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authorRoger Frank <rfrank@pglaf.org>2025-10-14 18:37:37 -0700
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+*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 44232 ***
+
+[Illustration: L'ILLUSTRATION
+JOURNAL UNIVERSEL]
+
+REDACTION, ADMINISTRATION, BUREAUX D'ABONNEMENTS
+22, rue de Verneuil, Paris
+
+31e Année.--VOL. LXII.--Nº 1608
+SAMEDI 20 DÉCEMBRE 1873
+
+SUCCURSALE POUR LA VENTE AU DÉTAIL
+60, rue de Richelieu, Paris
+
+Prix du numéro: 75 centimes
+La collection mensuelle, 3 fr; le vol. semestriel, broché, 18 fr.; relié
+et doré sur tranches, 28 fr.
+
+Abonnements
+Paris et départements: 3 mois, 9 fr.;--6 mois, 18 fr.;--un an, 36;
+Étranger, le port en sus.
+
+Les demandes d'abonnements doivent être accompagnées d'un mandat-poste
+ou dune valeur à vue sur Paris à l'ordre de M. Auguste Marc,
+directeur-gérant.
+
+
+
+SOMMAIRE
+
+TEXTE
+
+Histoire de la semaine,
+
+Courrier de Paris, par M. Philibert Audebrand.
+
+P. Blanchard.
+
+La Soeur perdue, une histoire du Gran Chaco (suite), par M. Mayne Reid.
+
+Un voyage en Espagne pendant l'insurrection (fin).
+
+La veille du 1er janvier.
+
+Nos gravures:
+
+Procès du maréchal Bazaine, le dénoûment.
+
+Violettes.
+
+La bourse aux timbres-poste.
+
+Auguste de la Rive.
+
+L'_Histoire de France_, de M. Guizot.
+
+Les exécutions de Santiago.
+
+Bibliographie: _Les Merveilles de l'industrie_, par Louis Figuier.
+
+
+
+SOMMAIRE
+
+GRAVURES
+
+Procès du maréchal Bazaine: Mme Bazaine en prière dans la chapelle de
+Trianon, au moment du prononcé du jugement;
+
+Lecture de l'arrêt au condamné;
+
+La délibération du conseil de guerre avant le prononcé du jugement.
+
+P. Blanchard.
+
+Événements de Cuba: exécution de l'équipage du _Virginius_, à Santiago
+de Cuba;
+
+Les cadavres foulés aux pieds des chevaux, après l'exécution.
+
+M. de la Rive.
+
+Types et physionomies de Paris: la petite bourse des timbres-poste aux
+Champs-Elysées.
+
+_L'Histoire de France_, de M. Guizot (6 gravures).
+
+_Les Merveilles de l'industrie_, par M. L. Figuier (4 gravures).
+
+Rébus.
+
+
+
+[Illustration: PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE. Mme BAZAINE EN PRIÈRE DANS LA
+CHAPELLE DE TRIANON, AU MOMENT DU PRONONCÉ DU JUGEMENT.]
+
+
+
+HISTOIRE DE LA SEMAINE
+
+FRANCE
+
+Le mémorable procès dont la France entière suivait avec un si poignant
+intérêt les péripéties depuis près de trois mois est enfin arrivé à son
+terme: le sort du maréchal Bazaine est décidé. A l'unanimité sur toutes
+les questions, le conseil de guerre siégeant à Trianon a condamné
+l'ex-commandant de l'armée de Metz à la peine de mort et à la
+dégradation militaire. Le maréchal a refusé de se pourvoir en révision,
+mais le conseil tout entier a signé un recours en grâce; le duc d'Aumale
+l'a remis immédiatement entre les mains du président de la République,
+et, dès le surlendemain, le Journal officiel annonçait que la peine de
+mort était commuée en vingt années de détention, et que le condamné
+était dispensé des formalités de la dégradation militaire, mais sous
+réserve de tous ses effets.
+
+L'Assemblée nationale a continué, pendant le cours de cette semaine, la
+discussion du budget, qui s'est poursuivie sans autres incidents que la
+présentation d'un certain nombre d'amendements ou d'observations dont
+l'examen nous entraînerait trop loin. Pendant que cette discussion
+suivait son cours en séances publiques, les commissions travaillaient à
+l'élaboration des nouvelles lois organiques et constitutionnelles. Sur
+la proposition de son président, M. Batbie, la commission des Trente
+décidait que la loi électorale serait la première dont elle aurait à
+s'occuper; puis elle nommait une sous-commission d'études ayant mission
+de faire des recherches préparatoires. MM. d'Andelarre et Pradié ont été
+chargés par cette sous-commission de compulser les ouvrages traitant de
+l'organisation des pouvoirs publics; MM. Waddington et A.
+Lefèvre-Pontalis d'étudier, dans les législations étrangères, les divers
+modes de composition des Chambres hautes; M. Laboulaye, de faire un
+exposé de l'organisation constitutionnelle dans les États américains.
+D'autre part, la commission chargée de la rédaction de la nouvelle loi
+municipale a terminé ses travaux et entendu le rapport de M. Clapier;
+nous avons déjà mentionné les dispositions principales de la loi
+nouvelle qui ont pour but, on le sait, d'enlever au suffrage universel,
+pour le rendre au gouvernement, la nomination des maires, et d'imposer
+aux communes les dépenses de police, telles qu'elles auront été fixées
+par les préfets; contentons-nous de les appeler réformes fondamentales,
+en attendant leur discussion en séance générale, où elles doivent
+rencontrer, assure-t-on, une assez sérieuse opposition.
+
+L'urgence et la gravité des lois constitutionnelles dont la commission
+des Trente est saisie ne saurait être mieux démontrée que par les quatre
+élections qui ont eu lieu dimanche dernier dans les trois départements
+de l'Aude, de Seine-et-Oise et du Finistère. Comme presque toutes celles
+qui se sont succédé depuis trois ans, ces élections se sont traduites
+par des majorités considérables données aux candidats républicains.
+Celle du Finistère, notamment, où M. Swiney l'a emporté par 61,000 voix
+contre 42,000 données à son concurrent, M. Le Guen, est un symptôme
+très-caractéristique du mouvement qui s'opère même dans les régions les
+moins accessibles jusqu'à présent aux idées révolutionnaires, et paraît
+avoir vivement affecté les groupes conservateurs de l'Assemblée.
+
+ALGÉRIE.
+
+M. le général Chanzy, gouverneur général de l'Algérie, a prononcé, le 3
+décembre, à l'ouverture de la session du conseil supérieur de la
+colonie, un éloquent discours où est exposé avec un remarquable talent
+tout un plan d'administration, qui a été accueilli avec une approbation
+unanime. Ce discours peut être divisé eu deux parties; dans la première,
+l'orateur énonce les principes généraux de son système; la seconde est
+plus spécialement consacrée à l'explication des moyens pratiques
+auxquels le gouverneur général juge utile de recourir, tels que:
+organisation administrative,--colonisation,--grands travaux d'utilité
+publique,--entreprises industrielles,--constitution de la
+propriété,--forêts,--régularisation des opérations du séquestre. Nous
+laisserons de côté cette deuxième partie, dont l'examen nous forcerait
+d'entrer dans trop de détails techniques, pour ne nous occuper que de la
+première.
+
+Aux yeux de l'honorable général, les décrets de 1870 contiennent le
+programme qu'il importe de réaliser au plus vite afin de justifier notre
+réimplantation sur le sol africain, et c'est à la recherche des moyens
+propres à amener «l'assimilation de l'Algérie à la mère patrie» que le
+conseil supérieur doit consacrer toute son activité, tout son
+patriotisme. Au nombre des mesures qui doivent être appliquées le plus
+immédiatement, M. le général Chanzy place la disparition de cet
+antagonisme, plus apparent que réel, entre ce qu'on appelle le régime
+civil et le régime militaire. Si au lendemain de la conquête, et dans le
+but de la consolider, de telles distinctions ont pu être nécessaires,
+indispensables même, elles n'ont plus aujourd'hui de raison pour
+subsister. «Je déchargerai, dit M. le gouverneur, dans la limite du
+possible l'armée d'une tâche qui n'est plus la sienne et qu'elle ne
+continue que par devoir; elle restera chargée temporairement des parties
+où les populations indigènes, éloignées du contact des Européens,
+doivent être dominées et sentir la force pour rester calmes.»
+
+Mais, pour l'honorable général, «il n'y a point et il ne peut y avoir
+ici deux régimes: le régime civil, le régime militaire; il n'y a qu'une
+pensée: celle de tirer de cette magnifique colonie tout ce que la France
+et la civilisation attendent de nos communs efforts. Il n'y a et ne peut
+y avoir deux territoires avec leurs systèmes opposés; il y a une vaste
+contrée soumise à la France, dans laquelle il nous faut introduire ses
+institutions, en tenant compte des précautions que la sagesse et la
+situation nous imposent. Pour moi, dans ce pays, désormais français, il
+y a les parties qui peuvent et doivent être assimilées de suite, celles
+dans lesquelles les institutions civiles et la justice de droit commun
+sont possibles et doivent être complètes, et celles où le commandement
+doit encore s'exercer, parce que seul il peut assurer, si on lui en
+laisse les moyens, le bon ordre et la sécurité».
+
+On ne pouvait mieux faire comprendre la mission du conseil supérieur et
+de l'armée en Algérie, aussi doit-on attendre les plus grands résultats
+de l'application des principes qui guident l'honorable gouverneur
+général civil de l'Algérie.
+
+En terminant son discours, M. le général Chanzy a exposé les motifs qui
+l'avaient conduit à introduire dans le conseil supérieur les hauts
+fonctionnaires chargés des affaires du département ou des territoires
+restés sous le commandement militaire, et c'est par un appel au
+patriotisme du conseil, que l'orateur a clos son éloquent plaidoyer en
+faveur de la colonie:
+
+«La politique, cette passion qui surexcite, n'a rien à faire dans cette
+enceinte, et nous saurons justifier la confiance que le gouvernement qui
+nous a nommé et que la population qui vous a désignés a mise en nous.»
+
+ÉTATS-UNIS.
+
+Le différend hispano-américain s'est terminé de la manière la plus
+heureuse par la reddition aux autorités des Etats-Unis du _Virginius_ et
+des survivants de son équipage. Les détails manquent encore sur la
+manière dont s'est opérée la restitution ainsi que sur les motifs du
+brusque revirement d'opinion qui a permis aux autorités cubaines
+d'exécuter des conditions d'abord déclarées inacceptables. Quoi qu'il en
+soit il faut se féliciter de la solution pacifique d'une situation qui
+aurait pu, en se prolongeant, amener les plus graves complications.
+
+SUISSE.
+
+Le Conseil fédéral de la république helvétique vient de prendre une
+décision qui aura sans doute un grand retentissement dans le monde
+catholique. Il a rompu avec le Saint-Siège et congédié le légat
+accrédité comme chargé d'affaires auprès du gouvernement suisse.
+
+M. Cérésole, président de la Confédération, a adressé à ce sujet à Mgr
+Agnozzi, chargé d'affaires du Saint-Siège, une note diplomatique
+déclarant que la mesure prise par le Conseil fédéral a été déterminée
+par la publication de l'encyclique du 21 novembre, qui renfermait «des
+accusations de la nature la plus directe et la plus grave contre
+diverses autorités légitimement constituées en Suisse et contre
+certaines décisions que ces autorités ont régulièrement prises». Cette
+rupture solennelle est certainement regrettable; elle affligera
+profondément tous les catholiques modérés, c'est-à-dire, comme le fait
+remarquer le _Journal de Genève_, l'immense majorité des catholiques
+suisses, «qui n'ont jamais séparé dans leur coeur le nom de religion de
+celui de patrie».
+
+Les journaux suisses, calvinistes et libres penseurs, applaudissent
+naturellement à cette mesure. Ils prennent, de plus, le soin de
+l'expliquer et de la justifier. Ils rappellent que depuis longtemps
+l'opinion publique, en Suisse, était peu favorable au maintien de la
+nonciature.
+
+On reconnaissait,--disent-ils,--que non-seulement elle ne pouvait offrir
+une utilité pratique, mais encore qu'elle n'avait plus de raison d'être.
+Il est de fait que, dans sa grande réunion à Soleure, le _Volks-verein_
+avait porté sur son programme révisionniste la suppression de la
+nonciature, et que la commission du Conseil national avait fait droit à
+ce voeu en proposant de l'inscrire dans la Constitution.
+
+L'encyclique de Pie IX n'a donc été, pour le gouvernement des vingt-deux
+cantons, qu'un prétexte opportun; la rupture était préméditée de longue
+date.
+
+La rupture des relations entre la Confédération helvétique et le Vatican
+ne sera peut-être pas aussi sensible à la curie romaine que la nouvelle
+mesure prise par le gouvernement bavarois, et qui, pour être beaucoup
+moins radicale, constitue cependant une démonstration caractéristique.
+
+Pendant longtemps, on le sait, le clergé avait été tout-puissant en
+Bavière, à tel point que le roi Maximilien II était allé jusqu'à
+subordonner la Constitution au concordat; ce souverain avait décidé que
+toutes les fois que le pacte constitutionnel se trouverait en opposition
+avec le concordat, celui-ci l'emporterait sur celui-là.
+
+Le gouvernement de Munich vient de décider que, désormais, en cas de
+conflit entre les lois du pays et la convention conclue avec le
+Saint-Siège, c'est la législation nationale qui passera la première.
+
+Les feuilles libérales bavaroises espèrent que cette mesure est la
+préface de l'abolition complète du concordat.
+
+
+
+COURRIER DE PARIS
+
+On a longtemps célébré la tendresse des habitants d'Enghien pour leur
+lac. C'était alors la seule merveille de l'endroit. Un jour, le conseil
+municipal avait posé deux plantons aux extrémités de l'amas d'eau;
+c'était afin de surveiller les passants. «Défense d'approcher du lac,
+sous peine de mort.» On aurait dit le Kisslar-Agha sur le seuil du
+sérail. Monsieur le maire, faisant sa tournée quotidienne, prenait plus
+grand soin du lac que de ses propres yeux. Quand le gros temps menaçait,
+si le vent jetait sur la rive un grain de poussière ou une feuille
+sèche, on voyait le magistrat descendre en toute hâte sur la grève; il
+tirait gravement son mouchoir de sa poche et se mettait à épousseter le
+lac, si cher à la commune. Un spectacle si touchant faisait à bon droit
+l'admiration de Gérard de Nerval, qui venait parfois rêver sur ses
+bords.
+
+Aujourd'hui Enghien n'a plus à passer par ces transes; son lac est
+classé, adopté, arrivé, comme on dit; il n'a plus ni ses preuves, ni sa
+fortune à faire. Cependant, sous un autre rapport que celui de la
+feuille jaunie ou de la poussière qui pourrait ternir le miroir de ses
+eaux, voilà que la même vigilance jalouse se présente en ce moment pour
+les lacs du bois de Boulogne. Là aussi, on est exposé à se cogner contre
+des sentinelles rébarbatives; il y a une consigne d'un sens absolument
+asiatique. Aussitôt que la gelée blanche arrive, un jeune monsieur,
+habillé d'ours, ayant un stick à la main, vous crie: «Au large!
+N'empêchez pas la glace de se former.» Cet élégant quidam est ce qu'on
+appelle un semainier du _Club des Patineurs_.
+
+La semaine passée, les fanatiques du patin ont éprouvé toute une série
+de fausses joies. Sur la foi de l'almanach, on attendait la glace.
+Gèlera-t-il? ne gèlera-t-il pas? Un rat de l'Observatoire s'était quatre
+fois peigné l'oreille gauche avec sa patte de derrière; c'était signe
+qu'il y aurait pendant dix jours vingt-cinq degrés au-dessous de zéro,
+juste la température du Groenland. Dès ce moment, on signale dans les
+régions aristocratiques un mouvement rapide; ce serait à qui arracherait
+ses patins du croc pour courir aux lacs. Tout le long au chemin, les
+amateurs faisaient le plus possible la mine des gens de la Finlande
+courant sur leurs blocs glacés. Un chien errant qui venait à eux leur
+faisait déjà l'effet d'un renard bleu de la Laponie. Au bois, il a fallu
+en rabattre. Cette gelée n'avait rien de sérieux. Le rat de
+l'Observatoire est un farceur qui a pris plaisir à mettre ainsi dedans
+l'élite du beau monde.
+
+Je suis volontiers de ceux qui compatissent aux tristesses du _Club des
+Patineurs_, car enfin il a contribué jadis à donner à notre Paris une
+très-grande animation, des fêtes, de beaux jours, ou, si vous l'aimez
+mieux, de belles nuits. Institué en 1860, en même temps et dans le même
+local que le Tir aux pigeons, il avait et il a encore, jusqu'en 1885, la
+jouissance exclusive d'un bassin construit sur la pelouse de Madrid. Il
+disposait et il dispose encore, par surcroît, de deux autres bassins
+dans le bois de Boulogne. Tous les grands noms du sport se sont
+empressés d'allonger la liste déjà brillante de ses fondateurs. Et comme
+il arrive toujours en ces sortes de choses, la mode s'en est mêlée; on
+s'est mis à aimer la course en zigzags sur la glace; Paris n'était plus
+qu'un gymnase de patineurs de l'un et de l'autre sexe.
+
+Cherchez bien, vous retrouverez dans quelque coin de votre mémoire
+l'image encore vivante d'une de ces soirées où de longues files de
+voitures conduisaient au bout de l'avenue de l'Impératrice les beaux et
+les belles, les fous et les folles, ce qu'on appelle «le monde où l'on
+s'amuse». En ce temps-là, le _Club des Patineurs_ annonçait ses
+exercices par une affiche, absolument comme l'Opéra annonçait un ballet
+nouveau et le cirque les débuts d'une écuyère. Il y avait souvent de
+vives surprises. Une fois c'était une double rangée de flambeaux,
+disposés comme un supplément aux étoiles; une autre fois c'était un
+double quadrige des dames de la cour, se présentant en traîneaux russes
+comme si l'on eût amené la Néwa chez nous.
+
+Ces nuits, le _Club des Patineurs_ a rêvé de les refaire. Pour y
+parvenir, une condition est indispensable: la glace. Il faut que les
+deux lacs gèlent. Jugez de l'impatience des fanatiques! La période
+hivernale va du 15 décembre au 15 janvier, et encore pas toujours. S'il
+doit y avoir des frimas, c'est pendant ce laps de temps, ou bien il n'y
+en aura point. Tous les matins, à leur lever, les coryphées du club sont
+aux aguets.--Où en est-on? Sommes-nous en Sibérie ou toujours en
+Picardie? Neige-t-il? Gèle-t-il? Y a-t-il de la glace? Interrogez les
+astronomes ou les ours blancs du Jardin des Plantes.--Eh bien, jusqu'à
+ce jour, on a eu beau faire; il n'y a eu que quelques pincées de givre.
+Il n'a gelé que pour rire.--Eh! mon Dieu! pourquoi ne pas appeler au
+bord des lacs tels et tels orateurs de Versailles; les deux nappes d'eau
+ne tarderaient pas à être glacées.
+
+Si les patins sont tristes, la fourchette, par contre, est en plein
+mouvement et en pleine allégresse. Pour le quart-d'heure, on ne songe
+qu'à se mettre à table. Grand dîner chez le maréchal de Mac-Mahon,
+président de la République; grand dîner chez M. Buffet, président de
+l'Assemblée nationale; grand dîner chez le duc de Broglie,
+vice-président du conseil des ministres; grand dîner à l'ambassade
+d'Angleterre; grand dîner chez le comte Orloff, ambassadeur de Russie;
+vingt-cinq repas de corps; premiers soupers de carnaval, et cetera, et
+cetera. Ne craignez rien néanmoins au point de vue des
+approvisionnements. Jamais Paris n'aura reçu tant de bourriches. On ne
+voit partout que grosses têtes: daims, cerfs, sangliers. Le poisson de
+mer et d'eau douce arrive par centaines de tonnes. Les marchands de
+comestibles commencent même à exhiber des tortues énormes. Gavarni
+conseillait la soupe à la tortue aux artistes, aux amoureux, aux
+politiques, à tous ceux qui ont besoin d'être fous. «Vous savez qu'elle
+ne va pas sans une poignée de gingembre», disait-il. En fait de gibier à
+plumes, la gamme est des plus riches. Cela va de l'outarde à
+l'allouette, cette succulente messagère du point du jour. Que de
+perdreaux on a rôtis cette semaine! Et les pâtés! il y en a une variété
+qui prime même celle des roses! Ajoutons que, dans notre enceinte, il y
+a 30,000 cuisiniers toujours sous les armes (il ne faudrait pas compter
+moins de 100,000 cordons bleus). Enfin la ville est plus que jamais
+celle dont l'auteur de _Gargantua_ a écrit: «Ici on donne tout à la
+tripe (au ventre)». C'est probablement pour cette raison qu'a été tracé
+ce billet, envoyé à un éditeur:
+
+«Retardez, je vous prie, d'un mois, la publication de mon nouveau roman.
+
+Victor Hugo.»
+
+Un grand homme qui ne serait pas content du tout, s'il vivait encore,
+c'est J.-J. Rousseau. Dans ce même théâtre du palais de Versailles où
+Marie-Antoinette se plaisait à faire jouer le _Devin du village_, ces
+jours-ci, pendant une séance de l'Assemblée nationale, on a tout à coup
+interpellé l'ombre du citoyen de Genève, et on lui en a dit de toutes
+les couleurs. L'auteur de la _Nouvelle Héloise_, tant aimé de nos pères,
+a donc été traité du haut en bas par les petits-fils. Un jour, on lui a
+dressé une statue par souscription nationale; un autre jour, il a été
+mis au Panthéon; à présent, il serait jeté à la voirie, si un zélé ne
+s'était pas mis en mesure de brûler ses ossements et ceux de Voltaire.
+Tel est le revirement des choses humaines. Mais, voyons, puisque ceux
+qui discourent si bien aujourd'hui contre lui ne peuvent l'atteindre en
+chair et en os, que ne font-ils effacer son nom, imprimé aux quatre
+coins d'une de nos rues?
+
+Dans des mémoires relatifs au premier empire, on lit qu'à cette époque
+déjà, un mouvement de recul s'étant manifesté, ceux qui entouraient la
+personne de l'empereur s'emportaient tout haut contre le philosophe.
+Napoléon n'aimait pas J.-J. Rousseau, qu'il trouvait trop pompeux et
+trop rigide; il préférait Voltaire, cent fois plus accommodant. Pour
+mettre fin à la discussion, un soir, à Compiègne, dans un souper de
+chasse, il dit, en s'adressant à M. Stanislas de Girardin:
+
+--Je ne l'aime pas, votre Jean-Jacques. Il ne peut écrire dix lignes
+sans y mettre le mot de vertu, et puis c'est lui qui est cause de la
+Révolution.--Il est vrai, se hâta-t-il d'ajouter en riant, que j'y ai
+attrapé le trône.
+
+En finira-t-on avec les papiers posthumes ou soi-disant tels? La mode
+veut maintenant que du jour où un écrivain de quelque célébrité est
+mort, on imprime jusqu'à la plus insignifiante des pattes de mouches
+qu'il a laissées. Sans doute il arrive parfois que l'histoire littéraire
+et l'art s'en trouvent bien, ainsi qu'on vient de le voir par la
+correspondance de Prosper Mérimée avec une Inconnue. Mais pour un succès
+combien de platitudes? que d'abus!
+
+Dans les derniers temps de sa vie, voyant que cette pratique était déjà
+en honneur, Alfred de Musset mit sa constante sollicitude à s'en
+défendre; il se surveillait lui-même au point de ne vouloir plus tracer
+une ligne.
+
+--Tant pis, disait-il à T***, je ferai à l'avenir mes commandes de vive
+voix; je ne veux plus me permettre même une lettre à mon bottier.
+
+On a su depuis pourquoi le poète était devenu à ce point hydrophobe
+d'encre appliquée aux petits incidents de la vie. Le catalogue du
+libraire G*** a fait là-dessus des révélations. Un jour, entre autres
+lettres curieuses, on en mettait une en vente; c'était une épître que
+l'auteur de _Rolla_ avait écrite de force, à la suite d'un guet-apens.
+Le papier en question existe encore. Il figure dans la collection de M.
+R***, qui a bien voulu en autoriser la transcription.--La secrète et
+légitime antipathie d'Alfred de Musset pour les paperasses littéraires y
+est très-nettement spécifiée, ainsi que vous allez le voir.
+
+Nota.--A l'exemple d'Horace, de Martial et de Boileau, il avait été
+invité à dîner; c'est là le guet-apens. Au dessert, on lui avait planté
+à la main une plume de fer, l'instrument du supplice.
+
+D'où le morceau qui suit:
+
+«Paris, 5 mars 1849,
+
+«D'une maison de la rue des Bons-Enfants.
+
+«Sur la mort d'un parapluie,
+
+«Ayant, dis-tu, besoin d'un autographe de moi, ton ancien camarade de
+collège, tu me demandes de t'écrire une lettre. Une lettre! Il faut
+qu'elle ait l'air d'être sérieuse et qu'elle ne le soit pas pour tout de
+bon. Pour que! motif, sur quel thème aurai-je à faire ainsi une page ou
+deux? Je n'en sais absolument rien. Je suis comme un homme que la
+patrouille conduirait au violon parce qu'un autre aurait cassé un
+carreau de vitre au cabaret.
+
+«Tu me dis:--Aie recours à quelque truc d'imagination.
+
+«Soit.
+
+«Eh bien, je me fais auteur en ta présence, puisque tu m'as mis un
+couteau à découper sous la gorge; j'imagine, j'invente, je suppose; je
+fais oeuvre de poète.
+
+«Prenons que je suis un bon bourgeois et que j'aie perdu mon parapluie;
+c'est à toi que je m'adresse pour savoir si c'est un parapluie mort ou
+encore en vie.
+
+«Je te dis donc en propres termes, sur le ton d'un confident du
+Théâtre-Français.
+
+«Cher monsieur, il vient de m'arriver le plus grand des malheurs: j'ai
+perdu mon parapluie.
+
+«Ah! c'était un parapluie superbe! Point de coton, tout en soie. Des
+baleines en os de baleine. Un vrai poème. On voudrait me donner les
+OEuvres complètes de mes trente-neuf confrères de l'Académie française
+en échange de cet incomparable rifflard que je n'accepterais pas.
+Voyons, oui ou non, l'avez-vous trouvé?
+
+«Si vous ne l'avez pas trouvé, c'est un parapluie mort; je n'ai plus
+qu'à acheter une canne-fusil pour me brûler la cervelle.
+
+«Avant d'en venir là, sachant mon métier, je voudrais faire son
+épitaphe. Mais encore je ne sais pas où je devrais faire graver ces deux
+vers, en style lapidaire, puisque j'ignore où reposent ses restes?
+
+«N'importe, écrivons toujours l'épitaphe.
+
+«Ci-gît l'innocent parapluie Que je n'ai jamais vu de ma vie.
+
+«Et je signe pour qu'il ne manque rien à l'autographe:
+
+«Alfred de Musset,»
+
+Qu'est-ce que vous dites de ça, amateurs de la littérature
+d'outre-tombe?
+
+Et bien, toujours, toujours, toujours des autographes!
+
+Rue Drouot, à l'Hôtel des commissaires priseurs, à la vente des livres
+du pauvre Emile Gaboriau, on a montré le joli billet que voici,
+chef-d'oeuvre d'une actrice bien connue.
+
+C'est une interpellation à une modiste.
+
+«Paris, le 7 avril 1867.
+
+«Madame S***,
+
+«Veuillez, je vous prie, me faire sans retard un chapeau exactement
+semblable au dernier que vous m'avez fourni.
+
+«Compliments empressés.
+
+«Hortense Schneider de Gérolstein.»
+
+Voilà qui est drôle sans doute, mais il y a des précédents.
+
+Au commencement de la Restauration, Mme la maréchale Soult avait eu
+occasion d'écrire à Mlle Bourgoin, de la Comédie-Française, pour la
+prier de venir déclamer des vers à une de ses soirées. La duchesse avait
+signé son billet: _Sophie de Dalmatie_. Quant à l'actrice, qui avait au
+plus haut point l'esprit de répartie, elle signa sa réponse: _Iphigénie
+en Aulide_.
+
+--C'est une vieille histoire qui a amusé tout Paris pendant huit jours.
+
+Philibert Audebrand.
+
+
+
+[Illustration: PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE.--Lecture de l'arrêt
+au condamné.]
+
+
+
+P. BLANCHARD
+
+Le monde des artistes vient de faire une perte nouvelle, et qui sera
+plus cruellement sentie à l'_Illustration_ que partout ailleurs. M.
+Pharamond Blanchard est mort cette semaine, à l'âge de soixante-neuf
+ans. C'était à la fois le plus érudit et le plus charmant des hommes. Il
+causait de toutes choses avec un art infini, il avait des jugements
+très-sûrs et des anecdotes toutes prêtes sur tous les sujets. _Quiconque
+a beaucoup vu...._ dit La Fontaine; M. Blanchard avait beaucoup vu et
+pour donner raison au fabuliste, beaucoup retenu. Que de fois nous avons
+pris plaisir à l'écouter! Dans le recueil de lettres de Prosper Mérimée
+qui vient de paraître sous ce titre, _Lettres à une inconnue_, il est
+question d'un «M. Blanchard» qui étonne Mérimée lui-même et qui le
+charme en lui parlant de moeurs et de pays peu connus. C'était notre
+collaborateur et nous pouvons dire notre vieil ami que désignait ainsi
+l'auteur de _Colomba_.
+
+Pharamond Blanchard était né en 1805 à Lyon. Il avait étudié dans
+l'atelier de Gros et il avait gardé le respect de cet enseignement
+solide. En quittant son maître, Pharamond Blanchard avait commencé par
+être peintre de décors. Nous nous souvenons lui avoir entendu conter
+qu'il travailla sous la direction du baron Taylor qui avait installé une
+sorte de théâtre étonnant où les décorations prenaient, grâce à un
+système particulier d'optique, l'intensité de réalité que donne le
+diorama. Il y avait à une vue de Jérusalem, aperçue du haut d'une
+terrasse, à laquelle M. Blanchard avait grandement collaboré et qu'il
+citait, en causant, comme un de ses titres de gloire.
+
+[Illustration: BLANCHARD.]
+
+J'ai répété le mot «en causant». C'est que cet artiste infatigable, ce
+producteur dont on trouverait le nom, on peut le dire, presqu'à chaque
+page de l'_Illustration_, au bas d'un nombre infini de scènes de
+voyages, de paysages, ce peintre était aussi un causeur exquis, et
+j'ajoute, un écrivain véritable. Maintes fois, en effet, il a jeté sur
+le papier, non plus seulement avec le crayon, mais avec la plume des
+souvenirs et des impressions de voyages, et toujours il a su intéresser
+et charmer. Il fallait l'entendre avec sa voix d'une bonhomie railleuse,
+tombant de ses lèvres arguées par un sourire, raconter ses journées de
+touriste en Russie, en Orient, au Mexique, en Espagne, au Caucase! Ses
+yeux, derrière ses lunettes, prenaient alors une expression pétillante
+de douceur malicieuse. Il savait et parlait plusieurs langues et
+entremêlait ses récits pittoresques de citations, de dictons, de
+proverbes, de refrains exotiques.
+
+
+[Illustration: PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE.--Salle des réunions du
+conseil.]
+
+
+Blanchard était né voyageur, mais la façon dont il fit son voyage au
+Caucase peint tout à fait son caractère et le charme personnel que
+possédait ce brave et honnête homme. Il était parti pour la Russie avec
+la mission de rendre compte à l'_Illustration_ des fêtes données à
+Saint-Pétersbourg à l'occasion du sacre du czar. Blanchard envoyait ici
+ses croquis et il avait annoncé qu'il ne resterait dans le Nord que
+quinze jours. Il y resta trois ans. Un gentilhomme russe se prit pour
+lui d'une belle amitié et l'emmena, bon gré mal gré, au Caucase. Les
+semaines et les mois passaient et Pharamond Blanchard donna deux ans de
+sa vie à ce voyage d'où il revint en laissant là-bas des amitiés et des
+regrets sincères.
+
+Et à propos de voyages, nous n'oublions pas nous-même l'excursion que
+nous fîmes ensemble, en 1866, pendant que grondaient en Bohême les
+canons prussiens et autrichiens. Nous allâmes aux fêtes séculaires
+données pour célébrer la réunion de la Lorraine et du Barrois à la
+France. De Nancy, nous allâmes à Metz qui était encore Metz la vierge.
+Que ce temps-là est loin! Une partie de la Lorraine est prussienne
+aujourd'hui, des Bavarois paradent à Metz, devant la statue de Ney, et
+notre gai compagnon de voyage, qui, levé bon matin, commençait aussitôt
+et conduisait jusqu'au soir ses amusantes histoires, Pharamond Blanchard
+a disparu, aimé de bien des gens et estimé de tous.
+
+Nous ne saurions compter tout ce que Blanchard laisse après lui d'études
+de toutes sortes, de travaux achevés, de dessins, de tableaux. Aucune
+existence ne fut plus laborieuse et plus digne que la sienne; et
+l'_Illustration_ perd là, avec un ami, un de ses plus chers et de ses
+plus dévoués collaborateurs.
+
+Jules Claretie.
+
+
+
+LA SOEUR PERDUE
+
+Une histoire du Gran Chaco
+
+(Suite)
+
+Il allait dire:
+
+«Si votre père avait été là, il ne lui aurait pas laissé remporter sa
+fourrure.»
+
+En effet, si bon chasseur qu'il fût, Gaspardo avait trop souvent vu
+Halberger à l'oeuvre pour douter de ce qu'il eût fait à sa place. Il
+n'était pas non plus sans regretter ce beau coup et certes il ne l'eût
+pas laissé échapper s'il n'eût eu à craindre que pour lui-même, et s'il
+n'avait dû penser avant tout aux jeunes gens qui lui étaient confiés.
+
+Il garda donc pour lui le surplus de ses réflexions. Le brave homme ne
+voulait pas renouveler la douleur des jeunes gens, en évoquant un nom
+lié à de si chers et si cruels souvenirs.
+
+«Caramba! reprit-il aussitôt. Il ne sera pas dit que j'abandonnerai
+cette tigresse aux fourmis, aux loups ou à toute autre vilaine bête qui
+aurait la chance de se promener par ici. Qui sait, d'ailleurs, si nous
+ne repasserons pas bientôt devant cette caverne? Quoi qu'il en doive
+arriver, je tiens à pouvoir un jour ou l'autre rentrer en possession de
+cette fourrure. J'ai tout le temps nécessaire pour la dépouiller avant
+que l'eau soit assez basse pour nous laisser traverser. Ainsi, à
+l'ouvrage.»
+
+Tout en parlant il avait dégainé son grand couteau de gaucho et se
+mettait en devoir de dépouiller le jaguar. L'opération ne dura pas
+longtemps. La superbe fourrure avec ses mouchetures d'un noir de jais
+cédait rapidement sous ses doigts habiles, et bientôt la carcasse de la
+bête gisait nue sur le soi.
+
+«Quant à cela, les saubas peuvent le prendre et s'en régaler, dit-il en
+montrant la chair encore fumante, et je ne les plaindrai pas; il y a
+telle occasion où des chrétiens s'en arrangeraient comme eux; je me
+souviens d'un temps où j'aurais été bien aise d'en avoir une tranche à
+griller. Oui, mes jeunes maîtres, dans ce même Chaco, j'ai vécu une
+semaine entière sur la carcasse d'une vizcacha (1) étique, sans compter
+le mal que je m'étais donné pour rattraper.
+
+--A quelle époque, Gaspardo?» demanda Ludwig, intéressé malgré sa
+tristesse par les paroles du gaucho.
+
+[Note 1: Le Vizcacha (Lagostamus tachodactylus), ressemble à un
+gros lapin, mais ses incisives sont plus longues et sa queue est
+allongée.]
+
+Ludwig avait les dispositions de son père; il aimait tout ce qui se
+rapportait à la nature ou aux luttes soutenues contre elle.
+
+«Ma foi, senorito, l'affaire arriva il y a pas mal de temps. Mais
+l'histoire est trop longue pour que je vous la raconte aujourd'hui. Nous
+n'avons plus maintenant qu'à disposer cette peau de façon à ce qu'elle
+puisse sécher ici, à l'abri des indiscrets, et puis nous remonterons en
+selle.»
+
+Prenant alors quelques bouts de corde dans son recado, il pratiqua
+quatre petits trous aux quatre extrémités de la dépouille de son jaguar,
+et la fixa à l'aide de ses cordes à des stalactites de la grotte, qui se
+trouvaient là tout à point pour lui remplacer les clous qu'il n'avait
+pas.
+
+«C'est vraiment, dit-il en contemplant la peau faisant plafond au-dessus
+de sa tête, un séchoir digne d'elle. A cette place elle est hors de
+portée des saubas et des loups, et si personne qu'eux ne vient fourrer
+son nez par ici et se mêler de ce qui ne le regarde pas, elle pourra s'y
+garder des semaines sans se gâter. Les choses ne se détériorent pas dans
+une caverne comme en plein air; je ne sais pas pourquoi, c'est peut-être
+parce que le soleil ne les atteint pas.»
+
+Ludwig aurait pu certainement expliquer le phénomène à son ami, mais il
+était un peu tard pour entreprendre son éducation scientifique, et il ne
+l'essaya pas. On peut voir d'ailleurs, que pour Gaspardo, l'expérience
+remplaçait la science.
+
+En regardant une seconde fois au dehors, ils reconnurent que le torrent
+avait baissé assez de niveau pour leur permettre d'en suivre le bord.
+Aussi, sans perdre plus de temps, ils conduisirent leurs chevaux à
+l'entrée de la grotte, montèrent en selle et se remirent à chercher la
+piste des Tovas.
+
+Ils avaient déjà descendu le cours du ruisseau jusqu'à son embouchure,
+et avaient gravi la berge du fleuve, sans être encore parvenus à
+retrouver les traces des cavaliers. L'ouragan de poussière et le déluge
+de pluie qui l'avait suivi, avaient effacé toutes les empreintes, et le
+gaucho semblait fort préoccupé.
+
+«_Maldita_»! s'écria-t-il au moment où tous trois appuyant sur leur
+bride, s'étaient arrêtés comme d'un commun accord, interrogeant
+alternativement le sol et les regards de leurs compagnons. «Maldita! pas
+plus que moi, vous autres, vous n'avez rien vu?
+
+--Faut-il nous arrêter, dit Ludwig, qui voyait bien que ses amis, tout
+comme lui-même, étaient fort inquiets de la piste perdue; faut-il
+vraiment nous arrêter?
+
+--Nous arrêter! s'écria Cypriano. Pensez-vous, cousin, à abandonner la
+poursuite?
+
+--Non, non; je ne veux pas dire cela.
+
+--Plutôt que d'abandonner cette poursuite, continua le jeune Paraguayen
+sans attendre la réponse de Ludwig, je passerais le reste de mes jours à
+courir dans le Chaco. Je l'ai juré à votre mère, Ludwig; je ne
+retournerai à l'estancia que pour y ramener votre soeur.
+
+--Je suis aussi résolu que vous, cousin, répondit Ludwig, vous le savez
+bien; mais le Chaco est grand, et errer à l'aventure n'aboutirait à
+rien. S'il n'y a pas lieu de désespérer, il y a lieu du moins de
+réfléchir.
+
+--Nous savons, reprit Cypriano, que Francesca est avec les Tovas. Ils
+forment une tribu nombreuse, et une tribu ne se cache pas indéfiniment
+dans un trou. Les Tovas ne sont pas gens à rester bien longtemps en
+place. Il y a toujours parmi eux quelque expédition en route. Nous
+finirons bien par en rencontrer une; et il ne nous en faut pas davantage
+pour nous remettre sur la voie du groupe principal.
+
+--Hélas! répondit tristement Ludwig, il peut se passer longtemps avant
+que nous rencontrions un être humain dans cette affreuse solitude. Que
+fera ma pauvre mère jusqu'à notre retour? Je ne puis m'empêcher de
+songer à elle, qui est seule, si peu de temps après la mort de mon père,
+et avec sa tombe devant les yeux. Elle va croire que nous sommes perdus
+aussi. Si nous pouvions du moins lui envoyer quelqu'un pour lui dire que
+nous sommes tous bien portants!»
+
+La tête du malheureux jeune homme, en prononçant ces mots, s'inclina sur
+sa poitrine, et une larme qu'il ne put retenir glissa de sa paupière.
+
+Ludwig adorait sa mère. L'idée qu'en leur absence quelque danger pût la
+menacer à son tour, le jetait dans une perplexité affreuse. Son coeur
+avait été si profondément ému par la douleur dans laquelle il l'avait
+laissée à son départ, qu'il ne pouvait en chasser le souvenir. Le sort
+même de sa soeur, si affreux qu'il pût être, ne pouvait le tourmenter
+davantage. C'était une innocente enfant, et personne, pensait-il, pas
+même un sauvage, ne devait être capable de lui faire du mal. Il se
+plaisait à croire qu'elle ne courait d'autre danger qu'un prolongement
+de captivité. Sans doute, elle aussi, devait être dévorée de soucis;
+elle avait vu de ses propres yeux un spectacle plus horrible encore,
+s'il était possible, que celui auquel ils avaient assisté; mais Ludwig
+qui ne pouvait rien savoir de la mort de Naraguana, comptait encore
+fermement que l'amitié que le chef avait toujours eue pour son père,
+serait une sauvegarde pour sa soeur. Dans sa pensée, les auteurs du
+guet-apens dans lequel avait péri son père, et qui avait eu pour suite
+l'enlèvement de Francesca, devaient déjà avoir été punis par
+Naraguana.--Qui sait même si, pendant qu'ils couraient à la recherche de
+la malheureuse enfant, cet ami fidèle et si souvent éprouvé, ne l'avait
+pas rendue à sa mère.--Il se jeta dans les bras de Cypriano.
+
+«Cousin, lui dit-il, vous avez été orphelin de si bonne heure, que vous
+ne savez pas ce que peuvent être pour un fils un père comme le mien, et
+une mère comme celle que j'ai peut-être eu tort d'abandonner à son
+désespoir.
+
+--Je sais, Ludwig, répondit Cypriano, tout ce que valait, et pour vous
+et pour moi, celui que nous avons perdu. Je sais ce que vaut votre mère;
+n'a-t-elle pas été une seconde mère pour moi? Je partage votre angoisse.
+Je voudrais être, ainsi que vous, tout à la fois à l'estancia pour y
+pleurer avec ma tante, et au coeur de la tribu des Tovas, pour leur
+arracher Francesca. Mais entre deux devoirs également impérieux, il faut
+choisir et, le choix fait, il faut persévérer. Votre mère est entourée
+de serviteurs fidèles cl dévoués; Francesca est entre les mains des
+assassins de votre père. Le choix peut-il être douteux?»
+
+Ludwig se redressa sur ses étriers, et fixant les yeux dans la direction
+probable de l'estancia, il envoya de la main, à travers l'espace, un
+baiser à celle qui occupait sa pensée.
+
+«Ma mère, dit-il, ma chère mère, vous seule pourriez comprendre mes
+hésitations, et les absoudre!»
+
+Après quoi frappant sur l'épaule de Gaspardo, qui pendant toute cette
+conversation était resté plongé dans de profondes réflexions:
+
+«Marchons, dit-il; marchons en aveugles, s'il le faut.
+
+--Pas précisément en aveugles, senorito! interrompit le gaucho, pas
+précisément. Nous avons un guide, peut-être n'est-il pas des meilleurs
+ni des plus sûrs; mais enfin, c'est toujours plus et mieux que rien.
+
+--Lequel? s'empressèrent de demander les deux cousins.
+
+--Le fleuve! répliqua Gaspardo. Mon avis est que nous pouvons nous y
+fier encore pendant quelque temps. D'après les traces laissées par les
+brigands jusqu'au moment où nous les avons perdues, je suis persuadé
+qu'ils ont longé le Pilcomayo en le remontant. La tormenta a duré une
+heure, et comme nous, ils se seront arrêtés quelque part. S'ils n'ont
+pas quitté le bord de l'eau avant le commencement de la tempête, nous
+allons retomber sur leur piste, que le sol humide, mais non plus
+détrempé, nous rendra d'autant plus facile à suivre. Si nous la
+retrouvons, nous prendrons le galop; et peut-être atteindrons-nous les
+Indiens avant la nuit. Je suis sûr qu'ils ont passé ici depuis le lever
+du soleil. Evidemment ils ne se pressaient pas, puisqu'ils avaient
+relativement peu d'avance sur nous.
+
+--Dieu le veuille, s'écria Cypriano en réponse à l'observation du
+gaucho. En avant! reprit-il avec impétuosité; et sans attendre que
+Gaspardo eût répliqué, il enfonça ses éperons dans le ventre de son
+cheval et partit le long du fleuve, suivi de près par ses deux
+compagnons.
+
+Mayne Reid.
+
+(La suite prochainement.)
+
+
+
+UN VOYAGE EN ESPAGNE
+PENDANT L'INSURRECTION CARLISTE
+
+(Fin.)
+
+En quittant Pampelune, à mon tour, pour me rendre à Vitoria, où se
+concentrait, m'assurait-on, l'armée du Nord, je pus me convaincre sur
+toute ma route de l'effet magique produit par l'ordonnance royale
+précitée. Partout je rencontrais des groupes de montagnards qui,
+désertant leurs villages, allaient s'enrôler dans des bandes, et cela
+ostensiblement et en chantant la chanson basque: _Le retour du roi_.
+Dans le train que je pris de Pampelune à Alsasua, sur la ligne de
+Saragosse, je fis le voyage avec une centaine de ces enrôlés
+volontaires, qui ne cachaient nullement le but de leur voyage. Arrivés à
+Alsasua, ils quittèrent le train pour se jeter dans les montagnes, et
+cela, malgré la présence de la brigade de Loma, qui campait à cette
+station. Il était impossible que les chefs de la troupe régulière
+ignorassent l'intention de ces montagnards, armés de bâtons et portant
+des sacs en toile, et qui, du reste, ne se gênaient pas dans leurs
+manifestations carlistes. On les laissa néanmoins passer fort
+tranquillement.
+
+Cet élan général des populations rurales était imité, au surplus, par
+les jeunes gens et les hommes des classes élevées. L'aristocratie
+carliste elle-même entretenait et propageait le feu sacré de la guerre
+civile. Un des traits principaux qui distinguent les notabilités du
+parti légitimiste en Espagne est leur dévouement sans bornes à la
+défense de leur cause, même au préjudice de leurs plus chers intérêts.
+Je n'en citerai qu'un exemple; il pourra donner une idée de la foi
+ardente qui les anime à l'égard de leur roi.
+
+A peu de distance de Tafalla s'élève, dans un vallon délicieux, un
+château mauresque, ou plutôt un palais d'été qu'on appelle dans la
+contrée _el Buen-retiro_ de la duchesse de M***. Me trouvant de passage
+dans les environs, à la suite d'une colonne commandée par le _cabecilla_
+Rada, il me fut donné de visiter cette résidence véritablement royale.
+La duchesse, devenue la providence de l'insurrection, l'habitait de
+préférence à son hôtel de Madrid. Un officier carliste voulut bien me
+présenter à la jeune châtelaine, âgée à peine de vingt-cinq ans et dont
+le mari occupait un poste de confiance auprès du prétendant. Elle daigna
+nous recevoir dans un salon de forme à demi-circulaire qu'on aurait pu
+prendre, à son agencement, aux meubles qui le garnissaient, et surtout à
+la lumière du jour qui y pénétrait par le plafond à travers des vitraux
+de couleurs différentes, pour un boudoir ou mieux encore pour un
+oratoire.
+
+Après une conversation qui dura une demi-heure et dont le sujet
+principal fut la campagne qui s'ouvrait sous les auspices du roi en
+personne, les résultats qu'on s'en promettait et les espérances qu'elle
+offrait en perspective, la duchesse se leva de son fauteuil moyen âge,
+et s'adressant à l'officier et à moi:
+
+--Permettez-moi, messieurs (_senores_), nous dit-elle avec une grâce
+exquise, de vous faire admirer ma galerie de tableaux.
+
+Et précédés d'un majordome tout galonné qui souleva les portières qui
+cachaient l'issue de la galerie, nous y entrâmes ensemble. Autant la
+lumière du jour était affaiblie dans son salon, autant elle éclatait
+dans cette nouvelle pièce éclairée par un ciel ouvert qui avait été
+ménagé dans toute sa longueur. De chaque côté des murs recouverts de
+riches tapisseries apparaissaient deux rangées de tableaux dont le
+nombre et la variété éblouissaient la vue: et, se faisant notre
+cicerone:
+
+--Vous voyez ici, nous dit la duchesse, un tableau de Vélasquez qui fut
+commandé à ce grand maître par un de mes ancêtres. Ce Murillo a été
+peint exprès pour ma famille. Le Ribeira qui vient après est le
+chef-d'oeuvre de ce peintre; il a été donné à mon bisaïeul par notre bon
+roi Charles IV.
+
+Et successivement elle passa en revue toutes les toiles, assignant à
+chacune d'elles son origine, émettant son avis et nous demandant le
+nôtre qui, comme on le pense bien, ne différait guère de celui de la
+duchesse. Nous passâmes ainsi en revue une soixantaine de tableaux dont
+j'avais hâte, pour ma part, de voir la fin. Nous arrivâmes devant la
+dernière toile, tout récemment peinte. C'était le portrait en pied de
+Charles VII, le prétendant au trône d'Espagne, qui se trouvait, en ce
+moment, à la tète de l'insurrection carliste.
+
+--Je vous présente, nous dit-elle en s'inclinant profondément devant le
+tableau, l'image du roi d'Espagne, en dépit du statut royal, de la reine
+Isabelle et de la république fédérale. Dieu, le peuple et le bon droit
+sont pour lui, et sa cause légitime a, pour elle, la fortune et la vie
+de tous les bons Espagnols. Sa ressemblance est frappante!
+
+En prononçant ces mots, les traits impassibles de la duchesse s'étaient
+tout à coup animés; ses yeux vifs lançaient des éclairs et tout son
+corps frêle et gracieux s'agitait convulsivement, comme si un esprit
+fatidique l'eût animé. J'avais devant moi le fanatisme politique dans la
+personne d'une faible femme qui personnifiait en ce moment tout son
+parri.
+
+La visite des tableaux terminée, nous prîmes congé de la duchesse de
+M***, l'officier, pour aller rejoindre sa bande, et moi, pour continuer
+mes excursions de journaliste et de correspondant.
+
+J'arrivais à Vitoria, capitale de l'Alava, le 10 du mois de juillet. Je
+m'attendais à y trouver une partie des troupes qui devaient composer
+l'armée du Nord et dont la concentration, au dire des journaux
+espagnols, s'y opérait depuis plusieurs jours. Quelle déception! Toute
+l'armée du Nord se bornait à une simple brigade d'infanterie, à un
+détachement de cavalerie et à une vingtaine de soldats du génie. Les
+populations montraient, au reste, au sujet de l'armée du Nord, et
+généralement à l'égard de tout ce qui touche à la politique et aux
+affaires du pays, une indifférence incompréhensible.
+
+Tandis que dans tous les pays libres, et surtout en France, les masses
+se préoccupent de la conduite du gouvernement, le peuple espagnol
+semble, par son apathie naturelle, se complaire à y rester complètement
+étranger. Je puis invoquer comme preuve à l'appui de cette assertion le
+peu d'influence qu'exerce la presse périodique sur l'esprit public.
+C'est à peine si dans les grands centres on reçoit un ou deux journaux;
+quant aux petites localités et aux campagnes, le journal y est une chose
+inconnue. Aussi ne se publie-t-il à Madrid que cinq ou six journaux qui
+aient une certaine importance par leur tirage, tels que la _Epoca, la
+Discussion, el Tiempo, la Reconquista_ et la _Correspondencia_: et ils
+n'ont cette importance que parce qu'ils sont les organes des quatre
+grands partis qui se disputent les destinées de l'Espagne. La
+_Correspondencia_, le plus répandu de tous, n'est qu'un _Journal de
+faits_ qui ne doit sa grande vogue qu'à son habile compilation et à son
+extrême bon marché.
+
+Excepté donc Madrid, les autres villes de province n'ont pas de journaux
+politiques ou ne publient, sous le nom de _Diario_, que des feuilles
+insignifiantes. Un docteur de la Faculté de Salamanque, homme de
+beaucoup d'esprit, auquel je faisais part de mes observations sur cette
+indifférence des Espagnols à l'endroit de la presse, me répondit fort
+méchamment:
+
+--En France, le peuple fait trop de politique; en Espagne, il n'en fait
+pas assez; mais à tout prendre, j'aime mieux l'indifférence du peuple
+espagnol, car je ne vois pas que les affaires du gouvernement marchent
+mieux chez vous que chez nous.
+
+A partir de l'entrée du prétendant sur le territoire espagnol, les
+carlistes n'ont cessé d'agrandir le cercle de leurs opérations
+militaires, dont j'ai pu constater, sur les lieux, les différentes
+phases. Ils se sont rendus maîtres successivement: d'un côté, de la
+route de Pampelune et des contrées environnantes, depuis le Bazlan et le
+Val-Carlos, le long de la frontière, jusqu'au pont de Behobie; de
+l'autre, d'une grande partie du Guipuzcoa et de la Biscaye, du moins de
+leurs principaux centres. Estella, qui est une petite place forte, est
+tombée et restée en leur pouvoir. Ils tiennent la campagne dans l'Aragon
+et la province de Santander, et dans celle de Burgos; leurs bandes
+parcourent impunément et sans trouver une trop grande résistance, les
+provinces de Huesca, Lérida, Tarragone et Barcelone.
+
+Aux armes qui leur arrivent de l'étranger, il faut ajouter que les
+carlistes, dont l'armement laissait beaucoup à désirer dès les débuts de
+la campagne, fabriquent eux-mêmes des armes dans les pays qu'ils ont
+conquis. Ils ont établi à Vera, dans une ancienne usine métallurgique,
+une fabrique de munitions de guerre où travaillent une centaine
+d'ouvriers; à Areso, petite localité située à trois lieues de Tolosa,
+fonctionne une fabrique de canons qu'ils y ont tout récemment installée;
+enfin, à Eibar et à Placencia, anciennes fabriques d'armes appartenant à
+l'État et dont ils se sont emparés, on confectionne tous les jours des
+fusils, des baïonnettes et des sabres. Je dois reconnaître, il est vrai,
+que toutes ces conquêtes leur ont été facilitées par la désorganisation
+de l'armée régulière, dont il serait trop long de raconter ici les
+causes qui l'ont produite.
+
+En résume, l'armée carliste s'élève, à l'heure qu'il est, à 45,000
+hommes environ, tant dans les provinces du Nord que dans celles de la
+Catalogne; et c'est dans l'espace de huit mois seulement que cette armée
+s'est formée, au milieu des embarras et des entraves de toute sorte.
+C'est donc contre cette formidable insurrection que le gouvernement de
+Madrid a, tous les jours, à lutter.
+
+Quoi qu'il en soit, une prompte solution à cet horrible état de choses,
+se résumant par la guerre civile et l'anarchie, ne saurait longtemps se
+faire attendre, à moins que l'Espagne ne veuille plus compter au rang
+des nations civilisées. Quatre partis sont aujourd'hui en présence, et
+tous les quatre ont la prétention de donner à ce pays si troublé un
+gouvernement régulier.
+
+--Quel est celui des quatre qui triomphera? demandai-je un jour au même
+docteur de Salamanque qui n'a pas une foi bien robuste dans la liberté
+de la presse.
