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| author | Roger Frank <rfrank@pglaf.org> | 2025-10-14 18:37:37 -0700 |
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Auguste Marc, +directeur-gérant. + + + +SOMMAIRE + +TEXTE + +Histoire de la semaine, + +Courrier de Paris, par M. Philibert Audebrand. + +P. Blanchard. + +La Soeur perdue, une histoire du Gran Chaco (suite), par M. Mayne Reid. + +Un voyage en Espagne pendant l'insurrection (fin). + +La veille du 1er janvier. + +Nos gravures: + +Procès du maréchal Bazaine, le dénoûment. + +Violettes. + +La bourse aux timbres-poste. + +Auguste de la Rive. + +L'_Histoire de France_, de M. Guizot. + +Les exécutions de Santiago. + +Bibliographie: _Les Merveilles de l'industrie_, par Louis Figuier. + + + +SOMMAIRE + +GRAVURES + +Procès du maréchal Bazaine: Mme Bazaine en prière dans la chapelle de +Trianon, au moment du prononcé du jugement; + +Lecture de l'arrêt au condamné; + +La délibération du conseil de guerre avant le prononcé du jugement. + +P. Blanchard. + +Événements de Cuba: exécution de l'équipage du _Virginius_, à Santiago +de Cuba; + +Les cadavres foulés aux pieds des chevaux, après l'exécution. + +M. de la Rive. + +Types et physionomies de Paris: la petite bourse des timbres-poste aux +Champs-Elysées. + +_L'Histoire de France_, de M. Guizot (6 gravures). + +_Les Merveilles de l'industrie_, par M. L. Figuier (4 gravures). + +Rébus. + + + +[Illustration: PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE. Mme BAZAINE EN PRIÈRE DANS LA +CHAPELLE DE TRIANON, AU MOMENT DU PRONONCÉ DU JUGEMENT.] + + + +HISTOIRE DE LA SEMAINE + +FRANCE + +Le mémorable procès dont la France entière suivait avec un si poignant +intérêt les péripéties depuis près de trois mois est enfin arrivé à son +terme: le sort du maréchal Bazaine est décidé. A l'unanimité sur toutes +les questions, le conseil de guerre siégeant à Trianon a condamné +l'ex-commandant de l'armée de Metz à la peine de mort et à la +dégradation militaire. Le maréchal a refusé de se pourvoir en révision, +mais le conseil tout entier a signé un recours en grâce; le duc d'Aumale +l'a remis immédiatement entre les mains du président de la République, +et, dès le surlendemain, le Journal officiel annonçait que la peine de +mort était commuée en vingt années de détention, et que le condamné +était dispensé des formalités de la dégradation militaire, mais sous +réserve de tous ses effets. + +L'Assemblée nationale a continué, pendant le cours de cette semaine, la +discussion du budget, qui s'est poursuivie sans autres incidents que la +présentation d'un certain nombre d'amendements ou d'observations dont +l'examen nous entraînerait trop loin. Pendant que cette discussion +suivait son cours en séances publiques, les commissions travaillaient à +l'élaboration des nouvelles lois organiques et constitutionnelles. Sur +la proposition de son président, M. Batbie, la commission des Trente +décidait que la loi électorale serait la première dont elle aurait à +s'occuper; puis elle nommait une sous-commission d'études ayant mission +de faire des recherches préparatoires. MM. d'Andelarre et Pradié ont été +chargés par cette sous-commission de compulser les ouvrages traitant de +l'organisation des pouvoirs publics; MM. Waddington et A. +Lefèvre-Pontalis d'étudier, dans les législations étrangères, les divers +modes de composition des Chambres hautes; M. Laboulaye, de faire un +exposé de l'organisation constitutionnelle dans les États américains. +D'autre part, la commission chargée de la rédaction de la nouvelle loi +municipale a terminé ses travaux et entendu le rapport de M. Clapier; +nous avons déjà mentionné les dispositions principales de la loi +nouvelle qui ont pour but, on le sait, d'enlever au suffrage universel, +pour le rendre au gouvernement, la nomination des maires, et d'imposer +aux communes les dépenses de police, telles qu'elles auront été fixées +par les préfets; contentons-nous de les appeler réformes fondamentales, +en attendant leur discussion en séance générale, où elles doivent +rencontrer, assure-t-on, une assez sérieuse opposition. + +L'urgence et la gravité des lois constitutionnelles dont la commission +des Trente est saisie ne saurait être mieux démontrée que par les quatre +élections qui ont eu lieu dimanche dernier dans les trois départements +de l'Aude, de Seine-et-Oise et du Finistère. Comme presque toutes celles +qui se sont succédé depuis trois ans, ces élections se sont traduites +par des majorités considérables données aux candidats républicains. +Celle du Finistère, notamment, où M. Swiney l'a emporté par 61,000 voix +contre 42,000 données à son concurrent, M. Le Guen, est un symptôme +très-caractéristique du mouvement qui s'opère même dans les régions les +moins accessibles jusqu'à présent aux idées révolutionnaires, et paraît +avoir vivement affecté les groupes conservateurs de l'Assemblée. + +ALGÉRIE. + +M. le général Chanzy, gouverneur général de l'Algérie, a prononcé, le 3 +décembre, à l'ouverture de la session du conseil supérieur de la +colonie, un éloquent discours où est exposé avec un remarquable talent +tout un plan d'administration, qui a été accueilli avec une approbation +unanime. Ce discours peut être divisé eu deux parties; dans la première, +l'orateur énonce les principes généraux de son système; la seconde est +plus spécialement consacrée à l'explication des moyens pratiques +auxquels le gouverneur général juge utile de recourir, tels que: +organisation administrative,--colonisation,--grands travaux d'utilité +publique,--entreprises industrielles,--constitution de la +propriété,--forêts,--régularisation des opérations du séquestre. Nous +laisserons de côté cette deuxième partie, dont l'examen nous forcerait +d'entrer dans trop de détails techniques, pour ne nous occuper que de la +première. + +Aux yeux de l'honorable général, les décrets de 1870 contiennent le +programme qu'il importe de réaliser au plus vite afin de justifier notre +réimplantation sur le sol africain, et c'est à la recherche des moyens +propres à amener «l'assimilation de l'Algérie à la mère patrie» que le +conseil supérieur doit consacrer toute son activité, tout son +patriotisme. Au nombre des mesures qui doivent être appliquées le plus +immédiatement, M. le général Chanzy place la disparition de cet +antagonisme, plus apparent que réel, entre ce qu'on appelle le régime +civil et le régime militaire. Si au lendemain de la conquête, et dans le +but de la consolider, de telles distinctions ont pu être nécessaires, +indispensables même, elles n'ont plus aujourd'hui de raison pour +subsister. «Je déchargerai, dit M. le gouverneur, dans la limite du +possible l'armée d'une tâche qui n'est plus la sienne et qu'elle ne +continue que par devoir; elle restera chargée temporairement des parties +où les populations indigènes, éloignées du contact des Européens, +doivent être dominées et sentir la force pour rester calmes.» + +Mais, pour l'honorable général, «il n'y a point et il ne peut y avoir +ici deux régimes: le régime civil, le régime militaire; il n'y a qu'une +pensée: celle de tirer de cette magnifique colonie tout ce que la France +et la civilisation attendent de nos communs efforts. Il n'y a et ne peut +y avoir deux territoires avec leurs systèmes opposés; il y a une vaste +contrée soumise à la France, dans laquelle il nous faut introduire ses +institutions, en tenant compte des précautions que la sagesse et la +situation nous imposent. Pour moi, dans ce pays, désormais français, il +y a les parties qui peuvent et doivent être assimilées de suite, celles +dans lesquelles les institutions civiles et la justice de droit commun +sont possibles et doivent être complètes, et celles où le commandement +doit encore s'exercer, parce que seul il peut assurer, si on lui en +laisse les moyens, le bon ordre et la sécurité». + +On ne pouvait mieux faire comprendre la mission du conseil supérieur et +de l'armée en Algérie, aussi doit-on attendre les plus grands résultats +de l'application des principes qui guident l'honorable gouverneur +général civil de l'Algérie. + +En terminant son discours, M. le général Chanzy a exposé les motifs qui +l'avaient conduit à introduire dans le conseil supérieur les hauts +fonctionnaires chargés des affaires du département ou des territoires +restés sous le commandement militaire, et c'est par un appel au +patriotisme du conseil, que l'orateur a clos son éloquent plaidoyer en +faveur de la colonie: + +«La politique, cette passion qui surexcite, n'a rien à faire dans cette +enceinte, et nous saurons justifier la confiance que le gouvernement qui +nous a nommé et que la population qui vous a désignés a mise en nous.» + +ÉTATS-UNIS. + +Le différend hispano-américain s'est terminé de la manière la plus +heureuse par la reddition aux autorités des Etats-Unis du _Virginius_ et +des survivants de son équipage. Les détails manquent encore sur la +manière dont s'est opérée la restitution ainsi que sur les motifs du +brusque revirement d'opinion qui a permis aux autorités cubaines +d'exécuter des conditions d'abord déclarées inacceptables. Quoi qu'il en +soit il faut se féliciter de la solution pacifique d'une situation qui +aurait pu, en se prolongeant, amener les plus graves complications. + +SUISSE. + +Le Conseil fédéral de la république helvétique vient de prendre une +décision qui aura sans doute un grand retentissement dans le monde +catholique. Il a rompu avec le Saint-Siège et congédié le légat +accrédité comme chargé d'affaires auprès du gouvernement suisse. + +M. Cérésole, président de la Confédération, a adressé à ce sujet à Mgr +Agnozzi, chargé d'affaires du Saint-Siège, une note diplomatique +déclarant que la mesure prise par le Conseil fédéral a été déterminée +par la publication de l'encyclique du 21 novembre, qui renfermait «des +accusations de la nature la plus directe et la plus grave contre +diverses autorités légitimement constituées en Suisse et contre +certaines décisions que ces autorités ont régulièrement prises». Cette +rupture solennelle est certainement regrettable; elle affligera +profondément tous les catholiques modérés, c'est-à -dire, comme le fait +remarquer le _Journal de Genève_, l'immense majorité des catholiques +suisses, «qui n'ont jamais séparé dans leur coeur le nom de religion de +celui de patrie». + +Les journaux suisses, calvinistes et libres penseurs, applaudissent +naturellement à cette mesure. Ils prennent, de plus, le soin de +l'expliquer et de la justifier. Ils rappellent que depuis longtemps +l'opinion publique, en Suisse, était peu favorable au maintien de la +nonciature. + +On reconnaissait,--disent-ils,--que non-seulement elle ne pouvait offrir +une utilité pratique, mais encore qu'elle n'avait plus de raison d'être. +Il est de fait que, dans sa grande réunion à Soleure, le _Volks-verein_ +avait porté sur son programme révisionniste la suppression de la +nonciature, et que la commission du Conseil national avait fait droit à +ce voeu en proposant de l'inscrire dans la Constitution. + +L'encyclique de Pie IX n'a donc été, pour le gouvernement des vingt-deux +cantons, qu'un prétexte opportun; la rupture était préméditée de longue +date. + +La rupture des relations entre la Confédération helvétique et le Vatican +ne sera peut-être pas aussi sensible à la curie romaine que la nouvelle +mesure prise par le gouvernement bavarois, et qui, pour être beaucoup +moins radicale, constitue cependant une démonstration caractéristique. + +Pendant longtemps, on le sait, le clergé avait été tout-puissant en +Bavière, à tel point que le roi Maximilien II était allé jusqu'à +subordonner la Constitution au concordat; ce souverain avait décidé que +toutes les fois que le pacte constitutionnel se trouverait en opposition +avec le concordat, celui-ci l'emporterait sur celui-là . + +Le gouvernement de Munich vient de décider que, désormais, en cas de +conflit entre les lois du pays et la convention conclue avec le +Saint-Siège, c'est la législation nationale qui passera la première. + +Les feuilles libérales bavaroises espèrent que cette mesure est la +préface de l'abolition complète du concordat. + + + +COURRIER DE PARIS + +On a longtemps célébré la tendresse des habitants d'Enghien pour leur +lac. C'était alors la seule merveille de l'endroit. Un jour, le conseil +municipal avait posé deux plantons aux extrémités de l'amas d'eau; +c'était afin de surveiller les passants. «Défense d'approcher du lac, +sous peine de mort.» On aurait dit le Kisslar-Agha sur le seuil du +sérail. Monsieur le maire, faisant sa tournée quotidienne, prenait plus +grand soin du lac que de ses propres yeux. Quand le gros temps menaçait, +si le vent jetait sur la rive un grain de poussière ou une feuille +sèche, on voyait le magistrat descendre en toute hâte sur la grève; il +tirait gravement son mouchoir de sa poche et se mettait à épousseter le +lac, si cher à la commune. Un spectacle si touchant faisait à bon droit +l'admiration de Gérard de Nerval, qui venait parfois rêver sur ses +bords. + +Aujourd'hui Enghien n'a plus à passer par ces transes; son lac est +classé, adopté, arrivé, comme on dit; il n'a plus ni ses preuves, ni sa +fortune à faire. Cependant, sous un autre rapport que celui de la +feuille jaunie ou de la poussière qui pourrait ternir le miroir de ses +eaux, voilà que la même vigilance jalouse se présente en ce moment pour +les lacs du bois de Boulogne. Là aussi, on est exposé à se cogner contre +des sentinelles rébarbatives; il y a une consigne d'un sens absolument +asiatique. Aussitôt que la gelée blanche arrive, un jeune monsieur, +habillé d'ours, ayant un stick à la main, vous crie: «Au large! +N'empêchez pas la glace de se former.» Cet élégant quidam est ce qu'on +appelle un semainier du _Club des Patineurs_. + +La semaine passée, les fanatiques du patin ont éprouvé toute une série +de fausses joies. Sur la foi de l'almanach, on attendait la glace. +Gèlera-t-il? ne gèlera-t-il pas? Un rat de l'Observatoire s'était quatre +fois peigné l'oreille gauche avec sa patte de derrière; c'était signe +qu'il y aurait pendant dix jours vingt-cinq degrés au-dessous de zéro, +juste la température du Groenland. Dès ce moment, on signale dans les +régions aristocratiques un mouvement rapide; ce serait à qui arracherait +ses patins du croc pour courir aux lacs. Tout le long au chemin, les +amateurs faisaient le plus possible la mine des gens de la Finlande +courant sur leurs blocs glacés. Un chien errant qui venait à eux leur +faisait déjà l'effet d'un renard bleu de la Laponie. Au bois, il a fallu +en rabattre. Cette gelée n'avait rien de sérieux. Le rat de +l'Observatoire est un farceur qui a pris plaisir à mettre ainsi dedans +l'élite du beau monde. + +Je suis volontiers de ceux qui compatissent aux tristesses du _Club des +Patineurs_, car enfin il a contribué jadis à donner à notre Paris une +très-grande animation, des fêtes, de beaux jours, ou, si vous l'aimez +mieux, de belles nuits. Institué en 1860, en même temps et dans le même +local que le Tir aux pigeons, il avait et il a encore, jusqu'en 1885, la +jouissance exclusive d'un bassin construit sur la pelouse de Madrid. Il +disposait et il dispose encore, par surcroît, de deux autres bassins +dans le bois de Boulogne. Tous les grands noms du sport se sont +empressés d'allonger la liste déjà brillante de ses fondateurs. Et comme +il arrive toujours en ces sortes de choses, la mode s'en est mêlée; on +s'est mis à aimer la course en zigzags sur la glace; Paris n'était plus +qu'un gymnase de patineurs de l'un et de l'autre sexe. + +Cherchez bien, vous retrouverez dans quelque coin de votre mémoire +l'image encore vivante d'une de ces soirées où de longues files de +voitures conduisaient au bout de l'avenue de l'Impératrice les beaux et +les belles, les fous et les folles, ce qu'on appelle «le monde où l'on +s'amuse». En ce temps-là , le _Club des Patineurs_ annonçait ses +exercices par une affiche, absolument comme l'Opéra annonçait un ballet +nouveau et le cirque les débuts d'une écuyère. Il y avait souvent de +vives surprises. Une fois c'était une double rangée de flambeaux, +disposés comme un supplément aux étoiles; une autre fois c'était un +double quadrige des dames de la cour, se présentant en traîneaux russes +comme si l'on eût amené la Néwa chez nous. + +Ces nuits, le _Club des Patineurs_ a rêvé de les refaire. Pour y +parvenir, une condition est indispensable: la glace. Il faut que les +deux lacs gèlent. Jugez de l'impatience des fanatiques! La période +hivernale va du 15 décembre au 15 janvier, et encore pas toujours. S'il +doit y avoir des frimas, c'est pendant ce laps de temps, ou bien il n'y +en aura point. Tous les matins, à leur lever, les coryphées du club sont +aux aguets.--Où en est-on? Sommes-nous en Sibérie ou toujours en +Picardie? Neige-t-il? Gèle-t-il? Y a-t-il de la glace? Interrogez les +astronomes ou les ours blancs du Jardin des Plantes.--Eh bien, jusqu'à +ce jour, on a eu beau faire; il n'y a eu que quelques pincées de givre. +Il n'a gelé que pour rire.--Eh! mon Dieu! pourquoi ne pas appeler au +bord des lacs tels et tels orateurs de Versailles; les deux nappes d'eau +ne tarderaient pas à être glacées. + +Si les patins sont tristes, la fourchette, par contre, est en plein +mouvement et en pleine allégresse. Pour le quart-d'heure, on ne songe +qu'à se mettre à table. Grand dîner chez le maréchal de Mac-Mahon, +président de la République; grand dîner chez M. Buffet, président de +l'Assemblée nationale; grand dîner chez le duc de Broglie, +vice-président du conseil des ministres; grand dîner à l'ambassade +d'Angleterre; grand dîner chez le comte Orloff, ambassadeur de Russie; +vingt-cinq repas de corps; premiers soupers de carnaval, et cetera, et +cetera. Ne craignez rien néanmoins au point de vue des +approvisionnements. Jamais Paris n'aura reçu tant de bourriches. On ne +voit partout que grosses têtes: daims, cerfs, sangliers. Le poisson de +mer et d'eau douce arrive par centaines de tonnes. Les marchands de +comestibles commencent même à exhiber des tortues énormes. Gavarni +conseillait la soupe à la tortue aux artistes, aux amoureux, aux +politiques, à tous ceux qui ont besoin d'être fous. «Vous savez qu'elle +ne va pas sans une poignée de gingembre», disait-il. En fait de gibier à +plumes, la gamme est des plus riches. Cela va de l'outarde à +l'allouette, cette succulente messagère du point du jour. Que de +perdreaux on a rôtis cette semaine! Et les pâtés! il y en a une variété +qui prime même celle des roses! Ajoutons que, dans notre enceinte, il y +a 30,000 cuisiniers toujours sous les armes (il ne faudrait pas compter +moins de 100,000 cordons bleus). Enfin la ville est plus que jamais +celle dont l'auteur de _Gargantua_ a écrit: «Ici on donne tout à la +tripe (au ventre)». C'est probablement pour cette raison qu'a été tracé +ce billet, envoyé à un éditeur: + +«Retardez, je vous prie, d'un mois, la publication de mon nouveau roman. + +Victor Hugo.» + +Un grand homme qui ne serait pas content du tout, s'il vivait encore, +c'est J.-J. Rousseau. Dans ce même théâtre du palais de Versailles où +Marie-Antoinette se plaisait à faire jouer le _Devin du village_, ces +jours-ci, pendant une séance de l'Assemblée nationale, on a tout à coup +interpellé l'ombre du citoyen de Genève, et on lui en a dit de toutes +les couleurs. L'auteur de la _Nouvelle Héloise_, tant aimé de nos pères, +a donc été traité du haut en bas par les petits-fils. Un jour, on lui a +dressé une statue par souscription nationale; un autre jour, il a été +mis au Panthéon; à présent, il serait jeté à la voirie, si un zélé ne +s'était pas mis en mesure de brûler ses ossements et ceux de Voltaire. +Tel est le revirement des choses humaines. Mais, voyons, puisque ceux +qui discourent si bien aujourd'hui contre lui ne peuvent l'atteindre en +chair et en os, que ne font-ils effacer son nom, imprimé aux quatre +coins d'une de nos rues? + +Dans des mémoires relatifs au premier empire, on lit qu'à cette époque +déjà , un mouvement de recul s'étant manifesté, ceux qui entouraient la +personne de l'empereur s'emportaient tout haut contre le philosophe. +Napoléon n'aimait pas J.-J. Rousseau, qu'il trouvait trop pompeux et +trop rigide; il préférait Voltaire, cent fois plus accommodant. Pour +mettre fin à la discussion, un soir, à Compiègne, dans un souper de +chasse, il dit, en s'adressant à M. Stanislas de Girardin: + +--Je ne l'aime pas, votre Jean-Jacques. Il ne peut écrire dix lignes +sans y mettre le mot de vertu, et puis c'est lui qui est cause de la +Révolution.--Il est vrai, se hâta-t-il d'ajouter en riant, que j'y ai +attrapé le trône. + +En finira-t-on avec les papiers posthumes ou soi-disant tels? La mode +veut maintenant que du jour où un écrivain de quelque célébrité est +mort, on imprime jusqu'à la plus insignifiante des pattes de mouches +qu'il a laissées. Sans doute il arrive parfois que l'histoire littéraire +et l'art s'en trouvent bien, ainsi qu'on vient de le voir par la +correspondance de Prosper Mérimée avec une Inconnue. Mais pour un succès +combien de platitudes? que d'abus! + +Dans les derniers temps de sa vie, voyant que cette pratique était déjà +en honneur, Alfred de Musset mit sa constante sollicitude à s'en +défendre; il se surveillait lui-même au point de ne vouloir plus tracer +une ligne. + +--Tant pis, disait-il à T***, je ferai à l'avenir mes commandes de vive +voix; je ne veux plus me permettre même une lettre à mon bottier. + +On a su depuis pourquoi le poète était devenu à ce point hydrophobe +d'encre appliquée aux petits incidents de la vie. Le catalogue du +libraire G*** a fait là -dessus des révélations. Un jour, entre autres +lettres curieuses, on en mettait une en vente; c'était une épître que +l'auteur de _Rolla_ avait écrite de force, à la suite d'un guet-apens. +Le papier en question existe encore. Il figure dans la collection de M. +R***, qui a bien voulu en autoriser la transcription.--La secrète et +légitime antipathie d'Alfred de Musset pour les paperasses littéraires y +est très-nettement spécifiée, ainsi que vous allez le voir. + +Nota.--A l'exemple d'Horace, de Martial et de Boileau, il avait été +invité à dîner; c'est là le guet-apens. Au dessert, on lui avait planté +à la main une plume de fer, l'instrument du supplice. + +D'où le morceau qui suit: + +«Paris, 5 mars 1849, + +«D'une maison de la rue des Bons-Enfants. + +«Sur la mort d'un parapluie, + +«Ayant, dis-tu, besoin d'un autographe de moi, ton ancien camarade de +collège, tu me demandes de t'écrire une lettre. Une lettre! Il faut +qu'elle ait l'air d'être sérieuse et qu'elle ne le soit pas pour tout de +bon. Pour que! motif, sur quel thème aurai-je à faire ainsi une page ou +deux? Je n'en sais absolument rien. Je suis comme un homme que la +patrouille conduirait au violon parce qu'un autre aurait cassé un +carreau de vitre au cabaret. + +«Tu me dis:--Aie recours à quelque truc d'imagination. + +«Soit. + +«Eh bien, je me fais auteur en ta présence, puisque tu m'as mis un +couteau à découper sous la gorge; j'imagine, j'invente, je suppose; je +fais oeuvre de poète. + +«Prenons que je suis un bon bourgeois et que j'aie perdu mon parapluie; +c'est à toi que je m'adresse pour savoir si c'est un parapluie mort ou +encore en vie. + +«Je te dis donc en propres termes, sur le ton d'un confident du +Théâtre-Français. + +«Cher monsieur, il vient de m'arriver le plus grand des malheurs: j'ai +perdu mon parapluie. + +«Ah! c'était un parapluie superbe! Point de coton, tout en soie. Des +baleines en os de baleine. Un vrai poème. On voudrait me donner les +OEuvres complètes de mes trente-neuf confrères de l'Académie française +en échange de cet incomparable rifflard que je n'accepterais pas. +Voyons, oui ou non, l'avez-vous trouvé? + +«Si vous ne l'avez pas trouvé, c'est un parapluie mort; je n'ai plus +qu'à acheter une canne-fusil pour me brûler la cervelle. + +«Avant d'en venir là , sachant mon métier, je voudrais faire son +épitaphe. Mais encore je ne sais pas où je devrais faire graver ces deux +vers, en style lapidaire, puisque j'ignore où reposent ses restes? + +«N'importe, écrivons toujours l'épitaphe. + +«Ci-gît l'innocent parapluie Que je n'ai jamais vu de ma vie. + +«Et je signe pour qu'il ne manque rien à l'autographe: + +«Alfred de Musset,» + +Qu'est-ce que vous dites de ça, amateurs de la littérature +d'outre-tombe? + +Et bien, toujours, toujours, toujours des autographes! + +Rue Drouot, à l'Hôtel des commissaires priseurs, à la vente des livres +du pauvre Emile Gaboriau, on a montré le joli billet que voici, +chef-d'oeuvre d'une actrice bien connue. + +C'est une interpellation à une modiste. + +«Paris, le 7 avril 1867. + +«Madame S***, + +«Veuillez, je vous prie, me faire sans retard un chapeau exactement +semblable au dernier que vous m'avez fourni. + +«Compliments empressés. + +«Hortense Schneider de Gérolstein.» + +Voilà qui est drôle sans doute, mais il y a des précédents. + +Au commencement de la Restauration, Mme la maréchale Soult avait eu +occasion d'écrire à Mlle Bourgoin, de la Comédie-Française, pour la +prier de venir déclamer des vers à une de ses soirées. La duchesse avait +signé son billet: _Sophie de Dalmatie_. Quant à l'actrice, qui avait au +plus haut point l'esprit de répartie, elle signa sa réponse: _Iphigénie +en Aulide_. + +--C'est une vieille histoire qui a amusé tout Paris pendant huit jours. + +Philibert Audebrand. + + + +[Illustration: PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE.--Lecture de l'arrêt +au condamné.] + + + +P. BLANCHARD + +Le monde des artistes vient de faire une perte nouvelle, et qui sera +plus cruellement sentie à l'_Illustration_ que partout ailleurs. M. +Pharamond Blanchard est mort cette semaine, à l'âge de soixante-neuf +ans. C'était à la fois le plus érudit et le plus charmant des hommes. Il +causait de toutes choses avec un art infini, il avait des jugements +très-sûrs et des anecdotes toutes prêtes sur tous les sujets. _Quiconque +a beaucoup vu...._ dit La Fontaine; M. Blanchard avait beaucoup vu et +pour donner raison au fabuliste, beaucoup retenu. Que de fois nous avons +pris plaisir à l'écouter! Dans le recueil de lettres de Prosper Mérimée +qui vient de paraître sous ce titre, _Lettres à une inconnue_, il est +question d'un «M. Blanchard» qui étonne Mérimée lui-même et qui le +charme en lui parlant de moeurs et de pays peu connus. C'était notre +collaborateur et nous pouvons dire notre vieil ami que désignait ainsi +l'auteur de _Colomba_. + +Pharamond Blanchard était né en 1805 à Lyon. Il avait étudié dans +l'atelier de Gros et il avait gardé le respect de cet enseignement +solide. En quittant son maître, Pharamond Blanchard avait commencé par +être peintre de décors. Nous nous souvenons lui avoir entendu conter +qu'il travailla sous la direction du baron Taylor qui avait installé une +sorte de théâtre étonnant où les décorations prenaient, grâce à un +système particulier d'optique, l'intensité de réalité que donne le +diorama. Il y avait à une vue de Jérusalem, aperçue du haut d'une +terrasse, à laquelle M. Blanchard avait grandement collaboré et qu'il +citait, en causant, comme un de ses titres de gloire. + +[Illustration: BLANCHARD.] + +J'ai répété le mot «en causant». C'est que cet artiste infatigable, ce +producteur dont on trouverait le nom, on peut le dire, presqu'à chaque +page de l'_Illustration_, au bas d'un nombre infini de scènes de +voyages, de paysages, ce peintre était aussi un causeur exquis, et +j'ajoute, un écrivain véritable. Maintes fois, en effet, il a jeté sur +le papier, non plus seulement avec le crayon, mais avec la plume des +souvenirs et des impressions de voyages, et toujours il a su intéresser +et charmer. Il fallait l'entendre avec sa voix d'une bonhomie railleuse, +tombant de ses lèvres arguées par un sourire, raconter ses journées de +touriste en Russie, en Orient, au Mexique, en Espagne, au Caucase! Ses +yeux, derrière ses lunettes, prenaient alors une expression pétillante +de douceur malicieuse. Il savait et parlait plusieurs langues et +entremêlait ses récits pittoresques de citations, de dictons, de +proverbes, de refrains exotiques. + + +[Illustration: PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE.--Salle des réunions du +conseil.] + + +Blanchard était né voyageur, mais la façon dont il fit son voyage au +Caucase peint tout à fait son caractère et le charme personnel que +possédait ce brave et honnête homme. Il était parti pour la Russie avec +la mission de rendre compte à l'_Illustration_ des fêtes données à +Saint-Pétersbourg à l'occasion du sacre du czar. Blanchard envoyait ici +ses croquis et il avait annoncé qu'il ne resterait dans le Nord que +quinze jours. Il y resta trois ans. Un gentilhomme russe se prit pour +lui d'une belle amitié et l'emmena, bon gré mal gré, au Caucase. Les +semaines et les mois passaient et Pharamond Blanchard donna deux ans de +sa vie à ce voyage d'où il revint en laissant là -bas des amitiés et des +regrets sincères. + +Et à propos de voyages, nous n'oublions pas nous-même l'excursion que +nous fîmes ensemble, en 1866, pendant que grondaient en Bohême les +canons prussiens et autrichiens. Nous allâmes aux fêtes séculaires +données pour célébrer la réunion de la Lorraine et du Barrois à la +France. De Nancy, nous allâmes à Metz qui était encore Metz la vierge. +Que ce temps-là est loin! Une partie de la Lorraine est prussienne +aujourd'hui, des Bavarois paradent à Metz, devant la statue de Ney, et +notre gai compagnon de voyage, qui, levé bon matin, commençait aussitôt +et conduisait jusqu'au soir ses amusantes histoires, Pharamond Blanchard +a disparu, aimé de bien des gens et estimé de tous. + +Nous ne saurions compter tout ce que Blanchard laisse après lui d'études +de toutes sortes, de travaux achevés, de dessins, de tableaux. Aucune +existence ne fut plus laborieuse et plus digne que la sienne; et +l'_Illustration_ perd là , avec un ami, un de ses plus chers et de ses +plus dévoués collaborateurs. + +Jules Claretie. + + + +LA SOEUR PERDUE + +Une histoire du Gran Chaco + +(Suite) + +Il allait dire: + +«Si votre père avait été là , il ne lui aurait pas laissé remporter sa +fourrure.» + +En effet, si bon chasseur qu'il fût, Gaspardo avait trop souvent vu +Halberger à l'oeuvre pour douter de ce qu'il eût fait à sa place. Il +n'était pas non plus sans regretter ce beau coup et certes il ne l'eût +pas laissé échapper s'il n'eût eu à craindre que pour lui-même, et s'il +n'avait dû penser avant tout aux jeunes gens qui lui étaient confiés. + +Il garda donc pour lui le surplus de ses réflexions. Le brave homme ne +voulait pas renouveler la douleur des jeunes gens, en évoquant un nom +lié à de si chers et si cruels souvenirs. + +«Caramba! reprit-il aussitôt. Il ne sera pas dit que j'abandonnerai +cette tigresse aux fourmis, aux loups ou à toute autre vilaine bête qui +aurait la chance de se promener par ici. Qui sait, d'ailleurs, si nous +ne repasserons pas bientôt devant cette caverne? Quoi qu'il en doive +arriver, je tiens à pouvoir un jour ou l'autre rentrer en possession de +cette fourrure. J'ai tout le temps nécessaire pour la dépouiller avant +que l'eau soit assez basse pour nous laisser traverser. Ainsi, à +l'ouvrage.» + +Tout en parlant il avait dégainé son grand couteau de gaucho et se +mettait en devoir de dépouiller le jaguar. L'opération ne dura pas +longtemps. La superbe fourrure avec ses mouchetures d'un noir de jais +cédait rapidement sous ses doigts habiles, et bientôt la carcasse de la +bête gisait nue sur le soi. + +«Quant à cela, les saubas peuvent le prendre et s'en régaler, dit-il en +montrant la chair encore fumante, et je ne les plaindrai pas; il y a +telle occasion où des chrétiens s'en arrangeraient comme eux; je me +souviens d'un temps où j'aurais été bien aise d'en avoir une tranche à +griller. Oui, mes jeunes maîtres, dans ce même Chaco, j'ai vécu une +semaine entière sur la carcasse d'une vizcacha (1) étique, sans compter +le mal que je m'étais donné pour rattraper. + +--A quelle époque, Gaspardo?» demanda Ludwig, intéressé malgré sa +tristesse par les paroles du gaucho. + +[Note 1: Le Vizcacha (Lagostamus tachodactylus), ressemble à un +gros lapin, mais ses incisives sont plus longues et sa queue est +allongée.] + +Ludwig avait les dispositions de son père; il aimait tout ce qui se +rapportait à la nature ou aux luttes soutenues contre elle. + +«Ma foi, senorito, l'affaire arriva il y a pas mal de temps. Mais +l'histoire est trop longue pour que je vous la raconte aujourd'hui. Nous +n'avons plus maintenant qu'à disposer cette peau de façon à ce qu'elle +puisse sécher ici, à l'abri des indiscrets, et puis nous remonterons en +selle.» + +Prenant alors quelques bouts de corde dans son recado, il pratiqua +quatre petits trous aux quatre extrémités de la dépouille de son jaguar, +et la fixa à l'aide de ses cordes à des stalactites de la grotte, qui se +trouvaient là tout à point pour lui remplacer les clous qu'il n'avait +pas. + +«C'est vraiment, dit-il en contemplant la peau faisant plafond au-dessus +de sa tête, un séchoir digne d'elle. A cette place elle est hors de +portée des saubas et des loups, et si personne qu'eux ne vient fourrer +son nez par ici et se mêler de ce qui ne le regarde pas, elle pourra s'y +garder des semaines sans se gâter. Les choses ne se détériorent pas dans +une caverne comme en plein air; je ne sais pas pourquoi, c'est peut-être +parce que le soleil ne les atteint pas.» + +Ludwig aurait pu certainement expliquer le phénomène à son ami, mais il +était un peu tard pour entreprendre son éducation scientifique, et il ne +l'essaya pas. On peut voir d'ailleurs, que pour Gaspardo, l'expérience +remplaçait la science. + +En regardant une seconde fois au dehors, ils reconnurent que le torrent +avait baissé assez de niveau pour leur permettre d'en suivre le bord. +Aussi, sans perdre plus de temps, ils conduisirent leurs chevaux à +l'entrée de la grotte, montèrent en selle et se remirent à chercher la +piste des Tovas. + +Ils avaient déjà descendu le cours du ruisseau jusqu'à son embouchure, +et avaient gravi la berge du fleuve, sans être encore parvenus à +retrouver les traces des cavaliers. L'ouragan de poussière et le déluge +de pluie qui l'avait suivi, avaient effacé toutes les empreintes, et le +gaucho semblait fort préoccupé. + +«_Maldita_»! s'écria-t-il au moment où tous trois appuyant sur leur +bride, s'étaient arrêtés comme d'un commun accord, interrogeant +alternativement le sol et les regards de leurs compagnons. «Maldita! pas +plus que moi, vous autres, vous n'avez rien vu? + +--Faut-il nous arrêter, dit Ludwig, qui voyait bien que ses amis, tout +comme lui-même, étaient fort inquiets de la piste perdue; faut-il +vraiment nous arrêter? + +--Nous arrêter! s'écria Cypriano. Pensez-vous, cousin, à abandonner la +poursuite? + +--Non, non; je ne veux pas dire cela. + +--Plutôt que d'abandonner cette poursuite, continua le jeune Paraguayen +sans attendre la réponse de Ludwig, je passerais le reste de mes jours à +courir dans le Chaco. Je l'ai juré à votre mère, Ludwig; je ne +retournerai à l'estancia que pour y ramener votre soeur. + +--Je suis aussi résolu que vous, cousin, répondit Ludwig, vous le savez +bien; mais le Chaco est grand, et errer à l'aventure n'aboutirait à +rien. S'il n'y a pas lieu de désespérer, il y a lieu du moins de +réfléchir. + +--Nous savons, reprit Cypriano, que Francesca est avec les Tovas. Ils +forment une tribu nombreuse, et une tribu ne se cache pas indéfiniment +dans un trou. Les Tovas ne sont pas gens à rester bien longtemps en +place. Il y a toujours parmi eux quelque expédition en route. Nous +finirons bien par en rencontrer une; et il ne nous en faut pas davantage +pour nous remettre sur la voie du groupe principal. + +--Hélas! répondit tristement Ludwig, il peut se passer longtemps avant +que nous rencontrions un être humain dans cette affreuse solitude. Que +fera ma pauvre mère jusqu'à notre retour? Je ne puis m'empêcher de +songer à elle, qui est seule, si peu de temps après la mort de mon père, +et avec sa tombe devant les yeux. Elle va croire que nous sommes perdus +aussi. Si nous pouvions du moins lui envoyer quelqu'un pour lui dire que +nous sommes tous bien portants!» + +La tête du malheureux jeune homme, en prononçant ces mots, s'inclina sur +sa poitrine, et une larme qu'il ne put retenir glissa de sa paupière. + +Ludwig adorait sa mère. L'idée qu'en leur absence quelque danger pût la +menacer à son tour, le jetait dans une perplexité affreuse. Son coeur +avait été si profondément ému par la douleur dans laquelle il l'avait +laissée à son départ, qu'il ne pouvait en chasser le souvenir. Le sort +même de sa soeur, si affreux qu'il pût être, ne pouvait le tourmenter +davantage. C'était une innocente enfant, et personne, pensait-il, pas +même un sauvage, ne devait être capable de lui faire du mal. Il se +plaisait à croire qu'elle ne courait d'autre danger qu'un prolongement +de captivité. Sans doute, elle aussi, devait être dévorée de soucis; +elle avait vu de ses propres yeux un spectacle plus horrible encore, +s'il était possible, que celui auquel ils avaient assisté; mais Ludwig +qui ne pouvait rien savoir de la mort de Naraguana, comptait encore +fermement que l'amitié que le chef avait toujours eue pour son père, +serait une sauvegarde pour sa soeur. Dans sa pensée, les auteurs du +guet-apens dans lequel avait péri son père, et qui avait eu pour suite +l'enlèvement de Francesca, devaient déjà avoir été punis par +Naraguana.--Qui sait même si, pendant qu'ils couraient à la recherche de +la malheureuse enfant, cet ami fidèle et si souvent éprouvé, ne l'avait +pas rendue à sa mère.--Il se jeta dans les bras de Cypriano. + +«Cousin, lui dit-il, vous avez été orphelin de si bonne heure, que vous +ne savez pas ce que peuvent être pour un fils un père comme le mien, et +une mère comme celle que j'ai peut-être eu tort d'abandonner à son +désespoir. + +--Je sais, Ludwig, répondit Cypriano, tout ce que valait, et pour vous +et pour moi, celui que nous avons perdu. Je sais ce que vaut votre mère; +n'a-t-elle pas été une seconde mère pour moi? Je partage votre angoisse. +Je voudrais être, ainsi que vous, tout à la fois à l'estancia pour y +pleurer avec ma tante, et au coeur de la tribu des Tovas, pour leur +arracher Francesca. Mais entre deux devoirs également impérieux, il faut +choisir et, le choix fait, il faut persévérer. Votre mère est entourée +de serviteurs fidèles cl dévoués; Francesca est entre les mains des +assassins de votre père. Le choix peut-il être douteux?» + +Ludwig se redressa sur ses étriers, et fixant les yeux dans la direction +probable de l'estancia, il envoya de la main, à travers l'espace, un +baiser à celle qui occupait sa pensée. + +«Ma mère, dit-il, ma chère mère, vous seule pourriez comprendre mes +hésitations, et les absoudre!» + +Après quoi frappant sur l'épaule de Gaspardo, qui pendant toute cette +conversation était resté plongé dans de profondes réflexions: + +«Marchons, dit-il; marchons en aveugles, s'il le faut. + +--Pas précisément en aveugles, senorito! interrompit le gaucho, pas +précisément. Nous avons un guide, peut-être n'est-il pas des meilleurs +ni des plus sûrs; mais enfin, c'est toujours plus et mieux que rien. + +--Lequel? s'empressèrent de demander les deux cousins. + +--Le fleuve! répliqua Gaspardo. Mon avis est que nous pouvons nous y +fier encore pendant quelque temps. D'après les traces laissées par les +brigands jusqu'au moment où nous les avons perdues, je suis persuadé +qu'ils ont longé le Pilcomayo en le remontant. La tormenta a duré une +heure, et comme nous, ils se seront arrêtés quelque part. S'ils n'ont +pas quitté le bord de l'eau avant le commencement de la tempête, nous +allons retomber sur leur piste, que le sol humide, mais non plus +détrempé, nous rendra d'autant plus facile à suivre. Si nous la +retrouvons, nous prendrons le galop; et peut-être atteindrons-nous les +Indiens avant la nuit. Je suis sûr qu'ils ont passé ici depuis le lever +du soleil. Evidemment ils ne se pressaient pas, puisqu'ils avaient +relativement peu d'avance sur nous. + +--Dieu le veuille, s'écria Cypriano en réponse à l'observation du +gaucho. En avant! reprit-il avec impétuosité; et sans attendre que +Gaspardo eût répliqué, il enfonça ses éperons dans le ventre de son +cheval et partit le long du fleuve, suivi de près par ses deux +compagnons. + +Mayne Reid. + +(La suite prochainement.) + + + +UN VOYAGE EN ESPAGNE +PENDANT L'INSURRECTION CARLISTE + +(Fin.) + +En quittant Pampelune, à mon tour, pour me rendre à Vitoria, où se +concentrait, m'assurait-on, l'armée du Nord, je pus me convaincre sur +toute ma route de l'effet magique produit par l'ordonnance royale +précitée. Partout je rencontrais des groupes de montagnards qui, +désertant leurs villages, allaient s'enrôler dans des bandes, et cela +ostensiblement et en chantant la chanson basque: _Le retour du roi_. +Dans le train que je pris de Pampelune à Alsasua, sur la ligne de +Saragosse, je fis le voyage avec une centaine de ces enrôlés +volontaires, qui ne cachaient nullement le but de leur voyage. Arrivés à +Alsasua, ils quittèrent le train pour se jeter dans les montagnes, et +cela, malgré la présence de la brigade de Loma, qui campait à cette +station. Il était impossible que les chefs de la troupe régulière +ignorassent l'intention de ces montagnards, armés de bâtons et portant +des sacs en toile, et qui, du reste, ne se gênaient pas dans leurs +manifestations carlistes. On les laissa néanmoins passer fort +tranquillement. + +Cet élan général des populations rurales était imité, au surplus, par +les jeunes gens et les hommes des classes élevées. L'aristocratie +carliste elle-même entretenait et propageait le feu sacré de la guerre +civile. Un des traits principaux qui distinguent les notabilités du +parti légitimiste en Espagne est leur dévouement sans bornes à la +défense de leur cause, même au préjudice de leurs plus chers intérêts. +Je n'en citerai qu'un exemple; il pourra donner une idée de la foi +ardente qui les anime à l'égard de leur roi. + +A peu de distance de Tafalla s'élève, dans un vallon délicieux, un +château mauresque, ou plutôt un palais d'été qu'on appelle dans la +contrée _el Buen-retiro_ de la duchesse de M***. Me trouvant de passage +dans les environs, à la suite d'une colonne commandée par le _cabecilla_ +Rada, il me fut donné de visiter cette résidence véritablement royale. +La duchesse, devenue la providence de l'insurrection, l'habitait de +préférence à son hôtel de Madrid. Un officier carliste voulut bien me +présenter à la jeune châtelaine, âgée à peine de vingt-cinq ans et dont +le mari occupait un poste de confiance auprès du prétendant. Elle daigna +nous recevoir dans un salon de forme à demi-circulaire qu'on aurait pu +prendre, à son agencement, aux meubles qui le garnissaient, et surtout à +la lumière du jour qui y pénétrait par le plafond à travers des vitraux +de couleurs différentes, pour un boudoir ou mieux encore pour un +oratoire. + +Après une conversation qui dura une demi-heure et dont le sujet +principal fut la campagne qui s'ouvrait sous les auspices du roi en +personne, les résultats qu'on s'en promettait et les espérances qu'elle +offrait en perspective, la duchesse se leva de son fauteuil moyen âge, +et s'adressant à l'officier et à moi: + +--Permettez-moi, messieurs (_senores_), nous dit-elle avec une grâce +exquise, de vous faire admirer ma galerie de tableaux. + +Et précédés d'un majordome tout galonné qui souleva les portières qui +cachaient l'issue de la galerie, nous y entrâmes ensemble. Autant la +lumière du jour était affaiblie dans son salon, autant elle éclatait +dans cette nouvelle pièce éclairée par un ciel ouvert qui avait été +ménagé dans toute sa longueur. De chaque côté des murs recouverts de +riches tapisseries apparaissaient deux rangées de tableaux dont le +nombre et la variété éblouissaient la vue: et, se faisant notre +cicerone: + +--Vous voyez ici, nous dit la duchesse, un tableau de Vélasquez qui fut +commandé à ce grand maître par un de mes ancêtres. Ce Murillo a été +peint exprès pour ma famille. Le Ribeira qui vient après est le +chef-d'oeuvre de ce peintre; il a été donné à mon bisaïeul par notre bon +roi Charles IV. + +Et successivement elle passa en revue toutes les toiles, assignant à +chacune d'elles son origine, émettant son avis et nous demandant le +nôtre qui, comme on le pense bien, ne différait guère de celui de la +duchesse. Nous passâmes ainsi en revue une soixantaine de tableaux dont +j'avais hâte, pour ma part, de voir la fin. Nous arrivâmes devant la +dernière toile, tout récemment peinte. C'était le portrait en pied de +Charles VII, le prétendant au trône d'Espagne, qui se trouvait, en ce +moment, à la tète de l'insurrection carliste. + +--Je vous présente, nous dit-elle en s'inclinant profondément devant le +tableau, l'image du roi d'Espagne, en dépit du statut royal, de la reine +Isabelle et de la république fédérale. Dieu, le peuple et le bon droit +sont pour lui, et sa cause légitime a, pour elle, la fortune et la vie +de tous les bons Espagnols. Sa ressemblance est frappante! + +En prononçant ces mots, les traits impassibles de la duchesse s'étaient +tout à coup animés; ses yeux vifs lançaient des éclairs et tout son +corps frêle et gracieux s'agitait convulsivement, comme si un esprit +fatidique l'eût animé. J'avais devant moi le fanatisme politique dans la +personne d'une faible femme qui personnifiait en ce moment tout son +parri. + +La visite des tableaux terminée, nous prîmes congé de la duchesse de +M***, l'officier, pour aller rejoindre sa bande, et moi, pour continuer +mes excursions de journaliste et de correspondant. + +J'arrivais à Vitoria, capitale de l'Alava, le 10 du mois de juillet. Je +m'attendais à y trouver une partie des troupes qui devaient composer +l'armée du Nord et dont la concentration, au dire des journaux +espagnols, s'y opérait depuis plusieurs jours. Quelle déception! Toute +l'armée du Nord se bornait à une simple brigade d'infanterie, à un +détachement de cavalerie et à une vingtaine de soldats du génie. Les +populations montraient, au reste, au sujet de l'armée du Nord, et +généralement à l'égard de tout ce qui touche à la politique et aux +affaires du pays, une indifférence incompréhensible. + +Tandis que dans tous les pays libres, et surtout en France, les masses +se préoccupent de la conduite du gouvernement, le peuple espagnol +semble, par son apathie naturelle, se complaire à y rester complètement +étranger. Je puis invoquer comme preuve à l'appui de cette assertion le +peu d'influence qu'exerce la presse périodique sur l'esprit public. +C'est à peine si dans les grands centres on reçoit un ou deux journaux; +quant aux petites localités et aux campagnes, le journal y est une chose +inconnue. Aussi ne se publie-t-il à Madrid que cinq ou six journaux qui +aient une certaine importance par leur tirage, tels que la _Epoca, la +Discussion, el Tiempo, la Reconquista_ et la _Correspondencia_: et ils +n'ont cette importance que parce qu'ils sont les organes des quatre +grands partis qui se disputent les destinées de l'Espagne. La +_Correspondencia_, le plus répandu de tous, n'est qu'un _Journal de +faits_ qui ne doit sa grande vogue qu'à son habile compilation et à son +extrême bon marché. + +Excepté donc Madrid, les autres villes de province n'ont pas de journaux +politiques ou ne publient, sous le nom de _Diario_, que des feuilles +insignifiantes. Un docteur de la Faculté de Salamanque, homme de +beaucoup d'esprit, auquel je faisais part de mes observations sur cette +indifférence des Espagnols à l'endroit de la presse, me répondit fort +méchamment: + +--En France, le peuple fait trop de politique; en Espagne, il n'en fait +pas assez; mais à tout prendre, j'aime mieux l'indifférence du peuple +espagnol, car je ne vois pas que les affaires du gouvernement marchent +mieux chez vous que chez nous. + +A partir de l'entrée du prétendant sur le territoire espagnol, les +carlistes n'ont cessé d'agrandir le cercle de leurs opérations +militaires, dont j'ai pu constater, sur les lieux, les différentes +phases. Ils se sont rendus maîtres successivement: d'un côté, de la +route de Pampelune et des contrées environnantes, depuis le Bazlan et le +Val-Carlos, le long de la frontière, jusqu'au pont de Behobie; de +l'autre, d'une grande partie du Guipuzcoa et de la Biscaye, du moins de +leurs principaux centres. Estella, qui est une petite place forte, est +tombée et restée en leur pouvoir. Ils tiennent la campagne dans l'Aragon +et la province de Santander, et dans celle de Burgos; leurs bandes +parcourent impunément et sans trouver une trop grande résistance, les +provinces de Huesca, Lérida, Tarragone et Barcelone. + +Aux armes qui leur arrivent de l'étranger, il faut ajouter que les +carlistes, dont l'armement laissait beaucoup à désirer dès les débuts de +la campagne, fabriquent eux-mêmes des armes dans les pays qu'ils ont +conquis. Ils ont établi à Vera, dans une ancienne usine métallurgique, +une fabrique de munitions de guerre où travaillent une centaine +d'ouvriers; à Areso, petite localité située à trois lieues de Tolosa, +fonctionne une fabrique de canons qu'ils y ont tout récemment installée; +enfin, à Eibar et à Placencia, anciennes fabriques d'armes appartenant à +l'État et dont ils se sont emparés, on confectionne tous les jours des +fusils, des baïonnettes et des sabres. Je dois reconnaître, il est vrai, +que toutes ces conquêtes leur ont été facilitées par la désorganisation +de l'armée régulière, dont il serait trop long de raconter ici les +causes qui l'ont produite. + +En résume, l'armée carliste s'élève, à l'heure qu'il est, à 45,000 +hommes environ, tant dans les provinces du Nord que dans celles de la +Catalogne; et c'est dans l'espace de huit mois seulement que cette armée +s'est formée, au milieu des embarras et des entraves de toute sorte. +C'est donc contre cette formidable insurrection que le gouvernement de +Madrid a, tous les jours, à lutter. + +Quoi qu'il en soit, une prompte solution à cet horrible état de choses, +se résumant par la guerre civile et l'anarchie, ne saurait longtemps se +faire attendre, à moins que l'Espagne ne veuille plus compter au rang +des nations civilisées. Quatre partis sont aujourd'hui en présence, et +tous les quatre ont la prétention de donner à ce pays si troublé un +gouvernement régulier. + +--Quel est celui des quatre qui triomphera? demandai-je un jour au même +docteur de Salamanque qui n'a pas une foi bien robuste dans la liberté +de la presse. + +--Voici quelle est, me dit-il, mon opinion à ce sujet: + +«Don Carlos ayant franchi l'Ebre à la tête de ses troupes, en marche sur +Madrid, parviendra-t-il à rallier l'opinion publique, fatiguée de +révolutions et de guerres civiles, et sera-t-il acclamé roi d'Espagne, +ainsi que le droit traditionnel peut le lui faire espérer? Alors, c'est +la restauration monarchique qui monte avec lui sur le trône. Ce résultat +est encore problématique. + +«Faut-il croire que les _intransigeants_, qui composent le parti +_communard_ et socialiste, parviendront à établir le régime _cantonal_ +par le vol, l'incendie et le pillage dont ils viennent de donner tant de +preuves? Je ne le pense point. Nous ne sommes pas encore, en Espagne, +convertis aux idées démagogiques et matérialistes des libres penseurs. +Ceux-ci ne peuvent donc tarder d'être domptés, soit par la force des +armes, soit par la force de l'opinion publique. + +«Le dictateur Castelar espère-t-il pouvoir consolider la _République +fédérale_, ce rêve de quelques milliers d'insurgés qui croient qu'on +transforme une monarchie en république, comme on résout un problème +d'algèbre? C'est bien douteux. Pour arriver à ce but, il lui faut de +l'argent; le trésor n'en a point et le crédit lui fait défaut.