summaryrefslogtreecommitdiff
diff options
context:
space:
mode:
authorRoger Frank <rfrank@pglaf.org>2025-10-14 20:08:59 -0700
committerRoger Frank <rfrank@pglaf.org>2025-10-14 20:08:59 -0700
commit51c09f3959f95959a6dceec3e47a25a3af944af4 (patch)
treeb22d9378cbcf38c760226d8ff2c45e0c912082a1
initial commit of ebook 37874HEADmain
-rw-r--r--.gitattributes3
-rw-r--r--37874-8.txt2624
-rw-r--r--37874-8.zipbin0 -> 56300 bytes
-rw-r--r--37874-h.zipbin0 -> 4638795 bytes
-rw-r--r--37874-h/37874-h.htm2699
-rw-r--r--37874-h/images/000large.pngbin0 -> 111149 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/000small.pngbin0 -> 25132 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/001.pngbin0 -> 12619 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/001a.pngbin0 -> 205083 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/002a.pngbin0 -> 33704 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/002b.pngbin0 -> 129205 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/003.pngbin0 -> 171614 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/004.pngbin0 -> 122304 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/005a.pngbin0 -> 79412 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/005b.pngbin0 -> 49772 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/005c.pngbin0 -> 42468 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/006a.pngbin0 -> 15052 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/006blarge.pngbin0 -> 326539 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/006bsmall.pngbin0 -> 66365 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/007.pngbin0 -> 28096 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/008.pngbin0 -> 122736 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/009.pngbin0 -> 143400 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/010large.pngbin0 -> 416332 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/010small.pngbin0 -> 90299 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/011large.pngbin0 -> 277335 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/011small.pngbin0 -> 52431 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/012a.pngbin0 -> 36968 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/012b.pngbin0 -> 26130 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/013a.pngbin0 -> 90656 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/013b.pngbin0 -> 103070 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/013c.pngbin0 -> 100427 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/013d.pngbin0 -> 94450 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/014a.pngbin0 -> 245223 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/014b.pngbin0 -> 120654 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/015a.pngbin0 -> 82163 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/015b.pngbin0 -> 125413 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/016a.pngbin0 -> 20788 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/016b.pngbin0 -> 14601 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/016c.pngbin0 -> 73276 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/017a.pngbin0 -> 46586 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/017b.pngbin0 -> 35675 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/018a.pngbin0 -> 56236 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/018b.pngbin0 -> 47402 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/018c.pngbin0 -> 77490 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/019large.pngbin0 -> 255436 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/019small.pngbin0 -> 50458 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/cover.jpgbin0 -> 28255 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/supp1.pngbin0 -> 19697 bytes
-rw-r--r--37874-h/images/supp2.pngbin0 -> 303529 bytes
-rw-r--r--LICENSE.txt11
-rw-r--r--README.md2
51 files changed, 5339 insertions, 0 deletions
diff --git a/.gitattributes b/.gitattributes
new file mode 100644
index 0000000..6833f05
--- /dev/null
+++ b/.gitattributes
@@ -0,0 +1,3 @@
+* text=auto
+*.txt text
+*.md text
diff --git a/37874-8.txt b/37874-8.txt
new file mode 100644
index 0000000..b44e5da
--- /dev/null
+++ b/37874-8.txt
@@ -0,0 +1,2624 @@
+Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3657, 29 Mars 1913, by Various
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
+
+
+Title: L'Illustration, No. 3657, 29 Mars 1913
+
+Author: Various
+
+Release Date: October 29, 2011 [EBook #37874]
+
+Language: French
+
+Character set encoding: ISO-8859-1
+
+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3657, 29 ***
+
+
+
+
+Produced by Jeroen Hellingman et Rénald Lévesque
+
+
+
+
+
+
+L'Illustration, No. 3657, 29 Mars 1913
+
+AVEC CE NUMÉRO
+LES ANGES GARDIENS
+Roman par MARCEL PRÉVOST
+TROISIÈME PARTIE
+et une gravure hors texte
+LE PRINTEMPS, par ROSALBA CARRIERA
+(Phot. Braun et Cie.)
+
+
+LA REVUE COMIQUE, par Henriot.
+
+
+
+
+
+
+Ce numéro comprend, dans ses VINGT-QUATRE PAGES, UNE GRAVURE EN
+TAILLE-DOUCE remmargée avec feuille de garde. Il est accompagné de LA
+PETITE ILLUSTRATION, Série-Roman n° 3, contenant la troisième partie du
+roman de M. Marcel Prévost: Les Anges gardiens.
+
+
+
+[Illustration: L'ILLUSTRATION _Prix du Numéro: Un Franc._ SAMEDI 29 MARS
+1913 _71e Année.--No. 3657._]
+
+
+
+[Illustration: LE SERMENT DU NOUVEAU ROI DES HELLÈNES Au Parlement
+d'Athènes, entouré de la famille royale, du haut clergé et des
+ministres, le vainqueur de Salonique et de Janina jure fidélité à la
+Constitution.--_Voir l'article, page 284._]
+
+
+
+COURRIER DE PARIS
+
+LE PRINTEMPS
+
+Il y a, dans nos idées et dans nos sentiments, une périodicité
+merveilleuse et fatale créée par les saisons. Chacune d'elles, à époque
+fixe, ramène des pensées pareilles dont nous ne pouvons pas plus nous
+défendre que l'arbre de ses bourgeons. Nous ne sommes pas maîtres de la
+circulation de nos sèves. Dès la fin de mars, des feuilles sont en nous
+qui veulent pointer et sortir. Et c'est pourquoi, tous les ans, nous
+nous étonnons, avec une naïveté qui jamais ne s'épuise, d'éprouver la
+même impression singulière en lisant un jour sur le calendrier ces deux
+brusques syllabes: Printemps. Elles éclatent comme une coque.
+
+Et, aussitôt, nous voilà pensifs, inquiets, tristes et gais tour à tour.
+Printemps... Le passé nous fait regarder en arrière. Printemps...
+L'avenir, au fond de ses bois, sonne du cor. Printemps... Que va-t-il
+arriver? Qu'est-ce qui se prépare en nous et hors de nous? Des bonheurs
+sont cachés qui nous guettent dans les buissons plus serrés. Il y a
+quelqu'un d'attendu. D'où vient ce vent frais et léger, cet air vif qui
+prépare et semble apporter déjà l'hirondelle? Entre les pleurs des
+souriantes giboulées, le ciel montre un bleu de myosotis, et le nuage
+animé court avec une hâte aimable comme pour nous dire de là-haut: «Je
+ne fais que traverser. Je ne reste pas.» Le soleil, jusque-là si retiré,
+si pâle et si déteint, nous pose tout à coup des pointes de feu qui nous
+brûlent, et son éclat aveuglant devient insoutenable dans le miroir des
+flaques de soufre laissées à terre par la récente averse. Ah! Printemps!
+Printemps! Que me veux-tu donc? Pourquoi reviens-tu, tout seul jeune et
+seul toujours pareil, seul ne bougeant pas, quand l'homme, en dépit des
+fausses joies, des illusions d'une minute et des ardeurs d'une seconde
+que tu lui rends, change et vieillit davantage à chacun de tes insolents
+retours et cesse de plus en plus d'être printanier? Pourquoi lui
+remets-tu à l'esprit et au coeur des désirs oubliés dont il n'a plus
+l'orgueil, et des espoirs décevants dont tu n'es pas capable toi-même,
+avec toutes tes excitations, d'assurer la suite? Est-ce pour le narguer?
+le faire souffrir? Quel est ton but et ton calcul? Consoles-tu?
+Désoles-tu? Parle, allons? Explique-toi. Abats ton jeu. Dis ce que
+signifient tes sautes d'humeur et de vent, tes câlineries et tes
+rudesses, ton âpre bise et tes tièdes rayons, tes douches de chaleur et
+de froid, tes précoces maturités et tes gelées soudaines, ton
+arc-en-ciel mal essuyé et tes aigres tempêtes... ta grâce féminine et
+ton affreux caractère?
+
+Car tu n'es pas du tout ce que le prétend et l'a indument établi la
+molle légende; tu n'as rien de l'époque vaporeuse et suave que proclame
+la poésie et qu'ont célébrée les chansons des Musettes. Tu t'écartes de
+plus en plus de ta réputation romantique. Tu restes aigu, difficile. Et
+je t'en loue, ô printemps! je t'en félicite! Combien tu me plais, saison
+dangereuse, dans ta virginale et dure vérité! Tu as la rustique saveur
+qui fouette et tonifie. Tes eaux semblent plus froides que celles de
+l'hiver, tu maltraites la peau, tu poivres les yeux comme à l'automne,
+tu pousses l'homme imprudent à se découvrir trop tôt pour te donner la
+joie taquine de l'enrhumer, tu es perfide, vinaigrée, infernale de
+malice et de ruse. On ne sait jamais avec toi de quel pied partir et sur
+lequel danser. Tu ris, tu pleures, tu te fâches, tu boudes, tu vous
+donnes un baiser... et une claque. Ton feuillage lui-même est d'un éclat
+trop neuf qui manque d'habitude et qui paraît toujours prématuré. Tout
+chez toi offre une acidité irritante et qui picote. Mais aussi quel ton!
+quel montant! Quand on consent à te voir et à t'accepter telle que tu
+es, dans ta résistante sauvagerie, tu procures d'inoubliables joies qui
+ne s'attaquent pas à tous.
+
+ *
+ * *
+
+Pour bien te goûter, printemps, et comme tu le mérites, il est
+indispensable, d'abord, d'avoir fait ses classes, d'avoir parlé latin et
+su trois mots de grec, et d'avoir feuilleté Ovide, Théocrite et Virgile,
+et récité par coeur cinq petits vers d'Horace,... car devant plus d'un
+rameau d'avril dressé comme le bras de la nymphe qui va être prise, et
+au bout duquel jaillissent des glaives de verdure à la place des doigts,
+il est impossible de ne pas se rappeler avec ravissement certains
+passages des _Métamorphoses_. Le printemps est la saison mythologique de
+l'année.
+
+Et pour te bien comprendre et te pénétrer encore, printemps, il sera
+nécessaire d'avoir l'âme un peu Renaissance, d'avoir aimé l'Astrée, les
+tapisseries bleues où il ne fait pas très chaud, les roseaux courbés par
+Éole, la coiffe de la Dame gonflée par le vent de la tour, et la rosée
+du matin sur les étriers, et les jardins plats et frisquets du temps des
+Valois où s'inspirait Ronsard.
+
+Et ce n'est pas tout. Pour te garder, printemps, un souvenir fidèle et
+qui jamais ne s'use, et qui, au contraire, se fasse plus tendre et plus
+amoureux, il faut que très petit enfant, à l'âge où nous sont révélées
+les divines beautés de la nature et des choses humaines, nous t'ayons
+découvert non pas dans les villes, mais loin d'elles, à la campagne...
+oui... que ce soit sous un arbre en train de déplier les papillotes de
+ses feuilles, près d'une tige onglée de vert, les pieds dans l'herbe
+humide et au chant d'un pinson, que nous ayons, pour la première fois,
+salué ton arrivée et reçu ton bonjour guilleret.
+
+Si nous avons eu ce bonheur, jamais en nous tu ne passeras. Tu nous
+auras marqués pour toujours; nous resterons baptisés de ton charme et
+parfumés de ton jeune lilas. Chaque année la vie, un instant,
+recommencera pour nous à partir de la minute où nous avons fait
+connaissance. Dans l'âge mûr et jusque dans la vieillesse, tu nous
+ramèneras à l'entrée du jardin, en nous rendant l'odorat délicieux que
+nous avions alors sous l'étourdissement de la première rose.
+
+ *
+ * *
+
+Mais, malgré tout, quel que soit le jour, le lieu, l'instant où nous
+t'avons appris, tu nous fais plaisir quand tu reviens, et l'on
+t'embrasse sur les joues de celles qui sont _toi_, ton image vivante, le
+printemps fait femme. Il t'arrive de nous attrister, de nous remplir de
+regrets, nous ne t'en voulons pas. Nous te pardonnons la peine que tu
+nous causes parce que tu nous émeus, que jamais tu ne nous laisses
+indifférents. Nous ne te prenons pas au mot, nous sommes trop sages pour
+cela, nous savons bien que tu n'apportes rien de plus à chacun de nous,
+que tu ne lui donnes que ce qu'il a, c'est-à-dire le peu, le rien qu'il
+a pu garder,... et que le printemps du voisin n'est pas le mien,...
+cependant nous te sommes reconnaissants de nous faire croire, sans que
+nous soyons dupes, de nous aider à être en quelque sorte les
+illusionnistes volontaires de nous-mêmes. Tu séduis en effet notre
+clairvoyance sans la troubler et tu fais de nous des chimériques d'un
+moment, conscients et désolés,--et tout de même joyeux! Tu nous grises,
+tu nous ressuscites, Lazares d'une aurore qui n'ignorons pas qu'avant le
+soir le linceul nous rhabillera. Ainsi, quoique tu n'opères en nous
+aucun gracieux changement, que tu accentues comme exprès le triste
+acquis et les stigmates des années, que tu ne sois pas capable de nous
+ôter une ride ni de blondir un seul de nos cheveux blanchis, tu nous
+rajeunis quand même... oui... par le regret, par l'inutile et déchirant
+désir, par la douleur de l'irréparable, par le mirage des amours
+passées, par les fantasmagories de l'évocation, par les sourires et par
+les pleurs que tu nous arraches, par le désespoir de notre tendresse
+devenue plus ardente et plus riche, par la beauté de souffrance que tu
+développes, par tout cela, printemps, tu nous fais jeunes, jeunes,
+jeunes comme jamais nous ne l'avons été, comme nous ne l'étions pas
+quand nous avions l'âge de l'être, et que nous respirions nos vingt ans,
+sans savoir. A présent nous savons, nous sommes renseignés, mais nous
+n'avons plus les splendeurs de notre adorable ignorance. Du moins
+meurtris, frappés, privés chaque jour davantage, nous nous faisons de
+tous nos plus chers souvenirs--auxquels, parfois, viennent s'en ajouter
+de précieux encore--nous nous faisons en nous-mêmes un printemps, un
+printemps intérieur, un printemps secret qui ne se voit pas du dehors,
+pareil à ces petits jardins des châteaux en ruines, cachés derrière des
+remparts. Et quand revient chaque année le printemps de tous,
+l'universel, il nous invite à descendre nous promener dans ces allées
+intimes, dans ces bosquets du coeur où brille un soleil plus chaud que
+le vrai, où les fleurs jamais ne se fanent, où le ciel est d'un bleu que
+je ne peux dire...
+
+HENRI LAVEDAN.
+
+_(Reproduction et traduction réservées.)_
+
+
+
+LE NOUVEAU MINISTÈRE
+
+C'est dans la soirée de mardi que le ministère Briand, mis en minorité
+au Sénat sur la question de la représentation proportionnelle, dut
+remettre sa démission au président de la République. Le surlendemain,
+jeudi, après les consultations d'usage, M. Poincaré a confié à M. Louis
+Barthou, garde des Sceaux et vice-président du cabinet démissionnaire,
+le soin de former le nouveau ministère qui a été définitivement
+constitué vendredi soir à 11 heures. La crise aura donc été rapidement
+et facilement résolue. Huit des ministres ou sous-secrétaires d'État du
+précédent cabinet sont d'ailleurs demeurés dans le ministère actuel, qui
+comprend douze députés et quatre sénateurs. En prenant la présidence du
+Conseil, M. Louis Barthou s'est réservé le portefeuille de l'Instruction
+publique. Les ministres de la défense nationale, MM. Étienne (Guerre) et
+Pierre Baudin (Marine), conservent leurs hautes responsabilités. M.
+Stéphen Pichon revient au quai d'Orsay, où il fit précédemment, et avec
+distinction, un long séjour. M. Klotz passe des Finances à l'Intérieur.
+
+Les autres membres du nouveau cabinet sont: MM. Antony Ratier (Justice),
+Charles Dumont (Finances), Jean Morel (Colonies), Alfred Massé (Commerce
+et Postes et Télégraphes), Joseph Thierry (Travaux publics), Clémentel
+(Agriculture), Henri Chéron (Travail), Paul Morel (sous-secrétariat de
+l'Intérieur), Paul Bourély (sous-secrétariat des Finances), Léon Bérard
+(sous-secrétariat des Beaux-Arts). Pour M. Anatole de Monzie, enfin, est
+créé un sous-secrétariat de la Marine marchande. Cette création enlève
+une direction importante au ministère du Commerce, auquel, en
+compensation, on a rendu les Postes et Télégraphes. D'où la suppression
+du sous-secrétariat que M. Chaumet dirigeait depuis plusieurs années
+avec une active compétence.
+
+[Illustration: M. Ch. Dumont. M. St. Pichon. M. Ratier. M. L. Barthou,
+M. P. Baudin. M. Klotz. M. Clémentel. M. Étienne. M. J. Thierry. M.
+Massé. M. J. Morel. M. H. Chéron. (Finances.) (Aff. étrangères.)
+(Justice.) Président du Conseil (I. P.) (Marine.) (Intérieur.)
+(Agriculture.) (Guerre.) (Travaux publics.) (Commerce.) (Colonies.)
+(Travail.) Le nouveau ministère, présidé par M. Louis Barthou.]
+
+En se présentant, ainsi constitué, devant la Chambre, mardi dernier, le
+nouveau conseil des ministres, par la voix de son président, a déclaré
+avant tout faire sien le projet de loi, déposé par le précédent cabinet,
+et qui porte à trois ans la durée du service militaire égal pour tous.
+En ce qui concerne la réforme électorale, il s'est affirmé favorable à
+une transaction.
+
+Immédiatement interpellé par MM. Franklin-Bouillon et Maurice Viollette
+sur la composition du ministère et la politique qu'il entend suivre, le
+président du Conseil a obtenu de la Chambre, par 222 voix contre 162,
+avec 164 abstentions, un premier vote favorable.
+
+
+
+«LE SECRET»
+
+Toute la presse a salué de ses enthousiastes éloges la belle oeuvre que
+M. Henry Bernstein vient de faire représenter au théâtre des
+Bouffes-Parisiens et, depuis, le public a ratifié et confirmé cet
+éclatant succès. On a constaté que l'auteur de _la Rafale_ et de
+_l'Assaut_, après avoir passé du drame de situation au drame social, en
+était arrivé, avec _le Secret_, au drame de caractère, et' qu'il lui
+avait, d'emblée, donné une vie extraordinaire. Pourtant c'était
+assurément au caractère et, du même coup, au sujet théâtralement les
+plus dangereux que M. Bernstein s'était attaqué là.
+
+Aux époques de notre littérature où l'on intitulait des pièces _le
+Menteur, l'Avare, l'Étourdi_, et où l'on faisait tourner leurs trois
+actes ou leurs cinq actes autour d'un personnage, on aurait donné pour
+titre à une telle oeuvre: _la Méchante_; mais ce titre eût été lui-même
+aussi «ingrat» que le sujet et que le personnage qu'il désignait.
+
+Tandis que M. Henry Bernstein a préparé, noué et développé son intrigue
+avec une telle habileté, présenté, fouillé, éclairé ses caractères avec
+une si sûre intuition, une si franche maîtrise, qu'il se trouve avoir
+accru son succès des difficultés mêmes de l'entreprise.
+
+[Illustration: M. Claude Garry (Constant Jeannelot). M. Victor Boucher
+(Denis Le Guenn). LE SECRET.--Après la révélation.--_Dessin de J.
+SIMONT._]
+
+[Illustration: Mme Simone (Claire Jeannelot). Mlle Madeleine Lély
+(Henriette Hozleur). LE SECRET.--Après l'aveu de l'amie
+perfide.--_Dessin de J. SIMONT._]
+
+Le caractère qui domine, en cette pièce, tous les autres et dont les
+manifestations ont leur répercussion sur l'existence des êtres proches,
+est donc celui d'une femme méchante, spontanément et foncièrement
+méchante, envieuse, jalouse de tout bonheur dont elle n'est pas la
+bénéficiaire ou la dispensatrice, mais non toutefois dénuée
+d'aspirations nobles, capable de remords et même d'amour vrai. Cette
+méchanceté est d'ailleurs subtilement dissimulée; c'est le «secret» de
+cette âme... Auprès de cette jeune femme, Claire Jeannelot, aimée et
+amoureuse de son mari, vit sa meilleure amie, une jeune veuve, Henriette
+Hozleur, qui a aussi son «secret», mais qui est un secret de fait:
+confiante en la parole de l'élégant Charlie Punta-Tulli, elle s'est
+donnée à lui, au début de son veuvage, et la rupture est survenue.
+Maintenant Henriette épouse le timide et délicat Denis Le Guenn et la
+félicité des deux époux serait parfaite si Charlie Punta-Tulli ne
+réapparaissait. Voilà le secret d'Henriette révélé: son union avec Le
+Guenn va être rompue et ce sera un atroce déchirement. Or, ce n'est
+point le hasard qui commit ces cruautés réitérées, et la découverte de
+la faute d'Henriette fait par conséquence dévoiler la méchanceté innée
+de Claire. Claire implore d'abord le pardon d'Henriette, puis se
+confesse à son mari en sanglotant, et, par cet aveu et par ces pleurs
+sincères, la monstrueuse créature nous devient presque pitoyable. Et le
+triste Le Guenn est obligé de convenir que l'infortune de Jeannelot
+égale si elle ne dépasse la sienne. Pour l'un comme pour l'autre
+d'ailleurs le temps apaisera ces douleurs.
+
+Les interprètes des quatre principaux rôles, Mme Simone, Mlle Lély, MM.
+Garry et Boucher, ont contribué à l'incroyable impression de vie
+profonde, intense qui émane de cette pièce. On les a acclamés.
+
+[Illustration: LE NOUVEAU CYRANO.--M. Le Bargy dans son costume du
+premier acte.--_Photo-Couleurs._]
+
+Svelte, cambrant sur deux jambes maigres un corps nerveux mais souple,
+le regard franc et ardent, la moustache et la barbiche en bataille, le
+visage enlaidi seulement par le nez «cyranesque», tel apparaît d'abord
+le nouvel interprète de la comédie héroïque de M. Edmond Rostand sur la
+scène de la Porte-Saint-Martin.
+
+M. Le Bargy étant le seul artiste qui ait pu, depuis la mort de
+Coquelin, interpréter à Paris ce rôle éclatant et formidable,
+personnifier le désormais immortel Cyrano il était inévitable qu'on le
+confrontât avec la vision laissée par le «créateur» du rôle. Or, cette
+dissemblance que le physique accuse, dès le premier regard, entre les
+deux interprètes est celle même de l'esprit et de l'exécution des deux
+interprétations. Moins de volume et d'abondance sonore chez M. Le Bargy
+que chez M. Coquelin; mais, sans doute, chez M. Le Bargy, plus de
+profondeur dans la tendresse et dans l'amour, de hauteur dans la
+bravoure et dans la fierté. Ainsi connaît-on maintenant par lui, sous un
+aspect nouveau, un peu différent et non moins juste, ce type admirable
+de Français vaillant, généreux et spirituel qui se révéla il y a quinze
+ans à peine sur cette même scène de la Porte-Saint-Martin et qui a déjà
+pris sa place dans la galerie des héros dont s'honorent les littératures
+de tous les pays et de toutes les époques.
+
+
+
+[Illustration: Vue générale d'Okrida.]
+
+AU COEUR DE L'ALBANIE
+
+NOTES DE VOYAGE D'UN JOURNALISTE AMÉRICAIN
+
+PUBLIÉES PAR ARRANGEMENT SPÉCIAL AVEC «THE CHICAGO DAILY NEWS»
+
+_Envoyé sur le théâtre de la guerre, du côté bulgare, par son journal_
+The Chicago Daily News, _M. Paul Scott Mowrer eut la bonne fortune, au
+moment où se concluait l'armistice, de se voir confier, par le ministre
+de l'Intérieur, au professeur Constantin Stephanof, de l'Université de
+Sofia, chargé de lui servir d'interprète et aussi de veiller sur lui,
+d'être son guide et son garant. Sous la conduite de ce cicérone,
+charmant compagnon de route, le journaliste américain fut autorisé à
+visiter les positions d'Andrinople et celles de Tchataldja. Puis, par
+chemin de fer, il traversa toute la contrée, de Dimotika et de
+Dedeagatch à Salonique, pour revenir ensuite à Monastir, d'où une
+voiture le conduisit, à travers une région montagneuse alors ensevelie
+sous la neige, à Chrida, au seuil de l'Albanie. De tout ce voyage, il a
+donné à son journal de très vivants et très littéraires récits._
+
+_Mais la partie la plus intéressante, peut-être, la plus neuve, du
+moins, de toute cette pénible expédition, ce fut la traversée de
+l'Albanie qui la couronna. Nous ne croyons pas qu'aucun autre
+journaliste ait, depuis le commencement de la guerre, affronté cette
+sauvage région, dont le sort, actuellement, prête à tant de rivalités.
+Aussi avons-nous jugé intéressant de demander à M. Paul Scott Mowrer de
+nous donner un compte rendu de son raid courageux. Voici la première
+partie de son récit:_
+
+SERBES CONTRE BULGARES
+
+[Illustration: La famille du Bulgare Manef, le principal citoyen
+d'Okrida.]
+
+Un doute amer, qui peut, dans l'avenir, être pour les puissances
+chargées du règlement de la question d'Orient, l'occasion de graves
+inquiétudes, ronge le coeur des Slaves établis dans la région d'Okrida.
+Seront-ils, désormais, Serbes ou Bulgares? Les territoires qu'ils
+occupent sont devenus virtuellement le champ d'action de l'armée serbe,
+et ont tous été occupés par elle. Les envahisseurs n'hésitent pas à
+déclarer qu'ils sont bien résolus à demeurer là où ils sont. A leurs
+yeux, en effet, la population entière de la région est serbe d'origine.
+Pourtant, quand on se renseigne auprès des gens eux-mêmes du pays, à peu
+d'exceptions près, ils se considèrent résolument comme des Bulgares, et
+quoique leur loyauté envers le pacte d'alliance ait prévenu tout acte
+d'hostilité ouverte, on sent entre les indigènes et les conquérants un
+courant profond d'opposition qui laisse redouter que quelque malaise
+persiste après la paix prochaine.
+
+[Illustration: Une rue d'Okrida.]
+
+--Nous avons beaucoup souffert, me répétaient à l'envi les gens de la
+ville; mais, au milieu de nos souffrances, notre seul espoir était que
+nous serions un jour réunis à la Bulgarie, notre patrie. Si la
+conférence des puissances devait donner à la Serbie notre pays et nos
+foyers, ce serait pour nous le dernier coup. Nous n'aurions plus qu'une
+ressource: émigrer.
+
+--Ou encore, ajoutaient certains des plus exaltés, nous battre!
+
+Okrida, en effet, loin d'être Albanaise, comme le prétendent un certain
+nombre de politiciens albanais qui vivent au dehors, était un centre
+ancien de culture slave. Que cette culture fût plus particulièrement
+serbe ou bulgare, c'est aux historiens d'en décider. Mais, dans le temps
+présent, il n'est pas douteux, en dépit des efforts que fout les Serbes
+pour dissimuler les faits, que l'immense majorité des habitants parlent
+la variante bulgare de la langue slavonne et qu'ouvertement leur
+fidélité, leur «allégeance», va au roi Ferdinand.
+
+Il est assez curieux de constater, en passant, que le jour où vraiment
+nous avons été frappés de cet antagonisme de races fut le jour d'une
+pittoresque fête religieuse, observée de concert par les deux branches
+de la famille slave des Balkans. La principale cérémonie de cette
+solennité avait lieu sur les rives du lac, où de rudes gars attendaient,
+en chemise et culottes, pour plonger à la poursuite d'une petite croix
+d'or que l'évêque devait tout à l'heure jeter dans les flots sombres et
+cinglants. Afin de mieux suivre la scène, nous nous étions fait conduire
+à la maison d'un pêcheur située tout au bord de l'eau. De la fenêtre,
+nous voyions le plongeur victorieux barboter, frissonnant, vers la rive
+et courir à travers la foule en présentant, à droite et à gauche, la
+croix aux baisers. Et quand tout fut fini, que la femme du pêcheur nous
+eut offert, sur un plateau, des confiseries et des liqueurs, notre hôte
+lui-même, très nerveux, s'approcha silencieusement du divan où était
+assis mon compagnon, le professeur Stephanof, de l'Université de Sofia,
+et, à mi-voix, du ton grave d'un homme qui pose une question de vie ou
+de mort, il demanda:
+
+--Et, dites-moi, comment cela va-t-il, à Sofia? Ils ne vont pas nous
+trahir avec les Serbes? Nous ont-ils oubliés?
+
+Un peu plus tard, comme nous nous en revenions par d'étroites et
+tortueuses ruelles, vers la maison du Bulgare Manef, le principal
+citoyen de la ville, de qui nous étions les hôtes, nous fûmes rejoints
+par un ancien _comitadji_, Tchoulef, dont les Serbes avaient fait le
+chef de la police. Il faut dire ici que l'une des légères différences
+qui distinguent la langue serbe de la bulgare est que les noms
+patronymiques serbes se terminent en _itch_ tandis que leur désinence,
+en bulgare, est en _ef_ ou _of_, ces deux terminaisons ayant d'ailleurs
+le même sens: «fils de». Or, Tchoulef, après nous avoir entretenus de
+l'inquiétude du pêcheur, nous dit:
+
+--Les Serbes refusent absolument de nous appeler par nos vrais noms.
+Ainsi, ils appellent mon ami Manef «Manovitch», et je puis vous montrer
+le papier qui me nomme chef de la police et où je suis appelé «Petre
+Tchoulevitch». Ils sont enragés pour nous changer en Serbes coûte que
+coûte.
+
+Chez Manef, on avait servi en notre honneur du thé, du café, et nous
+demeurâmes là à fumer des cigarettes, jusqu'à l'heure où nous devions
+aller présenter nos devoirs à l'évêque bulgare d'Okrida. Cet accueillant
+dignitaire de l'Église nous attendait, siégeant en grande cérémonie dans
+la salle de réception de sa maison, ses doigts jouant indolemment avec
+les pierreries d'un long et magnifique chapelet d'améthystes. Après que
+nous eûmes échangé les habituelles salutations, on apporta le café
+traditionnel et les cigarettes; alors l'évêque observa sur un ton calme
+et digne:
+
+--Les Serbes, ici, sont un peu enclins à marcher sur les pieds de nos
+compatriotes. C'est ainsi qu'ils ont débaptisé toutes les rues; mais, au
+lieu de leur redonner des noms des saints slavons d'autrefois, ou des
+héros qui vécurent en ce pays aux temps jadis, ils ont préféré y honorer
+les noms de Serbes assez mal réputés, chefs de bandes et _outlaws_. Je
+crains qu'ils n'aient adopté une mauvaise politique.
+
+Plus tard, quand des serviteurs eurent fait circuler sur des plateaux
+diverses douceurs, des sucreries et de savoureuses liqueurs distillées
+dans les monastères, le prélat ajoutait:
+
+--Ils ont pris les pupitres des écoles bulgares et les ont expédiés en
+Serbie. Et je puis vous montrer une bien curieuse lettre, si vous voulez
+prendre la peine de la voir.
+
+[Illustration: Le comitadji Tchoulef, devenu chef de la police
+d'Okrida.]
+
+L'évêque sonna. Son secrétaire, sur sa demande, lui apporta la lettre en
+question. C'était un ordre du commandant serbe notifiant au prélat
+d'avoir à mentionner dorénavant, dans les prières de l'Église,
+exclusivement le nom du roi Pierre et celui du prince héritier de
+Serbie.
+
+--Jusque-là, expliqua l'évêque, j'avais toujours nommé, dans mes
+prières, les rois et les familles royales des différents pays alliés, et
+je fus donc très surpris en recevant ce message. J'y répondis que je ne
+pouvais faire ce dont j'étais requis, mais que j'aurais plaisir à nommer
+d'abord le roi Pierre, puis les autres monarques alliés, en prononçant
+le nom du roi Ferdinand le dernier. Moins de deux jours après, je
+recevais une seconde lettre me demandant de renvoyer la première, celle
+dans laquelle le commandant serbe m'adressait son extraordinaire
+demande. A quoi je répondis que je serais heureux de fournir à cet
+officier une copie du document qu'il me réclamait, mais qu'il était hors
+de doute qu'une lettre, une fois remise à son destinataire, devenait la
+propriété de celui-ci et cessait d'appartenir à son expéditeur, et que,
+par conséquent, je me considérais comme obligé de conserver l'original.
+
+Ce même soir, comme nous faisions une petite promenade d'adieu par les
+rues, nous rencontrâmes un lieutenant serbe avec lequel nous avions
+antérieurement noué des relations d'amitié. Je le questionnai, en
+passant, sur cette division de la population en deux camps.
+
+--Oh! dit-il, avec un bref rire, vous ne pouvez rien imaginer de plus
+confus. Dans cette seule ville, il y a une demi-douzaine d'écoles
+serbes, quatre ou cinq écoles bulgares, une couple d'écoles grecques et
+enfin une école valaque ou roumaine. Cependant, chacune de ces
+nationalités se prétend supérieure en nombre à toutes les autres
+réunies!
+
+En dernier lieu, je résolus de me livrer à une petite enquête. Elle me
+démontra que, quoi que le lieutenant pût penser, les écoles d'Okrida
+étaient à ce moment ainsi réparties: huit bulgares, une grecque, une
+valaque et une serbe, celle-ci n'ayant d'ailleurs que trois élèves.
+
+Il n'est pas douteux que l'excès de patriotisme stimule beaucoup
+l'imagination (1).
+
+[Note 1: Je viens d'être avisé que le _comitadji_ Tchoulef est allé
+récemment passer deux jours à Sofia. Il y a appris à M. Stephanof, mon
+compagnon de voyage, que, le lendemain même de notre départ, son ami
+Manef avait été arrêté et emprisonné par les Serbes, en punition de ce
+qu'il nous avait donné l'hospitalité.]
+
+LE PAYS LE PLUS SAUVAGE DE L'EUROPE
+
+Partout, dans le district d'Okrida, les Serbes sont encore en conflit
+avec les Albanais. Quelle que soit la nation qui doive, dans l'avenir,
+posséder ce pays, elle y courra le même risque.
+
+Ces montagnards sauvages, amoureux fervents de la liberté, pour lesquels
+la vie d'un homme est moins sacrée que celle d'un chien, pour qui les
+idées de famille et de moralité sont si sacrées qu'on les a vus abattre
+d'un coup de fusil un étranger coupable d'avoir simplement regardé l'une
+de leurs femmes, qui sont aussi parfaitement hospitaliers que l'étaient
+les Israélites aux jours de l'Ancien Testament, mais qui n'éprouvent
+qu'un vague regret pour avoir tué un hôte sur la route après qu'il a
+quitté leur toit, ces hommes de clans, en perpétuelle discorde, risquent
+maintenant et risqueront longtemps d'être entraînés à une longue
+guérilla contre leurs envahisseurs.
+
+Encore qu'ils cultivent volontiers un petit lopin de terre auprès de
+leurs cabanes, dans leurs aires montagneuses, ils sont avant tout un
+peuple pastoral, vivant tout le long de l'année dans les hauteurs,
+solitaires et moroses, avec leurs troupeaux de moutons ou de chèvres.
+Ils ne savent ni lire ni écrire. Ils ont peu d'histoire et aucune
+culture. L'origine de leur race est plus ou moins mystérieuse. Ils sont
+dans une aussi complète ignorance du monde extérieur que l'est une tribu
+de sauvages africains. Ils savent, en revanche, porter le fusil. Et
+maintenant, quand ils sortent de leurs inaccessibles retraites, c'est
+presque toujours avec l'intention de surprendre quelque petit
+détachement de soldats serbes qu'ils se sentent à même de fusiller dans
+quelque défilé, avant que les victimes ainsi guettées aient seulement le
+temps d'épauler leurs propres armes.
+
+[Illustration: L'Albanie centrale, que M. Paul Scott Mowrer a traversée
+de Monastir à Durazzo, par Okrida et Elbassan.]
+
+Okrida n'est pas réellement en Albanie; elle est à l'une des extrémités
+de la contrée. Si la ville est aux trois quarts bulgare et si les
+paysans de l'Est sont, pour la plupart, bulgares ou serbes, les
+montagnards de l'Ouest sont de pure race albanaise--si toutefois une
+telle race existe--pâles de teint, hauts, élancés, têtes rondes, les
+yeux plutôt bleus ou gris, taciturnes, et aussi solitaires que les
+aigles dont ils partagent le royaume. La guerre semble être leur seule
+distraction. Les Turcs les craignent et les respectent à ce point qu'ils
+leur laissent faire en réalité tout ce qu'il leur plaît, même en deçà de
+leurs propres frontières. Ils ne les contraignirent jamais à leur payer
+des impôts. Leurs crimes de tous genres demeurèrent impunis. Ils n'ont
+pas plus l'idée d'aucune forme de gouvernement que ne l'ont des loups.
