens et jeunes filles s'initient +aux secrets chorégraphiques qu'ils brûlent de connaître. Et ce sont, le +soir, pour le cercle d'amis qui forment l'intimité de céans, de +charmantes leçons, données par une dame experte en l'art d'enseigner les +pas difficiles dont se compose la danse nouvelle, le «corte», le +«paseo», la «média luna». Groupés autour d'elle, ses élèves l'écoutent, +la suivent des yeux, tandis que d'autres, au son de l'infatigable piano, +s'essaient à appliquer les règles qu'ils viennent d'apprendre... Le +tango qui s'introduit ainsi dans les salons parisiens n'a rien du tango +espagnol, dont le nom évoque les «ferias» désordonnées. Argentin +d'origine, à peine modifié pour avoir traversé les mers, il se présente +comme une marche à deux, aux mouvements lents et souples, très rythmés +par la musique. Remplacera-t-il, dans la faveur mondaine, le double et +le triple «boston», comme ceux-ci taraient emporté sur la valse? Pour le +moment, il fait fureur, et on ne le trouve pas plus osé que ses +devanciers. Mais où sont les danses d'antan?...</p> + +<br><br> + +<h3>COMMENT LES GRECS ONT PRIS JANINA</h3> + +<p><i>Notre excellent correspondant M, Jean Leune qui, en compagnie de la +courageuse Mme Jean Leune, a suivi avec tant de passion et de +persévérance la campagne des Hellènes en Epire, vient d'avoir la joie la +plus chère, sans doute, qu'il eût rêvée: après avoir assisté aux +suprêmes assauts donnés à Janina, il a, des premiers, pénétré dans la +ville reconquise; il y a été témoin de l'enthousiasme populaire; il a +assisté tour à tour à l'entrée du Diadoque, au</i> Te Deum <i>d'actions de +grâces et a, enfin, obtenu du duc de Sparte, aujourd'hui roi des +Hellènes, une entrevue où le prince s'est montré particulièrement +aimable. La vaillance de M. et de Mme Jean Leune, l'abnégation toute +militaire, le courage qu'ils ont montrés depuis tant de semaines leur +méritaient cette suprême récompense.</i></p> + +<p><i>Voici les notes dans lesquelles M. Jean Leune nous narre les événements +dont il fut témoin:</i></p> + +<h4>LES DERNIÈRES JOURNÉES DU DUEL</h4> + +<p class="rig">Losetzi, 5 mars.</p><br><br> + +<p>Hier matin, à 6 heures 1/2, le canon a commencé de tirer comme il +n'avait pas tiré depuis longtemps. Enfin, l'attaque était déclenchée.</p> + +<p>Toute la journée, nous avons assisté, de Kotortsi, à un duel +d'artillerie entre Canetta et Bizani, qui, inondé d'une pluie de fer, +répondait faiblement.</p> + +<p>Après une courte interruption, le soir, le feu recommençait à 9 heures +1/2. Toute la nuit nous l'avons entendu. Grosses pièces de siège et +pièces de campagne tiraient avec rage. Les Turcs, toujours, répondaient +à peine.</p> + +<p>Vers le matin, la canonnade de nouveau cessa pour reprendre peu de temps +après, à 7 heures. En même temps, sur notre gauche, c'est-à-dire du côté +de Bizani, éclatait une très vive fusillade accompagnée d'intenses +crépitements de mitrailleuses.</p> + +<p>Voulant à tout prix voir quelque chose, nous sommes partis à 8 heures +1/2 de Kotortsi avec l'idée de gagner un sommet quelconque de la +montagne Aétorachi. Après une rude escalade, nous arrivions sur +l'avant-dernier sommet dominant Bizani et, en rampant, nous gagnions un +petit mur-abri.</p> + +<p>Pendant une demi-heure environ, nous observons de là les allées et +venues des obus. Puis nous redescendons vers Kotortsi. Nous y +rencontrons le général Sapoundsakis, entouré de tout son état-major, se +dirigeant vers Losetzi, et qui nous engage à le suivre; puis, un peu +plus loin, le commandant Spanidis, lequel, en passant près de nous, nous +annonce que ce matin de très bonne heure l'aile gauche a attaqué très +violemment l'ennemi et pris le village de Manoliassa. De ce côté, les +Turcs reculent.</p> + +<p>A l'extrême droite, les troupes venant de Metsovo ont combattu hier +toute la journée avec succès contre les Turcs qu'elles ont, là aussi, +forcés à la retraite; elles sont maintenant tout près de Drisko. Par +ailleurs, nous apprenons que l'artillerie grecque a fait hier et cette +nuit énormément de mal à l'ennemi, et que, d'autre part, la 3e division, +venant de Konitza, au nord-ouest, est aujourd'hui à très petite distance +de Janina.</p> + +<p>A 10 heures 1/2, nous quittons Kotortsi pour gagner Losetzi. Arrivés là, +nous confions vite notre mince bagage au docteur Stéphanidis, dont nous +devons être les hôtes, puis nous hâtons de repartir vers le monastère de +Tsouka qu'on nous a indiqué comme un belvédère superbe pour suivre la +bataille. De fait, du parc qui environne le monastère, on embrasse et +les crêtes de Bizani et celles de Manoliassa, les forts de +Saint-Nicolas, Dourouti et Sadovitza, la ville et le lac de Janina, et +le fort de Gastritza avec la plaine qui le sépare des montagnes sur +lesquelles nous sommes. On a une vision d'ensemble très nette de la +structure du terrain, et l'on constate alors à quel point la nature +avait supérieurement fortifié Janina. Les travaux de von der Goltz n'ont +fait que compléter son oeuvre et véritablement l'armée turque avait la +partie belle à résister.</p> + +<p>Quand je pense qu'en décembre, alors que l'armée d'Epire comptait +seulement quatre bataillons d'evzones, un régiment d'infanterie et la 2e +division qui tenait les hauteurs de Manoliassa, alors qu'il n'y avait en +tout et pour tout contre Bizani que quatre pièces de 105 et quatre +pièces de 75 en batterie à Canetta, quand je pense, dis-je, que dans ces +conditions le colonel Joanno a osé se lancer contre Bizani avec 4 +bataillons d'evzones!</p> + +<p>Pareille tentative, étant donné les conditions dans lesquelles cette +attaque avait été improvisée et les effrayantes difficultés du terrain, +prouve que l'armée grecque est encore très jeune. Elle fait penser à ces +petits enfants qui courent sur les toits sans tomber, parce qu'ils +ignorent le danger. D'ailleurs, la connaissance du péril ne saurait +calmer l'héroïque courage de ces hommes. Conscients, désormais, des +risques courus, ils conservent leur superbe mépris de la mort. Il faut +souhaiter seulement que les chefs, gardant la faculté précieuse +d'utiliser tant de vaillance, sachent éviter dans l'avenir d'en abuser. +Et je ne doute pas que le commandement arrive bien vite à ce sage état +d'esprit sous la ferme direction de S. A. R. le Diadoque, secondé dans +sa tâche par notre mission militaire française.</p> + +<p>Sur notre gauche, au nord du village de Losetzi, se dressent toute une +série de hauteurs entre lesquelles sont et les gros canons et les pièces +de campagne. Les uns et les autres tirent cet après-midi avec +acharnement. Il est très difficile de voir où tombent les obus.</p> + +<p>Sur notre droite, c'est-à-dire au nord-est de Tsouka, sur la montagne +dont ce village est séparé par un ravin à pic de 500 à 600 mètres, une +fusillade très nourrie crépite encore, vers le village de Condovrachi. +Vraisemblablement, ce sont les troupes de Metsovo qui s'en emparent pour +opérer leur jonction avec la 6e division, ce soir même, conformément aux +ordres du Diadoque.</p> + +<p>A 6 heures, nous quittons Tsouka pour rentrer à Losetzi. Là on nous +apprend que tout a marché aujourd'hui aussi bien que possible. Tous les +officiers sont persuadés que l'attaque de demain, qui coïncidera avec +l'arrivée aux portes mêmes de Janina de la 3° division, amènera la +chute de la ville.</p> + +<h4>«CHRIST EST RESSUSCITÉ! JANINA EST GRECQUE!»</h4> + +<p class="rig">6 mars.</p><br><br> + +<p>La canonnade s'est fait entendre presque toute la nuit à intervalles +irréguliers, cessant vers les 3 heures. A 5 heures, les canons grecs +recommencent de tirer avec acharnement. On entend au loin une fusillade +nourrie. Ce doit être l'attaque générale.</p> + +<p>A 5 heures 1/2, tout cesse. Nous gagnons dans la nuit le monastère de +Tsouka, notre observatoire. Le silence est complet, impressionnant. Pas +un coup de canon. Pas même un coup de fusil. Que se passe-t-il donc? Les +hommes, tout à l'heure, criaient: «Zito «et les premiers zitos étaient +venus d'Aétorachi, du côté qui touche Bizani. Maintenant, le cri de joie +monte de toute la ligne. 11 s'est certainement passé quelque chose de +grave et d'important. Et, quittant le monastère de Tsouka, nous courons +aux nouvelles vers Losetzi.</p> + +<p>Comme nous descendons, une fusillade éclate sur Aétorachi et gagne +Kotortsi, Lasina, etc. Vraiment, nous ne savons plus que penser. Tout ce +qui se passe en ce moment nous semble extraordinaire...</p> + +<p>Nous arrivons au téléphone... «<i>Christos anesthi!</i> nous crient les +soldais... (Christ est ressuscité!) Janina est grecque à l'heure qu'il +est! La nouvelle est officielle. Cette nuit ont commencé les pourparlers +pour la reddition. Seulement Essad pacha voulait que ses troupes +restassent libres. Le Diadoque n'a pas accepté et il a ordonné un +semblant d'attaque générale à 5 heures ce matin. A 5 heures 1/2, Essad +acceptait toutes ses conditions. Maintenant, nos troupes vont occuper +Bizani. Ensuite, les bataillons d'evzones du colonel Joanno entreront +dans Janina...»