+
+--Voici quelle est, me dit-il, mon opinion à ce sujet:
+
+«Don Carlos ayant franchi l'Ebre à la tête de ses troupes, en marche sur
+Madrid, parviendra-t-il à rallier l'opinion publique, fatiguée de
+révolutions et de guerres civiles, et sera-t-il acclamé roi d'Espagne,
+ainsi que le droit traditionnel peut le lui faire espérer? Alors, c'est
+la restauration monarchique qui monte avec lui sur le trône. Ce résultat
+est encore problématique.
+
+«Faut-il croire que les _intransigeants_, qui composent le parti
+_communard_ et socialiste, parviendront à établir le régime _cantonal_
+par le vol, l'incendie et le pillage dont ils viennent de donner tant de
+preuves? Je ne le pense point. Nous ne sommes pas encore, en Espagne,
+convertis aux idées démagogiques et matérialistes des libres penseurs.
+Ceux-ci ne peuvent donc tarder d'être domptés, soit par la force des
+armes, soit par la force de l'opinion publique.
+
+«Le dictateur Castelar espère-t-il pouvoir consolider la _République
+fédérale_, ce rêve de quelques milliers d'insurgés qui croient qu'on
+transforme une monarchie en république, comme on résout un problème
+d'algèbre? C'est bien douteux. Pour arriver à ce but, il lui faut de
+l'argent; le trésor n'en a point et le crédit lui fait défaut.--Il s'est
+réservé le droit de destituer les ayuntamientos des provinces et les
+municipalités; mais le jour où il portera une atteinte à ces libertés,
+dont les populations des provinces sont si jalouses à bon droit, ce
+jour-là il aura tout le pays contre lui. Pour ces motifs et pour bien
+d'autres, la _République fédérale_ est loin de pouvoir s'établir encore
+en Espagne.
+
+«Il est un quatrième parti qui se cache dans l'ombre, paraissant ne pas
+conspirer et qui pourtant s'agite sans bruit et sans armes; c'est celui
+du prince Alfonse, fils et héritier de la reine Isabelle. Il ne veut pas
+arriver au pouvoir par ses propres forces, mais il compte beaucoup sur
+la force des événements. Le maréchal Serrano a été appelé à Madrid par
+Castelar; est-ce pour travailler à la consolidation de la République?
+Personne ne le pense en Espagne. Serrano est un en-cas que s'est réservé
+Castelar pour le jour où ses efforts républicains lui faisant défaut, il
+abandonnera, à son tour, le pouvoir, comme ont fait Orense, Pi y
+Margall, Figueras et Salmeron. Tout porte à croire qu'alors il mettra le
+fardeau de l'État sur les épaules du maréchal. Celui-ci acceptera-t-il
+cette transmission d'un pouvoir _in extremis_? Cela est possible et même
+probable; mais, dans tous les cas, ce ne sera jamais pour consolider une
+république quelconque.
+
+«On peut donc, ajouta le docteur, considérer dès à présent, comme morte,
+la République en Espagne, et le rétablissement de la monarchie comme
+inévitable.»
+
+
+
+ALMANACH DE L'ILLUSTRATION
+POUR 1874
+
+(Trente et unième année)
+
+L'Almanach de l'Illustration pour 1874 forme un bel album grand in-8°,
+magnifiquement illustré et doré sur tranches.--Prix: 1 fr.; par la
+poste, 1 fr. 25 c.
+
+
+
+[ÉVÉNEMENTS DE CUBA.--Exécution de l'équipage du _Virginius_, à Santiago
+de Cuba.]
+
+
+
+[Illustration: VIOLETTES]
+
+ Soit d'un époux, soit d'un amant.
+ C'est une lettre, assurément,
+ Qu'icy, la belle, on vous voit lire;
+ J'en juge par votre maintient.
+ Mais sçavoir ce qu'elle contient,
+ Bien fin qui pourroit le dire.
+
+ (Poésie du XVIIIe siècle.)
+
+
+
+[LES EXÉCUTIONS DE SANTIAGO DE CUBA.--Les cadavres foulés aux pieds des
+chevaux, après l'exécution.]
+
+
+
+LA VEILLE DU 1er JANVIER
+
+Pas plus tard qu'hier, je venais de rentrer chez moi, vers huit heures
+du soir; le feu était allumé, des livres non coupés, fraîchement sortis
+des mains du libraire, m'attendaient sur ma table de travail. C'était
+l'_Histoire d'une maison_, de Viollet-le-Duc; le _Tour du Monde_, de
+Jules Verne; la _Famille Chester_, de P.-J. Stahl et William Hughes;
+j'allais pouvoir me mettre à l'aise et lier connaissance, sans crainte
+d'être dérangé, avec les nouveautés de l'année, quand ma porte s'ouvrit
+et mon concierge apparut.
+
+Il faut vous dire que mon concierge, au rebours de la majorité de ses
+collègues, est aussi ferré sur la consigne que le plus chevronné des
+sergents de l'armée française, et met à suivre les instructions de ses
+locataires autant d'enthousiasme que les autres en mettent à leur
+désobéir. Or, comme j'avais condamné ma porte pour tout le monde, à
+commencer par lui, je ne pus réprimer un mouvement de mauvaise humeur
+dont le brave homme ne parut pas s'émouvoir outre mesure.
+
+--Faites excuse, Monsieur, me dit-il; mais c'est une lettre sur laquelle
+il y a écrit très-pressé, et le commissionnaire qui l'a apportée a dit
+qu'on vous attendait, sans faute, ce soir, rue _Turbot_.
+
+--Vous voulez dire rue Turgot?...
+
+--Je dis, Monsieur, ce que je veux dire... D'ailleurs Turgot n'aurait
+pas de sens.
+
+A quoi bon discuter? Je pris le parti de noter le mot et je m'emparai du
+billet en question.
+
+Il était ainsi conçu:
+
+«Mon cher ami,
+
+«Nous t'attendons sans faute ce soir. Il y a grand conseil de famille et
+toutes tes lumières ne seront pas de trop. Ne te fais pas attendre; il y
+va du plaisir d'Edouard, de Jujules et de Mimi. Si tu ne venais pas,
+nous serions forcés de remettre la séance à demain, et le temps presse.»
+
+Je vous fais grâce du «tout à toi» de rigueur et de la signature.
+
+L'auteur de ce mystérieux billet est un de mes vieux amis de collège.
+Nous avons traversé ensemble les plus rudes années de la vie; le même
+jour nous a vus bacheliers, le même jour nous a vus entrer lui dans te
+barreau, moi dans la presse. Avocat et journaliste, autant dire cousins
+germains. Il est vrai qu'il s'est marié et que je suis resté garçon; là
+cesse l'analogie, mais la paternité est un besoin si impérieux que les
+célibataires n'ayant pas toujours de descendance directe sur qui
+l'exercer se prennent à aimer les enfants des autres. Jujules était mon
+filleul, sa soeur Mimi, une jeune personne âgée de quatre ans accomplis,
+se livrait depuis deux ans déjà à des prodiges d'équitation sur le bout
+de ma botte, et quant à Edouard, l'aîné de la famille, Dieu sait que de
+thèmes et de versions le brave petit était déjà venu me soumettre!
+
+Vous pensez bien dès lors que cette invitation ne pouvait pas tomber
+dans l'oreille d'un sourd. Le temps d'endosser mon paletot et de prendre
+ma canne, j'étais parti, quand mes yeux avisèrent l'envoi de mon
+libraire.
+
+--Un conseil de famille! à la veille du 1er janvier! Il y va du plaisir
+d'Edouard, de Jujules et de Mimi!... Plus de doute; c'est de la grande
+question des étrennes qu'il s'agit... Je le crois fichtre bien que mes
+lumières ne seront pas de trop, ni mes livres non plus. En route!
+
+Plus heureux que certains capitaines, j'avais arrêté mon plan de
+campagne en un instant. Me voilà en route, mon artillerie sous le bras,
+et dix minutes après je faisais mon entrée dans le salon de la rue
+Turgot.
+
+Une exclamation joyeuse salua mon apparition. Je ne pris que le temps de
+déposer dans un coin mon paquet de livres, de le dissimuler tant bien
+que mal sous mon chapeau, et, cela fait, j'offris mes deux mains aux
+mains amicales déjà tendues vers moi.
+
+Mon ami et sa femme m'avaient attendu en toute confiance.
+
+--Les enfants, me dit-il, ne doivent rien savoir de notre entretien.
+Mimi est au lit et dort sur ses deux oreilles; Jujules doit être en
+train d'imiter son exemple. Edouard est en tête à tête avec une version
+qui le tiendra jusqu'à dix heures au moins. Assieds-toi là; voilà un bon
+quart-d'heure que la discussion est entamée et nous n'avons pu nous
+mettre d'accord. Tu seras l'arbitre. En attendant, je donne la parole à
+ma femme.
+
+Je m'installai au coin du feu, et, sans plus tarder, l'orateur désigné
+débuta en ces termes:
+
+--Figurez-vous, mon ami, s'écria-t-elle, que cet entêté de Victor
+s'obstine à me contredire, sans l'ombre d'une bonne raison! Il s'agit
+des étrennes des petits. Savez-vous ce qu'il exige, mon mari? Tout
+simplement que pas un joujou n'entre dans la maison. Savez-vous ce qu'il
+veut leur donner? Des livres, rien que des livres, mon ami, comme si ce
+pauvre Edouard n'avait pas assez à faire toute l'année de lire ses
+livres de classe, comme si Jujules, avec ses quatre heures d'école par
+jour, n'en avait pas plein la tête de ses grammaires et de ses
+conjugaisons, comme si mademoiselle Mimi était d'âge à fourrer son petit
+nez dans un alphabet! Est-ce de la raison cela, oui ou non? Répondez!
+
+--Halte-là, lui dis-je en riant, avant tout verdict, la justice exige du
+tribunal que parole soit donnée à la défense.
+
+Mon ami n'eut garde d'obéir à l'invitation.
+
+--Demande-lui plutôt de t'exposer son système. Nous ne sommes pas au
+bout.
+
+--Mon système! reprit-elle avec sa volubilité ordinaire, il est
+très-simple, mon système! Depuis que le monde est monde et que le 1er
+janvier est le 1er janvier, les bébés n'en ont pas connu d'autre. Que
+leur faut-il à ces chers petits pour être heureux? De quoi satisfaire
+les exigences de leur âge, rien de plus, de quoi jouer, c'est-à-dire des
+jouets. Nous donnerons une belle poupée à Mimi, des soldats de plomb à
+Jujules, et un télégraphe électrique à Edouard. Une promenade chez
+Giroux pour voir les meilleurs des jouets nouveaux, et en moins d'une
+heure de temps l'affaire sera faite. Après cela, si mon mari tient
+absolument à des livres, je ne vois pas de mal, au contraire, à en
+mettre quelques-uns par-dessus le marché. Ça ne sera pas long. Qu'ils
+soient dorés sur tranche, avec de jolies images et une couverture
+solide, il n'en faut pas davantage. Il suffit d'écrire au premier
+libraire venu. Je ne suis pas entêtée et je ne chicanerai pas sur ces
+bagatelles. Mais là, sincèrement, croyez-vous que ce soit l'essentiel?
+
+Mon ami me regarda en souriant. La question était posée avec toute la
+netteté désirable. Je ne pouvais me dispenser d'intervenir, d'autant
+plus que si le mari gardait le silence, quoique avocat, c'est qu'il
+avait évidemment déjà dépensé le meilleur de son éloquence en pure
+perte. Là où un avocat avait échoué, pouvais-je espérer de réussir? Je
+pris néanmoins mon courage à deux mains et sans plus de précautions
+oratoires:
+
+--Laissez-moi vous le dire, chère Madame, l'arbitre n'est point de votre
+avis. Il l'est si peu qu'avant de venir à vous, se doutant bien un peu
+de ce qui allait se passer, il a eu soin de se munir de toute une
+kyrielle d'arguments reliés, en veau. Ils sont là-bas, dans un coin,
+sous mon chapeau. Je vais les étaler sur la table, nous les
+interrogerons en commun, et si après cela vous n'êtes pas ralliée à
+l'opinion de votre mari, qui est la mienne, je serai bien surpris et un
+peu mortifié, je l'avoue.
+
+--Quoi! vous arriviez donc avec votre siège fait à l'avance!
+
+--Nullement. Et pour vous le prouver, nous allons vider la question sans
+recourir à ces précieux auxiliaires. Voulez-vous que je m'ouvre à vous
+en toute franchise, et permettez-vous à un vieil ami de vous démontrer
+que dans votre petit discours de tout à l'heure, il y a presque autant
+d'hérésies que de mots?
+
+--Allez! allez toujours!... me dit-elle en riant; voilà un début qui
+promet.
+
+--Je commence. Votre mari n'a pas ouvert la bouche, et vous ne direz pas
+que nous nous sommes entendus à l'avance. Ainsi, d'après vous, les
+joujoux c'est l'essentiel, et les livres le superflu. Je ne veux pas
+médire des joujoux; je ne parlerai même pas de la dépense. Un nègre qui
+tire la langue a sa valeur; polichinelle n'a point démérité; les soldats
+de plomb alignés en bel ordre sur un tapis vert, c'est un jeu récréatif
+et inoffensif tout à la fois; la poupée de Mimi n'encourra pas mes
+colères, et si le télégraphe électrique d'Edouard n'est pas détraqué en
+huit jours, je me ferai un très-sincère plaisir d'expédier une
+dépêche...
+
+--Eh bien, alors?
+
+--Eh bien, alors, cela prouve que je sais faire des concessions, moi
+aussi. Si votre bourse vous permet de joindre l'utile à l'agréable, rien
+de mieux. Mais de grâce, ne venez pas me dire que l'utile est la
+bagatelle et l'agréable le nécessaire. Savez-vous où vous conduira ce
+beau système? A dépenser tout votre argent pour des superfluités qui
+dureront huit jours, et à consacrer quelques sous à ce qui devrait tenir
+la première place dans vos préoccupations. Qu'arrivera-t-il? C'est que
+vous mettrez une heure à parcourir la boutique de Giroux, et que vous
+emploierez deux minutes pour écrire à votre libraire de vous expédier
+«par-dessus le marché» quelques bouquins à belles images, dorés sur
+tranche, sans vous inquiéter du contenu? N'en avez-vous pas fait l'aveu
+tout à l'heure?
+
+--Oh! nous choisirons bien un peu...
+
+--Un peu! Et qui vous dit que ces livres, admis par faveur, par
+complaisance, sans grand examen, ne seront pas des hôtes factieux ou
+niais. Vous croyez sincèrement que l'enfant est insensible à ces
+cadeaux-là. Je pense pour ma part que ce sont ceux auxquels il tient le
+plus. En voulez-vous une preuve? Une anecdote vaut souvent mieux qu'un
+long plaidoyer. Je crois bien l'avoir déjà racontée quelque part, cette
+anecdote-là, mais peut-être ne la connaissez-vous pas?...
+
+--Dites toujours, on vous écoute...
+
+--C'était il y a un an, au 1er janvier. J'assistai à un dîner auquel
+avait été conviée toute une kyrielle d'enfants. Le maître de la maison,
+un père Cigogne par excellence, avait pris soin de placer aux côtés
+d'une charmante petite fille un petit monsieur de huit ans, bavard comme
+une pie, et nous comptions tous sur la rencontre, espérant que ce
+voisinage délierait une langue fertile en saillies inattendues. Mon
+bonhomme salua gravement sa voisine, mais ne dit pas un mot. Il semblait
+embarrassé; on eût dit qu'il cherchait dans sa mémoire un bout de phrase
+pour entamer l'entretien et qu'il ne le trouvait pas. Nous surveillions
+ce petit manège en faisant semblant de ne rien voir, ce qui est la
+meilleure façon de bien voir. Enfin notre héros prit son courage à deux
+mains;
+
+--«Mademoiselle, dit-il tout à coup d'une voix ferme et avec le plus
+gracieux sourire du monde, _on met toujours-la valeur à côté de la
+beauté_.»
+
+Vous entendez d'ici le rire général. Cette phrase pompeuse, où les deux
+voisins étaient également bien partagés, révélait des qualités
+louangeuses qui ne laissaient pas d'être inquiétantes pour l'avenir. Où
+diable cet étonnant mioche avait-il déniché son madrigal? Je voulus en
+avoir le coeur net et, le soir même, je m'en ouvris à la mère en toute
+confidence.
+
+Celle-ci se mit à rire.
+
+--«Il n'y a qu'un moyen, me dit-elle, d'élucider la chose, c'est de
+consulter sa petite bibliothèque. Il a eu, toute la journée, le nez
+fourré dans un petit livre qu'il a reçu ce matin, un cadeau d'étrennes.
+Je serais bien sur prise si nous n'y trouvions pas le mot de l'énigme.»
+
+On alla chercher le livre, une sorte de keepsake soi-disant à l'usage
+des enfants, et à force de tourner et de retourner les pages, je finis
+par découvrir dans un coin la fameuse déclaration qui nous intriguait si
+fort. La phrase était jetée là, sous une vignette empruntée à quelque
+almanach, sans prétention aucune, et jamais aucun de nous ne l'eût
+remarquée en une autre occasion. C'était un pompier qui l'adressait à
+une nourrice.--Que pensez-vous de mon anecdote?
+
+--J'attends la conclusion.
+
+--La conclusion est très-simple; elle se divise en deux parties. La
+première c'est que, dans l'ordre de la lecture, rien n'est insignifiant.
+Les enfants ont une mémoire particulière, des tiroirs tout prêts, où ils
+emmagasinent les moindres mots. Celui-là avait eu la bonne fortune de
+plaire à notre héros, et il avait su le mettre à profit. Jugez par cela
+du chemin qu'aurait pu faire dans sa cervelle cette littérature de
+pacotille, ces livres «par-dessus le marché» dont vous parliez tout à
+l'heure. La seconde conséquence, c'est qu'à cet âge où les idées se
+forment, le livre est un conquérant, un séducteur qui peut rivaliser
+avec le nègre qui tire la langue et les automates au tambour, à cette
+différence près qu'il ne faut pas longtemps pour que la langue du nègre
+refuse l'exercice et que les baguettes du tambour se démènent dans le
+vide, tandis qu'avec le livre, pas d'accidents à craindre.
+
+--Je vois où vous voulez en venir, me dit la jeune femme d'un ton plus
+sérieux que de coutume; mais avouer l'influence souveraine du livre,
+n'est-ce pas en dénoncer le danger? Où les trouver aujourd'hui ces
+histoires amusantes et instructives qui remplacent les jouets, et font,
+comme on dit, la joie des enfants et la sécurité des parents?
+
+--Où? Je m'en vais vous le dire, et si je parviens à vous convaincre, je
+ne regretterai pas d'être venu: Mais remarquez, en attendant, que vous
+me faites la partie belle en reconnaissant déjà que dans la hiérarchie
+des cadeaux le livre mérite d'occuper la première place, le premier
+rang?
+
+--Ne vous hâtez pas de triompher, s'écria-t-elle; j'écoute, voilà tout.
+
+--Soit. Je continue. Et, à vrai dire, le meilleur moyen de vous
+convaincre, c'est de vous dire l'article que très-probablement j'aurais
+écrit ce soir, si votre billet n'était venu me surprendre. De cette
+façon, notre conversation nous aura servi à tous les trois. La
+discussion me fournira des idées que le tête à tête avec le papier blanc
+ne m'aurait fournies que beaucoup plus lentement.
+
+Où la trouver, dites-vous, cette littérature du premier âge qui prend
+chaque année plus d'importance dans les charmantes distributions que
+ramène le 1er janvier? Eh bien, mes chers amis, la recette est fort
+simple: allez-vous-en tous deux frapper au n° 18 de la rue Jacob,
+présentez-vous de ma part, demandez le catalogue de la maison, et
+livrez-vous en toute sécurité à un choix abondant; je vais vous dire
+pourquoi vous serez sûrs de ne pas vous tromper...
+
+--Il y en a donc pour tous les âges dans cette maison-là?
+
+Prosper Chazel.
+
+(La fin prochainement.)
+
+
+
+NOS GRAVURES
+
+Procès du maréchal Bazaine
+
+LE DÉNOUMENT
+
+Nous avons, dans notre précédent numéro, consigné à la dernière minute
+la condamnation à mort avec dégradation de celui qui fut le maréchal
+Bazaine.
+
+Depuis lors, la clémence du président de la République s'est étendue sur
+le condamné, qui avait laissé passer les délais légaux sans se pourvoir
+en révision. La peine de mort prononcée contre lui a été, sur la
+proposition du ministre de la guerre, commuée en celle de vingt années
+de détention, avec dispense des formalités de la dégradation militaire,
+mais sous la réserve de tous ses effets. Ajoutons qu'un recours en grâce
+avait été adressé au ministre par tous les membres du conseil de guerre.
+Nous constatons simplement ces faits. L'éclatante lumière qui s'est
+produite au cours du procès a rendu d'avance superflue toute
+appréciation.
+
+Cela dit, revenons un peu sur nos pas. Pour expliquer nos gravures, il
+est nécessaire que nous entrions dans le détail des faits qui ont
+précédé et suivi le prononcé du jugement.
+
+La délibération des juges militaires, que représente notre premier
+dessin, a été longue. Elle a duré de quatre heures et demie de
+l'après-midi à neuf heures moins vingt minutes. L'arrêt a été affirmatif
+sur toutes les questions, à l'unanimité, ce qui a surpris, car le bruit
+courait dans le public que deux des juges étaient acquis à l'accusé. Au
+moment où le conseil s'était retiré pour délibérer, M. Bazaine avait été
+emmené et était rentré chez lui, après avoir stationné un instant dans
+le salon des Bouclier. Ce salon, ainsi nommé à cause des quatre tableaux
+qui le décorent, est situé un peu avant l'escalier conduisant à
+l'appartement de l'accusé. Quelque temps après, M. le capitaine Maud'huy
+avait fait introduire dans ce même salon le peloton qui, suivant les
+prescriptions de la loi militaire, devait assister en armes à la lecture
+du jugement. Et à neuf heures précises, Me Lachaud allait porter à
+Trianon-sous-Bois la nouvelle de la condamnation, que le maréchal, qui
+était alors entouré des membres de sa famille, reçut avec beaucoup de
+fermeté. Peu après, un sous-officier venait le chercher pour le conduire
+dans le salon des Boucher, où on l'attendait pour lui donner lecture du
+jugement de condamnation.
+
+Quand il pénétra dans le salon, la garde était sous les armes. En face
+de lui se trouvaient réunis MM. les généraux Pourcet, commissaire
+spécial du gouvernement près le premier conseil de guerre, et de Colomb,
+son substitut, M. le commandant Martin, qui siégeait également au banc
+du ministère public durant les débats, et MM. les greffiers Alla et
+Castres. Une table, occupant le milieu de la pièce, les séparait du
+condamné. A gauche de cette table était aligné le peloton, qui
+appartenait au 40º régiment de ligne. Enfin, derrière le maréchal se
+tenaient MM. le colonel Villette et le capitaine Maud'huy. Le salon
+n'était éclairé que par deux lampes placées sur la table dont nous
+venons de parler.
+
+A l'apparition du maréchal Bazaine, la garde porta et présenta les
+armes. Il y avait encore lieu de lui rendre les honneurs dus à sou
+grade, car s'il était condamné, sa condamnation n'était pas devenue
+définitive.
+
+--Où dois-je me mettre? demanda-t-il au greffier.
+
+--Où vous êtes, M. le maréchal, cela est bien ainsi.
+
+Et M. le greffier Alla, sur l'ordre de M. le général Pourcet, donna
+aussitôt lecture du jugement qui venait d'être rendu. C'est le moment de
+cette scène dramatique que représente notre deuxième dessin.
+
+La lecture finie:
+
+--Eh bien! je suis prêt. On me fusillera quand on voudra, dit le
+condamné s'adressant au général Pourcet.
+
+--Monsieur le maréchal, répondit celui-ci, j'ai à vous informer que la
+loi vous accorde vingt-quatre heures pour vous pourvoir en révision
+contre le jugement que vous venez d'entendre.
+
+--Ah! Et le délai commence?...
+
+--Aujourd'hui à minuit pour finir demain à pareille heure.
+
+--C'est bien. Est-ce tout?
+
+--C'est tout.
+
+Et le maréchal ayant salué, se retira. Nous ne rentrerons pas avec lui
+dans son appartement, où l'attendait sa famille éplorée. Ici la
+situation commande et il est de convenance stricte de s'arrêter devant
+le huis clos des douleurs intimes. Avant de finir, disons un mot de la
+très-touchante scène que représente notre troisième dessin. Alors que le
+conseil délibérait, Mme Bazaine, dévorée d'inquiétudes, tour à tour
+espérant et désespérant, courut à la chapelle de Trianon; et là,
+agenouillée, les mains jointes, pria avec ferveur, invoquant le ciel en
+faveur de son mari. Le ciel ne l'a pas exaucée, ai-je entendu dire. Je
+ne suis pas de cet avis. S'il ne lui a pas accordé pour l'accusé une
+chose impossible, encore a-t-il fait entrer dans le coeur de ceux de qui
+dépendait son sort, un sentiment de commisération tel, qu'il les a
+induits à outrepasser, imprudemment peut-être, en sa faveur, les limites
+extrêmes de l'indulgence.
+
+M. Bazaine doit subir sa peine au fort de l'île Sainte-Marguerite.
+
+Cette île est située en face de Cannes; elle a une longueur de 6
+kilomètres environ, sur une largeur moyenne de 1500 mètres. A la pointe
+est, se trouve le fort, qui a une garnison de cent cinquante hommes,
+seuls habitants de l'île. On sait que c'est au fort Sainte-Marguerite
+que fut longtemps détenu l'homme au masque de fer. Ce fort a également
+servi de prison aux Arabes condamnés à la suite des dernières
+insurrections d'Algérie. Près de l'île Sainte-Marguerite se trouve l'île
+Saint-Honorat, qui forme avec elle le groupe des îles de Lérins, et où
+l'on voit les ruines d'un monastère très-ancien. Elle est aujourd'hui la
+propriété d'un Anglais qui l'a achetée il y a quelques années.
+
+Nous reviendrons prochainement, en en donnant quelques vues, sur ces
+îles et sur le fort Sainte-Marguerite.
+
+Louis Clodion.
+
+
+
+Violettes, Tableau de M. Edouard Dubufe.
+
+On se rappelle le succès obtenu par cette charmante composition au Salon
+de cette année; la foule s'y arrêtait avec complaisance, et
+l'_Illustration_ a pensé être agréable à ses lecteurs, en la faisant
+graver et tirer à part, pour la leur offrir.
+
+Sans doute, nous n'avons plus ici le prestige de la couleur, l'harmonie
+des tons habilement combinés; mais qu'elle est jolie, la _dame aux
+violettes_, dans son attitude d'une grâce si simple et si vraie! Le
+corps se laisse doucement aller sur les moelleux coussins; la belle
+songeait sans doute, nonchalamment étendue; sa pensée flottait,
+indécise, au gré de ses souvenirs ou de ses espérances, quand une lettre
+lui est arrivée, et l'a tirée de son demi-sommeil.
+
+Une lettre! c'est-à-dire un fait bien écrit, bien précis, alors qu'on
+s'abandonnait, en toute sérénité, aux doux bercements du rêve! Aussi,
+comme la tête s'est relevée aussitôt, comme le front est devenu sérieux,
+comme le regard parcourt attentivement les lignes tracées par la main
+d'un cher absent! Ne cherchons pas plus loin; le poète n'a-t-il pas
+écrit:
+
+ Sçavoir ce qu'elle contient,
+ Bien fin qui pourrait le dire?
+
+
+
+Les exécutions de Santiago
+
+Nous terminons aujourd'hui la publication commencée dans notre dernier
+numéro, des documents qui nous sont parvenus sur le lugubre drame qui a
+suivi la capture du _Virginius_. Nous avons déjà dit, précédemment,
+combien les nombreuses expéditions du _Virginius_ avaient aidé
+l'insurrection cubaine à se soutenir en l'approvisionnant, en abondance,
+d'armes, de munitions et de combattants recrutés aux États-Unis. On peut
+juger par là de l'explosion de joie qui se produisit dans la population
+de Santiago lorsqu'on vit arriver au port ce pourvoyeur de guerre
+civile, sous l'escorte du _Tornado_. Malheureusement on ne se contenta
+pas de la manifester bruyamment, cette joie, les cris de vengeance
+s'élevèrent de toutes parts et l'on demanda la mort du capitaine et de
+l'équipage. Le général Burriel, gouverneur de Santiago, crut devoir
+céder aux clameurs de la foule, et après une procédure sommaire,
+cinquante-trois des malheureux captifs furent condamnés à mort et
+fusillés. Cette boucherie terminée, des pièces d'artillerie, attelées de
+six chevaux, furent promenées sur les cadavres aux acclamations d'une
+populace en délire, jusqu'à ce que, broyés sous les roues et sous les
+pieds des chevaux, ils eussent perdu toute forme humaine. Telles sont
+les horribles scènes que reproduisent nos deux dessins; on comprend qu'à
+leur récit une indignation générale se soit manifestée d'un bout à
+l'autre des États-Unis.
+
+
+
+La bourse aux timbres-poste
+
+Bourse, est-ce bien le mot? marché exprimerait peut-être mieux la chose.
+Quoi qu'il en soit, bourse ou marché, marché ou bourse, c'est en plein
+coeur des Champs-Elysées qu'ont lieu les opérations dont il s'agit.
+
+On se réunit sur le large trottoir qui borde la maison de l'avenue
+Gabrielle portant le numéro 36. Palais de la nature que couvre en guise
+de dôme le ciel bleu, quand il n'est pas gris. On a donc devant soi
+l'avenue Marignv, avec ses quatre Guignols, et à l'horizon l'entrée
+principale du palais de l'Industrie, dont une forêt d'arbres, en ce
+moment nus et grelottants, ne parvient pas à masquer la masse énorme.
+Industrie d'un bout, commerce de l'autre, ceci nous ramène à nos
+moutons, je veux dire à nos timbres.
+
+Le plaisant de l'affaire, ce n'est pas la nature du commerce.
+Collectionner des timbres-poste n'est pas plus un cas pendable que de
+collection lier des autographes, voire des tabatières ou de vieux pots.
+Non, le plaisant et le curieux, c'est le trafiquant lui-même.
+Figurez-vous un marché vu par le petit bout de la lorgnette, bourse à
+Lilliput. Telle, la bourse aux timbres-poste. En se pressant un peu,
+toute l'assemblée tiendrait certainement dans une serviette. Petit monde
+singulier. Tout à l'heure il courait, sautait et s'en donnait à coeur
+joie. Le voilà maintenant affairé, grave, recueilli. C'est que l'heure
+de la bourse a sonné, et comme on dit, «les affaires sont les affaires».
+Chacun de ces petits bonshommes s'avance, muni d'un album dont toutes
+les feuilles sont divisées en un certain nombre de compartiments,
+alvéoles destinées à enchâsser les timbres suivant un ordre méthodique,
+timbres de tous les prix et de tous les pays, de toutes les formes et de
+toutes les grandeurs, de toutes les couleurs et de toutes les effigies.
+Tous les compartiments ne sont pas remplis. Ces vides indiquent ou les
+pièces qui manquent à la collection, ou bien celles dont, en prévision
+d'une hausse, on se propose d'acquérir au plus bas prix possible un
+certain nombre d'exemplaires, pour les revendre ensuite avantageusement,
+le moment venu. C'est là le fin de l'opération, notez; car par ce moyen,
+et sans qu'il en coûte grand chose, on peut arriver à parfaire tout
+doucement sa petite collection. Et d'aucuns y arrivent, à ce qu'il
+paraît. Mais ce sont les malins, ceux-là; et ne croyez pas qu'ils
+fassent les finauds! Bien au contraire. A voir leur air innocent et
+candide, vous jureriez certainement qu'ils sont du bois dont on ne les a
+pas faits. Renards couverts d'une peau d'agneau, ils vont et viennent,
+l'oreille à tout, et l'oeil aussi, et prenez bien garde à vos poules!
+Là, pas de pouf à craindre d'ailleurs, car c'est au comptant que se
+traitent toutes les opérations. Et cela posément, sans confusion, sans
+le moindre cri. On s'aborde en feuilletant les albums. On compte les
+lacunes. Alors:--Je demande ou j'offre tel timbre, y a-t-il vendeur ou
+acheteur?--Voilà.--Combien?--Tant.--C'est cher.--Il y a hausse.--Jeudi,
+ils n'étaient qu'à tant; trop d'écart.--C'est qu'il s'en est beaucoup
+vendu. A prendre ou à laisser.
+
+On prend ou on laisse, selon. Cela dépend du vent qui souffle sur le
+marché et fait tourner toutes ces petites têtes folles. Et puis, il y a
+là aussi, comme ailleurs, des haussiers et des baissiers. Tel timbre est
+un jour déprécié, qui le jour suivant est porté aux nues, et
+réciproquement. Ainsi, en ce moment, le Brésil est en faveur, et les
+villes hanséatiques sont recherchées. Demain en sera-t-il encore de
+même? Demandez-le à M. votre fils. C'est peut-être une des fortes têtes
+de la bourse aux timbres. Il est cependant certaines valeurs qui
+échappent à toute pression, par exemple le Maximilien, depuis longtemps
+hors de prix. Voilà où nous en sommes. Allez vous promener aux
+Champs-Elysées, vous pourrez voir les voilures de chèvres inoccupées,
+les chevaux de bois immobiles, Guignol désespéré se battre en vain les
+flancs devant des chaises vides; mais pour ce qui est de la bourse aux
+timbres, si, dès qu'elle est ouverte, un seul instant vous la voyez
+chômer, dites qu'il y a encore des enfants. Hélas! pour ma part, je
+commence bien à craindre qu'il n'y en ait plus.
+
+Louis Clodion.
+
+
+
+Auguste de la Rive
+
+Auguste de la Rive est fils d'un physicien suisse, né comme lui à
+Genève, et qui s'était consacré comme il devait le faire lui-même,
+presque entièrement à l'étude de l'électricité. Appartenant à une des
+plus riches et des plus anciennes familles de la cité de Calvin, Auguste
+de la Rive hérita non-seulement de la grande fortune de son père, mais
+encore du talent et des amitiés scientifiques qu'il avait formées
+pendant la période la plus orageuse de notre révolution.
+
+Les premières expériences que le jeune de la Rive vit exécuter dans la
+maison paternelle furent celles de Davy, et ses premiers travaux
+scientifiques furent faits sous la direction d'Ampère. Un de ses
+premiers amis fut Faraday, que son père contribua à tirer d'une
+situation voisine de la domesticité, dans des circonstances dignes
+d'être rapportées.
+
+Faraday, tout à fait inconnu et très-pauvre, désirait vivement
+d'accompagner sur le continent Davy, dont il était le garçon de
+laboratoire plutôt que le préparateur. Davy consentit, mais à condition
+que Faraday lui servirait de domestique pendant tout le temps qu'il
+serait sur le continent. Faraday accepta et tint parole. Les étrangers
+ne pouvaient se douter qu'il y avait un savant immortel sous l'habit de
+ce valet.
+
+Davy s'arrêta à Prelioxes, bien patrimonial des de la Rive, qui depuis
+la Révolution française y pratiquent la plus généreuse hospitalité
+vis-à-vis des savants de toutes les nations. Davy avait naturellement
+amené avec lui son valet, qui le suivit dans une partie de chasse. M. de
+la Rive, le père, ayant eu occasion de s'entretenir avec ce jeune homme,
+fut frappé de la profondeur et de la maturité de ses réponses. Il
+insista et obtint non sans peine l'aveu de la vérité. Peu satisfait de
+cette découverte, il insista vivement auprès de Davy pour obtenir de
+mettre fin à cette comédie, moins digne encore de celui qui la donnait
+que de celui qui en était victime. Mais Davy resta inébranlable. Il
+exigea que le contrat fut exécuté à la lettre et que Faraday continuât
+de manger à la cuisine avec les autres domestiques. M. de la Rive, ne
+voulant pas rompre avec un ami, prit un terme moyen. Faraday fut servi
+seul dans sa chambre, et Auguste de la Rive alla plus d'une fois
+partager ses repas. De cette époque date une amitié des plus tendres
+qu'aucun nuage n'a jamais obscurcie.
+
+De la Rive père avait émigré en 1794, après avoir été retenu quelque
+temps en prison. En 1813, il fut un des premiers à proclamer le retour
+de Genève à la Suisse.
+
+De la Rive fils resta fidèle à la politique paternelle. Quand la
+Confédération helvétique se crut menacée de perdre la perle du Léman,
+Auguste de la Rive fut envoyé à Londres comme ministre plénipotentiaire.
+
+Grâce à ses hautes liaisons il réussit à obtenir du cabinet de
+Saint-James la signature d'un protocole secret. L'annexion de Genève à
+la France était déclarée un _casus belli._
+
+C'était la première fois que de la Rive rentrait dans la vie politique
+d'où il était écarté depuis la révolution de 1846. Systématiquement
+opposé à la guerre du Sonderbund, il avait donné alors sa démission de
+toutes ses fonctions publiques, même de celles de professeur de physique
+à l'Université.
+
+C'est en 1864 qu'il fut nommé membre associé de l'Académie des sciences
+à laquelle il appartenait depuis de longues années en qualité de
+correspondant.
+
+A l'issue de la dernière exposition universelle il exécuta à Paris même,
+sur une immense échelle, ses magnifiques expériences sur la rotation de
+la lumière électrique soumise à l'action des aimants.
+
+
+
+[Illustration: M. DE LA RIVE.]
+
+On lui doit la connaissance de la dorure galvanique.
+
+L'Académie des sciences lui décernait en 1842 un prix de 3,000 francs,
+en même temps qu'elle récompensait MM. Ruolz et Elkington qui avaient
+fait passer cette immense découverte dans le domaine de la pratique
+commerciale.
+
+De la Rive est le premier physicien qui ait imaginé d'employer des
+substances insolubles pour dépolariser les piles voltaïques. Il a ouvert
+la voie suivie par MM. Marié Davy, Leclanché et Grenet.
+
+Enfin on lui doit la démonstration complète d'un grand fait de physique
+générale. Couronnant l'édifice si largement commencé par Faraday il
+porta le coup de mort à la théorie métaphysique du contact. La grande
+doctrine de l'_équivalence des forces naturelles_ lui doit un de ses
+principes fondamentaux les plus précieux.
+
+Ses travaux sont exposés dans son cours d'_Électricité théorique et
+appliquée_, publié il y a seize ans par la maison J.-B. Baillière. Cet
+ouvrage magistral n'est point à la veille d'être détrôné.
+
+Auguste de la Rive était un journaliste scientifique dans l'acception la
+plus élevée du mot. Il n'y avait pas de mémoire important qu'il ne lût
+et n'étudiât en quelque langue qu'il fût écrit. Il fut constamment le
+plus actif collaborateur des Archives des sciences physiques et
+naturelles, après avoir publié et rédigé tout seul pendant les années
+1841, 1842, 1843, 1844 et 1845 les _Archives de l'électricité_.
+
+Comme Hausteen et Donats, qui ne l'ont précédé dans la tombe que de
+quelques mois, il a consacré ses dernières veilles à l'étude des aurores
+boréales. Il est un des fondateurs de cette météorologie cosmique qui ne
+vient que de naître, et qui déjà ouvre à la science de l'avenir de si
+merveilleux horizons!
+
+Il est mort à Marseille, à l'âge de 72 ans, des suites d'une attaque de
+paralysie.
+
+W. DE FONVIELLE.
+
+
+
+[Illustration: TYPES ET PHYSIONOMIES DE PARIS.--La petite bourse des
+timbres-poste aux Champs-Elysées.]
+
+
+
+L'HISTOIRE DE FRANCE
+
+DE M. GUIZOT
+
+Dans un premier article, nous avons, la semaine dernière, jeté un coup
+d'oeil sur le troisième volume de l'_Histoire de France_, de M. Guizot,
+qui commence avec François 1er pour finir avec Henri IV. Deux mots la
+résument: Renaissance et Réforme. Curieuse époque marquée au sceau du
+fanatisme religieux, et dont toutes les pages sont tachées de sang. Nous
+avons dit un mot de ces pieuses horreurs. N'y revenons pas. Aussi bien
+si l'auteur, en ce tome troisième, évoque bien des figures odieuses, il
+nous en montre aussi d'autres qui appellent d'elles-mêmes et captivent
+le regard. Parmi ces dernières brille en première ligne celle de
+Rabelais, cet illustre bohème qui passa les deux tiers de sa vie à
+courir le monde, s'arrêtant le temps seulement d'écrire les célèbres
+chroniques que l'on sait, et qui fut non-seulement l'écrivain le plus
+original et le plus éminent de la première moitié du XVIe siècle, mais
+encore sa personnification la plus vivante et la plus vraie. Une
+
+[Illustration: Henri de Guise parcourant les rues de Paris après le
+massacre de la Saint-Barthélémy.]
+
+[Illustration: HENRI III ET SES MIGNONS.]
+
+autre figure, grande aussi et particulièrement sympathique et
+intéressante est celle de cette gracieuse reine de Navarre, soeur de
+François 1er, Marguerite de
+
+[Illustration: Marguerite de Valois.]
+
+Valois qui avait, comme l'a dit Marot, «corps féminin, coeur d'homme et
+tête d'ange». Mais ce qui la fait tant et de si loin briller à nos yeux,
+c'est la supériorité de son esprit, son excessive bonté, son amour pour
+la poésie, la protection généreuse et intelligente qu'elle accorda, elle
+catholique, à la réforme. Aussi n'y a-t-il pas lieu de s'étonner des
+soupçons d'hérésie qui planèrent sur elle, et, à parler franchement, je
+crois bien qu'au fond elle était un peu hérétique, il est encore une
+chose digne de remarque, c'est qu'au XVIe siècle, où comme dit Anquetil,
+les femmes de la cour étaient un objet de scandale, Marguerite pouvait
+passer pour une vertu, à quelques peccadilles près que nous ont fait
+connaître la muse indiscrète de Marot qu'elle aima, et cette _mauvaise
+langue_ de Brantôme. La Marguerite des marguerites eut toujours pour son
+frère une affection profonde qui, approchant de la faiblesse, s'étendit
+parfois jusque sur ses maîtresses. Ce fut elle-même qui orna de devises
+les bagues données par François à la belle comtesse de Chateaubriand,
+laquelle fut plus reine que Claude-la-Bonne avant la bataille de Pavie,
+ce qui ne l'empêcha pas, si l'on en croit Varillas, de mourir fort
+tragiquement, le roi l'ayant abandonnée à son retour. Il nous reste des
+ouvrages de la reine de Navarre soixante-douze contes que l'on
+
+[Illustration: Hérétiques condamnés au feu et brûlés en 1546 au grand
+marché de Meaux.]
+
+attribue en partie à ses amis; le _Miroir de l'âme pécheresse_ les
+_marguerites de la Marguerite des princesses_, pièces recueillies par
+Sylvius de la Haie; quelques mystères, des farces, une pièce de vers sur
+la captivité de son frère, enfin le _Débat d'amour_ qu'elle composa à
+l'âge de cinquante ans et qui n'a pas été imprimé.
+
+L. C.
+
+[Illustration: Marie Stuart.]
+
+[Illustration: Rabelais.]
+
+Gravures extraites de l'Histoire de France racontée à mes petits
+enfants, par M. Guizot. (Librairie Hachette et Cie.)
+
+
+
+BIBLIOGRAPHIE.
+
+Les Merveilles de l'Industrie ou Description des principales industries
+modernes, par M. Louis Figuier (1).
+
+[Note 1: Un vol. in-8º illustré de 415 gravures sur bois. Chez Furne et
+Jouvet, rue Saint-André-des-Arts.]
+
+Combien pourrait-on citer aujourd'hui de personnes ayant une
+connaissance, même superficielle, des procédés industriels? Les moyens
+variés par lesquels l'homme transforme la matière, pour l'asservir à ses
+besoins, sont un secret pour la plupart d'entre nous. Le verre, les
+poteries, le savon, le sucre, le sel marin, le papier, les cuirs, etc.,
+servent à nos usages, à chaque instant de la vie, et pourtant la
+majorité d'entre nous serait fort embarrassée de dire comment se
+préparent le verre, les poteries, le savon, le papier, etc. L'industrie
+est comme un livre fermé à tous les yeux.
+
+[Illustration.]
+
+Ce livre fermé, M. Louis Figuier prétend nous l'ouvrir. Dans l'ouvrage
+nouveau qu'il vient de publier, les _Merveilles de l'industrie_, il
+entreprend de révéler aux gens du monde et à toute personne désireuse de
+s'instruire, les opérations des principales industries modernes. Le
+volume que nous avons sous les yeux est consacré aux industries
+chimiques, à savoir: le verre et le cristal,--les poteries, faïences et
+porcelaines,--le savon,--les soudes et les potasses,--le sel marin,--le
+soufre et l'acide sulfurique. L'auteur décrit avec soin les opérations
+diverses qui servent à la fabrication de ces matières, et l'on est tout
+surpris, en lisant ses descriptions, de voir quel intérêt peuvent
+revêtir les matières industrielles traitées par un auteur qui a le désir
+constant d'attacher et d'instruire. La masse de renseignements et de
+notions utiles contenus dans les notices que nous venons de citer, est
+vraiment immense, et leur utilité est d'une évidence sur laquelle il
+n'est pas nécessaire d'insister.
+
+Deux mérites nous ont particulièrement frappé, à la lecture des
+_Merveilles de l'industrie_. C'est d'abord le soin avec lequel l'auteur
+expose l'histoire de chaque industrie. Dans la plupart des ouvrages ou
+des dictionnaires où ces matières sont traitées, l'histoire de chaque
+industrie est presque toujours passée sous silence. Dans l'ouvrage de M.
+Louis Figuier, au contraire, l'histoire des inventions occupe une place
+de premier ordre. L'auteur a toujours soin de remonter jusqu'aux
+origines primitives de l'industrie qui l'occupe. Il la prend à son
+berceau, chez les anciens, et la suit à travers les siècles jusqu'à
+l'époque actuelle. C est là une source d'enseignements variés et pleins
+d'intérêt pour le lecteur.
+
+[Illustration: Une verrerie chez les Égyptiens.]
+
+[Illustration.]
+
+La seconde qualité qui nous a frappé dans les _Merveilles de
+l'industrie_, c'est la préoccupation constante de l'auteur d'éclairer le
+texte de ses descriptions par le secours du dessin. Chaque opération
+étant accompagnée d'une figure explicative, renseignement par les yeux
+accompagnant sans cesse l'enseignement par la plume, il est toujours
+facile de comprendre les explications de l'auteur.
+
+Les gravures qui accompagnent cet article (_la fabrication au verre chez
+les Egyptiens,--la fabrications des vitres, le coupage du savon en
+pains_), sont de doubles spécimens des nombreuses gravures qui
+accompagnent l'ouvrage de M. Louis Figuier, et du genre de démonstration
+figurée qui se rencontre à chaque page de ce livre.
+
+Les _Merveilles de l'industrie_ ont été présentées, avec beaucoup
+d'éloges, à l'Académie des sciences, dans la séance du 15 décembre, par
+M. Dumas, secrétaire perpétuel.
+
+Nous n'avons rien à ajouter à ce témoignage d'estime.
+
+Pierre Paget.
+
+[Illustration: Coupage du savon de Marseille en pains.]
+
+Gravures extraites des _Merveilles de l'industrie_, par Louis Figuier.
+(Furne, Jouvet et Cie, éditeurs.)
+
+
+
+[Illustration: RÉBUS.]
+
+EXPLICATION DU DERNIER RÉBUS:
+
+Libres penseurs ou pieux pèlerins, la conscience est totalement libre!
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+End of the Project Gutenberg EBook of L'Illustration, No. 1608, 20 décembre
+1873, by Various
+
+*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 44232 ***
diff --git a/44232-h/44232-h.htm b/44232-h/44232-h.htm
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+ <title>The Project Gutenberg eBook of L'illustration, No. 1608, 20 décembre 1873 by Various</title>
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+
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+
+
+
+</style>
+</head>
+<body>
+<div>*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 44232 ***</div>
+
+<br><br>
+
+<div class="cont">
+
+
+
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/001.png"></p>
+
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="1"
+ style="width: 100%; text-align: center;" summary="nil">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 33%;">
+<p class="mid"><span class="sml">REDACTION, ADMINISTRATION, BUREAUX D'ABONNEMENTS<br>
+<i>22, rue de Verneuil, Paris.</i></span></p>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 34%;">
+ <p class="mid"><span class="sml">31e Année. VOL. LXII. Nº 1608</span><br>SAMEDI 20 DÉCEMBRE 1873</p>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 33%;">
+ <p class="mid"><span class="sml">SUCCURSALE POUR LA VENTE AU DÉTAIL<br>
+60, rue de Richelieu, Paris</span></p>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="1"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="nil">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%;">
+ <p class="mid"><span class="sml"><b>Prix du numéro: 75 centimes</b><br>
+La collection mensuelle, 3 fr; le vol. semestriel, broché,<br>18 fr.; relié
+et doré sur tranches, 28 fr.</span></p>
+
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%;">
+ <p class="mid"><span class="sml"><b>Abonnements</b><br>
+Paris et départements: 3 mois, 9 fr.;--6 mois, 18 fr.;<br>un an, 36 fr.;
+Étranger, le port en sus.</span></p>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p class="mid"><span class="sml"><i>Les demandes d'abonnements doivent être accompagnées d'un mandat-poste<br>
+ou dune valeur à vue sur Paris à l'ordre de M. Auguste Marc,
+directeur-gérant.</i></span></p>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="0"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="nil">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%;">
+ <p class="mid">
+<span class="sml">
+SOMMAIRE
+<br><br>
+TEXTE
+<br><br>
+Histoire de la semaine,
+<br><br>
+Courrier de Paris, par M. Philibert Audebrand.
+<br><br>
+P. Blanchard.
+<br><br>
+La S&oelig;ur perdue, une histoire du Gran Chaco (suite), par M. Mayne Reid.
+<br><br>
+Un voyage en Espagne pendant l'insurrection (fin).
+<br><br>
+La veille du 1er janvier.
+<br><br>
+Nos gravures:
+<br><br>
+Procès du maréchal Bazaine, le dénoûment.
+<br><br>
+Violettes.
+<br><br>
+La bourse aux timbres-poste.
+<br><br>
+Auguste de la Rive.
+<br><br>
+L'<i>Histoire de France</i>, de M. Guizot.
+<br><br>
+Les exécutions de Santiago.
+<br><br>
+Bibliographie: <i>Les Merveilles de l'industrie</i>, par Louis Figuier.
+<br><br></span>
+<p class="mid"><img alt="" src="images/001b.png"><br>
+</td>
+
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%;">
+ <p class="mid">
+<span class="sml">
+SOMMAIRE
+<br><br>
+GRAVURES
+<br><br>
+Procès du maréchal Bazaine: Mme Bazaine en prière dans la chapelle de
+Trianon, au moment du prononcé du jugement;
+<br><br>
+Lecture de l'arrêt au condamné;
+<br><br>
+La délibération du conseil de guerre avant le prononcé du jugement.
+<br><br>
+P. Blanchard.
+<br><br>
+Événements de Cuba: exécution de l'équipage du <i>Virginius</i>, à Santiago
+de Cuba;
+<br><br>
+Les cadavres foulés aux pieds des chevaux, après l'exécution.
+<br><br>
+M. de la Rive.
+<br><br>
+Types et physionomies de Paris: la petite bourse des timbres-poste aux
+Champs-Elysées.
+<br><br>
+<i>L'Histoire de France</i>, de M. Guizot (6 gravures).
+<br><br>
+<i>Les Merveilles de l'industrie</i>, par M. L. Figuier (4 gravures).
+<br><br><br>
+Rébus.
+</span><br><br>
+<p class="mid"><img alt="" src="images/001b.png"></p>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/001a.png"><br>
+<b>PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE. Mme BAZAINE EN PRIÈRE DANS LA
+CHAPELLE DE TRIANON, AU MOMENT DU PRONONCÉ DU JUGEMENT.</b></p>
+
+<br><br>
+
+
+ <h3>HISTOIRE DE LA SEMAINE</h3>
+ <br>
+ <h4>FRANCE</h4>
+
+ <p>Le mémorable procès dont la France entière suivait avec un si poignant
+intérêt les péripéties depuis près de trois mois est enfin arrivé à son
+terme: le sort du maréchal Bazaine est décidé. A l'unanimité sur toutes
+les questions, le conseil de guerre siégeant à Trianon a condamné
+l'ex-commandant de l'armée de Metz à la peine de mort et à la
+dégradation militaire. Le maréchal a refusé de se pourvoir en révision,
+mais le conseil tout entier a signé un recours en grâce; le duc d'Aumale
+l'a remis immédiatement entre les mains du président de la République,
+et, dès le surlendemain, le Journal officiel annonçait que la peine de
+mort était commuée en vingt années de détention, et que le condamné
+était dispensé des formalités de la dégradation militaire, mais sous
+réserve de tous ses effets.</p>
+
+ <p>L'Assemblée nationale a continué, pendant le cours de cette semaine, la
+discussion du budget, qui s'est poursuivie sans autres incidents que la
+présentation d'un certain nombre d'amendements ou d'observations dont
+l'examen nous entraînerait trop loin. Pendant que cette discussion
+suivait son cours en séances publiques, les commissions travaillaient à
+l'élaboration des nouvelles lois organiques et constitutionnelles. Sur
+la proposition de son président, M. Batbie, la commission des Trente
+décidait que la loi électorale serait la première dont elle aurait à
+s'occuper; puis elle nommait une sous-commission d'études ayant mission
+de faire des recherches préparatoires. MM. d'Andelarre et Pradié ont été
+chargés par cette sous-commission de compulser les ouvrages traitant de
+l'organisation des pouvoirs publics; MM. Waddington et A.
+Lefèvre-Pontalis d'étudier, dans les législations étrangères, les divers
+modes de composition des Chambres hautes; M. Laboulaye, de faire un
+exposé de l'organisation constitutionnelle dans les États américains.
+D'autre part, la commission chargée de la rédaction de la nouvelle loi
+municipale a terminé ses travaux et entendu le rapport de M. Clapier;
+nous avons déjà mentionné les dispositions principales de la loi
+nouvelle qui ont pour but, on le sait, d'enlever au suffrage universel,
+pour le rendre au gouvernement, la nomination des maires, et d'imposer
+aux communes les dépenses de police, telles qu'elles auront été fixées
+par les préfets; contentons-nous de les appeler réformes fondamentales,
+en attendant leur discussion en séance générale, où elles doivent
+rencontrer, assure-t-on, une assez sérieuse opposition.
+</p>
+ <p>
+L'urgence et la gravité des lois constitutionnelles dont la commission
+des Trente est saisie ne saurait être mieux démontrée que par les quatre
+élections qui ont eu lieu dimanche dernier dans les trois départements
+de l'Aude, de Seine-et-Oise et du Finistère. Comme presque toutes celles
+qui se sont succédé depuis trois ans, ces élections se sont traduites
+par des majorités considérables données aux candidats républicains.
+Celle du Finistère, notamment, où M. Swiney l'a emporté par 61,000 voix
+contre 42,000 données à son concurrent, M. Le Guen, est un symptôme
+très-caractéristique du mouvement qui s'opère même dans les régions les
+moins accessibles jusqu'à présent aux idées révolutionnaires, et paraît
+avoir vivement affecté les groupes conservateurs de l'Assemblée.
