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+Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3668, 14 Juin 1913, by Various
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
+
+
+Title: L'Illustration, No. 3668, 14 Juin 1913
+
+Author: Various
+
+Release Date: February 15, 2012 [EBook #38883]
+
+Language: French
+
+Character set encoding: ISO-8859-1
+
+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK
+L'ILLUSTRATION, NO. 3668, 14 JUIN 1913 ***
+
+
+
+
+Produced by Jeroen Hellingman et Rénald Lévesque
+
+
+
+
+
+
+L'Illustration, No. 3668, 14 Juin 1913
+
+LA REVUE COMIQUE, par Henriot.
+
+Ce numéro contient:
+1° LA PETITE ILLUSTRATION Série-Théâtre n° 11: MARIE-MAGDELEINE, de M.
+Maurice Maeterlinck;
+2° Un SUPPLÉMENT ÉCONOMIQUE ET FINANCIER de deux pages.
+
+L'ILLUSTRATION
+_Prix du Numéro: Un Franc._
+SAMEDI 14 JUIN 1913
+_71e Année.--Nº 3668._
+
+M. PIERRE BAUDIN. V.-AMIRAL LE BRIS.
+
+[Illustration: M. POINCARÉ. M. ÉTIENNE. C.-AMIRAL DARRIEUS. M. MOLLARD.
+V.-AMIRAL BELLUE. LE SALUT A L'ARMÉE NAVALE En rade de Toulon: le
+Président de la République, les ministres de la Guerre et de la Marine,
+abordant en chaloupe le croiseur «Jules-Michelet», répondent aux vivats
+de l'équipage.]
+
+
+
+L'Illustration, _qui vient de donner huit pièces de théâtre en sept
+numéros consécutifs, va commencer, dans le prochain fascicule de_ La
+Petite Illustration _(21 juin), la publication d'un roman nouveau dont
+le titre seul éveillera la curiosité du lecteur:_
+
+_UN ROMAN DE THEATRE_
+
+_par_ M. MICHEL PROVINS, _de qui nous avons publié, il y a quelques
+années, une série de nouvelles d'une très délicate et très pénétrante
+observation._
+
+_Puis--après le court intervalle nécessaire encore à l'apparition de
+quelques pièces de théâtre--commencera la publication du roman auquel
+travaille_ M. PAUL BOURGET, _de l'Académie française:_
+
+_LE DÉMON DE MIDI_
+
+
+
+COURRIER DE PARIS
+
+L'ART DE L'ENFANCE
+
+C'est une erreur de croire que tout le monde ait été petit. Je connais,
+moi, des gens à qui cette puissante faiblesse a été refusée, des
+malheureux qui, du premier jour, sont entrés dans la vie comme s'ils
+sortaient de Polytechnique, et qui, aussitôt grands et tout formés, ont
+dû certainement naître avec de la barbe, un porte-monnaie et une canne.
+Et dans le porte-monnaie il y avait déjà quelque chose... Plaignons-les
+d'avoir--en étant tout de suite «un homme»--passé par-dessus le bonheur
+de l'enfance.
+
+Mais s'il vous est arrivé d'être petit, franchement petit, si vous avez
+eu une bonne dont vous teniez, en levant le bras, le coin du tablier, si
+vous êtes souvent tombé de tout votre haut, moins d'un mètre, en
+poussant des cris d'aiglon fracassé, si vous avez aimé jouer, jouer par
+terre, en ce temps que la terre était notre voisine, à portée de nos
+mains, de nos yeux fureteurs et qu'elle nous faisait plaisir à voir, à
+toucher, à tripoter, parce que nous ne savions pas, candides encore, que
+nous y serions ensevelis, et qu'en la grattant de nos petits doigts nous
+ne faisions que de commencer nous-mêmes à creuser notre tombe... si donc
+vous avez été le nain aux mollets nus, occupé pour des heures au ras du
+sol, vous devez vous souvenir des inexprimables délices que nous
+représentait et nous procurait la _maisonnette..._
+
+ *
+ * *
+
+La maisonnette!... c'est-à-dire le petit logis, baroque et nécessaire,
+dont la construction s'imposait si souvent à notre impatience, au désir
+de notre instinct. La maison familiale et paternelle, la maison de
+pierre où il y avait un concierge, un escalier, du gaz et des serrures,
+ne nous suffisait pas. Il nous en fallait, au cours de nos jeux, une
+autre, plus accessible, plus intime, et _pour nous seuls_, qui fût
+cependant une réduction de la grande et de la vraie, qui en fût l'image,
+mais à notre échelle et à notre ressemblance: la maisonnette. Nous la
+cherchions et la possédions déjà dans nos joujoux, dans nos bergeries et
+nos arches de Noë. Mais c'était surtout pour _nous-mêmes_ que nous
+l'exigions, afin qu'elle nous servît et que nous pussions, pendant
+quelques instants dont nous tirions des années, y élire domicile.
+
+Alors nous la bâtissions.
+
+Rappelez-vous. Presque toujours c'était dans un coin du jardin, dans un
+coin retiré que nous voulions sauvage. Il fallait que l'endroit fût un
+peu perdu et à couvert, difficile d'accès et très ombragé, que l'on ne
+vît pour ainsi dire pas de ciel et qu'il y régnât constamment cette
+fraîcheur verte et profonde qui picote et vous monte au nez dans les
+bois. Et des herbes assez hautes (jusqu'au mollet) étaient
+indispensables, ainsi que d'épais fourrés, pour nous donner la pleine
+illusion de la forêt vierge... Il n'était pas mauvais non plus que, pour
+découvrir ce lieu de retraite, l'on fût contraint à plus d'un détour,
+que l'on fît semblant de s'égarer, de consulter des boussoles,
+d'appeler, en mettant ses mains en cornet devant sa bouche, que l'on
+écartât des branches qui résistaient et que l'on prît des petits
+sentiers biscornus comme ceux de la guerre dans les romans de Fenimore.
+
+Si par bonheur nous avions de l'eau et un rocher, c'était le rêve.
+
+ *
+ * *
+
+Il y avait deux sortes de construction: la _maisonnette_ et la _cabane_.
+La première comportait plus d'élégance et de solidité, la seconde
+réclamait moins de soins, mais distribuait peut-être une joie plus
+profonde et plus mystérieuse.
+
+Pour la maisonnette, on avait recours à des paravents tendus de papiers
+à fleurs, à des devants de cheminée 1830 qui, vus par en dessous,
+faisaient les plafonds les plus gais. Des châles de cachemire et des
+fichus attachés par des épingles fournissaient les rideaux. Il y avait
+de vrais meubles, comme dans le salon de papa, et on s'asseyait, les
+genoux au menton, sur les tabourets de pied dont le crin piquait la
+peau. Installation complète et luxueuse. Dans la maisonnette, l'on
+jouait, garçonnets et petites filles, au monde, au monsieur qui fume, à
+la dame, à la soirée, à la visite, au concert, à la dînette, au mariage,
+aux domestiques renvoyés. En étendant la main par la fenêtre, on disait
+à une blonde de six ans, même sous un radieux soleil: «Je crois,
+comtesse, qu'il va pleuvoir.» Et quand l'eau dégringolait à seaux, en
+tambourinant les murs de papier, on sortait se rouler dans les flaques
+en criant: «La ravissante journée!»
+
+Mais la _cabane_ était une source de sensations plus fortes, plus
+durables, plus poétiques aussi.
+
+On l'obtenait avec des vieilles caisses d'emballage, barbelées de clous
+tordus, des planches qui portaient les mots _endroit, envers_ et
+_fragile_; on y joignait du papier goudronné, de la paille, des piquets
+de barrière. Il était naturel qu'elle fût branlante et mal jointe, afin
+de laisser passer le canon des fusils, et elle eût été ratée si elle
+n'avait pas cédé et craqué quand on s'y appuyait. Elle était
+hospitalière au vent, aux intempéries. On pouvait, de l'intérieur, à
+n'importe quel endroit, regarder à son aise au travers pour observer ce
+qui se passait dehors, voir s'il venait un voleur ou des loups. On y
+avait très peur avec un grand courage. On s'y enfermait sans clef, on
+s'y barricadait contre des dangers imaginaires et certains, on y
+guettait tout ce qui pouvait _venir_. On y savourait la vigoureuse
+impression d'être en un pays inconnu, loin de tout, un pays inhabité, au
+point de se demander quand on mangerait,... et quoi?
+
+La cabane faisait penser à la chasse et au naufrage.
+
+ *
+ * *
+
+Et quelquefois aussi, je me souviens que l'on avait recours à _la
+hutte_, réalisée tout simplement par trois branches en fourche, réunies
+à leur extrémité et drapées--ainsi que d'un manteau troué--de la toile
+poussiéreuse qui servait dans la remise à recouvrir «la calèche de chez
+Binder». Au faisceau rustique était suspendue sans retard une marmite
+pleine _d'eau du torrent_ sous laquelle, à plat ventre, on essayait,
+avec des joues toutes rondes, d'allumer un feu qui ne voulait pas
+prendre et dont la fumée vous persécutait. Dans la hutte on n'avait le
+droit d'entrer _qu'en rampant_, et l'on y couchait sur des feuilles, la
+joue contre une pierre. C'est ainsi qu'était goûtée la vie purement
+sauvage, la vie indienne, la vie laponne, la vie dans laquelle on ne
+travaille pas, on n'a pas de dictées, ni de devoirs de vacances, dans
+laquelle on ne fait rien... rien... la vraie vie enfin.
+
+ *
+ * *
+
+Ah! maisonnettes, cabanes, huttes de mon enfance... fragiles abris de
+mon passé qui me paraissiez si solides, si sûrs, et qui n'avez pas su me
+protéger, qui vous êtes écroulés si vite!... qu'êtes-vous devenus?
+
+Je vous avais oubliés... et, l'autre jour, il a suffi que j'aille au
+musée Galliéra, à l'Exposition de _l'Art de l'Enfance_, pour que je vous
+retrouve et que je rentre à la minute dans mes émotions relevées. Je me
+suis recourbé de nouveau--mais beaucoup plus--en franchissant vos portes
+basses. Quand j'ai vu, dans la cour du palais Brignole, se dresser--oh!
+pas bien haut--les toitures des constructions rustiques, aux couleurs
+vives de jouets, quand j'ai vu les rideaux, touchants comme des pans de
+petites chemises, les jardinets pas plus grands qu'une assiette peinte,
+les allées étroites où je ne pouvais plus marcher qu'en mettant tout de
+bon _un pied devant l'autre_, il m'a semblé que, véritablement, je
+fondais, je diminuais pour redescendre à la taille et au niveau de
+l'esprit naïf et du coeur si pur que j'avais alors, et qui n'ont changé,
+grandi, que pour se ternir et démériter. J'avais dans les yeux, dans
+l'oreille et dans l'odorat les visions, les bruits et les senteurs du
+temps de franchise où je ne faisais _qu'éprouver_. L'odeur du sable et
+des toupies, de la peau rose des balles, du bois blanc des pelles et du
+fer des seaux me revenait aux narines comme des parfums de violettes.
+J'aurais voulu être tout seul pour mettre des cailloux dans ma bouche.
+Et si j'avais résolu de faire un pâté, je crois que, du premier coup, je
+l'aurais réussi. Je ne pouvais pas m'arracher de ces jardins de
+nourrice, de ces bosquets de Lilli put, où m'ensorcelaient tant de
+souvenirs, groupés et dispersés, tant d'événements vécus,... que j'eusse
+aimé revivre! Plus que tous les calendriers et que toutes les paroles
+fameuses sur la brièveté de nos jours, ces courtes plates-bandes, ces
+morceaux de gazon, ces piquets de verdure frisée, ces murs de paille et
+de planchettes minces me certifiaient, me prouvaient la fragilité des
+premières années qui, plus promptes, plus légères, s'enfuient et
+s'écartent aussi de nous d'un pied plus vif et plus rapide.
+
+Ces maisonnettes ont beau être faites pour les enfants, elles ne leur
+disent jamais--sur le moment--rien de secret ni de mystérieux. Ils les
+habitent comme de petits animaux sans les apprécier. Et ce n'est que
+bien plus tard, quand ils sont des hommes et qu'ils ne peuvent plus
+entrer dans les cabanes, qu'ils les regrettent.
+
+HENRI LAVEDAN.
+
+_(Reproduction et traduction réservées.)_
+
+
+
+[Illustration: Un hydroplane vogue vers le bâtiment de guerre
+présidentiel.]
+
+LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
+
+A TOULON
+
+Les deux journées que M. Raymond Poincaré, accompagné de M. Pierre
+Baudin, ministre de la Marine, et de M. Étienne, ministre de la Guerre,
+vient de passer à Toulon, la revue navale qui a marqué ce voyage ont
+constitué, au cours des manoeuvres qui s'achèvent cette semaine, un
+magnifique intermède.
+
+Arrivé à Toulon samedi dernier, à 8 h. 1/2 du matin, le chef de l'État
+s'embarquait presque aussitôt, après une visite à l'hôtel de ville, sur
+le croiseur cuirassé _Jules-Michelet_.
+
+Tous les bâtiments de l'armée navale, ayant à leur tête le _Voltaire_,
+battant pavillon de l'amiral de Lapeyrère, avaient quitté le matin la
+rade pour aller attendre en mer le _Jules-Michelet_. Le croiseur,
+arborant le pavillon personnel du Président, aux initiales R. P., défila
+d'abord entre deux files de torpilleurs d'escadre et de sous-marins,
+faisant la haie sur son passage, puis rencontra successivement, comme
+dans une première revue, les divers éléments de l'armée navale.
+
+L'après-midi devait être rempli par une intéressante manoeuvre. Pendant
+le déjeuner, la flotte concentrée se disloquait, se divisait, en vue du
+combat en deux groupes sous le commandement respectif des amiraux Boué
+de Lapeyrère et de Marolles. A une heure, ils étaient à 20 milles l'un
+de l'autre, et l'amiral de Lapeyrère commençait à faire rechercher par
+sa division légère l'adversaire avec lequel il voulait engager le
+combat.
+
+[Illustration: M. Étienne. M. Raymond Poincaré. M. Pierre Baudin. Sur le
+pont du croiseur.]
+
+A 2 heures, les deux forces étaient en présence. Le duel d'artillerie
+commençait.
+
+Il fut suivi, de la part de l'amiral de Marolles de deux attaques de
+torpilleurs qui enthousiasmèrent les spectateurs.
+
+Un duel d'artillerie enfin termina la journée. Puis l'armée entière se
+trouva réunie, en rade des Salins, par un crépuscule radieux.
+
+En guise de fête vénitienne, on offrit, le soir, au Président, la vue
+d'une attaque de nuit, et dans le ciel de sombre azur, où ses couchait
+un mince croissant, les faisceaux des projecteurs emmêlèrent leurs
+rayons.
+
+La journée du dimanche, consacrée à la revue navale, allait offrir un
+spectacle moins pittoresque, peut-être, mais d'une impressionnante
+grandeur.
+
+Le temps était délicieux. Les hydroplanes allaient être de la fête: deux
+monoplans et un biplan évoluèrent, une partie de l'après-dînée autour du
+bateau présidentiel, se mêlèrent aux goélands, jouèrent au milieu des
+barques, égratignèrent la mer, unie comme un beau lac, de leurs sillages
+argentés.
+
+Devant le _Jules-Michelet_, mouillé au milieu de la baie des Vignettes,
+défilèrent tour à tour, conduits par le _Voltaire_, portant l'amiral de
+Lapeyrère, les énormes _Danton_, de la 1re escadre, puis la 2e escadre,
+avec ses cinq _Patrie_, puis les cuirassés moins récents, enfin les
+croiseurs cuirassés de la division légère. Et, dans l'air lumineux, les
+accents de _la Marseillaise_, les notes allègres de la _Marche Lorraine_
+tour à tour, se mêlaient aux vivats protocolaires des équipages, au
+fracas des salves, aux hourras partis des barques lourdes de foule.
+
+[Illustration: A BORD DU CROISEUR «JULES-MICHELET» (7 JUIN).--En route
+pour la revue navale, par un coup de mistral.--_Phot. Marius Bar._]
+
+[Illustration: LES GRANDES MANOEUVRES NAVALES.--Une concentration des
+trois escadres, avec leurs contre-torpilleurs. _Photographie prise du_
+Jauréguiberry, _au retour de Porto-Vecchio._]
+
+[Illustration: LA REVUE PRÉSIDENTIELLE AU LARGE DE TOULON (7 JUIN). Le
+croiseur «Jules-Michelet», ayant à bord M. Raymond Poincaré, passe,
+escorté par un torpilleur d'escadre, entre les lignes cuirassées qui
+s'avancent en sens inverse. _Photographie prise du paquebot_ Carthage,
+_affecté au Parlement et à la Presse._]
+
+[Illustration: En rade des Vignettes, à bord du croiseur
+_Jules-Michelet_: le défilé de l'armée navale devant le Président de la
+République.]
+
+[Illustration: M. Poincaré. A bord du cuirassé _Voltaire_: présentation
+des commandants des bâtiments après le défilé.]
+
+
+
+LES FÊTES DE TOULON
+
+[Illustration: LA REVUE NAVALE DU 7 JUIN AU LARGE DE TOULON.--Arrivée du
+_Jules-Michelet_ battant pavillon présidentiel, entre les lignes
+cuirassées. _Dessin d'Albert SÉBILLE, à bord du répétiteur_
+Jurien-de-la-Gravière.]
+
+En contraste avec la vision de la revue navale recueillie par l'objectif
+que nous publions deux pages plus haut, voici, vu par un peintre de
+marines, un épisode de la même imposante manifestation. Les escadres,
+qui avaient pris la mer le samedi matin, comme nous l'avons dit d'autre
+part, revenaient, un peu avant 9 heures, au-devant du _Jules-Michelet._
+Il leur apparut bientôt, empanaché de fumée, en tenue de combat,--n'eût
+été le pavillon présidentiel flottant à son grand mât. Encore quelques
+minutes, et il s'engageait au milieu de la flotte superbe s'avançant en
+deux files. _Le Voltaire,_ alors, donna le signal du salut. Ce fut,
+pendant près de deux minutes, un glorieux fracas. Il soufflait un
+mistral assez vif qui soulevait, comme pour la mêler aux mouvants
+flocons vomis par les canons, l'écume dont s'ourlaient les vagues,
+cependant qu'un blanc voilier «tout dessus» vent arrière traversait
+d'une allure souple et sûre les lignes de l'armée navale, sans troubler
+un moment cette démonstration guerrière.
+
+
+
+[Illustration: Tunnel Victoria, sur la rampe sud (côté de Brigue). Le
+profil du rocher rappelle celui de la feue reine d'Angleterre.]
+
+LE NOUVEAU GRAND TUNNEL SOUS LES ALPES
+
+LE LOETSCHBERG: DE SON PERCEMENT A SON INAUGURATION
+
+On doit inaugurer le 20 juin le chemin de fer du Loetschberg ou chemin
+de fer des Alpes Bernoises. Cette nouvelle ligne d'accès au Simplon, à
+traction électrique, située entièrement sur territoire suisse, présente
+pour notre pays un intérêt commercial qui n'est pas négligeable; en
+outre, elle atteste une fois de plus la supériorité des constructeurs
+français.
+
+La ligne du Loetschberg, intégralement suisse, a été concédée à un
+groupe d'entrepreneurs français, à l'exclusion de tout élément étranger.
+Ce fait exceptionnel et quelque peu anormal constitue déjà un hommage
+magnifique rendu, avant la lettre, au mérite de nos ingénieurs; la façon
+dont ces derniers ont accompli leur tâche montre à quel point une telle
+confiance était justifiée. Le percement des Alpes Bernoises a été
+commencé quelques mois après l'ouverture de la ligne du Simplon; en un
+si court intervalle, la technique des travaux souterrains n'avait pas
+fait de progrès sensibles. Or, malgré des difficultés aussi grandes,
+parfois même plus grandes, qu'au Simplon; en dépit de «surprises» aussi
+désastreuses, nos compatriotes ont battu, et de très loin, tous les
+records établis par les perceurs de montagnes pour la vitesse
+d'avancement et pour la précision du point de rencontre des équipes de
+chaque versant. En outre, c'est la première fois qu'un travail de cette
+importance, comportant un tunnel de 14.600 mètres et une dépense de 100
+millions, est terminé et livré à l'heure prévue.
+
+A diverses reprises, nous avons tenu nos lecteurs au courant de ces
+travaux; nous allons rappeler brièvement les étapes de l'entreprise.
+
+La grande chaîne des Alpes Bernoises, qui s'étend de la pointe orientale
+du Léman au massif de la Jungfrau, suit une direction sensiblement
+parallèle à la vallée du Rhône; elle isole complètement de cette
+dernière la région de Berne. De la capitale fédérale, on ne pouvait
+jusqu'ici gagner le Rhône et Brigue, point de départ de la ligne du
+Simplon, qu'en faisant un énorme détour. La petite ligne de montagne
+Spiez-Montreux est surtout une ligne de tourisme, elle ne raccourcit
+guère la distance et ne se prête point à un service de trains rapides.
+
+L'idée de percer ce massif, que ne traverse même aucune voie
+carrossable, remonte à une trentaine d'années. Une première concession
+fut accordée à un groupe suisse en 1891, puis transférée en 1897 au
+canton de Berne qui ne réussit point à trouver le concours financier
+dont il avait besoin.
+
+[Illustration: Détail de la nouvelle voie ferrée et des principaux
+tunnels de Spiez à Brigue.]
+
+Un banquier parisien, M. Loste, offrit alors l'appui de capitaux
+français; en même temps un consortium d'entrepreneurs français acceptait
+d'exécuter le projet. Ce consortium, établi en 1906, comprenait les plus
+éminents de nos constructeurs: MM. Allard, Chagnaud, Coiseau, Couvreux,
+Dolfus, Duparchy et Wiriot. MM. Duparchy et Coiseau étant décédés au
+début des travaux, le consortium s'adjoignit un nouveau participant
+français, M. Prudhomme. Les associés confièrent plus spécialement
+l'administration générale de l'entreprise à M. Chagnaud, celui-là même
+qui «enfonça» si magistralement sous la Seine les fameux caissons du
+Métropolitain; la direction générale des travaux échut à M. Zurcher,
+ingénieur en chef des Ponts et Chaussées.
+
+La voie était déjà amorcée par un petit chemin de fer de tourisme entre
+Spiez (sur le lac de Thoune) et Frütigen, qu'il y avait lieu d'adapter à
+la circulation de trains internationaux. La ligne à construire
+commençait donc à Frütigen, à 806 mètres d'altitude. Le parcours total,
+de Frütigen à Brigue, mesure 60 kil. 400 mètres; outre le grand tunnel,
+il comprend 52 tunnels secondaires formant un ensemble de 12 kilomètres
+et dont le plus important a 1.700 mètres.
+
+La ligne suit la vallée de la Kander; en amont de Kandersteg (1.200 m.),
+après avoir fait, à Miltholz, une double boucle, elle entre dans le
+tunnel de 14 kilomètres, qui lui permet de passer sous le col du
+Loetschberg (2.695 mètres) et de déboucher à Goppenstein (1.218 mètres)
+sur le versant nord de la vallée du Rhône, au flanc duquel elle descend
+jusqu'à Brigue (680 mètres).
+
+Les travaux de perforation du grand tunnel commencés à la fin de 1906,
+marchèrent d'abord régulièrement, mais l'année 1908 fut marquée par deux
+catastrophes. Le 29 février, près de la tête sud, à Goppenstein, une
+avalanche ensevelit onze personnes sous les débris de l'hôtel restaurant
+de l'entreprise, endommageant une partie des installations et montrant
+la nécessité de construire de nouveaux logements en casemates. Quelques
+mois plus tard, le 24 juillet, la galerie nord, où l'avancement
+atteignait déjà 2.600 mètres, est en partie comblée par la chute
+soudaine d'une masse d'alluvions provenant d'un ancien lit de la Kander
+au-dessous de laquelle on devait, au dire des géologues les plus
+autorisés, passer en toute sécurité.
+
+[Illustration: Un tournant de la ligne près de Brigue, au-dessus du
+Rhône.]
+
+Le déblaiement et l'achèvement du tunnel, suivant le tracé définitif,
+ayant été reconnus impossibles, on ferme la galerie ensablée par un mur
+de 10 mètres d'épaisseur, traversé de drains pour l'écoulement des eaux.
+On reprend les travaux à plus de 1.400 mètres en arrière, en obliquant
+vers l'est; une courbe inverse ramènera sur l'axe du premier tracé. La
+longueur totale du tunnel, fixée d'abord à 13.735 mètres, se trouve
+ainsi portée à 14.605 mètres, non compris les 1.400 mètres de galerie
+abandonnée.
+
+Le percement suit dès lors son cours normal, et le 31 mars 1911 les deux
+galeries d'avancement se rencontrent sensiblement au milieu du tunnel,
+avec une précision qui n'avait jamais été atteinte et qu'il semble
+difficile de surpasser. Malgré les difficultés résultant de l'adoption
+d'un tracé sinueux, malgré les corrections de nivellement nécessitées
+par l'allongement du souterrain, la déviation des deux équipes a été
+insignifiante, comme le montrent les chiffres suivants:
+
+Écart latéral des axes des deux galeries, suivant
+l'horizontale 257 millimètres.
+
+Écart en hauteur 102
+
+Écart entre la longueur totale prévue (14.605 mètres)
+et la longueur mesurée après le percement 410.
+
+D'autre part, le tableau ci-après montre que la vitesse d'avancement fut
+de beaucoup supérieure à celle réalisée dans la perforation de tous les
+autres grands tunnels européens.
+
+On remarquera que, dans ce relevé, il n'est point fait état des périodes
+d'interruption des travaux. Si, après avoir tenu compte des jours de
+chômage et des arrêts imposés par les deux accidents, on déduit les 140
+jours de perforation à la main et l'avancement correspondant--353 mètres
+pour les deux têtes--l'avancement en perforation mécanique ressort à 11
+m. 95 par jour.
+
+[Illustration: La vallée de la Kander.]
+
+[Illustration: _Tableau comparatif du percement des grands tunnels
+européens._]
+
+La ligne complètement achevée et équipée fut livrée quelques semaines
+avant le 1er mai 1913, date fixée par les contrats.
+
+Un tel résultat honore d'autant plus les constructeurs français qu'ils
+avaient assumé la responsabilité d'une tâche particulièrement difficile.
+Le front d'attaque sud du grand tunnel était à 1.200 mètres d'altitude,
+dans une région parsemée de quelques misérables chalets, ensevelie sous
+la neige durant tout l'hiver, ravagée par les avalanches et reliée à la
+vallée par des sentiers rudimentaires à peine accessibles aux mulets.
+Jamais on ne s'était trouvé dans des conditions aussi déplorables pour
+creuser un souterrain d'une telle importance; il a fallu des prodiges
+d'organisation pour établir les chantiers et assurer le transport des
+matériaux. Pendant la période de travail intensif, les travaux ont
+occupé une armée de neuf mille ouvriers.
+
+Comme couronnement à cette oeuvre grandiose, le consortium des
+entrepreneurs a dû intenter un procès à la Compagnie du chemin de fer.
+Cette dernière refuse de considérer comme un cas de force majeure
+échappant au contrat forfaitaire l'éboulement désastreux de la galerie
+nord, bien que cette galerie ait été percée suivant le tracé imposé par
+la Compagnie, après le rapport de géologues qui s'étaient trompés
+d'environ 80 mètres sur le niveau de la roche où l'on pouvait passer en
+toute sécurité. M. Brandt, constructeur du tunnel du Simplon, eut
+d'ailleurs à se défendre contre des prétentions analogues.
+
+
+
+LES CONSÉQUENCES DE L'OUVERTURE DU LOETSCHBERG
+
+Cette voie d'accès au Simplon est considérée en Suisse comme présentant
+surtout un intérêt régional. Elle permettra au canton de Berne de
+détourner une partie du trafic qui enrichit Bâle par le Gothard, et
+Lausanne par le Simplon.
+
+Pour apprécier le point de vue international et surtout le point de vue
+français, nous tiendrons compte de deux rectifications de ligne, en
+cours d'achèvement: le raccourci Frasne-Vallorbe, qui évitera aux trains
+du P.-L.-M. le détour par Pontarlier, et le raccourci Moutier-Grange
+qui, par un tunnel d'environ 8 kilomètres, diminuera le parcours sur le
+réseau de l'Est.
+
+Dès lors, deux faits se dégagent:
+
+1° Pour la majeure partie de la région située à l'ouest de Cologne, le
+trafic qui gagne aujourd'hui l'Italie par Metz, Strasbourg et le
+Gothard, aura avantage à se diriger vers le Lotschberg en empruntant le
+rail français à Givet, Montmédy, Pagny, etc. Une guerre de tarifs a été
+évitée par des conventions récentes.
+
+En même temps, le réseau de l'Est, désormais relié à Milan par une voie
+sensiblement plus courte que le Gothard, se trouvera dans de meilleures
+conditions pour garder le trafic-voyageurs anglais qu'Ostende n'a pas
+réussi à détourner. Le trajet Nancy-Milan, raccourci seulement de 56
+kilomètres, se fera avec un gain de temps d'environ trois heures.
+
+2° Quant à la distance de Paris au Simplon, elle sera kilométriquement
+plus faible par le Frasne-Vallorbe que par le Lotschberg. Mais les temps
+de trajet seront sensiblement les mêmes.
+
+Ces situations respectives sont résumées dans ce tableau où nous
+indiquons les distances _réelles_, négligeant les distances _virtuelles_
+toujours discutables.
+
+[Illustration: tableau.]
+
+Ajoutons que la nouvelle ligne est assez pittoresque. Entre Frütigen et
+Kandersteg, elle suit la vallée de la Kander, fraîche et verdoyante. Les
+ponts, les viaducs, les surprises de vues au débouché des petits
+tunnels; la boucle de Miltholz, où se superposent trois voies raccordées
+par des tunnels hélicoïdaux, ajouteront au charme du trajet qui ménage
+au delà du grand tunnel une belle vue sur les Alpes du Valais.
+
+F. HONORÉ.
+
+[Illustration: Du nord de la France à Milan par le Saint-Gothard, le
+Simplon, le Loetschberg.]
+
+
+
+[Illustration: Le nouveau et l'ancien directeur, M. Albert Besnard et M.
+Carolus Duran, à la villa Médicis, le jour de la transmission de leurs
+pouvoirs.--_Phot. Ch. Abeniacar._]
+
+A L'ACADÉMIE DE FRANCE A ROME
+
+Depuis une semaine, le nouveau directeur de l'Académie de France à Rome,
+M. Albert Besnard, a pris possession de ses fonctions: une simple et
+touchante cérémonie a consacré la transmission des pouvoirs, et groupé
+une dernière fois, pour de mélancoliques adieux, autour de M. Carolus
+Duran, les pensionnaires de la villa Médicis.
+
+Certes, nulle nomination ne pouvait être accueillie avec plus de faveur
+que ne l'a été celle de M. Albert Besnard; mais M. Carolus Duran était
+adoré des jeunes artistes auxquels, depuis huit années, il consacrait
+ses soins dévoués, prodiguait les conseils, donnait l'affection d'un
+coeur toujours généreux. Aussi de quelles attentions on l'entourait!
+Avec quelles prévenances on s'efforçait de lui adoucir une tâche
+devenue, surtout depuis la mort de Mme Carolus Duran, bien lourde à ses
+épaules! On ne le laissait pas sortir en ville sans sa garde d'honneur,
+que formaient deux ou trois pensionnaires. Et c'était un spectacle
+touchant que de voir ce beau vieillard, tout chenu, au masque si plein
+de caractère encore, cheminant par les rues sous la protection de ces
+jeunes gens empressés, déférents, filiaux pour tout dire.
+
+Ce fut le mercredi 4 juin, que M. Albert Besnard arriva à la villa pour
+prendre possession de sa charge. A peine débarqué à Rome, il avait reçu
+la visite de M. Robert Vaucher, notre correspondant, venu le saluer au
+nom de _L'Illustration_, et, dès les premières minutes de l'entretien,
+s'était révélé ambitieux de conquérir ce même cordial attachement
+qu'avait si bien su s'attirer M. Carolus Duran.
+
+Le nouveau directeur fut présenté par son prédécesseur aux pensionnaires
+dans le grand salon de la villa. Mme Albert Besnard l'accompagnait.