--Il s'est +réservé le droit de destituer les ayuntamientos des provinces et les +municipalités; mais le jour où il portera une atteinte à ces libertés, +dont les populations des provinces sont si jalouses à bon droit, ce +jour-là il aura tout le pays contre lui. Pour ces motifs et pour bien +d'autres, la _République fédérale_ est loin de pouvoir s'établir encore +en Espagne. + +«Il est un quatrième parti qui se cache dans l'ombre, paraissant ne pas +conspirer et qui pourtant s'agite sans bruit et sans armes; c'est celui +du prince Alfonse, fils et héritier de la reine Isabelle. Il ne veut pas +arriver au pouvoir par ses propres forces, mais il compte beaucoup sur +la force des événements. Le maréchal Serrano a été appelé à Madrid par +Castelar; est-ce pour travailler à la consolidation de la République? +Personne ne le pense en Espagne. Serrano est un en-cas que s'est réservé +Castelar pour le jour où ses efforts républicains lui faisant défaut, il +abandonnera, à son tour, le pouvoir, comme ont fait Orense, Pi y +Margall, Figueras et Salmeron. Tout porte à croire qu'alors il mettra le +fardeau de l'État sur les épaules du maréchal. Celui-ci acceptera-t-il +cette transmission d'un pouvoir _in extremis_? Cela est possible et même +probable; mais, dans tous les cas, ce ne sera jamais pour consolider une +république quelconque. + +«On peut donc, ajouta le docteur, considérer dès à présent, comme morte, +la République en Espagne, et le rétablissement de la monarchie comme +inévitable.» + + + +ALMANACH DE L'ILLUSTRATION +POUR 1874 + +(Trente et unième année) + +L'Almanach de l'Illustration pour 1874 forme un bel album grand in-8°, +magnifiquement illustré et doré sur tranches.--Prix: 1 fr.; par la +poste, 1 fr. 25 c. + + + +[ÉVÉNEMENTS DE CUBA.--Exécution de l'équipage du _Virginius_, à Santiago +de Cuba.] + + + +[Illustration: VIOLETTES] + + Soit d'un époux, soit d'un amant. + C'est une lettre, assurément, + Qu'icy, la belle, on vous voit lire; + J'en juge par votre maintient. + Mais sçavoir ce qu'elle contient, + Bien fin qui pourroit le dire. + + (Poésie du XVIIIe siècle.) + + + +[LES EXÉCUTIONS DE SANTIAGO DE CUBA.--Les cadavres foulés aux pieds des +chevaux, après l'exécution.] + + + +LA VEILLE DU 1er JANVIER + +Pas plus tard qu'hier, je venais de rentrer chez moi, vers huit heures +du soir; le feu était allumé, des livres non coupés, fraîchement sortis +des mains du libraire, m'attendaient sur ma table de travail. C'était +l'_Histoire d'une maison_, de Viollet-le-Duc; le _Tour du Monde_, de +Jules Verne; la _Famille Chester_, de P.-J. Stahl et William Hughes; +j'allais pouvoir me mettre à l'aise et lier connaissance, sans crainte +d'être dérangé, avec les nouveautés de l'année, quand ma porte s'ouvrit +et mon concierge apparut. + +Il faut vous dire que mon concierge, au rebours de la majorité de ses +collègues, est aussi ferré sur la consigne que le plus chevronné des +sergents de l'armée française, et met à suivre les instructions de ses +locataires autant d'enthousiasme que les autres en mettent à leur +désobéir. Or, comme j'avais condamné ma porte pour tout le monde, à +commencer par lui, je ne pus réprimer un mouvement de mauvaise humeur +dont le brave homme ne parut pas s'émouvoir outre mesure. + +--Faites excuse, Monsieur, me dit-il; mais c'est une lettre sur laquelle +il y a écrit très-pressé, et le commissionnaire qui l'a apportée a dit +qu'on vous attendait, sans faute, ce soir, rue _Turbot_. + +--Vous voulez dire rue Turgot?... + +--Je dis, Monsieur, ce que je veux dire... D'ailleurs Turgot n'aurait +pas de sens. + +A quoi bon discuter? Je pris le parti de noter le mot et je m'emparai du +billet en question. + +Il était ainsi conçu: + +«Mon cher ami, + +«Nous t'attendons sans faute ce soir. Il y a grand conseil de famille et +toutes tes lumières ne seront pas de trop. Ne te fais pas attendre; il y +va du plaisir d'Edouard, de Jujules et de Mimi. Si tu ne venais pas, +nous serions forcés de remettre la séance à demain, et le temps presse.» + +Je vous fais grâce du «tout à toi» de rigueur et de la signature. + +L'auteur de ce mystérieux billet est un de mes vieux amis de collège. +Nous avons traversé ensemble les plus rudes années de la vie; le même +jour nous a vus bacheliers, le même jour nous a vus entrer lui dans te +barreau, moi dans la presse. Avocat et journaliste, autant dire cousins +germains. Il est vrai qu'il s'est marié et que je suis resté garçon; là +cesse l'analogie, mais la paternité est un besoin si impérieux que les +célibataires n'ayant pas toujours de descendance directe sur qui +l'exercer se prennent à aimer les enfants des autres. Jujules était mon +filleul, sa soeur Mimi, une jeune personne âgée de quatre ans accomplis, +se livrait depuis deux ans déjà à des prodiges d'équitation sur le bout +de ma botte, et quant à Edouard, l'aîné de la famille, Dieu sait que de +thèmes et de versions le brave petit était déjà venu me soumettre! + +Vous pensez bien dès lors que cette invitation ne pouvait pas tomber +dans l'oreille d'un sourd. Le temps d'endosser mon paletot et de prendre +ma canne, j'étais parti, quand mes yeux avisèrent l'envoi de mon +libraire. + +--Un conseil de famille! à la veille du 1er janvier! Il y va du plaisir +d'Edouard, de Jujules et de Mimi!... Plus de doute; c'est de la grande +question des étrennes qu'il s'agit... Je le crois fichtre bien que mes +lumières ne seront pas de trop, ni mes livres non plus. En route! + +Plus heureux que certains capitaines, j'avais arrêté mon plan de +campagne en un instant. Me voilà en route, mon artillerie sous le bras, +et dix minutes après je faisais mon entrée dans le salon de la rue +Turgot. + +Une exclamation joyeuse salua mon apparition. Je ne pris que le temps de +déposer dans un coin mon paquet de livres, de le dissimuler tant bien +que mal sous mon chapeau, et, cela fait, j'offris mes deux mains aux +mains amicales déjà tendues vers moi. + +Mon ami et sa femme m'avaient attendu en toute confiance. + +--Les enfants, me dit-il, ne doivent rien savoir de notre entretien. +Mimi est au lit et dort sur ses deux oreilles; Jujules doit être en +train d'imiter son exemple. Edouard est en tête à tête avec une version +qui le tiendra jusqu'à dix heures au moins. Assieds-toi là ; voilà un bon +quart-d'heure que la discussion est entamée et nous n'avons pu nous +mettre d'accord. Tu seras l'arbitre. En attendant, je donne la parole à +ma femme. + +Je m'installai au coin du feu, et, sans plus tarder, l'orateur désigné +débuta en ces termes: + +--Figurez-vous, mon ami, s'écria-t-elle, que cet entêté de Victor +s'obstine à me contredire, sans l'ombre d'une bonne raison! Il s'agit +des étrennes des petits. Savez-vous ce qu'il exige, mon mari? Tout +simplement que pas un joujou n'entre dans la maison. Savez-vous ce qu'il +veut leur donner? Des livres, rien que des livres, mon ami, comme si ce +pauvre Edouard n'avait pas assez à faire toute l'année de lire ses +livres de classe, comme si Jujules, avec ses quatre heures d'école par +jour, n'en avait pas plein la tête de ses grammaires et de ses +conjugaisons, comme si mademoiselle Mimi était d'âge à fourrer son petit +nez dans un alphabet! Est-ce de la raison cela, oui ou non? Répondez! + +--Halte-là , lui dis-je en riant, avant tout verdict, la justice exige du +tribunal que parole soit donnée à la défense. + +Mon ami n'eut garde d'obéir à l'invitation. + +--Demande-lui plutôt de t'exposer son système. Nous ne sommes pas au +bout. + +--Mon système! reprit-elle avec sa volubilité ordinaire, il est +très-simple, mon système! Depuis que le monde est monde et que le 1er +janvier est le 1er janvier, les bébés n'en ont pas connu d'autre. Que +leur faut-il à ces chers petits pour être heureux? De quoi satisfaire +les exigences de leur âge, rien de plus, de quoi jouer, c'est-à -dire des +jouets. Nous donnerons une belle poupée à Mimi, des soldats de plomb à +Jujules, et un télégraphe électrique à Edouard. Une promenade chez +Giroux pour voir les meilleurs des jouets nouveaux, et en moins d'une +heure de temps l'affaire sera faite. Après cela, si mon mari tient +absolument à des livres, je ne vois pas de mal, au contraire, à en +mettre quelques-uns par-dessus le marché. Ça ne sera pas long. Qu'ils +soient dorés sur tranche, avec de jolies images et une couverture +solide, il n'en faut pas davantage. Il suffit d'écrire au premier +libraire venu. Je ne suis pas entêtée et je ne chicanerai pas sur ces +bagatelles. Mais là , sincèrement, croyez-vous que ce soit l'essentiel? + +Mon ami me regarda en souriant. La question était posée avec toute la +netteté désirable. Je ne pouvais me dispenser d'intervenir, d'autant +plus que si le mari gardait le silence, quoique avocat, c'est qu'il +avait évidemment déjà dépensé le meilleur de son éloquence en pure +perte. Là où un avocat avait échoué, pouvais-je espérer de réussir? Je +pris néanmoins mon courage à deux mains et sans plus de précautions +oratoires: + +--Laissez-moi vous le dire, chère Madame, l'arbitre n'est point de votre +avis. Il l'est si peu qu'avant de venir à vous, se doutant bien un peu +de ce qui allait se passer, il a eu soin de se munir de toute une +kyrielle d'arguments reliés, en veau. Ils sont là -bas, dans un coin, +sous mon chapeau. Je vais les étaler sur la table, nous les +interrogerons en commun, et si après cela vous n'êtes pas ralliée à +l'opinion de votre mari, qui est la mienne, je serai bien surpris et un +peu mortifié, je l'avoue. + +--Quoi! vous arriviez donc avec votre siège fait à l'avance! + +--Nullement. Et pour vous le prouver, nous allons vider la question sans +recourir à ces précieux auxiliaires. Voulez-vous que je m'ouvre à vous +en toute franchise, et permettez-vous à un vieil ami de vous démontrer +que dans votre petit discours de tout à l'heure, il y a presque autant +d'hérésies que de mots? + +--Allez! allez toujours!... me dit-elle en riant; voilà un début qui +promet. + +--Je commence. Votre mari n'a pas ouvert la bouche, et vous ne direz pas +que nous nous sommes entendus à l'avance. Ainsi, d'après vous, les +joujoux c'est l'essentiel, et les livres le superflu. Je ne veux pas +médire des joujoux; je ne parlerai même pas de la dépense. Un nègre qui +tire la langue a sa valeur; polichinelle n'a point démérité; les soldats +de plomb alignés en bel ordre sur un tapis vert, c'est un jeu récréatif +et inoffensif tout à la fois; la poupée de Mimi n'encourra pas mes +colères, et si le télégraphe électrique d'Edouard n'est pas détraqué en +huit jours, je me ferai un très-sincère plaisir d'expédier une +dépêche... + +--Eh bien, alors? + +--Eh bien, alors, cela prouve que je sais faire des concessions, moi +aussi. Si votre bourse vous permet de joindre l'utile à l'agréable, rien +de mieux. Mais de grâce, ne venez pas me dire que l'utile est la +bagatelle et l'agréable le nécessaire. Savez-vous où vous conduira ce +beau système? A dépenser tout votre argent pour des superfluités qui +dureront huit jours, et à consacrer quelques sous à ce qui devrait tenir +la première place dans vos préoccupations. Qu'arrivera-t-il? C'est que +vous mettrez une heure à parcourir la boutique de Giroux, et que vous +emploierez deux minutes pour écrire à votre libraire de vous expédier +«par-dessus le marché» quelques bouquins à belles images, dorés sur +tranche, sans vous inquiéter du contenu? N'en avez-vous pas fait l'aveu +tout à l'heure? + +--Oh! nous choisirons bien un peu... + +--Un peu! Et qui vous dit que ces livres, admis par faveur, par +complaisance, sans grand examen, ne seront pas des hôtes factieux ou +niais. Vous croyez sincèrement que l'enfant est insensible à ces +cadeaux-là . Je pense pour ma part que ce sont ceux auxquels il tient le +plus. En voulez-vous une preuve? Une anecdote vaut souvent mieux qu'un +long plaidoyer. Je crois bien l'avoir déjà racontée quelque part, cette +anecdote-là , mais peut-être ne la connaissez-vous pas?... + +--Dites toujours, on vous écoute... + +--C'était il y a un an, au 1er janvier. J'assistai à un dîner auquel +avait été conviée toute une kyrielle d'enfants. Le maître de la maison, +un père Cigogne par excellence, avait pris soin de placer aux côtés +d'une charmante petite fille un petit monsieur de huit ans, bavard comme +une pie, et nous comptions tous sur la rencontre, espérant que ce +voisinage délierait une langue fertile en saillies inattendues. Mon +bonhomme salua gravement sa voisine, mais ne dit pas un mot. Il semblait +embarrassé; on eût dit qu'il cherchait dans sa mémoire un bout de phrase +pour entamer l'entretien et qu'il ne le trouvait pas. Nous surveillions +ce petit manège en faisant semblant de ne rien voir, ce qui est la +meilleure façon de bien voir. Enfin notre héros prit son courage à deux +mains; + +--«Mademoiselle, dit-il tout à coup d'une voix ferme et avec le plus +gracieux sourire du monde, _on met toujours-la valeur à côté de la +beauté_.» + +Vous entendez d'ici le rire général. Cette phrase pompeuse, où les deux +voisins étaient également bien partagés, révélait des qualités +louangeuses qui ne laissaient pas d'être inquiétantes pour l'avenir. Où +diable cet étonnant mioche avait-il déniché son madrigal? Je voulus en +avoir le coeur net et, le soir même, je m'en ouvris à la mère en toute +confidence. + +Celle-ci se mit à rire. + +--«Il n'y a qu'un moyen, me dit-elle, d'élucider la chose, c'est de +consulter sa petite bibliothèque. Il a eu, toute la journée, le nez +fourré dans un petit livre qu'il a reçu ce matin, un cadeau d'étrennes. +Je serais bien sur prise si nous n'y trouvions pas le mot de l'énigme.» + +On alla chercher le livre, une sorte de keepsake soi-disant à l'usage +des enfants, et à force de tourner et de retourner les pages, je finis +par découvrir dans un coin la fameuse déclaration qui nous intriguait si +fort. La phrase était jetée là , sous une vignette empruntée à quelque +almanach, sans prétention aucune, et jamais aucun de nous ne l'eût +remarquée en une autre occasion. C'était un pompier qui l'adressait à +une nourrice.--Que pensez-vous de mon anecdote? + +--J'attends la conclusion. + +--La conclusion est très-simple; elle se divise en deux parties. La +première c'est que, dans l'ordre de la lecture, rien n'est insignifiant. +Les enfants ont une mémoire particulière, des tiroirs tout prêts, où ils +emmagasinent les moindres mots. Celui-là avait eu la bonne fortune de +plaire à notre héros, et il avait su le mettre à profit. Jugez par cela +du chemin qu'aurait pu faire dans sa cervelle cette littérature de +pacotille, ces livres «par-dessus le marché» dont vous parliez tout à +l'heure. La seconde conséquence, c'est qu'à cet âge où les idées se +forment, le livre est un conquérant, un séducteur qui peut rivaliser +avec le nègre qui tire la langue et les automates au tambour, à cette +différence près qu'il ne faut pas longtemps pour que la langue du nègre +refuse l'exercice et que les baguettes du tambour se démènent dans le +vide, tandis qu'avec le livre, pas d'accidents à craindre. + +--Je vois où vous voulez en venir, me dit la jeune femme d'un ton plus +sérieux que de coutume; mais avouer l'influence souveraine du livre, +n'est-ce pas en dénoncer le danger? Où les trouver aujourd'hui ces +histoires amusantes et instructives qui remplacent les jouets, et font, +comme on dit, la joie des enfants et la sécurité des parents? + +--Où? Je m'en vais vous le dire, et si je parviens à vous convaincre, je +ne regretterai pas d'être venu: Mais remarquez, en attendant, que vous +me faites la partie belle en reconnaissant déjà que dans la hiérarchie +des cadeaux le livre mérite d'occuper la première place, le premier +rang? + +--Ne vous hâtez pas de triompher, s'écria-t-elle; j'écoute, voilà tout. + +--Soit. Je continue. Et, à vrai dire, le meilleur moyen de vous +convaincre, c'est de vous dire l'article que très-probablement j'aurais +écrit ce soir, si votre billet n'était venu me surprendre. De cette +façon, notre conversation nous aura servi à tous les trois. La +discussion me fournira des idées que le tête à tête avec le papier blanc +ne m'aurait fournies que beaucoup plus lentement. + +Où la trouver, dites-vous, cette littérature du premier âge qui prend +chaque année plus d'importance dans les charmantes distributions que +ramène le 1er janvier? Eh bien, mes chers amis, la recette est fort +simple: allez-vous-en tous deux frapper au n° 18 de la rue Jacob, +présentez-vous de ma part, demandez le catalogue de la maison, et +livrez-vous en toute sécurité à un choix abondant; je vais vous dire +pourquoi vous serez sûrs de ne pas vous tromper... + +--Il y en a donc pour tous les âges dans cette maison-là ? + +Prosper Chazel. + +(La fin prochainement.) + + + +NOS GRAVURES + +Procès du maréchal Bazaine + +LE DÉNOUMENT + +Nous avons, dans notre précédent numéro, consigné à la dernière minute +la condamnation à mort avec dégradation de celui qui fut le maréchal +Bazaine. + +Depuis lors, la clémence du président de la République s'est étendue sur +le condamné, qui avait laissé passer les délais légaux sans se pourvoir +en révision. La peine de mort prononcée contre lui a été, sur la +proposition du ministre de la guerre, commuée en celle de vingt années +de détention, avec dispense des formalités de la dégradation militaire, +mais sous la réserve de tous ses effets. Ajoutons qu'un recours en grâce +avait été adressé au ministre par tous les membres du conseil de guerre. +Nous constatons simplement ces faits. L'éclatante lumière qui s'est +produite au cours du procès a rendu d'avance superflue toute +appréciation. + +Cela dit, revenons un peu sur nos pas. Pour expliquer nos gravures, il +est nécessaire que nous entrions dans le détail des faits qui ont +précédé et suivi le prononcé du jugement. + +La délibération des juges militaires, que représente notre premier +dessin, a été longue. Elle a duré de quatre heures et demie de +l'après-midi à neuf heures moins vingt minutes. L'arrêt a été affirmatif +sur toutes les questions, à l'unanimité, ce qui a surpris, car le bruit +courait dans le public que deux des juges étaient acquis à l'accusé. Au +moment où le conseil s'était retiré pour délibérer, M. Bazaine avait été +emmené et était rentré chez lui, après avoir stationné un instant dans +le salon des Bouclier. Ce salon, ainsi nommé à cause des quatre tableaux +qui le décorent, est situé un peu avant l'escalier conduisant à +l'appartement de l'accusé. Quelque temps après, M. le capitaine Maud'huy +avait fait introduire dans ce même salon le peloton qui, suivant les +prescriptions de la loi militaire, devait assister en armes à la lecture +du jugement. Et à neuf heures précises, Me Lachaud allait porter à +Trianon-sous-Bois la nouvelle de la condamnation, que le maréchal, qui +était alors entouré des membres de sa famille, reçut avec beaucoup de +fermeté. Peu après, un sous-officier venait le chercher pour le conduire +dans le salon des Boucher, où on l'attendait pour lui donner lecture du +jugement de condamnation. + +Quand il pénétra dans le salon, la garde était sous les armes. En face +de lui se trouvaient réunis MM. les généraux Pourcet, commissaire +spécial du gouvernement près le premier conseil de guerre, et de Colomb, +son substitut, M. le commandant Martin, qui siégeait également au banc +du ministère public durant les débats, et MM. les greffiers Alla et +Castres. Une table, occupant le milieu de la pièce, les séparait du +condamné. A gauche de cette table était aligné le peloton, qui +appartenait au 40º régiment de ligne. Enfin, derrière le maréchal se +tenaient MM. le colonel Villette et le capitaine Maud'huy. Le salon +n'était éclairé que par deux lampes placées sur la table dont nous +venons de parler. + +A l'apparition du maréchal Bazaine, la garde porta et présenta les +armes. Il y avait encore lieu de lui rendre les honneurs dus à sou +grade, car s'il était condamné, sa condamnation n'était pas devenue +définitive. + +--Où dois-je me mettre? demanda-t-il au greffier. + +--Où vous êtes, M. le maréchal, cela est bien ainsi. + +Et M. le greffier Alla, sur l'ordre de M. le général Pourcet, donna +aussitôt lecture du jugement qui venait d'être rendu. C'est le moment de +cette scène dramatique que représente notre deuxième dessin. + +La lecture finie: + +--Eh bien! je suis prêt. On me fusillera quand on voudra, dit le +condamné s'adressant au général Pourcet. + +--Monsieur le maréchal, répondit celui-ci, j'ai à vous informer que la +loi vous accorde vingt-quatre heures pour vous pourvoir en révision +contre le jugement que vous venez d'entendre. + +--Ah! Et le délai commence?... + +--Aujourd'hui à minuit pour finir demain à pareille heure. + +--C'est bien. Est-ce tout? + +--C'est tout. + +Et le maréchal ayant salué, se retira. Nous ne rentrerons pas avec lui +dans son appartement, où l'attendait sa famille éplorée. Ici la +situation commande et il est de convenance stricte de s'arrêter devant +le huis clos des douleurs intimes. Avant de finir, disons un mot de la +très-touchante scène que représente notre troisième dessin. Alors que le +conseil délibérait, Mme Bazaine, dévorée d'inquiétudes, tour à tour +espérant et désespérant, courut à la chapelle de Trianon; et là , +agenouillée, les mains jointes, pria avec ferveur, invoquant le ciel en +faveur de son mari. Le ciel ne l'a pas exaucée, ai-je entendu dire. Je +ne suis pas de cet avis. S'il ne lui a pas accordé pour l'accusé une +chose impossible, encore a-t-il fait entrer dans le coeur de ceux de qui +dépendait son sort, un sentiment de commisération tel, qu'il les a +induits à outrepasser, imprudemment peut-être, en sa faveur, les limites +extrêmes de l'indulgence. + +M. Bazaine doit subir sa peine au fort de l'île Sainte-Marguerite. + +Cette île est située en face de Cannes; elle a une longueur de 6 +kilomètres environ, sur une largeur moyenne de 1500 mètres. A la pointe +est, se trouve le fort, qui a une garnison de cent cinquante hommes, +seuls habitants de l'île. On sait que c'est au fort Sainte-Marguerite +que fut longtemps détenu l'homme au masque de fer. Ce fort a également +servi de prison aux Arabes condamnés à la suite des dernières +insurrections d'Algérie. Près de l'île Sainte-Marguerite se trouve l'île +Saint-Honorat, qui forme avec elle le groupe des îles de Lérins, et où +l'on voit les ruines d'un monastère très-ancien. Elle est aujourd'hui la +propriété d'un Anglais qui l'a achetée il y a quelques années. + +Nous reviendrons prochainement, en en donnant quelques vues, sur ces +îles et sur le fort Sainte-Marguerite. + +Louis Clodion. + + + +Violettes, Tableau de M. Edouard Dubufe. + +On se rappelle le succès obtenu par cette charmante composition au Salon +de cette année; la foule s'y arrêtait avec complaisance, et +l'_Illustration_ a pensé être agréable à ses lecteurs, en la faisant +graver et tirer à part, pour la leur offrir. + +Sans doute, nous n'avons plus ici le prestige de la couleur, l'harmonie +des tons habilement combinés; mais qu'elle est jolie, la _dame aux +violettes_, dans son attitude d'une grâce si simple et si vraie! Le +corps se laisse doucement aller sur les moelleux coussins; la belle +songeait sans doute, nonchalamment étendue; sa pensée flottait, +indécise, au gré de ses souvenirs ou de ses espérances, quand une lettre +lui est arrivée, et l'a tirée de son demi-sommeil. + +Une lettre! c'est-à -dire un fait bien écrit, bien précis, alors qu'on +s'abandonnait, en toute sérénité, aux doux bercements du rêve! Aussi, +comme la tête s'est relevée aussitôt, comme le front est devenu sérieux, +comme le regard parcourt attentivement les lignes tracées par la main +d'un cher absent! Ne cherchons pas plus loin; le poète n'a-t-il pas +écrit: + + Sçavoir ce qu'elle contient, + Bien fin qui pourrait le dire? + + + +Les exécutions de Santiago + +Nous terminons aujourd'hui la publication commencée dans notre dernier +numéro, des documents qui nous sont parvenus sur le lugubre drame qui a +suivi la capture du _Virginius_. Nous avons déjà dit, précédemment, +combien les nombreuses expéditions du _Virginius_ avaient aidé +l'insurrection cubaine à se soutenir en l'approvisionnant, en abondance, +d'armes, de munitions et de combattants recrutés aux États-Unis. On peut +juger par là de l'explosion de joie qui se produisit dans la population +de Santiago lorsqu'on vit arriver au port ce pourvoyeur de guerre +civile, sous l'escorte du _Tornado_. Malheureusement on ne se contenta +pas de la manifester bruyamment, cette joie, les cris de vengeance +s'élevèrent de toutes parts et l'on demanda la mort du capitaine et de +l'équipage. Le général Burriel, gouverneur de Santiago, crut devoir +céder aux clameurs de la foule, et après une procédure sommaire, +cinquante-trois des malheureux captifs furent condamnés à mort et +fusillés. Cette boucherie terminée, des pièces d'artillerie, attelées de +six chevaux, furent promenées sur les cadavres aux acclamations d'une +populace en délire, jusqu'à ce que, broyés sous les roues et sous les +pieds des chevaux, ils eussent perdu toute forme humaine. Telles sont +les horribles scènes que reproduisent nos deux dessins; on comprend qu'à +leur récit une indignation générale se soit manifestée d'un bout à +l'autre des États-Unis. + + + +La bourse aux timbres-poste + +Bourse, est-ce bien le mot? marché exprimerait peut-être mieux la chose. +Quoi qu'il en soit, bourse ou marché, marché ou bourse, c'est en plein +coeur des Champs-Elysées qu'ont lieu les opérations dont il s'agit. + +On se réunit sur le large trottoir qui borde la maison de l'avenue +Gabrielle portant le numéro 36. Palais de la nature que couvre en guise +de dôme le ciel bleu, quand il n'est pas gris. On a donc devant soi +l'avenue Marignv, avec ses quatre Guignols, et à l'horizon l'entrée +principale du palais de l'Industrie, dont une forêt d'arbres, en ce +moment nus et grelottants, ne parvient pas à masquer la masse énorme. +Industrie d'un bout, commerce de l'autre, ceci nous ramène à nos +moutons, je veux dire à nos timbres. + +Le plaisant de l'affaire, ce n'est pas la nature du commerce. +Collectionner des timbres-poste n'est pas plus un cas pendable que de +collection lier des autographes, voire des tabatières ou de vieux pots. +Non, le plaisant et le curieux, c'est le trafiquant lui-même. +Figurez-vous un marché vu par le petit bout de la lorgnette, bourse à +Lilliput. Telle, la bourse aux timbres-poste. En se pressant un peu, +toute l'assemblée tiendrait certainement dans une serviette. Petit monde +singulier. Tout à l'heure il courait, sautait et s'en donnait à coeur +joie. Le voilà maintenant affairé, grave, recueilli. C'est que l'heure +de la bourse a sonné, et comme on dit, «les affaires sont les affaires». +Chacun de ces petits bonshommes s'avance, muni d'un album dont toutes +les feuilles sont divisées en un certain nombre de compartiments, +alvéoles destinées à enchâsser les timbres suivant un ordre méthodique, +timbres de tous les prix et de tous les pays, de toutes les formes et de +toutes les grandeurs, de toutes les couleurs et de toutes les effigies. +Tous les compartiments ne sont pas remplis. Ces vides indiquent ou les +pièces qui manquent à la collection, ou bien celles dont, en prévision +d'une hausse, on se propose d'acquérir au plus bas prix possible un +certain nombre d'exemplaires, pour les revendre ensuite avantageusement, +le moment venu. C'est là le fin de l'opération, notez; car par ce moyen, +et sans qu'il en coûte grand chose, on peut arriver à parfaire tout +doucement sa petite collection. Et d'aucuns y arrivent, à ce qu'il +paraît. Mais ce sont les malins, ceux-là ; et ne croyez pas qu'ils +fassent les finauds! Bien au contraire. A voir leur air innocent et +candide, vous jureriez certainement qu'ils sont du bois dont on ne les a +pas faits. Renards couverts d'une peau d'agneau, ils vont et viennent, +l'oreille à tout, et l'oeil aussi, et prenez bien garde à vos poules! +Là , pas de pouf à craindre d'ailleurs, car c'est au comptant que se +traitent toutes les opérations. Et cela posément, sans confusion, sans +le moindre cri. On s'aborde en feuilletant les albums. On compte les +lacunes. Alors:--Je demande ou j'offre tel timbre, y a-t-il vendeur ou +acheteur?--Voilà .--Combien?--Tant.--C'est cher.--Il y a hausse.--Jeudi, +ils n'étaient qu'à tant; trop d'écart.--C'est qu'il s'en est beaucoup +vendu. A prendre ou à laisser. + +On prend ou on laisse, selon. Cela dépend du vent qui souffle sur le +marché et fait tourner toutes ces petites têtes folles. Et puis, il y a +là aussi, comme ailleurs, des haussiers et des baissiers. Tel timbre est +un jour déprécié, qui le jour suivant est porté aux nues, et +réciproquement. Ainsi, en ce moment, le Brésil est en faveur, et les +villes hanséatiques sont recherchées. Demain en sera-t-il encore de +même? Demandez-le à M. votre fils. C'est peut-être une des fortes têtes +de la bourse aux timbres. Il est cependant certaines valeurs qui +échappent à toute pression, par exemple le Maximilien, depuis longtemps +hors de prix. Voilà où nous en sommes. Allez vous promener aux +Champs-Elysées, vous pourrez voir les voilures de chèvres inoccupées, +les chevaux de bois immobiles, Guignol désespéré se battre en vain les +flancs devant des chaises vides; mais pour ce qui est de la bourse aux +timbres, si, dès qu'elle est ouverte, un seul instant vous la voyez +chômer, dites qu'il y a encore des enfants. Hélas! pour ma part, je +commence bien à craindre qu'il n'y en ait plus. + +Louis Clodion. + + + +Auguste de la Rive + +Auguste de la Rive est fils d'un physicien suisse, né comme lui à +Genève, et qui s'était consacré comme il devait le faire lui-même, +presque entièrement à l'étude de l'électricité. Appartenant à une des +plus riches et des plus anciennes familles de la cité de Calvin, Auguste +de la Rive hérita non-seulement de la grande fortune de son père, mais +encore du talent et des amitiés scientifiques qu'il avait formées +pendant la période la plus orageuse de notre révolution. + +Les premières expériences que le jeune de la Rive vit exécuter dans la +maison paternelle furent celles de Davy, et ses premiers travaux +scientifiques furent faits sous la direction d'Ampère. Un de ses +premiers amis fut Faraday, que son père contribua à tirer d'une +situation voisine de la domesticité, dans des circonstances dignes +d'être rapportées. + +Faraday, tout à fait inconnu et très-pauvre, désirait vivement +d'accompagner sur le continent Davy, dont il était le garçon de +laboratoire plutôt que le préparateur. Davy consentit, mais à condition +que Faraday lui servirait de domestique pendant tout le temps qu'il +serait sur le continent. Faraday accepta et tint parole. Les étrangers +ne pouvaient se douter qu'il y avait un savant immortel sous l'habit de +ce valet. + +Davy s'arrêta à Prelioxes, bien patrimonial des de la Rive, qui depuis +la Révolution française y pratiquent la plus généreuse hospitalité +vis-à -vis des savants de toutes les nations. Davy avait naturellement +amené avec lui son valet, qui le suivit dans une partie de chasse. M. de +la Rive, le père, ayant eu occasion de s'entretenir avec ce jeune homme, +fut frappé de la profondeur et de la maturité de ses réponses. Il +insista et obtint non sans peine l'aveu de la vérité. Peu satisfait de +cette découverte, il insista vivement auprès de Davy pour obtenir de +mettre fin à cette comédie, moins digne encore de celui qui la donnait +que de celui qui en était victime. Mais Davy resta inébranlable. Il +exigea que le contrat fut exécuté à la lettre et que Faraday continuât +de manger à la cuisine avec les autres domestiques. M. de la Rive, ne +voulant pas rompre avec un ami, prit un terme moyen. Faraday fut servi +seul dans sa chambre, et Auguste de la Rive alla plus d'une fois +partager ses repas. De cette époque date une amitié des plus tendres +qu'aucun nuage n'a jamais obscurcie. + +De la Rive père avait émigré en 1794, après avoir été retenu quelque +temps en prison. En 1813, il fut un des premiers à proclamer le retour +de Genève à la Suisse. + +De la Rive fils resta fidèle à la politique paternelle. Quand la +Confédération helvétique se crut menacée de perdre la perle du Léman, +Auguste de la Rive fut envoyé à Londres comme ministre plénipotentiaire. + +Grâce à ses hautes liaisons il réussit à obtenir du cabinet de +Saint-James la signature d'un protocole secret. L'annexion de Genève à +la France était déclarée un _casus belli._ + +C'était la première fois que de la Rive rentrait dans la vie politique +d'où il était écarté depuis la révolution de 1846. Systématiquement +opposé à la guerre du Sonderbund, il avait donné alors sa démission de +toutes ses fonctions publiques, même de celles de professeur de physique +à l'Université. + +C'est en 1864 qu'il fut nommé membre associé de l'Académie des sciences +à laquelle il appartenait depuis de longues années en qualité de +correspondant. + +A l'issue de la dernière exposition universelle il exécuta à Paris même, +sur une immense échelle, ses magnifiques expériences sur la rotation de +la lumière électrique soumise à l'action des aimants. + + + +[Illustration: M. DE LA RIVE.] + +On lui doit la connaissance de la dorure galvanique. + +L'Académie des sciences lui décernait en 1842 un prix de 3,000 francs, +en même temps qu'elle récompensait MM. Ruolz et Elkington qui avaient +fait passer cette immense découverte dans le domaine de la pratique +commerciale. + +De la Rive est le premier physicien qui ait imaginé d'employer des +substances insolubles pour dépolariser les piles voltaïques. Il a ouvert +la voie suivie par MM. Marié Davy, Leclanché et Grenet. + +Enfin on lui doit la démonstration complète d'un grand fait de physique +générale. Couronnant l'édifice si largement commencé par Faraday il +porta le coup de mort à la théorie métaphysique du contact. La grande +doctrine de l'_équivalence des forces naturelles_ lui doit un de ses +principes fondamentaux les plus précieux. + +Ses travaux sont exposés dans son cours d'_Électricité théorique et +appliquée_, publié il y a seize ans par la maison J.-B. Baillière. Cet +ouvrage magistral n'est point à la veille d'être détrôné. + +Auguste de la Rive était un journaliste scientifique dans l'acception la +plus élevée du mot. Il n'y avait pas de mémoire important qu'il ne lût +et n'étudiât en quelque langue qu'il fût écrit. Il fut constamment le +plus actif collaborateur des Archives des sciences physiques et +naturelles, après avoir publié et rédigé tout seul pendant les années +1841, 1842, 1843, 1844 et 1845 les _Archives de l'électricité_. + +Comme Hausteen et Donats, qui ne l'ont précédé dans la tombe que de +quelques mois, il a consacré ses dernières veilles à l'étude des aurores +boréales. Il est un des fondateurs de cette météorologie cosmique qui ne +vient que de naître, et qui déjà ouvre à la science de l'avenir de si +merveilleux horizons! + +Il est mort à Marseille, à l'âge de 72 ans, des suites d'une attaque de +paralysie. + +W. DE FONVIELLE. + + + +[Illustration: TYPES ET PHYSIONOMIES DE PARIS.--La petite bourse des +timbres-poste aux Champs-Elysées.] + + + +L'HISTOIRE DE FRANCE + +DE M. GUIZOT + +Dans un premier article, nous avons, la semaine dernière, jeté un coup +d'oeil sur le troisième volume de l'_Histoire de France_, de M. Guizot, +qui commence avec François 1er pour finir avec Henri IV. Deux mots la +résument: Renaissance et Réforme. Curieuse époque marquée au sceau du +fanatisme religieux, et dont toutes les pages sont tachées de sang. Nous +avons dit un mot de ces pieuses horreurs. N'y revenons pas. Aussi bien +si l'auteur, en ce tome troisième, évoque bien des figures odieuses, il +nous en montre aussi d'autres qui appellent d'elles-mêmes et captivent +le regard. Parmi ces dernières brille en première ligne celle de +Rabelais, cet illustre bohème qui passa les deux tiers de sa vie à +courir le monde, s'arrêtant le temps seulement d'écrire les célèbres +chroniques que l'on sait, et qui fut non-seulement l'écrivain le plus +original et le plus éminent de la première moitié du XVIe siècle, mais +encore sa personnification la plus vivante et la plus vraie. Une + +[Illustration: Henri de Guise parcourant les rues de Paris après le +massacre de la Saint-Barthélémy.] + +[Illustration: HENRI III ET SES MIGNONS.] + +autre figure, grande aussi et particulièrement sympathique et +intéressante est celle de cette gracieuse reine de Navarre, soeur de +François 1er, Marguerite de + +[Illustration: Marguerite de Valois.] + +Valois qui avait, comme l'a dit Marot, «corps féminin, coeur d'homme et +tête d'ange». Mais ce qui la fait tant et de si loin briller à nos yeux, +c'est la supériorité de son esprit, son excessive bonté, son amour pour +la poésie, la protection généreuse et intelligente qu'elle accorda, elle +catholique, à la réforme. Aussi n'y a-t-il pas lieu de s'étonner des +soupçons d'hérésie qui planèrent sur elle, et, à parler franchement, je +crois bien qu'au fond elle était un peu hérétique, il est encore une +chose digne de remarque, c'est qu'au XVIe siècle, où comme dit Anquetil, +les femmes de la cour étaient un objet de scandale, Marguerite pouvait +passer pour une vertu, à quelques peccadilles près que nous ont fait +connaître la muse indiscrète de Marot qu'elle aima, et cette _mauvaise +langue_ de Brantôme. La Marguerite des marguerites eut toujours pour son +frère une affection profonde qui, approchant de la faiblesse, s'étendit +parfois jusque sur ses maîtresses. Ce fut elle-même qui orna de devises +les bagues données par François à la belle comtesse de Chateaubriand, +laquelle fut plus reine que Claude-la-Bonne avant la bataille de Pavie, +ce qui ne l'empêcha pas, si l'on en croit Varillas, de mourir fort +tragiquement, le roi l'ayant abandonnée à son retour. Il nous reste des +ouvrages de la reine de Navarre soixante-douze contes que l'on + +[Illustration: Hérétiques condamnés au feu et brûlés en 1546 au grand +marché de Meaux.] + +attribue en partie à ses amis; le _Miroir de l'âme pécheresse_ les +_marguerites de la Marguerite des princesses_, pièces recueillies par +Sylvius de la Haie; quelques mystères, des farces, une pièce de vers sur +la captivité de son frère, enfin le _Débat d'amour_ qu'elle composa à +l'âge de cinquante ans et qui n'a pas été imprimé. + +L. C. + +[Illustration: Marie Stuart.] + +[Illustration: Rabelais.] + +Gravures extraites de l'Histoire de France racontée à mes petits +enfants, par M. Guizot. (Librairie Hachette et Cie.) + + + +BIBLIOGRAPHIE. + +Les Merveilles de l'Industrie ou Description des principales industries +modernes, par M. Louis Figuier (1). + +[Note 1: Un vol. in-8º illustré de 415 gravures sur bois. Chez Furne et +Jouvet, rue Saint-André-des-Arts.] + +Combien pourrait-on citer aujourd'hui de personnes ayant une +connaissance, même superficielle, des procédés industriels? Les moyens +variés par lesquels l'homme transforme la matière, pour l'asservir à ses +besoins, sont un secret pour la plupart d'entre nous. Le verre, les +poteries, le savon, le sucre, le sel marin, le papier, les cuirs, etc., +servent à nos usages, à chaque instant de la vie, et pourtant la +majorité d'entre nous serait fort embarrassée de dire comment se +préparent le verre, les poteries, le savon, le papier, etc. L'industrie +est comme un livre fermé à tous les yeux. + +[Illustration.] + +Ce livre fermé, M. Louis Figuier prétend nous l'ouvrir. Dans l'ouvrage +nouveau qu'il vient de publier, les _Merveilles de l'industrie_, il +entreprend de révéler aux gens du monde et à toute personne désireuse de +s'instruire, les opérations des principales industries modernes. Le +volume que nous avons sous les yeux est consacré aux industries +chimiques, à savoir: le verre et le cristal,--les poteries, faïences et +porcelaines,--le savon,--les soudes et les potasses,--le sel marin,--le +soufre et l'acide sulfurique. L'auteur décrit avec soin les opérations +diverses qui servent à la fabrication de ces matières, et l'on est tout +surpris, en lisant ses descriptions, de voir quel intérêt peuvent +revêtir les matières industrielles traitées par un auteur qui a le désir +constant d'attacher et d'instruire. La masse de renseignements et de +notions utiles contenus dans les notices que nous venons de citer, est +vraiment immense, et leur utilité est d'une évidence sur laquelle il +n'est pas nécessaire d'insister. + +Deux mérites nous ont particulièrement frappé, à la lecture des +_Merveilles de l'industrie_. C'est d'abord le soin avec lequel l'auteur +expose l'histoire de chaque industrie. Dans la plupart des ouvrages ou +des dictionnaires où ces matières sont traitées, l'histoire de chaque +industrie est presque toujours passée sous silence. Dans l'ouvrage de M. +Louis Figuier, au contraire, l'histoire des inventions occupe une place +de premier ordre. L'auteur a toujours soin de remonter jusqu'aux +origines primitives de l'industrie qui l'occupe. Il la prend à son +berceau, chez les anciens, et la suit à travers les siècles jusqu'à +l'époque actuelle. C est là une source d'enseignements variés et pleins +d'intérêt pour le lecteur. + +[Illustration: Une verrerie chez les Égyptiens.] + +[Illustration.] + +La seconde qualité qui nous a frappé dans les _Merveilles de +l'industrie_, c'est la préoccupation constante de l'auteur d'éclairer le +texte de ses descriptions par le secours du dessin. Chaque opération +étant accompagnée d'une figure explicative, renseignement par les yeux +accompagnant sans cesse l'enseignement par la plume, il est toujours +facile de comprendre les explications de l'auteur. + +Les gravures qui accompagnent cet article (_la fabrication au verre chez +les Egyptiens,--la fabrications des vitres, le coupage du savon en +pains_), sont de doubles spécimens des nombreuses gravures qui +accompagnent l'ouvrage de M. Louis Figuier, et du genre de démonstration +figurée qui se rencontre à chaque page de ce livre. + +Les _Merveilles de l'industrie_ ont été présentées, avec beaucoup +d'éloges, à l'Académie des sciences, dans la séance du 15 décembre, par +M. Dumas, secrétaire perpétuel. + +Nous n'avons rien à ajouter à ce témoignage d'estime. + +Pierre Paget. + +[Illustration: Coupage du savon de Marseille en pains.] + +Gravures extraites des _Merveilles de l'industrie_, par Louis Figuier. +(Furne, Jouvet et Cie, éditeurs.) + + + +[Illustration: RÉBUS.] + +EXPLICATION DU DERNIER RÉBUS: + +Libres penseurs ou pieux pèlerins, la conscience est totalement libre! + + + + + + + + + + +End of the Project Gutenberg EBook of L'Illustration, No. 1608, 20 décembre +1873, by Various + +*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 44232 *** diff --git a/44232-h/44232-h.htm b/44232-h/44232-h.htm new file mode 100644 index 0000000..8aa092b --- /dev/null +++ b/44232-h/44232-h.htm @@ -0,0 +1,2256 @@ +<!DOCTYPE html PUBLIC "-//W3C//DTD HTML 4.01 Transitional//EN"> +<html> +<head> + <meta http-equiv="content-type" content="text/html; charset=UTF-8"> + <title>The Project Gutenberg eBook of L'illustration, No. 1608, 20 décembre 1873 by Various</title> + +<link rel="coverpage" href="images/cover.jpg"> + +<style type="text/css"> + + +body {margin-left: 10%; margin-right: 10%} + +h1,h2,h3,h4,h5,h6 {text-align: center;} +p {text-align: justify; font-size: 12pt} +blockquote {text-align: justify} + +hr {width: 50%; text-align: center} +hr.full {width: 100%} +hr.short {width: 10%; text-align: center} + +.note {font-size: 0.8em; margin-left: 10%; margin-right: 10%} +.footnote {font-size: 0.8em; margin-left: 10%; margin-right: 10%} +.side {padding-left: 10px; font-weight: bold; font-size: 75%; + float: right; margin-left: 10px; border-left: thin dashed; width: 80px; text-indent: 0px; font-style: italic; text-align: left} + +.sc {font-variant: small-caps} +.lef {float: left} +.mid {text-align: center} +.rig {float: right} +.sml {font-size: 10pt} +.large {font-size: 16pt; font-family: sans-serif;} +.overl {font-size: 10pt; text-decoration: overline; text-align: center} +.cont {width: 650px} +.somm {float: left; width: 300px; font-size: 10pt; padding: 1em} +.suppl {color: #5A5047; background-color: #EEE2CA } + + +span.pagenum {font-size: 70%; left: 91%; right: 1%; position: absolute} +span.linenum {font-size: 70%; right: 91%; left: 1%; position: absolute} + +.poem {margin-bottom: 1em; margin-left: 10%; margin-right: 10%; + text-align: left} +.poem .stanza {margin: 1em 0em} +.poem .stanza.i {margin: 1em 0em; font-style: italic;} +.poem p {padding-left: 3em; margin: 0px; text-indent: -3em} +.poem p.i2 {margin-left: 1em} +.poem p.i4 {margin-left: 2em} +.poem p.i6 {margin-left: 3em} +.poem p.i8 {margin-left: 4em} +.poem p.i10 {margin-left: 5em} +.poem p.i12 {margin-left: 6em} +.poem p.i14 {margin-left: 7em} +.poem p.i16 {margin-left: 8em} +.poem p.i18 {margin-left: 9em} +.poem p.i20 {margin-left: 10em} +.poem p.i30 {margin-left: 15em} + + + +</style> +</head> +<body> +<div>*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 44232 ***</div> + +<br><br> + +<div class="cont"> + + + + +<p class="mid"><img alt="" src="images/001.png"></p> + + +<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="1" + style="width: 100%; text-align: center;" summary="nil"> + <tbody> + <tr> + <td style="vertical-align: top; width: 33%;"> +<p class="mid"><span class="sml">REDACTION, ADMINISTRATION, BUREAUX D'ABONNEMENTS<br> +<i>22, rue de Verneuil, Paris.</i></span></p> + </td> + <td style="vertical-align: top; width: 34%;"> + <p class="mid"><span class="sml">31e Année. VOL. LXII. Nº 1608</span><br>SAMEDI 20 DÉCEMBRE 1873</p> + </td> + <td style="vertical-align: top; width: 33%;"> + <p class="mid"><span class="sml">SUCCURSALE POUR LA VENTE AU DÉTAIL<br> +60, rue de Richelieu, Paris</span></p> + </td> + </tr> + </tbody> +</table> + + + +<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="1" + style="width: 100%; text-align: left;" summary="nil"> + <tbody> + <tr> + <td style="vertical-align: top; width: 50%;"> + <p class="mid"><span class="sml"><b>Prix du numéro: 75 centimes</b><br> +La collection mensuelle, 3 fr; le vol. semestriel, broché,<br>18 fr.; relié +et doré sur tranches, 28 fr.</span></p> + + </td> + <td style="vertical-align: top; width: 50%;"> + <p class="mid"><span class="sml"><b>Abonnements</b><br> +Paris et départements: 3 mois, 9 fr.;--6 mois, 18 fr.;<br>un an, 36 fr.; +Étranger, le port en sus.</span></p> + </td> + </tr> + </tbody> +</table> + +<p class="mid"><span class="sml"><i>Les demandes d'abonnements doivent être accompagnées d'un mandat-poste<br> +ou dune valeur à vue sur Paris à l'ordre de M. Auguste Marc, +directeur-gérant.</i></span></p> + +<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="0" + style="width: 100%; text-align: left;" summary="nil"> + <tbody> + <tr> + <td style="vertical-align: top; width: 50%;"> + <p class="mid"> +<span class="sml"> +SOMMAIRE +<br><br> +TEXTE +<br><br> +Histoire de la semaine, +<br><br> +Courrier de Paris, par M. Philibert Audebrand. +<br><br> +P. Blanchard. +<br><br> +La Sœur perdue, une histoire du Gran Chaco (suite), par M. Mayne Reid. +<br><br> +Un voyage en Espagne pendant l'insurrection (fin). +<br><br> +La veille du 1er janvier. +<br><br> +Nos gravures: +<br><br> +Procès du maréchal Bazaine, le dénoûment. +<br><br> +Violettes. +<br><br> +La bourse aux timbres-poste. +<br><br> +Auguste de la Rive. +<br><br> +L'<i>Histoire de France</i>, de M. Guizot. +<br><br> +Les exécutions de Santiago. +<br><br> +Bibliographie: <i>Les Merveilles de l'industrie</i>, par Louis Figuier. +<br><br></span> +<p class="mid"><img alt="" src="images/001b.png"><br> +</td> + + <td style="vertical-align: top; width: 50%;"> + <p class="mid"> +<span class="sml"> +SOMMAIRE +<br><br> +GRAVURES +<br><br> +Procès du maréchal Bazaine: Mme Bazaine en prière dans la chapelle de +Trianon, au moment du prononcé du jugement; +<br><br> +Lecture de l'arrêt au condamné; +<br><br> +La délibération du conseil de guerre avant le prononcé du jugement. +<br><br> +P. Blanchard. +<br><br> +Événements de Cuba: exécution de l'équipage du <i>Virginius</i>, à Santiago +de Cuba; +<br><br> +Les cadavres foulés aux pieds des chevaux, après l'exécution. +<br><br> +M. de la Rive. +<br><br> +Types et physionomies de Paris: la petite bourse des timbres-poste aux +Champs-Elysées. +<br><br> +<i>L'Histoire de France</i>, de M. Guizot (6 gravures). +<br><br> +<i>Les Merveilles de l'industrie</i>, par M. L. Figuier (4 gravures). +<br><br><br> +Rébus. +</span><br><br> +<p class="mid"><img alt="" src="images/001b.png"></p> + </td> + </tr> + </tbody> +</table> + + + +<p class="mid"><img alt="" src="images/001a.png"><br> +<b>PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE. Mme BAZAINE EN PRIÈRE DANS LA +CHAPELLE DE TRIANON, AU MOMENT DU PRONONCÉ DU JUGEMENT.</b></p> + +<br><br> + + + <h3>HISTOIRE DE LA SEMAINE</h3> + <br> + <h4>FRANCE</h4> + + <p>Le mémorable procès dont la France entière suivait avec un si poignant +intérêt les péripéties depuis près de trois mois est enfin arrivé à son +terme: le sort du maréchal Bazaine est décidé. A l'unanimité sur toutes +les questions, le conseil de guerre siégeant à Trianon a condamné +l'ex-commandant de l'armée de Metz à la peine de mort et à la +dégradation militaire. Le maréchal a refusé de se pourvoir en révision, +mais le conseil tout entier a signé un recours en grâce; le duc d'Aumale +l'a remis immédiatement entre les mains du président de la République, +et, dès le surlendemain, le Journal officiel annonçait que la peine de +mort était commuée en vingt années de détention, et que le condamné +était dispensé des formalités de la dégradation militaire, mais sous +réserve de tous ses effets.