+</p>
+ <h4>
+ALGÉRIE.
+</h4>
+ <p>
+M. le général Chanzy, gouverneur général de l'Algérie, a prononcé, le 3
+décembre, à l'ouverture de la session du conseil supérieur de la
+colonie, un éloquent discours où est exposé avec un remarquable talent
+tout un plan d'administration, qui a été accueilli avec une approbation
+unanime. Ce discours peut être divisé eu deux parties; dans la première,
+l'orateur énonce les principes généraux de son système; la seconde est
+plus spécialement consacrée à l'explication des moyens pratiques
+auxquels le gouverneur général juge utile de recourir, tels que:
+organisation administrative, -- colonisation, -- grands travaux d'utilité
+publique, -- entreprises industrielles, -- constitution de la
+propriété, -- forêts, -- régularisation des opérations du séquestre. Nous
+laisserons de côté cette deuxième partie, dont l'examen nous forcerait
+d'entrer dans trop de détails techniques, pour ne nous occuper que de la
+première.
+</p>
+ <p>
+Aux yeux de l'honorable général, les décrets de 1870 contiennent le
+programme qu'il importe de réaliser au plus vite afin de justifier notre
+réimplantation sur le sol africain, et c'est à la recherche des moyens
+propres à amener «l'assimilation de l'Algérie à la mère patrie» que le
+conseil supérieur doit consacrer toute son activité, tout son
+patriotisme. Au nombre des mesures qui doivent être appliquées le plus
+immédiatement, M. le général Chanzy place la disparition de cet
+antagonisme, plus apparent que réel, entre ce qu'on appelle le régime
+civil et le régime militaire. Si au lendemain de la conquête, et dans le
+but de la consolider, de telles distinctions ont pu être nécessaires,
+indispensables même, elles n'ont plus aujourd'hui de raison pour
+subsister. «Je déchargerai, dit M. le gouverneur, dans la limite du
+possible l'armée d'une tâche qui n'est plus la sienne et qu'elle ne
+continue que par devoir; elle restera chargée temporairement des parties
+où les populations indigènes, éloignées du contact des Européens,
+doivent être dominées et sentir la force pour rester calmes.»
+</p>
+ <p>
+Mais, pour l'honorable général, «il n'y a point et il ne peut y avoir
+ici deux régimes: le régime civil, le régime militaire; il n'y a qu'une
+pensée: celle de tirer de cette magnifique colonie tout ce que la France
+et la civilisation attendent de nos communs efforts. Il n'y a et ne peut
+y avoir deux territoires avec leurs systèmes opposés; il y a une vaste
+contrée soumise à la France, dans laquelle il nous faut introduire ses
+institutions, en tenant compte des précautions que la sagesse et la
+situation nous imposent. Pour moi, dans ce pays, désormais français, il
+y a les parties qui peuvent et doivent être assimilées de suite, celles
+dans lesquelles les institutions civiles et la justice de droit commun
+sont possibles et doivent être complètes, et celles où le commandement
+doit encore s'exercer, parce que seul il peut assurer, si on lui en
+laisse les moyens, le bon ordre et la sécurité».
+</p>
+ <p>
+On ne pouvait mieux faire comprendre la mission du conseil supérieur et
+de l'armée en Algérie, aussi doit-on attendre les plus grands résultats
+de l'application des principes qui guident l'honorable gouverneur
+général civil de l'Algérie.
+</p>
+ <p>
+En terminant son discours, M. le général Chanzy a exposé les motifs qui
+l'avaient conduit à introduire dans le conseil supérieur les hauts
+fonctionnaires chargés des affaires du département ou des territoires
+restés sous le commandement militaire, et c'est par un appel au
+patriotisme du conseil, que l'orateur a clos son éloquent plaidoyer en
+faveur de la colonie:
+</p>
+ <p>
+«La politique, cette passion qui surexcite, n'a rien à faire dans cette
+enceinte, et nous saurons justifier la confiance que le gouvernement qui
+nous a nommé et que la population qui vous a désignés a mise en nous.»
+</p>
+ <h4>
+ÉTATS-UNIS.
+</h4>
+ <p>
+Le différend hispano-américain s'est terminé de la manière la plus
+heureuse par la reddition aux autorités des Etats-Unis du <i>Virginius</i> et
+des survivants de son équipage. Les détails manquent encore sur la
+manière dont s'est opérée la restitution ainsi que sur les motifs du
+brusque revirement d'opinion qui a permis aux autorités cubaines
+d'exécuter des conditions d'abord déclarées inacceptables. Quoi qu'il en
+soit il faut se féliciter de la solution pacifique d'une situation qui
+aurait pu, en se prolongeant, amener les plus graves complications.
+</p>
+ <h4>
+SUISSE.
+</h4>
+ <p>
+Le Conseil fédéral de la république helvétique vient de prendre une
+décision qui aura sans doute un grand retentissement dans le monde
+catholique. Il a rompu avec le Saint-Siège et congédié le légat
+accrédité comme chargé d'affaires auprès du gouvernement suisse.
+</p>
+ <p>
+M. Cérésole, président de la Confédération, a adressé à ce sujet à Mgr
+Agnozzi, chargé d'affaires du Saint-Siège, une note diplomatique
+déclarant que la mesure prise par le Conseil fédéral a été déterminée
+par la publication de l'encyclique du 21 novembre, qui renfermait «des
+accusations de la nature la plus directe et la plus grave contre
+diverses autorités légitimement constituées en Suisse et contre
+certaines décisions que ces autorités ont régulièrement prises». Cette
+rupture solennelle est certainement regrettable; elle affligera
+profondément tous les catholiques modérés, c'est-à-dire, comme le fait
+remarquer le <i>Journal de Genève</i>, l'immense majorité des catholiques
+suisses, «qui n'ont jamais séparé dans leur c&oelig;ur le nom de religion de
+celui de patrie».
+</p>
+ <p>
+Les journaux suisses, calvinistes et libres penseurs, applaudissent
+naturellement à cette mesure. Ils prennent, de plus, le soin de
+l'expliquer et de la justifier. Ils rappellent que depuis longtemps
+l'opinion publique, en Suisse, était peu favorable au maintien de la
+nonciature.
+</p>
+ <p>
+On reconnaissait,--disent-ils,--que non-seulement elle ne pouvait offrir
+une utilité pratique, mais encore qu'elle n'avait plus de raison d'être.
+Il est de fait que, dans sa grande réunion à Soleure, le <i>Volks-verein</i>
+avait porté sur son programme révisionniste la suppression de la
+nonciature, et que la commission du Conseil national avait fait droit à
+ce v&oelig;u en proposant de l'inscrire dans la Constitution.
+</p>
+ <p>
+L'encyclique de Pie IX n'a donc été, pour le gouvernement des vingt-deux
+cantons, qu'un prétexte opportun; la rupture était préméditée de longue
+date.
+</p>
+ <p>
+La rupture des relations entre la Confédération helvétique et le Vatican
+ne sera peut-être pas aussi sensible à la curie romaine que la nouvelle
+mesure prise par le gouvernement bavarois, et qui, pour être beaucoup
+moins radicale, constitue cependant une démonstration caractéristique.
+</p>
+ <p>
+Pendant longtemps, on le sait, le clergé avait été tout-puissant en
+Bavière, à tel point que le roi Maximilien II était allé jusqu'à
+subordonner la Constitution au concordat; ce souverain avait décidé que
+toutes les fois que le pacte constitutionnel se trouverait en opposition
+avec le concordat, celui-ci l'emporterait sur celui-là.
+</p>
+ <p>
+Le gouvernement de Munich vient de décider que, désormais, en cas de
+conflit entre les lois du pays et la convention conclue avec le
+Saint-Siège, c'est la législation nationale qui passera la première.
+</p>
+ <p>
+Les feuilles libérales bavaroises espèrent que cette mesure est la
+préface de l'abolition complète du concordat.
+</p>
+
+<br><br>
+ <h3>
+COURRIER DE PARIS
+</h3>
+ <p>
+On a longtemps célébré la tendresse des habitants d'Enghien pour leur
+lac. C'était alors la seule merveille de l'endroit. Un jour, le conseil
+municipal avait posé deux plantons aux extrémités de l'amas d'eau;
+c'était afin de surveiller les passants. «Défense d'approcher du lac,
+sous peine de mort.» On aurait dit le Kisslar-Agha sur le seuil du
+sérail. Monsieur le maire, faisant sa tournée quotidienne, prenait plus
+grand soin du lac que de ses propres yeux. Quand le gros temps menaçait,
+si le vent jetait sur la rive un grain de poussière ou une feuille
+sèche, on voyait le magistrat descendre en toute hâte sur la grève; il
+tirait gravement son mouchoir de sa poche et se mettait à épousseter le
+lac, si cher à la commune. Un spectacle si touchant faisait à bon droit
+l'admiration de Gérard de Nerval, qui venait parfois rêver sur ses
+bords.
+</p>
+ <p>
+Aujourd'hui Enghien n'a plus à passer par ces transes; son lac est
+classé, adopté, arrivé, comme on dit; il n'a plus ni ses preuves, ni sa
+fortune à faire. Cependant, sous un autre rapport que celui de la
+feuille jaunie ou de la poussière qui pourrait ternir le miroir de ses
+eaux, voilà que la même vigilance jalouse se présente en ce moment pour
+les lacs du bois de Boulogne. Là aussi, on est exposé à se cogner contre
+des sentinelles rébarbatives; il y a une consigne d'un sens absolument
+asiatique. Aussitôt que la gelée blanche arrive, un jeune monsieur,
+habillé d'ours, ayant un stick à la main, vous crie: «Au large!
+N'empêchez pas la glace de se former.» Cet élégant quidam est ce qu'on
+appelle un semainier du <i>Club des Patineurs</i>.
+</p>
+ <p>
+La semaine passée, les fanatiques du patin ont éprouvé toute une série
+de fausses joies. Sur la foi de l'almanach, on attendait la glace.
+Gèlera-t-il? ne gèlera-t-il pas? Un rat de l'Observatoire s'était quatre
+fois peigné l'oreille gauche avec sa patte de derrière; c'était signe
+qu'il y aurait pendant dix jours vingt-cinq degrés au-dessous de zéro,
+juste la température du Gr&oelig;nland. Dès ce moment, on signale dans les
+régions aristocratiques un mouvement rapide; ce serait à qui arracherait
+ses patins du croc pour courir aux lacs. Tout le long au chemin, les
+amateurs faisaient le plus possible la mine des gens de la Finlande
+courant sur leurs blocs glacés. Un chien errant qui venait à eux leur
+faisait déjà l'effet d'un renard bleu de la Laponie. Au bois, il a fallu
+en rabattre. Cette gelée n'avait rien de sérieux. Le rat de
+l'Observatoire est un farceur qui a pris plaisir à mettre ainsi dedans
+l'élite du beau monde.
+</p>
+ <p>
+Je suis volontiers de ceux qui compatissent aux tristesses du <i>Club des
+Patineurs</i>, car enfin il a contribué jadis à donner à notre Paris une
+très-grande animation, des fêtes, de beaux jours, ou, si vous l'aimez
+mieux, de belles nuits. Institué en 1860, en même temps et dans le même
+local que le Tir aux pigeons, il avait et il a encore, jusqu'en 1885, la
+jouissance exclusive d'un bassin construit sur la pelouse de Madrid. Il
+disposait et il dispose encore, par surcroît, de deux autres bassins
+dans le bois de Boulogne. Tous les grands noms du sport se sont
+empressés d'allonger la liste déjà brillante de ses fondateurs. Et comme
+il arrive toujours en ces sortes de choses, la mode s'en est mêlée; on
+s'est mis à aimer la course en zigzags sur la glace; Paris n'était plus
+qu'un gymnase de patineurs de l'un et de l'autre sexe.
+</p>
+ <p>
+Cherchez bien, vous retrouverez dans quelque coin de votre mémoire
+l'image encore vivante d'une de ces soirées où de longues files de
+voitures conduisaient au bout de l'avenue de l'Impératrice les beaux et
+les belles, les fous et les folles, ce qu'on appelle «le monde où l'on
+s'amuse». En ce temps-là, le <i>Club des Patineurs</i> annonçait ses
+exercices par une affiche, absolument comme l'Opéra annonçait un ballet
+nouveau et le cirque les débuts d'une écuyère. Il y avait souvent de
+vives surprises. Une fois c'était une double rangée de flambeaux,
+disposés comme un supplément aux étoiles; une autre fois c'était un
+double quadrige des dames de la cour, se présentant en traîneaux russes
+comme si l'on eût amené la Néwa chez nous.
+</p>
+ <p>
+Ces nuits, le <i>Club des Patineurs</i> a rêvé de les refaire. Pour y
+parvenir, une condition est indispensable: la glace. Il faut que les
+deux lacs gèlent. Jugez de l'impatience des fanatiques! La période
+hivernale va du 15 décembre au 15 janvier, et encore pas toujours. S'il
+doit y avoir des frimas, c'est pendant ce laps de temps, ou bien il n'y
+en aura point. Tous les matins, à leur lever, les coryphées du club sont
+aux aguets.--Où en est-on? Sommes-nous en Sibérie ou toujours en
+Picardie? Neige-t-il? Gèle-t-il? Y a-t-il de la glace? Interrogez les
+astronomes ou les ours blancs du Jardin des Plantes.--Eh bien, jusqu'à
+ce jour, on a eu beau faire; il n'y a eu que quelques pincées de givre.
+Il n'a gelé que pour rire.--Eh! mon Dieu! pourquoi ne pas appeler au
+bord des lacs tels et tels orateurs de Versailles; les deux nappes d'eau
+ne tarderaient pas à être glacées.
+</p>
+ <p>
+Si les patins sont tristes, la fourchette, par contre, est en plein
+mouvement et en pleine allégresse. Pour le quart-d'heure, on ne songe
+qu'à se mettre à table. Grand dîner chez le maréchal de Mac-Mahon,
+président de la République; grand dîner chez M. Buffet, président de
+l'Assemblée nationale; grand dîner chez le duc de Broglie,
+vice-président du conseil des ministres; grand dîner à l'ambassade
+d'Angleterre; grand dîner chez le comte Orloff, ambassadeur de Russie;
+vingt-cinq repas de corps; premiers soupers de carnaval, et cetera, et
+cetera. Ne craignez rien néanmoins au point de vue des
+approvisionnements. Jamais Paris n'aura reçu tant de bourriches. On ne
+voit partout que grosses têtes: daims, cerfs, sangliers. Le poisson de
+mer et d'eau douce arrive par centaines de tonnes. Les marchands de
+comestibles commencent même à exhiber des tortues énormes. Gavarni
+conseillait la soupe à la tortue aux artistes, aux amoureux, aux
+politiques, à tous ceux qui ont besoin d'être fous. «Vous savez qu'elle
+ne va pas sans une poignée de gingembre», disait-il. En fait de gibier à
+plumes, la gamme est des plus riches. Cela va de l'outarde à
+l'allouette, cette succulente messagère du point du jour. Que de
+perdreaux on a rôtis cette semaine! Et les pâtés! il y en a une variété
+qui prime même celle des roses! Ajoutons que, dans notre enceinte, il y
+a 30,000 cuisiniers toujours sous les armes (il ne faudrait pas compter
+moins de 100,000 cordons bleus). Enfin la ville est plus que jamais
+celle dont l'auteur de <i>Gargantua</i> a écrit: «Ici on donne tout à la
+tripe (au ventre)». C'est probablement pour cette raison qu'a été tracé
+ce billet, envoyé à un éditeur:
+</p>
+ <p>
+«Retardez, je vous prie, d'un mois, la publication de mon nouveau roman.
+</p>
+ <p>
+Victor Hugo.»
+</p>
+ <p>
+Un grand homme qui ne serait pas content du tout, s'il vivait encore,
+c'est J.-J. Rousseau. Dans ce même théâtre du palais de Versailles où
+Marie-Antoinette se plaisait à faire jouer le <i>Devin du village</i>, ces
+jours-ci, pendant une séance de l'Assemblée nationale, on a tout à coup
+interpellé l'ombre du citoyen de Genève, et on lui en a dit de toutes
+les couleurs. L'auteur de la <i>Nouvelle Héloise</i>, tant aimé de nos pères,
+a donc été traité du haut en bas par les petits-fils. Un jour, on lui a
+dressé une statue par souscription nationale; un autre jour, il a été
+mis au Panthéon; à présent, il serait jeté à la voirie, si un zélé ne
+s'était pas mis en mesure de brûler ses ossements et ceux de Voltaire.
+Tel est le revirement des choses humaines. Mais, voyons, puisque ceux
+qui discourent si bien aujourd'hui contre lui ne peuvent l'atteindre en
+chair et en os, que ne font-ils effacer son nom, imprimé aux quatre
+coins d'une de nos rues?
+</p>
+ <p>
+Dans des mémoires relatifs au premier empire, on lit qu'à cette époque
+déjà, un mouvement de recul s'étant manifesté, ceux qui entouraient la
+personne de l'empereur s'emportaient tout haut contre le philosophe.
+Napoléon n'aimait pas J.-J. Rousseau, qu'il trouvait trop pompeux et
+trop rigide; il préférait Voltaire, cent fois plus accommodant. Pour
+mettre fin à la discussion, un soir, à Compiègne, dans un souper de
+chasse, il dit, en s'adressant à M. Stanislas de Girardin:
+</p>
+ <p>
+--Je ne l'aime pas, votre Jean-Jacques. Il ne peut écrire dix lignes
+sans y mettre le mot de vertu, et puis c'est lui qui est cause de la
+Révolution.--Il est vrai, se hâta-t-il d'ajouter en riant, que j'y ai
+attrapé le trône.
+</p>
+ <p>
+En finira-t-on avec les papiers posthumes ou soi-disant tels? La mode
+veut maintenant que du jour où un écrivain de quelque célébrité est
+mort, on imprime jusqu'à la plus insignifiante des pattes de mouches
+qu'il a laissées. Sans doute il arrive parfois que l'histoire littéraire
+et l'art s'en trouvent bien, ainsi qu'on vient de le voir par la
+correspondance de Prosper Mérimée avec une Inconnue. Mais pour un succès
+combien de platitudes? que d'abus!
+</p>
+ <p>
+Dans les derniers temps de sa vie, voyant que cette pratique était déjà
+en honneur, Alfred de Musset mit sa constante sollicitude à s'en
+défendre; il se surveillait lui-même au point de ne vouloir plus tracer
+une ligne.
+</p>
+ <p>
+--Tant pis, disait-il à T***, je ferai à l'avenir mes commandes de vive
+voix; je ne veux plus me permettre même une lettre à mon bottier.
+</p>
+ <p>
+On a su depuis pourquoi le poète était devenu à ce point hydrophobe
+d'encre appliquée aux petits incidents de la vie. Le catalogue du
+libraire G*** a fait là-dessus des révélations. Un jour, entre autres
+lettres curieuses, on en mettait une en vente; c'était une épître que
+l'auteur de <i>Rolla</i> avait écrite de force, à la suite d'un guet-apens.
+Le papier en question existe encore. Il figure dans la collection de M.
+R***, qui a bien voulu en autoriser la transcription.--La secrète et
+légitime antipathie d'Alfred de Musset pour les paperasses littéraires y
+est très-nettement spécifiée, ainsi que vous allez le voir.
+</p>
+ <p>
+Nota.--A l'exemple d'Horace, de Martial et de Boileau, il avait été
+invité à dîner; c'est là le guet-apens. Au dessert, on lui avait planté
+à la main une plume de fer, l'instrument du supplice.
+</p>
+ <p>
+D'où le morceau qui suit:
+</p>
+ <p>
+«Paris, 5 mars 1849,
+</p>
+ <p>
+«D'une maison de la rue des Bons-Enfants.
+</p>
+ <p>
+«Sur la mort d'un parapluie,
+</p>
+ <p>
+«Ayant, dis-tu, besoin d'un autographe de moi, ton ancien camarade de
+collège, tu me demandes de t'écrire une lettre. Une lettre! Il faut
+qu'elle ait l'air d'être sérieuse et qu'elle ne le soit pas pour tout de
+bon. Pour que! motif, sur quel thème aurai-je à faire ainsi une page ou
+deux? Je n'en sais absolument rien. Je suis comme un homme que la
+patrouille conduirait au violon parce qu'un autre aurait cassé un
+carreau de vitre au cabaret.
+</p>
+ <p>
+«Tu me dis:--Aie recours à quelque truc d'imagination.
+</p>
+ <p>
+«Soit.
+</p>
+ <p>
+«Eh bien, je me fais auteur en ta présence, puisque tu m'as mis un
+couteau à découper sous la gorge; j'imagine, j'invente, je suppose; je
+fais &oelig;uvre de p&oelig;te.
+</p>
+ <p>
+«Prenons que je suis un bon bourgeois et que j'aie perdu mon parapluie;
+c'est à toi que je m'adresse pour savoir si c'est un parapluie mort ou
+encore en vie.
+</p>
+ <p>
+«Je te dis donc en propres termes, sur le ton d'un confident du
+Théâtre-Français.
+</p>
+ <p>
+«Cher monsieur, il vient de m'arriver le plus grand des malheurs: j'ai
+perdu mon parapluie.
+</p>
+ <p>
+«Ah! c'était un parapluie superbe! Point de coton, tout en soie. Des
+baleines en os de baleine. Un vrai poème. On voudrait me donner les
+&OElig;uvres complètes de mes trente-neuf confrères de l'Académie française
+en échange de cet incomparable rifflard que je n'accepterais pas.
+Voyons, oui ou non, l'avez-vous trouvé?
+</p>
+ <p>
+«Si vous ne l'avez pas trouvé, c'est un parapluie mort; je n'ai plus
+qu'à acheter une canne-fusil pour me brûler la cervelle.
+</p>
+ <p>
+«Avant d'en venir là, sachant mon métier, je voudrais faire son
+épitaphe. Mais encore je ne sais pas où je devrais faire graver ces deux
+vers, en style lapidaire, puisque j'ignore où reposent ses restes?
+</p>
+ <p>
+«N'importe, écrivons toujours l'épitaphe.
+</p>
+ <p>
+«Ci-gît l'innocent parapluie Que je n'ai jamais vu de ma vie.
+</p>
+ <p>
+«Et je signe pour qu'il ne manque rien à l'autographe:
+</p>
+ <p>
+«Alfred de Musset,»
+</p>
+ <p>
+Qu'est-ce que vous dites de ça, amateurs de la littérature
+d'outre-tombe?
+</p>
+ <p>
+Et bien, toujours, toujours, toujours des autographes!
+</p>
+ <p>
+Rue Drouot, à l'Hôtel des commissaires priseurs, à la vente des livres
+du pauvre Emile Gaboriau, on a montré le joli billet que voici,
+chef-d'&oelig;uvre d'une actrice bien connue.
+</p>
+ <p>
+C'est une interpellation à une modiste.
+</p>
+ <p>
+«Paris, le 7 avril 1867.
+</p>
+ <p>
+«Madame S***,
+</p>
+ <p>
+«Veuillez, je vous prie, me faire sans retard un chapeau exactement
+semblable au dernier que vous m'avez fourni.
+</p>
+ <p>
+«Compliments empressés.
+</p>
+ <p>
+«Hortense Schneider de Gérolstein.»
+</p>
+ <p>
+Voilà qui est drôle sans doute, mais il y a des précédents.
+</p>
+ <p>
+Au commencement de la Restauration, Mme la maréchale Soult avait eu
+occasion d'écrire à Mlle Bourgoin, de la Comédie-Française, pour la
+prier de venir déclamer des vers à une de ses soirées. La duchesse avait
+signé son billet: <i>Sophie de Dalmatie</i>. Quant à l'actrice, qui avait au
+plus haut point l'esprit de répartie, elle signa sa réponse: <i>Iphigénie
+en Aulide</i>.
+</p>
+ <p>
+--C'est une vieille histoire qui a amusé tout Paris pendant huit jours.
+</p>
+ <p>
+Philibert Audebrand.
+</p><br><br>
+
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/002.png"><br><b>PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE.--Lecture de l'arrêt au condamné.</b>
+</p>
+<br><br>
+
+ <h3>P. BLANCHARD</h3>
+
+ <p>Le monde des artistes vient de faire une perte nouvelle, et qui sera
+plus cruellement sentie à l'<i>Illustration</i> que partout ailleurs. M.
+Pharamond Blanchard est mort cette semaine, à l'âge de soixante-neuf
+ans. C'était à la fois le plus érudit et le plus charmant des hommes. Il
+causait de toutes choses avec un art infini, il avait des jugements
+très-sûrs et des anecdotes toutes prêtes sur tous les sujets. <i>Quiconque
+a beaucoup vu....</i> dit La Fontaine; M. Blanchard avait beaucoup vu et
+pour donner raison au fabuliste, beaucoup retenu. Que de fois nous avons
+pris plaisir à l'écouter! Dans le recueil de lettres de Prosper Mérimée
+qui vient de paraître sous ce titre, <i>Lettres à une inconnue</i>, il est
+question d'un «M. Blanchard» qui étonne Mérimée lui-même et qui le
+charme en lui parlant de m&oelig;urs et de pays peu connus. C'était notre
+collaborateur et nous pouvons dire notre vieil ami que désignait ainsi
+l'auteur de <i>Colomba</i>.
+</p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/003a.png"><br>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<b>BLANCHARD.</b></p>
+
+ <p>Pharamond Blanchard était né en 1805 à Lyon. Il avait étudié dans
+l'atelier de Gros et il avait gardé le respect de cet enseignement
+solide. En quittant son maître, Pharamond Blanchard avait commencé par
+être peintre de décors. Nous nous souvenons lui avoir entendu conter
+qu'il travailla sous la direction du baron Taylor qui avait installé une
+sorte de théâtre étonnant où les décorations prenaient, grâce à un
+système particulier d'optique, l'intensité de réalité que donne le
+diorama. Il y avait à une vue de Jérusalem, aperçue du haut d'une
+terrasse, à laquelle M. Blanchard avait grandement collaboré et qu'il
+citait, en causant, comme un de ses titres de gloire.
+</p>
+
+ <p>J'ai répété le mot «en causant». C'est que cet artiste infatigable, ce
+producteur dont on trouverait le nom, on peut le dire, presqu'à chaque
+page de l'<i>Illustration</i>, au bas d'un nombre infini de scènes de
+voyages, de paysages, ce peintre était aussi un causeur exquis, et
+j'ajoute, un écrivain véritable. Maintes fois, en effet, il a jeté sur
+le papier, non plus seulement avec le crayon, mais avec la plume des
+souvenirs et des impressions de voyages, et toujours il a su intéresser
+et charmer. Il fallait l'entendre avec sa voix d'une bonhomie railleuse,
+tombant de ses lèvres arguées par un sourire, raconter ses journées de
+touriste en Russie, en Orient, au Mexique, en Espagne, au Caucase! Ses
+yeux, derrière ses lunettes, prenaient alors une expression pétillante
+de douceur malicieuse. Il savait et parlait plusieurs langues et
+entremêlait ses récits pittoresques de citations, de dictons, de
+proverbes, de refrains exotiques.</p>
+<br><br>
+<p class="mid"><img alt="" src="images/003b.png"><br><b>PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE.--Salle des réunions du
+conseil.</b></p>
+<br><br>
+ <p>Blanchard était né voyageur, mais la façon dont il fit son voyage au
+Caucase peint tout à fait son caractère et le charme personnel que
+possédait ce brave et honnête homme. Il était parti pour la Russie avec
+la mission de rendre compte à l'<i>Illustration</i> des fêtes données à
+Saint-Pétersbourg à l'occasion du sacre du czar. Blanchard envoyait ici
+ses croquis et il avait annoncé qu'il ne resterait dans le Nord que
+quinze jours. Il y resta trois ans. Un gentilhomme russe se prit pour
+lui d'une belle amitié et l'emmena, bon gré mal gré, au Caucase. Les
+semaines et les mois passaient et Pharamond Blanchard donna deux ans de
+sa vie à ce voyage d'où il revint en laissant là-bas des amitiés et des
+regrets sincères.
+</p>
+ <p>
+Et à propos de voyages, nous n'oublions pas nous-même l'excursion que
+nous fîmes ensemble, en 1866, pendant que grondaient en Bohême les
+canons prussiens et autrichiens. Nous allâmes aux fêtes séculaires
+données pour célébrer la réunion de la Lorraine et du Barrois à la
+France. De Nancy, nous allâmes à Metz qui était encore Metz la vierge.
+Que ce temps-là est loin! Une partie de la Lorraine est prussienne
+aujourd'hui, des Bavarois paradent à Metz, devant la statue de Ney, et
+notre gai compagnon de voyage, qui, levé bon matin, commençait aussitôt
+et conduisait jusqu'au soir ses amusantes histoires, Pharamond Blanchard
+a disparu, aimé de bien des gens et estimé de tous.
+</p>
+ <p>
+Nous ne saurions compter tout ce que Blanchard laisse après lui d'études
+de toutes sortes, de travaux achevés, de dessins, de tableaux. Aucune
+existence ne fut plus laborieuse et plus digne que la sienne; et
+l'<i>Illustration</i> perd là, avec un ami, un de ses plus chers et de ses
+plus dévoués collaborateurs.</p>
+
+ <p>Jules Claretie.</p>
+<br><br>
+ <h3>LA S&OElig;UR PERDUE</h3>
+
+ <h4>Une histoire du Gran Chaco</h4>
+
+ <p class="mid">(Suite)</p>
+
+ <p>Il allait dire:</p>
+
+ <p>«Si votre père avait été là, il ne lui aurait pas laissé remporter sa
+fourrure.»</p>
+
+ <p>En effet, si bon chasseur qu'il fût, Gaspardo avait trop souvent vu
+Halberger à l'&oelig;uvre pour douter de ce qu'il eût fait à sa place. Il
+n'était pas non plus sans regretter ce beau coup et certes il ne l'eût
+pas laissé échapper s'il n'eût eu à craindre que pour lui-même, et s'il
+n'avait dû penser avant tout aux jeunes gens qui lui étaient confiés.
+</p>
+ <p>
+Il garda donc pour lui le surplus de ses réflexions. Le brave homme ne
+voulait pas renouveler la douleur des jeunes gens, en évoquant un nom
+lié à de si chers et si cruels souvenirs.
+</p>
+ <p>
+«Caramba! reprit-il aussitôt. Il ne sera pas dit que j'abandonnerai
+cette tigresse aux fourmis, aux loups ou à toute autre vilaine bête qui
+aurait la chance de se promener par ici. Qui sait, d'ailleurs, si nous
+ne repasserons pas bientôt devant cette caverne? Quoi qu'il en doive
+arriver, je tiens à pouvoir un jour ou l'autre rentrer en possession de
+cette fourrure. J'ai tout le temps nécessaire pour la dépouiller avant
+que l'eau soit assez basse pour nous laisser traverser. Ainsi, à
+l'ouvrage.»
+</p>
+ <p>
+Tout en parlant il avait dégainé son grand couteau de gaucho et se
+mettait en devoir de dépouiller le jaguar. L'opération ne dura pas
+longtemps. La superbe fourrure avec ses mouchetures d'un noir de jais
+cédait rapidement sous ses doigts habiles, et bientôt la carcasse de la
+bête gisait nue sur le soi.
+</p>
+ <p>
+«Quant à cela, les saubas peuvent le prendre et s'en régaler, dit-il en
+montrant la chair encore fumante, et je ne les plaindrai pas; il y a
+telle occasion où des chrétiens s'en arrangeraient comme eux; je me
+souviens d'un temps où j'aurais été bien aise d'en avoir une tranche à
+griller. Oui, mes jeunes maîtres, dans ce même Chaco, j'ai vécu une
+semaine entière sur la carcasse d'une vizcacha (1) étique, sans compter
+le mal que je m'étais donné pour rattraper.
+</p>
+ <p>
+--A quelle époque, Gaspardo?» demanda Ludwig, intéressé malgré sa
+tristesse par les paroles du gaucho.
+</p>
+ <p class="mid"><span class="sml">
+<b>Note 1:</b> Le Vizcacha (Lagostamus tachodactylus), ressemble à un
+gros lapin, mais ses<br> incisives sont plus longues et sa queue est
+allongée.</span>
+</p>
+ <p>
+Ludwig avait les dispositions de son père; il aimait tout ce qui se
+rapportait à la nature ou aux luttes soutenues contre elle.
+</p>
+ <p>
+«Ma foi, senorito, l'affaire arriva il y a pas mal de temps. Mais
+l'histoire est trop longue pour que je vous la raconte aujourd'hui. Nous
+n'avons plus maintenant qu'à disposer cette peau de façon à ce qu'elle
+puisse sécher ici, à l'abri des indiscrets, et puis nous remonterons en
+selle.»
+</p>
+ <p>
+Prenant alors quelques bouts de corde dans son recado, il pratiqua
+quatre petits trous aux quatre extrémités de la dépouille de son jaguar,
+et la fixa à l'aide de ses cordes à des stalactites de la grotte, qui se
+trouvaient là tout à point pour lui remplacer les clous qu'il n'avait
+pas.
+</p>
+ <p>
+«C'est vraiment, dit-il en contemplant la peau faisant plafond au-dessus
+de sa tête, un séchoir digne d'elle. A cette place elle est hors de
+portée des saubas et des loups, et si personne qu'eux ne vient fourrer
+son nez par ici et se mêler de ce qui ne le regarde pas, elle pourra s'y
+garder des semaines sans se gâter. Les choses ne se détériorent pas dans
+une caverne comme en plein air; je ne sais pas pourquoi, c'est peut-être
+parce que le soleil ne les atteint pas.»
+</p>
+ <p>
+Ludwig aurait pu certainement expliquer le phénomène à son ami, mais il
+était un peu tard pour entreprendre son éducation scientifique, et il ne
+l'essaya pas. On peut voir d'ailleurs, que pour Gaspardo, l'expérience
+remplaçait la science.
+</p>
+ <p>
+En regardant une seconde fois au dehors, ils reconnurent que le torrent
+avait baissé assez de niveau pour leur permettre d'en suivre le bord.
+Aussi, sans perdre plus de temps, ils conduisirent leurs chevaux à
+l'entrée de la grotte, montèrent en selle et se remirent à chercher la
+piste des Tovas.
+</p>
+ <p>
+Ils avaient déjà descendu le cours du ruisseau jusqu'à son embouchure,
+et avaient gravi la berge du fleuve, sans être encore parvenus à
+retrouver les traces des cavaliers. L'ouragan de poussière et le déluge
+de pluie qui l'avait suivi, avaient effacé toutes les empreintes, et le
+gaucho semblait fort préoccupé.
+</p>
+ <p>
+«<i>Maldita</i>»! s'écria-t-il au moment où tous trois appuyant sur leur
+bride, s'étaient arrêtés comme d'un commun accord, interrogeant
+alternativement le sol et les regards de leurs compagnons. «Maldita! pas
+plus que moi, vous autres, vous n'avez rien vu?
+</p>
+ <p>
+--Faut-il nous arrêter, dit Ludwig, qui voyait bien que ses amis, tout
+comme lui-même, étaient fort inquiets de la piste perdue; faut-il
+vraiment nous arrêter?
+</p>
+ <p>
+--Nous arrêter! s'écria Cypriano. Pensez-vous, cousin, à abandonner la
+poursuite?
+</p>
+ <p>
+--Non, non; je ne veux pas dire cela.
+</p>
+ <p>
+--Plutôt que d'abandonner cette poursuite, continua le jeune Paraguayen
+sans attendre la réponse de Ludwig, je passerais le reste de mes jours à
+courir dans le Chaco. Je l'ai juré à votre mère, Ludwig; je ne
+retournerai à l'estancia que pour y ramener votre s&oelig;ur.
+</p>
+ <p>
+--Je suis aussi résolu que vous, cousin, répondit Ludwig, vous le savez
+bien; mais le Chaco est grand, et errer à l'aventure n'aboutirait à
+rien. S'il n'y a pas lieu de désespérer, il y a lieu du moins de
+réfléchir.
+</p>
+ <p>
+--Nous savons, reprit Cypriano, que Francesca est avec les Tovas. Ils
+forment une tribu nombreuse, et une tribu ne se cache pas indéfiniment
+dans un trou. Les Tovas ne sont pas gens à rester bien longtemps en
+place. Il y a toujours parmi eux quelque expédition en route. Nous
+finirons bien par en rencontrer une; et il ne nous en faut pas davantage
+pour nous remettre sur la voie du groupe principal.
+</p>
+ <p>
+--Hélas! répondit tristement Ludwig, il peut se passer longtemps avant
+que nous rencontrions un être humain dans cette affreuse solitude. Que
+fera ma pauvre mère jusqu'à notre retour? Je ne puis m'empêcher de
+songer à elle, qui est seule, si peu de temps après la mort de mon père,
+et avec sa tombe devant les yeux. Elle va croire que nous sommes perdus
+aussi. Si nous pouvions du moins lui envoyer quelqu'un pour lui dire que
+nous sommes tous bien portants!»
+</p>
+ <p>
+La tête du malheureux jeune homme, en prononçant ces mots, s'inclina sur
+sa poitrine, et une larme qu'il ne put retenir glissa de sa paupière.
+</p>
+ <p>
+Ludwig adorait sa mère. L'idée qu'en leur absence quelque danger pût la
+menacer à son tour, le jetait dans une perplexité affreuse. Son c&oelig;ur
+avait été si profondément ému par la douleur dans laquelle il l'avait
+laissée à son départ, qu'il ne pouvait en chasser le souvenir. Le sort
+même de sa s&oelig;ur, si affreux qu'il pût être, ne pouvait le tourmenter
+davantage. C'était une innocente enfant, et personne, pensait-il, pas
+même un sauvage, ne devait être capable de lui faire du mal. Il se
+plaisait à croire qu'elle ne courait d'autre danger qu'un prolongement
+de captivité. Sans doute, elle aussi, devait être dévorée de soucis;
+elle avait vu de ses propres yeux un spectacle plus horrible encore,
+s'il était possible, que celui auquel ils avaient assisté; mais Ludwig
+qui ne pouvait rien savoir de la mort de Naraguana, comptait encore
+fermement que l'amitié que le chef avait toujours eue pour son père,
+serait une sauvegarde pour sa s&oelig;ur. Dans sa pensée, les auteurs du
+guet-apens dans lequel avait péri son père, et qui avait eu pour suite
+l'enlèvement de Francesca, devaient déjà avoir été punis par
+Naraguana.--Qui sait même si, pendant qu'ils couraient à la recherche de
+la malheureuse enfant, cet ami fidèle et si souvent éprouvé, ne l'avait
+pas rendue à sa mère.--Il se jeta dans les bras de Cypriano.
+</p>
+ <p>
+«Cousin, lui dit-il, vous avez été orphelin de si bonne heure, que vous
+ne savez pas ce que peuvent être pour un fils un père comme le mien, et
+une mère comme celle que j'ai peut-être eu tort d'abandonner à son
+désespoir.
+</p>
+ <p>
+--Je sais, Ludwig, répondit Cypriano, tout ce que valait, et pour vous
+et pour moi, celui que nous avons perdu. Je sais ce que vaut votre mère;
+n'a-t-elle pas été une seconde mère pour moi? Je partage votre angoisse.
+Je voudrais être, ainsi que vous, tout à la fois à l'estancia pour y
+pleurer avec ma tante, et au c&oelig;ur de la tribu des Tovas, pour leur
+arracher Francesca. Mais entre deux devoirs également impérieux, il faut
+choisir et, le choix fait, il faut persévérer. Votre mère est entourée
+de serviteurs fidèles cl dévoués; Francesca est entre les mains des
+assassins de votre père. Le choix peut-il être douteux?»
+</p>
+ <p>
+Ludwig se redressa sur ses étriers, et fixant les yeux dans la direction
+probable de l'estancia, il envoya de la main, à travers l'espace, un
+baiser à celle qui occupait sa pensée.
+</p>
+ <p>
+«Ma mère, dit-il, ma chère mère, vous seule pourriez comprendre mes
+hésitations, et les absoudre!»
+</p>
+ <p>
+Après quoi frappant sur l'épaule de Gaspardo, qui pendant toute cette
+conversation était resté plongé dans de profondes réflexions:
+</p>
+ <p>
+«Marchons, dit-il; marchons en aveugles, s'il le faut.
+</p>
+ <p>
+--Pas précisément en aveugles, senorito! interrompit le gaucho, pas
+précisément. Nous avons un guide, peut-être n'est-il pas des meilleurs
+ni des plus sûrs; mais enfin, c'est toujours plus et mieux que rien.
+</p>
+ <p>
+--Lequel? s'empressèrent de demander les deux cousins.
+</p>
+ <p>
+--Le fleuve! répliqua Gaspardo. Mon avis est que nous pouvons nous y
+fier encore pendant quelque temps. D'après les traces laissées par les
+brigands jusqu'au moment où nous les avons perdues, je suis persuadé
+qu'ils ont longé le Pilcomayo en le remontant. La tormenta a duré une
+heure, et comme nous, ils se seront arrêtés quelque part. S'ils n'ont
+pas quitté le bord de l'eau avant le commencement de la tempête, nous
+allons retomber sur leur piste, que le sol humide, mais non plus
+détrempé, nous rendra d'autant plus facile à suivre. Si nous la
+retrouvons, nous prendrons le galop; et peut-être atteindrons-nous les
+Indiens avant la nuit. Je suis sûr qu'ils ont passé ici depuis le lever
+du soleil. Evidemment ils ne se pressaient pas, puisqu'ils avaient
+relativement peu d'avance sur nous.
+</p>
+ <p>
+--Dieu le veuille, s'écria Cypriano en réponse à l'observation du
+gaucho. En avant! reprit-il avec impétuosité; et sans attendre que
+Gaspardo eût répliqué, il enfonça ses éperons dans le ventre de son
+cheval et partit le long du fleuve, suivi de près par ses deux
+compagnons.</p>
+
+<p>Mayne Reid.</p>
+
+ <p>(La suite prochainement.)</p>
+
+<br><br>
+
+ <h3>UN VOYAGE EN ESPAGNE<br>
+PENDANT L'INSURRECTION CARLISTE</h3>
+
+ <p class="mid">(Fin.)</p>
+
+ <p>En quittant Pampelune, à mon tour, pour me rendre à Vitoria, où se
+concentrait, m'assurait-on, l'armée du Nord, je pus me convaincre sur
+toute ma route de l'effet magique produit par l'ordonnance royale
+précitée. Partout je rencontrais des groupes de montagnards qui,
+désertant leurs villages, allaient s'enrôler dans des bandes, et cela
+ostensiblement et en chantant la chanson basque: <i>Le retour du roi</i>.
+Dans le train que je pris de Pampelune à Alsasua, sur la ligne de
+Saragosse, je fis le voyage avec une centaine de ces enrôlés
+volontaires, qui ne cachaient nullement le but de leur voyage. Arrivés à
+Alsasua, ils quittèrent le train pour se jeter dans les montagnes, et
+cela, malgré la présence de la brigade de Loma, qui campait à cette
+station. Il était impossible que les chefs de la troupe régulière
+ignorassent l'intention de ces montagnards, armés de bâtons et portant
+des sacs en toile, et qui, du reste, ne se gênaient pas dans leurs
+manifestations carlistes. On les laissa néanmoins passer fort
+tranquillement.
+</p>
+ <p>
+Cet élan général des populations rurales était imité, au surplus, par
+les jeunes gens et les hommes des classes élevées. L'aristocratie
+carliste elle-même entretenait et propageait le feu sacré de la guerre
+civile. Un des traits principaux qui distinguent les notabilités du
+parti légitimiste en Espagne est leur dévouement sans bornes à la
+défense de leur cause, même au préjudice de leurs plus chers intérêts.
+Je n'en citerai qu'un exemple; il pourra donner une idée de la foi
+ardente qui les anime à l'égard de leur roi.
+</p>
+ <p>
+A peu de distance de Tafalla s'élève, dans un vallon délicieux, un
+château mauresque, ou plutôt un palais d'été qu'on appelle dans la
+contrée <i>el Buen-retiro</i> de la duchesse de M***. Me trouvant de passage
+dans les environs, à la suite d'une colonne commandée par le <i>cabecilla</i>
+Rada, il me fut donné de visiter cette résidence véritablement royale.
+La duchesse, devenue la providence de l'insurrection, l'habitait de
+préférence à son hôtel de Madrid. Un officier carliste voulut bien me
+présenter à la jeune châtelaine, âgée à peine de vingt-cinq ans et dont
+le mari occupait un poste de confiance auprès du prétendant. Elle daigna
+nous recevoir dans un salon de forme à demi-circulaire qu'on aurait pu
+prendre, à son agencement, aux meubles qui le garnissaient, et surtout à
+la lumière du jour qui y pénétrait par le plafond à travers des vitraux
+de couleurs différentes, pour un boudoir ou mieux encore pour un
+oratoire.
+</p>
+ <p>
+Après une conversation qui dura une demi-heure et dont le sujet
+principal fut la campagne qui s'ouvrait sous les auspices du roi en
+personne, les résultats qu'on s'en promettait et les espérances qu'elle
+offrait en perspective, la duchesse se leva de son fauteuil moyen âge,
+et s'adressant à l'officier et à moi:
+</p>
+ <p>
+--Permettez-moi, messieurs (<i>senores</i>), nous dit-elle avec une grâce
+exquise, de vous faire admirer ma galerie de tableaux.
+</p>
+ <p>
+Et précédés d'un majordome tout galonné qui souleva les portières qui
+cachaient l'issue de la galerie, nous y entrâmes ensemble. Autant la
+lumière du jour était affaiblie dans son salon, autant elle éclatait
+dans cette nouvelle pièce éclairée par un ciel ouvert qui avait été
+ménagé dans toute sa longueur. De chaque côté des murs recouverts de
+riches tapisseries apparaissaient deux rangées de tableaux dont le
+nombre et la variété éblouissaient la vue: et, se faisant notre
+cicerone:
+</p>
+ <p>
+--Vous voyez ici, nous dit la duchesse, un tableau de Vélasquez qui fut
+commandé à ce grand maître par un de mes ancêtres. Ce Murillo a été
+peint exprès pour ma famille. Le Ribeira qui vient après est le
+chef-d'&oelig;uvre de ce peintre; il a été donné à mon bisaïeul par notre bon
+roi Charles IV.
+</p>
+ <p>
+Et successivement elle passa en revue toutes les toiles, assignant à
+chacune d'elles son origine, émettant son avis et nous demandant le
+nôtre qui, comme on le pense bien, ne différait guère de celui de la
+duchesse. Nous passâmes ainsi en revue une soixantaine de tableaux dont
+j'avais hâte, pour ma part, de voir la fin. Nous arrivâmes devant la
+dernière toile, tout récemment peinte. C'était le portrait en pied de
+Charles VII, le prétendant au trône d'Espagne, qui se trouvait, en ce
+moment, à la tète de l'insurrection carliste.
+</p>
+ <p>
+--Je vous présente, nous dit-elle en s'inclinant profondément devant le
+tableau, l'image du roi d'Espagne, en dépit du statut royal, de la reine
+Isabelle et de la république fédérale. Dieu, le peuple et le bon droit
+sont pour lui, et sa cause légitime a, pour elle, la fortune et la vie
+de tous les bons Espagnols. Sa ressemblance est frappante!
+</p>
+ <p>
+En prononçant ces mots, les traits impassibles de la duchesse s'étaient
+tout à coup animés; ses yeux vifs lançaient des éclairs et tout son
+corps frêle et gracieux s'agitait convulsivement, comme si un esprit
+fatidique l'eût animé. J'avais devant moi le fanatisme politique dans la
+personne d'une faible femme qui personnifiait en ce moment tout son
+parri.
+</p>
+ <p>
+La visite des tableaux terminée, nous prîmes congé de la duchesse de
+M***, l'officier, pour aller rejoindre sa bande, et moi, pour continuer
+mes excursions de journaliste et de correspondant.
+</p>
+ <p>
+J'arrivais à Vitoria, capitale de l'Alava, le 10 du mois de juillet. Je
+m'attendais à y trouver une partie des troupes qui devaient composer
+l'armée du Nord et dont la concentration, au dire des journaux
+espagnols, s'y opérait depuis plusieurs jours. Quelle déception! Toute
+l'armée du Nord se bornait à une simple brigade d'infanterie, à un
+détachement de cavalerie et à une vingtaine de soldats du génie. Les
+populations montraient, au reste, au sujet de l'armée du Nord, et
+généralement à l'égard de tout ce qui touche à la politique et aux
+affaires du pays, une indifférence incompréhensible.
+</p>
+ <p>
+Tandis que dans tous les pays libres, et surtout en France, les masses
+se préoccupent de la conduite du gouvernement, le peuple espagnol
+semble, par son apathie naturelle, se complaire à y rester complètement
+étranger. Je puis invoquer comme preuve à l'appui de cette assertion le
+peu d'influence qu'exerce la presse périodique sur l'esprit public.
+C'est à peine si dans les grands centres on reçoit un ou deux journaux;
+quant aux petites localités et aux campagnes, le journal y est une chose
+inconnue. Aussi ne se publie-t-il à Madrid que cinq ou six journaux qui
+aient une certaine importance par leur tirage, tels que la <i>Epoca, la
+Discussion, el Tiempo, la Reconquista</i> et la <i>Correspondencia</i>: et ils
+n'ont cette importance que parce qu'ils sont les organes des quatre
+grands partis qui se disputent les destinées de l'Espagne. La
+<i>Correspondencia</i>, le plus répandu de tous, n'est qu'un <i>Journal de
+faits</i> qui ne doit sa grande vogue qu'à son habile compilation et à son
+extrême bon marché.
+</p>
+ <p>
+Excepté donc Madrid, les autres villes de province n'ont pas de journaux
+politiques ou ne publient, sous le nom de <i>Diario</i>, que des feuilles
+insignifiantes. Un docteur de la Faculté de Salamanque, homme de
+beaucoup d'esprit, auquel je faisais part de mes observations sur cette
+indifférence des Espagnols à l'endroit de la presse, me répondit fort
+méchamment:
+</p>
+ <p>
+--En France, le peuple fait trop de politique; en Espagne, il n'en fait
+pas assez; mais à tout prendre, j'aime mieux l'indifférence du peuple
+espagnol, car je ne vois pas que les affaires du gouvernement marchent
+mieux chez vous que chez nous.
+</p>
+ <p>
+A partir de l'entrée du prétendant sur le territoire espagnol, les
+carlistes n'ont cessé d'agrandir le cercle de leurs opérations
+militaires, dont j'ai pu constater, sur les lieux, les différentes
+phases. Ils se sont rendus maîtres successivement: d'un côté, de la
+route de Pampelune et des contrées environnantes, depuis le Bazlan et le
+Val-Carlos, le long de la frontière, jusqu'au pont de Behobie; de
+l'autre, d'une grande partie du Guipuzcoa et de la Biscaye, du moins de
+leurs principaux centres. Estella, qui est une petite place forte, est
+tombée et restée en leur pouvoir. Ils tiennent la campagne dans l'Aragon
+et la province de Santander, et dans celle de Burgos; leurs bandes
+parcourent impunément et sans trouver une trop grande résistance, les
+provinces de Huesca, Lérida, Tarragone et Barcelone.
+</p>
+ <p>
+Aux armes qui leur arrivent de l'étranger, il faut ajouter que les
+carlistes, dont l'armement laissait beaucoup à désirer dès les débuts de
+la campagne, fabriquent eux-mêmes des armes dans les pays qu'ils ont
+conquis. Ils ont établi à Vera, dans une ancienne usine métallurgique,
+une fabrique de munitions de guerre où travaillent une centaine
+d'ouvriers; à Areso, petite localité située à trois lieues de Tolosa,
+fonctionne une fabrique de canons qu'ils y ont tout récemment installée;
+enfin, à Eibar et à Placencia, anciennes fabriques d'armes appartenant à
+l'État et dont ils se sont emparés, on confectionne tous les jours des
+fusils, des baïonnettes et des sabres. Je dois reconnaître, il est vrai,
+que toutes ces conquêtes leur ont été facilitées par la désorganisation
+de l'armée régulière, dont il serait trop long de raconter ici les
+causes qui l'ont produite.
+</p>
+ <p>
+En résume, l'armée carliste s'élève, à l'heure qu'il est, à 45,000
+hommes environ, tant dans les provinces du Nord que dans celles de la
+Catalogne; et c'est dans l'espace de huit mois seulement que cette armée
+s'est formée, au milieu des embarras et des entraves de toute sorte.
+C'est donc contre cette formidable insurrection que le gouvernement de
+Madrid a, tous les jours, à lutter.
+</p>
+ <p>
+Quoi qu'il en soit, une prompte solution à cet horrible état de choses,
+se résumant par la guerre civile et l'anarchie, ne saurait longtemps se
+faire attendre, à moins que l'Espagne ne veuille plus compter au rang
+des nations civilisées. Quatre partis sont aujourd'hui en présence, et
+tous les quatre ont la prétention de donner à ce pays si troublé un
+gouvernement régulier.
+</p>
+ <p>
+--Quel est celui des quatre qui triomphera? demandai-je un jour au même
+docteur de Salamanque qui n'a pas une foi bien robuste dans la liberté
+de la presse.
+</p>
+ <p>
+--Voici quelle est, me dit-il, mon opinion à ce sujet:
+</p>
+ <p>
+«Don Carlos ayant franchi l'Ebre à la tête de ses troupes, en marche sur
+Madrid, parviendra-t-il à rallier l'opinion publique, fatiguée de
+révolutions et de guerres civiles, et sera-t-il acclamé roi d'Espagne,
+ainsi que le droit traditionnel peut le lui faire espérer? Alors, c'est
+la restauration monarchique qui monte avec lui sur le trône. Ce résultat
+est encore problématique.
+</p>
+ <p>
+«Faut-il croire que les <i>intransigeants</i>, qui composent le parti
+<i>communard</i> et socialiste, parviendront à établir le régime <i>cantonal</i>
+par le vol, l'incendie et le pillage dont ils viennent de donner tant de
+preuves? Je ne le pense point. Nous ne sommes pas encore, en Espagne,
+convertis aux idées démagogiques et matérialistes des libres penseurs.
+Ceux-ci ne peuvent donc tarder d'être domptés, soit par la force des
+armes, soit par la force de l'opinion publique.
+</p>
+ <p>
+«Le dictateur Castelar espère-t-il pouvoir consolider la <i>République
+fédérale</i>, ce rêve de quelques milliers d'insurgés qui croient qu'on
+transforme une monarchie en république, comme on résout un problème
+d'algèbre? C'est bien douteux. Pour arriver à ce but, il lui faut de
+l'argent; le trésor n'en a point et le crédit lui fait défaut.--Il s'est
+réservé le droit de destituer les ayuntamientos des provinces et les
+municipalités; mais le jour où il portera une atteinte à ces libertés,
+dont les populations des provinces sont si jalouses à bon droit, ce
+jour-là il aura tout le pays contre lui. Pour ces motifs et pour bien
+d'autres, la <i>République fédérale</i> est loin de pouvoir s'établir encore
+en Espagne.
+</p>
+ <p>
+«Il est un quatrième parti qui se cache dans l'ombre, paraissant ne pas
+conspirer et qui pourtant s'agite sans bruit et sans armes; c'est celui
+du prince Alfonse, fils et héritier de la reine Isabelle. Il ne veut pas
+arriver au pouvoir par ses propres forces, mais il compte beaucoup sur
+la force des événements. Le maréchal Serrano a été appelé à Madrid par
+Castelar; est-ce pour travailler à la consolidation de la République?