+D'une voix que l'émotion fit bientôt défaillir, M. Carolus Duran
+s'efforça de dire combien les sympathies que lui avaient montrées ces
+«hommes de coeur» qu'il allait quitter lui avaient été précieuses.
+L'allocution se termina dans une accolade: les deux grands artistes, le
+directeur d'hier et celui de demain, tombèrent dans les bras l'un de
+l'autre.
+
+
+
+L'INCIDENT DU DERBY D'EPSOM
+
+Le dramatique incident qui s'est produit, le mercredi de la semaine
+passée, au Derby d'Epsom, alors que se disputait la course, a causé,
+dans toute l'Angleterre, une vive émotion: l'importance nationale de
+cette grande épreuve hippique, l'intérêt passionné qu'elle suscite chez
+nos voisins, l'affluence considérable qu'elle attire--la présence,
+aussi, parmi les concurrents, d'un poulain français _Nimbus_, sur lequel
+on fondait de grands espoirs, et qui eût pu, sans doute, en des
+conditions normales, poursuivre sa chance--devaient donner au geste
+inattendu de cette suffragette, se jetant devant le cheval qui portait
+les couleurs du roi, un retentissement que n'atteignirent point les
+précédents attentats des terribles militantes du «vote pour les femmes».
+
+Brutalement projetée sur la piste et frappée par les sabots du cheval
+dont elle avait provoqué la chute, tandis que son jockey, H. Jones,
+roulait à terre, en se faisant des contusions graves, mais heureusement
+non mortelles, l'héroïne de l'aventure, miss Émilie Davison, fut
+transportée, dans un pitoyable état, à l'hôpital d'Epsom: elle y a
+succombé, dimanche dernier, après une longue agonie.
+
+Miss Davison, qui était âgée de trente-cinq ans, comptait, depuis 1906,
+parmi les suffragettes les plus résolues. Et elle s'était déjà signalée,
+à plusieurs reprises, par son extrême violence. C'est elle qui imagina,
+un jour, de se cacher dans le calorifère de la Chambre des communes pour
+apostropher les députés, et qui, il y a quelques mois, souffleta un
+infortuné pasteur qu'elle avait pris pour M. Lloyd George. Mise en
+prison par neuf fois, elle y manifesta encore son ardeur combattive en
+faisant la grève de la faim, en se barricadant dans sa cellule et en
+tentant de se suicider.
+
+Miss Davison est considérée aujourd'hui par les suffragettes comme une
+martyre de la cause. Au cours d'un tumultueux meeting tenu cette semaine
+à Londres, Mrs Despard a exprimé l'espoir que son sacrifice «allumerait
+une flamme dans le coeur des hommes et les déterminerait à mettre fin à
+une situation redoutable».
+
+[Miss Émilie Davison. Instantané pris quelques jours avant l'incident
+d'Epsom.]
+
+[Sur la piste de l'hippodrome d'Epsom, après l'agressive irruption de la
+suffragette: miss Davison, le cheval _Anmer_ et son jockey, roulent à
+terre.]
+
+L'ASSASSINAT DU GRAND VIZIR A CONSTANTINOPLE
+
+«Le grand vizir Mahmoud Chefket pacha, passant en automobile sur la
+place de la mosquée Sultan Bayazid, pour se rendre au Divan, a été
+frappé d'une balle de revolver à la tempe et, transporté au ministère de
+la Guerre, est mort quelques instants après. Son aide de camp, Ibrahim
+bey, a été tué à côté de lui. Des cinq assassins, un seul a été arrêté.
+La ville est, comme toujours, calme et indifférente.»
+
+Telles sont les nouvelles de Constantinople qui nous arrivent le
+mercredi et le jeudi de cette semaine.
+
+Ainsi le sang de Mahmoud Chefket et d'Ibrahim bey paie le sang de Nazim
+pacha et de Tewfik Kibrizli.
+
+Je revois passer devant mes yeux la tragédie du 23 janvier et Mahmoud
+Chefket pacha lui-même, le lendemain matin, accompagnant le sultan à la
+cérémonie du Sélamlik, puis recevant, le soir, à 3 heures, l'investiture
+du grand vizirat: raide, très droit, yeux étincelants, moustaches de
+chat, l'expression implacablement résolue; et auprès de lui, vivant
+contraste, le cheik-ul-islam, vieillard séculaire, cassé, à la longue
+barbe, les yeux fixés vers le sol, l'air d'un très ancien revenant
+échappé du plus antique, du plus saint, du plus fanatique cimetière de
+Stamboul. Cette incarnation de la jeune Turquie et de l'ancienne,
+affrontées l'une à l'autre, avait quelque chose d'infiniment dramatique.
+Comme aujourd'hui, le peuple de Constantinople demeurait «calme et
+indifférent».
+
+Et cependant, ce général à l'expression si impérieuse, ce bon officier à
+l'allemande, germanophile qui entrevoyait le monde à travers des
+lunettes prussiennes, était un faible, simple instrument aux mains du
+Comité Union et Progrès. Les adversaires de celui-ci n'ont pas frappé à
+la tête.
+
+Les titres de Mahmoud Chefket sont des titres de général de guerre
+civile. Il est célèbre pour avoir, en avril 1009, conduit le 3e corps de
+Salonique contre Constantinople, célèbre pour avoir conspiré la chute du
+cabinet Kiamil et la mort de Nazim. Perte de la Bosnie-Herzégovine,
+perte de la Tripolitaine et de la Cyrénaïque, prolongation inutile de la
+guerre avec les Balkaniques, conditions plus dures de la paix, tels sont
+les résultats qu'il a obtenus, et le bilan de la Jeune Turquie.
+Pourtant, c'était un des meilleurs de son pays, inlassable travailleur,
+ayant tenté de toute son âme la réorganisation de l'armée. Mais il
+semble qu'à un certain point de décadence d'un peuple la bonne volonté
+des individus soit vaine pour le sauver et que les efforts dans ce but
+n'aboutissent qu'à hâter les catastrophes. G. R.
+
+[Illustration: Mahmoud Chevket pacha.--_Phot, Phébus._]
+
+
+
+[Illustration: Sur la lisière du sentier de la Vertu. _Croquis d'après
+nature de J. SIMONT._]
+
+LE MATIN AU BOIS
+
+«Nous n'irons plus au Bois, déclarent quelques grincheux. Le Bois est
+envahi par trop de gens depuis que de Belleville on y peut venir, par le
+Métropolitain, pour trois sous. Et puis, les automobiles y soulèvent
+trop de poussière; et qui osera nous débarrasser de cette poussière-là?
+L'automobile est une reine dont on ne discute plus les volontés; on
+avait essayé de lui fermer deux heures par jour l'allée des Acacias. Ce
+fut un beau tapage! Non, non... nous n'irons plus au Bois.»
+
+[Illustration: Un vieil habitué des allées cavalières.]
+
+Les grincheux ont tort, et c'est Lavedan qui a raison. Il nous disait,
+la semaine dernière, qu'il n'y a rien à Paris de plus délicieux que ces
+deux mois de fin de printemps, de fin de saison parisienne. Mai, juin...
+C'est vrai, mais encore faut-il choisir. Car il y a, même à Paris, dans
+l'instant admirable de l'année où nous voici parvenus, des coins
+privilégiés, et, comme eût dit Dumas fils, des minutes supérieures. Or,
+l'un de ces coins privilégiés, n'en doutez pas: c'est le Bois. Il faut
+aller au Bois. Et il faut y aller le matin. Oh! pas le dimanche, c'est
+entendu; pas le jour où le Métro déverse sur le Bois deux cent mille
+flâneurs; où, de la porte Dauphine et de la porte Maillot, jaillissent
+les cyclistes, en gerbes rasantes; où il pleut sur les pelouses des
+bouteilles vides et des papiers gras; mais en semaine.
+
+En semaine, et _pas trop tôt_. Avant neuf heures du matin, le Bois n'a
+pas sa vraie physionomie. Le Bois n'est pas en beauté. Je veux dire que,
+pour la parfaite joie de nos yeux, il n'est pas ce qu'il sera deux
+heures plus tard; ce qu'il faut qu'il soit pour être quelque chose
+d'unique au monde.
+
+[Illustration: _Les chiens à la mode._]
+
+Avant neuf heures du matin, le Bois appartient aux arroseurs, aux
+jardiniers, aux chauffeurs qui viennent à grande vitesse chercher des
+clients dans Paris; aux gens d'écurie qui promènent leurs bêtes, aux
+hommes d'affaires qui font du cheval par hygiène, montent en chemise de
+flanelle et en chapeau mou,--en attendant le bain tiède et le
+chocolat... C'est entre neuf heures et midi qu'il faut aller au Bois; et
+c'est autour d'onze heures qu'il est exquis, si le temps est joli, de
+s'y attarder. Ah! qu'il est donc désolant que Verlaine ait eu le mépris
+du «monde», et que, pour n'avoir pas à s'habiller, il ait situé ses
+_Fêtes galantes_ au temps de Fragonard et de Watteau! Car le Bois aussi
+a ses fêtes galantes qui sont, deux mois par an, des fêtes de tous les
+matins. Le Bois a ses dessinateurs et ses peintres; il a ses prosateurs.
+Verlaine eût été le plus spirituel et le plus tendre de ses poètes, et
+l'on y rencontre à cheval, à pied ou sur des chaises--à chaque tournant
+d'allée--des hommes et des femmes qui ont l'air de bavarder des vers de
+lui.
+
+[Illustration: MATINÉE PARISIENNE AU BOIS.--Une gracieuse rencontre dans
+l'allée des Acacias: le salut du cavalier. _Dessin de J. SIMONT._]
+
+[Illustration: Le banc des «populaires»: une élégante vient de passer.]
+
+N'allez pas chercher trop loin ces cavaliers, ces tournants d'allée et
+ces femmes. Le bois de Boulogne est une «étendue d'herbe» qu'on aime
+principalement, comme la mer, à cause des petites plages qui la bordent.
+Ces plages s'appellent Maillot, Madrid, Bagatelle, Dauphine, la
+Muette... Chacune d'elles est formée de pelouses commodes, de clairières
+où l'on s'assoit et d'où l'on guette les cavaliers qui passent au long
+de l'allée toute proche, et qu'arrêtent des mains tendues, des sourires
+qu'on savait rencontrer là. On potine, on échange de menus propos tout à
+fait dénués d'intérêt, mais qu'importe? Est-ce qu'ici l'attrait du
+spectacle n'est pas tout entier dans la grâce des attitudes, dans la
+façon jolie dont se disent ces choses inutiles, dans cet art souverain
+que possèdent, à Paris, certaines femmes--celles, justement, qui vont au
+Bois le matin--de composer d'adorables aquarelles rien qu'en disant
+bonjour à un cavalier qui passe, ou en promenant sous le bras, comme un
+bibelot de prix, le plus aimable ou le plus ridicule des petits chiens?
+
+Un poète populaire francfortois, nommé Stolze, écrivait un jour: «Une
+chose qui ne m'entrera jamais dans la tête, c'est qu'on puisse n'être
+pas de Francfort.» Je suis étonné qu'à l'exemple de Stolze aucun
+écrivain de chez nous n'ait encore publié cette opinion:
+
+«Une chose incompréhensible, c'est que les Parisiennes aient pu plaire
+avant d'être habillées comme elles le sont aujourd'hui.»
+
+Il est certain qu'aucune mode n'a jamais plus spirituellement aidé à
+faire valoir les séductions de la grâce féminine que celles où l'on voit
+se complaire, à cette heure, la Parisienne. La jupe est assez courte
+pour laisser libre jeu au petit pied qu'habille la bottine claire. Elle
+est collante et souple à la fois. Elle est un vêtement de précision et
+de complaisance. Elle ne crie pas ce qu'il faut taire, mais tout ce
+qu'il est décemment possible de dire, elle le dit. Et leurs chapeaux! De
+ce côté-là, c'est le désordre; c'est l'anarchie; mais quoi de plus
+avantageux que l'anarchie, quand il s'agit de parer un joli visage?
+
+Point de consigne oppressive; nul ordre à recevoir de sa modiste. On se
+regarde dans la glace, et l'on choisit un chapeau pour sa figure: toque
+ou bonnet, cape ou turban, vaste ou minuscule, persan ou batignollais,
+il importe peu. Et tous sont charmants.
+
+[Illustration: Une aimable personnification de l'entente cordiale:
+«Mademoiselle» et «Miss».]
+
+Il n'est pas jusqu'à leur allure qui ne soit devenue plus troublante...
+Entraînée aux sports, la jeune femme sait mieux marcher qu'autrefois;
+regardez-la suivre au Bois, vers midi, le chemin qui la ramène dans
+Paris. Elle marche droite, avec aisance et résolution, en petite
+personne qui sait où elle va et ce qu'elle veut.
+
+Mais que celles-là ne nous empêchent pas de regarder les autres... tous
+les autres. Car le Bois, le matin, ne doit pas son attrait qu'aux
+productions de la Modiste et du Couturier; et sur ces petites «plages»
+qui le bordent il est d'autres figures intéressantes que les modèles
+d'Helleu et de Boldini. Il y a toute une gentille clientèle d'«habitués»
+qu'on serait désolé de n'y plus voir. Il y a le rentier «classe moyenne»
+qui vient goûter là l'exquise volupté des flâneries matinales et dont la
+devise est faite d'un distique de _Galatée..._
+
+ _Ah! qu'il est doux de ne rien faire_
+ _Quand tout s'agite autour de nous!_
+
+[Illustration: Au bois de Boulogne: un brin de causerie sous les
+acacias. _Croquis d'après nature de J. SIMONT._]
+
+Il y a la _miss_; il y a la _fraülein_, qui ne semblent pas trop
+souffrir, en vérité, de l'exil auquel leur mission d'éducatrices les
+condamne; il y a le vieux cavalier, le sportsman ancien style qui veut
+bien reconnaître que la Parisienne de 1913 est une ravissante personne,
+mais qui cependant persiste à lui préférer celle de 1867, et pour cause.
+Il y a l'officier sur son cheval d'armes, le petit garçon sur son
+premier poney, l'amazone mûre, de belle prestance encore, qui fait du
+trot en pensant à sa corsetière et à son médecin. Il y a... il y a cent
+autres spectacles encore. Allons au Bois. Allons-y souvent. Le Bois est
+une de ces choses superflues sans lesquelles une foule d'honnêtes gens
+auraient, à Paris, l'impression de manquer du nécessaire.
+
+E. B.
+
+
+
+[Illustration: Venu de Paris à Johannistal dans la matinée, Brindejonc
+des Moulinais, après avoir remplacé son casque d'aviateur par une
+casquette, va se restaurer. Les gestes des personnages retenant les
+chapeaux et les plis des vêtements soulevés témoignent de la violence de
+la bourrasque.]
+
+UN STUPÉFIANT RAID AÉRIEN
+
+DE PARIS A VARSOVIE
+
+Depuis longtemps déjà l'audace de nos aviateurs n'a plus de bornes; il
+semble désormais que leur succès ne doive connaître d'autre limite que
+celle de leur courage et de leur témérité. Malgré les prouesses qui,
+chaque jour, étendent le domaine des espoirs ou des prévisions, hier
+encore il eût semblé presque impossible de voler de Paris à Varsovie
+entre le lever et le coucher du soleil. Tel est pourtant le voyage
+extraordinaire, naguère encore digne de servir de thème à un conte de
+fée, que vient d'accomplir un de nos plus jeunes et de nos plus
+brillants champions, Brindejonc des Moulinais.
+
+Pour couvrir cette distance de 1.360 kilomètres à vol d'oiseau,
+Brindejonc n'a fait que deux escales. Parti de Villacoublay à 4 heures
+du matin, il arrive à 6 h. 45 à Wanne (Westphalie); le temps de se
+ravitailler, d'inspecter son moteur, et il repart à 8 h. 55. Deux heures
+plus tard, à 11 heures (heure française), il atterrit à Berlin où son
+apparition cause une véritable stupeur: depuis le matin, la tempête fait
+rage; sur l'aérodrome de Johannistal, les oriflammes des hangars ont été
+arrachés par le vent, aucun pilote n'a même songé à sortir. Notre
+compatriote n'en est que plus chaleureusement accueilli; il s'offre
+quelques heures de repos, puis, tout souriant, comme le montre notre
+photographie, malgré sa fatigue, malgré la persistance du vent sud-ouest
+dont la violence rend son voyage extrêmement périlleux, mais fournit à
+la vitesse propre de son appareil un appoint considérable, il reprend
+son vol à 13 h. 45. Et, bien avant que se dessine le crépuscule, à 17 h.
+15, l'oiseau de France se pose doucement à Varsovie.
+
+Si l'on tient compte des arrêts, il reste un vol effectif de cinq heures
+cinq pour franchir les 900 kilomètres de distance entre Paris et Berlin,
+ce qui représente une vitesse moyenne réelle de 177 kilomètres à
+l'heure. La moyenne générale entre Paris et Varsovie ressort à 170
+kilomètres; en fait elle est sensiblement plus forte, car le détour par
+Dusseldorf, Berlin et Posen semble porter la distance parcourue à près
+de 1.500 kilomètres. D'après un télégramme de l'aviateur, la vitesse
+entre Wanne et Hanovre aurait même atteint 215 kilomètres.
+
+Brindejonc a ainsi mis quatre fois moins de temps que le train le plus
+rapide pour se rendre de Paris en Pologne. Il avait emporté un paquet de
+numéros du Matin qu'il a distribué aux habitants de Varsovie à l'heure
+même où le train en apportait à Lyon!
+
+Par ce raid extraordinaire Brindejonc devient détenteur de la coupe
+Pommery conquise récemment par Guillaux qui était allé de Biarritz à
+Kollum, portant à 1.229 kilomètres le record du voyage en ligne droite
+en une seule journée. Le glorieux pilote reçoit la juste récompense
+d'une maîtrise et d'une audace à peu d'autres pareilles; il s'était déjà
+signalé dans plusieurs grandes épreuves, notamment dans le circuit des
+capitales et dans le circuit d'Anjou où, seul avec Garros, il termina le
+parcours le premier jour, bravant une tempête qui avait arrêté tous les
+autres concurrents.
+
+Cette fois encore, il se trouvait aux prises avec des conditions
+atmosphériques déplorables. «Pris dans un tourbillon, racontait-il en
+arrivant à Berlin, je fis une chute de 300 mètres. Je passai en quelques
+secondes de 1.500 à 1.200 mètres. Tout mon dos est écorché. Je suis
+brisé de fatigue, mais je n'en suis pas moins content et fier d'avoir
+accompli en si peu de temps le trajet devenu classique Paris-Berlin.»
+
+Sans doute, c'est la force du vent arrière qui a permis de réaliser
+cette vitesse exceptionnelle, car la vitesse propre de l'appareil ne
+dépasse guère 120 kilomètres; mais un tel exploit montre le parti qu'un
+bon pilote peut tirer de la fureur des éléments et atteste une fois de
+plus la valeur et le courage des aviateurs français.
+
+Ajoutons que le héros de cette admirable performance est né à Plerin
+(Côtes-du-Nord) le 8 février 1892.
+
+[Illustration: Brindejonc des Moulinais remonte dans son monoplan pour
+accomplir son étape d'après-midi: Berlin-Varsovie.]
+
+[Illustration: A l'aérodrome de Johannistal: le départ pour Varsovie. LE
+PASSAGE A BERLIN DE L'AVIATEUR FRANÇAIS BRINDEJONC DES MOULINAIS]
+
+
+
+[Illustration: Une capitale de sultanat au Dar Kouti: le «dem» du sultan
+Kamoune.]
+
+NOTRE OEUVRE AFRICAINE
+
+LA JONCTION AVEC LES POSSESSIONS ANGLAISES
+
+_Hors du bruit de nos agitations, de nos querelles, les admirables
+soldats lancés en enfants perdus dans la brousse tropicale pour
+accomplir l'oeuvre française continuent posément, méthodiquement, leur
+excellente besogne. Mais ils sont si loin, si isolés, que les feuillets
+d'histoire qu'ils écrivent ne nous parviennent que lorsque d'autres
+feuillets peut-être s'y sont déjà ajoutés. C'est ainsi que nous pouvons
+seulement donner le récit de faits qui se déroulaient au Dar Kouti, aux
+confins mêmes de notre empire africain et des possessions anglaises,
+dans les derniers jours de l'année écoulée. Il n'en a pas moins, après
+tant de semaines, la saveur de l'inédit._
+
+[Illustration: La région de Djalé, au Dar Kouti, récemment occupée par
+nos troupes.]
+
+[Illustration: Une palabre sous la tente: El Hadj Tockeur, envoyé du
+sultan Kamoune, devant le capitaine Souclier.]
+
+On se souvient qu'au mois de janvier 1911 l'ancien lieutenant de Rabah,
+Mohammed es Senoussij sultan du Dar Kouti, trouvait la mort au cours
+d'un combat sanglant que lui avait livré le capitaine Modat.
+
+Ce tyran retors et cruel avait réussi, grâce à une souple diplomatie, à
+maintenir des liens et même l'apparence d'une alliance avec nous. Il en
+profitait pour tirer de notre bienveillance tout ce qui pouvait lui
+servir à fortifier sa puissance, en particulier les armes et les
+munitions.
+
+De notre côté, la faiblesse de nos effectifs dans les territoires du
+Chari-Tchad ne nous permettait malheureusement pas de surveiller ses
+agissements. Il en abusa pour ravager et dépeupler le pays qui lui était
+soumis et les régions avoisinantes, accroître ses armements et, par ses
+relations avec les plus fanatiques partisans de l'islam, tenter
+d'installer, au coeur des possessions françaises, un grand marché
+d'esclaves et un foyer de propagande religieuse.
+
+Pourtant, le moment vint où le sultan du Dar Kouti sentit que, malgré
+tous ses efforts, il ne lui serait plus possible de nous cacher ses
+coupables agissements. Dès lors, il ne songea plus qu'à s'affranchir de
+notre tutelle, et à se préparer un refuge hors de notre portée. Il
+saisit le moment de nos plus cruels embarras au Ouadaï, la période
+durant laquelle fut massacrée la colonne Fiegenschuh et celle qui vit
+tomber le colonel Moll et ses compagnons d'armes à Dorothé. Disposant de
+4.000 fusils, dont 1.200 à tir rapide, il dirigea ses meilleurs chefs de
+bannière et 2.000 guerriers contre la montagne de Djalé, vrai nid
+d'aigle, escarpé, tourmenté, formidable, où son ancien vassal le chef
+Djellab, sultan des tribus ouangas et youlous, s'était habilement
+fortifié. Le siège qu'il en fit fut long et meurtrier. Il lui fallut
+deux années d'efforts pour venir à bout des Youlous qui, finalement,
+affamés, épuisés, s'enfuirent de nuit pour se réfugier au Soudan
+anglo-égyptien, laissant la position aux mains de leurs adversaires.
+C'était le triomphe pour Senoussi. Sa défaite et sa mort, par les armes
+du capitaine Modat, vinrent briser ses espérances.
+
+C'est alors que vainqueurs de Djellab et vaincus de N'délé vinrent se
+réfugier à Djalé même, où ils se groupèrent sous les ordres d'Abdoullaye
+Kamoune, fils de Senoussi. Conseillé par les plus ardents ennemis de
+l'influence française, le fanatique El Hadj Tockeur et le faki Yssa,
+anciens confidents de son père, le jeune sultan entreprit la réalisation
+des rêves et des projets ébauchés. Nouant des intelligences avec ses
+voisins, razziant tantôt vers le nord-ouest, en pays rounga, tantôt vers
+le bassin de la Kotto, au sud, où il massacra deux commerçants français,
+poussant des pointes vers la région de N'délé, il n'en continuait pas
+moins à nous accabler de fallacieuses promesses et de protestations
+d'amitié.
+
+[Illustration: Les redans et retranchements naturels du repaire de
+Ouanda Djalé: au centre, cases du village de Djemel Eddine, un des fils
+de Senoussi.]
+
+La situation ne pouvait durer. Une puissance nouvelle se formait: il
+fallait agir, et agir vite. La 4e compagnie du bataillon de
+l'Oubangui-Cliari, sous les ordres du capitaine Souclier, fut envoyée
+contre Djalé, le repaire de Kamoune, avec mission d'obtenir la
+soumission absolue de celui-ci. L'ultimatum du capitaine Souclier étant
+demeuré sans effet, au bout de vingt-quatre heures, l'assaut fut donné
+et la position brillamment enlevée. Nos adversaires surpris, bousculés,
+éperdus, furent culbutés, rejetés dans la plaine, éparpillés en désordre
+dans toutes les directions, laissant nombre des leurs sur le terrain.
+Kamoune, à peu près abandonné, s'enfuit, et très probablement se réfugia
+en territoire anglais. L'un de ses frères se rendit; les soumissions
+affluèrent.
+
+[Illustration: Le tata du sultan Abdoullaye Kamoune, à Djalé.]
+
+C'en est donc fait désormais de l'ancienne tyrannie senoussienne. La
+route du Chari au bassin du Bahr el Ghazal est ouverte. La jonction avec
+la grande puissance amie devient un fait accompli par suite de
+l'installation d'un poste français à cinq jours du poste anglais de
+Kafia-Kingi et de la soumission du chef Djellab, réinstallé auprès de
+nous sur l'ancienne route des caravanes. Notre influence et notre
+commerce vont maintenant s'exercer librement dans ces vastes régions où
+la paix française ramènera l'ordre, la richesse et la prospérité.
+
+
+
+LA NOUVELLE ALBANIE
+
+M. Franz de Jessen, ancien correspondant de _L'Illustration_ à
+Copenhague, qui a suivi, comme correspondant du journal danois le
+_Riet_, les armées ottomanes durant la campagne de Thrace jusqu'au
+dernier coup de canon tiré en novembre à Tchataldja, avant le premier
+armistice, parcourt aujourd'hui l'Albanie devenue soudain indépendante,
+mais incertaine encore de son sort; il y visite les grands chefs féodaux
+qui prétendent chacun peser de façon décisive, du poids de leur épée et
+du nombre de leurs soldats, sur les destinées du pays et nous adresse
+ces très intéressantes lignes sur ses premières impressions pittoresques
+et sa rencontre avec Essad pacha:
+
+DE DURAZZO A TIRANA
+
+Tirana, 28 mai 1913.
+
+J'arrivais le 23 mai, à bord de l'_Albanie_, dans le port d'Antivari.
+Nous apportions aux Monténégrins les premiers vivres qu'ils eussent
+reçus après la levée du blocus. Quoique fort contents, ils jurèrent
+qu'ils n'avaient jamais manqué de rien. Seul le propriétaire suisse de
+l'hôtel de la Marine se plaignait de n'avoir pu, durant les trois
+derniers jours, servir de bière à sa clientèle, et que les puissances
+eussent ainsi attenté aux intérêts d'un neutre.
+
+San Giovanni de Medua était occupé à mon passage par un bataillon
+monténégrin et deux batteries. Cependant, à 2 kilomètres de la ville, on
+apercevait un camp turc de 2.000 hommes environ avec une trentaine de
+canons de campagne Krupp. C'étaient des soldats d'Essad pacha, évacués
+là, attendant les transports qui les ramèneraient en Turquie, et ne
+faisant point trop mauvais ménage avec leurs ennemis de la veille.
+
+Le 25 mai, nous jetons l'ancre devant Durazzo. Deux croiseurs, l'un
+italien, l'autre autrichien, sont sur rade, quoique la ville ne soit
+plus bloquée. Ni formalité de passeport, ni douane. Le soleil levant
+éclaire les fortifications vénitiennes, la mer de turquoise, les petites
+maisons qui arborent le jeune drapeau de l'Albanie, rouge avec l'aigle
+noir, car les Albanais se nomment fils de l'aigle. Quelques-uns de ces
+drapeaux portent aussi une étoile blanche symbolisant le ciel commun à
+tous, catholiques, orthodoxes, musulmans.
+
+LE FIEF D'ESSAD PACHA
+
+A Durazzo, ordre parfait. Essad pacha y a institué un conseil de 6
+notables, 3 musulmans, 3 orthodoxes, présidé par son cousin Hamid bey
+Toptani.
+
+Beaucoup de soldats turcs sont demeurés là, vivant dans la détresse sans
+que personne se soucie d'eux, ni d'assurer leur rapatriement. Quant aux
+soldats albanais, ils ont été licenciés et renvoyés dans leurs foyers.
+
+Hamid bey me donne un gendarme d'escorte, en uniforme turc, pour
+m'accompagner à Tirana, centre de l'influence de la famille des Toptani
+qui prétendent descendre de Scanderbeg et dont Essad pacha est le chef.
+
+Les paysages qui bordent la route de Durazzo sont riants et fertiles,
+vergers, prairies, bosquets. Les églantines, les clématites, les jasmins
+en fleur parfument la brise de mer. Les paysans s'arrêtent, demandent
+qui je suis, puis saluent et disent à mon drogman «Qu'il écrive bien de
+l'Albanie!»
+
+Tirana a un charme indescriptible. Protégée au nord par de hautes
+montagnes, elle est enfouie dans la verdure de ses platanes, de ses
+mûriers, de ses cyprès et d'innombrables jardins où se mêlent l'oranger,
+le citronnier, les lauriers et les myrtes. Partout de l'eau, des sources
+et des cascades.
+
+CONVERSATION AVEC ESSAD PACHA
+
+La demeure d'Essad pacha et de son état-major est une vraie forteresse
+gardée par les soldats turcs. Les Serbes qui l'ont occupée auparavant
+n'ont pas été tendres pour la propriété d'Essad pacha. Il s'en plaint,
+mais sans trop d'amertume.
+
+[Illustration: Essad pacha chez lui, à Tirana.--_Phot. F. de Jessen._]
+
+Le maître de Tirana et de toute l'Albanie, au nord du fleuve Scumbi, a
+cinquante ans environ; il est vigoureux et d'allure militaire. Ne
+sachant que quelques mots de français, son chef d'état-major sert
+d'interprète. Il sait écouter, parle avec finesse; parfois ses yeux
+brillent, ses traits durcissent et on se sent en face d'un chef qui veut
+être obéi sans défaillance. Cependant il sait sourire et faire sourire;
+il a de l'ironie. C'est un militaire doublé d'un diplomate et qui
+combine les manières orientales à la rudesse d'un hobereau prussien. Il
+dément avec dédain les bruits qui ont couru sur ses relations avec le
+roi de Monténégro. Il n'y a eu nulle entente de sa part avec celui-ci.
+Il a rendu la ville à cause de la famine. La résistance était
+impossible, non seulement un jour, mais quelques heures de plus. A
+chaque fois que je reviens sur ce sujet, il se montre plus catégorique.
+
+Mais quelle est sa position en Albanie, entouré de troupes turques, vêtu
+en général turc, placé entre le gouvernement provisoire de Valona,
+presque reconnu par l'Italie et l'Autriche, et le gouvernement de
+Constantinople et ce padischah auquel ses propres soldats à lui, Essad
+pacha, souhaitent encore chaque jour, après la prière, longue vie et
+long règne? Je le lui demande.--«Quant au gouvernement de Valona, me dit
+le général avec un sourire, comment voulez-vous que moi, général turc,
+j'entretienne des relations avec lui? Les consuls d'Autriche et d'Italie
+m'ont informé qu'un tel gouvernement existait. Je n'en sais rien. Cela
+ne me regarde pas!»
+
+Et, montrant les dents et clignant des yeux: «Maintenant il y a la
+question de mes relations avec le gouvernement turc. Rien de plus
+simple. J'attends les ordres du ministère de la Guerre turc. Mais
+parfaitement... Je suis prêt à conduire mes hommes où on voudra, pourvu
+que ce ne soit pas trop loin. Par exemple je n'irai pas à Bagdad ou au
+fond de l'Asie Mineure. Cela n'a pas besoin d'explication.»
+
+Voilà une loyauté parfaite. Mais Essad insiste: «Quand j'ai nommé Hamid
+bey mutessarif de Durazzo, il m'a demandé:--A qui dois-je m'adresser
+pour prendre des ordres?--A Dieu, lui ai-je répondu, et ensuite à qui
+tu voudras, sauf à moi.» Mais qui gouvernera ce pays, ai-je demandé à
+mon tour? Il rit: «Vous oubliez que l'Autriche et l'Italie estiment
+qu'il y a un gouvernement à Valona.»