+La seule chose que les Ottomans aient jamais obtenue d'eux, c'était
+qu'ils descendissent, cohortes sans peur, pour se jeter avec une sauvage
+bravoure sur les canons et les baïonnettes de l'ennemi. Plus d'un
+régiment turc n'a échappé au risque d'être décimé que parce que ses
+soldats albanais, tout fiers d'une occasion si belle, avaient été placés
+sur le front pour recevoir en pleine tête ou en pleine poitrine la grêle
+des boulets serbes.
+
+Dans une bataille actuelle, en face d'une armée moderne, avançant, comme
+font tous les soldats maintenant, en lignes brisées de tirailleurs,
+s'abritant derrière chaque saillie du sol et derrière chaque pierre, de
+sauvages hordes comme en forment les Albanais auraient peu de chances de
+succès. On peut difficilement les contraindre à tirer couchés. Ils
+préfèrent se battre en groupes composés d'hommes de la même localité,
+chargeant et se précipitant de telle sorte qu'ils forment pour les
+tireurs modernes une proie facile. On imaginera quelle est la brutale
+férocité de leur attaque quand j'aurai mentionné qu'un jour un soldat
+serbe fut trouvé sur le terrain où avait eu lieu une escarmouche, sa
+baïonnette enfoncée dans le corps d'un Albanais, lequel, complètement
+désarmé, avait néanmoins manoeuvré de façon à prendre le Serbe à la
+gorge avec ses dents, et l'avait étranglé d'une fatale étreinte, comme
+ferait d'un loup un dogue bien dressé. Mais leur vrai champ d'activité
+est la montagne. Là, bondissant de roc en roc, aussi agilement que leurs
+propres chèvres, connaissant chaque passe comme chaque sentier, ils sont
+capables de tenir un ennemi en haleine pendant un temps indéfini, ainsi
+qu'ils font maintenant pour les Serbes, tirant toujours du haut de
+quelque escarpement d'où ils dominent leurs adversaires, moins rompus
+qu'eux à ces exercices d'escalades. Les Serbes ont occupé avec un plein
+succès toutes leurs villes et tous leurs hameaux. Mais ils ne peuvent
+pas occuper chaque roc; et c'est pourtant ce que, pratiquement, ils
+devraient faire avant que de pouvoir dire qu'ils sont absolument sûrs
+que l'Albanie est, soumise.
+
+Ce pays, le plus sauvage de l'Europe, a longtemps été un gage entre les
+mains de l'intrigue étrangère. Il fut un temps, il y a peu d'années, où
+chaque hutte albanaise pouvait se vanter de posséder au moins trois
+fusils modernes. Ces armes étaient distribuées par les agents des
+diverses nations intéressées, chacune ayant en vue d'attirer à sa
+propagande l'aide des montagnards. D'abord venait l'agent italien,
+plaidant la cause de l'Italie, et laissant un fusil italien. Ensuite
+apparaissait l'Autrichien, avec des armes autrichiennes. Les Serbes, à
+leur tour, armèrent les Albanais dans l'espérance de les tourner contre
+leurs suzerains, les Turcs, cependant que ces derniers les armaient dans
+l'espoir qu'ils seraient contre les Serbes les meilleurs des
+auxiliaires.
+
+C'est pourquoi le premier soin des envahisseurs serbes fut de désarmer
+la population. Besogne féconde en surprises, car, à côté des armes les
+plus perfectionnées, chaque famille avait conservé, de génération en
+génération, les fusils à mèches, les fusils à pierres des jours passés,
+précieux souvenirs de la valeur des ancêtres! Dans chaque ville de
+l'Albanie où nous entrions, nous apercevions d'énormes amas rouillés,
+gros comme quatre ou cinq bottes de foin, de ces antiques fusils et
+pistolets, tous encore chargés, beaucoup d'entre eux avec la pierre
+encore enchâssée dans le chien, prête à enflammer la pincée de poudre
+décomposée placée dans le bassinet tout couvert de toiles d'araignées.
+
+LES SOUPÇONNEUX CONQUÉRANTS
+
+En raison de cette situation, et bien que la campagne proprement dite
+soit virtuellement terminée ici, la discipline appliquée par les Serbes
+dans toute la montagne est encore très sévère. Nous en eûmes la brusque
+notion le matin qui suivit notre arrivée à Okrida. Notre premier devoir,
+naturellement, fut d'aller voir le commandant de la ville et de lui
+faire connaître notre présence. Comme nous errions à travers les
+vieilles rues tortueuses, bordées de petites boutiques pleines de toutes
+sortes de choses bonnes à manger, destinées à être travaillées, ou
+portées, nous arrivâmes enfin à l'état-major serbe,--une grande maison à
+deux étages antérieurement occupée par un bey albanais, lequel, à
+l'arrivée des Serbes, était mort de subite et violente façon. Nous fûmes
+introduits dans le grand hall qui toujours divise, de l'avant à
+l'arrière, les maisons turques élégantes. Le sous-lieutenant serbe, qui
+avait le commandement du convoi qu'à deux reprises nous fûmes obligés de
+suivre au cours de notre voyage depuis Monastir, nous accompagnait. Il
+voulait, disait-il, parler lui-même pour nous à l'aide-major.
+
+D'ordinaire, nous n'attendions pas bien longtemps avant d'être reçus par
+les officiers du haut commandement, car ils étaient généralement aussi
+heureux de nous voir, d'apprendre de nous ce que nous pouvions leur dire
+touchant les affaires du dehors que nous pouvions l'être nous-mêmes de
+les voir. Mais, ce jour-là, il en fut autrement. Pendant une demi-heure
+nous fîmes antichambre.
+
+Nous commencions à trouver le temps long, quand l'aide-major que nous
+attendions, l'air préoccupé, accablé, la mine sombre autant qu'une nuit
+d'orage, se rua à travers le corridor qui conduisait au bureau du
+commandant. Cependant que nous demeurions stupéfaits, nous demandant ce
+que pouvait présager tant de violence, notre sous-lieutenant fit sa
+réapparition, ses yeux bleus voilés, les lèvres très pâles, les
+pommettes très rouges. Il se tenait à l'écart et semblait embarrassé de
+nous connaître,--enfin, un tout autre homme que le brave et gentil
+compagnon que nous avions connu jusque-là. Il nous fallut quelque
+minutes pour obtenir de lui l'aveu de ce qu'il y avait dans l'air. Il
+avait commis une faute impardonnable, semblait-il, en abandonnant un
+moment le convoi dont il avait reçu le commandement. Quel droit avait-il
+de s'attacher lui-même à nous? Savait-il seulement qui nous étions? Il y
+avait cent chances contre une pour que nous fussions des espions
+autrichiens, et, dans ce cas, il avait commis une bévue qui pouvait
+compromettre l'avenir tout entier de la Serbie!
+
+Tout cela nous semblait assez bizarre, mais nous apparut plus sérieux en
+ce qui concernait le jeune officier. Nos coeurs commençaient à se navrer
+à la pensée que nous avions, bien malgré nous, mis dans l'embarras un si
+aimable camarade. Un quart d'heure plus tard, pourtant, nous fûmes reçus
+par le colonel Ristitch.
+
+En dix minutes, nous étions devenus les meilleurs amis, échangeant des
+confidences, prenant du café, et admirant ensemble la belle collection
+d'armes albanaises et turques que possédait le colonel et qu'il avait
+arrangées en panoplies au-dessus de son lit de camp. Nous lui
+expliquâmes le cas du sous-lieutenant et nous lui arrachâmes la promesse
+que, pour cette fois, il serait complètement absous «puisque c'était
+nous!» Néanmoins, il demeura de cet incident quelque chose entre nous et
+le pauvre sous-lieutenant. J'ai rarement vu un homme aussi effaré.
+
+Nous dînâmes ce soir-là avec les officiers serbes, dans le hall de la
+maison du bey albanais. Tchoulef, le chef de la police, nous avait
+donné, en guise de garde du corps, pour la durée de notre séjour, un
+très beau révolutionnaire bulgare, avec une moustache blanche et de
+sévères yeux bleus. Cet homme, vêtu d'une sorte d'uniforme, portait sur
+sa casquette le nombre 1, et il le portait fièrement, car il signifiait,
+dans son opinion, qu'il était l'homme le plus utile de la troupe, comme
+il en était le plus âgé. Une aveugle fidélité est la qualité maîtresse
+du caractère de la plupart des paysans bulgares, et cet homme n'était
+pas une exception à la règle. Il avait reçu comme instructions de bien
+veiller sur nous. Pour demeurer fidèle à cette consigne, il insista donc
+pour entrer avec nous dans la salle à manger, avec son fusil. Il s'assit
+sur une estrade surélevée, dans un coin. Et pas un moment, au cours de
+cette longue Soirée, il ne nous quitta des yeux.
+
+[Illustration: Le colonel Ristitch.]
+
+Les Serbes sont extrêmement sociaux. Ils aiment la bonne chère, la bonne
+compagnie «t les bous vins. Il y a, dans la région des Balkans, beaucoup
+de tziganes, et, tandis que les Bulgares refusent de les enrôler comme
+soldats, les Serbes les acceptent volontiers, dans l'unique but, je
+suppose, de leur faire jouer de la musique après dîner. Il n'y a pas un
+de ces gars basanés qui ne soit maître sur quelque instrument. Ici, par
+exemple, il y en avait deux qui jouaient du violon de façon à vous
+échauffer le sang dans les veines, et qui chantaient de si sauvages
+chansons slaves ou tziganes, en agitant leurs bras et se frappant l'un
+l'autre la tête de leurs tambourins, qu'on en oubliait leurs uniformes
+de soldats et que, rêvant, on s'imaginait transporté dans un camp de
+nomades, en quelque lointain désert, au milieu de scènes farouches
+d'amour passionné et de haine.
+
+Était-ce l'effet de la musique tzigane, je ne sais, mais, vers le milieu
+de la soirée, le vieux policier nous protégeait, de son coin, avec une
+si intense fixité, et empoignait d'une telle énergie son arme qu'un
+brave lieutenant, qui est, en temps de paix, professeur dans une école
+supérieure, à Belgrade, éprouva le besoin d'aller à lui et de lui
+murmurer à l'oreille des mots qui, je l'imagine, avaient pour but de lui
+faire poser une minute son déplorable fusil. Le vieux camarade,
+machinalement, obéit. Mais, longtemps avant que nous eussions fini nos
+toasts d'adieu, tandis que montait le choeur émouvant de _Oïslavana_, le
+chant de ralliement de tous les Slaves, depuis l'Ob, bien loin en
+Russie, jusqu'à la Moldau et au Danube, il était de nouveau sur ses
+pieds, l'arme en mains, les yeux fixes. Positivement, je crois que si
+quelqu'un avait osé nous toucher seulement d'un doigt un peu rude, le
+vieil homme l'eût abattu sur l'heure.
+
+EN ROUTE A L'AVENTURE
+
+... La chevauchée à travers la rude montagne, d'Okrida à Elbassan, a
+toujours été considérée comme extrêmement hasardeuse. En hiver, seuls
+les plus hardis des montagnards s'y aventurent. Mais le matin où nous
+étions pour nous mettre en route il nous semblait qu'il y avait dans
+l'air quelque chose de plus grave encore que de coutume. Sans nous en
+donner les raisons précises, le commandant serbe d'Okrida avait déjà
+tenté de nous dissuader de ce voyage. Nous trouvant fermement résolus,
+aimablement il offrit de nous donner une escorte de cinq cavaliers. Nous
+attendîmes une heure la venue de ces hommes. Or, les jours d'hiver sont
+courts. Le moment arriva où nous commençâmes à nous dire que,
+réellement, nous aurions dû déjà être en route. Comme nous étions avec
+un jeune agent de police bulgare, un ancien révolutionnaire lui aussi,
+bien armé et bon fusil, nous n'avions nulle crainte.
+
+Nous étions déjà en selle quand Tchoulef, le chef de la police, arriva à
+côté de mon compagnon et lui dit quelques mots à voix basse. Nous
+comprîmes alors le peu d'entrain des cavaliers à obéir aux ordres qu'ils
+avaient reçus. Peu de jours auparavant, d'après l'information que
+donnait Tchoulef, dans la passe même que nous devions traverser, une
+bande d'Albanais avait attendu, en embuscade, dix soldats serbes et un
+officier en mission spéciale. Le nombre des cartouches retrouvées sur
+place, plus tard, prouva que les Serbes s'étaient bravement défendus;
+mais pas un n'échappa. Afin de venger ce crime, un régiment entier avait
+été dépêché dans la montagne. Les Albanais, sans cesse renforcés après
+cet exploit, s'étaient retirés au nord, vers Darma. Près de cette ville,
+ils avaient préparé pour les Serbes une nouvelle embuscade, ayant
+projeté de les laisser gagner le centre d'un ravin escarpé et prêts
+alors à leur lancer, des hauteurs, des quartiers de roc et à les
+canarder en même temps, leur infligeant d'effrayantes pertes. Rien
+d'étonnant à ce que le commandant serbe, deux jours après un tel
+événement, demeurât soucieux et préoccupé.
+
+Pendant quelques moments nous examinâmes entre nous la situation, après
+quoi nous décidâmes que rien ne serait changé à notre plan. Nous
+concluions, en effet, que notre situation vis-à-vis des Albanais était
+d'autant meilleure que nous n'avions avec nous aucun Serbe, D'autre
+part, l'homme que Tchoulef nous avait procuré pour conduire nos chevaux
+de bât était lui-même Albanais, un garçon blond, à bec-de-lièvre,
+propriétaire à Okrida; il serait homme à intervenir utilement en notre
+faveur, le cas échéant, à moins que nous n'eussions la malchance d'être
+pris comme cible d'un tir à longue portée.
+
+Pendant deux heures et demie nous trottâmes lestement le long du rivage
+plat du lac d'Okrida, gagnant, à midi, la ville de Struga, dernier point
+habité par des Bulgares. Là, notre résolution faiblit quelque peu. Sur
+l'avis de notre policeman, nous nous rendîmes chez le commandant local
+et lui demandâmes de nous donner une escorte pour accomplir le reste de
+notre voyage.
+
+--Nous sommes en temps de guerre, nous répondit cet officier. Je ne puis
+distraire aucun de mes hommes. Au surplus, je ne vous conseille pas
+d'essayer de continuer votre route.
+
+--Pourquoi? demandâmes-nous, encore que nous connussions bien d'avance
+de quoi il retournait.
+
+L'officier haussa les épaules:
+
+--En raison de la nature de votre permis, continua-t-il, je ne puis pas
+vous interdire de passer. Mais je vous conseille, du moins, d'attendre
+jusqu'à demain pour continuer. Il faut huit heures de cheval pour aller
+à Kyouksi, le plus prochain village, et vous avez devant vous au plus
+cinq heures de jour.
+
+Cette attitude du commandant sembla alarmer notre gardien. Il nous
+informa, hésitant, qu'il allait être contraint de nous quitter là.
+
+--Très bien, lui dîmes-nous. Nous trouverons quelqu'un d'autre.
+
+Des patriotes bulgares ayant appris qui était mon compagnon de voyage,
+une députation s'empressait maintenant de venir à nous pour nous inviter
+à demeurer ici un peu plus longtemps; ils désiraient, disaient-ils,
+avoir l'honneur de nous offrir une légère collation. Quoique nous
+sentissions vivement la nécessité de nous dépêcher, nous nous laissâmes
+conduire par un étroit escalier jusqu'à une chambre basse où une robuste
+grand'mère bulgare nous souhaita la bienvenue avec les plus extatiques
+exclamations de ravissement. Nous lui expliquâmes avec précaution que
+nous avions seulement le temps d'accepter une bouchée de pain et de
+boire une tasse de lait. Mais elle ne voulut jamais se résigner à
+laisser échapper une si belle occasion. Rien n'y fit, et nous dûmes
+attendre qu'elle eût fait cuire à notre intention quelques oeufs et fait
+frire quelques truites fraîchement pêchées dans le lac.
+
+[Illustration: Montagnards albanais sur la route d'Elbassan.]
+
+Cependant, nous priions une couple de citoyens importants de nous
+chercher quelqu'un qui voulût bien prendre la place de notre gardien
+défaillant. Nous offrions de payer. Mais nous eussions aussi bien pu
+proposer des sous que de l'or, c'était en vain: pas une âme, dans la
+ville, ne se souciait de risquer le voyage. Heureusement, le professeur
+Stephanof avait fait ses études en Amérique. Il comprenait l'utilité du
+«bluff» en certains cas. Se tournant vers notre homme, il lui dit alors
+avec autorité:
+
+--J'en suis désolé, mais je suis obligé de vous ordonner de nous
+accompagner au moins jusqu'à Kyouksi.
+
+C'était un expédient désespéré; mais il réussit. Bien que nous
+n'eussions sur lui aucune autorité, l'homme fut impressionné.
+
+--Je ne connais pas très bien la route, alléguait-il pourtant.
+
+--Nous n'avons besoin de vous que pour l'amour de votre fusil, lui
+répondîmes-nous brièvement.
+
+Sur quoi il courba la tête devant notre volonté.
+
+Faisant à nos hôtes un adieu tardif, nous quittâmes la vieille
+grand'mère qui, tout en larmes, répétait: «Dieu vous bénisse! Dieu vous
+bénisse!»
+
+Tandis que nous étions ainsi hébergés à Struga, l'Albanais à
+bec-de-lièvre qui aurait pu nous guider en toute sécurité dans la suite
+de notre voyage, trompant la surveillance de l'homme qu'en prévision de
+cette désertion nous avions chargé de le guetter, s'était enfui hors de
+la ville avec nos chevaux de charge et nos provisions. Nous ne devions
+plus le revoir qu'à Elbassan.
+
+PERDUS DANS LA NUIT
+
+De notre étrange équipée dans les montagnes, durant les vingt-quatre
+heures qui suivirent, sans nourriture, sans sommeil, arrosés de pluie et
+de boue, perdus aussi complètement que le furent jamais hommes au monde,
+je ne saurais dire que peu de chose, encore que je ne sache pas qu'il
+puisse y avoir une chevauchée pareille, autre part que dans cette région
+désolée de rocs et de ravins. Nous grimpâmes lentement, d'abord, dans la
+neige, pour tomber dans une vallée étroite et nue. La nuit vint. Au
+clair de lune, nous traversâmes au petit galop la vallée, puis
+recommençâmes à escalader une autre ligne de montagnes, en suivant le
+cours d'un torrent qu'il nous fallait passer et repasser à chaque
+instant sur d'étroits ponts de bois, jetés à de vertigineuses hauteurs.
+Nous sentions nos chevaux trembler sous nous, tandis que, dans les
+profondeurs sombres, les flots bouillonnaient avec des grondements de
+mauvais augure.
+
+A 9 heures, la route, soudainement sembla s'améliorer. Elle devenait
+plus large et mieux construite. Mais elle était coupée par des centaines
+de ravins ayant de vingt à cent mètres de profondeur et qu'aucun pont ne
+franchissait. Nous pensâmes d'abord que cette route avait été ainsi
+saccagée par les Albanais dans le but de prévenir une invasion. Nous
+apprîmes, plus tard, qu'en réalité, le gouvernement ottoman avait
+commencé, il y a une quinzaine d'années, les travaux de cette
+extraordinaire voie, mais que, fidèles à la méthode orientale, les
+ouvriers n'avaient achevé que les parties qui ne présentaient aucune
+difficulté, laissant de côté tous les obstacles que la nature leur avait
+opposés.
+
+Il était nuit, maintenant. La lune s'était cachée derrière les nuages et
+nous y voyions à, peine. A notre gauche s'enfonçait un précipice abrupt.
+A notre droite se dressait la montagne, pareille à un mur. Toutes les
+dix minutes, en moyenne, nous voyions la route s'effondrant soudain sous
+nos pas, les chevaux près de tomber au fond d'un puits noir; alors, en
+tâtonnant, nous cherchions le moyen de passer de l'autre côté du ravin,
+là où, confusément, nous pouvions entrevoir que reprenait la voie.
+
+Quelquefois, nous perdions complètement notre chemin et devions, pour le
+retrouver, faire de longs détours, passant à gué le cours d'eau,
+mouillés, même à cheval, jusqu'au milieu du corps et perdant un temps
+précieux.
+
+A 2 heures et demie du matin environ, inquiets et épuisés, nous perdions
+complètement notre route, et, nous trouvant dans une petite clairière,
+nous décidâmes d'attendre là le lever du jour. Un arbre se dressait au
+milieu de la clairière. Dans ses branches, selon la coutume albanaise,
+un montagnard avait abrité sa petite moisson de foin. Nous nous
+étendîmes sur la terre humide, au-dessous du précaire abri que formait
+cette meule aérienne.
+
+A l'aube, nous retrouvâmes la route et continuâmes notre voyage. La
+pluie se déversait maintenant en cataractes. Malgré nos imperméables,
+nous étions trempés jusqu'à la peau. Nous pouvions voir, au fond du
+ravin, le torrent se ruer, tout rouge, chargé de fange. Les chevaux
+parfois s'enfonçaient jusqu'aux genoux dans la vase. Ainsi nous
+bataillions quand, vers 8 heures du matin environ, la route tout à coup
+se rétrécit, se rétrécit, s'évanouit.
+
+Comme nous ne pouvions escalader les rocs, à notre droite, non plus que
+traverser le torrent, à notre gauche, il nous apparut que nous n'avions
+plus qu'une ressource: tourner bride vers Okrida. Et nos coeurs
+défaillirent à la perspective de recommencer tant de longs détours, de
+refranchir, au prix des mêmes difficultés, tous ces ravins, ces
+précipices. Nous nous résignâmes, pourtant, puisque l'Albanie, nous
+disions-nous, était ainsi faite. Nous avions du moins acquis quelques
+notions touchant ce pays peu connu.
+
+Vers midi, nous rencontrâmes un pâtre, lequel nous apprit que, le soir,
+dans l'obscurité, nous avions dépassé Kyouksi. La petite ville était,
+nous dit-il, située très haut dans les montagnes, de l'autre côté de la
+vallée. Il ne voulait pas croire que nous avions voyagé toute la nuit
+sur la route du gouvernement turc, prétendant avec insistance qu'elle
+était absolument impraticable et que c'était une merveille que nous
+fussions arrivés jusqu'à son propre pâturage.
+
+Peu après la pluie cessa. Pour la première fois nous pouvions jeter un
+regard autour de nous. De grands pics sombres, drapés de nuages roses,
+se dressaient altiers de tous côtés. Sur leurs pointes extrêmes,
+là-haut, nettement distinctes à travers les flottantes brumes,
+s'éparpillaient de minuscules cabanes, de petites pièces de terre,
+cultivée. On n'aurait jamais pu supposer que des hommes pouvaient vivre
+en des lieux aussi élevés et aussi inaccessibles. Pourtant, c'étaient là
+les séjours préférés des Albanais; c'était là qu'ils coulaient une vie
+de réclusion et de solitude qui nous apparaissait comme inconcevable.
+
+Nous atteignîmes à 2 heures de l'après-midi ce Kyouksi si haut perché.
+Nous fûmes reçus avec une grande amabilité par le lieutenant serbe qui y
+commandait. Il nous prit avec lui dans sa rude demeure et alluma dans
+l'étroite cheminée de bois un feu ronflant; il nous laissa nous
+déshabiller afin de faire sécher nos vêtements et nous offrit, après
+manger, un coin pour dormir; en un mot, il s'acquit des droits à notre
+éternelle gratitude.
+
+PAUL SCOTT MOWRER.
+
+--_A suivre_.--
+
+
+
+LA LEÇON DE TANGO
+
+«Tanguez-vous?» C'est la question qui s'est posée dans les bals, cet
+hiver, d'abord un feu timidement, avec un sourire qui excusait d'avance
+la réponse négative, puis d'un ton plus assuré et n'admettant pas de
+défaite, comme si l'on s'informait de la chose la plus naturelle du
+monde... Il a donc fallu apprendre le tango, et chacun s'est précipité
+avec entrain aux cours des professeurs à la mode, afin d'y recevoir les
+bons principes. Bien avisées, des maîtresses de maison ont organisé chez
+elles de petites réunions, où jeunes gens et jeunes filles s'initient
+aux secrets chorégraphiques qu'ils brûlent de connaître. Et ce sont, le
+soir, pour le cercle d'amis qui forment l'intimité de céans, de
+charmantes leçons, données par une dame experte en l'art d'enseigner les
+pas difficiles dont se compose la danse nouvelle, le «corte», le
+«paseo», la «média luna». Groupés autour d'elle, ses élèves l'écoutent,
+la suivent des yeux, tandis que d'autres, au son de l'infatigable piano,
+s'essaient à appliquer les règles qu'ils viennent d'apprendre... Le
+tango qui s'introduit ainsi dans les salons parisiens n'a rien du tango
+espagnol, dont le nom évoque les «ferias» désordonnées. Argentin
+d'origine, à peine modifié pour avoir traversé les mers, il se présente
+comme une marche à deux, aux mouvements lents et souples, très rythmés
+par la musique. Remplacera-t-il, dans la faveur mondaine, le double et
+le triple «boston», comme ceux-ci taraient emporté sur la valse? Pour le
+moment, il fait fureur, et on ne le trouve pas plus osé que ses
+devanciers. Mais où sont les danses d'antan?...
+
+
+
+COMMENT LES GRECS ONT PRIS JANINA
+
+_Notre excellent correspondant M, Jean Leune qui, en compagnie de la
+courageuse Mme Jean Leune, a suivi avec tant de passion et de
+persévérance la campagne des Hellènes en Epire, vient d'avoir la joie la
+plus chère, sans doute, qu'il eût rêvée: après avoir assisté aux
+suprêmes assauts donnés à Janina, il a, des premiers, pénétré dans la
+ville reconquise; il y a été témoin de l'enthousiasme populaire; il a
+assisté tour à tour à l'entrée du Diadoque, au_ Te Deum _d'actions de
+grâces et a, enfin, obtenu du duc de Sparte, aujourd'hui roi des
+Hellènes, une entrevue où le prince s'est montré particulièrement
+aimable. La vaillance de M. et de Mme Jean Leune, l'abnégation toute
+militaire, le courage qu'ils ont montrés depuis tant de semaines leur
+méritaient cette suprême récompense._
+
+_Voici les notes dans lesquelles M. Jean Leune nous narre les événements
+dont il fut témoin:_
+
+LES DERNIÈRES JOURNÉES DU DUEL
+
+Losetzi, 5 mars.
+
+Hier matin, à 6 heures 1/2, le canon a commencé de tirer comme il
+n'avait pas tiré depuis longtemps. Enfin, l'attaque était déclenchée.
+
+Toute la journée, nous avons assisté, de Kotortsi, à un duel
+d'artillerie entre Canetta et Bizani, qui, inondé d'une pluie de fer,
+répondait faiblement.
+
+Après une courte interruption, le soir, le feu recommençait à 9 heures
+1/2. Toute la nuit nous l'avons entendu. Grosses pièces de siège et
+pièces de campagne tiraient avec rage. Les Turcs, toujours, répondaient
+à peine.
+
+Vers le matin, la canonnade de nouveau cessa pour reprendre peu de temps
+après, à 7 heures. En même temps, sur notre gauche, c'est-à-dire du côté
+de Bizani, éclatait une très vive fusillade accompagnée d'intenses
+crépitements de mitrailleuses.
+
+Voulant à tout prix voir quelque chose, nous sommes partis à 8 heures
+1/2 de Kotortsi avec l'idée de gagner un sommet quelconque de la
+montagne Aétorachi. Après une rude escalade, nous arrivions sur
+l'avant-dernier sommet dominant Bizani et, en rampant, nous gagnions un
+petit mur-abri.
+
+Pendant une demi-heure environ, nous observons de là les allées et
+venues des obus. Puis nous redescendons vers Kotortsi. Nous y
+rencontrons le général Sapoundsakis, entouré de tout son état-major, se
+dirigeant vers Losetzi, et qui nous engage à le suivre; puis, un peu
+plus loin, le commandant Spanidis, lequel, en passant près de nous, nous
+annonce que ce matin de très bonne heure l'aile gauche a attaqué très
+violemment l'ennemi et pris le village de Manoliassa. De ce côté, les
+Turcs reculent.
+
+A l'extrême droite, les troupes venant de Metsovo ont combattu hier
+toute la journée avec succès contre les Turcs qu'elles ont, là aussi,
+forcés à la retraite; elles sont maintenant tout près de Drisko. Par
+ailleurs, nous apprenons que l'artillerie grecque a fait hier et cette
+nuit énormément de mal à l'ennemi, et que, d'autre part, la 3e division,
+venant de Konitza, au nord-ouest, est aujourd'hui à très petite distance
+de Janina.
+
+A 10 heures 1/2, nous quittons Kotortsi pour gagner Losetzi. Arrivés là,
+nous confions vite notre mince bagage au docteur Stéphanidis, dont nous
+devons être les hôtes, puis nous hâtons de repartir vers le monastère de
+Tsouka qu'on nous a indiqué comme un belvédère superbe pour suivre la
+bataille. De fait, du parc qui environne le monastère, on embrasse et
+les crêtes de Bizani et celles de Manoliassa, les forts de
+Saint-Nicolas, Dourouti et Sadovitza, la ville et le lac de Janina, et
+le fort de Gastritza avec la plaine qui le sépare des montagnes sur
+lesquelles nous sommes. On a une vision d'ensemble très nette de la
+structure du terrain, et l'on constate alors à quel point la nature
+avait supérieurement fortifié Janina. Les travaux de von der Goltz n'ont
+fait que compléter son oeuvre et véritablement l'armée turque avait la
+partie belle à résister.
+
+Quand je pense qu'en décembre, alors que l'armée d'Epire comptait
+seulement quatre bataillons d'evzones, un régiment d'infanterie et la 2e
+division qui tenait les hauteurs de Manoliassa, alors qu'il n'y avait en
+tout et pour tout contre Bizani que quatre pièces de 105 et quatre
+pièces de 75 en batterie à Canetta, quand je pense, dis-je, que dans ces
+conditions le colonel Joanno a osé se lancer contre Bizani avec 4
+bataillons d'evzones!
+
+Pareille tentative, étant donné les conditions dans lesquelles cette
+attaque avait été improvisée et les effrayantes difficultés du terrain,
+prouve que l'armée grecque est encore très jeune. Elle fait penser à ces
+petits enfants qui courent sur les toits sans tomber, parce qu'ils
+ignorent le danger. D'ailleurs, la connaissance du péril ne saurait
+calmer l'héroïque courage de ces hommes. Conscients, désormais, des
+risques courus, ils conservent leur superbe mépris de la mort. Il faut
+souhaiter seulement que les chefs, gardant la faculté précieuse
+d'utiliser tant de vaillance, sachent éviter dans l'avenir d'en abuser.
+Et je ne doute pas que le commandement arrive bien vite à ce sage état
+d'esprit sous la ferme direction de S. A. R. le Diadoque, secondé dans
+sa tâche par notre mission militaire française.
+
+Sur notre gauche, au nord du village de Losetzi, se dressent toute une
+série de hauteurs entre lesquelles sont et les gros canons et les pièces
+de campagne. Les uns et les autres tirent cet après-midi avec
+acharnement. Il est très difficile de voir où tombent les obus.
+
+Sur notre droite, c'est-à-dire au nord-est de Tsouka, sur la montagne
+dont ce village est séparé par un ravin à pic de 500 à 600 mètres, une
+fusillade très nourrie crépite encore, vers le village de Condovrachi.
+Vraisemblablement, ce sont les troupes de Metsovo qui s'en emparent pour
+opérer leur jonction avec la 6e division, ce soir même, conformément aux
+ordres du Diadoque.
+
+A 6 heures, nous quittons Tsouka pour rentrer à Losetzi. Là on nous
+apprend que tout a marché aujourd'hui aussi bien que possible. Tous les
+officiers sont persuadés que l'attaque de demain, qui coïncidera avec
+l'arrivée aux portes mêmes de Janina de la 3° division, amènera la
+chute de la ville.
+
+«CHRIST EST RESSUSCITÉ! JANINA EST GRECQUE!»
+
+6 mars.
+
+La canonnade s'est fait entendre presque toute la nuit à intervalles
+irréguliers, cessant vers les 3 heures. A 5 heures, les canons grecs
+recommencent de tirer avec acharnement. On entend au loin une fusillade
+nourrie. Ce doit être l'attaque générale.
+
+A 5 heures 1/2, tout cesse. Nous gagnons dans la nuit le monastère de
+Tsouka, notre observatoire. Le silence est complet, impressionnant. Pas
+un coup de canon. Pas même un coup de fusil. Que se passe-t-il donc? Les
+hommes, tout à l'heure, criaient: «Zito «et les premiers zitos étaient
+venus d'Aétorachi, du côté qui touche Bizani. Maintenant, le cri de joie
+monte de toute la ligne. 11 s'est certainement passé quelque chose de
+grave et d'important. Et, quittant le monastère de Tsouka, nous courons
+aux nouvelles vers Losetzi.
+
+Comme nous descendons, une fusillade éclate sur Aétorachi et gagne
+Kotortsi, Lasina, etc. Vraiment, nous ne savons plus que penser. Tout ce
+qui se passe en ce moment nous semble extraordinaire...
+
+Nous arrivons au téléphone... «_Christos anesthi!_ nous crient les
+soldais... (Christ est ressuscité!) Janina est grecque à l'heure qu'il
+est! La nouvelle est officielle. Cette nuit ont commencé les pourparlers
+pour la reddition. Seulement Essad pacha voulait que ses troupes
+restassent libres. Le Diadoque n'a pas accepté et il a ordonné un
+semblant d'attaque générale à 5 heures ce matin. A 5 heures 1/2, Essad
+acceptait toutes ses conditions. Maintenant, nos troupes vont occuper
+Bizani. Ensuite, les bataillons d'evzones du colonel Joanno entreront
+dans Janina...»
+
+Nous n'en demandons pas plus. D'ailleurs, il nous serait impossible en
+ce moment de prononcer une parole... Nous serrons la main à ces braves
+gens et nous gagnons bien vite Losetzi. Mous avons hâte de partir, de
+gagner s'il se peut Janina. L'intérêt est là, maintenant. Mais il nous
+faut d'abord, sur le conseil d'officiers, aller vers Bizani, où se
+trouvent les généraux.
+
+Nous montons, nous montons, et, tout d'un coup, d'une crête que nous
+venons d'atteindre, Bizani nous apparaît comme jamais encore nous ne
+l'avions vu. Quelle chose formidable! Une suite de hauteurs et de
+ravins. Partout des canons, des tranchées, des zones de fils de fer...
+
+[Illustration: Carte de la région de Janina.]
+
+A notre gauche, sur le petit Bizani, des troupes grecques avancent, puis
+se massent sur un mamelon. C'est l'occupation tant rêvée! Pauvres gens,
+l'ont-ils assez mérité, ce triomphe d'aujourd'hui! Sur le grand Bizani,
+très haut et très loin, un tout petit drapeau blanc...
+
+Nous descendons, nous remontons, jetant au passage un coup d'oeil aux
+défenses que nous côtoyons ou traversons. Il en est de très primitives
+qu'on sent avoir été improvisées en hâte. Par contre, un peu plus loin,
+voici des tranchées très bien faites, avec abris souterrains pour les
+hommes, passages souterrains, etc. Les fusils des hommes sont à leur
+place, car les soldats turcs ont été ce matin rassemblés, sans armes,
+vers le village de Serviana.
+
+Soudain, sur le mamelon où nous sommes avec des evzones, conduits par
+leurs officiers, ils arrivent de toutes parts. Ils se répandent dans les
+tranchées, s'équipent, prennent leurs armes, puis se groupent. Ensuite,
+ils défilent devant les evzones, et, devant le commandant du bataillon,
+chaque soldat en passant dépose ses armes. C'est infiniment triste à
+voir...
+
+DANS JANINA LIBÉRÉE
+
+Janina, 6 mars, soir.
+
+... Enfin, voici Janina, accroupie au bord de son lac bleu, en face de
+l'énorme chaîne de montagnes qui lui cache tout horizon vers le nord.
+
+[Illustration: Croquis schématique, par M. Jean Leune, de la manoeuvre
+qui a amené la chute de Janina.]
+
+En avant de la ville, des troupes campent. D'autres sortent et s'en vont
+pour camper plus loin. Ce sont les evzones qui sont arrivés hier soir à
+800 mètres des portes de Janina dans laquelle ils sont entrés ce matin.
+Cela leur suffit, pour éviter de passer sous le feu des forts de
+_Bizani_, le Diadoque avait arrêté le plan suivant: tourner cette
+position avec son aile gauche, enlever les hauteurs de _Tsouka_,
+s'emparer des forts _Saint-Nicolas, Dourouti_ et _Sadovitza_, enfin
+marcher sur _Janina_. En conséquence, il partagea son armée en deux
+sections (aile droite et aile gauche), dont la composition respective
+est indiqués sur le croquis ci-dessus.
+
+La _2e division_ avec un régiment de cavalerie devait occuper le centre
+de la ligne et manoeuvrer isolément. La masse d'artillerie (4 pièces de
+105, 4 pièces de 150 et plusieurs batteries de 75) était en arrière de
+_Canetta_.