+Personne ne le pense en Espagne. Serrano est un en-cas que s'est réservé
+Castelar pour le jour où ses efforts républicains lui faisant défaut, il
+abandonnera, à son tour, le pouvoir, comme ont fait Orense, Pi y
+Margall, Figueras et Salmeron. Tout porte à croire qu'alors il mettra le
+fardeau de l'État sur les épaules du maréchal. Celui-ci acceptera-t-il
+cette transmission d'un pouvoir <i>in extremis</i>? Cela est possible et même
+probable; mais, dans tous les cas, ce ne sera jamais pour consolider une
+république quelconque.
+</p>
+ <p>
+«On peut donc, ajouta le docteur, considérer dès à présent, comme morte,
+la République en Espagne, et le rétablissement de la monarchie comme
+inévitable.»</p>
+<br><br>
+ <h3>ALMANACH DE L'ILLUSTRATION<br>
+POUR 1874</h3>
+
+ <p class="mid">(Trente et unième année)</p>
+
+ <p>L'Almanach de l'Illustration pour 1874 forme un bel album grand in-8°,
+magnifiquement illustré et doré sur tranches.--Prix: 1 fr.; par la
+poste, 1 fr. 25 c.</p>
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/004.png"><br><b>ÉVÉNEMENTS DE CUBA.--Exécution de l'équipage du <i>Virginius</i>, à Santiago
+de Cuba.</b></p>
+
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/005.png"><br><b>VIOLETTES</b></p>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i20"> Soit d'un époux, soit d'un amant.</p>
+<p class="i20"> C'est une lettre, assurément,</p>
+<p class="i20"> Qu'icy, la belle, on vous voit lire;</p>
+<p class="i20"> J'en juge par votre maintient.</p>
+<p class="i20"> Mais sçavoir ce qu'elle contient,</p>
+<p class="i20"> Bien fin qui pourroit le dire.</p>
+<br>
+<p class="i20"> (Poésie du XVIIIe siècle.)</p>
+</div></div>
+
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/006.png"><br><b>LES EXÉCUTIONS DE SANTIAGO DE CUBA.--Les cadavres foulés aux pieds des
+chevaux, après l'exécution.</b></p>
+
+<br><br>
+
+ <h3>LA VEILLE DU 1er JANVIER</h3>
+
+ <p>Pas plus tard qu'hier, je venais de rentrer chez moi, vers huit heures
+du soir; le feu était allumé, des livres non coupés, fraîchement sortis
+des mains du libraire, m'attendaient sur ma table de travail. C'était
+l'<i>Histoire d'une maison</i>, de Viollet-le-Duc; le <i>Tour du Monde</i>, de
+Jules Verne; la <i>Famille Chester</i>, de P.-J. Stahl et William Hughes;
+j'allais pouvoir me mettre à l'aise et lier connaissance, sans crainte
+d'être dérangé, avec les nouveautés de l'année, quand ma porte s'ouvrit
+et mon concierge apparut.
+</p>
+ <p>
+Il faut vous dire que mon concierge, au rebours de la majorité de ses
+collègues, est aussi ferré sur la consigne que le plus chevronné des
+sergents de l'armée française, et met à suivre les instructions de ses
+locataires autant d'enthousiasme que les autres en mettent à leur
+désobéir. Or, comme j'avais condamné ma porte pour tout le monde, à
+commencer par lui, je ne pus réprimer un mouvement de mauvaise humeur
+dont le brave homme ne parut pas s'émouvoir outre mesure.
+</p>
+ <p>
+--Faites excuse, Monsieur, me dit-il; mais c'est une lettre sur laquelle
+il y a écrit très-pressé, et le commissionnaire qui l'a apportée a dit
+qu'on vous attendait, sans faute, ce soir, rue <i>Turbot</i>.
+</p>
+ <p>
+--Vous voulez dire rue Turgot?...
+</p>
+ <p>
+--Je dis, Monsieur, ce que je veux dire... D'ailleurs Turgot n'aurait
+pas de sens.
+</p>
+ <p>
+A quoi bon discuter? Je pris le parti de noter le mot et je m'emparai du
+billet en question.
+</p>
+ <p>
+Il était ainsi conçu:
+</p>
+ <p>
+«Mon cher ami,
+</p>
+ <p>
+«Nous t'attendons sans faute ce soir. Il y a grand conseil de famille et
+toutes tes lumières ne seront pas de trop. Ne te fais pas attendre; il y
+va du plaisir d'Edouard, de Jujules et de Mimi. Si tu ne venais pas,
+nous serions forcés de remettre la séance à demain, et le temps presse.»
+</p>
+ <p>
+Je vous fais grâce du «tout à toi» de rigueur et de la signature.
+</p>
+ <p>
+L'auteur de ce mystérieux billet est un de mes vieux amis de collège.
+Nous avons traversé ensemble les plus rudes années de la vie; le même
+jour nous a vus bacheliers, le même jour nous a vus entrer lui dans te
+barreau, moi dans la presse. Avocat et journaliste, autant dire cousins
+germains. Il est vrai qu'il s'est marié et que je suis resté garçon; là
+cesse l'analogie, mais la paternité est un besoin si impérieux que les
+célibataires n'ayant pas toujours de descendance directe sur qui
+l'exercer se prennent à aimer les enfants des autres. Jujules était mon
+filleul, sa s&oelig;ur Mimi, une jeune personne âgée de quatre ans accomplis,
+se livrait depuis deux ans déjà à des prodiges d'équitation sur le bout
+de ma botte, et quant à Edouard, l'aîné de la famille, Dieu sait que de
+thèmes et de versions le brave petit était déjà venu me soumettre!
+</p>
+ <p>
+Vous pensez bien dès lors que cette invitation ne pouvait pas tomber
+dans l'oreille d'un sourd. Le temps d'endosser mon paletot et de prendre
+ma canne, j'étais parti, quand mes yeux avisèrent l'envoi de mon
+libraire.
+</p>
+ <p>
+--Un conseil de famille! à la veille du 1er janvier! Il y va du plaisir
+d'Edouard, de Jujules et de Mimi!... Plus de doute; c'est de la grande
+question des étrennes qu'il s'agit... Je le crois fichtre bien que mes
+lumières ne seront pas de trop, ni mes livres non plus. En route!
+</p>
+ <p>
+Plus heureux que certains capitaines, j'avais arrêté mon plan de
+campagne en un instant. Me voilà en route, mon artillerie sous le bras,
+et dix minutes après je faisais mon entrée dans le salon de la rue
+Turgot.
+</p>
+ <p>
+Une exclamation joyeuse salua mon apparition. Je ne pris que le temps de
+déposer dans un coin mon paquet de livres, de le dissimuler tant bien
+que mal sous mon chapeau, et, cela fait, j'offris mes deux mains aux
+mains amicales déjà tendues vers moi.
+</p>
+ <p>
+Mon ami et sa femme m'avaient attendu en toute confiance.
+</p>
+ <p>
+--Les enfants, me dit-il, ne doivent rien savoir de notre entretien.
+Mimi est au lit et dort sur ses deux oreilles; Jujules doit être en
+train d'imiter son exemple. Edouard est en tête à tête avec une version
+qui le tiendra jusqu'à dix heures au moins. Assieds-toi là; voilà un bon
+quart-d'heure que la discussion est entamée et nous n'avons pu nous
+mettre d'accord. Tu seras l'arbitre. En attendant, je donne la parole à
+ma femme.
+</p>
+ <p>
+Je m'installai au coin du feu, et, sans plus tarder, l'orateur désigné
+débuta en ces termes:
+</p>
+ <p>
+--Figurez-vous, mon ami, s'écria-t-elle, que cet entêté de Victor
+s'obstine à me contredire, sans l'ombre d'une bonne raison! Il s'agit
+des étrennes des petits. Savez-vous ce qu'il exige, mon mari? Tout
+simplement que pas un joujou n'entre dans la maison. Savez-vous ce qu'il
+veut leur donner? Des livres, rien que des livres, mon ami, comme si ce
+pauvre Edouard n'avait pas assez à faire toute l'année de lire ses
+livres de classe, comme si Jujules, avec ses quatre heures d'école par
+jour, n'en avait pas plein la tête de ses grammaires et de ses
+conjugaisons, comme si mademoiselle Mimi était d'âge à fourrer son petit
+nez dans un alphabet! Est-ce de la raison cela, oui ou non? Répondez!
+</p>
+ <p>
+--Halte-là, lui dis-je en riant, avant tout verdict, la justice exige du
+tribunal que parole soit donnée à la défense.
+</p>
+ <p>
+Mon ami n'eut garde d'obéir à l'invitation.
+</p>
+ <p>
+--Demande-lui plutôt de t'exposer son système. Nous ne sommes pas au
+bout.
+</p>
+ <p>
+--Mon système! reprit-elle avec sa volubilité ordinaire, il est
+très-simple, mon système! Depuis que le monde est monde et que le 1er
+janvier est le 1er janvier, les bébés n'en ont pas connu d'autre. Que
+leur faut-il à ces chers petits pour être heureux? De quoi satisfaire
+les exigences de leur âge, rien de plus, de quoi jouer, c'est-à-dire des
+jouets. Nous donnerons une belle poupée à Mimi, des soldats de plomb à
+Jujules, et un télégraphe électrique à Edouard. Une promenade chez
+Giroux pour voir les meilleurs des jouets nouveaux, et en moins d'une
+heure de temps l'affaire sera faite. Après cela, si mon mari tient
+absolument à des livres, je ne vois pas de mal, au contraire, à en
+mettre quelques-uns par-dessus le marché. Ça ne sera pas long. Qu'ils
+soient dorés sur tranche, avec de jolies images et une couverture
+solide, il n'en faut pas davantage. Il suffit d'écrire au premier
+libraire venu. Je ne suis pas entêtée et je ne chicanerai pas sur ces
+bagatelles. Mais là, sincèrement, croyez-vous que ce soit l'essentiel?
+</p>
+ <p>
+Mon ami me regarda en souriant. La question était posée avec toute la
+netteté désirable. Je ne pouvais me dispenser d'intervenir, d'autant
+plus que si le mari gardait le silence, quoique avocat, c'est qu'il
+avait évidemment déjà dépensé le meilleur de son éloquence en pure
+perte. Là où un avocat avait échoué, pouvais-je espérer de réussir? Je
+pris néanmoins mon courage à deux mains et sans plus de précautions
+oratoires:
+</p>
+ <p>
+--Laissez-moi vous le dire, chère Madame, l'arbitre n'est point de votre
+avis. Il l'est si peu qu'avant de venir à vous, se doutant bien un peu
+de ce qui allait se passer, il a eu soin de se munir de toute une
+kyrielle d'arguments reliés, en veau. Ils sont là-bas, dans un coin,
+sous mon chapeau. Je vais les étaler sur la table, nous les
+interrogerons en commun, et si après cela vous n'êtes pas ralliée à
+l'opinion de votre mari, qui est la mienne, je serai bien surpris et un
+peu mortifié, je l'avoue.
+</p>
+ <p>
+--Quoi! vous arriviez donc avec votre siège fait à l'avance!
+</p>
+ <p>
+--Nullement. Et pour vous le prouver, nous allons vider la question sans
+recourir à ces précieux auxiliaires. Voulez-vous que je m'ouvre à vous
+en toute franchise, et permettez-vous à un vieil ami de vous démontrer
+que dans votre petit discours de tout à l'heure, il y a presque autant
+d'hérésies que de mots?
+</p>
+ <p>
+--Allez! allez toujours!... me dit-elle en riant; voilà un début qui
+promet.
+</p>
+ <p>
+--Je commence. Votre mari n'a pas ouvert la bouche, et vous ne direz pas
+que nous nous sommes entendus à l'avance. Ainsi, d'après vous, les
+joujoux c'est l'essentiel, et les livres le superflu. Je ne veux pas
+médire des joujoux; je ne parlerai même pas de la dépense. Un nègre qui
+tire la langue a sa valeur; polichinelle n'a point démérité; les soldats
+de plomb alignés en bel ordre sur un tapis vert, c'est un jeu récréatif
+et inoffensif tout à la fois; la poupée de Mimi n'encourra pas mes
+colères, et si le télégraphe électrique d'Edouard n'est pas détraqué en
+huit jours, je me ferai un très-sincère plaisir d'expédier une
+dépêche...
+</p>
+ <p>
+--Eh bien, alors?
+</p>
+ <p>
+--Eh bien, alors, cela prouve que je sais faire des concessions, moi
+aussi. Si votre bourse vous permet de joindre l'utile à l'agréable, rien
+de mieux. Mais de grâce, ne venez pas me dire que l'utile est la
+bagatelle et l'agréable le nécessaire. Savez-vous où vous conduira ce
+beau système? A dépenser tout votre argent pour des superfluités qui
+dureront huit jours, et à consacrer quelques sous à ce qui devrait tenir
+la première place dans vos préoccupations. Qu'arrivera-t-il? C'est que
+vous mettrez une heure à parcourir la boutique de Giroux, et que vous
+emploierez deux minutes pour écrire à votre libraire de vous expédier
+«par-dessus le marché» quelques bouquins à belles images, dorés sur
+tranche, sans vous inquiéter du contenu? N'en avez-vous pas fait l'aveu
+tout à l'heure?
+</p>
+ <p>
+--Oh! nous choisirons bien un peu...
+</p>
+ <p>
+--Un peu! Et qui vous dit que ces livres, admis par faveur, par
+complaisance, sans grand examen, ne seront pas des hôtes factieux ou
+niais. Vous croyez sincèrement que l'enfant est insensible à ces
+cadeaux-là. Je pense pour ma part que ce sont ceux auxquels il tient le
+plus. En voulez-vous une preuve? Une anecdote vaut souvent mieux qu'un
+long plaidoyer. Je crois bien l'avoir déjà racontée quelque part, cette
+anecdote-là, mais peut-être ne la connaissez-vous pas?...
+</p>
+ <p>
+--Dites toujours, on vous écoute...
+</p>
+ <p>
+--C'était il y a un an, au 1er janvier. J'assistai à un dîner auquel
+avait été conviée toute une kyrielle d'enfants. Le maître de la maison,
+un père Cigogne par excellence, avait pris soin de placer aux côtés
+d'une charmante petite fille un petit monsieur de huit ans, bavard comme
+une pie, et nous comptions tous sur la rencontre, espérant que ce
+voisinage délierait une langue fertile en saillies inattendues. Mon
+bonhomme salua gravement sa voisine, mais ne dit pas un mot. Il semblait
+embarrassé; on eût dit qu'il cherchait dans sa mémoire un bout de phrase
+pour entamer l'entretien et qu'il ne le trouvait pas. Nous surveillions
+ce petit manège en faisant semblant de ne rien voir, ce qui est la
+meilleure façon de bien voir. Enfin notre héros prit son courage à deux
+mains;
+</p>
+ <p>
+--«Mademoiselle, dit-il tout à coup d'une voix ferme et avec le plus
+gracieux sourire du monde, <i>on met toujours-la valeur à côté de la
+beauté</i>.»
+</p>
+ <p>
+Vous entendez d'ici le rire général. Cette phrase pompeuse, où les deux
+voisins étaient également bien partagés, révélait des qualités
+louangeuses qui ne laissaient pas d'être inquiétantes pour l'avenir. Où
+diable cet étonnant mioche avait-il déniché son madrigal? Je voulus en
+avoir le c&oelig;ur net et, le soir même, je m'en ouvris à la mère en toute
+confidence.
+</p>
+ <p>
+Celle-ci se mit à rire.
+</p>
+ <p>
+--«Il n'y a qu'un moyen, me dit-elle, d'élucider la chose, c'est de
+consulter sa petite bibliothèque. Il a eu, toute la journée, le nez
+fourré dans un petit livre qu'il a reçu ce matin, un cadeau d'étrennes.
+Je serais bien sur prise si nous n'y trouvions pas le mot de l'énigme.»
+</p>
+ <p>
+On alla chercher le livre, une sorte de keepsake soi-disant à l'usage
+des enfants, et à force de tourner et de retourner les pages, je finis
+par découvrir dans un coin la fameuse déclaration qui nous intriguait si
+fort. La phrase était jetée là, sous une vignette empruntée à quelque
+almanach, sans prétention aucune, et jamais aucun de nous ne l'eût
+remarquée en une autre occasion. C'était un pompier qui l'adressait à
+une nourrice.--Que pensez-vous de mon anecdote?
+</p>
+ <p>
+--J'attends la conclusion.
+</p>
+ <p>
+--La conclusion est très-simple; elle se divise en deux parties. La
+première c'est que, dans l'ordre de la lecture, rien n'est insignifiant.
+Les enfants ont une mémoire particulière, des tiroirs tout prêts, où ils
+emmagasinent les moindres mots. Celui-là avait eu la bonne fortune de
+plaire à notre héros, et il avait su le mettre à profit. Jugez par cela
+du chemin qu'aurait pu faire dans sa cervelle cette littérature de
+pacotille, ces livres «par-dessus le marché» dont vous parliez tout à
+l'heure. La seconde conséquence, c'est qu'à cet âge où les idées se
+forment, le livre est un conquérant, un séducteur qui peut rivaliser
+avec le nègre qui tire la langue et les automates au tambour, à cette
+différence près qu'il ne faut pas longtemps pour que la langue du nègre
+refuse l'exercice et que les baguettes du tambour se démènent dans le
+vide, tandis qu'avec le livre, pas d'accidents à craindre.
+</p>
+ <p>
+--Je vois où vous voulez en venir, me dit la jeune femme d'un ton plus
+sérieux que de coutume; mais avouer l'influence souveraine du livre,
+n'est-ce pas en dénoncer le danger? Où les trouver aujourd'hui ces
+histoires amusantes et instructives qui remplacent les jouets, et font,
+comme on dit, la joie des enfants et la sécurité des parents?
+</p>
+ <p>
+--Où? Je m'en vais vous le dire, et si je parviens à vous convaincre, je
+ne regretterai pas d'être venu: Mais remarquez, en attendant, que vous
+me faites la partie belle en reconnaissant déjà que dans la hiérarchie
+des cadeaux le livre mérite d'occuper la première place, le premier
+rang?
+</p>
+ <p>
+--Ne vous hâtez pas de triompher, s'écria-t-elle; j'écoute, voilà tout.
+</p>
+ <p>
+--Soit. Je continue. Et, à vrai dire, le meilleur moyen de vous
+convaincre, c'est de vous dire l'article que très-probablement j'aurais
+écrit ce soir, si votre billet n'était venu me surprendre. De cette
+façon, notre conversation nous aura servi à tous les trois. La
+discussion me fournira des idées que le tête à tête avec le papier blanc
+ne m'aurait fournies que beaucoup plus lentement.
+</p>
+ <p>
+Où la trouver, dites-vous, cette littérature du premier âge qui prend
+chaque année plus d'importance dans les charmantes distributions que
+ramène le 1er janvier? Eh bien, mes chers amis, la recette est fort
+simple: allez-vous-en tous deux frapper au n° 18 de la rue Jacob,
+présentez-vous de ma part, demandez le catalogue de la maison, et
+livrez-vous en toute sécurité à un choix abondant; je vais vous dire
+pourquoi vous serez sûrs de ne pas vous tromper...
+</p>
+ <p>
+--Il y en a donc pour tous les âges dans cette maison-là?
+</p>
+ <p>Prosper Chazel.</p>
+ <p>(La fin prochainement.)</p>
+
+ <br><br>
+
+ <h2>NOS GRAVURES</h2>
+
+ <h3>Procès du maréchal Bazaine</h3>
+
+ <h3>LE DÉNOUMENT</h3>
+
+ <p>Nous avons, dans notre précédent numéro, consigné à la dernière minute
+la condamnation à mort avec dégradation de celui qui fut le maréchal
+Bazaine.</p>
+
+ <p>Depuis lors, la clémence du président de la République s'est étendue sur
+le condamné, qui avait laissé passer les délais légaux sans se pourvoir
+en révision. La peine de mort prononcée contre lui a été, sur la
+proposition du ministre de la guerre, commuée en celle de vingt années
+de détention, avec dispense des formalités de la dégradation militaire,
+mais sous la réserve de tous ses effets. Ajoutons qu'un recours en grâce
+avait été adressé au ministre par tous les membres du conseil de guerre.
+Nous constatons simplement ces faits. L'éclatante lumière qui s'est
+produite au cours du procès a rendu d'avance superflue toute
+appréciation.
+</p>
+ <p>
+Cela dit, revenons un peu sur nos pas. Pour expliquer nos gravures, il
+est nécessaire que nous entrions dans le détail des faits qui ont
+précédé et suivi le prononcé du jugement.
+</p>
+ <p>
+La délibération des juges militaires, que représente notre premier
+dessin, a été longue. Elle a duré de quatre heures et demie de
+l'après-midi à neuf heures moins vingt minutes. L'arrêt a été affirmatif
+sur toutes les questions, à l'unanimité, ce qui a surpris, car le bruit
+courait dans le public que deux des juges étaient acquis à l'accusé. Au
+moment où le conseil s'était retiré pour délibérer, M. Bazaine avait été
+emmené et était rentré chez lui, après avoir stationné un instant dans
+le salon des Bouclier. Ce salon, ainsi nommé à cause des quatre tableaux
+qui le décorent, est situé un peu avant l'escalier conduisant à
+l'appartement de l'accusé. Quelque temps après, M. le capitaine Maud'huy
+avait fait introduire dans ce même salon le peloton qui, suivant les
+prescriptions de la loi militaire, devait assister en armes à la lecture
+du jugement. Et à neuf heures précises, Me Lachaud allait porter à
+Trianon-sous-Bois la nouvelle de la condamnation, que le maréchal, qui
+était alors entouré des membres de sa famille, reçut avec beaucoup de
+fermeté. Peu après, un sous-officier venait le chercher pour le conduire
+dans le salon des Boucher, où on l'attendait pour lui donner lecture du
+jugement de condamnation.
+</p>
+ <p>
+Quand il pénétra dans le salon, la garde était sous les armes. En face
+de lui se trouvaient réunis MM. les généraux Pourcet, commissaire
+spécial du gouvernement près le premier conseil de guerre, et de Colomb,
+son substitut, M. le commandant Martin, qui siégeait également au banc
+du ministère public durant les débats, et MM. les greffiers Alla et
+Castres. Une table, occupant le milieu de la pièce, les séparait du
+condamné. A gauche de cette table était aligné le peloton, qui
+appartenait au 40º régiment de ligne. Enfin, derrière le maréchal se
+tenaient MM. le colonel Villette et le capitaine Maud'huy. Le salon
+n'était éclairé que par deux lampes placées sur la table dont nous
+venons de parler.
+</p>
+ <p>
+A l'apparition du maréchal Bazaine, la garde porta et présenta les
+armes. Il y avait encore lieu de lui rendre les honneurs dus à sou
+grade, car s'il était condamné, sa condamnation n'était pas devenue
+définitive.
+</p>
+ <p>
+--Où dois-je me mettre? demanda-t-il au greffier.
+</p>
+ <p>
+--Où vous êtes, M. le maréchal, cela est bien ainsi.
+</p>
+ <p>
+Et M. le greffier Alla, sur l'ordre de M. le général Pourcet, donna
+aussitôt lecture du jugement qui venait d'être rendu. C'est le moment de
+cette scène dramatique que représente notre deuxième dessin.
+</p>
+ <p>
+La lecture finie:
+</p>
+ <p>
+--Eh bien! je suis prêt. On me fusillera quand on voudra, dit le
+condamné s'adressant au général Pourcet.
+</p>
+ <p>
+--Monsieur le maréchal, répondit celui-ci, j'ai à vous informer que la
+loi vous accorde vingt-quatre heures pour vous pourvoir en révision
+contre le jugement que vous venez d'entendre.
+</p>
+ <p>
+--Ah! Et le délai commence?...
+</p>
+ <p>
+--Aujourd'hui à minuit pour finir demain à pareille heure.
+</p>
+ <p>
+--C'est bien. Est-ce tout?
+</p>
+ <p>
+--C'est tout.
+</p>
+ <p>
+Et le maréchal ayant salué, se retira. Nous ne rentrerons pas avec lui
+dans son appartement, où l'attendait sa famille éplorée. Ici la
+situation commande et il est de convenance stricte de s'arrêter devant
+le huis clos des douleurs intimes. Avant de finir, disons un mot de la
+très-touchante scène que représente notre troisième dessin. Alors que le
+conseil délibérait, Mme Bazaine, dévorée d'inquiétudes, tour à tour
+espérant et désespérant, courut à la chapelle de Trianon; et là,
+agenouillée, les mains jointes, pria avec ferveur, invoquant le ciel en
+faveur de son mari. Le ciel ne l'a pas exaucée, ai-je entendu dire. Je
+ne suis pas de cet avis. S'il ne lui a pas accordé pour l'accusé une
+chose impossible, encore a-t-il fait entrer dans le c&oelig;ur de ceux de qui
+dépendait son sort, un sentiment de commisération tel, qu'il les a
+induits à outrepasser, imprudemment peut-être, en sa faveur, les limites
+extrêmes de l'indulgence.
+</p>
+ <p>
+M. Bazaine doit subir sa peine au fort de l'île Sainte-Marguerite.
+</p>
+ <p>
+Cette île est située en face de Cannes; elle a une longueur de 6
+kilomètres environ, sur une largeur moyenne de 1500 mètres. A la pointe
+est, se trouve le fort, qui a une garnison de cent cinquante hommes,
+seuls habitants de l'île. On sait que c'est au fort Sainte-Marguerite
+que fut longtemps détenu l'homme au masque de fer. Ce fort a également
+servi de prison aux Arabes condamnés à la suite des dernières
+insurrections d'Algérie. Près de l'île Sainte-Marguerite se trouve l'île
+Saint-Honorat, qui forme avec elle le groupe des îles de Lérins, et où
+l'on voit les ruines d'un monastère très-ancien. Elle est aujourd'hui la
+propriété d'un Anglais qui l'a achetée il y a quelques années.
+</p>
+ <p>
+Nous reviendrons prochainement, en en donnant quelques vues, sur ces
+îles et sur le fort Sainte-Marguerite.
+</p>
+ <p>
+Louis Clodion.
+</p>
+<br>
+ <h3>
+Violettes,<br> Tableau de M. Edouard Dubufe.
+</h3>
+ <p>
+On se rappelle le succès obtenu par cette charmante composition au Salon
+de cette année; la foule s'y arrêtait avec complaisance, et
+l'<i>Illustration</i> a pensé être agréable à ses lecteurs, en la faisant
+graver et tirer à part, pour la leur offrir.
+</p>
+ <p>
+Sans doute, nous n'avons plus ici le prestige de la couleur, l'harmonie
+des tons habilement combinés; mais qu'elle est jolie, la <i>dame aux
+violettes</i>, dans son attitude d'une grâce si simple et si vraie! Le
+corps se laisse doucement aller sur les moelleux coussins; la belle
+songeait sans doute, nonchalamment étendue; sa pensée flottait,
+indécise, au gré de ses souvenirs ou de ses espérances, quand une lettre
+lui est arrivée, et l'a tirée de son demi-sommeil.
+</p>
+ <p>
+Une lettre! c'est-à-dire un fait bien écrit, bien précis, alors qu'on
+s'abandonnait, en toute sérénité, aux doux bercements du rêve! Aussi,
+comme la tête s'est relevée aussitôt, comme le front est devenu sérieux,
+comme le regard parcourt attentivement les lignes tracées par la main
+d'un cher absent! Ne cherchons pas plus loin; le poète n'a-t-il pas
+écrit:
+</p>
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i20"> Sçavoir ce qu'elle contient,</p>
+<p class="i20"> Bien fin qui pourrait le dire?</p>
+</div></div>
+<br>
+ <h3>
+Les exécutions de Santiago
+</h3>
+ <p>
+Nous terminons aujourd'hui la publication commencée dans notre dernier
+numéro, des documents qui nous sont parvenus sur le lugubre drame qui a
+suivi la capture du <i>Virginius</i>. Nous avons déjà dit, précédemment,
+combien les nombreuses expéditions du <i>Virginius</i> avaient aidé
+l'insurrection cubaine à se soutenir en l'approvisionnant, en abondance,
+d'armes, de munitions et de combattants recrutés aux États-Unis. On peut
+juger par là de l'explosion de joie qui se produisit dans la population
+de Santiago lorsqu'on vit arriver au port ce pourvoyeur de guerre
+civile, sous l'escorte du <i>Tornado</i>. Malheureusement on ne se contenta
+pas de la manifester bruyamment, cette joie, les cris de vengeance
+s'élevèrent de toutes parts et l'on demanda la mort du capitaine et de
+l'équipage. Le général Burriel, gouverneur de Santiago, crut devoir
+céder aux clameurs de la foule, et après une procédure sommaire,
+cinquante-trois des malheureux captifs furent condamnés à mort et
+fusillés. Cette boucherie terminée, des pièces d'artillerie, attelées de
+six chevaux, furent promenées sur les cadavres aux acclamations d'une
+populace en délire, jusqu'à ce que, broyés sous les roues et sous les
+pieds des chevaux, ils eussent perdu toute forme humaine. Telles sont
+les horribles scènes que reproduisent nos deux dessins; on comprend qu'à
+leur récit une indignation générale se soit manifestée d'un bout à
+l'autre des États-Unis.
+</p>
+<br>
+ <h3>
+La bourse aux timbres-poste
+</h3>
+ <p>
+Bourse, est-ce bien le mot? marché exprimerait peut-être mieux la chose.
+Quoi qu'il en soit, bourse ou marché, marché ou bourse, c'est en plein
+c&oelig;ur des Champs-Elysées qu'ont lieu les opérations dont il s'agit.
+</p>
+ <p>
+On se réunit sur le large trottoir qui borde la maison de l'avenue
+Gabrielle portant le numéro 36. Palais de la nature que couvre en guise
+de dôme le ciel bleu, quand il n'est pas gris. On a donc devant soi
+l'avenue Marignv, avec ses quatre Guignols, et à l'horizon l'entrée
+principale du palais de l'Industrie, dont une forêt d'arbres, en ce
+moment nus et grelottants, ne parvient pas à masquer la masse énorme.
+Industrie d'un bout, commerce de l'autre, ceci nous ramène à nos
+moutons, je veux dire à nos timbres.
+</p>
+ <p>
+Le plaisant de l'affaire, ce n'est pas la nature du commerce.
+Collectionner des timbres-poste n'est pas plus un cas pendable que de
+collection lier des autographes, voire des tabatières ou de vieux pots.
+Non, le plaisant et le curieux, c'est le trafiquant lui-même.
+Figurez-vous un marché vu par le petit bout de la lorgnette, bourse à
+Lilliput. Telle, la bourse aux timbres-poste. En se pressant un peu,
+toute l'assemblée tiendrait certainement dans une serviette. Petit monde
+singulier. Tout à l'heure il courait, sautait et s'en donnait à c&oelig;ur
+joie. Le voilà maintenant affairé, grave, recueilli. C'est que l'heure
+de la bourse a sonné, et comme on dit, «les affaires sont les affaires».
+Chacun de ces petits bonshommes s'avance, muni d'un album dont toutes
+les feuilles sont divisées en un certain nombre de compartiments,
+alvéoles destinées à enchâsser les timbres suivant un ordre méthodique,
+timbres de tous les prix et de tous les pays, de toutes les formes et de
+toutes les grandeurs, de toutes les couleurs et de toutes les effigies.
+Tous les compartiments ne sont pas remplis. Ces vides indiquent ou les
+pièces qui manquent à la collection, ou bien celles dont, en prévision
+d'une hausse, on se propose d'acquérir au plus bas prix possible un
+certain nombre d'exemplaires, pour les revendre ensuite avantageusement,
+le moment venu. C'est là le fin de l'opération, notez; car par ce moyen,
+et sans qu'il en coûte grand chose, on peut arriver à parfaire tout
+doucement sa petite collection. Et d'aucuns y arrivent, à ce qu'il
+paraît. Mais ce sont les malins, ceux-là; et ne croyez pas qu'ils
+fassent les finauds! Bien au contraire. A voir leur air innocent et
+candide, vous jureriez certainement qu'ils sont du bois dont on ne les a
+pas faits. Renards couverts d'une peau d'agneau, ils vont et viennent,
+l'oreille à tout, et l'&oelig;il aussi, et prenez bien garde à vos poules!
+Là, pas de pouf à craindre d'ailleurs, car c'est au comptant que se
+traitent toutes les opérations. Et cela posément, sans confusion, sans
+le moindre cri. On s'aborde en feuilletant les albums. On compte les
+lacunes. Alors:--Je demande ou j'offre tel timbre, y a-t-il vendeur ou
+acheteur?--Voilà.--Combien? --Tant.--C'est cher.--Il y a hausse.--Jeudi,
+ils n'étaient qu'à tant; trop d'écart.--C'est qu'il s'en est beaucoup
+vendu. A prendre ou à laisser.
+</p>
+ <p>
+On prend ou on laisse, selon. Cela dépend du vent qui souffle sur le
+marché et fait tourner toutes ces petites têtes folles. Et puis, il y a
+là aussi, comme ailleurs, des haussiers et des baissiers. Tel timbre est
+un jour déprécié, qui le jour suivant est porté aux nues, et
+réciproquement. Ainsi, en ce moment, le Brésil est en faveur, et les
+villes hanséatiques sont recherchées. Demain en sera-t-il encore de
+même? Demandez-le à M. votre fils. C'est peut-être une des fortes têtes
+de la bourse aux timbres. Il est cependant certaines valeurs qui
+échappent à toute pression, par exemple le Maximilien, depuis longtemps
+hors de prix. Voilà où nous en sommes. Allez vous promener aux
+Champs-Elysées, vous pourrez voir les voilures de chèvres inoccupées,
+les chevaux de bois immobiles, Guignol désespéré se battre en vain les
+flancs devant des chaises vides; mais pour ce qui est de la bourse aux
+timbres, si, dès qu'elle est ouverte, un seul instant vous la voyez
+chômer, dites qu'il y a encore des enfants. Hélas! pour ma part, je
+commence bien à craindre qu'il n'y en ait plus.
+</p>
+ <p>Louis Clodion.</p>
+
+ <br><br>
+
+ <h2>Auguste de la Rive</h2>
+
+ <p>Auguste de la Rive est fils d'un physicien suisse, né comme lui à
+Genève, et qui s'était consacré comme il devait le faire lui-même,
+presque entièrement à l'étude de l'électricité. Appartenant à une des
+plus riches et des plus anciennes familles de la cité de Calvin, Auguste
+de la Rive hérita non-seulement de la grande fortune de son père, mais
+encore du talent et des amitiés scientifiques qu'il avait formées
+pendant la période la plus orageuse de notre révolution.
+</p>
+ <p>
+Les premières expériences que le jeune de la Rive vit exécuter dans la
+maison paternelle furent celles de Davy, et ses premiers travaux
+scientifiques furent faits sous la direction d'Ampère. Un de ses
+premiers amis fut Faraday, que son père contribua à tirer d'une
+situation voisine de la domesticité, dans des circonstances dignes
+d'être rapportées.
+</p>
+ <p>
+Faraday, tout à fait inconnu et très-pauvre, désirait vivement
+d'accompagner sur le continent Davy, dont il était le garçon de
+laboratoire plutôt que le préparateur. Davy consentit, mais à condition
+que Faraday lui servirait de domestique pendant tout le temps qu'il
+serait sur le continent. Faraday accepta et tint parole. Les étrangers
+ne pouvaient se douter qu'il y avait un savant immortel sous l'habit de
+ce valet.
+</p>
+ <p>
+Davy s'arrêta à Prelioxes, bien patrimonial des de la Rive, qui depuis
+la Révolution française y pratiquent la plus généreuse hospitalité
+vis-à-vis des savants de toutes les nations. Davy avait naturellement
+amené avec lui son valet, qui le suivit dans une partie de chasse. M. de
+la Rive, le père, ayant eu occasion de s'entretenir avec ce jeune homme,
+fut frappé de la profondeur et de la maturité de ses réponses. Il
+insista et obtint non sans peine l'aveu de la vérité. Peu satisfait de
+cette découverte, il insista vivement auprès de Davy pour obtenir de
+mettre fin à cette comédie, moins digne encore de celui qui la donnait
+que de celui qui en était victime. Mais Davy resta inébranlable. Il
+exigea que le contrat fut exécuté à la lettre et que Faraday continuât
+de manger à la cuisine avec les autres domestiques. M. de la Rive, ne
+voulant pas rompre avec un ami, prit un terme moyen. Faraday fut servi
+seul dans sa chambre, et Auguste de la Rive alla plus d'une fois
+partager ses repas. De cette époque date une amitié des plus tendres
+qu'aucun nuage n'a jamais obscurcie.
+</p>
+ <p>
+De la Rive père avait émigré en 1794, après avoir été retenu quelque
+temps en prison. En 1813, il fut un des premiers à proclamer le retour
+de Genève à la Suisse.
+</p>
+ <p>
+De la Rive fils resta fidèle à la politique paternelle. Quand la
+Confédération helvétique se crut menacée de perdre la perle du Léman,
+Auguste de la Rive fut envoyé à Londres comme ministre plénipotentiaire.
+</p>
+ <p>
+Grâce à ses hautes liaisons il réussit à obtenir du cabinet de
+Saint-James la signature d'un protocole secret. L'annexion de Genève à
+la France était déclarée un <i>casus belli.</i>
+</p>
+ <p>
+C'était la première fois que de la Rive rentrait dans la vie politique
+d'où il était écarté depuis la révolution de 1846. Systématiquement
+opposé à la guerre du Sonderbund, il avait donné alors sa démission de
+toutes ses fonctions publiques, même de celles de professeur de physique
+à l'Université.
+</p>
+ <p>
+C'est en 1864 qu'il fut nommé membre associé de l'Académie des sciences
+à laquelle il appartenait depuis de longues années en qualité de
+correspondant.
+</p>
+ <p>
+A l'issue de la dernière exposition universelle il exécuta à Paris même,
+sur une immense échelle, ses magnifiques expériences sur la rotation de
+la lumière électrique soumise à l'action des aimants.
+</p>
+ <p>
+<p class="rig"><img alt="" src="images/007a.png"><br>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<b>M. DE LA RIVE.</b></p>
+
+ <p>On lui doit la connaissance de la dorure galvanique.</p>
+
+ <p>L'Académie des sciences lui décernait en 1842 un prix de 3,000 francs,
+en même temps qu'elle récompensait MM. Ruolz et Elkington qui avaient
+fait passer cette immense découverte dans le domaine de la pratique
+commerciale.
+</p>
+ <p>
+De la Rive est le premier physicien qui ait imaginé d'employer des
+substances insolubles pour dépolariser les piles voltaïques. Il a ouvert
+la voie suivie par MM. Marié Davy, Leclanché et Grenet.
+</p>
+ <p>
+Enfin on lui doit la démonstration complète d'un grand fait de physique
+générale. Couronnant l'édifice si largement commencé par Faraday il
+porta le coup de mort à la théorie métaphysique du contact. La grande
+doctrine de l'<i>équivalence des forces naturelles</i> lui doit un de ses
+principes fondamentaux les plus précieux.
+</p>
+ <p>
+Ses travaux sont exposés dans son cours d'<i>Électricité théorique et
+appliquée</i>, publié il y a seize ans par la maison J.-B. Baillière. Cet
+ouvrage magistral n'est point à la veille d'être détrôné.
+</p>
+ <p>
+Auguste de la Rive était un journaliste scientifique dans l'acception la
+plus élevée du mot. Il n'y avait pas de mémoire important qu'il ne lût
+et n'étudiât en quelque langue qu'il fût écrit. Il fut constamment le
+plus actif collaborateur des Archives des sciences physiques et
+naturelles, après avoir publié et rédigé tout seul pendant les années
+1841, 1842, 1843, 1844 et 1845 les <i>Archives de l'électricité</i>.
+</p>
+ <p>
+Comme Hausteen et Donats, qui ne l'ont précédé dans la tombe que de
+quelques mois, il a consacré ses dernières veilles à l'étude des aurores
+boréales. Il est un des fondateurs de cette météorologie cosmique qui ne
+vient que de naître, et qui déjà ouvre à la science de l'avenir de si
+merveilleux horizons!
+</p>
+ <p>
+Il est mort à Marseille, à l'âge de 72 ans, des suites d'une attaque de
+paralysie.
+</p>
+ <p>W. DE FONVIELLE.</p>
+ <br><br>
+
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/007b.png"><br><b>TYPES ET PHYSIONOMIES DE PARIS.--La petite bourse des<br>
+timbres-poste aux Champs-Elysées.</b></p>
+<br><br>
+
+ <h3>L'HISTOIRE DE FRANCE<br>
+DE M. GUIZOT</h3>
+
+ <p>Dans un premier article, nous avons, la semaine dernière, jeté un coup
+d'&oelig;il sur le troisième volume de l'<i>Histoire de France</i>, de M. Guizot, <span class="rig"><img alt="" src="images/008a.png"><br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<b>Henri de Guise parcourant les rues de Paris après le<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;massacre de la Saint-Barthélémy.</b></span>
+qui commence avec François 1er pour finir avec Henri IV. Deux mots la
+résument: Renaissance et Réforme. Curieuse époque marquée au sceau du
+fanatisme religieux, et dont toutes les pages sont tachées de sang. Nous
+avons dit un mot de ces pieuses horreurs. N'y revenons pas. Aussi bien
+si l'auteur, en ce tome troisième, évoque bien des figures odieuses, il
+nous en montre aussi d'autres qui appellent d'elles-mêmes et captivent
+le regard. Parmi ces dernières brille en première ligne celle de
+Rabelais, cet illustre bohème qui passa les deux tiers de sa vie à
+courir le monde, s'arrêtant le temps seulement d'écrire les célèbres
+chroniques que l'on sait, et qui fut non-seulement l'écrivain le plus
+original et le plus éminent de la première moitié du XVIe siècle, mais
+encore sa personnification la plus vivante et la plus vraie.
+
+
+
+
+
+<span class="mid"><img alt="" src="images/008b.png">&nbsp;&nbsp;
+<img alt="" src="images/008c.png"><br>
+
+
+
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<b>HENRI III ET SES MIGNONS.&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;
+Hérétiques condamnés au feu et
+brûlés en 1546<br>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; au grand
+marché de Meaux.</b>
+</span>
+</p>
+
+
+<p>Une autre figure, grande aussi et particulièrement sympathique et
+intéressante est celle de cette gracieuse reine de Navarre, s&oelig;ur de
+François 1er, Marguerite de
+
+<span class="lef"><img alt="" src="images/008d.png"><br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<b>Marguerite de Valois.</b>
+<br><img alt="" src="images/008e.png"><br>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<b>Rabelais</b>
+</span>
+
+Valois qui avait, comme l'a dit Marot, «corps féminin, c&oelig;ur d'homme et
+tête d'ange». Mais ce qui la fait tant et de si loin briller à nos yeux,
+c'est la supériorité de son esprit, son excessive bonté, son amour pour
+la poésie, la protection généreuse et intelligente qu'elle accorda, elle
+catholique, à la réforme. Aussi n'y a-t-il pas lieu de s'étonner des
+soupçons d'hérésie qui planèrent sur elle, et, à parler franchement, je
+crois bien qu'au fond elle était un peu hérétique, il est encore une <span class="rig"><img alt="" src="images/008f.png"><br><b>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Marie Stuart.</b></span>
+chose digne de remarque, c'est qu'au XVIe siècle, où comme dit Anquetil,
+les femmes de la cour étaient un objet de scandale, Marguerite pouvait
+passer pour une vertu, à quelques peccadilles près que nous ont fait
+connaître la muse indiscrète de Marot qu'elle aima, et cette <i>mauvaise
+langue</i> de Brantôme. La Marguerite des marguerites eut toujours pour son
+frère une affection profonde qui, approchant de la faiblesse, s'étendit
+parfois jusque sur ses maîtresses. Ce fut elle-même qui orna de devises
+les bagues données par François à la belle comtesse de Chateaubriand,
+laquelle fut plus reine que Claude-la-Bonne avant la bataille de Pavie,
+ce qui ne l'empêcha pas, si l'on en croit Varillas, de mourir fort
+tragiquement, le roi l'ayant abandonnée à son retour. Il nous reste des
+ouvrages de la reine de Navarre soixante-douze contes que l'on
+attribue en partie à ses amis; le <i>Miroir de l'âme pécheresse</i> les
+<i>marguerites de la Marguerite des princesses</i>, pièces recueillies par
+Sylvius de la Haie; quelques mystères, des farces, une pièce de vers sur
+la captivité de son frère, enfin le <i>Débat d'amour</i> qu'elle composa à
+l'âge de cinquante ans et qui n'a pas été imprimé.
+</p>
+ <p>
+L. C.
+</p>
+ <p class="mid">Gravures extraites de l'Histoire de France racontée à mes petits<br>
+enfants, par M. Guizot. (Librairie Hachette et Cie.)</p>
+
+<br><br>
+
+ <h3>BIBLIOGRAPHIE.</h3>
+
+
+ <p>Les Merveilles de l'Industrie ou Description des principales industries
+modernes, par M. Louis Figuier (2).
+</p>
+ <p class="mid"><span class="sml">
+<b>Note 2:</b> Un vol. in-8º illustré de 415 gravures sur bois. Chez Furne et
+Jouvet, rue Saint-André-des-Arts.</span></p>
+
+ <p>Combien pourrait-on citer aujourd'hui de personnes ayant une
+connaissance, même superficielle, des procédés industriels? Les moyens variés par lesquels l'homme transforme
+<span class="rig"><img alt="" src="images/009a.png"></span><br>
+<span class="rig"><img alt="" src="images/009b.png"><br>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<b>Une verrerie chez les Égyptiens.</b></span>
+ la matière, pour l'asservir à ses
+besoins, sont un secret pour la plupart d'entre nous. Le verre, les
+poteries, le savon, le sucre, le sel marin, le papier, les cuirs, etc.,
+servent à nos usages, à chaque instant de la vie, et pourtant la
+majorité d'entre nous serait fort embarrassée de dire comment se
+préparent le verre, les poteries, le savon, le papier, etc. L'industrie
+est comme un livre fermé à tous les yeux.</p>
+
+ <p>Ce livre fermé, M. Louis Figuier prétend nous l'ouvrir. Dans l'ouvrage
+nouveau qu'il vient de publier, les <i>Merveilles de l'industrie</i>, il
+entreprend de révéler aux gens du monde et à toute personne désireuse de
+s'instruire, les opérations des principales industries modernes. Le
+volume que nous avons sous les yeux est consacré aux industries
+chimiques, à savoir: le verre et le cristal,--les poteries, faïences et
+porcelaines,--le savon,--les soudes et les potasses,--le sel marin,--le
+soufre et l'acide sulfurique. L'auteur décrit avec soin les opérations
+diverses qui servent à la fabrication de ces matières, et l'on est tout
+surpris, en lisant ses descriptions, de voir quel intérêt peuvent
+revêtir les matières industrielles traitées par un auteur qui a le désir
+constant d'attacher et d'instruire. La masse de renseignements et de
+notions utiles contenus dans les notices que nous venons de citer, est
+vraiment immense, et leur utilité est d'une évidence sur laquelle il
+n'est pas nécessaire d'insister.
+</p>
+ <p>
+Deux mérites nous ont particulièrement frappé, à la lecture des
+<i>Merveilles de l'industrie</i>. C'est d'abord le soin avec lequel l'auteur
+expose l'histoire de chaque industrie. Dans la plupart des ouvrages ou
+des dictionnaires où ces matières sont traitées, l'histoire de chaque
+industrie est presque toujours passée sous silence. Dans l'ouvrage de M.
+Louis Figuier, au contraire, l'histoire des inventions occupe une place
+de premier ordre. L'auteur a toujours soin de remonter jusqu'aux
+origines primitives de l'industrie qui l'occupe. Il la prend à son
+berceau, chez les anciens, et la suit à travers les siècles jusqu'à
+l'époque actuelle. C est là une source d'enseignements variés et pleins
+d'intérêt pour le lecteur.
+</p>
+
+<p class="rig"><img alt="" src="images/009d.png"><br></p>
+
+ <p>La seconde qualité qui nous a frappé dans les <i>Merveilles de
+l'industrie</i>, c'est la préoccupation constante de l'auteur d'éclairer le
+texte de ses descriptions par le secours du dessin. Chaque opération
+étant accompagnée d'une figure explicative, renseignement par les yeux
+accompagnant sans cesse l'enseignement par la plume, il est toujours
+facile de comprendre les explications de l'auteur.
+</p>
+ <p>
+Les gravures qui accompagnent cet article (<i>la fabrication au verre chez
+les Egyptiens,--la fabrications des vitres, le coupage du savon en
+pains</i>), sont de doubles spécimens des nombreuses gravures qui
+accompagnent l'ouvrage de M. Louis Figuier, et du genre de démonstration
+figurée qui se rencontre à chaque page de ce livre.
+</p>
+ <p>
+Les <i>Merveilles de l'industrie</i> ont été présentées, avec beaucoup
+d'éloges, à l'Académie des sciences, dans la séance du 15 décembre, par
+M. Dumas, secrétaire perpétuel.
+</p>
+ <p>
+Nous n'avons rien à ajouter à ce témoignage d'estime.
+</p>
+ <p>
+Pierre Paget.
+</p>
+<p class="mid"><img alt="" src="images/009c.png"><br><b>Coupage du savon de Marseille en pains.</b></p>
+
+ <p class="mid"><span class="sml">Gravures extraites des <i>Merveilles de l'industrie</i>, par Louis Figuier.
+(Furne, Jouvet et Cie, éditeurs.)</span></p>
+
+<br><br>
+
+ <p class="mid"><img alt="" src="images/009e.png"></p>
+
+ <h4>EXPLICATION DU DERNIER RÉBUS:</h4>
+ <p class="mid">
+Libres penseurs ou pieux pèlerins, la conscience est totalement libre!
+</p>
+
+
+<br><br>
+</div>
+
+<div>*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK 44232 ***</div>
+</body>
+</html>
+
+
+
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+This eBook, including all associated images, markup, improvements,
+metadata, and any other content or labor, has been confirmed to be
+in the PUBLIC DOMAIN IN THE UNITED STATES.
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+Procedures for determining public domain status are described in
+the "Copyright How-To" at https://www.gutenberg.org.
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+No investigation has been made concerning possible copyrights in
+jurisdictions other than the United States. Anyone seeking to utilize
+this eBook outside of the United States should confirm copyright
+status under the laws that apply to them.
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+Project Gutenberg (https://www.gutenberg.org) public repository for
+eBook #44232 (https://www.gutenberg.org/ebooks/44232)
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+Project Gutenberg's L'Illustration, No. 1608, 20 décembre 1873, by Various
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
+
+
+Title: L'Illustration, No. 1608, 20 décembre 1873
+
+Author: Various
+
+Release Date: November 19, 2013 [EBook #44232]
+
+Language: French
+
+Character set encoding: ISO-8859-1
+
+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 1608, 20 ***
+
+
+
+
+Produced by Rénald Lévesque
+
+
+
+
+
+
+
+
+[Illustration: L'ILLUSTRATION
+JOURNAL UNIVERSEL]
+
+REDACTION, ADMINISTRATION, BUREAUX D'ABONNEMENTS
+22, rue de Verneuil, Paris
+
+31e Année.--VOL. LXII.--Nº 1608
+SAMEDI 20 DÉCEMBRE 1873
+
+SUCCURSALE POUR LA VENTE AU DÉTAIL
+60, rue de Richelieu, Paris
+
+Prix du numéro: 75 centimes
+La collection mensuelle, 3 fr; le vol. semestriel, broché, 18 fr.; relié
+et doré sur tranches, 28 fr.
+
+Abonnements
+Paris et départements: 3 mois, 9 fr.;--6 mois, 18 fr.;--un an, 36;
+Étranger, le port en sus.
+
+Les demandes d'abonnements doivent être accompagnées d'un mandat-poste
+ou dune valeur à vue sur Paris à l'ordre de M. Auguste Marc,
+directeur-gérant.
+
+
+
+SOMMAIRE
+
+TEXTE
+
+Histoire de la semaine,
+
+Courrier de Paris, par M. Philibert Audebrand.
+
+P. Blanchard.
+
+La Soeur perdue, une histoire du Gran Chaco (suite), par M. Mayne Reid.
+
+Un voyage en Espagne pendant l'insurrection (fin).
+
+La veille du 1er janvier.
+
+Nos gravures:
+
+Procès du maréchal Bazaine, le dénoûment.
+
+Violettes.
+
+La bourse aux timbres-poste.
+
+Auguste de la Rive.
+
+L'_Histoire de France_, de M. Guizot.
+
+Les exécutions de Santiago.
+
+Bibliographie: _Les Merveilles de l'industrie_, par Louis Figuier.
+
+
+
+SOMMAIRE
+
+GRAVURES
+
+Procès du maréchal Bazaine: Mme Bazaine en prière dans la chapelle de
+Trianon, au moment du prononcé du jugement;
+
+Lecture de l'arrêt au condamné;
+
+La délibération du conseil de guerre avant le prononcé du jugement.
+
+P. Blanchard.
+
+Événements de Cuba: exécution de l'équipage du _Virginius_, à Santiago
+de Cuba;
+
+Les cadavres foulés aux pieds des chevaux, après l'exécution.
+
+M. de la Rive.
+
+Types et physionomies de Paris: la petite bourse des timbres-poste aux
+Champs-Elysées.
+
+_L'Histoire de France_, de M. Guizot (6 gravures).
+
+_Les Merveilles de l'industrie_, par M. L. Figuier (4 gravures).
+
+Rébus.
+
+
+
+[Illustration: PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE. Mme BAZAINE EN PRIÈRE DANS LA
+CHAPELLE DE TRIANON, AU MOMENT DU PRONONCÉ DU JUGEMENT.]
+
+
+
+HISTOIRE DE LA SEMAINE
+
+FRANCE
+
+Le mémorable procès dont la France entière suivait avec un si poignant
+intérêt les péripéties depuis près de trois mois est enfin arrivé à son
+terme: le sort du maréchal Bazaine est décidé. A l'unanimité sur toutes
+les questions, le conseil de guerre siégeant à Trianon a condamné
+l'ex-commandant de l'armée de Metz à la peine de mort et à la
+dégradation militaire. Le maréchal a refusé de se pourvoir en révision,
+mais le conseil tout entier a signé un recours en grâce; le duc d'Aumale
+l'a remis immédiatement entre les mains du président de la République,
+et, dès le surlendemain, le Journal officiel annonçait que la peine de
+mort était commuée en vingt années de détention, et que le condamné
+était dispensé des formalités de la dégradation militaire, mais sous
+réserve de tous ses effets.
+
+L'Assemblée nationale a continué, pendant le cours de cette semaine, la
+discussion du budget, qui s'est poursuivie sans autres incidents que la
+présentation d'un certain nombre d'amendements ou d'observations dont
+l'examen nous entraînerait trop loin. Pendant que cette discussion
+suivait son cours en séances publiques, les commissions travaillaient à
+l'élaboration des nouvelles lois organiques et constitutionnelles. Sur
+la proposition de son président, M. Batbie, la commission des Trente
+décidait que la loi électorale serait la première dont elle aurait à
+s'occuper; puis elle nommait une sous-commission d'études ayant mission
+de faire des recherches préparatoires. MM. d'Andelarre et Pradié ont été
+chargés par cette sous-commission de compulser les ouvrages traitant de
+l'organisation des pouvoirs publics; MM. Waddington et A.
+Lefèvre-Pontalis d'étudier, dans les législations étrangères, les divers
+modes de composition des Chambres hautes; M. Laboulaye, de faire un
+exposé de l'organisation constitutionnelle dans les États américains.