</p> + + <p>L'Assemblée nationale a continué, pendant le cours de cette semaine, la +discussion du budget, qui s'est poursuivie sans autres incidents que la +présentation d'un certain nombre d'amendements ou d'observations dont +l'examen nous entraînerait trop loin. Pendant que cette discussion +suivait son cours en séances publiques, les commissions travaillaient à +l'élaboration des nouvelles lois organiques et constitutionnelles. Sur +la proposition de son président, M. Batbie, la commission des Trente +décidait que la loi électorale serait la première dont elle aurait à +s'occuper; puis elle nommait une sous-commission d'études ayant mission +de faire des recherches préparatoires. MM. d'Andelarre et Pradié ont été +chargés par cette sous-commission de compulser les ouvrages traitant de +l'organisation des pouvoirs publics; MM. Waddington et A. +Lefèvre-Pontalis d'étudier, dans les législations étrangères, les divers +modes de composition des Chambres hautes; M. Laboulaye, de faire un +exposé de l'organisation constitutionnelle dans les États américains. +D'autre part, la commission chargée de la rédaction de la nouvelle loi +municipale a terminé ses travaux et entendu le rapport de M. Clapier; +nous avons déjà mentionné les dispositions principales de la loi +nouvelle qui ont pour but, on le sait, d'enlever au suffrage universel, +pour le rendre au gouvernement, la nomination des maires, et d'imposer +aux communes les dépenses de police, telles qu'elles auront été fixées +par les préfets; contentons-nous de les appeler réformes fondamentales, +en attendant leur discussion en séance générale, où elles doivent +rencontrer, assure-t-on, une assez sérieuse opposition. +</p> + <p> +L'urgence et la gravité des lois constitutionnelles dont la commission +des Trente est saisie ne saurait être mieux démontrée que par les quatre +élections qui ont eu lieu dimanche dernier dans les trois départements +de l'Aude, de Seine-et-Oise et du Finistère. Comme presque toutes celles +qui se sont succédé depuis trois ans, ces élections se sont traduites +par des majorités considérables données aux candidats républicains. +Celle du Finistère, notamment, où M. Swiney l'a emporté par 61,000 voix +contre 42,000 données à son concurrent, M. Le Guen, est un symptôme +très-caractéristique du mouvement qui s'opère même dans les régions les +moins accessibles jusqu'à présent aux idées révolutionnaires, et paraît +avoir vivement affecté les groupes conservateurs de l'Assemblée. +</p> + <h4> +ALGÉRIE. +</h4> + <p> +M. le général Chanzy, gouverneur général de l'Algérie, a prononcé, le 3 +décembre, à l'ouverture de la session du conseil supérieur de la +colonie, un éloquent discours où est exposé avec un remarquable talent +tout un plan d'administration, qui a été accueilli avec une approbation +unanime. Ce discours peut être divisé eu deux parties; dans la première, +l'orateur énonce les principes généraux de son système; la seconde est +plus spécialement consacrée à l'explication des moyens pratiques +auxquels le gouverneur général juge utile de recourir, tels que: +organisation administrative, -- colonisation, -- grands travaux d'utilité +publique, -- entreprises industrielles, -- constitution de la +propriété, -- forêts, -- régularisation des opérations du séquestre. Nous +laisserons de côté cette deuxième partie, dont l'examen nous forcerait +d'entrer dans trop de détails techniques, pour ne nous occuper que de la +première. +</p> + <p> +Aux yeux de l'honorable général, les décrets de 1870 contiennent le +programme qu'il importe de réaliser au plus vite afin de justifier notre +réimplantation sur le sol africain, et c'est à la recherche des moyens +propres à amener «l'assimilation de l'Algérie à la mère patrie» que le +conseil supérieur doit consacrer toute son activité, tout son +patriotisme. Au nombre des mesures qui doivent être appliquées le plus +immédiatement, M. le général Chanzy place la disparition de cet +antagonisme, plus apparent que réel, entre ce qu'on appelle le régime +civil et le régime militaire. Si au lendemain de la conquête, et dans le +but de la consolider, de telles distinctions ont pu être nécessaires, +indispensables même, elles n'ont plus aujourd'hui de raison pour +subsister. «Je déchargerai, dit M. le gouverneur, dans la limite du +possible l'armée d'une tâche qui n'est plus la sienne et qu'elle ne +continue que par devoir; elle restera chargée temporairement des parties +où les populations indigènes, éloignées du contact des Européens, +doivent être dominées et sentir la force pour rester calmes.» +</p> + <p> +Mais, pour l'honorable général, «il n'y a point et il ne peut y avoir +ici deux régimes: le régime civil, le régime militaire; il n'y a qu'une +pensée: celle de tirer de cette magnifique colonie tout ce que la France +et la civilisation attendent de nos communs efforts. Il n'y a et ne peut +y avoir deux territoires avec leurs systèmes opposés; il y a une vaste +contrée soumise à la France, dans laquelle il nous faut introduire ses +institutions, en tenant compte des précautions que la sagesse et la +situation nous imposent. Pour moi, dans ce pays, désormais français, il +y a les parties qui peuvent et doivent être assimilées de suite, celles +dans lesquelles les institutions civiles et la justice de droit commun +sont possibles et doivent être complètes, et celles où le commandement +doit encore s'exercer, parce que seul il peut assurer, si on lui en +laisse les moyens, le bon ordre et la sécurité». +</p> + <p> +On ne pouvait mieux faire comprendre la mission du conseil supérieur et +de l'armée en Algérie, aussi doit-on attendre les plus grands résultats +de l'application des principes qui guident l'honorable gouverneur +général civil de l'Algérie. +</p> + <p> +En terminant son discours, M. le général Chanzy a exposé les motifs qui +l'avaient conduit à introduire dans le conseil supérieur les hauts +fonctionnaires chargés des affaires du département ou des territoires +restés sous le commandement militaire, et c'est par un appel au +patriotisme du conseil, que l'orateur a clos son éloquent plaidoyer en +faveur de la colonie: +</p> + <p> +«La politique, cette passion qui surexcite, n'a rien à faire dans cette +enceinte, et nous saurons justifier la confiance que le gouvernement qui +nous a nommé et que la population qui vous a désignés a mise en nous.» +</p> + <h4> +ÉTATS-UNIS. +</h4> + <p> +Le différend hispano-américain s'est terminé de la manière la plus +heureuse par la reddition aux autorités des Etats-Unis du <i>Virginius</i> et +des survivants de son équipage. Les détails manquent encore sur la +manière dont s'est opérée la restitution ainsi que sur les motifs du +brusque revirement d'opinion qui a permis aux autorités cubaines +d'exécuter des conditions d'abord déclarées inacceptables. Quoi qu'il en +soit il faut se féliciter de la solution pacifique d'une situation qui +aurait pu, en se prolongeant, amener les plus graves complications. +</p> + <h4> +SUISSE. +</h4> + <p> +Le Conseil fédéral de la république helvétique vient de prendre une +décision qui aura sans doute un grand retentissement dans le monde +catholique. Il a rompu avec le Saint-Siège et congédié le légat +accrédité comme chargé d'affaires auprès du gouvernement suisse. +</p> + <p> +M. Cérésole, président de la Confédération, a adressé à ce sujet à Mgr +Agnozzi, chargé d'affaires du Saint-Siège, une note diplomatique +déclarant que la mesure prise par le Conseil fédéral a été déterminée +par la publication de l'encyclique du 21 novembre, qui renfermait «des +accusations de la nature la plus directe et la plus grave contre +diverses autorités légitimement constituées en Suisse et contre +certaines décisions que ces autorités ont régulièrement prises». Cette +rupture solennelle est certainement regrettable; elle affligera +profondément tous les catholiques modérés, c'est-à -dire, comme le fait +remarquer le <i>Journal de Genève</i>, l'immense majorité des catholiques +suisses, «qui n'ont jamais séparé dans leur cœur le nom de religion de +celui de patrie». +</p> + <p> +Les journaux suisses, calvinistes et libres penseurs, applaudissent +naturellement à cette mesure. Ils prennent, de plus, le soin de +l'expliquer et de la justifier. Ils rappellent que depuis longtemps +l'opinion publique, en Suisse, était peu favorable au maintien de la +nonciature. +</p> + <p> +On reconnaissait,--disent-ils,--que non-seulement elle ne pouvait offrir +une utilité pratique, mais encore qu'elle n'avait plus de raison d'être. +Il est de fait que, dans sa grande réunion à Soleure, le <i>Volks-verein</i> +avait porté sur son programme révisionniste la suppression de la +nonciature, et que la commission du Conseil national avait fait droit à +ce vœu en proposant de l'inscrire dans la Constitution. +</p> + <p> +L'encyclique de Pie IX n'a donc été, pour le gouvernement des vingt-deux +cantons, qu'un prétexte opportun; la rupture était préméditée de longue +date. +</p> + <p> +La rupture des relations entre la Confédération helvétique et le Vatican +ne sera peut-être pas aussi sensible à la curie romaine que la nouvelle +mesure prise par le gouvernement bavarois, et qui, pour être beaucoup +moins radicale, constitue cependant une démonstration caractéristique. +</p> + <p> +Pendant longtemps, on le sait, le clergé avait été tout-puissant en +Bavière, à tel point que le roi Maximilien II était allé jusqu'à +subordonner la Constitution au concordat; ce souverain avait décidé que +toutes les fois que le pacte constitutionnel se trouverait en opposition +avec le concordat, celui-ci l'emporterait sur celui-là . +</p> + <p> +Le gouvernement de Munich vient de décider que, désormais, en cas de +conflit entre les lois du pays et la convention conclue avec le +Saint-Siège, c'est la législation nationale qui passera la première. +</p> + <p> +Les feuilles libérales bavaroises espèrent que cette mesure est la +préface de l'abolition complète du concordat. +</p> + +<br><br> + <h3> +COURRIER DE PARIS +</h3> + <p> +On a longtemps célébré la tendresse des habitants d'Enghien pour leur +lac. C'était alors la seule merveille de l'endroit. Un jour, le conseil +municipal avait posé deux plantons aux extrémités de l'amas d'eau; +c'était afin de surveiller les passants. «Défense d'approcher du lac, +sous peine de mort.» On aurait dit le Kisslar-Agha sur le seuil du +sérail. Monsieur le maire, faisant sa tournée quotidienne, prenait plus +grand soin du lac que de ses propres yeux. Quand le gros temps menaçait, +si le vent jetait sur la rive un grain de poussière ou une feuille +sèche, on voyait le magistrat descendre en toute hâte sur la grève; il +tirait gravement son mouchoir de sa poche et se mettait à épousseter le +lac, si cher à la commune. Un spectacle si touchant faisait à bon droit +l'admiration de Gérard de Nerval, qui venait parfois rêver sur ses +bords. +</p> + <p> +Aujourd'hui Enghien n'a plus à passer par ces transes; son lac est +classé, adopté, arrivé, comme on dit; il n'a plus ni ses preuves, ni sa +fortune à faire. Cependant, sous un autre rapport que celui de la +feuille jaunie ou de la poussière qui pourrait ternir le miroir de ses +eaux, voilà que la même vigilance jalouse se présente en ce moment pour +les lacs du bois de Boulogne. Là aussi, on est exposé à se cogner contre +des sentinelles rébarbatives; il y a une consigne d'un sens absolument +asiatique. Aussitôt que la gelée blanche arrive, un jeune monsieur, +habillé d'ours, ayant un stick à la main, vous crie: «Au large! +N'empêchez pas la glace de se former.» Cet élégant quidam est ce qu'on +appelle un semainier du <i>Club des Patineurs</i>. +</p> + <p> +La semaine passée, les fanatiques du patin ont éprouvé toute une série +de fausses joies. Sur la foi de l'almanach, on attendait la glace. +Gèlera-t-il? ne gèlera-t-il pas? Un rat de l'Observatoire s'était quatre +fois peigné l'oreille gauche avec sa patte de derrière; c'était signe +qu'il y aurait pendant dix jours vingt-cinq degrés au-dessous de zéro, +juste la température du Grœnland. Dès ce moment, on signale dans les +régions aristocratiques un mouvement rapide; ce serait à qui arracherait +ses patins du croc pour courir aux lacs. Tout le long au chemin, les +amateurs faisaient le plus possible la mine des gens de la Finlande +courant sur leurs blocs glacés. Un chien errant qui venait à eux leur +faisait déjà l'effet d'un renard bleu de la Laponie. Au bois, il a fallu +en rabattre. Cette gelée n'avait rien de sérieux. Le rat de +l'Observatoire est un farceur qui a pris plaisir à mettre ainsi dedans +l'élite du beau monde. +</p> + <p> +Je suis volontiers de ceux qui compatissent aux tristesses du <i>Club des +Patineurs</i>, car enfin il a contribué jadis à donner à notre Paris une +très-grande animation, des fêtes, de beaux jours, ou, si vous l'aimez +mieux, de belles nuits. Institué en 1860, en même temps et dans le même +local que le Tir aux pigeons, il avait et il a encore, jusqu'en 1885, la +jouissance exclusive d'un bassin construit sur la pelouse de Madrid. Il +disposait et il dispose encore, par surcroît, de deux autres bassins +dans le bois de Boulogne. Tous les grands noms du sport se sont +empressés d'allonger la liste déjà brillante de ses fondateurs. Et comme +il arrive toujours en ces sortes de choses, la mode s'en est mêlée; on +s'est mis à aimer la course en zigzags sur la glace; Paris n'était plus +qu'un gymnase de patineurs de l'un et de l'autre sexe. +</p> + <p> +Cherchez bien, vous retrouverez dans quelque coin de votre mémoire +l'image encore vivante d'une de ces soirées où de longues files de +voitures conduisaient au bout de l'avenue de l'Impératrice les beaux et +les belles, les fous et les folles, ce qu'on appelle «le monde où l'on +s'amuse». En ce temps-là , le <i>Club des Patineurs</i> annonçait ses +exercices par une affiche, absolument comme l'Opéra annonçait un ballet +nouveau et le cirque les débuts d'une écuyère. Il y avait souvent de +vives surprises. Une fois c'était une double rangée de flambeaux, +disposés comme un supplément aux étoiles; une autre fois c'était un +double quadrige des dames de la cour, se présentant en traîneaux russes +comme si l'on eût amené la Néwa chez nous. +</p> + <p> +Ces nuits, le <i>Club des Patineurs</i> a rêvé de les refaire. Pour y +parvenir, une condition est indispensable: la glace. Il faut que les +deux lacs gèlent. Jugez de l'impatience des fanatiques! La période +hivernale va du 15 décembre au 15 janvier, et encore pas toujours. S'il +doit y avoir des frimas, c'est pendant ce laps de temps, ou bien il n'y +en aura point. Tous les matins, à leur lever, les coryphées du club sont +aux aguets.--Où en est-on? Sommes-nous en Sibérie ou toujours en +Picardie? Neige-t-il? Gèle-t-il? Y a-t-il de la glace? Interrogez les +astronomes ou les ours blancs du Jardin des Plantes.--Eh bien, jusqu'à +ce jour, on a eu beau faire; il n'y a eu que quelques pincées de givre. +Il n'a gelé que pour rire.--Eh! mon Dieu! pourquoi ne pas appeler au +bord des lacs tels et tels orateurs de Versailles; les deux nappes d'eau +ne tarderaient pas à être glacées. +</p> + <p> +Si les patins sont tristes, la fourchette, par contre, est en plein +mouvement et en pleine allégresse. Pour le quart-d'heure, on ne songe +qu'à se mettre à table. Grand dîner chez le maréchal de Mac-Mahon, +président de la République; grand dîner chez M. Buffet, président de +l'Assemblée nationale; grand dîner chez le duc de Broglie, +vice-président du conseil des ministres; grand dîner à l'ambassade +d'Angleterre; grand dîner chez le comte Orloff, ambassadeur de Russie; +vingt-cinq repas de corps; premiers soupers de carnaval, et cetera, et +cetera. Ne craignez rien néanmoins au point de vue des +approvisionnements. Jamais Paris n'aura reçu tant de bourriches. On ne +voit partout que grosses têtes: daims, cerfs, sangliers. Le poisson de +mer et d'eau douce arrive par centaines de tonnes. Les marchands de +comestibles commencent même à exhiber des tortues énormes. Gavarni +conseillait la soupe à la tortue aux artistes, aux amoureux, aux +politiques, à tous ceux qui ont besoin d'être fous. «Vous savez qu'elle +ne va pas sans une poignée de gingembre», disait-il. En fait de gibier à +plumes, la gamme est des plus riches. Cela va de l'outarde à +l'allouette, cette succulente messagère du point du jour. Que de +perdreaux on a rôtis cette semaine! Et les pâtés! il y en a une variété +qui prime même celle des roses! Ajoutons que, dans notre enceinte, il y +a 30,000 cuisiniers toujours sous les armes (il ne faudrait pas compter +moins de 100,000 cordons bleus). Enfin la ville est plus que jamais +celle dont l'auteur de <i>Gargantua</i> a écrit: «Ici on donne tout à la +tripe (au ventre)». C'est probablement pour cette raison qu'a été tracé +ce billet, envoyé à un éditeur: +</p> + <p> +«Retardez, je vous prie, d'un mois, la publication de mon nouveau roman. +</p> + <p> +Victor Hugo.» +</p> + <p> +Un grand homme qui ne serait pas content du tout, s'il vivait encore, +c'est J.-J. Rousseau. Dans ce même théâtre du palais de Versailles où +Marie-Antoinette se plaisait à faire jouer le <i>Devin du village</i>, ces +jours-ci, pendant une séance de l'Assemblée nationale, on a tout à coup +interpellé l'ombre du citoyen de Genève, et on lui en a dit de toutes +les couleurs. L'auteur de la <i>Nouvelle Héloise</i>, tant aimé de nos pères, +a donc été traité du haut en bas par les petits-fils. Un jour, on lui a +dressé une statue par souscription nationale; un autre jour, il a été +mis au Panthéon; à présent, il serait jeté à la voirie, si un zélé ne +s'était pas mis en mesure de brûler ses ossements et ceux de Voltaire. +Tel est le revirement des choses humaines. Mais, voyons, puisque ceux +qui discourent si bien aujourd'hui contre lui ne peuvent l'atteindre en +chair et en os, que ne font-ils effacer son nom, imprimé aux quatre +coins d'une de nos rues? +</p> + <p> +Dans des mémoires relatifs au premier empire, on lit qu'à cette époque +déjà , un mouvement de recul s'étant manifesté, ceux qui entouraient la +personne de l'empereur s'emportaient tout haut contre le philosophe. +Napoléon n'aimait pas J.-J. Rousseau, qu'il trouvait trop pompeux et +trop rigide; il préférait Voltaire, cent fois plus accommodant. Pour +mettre fin à la discussion, un soir, à Compiègne, dans un souper de +chasse, il dit, en s'adressant à M. Stanislas de Girardin: +</p> + <p> +--Je ne l'aime pas, votre Jean-Jacques. Il ne peut écrire dix lignes +sans y mettre le mot de vertu, et puis c'est lui qui est cause de la +Révolution.--Il est vrai, se hâta-t-il d'ajouter en riant, que j'y ai +attrapé le trône. +</p> + <p> +En finira-t-on avec les papiers posthumes ou soi-disant tels? La mode +veut maintenant que du jour où un écrivain de quelque célébrité est +mort, on imprime jusqu'à la plus insignifiante des pattes de mouches +qu'il a laissées. Sans doute il arrive parfois que l'histoire littéraire +et l'art s'en trouvent bien, ainsi qu'on vient de le voir par la +correspondance de Prosper Mérimée avec une Inconnue. Mais pour un succès +combien de platitudes? que d'abus! +</p> + <p> +Dans les derniers temps de sa vie, voyant que cette pratique était déjà +en honneur, Alfred de Musset mit sa constante sollicitude à s'en +défendre; il se surveillait lui-même au point de ne vouloir plus tracer +une ligne. +</p> + <p> +--Tant pis, disait-il à T***, je ferai à l'avenir mes commandes de vive +voix; je ne veux plus me permettre même une lettre à mon bottier. +</p> + <p> +On a su depuis pourquoi le poète était devenu à ce point hydrophobe +d'encre appliquée aux petits incidents de la vie. Le catalogue du +libraire G*** a fait là -dessus des révélations. Un jour, entre autres +lettres curieuses, on en mettait une en vente; c'était une épître que +l'auteur de <i>Rolla</i> avait écrite de force, à la suite d'un guet-apens. +Le papier en question existe encore. Il figure dans la collection de M. +R***, qui a bien voulu en autoriser la transcription.--La secrète et +légitime antipathie d'Alfred de Musset pour les paperasses littéraires y +est très-nettement spécifiée, ainsi que vous allez le voir. +</p> + <p> +Nota.--A l'exemple d'Horace, de Martial et de Boileau, il avait été +invité à dîner; c'est là le guet-apens. Au dessert, on lui avait planté +à la main une plume de fer, l'instrument du supplice. +</p> + <p> +D'où le morceau qui suit: +</p> + <p> +«Paris, 5 mars 1849, +</p> + <p> +«D'une maison de la rue des Bons-Enfants. +</p> + <p> +«Sur la mort d'un parapluie, +</p> + <p> +«Ayant, dis-tu, besoin d'un autographe de moi, ton ancien camarade de +collège, tu me demandes de t'écrire une lettre. Une lettre! Il faut +qu'elle ait l'air d'être sérieuse et qu'elle ne le soit pas pour tout de +bon. Pour que! motif, sur quel thème aurai-je à faire ainsi une page ou +deux? Je n'en sais absolument rien. Je suis comme un homme que la +patrouille conduirait au violon parce qu'un autre aurait cassé un +carreau de vitre au cabaret. +</p> + <p> +«Tu me dis:--Aie recours à quelque truc d'imagination. +</p> + <p> +«Soit. +</p> + <p> +«Eh bien, je me fais auteur en ta présence, puisque tu m'as mis un +couteau à découper sous la gorge; j'imagine, j'invente, je suppose; je +fais œuvre de pœte. +</p> + <p> +«Prenons que je suis un bon bourgeois et que j'aie perdu mon parapluie; +c'est à toi que je m'adresse pour savoir si c'est un parapluie mort ou +encore en vie. +</p> + <p> +«Je te dis donc en propres termes, sur le ton d'un confident du +Théâtre-Français. +</p> + <p> +«Cher monsieur, il vient de m'arriver le plus grand des malheurs: j'ai +perdu mon parapluie. +</p> + <p> +«Ah! c'était un parapluie superbe! Point de coton, tout en soie. Des +baleines en os de baleine. Un vrai poème. On voudrait me donner les +Œuvres complètes de mes trente-neuf confrères de l'Académie française +en échange de cet incomparable rifflard que je n'accepterais pas. +Voyons, oui ou non, l'avez-vous trouvé? +</p> + <p> +«Si vous ne l'avez pas trouvé, c'est un parapluie mort; je n'ai plus +qu'à acheter une canne-fusil pour me brûler la cervelle. +</p> + <p> +«Avant d'en venir là , sachant mon métier, je voudrais faire son +épitaphe. Mais encore je ne sais pas où je devrais faire graver ces deux +vers, en style lapidaire, puisque j'ignore où reposent ses restes? +</p> + <p> +«N'importe, écrivons toujours l'épitaphe. +</p> + <p> +«Ci-gît l'innocent parapluie Que je n'ai jamais vu de ma vie. +</p> + <p> +«Et je signe pour qu'il ne manque rien à l'autographe: +</p> + <p> +«Alfred de Musset,» +</p> + <p> +Qu'est-ce que vous dites de ça, amateurs de la littérature +d'outre-tombe? +</p> + <p> +Et bien, toujours, toujours, toujours des autographes! +</p> + <p> +Rue Drouot, à l'Hôtel des commissaires priseurs, à la vente des livres +du pauvre Emile Gaboriau, on a montré le joli billet que voici, +chef-d'œuvre d'une actrice bien connue. +</p> + <p> +C'est une interpellation à une modiste. +</p> + <p> +«Paris, le 7 avril 1867. +</p> + <p> +«Madame S***, +</p> + <p> +«Veuillez, je vous prie, me faire sans retard un chapeau exactement +semblable au dernier que vous m'avez fourni. +</p> + <p> +«Compliments empressés. +</p> + <p> +«Hortense Schneider de Gérolstein.» +</p> + <p> +Voilà qui est drôle sans doute, mais il y a des précédents. +</p> + <p> +Au commencement de la Restauration, Mme la maréchale Soult avait eu +occasion d'écrire à Mlle Bourgoin, de la Comédie-Française, pour la +prier de venir déclamer des vers à une de ses soirées. La duchesse avait +signé son billet: <i>Sophie de Dalmatie</i>. Quant à l'actrice, qui avait au +plus haut point l'esprit de répartie, elle signa sa réponse: <i>Iphigénie +en Aulide</i>. +</p> + <p> +--C'est une vieille histoire qui a amusé tout Paris pendant huit jours. +</p> + <p> +Philibert Audebrand. +</p><br><br> + + +<p class="mid"><img alt="" src="images/002.png"><br><b>PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE.--Lecture de l'arrêt au condamné.</b> +</p> +<br><br> + + <h3>P. BLANCHARD</h3> + + <p>Le monde des artistes vient de faire une perte nouvelle, et qui sera +plus cruellement sentie à l'<i>Illustration</i> que partout ailleurs. M. +Pharamond Blanchard est mort cette semaine, à l'âge de soixante-neuf +ans. C'était à la fois le plus érudit et le plus charmant des hommes. Il +causait de toutes choses avec un art infini, il avait des jugements +très-sûrs et des anecdotes toutes prêtes sur tous les sujets. <i>Quiconque +a beaucoup vu....</i> dit La Fontaine; M. Blanchard avait beaucoup vu et +pour donner raison au fabuliste, beaucoup retenu. Que de fois nous avons +pris plaisir à l'écouter! Dans le recueil de lettres de Prosper Mérimée +qui vient de paraître sous ce titre, <i>Lettres à une inconnue</i>, il est +question d'un «M. Blanchard» qui étonne Mérimée lui-même et qui le +charme en lui parlant de mœurs et de pays peu connus. C'était notre +collaborateur et nous pouvons dire notre vieil ami que désignait ainsi +l'auteur de <i>Colomba</i>. +</p> + +<p class="lef"><img alt="" src="images/003a.png"><br> <b>BLANCHARD.</b></p> + + <p>Pharamond Blanchard était né en 1805 à Lyon. Il avait étudié dans +l'atelier de Gros et il avait gardé le respect de cet enseignement +solide. En quittant son maître, Pharamond Blanchard avait commencé par +être peintre de décors. Nous nous souvenons lui avoir entendu conter +qu'il travailla sous la direction du baron Taylor qui avait installé une +sorte de théâtre étonnant où les décorations prenaient, grâce à un +système particulier d'optique, l'intensité de réalité que donne le +diorama. Il y avait à une vue de Jérusalem, aperçue du haut d'une +terrasse, à laquelle M. Blanchard avait grandement collaboré et qu'il +citait, en causant, comme un de ses titres de gloire. +</p> + + <p>J'ai répété le mot «en causant». C'est que cet artiste infatigable, ce +producteur dont on trouverait le nom, on peut le dire, presqu'à chaque +page de l'<i>Illustration</i>, au bas d'un nombre infini de scènes de +voyages, de paysages, ce peintre était aussi un causeur exquis, et +j'ajoute, un écrivain véritable. Maintes fois, en effet, il a jeté sur +le papier, non plus seulement avec le crayon, mais avec la plume des +souvenirs et des impressions de voyages, et toujours il a su intéresser +et charmer. Il fallait l'entendre avec sa voix d'une bonhomie railleuse, +tombant de ses lèvres arguées par un sourire, raconter ses journées de +touriste en Russie, en Orient, au Mexique, en Espagne, au Caucase! Ses +yeux, derrière ses lunettes, prenaient alors une expression pétillante +de douceur malicieuse. Il savait et parlait plusieurs langues et +entremêlait ses récits pittoresques de citations, de dictons, de +proverbes, de refrains exotiques.</p> +<br><br> +<p class="mid"><img alt="" src="images/003b.png"><br><b>PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE.--Salle des réunions du +conseil.</b></p> +<br><br> + <p>Blanchard était né voyageur, mais la façon dont il fit son voyage au +Caucase peint tout à fait son caractère et le charme personnel que +possédait ce brave et honnête homme. Il était parti pour la Russie avec +la mission de rendre compte à l'<i>Illustration</i> des fêtes données à +Saint-Pétersbourg à l'occasion du sacre du czar. Blanchard envoyait ici +ses croquis et il avait annoncé qu'il ne resterait dans le Nord que +quinze jours. Il y resta trois ans. Un gentilhomme russe se prit pour +lui d'une belle amitié et l'emmena, bon gré mal gré, au Caucase. Les +semaines et les mois passaient et Pharamond Blanchard donna deux ans de +sa vie à ce voyage d'où il revint en laissant là -bas des amitiés et des +regrets sincères. +</p> + <p> +Et à propos de voyages, nous n'oublions pas nous-même l'excursion que +nous fîmes ensemble, en 1866, pendant que grondaient en Bohême les +canons prussiens et autrichiens. Nous allâmes aux fêtes séculaires +données pour célébrer la réunion de la Lorraine et du Barrois à la +France. De Nancy, nous allâmes à Metz qui était encore Metz la vierge. +Que ce temps-là est loin! Une partie de la Lorraine est prussienne +aujourd'hui, des Bavarois paradent à Metz, devant la statue de Ney, et +notre gai compagnon de voyage, qui, levé bon matin, commençait aussitôt +et conduisait jusqu'au soir ses amusantes histoires, Pharamond Blanchard +a disparu, aimé de bien des gens et estimé de tous. +</p> + <p> +Nous ne saurions compter tout ce que Blanchard laisse après lui d'études +de toutes sortes, de travaux achevés, de dessins, de tableaux. Aucune +existence ne fut plus laborieuse et plus digne que la sienne; et +l'<i>Illustration</i> perd là , avec un ami, un de ses plus chers et de ses +plus dévoués collaborateurs.</p> + + <p>Jules Claretie.</p> +<br><br> + <h3>LA SŒUR PERDUE</h3> + + <h4>Une histoire du Gran Chaco</h4> + + <p class="mid">(Suite)</p> + + <p>Il allait dire:</p> + + <p>«Si votre père avait été là , il ne lui aurait pas laissé remporter sa +fourrure.»</p> + + <p>En effet, si bon chasseur qu'il fût, Gaspardo avait trop souvent vu +Halberger à l'œuvre pour douter de ce qu'il eût fait à sa place. Il +n'était pas non plus sans regretter ce beau coup et certes il ne l'eût +pas laissé échapper s'il n'eût eu à craindre que pour lui-même, et s'il +n'avait dû penser avant tout aux jeunes gens qui lui étaient confiés. +</p> + <p> +Il garda donc pour lui le surplus de ses réflexions. Le brave homme ne +voulait pas renouveler la douleur des jeunes gens, en évoquant un nom +lié à de si chers et si cruels souvenirs. +</p> + <p> +«Caramba! reprit-il aussitôt. Il ne sera pas dit que j'abandonnerai +cette tigresse aux fourmis, aux loups ou à toute autre vilaine bête qui +aurait la chance de se promener par ici. Qui sait, d'ailleurs, si nous +ne repasserons pas bientôt devant cette caverne? Quoi qu'il en doive +arriver, je tiens à pouvoir un jour ou l'autre rentrer en possession de +cette fourrure. J'ai tout le temps nécessaire pour la dépouiller avant +que l'eau soit assez basse pour nous laisser traverser. Ainsi, à +l'ouvrage.» +</p> + <p> +Tout en parlant il avait dégainé son grand couteau de gaucho et se +mettait en devoir de dépouiller le jaguar. L'opération ne dura pas +longtemps. La superbe fourrure avec ses mouchetures d'un noir de jais +cédait rapidement sous ses doigts habiles, et bientôt la carcasse de la +bête gisait nue sur le soi. +</p> + <p> +«Quant à cela, les saubas peuvent le prendre et s'en régaler, dit-il en +montrant la chair encore fumante, et je ne les plaindrai pas; il y a +telle occasion où des chrétiens s'en arrangeraient comme eux; je me +souviens d'un temps où j'aurais été bien aise d'en avoir une tranche à +griller. Oui, mes jeunes maîtres, dans ce même Chaco, j'ai vécu une +semaine entière sur la carcasse d'une vizcacha (1) étique, sans compter +le mal que je m'étais donné pour rattraper. +</p> + <p> +--A quelle époque, Gaspardo?» demanda Ludwig, intéressé malgré sa +tristesse par les paroles du gaucho. +</p> + <p class="mid"><span class="sml"> +<b>Note 1:</b> Le Vizcacha (Lagostamus tachodactylus), ressemble à un +gros lapin, mais ses<br> incisives sont plus longues et sa queue est +allongée.</span> +</p> + <p> +Ludwig avait les dispositions de son père; il aimait tout ce qui se +rapportait à la nature ou aux luttes soutenues contre elle. +</p> + <p> +«Ma foi, senorito, l'affaire arriva il y a pas mal de temps. Mais +l'histoire est trop longue pour que je vous la raconte aujourd'hui. Nous +n'avons plus maintenant qu'à disposer cette peau de façon à ce qu'elle +puisse sécher ici, à l'abri des indiscrets, et puis nous remonterons en +selle.» +</p> + <p> +Prenant alors quelques bouts de corde dans son recado, il pratiqua +quatre petits trous aux quatre extrémités de la dépouille de son jaguar, +et la fixa à l'aide de ses cordes à des stalactites de la grotte, qui se +trouvaient là tout à point pour lui remplacer les clous qu'il n'avait +pas. +</p> + <p> +«C'est vraiment, dit-il en contemplant la peau faisant plafond au-dessus +de sa tête, un séchoir digne d'elle. A cette place elle est hors de +portée des saubas et des loups, et si personne qu'eux ne vient fourrer +son nez par ici et se mêler de ce qui ne le regarde pas, elle pourra s'y +garder des semaines sans se gâter. Les choses ne se détériorent pas dans +une caverne comme en plein air; je ne sais pas pourquoi, c'est peut-être +parce que le soleil ne les atteint pas.» +</p> + <p> +Ludwig aurait pu certainement expliquer le phénomène à son ami, mais il +était un peu tard pour entreprendre son éducation scientifique, et il ne +l'essaya pas. On peut voir d'ailleurs, que pour Gaspardo, l'expérience +remplaçait la science. +</p> + <p> +En regardant une seconde fois au dehors, ils reconnurent que le torrent +avait baissé assez de niveau pour leur permettre d'en suivre le bord. +Aussi, sans perdre plus de temps, ils conduisirent leurs chevaux à +l'entrée de la grotte, montèrent en selle et se remirent à chercher la +piste des Tovas. +</p> + <p> +Ils avaient déjà descendu le cours du ruisseau jusqu'à son embouchure, +et avaient gravi la berge du fleuve, sans être encore parvenus à +retrouver les traces des cavaliers. L'ouragan de poussière et le déluge +de pluie qui l'avait suivi, avaient effacé toutes les empreintes, et le +gaucho semblait fort préoccupé. +</p> + <p> +«<i>Maldita</i>»! s'écria-t-il au moment où tous trois appuyant sur leur +bride, s'étaient arrêtés comme d'un commun accord, interrogeant +alternativement le sol et les regards de leurs compagnons. «Maldita! pas +plus que moi, vous autres, vous n'avez rien vu? +</p> + <p> +--Faut-il nous arrêter, dit Ludwig, qui voyait bien que ses amis, tout +comme lui-même, étaient fort inquiets de la piste perdue; faut-il +vraiment nous arrêter? +</p> + <p> +--Nous arrêter! s'écria Cypriano. Pensez-vous, cousin, à abandonner la +poursuite? +</p> + <p> +--Non, non; je ne veux pas dire cela. +</p> + <p> +--Plutôt que d'abandonner cette poursuite, continua le jeune Paraguayen +sans attendre la réponse de Ludwig, je passerais le reste de mes jours à +courir dans le Chaco. Je l'ai juré à votre mère, Ludwig; je ne +retournerai à l'estancia que pour y ramener votre sœur. +</p> + <p> +--Je suis aussi résolu que vous, cousin, répondit Ludwig, vous le savez +bien; mais le Chaco est grand, et errer à l'aventure n'aboutirait à +rien. S'il n'y a pas lieu de désespérer, il y a lieu du moins de +réfléchir. +</p> + <p> +--Nous savons, reprit Cypriano, que Francesca est avec les Tovas. Ils +forment une tribu nombreuse, et une tribu ne se cache pas indéfiniment +dans un trou. Les Tovas ne sont pas gens à rester bien longtemps en +place. Il y a toujours parmi eux quelque expédition en route. Nous +finirons bien par en rencontrer une; et il ne nous en faut pas davantage +pour nous remettre sur la voie du groupe principal. +</p> + <p> +--Hélas! répondit tristement Ludwig, il peut se passer longtemps avant +que nous rencontrions un être humain dans cette affreuse solitude. Que +fera ma pauvre mère jusqu'à notre retour? Je ne puis m'empêcher de +songer à elle, qui est seule, si peu de temps après la mort de mon père, +et avec sa tombe devant les yeux. Elle va croire que nous sommes perdus +aussi. Si nous pouvions du moins lui envoyer quelqu'un pour lui dire que +nous sommes tous bien portants!» +</p> + <p> +La tête du malheureux jeune homme, en prononçant ces mots, s'inclina sur +sa poitrine, et une larme qu'il ne put retenir glissa de sa paupière. +</p> + <p> +Ludwig adorait sa mère. L'idée qu'en leur absence quelque danger pût la +menacer à son tour, le jetait dans une perplexité affreuse. Son cœur +avait été si profondément ému par la douleur dans laquelle il l'avait +laissée à son départ, qu'il ne pouvait en chasser le souvenir. Le sort +même de sa sœur, si affreux qu'il pût être, ne pouvait le tourmenter +davantage. C'était une innocente enfant, et personne, pensait-il, pas +même un sauvage, ne devait être capable de lui faire du mal. Il se +plaisait à croire qu'elle ne courait d'autre danger qu'un prolongement +de captivité. Sans doute, elle aussi, devait être dévorée de soucis; +elle avait vu de ses propres yeux un spectacle plus horrible encore, +s'il était possible, que celui auquel ils avaient assisté; mais Ludwig +qui ne pouvait rien savoir de la mort de Naraguana, comptait encore +fermement que l'amitié que le chef avait toujours eue pour son père, +serait une sauvegarde pour sa sœur. Dans sa pensée, les auteurs du +guet-apens dans lequel avait péri son père, et qui avait eu pour suite +l'enlèvement de Francesca, devaient déjà avoir été punis par +Naraguana.--Qui sait même si, pendant qu'ils couraient à la recherche de +la malheureuse enfant, cet ami fidèle et si souvent éprouvé, ne l'avait +pas rendue à sa mère.--Il se jeta dans les bras de Cypriano. +</p> + <p> +«Cousin, lui dit-il, vous avez été orphelin de si bonne heure, que vous +ne savez pas ce que peuvent être pour un fils un père comme le mien, et +une mère comme celle que j'ai peut-être eu tort d'abandonner à son +désespoir. +</p> + <p> +--Je sais, Ludwig, répondit Cypriano, tout ce que valait, et pour vous +et pour moi, celui que nous avons perdu. Je sais ce que vaut votre mère; +n'a-t-elle pas été une seconde mère pour moi? Je partage votre angoisse. +Je voudrais être, ainsi que vous, tout à la fois à l'estancia pour y +pleurer avec ma tante, et au cœur de la tribu des Tovas, pour leur +arracher Francesca. Mais entre deux devoirs également impérieux, il faut +choisir et, le choix fait, il faut persévérer. Votre mère est entourée +de serviteurs fidèles cl dévoués; Francesca est entre les mains des +assassins de votre père. Le choix peut-il être douteux?» +</p> + <p> +Ludwig se redressa sur ses étriers, et fixant les yeux dans la direction +probable de l'estancia, il envoya de la main, à travers l'espace, un +baiser à celle qui occupait sa pensée. +</p> + <p> +«Ma mère, dit-il, ma chère mère, vous seule pourriez comprendre mes +hésitations, et les absoudre!» +</p> + <p> +Après quoi frappant sur l'épaule de Gaspardo, qui pendant toute cette +conversation était resté plongé dans de profondes réflexions: +</p> + <p> +«Marchons, dit-il; marchons en aveugles, s'il le faut. +</p> + <p> +--Pas précisément en aveugles, senorito! interrompit le gaucho, pas +précisément. Nous avons un guide, peut-être n'est-il pas des meilleurs +ni des plus sûrs; mais enfin, c'est toujours plus et mieux que rien. +</p> + <p> +--Lequel? s'empressèrent de demander les deux cousins. +</p> + <p> +--Le fleuve! répliqua Gaspardo. Mon avis est que nous pouvons nous y +fier encore pendant quelque temps. D'après les traces laissées par les +brigands jusqu'au moment où nous les avons perdues, je suis persuadé +qu'ils ont longé le Pilcomayo en le remontant. La tormenta a duré une +heure, et comme nous, ils se seront arrêtés quelque part. S'ils n'ont +pas quitté le bord de l'eau avant le commencement de la tempête, nous +allons retomber sur leur piste, que le sol humide, mais non plus +détrempé, nous rendra d'autant plus facile à suivre. Si nous la +retrouvons, nous prendrons le galop; et peut-être atteindrons-nous les +Indiens avant la nuit. Je suis sûr qu'ils ont passé ici depuis le lever +du soleil. Evidemment ils ne se pressaient pas, puisqu'ils avaient +relativement peu d'avance sur nous. +</p> + <p> +--Dieu le veuille, s'écria Cypriano en réponse à l'observation du +gaucho. En avant! reprit-il avec impétuosité; et sans attendre que +Gaspardo eût répliqué, il enfonça ses éperons dans le ventre de son +cheval et partit le long du fleuve, suivi de près par ses deux +compagnons.</p> + +<p>Mayne Reid.</p> + + <p>(La suite prochainement.)</p> + +<br><br> + + <h3>UN VOYAGE EN ESPAGNE<br> +PENDANT L'INSURRECTION CARLISTE</h3> + + <p class="mid">(Fin.)</p> + + <p>En quittant Pampelune, à mon tour, pour me rendre à Vitoria, où se +concentrait, m'assurait-on, l'armée du Nord, je pus me convaincre sur +toute ma route de l'effet magique produit par l'ordonnance royale +précitée. Partout je rencontrais des groupes de montagnards qui, +désertant leurs villages, allaient s'enrôler dans des bandes, et cela +ostensiblement et en chantant la chanson basque: <i>Le retour du roi</i>. +Dans le train que je pris de Pampelune à Alsasua, sur la ligne de +Saragosse, je fis le voyage avec une centaine de ces enrôlés +volontaires, qui ne cachaient nullement le but de leur voyage. Arrivés à +Alsasua, ils quittèrent le train pour se jeter dans les montagnes, et +cela, malgré la présence de la brigade de Loma, qui campait à cette +station. Il était impossible que les chefs de la troupe régulière +ignorassent l'intention de ces montagnards, armés de bâtons et portant +des sacs en toile, et qui, du reste, ne se gênaient pas dans leurs +manifestations carlistes. On les laissa néanmoins passer fort +tranquillement. +</p> + <p> +Cet élan général des populations rurales était imité, au surplus, par +les jeunes gens et les hommes des classes élevées. L'aristocratie +carliste elle-même entretenait et propageait le feu sacré de la guerre +civile. Un des traits principaux qui distinguent les notabilités du +parti légitimiste en Espagne est leur dévouement sans bornes à la +défense de leur cause, même au préjudice de leurs plus chers intérêts. +Je n'en citerai qu'un exemple; il pourra donner une idée de la foi +ardente qui les anime à l'égard de leur roi. +</p> + <p> +A peu de distance de Tafalla s'élève, dans un vallon délicieux, un +château mauresque, ou plutôt un palais d'été qu'on appelle dans la +contrée <i>el Buen-retiro</i> de la duchesse de M***. Me trouvant de passage +dans les environs, à la suite d'une colonne commandée par le <i>cabecilla</i> +Rada, il me fut donné de visiter cette résidence véritablement royale. +La duchesse, devenue la providence de l'insurrection, l'habitait de +préférence à son hôtel de Madrid. Un officier carliste voulut bien me +présenter à la jeune châtelaine, âgée à peine de vingt-cinq ans et dont +le mari occupait un poste de confiance auprès du prétendant. Elle daigna +nous recevoir dans un salon de forme à demi-circulaire qu'on aurait pu +prendre, à son agencement, aux meubles qui le garnissaient, et surtout à +la lumière du jour qui y pénétrait par le plafond à travers des vitraux +de couleurs différentes, pour un boudoir ou mieux encore pour un +oratoire. +</p> + <p> +Après une conversation qui dura une demi-heure et dont le sujet +principal fut la campagne qui s'ouvrait sous les auspices du roi en +personne, les résultats qu'on s'en promettait et les espérances qu'elle +offrait en perspective, la duchesse se leva de son fauteuil moyen âge, +et s'adressant à l'officier et à moi: +</p> + <p> +--Permettez-moi, messieurs (<i>senores</i>), nous dit-elle avec une grâce +exquise, de vous faire admirer ma galerie de tableaux. +</p> + <p> +Et précédés d'un majordome tout galonné qui souleva les portières qui +cachaient l'issue de la galerie, nous y entrâmes ensemble. Autant la +lumière du jour était affaiblie dans son salon, autant elle éclatait +dans cette nouvelle pièce éclairée par un ciel ouvert qui avait été +ménagé dans toute sa longueur. De chaque côté des murs recouverts de +riches tapisseries apparaissaient deux rangées de tableaux dont le +nombre et la variété éblouissaient la vue: et, se faisant notre +cicerone: +</p> + <p> +--Vous voyez ici, nous dit la duchesse, un tableau de Vélasquez qui fut +commandé à ce grand maître par un de mes ancêtres. Ce Murillo a été +peint exprès pour ma famille. Le Ribeira qui vient après est le +chef-d'œuvre de ce peintre; il a été donné à mon bisaïeul par notre bon +roi Charles IV. +</p> + <p> +Et successivement elle passa en revue toutes les toiles, assignant à +chacune d'elles son origine, émettant son avis et nous demandant le +nôtre qui, comme on le pense bien, ne différait guère de celui de la +duchesse. Nous passâmes ainsi en revue une soixantaine de tableaux dont +j'avais hâte, pour ma part, de voir la fin. Nous arrivâmes devant la +dernière toile, tout récemment peinte. C'était le portrait en pied de +Charles VII, le prétendant au trône d'Espagne, qui se trouvait, en ce +moment, à la tète de l'insurrection carliste. +</p> + <p> +--Je vous présente, nous dit-elle en s'inclinant profondément devant le +tableau, l'image du roi d'Espagne, en dépit du statut royal, de la reine +Isabelle et de la république fédérale. Dieu, le peuple et le bon droit +sont pour lui, et sa cause légitime a, pour elle, la fortune et la vie +de tous les bons Espagnols. Sa ressemblance est frappante! +</p> + <p> +En prononçant ces mots, les traits impassibles de la duchesse s'étaient +tout à coup animés; ses yeux vifs lançaient des éclairs et tout son +corps frêle et gracieux s'agitait convulsivement, comme si un esprit +fatidique l'eût animé. J'avais devant moi le fanatisme politique dans la +personne d'une faible femme qui personnifiait en ce moment tout son +parri. +</p> + <p> +La visite des tableaux terminée, nous prîmes congé de la duchesse de +M***, l'officier, pour aller rejoindre sa bande, et moi, pour continuer +mes excursions de journaliste et de correspondant. +</p> + <p> +J'arrivais à Vitoria, capitale de l'Alava, le 10 du mois de juillet. Je +m'attendais à y trouver une partie des troupes qui devaient composer +l'armée du Nord et dont la concentration, au dire des journaux +espagnols, s'y opérait depuis plusieurs jours. Quelle déception! Toute +l'armée du Nord se bornait à une simple brigade d'infanterie, à un +détachement de cavalerie et à une vingtaine de soldats du génie. Les +populations montraient, au reste, au sujet de l'armée du Nord, et +généralement à l'égard de tout ce qui touche à la politique et aux +affaires du pays, une indifférence incompréhensible. +</p> + <p> +Tandis que dans tous les pays libres, et surtout en France, les masses +se préoccupent de la conduite du gouvernement, le peuple espagnol +semble, par son apathie naturelle, se complaire à y rester complètement +étranger. Je puis invoquer comme preuve à l'appui de cette assertion le +peu d'influence qu'exerce la presse périodique sur l'esprit public. +C'est à peine si dans les grands centres on reçoit un ou deux journaux; +quant aux petites localités et aux campagnes, le journal y est une chose +inconnue. Aussi ne se publie-t-il à Madrid que cinq ou six journaux qui +aient une certaine importance par leur tirage, tels que la <i>Epoca, la +Discussion, el Tiempo, la Reconquista</i> et la <i>Correspondencia</i>: et ils +n'ont cette importance que parce qu'ils sont les organes des quatre +grands partis qui se disputent les destinées de l'Espagne. La +<i>Correspondencia</i>, le plus répandu de tous, n'est qu'un <i>Journal de +faits</i> qui ne doit sa grande vogue qu'à son habile compilation et à son +extrême bon marché. +</p> + <p> +Excepté donc Madrid, les autres villes de province n'ont pas de journaux +politiques ou ne publient, sous le nom de <i>Diario</i>, que des feuilles +insignifiantes. Un docteur de la Faculté de Salamanque, homme de +beaucoup d'esprit, auquel je faisais part de mes observations sur cette +indifférence des Espagnols à l'endroit de la presse, me répondit fort +méchamment: +</p> + <p> +--En France, le peuple fait trop de politique; en Espagne, il n'en fait +pas assez; mais à tout prendre, j'aime mieux l'indifférence du peuple +espagnol, car je ne vois pas que les affaires du gouvernement marchent +mieux chez vous que chez nous. +</p> + <p> +A partir de l'entrée du prétendant sur le territoire espagnol, les +carlistes n'ont cessé d'agrandir le cercle de leurs opérations +militaires, dont j'ai pu constater, sur les lieux, les différentes +phases. Ils se sont rendus maîtres successivement: d'un côté, de la +route de Pampelune et des contrées environnantes, depuis le Bazlan et le +Val-Carlos, le long de la frontière, jusqu'au pont de Behobie; de +l'autre, d'une grande partie du Guipuzcoa et de la Biscaye, du moins de +leurs principaux centres. Estella, qui est une petite place forte, est +tombée et restée en leur pouvoir. Ils tiennent la campagne dans l'Aragon +et la province de Santander, et dans celle de Burgos; leurs bandes +parcourent impunément et sans trouver une trop grande résistance, les +provinces de Huesca, Lérida, Tarragone et Barcelone. +</p> + <p> +Aux armes qui leur arrivent de l'étranger, il faut ajouter que les +carlistes, dont l'armement laissait beaucoup à désirer dès les débuts de +la campagne, fabriquent eux-mêmes des armes dans les pays qu'ils ont +conquis. Ils ont établi à Vera, dans une ancienne usine métallurgique, +une fabrique de munitions de guerre où travaillent une centaine +d'ouvriers; à Areso, petite localité située à trois lieues de Tolosa, +fonctionne une fabrique de canons qu'ils y ont tout récemment installée; +enfin, à Eibar et à Placencia, anciennes fabriques d'armes appartenant à +l'État et dont ils se sont emparés, on confectionne tous les jours des +fusils, des baïonnettes et des sabres. Je dois reconnaître, il est vrai, +que toutes ces conquêtes leur ont été facilitées par la désorganisation +de l'armée régulière, dont il serait trop long de raconter ici les +causes qui l'ont produite. +</p> + <p> +En résume, l'armée carliste s'élève, à l'heure qu'il est, à 45,000 +hommes environ, tant dans les provinces du Nord que dans celles de la +Catalogne; et c'est dans l'espace de huit mois seulement que cette armée +s'est formée, au milieu des embarras et des entraves de toute sorte. +C'est donc contre cette formidable insurrection que le gouvernement de +Madrid a, tous les jours, à lutter. +</p> + <p> +Quoi qu'il en soit, une prompte solution à cet horrible état de choses, +se résumant par la guerre civile et l'anarchie, ne saurait longtemps se +faire attendre, à moins que l'Espagne ne veuille plus compter au rang +des nations civilisées. Quatre partis sont aujourd'hui en présence, et +tous les quatre ont la prétention de donner à ce pays si troublé un +gouvernement régulier. +</p> + <p> +--Quel est celui des quatre qui triomphera? demandai-je un jour au même +docteur de Salamanque qui n'a pas une foi bien robuste dans la liberté +de la presse. +</p> + <p> +--Voici quelle est, me dit-il, mon opinion à ce sujet: +</p> + <p> +«Don Carlos ayant franchi l'Ebre à la tête de ses troupes, en marche sur +Madrid, parviendra-t-il à rallier l'opinion publique, fatiguée de +révolutions et de guerres civiles, et sera-t-il acclamé roi d'Espagne, +ainsi que le droit traditionnel peut le lui faire espérer? Alors, c'est +la restauration monarchique qui monte avec lui sur le trône. Ce résultat +est encore problématique. +</p> + <p> +«Faut-il croire que les <i>intransigeants</i>, qui composent le parti +<i>communard</i> et socialiste, parviendront à établir le régime <i>cantonal</i> +par le vol, l'incendie et le pillage dont ils viennent de donner tant de +preuves? Je ne le pense point. Nous ne sommes pas encore, en Espagne, +convertis aux idées démagogiques et matérialistes des libres penseurs. +Ceux-ci ne peuvent donc tarder d'être domptés, soit par la force des +armes, soit par la force de l'opinion publique. +</p> + <p> +«Le dictateur Castelar espère-t-il pouvoir consolider la <i>République +fédérale</i>, ce rêve de quelques milliers d'insurgés qui croient qu'on +transforme une monarchie en république, comme on résout un problème +d'algèbre? C'est bien douteux. Pour arriver à ce but, il lui faut de +l'argent; le trésor n'en a point et le crédit lui fait défaut.