</p> + +<p>Nous n'en demandons pas plus. D'ailleurs, il nous serait impossible en +ce moment de prononcer une parole... Nous serrons la main à ces braves +gens et nous gagnons bien vite Losetzi. Mous avons hâte de partir, de +gagner s'il se peut Janina. L'intérêt est là, maintenant. Mais il nous +faut d'abord, sur le conseil d'officiers, aller vers Bizani, où se +trouvent les généraux.</p> + +<p>Nous montons, nous montons, et, tout d'un coup, d'une crête que nous +venons d'atteindre, Bizani nous apparaît comme jamais encore nous ne +l'avions vu. Quelle chose formidable! Une suite de hauteurs et de +ravins. Partout des canons, des tranchées, des zones de fils de fer...</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/010small.png"><br><a href="images/010large.png">(Agrandissement)</a><br><b>Carte de la région de Janina.</b></p> + +<p>A notre gauche, sur le petit Bizani, des troupes grecques avancent, puis +se massent sur un mamelon. C'est l'occupation tant rêvée! Pauvres gens, +l'ont-ils assez mérité, ce triomphe d'aujourd'hui! Sur le grand Bizani, +très haut et très loin, un tout petit drapeau blanc...</p> + +<p>Nous descendons, nous remontons, jetant au passage un coup d'oeil aux +défenses que nous côtoyons ou traversons. Il en est de très primitives +qu'on sent avoir été improvisées en hâte. Par contre, un peu plus loin, +voici des tranchées très bien faites, avec abris souterrains pour les +hommes, passages souterrains, etc. Les fusils des hommes sont à leur +place, car les soldats turcs ont été ce matin rassemblés, sans armes, +vers le village de Serviana.</p> + +<p>Soudain, sur le mamelon où nous sommes avec des evzones, conduits par +leurs officiers, ils arrivent de toutes parts. Ils se répandent dans les +tranchées, s'équipent, prennent leurs armes, puis se groupent. Ensuite, +ils défilent devant les evzones, et, devant le commandant du bataillon, +chaque soldat en passant dépose ses armes. C'est infiniment triste à +voir...</p> + +<h4>DANS JANINA LIBÉRÉE</h4> + +<p class="rig">Janina, 6 mars, soir.</p><br><br> + +<p>... Enfin, voici Janina, accroupie au bord de son lac bleu, en face de +l'énorme chaîne de montagnes qui lui cache tout horizon vers le nord.</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/011small.png"><br><a href="images/011large.png">(Agrandissement)</a><br><b>Croquis schématique, par M. Jean Leune, de la manoeuvre +qui a amené la chute de Janina.</b></p> + +<p>En avant de la ville, des troupes campent. D'autres sortent et s'en vont +pour camper plus loin. Ce sont les evzones qui sont arrivés hier soir à +800 mètres des portes de Janina dans laquelle ils sont entrés ce matin. +Cela leur suffit, pour éviter de passer sous le feu des forts de +<i>Bizani</i>, le Diadoque avait arrêté le plan suivant: tourner cette +position avec son aile gauche, enlever les hauteurs de <i>Tsouka</i>, +s'emparer des forts <i>Saint-Nicolas, Dourouti</i> et <i>Sadovitza</i>, enfin +marcher sur <i>Janina</i>. En conséquence, il partagea son armée en deux +sections (aile droite et aile gauche), dont la composition respective +est indiqués sur le croquis ci-dessus.</p> + +<p>La <i>2e division</i> avec un régiment de cavalerie devait occuper le centre +de la ligne et manoeuvrer isolément. La masse d'artillerie (4 pièces de +105, 4 pièces de 150 et plusieurs batteries de 75) était en arrière de +<i>Canetta</i>.</p> + +<p>Les ordres pour les journées des 4 et 5 mars furent les suivants:</p> + +<p><i>Aile droite</i>: Des hauteurs d'<i>Aétorachi</i> qu'elle occupe, elle +exécutera, le 4 mars, un combat démonstratif d'artillerie et +d'infanterie sur la position de <i>Bizani</i>.</p> + +<p>Le 5 mars, l'infanterie fera une reconnaissance offensive pendant que +l'artillerie, par un tir continu coopérera à l'attaque, générale.</p> + +<p><i>2e Division</i> (centre): Le 4 mars, descendre des hauteurs de <i>Canetta</i> +et occuper les débouchés dans la plaine. Le 5 mars, avancer à cheval sur +la route de <i>Preveza à Janina</i>.</p> + +<p><i>Aile gauche</i>: L'aile gauche est divisée en trois colonnes:</p> + +<p><i>1re colonne</i>, composés de la 4e division, en position sur les hauteurs +à l'ouest de <i>Canetta</i>, exécutera le 4 mars un combat démonstratif. Le 5 +mars, elle s'emparera des collines de la plaine à l'ouest de la route de +Janina et réglera sa marche sur les autres colonnes de l'aile gauche.</p> + +<p><i>2e colonne</i>, composée de 2 bataillons d'evzones, 1 bataillon du 17e +d'infanterie, des 3e et 15e régiments d'infanterie, se concentrera le 4 +mars à la sortie du défilé de <i>Manoliassa</i>. Le 5, au point du jour, +attaquer <i>St-Nicolas</i>.</p> + +<p><i>3e colonne</i>, de la force de 9 bataillons et 2 batteries de montagne, se +concentrera le 4 mars derrière la montagne <i>Olitsika</i>. Dans la nuit du 4 +au 5 mars, marcher sur la montagne <i>Tsouka</i>. Le 5 mars, au point du +jour, attaquer et s'emparer des positions de <i>Tsouka</i>. Envoyer un +détachement tourner le fort <i>Saint-Nicolas</i> par le nord et coopérer à +l'attaque de ce fort avec la deuxième colonne venant du sud. Le reste de +la colonne marchera sur les forts <i>Dourouti</i> et <i>Sadovitza</i>.</p> + +<p>Les 2e et 3e colonnes, maîtresses des forts et des hauteurs, se +réuniront dans la plaine pour marcher de concert sur <i>Janina</i>.</p> + +<p>Ils s'en vont très contents, disant eux-mêmes très simplement qu'il faut +céder la place à d'autres ayant aussi mérité de voir la ville conquise.</p> + +<p>Nous entrons dans la ville... Dans les rues, l'enthousiasme est +délirant, indescriptible. Les malheureux habitants, à force d'acclamer +leurs libérateurs, n'ont plus de voix! De vieilles femmes aux fenêtres +pleurent et battent des mains. Des femmes, du pas de leur porte, se +précipitent vers nous et embrassent ma femme à l'étouffer, lui baisent +les mains, les vêtements: «Oh! soyez bénis, vous qui nous apportez la +liberté!»</p> + +<p>Au consulat de France, le consul, M. Dussap et sa femme, l'écrivain bien +connu sous le pseudonyme de Guy Chantepleure, nous reçoivent à bras +ouverts, car nous sommes les premiers Français qu'ils voient depuis cinq +mois.</p> + +<p>Dans Janina, ville grecque aux mains des Turcs et revendiquée par les +Albanais, M. Dussap, en toute impartialité et en toute justice, a été +amené à prendre la défense des Grecs, affreusement malmenés par leurs +maîtres et tyrans. Et les Janiniotes, en ce jour de joie, n'oublient pas +ce qu'a fait pour eux le consul de France en ces jours de deuil et +d'angoisse que furent ces cinq derniers mois. Le nom de M. Dussap est +sur toutes les lèvres, associé tout naturellement à celui de la France.</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/012a.png"><br><b> +A FIN D'UNE LONGUE RÉSISTANCE.--Les soldats turcs, qui avaient été +rassemblés à Serviana au moment de la signature du protocole de +reddition remontent à leurs tranchées sous la conduite de leurs +officiers; ils s'équipent et reprennent leurs armes, puis vont défiler +devant les troupes grecques et déposer en tas leurs fusils.</b><i>Phot. Jean +Laine</i></p> + +<p>Il suffit maintenant à Janina de se dire Français pour être +immédiatement l'objet de mille délicates attentions de la part des +habitants qui ne savent quoi faire pour vous être agréables et vous +rendre service. Comme il suffit de se dire Italien ou Autrichien pour +être immédiatement mis en quarantaine.</p> + +<p>Voilà l'inappréciable service qu'un consul intelligent a su rendre ici: +faire aimer la France et disposer tout naturellement le pays à accepter +avec joie notre influence tant au point de vue moral qu'au point de vue +matériel.</p> + +<p>A l'état-major, j'allais avoir connaissance du plan d'opérations dont la +réussite avait jeté, après une lutte si héroïque de part et d'autre, la +place de Janina aux mains du Diadoque et de son armée (2). La manoeuvre +fut aussi sagement préparée que, plus tard, elle fut énergiquement +conduite.</p> + +<blockquote><span class="sml"><b>Note 2:</b> Les explications qu'on trouvera au-dessous du croquis de la page +précédente résument clairement, d'après les ordres mêmes de +l'état-major, toute l'opération et permettent de suivre sur la carte la +marche des divers corps en vue du résultat décisif.</span></blockquote> + +<p>Il y avait à la base de la tactique une de ces ruses de guerre vieilles +comme le monde et qui pourtant ont le plus souvent de grandes chances de +réussite: le Diadoque fit croire à son armée--certain que l'armée turque +ne le pourrait ignorer longtemps--que l'attaque se ferait par la droite, +entre Bizani et Gastritza. En même temps, il rassemblait, dès lundi +dernier, à Emin Aga, toutes les réserves de ses divisions. Il +constituait ainsi, en deux jours, au centre, une solide masse de +manoeuvre, forte de vingt-trois bataillons et de six batteries de +montagne. Cette masse pouvait être portée rapidement soit à gauche, soit +à droite, suivant que les Turcs tomberaient ou non dans le piège, ils y +tombèrent puisqu'ils dégarnirent en partie leur droite pour renforcer +leur gauche, vers Kotzelio. Mais, par ailleurs, craignant toujours une +attaque vers Manoliassa, ils renforçaient sur ce point leurs troupes.