+
+Les ordres pour les journées des 4 et 5 mars furent les suivants:
+
+_Aile droite_: Des hauteurs d'_Aétorachi_ qu'elle occupe, elle
+exécutera, le 4 mars, un combat démonstratif d'artillerie et
+d'infanterie sur la position de _Bizani_.
+
+Le 5 mars, l'infanterie fera une reconnaissance offensive pendant que
+l'artillerie, par un tir continu coopérera à l'attaque, générale.
+
+_2e Division_ (centre): Le 4 mars, descendre des hauteurs de _Canetta_
+et occuper les débouchés dans la plaine. Le 5 mars, avancer à cheval sur
+la route de _Preveza à Janina_.
+
+_Aile gauche_: L'aile gauche est divisée en trois colonnes:
+
+_1re colonne_, composés de la 4e division, en position sur les hauteurs
+à l'ouest de _Canetta_, exécutera le 4 mars un combat démonstratif. Le 5
+mars, elle s'emparera des collines de la plaine à l'ouest de la route de
+Janina et réglera sa marche sur les autres colonnes de l'aile gauche.
+
+_2e colonne_, composée de 2 bataillons d'evzones, 1 bataillon du 17e
+d'infanterie, des 3e et 15e régiments d'infanterie, se concentrera le 4
+mars à la sortie du défilé de _Manoliassa_. Le 5, au point du jour,
+attaquer _St-Nicolas_.
+
+_3e colonne_, de la force de 9 bataillons et 2 batteries de montagne, se
+concentrera le 4 mars derrière la montagne _Olitsika_. Dans la nuit du 4
+au 5 mars, marcher sur la montagne _Tsouka_. Le 5 mars, au point du
+jour, attaquer et s'emparer des positions de _Tsouka_. Envoyer un
+détachement tourner le fort _Saint-Nicolas_ par le nord et coopérer à
+l'attaque de ce fort avec la deuxième colonne venant du sud. Le reste de
+la colonne marchera sur les forts _Dourouti_ et _Sadovitza_.
+
+Les 2e et 3e colonnes, maîtresses des forts et des hauteurs, se
+réuniront dans la plaine pour marcher de concert sur _Janina_.
+
+Ils s'en vont très contents, disant eux-mêmes très simplement qu'il faut
+céder la place à d'autres ayant aussi mérité de voir la ville conquise.
+
+Nous entrons dans la ville... Dans les rues, l'enthousiasme est
+délirant, indescriptible. Les malheureux habitants, à force d'acclamer
+leurs libérateurs, n'ont plus de voix! De vieilles femmes aux fenêtres
+pleurent et battent des mains. Des femmes, du pas de leur porte, se
+précipitent vers nous et embrassent ma femme à l'étouffer, lui baisent
+les mains, les vêtements: «Oh! soyez bénis, vous qui nous apportez la
+liberté!»
+
+Au consulat de France, le consul, M. Dussap et sa femme, l'écrivain bien
+connu sous le pseudonyme de Guy Chantepleure, nous reçoivent à bras
+ouverts, car nous sommes les premiers Français qu'ils voient depuis cinq
+mois.
+
+Dans Janina, ville grecque aux mains des Turcs et revendiquée par les
+Albanais, M. Dussap, en toute impartialité et en toute justice, a été
+amené à prendre la défense des Grecs, affreusement malmenés par leurs
+maîtres et tyrans. Et les Janiniotes, en ce jour de joie, n'oublient pas
+ce qu'a fait pour eux le consul de France en ces jours de deuil et
+d'angoisse que furent ces cinq derniers mois. Le nom de M. Dussap est
+sur toutes les lèvres, associé tout naturellement à celui de la France.
+
+[A FIN D'UNE LONGUE RÉSISTANCE.--Les soldats turcs, qui avaient été
+rassemblés à Serviana au moment de la signature du protocole de
+reddition remontent à leurs tranchées sous la conduite de leurs
+officiers; ils s'équipent et reprennent leurs armes, puis vont défiler
+devant les troupes grecques et déposer en tas leurs fusils. _Phot. Jean
+Laine_]
+
+Il suffit maintenant à Janina de se dire Français pour être
+immédiatement l'objet de mille délicates attentions de la part des
+habitants qui ne savent quoi faire pour vous être agréables et vous
+rendre service. Comme il suffit de se dire Italien ou Autrichien pour
+être immédiatement mis en quarantaine.
+
+Voilà l'inappréciable service qu'un consul intelligent a su rendre ici:
+faire aimer la France et disposer tout naturellement le pays à accepter
+avec joie notre influence tant au point de vue moral qu'au point de vue
+matériel.
+
+A l'état-major, j'allais avoir connaissance du plan d'opérations dont la
+réussite avait jeté, après une lutte si héroïque de part et d'autre, la
+place de Janina aux mains du Diadoque et de son armée (2). La manoeuvre
+fut aussi sagement préparée que, plus tard, elle fut énergiquement
+conduite.
+
+[(2) Les explications qu'on trouvera au-dessous du croquis de la page
+précédente résument clairement, d'après les ordres mêmes de
+l'état-major, toute l'opération et permettent de suivre sur la carte la
+marche des divers corps en vue du résultat décisif.]
+
+Il y avait à la base de la tactique une de ces ruses de guerre vieilles
+comme le monde et qui pourtant ont le plus souvent de grandes chances de
+réussite: le Diadoque fit croire à son armée--certain que l'armée turque
+ne le pourrait ignorer longtemps--que l'attaque se ferait par la droite,
+entre Bizani et Gastritza. En même temps, il rassemblait, dès lundi
+dernier, à Emin Aga, toutes les réserves de ses divisions. Il
+constituait ainsi, en deux jours, au centre, une solide masse de
+manoeuvre, forte de vingt-trois bataillons et de six batteries de
+montagne. Cette masse pouvait être portée rapidement soit à gauche, soit
+à droite, suivant que les Turcs tomberaient ou non dans le piège, ils y
+tombèrent puisqu'ils dégarnirent en partie leur droite pour renforcer
+leur gauche, vers Kotzelio. Mais, par ailleurs, craignant toujours une
+attaque vers Manoliassa, ils renforçaient sur ce point leurs troupes.
+
+Le Diadoque divisa alors ses vingt-trois bataillons, dont la 4e
+division, en trois colonnes sous le commandement général du général
+Moskopoulos. Deux colonnes fortes de quatorze bataillons et de quatre
+batteries de montagne partaient à l'est d'Olitsika, l'une dans la vallée
+de Manoliassa, l'autre (4e division) sur les crêtes mêmes de Manoliassa.
+
+La troisième colonne (neuf bataillons et deux batteries) partit le mardi
+soir, passa derrière Olitsika, fit toute la nuit une marche forcée sur
+un sentier gelé où les hommes glissaient et tombaient à tout instant. A
+7 heures du matin, cette colonne arrivait sans être aperçue à 150 mètres
+des tranchées de Tsouka. Elle tombait à l'improviste sur les Turcs qui,
+surpris, faisaient un semblant de résistance puis s'enfuyaient.
+
+La chute de Tsouka amena la chute d'une position dite de «la côte 750»,
+puis du fort Saint-Nicolas, et ensuite du fort de Dourouti. Sur ces
+différentes positions, dix pièces de canon étaient prises.
+
+Le fort de Bizani essaya bien, dans la journée, d'empêcher la marche en
+avant des troupes grecques en bombardant Manoliassa, Saint-Nicolas et
+Dourouti; ce fut en vain.
+
+Les troupes turques battaient en retraite vers Bapsista. Alors,
+l'artillerie de montagne vint se mettre en batterie de ce côté. Elle
+tira sur les Turcs avec des obus explosifs qui allaient transformer la
+retraite en une fuite éperdue.
+
+A 4 heures du soir, la colonne du centre, composée d'evzones, qui était
+passée par la vallée de Manoliassa, arrivait à 800 mètres des portes de
+la ville, après avoir coupé tous les fils télégraphiques entre Bizani et
+Janina. Dès ce moment, la ville était perdue pour les Turcs.
+
+Ce fut alors qu'Essad pacha fit venir les consuls et les pria d'adresser
+en son nom au Diadoque des propositions pour la reddition de la ville,
+ce qui fut fait. Un peu plus tard, dans la nuit, vers 2 heures du matin,
+le vicaire du métropolite et plusieurs officiers turcs se rendaient en
+automobile auprès du Diadoque pour arrêter définitivement les clauses de
+la reddition, ce qui fut très simple, puisque Essad pacha livrait la
+ville, les forts, leur matériel, et se constituait prisonnier, lui et
+son armée, sans aucune condition.
+
+Mais presque toute l'armée grecque ignorait cette reddition, et c'est
+pourquoi l'extrême droite fit le matin, à 5 heures, cette attaque que
+tout le monde, de ce côté, avait cru être l'attaque décisive. Les Turcs,
+ignorant également qu'Essad pacha avait rendu la ville, ripostèrent.
+Mais, tout de suite, des deux côtés, les ordres de cesser le feu
+arrivèrent, ce qui fit que le combat ne dura qu'une demi-heure.
+
+UNE AUDIENCE DU DIADOQUE
+
+Janina, 9 mars.
+
+Comme nous flânions, hier, par les rues, le Diadoque vint à passer, à
+pied, avec son aide de camp, le commandant Calinski. Il s'arrêta devant
+nous et dit au commandant: «Présentez-moi, je vous prie, ce couple
+extraordinaire qui enfreint toujours mes ordres!»
+
+Le commandant s'exécuta très gentiment. Alors, le prince nous dit:
+
+--C'est comme cela que vous avez suivi mon armée en Macédoine, et que
+vous avez encore trouvé moyen de la suivre ici? Vous avez une fière
+volonté, vous savez.
+
+--En effet, Altesse, répondit ma femme, car vos interdictions
+perpétuelles m'ont valu de faire des 30 kilomètres par jour et de subir
+maints désagréments.
+
+--Je vous admire, madame... Que voulez-vous de moi, maintenant? Alors
+nous avons sollicité du prince une entrevue particulière qu'il nous
+accorda pour ce matin.
+
+L'accueil du Diadoque fut d'une simplicité, d'une cordialité charmantes.
+Après nous avoir félicités de tout ce que nous avions fait, il nous
+parla de son armée, de «ses enfants», comme il appelle ses soldats. 11
+nous dit combien il les aimait. Et puis, il nous exprima aussi les
+espoirs qu'il mettait en une armée qui venait de se révéler si belle et
+si vaillante...
+
+Les espoirs que fonde le prince royal sur son armée, mais ils sont ceux
+de tout l'hellénisme. Et c'est avec le plus grand sérieux que l'on doit
+désormais écouter les Grecs exposer leurs rêves de demain. L'on n'a plus
+le droit aujourd'hui de rire de leur «grande idée»,--la marche à
+Constantinople, le retour à la capitale des ancêtres, à la ville
+magnifique de Constantin, lorsqu'on a vu ces troupes supporter, sans
+faiblesse, ce que nous les avons vues endurer pendant cette campagne,
+sur la montagne, dans la neige, sous la pluie et le vent, et lorsque,
+après toutes ces souffrances, on les voit prendre une forteresse comme
+Janina, où elles défilent ensuite avec l'aspect de troupes qui
+n'auraient pas fait plus de quinze jours de campagne par de beaux jours
+de printemps!
+
+Le soldat grec vient de prouver d'une manière éclatante que son
+étonnante sobriété ne nuit en rien à sa résistance. Après cinq mois de
+campagne, ces troupes, comprenant au début bien des éléments à peine
+dégrossis, sont aujourd'hui entraînées, instruites et aguerries.
+
+Elles ne sont, par ailleurs, nullement fatiguées, et telles quelles,
+physiquement et moralement, elles seraient toutes prêtes pour une
+nouvelle campagne.
+
+Tous les officiers turcs que nous avons vus s'accordent à reconnaître
+l'extraordinaire valeur combative, qu'ils ne soupçonnaient nullement, de
+l'armée hellène. Ils admirent sans réserve le plan du Diadoque, dont
+l'exécution a amené la chute de la ville.
+
+«La Grèce, disent-ils tous, a trouvé en son futur roi un véritable
+général, comme elle a trouvé en Venizelos un des plus grands hommes
+d'État de l'époque moderne. Ah! si nous avions un Venizelos, nous
+aussi!»
+
+Puis, comme nous parlions de la guerre balkanique en général, ils nous
+ont dit:
+
+«Notre adversaire le plus redoutable dans cette guerre n'a pas été, quoi
+qu'on en ait dit, la Bulgarie: ce fut la Grèce, dont l'armée nous a pris
+Salonique et vient de nous prendre Janina, dont la flotte nous a pris
+les îles de l'Egée et nous a surtout empêchés de transporter vers
+Tchataldja les 250.000 hommes que nous avons en Asie Mineure, et que le
+manque de routes et de chemins de fer immobilise autour de Smyrne ou en
+Syrie. Ah! la flotte grecque! quel rôle elle aura joué dans cette
+guerre! Mais, sans elle, il y a longtemps que nous serions à Sofia!...»
+
+JEAN LEUNE.
+
+[Illustration: Sur Bizani: canon Krupp de 9 cent., démoli par un obus
+grec et projeté dans le ravin, en arrière de la batterie.--_Phot. J.
+Leune._]
+
+
+
+[Illustration: Au départ de Tozeur: deux des quatre aéroplanes de
+l'escadrille n'ont pas encore quitté le sol.]
+
+[Illustration: La ville de Tozeur, telle qu'elle apparaît à une hauteur
+de 300 mètres.]
+
+[Illustration: Gabès et son oasis, vus à 1.200 mètres d'altitude (au
+fond, la ligne du rivage et la mer).]
+
+[Illustration: Au départ de Gabès: la ville et le champ de manoeuvres
+d'où partent les aéroplanes.]
+
+EN AÉROPLANE AU-DESSUS DE LA TUNISIE: LE RAID DE L'ESCADRILLE DE BISKRA
+
+Nous avons signalé, dans notre numéro du 8 mars dernier, le beau raid
+accompli par les aviateurs militaires du centre de Biskra, en publiant
+des photographies prises aux étapes de Tozeur et de Gabès. Voici
+aujourd'hui quelques curieuses images des mêmes endroits, vus du haut
+d'un des aéroplanes de l'escadrille, l'appareil Farman du lieutenant
+Reimbert, qu'accompagnait le caporal Dewoitine, auteur de ces clichés:
+les villes, avec leurs oasis qui les entourent de verdure sombre, et
+l'immense étendue du désert, y apparaissent sous des aspects que
+l'objectif n'avait point encore enregistrés jusqu'à présent.
+
+
+
+[Illustration: Salle à manger, par Jallot. (Peinture décorative de
+Waldraff; chemin de table de Clément Mère; céramiques de Massoul et
+Luce.)]
+
+LE MOBILIER MODERNE AU PAVILLON DE MARSAN
+
+A plusieurs reprises déjà, depuis quelques années, les Parisiens ont été
+conviés à juger, dans les Salons de peinture et dans les expositions
+spéciales, les oeuvres des artistes du mobilier qui travaillent, en des
+sens différents, à donner un style décoratif nouveau à notre temps. Au
+dernier Salon d'Automne, leur effort s'était affirmé considérable et
+divers. En ce moment même, il se manifeste, avec peut-être moins
+d'ampleur, mais plus de mesure, au pavillon de Marsan, par l'exposition
+de quelques ouvrages, que leur présence au Louvre recommande, si l'on
+peut dire officiellement, à l'examen. L'occasion était favorable de
+montrer comment se développe cette renaissance décorative française que
+proclament les gens avertis et qui, depuis quelques saisons, paraît
+donner des produits de qualité. Pour permettre de les apprécier, la
+photographie en couleurs était nécessaire: elle rend ce qui, dans les
+ameublements soumis à notre goût, est essentiel, les tons variés des
+étoffes et des bois.
+
+La couleur frappe, en effet, dès l'abord, au premier regard jeté sur ces
+petites pièces disposées en des compartiments séparés, comme en des
+décors de théâtre. Elles semblent avant tout composées pour le
+divertissement des yeux.
+
+Le boudoir de dame, bleu, vert et jaune, d'aspect futile et léger, que
+nous reproduisons ici, est caractéristique de cette manière: les teintes
+y sont franches, hardies, vivement opposées. Ailleurs, l'artiste a
+réalisé des combinaisons moins violentes, comme en cette salle à manger
+où se marient les chaudes nuances d'un rouge automnal, relevé pourtant
+par l'éclat d'un coussin émeraude, et en cette chambre à coucher jaune
+clair, ardoise et vert sombre, à laquelle semble avoir contribué
+l'arc-en-ciel de la palette. Si les tapis et les tentures se parent de
+couleurs choisies, la matière même des meubles concourt à l'impression
+d'ensemble: l'art décoratif moderne utilise tous les bois, naturels ou
+vernis, précieux ou frustes, depuis le chêne, le noyer, l'acajou et le
+palissandre jusqu'au citronnier, au camphrier, au cuba, à l'espénille et
+au laurier-rose.
+
+Par les échantillons réunis au Pavillon de Marsan, il serait malaisé de
+déterminer les tendances générales du style actuel. Plusieurs influences
+s'y manifestent: le goût du confortable anglais, la recherche
+ornementale qu'a introduite chez nous la mode persane, se font sentir, à
+des degrés divers, dans le mobilier nouveau. Tel qu'il est, ce style
+s'imposera-t-il? On ne peut encore en décider. La tentative vaut du
+moins d'être signalée, et nous la suivrons avec intérêt, de créer un art
+décoratif de notre temps, en dehors des traditionnelles imitations de
+l'époque de Henri II, de Louis XVI, ou du premier Empire.
+
+[Illustration: Boudoir de dame, par Abel Landry.]
+
+[Illustration: Chambre à coucher, par Rapin.]
+
+_Photo-Couleurs._
+
+
+
+[AVANT LE SUPRÊME ASSAUT.-Comment les soldats bulgares, de leurs
+tranchées avancées, distinguaient à l'horizon Andrinople, l'Odrin tant
+convoitée, ses mosquées et ses minarets, dans la dernière période du
+siège.--_Phot. C. Woitz._]
+
+LA CHUTE D'ANDRINOPLE
+
+Après Salonique, après Janina, voici qu'Andrinople vient de succomber à
+son tour. La ville héroïque aura résisté près de cinq mois, depuis son
+complet investissement, au début de la seconde quinzaine de novembre.
+
+C'est la résistance d'Andrinople qui avait été la cause principale de
+l'avortement des négociations de Londres. On se rappelle qu'au moment de
+l'armistice, les Bulgares n'avaient pu entamer qu'au sud-ouest et à
+l'ouest les défenses turques, en s'emparant de Kartal-Tépé et d'une
+partie de Papas-Tépé.
+
+Après la révolution militaire de Constantinople et le retour au pouvoir
+des Jeunes-Turcs qui avaient décidé de faire un nouvel effort désespéré
+pour conserver à l'empire la ville héroïque, le bombardement reprenait
+plus terrible; 45.000 Serbes, avec leur matériel de siège, s'étaient
+joints aux Bulgares.
+
+Il était naturel que les Bulgares fussent résolus à obtenir de vive
+force ce gage de haute importance avant d'engager de nouveaux
+pourparlers de paix.
+
+La carte que nous publions ci-contre, d'après les documents précis de M.
+Alain de Penennrun, indique de façon schématique la ligne des défenses
+de la place, et permet de suivre les phases de l'assaut final.
+
+Dans l'après-midi de lundi 24 mars, l'artillerie serbe et bulgare avait
+ouvert sur la ville un feu d'une extrême violence. Après quoi, la nuit
+venue, les assiégeants s'étaient mis en marche, les Bulgares au nord-est
+et à l'est, sous le commandement du général Ivanof, les Serbes conduits
+par le général Stepanovitch, par le sud et l'ouest.
+
+Dans la nuit du 24 au 25 mars, vers une heure, se produisit un premier
+assaut simultané qui mit les assiégeants en possession de plusieurs
+positions importantes. Ils s'emparaient, en moins de trois heures, des
+positions avancées de l'est, capturaient 12 pièces d'artillerie, avec
+leur matériel, 4 mitrailleuses, et 300 hommes environ, ce qui
+rapprochait leurs avant-postes à un kilomètre de la ligne des forts.
+Même progrès simultané dans le secteur ouest et dans celui du sud, où
+les Turcs perdaient 20 canons, 8 mitrailleuses et 800 prisonniers. Au
+nord, Aïvas-Baba et un autre fort étaient également pris.
+
+Le 25 au soir, la situation était la suivante: à l'est, les Bulgares
+s'étaient avancés jusqu'à 200 à 300 pas de la ceinture des forts,
+faisant un millier de prisonniers nouveaux, avec 10 mitrailleuses, 21
+canons dont 7 à tir rapide. Toute la nuit, une lutte acharnée se
+poursuivait pour la possession des derniers ouvrages de Papas-Tépé. Au
+nord-ouest, Ekmektchikeui était pris. A l'aube, les Bulgares occupaient,
+en outre, tout le front est Kestanlik, Kuru-Chesmé, Topyotu, Kavkas,
+etc., tandis qu'au sud les Serbes chassaient devant eux les avant-postes
+turcs, faisant de nombreux prisonniers et s'emparant de canons et de
+mitrailleuses. Le général en chef bulgare pouvait télégraphier que la
+chute de la ville n'était plus qu'une question d'heures.
+
+De fait, au commencement du jour, à la suite de l'occupation des forts
+de l'est, le 23e régiment de Chipka et un régiment de cavalerie bulgare
+entraient, par la chaussée de Lozengrad, dans Andrinople en flammes: le
+feu, en effet, avait été mis à tous les dépôts, à l'arsenal, aux
+casernes, et l'incendie gagnait la ville entière.
+
+Pendant cinq heures encore, Choukri pacha essaya de résister. Enfin, à 2
+heures de l'après-midi, le défenseur d'Andrinople consentait à rendre
+son épée au commandant des troupes serbo-bulgares.
+
+La joie est grande à Sofia et à Belgrade.
+
+Les Bulgares et les Serbes sont unanimes à attribuer le succès aux
+obusiers français récemment expédiés à Andrinople par la Serbie.
+L'artillerie du Creusot aurait décidé du sort de la place. Les grosses
+pièces de siège incendièrent des quartiers entiers de la ville et firent
+dans les forts d'énormes brèches par lesquelles l'infanterie chargea à
+la baïonnette.
+
+[Illustration: Andrinople et ses forts, tombés le 25 mars aux mains des
+troupes assiégeantes bulgares et serbes.]
+
+
+
+[Illustration: La façade et les deux pignons du bâtiment principal du
+Collège d'athlètes de Reims.]
+
+[Illustration: Plan du rez-de-chaussée.]
+
+[Illustration: Plan du 1er étage.]
+
+LE COLLÈGE D'ATHLÈTES DE REIMS
+
+Au lendemain des Jeux Olympiques qui se disputèrent à Stockholm en
+juillet dernier, à la suite des défaites nombreuses que subirent nos
+athlètes français dans la plupart des concours, une campagne de presse
+assez active fut menée afin que l'on préparât la revanche de Stockholm
+pour la prochaine Olympiade de Berlin en 1916.
+
+De ce mouvement est né le projet de créer des «collèges d'athlètes».
+L'appellation était heureuse; l'idée venait à son heure; un comité fut
+constitué, et, en octobre dernier, publia un retentissant manifeste.
+
+Celui-ci signalait les ravages de l'alcoolisme et de la tuberculose qui
+atteignent la force française dans ses sources vives. Le meilleur moyen
+de combattre ces fléaux, c'était de généraliser le goût et la pratique
+des exercices physiques, d'appeler aux joies du sport toute la jeunesse
+de la ville ou de la campagne, de préparer des instructeurs, de former
+des éducateurs pour la culture physique.
+
+En même temps, le Collège d'athlètes devait perfectionner les champions
+déjà révélés, parfaire leur condition, les préparer en temps opportun à
+aller dans trois ans, sur les bords de la Sprée, essayer si possible de
+faire triompher les couleurs françaises.
+
+Au bas du manifeste se lisaient ces noms: Auguste Rodin, Jean Richepin,
+le docteur Weiss, Gabriel Bonvalot, le marquis de Polignac, le docteur
+Boucard, Maurice Colrat.
+
+En réalité, la personnalité qui avait décidé du mouvement, celle dont le
+geste de générosité permettait la réalisation du projet, c'était le
+marquis de Polignac. Celui-ci prévoyait, en effet, que la besogne du
+comité d'organisation serait lente, que l'idée de bâtir aux portes de
+Paris un grand collège central, et des établissements de moindre
+importance dans les départements, prendrait, à se, réaliser, des mois et
+peut-être des années.
+
+Mais il n'était pas impossible de construire immédiatement un de ces
+établissements, qui servirait de modèle. Déjà le marquis de Polignac
+avait créé à Reims le plus beau parc de sports qu'il soit donné de voir
+en France. Il décida que, dans des terrains voisins, serait édifié le
+premier des collèges d'athlètes, destiné à un enseignement national de
+la culture physique.
+
+C'est le lieutenant de vaisseau Georges Hébert, dont on connaît la
+méthode, dite naturelle, adoptée dans la marine, qui sera placé à la
+tête de cet établissement, lequel doit théoriquement ouvrir ses portes
+le 1er mai prochain, mais, en réalité, ne pourra accueillir tous ses
+élèves qu'à partir du 1er juillet.
+
+[Illustration: Le Collège athlétique de Reims.--Ensemble des bâtiments
+et du stade. _D'après les plans de l'architecte E. Redont._]
+
+On trouvera, ci-contre, le plan des installations du terrain réservé au
+Collège d'athlètes. Leur ensemble constitue ce que le lieutenant Hébert
+considère comme le stade parfait pour la pratique de tous les efforts
+athlétiques propres à développer normalement l'individu.
+
+On aura ainsi à Reims:
+
+1° Un centre d'études pour toutes les questions concernant l'éducation
+physique;
+
+2° Un centre de formation d'éducateurs, de professeurs, d'instructeurs,
+d'entraîneurs;
+
+3° Un centre d'athlétisme pour la préparation future d'athlètes et de
+champions en vue des grandes compétitions internationales auxquelles la
+France doit prendre part.
+
+Au lendemain du Congrès international de l'Éducation physique, l'oeuvre
+vient à point pour contribuer à la renaissance physique de notre pays.
+
+PAUL ROUSSEAU.
+
+
+
+LES THÉÂTRES
+
+Pour inaugurer sa direction de la Renaissance, Mme Cora Laparcerie a
+représenté, de M. Jacques Richepin, _le Minaret_, une agréable et fort
+galante fantaisie en vers, à propos de laquelle deux artistes, M. Paul
+Poiret et M. Ronsin, ont donné libre cours à leur imagination et ont
+réalisé, le premier des toilettes, et le second des décors inspirés de
+l'Orient, mais d'une originalité de formes et de couleurs aussi hardie
+que séduisante. Rien de plus audacieux comme lignes et comme tonalités
+que les trois tableaux de cette comédie, rien de plus risqué en même
+temps que de plus seyant dans le décolleté que ces costumes féminins,
+sinon le texte même de M. Jacques Richepin aux lestes images et aux
+rimes légères. Une musique adroite de M. Tiarko Richepin en souligne les
+effets, déjà fort bien mis en valeur par une interprétation en tête de
+laquelle on applaudit Mme Cora Laparcerie, MM. Galipaux, Jean Worms,
+Harry Baur, Claudius, Mlles Marcelle Yrven, Mireille Corbé, etc.
+
+L'Opéra-Comique a monté, avec le soin et le goût qu'il assure à tous ses
+spectacles, une pièce lyrique: _le Carillonneur_, tirée par M. Jean
+Richepin du roman de Georges Rodenbach, _Bruges-la-Morte_, et mise en
+musique par M. Xavier Leroux. C'est, dans le cadre poétique fourni par
+la vieille ville flamande, un drame psychologique violemment extériorisé
+par M. Jean Richepin et dont le haut talent musical de M. Xavier Leroux
+a mis en valeur tout ce qu'il pouvait contenir de profonde émotion.
+L'interprétation en est excellente avec Mmes Marguerite Carré et Brohly,
+MM. Beyle, Boulogen, Vieuille, Vigneau.
+
+
+
+DOCUMENTS et INFORMATIONS
+
+TUBERCULOSE ET ALCOOLISME À LA CÔTE D'IVOIRE.
+
+Dernièrement nous signalions, d'après les observations du docteur
+Remlinger, les progrès inquiétants de l'alcoolisme au Maroc.
+
+Mais le Maroc n'est pas le seul point de l'Afrique où cette importation
+du plus dangereux et du plus recherché des produits de notre vieille
+civilisation exerce déjà des ravages.
+
+Chez les noirs de la Guinée française, qui, il y a quelques années
+encore, se montraient naturellement réfractaires à la tuberculose, cette
+maladie devient de plus en plus fréquente. A Bassam, le docteur Sorel a
+trouvé 21 tuberculeux sur 100 noirs, alors qu'à 350 kilomètres de la
+côte, à Bouaké, lorsque le rail n'y arrivait pas encore, c'est à peine
+si l'on trouvait 2 tuberculeux sur 100 indigènes.
+
+L'explication de ce phénomène est simple: en 1901, les importations
+d'alcool à la Côte d'Ivoire étaient de 1.406.433 litres en 1911, elles
+étaient de 2.263.582 litres; et le temps n'est pas loin où, pour
+récompenser l'indigène, on lui donnait des gratifications en alcool de
+traite.
+
+L'oeuvre d'abrutissement est encore précipitée par la qualité des
+alcools mis en circulation. Ce sont surtout des genièvres de Hollande,
+des rhums d'Angleterre et d'Allemagne, des mixtures innommables où l'on
+trouve en notable quantité du furfurol et de l'aldéhyde.
+
+Il arrive à la Côte d'Ivoire, sous pavillon allemand, des bateaux
+appelés _Gin-Boats_, dont le nom seul précise suffisamment la qualité du
+chargement.
+
+Aussi les navigateurs côtiers constatent-ils que la superbe race de la
+côte de Krou, où l'on recrutait jadis les noirs pour les équipages,
+n'est plus que l'ombre de ce qu'elle était il y a trente ans, et que
+l'on ne trouve plus d'hommes.
+
+Et, cependant, on parle beaucoup, chez nous, de lutte contre la
+tuberculose. Cette lutte, sans doute, n'est pas un produit d'exportation
+capable de rivaliser avec l'alcool de traite.
+
+
+
+LA POPULATION DE PANAMA.
+
+On sait que la République de Panama a concédé aux États-Unis une bande
+de terrain d'environ 16 kilomètres de largeur, située de part et d'autre
+du canal, et nommée _Canal Zone_.
+
+D'après le dernier recensement, la population de cette zone comprend
+62.000 personnes, contre 50.000 en 1908. A ce chiffre, il y a lieu
+d'ajouter 9.000 employés aux travaux du canal, qui habitent les villes
+de Colon et de Panama.
+
+Dans la zone on compte: 19.000 blancs, 31.000 noirs, 10.000 métis, 500
+jaunes, 300 Hindous, etc.
+
+Au point de vue de la nationalité, la population se répartit ainsi:
+Grande-Bretagne, 30.000; États-Unis, 11.000; Panama, 7.000; Espagne,
+4.000; France, 3.000; Colombie, 1.500; Grèce, 1.200; Italie, 800; Chine,
+500, etc.
+
+Enfin, la population zonière comprend 17.000 femmes.
+
+
+
+DU SACRÉ AU PROFANE.
+
+Les siècles se rejoignent, et voici que le treizième et le vingtième
+voisinent aujourd'hui, sous le soleil indifférent et immuable, en un
+rapprochement qui a quelque chose de bizarre et d'inattendu.
+
+C'est l'élargissement de la rue des Prêtres-Saint-Germain-l'Auxerrois
+qui, en dégageant une des façades latérales de la basilique et en
+démasquant du même coup la haute coupole et une notable portion des
+grands magasins de la Samaritaine, nous vaut ce tête-à-tête du sacré et
+du profane, qui revêt sans doute aux yeux de l'artiste et du poète un
+caractère d'irrespect à peine atténué par le nom biblique qui s'étale au
+fronton de la maison de commerce.
+
+Rien de plus naturel cependant que le contraste de ces deux
+architectures, que personne ne songera à comparer entre elles, et qui
+toutes deux sont admirablement appropriées au but poursuivi, et atteint.
+Tandis que les purs artistes du moyen âge s'assignaient la pieuse
+mission de ne laisser pénétrer qu'un pâle demi-jour, une lueur douce de
+crépuscule, dans le sanctuaire parfumé d'encens où l'âme se recueille,
+l'architecte du vingtième siècle, M. Frantz Jourdain, avait la tâche,
+lui, de faire se déverser à flots la lumière, par de larges baies
+vitrées, dans le vaste hall où tout un monde s'agite autour des
+nouveautés de saison. Tout est donc pour le mieux. Et même sur la
+gravure qui ne saurait reproduire les couleurs, les nuances, la patine
+vénérable des pierres dont fut bâtie la vieille basilique, les
+polychromies violentes dont s'adorne la coupole du grand magasin, le
+contraste entre le monument sacré et le palais profane, n'apparaît que
+d'une façon relative. Mais, s'il est permis de philosopher quelque peu à
+ce sujet, on ne saurait nier qu'il y ait dans cette juxtaposition de
+l'église et de la maison de commerce un signe des temps. Jadis la
+basilique, souveraine des monuments, élevait vers le ciel sa masse
+géante, tandis qu'à ses pieds, dans son ombre auguste, poussait
+humblement, telle une fleur du pavé, la petite échoppe du marchand.
+Aujourd'hui la petite échoppe s'est enflée, enflée, à faire craindre
+pour elle le sort lamentable de la grenouille de la fable. C'est un
+temple véritable, temple de la lumière, du mouvement et du bruit, qui se
+dresse à côté de la maison du recueillement et de la prière. Ne nous en
+plaignons pas et ne croyons qu'à moitié à la prédiction pessimiste de
+Victor Hugo: «Ceci tuera cela!» Les deux temples gardent leurs fidèles,
+qui d'ailleurs sont souvent les mêmes.
+
+
+
+ENCORE UN ZEPPELIN DÉTRUIT.
+
+L'état-major allemand vient encore de perdre un Zeppelin. Ce dirigeable,
+le quinzième de la série, avait été terminé au mois de janvier dernier.
+Long de 140 mètres, cubant 20.000 mètres, il avait donné aux essais une
+vitesse de 102 kilomètres à l'heure. D'autre part, il portait un poste
+de télégraphie sans fil et une plate-forme pour le tir des
+mitrailleuses. C'était donc un des aéronats les plus rapides et les plus
+perfectionnés de la flotte germanique.
+
+[Illustration: Saint-Germain l'Auxerrois et la Samaritaine.]
+
+Surpris par une tempête, le pilote du Zeppelin essaya d'atterrir sur le
+champ de manoeuvres de Carlsruhe; mais la violence du vent était telle
+que l'énorme masse métallique vint s'écraser sur le sol. Les officiers
+et les hommes à bord purent sauter à terre sans éprouver grand dommage,
+et leur salut paraît d'autant plus étonnant que le dirigeable fut
+littéralement réduit en miettes. A diverses reprises déjà nous avons
+publié des photographies montrant sous des aspects plus ou moins
+pittoresques la carcasse brisée d'un Zeppelin; aucune ne donne une
+impression d'anéantissement aussi complète que celle que nous
+reproduisons aujourd'hui.
+
+LA DENSITÉ DES HABITANTS DANS LES APPARTEMENTS PARISIENS.
+
+A la suite de chaque recensement, le service général de la statistique
+essaie de nous donner une idée du nombre de personnes habitant une pièce
+d'un appartement dans les divers quartiers de Paris. A cet effet, il
+nous présente des moyennes sans doute fort consciencieusement établies.
+
+Le tableau suivant, qui vient d'être publié, nous indique le nombre
+moyen de personnes logées dans un ensemble de dix pièces, en 1906 et en
+1911, années des deux derniers recensements:
+
+ 1903 1911
+
+ 1er arrond. Louvre......... 9,3 9,1
+ 2e Bourse.......... 10 9,8
+ 3e Temple......... 10,2 9,8
+ 4e Hôtel-de-Ville. 10,6 10,3
+ 5e Panthéon....... 9,8 9,4
+ 6e Luxembourg .... 8,5 8,1
+ 7e Palais-Bourbon. 8,3 7,8
+ 8e Elysée......... 6,6 6,3
+ 9e Opéra.......... 7,6 7,5
+ 10e Saint-Laurent.. 9,4 9,2
+ 11e Popincourt..... 11,5 10,8
+ 12e Reuilly........ 10,7 10,4
+ 13e Gobelins....... 12,3 11,6
+ 14e Observatoire... 10 9,9
+ 15e Vaugirard...... 10,6 10,2
+ 16e Passy.......... 7,1 6,8
+ 17e Batignolles.... 8,5 8,4
+ 18e Montmartre..... 11,2 10,6
+ 19e Buttes-Chaumont. 12,7 12,2
+ 20e Ménilmontant... 12,5 11,8
+
+On voit que, grâce aux progrès de l'hygiène, sinon au rapetissement qui
+a permis d'augmenter le nombre des pièces dans les appartements
+modernes, les Parisiens sont, _en moyenne_, un peu moins tassés dans
+leurs maisons qu'il y a cinq ans. Il importe de remarquer, toutefois,
+que, sauf dans deux ou trois arrondissements, la statistique nous
+indique au moins une pièce par personne. Cette moyenne, en de nombreux
+quartiers parisiens, est assez différente de la réalité.