+D'autre part, la commission chargée de la rédaction de la nouvelle loi
+municipale a terminé ses travaux et entendu le rapport de M. Clapier;
+nous avons déjà mentionné les dispositions principales de la loi
+nouvelle qui ont pour but, on le sait, d'enlever au suffrage universel,
+pour le rendre au gouvernement, la nomination des maires, et d'imposer
+aux communes les dépenses de police, telles qu'elles auront été fixées
+par les préfets; contentons-nous de les appeler réformes fondamentales,
+en attendant leur discussion en séance générale, où elles doivent
+rencontrer, assure-t-on, une assez sérieuse opposition.
+
+L'urgence et la gravité des lois constitutionnelles dont la commission
+des Trente est saisie ne saurait être mieux démontrée que par les quatre
+élections qui ont eu lieu dimanche dernier dans les trois départements
+de l'Aude, de Seine-et-Oise et du Finistère. Comme presque toutes celles
+qui se sont succédé depuis trois ans, ces élections se sont traduites
+par des majorités considérables données aux candidats républicains.
+Celle du Finistère, notamment, où M. Swiney l'a emporté par 61,000 voix
+contre 42,000 données à son concurrent, M. Le Guen, est un symptôme
+très-caractéristique du mouvement qui s'opère même dans les régions les
+moins accessibles jusqu'à présent aux idées révolutionnaires, et paraît
+avoir vivement affecté les groupes conservateurs de l'Assemblée.
+
+ALGÉRIE.
+
+M. le général Chanzy, gouverneur général de l'Algérie, a prononcé, le 3
+décembre, à l'ouverture de la session du conseil supérieur de la
+colonie, un éloquent discours où est exposé avec un remarquable talent
+tout un plan d'administration, qui a été accueilli avec une approbation
+unanime. Ce discours peut être divisé eu deux parties; dans la première,
+l'orateur énonce les principes généraux de son système; la seconde est
+plus spécialement consacrée à l'explication des moyens pratiques
+auxquels le gouverneur général juge utile de recourir, tels que:
+organisation administrative,--colonisation,--grands travaux d'utilité
+publique,--entreprises industrielles,--constitution de la
+propriété,--forêts,--régularisation des opérations du séquestre. Nous
+laisserons de côté cette deuxième partie, dont l'examen nous forcerait
+d'entrer dans trop de détails techniques, pour ne nous occuper que de la
+première.
+
+Aux yeux de l'honorable général, les décrets de 1870 contiennent le
+programme qu'il importe de réaliser au plus vite afin de justifier notre
+réimplantation sur le sol africain, et c'est à la recherche des moyens
+propres à amener «l'assimilation de l'Algérie à la mère patrie» que le
+conseil supérieur doit consacrer toute son activité, tout son
+patriotisme. Au nombre des mesures qui doivent être appliquées le plus
+immédiatement, M. le général Chanzy place la disparition de cet
+antagonisme, plus apparent que réel, entre ce qu'on appelle le régime
+civil et le régime militaire. Si au lendemain de la conquête, et dans le
+but de la consolider, de telles distinctions ont pu être nécessaires,
+indispensables même, elles n'ont plus aujourd'hui de raison pour
+subsister. «Je déchargerai, dit M. le gouverneur, dans la limite du
+possible l'armée d'une tâche qui n'est plus la sienne et qu'elle ne
+continue que par devoir; elle restera chargée temporairement des parties
+où les populations indigènes, éloignées du contact des Européens,
+doivent être dominées et sentir la force pour rester calmes.»
+
+Mais, pour l'honorable général, «il n'y a point et il ne peut y avoir
+ici deux régimes: le régime civil, le régime militaire; il n'y a qu'une
+pensée: celle de tirer de cette magnifique colonie tout ce que la France
+et la civilisation attendent de nos communs efforts. Il n'y a et ne peut
+y avoir deux territoires avec leurs systèmes opposés; il y a une vaste
+contrée soumise à la France, dans laquelle il nous faut introduire ses
+institutions, en tenant compte des précautions que la sagesse et la
+situation nous imposent. Pour moi, dans ce pays, désormais français, il
+y a les parties qui peuvent et doivent être assimilées de suite, celles
+dans lesquelles les institutions civiles et la justice de droit commun
+sont possibles et doivent être complètes, et celles où le commandement
+doit encore s'exercer, parce que seul il peut assurer, si on lui en
+laisse les moyens, le bon ordre et la sécurité».
+
+On ne pouvait mieux faire comprendre la mission du conseil supérieur et
+de l'armée en Algérie, aussi doit-on attendre les plus grands résultats
+de l'application des principes qui guident l'honorable gouverneur
+général civil de l'Algérie.
+
+En terminant son discours, M. le général Chanzy a exposé les motifs qui
+l'avaient conduit à introduire dans le conseil supérieur les hauts
+fonctionnaires chargés des affaires du département ou des territoires
+restés sous le commandement militaire, et c'est par un appel au
+patriotisme du conseil, que l'orateur a clos son éloquent plaidoyer en
+faveur de la colonie:
+
+«La politique, cette passion qui surexcite, n'a rien à faire dans cette
+enceinte, et nous saurons justifier la confiance que le gouvernement qui
+nous a nommé et que la population qui vous a désignés a mise en nous.»
+
+ÉTATS-UNIS.
+
+Le différend hispano-américain s'est terminé de la manière la plus
+heureuse par la reddition aux autorités des Etats-Unis du _Virginius_ et
+des survivants de son équipage. Les détails manquent encore sur la
+manière dont s'est opérée la restitution ainsi que sur les motifs du
+brusque revirement d'opinion qui a permis aux autorités cubaines
+d'exécuter des conditions d'abord déclarées inacceptables. Quoi qu'il en
+soit il faut se féliciter de la solution pacifique d'une situation qui
+aurait pu, en se prolongeant, amener les plus graves complications.
+
+SUISSE.
+
+Le Conseil fédéral de la république helvétique vient de prendre une
+décision qui aura sans doute un grand retentissement dans le monde
+catholique. Il a rompu avec le Saint-Siège et congédié le légat
+accrédité comme chargé d'affaires auprès du gouvernement suisse.
+
+M. Cérésole, président de la Confédération, a adressé à ce sujet à Mgr
+Agnozzi, chargé d'affaires du Saint-Siège, une note diplomatique
+déclarant que la mesure prise par le Conseil fédéral a été déterminée
+par la publication de l'encyclique du 21 novembre, qui renfermait «des
+accusations de la nature la plus directe et la plus grave contre
+diverses autorités légitimement constituées en Suisse et contre
+certaines décisions que ces autorités ont régulièrement prises». Cette
+rupture solennelle est certainement regrettable; elle affligera
+profondément tous les catholiques modérés, c'est-à-dire, comme le fait
+remarquer le _Journal de Genève_, l'immense majorité des catholiques
+suisses, «qui n'ont jamais séparé dans leur coeur le nom de religion de
+celui de patrie».
+
+Les journaux suisses, calvinistes et libres penseurs, applaudissent
+naturellement à cette mesure. Ils prennent, de plus, le soin de
+l'expliquer et de la justifier. Ils rappellent que depuis longtemps
+l'opinion publique, en Suisse, était peu favorable au maintien de la
+nonciature.
+
+On reconnaissait,--disent-ils,--que non-seulement elle ne pouvait offrir
+une utilité pratique, mais encore qu'elle n'avait plus de raison d'être.
+Il est de fait que, dans sa grande réunion à Soleure, le _Volks-verein_
+avait porté sur son programme révisionniste la suppression de la
+nonciature, et que la commission du Conseil national avait fait droit à
+ce voeu en proposant de l'inscrire dans la Constitution.
+
+L'encyclique de Pie IX n'a donc été, pour le gouvernement des vingt-deux
+cantons, qu'un prétexte opportun; la rupture était préméditée de longue
+date.
+
+La rupture des relations entre la Confédération helvétique et le Vatican
+ne sera peut-être pas aussi sensible à la curie romaine que la nouvelle
+mesure prise par le gouvernement bavarois, et qui, pour être beaucoup
+moins radicale, constitue cependant une démonstration caractéristique.
+
+Pendant longtemps, on le sait, le clergé avait été tout-puissant en
+Bavière, à tel point que le roi Maximilien II était allé jusqu'à
+subordonner la Constitution au concordat; ce souverain avait décidé que
+toutes les fois que le pacte constitutionnel se trouverait en opposition
+avec le concordat, celui-ci l'emporterait sur celui-là.
+
+Le gouvernement de Munich vient de décider que, désormais, en cas de
+conflit entre les lois du pays et la convention conclue avec le
+Saint-Siège, c'est la législation nationale qui passera la première.
+
+Les feuilles libérales bavaroises espèrent que cette mesure est la
+préface de l'abolition complète du concordat.
+
+
+
+COURRIER DE PARIS
+
+On a longtemps célébré la tendresse des habitants d'Enghien pour leur
+lac. C'était alors la seule merveille de l'endroit. Un jour, le conseil
+municipal avait posé deux plantons aux extrémités de l'amas d'eau;
+c'était afin de surveiller les passants. «Défense d'approcher du lac,
+sous peine de mort.» On aurait dit le Kisslar-Agha sur le seuil du
+sérail. Monsieur le maire, faisant sa tournée quotidienne, prenait plus
+grand soin du lac que de ses propres yeux. Quand le gros temps menaçait,
+si le vent jetait sur la rive un grain de poussière ou une feuille
+sèche, on voyait le magistrat descendre en toute hâte sur la grève; il
+tirait gravement son mouchoir de sa poche et se mettait à épousseter le
+lac, si cher à la commune. Un spectacle si touchant faisait à bon droit
+l'admiration de Gérard de Nerval, qui venait parfois rêver sur ses
+bords.
+
+Aujourd'hui Enghien n'a plus à passer par ces transes; son lac est
+classé, adopté, arrivé, comme on dit; il n'a plus ni ses preuves, ni sa
+fortune à faire. Cependant, sous un autre rapport que celui de la
+feuille jaunie ou de la poussière qui pourrait ternir le miroir de ses
+eaux, voilà que la même vigilance jalouse se présente en ce moment pour
+les lacs du bois de Boulogne. Là aussi, on est exposé à se cogner contre
+des sentinelles rébarbatives; il y a une consigne d'un sens absolument
+asiatique. Aussitôt que la gelée blanche arrive, un jeune monsieur,
+habillé d'ours, ayant un stick à la main, vous crie: «Au large!
+N'empêchez pas la glace de se former.» Cet élégant quidam est ce qu'on
+appelle un semainier du _Club des Patineurs_.
+
+La semaine passée, les fanatiques du patin ont éprouvé toute une série
+de fausses joies. Sur la foi de l'almanach, on attendait la glace.
+Gèlera-t-il? ne gèlera-t-il pas? Un rat de l'Observatoire s'était quatre
+fois peigné l'oreille gauche avec sa patte de derrière; c'était signe
+qu'il y aurait pendant dix jours vingt-cinq degrés au-dessous de zéro,
+juste la température du Groenland. Dès ce moment, on signale dans les
+régions aristocratiques un mouvement rapide; ce serait à qui arracherait
+ses patins du croc pour courir aux lacs. Tout le long au chemin, les
+amateurs faisaient le plus possible la mine des gens de la Finlande
+courant sur leurs blocs glacés. Un chien errant qui venait à eux leur
+faisait déjà l'effet d'un renard bleu de la Laponie. Au bois, il a fallu
+en rabattre. Cette gelée n'avait rien de sérieux. Le rat de
+l'Observatoire est un farceur qui a pris plaisir à mettre ainsi dedans
+l'élite du beau monde.
+
+Je suis volontiers de ceux qui compatissent aux tristesses du _Club des
+Patineurs_, car enfin il a contribué jadis à donner à notre Paris une
+très-grande animation, des fêtes, de beaux jours, ou, si vous l'aimez
+mieux, de belles nuits. Institué en 1860, en même temps et dans le même
+local que le Tir aux pigeons, il avait et il a encore, jusqu'en 1885, la
+jouissance exclusive d'un bassin construit sur la pelouse de Madrid. Il
+disposait et il dispose encore, par surcroît, de deux autres bassins
+dans le bois de Boulogne. Tous les grands noms du sport se sont
+empressés d'allonger la liste déjà brillante de ses fondateurs. Et comme
+il arrive toujours en ces sortes de choses, la mode s'en est mêlée; on
+s'est mis à aimer la course en zigzags sur la glace; Paris n'était plus
+qu'un gymnase de patineurs de l'un et de l'autre sexe.
+
+Cherchez bien, vous retrouverez dans quelque coin de votre mémoire
+l'image encore vivante d'une de ces soirées où de longues files de
+voitures conduisaient au bout de l'avenue de l'Impératrice les beaux et
+les belles, les fous et les folles, ce qu'on appelle «le monde où l'on
+s'amuse». En ce temps-là, le _Club des Patineurs_ annonçait ses
+exercices par une affiche, absolument comme l'Opéra annonçait un ballet
+nouveau et le cirque les débuts d'une écuyère. Il y avait souvent de
+vives surprises. Une fois c'était une double rangée de flambeaux,
+disposés comme un supplément aux étoiles; une autre fois c'était un
+double quadrige des dames de la cour, se présentant en traîneaux russes
+comme si l'on eût amené la Néwa chez nous.
+
+Ces nuits, le _Club des Patineurs_ a rêvé de les refaire. Pour y
+parvenir, une condition est indispensable: la glace. Il faut que les
+deux lacs gèlent. Jugez de l'impatience des fanatiques! La période
+hivernale va du 15 décembre au 15 janvier, et encore pas toujours. S'il
+doit y avoir des frimas, c'est pendant ce laps de temps, ou bien il n'y
+en aura point. Tous les matins, à leur lever, les coryphées du club sont
+aux aguets.--Où en est-on? Sommes-nous en Sibérie ou toujours en
+Picardie? Neige-t-il? Gèle-t-il? Y a-t-il de la glace? Interrogez les
+astronomes ou les ours blancs du Jardin des Plantes.--Eh bien, jusqu'à
+ce jour, on a eu beau faire; il n'y a eu que quelques pincées de givre.
+Il n'a gelé que pour rire.--Eh! mon Dieu! pourquoi ne pas appeler au
+bord des lacs tels et tels orateurs de Versailles; les deux nappes d'eau
+ne tarderaient pas à être glacées.
+
+Si les patins sont tristes, la fourchette, par contre, est en plein
+mouvement et en pleine allégresse. Pour le quart-d'heure, on ne songe
+qu'à se mettre à table. Grand dîner chez le maréchal de Mac-Mahon,
+président de la République; grand dîner chez M. Buffet, président de
+l'Assemblée nationale; grand dîner chez le duc de Broglie,
+vice-président du conseil des ministres; grand dîner à l'ambassade
+d'Angleterre; grand dîner chez le comte Orloff, ambassadeur de Russie;
+vingt-cinq repas de corps; premiers soupers de carnaval, et cetera, et
+cetera. Ne craignez rien néanmoins au point de vue des
+approvisionnements. Jamais Paris n'aura reçu tant de bourriches. On ne
+voit partout que grosses têtes: daims, cerfs, sangliers. Le poisson de
+mer et d'eau douce arrive par centaines de tonnes. Les marchands de
+comestibles commencent même à exhiber des tortues énormes. Gavarni
+conseillait la soupe à la tortue aux artistes, aux amoureux, aux
+politiques, à tous ceux qui ont besoin d'être fous. «Vous savez qu'elle
+ne va pas sans une poignée de gingembre», disait-il. En fait de gibier à
+plumes, la gamme est des plus riches. Cela va de l'outarde à
+l'allouette, cette succulente messagère du point du jour. Que de
+perdreaux on a rôtis cette semaine! Et les pâtés! il y en a une variété
+qui prime même celle des roses! Ajoutons que, dans notre enceinte, il y
+a 30,000 cuisiniers toujours sous les armes (il ne faudrait pas compter
+moins de 100,000 cordons bleus). Enfin la ville est plus que jamais
+celle dont l'auteur de _Gargantua_ a écrit: «Ici on donne tout à la
+tripe (au ventre)». C'est probablement pour cette raison qu'a été tracé
+ce billet, envoyé à un éditeur:
+
+«Retardez, je vous prie, d'un mois, la publication de mon nouveau roman.
+
+Victor Hugo.»
+
+Un grand homme qui ne serait pas content du tout, s'il vivait encore,
+c'est J.-J. Rousseau. Dans ce même théâtre du palais de Versailles où
+Marie-Antoinette se plaisait à faire jouer le _Devin du village_, ces
+jours-ci, pendant une séance de l'Assemblée nationale, on a tout à coup
+interpellé l'ombre du citoyen de Genève, et on lui en a dit de toutes
+les couleurs. L'auteur de la _Nouvelle Héloise_, tant aimé de nos pères,
+a donc été traité du haut en bas par les petits-fils. Un jour, on lui a
+dressé une statue par souscription nationale; un autre jour, il a été
+mis au Panthéon; à présent, il serait jeté à la voirie, si un zélé ne
+s'était pas mis en mesure de brûler ses ossements et ceux de Voltaire.
+Tel est le revirement des choses humaines. Mais, voyons, puisque ceux
+qui discourent si bien aujourd'hui contre lui ne peuvent l'atteindre en
+chair et en os, que ne font-ils effacer son nom, imprimé aux quatre
+coins d'une de nos rues?
+
+Dans des mémoires relatifs au premier empire, on lit qu'à cette époque
+déjà, un mouvement de recul s'étant manifesté, ceux qui entouraient la
+personne de l'empereur s'emportaient tout haut contre le philosophe.
+Napoléon n'aimait pas J.-J. Rousseau, qu'il trouvait trop pompeux et
+trop rigide; il préférait Voltaire, cent fois plus accommodant. Pour
+mettre fin à la discussion, un soir, à Compiègne, dans un souper de
+chasse, il dit, en s'adressant à M. Stanislas de Girardin:
+
+--Je ne l'aime pas, votre Jean-Jacques. Il ne peut écrire dix lignes
+sans y mettre le mot de vertu, et puis c'est lui qui est cause de la
+Révolution.--Il est vrai, se hâta-t-il d'ajouter en riant, que j'y ai
+attrapé le trône.
+
+En finira-t-on avec les papiers posthumes ou soi-disant tels? La mode
+veut maintenant que du jour où un écrivain de quelque célébrité est
+mort, on imprime jusqu'à la plus insignifiante des pattes de mouches
+qu'il a laissées. Sans doute il arrive parfois que l'histoire littéraire
+et l'art s'en trouvent bien, ainsi qu'on vient de le voir par la
+correspondance de Prosper Mérimée avec une Inconnue. Mais pour un succès
+combien de platitudes? que d'abus!
+
+Dans les derniers temps de sa vie, voyant que cette pratique était déjà
+en honneur, Alfred de Musset mit sa constante sollicitude à s'en
+défendre; il se surveillait lui-même au point de ne vouloir plus tracer
+une ligne.
+
+--Tant pis, disait-il à T***, je ferai à l'avenir mes commandes de vive
+voix; je ne veux plus me permettre même une lettre à mon bottier.
+
+On a su depuis pourquoi le poète était devenu à ce point hydrophobe
+d'encre appliquée aux petits incidents de la vie. Le catalogue du
+libraire G*** a fait là-dessus des révélations. Un jour, entre autres
+lettres curieuses, on en mettait une en vente; c'était une épître que
+l'auteur de _Rolla_ avait écrite de force, à la suite d'un guet-apens.
+Le papier en question existe encore. Il figure dans la collection de M.
+R***, qui a bien voulu en autoriser la transcription.--La secrète et
+légitime antipathie d'Alfred de Musset pour les paperasses littéraires y
+est très-nettement spécifiée, ainsi que vous allez le voir.
+
+Nota.--A l'exemple d'Horace, de Martial et de Boileau, il avait été
+invité à dîner; c'est là le guet-apens. Au dessert, on lui avait planté
+à la main une plume de fer, l'instrument du supplice.
+
+D'où le morceau qui suit:
+
+«Paris, 5 mars 1849,
+
+«D'une maison de la rue des Bons-Enfants.
+
+«Sur la mort d'un parapluie,
+
+«Ayant, dis-tu, besoin d'un autographe de moi, ton ancien camarade de
+collège, tu me demandes de t'écrire une lettre. Une lettre! Il faut
+qu'elle ait l'air d'être sérieuse et qu'elle ne le soit pas pour tout de
+bon. Pour que! motif, sur quel thème aurai-je à faire ainsi une page ou
+deux? Je n'en sais absolument rien. Je suis comme un homme que la
+patrouille conduirait au violon parce qu'un autre aurait cassé un
+carreau de vitre au cabaret.
+
+«Tu me dis:--Aie recours à quelque truc d'imagination.
+
+«Soit.
+
+«Eh bien, je me fais auteur en ta présence, puisque tu m'as mis un
+couteau à découper sous la gorge; j'imagine, j'invente, je suppose; je
+fais oeuvre de poète.
+
+«Prenons que je suis un bon bourgeois et que j'aie perdu mon parapluie;
+c'est à toi que je m'adresse pour savoir si c'est un parapluie mort ou
+encore en vie.
+
+«Je te dis donc en propres termes, sur le ton d'un confident du
+Théâtre-Français.
+
+«Cher monsieur, il vient de m'arriver le plus grand des malheurs: j'ai
+perdu mon parapluie.
+
+«Ah! c'était un parapluie superbe! Point de coton, tout en soie. Des
+baleines en os de baleine. Un vrai poème. On voudrait me donner les
+OEuvres complètes de mes trente-neuf confrères de l'Académie française
+en échange de cet incomparable rifflard que je n'accepterais pas.
+Voyons, oui ou non, l'avez-vous trouvé?
+
+«Si vous ne l'avez pas trouvé, c'est un parapluie mort; je n'ai plus
+qu'à acheter une canne-fusil pour me brûler la cervelle.
+
+«Avant d'en venir là, sachant mon métier, je voudrais faire son
+épitaphe. Mais encore je ne sais pas où je devrais faire graver ces deux
+vers, en style lapidaire, puisque j'ignore où reposent ses restes?
+
+«N'importe, écrivons toujours l'épitaphe.
+
+«Ci-gît l'innocent parapluie Que je n'ai jamais vu de ma vie.
+
+«Et je signe pour qu'il ne manque rien à l'autographe:
+
+«Alfred de Musset,»
+
+Qu'est-ce que vous dites de ça, amateurs de la littérature
+d'outre-tombe?
+
+Et bien, toujours, toujours, toujours des autographes!
+
+Rue Drouot, à l'Hôtel des commissaires priseurs, à la vente des livres
+du pauvre Emile Gaboriau, on a montré le joli billet que voici,
+chef-d'oeuvre d'une actrice bien connue.
+
+C'est une interpellation à une modiste.
+
+«Paris, le 7 avril 1867.
+
+«Madame S***,
+
+«Veuillez, je vous prie, me faire sans retard un chapeau exactement
+semblable au dernier que vous m'avez fourni.
+
+«Compliments empressés.
+
+«Hortense Schneider de Gérolstein.»
+
+Voilà qui est drôle sans doute, mais il y a des précédents.
+
+Au commencement de la Restauration, Mme la maréchale Soult avait eu
+occasion d'écrire à Mlle Bourgoin, de la Comédie-Française, pour la
+prier de venir déclamer des vers à une de ses soirées. La duchesse avait
+signé son billet: _Sophie de Dalmatie_. Quant à l'actrice, qui avait au
+plus haut point l'esprit de répartie, elle signa sa réponse: _Iphigénie
+en Aulide_.
+
+--C'est une vieille histoire qui a amusé tout Paris pendant huit jours.
+
+Philibert Audebrand.
+
+
+
+[Illustration: PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE.--Lecture de l'arrêt
+au condamné.]
+
+
+
+P. BLANCHARD
+
+Le monde des artistes vient de faire une perte nouvelle, et qui sera
+plus cruellement sentie à l'_Illustration_ que partout ailleurs. M.
+Pharamond Blanchard est mort cette semaine, à l'âge de soixante-neuf
+ans. C'était à la fois le plus érudit et le plus charmant des hommes. Il
+causait de toutes choses avec un art infini, il avait des jugements
+très-sûrs et des anecdotes toutes prêtes sur tous les sujets. _Quiconque
+a beaucoup vu...._ dit La Fontaine; M. Blanchard avait beaucoup vu et
+pour donner raison au fabuliste, beaucoup retenu. Que de fois nous avons
+pris plaisir à l'écouter! Dans le recueil de lettres de Prosper Mérimée
+qui vient de paraître sous ce titre, _Lettres à une inconnue_, il est
+question d'un «M. Blanchard» qui étonne Mérimée lui-même et qui le
+charme en lui parlant de moeurs et de pays peu connus. C'était notre
+collaborateur et nous pouvons dire notre vieil ami que désignait ainsi
+l'auteur de _Colomba_.
+
+Pharamond Blanchard était né en 1805 à Lyon. Il avait étudié dans
+l'atelier de Gros et il avait gardé le respect de cet enseignement
+solide. En quittant son maître, Pharamond Blanchard avait commencé par
+être peintre de décors. Nous nous souvenons lui avoir entendu conter
+qu'il travailla sous la direction du baron Taylor qui avait installé une
+sorte de théâtre étonnant où les décorations prenaient, grâce à un
+système particulier d'optique, l'intensité de réalité que donne le
+diorama. Il y avait à une vue de Jérusalem, aperçue du haut d'une
+terrasse, à laquelle M. Blanchard avait grandement collaboré et qu'il
+citait, en causant, comme un de ses titres de gloire.
+
+[Illustration: BLANCHARD.]
+
+J'ai répété le mot «en causant». C'est que cet artiste infatigable, ce
+producteur dont on trouverait le nom, on peut le dire, presqu'à chaque
+page de l'_Illustration_, au bas d'un nombre infini de scènes de
+voyages, de paysages, ce peintre était aussi un causeur exquis, et
+j'ajoute, un écrivain véritable. Maintes fois, en effet, il a jeté sur
+le papier, non plus seulement avec le crayon, mais avec la plume des
+souvenirs et des impressions de voyages, et toujours il a su intéresser
+et charmer. Il fallait l'entendre avec sa voix d'une bonhomie railleuse,
+tombant de ses lèvres arguées par un sourire, raconter ses journées de
+touriste en Russie, en Orient, au Mexique, en Espagne, au Caucase! Ses
+yeux, derrière ses lunettes, prenaient alors une expression pétillante
+de douceur malicieuse. Il savait et parlait plusieurs langues et
+entremêlait ses récits pittoresques de citations, de dictons, de
+proverbes, de refrains exotiques.
+
+
+[Illustration: PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE.--Salle des réunions du
+conseil.]
+
+
+Blanchard était né voyageur, mais la façon dont il fit son voyage au
+Caucase peint tout à fait son caractère et le charme personnel que
+possédait ce brave et honnête homme. Il était parti pour la Russie avec
+la mission de rendre compte à l'_Illustration_ des fêtes données à
+Saint-Pétersbourg à l'occasion du sacre du czar. Blanchard envoyait ici
+ses croquis et il avait annoncé qu'il ne resterait dans le Nord que
+quinze jours. Il y resta trois ans. Un gentilhomme russe se prit pour
+lui d'une belle amitié et l'emmena, bon gré mal gré, au Caucase. Les
+semaines et les mois passaient et Pharamond Blanchard donna deux ans de
+sa vie à ce voyage d'où il revint en laissant là-bas des amitiés et des
+regrets sincères.
+
+Et à propos de voyages, nous n'oublions pas nous-même l'excursion que
+nous fîmes ensemble, en 1866, pendant que grondaient en Bohême les
+canons prussiens et autrichiens. Nous allâmes aux fêtes séculaires
+données pour célébrer la réunion de la Lorraine et du Barrois à la
+France. De Nancy, nous allâmes à Metz qui était encore Metz la vierge.
+Que ce temps-là est loin! Une partie de la Lorraine est prussienne
+aujourd'hui, des Bavarois paradent à Metz, devant la statue de Ney, et
+notre gai compagnon de voyage, qui, levé bon matin, commençait aussitôt
+et conduisait jusqu'au soir ses amusantes histoires, Pharamond Blanchard
+a disparu, aimé de bien des gens et estimé de tous.
+
+Nous ne saurions compter tout ce que Blanchard laisse après lui d'études
+de toutes sortes, de travaux achevés, de dessins, de tableaux. Aucune
+existence ne fut plus laborieuse et plus digne que la sienne; et
+l'_Illustration_ perd là, avec un ami, un de ses plus chers et de ses
+plus dévoués collaborateurs.
+
+Jules Claretie.
+
+
+
+LA SOEUR PERDUE
+
+Une histoire du Gran Chaco
+
+(Suite)
+
+Il allait dire:
+
+«Si votre père avait été là, il ne lui aurait pas laissé remporter sa
+fourrure.»
+
+En effet, si bon chasseur qu'il fût, Gaspardo avait trop souvent vu
+Halberger à l'oeuvre pour douter de ce qu'il eût fait à sa place. Il
+n'était pas non plus sans regretter ce beau coup et certes il ne l'eût
+pas laissé échapper s'il n'eût eu à craindre que pour lui-même, et s'il
+n'avait dû penser avant tout aux jeunes gens qui lui étaient confiés.
+
+Il garda donc pour lui le surplus de ses réflexions. Le brave homme ne
+voulait pas renouveler la douleur des jeunes gens, en évoquant un nom
+lié à de si chers et si cruels souvenirs.
+
+«Caramba! reprit-il aussitôt. Il ne sera pas dit que j'abandonnerai
+cette tigresse aux fourmis, aux loups ou à toute autre vilaine bête qui
+aurait la chance de se promener par ici. Qui sait, d'ailleurs, si nous
+ne repasserons pas bientôt devant cette caverne? Quoi qu'il en doive
+arriver, je tiens à pouvoir un jour ou l'autre rentrer en possession de
+cette fourrure. J'ai tout le temps nécessaire pour la dépouiller avant
+que l'eau soit assez basse pour nous laisser traverser. Ainsi, à
+l'ouvrage.»
+
+Tout en parlant il avait dégainé son grand couteau de gaucho et se
+mettait en devoir de dépouiller le jaguar. L'opération ne dura pas
+longtemps. La superbe fourrure avec ses mouchetures d'un noir de jais
+cédait rapidement sous ses doigts habiles, et bientôt la carcasse de la
+bête gisait nue sur le soi.
+
+«Quant à cela, les saubas peuvent le prendre et s'en régaler, dit-il en
+montrant la chair encore fumante, et je ne les plaindrai pas; il y a
+telle occasion où des chrétiens s'en arrangeraient comme eux; je me
+souviens d'un temps où j'aurais été bien aise d'en avoir une tranche à
+griller. Oui, mes jeunes maîtres, dans ce même Chaco, j'ai vécu une
+semaine entière sur la carcasse d'une vizcacha (1) étique, sans compter
+le mal que je m'étais donné pour rattraper.
+
+--A quelle époque, Gaspardo?» demanda Ludwig, intéressé malgré sa
+tristesse par les paroles du gaucho.
+
+[Note 1: Le Vizcacha (Lagostamus tachodactylus), ressemble à un
+gros lapin, mais ses incisives sont plus longues et sa queue est
+allongée.]
+
+Ludwig avait les dispositions de son père; il aimait tout ce qui se
+rapportait à la nature ou aux luttes soutenues contre elle.
+
+«Ma foi, senorito, l'affaire arriva il y a pas mal de temps. Mais
+l'histoire est trop longue pour que je vous la raconte aujourd'hui. Nous
+n'avons plus maintenant qu'à disposer cette peau de façon à ce qu'elle
+puisse sécher ici, à l'abri des indiscrets, et puis nous remonterons en
+selle.»
+
+Prenant alors quelques bouts de corde dans son recado, il pratiqua
+quatre petits trous aux quatre extrémités de la dépouille de son jaguar,
+et la fixa à l'aide de ses cordes à des stalactites de la grotte, qui se
+trouvaient là tout à point pour lui remplacer les clous qu'il n'avait
+pas.
+
+«C'est vraiment, dit-il en contemplant la peau faisant plafond au-dessus
+de sa tête, un séchoir digne d'elle. A cette place elle est hors de
+portée des saubas et des loups, et si personne qu'eux ne vient fourrer
+son nez par ici et se mêler de ce qui ne le regarde pas, elle pourra s'y
+garder des semaines sans se gâter. Les choses ne se détériorent pas dans
+une caverne comme en plein air; je ne sais pas pourquoi, c'est peut-être
+parce que le soleil ne les atteint pas.»
+
+Ludwig aurait pu certainement expliquer le phénomène à son ami, mais il
+était un peu tard pour entreprendre son éducation scientifique, et il ne
+l'essaya pas. On peut voir d'ailleurs, que pour Gaspardo, l'expérience
+remplaçait la science.
+
+En regardant une seconde fois au dehors, ils reconnurent que le torrent
+avait baissé assez de niveau pour leur permettre d'en suivre le bord.
+Aussi, sans perdre plus de temps, ils conduisirent leurs chevaux à
+l'entrée de la grotte, montèrent en selle et se remirent à chercher la
+piste des Tovas.
+
+Ils avaient déjà descendu le cours du ruisseau jusqu'à son embouchure,
+et avaient gravi la berge du fleuve, sans être encore parvenus à
+retrouver les traces des cavaliers. L'ouragan de poussière et le déluge
+de pluie qui l'avait suivi, avaient effacé toutes les empreintes, et le
+gaucho semblait fort préoccupé.
+
+«_Maldita_»! s'écria-t-il au moment où tous trois appuyant sur leur
+bride, s'étaient arrêtés comme d'un commun accord, interrogeant
+alternativement le sol et les regards de leurs compagnons. «Maldita! pas
+plus que moi, vous autres, vous n'avez rien vu?
+
+--Faut-il nous arrêter, dit Ludwig, qui voyait bien que ses amis, tout
+comme lui-même, étaient fort inquiets de la piste perdue; faut-il
+vraiment nous arrêter?
+
+--Nous arrêter! s'écria Cypriano. Pensez-vous, cousin, à abandonner la
+poursuite?
+
+--Non, non; je ne veux pas dire cela.
+
+--Plutôt que d'abandonner cette poursuite, continua le jeune Paraguayen
+sans attendre la réponse de Ludwig, je passerais le reste de mes jours à
+courir dans le Chaco. Je l'ai juré à votre mère, Ludwig; je ne
+retournerai à l'estancia que pour y ramener votre soeur.
+
+--Je suis aussi résolu que vous, cousin, répondit Ludwig, vous le savez
+bien; mais le Chaco est grand, et errer à l'aventure n'aboutirait à
+rien. S'il n'y a pas lieu de désespérer, il y a lieu du moins de
+réfléchir.
+
+--Nous savons, reprit Cypriano, que Francesca est avec les Tovas. Ils
+forment une tribu nombreuse, et une tribu ne se cache pas indéfiniment
+dans un trou. Les Tovas ne sont pas gens à rester bien longtemps en
+place. Il y a toujours parmi eux quelque expédition en route. Nous
+finirons bien par en rencontrer une; et il ne nous en faut pas davantage
+pour nous remettre sur la voie du groupe principal.
+
+--Hélas! répondit tristement Ludwig, il peut se passer longtemps avant
+que nous rencontrions un être humain dans cette affreuse solitude. Que
+fera ma pauvre mère jusqu'à notre retour? Je ne puis m'empêcher de
+songer à elle, qui est seule, si peu de temps après la mort de mon père,
+et avec sa tombe devant les yeux. Elle va croire que nous sommes perdus
+aussi. Si nous pouvions du moins lui envoyer quelqu'un pour lui dire que
+nous sommes tous bien portants!»
+
+La tête du malheureux jeune homme, en prononçant ces mots, s'inclina sur
+sa poitrine, et une larme qu'il ne put retenir glissa de sa paupière.
+
+Ludwig adorait sa mère. L'idée qu'en leur absence quelque danger pût la
+menacer à son tour, le jetait dans une perplexité affreuse. Son coeur
+avait été si profondément ému par la douleur dans laquelle il l'avait
+laissée à son départ, qu'il ne pouvait en chasser le souvenir. Le sort
+même de sa soeur, si affreux qu'il pût être, ne pouvait le tourmenter
+davantage. C'était une innocente enfant, et personne, pensait-il, pas
+même un sauvage, ne devait être capable de lui faire du mal. Il se
+plaisait à croire qu'elle ne courait d'autre danger qu'un prolongement
+de captivité. Sans doute, elle aussi, devait être dévorée de soucis;
+elle avait vu de ses propres yeux un spectacle plus horrible encore,
+s'il était possible, que celui auquel ils avaient assisté; mais Ludwig
+qui ne pouvait rien savoir de la mort de Naraguana, comptait encore
+fermement que l'amitié que le chef avait toujours eue pour son père,
+serait une sauvegarde pour sa soeur. Dans sa pensée, les auteurs du
+guet-apens dans lequel avait péri son père, et qui avait eu pour suite
+l'enlèvement de Francesca, devaient déjà avoir été punis par
+Naraguana.--Qui sait même si, pendant qu'ils couraient à la recherche de
+la malheureuse enfant, cet ami fidèle et si souvent éprouvé, ne l'avait
+pas rendue à sa mère.--Il se jeta dans les bras de Cypriano.
+
+«Cousin, lui dit-il, vous avez été orphelin de si bonne heure, que vous
+ne savez pas ce que peuvent être pour un fils un père comme le mien, et
+une mère comme celle que j'ai peut-être eu tort d'abandonner à son
+désespoir.
+
+--Je sais, Ludwig, répondit Cypriano, tout ce que valait, et pour vous
+et pour moi, celui que nous avons perdu. Je sais ce que vaut votre mère;
+n'a-t-elle pas été une seconde mère pour moi? Je partage votre angoisse.
+Je voudrais être, ainsi que vous, tout à la fois à l'estancia pour y
+pleurer avec ma tante, et au coeur de la tribu des Tovas, pour leur
+arracher Francesca. Mais entre deux devoirs également impérieux, il faut
+choisir et, le choix fait, il faut persévérer. Votre mère est entourée
+de serviteurs fidèles cl dévoués; Francesca est entre les mains des
+assassins de votre père. Le choix peut-il être douteux?»
+
+Ludwig se redressa sur ses étriers, et fixant les yeux dans la direction
+probable de l'estancia, il envoya de la main, à travers l'espace, un
+baiser à celle qui occupait sa pensée.
+
+«Ma mère, dit-il, ma chère mère, vous seule pourriez comprendre mes
+hésitations, et les absoudre!»
+
+Après quoi frappant sur l'épaule de Gaspardo, qui pendant toute cette
+conversation était resté plongé dans de profondes réflexions:
+
+«Marchons, dit-il; marchons en aveugles, s'il le faut.
+
+--Pas précisément en aveugles, senorito! interrompit le gaucho, pas
+précisément. Nous avons un guide, peut-être n'est-il pas des meilleurs
+ni des plus sûrs; mais enfin, c'est toujours plus et mieux que rien.
+
+--Lequel? s'empressèrent de demander les deux cousins.
+
+--Le fleuve! répliqua Gaspardo. Mon avis est que nous pouvons nous y
+fier encore pendant quelque temps. D'après les traces laissées par les
+brigands jusqu'au moment où nous les avons perdues, je suis persuadé
+qu'ils ont longé le Pilcomayo en le remontant. La tormenta a duré une
+heure, et comme nous, ils se seront arrêtés quelque part. S'ils n'ont
+pas quitté le bord de l'eau avant le commencement de la tempête, nous
+allons retomber sur leur piste, que le sol humide, mais non plus
+détrempé, nous rendra d'autant plus facile à suivre. Si nous la
+retrouvons, nous prendrons le galop; et peut-être atteindrons-nous les
+Indiens avant la nuit. Je suis sûr qu'ils ont passé ici depuis le lever
+du soleil. Evidemment ils ne se pressaient pas, puisqu'ils avaient
+relativement peu d'avance sur nous.
+
+--Dieu le veuille, s'écria Cypriano en réponse à l'observation du
+gaucho. En avant! reprit-il avec impétuosité; et sans attendre que
+Gaspardo eût répliqué, il enfonça ses éperons dans le ventre de son
+cheval et partit le long du fleuve, suivi de près par ses deux
+compagnons.
+
+Mayne Reid.
+
+(La suite prochainement.)
+
+
+
+UN VOYAGE EN ESPAGNE
+PENDANT L'INSURRECTION CARLISTE
+
+(Fin.)
+
+En quittant Pampelune, à mon tour, pour me rendre à Vitoria, où se
+concentrait, m'assurait-on, l'armée du Nord, je pus me convaincre sur
+toute ma route de l'effet magique produit par l'ordonnance royale
+précitée. Partout je rencontrais des groupes de montagnards qui,
+désertant leurs villages, allaient s'enrôler dans des bandes, et cela
+ostensiblement et en chantant la chanson basque: _Le retour du roi_.
+Dans le train que je pris de Pampelune à Alsasua, sur la ligne de
+Saragosse, je fis le voyage avec une centaine de ces enrôlés
+volontaires, qui ne cachaient nullement le but de leur voyage. Arrivés à
+Alsasua, ils quittèrent le train pour se jeter dans les montagnes, et
+cela, malgré la présence de la brigade de Loma, qui campait à cette
+station. Il était impossible que les chefs de la troupe régulière
+ignorassent l'intention de ces montagnards, armés de bâtons et portant
+des sacs en toile, et qui, du reste, ne se gênaient pas dans leurs
+manifestations carlistes. On les laissa néanmoins passer fort
+tranquillement.
+
+Cet élan général des populations rurales était imité, au surplus, par
+les jeunes gens et les hommes des classes élevées. L'aristocratie
+carliste elle-même entretenait et propageait le feu sacré de la guerre
+civile. Un des traits principaux qui distinguent les notabilités du
+parti légitimiste en Espagne est leur dévouement sans bornes à la
+défense de leur cause, même au préjudice de leurs plus chers intérêts.
+Je n'en citerai qu'un exemple; il pourra donner une idée de la foi
+ardente qui les anime à l'égard de leur roi.
+
+A peu de distance de Tafalla s'élève, dans un vallon délicieux, un
+château mauresque, ou plutôt un palais d'été qu'on appelle dans la
+contrée _el Buen-retiro_ de la duchesse de M***. Me trouvant de passage
+dans les environs, à la suite d'une colonne commandée par le _cabecilla_
+Rada, il me fut donné de visiter cette résidence véritablement royale.
+La duchesse, devenue la providence de l'insurrection, l'habitait de
+préférence à son hôtel de Madrid. Un officier carliste voulut bien me
+présenter à la jeune châtelaine, âgée à peine de vingt-cinq ans et dont
+le mari occupait un poste de confiance auprès du prétendant. Elle daigna
+nous recevoir dans un salon de forme à demi-circulaire qu'on aurait pu
+prendre, à son agencement, aux meubles qui le garnissaient, et surtout à
+la lumière du jour qui y pénétrait par le plafond à travers des vitraux
+de couleurs différentes, pour un boudoir ou mieux encore pour un
+oratoire.
+
+Après une conversation qui dura une demi-heure et dont le sujet
+principal fut la campagne qui s'ouvrait sous les auspices du roi en
+personne, les résultats qu'on s'en promettait et les espérances qu'elle
+offrait en perspective, la duchesse se leva de son fauteuil moyen âge,
+et s'adressant à l'officier et à moi:
+
+--Permettez-moi, messieurs (_senores_), nous dit-elle avec une grâce
+exquise, de vous faire admirer ma galerie de tableaux.
+
+Et précédés d'un majordome tout galonné qui souleva les portières qui
+cachaient l'issue de la galerie, nous y entrâmes ensemble. Autant la
+lumière du jour était affaiblie dans son salon, autant elle éclatait
+dans cette nouvelle pièce éclairée par un ciel ouvert qui avait été
+ménagé dans toute sa longueur. De chaque côté des murs recouverts de
+riches tapisseries apparaissaient deux rangées de tableaux dont le
+nombre et la variété éblouissaient la vue: et, se faisant notre
+cicerone:
+
+--Vous voyez ici, nous dit la duchesse, un tableau de Vélasquez qui fut
+commandé à ce grand maître par un de mes ancêtres. Ce Murillo a été
+peint exprès pour ma famille. Le Ribeira qui vient après est le
+chef-d'oeuvre de ce peintre; il a été donné à mon bisaïeul par notre bon
+roi Charles IV.
+
+Et successivement elle passa en revue toutes les toiles, assignant à
+chacune d'elles son origine, émettant son avis et nous demandant le
+nôtre qui, comme on le pense bien, ne différait guère de celui de la
+duchesse. Nous passâmes ainsi en revue une soixantaine de tableaux dont
+j'avais hâte, pour ma part, de voir la fin. Nous arrivâmes devant la
+dernière toile, tout récemment peinte. C'était le portrait en pied de
+Charles VII, le prétendant au trône d'Espagne, qui se trouvait, en ce
+moment, à la tète de l'insurrection carliste.
+
+--Je vous présente, nous dit-elle en s'inclinant profondément devant le
+tableau, l'image du roi d'Espagne, en dépit du statut royal, de la reine
+Isabelle et de la république fédérale. Dieu, le peuple et le bon droit
+sont pour lui, et sa cause légitime a, pour elle, la fortune et la vie
+de tous les bons Espagnols. Sa ressemblance est frappante!
+
+En prononçant ces mots, les traits impassibles de la duchesse s'étaient
+tout à coup animés; ses yeux vifs lançaient des éclairs et tout son
+corps frêle et gracieux s'agitait convulsivement, comme si un esprit
+fatidique l'eût animé. J'avais devant moi le fanatisme politique dans la
+personne d'une faible femme qui personnifiait en ce moment tout son
+parri.
+
+La visite des tableaux terminée, nous prîmes congé de la duchesse de
+M***, l'officier, pour aller rejoindre sa bande, et moi, pour continuer
+mes excursions de journaliste et de correspondant.
+
+J'arrivais à Vitoria, capitale de l'Alava, le 10 du mois de juillet. Je
+m'attendais à y trouver une partie des troupes qui devaient composer
+l'armée du Nord et dont la concentration, au dire des journaux
+espagnols, s'y opérait depuis plusieurs jours. Quelle déception! Toute
+l'armée du Nord se bornait à une simple brigade d'infanterie, à un
+détachement de cavalerie et à une vingtaine de soldats du génie. Les
+populations montraient, au reste, au sujet de l'armée du Nord, et
+généralement à l'égard de tout ce qui touche à la politique et aux
+affaires du pays, une indifférence incompréhensible.
+
+Tandis que dans tous les pays libres, et surtout en France, les masses
+se préoccupent de la conduite du gouvernement, le peuple espagnol
+semble, par son apathie naturelle, se complaire à y rester complètement
+étranger. Je puis invoquer comme preuve à l'appui de cette assertion le
+peu d'influence qu'exerce la presse périodique sur l'esprit public.
+C'est à peine si dans les grands centres on reçoit un ou deux journaux;
+quant aux petites localités et aux campagnes, le journal y est une chose
+inconnue. Aussi ne se publie-t-il à Madrid que cinq ou six journaux qui
+aient une certaine importance par leur tirage, tels que la _Epoca, la
+Discussion, el Tiempo, la Reconquista_ et la _Correspondencia_: et ils
+n'ont cette importance que parce qu'ils sont les organes des quatre
+grands partis qui se disputent les destinées de l'Espagne. La
+_Correspondencia_, le plus répandu de tous, n'est qu'un _Journal de
+faits_ qui ne doit sa grande vogue qu'à son habile compilation et à son
+extrême bon marché.
+
+Excepté donc Madrid, les autres villes de province n'ont pas de journaux
+politiques ou ne publient, sous le nom de _Diario_, que des feuilles
+insignifiantes. Un docteur de la Faculté de Salamanque, homme de
+beaucoup d'esprit, auquel je faisais part de mes observations sur cette
+indifférence des Espagnols à l'endroit de la presse, me répondit fort
+méchamment:
+
+--En France, le peuple fait trop de politique; en Espagne, il n'en fait
+pas assez; mais à tout prendre, j'aime mieux l'indifférence du peuple
+espagnol, car je ne vois pas que les affaires du gouvernement marchent
+mieux chez vous que chez nous.
+
+A partir de l'entrée du prétendant sur le territoire espagnol, les
+carlistes n'ont cessé d'agrandir le cercle de leurs opérations
+militaires, dont j'ai pu constater, sur les lieux, les différentes
+phases. Ils se sont rendus maîtres successivement: d'un côté, de la
+route de Pampelune et des contrées environnantes, depuis le Bazlan et le
+Val-Carlos, le long de la frontière, jusqu'au pont de Behobie; de
+l'autre, d'une grande partie du Guipuzcoa et de la Biscaye, du moins de
+leurs principaux centres. Estella, qui est une petite place forte, est
+tombée et restée en leur pouvoir. Ils tiennent la campagne dans l'Aragon
+et la province de Santander, et dans celle de Burgos; leurs bandes
+parcourent impunément et sans trouver une trop grande résistance, les
+provinces de Huesca, Lérida, Tarragone et Barcelone.
+
+Aux armes qui leur arrivent de l'étranger, il faut ajouter que les
+carlistes, dont l'armement laissait beaucoup à désirer dès les débuts de
+la campagne, fabriquent eux-mêmes des armes dans les pays qu'ils ont
+conquis. Ils ont établi à Vera, dans une ancienne usine métallurgique,
+une fabrique de munitions de guerre où travaillent une centaine
+d'ouvriers; à Areso, petite localité située à trois lieues de Tolosa,
+fonctionne une fabrique de canons qu'ils y ont tout récemment installée;
+enfin, à Eibar et à Placencia, anciennes fabriques d'armes appartenant à
+l'État et dont ils se sont emparés, on confectionne tous les jours des
+fusils, des baïonnettes et des sabres. Je dois reconnaître, il est vrai,
+que toutes ces conquêtes leur ont été facilitées par la désorganisation
+de l'armée régulière, dont il serait trop long de raconter ici les
+causes qui l'ont produite.
+
+En résume, l'armée carliste s'élève, à l'heure qu'il est, à 45,000
+hommes environ, tant dans les provinces du Nord que dans celles de la
+Catalogne; et c'est dans l'espace de huit mois seulement que cette armée
+s'est formée, au milieu des embarras et des entraves de toute sorte.
+C'est donc contre cette formidable insurrection que le gouvernement de
+Madrid a, tous les jours, à lutter.
+
+Quoi qu'il en soit, une prompte solution à cet horrible état de choses,
+se résumant par la guerre civile et l'anarchie, ne saurait longtemps se
+faire attendre, à moins que l'Espagne ne veuille plus compter au rang
+des nations civilisées. Quatre partis sont aujourd'hui en présence, et
+tous les quatre ont la prétention de donner à ce pays si troublé un
+gouvernement régulier.
+
+--Quel est celui des quatre qui triomphera? demandai-je un jour au même
+docteur de Salamanque qui n'a pas une foi bien robuste dans la liberté
+de la presse.
+
+--Voici quelle est, me dit-il, mon opinion à ce sujet:
+
+«Don Carlos ayant franchi l'Ebre à la tête de ses troupes, en marche sur
+Madrid, parviendra-t-il à rallier l'opinion publique, fatiguée de
+révolutions et de guerres civiles, et sera-t-il acclamé roi d'Espagne,
+ainsi que le droit traditionnel peut le lui faire espérer? Alors, c'est
+la restauration monarchique qui monte avec lui sur le trône. Ce résultat
+est encore problématique.
+
+«Faut-il croire que les _intransigeants_, qui composent le parti
+_communard_ et socialiste, parviendront à établir le régime _cantonal_
+par le vol, l'incendie et le pillage dont ils viennent de donner tant de
+preuves? Je ne le pense point. Nous ne sommes pas encore, en Espagne,
+convertis aux idées démagogiques et matérialistes des libres penseurs.
+Ceux-ci ne peuvent donc tarder d'être domptés, soit par la force des
+armes, soit par la force de l'opinion publique.
+
+«Le dictateur Castelar espère-t-il pouvoir consolider la _République
+fédérale_, ce rêve de quelques milliers d'insurgés qui croient qu'on
+transforme une monarchie en république, comme on résout un problème
+d'algèbre? C'est bien douteux. Pour arriver à ce but, il lui faut de
+l'argent; le trésor n'en a point et le crédit lui fait défaut.--Il s'est
+réservé le droit de destituer les ayuntamientos des provinces et les
+municipalités; mais le jour où il portera une atteinte à ces libertés,
+dont les populations des provinces sont si jalouses à bon droit, ce
+jour-là il aura tout le pays contre lui. Pour ces motifs et pour bien
+d'autres, la _République fédérale_ est loin de pouvoir s'établir encore
+en Espagne.
+
+«Il est un quatrième parti qui se cache dans l'ombre, paraissant ne pas
+conspirer et qui pourtant s'agite sans bruit et sans armes; c'est celui
+du prince Alfonse, fils et héritier de la reine Isabelle. Il ne veut pas
+arriver au pouvoir par ses propres forces, mais il compte beaucoup sur
+la force des événements. Le maréchal Serrano a été appelé à Madrid par
+Castelar; est-ce pour travailler à la consolidation de la République?
+Personne ne le pense en Espagne. Serrano est un en-cas que s'est réservé
+Castelar pour le jour où ses efforts républicains lui faisant défaut, il
+abandonnera, à son tour, le pouvoir, comme ont fait Orense, Pi y
+Margall, Figueras et Salmeron. Tout porte à croire qu'alors il mettra le
+fardeau de l'État sur les épaules du maréchal. Celui-ci acceptera-t-il
+cette transmission d'un pouvoir _in extremis_? Cela est possible et même
+probable; mais, dans tous les cas, ce ne sera jamais pour consolider une
+république quelconque.
+
+«On peut donc, ajouta le docteur, considérer dès à présent, comme morte,
+la République en Espagne, et le rétablissement de la monarchie comme
+inévitable.»
+
+
+
+ALMANACH DE L'ILLUSTRATION
+POUR 1874
+
+(Trente et unième année)
+
+L'Almanach de l'Illustration pour 1874 forme un bel album grand in-8°,
+magnifiquement illustré et doré sur tranches.--Prix: 1 fr.; par la
+poste, 1 fr. 25 c.
+
+
+
+[ÉVÉNEMENTS DE CUBA.--Exécution de l'équipage du _Virginius_, à Santiago
+de Cuba.]
+
+
+
+[Illustration: VIOLETTES]
+
+ Soit d'un époux, soit d'un amant.
+ C'est une lettre, assurément,
+ Qu'icy, la belle, on vous voit lire;
+ J'en juge par votre maintient.
+ Mais sçavoir ce qu'elle contient,
+ Bien fin qui pourroit le dire.
+
+ (Poésie du XVIIIe siècle.)
+
+
+
+[LES EXÉCUTIONS DE SANTIAGO DE CUBA.--Les cadavres foulés aux pieds des
+chevaux, après l'exécution.]
+
+
+
+LA VEILLE DU 1er JANVIER
+
+Pas plus tard qu'hier, je venais de rentrer chez moi, vers huit heures
+du soir; le feu était allumé, des livres non coupés, fraîchement sortis
+des mains du libraire, m'attendaient sur ma table de travail. C'était
+l'_Histoire d'une maison_, de Viollet-le-Duc; le _Tour du Monde_, de
+Jules Verne; la _Famille Chester_, de P.-J. Stahl et William Hughes;
+j'allais pouvoir me mettre à l'aise et lier connaissance, sans crainte
+d'être dérangé, avec les nouveautés de l'année, quand ma porte s'ouvrit
+et mon concierge apparut.