</p> + +<p>Le Diadoque divisa alors ses vingt-trois bataillons, dont la 4e +division, en trois colonnes sous le commandement général du général +Moskopoulos. Deux colonnes fortes de quatorze bataillons et de quatre +batteries de montagne partaient à l'est d'Olitsika, l'une dans la vallée +de Manoliassa, l'autre (4e division) sur les crêtes mêmes de Manoliassa.</p> + +<p>La troisième colonne (neuf bataillons et deux batteries) partit le mardi +soir, passa derrière Olitsika, fit toute la nuit une marche forcée sur +un sentier gelé où les hommes glissaient et tombaient à tout instant. A +7 heures du matin, cette colonne arrivait sans être aperçue à 150 mètres +des tranchées de Tsouka. Elle tombait à l'improviste sur les Turcs qui, +surpris, faisaient un semblant de résistance puis s'enfuyaient.</p> + +<p>La chute de Tsouka amena la chute d'une position dite de «la côte 750», +puis du fort Saint-Nicolas, et ensuite du fort de Dourouti. Sur ces +différentes positions, dix pièces de canon étaient prises.</p> + +<p>Le fort de Bizani essaya bien, dans la journée, d'empêcher la marche en +avant des troupes grecques en bombardant Manoliassa, Saint-Nicolas et +Dourouti; ce fut en vain.</p> + +<p>Les troupes turques battaient en retraite vers Bapsista. Alors, +l'artillerie de montagne vint se mettre en batterie de ce côté. Elle +tira sur les Turcs avec des obus explosifs qui allaient transformer la +retraite en une fuite éperdue.</p> + +<p>A 4 heures du soir, la colonne du centre, composée d'evzones, qui était +passée par la vallée de Manoliassa, arrivait à 800 mètres des portes de +la ville, après avoir coupé tous les fils télégraphiques entre Bizani et +Janina. Dès ce moment, la ville était perdue pour les Turcs.</p> + +<p>Ce fut alors qu'Essad pacha fit venir les consuls et les pria d'adresser +en son nom au Diadoque des propositions pour la reddition de la ville, +ce qui fut fait. Un peu plus tard, dans la nuit, vers 2 heures du matin, +le vicaire du métropolite et plusieurs officiers turcs se rendaient en +automobile auprès du Diadoque pour arrêter définitivement les clauses de +la reddition, ce qui fut très simple, puisque Essad pacha livrait la +ville, les forts, leur matériel, et se constituait prisonnier, lui et +son armée, sans aucune condition.</p> + +<p>Mais presque toute l'armée grecque ignorait cette reddition, et c'est +pourquoi l'extrême droite fit le matin, à 5 heures, cette attaque que +tout le monde, de ce côté, avait cru être l'attaque décisive. Les Turcs, +ignorant également qu'Essad pacha avait rendu la ville, ripostèrent. +Mais, tout de suite, des deux côtés, les ordres de cesser le feu +arrivèrent, ce qui fit que le combat ne dura qu'une demi-heure.</p> + +<h4>UNE AUDIENCE DU DIADOQUE</h4> + +<p class="rig">Janina, 9 mars.</p><br><br> + +<p>Comme nous flânions, hier, par les rues, le Diadoque vint à passer, à +pied, avec son aide de camp, le commandant Calinski. Il s'arrêta devant +nous et dit au commandant: «Présentez-moi, je vous prie, ce couple +extraordinaire qui enfreint toujours mes ordres!»</p> + +<p>Le commandant s'exécuta très gentiment. Alors, le prince nous dit:</p> + +<p>--C'est comme cela que vous avez suivi mon armée en Macédoine, et que +vous avez encore trouvé moyen de la suivre ici? Vous avez une fière +volonté, vous savez.</p> + +<p>--En effet, Altesse, répondit ma femme, car vos interdictions +perpétuelles m'ont valu de faire des 30 kilomètres par jour et de subir +maints désagréments.</p> + +<p>--Je vous admire, madame... Que voulez-vous de moi, maintenant? Alors +nous avons sollicité du prince une entrevue particulière qu'il nous +accorda pour ce matin.</p> + +<p>L'accueil du Diadoque fut d'une simplicité, d'une cordialité charmantes. +Après nous avoir félicités de tout ce que nous avions fait, il nous +parla de son armée, de «ses enfants», comme il appelle ses soldats. 11 +nous dit combien il les aimait. Et puis, il nous exprima aussi les +espoirs qu'il mettait en une armée qui venait de se révéler si belle et +si vaillante...</p> + +<p>Les espoirs que fonde le prince royal sur son armée, mais ils sont ceux +de tout l'hellénisme. Et c'est avec le plus grand sérieux que l'on doit +désormais écouter les Grecs exposer leurs rêves de demain. L'on n'a plus +le droit aujourd'hui de rire de leur «grande idée»,--la marche à +Constantinople, le retour à la capitale des ancêtres, à la ville +magnifique de Constantin, lorsqu'on a vu ces troupes supporter, sans +faiblesse, ce que nous les avons vues endurer pendant cette campagne, +sur la montagne, dans la neige, sous la pluie et le vent, et lorsque, +après toutes ces souffrances, on les voit prendre une forteresse comme +Janina, où elles défilent ensuite avec l'aspect de troupes qui +n'auraient pas fait plus de quinze jours de campagne par de beaux jours +de printemps!</p> + +<p>Le soldat grec vient de prouver d'une manière éclatante que son +étonnante sobriété ne nuit en rien à sa résistance. Après cinq mois de +campagne, ces troupes, comprenant au début bien des éléments à peine +dégrossis, sont aujourd'hui entraînées, instruites et aguerries.</p> + +<p>Elles ne sont, par ailleurs, nullement fatiguées, et telles quelles, +physiquement et moralement, elles seraient toutes prêtes pour une +nouvelle campagne.</p> + +<p class="lef"><img alt="" src="images/012b.png"><br><b> +Sur Bizani: canon Krupp de 9 cent., démoli par<br> + un obus grec et projeté dans le ravin, en<br> + arrière de la batterie.</b>--<i>Phot. J. Leune.</i></p> + +<p>Tous les officiers turcs que nous avons vus s'accordent à reconnaître +l'extraordinaire valeur combative, qu'ils ne soupçonnaient nullement, de +l'armée hellène. Ils admirent sans réserve le plan du Diadoque, dont +l'exécution a amené la chute de la ville.</p> + +<p>«La Grèce, disent-ils tous, a trouvé en son futur roi un véritable +général, comme elle a trouvé en Venizelos un des plus grands hommes +d'État de l'époque moderne. Ah! si nous avions un Venizelos, nous +aussi!»</p> + +<p>Puis, comme nous parlions de la guerre balkanique en général, ils nous +ont dit:</p> + +<p>«Notre adversaire le plus redoutable dans cette guerre n'a pas été, quoi +qu'on en ait dit, la Bulgarie: ce fut la Grèce, dont l'armée nous a pris +Salonique et vient de nous prendre Janina, dont la flotte nous a pris +les îles de l'Egée et nous a surtout empêchés de transporter vers +Tchataldja les 250.000 hommes que nous avons en Asie Mineure, et que le +manque de routes et de chemins de fer immobilise autour de Smyrne ou en +Syrie. Ah! la flotte grecque! quel rôle elle aura joué dans cette +guerre! Mais, sans elle, il y a longtemps que nous serions à Sofia!...»<br> + +<span class="rig"><span class="sc">Jean Leune.</span></span></p><br><br> + + + +<p class="mid"><img alt="" src="images/013a.png"><br><b>Au départ de Tozeur: deux des quatre aéroplanes de +l'escadrille n'ont pas encore quitté le sol.</b></p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/013b.png"><br><b>La ville de Tozeur, telle qu'elle apparaît à une hauteur +de 300 mètres.</b></p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/013c.png"><br><b>Gabès et son oasis, vus à 1.200 mètres d'altitude (au +fond, la ligne du rivage et la mer).</b></p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/013d.png"><br><b>Au départ de Gabès: la ville et le champ de manoeuvres +d'où partent les aéroplanes.</b></p> + +<h3>EN AÉROPLANE AU-DESSUS DE LA TUNISIE: LE RAID DE L'ESCADRILLE DE BISKRA</h3> + +<p>Nous avons signalé, dans notre numéro du 8 mars dernier, le beau raid +accompli par les aviateurs militaires du centre de Biskra, en publiant +des photographies prises aux étapes de Tozeur et de Gabès. Voici +aujourd'hui quelques curieuses images des mêmes endroits, vus du haut +d'un des aéroplanes de l'escadrille, l'appareil Farman du lieutenant +Reimbert, qu'accompagnait le caporal Dewoitine, auteur de ces clichés: +les villes, avec leurs oasis qui les entourent de verdure sombre, et +l'immense étendue du désert, y apparaissent sous des aspects que +l'objectif n'avait point encore enregistrés jusqu'à présent.</p><br><br> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/014a.png"><br><b>Salle à manger, par Jallot. (Peinture décorative de +Waldraff;<br> chemin de table de Clément Mère; céramiques de Massoul et +Luce.)