+
+_Les constructions navales en 1912._
+
+D'après le Lloyd's Register, les chantiers anglais ont lancé en 1912 un
+total de 712 navires de commerce déplaçant ensemble 1.738.000 tonnes,
+dont 17.000 tonnes pour 69 voiliers. Près du quart de ces bateaux ont
+été construits pour des marines étrangères. Parmi les bâtiments à
+vapeur, 16 déplacent plus de 10.000 tonnes et 46 plus de 6.000 tonnes;
+un seul déplace 18.600 tonnes.
+
+Dans les autres pays, y compris les colonies anglaises, on a mis à l'eau
+1.007 bateaux représentant un déplacement de 1.163.000 tonnes. Sur ce
+chiffre, 375.000 tonnes ont été lancées en Allemagne, 284.000 aux
+États-Unis, 110.000 en France, 99.000 en Hollande.
+
+Les constructions navales commerciales dans le monde entier ont donc
+atteint près de 3 millions de tonnes, soit une augmentation de 250.000
+tonnes par rapport à l'année précédente.
+
+Quant aux navires de guerre lancés en 1912, ils représentent environ
+550.000 tonnes.
+
+UN BALLON-SONDE À 37.700 MÈTRES.
+
+M. Gamba, directeur de l'observatoire de Pavie, vient de faire connaître
+les observations recueillies par un ballon-sonde lancé par lui il y a
+quelques semaines et qui est monté à la hauteur prodigieuse de 37.700
+mètres.
+
+Ce ballon, en caoutchouc de premier choix, mesurait 19 centimètres de
+diamètre. Il avait été gonflé à l'hydrogène et on l'avait muni d'un
+léger parachute de soie pour freiner la descente.
+
+Les principales températures enregistrées furent:
+
+A 12.385 mètres d'altitude,-55°,5.
+A 19.730 mètres d'altitude,-56°,9 (minimum).
+A 37.700 mètres d'altitude,-51°,6.
+
+Comme le fait a déjà été constaté, la température la plus basse ne
+correspond pas à l'altitude maxima; à 10 ou 12 kilomètres du sol, on
+rencontre une couche de plusieurs kilomètres où la température est
+uniforme et au delà de laquelle les variations sont très faibles.
+
+A 37.700 mètres, la pression barométrique n'était plus que de 3
+millimètres.
+
+L'ascension a duré 1 heure 18 minutes. Après éclatement du ballon, la
+nacelle redescendit doucement et s'arrêta à 40 kilomètres du point où
+avait eu lieu le lancement.
+
+LA FRAPPE DES MONNAIES EN 1912.
+
+Pendant l'année 1912, la Monnaie a frappé 110.014.705 pièces
+représentant une valeur de 296.144.555 francs.
+
+La fabrication des monnaies françaises, représentant une valeur de
+248.196.670 fr., a comporté les catégories ci-dessous:
+
+ 20.045 pièces de 100 francs.
+ 10.331.805 20
+ 1.755.507 10
+ 1.000.000 2
+ 10.001.000 1
+ 16.000.000 50 centimes.
+ 9.500.000 10
+ 20.000.000 5
+ 1.500.000 2
+ 2.000.000 1
+
+Mais la Monnaie a travaillé en outre pour l'Indo-Chine, la Tunisie, le
+Maroc, la Grèce et le Venezuela.
+
+D'autre part, il a été procédé à la refonte et à la réfection de
+17.555.070 francs en pièces de 10 francs et 481.410 francs en pièces
+d'or diverses.
+
+La refonte et l'affinage des écus aurifères antérieurs à 1830, et des
+écus à l'effigie de Louis-Philippe, et l'abaissement du titre de 900 à
+835 millièmes, ont procuré un bénéfice de 1.224.038 francs.
+
+
+
+LE BEAU RAID DE DEUX GÉNÉRAUX.
+
+Combien de fois--toutes les fois à peu près que la question du
+«rajeunissement des cadres» revenait sur le tapis--avons-nous eu l'écho
+des appréhensions que pouvaient bien faire concevoir l'état physique de
+certains des chefs de l'armée, leur insuffisante validité, leur manque
+éventuel de résistance, en cas de campagne! Le raid tout à fait
+admirable que viennent d'accomplir deux de nos «Marocains», les plus
+allants et les plus haut cotés, les généraux Dalbiez et Gouraud,
+répondent--au moins pour ce qui les concerne--à ces inquiétudes.
+
+Le général Lyautey convoquait récemment ses deux excellents
+collaborateurs à Rabat. Ils devaient s'y rendre d'urgence, de Meknès où,
+ils étaient, en suivant la ligne d'étapes du nord, celle que jalonnent
+les postes de Dar bel Hamri, Sidi-Aya, Kenitra, soit 155 kilomètres à
+parcourir en deux jours.
+
+Avec une des auto-mitrailleuses dont dispose l'état-major, la chose
+était facile. Mais le mauvais état des pistes, détrempées par la pluie,
+interdisait même de songer à ce moyen de transport rapide. Que faire?
+
+Les deux officiers généraux ne balancèrent pas: ils gagneraient à cheval
+Sidi-Aya, où aboutit actuellement la voie ferrée qu'on pousse
+progressivement et sûrement vers Meknès.
+
+En selle à 7 heures du matin, le général Dalbiez et le général Gouraud
+arrivaient à 14 heures à Dar bel Hamri. Le temps d'y souffler un peu et
+de changer de montures, et ils repartaient une heure après. A 18 heures,
+ils étaient à Sidi-Aya.
+
+Ils avaient parcouru en treize heure 93 kilomètres. Qu'en disent les
+«jeunes»?
+
+[Illustration: Un Zeppelin de 140 mètres de long aplati sur le sol par
+une rafale, au champ de manoeuvres de Carlsruhe.]
+
+
+
+LE NOUVEAU RÈGNE EN GRÈCE
+
+_(Voir la gravure de première page.)_
+
+Aussitôt qu'il eut rendu ses devoirs à la dépouille mortelle de son
+père, à Salonique, le nouveau roi Constantin, abandonnant un moment
+l'armée qu'il vient de conduire si brillamment à la victoire, rentrait à
+Athènes, où il arriva le 20 mars en compagnie de la reine Sophie. Le
+couple royal fut accueilli dans sa capitale avec la plus chaleureuse
+sympathie.
+
+Le lendemain, vendredi, le souverain prêtait devant le Parlement, le
+serment solennel de fidélité à la. Constitution.
+
+Sur l'estrade, élevée au fond de l'hémicycle où siège d'habitude le
+président de l'assemblée, en arrière et au-dessus de la tribune, le roi
+Constantin prit place, ayant à sa gauche la reine Sophie en grand deuil,
+à sa droite le métropolite d'Athènes. Il était entouré des princes ses
+enfants et ses frères, de tous les ministres, du haut clergé.
+
+La cérémonie fut brève et d'une grande simplicité. Le métropolite--c'est
+à ce moment que fut prise la photographie que nous reproduisons ici--lut
+la formule du serment. Puis le roi, la main tendue sur l'évangéliaire,
+jura. Mais le respectueux enthousiasme que témoigna au roi et à la reine
+le Parlement entier donna à cette solennité un caractère
+particulièrement émouvant.
+
+[Illustration: L'assassin du roi Georges 1er, entre eux gendarmes
+crétois. _Photographie prise le 19 mars, lendemain de l'attentat._]
+
+[Illustration: Une assemblée populaire, réunie sur une promenade à
+Genève, délibérant et votant sur une grande question d'intérêt
+national--_Phot. E. Wenger._]
+
+En contraste, un correspondant de Salonique nous envoie la photographie
+de l'assassin du roi Georges prise au lendemain de l'attentat. Ce
+Skinas, avec son oeil mauvais et fiévreux, et l'expression de haine et
+de douleur qui tourmente son visage, est bien le type du dégénéré que
+nous avaient annoncé les dépêches.
+
+
+
+LES FÊTES RUSSES
+
+Les échos des splendides fêtes du tricentenaire des Romanof ne sont pas
+encore éteints en Russie où l'union de la nation et de la dynastie
+régnante ne parut jamais plus étroite. Nous avons, dans un précédent
+numéro, donné les aspects de la rue, à Saint-Pétersbourg, lorsque le
+cortège impérial se rendit à la cathédrale pour y assister au service
+d'actions de grâces. Le document que nous publions aujourd'hui fixe un
+autre aspect de ces cérémonies commémoratives. Notre gravure représente,
+en effet, l'impératrice douairière recevant, en grand costume d'apparat,
+le 8 mars, dans la salle de concert du Palais d'hiver, les dames de la
+haute société de Saint-Pétersbourg à l'heure même où, dans une autre
+salle du palais, le tsar accueillait les délégations provinciales.
+
+Le lendemain, le souverain inaugurait la Maison du peuple «Empereur
+Nicolas II», fondée par lui pour commémorer le tricentenaire de sa
+dynastie.
+
+Les fêtes du tricentenaire se sont terminées à Saint-Pétersbourg par un
+banquet qui a réuni au Palais d'hiver, en présence de l'empereur, des
+deux impératrices et des grands-ducs, l'émir de Boukhara, le métropolite
+catholique, le khan de Khiva, les délégués mongols, le haut clergé
+orthodoxe, le patriarche d'Antioche, l'archevêque arménien, les
+ministres et tous les hauts dignitaires de l'État avec les représentants
+de la noblesse et des zemstvos et de nombreuses députations, ce qui ne
+représentait pas moins d'un millier d'invités.
+
+
+
+UN MOUVEMENT NATIONAL EN SUISSE
+
+Un curieux mouvement, qui s'inspire des idées de liberté nationale si
+chères au coeur des Suisses, vient de se produire à Genève, à Berne, à
+Lausanne, et dans toutes les grandes villes de la Confédération, contre
+le projet de convention du Gothard actuellement soumis aux Chambres
+fédérales.
+
+Ce projet, que le Conseil fédéral a signé avec l'Allemagne et l'Italie,
+étend à l'ensemble des chemins de fer helvétiques le régime de faveur
+qui avait été accordé à ces deux nations, par les traités de 1869 et de
+1878, pour la seule ligne du Gothard; dorénavant, elles bénéficieraient
+de tarifs commerciaux privilégiés sur la totalité des réseaux, sans que
+la réciprocité soit consentie à la Suisse sur les chemins de fer
+allemands et italiens. Dans cette nouvelle convention, nos voisins, en
+très grande majorité, voient une atteinte à leur indépendance
+économique, à leurs règles de neutralité. Et, à quelque parti qu'ils
+appartiennent, ils ont protesté contre elle en de nombreuses assemblées
+populaires, que l'on ne peut manquer de suivre, en France, avec un
+particulier intérêt.
+
+A Genève, dimanche dernier, une grande manifestation, qui se déroula
+dans un calme impressionnant, réunissait sous les marronniers séculaires
+de la Treille, la plus ancienne promenade de la cité de Calvin, des
+milliers de citoyens, comme au temps où le peuple délibérait, dans les
+occasions solennelles, sur les affaires publiques. En tête de la
+proclamation qui les avaient convoqués, on lisait cette phrase extraite
+du message adressé en 1511 par le Conseil de Genève au duc de Savoie:
+«Nous aimons mieux vivre dans une pauvreté couronnée de toutes parts de
+liberté que de devenir plus riches et vivre dans la servitude.» Et le
+rappel de cette fière parole accentuait encore le caractère traditionnel
+de la réunion.
+
+La foule entendit deux orateurs, l'un appartenant au parti conservateur,
+M. Gustave Ador, l'autre au parti radical, M. Besson. Puis, à mains
+levées, elle vota contre l'adoption du projet de convention, et ne se
+sépara qu'après avoir chanté, gravement, le «Cantique suisse».
+
+[Illustration: L'impératrice. LES FÊTES DU TRICENTENAIRE DES
+ROMANOF.--Réception, au Palais d'hiver, des dames de l'aristocratie
+russe, par l'impératrice douairière.--_Phot. C. E. de Hahn._]
+
+Ce numéro est complété par une gravure en taille-douce remmargée: LE
+PRINTEMPS, avec texte sur feuille de garde.
+
+
+
+[Illustration: MIGNONNE, VOICI L'AVRIL, par Henriot.]
+
+
+SUPPLÉMENTS
+
+ROSALBA CARRIERA
+
+LE PRINTEMPS
+
+(PASTEL DU MUSÉE DE DIJON)
+
+La faveur qui aujourd'hui s'attache à toutes les productions de l'art
+élégant du dix-huitième siècle a remis à la mode, avec La Tour et
+Perronneau, à un plan seulement en arrière, leur heureuse émule comme
+pastelliste, la Vénitienne Rosalba Carriera.
+
+Et voilà des renommées qui reviennent, comme on dit, de loin. Car quelle
+éclipse n'ont-elles pas subie!
+
+Rosalba Carriera eut peut-être moins que les grands maîtres auxquels on
+peut la comparer, sinon l'égaler, à souffrir des dédains d'une certaine
+époque. On lui tint toujours équitablement compte de ce que, n'étant
+qu'une «faible femme», elle ne se fût jamais évertuée vers la puissance
+et la virilité, de la bonne grâce avec laquelle elle se résigna
+simplement à la grâce.
+
+Alfred Sensier qui, voilà tantôt un demi-siècle, à l'époque du pire
+discrédit pour l'art des Watteau et des Fragonard, a publié, autour de
+son _Diario_, du journal cursif de l'année qu'elle passa à Paris,
+d'avril 1720 à mars 1721, un travail qui demeure la source première de
+tout ce qu'on pourra écrire sur elle, a recherché les causes de cette
+faveur relative dont elle continua de jouir, même en ces temps cruels à
+ceux qu'on appelait les «petits maîtres».
+
+«Son talent, disait-il, n'a ni les proportions, ni la naïveté puissante,
+ni le sens psychologique perdu à son époque des grands portraitistes des
+seizième et dix-septième siècles. Sa forme est affaiblie, et représente
+comme un diminutif des artistes qui l'ont précédée, mais elle a une
+personnalité bien distincte; ses peintures ont un charme tout féminin
+auquel on se laisse aller.»
+
+Se «laisser aller», c'était, en ces jours d'austérité, de passion pour
+le style, tout ce qu'on pouvait faire en faveur de cette charmeuse,--car
+Alfred Sensier est sévère, d'autre part, pour «Frago», pour Lebrun,
+Largillière, Rigaud eux-mêmes: l'art était mort depuis Raphaël. Et à ce
+moment-là, on pouvait acquérir un pastel de Rosalba Carriera pour des
+prix variant de 47 à 820 francs (le portrait de la _Comtesse Labbia_ fut
+payé 440 francs à la vente Piot, en 1864 et, en 1831, à la vente La
+Mésaugère, on avait vu pis: six portraits, avec leurs cadres en cuivre,
+pour 50 francs!)
+
+_Le Printemps_, du musée de Dijon, que nous reproduisons ici, est
+vraiment un morceau très représentatif du talent de la charmante
+portraitiste: un visage aimable, sincère, candide même, sans sourire
+équivoque, sans sous-entendus aux coins des yeux; une gorge fraîche,
+jeune, un bras rond et doux qui ne pose point pour la ligne; une
+allégorie accessible à tous; un brin de lilas, une rose dans un pli de
+draperie... que souhaiter de plus?
+
+Avec ces faciles moyens de séduire, la Rosalba fut tout un an l'idole de
+Paris, où l'avait attirée le mécène Pierre Crozat, celui qu'on appelait
+Crozat le Pauvre,--pauvreté relative, et qui ne l'empêcha pas de former
+un cabinet d'art admirable dont les seuls dessins, la plupart
+aujourd'hui au Louvre, «firent», à sa vente, pour parler comme à l'hôtel
+Drouot, 400.000 livres! Voyageant en Italie, en 1715, il avait rencontré
+cette femme séduisante et cette adroite artiste, et l'avait conviée à
+venir en France, lui offrant chez lui, en son hôtel de la rue Richelieu,
+une hospitalité princière: elle allait accepter cinq ans plus tard.
+
+La renommée de la Rosalba alors était déjà consacrée en Europe.
+
+Fille de braves gens pas très fortunés, mais dignes, Rosa-Alba Carriera
+avait connu des débuts difficiles. Née en 1675, à Venise--où elle devait
+finir ses jours chargés de gloire en 1757, à quatre-vingt-deux ans--elle
+s'initia aux premiers principes de l'art en dessinant, pour seconder sa
+mère, improvisée dentellière afin de subvenir aux besoins du ménage, des
+points de Venise, alors dans toute leur vogue. Puis, la mode passa de
+ces prestigieuses dentelles, aujourd'hui ornement des corbeilles
+princières, quand ce ne sont pas pièces de collections ou de musée. Mais
+le tabac fit fureur: la jeune fille se mit à peindre des miniatures pour
+tabatières.
+
+Enfin, un Anglais, Cole--ou Colle--lui révéla, vers 1704, le métier du
+pastel, perdu, presque oublié. D'un coup, pour ainsi dire, elle saisit
+admirablement toutes les ressources de cet art alerte et délicat. Et la
+voilà devenue pastelliste!...
+
+Sans doute, quand elle vint à Paris, sa place y avait été dévotieusement
+préparée par Pierre Crozat, «le plus grand amateur d'art de l'Europe, le
+plus riche et le plus passionné». Du jour au lendemain, elle y fut
+l'idole de la ville et du théâtre.
+
+Ses premiers modèles y sont Mlle d'Argenon, ou d'Argeneu, une amie de
+Crozat, que Watteau a portraiturée aussi; John Law, le fils du fameux
+auteur du «Système», alors dans tout son fugitif éclat; le prince de
+Conti; des princesses de la famille royale, Mlles de Charolais, de
+Clermont, de La Roche-sur-Yon; enfin, le roi, le petit roi Louis XV
+lui-même (cette oeuvre est probablement celle qui figure aujourd'hui au
+musée de Dresde);--et puis la duchesse de La Vrillière; la duchesse de
+Richemond; la duchesse de Brissac; la duchesse de Lorge, Mme de
+Parabère, l'amie du Régent; Mme de Prie; et, en passant, suprême hommage
+rendu à son talent, Antoine Watteau lui-même demande à poser devant
+elle... Elle était déjà membre de l'Académie de Saint-Luc, à Rome, de
+l'Académie Clémentine de Bologne; l'Académie royale des beaux-arts se
+crut honorée en lui expédiant son diplôme «gratis».
+
+Tant d'heur et tant de gloire ne la grisèrent point. Dans son journal,
+simple mémorandum plutôt, elle note d'un trait les commandes les plus
+illustres, pêle-mêle avec les menus incidents de la vie, les visites,
+les courses, ainsi qu'on dirait aujourd'hui. Rien ne semble l'éblouir,
+rien ne l'attache et ne la retient dans cette ville où elle est adorée,
+adulée, et, Crozat parti pour la Hollande, elle achève en hâte les
+commandes qu'elle a encore, distribue quelques souvenirs; puis, quittant
+le somptueux hôtel dont le magnifique financier lui a laissé pourtant la
+jouissance, elle repart vers Venise.
+
+Le succès l'y attend, fidèle.
+
+Une clientèle d'admirateurs illustres guettait son retour: le cardinal
+Albani, Auguste III, amateur d'art couronné, multiplient les commandes.
+L'impératrice Elisabeth-Christine la demande à Vienne, empressée de
+devenir son élève.
+
+Et sa vie eût fini en apothéose si, en 1749, une infirmité cruelle,
+menaçante de longue date déjà, ne se fût abattue sur elle: cette
+amoureuse éperdue de la couleur, de la lumière, devint aveugle. Ainsi
+l'étoile Rosalba s'éteignit soudainement au ciel vénitien où rayonnaient
+dans un radieux crépuscule d'art Guardi, Canaletto, Tiépolo.
+
+[Illustration: «Le Printemps». Planche illustrée en couleur]
+
+[Note du transcripteur: L'autre supplément mentionné en titre ne nous a
+ pas été fournis]
+
+
+
+
+
+End of Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3657, 29 Mars 1913, by Various
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3657, 29 ***
+
+***** This file should be named 37874-8.txt or 37874-8.zip *****
+This and all associated files of various formats will be found in:
+ http://www.gutenberg.org/3/7/8/7/37874/
+
+Produced by Jeroen Hellingman et Rénald Lévesque
+
+Updated editions will replace the previous one--the old editions
+will be renamed.
+
+Creating the works from public domain print editions means that no
+one owns a United States copyright in these works, so the Foundation
+(and you!) can copy and distribute it in the United States without
+permission and without paying copyright royalties. Special rules,
+set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to
+copying and distributing Project Gutenberg-tm electronic works to
+protect the PROJECT GUTENBERG-tm concept and trademark. Project
+Gutenberg is a registered trademark, and may not be used if you
+charge for the eBooks, unless you receive specific permission. If you
+do not charge anything for copies of this eBook, complying with the
+rules is very easy. You may use this eBook for nearly any purpose
+such as creation of derivative works, reports, performances and
+research. They may be modified and printed and given away--you may do
+practically ANYTHING with public domain eBooks. Redistribution is
+subject to the trademark license, especially commercial
+redistribution.
+
+
+
+*** START: FULL LICENSE ***
+
+THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE
+PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK
+
+To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free
+distribution of electronic works, by using or distributing this work
+(or any other work associated in any way with the phrase "Project
+Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full Project
+Gutenberg-tm License (available with this file or online at
+http://gutenberg.org/license).
+
+
+Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg-tm
+electronic works
+
+1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm
+electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to
+and accept all the terms of this license and intellectual property
+(trademark/copyright) agreement. If you do not agree to abide by all
+the terms of this agreement, you must cease using and return or destroy
+all copies of Project Gutenberg-tm electronic works in your possession.
+If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a Project
+Gutenberg-tm electronic work and you do not agree to be bound by the
+terms of this agreement, you may obtain a refund from the person or
+entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph 1.E.8.
+
+1.B. "Project Gutenberg" is a registered trademark. It may only be
+used on or associated in any way with an electronic work by people who
+agree to be bound by the terms of this agreement. There are a few
+things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works
+even without complying with the full terms of this agreement. See
+paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project
+Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement
+and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic
+works. See paragraph 1.E below.
+
+1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation"
+or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project
+Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual works in the
+collection are in the public domain in the United States. If an
+individual work is in the public domain in the United States and you are
+located in the United States, we do not claim a right to prevent you from
+copying, distributing, performing, displaying or creating derivative
+works based on the work as long as all references to Project Gutenberg
+are removed. Of course, we hope that you will support the Project
+Gutenberg-tm mission of promoting free access to electronic works by
+freely sharing Project Gutenberg-tm works in compliance with the terms of
+this agreement for keeping the Project Gutenberg-tm name associated with
+the work. You can easily comply with the terms of this agreement by
+keeping this work in the same format with its attached full Project
+Gutenberg-tm License when you share it without charge with others.
+
+1.D. The copyright laws of the place where you are located also govern
+what you can do with this work. Copyright laws in most countries are in
+a constant state of change. If you are outside the United States, check
+the laws of your country in addition to the terms of this agreement
+before downloading, copying, displaying, performing, distributing or
+creating derivative works based on this work or any other Project
+Gutenberg-tm work. The Foundation makes no representations concerning
+the copyright status of any work in any country outside the United
+States.
+
+1.E. Unless you have removed all references to Project Gutenberg:
+
+1.E.1. The following sentence, with active links to, or other immediate
+access to, the full Project Gutenberg-tm License must appear prominently
+whenever any copy of a Project Gutenberg-tm work (any work on which the
+phrase "Project Gutenberg" appears, or with which the phrase "Project
+Gutenberg" is associated) is accessed, displayed, performed, viewed,
+copied or distributed:
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
+
+1.E.2. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is derived
+from the public domain (does not contain a notice indicating that it is
+posted with permission of the copyright holder), the work can be copied
+and distributed to anyone in the United States without paying any fees
+or charges. If you are redistributing or providing access to a work
+with the phrase "Project Gutenberg" associated with or appearing on the
+work, you must comply either with the requirements of paragraphs 1.E.1
+through 1.E.7 or obtain permission for the use of the work and the
+Project Gutenberg-tm trademark as set forth in paragraphs 1.E.8 or
+1.E.9.
+
+1.E.3. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is posted
+with the permission of the copyright holder, your use and distribution
+must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any additional
+terms imposed by the copyright holder. Additional terms will be linked
+to the Project Gutenberg-tm License for all works posted with the
+permission of the copyright holder found at the beginning of this work.
+
+1.E.4. Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg-tm
+License terms from this work, or any files containing a part of this
+work or any other work associated with Project Gutenberg-tm.
+
+1.E.5. Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this
+electronic work, or any part of this electronic work, without
+prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with
+active links or immediate access to the full terms of the Project
+Gutenberg-tm License.
+
+1.E.6. You may convert to and distribute this work in any binary,
+compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including any
+word processing or hypertext form. However, if you provide access to or
+distribute copies of a Project Gutenberg-tm work in a format other than
+"Plain Vanilla ASCII" or other format used in the official version
+posted on the official Project Gutenberg-tm web site (www.gutenberg.org),
+you must, at no additional cost, fee or expense to the user, provide a
+copy, a means of exporting a copy, or a means of obtaining a copy upon
+request, of the work in its original "Plain Vanilla ASCII" or other
+form. Any alternate format must include the full Project Gutenberg-tm
+License as specified in paragraph 1.E.1.
+
+1.E.7. Do not charge a fee for access to, viewing, displaying,
+performing, copying or distributing any Project Gutenberg-tm works
+unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9.
+
+1.E.8. You may charge a reasonable fee for copies of or providing
+access to or distributing Project Gutenberg-tm electronic works provided
+that
+
+- You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from
+ the use of Project Gutenberg-tm works calculated using the method
+ you already use to calculate your applicable taxes. The fee is
+ owed to the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, but he
+ has agreed to donate royalties under this paragraph to the
+ Project Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments
+ must be paid within 60 days following each date on which you
+ prepare (or are legally required to prepare) your periodic tax
+ returns. Royalty payments should be clearly marked as such and
+ sent to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation at the
+ address specified in Section 4, "Information about donations to
+ the Project Gutenberg Literary Archive Foundation."
+
+- You provide a full refund of any money paid by a user who notifies
+ you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he
+ does not agree to the terms of the full Project Gutenberg-tm
+ License. You must require such a user to return or
+ destroy all copies of the works possessed in a physical medium
+ and discontinue all use of and all access to other copies of
+ Project Gutenberg-tm works.
+
+- You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of any
+ money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the
+ electronic work is discovered and reported to you within 90 days
+ of receipt of the work.
+
+- You comply with all other terms of this agreement for free
+ distribution of Project Gutenberg-tm works.
+
+1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project Gutenberg-tm
+electronic work or group of works on different terms than are set
+forth in this agreement, you must obtain permission in writing from
+both the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and Michael
+Hart, the owner of the Project Gutenberg-tm trademark. Contact the
+Foundation as set forth in Section 3 below.
+
+1.F.
+
+1.F.1. Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable
+effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread
+public domain works in creating the Project Gutenberg-tm
+collection. Despite these efforts, Project Gutenberg-tm electronic
+works, and the medium on which they may be stored, may contain
+"Defects," such as, but not limited to, incomplete, inaccurate or
+corrupt data, transcription errors, a copyright or other intellectual
+property infringement, a defective or damaged disk or other medium, a
+computer virus, or computer codes that damage or cannot be read by
+your equipment.
+
+1.F.2. LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the "Right
+of Replacement or Refund" described in paragraph 1.F.3, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project
+Gutenberg-tm trademark, and any other party distributing a Project
+Gutenberg-tm electronic work under this agreement, disclaim all
+liability to you for damages, costs and expenses, including legal
+fees. YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT
+LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE
+PROVIDED IN PARAGRAPH 1.F.3. YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE
+TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE
+LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR
+INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH
+DAMAGE.
+
+1.F.3. LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a
+defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can
+receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a
+written explanation to the person you received the work from. If you
+received the work on a physical medium, you must return the medium with
+your written explanation. The person or entity that provided you with
+the defective work may elect to provide a replacement copy in lieu of a
+refund. If you received the work electronically, the person or entity
+providing it to you may choose to give you a second opportunity to
+receive the work electronically in lieu of a refund. If the second copy
+is also defective, you may demand a refund in writing without further
+opportunities to fix the problem.
+
+1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth
+in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS' WITH NO OTHER
+WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO
+WARRANTIES OF MERCHANTIBILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.
+
+1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied
+warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages.
+If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the
+law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be
+interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by
+the applicable state law. The invalidity or unenforceability of any
+provision of this agreement shall not void the remaining provisions.
+
+1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the
+trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
+providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in accordance
+with this agreement, and any volunteers associated with the production,
+promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works,
+harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees,
+that arise directly or indirectly from any of the following which you do
+or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
+work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
+Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.
+
+
+Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
+
+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
+electronic works in formats readable by the widest variety of computers
+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
+because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
+people in all walks of life.
+
+Volunteers and financial support to provide volunteers with the
+assistance they need, are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
+goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation web page at http://www.pglaf.org.
+
+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
+http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
+permitted by U.S. federal laws and your state's laws.
+
+The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
+Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
+throughout numerous locations. Its business office is located at
+809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
+business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact
+information can be found at the Foundation's web site and official
+page at http://pglaf.org
+
+For additional contact information:
+ Dr. Gregory B. Newby
+ Chief Executive and Director
+ gbnewby@pglaf.org
+
+
+Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation
+
+Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
+spread public support and donations to carry out its mission of
+increasing the number of public domain and licensed works that can be
+freely distributed in machine readable form accessible by the widest
+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
+($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
+status with the IRS.
+
+The Foundation is committed to complying with the laws regulating
+charities and charitable donations in all 50 states of the United
+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
+considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
+with these requirements. We do not solicit donations in locations
+where we have not received written confirmation of compliance. To
+SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
+particular state visit http://pglaf.org
+
+While we cannot and do not solicit contributions from states where we
+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
+against accepting unsolicited donations from donors in such states who
+approach us with offers to donate.
+
+International donations are gratefully accepted, but we cannot make
+any statements concerning tax treatment of donations received from
+outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
+
+Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
+methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
+ways including checks, online payments and credit card donations.
+To donate, please visit: http://pglaf.org/donate
+
+
+Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
+works.
+
+Professor Michael S. Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm
+concept of a library of electronic works that could be freely shared
+with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project
+Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
+
+
+Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
+editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
+unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
+keep eBooks in compliance with any particular paper edition.
+
+
+Most people start at our Web site which has the main PG search facility:
+
+ http://www.gutenberg.org
+
+This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
+including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
+subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
diff --git a/37874-8.zip b/37874-8.zip
new file mode 100644
index 0000000..f48cb1f
--- /dev/null
+++ b/37874-8.zip
Binary files differ
diff --git a/37874-h.zip b/37874-h.zip
new file mode 100644
index 0000000..6ef7008
--- /dev/null
+++ b/37874-h.zip
Binary files differ
diff --git a/37874-h/37874-h.htm b/37874-h/37874-h.htm
new file mode 100644
index 0000000..9af1d16
--- /dev/null
+++ b/37874-h/37874-h.htm
@@ -0,0 +1,2699 @@
+<!DOCTYPE html PUBLIC "-//W3C//DTD HTML 4.01 Transitional//EN">
+<html>
+<head>
+ <meta http-equiv="content-type" content="text/html; charset=ISO-8859-1">
+ <title>The Project Gutenberg eBook of L'Illustration, No. 3657, 29 Mars 1913 by Various</title>
+
+<link rel="coverpage" href="images/cover.jpg">
+
+<style type="text/css">
+
+
+body {margin-left: 10%; margin-right: 10%}
+
+h1,h2,h3,h4,h5,h6 {text-align: center;}
+p {text-align: justify}
+blockquote {text-align: justify}
+
+hr {width: 50%; text-align: center}
+hr.full {width: 100%}
+hr.short {width: 10%; text-align: center}
+
+.note {font-size: 0.8em; margin-left: 10%; margin-right: 10%}
+.footnote {font-size: 0.8em; margin-left: 10%; margin-right: 10%}
+.side {padding-left: 10px; font-weight: bold; font-size: 75%;
+ float: right; margin-left: 10px; border-left: thin dashed; width: 80px; text-indent: 0px; font-style: italic; text-align: left}
+
+.sc {font-variant: small-caps}
+.lef {float: left}
+.mid {text-align: center}
+.rig {float: right}
+.sml {font-size: 10pt}
+.overl {font-size: 10pt; text-decoration: overline; text-align: center}
+.cont {width: 650px}
+.somm {float: left; width: 300px; font-size: 10pt; padding: 1em}
+.suppl {color: #5A5047; background-color: #EEE2CA }
+
+
+span.pagenum {font-size: 70%; left: 91%; right: 1%; position: absolute}
+span.linenum {font-size: 70%; right: 91%; left: 1%; position: absolute}
+
+.poem {margin-bottom: 1em; margin-left: 10%; margin-right: 10%;
+ text-align: left}
+.poem .stanza {margin: 1em 0em}
+.poem .stanza.i {margin: 1em 0em; font-style: italic;}
+.poem p {padding-left: 3em; margin: 0px; text-indent: -3em}
+.poem p.i2 {margin-left: 1em}
+.poem p.i4 {margin-left: 2em}
+.poem p.i6 {margin-left: 3em}
+.poem p.i8 {margin-left: 4em}
+.poem p.i10 {margin-left: 5em}
+.poem p.i12 {margin-left: 6em}
+.poem p.i14 {margin-left: 7em}
+.poem p.i16 {margin-left: 8em}
+.poem p.i18 {margin-left: 9em}
+.poem p.i20 {margin-left: 10em}
+.poem p.i30 {margin-left: 15em}
+
+
+
+</style>
+</head>
+<body>
+
+
+<pre>
+
+Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3657, 29 Mars 1913, by Various
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
+
+
+Title: L'Illustration, No. 3657, 29 Mars 1913
+
+Author: Various
+
+Release Date: October 29, 2011 [EBook #37874]
+
+Language: French
+
+Character set encoding: ISO-8859-1
+
+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3657, 29 ***
+
+
+
+
+Produced by Jeroen Hellingman et Rénald Lévesque
+
+
+
+
+
+</pre>
+
+
+
+
+<br><br>
+
+<div class="cont">
+
+<p>L'Illustration, No. 3657, 29 Mars 1913</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/000small.png"><br><a href="images/000large.png">(Agrandissement)</a></p>
+
+<div class="sml">
+<p>Ce numéro comprend, dans ses <span class="sc">vingt-quatre pages, une gravure en
+taille-douce</span> remmargée avec feuille de garde. Il est accompagné de LA
+PETITE ILLUSTRATION, Série-Roman n° 3, contenant la troisième partie du
+roman de M. Marcel Prévost: <b>Les Anges gardiens.</b></p>
+</div>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/001.png"></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/001a.png"><br><b>LE SERMENT DU NOUVEAU ROI DES HELLÈNES Au Parlement
+d'Athènes, entouré de la famille royale, du haut clergé et des
+ministres, le vainqueur de Salonique et de Janina jure fidélité à la
+Constitution.</b>--<i>Voir l'article, page 284.</i></p>
+<br><br>
+
+<h3>COURRIER DE PARIS</h3>
+
+<h4>LE PRINTEMPS</h4>
+
+<p>Il y a, dans nos idées et dans nos sentiments, une périodicité
+merveilleuse et fatale créée par les saisons. Chacune d'elles, à époque
+fixe, ramène des pensées pareilles dont nous ne pouvons pas plus nous
+défendre que l'arbre de ses bourgeons. Nous ne sommes pas maîtres de la
+circulation de nos sèves. Dès la fin de mars, des feuilles sont en nous
+qui veulent pointer et sortir. Et c'est pourquoi, tous les ans, nous
+nous étonnons, avec une naïveté qui jamais ne s'épuise, d'éprouver la
+même impression singulière en lisant un jour sur le calendrier ces deux
+brusques syllabes: Printemps. Elles éclatent comme une coque.</p>
+
+<p>Et, aussitôt, nous voilà pensifs, inquiets, tristes et gais tour à tour.
+Printemps... Le passé nous fait regarder en arrière. Printemps...
+L'avenir, au fond de ses bois, sonne du cor. Printemps... Que va-t-il
+arriver? Qu'est-ce qui se prépare en nous et hors de nous? Des bonheurs
+sont cachés qui nous guettent dans les buissons plus serrés. Il y a
+quelqu'un d'attendu. D'où vient ce vent frais et léger, cet air vif qui
+prépare et semble apporter déjà l'hirondelle? Entre les pleurs des
+souriantes giboulées, le ciel montre un bleu de myosotis, et le nuage
+animé court avec une hâte aimable comme pour nous dire de là-haut: «Je
+ne fais que traverser. Je ne reste pas.» Le soleil, jusque-là si retiré,
+si pâle et si déteint, nous pose tout à coup des pointes de feu qui nous
+brûlent, et son éclat aveuglant devient insoutenable dans le miroir des
+flaques de soufre laissées à terre par la récente averse. Ah! Printemps!