+
+Cependant il dévoile quelques-unes de ses pensées. Il veut «le bonheur
+de l'Albanie». C'est vague; comment l'assurer? L'indépendance est le
+point principal, puis: compromis honorable avec la Turquie, organisation
+du pays conformément à ses traditions nationales, recours à l'assistance
+européenne au point de vue financier et technique, mais sans
+arrière-pensée, sans tutelle autrichienne ou italienne. «Quant à mes
+aspirations au trône d'Albanie, merci, pas pour moi! déclare-t-il. Qu'on
+nous laisse en paix; et avec mes amis et tous les chefs du pays
+peut-être ferons-nous de bonne besogne.»
+
+Il y a, en Albanie, trois religions: l'islam, l'orthodoxie et le
+catholicisme romain. Aussi a-t-on pensé, assez sottement d'ailleurs,
+qu'un prince ou qu'un roi protestant, n'appartenant à aucune de ces
+communions, concilierait tout. Essad pacha estime la trouvaille
+plaisante. «Pourquoi pas un juif? dit-il, vraiment, ce sont là des
+propos et des jeux d'enfant. Ce qui importe et ce qui importe seul,
+c'est notre indépendance, et par indépendance j'entends non pas une
+étiquette couronnée mais une réalité assurée et indiscutable.»
+
+Pour l'instant, Essad pacha se repose, maître dans le fief de ses pères,
+ayant le temps d'attendre qu'on vienne le chercher si l'on a besoin de
+lui, conscient de sa force et de sa puissance, prêt à bondir au moment
+opportun, et sûr que rien ne se fera sans lui dans l'Albanie du Nord.
+
+FRANZ DE JESSEN.
+
+Ajoutons, quant aux rapports d'Essad pacha et du ministère de la Guerre
+à Constantinople, que le gouvernement turc considère ce grand chef
+albanais comme un simple rebelle. Certains des membres de ce
+gouvernement s'expriment même à son sujet avec la dernière violence.
+Comme notre collaborateur Georges Rémond, pensant à ce moment partir
+pour l'Albanie, s'entretenait de lui avec le colonel Djemal bey,
+gouverneur militaire de Constantinople, celui-ci lui déclara
+textuellement: «Essad pacha est le fils d'un bandit enrichi par Abdul
+Hamid, bandit lui-même, ayant fait assassiner. Hassan Riza bey,
+commandant la place de Scutari, l'un de nos meilleurs officiers, et
+ayant lâchement rendu la ville après entente avec le roi de Monténégro.
+Il n'existe pas d'homme plus scélérat et plus bassement ambitieux...»
+
+
+
+[Illustration: Mlle Broquedis. M. Max Decugis. M. A. F. Wilding. Mlle
+Amblard.]
+
+TENNIS ET TENNISSEURS
+
+_Paris, cette semaine, a vu pour la deuxième fois se disputer, sur les
+terrains du Stade français à Saint-Cloud, le championnat du monde de
+lawn-tennis sur court en terre battue, les meilleurs joueurs européens
+se sont trouvés aux prises sous les yeux d'une assistance aussi élégante
+que nombreuse et frémissante. C'est le grand event continental de
+l'année «tennistique», un des clous notables de la saison mondaine et
+sportive._
+
+_Les notes suivantes, que nous avons la bonne fortune de publier à cette
+occasion, sont dues à M. André Lichtenberger. Car M. André Lichtenberger
+n'est pas seulement le subtil et délicat romancier que nos lecteurs
+connaissent. Chronologiquement au moins, il fut un des premiers joueurs
+de tennis de France et n'a pas cessé de manier la raquette. Ses
+observations souriantes ou narquoises se recommandent donc autant de sa
+connaissance du jeu que de ses qualités de psychologue. Elles sont
+détachées d'un petit volume qui paraîtra prochainement à la librairie
+Oudin: «Le Lawn-tennis.--Notes, Souvenirs, Méditations»._
+
+I
+
+MÉDITATIONS SOCIALES, ÉTHIQUES, PSYCHOLOGIQUES ET AUTRES
+
+La vogue du tennis existe depuis trente ans et va grandissant. Cet
+empire sera-t-il éphémère comme celui d'Alexandre? Question grave et
+délicate.
+
+J'estime que, déjà longue et quasi mondiale, la faveur du tennis
+s'étendra encore dans l'espace et dans le temps. Et je m'en réjouis.
+Cela tient à ce qu'il est un jeu «bien fait». Il y a des jeux
+«secondaires», trop spéciaux, artificiels, qui ne sauraient amuser qu'un
+moment ou qu'une poignée d'amateurs. D'autres sont éternels parce qu'ils
+émeuvent le fond même de notre nature. On jouera au siècle des siècles à
+la main chaude, à cache-cache et au chat perché.
+
+Le tennis a conquis rapidement un succès qui s'affirmera parce qu'il
+satisfait agréablement un certain nombre des facteurs déterminants qui
+poussent l'homme à jouer.
+
+Il a d'abord cette qualité indispensable d'être un jeu amusant.
+
+Il est amusant parce que, d'une façon simple, nette, élégante,
+harmonieuse, il répond au besoin d'exercice physique de l'homme
+civilisé, et en même temps, de la même manière, satisfait l'instinct de
+lutte qui subsiste en lui.
+
+[Illustration: M. André Lichtenberger en tennisseur.]
+
+Réagir par le sport contre les déformations de notre organisme au sein
+de la vie intense de nos cités surpeuplées est aujourd'hui un de nos
+besoins universels. Mais une foule des moyens qu'on nous propose sont
+médiocrement attrayants. La pratique solitaire de certaines gymnastiques
+suppose une volonté ascétique qui passe la mesure de beaucoup d'entre
+nous. D'autres jeux nécessitent les outillages compliqués ou coûteux,
+des apprentissages interminables, n'atteignent qu'incomplètement, que
+partiellement, le but qu'ils proposent. Le tennis est un jeu complet,
+faisant travailler l'organisme tout entier, réalisable pratiquement
+d'une manière en somme aisée. Et il bénéficie au plus haut degré de ce
+stimulant qu'est l'instinct de la lutte.
+
+Infiniment respectable, pèlerin passionné, solitaire et silencieux, le
+joueur de golf poursuit par monts et par vaux ses travaux d'art pénibles
+et raffinés sur la petite boule qu'il chasse devant lui. Au tennis la
+riposte de l'adversaire tient sans cesse en haleine, aiguise et distrait
+l'attention du joueur. C'est une véritable bataille qu'il livre. Moins
+brutale que la boxe, moins précipitée que l'escrime, elle donne
+néanmoins la même espèce d'excitation, de joie aiguë.
+
+Le tennis a, de plus, cette qualité d'être un jeu sociable. On joue
+entre soi, séparés et non isolés du monde, dans l'atmosphère de la
+maison ou du club. Il n'est ni dangereux ni épuisant, et, par là,
+accessible à tous les âges et à tous les sexes. Il peut se pratiquer en
+famille, unifier sur le court plusieurs générations.
+
+Il est un des moyens les plus commodes aujourd'hui pour faire transpirer
+ensemble des jeunes gens de sexe différent. Il est accessible à des
+messieurs hors d'âge sans qu'ils soient tenus de se sentir ridicules. On
+peut y faire figure honorable après un apprentissage relativement bref
+et sans avoir des aptitudes physiques exceptionnelles.
+
+Si presque tout le monde peut jouer au tennis, pour y exceller, il faut,
+par contre, réunir un nombre considérable de qualités rares. Et c'est ce
+qui fait qu'accessible et intéressant pour la foule, il offre en même
+temps un caractère éminemment athlétique et esthétique.
+
+Le tennis met en jeu d'incontestables qualités morales: ténacité,
+énergie, maîtrise de soi. Il exige certaines qualités intellectuelles.
+Non qu'il soit indispensable d'être un Pascal ou un Poincaré. Mais un
+pur crétin arrivera difficilement à y exceller. Un minimum de réflexion,
+de présence d'esprit et d'attention est nécessaire, ne fût-ce que pour
+démêler le jeu de l'adversaire et rectifier le sien, en conséquence.
+Maints échecs et maintes victoires sont dus à de pures raisons
+psychologiques.
+
+[Illustration: M. Rahe. Miss Ryan. M. Froitzheim. _Croquis d'après
+nature de L. de Fleurac._]
+
+Le tennis est-il un jeu esthétique? On l'a contesté. Sans doute son
+cadre un peu étriqué et artificiel, la limitation nécessaire du geste et
+d'effort, ce quelque chose de sautillant et d'aheurté à la fois qui le
+caractérise ne fait pas de lui tout d'abord un spectacle harmonieux. Il
+n'a ni l'envol élastique et noble de la pelote basque, ni la furie
+truculente, et empoignante du football, ni la simplicité classique et
+splendide de la boxe, ni la puissance rythmée du rowing, ni l'éclat
+crissant et belliqueux de l'escrime. Pourtant la vitesse, la précision,
+la souplesse et la mesure du geste lui confèrent une grâce spirituelle,
+un charme à la fois robuste et net, qui sont bien à lui.
+
+ *
+ * *
+
+De ce que le tennis, accessible aux deux sexes, déroule ses phases
+harmonieuses dans un cadre restreint parmi une assistance attentive et
+nombreuse, il en résulte qu'il est infiniment propice au développement
+d'un aimable cabotinage. Et c'est là, sans doute, qu'il faut chercher
+une des raisons principales de son succès. Un monde spécial du tennis
+est né avec ses attitudes, son langage, ses costumes, son snobisme, sa
+franc-maçonnerie particulière. A des degrés divers, il marque d'une
+empreinte ceux qui y participent. Elle est d'un charme plus ou moins
+prenant, selon les individus. Une bonne fortune extrêmement rare veut
+que la totalité des champions que j'ai approchés soient sans aucune
+exception des garçons exquis qui unissent à la perfection de leur art
+une simplicité cordiale et de bon goût. En dehors d'eux on peut bien
+constater que par définition le champion du tennis est un tantinet
+poseur. Une nonchalance estimée aristocratique et un américanisme
+vaguement voyoucratique le caractérisent parfois. Ils lui confèrent une
+allure extrêmement personnelle.
+
+ *
+ * *
+
+Quelques vices plus laids trouvent pareillement leur contentement au
+tennis. La rosserie, voire la muflerie, s'y épanouissent à coeur joie.
+Pas d'occasion plus commode pour abuser lâchement de sa force. Avec
+impunité, le promenant de droite et de gauche, du grillage du fond au
+filet, vous époumonez jusqu'à l'agonie un gentleman rondouillard. Il
+vous suffit de quelques balles pour écoeurer une vierge ou déshonorer une
+dame mûre qui demeurerait respectable sur tout autre terrain. Il est des
+drives brutaux comme une rupture, des lobs perfides comme des billets
+souscrits à longue échéance, des volées basses et trompeuses comme un
+faux serment, des services américains décevants comme un flirt de même
+nationalité.
+
+«Le style, c'est l'homme». Jamais l'adage célèbre ne se vérifia mieux
+qu'au tennis. Jadis le croquet passait pour une épreuve décisive
+antérieure aux fiançailles. Si vous ne vous étiez pas jeté les maillets
+à la figure avant la fin de la partie, vous pouviez espérer naviguer en
+paix parmi les écueils de la vie conjugale. Combien les enseignements du
+tennis sont plus riches, plus délicats et plus féconds! Rien qu'à voir
+comment Z... tient sa raquette est une indication. Jamais vous ne me
+ferez croire qu'Amy soit un pingre, Decugis un mouton et Salm un enfant
+de choeur.
+
+[Illustration: En attendant l'heure du match.]
+
+[Illustration: Les arbitres de touche. Le juge-arbitre. Mlle de Csery
+(Hongroise) M. Decugis (Français). M. Craig Biddle (Américain). Miss
+Ryan (Américaine). LES CHAMPIONNATS DU MONDE DE LAWN-TENNIS.--Un match
+mixte sur le grand court central du Stade français, à Saint-Cloud.
+_Photographie J. Clair-Guyot._]
+
+Autant que le caractère, le tennis révèle la profession. Chacune confère
+au jeu de ses adeptes une empreinte qui les décèle. La vigueur nette et
+un peu sèche des attaques trahit le militaire. Ce processus honorable et
+appliqué pue l'universitaire à plein nez. Drives et smashes risqués à
+l'aveuglette dénoncent le cerveau brûlé. Vous faut-il le dossier de
+l'avocat, le diagnostic du médecin?
+
+Je recommande particulièrement le tennis à l'intellectuel. Tandis que
+l'escrime l'énervera et que le golf sera impuissant à captiver son
+attention, le tennis, sitôt quelques balles échangées, s'empare de lui,
+le saisit et le distrait. Au bout d'un set, il a oublié les pires
+rosseries de ses confrères et combien son génie fut méconnu. La partie
+terminée, sous la douche bienfaisante, il se consolerait presque de n'en
+avoir point. Et, ensuite, placé en face d'une bonne tasse de thé et
+beurrant ses toasts, il reprendra confiance dans ses lumières, dans
+l'avenir de la France et le bonheur de l'humanité.
+
+II
+
+CONSEILS POUR TOUS
+
+Le tennis est le tennis, c'est-à-dire quelque chose de considérable.
+Cependant, il n'emplit pas la vie, du moins tout entière.
+
+Quand vous jouez au tennis, jouez-y. Vous aurez de l'esprit ailleurs,
+s'il vous en reste.
+
+Ne soyez ni appliqués jusqu'au tragique, ni désintéressés jusqu'au je
+m'enfichisme. Croyez ou ayez l'air de croire que c'est arrivé, ou
+presque.
+
+A moins que vous ne soyez Anglais, auquel cas ça viendra tout seul,
+faites-vous une tenue. Surveillez vos nerfs. Un masque mélodramatique
+est de trop. Une dégaine de gavroche pas tout à fait assez. Canet est
+bien.
+
+Soignez votre style, mais ne lui sacrifiez pas tout. Proportionnez vos
+ambitions à vos forces. Il n'est permis qu'à Gobert de faire de suite
+trente-deux fautes de service. Evitez les mimiques outrées. Ne saluez
+pas de l'épée pendant plusieurs secondes avant de servir. Même si le
+service est bon, il y a déception. Et si rien ne vient, cela vous a un
+air de misère et d'avortement.
+
+Ne considérez avec stupeur ni le ciel, ni la terre, ni votre raquette
+quand vous venez de manquer la balle. En somme, rappelez vos souvenirs,
+cela vous était déjà arrivé.
+
+Si vous dominez aisément votre adversaire, n'exagérez pas la muflerie.
+Il y a des manières de faire cadeau d'un jeu qui appellent la gifle.
+Sachez gagner.
+
+Et sachez perdre.
+
+Quand, après deux heures de jeu, vous êtes estoqué, ne dites pas à votre
+vainqueur épuisé: «J'ai joué quinze au-dessous de mon jeu.»
+
+Il y a, quand l'arbitre a jugé contre vous, certains regards de stupeur
+naïve qui sont d'exactes tentatives de chantage. Ils ne trompent
+personne.
+
+Sachez offrir de recommencer un coup douteux surtout s'il n'est pas très
+important pour vous.
+
+Même un sacré arbitre est un arbitre sacré: ne l'oubliez pas.
+
+N'engagez pas de controverse avec votre partenaire du double; vous
+n'êtes mariés que jusqu'à la fin de la partie.
+
+Si la petite jeune fille qui joue avec vous en mixte est tout à fait
+nulle, évitez néanmoins de vous désintéresser d'elle comme d'un animal
+galeux.
+
+_Au champion_:
+
+Souviens-toi que tu n'as pas toujours été champion et que tu ne le seras
+pas toujours.
+
+Sans doute que si tu as manqué, c'est la faute de la balle, de la
+raquette, du vent, de l'arbitre, du jour ou de la semaine. Mais c'est
+toujours davantage la tienne et celle de ton adversaire. Même pour le
+let? Oui, monsieur!
+
+Je sais bien que, puisque tu ne les paies pas, ça t'est égal de casser
+tes raquettes. Tout de même, pas d'excès d'ostentation dans tes dépits.
+
+Puisque le public paie, il n'est que de stricte honnêteté de défendre ta
+chance jusqu'au bout. Sans quoi tu le voles. Songes-y.
+
+Naturellement, puisque tu es ténor, tu peux te permettre certaines
+libertés. Sache les accommoder à ton grade, de même que tes exigences.
+Un champion interscolaire ne peut pas réclamer des balles neuves à
+chaque set. Certains petits cris d'oiseau n'ont toute leur grâce que sur
+les lèvres d'un vainqueur international.
+
+Si tu joues à l'étranger, outre la correction.
+
+Si tu joues en France, outre la courtoisie.
+
+N.-B.--Paie tes entrées.
+
+_Aux jeunes filles:_
+
+Vous flirtiez tout à l'heure et recommencerez dans un instant.
+Maintenant, on joue.
+
+Ayez, au tennis, une tenue de tennis. Les grands chapeaux, les chichis
+et les jupes entravées, ça sera délicieux en dehors du court.
+
+Point de glapissements suraigus ni de mutins trépignements. C'est gentil
+cinq minutes, et puis ça appelle la fessée.
+
+Cependant, n'adoptez pas non plus à l'égard des balles une attitude
+d'indifférence hautaine. Si elles ne vous intéressaient pas, vous
+pouviez rester assise.
+
+Ne laissez à aucun prix votre partenaire vous ramener les balles. Ces
+choses-là se paient cruellement. On peut en rater un mariage ou un
+divorce.
+
+Il n'est pas nécessaire que vous ayez une première balle foudroyante.
+Mais si vous envoyez régulièrement ces deux services dans le filet,
+mettez-vous plutôt au tricot.
+
+Inutile d'entretenir avec votre partenaire une conversation soutenue.
+Cependant adressez-lui de temps en temps un compliment, surtout s'il est
+en guigne.
+
+Ne clignez pas de l'oeil à la galerie. Ça peut vous jouer toutes sortes
+de sales tours.
+
+Ne vous enorgueillissez pas démesurément de vos succès. N'oubliez pas
+qu'en simple, ce monsieur chauve et grisonnant vous rendrait
+demi-trente.
+
+_A l'apprenti:_
+
+Encore quelques milliers de balles par-dessus le filet, et tu y seras
+presque. Mais, en attendant, ne tape pas sur chacune à tour de bras.
+Tennis n'est pas synonyme de frénésie. Et si tu savais ce que tu es
+ennuyeux pour tes souffre-drives!
+
+Ne t'accroche pas, parasite indécramponnable, aux basques de Laurentz ou
+de Gobert. Il ne t'est à peu près d'aucun profit de jouer avec beaucoup
+plus fort que toi. Regarde, et escrime-toi de préférence contre qui peut
+te rendre quinze au maximum.
+
+Si, un jour, Germot, vaguement surentraîné, échange avec toi quelques
+balles, ne répète pas pendant six mois d'un ton négligent: «J'ai pris
+quatre jeux à Germot.» Il les a laissés tomber, et tu t'es borné à les
+ramasser.
+
+_Tu Marcellus eris!_ crois-le, je n'y vois nul inconvénient. Mais
+rappelle-toi que tu ne l'es pas encore.
+
+_Au vieux joueur_:
+
+O toi qui fus champion, je sympathise. Tes muscles se sont rouillés, tes
+articulations raidies, ton haleine est devenue plus courte. Et,
+pourtant, tenace, tu n'as pas déserté les courts. Je t'en félicite.
+C'est un bon signe de santé physique et morale. Continue. Il t'est
+encore permis de jouer les handicaps. Mais surveille-toi. N'oublie pas
+que tu es au bord d'être ridicule. Il t'appartient de faire en sorte de
+ne pas te dégoûter toi-même.
+
+Évite le sillage des petites jeunes filles et des grands champions. Tu
+les embêtes, et, malgré leur excellente éducation, tu t'apercevras
+bientôt qu'ils ne t'amusent pas.
+
+Approprie tes ambitions à ce qui te reste de valeur. Pour peu que tu
+aies à promener du ventre, abstiens-toi les singles prolongés. Prends
+garde que tes courses évoquent l'autobus et ta face congestionnée le
+disque d'alarme.
+
+Aie le jeu consciencieux et bon enfant. Que ta victoire, rare, soit
+modeste. Accepte sans amertume la défaite. Ne t'époumone pas à lutter
+indéfiniment, à galoper d'un coin du terrain à l'autre. Ne batifole pas.
+Point de gestes excessifs ni d'exclamations puériles. Passé au filet,
+réprime le râle d'agonie qui te monte aux lèvres et sache sourire à la
+balle qui te fuit comme à une plaisanterie d'un goût délicat ou comme à
+la vie, qui, elle aussi, commence à t'échapper et qui ne reviendra pas.
+
+ANDRÉ LICHTENBERGER.
+
+_Deux jeunes championnes revenant du court._
+
+
+
+CE QU'IL FAUT VOIR
+
+LE PETIT GUIDE DE L'ÉTRANGER
+
+Le hasard fait voisiner sur les murs de Paris, depuis quelque temps, des
+affiches qu'on pourrait appeler des affiches-soeurs. L'une annonça
+d'abord l'exposition d'Alphonse de Neuville, dont je parlais ici, il y a
+huit jours. L'autre, ensuite, nous informa d'une reprise des _Cloches de
+Corneville_. Le peintre et le musicien sont de la même génération. C'est
+autour de l'année 1860 que Neuville exposait au Salon ses premiers
+tableaux militaires (qui étaient des tableaux de victoires); et c'est
+vers le même temps que Planquette composait ses premières chansons de
+café-concert, expurgées par la censure. _Les Cloches de Corneville_ sont
+de 1877: l'année où Neuville, en pleine gloire, envoyait le portrait de
+Paul Déroulède au Salon du Palais de l'Industrie. L'étranger, qui, après
+une heure passée à la galerie de La Béotie, aura consacré sa soirée aux
+_Cloches de Corneville_, saura comment, il y a trente-cinq ans, notre
+pays célébrait ses soldats, et quels refrains--puisque tout finit par
+des chansons!--il aimait à chanter.
+
+Ce qu'il faudra voir encore, ces jours-ci? Il faudra voir _la
+Pisanelle_, au Châtelet; le concours général agricole, au Champ de Mars;
+et, avenue Montaigne, les Ballets russes dont les dernières
+représentations sont annoncées.
+
+Ne pas manquer surtout les deux tableaux du _Sacre du Printemps!_ Il
+n'arrive pas tous les jours qu'on voie, pour un Ballet, une foule se
+passionner et des auteurs crier à la cabale.
+
+Cabale inoffensive d'ailleurs; où l'on ricane, où l'on sifflote; une
+cabale qui, non seulement ne prend point les choses au tragique, mais
+semble ne se plaindre que de les voir prendre par quelques-uns un peu
+plus au sérieux qu'il ne faudrait.
+
+Est-ce à dire que le grand danseur par qui cette chorégraphie «païenne»
+lut imaginée et le musicien de talent qui fit sautiller si étrangement
+ces marionnettes sur une musique qu'en peut qualifier de troublante,
+sans offenser personne, aient manqué de sincérité, ou, comme
+l'affirmaient quelques spectateurs maussades, se soient moqués de nous?
+Mais non, et ce sont là des insinuations très vilaines. Le musicien qui
+prend la peine d'écrire et d'orchestrer une partition (ce qui est un
+fort rude labeur) ne songe jamais à se moquer de personne; et le
+chorégraphe qui anime de son inspiration des masses dansantes, règle des
+pas inédits, des mouvements neufs (ce qui ne doit pas être une mince
+besogne non plus!) ne saurait être accusé, le pauvre, d'être un homme
+sans sincérité. Où M. Nijinski a-t-il appris que les Russes de la
+préhistoire dansassent de la manière qu'il les fait danser? Nulle part,
+évidemment. Mais sa conviction qu'ils dansaient ainsi, et non autrement,
+n'en est pas moins certaine.
+
+Une sincérité moins certaine me paraît être celle de certains
+spectateurs. Ah! ceux-là sont admirables; et, s'il faut voir _le Sacre
+du Printemps_ (que les auteurs me pardonnent cette opinion
+irrespectueuse), c'est aussi pour jouir du spectacle de ceux et de
+celles qui s'y pâment. Vous les connaissez; ce sont nos amis les snobs,
+qu'on retrouve partout, animés d'une ardeur que rien ne rebute, d'une
+apparence de foi qui ne se lasse point. Qu'il s'agisse de choses peintes
+ou de choses sculptées, de musique, de danse, de théâtre ou de
+belles-lettres, ils sont prêts, toujours. Il leur suffit que l'oeuvre
+soit présentée dans des conditions de suffisante élégance et déclarée
+très ennuyeuse et très obscure, pour qu'aussitôt ils se précipitent,
+d'avance conquis, et tout de suite proclament que rien n'est plus beau,
+plus clair, plus simple que ce qu'on leur montre là. Personne n'a
+compris? C'est assez pour qu'eux comprennent. Il ne faut point détester
+les snobs. Ce ne sont ni des gens sans esprit, ni des gens méchants. Ce
+sont des aristocrates; ce sont des personnes très dégoûtées qui ne
+veulent toucher qu'à des opinions qui n'ont pas servi.
+
+ *
+ * *
+
+Les fêtes de la semaine prochaine, à Montmartre, ne les attireront
+sûrement pas. Elles attireront trop de monde pour que le snobisme y
+puisse trouver du plaisir. Je crois que, tout de même, en dépit de la
+cohue, elles vaudront d'être vues.
+
+La Butte et ses alentours sont habités par des hommes qui ont beaucoup
+d'esprit, qui sont gais, et qui savent perdre leur temps à des besognes
+charmantes qui ne rapportent rien; car ils sont généralement pauvres, ce
+qui explique pourquoi ils méprisent volontiers l'argent. On sait que
+leurs fêtes de la semaine prochaine--trois pleines journées de
+réjouissances!--son des fêtes d'adieu! On rira. On devrait pleurer,
+puisqu'il s'agit de saluer Montmartre non pas comme on salue un
+vainqueur, et comme le saluait, il y a vingt ans, le gentilhomme Salis,
+mais comme on salue un mort.
+
+En effet, Montmartre s'en va. Montmartre s'écroule; non de vieillesse,
+mais d'ambition. Montmartre veut avoir des rues larges à la place de ses
+ruelles, des garages d'automobiles à la place de ses petits jardins. La
+Butte veut être une butte moderne; électricité, téléphone, ascenseur et
+sagesse à tous les étages...
+
+Il faut en prendre son parti. Les démolisseurs sont à l'oeuvre, et le
+drame est commencé. Des ruelles historiques de Montmartre ont déjà
+disparu; d'autres vont disparaître, et cela continuera aussi longtemps
+que derrière les peintres qui enragent et les poètes qui pleurent, il y
+aura des propriétaires qui se frottent les mains.
+
+Il y aura donc peut-être, fout compte fait, pour l'Étranger qui passe,
+quelque chose de plus intéressant à voir dans Montmartre, la semaine
+prochaine, que les fêtes qui s'y donneront: il y aura Montmartre
+lui-même.
+
+Qu'il s'y promène avant qu'y sévisse le vacarme des cavalcades; et qu'il
+retourne y poursuivre sa promenade, après que les cavalcades auront
+passé.
+
+Même entamée par la pioche des entrepreneurs, la Butte demeure quelque
+chose de charmant. Certaines des rues qu'on y voit encore--telles la rue
+de l'Abreuvoir et la rue Girardon--étaient, au dix-septième siècle, des
+sentiers: et ces sentiers eux-mêmes avaient été tracés sur une terre
+foulée autrefois par les Druides, et où Mercure et Mars eurent des
+temples! Il n'y a plus de temples à Montmartre; mais il y reste encore
+trois moulins. Les «Amis du Vieux Paris» n'ont point d'architectures
+vénérables à y faire admirer aux étrangers: mais d'amusants débris du
+passé, des morceaux de pavillons, d'abbayes, d'observatoires, des traces
+de destruction guerrière y évoquent l'histoire de dix siècles, à côté de
+maints cabarets fameux où se racontent l'histoire... et les histoires
+d'hier.
+
+On ne peut pas dire que la Butte soit une belle chose, en vérité; mais
+tant d'événements s'y sont passés, et tant de figures y ont passé qu'on
+peut dire qu'elle compose à elle seule le plus prodigieux recueil
+d'anecdotes qu'il y ait à Paris.
+
+Étrangers, allez vite feuilleter le recueil, avant que le Progrès en ait
+chiffonné et balayé les dernières pages!
+
+UN PARISIEN.
+
+
+
+AGENDA (14-21 juin 1913)
+
+CONFÉRENCES.--Hôtel de Sens (rue du Figuier): le 15 juin, à 4 heures,
+conférence de M. Léon Riotor. Le 20 juin, au Salon de la Société des
+Artistes Français (Grand Palais): conférence de M. Jean Morin: _la
+Verrerie artistique dans l'antiquité_.
+
+EXPOSITION PHILATÉLIQUE.--Au Palais de Glace (Champs-Elysées): du 21 au
+30 juin, exposition philatélique internationale organisée par la Société
+française de timbrologie.
+
+EXPOSITIONS ARTISTIQUES.--_Paris_: Grand Palais: Salon de la Société des
+Artistes Français; Salon de la Société nationale des
+Beaux-Arts.--Pavillon de Marsan (Louvre): l'Art des Jardins en
+France.--Bibliothèque Le Peletier de Saint-Fargeau (29, rue de Sévigné):
+Promenades et Jardins de Paris.--Hôtel de Sens (rue du Figuier): le 16
+juin, clôture de l'exposition des Artistes du 4e arrondissement.
+
+CONGRÈS.--A l'Hôtel des Sociétés savantes: du 16 au 20 juin, se tiendra
+un congrès forestier international, organisé par le Touring-Club de
+France.
+
+FÊTES DE BIENFAISANCE.--Au vélodrome du Parc des Princes: le 16 juin, à
+2 h. 1/2 fête artistique et sportive, au bénéfice de l'oeuvre française
+du rapatriement des artistes lyriques et dramatiques.--Au Trocadéro: le
+17 juin, matinée donnée Par l'oeuvre des Trente Ans de théâtre au
+bénéfice de son dispensaire.
+
+FÊTE.--Le 19 juin, à l'Opéra: soirée de gala en l'honneur de Beethoven,
+Verdi, Saint-Saens. Au programme, sélection d'oeuvres des trois
+compositeurs, avec orchestre.
+
+SPORTS.--_Courses de chevaux_: le 14 juin, Auteuil; le 15, Chantilly,
+prix du Jockey-Club: le 16, Saint-Cloud; le 17, Enghien; le 18, le
+Tremblay; le 19, Longchamp; le 20, Maisons-Laffitte; le 21,
+Saint-Ouen.--_Aéronautique_: le 15 juin, à Saint-Cloud, grand prix
+annuel de l'Aéro-Club de France.--_Automobile_: le 22 juin, grand prix
+de France des motocyclettes, circuit de Fontainebleau.--_Boxe_: le 15
+juin, à Toulouse: Willie Levis contre Kid Jackson.
+
+
+
+LES LIVRES & LES ÉCRIVAINS
+
+LE GRAND PRIX DE LITTÉRATURE
+
+C'était, la semaine dernière, la seconde fois que l'Académie française
+attribuait son Grand Prix de littérature. La raison de ce prix, fondé il
+y a trois ans sur l'initiative de M. Paul Thureau-Dangin, fut sans doute
+qu'il appartenait essentiellement à l'illustre compagnie de décider,
+elle avant tous autres, quelle oeuvre méritait, chaque année, d'être
+sacrée chef-d'oeuvre. De-ci de-là, d'autres jurys bien rentes avaient
+peu à peu rogné sur cette prérogative, et telles de leurs décisions
+avaient été retentissantes. On en était venu à complètement oublier que
+cent ou cent cinquante volumes--à peu près le quart de la production en
+librairie--étaient annuellement jugés dignes par l'illustre assemblée
+d'une plus ou moins haute récompense. Les lauréats de l'Académie étaient
+devenus plus nombreux encore que les officiers d'académie. On n'y
+prenait plus garde dans le public, tandis que l'on s'accoutumait à
+acheter de confiance, aux étalages des libraires, les volumes primés par
+les académiciens Goncourt ou même par les dames de la _Vie Heureuse_.
+L'Académie ne pouvait rester sur cet affront. Elle ajouta à ses cent
+cinquante prix annuels un cent cinquante et unième prix auquel elle
+donna le nom de Grand Prix, et qu'elle dota de dix mille francs. Dix
+mille francs, c'est une somme. Il y eut une brusque émotion dans toute
+la gendelettres où, nuls, jeunes ou vieux, ne pouvaient bouder à un
+pareil encouragement à bien écrire. De son côté, l'Académie se devait à
+elle-même, pour cette fois, de bien juger. Elle souhaita d'être
+infaillible, et ce souci l'obséda au point que, le premier coup, dans le
+scrupule de se tromper, elle préféra s'abstenir de prendre une décision.