</b></p> + +<h3>LE MOBILIER MODERNE AU PAVILLON DE MARSAN</h3> + +<p>A plusieurs reprises déjà, depuis quelques années, les Parisiens ont été +conviés à juger, dans les Salons de peinture et dans les expositions +spéciales, les oeuvres des artistes du mobilier qui travaillent, en des +sens différents, à donner un style décoratif nouveau à notre temps. Au +dernier Salon d'Automne, leur effort s'était affirmé considérable et +divers. En ce moment même, il se manifeste, avec peut-être moins +d'ampleur, mais plus de mesure, au pavillon de Marsan, par l'exposition +de quelques ouvrages, que leur présence au Louvre recommande, si l'on +peut dire officiellement, à l'examen. L'occasion était favorable de +montrer comment se développe cette renaissance décorative française que +proclament les gens avertis et qui, depuis quelques saisons, paraît +donner des produits de qualité. Pour permettre de les apprécier, la +photographie en couleurs était nécessaire: elle rend ce qui, dans les +ameublements soumis à notre goût, est essentiel, les tons variés des +étoffes et des bois.</p> + +<p>La couleur frappe, en effet, dès l'abord, au premier regard jeté sur ces +petites pièces disposées en des compartiments séparés, comme en des +décors de théâtre. Elles semblent avant tout composées pour le +divertissement des yeux.</p> + +<p>Le boudoir de dame, bleu, vert et jaune, d'aspect futile et léger, que +nous reproduisons ici, est caractéristique de cette manière: les teintes +y sont franches, hardies, vivement opposées. Ailleurs, l'artiste a +réalisé des combinaisons moins violentes, comme en cette salle à manger +où se marient les chaudes nuances d'un rouge automnal, relevé pourtant +par l'éclat d'un coussin émeraude, et en cette chambre à coucher jaune +clair, ardoise et vert sombre, à laquelle semble avoir contribué +l'arc-en-ciel de la palette. Si les tapis et les tentures se parent de +couleurs choisies, la matière même des meubles concourt à l'impression +d'ensemble: l'art décoratif moderne utilise tous les bois, naturels ou +vernis, précieux ou frustes, depuis le chêne, le noyer, l'acajou et le +palissandre jusqu'au citronnier, au camphrier, au cuba, à l'espénille et +au laurier-rose.</p> + +<p>Par les échantillons réunis au Pavillon de Marsan, il serait malaisé de +déterminer les tendances générales du style actuel. Plusieurs influences +s'y manifestent: le goût du confortable anglais, la recherche +ornementale qu'a introduite chez nous la mode persane, se font sentir, à +des degrés divers, dans le mobilier nouveau. Tel qu'il est, ce style +s'imposera-t-il? On ne peut encore en décider. La tentative vaut du +moins d'être signalée, et nous la suivrons avec intérêt, de créer un art +décoratif de notre temps, en dehors des traditionnelles imitations de +l'époque de Henri II, de Louis XVI, ou du premier Empire.</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/014b.png"><br> +<b>Boudoir de dame, par Abel Landry. +Chambre à coucher, par Rapin.</b><br> +<i>Photo-Couleurs.</i></p><br><br> + + + +<p class="mid"><img alt="" src="images/015a.png"><br><b>AVANT LE SUPRÊME ASSAUT.-Comment les soldats bulgares, de leurs +tranchées avancées, distinguaient à l'horizon Andrinople, l'Odrin tant +convoitée, ses mosquées et ses minarets, dans la dernière période du +siège.</b>--<i>Phot. C. Woitz.</i></p> + +<h3>LA CHUTE D'ANDRINOPLE</h3> + +<p>Après Salonique, après Janina, voici qu'Andrinople vient de succomber à +son tour. La ville héroïque aura résisté près de cinq mois, depuis son +complet investissement, au début de la seconde quinzaine de novembre.</p> + +<p>C'est la résistance d'Andrinople qui avait été la cause principale de +l'avortement des négociations de Londres. On se rappelle qu'au moment de +l'armistice, les Bulgares n'avaient pu entamer qu'au sud-ouest et à +l'ouest les défenses turques, en s'emparant de Kartal-Tépé et d'une +partie de Papas-Tépé.</p> + +<p>Après la révolution militaire de Constantinople et le retour au pouvoir +des Jeunes-Turcs qui avaient décidé de faire un nouvel effort désespéré +pour conserver à l'empire la ville héroïque, le bombardement reprenait +plus terrible; 45.000 Serbes, avec leur matériel de siège, s'étaient +joints aux Bulgares.</p> + +<p>Il était naturel que les Bulgares fussent résolus à obtenir de vive +force ce gage de haute importance avant d'engager de nouveaux +pourparlers de paix.</p> + +<p>La carte que nous publions ci-contre, d'après les documents précis de M. +Alain de Penennrun, indique de façon schématique la ligne des défenses +de la place, et permet de suivre les phases de l'assaut final.</p> + +<p>Dans l'après-midi de lundi 24 mars, l'artillerie serbe et bulgare avait +ouvert sur la ville un feu d'une extrême violence. Après quoi, la nuit +venue, les assiégeants s'étaient mis en marche, les Bulgares au nord-est +et à l'est, sous le commandement du général Ivanof, les Serbes conduits +par le général Stepanovitch, par le sud et l'ouest.</p> + +<p>Dans la nuit du 24 au 25 mars, vers une heure, se produisit un premier +assaut simultané qui mit les assiégeants en possession de plusieurs +positions importantes. Ils s'emparaient, en moins de trois heures, des +positions avancées de l'est, capturaient 12 pièces d'artillerie, avec +leur matériel, 4 mitrailleuses, et 300 hommes environ, ce qui +rapprochait leurs avant-postes à un kilomètre de la ligne des forts. +Même progrès simultané dans le secteur ouest et dans celui du sud, où +les Turcs perdaient 20 canons, 8 mitrailleuses et 800 prisonniers. Au +nord, Aïvas-Baba et un autre fort étaient également pris.</p> + +<p>Le 25 au soir, la situation était la suivante: à l'est, les Bulgares +s'étaient avancés jusqu'à 200 à 300 pas de la ceinture des forts, +faisant un millier de prisonniers nouveaux, avec 10 mitrailleuses, 21 +canons dont 7 à tir rapide. Toute la nuit, une lutte acharnée se +poursuivait pour la possession des derniers ouvrages de Papas-Tépé. Au +nord-ouest, Ekmektchikeui était pris. A l'aube, les Bulgares occupaient, +en outre, tout le front est Kestanlik, Kuru-Chesmé, Topyotu, Kavkas, +etc., tandis qu'au sud les Serbes chassaient devant eux les avant-postes +turcs, faisant de nombreux prisonniers et s'emparant de canons et de +mitrailleuses. Le général en chef bulgare pouvait télégraphier que la +chute de la ville n'était plus qu'une question d'heures.</p> + +<p>De fait, au commencement du jour, à la suite de l'occupation des forts +de l'est, le 23e régiment de Chipka et un régiment de cavalerie bulgare +entraient, par la chaussée de Lozengrad, dans Andrinople en flammes: le +feu, en effet, avait été mis à tous les dépôts, à l'arsenal, aux +casernes, et l'incendie gagnait la ville entière.</p> + +<p>Pendant cinq heures encore, Choukri pacha essaya de résister. Enfin, à 2 +heures de l'après-midi, le défenseur d'Andrinople consentait à rendre +son épée au commandant des troupes serbo-bulgares.</p> + +<p>La joie est grande à Sofia et à Belgrade.</p> + +<p>Les Bulgares et les Serbes sont unanimes à attribuer le succès aux +obusiers français récemment expédiés à Andrinople par la Serbie. +L'artillerie du Creusot aurait décidé du sort de la place. Les grosses +pièces de siège incendièrent des quartiers entiers de la ville et firent +dans les forts d'énormes brèches par lesquelles l'infanterie chargea à +la baïonnette.</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/015b.png"><br><b>Andrinople et ses forts, tombés le 25 mars aux mains des<br> +troupes assiégeantes bulgares et serbes.</b></p> + +<br><br> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/016a.png"><br><b>La façade et les deux pignons du bâtiment principal du +Collège d'athlètes de Reims.</b></p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/016b.png"><br><b>Plan du rez-de-chaussée. + +Plan du 1er étage.</b></p> + +<h3>LE COLLÈGE D'ATHLÈTES DE REIMS</h3> + +<p>Au lendemain des Jeux Olympiques qui se disputèrent à Stockholm en +juillet dernier, à la suite des défaites nombreuses que subirent nos +athlètes français dans la plupart des concours, une campagne de presse +assez active fut menée afin que l'on préparât la revanche de Stockholm +pour la prochaine Olympiade de Berlin en 1916.</p> + +<p>De ce mouvement est né le projet de créer des «collèges d'athlètes». +L'appellation était heureuse; l'idée venait à son heure; un comité fut +constitué, et, en octobre dernier, publia un retentissant manifeste.</p> + +<p>Celui-ci signalait les ravages de l'alcoolisme et de la tuberculose qui +atteignent la force française dans ses sources vives. Le meilleur moyen +de combattre ces fléaux, c'était de généraliser le goût et la pratique +des exercices physiques, d'appeler aux joies du sport toute la jeunesse +de la ville ou de la campagne, de préparer des instructeurs, de former +des éducateurs pour la culture physique.</p> + +<p>En même temps, le Collège d'athlètes devait perfectionner les champions +déjà révélés, parfaire leur condition, les préparer en temps opportun à +aller dans trois ans, sur les bords de la Sprée, essayer si possible de +faire triompher les couleurs françaises.</p> + +<p>Au bas du manifeste se lisaient ces noms: Auguste Rodin, Jean Richepin, +le docteur Weiss, Gabriel Bonvalot, le marquis de Polignac, le docteur +Boucard, Maurice Colrat.