+Printemps! Que me veux-tu donc? Pourquoi reviens-tu, tout seul jeune et
+seul toujours pareil, seul ne bougeant pas, quand l'homme, en dépit des
+fausses joies, des illusions d'une minute et des ardeurs d'une seconde
+que tu lui rends, change et vieillit davantage à chacun de tes insolents
+retours et cesse de plus en plus d'être printanier? Pourquoi lui
+remets-tu à l'esprit et au coeur des désirs oubliés dont il n'a plus
+l'orgueil, et des espoirs décevants dont tu n'es pas capable toi-même,
+avec toutes tes excitations, d'assurer la suite? Est-ce pour le narguer?
+le faire souffrir? Quel est ton but et ton calcul? Consoles-tu?
+Désoles-tu? Parle, allons? Explique-toi. Abats ton jeu. Dis ce que
+signifient tes sautes d'humeur et de vent, tes câlineries et tes
+rudesses, ton âpre bise et tes tièdes rayons, tes douches de chaleur et
+de froid, tes précoces maturités et tes gelées soudaines, ton
+arc-en-ciel mal essuyé et tes aigres tempêtes... ta grâce féminine et
+ton affreux caractère?</p>
+
+<p>Car tu n'es pas du tout ce que le prétend et l'a indument établi la
+molle légende; tu n'as rien de l'époque vaporeuse et suave que proclame
+la poésie et qu'ont célébrée les chansons des Musettes. Tu t'écartes de
+plus en plus de ta réputation romantique. Tu restes aigu, difficile. Et
+je t'en loue, ô printemps! je t'en félicite! Combien tu me plais, saison
+dangereuse, dans ta virginale et dure vérité! Tu as la rustique saveur
+qui fouette et tonifie. Tes eaux semblent plus froides que celles de
+l'hiver, tu maltraites la peau, tu poivres les yeux comme à l'automne,
+tu pousses l'homme imprudent à se découvrir trop tôt pour te donner la
+joie taquine de l'enrhumer, tu es perfide, vinaigrée, infernale de
+malice et de ruse. On ne sait jamais avec toi de quel pied partir et sur
+lequel danser. Tu ris, tu pleures, tu te fâches, tu boudes, tu vous
+donnes un baiser... et une claque. Ton feuillage lui-même est d'un éclat
+trop neuf qui manque d'habitude et qui paraît toujours prématuré. Tout
+chez toi offre une acidité irritante et qui picote. Mais aussi quel ton!
+quel montant! Quand on consent à te voir et à t'accepter telle que tu
+es, dans ta résistante sauvagerie, tu procures d'inoubliables joies qui
+ne s'attaquent pas à tous.</p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+<p>Pour bien te goûter, printemps, et comme tu le mérites, il est
+indispensable, d'abord, d'avoir fait ses classes, d'avoir parlé latin et
+su trois mots de grec, et d'avoir feuilleté Ovide, Théocrite et Virgile,
+et récité par coeur cinq petits vers d'Horace,... car devant plus d'un
+rameau d'avril dressé comme le bras de la nymphe qui va être prise, et
+au bout duquel jaillissent des glaives de verdure à la place des doigts,
+il est impossible de ne pas se rappeler avec ravissement certains
+passages des <i>Métamorphoses</i>. Le printemps est la saison mythologique de
+l'année.</p>
+
+<p>Et pour te bien comprendre et te pénétrer encore, printemps, il sera
+nécessaire d'avoir l'âme un peu Renaissance, d'avoir aimé l'Astrée, les
+tapisseries bleues où il ne fait pas très chaud, les roseaux courbés par
+Éole, la coiffe de la Dame gonflée par le vent de la tour, et la rosée
+du matin sur les étriers, et les jardins plats et frisquets du temps des
+Valois où s'inspirait Ronsard.</p>
+
+<p>Et ce n'est pas tout. Pour te garder, printemps, un souvenir fidèle et
+qui jamais ne s'use, et qui, au contraire, se fasse plus tendre et plus
+amoureux, il faut que très petit enfant, à l'âge où nous sont révélées
+les divines beautés de la nature et des choses humaines, nous t'ayons
+découvert non pas dans les villes, mais loin d'elles, à la campagne...
+oui... que ce soit sous un arbre en train de déplier les papillotes de
+ses feuilles, près d'une tige onglée de vert, les pieds dans l'herbe
+humide et au chant d'un pinson, que nous ayons, pour la première fois,
+salué ton arrivée et reçu ton bonjour guilleret.</p>
+
+<p>Si nous avons eu ce bonheur, jamais en nous tu ne passeras. Tu nous
+auras marqués pour toujours; nous resterons baptisés de ton charme et
+parfumés de ton jeune lilas. Chaque année la vie, un instant,
+recommencera pour nous à partir de la minute où nous avons fait
+connaissance. Dans l'âge mûr et jusque dans la vieillesse, tu nous
+ramèneras à l'entrée du jardin, en nous rendant l'odorat délicieux que
+nous avions alors sous l'étourdissement de la première rose.</p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+<p>Mais, malgré tout, quel que soit le jour, le lieu, l'instant où nous
+t'avons appris, tu nous fais plaisir quand tu reviens, et l'on
+t'embrasse sur les joues de celles qui sont <i>toi</i>, ton image vivante, le
+printemps fait femme. Il t'arrive de nous attrister, de nous remplir de
+regrets, nous ne t'en voulons pas. Nous te pardonnons la peine que tu
+nous causes parce que tu nous émeus, que jamais tu ne nous laisses
+indifférents. Nous ne te prenons pas au mot, nous sommes trop sages pour
+cela, nous savons bien que tu n'apportes rien de plus à chacun de nous,
+que tu ne lui donnes que ce qu'il a, c'est-à-dire le peu, le rien qu'il
+a pu garder,... et que le printemps du voisin n'est pas le mien,...
+cependant nous te sommes reconnaissants de nous faire croire, sans que
+nous soyons dupes, de nous aider à être en quelque sorte les
+illusionnistes volontaires de nous-mêmes. Tu séduis en effet notre
+clairvoyance sans la troubler et tu fais de nous des chimériques d'un
+moment, conscients et désolés,--et tout de même joyeux! Tu nous grises,
+tu nous ressuscites, Lazares d'une aurore qui n'ignorons pas qu'avant le
+soir le linceul nous rhabillera. Ainsi, quoique tu n'opères en nous
+aucun gracieux changement, que tu accentues comme exprès le triste
+acquis et les stigmates des années, que tu ne sois pas capable de nous
+ôter une ride ni de blondir un seul de nos cheveux blanchis, tu nous
+rajeunis quand même... oui... par le regret, par l'inutile et déchirant
+désir, par la douleur de l'irréparable, par le mirage des amours
+passées, par les fantasmagories de l'évocation, par les sourires et par
+les pleurs que tu nous arraches, par le désespoir de notre tendresse
+devenue plus ardente et plus riche, par la beauté de souffrance que tu
+développes, par tout cela, printemps, tu nous fais jeunes, jeunes,
+jeunes comme jamais nous ne l'avons été, comme nous ne l'étions pas
+quand nous avions l'âge de l'être, et que nous respirions nos vingt ans,
+sans savoir. A présent nous savons, nous sommes renseignés, mais nous
+n'avons plus les splendeurs de notre adorable ignorance. Du moins
+meurtris, frappés, privés chaque jour davantage, nous nous faisons de
+tous nos plus chers souvenirs--auxquels, parfois, viennent s'en ajouter
+de précieux encore --nous nous faisons en nous-mêmes un printemps, un
+printemps intérieur, un printemps secret qui ne se voit pas du dehors,
+pareil à ces petits jardins des châteaux en ruines, cachés derrière des
+remparts. Et quand revient chaque année le printemps de tous,
+l'universel, il nous invite à descendre nous promener dans ces allées
+intimes, dans ces bosquets du coeur où brille un soleil plus chaud que
+le vrai, où les fleurs jamais ne se fanent, où le ciel est d'un bleu que
+je ne peux dire...<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">Henri Lavedan.</span></span></p>
+
+<p><i>(Reproduction et traduction réservées.)</i></p><br><br>
+
+<h3>LE NOUVEAU MINISTÈRE</h3>
+
+<p>C'est dans la soirée de mardi que le ministère Briand, mis en minorité
+au Sénat sur la question de la représentation proportionnelle, dut
+remettre sa démission au président de la République. Le surlendemain,
+jeudi, après les consultations d'usage, M. Poincaré a confié à M. Louis
+Barthou, garde des Sceaux et vice-président du cabinet démissionnaire,
+le soin de former le nouveau ministère qui a été définitivement
+constitué vendredi soir à 11 heures. La crise aura donc été rapidement
+et facilement résolue. Huit des ministres ou sous-secrétaires d'État du
+précédent cabinet sont d'ailleurs demeurés dans le ministère actuel, qui
+comprend douze députés et quatre sénateurs. En prenant la présidence du
+Conseil, M. Louis Barthou s'est réservé le portefeuille de l'Instruction
+publique. Les ministres de la défense nationale, MM. Étienne (Guerre) et
+Pierre Baudin (Marine), conservent leurs hautes responsabilités. M.
+Stéphen Pichon revient au quai d'Orsay, où il fit précédemment, et avec
+distinction, un long séjour. M. Klotz passe des Finances à l'Intérieur.</p>
+
+<p>Les autres membres du nouveau cabinet sont: MM. Antony Ratier (Justice),
+Charles Dumont (Finances), Jean Morel (Colonies), Alfred Massé (Commerce
+et Postes et Télégraphes), Joseph Thierry (Travaux publics), Clémentel
+(Agriculture), Henri Chéron (Travail), Paul Morel (sous-secrétariat de
+l'Intérieur), Paul Bourély (sous-secrétariat des Finances), Léon Bérard
+(sous-secrétariat des Beaux-Arts). Pour M. Anatole de Monzie, enfin, est
+créé un sous-secrétariat de la Marine marchande. Cette création enlève
+une direction importante au ministère du Commerce, auquel, en
+compensation, on a rendu les Postes et Télégraphes. D'où la suppression
+du sous-secrétariat que M. Chaumet dirigeait depuis plusieurs années
+avec une active compétence.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/002a.png"><br>De gauche à droite: M. Ch. Dumont. (Finances.) M. St. Pichon.(Aff. étrangères.) M. Ratier. (Justice.) M. L. Barthou. (Président du Conseil [I. P.])
+M. P. Baudin. (Marine.) M. Klotz. (Intérieur.) M. Clémentel. (Agriculture.) M. Étienne. (Guerre.) M. J. Thierry. (Travaux publics.) M.
+Massé. (Commerce.) M. J. Morel. (Colonies.) M. H. Chéron. (Travail.)
+<br><b>Le nouveau ministère, présidé par M. Louis Barthou.</b></p>
+
+<p>En se présentant, ainsi constitué, devant la Chambre, mardi dernier, le
+nouveau conseil des ministres, par la voix de son président, a déclaré
+avant tout faire sien le projet de loi, déposé par le précédent cabinet,
+et qui porte à trois ans la durée du service militaire égal pour tous.
+En ce qui concerne la réforme électorale, il s'est affirmé favorable à
+une transaction.</p>
+
+<p>Immédiatement interpellé par MM. Franklin-Bouillon et Maurice Viollette
+sur la composition du ministère et la politique qu'il entend suivre, le
+président du Conseil a obtenu de la Chambre, par 222 voix contre 162,
+avec 164 abstentions, un premier vote favorable.</p>
+
+<br><br>
+
+<h3>«LE SECRET»</h3>
+
+<p>Toute la presse a salué de ses enthousiastes éloges la belle oeuvre que
+M. Henry Bernstein vient de faire représenter au théâtre des
+Bouffes-Parisiens et, depuis, le public a ratifié et confirmé cet
+éclatant succès. On a constaté que l'auteur de <i>la Rafale</i> et de
+<i>l'Assaut</i>, après avoir passé du drame de situation au drame social, en
+était arrivé, avec <i>le Secret</i>, au drame de caractère, et' qu'il lui
+avait, d'emblée, donné une vie extraordinaire. Pourtant c'était
+assurément au caractère et, du même coup, au sujet théâtralement les
+plus dangereux que M. Bernstein s'était attaqué là.</p>
+
+<p>Aux époques de notre littérature où l'on intitulait des pièces <i>le
+Menteur, l'Avare, l'Étourdi</i>, et où l'on faisait tourner leurs trois
+actes ou leurs cinq actes autour d'un personnage, on aurait donné pour
+titre à une telle oeuvre: <i>la Méchante</i>; mais ce titre eût été lui-même
+aussi «ingrat» que le sujet et que le personnage qu'il désignait.</p>
+
+<p>Tandis que M. Henry Bernstein a préparé, noué et développé son intrigue
+avec une telle habileté, présenté, fouillé, éclairé ses caractères avec
+une si sûre intuition, une si franche maîtrise, qu'il se trouve avoir
+accru son succès des difficultés mêmes de l'entreprise.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/002b.png"><br>
+<span class="sml">M. Claude Garry (Constant Jeannelot).&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; M. Victor Boucher (Denis Le Guenn).</span><br>
+<b>LE SECRET.--Après la révélation.</b>--<i>Dessin de <span class="sc">J.
+Simont.</span></i></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/003.png"><br>
+<span class="sml">Mme Simone (Claire Jeannelot).&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Mlle Madeleine Lély (Henriette Hozleur).</span><br>
+<b>LE SECRET.--Après l'aveu de l'amie
+perfide.</b>--<i>Dessin de <span class="sc">J. Simont.</span></i></p>
+
+<p>Le caractère qui domine, en cette pièce, tous les autres et dont les
+manifestations ont leur répercussion sur l'existence des êtres proches,
+est donc celui d'une femme méchante, spontanément et foncièrement
+méchante, envieuse, jalouse de tout bonheur dont elle n'est pas la
+bénéficiaire ou la dispensatrice, mais non toutefois dénuée
+d'aspirations nobles, capable de remords et même d'amour vrai. Cette
+méchanceté est d'ailleurs subtilement dissimulée; c'est le «secret» de
+cette âme... Auprès de cette jeune femme, Claire Jeannelot, aimée et
+amoureuse de son mari, vit sa meilleure amie, une jeune veuve, Henriette
+Hozleur, qui a aussi son «secret», mais qui est un secret de fait:
+confiante en la parole de l'élégant Charlie Punta-Tulli, elle s'est
+donnée à lui, au début de son veuvage, et la rupture est survenue.
+Maintenant Henriette épouse le timide et délicat Denis Le Guenn et la
+félicité des deux époux serait parfaite si Charlie Punta-Tulli ne
+réapparaissait. Voilà le secret d'Henriette révélé: son union avec Le
+Guenn va être rompue et ce sera un atroce déchirement. Or, ce n'est
+point le hasard qui commit ces cruautés réitérées, et la découverte de
+la faute d'Henriette fait par conséquence dévoiler la méchanceté innée
+<span class="lef"><img alt="" src="images/004.png"><br><b>
+LE NOUVEAU CYRANO.--M. Le Bargy<br>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; dans son
+costume du premier acte.</b><br>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;--<i>Photo-Couleurs.</i></span>
+de Claire. Claire implore d'abord le pardon d'Henriette, puis se
+confesse à son mari en sanglotant, et, par cet aveu et par ces pleurs
+sincères, la monstrueuse créature nous devient presque pitoyable. Et le
+triste Le Guenn est obligé de convenir que l'infortune de Jeannelot
+égale si elle ne dépasse la sienne. Pour l'un comme pour l'autre
+d'ailleurs le temps apaisera ces douleurs.</p>
+
+<p>Les interprètes des quatre principaux rôles, Mme Simone, Mlle Lély, MM.
+Garry et Boucher, ont contribué à l'incroyable impression de vie
+profonde, intense qui émane de cette pièce. On les a acclamés.</p>
+
+<p>Svelte, cambrant sur deux jambes maigres un corps nerveux mais souple,
+le regard franc et ardent, la moustache et la barbiche en bataille, le
+visage enlaidi seulement par le nez «cyranesque», tel apparaît d'abord
+le nouvel interprète de la comédie héroïque de M. Edmond Rostand sur la
+scène de la Porte-Saint-Martin.</p>
+
+<p>M. Le Bargy étant le seul artiste qui ait pu, depuis la mort de
+Coquelin, interpréter à Paris ce rôle éclatant et formidable,
+personnifier le désormais immortel Cyrano il était inévitable qu'on le
+confrontât avec la vision laissée par le «créateur» du rôle. Or, cette
+dissemblance que le physique accuse, dès le premier regard, entre les
+deux interprètes est celle même de l'esprit et de l'exécution des deux
+interprétations. Moins de volume et d'abondance sonore chez M. Le Bargy
+que chez M. Coquelin; mais, sans doute, chez M. Le Bargy, plus de
+profondeur dans la tendresse et dans l'amour, de hauteur dans la
+bravoure et dans la fierté. Ainsi connaît-on maintenant par lui, sous un
+aspect nouveau, un peu différent et non moins juste, ce type admirable
+de Français vaillant, généreux et spirituel qui se révéla il y a quinze
+ans à peine sur cette même scène de la Porte-Saint-Martin et qui a déjà
+pris sa place dans la galerie des héros dont s'honorent les littératures
+de tous les pays et de toutes les époques.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/005a.png"><br><b>Vue générale d'Okrida.</b></p>
+
+<h3>AU COEUR DE L'ALBANIE</h3>
+
+<h4>NOTES DE VOYAGE D'UN JOURNALISTE AMÉRICAIN</h4>
+
+<p class="mid">PUBLIÉES PAR ARRANGEMENT SPÉCIAL AVEC «THE CHICAGO DAILY NEWS»</p>
+
+<p><i>Envoyé sur le théâtre de la guerre, du côté bulgare, par son journal</i>
+The Chicago Daily News, <i>M. Paul Scott Mowrer eut la bonne fortune, au
+moment où se concluait l'armistice, de se voir confier, par le ministre
+de l'Intérieur, au professeur Constantin Stephanof, de l'Université de
+Sofia, chargé de lui servir d'interprète et aussi de veiller sur lui,
+d'être son guide et son garant. Sous la conduite de ce cicérone,
+charmant compagnon de route, le journaliste américain fut autorisé à
+visiter les positions d'Andrinople et celles de Tchataldja. Puis, par
+chemin de fer, il traversa toute la contrée, de Dimotika et de
+Dedeagatch à Salonique, pour revenir ensuite à Monastir, d'où une
+voiture le conduisit, à travers une région montagneuse alors ensevelie
+sous la neige, à Chrida, au seuil de l'Albanie. De tout ce voyage, il a
+donné à son journal de très vivants et très littéraires récits.</i></p>
+
+<p><i>Mais la partie la plus intéressante, peut-être, la plus neuve, du
+moins, de toute cette pénible expédition, ce fut la traversée de
+l'Albanie qui la couronna. Nous ne croyons pas qu'aucun autre
+journaliste ait, depuis le commencement de la guerre, affronté cette
+sauvage région, dont le sort, actuellement, prête à tant de rivalités.
+Aussi avons-nous jugé intéressant de demander à M. Paul Scott Mowrer de
+nous donner un compte rendu de son raid courageux. Voici la première
+partie de son récit:</i></p>
+
+<h4>SERBES CONTRE BULGARES</h4>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/005b.png"><br><b>La famille du Bulgare Manef, le principal citoyen
+d'Okrida.</b></p>
+
+<p>Un doute amer, qui peut, dans l'avenir, être pour les puissances
+chargées du règlement de la question d'Orient, l'occasion de graves
+inquiétudes, ronge le coeur des Slaves établis dans la région d'Okrida.
+Seront-ils, désormais, Serbes ou Bulgares? Les territoires qu'ils
+occupent sont devenus virtuellement le champ d'action de l'armée serbe,
+et ont tous été occupés par elle. Les envahisseurs n'hésitent pas à
+déclarer qu'ils sont bien résolus à demeurer là où ils sont. A leurs
+yeux, en effet, la population entière de la région est serbe d'origine.
+Pourtant, quand on se renseigne auprès des gens eux-mêmes du pays, à peu
+d'exceptions près, ils se considèrent résolument comme des Bulgares, et
+quoique leur loyauté envers le pacte d'alliance ait prévenu tout acte
+d'hostilité ouverte, on sent entre les indigènes et les conquérants un
+courant profond d'opposition qui laisse redouter que quelque malaise
+persiste après la paix prochaine.</p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/005c.png"><br><b>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Une rue d'Okrida.</b></p>
+
+<p>--Nous avons beaucoup souffert, me répétaient à l'envi les gens de la
+ville; mais, au milieu de nos souffrances, notre seul espoir était que
+nous serions un jour réunis à la Bulgarie, notre patrie. Si la
+conférence des puissances devait donner à la Serbie notre pays et nos
+foyers, ce serait pour nous le dernier coup. Nous n'aurions plus qu'une
+ressource: émigrer.</p>
+
+<p>--Ou encore, ajoutaient certains des plus exaltés, nous battre!</p>
+
+<p>Okrida, en effet, loin d'être Albanaise, comme le prétendent un certain
+nombre de politiciens albanais qui vivent au dehors, était un centre
+ancien de culture slave. Que cette culture fût plus particulièrement
+serbe ou bulgare, c'est aux historiens d'en décider. Mais, dans le temps
+présent, il n'est pas douteux, en dépit des efforts que fout les Serbes
+pour dissimuler les faits, que l'immense majorité des habitants parlent
+la variante bulgare de la langue slavonne et qu'ouvertement leur
+fidélité, leur «allégeance», va au roi Ferdinand.</p>
+
+<p>Il est assez curieux de constater, en passant, que le jour où vraiment
+nous avons été frappés de cet antagonisme de races fut le jour d'une
+pittoresque fête religieuse, observée de concert par les deux branches
+de la famille slave des Balkans. La principale cérémonie de cette
+solennité avait lieu sur les rives du lac, où de rudes gars attendaient,
+en chemise et culottes, pour plonger à la poursuite d'une petite croix
+d'or que l'évêque devait tout à l'heure jeter dans les flots sombres et
+cinglants. Afin de mieux suivre la scène, nous nous étions fait conduire
+à la maison d'un pêcheur située tout au bord de l'eau. De la fenêtre,
+nous voyions le plongeur victorieux barboter, frissonnant, vers la rive
+et courir à travers la foule en présentant, à droite et à gauche, la
+croix aux baisers. Et quand tout fut fini, que la femme du pêcheur nous
+eut offert, sur un plateau, des confiseries et des liqueurs, notre hôte
+lui-même, très nerveux, s'approcha silencieusement du divan où était
+assis mon compagnon, le professeur Stephanof, de l'Université de Sofia,
+et, à mi-voix, du ton grave d'un homme qui pose une question de vie ou
+de mort, il demanda:</p>
+
+<p>--Et, dites-moi, comment cela va-t-il, à Sofia? Ils ne vont pas nous
+trahir avec les Serbes? Nous ont-ils oubliés?</p>
+
+<p>Un peu plus tard, comme nous nous en revenions par d'étroites et
+tortueuses ruelles, vers la maison du Bulgare Manef, le principal
+citoyen de la ville, de qui nous étions les hôtes, nous fûmes rejoints
+par un ancien <i>comitadji</i>, Tchoulef, dont les Serbes avaient fait le
+chef de la police. Il faut dire ici que l'une des légères différences
+qui distinguent la langue serbe de la bulgare est que les noms
+patronymiques serbes se terminent en <i>itch</i> tandis que leur désinence,
+en bulgare, est en <i>ef</i> ou <i>of</i>, ces deux terminaisons ayant d'ailleurs
+le même sens: «fils de». Or, Tchoulef, après nous avoir entretenus de
+l'inquiétude du pêcheur, nous dit:</p>
+
+<p>--Les Serbes refusent absolument de nous appeler par nos vrais noms.
+Ainsi, ils appellent mon ami Manef «Manovitch», et je puis vous montrer
+le papier qui me nomme chef de la police et où je suis appelé «Petre
+Tchoulevitch». Ils sont enragés pour nous changer en Serbes coûte que
+coûte.</p>
+
+<p>Chez Manef, on avait servi en notre honneur du thé, du café, et nous
+demeurâmes là à fumer des cigarettes, jusqu'à l'heure où nous devions
+aller présenter nos devoirs à l'évêque bulgare d'Okrida. Cet accueillant
+dignitaire de l'Église nous attendait, siégeant en grande cérémonie dans
+la salle de réception de sa maison, ses doigts jouant indolemment avec
+les pierreries d'un long et magnifique chapelet d'améthystes. Après que
+nous eûmes échangé les habituelles salutations, on apporta le café
+traditionnel et les cigarettes; alors l'évêque observa sur un ton calme
+et digne:</p>
+
+<p>--Les Serbes, ici, sont un peu enclins à marcher sur les pieds de nos
+compatriotes. C'est ainsi qu'ils ont débaptisé toutes les rues; mais, au
+lieu de leur redonner des noms des saints slavons d'autrefois, ou des
+héros qui vécurent en ce pays aux temps jadis, ils ont préféré y honorer
+les noms de Serbes assez mal réputés, chefs de bandes et <i>outlaws</i>. Je
+crains qu'ils n'aient adopté une mauvaise politique.</p>
+
+<p>Plus tard, quand des serviteurs eurent fait circuler sur des plateaux
+diverses douceurs, des sucreries et de savoureuses liqueurs distillées
+dans les monastères, le prélat ajoutait:</p>
+
+<p>--Ils ont pris les pupitres des écoles bulgares et les ont expédiés en
+Serbie. Et je puis vous montrer une bien curieuse lettre, si vous voulez
+prendre la peine de la voir.</p>
+
+<p class="rig"><img alt="" src="images/006a.png"><br><b>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Le comitadji Tchoulef, devenu<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;chef de la police d'Okrida.</b></p>
+
+<p>L'évêque sonna. Son secrétaire, sur sa demande, lui apporta la lettre en
+question. C'était un ordre du commandant serbe notifiant au prélat
+d'avoir à mentionner dorénavant, dans les prières de l'Église,
+exclusivement le nom du roi Pierre et celui du prince héritier de
+Serbie.</p>
+
+<p>--Jusque-là, expliqua l'évêque, j'avais toujours nommé, dans mes
+prières, les rois et les familles royales des différents pays alliés, et
+je fus donc très surpris en recevant ce message. J'y répondis que je ne
+pouvais faire ce dont j'étais requis, mais que j'aurais plaisir à nommer
+d'abord le roi Pierre, puis les autres monarques alliés, en prononçant
+le nom du roi Ferdinand le dernier. Moins de deux jours après, je
+recevais une seconde lettre me demandant de renvoyer la première, celle
+dans laquelle le commandant serbe m'adressait son extraordinaire
+demande. A quoi je répondis que je serais heureux de fournir à cet
+officier une copie du document qu'il me réclamait, mais qu'il était hors
+de doute qu'une lettre, une fois remise à son destinataire, devenait la
+propriété de celui-ci et cessait d'appartenir à son expéditeur, et que,
+par conséquent, je me considérais comme obligé de conserver l'original.</p>
+
+<p>Ce même soir, comme nous faisions une petite promenade d'adieu par les
+rues, nous rencontrâmes un lieutenant serbe avec lequel nous avions
+antérieurement noué des relations d'amitié. Je le questionnai, en
+passant, sur cette division de la population en deux camps.</p>
+
+<p>--Oh! dit-il, avec un bref rire, vous ne pouvez rien imaginer de plus
+confus. Dans cette seule ville, il y a une demi-douzaine d'écoles
+serbes, quatre ou cinq écoles bulgares, une couple d'écoles grecques et
+enfin une école valaque ou roumaine. Cependant, chacune de ces
+nationalités se prétend supérieure en nombre à toutes les autres
+réunies!</p>
+
+<p>En dernier lieu, je résolus de me livrer à une petite enquête. Elle me
+démontra que, quoi que le lieutenant pût penser, les écoles d'Okrida
+étaient à ce moment ainsi réparties: huit bulgares, une grecque, une
+valaque et une serbe, celle-ci n'ayant d'ailleurs que trois élèves.</p>
+
+<p>Il n'est pas douteux que l'excès de patriotisme stimule beaucoup
+l'imagination (1).</p>
+
+<blockquote><span class="sml"><b>Note 1:</b> Je viens d'être avisé que le <i>comitadji</i> Tchoulef est allé
+récemment passer deux jours à Sofia. Il y a appris à M. Stephanof, mon
+compagnon de voyage, que, le lendemain même de notre départ, son ami
+Manef avait été arrêté et emprisonné par les Serbes, en punition de ce
+qu'il nous avait donné l'hospitalité.</span></blockquote>
+
+<h4>LE PAYS LE PLUS SAUVAGE DE L'EUROPE</h4>
+
+<p>Partout, dans le district d'Okrida, les Serbes sont encore en conflit
+avec les Albanais. Quelle que soit la nation qui doive, dans l'avenir,
+posséder ce pays, elle y courra le même risque.</p>
+
+<p>Ces montagnards sauvages, amoureux fervents de la liberté, pour lesquels
+la vie d'un homme est moins sacrée que celle d'un chien, pour qui les
+idées de famille et de moralité sont si sacrées qu'on les a vus abattre
+d'un coup de fusil un étranger coupable d'avoir simplement regardé l'une
+de leurs femmes, qui sont aussi parfaitement hospitaliers que l'étaient
+les Israélites aux jours de l'Ancien Testament, mais qui n'éprouvent
+qu'un vague regret pour avoir tué un hôte sur la route après qu'il a
+quitté leur toit, ces hommes de clans, en perpétuelle discorde, risquent
+maintenant et risqueront longtemps d'être entraînés à une longue
+guérilla contre leurs envahisseurs.</p>
+
+<p>Encore qu'ils cultivent volontiers un petit lopin de terre auprès de
+leurs cabanes, dans leurs aires montagneuses, ils sont avant tout un
+peuple pastoral, vivant tout le long de l'année dans les hauteurs,
+solitaires et moroses, avec leurs troupeaux de moutons ou de chèvres.
+Ils ne savent ni lire ni écrire. Ils ont peu d'histoire et aucune
+culture. L'origine de leur race est plus ou moins mystérieuse. Ils sont
+dans une aussi complète ignorance du monde extérieur que l'est une tribu
+de sauvages africains. Ils savent, en revanche, porter le fusil. Et
+maintenant, quand ils sortent de leurs inaccessibles retraites, c'est
+presque toujours avec l'intention de surprendre quelque petit
+détachement de soldats serbes qu'ils se sentent à même de fusiller dans
+quelque défilé, avant que les victimes ainsi guettées aient seulement le
+temps d'épauler leurs propres armes.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/006bsmall.png"><br><a href="images/006blarge.png">(Agrandissement)</a><br><b>L'Albanie centrale, que M. Paul Scott Mowrer a traversée<br>
+de Monastir à Durazzo, par Okrida et Elbassan.</b></p>
+
+<p>Okrida n'est pas réellement en Albanie; elle est à l'une des extrémités
+de la contrée. Si la ville est aux trois quarts bulgare et si les
+paysans de l'Est sont, pour la plupart, bulgares ou serbes, les
+montagnards de l'Ouest sont de pure race albanaise--si toutefois une
+telle race existe--pâles de teint, hauts, élancés, têtes rondes, les
+yeux plutôt bleus ou gris, taciturnes, et aussi solitaires que les
+aigles dont ils partagent le royaume. La guerre semble être leur seule
+distraction. Les Turcs les craignent et les respectent à ce point qu'ils
+leur laissent faire en réalité tout ce qu'il leur plaît, même en deçà de
+leurs propres frontières. Ils ne les contraignirent jamais à leur payer
+des impôts. Leurs crimes de tous genres demeurèrent impunis. Ils n'ont
+pas plus l'idée d'aucune forme de gouvernement que ne l'ont des loups.