--Il s'est +réservé le droit de destituer les ayuntamientos des provinces et les +municipalités; mais le jour où il portera une atteinte à ces libertés, +dont les populations des provinces sont si jalouses à bon droit, ce +jour-là il aura tout le pays contre lui. Pour ces motifs et pour bien +d'autres, la <i>République fédérale</i> est loin de pouvoir s'établir encore +en Espagne. +</p> + <p> +«Il est un quatrième parti qui se cache dans l'ombre, paraissant ne pas +conspirer et qui pourtant s'agite sans bruit et sans armes; c'est celui +du prince Alfonse, fils et héritier de la reine Isabelle. Il ne veut pas +arriver au pouvoir par ses propres forces, mais il compte beaucoup sur +la force des événements. Le maréchal Serrano a été appelé à Madrid par +Castelar; est-ce pour travailler à la consolidation de la République? +Personne ne le pense en Espagne. Serrano est un en-cas que s'est réservé +Castelar pour le jour où ses efforts républicains lui faisant défaut, il +abandonnera, à son tour, le pouvoir, comme ont fait Orense, Pi y +Margall, Figueras et Salmeron. Tout porte à croire qu'alors il mettra le +fardeau de l'État sur les épaules du maréchal. Celui-ci acceptera-t-il +cette transmission d'un pouvoir <i>in extremis</i>? Cela est possible et même +probable; mais, dans tous les cas, ce ne sera jamais pour consolider une +république quelconque. +</p> + <p> +«On peut donc, ajouta le docteur, considérer dès à présent, comme morte, +la République en Espagne, et le rétablissement de la monarchie comme +inévitable.»</p> +<br><br> + <h3>ALMANACH DE L'ILLUSTRATION<br> +POUR 1874</h3> + + <p class="mid">(Trente et unième année)</p> + + <p>L'Almanach de l'Illustration pour 1874 forme un bel album grand in-8°, +magnifiquement illustré et doré sur tranches.--Prix: 1 fr.; par la +poste, 1 fr. 25 c.</p> +<br><br> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/004.png"><br><b>ÉVÉNEMENTS DE CUBA.--Exécution de l'équipage du <i>Virginius</i>, à Santiago +de Cuba.</b></p> + +<br><br> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/005.png"><br><b>VIOLETTES</b></p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20"> Soit d'un époux, soit d'un amant.</p> +<p class="i20"> C'est une lettre, assurément,</p> +<p class="i20"> Qu'icy, la belle, on vous voit lire;</p> +<p class="i20"> J'en juge par votre maintient.</p> +<p class="i20"> Mais sçavoir ce qu'elle contient,</p> +<p class="i20"> Bien fin qui pourroit le dire.</p> +<br> +<p class="i20"> (Poésie du XVIIIe siècle.)</p> +</div></div> + +<br><br> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/006.png"><br><b>LES EXÉCUTIONS DE SANTIAGO DE CUBA.--Les cadavres foulés aux pieds des +chevaux, après l'exécution.</b></p> + +<br><br> + + <h3>LA VEILLE DU 1er JANVIER</h3> + + <p>Pas plus tard qu'hier, je venais de rentrer chez moi, vers huit heures +du soir; le feu était allumé, des livres non coupés, fraîchement sortis +des mains du libraire, m'attendaient sur ma table de travail. C'était +l'<i>Histoire d'une maison</i>, de Viollet-le-Duc; le <i>Tour du Monde</i>, de +Jules Verne; la <i>Famille Chester</i>, de P.-J. Stahl et William Hughes; +j'allais pouvoir me mettre à l'aise et lier connaissance, sans crainte +d'être dérangé, avec les nouveautés de l'année, quand ma porte s'ouvrit +et mon concierge apparut. +</p> + <p> +Il faut vous dire que mon concierge, au rebours de la majorité de ses +collègues, est aussi ferré sur la consigne que le plus chevronné des +sergents de l'armée française, et met à suivre les instructions de ses +locataires autant d'enthousiasme que les autres en mettent à leur +désobéir. Or, comme j'avais condamné ma porte pour tout le monde, à +commencer par lui, je ne pus réprimer un mouvement de mauvaise humeur +dont le brave homme ne parut pas s'émouvoir outre mesure. +</p> + <p> +--Faites excuse, Monsieur, me dit-il; mais c'est une lettre sur laquelle +il y a écrit très-pressé, et le commissionnaire qui l'a apportée a dit +qu'on vous attendait, sans faute, ce soir, rue <i>Turbot</i>. +</p> + <p> +--Vous voulez dire rue Turgot?... +</p> + <p> +--Je dis, Monsieur, ce que je veux dire... D'ailleurs Turgot n'aurait +pas de sens. +</p> + <p> +A quoi bon discuter? Je pris le parti de noter le mot et je m'emparai du +billet en question. +</p> + <p> +Il était ainsi conçu: +</p> + <p> +«Mon cher ami, +</p> + <p> +«Nous t'attendons sans faute ce soir. Il y a grand conseil de famille et +toutes tes lumières ne seront pas de trop. Ne te fais pas attendre; il y +va du plaisir d'Edouard, de Jujules et de Mimi. Si tu ne venais pas, +nous serions forcés de remettre la séance à demain, et le temps presse.» +</p> + <p> +Je vous fais grâce du «tout à toi» de rigueur et de la signature. +</p> + <p> +L'auteur de ce mystérieux billet est un de mes vieux amis de collège. +Nous avons traversé ensemble les plus rudes années de la vie; le même +jour nous a vus bacheliers, le même jour nous a vus entrer lui dans te +barreau, moi dans la presse. Avocat et journaliste, autant dire cousins +germains. Il est vrai qu'il s'est marié et que je suis resté garçon; là +cesse l'analogie, mais la paternité est un besoin si impérieux que les +célibataires n'ayant pas toujours de descendance directe sur qui +l'exercer se prennent à aimer les enfants des autres. Jujules était mon +filleul, sa sœur Mimi, une jeune personne âgée de quatre ans accomplis, +se livrait depuis deux ans déjà à des prodiges d'équitation sur le bout +de ma botte, et quant à Edouard, l'aîné de la famille, Dieu sait que de +thèmes et de versions le brave petit était déjà venu me soumettre! +</p> + <p> +Vous pensez bien dès lors que cette invitation ne pouvait pas tomber +dans l'oreille d'un sourd. Le temps d'endosser mon paletot et de prendre +ma canne, j'étais parti, quand mes yeux avisèrent l'envoi de mon +libraire. +</p> + <p> +--Un conseil de famille! à la veille du 1er janvier! Il y va du plaisir +d'Edouard, de Jujules et de Mimi!... Plus de doute; c'est de la grande +question des étrennes qu'il s'agit... Je le crois fichtre bien que mes +lumières ne seront pas de trop, ni mes livres non plus. En route! +</p> + <p> +Plus heureux que certains capitaines, j'avais arrêté mon plan de +campagne en un instant. Me voilà en route, mon artillerie sous le bras, +et dix minutes après je faisais mon entrée dans le salon de la rue +Turgot. +</p> + <p> +Une exclamation joyeuse salua mon apparition. Je ne pris que le temps de +déposer dans un coin mon paquet de livres, de le dissimuler tant bien +que mal sous mon chapeau, et, cela fait, j'offris mes deux mains aux +mains amicales déjà tendues vers moi. +</p> + <p> +Mon ami et sa femme m'avaient attendu en toute confiance. +</p> + <p> +--Les enfants, me dit-il, ne doivent rien savoir de notre entretien. +Mimi est au lit et dort sur ses deux oreilles; Jujules doit être en +train d'imiter son exemple. Edouard est en tête à tête avec une version +qui le tiendra jusqu'à dix heures au moins. Assieds-toi là ; voilà un bon +quart-d'heure que la discussion est entamée et nous n'avons pu nous +mettre d'accord. Tu seras l'arbitre. En attendant, je donne la parole à +ma femme. +</p> + <p> +Je m'installai au coin du feu, et, sans plus tarder, l'orateur désigné +débuta en ces termes: +</p> + <p> +--Figurez-vous, mon ami, s'écria-t-elle, que cet entêté de Victor +s'obstine à me contredire, sans l'ombre d'une bonne raison! Il s'agit +des étrennes des petits. Savez-vous ce qu'il exige, mon mari? Tout +simplement que pas un joujou n'entre dans la maison. Savez-vous ce qu'il +veut leur donner? Des livres, rien que des livres, mon ami, comme si ce +pauvre Edouard n'avait pas assez à faire toute l'année de lire ses +livres de classe, comme si Jujules, avec ses quatre heures d'école par +jour, n'en avait pas plein la tête de ses grammaires et de ses +conjugaisons, comme si mademoiselle Mimi était d'âge à fourrer son petit +nez dans un alphabet! Est-ce de la raison cela, oui ou non? Répondez! +</p> + <p> +--Halte-là , lui dis-je en riant, avant tout verdict, la justice exige du +tribunal que parole soit donnée à la défense. +</p> + <p> +Mon ami n'eut garde d'obéir à l'invitation. +</p> + <p> +--Demande-lui plutôt de t'exposer son système. Nous ne sommes pas au +bout. +</p> + <p> +--Mon système! reprit-elle avec sa volubilité ordinaire, il est +très-simple, mon système! Depuis que le monde est monde et que le 1er +janvier est le 1er janvier, les bébés n'en ont pas connu d'autre. Que +leur faut-il à ces chers petits pour être heureux? De quoi satisfaire +les exigences de leur âge, rien de plus, de quoi jouer, c'est-à -dire des +jouets. Nous donnerons une belle poupée à Mimi, des soldats de plomb à +Jujules, et un télégraphe électrique à Edouard. Une promenade chez +Giroux pour voir les meilleurs des jouets nouveaux, et en moins d'une +heure de temps l'affaire sera faite. Après cela, si mon mari tient +absolument à des livres, je ne vois pas de mal, au contraire, à en +mettre quelques-uns par-dessus le marché. Ça ne sera pas long. Qu'ils +soient dorés sur tranche, avec de jolies images et une couverture +solide, il n'en faut pas davantage. Il suffit d'écrire au premier +libraire venu. Je ne suis pas entêtée et je ne chicanerai pas sur ces +bagatelles. Mais là , sincèrement, croyez-vous que ce soit l'essentiel? +</p> + <p> +Mon ami me regarda en souriant. La question était posée avec toute la +netteté désirable. Je ne pouvais me dispenser d'intervenir, d'autant +plus que si le mari gardait le silence, quoique avocat, c'est qu'il +avait évidemment déjà dépensé le meilleur de son éloquence en pure +perte. Là où un avocat avait échoué, pouvais-je espérer de réussir? Je +pris néanmoins mon courage à deux mains et sans plus de précautions +oratoires: +</p> + <p> +--Laissez-moi vous le dire, chère Madame, l'arbitre n'est point de votre +avis. Il l'est si peu qu'avant de venir à vous, se doutant bien un peu +de ce qui allait se passer, il a eu soin de se munir de toute une +kyrielle d'arguments reliés, en veau. Ils sont là -bas, dans un coin, +sous mon chapeau. Je vais les étaler sur la table, nous les +interrogerons en commun, et si après cela vous n'êtes pas ralliée à +l'opinion de votre mari, qui est la mienne, je serai bien surpris et un +peu mortifié, je l'avoue. +</p> + <p> +--Quoi! vous arriviez donc avec votre siège fait à l'avance! +</p> + <p> +--Nullement. Et pour vous le prouver, nous allons vider la question sans +recourir à ces précieux auxiliaires. Voulez-vous que je m'ouvre à vous +en toute franchise, et permettez-vous à un vieil ami de vous démontrer +que dans votre petit discours de tout à l'heure, il y a presque autant +d'hérésies que de mots? +</p> + <p> +--Allez! allez toujours!... me dit-elle en riant; voilà un début qui +promet. +</p> + <p> +--Je commence. Votre mari n'a pas ouvert la bouche, et vous ne direz pas +que nous nous sommes entendus à l'avance. Ainsi, d'après vous, les +joujoux c'est l'essentiel, et les livres le superflu. Je ne veux pas +médire des joujoux; je ne parlerai même pas de la dépense. Un nègre qui +tire la langue a sa valeur; polichinelle n'a point démérité; les soldats +de plomb alignés en bel ordre sur un tapis vert, c'est un jeu récréatif +et inoffensif tout à la fois; la poupée de Mimi n'encourra pas mes +colères, et si le télégraphe électrique d'Edouard n'est pas détraqué en +huit jours, je me ferai un très-sincère plaisir d'expédier une +dépêche... +</p> + <p> +--Eh bien, alors? +</p> + <p> +--Eh bien, alors, cela prouve que je sais faire des concessions, moi +aussi. Si votre bourse vous permet de joindre l'utile à l'agréable, rien +de mieux. Mais de grâce, ne venez pas me dire que l'utile est la +bagatelle et l'agréable le nécessaire. Savez-vous où vous conduira ce +beau système? A dépenser tout votre argent pour des superfluités qui +dureront huit jours, et à consacrer quelques sous à ce qui devrait tenir +la première place dans vos préoccupations. Qu'arrivera-t-il? C'est que +vous mettrez une heure à parcourir la boutique de Giroux, et que vous +emploierez deux minutes pour écrire à votre libraire de vous expédier +«par-dessus le marché» quelques bouquins à belles images, dorés sur +tranche, sans vous inquiéter du contenu? N'en avez-vous pas fait l'aveu +tout à l'heure? +</p> + <p> +--Oh! nous choisirons bien un peu... +</p> + <p> +--Un peu! Et qui vous dit que ces livres, admis par faveur, par +complaisance, sans grand examen, ne seront pas des hôtes factieux ou +niais. Vous croyez sincèrement que l'enfant est insensible à ces +cadeaux-là . Je pense pour ma part que ce sont ceux auxquels il tient le +plus. En voulez-vous une preuve? Une anecdote vaut souvent mieux qu'un +long plaidoyer. Je crois bien l'avoir déjà racontée quelque part, cette +anecdote-là , mais peut-être ne la connaissez-vous pas?... +</p> + <p> +--Dites toujours, on vous écoute... +</p> + <p> +--C'était il y a un an, au 1er janvier. J'assistai à un dîner auquel +avait été conviée toute une kyrielle d'enfants. Le maître de la maison, +un père Cigogne par excellence, avait pris soin de placer aux côtés +d'une charmante petite fille un petit monsieur de huit ans, bavard comme +une pie, et nous comptions tous sur la rencontre, espérant que ce +voisinage délierait une langue fertile en saillies inattendues. Mon +bonhomme salua gravement sa voisine, mais ne dit pas un mot. Il semblait +embarrassé; on eût dit qu'il cherchait dans sa mémoire un bout de phrase +pour entamer l'entretien et qu'il ne le trouvait pas. Nous surveillions +ce petit manège en faisant semblant de ne rien voir, ce qui est la +meilleure façon de bien voir. Enfin notre héros prit son courage à deux +mains; +</p> + <p> +--«Mademoiselle, dit-il tout à coup d'une voix ferme et avec le plus +gracieux sourire du monde, <i>on met toujours-la valeur à côté de la +beauté</i>.» +</p> + <p> +Vous entendez d'ici le rire général. Cette phrase pompeuse, où les deux +voisins étaient également bien partagés, révélait des qualités +louangeuses qui ne laissaient pas d'être inquiétantes pour l'avenir. Où +diable cet étonnant mioche avait-il déniché son madrigal? Je voulus en +avoir le cœur net et, le soir même, je m'en ouvris à la mère en toute +confidence. +</p> + <p> +Celle-ci se mit à rire. +</p> + <p> +--«Il n'y a qu'un moyen, me dit-elle, d'élucider la chose, c'est de +consulter sa petite bibliothèque. Il a eu, toute la journée, le nez +fourré dans un petit livre qu'il a reçu ce matin, un cadeau d'étrennes. +Je serais bien sur prise si nous n'y trouvions pas le mot de l'énigme.» +</p> + <p> +On alla chercher le livre, une sorte de keepsake soi-disant à l'usage +des enfants, et à force de tourner et de retourner les pages, je finis +par découvrir dans un coin la fameuse déclaration qui nous intriguait si +fort. La phrase était jetée là , sous une vignette empruntée à quelque +almanach, sans prétention aucune, et jamais aucun de nous ne l'eût +remarquée en une autre occasion. C'était un pompier qui l'adressait à +une nourrice.--Que pensez-vous de mon anecdote? +</p> + <p> +--J'attends la conclusion. +</p> + <p> +--La conclusion est très-simple; elle se divise en deux parties. La +première c'est que, dans l'ordre de la lecture, rien n'est insignifiant. +Les enfants ont une mémoire particulière, des tiroirs tout prêts, où ils +emmagasinent les moindres mots. Celui-là avait eu la bonne fortune de +plaire à notre héros, et il avait su le mettre à profit. Jugez par cela +du chemin qu'aurait pu faire dans sa cervelle cette littérature de +pacotille, ces livres «par-dessus le marché» dont vous parliez tout à +l'heure. La seconde conséquence, c'est qu'à cet âge où les idées se +forment, le livre est un conquérant, un séducteur qui peut rivaliser +avec le nègre qui tire la langue et les automates au tambour, à cette +différence près qu'il ne faut pas longtemps pour que la langue du nègre +refuse l'exercice et que les baguettes du tambour se démènent dans le +vide, tandis qu'avec le livre, pas d'accidents à craindre. +</p> + <p> +--Je vois où vous voulez en venir, me dit la jeune femme d'un ton plus +sérieux que de coutume; mais avouer l'influence souveraine du livre, +n'est-ce pas en dénoncer le danger? Où les trouver aujourd'hui ces +histoires amusantes et instructives qui remplacent les jouets, et font, +comme on dit, la joie des enfants et la sécurité des parents? +</p> + <p> +--Où? Je m'en vais vous le dire, et si je parviens à vous convaincre, je +ne regretterai pas d'être venu: Mais remarquez, en attendant, que vous +me faites la partie belle en reconnaissant déjà que dans la hiérarchie +des cadeaux le livre mérite d'occuper la première place, le premier +rang? +</p> + <p> +--Ne vous hâtez pas de triompher, s'écria-t-elle; j'écoute, voilà tout. +</p> + <p> +--Soit. Je continue. Et, à vrai dire, le meilleur moyen de vous +convaincre, c'est de vous dire l'article que très-probablement j'aurais +écrit ce soir, si votre billet n'était venu me surprendre. De cette +façon, notre conversation nous aura servi à tous les trois. La +discussion me fournira des idées que le tête à tête avec le papier blanc +ne m'aurait fournies que beaucoup plus lentement. +</p> + <p> +Où la trouver, dites-vous, cette littérature du premier âge qui prend +chaque année plus d'importance dans les charmantes distributions que +ramène le 1er janvier? Eh bien, mes chers amis, la recette est fort +simple: allez-vous-en tous deux frapper au n° 18 de la rue Jacob, +présentez-vous de ma part, demandez le catalogue de la maison, et +livrez-vous en toute sécurité à un choix abondant; je vais vous dire +pourquoi vous serez sûrs de ne pas vous tromper... +</p> + <p> +--Il y en a donc pour tous les âges dans cette maison-là ? +</p> + <p>Prosper Chazel.</p> + <p>(La fin prochainement.)</p> + + <br><br> + + <h2>NOS GRAVURES</h2> + + <h3>Procès du maréchal Bazaine</h3> + + <h3>LE DÉNOUMENT</h3> + + <p>Nous avons, dans notre précédent numéro, consigné à la dernière minute +la condamnation à mort avec dégradation de celui qui fut le maréchal +Bazaine.</p> + + <p>Depuis lors, la clémence du président de la République s'est étendue sur +le condamné, qui avait laissé passer les délais légaux sans se pourvoir +en révision. La peine de mort prononcée contre lui a été, sur la +proposition du ministre de la guerre, commuée en celle de vingt années +de détention, avec dispense des formalités de la dégradation militaire, +mais sous la réserve de tous ses effets. Ajoutons qu'un recours en grâce +avait été adressé au ministre par tous les membres du conseil de guerre. +Nous constatons simplement ces faits. L'éclatante lumière qui s'est +produite au cours du procès a rendu d'avance superflue toute +appréciation. +</p> + <p> +Cela dit, revenons un peu sur nos pas. Pour expliquer nos gravures, il +est nécessaire que nous entrions dans le détail des faits qui ont +précédé et suivi le prononcé du jugement. +</p> + <p> +La délibération des juges militaires, que représente notre premier +dessin, a été longue. Elle a duré de quatre heures et demie de +l'après-midi à neuf heures moins vingt minutes. L'arrêt a été affirmatif +sur toutes les questions, à l'unanimité, ce qui a surpris, car le bruit +courait dans le public que deux des juges étaient acquis à l'accusé. Au +moment où le conseil s'était retiré pour délibérer, M. Bazaine avait été +emmené et était rentré chez lui, après avoir stationné un instant dans +le salon des Bouclier. Ce salon, ainsi nommé à cause des quatre tableaux +qui le décorent, est situé un peu avant l'escalier conduisant à +l'appartement de l'accusé. Quelque temps après, M. le capitaine Maud'huy +avait fait introduire dans ce même salon le peloton qui, suivant les +prescriptions de la loi militaire, devait assister en armes à la lecture +du jugement. Et à neuf heures précises, Me Lachaud allait porter à +Trianon-sous-Bois la nouvelle de la condamnation, que le maréchal, qui +était alors entouré des membres de sa famille, reçut avec beaucoup de +fermeté. Peu après, un sous-officier venait le chercher pour le conduire +dans le salon des Boucher, où on l'attendait pour lui donner lecture du +jugement de condamnation. +</p> + <p> +Quand il pénétra dans le salon, la garde était sous les armes. En face +de lui se trouvaient réunis MM. les généraux Pourcet, commissaire +spécial du gouvernement près le premier conseil de guerre, et de Colomb, +son substitut, M. le commandant Martin, qui siégeait également au banc +du ministère public durant les débats, et MM. les greffiers Alla et +Castres. Une table, occupant le milieu de la pièce, les séparait du +condamné. A gauche de cette table était aligné le peloton, qui +appartenait au 40º régiment de ligne. Enfin, derrière le maréchal se +tenaient MM. le colonel Villette et le capitaine Maud'huy. Le salon +n'était éclairé que par deux lampes placées sur la table dont nous +venons de parler. +</p> + <p> +A l'apparition du maréchal Bazaine, la garde porta et présenta les +armes. Il y avait encore lieu de lui rendre les honneurs dus à sou +grade, car s'il était condamné, sa condamnation n'était pas devenue +définitive. +</p> + <p> +--Où dois-je me mettre? demanda-t-il au greffier. +</p> + <p> +--Où vous êtes, M. le maréchal, cela est bien ainsi. +</p> + <p> +Et M. le greffier Alla, sur l'ordre de M. le général Pourcet, donna +aussitôt lecture du jugement qui venait d'être rendu. C'est le moment de +cette scène dramatique que représente notre deuxième dessin. +</p> + <p> +La lecture finie: +</p> + <p> +--Eh bien! je suis prêt. On me fusillera quand on voudra, dit le +condamné s'adressant au général Pourcet. +</p> + <p> +--Monsieur le maréchal, répondit celui-ci, j'ai à vous informer que la +loi vous accorde vingt-quatre heures pour vous pourvoir en révision +contre le jugement que vous venez d'entendre. +</p> + <p> +--Ah! Et le délai commence?... +</p> + <p> +--Aujourd'hui à minuit pour finir demain à pareille heure. +</p> + <p> +--C'est bien. Est-ce tout? +</p> + <p> +--C'est tout. +</p> + <p> +Et le maréchal ayant salué, se retira. Nous ne rentrerons pas avec lui +dans son appartement, où l'attendait sa famille éplorée. Ici la +situation commande et il est de convenance stricte de s'arrêter devant +le huis clos des douleurs intimes. Avant de finir, disons un mot de la +très-touchante scène que représente notre troisième dessin. Alors que le +conseil délibérait, Mme Bazaine, dévorée d'inquiétudes, tour à tour +espérant et désespérant, courut à la chapelle de Trianon; et là , +agenouillée, les mains jointes, pria avec ferveur, invoquant le ciel en +faveur de son mari. Le ciel ne l'a pas exaucée, ai-je entendu dire. Je +ne suis pas de cet avis. S'il ne lui a pas accordé pour l'accusé une +chose impossible, encore a-t-il fait entrer dans le cœur de ceux de qui +dépendait son sort, un sentiment de commisération tel, qu'il les a +induits à outrepasser, imprudemment peut-être, en sa faveur, les limites +extrêmes de l'indulgence. +</p> + <p> +M. Bazaine doit subir sa peine au fort de l'île Sainte-Marguerite. +</p> + <p> +Cette île est située en face de Cannes; elle a une longueur de 6 +kilomètres environ, sur une largeur moyenne de 1500 mètres. A la pointe +est, se trouve le fort, qui a une garnison de cent cinquante hommes, +seuls habitants de l'île. On sait que c'est au fort Sainte-Marguerite +que fut longtemps détenu l'homme au masque de fer. Ce fort a également +servi de prison aux Arabes condamnés à la suite des dernières +insurrections d'Algérie. Près de l'île Sainte-Marguerite se trouve l'île +Saint-Honorat, qui forme avec elle le groupe des îles de Lérins, et où +l'on voit les ruines d'un monastère très-ancien. Elle est aujourd'hui la +propriété d'un Anglais qui l'a achetée il y a quelques années. +</p> + <p> +Nous reviendrons prochainement, en en donnant quelques vues, sur ces +îles et sur le fort Sainte-Marguerite. +</p> + <p> +Louis Clodion. +</p> +<br> + <h3> +Violettes,<br> Tableau de M. Edouard Dubufe. +</h3> + <p> +On se rappelle le succès obtenu par cette charmante composition au Salon +de cette année; la foule s'y arrêtait avec complaisance, et +l'<i>Illustration</i> a pensé être agréable à ses lecteurs, en la faisant +graver et tirer à part, pour la leur offrir. +</p> + <p> +Sans doute, nous n'avons plus ici le prestige de la couleur, l'harmonie +des tons habilement combinés; mais qu'elle est jolie, la <i>dame aux +violettes</i>, dans son attitude d'une grâce si simple et si vraie! Le +corps se laisse doucement aller sur les moelleux coussins; la belle +songeait sans doute, nonchalamment étendue; sa pensée flottait, +indécise, au gré de ses souvenirs ou de ses espérances, quand une lettre +lui est arrivée, et l'a tirée de son demi-sommeil. +</p> + <p> +Une lettre! c'est-à -dire un fait bien écrit, bien précis, alors qu'on +s'abandonnait, en toute sérénité, aux doux bercements du rêve! Aussi, +comme la tête s'est relevée aussitôt, comme le front est devenu sérieux, +comme le regard parcourt attentivement les lignes tracées par la main +d'un cher absent! Ne cherchons pas plus loin; le poète n'a-t-il pas +écrit: +</p> +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20"> Sçavoir ce qu'elle contient,</p> +<p class="i20"> Bien fin qui pourrait le dire?</p> +</div></div> +<br> + <h3> +Les exécutions de Santiago +</h3> + <p> +Nous terminons aujourd'hui la publication commencée dans notre dernier +numéro, des documents qui nous sont parvenus sur le lugubre drame qui a +suivi la capture du <i>Virginius</i>. Nous avons déjà dit, précédemment, +combien les nombreuses expéditions du <i>Virginius</i> avaient aidé +l'insurrection cubaine à se soutenir en l'approvisionnant, en abondance, +d'armes, de munitions et de combattants recrutés aux États-Unis. On peut +juger par là de l'explosion de joie qui se produisit dans la population +de Santiago lorsqu'on vit arriver au port ce pourvoyeur de guerre +civile, sous l'escorte du <i>Tornado</i>. Malheureusement on ne se contenta +pas de la manifester bruyamment, cette joie, les cris de vengeance +s'élevèrent de toutes parts et l'on demanda la mort du capitaine et de +l'équipage. Le général Burriel, gouverneur de Santiago, crut devoir +céder aux clameurs de la foule, et après une procédure sommaire, +cinquante-trois des malheureux captifs furent condamnés à mort et +fusillés. Cette boucherie terminée, des pièces d'artillerie, attelées de +six chevaux, furent promenées sur les cadavres aux acclamations d'une +populace en délire, jusqu'à ce que, broyés sous les roues et sous les +pieds des chevaux, ils eussent perdu toute forme humaine. Telles sont +les horribles scènes que reproduisent nos deux dessins; on comprend qu'à +leur récit une indignation générale se soit manifestée d'un bout à +l'autre des États-Unis. +</p> +<br> + <h3> +La bourse aux timbres-poste +</h3> + <p> +Bourse, est-ce bien le mot? marché exprimerait peut-être mieux la chose. +Quoi qu'il en soit, bourse ou marché, marché ou bourse, c'est en plein +cœur des Champs-Elysées qu'ont lieu les opérations dont il s'agit. +</p> + <p> +On se réunit sur le large trottoir qui borde la maison de l'avenue +Gabrielle portant le numéro 36. Palais de la nature que couvre en guise +de dôme le ciel bleu, quand il n'est pas gris. On a donc devant soi +l'avenue Marignv, avec ses quatre Guignols, et à l'horizon l'entrée +principale du palais de l'Industrie, dont une forêt d'arbres, en ce +moment nus et grelottants, ne parvient pas à masquer la masse énorme. +Industrie d'un bout, commerce de l'autre, ceci nous ramène à nos +moutons, je veux dire à nos timbres. +</p> + <p> +Le plaisant de l'affaire, ce n'est pas la nature du commerce. +Collectionner des timbres-poste n'est pas plus un cas pendable que de +collection lier des autographes, voire des tabatières ou de vieux pots. +Non, le plaisant et le curieux, c'est le trafiquant lui-même. +Figurez-vous un marché vu par le petit bout de la lorgnette, bourse à +Lilliput. Telle, la bourse aux timbres-poste. En se pressant un peu, +toute l'assemblée tiendrait certainement dans une serviette. Petit monde +singulier. Tout à l'heure il courait, sautait et s'en donnait à cœur +joie. Le voilà maintenant affairé, grave, recueilli. C'est que l'heure +de la bourse a sonné, et comme on dit, «les affaires sont les affaires». +Chacun de ces petits bonshommes s'avance, muni d'un album dont toutes +les feuilles sont divisées en un certain nombre de compartiments, +alvéoles destinées à enchâsser les timbres suivant un ordre méthodique, +timbres de tous les prix et de tous les pays, de toutes les formes et de +toutes les grandeurs, de toutes les couleurs et de toutes les effigies. +Tous les compartiments ne sont pas remplis. Ces vides indiquent ou les +pièces qui manquent à la collection, ou bien celles dont, en prévision +d'une hausse, on se propose d'acquérir au plus bas prix possible un +certain nombre d'exemplaires, pour les revendre ensuite avantageusement, +le moment venu. C'est là le fin de l'opération, notez; car par ce moyen, +et sans qu'il en coûte grand chose, on peut arriver à parfaire tout +doucement sa petite collection. Et d'aucuns y arrivent, à ce qu'il +paraît. Mais ce sont les malins, ceux-là ; et ne croyez pas qu'ils +fassent les finauds! Bien au contraire. A voir leur air innocent et +candide, vous jureriez certainement qu'ils sont du bois dont on ne les a +pas faits. Renards couverts d'une peau d'agneau, ils vont et viennent, +l'oreille à tout, et l'œil aussi, et prenez bien garde à vos poules! +Là , pas de pouf à craindre d'ailleurs, car c'est au comptant que se +traitent toutes les opérations. Et cela posément, sans confusion, sans +le moindre cri. On s'aborde en feuilletant les albums. On compte les +lacunes. Alors:--Je demande ou j'offre tel timbre, y a-t-il vendeur ou +acheteur?--Voilà .--Combien? --Tant.--C'est cher.--Il y a hausse.--Jeudi, +ils n'étaient qu'à tant; trop d'écart.--C'est qu'il s'en est beaucoup +vendu. A prendre ou à laisser. +</p> + <p> +On prend ou on laisse, selon. Cela dépend du vent qui souffle sur le +marché et fait tourner toutes ces petites têtes folles. Et puis, il y a +là aussi, comme ailleurs, des haussiers et des baissiers. Tel timbre est +un jour déprécié, qui le jour suivant est porté aux nues, et +réciproquement. Ainsi, en ce moment, le Brésil est en faveur, et les +villes hanséatiques sont recherchées. Demain en sera-t-il encore de +même? Demandez-le à M. votre fils. C'est peut-être une des fortes têtes +de la bourse aux timbres. Il est cependant certaines valeurs qui +échappent à toute pression, par exemple le Maximilien, depuis longtemps +hors de prix. Voilà où nous en sommes. Allez vous promener aux +Champs-Elysées, vous pourrez voir les voilures de chèvres inoccupées, +les chevaux de bois immobiles, Guignol désespéré se battre en vain les +flancs devant des chaises vides; mais pour ce qui est de la bourse aux +timbres, si, dès qu'elle est ouverte, un seul instant vous la voyez +chômer, dites qu'il y a encore des enfants. Hélas! pour ma part, je +commence bien à craindre qu'il n'y en ait plus. +</p> + <p>Louis Clodion.</p> + + <br><br> + + <h2>Auguste de la Rive</h2> + + <p>Auguste de la Rive est fils d'un physicien suisse, né comme lui à +Genève, et qui s'était consacré comme il devait le faire lui-même, +presque entièrement à l'étude de l'électricité. Appartenant à une des +plus riches et des plus anciennes familles de la cité de Calvin, Auguste +de la Rive hérita non-seulement de la grande fortune de son père, mais +encore du talent et des amitiés scientifiques qu'il avait formées +pendant la période la plus orageuse de notre révolution. +</p> + <p> +Les premières expériences que le jeune de la Rive vit exécuter dans la +maison paternelle furent celles de Davy, et ses premiers travaux +scientifiques furent faits sous la direction d'Ampère. Un de ses +premiers amis fut Faraday, que son père contribua à tirer d'une +situation voisine de la domesticité, dans des circonstances dignes +d'être rapportées. +</p> + <p> +Faraday, tout à fait inconnu et très-pauvre, désirait vivement +d'accompagner sur le continent Davy, dont il était le garçon de +laboratoire plutôt que le préparateur. Davy consentit, mais à condition +que Faraday lui servirait de domestique pendant tout le temps qu'il +serait sur le continent. Faraday accepta et tint parole. Les étrangers +ne pouvaient se douter qu'il y avait un savant immortel sous l'habit de +ce valet. +</p> + <p> +Davy s'arrêta à Prelioxes, bien patrimonial des de la Rive, qui depuis +la Révolution française y pratiquent la plus généreuse hospitalité +vis-à -vis des savants de toutes les nations. Davy avait naturellement +amené avec lui son valet, qui le suivit dans une partie de chasse. M. de +la Rive, le père, ayant eu occasion de s'entretenir avec ce jeune homme, +fut frappé de la profondeur et de la maturité de ses réponses. Il +insista et obtint non sans peine l'aveu de la vérité. Peu satisfait de +cette découverte, il insista vivement auprès de Davy pour obtenir de +mettre fin à cette comédie, moins digne encore de celui qui la donnait +que de celui qui en était victime. Mais Davy resta inébranlable. Il +exigea que le contrat fut exécuté à la lettre et que Faraday continuât +de manger à la cuisine avec les autres domestiques. M. de la Rive, ne +voulant pas rompre avec un ami, prit un terme moyen. Faraday fut servi +seul dans sa chambre, et Auguste de la Rive alla plus d'une fois +partager ses repas. De cette époque date une amitié des plus tendres +qu'aucun nuage n'a jamais obscurcie. +</p> + <p> +De la Rive père avait émigré en 1794, après avoir été retenu quelque +temps en prison. En 1813, il fut un des premiers à proclamer le retour +de Genève à la Suisse. +</p> + <p> +De la Rive fils resta fidèle à la politique paternelle. Quand la +Confédération helvétique se crut menacée de perdre la perle du Léman, +Auguste de la Rive fut envoyé à Londres comme ministre plénipotentiaire. +</p> + <p> +Grâce à ses hautes liaisons il réussit à obtenir du cabinet de +Saint-James la signature d'un protocole secret. L'annexion de Genève à +la France était déclarée un <i>casus belli.</i> +</p> + <p> +C'était la première fois que de la Rive rentrait dans la vie politique +d'où il était écarté depuis la révolution de 1846. Systématiquement +opposé à la guerre du Sonderbund, il avait donné alors sa démission de +toutes ses fonctions publiques, même de celles de professeur de physique +à l'Université. +</p> + <p> +C'est en 1864 qu'il fut nommé membre associé de l'Académie des sciences +à laquelle il appartenait depuis de longues années en qualité de +correspondant. +</p> + <p> +A l'issue de la dernière exposition universelle il exécuta à Paris même, +sur une immense échelle, ses magnifiques expériences sur la rotation de +la lumière électrique soumise à l'action des aimants. +</p> + <p> +<p class="rig"><img alt="" src="images/007a.png"><br> <b>M. DE LA RIVE.</b></p> + + <p>On lui doit la connaissance de la dorure galvanique.</p> + + <p>L'Académie des sciences lui décernait en 1842 un prix de 3,000 francs, +en même temps qu'elle récompensait MM. Ruolz et Elkington qui avaient +fait passer cette immense découverte dans le domaine de la pratique +commerciale. +</p> + <p> +De la Rive est le premier physicien qui ait imaginé d'employer des +substances insolubles pour dépolariser les piles voltaïques. Il a ouvert +la voie suivie par MM. Marié Davy, Leclanché et Grenet. +</p> + <p> +Enfin on lui doit la démonstration complète d'un grand fait de physique +générale. Couronnant l'édifice si largement commencé par Faraday il +porta le coup de mort à la théorie métaphysique du contact. La grande +doctrine de l'<i>équivalence des forces naturelles</i> lui doit un de ses +principes fondamentaux les plus précieux. +</p> + <p> +Ses travaux sont exposés dans son cours d'<i>Électricité théorique et +appliquée</i>, publié il y a seize ans par la maison J.-B. Baillière. Cet +ouvrage magistral n'est point à la veille d'être détrôné. +</p> + <p> +Auguste de la Rive était un journaliste scientifique dans l'acception la +plus élevée du mot. Il n'y avait pas de mémoire important qu'il ne lût +et n'étudiât en quelque langue qu'il fût écrit. Il fut constamment le +plus actif collaborateur des Archives des sciences physiques et +naturelles, après avoir publié et rédigé tout seul pendant les années +1841, 1842, 1843, 1844 et 1845 les <i>Archives de l'électricité</i>. +</p> + <p> +Comme Hausteen et Donats, qui ne l'ont précédé dans la tombe que de +quelques mois, il a consacré ses dernières veilles à l'étude des aurores +boréales. Il est un des fondateurs de cette météorologie cosmique qui ne +vient que de naître, et qui déjà ouvre à la science de l'avenir de si +merveilleux horizons! +</p> + <p> +Il est mort à Marseille, à l'âge de 72 ans, des suites d'une attaque de +paralysie. +</p> + <p>W. DE FONVIELLE.</p> + <br><br> + + +<p class="mid"><img alt="" src="images/007b.png"><br><b>TYPES ET PHYSIONOMIES DE PARIS.--La petite bourse des<br> +timbres-poste aux Champs-Elysées.</b></p> +<br><br> + + <h3>L'HISTOIRE DE FRANCE<br> +DE M. GUIZOT</h3> + + <p>Dans un premier article, nous avons, la semaine dernière, jeté un coup +d'œil sur le troisième volume de l'<i>Histoire de France</i>, de M. Guizot, <span class="rig"><img alt="" src="images/008a.png"><br> + <b>Henri de Guise parcourant les rues de Paris après le<br> + massacre de la Saint-Barthélémy.</b></span> +qui commence avec François 1er pour finir avec Henri IV. Deux mots la +résument: Renaissance et Réforme. Curieuse époque marquée au sceau du +fanatisme religieux, et dont toutes les pages sont tachées de sang. Nous +avons dit un mot de ces pieuses horreurs. N'y revenons pas. Aussi bien +si l'auteur, en ce tome troisième, évoque bien des figures odieuses, il +nous en montre aussi d'autres qui appellent d'elles-mêmes et captivent +le regard. Parmi ces dernières brille en première ligne celle de +Rabelais, cet illustre bohème qui passa les deux tiers de sa vie à +courir le monde, s'arrêtant le temps seulement d'écrire les célèbres +chroniques que l'on sait, et qui fut non-seulement l'écrivain le plus +original et le plus éminent de la première moitié du XVIe siècle, mais +encore sa personnification la plus vivante et la plus vraie. + + + + + +<span class="mid"><img alt="" src="images/008b.png"> +<img alt="" src="images/008c.png"><br> + + + + <b>HENRI III ET SES MIGNONS. +Hérétiques condamnés au feu et +brûlés en 1546<br> au grand +marché de Meaux.</b> +</span> +</p> + + +<p>Une autre figure, grande aussi et particulièrement sympathique et +intéressante est celle de cette gracieuse reine de Navarre, sœur de +François 1er, Marguerite de + +<span class="lef"><img alt="" src="images/008d.png"><br> + <b>Marguerite de Valois.</b> +<br><img alt="" src="images/008e.png"><br> <b>Rabelais</b> +</span> + +Valois qui avait, comme l'a dit Marot, «corps féminin, cœur d'homme et +tête d'ange». Mais ce qui la fait tant et de si loin briller à nos yeux, +c'est la supériorité de son esprit, son excessive bonté, son amour pour +la poésie, la protection généreuse et intelligente qu'elle accorda, elle +catholique, à la réforme. Aussi n'y a-t-il pas lieu de s'étonner des +soupçons d'hérésie qui planèrent sur elle, et, à parler franchement, je +crois bien qu'au fond elle était un peu hérétique, il est encore une <span class="rig"><img alt="" src="images/008f.png"><br><b> Marie Stuart.</b></span> +chose digne de remarque, c'est qu'au XVIe siècle, où comme dit Anquetil, +les femmes de la cour étaient un objet de scandale, Marguerite pouvait +passer pour une vertu, à quelques peccadilles près que nous ont fait +connaître la muse indiscrète de Marot qu'elle aima, et cette <i>mauvaise +langue</i> de Brantôme. La Marguerite des marguerites eut toujours pour son +frère une affection profonde qui, approchant de la faiblesse, s'étendit +parfois jusque sur ses maîtresses. Ce fut elle-même qui orna de devises +les bagues données par François à la belle comtesse de Chateaubriand, +laquelle fut plus reine que Claude-la-Bonne avant la bataille de Pavie, +ce qui ne l'empêcha pas, si l'on en croit Varillas, de mourir fort +tragiquement, le roi l'ayant abandonnée à son retour. Il nous reste des +ouvrages de la reine de Navarre soixante-douze contes que l'on +attribue en partie à ses amis; le <i>Miroir de l'âme pécheresse</i> les +<i>marguerites de la Marguerite des princesses</i>, pièces recueillies par +Sylvius de la Haie; quelques mystères, des farces, une pièce de vers sur +la captivité de son frère, enfin le <i>Débat d'amour</i> qu'elle composa à +l'âge de cinquante ans et qui n'a pas été imprimé. +</p> + <p> +L. C. +</p> + <p class="mid">Gravures extraites de l'Histoire de France racontée à mes petits<br> +enfants, par M. Guizot. (Librairie Hachette et Cie.)</p> + +<br><br> + + <h3>BIBLIOGRAPHIE.</h3> + + + <p>Les Merveilles de l'Industrie ou Description des principales industries +modernes, par M. Louis Figuier (2). +</p> + <p class="mid"><span class="sml"> +<b>Note 2:</b> Un vol. in-8º illustré de 415 gravures sur bois. Chez Furne et +Jouvet, rue Saint-André-des-Arts.</span></p> + + <p>Combien pourrait-on citer aujourd'hui de personnes ayant une +connaissance, même superficielle, des procédés industriels? Les moyens variés par lesquels l'homme transforme +<span class="rig"><img alt="" src="images/009a.png"></span><br> +<span class="rig"><img alt="" src="images/009b.png"><br> <b>Une verrerie chez les Égyptiens.</b></span> + la matière, pour l'asservir à ses +besoins, sont un secret pour la plupart d'entre nous. Le verre, les +poteries, le savon, le sucre, le sel marin, le papier, les cuirs, etc., +servent à nos usages, à chaque instant de la vie, et pourtant la +majorité d'entre nous serait fort embarrassée de dire comment se +préparent le verre, les poteries, le savon, le papier, etc. L'industrie +est comme un livre fermé à tous les yeux.</p> + + <p>Ce livre fermé, M. Louis Figuier prétend nous l'ouvrir. Dans l'ouvrage +nouveau qu'il vient de publier, les <i>Merveilles de l'industrie</i>, il +entreprend de révéler aux gens du monde et à toute personne désireuse de +s'instruire, les opérations des principales industries modernes. Le +volume que nous avons sous les yeux est consacré aux industries +chimiques, à savoir: le verre et le cristal,--les poteries, faïences et +porcelaines,--le savon,--les soudes et les potasses,--le sel marin,--le +soufre et l'acide sulfurique. L'auteur décrit avec soin les opérations +diverses qui servent à la fabrication de ces matières, et l'on est tout +surpris, en lisant ses descriptions, de voir quel intérêt peuvent +revêtir les matières industrielles traitées par un auteur qui a le désir +constant d'attacher et d'instruire. La masse de renseignements et de +notions utiles contenus dans les notices que nous venons de citer, est +vraiment immense, et leur utilité est d'une évidence sur laquelle il +n'est pas nécessaire d'insister. +</p> + <p> +Deux mérites nous ont particulièrement frappé, à la lecture des +<i>Merveilles de l'industrie</i>. C'est d'abord le soin avec lequel l'auteur +expose l'histoire de chaque industrie. Dans la plupart des ouvrages ou +des dictionnaires où ces matières sont traitées, l'histoire de chaque +industrie est presque toujours passée sous silence. Dans l'ouvrage de M. +Louis Figuier, au contraire, l'histoire des inventions occupe une place +de premier ordre. L'auteur a toujours soin de remonter jusqu'aux +origines primitives de l'industrie qui l'occupe. Il la prend à son +berceau, chez les anciens, et la suit à travers les siècles jusqu'à +l'époque actuelle. C est là une source d'enseignements variés et pleins +d'intérêt pour le lecteur. +</p> + +<p class="rig"><img alt="" src="images/009d.png"><br></p> + + <p>La seconde qualité qui nous a frappé dans les <i>Merveilles de +l'industrie</i>, c'est la préoccupation constante de l'auteur d'éclairer le +texte de ses descriptions par le secours du dessin. Chaque opération +étant accompagnée d'une figure explicative, renseignement par les yeux +accompagnant sans cesse l'enseignement par la plume, il est toujours +facile de comprendre les explications de l'auteur. +</p> + <p> +Les gravures qui accompagnent cet article (<i>la fabrication au verre chez +les Egyptiens,--la fabrications des vitres, le coupage du savon en +pains</i>), sont de doubles spécimens des nombreuses gravures qui +accompagnent l'ouvrage de M. Louis Figuier, et du genre de démonstration +figurée qui se rencontre à chaque page de ce livre. +</p> + <p> +Les <i>Merveilles de l'industrie</i> ont été présentées, avec beaucoup +d'éloges, à l'Académie des sciences, dans la séance du 15 décembre, par +M. Dumas, secrétaire perpétuel. +</p> + <p> +Nous n'avons rien à ajouter à ce témoignage d'estime. +</p> + <p> +Pierre Paget. +</p> +<p class="mid"><img alt="" src="images/009c.png"><br><b>Coupage du savon de Marseille en pains.</b></p> + + <p class="mid"><span class="sml">Gravures extraites des <i>Merveilles de l'industrie</i>, par Louis Figuier. +(Furne, Jouvet et Cie, éditeurs.)</span></p> + +<br><br> + + <p class="mid"><img alt="" src="images/009e.png"></p> + + <h4>EXPLICATION DU DERNIER RÉBUS:</h4> + <p class="mid"> +Libres penseurs ou pieux pèlerins, la conscience est totalement libre! +</p> + + +<br><br> +</div> + +<div>*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 44232 ***</div> +</body> +</html> + + + diff --git a/44232-h/images/001.png b/44232-h/images/001.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..cd566c1 --- /dev/null +++ b/44232-h/images/001.png diff --git a/44232-h/images/001a.png b/44232-h/images/001a.png Binary files differnew file mode 100644 index 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You may copy it, give it away or +re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included +with this eBook or online at www.gutenberg.org + + +Title: L'Illustration, No. 1608, 20 décembre 1873 + +Author: Various + +Release Date: November 19, 2013 [EBook #44232] + +Language: French + +Character set encoding: ISO-8859-1 + +*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 1608, 20 *** + + + + +Produced by Rénald Lévesque + + + + + + + + +[Illustration: L'ILLUSTRATION +JOURNAL UNIVERSEL] + +REDACTION, ADMINISTRATION, BUREAUX D'ABONNEMENTS +22, rue de Verneuil, Paris + +31e Année.--VOL. LXII.