</p> + +<p>En réalité, la personnalité qui avait décidé du mouvement, celle dont le +geste de générosité permettait la réalisation du projet, c'était le +marquis de Polignac. Celui-ci prévoyait, en effet, que la besogne du +comité d'organisation serait lente, que l'idée de bâtir aux portes de +Paris un grand collège central, et des établissements de moindre +importance dans les départements, prendrait, à se, réaliser, des mois et +peut-être des années.</p> + +<p>Mais il n'était pas impossible de construire immédiatement un de ces +établissements, qui servirait de modèle. Déjà le marquis de Polignac +avait créé à Reims le plus beau parc de sports qu'il soit donné de voir +en France. Il décida que, dans des terrains voisins, serait édifié le +premier des collèges d'athlètes, destiné à un enseignement national de +la culture physique.</p> + +<p>C'est le lieutenant de vaisseau Georges Hébert, dont on connaît la +méthode, dite naturelle, adoptée dans la marine, qui sera placé à la +tête de cet établissement, lequel doit théoriquement ouvrir ses portes +le 1er mai prochain, mais, en réalité, ne pourra accueillir tous ses +élèves qu'à partir du 1er juillet.</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/016c.png"><br><b>Le Collège athlétique de Reims.--Ensemble des bâtiments<br> +et du stade. <i>D'après les plans de l'architecte E. Redont.</i></b></p> + +<p>On trouvera, ci-contre, le plan des installations du terrain réservé au +Collège d'athlètes. Leur ensemble constitue ce que le lieutenant Hébert +considère comme le stade parfait pour la pratique de tous les efforts +athlétiques propres à développer normalement l'individu.</p> + +<p>On aura ainsi à Reims:</p> + +<p>1° Un centre d'études pour toutes les questions concernant l'éducation +physique;</p> + +<p>2° Un centre de formation d'éducateurs, de professeurs, d'instructeurs, +d'entraîneurs;</p> + +<p>3° Un centre d'athlétisme pour la préparation future d'athlètes et de +champions en vue des grandes compétitions internationales auxquelles la +France doit prendre part.</p> + +<p>Au lendemain du Congrès international de l'Éducation physique, l'oeuvre +vient à point pour contribuer à la renaissance physique de notre pays.<br> + +<span class="rig"><span class="sc">Paul Rousseau.</span></span></p><br><br> + +<h3>LES THÉÂTRES</h3> + +<p>Pour inaugurer sa direction de la Renaissance, Mme Cora Laparcerie a +représenté, de M. Jacques Richepin, <i>le Minaret</i>, une agréable et fort +galante fantaisie en vers, à propos de laquelle deux artistes, M. Paul +Poiret et M. Ronsin, ont donné libre cours à leur imagination et ont +réalisé, le premier des toilettes, et le second des décors inspirés de +l'Orient, mais d'une originalité de formes et de couleurs aussi hardie +que séduisante. Rien de plus audacieux comme lignes et comme tonalités +que les trois tableaux de cette comédie, rien de plus risqué en même +temps que de plus seyant dans le décolleté que ces costumes féminins, +sinon le texte même de M. Jacques Richepin aux lestes images et aux +rimes légères. Une musique adroite de M. Tiarko Richepin en souligne les +effets, déjà fort bien mis en valeur par une interprétation en tête de +laquelle on applaudit Mme Cora Laparcerie, MM. Galipaux, Jean Worms, +Harry Baur, Claudius, Mlles Marcelle Yrven, Mireille Corbé, etc.</p> + +<p>L'Opéra-Comique a monté, avec le soin et le goût qu'il assure à tous ses +spectacles, une pièce lyrique: <i>le Carillonneur</i>, tirée par M. Jean +Richepin du roman de Georges Rodenbach, <i>Bruges-la-Morte</i>, et mise en +musique par M. Xavier Leroux. C'est, dans le cadre poétique fourni par +la vieille ville flamande, un drame psychologique violemment extériorisé +par M. Jean Richepin et dont le haut talent musical de M. Xavier Leroux +a mis en valeur tout ce qu'il pouvait contenir de profonde émotion. +L'interprétation en est excellente avec Mmes Marguerite Carré et Brohly, +MM. Beyle, Boulogen, Vieuille, Vigneau.</p> +<br><br> + +<h3>DOCUMENTS et INFORMATIONS</h3> + +<p class="rig"><span class="sc">Tuberculose et alcoolisme à la Côte d'Ivoire.</span></p><br><br> + +<p>Dernièrement nous signalions, d'après les observations du docteur +Remlinger, les progrès inquiétants de l'alcoolisme au Maroc.</p> + +<p>Mais le Maroc n'est pas le seul point de l'Afrique où cette importation +du plus dangereux et du plus recherché des produits de notre vieille +civilisation exerce déjà des ravages.</p> + +<p>Chez les noirs de la Guinée française, qui, il y a quelques années +encore, se montraient naturellement réfractaires à la tuberculose, cette +maladie devient de plus en plus fréquente. A Bassam, le docteur Sorel a +trouvé 21 tuberculeux sur 100 noirs, alors qu'à 350 kilomètres de la +côte, à Bouaké, lorsque le rail n'y arrivait pas encore, c'est à peine +si l'on trouvait 2 tuberculeux sur 100 indigènes.</p> + +<p>L'explication de ce phénomène est simple: en 1901, les importations +d'alcool à la Côte d'Ivoire étaient de 1.406.433 litres en 1911, elles +étaient de 2.263.582 litres; et le temps n'est pas loin où, pour +récompenser l'indigène, on lui donnait des gratifications en alcool de +traite.</p> + +<p>L'oeuvre d'abrutissement est encore précipitée par la qualité des +alcools mis en circulation. Ce sont surtout des genièvres de Hollande, +des rhums d'Angleterre et d'Allemagne, des mixtures innommables où l'on +trouve en notable quantité du furfurol et de l'aldéhyde.</p> + +<p>Il arrive à la Côte d'Ivoire, sous pavillon allemand, des bateaux +appelés <i>Gin-Boats</i>, dont le nom seul précise suffisamment la qualité du +chargement.</p> + +<p>Aussi les navigateurs côtiers constatent-ils que la superbe race de la +côte de Krou, où l'on recrutait jadis les noirs pour les équipages, +n'est plus que l'ombre de ce qu'elle était il y a trente ans, et que +l'on ne trouve plus d'hommes.</p> + +<p>Et, cependant, on parle beaucoup, chez nous, de lutte contre la +tuberculose. Cette lutte, sans doute, n'est pas un produit d'exportation +capable de rivaliser avec l'alcool de traite.</p> + +<p class="rig"><span class="sc">La population de Panama</span>.</p><br><br> + +<p>On sait que la République de Panama a concédé aux États-Unis une bande +de terrain d'environ 16 kilomètres de largeur, située de part et d'autre +du canal, et nommée <i>Canal Zone</i>.</p> + +<p>D'après le dernier recensement, la population de cette zone comprend +62.000 personnes, contre 50.000 en 1908. A ce chiffre, il y a lieu +d'ajouter 9.000 employés aux travaux du canal, qui habitent les villes +de Colon et de Panama.</p> + +<p>Dans la zone on compte: 19.000 blancs, 31.000 noirs, 10.000 métis, 500 +jaunes, 300 Hindous, etc.</p> + +<p>Au point de vue de la nationalité, la population se répartit ainsi: +Grande-Bretagne, 30.000; États-Unis, 11.000; Panama, 7.000; Espagne, +4.000; France, 3.000; Colombie, 1.500; Grèce, 1.200; Italie, 800; Chine, +500, etc.</p> + +<p>Enfin, la population zonière comprend 17.000 femmes.</p> + +<p class="rig"><span class="sc">Du sacré au profane.</span></p><br><br> + +<p>Les siècles se rejoignent, et voici que le treizième et le vingtième +voisinent aujourd'hui, sous le soleil indifférent et immuable, en un +rapprochement qui a quelque chose de bizarre et d'inattendu.</p> + +<p>C'est l'élargissement de la rue des Prêtres-Saint-Germain-l'Auxerrois +qui, en dégageant une des façades latérales de la basilique et en +démasquant du même coup la haute coupole et une notable portion des +grands magasins de la Samaritaine, nous vaut ce tête-à-tête du sacré et +du profane, qui revêt sans doute aux yeux de l'artiste et du poète un +caractère d'irrespect à peine atténué par le nom biblique qui s'étale au +fronton de la maison de commerce.</p> + +<p>Rien de plus naturel cependant que le contraste de ces deux +architectures, que personne ne songera à comparer entre elles, et qui +toutes deux sont admirablement appropriées au but poursuivi, et atteint. +Tandis que les purs artistes du moyen âge s'assignaient la pieuse +mission de ne laisser pénétrer qu'un pâle demi-jour, une lueur douce de +crépuscule, dans le sanctuaire parfumé d'encens où l'âme se recueille, +l'architecte du vingtième siècle, M. Frantz Jourdain, avait la tâche, +lui, de faire se déverser à flots la lumière, par de larges baies +vitrées, dans le vaste hall où tout un monde s'agite autour des +nouveautés de saison. Tout est donc pour le mieux. Et même sur la +gravure qui ne saurait reproduire les couleurs, les nuances, la patine +vénérable des pierres dont fut bâtie la vieille basilique, les +polychromies violentes dont s'adorne la coupole du grand magasin, le +contraste entre le monument sacré et le palais profane, n'apparaît que +d'une façon relative. Mais, s'il est permis de philosopher quelque peu à +ce sujet, on ne saurait nier qu'il y ait dans cette juxtaposition de +l'église et de la maison de commerce un signe des temps. Jadis la +basilique, souveraine des monuments, élevait vers le ciel sa masse +géante, tandis qu'à ses pieds, dans son ombre auguste, poussait +humblement, telle une fleur du pavé, la petite échoppe du marchand. +Aujourd'hui la petite échoppe s'est enflée, enflée, à faire craindre +pour elle le sort lamentable de la grenouille de la fable. C'est un +temple véritable, temple de la lumière, du mouvement et du bruit, qui se +dresse à côté de la maison du recueillement et de la prière. Ne nous en +plaignons pas et ne croyons qu'à moitié à la prédiction pessimiste de +Victor Hugo: «Ceci tuera cela!» Les deux temples gardent leurs fidèles, +qui d'ailleurs sont souvent les mêmes.