+La seule chose que les Ottomans aient jamais obtenue d'eux, c'était
+qu'ils descendissent, cohortes sans peur, pour se jeter avec une sauvage
+bravoure sur les canons et les baïonnettes de l'ennemi. Plus d'un
+régiment turc n'a échappé au risque d'être décimé que parce que ses
+soldats albanais, tout fiers d'une occasion si belle, avaient été placés
+sur le front pour recevoir en pleine tête ou en pleine poitrine la grêle
+des boulets serbes.</p>
+
+<p>Dans une bataille actuelle, en face d'une armée moderne, avançant, comme
+font tous les soldats maintenant, en lignes brisées de tirailleurs,
+s'abritant derrière chaque saillie du sol et derrière chaque pierre, de
+sauvages hordes comme en forment les Albanais auraient peu de chances de
+succès. On peut difficilement les contraindre à tirer couchés. Ils
+préfèrent se battre en groupes composés d'hommes de la même localité,
+chargeant et se précipitant de telle sorte qu'ils forment pour les
+tireurs modernes une proie facile. On imaginera quelle est la brutale
+férocité de leur attaque quand j'aurai mentionné qu'un jour un soldat
+serbe fut trouvé sur le terrain où avait eu lieu une escarmouche, sa
+baïonnette enfoncée dans le corps d'un Albanais, lequel, complètement
+désarmé, avait néanmoins manoeuvré de façon à prendre le Serbe à la
+gorge avec ses dents, et l'avait étranglé d'une fatale étreinte, comme
+ferait d'un loup un dogue bien dressé. Mais leur vrai champ d'activité
+est la montagne. Là, bondissant de roc en roc, aussi agilement que leurs
+propres chèvres, connaissant chaque passe comme chaque sentier, ils sont
+capables de tenir un ennemi en haleine pendant un temps indéfini, ainsi
+qu'ils font maintenant pour les Serbes, tirant toujours du haut de
+quelque escarpement d'où ils dominent leurs adversaires, moins rompus
+qu'eux à ces exercices d'escalades. Les Serbes ont occupé avec un plein
+succès toutes leurs villes et tous leurs hameaux. Mais ils ne peuvent
+pas occuper chaque roc; et c'est pourtant ce que, pratiquement, ils
+devraient faire avant que de pouvoir dire qu'ils sont absolument sûrs
+que l'Albanie est, soumise.</p>
+
+<p>Ce pays, le plus sauvage de l'Europe, a longtemps été un gage entre les
+mains de l'intrigue étrangère. Il fut un temps, il y a peu d'années, où
+chaque hutte albanaise pouvait se vanter de posséder au moins trois
+fusils modernes. Ces armes étaient distribuées par les agents des
+diverses nations intéressées, chacune ayant en vue d'attirer à sa
+propagande l'aide des montagnards. D'abord venait l'agent italien,
+plaidant la cause de l'Italie, et laissant un fusil italien. Ensuite
+apparaissait l'Autrichien, avec des armes autrichiennes. Les Serbes, à
+leur tour, armèrent les Albanais dans l'espérance de les tourner contre
+leurs suzerains, les Turcs, cependant que ces derniers les armaient dans
+l'espoir qu'ils seraient contre les Serbes les meilleurs des
+auxiliaires.</p>
+
+<p>C'est pourquoi le premier soin des envahisseurs serbes fut de désarmer
+la population. Besogne féconde en surprises, car, à côté des armes les
+plus perfectionnées, chaque famille avait conservé, de génération en
+génération, les fusils à mèches, les fusils à pierres des jours passés,
+précieux souvenirs de la valeur des ancêtres! Dans chaque ville de
+l'Albanie où nous entrions, nous apercevions d'énormes amas rouillés,
+gros comme quatre ou cinq bottes de foin, de ces antiques fusils et
+pistolets, tous encore chargés, beaucoup d'entre eux avec la pierre
+encore enchâssée dans le chien, prête à enflammer la pincée de poudre
+décomposée placée dans le bassinet tout couvert de toiles d'araignées.</p>
+
+<h3>LES SOUPÇONNEUX CONQUÉRANTS</h3>
+
+<p>En raison de cette situation, et bien que la campagne proprement dite
+soit virtuellement terminée ici, la discipline appliquée par les Serbes
+dans toute la montagne est encore très sévère. Nous en eûmes la brusque
+notion le matin qui suivit notre arrivée à Okrida. Notre premier devoir,
+naturellement, fut d'aller voir le commandant de la ville et de lui
+faire connaître notre présence. Comme nous errions à travers les
+vieilles rues tortueuses, bordées de petites boutiques pleines de toutes
+sortes de choses bonnes à manger, destinées à être travaillées, ou
+portées, nous arrivâmes enfin à l'état-major serbe,--une grande maison à
+deux étages antérieurement occupée par un bey albanais, lequel, à
+l'arrivée des Serbes, était mort de subite et violente façon. Nous fûmes
+introduits dans le grand hall qui toujours divise, de l'avant à
+l'arrière, les maisons turques élégantes. Le sous-lieutenant serbe, qui
+avait le commandement du convoi qu'à deux reprises nous fûmes obligés de
+suivre au cours de notre voyage depuis Monastir, nous accompagnait. Il
+voulait, disait-il, parler lui-même pour nous à l'aide-major.</p>
+
+<p>D'ordinaire, nous n'attendions pas bien longtemps avant d'être reçus par
+les officiers du haut commandement, car ils étaient généralement aussi
+heureux de nous voir, d'apprendre de nous ce que nous pouvions leur dire
+touchant les affaires du dehors que nous pouvions l'être nous-mêmes de
+les voir. Mais, ce jour-là, il en fut autrement. Pendant une demi-heure
+nous fîmes antichambre.</p>
+
+<p>Nous commencions à trouver le temps long, quand l'aide-major que nous
+attendions, l'air préoccupé, accablé, la mine sombre autant qu'une nuit
+d'orage, se rua à travers le corridor qui conduisait au bureau du
+commandant. Cependant que nous demeurions stupéfaits, nous demandant ce
+que pouvait présager tant de violence, notre sous-lieutenant fit sa
+réapparition, ses yeux bleus voilés, les lèvres très pâles, les
+pommettes très rouges. Il se tenait à l'écart et semblait embarrassé de
+nous connaître,--enfin, un tout autre homme que le brave et gentil
+compagnon que nous avions connu jusque-là. Il nous fallut quelque
+minutes pour obtenir de lui l'aveu de ce qu'il y avait dans l'air. Il
+avait commis une faute impardonnable, semblait-il, en abandonnant un
+moment le convoi dont il avait reçu le commandement. Quel droit avait-il
+de s'attacher lui-même à nous? Savait-il seulement qui nous étions? Il y
+avait cent chances contre une pour que nous fussions des espions
+autrichiens, et, dans ce cas, il avait commis une bévue qui pouvait
+compromettre l'avenir tout entier de la Serbie!</p>
+
+<p>Tout cela nous semblait assez bizarre, mais nous apparut plus sérieux en
+ce qui concernait le jeune officier. Nos coeurs commençaient à se navrer
+à la pensée que nous avions, bien malgré nous, mis dans l'embarras un si
+aimable camarade. Un quart d'heure plus tard, pourtant, nous fûmes reçus
+par le colonel Ristitch.</p>
+
+<p>En dix minutes, nous étions devenus les meilleurs amis, échangeant des
+confidences, prenant du café, et admirant ensemble la belle collection
+d'armes albanaises et turques que possédait le colonel et qu'il avait
+arrangées en panoplies au-dessus de son lit de camp. Nous lui
+expliquâmes le cas du sous-lieutenant et nous lui arrachâmes la promesse
+que, pour cette fois, il serait complètement absous «puisque c'était
+nous!» Néanmoins, il demeura de cet incident quelque chose entre nous et
+le pauvre sous-lieutenant. J'ai rarement vu un homme aussi effaré.</p>
+
+<p>Nous dînâmes ce soir-là avec les officiers serbes, dans le hall de la
+maison du bey albanais. Tchoulef, le chef de la police, nous avait
+donné, en guise de garde du corps, pour la durée de notre séjour, un
+très beau révolutionnaire bulgare, avec une moustache blanche et de
+sévères yeux bleus. Cet homme, vêtu d'une sorte d'uniforme, portait sur
+sa casquette le nombre 1, et il le portait fièrement, car il signifiait,
+dans son opinion, qu'il était l'homme le plus utile de la troupe, comme
+il en était le plus âgé. Une aveugle fidélité est la qualité maîtresse
+du caractère de la plupart des paysans bulgares, et cet homme n'était
+pas une exception à la règle. Il avait reçu comme instructions de bien
+veiller sur nous. Pour demeurer fidèle à cette consigne, il insista donc
+pour entrer avec nous dans la salle à manger, avec son fusil. Il s'assit
+sur une estrade surélevée, dans un coin. Et pas un moment, au cours de
+cette longue Soirée, il ne nous quitta des yeux.</p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/007.png"><br>
+<b>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Le colonel Ristitch.</b></p>
+
+<p>Les Serbes sont extrêmement sociaux. Ils aiment la bonne chère, la bonne
+compagnie «t les bous vins. Il y a, dans la région des Balkans, beaucoup
+de tziganes, et, tandis que les Bulgares refusent de les enrôler comme
+soldats, les Serbes les acceptent volontiers, dans l'unique but, je
+suppose, de leur faire jouer de la musique après dîner. Il n'y a pas un
+de ces gars basanés qui ne soit maître sur quelque instrument. Ici, par
+exemple, il y en avait deux qui jouaient du violon de façon à vous
+échauffer le sang dans les veines, et qui chantaient de si sauvages
+chansons slaves ou tziganes, en agitant leurs bras et se frappant l'un
+l'autre la tête de leurs tambourins, qu'on en oubliait leurs uniformes
+de soldats et que, rêvant, on s'imaginait transporté dans un camp de
+nomades, en quelque lointain désert, au milieu de scènes farouches
+d'amour passionné et de haine.</p>
+
+<p>Était-ce l'effet de la musique tzigane, je ne sais, mais, vers le milieu
+de la soirée, le vieux policier nous protégeait, de son coin, avec une
+si intense fixité, et empoignait d'une telle énergie son arme qu'un
+brave lieutenant, qui est, en temps de paix, professeur dans une école
+supérieure, à Belgrade, éprouva le besoin d'aller à lui et de lui
+murmurer à l'oreille des mots qui, je l'imagine, avaient pour but de lui
+faire poser une minute son déplorable fusil. Le vieux camarade,
+machinalement, obéit. Mais, longtemps avant que nous eussions fini nos
+toasts d'adieu, tandis que montait le choeur émouvant de <i>Oïslavana</i>, le
+chant de ralliement de tous les Slaves, depuis l'Ob, bien loin en
+Russie, jusqu'à la Moldau et au Danube, il était de nouveau sur ses
+pieds, l'arme en mains, les yeux fixes. Positivement, je crois que si
+quelqu'un avait osé nous toucher seulement d'un doigt un peu rude, le
+vieil homme l'eût abattu sur l'heure.</p>
+
+<h4>EN ROUTE A L'AVENTURE</h4>
+
+<p>... La chevauchée à travers la rude montagne, d'Okrida à Elbassan, a
+toujours été considérée comme extrêmement hasardeuse. En hiver, seuls
+les plus hardis des montagnards s'y aventurent. Mais le matin où nous
+étions pour nous mettre en route il nous semblait qu'il y avait dans
+l'air quelque chose de plus grave encore que de coutume. Sans nous en
+donner les raisons précises, le commandant serbe d'Okrida avait déjà
+tenté de nous dissuader de ce voyage. Nous trouvant fermement résolus,
+aimablement il offrit de nous donner une escorte de cinq cavaliers. Nous
+attendîmes une heure la venue de ces hommes. Or, les jours d'hiver sont
+courts. Le moment arriva où nous commençâmes à nous dire que,
+réellement, nous aurions dû déjà être en route. Comme nous étions avec
+un jeune agent de police bulgare, un ancien révolutionnaire lui aussi,
+bien armé et bon fusil, nous n'avions nulle crainte.</p>
+
+<p>Nous étions déjà en selle quand Tchoulef, le chef de la police, arriva à
+côté de mon compagnon et lui dit quelques mots à voix basse. Nous
+comprîmes alors le peu d'entrain des cavaliers à obéir aux ordres qu'ils
+avaient reçus. Peu de jours auparavant, d'après l'information que
+donnait Tchoulef, dans la passe même que nous devions traverser, une
+bande d'Albanais avait attendu, en embuscade, dix soldats serbes et un
+officier en mission spéciale. Le nombre des cartouches retrouvées sur
+place, plus tard, prouva que les Serbes s'étaient bravement défendus;
+mais pas un n'échappa. Afin de venger ce crime, un régiment entier avait
+été dépêché dans la montagne. Les Albanais, sans cesse renforcés après
+cet exploit, s'étaient retirés au nord, vers Darma. Près de cette ville,
+ils avaient préparé pour les Serbes une nouvelle embuscade, ayant
+projeté de les laisser gagner le centre d'un ravin escarpé et prêts
+alors à leur lancer, des hauteurs, des quartiers de roc et à les
+canarder en même temps, leur infligeant d'effrayantes pertes. Rien
+d'étonnant à ce que le commandant serbe, deux jours après un tel
+événement, demeurât soucieux et préoccupé.</p>
+
+<p>Pendant quelques moments nous examinâmes entre nous la situation, après
+quoi nous décidâmes que rien ne serait changé à notre plan. Nous
+concluions, en effet, que notre situation vis-à-vis des Albanais était
+d'autant meilleure que nous n'avions avec nous aucun Serbe, D'autre
+part, l'homme que Tchoulef nous avait procuré pour conduire nos chevaux
+de bât était lui-même Albanais, un garçon blond, à bec-de-lièvre,
+propriétaire à Okrida; il serait homme à intervenir utilement en notre
+faveur, le cas échéant, à moins que nous n'eussions la malchance d'être
+pris comme cible d'un tir à longue portée.</p>
+
+<p>Pendant deux heures et demie nous trottâmes lestement le long du rivage
+plat du lac d'Okrida, gagnant, à midi, la ville de Struga, dernier point
+habité par des Bulgares. Là, notre résolution faiblit quelque peu. Sur
+l'avis de notre policeman, nous nous rendîmes chez le commandant local
+et lui demandâmes de nous donner une escorte pour accomplir le reste de
+notre voyage.</p>
+
+<p>--Nous sommes en temps de guerre, nous répondit cet officier. Je ne puis
+distraire aucun de mes hommes. Au surplus, je ne vous conseille pas
+d'essayer de continuer votre route.</p>
+
+<p>--Pourquoi? demandâmes-nous, encore que nous connussions bien d'avance
+de quoi il retournait.</p>
+
+<p>L'officier haussa les épaules:</p>
+
+<p>--En raison de la nature de votre permis, continua-t-il, je ne puis pas
+vous interdire de passer. Mais je vous conseille, du moins, d'attendre
+jusqu'à demain pour continuer. Il faut huit heures de cheval pour aller
+à Kyouksi, le plus prochain village, et vous avez devant vous au plus
+cinq heures de jour.</p>
+
+<p>Cette attitude du commandant sembla alarmer notre gardien. Il nous
+informa, hésitant, qu'il allait être contraint de nous quitter là.</p>
+
+<p>--Très bien, lui dîmes-nous. Nous trouverons quelqu'un d'autre.</p>
+
+<p>Des patriotes bulgares ayant appris qui était mon compagnon de voyage,
+une députation s'empressait maintenant de venir à nous pour nous inviter
+à demeurer ici un peu plus longtemps; ils désiraient, disaient-ils,
+avoir l'honneur de nous offrir une légère collation. Quoique nous
+sentissions vivement la nécessité de nous dépêcher, nous nous laissâmes
+conduire par un étroit escalier jusqu'à une chambre basse où une robuste
+grand'mère bulgare nous souhaita la bienvenue avec les plus extatiques
+exclamations de ravissement. Nous lui expliquâmes avec précaution que
+nous avions seulement le temps d'accepter une bouchée de pain et de
+boire une tasse de lait. Mais elle ne voulut jamais se résigner à
+laisser échapper une si belle occasion. Rien n'y fit, et nous dûmes
+attendre qu'elle eût fait cuire à notre intention quelques oeufs et fait
+frire quelques truites fraîchement pêchées dans le lac.</p>
+
+<p class="rig"><img alt="" src="images/008.png"><br><b>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Montagnards albanais sur la route d'Elbassan.</b></p>
+
+<p>Cependant, nous priions une couple de citoyens importants de nous
+chercher quelqu'un qui voulût bien prendre la place de notre gardien
+défaillant. Nous offrions de payer. Mais nous eussions aussi bien pu
+proposer des sous que de l'or, c'était en vain: pas une âme, dans la
+ville, ne se souciait de risquer le voyage. Heureusement, le professeur
+Stephanof avait fait ses études en Amérique. Il comprenait l'utilité du
+«bluff» en certains cas. Se tournant vers notre homme, il lui dit alors
+avec autorité:</p>
+
+<p>--J'en suis désolé, mais je suis obligé de vous ordonner de nous
+accompagner au moins jusqu'à Kyouksi.</p>
+
+<p>C'était un expédient désespéré; mais il réussit. Bien que nous
+n'eussions sur lui aucune autorité, l'homme fut impressionné.</p>
+
+<p>--Je ne connais pas très bien la route, alléguait-il pourtant.</p>
+
+<p>--Nous n'avons besoin de vous que pour l'amour de votre fusil, lui
+répondîmes-nous brièvement.</p>
+
+<p>Sur quoi il courba la tête devant notre volonté.</p>
+
+<p>Faisant à nos hôtes un adieu tardif, nous quittâmes la vieille
+grand'mère qui, tout en larmes, répétait: «Dieu vous bénisse! Dieu vous
+bénisse!»</p>
+
+<p>Tandis que nous étions ainsi hébergés à Struga, l'Albanais à
+bec-de-lièvre qui aurait pu nous guider en toute sécurité dans la suite
+de notre voyage, trompant la surveillance de l'homme qu'en prévision de
+cette désertion nous avions chargé de le guetter, s'était enfui hors de
+la ville avec nos chevaux de charge et nos provisions. Nous ne devions
+plus le revoir qu'à Elbassan.</p>
+
+<h4>PERDUS DANS LA NUIT</h4>
+
+<p>De notre étrange équipée dans les montagnes, durant les vingt-quatre
+heures qui suivirent, sans nourriture, sans sommeil, arrosés de pluie et
+de boue, perdus aussi complètement que le furent jamais hommes au monde,
+je ne saurais dire que peu de chose, encore que je ne sache pas qu'il
+puisse y avoir une chevauchée pareille, autre part que dans cette région
+désolée de rocs et de ravins. Nous grimpâmes lentement, d'abord, dans la
+neige, pour tomber dans une vallée étroite et nue. La nuit vint. Au
+clair de lune, nous traversâmes au petit galop la vallée, puis
+recommençâmes à escalader une autre ligne de montagnes, en suivant le
+cours d'un torrent qu'il nous fallait passer et repasser à chaque
+instant sur d'étroits ponts de bois, jetés à de vertigineuses hauteurs.
+Nous sentions nos chevaux trembler sous nous, tandis que, dans les
+profondeurs sombres, les flots bouillonnaient avec des grondements de
+mauvais augure.</p>
+
+<p>A 9 heures, la route, soudainement sembla s'améliorer. Elle devenait
+plus large et mieux construite. Mais elle était coupée par des centaines
+de ravins ayant de vingt à cent mètres de profondeur et qu'aucun pont ne
+franchissait. Nous pensâmes d'abord que cette route avait été ainsi
+saccagée par les Albanais dans le but de prévenir une invasion. Nous
+apprîmes, plus tard, qu'en réalité, le gouvernement ottoman avait
+commencé, il y a une quinzaine d'années, les travaux de cette
+extraordinaire voie, mais que, fidèles à la méthode orientale, les
+ouvriers n'avaient achevé que les parties qui ne présentaient aucune
+difficulté, laissant de côté tous les obstacles que la nature leur avait
+opposés.</p>
+
+<p>Il était nuit, maintenant. La lune s'était cachée derrière les nuages et
+nous y voyions à, peine. A notre gauche s'enfonçait un précipice abrupt.
+A notre droite se dressait la montagne, pareille à un mur. Toutes les
+dix minutes, en moyenne, nous voyions la route s'effondrant soudain sous
+nos pas, les chevaux près de tomber au fond d'un puits noir; alors, en
+tâtonnant, nous cherchions le moyen de passer de l'autre côté du ravin,
+là où, confusément, nous pouvions entrevoir que reprenait la voie.</p>
+
+<p>Quelquefois, nous perdions complètement notre chemin et devions, pour le
+retrouver, faire de longs détours, passant à gué le cours d'eau,
+mouillés, même à cheval, jusqu'au milieu du corps et perdant un temps
+précieux.</p>
+
+<p>A 2 heures et demie du matin environ, inquiets et épuisés, nous perdions
+complètement notre route, et, nous trouvant dans une petite clairière,
+nous décidâmes d'attendre là le lever du jour. Un arbre se dressait au
+milieu de la clairière. Dans ses branches, selon la coutume albanaise,
+un montagnard avait abrité sa petite moisson de foin. Nous nous
+étendîmes sur la terre humide, au-dessous du précaire abri que formait
+cette meule aérienne.</p>
+
+<p>A l'aube, nous retrouvâmes la route et continuâmes notre voyage. La
+pluie se déversait maintenant en cataractes. Malgré nos imperméables,
+nous étions trempés jusqu'à la peau. Nous pouvions voir, au fond du
+ravin, le torrent se ruer, tout rouge, chargé de fange. Les chevaux
+parfois s'enfonçaient jusqu'aux genoux dans la vase. Ainsi nous
+bataillions quand, vers 8 heures du matin environ, la route tout à coup
+se rétrécit, se rétrécit, s'évanouit.</p>
+
+<p>Comme nous ne pouvions escalader les rocs, à notre droite, non plus que
+traverser le torrent, à notre gauche, il nous apparut que nous n'avions
+plus qu'une ressource: tourner bride vers Okrida. Et nos coeurs
+défaillirent à la perspective de recommencer tant de longs détours, de
+refranchir, au prix des mêmes difficultés, tous ces ravins, ces
+précipices. Nous nous résignâmes, pourtant, puisque l'Albanie, nous
+disions-nous, était ainsi faite. Nous avions du moins acquis quelques
+notions touchant ce pays peu connu.</p>
+
+<p>Vers midi, nous rencontrâmes un pâtre, lequel nous apprit que, le soir,
+dans l'obscurité, nous avions dépassé Kyouksi. La petite ville était,
+nous dit-il, située très haut dans les montagnes, de l'autre côté de la
+vallée. Il ne voulait pas croire que nous avions voyagé toute la nuit
+sur la route du gouvernement turc, prétendant avec insistance qu'elle
+était absolument impraticable et que c'était une merveille que nous
+fussions arrivés jusqu'à son propre pâturage.</p>
+
+<p>Peu après la pluie cessa. Pour la première fois nous pouvions jeter un
+regard autour de nous. De grands pics sombres, drapés de nuages roses,
+se dressaient altiers de tous côtés. Sur leurs pointes extrêmes,
+là-haut, nettement distinctes à travers les flottantes brumes,
+s'éparpillaient de minuscules cabanes, de petites pièces de terre,
+cultivée. On n'aurait jamais pu supposer que des hommes pouvaient vivre
+en des lieux aussi élevés et aussi inaccessibles. Pourtant, c'étaient là
+les séjours préférés des Albanais; c'était là qu'ils coulaient une vie
+de réclusion et de solitude qui nous apparaissait comme inconcevable.</p>
+
+<p>Nous atteignîmes à 2 heures de l'après-midi ce Kyouksi si haut perché.
+Nous fûmes reçus avec une grande amabilité par le lieutenant serbe qui y
+commandait. Il nous prit avec lui dans sa rude demeure et alluma dans
+l'étroite cheminée de bois un feu ronflant; il nous laissa nous
+déshabiller afin de faire sécher nos vêtements et nous offrit, après
+manger, un coin pour dormir; en un mot, il s'acquit des droits à notre
+éternelle gratitude.<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">Paul Scott Mowrer.</span></span></p>
+
+<p>--<i>A suivre</i>.--</p><br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/009.png"><br><b>LA LEÇON DE TANGO</b></p>
+
+<p>«Tanguez-vous?» C'est la question qui s'est posée dans les bals, cet
+hiver, d'abord un feu timidement, avec un sourire qui excusait d'avance
+la réponse négative, puis d'un ton plus assuré et n'admettant pas de
+défaite, comme si l'on s'informait de la chose la plus naturelle du
+monde... Il a donc fallu apprendre le tango, et chacun s'est précipité
+avec entrain aux cours des professeurs à la mode, afin d'y recevoir les
+bons principes. Bien avisées, des maîtresses de maison ont organisé chez
+elles de petites réunions, où jeunes gens et jeunes filles s'initient
+aux secrets chorégraphiques qu'ils brûlent de connaître. Et ce sont, le
+soir, pour le cercle d'amis qui forment l'intimité de céans, de
+charmantes leçons, données par une dame experte en l'art d'enseigner les
+pas difficiles dont se compose la danse nouvelle, le «corte», le
+«paseo», la «média luna». Groupés autour d'elle, ses élèves l'écoutent,
+la suivent des yeux, tandis que d'autres, au son de l'infatigable piano,
+s'essaient à appliquer les règles qu'ils viennent d'apprendre... Le
+tango qui s'introduit ainsi dans les salons parisiens n'a rien du tango
+espagnol, dont le nom évoque les «ferias» désordonnées. Argentin
+d'origine, à peine modifié pour avoir traversé les mers, il se présente
+comme une marche à deux, aux mouvements lents et souples, très rythmés
+par la musique. Remplacera-t-il, dans la faveur mondaine, le double et
+le triple «boston», comme ceux-ci taraient emporté sur la valse? Pour le
+moment, il fait fureur, et on ne le trouve pas plus osé que ses
+devanciers. Mais où sont les danses d'antan?...</p>
+
+<br><br>
+
+<h3>COMMENT LES GRECS ONT PRIS JANINA</h3>
+
+<p><i>Notre excellent correspondant M, Jean Leune qui, en compagnie de la
+courageuse Mme Jean Leune, a suivi avec tant de passion et de
+persévérance la campagne des Hellènes en Epire, vient d'avoir la joie la
+plus chère, sans doute, qu'il eût rêvée: après avoir assisté aux
+suprêmes assauts donnés à Janina, il a, des premiers, pénétré dans la
+ville reconquise; il y a été témoin de l'enthousiasme populaire; il a
+assisté tour à tour à l'entrée du Diadoque, au</i> Te Deum <i>d'actions de
+grâces et a, enfin, obtenu du duc de Sparte, aujourd'hui roi des
+Hellènes, une entrevue où le prince s'est montré particulièrement
+aimable. La vaillance de M. et de Mme Jean Leune, l'abnégation toute
+militaire, le courage qu'ils ont montrés depuis tant de semaines leur
+méritaient cette suprême récompense.</i></p>
+
+<p><i>Voici les notes dans lesquelles M. Jean Leune nous narre les événements
+dont il fut témoin:</i></p>
+
+<h4>LES DERNIÈRES JOURNÉES DU DUEL</h4>
+
+<p class="rig">Losetzi, 5 mars.</p><br><br>
+
+<p>Hier matin, à 6 heures 1/2, le canon a commencé de tirer comme il
+n'avait pas tiré depuis longtemps. Enfin, l'attaque était déclenchée.</p>
+
+<p>Toute la journée, nous avons assisté, de Kotortsi, à un duel
+d'artillerie entre Canetta et Bizani, qui, inondé d'une pluie de fer,
+répondait faiblement.</p>
+
+<p>Après une courte interruption, le soir, le feu recommençait à 9 heures
+1/2. Toute la nuit nous l'avons entendu. Grosses pièces de siège et
+pièces de campagne tiraient avec rage. Les Turcs, toujours, répondaient
+à peine.</p>
+
+<p>Vers le matin, la canonnade de nouveau cessa pour reprendre peu de temps
+après, à 7 heures. En même temps, sur notre gauche, c'est-à-dire du côté
+de Bizani, éclatait une très vive fusillade accompagnée d'intenses
+crépitements de mitrailleuses.</p>
+
+<p>Voulant à tout prix voir quelque chose, nous sommes partis à 8 heures
+1/2 de Kotortsi avec l'idée de gagner un sommet quelconque de la
+montagne Aétorachi. Après une rude escalade, nous arrivions sur
+l'avant-dernier sommet dominant Bizani et, en rampant, nous gagnions un
+petit mur-abri.</p>
+
+<p>Pendant une demi-heure environ, nous observons de là les allées et
+venues des obus. Puis nous redescendons vers Kotortsi. Nous y
+rencontrons le général Sapoundsakis, entouré de tout son état-major, se
+dirigeant vers Losetzi, et qui nous engage à le suivre; puis, un peu
+plus loin, le commandant Spanidis, lequel, en passant près de nous, nous
+annonce que ce matin de très bonne heure l'aile gauche a attaqué très
+violemment l'ennemi et pris le village de Manoliassa. De ce côté, les
+Turcs reculent.</p>
+
+<p>A l'extrême droite, les troupes venant de Metsovo ont combattu hier
+toute la journée avec succès contre les Turcs qu'elles ont, là aussi,
+forcés à la retraite; elles sont maintenant tout près de Drisko. Par
+ailleurs, nous apprenons que l'artillerie grecque a fait hier et cette
+nuit énormément de mal à l'ennemi, et que, d'autre part, la 3e division,
+venant de Konitza, au nord-ouest, est aujourd'hui à très petite distance
+de Janina.</p>
+
+<p>A 10 heures 1/2, nous quittons Kotortsi pour gagner Losetzi. Arrivés là,
+nous confions vite notre mince bagage au docteur Stéphanidis, dont nous
+devons être les hôtes, puis nous hâtons de repartir vers le monastère de
+Tsouka qu'on nous a indiqué comme un belvédère superbe pour suivre la
+bataille. De fait, du parc qui environne le monastère, on embrasse et
+les crêtes de Bizani et celles de Manoliassa, les forts de
+Saint-Nicolas, Dourouti et Sadovitza, la ville et le lac de Janina, et
+le fort de Gastritza avec la plaine qui le sépare des montagnes sur
+lesquelles nous sommes. On a une vision d'ensemble très nette de la
+structure du terrain, et l'on constate alors à quel point la nature
+avait supérieurement fortifié Janina. Les travaux de von der Goltz n'ont
+fait que compléter son oeuvre et véritablement l'armée turque avait la
+partie belle à résister.</p>
+
+<p>Quand je pense qu'en décembre, alors que l'armée d'Epire comptait
+seulement quatre bataillons d'evzones, un régiment d'infanterie et la 2e
+division qui tenait les hauteurs de Manoliassa, alors qu'il n'y avait en
+tout et pour tout contre Bizani que quatre pièces de 105 et quatre
+pièces de 75 en batterie à Canetta, quand je pense, dis-je, que dans ces
+conditions le colonel Joanno a osé se lancer contre Bizani avec 4
+bataillons d'evzones!</p>
+
+<p>Pareille tentative, étant donné les conditions dans lesquelles cette
+attaque avait été improvisée et les effrayantes difficultés du terrain,
+prouve que l'armée grecque est encore très jeune. Elle fait penser à ces
+petits enfants qui courent sur les toits sans tomber, parce qu'ils
+ignorent le danger. D'ailleurs, la connaissance du péril ne saurait
+calmer l'héroïque courage de ces hommes. Conscients, désormais, des
+risques courus, ils conservent leur superbe mépris de la mort. Il faut
+souhaiter seulement que les chefs, gardant la faculté précieuse
+d'utiliser tant de vaillance, sachent éviter dans l'avenir d'en abuser.
+Et je ne doute pas que le commandement arrive bien vite à ce sage état
+d'esprit sous la ferme direction de S. A. R. le Diadoque, secondé dans
+sa tâche par notre mission militaire française.</p>
+
+<p>Sur notre gauche, au nord du village de Losetzi, se dressent toute une
+série de hauteurs entre lesquelles sont et les gros canons et les pièces
+de campagne. Les uns et les autres tirent cet après-midi avec
+acharnement. Il est très difficile de voir où tombent les obus.</p>
+
+<p>Sur notre droite, c'est-à-dire au nord-est de Tsouka, sur la montagne
+dont ce village est séparé par un ravin à pic de 500 à 600 mètres, une
+fusillade très nourrie crépite encore, vers le village de Condovrachi.
+Vraisemblablement, ce sont les troupes de Metsovo qui s'en emparent pour
+opérer leur jonction avec la 6e division, ce soir même, conformément aux
+ordres du Diadoque.</p>
+
+<p>A 6 heures, nous quittons Tsouka pour rentrer à Losetzi. Là on nous
+apprend que tout a marché aujourd'hui aussi bien que possible. Tous les
+officiers sont persuadés que l'attaque de demain, qui coïncidera avec
+l'arrivée aux portes mêmes de Janina de la 3° division, amènera la
+chute de la ville.</p>
+
+<h4>«CHRIST EST RESSUSCITÉ! JANINA EST GRECQUE!»</h4>
+
+<p class="rig">6 mars.</p><br><br>
+
+<p>La canonnade s'est fait entendre presque toute la nuit à intervalles
+irréguliers, cessant vers les 3 heures. A 5 heures, les canons grecs
+recommencent de tirer avec acharnement. On entend au loin une fusillade
+nourrie. Ce doit être l'attaque générale.</p>
+
+<p>A 5 heures 1/2, tout cesse. Nous gagnons dans la nuit le monastère de
+Tsouka, notre observatoire. Le silence est complet, impressionnant. Pas
+un coup de canon. Pas même un coup de fusil. Que se passe-t-il donc? Les
+hommes, tout à l'heure, criaient: «Zito «et les premiers zitos étaient
+venus d'Aétorachi, du côté qui touche Bizani. Maintenant, le cri de joie
+monte de toute la ligne. 11 s'est certainement passé quelque chose de
+grave et d'important. Et, quittant le monastère de Tsouka, nous courons
+aux nouvelles vers Losetzi.</p>
+
+<p>Comme nous descendons, une fusillade éclate sur Aétorachi et gagne
+Kotortsi, Lasina, etc. Vraiment, nous ne savons plus que penser. Tout ce
+qui se passe en ce moment nous semble extraordinaire...</p>
+
+<p>Nous arrivons au téléphone... «<i>Christos anesthi!</i> nous crient les
+soldais... (Christ est ressuscité!) Janina est grecque à l'heure qu'il
+est! La nouvelle est officielle. Cette nuit ont commencé les pourparlers
+pour la reddition. Seulement Essad pacha voulait que ses troupes
+restassent libres. Le Diadoque n'a pas accepté et il a ordonné un
+semblant d'attaque générale à 5 heures ce matin. A 5 heures 1/2, Essad
+acceptait toutes ses conditions. Maintenant, nos troupes vont occuper
+Bizani. Ensuite, les bataillons d'evzones du colonel Joanno entreront
+dans Janina...»</p>
+
+<p>Nous n'en demandons pas plus. D'ailleurs, il nous serait impossible en
+ce moment de prononcer une parole... Nous serrons la main à ces braves
+gens et nous gagnons bien vite Losetzi. Mous avons hâte de partir, de
+gagner s'il se peut Janina. L'intérêt est là, maintenant. Mais il nous
+faut d'abord, sur le conseil d'officiers, aller vers Bizani, où se
+trouvent les généraux.</p>
+
+<p>Nous montons, nous montons, et, tout d'un coup, d'une crête que nous
+venons d'atteindre, Bizani nous apparaît comme jamais encore nous ne
+l'avions vu. Quelle chose formidable! Une suite de hauteurs et de
+ravins. Partout des canons, des tranchées, des zones de fils de fer...</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/010small.png"><br><a href="images/010large.png">(Agrandissement)</a><br><b>Carte de la région de Janina.</b></p>
+
+<p>A notre gauche, sur le petit Bizani, des troupes grecques avancent, puis
+se massent sur un mamelon. C'est l'occupation tant rêvée! Pauvres gens,
+l'ont-ils assez mérité, ce triomphe d'aujourd'hui! Sur le grand Bizani,
+très haut et très loin, un tout petit drapeau blanc...</p>
+
+<p>Nous descendons, nous remontons, jetant au passage un coup d'oeil aux
+défenses que nous côtoyons ou traversons. Il en est de très primitives
+qu'on sent avoir été improvisées en hâte. Par contre, un peu plus loin,
+voici des tranchées très bien faites, avec abris souterrains pour les
+hommes, passages souterrains, etc. Les fusils des hommes sont à leur
+place, car les soldats turcs ont été ce matin rassemblés, sans armes,
+vers le village de Serviana.</p>
+
+<p>Soudain, sur le mamelon où nous sommes avec des evzones, conduits par
+leurs officiers, ils arrivent de toutes parts. Ils se répandent dans les
+tranchées, s'équipent, prennent leurs armes, puis se groupent. Ensuite,
+ils défilent devant les evzones, et, devant le commandant du bataillon,
+chaque soldat en passant dépose ses armes. C'est infiniment triste à
+voir...</p>
+
+<h4>DANS JANINA LIBÉRÉE</h4>
+
+<p class="rig">Janina, 6 mars, soir.</p><br><br>
+
+<p>... Enfin, voici Janina, accroupie au bord de son lac bleu, en face de
+l'énorme chaîne de montagnes qui lui cache tout horizon vers le nord.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/011small.png"><br><a href="images/011large.png">(Agrandissement)</a><br><b>Croquis schématique, par M. Jean Leune, de la manoeuvre
+qui a amené la chute de Janina.</b></p>
+
+<p>En avant de la ville, des troupes campent. D'autres sortent et s'en vont
+pour camper plus loin. Ce sont les evzones qui sont arrivés hier soir à
+800 mètres des portes de Janina dans laquelle ils sont entrés ce matin.