+On lui reprocha assez vivement cette attitude pour que, l'année
+suivante, elle supprimât le temps de la réflexion et se précipitât, les
+yeux fermés semble-t-il, sur une oeuvre dont on lui avait dit du bien:
+_l'Élève Gilles_, de M. André Lafon. Mais ce choix fut peu ratifié par
+le public. On attendit la belle, c'est-à-dire la troisième épreuve, qui
+se décida le jeudi de la semaine dernière. Trois livres, ou plutôt une
+oeuvre, toute une oeuvre d'écrivain et deux livres étaient en
+discussion. Couronnerait-on le _Jean-Christophe_, de M. Romain Rolland,
+qui venait de terminer, par un éblouissant chapitre (1), ce roman, en
+onze volumes, de la pensée d'une époque; ou bien donnerait-on le prix
+aux romans nés d'hier de deux nouveaux venus dans les lettres: _Laure_
+(2), de M. Émile Clermont, ou _l'Appel des armes_, de M. Ernest Psichari
+(3). Il apparut tout de suite que la beauté et la richesse de l'oeuvre
+de M. Romain Rolland étaient indiscutables et ne souffraient guère de
+comparaison. Mais il y avait à trancher une question de principe par
+quoi se divisaient les opinions académiques. Le Grand Prix devait-il
+honorer une carrière ou encourager un début? On vota plusieurs fois pour
+se mettre d'accord sur la thèse et, finalement, la majorité des
+suffrages attribua le laurier d'or à l'oeuvre de M. Romain Rolland, à
+_Jean-Christophe_, que venait d'ailleurs de parachever le volume final
+paru dans les délais convenus pour la validité des candidatures. Le
+président de la République lui-même, M. Raymond Poincaré, avait tenu à
+participer à toutes les passes de la joute. On assure qu'il vota pour
+_Jean-Christophe_.
+
+ Note 1: _Jean-Christophe, la Nouvelle Journée_, par Romain
+ Rolland, Ollendorff, éditeur, 3 fr. 50
+
+ Note 2: _Laure_, par Émile Clermont, Bernard Grasset, éditeur, 3
+ fr. 50.
+
+ Note 3: _L'Appel des armes_, par Ernest Psichari, Oudin, éditeur,
+ 3 fr. 50.
+
+Sans doute, l'Académie, en donnant le plus haut gage de son estime à M.
+Romain Rolland, n'a pas entendu épouser les doctrines sur la vie,
+aventureuses et un peu confuses, de Jean-Christophe Kraft, musicien
+génial, les conceptions imprécises de son humanitarisme, son mépris de
+l'oeuvre du passé et son peu de goût pour notre art national. Les idées,
+en elles-mêmes, n'ont pas été jugées, et c'est très bien ainsi. On n'a
+voulu retenir que l'abondance prodigieuse de la pensée, éclose à chaque
+ligne, la pureté, si française, de la langue, l'exacte et délicate
+beauté des paysages du Rhin, la fraîcheur émouvante des scènes de
+l'amour adolescent, le sens noble et profond des pages sur l'amitié.
+Lorsque parut le premier _Jean-Christophe_--que le jury de la _Vie
+Heureuse_ eut, tout d'abord, l'heureux instinct de distinguer--ce fut
+une joie, une émotion vive et ravie dans ces lettres, car, dès ce
+moment, l'on salua et l'on mit hors de pair le grand écrivain qui venait
+de naître, et qui, aujourd'hui, dans sa laborieuse retraite de Vevey, où
+est venu le surprendre la consécration académique, travaille
+paisiblement à de nouvelles fortes oeuvres.
+
+ *
+ * *
+
+M. Romain Rolland nous dit, dans la préface du dernier volume de
+_Jean-Christophe_: «J'ai écrit la tragédie d'une génération qui va
+disparaître. Je n'ai cherché à rien dissimuler de ses vices et de ses
+vertus, de sa pesante tristesse, de son orgueil chaotique, de ses
+efforts héroïques et de ses accablements sous l'écrasant fardeau d'une
+tâche surhumaine: toute une somme du monde, une morale, une esthétique,
+une foi, une humanité nouvelle à refaire. Voilà ce que nous fûmes.» Et
+il ajoute: «Hommes d'aujourd'hui, jeunes hommes, à votre tour!
+Faites-vous de nos corps un marchepied et allez de l'avant. Soyez plus
+grands et plus heureux que nous.»
+
+Jeunes hommes d'aujourd'hui, s'écrie, en riposte, M. Ernest Psichari
+dans _l'Appel des armes_, pour redevenir grands et forts, ne continuez
+point de suivre la route de la critique, des vides sophismes et des
+inutiles tournois de l'esprit. Nous avons trop d'esprit. Mais nous
+n'avons plus d'âme. Notre cerveau éclate sous la poussée des
+imaginations folles et malsaines, et dans l'effort des mesquines
+discussions. Nous nous mourons de littérature. Arrêtons-nous sur le
+chemin de Byzance. Plus de paroles, de l'action. Retrempons notre race
+dans le soleil et dans le feu des terres neuves, mystiques et
+guerrières!
+
+Entre ces deux livres en conflit, le roman de M. Émile Clermont,
+_Laure_, a recueilli, pour de tous autres mérites, d'importants
+suffrages. La pensée est moins riche ou moins ardente que dans les
+oeuvres précédentes. Elle n'est pas moins élevée. Elle est plus subtile.
+C'est l'étude d'une âme inaccessible aux réalités modestes du bonheur
+humain. Qu'elle erre dans l'épanouissement sublime d'un parc au matin du
+printemps, ou qu'elle se replie dans le silence clos et froid d'une
+cellule, cette âme de Laure est une âme de cloître, orientée toujours
+vers l'infini. Elle est trop loin, trop haut pour descendre parmi les
+médiocrités de la vie. Elle passe, à distance, comme une lumière. Elle
+éclaire autour d'elle. Mais elle ne se mêle pas aux autres faibles et
+troubles lueurs humaines. On trouve, dans cette oeuvre, certainement
+influencée par l'art de M. René Boylesve, des nuances infinies de
+pensée, qui, parfois, à vrai dire, trahissent trop la recherche et
+nuisent au relief. Aussi le personnage étudié demeure-t-il, malgré tout,
+imprécis. Il y a des visions brèves, délicieuses, deux ou trois scènes
+muettes d'une grande émotion, et beaucoup de très jolies petites images
+qui n'arrivent pas cependant à nous donner un seul portrait expressif.
+M. Émile Clermont a révélé dans son récit de rares qualités d'écrivain.
+Et ces qualités, cependant, ne nous ont point valu un livre parfait ni
+même peut-être un très bon livre. L'attention se lasse. Elle résiste mal
+aux longueurs, car 200 pages pourraient, sans lui nuire, être
+retranchées de ce volume qui en compte 417. Enfin, il y a trop souvent
+une absence de simplicité qui irrite. Voici, par exemple, Laure qui
+prophétise avec un enfant sur les bras:
+
+--Plus tard, murmure-t-elle, que deviendras-tu, toi que j'aurai vu à
+l'aube de tes jours, comblé des plus beaux présages? A ton enfance
+quelle grâce aura manqué?... Pourtant faudra-t-il qu'au long des années,
+dans ton coeur si pur, les instincts vulgaires de la race s'éveillent
+l'un après l'autre? Hélas! le faudra-t-il?... Que deviendras-tu? Quoi
+donc! homme, simplement homme, traînant indéfiniment les mêmes désirs et
+les mêmes passions banales dans le cercle que nous savons! Cela
+seulement! éternellement cela! A cette perspective, tout regard
+s'attriste et toute pensée se décourage.
+
+Cela, c'est de la «littérature» et non point de la meilleure. Nous
+aimons mieux l'art, très fin, très souple, qui chatoie, en cent autres
+endroits, dans l'expression de la sensibilité humaine. _Laure_, c'est un
+joyau trop minutieusement ouvré. Il y a trop de facettes. On ne retrouve
+plus le foyer.
+
+ALBÉRIC CAHUET.
+
+
+
+L'ATTENTAT D'HANOI
+
+Nous avons, il y a deux semaines, signalé, par quelques documents
+photographiques, le déplorable attentat d'Hanoï, qui, le 26 avril
+dernier, fit deux victimes, le commandant Mongrand et le commandant
+Chapuis. Le portrait du premier qui avait pu nous parvenir sans retard,
+a été, à cette douloureuse occasion, publié dans notre numéro du 31 mai.
+Il convenait de rendre le même hommage à son camarade, frappé à ses
+côtés, officier, comme lui, d'infanterie coloniale.
+
+[Illustration: Le commandant Chapuis.]
+
+Le commandant Chapuis, blessé grièvement par la bombe jetée sur la
+terrasse du Hanoï-Hôtel, ne succomba qu'après une cruelle agonie: il eut
+encore le suprême courage de supporter une opération qui ne laissait
+aucun espoir.
+
+Il est mort au moment où il s'apprêtait à revenir en France, ayant
+terminé son séjour en Indochine.
+
+
+
+DOCUMENTS et INFORMATIONS
+
+HISTOIRES DE SCORPIONS.
+
+L'histoire naturelle nous apprend que le scorpion est un animal d'une
+voracité extrême, redoutable pour les insectes dont il fait sa proie
+ordinaire, et même pour l'homme, qui doit, dans les pays chauds, se
+garder de sa piqûre envenimée: les deux photographies reproduites
+ci-contre témoignent que sa férocité s'exerce également sur ses
+semblables et que, dans cette gent cruelle, le plus vigoureux s'attaque
+volontiers au plus faible, et le dévore.
+
+C'est à un entomologiste de Biskra, M. Chiarelli, grand collectionneur
+d'insectes sahariens, que nous devons la communication de ces curieux
+documents. On sait que la femelle du scorpion porte ses petits sur son
+dos jusqu'à ce qu'ils soient assez forts pour aller chercher eux-mêmes
+leur subsistance. En ayant isolé une avec sa progéniture, M. Chiarelli
+voulut un jour la sortir de la boîte où il la conservait: mais à peine
+l'avait-il touchée qu'il vit les petits, effrayés sans doute,
+s'éparpiller, et la mère, les attrapant avec ses pinces, se mettre à les
+dévorer un à un. «Comme je craignais de les voir tous disparaître de
+cette façon, nous écrit l'observateur amusé de cette singulière scène,
+je plaçai immédiatement le scorpion dans un bocal, où je versai une
+solution de formol. La mère cessa de vivre, sans toutefois lâcher ceux
+qu'elle avait déjà saisis entre ses pinces.» Le photographe n'eut
+ensuite qu'à disposer l'animal et ses petits sur un morceau de drap noir
+afin d'obtenir le cliché que nous publions.
+
+M. Chiarelli procéda de la même manière pour deux scorpions de taille
+différente, qu'il avait placés dans un bocal, sans aucune nourriture, et
+qu'il retrouva, deux jours après, le plus gros dévorant l'autre: on ne
+voyait plus, de celui-ci, que l'extrémité de la queue, avec le dard. Le
+formol immobilisa, encore une fois, l'animal, qui put être alors
+aisément photographié avec sa proie.
+
+A PROPOS DU ROCHER DE TORMERY.
+
+Nous avons longuement rendu compte, dans notre numéro du 31 mai dernier,
+de l'explosion du «rocher de Tormery», par laquelle ont été anéantis les
+deux blocs latéraux de l'énorme masse de 9.000 mètres cubes qui menaçait
+le petit village savoyard. On a pu se demander--et l'auteur documenté de
+notre article posait, en terminant, la question--pourquoi on avait
+laissé subsister le bloc principal, si dangereux encore qu'on a dû
+prévoir, pour empêcher son écroulement, la construction d'un mur de
+soutien.
+
+M. A. Reulos, ingénieur des ponts et chaussées, qui fut chargé de
+l'opération, nous écrit que l'explosion de la masse entière, après avoir
+été soigneusement étudiée, était apparue comme impraticable et inutile,
+pour plusieurs raisons, qu'il nous explique. Tout d'abord, il eût été
+impossible de perforer, avec les moyens ordinaires, un bloc de 15 mètres
+d'épaisseur; il aurait fallu recourir à l'emploi de perforatrices en un
+point où l'installation d'un matériel compliqué présentait des
+difficultés presque insurmontables. D'autre part, une exploration
+minutieuse de la grande faille, en arrière du rocher, avait permis de
+constater que la masse centrale était solide et qu'il suffisait de la
+protéger, à la base, par des travaux appropriés. Enfin l'explosion
+totale faisait craindre des dégâts très importants dans le village.
+«Malgré l'effritement produit par la dynamite-gomme de la maison
+Davey-Bickford, assure M. A. Reulos, il reste toujours des morceaux de
+roc pouvant atteindre 1 ou 2 mètres cubes; plusieurs auraient été
+projetés au loin, et d'autres seraient restés accrochés dans les
+broussailles voisines, constituant pour les habitants de Tormery un
+péril permanent.»
+
+Sur quelques points de détail, M. A. Reulos rectifie nos informations:
+ce n'est pas la maison Davey-Bickford qui a fait percer les trous de
+mine, mais la maison Bernasconi, de Chambéry; et la partie centrale du
+rocher n'a pas eu, pendant l'explosion, le moindre mouvement.
+
+TRAITEMENT DE LA DIPHTÉRIE PAR L'AIR CHAUD.
+
+M. Rendu a constaté que les microbes de la diphtérie sont détruits par
+un chauffage à 60 degrés pendant cinq minutes ou par une température de
+70 degrés maintenue deux minutes. La diphtérie se localisant
+généralement aux voies respiratoires supérieures, un essai de traitement
+par la chaleur paraissait dès lors tout indiqué.
+
+Avant d'expérimenter sur des malades, l'auteur a voulu déterminer la
+limite de la température que peuvent supporter les voies respiratoires
+supérieures. Il a pu lui-même supporter des inhalations d'air chaud sec
+pendant un temps qui variait de 2 minutes à 100 degrés à une demi-heure
+à 60 degrés, la température de l'air étant prise à l'entrée de la
+bouche. Pour assurer cette tolérance imprévue, il suffit de protéger les
+lèvres et le reste de la face avec des compresses imbibées d'eau.
+
+Après cette étude préparatoire, le docteur Rendu a traité par l'air
+chaud 33 cas de diphtérie, en même temps qu'il soignait un autre groupe
+de 33 malades avec du sérum antidiphtérique. Les résultats ont été
+identiques dans les deux cas et la mortalité n'a pas dépassé 15%.
+
+LE CONGRÈS INTERNATIONAL DES FEMMES
+
+Le dixième congrès international des femmes, qui s'était réuni à Paris,
+vient de terminer ses travaux.
+
+Si les premières féministes pouvaient aujourd'hui contempler leur
+oeuvre, elles partageraient avec les doyennes du parti un étonnement
+extrême: Mmes Vincent, Hubertine Aucler et d'autres «anciennes»,
+vaillantes et simples, ont dû se croire transportées dans un monde
+nouveau, au milieu de cette assemblée où furent représentées plus de
+vingt nations, assemblée aussi féminine que féministe, élégante et
+posée, où la sagesse présidait en personne derrière un bureau tout
+fleuri de roses.
+
+Beaucoup de vieilles dames, ayant évidemment passé l'âge de
+l'inexpérience; quelques-unes bien charmantes sous les cheveux blancs,
+n'abdiquant en rien leur dignité ou leur coquetterie de femmes et
+servant avec esprit la cause qu'elles défendent: telles furent, pour ne
+citer que celles-ci, Mme Siegfried, présidente du Congrès, et Mlle
+Bonneval, présidente de séance.
+
+D'autres, plus jeunes, ardemment convaincues, exposent leurs travaux
+avec mesure, une mesure qui, parfois, paraît de la froideur et empêche
+les idées de passer «la rampe», exception faite cependant pour Mmes
+Séverine et Maria Vérone, dont l'éloquence communicative enthousiasme
+les congressistes.
+
+Lady Aberdeen, ex-vice-reine des Indes, présidente d'honneur, apportait
+avec l'autorité de son nom la grâce aristocratique de sa personne; Mme
+Cruppi parlait avec une compétence que sa distinction faisait
+particulièrement apprécier; Mme Avril de Sainte-Croix se signalait par
+son activité et son bon sens positif qui lui fit lancer cette boutade:
+«Commencez par faire respecter les lois que vous avez, avant d'en
+demander d'autres.»
+
+Et, dans une harmonie parfaite, ce congrès s'est déroulé, sans heurt,
+sans déclaration outrancière. A peine sentait-on, par instant, poindre
+ce sentiment indéfinissable qui ressemble de loin à la jalousie,
+sentiment si accentué dans les assemblées masculines, mais qui, chez les
+femmes, pourrait bien n'être qu'une généreuse émulation.
+
+Les travaux présentés formaient un ensemble considérable embrassant des
+questions multiples: hygiène, travail, sciences, politique, etc., le
+tout traité avec une raison indiscutable.
+
+La section du suffrage offrait un intérêt particulier: on attendait, on
+espérait peut-être des manifestations ridicules. Cette sympathique
+curiosité a été déçue; Mme Maria Vérone, s'abstenant de tout commentaire
+personnel, a simplement rappelé les réformes utiles réalisées par les
+femmes dans les pays, déjà nombreux, où elles sont électrices et
+éligibles.
+
+En Amérique et en Océanie, le sort des ouvriers s'est fort amélioré
+depuis que les femmes votent. Partout les électrices ont fait adopter
+des lois importantes pour l'éducation morale; elles combattent tout ce
+qui déprave l'homme et la femme et, par suite, atteint l'enfant; elles
+mènent une guerre sans merci contre l'alcoolisme et elles ont obtenu des
+résultats extraordinaires en faisant interdire les débits d'alcool ou
+limiter leur nombre. C'est ainsi qu'en Suède on compte actuellement un
+débit pour 5.000 habitants au lieu de 1 pour 400 habitants il y a
+quelques années; en Norvège on ne trouve pas plus d'un cabaret pour
+20.000 habitants; en Islande l'alcool est prohibé, l'alcoolisme a
+presque disparu en Finlande. Au Wyoming, où les femmes votent depuis
+vingt-cinq ans, il n'y a plus d'asiles d'indigents, les prisons sont
+presque vides et les crimes sont devenus très rares.
+
+La question de la paix est ainsi noblement posée par les congressistes;
+quels sont les moyens propres à éveiller dans les jeunes consciences
+l'amour de la justice et le respect du droit des peuples?
+
+Enfin Mme Maria Vérone lance cet appel éloquent qui précise le véritable
+point de vue du féminisme sérieux, trop souvent défiguré par ses
+adversaires: «Féministes de tous pays, nous devons lutter pour que les
+femmes obtiennent partout l'émancipation politique, on considérant cet
+affranchissement non point comme un _but_, mais comme un MOYEN de
+réaliser notre programme, comme une étape nécessaire vers le progrès.
+Alors seulement il nous sera permis d'entrevoir un avenir meilleur pour
+ceux qui nous suivront, d'espérer que désormais la justice et le droit
+régneront dans la famille consolidée, dans la nation régénérée, dans
+l'humanité tout entière fraternellement unie.»
+
+[Illustration: DANS LE MONDE DES SCORPIONS.--Une mère qui dévore ses
+petits. Elle en tient un dans sa bouche et en a déjà saisi deux autres,
+un dans chaque pince. _Collection de M. Chiarelli, à
+Biskra.--Photographies Bougault._]
+
+[Illustration: Scorpion avalant un de ses congénères. On ne voit plus,
+de la victime, que les trois dernières phalanges de la queue et le
+crochet venimeux sortant de la bouche du mangeur.]
+
+
+
+[Illustration: A la Chambre de Manille: les députés philippins en
+séance.]
+
+LE PARLEMENT PHILIPPIN
+
+A regarder la curieuse photographie que nous reproduisons ici, on
+dirait, tout d'abord, d'une classe de grands écoliers bien sages, tous
+vêtus de semblable manière, ainsi qu'il convient aux élèves de la même
+institution, et écoutant attentivement la parole du maître, assis
+derrière leurs pupitres identiques... Nos yeux accoutumés aux vastes
+assemblées parlementaires où se discutent les affaires des grands États
+verront avec une surprise amusée, en cette image, la salle des séances
+de la Chambre philippine, à Manille. Sur chaque pupitre, une prévoyante
+administration a fait inscrire, en lettres blanches, le nom de celui qui
+l'occupe: grâce à cette disposition ingénieuse, le président ne peut
+avoir aucune hésitation à reconnaître et à désigner, dans le tumulte des
+débats, le député turbulent pour lequel s'impose un rappel à l'ordre.
+
+Les occasions lui sont fréquentes d'user des sévérités que lui accorde
+le règlement, car les délibérations de la Chambre philippine, pour se
+poursuivre devant une assemblée peu nombreuse, sont souvent bruyantes et
+passionnées. Il y a quelque temps, M. Pedro A. Paterno (que l'on
+aperçoit ici au premier rang) soulevait des protestations indignées en
+proposant, comme unique moyen d'augmenter rapidement la population de
+l'archipel, la bigamie obligatoire. Plus récemment, un projet de loi sur
+la suppression de l'esclavage, courageusement soutenu par le secrétaire
+de l'Intérieur, M. Dean C. Worcester, provoquait de vives
+controverses... Les députés de Manille n'observent point toujours la
+paisible attitude qu'on leur voit sur notre photographie.
+
+
+
+UN «PRINCE DES ESPIONS»
+
+«L'affaire Kedl», qui vient d'éclater brusquement en Autriche, a un côté
+romanesque, une ampleur qui la distingue des banales et mesquines
+histoires d'espionnage où quelque soldat besogneux est compromis à bas
+prix: le colonel Alfred Redl a pu être justement qualifié de prince des
+espions.
+
+Il était bel homme, et portait avec aisance le coquet uniforme
+autrichien. Il avait quarante-six ans; on lui en eût donné quarante. Le
+teint haut en couleur, le verbe assuré, l'allure athlétique, un peu
+vulgaire, pourtant, il s'imposait à l'attention là où il paraissait.
+Détail piquant, avant de trafiquer, avec la Russie, des secrets
+militaires de son pays, il a pris la parole, comme commissaire du
+gouvernement, représentant de la vindicte publique, dans maintes
+affaires d'espionnage. Il était, en dernier lieu, chef d'état-major du
+commandant du 8e corps, à Prague.
+
+Sa carrière avait été superbe, puisqu'on parlait déjà de sa promotion au
+grade de général. «Une carrière d'archiduc», disait au correspondant du
+Figaro un de ses camarades. Il menait grand train, avec autos et
+maîtresses cotées.
+
+La guerre des Balkans allait détruire ce bel édifice et révéler,
+derrière la brillante façade de cette vie fortunée, les infamies
+cachées. Ce fut, en effet, à de certaines coïncidences, au moment de la
+mobilisation autrichienne, à des concordances saisissantes entre les
+mouvements des troupes de la monarchie dualiste et de celles de la
+Russie, qu'on commença de soupçonner le colonel Redl. Une enquête
+discrète fut commencée. Le 24 mai, le chef d'état-major du 8e corps
+était mandé à Vienne: on voulait profiter de son absence pour opérer
+chez lui une perquisition. Elle donna des résultats accablants. Le drame
+se dénoua en quelques heures. Tandis que Redl dînait dans sa chambre
+d'hôtel, trois officiers d'état-major fouillaient l'automobile qui
+l'avait amené. Ils y trouvaient un revolver et des papiers déchirés.
+Déjà le télégraphe avait apporté au ministère de la Guerre les résultats
+de l'opération de Prague. Il semble qu'on eût dû arrêter Redl sans
+délai. Non. Les trois officiers, avec un procureur, lui firent visite
+dans sa chambre. Des policiers furent apostés dans les corridors de
+l'hôtel. Redl put néanmoins sortir, aller au café, écrire des lettres.
+Le lendemain, on le trouvait mort, un browning neuf gisant à ses pieds.
+
+[Illustration: Le colonel autrichien Alfred Redl. _Phot. Harkanyi._]
+
+L'affaire, toutefois, ne saurait être étouffée, car de nombreuses
+arrestations, s'y rapportant, ont été opérées.
+
+
+
+LES THÉÂTRES
+
+Après le _Martyre, de Saint-Sébastien_, qui fut représenté, il y a deux
+ans, au théâtre du Châtelet, M. Gabriele d'Annunzio vient de donner sur
+cette même scène une nouvelle pièce, écrite en notre langue, dont il
+connaît et met en oeuvre, avec un lyrisme abondant, toutes les
+magnifiques ressources, _la Pisanelle ou la Mort parfumée_. Composée en
+vers décasyllabiques et non rimes, cette comédie, qui compte un prologue
+et trois actes, fait revivre une époque et une légende françaises, en
+nous transportant au treizième siècle, dans l'île de Chypre, alors
+gouvernée par le prince Huguet de Lusignan: la «Pisanelle», c'est une
+jeune femme de Pise, faite prisonnière par des pirates, qui vient, ainsi
+que l'ont annoncé les prédictions, délivrer l'île des maux dont elle est
+accablée.
+
+Mise en scène par M. Usewolod Meyerhold, des théâtres impériaux de
+Saint-Pétersbourg, encadrée dans des décors aux colorations
+audacieusement somptueuses de M. Léon Bakst, accompagnée d'une partition
+due à M. Hildebrando da Parma, _la Pisanelle_ a obtenu auprès du public
+parisien le plus chaleureux succès. On a beaucoup applaudi les
+interprètes, au premier rang desquels Mme Ida Rubinstein et MM. de Max
+et Joubé.
+
+Au théâtre Antoine, reprise du _Baptême_, de MM. Alfred Savoir et
+Nozières. Le succès de cette comédie, une des plus remarquables du
+répertoire contemporain, ne se dément pas et durera longtemps. On sait
+qu'elle met à la scène des juifs convertis au catholicisme et tirant
+avantage de leur conversion pour élargir leurs affaires. Le sujet était
+délicat à traiter. Les auteurs l'ont abordé sans parti pris; leurs types
+sont heureusement campés; l'intrigue, claire, bien conduite, abonde en
+traits d'observation. Parmi les interprètes, M. Lugné Poe et Mme Cheirel
+ont été particulièrement applaudis. Le spectacle commence par _le Champ
+libre_, un acte très divertissant de M. Jean Jullien.
+
+Les Escholiers ont donné quatre pièces nouvelles qui composent un
+spectacle varié. _Coup double_, de MM. Renouard et Le Clerc, est une
+aimable bergerie sentimentale. _Le Tournant_, de M. Lionel Nastorg, fait
+dialoguer d'autres amoureux avec philosophie à l'heure de la rupture.
+_L'Épreuve d'amour_, de M. Grawitz, indique son sujet par son titre;
+mais les amants ici portent le costume grec et s'expriment en vers.
+Quant à la _Vraie Loi_, cette pièce se distingue par ses deux actes des
+précédentes qui n'en ont qu'un; on y voit les enfants d'un homme qui se
+tua, possédés à leur tour par la hantise du suicide. Pour la
+représentation de ces oeuvres, les Escholiers avaient fait appel à
+d'excellents artistes.
+
+
+
+[Illustration: MARIÉ SANS LE SAVOIR, par Henriot.]
+
+
+
+
+
+
+
+
+End of Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3668, 14 Juin 1913, by Various
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+Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement
+and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic
+works. See paragraph 1.E below.
+
+1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation"
+or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project
+Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual works in the
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+Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3668, 14 Juin 1913, by Various
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+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
+
+
+Title: L'Illustration, No. 3668, 14 Juin 1913
+
+Author: Various
+
+Release Date: February 15, 2012 [EBook #38883]
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+Language: French
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+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK
+L'ILLUSTRATION, NO. 3668, 14 JUIN 1913 ***
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+
+
+
+Produced by Jeroen Hellingman et Rénald Lévesque
+
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+
+
+
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+
+
+
+
+<br><br>
+
+<div class="cont">
+
+
+
+
+
+
+<p>L'Illustration, No. 3668, 14 Juin 1913</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/000small.png"><br><a href="images/000large.png">(Agrandissement)</a></p>
+
+<div class="sml">
+<p>Ce numéro contient:<br>
+
+1° LA PETITE ILLUSTRATION Série-Théâtre n° 11: <span class="sc">Marie-Magdeleine</span>, de M.
+Maurice Maeterlinck;<br>
+
+2° Un <span class="sc">Supplément économique et financier</span> de deux pages.</p>
+</div>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/001.png"><br>
+
+<p class="mid"><span class="sc">
+<span class="rig">M. Pierre Baudin. &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;V.-amiral Le Bris.</span></span><br>
+
+<img alt="" src="images/001a.png"><br><span class="sc"><span class="rig">
+M. Poincaré. M. Étienne.&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;
+ C.-Amiral Darrieus. M. Mollard. V.-Amiral Bellue.</span></span><br>
+<b> LE SALUT A L'ARMÉE NAVALE En rade de Toulon: le
+Président de la République, les ministres de la Guerre et de la Marine,
+abordant en chaloupe le croiseur «Jules-Michelet», répondent aux vivats
+de l'équipage.</b></p>
+
+<p>L'Illustration, <i>qui vient de donner huit pièces de théâtre en sept
+numéros consécutifs, va commencer, dans le prochain fascicule de</i> La
+Petite Illustration <i>(21 juin), la publication d'un roman nouveau dont
+le titre seul éveillera la curiosité du lecteur:</i></p>
+
+<p class="mid"><i><b>UN ROMAN DE THEATRE</b></i></p>
+
+<p><i>par</i> <span class="sc">M. Michel Provins</span>, <i>de qui nous avons publié, il y a quelques
+années, une série de nouvelles d'une très délicate et très pénétrante
+observation.</i></p>
+
+<p><i>Puis--après le court intervalle nécessaire encore à l'apparition de
+quelques pièces de théâtre--commencera la publication du roman auquel
+travaille</i> <span class="sc">M. Paul Bourget</span>, <i>de l'Académie française:</i></p>
+
+<p class="mid"><i><b>LE DÉMON DE MIDI</b></i></p>
+
+<br><br>
+
+<h2>COURRIER DE PARIS</h2>
+
+<h3>L'ART DE L'ENFANCE</h3>
+
+<p>C'est une erreur de croire que tout le monde ait été petit. Je connais,
+moi, des gens à qui cette puissante faiblesse a été refusée, des
+malheureux qui, du premier jour, sont entrés dans la vie comme s'ils
+sortaient de Polytechnique, et qui, aussitôt grands et tout formés, ont
+dû certainement naître avec de la barbe, un porte-monnaie et une canne.
+Et dans le porte-monnaie il y avait déjà quelque chose... Plaignons-les
+d'avoir--en étant tout de suite «un homme» --passé par-dessus le bonheur
+de l'enfance.</p>
+
+<p>Mais s'il vous est arrivé d'être petit, franchement petit, si vous avez
+eu une bonne dont vous teniez, en levant le bras, le coin du tablier, si
+vous êtes souvent tombé de tout votre haut, moins d'un mètre, en
+poussant des cris d'aiglon fracassé, si vous avez aimé jouer, jouer par
+terre, en ce temps que la terre était notre voisine, à portée de nos
+mains, de nos yeux fureteurs et qu'elle nous faisait plaisir à voir, à
+toucher, à tripoter, parce que nous ne savions pas, candides encore, que
+nous y serions ensevelis, et qu'en la grattant de nos petits doigts nous
+ne faisions que de commencer nous-mêmes à creuser notre tombe... si donc
+vous avez été le nain aux mollets nus, occupé pour des heures au ras du
+sol, vous devez vous souvenir des inexprimables délices que nous
+représentait et nous procurait la <i>maisonnette...</i></p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+<p>La maisonnette!... c'est-à-dire le petit logis, baroque et nécessaire,
+dont la construction s'imposait si souvent à notre impatience, au désir
+de notre instinct. La maison familiale et paternelle, la maison de
+pierre où il y avait un concierge, un escalier, du gaz et des serrures,
+ne nous suffisait pas. Il nous en fallait, au cours de nos jeux, une
+autre, plus accessible, plus intime, et <i>pour nous seuls</i>, qui fût
+cependant une réduction de la grande et de la vraie, qui en fût l'image,
+mais à notre échelle et à notre ressemblance: la maisonnette. Nous la
+cherchions et la possédions déjà dans nos joujoux, dans nos bergeries et
+nos arches de Noë. Mais c'était surtout pour <i>nous-mêmes</i> que nous
+l'exigions, afin qu'elle nous servît et que nous pussions, pendant
+quelques instants dont nous tirions des années, y élire domicile.</p>
+
+<p>Alors nous la bâtissions.</p>
+
+<p>Rappelez-vous. Presque toujours c'était dans un coin du jardin, dans un
+coin retiré que nous voulions sauvage. Il fallait que l'endroit fût un
+peu perdu et à couvert, difficile d'accès et très ombragé, que l'on ne
+vît pour ainsi dire pas de ciel et qu'il y régnât constamment cette
+fraîcheur verte et profonde qui picote et vous monte au nez dans les
+bois. Et des herbes assez hautes (jusqu'au mollet) étaient
+indispensables, ainsi que d'épais fourrés, pour nous donner la pleine
+illusion de la forêt vierge... Il n'était pas mauvais non plus que, pour
+découvrir ce lieu de retraite, l'on fût contraint à plus d'un détour,
+que l'on fît semblant de s'égarer, de consulter des boussoles,
+d'appeler, en mettant ses mains en cornet devant sa bouche, que l'on
+écartât des branches qui résistaient et que l'on prît des petits
+sentiers biscornus comme ceux de la guerre dans les romans de Fenimore.</p>
+
+<p>Si par bonheur nous avions de l'eau et un rocher, c'était le rêve.</p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+<p>Il y avait deux sortes de construction: la <i>maisonnette</i> et la <i>cabane</i>.