</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/017a.png"><br><b>Saint-Germain l'Auxerrois et la Samaritaine.</b></p> + +<p class="rig"><span class="sc">Encore un Zeppelin détruit.</span></p><br><br> + +<p>L'état-major allemand vient encore de perdre un Zeppelin. Ce dirigeable, +le quinzième de la série, avait été terminé au mois de janvier dernier. +Long de 140 mètres, cubant 20.000 mètres, il avait donné aux essais une +vitesse de 102 kilomètres à l'heure. D'autre part, il portait un poste +de télégraphie sans fil et une plate-forme pour le tir des +mitrailleuses. C'était donc un des aéronats les plus rapides et les plus +perfectionnés de la flotte germanique.</p> + +<p>Surpris par une tempête, le pilote du Zeppelin essaya d'atterrir sur le +champ de manoeuvres de Carlsruhe; mais la violence du vent était telle +que l'énorme masse métallique vint s'écraser sur le sol. Les officiers +et les hommes à bord purent sauter à terre sans éprouver grand dommage, +et leur salut paraît d'autant plus étonnant que le dirigeable fut +littéralement réduit en miettes. A diverses reprises déjà nous avons +publié des photographies montrant sous des aspects plus ou moins +pittoresques la carcasse brisée d'un Zeppelin; aucune ne donne une +impression d'anéantissement aussi complète que celle que nous +reproduisons aujourd'hui.</p> + +<p class="rig"><span class="sc">La densité des habitants dans les appartements parisiens.</span></p><br><br> + +<p>A la suite de chaque recensement, le service général de la statistique +essaie de nous donner une idée du nombre de personnes habitant une pièce +d'un appartement dans les divers quartiers de Paris. A cet effet, il +nous présente des moyennes sans doute fort consciencieusement établies.</p> + +<p>Le tableau suivant, qui vient d'être publié, nous indique le nombre +moyen de personnes logées dans un ensemble de dix pièces, en 1906 et en +1911, années des deux derniers recensements:</p> + +<pre> + 1903 1911 + + 1er arrond. Louvre......... 9,3 9,1 + 2e Bourse.......... 10 9,8 + 3e Temple......... 10,2 9,8 + 4e Hôtel-de-Ville. 10,6 10,3 + 5e Panthéon....... 9,8 9,4 + 6e Luxembourg .... 8,5 8,1 + 7e Palais-Bourbon. 8,3 7,8 + 8e Elysée......... 6,6 6,3 + 9e Opéra.......... 7,6 7,5 + 10e Saint-Laurent.. 9,4 9,2 + 11e Popincourt..... 11,5 10,8 + 12e Reuilly........ 10,7 10,4 + 13e Gobelins....... 12,3 11,6 + 14e Observatoire... 10 9,9 + 15e Vaugirard...... 10,6 10,2 + 16e Passy.......... 7,1 6,8 + 17e Batignolles.... 8,5 8,4 + 18e Montmartre..... 11,2 10,6 + 19e Buttes-Chaumont. 12,7 12,2 + 20e Ménilmontant... 12,5 11,8 +</pre> + + + +<p>On voit que, grâce aux progrès de l'hygiène, sinon au rapetissement qui +a permis d'augmenter le nombre des pièces dans les appartements +modernes, les Parisiens sont, <i>en moyenne</i>, un peu moins tassés dans +leurs maisons qu'il y a cinq ans. Il importe de remarquer, toutefois, +que, sauf dans deux ou trois arrondissements, la statistique nous +indique au moins une pièce par personne. Cette moyenne, en de nombreux +quartiers parisiens, est assez différente de la réalité.</p> + +<p class="rig"><span class="sc">Les constructions navales en 1912.</span></p><br><br> + +<p>D'après le Lloyd's Register, les chantiers anglais ont lancé en 1912 un +total de 712 navires de commerce déplaçant ensemble 1.738.000 tonnes, +dont 17.000 tonnes pour 69 voiliers. Près du quart de ces bateaux ont +été construits pour des marines étrangères. Parmi les bâtiments à +vapeur, 16 déplacent plus de 10.000 tonnes et 46 plus de 6.000 tonnes; +un seul déplace 18.600 tonnes.</p> + +<p>Dans les autres pays, y compris les colonies anglaises, on a mis à l'eau +1.007 bateaux représentant un déplacement de 1.163.000 tonnes. Sur ce +chiffre, 375.000 tonnes ont été lancées en Allemagne, 284.000 aux +États-Unis, 110.000 en France, 99.000 en Hollande.</p> + +<p>Les constructions navales commerciales dans le monde entier ont donc +atteint près de 3 millions de tonnes, soit une augmentation de 250.000 +tonnes par rapport à l'année précédente.</p> + +<p>Quant aux navires de guerre lancés en 1912, ils représentent environ +550.000 tonnes.</p> + +<p class="rig"><span class="sc">Un ballon-sonde à 37.700 mètres.</span></p><br><br> + +<p>M. Gamba, directeur de l'observatoire de Pavie, vient de faire connaître +les observations recueillies par un ballon-sonde lancé par lui il y a +quelques semaines et qui est monté à la hauteur prodigieuse de 37.700 +mètres.</p> + +<p>Ce ballon, en caoutchouc de premier choix, mesurait 19 centimètres de +diamètre. Il avait été gonflé à l'hydrogène et on l'avait muni d'un +léger parachute de soie pour freiner la descente.</p> + +<p>Les principales températures enregistrées furent:</p> + +<p>A 12.385 mètres d'altitude,-55°,5.</p> + +<p>A 19.730 mètres d'altitude,-56°,9 (minimum).</p> + +<p>A 37.700 mètres d'altitude,-51°,6.</p> + +<p>Comme le fait a déjà été constaté, la température la plus basse ne +correspond pas à l'altitude maxima; à 10 ou 12 kilomètres du sol, on +rencontre une couche de plusieurs kilomètres où la température est +uniforme et au delà de laquelle les variations sont très faibles.</p> + +<p>A 37.700 mètres, la pression barométrique n'était plus que de 3 +millimètres.</p> + +<p>L'ascension a duré 1 heure 18 minutes. Après éclatement du ballon, la +nacelle redescendit doucement et s'arrêta à 40 kilomètres du point où +avait eu lieu le lancement.</p> + +<p class="rig"><span class="sc">La frappe des monnaies en 1912.</span></p><br><br> + +<p>Pendant l'année 1912, la Monnaie a frappé 110.014.705 pièces +représentant une valeur de 296.144.555 francs.</p> + +<p>La fabrication des monnaies françaises, représentant une valeur de +248.196.670 fr., a comporté les catégories ci-dessous:</p> + +<pre> + 20.045 pièces de 100 francs. + 10.331.805 20 + 1.755.507 10 + 1.000.000 2 + 10.001.000 1 + 16.000.000 50 centimes. + 9.500.000 10 + 20.000.000 5 + 1.500.000 2 + 2.000.000 1 +</pre> + +<p>Mais la Monnaie a travaillé en outre pour l'Indo-Chine, la Tunisie, le +Maroc, la Grèce et le Venezuela.</p> + +<p>D'autre part, il a été procédé à la refonte et à la réfection de +17.555.070 francs en pièces de 10 francs et 481.410 francs en pièces +d'or diverses.</p> + +<p>La refonte et l'affinage des écus aurifères antérieurs à 1830, et des +écus à l'effigie de Louis-Philippe, et l'abaissement du titre de 900 à +835 millièmes, ont procuré un bénéfice de 1.224.038 francs.</p> + +<p class="rig"><span class="sc">Le beau raid de deux généraux.</span></p><br><br> + +<p>Combien de fois--toutes les fois à peu près que la question du +«rajeunissement des cadres» revenait sur le tapis--avons-nous eu l'écho +des appréhensions que pouvaient bien faire concevoir l'état physique de +certains des chefs de l'armée, leur insuffisante validité, leur manque +éventuel de résistance, en cas de campagne! Le raid tout à fait +admirable que viennent d'accomplir deux de nos «Marocains», les plus +allants et les plus haut cotés, les généraux Dalbiez et Gouraud, +répondent--au moins pour ce qui les concerne--à ces inquiétudes.</p> + +<p>Le général Lyautey convoquait récemment ses deux excellents +collaborateurs à Rabat. Ils devaient s'y rendre d'urgence, de Meknès où, +ils étaient, en suivant la ligne d'étapes du nord, celle que jalonnent +les postes de Dar bel Hamri, Sidi-Aya, Kenitra, soit 155 kilomètres à +parcourir en deux jours.</p> + +<p>Avec une des auto-mitrailleuses dont dispose l'état-major, la chose +était facile. Mais le mauvais état des pistes, détrempées par la pluie, +interdisait même de songer à ce moyen de transport rapide. Que faire?</p> + +<p>Les deux officiers généraux ne balancèrent pas: ils gagneraient à cheval +Sidi-Aya, où aboutit actuellement la voie ferrée qu'on pousse +progressivement et sûrement vers Meknès.</p> + +<p>En selle à 7 heures du matin, le général Dalbiez et le général Gouraud +arrivaient à 14 heures à Dar bel Hamri. Le temps d'y souffler un peu et +de changer de montures, et ils repartaient une heure après. A 18 heures, +ils étaient à Sidi-Aya.</p> + +<p>Ils avaient parcouru en treize heure 93 kilomètres. Qu'en disent les +«jeunes»?</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/017b.png"><br><b>Un Zeppelin de 140 mètres de long aplati sur le sol par<br> +une rafale, au champ de manoeuvres de Carlsruhe.