+Cela leur suffit, pour éviter de passer sous le feu des forts de
+<i>Bizani</i>, le Diadoque avait arrêté le plan suivant: tourner cette
+position avec son aile gauche, enlever les hauteurs de <i>Tsouka</i>,
+s'emparer des forts <i>Saint-Nicolas, Dourouti</i> et <i>Sadovitza</i>, enfin
+marcher sur <i>Janina</i>. En conséquence, il partagea son armée en deux
+sections (aile droite et aile gauche), dont la composition respective
+est indiqués sur le croquis ci-dessus.</p>
+
+<p>La <i>2e division</i> avec un régiment de cavalerie devait occuper le centre
+de la ligne et manoeuvrer isolément. La masse d'artillerie (4 pièces de
+105, 4 pièces de 150 et plusieurs batteries de 75) était en arrière de
+<i>Canetta</i>.</p>
+
+<p>Les ordres pour les journées des 4 et 5 mars furent les suivants:</p>
+
+<p><i>Aile droite</i>: Des hauteurs d'<i>Aétorachi</i> qu'elle occupe, elle
+exécutera, le 4 mars, un combat démonstratif d'artillerie et
+d'infanterie sur la position de <i>Bizani</i>.</p>
+
+<p>Le 5 mars, l'infanterie fera une reconnaissance offensive pendant que
+l'artillerie, par un tir continu coopérera à l'attaque, générale.</p>
+
+<p><i>2e Division</i> (centre): Le 4 mars, descendre des hauteurs de <i>Canetta</i>
+et occuper les débouchés dans la plaine. Le 5 mars, avancer à cheval sur
+la route de <i>Preveza à Janina</i>.</p>
+
+<p><i>Aile gauche</i>: L'aile gauche est divisée en trois colonnes:</p>
+
+<p><i>1re colonne</i>, composés de la 4e division, en position sur les hauteurs
+à l'ouest de <i>Canetta</i>, exécutera le 4 mars un combat démonstratif. Le 5
+mars, elle s'emparera des collines de la plaine à l'ouest de la route de
+Janina et réglera sa marche sur les autres colonnes de l'aile gauche.</p>
+
+<p><i>2e colonne</i>, composée de 2 bataillons d'evzones, 1 bataillon du 17e
+d'infanterie, des 3e et 15e régiments d'infanterie, se concentrera le 4
+mars à la sortie du défilé de <i>Manoliassa</i>. Le 5, au point du jour,
+attaquer <i>St-Nicolas</i>.</p>
+
+<p><i>3e colonne</i>, de la force de 9 bataillons et 2 batteries de montagne, se
+concentrera le 4 mars derrière la montagne <i>Olitsika</i>. Dans la nuit du 4
+au 5 mars, marcher sur la montagne <i>Tsouka</i>. Le 5 mars, au point du
+jour, attaquer et s'emparer des positions de <i>Tsouka</i>. Envoyer un
+détachement tourner le fort <i>Saint-Nicolas</i> par le nord et coopérer à
+l'attaque de ce fort avec la deuxième colonne venant du sud. Le reste de
+la colonne marchera sur les forts <i>Dourouti</i> et <i>Sadovitza</i>.</p>
+
+<p>Les 2e et 3e colonnes, maîtresses des forts et des hauteurs, se
+réuniront dans la plaine pour marcher de concert sur <i>Janina</i>.</p>
+
+<p>Ils s'en vont très contents, disant eux-mêmes très simplement qu'il faut
+céder la place à d'autres ayant aussi mérité de voir la ville conquise.</p>
+
+<p>Nous entrons dans la ville... Dans les rues, l'enthousiasme est
+délirant, indescriptible. Les malheureux habitants, à force d'acclamer
+leurs libérateurs, n'ont plus de voix! De vieilles femmes aux fenêtres
+pleurent et battent des mains. Des femmes, du pas de leur porte, se
+précipitent vers nous et embrassent ma femme à l'étouffer, lui baisent
+les mains, les vêtements: «Oh! soyez bénis, vous qui nous apportez la
+liberté!»</p>
+
+<p>Au consulat de France, le consul, M. Dussap et sa femme, l'écrivain bien
+connu sous le pseudonyme de Guy Chantepleure, nous reçoivent à bras
+ouverts, car nous sommes les premiers Français qu'ils voient depuis cinq
+mois.</p>
+
+<p>Dans Janina, ville grecque aux mains des Turcs et revendiquée par les
+Albanais, M. Dussap, en toute impartialité et en toute justice, a été
+amené à prendre la défense des Grecs, affreusement malmenés par leurs
+maîtres et tyrans. Et les Janiniotes, en ce jour de joie, n'oublient pas
+ce qu'a fait pour eux le consul de France en ces jours de deuil et
+d'angoisse que furent ces cinq derniers mois. Le nom de M. Dussap est
+sur toutes les lèvres, associé tout naturellement à celui de la France.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/012a.png"><br><b>
+A FIN D'UNE LONGUE RÉSISTANCE.--Les soldats turcs, qui avaient été
+rassemblés à Serviana au moment de la signature du protocole de
+reddition remontent à leurs tranchées sous la conduite de leurs
+officiers; ils s'équipent et reprennent leurs armes, puis vont défiler
+devant les troupes grecques et déposer en tas leurs fusils.</b><i>Phot. Jean
+Laine</i></p>
+
+<p>Il suffit maintenant à Janina de se dire Français pour être
+immédiatement l'objet de mille délicates attentions de la part des
+habitants qui ne savent quoi faire pour vous être agréables et vous
+rendre service. Comme il suffit de se dire Italien ou Autrichien pour
+être immédiatement mis en quarantaine.</p>
+
+<p>Voilà l'inappréciable service qu'un consul intelligent a su rendre ici:
+faire aimer la France et disposer tout naturellement le pays à accepter
+avec joie notre influence tant au point de vue moral qu'au point de vue
+matériel.</p>
+
+<p>A l'état-major, j'allais avoir connaissance du plan d'opérations dont la
+réussite avait jeté, après une lutte si héroïque de part et d'autre, la
+place de Janina aux mains du Diadoque et de son armée (2). La manoeuvre
+fut aussi sagement préparée que, plus tard, elle fut énergiquement
+conduite.</p>
+
+<blockquote><span class="sml"><b>Note 2:</b> Les explications qu'on trouvera au-dessous du croquis de la page
+précédente résument clairement, d'après les ordres mêmes de
+l'état-major, toute l'opération et permettent de suivre sur la carte la
+marche des divers corps en vue du résultat décisif.</span></blockquote>
+
+<p>Il y avait à la base de la tactique une de ces ruses de guerre vieilles
+comme le monde et qui pourtant ont le plus souvent de grandes chances de
+réussite: le Diadoque fit croire à son armée--certain que l'armée turque
+ne le pourrait ignorer longtemps--que l'attaque se ferait par la droite,
+entre Bizani et Gastritza. En même temps, il rassemblait, dès lundi
+dernier, à Emin Aga, toutes les réserves de ses divisions. Il
+constituait ainsi, en deux jours, au centre, une solide masse de
+manoeuvre, forte de vingt-trois bataillons et de six batteries de
+montagne. Cette masse pouvait être portée rapidement soit à gauche, soit
+à droite, suivant que les Turcs tomberaient ou non dans le piège, ils y
+tombèrent puisqu'ils dégarnirent en partie leur droite pour renforcer
+leur gauche, vers Kotzelio. Mais, par ailleurs, craignant toujours une
+attaque vers Manoliassa, ils renforçaient sur ce point leurs troupes.</p>
+
+<p>Le Diadoque divisa alors ses vingt-trois bataillons, dont la 4e
+division, en trois colonnes sous le commandement général du général
+Moskopoulos. Deux colonnes fortes de quatorze bataillons et de quatre
+batteries de montagne partaient à l'est d'Olitsika, l'une dans la vallée
+de Manoliassa, l'autre (4e division) sur les crêtes mêmes de Manoliassa.</p>
+
+<p>La troisième colonne (neuf bataillons et deux batteries) partit le mardi
+soir, passa derrière Olitsika, fit toute la nuit une marche forcée sur
+un sentier gelé où les hommes glissaient et tombaient à tout instant. A
+7 heures du matin, cette colonne arrivait sans être aperçue à 150 mètres
+des tranchées de Tsouka. Elle tombait à l'improviste sur les Turcs qui,
+surpris, faisaient un semblant de résistance puis s'enfuyaient.</p>
+
+<p>La chute de Tsouka amena la chute d'une position dite de «la côte 750»,
+puis du fort Saint-Nicolas, et ensuite du fort de Dourouti. Sur ces
+différentes positions, dix pièces de canon étaient prises.</p>
+
+<p>Le fort de Bizani essaya bien, dans la journée, d'empêcher la marche en
+avant des troupes grecques en bombardant Manoliassa, Saint-Nicolas et
+Dourouti; ce fut en vain.</p>
+
+<p>Les troupes turques battaient en retraite vers Bapsista. Alors,
+l'artillerie de montagne vint se mettre en batterie de ce côté. Elle
+tira sur les Turcs avec des obus explosifs qui allaient transformer la
+retraite en une fuite éperdue.</p>
+
+<p>A 4 heures du soir, la colonne du centre, composée d'evzones, qui était
+passée par la vallée de Manoliassa, arrivait à 800 mètres des portes de
+la ville, après avoir coupé tous les fils télégraphiques entre Bizani et
+Janina. Dès ce moment, la ville était perdue pour les Turcs.</p>
+
+<p>Ce fut alors qu'Essad pacha fit venir les consuls et les pria d'adresser
+en son nom au Diadoque des propositions pour la reddition de la ville,
+ce qui fut fait. Un peu plus tard, dans la nuit, vers 2 heures du matin,
+le vicaire du métropolite et plusieurs officiers turcs se rendaient en
+automobile auprès du Diadoque pour arrêter définitivement les clauses de
+la reddition, ce qui fut très simple, puisque Essad pacha livrait la
+ville, les forts, leur matériel, et se constituait prisonnier, lui et
+son armée, sans aucune condition.</p>
+
+<p>Mais presque toute l'armée grecque ignorait cette reddition, et c'est
+pourquoi l'extrême droite fit le matin, à 5 heures, cette attaque que
+tout le monde, de ce côté, avait cru être l'attaque décisive. Les Turcs,
+ignorant également qu'Essad pacha avait rendu la ville, ripostèrent.
+Mais, tout de suite, des deux côtés, les ordres de cesser le feu
+arrivèrent, ce qui fit que le combat ne dura qu'une demi-heure.</p>
+
+<h4>UNE AUDIENCE DU DIADOQUE</h4>
+
+<p class="rig">Janina, 9 mars.</p><br><br>
+
+<p>Comme nous flânions, hier, par les rues, le Diadoque vint à passer, à
+pied, avec son aide de camp, le commandant Calinski. Il s'arrêta devant
+nous et dit au commandant: «Présentez-moi, je vous prie, ce couple
+extraordinaire qui enfreint toujours mes ordres!»</p>
+
+<p>Le commandant s'exécuta très gentiment. Alors, le prince nous dit:</p>
+
+<p>--C'est comme cela que vous avez suivi mon armée en Macédoine, et que
+vous avez encore trouvé moyen de la suivre ici? Vous avez une fière
+volonté, vous savez.</p>
+
+<p>--En effet, Altesse, répondit ma femme, car vos interdictions
+perpétuelles m'ont valu de faire des 30 kilomètres par jour et de subir
+maints désagréments.</p>
+
+<p>--Je vous admire, madame... Que voulez-vous de moi, maintenant? Alors
+nous avons sollicité du prince une entrevue particulière qu'il nous
+accorda pour ce matin.</p>
+
+<p>L'accueil du Diadoque fut d'une simplicité, d'une cordialité charmantes.
+Après nous avoir félicités de tout ce que nous avions fait, il nous
+parla de son armée, de «ses enfants», comme il appelle ses soldats. 11
+nous dit combien il les aimait. Et puis, il nous exprima aussi les
+espoirs qu'il mettait en une armée qui venait de se révéler si belle et
+si vaillante...</p>
+
+<p>Les espoirs que fonde le prince royal sur son armée, mais ils sont ceux
+de tout l'hellénisme. Et c'est avec le plus grand sérieux que l'on doit
+désormais écouter les Grecs exposer leurs rêves de demain. L'on n'a plus
+le droit aujourd'hui de rire de leur «grande idée»,--la marche à
+Constantinople, le retour à la capitale des ancêtres, à la ville
+magnifique de Constantin, lorsqu'on a vu ces troupes supporter, sans
+faiblesse, ce que nous les avons vues endurer pendant cette campagne,
+sur la montagne, dans la neige, sous la pluie et le vent, et lorsque,
+après toutes ces souffrances, on les voit prendre une forteresse comme
+Janina, où elles défilent ensuite avec l'aspect de troupes qui
+n'auraient pas fait plus de quinze jours de campagne par de beaux jours
+de printemps!</p>
+
+<p>Le soldat grec vient de prouver d'une manière éclatante que son
+étonnante sobriété ne nuit en rien à sa résistance. Après cinq mois de
+campagne, ces troupes, comprenant au début bien des éléments à peine
+dégrossis, sont aujourd'hui entraînées, instruites et aguerries.</p>
+
+<p>Elles ne sont, par ailleurs, nullement fatiguées, et telles quelles,
+physiquement et moralement, elles seraient toutes prêtes pour une
+nouvelle campagne.</p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/012b.png"><br><b>
+Sur Bizani: canon Krupp de 9 cent., démoli par<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;un obus grec et projeté dans le ravin, en<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;arrière de la batterie.</b>--<i>Phot. J. Leune.</i></p>
+
+<p>Tous les officiers turcs que nous avons vus s'accordent à reconnaître
+l'extraordinaire valeur combative, qu'ils ne soupçonnaient nullement, de
+l'armée hellène. Ils admirent sans réserve le plan du Diadoque, dont
+l'exécution a amené la chute de la ville.</p>
+
+<p>«La Grèce, disent-ils tous, a trouvé en son futur roi un véritable
+général, comme elle a trouvé en Venizelos un des plus grands hommes
+d'État de l'époque moderne. Ah! si nous avions un Venizelos, nous
+aussi!»</p>
+
+<p>Puis, comme nous parlions de la guerre balkanique en général, ils nous
+ont dit:</p>
+
+<p>«Notre adversaire le plus redoutable dans cette guerre n'a pas été, quoi
+qu'on en ait dit, la Bulgarie: ce fut la Grèce, dont l'armée nous a pris
+Salonique et vient de nous prendre Janina, dont la flotte nous a pris
+les îles de l'Egée et nous a surtout empêchés de transporter vers
+Tchataldja les 250.000 hommes que nous avons en Asie Mineure, et que le
+manque de routes et de chemins de fer immobilise autour de Smyrne ou en
+Syrie. Ah! la flotte grecque! quel rôle elle aura joué dans cette
+guerre! Mais, sans elle, il y a longtemps que nous serions à Sofia!...»<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">Jean Leune.</span></span></p><br><br>
+
+
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/013a.png"><br><b>Au départ de Tozeur: deux des quatre aéroplanes de
+l'escadrille n'ont pas encore quitté le sol.</b></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/013b.png"><br><b>La ville de Tozeur, telle qu'elle apparaît à une hauteur
+de 300 mètres.</b></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/013c.png"><br><b>Gabès et son oasis, vus à 1.200 mètres d'altitude (au
+fond, la ligne du rivage et la mer).</b></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/013d.png"><br><b>Au départ de Gabès: la ville et le champ de manoeuvres
+d'où partent les aéroplanes.</b></p>
+
+<h3>EN AÉROPLANE AU-DESSUS DE LA TUNISIE: LE RAID DE L'ESCADRILLE DE BISKRA</h3>
+
+<p>Nous avons signalé, dans notre numéro du 8 mars dernier, le beau raid
+accompli par les aviateurs militaires du centre de Biskra, en publiant
+des photographies prises aux étapes de Tozeur et de Gabès. Voici
+aujourd'hui quelques curieuses images des mêmes endroits, vus du haut
+d'un des aéroplanes de l'escadrille, l'appareil Farman du lieutenant
+Reimbert, qu'accompagnait le caporal Dewoitine, auteur de ces clichés:
+les villes, avec leurs oasis qui les entourent de verdure sombre, et
+l'immense étendue du désert, y apparaissent sous des aspects que
+l'objectif n'avait point encore enregistrés jusqu'à présent.</p><br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/014a.png"><br><b>Salle à manger, par Jallot. (Peinture décorative de
+Waldraff;<br> chemin de table de Clément Mère; céramiques de Massoul et
+Luce.)</b></p>
+
+<h3>LE MOBILIER MODERNE AU PAVILLON DE MARSAN</h3>
+
+<p>A plusieurs reprises déjà, depuis quelques années, les Parisiens ont été
+conviés à juger, dans les Salons de peinture et dans les expositions
+spéciales, les oeuvres des artistes du mobilier qui travaillent, en des
+sens différents, à donner un style décoratif nouveau à notre temps. Au
+dernier Salon d'Automne, leur effort s'était affirmé considérable et
+divers. En ce moment même, il se manifeste, avec peut-être moins
+d'ampleur, mais plus de mesure, au pavillon de Marsan, par l'exposition
+de quelques ouvrages, que leur présence au Louvre recommande, si l'on
+peut dire officiellement, à l'examen. L'occasion était favorable de
+montrer comment se développe cette renaissance décorative française que
+proclament les gens avertis et qui, depuis quelques saisons, paraît
+donner des produits de qualité. Pour permettre de les apprécier, la
+photographie en couleurs était nécessaire: elle rend ce qui, dans les
+ameublements soumis à notre goût, est essentiel, les tons variés des
+étoffes et des bois.</p>
+
+<p>La couleur frappe, en effet, dès l'abord, au premier regard jeté sur ces
+petites pièces disposées en des compartiments séparés, comme en des
+décors de théâtre. Elles semblent avant tout composées pour le
+divertissement des yeux.</p>
+
+<p>Le boudoir de dame, bleu, vert et jaune, d'aspect futile et léger, que
+nous reproduisons ici, est caractéristique de cette manière: les teintes
+y sont franches, hardies, vivement opposées. Ailleurs, l'artiste a
+réalisé des combinaisons moins violentes, comme en cette salle à manger
+où se marient les chaudes nuances d'un rouge automnal, relevé pourtant
+par l'éclat d'un coussin émeraude, et en cette chambre à coucher jaune
+clair, ardoise et vert sombre, à laquelle semble avoir contribué
+l'arc-en-ciel de la palette. Si les tapis et les tentures se parent de
+couleurs choisies, la matière même des meubles concourt à l'impression
+d'ensemble: l'art décoratif moderne utilise tous les bois, naturels ou
+vernis, précieux ou frustes, depuis le chêne, le noyer, l'acajou et le
+palissandre jusqu'au citronnier, au camphrier, au cuba, à l'espénille et
+au laurier-rose.</p>
+
+<p>Par les échantillons réunis au Pavillon de Marsan, il serait malaisé de
+déterminer les tendances générales du style actuel. Plusieurs influences
+s'y manifestent: le goût du confortable anglais, la recherche
+ornementale qu'a introduite chez nous la mode persane, se font sentir, à
+des degrés divers, dans le mobilier nouveau. Tel qu'il est, ce style
+s'imposera-t-il? On ne peut encore en décider. La tentative vaut du
+moins d'être signalée, et nous la suivrons avec intérêt, de créer un art
+décoratif de notre temps, en dehors des traditionnelles imitations de
+l'époque de Henri II, de Louis XVI, ou du premier Empire.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/014b.png"><br>
+<b>Boudoir de dame, par Abel Landry.&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;
+Chambre à coucher, par Rapin.</b><br>
+<i>Photo-Couleurs.</i></p><br><br>
+
+
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/015a.png"><br><b>AVANT LE SUPRÊME ASSAUT.-Comment les soldats bulgares, de leurs
+tranchées avancées, distinguaient à l'horizon Andrinople, l'Odrin tant
+convoitée, ses mosquées et ses minarets, dans la dernière période du
+siège.</b>--<i>Phot. C. Woitz.</i></p>
+
+<h3>LA CHUTE D'ANDRINOPLE</h3>
+
+<p>Après Salonique, après Janina, voici qu'Andrinople vient de succomber à
+son tour. La ville héroïque aura résisté près de cinq mois, depuis son
+complet investissement, au début de la seconde quinzaine de novembre.</p>
+
+<p>C'est la résistance d'Andrinople qui avait été la cause principale de
+l'avortement des négociations de Londres. On se rappelle qu'au moment de
+l'armistice, les Bulgares n'avaient pu entamer qu'au sud-ouest et à
+l'ouest les défenses turques, en s'emparant de Kartal-Tépé et d'une
+partie de Papas-Tépé.</p>
+
+<p>Après la révolution militaire de Constantinople et le retour au pouvoir
+des Jeunes-Turcs qui avaient décidé de faire un nouvel effort désespéré
+pour conserver à l'empire la ville héroïque, le bombardement reprenait
+plus terrible; 45.000 Serbes, avec leur matériel de siège, s'étaient
+joints aux Bulgares.</p>
+
+<p>Il était naturel que les Bulgares fussent résolus à obtenir de vive
+force ce gage de haute importance avant d'engager de nouveaux
+pourparlers de paix.</p>
+
+<p>La carte que nous publions ci-contre, d'après les documents précis de M.
+Alain de Penennrun, indique de façon schématique la ligne des défenses
+de la place, et permet de suivre les phases de l'assaut final.</p>
+
+<p>Dans l'après-midi de lundi 24 mars, l'artillerie serbe et bulgare avait
+ouvert sur la ville un feu d'une extrême violence. Après quoi, la nuit
+venue, les assiégeants s'étaient mis en marche, les Bulgares au nord-est
+et à l'est, sous le commandement du général Ivanof, les Serbes conduits
+par le général Stepanovitch, par le sud et l'ouest.</p>
+
+<p>Dans la nuit du 24 au 25 mars, vers une heure, se produisit un premier
+assaut simultané qui mit les assiégeants en possession de plusieurs
+positions importantes. Ils s'emparaient, en moins de trois heures, des
+positions avancées de l'est, capturaient 12 pièces d'artillerie, avec
+leur matériel, 4 mitrailleuses, et 300 hommes environ, ce qui
+rapprochait leurs avant-postes à un kilomètre de la ligne des forts.
+Même progrès simultané dans le secteur ouest et dans celui du sud, où
+les Turcs perdaient 20 canons, 8 mitrailleuses et 800 prisonniers. Au
+nord, Aïvas-Baba et un autre fort étaient également pris.</p>
+
+<p>Le 25 au soir, la situation était la suivante: à l'est, les Bulgares
+s'étaient avancés jusqu'à 200 à 300 pas de la ceinture des forts,
+faisant un millier de prisonniers nouveaux, avec 10 mitrailleuses, 21
+canons dont 7 à tir rapide. Toute la nuit, une lutte acharnée se
+poursuivait pour la possession des derniers ouvrages de Papas-Tépé. Au
+nord-ouest, Ekmektchikeui était pris. A l'aube, les Bulgares occupaient,
+en outre, tout le front est Kestanlik, Kuru-Chesmé, Topyotu, Kavkas,
+etc., tandis qu'au sud les Serbes chassaient devant eux les avant-postes
+turcs, faisant de nombreux prisonniers et s'emparant de canons et de
+mitrailleuses. Le général en chef bulgare pouvait télégraphier que la
+chute de la ville n'était plus qu'une question d'heures.</p>
+
+<p>De fait, au commencement du jour, à la suite de l'occupation des forts
+de l'est, le 23e régiment de Chipka et un régiment de cavalerie bulgare
+entraient, par la chaussée de Lozengrad, dans Andrinople en flammes: le
+feu, en effet, avait été mis à tous les dépôts, à l'arsenal, aux
+casernes, et l'incendie gagnait la ville entière.</p>
+
+<p>Pendant cinq heures encore, Choukri pacha essaya de résister. Enfin, à 2
+heures de l'après-midi, le défenseur d'Andrinople consentait à rendre
+son épée au commandant des troupes serbo-bulgares.</p>
+
+<p>La joie est grande à Sofia et à Belgrade.</p>
+
+<p>Les Bulgares et les Serbes sont unanimes à attribuer le succès aux
+obusiers français récemment expédiés à Andrinople par la Serbie.
+L'artillerie du Creusot aurait décidé du sort de la place. Les grosses
+pièces de siège incendièrent des quartiers entiers de la ville et firent
+dans les forts d'énormes brèches par lesquelles l'infanterie chargea à
+la baïonnette.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/015b.png"><br><b>Andrinople et ses forts, tombés le 25 mars aux mains des<br>
+troupes assiégeantes bulgares et serbes.</b></p>
+
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/016a.png"><br><b>La façade et les deux pignons du bâtiment principal du
+Collège d'athlètes de Reims.</b></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/016b.png"><br><b>Plan du rez-de-chaussée.
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;
+Plan du 1er étage.</b></p>
+
+<h3>LE COLLÈGE D'ATHLÈTES DE REIMS</h3>
+
+<p>Au lendemain des Jeux Olympiques qui se disputèrent à Stockholm en
+juillet dernier, à la suite des défaites nombreuses que subirent nos
+athlètes français dans la plupart des concours, une campagne de presse
+assez active fut menée afin que l'on préparât la revanche de Stockholm
+pour la prochaine Olympiade de Berlin en 1916.</p>
+
+<p>De ce mouvement est né le projet de créer des «collèges d'athlètes».
+L'appellation était heureuse; l'idée venait à son heure; un comité fut
+constitué, et, en octobre dernier, publia un retentissant manifeste.</p>
+
+<p>Celui-ci signalait les ravages de l'alcoolisme et de la tuberculose qui
+atteignent la force française dans ses sources vives. Le meilleur moyen
+de combattre ces fléaux, c'était de généraliser le goût et la pratique
+des exercices physiques, d'appeler aux joies du sport toute la jeunesse
+de la ville ou de la campagne, de préparer des instructeurs, de former
+des éducateurs pour la culture physique.</p>
+
+<p>En même temps, le Collège d'athlètes devait perfectionner les champions
+déjà révélés, parfaire leur condition, les préparer en temps opportun à
+aller dans trois ans, sur les bords de la Sprée, essayer si possible de
+faire triompher les couleurs françaises.</p>
+
+<p>Au bas du manifeste se lisaient ces noms: Auguste Rodin, Jean Richepin,
+le docteur Weiss, Gabriel Bonvalot, le marquis de Polignac, le docteur
+Boucard, Maurice Colrat.</p>
+
+<p>En réalité, la personnalité qui avait décidé du mouvement, celle dont le
+geste de générosité permettait la réalisation du projet, c'était le
+marquis de Polignac. Celui-ci prévoyait, en effet, que la besogne du
+comité d'organisation serait lente, que l'idée de bâtir aux portes de
+Paris un grand collège central, et des établissements de moindre
+importance dans les départements, prendrait, à se, réaliser, des mois et
+peut-être des années.</p>
+
+<p>Mais il n'était pas impossible de construire immédiatement un de ces
+établissements, qui servirait de modèle. Déjà le marquis de Polignac
+avait créé à Reims le plus beau parc de sports qu'il soit donné de voir
+en France. Il décida que, dans des terrains voisins, serait édifié le
+premier des collèges d'athlètes, destiné à un enseignement national de
+la culture physique.</p>
+
+<p>C'est le lieutenant de vaisseau Georges Hébert, dont on connaît la
+méthode, dite naturelle, adoptée dans la marine, qui sera placé à la
+tête de cet établissement, lequel doit théoriquement ouvrir ses portes
+le 1er mai prochain, mais, en réalité, ne pourra accueillir tous ses
+élèves qu'à partir du 1er juillet.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/016c.png"><br><b>Le Collège athlétique de Reims.--Ensemble des bâtiments<br>
+et du stade. <i>D'après les plans de l'architecte E. Redont.</i></b></p>
+
+<p>On trouvera, ci-contre, le plan des installations du terrain réservé au
+Collège d'athlètes. Leur ensemble constitue ce que le lieutenant Hébert
+considère comme le stade parfait pour la pratique de tous les efforts
+athlétiques propres à développer normalement l'individu.</p>
+
+<p>On aura ainsi à Reims:</p>
+
+<p>1° Un centre d'études pour toutes les questions concernant l'éducation
+physique;</p>
+
+<p>2° Un centre de formation d'éducateurs, de professeurs, d'instructeurs,
+d'entraîneurs;</p>
+
+<p>3° Un centre d'athlétisme pour la préparation future d'athlètes et de
+champions en vue des grandes compétitions internationales auxquelles la
+France doit prendre part.</p>
+
+<p>Au lendemain du Congrès international de l'Éducation physique, l'oeuvre
+vient à point pour contribuer à la renaissance physique de notre pays.<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">Paul Rousseau.</span></span></p><br><br>
+
+<h3>LES THÉÂTRES</h3>
+
+<p>Pour inaugurer sa direction de la Renaissance, Mme Cora Laparcerie a
+représenté, de M. Jacques Richepin, <i>le Minaret</i>, une agréable et fort
+galante fantaisie en vers, à propos de laquelle deux artistes, M. Paul
+Poiret et M. Ronsin, ont donné libre cours à leur imagination et ont
+réalisé, le premier des toilettes, et le second des décors inspirés de
+l'Orient, mais d'une originalité de formes et de couleurs aussi hardie
+que séduisante. Rien de plus audacieux comme lignes et comme tonalités
+que les trois tableaux de cette comédie, rien de plus risqué en même
+temps que de plus seyant dans le décolleté que ces costumes féminins,
+sinon le texte même de M. Jacques Richepin aux lestes images et aux
+rimes légères. Une musique adroite de M. Tiarko Richepin en souligne les
+effets, déjà fort bien mis en valeur par une interprétation en tête de
+laquelle on applaudit Mme Cora Laparcerie, MM. Galipaux, Jean Worms,
+Harry Baur, Claudius, Mlles Marcelle Yrven, Mireille Corbé, etc.</p>
+
+<p>L'Opéra-Comique a monté, avec le soin et le goût qu'il assure à tous ses
+spectacles, une pièce lyrique: <i>le Carillonneur</i>, tirée par M. Jean
+Richepin du roman de Georges Rodenbach, <i>Bruges-la-Morte</i>, et mise en
+musique par M. Xavier Leroux. C'est, dans le cadre poétique fourni par
+la vieille ville flamande, un drame psychologique violemment extériorisé
+par M. Jean Richepin et dont le haut talent musical de M. Xavier Leroux
+a mis en valeur tout ce qu'il pouvait contenir de profonde émotion.
+L'interprétation en est excellente avec Mmes Marguerite Carré et Brohly,
+MM. Beyle, Boulogen, Vieuille, Vigneau.</p>
+<br><br>
+
+<h3>DOCUMENTS et INFORMATIONS</h3>
+
+<p class="rig"><span class="sc">Tuberculose et alcoolisme à la Côte d'Ivoire.</span></p><br><br>
+
+<p>Dernièrement nous signalions, d'après les observations du docteur
+Remlinger, les progrès inquiétants de l'alcoolisme au Maroc.</p>
+
+<p>Mais le Maroc n'est pas le seul point de l'Afrique où cette importation
+du plus dangereux et du plus recherché des produits de notre vieille
+civilisation exerce déjà des ravages.</p>
+
+<p>Chez les noirs de la Guinée française, qui, il y a quelques années
+encore, se montraient naturellement réfractaires à la tuberculose, cette
+maladie devient de plus en plus fréquente. A Bassam, le docteur Sorel a
+trouvé 21 tuberculeux sur 100 noirs, alors qu'à 350 kilomètres de la
+côte, à Bouaké, lorsque le rail n'y arrivait pas encore, c'est à peine
+si l'on trouvait 2 tuberculeux sur 100 indigènes.</p>
+
+<p>L'explication de ce phénomène est simple: en 1901, les importations
+d'alcool à la Côte d'Ivoire étaient de 1.406.433 litres en 1911, elles
+étaient de 2.263.582 litres; et le temps n'est pas loin où, pour
+récompenser l'indigène, on lui donnait des gratifications en alcool de
+traite.</p>
+
+<p>L'oeuvre d'abrutissement est encore précipitée par la qualité des
+alcools mis en circulation. Ce sont surtout des genièvres de Hollande,
+des rhums d'Angleterre et d'Allemagne, des mixtures innommables où l'on
+trouve en notable quantité du furfurol et de l'aldéhyde.</p>
+
+<p>Il arrive à la Côte d'Ivoire, sous pavillon allemand, des bateaux
+appelés <i>Gin-Boats</i>, dont le nom seul précise suffisamment la qualité du
+chargement.</p>
+
+<p>Aussi les navigateurs côtiers constatent-ils que la superbe race de la
+côte de Krou, où l'on recrutait jadis les noirs pour les équipages,
+n'est plus que l'ombre de ce qu'elle était il y a trente ans, et que
+l'on ne trouve plus d'hommes.</p>
+
+<p>Et, cependant, on parle beaucoup, chez nous, de lutte contre la
+tuberculose. Cette lutte, sans doute, n'est pas un produit d'exportation
+capable de rivaliser avec l'alcool de traite.</p>
+
+<p class="rig"><span class="sc">La population de Panama</span>.</p><br><br>
+
+<p>On sait que la République de Panama a concédé aux États-Unis une bande
+de terrain d'environ 16 kilomètres de largeur, située de part et d'autre
+du canal, et nommée <i>Canal Zone</i>.</p>
+
+<p>D'après le dernier recensement, la population de cette zone comprend
+62.000 personnes, contre 50.000 en 1908. A ce chiffre, il y a lieu
+d'ajouter 9.000 employés aux travaux du canal, qui habitent les villes
+de Colon et de Panama.</p>
+
+<p>Dans la zone on compte: 19.000 blancs, 31.000 noirs, 10.000 métis, 500
+jaunes, 300 Hindous, etc.</p>
+
+<p>Au point de vue de la nationalité, la population se répartit ainsi:
+Grande-Bretagne, 30.000; États-Unis, 11.000; Panama, 7.000; Espagne,
+4.000; France, 3.000; Colombie, 1.500; Grèce, 1.200; Italie, 800; Chine,
+500, etc.</p>
+
+<p>Enfin, la population zonière comprend 17.000 femmes.</p>
+
+<p class="rig"><span class="sc">Du sacré au profane.</span></p><br><br>
+
+<p>Les siècles se rejoignent, et voici que le treizième et le vingtième
+voisinent aujourd'hui, sous le soleil indifférent et immuable, en un
+rapprochement qui a quelque chose de bizarre et d'inattendu.</p>
+
+<p>C'est l'élargissement de la rue des Prêtres-Saint-Germain-l'Auxerrois
+qui, en dégageant une des façades latérales de la basilique et en
+démasquant du même coup la haute coupole et une notable portion des
+grands magasins de la Samaritaine, nous vaut ce tête-à-tête du sacré et
+du profane, qui revêt sans doute aux yeux de l'artiste et du poète un
+caractère d'irrespect à peine atténué par le nom biblique qui s'étale au
+fronton de la maison de commerce.</p>
+
+<p>Rien de plus naturel cependant que le contraste de ces deux
+architectures, que personne ne songera à comparer entre elles, et qui
+toutes deux sont admirablement appropriées au but poursuivi, et atteint.
+Tandis que les purs artistes du moyen âge s'assignaient la pieuse
+mission de ne laisser pénétrer qu'un pâle demi-jour, une lueur douce de
+crépuscule, dans le sanctuaire parfumé d'encens où l'âme se recueille,
+l'architecte du vingtième siècle, M. Frantz Jourdain, avait la tâche,
+lui, de faire se déverser à flots la lumière, par de larges baies
+vitrées, dans le vaste hall où tout un monde s'agite autour des
+nouveautés de saison. Tout est donc pour le mieux. Et même sur la
+gravure qui ne saurait reproduire les couleurs, les nuances, la patine
+vénérable des pierres dont fut bâtie la vieille basilique, les
+polychromies violentes dont s'adorne la coupole du grand magasin, le
+contraste entre le monument sacré et le palais profane, n'apparaît que
+d'une façon relative. Mais, s'il est permis de philosopher quelque peu à
+ce sujet, on ne saurait nier qu'il y ait dans cette juxtaposition de
+l'église et de la maison de commerce un signe des temps. Jadis la
+basilique, souveraine des monuments, élevait vers le ciel sa masse
+géante, tandis qu'à ses pieds, dans son ombre auguste, poussait
+humblement, telle une fleur du pavé, la petite échoppe du marchand.
+Aujourd'hui la petite échoppe s'est enflée, enflée, à faire craindre
+pour elle le sort lamentable de la grenouille de la fable. C'est un
+temple véritable, temple de la lumière, du mouvement et du bruit, qui se
+dresse à côté de la maison du recueillement et de la prière. Ne nous en
+plaignons pas et ne croyons qu'à moitié à la prédiction pessimiste de
+Victor Hugo: «Ceci tuera cela!» Les deux temples gardent leurs fidèles,
+qui d'ailleurs sont souvent les mêmes.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/017a.png"><br><b>Saint-Germain l'Auxerrois et la Samaritaine.</b></p>
+
+<p class="rig"><span class="sc">Encore un Zeppelin détruit.</span></p><br><br>
+
+<p>L'état-major allemand vient encore de perdre un Zeppelin. Ce dirigeable,
+le quinzième de la série, avait été terminé au mois de janvier dernier.
+Long de 140 mètres, cubant 20.000 mètres, il avait donné aux essais une
+vitesse de 102 kilomètres à l'heure. D'autre part, il portait un poste
+de télégraphie sans fil et une plate-forme pour le tir des
+mitrailleuses. C'était donc un des aéronats les plus rapides et les plus
+perfectionnés de la flotte germanique.</p>
+
+<p>Surpris par une tempête, le pilote du Zeppelin essaya d'atterrir sur le
+champ de manoeuvres de Carlsruhe; mais la violence du vent était telle
+que l'énorme masse métallique vint s'écraser sur le sol. Les officiers
+et les hommes à bord purent sauter à terre sans éprouver grand dommage,
+et leur salut paraît d'autant plus étonnant que le dirigeable fut
+littéralement réduit en miettes. A diverses reprises déjà nous avons
+publié des photographies montrant sous des aspects plus ou moins
+pittoresques la carcasse brisée d'un Zeppelin; aucune ne donne une
+impression d'anéantissement aussi complète que celle que nous
+reproduisons aujourd'hui.</p>
+
+<p class="rig"><span class="sc">La densité des habitants dans les appartements parisiens.</span></p><br><br>
+
+<p>A la suite de chaque recensement, le service général de la statistique
+essaie de nous donner une idée du nombre de personnes habitant une pièce
+d'un appartement dans les divers quartiers de Paris. A cet effet, il
+nous présente des moyennes sans doute fort consciencieusement établies.</p>
+
+<p>Le tableau suivant, qui vient d'être publié, nous indique le nombre
+moyen de personnes logées dans un ensemble de dix pièces, en 1906 et en
+1911, années des deux derniers recensements:</p>
+
+<pre>
+ 1903 1911
+
+ 1er arrond. Louvre......... 9,3 9,1
+ 2e Bourse.......... 10 9,8
+ 3e Temple......... 10,2 9,8
+ 4e Hôtel-de-Ville. 10,6 10,3
+ 5e Panthéon....... 9,8 9,4
+ 6e Luxembourg .... 8,5 8,1
+ 7e Palais-Bourbon. 8,3 7,8
+ 8e Elysée......... 6,6 6,3
+ 9e Opéra.......... 7,6 7,5
+ 10e Saint-Laurent.. 9,4 9,2
+ 11e Popincourt..... 11,5 10,8
+ 12e Reuilly........ 10,7 10,4
+ 13e Gobelins....... 12,3 11,6
+ 14e Observatoire... 10 9,9
+ 15e Vaugirard...... 10,6 10,2
+ 16e Passy.......... 7,1 6,8
+ 17e Batignolles.... 8,5 8,4
+ 18e Montmartre..... 11,2 10,6
+ 19e Buttes-Chaumont. 12,7 12,2
+ 20e Ménilmontant... 12,5 11,8
+</pre>
+
+
+
+<p>On voit que, grâce aux progrès de l'hygiène, sinon au rapetissement qui
+a permis d'augmenter le nombre des pièces dans les appartements
+modernes, les Parisiens sont, <i>en moyenne</i>, un peu moins tassés dans
+leurs maisons qu'il y a cinq ans. Il importe de remarquer, toutefois,
+que, sauf dans deux ou trois arrondissements, la statistique nous
+indique au moins une pièce par personne. Cette moyenne, en de nombreux
+quartiers parisiens, est assez différente de la réalité.</p>
+
+<p class="rig"><span class="sc">Les constructions navales en 1912.</span></p><br><br>
+
+<p>D'après le Lloyd's Register, les chantiers anglais ont lancé en 1912 un
+total de 712 navires de commerce déplaçant ensemble 1.738.000 tonnes,
+dont 17.000 tonnes pour 69 voiliers. Près du quart de ces bateaux ont
+été construits pour des marines étrangères. Parmi les bâtiments à
+vapeur, 16 déplacent plus de 10.000 tonnes et 46 plus de 6.000 tonnes;
+un seul déplace 18.600 tonnes.</p>
+
+<p>Dans les autres pays, y compris les colonies anglaises, on a mis à l'eau
+1.007 bateaux représentant un déplacement de 1.163.000 tonnes. Sur ce
+chiffre, 375.000 tonnes ont été lancées en Allemagne, 284.000 aux
+États-Unis, 110.000 en France, 99.000 en Hollande.</p>
+
+<p>Les constructions navales commerciales dans le monde entier ont donc
+atteint près de 3 millions de tonnes, soit une augmentation de 250.000
+tonnes par rapport à l'année précédente.</p>
+
+<p>Quant aux navires de guerre lancés en 1912, ils représentent environ
+550.000 tonnes.</p>
+
+<p class="rig"><span class="sc">Un ballon-sonde à 37.700 mètres.</span></p><br><br>
+
+<p>M. Gamba, directeur de l'observatoire de Pavie, vient de faire connaître
+les observations recueillies par un ballon-sonde lancé par lui il y a
+quelques semaines et qui est monté à la hauteur prodigieuse de 37.700
+mètres.</p>
+
+<p>Ce ballon, en caoutchouc de premier choix, mesurait 19 centimètres de
+diamètre. Il avait été gonflé à l'hydrogène et on l'avait muni d'un
+léger parachute de soie pour freiner la descente.</p>
+
+<p>Les principales températures enregistrées furent:</p>
+
+<p>A 12.385 mètres d'altitude,-55°,5.</p>
+
+<p>A 19.730 mètres d'altitude,-56°,9 (minimum).</p>
+
+<p>A 37.700 mètres d'altitude,-51°,6.</p>
+
+<p>Comme le fait a déjà été constaté, la température la plus basse ne
+correspond pas à l'altitude maxima; à 10 ou 12 kilomètres du sol, on
+rencontre une couche de plusieurs kilomètres où la température est
+uniforme et au delà de laquelle les variations sont très faibles.</p>
+
+<p>A 37.700 mètres, la pression barométrique n'était plus que de 3
+millimètres.</p>
+
+<p>L'ascension a duré 1 heure 18 minutes. Après éclatement du ballon, la
+nacelle redescendit doucement et s'arrêta à 40 kilomètres du point où
+avait eu lieu le lancement.</p>
+
+<p class="rig"><span class="sc">La frappe des monnaies en 1912.</span></p><br><br>
+
+<p>Pendant l'année 1912, la Monnaie a frappé 110.014.705 pièces
+représentant une valeur de 296.144.555 francs.</p>
+
+<p>La fabrication des monnaies françaises, représentant une valeur de
+248.196.670 fr., a comporté les catégories ci-dessous:</p>
+
+<pre>
+ 20.045 pièces de 100 francs.