--Nº 1608 +SAMEDI 20 DÉCEMBRE 1873 + +SUCCURSALE POUR LA VENTE AU DÉTAIL +60, rue de Richelieu, Paris + +Prix du numéro: 75 centimes +La collection mensuelle, 3 fr; le vol. semestriel, broché, 18 fr.; relié +et doré sur tranches, 28 fr. + +Abonnements +Paris et départements: 3 mois, 9 fr.;--6 mois, 18 fr.;--un an, 36; +Étranger, le port en sus. + +Les demandes d'abonnements doivent être accompagnées d'un mandat-poste +ou dune valeur à vue sur Paris à l'ordre de M. Auguste Marc, +directeur-gérant. + + + +SOMMAIRE + +TEXTE + +Histoire de la semaine, + +Courrier de Paris, par M. Philibert Audebrand. + +P. Blanchard. + +La Soeur perdue, une histoire du Gran Chaco (suite), par M. Mayne Reid. + +Un voyage en Espagne pendant l'insurrection (fin). + +La veille du 1er janvier. + +Nos gravures: + +Procès du maréchal Bazaine, le dénoûment. + +Violettes. + +La bourse aux timbres-poste. + +Auguste de la Rive. + +L'_Histoire de France_, de M. Guizot. + +Les exécutions de Santiago. + +Bibliographie: _Les Merveilles de l'industrie_, par Louis Figuier. + + + +SOMMAIRE + +GRAVURES + +Procès du maréchal Bazaine: Mme Bazaine en prière dans la chapelle de +Trianon, au moment du prononcé du jugement; + +Lecture de l'arrêt au condamné; + +La délibération du conseil de guerre avant le prononcé du jugement. + +P. Blanchard. + +Événements de Cuba: exécution de l'équipage du _Virginius_, à Santiago +de Cuba; + +Les cadavres foulés aux pieds des chevaux, après l'exécution. + +M. de la Rive. + +Types et physionomies de Paris: la petite bourse des timbres-poste aux +Champs-Elysées. + +_L'Histoire de France_, de M. Guizot (6 gravures). + +_Les Merveilles de l'industrie_, par M. L. Figuier (4 gravures). + +Rébus. + + + +[Illustration: PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE. Mme BAZAINE EN PRIÈRE DANS LA +CHAPELLE DE TRIANON, AU MOMENT DU PRONONCÉ DU JUGEMENT.] + + + +HISTOIRE DE LA SEMAINE + +FRANCE + +Le mémorable procès dont la France entière suivait avec un si poignant +intérêt les péripéties depuis près de trois mois est enfin arrivé à son +terme: le sort du maréchal Bazaine est décidé. A l'unanimité sur toutes +les questions, le conseil de guerre siégeant à Trianon a condamné +l'ex-commandant de l'armée de Metz à la peine de mort et à la +dégradation militaire. Le maréchal a refusé de se pourvoir en révision, +mais le conseil tout entier a signé un recours en grâce; le duc d'Aumale +l'a remis immédiatement entre les mains du président de la République, +et, dès le surlendemain, le Journal officiel annonçait que la peine de +mort était commuée en vingt années de détention, et que le condamné +était dispensé des formalités de la dégradation militaire, mais sous +réserve de tous ses effets. + +L'Assemblée nationale a continué, pendant le cours de cette semaine, la +discussion du budget, qui s'est poursuivie sans autres incidents que la +présentation d'un certain nombre d'amendements ou d'observations dont +l'examen nous entraînerait trop loin. Pendant que cette discussion +suivait son cours en séances publiques, les commissions travaillaient à +l'élaboration des nouvelles lois organiques et constitutionnelles. Sur +la proposition de son président, M. Batbie, la commission des Trente +décidait que la loi électorale serait la première dont elle aurait à +s'occuper; puis elle nommait une sous-commission d'études ayant mission +de faire des recherches préparatoires. MM. d'Andelarre et Pradié ont été +chargés par cette sous-commission de compulser les ouvrages traitant de +l'organisation des pouvoirs publics; MM. Waddington et A. +Lefèvre-Pontalis d'étudier, dans les législations étrangères, les divers +modes de composition des Chambres hautes; M. Laboulaye, de faire un +exposé de l'organisation constitutionnelle dans les États américains. +D'autre part, la commission chargée de la rédaction de la nouvelle loi +municipale a terminé ses travaux et entendu le rapport de M. Clapier; +nous avons déjà mentionné les dispositions principales de la loi +nouvelle qui ont pour but, on le sait, d'enlever au suffrage universel, +pour le rendre au gouvernement, la nomination des maires, et d'imposer +aux communes les dépenses de police, telles qu'elles auront été fixées +par les préfets; contentons-nous de les appeler réformes fondamentales, +en attendant leur discussion en séance générale, où elles doivent +rencontrer, assure-t-on, une assez sérieuse opposition. + +L'urgence et la gravité des lois constitutionnelles dont la commission +des Trente est saisie ne saurait être mieux démontrée que par les quatre +élections qui ont eu lieu dimanche dernier dans les trois départements +de l'Aude, de Seine-et-Oise et du Finistère. Comme presque toutes celles +qui se sont succédé depuis trois ans, ces élections se sont traduites +par des majorités considérables données aux candidats républicains. +Celle du Finistère, notamment, où M. Swiney l'a emporté par 61,000 voix +contre 42,000 données à son concurrent, M. Le Guen, est un symptôme +très-caractéristique du mouvement qui s'opère même dans les régions les +moins accessibles jusqu'à présent aux idées révolutionnaires, et paraît +avoir vivement affecté les groupes conservateurs de l'Assemblée. + +ALGÉRIE. + +M. le général Chanzy, gouverneur général de l'Algérie, a prononcé, le 3 +décembre, à l'ouverture de la session du conseil supérieur de la +colonie, un éloquent discours où est exposé avec un remarquable talent +tout un plan d'administration, qui a été accueilli avec une approbation +unanime. Ce discours peut être divisé eu deux parties; dans la première, +l'orateur énonce les principes généraux de son système; la seconde est +plus spécialement consacrée à l'explication des moyens pratiques +auxquels le gouverneur général juge utile de recourir, tels que: +organisation administrative,--colonisation,--grands travaux d'utilité +publique,--entreprises industrielles,--constitution de la +propriété,--forêts,--régularisation des opérations du séquestre. Nous +laisserons de côté cette deuxième partie, dont l'examen nous forcerait +d'entrer dans trop de détails techniques, pour ne nous occuper que de la +première. + +Aux yeux de l'honorable général, les décrets de 1870 contiennent le +programme qu'il importe de réaliser au plus vite afin de justifier notre +réimplantation sur le sol africain, et c'est à la recherche des moyens +propres à amener «l'assimilation de l'Algérie à la mère patrie» que le +conseil supérieur doit consacrer toute son activité, tout son +patriotisme. Au nombre des mesures qui doivent être appliquées le plus +immédiatement, M. le général Chanzy place la disparition de cet +antagonisme, plus apparent que réel, entre ce qu'on appelle le régime +civil et le régime militaire. Si au lendemain de la conquête, et dans le +but de la consolider, de telles distinctions ont pu être nécessaires, +indispensables même, elles n'ont plus aujourd'hui de raison pour +subsister. «Je déchargerai, dit M. le gouverneur, dans la limite du +possible l'armée d'une tâche qui n'est plus la sienne et qu'elle ne +continue que par devoir; elle restera chargée temporairement des parties +où les populations indigènes, éloignées du contact des Européens, +doivent être dominées et sentir la force pour rester calmes.» + +Mais, pour l'honorable général, «il n'y a point et il ne peut y avoir +ici deux régimes: le régime civil, le régime militaire; il n'y a qu'une +pensée: celle de tirer de cette magnifique colonie tout ce que la France +et la civilisation attendent de nos communs efforts. Il n'y a et ne peut +y avoir deux territoires avec leurs systèmes opposés; il y a une vaste +contrée soumise à la France, dans laquelle il nous faut introduire ses +institutions, en tenant compte des précautions que la sagesse et la +situation nous imposent. Pour moi, dans ce pays, désormais français, il +y a les parties qui peuvent et doivent être assimilées de suite, celles +dans lesquelles les institutions civiles et la justice de droit commun +sont possibles et doivent être complètes, et celles où le commandement +doit encore s'exercer, parce que seul il peut assurer, si on lui en +laisse les moyens, le bon ordre et la sécurité». + +On ne pouvait mieux faire comprendre la mission du conseil supérieur et +de l'armée en Algérie, aussi doit-on attendre les plus grands résultats +de l'application des principes qui guident l'honorable gouverneur +général civil de l'Algérie. + +En terminant son discours, M. le général Chanzy a exposé les motifs qui +l'avaient conduit à introduire dans le conseil supérieur les hauts +fonctionnaires chargés des affaires du département ou des territoires +restés sous le commandement militaire, et c'est par un appel au +patriotisme du conseil, que l'orateur a clos son éloquent plaidoyer en +faveur de la colonie: + +«La politique, cette passion qui surexcite, n'a rien à faire dans cette +enceinte, et nous saurons justifier la confiance que le gouvernement qui +nous a nommé et que la population qui vous a désignés a mise en nous.» + +ÉTATS-UNIS. + +Le différend hispano-américain s'est terminé de la manière la plus +heureuse par la reddition aux autorités des Etats-Unis du _Virginius_ et +des survivants de son équipage. Les détails manquent encore sur la +manière dont s'est opérée la restitution ainsi que sur les motifs du +brusque revirement d'opinion qui a permis aux autorités cubaines +d'exécuter des conditions d'abord déclarées inacceptables. Quoi qu'il en +soit il faut se féliciter de la solution pacifique d'une situation qui +aurait pu, en se prolongeant, amener les plus graves complications. + +SUISSE. + +Le Conseil fédéral de la république helvétique vient de prendre une +décision qui aura sans doute un grand retentissement dans le monde +catholique. Il a rompu avec le Saint-Siège et congédié le légat +accrédité comme chargé d'affaires auprès du gouvernement suisse. + +M. Cérésole, président de la Confédération, a adressé à ce sujet à Mgr +Agnozzi, chargé d'affaires du Saint-Siège, une note diplomatique +déclarant que la mesure prise par le Conseil fédéral a été déterminée +par la publication de l'encyclique du 21 novembre, qui renfermait «des +accusations de la nature la plus directe et la plus grave contre +diverses autorités légitimement constituées en Suisse et contre +certaines décisions que ces autorités ont régulièrement prises». Cette +rupture solennelle est certainement regrettable; elle affligera +profondément tous les catholiques modérés, c'est-à-dire, comme le fait +remarquer le _Journal de Genève_, l'immense majorité des catholiques +suisses, «qui n'ont jamais séparé dans leur coeur le nom de religion de +celui de patrie». + +Les journaux suisses, calvinistes et libres penseurs, applaudissent +naturellement à cette mesure. Ils prennent, de plus, le soin de +l'expliquer et de la justifier. Ils rappellent que depuis longtemps +l'opinion publique, en Suisse, était peu favorable au maintien de la +nonciature. + +On reconnaissait,--disent-ils,--que non-seulement elle ne pouvait offrir +une utilité pratique, mais encore qu'elle n'avait plus de raison d'être. +Il est de fait que, dans sa grande réunion à Soleure, le _Volks-verein_ +avait porté sur son programme révisionniste la suppression de la +nonciature, et que la commission du Conseil national avait fait droit à +ce voeu en proposant de l'inscrire dans la Constitution. + +L'encyclique de Pie IX n'a donc été, pour le gouvernement des vingt-deux +cantons, qu'un prétexte opportun; la rupture était préméditée de longue +date. + +La rupture des relations entre la Confédération helvétique et le Vatican +ne sera peut-être pas aussi sensible à la curie romaine que la nouvelle +mesure prise par le gouvernement bavarois, et qui, pour être beaucoup +moins radicale, constitue cependant une démonstration caractéristique. + +Pendant longtemps, on le sait, le clergé avait été tout-puissant en +Bavière, à tel point que le roi Maximilien II était allé jusqu'à +subordonner la Constitution au concordat; ce souverain avait décidé que +toutes les fois que le pacte constitutionnel se trouverait en opposition +avec le concordat, celui-ci l'emporterait sur celui-là. + +Le gouvernement de Munich vient de décider que, désormais, en cas de +conflit entre les lois du pays et la convention conclue avec le +Saint-Siège, c'est la législation nationale qui passera la première. + +Les feuilles libérales bavaroises espèrent que cette mesure est la +préface de l'abolition complète du concordat. + + + +COURRIER DE PARIS + +On a longtemps célébré la tendresse des habitants d'Enghien pour leur +lac. C'était alors la seule merveille de l'endroit. Un jour, le conseil +municipal avait posé deux plantons aux extrémités de l'amas d'eau; +c'était afin de surveiller les passants. «Défense d'approcher du lac, +sous peine de mort.» On aurait dit le Kisslar-Agha sur le seuil du +sérail. Monsieur le maire, faisant sa tournée quotidienne, prenait plus +grand soin du lac que de ses propres yeux. Quand le gros temps menaçait, +si le vent jetait sur la rive un grain de poussière ou une feuille +sèche, on voyait le magistrat descendre en toute hâte sur la grève; il +tirait gravement son mouchoir de sa poche et se mettait à épousseter le +lac, si cher à la commune. Un spectacle si touchant faisait à bon droit +l'admiration de Gérard de Nerval, qui venait parfois rêver sur ses +bords. + +Aujourd'hui Enghien n'a plus à passer par ces transes; son lac est +classé, adopté, arrivé, comme on dit; il n'a plus ni ses preuves, ni sa +fortune à faire. Cependant, sous un autre rapport que celui de la +feuille jaunie ou de la poussière qui pourrait ternir le miroir de ses +eaux, voilà que la même vigilance jalouse se présente en ce moment pour +les lacs du bois de Boulogne. Là aussi, on est exposé à se cogner contre +des sentinelles rébarbatives; il y a une consigne d'un sens absolument +asiatique. Aussitôt que la gelée blanche arrive, un jeune monsieur, +habillé d'ours, ayant un stick à la main, vous crie: «Au large! +N'empêchez pas la glace de se former.» Cet élégant quidam est ce qu'on +appelle un semainier du _Club des Patineurs_. + +La semaine passée, les fanatiques du patin ont éprouvé toute une série +de fausses joies. Sur la foi de l'almanach, on attendait la glace. +Gèlera-t-il? ne gèlera-t-il pas? Un rat de l'Observatoire s'était quatre +fois peigné l'oreille gauche avec sa patte de derrière; c'était signe +qu'il y aurait pendant dix jours vingt-cinq degrés au-dessous de zéro, +juste la température du Groenland. Dès ce moment, on signale dans les +régions aristocratiques un mouvement rapide; ce serait à qui arracherait +ses patins du croc pour courir aux lacs. Tout le long au chemin, les +amateurs faisaient le plus possible la mine des gens de la Finlande +courant sur leurs blocs glacés. Un chien errant qui venait à eux leur +faisait déjà l'effet d'un renard bleu de la Laponie. Au bois, il a fallu +en rabattre. Cette gelée n'avait rien de sérieux. Le rat de +l'Observatoire est un farceur qui a pris plaisir à mettre ainsi dedans +l'élite du beau monde. + +Je suis volontiers de ceux qui compatissent aux tristesses du _Club des +Patineurs_, car enfin il a contribué jadis à donner à notre Paris une +très-grande animation, des fêtes, de beaux jours, ou, si vous l'aimez +mieux, de belles nuits. Institué en 1860, en même temps et dans le même +local que le Tir aux pigeons, il avait et il a encore, jusqu'en 1885, la +jouissance exclusive d'un bassin construit sur la pelouse de Madrid. Il +disposait et il dispose encore, par surcroît, de deux autres bassins +dans le bois de Boulogne. Tous les grands noms du sport se sont +empressés d'allonger la liste déjà brillante de ses fondateurs. Et comme +il arrive toujours en ces sortes de choses, la mode s'en est mêlée; on +s'est mis à aimer la course en zigzags sur la glace; Paris n'était plus +qu'un gymnase de patineurs de l'un et de l'autre sexe. + +Cherchez bien, vous retrouverez dans quelque coin de votre mémoire +l'image encore vivante d'une de ces soirées où de longues files de +voitures conduisaient au bout de l'avenue de l'Impératrice les beaux et +les belles, les fous et les folles, ce qu'on appelle «le monde où l'on +s'amuse». En ce temps-là, le _Club des Patineurs_ annonçait ses +exercices par une affiche, absolument comme l'Opéra annonçait un ballet +nouveau et le cirque les débuts d'une écuyère. Il y avait souvent de +vives surprises. Une fois c'était une double rangée de flambeaux, +disposés comme un supplément aux étoiles; une autre fois c'était un +double quadrige des dames de la cour, se présentant en traîneaux russes +comme si l'on eût amené la Néwa chez nous. + +Ces nuits, le _Club des Patineurs_ a rêvé de les refaire. Pour y +parvenir, une condition est indispensable: la glace. Il faut que les +deux lacs gèlent. Jugez de l'impatience des fanatiques! La période +hivernale va du 15 décembre au 15 janvier, et encore pas toujours. S'il +doit y avoir des frimas, c'est pendant ce laps de temps, ou bien il n'y +en aura point. Tous les matins, à leur lever, les coryphées du club sont +aux aguets.--Où en est-on? Sommes-nous en Sibérie ou toujours en +Picardie? Neige-t-il? Gèle-t-il? Y a-t-il de la glace? Interrogez les +astronomes ou les ours blancs du Jardin des Plantes.--Eh bien, jusqu'à +ce jour, on a eu beau faire; il n'y a eu que quelques pincées de givre. +Il n'a gelé que pour rire.--Eh! mon Dieu! pourquoi ne pas appeler au +bord des lacs tels et tels orateurs de Versailles; les deux nappes d'eau +ne tarderaient pas à être glacées. + +Si les patins sont tristes, la fourchette, par contre, est en plein +mouvement et en pleine allégresse. Pour le quart-d'heure, on ne songe +qu'à se mettre à table. Grand dîner chez le maréchal de Mac-Mahon, +président de la République; grand dîner chez M. Buffet, président de +l'Assemblée nationale; grand dîner chez le duc de Broglie, +vice-président du conseil des ministres; grand dîner à l'ambassade +d'Angleterre; grand dîner chez le comte Orloff, ambassadeur de Russie; +vingt-cinq repas de corps; premiers soupers de carnaval, et cetera, et +cetera. Ne craignez rien néanmoins au point de vue des +approvisionnements. Jamais Paris n'aura reçu tant de bourriches. On ne +voit partout que grosses têtes: daims, cerfs, sangliers. Le poisson de +mer et d'eau douce arrive par centaines de tonnes. Les marchands de +comestibles commencent même à exhiber des tortues énormes. Gavarni +conseillait la soupe à la tortue aux artistes, aux amoureux, aux +politiques, à tous ceux qui ont besoin d'être fous. «Vous savez qu'elle +ne va pas sans une poignée de gingembre», disait-il. En fait de gibier à +plumes, la gamme est des plus riches. Cela va de l'outarde à +l'allouette, cette succulente messagère du point du jour. Que de +perdreaux on a rôtis cette semaine! Et les pâtés! il y en a une variété +qui prime même celle des roses! Ajoutons que, dans notre enceinte, il y +a 30,000 cuisiniers toujours sous les armes (il ne faudrait pas compter +moins de 100,000 cordons bleus). Enfin la ville est plus que jamais +celle dont l'auteur de _Gargantua_ a écrit: «Ici on donne tout à la +tripe (au ventre)». C'est probablement pour cette raison qu'a été tracé +ce billet, envoyé à un éditeur: + +«Retardez, je vous prie, d'un mois, la publication de mon nouveau roman. + +Victor Hugo.» + +Un grand homme qui ne serait pas content du tout, s'il vivait encore, +c'est J.-J. Rousseau. Dans ce même théâtre du palais de Versailles où +Marie-Antoinette se plaisait à faire jouer le _Devin du village_, ces +jours-ci, pendant une séance de l'Assemblée nationale, on a tout à coup +interpellé l'ombre du citoyen de Genève, et on lui en a dit de toutes +les couleurs. L'auteur de la _Nouvelle Héloise_, tant aimé de nos pères, +a donc été traité du haut en bas par les petits-fils. Un jour, on lui a +dressé une statue par souscription nationale; un autre jour, il a été +mis au Panthéon; à présent, il serait jeté à la voirie, si un zélé ne +s'était pas mis en mesure de brûler ses ossements et ceux de Voltaire. +Tel est le revirement des choses humaines. Mais, voyons, puisque ceux +qui discourent si bien aujourd'hui contre lui ne peuvent l'atteindre en +chair et en os, que ne font-ils effacer son nom, imprimé aux quatre +coins d'une de nos rues? + +Dans des mémoires relatifs au premier empire, on lit qu'à cette époque +déjà, un mouvement de recul s'étant manifesté, ceux qui entouraient la +personne de l'empereur s'emportaient tout haut contre le philosophe. +Napoléon n'aimait pas J.-J. Rousseau, qu'il trouvait trop pompeux et +trop rigide; il préférait Voltaire, cent fois plus accommodant. Pour +mettre fin à la discussion, un soir, à Compiègne, dans un souper de +chasse, il dit, en s'adressant à M. Stanislas de Girardin: + +--Je ne l'aime pas, votre Jean-Jacques. Il ne peut écrire dix lignes +sans y mettre le mot de vertu, et puis c'est lui qui est cause de la +Révolution.--Il est vrai, se hâta-t-il d'ajouter en riant, que j'y ai +attrapé le trône. + +En finira-t-on avec les papiers posthumes ou soi-disant tels? La mode +veut maintenant que du jour où un écrivain de quelque célébrité est +mort, on imprime jusqu'à la plus insignifiante des pattes de mouches +qu'il a laissées. Sans doute il arrive parfois que l'histoire littéraire +et l'art s'en trouvent bien, ainsi qu'on vient de le voir par la +correspondance de Prosper Mérimée avec une Inconnue. Mais pour un succès +combien de platitudes? que d'abus! + +Dans les derniers temps de sa vie, voyant que cette pratique était déjà +en honneur, Alfred de Musset mit sa constante sollicitude à s'en +défendre; il se surveillait lui-même au point de ne vouloir plus tracer +une ligne. + +--Tant pis, disait-il à T***, je ferai à l'avenir mes commandes de vive +voix; je ne veux plus me permettre même une lettre à mon bottier. + +On a su depuis pourquoi le poète était devenu à ce point hydrophobe +d'encre appliquée aux petits incidents de la vie. Le catalogue du +libraire G*** a fait là-dessus des révélations. Un jour, entre autres +lettres curieuses, on en mettait une en vente; c'était une épître que +l'auteur de _Rolla_ avait écrite de force, à la suite d'un guet-apens. +Le papier en question existe encore. Il figure dans la collection de M. +R***, qui a bien voulu en autoriser la transcription.--La secrète et +légitime antipathie d'Alfred de Musset pour les paperasses littéraires y +est très-nettement spécifiée, ainsi que vous allez le voir. + +Nota.--A l'exemple d'Horace, de Martial et de Boileau, il avait été +invité à dîner; c'est là le guet-apens. Au dessert, on lui avait planté +à la main une plume de fer, l'instrument du supplice. + +D'où le morceau qui suit: + +«Paris, 5 mars 1849, + +«D'une maison de la rue des Bons-Enfants. + +«Sur la mort d'un parapluie, + +«Ayant, dis-tu, besoin d'un autographe de moi, ton ancien camarade de +collège, tu me demandes de t'écrire une lettre. Une lettre! Il faut +qu'elle ait l'air d'être sérieuse et qu'elle ne le soit pas pour tout de +bon. Pour que! motif, sur quel thème aurai-je à faire ainsi une page ou +deux? Je n'en sais absolument rien. Je suis comme un homme que la +patrouille conduirait au violon parce qu'un autre aurait cassé un +carreau de vitre au cabaret. + +«Tu me dis:--Aie recours à quelque truc d'imagination. + +«Soit. + +«Eh bien, je me fais auteur en ta présence, puisque tu m'as mis un +couteau à découper sous la gorge; j'imagine, j'invente, je suppose; je +fais oeuvre de poète. + +«Prenons que je suis un bon bourgeois et que j'aie perdu mon parapluie; +c'est à toi que je m'adresse pour savoir si c'est un parapluie mort ou +encore en vie. + +«Je te dis donc en propres termes, sur le ton d'un confident du +Théâtre-Français. + +«Cher monsieur, il vient de m'arriver le plus grand des malheurs: j'ai +perdu mon parapluie. + +«Ah! c'était un parapluie superbe! Point de coton, tout en soie. Des +baleines en os de baleine. Un vrai poème. On voudrait me donner les +OEuvres complètes de mes trente-neuf confrères de l'Académie française +en échange de cet incomparable rifflard que je n'accepterais pas. +Voyons, oui ou non, l'avez-vous trouvé? + +«Si vous ne l'avez pas trouvé, c'est un parapluie mort; je n'ai plus +qu'à acheter une canne-fusil pour me brûler la cervelle. + +«Avant d'en venir là, sachant mon métier, je voudrais faire son +épitaphe. Mais encore je ne sais pas où je devrais faire graver ces deux +vers, en style lapidaire, puisque j'ignore où reposent ses restes? + +«N'importe, écrivons toujours l'épitaphe. + +«Ci-gît l'innocent parapluie Que je n'ai jamais vu de ma vie. + +«Et je signe pour qu'il ne manque rien à l'autographe: + +«Alfred de Musset,» + +Qu'est-ce que vous dites de ça, amateurs de la littérature +d'outre-tombe? + +Et bien, toujours, toujours, toujours des autographes! + +Rue Drouot, à l'Hôtel des commissaires priseurs, à la vente des livres +du pauvre Emile Gaboriau, on a montré le joli billet que voici, +chef-d'oeuvre d'une actrice bien connue. + +C'est une interpellation à une modiste. + +«Paris, le 7 avril 1867. + +«Madame S***, + +«Veuillez, je vous prie, me faire sans retard un chapeau exactement +semblable au dernier que vous m'avez fourni. + +«Compliments empressés. + +«Hortense Schneider de Gérolstein.» + +Voilà qui est drôle sans doute, mais il y a des précédents. + +Au commencement de la Restauration, Mme la maréchale Soult avait eu +occasion d'écrire à Mlle Bourgoin, de la Comédie-Française, pour la +prier de venir déclamer des vers à une de ses soirées. La duchesse avait +signé son billet: _Sophie de Dalmatie_. Quant à l'actrice, qui avait au +plus haut point l'esprit de répartie, elle signa sa réponse: _Iphigénie +en Aulide_. + +--C'est une vieille histoire qui a amusé tout Paris pendant huit jours. + +Philibert Audebrand. + + + +[Illustration: PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE.--Lecture de l'arrêt +au condamné.] + + + +P. BLANCHARD + +Le monde des artistes vient de faire une perte nouvelle, et qui sera +plus cruellement sentie à l'_Illustration_ que partout ailleurs. M. +Pharamond Blanchard est mort cette semaine, à l'âge de soixante-neuf +ans. C'était à la fois le plus érudit et le plus charmant des hommes. Il +causait de toutes choses avec un art infini, il avait des jugements +très-sûrs et des anecdotes toutes prêtes sur tous les sujets. _Quiconque +a beaucoup vu...._ dit La Fontaine; M. Blanchard avait beaucoup vu et +pour donner raison au fabuliste, beaucoup retenu. Que de fois nous avons +pris plaisir à l'écouter! Dans le recueil de lettres de Prosper Mérimée +qui vient de paraître sous ce titre, _Lettres à une inconnue_, il est +question d'un «M. Blanchard» qui étonne Mérimée lui-même et qui le +charme en lui parlant de moeurs et de pays peu connus. C'était notre +collaborateur et nous pouvons dire notre vieil ami que désignait ainsi +l'auteur de _Colomba_. + +Pharamond Blanchard était né en 1805 à Lyon. Il avait étudié dans +l'atelier de Gros et il avait gardé le respect de cet enseignement +solide. En quittant son maître, Pharamond Blanchard avait commencé par +être peintre de décors. Nous nous souvenons lui avoir entendu conter +qu'il travailla sous la direction du baron Taylor qui avait installé une +sorte de théâtre étonnant où les décorations prenaient, grâce à un +système particulier d'optique, l'intensité de réalité que donne le +diorama. Il y avait à une vue de Jérusalem, aperçue du haut d'une +terrasse, à laquelle M. Blanchard avait grandement collaboré et qu'il +citait, en causant, comme un de ses titres de gloire. + +[Illustration: BLANCHARD.] + +J'ai répété le mot «en causant». C'est que cet artiste infatigable, ce +producteur dont on trouverait le nom, on peut le dire, presqu'à chaque +page de l'_Illustration_, au bas d'un nombre infini de scènes de +voyages, de paysages, ce peintre était aussi un causeur exquis, et +j'ajoute, un écrivain véritable. Maintes fois, en effet, il a jeté sur +le papier, non plus seulement avec le crayon, mais avec la plume des +souvenirs et des impressions de voyages, et toujours il a su intéresser +et charmer. Il fallait l'entendre avec sa voix d'une bonhomie railleuse, +tombant de ses lèvres arguées par un sourire, raconter ses journées de +touriste en Russie, en Orient, au Mexique, en Espagne, au Caucase! Ses +yeux, derrière ses lunettes, prenaient alors une expression pétillante +de douceur malicieuse. Il savait et parlait plusieurs langues et +entremêlait ses récits pittoresques de citations, de dictons, de +proverbes, de refrains exotiques. + + +[Illustration: PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE.--Salle des réunions du +conseil.] + + +Blanchard était né voyageur, mais la façon dont il fit son voyage au +Caucase peint tout à fait son caractère et le charme personnel que +possédait ce brave et honnête homme. Il était parti pour la Russie avec +la mission de rendre compte à l'_Illustration_ des fêtes données à +Saint-Pétersbourg à l'occasion du sacre du czar. Blanchard envoyait ici +ses croquis et il avait annoncé qu'il ne resterait dans le Nord que +quinze jours. Il y resta trois ans. Un gentilhomme russe se prit pour +lui d'une belle amitié et l'emmena, bon gré mal gré, au Caucase. Les +semaines et les mois passaient et Pharamond Blanchard donna deux ans de +sa vie à ce voyage d'où il revint en laissant là-bas des amitiés et des +regrets sincères. + +Et à propos de voyages, nous n'oublions pas nous-même l'excursion que +nous fîmes ensemble, en 1866, pendant que grondaient en Bohême les +canons prussiens et autrichiens. Nous allâmes aux fêtes séculaires +données pour célébrer la réunion de la Lorraine et du Barrois à la +France. De Nancy, nous allâmes à Metz qui était encore Metz la vierge. +Que ce temps-là est loin! Une partie de la Lorraine est prussienne +aujourd'hui, des Bavarois paradent à Metz, devant la statue de Ney, et +notre gai compagnon de voyage, qui, levé bon matin, commençait aussitôt +et conduisait jusqu'au soir ses amusantes histoires, Pharamond Blanchard +a disparu, aimé de bien des gens et estimé de tous. + +Nous ne saurions compter tout ce que Blanchard laisse après lui d'études +de toutes sortes, de travaux achevés, de dessins, de tableaux. Aucune +existence ne fut plus laborieuse et plus digne que la sienne; et +l'_Illustration_ perd là, avec un ami, un de ses plus chers et de ses +plus dévoués collaborateurs. + +Jules Claretie. + + + +LA SOEUR PERDUE + +Une histoire du Gran Chaco + +(Suite) + +Il allait dire: + +«Si votre père avait été là, il ne lui aurait pas laissé remporter sa +fourrure.» + +En effet, si bon chasseur qu'il fût, Gaspardo avait trop souvent vu +Halberger à l'oeuvre pour douter de ce qu'il eût fait à sa place. Il +n'était pas non plus sans regretter ce beau coup et certes il ne l'eût +pas laissé échapper s'il n'eût eu à craindre que pour lui-même, et s'il +n'avait dû penser avant tout aux jeunes gens qui lui étaient confiés. + +Il garda donc pour lui le surplus de ses réflexions. Le brave homme ne +voulait pas renouveler la douleur des jeunes gens, en évoquant un nom +lié à de si chers et si cruels souvenirs. + +«Caramba! reprit-il aussitôt. Il ne sera pas dit que j'abandonnerai +cette tigresse aux fourmis, aux loups ou à toute autre vilaine bête qui +aurait la chance de se promener par ici. Qui sait, d'ailleurs, si nous +ne repasserons pas bientôt devant cette caverne? Quoi qu'il en doive +arriver, je tiens à pouvoir un jour ou l'autre rentrer en possession de +cette fourrure. J'ai tout le temps nécessaire pour la dépouiller avant +que l'eau soit assez basse pour nous laisser traverser. Ainsi, à +l'ouvrage.» + +Tout en parlant il avait dégainé son grand couteau de gaucho et se +mettait en devoir de dépouiller le jaguar. L'opération ne dura pas +longtemps. La superbe fourrure avec ses mouchetures d'un noir de jais +cédait rapidement sous ses doigts habiles, et bientôt la carcasse de la +bête gisait nue sur le soi. + +«Quant à cela, les saubas peuvent le prendre et s'en régaler, dit-il en +montrant la chair encore fumante, et je ne les plaindrai pas; il y a +telle occasion où des chrétiens s'en arrangeraient comme eux; je me +souviens d'un temps où j'aurais été bien aise d'en avoir une tranche à +griller. Oui, mes jeunes maîtres, dans ce même Chaco, j'ai vécu une +semaine entière sur la carcasse d'une vizcacha (1) étique, sans compter +le mal que je m'étais donné pour rattraper. + +--A quelle époque, Gaspardo?» demanda Ludwig, intéressé malgré sa +tristesse par les paroles du gaucho. + +[Note 1: Le Vizcacha (Lagostamus tachodactylus), ressemble à un +gros lapin, mais ses incisives sont plus longues et sa queue est +allongée.] + +Ludwig avait les dispositions de son père; il aimait tout ce qui se +rapportait à la nature ou aux luttes soutenues contre elle. + +«Ma foi, senorito, l'affaire arriva il y a pas mal de temps. Mais +l'histoire est trop longue pour que je vous la raconte aujourd'hui. Nous +n'avons plus maintenant qu'à disposer cette peau de façon à ce qu'elle +puisse sécher ici, à l'abri des indiscrets, et puis nous remonterons en +selle.» + +Prenant alors quelques bouts de corde dans son recado, il pratiqua +quatre petits trous aux quatre extrémités de la dépouille de son jaguar, +et la fixa à l'aide de ses cordes à des stalactites de la grotte, qui se +trouvaient là tout à point pour lui remplacer les clous qu'il n'avait +pas. + +«C'est vraiment, dit-il en contemplant la peau faisant plafond au-dessus +de sa tête, un séchoir digne d'elle. A cette place elle est hors de +portée des saubas et des loups, et si personne qu'eux ne vient fourrer +son nez par ici et se mêler de ce qui ne le regarde pas, elle pourra s'y +garder des semaines sans se gâter. Les choses ne se détériorent pas dans +une caverne comme en plein air; je ne sais pas pourquoi, c'est peut-être +parce que le soleil ne les atteint pas.» + +Ludwig aurait pu certainement expliquer le phénomène à son ami, mais il +était un peu tard pour entreprendre son éducation scientifique, et il ne +l'essaya pas. On peut voir d'ailleurs, que pour Gaspardo, l'expérience +remplaçait la science. + +En regardant une seconde fois au dehors, ils reconnurent que le torrent +avait baissé assez de niveau pour leur permettre d'en suivre le bord. +Aussi, sans perdre plus de temps, ils conduisirent leurs chevaux à +l'entrée de la grotte, montèrent en selle et se remirent à chercher la +piste des Tovas. + +Ils avaient déjà descendu le cours du ruisseau jusqu'à son embouchure, +et avaient gravi la berge du fleuve, sans être encore parvenus à +retrouver les traces des cavaliers. L'ouragan de poussière et le déluge +de pluie qui l'avait suivi, avaient effacé toutes les empreintes, et le +gaucho semblait fort préoccupé. + +«_Maldita_»! s'écria-t-il au moment où tous trois appuyant sur leur +bride, s'étaient arrêtés comme d'un commun accord, interrogeant +alternativement le sol et les regards de leurs compagnons. «Maldita! pas +plus que moi, vous autres, vous n'avez rien vu? + +--Faut-il nous arrêter, dit Ludwig, qui voyait bien que ses amis, tout +comme lui-même, étaient fort inquiets de la piste perdue; faut-il +vraiment nous arrêter? + +--Nous arrêter! s'écria Cypriano. Pensez-vous, cousin, à abandonner la +poursuite? + +--Non, non; je ne veux pas dire cela. + +--Plutôt que d'abandonner cette poursuite, continua le jeune Paraguayen +sans attendre la réponse de Ludwig, je passerais le reste de mes jours à +courir dans le Chaco. Je l'ai juré à votre mère, Ludwig; je ne +retournerai à l'estancia que pour y ramener votre soeur. + +--Je suis aussi résolu que vous, cousin, répondit Ludwig, vous le savez +bien; mais le Chaco est grand, et errer à l'aventure n'aboutirait à +rien. S'il n'y a pas lieu de désespérer, il y a lieu du moins de +réfléchir. + +--Nous savons, reprit Cypriano, que Francesca est avec les Tovas. Ils +forment une tribu nombreuse, et une tribu ne se cache pas indéfiniment +dans un trou. Les Tovas ne sont pas gens à rester bien longtemps en +place. Il y a toujours parmi eux quelque expédition en route. Nous +finirons bien par en rencontrer une; et il ne nous en faut pas davantage +pour nous remettre sur la voie du groupe principal. + +--Hélas! répondit tristement Ludwig, il peut se passer longtemps avant +que nous rencontrions un être humain dans cette affreuse solitude. Que +fera ma pauvre mère jusqu'à notre retour? Je ne puis m'empêcher de +songer à elle, qui est seule, si peu de temps après la mort de mon père, +et avec sa tombe devant les yeux. Elle va croire que nous sommes perdus +aussi. Si nous pouvions du moins lui envoyer quelqu'un pour lui dire que +nous sommes tous bien portants!» + +La tête du malheureux jeune homme, en prononçant ces mots, s'inclina sur +sa poitrine, et une larme qu'il ne put retenir glissa de sa paupière. + +Ludwig adorait sa mère. L'idée qu'en leur absence quelque danger pût la +menacer à son tour, le jetait dans une perplexité affreuse. Son coeur +avait été si profondément ému par la douleur dans laquelle il l'avait +laissée à son départ, qu'il ne pouvait en chasser le souvenir. Le sort +même de sa soeur, si affreux qu'il pût être, ne pouvait le tourmenter +davantage. C'était une innocente enfant, et personne, pensait-il, pas +même un sauvage, ne devait être capable de lui faire du mal. Il se +plaisait à croire qu'elle ne courait d'autre danger qu'un prolongement +de captivité. Sans doute, elle aussi, devait être dévorée de soucis; +elle avait vu de ses propres yeux un spectacle plus horrible encore, +s'il était possible, que celui auquel ils avaient assisté; mais Ludwig +qui ne pouvait rien savoir de la mort de Naraguana, comptait encore +fermement que l'amitié que le chef avait toujours eue pour son père, +serait une sauvegarde pour sa soeur. Dans sa pensée, les auteurs du +guet-apens dans lequel avait péri son père, et qui avait eu pour suite +l'enlèvement de Francesca, devaient déjà avoir été punis par +Naraguana.--Qui sait même si, pendant qu'ils couraient à la recherche de +la malheureuse enfant, cet ami fidèle et si souvent éprouvé, ne l'avait +pas rendue à sa mère.--Il se jeta dans les bras de Cypriano. + +«Cousin, lui dit-il, vous avez été orphelin de si bonne heure, que vous +ne savez pas ce que peuvent être pour un fils un père comme le mien, et +une mère comme celle que j'ai peut-être eu tort d'abandonner à son +désespoir. + +--Je sais, Ludwig, répondit Cypriano, tout ce que valait, et pour vous +et pour moi, celui que nous avons perdu. Je sais ce que vaut votre mère; +n'a-t-elle pas été une seconde mère pour moi? Je partage votre angoisse. +Je voudrais être, ainsi que vous, tout à la fois à l'estancia pour y +pleurer avec ma tante, et au coeur de la tribu des Tovas, pour leur +arracher Francesca. Mais entre deux devoirs également impérieux, il faut +choisir et, le choix fait, il faut persévérer. Votre mère est entourée +de serviteurs fidèles cl dévoués; Francesca est entre les mains des +assassins de votre père. Le choix peut-il être douteux?» + +Ludwig se redressa sur ses étriers, et fixant les yeux dans la direction +probable de l'estancia, il envoya de la main, à travers l'espace, un +baiser à celle qui occupait sa pensée. + +«Ma mère, dit-il, ma chère mère, vous seule pourriez comprendre mes +hésitations, et les absoudre!» + +Après quoi frappant sur l'épaule de Gaspardo, qui pendant toute cette +conversation était resté plongé dans de profondes réflexions: + +«Marchons, dit-il; marchons en aveugles, s'il le faut. + +--Pas précisément en aveugles, senorito! interrompit le gaucho, pas +précisément. Nous avons un guide, peut-être n'est-il pas des meilleurs +ni des plus sûrs; mais enfin, c'est toujours plus et mieux que rien. + +--Lequel? s'empressèrent de demander les deux cousins. + +--Le fleuve! répliqua Gaspardo. Mon avis est que nous pouvons nous y +fier encore pendant quelque temps. D'après les traces laissées par les +brigands jusqu'au moment où nous les avons perdues, je suis persuadé +qu'ils ont longé le Pilcomayo en le remontant. La tormenta a duré une +heure, et comme nous, ils se seront arrêtés quelque part. S'ils n'ont +pas quitté le bord de l'eau avant le commencement de la tempête, nous +allons retomber sur leur piste, que le sol humide, mais non plus +détrempé, nous rendra d'autant plus facile à suivre. Si nous la +retrouvons, nous prendrons le galop; et peut-être atteindrons-nous les +Indiens avant la nuit. Je suis sûr qu'ils ont passé ici depuis le lever +du soleil. Evidemment ils ne se pressaient pas, puisqu'ils avaient +relativement peu d'avance sur nous. + +--Dieu le veuille, s'écria Cypriano en réponse à l'observation du +gaucho. En avant! reprit-il avec impétuosité; et sans attendre que +Gaspardo eût répliqué, il enfonça ses éperons dans le ventre de son +cheval et partit le long du fleuve, suivi de près par ses deux +compagnons. + +Mayne Reid. + +(La suite prochainement.) + + + +UN VOYAGE EN ESPAGNE +PENDANT L'INSURRECTION CARLISTE + +(Fin.) + +En quittant Pampelune, à mon tour, pour me rendre à Vitoria, où se +concentrait, m'assurait-on, l'armée du Nord, je pus me convaincre sur +toute ma route de l'effet magique produit par l'ordonnance royale +précitée. Partout je rencontrais des groupes de montagnards qui, +désertant leurs villages, allaient s'enrôler dans des bandes, et cela +ostensiblement et en chantant la chanson basque: _Le retour du roi_. +Dans le train que je pris de Pampelune à Alsasua, sur la ligne de +Saragosse, je fis le voyage avec une centaine de ces enrôlés +volontaires, qui ne cachaient nullement le but de leur voyage. Arrivés à +Alsasua, ils quittèrent le train pour se jeter dans les montagnes, et +cela, malgré la présence de la brigade de Loma, qui campait à cette +station. Il était impossible que les chefs de la troupe régulière +ignorassent l'intention de ces montagnards, armés de bâtons et portant +des sacs en toile, et qui, du reste, ne se gênaient pas dans leurs +manifestations carlistes. On les laissa néanmoins passer fort +tranquillement. + +Cet élan général des populations rurales était imité, au surplus, par +les jeunes gens et les hommes des classes élevées. L'aristocratie +carliste elle-même entretenait et propageait le feu sacré de la guerre +civile. Un des traits principaux qui distinguent les notabilités du +parti légitimiste en Espagne est leur dévouement sans bornes à la +défense de leur cause, même au préjudice de leurs plus chers intérêts. +Je n'en citerai qu'un exemple; il pourra donner une idée de la foi +ardente qui les anime à l'égard de leur roi. + +A peu de distance de Tafalla s'élève, dans un vallon délicieux, un +château mauresque, ou plutôt un palais d'été qu'on appelle dans la +contrée _el Buen-retiro_ de la duchesse de M***. Me trouvant de passage +dans les environs, à la suite d'une colonne commandée par le _cabecilla_ +Rada, il me fut donné de visiter cette résidence véritablement royale. +La duchesse, devenue la providence de l'insurrection, l'habitait de +préférence à son hôtel de Madrid. Un officier carliste voulut bien me +présenter à la jeune châtelaine, âgée à peine de vingt-cinq ans et dont +le mari occupait un poste de confiance auprès du prétendant. Elle daigna +nous recevoir dans un salon de forme à demi-circulaire qu'on aurait pu +prendre, à son agencement, aux meubles qui le garnissaient, et surtout à +la lumière du jour qui y pénétrait par le plafond à travers des vitraux +de couleurs différentes, pour un boudoir ou mieux encore pour un +oratoire. + +Après une conversation qui dura une demi-heure et dont le sujet +principal fut la campagne qui s'ouvrait sous les auspices du roi en +personne, les résultats qu'on s'en promettait et les espérances qu'elle +offrait en perspective, la duchesse se leva de son fauteuil moyen âge, +et s'adressant à l'officier et à moi: + +--Permettez-moi, messieurs (_senores_), nous dit-elle avec une grâce +exquise, de vous faire admirer ma galerie de tableaux. + +Et précédés d'un majordome tout galonné qui souleva les portières qui +cachaient l'issue de la galerie, nous y entrâmes ensemble. Autant la +lumière du jour était affaiblie dans son salon, autant elle éclatait +dans cette nouvelle pièce éclairée par un ciel ouvert qui avait été +ménagé dans toute sa longueur. De chaque côté des murs recouverts de +riches tapisseries apparaissaient deux rangées de tableaux dont le +nombre et la variété éblouissaient la vue: et, se faisant notre +cicerone: + +--Vous voyez ici, nous dit la duchesse, un tableau de Vélasquez qui fut +commandé à ce grand maître par un de mes ancêtres. Ce Murillo a été +peint exprès pour ma famille. Le Ribeira qui vient après est le +chef-d'oeuvre de ce peintre; il a été donné à mon bisaïeul par notre bon +roi Charles IV. + +Et successivement elle passa en revue toutes les toiles, assignant à +chacune d'elles son origine, émettant son avis et nous demandant le +nôtre qui, comme on le pense bien, ne différait guère de celui de la +duchesse. Nous passâmes ainsi en revue une soixantaine de tableaux dont +j'avais hâte, pour ma part, de voir la fin. Nous arrivâmes devant la +dernière toile, tout récemment peinte. C'était le portrait en pied de +Charles VII, le prétendant au trône d'Espagne, qui se trouvait, en ce +moment, à la tète de l'insurrection carliste. + +--Je vous présente, nous dit-elle en s'inclinant profondément devant le +tableau, l'image du roi d'Espagne, en dépit du statut royal, de la reine +Isabelle et de la république fédérale. Dieu, le peuple et le bon droit +sont pour lui, et sa cause légitime a, pour elle, la fortune et la vie +de tous les bons Espagnols. Sa ressemblance est frappante! + +En prononçant ces mots, les traits impassibles de la duchesse s'étaient +tout à coup animés; ses yeux vifs lançaient des éclairs et tout son +corps frêle et gracieux s'agitait convulsivement, comme si un esprit +fatidique l'eût animé. J'avais devant moi le fanatisme politique dans la +personne d'une faible femme qui personnifiait en ce moment tout son +parri. + +La visite des tableaux terminée, nous prîmes congé de la duchesse de +M***, l'officier, pour aller rejoindre sa bande, et moi, pour continuer +mes excursions de journaliste et de correspondant. + +J'arrivais à Vitoria, capitale de l'Alava, le 10 du mois de juillet. Je +m'attendais à y trouver une partie des troupes qui devaient composer +l'armée du Nord et dont la concentration, au dire des journaux +espagnols, s'y opérait depuis plusieurs jours. Quelle déception! Toute +l'armée du Nord se bornait à une simple brigade d'infanterie, à un +détachement de cavalerie et à une vingtaine de soldats du génie. Les +populations montraient, au reste, au sujet de l'armée du Nord, et +généralement à l'égard de tout ce qui touche à la politique et aux +affaires du pays, une indifférence incompréhensible. + +Tandis que dans tous les pays libres, et surtout en France, les masses +se préoccupent de la conduite du gouvernement, le peuple espagnol +semble, par son apathie naturelle, se complaire à y rester complètement +étranger. Je puis invoquer comme preuve à l'appui de cette assertion le +peu d'influence qu'exerce la presse périodique sur l'esprit public. +C'est à peine si dans les grands centres on reçoit un ou deux journaux; +quant aux petites localités et aux campagnes, le journal y est une chose +inconnue. Aussi ne se publie-t-il à Madrid que cinq ou six journaux qui +aient une certaine importance par leur tirage, tels que la _Epoca, la +Discussion, el Tiempo, la Reconquista_ et la _Correspondencia_: et ils +n'ont cette importance que parce qu'ils sont les organes des quatre +grands partis qui se disputent les destinées de l'Espagne. La +_Correspondencia_, le plus répandu de tous, n'est qu'un _Journal de +faits_ qui ne doit sa grande vogue qu'à son habile compilation et à son +extrême bon marché. + +Excepté donc Madrid, les autres villes de province n'ont pas de journaux +politiques ou ne publient, sous le nom de _Diario_, que des feuilles +insignifiantes. Un docteur de la Faculté de Salamanque, homme de +beaucoup d'esprit, auquel je faisais part de mes observations sur cette +indifférence des Espagnols à l'endroit de la presse, me répondit fort +méchamment: + +--En France, le peuple fait trop de politique; en Espagne, il n'en fait +pas assez; mais à tout prendre, j'aime mieux l'indifférence du peuple +espagnol, car je ne vois pas que les affaires du gouvernement marchent +mieux chez vous que chez nous. + +A partir de l'entrée du prétendant sur le territoire espagnol, les +carlistes n'ont cessé d'agrandir le cercle de leurs opérations +militaires, dont j'ai pu constater, sur les lieux, les différentes +phases. Ils se sont rendus maîtres successivement: d'un côté, de la +route de Pampelune et des contrées environnantes, depuis le Bazlan et le +Val-Carlos, le long de la frontière, jusqu'au pont de Behobie; de +l'autre, d'une grande partie du Guipuzcoa et de la Biscaye, du moins de +leurs principaux centres. Estella, qui est une petite place forte, est +tombée et restée en leur pouvoir. Ils tiennent la campagne dans l'Aragon +et la province de Santander, et dans celle de Burgos; leurs bandes +parcourent impunément et sans trouver une trop grande résistance, les +provinces de Huesca, Lérida, Tarragone et Barcelone. + +Aux armes qui leur arrivent de l'étranger, il faut ajouter que les +carlistes, dont l'armement laissait beaucoup à désirer dès les débuts de +la campagne, fabriquent eux-mêmes des armes dans les pays qu'ils ont +conquis. Ils ont établi à Vera, dans une ancienne usine métallurgique, +une fabrique de munitions de guerre où travaillent une centaine +d'ouvriers; à Areso, petite localité située à trois lieues de Tolosa, +fonctionne une fabrique de canons qu'ils y ont tout récemment installée; +enfin, à Eibar et à Placencia, anciennes fabriques d'armes appartenant à +l'État et dont ils se sont emparés, on confectionne tous les jours des +fusils, des baïonnettes et des sabres. Je dois reconnaître, il est vrai, +que toutes ces conquêtes leur ont été facilitées par la désorganisation +de l'armée régulière, dont il serait trop long de raconter ici les +causes qui l'ont produite. + +En résume, l'armée carliste s'élève, à l'heure qu'il est, à 45,000 +hommes environ, tant dans les provinces du Nord que dans celles de la +Catalogne; et c'est dans l'espace de huit mois seulement que cette armée +s'est formée, au milieu des embarras et des entraves de toute sorte. +C'est donc contre cette formidable insurrection que le gouvernement de +Madrid a, tous les jours, à lutter. + +Quoi qu'il en soit, une prompte solution à cet horrible état de choses, +se résumant par la guerre civile et l'anarchie, ne saurait longtemps se +faire attendre, à moins que l'Espagne ne veuille plus compter au rang +des nations civilisées. Quatre partis sont aujourd'hui en présence, et +tous les quatre ont la prétention de donner à ce pays si troublé un +gouvernement régulier. + +--Quel est celui des quatre qui triomphera? demandai-je un jour au même +docteur de Salamanque qui n'a pas une foi bien robuste dans la liberté +de la presse. + +--Voici quelle est, me dit-il, mon opinion à ce sujet: + +«Don Carlos ayant franchi l'Ebre à la tête de ses troupes, en marche sur +Madrid, parviendra-t-il à rallier l'opinion publique, fatiguée de +révolutions et de guerres civiles, et sera-t-il acclamé roi d'Espagne, +ainsi que le droit traditionnel peut le lui faire espérer? Alors, c'est +la restauration monarchique qui monte avec lui sur le trône. Ce résultat +est encore problématique. + +«Faut-il croire que les _intransigeants_, qui composent le parti +_communard_ et socialiste, parviendront à établir le régime _cantonal_ +par le vol, l'incendie et le pillage dont ils viennent de donner tant de +preuves? Je ne le pense point. Nous ne sommes pas encore, en Espagne, +convertis aux idées démagogiques et matérialistes des libres penseurs. +Ceux-ci ne peuvent donc tarder d'être domptés, soit par la force des +armes, soit par la force de l'opinion publique. + +«Le dictateur Castelar espère-t-il pouvoir consolider la _République +fédérale_, ce rêve de quelques milliers d'insurgés qui croient qu'on +transforme une monarchie en république, comme on résout un problème +d'algèbre? C'est bien douteux. Pour arriver à ce but, il lui faut de +l'argent; le trésor n'en a point et le crédit lui fait défaut.--Il s'est +réservé le droit de destituer les ayuntamientos des provinces et les +municipalités; mais le jour où il portera une atteinte à ces libertés, +dont les populations des provinces sont si jalouses à bon droit, ce +jour-là il aura tout le pays contre lui. Pour ces motifs et pour bien +d'autres, la _République fédérale_ est loin de pouvoir s'établir encore +en Espagne. + +«Il est un quatrième parti qui se cache dans l'ombre, paraissant ne pas +conspirer et qui pourtant s'agite sans bruit et sans armes; c'est celui +du prince Alfonse, fils et héritier de la reine Isabelle. Il ne veut pas +arriver au pouvoir par ses propres forces, mais il compte beaucoup sur +la force des événements. Le maréchal Serrano a été appelé à Madrid par +Castelar; est-ce pour travailler à la consolidation de la République? +Personne ne le pense en Espagne. Serrano est un en-cas que s'est réservé +Castelar pour le jour où ses efforts républicains lui faisant défaut, il +abandonnera, à son tour, le pouvoir, comme ont fait Orense, Pi y +Margall, Figueras et Salmeron. Tout porte à croire qu'alors il mettra le +fardeau de l'État sur les épaules du maréchal. Celui-ci acceptera-t-il +cette transmission d'un pouvoir _in extremis_? Cela est possible et même +probable; mais, dans tous les cas, ce ne sera jamais pour consolider une +république quelconque. + +«On peut donc, ajouta le docteur, considérer dès à présent, comme morte, +la République en Espagne, et le rétablissement de la monarchie comme +inévitable.» + + + +ALMANACH DE L'ILLUSTRATION +POUR 1874 + +(Trente et unième année) + +L'Almanach de l'Illustration pour 1874 forme un bel album grand in-8°, +magnifiquement illustré et doré sur tranches.