</b></p> + +<h3>LE NOUVEAU RÈGNE EN GRÈCE</h3> + +<p class="mid"><i>(Voir la gravure de première page.)</i></p> + +<p>Aussitôt qu'il eut rendu ses devoirs à la dépouille mortelle de son +père, à Salonique, le nouveau roi Constantin, abandonnant un moment +l'armée qu'il vient de conduire si brillamment à la victoire, rentrait à +Athènes, où il arriva le 20 mars en compagnie de la reine Sophie. Le +couple royal fut accueilli dans sa capitale avec la plus chaleureuse +sympathie.</p> + +<p>Le lendemain, vendredi, le souverain prêtait devant le Parlement, le +serment solennel de fidélité à la. Constitution.</p> + +<p>Sur l'estrade, élevée au fond de l'hémicycle où siège d'habitude le +président de l'assemblée, en arrière et au-dessus de la tribune, le roi +Constantin prit place, ayant à sa gauche la reine Sophie en grand deuil, +à sa droite le métropolite d'Athènes. Il était entouré des princes ses +enfants et ses frères, de tous les ministres, du haut clergé.</p> + +<p>La cérémonie fut brève et d'une grande simplicité. Le métropolite--c'est +à ce moment que fut prise la photographie que nous reproduisons ici--lut +la formule du serment. Puis le roi, la main tendue sur l'évangéliaire, +jura. Mais le respectueux enthousiasme que témoigna au roi et à la reine +le Parlement entier donna à cette solennité un caractère +particulièrement émouvant.</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/018b.png"><br><b>L'assassin du roi Georges 1er, entre eux gendarmes +crétois.<br></b><i>Photographie prise le 19 mars, lendemain de l'attentat.</i></p> + +<p>En contraste, un correspondant de Salonique nous envoie la photographie +de l'assassin du roi Georges prise au lendemain de l'attentat. Ce +Skinas, avec son oeil mauvais et fiévreux, et l'expression de haine et +de douleur qui tourmente son visage, est bien le type du dégénéré que +nous avaient annoncé les dépêches.</p> + +<br><br> + +<h3>LES FÊTES RUSSES</h3> + +<p>Les échos des splendides fêtes du tricentenaire des Romanof ne sont pas +encore éteints en Russie où l'union de la nation et de la dynastie +régnante ne parut jamais plus étroite. Nous avons, dans un précédent +numéro, donné les aspects de la rue, à Saint-Pétersbourg, lorsque le +cortège impérial se rendit à la cathédrale pour y assister au service +d'actions de grâces. Le document que nous publions aujourd'hui fixe un +autre aspect de ces cérémonies commémoratives. Notre gravure représente, +en effet, l'impératrice douairière recevant, en grand costume d'apparat, +le 8 mars, dans la salle de concert du Palais d'hiver, les dames de la +haute société de Saint-Pétersbourg à l'heure même où, dans une autre +salle du palais, le tsar accueillait les délégations provinciales.</p> + +<p>Le lendemain, le souverain inaugurait la Maison du peuple «Empereur +Nicolas II», fondée par lui pour commémorer le tricentenaire de sa +dynastie.</p> + +<p>Les fêtes du tricentenaire se sont terminées à Saint-Pétersbourg par un +banquet qui a réuni au Palais d'hiver, en présence de l'empereur, des +deux impératrices et des grands-ducs, l'émir de Boukhara, le métropolite +catholique, le khan de Khiva, les délégués mongols, le haut clergé +orthodoxe, le patriarche d'Antioche, l'archevêque arménien, les +ministres et tous les hauts dignitaires de l'État avec les représentants +de la noblesse et des zemstvos et de nombreuses députations, ce qui ne +représentait pas moins d'un millier d'invités.</p> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/018c.png"><br><span class="sml">L'impératrice.</span><br> <b><span class="sc"> +Les fêtes du tricentenaire des +Romanof</span>.--Réception, au Palais d'hiver, des dames de l'aristocratie +russe, par l'impératrice douairière.</b>--<i>Phot. C. E. de Hahn.</i></p> + +<br><br> + +<h3>UN MOUVEMENT NATIONAL EN SUISSE</h3> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/018a.png"><br><b>Une assemblée populaire, réunie sur une promenade à +Genève, délibérant<br> et votant sur une grande question d'intérêt +national</b>--<i>Phot. E. Wenger.</i></p> + +<p>Un curieux mouvement, qui s'inspire des idées de liberté nationale si +chères au coeur des Suisses, vient de se produire à Genève, à Berne, à +Lausanne, et dans toutes les grandes villes de la Confédération, contre +le projet de convention du Gothard actuellement soumis aux Chambres +fédérales.</p> + +<p>Ce projet, que le Conseil fédéral a signé avec l'Allemagne et l'Italie, +étend à l'ensemble des chemins de fer helvétiques le régime de faveur +qui avait été accordé à ces deux nations, par les traités de 1869 et de +1878, pour la seule ligne du Gothard; dorénavant, elles bénéficieraient +de tarifs commerciaux privilégiés sur la totalité des réseaux, sans que +la réciprocité soit consentie à la Suisse sur les chemins de fer +allemands et italiens. Dans cette nouvelle convention, nos voisins, en +très grande majorité, voient une atteinte à leur indépendance +économique, à leurs règles de neutralité. Et, à quelque parti qu'ils +appartiennent, ils ont protesté contre elle en de nombreuses assemblées +populaires, que l'on ne peut manquer de suivre, en France, avec un +particulier intérêt.</p> + +<p>A Genève, dimanche dernier, une grande manifestation, qui se déroula +dans un calme impressionnant, réunissait sous les marronniers séculaires +de la Treille, la plus ancienne promenade de la cité de Calvin, des +milliers de citoyens, comme au temps où le peuple délibérait, dans les +occasions solennelles, sur les affaires publiques. En tête de la +proclamation qui les avaient convoqués, on lisait cette phrase extraite +du message adressé en 1511 par le Conseil de Genève au duc de Savoie: +«Nous aimons mieux vivre dans une pauvreté couronnée de toutes parts de +liberté que de devenir plus riches et vivre dans la servitude.» Et le +rappel de cette fière parole accentuait encore le caractère traditionnel +de la réunion.</p> + +<p>La foule entendit deux orateurs, l'un appartenant au parti conservateur, +M. Gustave Ador, l'autre au parti radical, M. Besson. Puis, à mains +levées, elle vota contre l'adoption du projet de convention, et ne se +sépara qu'après avoir chanté, gravement, le «Cantique suisse».</p> +<br><br> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/019small.png"><br><a href="images/019large.png">(Agrandissement)</a></p> + +<br><br> + +<h2>SUPPLÉMENTS</h2> + +<p class="mid"><b>Ce numéro est complété par une gravure en taille-douce remmargée: LE +PRINTEMPS, avec texte sur feuille de garde.</b></p> + + +<p class="mid"><img alt="" src="images/supp2.png"></p> + + + +<h2>ROSALBA CARRIERA</h2> + +<h3>LE PRINTEMPS</h3> + +<h4>(PASTEL DU MUSÉE DE DIJON)</h4> + +<p>La faveur qui aujourd'hui s'attache à toutes les productions de l'art +élégant du dix-huitième siècle a remis à la mode, avec La Tour et +Perronneau, à un plan seulement en arrière, leur heureuse émule comme +pastelliste, la Vénitienne Rosalba Carriera.</p> + +<p>Et voilà des renommées qui reviennent, comme on dit, de loin. Car quelle +éclipse n'ont-elles pas subie!</p> + +<p>Rosalba Carriera eut peut-être moins que les grands maîtres auxquels on +peut la comparer, sinon l'égaler, à souffrir des dédains d'une certaine +époque. On lui tint toujours équitablement compte de ce que, n'étant +qu'une «faible femme», elle ne se fût jamais évertuée vers la puissance +et la virilité, de la bonne grâce avec laquelle elle se résigna +simplement à la grâce.</p> + +<p>Alfred Sensier qui, voilà tantôt un demi-siècle, à l'époque du pire +discrédit pour l'art des Watteau et des Fragonard, a publié, autour de +son <i>Diario</i>, du journal cursif de l'année qu'elle passa à Paris, +d'avril 1720 à mars 1721, un travail qui demeure la source première de +tout ce qu'on pourra écrire sur elle, a recherché les causes de cette +faveur relative dont elle continua de jouir, même en ces temps cruels à +ceux qu'on appelait les «petits maîtres».</p> + +<p>«Son talent, disait-il, n'a ni les proportions, ni la naïveté puissante, +ni le sens psychologique perdu à son époque des grands portraitistes des +seizième et dix-septième siècles. Sa forme est affaiblie, et représente +comme un diminutif des artistes qui l'ont précédée, mais elle a une +personnalité bien distincte; ses peintures ont un charme tout féminin +auquel on se laisse aller.»</p> + +<p>Se «laisser aller», c'était, en ces jours d'austérité, de passion pour +le style, tout ce qu'on pouvait faire en faveur de cette charmeuse,--car +Alfred Sensier est sévère, d'autre part, pour «Frago», pour Lebrun, +Largillière, Rigaud eux-mêmes: l'art était mort depuis Raphaël. Et à ce +moment-là, on pouvait acquérir un pastel de Rosalba Carriera pour des +prix variant de 47 à 820 francs (le portrait de la <i>Comtesse Labbia</i> fut +payé 440 francs à la vente Piot, en 1864 et, en 1831, à la vente La +Mésaugère, on avait vu pis: six portraits, avec leurs cadres en cuivre, +pour 50 francs!)