+
+Il faut vous dire que mon concierge, au rebours de la majorité de ses
+collègues, est aussi ferré sur la consigne que le plus chevronné des
+sergents de l'armée française, et met à suivre les instructions de ses
+locataires autant d'enthousiasme que les autres en mettent à leur
+désobéir. Or, comme j'avais condamné ma porte pour tout le monde, à
+commencer par lui, je ne pus réprimer un mouvement de mauvaise humeur
+dont le brave homme ne parut pas s'émouvoir outre mesure.
+
+--Faites excuse, Monsieur, me dit-il; mais c'est une lettre sur laquelle
+il y a écrit très-pressé, et le commissionnaire qui l'a apportée a dit
+qu'on vous attendait, sans faute, ce soir, rue _Turbot_.
+
+--Vous voulez dire rue Turgot?...
+
+--Je dis, Monsieur, ce que je veux dire... D'ailleurs Turgot n'aurait
+pas de sens.
+
+A quoi bon discuter? Je pris le parti de noter le mot et je m'emparai du
+billet en question.
+
+Il était ainsi conçu:
+
+«Mon cher ami,
+
+«Nous t'attendons sans faute ce soir. Il y a grand conseil de famille et
+toutes tes lumières ne seront pas de trop. Ne te fais pas attendre; il y
+va du plaisir d'Edouard, de Jujules et de Mimi. Si tu ne venais pas,
+nous serions forcés de remettre la séance à demain, et le temps presse.»
+
+Je vous fais grâce du «tout à toi» de rigueur et de la signature.
+
+L'auteur de ce mystérieux billet est un de mes vieux amis de collège.
+Nous avons traversé ensemble les plus rudes années de la vie; le même
+jour nous a vus bacheliers, le même jour nous a vus entrer lui dans te
+barreau, moi dans la presse. Avocat et journaliste, autant dire cousins
+germains. Il est vrai qu'il s'est marié et que je suis resté garçon; là
+cesse l'analogie, mais la paternité est un besoin si impérieux que les
+célibataires n'ayant pas toujours de descendance directe sur qui
+l'exercer se prennent à aimer les enfants des autres. Jujules était mon
+filleul, sa soeur Mimi, une jeune personne âgée de quatre ans accomplis,
+se livrait depuis deux ans déjà à des prodiges d'équitation sur le bout
+de ma botte, et quant à Edouard, l'aîné de la famille, Dieu sait que de
+thèmes et de versions le brave petit était déjà venu me soumettre!
+
+Vous pensez bien dès lors que cette invitation ne pouvait pas tomber
+dans l'oreille d'un sourd. Le temps d'endosser mon paletot et de prendre
+ma canne, j'étais parti, quand mes yeux avisèrent l'envoi de mon
+libraire.
+
+--Un conseil de famille! à la veille du 1er janvier! Il y va du plaisir
+d'Edouard, de Jujules et de Mimi!... Plus de doute; c'est de la grande
+question des étrennes qu'il s'agit... Je le crois fichtre bien que mes
+lumières ne seront pas de trop, ni mes livres non plus. En route!
+
+Plus heureux que certains capitaines, j'avais arrêté mon plan de
+campagne en un instant. Me voilà en route, mon artillerie sous le bras,
+et dix minutes après je faisais mon entrée dans le salon de la rue
+Turgot.
+
+Une exclamation joyeuse salua mon apparition. Je ne pris que le temps de
+déposer dans un coin mon paquet de livres, de le dissimuler tant bien
+que mal sous mon chapeau, et, cela fait, j'offris mes deux mains aux
+mains amicales déjà tendues vers moi.
+
+Mon ami et sa femme m'avaient attendu en toute confiance.
+
+--Les enfants, me dit-il, ne doivent rien savoir de notre entretien.
+Mimi est au lit et dort sur ses deux oreilles; Jujules doit être en
+train d'imiter son exemple. Edouard est en tête à tête avec une version
+qui le tiendra jusqu'à dix heures au moins. Assieds-toi là; voilà un bon
+quart-d'heure que la discussion est entamée et nous n'avons pu nous
+mettre d'accord. Tu seras l'arbitre. En attendant, je donne la parole à
+ma femme.
+
+Je m'installai au coin du feu, et, sans plus tarder, l'orateur désigné
+débuta en ces termes:
+
+--Figurez-vous, mon ami, s'écria-t-elle, que cet entêté de Victor
+s'obstine à me contredire, sans l'ombre d'une bonne raison! Il s'agit
+des étrennes des petits. Savez-vous ce qu'il exige, mon mari? Tout
+simplement que pas un joujou n'entre dans la maison. Savez-vous ce qu'il
+veut leur donner? Des livres, rien que des livres, mon ami, comme si ce
+pauvre Edouard n'avait pas assez à faire toute l'année de lire ses
+livres de classe, comme si Jujules, avec ses quatre heures d'école par
+jour, n'en avait pas plein la tête de ses grammaires et de ses
+conjugaisons, comme si mademoiselle Mimi était d'âge à fourrer son petit
+nez dans un alphabet! Est-ce de la raison cela, oui ou non? Répondez!
+
+--Halte-là, lui dis-je en riant, avant tout verdict, la justice exige du
+tribunal que parole soit donnée à la défense.
+
+Mon ami n'eut garde d'obéir à l'invitation.
+
+--Demande-lui plutôt de t'exposer son système. Nous ne sommes pas au
+bout.
+
+--Mon système! reprit-elle avec sa volubilité ordinaire, il est
+très-simple, mon système! Depuis que le monde est monde et que le 1er
+janvier est le 1er janvier, les bébés n'en ont pas connu d'autre. Que
+leur faut-il à ces chers petits pour être heureux? De quoi satisfaire
+les exigences de leur âge, rien de plus, de quoi jouer, c'est-à-dire des
+jouets. Nous donnerons une belle poupée à Mimi, des soldats de plomb à
+Jujules, et un télégraphe électrique à Edouard. Une promenade chez
+Giroux pour voir les meilleurs des jouets nouveaux, et en moins d'une
+heure de temps l'affaire sera faite. Après cela, si mon mari tient
+absolument à des livres, je ne vois pas de mal, au contraire, à en
+mettre quelques-uns par-dessus le marché. Ça ne sera pas long. Qu'ils
+soient dorés sur tranche, avec de jolies images et une couverture
+solide, il n'en faut pas davantage. Il suffit d'écrire au premier
+libraire venu. Je ne suis pas entêtée et je ne chicanerai pas sur ces
+bagatelles. Mais là, sincèrement, croyez-vous que ce soit l'essentiel?
+
+Mon ami me regarda en souriant. La question était posée avec toute la
+netteté désirable. Je ne pouvais me dispenser d'intervenir, d'autant
+plus que si le mari gardait le silence, quoique avocat, c'est qu'il
+avait évidemment déjà dépensé le meilleur de son éloquence en pure
+perte. Là où un avocat avait échoué, pouvais-je espérer de réussir? Je
+pris néanmoins mon courage à deux mains et sans plus de précautions
+oratoires:
+
+--Laissez-moi vous le dire, chère Madame, l'arbitre n'est point de votre
+avis. Il l'est si peu qu'avant de venir à vous, se doutant bien un peu
+de ce qui allait se passer, il a eu soin de se munir de toute une
+kyrielle d'arguments reliés, en veau. Ils sont là-bas, dans un coin,
+sous mon chapeau. Je vais les étaler sur la table, nous les
+interrogerons en commun, et si après cela vous n'êtes pas ralliée à
+l'opinion de votre mari, qui est la mienne, je serai bien surpris et un
+peu mortifié, je l'avoue.
+
+--Quoi! vous arriviez donc avec votre siège fait à l'avance!
+
+--Nullement. Et pour vous le prouver, nous allons vider la question sans
+recourir à ces précieux auxiliaires. Voulez-vous que je m'ouvre à vous
+en toute franchise, et permettez-vous à un vieil ami de vous démontrer
+que dans votre petit discours de tout à l'heure, il y a presque autant
+d'hérésies que de mots?
+
+--Allez! allez toujours!... me dit-elle en riant; voilà un début qui
+promet.
+
+--Je commence. Votre mari n'a pas ouvert la bouche, et vous ne direz pas
+que nous nous sommes entendus à l'avance. Ainsi, d'après vous, les
+joujoux c'est l'essentiel, et les livres le superflu. Je ne veux pas
+médire des joujoux; je ne parlerai même pas de la dépense. Un nègre qui
+tire la langue a sa valeur; polichinelle n'a point démérité; les soldats
+de plomb alignés en bel ordre sur un tapis vert, c'est un jeu récréatif
+et inoffensif tout à la fois; la poupée de Mimi n'encourra pas mes
+colères, et si le télégraphe électrique d'Edouard n'est pas détraqué en
+huit jours, je me ferai un très-sincère plaisir d'expédier une
+dépêche...
+
+--Eh bien, alors?
+
+--Eh bien, alors, cela prouve que je sais faire des concessions, moi
+aussi. Si votre bourse vous permet de joindre l'utile à l'agréable, rien
+de mieux. Mais de grâce, ne venez pas me dire que l'utile est la
+bagatelle et l'agréable le nécessaire. Savez-vous où vous conduira ce
+beau système? A dépenser tout votre argent pour des superfluités qui
+dureront huit jours, et à consacrer quelques sous à ce qui devrait tenir
+la première place dans vos préoccupations. Qu'arrivera-t-il? C'est que
+vous mettrez une heure à parcourir la boutique de Giroux, et que vous
+emploierez deux minutes pour écrire à votre libraire de vous expédier
+«par-dessus le marché» quelques bouquins à belles images, dorés sur
+tranche, sans vous inquiéter du contenu? N'en avez-vous pas fait l'aveu
+tout à l'heure?
+
+--Oh! nous choisirons bien un peu...
+
+--Un peu! Et qui vous dit que ces livres, admis par faveur, par
+complaisance, sans grand examen, ne seront pas des hôtes factieux ou
+niais. Vous croyez sincèrement que l'enfant est insensible à ces
+cadeaux-là. Je pense pour ma part que ce sont ceux auxquels il tient le
+plus. En voulez-vous une preuve? Une anecdote vaut souvent mieux qu'un
+long plaidoyer. Je crois bien l'avoir déjà racontée quelque part, cette
+anecdote-là, mais peut-être ne la connaissez-vous pas?...
+
+--Dites toujours, on vous écoute...
+
+--C'était il y a un an, au 1er janvier. J'assistai à un dîner auquel
+avait été conviée toute une kyrielle d'enfants. Le maître de la maison,
+un père Cigogne par excellence, avait pris soin de placer aux côtés
+d'une charmante petite fille un petit monsieur de huit ans, bavard comme
+une pie, et nous comptions tous sur la rencontre, espérant que ce
+voisinage délierait une langue fertile en saillies inattendues. Mon
+bonhomme salua gravement sa voisine, mais ne dit pas un mot. Il semblait
+embarrassé; on eût dit qu'il cherchait dans sa mémoire un bout de phrase
+pour entamer l'entretien et qu'il ne le trouvait pas. Nous surveillions
+ce petit manège en faisant semblant de ne rien voir, ce qui est la
+meilleure façon de bien voir. Enfin notre héros prit son courage à deux
+mains;
+
+--«Mademoiselle, dit-il tout à coup d'une voix ferme et avec le plus
+gracieux sourire du monde, _on met toujours-la valeur à côté de la
+beauté_.»
+
+Vous entendez d'ici le rire général. Cette phrase pompeuse, où les deux
+voisins étaient également bien partagés, révélait des qualités
+louangeuses qui ne laissaient pas d'être inquiétantes pour l'avenir. Où
+diable cet étonnant mioche avait-il déniché son madrigal? Je voulus en
+avoir le coeur net et, le soir même, je m'en ouvris à la mère en toute
+confidence.
+
+Celle-ci se mit à rire.
+
+--«Il n'y a qu'un moyen, me dit-elle, d'élucider la chose, c'est de
+consulter sa petite bibliothèque. Il a eu, toute la journée, le nez
+fourré dans un petit livre qu'il a reçu ce matin, un cadeau d'étrennes.
+Je serais bien sur prise si nous n'y trouvions pas le mot de l'énigme.»
+
+On alla chercher le livre, une sorte de keepsake soi-disant à l'usage
+des enfants, et à force de tourner et de retourner les pages, je finis
+par découvrir dans un coin la fameuse déclaration qui nous intriguait si
+fort. La phrase était jetée là, sous une vignette empruntée à quelque
+almanach, sans prétention aucune, et jamais aucun de nous ne l'eût
+remarquée en une autre occasion. C'était un pompier qui l'adressait à
+une nourrice.--Que pensez-vous de mon anecdote?
+
+--J'attends la conclusion.
+
+--La conclusion est très-simple; elle se divise en deux parties. La
+première c'est que, dans l'ordre de la lecture, rien n'est insignifiant.
+Les enfants ont une mémoire particulière, des tiroirs tout prêts, où ils
+emmagasinent les moindres mots. Celui-là avait eu la bonne fortune de
+plaire à notre héros, et il avait su le mettre à profit. Jugez par cela
+du chemin qu'aurait pu faire dans sa cervelle cette littérature de
+pacotille, ces livres «par-dessus le marché» dont vous parliez tout à
+l'heure. La seconde conséquence, c'est qu'à cet âge où les idées se
+forment, le livre est un conquérant, un séducteur qui peut rivaliser
+avec le nègre qui tire la langue et les automates au tambour, à cette
+différence près qu'il ne faut pas longtemps pour que la langue du nègre
+refuse l'exercice et que les baguettes du tambour se démènent dans le
+vide, tandis qu'avec le livre, pas d'accidents à craindre.
+
+--Je vois où vous voulez en venir, me dit la jeune femme d'un ton plus
+sérieux que de coutume; mais avouer l'influence souveraine du livre,
+n'est-ce pas en dénoncer le danger? Où les trouver aujourd'hui ces
+histoires amusantes et instructives qui remplacent les jouets, et font,
+comme on dit, la joie des enfants et la sécurité des parents?
+
+--Où? Je m'en vais vous le dire, et si je parviens à vous convaincre, je
+ne regretterai pas d'être venu: Mais remarquez, en attendant, que vous
+me faites la partie belle en reconnaissant déjà que dans la hiérarchie
+des cadeaux le livre mérite d'occuper la première place, le premier
+rang?
+
+--Ne vous hâtez pas de triompher, s'écria-t-elle; j'écoute, voilà tout.
+
+--Soit. Je continue. Et, à vrai dire, le meilleur moyen de vous
+convaincre, c'est de vous dire l'article que très-probablement j'aurais
+écrit ce soir, si votre billet n'était venu me surprendre. De cette
+façon, notre conversation nous aura servi à tous les trois. La
+discussion me fournira des idées que le tête à tête avec le papier blanc
+ne m'aurait fournies que beaucoup plus lentement.
+
+Où la trouver, dites-vous, cette littérature du premier âge qui prend
+chaque année plus d'importance dans les charmantes distributions que
+ramène le 1er janvier? Eh bien, mes chers amis, la recette est fort
+simple: allez-vous-en tous deux frapper au n° 18 de la rue Jacob,
+présentez-vous de ma part, demandez le catalogue de la maison, et
+livrez-vous en toute sécurité à un choix abondant; je vais vous dire
+pourquoi vous serez sûrs de ne pas vous tromper...
+
+--Il y en a donc pour tous les âges dans cette maison-là?
+
+Prosper Chazel.
+
+(La fin prochainement.)
+
+
+
+NOS GRAVURES
+
+Procès du maréchal Bazaine
+
+LE DÉNOUMENT
+
+Nous avons, dans notre précédent numéro, consigné à la dernière minute
+la condamnation à mort avec dégradation de celui qui fut le maréchal
+Bazaine.
+
+Depuis lors, la clémence du président de la République s'est étendue sur
+le condamné, qui avait laissé passer les délais légaux sans se pourvoir
+en révision. La peine de mort prononcée contre lui a été, sur la
+proposition du ministre de la guerre, commuée en celle de vingt années
+de détention, avec dispense des formalités de la dégradation militaire,
+mais sous la réserve de tous ses effets. Ajoutons qu'un recours en grâce
+avait été adressé au ministre par tous les membres du conseil de guerre.
+Nous constatons simplement ces faits. L'éclatante lumière qui s'est
+produite au cours du procès a rendu d'avance superflue toute
+appréciation.
+
+Cela dit, revenons un peu sur nos pas. Pour expliquer nos gravures, il
+est nécessaire que nous entrions dans le détail des faits qui ont
+précédé et suivi le prononcé du jugement.
+
+La délibération des juges militaires, que représente notre premier
+dessin, a été longue. Elle a duré de quatre heures et demie de
+l'après-midi à neuf heures moins vingt minutes. L'arrêt a été affirmatif
+sur toutes les questions, à l'unanimité, ce qui a surpris, car le bruit
+courait dans le public que deux des juges étaient acquis à l'accusé. Au
+moment où le conseil s'était retiré pour délibérer, M. Bazaine avait été
+emmené et était rentré chez lui, après avoir stationné un instant dans
+le salon des Bouclier. Ce salon, ainsi nommé à cause des quatre tableaux
+qui le décorent, est situé un peu avant l'escalier conduisant à
+l'appartement de l'accusé. Quelque temps après, M. le capitaine Maud'huy
+avait fait introduire dans ce même salon le peloton qui, suivant les
+prescriptions de la loi militaire, devait assister en armes à la lecture
+du jugement. Et à neuf heures précises, Me Lachaud allait porter à
+Trianon-sous-Bois la nouvelle de la condamnation, que le maréchal, qui
+était alors entouré des membres de sa famille, reçut avec beaucoup de
+fermeté. Peu après, un sous-officier venait le chercher pour le conduire
+dans le salon des Boucher, où on l'attendait pour lui donner lecture du
+jugement de condamnation.
+
+Quand il pénétra dans le salon, la garde était sous les armes. En face
+de lui se trouvaient réunis MM. les généraux Pourcet, commissaire
+spécial du gouvernement près le premier conseil de guerre, et de Colomb,
+son substitut, M. le commandant Martin, qui siégeait également au banc
+du ministère public durant les débats, et MM. les greffiers Alla et
+Castres. Une table, occupant le milieu de la pièce, les séparait du
+condamné. A gauche de cette table était aligné le peloton, qui
+appartenait au 40º régiment de ligne. Enfin, derrière le maréchal se
+tenaient MM. le colonel Villette et le capitaine Maud'huy. Le salon
+n'était éclairé que par deux lampes placées sur la table dont nous
+venons de parler.
+
+A l'apparition du maréchal Bazaine, la garde porta et présenta les
+armes. Il y avait encore lieu de lui rendre les honneurs dus à sou
+grade, car s'il était condamné, sa condamnation n'était pas devenue
+définitive.
+
+--Où dois-je me mettre? demanda-t-il au greffier.
+
+--Où vous êtes, M. le maréchal, cela est bien ainsi.
+
+Et M. le greffier Alla, sur l'ordre de M. le général Pourcet, donna
+aussitôt lecture du jugement qui venait d'être rendu. C'est le moment de
+cette scène dramatique que représente notre deuxième dessin.
+
+La lecture finie:
+
+--Eh bien! je suis prêt. On me fusillera quand on voudra, dit le
+condamné s'adressant au général Pourcet.
+
+--Monsieur le maréchal, répondit celui-ci, j'ai à vous informer que la
+loi vous accorde vingt-quatre heures pour vous pourvoir en révision
+contre le jugement que vous venez d'entendre.
+
+--Ah! Et le délai commence?...
+
+--Aujourd'hui à minuit pour finir demain à pareille heure.
+
+--C'est bien. Est-ce tout?
+
+--C'est tout.
+
+Et le maréchal ayant salué, se retira. Nous ne rentrerons pas avec lui
+dans son appartement, où l'attendait sa famille éplorée. Ici la
+situation commande et il est de convenance stricte de s'arrêter devant
+le huis clos des douleurs intimes. Avant de finir, disons un mot de la
+très-touchante scène que représente notre troisième dessin. Alors que le
+conseil délibérait, Mme Bazaine, dévorée d'inquiétudes, tour à tour
+espérant et désespérant, courut à la chapelle de Trianon; et là,
+agenouillée, les mains jointes, pria avec ferveur, invoquant le ciel en
+faveur de son mari. Le ciel ne l'a pas exaucée, ai-je entendu dire. Je
+ne suis pas de cet avis. S'il ne lui a pas accordé pour l'accusé une
+chose impossible, encore a-t-il fait entrer dans le coeur de ceux de qui
+dépendait son sort, un sentiment de commisération tel, qu'il les a
+induits à outrepasser, imprudemment peut-être, en sa faveur, les limites
+extrêmes de l'indulgence.
+
+M. Bazaine doit subir sa peine au fort de l'île Sainte-Marguerite.
+
+Cette île est située en face de Cannes; elle a une longueur de 6
+kilomètres environ, sur une largeur moyenne de 1500 mètres. A la pointe
+est, se trouve le fort, qui a une garnison de cent cinquante hommes,
+seuls habitants de l'île. On sait que c'est au fort Sainte-Marguerite
+que fut longtemps détenu l'homme au masque de fer. Ce fort a également
+servi de prison aux Arabes condamnés à la suite des dernières
+insurrections d'Algérie. Près de l'île Sainte-Marguerite se trouve l'île
+Saint-Honorat, qui forme avec elle le groupe des îles de Lérins, et où
+l'on voit les ruines d'un monastère très-ancien. Elle est aujourd'hui la
+propriété d'un Anglais qui l'a achetée il y a quelques années.
+
+Nous reviendrons prochainement, en en donnant quelques vues, sur ces
+îles et sur le fort Sainte-Marguerite.
+
+Louis Clodion.
+
+
+
+Violettes, Tableau de M. Edouard Dubufe.
+
+On se rappelle le succès obtenu par cette charmante composition au Salon
+de cette année; la foule s'y arrêtait avec complaisance, et
+l'_Illustration_ a pensé être agréable à ses lecteurs, en la faisant
+graver et tirer à part, pour la leur offrir.
+
+Sans doute, nous n'avons plus ici le prestige de la couleur, l'harmonie
+des tons habilement combinés; mais qu'elle est jolie, la _dame aux
+violettes_, dans son attitude d'une grâce si simple et si vraie! Le
+corps se laisse doucement aller sur les moelleux coussins; la belle
+songeait sans doute, nonchalamment étendue; sa pensée flottait,
+indécise, au gré de ses souvenirs ou de ses espérances, quand une lettre
+lui est arrivée, et l'a tirée de son demi-sommeil.
+
+Une lettre! c'est-à-dire un fait bien écrit, bien précis, alors qu'on
+s'abandonnait, en toute sérénité, aux doux bercements du rêve! Aussi,
+comme la tête s'est relevée aussitôt, comme le front est devenu sérieux,
+comme le regard parcourt attentivement les lignes tracées par la main
+d'un cher absent! Ne cherchons pas plus loin; le poète n'a-t-il pas
+écrit:
+
+ Sçavoir ce qu'elle contient,
+ Bien fin qui pourrait le dire?
+
+
+
+Les exécutions de Santiago
+
+Nous terminons aujourd'hui la publication commencée dans notre dernier
+numéro, des documents qui nous sont parvenus sur le lugubre drame qui a
+suivi la capture du _Virginius_. Nous avons déjà dit, précédemment,
+combien les nombreuses expéditions du _Virginius_ avaient aidé
+l'insurrection cubaine à se soutenir en l'approvisionnant, en abondance,
+d'armes, de munitions et de combattants recrutés aux États-Unis. On peut
+juger par là de l'explosion de joie qui se produisit dans la population
+de Santiago lorsqu'on vit arriver au port ce pourvoyeur de guerre
+civile, sous l'escorte du _Tornado_. Malheureusement on ne se contenta
+pas de la manifester bruyamment, cette joie, les cris de vengeance
+s'élevèrent de toutes parts et l'on demanda la mort du capitaine et de
+l'équipage. Le général Burriel, gouverneur de Santiago, crut devoir
+céder aux clameurs de la foule, et après une procédure sommaire,
+cinquante-trois des malheureux captifs furent condamnés à mort et
+fusillés. Cette boucherie terminée, des pièces d'artillerie, attelées de
+six chevaux, furent promenées sur les cadavres aux acclamations d'une
+populace en délire, jusqu'à ce que, broyés sous les roues et sous les
+pieds des chevaux, ils eussent perdu toute forme humaine. Telles sont
+les horribles scènes que reproduisent nos deux dessins; on comprend qu'à
+leur récit une indignation générale se soit manifestée d'un bout à
+l'autre des États-Unis.
+
+
+
+La bourse aux timbres-poste
+
+Bourse, est-ce bien le mot? marché exprimerait peut-être mieux la chose.
+Quoi qu'il en soit, bourse ou marché, marché ou bourse, c'est en plein
+coeur des Champs-Elysées qu'ont lieu les opérations dont il s'agit.
+
+On se réunit sur le large trottoir qui borde la maison de l'avenue
+Gabrielle portant le numéro 36. Palais de la nature que couvre en guise
+de dôme le ciel bleu, quand il n'est pas gris. On a donc devant soi
+l'avenue Marignv, avec ses quatre Guignols, et à l'horizon l'entrée
+principale du palais de l'Industrie, dont une forêt d'arbres, en ce
+moment nus et grelottants, ne parvient pas à masquer la masse énorme.
+Industrie d'un bout, commerce de l'autre, ceci nous ramène à nos
+moutons, je veux dire à nos timbres.
+
+Le plaisant de l'affaire, ce n'est pas la nature du commerce.
+Collectionner des timbres-poste n'est pas plus un cas pendable que de
+collection lier des autographes, voire des tabatières ou de vieux pots.
+Non, le plaisant et le curieux, c'est le trafiquant lui-même.
+Figurez-vous un marché vu par le petit bout de la lorgnette, bourse à
+Lilliput. Telle, la bourse aux timbres-poste. En se pressant un peu,
+toute l'assemblée tiendrait certainement dans une serviette. Petit monde
+singulier. Tout à l'heure il courait, sautait et s'en donnait à coeur
+joie. Le voilà maintenant affairé, grave, recueilli. C'est que l'heure
+de la bourse a sonné, et comme on dit, «les affaires sont les affaires».
+Chacun de ces petits bonshommes s'avance, muni d'un album dont toutes
+les feuilles sont divisées en un certain nombre de compartiments,
+alvéoles destinées à enchâsser les timbres suivant un ordre méthodique,
+timbres de tous les prix et de tous les pays, de toutes les formes et de
+toutes les grandeurs, de toutes les couleurs et de toutes les effigies.
+Tous les compartiments ne sont pas remplis. Ces vides indiquent ou les
+pièces qui manquent à la collection, ou bien celles dont, en prévision
+d'une hausse, on se propose d'acquérir au plus bas prix possible un
+certain nombre d'exemplaires, pour les revendre ensuite avantageusement,
+le moment venu. C'est là le fin de l'opération, notez; car par ce moyen,
+et sans qu'il en coûte grand chose, on peut arriver à parfaire tout
+doucement sa petite collection. Et d'aucuns y arrivent, à ce qu'il
+paraît. Mais ce sont les malins, ceux-là; et ne croyez pas qu'ils
+fassent les finauds! Bien au contraire. A voir leur air innocent et
+candide, vous jureriez certainement qu'ils sont du bois dont on ne les a
+pas faits. Renards couverts d'une peau d'agneau, ils vont et viennent,
+l'oreille à tout, et l'oeil aussi, et prenez bien garde à vos poules!
+Là, pas de pouf à craindre d'ailleurs, car c'est au comptant que se
+traitent toutes les opérations. Et cela posément, sans confusion, sans
+le moindre cri. On s'aborde en feuilletant les albums. On compte les
+lacunes. Alors:--Je demande ou j'offre tel timbre, y a-t-il vendeur ou
+acheteur?--Voilà.--Combien?--Tant.--C'est cher.--Il y a hausse.--Jeudi,
+ils n'étaient qu'à tant; trop d'écart.--C'est qu'il s'en est beaucoup
+vendu. A prendre ou à laisser.
+
+On prend ou on laisse, selon. Cela dépend du vent qui souffle sur le
+marché et fait tourner toutes ces petites têtes folles. Et puis, il y a
+là aussi, comme ailleurs, des haussiers et des baissiers. Tel timbre est
+un jour déprécié, qui le jour suivant est porté aux nues, et
+réciproquement. Ainsi, en ce moment, le Brésil est en faveur, et les
+villes hanséatiques sont recherchées. Demain en sera-t-il encore de
+même? Demandez-le à M. votre fils. C'est peut-être une des fortes têtes
+de la bourse aux timbres. Il est cependant certaines valeurs qui
+échappent à toute pression, par exemple le Maximilien, depuis longtemps
+hors de prix. Voilà où nous en sommes. Allez vous promener aux
+Champs-Elysées, vous pourrez voir les voilures de chèvres inoccupées,
+les chevaux de bois immobiles, Guignol désespéré se battre en vain les
+flancs devant des chaises vides; mais pour ce qui est de la bourse aux
+timbres, si, dès qu'elle est ouverte, un seul instant vous la voyez
+chômer, dites qu'il y a encore des enfants. Hélas! pour ma part, je
+commence bien à craindre qu'il n'y en ait plus.
+
+Louis Clodion.
+
+
+
+Auguste de la Rive
+
+Auguste de la Rive est fils d'un physicien suisse, né comme lui à
+Genève, et qui s'était consacré comme il devait le faire lui-même,
+presque entièrement à l'étude de l'électricité. Appartenant à une des
+plus riches et des plus anciennes familles de la cité de Calvin, Auguste
+de la Rive hérita non-seulement de la grande fortune de son père, mais
+encore du talent et des amitiés scientifiques qu'il avait formées
+pendant la période la plus orageuse de notre révolution.
+
+Les premières expériences que le jeune de la Rive vit exécuter dans la
+maison paternelle furent celles de Davy, et ses premiers travaux
+scientifiques furent faits sous la direction d'Ampère. Un de ses
+premiers amis fut Faraday, que son père contribua à tirer d'une
+situation voisine de la domesticité, dans des circonstances dignes
+d'être rapportées.
+
+Faraday, tout à fait inconnu et très-pauvre, désirait vivement
+d'accompagner sur le continent Davy, dont il était le garçon de
+laboratoire plutôt que le préparateur. Davy consentit, mais à condition
+que Faraday lui servirait de domestique pendant tout le temps qu'il
+serait sur le continent. Faraday accepta et tint parole. Les étrangers
+ne pouvaient se douter qu'il y avait un savant immortel sous l'habit de
+ce valet.
+
+Davy s'arrêta à Prelioxes, bien patrimonial des de la Rive, qui depuis
+la Révolution française y pratiquent la plus généreuse hospitalité
+vis-à-vis des savants de toutes les nations. Davy avait naturellement
+amené avec lui son valet, qui le suivit dans une partie de chasse. M. de
+la Rive, le père, ayant eu occasion de s'entretenir avec ce jeune homme,
+fut frappé de la profondeur et de la maturité de ses réponses. Il
+insista et obtint non sans peine l'aveu de la vérité. Peu satisfait de
+cette découverte, il insista vivement auprès de Davy pour obtenir de
+mettre fin à cette comédie, moins digne encore de celui qui la donnait
+que de celui qui en était victime. Mais Davy resta inébranlable. Il
+exigea que le contrat fut exécuté à la lettre et que Faraday continuât
+de manger à la cuisine avec les autres domestiques. M. de la Rive, ne
+voulant pas rompre avec un ami, prit un terme moyen. Faraday fut servi
+seul dans sa chambre, et Auguste de la Rive alla plus d'une fois
+partager ses repas. De cette époque date une amitié des plus tendres
+qu'aucun nuage n'a jamais obscurcie.
+
+De la Rive père avait émigré en 1794, après avoir été retenu quelque
+temps en prison. En 1813, il fut un des premiers à proclamer le retour
+de Genève à la Suisse.
+
+De la Rive fils resta fidèle à la politique paternelle. Quand la
+Confédération helvétique se crut menacée de perdre la perle du Léman,
+Auguste de la Rive fut envoyé à Londres comme ministre plénipotentiaire.
+
+Grâce à ses hautes liaisons il réussit à obtenir du cabinet de
+Saint-James la signature d'un protocole secret. L'annexion de Genève à
+la France était déclarée un _casus belli._
+
+C'était la première fois que de la Rive rentrait dans la vie politique
+d'où il était écarté depuis la révolution de 1846. Systématiquement
+opposé à la guerre du Sonderbund, il avait donné alors sa démission de
+toutes ses fonctions publiques, même de celles de professeur de physique
+à l'Université.
+
+C'est en 1864 qu'il fut nommé membre associé de l'Académie des sciences
+à laquelle il appartenait depuis de longues années en qualité de
+correspondant.
+
+A l'issue de la dernière exposition universelle il exécuta à Paris même,
+sur une immense échelle, ses magnifiques expériences sur la rotation de
+la lumière électrique soumise à l'action des aimants.
+
+
+
+[Illustration: M. DE LA RIVE.]
+
+On lui doit la connaissance de la dorure galvanique.
+
+L'Académie des sciences lui décernait en 1842 un prix de 3,000 francs,
+en même temps qu'elle récompensait MM. Ruolz et Elkington qui avaient
+fait passer cette immense découverte dans le domaine de la pratique
+commerciale.
+
+De la Rive est le premier physicien qui ait imaginé d'employer des
+substances insolubles pour dépolariser les piles voltaïques. Il a ouvert
+la voie suivie par MM. Marié Davy, Leclanché et Grenet.
+
+Enfin on lui doit la démonstration complète d'un grand fait de physique
+générale. Couronnant l'édifice si largement commencé par Faraday il
+porta le coup de mort à la théorie métaphysique du contact. La grande
+doctrine de l'_équivalence des forces naturelles_ lui doit un de ses
+principes fondamentaux les plus précieux.
+
+Ses travaux sont exposés dans son cours d'_Électricité théorique et
+appliquée_, publié il y a seize ans par la maison J.-B. Baillière. Cet
+ouvrage magistral n'est point à la veille d'être détrôné.
+
+Auguste de la Rive était un journaliste scientifique dans l'acception la
+plus élevée du mot. Il n'y avait pas de mémoire important qu'il ne lût
+et n'étudiât en quelque langue qu'il fût écrit. Il fut constamment le
+plus actif collaborateur des Archives des sciences physiques et
+naturelles, après avoir publié et rédigé tout seul pendant les années
+1841, 1842, 1843, 1844 et 1845 les _Archives de l'électricité_.
+
+Comme Hausteen et Donats, qui ne l'ont précédé dans la tombe que de
+quelques mois, il a consacré ses dernières veilles à l'étude des aurores
+boréales. Il est un des fondateurs de cette météorologie cosmique qui ne
+vient que de naître, et qui déjà ouvre à la science de l'avenir de si
+merveilleux horizons!
+
+Il est mort à Marseille, à l'âge de 72 ans, des suites d'une attaque de
+paralysie.
+
+W. DE FONVIELLE.
+
+
+
+[Illustration: TYPES ET PHYSIONOMIES DE PARIS.--La petite bourse des
+timbres-poste aux Champs-Elysées.]
+
+
+
+L'HISTOIRE DE FRANCE
+
+DE M. GUIZOT
+
+Dans un premier article, nous avons, la semaine dernière, jeté un coup
+d'oeil sur le troisième volume de l'_Histoire de France_, de M. Guizot,
+qui commence avec François 1er pour finir avec Henri IV. Deux mots la
+résument: Renaissance et Réforme. Curieuse époque marquée au sceau du
+fanatisme religieux, et dont toutes les pages sont tachées de sang. Nous
+avons dit un mot de ces pieuses horreurs. N'y revenons pas. Aussi bien
+si l'auteur, en ce tome troisième, évoque bien des figures odieuses, il
+nous en montre aussi d'autres qui appellent d'elles-mêmes et captivent
+le regard. Parmi ces dernières brille en première ligne celle de
+Rabelais, cet illustre bohème qui passa les deux tiers de sa vie à
+courir le monde, s'arrêtant le temps seulement d'écrire les célèbres
+chroniques que l'on sait, et qui fut non-seulement l'écrivain le plus
+original et le plus éminent de la première moitié du XVIe siècle, mais
+encore sa personnification la plus vivante et la plus vraie. Une
+
+[Illustration: Henri de Guise parcourant les rues de Paris après le
+massacre de la Saint-Barthélémy.]
+
+[Illustration: HENRI III ET SES MIGNONS.]
+
+autre figure, grande aussi et particulièrement sympathique et
+intéressante est celle de cette gracieuse reine de Navarre, soeur de
+François 1er, Marguerite de
+
+[Illustration: Marguerite de Valois.]
+
+Valois qui avait, comme l'a dit Marot, «corps féminin, coeur d'homme et
+tête d'ange». Mais ce qui la fait tant et de si loin briller à nos yeux,
+c'est la supériorité de son esprit, son excessive bonté, son amour pour
+la poésie, la protection généreuse et intelligente qu'elle accorda, elle
+catholique, à la réforme. Aussi n'y a-t-il pas lieu de s'étonner des
+soupçons d'hérésie qui planèrent sur elle, et, à parler franchement, je
+crois bien qu'au fond elle était un peu hérétique, il est encore une
+chose digne de remarque, c'est qu'au XVIe siècle, où comme dit Anquetil,
+les femmes de la cour étaient un objet de scandale, Marguerite pouvait
+passer pour une vertu, à quelques peccadilles près que nous ont fait
+connaître la muse indiscrète de Marot qu'elle aima, et cette _mauvaise
+langue_ de Brantôme. La Marguerite des marguerites eut toujours pour son
+frère une affection profonde qui, approchant de la faiblesse, s'étendit
+parfois jusque sur ses maîtresses. Ce fut elle-même qui orna de devises
+les bagues données par François à la belle comtesse de Chateaubriand,
+laquelle fut plus reine que Claude-la-Bonne avant la bataille de Pavie,
+ce qui ne l'empêcha pas, si l'on en croit Varillas, de mourir fort
+tragiquement, le roi l'ayant abandonnée à son retour. Il nous reste des
+ouvrages de la reine de Navarre soixante-douze contes que l'on
+
+[Illustration: Hérétiques condamnés au feu et brûlés en 1546 au grand
+marché de Meaux.]
+
+attribue en partie à ses amis; le _Miroir de l'âme pécheresse_ les
+_marguerites de la Marguerite des princesses_, pièces recueillies par
+Sylvius de la Haie; quelques mystères, des farces, une pièce de vers sur
+la captivité de son frère, enfin le _Débat d'amour_ qu'elle composa à
+l'âge de cinquante ans et qui n'a pas été imprimé.
+
+L. C.
+
+[Illustration: Marie Stuart.]
+
+[Illustration: Rabelais.]
+
+Gravures extraites de l'Histoire de France racontée à mes petits
+enfants, par M. Guizot. (Librairie Hachette et Cie.)
+
+
+
+BIBLIOGRAPHIE.
+
+Les Merveilles de l'Industrie ou Description des principales industries
+modernes, par M. Louis Figuier (1).
+
+[Note 1: Un vol. in-8º illustré de 415 gravures sur bois. Chez Furne et
+Jouvet, rue Saint-André-des-Arts.]
+
+Combien pourrait-on citer aujourd'hui de personnes ayant une
+connaissance, même superficielle, des procédés industriels? Les moyens
+variés par lesquels l'homme transforme la matière, pour l'asservir à ses
+besoins, sont un secret pour la plupart d'entre nous. Le verre, les
+poteries, le savon, le sucre, le sel marin, le papier, les cuirs, etc.,
+servent à nos usages, à chaque instant de la vie, et pourtant la
+majorité d'entre nous serait fort embarrassée de dire comment se
+préparent le verre, les poteries, le savon, le papier, etc. L'industrie
+est comme un livre fermé à tous les yeux.
+
+[Illustration.]
+
+Ce livre fermé, M. Louis Figuier prétend nous l'ouvrir. Dans l'ouvrage
+nouveau qu'il vient de publier, les _Merveilles de l'industrie_, il
+entreprend de révéler aux gens du monde et à toute personne désireuse de
+s'instruire, les opérations des principales industries modernes. Le
+volume que nous avons sous les yeux est consacré aux industries
+chimiques, à savoir: le verre et le cristal,--les poteries, faïences et
+porcelaines,--le savon,--les soudes et les potasses,--le sel marin,--le
+soufre et l'acide sulfurique. L'auteur décrit avec soin les opérations
+diverses qui servent à la fabrication de ces matières, et l'on est tout
+surpris, en lisant ses descriptions, de voir quel intérêt peuvent
+revêtir les matières industrielles traitées par un auteur qui a le désir
+constant d'attacher et d'instruire. La masse de renseignements et de
+notions utiles contenus dans les notices que nous venons de citer, est
+vraiment immense, et leur utilité est d'une évidence sur laquelle il
+n'est pas nécessaire d'insister.
+
+Deux mérites nous ont particulièrement frappé, à la lecture des
+_Merveilles de l'industrie_. C'est d'abord le soin avec lequel l'auteur
+expose l'histoire de chaque industrie. Dans la plupart des ouvrages ou
+des dictionnaires où ces matières sont traitées, l'histoire de chaque
+industrie est presque toujours passée sous silence. Dans l'ouvrage de M.
+Louis Figuier, au contraire, l'histoire des inventions occupe une place
+de premier ordre. L'auteur a toujours soin de remonter jusqu'aux
+origines primitives de l'industrie qui l'occupe. Il la prend à son
+berceau, chez les anciens, et la suit à travers les siècles jusqu'à
+l'époque actuelle. C est là une source d'enseignements variés et pleins
+d'intérêt pour le lecteur.
+
+[Illustration: Une verrerie chez les Égyptiens.]
+
+[Illustration.]
+
+La seconde qualité qui nous a frappé dans les _Merveilles de
+l'industrie_, c'est la préoccupation constante de l'auteur d'éclairer le
+texte de ses descriptions par le secours du dessin. Chaque opération
+étant accompagnée d'une figure explicative, renseignement par les yeux
+accompagnant sans cesse l'enseignement par la plume, il est toujours
+facile de comprendre les explications de l'auteur.
+
+Les gravures qui accompagnent cet article (_la fabrication au verre chez
+les Egyptiens,--la fabrications des vitres, le coupage du savon en
+pains_), sont de doubles spécimens des nombreuses gravures qui
+accompagnent l'ouvrage de M. Louis Figuier, et du genre de démonstration
+figurée qui se rencontre à chaque page de ce livre.
+
+Les _Merveilles de l'industrie_ ont été présentées, avec beaucoup
+d'éloges, à l'Académie des sciences, dans la séance du 15 décembre, par
+M. Dumas, secrétaire perpétuel.
+
+Nous n'avons rien à ajouter à ce témoignage d'estime.
+
+Pierre Paget.
+
+[Illustration: Coupage du savon de Marseille en pains.]
+
+Gravures extraites des _Merveilles de l'industrie_, par Louis Figuier.
+(Furne, Jouvet et Cie, éditeurs.)
+
+
+
+[Illustration: RÉBUS.]
+
+EXPLICATION DU DERNIER RÉBUS:
+
+Libres penseurs ou pieux pèlerins, la conscience est totalement libre!
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+End of the Project Gutenberg EBook of L'Illustration, No. 1608, 20 décembre
+1873, by Various
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 1608, 20 ***
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+Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement
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+works. See paragraph 1.E below.
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+ prepare (or are legally required to prepare) your periodic tax
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+ and discontinue all use of and all access to other copies of
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+is also defective, you may demand a refund in writing without further
+opportunities to fix the problem.
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+in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS', WITH NO OTHER
+WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO
+WARRANTIES OF MERCHANTABILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.
+
+1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied
+warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages.
+If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the
+law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be
+interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by
+the applicable state law. The invalidity or unenforceability of any
+provision of this agreement shall not void the remaining provisions.
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+trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
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+with this agreement, and any volunteers associated with the production,
+promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works,
+harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees,
+that arise directly or indirectly from any of the following which you do
+or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
+work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
+Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.
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+
+Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
+
+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
+electronic works in formats readable by the widest variety of computers
+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
+because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
+people in all walks of life.
+
+Volunteers and financial support to provide volunteers with the
+assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
+goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation information page at www.gutenberg.org
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+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
+permitted by U.S. federal laws and your state's laws.
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+The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
+Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
+throughout numerous locations. Its business office is located at 809
+North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email
+contact links and up to date contact information can be found at the
+Foundation's web site and official page at www.gutenberg.org/contact
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+Literary Archive Foundation
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+increasing the number of public domain and licensed works that can be
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+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
+($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
+status with the IRS.
+
+The Foundation is committed to complying with the laws regulating
+charities and charitable donations in all 50 states of the United
+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
+considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
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+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
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+outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
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+methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
+ways including checks, online payments and credit card donations.
+To donate, please visit: www.gutenberg.org/donate
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+Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
+works.
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+Professor Michael S. Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm
+concept of a library of electronic works that could be freely shared
+with anyone. For forty years, he produced and distributed Project
+Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
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+Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
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+keep eBooks in compliance with any particular paper edition.
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+This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
+including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
+subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
+
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+.poem p.i8 {margin-left: 4em}
+.poem p.i10 {margin-left: 5em}
+.poem p.i12 {margin-left: 6em}
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+</head>
+<body>
+
+
+<pre>
+
+Project Gutenberg's L'Illustration, No. 1608, 20 décembre 1873, by Various
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
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+
+Title: L'Illustration, No. 1608, 20 décembre 1873
+
+Author: Various
+
+Release Date: November 19, 2013 [EBook #44232]
+
+Language: French
+
+Character set encoding: ISO-8859-1
+
+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 1608, 20 ***
+
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+
+
+Produced by Rénald Lévesque
+
+
+
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+</pre>
+
+
+
+
+<br><br>
+
+<div class="cont">
+
+
+
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/001.png"></p>
+
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="1"
+ style="width: 100%; text-align: center;" summary="nil">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 33%;">
+<p class="mid"><span class="sml">REDACTION, ADMINISTRATION, BUREAUX D'ABONNEMENTS<br>
+<i>22, rue de Verneuil, Paris.</i></span></p>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 34%;">
+ <p class="mid"><span class="sml">31e Année. VOL. LXII. Nº 1608</span><br>SAMEDI 20 DÉCEMBRE 1873</p>
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 33%;">
+ <p class="mid"><span class="sml">SUCCURSALE POUR LA VENTE AU DÉTAIL<br>
+60, rue de Richelieu, Paris</span></p>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="1"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="nil">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%;">
+ <p class="mid"><span class="sml"><b>Prix du numéro: 75 centimes</b><br>
+La collection mensuelle, 3 fr; le vol. semestriel, broché,<br>18 fr.; relié
+et doré sur tranches, 28 fr.</span></p>
+
+ </td>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%;">
+ <p class="mid"><span class="sml"><b>Abonnements</b><br>
+Paris et départements: 3 mois, 9 fr.;--6 mois, 18 fr.;<br>un an, 36 fr.;
+Étranger, le port en sus.</span></p>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+<p class="mid"><span class="sml"><i>Les demandes d'abonnements doivent être accompagnées d'un mandat-poste<br>
+ou dune valeur à vue sur Paris à l'ordre de M. Auguste Marc,
+directeur-gérant.</i></span></p>
+
+<table cellpadding="2" cellspacing="2" border="0"
+ style="width: 100%; text-align: left;" summary="nil">
+ <tbody>
+ <tr>
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%;">
+ <p class="mid">
+<span class="sml">
+SOMMAIRE
+<br><br>
+TEXTE
+<br><br>
+Histoire de la semaine,
+<br><br>
+Courrier de Paris, par M. Philibert Audebrand.
+<br><br>
+P. Blanchard.
+<br><br>
+La S&oelig;ur perdue, une histoire du Gran Chaco (suite), par M. Mayne Reid.
+<br><br>
+Un voyage en Espagne pendant l'insurrection (fin).
+<br><br>
+La veille du 1er janvier.
+<br><br>
+Nos gravures:
+<br><br>
+Procès du maréchal Bazaine, le dénoûment.
+<br><br>
+Violettes.
+<br><br>
+La bourse aux timbres-poste.
+<br><br>
+Auguste de la Rive.
+<br><br>
+L'<i>Histoire de France</i>, de M. Guizot.
+<br><br>
+Les exécutions de Santiago.
+<br><br>
+Bibliographie: <i>Les Merveilles de l'industrie</i>, par Louis Figuier.
+<br><br></span>
+<p class="mid"><img alt="" src="images/001b.png"><br>
+</td>
+
+ <td style="vertical-align: top; width: 50%;">
+ <p class="mid">
+<span class="sml">
+SOMMAIRE
+<br><br>
+GRAVURES
+<br><br>
+Procès du maréchal Bazaine: Mme Bazaine en prière dans la chapelle de
+Trianon, au moment du prononcé du jugement;
+<br><br>
+Lecture de l'arrêt au condamné;
+<br><br>
+La délibération du conseil de guerre avant le prononcé du jugement.
+<br><br>
+P. Blanchard.
+<br><br>
+Événements de Cuba: exécution de l'équipage du <i>Virginius</i>, à Santiago
+de Cuba;
+<br><br>
+Les cadavres foulés aux pieds des chevaux, après l'exécution.
+<br><br>
+M. de la Rive.
+<br><br>
+Types et physionomies de Paris: la petite bourse des timbres-poste aux
+Champs-Elysées.
+<br><br>
+<i>L'Histoire de France</i>, de M. Guizot (6 gravures).
+<br><br>
+<i>Les Merveilles de l'industrie</i>, par M. L. Figuier (4 gravures).
+<br><br><br>
+Rébus.
+</span><br><br>
+<p class="mid"><img alt="" src="images/001b.png"></p>
+ </td>
+ </tr>
+ </tbody>
+</table>
+
+
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/001a.png"><br>
+<b>PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE. Mme BAZAINE EN PRIÈRE DANS LA
+CHAPELLE DE TRIANON, AU MOMENT DU PRONONCÉ DU JUGEMENT.</b></p>
+
+<br><br>
+
+
+ <h3>HISTOIRE DE LA SEMAINE</h3>
+ <br>
+ <h4>FRANCE</h4>
+
+ <p>Le mémorable procès dont la France entière suivait avec un si poignant
+intérêt les péripéties depuis près de trois mois est enfin arrivé à son
+terme: le sort du maréchal Bazaine est décidé. A l'unanimité sur toutes
+les questions, le conseil de guerre siégeant à Trianon a condamné
+l'ex-commandant de l'armée de Metz à la peine de mort et à la
+dégradation militaire. Le maréchal a refusé de se pourvoir en révision,
+mais le conseil tout entier a signé un recours en grâce; le duc d'Aumale
+l'a remis immédiatement entre les mains du président de la République,
+et, dès le surlendemain, le Journal officiel annonçait que la peine de
+mort était commuée en vingt années de détention, et que le condamné
+était dispensé des formalités de la dégradation militaire, mais sous
+réserve de tous ses effets.</p>
+
+ <p>L'Assemblée nationale a continué, pendant le cours de cette semaine, la
+discussion du budget, qui s'est poursuivie sans autres incidents que la
+présentation d'un certain nombre d'amendements ou d'observations dont
+l'examen nous entraînerait trop loin. Pendant que cette discussion
+suivait son cours en séances publiques, les commissions travaillaient à
+l'élaboration des nouvelles lois organiques et constitutionnelles. Sur
+la proposition de son président, M. Batbie, la commission des Trente
+décidait que la loi électorale serait la première dont elle aurait à
+s'occuper; puis elle nommait une sous-commission d'études ayant mission
+de faire des recherches préparatoires. MM. d'Andelarre et Pradié ont été
+chargés par cette sous-commission de compulser les ouvrages traitant de
+l'organisation des pouvoirs publics; MM. Waddington et A.
+Lefèvre-Pontalis d'étudier, dans les législations étrangères, les divers
+modes de composition des Chambres hautes; M. Laboulaye, de faire un
+exposé de l'organisation constitutionnelle dans les États américains.
+D'autre part, la commission chargée de la rédaction de la nouvelle loi
+municipale a terminé ses travaux et entendu le rapport de M. Clapier;
+nous avons déjà mentionné les dispositions principales de la loi
+nouvelle qui ont pour but, on le sait, d'enlever au suffrage universel,
+pour le rendre au gouvernement, la nomination des maires, et d'imposer
+aux communes les dépenses de police, telles qu'elles auront été fixées
+par les préfets; contentons-nous de les appeler réformes fondamentales,
+en attendant leur discussion en séance générale, où elles doivent
+rencontrer, assure-t-on, une assez sérieuse opposition.
+</p>
+ <p>
+L'urgence et la gravité des lois constitutionnelles dont la commission
+des Trente est saisie ne saurait être mieux démontrée que par les quatre
+élections qui ont eu lieu dimanche dernier dans les trois départements
+de l'Aude, de Seine-et-Oise et du Finistère. Comme presque toutes celles
+qui se sont succédé depuis trois ans, ces élections se sont traduites
+par des majorités considérables données aux candidats républicains.
+Celle du Finistère, notamment, où M. Swiney l'a emporté par 61,000 voix
+contre 42,000 données à son concurrent, M. Le Guen, est un symptôme
+très-caractéristique du mouvement qui s'opère même dans les régions les
+moins accessibles jusqu'à présent aux idées révolutionnaires, et paraît
+avoir vivement affecté les groupes conservateurs de l'Assemblée.
+</p>
+ <h4>
+ALGÉRIE.
+</h4>
+ <p>
+M. le général Chanzy, gouverneur général de l'Algérie, a prononcé, le 3
+décembre, à l'ouverture de la session du conseil supérieur de la
+colonie, un éloquent discours où est exposé avec un remarquable talent
+tout un plan d'administration, qui a été accueilli avec une approbation
+unanime. Ce discours peut être divisé eu deux parties; dans la première,
+l'orateur énonce les principes généraux de son système; la seconde est
+plus spécialement consacrée à l'explication des moyens pratiques
+auxquels le gouverneur général juge utile de recourir, tels que:
+organisation administrative, -- colonisation, -- grands travaux d'utilité
+publique, -- entreprises industrielles, -- constitution de la
+propriété, -- forêts, -- régularisation des opérations du séquestre. Nous
+laisserons de côté cette deuxième partie, dont l'examen nous forcerait
+d'entrer dans trop de détails techniques, pour ne nous occuper que de la
+première.
+</p>
+ <p>
+Aux yeux de l'honorable général, les décrets de 1870 contiennent le
+programme qu'il importe de réaliser au plus vite afin de justifier notre
+réimplantation sur le sol africain, et c'est à la recherche des moyens
+propres à amener «l'assimilation de l'Algérie à la mère patrie» que le
+conseil supérieur doit consacrer toute son activité, tout son
+patriotisme. Au nombre des mesures qui doivent être appliquées le plus
+immédiatement, M. le général Chanzy place la disparition de cet
+antagonisme, plus apparent que réel, entre ce qu'on appelle le régime
+civil et le régime militaire. Si au lendemain de la conquête, et dans le
+but de la consolider, de telles distinctions ont pu être nécessaires,
+indispensables même, elles n'ont plus aujourd'hui de raison pour
+subsister. «Je déchargerai, dit M. le gouverneur, dans la limite du
+possible l'armée d'une tâche qui n'est plus la sienne et qu'elle ne
+continue que par devoir; elle restera chargée temporairement des parties
+où les populations indigènes, éloignées du contact des Européens,
+doivent être dominées et sentir la force pour rester calmes.»