--Prix: 1 fr.; par la +poste, 1 fr. 25 c. + + + +[ÉVÉNEMENTS DE CUBA.--Exécution de l'équipage du _Virginius_, à Santiago +de Cuba.] + + + +[Illustration: VIOLETTES] + + Soit d'un époux, soit d'un amant. + C'est une lettre, assurément, + Qu'icy, la belle, on vous voit lire; + J'en juge par votre maintient. + Mais sçavoir ce qu'elle contient, + Bien fin qui pourroit le dire. + + (Poésie du XVIIIe siècle.) + + + +[LES EXÉCUTIONS DE SANTIAGO DE CUBA.--Les cadavres foulés aux pieds des +chevaux, après l'exécution.] + + + +LA VEILLE DU 1er JANVIER + +Pas plus tard qu'hier, je venais de rentrer chez moi, vers huit heures +du soir; le feu était allumé, des livres non coupés, fraîchement sortis +des mains du libraire, m'attendaient sur ma table de travail. C'était +l'_Histoire d'une maison_, de Viollet-le-Duc; le _Tour du Monde_, de +Jules Verne; la _Famille Chester_, de P.-J. Stahl et William Hughes; +j'allais pouvoir me mettre à l'aise et lier connaissance, sans crainte +d'être dérangé, avec les nouveautés de l'année, quand ma porte s'ouvrit +et mon concierge apparut. + +Il faut vous dire que mon concierge, au rebours de la majorité de ses +collègues, est aussi ferré sur la consigne que le plus chevronné des +sergents de l'armée française, et met à suivre les instructions de ses +locataires autant d'enthousiasme que les autres en mettent à leur +désobéir. Or, comme j'avais condamné ma porte pour tout le monde, à +commencer par lui, je ne pus réprimer un mouvement de mauvaise humeur +dont le brave homme ne parut pas s'émouvoir outre mesure. + +--Faites excuse, Monsieur, me dit-il; mais c'est une lettre sur laquelle +il y a écrit très-pressé, et le commissionnaire qui l'a apportée a dit +qu'on vous attendait, sans faute, ce soir, rue _Turbot_. + +--Vous voulez dire rue Turgot?... + +--Je dis, Monsieur, ce que je veux dire... D'ailleurs Turgot n'aurait +pas de sens. + +A quoi bon discuter? Je pris le parti de noter le mot et je m'emparai du +billet en question. + +Il était ainsi conçu: + +«Mon cher ami, + +«Nous t'attendons sans faute ce soir. Il y a grand conseil de famille et +toutes tes lumières ne seront pas de trop. Ne te fais pas attendre; il y +va du plaisir d'Edouard, de Jujules et de Mimi. Si tu ne venais pas, +nous serions forcés de remettre la séance à demain, et le temps presse.» + +Je vous fais grâce du «tout à toi» de rigueur et de la signature. + +L'auteur de ce mystérieux billet est un de mes vieux amis de collège. +Nous avons traversé ensemble les plus rudes années de la vie; le même +jour nous a vus bacheliers, le même jour nous a vus entrer lui dans te +barreau, moi dans la presse. Avocat et journaliste, autant dire cousins +germains. Il est vrai qu'il s'est marié et que je suis resté garçon; là +cesse l'analogie, mais la paternité est un besoin si impérieux que les +célibataires n'ayant pas toujours de descendance directe sur qui +l'exercer se prennent à aimer les enfants des autres. Jujules était mon +filleul, sa soeur Mimi, une jeune personne âgée de quatre ans accomplis, +se livrait depuis deux ans déjà à des prodiges d'équitation sur le bout +de ma botte, et quant à Edouard, l'aîné de la famille, Dieu sait que de +thèmes et de versions le brave petit était déjà venu me soumettre! + +Vous pensez bien dès lors que cette invitation ne pouvait pas tomber +dans l'oreille d'un sourd. Le temps d'endosser mon paletot et de prendre +ma canne, j'étais parti, quand mes yeux avisèrent l'envoi de mon +libraire. + +--Un conseil de famille! à la veille du 1er janvier! Il y va du plaisir +d'Edouard, de Jujules et de Mimi!... Plus de doute; c'est de la grande +question des étrennes qu'il s'agit... Je le crois fichtre bien que mes +lumières ne seront pas de trop, ni mes livres non plus. En route! + +Plus heureux que certains capitaines, j'avais arrêté mon plan de +campagne en un instant. Me voilà en route, mon artillerie sous le bras, +et dix minutes après je faisais mon entrée dans le salon de la rue +Turgot. + +Une exclamation joyeuse salua mon apparition. Je ne pris que le temps de +déposer dans un coin mon paquet de livres, de le dissimuler tant bien +que mal sous mon chapeau, et, cela fait, j'offris mes deux mains aux +mains amicales déjà tendues vers moi. + +Mon ami et sa femme m'avaient attendu en toute confiance. + +--Les enfants, me dit-il, ne doivent rien savoir de notre entretien. +Mimi est au lit et dort sur ses deux oreilles; Jujules doit être en +train d'imiter son exemple. Edouard est en tête à tête avec une version +qui le tiendra jusqu'à dix heures au moins. Assieds-toi là; voilà un bon +quart-d'heure que la discussion est entamée et nous n'avons pu nous +mettre d'accord. Tu seras l'arbitre. En attendant, je donne la parole à +ma femme. + +Je m'installai au coin du feu, et, sans plus tarder, l'orateur désigné +débuta en ces termes: + +--Figurez-vous, mon ami, s'écria-t-elle, que cet entêté de Victor +s'obstine à me contredire, sans l'ombre d'une bonne raison! Il s'agit +des étrennes des petits. Savez-vous ce qu'il exige, mon mari? Tout +simplement que pas un joujou n'entre dans la maison. Savez-vous ce qu'il +veut leur donner? Des livres, rien que des livres, mon ami, comme si ce +pauvre Edouard n'avait pas assez à faire toute l'année de lire ses +livres de classe, comme si Jujules, avec ses quatre heures d'école par +jour, n'en avait pas plein la tête de ses grammaires et de ses +conjugaisons, comme si mademoiselle Mimi était d'âge à fourrer son petit +nez dans un alphabet! Est-ce de la raison cela, oui ou non? Répondez! + +--Halte-là, lui dis-je en riant, avant tout verdict, la justice exige du +tribunal que parole soit donnée à la défense. + +Mon ami n'eut garde d'obéir à l'invitation. + +--Demande-lui plutôt de t'exposer son système. Nous ne sommes pas au +bout. + +--Mon système! reprit-elle avec sa volubilité ordinaire, il est +très-simple, mon système! Depuis que le monde est monde et que le 1er +janvier est le 1er janvier, les bébés n'en ont pas connu d'autre. Que +leur faut-il à ces chers petits pour être heureux? De quoi satisfaire +les exigences de leur âge, rien de plus, de quoi jouer, c'est-à-dire des +jouets. Nous donnerons une belle poupée à Mimi, des soldats de plomb à +Jujules, et un télégraphe électrique à Edouard. Une promenade chez +Giroux pour voir les meilleurs des jouets nouveaux, et en moins d'une +heure de temps l'affaire sera faite. Après cela, si mon mari tient +absolument à des livres, je ne vois pas de mal, au contraire, à en +mettre quelques-uns par-dessus le marché. Ça ne sera pas long. Qu'ils +soient dorés sur tranche, avec de jolies images et une couverture +solide, il n'en faut pas davantage. Il suffit d'écrire au premier +libraire venu. Je ne suis pas entêtée et je ne chicanerai pas sur ces +bagatelles. Mais là, sincèrement, croyez-vous que ce soit l'essentiel? + +Mon ami me regarda en souriant. La question était posée avec toute la +netteté désirable. Je ne pouvais me dispenser d'intervenir, d'autant +plus que si le mari gardait le silence, quoique avocat, c'est qu'il +avait évidemment déjà dépensé le meilleur de son éloquence en pure +perte. Là où un avocat avait échoué, pouvais-je espérer de réussir? Je +pris néanmoins mon courage à deux mains et sans plus de précautions +oratoires: + +--Laissez-moi vous le dire, chère Madame, l'arbitre n'est point de votre +avis. Il l'est si peu qu'avant de venir à vous, se doutant bien un peu +de ce qui allait se passer, il a eu soin de se munir de toute une +kyrielle d'arguments reliés, en veau. Ils sont là-bas, dans un coin, +sous mon chapeau. Je vais les étaler sur la table, nous les +interrogerons en commun, et si après cela vous n'êtes pas ralliée à +l'opinion de votre mari, qui est la mienne, je serai bien surpris et un +peu mortifié, je l'avoue. + +--Quoi! vous arriviez donc avec votre siège fait à l'avance! + +--Nullement. Et pour vous le prouver, nous allons vider la question sans +recourir à ces précieux auxiliaires. Voulez-vous que je m'ouvre à vous +en toute franchise, et permettez-vous à un vieil ami de vous démontrer +que dans votre petit discours de tout à l'heure, il y a presque autant +d'hérésies que de mots? + +--Allez! allez toujours!... me dit-elle en riant; voilà un début qui +promet. + +--Je commence. Votre mari n'a pas ouvert la bouche, et vous ne direz pas +que nous nous sommes entendus à l'avance. Ainsi, d'après vous, les +joujoux c'est l'essentiel, et les livres le superflu. Je ne veux pas +médire des joujoux; je ne parlerai même pas de la dépense. Un nègre qui +tire la langue a sa valeur; polichinelle n'a point démérité; les soldats +de plomb alignés en bel ordre sur un tapis vert, c'est un jeu récréatif +et inoffensif tout à la fois; la poupée de Mimi n'encourra pas mes +colères, et si le télégraphe électrique d'Edouard n'est pas détraqué en +huit jours, je me ferai un très-sincère plaisir d'expédier une +dépêche... + +--Eh bien, alors? + +--Eh bien, alors, cela prouve que je sais faire des concessions, moi +aussi. Si votre bourse vous permet de joindre l'utile à l'agréable, rien +de mieux. Mais de grâce, ne venez pas me dire que l'utile est la +bagatelle et l'agréable le nécessaire. Savez-vous où vous conduira ce +beau système? A dépenser tout votre argent pour des superfluités qui +dureront huit jours, et à consacrer quelques sous à ce qui devrait tenir +la première place dans vos préoccupations. Qu'arrivera-t-il? C'est que +vous mettrez une heure à parcourir la boutique de Giroux, et que vous +emploierez deux minutes pour écrire à votre libraire de vous expédier +«par-dessus le marché» quelques bouquins à belles images, dorés sur +tranche, sans vous inquiéter du contenu? N'en avez-vous pas fait l'aveu +tout à l'heure? + +--Oh! nous choisirons bien un peu... + +--Un peu! Et qui vous dit que ces livres, admis par faveur, par +complaisance, sans grand examen, ne seront pas des hôtes factieux ou +niais. Vous croyez sincèrement que l'enfant est insensible à ces +cadeaux-là. Je pense pour ma part que ce sont ceux auxquels il tient le +plus. En voulez-vous une preuve? Une anecdote vaut souvent mieux qu'un +long plaidoyer. Je crois bien l'avoir déjà racontée quelque part, cette +anecdote-là, mais peut-être ne la connaissez-vous pas?... + +--Dites toujours, on vous écoute... + +--C'était il y a un an, au 1er janvier. J'assistai à un dîner auquel +avait été conviée toute une kyrielle d'enfants. Le maître de la maison, +un père Cigogne par excellence, avait pris soin de placer aux côtés +d'une charmante petite fille un petit monsieur de huit ans, bavard comme +une pie, et nous comptions tous sur la rencontre, espérant que ce +voisinage délierait une langue fertile en saillies inattendues. Mon +bonhomme salua gravement sa voisine, mais ne dit pas un mot. Il semblait +embarrassé; on eût dit qu'il cherchait dans sa mémoire un bout de phrase +pour entamer l'entretien et qu'il ne le trouvait pas. Nous surveillions +ce petit manège en faisant semblant de ne rien voir, ce qui est la +meilleure façon de bien voir. Enfin notre héros prit son courage à deux +mains; + +--«Mademoiselle, dit-il tout à coup d'une voix ferme et avec le plus +gracieux sourire du monde, _on met toujours-la valeur à côté de la +beauté_.» + +Vous entendez d'ici le rire général. Cette phrase pompeuse, où les deux +voisins étaient également bien partagés, révélait des qualités +louangeuses qui ne laissaient pas d'être inquiétantes pour l'avenir. Où +diable cet étonnant mioche avait-il déniché son madrigal? Je voulus en +avoir le coeur net et, le soir même, je m'en ouvris à la mère en toute +confidence. + +Celle-ci se mit à rire. + +--«Il n'y a qu'un moyen, me dit-elle, d'élucider la chose, c'est de +consulter sa petite bibliothèque. Il a eu, toute la journée, le nez +fourré dans un petit livre qu'il a reçu ce matin, un cadeau d'étrennes. +Je serais bien sur prise si nous n'y trouvions pas le mot de l'énigme.» + +On alla chercher le livre, une sorte de keepsake soi-disant à l'usage +des enfants, et à force de tourner et de retourner les pages, je finis +par découvrir dans un coin la fameuse déclaration qui nous intriguait si +fort. La phrase était jetée là, sous une vignette empruntée à quelque +almanach, sans prétention aucune, et jamais aucun de nous ne l'eût +remarquée en une autre occasion. C'était un pompier qui l'adressait à +une nourrice.--Que pensez-vous de mon anecdote? + +--J'attends la conclusion. + +--La conclusion est très-simple; elle se divise en deux parties. La +première c'est que, dans l'ordre de la lecture, rien n'est insignifiant. +Les enfants ont une mémoire particulière, des tiroirs tout prêts, où ils +emmagasinent les moindres mots. Celui-là avait eu la bonne fortune de +plaire à notre héros, et il avait su le mettre à profit. Jugez par cela +du chemin qu'aurait pu faire dans sa cervelle cette littérature de +pacotille, ces livres «par-dessus le marché» dont vous parliez tout à +l'heure. La seconde conséquence, c'est qu'à cet âge où les idées se +forment, le livre est un conquérant, un séducteur qui peut rivaliser +avec le nègre qui tire la langue et les automates au tambour, à cette +différence près qu'il ne faut pas longtemps pour que la langue du nègre +refuse l'exercice et que les baguettes du tambour se démènent dans le +vide, tandis qu'avec le livre, pas d'accidents à craindre. + +--Je vois où vous voulez en venir, me dit la jeune femme d'un ton plus +sérieux que de coutume; mais avouer l'influence souveraine du livre, +n'est-ce pas en dénoncer le danger? Où les trouver aujourd'hui ces +histoires amusantes et instructives qui remplacent les jouets, et font, +comme on dit, la joie des enfants et la sécurité des parents? + +--Où? Je m'en vais vous le dire, et si je parviens à vous convaincre, je +ne regretterai pas d'être venu: Mais remarquez, en attendant, que vous +me faites la partie belle en reconnaissant déjà que dans la hiérarchie +des cadeaux le livre mérite d'occuper la première place, le premier +rang? + +--Ne vous hâtez pas de triompher, s'écria-t-elle; j'écoute, voilà tout. + +--Soit. Je continue. Et, à vrai dire, le meilleur moyen de vous +convaincre, c'est de vous dire l'article que très-probablement j'aurais +écrit ce soir, si votre billet n'était venu me surprendre. De cette +façon, notre conversation nous aura servi à tous les trois. La +discussion me fournira des idées que le tête à tête avec le papier blanc +ne m'aurait fournies que beaucoup plus lentement. + +Où la trouver, dites-vous, cette littérature du premier âge qui prend +chaque année plus d'importance dans les charmantes distributions que +ramène le 1er janvier? Eh bien, mes chers amis, la recette est fort +simple: allez-vous-en tous deux frapper au n° 18 de la rue Jacob, +présentez-vous de ma part, demandez le catalogue de la maison, et +livrez-vous en toute sécurité à un choix abondant; je vais vous dire +pourquoi vous serez sûrs de ne pas vous tromper... + +--Il y en a donc pour tous les âges dans cette maison-là? + +Prosper Chazel. + +(La fin prochainement.) + + + +NOS GRAVURES + +Procès du maréchal Bazaine + +LE DÉNOUMENT + +Nous avons, dans notre précédent numéro, consigné à la dernière minute +la condamnation à mort avec dégradation de celui qui fut le maréchal +Bazaine. + +Depuis lors, la clémence du président de la République s'est étendue sur +le condamné, qui avait laissé passer les délais légaux sans se pourvoir +en révision. La peine de mort prononcée contre lui a été, sur la +proposition du ministre de la guerre, commuée en celle de vingt années +de détention, avec dispense des formalités de la dégradation militaire, +mais sous la réserve de tous ses effets. Ajoutons qu'un recours en grâce +avait été adressé au ministre par tous les membres du conseil de guerre. +Nous constatons simplement ces faits. L'éclatante lumière qui s'est +produite au cours du procès a rendu d'avance superflue toute +appréciation. + +Cela dit, revenons un peu sur nos pas. Pour expliquer nos gravures, il +est nécessaire que nous entrions dans le détail des faits qui ont +précédé et suivi le prononcé du jugement. + +La délibération des juges militaires, que représente notre premier +dessin, a été longue. Elle a duré de quatre heures et demie de +l'après-midi à neuf heures moins vingt minutes. L'arrêt a été affirmatif +sur toutes les questions, à l'unanimité, ce qui a surpris, car le bruit +courait dans le public que deux des juges étaient acquis à l'accusé. Au +moment où le conseil s'était retiré pour délibérer, M. Bazaine avait été +emmené et était rentré chez lui, après avoir stationné un instant dans +le salon des Bouclier. Ce salon, ainsi nommé à cause des quatre tableaux +qui le décorent, est situé un peu avant l'escalier conduisant à +l'appartement de l'accusé. Quelque temps après, M. le capitaine Maud'huy +avait fait introduire dans ce même salon le peloton qui, suivant les +prescriptions de la loi militaire, devait assister en armes à la lecture +du jugement. Et à neuf heures précises, Me Lachaud allait porter à +Trianon-sous-Bois la nouvelle de la condamnation, que le maréchal, qui +était alors entouré des membres de sa famille, reçut avec beaucoup de +fermeté. Peu après, un sous-officier venait le chercher pour le conduire +dans le salon des Boucher, où on l'attendait pour lui donner lecture du +jugement de condamnation. + +Quand il pénétra dans le salon, la garde était sous les armes. En face +de lui se trouvaient réunis MM. les généraux Pourcet, commissaire +spécial du gouvernement près le premier conseil de guerre, et de Colomb, +son substitut, M. le commandant Martin, qui siégeait également au banc +du ministère public durant les débats, et MM. les greffiers Alla et +Castres. Une table, occupant le milieu de la pièce, les séparait du +condamné. A gauche de cette table était aligné le peloton, qui +appartenait au 40º régiment de ligne. Enfin, derrière le maréchal se +tenaient MM. le colonel Villette et le capitaine Maud'huy. Le salon +n'était éclairé que par deux lampes placées sur la table dont nous +venons de parler. + +A l'apparition du maréchal Bazaine, la garde porta et présenta les +armes. Il y avait encore lieu de lui rendre les honneurs dus à sou +grade, car s'il était condamné, sa condamnation n'était pas devenue +définitive. + +--Où dois-je me mettre? demanda-t-il au greffier. + +--Où vous êtes, M. le maréchal, cela est bien ainsi. + +Et M. le greffier Alla, sur l'ordre de M. le général Pourcet, donna +aussitôt lecture du jugement qui venait d'être rendu. C'est le moment de +cette scène dramatique que représente notre deuxième dessin. + +La lecture finie: + +--Eh bien! je suis prêt. On me fusillera quand on voudra, dit le +condamné s'adressant au général Pourcet. + +--Monsieur le maréchal, répondit celui-ci, j'ai à vous informer que la +loi vous accorde vingt-quatre heures pour vous pourvoir en révision +contre le jugement que vous venez d'entendre. + +--Ah! Et le délai commence?... + +--Aujourd'hui à minuit pour finir demain à pareille heure. + +--C'est bien. Est-ce tout? + +--C'est tout. + +Et le maréchal ayant salué, se retira. Nous ne rentrerons pas avec lui +dans son appartement, où l'attendait sa famille éplorée. Ici la +situation commande et il est de convenance stricte de s'arrêter devant +le huis clos des douleurs intimes. Avant de finir, disons un mot de la +très-touchante scène que représente notre troisième dessin. Alors que le +conseil délibérait, Mme Bazaine, dévorée d'inquiétudes, tour à tour +espérant et désespérant, courut à la chapelle de Trianon; et là, +agenouillée, les mains jointes, pria avec ferveur, invoquant le ciel en +faveur de son mari. Le ciel ne l'a pas exaucée, ai-je entendu dire. Je +ne suis pas de cet avis. S'il ne lui a pas accordé pour l'accusé une +chose impossible, encore a-t-il fait entrer dans le coeur de ceux de qui +dépendait son sort, un sentiment de commisération tel, qu'il les a +induits à outrepasser, imprudemment peut-être, en sa faveur, les limites +extrêmes de l'indulgence. + +M. Bazaine doit subir sa peine au fort de l'île Sainte-Marguerite. + +Cette île est située en face de Cannes; elle a une longueur de 6 +kilomètres environ, sur une largeur moyenne de 1500 mètres. A la pointe +est, se trouve le fort, qui a une garnison de cent cinquante hommes, +seuls habitants de l'île. On sait que c'est au fort Sainte-Marguerite +que fut longtemps détenu l'homme au masque de fer. Ce fort a également +servi de prison aux Arabes condamnés à la suite des dernières +insurrections d'Algérie. Près de l'île Sainte-Marguerite se trouve l'île +Saint-Honorat, qui forme avec elle le groupe des îles de Lérins, et où +l'on voit les ruines d'un monastère très-ancien. Elle est aujourd'hui la +propriété d'un Anglais qui l'a achetée il y a quelques années. + +Nous reviendrons prochainement, en en donnant quelques vues, sur ces +îles et sur le fort Sainte-Marguerite. + +Louis Clodion. + + + +Violettes, Tableau de M. Edouard Dubufe. + +On se rappelle le succès obtenu par cette charmante composition au Salon +de cette année; la foule s'y arrêtait avec complaisance, et +l'_Illustration_ a pensé être agréable à ses lecteurs, en la faisant +graver et tirer à part, pour la leur offrir. + +Sans doute, nous n'avons plus ici le prestige de la couleur, l'harmonie +des tons habilement combinés; mais qu'elle est jolie, la _dame aux +violettes_, dans son attitude d'une grâce si simple et si vraie! Le +corps se laisse doucement aller sur les moelleux coussins; la belle +songeait sans doute, nonchalamment étendue; sa pensée flottait, +indécise, au gré de ses souvenirs ou de ses espérances, quand une lettre +lui est arrivée, et l'a tirée de son demi-sommeil. + +Une lettre! c'est-à-dire un fait bien écrit, bien précis, alors qu'on +s'abandonnait, en toute sérénité, aux doux bercements du rêve! Aussi, +comme la tête s'est relevée aussitôt, comme le front est devenu sérieux, +comme le regard parcourt attentivement les lignes tracées par la main +d'un cher absent! Ne cherchons pas plus loin; le poète n'a-t-il pas +écrit: + + Sçavoir ce qu'elle contient, + Bien fin qui pourrait le dire? + + + +Les exécutions de Santiago + +Nous terminons aujourd'hui la publication commencée dans notre dernier +numéro, des documents qui nous sont parvenus sur le lugubre drame qui a +suivi la capture du _Virginius_. Nous avons déjà dit, précédemment, +combien les nombreuses expéditions du _Virginius_ avaient aidé +l'insurrection cubaine à se soutenir en l'approvisionnant, en abondance, +d'armes, de munitions et de combattants recrutés aux États-Unis. On peut +juger par là de l'explosion de joie qui se produisit dans la population +de Santiago lorsqu'on vit arriver au port ce pourvoyeur de guerre +civile, sous l'escorte du _Tornado_. Malheureusement on ne se contenta +pas de la manifester bruyamment, cette joie, les cris de vengeance +s'élevèrent de toutes parts et l'on demanda la mort du capitaine et de +l'équipage. Le général Burriel, gouverneur de Santiago, crut devoir +céder aux clameurs de la foule, et après une procédure sommaire, +cinquante-trois des malheureux captifs furent condamnés à mort et +fusillés. Cette boucherie terminée, des pièces d'artillerie, attelées de +six chevaux, furent promenées sur les cadavres aux acclamations d'une +populace en délire, jusqu'à ce que, broyés sous les roues et sous les +pieds des chevaux, ils eussent perdu toute forme humaine. Telles sont +les horribles scènes que reproduisent nos deux dessins; on comprend qu'à +leur récit une indignation générale se soit manifestée d'un bout à +l'autre des États-Unis. + + + +La bourse aux timbres-poste + +Bourse, est-ce bien le mot? marché exprimerait peut-être mieux la chose. +Quoi qu'il en soit, bourse ou marché, marché ou bourse, c'est en plein +coeur des Champs-Elysées qu'ont lieu les opérations dont il s'agit. + +On se réunit sur le large trottoir qui borde la maison de l'avenue +Gabrielle portant le numéro 36. Palais de la nature que couvre en guise +de dôme le ciel bleu, quand il n'est pas gris. On a donc devant soi +l'avenue Marignv, avec ses quatre Guignols, et à l'horizon l'entrée +principale du palais de l'Industrie, dont une forêt d'arbres, en ce +moment nus et grelottants, ne parvient pas à masquer la masse énorme. +Industrie d'un bout, commerce de l'autre, ceci nous ramène à nos +moutons, je veux dire à nos timbres. + +Le plaisant de l'affaire, ce n'est pas la nature du commerce. +Collectionner des timbres-poste n'est pas plus un cas pendable que de +collection lier des autographes, voire des tabatières ou de vieux pots. +Non, le plaisant et le curieux, c'est le trafiquant lui-même. +Figurez-vous un marché vu par le petit bout de la lorgnette, bourse à +Lilliput. Telle, la bourse aux timbres-poste. En se pressant un peu, +toute l'assemblée tiendrait certainement dans une serviette. Petit monde +singulier. Tout à l'heure il courait, sautait et s'en donnait à coeur +joie. Le voilà maintenant affairé, grave, recueilli. C'est que l'heure +de la bourse a sonné, et comme on dit, «les affaires sont les affaires». +Chacun de ces petits bonshommes s'avance, muni d'un album dont toutes +les feuilles sont divisées en un certain nombre de compartiments, +alvéoles destinées à enchâsser les timbres suivant un ordre méthodique, +timbres de tous les prix et de tous les pays, de toutes les formes et de +toutes les grandeurs, de toutes les couleurs et de toutes les effigies. +Tous les compartiments ne sont pas remplis. Ces vides indiquent ou les +pièces qui manquent à la collection, ou bien celles dont, en prévision +d'une hausse, on se propose d'acquérir au plus bas prix possible un +certain nombre d'exemplaires, pour les revendre ensuite avantageusement, +le moment venu. C'est là le fin de l'opération, notez; car par ce moyen, +et sans qu'il en coûte grand chose, on peut arriver à parfaire tout +doucement sa petite collection. Et d'aucuns y arrivent, à ce qu'il +paraît. Mais ce sont les malins, ceux-là; et ne croyez pas qu'ils +fassent les finauds! Bien au contraire. A voir leur air innocent et +candide, vous jureriez certainement qu'ils sont du bois dont on ne les a +pas faits. Renards couverts d'une peau d'agneau, ils vont et viennent, +l'oreille à tout, et l'oeil aussi, et prenez bien garde à vos poules! +Là, pas de pouf à craindre d'ailleurs, car c'est au comptant que se +traitent toutes les opérations. Et cela posément, sans confusion, sans +le moindre cri. On s'aborde en feuilletant les albums. On compte les +lacunes. Alors:--Je demande ou j'offre tel timbre, y a-t-il vendeur ou +acheteur?--Voilà.--Combien?--Tant.--C'est cher.--Il y a hausse.--Jeudi, +ils n'étaient qu'à tant; trop d'écart.--C'est qu'il s'en est beaucoup +vendu. A prendre ou à laisser. + +On prend ou on laisse, selon. Cela dépend du vent qui souffle sur le +marché et fait tourner toutes ces petites têtes folles. Et puis, il y a +là aussi, comme ailleurs, des haussiers et des baissiers. Tel timbre est +un jour déprécié, qui le jour suivant est porté aux nues, et +réciproquement. Ainsi, en ce moment, le Brésil est en faveur, et les +villes hanséatiques sont recherchées. Demain en sera-t-il encore de +même? Demandez-le à M. votre fils. C'est peut-être une des fortes têtes +de la bourse aux timbres. Il est cependant certaines valeurs qui +échappent à toute pression, par exemple le Maximilien, depuis longtemps +hors de prix. Voilà où nous en sommes. Allez vous promener aux +Champs-Elysées, vous pourrez voir les voilures de chèvres inoccupées, +les chevaux de bois immobiles, Guignol désespéré se battre en vain les +flancs devant des chaises vides; mais pour ce qui est de la bourse aux +timbres, si, dès qu'elle est ouverte, un seul instant vous la voyez +chômer, dites qu'il y a encore des enfants. Hélas! pour ma part, je +commence bien à craindre qu'il n'y en ait plus. + +Louis Clodion. + + + +Auguste de la Rive + +Auguste de la Rive est fils d'un physicien suisse, né comme lui à +Genève, et qui s'était consacré comme il devait le faire lui-même, +presque entièrement à l'étude de l'électricité. Appartenant à une des +plus riches et des plus anciennes familles de la cité de Calvin, Auguste +de la Rive hérita non-seulement de la grande fortune de son père, mais +encore du talent et des amitiés scientifiques qu'il avait formées +pendant la période la plus orageuse de notre révolution. + +Les premières expériences que le jeune de la Rive vit exécuter dans la +maison paternelle furent celles de Davy, et ses premiers travaux +scientifiques furent faits sous la direction d'Ampère. Un de ses +premiers amis fut Faraday, que son père contribua à tirer d'une +situation voisine de la domesticité, dans des circonstances dignes +d'être rapportées. + +Faraday, tout à fait inconnu et très-pauvre, désirait vivement +d'accompagner sur le continent Davy, dont il était le garçon de +laboratoire plutôt que le préparateur. Davy consentit, mais à condition +que Faraday lui servirait de domestique pendant tout le temps qu'il +serait sur le continent. Faraday accepta et tint parole. Les étrangers +ne pouvaient se douter qu'il y avait un savant immortel sous l'habit de +ce valet. + +Davy s'arrêta à Prelioxes, bien patrimonial des de la Rive, qui depuis +la Révolution française y pratiquent la plus généreuse hospitalité +vis-à-vis des savants de toutes les nations. Davy avait naturellement +amené avec lui son valet, qui le suivit dans une partie de chasse. M. de +la Rive, le père, ayant eu occasion de s'entretenir avec ce jeune homme, +fut frappé de la profondeur et de la maturité de ses réponses. Il +insista et obtint non sans peine l'aveu de la vérité. Peu satisfait de +cette découverte, il insista vivement auprès de Davy pour obtenir de +mettre fin à cette comédie, moins digne encore de celui qui la donnait +que de celui qui en était victime. Mais Davy resta inébranlable. Il +exigea que le contrat fut exécuté à la lettre et que Faraday continuât +de manger à la cuisine avec les autres domestiques. M. de la Rive, ne +voulant pas rompre avec un ami, prit un terme moyen. Faraday fut servi +seul dans sa chambre, et Auguste de la Rive alla plus d'une fois +partager ses repas. De cette époque date une amitié des plus tendres +qu'aucun nuage n'a jamais obscurcie. + +De la Rive père avait émigré en 1794, après avoir été retenu quelque +temps en prison. En 1813, il fut un des premiers à proclamer le retour +de Genève à la Suisse. + +De la Rive fils resta fidèle à la politique paternelle. Quand la +Confédération helvétique se crut menacée de perdre la perle du Léman, +Auguste de la Rive fut envoyé à Londres comme ministre plénipotentiaire. + +Grâce à ses hautes liaisons il réussit à obtenir du cabinet de +Saint-James la signature d'un protocole secret. L'annexion de Genève à +la France était déclarée un _casus belli._ + +C'était la première fois que de la Rive rentrait dans la vie politique +d'où il était écarté depuis la révolution de 1846. Systématiquement +opposé à la guerre du Sonderbund, il avait donné alors sa démission de +toutes ses fonctions publiques, même de celles de professeur de physique +à l'Université. + +C'est en 1864 qu'il fut nommé membre associé de l'Académie des sciences +à laquelle il appartenait depuis de longues années en qualité de +correspondant. + +A l'issue de la dernière exposition universelle il exécuta à Paris même, +sur une immense échelle, ses magnifiques expériences sur la rotation de +la lumière électrique soumise à l'action des aimants. + + + +[Illustration: M. DE LA RIVE.] + +On lui doit la connaissance de la dorure galvanique. + +L'Académie des sciences lui décernait en 1842 un prix de 3,000 francs, +en même temps qu'elle récompensait MM. Ruolz et Elkington qui avaient +fait passer cette immense découverte dans le domaine de la pratique +commerciale. + +De la Rive est le premier physicien qui ait imaginé d'employer des +substances insolubles pour dépolariser les piles voltaïques. Il a ouvert +la voie suivie par MM. Marié Davy, Leclanché et Grenet. + +Enfin on lui doit la démonstration complète d'un grand fait de physique +générale. Couronnant l'édifice si largement commencé par Faraday il +porta le coup de mort à la théorie métaphysique du contact. La grande +doctrine de l'_équivalence des forces naturelles_ lui doit un de ses +principes fondamentaux les plus précieux. + +Ses travaux sont exposés dans son cours d'_Électricité théorique et +appliquée_, publié il y a seize ans par la maison J.-B. Baillière. Cet +ouvrage magistral n'est point à la veille d'être détrôné. + +Auguste de la Rive était un journaliste scientifique dans l'acception la +plus élevée du mot. Il n'y avait pas de mémoire important qu'il ne lût +et n'étudiât en quelque langue qu'il fût écrit. Il fut constamment le +plus actif collaborateur des Archives des sciences physiques et +naturelles, après avoir publié et rédigé tout seul pendant les années +1841, 1842, 1843, 1844 et 1845 les _Archives de l'électricité_. + +Comme Hausteen et Donats, qui ne l'ont précédé dans la tombe que de +quelques mois, il a consacré ses dernières veilles à l'étude des aurores +boréales. Il est un des fondateurs de cette météorologie cosmique qui ne +vient que de naître, et qui déjà ouvre à la science de l'avenir de si +merveilleux horizons! + +Il est mort à Marseille, à l'âge de 72 ans, des suites d'une attaque de +paralysie. + +W. DE FONVIELLE. + + + +[Illustration: TYPES ET PHYSIONOMIES DE PARIS.--La petite bourse des +timbres-poste aux Champs-Elysées.] + + + +L'HISTOIRE DE FRANCE + +DE M. GUIZOT + +Dans un premier article, nous avons, la semaine dernière, jeté un coup +d'oeil sur le troisième volume de l'_Histoire de France_, de M. Guizot, +qui commence avec François 1er pour finir avec Henri IV. Deux mots la +résument: Renaissance et Réforme. Curieuse époque marquée au sceau du +fanatisme religieux, et dont toutes les pages sont tachées de sang. Nous +avons dit un mot de ces pieuses horreurs. N'y revenons pas. Aussi bien +si l'auteur, en ce tome troisième, évoque bien des figures odieuses, il +nous en montre aussi d'autres qui appellent d'elles-mêmes et captivent +le regard. Parmi ces dernières brille en première ligne celle de +Rabelais, cet illustre bohème qui passa les deux tiers de sa vie à +courir le monde, s'arrêtant le temps seulement d'écrire les célèbres +chroniques que l'on sait, et qui fut non-seulement l'écrivain le plus +original et le plus éminent de la première moitié du XVIe siècle, mais +encore sa personnification la plus vivante et la plus vraie. Une + +[Illustration: Henri de Guise parcourant les rues de Paris après le +massacre de la Saint-Barthélémy.] + +[Illustration: HENRI III ET SES MIGNONS.] + +autre figure, grande aussi et particulièrement sympathique et +intéressante est celle de cette gracieuse reine de Navarre, soeur de +François 1er, Marguerite de + +[Illustration: Marguerite de Valois.] + +Valois qui avait, comme l'a dit Marot, «corps féminin, coeur d'homme et +tête d'ange». Mais ce qui la fait tant et de si loin briller à nos yeux, +c'est la supériorité de son esprit, son excessive bonté, son amour pour +la poésie, la protection généreuse et intelligente qu'elle accorda, elle +catholique, à la réforme. Aussi n'y a-t-il pas lieu de s'étonner des +soupçons d'hérésie qui planèrent sur elle, et, à parler franchement, je +crois bien qu'au fond elle était un peu hérétique, il est encore une +chose digne de remarque, c'est qu'au XVIe siècle, où comme dit Anquetil, +les femmes de la cour étaient un objet de scandale, Marguerite pouvait +passer pour une vertu, à quelques peccadilles près que nous ont fait +connaître la muse indiscrète de Marot qu'elle aima, et cette _mauvaise +langue_ de Brantôme. La Marguerite des marguerites eut toujours pour son +frère une affection profonde qui, approchant de la faiblesse, s'étendit +parfois jusque sur ses maîtresses. Ce fut elle-même qui orna de devises +les bagues données par François à la belle comtesse de Chateaubriand, +laquelle fut plus reine que Claude-la-Bonne avant la bataille de Pavie, +ce qui ne l'empêcha pas, si l'on en croit Varillas, de mourir fort +tragiquement, le roi l'ayant abandonnée à son retour. Il nous reste des +ouvrages de la reine de Navarre soixante-douze contes que l'on + +[Illustration: Hérétiques condamnés au feu et brûlés en 1546 au grand +marché de Meaux.] + +attribue en partie à ses amis; le _Miroir de l'âme pécheresse_ les +_marguerites de la Marguerite des princesses_, pièces recueillies par +Sylvius de la Haie; quelques mystères, des farces, une pièce de vers sur +la captivité de son frère, enfin le _Débat d'amour_ qu'elle composa à +l'âge de cinquante ans et qui n'a pas été imprimé. + +L. C. + +[Illustration: Marie Stuart.] + +[Illustration: Rabelais.] + +Gravures extraites de l'Histoire de France racontée à mes petits +enfants, par M. Guizot. (Librairie Hachette et Cie.) + + + +BIBLIOGRAPHIE. + +Les Merveilles de l'Industrie ou Description des principales industries +modernes, par M. Louis Figuier (1). + +[Note 1: Un vol. in-8º illustré de 415 gravures sur bois. Chez Furne et +Jouvet, rue Saint-André-des-Arts.] + +Combien pourrait-on citer aujourd'hui de personnes ayant une +connaissance, même superficielle, des procédés industriels? Les moyens +variés par lesquels l'homme transforme la matière, pour l'asservir à ses +besoins, sont un secret pour la plupart d'entre nous. Le verre, les +poteries, le savon, le sucre, le sel marin, le papier, les cuirs, etc., +servent à nos usages, à chaque instant de la vie, et pourtant la +majorité d'entre nous serait fort embarrassée de dire comment se +préparent le verre, les poteries, le savon, le papier, etc. L'industrie +est comme un livre fermé à tous les yeux. + +[Illustration.] + +Ce livre fermé, M. Louis Figuier prétend nous l'ouvrir. Dans l'ouvrage +nouveau qu'il vient de publier, les _Merveilles de l'industrie_, il +entreprend de révéler aux gens du monde et à toute personne désireuse de +s'instruire, les opérations des principales industries modernes. Le +volume que nous avons sous les yeux est consacré aux industries +chimiques, à savoir: le verre et le cristal,--les poteries, faïences et +porcelaines,--le savon,--les soudes et les potasses,--le sel marin,--le +soufre et l'acide sulfurique. L'auteur décrit avec soin les opérations +diverses qui servent à la fabrication de ces matières, et l'on est tout +surpris, en lisant ses descriptions, de voir quel intérêt peuvent +revêtir les matières industrielles traitées par un auteur qui a le désir +constant d'attacher et d'instruire. La masse de renseignements et de +notions utiles contenus dans les notices que nous venons de citer, est +vraiment immense, et leur utilité est d'une évidence sur laquelle il +n'est pas nécessaire d'insister. + +Deux mérites nous ont particulièrement frappé, à la lecture des +_Merveilles de l'industrie_. C'est d'abord le soin avec lequel l'auteur +expose l'histoire de chaque industrie. Dans la plupart des ouvrages ou +des dictionnaires où ces matières sont traitées, l'histoire de chaque +industrie est presque toujours passée sous silence. Dans l'ouvrage de M. +Louis Figuier, au contraire, l'histoire des inventions occupe une place +de premier ordre. L'auteur a toujours soin de remonter jusqu'aux +origines primitives de l'industrie qui l'occupe. Il la prend à son +berceau, chez les anciens, et la suit à travers les siècles jusqu'à +l'époque actuelle. C est là une source d'enseignements variés et pleins +d'intérêt pour le lecteur. + +[Illustration: Une verrerie chez les Égyptiens.] + +[Illustration.] + +La seconde qualité qui nous a frappé dans les _Merveilles de +l'industrie_, c'est la préoccupation constante de l'auteur d'éclairer le +texte de ses descriptions par le secours du dessin. Chaque opération +étant accompagnée d'une figure explicative, renseignement par les yeux +accompagnant sans cesse l'enseignement par la plume, il est toujours +facile de comprendre les explications de l'auteur. + +Les gravures qui accompagnent cet article (_la fabrication au verre chez +les Egyptiens,--la fabrications des vitres, le coupage du savon en +pains_), sont de doubles spécimens des nombreuses gravures qui +accompagnent l'ouvrage de M. Louis Figuier, et du genre de démonstration +figurée qui se rencontre à chaque page de ce livre. + +Les _Merveilles de l'industrie_ ont été présentées, avec beaucoup +d'éloges, à l'Académie des sciences, dans la séance du 15 décembre, par +M. Dumas, secrétaire perpétuel. + +Nous n'avons rien à ajouter à ce témoignage d'estime. + +Pierre Paget. + +[Illustration: Coupage du savon de Marseille en pains.] + +Gravures extraites des _Merveilles de l'industrie_, par Louis Figuier. +(Furne, Jouvet et Cie, éditeurs.) + + + +[Illustration: RÉBUS.] + +EXPLICATION DU DERNIER RÉBUS: + +Libres penseurs ou pieux pèlerins, la conscience est totalement libre! + + + + + + + + + + +End of the Project Gutenberg EBook of L'Illustration, No. 1608, 20 décembre +1873, by Various + +*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 1608, 20 *** + +***** This file should be named 44232-8.txt or 44232-8.zip ***** +This and all associated files of various formats will be found in: + http://www.gutenberg.org/4/4/2/3/44232/ + +Produced by Rénald Lévesque + +Updated editions will replace the previous one--the old editions +will be renamed. + +Creating the works from public domain print editions means that no +one owns a United States copyright in these works, so the Foundation +(and you!) can copy and distribute it in the United States without +permission and without paying copyright royalties. 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You may copy it, give it away or +re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included +with this eBook or online at www.gutenberg.org + + +Title: L'Illustration, No. 1608, 20 décembre 1873 + +Author: Various + +Release Date: November 19, 2013 [EBook #44232] + +Language: French + +Character set encoding: ISO-8859-1 + +*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 1608, 20 *** + + + + +Produced by Rénald Lévesque + + + + + +</pre> + + + + +<br><br> + +<div class="cont"> + + + + +<p class="mid"><img alt="" src="images/001.png"></p> + + +<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="1" + style="width: 100%; text-align: center;" summary="nil"> + <tbody> + <tr> + <td style="vertical-align: top; width: 33%;"> +<p class="mid"><span class="sml">REDACTION, ADMINISTRATION, BUREAUX D'ABONNEMENTS<br> +<i>22, rue de Verneuil, Paris.</i></span></p> + </td> + <td style="vertical-align: top; width: 34%;"> + <p class="mid"><span class="sml">31e Année. VOL. LXII. Nº 1608</span><br>SAMEDI 20 DÉCEMBRE 1873</p> + </td> + <td style="vertical-align: top; width: 33%;"> + <p class="mid"><span class="sml">SUCCURSALE POUR LA VENTE AU DÉTAIL<br> +60, rue de Richelieu, Paris</span></p> + </td> + </tr> + </tbody> +</table> + + + +<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="1" + style="width: 100%; text-align: left;" summary="nil"> + <tbody> + <tr> + <td style="vertical-align: top; width: 50%;"> + <p class="mid"><span class="sml"><b>Prix du numéro: 75 centimes</b><br> +La collection mensuelle, 3 fr; le vol. semestriel, broché,<br>18 fr.; relié +et doré sur tranches, 28 fr.</span></p> + + </td> + <td style="vertical-align: top; width: 50%;"> + <p class="mid"><span class="sml"><b>Abonnements</b><br> +Paris et départements: 3 mois, 9 fr.;--6 mois, 18 fr.;<br>un an, 36 fr.; +Étranger, le port en sus.</span></p> + </td> + </tr> + </tbody> +</table> + +<p class="mid"><span class="sml"><i>Les demandes d'abonnements doivent être accompagnées d'un mandat-poste<br> +ou dune valeur à vue sur Paris à l'ordre de M. Auguste Marc, +directeur-gérant.</i></span></p> + +<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="0" + style="width: 100%; text-align: left;" summary="nil"> + <tbody> + <tr> + <td style="vertical-align: top; width: 50%;"> + <p class="mid"> +<span class="sml"> +SOMMAIRE +<br><br> +TEXTE +<br><br> +Histoire de la semaine, +<br><br> +Courrier de Paris, par M. Philibert Audebrand. +<br><br> +P. Blanchard. +<br><br> +La Sœur perdue, une histoire du Gran Chaco (suite), par M. Mayne Reid. +<br><br> +Un voyage en Espagne pendant l'insurrection (fin). +<br><br> +La veille du 1er janvier. +<br><br> +Nos gravures: +<br><br> +Procès du maréchal Bazaine, le dénoûment. +<br><br> +Violettes. +<br><br> +La bourse aux timbres-poste. +<br><br> +Auguste de la Rive. +<br><br> +L'<i>Histoire de France</i>, de M. Guizot. +<br><br> +Les exécutions de Santiago. +<br><br> +Bibliographie: <i>Les Merveilles de l'industrie</i>, par Louis Figuier. +<br><br></span> +<p class="mid"><img alt="" src="images/001b.png"><br> +</td> + + <td style="vertical-align: top; width: 50%;"> + <p class="mid"> +<span class="sml"> +SOMMAIRE +<br><br> +GRAVURES +<br><br> +Procès du maréchal Bazaine: Mme Bazaine en prière dans la chapelle de +Trianon, au moment du prononcé du jugement; +<br><br> +Lecture de l'arrêt au condamné; +<br><br> +La délibération du conseil de guerre avant le prononcé du jugement. +<br><br> +P. Blanchard. +<br><br> +Événements de Cuba: exécution de l'équipage du <i>Virginius</i>, à Santiago +de Cuba; +<br><br> +Les cadavres foulés aux pieds des chevaux, après l'exécution. +<br><br> +M. de la Rive. +<br><br> +Types et physionomies de Paris: la petite bourse des timbres-poste aux +Champs-Elysées. +<br><br> +<i>L'Histoire de France</i>, de M. Guizot (6 gravures). +<br><br> +<i>Les Merveilles de l'industrie</i>, par M. L. Figuier (4 gravures). +<br><br><br> +Rébus. +</span><br><br> +<p class="mid"><img alt="" src="images/001b.png"></p> + </td> + </tr> + </tbody> +</table> + + + +<p class="mid"><img alt="" src="images/001a.png"><br> +<b>PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE. Mme BAZAINE EN PRIÈRE DANS LA +CHAPELLE DE TRIANON, AU MOMENT DU PRONONCÉ DU JUGEMENT.</b></p> + +<br><br> + + + <h3>HISTOIRE DE LA SEMAINE</h3> + <br> + <h4>FRANCE</h4> + + <p>Le mémorable procès dont la France entière suivait avec un si poignant +intérêt les péripéties depuis près de trois mois est enfin arrivé à son +terme: le sort du maréchal Bazaine est décidé. A l'unanimité sur toutes +les questions, le conseil de guerre siégeant à Trianon a condamné +l'ex-commandant de l'armée de Metz à la peine de mort et à la +dégradation militaire. Le maréchal a refusé de se pourvoir en révision, +mais le conseil tout entier a signé un recours en grâce; le duc d'Aumale +l'a remis immédiatement entre les mains du président de la République, +et, dès le surlendemain, le Journal officiel annonçait que la peine de +mort était commuée en vingt années de détention, et que le condamné +était dispensé des formalités de la dégradation militaire, mais sous +réserve de tous ses effets.