</p> + +<p><i>Le Printemps</i>, du musée de Dijon, que nous reproduisons ici, est +vraiment un morceau très représentatif du talent de la charmante +portraitiste: un visage aimable, sincère, candide même, sans sourire +équivoque, sans sous-entendus aux coins des yeux; une gorge fraîche, +jeune, un bras rond et doux qui ne pose point pour la ligne; une +allégorie accessible à tous; un brin de lilas, une rose dans un pli de +draperie... que souhaiter de plus?</p> + +<p>Avec ces faciles moyens de séduire, la Rosalba fut tout un an l'idole de +Paris, où l'avait attirée le mécène Pierre Crozat, celui qu'on appelait +Crozat le Pauvre,--pauvreté relative, et qui ne l'empêcha pas de former +un cabinet d'art admirable dont les seuls dessins, la plupart +aujourd'hui au Louvre, «firent», à sa vente, pour parler comme à l'hôtel +Drouot, 400.000 livres! Voyageant en Italie, en 1715, il avait rencontré +cette femme séduisante et cette adroite artiste, et l'avait conviée à +venir en France, lui offrant chez lui, en son hôtel de la rue Richelieu, +une hospitalité princière: elle allait accepter cinq ans plus tard.</p> + +<p>La renommée de la Rosalba alors était déjà consacrée en Europe.</p> + +<p>Fille de braves gens pas très fortunés, mais dignes, Rosa-Alba Carriera +avait connu des débuts difficiles. Née en 1675, à Venise--où elle devait +finir ses jours chargés de gloire en 1757, à quatre-vingt-deux ans--elle +s'initia aux premiers principes de l'art en dessinant, pour seconder sa +mère, improvisée dentellière afin de subvenir aux besoins du ménage, des +points de Venise, alors dans toute leur vogue. Puis, la mode passa de +ces prestigieuses dentelles, aujourd'hui ornement des corbeilles +princières, quand ce ne sont pas pièces de collections ou de musée. Mais +le tabac fit fureur: la jeune fille se mit à peindre des miniatures pour +tabatières.</p> + +<p>Enfin, un Anglais, Cole--ou Colle--lui révéla, vers 1704, le métier du +pastel, perdu, presque oublié. D'un coup, pour ainsi dire, elle saisit +admirablement toutes les ressources de cet art alerte et délicat. Et la +voilà devenue pastelliste!...</p> + +<p>Sans doute, quand elle vint à Paris, sa place y avait été dévotieusement +préparée par Pierre Crozat, «le plus grand amateur d'art de l'Europe, le +plus riche et le plus passionné». Du jour au lendemain, elle y fut +l'idole de la ville et du théâtre.</p> + +<p>Ses premiers modèles y sont Mlle d'Argenon, ou d'Argeneu, une amie de +Crozat, que Watteau a portraiturée aussi; John Law, le fils du fameux +auteur du «Système», alors dans tout son fugitif éclat; le prince de +Conti; des princesses de la famille royale, Mlles de Charolais, de +Clermont, de La Roche-sur-Yon; enfin, le roi, le petit roi Louis XV +lui-même (cette oeuvre est probablement celle qui figure aujourd'hui au +musée de Dresde); --et puis la duchesse de La Vrillière; la duchesse de +Richemond; la duchesse de Brissac; la duchesse de Lorge, Mme de +Parabère, l'amie du Régent; Mme de Prie; et, en passant, suprême hommage +rendu à son talent, Antoine Watteau lui-même demande à poser devant +elle... Elle était déjà membre de l'Académie de Saint-Luc, à Rome, de +l'Académie Clémentine de Bologne; l'Académie royale des beaux-arts se +crut honorée en lui expédiant son diplôme «gratis».</p> + +<p>Tant d'heur et tant de gloire ne la grisèrent point. Dans son journal, +simple mémorandum plutôt, elle note d'un trait les commandes les plus +illustres, pêle-mêle avec les menus incidents de la vie, les visites, +les courses, ainsi qu'on dirait aujourd'hui. Rien ne semble l'éblouir, +rien ne l'attache et ne la retient dans cette ville où elle est adorée, +adulée, et, Crozat parti pour la Hollande, elle achève en hâte les +commandes qu'elle a encore, distribue quelques souvenirs; puis, quittant +le somptueux hôtel dont le magnifique financier lui a laissé pourtant la +jouissance, elle repart vers Venise.</p> + +<p>Le succès l'y attend, fidèle.</p> + +<p>Une clientèle d'admirateurs illustres guettait son retour: le cardinal +Albani, Auguste III, amateur d'art couronné, multiplient les commandes. +L'impératrice Elisabeth-Christine la demande à Vienne, empressée de +devenir son élève.</p> + +<p>Et sa vie eût fini en apothéose si, en 1749, une infirmité cruelle, +menaçante de longue date déjà, ne se fût abattue sur elle: cette +amoureuse éperdue de la couleur, de la lumière, devint aveugle. Ainsi +l'étoile Rosalba s'éteignit soudainement au ciel vénitien où rayonnaient +dans un radieux crépuscule d'art Guardi, Canaletto, Tiépolo.</p> + +<br><br> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/supp1.png"></p> + +<p class="mid">Note du transcripteur: Le supplément «Les Anges Gardiens» ne nous a pas été fourni.</p> + +<br><br> +</div> + + + + + + + + + +<pre> + + + + + +End of Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3657, 29 Mars 1913, by Various + +*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3657, 29 *** + +***** This file should be named 37874-h.htm or 37874-h.zip ***** +This and all associated files of various formats will be found in: + http://www.gutenberg.org/3/7/8/7/37874/ + +Produced by Jeroen Hellingman et Rénald Lévesque + +Updated editions will replace the previous one--the old editions +will be renamed. + +Creating the works from public domain print editions means that no +one owns a United States copyright in these works, so the Foundation +(and you!) can copy and distribute it in the United States without +permission and without paying copyright royalties. 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It exists +because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from +people in all walks of life. + +Volunteers and financial support to provide volunteers with the +assistance they need, are critical to reaching Project Gutenberg-tm's +goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will +remain freely available for generations to come. In 2001, the Project +Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure +and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations. +To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation +and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 +and the Foundation web page at http://www.pglaf.org. + + +Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive +Foundation + +The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit +501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the +state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal +Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification +number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at +http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg +Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent +permitted by U.S. federal laws and your state's laws. + +The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S. +Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered +throughout numerous locations. Its business office is located at +809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email +business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact +information can be found at the Foundation's web site and official +page at http://pglaf.org + +For additional contact information: + Dr. Gregory B. Newby + Chief Executive and Director + gbnewby@pglaf.org + + +Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg +Literary Archive Foundation + +Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide +spread public support and donations to carry out its mission of +increasing the number of public domain and licensed works that can be +freely distributed in machine readable form accessible by the widest +array of equipment including outdated equipment. Many small donations +($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt +status with the IRS. + +The Foundation is committed to complying with the laws regulating +charities and charitable donations in all 50 states of the United +States. 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Thus, we do not necessarily +keep eBooks in compliance with any particular paper edition. + + +Most people start at our Web site which has the main PG search facility: + + http://www.gutenberg.org + +This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, +including how to make donations to the Project Gutenberg Literary +Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to +subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. + + +</pre> + +</body> +</html> + + + + diff --git a/37874-h/images/000large.png b/37874-h/images/000large.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..184d75e --- /dev/null +++ b/37874-h/images/000large.png diff --git a/37874-h/images/000small.png b/37874-h/images/000small.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..2791e15 --- /dev/null +++ b/37874-h/images/000small.png diff --git a/37874-h/images/001.png b/37874-h/images/001.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..10c4d6b --- /dev/null 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