+La première comportait plus d'élégance et de solidité, la seconde
+réclamait moins de soins, mais distribuait peut-être une joie plus
+profonde et plus mystérieuse.</p>
+
+<p>Pour la maisonnette, on avait recours à des paravents tendus de papiers
+à fleurs, à des devants de cheminée 1830 qui, vus par en dessous,
+faisaient les plafonds les plus gais. Des châles de cachemire et des
+fichus attachés par des épingles fournissaient les rideaux. Il y avait
+de vrais meubles, comme dans le salon de papa, et on s'asseyait, les
+genoux au menton, sur les tabourets de pied dont le crin piquait la
+peau. Installation complète et luxueuse. Dans la maisonnette, l'on
+jouait, garçonnets et petites filles, au monde, au monsieur qui fume, à
+la dame, à la soirée, à la visite, au concert, à la dînette, au mariage,
+aux domestiques renvoyés. En étendant la main par la fenêtre, on disait
+à une blonde de six ans, même sous un radieux soleil: «Je crois,
+comtesse, qu'il va pleuvoir.» Et quand l'eau dégringolait à seaux, en
+tambourinant les murs de papier, on sortait se rouler dans les flaques
+en criant: «La ravissante journée!»</p>
+
+<p>Mais la <i>cabane</i> était une source de sensations plus fortes, plus
+durables, plus poétiques aussi.</p>
+
+<p>On l'obtenait avec des vieilles caisses d'emballage, barbelées de clous
+tordus, des planches qui portaient les mots <i>endroit, envers</i> et
+<i>fragile</i>; on y joignait du papier goudronné, de la paille, des piquets
+de barrière. Il était naturel qu'elle fût branlante et mal jointe, afin
+de laisser passer le canon des fusils, et elle eût été ratée si elle
+n'avait pas cédé et craqué quand on s'y appuyait. Elle était
+hospitalière au vent, aux intempéries. On pouvait, de l'intérieur, à
+n'importe quel endroit, regarder à son aise au travers pour observer ce
+qui se passait dehors, voir s'il venait un voleur ou des loups. On y
+avait très peur avec un grand courage. On s'y enfermait sans clef, on
+s'y barricadait contre des dangers imaginaires et certains, on y
+guettait tout ce qui pouvait <i>venir</i>. On y savourait la vigoureuse
+impression d'être en un pays inconnu, loin de tout, un pays inhabité, au
+point de se demander quand on mangerait,... et quoi?</p>
+
+<p>La cabane faisait penser à la chasse et au naufrage.</p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+<p>Et quelquefois aussi, je me souviens que l'on avait recours à <i>la
+hutte</i>, réalisée tout simplement par trois branches en fourche, réunies
+à leur extrémité et drapées--ainsi que d'un manteau troué--de la toile
+poussiéreuse qui servait dans la remise à recouvrir «la calèche de chez
+Binder». Au faisceau rustique était suspendue sans retard une marmite
+pleine <i>d'eau du torrent</i> sous laquelle, à plat ventre, on essayait,
+avec des joues toutes rondes, d'allumer un feu qui ne voulait pas
+prendre et dont la fumée vous persécutait. Dans la hutte on n'avait le
+droit d'entrer <i>qu'en rampant</i>, et l'on y couchait sur des feuilles, la
+joue contre une pierre. C'est ainsi qu'était goûtée la vie purement
+sauvage, la vie indienne, la vie laponne, la vie dans laquelle on ne
+travaille pas, on n'a pas de dictées, ni de devoirs de vacances, dans
+laquelle on ne fait rien... rien... la vraie vie enfin.</p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+<p>Ah! maisonnettes, cabanes, huttes de mon enfance... fragiles abris de
+mon passé qui me paraissiez si solides, si sûrs, et qui n'avez pas su me
+protéger, qui vous êtes écroulés si vite!... qu'êtes-vous devenus?</p>
+
+<p>Je vous avais oubliés... et, l'autre jour, il a suffi que j'aille au
+musée Galliéra, à l'Exposition de <i>l'Art de l'Enfance</i>, pour que je vous
+retrouve et que je rentre à la minute dans mes émotions relevées. Je me
+suis recourbé de nouveau--mais beaucoup plus--en franchissant vos portes
+basses. Quand j'ai vu, dans la cour du palais Brignole, se dresser--oh!
+pas bien haut--les toitures des constructions rustiques, aux couleurs
+vives de jouets, quand j'ai vu les rideaux, touchants comme des pans de
+petites chemises, les jardinets pas plus grands qu'une assiette peinte,
+les allées étroites où je ne pouvais plus marcher qu'en mettant tout de
+bon <i>un pied devant l'autre</i>, il m'a semblé que, véritablement, je
+fondais, je diminuais pour redescendre à la taille et au niveau de
+l'esprit naïf et du coeur si pur que j'avais alors, et qui n'ont changé,
+grandi, que pour se ternir et démériter. J'avais dans les yeux, dans
+l'oreille et dans l'odorat les visions, les bruits et les senteurs du
+temps de franchise où je ne faisais <i>qu'éprouver</i>. L'odeur du sable et
+des toupies, de la peau rose des balles, du bois blanc des pelles et du
+fer des seaux me revenait aux narines comme des parfums de violettes.
+J'aurais voulu être tout seul pour mettre des cailloux dans ma bouche.
+Et si j'avais résolu de faire un pâté, je crois que, du premier coup, je
+l'aurais réussi. Je ne pouvais pas m'arracher de ces jardins de
+nourrice, de ces bosquets de Lilli put, où m'ensorcelaient tant de
+souvenirs, groupés et dispersés, tant d'événements vécus,... que j'eusse
+aimé revivre! Plus que tous les calendriers et que toutes les paroles
+fameuses sur la brièveté de nos jours, ces courtes plates-bandes, ces
+morceaux de gazon, ces piquets de verdure frisée, ces murs de paille et
+de planchettes minces me certifiaient, me prouvaient la fragilité des
+premières années qui, plus promptes, plus légères, s'enfuient et
+s'écartent aussi de nous d'un pied plus vif et plus rapide.</p>
+
+<p>Ces maisonnettes ont beau être faites pour les enfants, elles ne leur
+disent jamais--sur le moment--rien de secret ni de mystérieux. Ils les
+habitent comme de petits animaux sans les apprécier. Et ce n'est que
+bien plus tard, quand ils sont des hommes et qu'ils ne peuvent plus
+entrer dans les cabanes, qu'ils les regrettent.<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">Henri Lavedan.</span></span></p>
+
+<p><i>(Reproduction et traduction réservées.)</i></p><br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/002a.png"><br><b>Un hydroplane vogue vers le bâtiment de guerre
+présidentiel.</b></p>
+
+<h3>LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE</h3>
+
+<h4>A TOULON</h4>
+
+<p>Les deux journées que M. Raymond Poincaré, accompagné de M. Pierre
+Baudin, ministre de la Marine, et de M. Étienne, ministre de la Guerre,
+vient de passer à Toulon, la revue navale qui a marqué ce voyage ont
+constitué, au cours des manoeuvres qui s'achèvent cette semaine, un
+magnifique intermède.</p>
+
+<p>Arrivé à Toulon samedi dernier, à 8 h. 1/2 du matin, le chef de l'État
+s'embarquait presque aussitôt, après une visite à l'hôtel de ville, sur
+le croiseur cuirassé <i>Jules-Michelet</i>.</p>
+
+<p>Tous les bâtiments de l'armée navale, ayant à leur tête le <i>Voltaire</i>,
+battant pavillon de l'amiral de Lapeyrère, avaient quitté le matin la
+rade pour aller attendre en mer le <i>Jules-Michelet</i>. Le croiseur,
+arborant le pavillon personnel du Président, aux initiales R. P., défila
+d'abord entre deux files de torpilleurs d'escadre et de sous-marins,
+faisant la haie sur son passage, puis rencontra successivement, comme
+dans une première revue, les divers éléments de l'armée navale.</p>
+
+<p>L'après-midi devait être rempli par une intéressante manoeuvre. Pendant
+le déjeuner, la flotte concentrée se disloquait, se divisait, en vue du
+combat en deux groupes sous le commandement respectif des amiraux Boué
+de Lapeyrère et de Marolles. A une heure, ils étaient à 20 milles l'un
+de l'autre, et l'amiral de Lapeyrère commençait à faire rechercher par
+sa division légère l'adversaire avec lequel il voulait engager le
+combat.</p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/002b.png"><br><b>
+M. Étienne. M. Raymond Poincaré. M. Pierre<br>
+Baudin. Sur le pont du croiseur.</b></p>
+
+<p>A 2 heures, les deux forces étaient en présence. Le duel d'artillerie
+commençait.</p>
+
+<p>Il fut suivi, de la part de l'amiral de Marolles de deux attaques de
+torpilleurs qui enthousiasmèrent les spectateurs.</p>
+
+<p>Un duel d'artillerie enfin termina la journée. Puis l'armée entière se
+trouva réunie, en rade des Salins, par un crépuscule radieux.</p>
+
+<p>En guise de fête vénitienne, on offrit, le soir, au Président, la vue
+d'une attaque de nuit, et dans le ciel de sombre azur, où ses couchait
+un mince croissant, les faisceaux des projecteurs emmêlèrent leurs
+rayons.</p>
+
+<p>La journée du dimanche, consacrée à la revue navale, allait offrir un
+spectacle moins pittoresque, peut-être, mais d'une impressionnante
+grandeur.</p>
+
+<p>Le temps était délicieux. Les hydroplanes allaient être de la fête: deux
+monoplans et un biplan évoluèrent, une partie de l'après-dînée autour du
+bateau présidentiel, se mêlèrent aux goélands, jouèrent au milieu des
+barques, égratignèrent la mer, unie comme un beau lac, de leurs sillages
+argentés.</p>
+
+<p>Devant le <i>Jules-Michelet</i>, mouillé au milieu de la baie des Vignettes,
+défilèrent tour à tour, conduits par le <i>Voltaire</i>, portant l'amiral de
+Lapeyrère, les énormes <i>Danton</i>, de la 1re escadre, puis la 2e escadre,
+avec ses cinq <i>Patrie</i>, puis les cuirassés moins récents, enfin les
+croiseurs cuirassés de la division légère. Et, dans l'air lumineux, les
+accents de <i>la Marseillaise</i>, les notes allègres de la <i>Marche Lorraine</i>
+tour à tour, se mêlaient aux vivats protocolaires des équipages, au
+fracas des salves, aux hourras partis des barques lourdes de foule.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/002c.png"><br><b>A BORD DU CROISEUR «JULES-MICHELET» (7 JUIN).<br>--En route
+pour la revue navale, par un coup de mistral.</b>--<i>Phot. Marius Bar.</i></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/003a.png"><br><b>LES GRANDES MANOEUVRES NAVALES.<br>--Une concentration des
+trois escadres, avec leurs contre-torpilleurs.</b><br> <i>Photographie prise du</i>
+Jauréguiberry, <i>au retour de Porto-Vecchio.</i></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/003b.png"><br><b>LA REVUE PRÉSIDENTIELLE AU LARGE DE TOULON (7 JUIN).<br>Le
+croiseur «Jules-Michelet», ayant à bord M. Raymond Poincaré, passe,
+escorté par un torpilleur d'escadre, entre les lignes cuirassées qui
+s'avancent en sens inverse.</b><br> <i>Photographie prise du paquebot</i> Carthage,
+<i>affecté au Parlement et à la Presse.</i></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/004a.png"><br><b>En rade des Vignettes, à bord du croiseur
+<i>Jules-Michelet</i>:<br> le défilé de l'armée navale devant le Président de la
+République.</b></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/004b.png"><br><b>M. Poincaré. A bord du cuirassé <i>Voltaire</i>: présentation<br>
+des commandants des bâtiments après le défilé.</b></p>
+
+<h3>LES FÊTES DE TOULON</h3>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/005.png"><br><b>LA REVUE NAVALE DU 7 JUIN AU LARGE DE TOULON.<br>--Arrivée du
+<i>Jules-Michelet</i> battant pavillon présidentiel, entre les lignes
+cuirassées.</b> <br><i>Dessin d'Albert <span class="sc">Sébille</span>, à bord du répétiteur</i>
+Jurien-de-la-Gravière.</p>
+
+<p>En contraste avec la vision de la revue navale recueillie par l'objectif
+que nous publions deux pages plus haut, voici, vu par un peintre de
+marines, un épisode de la même imposante manifestation. Les escadres,
+qui avaient pris la mer le samedi matin, comme nous l'avons dit d'autre
+part, revenaient, un peu avant 9 heures, au-devant du <i>Jules-Michelet.</i>
+Il leur apparut bientôt, empanaché de fumée, en tenue de combat,--n'eût
+été le pavillon présidentiel flottant à son grand mât. Encore quelques
+minutes, et il s'engageait au milieu de la flotte superbe s'avançant en
+deux files. <i>Le Voltaire,</i> alors, donna le signal du salut. Ce fut,
+pendant près de deux minutes, un glorieux fracas. Il soufflait un
+mistral assez vif qui soulevait, comme pour la mêler aux mouvants
+flocons vomis par les canons, l'écume dont s'ourlaient les vagues,
+cependant qu'un blanc voilier «tout dessus» vent arrière traversait
+d'une allure souple et sûre les lignes de l'armée navale, sans troubler
+un moment cette démonstration guerrière.</p><br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/006a.png"><br><b>
+Tunnel Victoria, sur la rampe sud (côté de Brigue). Le
+profil<br> du rocher rappelle celui de la feue reine d'Angleterre.</b></p>
+
+<h3>LE NOUVEAU GRAND TUNNEL SOUS LES ALPES</h3>
+
+<h4>LE LOETSCHBERG: DE SON PERCEMENT A SON INAUGURATION</h4>
+
+<div id="img006b">
+
+<div id="img006ba">&nbsp;</div>
+<div id="img006bb">&nbsp;</div>
+
+<p>On doit inaugurer le 20 juin le chemin de fer du Loetschberg ou chemin
+de fer des Alpes Bernoises. Cette nouvelle ligne d'accès au Simplon, à
+traction électrique, située entièrement sur territoire suisse, présente
+pour notre pays un intérêt commercial qui n'est pas négligeable; en
+outre, elle atteste une fois de plus la supériorité des constructeurs
+français.</p>
+
+<p>La ligne du Loetschberg, intégralement suisse, a été concédée à un
+groupe d'entrepreneurs français, à l'exclusion de tout élément étranger.
+Ce fait exceptionnel et quelque peu anormal constitue déjà un hommage
+magnifique rendu, avant la lettre, au mérite de nos ingénieurs; la façon
+dont ces derniers ont accompli leur tâche montre à quel point une telle
+confiance était justifiée. Le percement des Alpes Bernoises a été
+commencé quelques mois après l'ouverture de la ligne du Simplon; en un
+si court intervalle, la technique des travaux souterrains n'avait pas
+fait de progrès sensibles. Or, malgré des difficultés aussi grandes,
+parfois même plus grandes, qu'au Simplon; en dépit de «surprises» aussi
+désastreuses, nos compatriotes ont battu, et de très loin, tous les
+records établis par les perceurs de montagnes pour la vitesse
+d'avancement et pour la précision du point de rencontre des équipes de
+chaque versant. En outre, c'est la première fois qu'un travail de cette
+importance, comportant un tunnel de 14.600 mètres et une dépense de 100
+millions, est terminé et livré à l'heure prévue.</p>
+
+<p>A diverses reprises, nous avons tenu nos lecteurs au courant de ces
+travaux; nous allons rappeler brièvement les étapes de l'entreprise.</p>
+
+<p>La grande chaîne des Alpes Bernoises, qui s'étend de la pointe orientale
+du Léman au massif de la Jungfrau, suit une direction sensiblement
+parallèle à la vallée du Rhône; elle isole complètement de cette
+dernière la région de Berne. De la capitale fédérale, on ne pouvait
+jusqu'ici gagner le Rhône et Brigue, point de départ de la ligne du
+Simplon, qu'en faisant un énorme détour.</p><br><br>
+
+<p class="mid"><b>Détail de la nouvelle voie ferrée et des principaux
+tunnels de Spiez à Brigue.</b></p>
+
+ <p>La petite ligne de montagne
+Spiez-Montreux est surtout une ligne de tourisme, elle ne raccourcit
+guère la distance et ne se prête point à un service de trains rapides.</p>
+
+</div>
+
+
+
+
+<p>L'idée de percer ce massif, que ne traverse même aucune voie
+carrossable, remonte à une trentaine d'années. Une première concession
+fut accordée à un groupe suisse en 1891, puis transférée en 1897 au
+canton de Berne qui ne réussit point à trouver le concours financier
+dont il avait besoin.</p>
+
+<p class="rig"><img alt="" src="images/006c.png"><br><b>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Un tournant de la ligne près de Brigue,<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;au-dessus du Rhône.</b></p>
+
+
+<p>Un banquier parisien, M. Loste, offrit alors l'appui de capitaux
+français; en même temps un consortium d'entrepreneurs français acceptait
+d'exécuter le projet. Ce consortium, établi en 1906, comprenait les plus
+éminents de nos constructeurs: MM. Allard, Chagnaud, Coiseau, Couvreux,
+Dolfus, Duparchy et Wiriot. MM. Duparchy et Coiseau étant décédés au
+début des travaux, le consortium s'adjoignit un nouveau participant
+français, M. Prudhomme. Les associés confièrent plus spécialement
+l'administration générale de l'entreprise à M. Chagnaud, celui-là même
+qui «enfonça» si magistralement sous la Seine les fameux caissons du
+Métropolitain; la direction générale des travaux échut à M. Zurcher,
+ingénieur en chef des Ponts et Chaussées.</p>
+
+<p>La voie était déjà amorcée par un petit chemin de fer de tourisme entre
+Spiez (sur le lac de Thoune) et Frütigen, qu'il y avait lieu d'adapter à
+la circulation de trains internationaux. La ligne à construire
+commençait donc à Frütigen, à 806 mètres d'altitude. Le parcours total,
+de Frütigen à Brigue, mesure 60 kil. 400 mètres; outre le grand tunnel,
+il comprend 52 tunnels secondaires formant un ensemble de 12 kilomètres
+et dont le plus important a 1.700 mètres.</p>
+
+<p>La ligne suit la vallée de la Kander; en amont de Kandersteg (1.20 0m.),
+après avoir fait, à Miltholz, une double boucle, elle entre dans le
+tunnel de 14 kilomètres, qui lui permet de passer sous le col du
+Loetschberg (2.695 mètres) et de déboucher à Goppenstein (1.218 mètres)
+sur le versant nord de la vallée du Rhône, au flanc duquel elle descend
+jusqu'à Brigue (680 mètres).</p>
+
+<p>Les travaux de perforation du grand tunnel commencés à la fin de 1906,
+marchèrent d'abord régulièrement, mais l'année 1908 fut marquée par deux
+catastrophes. Le 29 février, près de la tête sud, à Goppenstein, une
+avalanche ensevelit onze personnes sous les débris de l'hôtel restaurant
+de l'entreprise, endommageant une partie des installations et montrant
+la nécessité de construire de nouveaux logements en casemates. Quelques
+mois plus tard, le 24 juillet, la galerie nord, où l'avancement
+atteignait déjà 2.600 mètres, est en partie comblée par la chute
+soudaine d'une masse d'alluvions provenant d'un ancien lit de la Kander
+au-dessous de laquelle on devait, au dire des géologues les plus
+autorisés, passer en toute sécurité.</p>
+
+
+
+<p>Le déblaiement et l'achèvement du tunnel, suivant le tracé définitif,
+ayant été reconnus impossibles, on ferme la galerie ensablée par un mur
+de 10 mètres d'épaisseur, traversé de drains pour l'écoulement des eaux.
+On reprend les travaux à plus de 1.400 mètres en arrière, en obliquant
+vers l'est; une courbe inverse ramènera sur l'axe du premier tracé. La
+longueur totale du tunnel, fixée d'abord à 13.735 mètres, se trouve
+ainsi portée à 14.605 mètres, non compris les 1.400 mètres de galerie
+abandonnée.</p>
+
+<p>Le percement suit dès lors son cours normal, et le 31 mars 1911 les deux
+galeries d'avancement se rencontrent sensiblement au milieu du tunnel,
+avec une précision qui n'avait jamais été atteinte et qu'il semble
+difficile de surpasser. Malgré les difficultés résultant de l'adoption
+d'un tracé sinueux, malgré les corrections de nivellement nécessitées
+par l'allongement du souterrain, la déviation des deux équipes a été
+insignifiante, comme le montrent les chiffres suivants:</p>
+
+<pre>
+Écart latéral des axes des deux galeries, suivant l'horizontale 257 millimètres.
+Écart en hauteur 102
+Écart entre la longueur totale prévue (14.605 mètres) et la
+longueur mesurée après le percement 410
+</pre>
+
+<p>D'autre part, le tableau ci-après montre que la vitesse d'avancement fut
+de beaucoup supérieure à celle réalisée dans la perforation de tous les
+autres grands tunnels européens.</p>
+
+<p>On remarquera que, dans ce relevé, il n'est point fait état des périodes
+d'interruption des travaux. Si, après avoir tenu compte des jours de
+chômage et des arrêts imposés par les deux accidents, on déduit les 140
+jours de perforation à la main et l'avancement correspondant--353 mètres
+pour les deux têtes--l'avancement en perforation mécanique ressort à 11
+m. 95 par jour.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/007a.png"><br><b>La vallée de la Kander.</b></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/007b.png"><br><b>Tableau comparatif du percement des grands tunnels
+européens.</b></p>
+
+<p>La ligne complètement achevée et équipée fut livrée quelques semaines
+avant le 1er mai 1913, date fixée par les contrats.</p>
+
+<p>Un tel résultat honore d'autant plus les constructeurs français qu'ils
+avaient assumé la responsabilité d'une tâche particulièrement difficile.
+Le front d'attaque sud du grand tunnel était à 1.200 mètres d'altitude,
+dans une région parsemée de quelques misérables chalets, ensevelie sous
+la neige durant tout l'hiver, ravagée par les avalanches et reliée à la
+vallée par des sentiers rudimentaires à peine accessibles aux mulets.
+Jamais on ne s'était trouvé dans des conditions aussi déplorables pour
+creuser un souterrain d'une telle importance; il a fallu des prodiges
+d'organisation pour établir les chantiers et assurer le transport des
+matériaux. Pendant la période de travail intensif, les travaux ont
+occupé une armée de neuf mille ouvriers.</p>
+
+<p>Comme couronnement à cette oeuvre grandiose, le consortium des
+entrepreneurs a dû intenter un procès à la Compagnie du chemin de fer.
+Cette dernière refuse de considérer comme un cas de force majeure
+échappant au contrat forfaitaire l'éboulement désastreux de la galerie
+nord, bien que cette galerie ait été percée suivant le tracé imposé par
+la Compagnie, après le rapport de géologues qui s'étaient trompés
+d'environ 80 mètres sur le niveau de la roche où l'on pouvait passer en
+toute sécurité. M. Brandt, constructeur du tunnel du Simplon, eut
+d'ailleurs à se défendre contre des prétentions analogues.</p>
+
+<h4>LES CONSÉQUENCES DE L'OUVERTURE DU LOETSCHBERG</h4>
+
+<p>Cette voie d'accès au Simplon est considérée en Suisse comme présentant
+surtout un intérêt régional. Elle permettra au canton de Berne de
+détourner une partie du trafic qui enrichit Bâle par le Gothard, et
+Lausanne par le Simplon.</p>
+
+<p>Pour apprécier le point de vue international et surtout le point de vue
+français, nous tiendrons compte de deux rectifications de ligne, en
+cours d'achèvement: le raccourci Frasne-Vallorbe, qui évitera aux trains
+du P.-L.-M. le détour par Pontarlier, et le raccourci Moutier-Grange
+qui, par un tunnel d'environ 8 kilomètres, diminuera le parcours sur le
+réseau de l'Est.</p>
+
+<p>Dès lors, deux faits se dégagent:</p>
+
+<p>1° Pour la majeure partie de la région située à l'ouest de Cologne, le
+trafic qui gagne aujourd'hui l'Italie par Metz, Strasbourg et le
+Gothard, aura avantage à se diriger vers le Lotschberg en empruntant le
+rail français à Givet, Montmédy, Pagny, etc. Une guerre de tarifs a été
+évitée par des conventions récentes.</p>
+
+<p>En même temps, le réseau de l'Est, désormais relié à Milan par une voie
+sensiblement plus courte que le Gothard, se trouvera dans de meilleures
+conditions pour garder le trafic-voyageurs anglais qu'Ostende n'a pas
+réussi à détourner. Le trajet Nancy-Milan, raccourci seulement de 56
+kilomètres, se fera avec un gain de temps d'environ trois heures.</p>
+
+<p>2° Quant à la distance de Paris au Simplon, elle sera kilométriquement
+plus faible par le Frasne-Vallorbe que par le Lotschberg. Mais les temps
+de trajet seront sensiblement les mêmes.</p>
+
+<p>Ces situations respectives sont résumées dans ce tableau où nous
+indiquons les distances <i>réelles</i>, négligeant les distances <i>virtuelles</i>
+toujours discutables.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/007c.png"><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/007d.png"><br><b>
+Du nord de la France à Milan par le Saint-Gothard,<br> le
+Simplon, le Loetschberg.</b></p>
+
+<p>Ajoutons que la nouvelle ligne est assez pittoresque. Entre Frütigen et
+Kandersteg, elle suit la vallée de la Kander, fraîche et verdoyante. Les
+ponts, les viaducs, les surprises de vues au débouché des petits
+tunnels; la boucle de Miltholz, où se superposent trois voies raccordées
+par des tunnels hélicoïdaux, ajouteront au charme du trajet qui ménage
+au delà du grand tunnel une belle vue sur les Alpes du Valais.<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">F. Honoré.</span></span></p><br><br>
+
+
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/008a.png"><br><b>
+Le nouveau et l'ancien directeur, M. Albert Besnard<br>
+et M. Carolus Duran, à la villa Médicis, le jour de<br>
+la transmission de leurs pouvoirs</b><br>--<i>Phot. Ch. Abeniacar.</i></p>
+
+<h3>A L'ACADÉMIE DE FRANCE A ROME</h3>
+
+<p>Depuis une semaine, le nouveau directeur de l'Académie de France à Rome,
+M. Albert Besnard, a pris possession de ses fonctions: une simple et
+touchante cérémonie a consacré la transmission des pouvoirs, et groupé
+une dernière fois, pour de mélancoliques adieux, autour de M. Carolus
+Duran, les pensionnaires de la villa Médicis.</p>
+
+<p>Certes, nulle nomination ne pouvait être accueillie avec plus de faveur
+que ne l'a été celle de M. Albert Besnard; mais M. Carolus Duran était
+adoré des jeunes artistes auxquels, depuis huit années, il consacrait
+ses soins dévoués, prodiguait les conseils, donnait l'affection d'un
+coeur toujours généreux. Aussi de quelles attentions on l'entourait!
+Avec quelles prévenances on s'efforçait de lui adoucir une tâche
+devenue, surtout depuis la mort de Mme Carolus Duran, bien lourde à ses
+épaules! On ne le laissait pas sortir en ville sans sa garde d'honneur,
+que formaient deux ou trois pensionnaires. Et c'était un spectacle
+touchant que de voir ce beau vieillard, tout chenu, au masque si plein
+de caractère encore, cheminant par les rues sous la protection de ces
+jeunes gens empressés, déférents, filiaux pour tout dire.</p>
+
+<p>Ce fut le mercredi 4 juin, que M. Albert Besnard arriva à la villa pour
+prendre possession de sa charge. A peine débarqué à Rome, il avait reçu
+la visite de M. Robert Vaucher, notre correspondant, venu le saluer au
+nom de <i>L'Illustration</i>, et, dès les premières minutes de l'entretien,
+s'était révélé ambitieux de conquérir ce même cordial attachement
+qu'avait si bien su s'attirer M. Carolus Duran.</p>
+
+<p>Le nouveau directeur fut présenté par son prédécesseur aux pensionnaires
+dans le grand salon de la villa. Mme Albert Besnard l'accompagnait.
+D'une voix que l'émotion fit bientôt défaillir, M. Carolus Duran
+s'efforça de dire combien les sympathies que lui avaient montrées ces
+«hommes de coeur» qu'il allait quitter lui avaient été précieuses.
+L'allocution se termina dans une accolade: les deux grands artistes, le
+directeur d'hier et celui de demain, tombèrent dans les bras l'un de
+l'autre.</p>
+
+<br><br>
+
+<h3>L'INCIDENT DU DERBY D'EPSOM</h3>
+
+<p>Le dramatique incident qui s'est produit, le mercredi de la semaine
+passée, au Derby d'Epsom, alors que se disputait la course, a causé,
+dans toute l'Angleterre, une vive émotion: l'importance nationale de
+cette grande épreuve hippique, l'intérêt passionné qu'elle suscite chez
+nos voisins, l'affluence considérable qu'elle attire--la présence,
+aussi, parmi les concurrents, d'un poulain français <i>Nimbus</i>, sur lequel
+on fondait de grands espoirs, et qui eût pu, sans doute, en des
+conditions normales, poursuivre sa chance--devaient donner au geste
+inattendu de cette suffragette, se jetant devant le cheval qui portait
+les couleurs du roi, un retentissement que n'atteignirent point les
+précédents attentats des terribles militantes du «vote pour les femmes».</p>
+
+<p>Brutalement projetée sur la piste et frappée par les sabots du cheval
+dont elle avait provoqué la chute, tandis que son jockey, H. Jones,
+roulait à terre, en se faisant des contusions graves, mais heureusement
+non mortelles, l'héroïne de l'aventure, miss Émilie Davison, fut
+transportée, dans un pitoyable état, à l'hôpital d'Epsom: elle y a
+succombé, dimanche dernier, après une longue agonie.</p>
+
+<p>Miss Davison, qui était âgée de trente-cinq ans, comptait, depuis 1906,
+parmi les suffragettes les plus résolues. Et elle s'était déjà signalée,
+à plusieurs reprises, par son extrême violence. C'est elle qui imagina,
+un jour, de se cacher dans le calorifère de la Chambre des communes pour
+apostropher les députés, et qui, il y a quelques mois, souffleta un
+infortuné pasteur qu'elle avait pris pour M. Lloyd George. Mise en
+prison par neuf fois, elle y manifesta encore son ardeur combattive en
+faisant la grève de la faim, en se barricadant dans sa cellule et en
+tentant de se suicider.</p>
+
+<p>Miss Davison est considérée aujourd'hui par les suffragettes comme une
+martyre de la cause. Au cours d'un tumultueux meeting tenu cette semaine
+à Londres, Mrs Despard a exprimé l'espoir que son sacrifice «allumerait
+une flamme dans le coeur des hommes et les déterminerait à mettre fin à
+une situation redoutable».</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/008b.png"><br>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="0"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="illustration">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 30%; text-align: center;">
+<b>Miss Émilie Davison. Instantané pris quelques jours avant l'incident
+d'Epsom.</b>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 70%; text-align: center;">
+<b>Sur la piste de l'hippodrome d'Epsom, après l'agressive<br>
+irruption de la suffragette: miss Davison, le cheval <i>Anmer</i><br>
+et son jockey, roulent à terre.</b>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<br><br>
+
+<h3>L'ASSASSINAT DU GRAND VIZIR A CONSTANTINOPLE</h3>
+
+<p>«Le grand vizir Mahmoud Chefket pacha, passant en automobile sur la
+place de la mosquée Sultan Bayazid, pour se rendre au Divan, a été
+frappé d'une balle de revolver à la tempe et, transporté au ministère de
+la Guerre, est mort quelques instants après. Son aide de camp, Ibrahim
+bey, a été tué à côté de lui. Des cinq assassins, un seul a été arrêté.