</p> + + <p>L'Assemblée nationale a continué, pendant le cours de cette semaine, la +discussion du budget, qui s'est poursuivie sans autres incidents que la +présentation d'un certain nombre d'amendements ou d'observations dont +l'examen nous entraînerait trop loin. Pendant que cette discussion +suivait son cours en séances publiques, les commissions travaillaient à +l'élaboration des nouvelles lois organiques et constitutionnelles. Sur +la proposition de son président, M. Batbie, la commission des Trente +décidait que la loi électorale serait la première dont elle aurait à +s'occuper; puis elle nommait une sous-commission d'études ayant mission +de faire des recherches préparatoires. MM. d'Andelarre et Pradié ont été +chargés par cette sous-commission de compulser les ouvrages traitant de +l'organisation des pouvoirs publics; MM. Waddington et A. +Lefèvre-Pontalis d'étudier, dans les législations étrangères, les divers +modes de composition des Chambres hautes; M. Laboulaye, de faire un +exposé de l'organisation constitutionnelle dans les États américains. +D'autre part, la commission chargée de la rédaction de la nouvelle loi +municipale a terminé ses travaux et entendu le rapport de M. Clapier; +nous avons déjà mentionné les dispositions principales de la loi +nouvelle qui ont pour but, on le sait, d'enlever au suffrage universel, +pour le rendre au gouvernement, la nomination des maires, et d'imposer +aux communes les dépenses de police, telles qu'elles auront été fixées +par les préfets; contentons-nous de les appeler réformes fondamentales, +en attendant leur discussion en séance générale, où elles doivent +rencontrer, assure-t-on, une assez sérieuse opposition. +</p> + <p> +L'urgence et la gravité des lois constitutionnelles dont la commission +des Trente est saisie ne saurait être mieux démontrée que par les quatre +élections qui ont eu lieu dimanche dernier dans les trois départements +de l'Aude, de Seine-et-Oise et du Finistère. Comme presque toutes celles +qui se sont succédé depuis trois ans, ces élections se sont traduites +par des majorités considérables données aux candidats républicains. +Celle du Finistère, notamment, où M. Swiney l'a emporté par 61,000 voix +contre 42,000 données à son concurrent, M. Le Guen, est un symptôme +très-caractéristique du mouvement qui s'opère même dans les régions les +moins accessibles jusqu'à présent aux idées révolutionnaires, et paraît +avoir vivement affecté les groupes conservateurs de l'Assemblée. +</p> + <h4> +ALGÉRIE. +</h4> + <p> +M. le général Chanzy, gouverneur général de l'Algérie, a prononcé, le 3 +décembre, à l'ouverture de la session du conseil supérieur de la +colonie, un éloquent discours où est exposé avec un remarquable talent +tout un plan d'administration, qui a été accueilli avec une approbation +unanime. Ce discours peut être divisé eu deux parties; dans la première, +l'orateur énonce les principes généraux de son système; la seconde est +plus spécialement consacrée à l'explication des moyens pratiques +auxquels le gouverneur général juge utile de recourir, tels que: +organisation administrative, -- colonisation, -- grands travaux d'utilité +publique, -- entreprises industrielles, -- constitution de la +propriété, -- forêts, -- régularisation des opérations du séquestre. Nous +laisserons de côté cette deuxième partie, dont l'examen nous forcerait +d'entrer dans trop de détails techniques, pour ne nous occuper que de la +première. +</p> + <p> +Aux yeux de l'honorable général, les décrets de 1870 contiennent le +programme qu'il importe de réaliser au plus vite afin de justifier notre +réimplantation sur le sol africain, et c'est à la recherche des moyens +propres à amener «l'assimilation de l'Algérie à la mère patrie» que le +conseil supérieur doit consacrer toute son activité, tout son +patriotisme. Au nombre des mesures qui doivent être appliquées le plus +immédiatement, M. le général Chanzy place la disparition de cet +antagonisme, plus apparent que réel, entre ce qu'on appelle le régime +civil et le régime militaire. Si au lendemain de la conquête, et dans le +but de la consolider, de telles distinctions ont pu être nécessaires, +indispensables même, elles n'ont plus aujourd'hui de raison pour +subsister. «Je déchargerai, dit M. le gouverneur, dans la limite du +possible l'armée d'une tâche qui n'est plus la sienne et qu'elle ne +continue que par devoir; elle restera chargée temporairement des parties +où les populations indigènes, éloignées du contact des Européens, +doivent être dominées et sentir la force pour rester calmes.» +</p> + <p> +Mais, pour l'honorable général, «il n'y a point et il ne peut y avoir +ici deux régimes: le régime civil, le régime militaire; il n'y a qu'une +pensée: celle de tirer de cette magnifique colonie tout ce que la France +et la civilisation attendent de nos communs efforts. Il n'y a et ne peut +y avoir deux territoires avec leurs systèmes opposés; il y a une vaste +contrée soumise à la France, dans laquelle il nous faut introduire ses +institutions, en tenant compte des précautions que la sagesse et la +situation nous imposent. Pour moi, dans ce pays, désormais français, il +y a les parties qui peuvent et doivent être assimilées de suite, celles +dans lesquelles les institutions civiles et la justice de droit commun +sont possibles et doivent être complètes, et celles où le commandement +doit encore s'exercer, parce que seul il peut assurer, si on lui en +laisse les moyens, le bon ordre et la sécurité». +</p> + <p> +On ne pouvait mieux faire comprendre la mission du conseil supérieur et +de l'armée en Algérie, aussi doit-on attendre les plus grands résultats +de l'application des principes qui guident l'honorable gouverneur +général civil de l'Algérie. +</p> + <p> +En terminant son discours, M. le général Chanzy a exposé les motifs qui +l'avaient conduit à introduire dans le conseil supérieur les hauts +fonctionnaires chargés des affaires du département ou des territoires +restés sous le commandement militaire, et c'est par un appel au +patriotisme du conseil, que l'orateur a clos son éloquent plaidoyer en +faveur de la colonie: +</p> + <p> +«La politique, cette passion qui surexcite, n'a rien à faire dans cette +enceinte, et nous saurons justifier la confiance que le gouvernement qui +nous a nommé et que la population qui vous a désignés a mise en nous.» +</p> + <h4> +ÉTATS-UNIS. +</h4> + <p> +Le différend hispano-américain s'est terminé de la manière la plus +heureuse par la reddition aux autorités des Etats-Unis du <i>Virginius</i> et +des survivants de son équipage. Les détails manquent encore sur la +manière dont s'est opérée la restitution ainsi que sur les motifs du +brusque revirement d'opinion qui a permis aux autorités cubaines +d'exécuter des conditions d'abord déclarées inacceptables. Quoi qu'il en +soit il faut se féliciter de la solution pacifique d'une situation qui +aurait pu, en se prolongeant, amener les plus graves complications. +</p> + <h4> +SUISSE. +</h4> + <p> +Le Conseil fédéral de la république helvétique vient de prendre une +décision qui aura sans doute un grand retentissement dans le monde +catholique. Il a rompu avec le Saint-Siège et congédié le légat +accrédité comme chargé d'affaires auprès du gouvernement suisse. +</p> + <p> +M. Cérésole, président de la Confédération, a adressé à ce sujet à Mgr +Agnozzi, chargé d'affaires du Saint-Siège, une note diplomatique +déclarant que la mesure prise par le Conseil fédéral a été déterminée +par la publication de l'encyclique du 21 novembre, qui renfermait «des +accusations de la nature la plus directe et la plus grave contre +diverses autorités légitimement constituées en Suisse et contre +certaines décisions que ces autorités ont régulièrement prises». Cette +rupture solennelle est certainement regrettable; elle affligera +profondément tous les catholiques modérés, c'est-à-dire, comme le fait +remarquer le <i>Journal de Genève</i>, l'immense majorité des catholiques +suisses, «qui n'ont jamais séparé dans leur cœur le nom de religion de +celui de patrie». +</p> + <p> +Les journaux suisses, calvinistes et libres penseurs, applaudissent +naturellement à cette mesure. Ils prennent, de plus, le soin de +l'expliquer et de la justifier. Ils rappellent que depuis longtemps +l'opinion publique, en Suisse, était peu favorable au maintien de la +nonciature. +</p> + <p> +On reconnaissait,--disent-ils,--que non-seulement elle ne pouvait offrir +une utilité pratique, mais encore qu'elle n'avait plus de raison d'être. +Il est de fait que, dans sa grande réunion à Soleure, le <i>Volks-verein</i> +avait porté sur son programme révisionniste la suppression de la +nonciature, et que la commission du Conseil national avait fait droit à +ce vœu en proposant de l'inscrire dans la Constitution. +</p> + <p> +L'encyclique de Pie IX n'a donc été, pour le gouvernement des vingt-deux +cantons, qu'un prétexte opportun; la rupture était préméditée de longue +date. +</p> + <p> +La rupture des relations entre la Confédération helvétique et le Vatican +ne sera peut-être pas aussi sensible à la curie romaine que la nouvelle +mesure prise par le gouvernement bavarois, et qui, pour être beaucoup +moins radicale, constitue cependant une démonstration caractéristique. +</p> + <p> +Pendant longtemps, on le sait, le clergé avait été tout-puissant en +Bavière, à tel point que le roi Maximilien II était allé jusqu'à +subordonner la Constitution au concordat; ce souverain avait décidé que +toutes les fois que le pacte constitutionnel se trouverait en opposition +avec le concordat, celui-ci l'emporterait sur celui-là. +</p> + <p> +Le gouvernement de Munich vient de décider que, désormais, en cas de +conflit entre les lois du pays et la convention conclue avec le +Saint-Siège, c'est la législation nationale qui passera la première. +</p> + <p> +Les feuilles libérales bavaroises espèrent que cette mesure est la +préface de l'abolition complète du concordat. +</p> + +<br><br> + <h3> +COURRIER DE PARIS +</h3> + <p> +On a longtemps célébré la tendresse des habitants d'Enghien pour leur +lac. C'était alors la seule merveille de l'endroit. Un jour, le conseil +municipal avait posé deux plantons aux extrémités de l'amas d'eau; +c'était afin de surveiller les passants. «Défense d'approcher du lac, +sous peine de mort.» On aurait dit le Kisslar-Agha sur le seuil du +sérail. Monsieur le maire, faisant sa tournée quotidienne, prenait plus +grand soin du lac que de ses propres yeux. Quand le gros temps menaçait, +si le vent jetait sur la rive un grain de poussière ou une feuille +sèche, on voyait le magistrat descendre en toute hâte sur la grève; il +tirait gravement son mouchoir de sa poche et se mettait à épousseter le +lac, si cher à la commune. Un spectacle si touchant faisait à bon droit +l'admiration de Gérard de Nerval, qui venait parfois rêver sur ses +bords. +</p> + <p> +Aujourd'hui Enghien n'a plus à passer par ces transes; son lac est +classé, adopté, arrivé, comme on dit; il n'a plus ni ses preuves, ni sa +fortune à faire. Cependant, sous un autre rapport que celui de la +feuille jaunie ou de la poussière qui pourrait ternir le miroir de ses +eaux, voilà que la même vigilance jalouse se présente en ce moment pour +les lacs du bois de Boulogne. Là aussi, on est exposé à se cogner contre +des sentinelles rébarbatives; il y a une consigne d'un sens absolument +asiatique. Aussitôt que la gelée blanche arrive, un jeune monsieur, +habillé d'ours, ayant un stick à la main, vous crie: «Au large! +N'empêchez pas la glace de se former.» Cet élégant quidam est ce qu'on +appelle un semainier du <i>Club des Patineurs</i>. +</p> + <p> +La semaine passée, les fanatiques du patin ont éprouvé toute une série +de fausses joies. Sur la foi de l'almanach, on attendait la glace. +Gèlera-t-il? ne gèlera-t-il pas? Un rat de l'Observatoire s'était quatre +fois peigné l'oreille gauche avec sa patte de derrière; c'était signe +qu'il y aurait pendant dix jours vingt-cinq degrés au-dessous de zéro, +juste la température du Grœnland. Dès ce moment, on signale dans les +régions aristocratiques un mouvement rapide; ce serait à qui arracherait +ses patins du croc pour courir aux lacs. Tout le long au chemin, les +amateurs faisaient le plus possible la mine des gens de la Finlande +courant sur leurs blocs glacés. Un chien errant qui venait à eux leur +faisait déjà l'effet d'un renard bleu de la Laponie. Au bois, il a fallu +en rabattre. Cette gelée n'avait rien de sérieux. Le rat de +l'Observatoire est un farceur qui a pris plaisir à mettre ainsi dedans +l'élite du beau monde. +</p> + <p> +Je suis volontiers de ceux qui compatissent aux tristesses du <i>Club des +Patineurs</i>, car enfin il a contribué jadis à donner à notre Paris une +très-grande animation, des fêtes, de beaux jours, ou, si vous l'aimez +mieux, de belles nuits. Institué en 1860, en même temps et dans le même +local que le Tir aux pigeons, il avait et il a encore, jusqu'en 1885, la +jouissance exclusive d'un bassin construit sur la pelouse de Madrid. Il +disposait et il dispose encore, par surcroît, de deux autres bassins +dans le bois de Boulogne. Tous les grands noms du sport se sont +empressés d'allonger la liste déjà brillante de ses fondateurs. Et comme +il arrive toujours en ces sortes de choses, la mode s'en est mêlée; on +s'est mis à aimer la course en zigzags sur la glace; Paris n'était plus +qu'un gymnase de patineurs de l'un et de l'autre sexe. +</p> + <p> +Cherchez bien, vous retrouverez dans quelque coin de votre mémoire +l'image encore vivante d'une de ces soirées où de longues files de +voitures conduisaient au bout de l'avenue de l'Impératrice les beaux et +les belles, les fous et les folles, ce qu'on appelle «le monde où l'on +s'amuse». En ce temps-là, le <i>Club des Patineurs</i> annonçait ses +exercices par une affiche, absolument comme l'Opéra annonçait un ballet +nouveau et le cirque les débuts d'une écuyère. Il y avait souvent de +vives surprises. Une fois c'était une double rangée de flambeaux, +disposés comme un supplément aux étoiles; une autre fois c'était un +double quadrige des dames de la cour, se présentant en traîneaux russes +comme si l'on eût amené la Néwa chez nous. +</p> + <p> +Ces nuits, le <i>Club des Patineurs</i> a rêvé de les refaire. Pour y +parvenir, une condition est indispensable: la glace. Il faut que les +deux lacs gèlent. Jugez de l'impatience des fanatiques! La période +hivernale va du 15 décembre au 15 janvier, et encore pas toujours. S'il +doit y avoir des frimas, c'est pendant ce laps de temps, ou bien il n'y +en aura point. Tous les matins, à leur lever, les coryphées du club sont +aux aguets.--Où en est-on? Sommes-nous en Sibérie ou toujours en +Picardie? Neige-t-il? Gèle-t-il? Y a-t-il de la glace? Interrogez les +astronomes ou les ours blancs du Jardin des Plantes.--Eh bien, jusqu'à +ce jour, on a eu beau faire; il n'y a eu que quelques pincées de givre. +Il n'a gelé que pour rire.--Eh! mon Dieu! pourquoi ne pas appeler au +bord des lacs tels et tels orateurs de Versailles; les deux nappes d'eau +ne tarderaient pas à être glacées. +</p> + <p> +Si les patins sont tristes, la fourchette, par contre, est en plein +mouvement et en pleine allégresse. Pour le quart-d'heure, on ne songe +qu'à se mettre à table. Grand dîner chez le maréchal de Mac-Mahon, +président de la République; grand dîner chez M. Buffet, président de +l'Assemblée nationale; grand dîner chez le duc de Broglie, +vice-président du conseil des ministres; grand dîner à l'ambassade +d'Angleterre; grand dîner chez le comte Orloff, ambassadeur de Russie; +vingt-cinq repas de corps; premiers soupers de carnaval, et cetera, et +cetera. Ne craignez rien néanmoins au point de vue des +approvisionnements. Jamais Paris n'aura reçu tant de bourriches. On ne +voit partout que grosses têtes: daims, cerfs, sangliers. Le poisson de +mer et d'eau douce arrive par centaines de tonnes. Les marchands de +comestibles commencent même à exhiber des tortues énormes. Gavarni +conseillait la soupe à la tortue aux artistes, aux amoureux, aux +politiques, à tous ceux qui ont besoin d'être fous. «Vous savez qu'elle +ne va pas sans une poignée de gingembre», disait-il. En fait de gibier à +plumes, la gamme est des plus riches. Cela va de l'outarde à +l'allouette, cette succulente messagère du point du jour. Que de +perdreaux on a rôtis cette semaine! Et les pâtés! il y en a une variété +qui prime même celle des roses! Ajoutons que, dans notre enceinte, il y +a 30,000 cuisiniers toujours sous les armes (il ne faudrait pas compter +moins de 100,000 cordons bleus). Enfin la ville est plus que jamais +celle dont l'auteur de <i>Gargantua</i> a écrit: «Ici on donne tout à la +tripe (au ventre)». C'est probablement pour cette raison qu'a été tracé +ce billet, envoyé à un éditeur: +</p> + <p> +«Retardez, je vous prie, d'un mois, la publication de mon nouveau roman. +</p> + <p> +Victor Hugo.» +</p> + <p> +Un grand homme qui ne serait pas content du tout, s'il vivait encore, +c'est J.-J. Rousseau. Dans ce même théâtre du palais de Versailles où +Marie-Antoinette se plaisait à faire jouer le <i>Devin du village</i>, ces +jours-ci, pendant une séance de l'Assemblée nationale, on a tout à coup +interpellé l'ombre du citoyen de Genève, et on lui en a dit de toutes +les couleurs. L'auteur de la <i>Nouvelle Héloise</i>, tant aimé de nos pères, +a donc été traité du haut en bas par les petits-fils. Un jour, on lui a +dressé une statue par souscription nationale; un autre jour, il a été +mis au Panthéon; à présent, il serait jeté à la voirie, si un zélé ne +s'était pas mis en mesure de brûler ses ossements et ceux de Voltaire. +Tel est le revirement des choses humaines. Mais, voyons, puisque ceux +qui discourent si bien aujourd'hui contre lui ne peuvent l'atteindre en +chair et en os, que ne font-ils effacer son nom, imprimé aux quatre +coins d'une de nos rues? +</p> + <p> +Dans des mémoires relatifs au premier empire, on lit qu'à cette époque +déjà, un mouvement de recul s'étant manifesté, ceux qui entouraient la +personne de l'empereur s'emportaient tout haut contre le philosophe. +Napoléon n'aimait pas J.-J. Rousseau, qu'il trouvait trop pompeux et +trop rigide; il préférait Voltaire, cent fois plus accommodant. Pour +mettre fin à la discussion, un soir, à Compiègne, dans un souper de +chasse, il dit, en s'adressant à M. Stanislas de Girardin: +</p> + <p> +--Je ne l'aime pas, votre Jean-Jacques. Il ne peut écrire dix lignes +sans y mettre le mot de vertu, et puis c'est lui qui est cause de la +Révolution.--Il est vrai, se hâta-t-il d'ajouter en riant, que j'y ai +attrapé le trône. +</p> + <p> +En finira-t-on avec les papiers posthumes ou soi-disant tels? La mode +veut maintenant que du jour où un écrivain de quelque célébrité est +mort, on imprime jusqu'à la plus insignifiante des pattes de mouches +qu'il a laissées. Sans doute il arrive parfois que l'histoire littéraire +et l'art s'en trouvent bien, ainsi qu'on vient de le voir par la +correspondance de Prosper Mérimée avec une Inconnue. Mais pour un succès +combien de platitudes? que d'abus! +</p> + <p> +Dans les derniers temps de sa vie, voyant que cette pratique était déjà +en honneur, Alfred de Musset mit sa constante sollicitude à s'en +défendre; il se surveillait lui-même au point de ne vouloir plus tracer +une ligne. +</p> + <p> +--Tant pis, disait-il à T***, je ferai à l'avenir mes commandes de vive +voix; je ne veux plus me permettre même une lettre à mon bottier. +</p> + <p> +On a su depuis pourquoi le poète était devenu à ce point hydrophobe +d'encre appliquée aux petits incidents de la vie. Le catalogue du +libraire G*** a fait là-dessus des révélations. Un jour, entre autres +lettres curieuses, on en mettait une en vente; c'était une épître que +l'auteur de <i>Rolla</i> avait écrite de force, à la suite d'un guet-apens. +Le papier en question existe encore. Il figure dans la collection de M. +R***, qui a bien voulu en autoriser la transcription.--La secrète et +légitime antipathie d'Alfred de Musset pour les paperasses littéraires y +est très-nettement spécifiée, ainsi que vous allez le voir. +</p> + <p> +Nota.--A l'exemple d'Horace, de Martial et de Boileau, il avait été +invité à dîner; c'est là le guet-apens. Au dessert, on lui avait planté +à la main une plume de fer, l'instrument du supplice. +</p> + <p> +D'où le morceau qui suit: +</p> + <p> +«Paris, 5 mars 1849, +</p> + <p> +«D'une maison de la rue des Bons-Enfants. +</p> + <p> +«Sur la mort d'un parapluie, +</p> + <p> +«Ayant, dis-tu, besoin d'un autographe de moi, ton ancien camarade de +collège, tu me demandes de t'écrire une lettre. Une lettre! Il faut +qu'elle ait l'air d'être sérieuse et qu'elle ne le soit pas pour tout de +bon. Pour que! motif, sur quel thème aurai-je à faire ainsi une page ou +deux? Je n'en sais absolument rien. Je suis comme un homme que la +patrouille conduirait au violon parce qu'un autre aurait cassé un +carreau de vitre au cabaret. +</p> + <p> +«Tu me dis:--Aie recours à quelque truc d'imagination. +</p> + <p> +«Soit. +</p> + <p> +«Eh bien, je me fais auteur en ta présence, puisque tu m'as mis un +couteau à découper sous la gorge; j'imagine, j'invente, je suppose; je +fais œuvre de pœte. +</p> + <p> +«Prenons que je suis un bon bourgeois et que j'aie perdu mon parapluie; +c'est à toi que je m'adresse pour savoir si c'est un parapluie mort ou +encore en vie. +</p> + <p> +«Je te dis donc en propres termes, sur le ton d'un confident du +Théâtre-Français. +</p> + <p> +«Cher monsieur, il vient de m'arriver le plus grand des malheurs: j'ai +perdu mon parapluie. +</p> + <p> +«Ah! c'était un parapluie superbe! Point de coton, tout en soie. Des +baleines en os de baleine. Un vrai poème. On voudrait me donner les +Œuvres complètes de mes trente-neuf confrères de l'Académie française +en échange de cet incomparable rifflard que je n'accepterais pas. +Voyons, oui ou non, l'avez-vous trouvé? +</p> + <p> +«Si vous ne l'avez pas trouvé, c'est un parapluie mort; je n'ai plus +qu'à acheter une canne-fusil pour me brûler la cervelle. +</p> + <p> +«Avant d'en venir là, sachant mon métier, je voudrais faire son +épitaphe. Mais encore je ne sais pas où je devrais faire graver ces deux +vers, en style lapidaire, puisque j'ignore où reposent ses restes? +</p> + <p> +«N'importe, écrivons toujours l'épitaphe. +</p> + <p> +«Ci-gît l'innocent parapluie Que je n'ai jamais vu de ma vie. +</p> + <p> +«Et je signe pour qu'il ne manque rien à l'autographe: +</p> + <p> +«Alfred de Musset,» +</p> + <p> +Qu'est-ce que vous dites de ça, amateurs de la littérature +d'outre-tombe? +</p> + <p> +Et bien, toujours, toujours, toujours des autographes! +</p> + <p> +Rue Drouot, à l'Hôtel des commissaires priseurs, à la vente des livres +du pauvre Emile Gaboriau, on a montré le joli billet que voici, +chef-d'œuvre d'une actrice bien connue. +</p> + <p> +C'est une interpellation à une modiste. +</p> + <p> +«Paris, le 7 avril 1867. +</p> + <p> +«Madame S***, +</p> + <p> +«Veuillez, je vous prie, me faire sans retard un chapeau exactement +semblable au dernier que vous m'avez fourni. +</p> + <p> +«Compliments empressés. +</p> + <p> +«Hortense Schneider de Gérolstein.» +</p> + <p> +Voilà qui est drôle sans doute, mais il y a des précédents. +</p> + <p> +Au commencement de la Restauration, Mme la maréchale Soult avait eu +occasion d'écrire à Mlle Bourgoin, de la Comédie-Française, pour la +prier de venir déclamer des vers à une de ses soirées. La duchesse avait +signé son billet: <i>Sophie de Dalmatie</i>. Quant à l'actrice, qui avait au +plus haut point l'esprit de répartie, elle signa sa réponse: <i>Iphigénie +en Aulide</i>. +</p> + <p> +--C'est une vieille histoire qui a amusé tout Paris pendant huit jours. +</p> + <p> +Philibert Audebrand. +</p><br><br> + + +<p class="mid"><img alt="" src="images/002.png"><br><b>PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE.--Lecture de l'arrêt au condamné.</b> +</p> +<br><br> + + <h3>P. BLANCHARD</h3> + + <p>Le monde des artistes vient de faire une perte nouvelle, et qui sera +plus cruellement sentie à l'<i>Illustration</i> que partout ailleurs. M. +Pharamond Blanchard est mort cette semaine, à l'âge de soixante-neuf +ans. C'était à la fois le plus érudit et le plus charmant des hommes. Il +causait de toutes choses avec un art infini, il avait des jugements +très-sûrs et des anecdotes toutes prêtes sur tous les sujets. <i>Quiconque +a beaucoup vu....</i> dit La Fontaine; M. Blanchard avait beaucoup vu et +pour donner raison au fabuliste, beaucoup retenu. Que de fois nous avons +pris plaisir à l'écouter! Dans le recueil de lettres de Prosper Mérimée +qui vient de paraître sous ce titre, <i>Lettres à une inconnue</i>, il est +question d'un «M. Blanchard» qui étonne Mérimée lui-même et qui le +charme en lui parlant de mœurs et de pays peu connus. C'était notre +collaborateur et nous pouvons dire notre vieil ami que désignait ainsi +l'auteur de <i>Colomba</i>. +</p> + +<p class="lef"><img alt="" src="images/003a.png"><br> <b>BLANCHARD.</b></p> + + <p>Pharamond Blanchard était né en 1805 à Lyon. Il avait étudié dans +l'atelier de Gros et il avait gardé le respect de cet enseignement +solide. En quittant son maître, Pharamond Blanchard avait commencé par +être peintre de décors. Nous nous souvenons lui avoir entendu conter +qu'il travailla sous la direction du baron Taylor qui avait installé une +sorte de théâtre étonnant où les décorations prenaient, grâce à un +système particulier d'optique, l'intensité de réalité que donne le +diorama. Il y avait à une vue de Jérusalem, aperçue du haut d'une +terrasse, à laquelle M. Blanchard avait grandement collaboré et qu'il +citait, en causant, comme un de ses titres de gloire. +</p> + + <p>J'ai répété le mot «en causant». C'est que cet artiste infatigable, ce +producteur dont on trouverait le nom, on peut le dire, presqu'à chaque +page de l'<i>Illustration</i>, au bas d'un nombre infini de scènes de +voyages, de paysages, ce peintre était aussi un causeur exquis, et +j'ajoute, un écrivain véritable. Maintes fois, en effet, il a jeté sur +le papier, non plus seulement avec le crayon, mais avec la plume des +souvenirs et des impressions de voyages, et toujours il a su intéresser +et charmer. Il fallait l'entendre avec sa voix d'une bonhomie railleuse, +tombant de ses lèvres arguées par un sourire, raconter ses journées de +touriste en Russie, en Orient, au Mexique, en Espagne, au Caucase! Ses +yeux, derrière ses lunettes, prenaient alors une expression pétillante +de douceur malicieuse. Il savait et parlait plusieurs langues et +entremêlait ses récits pittoresques de citations, de dictons, de +proverbes, de refrains exotiques.</p> +<br><br> +<p class="mid"><img alt="" src="images/003b.png"><br><b>PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE.--Salle des réunions du +conseil.</b></p> +<br><br> + <p>Blanchard était né voyageur, mais la façon dont il fit son voyage au +Caucase peint tout à fait son caractère et le charme personnel que +possédait ce brave et honnête homme. Il était parti pour la Russie avec +la mission de rendre compte à l'<i>Illustration</i> des fêtes données à +Saint-Pétersbourg à l'occasion du sacre du czar. Blanchard envoyait ici +ses croquis et il avait annoncé qu'il ne resterait dans le Nord que +quinze jours. Il y resta trois ans. Un gentilhomme russe se prit pour +lui d'une belle amitié et l'emmena, bon gré mal gré, au Caucase. Les +semaines et les mois passaient et Pharamond Blanchard donna deux ans de +sa vie à ce voyage d'où il revint en laissant là-bas des amitiés et des +regrets sincères. +</p> + <p> +Et à propos de voyages, nous n'oublions pas nous-même l'excursion que +nous fîmes ensemble, en 1866, pendant que grondaient en Bohême les +canons prussiens et autrichiens. Nous allâmes aux fêtes séculaires +données pour célébrer la réunion de la Lorraine et du Barrois à la +France. De Nancy, nous allâmes à Metz qui était encore Metz la vierge. +Que ce temps-là est loin! Une partie de la Lorraine est prussienne +aujourd'hui, des Bavarois paradent à Metz, devant la statue de Ney, et +notre gai compagnon de voyage, qui, levé bon matin, commençait aussitôt +et conduisait jusqu'au soir ses amusantes histoires, Pharamond Blanchard +a disparu, aimé de bien des gens et estimé de tous. +</p> + <p> +Nous ne saurions compter tout ce que Blanchard laisse après lui d'études +de toutes sortes, de travaux achevés, de dessins, de tableaux. Aucune +existence ne fut plus laborieuse et plus digne que la sienne; et +l'<i>Illustration</i> perd là, avec un ami, un de ses plus chers et de ses +plus dévoués collaborateurs.</p> + + <p>Jules Claretie.</p> +<br><br> + <h3>LA SŒUR PERDUE</h3> + + <h4>Une histoire du Gran Chaco</h4> + + <p class="mid">(Suite)</p> + + <p>Il allait dire:</p> + + <p>«Si votre père avait été là, il ne lui aurait pas laissé remporter sa +fourrure.»</p> + + <p>En effet, si bon chasseur qu'il fût, Gaspardo avait trop souvent vu +Halberger à l'œuvre pour douter de ce qu'il eût fait à sa place. Il +n'était pas non plus sans regretter ce beau coup et certes il ne l'eût +pas laissé échapper s'il n'eût eu à craindre que pour lui-même, et s'il +n'avait dû penser avant tout aux jeunes gens qui lui étaient confiés. +</p> + <p> +Il garda donc pour lui le surplus de ses réflexions. Le brave homme ne +voulait pas renouveler la douleur des jeunes gens, en évoquant un nom +lié à de si chers et si cruels souvenirs. +</p> + <p> +«Caramba! reprit-il aussitôt. Il ne sera pas dit que j'abandonnerai +cette tigresse aux fourmis, aux loups ou à toute autre vilaine bête qui +aurait la chance de se promener par ici. Qui sait, d'ailleurs, si nous +ne repasserons pas bientôt devant cette caverne? Quoi qu'il en doive +arriver, je tiens à pouvoir un jour ou l'autre rentrer en possession de +cette fourrure. J'ai tout le temps nécessaire pour la dépouiller avant +que l'eau soit assez basse pour nous laisser traverser. Ainsi, à +l'ouvrage.» +</p> + <p> +Tout en parlant il avait dégainé son grand couteau de gaucho et se +mettait en devoir de dépouiller le jaguar. L'opération ne dura pas +longtemps. La superbe fourrure avec ses mouchetures d'un noir de jais +cédait rapidement sous ses doigts habiles, et bientôt la carcasse de la +bête gisait nue sur le soi. +</p> + <p> +«Quant à cela, les saubas peuvent le prendre et s'en régaler, dit-il en +montrant la chair encore fumante, et je ne les plaindrai pas; il y a +telle occasion où des chrétiens s'en arrangeraient comme eux; je me +souviens d'un temps où j'aurais été bien aise d'en avoir une tranche à +griller. Oui, mes jeunes maîtres, dans ce même Chaco, j'ai vécu une +semaine entière sur la carcasse d'une vizcacha (1) étique, sans compter +le mal que je m'étais donné pour rattraper. +</p> + <p> +--A quelle époque, Gaspardo?» demanda Ludwig, intéressé malgré sa +tristesse par les paroles du gaucho. +</p> + <p class="mid"><span class="sml"> +<b>Note 1:</b> Le Vizcacha (Lagostamus tachodactylus), ressemble à un +gros lapin, mais ses<br> incisives sont plus longues et sa queue est +allongée.</span> +</p> + <p> +Ludwig avait les dispositions de son père; il aimait tout ce qui se +rapportait à la nature ou aux luttes soutenues contre elle. +</p> + <p> +«Ma foi, senorito, l'affaire arriva il y a pas mal de temps. Mais +l'histoire est trop longue pour que je vous la raconte aujourd'hui. Nous +n'avons plus maintenant qu'à disposer cette peau de façon à ce qu'elle +puisse sécher ici, à l'abri des indiscrets, et puis nous remonterons en +selle.» +</p> + <p> +Prenant alors quelques bouts de corde dans son recado, il pratiqua +quatre petits trous aux quatre extrémités de la dépouille de son jaguar, +et la fixa à l'aide de ses cordes à des stalactites de la grotte, qui se +trouvaient là tout à point pour lui remplacer les clous qu'il n'avait +pas. +</p> + <p> +«C'est vraiment, dit-il en contemplant la peau faisant plafond au-dessus +de sa tête, un séchoir digne d'elle. A cette place elle est hors de +portée des saubas et des loups, et si personne qu'eux ne vient fourrer +son nez par ici et se mêler de ce qui ne le regarde pas, elle pourra s'y +garder des semaines sans se gâter. Les choses ne se détériorent pas dans +une caverne comme en plein air; je ne sais pas pourquoi, c'est peut-être +parce que le soleil ne les atteint pas.» +</p> + <p> +Ludwig aurait pu certainement expliquer le phénomène à son ami, mais il +était un peu tard pour entreprendre son éducation scientifique, et il ne +l'essaya pas. On peut voir d'ailleurs, que pour Gaspardo, l'expérience +remplaçait la science. +</p> + <p> +En regardant une seconde fois au dehors, ils reconnurent que le torrent +avait baissé assez de niveau pour leur permettre d'en suivre le bord. +Aussi, sans perdre plus de temps, ils conduisirent leurs chevaux à +l'entrée de la grotte, montèrent en selle et se remirent à chercher la +piste des Tovas. +</p> + <p> +Ils avaient déjà descendu le cours du ruisseau jusqu'à son embouchure, +et avaient gravi la berge du fleuve, sans être encore parvenus à +retrouver les traces des cavaliers. L'ouragan de poussière et le déluge +de pluie qui l'avait suivi, avaient effacé toutes les empreintes, et le +gaucho semblait fort préoccupé. +</p> + <p> +«<i>Maldita</i>»! s'écria-t-il au moment où tous trois appuyant sur leur +bride, s'étaient arrêtés comme d'un commun accord, interrogeant +alternativement le sol et les regards de leurs compagnons. «Maldita! pas +plus que moi, vous autres, vous n'avez rien vu? +</p> + <p> +--Faut-il nous arrêter, dit Ludwig, qui voyait bien que ses amis, tout +comme lui-même, étaient fort inquiets de la piste perdue; faut-il +vraiment nous arrêter? +</p> + <p> +--Nous arrêter! s'écria Cypriano. Pensez-vous, cousin, à abandonner la +poursuite? +</p> + <p> +--Non, non; je ne veux pas dire cela. +</p> + <p> +--Plutôt que d'abandonner cette poursuite, continua le jeune Paraguayen +sans attendre la réponse de Ludwig, je passerais le reste de mes jours à +courir dans le Chaco. Je l'ai juré à votre mère, Ludwig; je ne +retournerai à l'estancia que pour y ramener votre sœur. +</p> + <p> +--Je suis aussi résolu que vous, cousin, répondit Ludwig, vous le savez +bien; mais le Chaco est grand, et errer à l'aventure n'aboutirait à +rien. S'il n'y a pas lieu de désespérer, il y a lieu du moins de +réfléchir. +</p> + <p> +--Nous savons, reprit Cypriano, que Francesca est avec les Tovas. Ils +forment une tribu nombreuse, et une tribu ne se cache pas indéfiniment +dans un trou. Les Tovas ne sont pas gens à rester bien longtemps en +place. Il y a toujours parmi eux quelque expédition en route. Nous +finirons bien par en rencontrer une; et il ne nous en faut pas davantage +pour nous remettre sur la voie du groupe principal. +</p> + <p> +--Hélas! répondit tristement Ludwig, il peut se passer longtemps avant +que nous rencontrions un être humain dans cette affreuse solitude. Que +fera ma pauvre mère jusqu'à notre retour? Je ne puis m'empêcher de +songer à elle, qui est seule, si peu de temps après la mort de mon père, +et avec sa tombe devant les yeux. Elle va croire que nous sommes perdus +aussi. Si nous pouvions du moins lui envoyer quelqu'un pour lui dire que +nous sommes tous bien portants!» +</p> + <p> +La tête du malheureux jeune homme, en prononçant ces mots, s'inclina sur +sa poitrine, et une larme qu'il ne put retenir glissa de sa paupière. +</p> + <p> +Ludwig adorait sa mère. L'idée qu'en leur absence quelque danger pût la +menacer à son tour, le jetait dans une perplexité affreuse. Son cœur +avait été si profondément ému par la douleur dans laquelle il l'avait +laissée à son départ, qu'il ne pouvait en chasser le souvenir. Le sort +même de sa sœur, si affreux qu'il pût être, ne pouvait le tourmenter +davantage. C'était une innocente enfant, et personne, pensait-il, pas +même un sauvage, ne devait être capable de lui faire du mal. Il se +plaisait à croire qu'elle ne courait d'autre danger qu'un prolongement +de captivité. Sans doute, elle aussi, devait être dévorée de soucis; +elle avait vu de ses propres yeux un spectacle plus horrible encore, +s'il était possible, que celui auquel ils avaient assisté; mais Ludwig +qui ne pouvait rien savoir de la mort de Naraguana, comptait encore +fermement que l'amitié que le chef avait toujours eue pour son père, +serait une sauvegarde pour sa sœur. Dans sa pensée, les auteurs du +guet-apens dans lequel avait péri son père, et qui avait eu pour suite +l'enlèvement de Francesca, devaient déjà avoir été punis par +Naraguana.--Qui sait même si, pendant qu'ils couraient à la recherche de +la malheureuse enfant, cet ami fidèle et si souvent éprouvé, ne l'avait +pas rendue à sa mère.--Il se jeta dans les bras de Cypriano. +</p> + <p> +«Cousin, lui dit-il, vous avez été orphelin de si bonne heure, que vous +ne savez pas ce que peuvent être pour un fils un père comme le mien, et +une mère comme celle que j'ai peut-être eu tort d'abandonner à son +désespoir. +</p> + <p> +--Je sais, Ludwig, répondit Cypriano, tout ce que valait, et pour vous +et pour moi, celui que nous avons perdu. Je sais ce que vaut votre mère; +n'a-t-elle pas été une seconde mère pour moi? Je partage votre angoisse. +Je voudrais être, ainsi que vous, tout à la fois à l'estancia pour y +pleurer avec ma tante, et au cœur de la tribu des Tovas, pour leur +arracher Francesca. Mais entre deux devoirs également impérieux, il faut +choisir et, le choix fait, il faut persévérer. Votre mère est entourée +de serviteurs fidèles cl dévoués; Francesca est entre les mains des +assassins de votre père. Le choix peut-il être douteux?» +</p> + <p> +Ludwig se redressa sur ses étriers, et fixant les yeux dans la direction +probable de l'estancia, il envoya de la main, à travers l'espace, un +baiser à celle qui occupait sa pensée. +</p> + <p> +«Ma mère, dit-il, ma chère mère, vous seule pourriez comprendre mes +hésitations, et les absoudre!» +</p> + <p> +Après quoi frappant sur l'épaule de Gaspardo, qui pendant toute cette +conversation était resté plongé dans de profondes réflexions: +</p> + <p> +«Marchons, dit-il; marchons en aveugles, s'il le faut. +</p> + <p> +--Pas précisément en aveugles, senorito! interrompit le gaucho, pas +précisément. Nous avons un guide, peut-être n'est-il pas des meilleurs +ni des plus sûrs; mais enfin, c'est toujours plus et mieux que rien. +</p> + <p> +--Lequel? s'empressèrent de demander les deux cousins. +</p> + <p> +--Le fleuve! répliqua Gaspardo. Mon avis est que nous pouvons nous y +fier encore pendant quelque temps. D'après les traces laissées par les +brigands jusqu'au moment où nous les avons perdues, je suis persuadé +qu'ils ont longé le Pilcomayo en le remontant. La tormenta a duré une +heure, et comme nous, ils se seront arrêtés quelque part. S'ils n'ont +pas quitté le bord de l'eau avant le commencement de la tempête, nous +allons retomber sur leur piste, que le sol humide, mais non plus +détrempé, nous rendra d'autant plus facile à suivre. Si nous la +retrouvons, nous prendrons le galop; et peut-être atteindrons-nous les +Indiens avant la nuit. Je suis sûr qu'ils ont passé ici depuis le lever +du soleil. Evidemment ils ne se pressaient pas, puisqu'ils avaient +relativement peu d'avance sur nous. +</p> + <p> +--Dieu le veuille, s'écria Cypriano en réponse à l'observation du +gaucho. En avant! reprit-il avec impétuosité; et sans attendre que +Gaspardo eût répliqué, il enfonça ses éperons dans le ventre de son +cheval et partit le long du fleuve, suivi de près par ses deux +compagnons.</p> + +<p>Mayne Reid.</p> + + <p>(La suite prochainement.)</p> + +<br><br> + + <h3>UN VOYAGE EN ESPAGNE<br> +PENDANT L'INSURRECTION CARLISTE</h3> + + <p class="mid">(Fin.)</p> + + <p>En quittant Pampelune, à mon tour, pour me rendre à Vitoria, où se +concentrait, m'assurait-on, l'armée du Nord, je pus me convaincre sur +toute ma route de l'effet magique produit par l'ordonnance royale +précitée. Partout je rencontrais des groupes de montagnards qui, +désertant leurs villages, allaient s'enrôler dans des bandes, et cela +ostensiblement et en chantant la chanson basque: <i>Le retour du roi</i>. +Dans le train que je pris de Pampelune à Alsasua, sur la ligne de +Saragosse, je fis le voyage avec une centaine de ces enrôlés +volontaires, qui ne cachaient nullement le but de leur voyage. Arrivés à +Alsasua, ils quittèrent le train pour se jeter dans les montagnes, et +cela, malgré la présence de la brigade de Loma, qui campait à cette +station. Il était impossible que les chefs de la troupe régulière +ignorassent l'intention de ces montagnards, armés de bâtons et portant +des sacs en toile, et qui, du reste, ne se gênaient pas dans leurs +manifestations carlistes. On les laissa néanmoins passer fort +tranquillement. +</p> + <p> +Cet élan général des populations rurales était imité, au surplus, par +les jeunes gens et les hommes des classes élevées. L'aristocratie +carliste elle-même entretenait et propageait le feu sacré de la guerre +civile. Un des traits principaux qui distinguent les notabilités du +parti légitimiste en Espagne est leur dévouement sans bornes à la +défense de leur cause, même au préjudice de leurs plus chers intérêts. +Je n'en citerai qu'un exemple; il pourra donner une idée de la foi +ardente qui les anime à l'égard de leur roi. +</p> + <p> +A peu de distance de Tafalla s'élève, dans un vallon délicieux, un +château mauresque, ou plutôt un palais d'été qu'on appelle dans la +contrée <i>el Buen-retiro</i> de la duchesse de M***. Me trouvant de passage +dans les environs, à la suite d'une colonne commandée par le <i>cabecilla</i> +Rada, il me fut donné de visiter cette résidence véritablement royale. +La duchesse, devenue la providence de l'insurrection, l'habitait de +préférence à son hôtel de Madrid. Un officier carliste voulut bien me +présenter à la jeune châtelaine, âgée à peine de vingt-cinq ans et dont +le mari occupait un poste de confiance auprès du prétendant. Elle daigna +nous recevoir dans un salon de forme à demi-circulaire qu'on aurait pu +prendre, à son agencement, aux meubles qui le garnissaient, et surtout à +la lumière du jour qui y pénétrait par le plafond à travers des vitraux +de couleurs différentes, pour un boudoir ou mieux encore pour un +oratoire. +</p> + <p> +Après une conversation qui dura une demi-heure et dont le sujet +principal fut la campagne qui s'ouvrait sous les auspices du roi en +personne, les résultats qu'on s'en promettait et les espérances qu'elle +offrait en perspective, la duchesse se leva de son fauteuil moyen âge, +et s'adressant à l'officier et à moi: +</p> + <p> +--Permettez-moi, messieurs (<i>senores</i>), nous dit-elle avec une grâce +exquise, de vous faire admirer ma galerie de tableaux. +</p> + <p> +Et précédés d'un majordome tout galonné qui souleva les portières qui +cachaient l'issue de la galerie, nous y entrâmes ensemble. Autant la +lumière du jour était affaiblie dans son salon, autant elle éclatait +dans cette nouvelle pièce éclairée par un ciel ouvert qui avait été +ménagé dans toute sa longueur. De chaque côté des murs recouverts de +riches tapisseries apparaissaient deux rangées de tableaux dont le +nombre et la variété éblouissaient la vue: et, se faisant notre +cicerone: +</p> + <p> +--Vous voyez ici, nous dit la duchesse, un tableau de Vélasquez qui fut +commandé à ce grand maître par un de mes ancêtres. Ce Murillo a été +peint exprès pour ma famille. Le Ribeira qui vient après est le +chef-d'œuvre de ce peintre; il a été donné à mon bisaïeul par notre bon +roi Charles IV. +</p> + <p> +Et successivement elle passa en revue toutes les toiles, assignant à +chacune d'elles son origine, émettant son avis et nous demandant le +nôtre qui, comme on le pense bien, ne différait guère de celui de la +duchesse. Nous passâmes ainsi en revue une soixantaine de tableaux dont +j'avais hâte, pour ma part, de voir la fin. Nous arrivâmes devant la +dernière toile, tout récemment peinte. C'était le portrait en pied de +Charles VII, le prétendant au trône d'Espagne, qui se trouvait, en ce +moment, à la tète de l'insurrection carliste. +</p> + <p> +--Je vous présente, nous dit-elle en s'inclinant profondément devant le +tableau, l'image du roi d'Espagne, en dépit du statut royal, de la reine +Isabelle et de la république fédérale. Dieu, le peuple et le bon droit +sont pour lui, et sa cause légitime a, pour elle, la fortune et la vie +de tous les bons Espagnols. Sa ressemblance est frappante! +</p> + <p> +En prononçant ces mots, les traits impassibles de la duchesse s'étaient +tout à coup animés; ses yeux vifs lançaient des éclairs et tout son +corps frêle et gracieux s'agitait convulsivement, comme si un esprit +fatidique l'eût animé. J'avais devant moi le fanatisme politique dans la +personne d'une faible femme qui personnifiait en ce moment tout son +parri. +</p> + <p> +La visite des tableaux terminée, nous prîmes congé de la duchesse de +M***, l'officier, pour aller rejoindre sa bande, et moi, pour continuer +mes excursions de journaliste et de correspondant. +</p> + <p> +J'arrivais à Vitoria, capitale de l'Alava, le 10 du mois de juillet. Je +m'attendais à y trouver une partie des troupes qui devaient composer +l'armée du Nord et dont la concentration, au dire des journaux +espagnols, s'y opérait depuis plusieurs jours. Quelle déception! Toute +l'armée du Nord se bornait à une simple brigade d'infanterie, à un +détachement de cavalerie et à une vingtaine de soldats du génie. Les +populations montraient, au reste, au sujet de l'armée du Nord, et +généralement à l'égard de tout ce qui touche à la politique et aux +affaires du pays, une indifférence incompréhensible. +</p> + <p> +Tandis que dans tous les pays libres, et surtout en France, les masses +se préoccupent de la conduite du gouvernement, le peuple espagnol +semble, par son apathie naturelle, se complaire à y rester complètement +étranger. Je puis invoquer comme preuve à l'appui de cette assertion le +peu d'influence qu'exerce la presse périodique sur l'esprit public. +C'est à peine si dans les grands centres on reçoit un ou deux journaux; +quant aux petites localités et aux campagnes, le journal y est une chose +inconnue. Aussi ne se publie-t-il à Madrid que cinq ou six journaux qui +aient une certaine importance par leur tirage, tels que la <i>Epoca, la +Discussion, el Tiempo, la Reconquista</i> et la <i>Correspondencia</i>: et ils +n'ont cette importance que parce qu'ils sont les organes des quatre +grands partis qui se disputent les destinées de l'Espagne. La +<i>Correspondencia</i>, le plus répandu de tous, n'est qu'un <i>Journal de +faits</i> qui ne doit sa grande vogue qu'à son habile compilation et à son +extrême bon marché. +</p> + <p> +Excepté donc Madrid, les autres villes de province n'ont pas de journaux +politiques ou ne publient, sous le nom de <i>Diario</i>, que des feuilles +insignifiantes. Un docteur de la Faculté de Salamanque, homme de +beaucoup d'esprit, auquel je faisais part de mes observations sur cette +indifférence des Espagnols à l'endroit de la presse, me répondit fort +méchamment: +</p> + <p> +--En France, le peuple fait trop de politique; en Espagne, il n'en fait +pas assez; mais à tout prendre, j'aime mieux l'indifférence du peuple +espagnol, car je ne vois pas que les affaires du gouvernement marchent +mieux chez vous que chez nous. +</p> + <p> +A partir de l'entrée du prétendant sur le territoire espagnol, les +carlistes n'ont cessé d'agrandir le cercle de leurs opérations +militaires, dont j'ai pu constater, sur les lieux, les différentes +phases. Ils se sont rendus maîtres successivement: d'un côté, de la +route de Pampelune et des contrées environnantes, depuis le Bazlan et le +Val-Carlos, le long de la frontière, jusqu'au pont de Behobie; de +l'autre, d'une grande partie du Guipuzcoa et de la Biscaye, du moins de +leurs principaux centres. Estella, qui est une petite place forte, est +tombée et restée en leur pouvoir. Ils tiennent la campagne dans l'Aragon +et la province de Santander, et dans celle de Burgos; leurs bandes +parcourent impunément et sans trouver une trop grande résistance, les +provinces de Huesca, Lérida, Tarragone et Barcelone. +</p> + <p> +Aux armes qui leur arrivent de l'étranger, il faut ajouter que les +carlistes, dont l'armement laissait beaucoup à désirer dès les débuts de +la campagne, fabriquent eux-mêmes des armes dans les pays qu'ils ont +conquis. Ils ont établi à Vera, dans une ancienne usine métallurgique, +une fabrique de munitions de guerre où travaillent une centaine +d'ouvriers; à Areso, petite localité située à trois lieues de Tolosa, +fonctionne une fabrique de canons qu'ils y ont tout récemment installée; +enfin, à Eibar et à Placencia, anciennes fabriques d'armes appartenant à +l'État et dont ils se sont emparés, on confectionne tous les jours des +fusils, des baïonnettes et des sabres. Je dois reconnaître, il est vrai, +que toutes ces conquêtes leur ont été facilitées par la désorganisation +de l'armée régulière, dont il serait trop long de raconter ici les +causes qui l'ont produite. +</p> + <p> +En résume, l'armée carliste s'élève, à l'heure qu'il est, à 45,000 +hommes environ, tant dans les provinces du Nord que dans celles de la +Catalogne; et c'est dans l'espace de huit mois seulement que cette armée +s'est formée, au milieu des embarras et des entraves de toute sorte. +C'est donc contre cette formidable insurrection que le gouvernement de +Madrid a, tous les jours, à lutter. +</p> + <p> +Quoi qu'il en soit, une prompte solution à cet horrible état de choses, +se résumant par la guerre civile et l'anarchie, ne saurait longtemps se +faire attendre, à moins que l'Espagne ne veuille plus compter au rang +des nations civilisées. Quatre partis sont aujourd'hui en présence, et +tous les quatre ont la prétention de donner à ce pays si troublé un +gouvernement régulier. +</p> + <p> +--Quel est celui des quatre qui triomphera? demandai-je un jour au même +docteur de Salamanque qui n'a pas une foi bien robuste dans la liberté +de la presse. +</p> + <p> +--Voici quelle est, me dit-il, mon opinion à ce sujet: +</p> + <p> +«Don Carlos ayant franchi l'Ebre à la tête de ses troupes, en marche sur +Madrid, parviendra-t-il à rallier l'opinion publique, fatiguée de +révolutions et de guerres civiles, et sera-t-il acclamé roi d'Espagne, +ainsi que le droit traditionnel peut le lui faire espérer? Alors, c'est +la restauration monarchique qui monte avec lui sur le trône. Ce résultat +est encore problématique. +</p> + <p> +«Faut-il croire que les <i>intransigeants</i>, qui composent le parti +<i>communard</i> et socialiste, parviendront à établir le régime <i>cantonal</i> +par le vol, l'incendie et le pillage dont ils viennent de donner tant de +preuves? Je ne le pense point. Nous ne sommes pas encore, en Espagne, +convertis aux idées démagogiques et matérialistes des libres penseurs. +Ceux-ci ne peuvent donc tarder d'être domptés, soit par la force des +armes, soit par la force de l'opinion publique. +</p> + <p> +«Le dictateur Castelar espère-t-il pouvoir consolider la <i>République +fédérale</i>, ce rêve de quelques milliers d'insurgés qui croient qu'on +transforme une monarchie en république, comme on résout un problème +d'algèbre? C'est bien douteux. Pour arriver à ce but, il lui faut de +l'argent; le trésor n'en a point et le crédit lui fait défaut.--Il s'est +réservé le droit de destituer les ayuntamientos des provinces et les +municipalités; mais le jour où il portera une atteinte à ces libertés, +dont les populations des provinces sont si jalouses à bon droit, ce +jour-là il aura tout le pays contre lui. Pour ces motifs et pour bien +d'autres, la <i>République fédérale</i> est loin de pouvoir s'établir encore +en Espagne. +</p> + <p> +«Il est un quatrième parti qui se cache dans l'ombre, paraissant ne pas +conspirer et qui pourtant s'agite sans bruit et sans armes; c'est celui +du prince Alfonse, fils et héritier de la reine Isabelle. Il ne veut pas +arriver au pouvoir par ses propres forces, mais il compte beaucoup sur +la force des événements. Le maréchal Serrano a été appelé à Madrid par +Castelar; est-ce pour travailler à la consolidation de la République? +Personne ne le pense en Espagne. Serrano est un en-cas que s'est réservé +Castelar pour le jour où ses efforts républicains lui faisant défaut, il +abandonnera, à son tour, le pouvoir, comme ont fait Orense, Pi y +Margall, Figueras et Salmeron. Tout porte à croire qu'alors il mettra le +fardeau de l'État sur les épaules du maréchal. Celui-ci acceptera-t-il +cette transmission d'un pouvoir <i>in extremis</i>? Cela est possible et même +probable; mais, dans tous les cas, ce ne sera jamais pour consolider une +république quelconque. +</p> + <p> +«On peut donc, ajouta le docteur, considérer dès à présent, comme morte, +la République en Espagne, et le rétablissement de la monarchie comme +inévitable.»</p> +<br><br> + <h3>ALMANACH DE L'ILLUSTRATION<br> +POUR 1874</h3> + + <p class="mid">(Trente et unième année)</p> + + <p>L'Almanach de l'Illustration pour 1874 forme un bel album grand in-8°, +magnifiquement illustré et doré sur tranches.--Prix: 1 fr.; par la +poste, 1 fr. 25 c.</p> +<br><br> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/004.png"><br><b>ÉVÉNEMENTS DE CUBA.--Exécution de l'équipage du <i>Virginius</i>, à Santiago +de Cuba.</b></p> + +<br><br> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/005.png"><br><b>VIOLETTES</b></p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20"> Soit d'un époux, soit d'un amant.</p> +<p class="i20"> C'est une lettre, assurément,</p> +<p class="i20"> Qu'icy, la belle, on vous voit lire;</p> +<p class="i20"> J'en juge par votre maintient.</p> +<p class="i20"> Mais sçavoir ce qu'elle contient,</p> +<p class="i20"> Bien fin qui pourroit le dire.</p> +<br> +<p class="i20"> (Poésie du XVIIIe siècle.)</p> +</div></div> + +<br><br> + +<p class="mid"><img alt="" src="images/006.png"><br><b>LES EXÉCUTIONS DE SANTIAGO DE CUBA.--Les cadavres foulés aux pieds des +chevaux, après l'exécution.</b></p> + +<br><br> + + <h3>LA VEILLE DU 1er JANVIER</h3> + + <p>Pas plus tard qu'hier, je venais de rentrer chez moi, vers huit heures +du soir; le feu était allumé, des livres non coupés, fraîchement sortis +des mains du libraire, m'attendaient sur ma table de travail. C'était +l'<i>Histoire d'une maison</i>, de Viollet-le-Duc; le <i>Tour du Monde</i>, de +Jules Verne; la <i>Famille Chester</i>, de P.