+ 10.331.805 20
+ 1.755.507 10
+ 1.000.000 2
+ 10.001.000 1
+ 16.000.000 50 centimes.
+ 9.500.000 10
+ 20.000.000 5
+ 1.500.000 2
+ 2.000.000 1
+</pre>
+
+<p>Mais la Monnaie a travaillé en outre pour l'Indo-Chine, la Tunisie, le
+Maroc, la Grèce et le Venezuela.</p>
+
+<p>D'autre part, il a été procédé à la refonte et à la réfection de
+17.555.070 francs en pièces de 10 francs et 481.410 francs en pièces
+d'or diverses.</p>
+
+<p>La refonte et l'affinage des écus aurifères antérieurs à 1830, et des
+écus à l'effigie de Louis-Philippe, et l'abaissement du titre de 900 à
+835 millièmes, ont procuré un bénéfice de 1.224.038 francs.</p>
+
+<p class="rig"><span class="sc">Le beau raid de deux généraux.</span></p><br><br>
+
+<p>Combien de fois--toutes les fois à peu près que la question du
+«rajeunissement des cadres» revenait sur le tapis--avons-nous eu l'écho
+des appréhensions que pouvaient bien faire concevoir l'état physique de
+certains des chefs de l'armée, leur insuffisante validité, leur manque
+éventuel de résistance, en cas de campagne! Le raid tout à fait
+admirable que viennent d'accomplir deux de nos «Marocains», les plus
+allants et les plus haut cotés, les généraux Dalbiez et Gouraud,
+répondent--au moins pour ce qui les concerne--à ces inquiétudes.</p>
+
+<p>Le général Lyautey convoquait récemment ses deux excellents
+collaborateurs à Rabat. Ils devaient s'y rendre d'urgence, de Meknès où,
+ils étaient, en suivant la ligne d'étapes du nord, celle que jalonnent
+les postes de Dar bel Hamri, Sidi-Aya, Kenitra, soit 155 kilomètres à
+parcourir en deux jours.</p>
+
+<p>Avec une des auto-mitrailleuses dont dispose l'état-major, la chose
+était facile. Mais le mauvais état des pistes, détrempées par la pluie,
+interdisait même de songer à ce moyen de transport rapide. Que faire?</p>
+
+<p>Les deux officiers généraux ne balancèrent pas: ils gagneraient à cheval
+Sidi-Aya, où aboutit actuellement la voie ferrée qu'on pousse
+progressivement et sûrement vers Meknès.</p>
+
+<p>En selle à 7 heures du matin, le général Dalbiez et le général Gouraud
+arrivaient à 14 heures à Dar bel Hamri. Le temps d'y souffler un peu et
+de changer de montures, et ils repartaient une heure après. A 18 heures,
+ils étaient à Sidi-Aya.</p>
+
+<p>Ils avaient parcouru en treize heure 93 kilomètres. Qu'en disent les
+«jeunes»?</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/017b.png"><br><b>Un Zeppelin de 140 mètres de long aplati sur le sol par<br>
+une rafale, au champ de manoeuvres de Carlsruhe.</b></p>
+
+<h3>LE NOUVEAU RÈGNE EN GRÈCE</h3>
+
+<p class="mid"><i>(Voir la gravure de première page.)</i></p>
+
+<p>Aussitôt qu'il eut rendu ses devoirs à la dépouille mortelle de son
+père, à Salonique, le nouveau roi Constantin, abandonnant un moment
+l'armée qu'il vient de conduire si brillamment à la victoire, rentrait à
+Athènes, où il arriva le 20 mars en compagnie de la reine Sophie. Le
+couple royal fut accueilli dans sa capitale avec la plus chaleureuse
+sympathie.</p>
+
+<p>Le lendemain, vendredi, le souverain prêtait devant le Parlement, le
+serment solennel de fidélité à la. Constitution.</p>
+
+<p>Sur l'estrade, élevée au fond de l'hémicycle où siège d'habitude le
+président de l'assemblée, en arrière et au-dessus de la tribune, le roi
+Constantin prit place, ayant à sa gauche la reine Sophie en grand deuil,
+à sa droite le métropolite d'Athènes. Il était entouré des princes ses
+enfants et ses frères, de tous les ministres, du haut clergé.</p>
+
+<p>La cérémonie fut brève et d'une grande simplicité. Le métropolite--c'est
+à ce moment que fut prise la photographie que nous reproduisons ici--lut
+la formule du serment. Puis le roi, la main tendue sur l'évangéliaire,
+jura. Mais le respectueux enthousiasme que témoigna au roi et à la reine
+le Parlement entier donna à cette solennité un caractère
+particulièrement émouvant.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/018b.png"><br><b>L'assassin du roi Georges 1er, entre eux gendarmes
+crétois.<br></b><i>Photographie prise le 19 mars, lendemain de l'attentat.</i></p>
+
+<p>En contraste, un correspondant de Salonique nous envoie la photographie
+de l'assassin du roi Georges prise au lendemain de l'attentat. Ce
+Skinas, avec son oeil mauvais et fiévreux, et l'expression de haine et
+de douleur qui tourmente son visage, est bien le type du dégénéré que
+nous avaient annoncé les dépêches.</p>
+
+<br><br>
+
+<h3>LES FÊTES RUSSES</h3>
+
+<p>Les échos des splendides fêtes du tricentenaire des Romanof ne sont pas
+encore éteints en Russie où l'union de la nation et de la dynastie
+régnante ne parut jamais plus étroite. Nous avons, dans un précédent
+numéro, donné les aspects de la rue, à Saint-Pétersbourg, lorsque le
+cortège impérial se rendit à la cathédrale pour y assister au service
+d'actions de grâces. Le document que nous publions aujourd'hui fixe un
+autre aspect de ces cérémonies commémoratives. Notre gravure représente,
+en effet, l'impératrice douairière recevant, en grand costume d'apparat,
+le 8 mars, dans la salle de concert du Palais d'hiver, les dames de la
+haute société de Saint-Pétersbourg à l'heure même où, dans une autre
+salle du palais, le tsar accueillait les délégations provinciales.</p>
+
+<p>Le lendemain, le souverain inaugurait la Maison du peuple «Empereur
+Nicolas II», fondée par lui pour commémorer le tricentenaire de sa
+dynastie.</p>
+
+<p>Les fêtes du tricentenaire se sont terminées à Saint-Pétersbourg par un
+banquet qui a réuni au Palais d'hiver, en présence de l'empereur, des
+deux impératrices et des grands-ducs, l'émir de Boukhara, le métropolite
+catholique, le khan de Khiva, les délégués mongols, le haut clergé
+orthodoxe, le patriarche d'Antioche, l'archevêque arménien, les
+ministres et tous les hauts dignitaires de l'État avec les représentants
+de la noblesse et des zemstvos et de nombreuses députations, ce qui ne
+représentait pas moins d'un millier d'invités.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/018c.png"><br><span class="sml">L'impératrice.</span><br> <b><span class="sc">
+Les fêtes du tricentenaire des
+Romanof</span>.--Réception, au Palais d'hiver, des dames de l'aristocratie
+russe, par l'impératrice douairière.</b>--<i>Phot. C. E. de Hahn.</i></p>
+
+<br><br>
+
+<h3>UN MOUVEMENT NATIONAL EN SUISSE</h3>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/018a.png"><br><b>Une assemblée populaire, réunie sur une promenade à
+Genève, délibérant<br> et votant sur une grande question d'intérêt
+national</b>--<i>Phot. E. Wenger.</i></p>
+
+<p>Un curieux mouvement, qui s'inspire des idées de liberté nationale si
+chères au coeur des Suisses, vient de se produire à Genève, à Berne, à
+Lausanne, et dans toutes les grandes villes de la Confédération, contre
+le projet de convention du Gothard actuellement soumis aux Chambres
+fédérales.</p>
+
+<p>Ce projet, que le Conseil fédéral a signé avec l'Allemagne et l'Italie,
+étend à l'ensemble des chemins de fer helvétiques le régime de faveur
+qui avait été accordé à ces deux nations, par les traités de 1869 et de
+1878, pour la seule ligne du Gothard; dorénavant, elles bénéficieraient
+de tarifs commerciaux privilégiés sur la totalité des réseaux, sans que
+la réciprocité soit consentie à la Suisse sur les chemins de fer
+allemands et italiens. Dans cette nouvelle convention, nos voisins, en
+très grande majorité, voient une atteinte à leur indépendance
+économique, à leurs règles de neutralité. Et, à quelque parti qu'ils
+appartiennent, ils ont protesté contre elle en de nombreuses assemblées
+populaires, que l'on ne peut manquer de suivre, en France, avec un
+particulier intérêt.</p>
+
+<p>A Genève, dimanche dernier, une grande manifestation, qui se déroula
+dans un calme impressionnant, réunissait sous les marronniers séculaires
+de la Treille, la plus ancienne promenade de la cité de Calvin, des
+milliers de citoyens, comme au temps où le peuple délibérait, dans les
+occasions solennelles, sur les affaires publiques. En tête de la
+proclamation qui les avaient convoqués, on lisait cette phrase extraite
+du message adressé en 1511 par le Conseil de Genève au duc de Savoie:
+«Nous aimons mieux vivre dans une pauvreté couronnée de toutes parts de
+liberté que de devenir plus riches et vivre dans la servitude.» Et le
+rappel de cette fière parole accentuait encore le caractère traditionnel
+de la réunion.</p>
+
+<p>La foule entendit deux orateurs, l'un appartenant au parti conservateur,
+M. Gustave Ador, l'autre au parti radical, M. Besson. Puis, à mains
+levées, elle vota contre l'adoption du projet de convention, et ne se
+sépara qu'après avoir chanté, gravement, le «Cantique suisse».</p>
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/019small.png"><br><a href="images/019large.png">(Agrandissement)</a></p>
+
+<br><br>
+
+<h2>SUPPLÉMENTS</h2>
+
+<p class="mid"><b>Ce numéro est complété par une gravure en taille-douce remmargée: LE
+PRINTEMPS, avec texte sur feuille de garde.</b></p>
+
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/supp2.png"></p>
+
+
+
+<h2>ROSALBA CARRIERA</h2>
+
+<h3>LE PRINTEMPS</h3>
+
+<h4>(PASTEL DU MUSÉE DE DIJON)</h4>
+
+<p>La faveur qui aujourd'hui s'attache à toutes les productions de l'art
+élégant du dix-huitième siècle a remis à la mode, avec La Tour et
+Perronneau, à un plan seulement en arrière, leur heureuse émule comme
+pastelliste, la Vénitienne Rosalba Carriera.</p>
+
+<p>Et voilà des renommées qui reviennent, comme on dit, de loin. Car quelle
+éclipse n'ont-elles pas subie!</p>
+
+<p>Rosalba Carriera eut peut-être moins que les grands maîtres auxquels on
+peut la comparer, sinon l'égaler, à souffrir des dédains d'une certaine
+époque. On lui tint toujours équitablement compte de ce que, n'étant
+qu'une «faible femme», elle ne se fût jamais évertuée vers la puissance
+et la virilité, de la bonne grâce avec laquelle elle se résigna
+simplement à la grâce.</p>
+
+<p>Alfred Sensier qui, voilà tantôt un demi-siècle, à l'époque du pire
+discrédit pour l'art des Watteau et des Fragonard, a publié, autour de
+son <i>Diario</i>, du journal cursif de l'année qu'elle passa à Paris,
+d'avril 1720 à mars 1721, un travail qui demeure la source première de
+tout ce qu'on pourra écrire sur elle, a recherché les causes de cette
+faveur relative dont elle continua de jouir, même en ces temps cruels à
+ceux qu'on appelait les «petits maîtres».</p>
+
+<p>«Son talent, disait-il, n'a ni les proportions, ni la naïveté puissante,
+ni le sens psychologique perdu à son époque des grands portraitistes des
+seizième et dix-septième siècles. Sa forme est affaiblie, et représente
+comme un diminutif des artistes qui l'ont précédée, mais elle a une
+personnalité bien distincte; ses peintures ont un charme tout féminin
+auquel on se laisse aller.»</p>
+
+<p>Se «laisser aller», c'était, en ces jours d'austérité, de passion pour
+le style, tout ce qu'on pouvait faire en faveur de cette charmeuse,--car
+Alfred Sensier est sévère, d'autre part, pour «Frago», pour Lebrun,
+Largillière, Rigaud eux-mêmes: l'art était mort depuis Raphaël. Et à ce
+moment-là, on pouvait acquérir un pastel de Rosalba Carriera pour des
+prix variant de 47 à 820 francs (le portrait de la <i>Comtesse Labbia</i> fut
+payé 440 francs à la vente Piot, en 1864 et, en 1831, à la vente La
+Mésaugère, on avait vu pis: six portraits, avec leurs cadres en cuivre,
+pour 50 francs!)</p>
+
+<p><i>Le Printemps</i>, du musée de Dijon, que nous reproduisons ici, est
+vraiment un morceau très représentatif du talent de la charmante
+portraitiste: un visage aimable, sincère, candide même, sans sourire
+équivoque, sans sous-entendus aux coins des yeux; une gorge fraîche,
+jeune, un bras rond et doux qui ne pose point pour la ligne; une
+allégorie accessible à tous; un brin de lilas, une rose dans un pli de
+draperie... que souhaiter de plus?</p>
+
+<p>Avec ces faciles moyens de séduire, la Rosalba fut tout un an l'idole de
+Paris, où l'avait attirée le mécène Pierre Crozat, celui qu'on appelait
+Crozat le Pauvre,--pauvreté relative, et qui ne l'empêcha pas de former
+un cabinet d'art admirable dont les seuls dessins, la plupart
+aujourd'hui au Louvre, «firent», à sa vente, pour parler comme à l'hôtel
+Drouot, 400.000 livres! Voyageant en Italie, en 1715, il avait rencontré
+cette femme séduisante et cette adroite artiste, et l'avait conviée à
+venir en France, lui offrant chez lui, en son hôtel de la rue Richelieu,
+une hospitalité princière: elle allait accepter cinq ans plus tard.</p>
+
+<p>La renommée de la Rosalba alors était déjà consacrée en Europe.</p>
+
+<p>Fille de braves gens pas très fortunés, mais dignes, Rosa-Alba Carriera
+avait connu des débuts difficiles. Née en 1675, à Venise--où elle devait
+finir ses jours chargés de gloire en 1757, à quatre-vingt-deux ans--elle
+s'initia aux premiers principes de l'art en dessinant, pour seconder sa
+mère, improvisée dentellière afin de subvenir aux besoins du ménage, des
+points de Venise, alors dans toute leur vogue. Puis, la mode passa de
+ces prestigieuses dentelles, aujourd'hui ornement des corbeilles
+princières, quand ce ne sont pas pièces de collections ou de musée. Mais
+le tabac fit fureur: la jeune fille se mit à peindre des miniatures pour
+tabatières.</p>
+
+<p>Enfin, un Anglais, Cole--ou Colle--lui révéla, vers 1704, le métier du
+pastel, perdu, presque oublié. D'un coup, pour ainsi dire, elle saisit
+admirablement toutes les ressources de cet art alerte et délicat. Et la
+voilà devenue pastelliste!...</p>
+
+<p>Sans doute, quand elle vint à Paris, sa place y avait été dévotieusement
+préparée par Pierre Crozat, «le plus grand amateur d'art de l'Europe, le
+plus riche et le plus passionné». Du jour au lendemain, elle y fut
+l'idole de la ville et du théâtre.</p>
+
+<p>Ses premiers modèles y sont Mlle d'Argenon, ou d'Argeneu, une amie de
+Crozat, que Watteau a portraiturée aussi; John Law, le fils du fameux
+auteur du «Système», alors dans tout son fugitif éclat; le prince de
+Conti; des princesses de la famille royale, Mlles de Charolais, de
+Clermont, de La Roche-sur-Yon; enfin, le roi, le petit roi Louis XV
+lui-même (cette oeuvre est probablement celle qui figure aujourd'hui au
+musée de Dresde); --et puis la duchesse de La Vrillière; la duchesse de
+Richemond; la duchesse de Brissac; la duchesse de Lorge, Mme de
+Parabère, l'amie du Régent; Mme de Prie; et, en passant, suprême hommage
+rendu à son talent, Antoine Watteau lui-même demande à poser devant
+elle... Elle était déjà membre de l'Académie de Saint-Luc, à Rome, de
+l'Académie Clémentine de Bologne; l'Académie royale des beaux-arts se
+crut honorée en lui expédiant son diplôme «gratis».</p>
+
+<p>Tant d'heur et tant de gloire ne la grisèrent point. Dans son journal,
+simple mémorandum plutôt, elle note d'un trait les commandes les plus
+illustres, pêle-mêle avec les menus incidents de la vie, les visites,
+les courses, ainsi qu'on dirait aujourd'hui. Rien ne semble l'éblouir,
+rien ne l'attache et ne la retient dans cette ville où elle est adorée,
+adulée, et, Crozat parti pour la Hollande, elle achève en hâte les
+commandes qu'elle a encore, distribue quelques souvenirs; puis, quittant
+le somptueux hôtel dont le magnifique financier lui a laissé pourtant la
+jouissance, elle repart vers Venise.</p>
+
+<p>Le succès l'y attend, fidèle.</p>
+
+<p>Une clientèle d'admirateurs illustres guettait son retour: le cardinal
+Albani, Auguste III, amateur d'art couronné, multiplient les commandes.
+L'impératrice Elisabeth-Christine la demande à Vienne, empressée de
+devenir son élève.</p>
+
+<p>Et sa vie eût fini en apothéose si, en 1749, une infirmité cruelle,
+menaçante de longue date déjà, ne se fût abattue sur elle: cette
+amoureuse éperdue de la couleur, de la lumière, devint aveugle. Ainsi
+l'étoile Rosalba s'éteignit soudainement au ciel vénitien où rayonnaient
+dans un radieux crépuscule d'art Guardi, Canaletto, Tiépolo.</p>
+
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/supp1.png"></p>
+
+<p class="mid">Note du transcripteur: Le supplément «Les Anges Gardiens» ne nous a pas été fourni.</p>
+
+<br><br>
+</div>
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+<pre>
+
+
+
+
+
+End of Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3657, 29 Mars 1913, by Various
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3657, 29 ***
+
+***** This file should be named 37874-h.htm or 37874-h.zip *****
+This and all associated files of various formats will be found in:
+ http://www.gutenberg.org/3/7/8/7/37874/
+
+Produced by Jeroen Hellingman et Rénald Lévesque
+
+Updated editions will replace the previous one--the old editions
+will be renamed.
+
+Creating the works from public domain print editions means that no
+one owns a United States copyright in these works, so the Foundation
+(and you!) can copy and distribute it in the United States without
+permission and without paying copyright royalties. Special rules,
+set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to
+copying and distributing Project Gutenberg-tm electronic works to
+protect the PROJECT GUTENBERG-tm concept and trademark. Project
+Gutenberg is a registered trademark, and may not be used if you
+charge for the eBooks, unless you receive specific permission. If you
+do not charge anything for copies of this eBook, complying with the
+rules is very easy. You may use this eBook for nearly any purpose
+such as creation of derivative works, reports, performances and
+research. They may be modified and printed and given away--you may do
+practically ANYTHING with public domain eBooks. Redistribution is
+subject to the trademark license, especially commercial
+redistribution.
+
+
+
+*** START: FULL LICENSE ***
+
+THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE
+PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK
+
+To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free
+distribution of electronic works, by using or distributing this work
+(or any other work associated in any way with the phrase "Project
+Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full Project
+Gutenberg-tm License (available with this file or online at
+http://gutenberg.org/license).
+
+
+Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg-tm
+electronic works
+
+1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm
+electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to
+and accept all the terms of this license and intellectual property
+(trademark/copyright) agreement. If you do not agree to abide by all
+the terms of this agreement, you must cease using and return or destroy
+all copies of Project Gutenberg-tm electronic works in your possession.
+If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a Project
+Gutenberg-tm electronic work and you do not agree to be bound by the
+terms of this agreement, you may obtain a refund from the person or
+entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph 1.E.8.
+
+1.B. "Project Gutenberg" is a registered trademark. It may only be
+used on or associated in any way with an electronic work by people who
+agree to be bound by the terms of this agreement. There are a few
+things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works
+even without complying with the full terms of this agreement. See
+paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project
+Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement
+and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic
+works. See paragraph 1.E below.
+
+1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation"
+or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project
+Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual works in the
+collection are in the public domain in the United States. If an
+individual work is in the public domain in the United States and you are
+located in the United States, we do not claim a right to prevent you from
+copying, distributing, performing, displaying or creating derivative
+works based on the work as long as all references to Project Gutenberg
+are removed. Of course, we hope that you will support the Project
+Gutenberg-tm mission of promoting free access to electronic works by
+freely sharing Project Gutenberg-tm works in compliance with the terms of
+this agreement for keeping the Project Gutenberg-tm name associated with
+the work. You can easily comply with the terms of this agreement by
+keeping this work in the same format with its attached full Project
+Gutenberg-tm License when you share it without charge with others.
+
+1.D. The copyright laws of the place where you are located also govern
+what you can do with this work. Copyright laws in most countries are in
+a constant state of change. If you are outside the United States, check
+the laws of your country in addition to the terms of this agreement
+before downloading, copying, displaying, performing, distributing or
+creating derivative works based on this work or any other Project
+Gutenberg-tm work. The Foundation makes no representations concerning
+the copyright status of any work in any country outside the United
+States.
+
+1.E. Unless you have removed all references to Project Gutenberg:
+
+1.E.1. The following sentence, with active links to, or other immediate
+access to, the full Project Gutenberg-tm License must appear prominently
+whenever any copy of a Project Gutenberg-tm work (any work on which the
+phrase "Project Gutenberg" appears, or with which the phrase "Project
+Gutenberg" is associated) is accessed, displayed, performed, viewed,
+copied or distributed:
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
+
+1.E.2. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is derived
+from the public domain (does not contain a notice indicating that it is
+posted with permission of the copyright holder), the work can be copied
+and distributed to anyone in the United States without paying any fees
+or charges. If you are redistributing or providing access to a work
+with the phrase "Project Gutenberg" associated with or appearing on the
+work, you must comply either with the requirements of paragraphs 1.E.1
+through 1.E.7 or obtain permission for the use of the work and the
+Project Gutenberg-tm trademark as set forth in paragraphs 1.E.8 or
+1.E.9.
+
+1.E.3. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is posted
+with the permission of the copyright holder, your use and distribution
+must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any additional
+terms imposed by the copyright holder. Additional terms will be linked
+to the Project Gutenberg-tm License for all works posted with the
+permission of the copyright holder found at the beginning of this work.
+
+1.E.4. Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg-tm
+License terms from this work, or any files containing a part of this
+work or any other work associated with Project Gutenberg-tm.
+
+1.E.5. Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this
+electronic work, or any part of this electronic work, without
+prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with
+active links or immediate access to the full terms of the Project
+Gutenberg-tm License.
+
+1.E.6. You may convert to and distribute this work in any binary,
+compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including any
+word processing or hypertext form. However, if you provide access to or
+distribute copies of a Project Gutenberg-tm work in a format other than
+"Plain Vanilla ASCII" or other format used in the official version
+posted on the official Project Gutenberg-tm web site (www.gutenberg.org),
+you must, at no additional cost, fee or expense to the user, provide a
+copy, a means of exporting a copy, or a means of obtaining a copy upon
+request, of the work in its original "Plain Vanilla ASCII" or other
+form. Any alternate format must include the full Project Gutenberg-tm
+License as specified in paragraph 1.E.1.
+
+1.E.7. Do not charge a fee for access to, viewing, displaying,
+performing, copying or distributing any Project Gutenberg-tm works
+unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9.
+
+1.E.8. You may charge a reasonable fee for copies of or providing
+access to or distributing Project Gutenberg-tm electronic works provided
+that
+
+- You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from
+ the use of Project Gutenberg-tm works calculated using the method
+ you already use to calculate your applicable taxes. The fee is
+ owed to the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, but he
+ has agreed to donate royalties under this paragraph to the
+ Project Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments
+ must be paid within 60 days following each date on which you
+ prepare (or are legally required to prepare) your periodic tax
+ returns. Royalty payments should be clearly marked as such and
+ sent to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation at the
+ address specified in Section 4, "Information about donations to
+ the Project Gutenberg Literary Archive Foundation."
+
+- You provide a full refund of any money paid by a user who notifies
+ you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he
+ does not agree to the terms of the full Project Gutenberg-tm
+ License. You must require such a user to return or
+ destroy all copies of the works possessed in a physical medium
+ and discontinue all use of and all access to other copies of
+ Project Gutenberg-tm works.
+
+- You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of any
+ money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the
+ electronic work is discovered and reported to you within 90 days
+ of receipt of the work.
+
+- You comply with all other terms of this agreement for free
+ distribution of Project Gutenberg-tm works.
+
+1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project Gutenberg-tm
+electronic work or group of works on different terms than are set
+forth in this agreement, you must obtain permission in writing from
+both the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and Michael
+Hart, the owner of the Project Gutenberg-tm trademark. Contact the
+Foundation as set forth in Section 3 below.
+
+1.F.
+
+1.F.1. Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable
+effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread
+public domain works in creating the Project Gutenberg-tm
+collection. Despite these efforts, Project Gutenberg-tm electronic
+works, and the medium on which they may be stored, may contain
+"Defects," such as, but not limited to, incomplete, inaccurate or
+corrupt data, transcription errors, a copyright or other intellectual
+property infringement, a defective or damaged disk or other medium, a
+computer virus, or computer codes that damage or cannot be read by
+your equipment.
+
+1.F.2. LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the "Right
+of Replacement or Refund" described in paragraph 1.F.3, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project
+Gutenberg-tm trademark, and any other party distributing a Project
+Gutenberg-tm electronic work under this agreement, disclaim all
+liability to you for damages, costs and expenses, including legal
+fees. YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT
+LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE
+PROVIDED IN PARAGRAPH 1.F.3. YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE
+TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE
+LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR
+INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH
+DAMAGE.
+
+1.F.3. LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a
+defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can
+receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a
+written explanation to the person you received the work from. If you
+received the work on a physical medium, you must return the medium with
+your written explanation. The person or entity that provided you with
+the defective work may elect to provide a replacement copy in lieu of a
+refund. If you received the work electronically, the person or entity
+providing it to you may choose to give you a second opportunity to
+receive the work electronically in lieu of a refund. If the second copy
+is also defective, you may demand a refund in writing without further
+opportunities to fix the problem.
+
+1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth
+in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS' WITH NO OTHER
+WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO
+WARRANTIES OF MERCHANTIBILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.
+
+1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied
+warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages.
+If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the
+law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be
+interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by
+the applicable state law. The invalidity or unenforceability of any
+provision of this agreement shall not void the remaining provisions.
+
+1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the
+trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
+providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in accordance
+with this agreement, and any volunteers associated with the production,
+promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works,
+harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees,
+that arise directly or indirectly from any of the following which you do
+or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
+work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
+Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.
+
+
+Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
+
+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
+electronic works in formats readable by the widest variety of computers
+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
+because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
+people in all walks of life.
+
+Volunteers and financial support to provide volunteers with the
+assistance they need, are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
+goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation web page at http://www.pglaf.org.
+
+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
+http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
+permitted by U.S. federal laws and your state's laws.
+
+The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
+Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
+throughout numerous locations. Its business office is located at
+809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
+business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact
+information can be found at the Foundation's web site and official
+page at http://pglaf.org
+
+For additional contact information:
+ Dr. Gregory B. Newby
+ Chief Executive and Director
+ gbnewby@pglaf.org
+
+
+Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation
+
+Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
+spread public support and donations to carry out its mission of
+increasing the number of public domain and licensed works that can be
+freely distributed in machine readable form accessible by the widest
+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
+($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
+status with the IRS.
+
+The Foundation is committed to complying with the laws regulating
+charities and charitable donations in all 50 states of the United
+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
+considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
+with these requirements. We do not solicit donations in locations
+where we have not received written confirmation of compliance. To
+SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
+particular state visit http://pglaf.org
+
+While we cannot and do not solicit contributions from states where we
+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
+against accepting unsolicited donations from donors in such states who
+approach us with offers to donate.
+
+International donations are gratefully accepted, but we cannot make
+any statements concerning tax treatment of donations received from
+outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
+
+Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
+methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
+ways including checks, online payments and credit card donations.
+To donate, please visit: http://pglaf.org/donate
+
+
+Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
+works.
+
+Professor Michael S. Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm
+concept of a library of electronic works that could be freely shared
+with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project
+Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
+
+
+Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
+editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
+unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
+keep eBooks in compliance with any particular paper edition.
+
+
+Most people start at our Web site which has the main PG search facility:
+
+ http://www.gutenberg.org
+
+This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
+including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
+subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
+
+
+</pre>
+
+</body>
+</html>
+
+
+
+
diff --git a/37874-h/images/000large.png b/37874-h/images/000large.png
new file mode 100644
index 0000000..184d75e
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/000large.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/000small.png b/37874-h/images/000small.png
new file mode 100644
index 0000000..2791e15
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/000small.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/001.png b/37874-h/images/001.png
new file mode 100644
index 0000000..10c4d6b
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/001.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/001a.png b/37874-h/images/001a.png
new file mode 100644
index 0000000..692bc26
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/001a.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/002a.png b/37874-h/images/002a.png
new file mode 100644
index 0000000..379efac
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/002a.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/002b.png b/37874-h/images/002b.png
new file mode 100644
index 0000000..a25e432
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/002b.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/003.png b/37874-h/images/003.png
new file mode 100644
index 0000000..9f01c93
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/003.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/004.png b/37874-h/images/004.png
new file mode 100644
index 0000000..8eea2ed
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/004.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/005a.png b/37874-h/images/005a.png
new file mode 100644
index 0000000..c0e43b7
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/005a.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/005b.png b/37874-h/images/005b.png
new file mode 100644
index 0000000..1daea7d
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/005b.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/005c.png b/37874-h/images/005c.png
new file mode 100644
index 0000000..c4f08ae
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/005c.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/006a.png b/37874-h/images/006a.png
new file mode 100644
index 0000000..dc026fb
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/006a.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/006blarge.png b/37874-h/images/006blarge.png
new file mode 100644
index 0000000..b275367
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/006blarge.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/006bsmall.png b/37874-h/images/006bsmall.png
new file mode 100644
index 0000000..f6ecb5f
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/006bsmall.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/007.png b/37874-h/images/007.png
new file mode 100644
index 0000000..e7b62a5
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/007.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/008.png b/37874-h/images/008.png
new file mode 100644
index 0000000..528e8f6
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/008.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/009.png b/37874-h/images/009.png
new file mode 100644
index 0000000..1189842
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/009.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/010large.png b/37874-h/images/010large.png
new file mode 100644
index 0000000..3a24327
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/010large.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/010small.png b/37874-h/images/010small.png
new file mode 100644
index 0000000..fa7face
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/010small.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/011large.png b/37874-h/images/011large.png
new file mode 100644
index 0000000..b271562
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/011large.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/011small.png b/37874-h/images/011small.png
new file mode 100644
index 0000000..93cd3ff
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/011small.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/012a.png b/37874-h/images/012a.png
new file mode 100644
index 0000000..9534aae
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/012a.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/012b.png b/37874-h/images/012b.png
new file mode 100644
index 0000000..b6363c9
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/012b.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/013a.png b/37874-h/images/013a.png
new file mode 100644
index 0000000..95a0265
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/013a.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/013b.png b/37874-h/images/013b.png
new file mode 100644
index 0000000..1ae15bd
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/013b.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/013c.png b/37874-h/images/013c.png
new file mode 100644
index 0000000..57a1818
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/013c.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/013d.png b/37874-h/images/013d.png
new file mode 100644
index 0000000..0318811
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/013d.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/014a.png b/37874-h/images/014a.png
new file mode 100644
index 0000000..4d6540b
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/014a.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/014b.png b/37874-h/images/014b.png
new file mode 100644
index 0000000..1b6fb9f
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/014b.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/015a.png b/37874-h/images/015a.png
new file mode 100644
index 0000000..94348e5
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/015a.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/015b.png b/37874-h/images/015b.png
new file mode 100644
index 0000000..8025e5f
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/015b.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/016a.png b/37874-h/images/016a.png
new file mode 100644
index 0000000..aa9b988
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/016a.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/016b.png b/37874-h/images/016b.png
new file mode 100644
index 0000000..0031e93
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/016b.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/016c.png b/37874-h/images/016c.png
new file mode 100644
index 0000000..1436a9c
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/016c.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/017a.png b/37874-h/images/017a.png
new file mode 100644
index 0000000..2569a84
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/017a.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/017b.png b/37874-h/images/017b.png
new file mode 100644
index 0000000..f8399f8
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/017b.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/018a.png b/37874-h/images/018a.png
new file mode 100644
index 0000000..70a3f57
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/018a.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/018b.png b/37874-h/images/018b.png
new file mode 100644
index 0000000..94122c0
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/018b.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/018c.png b/37874-h/images/018c.png
new file mode 100644
index 0000000..5b68038
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/018c.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/019large.png b/37874-h/images/019large.png
new file mode 100644
index 0000000..524acff
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/019large.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/019small.png b/37874-h/images/019small.png
new file mode 100644
index 0000000..dbf9df2
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/019small.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/cover.jpg b/37874-h/images/cover.jpg
new file mode 100644
index 0000000..2e804ae
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/cover.jpg
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/supp1.png b/37874-h/images/supp1.png
new file mode 100644
index 0000000..4ae601e
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/supp1.png
Binary files differ
diff --git a/37874-h/images/supp2.png b/37874-h/images/supp2.png
new file mode 100644
index 0000000..1737afa
--- /dev/null
+++ b/37874-h/images/supp2.png
Binary files differ
diff --git a/LICENSE.txt b/LICENSE.txt
new file mode 100644
index 0000000..6312041
--- /dev/null
+++ b/LICENSE.txt
@@ -0,0 +1,11 @@
+This eBook, including all associated images, markup, improvements,
+metadata, and any other content or labor, has been confirmed to be
+in the PUBLIC DOMAIN IN THE UNITED STATES.
+
+Procedures for determining public domain status are described in
+the "Copyright How-To" at https://www.gutenberg.org.
+
+No investigation has been made concerning possible copyrights in
+jurisdictions other than the United States. Anyone seeking to utilize
+this eBook outside of the United States should confirm copyright
+status under the laws that apply to them.
diff --git a/README.md b/README.md
new file mode 100644
index 0000000..38a20bc
--- /dev/null
+++ b/README.md
@@ -0,0 +1,2 @@
+Project Gutenberg (https://www.gutenberg.org) public repository for
+eBook #37874 (https://www.gutenberg.org/ebooks/37874)