+La ville est, comme toujours, calme et indifférente.»</p>
+
+<p>Telles sont les nouvelles de Constantinople qui nous arrivent le
+mercredi et le jeudi de cette semaine.</p>
+
+<p>Ainsi le sang de Mahmoud Chefket et d'Ibrahim bey paie le sang de Nazim
+pacha et de Tewfik Kibrizli.</p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/008c.png"><br><b>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Mahmoud Chevket pacha.</b><br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;--<i>Phot, Phébus.</i></p>
+
+<p>Je revois passer devant mes yeux la tragédie du 23 janvier et Mahmoud
+Chefket pacha lui-même, le lendemain matin, accompagnant le sultan à la
+cérémonie du Sélamlik, puis recevant, le soir, à 3 heures, l'investiture
+du grand vizirat: raide, très droit, yeux étincelants, moustaches de
+chat, l'expression implacablement résolue; et auprès de lui, vivant
+contraste, le cheik-ul-islam, vieillard séculaire, cassé, à la longue
+barbe, les yeux fixés vers le sol, l'air d'un très ancien revenant
+échappé du plus antique, du plus saint, du plus fanatique cimetière de
+Stamboul. Cette incarnation de la jeune Turquie et de l'ancienne,
+affrontées l'une à l'autre, avait quelque chose d'infiniment dramatique.
+Comme aujourd'hui, le peuple de Constantinople demeurait «calme et
+indifférent».</p>
+
+
+
+<p>Et cependant, ce général à l'expression si impérieuse, ce bon officier à
+l'allemande, germanophile qui entrevoyait le monde à travers des
+lunettes prussiennes, était un faible, simple instrument aux mains du
+Comité Union et Progrès. Les adversaires de celui-ci n'ont pas frappé à
+la tête.</p>
+
+<p>Les titres de Mahmoud Chefket sont des titres de général de guerre
+civile. Il est célèbre pour avoir, en avril 1009, conduit le 3e corps de
+Salonique contre Constantinople, célèbre pour avoir conspiré la chute du
+cabinet Kiamil et la mort de Nazim. Perte de la Bosnie-Herzégovine,
+perte de la Tripolitaine et de la Cyrénaïque, prolongation inutile de la
+guerre avec les Balkaniques, conditions plus dures de la paix, tels sont
+les résultats qu'il a obtenus, et le bilan de la Jeune Turquie.
+Pourtant, c'était un des meilleurs de son pays, inlassable travailleur,
+ayant tenté de toute son âme la réorganisation de l'armée. Mais il
+semble qu'à un certain point de décadence d'un peuple la bonne volonté
+des individus soit vaine pour le sauver et que les efforts dans ce but
+n'aboutissent qu'à hâter les catastrophes. G. R.</p>
+
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/009a.png"><br> <b>Sur la lisière du sentier de la Vertu.</b><br> <i>Croquis d'après
+nature de <span class="sc">J. Simont.</span></i></p>
+
+<h3>LE MATIN AU BOIS</h3>
+
+<p>«Nous n'irons plus au Bois, déclarent quelques grincheux. Le Bois est
+envahi par trop de gens depuis que de Belleville on y peut venir, par le
+Métropolitain, pour trois sous. Et puis, les automobiles y soulèvent
+trop de poussière; et qui osera nous débarrasser de cette poussière-là?
+L'automobile est une reine dont on ne discute plus les volontés; on
+avait essayé de lui fermer deux heures par jour l'allée des Acacias. Ce
+fut un beau tapage! Non, non... nous n'irons plus au Bois.»</p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/009b.png"><br><b>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Un vieil habitué des allées cavalières.</b></p>
+
+<p>Les grincheux ont tort, et c'est Lavedan qui a raison. Il nous disait,
+la semaine dernière, qu'il n'y a rien à Paris de plus délicieux que ces
+deux mois de fin de printemps, de fin de saison parisienne. Mai, juin...
+C'est vrai, mais encore faut-il choisir. Car il y a, même à Paris, dans
+l'instant admirable de l'année où nous voici parvenus, des coins
+privilégiés, et, comme eût dit Dumas fils, des minutes supérieures. Or,
+l'un de ces coins privilégiés, n'en doutez pas: c'est le Bois. Il faut
+aller au Bois. Et il faut y aller le matin. Oh! pas le dimanche, c'est
+entendu; pas le jour où le Métro déverse sur le Bois deux cent mille
+flâneurs; où, de la porte Dauphine et de la porte Maillot, jaillissent
+les cyclistes, en gerbes rasantes; où il pleut sur les pelouses des
+bouteilles vides et des papiers gras; mais en semaine.</p>
+
+<p>En semaine, et <i>pas trop tôt</i>. Avant neuf heures du matin, le Bois n'a
+pas sa vraie physionomie. Le Bois n'est pas en beauté. Je veux dire que,
+pour la parfaite joie de nos yeux, il n'est pas ce qu'il sera deux
+heures plus tard; ce qu'il faut qu'il soit pour être quelque chose
+d'unique au monde.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/009c.png"><br><b>Les chiens à la mode.</b></p>
+
+<p>Avant neuf heures du matin, le Bois appartient aux arroseurs, aux
+jardiniers, aux chauffeurs qui viennent à grande vitesse chercher des
+clients dans Paris; aux gens d'écurie qui promènent leurs bêtes, aux
+hommes d'affaires qui font du cheval par hygiène, montent en chemise de
+flanelle et en chapeau mou,--en attendant le bain tiède et le
+chocolat... C'est entre neuf heures et midi qu'il faut aller au Bois; et
+c'est autour d'onze heures qu'il est exquis, si le temps est joli, de
+s'y attarder. Ah! qu'il est donc désolant que Verlaine ait eu le mépris
+du «monde», et que, pour n'avoir pas à s'habiller, il ait situé ses
+<i>Fêtes galantes</i> au temps de Fragonard et de Watteau! Car le Bois aussi
+a ses fêtes galantes qui sont, deux mois par an, des fêtes de tous les
+matins. Le Bois a ses dessinateurs et ses peintres; il a ses prosateurs.
+Verlaine eût été le plus spirituel et le plus tendre de ses poètes, et
+l'on y rencontre à cheval, à pied ou sur des chaises--à chaque tournant
+d'allée--des hommes et des femmes qui ont l'air de bavarder des vers de
+lui.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/010.png"><br><b>MATINÉE PARISIENNE AU BOIS.--Une gracieuse rencontre dans<br>
+l'allée des Acacias: le salut du cavalier.</b> <i>Dessin de <span class="sc">J. Simont.</span></i></p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/010a.png"><br><b>Le banc des «populaires»: une élégante vient de passer.</b></p>
+
+<p>N'allez pas chercher trop loin ces cavaliers, ces tournants d'allée et
+ces femmes. Le bois de Boulogne est une «étendue d'herbe» qu'on aime
+principalement, comme la mer, à cause des petites plages qui la bordent.
+Ces plages s'appellent Maillot, Madrid, Bagatelle, Dauphine, la
+Muette... Chacune d'elles est formée de pelouses commodes, de clairières
+où l'on s'assoit et d'où l'on guette les cavaliers qui passent au long
+de l'allée toute proche, et qu'arrêtent des mains tendues, des sourires
+qu'on savait rencontrer là. On potine, on échange de menus propos tout à
+fait dénués d'intérêt, mais qu'importe? Est-ce qu'ici l'attrait du
+spectacle n'est pas tout entier dans la grâce des attitudes, dans la
+façon jolie dont se disent ces choses inutiles, dans cet art souverain
+que possèdent, à Paris, certaines femmes--celles, justement, qui vont au
+Bois le matin--de composer d'adorables aquarelles rien qu'en disant
+bonjour à un cavalier qui passe, ou en promenant sous le bras, comme un
+bibelot de prix, le plus aimable ou le plus ridicule des petits chiens?</p>
+
+<p>Un poète populaire francfortois, nommé Stolze, écrivait un jour: «Une
+chose qui ne m'entrera jamais dans la tête, c'est qu'on puisse n'être
+pas de Francfort.» Je suis étonné qu'à l'exemple de Stolze aucun
+écrivain de chez nous n'ait encore publié cette opinion:</p>
+
+<p>«Une chose incompréhensible, c'est que les Parisiennes aient pu plaire
+avant d'être habillées comme elles le sont aujourd'hui.»</p>
+
+<p class="rig"><img alt="" src="images/010b.png"><br><b>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Une aimable personnification de<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;l'entente cordiale: «Mademoiselle»<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;et «Miss».</b></p>
+
+<p>Il est certain qu'aucune mode n'a jamais plus spirituellement aidé à
+faire valoir les séductions de la grâce féminine que celles où l'on voit
+se complaire, à cette heure, la Parisienne. La jupe est assez courte
+pour laisser libre jeu au petit pied qu'habille la bottine claire. Elle
+est collante et souple à la fois. Elle est un vêtement de précision et
+de complaisance. Elle ne crie pas ce qu'il faut taire, mais tout ce
+qu'il est décemment possible de dire, elle le dit. Et leurs chapeaux! De
+ce côté-là, c'est le désordre; c'est l'anarchie; mais quoi de plus
+avantageux que l'anarchie, quand il s'agit de parer un joli visage?</p>
+
+<p>Point de consigne oppressive; nul ordre à recevoir de sa modiste. On se
+regarde dans la glace, et l'on choisit un chapeau pour sa figure: toque
+ou bonnet, cape ou turban, vaste ou minuscule, persan ou batignollais,
+il importe peu. Et tous sont charmants.</p>
+
+
+
+<p>Il n'est pas jusqu'à leur allure qui ne soit devenue plus troublante...
+Entraînée aux sports, la jeune femme sait mieux marcher qu'autrefois;
+regardez-la suivre au Bois, vers midi, le chemin qui la ramène dans
+Paris. Elle marche droite, avec aisance et résolution, en petite
+personne qui sait où elle va et ce qu'elle veut.</p>
+
+<p>Mais que celles-là ne nous empêchent pas de regarder les autres... tous
+les autres. Car le Bois, le matin, ne doit pas son attrait qu'aux
+productions de la Modiste et du Couturier; et sur ces petites «plages»
+qui le bordent il est d'autres figures intéressantes que les modèles
+d'Helleu et de Boldini. Il y a toute une gentille clientèle d'«habitués»
+qu'on serait désolé de n'y plus voir. Il y a le rentier «classe moyenne»
+qui vient goûter là l'exquise volupté des flâneries matinales et dont la
+devise est faite d'un distique de <i>Galatée...</i></p>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i14"> <i>Ah! qu'il est doux de ne rien faire</i></p>
+<p class="i14"> <i>Quand tout s'agite autour de nous!</i></p>
+</div></div>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/010c.png"><br><b>
+Au bois de Boulogne: un brin de causerie sous les
+acacias.</b><br> <i>Croquis d'après nature de <span class="sc">J. Simont.</span></i></p>
+
+<p>Il y a la <i>miss</i>; il y a la <i>fraülein</i>, qui ne semblent pas trop
+souffrir, en vérité, de l'exil auquel leur mission d'éducatrices les
+condamne; il y a le vieux cavalier, le sportsman ancien style qui veut
+bien reconnaître que la Parisienne de 1913 est une ravissante personne,
+mais qui cependant persiste à lui préférer celle de 1867, et pour cause.
+Il y a l'officier sur son cheval d'armes, le petit garçon sur son
+premier poney, l'amazone mûre, de belle prestance encore, qui fait du
+trot en pensant à sa corsetière et à son médecin. Il y a... il y a cent
+autres spectacles encore. Allons au Bois. Allons-y souvent. Le Bois est
+une de ces choses superflues sans lesquelles une foule d'honnêtes gens
+auraient, à Paris, l'impression de manquer du nécessaire.<br>
+
+<span class="rig">E. B.</span></p><br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/011a.png"><br><b>
+Venu de Paris à Johannistal dans la matinée, Brindejonc<br>
+des Moulinais, après avoir remplacé son casque d'aviateur<br>
+par une casquette, va se restaurer. Les gestes des personnages<br>
+retenant les chapeaux et les plis des vêtements soulevés<br>
+témoignent de la violence de la bourrasque.</b></p>
+
+<h3>UN STUPÉFIANT RAID AÉRIEN</h3>
+
+<h4>DE PARIS A VARSOVIE</h4>
+
+<p>Depuis longtemps déjà l'audace de nos aviateurs n'a plus de bornes; il
+semble désormais que leur succès ne doive connaître d'autre limite que
+celle de leur courage et de leur témérité. Malgré les prouesses qui,
+chaque jour, étendent le domaine des espoirs ou des prévisions, hier
+encore il eût semblé presque impossible de voler de Paris à Varsovie
+entre le lever et le coucher du soleil. Tel est pourtant le voyage
+extraordinaire, naguère encore digne de servir de thème à un conte de
+fée, que vient d'accomplir un de nos plus jeunes et de nos plus
+brillants champions, Brindejonc des Moulinais.</p>
+
+<p>Pour couvrir cette distance de 1.360 kilomètres à vol d'oiseau,
+Brindejonc n'a fait que deux escales. Parti de Villacoublay à 4 heures
+du matin, il arrive à 6 h. 45 à Wanne (Westphalie); le temps de se
+ravitailler, d'inspecter son moteur, et il repart à 8 h. 55. Deux heures
+plus tard, à 11 heures (heure française), il atterrit à Berlin où son
+apparition cause une véritable stupeur: depuis le matin, la tempête fait
+rage; sur l'aérodrome de Johannistal, les oriflammes des hangars ont été
+arrachés par le vent, aucun pilote n'a même songé à sortir. Notre
+compatriote n'en est que plus chaleureusement accueilli; il s'offre
+quelques heures de repos, puis, tout souriant, comme le montre notre
+photographie, malgré sa fatigue, malgré la persistance du vent sud-ouest
+dont la violence rend son voyage extrêmement périlleux, mais fournit à
+la vitesse propre de son appareil un appoint considérable, il reprend
+son vol à 13 h. 45. Et, bien avant que se dessine le crépuscule, à 17 h.
+15, l'oiseau de France se pose doucement à Varsovie.</p>
+
+<p>Si l'on tient compte des arrêts, il reste un vol effectif de cinq heures
+cinq pour franchir les 900 kilomètres de distance entre Paris et Berlin,
+ce qui représente une vitesse moyenne réelle de 177 kilomètres à
+l'heure. La moyenne générale entre Paris et Varsovie ressort à 170
+kilomètres; en fait elle est sensiblement plus forte, car le détour par
+Dusseldorf, Berlin et Posen semble porter la distance parcourue à près
+de 1.500 kilomètres. D'après un télégramme de l'aviateur, la vitesse
+entre Wanne et Hanovre aurait même atteint 215 kilomètres.</p>
+
+<p>Brindejonc a ainsi mis quatre fois moins de temps que le train le plus
+rapide pour se rendre de Paris en Pologne. Il avait emporté un paquet de
+numéros du Matin qu'il a distribué aux habitants de Varsovie à l'heure
+même où le train en apportait à Lyon!</p>
+
+<p class="rig"><img alt="" src="images/011b.png"><br><b>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Brindejonc des Moulinais remonte dans son monoplan pour<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;accomplir son étape d'après-midi: Berlin-Varsovie.</b></p>
+
+<p>Par ce raid extraordinaire Brindejonc devient détenteur de la coupe
+Pommery conquise récemment par Guillaux qui était allé de Biarritz à
+Kollum, portant à 1.229 kilomètres le record du voyage en ligne droite
+en une seule journée. Le glorieux pilote reçoit la juste récompense
+d'une maîtrise et d'une audace à peu d'autres pareilles; il s'était déjà
+signalé dans plusieurs grandes épreuves, notamment dans le circuit des
+capitales et dans le circuit d'Anjou où, seul avec Garros, il termina le
+parcours le premier jour, bravant une tempête qui avait arrêté tous les
+autres concurrents.</p>
+
+<p>Cette fois encore, il se trouvait aux prises avec des conditions
+atmosphériques déplorables. «Pris dans un tourbillon, racontait-il en
+arrivant à Berlin, je fis une chute de 300 mètres. Je passai en quelques
+secondes de 1.500 à 1.200 mètres. Tout mon dos est écorché. Je suis
+brisé de fatigue, mais je n'en suis pas moins content et fier d'avoir
+accompli en si peu de temps le trajet devenu classique Paris-Berlin.»</p>
+
+<p>Sans doute, c'est la force du vent arrière qui a permis de réaliser
+cette vitesse exceptionnelle, car la vitesse propre de l'appareil ne
+dépasse guère 120 kilomètres; mais un tel exploit montre le parti qu'un
+bon pilote peut tirer de la fureur des éléments et atteste une fois de
+plus la valeur et le courage des aviateurs français.</p>
+
+<p>Ajoutons que le héros de cette admirable performance est né à Plerin
+(Côtes-du-Nord) le 8 février 1892.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/011c.png"><br><b>A l'aérodrome de Johannistal: le départ pour Varsovie. <br>LE
+PASSAGE A BERLIN DE L'AVIATEUR FRANÇAIS BRINDEJONC DES MOULINAIS</b></p>
+
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/012a.png"><br><b>
+Une capitale de sultanat au Dar Kouti: le «dem» du sultan
+Kamoune.</b></p>
+
+<h3>NOTRE OEUVRE AFRICAINE</h3>
+
+<h4>LA JONCTION AVEC LES POSSESSIONS ANGLAISES</h4>
+
+<p><i>Hors du bruit de nos agitations, de nos querelles, les admirables
+soldats lancés en enfants perdus dans la brousse tropicale pour
+accomplir l'oeuvre française continuent posément, méthodiquement, leur
+excellente besogne. Mais ils sont si loin, si isolés, que les feuillets
+d'histoire qu'ils écrivent ne nous parviennent que lorsque d'autres
+feuillets peut-être s'y sont déjà ajoutés. C'est ainsi que nous pouvons
+seulement donner le récit de faits qui se déroulaient au Dar Kouti, aux
+confins mêmes de notre empire africain et des possessions anglaises,
+dans les derniers jours de l'année écoulée. Il n'en a pas moins, après
+tant de semaines, la saveur de l'inédit.</i></p>
+
+<p class="rig"><img alt="" src="images/012b.png"><br><b>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;La région de Djalé, au Dar Kouti,<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;récemment occupée par nos troupes.</b></p>
+
+
+
+<p>On se souvient qu'au mois de janvier 1911 l'ancien lieutenant de Rabah,
+Mohammed es Senoussij sultan du Dar Kouti, trouvait la mort au cours
+d'un combat sanglant que lui avait livré le capitaine Modat.</p>
+
+<p>Ce tyran retors et cruel avait réussi, grâce à une souple diplomatie, à
+maintenir des liens et même l'apparence d'une alliance avec nous. Il en
+profitait pour tirer de notre bienveillance tout ce qui pouvait lui
+servir à fortifier sa puissance, en particulier les armes et les
+munitions.</p>
+
+<p>De notre côté, la faiblesse de nos effectifs dans les territoires du
+Chari-Tchad ne nous permettait malheureusement pas de surveiller ses
+agissements. Il en abusa pour ravager et dépeupler le pays qui lui était
+soumis et les régions avoisinantes, accroître ses armements et, par ses
+relations avec les plus fanatiques partisans de l'islam, tenter
+d'installer, au coeur des possessions françaises, un grand marché
+d'esclaves et un foyer de propagande religieuse.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/012c.png"><br><b>
+Une palabre sous la tente: El Hadj Tockeur, envoyé<br> du
+sultan Kamoune, devant le capitaine Souclier.</b></p>
+
+<p>Pourtant, le moment vint où le sultan du Dar Kouti sentit que, malgré
+tous ses efforts, il ne lui serait plus possible de nous cacher ses
+coupables agissements. Dès lors, il ne songea plus qu'à s'affranchir de
+notre tutelle, et à se préparer un refuge hors de notre portée. Il
+saisit le moment de nos plus cruels embarras au Ouadaï, la période
+durant laquelle fut massacrée la colonne Fiegenschuh et celle qui vit
+tomber le colonel Moll et ses compagnons d'armes à Dorothé. Disposant de
+4.000 fusils, dont 1.200 à tir rapide, il dirigea ses meilleurs chefs de
+bannière et 2.000 guerriers contre la montagne de Djalé, vrai nid
+d'aigle, escarpé, tourmenté, formidable, où son ancien vassal le chef
+Djellab, sultan des tribus ouangas et youlous, s'était habilement
+fortifié. Le siège qu'il en fit fut long et meurtrier. Il lui fallut
+deux années d'efforts pour venir à bout des Youlous qui, finalement,
+affamés, épuisés, s'enfuirent de nuit pour se réfugier au Soudan
+anglo-égyptien, laissant la position aux mains de leurs adversaires.
+C'était le triomphe pour Senoussi. Sa défaite et sa mort, par les armes
+du capitaine Modat, vinrent briser ses espérances.</p>
+
+<p>C'est alors que vainqueurs de Djellab et vaincus de N'délé vinrent se
+réfugier à Djalé même, où ils se groupèrent sous les ordres d'Abdoullaye
+Kamoune, fils de Senoussi. Conseillé par les plus ardents ennemis de
+l'influence française, le fanatique El Hadj Tockeur et le faki Yssa,
+anciens confidents de son père, le jeune sultan entreprit la réalisation
+des rêves et des projets ébauchés. Nouant des intelligences avec ses
+voisins, razziant tantôt vers le nord-ouest, en pays rounga, tantôt vers
+le bassin de la Kotto, au sud, où il massacra deux commerçants français,
+poussant des pointes vers la région de N'délé, il n'en continuait pas
+moins à nous accabler de fallacieuses promesses et de protestations
+d'amitié.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/013a.png"><br><b>Les redans et retranchements naturels du repaire de
+Ouanda Djalé: <br>au centre, cases du village de Djemel Eddine, un des fils
+de Senoussi.</b></p>
+
+<p class="rig"><img alt="" src="images/013b.png"><br><b>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Le tata du sultan Abdoullaye Kamoune, à Djalé.</b></p>
+
+<p>La situation ne pouvait durer. Une puissance nouvelle se formait: il
+fallait agir, et agir vite. La 4e compagnie du bataillon de
+l'Oubangui-Cliari, sous les ordres du capitaine Souclier, fut envoyée
+contre Djalé, le repaire de Kamoune, avec mission d'obtenir la
+soumission absolue de celui-ci. L'ultimatum du capitaine Souclier étant
+demeuré sans effet, au bout de vingt-quatre heures, l'assaut fut donné
+et la position brillamment enlevée. Nos adversaires surpris, bousculés,
+éperdus, furent culbutés, rejetés dans la plaine, éparpillés en désordre
+dans toutes les directions, laissant nombre des leurs sur le terrain.
+Kamoune, à peu près abandonné, s'enfuit, et très probablement se réfugia
+en territoire anglais. L'un de ses frères se rendit; les soumissions
+affluèrent.</p>
+
+
+
+<p>C'en est donc fait désormais de l'ancienne tyrannie senoussienne. La
+route du Chari au bassin du Bahr el Ghazal est ouverte. La jonction avec
+la grande puissance amie devient un fait accompli par suite de
+l'installation d'un poste français à cinq jours du poste anglais de
+Kafia-Kingi et de la soumission du chef Djellab, réinstallé auprès de
+nous sur l'ancienne route des caravanes. Notre influence et notre
+commerce vont maintenant s'exercer librement dans ces vastes régions où
+la paix française ramènera l'ordre, la richesse et la prospérité.</p>
+
+<br><br>
+
+<h3>LA NOUVELLE ALBANIE</h3>
+
+<p>M. Franz de Jessen, ancien correspondant de <i>L'Illustration</i> à
+Copenhague, qui a suivi, comme correspondant du journal danois le
+<i>Riet</i>, les armées ottomanes durant la campagne de Thrace jusqu'au
+dernier coup de canon tiré en novembre à Tchataldja, avant le premier
+armistice, parcourt aujourd'hui l'Albanie devenue soudain indépendante,
+mais incertaine encore de son sort; il y visite les grands chefs féodaux
+qui prétendent chacun peser de façon décisive, du poids de leur épée et
+du nombre de leurs soldats, sur les destinées du pays et nous adresse
+ces très intéressantes lignes sur ses premières impressions pittoresques
+et sa rencontre avec Essad pacha:</p>
+
+<h4>DE DURAZZO A TIRANA</h4>
+
+<p>Tirana, 28 mai 1913.</p>
+
+<p>J'arrivais le 23 mai, à bord de l'<i>Albanie</i>, dans le port d'Antivari.
+Nous apportions aux Monténégrins les premiers vivres qu'ils eussent
+reçus après la levée du blocus. Quoique fort contents, ils jurèrent
+qu'ils n'avaient jamais manqué de rien. Seul le propriétaire suisse de
+l'hôtel de la Marine se plaignait de n'avoir pu, durant les trois
+derniers jours, servir de bière à sa clientèle, et que les puissances
+eussent ainsi attenté aux intérêts d'un neutre.</p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/014.png"><br><b>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Essad pacha chez lui, à Tirana.</b><br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;--<i>Phot. F. de Jessen.</i></p>
+
+<p>San Giovanni de Medua était occupé à mon passage par un bataillon
+monténégrin et deux batteries. Cependant, à 2 kilomètres de la ville, on
+apercevait un camp turc de 2.000 hommes environ avec une trentaine de
+canons de campagne Krupp. C'étaient des soldats d'Essad pacha, évacués
+là, attendant les transports qui les ramèneraient en Turquie, et ne
+faisant point trop mauvais ménage avec leurs ennemis de la veille.</p>
+
+<p>Le 25 mai, nous jetons l'ancre devant Durazzo. Deux croiseurs, l'un
+italien, l'autre autrichien, sont sur rade, quoique la ville ne soit
+plus bloquée. Ni formalité de passeport, ni douane. Le soleil levant
+éclaire les fortifications vénitiennes, la mer de turquoise, les petites
+maisons qui arborent le jeune drapeau de l'Albanie, rouge avec l'aigle
+noir, car les Albanais se nomment fils de l'aigle. Quelques-uns de ces
+drapeaux portent aussi une étoile blanche symbolisant le ciel commun à
+tous, catholiques, orthodoxes, musulmans.</p>
+
+<h4>LE FIEF D'ESSAD PACHA</h4>
+
+<p>A Durazzo, ordre parfait. Essad pacha y a institué un conseil de 6
+notables, 3 musulmans, 3 orthodoxes, présidé par son cousin Hamid bey
+Toptani.</p>
+
+<p>Beaucoup de soldats turcs sont demeurés là, vivant dans la détresse sans
+que personne se soucie d'eux, ni d'assurer leur rapatriement. Quant aux
+soldats albanais, ils ont été licenciés et renvoyés dans leurs foyers.</p>
+
+<p>Hamid bey me donne un gendarme d'escorte, en uniforme turc, pour
+m'accompagner à Tirana, centre de l'influence de la famille des Toptani
+qui prétendent descendre de Scanderbeg et dont Essad pacha est le chef.</p>
+
+<p>Les paysages qui bordent la route de Durazzo sont riants et fertiles,
+vergers, prairies, bosquets. Les églantines, les clématites, les jasmins
+en fleur parfument la brise de mer. Les paysans s'arrêtent, demandent
+qui je suis, puis saluent et disent à mon drogman «Qu'il écrive bien de
+l'Albanie!»</p>
+
+<p>Tirana a un charme indescriptible. Protégée au nord par de hautes
+montagnes, elle est enfouie dans la verdure de ses platanes, de ses
+mûriers, de ses cyprès et d'innombrables jardins où se mêlent l'oranger,
+le citronnier, les lauriers et les myrtes. Partout de l'eau, des sources
+et des cascades.</p>
+
+<h4>CONVERSATION AVEC ESSAD PACHA</h4>
+
+<p>La demeure d'Essad pacha et de son état-major est une vraie forteresse
+gardée par les soldats turcs. Les Serbes qui l'ont occupée auparavant
+n'ont pas été tendres pour la propriété d'Essad pacha. Il s'en plaint,
+mais sans trop d'amertume.</p>
+
+
+
+<p>Le maître de Tirana et de toute l'Albanie, au nord du fleuve Scumbi, a
+cinquante ans environ; il est vigoureux et d'allure militaire. Ne
+sachant que quelques mots de français, son chef d'état-major sert
+d'interprète. Il sait écouter, parle avec finesse; parfois ses yeux
+brillent, ses traits durcissent et on se sent en face d'un chef qui veut
+être obéi sans défaillance. Cependant il sait sourire et faire sourire;
+il a de l'ironie. C'est un militaire doublé d'un diplomate et qui
+combine les manières orientales à la rudesse d'un hobereau prussien. Il
+dément avec dédain les bruits qui ont couru sur ses relations avec le
+roi de Monténégro. Il n'y a eu nulle entente de sa part avec celui-ci.
+Il a rendu la ville à cause de la famine. La résistance était
+impossible, non seulement un jour, mais quelques heures de plus. A
+chaque fois que je reviens sur ce sujet, il se montre plus catégorique.</p>
+
+<p>Mais quelle est sa position en Albanie, entouré de troupes turques, vêtu
+en général turc, placé entre le gouvernement provisoire de Valona,
+presque reconnu par l'Italie et l'Autriche, et le gouvernement de
+Constantinople et ce padischah auquel ses propres soldats à lui, Essad
+pacha, souhaitent encore chaque jour, après la prière, longue vie et
+long règne? Je le lui demande.--«Quant au gouvernement de Valona, me dit
+le général avec un sourire, comment voulez-vous que moi, général turc,
+j'entretienne des relations avec lui? Les consuls d'Autriche et d'Italie
+m'ont informé qu'un tel gouvernement existait. Je n'en sais rien. Cela
+ne me regarde pas!»</p>
+
+<p>Et, montrant les dents et clignant des yeux: «Maintenant il y a la
+question de mes relations avec le gouvernement turc. Rien de plus
+simple. J'attends les ordres du ministère de la Guerre turc. Mais
+parfaitement... Je suis prêt à conduire mes hommes où on voudra, pourvu
+que ce ne soit pas trop loin. Par exemple je n'irai pas à Bagdad ou au
+fond de l'Asie Mineure. Cela n'a pas besoin d'explication.»</p>
+
+<p>Voilà une loyauté parfaite. Mais Essad insiste: «Quand j'ai nommé Hamid
+bey mutessarif de Durazzo, il m'a demandé:--A qui dois-je m'adresser
+pour prendre des ordres? --A Dieu, lui ai-je répondu, et ensuite à qui
+tu voudras, sauf à moi.» Mais qui gouvernera ce pays, ai-je demandé à
+mon tour? Il rit: «Vous oubliez que l'Autriche et l'Italie estiment
+qu'il y a un gouvernement à Valona.»</p>
+
+<p>Cependant il dévoile quelques-unes de ses pensées. Il veut «le bonheur
+de l'Albanie». C'est vague; comment l'assurer? L'indépendance est le
+point principal, puis: compromis honorable avec la Turquie, organisation
+du pays conformément à ses traditions nationales, recours à l'assistance
+européenne au point de vue financier et technique, mais sans
+arrière-pensée, sans tutelle autrichienne ou italienne. «Quant à mes
+aspirations au trône d'Albanie, merci, pas pour moi! déclare-t-il. Qu'on
+nous laisse en paix; et avec mes amis et tous les chefs du pays
+peut-être ferons-nous de bonne besogne.»</p>
+
+<p>Il y a, en Albanie, trois religions: l'islam, l'orthodoxie et le
+catholicisme romain. Aussi a-t-on pensé, assez sottement d'ailleurs,
+qu'un prince ou qu'un roi protestant, n'appartenant à aucune de ces
+communions, concilierait tout. Essad pacha estime la trouvaille
+plaisante. «Pourquoi pas un juif? dit-il, vraiment, ce sont là des
+propos et des jeux d'enfant. Ce qui importe et ce qui importe seul,
+c'est notre indépendance, et par indépendance j'entends non pas une
+étiquette couronnée mais une réalité assurée et indiscutable.»</p>
+
+<p>Pour l'instant, Essad pacha se repose, maître dans le fief de ses pères,
+ayant le temps d'attendre qu'on vienne le chercher si l'on a besoin de
+lui, conscient de sa force et de sa puissance, prêt à bondir au moment
+opportun, et sûr que rien ne se fera sans lui dans l'Albanie du Nord.<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">Franz de Jessen.</span></span></p><br><br>
+
+<p>Ajoutons, quant aux rapports d'Essad pacha et du ministère de la Guerre
+à Constantinople, que le gouvernement turc considère ce grand chef
+albanais comme un simple rebelle. Certains des membres de ce
+gouvernement s'expriment même à son sujet avec la dernière violence.