+</p>
+ <p>
+Mais, pour l'honorable général, «il n'y a point et il ne peut y avoir
+ici deux régimes: le régime civil, le régime militaire; il n'y a qu'une
+pensée: celle de tirer de cette magnifique colonie tout ce que la France
+et la civilisation attendent de nos communs efforts. Il n'y a et ne peut
+y avoir deux territoires avec leurs systèmes opposés; il y a une vaste
+contrée soumise à la France, dans laquelle il nous faut introduire ses
+institutions, en tenant compte des précautions que la sagesse et la
+situation nous imposent. Pour moi, dans ce pays, désormais français, il
+y a les parties qui peuvent et doivent être assimilées de suite, celles
+dans lesquelles les institutions civiles et la justice de droit commun
+sont possibles et doivent être complètes, et celles où le commandement
+doit encore s'exercer, parce que seul il peut assurer, si on lui en
+laisse les moyens, le bon ordre et la sécurité».
+</p>
+ <p>
+On ne pouvait mieux faire comprendre la mission du conseil supérieur et
+de l'armée en Algérie, aussi doit-on attendre les plus grands résultats
+de l'application des principes qui guident l'honorable gouverneur
+général civil de l'Algérie.
+</p>
+ <p>
+En terminant son discours, M. le général Chanzy a exposé les motifs qui
+l'avaient conduit à introduire dans le conseil supérieur les hauts
+fonctionnaires chargés des affaires du département ou des territoires
+restés sous le commandement militaire, et c'est par un appel au
+patriotisme du conseil, que l'orateur a clos son éloquent plaidoyer en
+faveur de la colonie:
+</p>
+ <p>
+«La politique, cette passion qui surexcite, n'a rien à faire dans cette
+enceinte, et nous saurons justifier la confiance que le gouvernement qui
+nous a nommé et que la population qui vous a désignés a mise en nous.»
+</p>
+ <h4>
+ÉTATS-UNIS.
+</h4>
+ <p>
+Le différend hispano-américain s'est terminé de la manière la plus
+heureuse par la reddition aux autorités des Etats-Unis du <i>Virginius</i> et
+des survivants de son équipage. Les détails manquent encore sur la
+manière dont s'est opérée la restitution ainsi que sur les motifs du
+brusque revirement d'opinion qui a permis aux autorités cubaines
+d'exécuter des conditions d'abord déclarées inacceptables. Quoi qu'il en
+soit il faut se féliciter de la solution pacifique d'une situation qui
+aurait pu, en se prolongeant, amener les plus graves complications.
+</p>
+ <h4>
+SUISSE.
+</h4>
+ <p>
+Le Conseil fédéral de la république helvétique vient de prendre une
+décision qui aura sans doute un grand retentissement dans le monde
+catholique. Il a rompu avec le Saint-Siège et congédié le légat
+accrédité comme chargé d'affaires auprès du gouvernement suisse.
+</p>
+ <p>
+M. Cérésole, président de la Confédération, a adressé à ce sujet à Mgr
+Agnozzi, chargé d'affaires du Saint-Siège, une note diplomatique
+déclarant que la mesure prise par le Conseil fédéral a été déterminée
+par la publication de l'encyclique du 21 novembre, qui renfermait «des
+accusations de la nature la plus directe et la plus grave contre
+diverses autorités légitimement constituées en Suisse et contre
+certaines décisions que ces autorités ont régulièrement prises». Cette
+rupture solennelle est certainement regrettable; elle affligera
+profondément tous les catholiques modérés, c'est-à-dire, comme le fait
+remarquer le <i>Journal de Genève</i>, l'immense majorité des catholiques
+suisses, «qui n'ont jamais séparé dans leur c&oelig;ur le nom de religion de
+celui de patrie».
+</p>
+ <p>
+Les journaux suisses, calvinistes et libres penseurs, applaudissent
+naturellement à cette mesure. Ils prennent, de plus, le soin de
+l'expliquer et de la justifier. Ils rappellent que depuis longtemps
+l'opinion publique, en Suisse, était peu favorable au maintien de la
+nonciature.
+</p>
+ <p>
+On reconnaissait,--disent-ils,--que non-seulement elle ne pouvait offrir
+une utilité pratique, mais encore qu'elle n'avait plus de raison d'être.
+Il est de fait que, dans sa grande réunion à Soleure, le <i>Volks-verein</i>
+avait porté sur son programme révisionniste la suppression de la
+nonciature, et que la commission du Conseil national avait fait droit à
+ce v&oelig;u en proposant de l'inscrire dans la Constitution.
+</p>
+ <p>
+L'encyclique de Pie IX n'a donc été, pour le gouvernement des vingt-deux
+cantons, qu'un prétexte opportun; la rupture était préméditée de longue
+date.
+</p>
+ <p>
+La rupture des relations entre la Confédération helvétique et le Vatican
+ne sera peut-être pas aussi sensible à la curie romaine que la nouvelle
+mesure prise par le gouvernement bavarois, et qui, pour être beaucoup
+moins radicale, constitue cependant une démonstration caractéristique.
+</p>
+ <p>
+Pendant longtemps, on le sait, le clergé avait été tout-puissant en
+Bavière, à tel point que le roi Maximilien II était allé jusqu'à
+subordonner la Constitution au concordat; ce souverain avait décidé que
+toutes les fois que le pacte constitutionnel se trouverait en opposition
+avec le concordat, celui-ci l'emporterait sur celui-là.
+</p>
+ <p>
+Le gouvernement de Munich vient de décider que, désormais, en cas de
+conflit entre les lois du pays et la convention conclue avec le
+Saint-Siège, c'est la législation nationale qui passera la première.
+</p>
+ <p>
+Les feuilles libérales bavaroises espèrent que cette mesure est la
+préface de l'abolition complète du concordat.
+</p>
+
+<br><br>
+ <h3>
+COURRIER DE PARIS
+</h3>
+ <p>
+On a longtemps célébré la tendresse des habitants d'Enghien pour leur
+lac. C'était alors la seule merveille de l'endroit. Un jour, le conseil
+municipal avait posé deux plantons aux extrémités de l'amas d'eau;
+c'était afin de surveiller les passants. «Défense d'approcher du lac,
+sous peine de mort.» On aurait dit le Kisslar-Agha sur le seuil du
+sérail. Monsieur le maire, faisant sa tournée quotidienne, prenait plus
+grand soin du lac que de ses propres yeux. Quand le gros temps menaçait,
+si le vent jetait sur la rive un grain de poussière ou une feuille
+sèche, on voyait le magistrat descendre en toute hâte sur la grève; il
+tirait gravement son mouchoir de sa poche et se mettait à épousseter le
+lac, si cher à la commune. Un spectacle si touchant faisait à bon droit
+l'admiration de Gérard de Nerval, qui venait parfois rêver sur ses
+bords.
+</p>
+ <p>
+Aujourd'hui Enghien n'a plus à passer par ces transes; son lac est
+classé, adopté, arrivé, comme on dit; il n'a plus ni ses preuves, ni sa
+fortune à faire. Cependant, sous un autre rapport que celui de la
+feuille jaunie ou de la poussière qui pourrait ternir le miroir de ses
+eaux, voilà que la même vigilance jalouse se présente en ce moment pour
+les lacs du bois de Boulogne. Là aussi, on est exposé à se cogner contre
+des sentinelles rébarbatives; il y a une consigne d'un sens absolument
+asiatique. Aussitôt que la gelée blanche arrive, un jeune monsieur,
+habillé d'ours, ayant un stick à la main, vous crie: «Au large!
+N'empêchez pas la glace de se former.» Cet élégant quidam est ce qu'on
+appelle un semainier du <i>Club des Patineurs</i>.
+</p>
+ <p>
+La semaine passée, les fanatiques du patin ont éprouvé toute une série
+de fausses joies. Sur la foi de l'almanach, on attendait la glace.
+Gèlera-t-il? ne gèlera-t-il pas? Un rat de l'Observatoire s'était quatre
+fois peigné l'oreille gauche avec sa patte de derrière; c'était signe
+qu'il y aurait pendant dix jours vingt-cinq degrés au-dessous de zéro,
+juste la température du Gr&oelig;nland. Dès ce moment, on signale dans les
+régions aristocratiques un mouvement rapide; ce serait à qui arracherait
+ses patins du croc pour courir aux lacs. Tout le long au chemin, les
+amateurs faisaient le plus possible la mine des gens de la Finlande
+courant sur leurs blocs glacés. Un chien errant qui venait à eux leur
+faisait déjà l'effet d'un renard bleu de la Laponie. Au bois, il a fallu
+en rabattre. Cette gelée n'avait rien de sérieux. Le rat de
+l'Observatoire est un farceur qui a pris plaisir à mettre ainsi dedans
+l'élite du beau monde.
+</p>
+ <p>
+Je suis volontiers de ceux qui compatissent aux tristesses du <i>Club des
+Patineurs</i>, car enfin il a contribué jadis à donner à notre Paris une
+très-grande animation, des fêtes, de beaux jours, ou, si vous l'aimez
+mieux, de belles nuits. Institué en 1860, en même temps et dans le même
+local que le Tir aux pigeons, il avait et il a encore, jusqu'en 1885, la
+jouissance exclusive d'un bassin construit sur la pelouse de Madrid. Il
+disposait et il dispose encore, par surcroît, de deux autres bassins
+dans le bois de Boulogne. Tous les grands noms du sport se sont
+empressés d'allonger la liste déjà brillante de ses fondateurs. Et comme
+il arrive toujours en ces sortes de choses, la mode s'en est mêlée; on
+s'est mis à aimer la course en zigzags sur la glace; Paris n'était plus
+qu'un gymnase de patineurs de l'un et de l'autre sexe.
+</p>
+ <p>
+Cherchez bien, vous retrouverez dans quelque coin de votre mémoire
+l'image encore vivante d'une de ces soirées où de longues files de
+voitures conduisaient au bout de l'avenue de l'Impératrice les beaux et
+les belles, les fous et les folles, ce qu'on appelle «le monde où l'on
+s'amuse». En ce temps-là, le <i>Club des Patineurs</i> annonçait ses
+exercices par une affiche, absolument comme l'Opéra annonçait un ballet
+nouveau et le cirque les débuts d'une écuyère. Il y avait souvent de
+vives surprises. Une fois c'était une double rangée de flambeaux,
+disposés comme un supplément aux étoiles; une autre fois c'était un
+double quadrige des dames de la cour, se présentant en traîneaux russes
+comme si l'on eût amené la Néwa chez nous.
+</p>
+ <p>
+Ces nuits, le <i>Club des Patineurs</i> a rêvé de les refaire. Pour y
+parvenir, une condition est indispensable: la glace. Il faut que les
+deux lacs gèlent. Jugez de l'impatience des fanatiques! La période
+hivernale va du 15 décembre au 15 janvier, et encore pas toujours. S'il
+doit y avoir des frimas, c'est pendant ce laps de temps, ou bien il n'y
+en aura point. Tous les matins, à leur lever, les coryphées du club sont
+aux aguets.--Où en est-on? Sommes-nous en Sibérie ou toujours en
+Picardie? Neige-t-il? Gèle-t-il? Y a-t-il de la glace? Interrogez les
+astronomes ou les ours blancs du Jardin des Plantes.--Eh bien, jusqu'à
+ce jour, on a eu beau faire; il n'y a eu que quelques pincées de givre.
+Il n'a gelé que pour rire.--Eh! mon Dieu! pourquoi ne pas appeler au
+bord des lacs tels et tels orateurs de Versailles; les deux nappes d'eau
+ne tarderaient pas à être glacées.
+</p>
+ <p>
+Si les patins sont tristes, la fourchette, par contre, est en plein
+mouvement et en pleine allégresse. Pour le quart-d'heure, on ne songe
+qu'à se mettre à table. Grand dîner chez le maréchal de Mac-Mahon,
+président de la République; grand dîner chez M. Buffet, président de
+l'Assemblée nationale; grand dîner chez le duc de Broglie,
+vice-président du conseil des ministres; grand dîner à l'ambassade
+d'Angleterre; grand dîner chez le comte Orloff, ambassadeur de Russie;
+vingt-cinq repas de corps; premiers soupers de carnaval, et cetera, et
+cetera. Ne craignez rien néanmoins au point de vue des
+approvisionnements. Jamais Paris n'aura reçu tant de bourriches. On ne
+voit partout que grosses têtes: daims, cerfs, sangliers. Le poisson de
+mer et d'eau douce arrive par centaines de tonnes. Les marchands de
+comestibles commencent même à exhiber des tortues énormes. Gavarni
+conseillait la soupe à la tortue aux artistes, aux amoureux, aux
+politiques, à tous ceux qui ont besoin d'être fous. «Vous savez qu'elle
+ne va pas sans une poignée de gingembre», disait-il. En fait de gibier à
+plumes, la gamme est des plus riches. Cela va de l'outarde à
+l'allouette, cette succulente messagère du point du jour. Que de
+perdreaux on a rôtis cette semaine! Et les pâtés! il y en a une variété
+qui prime même celle des roses! Ajoutons que, dans notre enceinte, il y
+a 30,000 cuisiniers toujours sous les armes (il ne faudrait pas compter
+moins de 100,000 cordons bleus). Enfin la ville est plus que jamais
+celle dont l'auteur de <i>Gargantua</i> a écrit: «Ici on donne tout à la
+tripe (au ventre)». C'est probablement pour cette raison qu'a été tracé
+ce billet, envoyé à un éditeur:
+</p>
+ <p>
+«Retardez, je vous prie, d'un mois, la publication de mon nouveau roman.
+</p>
+ <p>
+Victor Hugo.»
+</p>
+ <p>
+Un grand homme qui ne serait pas content du tout, s'il vivait encore,
+c'est J.-J. Rousseau. Dans ce même théâtre du palais de Versailles où
+Marie-Antoinette se plaisait à faire jouer le <i>Devin du village</i>, ces
+jours-ci, pendant une séance de l'Assemblée nationale, on a tout à coup
+interpellé l'ombre du citoyen de Genève, et on lui en a dit de toutes
+les couleurs. L'auteur de la <i>Nouvelle Héloise</i>, tant aimé de nos pères,
+a donc été traité du haut en bas par les petits-fils. Un jour, on lui a
+dressé une statue par souscription nationale; un autre jour, il a été
+mis au Panthéon; à présent, il serait jeté à la voirie, si un zélé ne
+s'était pas mis en mesure de brûler ses ossements et ceux de Voltaire.
+Tel est le revirement des choses humaines. Mais, voyons, puisque ceux
+qui discourent si bien aujourd'hui contre lui ne peuvent l'atteindre en
+chair et en os, que ne font-ils effacer son nom, imprimé aux quatre
+coins d'une de nos rues?
+</p>
+ <p>
+Dans des mémoires relatifs au premier empire, on lit qu'à cette époque
+déjà, un mouvement de recul s'étant manifesté, ceux qui entouraient la
+personne de l'empereur s'emportaient tout haut contre le philosophe.
+Napoléon n'aimait pas J.-J. Rousseau, qu'il trouvait trop pompeux et
+trop rigide; il préférait Voltaire, cent fois plus accommodant. Pour
+mettre fin à la discussion, un soir, à Compiègne, dans un souper de
+chasse, il dit, en s'adressant à M. Stanislas de Girardin:
+</p>
+ <p>
+--Je ne l'aime pas, votre Jean-Jacques. Il ne peut écrire dix lignes
+sans y mettre le mot de vertu, et puis c'est lui qui est cause de la
+Révolution.--Il est vrai, se hâta-t-il d'ajouter en riant, que j'y ai
+attrapé le trône.
+</p>
+ <p>
+En finira-t-on avec les papiers posthumes ou soi-disant tels? La mode
+veut maintenant que du jour où un écrivain de quelque célébrité est
+mort, on imprime jusqu'à la plus insignifiante des pattes de mouches
+qu'il a laissées. Sans doute il arrive parfois que l'histoire littéraire
+et l'art s'en trouvent bien, ainsi qu'on vient de le voir par la
+correspondance de Prosper Mérimée avec une Inconnue. Mais pour un succès
+combien de platitudes? que d'abus!
+</p>
+ <p>
+Dans les derniers temps de sa vie, voyant que cette pratique était déjà
+en honneur, Alfred de Musset mit sa constante sollicitude à s'en
+défendre; il se surveillait lui-même au point de ne vouloir plus tracer
+une ligne.
+</p>
+ <p>
+--Tant pis, disait-il à T***, je ferai à l'avenir mes commandes de vive
+voix; je ne veux plus me permettre même une lettre à mon bottier.
+</p>
+ <p>
+On a su depuis pourquoi le poète était devenu à ce point hydrophobe
+d'encre appliquée aux petits incidents de la vie. Le catalogue du
+libraire G*** a fait là-dessus des révélations. Un jour, entre autres
+lettres curieuses, on en mettait une en vente; c'était une épître que
+l'auteur de <i>Rolla</i> avait écrite de force, à la suite d'un guet-apens.
+Le papier en question existe encore. Il figure dans la collection de M.
+R***, qui a bien voulu en autoriser la transcription.--La secrète et
+légitime antipathie d'Alfred de Musset pour les paperasses littéraires y
+est très-nettement spécifiée, ainsi que vous allez le voir.
+</p>
+ <p>
+Nota.--A l'exemple d'Horace, de Martial et de Boileau, il avait été
+invité à dîner; c'est là le guet-apens. Au dessert, on lui avait planté
+à la main une plume de fer, l'instrument du supplice.
+</p>
+ <p>
+D'où le morceau qui suit:
+</p>
+ <p>
+«Paris, 5 mars 1849,
+</p>
+ <p>
+«D'une maison de la rue des Bons-Enfants.
+</p>
+ <p>
+«Sur la mort d'un parapluie,
+</p>
+ <p>
+«Ayant, dis-tu, besoin d'un autographe de moi, ton ancien camarade de
+collège, tu me demandes de t'écrire une lettre. Une lettre! Il faut
+qu'elle ait l'air d'être sérieuse et qu'elle ne le soit pas pour tout de
+bon. Pour que! motif, sur quel thème aurai-je à faire ainsi une page ou
+deux? Je n'en sais absolument rien. Je suis comme un homme que la
+patrouille conduirait au violon parce qu'un autre aurait cassé un
+carreau de vitre au cabaret.
+</p>
+ <p>
+«Tu me dis:--Aie recours à quelque truc d'imagination.
+</p>
+ <p>
+«Soit.
+</p>
+ <p>
+«Eh bien, je me fais auteur en ta présence, puisque tu m'as mis un
+couteau à découper sous la gorge; j'imagine, j'invente, je suppose; je
+fais &oelig;uvre de p&oelig;te.
+</p>
+ <p>
+«Prenons que je suis un bon bourgeois et que j'aie perdu mon parapluie;
+c'est à toi que je m'adresse pour savoir si c'est un parapluie mort ou
+encore en vie.
+</p>
+ <p>
+«Je te dis donc en propres termes, sur le ton d'un confident du
+Théâtre-Français.
+</p>
+ <p>
+«Cher monsieur, il vient de m'arriver le plus grand des malheurs: j'ai
+perdu mon parapluie.
+</p>
+ <p>
+«Ah! c'était un parapluie superbe! Point de coton, tout en soie. Des
+baleines en os de baleine. Un vrai poème. On voudrait me donner les
+&OElig;uvres complètes de mes trente-neuf confrères de l'Académie française
+en échange de cet incomparable rifflard que je n'accepterais pas.
+Voyons, oui ou non, l'avez-vous trouvé?
+</p>
+ <p>
+«Si vous ne l'avez pas trouvé, c'est un parapluie mort; je n'ai plus
+qu'à acheter une canne-fusil pour me brûler la cervelle.
+</p>
+ <p>
+«Avant d'en venir là, sachant mon métier, je voudrais faire son
+épitaphe. Mais encore je ne sais pas où je devrais faire graver ces deux
+vers, en style lapidaire, puisque j'ignore où reposent ses restes?
+</p>
+ <p>
+«N'importe, écrivons toujours l'épitaphe.
+</p>
+ <p>
+«Ci-gît l'innocent parapluie Que je n'ai jamais vu de ma vie.
+</p>
+ <p>
+«Et je signe pour qu'il ne manque rien à l'autographe:
+</p>
+ <p>
+«Alfred de Musset,»
+</p>
+ <p>
+Qu'est-ce que vous dites de ça, amateurs de la littérature
+d'outre-tombe?
+</p>
+ <p>
+Et bien, toujours, toujours, toujours des autographes!
+</p>
+ <p>
+Rue Drouot, à l'Hôtel des commissaires priseurs, à la vente des livres
+du pauvre Emile Gaboriau, on a montré le joli billet que voici,
+chef-d'&oelig;uvre d'une actrice bien connue.
+</p>
+ <p>
+C'est une interpellation à une modiste.
+</p>
+ <p>
+«Paris, le 7 avril 1867.
+</p>
+ <p>
+«Madame S***,
+</p>
+ <p>
+«Veuillez, je vous prie, me faire sans retard un chapeau exactement
+semblable au dernier que vous m'avez fourni.
+</p>
+ <p>
+«Compliments empressés.
+</p>
+ <p>
+«Hortense Schneider de Gérolstein.»
+</p>
+ <p>
+Voilà qui est drôle sans doute, mais il y a des précédents.
+</p>
+ <p>
+Au commencement de la Restauration, Mme la maréchale Soult avait eu
+occasion d'écrire à Mlle Bourgoin, de la Comédie-Française, pour la
+prier de venir déclamer des vers à une de ses soirées. La duchesse avait
+signé son billet: <i>Sophie de Dalmatie</i>. Quant à l'actrice, qui avait au
+plus haut point l'esprit de répartie, elle signa sa réponse: <i>Iphigénie
+en Aulide</i>.
+</p>
+ <p>
+--C'est une vieille histoire qui a amusé tout Paris pendant huit jours.
+</p>
+ <p>
+Philibert Audebrand.
+</p><br><br>
+
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/002.png"><br><b>PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE.--Lecture de l'arrêt au condamné.</b>
+</p>
+<br><br>
+
+ <h3>P. BLANCHARD</h3>
+
+ <p>Le monde des artistes vient de faire une perte nouvelle, et qui sera
+plus cruellement sentie à l'<i>Illustration</i> que partout ailleurs. M.
+Pharamond Blanchard est mort cette semaine, à l'âge de soixante-neuf
+ans. C'était à la fois le plus érudit et le plus charmant des hommes. Il
+causait de toutes choses avec un art infini, il avait des jugements
+très-sûrs et des anecdotes toutes prêtes sur tous les sujets. <i>Quiconque
+a beaucoup vu....</i> dit La Fontaine; M. Blanchard avait beaucoup vu et
+pour donner raison au fabuliste, beaucoup retenu. Que de fois nous avons
+pris plaisir à l'écouter! Dans le recueil de lettres de Prosper Mérimée
+qui vient de paraître sous ce titre, <i>Lettres à une inconnue</i>, il est
+question d'un «M. Blanchard» qui étonne Mérimée lui-même et qui le
+charme en lui parlant de m&oelig;urs et de pays peu connus. C'était notre
+collaborateur et nous pouvons dire notre vieil ami que désignait ainsi
+l'auteur de <i>Colomba</i>.
+</p>
+
+<p class="lef"><img alt="" src="images/003a.png"><br>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<b>BLANCHARD.</b></p>
+
+ <p>Pharamond Blanchard était né en 1805 à Lyon. Il avait étudié dans
+l'atelier de Gros et il avait gardé le respect de cet enseignement
+solide. En quittant son maître, Pharamond Blanchard avait commencé par
+être peintre de décors. Nous nous souvenons lui avoir entendu conter
+qu'il travailla sous la direction du baron Taylor qui avait installé une
+sorte de théâtre étonnant où les décorations prenaient, grâce à un
+système particulier d'optique, l'intensité de réalité que donne le
+diorama. Il y avait à une vue de Jérusalem, aperçue du haut d'une
+terrasse, à laquelle M. Blanchard avait grandement collaboré et qu'il
+citait, en causant, comme un de ses titres de gloire.
+</p>
+
+ <p>J'ai répété le mot «en causant». C'est que cet artiste infatigable, ce
+producteur dont on trouverait le nom, on peut le dire, presqu'à chaque
+page de l'<i>Illustration</i>, au bas d'un nombre infini de scènes de
+voyages, de paysages, ce peintre était aussi un causeur exquis, et
+j'ajoute, un écrivain véritable. Maintes fois, en effet, il a jeté sur
+le papier, non plus seulement avec le crayon, mais avec la plume des
+souvenirs et des impressions de voyages, et toujours il a su intéresser
+et charmer. Il fallait l'entendre avec sa voix d'une bonhomie railleuse,
+tombant de ses lèvres arguées par un sourire, raconter ses journées de
+touriste en Russie, en Orient, au Mexique, en Espagne, au Caucase! Ses
+yeux, derrière ses lunettes, prenaient alors une expression pétillante
+de douceur malicieuse. Il savait et parlait plusieurs langues et
+entremêlait ses récits pittoresques de citations, de dictons, de
+proverbes, de refrains exotiques.</p>
+<br><br>
+<p class="mid"><img alt="" src="images/003b.png"><br><b>PROCÈS DU MARÉCHAL BAZAINE.--Salle des réunions du
+conseil.</b></p>
+<br><br>
+ <p>Blanchard était né voyageur, mais la façon dont il fit son voyage au
+Caucase peint tout à fait son caractère et le charme personnel que
+possédait ce brave et honnête homme. Il était parti pour la Russie avec
+la mission de rendre compte à l'<i>Illustration</i> des fêtes données à
+Saint-Pétersbourg à l'occasion du sacre du czar. Blanchard envoyait ici
+ses croquis et il avait annoncé qu'il ne resterait dans le Nord que
+quinze jours. Il y resta trois ans. Un gentilhomme russe se prit pour
+lui d'une belle amitié et l'emmena, bon gré mal gré, au Caucase. Les
+semaines et les mois passaient et Pharamond Blanchard donna deux ans de
+sa vie à ce voyage d'où il revint en laissant là-bas des amitiés et des
+regrets sincères.
+</p>
+ <p>
+Et à propos de voyages, nous n'oublions pas nous-même l'excursion que
+nous fîmes ensemble, en 1866, pendant que grondaient en Bohême les
+canons prussiens et autrichiens. Nous allâmes aux fêtes séculaires
+données pour célébrer la réunion de la Lorraine et du Barrois à la
+France. De Nancy, nous allâmes à Metz qui était encore Metz la vierge.
+Que ce temps-là est loin! Une partie de la Lorraine est prussienne
+aujourd'hui, des Bavarois paradent à Metz, devant la statue de Ney, et
+notre gai compagnon de voyage, qui, levé bon matin, commençait aussitôt
+et conduisait jusqu'au soir ses amusantes histoires, Pharamond Blanchard
+a disparu, aimé de bien des gens et estimé de tous.
+</p>
+ <p>
+Nous ne saurions compter tout ce que Blanchard laisse après lui d'études
+de toutes sortes, de travaux achevés, de dessins, de tableaux. Aucune
+existence ne fut plus laborieuse et plus digne que la sienne; et
+l'<i>Illustration</i> perd là, avec un ami, un de ses plus chers et de ses
+plus dévoués collaborateurs.</p>
+
+ <p>Jules Claretie.</p>
+<br><br>
+ <h3>LA S&OElig;UR PERDUE</h3>
+
+ <h4>Une histoire du Gran Chaco</h4>
+
+ <p class="mid">(Suite)</p>
+
+ <p>Il allait dire:</p>
+
+ <p>«Si votre père avait été là, il ne lui aurait pas laissé remporter sa
+fourrure.»</p>
+
+ <p>En effet, si bon chasseur qu'il fût, Gaspardo avait trop souvent vu
+Halberger à l'&oelig;uvre pour douter de ce qu'il eût fait à sa place. Il
+n'était pas non plus sans regretter ce beau coup et certes il ne l'eût
+pas laissé échapper s'il n'eût eu à craindre que pour lui-même, et s'il
+n'avait dû penser avant tout aux jeunes gens qui lui étaient confiés.
+</p>
+ <p>
+Il garda donc pour lui le surplus de ses réflexions. Le brave homme ne
+voulait pas renouveler la douleur des jeunes gens, en évoquant un nom
+lié à de si chers et si cruels souvenirs.
+</p>
+ <p>
+«Caramba! reprit-il aussitôt. Il ne sera pas dit que j'abandonnerai
+cette tigresse aux fourmis, aux loups ou à toute autre vilaine bête qui
+aurait la chance de se promener par ici. Qui sait, d'ailleurs, si nous
+ne repasserons pas bientôt devant cette caverne? Quoi qu'il en doive
+arriver, je tiens à pouvoir un jour ou l'autre rentrer en possession de
+cette fourrure. J'ai tout le temps nécessaire pour la dépouiller avant
+que l'eau soit assez basse pour nous laisser traverser. Ainsi, à
+l'ouvrage.»
+</p>
+ <p>
+Tout en parlant il avait dégainé son grand couteau de gaucho et se
+mettait en devoir de dépouiller le jaguar. L'opération ne dura pas
+longtemps. La superbe fourrure avec ses mouchetures d'un noir de jais
+cédait rapidement sous ses doigts habiles, et bientôt la carcasse de la
+bête gisait nue sur le soi.
+</p>
+ <p>
+«Quant à cela, les saubas peuvent le prendre et s'en régaler, dit-il en
+montrant la chair encore fumante, et je ne les plaindrai pas; il y a
+telle occasion où des chrétiens s'en arrangeraient comme eux; je me
+souviens d'un temps où j'aurais été bien aise d'en avoir une tranche à
+griller. Oui, mes jeunes maîtres, dans ce même Chaco, j'ai vécu une
+semaine entière sur la carcasse d'une vizcacha (1) étique, sans compter
+le mal que je m'étais donné pour rattraper.
+</p>
+ <p>
+--A quelle époque, Gaspardo?» demanda Ludwig, intéressé malgré sa
+tristesse par les paroles du gaucho.
+</p>
+ <p class="mid"><span class="sml">
+<b>Note 1:</b> Le Vizcacha (Lagostamus tachodactylus), ressemble à un
+gros lapin, mais ses<br> incisives sont plus longues et sa queue est
+allongée.</span>
+</p>
+ <p>
+Ludwig avait les dispositions de son père; il aimait tout ce qui se
+rapportait à la nature ou aux luttes soutenues contre elle.
+</p>
+ <p>
+«Ma foi, senorito, l'affaire arriva il y a pas mal de temps. Mais
+l'histoire est trop longue pour que je vous la raconte aujourd'hui. Nous
+n'avons plus maintenant qu'à disposer cette peau de façon à ce qu'elle
+puisse sécher ici, à l'abri des indiscrets, et puis nous remonterons en
+selle.»
+</p>
+ <p>
+Prenant alors quelques bouts de corde dans son recado, il pratiqua
+quatre petits trous aux quatre extrémités de la dépouille de son jaguar,
+et la fixa à l'aide de ses cordes à des stalactites de la grotte, qui se
+trouvaient là tout à point pour lui remplacer les clous qu'il n'avait
+pas.
+</p>
+ <p>
+«C'est vraiment, dit-il en contemplant la peau faisant plafond au-dessus
+de sa tête, un séchoir digne d'elle. A cette place elle est hors de
+portée des saubas et des loups, et si personne qu'eux ne vient fourrer
+son nez par ici et se mêler de ce qui ne le regarde pas, elle pourra s'y
+garder des semaines sans se gâter. Les choses ne se détériorent pas dans
+une caverne comme en plein air; je ne sais pas pourquoi, c'est peut-être
+parce que le soleil ne les atteint pas.»
+</p>
+ <p>
+Ludwig aurait pu certainement expliquer le phénomène à son ami, mais il
+était un peu tard pour entreprendre son éducation scientifique, et il ne
+l'essaya pas. On peut voir d'ailleurs, que pour Gaspardo, l'expérience
+remplaçait la science.
+</p>
+ <p>
+En regardant une seconde fois au dehors, ils reconnurent que le torrent
+avait baissé assez de niveau pour leur permettre d'en suivre le bord.
+Aussi, sans perdre plus de temps, ils conduisirent leurs chevaux à
+l'entrée de la grotte, montèrent en selle et se remirent à chercher la
+piste des Tovas.
+</p>
+ <p>
+Ils avaient déjà descendu le cours du ruisseau jusqu'à son embouchure,
+et avaient gravi la berge du fleuve, sans être encore parvenus à
+retrouver les traces des cavaliers. L'ouragan de poussière et le déluge
+de pluie qui l'avait suivi, avaient effacé toutes les empreintes, et le
+gaucho semblait fort préoccupé.
+</p>
+ <p>
+«<i>Maldita</i>»! s'écria-t-il au moment où tous trois appuyant sur leur
+bride, s'étaient arrêtés comme d'un commun accord, interrogeant
+alternativement le sol et les regards de leurs compagnons. «Maldita! pas
+plus que moi, vous autres, vous n'avez rien vu?
+</p>
+ <p>
+--Faut-il nous arrêter, dit Ludwig, qui voyait bien que ses amis, tout
+comme lui-même, étaient fort inquiets de la piste perdue; faut-il
+vraiment nous arrêter?
+</p>
+ <p>
+--Nous arrêter! s'écria Cypriano. Pensez-vous, cousin, à abandonner la
+poursuite?
+</p>
+ <p>
+--Non, non; je ne veux pas dire cela.
+</p>
+ <p>
+--Plutôt que d'abandonner cette poursuite, continua le jeune Paraguayen
+sans attendre la réponse de Ludwig, je passerais le reste de mes jours à
+courir dans le Chaco. Je l'ai juré à votre mère, Ludwig; je ne
+retournerai à l'estancia que pour y ramener votre s&oelig;ur.
+</p>
+ <p>
+--Je suis aussi résolu que vous, cousin, répondit Ludwig, vous le savez
+bien; mais le Chaco est grand, et errer à l'aventure n'aboutirait à
+rien. S'il n'y a pas lieu de désespérer, il y a lieu du moins de
+réfléchir.
+</p>
+ <p>
+--Nous savons, reprit Cypriano, que Francesca est avec les Tovas. Ils
+forment une tribu nombreuse, et une tribu ne se cache pas indéfiniment
+dans un trou. Les Tovas ne sont pas gens à rester bien longtemps en
+place. Il y a toujours parmi eux quelque expédition en route. Nous
+finirons bien par en rencontrer une; et il ne nous en faut pas davantage
+pour nous remettre sur la voie du groupe principal.
+</p>
+ <p>
+--Hélas! répondit tristement Ludwig, il peut se passer longtemps avant
+que nous rencontrions un être humain dans cette affreuse solitude. Que
+fera ma pauvre mère jusqu'à notre retour? Je ne puis m'empêcher de
+songer à elle, qui est seule, si peu de temps après la mort de mon père,
+et avec sa tombe devant les yeux. Elle va croire que nous sommes perdus
+aussi. Si nous pouvions du moins lui envoyer quelqu'un pour lui dire que
+nous sommes tous bien portants!»
+</p>
+ <p>
+La tête du malheureux jeune homme, en prononçant ces mots, s'inclina sur
+sa poitrine, et une larme qu'il ne put retenir glissa de sa paupière.
+</p>
+ <p>
+Ludwig adorait sa mère. L'idée qu'en leur absence quelque danger pût la
+menacer à son tour, le jetait dans une perplexité affreuse. Son c&oelig;ur
+avait été si profondément ému par la douleur dans laquelle il l'avait
+laissée à son départ, qu'il ne pouvait en chasser le souvenir. Le sort
+même de sa s&oelig;ur, si affreux qu'il pût être, ne pouvait le tourmenter
+davantage. C'était une innocente enfant, et personne, pensait-il, pas
+même un sauvage, ne devait être capable de lui faire du mal. Il se
+plaisait à croire qu'elle ne courait d'autre danger qu'un prolongement
+de captivité. Sans doute, elle aussi, devait être dévorée de soucis;
+elle avait vu de ses propres yeux un spectacle plus horrible encore,
+s'il était possible, que celui auquel ils avaient assisté; mais Ludwig
+qui ne pouvait rien savoir de la mort de Naraguana, comptait encore
+fermement que l'amitié que le chef avait toujours eue pour son père,
+serait une sauvegarde pour sa s&oelig;ur. Dans sa pensée, les auteurs du
+guet-apens dans lequel avait péri son père, et qui avait eu pour suite
+l'enlèvement de Francesca, devaient déjà avoir été punis par
+Naraguana.--Qui sait même si, pendant qu'ils couraient à la recherche de
+la malheureuse enfant, cet ami fidèle et si souvent éprouvé, ne l'avait
+pas rendue à sa mère.--Il se jeta dans les bras de Cypriano.
+</p>
+ <p>
+«Cousin, lui dit-il, vous avez été orphelin de si bonne heure, que vous
+ne savez pas ce que peuvent être pour un fils un père comme le mien, et
+une mère comme celle que j'ai peut-être eu tort d'abandonner à son
+désespoir.
+</p>
+ <p>
+--Je sais, Ludwig, répondit Cypriano, tout ce que valait, et pour vous
+et pour moi, celui que nous avons perdu. Je sais ce que vaut votre mère;
+n'a-t-elle pas été une seconde mère pour moi? Je partage votre angoisse.
+Je voudrais être, ainsi que vous, tout à la fois à l'estancia pour y
+pleurer avec ma tante, et au c&oelig;ur de la tribu des Tovas, pour leur
+arracher Francesca. Mais entre deux devoirs également impérieux, il faut
+choisir et, le choix fait, il faut persévérer. Votre mère est entourée
+de serviteurs fidèles cl dévoués; Francesca est entre les mains des
+assassins de votre père. Le choix peut-il être douteux?»
+</p>
+ <p>
+Ludwig se redressa sur ses étriers, et fixant les yeux dans la direction
+probable de l'estancia, il envoya de la main, à travers l'espace, un
+baiser à celle qui occupait sa pensée.
+</p>
+ <p>
+«Ma mère, dit-il, ma chère mère, vous seule pourriez comprendre mes
+hésitations, et les absoudre!»
+</p>
+ <p>
+Après quoi frappant sur l'épaule de Gaspardo, qui pendant toute cette
+conversation était resté plongé dans de profondes réflexions:
+</p>
+ <p>
+«Marchons, dit-il; marchons en aveugles, s'il le faut.
+</p>
+ <p>
+--Pas précisément en aveugles, senorito! interrompit le gaucho, pas
+précisément. Nous avons un guide, peut-être n'est-il pas des meilleurs
+ni des plus sûrs; mais enfin, c'est toujours plus et mieux que rien.
+</p>
+ <p>
+--Lequel? s'empressèrent de demander les deux cousins.
+</p>
+ <p>
+--Le fleuve! répliqua Gaspardo. Mon avis est que nous pouvons nous y
+fier encore pendant quelque temps. D'après les traces laissées par les
+brigands jusqu'au moment où nous les avons perdues, je suis persuadé
+qu'ils ont longé le Pilcomayo en le remontant. La tormenta a duré une
+heure, et comme nous, ils se seront arrêtés quelque part. S'ils n'ont
+pas quitté le bord de l'eau avant le commencement de la tempête, nous
+allons retomber sur leur piste, que le sol humide, mais non plus
+détrempé, nous rendra d'autant plus facile à suivre. Si nous la
+retrouvons, nous prendrons le galop; et peut-être atteindrons-nous les
+Indiens avant la nuit. Je suis sûr qu'ils ont passé ici depuis le lever
+du soleil. Evidemment ils ne se pressaient pas, puisqu'ils avaient
+relativement peu d'avance sur nous.
+</p>
+ <p>
+--Dieu le veuille, s'écria Cypriano en réponse à l'observation du
+gaucho. En avant! reprit-il avec impétuosité; et sans attendre que
+Gaspardo eût répliqué, il enfonça ses éperons dans le ventre de son
+cheval et partit le long du fleuve, suivi de près par ses deux
+compagnons.</p>
+
+<p>Mayne Reid.</p>
+
+ <p>(La suite prochainement.)</p>
+
+<br><br>
+
+ <h3>UN VOYAGE EN ESPAGNE<br>
+PENDANT L'INSURRECTION CARLISTE</h3>
+
+ <p class="mid">(Fin.)</p>
+
+ <p>En quittant Pampelune, à mon tour, pour me rendre à Vitoria, où se
+concentrait, m'assurait-on, l'armée du Nord, je pus me convaincre sur
+toute ma route de l'effet magique produit par l'ordonnance royale
+précitée. Partout je rencontrais des groupes de montagnards qui,
+désertant leurs villages, allaient s'enrôler dans des bandes, et cela
+ostensiblement et en chantant la chanson basque: <i>Le retour du roi</i>.
+Dans le train que je pris de Pampelune à Alsasua, sur la ligne de
+Saragosse, je fis le voyage avec une centaine de ces enrôlés
+volontaires, qui ne cachaient nullement le but de leur voyage. Arrivés à
+Alsasua, ils quittèrent le train pour se jeter dans les montagnes, et
+cela, malgré la présence de la brigade de Loma, qui campait à cette
+station. Il était impossible que les chefs de la troupe régulière
+ignorassent l'intention de ces montagnards, armés de bâtons et portant
+des sacs en toile, et qui, du reste, ne se gênaient pas dans leurs
+manifestations carlistes. On les laissa néanmoins passer fort
+tranquillement.
+</p>
+ <p>
+Cet élan général des populations rurales était imité, au surplus, par
+les jeunes gens et les hommes des classes élevées. L'aristocratie
+carliste elle-même entretenait et propageait le feu sacré de la guerre
+civile. Un des traits principaux qui distinguent les notabilités du
+parti légitimiste en Espagne est leur dévouement sans bornes à la
+défense de leur cause, même au préjudice de leurs plus chers intérêts.
+Je n'en citerai qu'un exemple; il pourra donner une idée de la foi
+ardente qui les anime à l'égard de leur roi.
+</p>
+ <p>
+A peu de distance de Tafalla s'élève, dans un vallon délicieux, un
+château mauresque, ou plutôt un palais d'été qu'on appelle dans la
+contrée <i>el Buen-retiro</i> de la duchesse de M***. Me trouvant de passage
+dans les environs, à la suite d'une colonne commandée par le <i>cabecilla</i>
+Rada, il me fut donné de visiter cette résidence véritablement royale.
+La duchesse, devenue la providence de l'insurrection, l'habitait de
+préférence à son hôtel de Madrid. Un officier carliste voulut bien me
+présenter à la jeune châtelaine, âgée à peine de vingt-cinq ans et dont
+le mari occupait un poste de confiance auprès du prétendant. Elle daigna
+nous recevoir dans un salon de forme à demi-circulaire qu'on aurait pu
+prendre, à son agencement, aux meubles qui le garnissaient, et surtout à
+la lumière du jour qui y pénétrait par le plafond à travers des vitraux
+de couleurs différentes, pour un boudoir ou mieux encore pour un
+oratoire.
+</p>
+ <p>
+Après une conversation qui dura une demi-heure et dont le sujet
+principal fut la campagne qui s'ouvrait sous les auspices du roi en
+personne, les résultats qu'on s'en promettait et les espérances qu'elle
+offrait en perspective, la duchesse se leva de son fauteuil moyen âge,
+et s'adressant à l'officier et à moi:
+</p>
+ <p>
+--Permettez-moi, messieurs (<i>senores</i>), nous dit-elle avec une grâce
+exquise, de vous faire admirer ma galerie de tableaux.
+</p>
+ <p>
+Et précédés d'un majordome tout galonné qui souleva les portières qui
+cachaient l'issue de la galerie, nous y entrâmes ensemble. Autant la
+lumière du jour était affaiblie dans son salon, autant elle éclatait
+dans cette nouvelle pièce éclairée par un ciel ouvert qui avait été
+ménagé dans toute sa longueur. De chaque côté des murs recouverts de
+riches tapisseries apparaissaient deux rangées de tableaux dont le
+nombre et la variété éblouissaient la vue: et, se faisant notre
+cicerone:
+</p>
+ <p>
+--Vous voyez ici, nous dit la duchesse, un tableau de Vélasquez qui fut
+commandé à ce grand maître par un de mes ancêtres. Ce Murillo a été
+peint exprès pour ma famille. Le Ribeira qui vient après est le
+chef-d'&oelig;uvre de ce peintre; il a été donné à mon bisaïeul par notre bon
+roi Charles IV.
+</p>
+ <p>
+Et successivement elle passa en revue toutes les toiles, assignant à
+chacune d'elles son origine, émettant son avis et nous demandant le
+nôtre qui, comme on le pense bien, ne différait guère de celui de la
+duchesse. Nous passâmes ainsi en revue une soixantaine de tableaux dont
+j'avais hâte, pour ma part, de voir la fin. Nous arrivâmes devant la
+dernière toile, tout récemment peinte. C'était le portrait en pied de
+Charles VII, le prétendant au trône d'Espagne, qui se trouvait, en ce
+moment, à la tète de l'insurrection carliste.
+</p>
+ <p>
+--Je vous présente, nous dit-elle en s'inclinant profondément devant le
+tableau, l'image du roi d'Espagne, en dépit du statut royal, de la reine
+Isabelle et de la république fédérale. Dieu, le peuple et le bon droit
+sont pour lui, et sa cause légitime a, pour elle, la fortune et la vie
+de tous les bons Espagnols. Sa ressemblance est frappante!
+</p>
+ <p>
+En prononçant ces mots, les traits impassibles de la duchesse s'étaient
+tout à coup animés; ses yeux vifs lançaient des éclairs et tout son
+corps frêle et gracieux s'agitait convulsivement, comme si un esprit
+fatidique l'eût animé. J'avais devant moi le fanatisme politique dans la
+personne d'une faible femme qui personnifiait en ce moment tout son
+parri.
+</p>
+ <p>
+La visite des tableaux terminée, nous prîmes congé de la duchesse de
+M***, l'officier, pour aller rejoindre sa bande, et moi, pour continuer
+mes excursions de journaliste et de correspondant.
+</p>
+ <p>
+J'arrivais à Vitoria, capitale de l'Alava, le 10 du mois de juillet. Je
+m'attendais à y trouver une partie des troupes qui devaient composer
+l'armée du Nord et dont la concentration, au dire des journaux
+espagnols, s'y opérait depuis plusieurs jours. Quelle déception! Toute
+l'armée du Nord se bornait à une simple brigade d'infanterie, à un
+détachement de cavalerie et à une vingtaine de soldats du génie. Les
+populations montraient, au reste, au sujet de l'armée du Nord, et
+généralement à l'égard de tout ce qui touche à la politique et aux
+affaires du pays, une indifférence incompréhensible.
+</p>
+ <p>
+Tandis que dans tous les pays libres, et surtout en France, les masses
+se préoccupent de la conduite du gouvernement, le peuple espagnol
+semble, par son apathie naturelle, se complaire à y rester complètement
+étranger. Je puis invoquer comme preuve à l'appui de cette assertion le
+peu d'influence qu'exerce la presse périodique sur l'esprit public.
+C'est à peine si dans les grands centres on reçoit un ou deux journaux;
+quant aux petites localités et aux campagnes, le journal y est une chose
+inconnue. Aussi ne se publie-t-il à Madrid que cinq ou six journaux qui
+aient une certaine importance par leur tirage, tels que la <i>Epoca, la
+Discussion, el Tiempo, la Reconquista</i> et la <i>Correspondencia</i>: et ils
+n'ont cette importance que parce qu'ils sont les organes des quatre
+grands partis qui se disputent les destinées de l'Espagne. La
+<i>Correspondencia</i>, le plus répandu de tous, n'est qu'un <i>Journal de
+faits</i> qui ne doit sa grande vogue qu'à son habile compilation et à son
+extrême bon marché.
+</p>
+ <p>
+Excepté donc Madrid, les autres villes de province n'ont pas de journaux
+politiques ou ne publient, sous le nom de <i>Diario</i>, que des feuilles
+insignifiantes. Un docteur de la Faculté de Salamanque, homme de
+beaucoup d'esprit, auquel je faisais part de mes observations sur cette
+indifférence des Espagnols à l'endroit de la presse, me répondit fort
+méchamment:
+</p>
+ <p>
+--En France, le peuple fait trop de politique; en Espagne, il n'en fait
+pas assez; mais à tout prendre, j'aime mieux l'indifférence du peuple
+espagnol, car je ne vois pas que les affaires du gouvernement marchent
+mieux chez vous que chez nous.
+</p>
+ <p>
+A partir de l'entrée du prétendant sur le territoire espagnol, les
+carlistes n'ont cessé d'agrandir le cercle de leurs opérations
+militaires, dont j'ai pu constater, sur les lieux, les différentes
+phases. Ils se sont rendus maîtres successivement: d'un côté, de la
+route de Pampelune et des contrées environnantes, depuis le Bazlan et le
+Val-Carlos, le long de la frontière, jusqu'au pont de Behobie; de
+l'autre, d'une grande partie du Guipuzcoa et de la Biscaye, du moins de
+leurs principaux centres. Estella, qui est une petite place forte, est
+tombée et restée en leur pouvoir. Ils tiennent la campagne dans l'Aragon
+et la province de Santander, et dans celle de Burgos; leurs bandes
+parcourent impunément et sans trouver une trop grande résistance, les
+provinces de Huesca, Lérida, Tarragone et Barcelone.
+</p>
+ <p>
+Aux armes qui leur arrivent de l'étranger, il faut ajouter que les
+carlistes, dont l'armement laissait beaucoup à désirer dès les débuts de
+la campagne, fabriquent eux-mêmes des armes dans les pays qu'ils ont
+conquis. Ils ont établi à Vera, dans une ancienne usine métallurgique,
+une fabrique de munitions de guerre où travaillent une centaine
+d'ouvriers; à Areso, petite localité située à trois lieues de Tolosa,
+fonctionne une fabrique de canons qu'ils y ont tout récemment installée;
+enfin, à Eibar et à Placencia, anciennes fabriques d'armes appartenant à
+l'État et dont ils se sont emparés, on confectionne tous les jours des
+fusils, des baïonnettes et des sabres. Je dois reconnaître, il est vrai,
+que toutes ces conquêtes leur ont été facilitées par la désorganisation
+de l'armée régulière, dont il serait trop long de raconter ici les
+causes qui l'ont produite.
+</p>
+ <p>
+En résume, l'armée carliste s'élève, à l'heure qu'il est, à 45,000
+hommes environ, tant dans les provinces du Nord que dans celles de la
+Catalogne; et c'est dans l'espace de huit mois seulement que cette armée
+s'est formée, au milieu des embarras et des entraves de toute sorte.
+C'est donc contre cette formidable insurrection que le gouvernement de
+Madrid a, tous les jours, à lutter.
+</p>
+ <p>
+Quoi qu'il en soit, une prompte solution à cet horrible état de choses,
+se résumant par la guerre civile et l'anarchie, ne saurait longtemps se
+faire attendre, à moins que l'Espagne ne veuille plus compter au rang
+des nations civilisées. Quatre partis sont aujourd'hui en présence, et
+tous les quatre ont la prétention de donner à ce pays si troublé un
+gouvernement régulier.
+</p>
+ <p>
+--Quel est celui des quatre qui triomphera? demandai-je un jour au même
+docteur de Salamanque qui n'a pas une foi bien robuste dans la liberté
+de la presse.
+</p>
+ <p>
+--Voici quelle est, me dit-il, mon opinion à ce sujet:
+</p>
+ <p>
+«Don Carlos ayant franchi l'Ebre à la tête de ses troupes, en marche sur
+Madrid, parviendra-t-il à rallier l'opinion publique, fatiguée de
+révolutions et de guerres civiles, et sera-t-il acclamé roi d'Espagne,
+ainsi que le droit traditionnel peut le lui faire espérer? Alors, c'est
+la restauration monarchique qui monte avec lui sur le trône. Ce résultat
+est encore problématique.
+</p>
+ <p>
+«Faut-il croire que les <i>intransigeants</i>, qui composent le parti
+<i>communard</i> et socialiste, parviendront à établir le régime <i>cantonal</i>
+par le vol, l'incendie et le pillage dont ils viennent de donner tant de
+preuves? Je ne le pense point. Nous ne sommes pas encore, en Espagne,
+convertis aux idées démagogiques et matérialistes des libres penseurs.
+Ceux-ci ne peuvent donc tarder d'être domptés, soit par la force des
+armes, soit par la force de l'opinion publique.
+</p>
+ <p>
+«Le dictateur Castelar espère-t-il pouvoir consolider la <i>République
+fédérale</i>, ce rêve de quelques milliers d'insurgés qui croient qu'on
+transforme une monarchie en république, comme on résout un problème
+d'algèbre? C'est bien douteux. Pour arriver à ce but, il lui faut de
+l'argent; le trésor n'en a point et le crédit lui fait défaut.--Il s'est
+réservé le droit de destituer les ayuntamientos des provinces et les
+municipalités; mais le jour où il portera une atteinte à ces libertés,
+dont les populations des provinces sont si jalouses à bon droit, ce
+jour-là il aura tout le pays contre lui. Pour ces motifs et pour bien
+d'autres, la <i>République fédérale</i> est loin de pouvoir s'établir encore
+en Espagne.
+</p>
+ <p>
+«Il est un quatrième parti qui se cache dans l'ombre, paraissant ne pas
+conspirer et qui pourtant s'agite sans bruit et sans armes; c'est celui
+du prince Alfonse, fils et héritier de la reine Isabelle. Il ne veut pas
+arriver au pouvoir par ses propres forces, mais il compte beaucoup sur
+la force des événements. Le maréchal Serrano a été appelé à Madrid par
+Castelar; est-ce pour travailler à la consolidation de la République?
+Personne ne le pense en Espagne. Serrano est un en-cas que s'est réservé
+Castelar pour le jour où ses efforts républicains lui faisant défaut, il
+abandonnera, à son tour, le pouvoir, comme ont fait Orense, Pi y
+Margall, Figueras et Salmeron. Tout porte à croire qu'alors il mettra le
+fardeau de l'État sur les épaules du maréchal. Celui-ci acceptera-t-il
+cette transmission d'un pouvoir <i>in extremis</i>? Cela est possible et même
+probable; mais, dans tous les cas, ce ne sera jamais pour consolider une
+république quelconque.
+</p>
+ <p>
+«On peut donc, ajouta le docteur, considérer dès à présent, comme morte,
+la République en Espagne, et le rétablissement de la monarchie comme
+inévitable.»</p>
+<br><br>
+ <h3>ALMANACH DE L'ILLUSTRATION<br>
+POUR 1874</h3>
+
+ <p class="mid">(Trente et unième année)</p>
+
+ <p>L'Almanach de l'Illustration pour 1874 forme un bel album grand in-8°,
+magnifiquement illustré et doré sur tranches.--Prix: 1 fr.; par la
+poste, 1 fr. 25 c.</p>
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/004.png"><br><b>ÉVÉNEMENTS DE CUBA.--Exécution de l'équipage du <i>Virginius</i>, à Santiago
+de Cuba.</b></p>
+
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/005.png"><br><b>VIOLETTES</b></p>
+
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i20"> Soit d'un époux, soit d'un amant.</p>
+<p class="i20"> C'est une lettre, assurément,</p>
+<p class="i20"> Qu'icy, la belle, on vous voit lire;</p>
+<p class="i20"> J'en juge par votre maintient.</p>
+<p class="i20"> Mais sçavoir ce qu'elle contient,</p>
+<p class="i20"> Bien fin qui pourroit le dire.</p>
+<br>
+<p class="i20"> (Poésie du XVIIIe siècle.)</p>
+</div></div>
+
+<br><br>
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/006.png"><br><b>LES EXÉCUTIONS DE SANTIAGO DE CUBA.--Les cadavres foulés aux pieds des
+chevaux, après l'exécution.</b></p>
+
+<br><br>
+
+ <h3>LA VEILLE DU 1er JANVIER</h3>
+
+ <p>Pas plus tard qu'hier, je venais de rentrer chez moi, vers huit heures
+du soir; le feu était allumé, des livres non coupés, fraîchement sortis
+des mains du libraire, m'attendaient sur ma table de travail. C'était
+l'<i>Histoire d'une maison</i>, de Viollet-le-Duc; le <i>Tour du Monde</i>, de
+Jules Verne; la <i>Famille Chester</i>, de P.-J. Stahl et William Hughes;
+j'allais pouvoir me mettre à l'aise et lier connaissance, sans crainte
+d'être dérangé, avec les nouveautés de l'année, quand ma porte s'ouvrit
+et mon concierge apparut.