-J. Stahl et William Hughes; +j'allais pouvoir me mettre à l'aise et lier connaissance, sans crainte +d'être dérangé, avec les nouveautés de l'année, quand ma porte s'ouvrit +et mon concierge apparut. +</p> + <p> +Il faut vous dire que mon concierge, au rebours de la majorité de ses +collègues, est aussi ferré sur la consigne que le plus chevronné des +sergents de l'armée française, et met à suivre les instructions de ses +locataires autant d'enthousiasme que les autres en mettent à leur +désobéir. Or, comme j'avais condamné ma porte pour tout le monde, à +commencer par lui, je ne pus réprimer un mouvement de mauvaise humeur +dont le brave homme ne parut pas s'émouvoir outre mesure. +</p> + <p> +--Faites excuse, Monsieur, me dit-il; mais c'est une lettre sur laquelle +il y a écrit très-pressé, et le commissionnaire qui l'a apportée a dit +qu'on vous attendait, sans faute, ce soir, rue <i>Turbot</i>. +</p> + <p> +--Vous voulez dire rue Turgot?... +</p> + <p> +--Je dis, Monsieur, ce que je veux dire... D'ailleurs Turgot n'aurait +pas de sens. +</p> + <p> +A quoi bon discuter? Je pris le parti de noter le mot et je m'emparai du +billet en question. +</p> + <p> +Il était ainsi conçu: +</p> + <p> +«Mon cher ami, +</p> + <p> +«Nous t'attendons sans faute ce soir. Il y a grand conseil de famille et +toutes tes lumières ne seront pas de trop. Ne te fais pas attendre; il y +va du plaisir d'Edouard, de Jujules et de Mimi. Si tu ne venais pas, +nous serions forcés de remettre la séance à demain, et le temps presse.» +</p> + <p> +Je vous fais grâce du «tout à toi» de rigueur et de la signature. +</p> + <p> +L'auteur de ce mystérieux billet est un de mes vieux amis de collège. +Nous avons traversé ensemble les plus rudes années de la vie; le même +jour nous a vus bacheliers, le même jour nous a vus entrer lui dans te +barreau, moi dans la presse. Avocat et journaliste, autant dire cousins +germains. Il est vrai qu'il s'est marié et que je suis resté garçon; là +cesse l'analogie, mais la paternité est un besoin si impérieux que les +célibataires n'ayant pas toujours de descendance directe sur qui +l'exercer se prennent à aimer les enfants des autres. Jujules était mon +filleul, sa sœur Mimi, une jeune personne âgée de quatre ans accomplis, +se livrait depuis deux ans déjà à des prodiges d'équitation sur le bout +de ma botte, et quant à Edouard, l'aîné de la famille, Dieu sait que de +thèmes et de versions le brave petit était déjà venu me soumettre! +</p> + <p> +Vous pensez bien dès lors que cette invitation ne pouvait pas tomber +dans l'oreille d'un sourd. Le temps d'endosser mon paletot et de prendre +ma canne, j'étais parti, quand mes yeux avisèrent l'envoi de mon +libraire. +</p> + <p> +--Un conseil de famille! à la veille du 1er janvier! Il y va du plaisir +d'Edouard, de Jujules et de Mimi!... Plus de doute; c'est de la grande +question des étrennes qu'il s'agit... Je le crois fichtre bien que mes +lumières ne seront pas de trop, ni mes livres non plus. En route! +</p> + <p> +Plus heureux que certains capitaines, j'avais arrêté mon plan de +campagne en un instant. Me voilà en route, mon artillerie sous le bras, +et dix minutes après je faisais mon entrée dans le salon de la rue +Turgot. +</p> + <p> +Une exclamation joyeuse salua mon apparition. Je ne pris que le temps de +déposer dans un coin mon paquet de livres, de le dissimuler tant bien +que mal sous mon chapeau, et, cela fait, j'offris mes deux mains aux +mains amicales déjà tendues vers moi. +</p> + <p> +Mon ami et sa femme m'avaient attendu en toute confiance. +</p> + <p> +--Les enfants, me dit-il, ne doivent rien savoir de notre entretien. +Mimi est au lit et dort sur ses deux oreilles; Jujules doit être en +train d'imiter son exemple. Edouard est en tête à tête avec une version +qui le tiendra jusqu'à dix heures au moins. Assieds-toi là; voilà un bon +quart-d'heure que la discussion est entamée et nous n'avons pu nous +mettre d'accord. Tu seras l'arbitre. En attendant, je donne la parole à +ma femme. +</p> + <p> +Je m'installai au coin du feu, et, sans plus tarder, l'orateur désigné +débuta en ces termes: +</p> + <p> +--Figurez-vous, mon ami, s'écria-t-elle, que cet entêté de Victor +s'obstine à me contredire, sans l'ombre d'une bonne raison! Il s'agit +des étrennes des petits. Savez-vous ce qu'il exige, mon mari? Tout +simplement que pas un joujou n'entre dans la maison. Savez-vous ce qu'il +veut leur donner? Des livres, rien que des livres, mon ami, comme si ce +pauvre Edouard n'avait pas assez à faire toute l'année de lire ses +livres de classe, comme si Jujules, avec ses quatre heures d'école par +jour, n'en avait pas plein la tête de ses grammaires et de ses +conjugaisons, comme si mademoiselle Mimi était d'âge à fourrer son petit +nez dans un alphabet! Est-ce de la raison cela, oui ou non? Répondez! +</p> + <p> +--Halte-là, lui dis-je en riant, avant tout verdict, la justice exige du +tribunal que parole soit donnée à la défense. +</p> + <p> +Mon ami n'eut garde d'obéir à l'invitation. +</p> + <p> +--Demande-lui plutôt de t'exposer son système. Nous ne sommes pas au +bout. +</p> + <p> +--Mon système! reprit-elle avec sa volubilité ordinaire, il est +très-simple, mon système! Depuis que le monde est monde et que le 1er +janvier est le 1er janvier, les bébés n'en ont pas connu d'autre. Que +leur faut-il à ces chers petits pour être heureux? De quoi satisfaire +les exigences de leur âge, rien de plus, de quoi jouer, c'est-à-dire des +jouets. Nous donnerons une belle poupée à Mimi, des soldats de plomb à +Jujules, et un télégraphe électrique à Edouard. Une promenade chez +Giroux pour voir les meilleurs des jouets nouveaux, et en moins d'une +heure de temps l'affaire sera faite. Après cela, si mon mari tient +absolument à des livres, je ne vois pas de mal, au contraire, à en +mettre quelques-uns par-dessus le marché. Ça ne sera pas long. Qu'ils +soient dorés sur tranche, avec de jolies images et une couverture +solide, il n'en faut pas davantage. Il suffit d'écrire au premier +libraire venu. Je ne suis pas entêtée et je ne chicanerai pas sur ces +bagatelles. Mais là, sincèrement, croyez-vous que ce soit l'essentiel? +</p> + <p> +Mon ami me regarda en souriant. La question était posée avec toute la +netteté désirable. Je ne pouvais me dispenser d'intervenir, d'autant +plus que si le mari gardait le silence, quoique avocat, c'est qu'il +avait évidemment déjà dépensé le meilleur de son éloquence en pure +perte. Là où un avocat avait échoué, pouvais-je espérer de réussir? Je +pris néanmoins mon courage à deux mains et sans plus de précautions +oratoires: +</p> + <p> +--Laissez-moi vous le dire, chère Madame, l'arbitre n'est point de votre +avis. Il l'est si peu qu'avant de venir à vous, se doutant bien un peu +de ce qui allait se passer, il a eu soin de se munir de toute une +kyrielle d'arguments reliés, en veau. Ils sont là-bas, dans un coin, +sous mon chapeau. Je vais les étaler sur la table, nous les +interrogerons en commun, et si après cela vous n'êtes pas ralliée à +l'opinion de votre mari, qui est la mienne, je serai bien surpris et un +peu mortifié, je l'avoue. +</p> + <p> +--Quoi! vous arriviez donc avec votre siège fait à l'avance! +</p> + <p> +--Nullement. Et pour vous le prouver, nous allons vider la question sans +recourir à ces précieux auxiliaires. Voulez-vous que je m'ouvre à vous +en toute franchise, et permettez-vous à un vieil ami de vous démontrer +que dans votre petit discours de tout à l'heure, il y a presque autant +d'hérésies que de mots? +</p> + <p> +--Allez! allez toujours!... me dit-elle en riant; voilà un début qui +promet. +</p> + <p> +--Je commence. Votre mari n'a pas ouvert la bouche, et vous ne direz pas +que nous nous sommes entendus à l'avance. Ainsi, d'après vous, les +joujoux c'est l'essentiel, et les livres le superflu. Je ne veux pas +médire des joujoux; je ne parlerai même pas de la dépense. Un nègre qui +tire la langue a sa valeur; polichinelle n'a point démérité; les soldats +de plomb alignés en bel ordre sur un tapis vert, c'est un jeu récréatif +et inoffensif tout à la fois; la poupée de Mimi n'encourra pas mes +colères, et si le télégraphe électrique d'Edouard n'est pas détraqué en +huit jours, je me ferai un très-sincère plaisir d'expédier une +dépêche... +</p> + <p> +--Eh bien, alors? +</p> + <p> +--Eh bien, alors, cela prouve que je sais faire des concessions, moi +aussi. Si votre bourse vous permet de joindre l'utile à l'agréable, rien +de mieux. Mais de grâce, ne venez pas me dire que l'utile est la +bagatelle et l'agréable le nécessaire. Savez-vous où vous conduira ce +beau système? A dépenser tout votre argent pour des superfluités qui +dureront huit jours, et à consacrer quelques sous à ce qui devrait tenir +la première place dans vos préoccupations. Qu'arrivera-t-il? C'est que +vous mettrez une heure à parcourir la boutique de Giroux, et que vous +emploierez deux minutes pour écrire à votre libraire de vous expédier +«par-dessus le marché» quelques bouquins à belles images, dorés sur +tranche, sans vous inquiéter du contenu? N'en avez-vous pas fait l'aveu +tout à l'heure? +</p> + <p> +--Oh! nous choisirons bien un peu... +</p> + <p> +--Un peu! Et qui vous dit que ces livres, admis par faveur, par +complaisance, sans grand examen, ne seront pas des hôtes factieux ou +niais. Vous croyez sincèrement que l'enfant est insensible à ces +cadeaux-là. Je pense pour ma part que ce sont ceux auxquels il tient le +plus. En voulez-vous une preuve? Une anecdote vaut souvent mieux qu'un +long plaidoyer. Je crois bien l'avoir déjà racontée quelque part, cette +anecdote-là, mais peut-être ne la connaissez-vous pas?... +</p> + <p> +--Dites toujours, on vous écoute... +</p> + <p> +--C'était il y a un an, au 1er janvier. J'assistai à un dîner auquel +avait été conviée toute une kyrielle d'enfants. Le maître de la maison, +un père Cigogne par excellence, avait pris soin de placer aux côtés +d'une charmante petite fille un petit monsieur de huit ans, bavard comme +une pie, et nous comptions tous sur la rencontre, espérant que ce +voisinage délierait une langue fertile en saillies inattendues. Mon +bonhomme salua gravement sa voisine, mais ne dit pas un mot. Il semblait +embarrassé; on eût dit qu'il cherchait dans sa mémoire un bout de phrase +pour entamer l'entretien et qu'il ne le trouvait pas. Nous surveillions +ce petit manège en faisant semblant de ne rien voir, ce qui est la +meilleure façon de bien voir. Enfin notre héros prit son courage à deux +mains; +</p> + <p> +--«Mademoiselle, dit-il tout à coup d'une voix ferme et avec le plus +gracieux sourire du monde, <i>on met toujours-la valeur à côté de la +beauté</i>.» +</p> + <p> +Vous entendez d'ici le rire général. Cette phrase pompeuse, où les deux +voisins étaient également bien partagés, révélait des qualités +louangeuses qui ne laissaient pas d'être inquiétantes pour l'avenir. Où +diable cet étonnant mioche avait-il déniché son madrigal? Je voulus en +avoir le cœur net et, le soir même, je m'en ouvris à la mère en toute +confidence. +</p> + <p> +Celle-ci se mit à rire. +</p> + <p> +--«Il n'y a qu'un moyen, me dit-elle, d'élucider la chose, c'est de +consulter sa petite bibliothèque. Il a eu, toute la journée, le nez +fourré dans un petit livre qu'il a reçu ce matin, un cadeau d'étrennes. +Je serais bien sur prise si nous n'y trouvions pas le mot de l'énigme.» +</p> + <p> +On alla chercher le livre, une sorte de keepsake soi-disant à l'usage +des enfants, et à force de tourner et de retourner les pages, je finis +par découvrir dans un coin la fameuse déclaration qui nous intriguait si +fort. La phrase était jetée là, sous une vignette empruntée à quelque +almanach, sans prétention aucune, et jamais aucun de nous ne l'eût +remarquée en une autre occasion. C'était un pompier qui l'adressait à +une nourrice.--Que pensez-vous de mon anecdote? +</p> + <p> +--J'attends la conclusion. +</p> + <p> +--La conclusion est très-simple; elle se divise en deux parties. La +première c'est que, dans l'ordre de la lecture, rien n'est insignifiant. +Les enfants ont une mémoire particulière, des tiroirs tout prêts, où ils +emmagasinent les moindres mots. Celui-là avait eu la bonne fortune de +plaire à notre héros, et il avait su le mettre à profit. Jugez par cela +du chemin qu'aurait pu faire dans sa cervelle cette littérature de +pacotille, ces livres «par-dessus le marché» dont vous parliez tout à +l'heure. La seconde conséquence, c'est qu'à cet âge où les idées se +forment, le livre est un conquérant, un séducteur qui peut rivaliser +avec le nègre qui tire la langue et les automates au tambour, à cette +différence près qu'il ne faut pas longtemps pour que la langue du nègre +refuse l'exercice et que les baguettes du tambour se démènent dans le +vide, tandis qu'avec le livre, pas d'accidents à craindre. +</p> + <p> +--Je vois où vous voulez en venir, me dit la jeune femme d'un ton plus +sérieux que de coutume; mais avouer l'influence souveraine du livre, +n'est-ce pas en dénoncer le danger? Où les trouver aujourd'hui ces +histoires amusantes et instructives qui remplacent les jouets, et font, +comme on dit, la joie des enfants et la sécurité des parents? +</p> + <p> +--Où? Je m'en vais vous le dire, et si je parviens à vous convaincre, je +ne regretterai pas d'être venu: Mais remarquez, en attendant, que vous +me faites la partie belle en reconnaissant déjà que dans la hiérarchie +des cadeaux le livre mérite d'occuper la première place, le premier +rang? +</p> + <p> +--Ne vous hâtez pas de triompher, s'écria-t-elle; j'écoute, voilà tout. +</p> + <p> +--Soit. Je continue. Et, à vrai dire, le meilleur moyen de vous +convaincre, c'est de vous dire l'article que très-probablement j'aurais +écrit ce soir, si votre billet n'était venu me surprendre. De cette +façon, notre conversation nous aura servi à tous les trois. La +discussion me fournira des idées que le tête à tête avec le papier blanc +ne m'aurait fournies que beaucoup plus lentement. +</p> + <p> +Où la trouver, dites-vous, cette littérature du premier âge qui prend +chaque année plus d'importance dans les charmantes distributions que +ramène le 1er janvier? Eh bien, mes chers amis, la recette est fort +simple: allez-vous-en tous deux frapper au n° 18 de la rue Jacob, +présentez-vous de ma part, demandez le catalogue de la maison, et +livrez-vous en toute sécurité à un choix abondant; je vais vous dire +pourquoi vous serez sûrs de ne pas vous tromper... +</p> + <p> +--Il y en a donc pour tous les âges dans cette maison-là? +</p> + <p>Prosper Chazel.</p> + <p>(La fin prochainement.)</p> + + <br><br> + + <h2>NOS GRAVURES</h2> + + <h3>Procès du maréchal Bazaine</h3> + + <h3>LE DÉNOUMENT</h3> + + <p>Nous avons, dans notre précédent numéro, consigné à la dernière minute +la condamnation à mort avec dégradation de celui qui fut le maréchal +Bazaine.</p> + + <p>Depuis lors, la clémence du président de la République s'est étendue sur +le condamné, qui avait laissé passer les délais légaux sans se pourvoir +en révision. La peine de mort prononcée contre lui a été, sur la +proposition du ministre de la guerre, commuée en celle de vingt années +de détention, avec dispense des formalités de la dégradation militaire, +mais sous la réserve de tous ses effets. Ajoutons qu'un recours en grâce +avait été adressé au ministre par tous les membres du conseil de guerre. +Nous constatons simplement ces faits. L'éclatante lumière qui s'est +produite au cours du procès a rendu d'avance superflue toute +appréciation. +</p> + <p> +Cela dit, revenons un peu sur nos pas. Pour expliquer nos gravures, il +est nécessaire que nous entrions dans le détail des faits qui ont +précédé et suivi le prononcé du jugement. +</p> + <p> +La délibération des juges militaires, que représente notre premier +dessin, a été longue. Elle a duré de quatre heures et demie de +l'après-midi à neuf heures moins vingt minutes. L'arrêt a été affirmatif +sur toutes les questions, à l'unanimité, ce qui a surpris, car le bruit +courait dans le public que deux des juges étaient acquis à l'accusé. Au +moment où le conseil s'était retiré pour délibérer, M. Bazaine avait été +emmené et était rentré chez lui, après avoir stationné un instant dans +le salon des Bouclier. Ce salon, ainsi nommé à cause des quatre tableaux +qui le décorent, est situé un peu avant l'escalier conduisant à +l'appartement de l'accusé. Quelque temps après, M. le capitaine Maud'huy +avait fait introduire dans ce même salon le peloton qui, suivant les +prescriptions de la loi militaire, devait assister en armes à la lecture +du jugement. Et à neuf heures précises, Me Lachaud allait porter à +Trianon-sous-Bois la nouvelle de la condamnation, que le maréchal, qui +était alors entouré des membres de sa famille, reçut avec beaucoup de +fermeté. Peu après, un sous-officier venait le chercher pour le conduire +dans le salon des Boucher, où on l'attendait pour lui donner lecture du +jugement de condamnation. +</p> + <p> +Quand il pénétra dans le salon, la garde était sous les armes. En face +de lui se trouvaient réunis MM. les généraux Pourcet, commissaire +spécial du gouvernement près le premier conseil de guerre, et de Colomb, +son substitut, M. le commandant Martin, qui siégeait également au banc +du ministère public durant les débats, et MM. les greffiers Alla et +Castres. Une table, occupant le milieu de la pièce, les séparait du +condamné. A gauche de cette table était aligné le peloton, qui +appartenait au 40º régiment de ligne. Enfin, derrière le maréchal se +tenaient MM. le colonel Villette et le capitaine Maud'huy. Le salon +n'était éclairé que par deux lampes placées sur la table dont nous +venons de parler. +</p> + <p> +A l'apparition du maréchal Bazaine, la garde porta et présenta les +armes. Il y avait encore lieu de lui rendre les honneurs dus à sou +grade, car s'il était condamné, sa condamnation n'était pas devenue +définitive. +</p> + <p> +--Où dois-je me mettre? demanda-t-il au greffier. +</p> + <p> +--Où vous êtes, M. le maréchal, cela est bien ainsi. +</p> + <p> +Et M. le greffier Alla, sur l'ordre de M. le général Pourcet, donna +aussitôt lecture du jugement qui venait d'être rendu. C'est le moment de +cette scène dramatique que représente notre deuxième dessin. +</p> + <p> +La lecture finie: +</p> + <p> +--Eh bien! je suis prêt. On me fusillera quand on voudra, dit le +condamné s'adressant au général Pourcet. +</p> + <p> +--Monsieur le maréchal, répondit celui-ci, j'ai à vous informer que la +loi vous accorde vingt-quatre heures pour vous pourvoir en révision +contre le jugement que vous venez d'entendre. +</p> + <p> +--Ah! Et le délai commence?... +</p> + <p> +--Aujourd'hui à minuit pour finir demain à pareille heure. +</p> + <p> +--C'est bien. Est-ce tout? +</p> + <p> +--C'est tout. +</p> + <p> +Et le maréchal ayant salué, se retira. Nous ne rentrerons pas avec lui +dans son appartement, où l'attendait sa famille éplorée. Ici la +situation commande et il est de convenance stricte de s'arrêter devant +le huis clos des douleurs intimes. Avant de finir, disons un mot de la +très-touchante scène que représente notre troisième dessin. Alors que le +conseil délibérait, Mme Bazaine, dévorée d'inquiétudes, tour à tour +espérant et désespérant, courut à la chapelle de Trianon; et là, +agenouillée, les mains jointes, pria avec ferveur, invoquant le ciel en +faveur de son mari. Le ciel ne l'a pas exaucée, ai-je entendu dire. Je +ne suis pas de cet avis. S'il ne lui a pas accordé pour l'accusé une +chose impossible, encore a-t-il fait entrer dans le cœur de ceux de qui +dépendait son sort, un sentiment de commisération tel, qu'il les a +induits à outrepasser, imprudemment peut-être, en sa faveur, les limites +extrêmes de l'indulgence. +</p> + <p> +M. Bazaine doit subir sa peine au fort de l'île Sainte-Marguerite. +</p> + <p> +Cette île est située en face de Cannes; elle a une longueur de 6 +kilomètres environ, sur une largeur moyenne de 1500 mètres. A la pointe +est, se trouve le fort, qui a une garnison de cent cinquante hommes, +seuls habitants de l'île. On sait que c'est au fort Sainte-Marguerite +que fut longtemps détenu l'homme au masque de fer. Ce fort a également +servi de prison aux Arabes condamnés à la suite des dernières +insurrections d'Algérie. Près de l'île Sainte-Marguerite se trouve l'île +Saint-Honorat, qui forme avec elle le groupe des îles de Lérins, et où +l'on voit les ruines d'un monastère très-ancien. Elle est aujourd'hui la +propriété d'un Anglais qui l'a achetée il y a quelques années. +</p> + <p> +Nous reviendrons prochainement, en en donnant quelques vues, sur ces +îles et sur le fort Sainte-Marguerite. +</p> + <p> +Louis Clodion. +</p> +<br> + <h3> +Violettes,<br> Tableau de M. Edouard Dubufe. +</h3> + <p> +On se rappelle le succès obtenu par cette charmante composition au Salon +de cette année; la foule s'y arrêtait avec complaisance, et +l'<i>Illustration</i> a pensé être agréable à ses lecteurs, en la faisant +graver et tirer à part, pour la leur offrir. +</p> + <p> +Sans doute, nous n'avons plus ici le prestige de la couleur, l'harmonie +des tons habilement combinés; mais qu'elle est jolie, la <i>dame aux +violettes</i>, dans son attitude d'une grâce si simple et si vraie! Le +corps se laisse doucement aller sur les moelleux coussins; la belle +songeait sans doute, nonchalamment étendue; sa pensée flottait, +indécise, au gré de ses souvenirs ou de ses espérances, quand une lettre +lui est arrivée, et l'a tirée de son demi-sommeil. +</p> + <p> +Une lettre! c'est-à-dire un fait bien écrit, bien précis, alors qu'on +s'abandonnait, en toute sérénité, aux doux bercements du rêve! Aussi, +comme la tête s'est relevée aussitôt, comme le front est devenu sérieux, +comme le regard parcourt attentivement les lignes tracées par la main +d'un cher absent! Ne cherchons pas plus loin; le poète n'a-t-il pas +écrit: +</p> +<div class="poem"><div class="stanza"> +<p class="i20"> Sçavoir ce qu'elle contient,</p> +<p class="i20"> Bien fin qui pourrait le dire?</p> +</div></div> +<br> + <h3> +Les exécutions de Santiago +</h3> + <p> +Nous terminons aujourd'hui la publication commencée dans notre dernier +numéro, des documents qui nous sont parvenus sur le lugubre drame qui a +suivi la capture du <i>Virginius</i>. Nous avons déjà dit, précédemment, +combien les nombreuses expéditions du <i>Virginius</i> avaient aidé +l'insurrection cubaine à se soutenir en l'approvisionnant, en abondance, +d'armes, de munitions et de combattants recrutés aux États-Unis. On peut +juger par là de l'explosion de joie qui se produisit dans la population +de Santiago lorsqu'on vit arriver au port ce pourvoyeur de guerre +civile, sous l'escorte du <i>Tornado</i>. Malheureusement on ne se contenta +pas de la manifester bruyamment, cette joie, les cris de vengeance +s'élevèrent de toutes parts et l'on demanda la mort du capitaine et de +l'équipage. Le général Burriel, gouverneur de Santiago, crut devoir +céder aux clameurs de la foule, et après une procédure sommaire, +cinquante-trois des malheureux captifs furent condamnés à mort et +fusillés. Cette boucherie terminée, des pièces d'artillerie, attelées de +six chevaux, furent promenées sur les cadavres aux acclamations d'une +populace en délire, jusqu'à ce que, broyés sous les roues et sous les +pieds des chevaux, ils eussent perdu toute forme humaine. Telles sont +les horribles scènes que reproduisent nos deux dessins; on comprend qu'à +leur récit une indignation générale se soit manifestée d'un bout à +l'autre des États-Unis. +</p> +<br> + <h3> +La bourse aux timbres-poste +</h3> + <p> +Bourse, est-ce bien le mot? marché exprimerait peut-être mieux la chose. +Quoi qu'il en soit, bourse ou marché, marché ou bourse, c'est en plein +cœur des Champs-Elysées qu'ont lieu les opérations dont il s'agit. +</p> + <p> +On se réunit sur le large trottoir qui borde la maison de l'avenue +Gabrielle portant le numéro 36. Palais de la nature que couvre en guise +de dôme le ciel bleu, quand il n'est pas gris. On a donc devant soi +l'avenue Marignv, avec ses quatre Guignols, et à l'horizon l'entrée +principale du palais de l'Industrie, dont une forêt d'arbres, en ce +moment nus et grelottants, ne parvient pas à masquer la masse énorme. +Industrie d'un bout, commerce de l'autre, ceci nous ramène à nos +moutons, je veux dire à nos timbres. +</p> + <p> +Le plaisant de l'affaire, ce n'est pas la nature du commerce. +Collectionner des timbres-poste n'est pas plus un cas pendable que de +collection lier des autographes, voire des tabatières ou de vieux pots. +Non, le plaisant et le curieux, c'est le trafiquant lui-même. +Figurez-vous un marché vu par le petit bout de la lorgnette, bourse à +Lilliput. Telle, la bourse aux timbres-poste. En se pressant un peu, +toute l'assemblée tiendrait certainement dans une serviette. Petit monde +singulier. Tout à l'heure il courait, sautait et s'en donnait à cœur +joie. Le voilà maintenant affairé, grave, recueilli. C'est que l'heure +de la bourse a sonné, et comme on dit, «les affaires sont les affaires». +Chacun de ces petits bonshommes s'avance, muni d'un album dont toutes +les feuilles sont divisées en un certain nombre de compartiments, +alvéoles destinées à enchâsser les timbres suivant un ordre méthodique, +timbres de tous les prix et de tous les pays, de toutes les formes et de +toutes les grandeurs, de toutes les couleurs et de toutes les effigies. +Tous les compartiments ne sont pas remplis. Ces vides indiquent ou les +pièces qui manquent à la collection, ou bien celles dont, en prévision +d'une hausse, on se propose d'acquérir au plus bas prix possible un +certain nombre d'exemplaires, pour les revendre ensuite avantageusement, +le moment venu. C'est là le fin de l'opération, notez; car par ce moyen, +et sans qu'il en coûte grand chose, on peut arriver à parfaire tout +doucement sa petite collection. Et d'aucuns y arrivent, à ce qu'il +paraît. Mais ce sont les malins, ceux-là; et ne croyez pas qu'ils +fassent les finauds! Bien au contraire. A voir leur air innocent et +candide, vous jureriez certainement qu'ils sont du bois dont on ne les a +pas faits. Renards couverts d'une peau d'agneau, ils vont et viennent, +l'oreille à tout, et l'œil aussi, et prenez bien garde à vos poules! +Là, pas de pouf à craindre d'ailleurs, car c'est au comptant que se +traitent toutes les opérations. Et cela posément, sans confusion, sans +le moindre cri. On s'aborde en feuilletant les albums. On compte les +lacunes. Alors:--Je demande ou j'offre tel timbre, y a-t-il vendeur ou +acheteur?--Voilà.--Combien? --Tant.--C'est cher.--Il y a hausse.--Jeudi, +ils n'étaient qu'à tant; trop d'écart.--C'est qu'il s'en est beaucoup +vendu. A prendre ou à laisser. +</p> + <p> +On prend ou on laisse, selon. Cela dépend du vent qui souffle sur le +marché et fait tourner toutes ces petites têtes folles. Et puis, il y a +là aussi, comme ailleurs, des haussiers et des baissiers. Tel timbre est +un jour déprécié, qui le jour suivant est porté aux nues, et +réciproquement. Ainsi, en ce moment, le Brésil est en faveur, et les +villes hanséatiques sont recherchées. Demain en sera-t-il encore de +même? Demandez-le à M. votre fils. C'est peut-être une des fortes têtes +de la bourse aux timbres. Il est cependant certaines valeurs qui +échappent à toute pression, par exemple le Maximilien, depuis longtemps +hors de prix. Voilà où nous en sommes. Allez vous promener aux +Champs-Elysées, vous pourrez voir les voilures de chèvres inoccupées, +les chevaux de bois immobiles, Guignol désespéré se battre en vain les +flancs devant des chaises vides; mais pour ce qui est de la bourse aux +timbres, si, dès qu'elle est ouverte, un seul instant vous la voyez +chômer, dites qu'il y a encore des enfants. Hélas! pour ma part, je +commence bien à craindre qu'il n'y en ait plus. +</p> + <p>Louis Clodion.</p> + + <br><br> + + <h2>Auguste de la Rive</h2> + + <p>Auguste de la Rive est fils d'un physicien suisse, né comme lui à +Genève, et qui s'était consacré comme il devait le faire lui-même, +presque entièrement à l'étude de l'électricité. Appartenant à une des +plus riches et des plus anciennes familles de la cité de Calvin, Auguste +de la Rive hérita non-seulement de la grande fortune de son père, mais +encore du talent et des amitiés scientifiques qu'il avait formées +pendant la période la plus orageuse de notre révolution. +</p> + <p> +Les premières expériences que le jeune de la Rive vit exécuter dans la +maison paternelle furent celles de Davy, et ses premiers travaux +scientifiques furent faits sous la direction d'Ampère. Un de ses +premiers amis fut Faraday, que son père contribua à tirer d'une +situation voisine de la domesticité, dans des circonstances dignes +d'être rapportées. +</p> + <p> +Faraday, tout à fait inconnu et très-pauvre, désirait vivement +d'accompagner sur le continent Davy, dont il était le garçon de +laboratoire plutôt que le préparateur. Davy consentit, mais à condition +que Faraday lui servirait de domestique pendant tout le temps qu'il +serait sur le continent. Faraday accepta et tint parole. Les étrangers +ne pouvaient se douter qu'il y avait un savant immortel sous l'habit de +ce valet. +</p> + <p> +Davy s'arrêta à Prelioxes, bien patrimonial des de la Rive, qui depuis +la Révolution française y pratiquent la plus généreuse hospitalité +vis-à-vis des savants de toutes les nations. Davy avait naturellement +amené avec lui son valet, qui le suivit dans une partie de chasse. M. de +la Rive, le père, ayant eu occasion de s'entretenir avec ce jeune homme, +fut frappé de la profondeur et de la maturité de ses réponses. Il +insista et obtint non sans peine l'aveu de la vérité. Peu satisfait de +cette découverte, il insista vivement auprès de Davy pour obtenir de +mettre fin à cette comédie, moins digne encore de celui qui la donnait +que de celui qui en était victime. Mais Davy resta inébranlable. Il +exigea que le contrat fut exécuté à la lettre et que Faraday continuât +de manger à la cuisine avec les autres domestiques. M. de la Rive, ne +voulant pas rompre avec un ami, prit un terme moyen. Faraday fut servi +seul dans sa chambre, et Auguste de la Rive alla plus d'une fois +partager ses repas. De cette époque date une amitié des plus tendres +qu'aucun nuage n'a jamais obscurcie. +</p> + <p> +De la Rive père avait émigré en 1794, après avoir été retenu quelque +temps en prison. En 1813, il fut un des premiers à proclamer le retour +de Genève à la Suisse. +</p> + <p> +De la Rive fils resta fidèle à la politique paternelle. Quand la +Confédération helvétique se crut menacée de perdre la perle du Léman, +Auguste de la Rive fut envoyé à Londres comme ministre plénipotentiaire. +</p> + <p> +Grâce à ses hautes liaisons il réussit à obtenir du cabinet de +Saint-James la signature d'un protocole secret. L'annexion de Genève à +la France était déclarée un <i>casus belli.</i> +</p> + <p> +C'était la première fois que de la Rive rentrait dans la vie politique +d'où il était écarté depuis la révolution de 1846. Systématiquement +opposé à la guerre du Sonderbund, il avait donné alors sa démission de +toutes ses fonctions publiques, même de celles de professeur de physique +à l'Université. +</p> + <p> +C'est en 1864 qu'il fut nommé membre associé de l'Académie des sciences +à laquelle il appartenait depuis de longues années en qualité de +correspondant. +</p> + <p> +A l'issue de la dernière exposition universelle il exécuta à Paris même, +sur une immense échelle, ses magnifiques expériences sur la rotation de +la lumière électrique soumise à l'action des aimants. +</p> + <p> +<p class="rig"><img alt="" src="images/007a.png"><br> <b>M. DE LA RIVE.</b></p> + + <p>On lui doit la connaissance de la dorure galvanique.</p> + + <p>L'Académie des sciences lui décernait en 1842 un prix de 3,000 francs, +en même temps qu'elle récompensait MM. Ruolz et Elkington qui avaient +fait passer cette immense découverte dans le domaine de la pratique +commerciale. +</p> + <p> +De la Rive est le premier physicien qui ait imaginé d'employer des +substances insolubles pour dépolariser les piles voltaïques. Il a ouvert +la voie suivie par MM. Marié Davy, Leclanché et Grenet. +</p> + <p> +Enfin on lui doit la démonstration complète d'un grand fait de physique +générale. Couronnant l'édifice si largement commencé par Faraday il +porta le coup de mort à la théorie métaphysique du contact. La grande +doctrine de l'<i>équivalence des forces naturelles</i> lui doit un de ses +principes fondamentaux les plus précieux. +</p> + <p> +Ses travaux sont exposés dans son cours d'<i>Électricité théorique et +appliquée</i>, publié il y a seize ans par la maison J.-B. Baillière. Cet +ouvrage magistral n'est point à la veille d'être détrôné. +</p> + <p> +Auguste de la Rive était un journaliste scientifique dans l'acception la +plus élevée du mot. Il n'y avait pas de mémoire important qu'il ne lût +et n'étudiât en quelque langue qu'il fût écrit. Il fut constamment le +plus actif collaborateur des Archives des sciences physiques et +naturelles, après avoir publié et rédigé tout seul pendant les années +1841, 1842, 1843, 1844 et 1845 les <i>Archives de l'électricité</i>. +</p> + <p> +Comme Hausteen et Donats, qui ne l'ont précédé dans la tombe que de +quelques mois, il a consacré ses dernières veilles à l'étude des aurores +boréales. Il est un des fondateurs de cette météorologie cosmique qui ne +vient que de naître, et qui déjà ouvre à la science de l'avenir de si +merveilleux horizons! +</p> + <p> +Il est mort à Marseille, à l'âge de 72 ans, des suites d'une attaque de +paralysie. +</p> + <p>W. DE FONVIELLE.</p> + <br><br> + + +<p class="mid"><img alt="" src="images/007b.png"><br><b>TYPES ET PHYSIONOMIES DE PARIS.--La petite bourse des<br> +timbres-poste aux Champs-Elysées.</b></p> +<br><br> + + <h3>L'HISTOIRE DE FRANCE<br> +DE M. GUIZOT</h3> + + <p>Dans un premier article, nous avons, la semaine dernière, jeté un coup +d'œil sur le troisième volume de l'<i>Histoire de France</i>, de M. Guizot, <span class="rig"><img alt="" src="images/008a.png"><br> + <b>Henri de Guise parcourant les rues de Paris après le<br> + massacre de la Saint-Barthélémy.</b></span> +qui commence avec François 1er pour finir avec Henri IV. Deux mots la +résument: Renaissance et Réforme. Curieuse époque marquée au sceau du +fanatisme religieux, et dont toutes les pages sont tachées de sang. Nous +avons dit un mot de ces pieuses horreurs. N'y revenons pas. Aussi bien +si l'auteur, en ce tome troisième, évoque bien des figures odieuses, il +nous en montre aussi d'autres qui appellent d'elles-mêmes et captivent +le regard. Parmi ces dernières brille en première ligne celle de +Rabelais, cet illustre bohème qui passa les deux tiers de sa vie à +courir le monde, s'arrêtant le temps seulement d'écrire les célèbres +chroniques que l'on sait, et qui fut non-seulement l'écrivain le plus +original et le plus éminent de la première moitié du XVIe siècle, mais +encore sa personnification la plus vivante et la plus vraie. + + + + + +<span class="mid"><img alt="" src="images/008b.png"> +<img alt="" src="images/008c.png"><br> + + + + <b>HENRI III ET SES MIGNONS. +Hérétiques condamnés au feu et +brûlés en 1546<br> au grand +marché de Meaux.</b> +</span> +</p> + + +<p>Une autre figure, grande aussi et particulièrement sympathique et +intéressante est celle de cette gracieuse reine de Navarre, sœur de +François 1er, Marguerite de + +<span class="lef"><img alt="" src="images/008d.png"><br> + <b>Marguerite de Valois.</b> +<br><img alt="" src="images/008e.png"><br> <b>Rabelais</b> +</span> + +Valois qui avait, comme l'a dit Marot, «corps féminin, cœur d'homme et +tête d'ange». Mais ce qui la fait tant et de si loin briller à nos yeux, +c'est la supériorité de son esprit, son excessive bonté, son amour pour +la poésie, la protection généreuse et intelligente qu'elle accorda, elle +catholique, à la réforme. Aussi n'y a-t-il pas lieu de s'étonner des +soupçons d'hérésie qui planèrent sur elle, et, à parler franchement, je +crois bien qu'au fond elle était un peu hérétique, il est encore une <span class="rig"><img alt="" src="images/008f.png"><br><b> Marie Stuart.</b></span> +chose digne de remarque, c'est qu'au XVIe siècle, où comme dit Anquetil, +les femmes de la cour étaient un objet de scandale, Marguerite pouvait +passer pour une vertu, à quelques peccadilles près que nous ont fait +connaître la muse indiscrète de Marot qu'elle aima, et cette <i>mauvaise +langue</i> de Brantôme. La Marguerite des marguerites eut toujours pour son +frère une affection profonde qui, approchant de la faiblesse, s'étendit +parfois jusque sur ses maîtresses. Ce fut elle-même qui orna de devises +les bagues données par François à la belle comtesse de Chateaubriand, +laquelle fut plus reine que Claude-la-Bonne avant la bataille de Pavie, +ce qui ne l'empêcha pas, si l'on en croit Varillas, de mourir fort +tragiquement, le roi l'ayant abandonnée à son retour. Il nous reste des +ouvrages de la reine de Navarre soixante-douze contes que l'on +attribue en partie à ses amis; le <i>Miroir de l'âme pécheresse</i> les +<i>marguerites de la Marguerite des princesses</i>, pièces recueillies par +Sylvius de la Haie; quelques mystères, des farces, une pièce de vers sur +la captivité de son frère, enfin le <i>Débat d'amour</i> qu'elle composa à +l'âge de cinquante ans et qui n'a pas été imprimé. +</p> + <p> +L. C. +</p> + <p class="mid">Gravures extraites de l'Histoire de France racontée à mes petits<br> +enfants, par M. Guizot. (Librairie Hachette et Cie.)</p> + +<br><br> + + <h3>BIBLIOGRAPHIE.</h3> + + + <p>Les Merveilles de l'Industrie ou Description des principales industries +modernes, par M. Louis Figuier (2). +</p> + <p class="mid"><span class="sml"> +<b>Note 2:</b> Un vol. in-8º illustré de 415 gravures sur bois. Chez Furne et +Jouvet, rue Saint-André-des-Arts.</span></p> + + <p>Combien pourrait-on citer aujourd'hui de personnes ayant une +connaissance, même superficielle, des procédés industriels? Les moyens variés par lesquels l'homme transforme +<span class="rig"><img alt="" src="images/009a.png"></span><br> +<span class="rig"><img alt="" src="images/009b.png"><br> <b>Une verrerie chez les Égyptiens.</b></span> + la matière, pour l'asservir à ses +besoins, sont un secret pour la plupart d'entre nous. Le verre, les +poteries, le savon, le sucre, le sel marin, le papier, les cuirs, etc., +servent à nos usages, à chaque instant de la vie, et pourtant la +majorité d'entre nous serait fort embarrassée de dire comment se +préparent le verre, les poteries, le savon, le papier, etc. L'industrie +est comme un livre fermé à tous les yeux.</p> + + <p>Ce livre fermé, M. Louis Figuier prétend nous l'ouvrir. Dans l'ouvrage +nouveau qu'il vient de publier, les <i>Merveilles de l'industrie</i>, il +entreprend de révéler aux gens du monde et à toute personne désireuse de +s'instruire, les opérations des principales industries modernes. Le +volume que nous avons sous les yeux est consacré aux industries +chimiques, à savoir: le verre et le cristal,--les poteries, faïences et +porcelaines,--le savon,--les soudes et les potasses,--le sel marin,--le +soufre et l'acide sulfurique. L'auteur décrit avec soin les opérations +diverses qui servent à la fabrication de ces matières, et l'on est tout +surpris, en lisant ses descriptions, de voir quel intérêt peuvent +revêtir les matières industrielles traitées par un auteur qui a le désir +constant d'attacher et d'instruire. La masse de renseignements et de +notions utiles contenus dans les notices que nous venons de citer, est +vraiment immense, et leur utilité est d'une évidence sur laquelle il +n'est pas nécessaire d'insister. +</p> + <p> +Deux mérites nous ont particulièrement frappé, à la lecture des +<i>Merveilles de l'industrie</i>. C'est d'abord le soin avec lequel l'auteur +expose l'histoire de chaque industrie. Dans la plupart des ouvrages ou +des dictionnaires où ces matières sont traitées, l'histoire de chaque +industrie est presque toujours passée sous silence. Dans l'ouvrage de M. +Louis Figuier, au contraire, l'histoire des inventions occupe une place +de premier ordre. L'auteur a toujours soin de remonter jusqu'aux +origines primitives de l'industrie qui l'occupe. Il la prend à son +berceau, chez les anciens, et la suit à travers les siècles jusqu'à +l'époque actuelle. C est là une source d'enseignements variés et pleins +d'intérêt pour le lecteur. +</p> + +<p class="rig"><img alt="" src="images/009d.png"><br></p> + + <p>La seconde qualité qui nous a frappé dans les <i>Merveilles de +l'industrie</i>, c'est la préoccupation constante de l'auteur d'éclairer le +texte de ses descriptions par le secours du dessin. Chaque opération +étant accompagnée d'une figure explicative, renseignement par les yeux +accompagnant sans cesse l'enseignement par la plume, il est toujours +facile de comprendre les explications de l'auteur. +</p> + <p> +Les gravures qui accompagnent cet article (<i>la fabrication au verre chez +les Egyptiens,--la fabrications des vitres, le coupage du savon en +pains</i>), sont de doubles spécimens des nombreuses gravures qui +accompagnent l'ouvrage de M. Louis Figuier, et du genre de démonstration +figurée qui se rencontre à chaque page de ce livre. +</p> + <p> +Les <i>Merveilles de l'industrie</i> ont été présentées, avec beaucoup +d'éloges, à l'Académie des sciences, dans la séance du 15 décembre, par +M. Dumas, secrétaire perpétuel. +</p> + <p> +Nous n'avons rien à ajouter à ce témoignage d'estime. +</p> + <p> +Pierre Paget. +</p> +<p class="mid"><img alt="" src="images/009c.png"><br><b>Coupage du savon de Marseille en pains.</b></p> + + <p class="mid"><span class="sml">Gravures extraites des <i>Merveilles de l'industrie</i>, par Louis Figuier. +(Furne, Jouvet et Cie, éditeurs.)</span></p> + +<br><br> + + <p class="mid"><img alt="" src="images/009e.png"></p> + + <h4>EXPLICATION DU DERNIER RÉBUS:</h4> + <p class="mid"> +Libres penseurs ou pieux pèlerins, la conscience est totalement libre! +</p> + + +<br><br> +</div> + + + + + + + + + +<pre> + + + + + +End of the Project Gutenberg EBook of L'Illustration, No. 1608, 20 décembre +1873, by Various + +*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 1608, 20 *** + +***** This file should be named 44232-h.htm or 44232-h.zip ***** +This and all associated files of various formats will be found in: + http://www.gutenberg.org/4/4/2/3/44232/ + +Produced by Rénald Lévesque + +Updated editions will replace the previous one--the old editions +will be renamed. + +Creating the works from public domain print editions means that no +one owns a United States copyright in these works, so the Foundation +(and you!) can copy and distribute it in the United States without +permission and without paying copyright royalties. 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It exists +because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from +people in all walks of life. + +Volunteers and financial support to provide volunteers with the +assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg-tm's +goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will +remain freely available for generations to come. In 2001, the Project +Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure +and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations. +To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation +and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 +and the Foundation information page at www.gutenberg.org + + +Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive +Foundation + +The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit +501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the +state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal +Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification +number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg +Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent +permitted by U.S. federal laws and your state's laws. + +The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S. +Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered +throughout numerous locations. Its business office is located at 809 +North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email +contact links and up to date contact information can be found at the +Foundation's web site and official page at www.gutenberg.org/contact + +For additional contact information: + Dr. Gregory B. Newby + Chief Executive and Director + gbnewby@pglaf.org + +Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg +Literary Archive Foundation + +Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide +spread public support and donations to carry out its mission of +increasing the number of public domain and licensed works that can be +freely distributed in machine readable form accessible by the widest +array of equipment including outdated equipment. Many small donations +($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt +status with the IRS. + +The Foundation is committed to complying with the laws regulating +charities and charitable donations in all 50 states of the United +States. Compliance requirements are not uniform and it takes a +considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up +with these requirements. We do not solicit donations in locations +where we have not received written confirmation of compliance. 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Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm +concept of a library of electronic works that could be freely shared +with anyone. For forty years, he produced and distributed Project +Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support. + +Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed +editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S. +unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily +keep eBooks in compliance with any particular paper edition. + +Most people start at our Web site which has the main PG search facility: + + www.gutenberg.org + +This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, +including how to make donations to the Project Gutenberg Literary +Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to +subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. + + + +</pre> + +</body> +</html> + + + diff --git a/old/44232-h/images/001.png b/old/44232-h/images/001.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..cd566c1 --- /dev/null +++ b/old/44232-h/images/001.png diff --git a/old/44232-h/images/001a.png b/old/44232-h/images/001a.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..81eec0d --- /dev/null +++ b/old/44232-h/images/001a.png diff --git a/old/44232-h/images/001b.png b/old/44232-h/images/001b.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..dbc395e --- /dev/null +++ b/old/44232-h/images/001b.png diff --git a/old/44232-h/images/002.png b/old/44232-h/images/002.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..fcb7c75 --- /dev/null +++ b/old/44232-h/images/002.png diff --git a/old/44232-h/images/003a.png b/old/44232-h/images/003a.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..cfcbdbb --- /dev/null +++ b/old/44232-h/images/003a.png diff --git a/old/44232-h/images/003b.png b/old/44232-h/images/003b.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..b9d45c1 --- /dev/null +++ b/old/44232-h/images/003b.png diff --git a/old/44232-h/images/004.png b/old/44232-h/images/004.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..aeeca66 --- /dev/null +++ b/old/44232-h/images/004.png diff --git a/old/44232-h/images/005.png b/old/44232-h/images/005.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..e69c2ee --- /dev/null +++ b/old/44232-h/images/005.png diff --git a/old/44232-h/images/006.png b/old/44232-h/images/006.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..422d18f --- /dev/null +++ b/old/44232-h/images/006.png diff --git a/old/44232-h/images/007a.png b/old/44232-h/images/007a.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..38013a2 --- /dev/null +++ b/old/44232-h/images/007a.png diff --git a/old/44232-h/images/007b.png b/old/44232-h/images/007b.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..5b69279 --- /dev/null +++ b/old/44232-h/images/007b.png diff --git a/old/44232-h/images/008a.png b/old/44232-h/images/008a.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..75433eb --- /dev/null +++ b/old/44232-h/images/008a.png diff --git a/old/44232-h/images/008b.png b/old/44232-h/images/008b.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..14b3353 --- /dev/null +++ b/old/44232-h/images/008b.png diff --git a/old/44232-h/images/008c.png b/old/44232-h/images/008c.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..3963923 --- /dev/null +++ b/old/44232-h/images/008c.png diff --git a/old/44232-h/images/008d.png b/old/44232-h/images/008d.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..8f3109d --- /dev/null +++ b/old/44232-h/images/008d.png diff --git a/old/44232-h/images/008e.png b/old/44232-h/images/008e.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..7646b2f --- /dev/null +++ b/old/44232-h/images/008e.png diff --git a/old/44232-h/images/008f.png b/old/44232-h/images/008f.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..356361e --- /dev/null +++ b/old/44232-h/images/008f.png diff --git a/old/44232-h/images/009a.png b/old/44232-h/images/009a.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..b839758 --- /dev/null +++ b/old/44232-h/images/009a.png diff --git a/old/44232-h/images/009b.png b/old/44232-h/images/009b.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..bc375df --- /dev/null +++ b/old/44232-h/images/009b.png diff --git a/old/44232-h/images/009c.png b/old/44232-h/images/009c.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..733f343 --- /dev/null +++ b/old/44232-h/images/009c.png diff --git a/old/44232-h/images/009d.png b/old/44232-h/images/009d.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..e1185be --- /dev/null +++ b/old/44232-h/images/009d.png diff --git a/old/44232-h/images/009e.png b/old/44232-h/images/009e.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..a90ae3d --- /dev/null +++ b/old/44232-h/images/009e.png diff --git a/old/44232-h/images/cover.jpg b/old/44232-h/images/cover.jpg Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..95f5a8f --- /dev/null +++ b/old/44232-h/images/cover.jpg |