+Comme notre collaborateur Georges Rémond, pensant à ce moment partir
+pour l'Albanie, s'entretenait de lui avec le colonel Djemal bey,
+gouverneur militaire de Constantinople, celui-ci lui déclara
+textuellement: «Essad pacha est le fils d'un bandit enrichi par Abdul
+Hamid, bandit lui-même, ayant fait assassiner. Hassan Riza bey,
+commandant la place de Scutari, l'un de nos meilleurs officiers, et
+ayant lâchement rendu la ville après entente avec le roi de Monténégro.
+Il n'existe pas d'homme plus scélérat et plus bassement ambitieux...»</p>
+
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/015a.png"><br><b>
+Mlle Broquedis.
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;M. Max Decugis.
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;M. A. F. Wilding.
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Mlle Amblard.</b></p>
+
+<h3>TENNIS ET TENNISSEURS</h3>
+
+<p><i>Paris, cette semaine, a vu pour la deuxième fois se disputer, sur les
+terrains du Stade français à Saint-Cloud, le championnat du monde de
+lawn-tennis sur court en terre battue, les meilleurs joueurs européens
+se sont trouvés aux prises sous les yeux d'une assistance aussi élégante
+que nombreuse et frémissante. C'est le grand event continental de
+l'année «tennistique», un des clous notables de la saison mondaine et
+sportive.</i></p>
+
+<p><i>Les notes suivantes, que nous avons la bonne fortune de publier à cette
+occasion, sont dues à M. André Lichtenberger. Car M. André Lichtenberger
+n'est pas seulement le subtil et délicat romancier que nos lecteurs
+connaissent. Chronologiquement au moins, il fut un des premiers joueurs
+de tennis de France et n'a pas cessé de manier la raquette. Ses
+observations souriantes ou narquoises se recommandent donc autant de sa
+connaissance du jeu que de ses qualités de psychologue. Elles sont
+détachées d'un petit volume qui paraîtra prochainement à la librairie
+Oudin: «Le Lawn-tennis.-Notes, Souvenirs, Méditations».</i></p>
+
+<h3>I</h3>
+
+<h4>MÉDITATIONS SOCIALES, ÉTHIQUES, PSYCHOLOGIQUES
+
+ET AUTRES</h4>
+
+<p>La vogue du tennis existe depuis trente ans et va grandissant. Cet
+empire sera-t-il éphémère comme celui d'Alexandre? Question grave et
+délicate.</p>
+
+<p>J'estime que, déjà longue et quasi mondiale, la faveur du tennis
+s'étendra encore dans l'espace et dans le temps. Et je m'en réjouis.
+Cela tient à ce qu'il est un jeu «bien fait». Il y a des jeux
+«secondaires», trop spéciaux, artificiels, qui ne sauraient amuser qu'un
+moment ou qu'une poignée d'amateurs. D'autres sont éternels parce qu'ils
+émeuvent le fond même de notre nature. On jouera au siècle des siècles à
+la main chaude, à cache-cache et au chat perché.</p>
+
+<p>Le tennis a conquis rapidement un succès qui s'affirmera parce qu'il
+satisfait agréablement un certain nombre des facteurs déterminants qui
+poussent l'homme à jouer.</p>
+
+<p>Il a d'abord cette qualité indispensable d'être un jeu amusant.</p>
+
+<p>Il est amusant parce que, d'une façon simple, nette, élégante,
+harmonieuse, il répond au besoin d'exercice physique de l'homme
+civilisé, et en même temps, de la même manière, satisfait l'instinct de
+lutte qui subsiste en lui.</p>
+
+
+<p class="rig"><img alt="" src="images/015b.png"><br><b>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;M. André Lichtenberger en<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;tennisseur.</b></p>
+
+<p>Réagir par le sport contre les déformations de notre organisme au sein
+de la vie intense de nos cités surpeuplées est aujourd'hui un de nos
+besoins universels. Mais une foule des moyens qu'on nous propose sont
+médiocrement attrayants. La pratique solitaire de certaines gymnastiques
+suppose une volonté ascétique qui passe la mesure de beaucoup d'entre
+nous. D'autres jeux nécessitent les outillages compliqués ou coûteux,
+des apprentissages interminables, n'atteignent qu'incomplètement, que
+partiellement, le but qu'ils proposent. Le tennis est un jeu complet,
+faisant travailler l'organisme tout entier, réalisable pratiquement
+d'une manière en somme aisée. Et il bénéficie au plus haut degré de ce
+stimulant qu'est l'instinct de la lutte.</p>
+
+<p>Infiniment respectable, pèlerin passionné, solitaire et silencieux, le
+joueur de golf poursuit par monts et par vaux ses travaux d'art pénibles
+et raffinés sur la petite boule qu'il chasse devant lui. Au tennis la
+riposte de l'adversaire tient sans cesse en haleine, aiguise et distrait
+l'attention du joueur. C'est une véritable bataille qu'il livre. Moins
+brutale que la boxe, moins précipitée que l'escrime, elle donne
+néanmoins la même espèce d'excitation, de joie aiguë.</p>
+
+<p>Le tennis a, de plus, cette qualité d'être un jeu sociable. On joue
+entre soi, séparés et non isolés du monde, dans l'atmosphère de la
+maison ou du club. Il n'est ni dangereux ni épuisant, et, par là,
+accessible à tous les âges et à tous les sexes. Il peut se pratiquer en
+famille, unifier sur le court plusieurs générations.</p>
+
+<p>Il est un des moyens les plus commodes aujourd'hui pour faire transpirer
+ensemble des jeunes gens de sexe différent. Il est accessible à des
+messieurs hors d'âge sans qu'ils soient tenus de se sentir ridicules. On
+peut y faire figure honorable après un apprentissage relativement bref
+et sans avoir des aptitudes physiques exceptionnelles.</p>
+
+<p>Si presque tout le monde peut jouer au tennis, pour y exceller, il faut,
+par contre, réunir un nombre considérable de qualités rares. Et c'est ce
+qui fait qu'accessible et intéressant pour la foule, il offre en même
+temps un caractère éminemment athlétique et esthétique.</p>
+
+<p>Le tennis met en jeu d'incontestables qualités morales: ténacité,
+énergie, maîtrise de soi. Il exige certaines qualités intellectuelles.
+Non qu'il soit indispensable d'être un Pascal ou un Poincaré. Mais un
+pur crétin arrivera difficilement à y exceller. Un minimum de réflexion,
+de présence d'esprit et d'attention est nécessaire, ne fût-ce que pour
+démêler le jeu de l'adversaire et rectifier le sien, en conséquence.
+Maints échecs et maintes victoires sont dus à de pures raisons
+psychologiques.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/015c.png"><br><b>
+M. Rahe.
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Miss Ryan.
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;M. Froitzheim.
+ <br></b><i>Croquis d'après
+nature de L. de Fleurac.</i></p>
+
+<p>Le tennis est-il un jeu esthétique? On l'a contesté. Sans doute son
+cadre un peu étriqué et artificiel, la limitation nécessaire du geste et
+d'effort, ce quelque chose de sautillant et d'aheurté à la fois qui le
+caractérise ne fait pas de lui tout d'abord un spectacle harmonieux. Il
+n'a ni l'envol élastique et noble de la pelote basque, ni la furie
+truculente, et empoignante du football, ni la simplicité classique et
+splendide de la boxe, ni la puissance rythmée du rowing, ni l'éclat
+crissant et belliqueux de l'escrime. Pourtant la vitesse, la précision,
+la souplesse et la mesure du geste lui confèrent une grâce spirituelle,
+un charme à la fois robuste et net, qui sont bien à lui.</p>
+
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+<p>De ce que le tennis, accessible aux deux sexes, déroule ses phases
+harmonieuses dans un cadre restreint parmi une assistance attentive et
+nombreuse, il en résulte qu'il est infiniment propice au développement
+d'un aimable cabotinage. Et c'est là, sans doute, qu'il faut chercher
+une des raisons principales de son succès. Un monde spécial du tennis
+est né avec ses attitudes, son langage, ses costumes, son snobisme, sa
+franc-maçonnerie particulière. A des degrés divers, il marque d'une
+empreinte ceux qui y participent. Elle est d'un charme plus ou moins
+prenant, selon les individus. Une bonne fortune extrêmement rare veut
+que la totalité des champions que j'ai approchés soient sans aucune
+exception des garçons exquis qui unissent à la perfection de leur art
+une simplicité cordiale et de bon goût. En dehors d'eux on peut bien
+constater que par définition le champion du tennis est un tantinet
+poseur. Une nonchalance estimée aristocratique et un américanisme
+vaguement voyoucratique le caractérisent parfois. Ils lui confèrent une
+allure extrêmement personnelle.</p>
+
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/016b.png"><br><b>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;En attendant l'heure du match.</b></p>
+
+<p>Quelques vices plus laids trouvent pareillement leur contentement au
+tennis. La rosserie, voire la muflerie, s'y épanouissent à coeur joie.
+Pas d'occasion plus commode pour abuser lâchement de sa force. Avec
+impunité, le promenant de droite et de gauche, du grillage du fond au
+filet, vous époumonez jusqu'à l'agonie un gentleman rondouillard. Il
+vous suffit de quelques balles pour écoeurer une vierge ou déshonorer une
+dame mûre qui demeurerait respectable sur tout autre terrain. Il est des
+drives brutaux comme une rupture, des lobs perfides comme des billets
+souscrits à longue échéance, des volées basses et trompeuses comme un
+faux serment, des services américains décevants comme un flirt de même
+nationalité.</p>
+
+<p>«Le style, c'est l'homme». Jamais l'adage célèbre ne se vérifia mieux
+qu'au tennis. Jadis le croquet passait pour une épreuve décisive
+antérieure aux fiançailles. Si vous ne vous étiez pas jeté les maillets
+à la figure avant la fin de la partie, vous pouviez espérer naviguer en
+paix parmi les écueils de la vie conjugale. Combien les enseignements du
+tennis sont plus riches, plus délicats et plus féconds! Rien qu'à voir
+comment Z... tient sa raquette est une indication. Jamais vous ne me
+ferez croire qu'Amy soit un pingre, Decugis un mouton et Salm un enfant
+de choeur.</p>
+
+
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/016a.png"><br>
+<span class="sml">
+Les arbitres de touche.
+Le juge-arbitre.
+Mlle de Csery (Hongroise)
+M. Decugis (Français).
+M. Craig Biddle (Américain).
+Miss Ryan (Américaine).</span><br>
+<b> LES CHAMPIONNATS DU MONDE DE LAWN-TENNIS.--Un match<br>
+mixte sur le grand court central du Stade français, à Saint-Cloud.</b><br>
+<i>Photographie J. Clair-Guyot.</i></p>
+
+<p>Autant que le caractère, le tennis révèle la profession. Chacune confère
+au jeu de ses adeptes une empreinte qui les décèle. La vigueur nette et
+un peu sèche des attaques trahit le militaire. Ce processus honorable et
+appliqué pue l'universitaire à plein nez. Drives et smashes risqués à
+l'aveuglette dénoncent le cerveau brûlé. Vous faut-il le dossier de
+l'avocat, le diagnostic du médecin?</p>
+
+<p>Je recommande particulièrement le tennis à l'intellectuel. Tandis que
+l'escrime l'énervera et que le golf sera impuissant à captiver son
+attention, le tennis, sitôt quelques balles échangées, s'empare de lui,
+le saisit et le distrait. Au bout d'un set, il a oublié les pires
+rosseries de ses confrères et combien son génie fut méconnu. La partie
+terminée, sous la douche bienfaisante, il se consolerait presque de n'en
+avoir point. Et, ensuite, placé en face d'une bonne tasse de thé et
+beurrant ses toasts, il reprendra confiance dans ses lumières, dans
+l'avenir de la France et le bonheur de l'humanité.</p>
+
+<h3>II</h3>
+
+<h4>CONSEILS POUR TOUS</h4>
+
+<p>Le tennis est le tennis, c'est-à-dire quelque chose de considérable.
+Cependant, il n'emplit pas la vie, du moins tout entière.</p>
+
+<p>Quand vous jouez au tennis, jouez-y. Vous aurez de l'esprit ailleurs,
+s'il vous en reste.</p>
+
+<p>Ne soyez ni appliqués jusqu'au tragique, ni désintéressés jusqu'au je
+m'enfichisme. Croyez ou ayez l'air de croire que c'est arrivé, ou
+presque.</p>
+
+<p>A moins que vous ne soyez Anglais, auquel cas ça viendra tout seul,
+faites-vous une tenue. Surveillez vos nerfs. Un masque mélodramatique
+est de trop. Une dégaine de gavroche pas tout à fait assez. Canet est
+bien.</p>
+
+<p>Soignez votre style, mais ne lui sacrifiez pas tout. Proportionnez vos
+ambitions à vos forces. Il n'est permis qu'à Gobert de faire de suite
+trente-deux fautes de service. Evitez les mimiques outrées. Ne saluez
+pas de l'épée pendant plusieurs secondes avant de servir. Même si le
+service est bon, il y a déception. Et si rien ne vient, cela vous a un
+air de misère et d'avortement.</p>
+
+<p>Ne considérez avec stupeur ni le ciel, ni la terre, ni votre raquette
+quand vous venez de manquer la balle. En somme, rappelez vos souvenirs,
+cela vous était déjà arrivé.</p>
+
+<p>Si vous dominez aisément votre adversaire, n'exagérez pas la muflerie.
+Il y a des manières de faire cadeau d'un jeu qui appellent la gifle.
+Sachez gagner.</p>
+
+<p>Et sachez perdre.</p>
+
+<p>Quand, après deux heures de jeu, vous êtes estoqué, ne dites pas à votre
+vainqueur épuisé: «J'ai joué quinze au-dessous de mon jeu.»</p>
+
+<p>Il y a, quand l'arbitre a jugé contre vous, certains regards de stupeur
+naïve qui sont d'exactes tentatives de chantage. Ils ne trompent
+personne.</p>
+
+<p>Sachez offrir de recommencer un coup douteux surtout s'il n'est pas très
+important pour vous.</p>
+
+<p>Même un sacré arbitre est un arbitre sacré: ne l'oubliez pas.</p>
+
+<p>N'engagez pas de controverse avec votre partenaire du double; vous
+n'êtes mariés que jusqu'à la fin de la partie.</p>
+
+<p>Si la petite jeune fille qui joue avec vous en mixte est tout à fait
+nulle, évitez néanmoins de vous désintéresser d'elle comme d'un animal
+galeux.</p>
+
+<p><i>Au champion</i>:</p>
+
+<p>Souviens-toi que tu n'as pas toujours été champion et que tu ne le seras
+pas toujours.</p>
+
+<p>Sans doute que si tu as manqué, c'est la faute de la balle, de la
+raquette, du vent, de l'arbitre, du jour ou de la semaine. Mais c'est
+toujours davantage la tienne et celle de ton adversaire. Même pour le
+let? Oui, monsieur!</p>
+
+<p>Je sais bien que, puisque tu ne les paies pas, ça t'est égal de casser
+tes raquettes. Tout de même, pas d'excès d'ostentation dans tes dépits.</p>
+
+<p>Puisque le public paie, il n'est que de stricte honnêteté de défendre ta
+chance jusqu'au bout. Sans quoi tu le voles. Songes-y.</p>
+
+<p>Naturellement, puisque tu es ténor, tu peux te permettre certaines
+libertés. Sache les accommoder à ton grade, de même que tes exigences.
+Un champion interscolaire ne peut pas réclamer des balles neuves à
+chaque set. Certains petits cris d'oiseau n'ont toute leur grâce que sur
+les lèvres d'un vainqueur international.</p>
+
+<p>Si tu joues à l'étranger, outre la correction.</p>
+
+<p>Si tu joues en France, outre la courtoisie.</p>
+
+<p>N.-B.--Paie tes entrées.</p>
+
+<p><i>Aux jeunes filles:</i></p>
+
+<p>Vous flirtiez tout à l'heure et recommencerez dans un instant.
+Maintenant, on joue.</p>
+
+<p>Ayez, au tennis, une tenue de tennis. Les grands chapeaux, les chichis
+et les jupes entravées, ça sera délicieux en dehors du court.</p>
+
+<p>Point de glapissements suraigus ni de mutins trépignements. C'est gentil
+cinq minutes, et puis ça appelle la fessée.</p>
+
+<p>Cependant, n'adoptez pas non plus à l'égard des balles une attitude
+d'indifférence hautaine. Si elles ne vous intéressaient pas, vous
+pouviez rester assise.</p>
+
+<p>Ne laissez à aucun prix votre partenaire vous ramener les balles. Ces
+choses-là se paient cruellement. On peut en rater un mariage ou un
+divorce.</p>
+
+<p>Il n'est pas nécessaire que vous ayez une première balle foudroyante.
+Mais si vous envoyez régulièrement ces deux services dans le filet,
+mettez-vous plutôt au tricot.</p>
+
+<p>Inutile d'entretenir avec votre partenaire une conversation soutenue.
+Cependant adressez-lui de temps en temps un compliment, surtout s'il est
+en guigne.</p>
+
+<p>Ne clignez pas de l'oeil à la galerie. Ça peut vous jouer toutes sortes
+de sales tours.</p>
+
+<p>Ne vous enorgueillissez pas démesurément de vos succès. N'oubliez pas
+qu'en simple, ce monsieur chauve et grisonnant vous rendrait
+demi-trente.</p>
+
+<p><i>A l'apprenti:</i></p>
+
+<p>Encore quelques milliers de balles par-dessus le filet, et tu y seras
+presque. Mais, en attendant, ne tape pas sur chacune à tour de bras.
+Tennis n'est pas synonyme de frénésie. Et si tu savais ce que tu es
+ennuyeux pour tes souffre-drives!</p>
+
+<p>Ne t'accroche pas, parasite indécramponnable, aux basques de Laurentz ou
+de Gobert. Il ne t'est à peu près d'aucun profit de jouer avec beaucoup
+plus fort que toi. Regarde, et escrime-toi de préférence contre qui peut
+te rendre quinze au maximum.</p>
+
+<p>Si, un jour, Germot, vaguement surentraîné, échange avec toi quelques
+balles, ne répète pas pendant six mois d'un ton négligent: «J'ai pris
+quatre jeux à Germot.» Il les a laissés tomber, et tu t'es borné à les
+ramasser.</p>
+
+<p><i>Tu Marcellus eris!</i> crois-le, je n'y vois nul inconvénient. Mais
+rappelle-toi que tu ne l'es pas encore.</p>
+
+<p><i>Au vieux joueur</i>:</p>
+
+<p>O toi qui fus champion, je sympathise. Tes muscles se sont rouillés, tes
+articulations raidies, ton haleine est devenue plus courte. Et,
+pourtant, tenace, tu n'as pas déserté les courts. Je t'en félicite.
+C'est un bon signe de santé physique et morale. Continue. Il t'est
+encore permis de jouer les handicaps. Mais surveille-toi. N'oublie pas
+que tu es au bord d'être ridicule. Il t'appartient de faire en sorte de
+ne pas te dégoûter toi-même.</p>
+
+<p class="rig"><img alt="" src="images/016c.png"><br><b>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Deux jeunes championnes<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;revenant du court.</b></p>
+
+<p>Évite le sillage des petites jeunes filles et des grands champions. Tu
+les embêtes, et, malgré leur excellente éducation, tu t'apercevras
+bientôt qu'ils ne t'amusent pas.</p>
+
+
+
+<p>Approprie tes ambitions à ce qui te reste de valeur. Pour peu que tu
+aies à promener du ventre, abstiens-toi les singles prolongés. Prends
+garde que tes courses évoquent l'autobus et ta face congestionnée le
+disque d'alarme.</p>
+
+<p>Aie le jeu consciencieux et bon enfant. Que ta victoire, rare, soit
+modeste. Accepte sans amertume la défaite. Ne t'époumone pas à lutter
+indéfiniment, à galoper d'un coin du terrain à l'autre. Ne batifole pas.
+Point de gestes excessifs ni d'exclamations puériles. Passé au filet,
+réprime le râle d'agonie qui te monte aux lèvres et sache sourire à la
+balle qui te fuit comme à une plaisanterie d'un goût délicat ou comme à
+la vie, qui, elle aussi, commence à t'échapper et qui ne reviendra pas.<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">André Lichtenberger.</span></span></p><br><br>
+
+
+
+<h3>CE QU'IL FAUT VOIR</h3>
+
+<h4>LE PETIT GUIDE DE L'ÉTRANGER</h4>
+
+<p>Le hasard fait voisiner sur les murs de Paris, depuis quelque temps, des
+affiches qu'on pourrait appeler des affiches-soeurs. L'une annonça
+d'abord l'exposition d'Alphonse de Neuville, dont je parlais ici, il y a
+huit jours. L'autre, ensuite, nous informa d'une reprise des <i>Cloches de
+Corneville</i>. Le peintre et le musicien sont de la même génération. C'est
+autour de l'année 1860 que Neuville exposait au Salon ses premiers
+tableaux militaires (qui étaient des tableaux de victoires); et c'est
+vers le même temps que Planquette composait ses premières chansons de
+café-concert, expurgées par la censure. <i>Les Cloches de Corneville</i> sont
+de 1877: l'année où Neuville, en pleine gloire, envoyait le portrait de
+Paul Déroulède au Salon du Palais de l'Industrie. L'étranger, qui, après
+une heure passée à la galerie de La Béotie, aura consacré sa soirée aux
+<i>Cloches de Corneville</i>, saura comment, il y a trente-cinq ans, notre
+pays célébrait ses soldats, et quels refrains--puisque tout finit par
+des chansons!--il aimait à chanter.</p>
+
+<p>Ce qu'il faudra voir encore, ces jours-ci? Il faudra voir <i>la
+Pisanelle</i>, au Châtelet; le concours général agricole, au Champ de Mars;
+et, avenue Montaigne, les Ballets russes dont les dernières
+représentations sont annoncées.</p>
+
+<p>Ne pas manquer surtout les deux tableaux du <i>Sacre du Printemps!</i> Il
+n'arrive pas tous les jours qu'on voie, pour un Ballet, une foule se
+passionner et des auteurs crier à la cabale.</p>
+
+<p>Cabale inoffensive d'ailleurs; où l'on ricane, où l'on sifflote; une
+cabale qui, non seulement ne prend point les choses au tragique, mais
+semble ne se plaindre que de les voir prendre par quelques-uns un peu
+plus au sérieux qu'il ne faudrait.</p>
+
+<p>Est-ce à dire que le grand danseur par qui cette chorégraphie «païenne»
+lut imaginée et le musicien de talent qui fit sautiller si étrangement
+ces marionnettes sur une musique qu'en peut qualifier de troublante,
+sans offenser personne, aient manqué de sincérité, ou, comme
+l'affirmaient quelques spectateurs maussades, se soient moqués de nous?
+Mais non, et ce sont là des insinuations très vilaines. Le musicien qui
+prend la peine d'écrire et d'orchestrer une partition (ce qui est un
+fort rude labeur) ne songe jamais à se moquer de personne; et le
+chorégraphe qui anime de son inspiration des masses dansantes, règle des
+pas inédits, des mouvements neufs (ce qui ne doit pas être une mince
+besogne non plus!) ne saurait être accusé, le pauvre, d'être un homme
+sans sincérité. Où M. Nijinski a-t-il appris que les Russes de la
+préhistoire dansassent de la manière qu'il les fait danser? Nulle part,
+évidemment. Mais sa conviction qu'ils dansaient ainsi, et non autrement,
+n'en est pas moins certaine.</p>
+
+<p>Une sincérité moins certaine me paraît être celle de certains
+spectateurs. Ah! ceux-là sont admirables; et, s'il faut voir <i>le Sacre
+du Printemps</i> (que les auteurs me pardonnent cette opinion
+irrespectueuse), c'est aussi pour jouir du spectacle de ceux et de
+celles qui s'y pâment. Vous les connaissez; ce sont nos amis les snobs,
+qu'on retrouve partout, animés d'une ardeur que rien ne rebute, d'une
+apparence de foi qui ne se lasse point. Qu'il s'agisse de choses peintes
+ou de choses sculptées, de musique, de danse, de théâtre ou de
+belles-lettres, ils sont prêts, toujours. Il leur suffit que l'oeuvre
+soit présentée dans des conditions de suffisante élégance et déclarée
+très ennuyeuse et très obscure, pour qu'aussitôt ils se précipitent,
+d'avance conquis, et tout de suite proclament que rien n'est plus beau,
+plus clair, plus simple que ce qu'on leur montre là. Personne n'a
+compris? C'est assez pour qu'eux comprennent. Il ne faut point détester
+les snobs. Ce ne sont ni des gens sans esprit, ni des gens méchants. Ce
+sont des aristocrates; ce sont des personnes très dégoûtées qui ne
+veulent toucher qu'à des opinions qui n'ont pas servi.</p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+<p>Les fêtes de la semaine prochaine, à Montmartre, ne les attireront
+sûrement pas. Elles attireront trop de monde pour que le snobisme y
+puisse trouver du plaisir. Je crois que, tout de même, en dépit de la
+cohue, elles vaudront d'être vues.</p>
+
+<p>La Butte et ses alentours sont habités par des hommes qui ont beaucoup
+d'esprit, qui sont gais, et qui savent perdre leur temps à des besognes
+charmantes qui ne rapportent rien; car ils sont généralement pauvres, ce
+qui explique pourquoi ils méprisent volontiers l'argent. On sait que
+leurs fêtes de la semaine prochaine--trois pleines journées de
+réjouissances!--son des fêtes d'adieu! On rira. On devrait pleurer,
+puisqu'il s'agit de saluer Montmartre non pas comme on salue un
+vainqueur, et comme le saluait, il y a vingt ans, le gentilhomme Salis,
+mais comme on salue un mort.</p>
+
+<p>En effet, Montmartre s'en va. Montmartre s'écroule; non de vieillesse,
+mais d'ambition. Montmartre veut avoir des rues larges à la place de ses
+ruelles, des garages d'automobiles à la place de ses petits jardins. La
+Butte veut être une butte moderne; électricité, téléphone, ascenseur et
+sagesse à tous les étages...</p>
+
+<p>Il faut en prendre son parti. Les démolisseurs sont à l'oeuvre, et le
+drame est commencé. Des ruelles historiques de Montmartre ont déjà
+disparu; d'autres vont disparaître, et cela continuera aussi longtemps
+que derrière les peintres qui enragent et les poètes qui pleurent, il y
+aura des propriétaires qui se frottent les mains.</p>
+
+<p>Il y aura donc peut-être, fout compte fait, pour l'Étranger qui passe,
+quelque chose de plus intéressant à voir dans Montmartre, la semaine
+prochaine, que les fêtes qui s'y donneront: il y aura Montmartre
+lui-même.</p>
+
+<p>Qu'il s'y promène avant qu'y sévisse le vacarme des cavalcades; et qu'il
+retourne y poursuivre sa promenade, après que les cavalcades auront
+passé.</p>
+
+<p>Même entamée par la pioche des entrepreneurs, la Butte demeure quelque
+chose de charmant. Certaines des rues qu'on y voit encore--telles la rue
+de l'Abreuvoir et la rue Girardon--étaient, au dix-septième siècle, des
+sentiers: et ces sentiers eux-mêmes avaient été tracés sur une terre
+foulée autrefois par les Druides, et où Mercure et Mars eurent des
+temples! Il n'y a plus de temples à Montmartre; mais il y reste encore
+trois moulins. Les «Amis du Vieux Paris» n'ont point d'architectures
+vénérables à y faire admirer aux étrangers: mais d'amusants débris du
+passé, des morceaux de pavillons, d'abbayes, d'observatoires, des traces
+de destruction guerrière y évoquent l'histoire de dix siècles, à côté de
+maints cabarets fameux où se racontent l'histoire... et les histoires
+d'hier.</p>
+
+<p>On ne peut pas dire que la Butte soit une belle chose, en vérité; mais
+tant d'événements s'y sont passés, et tant de figures y ont passé qu'on
+peut dire qu'elle compose à elle seule le plus prodigieux recueil
+d'anecdotes qu'il y ait à Paris.</p>
+
+<p>Étrangers, allez vite feuilleter le recueil, avant que le Progrès en ait
+chiffonné et balayé les dernières pages!<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">Un Parisien.</span></span></p><br><br>
+
+<h3>AGENDA (14-21 juin 1913)</h3>
+
+<p><span class="sc">Conférences</span>.--Hôtel de Sens (rue du Figuier): le 15 juin, à 4 heures,
+conférence de M. Léon Riotor. Le 20 juin, au Salon de la Société des
+Artistes Français (Grand Palais): conférence de M. Jean Morin: <i>la
+Verrerie artistique dans l'antiquité</i>.</p>
+
+<p><span class="sc">Exposition philatélique</span>.--Au Palais de Glace (Champs-Elysées): du 21 au
+30 juin, exposition philatélique internationale organisée par la Société
+française de timbrologie.</p>
+
+<p><span class="sc">Expositions artistiques</span>.--<i>Paris</i>: Grand Palais: Salon de la Société des
+Artistes Français; Salon de la Société nationale des
+Beaux-Arts.--Pavillon de Marsan (Louvre): l'Art des Jardins en
+France.--Bibliothèque Le Peletier de Saint-Fargeau (29, rue de Sévigné):
+Promenades et Jardins de Paris.--Hôtel de Sens (rue du Figuier): le 16
+juin, clôture de l'exposition des Artistes du 4e arrondissement.</p>
+
+<p><span class="sc">Congrès</span>.--A l'Hôtel des Sociétés savantes: du 16 au 20 juin, se tiendra
+un congrès forestier international, organisé par le Touring-Club de
+France.</p>
+
+<p><span class="sc">Fêtes de bienfaisance</span>.--Au vélodrome du Parc des Princes: le 16 juin, à
+2 h. 1/2 fête artistique et sportive, au bénéfice de l'oeuvre française
+du rapatriement des artistes lyriques et dramatiques.--Au Trocadéro: le
+17 juin, matinée donnée Par l'oeuvre des Trente Ans de théâtre au
+bénéfice de son dispensaire.</p>
+
+<p><span class="sc">Fête</span>.--Le 19 juin, à l'Opéra: soirée de gala en l'honneur de Beethoven,
+Verdi, Saint-Saens. Au programme, sélection d'oeuvres des trois
+compositeurs, avec orchestre.</p>
+
+<p><span class="sc">Sports</span>.--<i>Courses de chevaux</i>: le 14 juin, Auteuil; le 15, Chantilly,
+prix du Jockey-Club: le 16, Saint-Cloud; le 17, Enghien; le 18, le
+Tremblay; le 19, Longchamp; le 20, Maisons-Laffitte; le 21,
+Saint-Ouen.--<i>Aéronautique</i>: le 15 juin, à Saint-Cloud, grand prix
+annuel de l'Aéro-Club de France.--<i>Automobile</i>: le 22 juin, grand prix
+de France des motocyclettes, circuit de Fontainebleau.--<i>Boxe</i>: le 15
+juin, à Toulouse: Willie Levis contre Kid Jackson.</p>
+
+<br><br>
+
+<h3>LES LIVRES &amp; LES ÉCRIVAINS</h3>
+
+<h4>LE GRAND PRIX DE LITTÉRATURE</h4>
+
+<p>C'était, la semaine dernière, la seconde fois que l'Académie française
+attribuait son Grand Prix de littérature. La raison de ce prix, fondé il
+y a trois ans sur l'initiative de M. Paul Thureau-Dangin, fut sans doute
+qu'il appartenait essentiellement à l'illustre compagnie de décider,
+elle avant tous autres, quelle oeuvre méritait, chaque année, d'être
+sacrée chef-d'oeuvre. De-ci de-là, d'autres jurys bien rentes avaient
+peu à peu rogné sur cette prérogative, et telles de leurs décisions
+avaient été retentissantes. On en était venu à complètement oublier que
+cent ou cent cinquante volumes--à peu près le quart de la production en
+librairie--étaient annuellement jugés dignes par l'illustre assemblée
+d'une plus ou moins haute récompense. Les lauréats de l'Académie étaient
+devenus plus nombreux encore que les officiers d'académie. On n'y
+prenait plus garde dans le public, tandis que l'on s'accoutumait à
+acheter de confiance, aux étalages des libraires, les volumes primés par
+les académiciens Goncourt ou même par les dames de la <i>Vie Heureuse</i>.