+</p>
+ <p>
+Il faut vous dire que mon concierge, au rebours de la majorité de ses
+collègues, est aussi ferré sur la consigne que le plus chevronné des
+sergents de l'armée française, et met à suivre les instructions de ses
+locataires autant d'enthousiasme que les autres en mettent à leur
+désobéir. Or, comme j'avais condamné ma porte pour tout le monde, à
+commencer par lui, je ne pus réprimer un mouvement de mauvaise humeur
+dont le brave homme ne parut pas s'émouvoir outre mesure.
+</p>
+ <p>
+--Faites excuse, Monsieur, me dit-il; mais c'est une lettre sur laquelle
+il y a écrit très-pressé, et le commissionnaire qui l'a apportée a dit
+qu'on vous attendait, sans faute, ce soir, rue <i>Turbot</i>.
+</p>
+ <p>
+--Vous voulez dire rue Turgot?...
+</p>
+ <p>
+--Je dis, Monsieur, ce que je veux dire... D'ailleurs Turgot n'aurait
+pas de sens.
+</p>
+ <p>
+A quoi bon discuter? Je pris le parti de noter le mot et je m'emparai du
+billet en question.
+</p>
+ <p>
+Il était ainsi conçu:
+</p>
+ <p>
+«Mon cher ami,
+</p>
+ <p>
+«Nous t'attendons sans faute ce soir. Il y a grand conseil de famille et
+toutes tes lumières ne seront pas de trop. Ne te fais pas attendre; il y
+va du plaisir d'Edouard, de Jujules et de Mimi. Si tu ne venais pas,
+nous serions forcés de remettre la séance à demain, et le temps presse.»
+</p>
+ <p>
+Je vous fais grâce du «tout à toi» de rigueur et de la signature.
+</p>
+ <p>
+L'auteur de ce mystérieux billet est un de mes vieux amis de collège.
+Nous avons traversé ensemble les plus rudes années de la vie; le même
+jour nous a vus bacheliers, le même jour nous a vus entrer lui dans te
+barreau, moi dans la presse. Avocat et journaliste, autant dire cousins
+germains. Il est vrai qu'il s'est marié et que je suis resté garçon; là
+cesse l'analogie, mais la paternité est un besoin si impérieux que les
+célibataires n'ayant pas toujours de descendance directe sur qui
+l'exercer se prennent à aimer les enfants des autres. Jujules était mon
+filleul, sa s&oelig;ur Mimi, une jeune personne âgée de quatre ans accomplis,
+se livrait depuis deux ans déjà à des prodiges d'équitation sur le bout
+de ma botte, et quant à Edouard, l'aîné de la famille, Dieu sait que de
+thèmes et de versions le brave petit était déjà venu me soumettre!
+</p>
+ <p>
+Vous pensez bien dès lors que cette invitation ne pouvait pas tomber
+dans l'oreille d'un sourd. Le temps d'endosser mon paletot et de prendre
+ma canne, j'étais parti, quand mes yeux avisèrent l'envoi de mon
+libraire.
+</p>
+ <p>
+--Un conseil de famille! à la veille du 1er janvier! Il y va du plaisir
+d'Edouard, de Jujules et de Mimi!... Plus de doute; c'est de la grande
+question des étrennes qu'il s'agit... Je le crois fichtre bien que mes
+lumières ne seront pas de trop, ni mes livres non plus. En route!
+</p>
+ <p>
+Plus heureux que certains capitaines, j'avais arrêté mon plan de
+campagne en un instant. Me voilà en route, mon artillerie sous le bras,
+et dix minutes après je faisais mon entrée dans le salon de la rue
+Turgot.
+</p>
+ <p>
+Une exclamation joyeuse salua mon apparition. Je ne pris que le temps de
+déposer dans un coin mon paquet de livres, de le dissimuler tant bien
+que mal sous mon chapeau, et, cela fait, j'offris mes deux mains aux
+mains amicales déjà tendues vers moi.
+</p>
+ <p>
+Mon ami et sa femme m'avaient attendu en toute confiance.
+</p>
+ <p>
+--Les enfants, me dit-il, ne doivent rien savoir de notre entretien.
+Mimi est au lit et dort sur ses deux oreilles; Jujules doit être en
+train d'imiter son exemple. Edouard est en tête à tête avec une version
+qui le tiendra jusqu'à dix heures au moins. Assieds-toi là; voilà un bon
+quart-d'heure que la discussion est entamée et nous n'avons pu nous
+mettre d'accord. Tu seras l'arbitre. En attendant, je donne la parole à
+ma femme.
+</p>
+ <p>
+Je m'installai au coin du feu, et, sans plus tarder, l'orateur désigné
+débuta en ces termes:
+</p>
+ <p>
+--Figurez-vous, mon ami, s'écria-t-elle, que cet entêté de Victor
+s'obstine à me contredire, sans l'ombre d'une bonne raison! Il s'agit
+des étrennes des petits. Savez-vous ce qu'il exige, mon mari? Tout
+simplement que pas un joujou n'entre dans la maison. Savez-vous ce qu'il
+veut leur donner? Des livres, rien que des livres, mon ami, comme si ce
+pauvre Edouard n'avait pas assez à faire toute l'année de lire ses
+livres de classe, comme si Jujules, avec ses quatre heures d'école par
+jour, n'en avait pas plein la tête de ses grammaires et de ses
+conjugaisons, comme si mademoiselle Mimi était d'âge à fourrer son petit
+nez dans un alphabet! Est-ce de la raison cela, oui ou non? Répondez!
+</p>
+ <p>
+--Halte-là, lui dis-je en riant, avant tout verdict, la justice exige du
+tribunal que parole soit donnée à la défense.
+</p>
+ <p>
+Mon ami n'eut garde d'obéir à l'invitation.
+</p>
+ <p>
+--Demande-lui plutôt de t'exposer son système. Nous ne sommes pas au
+bout.
+</p>
+ <p>
+--Mon système! reprit-elle avec sa volubilité ordinaire, il est
+très-simple, mon système! Depuis que le monde est monde et que le 1er
+janvier est le 1er janvier, les bébés n'en ont pas connu d'autre. Que
+leur faut-il à ces chers petits pour être heureux? De quoi satisfaire
+les exigences de leur âge, rien de plus, de quoi jouer, c'est-à-dire des
+jouets. Nous donnerons une belle poupée à Mimi, des soldats de plomb à
+Jujules, et un télégraphe électrique à Edouard. Une promenade chez
+Giroux pour voir les meilleurs des jouets nouveaux, et en moins d'une
+heure de temps l'affaire sera faite. Après cela, si mon mari tient
+absolument à des livres, je ne vois pas de mal, au contraire, à en
+mettre quelques-uns par-dessus le marché. Ça ne sera pas long. Qu'ils
+soient dorés sur tranche, avec de jolies images et une couverture
+solide, il n'en faut pas davantage. Il suffit d'écrire au premier
+libraire venu. Je ne suis pas entêtée et je ne chicanerai pas sur ces
+bagatelles. Mais là, sincèrement, croyez-vous que ce soit l'essentiel?
+</p>
+ <p>
+Mon ami me regarda en souriant. La question était posée avec toute la
+netteté désirable. Je ne pouvais me dispenser d'intervenir, d'autant
+plus que si le mari gardait le silence, quoique avocat, c'est qu'il
+avait évidemment déjà dépensé le meilleur de son éloquence en pure
+perte. Là où un avocat avait échoué, pouvais-je espérer de réussir? Je
+pris néanmoins mon courage à deux mains et sans plus de précautions
+oratoires:
+</p>
+ <p>
+--Laissez-moi vous le dire, chère Madame, l'arbitre n'est point de votre
+avis. Il l'est si peu qu'avant de venir à vous, se doutant bien un peu
+de ce qui allait se passer, il a eu soin de se munir de toute une
+kyrielle d'arguments reliés, en veau. Ils sont là-bas, dans un coin,
+sous mon chapeau. Je vais les étaler sur la table, nous les
+interrogerons en commun, et si après cela vous n'êtes pas ralliée à
+l'opinion de votre mari, qui est la mienne, je serai bien surpris et un
+peu mortifié, je l'avoue.
+</p>
+ <p>
+--Quoi! vous arriviez donc avec votre siège fait à l'avance!
+</p>
+ <p>
+--Nullement. Et pour vous le prouver, nous allons vider la question sans
+recourir à ces précieux auxiliaires. Voulez-vous que je m'ouvre à vous
+en toute franchise, et permettez-vous à un vieil ami de vous démontrer
+que dans votre petit discours de tout à l'heure, il y a presque autant
+d'hérésies que de mots?
+</p>
+ <p>
+--Allez! allez toujours!... me dit-elle en riant; voilà un début qui
+promet.
+</p>
+ <p>
+--Je commence. Votre mari n'a pas ouvert la bouche, et vous ne direz pas
+que nous nous sommes entendus à l'avance. Ainsi, d'après vous, les
+joujoux c'est l'essentiel, et les livres le superflu. Je ne veux pas
+médire des joujoux; je ne parlerai même pas de la dépense. Un nègre qui
+tire la langue a sa valeur; polichinelle n'a point démérité; les soldats
+de plomb alignés en bel ordre sur un tapis vert, c'est un jeu récréatif
+et inoffensif tout à la fois; la poupée de Mimi n'encourra pas mes
+colères, et si le télégraphe électrique d'Edouard n'est pas détraqué en
+huit jours, je me ferai un très-sincère plaisir d'expédier une
+dépêche...
+</p>
+ <p>
+--Eh bien, alors?
+</p>
+ <p>
+--Eh bien, alors, cela prouve que je sais faire des concessions, moi
+aussi. Si votre bourse vous permet de joindre l'utile à l'agréable, rien
+de mieux. Mais de grâce, ne venez pas me dire que l'utile est la
+bagatelle et l'agréable le nécessaire. Savez-vous où vous conduira ce
+beau système? A dépenser tout votre argent pour des superfluités qui
+dureront huit jours, et à consacrer quelques sous à ce qui devrait tenir
+la première place dans vos préoccupations. Qu'arrivera-t-il? C'est que
+vous mettrez une heure à parcourir la boutique de Giroux, et que vous
+emploierez deux minutes pour écrire à votre libraire de vous expédier
+«par-dessus le marché» quelques bouquins à belles images, dorés sur
+tranche, sans vous inquiéter du contenu? N'en avez-vous pas fait l'aveu
+tout à l'heure?
+</p>
+ <p>
+--Oh! nous choisirons bien un peu...
+</p>
+ <p>
+--Un peu! Et qui vous dit que ces livres, admis par faveur, par
+complaisance, sans grand examen, ne seront pas des hôtes factieux ou
+niais. Vous croyez sincèrement que l'enfant est insensible à ces
+cadeaux-là. Je pense pour ma part que ce sont ceux auxquels il tient le
+plus. En voulez-vous une preuve? Une anecdote vaut souvent mieux qu'un
+long plaidoyer. Je crois bien l'avoir déjà racontée quelque part, cette
+anecdote-là, mais peut-être ne la connaissez-vous pas?...
+</p>
+ <p>
+--Dites toujours, on vous écoute...
+</p>
+ <p>
+--C'était il y a un an, au 1er janvier. J'assistai à un dîner auquel
+avait été conviée toute une kyrielle d'enfants. Le maître de la maison,
+un père Cigogne par excellence, avait pris soin de placer aux côtés
+d'une charmante petite fille un petit monsieur de huit ans, bavard comme
+une pie, et nous comptions tous sur la rencontre, espérant que ce
+voisinage délierait une langue fertile en saillies inattendues. Mon
+bonhomme salua gravement sa voisine, mais ne dit pas un mot. Il semblait
+embarrassé; on eût dit qu'il cherchait dans sa mémoire un bout de phrase
+pour entamer l'entretien et qu'il ne le trouvait pas. Nous surveillions
+ce petit manège en faisant semblant de ne rien voir, ce qui est la
+meilleure façon de bien voir. Enfin notre héros prit son courage à deux
+mains;
+</p>
+ <p>
+--«Mademoiselle, dit-il tout à coup d'une voix ferme et avec le plus
+gracieux sourire du monde, <i>on met toujours-la valeur à côté de la
+beauté</i>.»
+</p>
+ <p>
+Vous entendez d'ici le rire général. Cette phrase pompeuse, où les deux
+voisins étaient également bien partagés, révélait des qualités
+louangeuses qui ne laissaient pas d'être inquiétantes pour l'avenir. Où
+diable cet étonnant mioche avait-il déniché son madrigal? Je voulus en
+avoir le c&oelig;ur net et, le soir même, je m'en ouvris à la mère en toute
+confidence.
+</p>
+ <p>
+Celle-ci se mit à rire.
+</p>
+ <p>
+--«Il n'y a qu'un moyen, me dit-elle, d'élucider la chose, c'est de
+consulter sa petite bibliothèque. Il a eu, toute la journée, le nez
+fourré dans un petit livre qu'il a reçu ce matin, un cadeau d'étrennes.
+Je serais bien sur prise si nous n'y trouvions pas le mot de l'énigme.»
+</p>
+ <p>
+On alla chercher le livre, une sorte de keepsake soi-disant à l'usage
+des enfants, et à force de tourner et de retourner les pages, je finis
+par découvrir dans un coin la fameuse déclaration qui nous intriguait si
+fort. La phrase était jetée là, sous une vignette empruntée à quelque
+almanach, sans prétention aucune, et jamais aucun de nous ne l'eût
+remarquée en une autre occasion. C'était un pompier qui l'adressait à
+une nourrice.--Que pensez-vous de mon anecdote?
+</p>
+ <p>
+--J'attends la conclusion.
+</p>
+ <p>
+--La conclusion est très-simple; elle se divise en deux parties. La
+première c'est que, dans l'ordre de la lecture, rien n'est insignifiant.
+Les enfants ont une mémoire particulière, des tiroirs tout prêts, où ils
+emmagasinent les moindres mots. Celui-là avait eu la bonne fortune de
+plaire à notre héros, et il avait su le mettre à profit. Jugez par cela
+du chemin qu'aurait pu faire dans sa cervelle cette littérature de
+pacotille, ces livres «par-dessus le marché» dont vous parliez tout à
+l'heure. La seconde conséquence, c'est qu'à cet âge où les idées se
+forment, le livre est un conquérant, un séducteur qui peut rivaliser
+avec le nègre qui tire la langue et les automates au tambour, à cette
+différence près qu'il ne faut pas longtemps pour que la langue du nègre
+refuse l'exercice et que les baguettes du tambour se démènent dans le
+vide, tandis qu'avec le livre, pas d'accidents à craindre.
+</p>
+ <p>
+--Je vois où vous voulez en venir, me dit la jeune femme d'un ton plus
+sérieux que de coutume; mais avouer l'influence souveraine du livre,
+n'est-ce pas en dénoncer le danger? Où les trouver aujourd'hui ces
+histoires amusantes et instructives qui remplacent les jouets, et font,
+comme on dit, la joie des enfants et la sécurité des parents?
+</p>
+ <p>
+--Où? Je m'en vais vous le dire, et si je parviens à vous convaincre, je
+ne regretterai pas d'être venu: Mais remarquez, en attendant, que vous
+me faites la partie belle en reconnaissant déjà que dans la hiérarchie
+des cadeaux le livre mérite d'occuper la première place, le premier
+rang?
+</p>
+ <p>
+--Ne vous hâtez pas de triompher, s'écria-t-elle; j'écoute, voilà tout.
+</p>
+ <p>
+--Soit. Je continue. Et, à vrai dire, le meilleur moyen de vous
+convaincre, c'est de vous dire l'article que très-probablement j'aurais
+écrit ce soir, si votre billet n'était venu me surprendre. De cette
+façon, notre conversation nous aura servi à tous les trois. La
+discussion me fournira des idées que le tête à tête avec le papier blanc
+ne m'aurait fournies que beaucoup plus lentement.
+</p>
+ <p>
+Où la trouver, dites-vous, cette littérature du premier âge qui prend
+chaque année plus d'importance dans les charmantes distributions que
+ramène le 1er janvier? Eh bien, mes chers amis, la recette est fort
+simple: allez-vous-en tous deux frapper au n° 18 de la rue Jacob,
+présentez-vous de ma part, demandez le catalogue de la maison, et
+livrez-vous en toute sécurité à un choix abondant; je vais vous dire
+pourquoi vous serez sûrs de ne pas vous tromper...
+</p>
+ <p>
+--Il y en a donc pour tous les âges dans cette maison-là?
+</p>
+ <p>Prosper Chazel.</p>
+ <p>(La fin prochainement.)</p>
+
+ <br><br>
+
+ <h2>NOS GRAVURES</h2>
+
+ <h3>Procès du maréchal Bazaine</h3>
+
+ <h3>LE DÉNOUMENT</h3>
+
+ <p>Nous avons, dans notre précédent numéro, consigné à la dernière minute
+la condamnation à mort avec dégradation de celui qui fut le maréchal
+Bazaine.</p>
+
+ <p>Depuis lors, la clémence du président de la République s'est étendue sur
+le condamné, qui avait laissé passer les délais légaux sans se pourvoir
+en révision. La peine de mort prononcée contre lui a été, sur la
+proposition du ministre de la guerre, commuée en celle de vingt années
+de détention, avec dispense des formalités de la dégradation militaire,
+mais sous la réserve de tous ses effets. Ajoutons qu'un recours en grâce
+avait été adressé au ministre par tous les membres du conseil de guerre.
+Nous constatons simplement ces faits. L'éclatante lumière qui s'est
+produite au cours du procès a rendu d'avance superflue toute
+appréciation.
+</p>
+ <p>
+Cela dit, revenons un peu sur nos pas. Pour expliquer nos gravures, il
+est nécessaire que nous entrions dans le détail des faits qui ont
+précédé et suivi le prononcé du jugement.
+</p>
+ <p>
+La délibération des juges militaires, que représente notre premier
+dessin, a été longue. Elle a duré de quatre heures et demie de
+l'après-midi à neuf heures moins vingt minutes. L'arrêt a été affirmatif
+sur toutes les questions, à l'unanimité, ce qui a surpris, car le bruit
+courait dans le public que deux des juges étaient acquis à l'accusé. Au
+moment où le conseil s'était retiré pour délibérer, M. Bazaine avait été
+emmené et était rentré chez lui, après avoir stationné un instant dans
+le salon des Bouclier. Ce salon, ainsi nommé à cause des quatre tableaux
+qui le décorent, est situé un peu avant l'escalier conduisant à
+l'appartement de l'accusé. Quelque temps après, M. le capitaine Maud'huy
+avait fait introduire dans ce même salon le peloton qui, suivant les
+prescriptions de la loi militaire, devait assister en armes à la lecture
+du jugement. Et à neuf heures précises, Me Lachaud allait porter à
+Trianon-sous-Bois la nouvelle de la condamnation, que le maréchal, qui
+était alors entouré des membres de sa famille, reçut avec beaucoup de
+fermeté. Peu après, un sous-officier venait le chercher pour le conduire
+dans le salon des Boucher, où on l'attendait pour lui donner lecture du
+jugement de condamnation.
+</p>
+ <p>
+Quand il pénétra dans le salon, la garde était sous les armes. En face
+de lui se trouvaient réunis MM. les généraux Pourcet, commissaire
+spécial du gouvernement près le premier conseil de guerre, et de Colomb,
+son substitut, M. le commandant Martin, qui siégeait également au banc
+du ministère public durant les débats, et MM. les greffiers Alla et
+Castres. Une table, occupant le milieu de la pièce, les séparait du
+condamné. A gauche de cette table était aligné le peloton, qui
+appartenait au 40º régiment de ligne. Enfin, derrière le maréchal se
+tenaient MM. le colonel Villette et le capitaine Maud'huy. Le salon
+n'était éclairé que par deux lampes placées sur la table dont nous
+venons de parler.
+</p>
+ <p>
+A l'apparition du maréchal Bazaine, la garde porta et présenta les
+armes. Il y avait encore lieu de lui rendre les honneurs dus à sou
+grade, car s'il était condamné, sa condamnation n'était pas devenue
+définitive.
+</p>
+ <p>
+--Où dois-je me mettre? demanda-t-il au greffier.
+</p>
+ <p>
+--Où vous êtes, M. le maréchal, cela est bien ainsi.
+</p>
+ <p>
+Et M. le greffier Alla, sur l'ordre de M. le général Pourcet, donna
+aussitôt lecture du jugement qui venait d'être rendu. C'est le moment de
+cette scène dramatique que représente notre deuxième dessin.
+</p>
+ <p>
+La lecture finie:
+</p>
+ <p>
+--Eh bien! je suis prêt. On me fusillera quand on voudra, dit le
+condamné s'adressant au général Pourcet.
+</p>
+ <p>
+--Monsieur le maréchal, répondit celui-ci, j'ai à vous informer que la
+loi vous accorde vingt-quatre heures pour vous pourvoir en révision
+contre le jugement que vous venez d'entendre.
+</p>
+ <p>
+--Ah! Et le délai commence?...
+</p>
+ <p>
+--Aujourd'hui à minuit pour finir demain à pareille heure.
+</p>
+ <p>
+--C'est bien. Est-ce tout?
+</p>
+ <p>
+--C'est tout.
+</p>
+ <p>
+Et le maréchal ayant salué, se retira. Nous ne rentrerons pas avec lui
+dans son appartement, où l'attendait sa famille éplorée. Ici la
+situation commande et il est de convenance stricte de s'arrêter devant
+le huis clos des douleurs intimes. Avant de finir, disons un mot de la
+très-touchante scène que représente notre troisième dessin. Alors que le
+conseil délibérait, Mme Bazaine, dévorée d'inquiétudes, tour à tour
+espérant et désespérant, courut à la chapelle de Trianon; et là,
+agenouillée, les mains jointes, pria avec ferveur, invoquant le ciel en
+faveur de son mari. Le ciel ne l'a pas exaucée, ai-je entendu dire. Je
+ne suis pas de cet avis. S'il ne lui a pas accordé pour l'accusé une
+chose impossible, encore a-t-il fait entrer dans le c&oelig;ur de ceux de qui
+dépendait son sort, un sentiment de commisération tel, qu'il les a
+induits à outrepasser, imprudemment peut-être, en sa faveur, les limites
+extrêmes de l'indulgence.
+</p>
+ <p>
+M. Bazaine doit subir sa peine au fort de l'île Sainte-Marguerite.
+</p>
+ <p>
+Cette île est située en face de Cannes; elle a une longueur de 6
+kilomètres environ, sur une largeur moyenne de 1500 mètres. A la pointe
+est, se trouve le fort, qui a une garnison de cent cinquante hommes,
+seuls habitants de l'île. On sait que c'est au fort Sainte-Marguerite
+que fut longtemps détenu l'homme au masque de fer. Ce fort a également
+servi de prison aux Arabes condamnés à la suite des dernières
+insurrections d'Algérie. Près de l'île Sainte-Marguerite se trouve l'île
+Saint-Honorat, qui forme avec elle le groupe des îles de Lérins, et où
+l'on voit les ruines d'un monastère très-ancien. Elle est aujourd'hui la
+propriété d'un Anglais qui l'a achetée il y a quelques années.
+</p>
+ <p>
+Nous reviendrons prochainement, en en donnant quelques vues, sur ces
+îles et sur le fort Sainte-Marguerite.
+</p>
+ <p>
+Louis Clodion.
+</p>
+<br>
+ <h3>
+Violettes,<br> Tableau de M. Edouard Dubufe.
+</h3>
+ <p>
+On se rappelle le succès obtenu par cette charmante composition au Salon
+de cette année; la foule s'y arrêtait avec complaisance, et
+l'<i>Illustration</i> a pensé être agréable à ses lecteurs, en la faisant
+graver et tirer à part, pour la leur offrir.
+</p>
+ <p>
+Sans doute, nous n'avons plus ici le prestige de la couleur, l'harmonie
+des tons habilement combinés; mais qu'elle est jolie, la <i>dame aux
+violettes</i>, dans son attitude d'une grâce si simple et si vraie! Le
+corps se laisse doucement aller sur les moelleux coussins; la belle
+songeait sans doute, nonchalamment étendue; sa pensée flottait,
+indécise, au gré de ses souvenirs ou de ses espérances, quand une lettre
+lui est arrivée, et l'a tirée de son demi-sommeil.
+</p>
+ <p>
+Une lettre! c'est-à-dire un fait bien écrit, bien précis, alors qu'on
+s'abandonnait, en toute sérénité, aux doux bercements du rêve! Aussi,
+comme la tête s'est relevée aussitôt, comme le front est devenu sérieux,
+comme le regard parcourt attentivement les lignes tracées par la main
+d'un cher absent! Ne cherchons pas plus loin; le poète n'a-t-il pas
+écrit:
+</p>
+<div class="poem"><div class="stanza">
+<p class="i20"> Sçavoir ce qu'elle contient,</p>
+<p class="i20"> Bien fin qui pourrait le dire?</p>
+</div></div>
+<br>
+ <h3>
+Les exécutions de Santiago
+</h3>
+ <p>
+Nous terminons aujourd'hui la publication commencée dans notre dernier
+numéro, des documents qui nous sont parvenus sur le lugubre drame qui a
+suivi la capture du <i>Virginius</i>. Nous avons déjà dit, précédemment,
+combien les nombreuses expéditions du <i>Virginius</i> avaient aidé
+l'insurrection cubaine à se soutenir en l'approvisionnant, en abondance,
+d'armes, de munitions et de combattants recrutés aux États-Unis. On peut
+juger par là de l'explosion de joie qui se produisit dans la population
+de Santiago lorsqu'on vit arriver au port ce pourvoyeur de guerre
+civile, sous l'escorte du <i>Tornado</i>. Malheureusement on ne se contenta
+pas de la manifester bruyamment, cette joie, les cris de vengeance
+s'élevèrent de toutes parts et l'on demanda la mort du capitaine et de
+l'équipage. Le général Burriel, gouverneur de Santiago, crut devoir
+céder aux clameurs de la foule, et après une procédure sommaire,
+cinquante-trois des malheureux captifs furent condamnés à mort et
+fusillés. Cette boucherie terminée, des pièces d'artillerie, attelées de
+six chevaux, furent promenées sur les cadavres aux acclamations d'une
+populace en délire, jusqu'à ce que, broyés sous les roues et sous les
+pieds des chevaux, ils eussent perdu toute forme humaine. Telles sont
+les horribles scènes que reproduisent nos deux dessins; on comprend qu'à
+leur récit une indignation générale se soit manifestée d'un bout à
+l'autre des États-Unis.
+</p>
+<br>
+ <h3>
+La bourse aux timbres-poste
+</h3>
+ <p>
+Bourse, est-ce bien le mot? marché exprimerait peut-être mieux la chose.
+Quoi qu'il en soit, bourse ou marché, marché ou bourse, c'est en plein
+c&oelig;ur des Champs-Elysées qu'ont lieu les opérations dont il s'agit.
+</p>
+ <p>
+On se réunit sur le large trottoir qui borde la maison de l'avenue
+Gabrielle portant le numéro 36. Palais de la nature que couvre en guise
+de dôme le ciel bleu, quand il n'est pas gris. On a donc devant soi
+l'avenue Marignv, avec ses quatre Guignols, et à l'horizon l'entrée
+principale du palais de l'Industrie, dont une forêt d'arbres, en ce
+moment nus et grelottants, ne parvient pas à masquer la masse énorme.
+Industrie d'un bout, commerce de l'autre, ceci nous ramène à nos
+moutons, je veux dire à nos timbres.
+</p>
+ <p>
+Le plaisant de l'affaire, ce n'est pas la nature du commerce.
+Collectionner des timbres-poste n'est pas plus un cas pendable que de
+collection lier des autographes, voire des tabatières ou de vieux pots.
+Non, le plaisant et le curieux, c'est le trafiquant lui-même.
+Figurez-vous un marché vu par le petit bout de la lorgnette, bourse à
+Lilliput. Telle, la bourse aux timbres-poste. En se pressant un peu,
+toute l'assemblée tiendrait certainement dans une serviette. Petit monde
+singulier. Tout à l'heure il courait, sautait et s'en donnait à c&oelig;ur
+joie. Le voilà maintenant affairé, grave, recueilli. C'est que l'heure
+de la bourse a sonné, et comme on dit, «les affaires sont les affaires».
+Chacun de ces petits bonshommes s'avance, muni d'un album dont toutes
+les feuilles sont divisées en un certain nombre de compartiments,
+alvéoles destinées à enchâsser les timbres suivant un ordre méthodique,
+timbres de tous les prix et de tous les pays, de toutes les formes et de
+toutes les grandeurs, de toutes les couleurs et de toutes les effigies.
+Tous les compartiments ne sont pas remplis. Ces vides indiquent ou les
+pièces qui manquent à la collection, ou bien celles dont, en prévision
+d'une hausse, on se propose d'acquérir au plus bas prix possible un
+certain nombre d'exemplaires, pour les revendre ensuite avantageusement,
+le moment venu. C'est là le fin de l'opération, notez; car par ce moyen,
+et sans qu'il en coûte grand chose, on peut arriver à parfaire tout
+doucement sa petite collection. Et d'aucuns y arrivent, à ce qu'il
+paraît. Mais ce sont les malins, ceux-là; et ne croyez pas qu'ils
+fassent les finauds! Bien au contraire. A voir leur air innocent et
+candide, vous jureriez certainement qu'ils sont du bois dont on ne les a
+pas faits. Renards couverts d'une peau d'agneau, ils vont et viennent,
+l'oreille à tout, et l'&oelig;il aussi, et prenez bien garde à vos poules!
+Là, pas de pouf à craindre d'ailleurs, car c'est au comptant que se
+traitent toutes les opérations. Et cela posément, sans confusion, sans
+le moindre cri. On s'aborde en feuilletant les albums. On compte les
+lacunes. Alors:--Je demande ou j'offre tel timbre, y a-t-il vendeur ou
+acheteur?--Voilà.--Combien? --Tant.--C'est cher.--Il y a hausse.--Jeudi,
+ils n'étaient qu'à tant; trop d'écart.--C'est qu'il s'en est beaucoup
+vendu. A prendre ou à laisser.
+</p>
+ <p>
+On prend ou on laisse, selon. Cela dépend du vent qui souffle sur le
+marché et fait tourner toutes ces petites têtes folles. Et puis, il y a
+là aussi, comme ailleurs, des haussiers et des baissiers. Tel timbre est
+un jour déprécié, qui le jour suivant est porté aux nues, et
+réciproquement. Ainsi, en ce moment, le Brésil est en faveur, et les
+villes hanséatiques sont recherchées. Demain en sera-t-il encore de
+même? Demandez-le à M. votre fils. C'est peut-être une des fortes têtes
+de la bourse aux timbres. Il est cependant certaines valeurs qui
+échappent à toute pression, par exemple le Maximilien, depuis longtemps
+hors de prix. Voilà où nous en sommes. Allez vous promener aux
+Champs-Elysées, vous pourrez voir les voilures de chèvres inoccupées,
+les chevaux de bois immobiles, Guignol désespéré se battre en vain les
+flancs devant des chaises vides; mais pour ce qui est de la bourse aux
+timbres, si, dès qu'elle est ouverte, un seul instant vous la voyez
+chômer, dites qu'il y a encore des enfants. Hélas! pour ma part, je
+commence bien à craindre qu'il n'y en ait plus.
+</p>
+ <p>Louis Clodion.</p>
+
+ <br><br>
+
+ <h2>Auguste de la Rive</h2>
+
+ <p>Auguste de la Rive est fils d'un physicien suisse, né comme lui à
+Genève, et qui s'était consacré comme il devait le faire lui-même,
+presque entièrement à l'étude de l'électricité. Appartenant à une des
+plus riches et des plus anciennes familles de la cité de Calvin, Auguste
+de la Rive hérita non-seulement de la grande fortune de son père, mais
+encore du talent et des amitiés scientifiques qu'il avait formées
+pendant la période la plus orageuse de notre révolution.
+</p>
+ <p>
+Les premières expériences que le jeune de la Rive vit exécuter dans la
+maison paternelle furent celles de Davy, et ses premiers travaux
+scientifiques furent faits sous la direction d'Ampère. Un de ses
+premiers amis fut Faraday, que son père contribua à tirer d'une
+situation voisine de la domesticité, dans des circonstances dignes
+d'être rapportées.
+</p>
+ <p>
+Faraday, tout à fait inconnu et très-pauvre, désirait vivement
+d'accompagner sur le continent Davy, dont il était le garçon de
+laboratoire plutôt que le préparateur. Davy consentit, mais à condition
+que Faraday lui servirait de domestique pendant tout le temps qu'il
+serait sur le continent. Faraday accepta et tint parole. Les étrangers
+ne pouvaient se douter qu'il y avait un savant immortel sous l'habit de
+ce valet.
+</p>
+ <p>
+Davy s'arrêta à Prelioxes, bien patrimonial des de la Rive, qui depuis
+la Révolution française y pratiquent la plus généreuse hospitalité
+vis-à-vis des savants de toutes les nations. Davy avait naturellement
+amené avec lui son valet, qui le suivit dans une partie de chasse. M. de
+la Rive, le père, ayant eu occasion de s'entretenir avec ce jeune homme,
+fut frappé de la profondeur et de la maturité de ses réponses. Il
+insista et obtint non sans peine l'aveu de la vérité. Peu satisfait de
+cette découverte, il insista vivement auprès de Davy pour obtenir de
+mettre fin à cette comédie, moins digne encore de celui qui la donnait
+que de celui qui en était victime. Mais Davy resta inébranlable. Il
+exigea que le contrat fut exécuté à la lettre et que Faraday continuât
+de manger à la cuisine avec les autres domestiques. M. de la Rive, ne
+voulant pas rompre avec un ami, prit un terme moyen. Faraday fut servi
+seul dans sa chambre, et Auguste de la Rive alla plus d'une fois
+partager ses repas. De cette époque date une amitié des plus tendres
+qu'aucun nuage n'a jamais obscurcie.
+</p>
+ <p>
+De la Rive père avait émigré en 1794, après avoir été retenu quelque
+temps en prison. En 1813, il fut un des premiers à proclamer le retour
+de Genève à la Suisse.
+</p>
+ <p>
+De la Rive fils resta fidèle à la politique paternelle. Quand la
+Confédération helvétique se crut menacée de perdre la perle du Léman,
+Auguste de la Rive fut envoyé à Londres comme ministre plénipotentiaire.
+</p>
+ <p>
+Grâce à ses hautes liaisons il réussit à obtenir du cabinet de
+Saint-James la signature d'un protocole secret. L'annexion de Genève à
+la France était déclarée un <i>casus belli.</i>
+</p>
+ <p>
+C'était la première fois que de la Rive rentrait dans la vie politique
+d'où il était écarté depuis la révolution de 1846. Systématiquement
+opposé à la guerre du Sonderbund, il avait donné alors sa démission de
+toutes ses fonctions publiques, même de celles de professeur de physique
+à l'Université.
+</p>
+ <p>
+C'est en 1864 qu'il fut nommé membre associé de l'Académie des sciences
+à laquelle il appartenait depuis de longues années en qualité de
+correspondant.
+</p>
+ <p>
+A l'issue de la dernière exposition universelle il exécuta à Paris même,
+sur une immense échelle, ses magnifiques expériences sur la rotation de
+la lumière électrique soumise à l'action des aimants.
+</p>
+ <p>
+<p class="rig"><img alt="" src="images/007a.png"><br>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<b>M. DE LA RIVE.</b></p>
+
+ <p>On lui doit la connaissance de la dorure galvanique.</p>
+
+ <p>L'Académie des sciences lui décernait en 1842 un prix de 3,000 francs,
+en même temps qu'elle récompensait MM. Ruolz et Elkington qui avaient
+fait passer cette immense découverte dans le domaine de la pratique
+commerciale.
+</p>
+ <p>
+De la Rive est le premier physicien qui ait imaginé d'employer des
+substances insolubles pour dépolariser les piles voltaïques. Il a ouvert
+la voie suivie par MM. Marié Davy, Leclanché et Grenet.
+</p>
+ <p>
+Enfin on lui doit la démonstration complète d'un grand fait de physique
+générale. Couronnant l'édifice si largement commencé par Faraday il
+porta le coup de mort à la théorie métaphysique du contact. La grande
+doctrine de l'<i>équivalence des forces naturelles</i> lui doit un de ses
+principes fondamentaux les plus précieux.
+</p>
+ <p>
+Ses travaux sont exposés dans son cours d'<i>Électricité théorique et
+appliquée</i>, publié il y a seize ans par la maison J.-B. Baillière. Cet
+ouvrage magistral n'est point à la veille d'être détrôné.
+</p>
+ <p>
+Auguste de la Rive était un journaliste scientifique dans l'acception la
+plus élevée du mot. Il n'y avait pas de mémoire important qu'il ne lût
+et n'étudiât en quelque langue qu'il fût écrit. Il fut constamment le
+plus actif collaborateur des Archives des sciences physiques et
+naturelles, après avoir publié et rédigé tout seul pendant les années
+1841, 1842, 1843, 1844 et 1845 les <i>Archives de l'électricité</i>.
+</p>
+ <p>
+Comme Hausteen et Donats, qui ne l'ont précédé dans la tombe que de
+quelques mois, il a consacré ses dernières veilles à l'étude des aurores
+boréales. Il est un des fondateurs de cette météorologie cosmique qui ne
+vient que de naître, et qui déjà ouvre à la science de l'avenir de si
+merveilleux horizons!
+</p>
+ <p>
+Il est mort à Marseille, à l'âge de 72 ans, des suites d'une attaque de
+paralysie.
+</p>
+ <p>W. DE FONVIELLE.</p>
+ <br><br>
+
+
+<p class="mid"><img alt="" src="images/007b.png"><br><b>TYPES ET PHYSIONOMIES DE PARIS.--La petite bourse des<br>
+timbres-poste aux Champs-Elysées.</b></p>
+<br><br>
+
+ <h3>L'HISTOIRE DE FRANCE<br>
+DE M. GUIZOT</h3>
+
+ <p>Dans un premier article, nous avons, la semaine dernière, jeté un coup
+d'&oelig;il sur le troisième volume de l'<i>Histoire de France</i>, de M. Guizot, <span class="rig"><img alt="" src="images/008a.png"><br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<b>Henri de Guise parcourant les rues de Paris après le<br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;massacre de la Saint-Barthélémy.</b></span>
+qui commence avec François 1er pour finir avec Henri IV. Deux mots la
+résument: Renaissance et Réforme. Curieuse époque marquée au sceau du
+fanatisme religieux, et dont toutes les pages sont tachées de sang. Nous
+avons dit un mot de ces pieuses horreurs. N'y revenons pas. Aussi bien
+si l'auteur, en ce tome troisième, évoque bien des figures odieuses, il
+nous en montre aussi d'autres qui appellent d'elles-mêmes et captivent
+le regard. Parmi ces dernières brille en première ligne celle de
+Rabelais, cet illustre bohème qui passa les deux tiers de sa vie à
+courir le monde, s'arrêtant le temps seulement d'écrire les célèbres
+chroniques que l'on sait, et qui fut non-seulement l'écrivain le plus
+original et le plus éminent de la première moitié du XVIe siècle, mais
+encore sa personnification la plus vivante et la plus vraie.
+
+
+
+
+
+<span class="mid"><img alt="" src="images/008b.png">&nbsp;&nbsp;
+<img alt="" src="images/008c.png"><br>
+
+
+
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<b>HENRI III ET SES MIGNONS.&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;
+Hérétiques condamnés au feu et
+brûlés en 1546<br>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; au grand
+marché de Meaux.</b>
+</span>
+</p>
+
+
+<p>Une autre figure, grande aussi et particulièrement sympathique et
+intéressante est celle de cette gracieuse reine de Navarre, s&oelig;ur de
+François 1er, Marguerite de
+
+<span class="lef"><img alt="" src="images/008d.png"><br>
+&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<b>Marguerite de Valois.</b>
+<br><img alt="" src="images/008e.png"><br>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<b>Rabelais</b>
+</span>
+
+Valois qui avait, comme l'a dit Marot, «corps féminin, c&oelig;ur d'homme et
+tête d'ange». Mais ce qui la fait tant et de si loin briller à nos yeux,
+c'est la supériorité de son esprit, son excessive bonté, son amour pour
+la poésie, la protection généreuse et intelligente qu'elle accorda, elle
+catholique, à la réforme. Aussi n'y a-t-il pas lieu de s'étonner des
+soupçons d'hérésie qui planèrent sur elle, et, à parler franchement, je
+crois bien qu'au fond elle était un peu hérétique, il est encore une <span class="rig"><img alt="" src="images/008f.png"><br><b>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;Marie Stuart.</b></span>
+chose digne de remarque, c'est qu'au XVIe siècle, où comme dit Anquetil,
+les femmes de la cour étaient un objet de scandale, Marguerite pouvait
+passer pour une vertu, à quelques peccadilles près que nous ont fait
+connaître la muse indiscrète de Marot qu'elle aima, et cette <i>mauvaise
+langue</i> de Brantôme. La Marguerite des marguerites eut toujours pour son
+frère une affection profonde qui, approchant de la faiblesse, s'étendit
+parfois jusque sur ses maîtresses. Ce fut elle-même qui orna de devises
+les bagues données par François à la belle comtesse de Chateaubriand,
+laquelle fut plus reine que Claude-la-Bonne avant la bataille de Pavie,
+ce qui ne l'empêcha pas, si l'on en croit Varillas, de mourir fort
+tragiquement, le roi l'ayant abandonnée à son retour. Il nous reste des
+ouvrages de la reine de Navarre soixante-douze contes que l'on
+attribue en partie à ses amis; le <i>Miroir de l'âme pécheresse</i> les
+<i>marguerites de la Marguerite des princesses</i>, pièces recueillies par
+Sylvius de la Haie; quelques mystères, des farces, une pièce de vers sur
+la captivité de son frère, enfin le <i>Débat d'amour</i> qu'elle composa à
+l'âge de cinquante ans et qui n'a pas été imprimé.
+</p>
+ <p>
+L. C.
+</p>
+ <p class="mid">Gravures extraites de l'Histoire de France racontée à mes petits<br>
+enfants, par M. Guizot. (Librairie Hachette et Cie.)</p>
+
+<br><br>
+
+ <h3>BIBLIOGRAPHIE.</h3>
+
+
+ <p>Les Merveilles de l'Industrie ou Description des principales industries
+modernes, par M. Louis Figuier (2).
+</p>
+ <p class="mid"><span class="sml">
+<b>Note 2:</b> Un vol. in-8º illustré de 415 gravures sur bois. Chez Furne et
+Jouvet, rue Saint-André-des-Arts.</span></p>
+
+ <p>Combien pourrait-on citer aujourd'hui de personnes ayant une
+connaissance, même superficielle, des procédés industriels? Les moyens variés par lesquels l'homme transforme
+<span class="rig"><img alt="" src="images/009a.png"></span><br>
+<span class="rig"><img alt="" src="images/009b.png"><br>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<b>Une verrerie chez les Égyptiens.</b></span>
+ la matière, pour l'asservir à ses
+besoins, sont un secret pour la plupart d'entre nous. Le verre, les
+poteries, le savon, le sucre, le sel marin, le papier, les cuirs, etc.,
+servent à nos usages, à chaque instant de la vie, et pourtant la
+majorité d'entre nous serait fort embarrassée de dire comment se
+préparent le verre, les poteries, le savon, le papier, etc. L'industrie
+est comme un livre fermé à tous les yeux.</p>
+
+ <p>Ce livre fermé, M. Louis Figuier prétend nous l'ouvrir. Dans l'ouvrage
+nouveau qu'il vient de publier, les <i>Merveilles de l'industrie</i>, il
+entreprend de révéler aux gens du monde et à toute personne désireuse de
+s'instruire, les opérations des principales industries modernes. Le
+volume que nous avons sous les yeux est consacré aux industries
+chimiques, à savoir: le verre et le cristal,--les poteries, faïences et
+porcelaines,--le savon,--les soudes et les potasses,--le sel marin,--le
+soufre et l'acide sulfurique. L'auteur décrit avec soin les opérations
+diverses qui servent à la fabrication de ces matières, et l'on est tout
+surpris, en lisant ses descriptions, de voir quel intérêt peuvent
+revêtir les matières industrielles traitées par un auteur qui a le désir
+constant d'attacher et d'instruire. La masse de renseignements et de
+notions utiles contenus dans les notices que nous venons de citer, est
+vraiment immense, et leur utilité est d'une évidence sur laquelle il
+n'est pas nécessaire d'insister.
+</p>
+ <p>
+Deux mérites nous ont particulièrement frappé, à la lecture des
+<i>Merveilles de l'industrie</i>. C'est d'abord le soin avec lequel l'auteur
+expose l'histoire de chaque industrie. Dans la plupart des ouvrages ou
+des dictionnaires où ces matières sont traitées, l'histoire de chaque
+industrie est presque toujours passée sous silence. Dans l'ouvrage de M.
+Louis Figuier, au contraire, l'histoire des inventions occupe une place
+de premier ordre. L'auteur a toujours soin de remonter jusqu'aux
+origines primitives de l'industrie qui l'occupe. Il la prend à son
+berceau, chez les anciens, et la suit à travers les siècles jusqu'à
+l'époque actuelle. C est là une source d'enseignements variés et pleins
+d'intérêt pour le lecteur.
+</p>
+
+<p class="rig"><img alt="" src="images/009d.png"><br></p>
+
+ <p>La seconde qualité qui nous a frappé dans les <i>Merveilles de
+l'industrie</i>, c'est la préoccupation constante de l'auteur d'éclairer le
+texte de ses descriptions par le secours du dessin. Chaque opération
+étant accompagnée d'une figure explicative, renseignement par les yeux
+accompagnant sans cesse l'enseignement par la plume, il est toujours
+facile de comprendre les explications de l'auteur.
+</p>
+ <p>
+Les gravures qui accompagnent cet article (<i>la fabrication au verre chez
+les Egyptiens,--la fabrications des vitres, le coupage du savon en
+pains</i>), sont de doubles spécimens des nombreuses gravures qui
+accompagnent l'ouvrage de M. Louis Figuier, et du genre de démonstration
+figurée qui se rencontre à chaque page de ce livre.
+</p>
+ <p>
+Les <i>Merveilles de l'industrie</i> ont été présentées, avec beaucoup
+d'éloges, à l'Académie des sciences, dans la séance du 15 décembre, par
+M. Dumas, secrétaire perpétuel.
+</p>
+ <p>
+Nous n'avons rien à ajouter à ce témoignage d'estime.
+</p>
+ <p>
+Pierre Paget.
+</p>
+<p class="mid"><img alt="" src="images/009c.png"><br><b>Coupage du savon de Marseille en pains.</b></p>
+
+ <p class="mid"><span class="sml">Gravures extraites des <i>Merveilles de l'industrie</i>, par Louis Figuier.
+(Furne, Jouvet et Cie, éditeurs.)</span></p>
+
+<br><br>
+
+ <p class="mid"><img alt="" src="images/009e.png"></p>
+
+ <h4>EXPLICATION DU DERNIER RÉBUS:</h4>
+ <p class="mid">
+Libres penseurs ou pieux pèlerins, la conscience est totalement libre!
+</p>
+
+
+<br><br>
+</div>
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+<pre>
+
+
+
+
+
+End of the Project Gutenberg EBook of L'Illustration, No. 1608, 20 décembre
+1873, by Various
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 1608, 20 ***
+
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+Produced by Rénald Lévesque
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+one owns a United States copyright in these works, so the Foundation
+(and you!) can copy and distribute it in the United States without
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+set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to
+copying and distributing Project Gutenberg-tm electronic works to
+protect the PROJECT GUTENBERG-tm concept and trademark. Project
+Gutenberg is a registered trademark, and may not be used if you
+charge for the eBooks, unless you receive specific permission. If you
+do not charge anything for copies of this eBook, complying with the
+rules is very easy. You may use this eBook for nearly any purpose
+such as creation of derivative works, reports, performances and
+research. They may be modified and printed and given away--you may do
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+subject to the trademark license, especially commercial
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+*** START: FULL LICENSE ***
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+Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full Project
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+used on or associated in any way with an electronic work by people who
+agree to be bound by the terms of this agreement. There are a few
+things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works
+even without complying with the full terms of this agreement. See
+paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project
+Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement
+and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic
+works. See paragraph 1.E below.
+
+1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation"
+or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project
+Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual works in the
+collection are in the public domain in the United States. If an
+individual work is in the public domain in the United States and you are
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+through 1.E.7 or obtain permission for the use of the work and the
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+1.E.9.
+
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+must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any additional
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+permission of the copyright holder found at the beginning of this work.
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+"Plain Vanilla ASCII" or other format used in the official version
+posted on the official Project Gutenberg-tm web site (www.gutenberg.org),
+you must, at no additional cost, fee or expense to the user, provide a
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+request, of the work in its original "Plain Vanilla ASCII" or other
+form. Any alternate format must include the full Project Gutenberg-tm
+License as specified in paragraph 1.E.1.
+
+1.E.7. Do not charge a fee for access to, viewing, displaying,
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+ the use of Project Gutenberg-tm works calculated using the method
+ you already use to calculate your applicable taxes. The fee is
+ owed to the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, but he
+ has agreed to donate royalties under this paragraph to the
+ Project Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments
+ must be paid within 60 days following each date on which you
+ prepare (or are legally required to prepare) your periodic tax
+ returns. Royalty payments should be clearly marked as such and
+ sent to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation at the
+ address specified in Section 4, "Information about donations to
+ the Project Gutenberg Literary Archive Foundation."
+
+- You provide a full refund of any money paid by a user who notifies
+ you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he
+ does not agree to the terms of the full Project Gutenberg-tm
+ License. You must require such a user to return or
+ destroy all copies of the works possessed in a physical medium
+ and discontinue all use of and all access to other copies of
+ Project Gutenberg-tm works.
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+ money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the
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+- You comply with all other terms of this agreement for free
+ distribution of Project Gutenberg-tm works.
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+1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project Gutenberg-tm
+electronic work or group of works on different terms than are set
+forth in this agreement, you must obtain permission in writing from
+both the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and Michael
+Hart, the owner of the Project Gutenberg-tm trademark. Contact the
+Foundation as set forth in Section 3 below.
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+1.F.
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+LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE
+PROVIDED IN PARAGRAPH 1.F.3. YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE
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+INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH
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+defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can
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+received the work on a physical medium, you must return the medium with
+your written explanation. The person or entity that provided you with
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+receive the work electronically in lieu of a refund. If the second copy
+is also defective, you may demand a refund in writing without further
+opportunities to fix the problem.
+
+1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth
+in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS', WITH NO OTHER
+WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO
+WARRANTIES OF MERCHANTABILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.
+
+1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied
+warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages.
+If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the
+law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be
+interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by
+the applicable state law. The invalidity or unenforceability of any
+provision of this agreement shall not void the remaining provisions.
+
+1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the
+trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
+providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in accordance
+with this agreement, and any volunteers associated with the production,
+promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works,
+harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees,
+that arise directly or indirectly from any of the following which you do
+or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
+work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
+Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.
+
+
+Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
+
+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
+electronic works in formats readable by the widest variety of computers
+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
+because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
+people in all walks of life.
+
+Volunteers and financial support to provide volunteers with the
+assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
+goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation information page at www.gutenberg.org
+
+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
+permitted by U.S. federal laws and your state's laws.
+
+The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
+Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
+throughout numerous locations. Its business office is located at 809
+North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email
+contact links and up to date contact information can be found at the
+Foundation's web site and official page at www.gutenberg.org/contact
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+For additional contact information:
+ Dr. Gregory B. Newby
+ Chief Executive and Director
+ gbnewby@pglaf.org
+
+Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation
+
+Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
+spread public support and donations to carry out its mission of
+increasing the number of public domain and licensed works that can be
+freely distributed in machine readable form accessible by the widest
+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
+($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
+status with the IRS.
+
+The Foundation is committed to complying with the laws regulating
+charities and charitable donations in all 50 states of the United
+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
+considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
+with these requirements. We do not solicit donations in locations
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+SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
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+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
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+approach us with offers to donate.
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+any statements concerning tax treatment of donations received from
+outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
+
+Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
+methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
+ways including checks, online payments and credit card donations.
+To donate, please visit: www.gutenberg.org/donate
+
+
+Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
+works.
+
+Professor Michael S. Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm
+concept of a library of electronic works that could be freely shared
+with anyone. For forty years, he produced and distributed Project
+Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
+
+Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
+editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
+unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
+keep eBooks in compliance with any particular paper edition.
+
+Most people start at our Web site which has the main PG search facility:
+
+ www.gutenberg.org
+
+This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
+including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
+subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
+
+
+
+</pre>
+
+</body>
+</html>
+
+
+
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diff --git a/old/44232-h/images/008a.png b/old/44232-h/images/008a.png
new file mode 100644
index 0000000..75433eb
--- /dev/null
+++ b/old/44232-h/images/008a.png
Binary files differ
diff --git a/old/44232-h/images/008b.png b/old/44232-h/images/008b.png
new file mode 100644
index 0000000..14b3353
--- /dev/null
+++ b/old/44232-h/images/008b.png
Binary files differ
diff --git a/old/44232-h/images/008c.png b/old/44232-h/images/008c.png
new file mode 100644
index 0000000..3963923
--- /dev/null
+++ b/old/44232-h/images/008c.png
Binary files differ
diff --git a/old/44232-h/images/008d.png b/old/44232-h/images/008d.png
new file mode 100644
index 0000000..8f3109d
--- /dev/null
+++ b/old/44232-h/images/008d.png
Binary files differ
diff --git a/old/44232-h/images/008e.png b/old/44232-h/images/008e.png
new file mode 100644
index 0000000..7646b2f
--- /dev/null
+++ b/old/44232-h/images/008e.png
Binary files differ
diff --git a/old/44232-h/images/008f.png b/old/44232-h/images/008f.png
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index 0000000..356361e
--- /dev/null
+++ b/old/44232-h/images/008f.png
Binary files differ
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index 0000000..b839758
--- /dev/null
+++ b/old/44232-h/images/009a.png
Binary files differ
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--- /dev/null
+++ b/old/44232-h/images/009b.png
Binary files differ
diff --git a/old/44232-h/images/009c.png b/old/44232-h/images/009c.png
new file mode 100644
index 0000000..733f343
--- /dev/null
+++ b/old/44232-h/images/009c.png
Binary files differ
diff --git a/old/44232-h/images/009d.png b/old/44232-h/images/009d.png
new file mode 100644
index 0000000..e1185be
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+++ b/old/44232-h/images/009d.png
Binary files differ
diff --git a/old/44232-h/images/009e.png b/old/44232-h/images/009e.png
new file mode 100644
index 0000000..a90ae3d
--- /dev/null
+++ b/old/44232-h/images/009e.png
Binary files differ
diff --git a/old/44232-h/images/cover.jpg b/old/44232-h/images/cover.jpg
new file mode 100644
index 0000000..95f5a8f
--- /dev/null
+++ b/old/44232-h/images/cover.jpg
Binary files differ