+L'Académie ne pouvait rester sur cet affront. Elle ajouta à ses cent
+cinquante prix annuels un cent cinquante et unième prix auquel elle
+donna le nom de Grand Prix, et qu'elle dota de dix mille francs. Dix
+mille francs, c'est une somme. Il y eut une brusque émotion dans toute
+la gendelettres où, nuls, jeunes ou vieux, ne pouvaient bouder à un
+pareil encouragement à bien écrire. De son côté, l'Académie se devait à
+elle-même, pour cette fois, de bien juger. Elle souhaita d'être
+infaillible, et ce souci l'obséda au point que, le premier coup, dans le
+scrupule de se tromper, elle préféra s'abstenir de prendre une décision.
+On lui reprocha assez vivement cette attitude pour que, l'année
+suivante, elle supprimât le temps de la réflexion et se précipitât, les
+yeux fermés semble-t-il, sur une oeuvre dont on lui avait dit du bien:
+<i>l'Élève Gilles</i>, de M. André Lafon. Mais ce choix fut peu ratifié par
+le public. On attendit la belle, c'est-à-dire la troisième épreuve, qui
+se décida le jeudi de la semaine dernière. Trois livres, ou plutôt une
+oeuvre, toute une oeuvre d'écrivain et deux livres étaient en
+discussion. Couronnerait-on le <i>Jean-Christophe</i>, de M. Romain Rolland,
+qui venait de terminer, par un éblouissant chapitre (1), ce roman, en
+onze volumes, de la pensée d'une époque; ou bien donnerait-on le prix
+aux romans nés d'hier de deux nouveaux venus dans les lettres: <i>Laure</i>
+(2), de M. Émile Clermont, ou <i>l'Appel des armes</i>, de M. Ernest Psichari
+(3). Il apparut tout de suite que la beauté et la richesse de l'oeuvre
+de M. Romain Rolland étaient indiscutables et ne souffraient guère de
+comparaison. Mais il y avait à trancher une question de principe par
+quoi se divisaient les opinions académiques. Le Grand Prix devait-il
+honorer une carrière ou encourager un début? On vota plusieurs fois pour
+se mettre d'accord sur la thèse et, finalement, la majorité des
+suffrages attribua le laurier d'or à l'oeuvre de M. Romain Rolland, à
+<i>Jean-Christophe</i>, que venait d'ailleurs de parachever le volume final
+paru dans les délais convenus pour la validité des candidatures. Le
+président de la République lui-même, M. Raymond Poincaré, avait tenu à
+participer à toutes les passes de la joute. On assure qu'il vota pour
+<i>Jean-Christophe</i>.</p>
+
+<blockquote>Note 1: <i>Jean-Christophe, la Nouvelle Journée</i>, par Romain Rolland,
+Ollendorff, éditeur, 3 fr. 50.</blockquote>
+
+<blockquote>Note 2: <i>Laure</i>, par Émile Clermont, Bernard Grasset, éditeur, 3 fr. 50.</blockquote>
+
+<blockquote>Note 3: <i>L'Appel des armes</i>, par Ernest Psichari, Oudin, éditeur, 3 fr.
+50.</blockquote>
+
+<p>Sans doute, l'Académie, en donnant le plus haut gage de son estime à M.
+Romain Rolland, n'a pas entendu épouser les doctrines sur la vie,
+aventureuses et un peu confuses, de Jean-Christophe Kraft, musicien
+génial, les conceptions imprécises de son humanitarisme, son mépris de
+l'oeuvre du passé et son peu de goût pour notre art national. Les idées,
+en elles-mêmes, n'ont pas été jugées, et c'est très bien ainsi. On n'a
+voulu retenir que l'abondance prodigieuse de la pensée, éclose à chaque
+ligne, la pureté, si française, de la langue, l'exacte et délicate
+beauté des paysages du Rhin, la fraîcheur émouvante des scènes de
+l'amour adolescent, le sens noble et profond des pages sur l'amitié.
+Lorsque parut le premier <i>Jean-Christophe</i>--que le jury de la <i>Vie
+Heureuse</i> eut, tout d'abord, l'heureux instinct de distinguer--ce fut
+une joie, une émotion vive et ravie dans ces lettres, car, dès ce
+moment, l'on salua et l'on mit hors de pair le grand écrivain qui venait
+de naître, et qui, aujourd'hui, dans sa laborieuse retraite de Vevey, où
+est venu le surprendre la consécration académique, travaille
+paisiblement à de nouvelles fortes oeuvres.</p>
+
+<p class="mid">*<br>* *</p>
+
+<p>M. Romain Rolland nous dit, dans la préface du dernier volume de
+<i>Jean-Christophe</i>: «J'ai écrit la tragédie d'une génération qui va
+disparaître. Je n'ai cherché à rien dissimuler de ses vices et de ses
+vertus, de sa pesante tristesse, de son orgueil chaotique, de ses
+efforts héroïques et de ses accablements sous l'écrasant fardeau d'une
+tâche surhumaine: toute une somme du monde, une morale, une esthétique,
+une foi, une humanité nouvelle à refaire. Voilà ce que nous fûmes.» Et
+il ajoute: «Hommes d'aujourd'hui, jeunes hommes, à votre tour!
+Faites-vous de nos corps un marchepied et allez de l'avant. Soyez plus
+grands et plus heureux que nous.»</p>
+
+<p>Jeunes hommes d'aujourd'hui, s'écrie, en riposte, M. Ernest Psichari
+dans <i>l'Appel des armes</i>, pour redevenir grands et forts, ne continuez
+point de suivre la route de la critique, des vides sophismes et des
+inutiles tournois de l'esprit. Nous avons trop d'esprit. Mais nous
+n'avons plus d'âme. Notre cerveau éclate sous la poussée des
+imaginations folles et malsaines, et dans l'effort des mesquines
+discussions. Nous nous mourons de littérature. Arrêtons-nous sur le
+chemin de Byzance. Plus de paroles, de l'action. Retrempons notre race
+dans le soleil et dans le feu des terres neuves, mystiques et
+guerrières!</p>
+
+<p>Entre ces deux livres en conflit, le roman de M. Émile Clermont,
+<i>Laure</i>, a recueilli, pour de tous autres mérites, d'importants
+suffrages. La pensée est moins riche ou moins ardente que dans les
+oeuvres précédentes. Elle n'est pas moins élevée. Elle est plus subtile.
+C'est l'étude d'une âme inaccessible aux réalités modestes du bonheur
+humain. Qu'elle erre dans l'épanouissement sublime d'un parc au matin du
+printemps, ou qu'elle se replie dans le silence clos et froid d'une
+cellule, cette âme de Laure est une âme de cloître, orientée toujours
+vers l'infini. Elle est trop loin, trop haut pour descendre parmi les
+médiocrités de la vie. Elle passe, à distance, comme une lumière. Elle
+éclaire autour d'elle. Mais elle ne se mêle pas aux autres faibles et
+troubles lueurs humaines. On trouve, dans cette oeuvre, certainement
+influencée par l'art de M. René Boylesve, des nuances infinies de
+pensée, qui, parfois, à vrai dire, trahissent trop la recherche et
+nuisent au relief. Aussi le personnage étudié demeure-t-il, malgré tout,
+imprécis. Il y a des visions brèves, délicieuses, deux ou trois scènes
+muettes d'une grande émotion, et beaucoup de très jolies petites images
+qui n'arrivent pas cependant à nous donner un seul portrait expressif.
+M. Émile Clermont a révélé dans son récit de rares qualités d'écrivain.
+Et ces qualités, cependant, ne nous ont point valu un livre parfait ni
+même peut-être un très bon livre. L'attention se lasse. Elle résiste mal
+aux longueurs, car 200 pages pourraient, sans lui nuire, être
+retranchées de ce volume qui en compte 417. Enfin, il y a trop souvent
+une absence de simplicité qui irrite. Voici, par exemple, Laure qui
+prophétise avec un enfant sur les bras:</p>
+
+<p>--Plus tard, murmure-t-elle, que deviendras-tu, toi que j'aurai vu à
+l'aube de tes jours, comblé des plus beaux présages? A ton enfance
+quelle grâce aura manqué?... Pourtant faudra-t-il qu'au long des années,
+dans ton coeur si pur, les instincts vulgaires de la race s'éveillent
+l'un après l'autre? Hélas! le faudra-t-il?... Que deviendras-tu? Quoi
+donc! homme, simplement homme, traînant indéfiniment les mêmes désirs et
+les mêmes passions banales dans le cercle que nous savons! Cela
+seulement! éternellement cela! A cette perspective, tout regard
+s'attriste et toute pensée se décourage.</p>
+
+<p>Cela, c'est de la «littérature» et non point de la meilleure. Nous
+aimons mieux l'art, très fin, très souple, qui chatoie, en cent autres
+endroits, dans l'expression de la sensibilité humaine. <i>Laure</i>, c'est un
+joyau trop minutieusement ouvré. Il y a trop de facettes. On ne retrouve
+plus le foyer.<br>
+
+<span class="rig"><span class="sc">Albéric Cahuet.</span></span></p><br><br>
+
+<h3>L'ATTENTAT D'HANOI</h3>
+
+<p class="rig"><img alt="" src="images/017a.png"><br><b>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Le commandant Chapuis.</b></p>
+
+<p>Nous avons, il y a deux semaines, signalé, par quelques documents
+photographiques, le déplorable attentat d'Hanoï, qui, le 26 avril
+dernier, fit deux victimes, le commandant Mongrand et le commandant
+Chapuis. Le portrait du premier qui avait pu nous parvenir sans retard,
+a été, à cette douloureuse occasion, publié dans notre numéro du 31 mai.
+Il convenait de rendre le même hommage à son camarade, frappé à ses
+côtés, officier, comme lui, d'infanterie coloniale.</p>
+
+<p>Le commandant Chapuis, blessé grièvement par la bombe jetée sur la
+terrasse du Hanoï-Hôtel, ne succomba qu'après une cruelle agonie: il eut
+encore le suprême courage de supporter une opération qui ne laissait
+aucun espoir.</p>
+
+<p>Il est mort au moment où il s'apprêtait à revenir en France, ayant
+terminé son séjour en Indochine.</p>
+<br><br>
+
+<h3>DOCUMENTS et INFORMATIONS</h3>
+
+<p class="rig"><span class="sc">Histoires de scorpions.</span></p><br><br>
+
+<p>L'histoire naturelle nous apprend que le scorpion est un animal d'une
+voracité extrême, redoutable pour les insectes dont il fait sa proie
+ordinaire, et même pour l'homme, qui doit, dans les pays chauds, se
+garder de sa piqûre envenimée: les deux photographies reproduites
+ci-contre témoignent que sa férocité s'exerce également sur ses
+semblables et que, dans cette gent cruelle, le plus vigoureux s'attaque
+volontiers au plus faible, et le dévore.</p>
+
+<p>C'est à un entomologiste de Biskra, M. Chiarelli, grand collectionneur
+d'insectes sahariens, que nous devons la communication de ces curieux
+documents. On sait que la femelle du scorpion porte ses petits sur son
+dos jusqu'à ce qu'ils soient assez forts pour aller chercher eux-mêmes
+leur subsistance. En ayant isolé une avec sa progéniture, M. Chiarelli
+voulut un jour la sortir de la boîte où il la conservait: mais à peine
+l'avait-il touchée qu'il vit les petits, effrayés sans doute,
+s'éparpiller, et la mère, les attrapant avec ses pinces, se mettre à les
+dévorer un à un. «Comme je craignais de les voir tous disparaître de
+cette façon, nous écrit l'observateur amusé de cette singulière scène,
+je plaçai immédiatement le scorpion dans un bocal, où je versai une
+solution de formol. La mère cessa de vivre, sans toutefois lâcher ceux
+qu'elle avait déjà saisis entre ses pinces.» Le photographe n'eut
+ensuite qu'à disposer l'animal et ses petits sur un morceau de drap noir
+afin d'obtenir le cliché que nous publions.</p>
+
+<p>M. Chiarelli procéda de la même manière pour deux scorpions de taille
+différente, qu'il avait placés dans un bocal, sans aucune nourriture, et
+qu'il retrouva, deux jours après, le plus gros dévorant l'autre: on ne
+voyait plus, de celui-ci, que l'extrémité de la queue, avec le dard. Le
+formol immobilisa, encore une fois, l'animal, qui put être alors
+aisément photographié avec sa proie.</p>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/017b.png"><br>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="0"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="illustration">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 65%; text-align: center;">
+<b><span class="sc">Dans le monde des scorpions.</span>--Une mère qui dévore ses
+petits. Elle en tient un dans sa bouche et en a déjà saisi deux autres,
+un dans chaque pince.</b> <i>Collection de M. Chiarelli, à
+Biskra.--Photographies Bougault.</i>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 35%; text-align: center;">
+<b>Scorpion avalant un de ses congénères. On ne voit plus,
+de la victime, que les trois dernières phalanges de la queue et le
+crochet venimeux sortant de la bouche du mangeur.</b>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p class="rig"><span class="sc">A propos du rocher de Tormery.</span></p><br><br>
+
+<p>Nous avons longuement rendu compte, dans notre numéro du 31 mai dernier,
+de l'explosion du «rocher de Tormery», par laquelle ont été anéantis les
+deux blocs latéraux de l'énorme masse de 9.000 mètres cubes qui menaçait
+le petit village savoyard. On a pu se demander--et l'auteur documenté de
+notre article posait, en terminant, la question--pourquoi on avait
+laissé subsister le bloc principal, si dangereux encore qu'on a dû
+prévoir, pour empêcher son écroulement, la construction d'un mur de
+soutien.</p>
+
+<p>M. A. Reulos, ingénieur des ponts et chaussées, qui fut chargé de
+l'opération, nous écrit que l'explosion de la masse entière, après avoir
+été soigneusement étudiée, était apparue comme impraticable et inutile,
+pour plusieurs raisons, qu'il nous explique. Tout d'abord, il eût été
+impossible de perforer, avec les moyens ordinaires, un bloc de 15 mètres
+d'épaisseur; il aurait fallu recourir à l'emploi de perforatrices en un
+point où l'installation d'un matériel compliqué présentait des
+difficultés presque insurmontables. D'autre part, une exploration
+minutieuse de la grande faille, en arrière du rocher, avait permis de
+constater que la masse centrale était solide et qu'il suffisait de la
+protéger, à la base, par des travaux appropriés. Enfin l'explosion
+totale faisait craindre des dégâts très importants dans le village.
+«Malgré l'effritement produit par la dynamite-gomme de la maison
+Davey-Bickford, assure M. A. Reulos, il reste toujours des morceaux de
+roc pouvant atteindre 1 ou 2 mètres cubes; plusieurs auraient été
+projetés au loin, et d'autres seraient restés accrochés dans les
+broussailles voisines, constituant pour les habitants de Tormery un
+péril permanent.»</p>
+
+<p>Sur quelques points de détail, M. A. Reulos rectifie nos informations:
+ce n'est pas la maison Davey-Bickford qui a fait percer les trous de
+mine, mais la maison Bernasconi, de Chambéry; et la partie centrale du
+rocher n'a pas eu, pendant l'explosion, le moindre mouvement.</p>
+
+<p class="rig"><span class="sc">Traitement de la diphtérie par l'air chaud.</span></p><br><br>
+
+<p>M. Rendu a constaté que les microbes de la diphtérie sont détruits par
+un chauffage à 60 degrés pendant cinq minutes ou par une température de
+70 degrés maintenue deux minutes. La diphtérie se localisant
+généralement aux voies respiratoires supérieures, un essai de traitement
+par la chaleur paraissait dès lors tout indiqué.</p>
+
+<p>Avant d'expérimenter sur des malades, l'auteur a voulu déterminer la
+limite de la température que peuvent supporter les voies respiratoires
+supérieures. Il a pu lui-même supporter des inhalations d'air chaud sec
+pendant un temps qui variait de 2 minutes à 100 degrés à une demi-heure
+à 60 degrés, la température de l'air étant prise à l'entrée de la
+bouche. Pour assurer cette tolérance imprévue, il suffit de protéger les
+lèvres et le reste de la face avec des compresses imbibées d'eau.</p>
+
+<p>Après cette étude préparatoire, le docteur Rendu a traité par l'air
+chaud 33 cas de diphtérie, en même temps qu'il soignait un autre groupe
+de 33 malades avec du sérum antidiphtérique. Les résultats ont été
+identiques dans les deux cas et la mortalité n'a pas dépassé 15%.</p>
+<br><br>
+
+<h3>LE CONGRÈS INTERNATIONAL
+
+DES FEMMES</h3>
+
+<p>Le dixième congrès international des femmes, qui s'était réuni à Paris,
+vient de terminer ses travaux.</p>
+
+<p>Si les premières féministes pouvaient aujourd'hui contempler leur
+oeuvre, elles partageraient avec les doyennes du parti un étonnement
+extrême: Mmes Vincent, Hubertine Aucler et d'autres «anciennes»,
+vaillantes et simples, ont dû se croire transportées dans un monde
+nouveau, au milieu de cette assemblée où furent représentées plus de
+vingt nations, assemblée aussi féminine que féministe, élégante et
+posée, où la sagesse présidait en personne derrière un bureau tout
+fleuri de roses.</p>
+
+<p>Beaucoup de vieilles dames, ayant évidemment passé l'âge de
+l'inexpérience; quelques-unes bien charmantes sous les cheveux blancs,
+n'abdiquant en rien leur dignité ou leur coquetterie de femmes et
+servant avec esprit la cause qu'elles défendent: telles furent, pour ne
+citer que celles-ci, Mme Siegfried, présidente du Congrès, et Mlle
+Bonneval, présidente de séance.</p>
+
+<p>D'autres, plus jeunes, ardemment convaincues, exposent leurs travaux
+avec mesure, une mesure qui, parfois, paraît de la froideur et empêche
+les idées de passer «la rampe», exception faite cependant pour Mmes
+Séverine et Maria Vérone, dont l'éloquence communicative enthousiasme
+les congressistes.</p>
+
+<p>Lady Aberdeen, ex-vice-reine des Indes, présidente d'honneur, apportait
+avec l'autorité de son nom la grâce aristocratique de sa personne; Mme
+Cruppi parlait avec une compétence que sa distinction faisait
+particulièrement apprécier; Mme Avril de Sainte-Croix se signalait par
+son activité et son bon sens positif qui lui fit lancer cette boutade:
+«Commencez par faire respecter les lois que vous avez, avant d'en
+demander d'autres.»</p>
+
+<p>Et, dans une harmonie parfaite, ce congrès s'est déroulé, sans heurt,
+sans déclaration outrancière. A peine sentait-on, par instant, poindre
+ce sentiment indéfinissable qui ressemble de loin à la jalousie,
+sentiment si accentué dans les assemblées masculines, mais qui, chez les
+femmes, pourrait bien n'être qu'une généreuse émulation.</p>
+
+<p>Les travaux présentés formaient un ensemble considérable embrassant des
+questions multiples: hygiène, travail, sciences, politique, etc., le
+tout traité avec une raison indiscutable.</p>
+
+<p>La section du suffrage offrait un intérêt particulier: on attendait, on
+espérait peut-être des manifestations ridicules. Cette sympathique
+curiosité a été déçue; Mme Maria Vérone, s'abstenant de tout commentaire
+personnel, a simplement rappelé les réformes utiles réalisées par les
+femmes dans les pays, déjà nombreux, où elles sont électrices et
+éligibles.</p>
+
+<p>En Amérique et en Océanie, le sort des ouvriers s'est fort amélioré
+depuis que les femmes votent. Partout les électrices ont fait adopter
+des lois importantes pour l'éducation morale; elles combattent tout ce
+qui déprave l'homme et la femme et, par suite, atteint l'enfant; elles
+mènent une guerre sans merci contre l'alcoolisme et elles ont obtenu des
+résultats extraordinaires en faisant interdire les débits d'alcool ou
+limiter leur nombre. C'est ainsi qu'en Suède on compte actuellement un
+débit pour 5.000 habitants au lieu de 1 pour 400 habitants il y a
+quelques années; en Norvège on ne trouve pas plus d'un cabaret pour
+20.000 habitants; en Islande l'alcool est prohibé, l'alcoolisme a
+presque disparu en Finlande. Au Wyoming, où les femmes votent depuis
+vingt-cinq ans, il n'y a plus d'asiles d'indigents, les prisons sont
+presque vides et les crimes sont devenus très rares.</p>
+
+<p>La question de la paix est ainsi noblement posée par les congressistes;
+quels sont les moyens propres à éveiller dans les jeunes consciences
+l'amour de la justice et le respect du droit des peuples?</p>
+
+<p>Enfin Mme Maria Vérone lance cet appel éloquent qui précise le véritable
+point de vue du féminisme sérieux, trop souvent défiguré par ses
+adversaires: «Féministes de tous pays, nous devons lutter pour que les
+femmes obtiennent partout l'émancipation politique, on considérant cet
+affranchissement non point comme un <i>but</i>, mais comme un <span class="sc">moyen</span> de
+réaliser notre programme, comme une étape nécessaire vers le progrès.
+Alors seulement il nous sera permis d'entrevoir un avenir meilleur pour
+ceux qui nous suivront, d'espérer que désormais la justice et le droit
+régneront dans la famille consolidée, dans la nation régénérée, dans
+l'humanité tout entière fraternellement unie.»</p>
+
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/018a.png"><br><b>A la Chambre de Manille: les députés philippins en
+séance.</b></p>
+
+<h3>LE PARLEMENT PHILIPPIN</h3>
+
+<p>A regarder la curieuse photographie que nous reproduisons ici, on
+dirait, tout d'abord, d'une classe de grands écoliers bien sages, tous
+vêtus de semblable manière, ainsi qu'il convient aux élèves de la même
+institution, et écoutant attentivement la parole du maître, assis
+derrière leurs pupitres identiques... Nos yeux accoutumés aux vastes
+assemblées parlementaires où se discutent les affaires des grands États
+verront avec une surprise amusée, en cette image, la salle des séances
+de la Chambre philippine, à Manille. Sur chaque pupitre, une prévoyante
+administration a fait inscrire, en lettres blanches, le nom de celui qui
+l'occupe: grâce à cette disposition ingénieuse, le président ne peut
+avoir aucune hésitation à reconnaître et à désigner, dans le tumulte des
+débats, le député turbulent pour lequel s'impose un rappel à l'ordre.</p>
+
+<p>Les occasions lui sont fréquentes d'user des sévérités que lui accorde
+le règlement, car les délibérations de la Chambre philippine, pour se
+poursuivre devant une assemblée peu nombreuse, sont souvent bruyantes et
+passionnées. Il y a quelque temps, M. Pedro A. Paterno (que l'on
+aperçoit ici au premier rang) soulevait des protestations indignées en
+proposant, comme unique moyen d'augmenter rapidement la population de
+l'archipel, la bigamie obligatoire. Plus récemment, un projet de loi sur
+la suppression de l'esclavage, courageusement soutenu par le secrétaire
+de l'Intérieur, M. Dean C. Worcester, provoquait de vives
+controverses... Les députés de Manille n'observent point toujours la
+paisible attitude qu'on leur voit sur notre photographie.</p>
+
+<br><br>
+
+<h3>UN «PRINCE DES ESPIONS»</h3>
+
+<p>«L'affaire Kedl», qui vient d'éclater brusquement en Autriche, a un côté
+romanesque, une ampleur qui la distingue des banales et mesquines
+histoires d'espionnage où quelque soldat besogneux est compromis à bas
+prix: le colonel Alfred Redl a pu être justement qualifié de prince des
+espions.</p>
+
+<p>Il était bel homme, et portait avec aisance le coquet uniforme
+autrichien. Il avait quarante-six ans; on lui en eût donné quarante. Le
+teint haut en couleur, le verbe assuré, l'allure athlétique, un peu
+vulgaire, pourtant, il s'imposait à l'attention là où il paraissait.
+Détail piquant, avant de trafiquer, avec la Russie, des secrets
+militaires de son pays, il a pris la parole, comme commissaire du
+gouvernement, représentant de la vindicte publique, dans maintes
+affaires d'espionnage. Il était, en dernier lieu, chef d'état-major du
+commandant du 8e corps, à Prague.</p>
+
+<p>Sa carrière avait été superbe, puisqu'on parlait déjà de sa promotion au
+grade de général. «Une carrière d'archiduc», disait au correspondant du
+Figaro un de ses camarades. Il menait grand train, avec autos et
+maîtresses cotées.</p>
+
+<p class="rig"><img alt="" src="images/018b.png"><br><b>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Le colonel autrichien Alfred Redl.<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<i>Phot. Harkanyi.</i></b></p>
+
+<p>La guerre des Balkans allait détruire ce bel édifice et révéler,
+derrière la brillante façade de cette vie fortunée, les infamies
+cachées. Ce fut, en effet, à de certaines coïncidences, au moment de la
+mobilisation autrichienne, à des concordances saisissantes entre les
+mouvements des troupes de la monarchie dualiste et de celles de la
+Russie, qu'on commença de soupçonner le colonel Redl. Une enquête
+discrète fut commencée. Le 24 mai, le chef d'état-major du 8e corps
+était mandé à Vienne: on voulait profiter de son absence pour opérer
+chez lui une perquisition. Elle donna des résultats accablants. Le drame
+se dénoua en quelques heures. Tandis que Redl dînait dans sa chambre
+d'hôtel, trois officiers d'état-major fouillaient l'automobile qui
+l'avait amené. Ils y trouvaient un revolver et des papiers déchirés.
+Déjà le télégraphe avait apporté au ministère de la Guerre les résultats
+de l'opération de Prague. Il semble qu'on eût dû arrêter Redl sans
+délai. Non. Les trois officiers, avec un procureur, lui firent visite
+dans sa chambre. Des policiers furent apostés dans les corridors de
+l'hôtel. Redl put néanmoins sortir, aller au café, écrire des lettres.
+Le lendemain, on le trouvait mort, un browning neuf gisant à ses pieds.</p>
+
+
+
+<p>L'affaire, toutefois, ne saurait être étouffée, car de nombreuses
+arrestations, s'y rapportant, ont été opérées.</p>
+
+<br><br>
+
+<h3>LES THÉÂTRES</h3>
+
+<p>Après le <i>Martyre, de Saint-Sébastien</i>, qui fut représenté, il y a deux
+ans, au théâtre du Châtelet, M. Gabriele d'Annunzio vient de donner sur
+cette même scène une nouvelle pièce, écrite en notre langue, dont il
+connaît et met en oeuvre, avec un lyrisme abondant, toutes les
+magnifiques ressources, <i>la Pisanelle ou la Mort parfumée</i>. Composée en
+vers décasyllabiques et non rimes, cette comédie, qui compte un prologue
+et trois actes, fait revivre une époque et une légende françaises, en
+nous transportant au treizième siècle, dans l'île de Chypre, alors
+gouvernée par le prince Huguet de Lusignan: la «Pisanelle», c'est une
+jeune femme de Pise, faite prisonnière par des pirates, qui vient, ainsi
+que l'ont annoncé les prédictions, délivrer l'île des maux dont elle est
+accablée.</p>
+
+<p>Mise en scène par M. Usewolod Meyerhold, des théâtres impériaux de
+Saint-Pétersbourg, encadrée dans des décors aux colorations
+audacieusement somptueuses de M. Léon Bakst, accompagnée d'une partition
+due à M. Hildebrando da Parma, <i>la Pisanelle</i> a obtenu auprès du public
+parisien le plus chaleureux succès. On a beaucoup applaudi les
+interprètes, au premier rang desquels Mme Ida Rubinstein et MM. de Max
+et Joubé.</p>
+
+<p>Au théâtre Antoine, reprise du <i>Baptême</i>, de MM. Alfred Savoir et
+Nozières. Le succès de cette comédie, une des plus remarquables du
+répertoire contemporain, ne se dément pas et durera longtemps. On sait
+qu'elle met à la scène des juifs convertis au catholicisme et tirant
+avantage de leur conversion pour élargir leurs affaires. Le sujet était
+délicat à traiter. Les auteurs l'ont abordé sans parti pris; leurs types
+sont heureusement campés; l'intrigue, claire, bien conduite, abonde en
+traits d'observation. Parmi les interprètes, M. Lugné Poe et Mme Cheirel
+ont été particulièrement applaudis. Le spectacle commence par <i>le Champ
+libre</i>, un acte très divertissant de M. Jean Jullien.</p>
+
+<p>Les Escholiers ont donné quatre pièces nouvelles qui composent un
+spectacle varié. <i>Coup double</i>, de MM. Renouard et Le Clerc, est une
+aimable bergerie sentimentale. <i>Le Tournant</i>, de M. Lionel Nastorg, fait
+dialoguer d'autres amoureux avec philosophie à l'heure de la rupture.
+<i>L'Épreuve d'amour</i>, de M. Grawitz, indique son sujet par son titre;
+mais les amants ici portent le costume grec et s'expriment en vers.
+Quant à la <i>Vraie Loi</i>, cette pièce se distingue par ses deux actes des
+précédentes qui n'en ont qu'un; on y voit les enfants d'un homme qui se
+tua, possédés à leur tour par la hantise du suicide. Pour la
+représentation de ces oeuvres, les Escholiers avaient fait appel à
+d'excellents artistes.</p>
+
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/019small.png"><br><a href="images/019large.png">(Agrandissement)</a></p>
+
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/supp01.png"><br>
+Note du transcripteur: Les suppléments mentionnés<br>
+ en titre ne nous ont pas été fournis
+
+
+
+
+<br><br>
+</div>
+
+
+
+
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+
+
+
+
+<pre>
+
+
+
+
+
+End of Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3668, 14 Juin 1913, by Various
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+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK
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+
+1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth
+in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS' WITH NO OTHER
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+work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
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+
+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
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+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
+because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
+people in all walks of life.
+
+Volunteers and financial support to provide volunteers with the
+assistance they need, are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
+goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation web page at http://www.pglaf.org.
+
+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
+http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
+permitted by U.S. federal laws and your state's laws.
+
+The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
+Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
+throughout numerous locations. Its business office is located at
+809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
+business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact
+information can be found at the Foundation's web site and official
+page at http://pglaf.org
+
+For additional contact information:
+ Dr. Gregory B. Newby
+ Chief Executive and Director
+ gbnewby@pglaf.org
+
+
+Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation
+
+Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
+spread public support and donations to carry out its mission of
+increasing the number of public domain and licensed works that can be
+freely distributed in machine readable form accessible by the widest
+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
+($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
+status with the IRS.
+
+The Foundation is committed to complying with the laws regulating
+charities and charitable donations in all 50 states of the United
+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
+considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
+with these requirements. We do not solicit donations in locations
+where we have not received written confirmation of compliance. To
+SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
+particular state visit http://pglaf.org
+
+While we cannot and do not solicit contributions from states where we
+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
+against accepting unsolicited donations from donors in such states who
+approach us with offers to donate.
+
+International donations are gratefully accepted, but we cannot make
+any statements concerning tax treatment of donations received from
+outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
+
+Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
+methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
+ways including checks, online payments and credit card donations.
+To donate, please visit: http://pglaf.org/donate
+
+
+Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
+works.
+
+Professor Michael S. Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm
+concept of a library of electronic works that could be freely shared
+with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project
+Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
+
+
+Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
+editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
+unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
+keep eBooks in compliance with any particular paper edition.
+
+
+Most people start at our Web site which has the main PG search facility:
+
+ http://www.gutenberg.org
+
+This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
+including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
+subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
+
+
+</pre>
+
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Binary files differ
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